Journal des débats (Hansard) of the Select Committee on the Evolution of the Act respecting end-of-life care
Version préliminaire
42nd Legislature, 1st Session
(November 27, 2018 au October 13, 2021)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.
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Tuesday, August 10, 2021
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Vol. 45 N° 9
Special consultations and public hearings on the Evolution of the Act respecting end-of-life care
Aller directement au contenu du Journal des débats
Intervenants par tranches d'heure
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Guillemette, Nancy
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Blais, Suzanne
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Picard, Marilyne
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Jacques, François
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Maccarone, Jennifer
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Maccarone, Jennifer
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Guillemette, Nancy
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Birnbaum, David
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Marissal, Vincent
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Hivon, Véronique
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Guillemette, Nancy
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Birnbaum, David
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Marissal, Vincent
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Hivon, Véronique
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Hébert, Geneviève
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Hébert, Geneviève
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Guillemette, Nancy
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Blais, Suzanne
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Marissal, Vincent
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Guillemette, Nancy
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Marissal, Vincent
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Picard, Marilyne
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Hivon, Véronique
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Hébert, Geneviève
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Jacques, François
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Birnbaum, David
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Birnbaum, David
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Guillemette, Nancy
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Maccarone, Jennifer
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Guillemette, Nancy
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Hivon, Véronique
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Hivon, Véronique
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Guillemette, Nancy
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Jacques, François
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Charbonneau, Francine
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Maccarone, Jennifer
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Guillemette, Nancy
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Marissal, Vincent
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Guillemette, Nancy
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Girard, Éric
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Picard, Marilyne
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Blais, Suzanne
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Guillemette, Nancy
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Birnbaum, David
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Marissal, Vincent
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Hivon, Véronique
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Guillemette, Nancy
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Maccarone, Jennifer
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Marissal, Vincent
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Hivon, Véronique
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Hivon, Véronique
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Guillemette, Nancy
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Hébert, Geneviève
9 h 30 (version révisée)
(Neuf heures trente minutes)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Bonjour, tout le monde. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission
spéciale sur l'évolution des soins de fin de vie ouverte.
Donc, la commission est réunie
virtuellement afin de procéder aux consultations particulières et aux auditions
publiques sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire
: Non, Mme
la Présidente.
Auditions (suite)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Donc, cet avant-midi, nous entendrons par visioconférence les groupes
suivants : Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec,
le Conseil pour la protection des malades et le Dr Laurent Boisvert.
Donc, nous accueillons sans tarder la
Confédération des organismes des personnes handicapées du Québec ainsi que
leurs deux représentantes, Mme Véronique Vézina, présidente, et Mme Nathalie
Boëls, directrice des dossiers. Donc, bienvenue, et merci d'être avec nous ce
matin.
Donc, vous disposez de 10 minutes
pour faire votre exposé, et par la suite il y aura un échange avec les membres
de la commission pour une période de 35 minutes. Donc, sans plus tarder,
je vous cède la parole.
Confédération des organismes de personnes
handicapées du Québec (COPHAN)
Mme Vézina (Véronique) :
Merci, Mme la Présidente. Merci aux députés d'être présents aujourd'hui et
d'avoir accepté de nous entendre, là, sur l'accès ou l'élargissement de l'accès
à l'aide médicale à mourir pour les personnes qui sont notamment en situation
d'inaptitude ou ayant des problèmes... un problème unique ou un trouble de
santé mentale.
D'abord, vous présenter la COPHAN. LA
COPHAN est un organisme de défense des droits des personnes qui ont des
limitations fonctionnelles et de leurs proches qui a été incorporé en 1985 et
qui représente une trentaine d'organismes provinciaux et régionaux qui
regroupent des personnes handicapées qui ont tous types de limitations. Le
fonctionnement de la COPHAN... bien, on est un organisme pour et par, donc on
appuie nos positions sur les compétences et l'expertise des personnes
elles-mêmes et des groupes qui les représentent.
C'est avec plaisir qu'on est ici
aujourd'hui pour vous faire part de notre position sur le débat quant à
l'élargissement de l'aide médicale à mourir, mais on souhaite uniquement porter
à votre attention tout l'élargissement avec les modifications qui sont
apportées à la loi de l'accès, aussi, à l'aide médicale à mourir à l'ensemble
des personnes handicapées qui auraient des problèmes irréversibles dégénératifs
qui apporteraient des souffrances soit physiques et psychologiques.
Il est important de noter que, lorsqu'on
va parler d'inaptitude aujourd'hui, on va parler d'inaptitude à <consentir
aux soins...
Mme Vézina (Véronique) :
...aussi à l'aide médicale à mourir à l'ensemble des personnes handicapées qui
auraient des problèmes irréversibles dégénératifs qui apporteraient des
souffrances soit physiques et psychologiques.
Il est important de noter que,
lorsqu'on va parler d'inaptitude aujourd'hui, on va parler d'inaptitude à
consentir >consentir aux soins, puisqu'on sait que l'inaptitude, là,
peut varier selon le champ de compétence de la personne. Les principes sur
lesquels... qui ont guidé, plutôt, notre réflexion, sont les suivants : d'abord,
l'autodétermination des personnes, qui est un principe qui est très important
pour nous, le respect de leur dignité, leur aptitude à comprendre les enjeux
entourant l'aide médicale à mourir puis l'évaluation de leurs besoins, qui
n'est pas basée sur un diagnostic, mais vraiment sur la souffrance qui est
vécue par la personne.
Pour débuter, bien, avant de vous parler
spécifiquement de l'élargissement de la loi à l'aide médicale à mourir pour les
personnes inaptes ou ayant un trouble unique de santé mentale, il est important
de rappeler que, pour nous, avant de mourir dans la dignité, comme on parlait
en 2010, il est important que les personnes puissent vivre dans la dignité au
quotidien. Et, pour vivre dans la dignité au quotidien, bien, il y a des
conditions, des services, des soins qui doivent être donnés pour respecter...
qui respectent leurs volontés, plutôt, tout au long de leur vie, et
éventuellement, bien, si elles veulent avoir accès à l'aide médicale à mourir,
bien, il faut leur donner accès à l'aide médicale à mourir.
Parmi les principes qu'on veut mettre de
l'avant qui doivent encadrer l'accès à l'aide médicale à mourir pour l'ensemble
des personnes handicapées, il y a toute la question du respect de la personne
et de la dignité humaine sans compromis. Il est important pour nous de rappeler
qu'il y a plusieurs facteurs sociaux qui ont un impact sur la santé des
personnes. On parle entre autres de l'accès à l'éducation, au revenu, au
travail, à un milieu de vie décent, au logement puis aussi à l'accès aux soins
et aux services. Or, on sait qu'actuellement plusieurs personnes handicapées
vivent des inégalités sociales à cet égard et n'ont pas accès soit aux services
et aux soins qu'elles ont réellement besoin, que ce soient des services de
santé ou des services sociaux, n'ont pas toujours accès non plus à un revenu
décent et à des milieux de vie qui correspondent à leur situation.
Quand les services sont disponibles,
souvent il y a des coûts qui y sont associés qui sont exorbitants parce
qu'elles ne sont pas assurées, il y a un manque de services qui sont
spécialisés, ou ils sont non accessibles à ces personnes-là. Donc, c'est un
aspect qui est important à prendre en compte, puisque l'accès aux services ou
les coupures de services, parce qu'il y a actuellement aussi beaucoup de
coupures de services, peuvent amener des personnes, par désespoir, à demander
l'accès à l'aide médicale à mourir, et on veut éviter qu'il y ait un dérapage
qui amènerait des personnes à demander l'accès à l'aide médicale à mourir parce
qu'elles répondent à tous les critères, mais pour des mauvais motifs.
Donc, pour nous, il est important que
l'élargissement de l'accès à l'aide médicale à mourir soit bien... pour les
personnes en situation de handicap soit bien encadré, qu'il y ait des balises
claires, qu'il y ait des outils qui soient <développés pour...
Mme Vézina (Véronique) :
...
qui amènerait des personnes à demander l'accès à l'aide médicale à
mourir parce qu'elles répondent à tous les critères, mais pour des mauvais
motifs.
Donc, pour nous, il est important que
l'élargissement de l'accès à l'aide médicale à mourir soit bien... pour les
personnes en situation de handicap, soit bien encadré, qu'il y ait des balises
claires, qu'il y ait des outils qui soient >développés pour faciliter
leur compréhension et que ces outils-là soient développés avant l'entrée en
vigueur de la loi, mais qu'ils soient aussi faits en collaboration avec les
organismes qui représentent les personnes.
Il faut aussi s'assurer, comme deuxième
principe, que les personnes vont avoir accès à des services de qualité tout au
long de leur vie. Je le disais tout à l'heure, l'accès aux services à domicile,
aux services de réadaptation, le soutien qui est apporté aux proches, un revenu
décent, l'accès à un logement adéquat, bien, ce sont des enjeux, actuellement,
qui font que les personnes n'ont pas une qualité de vie qui est satisfaisante.
On voit dans le rapport d'évaluation sur
l'efficacité de la politique À part entière concernant les activités permettant
de vivre à domicile que de nombreuses personnes n'ont pas accès à des services
qui répondent réellement à leurs besoins, ce qui pourrait les amener à demander
l'accès à l'aide médicale à mourir.
On voit aussi... on a entendu parler
beaucoup, notamment avec le... l'histoire de Jonathan Marchand l'année
dernière, les milieux de vie. Il y a de nombreuses personnes qui, actuellement,
ne vivent pas dans des milieux de vie qui correspondent à leurs besoins et à
leur volonté d'être autonomes, donc c'est important qu'on entende et qu'on
trouve des solutions pour ces personnes-là, parce que la solution,
malheureusement, et on l'entend de plus en plus fréquemment, est justement :
si on m'envoie dans ce type... dans un type d'établissement comme un CHSLD, je
préfère demander l'accès à l'aide médicale à mourir. Ça fait qu'il faut faire
attention à ces dérapages-là aussi.
Il faut s'assurer aussi de tout mettre en
oeuvre pour soulager la souffrance physique et psychologique. C'est démontré
dans de nombreux États et pays qui ont légalisé l'accès à l'aide médicale à
mourir que les personnes qui ont accès à des services pour soulager la
souffrance ne demandent pas l'accès à l'aide médicale à mourir. Donc, c'est
important de bien développer ces services-là, de s'assurer qu'ils sont
accessibles aux personnes en situation de handicap, mais de s'assurer aussi
qu'ils soient mieux intégrés à l'approche médicale sans toutefois s'y limiter.
Il y a beaucoup d'approches thérapeutiques
qui ont été développées par le milieu communautaire, notamment, qui a des
approches alternatives qui, souvent, correspondent bien aux personnes
handicapées. Donc, il ne faut pas non seulement développer l'offre de services
pour soulager la souffrance dans le réseau public, mais il faut aussi s'assurer
de soutenir le milieu communautaire.
Et le quatrième principe que moi, je vais
vous présenter, c'est toute la question de l'humanisation de la médecine et le
développement d'une meilleure formation pour les professionnels de la santé.
Malheureusement, encore aujourd'hui, il y a beaucoup de préjugés,
d'infantilisation aussi quant à la qualité de vie que peuvent avoir les
personnes en situation de <handicap...
Mme Vézina (Véronique) :
...d'une meilleure formation pour les professionnels de la santé.
Malheureusement, encore
aujourd'hui, il y a beaucoup de préjugés,
d'infantilisation aussi quant à la qualité de vie que peuvent avoir les
personnes en situation de >handicap. Et ça, ce n'est pas uniquement dans
la population en général, c'est beaucoup, aussi, des professionnels qui portent
un jugement à l'égard de la qualité de vie de ces personnes-là. Donc, c'est important
qu'on s'assure d'améliorer et de développer une formation qui permet de bien
répondre et de ne plus avoir ce genre de préjugé là ou ce genre
d'infantilisation auprès des personnes en situation de handicap.
Notre cinquième principe, je vais laisser
la parole à ma collègue Nathalie Boëls, qui va vous présenter tout le principe
du consentement libre et éclairé et l'accès à l'information, qui va être un
enjeu principal si on parle d'accès à l'aide médicale à mourir pour des gens
qui sont en situation d'inaptitude.
• (9 h 40) •
Mme Boëls (Nathalie): Bonjour. Merci, effectivement,
d'être présents ce matin pour écouter notre position et de nous avoir invitées
à la présenter. Donc, effectivement, je vais revenir un peu plus, bien,
longuement sur le consentement libre et éclairé et le droit à l'information.
Dans le fond, le consentement libre et
éclairé aux soins est garanti par le Code civil du Québec, par l'article 10. Il
comprend beaucoup de choses : le diagnostic, la nature de la maladie ou de
la condition de santé de la personne, la nature et l'objectif des traitements
proposés, les risques associés à ces traitements, à des risques prévisibles, évidemment,
probables, les résultats escomptés, les chances de réussite, mais aussi les
risques associés aux traitements, puis présenter aussi les autres choix
possibles et pour chacun d'eux, évidemment, les risques et les bénéfices aussi,
et enfin les conséquences d'un refus du traitement ou des alternatives
proposées. Donc, ça, c'est capital pour une demande d'aide médicale à mourir. C'est
considéré comme un soin dans la loi. Donc, le consentement libre et éclairé
doit s'y appliquer. Pour s'assurer d'un consentement libre et éclairé, il faut
s'assurer, un, que la personne comprend cette information-là, d'où le droit à
l'information, à l'accès à l'information.
Pour ce qui nous préoccupe, à la COPHAN, c'est
de s'assurer que la formation est disponible selon la déficience de la personne.
Pour les personnes aveugles, ça va être le braille, par exemple. Pour les personnes
sourdes ou malentendantes, un accès à l'interprétariat. Pour des personnes plus
en déficience intellectuelle, d'avoir du <matériel...
Mme Boëls (Nathalie) :
...c'est de s'assurer que la formation est disponible selon la déficience de la
personne. Pour les
personnes aveugles, ça va être le braille
par
exemple. Pour les
personnes sourdes ou malentendantes un accès à
l'interprétariat. Pour des
personnes plus en déficience intellectuelle,
d'avoir du >matériel de faible niveau de littératie, voire avec des
icônes ou autres, des images pour être certaines qu'ils comprennent ce qu'on
leur explique.
L'autre enjeu aussi par rapport au
consentement libre et éclairé, c'est d'avoir un accompagnement tout au long du processus
de la personne, autant dès sa demande que tout au long du processus, des étapes
de l'explication, des évaluations cliniques, etc.
Enfin, on demanderait, advenant des
changements apportés à la loi, qu'il y ait des outils, justement, qui soient
développés, mis en place avant que la loi entre en vigueur ainsi que des
balises pour encadrer tout le processus de la loi et spécifiquement le
consentement libre et éclairé des personnes.
Donc, pour rentrer dans le vif du sujet,
les questions qui étaient posées, les enjeux actuels de l'évolution de la loi
pour l'accès à l'aide médicale à mourir des personnes inaptes, comme disait Mme Vézina
tantôt, on parle des personnes inaptes à consentir à un soin, puis par souci
d'autodétermination des personnes et du respect de leur dignité, on est en
accord de leur donner accès à l'aide médicale à mourir si tel est leur voeu, si
tel est leur souhait. Donc, de là découle une chose primordiale, c'est qu'on ne
veut pas que quelqu'un puisse demander l'aide médicale à mourir pour autrui. C'est
vraiment la personne qui va recevoir l'aide médicale à mourir qui doit faire
cette demande en son nom.
L'autre chose, c'est qu'on demanderait
aussi qu'il y ait une évaluation psychosociale, pas juste une évaluation
médicale, mais une évaluation psychosociale, parce que, comme disait Mme Vézina,
une des raisons que l'on craint que les gens demandent l'aide médicale à mourir,
c'est par manque de services, par exemple, par désespoir, par profonde
détresse. Donc, on voudrait que ce soit évalué par un intervenant psychosocial,
et à la suite de la décision qui découlerait de l'évaluation psychosociale,
laisser un délai de 90 jours entre le moment où on dit que la personne est
admissible et le moment où l'aide médicale à mourir est administrée. Le délai
de 90 jours, dans ce cas-là, servirait éventuellement à trouver des solutions
qui conviendraient <à la personne. Encore là, on ne veut pas...
Mme Boëls (Nathalie) :
...un délai de 90 jours entre le moment où on dit que la personne est
admissible et le moment où
l'aide médicale à mourir est administrée. Le
délai de 90 jours, dans ce cas-là, servirait
éventuellement à trouver
des solutions qui conviendraient >à la personne. Encore là, on ne veut
pas imposer une solution, il faut que ça corresponde aux besoins et aux souhaits
de la personne.
En ce qui concerne les personnes qui
anticipent une perte d'aptitude parce qu'elles viennent d'avoir un diagnostic
clair d'une maladie, telle la maladie d'Alzheimer ou autre, qui aura un impact
quasi certain à long terme sur ses capacités cognitives, là encore, on est
d'accord pour que ces personnes puissent faire une demande anticipée d'aide
médicale à mourir dès l'instant où elles ont leur diagnostic clair et qu'il y
ait un délai de 90 jours entre la signature de la demande de la personne
et l'administration de l'aide médicale à mourir.
Pour ce qui est des personnes victimes
d'un accident inattendu, par souci d'autodétermination, comme pour toutes les
autres personnes, on est en accord qu'elles aient accès à l'aide médicale à
mourir, mais on ne veut pas que cette demande soit faite par anticipation ou
dans des directives médicales anticipées. La raison pour laquelle on prend
cette position-là, c'est parce que, par définition, un accident, on ne sait pas
si ça va arriver un jour dans notre vie. La plupart du temps, on ne le souhaite
pas. Donc, on n'est pas dans le cas des personnes qui anticipent une survenue
d'inaptitude, donc elles ne peuvent pas être dans le cas précédent des
personnes qui anticipent une perte d'aptitude. Donc, si ça survient à la suite
d'un accident, elles font face à deux situations possibles : soit après
leur accident elles sont encore aptes à consentir à un soin, mais elles ont des
séquelles permanentes, physiques et psychologiques permanentes, et
persistantes, et au-delà de leur capacité d'acceptabilité, là, elles vont être
dans la situation des personnes du jugement Gladu et Truchon, donc elles
pourront avoir accès à l'aide médicale à mourir; si l'accident les a rendues
inaptes, elles vont être dans le cas des personnes dites toujours... qui ont
toujours été inaptes, le premier cas qui a été soumis par la commission
d'aujourd'hui. Donc, si la loi est changée pour donner accès à ces personnes-là
dites avoir toujours été inaptes à consentir à un soin, elles auront, à ce
moment-là, accès à l'aide médicale à mourir. Donc, en gros, toutes les
situations ou <presque sont...
Mme Boëls (Nathalie) :
...
donc, si la loi est changée pour donner accès à ces personnes-là
dites avoir toujours été inaptes à consentir à un soin, elles auront, à ce
moment-là, accès à l'aide médicale à mourir. Donc, en gros, toutes les
situations ou >presque sont déjà couvertes pour ces personnes-là.
Enfin, pour les personnes qui ont
uniquement un trouble mental, par manque d'expertise, à la COPHAN, on ne
voulait pas se préciser clairement, oui ou non, mais on est d'accord pour qu'il
y ait un comité et une réflexion avant de prendre une décision sur ces
enjeux-là parce que, comme on pouvait le lire, d'ailleurs, dans le document de
consultation de la commission, même les experts en santé mentale ne s'entendent
pas sur une position claire à prendre sur cet enjeu-là très important. Donc, on
demande à la commission de mettre en place un comité de réflexion avant de
prendre ces décisions-là.
Donc, c'est ça. Bien, c'est tout, j'ai
fini les trois points principaux. Je vous remercie.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup à vous deux.
Nous allons maintenant pouvoir passer à la
période d'échange avec les députés de la commission. Donc, nous débuterions
avec Mme la députée d'Abitibi-Ouest.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Bonjour, mesdames. Merci pour votre présentation.
Alors, ma question, c'est... Lorsque vous
parlez de certains endroits, certains pays, qu'ils ont l'aide à mourir, vous
dites qu'il y a moins de demandes d'aide à mourir, j'aimerais que vous
élaboriez sur ce sujet. Et combien de demandes ont-ils, annuellement?
• (9 h 50) •
Mme Vézina (Véronique) :
En fait, ce qu'on dit, c'est qu'on n'a pas les statistiques sur combien il s'en
fait dans chacun des pays, mais ce que les études et les démarches qu'on a
faites démontrent, c'est qu'à partir du moment où on a mis en place des
services pour soulager la souffrance, qui peut être physique ou psychologique,
et qu'on a trouvé des solutions pour l'atténuer, bien, les gens ne considèrent
plus que leur seule option est l'aide médicale à mourir. Donc, ce n'est pas...
c'est le fait d'avoir instauré un service d'accompagnement et de soulagement de
la douleur ou de la souffrance qui fait que les gens demandent moins accès à l'aide
médicale à mourir, mais aussi le fait d'avoir... de leur avoir donné des
conditions de vie qui sont plus décentes.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Parfait. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Donc, nous passerions à la députée de Soulanges.
Mme Picard : Bonjour,
Mme Vézina, bonjour, Mme Boëls.
Vous parlez d'un comité. Moi, je serais
intéressée à vous entendre sur lorsque la personne qui souffre d'une certaine
maladie ou qui a un handicap veut l'aide médicale à mourir, c'est sûr qu'on ne
veut pas que ce soit à cause qu'il n'y a pas assez de <services, là, donc...
Mme Picard : ...
vous
parlez d'un comité. Moi, je serais intéressée à vous entendre sur lorsque la
personne qui souffre d'une certaine maladie ou qui a un handicap veut l'aide
médicale à mourir, c'est sûr qu'on ne veut pas que ce soit à cause qu'il n'y a
pas assez de >services, là, donc quelle équipe, quel comité pourrait
être formé? Qui voyez-vous comme professionnels autour de la personne qui
l'aideraient à prendre la décision ou qui veilleraient à s'assurer... pour que
la situation soit bien évaluée, là, pour ce patient-là?
Mme Vézina (Véronique) :
Bien, je pense que la nécessité d'avoir une équipe multidisciplinaire... bien
sûr, il faut avoir des professionnels plus du corps médical, mais il faut
surtout avoir des professionnels psychosociaux qui sont en mesure de voir et
d'évaluer l'ensemble des services qui ont été mis à la disposition des gens. La
composition du comité pourrait varier en fonction de la problématique de la
personne. Je pense que ce qui est important, c'est d'avoir des acteurs qui
connaissent bien la situation de la personne, qui sont en mesure de non pas
juste regarder l'aspect médical, mais aussi de réfléchir à des solutions qui
pourraient atténuer la douleur ou la souffrance qui est associée à leur
condition.
Donc, je ne pense pas qu'une composition très,
très précise d'un comité serait adéquate. Il faudrait que le comité, ce qui est
certain, contienne des gens qui sont près de la personne, qui connaissent bien
le dossier de la personne, qu'il y ait des professionnels médicaux, des professionnels
psychosociaux et des gens qui puissent bien accompagner cette personne-là dans
leurs démarches, dans leurs demandes, pour pouvoir s'assurer que ce qu'on
propose, les solutions qui ont été proposées ou les traitements qui ont été
proposés sont adéquats pour bien répondre aux douleurs ou aux souffrances de la
personne et que le choix de demander l'aide médicale à mourir est vraiment lié
à leur condition physique ou psychologique et non pas aux conditions de vie
inadéquates ou au milieu de vie où elles se retrouvent.
Mme Picard : Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée. Je céderais maintenant la parole au député de Mégantic.
M. Jacques : Merci, Mme
la Présidente. Bonjour, Mme Vézina, bonjour, Mme Boëls. C'est un
plaisir de vous entendre aujourd'hui.
Moi, je veux revenir, là, sur les victimes
d'accidents inattendus. Vous dites, là, que, les décisions, il faut qu'elles
soient prises après l'accident, un coup que l'accident est survenu. Je
comprends que quelqu'un qui est apte à consentir, ce que vous dites, c'est que
la personne... Je fais un exemple, là, la personne serait quadriplégique,
décide de ne pas vouloir vivre dans un corps qu'elle ne peut plus contrôler, puis,
bien, on sait que les gens finissent par, à un moment donné, s'acclimater à
leur condition. La première journée, tu veux mourir, mais après ça tu réussis à
cheminer dans ton corps puis <à avoir des activités, réussir à faire...
M. Jacques : ...vivre
dans un corps qu'elle ne peut plus contrôler. Puis, bien, on sait que les gens
finissent par,
à un moment donné, s'acclimater à leur condition. La
première journée, tu veux mourir, mais après ça, tu réussis à cheminer dans ton
corps puis >à avoir des activités, réussir à faire certaines choses puis
à faire... pouvoir profiter quand même de la vie, là. Est-ce que... dans ces situations-là,
avec une capacité intellectuelle pour pouvoir continuer à fonctionner
intellectuellement, est-ce que vous mettez un délai? Est-ce que vous pensez que...
De quelle façon les gens vont pouvoir bénéficier de l'aide médicale à mourir?
Mme Boëls (Nathalie): En fait... Bonjour,
M. François. Merci beaucoup de... merci beaucoup pour votre question, ça
nous permet de revenir sur cette question-là. En fait, on ne s'oppose pas, justement,
à l'aide médicale à mourir pour ces personnes-là, mais la situation que vous
venez de décrire, c'est celle vécue par... qu'on a vu dans le jugement Gladu et
Truchon, exactement. Donc, avec le changement à la loi, ils vont pouvoir avoir accès
à l'aide médicale à mourir. Donc, ça, c'est déjà fait pour ces personnes. Donc,
pour nous, dans le fond, on n'avait pas à se prononcer sur ce cas particulier, parce
que, là, il est déjà, entre guillemets, réglé.
Puis, l'autre chose aussi sur laquelle je
voulais revenir, c'est qu'on ne voulait pas que ce soit mis dans les directives
médicales anticipées, par exemple, dans ces cas d'accident, pour ne pas se
baser uniquement sur un diagnostic pour demander l'aide médicale à mourir, puis
ça, c'est valable pour toutes les personnes, qu'elles soient inaptes à
consentir aux soins ou non, parce qu'un diagnostic amène des séquelles très
différentes d'une personne à une autre, et toutes les personnes ne vivent pas
les mêmes séquelles de la même façon dans leur tête. Donc, si on veut vraiment
répondre aux besoins des personnes, il faut vraiment s'attacher à leur
souffrance psychologique et physique et non pas juste sur leur diagnostic. Alors,
si on met ça dans les directives médicales anticipées, c'est de se dire :
Bien, moi, si après mon accident je deviens tétraplégique, je ne veux plus le
vivre, mais on ne sait pas, finalement, comment on va réagir à ça.
M. Jacques : Puis, si je
prends, de l'autre côté, les personnes inaptes à prendre des décisions — donc
on revient à ce qui se fait présentement avec les familles si jamais il y a une
mort neurologique, là, une mort cérébrale — je ne pense pas que ce
soit dans ces cas-là que l'aide médicale à mourir va arriver, parce que juste
avec le débranchement, là, du respirateur, ou certaines choses, bon, bien, il
va y avoir une mort, là, précipitée ou rapide dans les heures ou les jours qui
vont suivre. Mais je ne <comprends pas...
M. Jacques : ...
que
l'aide médicale à mourir va arriver, parce que juste avec le débranchement, là,
du respirateur, ou certaines choses, bon, bien, il va y avoir une mort, là,
précipitée ou rapide dans les heures ou les jours qui vont suivre. Mais je ne
>comprends pas. Si une personne est inapte à prendre une décision suite
à un accident, on remet encore la décision à la famille, alors que la personne
pourrait avoir fait une directive médicale anticipée pour dire : Bien, écoutez,
moi, si jamais ça arrive, je veux avoir... recevoir l'aide médicale à mourir.
J'essaie de voir le jeu, là, entre la directive médicale anticipée puis le
recours au choix de la famille, là, à la fin de tout ça.
Mme Boëls (Nathalie): L'autre avenue aussi...
Oui, je m'excuse, Véronique.
Mme Vézina (Véronique) :
Ah! vas-y, Nathalie.
Mme Boëls (Nathalie): L'autre chose qu'on
voulait aussi, c'est de suggérer aussi une réflexion sur les directives
médicales anticipées, à savoir est-ce qu'on ne pourrait pas allonger la liste
des traitements qui existent présentement. Parce que, présentement, il y en a
cinq; la plupart d'entre eux, si on les refuse, amènent la mort. Mais est-ce
qu'il n'y aurait pas moyen d'allonger cette liste-là? Par exemple, le coma
n'est pas dans la liste. Donc, ça pourrait être une avenue. Et puis de pousser
aussi... de faire une grande campagne de sensibilisation autour des directives
médicales anticipées auprès de la population québécoise pour les encourager à
remplir ce formulaire-là.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci beaucoup, M. le député.
Donc, je céderais maintenant la parole à la
députée de Westmount—Saint-Louis.
• (10 heures) •
Mme Maccarone : Merci, Mme
la Présidente. Bonjour, mesdames. Merci beaucoup pour votre présentation fort intéressante.
Moi, ce que j'entends de vous, c'est... vous cherchez vraiment à trouver un
équilibre entre le droit individuel et la nécessité de protéger des personnes
vulnérables.
Ce que j'aimerais entendre de vous, c'est quelque
chose qui me préoccupe, c'est : Que pouvons-nous faire pour assurer qu'il
n'y aura pas de la maltraitance en ce qui concerne les personnes handicapées?
Vous avez fait vraiment un exposé de ce qui nous préoccupe tous en ce qui
concerne... on ne veut pas que ce soit un recours parce qu'il y a un manque de
soins, mais aussi, autour de l'entourage, plus souvent, la culpabilité d'une personne
handicapée de sentir qu'ils amènent une lourdeur à leur famille. Alors, que
pouvons-nous faire pour s'assurer... Puis vous avez évoqué quelques balises,
mais devons-nous se préoccuper de ce genre de potentielle maltraitance et que
pouvons-nous faire, comme commission... des recommandations que vous pouvez
partager avec nous pour s'assurer qu'on protège bien ces personnes qui se
retrouvent souvent en situation de vulnérabilité face <à une demande...
>
10 h (version révisée)
<17911
Mme Maccarone :
...pouvons-nous faire pour s'assurer... Puis vous avez évoqué
quelques
balises, mais devons-nous se
préoccuper de ce genre de potentielle
maltraitance et que pouvons-nous faire, comme commission, des recommandations
que vous pouvez partager avec nous pour s'assurer qu'on protège bien ces
personnes qui se retrouvent souvent en situation de vulnérabilité face >à
une demande potentielle d'aide médicale à mourir?
Mme Vézina (Véronique) :
Tout à l'heure, on mentionnait la nécessité qu'il y ait une évaluation
psychosociale qui soit faite auprès de la personne qui n'est pas en fin de vie
et qui demande l'accès à l'aide médicale à mourir, qu'elle soit apte ou inapte,
notamment pour évaluer si ce sont les conditions de vie dans lesquelles elle
est qui font qu'elle demande l'aide médicale à mourir, mais aussi pour
s'assurer qu'il n'y a pas une influence externe qui vient influencer sa demande
ou influencer sa décision de demander l'aide médicale à mourir.
Et, quand on parle de l'influence externe,
vous parlez beaucoup de maltraitance qui pourrait être faite par un proche ou
de pression qui pourrait être faite par un proche pour avoir accès à des soins,
mais il faut savoir qu'auprès de certaines personnes handicapées ce n'est pas
seulement les proches qui font de la maltraitance ou qui amènent cette
réflexion-là, parfois ce sont les prestataires de soins, parfois ce sont les
gestionnaires de services, par les décisions ou les solutions qu'ils proposent.
Donc, il ne faut pas traiter la maltraitance juste par la maltraitance des
proches, il faut regarder comme il faut la maltraitance au sens large et voir
comment on peut éviter que ce genre de situation là arrive et dénoncer,
lorsqu'il y aura l'évaluation psychosociale, ce type d'évaluation là pour
s'assurer que, si, la personne, finalement, après évaluation, on juge qu'elle
n'aura pas accès à l'aide médicale à mourir, mais qu'elle ne demeure pas dans
une situation où on lui met de la pression, où on lui parle... où elle est
perçue comme un fardeau, où on ne lui propose pas de solution pour avoir des
meilleures conditions puis avoir accès aux services et aux soins dont elle a
besoin.
Mais c'est vraiment par l'évaluation
psychosociale que ça doit passer, et c'est là qu'on va évaluer s'il y a
maltraitance, peu importe qui amène la maltraitance ou qui fait simplement de
la pression qui amène la personne, souvent, à se dévaloriser, à être perçue
comme un fardeau pour ses proches ou pour sa famille. Donc, c'est important que
tout cet aspect-là soit aussi encadré et évalué avant de donner accès à l'aide
médicale à mourir.
Mme Maccarone : Alors, ça
aligne bien avec la recommandation que vous avez faite, que nous avons besoin
d'avoir un comité. Quel serait le rôle du proche aidant au sein de ce comité en
ce qui concerne la personne handicapée qui voudrait avoir accès à l'aide
médicale à mourir? Et on veut, évidemment, respecter l'autodétermination ou
l'aptitude et le respect de la dignité de la personne.
Mme Vézina (Véronique) :
Le rôle du proche aidant dans la décision de la personne ne doit pas être un
rôle d'influence, je vais dire ça comme ça. Il peut être là pour accompagner.
Il doit aussi être accompagné parce que, quand une personne prend la décision
de demander l'aide médicale à mourir, ça peut être difficile <pour elle,
mais...
Mme Vézina (Véronique) :
...décision de la personne ne doit pas être un rôle d'influence, je vais dire
ça comme ça. Il doit être là pour accompagner, il doit aussi être accompagné
parce
que, quand une personne prend la décision de demander l'aide médicale à mourir,
ça peut être difficile >pour elle, mais c'est aussi... ses proches vont
aussi avoir besoin de soutien, mais le proche ne doit pas être... ne doit pas
influencer la décision. Mais on doit prendre en considération, par contre, les
conditions dans lesquelles le proche vit avec la personne, parce que, souvent,
ce qui pouvait amener aussi la personne à demander l'aide médicale à mourir, c'est
la charge qu'elle ne peut amener auprès de ses proches. Elle ne veut plus que
ses proches soient obligés de subir ou de donner les soins dont elle a besoin,
donc la solution qu'elle trouve dans cette détresse-là, c'est de demander
l'accès à l'aide médicale à mourir pour soulager ses proches. Donc, il faut les
entendre, mais il ne faut pas les entendre pour qu'ils influencent la décision,
mais pour comprendre les conditions dans lesquelles la personne et eux vivent, actuellement.
Mme Maccarone : O.K. Et
puis là vous avez parlé aussi du délai de 90 jours. Ce délai, mettons, à
la fin du 90 jours, ça serait renouvelé sur quelle base? Ça serait quoi,
les critères, selon vous, pour avoir un renouvellement si, mettons, l'équipe
autour de la personne dit que : Nous ne sommes pas certains, on veut
continuer à faire une évaluation?
Mme Vézina (Véronique) :
Bien, en fait, l'évaluation est faite avant le 90 jours. Le 90 jours
est plus pour donner le temps à l'équipe de soins de peut-être envisager
d'autres solutions, les proposer à la personne, de voir aussi si la personne
est toujours confortable dans la décision qu'elle prend, malgré les solutions
qu'on pourrait lui proposer ou les conditions dans lesquelles elle se
retrouverait. Donc, c'est vraiment plus une période de réflexion, d'échange, de
recherche de solutions, et au bout de 90 jours, bien, la personne aura toujours
la possibilité de décider si, oui ou non, la demande qu'elle a faite est toujours
légitime et qu'elle veut toujours avoir accès à l'aide médicale à mourir.
Mme Maccarone :
Devons-nous se préoccuper aussi des critères, de la possibilité, aussi,
souvent, en ce qui concerne, évidemment, la cause des personnes handicapées,
les gens, ils trouvent que ça peut être plus complexe quand on parle
d'aptitude, quand on parle des critères? Est-ce qu'il devrait des critères
d'admissibilité, comme par exemple pour une personne handicapée qui n'est pas
en fin de vie?
Mme Vézina (Véronique) :
Bien, les critères qui sont prévus à l'article 26 de la loi doivent
assurément tous être respectés. Pour nous, ce sont les critères principaux, et
on doit aussi s'assurer qu'à partir du moment où on répond à tous ces
critères-là qu'il n'y a pas d'autres motifs qu'on nommait tout à l'heure,
l'influence de proches ou les mauvaises… l'absence ou l'insuffisance de
services ou les mauvaises conditions de vie, qui viennent influencer cette
décision-là. C'est le critère qu'on ajouterait.
Mme Maccarone : O.K. Et
je comprends que tout le monde veut… On veut reconnaître les droits <et
libertés de...
Mme Vézina (Véronique) :
…qu'il n'y a pas d'autres motifs qu'on nommait tout à l'heure, l'influence de
proches ou les mauvaises… l'absence ou l'insuffisance de services ou les
mauvaises conditions de vie qui viennent influencer cette décision-là. C'est le
critère qu'on ajouterait.
Mme Maccarone : O.K.
Et je comprends que tout le monde veut… On veut reconnaître les droits >et
libertés de tous et de toutes en ce qui concerne… Vous avez parlé un peu des
personnes qui souffrent d'une déficience intellectuelle ou de l'autisme, mais
vous avez aussi évoqué la nécessité d'avoir une formation. C'est qui qui
devrait s'occuper de cette formation? Et quel genre de formation envisagez-vous
en ce qui concerne les personnes qui vont avoir un accompagnement qui est
beaucoup plus ardu et profond, avoir une compréhension de ce qu'ils demandent
en ce qui concerne l'aide médicale à mourir?
Mme Vézina (Véronique) :
Bien, il existe déjà, dans les… je dirais, dans les cursus professionnels, des
programmes d'enseignement. Nous, ce qu'on voudrait, c'est qu'on ajoute un volet
qui concerne toute la question de l'accompagnement sur les soins de fin de vie
avec des spécificités en ce qui concerne certains groupes sociaux comme les
personnes handicapées. Et c'est certain que ces ajouts-là dans les programmes
de formation, bien, devraient être faits en collaboration avec des personnes
qui vivent elles-mêmes la situation et des organismes qui les représentent,
comme la COPHAN.
Mme Maccarone : O.K.
Merci beaucoup, mesdames.
Je passerais la parole à la députée… le
député de D'Arcy-McGee, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. M. le député.
M. Birnbaum : Merci,
Mme la Présidente. Merci beaucoup à Mmes Vézina et Boëls pour votre
exposé assez lucide et pertinent. Vous nous mettez devant beaucoup de mises en
garde très bien entendues sur les services actuels et souvent les lacunes en ce
qui a trait à ces services, à la formation des gens qui travaillent avec le
monde handicapé.
Je veux m'assurer que... si, oui ou non,
vous êtes en train, en quelque part, d'exprimer une inquiétude d'un lien entre
un élargissement de l'aide médicale à mourir et un possible délestement ou
diminution même plus approfondie des services actuels. Est-ce que vous faites
un lien qu'il y a un danger qu'on va mettre une moins grande emphase sur
l'importance essentielle de bonifier les services dont vous avez parlé advenant
un accès élargi à l'aide médicale à mourir?
Mme Vézina (Véronique) :
Bien, je vous redirais, on ne fait pas juste un lien, c'est un… pour nous,
actuellement, ce sont des faits. On peut mettre des noms et des situations qui
se sont passées récemment.
M. Truchon, qui a demandé l'aide
médicale à mourir en mars… au printemps 2020, a clairement dit, dans une
étude, juste avant d'avoir… de se voir administrer l'aide médicale <à
mourir, que, s'il avait eu les…
Mme Vézina (Véronique) :
…des
situations qui se sont passées récemment.
M. Truchon qui a demandé
l'aide
médicale à mourir en mars… au printemps 2020, a
clairement dit,
dans une étude, juste avant d'avoir… de se voir administrer
l'aide
médicale >à mourir, que, s'il avait eu les services et les soins nécessaires,
il n'aurait pas demandé l'aide médicale à mourir.
Il y a eu M. Tremblay, il y a quelques
années, qui, suite à une obligation de se voir logé en CHSLD, a préféré
demander à un proche le suicide assisté.
On a l'histoire de Jonathan Marchand,
il y a à peine un an, qui, pour pouvoir sortir de son CHSLD, a mis sa vie en
danger en allant faire un siège devant l'Assemblée nationale, et qui,
aujourd'hui, est rentré ou va rentrer dans son appartement, mais avec des
conditions, je dirais, inhumaines où on lui dit : O.K., on te donne les
services, tu vas chez toi, mais, si ça ne fonctionne pas, tu reviens dans
l'établissement et tu n'en sors plus jamais.
Ce sont des faits. Actuellement, les
services diminuent. On tente de développer des situations, mais sans nécessairement
impliquer et écouter les personnes directement concernées et, parallèlement à
ça, on élargit l'accès à l'aide médicale à mourir pour ces personnes-là. Donc,
ce n'est pas juste des liens ou un dérapage qu'on voit, ce sont des faits qui
sont déjà existants, des situations qui se sont passées, des gens sur lesquels
on peut mettre des noms, des événements. Donc, ce n'est pas quelque chose qui
s'en vient et qui risque d'arriver, c'est quelque chose qui est déjà présent et
qui risque d'être encore plus présent si on leur donne accès à l'aide médicale
à mourir ou si l'aide médicale à mourir... pas juste leur donner accès ou si
l'aide médicale à mourir devient une option pour eux.
• (10 h 10) •
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci beaucoup, M. le député.
Donc, je céderais maintenant la parole au
député de Rosemont.
M. Marissal : Ah! merci
beaucoup de votre... Merci, Mme la Présidente. Puis merci beaucoup de votre
témoignage puis votre apport à nos travaux, mesdames, c'est particulièrement courageux.
Puis je vous remercie de rappeler d'emblée qu'avant de mourir dans la dignité
il faudrait toujours qu'on garde en tête qu'il faudrait vivre dans la dignité.
On ne le dira jamais trop, parce que, même si l'aide médicale à mourir est
devenue un soin, légalement, il reste que c'est pas mal la solution définitive,
puis que, si on pouvait ne pas avoir à se rendre là, ça serait probablement
mieux.
J'ai entendu votre réponse à mon collègue
de D'Arcy-McGee, j'avais la même question et je vais aller plus loin. Vous
dites que le désespoir… la solution par désespoir existe déjà puis,
effectivement, il y a eu des cas, hein? On ne peut probablement pas mettre un
pourcentage là-dessus, mais, considérant l'état de certains soins au Québec, on
ne se rentrera pas la tête dans le sable, on sait qu'il y a des cas, et vous en
avez nommé quelques-uns.
Dans ce cas, et considérant ce que vous
venez de dire, Mme Vézina, avec beaucoup <d'émotion, comment vous
faites…
M. Marissal : ...on ne
peut
probablement pas mettre un
pourcentage là-dessus, mais
considérant l'état de certains soins au
Québec, on ne se rentrera pas la
tête dans le sable, on sait qu'
il y a des cas, et vous en avez nommé
quelques-uns.
Dans ce cas, et considérant ce que vous
venez de dire, Mme Vézina, avec
beaucoup >d'émotion, comment
vous faites le passage de ce constat à votre acceptation de voir la loi
élargie? Autrement dit, sachant que des gens sont poussés vers l'aide médicale
à mourir par désespoir parce qu'on a échoué à leur donner les services — et
là je ne fais pas de jugement de valeur, là, entendez-moi bien — qu'est-ce
qui vous permet de faire le pas pour dire : Nous devrions élargir la loi?
Mme Vézina (Véronique) :
Si on prend cette décision-là, c'est notamment parce que ça devient un choix
individuel ou personnel de demander ou non l'accès à ce soin. Par contre, c'est
pourquoi on met énormément de mises en garde, parce qu'on ne veut pas que ça devienne
une option à l'absence d'autres solutions. C'est un soin de dernier recours, c'est
un soin qui doit être donné dans le cas où la personne a une souffrance
physique et/ou psychologique extrême, que la situation est irréversible, que c'est
dégénératif et que sa seule... malgré tous les services, tous les soins, tout
ce qu'on met autour d'elle, on n'est pas capable de soulager cette douleur ou
cette souffrance-là. Donc, c'est dans ces situations-là qu'on veut donner accès
à l'aide médicale à mourir, puis il y a des gens qui sont pour, il y a des gens
qui sont contre, mais, pour nous, c'est difficile de dire oui pour certains,
non pour d'autres. On veut que ça demeure un choix individuel. Et, si on ne
donne pas accès à l'aide médicale à mourir aux gens dont c'est le souhait et
qui répondent à l'ensemble des conditions, et pour qui ce n'est pas fait pour
cause de désespoir, bien, je pense que c'est le principal motif pourquoi on est
d'accord à élargir l'aide médicale à mourir, mais pas à n'importe quel prix et
pas à n'importe quelle condition.
M. Marissal : Je vous
entends bien, merci pour la réponse claire.
Quelle est la portée de l'évaluation
psychosociale que vous nous suggérez? C'est-à-dire, aurait-elle pour but
simplement de compiler, par exemple, des statistiques qui nous donneraient un
portrait, après quelques années, de qui demande l'aide médicale à mourir, ou est-ce
que cette évaluation psychosociale pourrait, à la limite, renverser une
décision?
Mme Vézina (Véronique) :
L'évaluation psychosociale doit être faite avant qu'une décision quant à donner
accès à l'aide médicale à mourir soit rendue. Donc, elle peut... elle va servir
à évaluer les motifs ou les influences qui font que la personne demande d'aller
à l'aide médicale à mourir. L'évaluation psychosociale va servir parce que le
médecin va établir qu'elle répond, au niveau physique ou psychologique, aux
différents critères qui sont demandés, mais l'évaluation psychosociale <va
venir évaluer...
Mme Vézina (Véronique) :
...les motifs ou les influences qui font que la personne demande à aller à
l'aide
médicale à mourir.
L'évaluation psychosociale va servir
parce que
le médecin va établir qu'elle répond
au niveau physique ou psychologique
aux différents critères qui sont demandés, mais l'évaluation psychosociale >va
venir évaluer, justement, si ce n'est pas une solution par dépit ou par défaut
d'avoir accès à autre chose ou d'être influencée par autrui. Et l'évaluation
psychosociale, bien, pourrait... en bout de ligne, devra dire si les motifs ou
les raisons pour lesquelles la personne demande à avoir accès à l'aide médicale
à mourir sont justifiés et que ce n'est pas... il n'y aurait pas d'autres
solutions qui pourraient répondre aux besoins de la personne et qui pourraient
soulager la situation dans laquelle elle est.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
M. Marissal : Mais je
pense que je n'ai plus de temps, Mme la Présidente, hein?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Non. Merci, M. le député.
M. Marissal : Je vous
remercie.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Nous allons quand même pouvoir poursuivre les échanges avec la députée de
Joliette.
Mme
Hivon
:
Oui. Bonjour à vous deux. Merci beaucoup de votre présentation.
Tantôt, vous avez dit : Pour les
personnes qui sont inaptes, donc qui sont, j'imagine, par exemple, inaptes de
naissance ou inaptes de manière permanente, on est d'accord pour qu'ils
puissent avoir accès à l'aide médicale à mourir, mais on n'est pas d'accord au
consentement pour autrui. Alors, je ne comprends pas comment on pourrait
obtenir un consentement dans un tel cas. Je ne sais pas si quelque chose m'a
échappé, mais est-ce que vous pouvez préciser sur ce point-là?
Mme Vézina (Véronique) :
Je vais y aller. En fait, ce qu'on ne veut pas... Il y a des personnes inaptes
qui, en raison de leur condition, ne seront jamais en mesure de consentir aux
soins, et ce qu'on ne veut pas, c'est qu'autrui ou un proche, un membre de la
famille puisse décider à sa place de lui donner accès ou de demander l'aide
médicale à mourir et même d'entreprendre une démarche pour qu'elle ait
éventuellement accès à l'aide médicale à mourir.
Par contre, parmi les personnes qui sont
souvent inaptes à consentir à un soin ou considérées inaptes à consentir à un
soin, il y en a qui, avec un accompagnement, des outils, pourraient elles-mêmes
prendre une décision. Et c'est pour ces gens-là qu'on veut s'assurer qu'elles
auront la possibilité de consentir à avoir accès à l'aide médicale à mourir, parce
que souvent la compréhension n'est pas basée sur la capacité de la personne
à... bien, est basée beaucoup sur la façon dont on présente les choses, dont on
explique les choses. Souvent, on porte un... on va dire : Elle est inapte
à consentir parce qu'elle n'a pas compris ce que je lui ai expliqué, mais on se
pose rarement la question sur : Est-ce que je me suis ajustée pour bien
lui expliquer?
Donc, avec des outils, un accompagnement
nécessaire, bien, on pourrait favoriser des personnes qui seraient considérées
inaptes à consentir, à consentir au soin, mais on est parfaitement conscients
qu'il y en a pour qui, peu importe comment on va leur expliquer, peu importe
comment on va leur présenter, ce sera toujours impossible, là, d'obtenir <un
consentement...
Mme Vézina (Véronique) :
…donc avec des outils, un accompagnement nécessaire, bien, on pourrait
favoriser des personnes qui seraient considérées inaptes à consentir, à
consentir aux soins, mais on est parfaitement conscient qu'il y en a pour qui,
peu importe comment on va leur expliquer, peu importe comment on va leur
présenter, ce sera toujours impossible, là, d'obtenir >un consentement.
Bien, dans ces situations-là, on ne voudrait pas que ce soit quelqu'un d'autre
qui demande l'accès à l'aide médicale à mourir à sa place.
Mme
Hivon
:
Parfait. Donc, je veux juste bien résumer si j'ai bien compris. Donc, ces
personnes qui sont inaptes de manière permanente, irréversible depuis la
naissance, il n'y a pas d'aptitude qui fluctue ou de possibilité d'obtenir,
donc, une évaluation qui conclurait à l'aptitude, vous dites : On oublie
ça, il ne peut pas y avoir d'aide médicale à mourir parce qu'on refuse le
consentement substitué. Pour les autres qui peuvent avoir différents degrés de
fluctuation dans leur aptitude, il faut faire le maximum pour les accompagner
pour voir si on est capable de déceler une aptitude à consentir et si cette
aptitude-là existe, là, il faut obtenir le consentement libre et éclairé, avec
tout l'accompagnement possible, comme vous avez bien expliqué tout à l'heure.
Je résume correctement?
Mme Vézina (Véronique) :
Oui.
Mme
Hivon
:
Oui. O.K. Dans la situation actuelle, là, déjà, depuis que la loi existe,
évidemment, les personnes qui sont dans ces situations-là, d'inaptitude qu'on
pourrait dire fluctuante, qui peuvent avoir des déficiences mais qui ne sont
pas profondes, est-ce que vous avez des exemples où des personnes ont été
accompagnées pour obtenir l'aide médicale à mourir? Est-ce que vous avez
répertorié des cas? Parce que c'est comme pour tout autre soin, là,
normalement, l'équipe doit bien accompagner pour évaluer d'abord l'aptitude et
ensuite obtenir le consentement. Est-ce qu'il y en a, des cas répertoriés?
Mme Vézina (Véronique) :
Bien, je vous dirais, on n'a pas fait un inventaire des cas répertoriés, mais
on a au moins un exemple d'une jeune femme qui est décédée d'un cancer, il y a
quelques années, qui avait une déficience intellectuelle, à qui on a refusé les
soins de fin de vie parce qu'on considérait qu'elle n'était pas apte à
consentir aux soins. Donc, elle a dû tolérer, je dirais, toute la souffrance
associée à sa maladie jusqu'au dernier moment parce qu'on n'a pas considéré
qu'elle était apte à avoir… à consentir à l'accès à l'aide médicale à mourir.
Mais je n'ai pas un répertoire, c'est un exemple connu.
• (10 h 20) •
Mme
Hivon
:
Non, non, je comprends, parce que c'était un défi. Puis on avait discuté,
d'ailleurs, avec la COPHAN, lors de la première mouture de ça. Et c'était juste
que je voulais savoir si les professionnels de la santé étaient plus exigeants
dans l'évaluation de l'aptitude pour l'aide médicale à mourir versus d'autres
soins, des traitements. Comme par exemple, si elle avait un cancer, j'imagine
qu'elle devait consentir à des traitements. Est-ce que c'était elle? Est-ce que
c'était un consentement pour autrui? Donc, c'est ce genre de cas là qui
m'intéresse.
Mme Vézina (Véronique) :
Bien, en fait, la personne a pu consentir à ses… à certains traitements, à
certains soins. Mais lorsqu'elle est arrivée en phase terminale et qu'elle a
demandé à avoir accès à l'aide médicale à mourir, malheureusement, malgré que
ses facultés cognitives n'étaient pas diminuées par rapport aux consentements
précédents qu'elle avait donnés, on ne lui a pas donné accès à l'aide médicale
à mourir.
Mme
Hivon
:
O.K. Merci beaucoup, c'est très <intéressant.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci…
Mme Vézina (Véronique) :
…mais, lorsqu'elle est arrivée en phase terminale et qu'elle a demandée avoir
accès à
l'aide médicale à mourir,
malheureusement, malgré que ses
facultés cognitives n'étaient pas diminuées
par rapport aux
consentements
précédents qu'elle avait donnés, on ne lui a pas donné accès à
l'aide
médicale à mourir.
Mme
Hivon
:
O.K.
merci beaucoup. C'est très >intéressant.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci beaucoup à vous deux, Mme Vézina et Mme Boëls, pour
votre exposé aujourd'hui, votre échange avec les membres de la commission.
Donc, ça met fin à cette partie, et je
demanderais aux membres de la commission de rester avec nous pour accueillir le
prochain groupe. Merci encore, mesdames.
(Suspension de la séance à 10 h 22)
(Reprise à 10 h 25)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, nous reprenons les travaux. Merci d'être présents.
Nous accueillons maintenant le Conseil de
la protection des malades, avec M. Pierre Hurteau, vice-président du conseil
d'administration. Donc, bienvenue, M. Hurteau, et vous avez
10 minutes pour votre exposé, et par la suite il y aura un échange avec
les membres de la commission pour une période de 35 minutes. Donc, je vous
cède dès maintenant la parole.
Conseil pour la protection des malades (CPM)
M. Hurteau (Pierre) : Très
bien. Alors, je salue tous les membres de la commission, et je vais d'abord
lire le court mémoire.
Le CPM tient à remercier la commission de
l'avoir invité à soumettre son opinion sur la délicate question de
l'élargissement de la Loi concernant les soins de fin de vie. L'organisme
fêtera bientôt 50 ans d'existence vouée à la lutte et à la protection des
droits des usagers de la santé du Québec. Parmi ces droits, le respect de la
dignité de l'usager, de son autonomie, de ses besoins et de sa sécurité ont
fait en sorte que le CPM a toujours donné son accord de principe à l'aide
médicale à mourir, soit durant la commission parlementaire Mourir dans la
dignité, où nous étions présents le 28 septembre 2010, soit en commission
parlementaire sur le projet de loi n° 52 sur les soins de
fin de vie le jeudi 26 septembre 2013, ou encore au sein du groupe
d'experts sur la commission... sur la question de l'inaptitude et de l'aide
médicale <à mourir qui a déposé...
M. Hurteau (Pierre) : …soit
en
commission parlementaire sur le
projet de loi
n° 52
sur les soins de fin de vie, le jeudi, 26 septembre 2013, ou encore
au sein du groupe d'experts sur la
commission… sur la question de
l'inaptitude et
l'aide médicale >à mourir, qui a déposé son
rapport en 2019. J'étais moi-même représentant du CPM sur ce groupe de
travail. Cette prise de position n'a pas empêché le CPM de militer quotidiennement
pour l'amélioration du vivre dans la dignité pour les usagers et les résidents
en soins de longue durée.
Le jugement rendu dans la cause Truchon et
Gladu a changé la donne en matière d'aide médicale à mourir en rendant
inopérant le critère de fin de vie de la loi québécoise ou celui de mort
raisonnablement prévisible de la loi fédérale. Ce critère désormais absent
ouvre de nouvelles avenues, notamment pour les personnes souffrant de troubles
mentaux, puisque ces derniers ne sont pas létaux, de même que pour les
personnes souffrant de maladie physique sans être en fin de vie.
Le président-directeur général du CPM
exprimait déjà le souhait de voir ce critère aboli en 2013, je cite :
«...une personne qui rencontre les [...] exigences du projet de loi pour
décider pour elle d'en finir, que cette personne-là... ou que sa mort soit
imminente ou pas, une fois que la personne lourdement handicapée, adulte, apte[...],
que cette personne-là devrait pouvoir en finir, que sa mort soit [immédiate] ou
non.» C'est un point de vue qui avait déjà été exprimé, d'ailleurs, par le
président du CPM en 2010.
Aujourd'hui, le CPM est appelé à se
prononcer sur deux questions, essentiellement. D'abord, doit-on rendre
accessible l'aide médicale à mourir aux personnes en situation d'inaptitude?
Deux, l'aide médicale à mourir peut-elle être offerte aux personnes dont le
seul diagnostic est un trouble mental?
À la première question, le CPM répond oui,
sans aucune hésitation, mais à certaines conditions. Une personne majeure
rencontrant les conditions suivantes devrait être autorisée à émettre des
directives anticipées requérant l'aide médicale à mourir :
a) être apte au moment d'émettre les
directives;
b) être informée d'un diagnostic ou d'un
pronostic de maladie grave et incurable, soit une maladie qui conduira
éventuellement à un déclin avancé et irréversible des capacités de la personne,
soit une maladie qui infligera éventuellement… affligera, pardon,
éventuellement la personne de souffrances physiques ou psychiques qu'elle juge
intolérables.
• (10 h 30) •
Donc,
l'obligation d'être apte à consentir à l'aide médicale à mourir au moment où la
demande <est formulée, par anticipation ou non, demeure…
>
10 h 30 (version révisée)
< M. Hurteau (Pierre) :
…affligera, pardon,
éventuellement, la
personne de souffrances
physiques ou psychiques qu'elle juge intolérables.
Donc, l'
obligation d'être apte à
consentir à
l'aide médicale à mourir au moment où la demande >est
formulée, par anticipation ou non, demeure une condition sine qua non. Le consentement
par substitution est donc exclu, de même que les victimes d'accident vasculaire
cérébral, tout comme les victimes d'un traumatisme crânien grave entraînant des
séquelles graves, et irréversibles, et plongeant dans un état empêchant
l'expression d'un consentement libre et éclairé, de même que les personnes qui
n'ont jamais été considérées aptes à consentir à leurs soins.
Le CPM souscrit aux recommandations du
groupe d'experts sur : un, le caractère non contraignant des demandes d'aide
médicale à mourir, ce qui permet au demandeur, à la personne de confiance
qu'elle aura désignée et à l'équipe soignante de suivre l'évolution du
pronostic et des traitements disponibles dans le temps; deux, la nécessité d'un
formulaire spécifique à l'AMM, dont la durée de validité est indéterminée; troisièmement,
la tenue d'un registre des demandes, avec l'obligation de le consulter; quatrièmement,
la désignation dans le formulaire de demande d'un tiers chargé de faire
connaître sa demande anticipée et de demander en son nom le traitement de sa
demande en temps jugé opportun.
Le CPM répond également de manière
affirmative à la deuxième question. Toutefois, une attention particulière doit
être portée à l'aptitude décisionnelle de la personne qui demande l'AMM, compte
tenu de la nature de la maladie, qui pourrait l'affecter sérieusement. En
effet, l'aptitude au consentement demeure toujours, que la maladie soit mentale
ou physique, puisque c'est l'autodétermination et le respect de la volonté de
la personne qui doivent toujours primer. Comme la maladie mentale est reconnue
comme étant un problème médical nécessitant un traitement, de la même manière,
il est difficile de discriminer sur la simple base d'un diagnostic et d'exclure
de l'AMM les personnes qui en sont affectées gravement, qui ressentent des
douleurs et souffrances, à leurs yeux, intolérables après avoir essayé
différents traitements.
Tout en reconnaissant le droit à
l'autodétermination des personnes atteintes d'un trouble mental, le CPM est
d'avis que des mesures de protection additionnelles peuvent être prises en
raison de la vulnérabilité de ces personnes, souvent aux prises avec le désir
d'en finir avec leur vie. C'est pourquoi nous croyons qu'un délai de quelques
mois doit être appliqué à partir de la date de la demande pour voir <son
exécution. De même, il faut exiger…
M. Hurteau (Pierre) : ...doivent
être prise en raison de la
vulnérabilité de certaines personnes, souvent
aux prises avec le désir d'en finir avec leur vie. C'est pourquoi nous croyons
qu'un délai de quelques mois doit être appliqué à partir de la date de la
demande pour voir >son exécution. De même, il faut exiger l'avis de deux
médecins, dont l'un est obligatoirement psychiatre.
En terminant, le CPM adhère pleinement à
la philosophie des soins de fin de vie s'inscrivant dans un continuum. À cet
égard, il ne peut que rappeler la nécessité d'améliorer l'accès à des soins
palliatifs de qualité et de consacrer des efforts importants pour faciliter
l'accès à des soins et services en santé mentale, de même qu'un meilleur suivi
de cette clientèle. Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, M. Hurteau. Nous commençons donc nos échanges avec le
député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : Merci, Mme
la Présidente. Et merci, M. Hurteau, pour votre exposé aujourd'hui ainsi
que l'implication très aidante de votre organisme tout au long de ce débat au Québec,
qui est dans sa deuxième décennie au moins.
Vous parlez de la demande anticipée et, de
façon claire et nette, que les voeux, exprimés et balisés comme il faut, de la
personne doivent être respectés. En ce qui concernerait le déclenchement de ces
voeux exprimés par une personne identifiée, pouvez-vous élaborer un petit peu?
Comment est-ce que les balises devraient être respectées et comprises de façon
très claire, de façon temporelle sur les critères? Comment on s'assure à la
fois le respect des balises de l'éventuelle loi ainsi que les voeux de la
personne concernée en tout ce qui a trait au déclenchement du traitement?
M. Hurteau (Pierre) :
Bien, pour répondre à votre question, je pense que le CPM… D'ailleurs, je l'ai
dit assez clairement, là, le CPM suit, en quelque sorte, les recommandations
qui ont été faites par le groupe d'experts. Et je ne parlerai pas au nom du
groupe d'experts, là, mais, comme j'ai été membre de ce groupe-là qui a
travaillé pendant presque deux ans, il est clair qu'à partir du moment où il y
a possibilité de faire une demande anticipée, lorsqu'il y a un diagnostic qui
est posé, c'est sûr que la personne est comme sur une trajectoire. Et c'est
pour ça qu'on <pense que...
M. Hurteau (Pierre) :
...il y a
possibilité de faire une demande anticipée,
lorsqu'il y
a un
diagnostic qui est posé, c'est sûr que la personne est comme sur
une trajectoire, et c'est pour ça qu'on >pense que, tout au long de l'évolution
de la maladie, cette personne-là, elle est accompagnée par une équipe soignante
et elle a aussi désigné une personne de confiance, une tierce personne qui la
connaît et qui... c'est soit l'équipe médicale, soit l'équipe soignante, soit…
et puis souvent multidisciplinaire, soit cette personne-là, qui est la personne
de confiance, va se rendre compte de l'évolution de la maladie et du moment où
le temps est venu à partir de balises qui auront été définies par la personne
elle-même lorsqu'elle fera sa demande anticipée.
Alors, c'est à peu près ce que je peux
vous dire sur cette question-là. Mais, grosso modo, je répète, notre position,
c'est celle qui a été adoptée et balisée dans le rapport sur le groupe... le
rapport du groupe d'experts sur ce point de vue précis là, sur cette question précise
là.
M. Birnbaum : Nous venons
d'entendre, de la Confédération des organismes de personnes handicapées, des
mises en garde assez importantes. Ils partagent avec prudence votre voeu qu'on
respecte l'autonomie, l'autodétermination de chaque individu, mais ils
s'inquiètent beaucoup, surtout pour cette population, qu'un accès élargi à
l'aide médicale à mourir peut… pourrait entraîner une diminution, en quelque
part, de services disponibles et accrus pour les gens en besoin. Est-ce que
vous partagez, en quelque part, cette inquiétude?
M. Hurteau (Pierre) :
Bien, c'est-à-dire, je vous dirais que, comme j'ai dit à la fin de ma
présentation, lorsque... et ça a toujours été la position, c'est que ce n'est
pas parce qu'on accorde ou qu'on défend ce droit à l'autodétermination qu'on ne
doit pas, en même temps, s'assurer... et c'était aussi le voeu qui était
exprimé par le groupe d'experts, et c'était le sens… puis je vois
Mme Hivon, là, mais c'était le sens de la loi sur les soins de fin de vie,
c'est que toute la question des soins palliatifs… qu'on doit continuer d'en
améliorer l'accessibilité, et la même chose en santé mentale, là. On <connaît
tous les...
M. Hurteau (Pierre) :
…le sens
— puis je vois Mme Hivon, là — mais
c'était le sens de la Loi sur les soins de fin de vie, c'est que toute la
question des soins palliatifs, qu'on doit continuer d'en améliorer
l'accessibilité. Et la même chose en santé mentale, là. On >connaît tous
les problèmes de rupture de services, d'accessibilité qu'il y a dans les
questions de suivi des personnes qui ont des troubles mentaux. Alors, il faut
s'assurer de maintenir un très bon… un niveau adéquat d'accessibilité à ces
services-là, de sorte que l'aide médicale à mourir ne devienne pas une option
parce qu'on n'est pas capable d'avoir des services, là. Alors, c'est une
question d'équilibre, là. Ce n'est pas parce qu'on permet, comme on a permis à
Truchon et Gladu, l'aide médicale à mourir qu'on n'a pas des obligations
d'améliorer l'accessibilité aux soins, là.
• (10 h 40) •
M. Birnbaum : Merci. Vous
avez parlé de l'importance d'assurer qu'il y a des balises accrues en tout ce
qui a trait aux troubles mentaux et l'accès à l'aide médicale à mourir.
Êtes-vous satisfait qu'il y a une façon non discriminatoire, efficace et
compatissante d'élargir cet accès sans risque de dérive? On pense aux
intervenants, devant nous, qui parlaient des cas très sérieux, des tentatives
de suicide, des gens avec une histoire de dépression majeure pour une période
prolongée, par contre, et qui auraient retrouvé la vie heureuse, et qui
auraient subi des traitements plus tard qui les rendaient en mesure de vivre de
façon très satisfaisante. Comment on assure des balises qui vont protéger ces
gens-là?
M. Hurteau (Pierre) :
Bien, je pense qu'on avait ce souci-là, c'est pourquoi on a énoncé
deux conditions qui nous apparaissent essentielles. C'est qu'on doit
accorder un délai de quelques mois... on n'a pas défini, on n'est pas des
experts, là, sur le plan médical, mais on doit accorder au moins, il nous
semble, quelques mois, là, on n'a pas mis de chiffre, deux, trois ou quatre,
mais entre le moment où elle est demandée et où là il y a l'exécution de la
demande, ça nous apparaît nécessaire. On a aussi <demandé…
M. Hurteau (Pierre) :
...deux, trois ou quatre, mais entre le moment où elle est demandée et où là,
il y a l'exécution de la demande, ça nous apparaît
nécessaire. On a
aussi >demandé qu'il y ait deux évaluations, dont une soit
nécessairement faite par un psychiatre. Est-ce qu'il y a nécessité de voir deux
psychiatres? Ça, je laisse le soin aux experts… mais au moins un, ça, ça nous
apparaît nécessaire.
Maintenant, l'argument... Je dirais, on
peut arguer longtemps sur la question de... Ce n'est pas seulement dans le
domaine des troubles mentaux, mais il y a toujours possibilité de l'évolution
de la médecine, des innovations qui feront en sorte qu'un diagnostic, un
pronostic qui est valable aujourd'hui, peut-être que, dans un an, il pourrait
être modifié. Ce n'est pas quelque chose, à nos yeux, qui est absolument
particulier à la santé mentale.
M. Birnbaum : Oui, là, je
vous suis en ce qui a trait à l'horizon de traitement qui change. Par contre,
ce qui est unique dans le cas de la santé mentale, c'est cet aspect épisodique
et, comme je dis, des exemples nombreux de gens qui ont retrouvé une qualité de
vie malgré une souffrance épouvantable pour des périodes de leur vie. Y a-t-il
une façon, de votre avis, de protéger contre un dérapage dans des cas de même?
M. Hurteau (Pierre) :
Bien, nous, la seule façon qu'on voit, là, c'est les deux balises qu'on vous a énoncées.
Mais je vous rappellerais aussi... Je me souviens très bien d'un cas, il y a plusieurs
années, d'une personne qui n'était pas en situation de santé mentale, mais qui
était lourdement handicapée physiquement, dans un CHSLD, qui avait même demandé
à la cour... je crois que c'était le Manoir des Pins, ou quelque chose comme
ça, dans les Laurentides... parce qu'il avait refusé de s'alimenter, de
s'hydrater, et tout ça, et finalement, même s'il avait obtenu gain de cause,
cette personne-là a décidé de vivre quand même, et ce n'était pas une question
de santé mentale.
Donc, il y a toujours… Ce
questionnement-là est là. Je pense qu'on ne pourra jamais complètement
éliminer… mais je suis d'accord avec vous qu'il faut certaines balises. Mais on
reste quand même dans le… On a bien énoncé que, pour nous, la santé mentale, elle
a des traitements <médicaux…
M. Hurteau (Pierre) :
…
quand même dans le… On a bien énoncé que, pour nous, la santé mentale,
elle a des traitements >médicaux, donc elle doit être traitée comme
toute autre maladie et ne pas être discriminée, et les personnes ont aussi
droit à l'autodétermination.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci beaucoup, M. le député.
Je cède maintenant la parole au député de Rosemont.
M. Marissal : Merci, Mme
la Présidente. Merci, M. Hurteau, pour votre témoignage. Je n'ai pas vu,
dans la liste de la commission, votre mémoire. Je présume que vous ne l'avez
pas déposé…
M. Hurteau (Pierre) :
Non.
M. Marissal : …que c'est
plus un aide-mémoire, justement, pour vous?
M. Hurteau (Pierre) :
Oui, c'est ça, on n'a pas déposé rien par écrit, là. Ça ne me fait rien de
l'envoyer, là, si c'est…
M. Marissal : Je crois
que ce serait apprécié, oui. Il y aura toujours le transcript, mais je pense
qu'on a les documents qui pourront nous servir de référence. En tout cas, moi,
j'aimerais bien avoir copie de votre…
M. Hurteau (Pierre) : O.K.
Oui, je vous comprends, parce qu'il y a beaucoup de stock, là, puis…
M. Marissal : Oui, c'est
le moins qu'on puisse dire.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Vous pourrez le faire parvenir au secrétariat de la commission.
M. Hurteau (Pierre) :
O.K.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
M. Marissal : Merci, Mme
la Présidente.
Je veux juste être sûr de bien vous
comprendre, là, M. Hurteau. Quand vous avez dit, à un moment donné, «le
consentement par substitution ne peut être considéré», est-ce qu'on parle, ici,
seulement dans les cas de troubles mentaux ou c'est… généralement, vous êtes…
M. Hurteau (Pierre) :
Non, non, en général.
M. Marissal : …du
consentement.
M. Hurteau (Pierre) : Oui,
oui, c'est qu'on — tout comme le groupe d'experts, là, qui a exprimé
cette position-là aussi — n'admet pas un consentement par
substitution.
M. Marissal : Dans aucun
cas?
M. Hurteau (Pierre) :
Comme par exemple, un handicapé intellectuel de naissance, je veux dire, on ne
pourrait pas admettre, même s'il a atteint 18 ans, que ses parents, ou son
tuteur, ou «whatever», là, quelle que soit la personne, se substitue à cette
personne-là pour demander l'aide médicale à mourir.
M. Marissal : Hier, on a
entendu quelques groupes, dont la Commission des droits de la personne,
protection des droits de la jeunesse aussi, qui ont une position totalement
inverse à la vôtre, prétextant que... puis ça se défend, là, que la Charte des
droits et libertés s'applique à tout le monde, les enfants sont des personnes
aussi, et que, même dans le cas d'enfants de moins de 14 ans, on pourrait
éventuellement considérer le consentement par substitution, le consentement
substitué dans des cas, évidemment, vous l'aurez compris… les cas les plus
lourds, évidemment.
M. Hurteau (Pierre) :
Pardon?
M. Marissal : On comprend
bien la dernière extrémité à laquelle on en arrive. Vous êtes donc contre cette
position qui est prise par la commission...
M. Hurteau (Pierre) :
Oui, oui, je pense que…
M. Marissal : ...par la
commission et peut-être par d'autres. Je ne veux pas vous mettre spécifiquement
en opposition avec la commission.
M. Hurteau (Pierre) :
Oui. Non, non, mais, non, je réponds, là. Ce qu'on a dit... bien, ce que j'ai
lu tantôt, c'est que nous sommes contre le consentement par substitution, quelle
que <soit…
M. Marissal : …cette
position, qui est prise par la
commission, par la
commission et
peut-être
par d'autres, je ne veux pas vous mettre spécifiquement en opposition avec la
commission,
là.
M. Hurteau (Pierre) :
Oui. Non, non, mais, non, je réponds, là. Ce qu'on a dit, bien, ce que j'ai lu
tantôt, c'est que nous sommes contre le consentement par substitution, quelle
que >soit la situation. On n'a pas examiné davantage… Comme je vous dis,
aujourd'hui, on est là en train de se poser des questions sur l'évolution
possible, mais, au moment où on se parle, c'est là où on en est. Est-ce qu'un
jour on en viendra à cela après réflexion, tout ça? Je ne peux pas vous dire, mais
aujourd'hui c'est ça, notre position.
M. Marissal : Très bien,
je comprends.
Ensuite, rapidement, le délai de quelques
mois, que vous n'avez pas quantifié, là, est-ce que ça s'applique, encore une
fois, seulement dans les cas de troubles mentaux ou c'est généralement… seulement…
M. Hurteau (Pierre) :
Oui, ça, c'est pour les troubles mentaux, oui.
• (10 h 50) •
M. Marissal : D'accord, c'est
ce que j'avais bien compris, mais je voulais juste être sûr. Vous ne pensez pas,
M. Hurteau, que les gens qui arrivent, surtout dans les cas de troubles
mentaux, là, après des années, et des années, et des années, là, de souffrance,
de diagnostics, de contre-diagnostics, d'essais-erreurs de médicamentation…
médication, vous ne pensez pas que ces gens-là, quand ils arrivent à la
décision de demander, ils sont rendus pas mal au terminus, puis c'est un peu
injuste de leur dire : Tu es tributaire de la décision de quelqu'un qui va
dire : Il faut que tu attendes encore quatre, cinq mois?
M. Hurteau (Pierre) :
Bien, je ne sais pas si on peut parler d'injustice, parce que je pense que… comme
l'a exprimé un peu le député, là, M. Birnbaum, je pense, là, c'est qu'au
fond, comme société, on doit quand même… comme cette maladie-là ne conduit pas…
n'est pas létale, disons, il faut quand même avoir certaines balises
additionnelles pour s'assurer que la décision, c'est la bonne, et je pense que…
Je comprends, là, ce que vous dites, je suis entièrement d'accord avec vous, et
que probablement que la personne ne changera pas d'idée, sauf que je pense que,
si elle a attendu tout ce temps-là, et comme elle n'en mourra pas, là, je pense
que deux, trois mois, là, de plus, ça ne sera pas nécessairement fatal pour
elle, mais je pense que c'est… Comme société, on doit se donner des, comment je
dirais, mesures additionnelles qui font en sorte qu'on soit assurés que ce
n'est pas quelque chose qui est pris à la <légère…
M. Hurteau (Pierre) :
...comment je dirais, des mesures
additionnelles qui font en sorte qu'on
soit assuré que ce n'est pas quelque chose, là, qui est pris à la >légère.
M. Marissal : Très bien.
Je vous remercie. Je n'ai probablement plus de temps, Mme la Présidente, je
présume?
La Présidente (Mme Guillemette) :
...peut-être à la fin, M. le député.
M. Marissal : Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, je céderais maintenant la parole à la députée de Joliette.
Mme
Hivon
:
Oui, bonjour. Merci beaucoup de votre présentation.
Je veux vous amener sur une question qui
m'interpelle beaucoup, là, que je trouve très complexe à résoudre. On a échangé
avec les gens du comité d'experts par rapport à ça, c'est un peu l'adéquation
entre ce qu'une personne qui est encore apte et qui se projette dans une
maladie peut déterminer comme conditions ou comme circonstances dans lesquelles
elle voudrait obtenir l'aide médicale à mourir, mais ensuite, le moment venu,
l'évaluation de la souffrance, de la présence de la souffrance serait présente
ou non.
Et hier on a eu Mme Nicole Poirier,
de l'organisme Carpe Diem, là, qui travaille beaucoup, beaucoup avec les
personnes atteintes d'alzheimer, qui a des approches très novatrices, notamment
avec de l'hébergement dans la Mauricie, et, pour elle, le critère central doit
demeurer la souffrance. On peut projeter que, si je ne reconnais plus mes
proches, pour moi, je veux avoir l'aide médicale à mourir, on peut projeter que,
si je ne peux plus manger par moi-même, je veux l'aide médicale à mourir, mais,
au moment où ça se concrétise, ça ne veut pas dire que ces circonstances-là
vont être porteuses de souffrances intolérables et constantes pour la personne.
Donc, évidemment, là, il en est question
abondamment dans le rapport du groupe d'experts, mais je voulais avoir votre
lecture, là-dessus, à vous, là, au nom de votre organisme, le conseil. Est-ce
que ces seules circonstances là, qui seraient définies à l'avance, devraient
donner ouverture ou on doit toujours s'assurer... ça a l'air drôle à dire, là,
mais de la présence du critère de la souffrance en temps contemporain, quand la
personne a perdu toute son aptitude?
M. Hurteau (Pierre) :
Bien, comme j'ai dit dans la présentation, au fond, là, les critères qui sont
dans la loi demeurent toujours. Il faut toujours avoir 18 ans, il faut
toujours être apte à consentir et il faut toujours être affligé de souffrances
intolérables. On ne peut pas juste se baser sur le fait que je ne reconnais
plus mes enfants, là. C'est un ensemble de choses, mais, sur le critère, ça, c'est
une longue discussion, au niveau du groupe d'experts, sur la question des <souffrances,
là...
M. Hurteau (Pierre) :
…je ne reconnais plus mes enfants, là. C'est un ensemble de choses. Mais sur le
critère, ça, c'est une longue discussion au niveau du groupe d'experts sur la
question des >souffrances, là, parce que la loi dit bien… la loi
québécoise et la loi fédérale aussi, il y a un aspect subjectif dans
l'évaluation de ces souffrances-là, ce n'est pas simplement une évaluation
objective par une équipe médicale.
Donc, ça fait partie de l'évaluation de la
souffrance… c'est que c'est possible que ce que vous décrivez, comme le fait
que je ne reconnais plus mes proches, ajoutez d'autres choses, je ne sais pas
trop quoi, ça devienne un élément de souffrance parce qu'on parle de souffrance
psychique aussi. La souffrance psychique, là, ce n'est pas évident à évaluer,
mais il y a certainement des composantes subjectives qui peuvent varier d'une
personne à l'autre. C'est pour ça que c'est important d'avoir une tierce
personne, aussi, qui connaît bien la personne, qui a un historique de vie, qui
sait quelles sont les valeurs que cette personne-là… à quelles valeurs cette
personne-là s'est rattachée tout au long de sa vie.
Mme
Hivon
:
Je vous suis, mais une personne qui est devenue inapte, donc, qui est rendue
dans les stades avancés de la maladie d'Alzheimer va avoir beaucoup de
difficulté à exprimer, évidemment, ou verbaliser de la souffrance. Donc,
souvent, ça va être par des signes externes que les experts nous apportent qu'on
va être capables…
M. Hurteau (Pierre) : Absolument.
Mme
Hivon
:
C'est ça. Et donc ça m'amène juste à poser une question, là, très de base. Plus
j'évolue là-dedans, plus je me dis : Est-ce que, dans le fond, dans les
demandes anticipées, la personne devrait tout simplement dire : Si je
souffre de manière constante et inapaisable et que je remplis le critère de
l'article 26, je souhaiterais avoir l'aide médicale à mourir? Je lance ça,
là, juste parce qu'hier c'est ce que Mme Poirier a un peu amené comme
réflexion, c'est-à-dire qu'on peut imaginer 56 circonstances, comme nous,
personnes relativement bien portantes, en début de maladie, mais qui
n'entraîneront pas nécessairement, lorsqu'on va être rendus à cette étape-là,
la souffrance qu'on avait anticipée. Donc, est-ce que le critère devrait être
tout simplement la présence ou non de souffrance plutôt qu'une description
exhaustive d'éléments qu'on pense qui pourraient nous causer de la souffrance?
M. Hurteau (Pierre) :
Bon, c'est une bonne question. Je ne sais pas, là… et vous dites que vous avez
discuté avec le groupe d'experts là-dessus, je ne sais pas qu'est-ce que le
groupe d'experts vous a dit là-dessus.
Mme
Hivon
:
Non, non, inquiétez-vous pas, vous ne serez pas en porte-à-faux. Je n'ai pas
posé précisément cette question-là. Ça m'est venu hier avec l'échange <avec
Mme Poirier…
M. Hurteau (Pierre) :
...bon, c'est une bonne
question, je ne sais pas, là, et vous dites vous
avez discuté avec le groupe d'experts
là-dessus, je ne sais pas
qu'est-ce
que le groupe d'experts vous a dit.
Mme
Hivon
:
Non, non, inquiétez-vous pas, vous ne serez pas en porte-à-faux, je n'ai pas
posé
précisément cette
question-là. Ça m'est venu hier avec
l'échange >avec Mme Poirier.
M. Hurteau (Pierre) : O.K.,
non, mais c'est parce que... comment je dirais, oui, ça peut être ça, mais il y
a une sorte de redondance dans ça parce que ce critère-là est déjà dans la loi.
Alors, on ne peut pas l'éviter. C'est comme si… Par exemple, si on pense qu'il
faut… s'il y a une déclaration de confidentialité quand on travaille au gouvernement,
sinon on n'est pas soumis à la Loi d'accès et des… Non, ça ne marche pas comme
ça, la loi est là et elle s'applique.
Mme
Hivon
:
Je pense que je n'ai plus de temps, hein, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Encore une petite minute, là. On va être généreuse.
Mme
Hivon
:
O.K., merci. En fait, je suis tout à fait d'accord avec vous, que c'est un peu
redondant ou ça devient un peu... ça devient très, très simple. C'est-à-dire
que ça veut dire que, quand tu fais ta demande anticipée, c'est que toi, tu
veux envoyer le message que, si tu es dans une situation de complète inaptitude
dans l'évolution de ta maladie et que tu en viens, avec une équipe médicale qui
va juger qu'il y a des souffrances constantes et inapaisables… tu veux obtenir l'aide
médicale à mourir, donc, sans définir quel type de souffrance. Je ne vous dis
pas que c'est ça, la solution, mais c'est que, vu qu'on nous le fait ressortir
comme un noeud gordien de nos travaux, à quel point il faut essayer de trouver
la concomitance entre ce que j'aurais demandé à l'avance puis... les gens vont
me dire : Si je ne reconnais plus mes proches, si je ne peux plus
m'alimenter, si je deviens complètement incontinent, dépendant, avec le moment
contemporain où la personne est dans cette situation-là et qu'on doit évaluer s'il
y a de la souffrance, je soumets ça comme hypothèse de travail, de réflexion.
M. Hurteau (Pierre) :
Bien, c'est possible. Je ne sais pas trop quoi répondre à votre question, sinon
que de dire aussi… Si c'est trop vague et imprécis, si la personne ne définit
pas certains éléments, peut-être qu'il y a des gens qui vont appliquer ça d'une
façon très large et d'autres, d'une façon très restrictive. Alors, je ne suis
pas sûr qu'on est plus avancés, là.
Mme
Hivon
:
Effectivement. Bien, merci de l'échange.
M. Hurteau (Pierre) : D'accord.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée. Donc, je céderais maintenant la parole à la députée de Saint-François.
• (11 heures) •
Mme
Hébert
:
Merci, Mme la Présidente. M. Hurteau, j'aimerais… je vais aller dans le
même sens que mes collègues M. Birnbaum et M. Marissal. J'aimerais
savoir, par rapport aux deux balises... parce que vous nous avez dit <deux
balises...
>
11 h (version révisée)
<18247
La
Présidente (Mme Guillemette) :
…la parole à la
députée
de
Saint-François.
Mme
Hébert
:
Merci, Mme la Présidente. M. Hurteau, j'aimerais… je vais aller
dans le même sens que mes
collègues
M. Birnbaum et
M. Marissal. J'aimerais savoir,
par rapport aux deux balises... p
arce
que vous nous avez dit >deux balises pour la santé mentale...
M. Hurteau (Pierre) :
Oui, oui.
Mme
Hébert
:
...on va revenir au sujet de la santé mentale. Donc, vous avez dit deux
balises, dont une qui... entre la demande et l'administration, il doit se
passer quelques mois. On a, par le passé... et hier aussi, on a eu
Mme Vrakas, Mme Sénécal, on a plusieurs experts qui ont parlé que, la
santé mentale, il y a un continuum de soins, il y a comme… c'est comme s'il n'y
a pas vraiment de maladie qui est irréversible et incurable, en tout cas, pour
certains experts puis certains psychiatres.
Moi, j'aimerais savoir, quand il y a des
gens qui ont eu des résultats... on a réussi, peut-être pas à soulager
entièrement la souffrance, mais qu'il y a eu un apaisement puis qu'ils ont
trouvé une certaine joie de vivre, mais des fois après 20 ans, puis il y a
eu plusieurs diagnostics, puis que, là, maintenant ils sont à l'aise, si on a
permis trop tôt, vous ne croyez pas qu'il va y avoir des dérives? Je reviens
aux mêmes questions que mes collègues, mais j'aimerais que vous me rappeliez
vos deux balises, dont une que je vous ai énoncée, mais il y aurait-tu des
mesures additionnelles qu'on devrait faire?
M. Hurteau (Pierre) :
Bien, nous, on s'en tient aux deux qu'on a énoncées. Je ne sais pas qu'est-ce
que vous voulez exactement dire par «trop tôt». Si ça fait 10 ans ou
15 ans que la personne, comme a expliqué M. Marissal, là, que la personne
est traitée, qu'elle est réfractaire à plusieurs traitements, ça fait
15 ans qu'elle souffre, qu'elle a peut-être fait trois tentatives de
suicide, je ne sais pas qu'est-ce que ça prend de plus, là.
Mme
Hébert
:
Bien, je vous dirais que vous énoncez la situation, disons, de Mme Vrakas,
que ça a pris au-delà de 20 ans, plusieurs tentatives de suicide, et elle
n'avait pas eu le bon diagnostic, donc elle n'avait pas eu la bonne molécule
pour l'aider dans son problème de santé mentale. Mais, moi, ce que j'aimerais
savoir, c'est que... Là, vous me dites : Si ça prend 10 ans,
15 ans. Est-ce qu'il y a un nombre d'années, d'abord, pour être
admissible? Avez-vous déterminé un nombre d'années? Parce que, là, vous avez
dit : Il y a deux balises entre la demande et l'administration.
M. Hurteau (Pierre) :
Non, parce que… non, pas vraiment parce que nous, on ne fait pas... outre les
deux balises qu'on vous donne, on ne fait pas de distinction vraiment
particulière entre la santé physique et la santé mentale.
Je vous rappellerai que, dans les cas de
Truchon et Gladu, là, ces personnes-là, quand elles sont allées devant le
tribunal, là, ça faisait des années qu'elles endurent des souffrances, là, ça
faisait des années qu'elles endurent des <souffrances…
M. Hurteau (Pierre) :
…physique
et la santé mentale.
Je vous rappellerai que, dans les cas
de Truchon et Gladu, là, ces personnes-là, quand elles sont allées devant le
tribunal, là, ça faisait des années qu'elles endurent des souffrances, là, ça
faisait des années qu'elles endurent des >souffrances. Est-ce qu'il y
avait le bon traitement? Je ne le sais pas, moi, je ne suis pas médecin. Est-ce
que… Bon, on peut toujours se poser des questions comme ça, mais je ne pense
pas qu'il y a une solution simple à toutes ces questions-là. C'est... à un
moment donné, on s'en remet au choix de la personne.
Mme
Hébert
:
Parfait. Merci, Mme la Présidente.
M. Hurteau (Pierre) :
Parce qu'on a quand même… je veux dire, il y a quand même l'évolution d'une
maladie, là. La maladie doit être quand même sévère. Il y a quand même des
critères qui sont là, là.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci, Mme la députée.
Je passerai maintenant la parole à la
députée d'Abitibi-Ouest.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Merci, M. Hurteau.
Comment évaluer la demande anticipée de la
personne si, au moment de l'administration, elle ne montre aucun signe de
souffrance apparent ou semble dans un état de bien-être? Et mon autre question
sera : Pouvons-nous anticiper une souffrance sans l'avoir encore vécue
tout en étant certains qu'elle nous sera intolérable?
M. Hurteau (Pierre) : Je
ne suis pas sûr d'avoir bien saisi, là, mais pouvez-vous répéter la première
question?
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
O.K. Évaluer la demande anticipée de la personne, O.K.? Mettons, on l'évalue.
Au moment de l'administration de l'injection, elle ne montre aucun signe de
souffrance et semble dans un état de bien-être. Comment peut-on évaluer de
donner l'injection?
M. Hurteau (Pierre) :
Oui, mais le critère de souffrance est toujours… doit toujours être présent, madame.
S'il n'y a pas de souffrance intolérable, il ne peut pas y avoir d'aide
médicale à mourir.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Ce qui est difficile à évaluer, c'est une souffrance psychologique.
M. Hurteau (Pierre) :
Bien là, on revient à la question qu'on a discutée avec Mme Hivon, c'est
comment évaluer le moment. Il faut s'en remettre à certaines…
Vous savez, les personnes, des fois, ne
peuvent pas exprimer, même, comme a dit Mme Hivon, leur souffrance, sinon
qu'il y a quand même une équipe soignante. En plus, comme la commission… le
groupe d'experts l'a suggéré, ça prend une tierce personne de confiance qui
connaît la personne. Donc, c'est tous ces gens-là qui sont habilités à
déterminer, un peu, le moment, si la personne répond à ces critères-là, puis
dire : Bien, oui, le moment est <venu…
M. Hurteau (Pierre) :
...personne de confiance qui connaît la personne. Donc, c'est tous ces gens-là
qui sont habilités à déterminer, un peu, le moment, si la personne répond à ces
critères-là, puis dire : Bien, oui, le moment est >venu.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
O.K., mais ça veut dire que, si quelqu'un est diagnostiqué cancer généralisé,
il n'est pas souffrant, alors il ne peut pas avoir de l'aide... ne peut pas
avoir l'aide immédiate à mourir. Il faut qu'il attende d'être souffrant, c'est
ce que je comprends bien.
M. Hurteau (Pierre) :
Bien, moi, ce que je comprends de la loi, là, vous me corrigerez si je suis
dans l'erreur, mais le critère de souffrance physique et psychique intolérable est
toujours dans la loi, là, il n'a pas été enlevé, que ce soit la loi fédérale ou
la loi provinciale.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Parfait. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée.
Si je peux me permettre, M. Hurteau,
l'aspect de la santé mentale me touche particulièrement, et, bon, on voit que
vous êtes en accord au niveau de l'autodétermination de la personne, mais
est-ce qu'on se doit... plus tôt, vous parlez de deux balises, mais est-ce
qu'on se devrait de baliser aussi les refus de traitement?
Il y a sûrement des gens, bon, qui, après
une, ou deux tentatives, ou trois tentatives, vont dire à leur psychiatre :
Regarde, moi, je n'essaie plus rien, alors que le psychiatre, lui, il dit :
Bien, il y a encore des solutions, il y a encore des options. Qui va décider
que les options sont.... on s'est rendus au bout des options, là? Est-ce que le
refus de traitement doit être balisé, selon vous?
M. Hurteau (Pierre) :
Bien, moi, je pense, là, que c'est un peu un autre débat, si vous me permettez,
dans le sens où il existe déjà des balises. Moi, j'ai vu des cas, là, où des
psychiatres se sont présentés en cour à cause de refus de traitement puis dire :
Bon, bien, demandez à la cour l'autorisation de traiter une personne. Ça se
fait, ces choses-là, là. J'ai même assisté à un procès là-dedans, là.
La Présidente (Mme Guillemette) :
O.K., la personne refusait un traitement, puis le psychiatre est allé en cour
pour dire qu'il y avait encore...
M. Hurteau (Pierre) : Absolument.
La Présidente (Mme Guillemette) :
O.K. Et le résultat de ça... est-ce qu'on l'a, le résultat de ce jugement-là?
Est-ce que le juge a…
M. Hurteau (Pierre) :
Bien, tout ce que je peux vous dire dans ce cas-là, c'est que cette
personne-là, elle est toujours vivante, et elle va bien, et elle n'est plus <sous
traitement, mais, à l'époque...
La Présidente (Mme Guillemette) :
…résultat de ce jugement-là? Est-ce que le juge a…
M. Hurteau (Pierre) :
Bien, tout ce que je peux vous dire dans ce cas-là, c'est que cette
personne-là, elle est toujours vivante, et elle va bien, et elle n'est plus >sous
traitement, mais, à l'époque, elle l'a été.
La Présidente (Mme Guillemette) :
O.K., parfait. Ma préoccupation dans cet aspect-là, c'est que ça ne devienne
pas une option au suicide que de demander l'aide médicale à mourir pour les
gens qui souffrent d'un trouble de santé mentale. Donc, c'était un peu, là…
M. Hurteau (Pierre) :
Oui, oui, je vous comprends.
La Présidente (Mme Guillemette) :
C'est un peu à ce niveau-là que, bon, je ne voudrais pas qu'on ait des dérives
ou des abus.
Je crois qu'on avait le député de Rosemont
qui avait peut-être une dernière question. Il nous resterait...
M. Marissal : Non, elle a
été, depuis, répondue, Mme la Présidente. Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Parce qu'il nous resterait 30 secondes, donc, si j'ai quelqu'un
qui a une autre question...
Donc, merci beaucoup, M. Hurteau,
pour votre présence avec nous aujourd'hui. Ça a grandement éclairé et ça va
grandement aider et faciliter nos discussions pour la suite des choses.
Et, bien, je demanderais aux membres de la
commission de demeurer avec nous pour accueillir le prochain invité. Merci
encore beaucoup, M. Hurteau.
(Suspension de la séance à 11 h 10)
(Reprise à 11 h 19)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, nous reprenons nos travaux, merci à tous, et je souhaiterais la bienvenue
au Dr Laurent Boisvert. Donc, bienvenue parmi nous. Merci d'être avec nous
ce matin. Donc, vous disposez de 10 minutes pour présenter votre exposé,
et par la suite il y aura un échange avec les membres de la commission pour une
période de 35 minutes. Donc, je vous cède la parole, Dr Boisvert.
M. Laurent Boisvert
M. Boisvert (Laurent) : Merci,
Mme la Présidente. Merci à la commission d'avoir accepté ma demande de vous
rencontrer. Je vais me présenter rapidement. Donc, Laurent Boisvert, je suis médecin
spécialiste en médecine familiale et, depuis peu, ex-urgentologue après
35 ans de pratique. Je pratique l'euthanasie depuis décembre 2015, dès l'entrée
en vigueur de la loi québécoise, et, depuis ce temps, j'ai soulagé quelques
centaines de malades, et ce, de façon continue.
Je vous présenterais trois malades que
j'ai accompagnés dans leur demande d'aide médicale à mourir. Deux des cas vont
aborder la question de l'aptitude/inaptitude, et le dernier cas aborderait la question
de la maladie mentale.
Alors, le premier cas, et je vais me
permettre de le nommer parce que les membres de la commission ont peut-être
connu le cas, qui a été largement public, le cas de M. Yves Monette, donc,
qui était un malade de 62 ans, qui était atteint d'une démence
frontotemporale, une démence somme toute atypique avec des symptômes qui
progressaient depuis déjà un bon bout de temps et qui allaient continuer à
progresser, évidemment, puisqu'il s'agit d'une maladie neurodégénérative. Les
symptômes, donc, étaient maintenant à un niveau où le... avaient atteint un
déclin qui était maintenant inacceptable pour le malade et qui lui provoquait
des souffrances intolérables. Au moment de l'évaluation et dans les mois qui
ont <suivi...
M. Boisvert (Laurent) :
…les symptômes, donc, étaient
maintenant à un niveau où le... avaient
atteint un déclin qui était
maintenant inacceptable pour le malade et
qui lui provoquait des souffrances intolérables. Au moment de
l'évaluation
et dans les mois qui ont >suivi, M. Monette a toujours conservé son
aptitude malgré son diagnostic de démence et les symptômes et physiques et
mentaux que ça pouvait apporter, et donc il répondait toujours aux critères
d'admissibilité et il pouvait donc être soulagé sans problème. Et ça a été
comme ça jusqu'à la fin, et il est décédé au mois de juillet, tel qu'il l'avait
demandé, accompagné de très nombreuses personnes qui l'avaient supporté tout au
long de sa maladie et de sa demande.
• (11 h 20) •
Maintenant, on va passer à un deuxième
cas, encore une fois, un cas de démence, mais qui, dans le contexte, présente
un problème. Il s'agit d'une malade de 85 ans qui a un diagnostic récent
de démence d'alzheimer. Les symptômes sont frustes, c'est léger. Pour
l'instant, c'est un problème de légère désinhibition — les enfants ne
reconnaissent pas toujours leur mère dans son comportement — et de
perte de mémoire. Au moment où elle fait sa demande, elle est tout à fait apte,
elle est confortable, n'a pas de souffrance physique, psychologique ou
existentielle et elle voudrait pouvoir continuer à profiter de la vie, ce qui
est tout à fait compréhensible puis qui est tout à fait correct. Cependant, la
malade veut être soulagée lorsque le déclin va atteindre un certain niveau qui
reste à définir, mais elle sait que la maladie va entraîner un déclin et une
dégénérescence progressive et qui peut… qui va — qui va, pas «peut»,
mais qui va — atteindre un niveau qu'elle considère comme étant
inacceptable. La famille supporte la décision de la malade et comprend très
bien que, dans le contexte actuel, on ne peut pas faire une demande anticipée
d'AMM. Alors, en conséquence, tant la malade de la famille que le médecin
traitant, avec qui je suis en contact, demeurent à l'affût d'une détérioration
éventuelle de son aptitude, et, à ce moment-là, la malade devra faire un choix
qui sera de recevoir l'AMM à ce moment-là ou de ne jamais le recevoir.
Évidemment, il s'agit d'un choix qui est cornélien, difficile, déchirant, qui
vole des mois de… vole des mois, voire peut-être même des années de bon temps et
à la malade et à ses proches, justement parce qu'on ne peut pas faire de
demande anticipée.
Alors, pour ma <part…
M. Boisvert (Laurent) :
…difficile,
déchirant, qui vole des mois de… vole des mois, voire peut-être
même des années de bon temps et à la malade et à ses proches justement parce
qu'on ne peut pas faire de demande anticipée.
Alors, pour ma >part, on n'a pas
raison de faire de discrimination entre un malade atteint d'un problème de
démence qui est prêt à décéder parce qu'il a atteint son niveau de déclin et de
souffrance et quelqu'un qui ne l'a pas nécessairement atteint mais qui
l'atteindra de façon inexorable. En conséquence, je pense qu'on a besoin de
permettre la demande d'aide médicale à mourir sur une base de directive
anticipée, ce qui laisse au malade — puis là je pense qu'il y a des
gens qui vous ont rencontrés et qui vous l'ont dit — le temps qu'il
veut bien continuer à vivre avec ses proches, dans la mesure où ça demeure
acceptable dans sa… dans ses valeurs puis dans la façon de voir la vie.
Cependant, évidemment, ça nous prend un
mécanisme qui ne repose pas sur la décision du médecin quant à savoir quand
est-ce qu'on applique l'aide médicale à mourir. Ça doit nécessairement faire
intervenir des tiers partis qui sont proches du malade, qui connaissent sa
décision, qui connaissent les critères d'application et qui, avec le médecin,
prendront la décision au moment où le malade l'aura décidé.
Malheureusement, il y a probablement des
malades qui n'ont pas vraiment de proches. Moi, j'en ai eu, des gens qui sont
décédés en ma seule compagnie parce qu'il n'y avait personne autour d'eux. Il
va y en avoir d'autres. Alors, il y a un mécanisme... il faut prévoir, dans le
mécanisme, que quelqu'un puisse prendre la relève. Et puis, à titre d'exemple,
j'ai mis, par exemple, la curatelle publique, qui est, de toute façon, déjà
impliquée dans des questions de soins et même de soins de fin de vie.
Maintenant, la maladie mentale. Il s'agit
d'une malade de 57 ans qui est atteinte d'une dépression chronique sévère
et qui fait de multiples rechutes. Elle est suivie en psychiatrie depuis plus
de 20 ans. Malgré son problème d'évolution, elle a connu des rémissions
intéressantes depuis ce temps-là avec l'aide de la psychothérapie, la
médication, voire même les électrochocs durant plusieurs années, mais cette
fois-ci la maladie est envahissante, et ça dure depuis maintenant plus que
18 mois, et ça lui rend la vie carrément impossible. Elle est hospitalisée
depuis neuf mois. Elle a reçu de la médication de dernière intention, des
trucs qu'on ne fait pas souvent, mais qui se sont montrés efficaces justement
dans ce genre de problème là, mais ça n'a pas donné de résultat. Elle a resubi
des électrochocs à quelques reprises sans résultat, et on s'est même <rendus
à de la…
M. Boisvert (Laurent) :
...de dernière intention, des trucs qu'on ne fait pas souvent, mais qui se sont
montrés efficaces justement dans ce genre de problème là, mais ça n'a pas donné
de résultat. Elle a resubi des électrochocs à quelques reprises sans résultat,
et on s'est même >rendus à de la... je vais vous le nommer, mais ça ne se
fait pas fréquemment, de la stimulation magnétique transcrânienne répétitive — c'est
le CHUM qui fait ça — et elle a été hospitalisée pendant un mois pour
recevoir ce traitement-là, malheureusement sans résultat.
À ce moment-là, la madame se voit... puis
c'est une madame qui a déjà travaillé dans le domaine de la santé mentale dans
le passé, elle se voit désormais vivre en ressource institutionnelle
probablement pour le restant de ses jours, incapable de fonctionner de façon autonome.
Elle aborde la question de l'aide médicale à mourir à quelques reprises dans
les derniers mois pour finalement faire une demande formelle en avril 2021.
Vous le savez tout aussi bien que moi, que
les amendements à la loi fédérale adoptée en mars 2021 excluent la maladie
mentale comme seul diagnostic, et la position du gouvernement québécois au
regard de la maladie mentale demande aux praticiens de ne pas pratiquer l'aide
médicale à mourir dans des cas comme ça. C'est malheureusement ce que j'ai à
annoncer à la malade lors de l'évaluation initiale de sa demande. La malade est
complètement décontenancée, et, devant les souffrances intolérables de la
malade, il y a une avenue qui semble carrément sans issue, pour en avoir
discuté avec les psychiatres, même si ces derniers ne sont pas d'accord avec le
fait qu'elle fasse une demande d'aide médicale à mourir, mais ils connaissaient
la réponse. Donc, une avenue sans issue, et, compte tenu de son aptitude, parce
que la madame est toujours et demeure toujours apte à prendre sa décision, je
lui offre de rencontrer un avocat pour qu'elle soit bien au fait de ses droits.
La rencontre a lieu en mai 2021, et, suite à la rencontre, la madame décide
d'arrêter de s'alimenter et de s'hydrater jusqu'à ce que mort s'ensuive. Mon
rôle, ça permet de la supporter dans sa démarche et d'organiser le support des
professionnels qui vont l'entourer. Elle sait, par ailleurs, qu'elle peut
mettre fin à sa démarche quand elle veut, et ça n'a absolument aucune
conséquence par rapport à sa prise en charge et la continuation de ses
traitements autrement. Donc, finalement, elle entreprend sa démarche de
cessation d'alimentation le 7 juin, elle va cesser de s'hydrater le 30 juin et
elle va décéder le 5 juillet sous sédation palliative.
• (11 h 30) •
Je pense que ce cas-là illustre que,
devant l'impossibilité d'avoir accès à l'AMM pour un problème de maladie
mentale, les malades sont obligés de faire appel à des alternatives plus ou
moins dignes <pour se soulager. Et...
>
11 h 30 (version révisée)
< M. Boisvert (Laurent) :
…
je pense que ce cas-là illustre que, devant l'
impossibilité
d'avoir accès à l'AMM pour un
problème de maladie mentale, les malades
sont obligés de faire appel à des alternatives plus ou moins dignes >pour
se soulager. Et, pour certains d'entre eux, il y a un réel danger, et probablement
que ça s'est déjà produit, d'utiliser des moyens beaucoup plus violents et
délétères, autant pour le malade que pour les proches. En refusant que les
malades mentaux aient accès à l'aide médicale à mourir, on discrimine ces
gens-là par rapport à ceux qui ont des maladies physiques et on stigmatise
encore et toujours le problème de maladie mentale. Pourtant, vous le savez
aussi bien que moi, la Cour suprême ne fait pas de distinctions entre la
maladie physique et la maladie mentale dans son arrêt Carter.
Il faut faire attention, pour ma part, de
ne pas mettre en place des mécanismes qui deviennent lourds autant pour le
malade, le professionnel que pour le réseau de la santé. Et là je fais
référence au mécanisme qui est proposé, entre autres, par l'association des
psychiatres, qui est, à mon sens, carrément inapplicable, et, encore là, c'est
sous le prétexte que ces malades doivent être protégés contre eux-mêmes, alors
que la juge Baudouin l'a bien écrit dans son jugement, qu'il ne faut pas
que ça devienne un argument fallacieux. Les malades mentaux ont le droit d'être
soulagés lorsque leurs maladies — moi, c'est ce que j'appelle les
cancers de l'âme — deviennent… l'AMM devient la seule option
disponible et que le malade qui est apte en fait la demande.
Alors, voilà, Mme la Présidente. Ça m'a
fait plaisir.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Dr Boisvert.
Je céderais maintenant la parole au député
de Rosemont.
M. Marissal : Merci, Mme
la Présidente. Merci, Dr Boisvert, de votre témoignage, qui est assez
frappant avec des cas, en plus, précis. Puis on sent aussi l'engagement puis
même l'émotion, là, chez vous. Je vous remercie, d'ailleurs, de votre grande
humanité. Ce n'est pas des cas qui sont faciles.
La dame de 85 ans qui… un diagnostic
de démence, si j'ai bien suivi la séquence, en ce moment, elle ne peut pas
parce que ce n'est pas permis, d'avoir un consentement anticipé. Donc, elle
est, tous les jours, puis peut-être même chaque heure de chaque jour, à
attendre si elle va passer de l'autre bord, puis il faut qu'elle tire la
sonnette d'alarme avant, c'est ça que vous dites, parce que… ou bien donc il
faut qu'elle décide de la demander pendant qu'elle est encore jugée apte, ou
bien donc elle bascule de l'autre côté de la grande noirceur, puis là c'est
foutu, elle ne l'aura jamais. C'est ce que vous décrivez?
M. Boisvert (Laurent) :
Oui, exactement. La malade, bien, écoutez…
M. Marissal : Moi, je
vous entends mal. Je ne sais pas si je suis le seul à avoir des problèmes de
connexion, mais ce n'est pas…
La Présidente (Mme Guillemette) :
Non.
M. Boisvert (Laurent) :
Là, est-ce que c'est mieux?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Oui, on vous entend bien, Dr Boisvert. Je crois que le <problème…
M. Marissal : ...puis
là
c'est foutu, elle ne l'aura jamais. C'est ce que vous décrivez?
M. Boisvert (Laurent) :
Oui, exactement. La malade, bien, écoutez…
M. Marissal : Moi, je
vous entends mal. Je ne sais pas si je suis le seul à avoir des problèmes de
connexion, mais ce n'est pas…
La Présidente (Mme Guillemette) :
Non.
M. Boisvert (Laurent) :
Là, est-ce que c'est mieux?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Oui. On vous entend bien, Dr Boisvert. Je crois que le >problème
est du côté du député de Rosemont.
M. Boisvert (Laurent) :
Est-ce que vous m'entendez, M. Marissal?
M. Marissal : Oui, je
vous entends bien.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Merci.
M. Marissal : Ça a gelé,
je ne sais pas si c'est de mon côté ou du vôtre, là, mais allez-y.
M. Boisvert (Laurent) : Oui,
ce que je disais, c'est qu'elle n'est probablement pas, elle,
personnellement... aux heures, mais, vous avez tout à fait raison,
effectivement, c'est ce qui se passe, c'est qu'autant la malade, et surtout sa
famille, et le médecin traitant est dans le dossier pour aussi suivre la malade
pour... effectivement, le jour où ils vont voir qu'il y a des symptômes qui
mettent son aptitude à risque, entre guillemets, elle va être confrontée à
faire un choix.
M. Marissal : Vous, vous me
dites, en quelque sorte, que, si elle pouvait faire sa demande, sachant qu'elle
veut, puis qu'elle est consciente, puis que son entourage est d'accord, ses
enfants, sa famille, elle s'offrirait, en quelque sorte, une certaine quiétude
quant à ce qui lui reste à vivre plutôt que d'être sur le qui-vive.
M. Boisvert (Laurent) :
Tout à fait.
M. Marissal : O.K. Je
comprends.
M. Boisvert (Laurent) :
Tout à fait, tout à fait.
M. Marissal : C'est
éclairant, comme témoignage.
Dites-moi donc, rapidement, parce que je
n'ai pas tellement de temps, en quoi la solution avancée par l'association des
psychiatres vous paraît inacceptable? Et y a-t-il des... je présume que oui,
là, mais je vais poser la question pareil, là, en toute naïveté, là, y a-t-il
beaucoup de tensions dans la profession médicale entre les spécialités?
M. Boisvert (Laurent) :
Bien, pour répondre à la question concernant l'applicabilité, là, c'est un
mécanisme qui est lourd de plusieurs côtés. De un, il y a le temps, il est
question de quasiment six mois de déroulement, et ensuite de ça on fait
impliquer de très nombreux médecins, y compris de très nombreux psychiatres.
Alors, vous le savez comme moi, que s'en aller dans une solution comme celle-là
avec le réseau, actuellement, ça serait compliqué à plusieurs égards, de un.
De deux, ce n'est pas, puis pour reprendre
l'exemple que je vous ai présenté, ce n'est pas absolument nécessaire dans tous
les cas. Je ne vous dis pas qu'il n'y aura pas des cas plus compliqués, plus
complexes qui nécessiteront l'intervention de plusieurs personnes, et non
seulement des psychiatres, mais il y a d'autres cas où ça sera somme toute
relativement facile à trancher. Donc, ça, c'est pour l'applicabilité.
La deuxième partie, par exemple, la
tension, je n'ai pas très bien compris la question.
M. Marissal : Bien, je me
demande s'il y a des débats... Oui, il y a certainement des débats, mais est-ce
qu'ils sont délétères dans la pratique, par exemple, de votre pratique, les
débats très lourds entre spécialistes, par exemple, des psychiatres qui
diraient… qui seraient totalement en désaccord avec votre position et vous êtes
en désaccord avec leur proposition? Alors, je présume que ça doit faire des
beaux débats, là, quand même, à la machine à café, là.
M. Boisvert (Laurent) :
Vous avez tout à fait raison. Et le cas que je vous ai <présenté...
M. Marissal : …votre
pratique,
les débats très lourds entre spécialistes, par exemple, des psychiatres qui
diraient… qui seraient totalement en désaccord avec votre position et vous êtes
en désaccord avec leur proposition? Alors, je présume que ça doit faire des
beaux débats, là, quand même, à la machine à café, là.
M. Boisvert (Laurent) :
Vous avez tout à fait raison. Et le cas que je vous ai >présenté a fait
effectivement l'objet du débat que vous avez décrit. Et, compte tenu du fait
que… Puis il y a des mécanismes. Compte du fait... compte tenu, pardon, compte
tenu du fait que la malade est apte, les psychiatres ne peuvent pas s'opposer à
sa décision, et, s'ils pensent qu'elle n'est pas apte, bien, il y a des
mécanismes qu'ils doivent mettre en place et utiliser, ce qu'ils n'ont pas fait
dans le cas présent. Mais, vous avez raison, il y a des cas où ça va faire
effectivement l'objet de débats très intéressants et, on espère, pas trop
acerbes.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
M. Marissal : Je pense
que j'ai écoulé mon temps. Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, M. le député.
Je céderais maintenant la parole à la
députée de Soulanges.
Mme Picard : Bonjour,
Dr Boisvert. Merci beaucoup pour vos témoignages. Je pense que c'est
vraiment important qu'on ait cette vision-là aussi, là, de votre part. Souvent,
moi, je me pose la question, parce que je me dis, avant tout, là, je crois que
c'est une décision qui repose beaucoup sur l'équipe médicale, et puis on se
doit de faire confiance à l'équipe médicale autour du patient qui fait la
demande.
Comment ça se passe quand un patient vous
demande l'aide médicale à mourir? C'est quoi, les processus qui s'enclenchent?
Comment on peut arriver à faire plus confiance, peut-être, aux médecins qui
prennent ces décisions-là? Pourquoi ce n'est pas connu, là, ce qui se passe en
ce moment au niveau de la prise de décision des médecins et de l'aide qu'ils
apportent?
M. Boisvert (Laurent) :
Je ne suis pas certain d'avoir compris votre question. Vous voulez voir… vous
voulez que j'illustre un peu le mécanisme, comment ça se déroule?
Mme Picard : Oui, parce
qu'on a… Tu sais, souvent, je me dis : Mais il faut faire confiance à
l'équipe médicale qui aide le patient dans cette décision-là. Donc, comment ça
se passe lors de vos discussions avec les patients?
M. Boisvert (Laurent) :
O.K. Bien, écoutez, je vais vous faire ça rapidement, mais ce n'est pas très
compliqué. Moi, j'interviens dans le dossier lorsque le malade a fait une
demande formelle, hein? Vous savez que la demande, bon, ça peut être une
demande d'information. Ça, c'est une autre paire de manches, mais là allons-y
avec la demande formelle. Donc, le malade fait une demande formelle d'aide
médicale à mourir, et, comme vous le savez, la demande doit être traitée. Même
si le médecin qui reçoit la demande n'est pas d'accord, il doit s'assurer que
la demande est traitée. Alors, moi, j'arrive à ce moment-là. Et là, bien, je
rencontre le malade et, bien, je lui pose une question bien facile, je lui
demande pourquoi il veut mourir, et puis là, bien, il me raconte, puis il me
dit pourquoi : Je suis malade, le déclin, les souffrances, etc. Et je dois
vous avouer que ce n'est jamais trop, trop compliqué. Il y en a, là... sur les
quelques centaines, il y en a, quelques cas, où, là, c'est : Bon, bien,
écoutez, je vais parler à votre médecin traitant, je vais voir votre dossier <médical…
M. Boisvert (Laurent) :
…me dit pourquoi : Je suis malade, le déclin, les souffrances, etc. Et je
dois vous avouer que ce n'est jamais trop, trop compliqué. Il y en a, là, sur
les quelques centaines, il y en a quelques cas où, là, c'est : Bon, bien,
écoutez, je vais parler à votre médecin traitant, je vais voir votre dossier
>médical, je vais parler à certains intervenants puis je vais vous
revenir. Mais, dans la majorité des cas, la décision se prend lors de la
première rencontre avec le malade, et je lui explique qu'un deuxième médecin
devra être d'accord avec moi pour qu'on procède. Et ensuite de ça, bien, ce n'est
pas trop compliqué, je leur dis à peu près toujours la même chose : J'ai
trois questions pour vous : Vous voulez ça quand? Vous voulez ça où? Puis
vous voulez ça avec qui? Puis moi, j'accommode le malade dans la très grande majorité
des cas.
Mme Picard : Quand vous
voyez que la souffrance n'est peut-être pas justifiée, je ne sais pas si c'est
déjà arrivé dans un des cas, mais est-ce que vous aiguillez bien la personne
aux ressources qu'elles ont droit pour peut-être les aider à cheminer pour
avoir accès à certains des services? Est-ce que…
• (11 h 40) •
M. Boisvert (Laurent) :
Les seuls malades que je réoriente, que j'ai réorientés, c'est des malades pour
qui la demande était inadmissible, et elle était inadmissible… elle n'a jamais,
jamais, jamais été inadmissible sur la base des souffrances ou du déclin. Le
déclin et les souffrances, ça appartient au malade. Je n'ai aucun moyen de
juger si le malade est souffrant ou est en déclin face à lui-même. Mais j'ai
des malades à qui j'ai refusé en disant que la demande était inadmissible, et,
la plupart du temps, c'est parce qu'ils ne sont pas atteints d'une maladie
grave et irréversible, dans la très grande majorité des cas. Il y a eu
certaines demandes que j'ai refusées parce que le malade était éminemment
inapte, mais ce n'est pas arrivé souvent.
Mme Picard : Concernant,
justement, un patient qui serait inapte, en ce moment un patient qui aurait une
déficience intellectuelle moyenne, son… corrigez-moi si je me trompe, mais son
tuteur ou la personne… le curateur ou la personne qui est en charge peut
décider de ne pas l'alimenter. Donc, ça reviendrait, j'imagine, au même que la
personne que vous décrivez, qui avait des troubles mentaux, qui a décidé de ne
plus s'alimenter?
M. Boisvert (Laurent) :
Ouf! Là, on est face à un méchant problème, parce que je pense que, de façon
générale, on parle d'inaptitude mais pas au moment de la demande, on parle
d'inaptitude qui apparaît après qu'une demande ait été faite par un malade apte,
et c'est une différence fondamentale avec un patient qui d'emblée est inapte et
ne se rend probablement même pas compte de ce qui se passe. Alors là, là, je n'ai
pas de réponse à ça, mais là pas du tout.
Mme Picard : Merci.
Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Mme la députée.
Donc, nous passons maintenant <à la
députée de Joliette…
M. Boisvert (Laurent) :
...là
, je n'ai pas de réponse à ça, mais là pas du tout.
Mme Picard : Merci.
Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Mme la députée. Donc, nous passons maintenant >à la
députée de Joliette.
(Panne de son)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Oui, Mme la députée, est-ce que vous nous entendez bien?
Mme
Hivon
:
Oui. Il y a eu une petite coupure de son au moment même où je devais entrer en
scène. Désolée.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Je vous cède la parole.
Mme
Hivon
:
Oui. Bonjour, Dr Boisvert. Merci beaucoup. C'est exactement de ce type
d'éclairage là très concret dont on a besoin pour alimenter nos travaux. Puis,
je vous remercie, j'ai eu la chance, parce que c'était vraiment une chance,
d'avoir un appel de M. Monette, une des personnes dont vous nous avez
parlé, et votre humanité, je pense, a fait toute la différence dans sa vie.
Donc, je suis heureuse de vous entendre à ce sujet-là aujourd'hui.
J'ai un gros quatre minutes. J'aurais des
tonnes de choses que je voudrais approfondir avec vous, mais je vais me concentrer
sur deux.
Un, la question de l'évaluation de la
souffrance d'une personne qui est devenue inapte à la suite, donc, et qui
aurait fait une demande anticipée, donc le cas numéro deux que vous nous avez
soumis, comment... C'est votre patiente, là, elle vous exprime ce qu'elle ne
voudrait pas vivre, elle le noterait dans une demande anticipée, mais
vous-même, évidemment, vous venez de dire à quel point l'évaluation de la
souffrance est quelque chose de subjectif.
M. Boisvert (Laurent) :
Exact.
Mme
Hivon
:
Donc, quand on est rendu que la personne, elle est complètement inapte et
qu'évidemment le critère de la souffrance doit s'appliquer, comment fait-on
pour évaluer cette souffrance-là de manière contemporaine à l'administration de
l'aide médicale à mourir?
M. Boisvert (Laurent) :
Je pense que... quand je disais que les critères sont à définir, c'est ça que
le malade va définir comme critère de souffrance au moment où ça va apparaître
et c'est sur cette base-là que ça devra être évalué. C'est-à-dire qu'il n'est peut-être
pas éminemment souffrant au moment où on appliquerait l'aide médicale à mourir
sur la base de sa demande anticipée, mais il a bien décrit sa souffrance au
moment où il a pris sa décision, et c'est sur cette base-là qu'on établit que
le malade est souffrant, même si, au moment où ça se passe, il ne l'est peut-être
pas, mais c'est parce que ce n'est plus la même personne.
Mme
Hivon
:
Donc, vous feriez entrer un peu en compte l'idée d'une souffrance anticipée
plutôt qu'une souffrance nécessairement contemporaine à l'administration de l'aide
médicale à mourir — je veux bien comprendre — la projection
de la souffrance qui pourrait être vécue, même si la personne n'est plus exactement
la même personne, comme vous le dites très bien, au moment où les circonstances
sont réunies et qu'on n'est pas capable de dire qu'elle est souffrante et qu'elle
n'a pas l'air, mettons, souffrante.
M. Boisvert (Laurent) :
Exact.
Mme
Hivon
:
Selon vous, ce serait la souffrance anticipée qui devrait primer.
M. Boisvert (Laurent) : C'est
effectivement la souffrance définie par le malade au moment de sa... au moment
de la prise de décision de sa demande anticipée, exact.
Mme
Hivon
:
O.K. Deuxième élément, c'est <le...
Mme
Hivon
:
…qu'elle n'a pas l'air, mettons, souffrante.
M. Boisvert (Laurent) :
Exact.
Mme
Hivon
:
Selon vous, ce serait la souffrance anticipée qui devrait primer.
M. Boisvert (Laurent) :
C'est
effectivement la souffrance définie par le malade au moment de
sa... au moment de la prise de décision de sa demande anticipée. Exact.
Mme
Hivon
:
O.K. Deuxième élément, c'est >le degré d'ouverture de la
profession médicale, selon votre expérience. J'ai posé la même question au Collège
des médecins, ils n'avaient pas vraiment de réponse précise là-dessus. On sait
à quel point, quand l'aide médicale à mourir a été introduite, il y avait quand
même, dans certains milieux, encore beaucoup de résistance et donc un nombre
relativement peu élevé de médecins qui acceptaient de pratiquer l'aide médicale
à mourir avec des personnes totalement aptes qui le demandaient avec insistance.
Donc, je me demandais si, selon votre expérience de la pratique, les médecins
vont être ouverts à offrir l'aide médicale à mourir à des personnes devenues
complètement inaptes qui ne seront pas capables de le demander elles-mêmes en
temps réel, donc leur niveau de confort par rapport à ça. Est-ce qu'on peut… Ma
crainte par rapport à ça, c'est qu'on crée un droit ou une possibilité, mais
qui demeure très théorique faute de gens pour l'appliquer sur le terrain.
M. Boisvert (Laurent) :
Très rapidement, vous avez bien décrit la situation au début de l'aide médicale
à mourir. Mais, cela dit, la situation a notamment… notablement, plutôt, évolué
dans le bon sens. Il restera toujours qu'il y a ce que j'appelle des aides
médicales ou des euthanasies faciles puis des euthanasies moins faciles, et,
comme dans tout domaine en médecine, il y aura toujours un certain nombre de
cas qui devront faire appel à des gens qui ont beaucoup d'expérience et qui
sont prêts à faire des aides médicales à mourir plus complexes, et ça, ça sera
toujours le propre d'un nombre relativement restreint de médecins, puis ça, je
pense que c'est juste normal. Mais je pense que, si on donne ce droit… cela
dit, je pense que, si on donne ce droit-là, il pourra être exercé et il y aura
des médecins pour y répondre.
Mme
Hivon
:
O.K. Sans trop… parce qu'on peut s'imaginer qu'il pourrait notamment y avoir
beaucoup de personnes qui soient dans un contexte de CHSLD qui auraient fait ce
type de demande là dans différents contextes, là, et qui seraient très avancées
dans leur trouble cognitif. Et, pour vous, on va effectivement... et
heureusement les choses ont beaucoup évolué depuis le début. Mais, pour vous,
ça va être à peu près le même phénomène auprès des personnes inaptes, la
pratique va s'installer. Ce n'est pas une crainte énorme que vous avez, compte
tenu de votre connaissance de vos collègues.
M. Boisvert (Laurent) :
Bien, à moins qu'il y ait un tsunami de demandes quand on donne ce droit-là,
puis je ne pense pas que ça soit le cas, mais effectivement j'abonde dans le
même sens que vous, je pense que, oui, c'est une pratique qui va s'installer
progressivement et qu'il y aura des médecins, et ça sera, je pense, plus facile
pour les <médecins…
M. Boisvert (Laurent) :
…à moins qu'il y ait un tsunami de demandes, quand on donne ce droit-là, puis
je ne pense pas que ça soit le cas, mais effectivement, j'abonde dans le même
sens que vous, je pense que, oui, c'est une pratique qui va s'installer
progressivement et qu'il y aura des médecins, et ça sera, je pense, plus facile
pour les >médecins de soulager ces malades-là que des problèmes de
maladie mentale.
Mme
Hivon
:
Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci beaucoup, Mme la députée.
Donc, je cède la parole à la députée de Saint-François.
Mme
Hébert
:
Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Dr Boisvert.
J'ai une préoccupation par rapport à des
auditions qu'on a faites au printemps avec des spécialistes. On en a eu qui
étaient de l'Angleterre, de la Belgique, et on nous a mentionné et on nous a
souligné que, depuis nombreuses années qu'eux pratiquent, dans divers pays en
Europe... on va appeler ça l'euthanasie parce que c'est le terme qu'ils
utilisent dans leurs pays, qu'ils ont des niveaux de pourcentage par rapport à
la population qui fait la demande pour cette euthanasie-là. Nous, ici, au
Québec, en temps de… je crois que ça fait sept, huit années qu'on le pratique,
on a atteint les mêmes niveaux, puis, eux, ça fait plus de 20 ans,
30 ans.
Alors, savez-vous pourquoi ici, au Québec,
les gens ont recours plus rapidement, ou ont plus accès, ou pourquoi nos taux à
nous ont atteint ce même taux au niveau… dans la population que ceux que c'est
des pays que ça fait 20 ans et 30 ans? Est-ce qu'il y a… Est-ce que
vous êtes capable d'expliquer ça? Puis je profite de votre expérience,
justement, parce que vous êtes… vous avez travaillé de nombreuses années
là-dedans.
• (11 h 50) •
M. Boisvert (Laurent) :
Bien, la seule chose que je peux voir, c'est qu'évidemment, quand… si on
retourne 20 ans en arrière puis on… mettons qu'on retourne 20 ans en
arrière au Québec puis que l'aide médicale à mourir est disponible, je ne suis
pas certain qu'on aurait une foule de demandes à ce moment-là. Et donc la
progression s'est faite de façon très progressive dans ces pays-là pour
atteindre des niveaux qui, au Québec, si on atteint à peu près le même niveau...
puis ça, je ne pourrais pas vous le dire, mais, si on atteint le même niveau, c'est
que c'est tout simplement que la population est plus ouverte à cette option-là,
cette option de fin de vie là qu'elle ne l'aurait été il y a 20 ans. Donc,
moi, ça ne me surprend pas — la loi est en vigueur depuis un peu plus
que cinq ans — qu'il y ait eu une progression continue et qui
augmente toujours. Et puis ça sera… ça va être comme ça, ça va continuer à
augmenter, c'est sûr.
Et il y a… Je parlais du tsunami de
demandes pour les questions de demandes anticipées, mais, pour avoir... Les
familles des gens qui... la famille des malades reviennent souvent sur
l'exemple de la démence, pour avoir accompagné des gens, des parents, souvent, qui
sont décédés dans des conditions <pitoyables…
M. Boisvert (Laurent) :
...je parlais du tsunami de demandes pour les questions de demandes anticipées,
mais, pour avoir... Les familles des gens qui... la famille des malades
reviennent souvent sur l'exemple de la démence, pour avoir accompagné des gens,
des parents, souvent, qui sont décédés dans des conditions >pitoyables,
de dire : Aïe! Il faut qu'on puisse avoir accès aux directives médicales
anticipées, ce n'est pas vrai qu'il faut continuer à laisser les gens vivre une
déchéance de ce type-là.
Donc, moi, c'est la seule explication que
je vois, c'est l'ouverture des gens. Puis les gens se rendent compte qu'il y a
moyen de finir sa vie de façon digne et quand on décide de le faire.
Mme
Hébert
:
Alors, ce que j'entends, c'est que c'est par rapport à notre expérience de vie.
Il y a beaucoup de familles, par rapport à l'expérience, qui ont accompagné quelqu'un,
qui sont plus propices à faire des demandes d'aide médicale à mourir ou de
vouloir cette aide anticipée là parce qu'ils ont eu une expérience négative
face à la maladie.
M. Boisvert (Laurent) : Tout
à fait.
Mme
Hébert
:
Parfait. Alors, dans cette optique-là, quand on parle de maladie mentale, on
voit que... vous l'avez dit, dans votre patiente qui est... elle avait
55 ans, si je me souviens bien?
M. Boisvert (Laurent) :
Oui, 55 ans.
Mme
Hébert
:
Voilà. Alors, cette dame-là, vous avez dit que, pendant plus de 20 ans,
elle a vécu avec une santé mentale qui était avec des épisodes... qu'il y a eu
certains épisodes de joie ou d'apaisement dans sa souffrance, mais que, là,
après 18 mois de souffrance, là elle ne voyait plus d'autre avenue, qu'il
y a eu différents traitements. Avez-vous des balises concrètes, là, pour
bien... Parce qu'on sent qu'au sein des psychiatres ce n'est pas... Ce n'est ni
noir ni blanc, là, c'est... il y a... puis la zone grise est... Bien, c'est
plutôt : c'est blanc ou c'est noir, il n'y a pas de zone grise. Alors, est-ce
que vous avez des balises concrètes que... pour... qui pourraient aiguiller,
là, si jamais il y avait un élargissement pour ces personnes-là?
M. Boisvert (Laurent) :
Bien, les balises restent les mêmes que pour la maladie physique, c'est-à-dire
qu'on fait face à une maladie grave et irréversible. Et, dans le cas de la
maladie mentale, on va parler de maladie réfractaire à toute forme de
traitement. Comme pour ma malade, quand elle demandait... après l'ensemble des
traitements qu'elle a eus, elle demandait à son équipe de psychiatrie :
Bien, qu'est-ce que vous avez à m'offrir? La réponse qu'elle recevait, c'est :
Vous savez, madame, la maladie peut rentrer dans l'ordre spontanément. Ça fait
18 mois qu'il n'y a rien qui fonctionne, ça fait neuf mois qu'elle est hospitalisée,
elle s'en va en ressource institutionnelle, et la réponse thérapeutique qu'on
lui offre, c'est : Vous savez, madame, votre maladie peut rentrer dans l'ordre
spontanément. Ça, c'est la même chose que si vous avez un cancer du pancréas et
que je vous donne la même réponse : J'ai tout essayé, je ne suis pas
capable de traiter votre maladie, mais, vous savez, parfois, des miracles, ça
arrive. Alors, c'est de la foutaise, ça.
Donc, je veux dire, je n'ai pas de balises
précises, mais quelqu'un qui est atteint d'une maladie mentale réfractaire qui
ne répond plus aux traitements, bien, c'est comme un cancer que je ne suis plus
capable de traiter.
Mme
Hébert
:
Alors, est-ce que, dans ce cas-là, il n'y aurait pas eu moyen de peut-être
offrir d'autres <soins...
M. Boisvert (Laurent) :
…donc,
je veux dire, je n'ai pas de balise précise, mais quelqu'un qui
est atteint d'une maladie mentale réfractaire qui ne répond plus aux
traitements, bien, c'est comme un cancer que je ne suis plus capable de traiter.
Mme
Hébert
:
Alors, est-ce que, dans ce cas-là, il n'y aurait pas eu moyen de peut-être
offrir d'autres >soins, de regarder d'autres avenues avec peut-être
d'autres psychiatres, si c'est… si eux ne répondent pas? Parce que, selon plusieurs
psychiatres, il n'y en a pas, de situations qui sont incurables, irréversibles,
puis il y a toujours une évolution, dans la santé mentale, avec les soins. Je
prends les paroles, là, je ne suis pas médecin, mais c'est ce qu'on a entendu
par d'autres intervenants. Donc, est-ce qu'on n'a pas tué l'espoir avec ce
diagnostic-là?
M. Boisvert (Laurent) :
Je pense qu'en maladie mentale comme en maladie physique, il arrive un temps où
il y a des maladies qui ne répondent plus à aucune sorte de traitement. Et il y
a des psychiatres qui vous disent que ce n'est pas vrai, mais l'association des
psychiatres vous dit que, oui, c'est vrai. Donc, à un moment donné, il reste tout
simplement à fixer la décision.
Mme
Hébert
:
Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Boisvert.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Mme la députée.
Donc, je cède la parole au député de Mégantic.
M. Jacques : Merci, Mme
la Présidente. Bonjour, Dr Boisvert.
M. Boisvert (Laurent) :
Bonjour.
M. Jacques : Je voulais
revenir sur la demande médicale anticipée, entre autres sur votre dame de 85
ans, mais aussi sur… ça pourrait être des membres de la famille qui ont vu
souffrir leur mère ou leur père et qui, au cas où ça arriverait dans leur vie,
voudraient faire une demande anticipée avant même de recevoir la maladie ou,
aussi, si jamais une personne avait un ACV... un AVC massif et qu'elle serait
rendue inapte suite à ces problèmes de santé, ou autre chose, là. Vous vous
positionnez de quelle façon dans ces cas-là? Est-ce qu'une demande médicale
anticipée par papier avant la maladie... est-ce que vous seriez pour ça? Et pourquoi?
M. Boisvert (Laurent) :
Pour ma part, il y a un point qui est tout à fait incontournable, c'est qu'on
ne peut pas faire une demande d'aide médicale à mourir si on n'est pas atteint
d'une maladie grave et irréversible ou réfractaire, de un. Et, de deux, au
moment de faire la demande, le malade doit être apte, et ça doit être cette
personne-là qui fait la demande de façon absolue. Alors, dans un cas où vous
voudriez faire une demande d'aide médicale à mourir en anticipant une maladie
dégénérative, moi, je… ça ne se fait pas, de un. Puis, de deux, si malheureusement
vous êtes rendu inapte par un accident aigu, aussi malheureux que cela
puisse-t-il être, moi, après ça, je vais essayer de vous assurer le confort
nécessaire et puis je <vais…
M. Boisvert (Laurent) :
...dégénérative, moi, je… ça ne se fait pas, de un. Puis, de deux, si
malheureusement
vous êtes rendu inapte par un accident aigu, aussi malheureux que cela
puisse-t-il être, moi, après ça, je vais essayer de vous assurer le confort
nécessaire et puis je >vais travailler avec vos proches. Maintenant que
vous êtes inapte et que vous n'êtes plus en mesure de prendre des décisions,
bien, on peut tout à fait s'entendre pour dire que, si jamais il arrive un
épisode aigu quelconque, on vous soulage, point à la ligne, puis on n'essaie
pas de vous faire vivre plus longtemps.
M. Jacques : Donc, on
fait une euthanasie, là, passive, là, avec la médication en place, là, puis...
M. Boisvert (Laurent) :
Bien, je n'appellerais pas ça comme ça. Je dirais tout simplement que j'assure
votre confort pour vous permettre de terminer votre vie de la façon la plus
acceptable possible, et surtout de ne pas l'étirer si tout le monde qui sont
autour disent : Écoute, il n'aurait jamais voulu continuer à vivre de
cette façon-là.
M. Jacques : Parfait.
Donc, de dire à nos proches ce qu'on pense, c'est important.
M. Boisvert (Laurent) :
C'est fondamental.
M. Jacques : Exactement.
Bien, merci, Dr Boisvert.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, M. le député.
Avant de passer la parole au député de
D'Arcy-McGee, j'aurais besoin du consentement de tous parce qu'on va dépasser
un peu notre temps. Donc, est-ce qu'il y a consentement? D'accord.
Donc, nous pouvons maintenant continuer
avec le député de D'Arcy-McGee.
• (12 heures) •
M. Birnbaum : Merci, Mme
la Présidente. Et merci, Dr Boisvert. Vos témoignages ajoutent beaucoup à nos
réflexions. Et votre franchise, et votre expérience, et compassion nous aident
à réfléchir sur les questions fondamentales devant nous.
Écoutez, je vais poursuivre un petit peu
sur votre troisième exemple, assez déchirant, et la question tellement
difficile de l'accès à l'aide médicale à mourir pour les gens atteints des
troubles de santé mentale. C'est... Je crois que ça devient évident qu'il
faudrait... dans le cas que vous avez décrit, il aurait fallu une solution
beaucoup plus humaine que la fin qu'elle aurait dû vivre.
En même temps, et vous en avez parlé, mais
je veux poursuivre, en même temps, nous sommes devant un phénomène tellement
inexact, et je veux que vous nous aidiez à comprendre comment on peut assurer
le respect de l'autonomie, des voeux d'un individu apte, dans ce cas-là, et la
protection du bien-être de cette même personne. Comment est-ce qu'on peut
s'assurer que quelqu'un, devant une souffrance terrible qui est présente, là,
lorsqu'on est atteint de la dépression majeure et clinique... et ça peut
perdurer, oui, même pour 18 mois, et ça peut être étanche <aux
traitements. En même temps...
>
12 h (version révisée)
<15371
M. Birnbaum :
...s'assurer que
quelqu'un, devant une souffrance terrible, qui est
présente, là,
lorsqu'on est atteint de la dépression majeure et
clinique. Et ça peut perdurer, oui, même pour 18 mois. Et ça peut être
étanche >aux traitements. En même temps, je suis sûr, dans votre
pratique, vous... comme dans mon expérience, on connaît du monde qui auraient vécu
de tels épisodes durant une longue période de temps, et peut-être plusieurs
épisodes dans leur vie, qui auraient eu avant et qui auraient après la capacité
de se réjouir, d'être là pour leurs enfants, leurs petits-enfants, leurs
parents. Comment est-ce qu'on assure qu'il n'y ait pas de dérive en ce qui a
trait à notre responsabilité de ne pas discriminer devant les gens atteints de problèmes
de santé mentale graves, qui ont besoin, on en convient, d'avoir l'accès à
cette procédure-là? Mais comment on protège aussi leur droit de vivre et de
récupérer?
M. Boisvert (Laurent) : C'est
effectivement une question grave et fondamentale qui se résume à une chose :
il faut s'assurer que, quelqu'un qui présente un épisode, même qui peut être
prolongé, effectivement, de maladie mentale, d'avoir tout essayé pour pouvoir
continuer, s'en sortir, d'une part, de reprendre le goût à la vie et de pouvoir
continuer à vivre. C'est sûr, on s'entend.
Maintenant, il y a des... Je pense que le
mécanisme, c'est qu'il faudra, face à une demande d'aide médicale à mourir dans
un tel contexte, s'assurer que le tour de la question a été fait avec les gens
qui ont l'expertise nécessaire pour arriver à une décision, de dire : Écoutez,
je pense que, comme dans le cas de ma madame, tout a été essayé, on n'obtient
pas de résultat. Elle ne reprend pas le goût à la vie, et au contraire elle
voit très bien qu'elle est devant un... le dernier épisode de sa maladie, qui
l'amène dans une issue... en fait, qui l'amène là où il n'y a pas d'issue. Et
là ce qui reste, c'est des mesures... dans son cas à elle, des mesures de
survie en ressources institutionnelles et probablement de... et peut-être... et
peut-être de devenir une des nombreuses itinérantes du centre-ville de la ville
de Montréal. Alors, devant une telle situation, la malade a pris la... a fait
le choix d'être soulagée par l'aide médicale à mourir. Il ne faut pas
s'imaginer que, des cas comme ça, il va y en avoir des foules, là. Je pense que
l'association des psychiatres y a fait allusion. Ces cas-là existent, ce n'est
pas la majorité des cas. Et je pense qu'on a l'expérience et l'expertise
nécessaires pour pouvoir arriver à une décision qui pourra prendre un certain
temps, avec les <équipes...
M. Boisvert (Laurent) :
...
que des cas comme ça il va y en avoir des foules, là. Je pense que
l'association des psychiatres y a fait allusion. Ces cas-là existent. Ce n'est
pas la majorité des cas. Et je pense qu'on a l'expérience et l'expertise
nécessaires pour pouvoir arriver à une décision qu'il pourra prendre un certain
temps, avec les >équipes nécessaires, pour savoir si on s'en va dans une
direction ou dans une autre.
M. Birnbaum : Et vous
êtes satisfait, en quelque part, que les balises, bon, actuelles, en tout ce
qui a trait à l'article 26, et tout ça... que les balises sont assez
étoffées, actuelles, pour donner les protections nécessaires?
M. Boisvert (Laurent) :
Je pense qu'on pourrait peut-être éventuellement, et... mais je ne suis même
pas sûr, parce qu'écoutez on me confronte à nouveau à une demande d'aide
médicale à mourir pour quelqu'un qui est atteint de maladie mentale. Moi, je n'ai
pas besoin de plus de balises que celles qui existent pour prendre la décision,
mais peut-être que je vais faire intervenir, comme dans le cas de la malade...
il est fort probable que je vais faire intervenir plusieurs intervenants avant
de prendre une décision.
Et ça m'est arrivé, en passant, de le
faire dans des cas de maladies physiques relativement atypiques, et je vous
dirais même, à la limite, plus ou moins reconnues par la profession médicale.
Je n'ai pas arrêté ma décision après avoir rencontré le malade, puis dire :
Oui, c'est bon, go, on y va. J'ai parlé à plein de monde, j'ai vu des... j'ai
relu des dossiers médicaux et j'ai même demandé à ce que les malades soient
rencontrés par d'autres médecins. Et je pense que ça va être le propre des
demandes dans le domaine de la maladie mentale. Ça va être des demandes qui
vont faire intervenir plusieurs expertises avant de prendre une décision
finale.
M. Birnbaum : Merci
beaucoup. Ma collègue de Westmount—Saint-Louis, Mme la Présidente, aurait d'autres
questions. Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Mme la députée.
Mme Maccarone : Oui, merci
beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, Dr Boisvert. J'aimerais creuser un
petit peu plus en ce qui concerne ce que vous avez... vous disiez au début :
On ne veut pas de mécanismes lourds. Alors, je continue, dans le fond, le même
questionnement que mon collègue de D'Arcy-McGee.
Encadrer comment, d'abord, qu'est-ce que
vous prévoyez? Parce que, là, vous parlez de faire des consultations. Alors,
est-ce qu'on devrait prévoir un comité d'experts? Combien de personnes? Combien
de proches aidants? Est-ce que les proches aidants, ils en feront partie?
Est-ce qu'il y a des disciplines spécifiées? Quoi faire avec, mettons, le Curateur
public? Est-ce que c'est une personne qui devrait y assister? Alors, à l'intérieur
de ça, ça a l'air de quoi, comme encadrement, comme recommandations pour
accompagner la personne qui fait la demande?
Et deuxième question... bien, je vous
laisse répondre à celle-ci, puis j'aurai une deuxième question s'il reste... si
on a du temps.
M. Boisvert (Laurent) :
Pour ma part, je pense que les demandes d'aide médicale à mourir en maladie
mentale vont <presque...
Mme Maccarone : ...accompagner
la personne qui fait la demande?
Et deuxième question... bien, je vous
laisse répondre à celle-ci, puis j'aurai une deuxième question s'il reste... si
on a du temps.
M. Boisvert (Laurent) :
Pour ma part, je pense que les demandes d'aide médicale à mourir en maladie
mentale vont >presque essentiellement provenir d'équipes en psychiatrie,
équipes multidisciplinaires ou des équipes, donc, bref, traitantes en
psychiatrie qui sont confrontées à des maladies très importantes et, encore une
fois, réfractaires à toute forme de traitement. Je pense que c'est de là que
vont venir les demandes, et moi, en ce sens-là, en ce sens-là, je pense que ce
ne sera pas vraiment très compliqué.
Donc, il risque d'y avoir quelques
demandes, effectivement, faites par des malades de façon spontanée, comme le...
bien, spontanée... comme la malade que je vous ai présentée, qui n'est pas
parvenue de l'équipe de psychiatrie, et qui a nécessité, donc, l'évaluation.
Bon, pour ma part, il y aura toujours des équipes de psychiatrie, il y aura
toujours... non, il y aura toujours des psychiatres impliqués, un ou des, et il
risque d'y avoir aussi des équipes de psychiatrie qui vont être impliquées
dans... au départ, par rapport à des demandes. En tout cas, je vois mal un
malade mental demander l'aide médicale à mourir s'il ne fait pas déjà l'objet
d'évaluations, un suivi en psychiatrie. Donc, on a déjà, là, des équipes
spécialisées qui sont en place. Et, si ce n'est pas le cas, parce que ça peut
arriver, si ce n'est pas le cas, il faut... puis ça, ça peut être,
effectivement, une balise... il faut qu'il y ait... il faut que la psychiatrie
et les équipes psychiatriques soient impliquées dans une telle décision, à un
moment donné ou à un autre, dans le décours de l'évaluation de la demande. Ça,
ça m'apparaît tout à fait clair. Ça, c'est un minimum.
Maintenant, est-ce qu'on a besoin de
comités, puis tout ça? Je ne pense pas. Mais on aura besoin des expertises
nécessaires pour arriver à une décision tout à fait éclairée et solide. Puis je
ne vois pas, de toute façon, de médecins, autant des psychiatres que des
médecins comme moi qui font de l'euthanasie, prendre une décision à la légère.
Mme Maccarone : Vous avez
évoqué, au début, aussi que vous avez accompagné un de vos patients à consulter
légalement c'est quoi, ses droits. Alors, est-ce que nous devons prendre aussi
en considération aussi un accompagnement légal, notaire en ce qui concerne la
demande?
Et, deuxième question pour vous en ce qui
concerne aussi le processus, devons-nous considérer aussi, en vue de positif ou
négatif, une demande faite par autrui?
M. Boisvert (Laurent) :
Bien, je vais prendre la dernière partie. Vous dites : Est-ce qu'on peut
considérer que quelqu'un d'autre que le malade puisse faire une demande? C'est
ça que...
Mme Maccarone : Exactement.
M. Boisvert (Laurent) :
Non, non, d'aucune façon. La demande doit toujours provenir de l'individu. Ça
ne peut pas être autrement, un.
Deux, dans le cas présent, il y a eu
consultation légale parce que l'aide médicale à mourir n'était pas <admissible,
parce que...
M. Boisvert (Laurent) :
...
non, d'aucune façon. La demande doit toujours provenir de l'individu.
Ça ne peut pas être autrement, un.
Deux, dans le cas présent, il y a eu
consultation légale parce que l'aide médicale à mourir n'était pas >admissible,
parce que, si ça l'avait été, on aurait... ça se serait arrêté là. Elle aurait
eu son aide médicale à mourir au moment où elle l'aurait voulu, ça n'aurait pas
été plus compliqué que ça. Elle remplissait absolument tous les critères, c'est-à-dire
qu'elle était souffrante, il y avait un déclin, elle avait une maladie grave et
irréversible puis elle était apte. Donc, on remplit les critères de
l'admissibilité.
Il y a eu consultation légale parce que je
faisais face à une malade qui était éminemment souffrante puis qui se
retrouvait... se retrouvait dans un cul-de-sac. Donc, il fallait qu'elle puisse
connaître l'étendue des possibilités, puis, évidemment, dans une de ces possibilités-là,
c'est la possibilité de se laisser mourir, et c'est ce que l'avocat lui a dit.
C'est un avocat spécialisé qui a dit : Écoutez, vous n'avez peut-être pas
droit, vous... vous n'avez définitivement pas droit à l'aide médicale à
mourir — il lui a répété des décisions qu'on lui avait
données — mais vous avez le droit de vous laisser mourir.
• (12 h 10) •
Mme Maccarone : D'accord.
Alors, j'ose croire que, probablement, le rôle du... la CDPDJ serait important
pour vous en ce qui concerne aussi la protection des droits et libertés des
personnes qui feront peut-être une demande à l'aide médicale à mourir.
M. Boisvert (Laurent) :
Ah! je pense qu'effectivement il y a peut-être, effectivement, des cas où,
comme y faisait référence, là, M. Marissal, où il y aura des débats qui ne
seront pas tranchés et qui nécessiteront peut-être, effectivement,
l'intervention du tribunal pour faire valoir les droits de ces personnes-là. Je
pense qu'on va être confrontés, à un moment donné, à, effectivement, une
affaire comme ça. Et heureusement on a de l'expérience là-dedans, et les juges
en ont, puis ils sont tout à fait en mesure de décider si une personne a le
droit de prendre sa décision.
Mme Maccarone : Parfait.
Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Mme la députée. Merci, infiniment, Dr Boisvert, pour la
rencontre de ce matin. C'est très enrichissant pour les membres de la
commission et pour la suite de nos travaux.
Donc, compte tenu de l'heure, la
commission suspend ses travaux jusqu'à 13 h 15 cet après-midi. Donc,
ceci met fin à la rencontre Teams. Merci encore, Dr Boisvert.
(Suspension de la séance à 12 h 11)
13 h (version révisée)
(Reprise à 13 h 17)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Bon après-midi, tout le monde. La commission sur l'évolution de la Loi
concernant les soins de fin de vie reprend ses travaux.
Donc, la commission est réunie
virtuellement cet après-midi afin de poursuivre les consultations particulières
et les auditions publiques sur l'évolution de la Loi concernant les soins de
fin de vie, et nous entendrons la Fédération des mouvements Personne d'abord du
Québec, Dr Pierre Viens, la Fédération québécoise des sociétés d'Alzheimer
et l'Office des personnes handicapées du Québec.
Donc, pour notre première audition <de
cet après-midi, nous accueillons Mme Louise Bourgeois, présidente, et Mme Danielle
Gratton, coordonnatrice, de la Fédération des mouvements Personne…
La Présidente
(Mme Guillemette) :
...québécoise
des sociétés
d'Alzheimer et
l'Office des personnes handicapées du Québec.
Donc, pour notre première audition >de
cet après-midi, nous accueillons Mme Louise Bourgeois, présidente, et Mme Danielle
Gratton, coordonnatrice de la Fédération des mouvements Personne d'abord du
Québec. Bienvenue, mesdames. Merci d'être avec nous cet après-midi. Donc, vous
disposez de 10 minutes pour nous présenter votre exposé, et il y aura par
la suite un échange avec les membres de la commission d'une période de
35 minutes. Donc, je vous cède dès maintenant la parole.
Fédération des mouvements Personne d'abord du
Québec (FMPDAQ)
Mme Bourgeois (Louise) :
Merci. Bonjour, membres de la commission. Je me présente, Louise Bourgeois,
présidente de la Fédération des mouvements Personne d'abord du Québec. Je suis
accompagnée de Mme Danielle Gratton, notre coordonnatrice.
La Fédération des mouvements Personne d'abord
du Québec est un organisme de défense collective des droits par et pour les
personnes vivant avec une déficience intellectuelle. Plus de 750 personnes
vivant avec une déficience intellectuelle légère à moyenne sont membres des
mouvements et de notre fédération. Tous les jours, elles s'impliquent pour
défendre leurs intérêts et travaillent à faire reconnaître leur droit à
l'autodétermination. Elles informent, échangent leurs points de vue, prennent
la parole, siègent à des conseils d'administration et prennent des décisions
pour la gestion de leur organisme.
Nos membres suivent les dossiers de l'aide
médicale à mourir depuis longtemps. En août 2010, accompagnée de mon
vice-président... Juste un instant... En août 2010, accompagnée de mon vice-président,
j'ai moi-même présenté notre premier mémoire devant la Commission de la santé
et des services sociaux. En octobre 2013, nous avons un deuxième
mémoire... nous avons fait un deuxième mémoire, qui avait pour titre Dans le
respect des droits, de l'égalité, du libre choix jusqu'à la fin. L'aide
médicale à mourir est un choix personnel, et cela doit rester ainsi. Personne d'autre
que moi-même, que moi, et sous aucun prétexte, ne peut prendre cette décision à
ma place. Il est <essentiel...
Mme Bourgeois (Louise) :
...
est un choix personnel, et cela doit rester ainsi. Personne d'autre
que moi-même, que moi, et sous aucun prétexte, ne peut prendre cette décision à
ma place. Il est >essentiel que l'élargissement de la loi ne permette à
jamais à une autre personne de prendre cette décision pour une personne qui n'est
pas capable de le faire.
Nous demandons aux décideurs de prendre
tout le temps nécessaire pour s'assurer d'un élargissement de la loi sur les
soins de vie qui ne laissera aucune place aux possibilités d'abus et de
dérapage. C'est probablement la décision la plus importante qu'une personne
devra prendre. Alors, par respect... et tous ceux qui pouvaient avoir à prendre
cette décision un jour, assurez-vous que cette loi ne finisse jamais en
histoire d'horreur parce que l'on n'aura pas pris le temps de bien faire les
choses.
Je cède maintenant la parole à la
coordonnatrice de la fédération pour la suite de la présentation.
• (13 h 20) •
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
Mme Gratton (Danielle) :
Merci, Louise. Je veux d'abord vous dire que la période estivale, avec les
vacances, c'était loin d'être idéal pour mener une consultation sur un sujet
aussi important. Nous prévoyons terminer notre consultation dans les prochains
jours, parce qu'il y a juste une partie des membres qui ont pu y répondre avant
le départ pour les vacances d'été, et présenter un mémoire un peu plus
substantiel d'ici le 24 août prochain.
Mais nous aimerions, devant la commission,
vous parler quand même d'un sujet sur lequel nos membres se sont prononcés, c'est,
entre autres, sur le consentement libre et éclairé pour des personnes vivant
avec une déficience intellectuelle. Je n'utilise pas le mot «inapte»
volontairement parce que ce n'est pas toujours évident d'évaluer l'aptitude ou
l'inaptitude.
Les personnes vivant avec une déficience
intellectuelle, comme d'autres groupes de personnes qu'on dit vulnérables, ont
besoin de conditions particulières pour exercer leur droit à
l'autodétermination et au consentement libre et éclairé. La déficience
intellectuelle n'est pas une maladie, mais <un...
Mme Gratton (Danielle) :
...personnes
qu'on dit vulnérables, ont besoin de conditions
particulières pour exercer leur droit à l'autodétermination et au consentement
libre et éclairé. La déficience intellectuelle n'est pas une maladie, mais >un
état. Ce diagnostic ne doit donc pas... ne doit servir qu'à redoubler d'efforts
dans le processus d'assurer une demande d'aide médicale à mourir libre et
éclairée et non à refuser systématiquement une demande d'aide médicale à mourir
pour ces personnes. En présence d'une demande d'une personne qui semble
vulnérable, les médecins ou le personnel qui gravite autour d'elle devraient
prévoir un filet de sécurité supplémentaire qui pourrait ressembler à rencontrer
différentes personnes qui connaissent bien cette personne, avec son
autorisation, évidemment. Ça pourrait être un travailleur social qui la suit
depuis longtemps ou un éducateur spécialisé, parce qu'en général ils sont avec
un intervenant au niveau des CIUSSS ou des CISSS. Le médecin devrait aussi
vérifier que la demande vient de la personne en s'assurant que les mots qu'elle
utilise sont bien les siens et qu'elle ne subit pas de pressions de
l'extérieur. Au besoin, il pourrait demander à un conseiller en éthique
d'intervenir auprès de cette personne durant le processus.
Pour permettre un consentement libre et
éclairé ou une demande d'aide médicale libre et éclairée, il faut réunir
plusieurs conditions, et nos membres croient fermement que c'est possible de le
faire. J'ai reçu quand même quelques commentaires des membres puis je ne vous
les donne pas tous parce qu'il y en avait vraiment beaucoup, on les mettra dans
notre mémoire. Il y avait quelqu'un qui me disait : Il est important d'avoir
des informations claires. Si tu es assez apte pour prendre une décision comme
celle-là, une décision éclairée, ce doit être avec des informations claires et
précises parce que tu ne peux pas revenir en arrière. Il faut se poser des
questions et réfléchir. Les membres nous ont suggéré une boîte à outils avec
plein de trucs à l'intérieur, dont des formulaires en langage simple, avec des
pictogrammes, le besoin... répondre au besoin d'être accompagné par une
personne de confiance qui les connaît bien, d'autres outils et d'autres
conditions que nous développerons davantage dans notre mémoire.
L'aide médicale à mourir ne doit... et ça,
c'est très clair pour tout le monde, et ça l'était depuis <le début,
ne...
Mme Gratton (Danielle) :
…par
une personne de confiance qui les connaît bien, d'autres outils et
d'autres conditions que nous développerons davantage dans notre mémoire.
L'aide médicale à mourir ne doit... et
ça, c'est très clair pour tout le monde, et ça l'était depuis >le début,
ne doit en aucun cas devenir une solution que pourrait envisager une personne
qui souffre à cause d'un manque de services de santé, de soins palliatifs, de
soutien ou d'accompagnement. L'État doit assurer une réponse adéquate aux
besoins des personnes, qu'elles soient aptes, inaptes, qui vivent des
situations de grande souffrance, qu'elles soient physiques ou psychologiques.
Pour ce qui est des personnes touchées par
des problèmes graves de santé mentale et qui vivent de grandes souffrances, nos
membres ne se prononceront pas parce qu'ils jugent qu'ils n'ont pas la
connaissance et l'expertise suffisantes pour le faire.
Donc, je laisse le mot de la fin à ma
présidente.
Mme Bourgeois (Louise) : L'aide
médicale à mourir doit être accessible à tous, à condition que la demande
respecte les conditions déjà prévues dans la loi, mais elle doit aussi
absolument être encadrée pour éviter des dérives malheureuses. Merci à chacun
de vous de nous avoir écoutées.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, mesdames.
Donc, je céderais maintenant la parole à
la députée de Joliette.
• (13 h 30) •
Mme
Hivon
:
Oui. Bonjour à vous deux. Merci beaucoup de votre présentation. En fait, je
voudrais vous amener un peu sur ce qui se passe présentement, actuellement,
parce que la situation des personnes que vous représentez, donc, qui ont une
déficience... et vous faites bien la distinction pour ne pas vous embarquer
dans toute la question de l'aptitude et de l'inaptitude pour définir les
personnes que vous représentez. Mais, dans les faits, cette question-là, elle
est centrale quand vient le moment d'évaluer une demande d'aide médicale à
mourir.
Et donc, dans l'état actuel des choses,
comme vous vous rappellerez probablement quand on avait échangé avec votre
mouvement lors de l'adoption de la loi et de la commission, aussi, Mourir dans
la dignité, dans le fond, chaque évaluation doit se faire selon les
circonstances, les capacités et l'aptitude de la personne qui ferait une
demande d'aide médicale à mourir, c'est le cas présentement, parce que ce n'est
pas parce qu'on a une déficience, évidemment, qu'on est inaptes, même si notre
aptitude peut fluctuer.
Donc, ce que je veux savoir, c'est que...
depuis l'adoption de la loi, est-ce que vous avez des exemples de personnes qui
ont reçu <l'aide médicale à mourir, donc, des gens…
>
13 h 30 (version révisée)
<27
Mme
Hivon
:
...
présentement
parce que ce n'est pas
parce qu'on a une
déficience,
évidemment, qu'on est inapte, même si notre aptitude peut
fluctuer.
Donc, ce que je veux savoir, c'est que...
depuis
l'adoption de la loi,
est-ce que vous avez des exemples de
personnes qui ont reçu >l'aide médicale à mourir, donc, des gens dans
vos rangs, que vous connaissez, des membres de familles, aussi, que vous représentez,
et comment ça s'est passé?
Mme Gratton (Danielle) :
Moi, on a fait pas mal le tour. On avait ça dans notre questionnaire qu'on a
envoyé à tous nos organismes : Est-ce que vous connaissez quelqu'un qui a
vécu cette situation-là? De ma connaissance et de la connaissance des personnes-ressources
qui travaillent avec nos membres, personne dans nos membres n'ont fait de
demande ou n'ont eu une demande.
Par contre, en feuilletant les retours,
puis c'est pour ça qu'on va continuer notre mémoire après, parce que je n'ai
pas reçu les réponses de tout le monde encore, mais, dans les réponses que j'ai
déjà reçues, il y avait des cas où c'est un parent, une tante ou un parent
proche qui a vécu cette situation-là, et le commentaire était : Oui, ma
tante... c'est arrivé à ma tante, elle était... elle avait... Je ne me rappelle
plus de l'exemple. Entre autres, là, je pense qu'on parlait de cancer très
avancé, là, et ça s'est bien passé. Mais on n'en a pas eu des tonnes, là. Je
pense qu'il y avait... Sur cinq groupes, j'avais deux ou trois personnes qui
connaissaient quelqu'un de loin à qui ça s'était... c'était arrivé.
Mme
Hivon
:
O.K., mais directement des personnes que vous représentez et que...
Mme Gratton (Danielle) :
Non.
Mme
Hivon
:
Puis, par exemple, qui auraient eu un cancer ou une maladie grave...
Mme Gratton (Danielle) :
Non, ce n'est pas arrivé.
Mme
Hivon
:
Bon. O.K.
Mme Gratton (Danielle) :
Bien, pas dans nos rangs. Ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas une personne qui a
une DI dans la province à qui ce n'est pas arrivé.
Mme
Hivon
:
C'est ça. Parfait. Parce que c'est possible, en ce moment, avec l'encadrement
actuel...
Mme Gratton (Danielle) :
Oui, oui, absolument.
Mme
Hivon
:
...puis c'est à ça que je veux vous amener, parce que vous insistez, je pense, beaucoup,
et avec raison, sur l'importance, donc, de ne pas vivre de pression indue, d'être
certaine que tout ça vienne de la personne, de ses mots à elle, qu'il n'y a pas
d'influence extérieure, qu'un accompagnement peut être vraiment adéquat. Puis,
dans l'article 29 de la loi, là, je ne vous tiendrai pas rigueur si vous n'avez
pas ça sous les yeux, mais il y a toute la liste des éléments qu'on doit
appliquer avant de s'assurer que la personne peut recevoir l'aide médicale à
mourir.
Donc, on doit s'assurer du caractère libre
et éclairé de sa demande en s'assurant qu'elle ne résulta pas de pressions
extérieures. On doit s'assurer du caractère éclairé en l'informant du pronostic
<de sa maladie, des possibilités thérapeutiques, des conséquences.
On peut aussi, évidemment, offrir à la...
Mme
Hivon
:
...on doit s'assurer du caractère libre et éclairé de sa demande en s'assurant
qu'elle ne résulta pas de pressions extérieures. On doit s'assurer du caractère
éclairé en l'informant du pronostic >de sa maladie, des possibilités
thérapeutiques, des conséquences. On peut aussi, évidemment, offrir à la
personne qu'elle s'entretienne avec ses proches, si elle le souhaite — elle
n'est pas obligée, mais si elle le souhaite — ou avec tout professionnel
ou personne significative pour elle.
Donc, je voulais savoir si, pour vous, ça,
a priori, c'est suffisant ou si vous dites : Bien, dans le fond, après
tant d'années de la loi, on se dit qu'il y a peut-être des risques plus importants,
puis c'est pour ça que je vous posais la question sur la pratique. Quand vous
nous ramenez ces informations-là, aujourd'hui, puis ces préoccupations-là, en
quoi, dans la loi actuelle, vous jugez que ça ne va peut-être pas assez loin
pour s'assurer de ça? Parce qu'à l'époque, on pensait, justement, qu'on
encadrait bien ça.
Mme Gratton (Danielle) :
Ce n'est pas dans le sujet de l'encadrement que ça se passe, c'est dans la
manière, puis on le sait... ou on l'a vécu avec le curateur. Le curateur, avec
le changement de loi, doit maintenant tenir compte des intérêts et des
préférences de la personne. Il y a un très grand mouvement vers
l'autodétermination. Et on s'est rendu compte, avec lui, que, oui, les intentions
étaient bien écrites, mais qu'il n'y avait pas les outils pour permettre à une
personne de s'exprimer clairement, et c'est là que ça se passe. C'est-à-dire
que j'ai une personne devant moi qui a une déficience intellectuelle, qui peut
avoir de la difficulté à émettre une opinion, mais il existe des moyens pour
qu'elle comprenne.
Nous, on le vit tous les jours, ça. On
utilise... On parle de projets de loi avec nos 750 membres. La majorité de la
population ne sait pas c'est quoi, la loi n° 52; Louise, elle le sait. Le
projet de loi C-7, Louise, elle le sait, c'est quoi, parce qu'on a pris le
temps de la vulgariser, de la mettre en langage simple, d'ajouter des
pictogrammes, de mettre tout ce qui était nécessaire pour eux pour comprendre
des sujets complexes. Et c'est là qu'on veut insister. Oui, c'est écrit :
«Vous devez vous assurer que vous avez lu toutes...» Moi, je l'avais lu aussi,
puis c'est parfait.
Mme
Hivon
:
C'est dans l'application...
Mme Gratton (Danielle) : C'est
parfait, mais c'est dans l'application que ça ne se passe pas comme ça, puis on
le sait. On le sait parce qu'on le vit, que ce soit dans un CIUSSS, quand on
arrive pour... que ce soit dans une visite médicale, où le médecin,
quelquefois, s'adresse toujours à l'accompagnateur et non à la personne, tu
sais, qu'il n'utilise pas des moyens et des outils adéquats pour que la
personne puisse elle-même exprimer, comme dit le curateur, ses intérêts et ses
préférences. Présentement, le curateur est en train de regarder, justement,
quel genre d'outils il va pouvoir fournir à ses équipes pour permettre à la
personne de prendre la parole puis de vraiment exercer son droit de dire oui,
de dire non, de dire pourquoi. Puis ça se fait, et c'est là-dessus qu'on va
insister, de notre côté, parce qu'on aurait peut-être tendance — puis
Dieu sait que Louise pourrait témoigner de ça — de dire que la
moitié, minimalement, des 750 personnes qui sont membres de nos <organisations...
Mme Gratton (Danielle) :
...
puis ça se fait et c'est là-dessus et c'est
là-dessus qu'on va
insister de notre côté,
parce qu'on aurait
peut-être tendance,
puis Dieu sait que Louise pourrait témoigner de ça, de dire que la moitié,
minimalement, des 750 personnes qui sont membres de nos >organisations
pourraient être considérées comme inaptes, alors que, dans la présentation que
Louise vous a faite, puis ce n'est pas pour rien qu'elle l'a faite, elle vous
dit que ces gens-là prennent la parole, prennent des décisions pour des
organismes. Ce n'est pas rien. Ils sont accompagnés, ils sont soutenus, ils ont
du matériel et des outils pour les aider. Bien, c'est ça qu'on demande. Elles
peuvent consentir, elles peuvent donner leur opinion, puis une opinion peut
être la leur, à condition qu'on mette en place les conditions pour le faire et
non juste d'écrire : Le médecin vérifiera que tatati... Oui, je sais qu'il
va le faire, mais ce n'est pas ça que je veux dire. Comment il va le faire,
c'est beaucoup plus ça, puis je pense que c'est important que le comment soit
mis en place avant et non après l'élargissement de la loi.
C'est pour ça qu'on demandait... Louise,
elle disait : Prenez votre temps, c'est un sujet beaucoup trop... Bien, ce
n'est pas rien, décider de mourir, là, on s'entend, là. Et, nos membres, ce
qu'ils nous disent, c'est : J'espère que le gouvernement va prendre le
temps de bien faire les affaires parce que c'est une grosse décision, ça. Ça va
faire de la peine aux gens autour de moi si je me prononce, parce que je
voudrais cesser de souffrir. Si on ne peut pas me soulager, et que je le
demanderais, je le sais, que je vais faire de la peine autour de moi. Ça fait
que prenez votre temps pour bien faire les choses. Voilà, peut-être que ça <répond...
Mme Gratton (Danielle) :
...
de moi, si je me prononce parce que je voudrais cesser de souffrir,
si on ne peut pas me soulager, et que je le demanderais, je le sais que je vais
faire de la peine autour de moi. Ça fait que prenez votre temps pour bien faire
les choses. Voilà, peut-être que ça >répond.
Mme
Hivon
:
Oui, oui, oui, merci. C'est une très bonne introduction, là.
Je pense que mon temps est clairement
écoulé, ça fait que je vais laisser mes collègues poursuivre.
Mme Gratton (Danielle) :
Ah! excusez, j'aurais peut-être dû...
Mme
Hivon
:
Non, non, merci, vous m'avez aidée, vous m'avez donné plus de temps.
• (13 h 40) •
La Présidente (Mme Guillemette) :
Non, mais c'était très intéressant. Dans ce temps-là, on se partage le temps, c'était
l'entente. Donc, merci beaucoup pour la réponse.
Vous parliez, bon, de s'assurer que les
mots soient bien les siens pour que la personne ait une information claire,
précise, que ce soit vraiment un consentement éclairé, puis là vous avez parlé
d'un conseiller en éthique. Est-ce que vous pouvez m'en dire plus au niveau... Qu'est-ce
que le conseiller en éthique pourrait... Comment il pourrait venir nous aider
dans ce processus-là?
Mme Gratton (Danielle) :
L'éthique, chez nous... tu sais, c'est chaque personne qui est en soutien,
parce que nos décideurs... Louise, c'est mon patron, O.K., c'est la présidente
de mon conseil d'administration, moi, je travaille pour eux, et ils me disent :
Danielle, voici les dossiers sur lesquels on veut que tu travailles, puis je
rends des comptes, je dois rendre des comptes. Mais... puis dans chacune de nos
organisations, on a des gens qui aident.
Ce groupe de personnes là est toujours,
toujours soumis à un code d'éthique, parce que, on ne se le cachera pas... puis
j'ai une de mes personnes-ressources dans un des mes mouvements, là, qui a fait
un beau paragraphe là-dessus, les personnes qui vivent avec une déficience
intellectuelle veulent, et ça fait partie de leur personnalité, d'une certaine
façon... veulent plaire à leur entourage, à leur famille et même à moi, tu
sais, c'est sûr.
Donc, quand je soumets des choses, à
chaque fois je dois faire attention de ne pas mettre de réponse dans leur
bouche, de ne pas influencer leur jugement, de présenter des enjeux différents,
tu sais, de... je dois toujours... Ça fait que, là, je suis dans l'éthique
quand je fais ça. C'est pour ça que je... on se disait : Bien, peut-être
qu'un conseiller à l'éthique, qui sait que cette chose-là, là, ça fait partie
de l'éthique, ce n'est pas... c'est vraiment un comportement <qu'on doit...
Mme Gratton (Danielle) :
...là, je suis dans l'éthique quand je fais ça. C'est pour ça que je... on se
disait : Bien, peut-être qu'un conseiller à l'éthique qui sait que cette
chose-là, là, ça fait partie de l'éthique, ce n'est pas... c'est vraiment un
comportement >qu'on doit avoir, c'est vraiment une façon... Puis, oui,
on l'a développée, cette façon de comprendre que la personne, quand elle me
parle, je l'entends, c'est ses mots à elle, parce que je la connais, mais le
médecin ou l'autre intervenant qui va être... peut-être ne le connaîtrait pas,
mais le conseiller en éthique, lui, il va avoir un jugement ou un regard par
rapport à tout ce qui est influence, et c'est là qu'on pense que ça... ce
pourrait être quelqu'un d'intéressant à avoir dans les équipes, là.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Donc, ce que je comprends, si on y allait vers l'équipe multisoins,
infirmières, psychologues, médecins, travailleurs sociaux, ce serait bien pour
les gens en déficience intellectuelle, d'ajouter un conseiller à l'éthique à
cette équipe-là. Bien, merci.
Mme Gratton (Danielle) :
Oui, parce qu'il y a tout un cadre éthique, oui.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Merci.
Donc, je céderais la parole au député de Mégantic.
M. Jacques : Merci, Mme
la Présidente. Bonjour, Mme Gratton. Bonjour, Mme Bourgeois. Je veux
revenir, là, sur... de prendre le temps. Vous avez dit «de prendre le temps».
Je veux... Vous savez, j'ai compris que, pour les personnes en déficience
intellectuelle ou autres, il fallait qu'il y ait une maladie, là, vraiment... un
cancer, entre autres — on va prendre un cancer. Vous savez que chaque
personne qui reçoit un diagnostic de cancer qui est irréversible, un stade 4,
ces gens-là deviennent très, très, très vulnérables, et, quand on n'est peut-être
pas capable de comprendre l'entièreté des choses qui se passent dans notre
corps ou qui se passent, là, dans notre vie, parce qu'on a un diagnostic, là,
qui va arriver à la fatalité, je crois que, oui, c'est important de prendre le
temps pour prendre les bonnes décisions. Et il ne faut pas... Il ne faut pas
avoir... comment je dirais ça, il faut être capable de prendre les décisions en
sachant qu'on veut... on veut minimiser, peut-être, nos souffrances ou, à un
moment donné, on ne veut pas vivre une certaine partie de cette souffrance-là.
Donc, quand vous dites : On prend le
temps, on prend le temps... Nous, on va prendre le temps, je pense, de bien
faire les choses. On est déjà là depuis quelques mois. On a fait beaucoup de consultations
avec les experts, avec les médecins, avec la population, avec les organismes, puis
je pense que c'est un... c'est bon pour tout le monde, parce qu'on entend plein
de gens qui ont des opinions divergentes et différentes, mais qui ont quelque
chose à dire pour l'entièreté des gens qui viennent nous voir. Donc, dans
prendre le temps, là, vous avez parlé des <conseillers en éthique...
M. Jacques : ...
on
entend plein de gens qui ont des opinions divergentes et différentes, mais qui
ont
quelque chose à dire pour l'entièreté des gens qui viennent nous
voir. Donc, dans prendre le temps, là, vous avez parlé des >conseillers
en éthique. Mis à part ça, quels éléments on a... ces gens-là, ou les personnes
en déficience, ou... des problèmes de santé mentale, ou autres... Quel genre
d'intervenants, mis à part les conseillers en éthique, pourraient les aider à
prendre le temps pour bien comprendre les choses? Vous avez parlé de
pictogrammes, vous avez parlé de la façon de parler aux gens, mais est-ce qu'il
y a d'autres choses, là, qui pourraient être mises de l'avant, là, pour que ça
puisse avancer?
Mme Gratton (Danielle) :
Bien, tout à l'heure, j'ai entendu qu'on parlait d'équipes multidisciplinaires
puis je pense que ça doit être ça dans certaines situations. Je sais que, dans
les groupes qui ont répondu à notre consultation, on parlait aussi de
travailleurs sociaux, parce qu'il y a aussi tout le contexte... puis ça, c'est
une chose dont on ne vous a pas parlé maintenant, mais on vous en parlera dans
le mémoire un peu, il y a tout l'aspect de la vie... des situations
socioéconomiques, qui rendent... qui peuvent amener une personne dans une
situation de vulnérabilité.
Je ne vous cacherai pas que nous, on a,
depuis un bon moment... Les mouvements des personnes d'abord, ce n'est pas
juste ici, au Québec, on a nos partenaires à travers le Canada. Il y en a dans
toutes les provinces canadiennes, dans deux territoires. Il y en a dans 42
pays. On a des discussions avec nos homologues anglophones, et ça se passe un
peu différemment chez eux. Je peux vous dire que, des fois, on a le choc des
cultures. Et ils ont amené souvent des exemples de personnes qui, dans le fond,
même s'ils amènent... Puis, même dans votre document de consultation, à un
moment donné, j'ai lu un exemple... c'est plate, je ne l'ai pas ouvert... j'ai
lu un exemple puis j'ai fait : Bien, voyons donc, c'est impossible, cette
personne-là ne peut pas se prévaloir de l'aide médicale à mourir. On parle
d'une situation socioéconomique difficile, d'un manque de services, etc., et
ça, ça ne peut pas être.
Et c'est dans ce sens-là que
l'intervenant, le travailleur social ou la personne, cette personne-là pourrait
être fort utile pour déceler, justement, si, par hasard, il n'y aurait pas
plutôt des améliorations à faire, non pas juste du côté de la pure santé, là,
tu sais, médicaments, soins palliatifs, etc., là, mais aussi des <facteurs...
Mme Gratton (Danielle) :
...
justement, si, par hasard, il n'y aurait pas plutôt des améliorations
à faire, non pas juste du côté de la pure santé, là, tu sais, médicaments,
soins palliatifs, etc., là, mais aussi des >facteurs socioéconomiques, c'est-à-dire
que ça peut être des facteurs familial... familiaux, excusez-moi... la langue
et... ça pourrait être ça aussi qui met la personne dans une situation de
détresse, donc qui l'amène peut-être à faire une demande, alors qu'on pourrait
régler quelque chose en amont dans une situation qui est beaucoup plus sociale,
je vais dire ça comme ça. Ça fait que, oui, non seulement un conseiller à
l'éthique, mais quelqu'un d'un environnement aussi... travailleur social ou...
qui peut faire une analyse de ce côté-là aussi.
M. Jacques : Analyse
juste de la personne qui va faire la demande ou de la famille aussi, qui
pourrait faire de la pression?
Mme Gratton (Danielle) :
Oui, bien, de la personne d'abord, mais évidemment de l'environnement de cette
personne-là. Puis l'environnement de cette personne-là, bien, oui, ça peut être
la famille, oui, ça peut être un milieu de vie, oui. Tu sais, présentement, il
y a des personnes... puis vous le savez, là, il y a eu quand même des cas, là,
de personnes qui avaient d'autres problématiques qu'on voulait transférer dans
des CHSLD, où ce n'est pas un milieu de vie pour eux... puis qui, finalement, a
mis fin à ses jours. Bon, ça fait que le problème, il n'était pas médical, il
était social, c'est son environnement qui faisait une pression sur cette
personne-là. C'est à considérer grandement.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci beaucoup, M. le député.
M. Jacques : Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, je céderais maintenant la parole à la députée de Mille-Îles.
Mme
Charbonneau
:
Bonjour.
Mme Gratton (Danielle) :
Ah! je ne t'avais pas...
Mme
Charbonneau
:
Ha, ha, ha!
Mme Gratton (Danielle) :
Excusez.
Mme
Charbonneau
:
Mme la Présidente...
• (13 h 50) •
Mme Gratton (Danielle) :
Excusez...
Mme
Charbonneau
:
Je connais, Mme la Présidente, Mme Bourgeois. Bonjour, Louise, ça va bien?
Et je connais Mme Gratton.
Mme Gratton (Danielle) : ...Francine
Charbonneau, Mme la députée Francine Charbonneau... du cadre de...
Mme
Charbonneau
:
Il n'y a pas de souci, Danielle. Je connais l'organisme depuis très, très
longtemps et j'ai toujours admiré la persévérance qu'ils ont eue pour défendre,
mais surtout pour parler pour et avec les gens qui ont une difficulté ou des
défis supplémentaires.
Mme Gratton (Danielle) :
Oui.
Mme
Charbonneau
:
Moi, j'aimerais ça vous entendre, parce qu'avec le député de Mégantic vous l'avez
approché un peu, mais j'aimerais ça vous entendre sur les gens qui habitent
avec vos membres, parce que vous avez des gens qui habitent seuls, vous avez
des gens qui habitent en coop, on va se le dire, mais il y a aussi encore des
gens qui habitent avec la famille. Je peux... je le sais que, des fois, ça peut
être un parent, mais des fois ça peut être aussi un oncle, une tante, ça peut
être quelqu'un qui est proche de la <famille, mais...
Mme
Charbonneau
:
...parce que vous avez des gens qui habitent seuls, vous avez des gens qui
habitent en coop, on va se le dire, mais il y a aussi encore des gens qui
habitent avec la famille. Je peux... je le sais que, des fois, ça peut être un
parent, mais des fois ça peut être aussi un oncle, une tante, ça peut être
quelqu'un qui est proche de la >famille, mais je sais que vous avez des
gens qui ont ce que nous, on appelle, dans notre langage, des proches aidants
dans le quotidien. Quelquefois c'est pour le transport, quelquefois c'est pour
s'assurer que la médication est bien prise, que les soins sont donnés. Mais,
sur vos 750 membres, il reste qu'il y a des gens qui les accompagnent, puis on
se demandait : Quelle est la place de ces gens sur une référence ou sur un
questionnement qui peut se faire sur l'aide médicale à mourir? Vous l'avez
approché un peu en disant : Bien, on pourrait peut-être questionner d'où
vient la question. Est-ce que ça vient de son environnement? Est-ce que ça
vient de sa famille?
Mais en même temps, prenons l'exemple
contraire, prenons des gens qui sont bienveillants, qui sont là pour les
accompagner dans les bonnes raisons puis qui veulent les faire cheminer de la
bonne façon. Quelle serait la place de ces gens qui ne sont pas des
professionnels de la santé reconnus avec un diplôme, mais qui sont des
professionnels de la santé de la personne parce qu'ils vivent avec elle au
quotidien? Alors, je voulais savoir si vous vous êtes penchées un peu sur ces
personnes — quelquefois c'est une, quelquefois c'est
plusieurs — leur place dans l'environnement de la personne qui
demanderait l'aide médicale.
Mme Gratton (Danielle) :
Oui. On a tous les cas d'espèce dans nos membres, là, tu sais, que ce soient
des personnes qui vivent seules, qui vivent en couple, avec tous les deux une
DI, on a des parents, même, on en a qui vivent avec des personnes qui n'ont pas
de DI, qui sont en couple avec des gens qui n'ont pas de DI. Donc, il y a, là
aussi, un aidant, là, quelconque. Il y en a qui sont encore dans leur famille,
bon, si on arrive à la famille, là... Parce qu'il y en a qui habitent en
ressources résidentielles de toutes sortes, là, quatre personnes, six, huit, en
tout cas, bref.
Pour ce qui est de la famille, quelle est
la place? La place est la place que la personne va leur donner. Je suis plate,
comme réponse, là, mais c'est un peu ça. Je suis obligée d'aller... de dire ça
comme ça. Louise a une excellente relation avec ses parents, hein? Tu as une
bonne relation avec ta mère, qui te soutient, mais tu habites seule en appart.
Oui, mais, pour ceux qui habitent avec les parents, bien là, je vais vous dire...
ou les parents, ou la famille, on a de tout : on en a des bienveillants,
on en a qui... La première fois que j'ai assisté à un colloque avec ces
personnes-là, c'était sur le logement, et, une certaine Catherine, qui était
présidente de People First du Canada, qui était membre chez nous, on lui a posé
la question, quel était le plus gros handicap pour partir en appart, et c'était
un colloque de parents d'enfants <ayant une DI. Elle a...
Mme Gratton (Danielle) :
...un colloque avec ces personnes-là, c'était sur le logement, et une certaine
Catherine qui était présidente de People First du
Canada, qui était
membre chez nous, on lui a posé la question, quel était le plus gros handicap
pour partir en appart, et c'était un colloque de parents d'enfants >ayant
une DI, elle a répondu : Les parents. Alors, tous les parents ont cessé de
respirer pendant deux secondes et quart. Et il y a une mère qui a fait... qui a
pris son courage puis qui a dit à Catherine : Tu as raison. Mon fils, ça
fait des années qu'il me demande pour partir en appart, puis moi, je ne veux
pas.
Ça fait que c'est pour ça qu'on disait,
puis on va probablement peut-être... Tu me fais penser qu'on devrait
l'illustrer davantage. On va toujours partir de la personne. Et, si elle, elle
dit : Moi, dans ce processus-là, j'ai besoin d'un accompagnement, et cet accompagnement-là,
et cette personne de confiance là, c'est ma mère, c'est ma soeur, c'est ma
tante puis c'est mon oncle, bien, ça sera ma tante, ma soeur, mon oncle. Jamais
on ne partira à l'inverse parce que...
Mme
Charbonneau
:
Donc, le principe de l'autodétermination, Danielle, c'est là que tu loges puis
que l'ensemble de vos membres se logent, parce que c'est la première... Puis je
voulais... Je voulais vous entendre, mais quelquefois j'aime que tout le monde
entende cette réponse-là parce que ce n'est pas parce que j'ai une déficience
que je ne peux pas prendre de décisions.
Mme Gratton (Danielle) : Exactement.
Puis il y a d'autres organismes en déficience intellectuelle. On s'entend, il y
en a beaucoup. Mais des fois on doit discuter longtemps, même avec nos
partenaires, parce que ce n'est pas toujours facile de réconcilier le point de
vue des personnes qui veulent le bien de cette personne-là et, la personne, ce
qu'elle, elle décide qui est bon pour elle. Ça fait que, donc, oui, c'est...
Mais, nous, c'est toujours la personne en premier et ses choix.
Mme
Charbonneau
:
Je me permets une dernière pour laisser de la place à ma collègue de
Westmount—Saint-Louis, puis Danielle, fais plus court, parce qu'on veut te
poser plein de questions.
Mme Gratton (Danielle) :
Oups! Excuse.
Mme
Charbonneau
:
Moi, je me permets de te le dire parce que je ne suis pas la présidente puis je
te connais personnellement.
Mme Gratton (Danielle) :
Oui, puis tu sais que je parle longtemps.
Mme
Charbonneau
:
Est-ce que, dans votre volonté d'avoir du temps, il y a, là aussi, une volonté
de faire peut-être un processus quelque peu différent pour quelqu'un qui aurait
une déficience ou un défi supplémentaire pour pouvoir prendre des décisions, donc
un projet qui pourrait s'amener en disant... bien, quelqu'un qui est reconnu
avec une difficulté, puis on ne va pas dans la santé mentale, là, je reste avec
votre clientèle, aurait besoin peut-être de plus de temps, une boîte à outils,
ça, je l'ai compris, peut-être un comité qui accompagne, mais est-ce qu'il y a,
là, peut-être une proposition qui pourrait être intéressante pour vous? Puis je
ne t'en reparlerai pas après, donc, j'attends, Mme la Présidente, votre mémoire
avec impatience <à la fin août. Bonne journée...
Mme
Charbonneau
:
...
besoin peut-être de plus de temps, une boîte à outils, ça, je l'ai
compris, peut-être un comité qui accompagne, mais est-ce qu'il y a, là,
peut-être une proposition qui pourrait être intéressante pour vous? Puis je ne
t'en reparlerai pas après, donc, j'attends, Mme la Présidente, votre mémoire
avec impatience >à la fin août. Bonne journée.
Mme Gratton (Danielle) :
Oui, on travaille là-dessus dès demain.
Je ne le sais pas, en fait. J'avoue que,
dans les réponses qu'on a eues, on n'a pas beaucoup abordé ça puis on va devoir
le faire. Ça fait que je n'ose pas me prononcer, compte tenu que je n'ai pas eu
de feed-back de mes membres. Est-ce que, oui, dans cet élargissement de la loi,
les personnes concernées par l'élargissement, entre autres... donc, on parle de
nos clientèles... est-ce qu'elles devraient, oui, avoir un temps plus grand
pour pouvoir mieux prendre le temps de décider et permettre aux équipes de
travailler avec elles? J'aurais tendance à dire oui, mais je vais me garder une
petite gêne, hein, Louise? On va attendre que nos autres membres répondent
d'ici quelques jours à notre consultation.
Mme Bourgeois (Louise) :
...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Mme la députée de Mille-Îles.
Je cède la parole à la députée de Westmount—Saint-Louis.
Mme Maccarone : Merci,
Mme la Présidente. Bonjour, mesdames, Mme Gratton, Mme Bourgeois. Je
vais avoir une question pour vous, parce que nous savons tous que les personnes
qui souffrent d'une déficience intellectuelle, souvent, font face à des
stéréotypes, des préjudices. Alors, face à une demande de l'aide médicale à
mourir, c'est clair, les professionnels ou surtout, peut-être, un médecin
auront... question de comment déterminer si la personne ayant une déficience
intellectuelle a vraiment compris.
Et étant donné que nous n'avons pas des
mesures nécessairement claires, standardisées — on attend tous avec
impatience vos suggestions pour la boîte à outils — que devons-nous
faire comme recommandations en ce qui concerne, peut-être, la formation de nos
médecins ou de nos professionnels pour avoir cette détermination puis
compréhension qui est vraiment claire et bien comprise?
• (14 heures) •
Mme Gratton (Danielle) :
Oh mon Dieu! On m'a dit de faire court, hein? Bien, vous êtes au coeur de tout.
Je pourrais vous entretenir de ça pendant deux heures, tu sais, parce que tout
se passe là. Depuis que je suis à la fédération, puis ça va faire 15, 16 ans,
là, que j'y suis, puis... Vous disiez d'emblée : Ces gens-là vivent des
préjugés. Écoutez, je suis rentrée... Il y a 15 ans, on parlait de
préjugés, puis, quand je parle avec mes membres, on parle encore de préjugés
après 15 ans. Est-ce qu'on a avancé? Oui, mais j'ai encore des situations que
moi, j'ai vécues avec ma présidente, mon V.P., un membre, où la personne me
parle, puis je lui dis : Non, non, c'est parce que <c'est Louise...
>
14 h (version révisée)
< Mme Gratton (Danielle) :
…avec mes membres, on parle encore de préjugés après 15 ans. Est-ce qu'on
a avancé? Oui, mais j'ai encore des situations que moi, j'ai vécues avec ma présidente,
mon V.P., un membre, où la personne me parle, puis je lui dis : Non, non,
c'est parce que >c'est Louise, la présidente, puis elle s'en va, elle ne
veut pas lui parler. Alors… Et j'en ai vu dans le système de santé, dans les
services sociaux, j'en vois encore. Puis, oui, on le fait, présentement, dans…
Je vais vous dire que la… Je vais essayer
de faire ça court, là, pour vous dire la meilleure façon de monter et de
démontrer une boîte à outils ou de faire changer les choses, je dis que la
fédération, ses mouvements mais surtout ses membres contaminent, et c'est ce qu'on
veut. À partir du moment où les gens rencontrent une des 750 personnes,
ils comprennent qu'on est rendus ailleurs, qu'on est rendus ailleurs. Puis ce n'est
pas juste ici, au Québec, c'est un mouvement qui se passe partout, depuis l'adoption
de la convention relative aux personnes handicapées de l'ONU, la ratification
par le Canada, l'inclusion, c'est là qu'on s'en va. On va reconnaître,
finalement, que ces gens-là... Louise est une citoyenne comme moi, au même
titre que moi, avec les mêmes droits que moi. C'est tout. Et qu'est-ce que ça
prend? Ça prend juste des bons outils puis un peu d'équipement, là, puis il y a
des façons. Si nous, on y arrive, là, avec notre gang, à parler du projet de
loi de l'aide médicale à mourir, d'un projet de loi sur la fiscalité, bien, c'est
parce qu'on est capables de parler de beaucoup de choses.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
Mme Gratton (Danielle) : ...vous
êtes plus au courant de l'actualité que la moyenne de la population.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup. Merci, Mme la députée de Westmount—Saint-Louis.
Je céderais maintenant la parole au député
de Rosemont.
M. Marissal : Merci, Mme
la Présidente. Bonjour à Mme Gratton et Mme Bourgeois. C'est
enrichissant de vous entendre. On entend trop peu souvent ce genre de discours.
Puis je vous suggérerais de continuer à nous sensibiliser puis à sensibiliser
la population. On va essayer de faire le meilleur relais possible, de notre
côté, pour le travail qu'on a à faire ici.
J'ai une question un peu technique, là,
puis je veux juste être sûr de comprendre votre point. Vous disiez, tout à l'heure,
que vous ne retenez pas, vous rejetez, dans votre appréciation, la notion
d'aptitude ou <d'inaptitude…
M. Marissal :
...meilleur relais possible de notre côté pour le travail qu'on a à faire ici.
J'ai une question un peu technique, là,
puis je veux juste être sûr de comprendre votre point. Vous disiez, tout à l'heure,
que vous ne retenez pas, vous rejetez, dans votre appréciation, la notion
d'aptitude ou > d'inaptitude. Ce n'est pas sous cette base-là que vous
prenez vos décisions ou votre évaluation. Je comprends le pourquoi du comment. Maintenant,
comment on réconcilie ça avec la loi qui est devant nous ou même, éventuellement,
celle qui sera devant nous, qui s'appuie sur un des piliers d'aptitude et
d'inaptitude? Où est-ce qu'on se rejoint là-dedans, là?
Mme Gratton (Danielle) :
Vous comprendrez que moi, je ne peux pas aller du côté... quand je parle avec
mes membres et même avec d'autres personnes qui ont soit une DI, ou d'autres problématiques,
ou d'autres grands défis, je ne peux pas partir d'emblée avec un jugement par
rapport à l'aptitude ou l'inaptitude, pas plus que j'utilise... et j'essaie le
moins souvent possible, comme beaucoup de gens, d'utiliser le mot «vulnérable»,
et etc.
Et je vais vous donner un exemple. J'ai
une membre qui avait parlé avec le Protecteur du citoyen, à un moment donné, par
rapport à un autre dossier puis qui parlait, justement, d'«apte» et «inapte»,
là, et puis... et c'était Maude Richard, Louise, qui parlait avec le
commissaire — c'est parce que Louise connaît bien Maude, Maude
Richard. Alors, Maude a fait... À un moment donné, le commissaire était là, «apte,
inapte». Là, elle fait : Écoutez-moi bien, moi, quand je fais mes toasts
le matin, là, je suis tout à fait apte, elles ne sont pas plus brûlées que les
vôtres. Mais, oui, quand je fais mon budget, oups! j'ai des défis particuliers.
Oui, à ce moment-là, je suis en situation d'inaptitude. Mais elle dit : Écoutez-moi
bien, là, je ne suis pas inapte de... comment qu'elle lui avait dit ça, je ne
suis pas inapte mur à mur, O.K.? Et voilà pourquoi je n'utilise pas ça.
Est-ce que la mentalité ou les... Est-ce
qu'il y aura... Selon moi, il y aura des changements de paradigme dans le futur
par rapport à cette notion-là. Je le regarde avec le curateur, qui, maintenant,
même avec... Puis Dieu sait que les personnes qui sont sous curatelle publique...
en tutelle — maintenant, il n'y a plus de curatelle — ont
des situations d'inaptitude, et il va devoir, maintenant, tenir compte de leurs
intérêts et de leurs préférences.
Donc, on a fait reculer cette notion-là en
disant : Ce n'est pas parce qu'on est inaptes au point même d'être pris en
charge par la curatelle publique qu'on ne peut pas dire ce qu'on a à dire. Je
sais que ce n'est pas évident de le réconcilier avec la <loi...
Mme Gratton (Danielle) :
...donc,
on a fait reculer cette notion-là en disant : Ce n'est pas
parce qu'on est inaptes au point même d'être pris en charge par la curatelle
publique qu'on ne peut pas dire ce qu'on a à dire. Je sais que ce n'est pas
évident de le réconcilier avec la >loi, là, parce que...
M. Marissal : Non, mais c'est
beaucoup plus simple après vous avoir entendue, en tout cas, Mme Gratton.
Ça vient d'allumer deux, trois lumières entre mes deux oreilles, là, parce que...
Mme Gratton (Danielle) :
Merci, monsieur, mon député.
M. Marissal : Ah! bien,
je vous en prie...
Mme Gratton (Danielle) :
La fédération et moi habitons votre quartier.
M. Marissal : Oui, je
sais, je sais. Je crois qu'on a quelques liens à l'occasion aussi...
Mme Gratton (Danielle) :
C'est ça.
M. Marissal : ...en tout
cas, avec mes attachés davantage que moi. Je suis honoré, d'ailleurs, de vous
représenter et je vais tenter de le faire correctement ici, en prenant notre
temps. Je considère, comme vous, que ça ne s'écrit pas sur le coin d'une table,
une pareille pièce législative.
Mme Gratton (Danielle) :
Non.
M. Marissal : Je vous
remercie, Mme Bourgeois puis Mme Gratton, de vos réponses et de votre
temps.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, M. le député de Rosemont.
Donc, c'est tout le temps que nous avions.
Merci beaucoup à Mme Bourgeois et Mme Gratton pour votre partage et
vos commentaires pertinents pour cet après-midi.
Une voix : Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, nous allons accueillir nos prochains invités. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 14 h 07)
15 h (version révisée)
(Reprise à 15 h 05)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, nous reprenons les travaux de la commission sur l'évolution des soins de
fin de vie, et nous accueillons, pour ce bloc, la Fédération québécoise des
sociétés d'Alzheimer, avec Mme Sylvie Grenier comme directrice générale et
Mme Nouha Ben Gaied, directrice, Recherche et développement, qualité des
services. Bienvenue, mesdames. Merci d'être avec nous cet après-midi. Donc,
vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, et par la suite il y aura
un échange avec les membres de la commission pour une période de
35 minutes. Donc, je vous cède la parole.
Fédération québécoise des sociétés Alzheimer (FQSA)
Mme Grenier (Sylvie) :
Merci beaucoup, Mme la Présidente. Mmes, MM. les députés, merci de nous
avoir conviées à participer aujourd'hui aux travaux de la commission spéciale
sur les soins de fin de vie, et on espère ainsi alimenter vos réflexions sur l'élargissement
de l'aide médicale à mourir.
Mme la Présidente, vous nous avez
présentées, moi et ma collègue. Maintenant, je vous présente un petit peu la
Fédération québécoise des sociétés Alzheimer. Nous sommes un organisme à but
non lucratif, et on est le porte-parole de 20 sociétés Alzheimer, qui,
elles, agissent partout à travers le Québec, et elles offrent des programmes et
des services aux personnes atteintes de troubles neurocognitifs de type de
maladie d'Alzheimer ainsi qu'à leurs proches aidants.
Notre fédération oeuvre depuis maintenant
plus de 35 ans à sensibiliser les différents publics au défi de vivre avec
une maladie <cognitive…
Mme Grenier (Sylvie) :
...
elles, agissent partout à travers le Québec, et elles offrent des
programmes et des services aux personnes atteintes de troubles neurocognitifs
de type de maladie d'Alzheimer ainsi qu'à leurs proches aidants.
Notre fédération oeuvre depuis
maintenant plus de 35 ans à sensibiliser les différents publics au défi de
vivre avec une maladie >cognitive, à la stigmatisation encore très
présente autour de ces maladies et au soutien nécessaire, bien sûr, pour les
personnes impactées. On travaille aussi à la promotion, bien sûr, de la
recherche biomédicale et psychosociale. Notre fédération soutient ainsi les
personnes atteintes et leurs proches aidants en offrant de l'information, des
consultations avec suivi, des groupes de soutien, des répits-stimulation et,
entre autres, aussi de la formation.
Grâce à des partenariats que... et un
travail de collaboration avec les professionnels du réseau de la santé, nos
sociétés sont en mesure d'accompagner, partout à travers le Québec, dès le
diagnostic, les personnes atteintes et leurs proches aidants tout au long du
parcours... de leur parcours à travers cette maladie. Selon... Notre approche,
elle est centrée sur la personne, donc c'est la personne qu'on met au centre de
nos interventions, parce qu'on reconnaît que la personne atteinte demeure une
personne à part entière en dépit de la maladie, et qu'à ce titre elle a droit à
la dignité et au respect de ses valeurs et de ses choix. Donc, c'est tout à
fait dans le ton, si on veut, de l'aide médicale à mourir. Pour nous, c'est
important de toujours se souvenir de ça.
Suite à l'adoption de la loi n° 52, on a suivi de très près l'ensemble de l'évolution
des dossiers. Et en 2016, suite à un fonds qui a été octroyé à la Dre Gina
Bravo de l'Université de Sherbrooke, les sociétés... à travers le programme
canadien de recherche pour les sociétés Alzheimer, la fédération et 12 de nos
sociétés, on a accompagné Dre Bravo et on a participé activement au
recrutement pour des personnes atteintes et des proches aidants dans le but de connaître
leur opinion par rapport à l'élargissement de l'aide médicale à mourir aux
personnes atteintes de troubles neurocognitifs et aussi des critères pour cette
implantation. Les résultats de la première étape de l'étude avaient d'ailleurs
été présentés lors d'une conférence de presse, en 2016 toujours, en compagnie
de la chercheure principale et de Me Pierre Ménard, du cabinet d'avocats
Ménard, Martin. Donc, c'était déjà il y a cinq ans.
Notre position a toujours été claire, au
niveau de la fédération et de nos membres, qu'on estime que les personnes
atteintes d'un trouble neurocognitif disposent des mêmes droits que toutes les
autres... tous les autres Québécois, y compris de se forger leur propre opinion
et de participer aux décisions concernant leur vie et précisément leurs soins
de fin de vie. On les encourage, ces personnes, à planifier leur avenir dès
l'annonce d'un diagnostic, de discuter avec leur médecin des différentes
options thérapeutiques et de prendre activement part à toutes les décisions qui
les concernent tant et aussi longtemps qu'elles le peuvent et qu'elles le
souhaitent.
Nous avons eu aussi <l'occasion
de...
Mme Grenier (Sylvie) :
…
ces personnes, à planifier leur avenir dès l'annonce d'un diagnostic,
de discuter avec leur médecin des différentes options thérapeutiques et de
prendre activement part à toutes les décisions qui les concernent tant et aussi
longtemps qu'elles le peuvent et qu'elles le souhaitent.
Nous avons eu aussi >l'occasion
de participer au Forum national sur l'évolution de la Loi concernant les soins
en fin de vie et de faire valoir les points de vue des personnes atteintes, la
réalité de vivre avec la maladie d'Alzheimer et de mettre en garde contre
certaines dérives qui pourraient avoir lieu de par la grande… je vais finir par
le dire... vulnérabilité de la clientèle qui est visée, et vous le comprendrez.
Il y a certes un large consensus autour de l'élargissement de l'aide médicale à
mourir, mais, pour ce qui est des personnes inaptes, ça devient aussi très complexe,
tant pour la personne que pour les proches aussi. On a nous-mêmes eu l'occasion
de le constater à travers nos réseaux sociaux à plusieurs reprises, des
craintes qui subsistent par rapport au coma, et c'est pour ça qu'il nous
apparaît important de prendre part aujourd'hui, encore une fois, au débat sur
la… et de les représenter à travers la commission.
La Fédération québécoise des sociétés
Alzheimer défend totalement le droit à l'autodétermination des personnes de
même que la nécessité pour ces personnes atteintes de troubles neurocognitifs
majeurs de pouvoir bénéficier des mêmes droits civiques et juridiques que tous
les Canadiens. Cette volonté a clairement été exprimée par les personnes
atteintes elles-mêmes dans le cadre de la Charte canadienne des droits des
personnes atteintes de maladies neurodégénératives.
C'est dans ce contexte que nous
accueillons favorablement l'ouverture du débat de l'aide médicale à mourir aux
personnes inaptes, mais nous prenons… nous pensons que l'aide médicale à mourir
pour les personnes inaptes doit être encadrée et respecter plusieurs balises
claires. Il ne faudrait surtout pas que l'aide médicale à mourir anticipée soit
la réponse facile à notre manquement en tant que société à prendre soin de nos
aînés atteints de troubles neurocognitifs. Il ne faudrait pas que, face à la
détresse de ces personnes proches aidantes et aux prises avec la maladie ou
encore le manque de ressources en maintien à domicile et en l'absence de soins
palliatifs adaptés, une personne décide de manière précoce d'avoir recours à
l'aide médicale à mourir.
C'est l'essence, je vous dirais… je vous
en ai fait une lecture, c'est ma première participation à une commission, donc,
mais… Et, pour nous, les balises doivent être claires. On est prêts à en discuter,
on entend nos gens, on entend nos familles, on sent qu'il y a une volonté à
aller vers ça, mais les étapes restent grandes à discuter avant d'y arriver,
pour nous.
Si vous me permettez, je passerais
maintenant la parole à ma collègue Nouha pour la suite <de la
présentation.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
Mme Ben Gaied (Nouha) :
Merci, Mme Grenier. Merci, Mme la Présidente, MM. les députés…
Mme Grenier (Sylvie) :
...mais les étapes restent grandes à discuter avant d'y arriver, pour nous.
Si vous me permettez, je passerais
maintenant la parole à ma collègue Nouha pour la suite >de la
présentation.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
• (15 h 10) •
Mme Ben Gaied (Nouha) :
Merci, Mme Grenier. Merci, Mme la Présidente, MM. les députés.
Dépendamment du temps qui me serait
accordé, on voudrait également revenir sur plusieurs recommandations qui
avaient été exprimées, justement, par le rapport d'experts. Et il y a plusieurs
recommandations sur lesquelles, en fait, on aimerait apporter un
éclaircissement ou du moins apporter plusieurs de nos préoccupations ici,
devant la commission, notamment par rapport à la recommandation 1. Il nous
paraît important que le diagnostic de la maladie d'Alzheimer soit posé, que le
diagnostic soit d'une maladie incurable et irréversible, qu'elle ait été
discutée avec la famille, parce que, malheureusement, encore 50 % des
personnes qui reçoivent un diagnostic le reçoivent à un stade modéré à avancé
de la maladie, ce qui porte notamment préjudice à la personne elle-même,
puisqu'elle ne peut plus prendre part aux décisions qui lui incombent de
manière pleine.
Notamment, également, par rapport à la
recommandation 2, est-ce qu'on va vers une demande d'aide médicale à
mourir anticipée ou vers une directive? Là, il nous paraît également important,
justement, dans le respect de l'autodétermination de la personne, que ce soit
une directive et non pas une demande. Celle-ci pourrait notamment être incluse
dans les directives médicales anticipées comme une proposition complémentaire
ou supplémentaire que la personne aurait à demander, au-delà des cinq choix qui
lui sont proposés dans les directives médicales anticipées.
Également toute la discussion par rapport
à la personne tierce qui viendrait, finalement, enclencher le processus de
l'aide médicale à mourir, là encore, des balises et une définition claire et
précise de la personne tierce serait importante, le rôle de cette autorité
externe impartiale. Souvent, c'est justement le Curateur public qui a été
désigné comme cette autorité. Mais il nous paraît important que le Curateur
public garde son rôle administrateur et médiateur et non pas de, finalement,
s'immiscer dans des décisions personnelles.
L'évaluation, également, des souffrances
des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer peut être évaluée et
également peut être définie avec des échelles validées par le corps médical, et, je pense, c'est important également de se référer à
ces échelles-là.
Et enfin, bien, on parle notamment du rôle
d'un deuxième médecin, le rôle de l'équipe, de l'équipe soignante
multidisciplinaire. Il nous apparaît également important que l'équipe
multidisciplinaire soit composée minimalement d'un médecin, d'un pharmacien, d'une
infirmière, d'un travailleur social <et d'un proche.
Et enfin, encore une fois...
Mme Ben Gaied (Nouha) :
...
le rôle de l'équipe, de l'équipe soignante multidisciplinaire. Il
nous apparaît également important que l'équipe multidisciplinaire soit composée
minimalement d'un médecin, d'un pharmacien, d'une infirmière, d'un travailleur
social >et d'un proche.
Et enfin, encore une fois, comme l'a très
bien dit Mme Grenier, c'est le qui, et le comment, et le quand qui sont
très importants dans les balises qui vont être déterminées pour l'élargissement
de l'aide médicale à mourir pour les personnes inaptes, particulièrement celles
qui sont... qui vivent avec la maladie d'Alzheimer. Merci à vous.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, mesdames.
Donc, nous commençons maintenant la période
d'échange avec le député de Lac-Saint-Jean.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour à vous deux, mesdames. Toujours intéressant,
là, de vous entendre, surtout quand on parle aussi, quand même, des maladies
cognitives. Je pense qu'il y a quand même... je pense que le mandat de la commission,
tout ça, porte aussi beaucoup à ce niveau-là. Est-ce que vous avez entendu le
témoignage, quand Mme Sandra Demontigny a paru à la commission, puis ce qu'elle
mentionnait? Parce que vous dites : La personne... Vous êtes centrées beaucoup
sur la personne. Il y a toute la question du qui, du quoi et du comment. Vous
parlez de balises aussi. J'aimerais ça savoir un peu qu'est-ce que vous
proposez, aussi, comme balises, mais savoir aussi ce que vous pensez parce qu'elle,
elle a mentionné... puis on parle de la personne, donc, ça a l'air à être... c'est
très important, partir quand ça va être encore beau. Donc, j'aimerais ça savoir
un peu... que vous élaboriez un petit peu plus là-dessus puis qu'est-ce que
seraient les balises pour la personne. J'aimerais ça vous entendre là-dessus un
petit peu plus.
Mme Grenier (Sylvie) :
Nouha, je te vois faire signe de la tête, oui.
Mme Ben Gaied (Nouha) :
Merci, M. Girard. Effectivement, oui, on a suivi plusieurs des échanges
que vous avez eus lors de la commission et notamment, bien, le témoignage de
Mme Demontigny. Il faut juste se rappeler pourquoi est-ce que les
personnes voudraient avoir accès à l'aide médicale à mourir. C'est soit parce
que, justement, il y a un historique familial, c'est un père, une mère qui en
était atteint. C'est aussi la peur de la perte de dignité et d'autonomie. C'est
aussi de ne pas être un fardeau pour ses proches. C'est de vouloir vivre une
vie significative et digne jusqu'au bout et que la personne elle-même... ou
encore que la personne elle-même a été proche aidante d'une personne atteinte.
Et donc on se projette face, finalement, à
un inconnu. La maladie d'Alzheimer est une maladie, oui, universelle, mais elle se vit de manière très personnelle, et chaque
personne va évoluer de manière très significative face à la maladie.
Effectivement, Mme Demontigny a également été porte-parole d'une de nos
campagnes de sensibilisation à la fédération, et donc on est très <sensibilisées...
Mme Ben Gaied (Nouha) :
...
mais elle se vit de manière très personnelle, et chaque personne va
évaluer de manière très significative face à la maladie. Effectivement,
Mme Demontigny a également été porte-parole d'une de nos campagnes de
sensibilisation à la fédération, et donc on est très >sensibilisées à
son témoignage. Mais, encore une fois, il ne faudrait pas se projeter dans un
avenir inconnu parce que, encore une fois, ce que l'on voudrait maintenant
dépend beaucoup, en fait, de notre conception ou de notre connaissance de la
maladie en fonction, bien, finalement, de différents facteurs qui influencent
notre vie, nos choix, mais qui, dans le futur, pourraient ne pas se réaliser. Et
donc, effectivement, que l'aide médicale à mourir soit formulée de manière
anticipée pendant que la personne est encore apte et qu'elle puisse être ou non
mise en application lorsque le moment est venu nous paraît important pour,
justement, respecter les choix de la personne lorsqu'elle pouvait les exprimer.
Vous avez parlé, justement, des balises
claires. Il y a notamment les... La maladie d'Alzheimer ou les troubles
neurocognitifs évoluent selon sept stades. Les échelles... l'échelle de Reisberg
définit clairement les pertes à chaque stade, et c'est à ce moment-là, en fait,
qu'il nous apparaît, par exemple, que l'aide médicale à mourir anticipée ne
devrait pas être demandée, notamment, avant le stade 6. C'est à ce
moment-là qu'il y a notamment des pertes de mémoire qui sont présentes dans la
durée. C'est également des difficultés de langage, donc des problèmes de
communication, de plus en plus des problèmes de comportement, des difficultés à
s'alimenter, des difficultés à prendre soin de soi, des difficultés également à
s'hydrater. Il y a des infections, également, qui apparaissent, des problèmes
d'incontinence. Et donc c'est vraiment à des stades où l'autonomie et la
dignité de la personne sont affectées qui, là, nous paraissent important de
respecter.
Il y a également une autre échelle, les
profils ISO-SMAF où, là encore, on évalue l'autonomie de la personne par
rapport aux tâches de la vie quotidienne. Et, encore une fois, c'est des outils
qui sont à la disposition du corps soignant et qu'il faut utiliser. Il y a
également des échelles pour évaluer la souffrance, même si la personne n'est
pas en mesure d'exprimer verbalement ce qu'elle ressent en termes de souffrance
physique ou émotionnelle, mais elle peut quand même s'exprimer par des cris,
par des pleurs, par plus d'agressivité, plus de colère, et surtout lorsque c'est
sur la durée, où là, effectivement, il y a une souffrance psychologique de la
personne.
Donc, vous voyez,
il y a quand même des échelles ou des données qui nous permettent de dire quand
est-ce que la personne est souffrante, quand est-ce qu'il est... quand est-ce
que le moment est approprié pour, justement... l'aide médicale à mourir soit
donnée. Parce qu'on ne voudrait pas non plus que des personnes <partent
trop tard... trop tôt, pardon...
Mme Ben Gaied (Nouha) :
...
il y a quand même des échelles ou des données qui nous permettent de
dire quand est-ce que la personne est souffrante, quand est-ce qu'il est...
quand est-ce que le moment est approprié pour, justement, l'aide médicale à
mourir soit donnée. Parce qu'on ne voudrait pas non plus que des personnes >partent
trop tard... trop tôt, pardon, alors qu'elles auraient encore eu de belles
années à vivre. On peut quand même vivre avec la maladie d'Alzheimer.
• (15 h 20) •
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Je vous interromps un petit peu parce que je sais que mes collègues aussi
veulent intervenir. Donc, vous, là, vous dites : Pas avant le
stade 6. Donc, là, vous mettez déjà une balise, vous dites : Pas
avant le stade 6. O.K. Et est-ce qu'une directive ou une décision pourrait
être renversée aussi? Exemple, là, ça va plus vite qu'on pense puis on n'est
pas en mesure de vraiment établir, là, le critère de la souffrance. Est-ce
qu'il pourrait y avoir aussi des possibilités de renverser certaines décisions,
que ça soit pour devancer ou retarder? Puis quel serait le rôle, aussi, des
proches aidants dans… Parce qu'ils jouent un grand rôle. Et ça va être tout,
Mme la Présidente, pour mes questions.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
Mme Ben Gaied (Nouha) :
Alors, oui, effectivement, on ne voudrait pas, encore une fois, que des
personnes partent plus tôt que prévu, parce que tout dépend vraiment de
l'encadrement, des soins, du soutien qu'elles vont recevoir durant leur
parcours avec la maladie d'Alzheimer.
Dans le cadre du stade 6, je veux
dire, le déclin est prononcé, le déclin est également sur la durée, les pertes
de mémoire sont soutenues. Il y a un besoin d'aide pour accomplir les activités
de la vie quotidienne, comme s'habiller, se laver. Il y a des difficultés avec
les notions abstraites, donc tout ce qui est le calcul, la tenue d'un budget.
Il y a une modification, également, de la personnalité, des émotions, à savoir
également de la confusion, de l'anxiété. Il y a également des problèmes
obsessionnels ou encore la personne va avoir à répéter une activité toute
simple pendant un certain nombre de… sur une période de temps. Il y a une
perturbation du sommeil. Donc, vous voyez, à partir du stade 6,
l'autonomie et la dignité de la personne sont affectées dans les troubles
neurocognitifs, alors qu'avant, bien, la personne peut encore demeurer
fonctionnelle.
Pour ce qui est, par contre, du rôle des
proches aidants, et puis ça, ça rejoint un petit peu la question par rapport à
la tierce personne, bien, personne ne veut, finalement, prendre cette décision.
On le voit déjà dans les soins palliatifs, où c'est une décision qui est quand même
très lourde de conséquences pour la famille. Il y a un côté émotif qui est très
important. Certaines familles vont vouloir se reposer sur l'expertise de
l'équipe soignante, justement, pour prendre les bonnes décisions. Et donc, si
la tierce personne fait partie d'un membre de la famille, à ce moment-là, il
faudra également considérer un soutien psychologique pour accompagner cette
personne dans son deuil. Mais ce qui est clair, c'est qu'une définition,
justement, de cette tierce personne, de qui enclenche le processus et quand,
bien, nous paraît vraiment très importante dans le <processus…
Mme Ben Gaied (Nouha) :
…
d'un membre de la famille, à ce moment-là, il faudra également
considérer un soutien psychologique pour accompagner cette personne dans son
deuil. Mais ce qui est clair, c'est qu'une définition, justement, de cette
tierce personne, de qui enclenche le processus et quand, bien, nous paraît
vraiment très importante dans le >processus.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci, M. le député.
Donc, je céderais la parole, maintenant, à
la députée de Soulanges.
Mme Picard : Bonjour,
mesdames. Je vais rebondir sur ce qu'a dit mon collègue. En fait, j'aimerais
savoir : Que feriez-vous dans le cas où une personne n'aurait pas de proches
autour d'elle?
Mme Grenier (Sylvie) : Je
vais y aller. Si une personne n'a pas de proches, bien, encore là, ça soulève beaucoup
de questions. D'abord, est-ce qu'elle aura fait des directives médicales… des
directives médicales anticipées? C'est une chose. Et est-ce qu'elle pourrait
avoir… Bon, si elle n'a pas de proches, probablement qu'il y aura un curateur
public qui sera aussi en charge de la personne. Donc, comment… Et là, encore
là, qui prendra la décision aussi? C'est certain que, quand on est en début de
la maladie, vous avez un diagnostic, on ne devient pas inapte du jour au
lendemain, hein, ça ne se passe pas dans la nuit, là, le diagnostic ne fait pas
en sorte qu'on n'existe plus ou qu'on n'est plus là, comme on entend souvent
quand on parle de personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer. Donc, qui
prendra en charge et, à ce moment-là, qui prendra les décisions, ça va
appartenir, finalement, à un curateur, probablement, et quand aussi. Une
personne apte... Même si on a eu un diagnostic et qu'on est encore apte, on
peut toujours faire notre demande d'aide médicale à mourir à travers… si on
préfère, à travers les directives médicales anticipées, faire aussi une demande
d'aide médicale à mourir anticipée. Mais tant qu'on est apte, on peut faire
cette demande-là. Qui voudra l'administrer, ça, c'est une autre question aussi.
Donc, ça fait aussi partie… Pour le reste, il faudra que ça soit bien indiqué
dans la loi qui entoure l'aide médicale à mourir pour les personnes inaptes.
Mme Picard : Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Je cède la parole à Mme la députée d'Abitibi-Ouest.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Merci, mesdames. Lorsqu'on parle de démence heureuse, ayant une cliente
souffrant de démence heureuse, est-ce qu'elle peut être brimée pour sa demande
d'aide médicale à mourir? Parce qu'elle est… tout va bien pour elle, là, est-ce
qu'elle peut être brimée?
Mme Grenier (Sylvie) : Est-ce
qu'elle peut être brimée? Bien, j'ose croire que non. Qu'est-ce que c'est
qu'une démence heureuse aussi? Quelle définition ça a? Est-ce que c'est pour la
personne ou si c'est pour les proches autour? De qui on parle, à ce moment-là?
C'est difficile d'y répondre. Et il n'y a pas deux maladies d'Alzheimer
pareilles, hein, chaque personne atteinte de la maladie d'Alzheimer va avoir un
parcours différent à travers la maladie, et c'est aussi l'entourage qui peut
faire une différence dans ça. Donc, mieux on est entouré, plus les gens sont
formés et/ou encore soutenus pour nous accompagner, ça va faire en sorte que la
maladie aura toujours un <impact certain, mais…
Mme Grenier (Sylvie) :
...chaque personne atteinte de la maladie d'Alzheimer va avoir un parcours
différent à travers la maladie, et c'est aussi l'entourage qui peut faire une
différence dans ça. Donc, mieux on est entouré, plus les gens sont formés et/ou
encore soutenus pour nous accompagner, ç
a va faire en sorte que la
maladie aura
toujours un >impact certain, mais qu'elle sera
peut-être moins difficile dans l'accompagnement.
J'aime mieux parler d'accompagnement que
de parler de maladie d'Alzheimer heureuse. Bon, ça dépend pour qui on parle à
travers de ça, mais il ne devrait surtout pas y avoir d'impact négatif à cet
égard-là. Donc... Et, encore là, c'est dans le qui pourra faire la demande. Si
cette personne-là est heureuse, bon, on n'a pas de problème, on est... Est-ce
qu'elle est à la maison? Est-ce qu'elle est en hébergement privé, public? Ça
fait aussi une différence. Qui s'en occupe, de cette personne-là, aussi?
Donc, vous savez, je pense que la maladie
d'Alzheimer peut être certainement extrêmement difficile. Je me suis employée
depuis 20 ans à accompagner des gens à travers cette maladie-là, mais on a
la preuve aussi qu'une maladie d'Alzheimer heureuse, c'est parce qu'il y a des
gens, aussi, autour qui sont en mesure d'accompagner et de prendre des
décisions que j'ai envie de qualifier d'heureuses aussi ou de pertinentes pour
cette personne-là, donc, et qu'on ne doit arriver à l'aide médicale à mourir qu'en
dernier recours, comme on le ferait pour toute autre maladie, en fait. Et c'est
ça qui nous inquiète, nous.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Merci, madame.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup.
Moi, je... On parle de troubles cognitifs.
On parle beaucoup, là, dans cette section-là, de maladie d'Alzheimer. C'est
facile... c'est plus facile avec les stades 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, mais,
lorsqu'on arrive dans un trouble cognitif autre que l'alzheimer, quels seraient
les signes qui pourraient nous guider? Parce que ce n'est pas si coupé au
couteau que ça, là, pour les autres types de troubles cognitifs.
Mme Grenier (Sylvie) :
Nouha.
• (15 h 30) •
Mme Ben Gaied (Nouha) :
Oui. Merci, Mme la Présidente, pour cette question. Effectivement, les troubles
neurocognitifs, on parle beaucoup de maladie d'Alzheimer parce que ça
représente plus de 60 % à 80 % des cas diagnostiqués. Les symptômes
des troubles neurocognitifs majeurs sont très similaires d'un trouble à l'autre.
Donc, si on parle de dégénérescence frontotemporale, par exemple, ça va plus
toucher le langage, le comportement. Si on parle de la maladie à corps de Lewy,
ça va être, en fait, un mélange entre la maladie d'Alzheimer et la maladie de
Parkinson, avec notamment aussi, en plus, donc, des hallucinations, des idées
délirantes. Si on parle de maladies vasculaires, la même chose, on va avoir des
symptômes qui sont bien spécifiques.
Donc, même si, en fait, les symptômes sont
très similaires d'une maladie à l'autre, beaucoup se rejoignent. Et
malheureusement, dans les stades avancés de la maladie, et ça, quel que soit le
trouble neurocognitif, il va y avoir une perte d'autonomie, il va y avoir une
perte des capacités de la personne <à exécuter...
>
15 h 30 (version révisée)
< Mme Ben Gaied (Nouha) :
...même si, en fait, les symptômes sont très similaires d'une maladie à
l'autre, b
eaucoup se rejoignent. Et
malheureusement, dans les
stades avancés de la maladie, et ça,
quel que soit le trouble
neurocognitif, il va y avoir une perte d'
autonomie, il va y avoir une
perte des capacités de la
personne >à exécuter des tâches de la
vie courante, et c'est juste, finalement, quand est-ce que le symptôme va
apparaître. Dans le cas de la maladie, par exemple, frontotemporale, bien, ça
va plus être une maladie qui va affecter le langage. Dans la maladie
d'Alzheimer, ce problème-là va arriver plus tard. Dans le cas, par exemple, de
la maladie à corps de Lewy, les hallucinations vont apparaître dès les premiers
symptômes. On va plus les voir, dans la maladie d'Alzheimer, dans les stades
avancés. Donc, il faut vraiment y aller par, comment dire, une panoplie de
symptômes, et surtout comment est-ce que ça impacte la personne dans sa
dignité, dans sa capacité à faire des choses.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup.
Donc, je céderais maintenant la parole au
député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : Merci, Mme
la Présidente. Merci beaucoup, Mme Grenier, Mme Ben Gaied, pour votre
présentation aujourd'hui et ainsi que pour le travail à travers le Québec en
accompagnant les gens atteints, les familles et en revendiquant pour eux aussi.
Quand on parle de la demande anticipée...
et je comprends que vous êtes parmi plusieurs qui comprennent et constatent
qu'il faut qu'un diagnostic soit présent, alors je prends ça pour acquis. Une
fois que ce diagnostic est présent, si je vous ai entendues, l'écart entre
l'aptitude et l'inaptitude peut être assez court. Est-ce que vous avez des
données pour nous aider à comprendre l'étendue de cette problématique-là? C'est-à-dire,
est-ce qu'on parle d'une fenêtre qui est assez restreinte pour un bon pourcentage
des gens atteints d'un diagnostic qui n'auraient pas beaucoup de temps pour
évaluer leurs propres voeux, leur propre situation? Est-ce que c'est un bon pourcentage
des gens qui se procurent un diagnostic qui n'ont pas grand temps avant que les
stages commencent à se manifester, et de façon assez vite?
Mme Grenier (Sylvie) : Je
vais commencer par un début de réponse. Ce n'est pas moi, la scientifique de
l'équipe, c'est Nouha, mais je vous dirais que, nous, ce qui est clair, c'est...
et vous avez tout à fait raison que ça dépend des individus, qu'après un diagnostic
ça aille plus vite pour une personne que pour une autre, mais c'est souvent
quand est-ce que le diagnostic est posé. Et tout est là pour nous. À partir du
moment où on a un diagnostic précoce, où, dès les premiers symptômes, les
signes précurseurs, on consulte et qu'on... parce que ça se peut qu'on ne soit
pas capable de déterminer que c'est la maladie d'Alzheimer, ça prend <plusieurs
tests...
Mme Grenier (Sylvie) :
...pour une autre, mais c'est souvent quand
est-ce que le
diagnostic
est posé. Et tout est là, pour nous. À partir du moment où on a un diagnostic
précoce, où, dès les premiers symptômes, les signes précurseurs, on consulte et
qu'on... parce que ça se peut qu'on ne soit pas capable de déterminer que c'est
la maladie d'Alzheimer, ça prend >plusieurs tests, et même, en fait, le
test ultime, qui, lui, détermine si c'est ça ou pas, n'est pas accessible à
tous non plus, mais ça va faire toute la différence aussi dans la qualité
d'accompagnement et la qualité de vie avec la maladie d'Alzheimer à ce
niveau-là.
Un diagnostic précoce permet, parce qu'on
le sait maintenant, de faire de la prévention, de travailler à faire en sorte
de... de faire de la stimulation pour faire en sorte que les individus puissent
préserver le plus longtemps possible leur qualité... leurs capacités et leur
qualité de vie. Donc, déjà, ça, c'est une chose.
C'est certain que, si après trois ans...
qu'on a vu des symptômes et que ça s'est aggravé, puis que, là, on demande au
médecin de poser un diagnostic, il va peut-être y avoir un diagnostic, mais
vous comprendrez que les chances de pouvoir travailler sur la stimulation et de
voir apparaître les autres signes plus tard sont plus minces. Donc, à ce
moment-là, le parcours entre le moment du diagnostic et les signes qui font en
sorte que la maladie prend de plus en plus de place chez l'individu vont être
plus rapides. Donc, ça, c'est d'abord une première étape, donc un diagnostic
précoce prévient en fait tout ce bout de parcours là.
Pour ce qui... Là-dessus, je vais te
laisser, Nouha, aller avec le comment on peut le... qu'est-ce qu'on peut faire,
à ce moment-là.
Mme Ben Gaied (Nouha) :
Merci, Sylvie. Merci, M. Birnbaum.
Malheureusement, actuellement, 50 %
des personnes qui reçoivent un diagnostic de maladie d'Alzheimer sont à un
stade modéré à avancé, et donc, bien, forcément, la fenêtre d'aptitude est très
restreinte. C'est pour ça qu'effectivement un diagnostic précoce, notamment
avec le Plan Alzheimer Québec, doit être mis de l'avant. Il ne faudrait pas,
effectivement, que les gens, parce qu'ils ont reçu un diagnostic tardif, ne
puissent pas faire ce choix-là de manière éclairée. Et donc, bien, encore une fois,
là, on vient réduire leurs capacités et leur capacité d'autodétermination. Là,
on vient les discriminer, encore une fois, par rapport aux autres Québécois qui
pourraient avoir accès à l'aide médicale à mourir.
Actuellement, il y a eu — et je
pense que vous l'avez certainement vu dans les médias — déjà une
personne ici, au Québec, qui a eu recours à l'aide médicale à mourir alors
qu'elle était atteinte de dégénérescence frontotemporale. Donc, l'aide médicale
à mourir, actuellement, permet aux personnes d'avoir recours à l'aide médicale
à mourir, mais on parle, là, vraiment, des personnes qui deviendraient inaptes.
Et effectivement les délais peuvent être très réduits si le diagnostic est
donné de manière tardive, puisque l'inaptitude va être déclarée très
rapidement, à ce moment-là.
M. Birnbaum : Oui. Je
vous écoute et je trouve ça très significatif, parce que, comme dans plusieurs
des situations, des enjeux devant nous, sur le <plan réel, on va...
Mme Ben Gaied (Nouha) :
...
manière tardive puisque l'inaptitude va être déclarée très
rapidement, à ce moment-là.
M. Birnbaum : Oui. Je
vous écoute et je trouve ça très significatif. Parce que, comme dans plusieurs
des situations, des enjeux devant nous, sur le >plan réel, on va essayer
de recommander les balises les plus responsables et compatissantes que possible,
mais vous êtes en train de nous dire qu'il risque d'y avoir un grand
pourcentage ou un pourcentage important, si j'ai bien compris, du monde qui va
être atteint des symptômes, qui va peut-être être en attente diagnostic, donc
peut-être, et je pense aux régions, la disponibilité dans les petits villages,
des familles avec moins de ressources autour d'eux, l'opportunité de se
prévaloir, dans une période d'aptitude, de ce choix-là risque de ne pas être
disponible pour plusieurs. Est-ce que je comprends bien?
Mme Ben Gaied (Nouha) :
En fait, vous avez tout à fait raison, dans le sens qu'il n'y a pas juste, en
fait, la disponibilité des ressources pour avoir recours à un diagnostic, il y
a aussi tous les stigmas, tous les préjugés qui entourent la maladie et qui
empêchent les gens d'aller chercher un diagnostic. Donc, une campagne de
sensibilisation pour faire valoir l'importance du diagnostic précoce et aussi
de faire valoir la possibilité de vivre encore avec la maladie d'Alzheimer et
d'avoir une certaine qualité de vie pour pouvoir, justement, faire des choix
aussi importants que d'avoir recours à l'aide médicale à mourir de manière
anticipée ou actuellement, voire même de rédiger les directives médicales
anticipées...
Donc, il y a quand même un certain
bénéfice à aller chercher un diagnostic, sauf que, malheureusement, on en a
peur, on a peur de la maladie elle-même, on est parfois aussi dans le déni, on
ne veut pas voir qu'effectivement on est dans des pertes cognitives, qu'on
n'est plus en mesure de faire certaines choses de la vie courante, que ça nous
affecte. Les gens, au début, sont bien conscients de leurs pertes et de leur
perte d'autonomie, mais c'est cette peur qui, malheureusement, les empêche
d'aller vers un diagnostic. On ne va pas parler des problèmes structurels, là,
mais déjà la stigmatisation qui entoure la maladie empêche les gens d'aller
chercher un diagnostic.
Et puis après, bien, se rajoutent à cela
aussi les délais pour recevoir un diagnostic. Généralement, un diagnostic se
pose en 18 mois. Donc, malheureusement, entre-temps, la personne a
continué à décliner. Donc, le moment où finalement la personne prend cette
décision d'aller voir son médecin, d'en discuter et le moment où elle va
recevoir le diagnostic, on a déjà passé, probablement, une bonne année, et
donc, bien, finalement, là, on réduit de plus en plus la fenêtre dans laquelle
elle va pouvoir actuellement prendre certaines décisions comme l'aide médicale à
mourir anticipée.
M. Birnbaum : Oui, compris.
Donc, toute l'importance de vos campagnes de sensibilisation, la formation des <intervenants...
Mme Ben Gaied (Nouha) :
...
une bonne année. Et donc, bien, finalement, là, on réduit de plus en
plus la fenêtre dans laquelle elle va pouvoir actuellement prendre certaines
décisions comme l'aide médicale à mourir anticipée.
M. Birnbaum : Oui, compris.
Donc, toute l'importance de vos campagnes de sensibilisation, la formation des
>intervenants et intervenantes, et tout, qui va au-delà de notre mandat,
mais ça touche primordialement aux questions devant nous, aussi.
Une fois qu'une demande soit déposée en
bonne et due forme, il y a, comme vous avez noté, le suivi et le déclenchement
au moment voulu et approprié de cette demande-là. Vous avez parlé, si j'ai bien
compris, de votre constat que les personnes tierces ont le rôle essentiel à
jouer, et vous ne jugez pas à propos que la personne clé soit le curateur. Est-ce
que j'ai bien compris? Et, si oui, dans les cas, et il y aurait plusieurs, où il
n'y a pas, de toute évidence, un proche présent, comment faire?
• (15 h 40) •
Mme Grenier (Sylvie) :
Bien, je croirais que, dans le cas où c'est le Curateur public, c'est pour ça
que Nouha y a fait allusion tout à l'heure, elle l'a nommé, ça doit aussi...
une décision qui doit se prendre avec l'équipe soignante. Ce n'est pas une
personne qui décide que c'est maintenant que ça devrait se terminer, pour
toutes les raisons qu'on peut imaginer, mais qu'il y a une équipe soignante
autour qui, elle, va aussi faire l'évaluation aussi de la qualité de vie de la
personne et de tout ce qui a trait au fait de pouvoir appliquer l'aide médicale
à mourir à ces personnes-là.
Donc, le Curateur public, comme n'importe
quel individu, peut poser n'importe quel diagnostic, peut poser n'importe quel
constat, mais, pour nous, l'équipe soignante a un rôle important à cet égard-là.
Mme Ben Gaied (Nouha) :
Et, si je peux également rajouter un point par rapport, justement, à la
personne tierce, effectivement, ça a été pour nous un sujet de réflexion très
important à savoir, bien, qu'est-ce qu'on fait lorsque les personnes sont
seules, qu'elles sont isolées. Puis c'est malheureusement aussi une réalité
dans notre société, où, de moins en moins, les... je veux dire, les bulles
familiales sont beaucoup plus éclatées. Mais ce qui nous apparaît important, c'est
que la personne doit avoir un lien significatif, comme ça a été le cas, notamment,
pour les proches aidants durant la pandémie, c'est vraiment que le lien soit
significatif avec la personne puis qu'elle ait à coeur, également, l'intérêt
physique et psychologique de la personne atteinte pour que, justement, elle
puisse poser ce geste-là en toute quiétude.
Et par rapport au mandat du Curateur
public, ce qu'on privilégie, c'est vraiment cet intérêt significatif, donc le
lien humain, la connaissance des valeurs, des croyances, des préférences de la
personne. Avec une autorité externe administrative ou de médiateur tel que le
Curateur public, on risque de perdre ce lien humain là. C'est pour cela qu'on
aurait des réticences par rapport au rôle du Curateur public <dans ce
rôle précisément pour...
Mme Ben Gaied (Nouha) :
...de la personne. Avec une autorité externe administrative ou de médiateur tel
que le Curateur public, on risque de perdre ce lien humain là. C'est pour cela
qu'on aurait des réticences
par rapport au rôle du Curateur public >dans
ce rôle, précisément, pour enclencher ou pour faire connaître la présence d'une
aide médicale à mourir anticipée.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci, M. le député. Je céderais maintenant la parole au député de Rosemont.
M. Marissal : Merci, Mme
la Présidente. Bonjour, mesdames. Merci d'être là. Merci pour vos lumières.
Je veux juste être sûr de comprendre, là.
La grande, grande, grande majorité des gens, des témoins, des intervenants et
des intervenantes — surtout les intervenantes, d'ailleurs, je le note — nous
disent : Il faut toujours que... ce n'est pas unanime, là, mais c'est
assez généralisé, que... la demande, le consentement anticipé et, à plus forte
raison, la demande en situation d'aptitude doit toujours venir de la personne
qui veut bénéficier des soins de fin de vie. C'est ce que vous dites aussi, ou
rajoutez-vous un intertitre qui dirait : Des fois, ça va tellement vite,
avec la maladie d'Alzheimer, puis c'est diagnostiqué, malheureusement, trop
tard que ça pourrait être dans les mains d'une tierce personne que
d'enclencher, sachant que c'était la volonté de la personne?
Mme Grenier (Sylvie) :
Nous, ce qu'on dit, c'est que sans directives anticipées d'aide médicale à
mourir, il n'y a pas de tierce personne qui prend la décision.
M. Marissal : O.K., très
bien. C'est bon, c'est ce que j'avais compris, je voulais juste être sûr.
Vous avez parlé des stigmates autour de la
maladie d'Alzheimer. C'est lourd et il y a beaucoup de tabous encore autour de
la maladie. Je ne sais pas comment formuler ma question, mais qu'est-ce que vous
sentez, ressentez, comment vous qualifiez la très lourde impression que quelqu'un
qui a la maladie d'Alzheimer est condamné? Et est-ce que c'est, en quelque
sorte, un immense poids pour sa famille et pour le réseau de santé? Et je vais
faire une sous-question tout à l'heure, vous allez comprendre pourquoi je vous
pose cette question-là, elle est un peu crue, là, mais est-ce que vous sentez
effectivement qu'on identifie assez souvent les gens atteints d'alzheimer, là, comme
un poids très, très lourd pour la société et le réseau?
Mme Grenier (Sylvie) :
Vous avez tout à fait raison. C'est pour ça que les gens ne veulent pas de
diagnostic, c'est pour ça qu'il y a des gens qui ont le sentiment de perdre la
mémoire, ou pas des pertes, ils vont trouver toutes sortes de prétextes, et
avec raison.
Première raison, c'est que c'est une
maladie qui est incurable. On peut... on peut soulager, on peut... on a... on
trouve... on travaille à faire en sorte que le parcours soit le moins difficile
possible, mais en même temps ce sont tous les stigmas qui viennent autour. Les
gens ont peur d'avoir un diagnostic parce qu'on a l'impression que, quand on le
dit, les gens pensent que, dans la nuit, on devient plus inapte. Et tout ce qu'on
entend, c'est : Ah! mais, tu sais... Aussi, une <expression qu'on...
Mme Grenier (Sylvie) :
... possible, mais
en même temps, ce sont tous les stigmas qui viennent
autour. Les gens ont peur d'avoir un diagnostic
parce qu'on a
l'impression que quand on le dit les gens pensent que dans la nuit on devient
plus inapte. Et tout ce qu'on entend, c'est : Ah! mais, tu sais... Aussi,
une >expression qui me fait sauter à chaque fois, c'est : Bien, tu
sais, mon oncle Roger, il est alzheimer maintenant. On ne devient pas alzheimer,
on est atteint d'une maladie. On ne dit pas à une personne qui a le cancer :
Mon oncle Roger, sais-tu quoi, ils ont diagnostiqué un cancer. Donc, on devient
la maladie, les gens deviennent la maladie, et à partir de là, on prend pour
acquis qu'ils ne comprennent pas, qu'ils ne sont plus là, hein? Combien de fois
on entend dire : Bien, ça ne sert à rien d'aller le voir, il n'est plus
là, il ne me reconnaît plus. Donc, ce sont des stigmas.
Les gens, c'est vrai que plusieurs vont
perdre... une bonne partie perdent aussi le sens de la parole, la locution,
mais ce n'est pas parce que tu ne parles plus que tu ne comprends pas non plus,
et on prend pour acquis les gens. Ce n'est pas parce que je ne me souviens pas
de ton nom que je ne sais pas que tu es mon fils. Mais les gens prennent pour
acquis, encore une fois, ce sont des stigmas, et tout ce que vous pouvez
voir... c'est comme si... l'image va être crue, moi aussi, là, c'est comme si,
du jour au lendemain, on devenait une loque et que, comme on ne sait pas trop
comment prendre soin des gens, comme on ne sait pas non plus comment les
approcher, bien, on se distancie aussi, et ça isole énormément les gens, ça va
isoler énormément les proches aidants, et qu'à partir du moment...
Et pourquoi aussi c'est lourd, dans le
réseau de la santé? Parce que, comme certaines causes de la maladie vont faire
en sorte que les gens peuvent devenir plus tannants ou agressifs ou, en tout
cas, du moins... on va les médicamenter et, à ce moment-là, on les envoie en résidence.
Puis ce qu'on voit aussi, parce qu'on en a la preuve et on... c'est... 85 %
de nos CHSLD, ce sont des personnes qui sont atteintes de la maladie
d'Alzheimer ou d'un autre trouble neurocognitif majeur. Et ces gens-là entrent
là, et pour toutes sortes de raisons, puis je ne suis pas là pour... bien, on
les médicamente, et à partir de là, ils perdent encore plus de leur autonomie,
et tout.
On a eu des projets... il y a le projet
OPUS-AP qui est là, qui a fait ses preuves là-dedans, mais c'est un peu plus
compliqué. Mais, de toute façon, vous avez raison, ce sont les stigmas qui sont
autour et c'est pour ça qu'on ne veut pas de diagnostic non plus.
M. Marissal : Je pense
que j'ai largement dépassé mon temps. Merci de votre réponse, Mme Grenier.
Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, M. le député.
Donc, nous terminons nos échanges avec la
députée de Joliette.
Mme
Hivon
:
Oui. Merci beaucoup à vous deux. J'apprécie énormément les échanges. J'aurais plein
de questions à approfondir avec vous. J'ai quatre minutes, donc je vous les
lance, O.K., parce que, comme ça, vous allez juger du temps que vous voulez
accorder à chacune.
Je continue sur la même voie que mon
collègue, tous les stigmates qui entourent la maladie, tout ce sentiment qu'on
devient un fardeau si on a un diagnostic. Tantôt, Mme Ben Gaied, vous
disiez que, quand on a le diagnostic, là, tout de suite, il y a une foule de
peurs qui arrivent, on se projette, la peur de perdre notre dignité, notre
autonomie. Et donc <comment...
Mme
Hivon
:
...
qui entourent la maladie, tout ce sentiment qu'on devient un fardeau
si on a un diagnostic. Tantôt, Mme Ben Gaied, vous disiez que quand on a
le diagnostic, là, tout de suite, il y a une foule de peurs qui arrivent, on se
projette, la peur de perdre notre dignité, notre autonomie. Et donc >comment
fait-on pour un peu accompagner des gens qui vont vouloir faire une demande
anticipée, pour certains, en disant : Wow! Moi, je ne peux pas me projeter
là, moi, c'est intenable pour moi — parce qu'ils viennent de recevoir
ça comme un choc puis une tonne de briques — et s'assurer que ça va
être donné dans les bonnes circonstances? Donc, est-ce que, selon vous, on doit
se fier, je dirais, uniquement et d'abord à ce que la personne va avoir prévu? Parce
que plusieurs nous disent : Moi, quand je suis à tel stade, je ne veux
plus... quand je ne peux plus reconnaître mes proches, je ne voudrais plus
vivre, quand je ne mangerai plus, je ne serai plus autonome. Bon, on connaît
les exemples qui sont dits. Est-ce que ça, c'est suffisant ou est-ce qu'il faut...
parce que vous parliez très adéquatement des échelles pour évaluer la
souffrance. Est-ce qu'il faut aussi s'assurer que le critère de la souffrance
est rempli de manière contemporaine? Donc, mes collègues sont habitués de
m'entendre, c'est une question qui m'habite beaucoup, mais, avec vous qui voyez
tellement de cas, est-ce que vous pensez qu'on doit avoir adéquation entre les
deux?
Et l'autre élément dont je trouve qu'on
parle très peu, c'est qu'une personne peut avoir la maladie d'Alzheimer, se
projeter en lien avec sa maladie, dire : Je ne voudrais pas vivre x, y, z
qui est lié à la maladie, mais elle peut aussi, dans... parce qu'elle a la
maladie d'Alzheimer, mais elle demeure une personne avec toute sa complexité et
sa santé, avoir un cancer et souffrir de son cancer, mais être devenue inapte
dans l'évolution de sa maladie d'Alzheimer. Et donc, est-ce que des cas comme
ceux-là doivent aussi être prévus par demande anticipée? Parce que sinon, cette
personne-là, on ne peut pas lui donner l'aide médicale à mourir si elle a un
cancer du pancréas très souffrant, alors qu'une personne apte, on pourrait lui
donner. Est-ce que, ça, vous avez réfléchi à ça aussi?
• (15 h 50) •
Mme Grenier (Sylvie) : Je
te laisse y aller, Nouha, cette fois-ci.
Mme Ben Gaied (Nouha) :
Excusez. Merci, Mme Hivon, pour votre question. C'est des... Vous voyez
toute la complexité autour de l'aide médicale à mourir pour les personnes ayant
un trouble neurocognitif. Vous avez parlé, justement, de, bien, comment
accompagner la personne, justement, dans ce processus-là pour avoir recours à l'aide
médicale à mourir anticipée. Je pense que la discussion doit vraiment se faire
avec le médecin. On a beau, oui, se projeter dans l'avenir, mais il y a des
faits, il y a des échelles, il y a des pertes cognitives qui vont arriver, et
on doit effectivement avoir cette discussion avec le médecin pour vraiment
prendre une décision éclairée et surtout qui correspond à nos valeurs.
Après, bien, comment est-ce qu'on les
accompagne aussi dans ce cheminement? Bien, c'est aussi d'avoir le soutien à
domicile qui est aussi présent, d'avoir du personnel, des intervenants à
domicile qui sont formés aussi à la <maladie...
Mme Ben Gaied (Nouha) :
...correspond à nos valeurs.
Après, bien, comment
est-ce
qu'on les accompagne aussi dans ce cheminement? Bien, c'est aussi d'avoir le
soutien à domicile qui est aussi présent, d'avoir du personnel, des
intervenants à domicile qui sont formés aussi à la >maladie d'Alzheimer
et qui vont accompagner adéquatement les personnes atteintes avec une approche
centrée sur la personne et non pas sur la maladie, en misant sur les capacités
de la personne et non pas sur leurs pertes et vraiment en les accompagnant dans
leur processus.
Maintenant, vous avez très bien fait la
distinction, justement, entre, bien oui, on a la maladie d'Alzheimer, mais
87 % des personnes qui vont décéder de la maladie d'Alzheimer vont, en
fait, décéder d'autres raisons qui vont être d'une pneumonie, qui vont être,
notamment, d'une infection urinaire, des difficultés d'alimentation, et donc,
bien, la maladie d'Alzheimer, en fait, passe en second par rapport à
l'infection qu'ils auront, qu'ils ont eue et qui va certainement accélérer leur
déclin cognitif.
Est-ce qu'une personne ayant un cancer à
un stade terminal devrait avoir accès à l'aide médicale à mourir alors qu'elle
est également atteinte d'un trouble neurocognitif majeur? Bien, tout va
dépendre, finalement, des critères qu'elle aura définis dans sa demande
anticipée et du niveau de souffrance qu'elle aura défini dans sa demande
anticipée. C'est pour cela que les balises, à ce moment-là, vont être très
claires, devraient être très claires pour définir, effectivement, bien, quelle
souffrance va être tolérée ou non par la personne pour, justement, lui accorder
ou pas l'aide médicale à mourir, même si elle est atteinte d'une autre maladie
et qu'elle est inapte.
Mme
Hivon
:
Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci beaucoup, donc, pour votre intervention de cet après-midi,
Mme Ben Gaied et Mme Grenier.
Donc, nous accueillerons, dans quelques
instants, nos nouveaux intervenants.
(Suspension de la séance à 15 h 53)
(Reprise à 15 h 59)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, bon après-midi. La commission reprend ses travaux.
Et nous accueillons, pour ce dernier bloc
de la journée, l'Office des personnes handicapées du Québec et leurs
représentants, M. Daniel Jean, directeur général, ainsi que M. Maxime
Bélanger, directeur, Secrétariat général, communications et affaires
juridiques. Bienvenue, messieurs.
Donc, vous disposez de 10 minutes
pour faire votre exposé, et par la suite il y aura un échange avec les membres
de la commission pour une période de 35 minutes. Je vous cède la parole.
Office des personnes handicapées du Québec (OPHQ)
M. Jean (Daniel) : Merci,
Mme la Présidente. Mmes, MM. les députés, bonjour. Je suis <Daniel
Jean...
>
16 h (version révisée)
<18247
La
Présidente (Mme Guillemette) :
...bienvenue, messieurs.
Donc, vous disposez de 10 minutes pour faire votre exposé, et
par la
suite
il y aura un échange avec les membres de la commission pour une
période de 35 minutes. Je vous cède la parole.
M. Jean (Daniel) :
Merci, Mme la Présidente.
Mmes, MM. les députés, bonjour. Je suis
>Daniel Jean, directeur général de l'Office des personnes handicapées du
Québec, et je suis accompagné de Maxime Bélanger, qui est directeur du
Secrétariat général, communications et affaires juridiques.
Avant toute chose, je tiens à souligner la
motion unanime de l'Assemblée nationale à l'origine de la Commission spéciale
sur l'évolution de
la Loi concernant les soins de fin de vie. L'aide médicale à mourir est un
sujet sensible qui soulève des questions délicates, qu'il faut aborder avec beaucoup
de prudence. En tant que société inclusive, il est essentiel d'ouvrir la
discussion sur ce sujet, et nous espérons que cette deuxième étape de
consultations apporte plus d'éclairage. Nous vous remercions d'accorder à
l'office le privilège de se faire entendre dans ce dossier.
Vu la mission de notre organisme, nous
sommes particulièrement interpelés par le sujet d'aide médicale à mourir, qui
soulève des enjeux importants pour les personnes handicapées. Je vous rappelle
que l'office est un organisme gouvernemental qui contribue à accroître la
participation sociale des personnes handicapées. Il soutient et conseille le
gouvernement pour toute initiative pouvant avoir un impact sur ces personnes.
L'office a une expertise unique, appuyée
par un conseil d'administration qui est composé majoritairement de personnes
handicapées provenant de divers horizons de la société civile. Les actions de
l'office s'appuient principalement sur la Loi assurant l'exercice des droits
des personnes handicapées et la politique gouvernementale À part entière. De ce
fait, l'office agit sur les obstacles pouvant nuire à la participation sociale
des personnes handicapées. C'est le coeur de notre action. En réduisant les
obstacles, on améliore la qualité de vie et on augmente les opportunités de
participation sociale.
Cela m'amène à vous faire part d'une
première considération, qui va teinter, en quelque sorte, l'ensemble de nos
recommandations. Une demande d'aide médicale à mourir par une personne
handicapée apte à consentir aux soins et atteinte d'une maladie grave et
incurable de santé physique n'est pas un enjeu pour l'office. Nous
reconnaissons qu'elle a les mêmes droits que le reste de la population.
Cependant, nous sommes d'avis qu'avant
toute chose il faut accorder notre attention à s'assurer que les personnes handicapées
qui envisagent de se prévaloir de l'aide médicale à mourir ne le feront pas en
raison d'une souffrance ou d'un désespoir causé par un manque d'accès à des
services qui auraient pu ultimement améliorer les conditions d'existence et
leur participation sociale. Il faudrait éviter également qu'elles soient
motivées par l'impression d'être un fardeau pour leur famille et leurs proches.
Il faut comprendre qu'en travaillant en priorité à réduire les obstacles
empêchant l'accès aux services, il est possible d'améliorer la qualité de vie
de ces personnes, de répondre davantage à leurs aspirations. Le recours à
l'aide médicale à mourir doit donc être une option à considérer seulement si la
personne a pu bénéficier d'une telle approche. Cette mise en garde s'applique à
chacune de nos <recommandations.
Aussi...
M. Jean (Daniel) :
...
d'améliorer la qualité de vie de ces personnes, de répondre davantage
à leurs aspirations. Le recours à l'aide médicale à mourir doit donc être une
option à considérer seulement si la personne a pu bénéficier d'une telle
approche. Cette mise en garde s'applique à chacune de nos >recommandations.
Aussi, soulignons que beaucoup de
personnes handicapées ont des profils similaires à ceux de l'affaire Truchon et
Gladu. Elles ont des incapacités significatives et permanentes sans pronostic
de fin de vie imminente et n'ont pas un trouble grave de santé mentale. C'est
pourquoi nous recommandons d'ajuster en conséquence les critères de l'article
26 de la Loi sur les soins de fin de vie. Il s'agit de la première et de la
plus importante recommandation de notre mémoire, qui vise à assurer que les
personnes qui pourraient être admissibles à l'aide médicale à mourir aient eu
d'abord accès à tous les soins et services possibles, que ceux-ci ne sont plus
en mesure de répondre à leurs besoins ou d'atténuer leurs souffrances et
qu'elles y ont renoncé en pleine connaissance de cause. L'affaire Truchon et
Gladu, à l'origine du retrait du critère de fin de vie, rend encore plus
crucial l'ajout de ce nouveau critère à l'article 26 en fonction des
préoccupations que nous venons d'énoncer.
J'aimerais maintenant aborder la question
des personnes en situation d'inaptitude, qui est une de nos principales
préoccupations. D'une part, le droit à l'autodétermination est capital, selon
les orientations de la Loi assurant l'exercice des droits des personnes
handicapées, et, d'autre part, la protection des personnes handicapées et
vulnérables est aussi clairement abordée dans cette loi et dans la politique À
part entière.
À ce sujet, nous trouvons important de
clarifier la situation des personnes qui n'ont jamais été considérées comme
aptes à consentir à leurs soins et qui ne seraient pas jugées aptes à consentir
à l'aide médicale à mourir, par exemple les personnes ayant une déficience
intellectuelle profonde.
D'abord, il importe de bien distinguer la
notion d'inaptitude, sur le plan légal, de celle de l'aptitude à consentir aux
soins. Malheureusement, il est courant de penser qu'une personne considérée inapte
selon la loi le serait aussi pour consentir aux soins, mais ce n'est pas le
cas. Un patient est considéré comme apte à consentir aux soins si, par exemple,
il est capable de comprendre la nature de sa maladie, le but des soins et les
risques associés à ceux-ci. La présomption d'aptitude à consentir aux soins,
incluant l'aide médicale à mourir, devrait être appliquée d'emblée à toutes les
personnes handicapées. Ce principe d'autodétermination doit ainsi s'appliquer
lorsqu'il est question d'une personne sous curatelle ou sous tutelle.
L'aide médicale à mourir n'est cependant
pas un soin comme les autres. C'est pourquoi, selon nous, l'aptitude de la
personne à y consentir doit être vérifiée attentivement par le groupe soignant.
Dans tous les cas, la personne doit formuler par et pour elle-même sa demande.
Aucune forme de prise de décision substitutive ne devrait être envisagée dans
aucun cas.
Concernant la question d'une demande
anticipée d'aide médicale à mourir, cela amène des enjeux plus spécifiques. Nous
<sommes...
M. Jean (Daniel) :
...
dans tous les cas, la personne doit formuler par et pour elle-même sa
demande. Aucune forme de prise de décision substitutive ne devrait être
envisagée dans aucun cas.
Concernant la question d'une demande
anticipée d'aide médicale à mourir, cela amène des enjeux plus spécifiques.
Nous >sommes d'avis que le respect du principe d'autodétermination — excusez — des
personnes atteintes de maladies graves et incurables de santé physique devrait
se traduire par la possibilité qu'elles puissent formuler une demande anticipée
d'aide médicale à mourir. Cependant, les experts entendus à la commission
soulignent la difficulté d'évaluer avec précision la souffrance d'une personne
qui n'est plus en mesure de l'exprimer clairement. Cela pourrait laisser planer
un doute sur les réelles volontés de la personne au moment d'administrer l'aide
médicale à mourir.
Des spécialistes estiment aussi que les
personnes atteintes de maladies... de ces maladies ont le droit de recevoir les
meilleurs soins possible pour lesquels il faut investir davantage. Pour éviter
des dérives potentielles concernant les demandes anticipées, nous jugeons
essentiel de renforcer les pratiques en vigueur pour assurer que les droits et
intérêts des personnes sont bien protégés. Nous recommandons ainsi la
participation d'un professionnel du réseau de la santé ou de la société civile
autre qu'un médecin au groupe soignant associé à la démarche d'aide médicale à
mourir. Ce professionnel devrait bien connaître la personne, ses besoins et les
services pouvant potentiellement améliorer sa qualité de vie.
Un autre sujet pointu abordé par la
commission concerne les personnes ayant des troubles graves de santé mentale
dont la seule condition particulière est ce trouble. Les points de vue à ce
sujet sont très divergents. Je n'entrerai pas dans les détails, vous les avez
déjà entendus, mais il en ressort qu'il n'y a pas de consensus sur le sujet
pour le moment. De plus, il est difficile de présumer de l'offre de services et
des développements à venir dans le monde médical... excusez. En conséquence,
nous recommandons de ne pas aller de l'avant avec la proposition d'élargir l'accès
à l'aide médicale à mourir aux personnes ayant des troubles graves de santé
mentale sont la seule condition particulière est ce trouble, et ce, tant qu'il
n'y aura pas une évidence scientifique reconnue appuyant celle-ci.
J'aimerais maintenant terminer avec une
réflexion concernant le phénomène du suicide de manière plus globale. Nous
croyons que le débat sur l'ouverture potentielle de l'aide médicale à mourir
nous amène à soulever des préoccupations plus larges concernant les personnes
handicapées et la population en général. L'élargissement de l'aide médicale à
mourir entraîne des risques de dérive par rapport à la valeur de la vie des
personnes plus vulnérables. Le message envoyé pourrait être que l'interruption
de vie est la solution à la détresse que vivent les personnes handicapées ou d'autres
personnes plus vulnérables. Cela pourrait amener certains à vouloir élargir l'accès
à l'aide médicale à mourir dans d'autres conditions et pour d'autres groupes
vulnérables.
Vous comprendrez qu'il s'agit d'une pente
glissante. À cet effet, j'aimerais vous rappeler la mise en garde que je vous
ai partagée au début de ma présentation. Il faut, avant toute chose,
intensifier les services pour contrer les obstacles qui empêchent les personnes
handicapées de participer pleinement <à la société. Nous avons...
M. Jean (Daniel) :
…
vous comprendrez qu'il s'agit d'une pente glissante. À cet effet, j'aimerais
vous rappeler la mise en garde que je vous ai partagée au début de ma
présentation. Il faut, avant toute chose, intensifier les services pour contrer
les obstacles qui empêchent les personnes handicapées de participer pleinement >à
la société. Nous avons collectivement le devoir de proposer les options de
service et de soutien adéquats pour les personnes handicapées et tous ceux et
celles qui ont des besoins spécifiques. Vivre dans la dignité implique de
travailler à offrir les meilleures conditions de vie à ces personnes. C'est
pourquoi l'office suggère à la commission spéciale d'entreprendre des travaux
sur la question d'aide médicale à mourir pour mettre fin volontairement à sa
vie dans une perspective visant l'ensemble de la population. Un tel débat
social concerne la société en général, car il touche les gens de tout âge et de
toute condition. Je vous remercie de votre attention.
• (16 h 10) •
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup. Donc, je céderais maintenant la parole à la députée de Westmount—Saint-Louis.
Mme Maccarone : Merci,
Mme la Présidente. Bonjour, messieurs, merci de votre présence et de votre
témoignage lors de cette commission spéciale. J'aurais quelques questions pour
vous, vous entendre… Merci pour votre présentation.
Ce que j'entends, c'est... ce que vous
cherchez, c'est vraiment un équilibre, vraiment, entre le droit individuel et
la nécessité de, aussi, protéger les personnes vulnérables. Alors, vous
proposez quand même des recommandations qui sont prudentes, mais à l'intérieur
de ceci, on veut aussi reconnaître et respecter les droits et les libertés des
personnes handicapées. On a entendu plusieurs groupes, aujourd'hui, qui ont
manifesté ce point, car c'est très important de s'assurer que chaque personne
peut avoir un accès ou de respecter leur droit de faire un choix qui est clair,
qui est libre.
Alors, je veux mieux comprendre le rôle
que vous occupez, parce que l'Office des personnes handicapées du Québec a
quand même un rôle très crucial, fondamental. Vous accompagnez plusieurs
personnes dans leurs démarches, soit en manque de services ou de mieux
comprendre c'est quoi, leurs droits, etc., c'est vraiment fondamental. Parce
que vous êtes en train de dire qu'il y aurait peut-être des limitations en ce
qui concerne l'élargissement de la loi, exemple on ne veut pas que ça soit
appliqué pour des personnes qui souffrent peut-être des difficultés de santé
mentale.
Que ferez-vous, d'abord, face à ces
personnes qui vont probablement venir vous voir si, mettons, on dit, comme
commission : Nous recommandons… ce serait que, oui, ça ne devrait pas s'appliquer
envers ces personnes, puis ils viennent voir l'Office des personnes handicapées
du Québec parce qu'ils disent : Je souffre et je souffre profondément? Vous
l'avez évoqué, M. Jean, que c'est très difficile d'évaluer la souffrance
d'une personne, plusieurs experts nous ont témoigné de ceci. Alors,
qu'allez-vous faire face à ces personnes qui vont venir vous voir pour dire :
Au secours, aidez-moi, j'aimerais avoir un accès à l'aide médicale à mourir,
mais vous, vous pensez que peut-être je ne devrais pas être <éligible?
M. Jean (Daniel) :
Mme la Présidente…
Mme Maccarone : …
c'est
très difficile d'évaluer la souffrance d'une personne, plusieurs experts nous
ont témoigné de ceci. Alors, qu'allez-vous faire face à ces personnes qui vont
venir vous voir pour dire : Au secours, aidez-moi, j'aimerais avoir un
accès à l'aide médicale à mourir mais vous, vous pensez que peut-être je ne
devrais pas être >éligible?
M. Jean (Daniel) : Mme
la Présidente, l'enjeu n'est pas simple. Effectivement, l'office a un rôle
d'accompagnement des familles puis des personnes handicapées pour avoir accès à
des services dans l'appareil gouvernemental et aussi auprès des municipalités.
On ne donne pas nécessairement des services directs. C'est au ministère de la
Santé, c'est les ministères de services qui donnent les services directs. Mais
nous, on accompagne les personnes, et ce qu'on constate, c'est que, dans le
fond, les difficultés que vivent les personnes handicapées sont reliées à
différentes conditions, c'est-à-dire la condition de la personne, ce qui se
passe dans son environnement puis, dans le fond, comment elle peut exercer sa
participation sociale ou ses rôles sociaux. On ne peut pas dissocier ces
éléments-là. Donc, nous, souvent, ce qu'on constate, c'est que notre
intervention avec les ministères amène souvent à trouver des solutions où les
difficultés qui étaient vécues avant la prise en charge et après changent
complètement le contexte de vie. Donc, ce qu'on dit, nous... on ne dit pas qu'on
est contre toute forme d'aide médicale à mourir, ce qu'on dit, c'est que...
dans une de nos recommandations, c'est qu'on dit qu'on doit s'assurer que
l'ensemble des services ont été donnés.
Comme deuxième considération que
j'aimerais apporter à votre attention, c'est que la question de la souffrance
n'est pas spécifique aux personnes qui ont une problématique de santé mentale.
On la retrouve dans la population en général, on la retrouve chez les personnes
qui ont des problématiques de santé physique, on la retrouve dans différents… Et
notre propos, à la fin, va dans ce sens-là, c'est-à-dire que nous, on ne dit
pas que les personnes handicapées ne devraient pas avoir droit à l'aide
médicale à mourir pour des questions de souffrances extrêmes, ce qu'on dit, c'est
qu'on ne doit pas viser ce groupe-là uniquement si on fait ce débat-là, faisons
le débat pour l'ensemble de la société, parce qu'il y a des jeunes qui ne
vivent pas avec une problématique, un trouble grave de santé mentale qui vivent
des souffrances extrêmes au même titre que des adultes aînés, et, dans le fond,
on n'a pas d'étude probante, actuellement, pour dire qu'un groupe qui se
démarque d'un autre.
Mme Maccarone : O.K. Je
sais que le temps file, j'aimerais… Parce que, là, on parle aussi beaucoup en
ce qui concerne les personnes qui souffrent d'une déficience intellectuelle ou
de l'autisme, hein, on a aussi eu des témoignages, aujourd'hui, qui ont été
fort intéressants puis qui vont vraiment pousser la réflexion pour nous ainsi
que, je pense, toute la population, tous les gens qui nous écoutent
aujourd'hui. Puis on avait discuté aussi qu'il y a des préjugés, il y a des
stéréotypes. C'est des difficultés dont ils font face, les personnes
handicapées. Que pensez-vous… parce que, là, vous nous avez parlé de quelques
balises en ce qui concerne peut-être le groupe d'experts qui devrait
accompagner, mais avez-vous autres recommandations qui ne sont peut-être pas à
l'intérieur de votre mémoire en ce qui <concerne…
Mme Maccarone : ...
on
avait discuté aussi qu'il y a des préjugés, il y a des stéréotypes. C'est des
difficultés dont ils font face, les personnes handicapées. Que pensez-vous…
parce que, là, vous nous avez parlé de quelques balises en ce qui concerne
peut-être le groupe d'experts qui devrait accompagner, mais avez-vous autres
recommandations qui ne sont peut-être pas à l'intérieur de votre mémoire en ce
qui >concerne d'autres balises, d'autres recommandations, formation, peut-être?
J'avais évoqué cette question avec le groupe précédent, comment déterminer si
la personne ayant une déficience intellectuelle, pas lourde... Je comprends
votre point en ce qui concerne quelqu'un qui a déjà une déficience
intellectuelle, considéré inapte même avant ceci, avoir la conversation ou la
discussion en ce qui concerne l'aide médicale à mourir, mais comment déterminer
si cette personne a vraiment compris et éviter qu'il y ait des préjugés, éviter
qu'il y ait des stéréotypes et donner un bon accompagnement à des personnes qui
devraient s'autodéterminer et avoir le choix de mettre en vigueur la loi qui
devrait s'appliquer pour eux aussi?
M. Jean (Daniel) : Oui,
c'est... vous aimeriez que j'aborde la question des moyens concrets. Ce que je
vous dirais, c'est... une partie de ma vie, les 15 premières années, je
travaillais auprès des automutilateurs sévères. Donc, j'ai travaillé comme
intervenant, comme gestionnaire auprès de personnes qui voulaient s'autodétruire,
d'une certaine façon, c'est-à-dire qu'ils étaient... J'arrivais dans des
endroits où ils étaient attachés, avec une forte médication, un casque, dans
certains cas, de hockey ou de football sur la tête ou... genre de scènes qu'on
a déjà vues, et ce que les gens disaient, c'est que leur vie, c'était... dans
cet environnement-là contrôlé, c'était ça, l'avenir de ces personnes-là. Moi,
j'avais été formé selon une approche qui est interdisciplinaire, qui vise à
dire : On ne part pas juste de la condition de la personne, on part de
l'exercice de la condition de la personne dans un environnement, donc les
moyens qu'on peut lui offrir et les habitudes de vie qu'on est capables de
l'amener à développer.
Ce que j'ai constaté avec le temps, c'est
que des personnes qu'on disait qui n'avaient pas d'avenir ont eu un avenir, ont
réussi à sortir. Le problème, dans le cadre de la commission... Nous, notre
propos, il est à deux niveaux. Il y a des personnes qui souffrent, actuellement,
puis qu'on n'a pas pris l'approche peut-être plus large, avec une approche...
pas juste une médication, tu sais, une médication... sociale qui permettrait
d'élargir le débat puis d'apporter... Nous, on pense qu'il faut continuer à
travailler dans ce sens-là.
Par ailleurs, dans ma pratique privée...
privée professionnelle, mais qui remonte à quelques années, j'ai constaté qu'il
y a des situations où on n'est pas capable d'atteindre des résultats, et c'est
là qu'on dit... donc, une des recommandations qu'on dit : Il faut élargir,
il ne faut pas juste avoir l'approche médicale, il faut avoir une approche qui
va aller chercher des éléments dans la communauté, mais par ailleurs il faut
admettre qu'il y a des limites, O.K.? Et les personnes handicapées, comme les
autres personnes de la société, peuvent souffrir, et on n'a pas de solution, et
pour ça il faut faire le <débat pas...
M. Jean (Daniel) :
…
pas juste avoir l'approche médicale, il faut avoir une approche qui va
aller chercher des éléments dans la communauté, mais par ailleurs il faut
admettre qu'il y a des limites, O.K.? Et les personnes handicapées, comme les
autres personnes de la société, peuvent souffrir, et on n'a pas de solution, et
pour ça il faut faire le >débat pas spécifiquement sur les personnes
handicapées, mais sur les personnes qui souffrent et qu'on n'a pas réussi à
trouver de solution. Mais on pense que la meilleure approche, c'est de
travailler sur les obstacles, dans un premier temps.
Mme Maccarone : Et quel
serait le rôle, d'abord, des proches aidants auprès de ces personnes? Parce que
c'est quand même particulier, quand on parle d'une personne, peut-être, qui
souffre d'une déficience intellectuelle, on sait que, souvent, elle veut
plaire, ou une personne qui a de telles difficultés. Est-ce que le rôle du
proche aidant devrait être différent, changé, modulé? Vous avez parlé de votre
équipe, est-ce que le proche aidant devrait y participer? Puis comment assurer
que la personne peut être indépendante, autodéterminer son destin et aussi être
entourée, accompagnée des proches aidants?
M. Jean (Daniel) : Le
proche aidant ou les proches autour de la personne vont nous aider à
comprendre. Les troubles du comportement, moi, j'ai toujours dit que c'est les
moyens de communication. La souffrance nous permet de comprendre, O.K., avec
les proches, les proches aidants, ça nous permet de décoder ce qui se passe. Il
y a des personnes qui souffrent beaucoup parce qu'ils se sont fait une
représentation de leur condition, et, par préjugé ou par méconnaissance, ils
ont… ils ne voient pas d'issue, et souvent les proches vont pouvoir nous donner
des indications. Moi, dans ma pratique, dans le passé, c'était effectivement...
pour comprendre un… si on veut vraiment aider quelqu'un, il faut le comprendre,
puis, si on veut le comprendre, bien, il faut aller chercher l'information là
où est-ce qu'elle est, dans les… là où sont les proches, et dans ses
comportements, et dans ses manifestations. Plus on va être proche des besoins
de la personne, plus on va être en mesure d'atténuer les souffrances, mais il y
aura toujours des situations extrêmes.
• (16 h 20) •
Mme Maccarone : Dernière
question pour moi, ce serait en ce qui concerne la maltraitance, c'est de
s'assurer que nous protégions aussi les personnes handicapées. Et on a aussi
parlé beaucoup de… souvent, ces personnes peuvent se sentir comme elles sont un
fardeau. On ne veut pas qu'ils prennent les mauvaises décisions à cause de
peut-être des sentiments, ou une situation indue, ou, comme vous avez dit, un
manque de services ou de soins, par exemple. Avez-vous des recommandations ou
autres balises que nous devons prendre en considération en ce qui concerne des
mesures pour protéger ces personnes de la maltraitance ou de… en général, en ce
qui concerne l'aide médicale à mourir?
M. Jean (Daniel) : Bien,
dans le fond, la… l'idée, c'est de… d'une part, de… Ce qu'on dit, nous, c'est
qu'il faut… La personne peut exprimer… Quand elle peut exprimer d'avance ce
qu'elle aimerait, pouvoir se prévaloir de cet acte-là, O.K., si elle arrive au
terme <d'une souffrance, O.K., et qu'on…
M. Jean (Daniel) :
...
l'idée, c'est de… d'une part, de… Ce qu'on dit, nous, c'est qu'il
faut… La personne peut exprimer… Quand elle peut exprimer d'avance ce qu'elle
aimerait, pouvoir se prévaloir de cet acte-là, O.K., si elle arrive au terme >d'une
souffrance, O.K., et qu'on dit : Il doit y avoir un test avec l'équipe de
soignants, puis les proches devraient être là. On parle de société civile, on
parle aussi de l'environnement, des personnes qui connaissent bien la personne
pour être capables de décoder.
Toute la question de la maltraitance,
bien, c'est la question de l'accompagnement. Ça, c'est un défi. On l'a vu, tant
qu'on est en mesure de bien soutenir la famille, de bien soutenir la personne,
on est capable de prévenir. Mais c'est... la réalité est souvent un effet de
dominos : si on ne soutient pas la famille, si on ne soutient pas la personne,
la souffrance va être vécue à différents niveaux et peut se traduire par des
comportements inappropriés.
Mme Maccarone : Merci, Mme
la Présidente. S'il reste du temps, j'aimerais céder la parole à ma collègue.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Il ne nous reste plus de temps. On va peut-être revenir à la fin, Mme la
députée.
Donc, je céderais maintenant la parole au
député de Rosemont.
M. Marissal : Merci, Mme
la Présidente. Messieurs, bonjour. J'ai très peu de temps... bien, c'est-à-dire
autour de quatre minutes. J'ai deux questions, je pense, quand même assez
lourdes.
La première, concernant votre première recommandation,
que je ne lirai pas au complet parce que, juste en la lisant, je vais perdre 30
secondes, mais vous la connaissez par coeur, j'en suis sûr, moi, je vois tous
les mérites de la vertu là-dedans, mais je vois aussi un élément contre-productif,
parce que, si on prend ça au pied de la lettre, on n'y arrivera pas dans
l'immense majorité des cas, parce qu'on ne sera pas capables de rencontrer ces
exigences que vous amenez. On se retrouverait donc — c'est un débat
qu'on a, là, depuis quelques jours, là — à pénaliser doublement ces
gens qui n'ont pas reçu les bons services ou qui n'ont pas eu accès à tous les
services — puis ça, on l'entend tout le temps, puis ce n'est pas
nouveau — et en plus on leur couperait l'avenue vers l'aide médicale
à mourir. C'est ainsi que je le vois, en tout cas, parce que, si nous devions
effectivement respecter à la lettre ce que vous nous proposez là, je pense
qu'on aura un taux de succès malheureusement très faible, malheureusement, et
je le dis, vraiment malheureusement.
Puis je vous lance la deuxième question,
si vous voulez disposer du temps : Pouvez-vous nous en dire un peu plus
sur ce que vous nous suggérez comme réflexions sur le suicide? Je ne suis pas
trop sûr d'avoir bien compris ce que vous nous proposiez. Merci.
M. Jean (Daniel) : O.K.
La première question, si je veux faire court, c'est... À l'époque, quand je
travaillais dans les centres de réadaptation, on a adopté une règle, on s'est
dit : Les contentions physiques, les restrictions physiques, les
contentions chimiques, on fait tout pour que ça disparaisse. On va travailler,
on va se donner cette contrainte-là. Et aujourd'hui, si on regarde
objectivement, là, O.K., la réalité dans les centres de réadaptation, on voit
qu'il y a des grands pas qui ont été <faits...
M. Jean (Daniel) :
...
les contentions physiques, les restrictions physiques, les
contentions chimiques, on fait tout pour que ça disparaisse. On va travailler,
on va se donner cette contrainte-là. Et aujourd'hui, si on regarde
objectivement, là, O.K., la réalité dans les centres de réadaptation, on voit
qu'il y a des grands pas qui ont été >faits.
Donc, ce qu'on dit, nous, à l'office, c'est
que, si on travaille sur les obstacles, on risque d'avoir des résultats. La
personne qui est en fauteuil roulant au deuxième étage, puis il n'y a pas
d'ascenseur, il y a un obstacle, là, elle n'est pas capable de sortir dehors.
Donc, la souffrance, c'est la même chose. Si on n'est pas capable de bien
identifier l'obstacle que représente la souffrance dans la vie d'une personne
et de travailler avec, on a une difficulté. Donc, oui, ça peut paraître
vertueux, mais je suis convaincu qu'on est capables de faire des grands pas de
ce côté-là.
La dernière recommandation, c'est qu'on
inverse la logique, d'une certaine façon. C'est comme si on disait :
Écoutez, si vous voulez élargir l'aide médicale à mourir aux personnes qui
souffrent et que, scientifiquement parlant, on n'est pas capables de trouver un
groupe qui souffre plus qu'un autre, ce n'est pas prouvé, ça. Nous, ce qu'on
dit : Inversez la logique, faites le débat pour l'ensemble de la
population, quels sont les critères d'élargissement qu'on devrait faire, et ça
devrait s'appliquer aux personnes handicapées. Dans le fond, vous voyez, c'est
un renversement de paradigme, d'une certaine façon. Par contre, notre
recommandation qui va dans ce sens-là souligne tout simplement qu'on devrait
réfléchir là-dessus, mais on n'apporte pas de solution, ça fait que je
comprends que vous restez sur votre faim là-dessus, effectivement. Mais, quand
je parlais de suicide, c'est la volonté... En fait, le mot est un peu lourd,
là, mais c'est la volonté de mettre fin à sa vie par un acte médical. C'est à
ça qu'on fait référence.
M. Marissal : Je
préférerais dire, ici, que je poursuis la réflexion plutôt que je reste sur ma
faim. Puis je pense que ça va être comme ça pour encore un petit bout de temps,
on ne fait que commencer les travaux. Je vous remercie pour les précisions.
Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Vous auriez... Vous auriez encore du temps, M. le député. Peut-être...
M. Marissal : Oui. Bien,
oui, effectivement, la recommandation 4, vous suggérez d'autres personnes.
Ce serait élargi vers qui, vers quoi? Et qui en serait exclu d'office?
M. Jean (Daniel) : Bien,
l'idée, c'est que ce qu'on dit, le modèle sur lequel travaille l'office depuis
2009 avec la politique À part entière, c'est un modèle qui repose sur une
logique : il y a les conditions de la personne, O.K., avec ses capacités
puis ses incapacités. On parle souvent des incapacités, mais elle a des
capacités. Il y a les facteurs environnementaux. Je vous donnais l'exemple de
l'ascenseur, si je n'ai pas d'ascenseur, j'ai des incapacités motrices, si je
ne suis pas capable de bouger. Puis il y a toute la question, O.K. des
habitudes de vie. Ça veut dire que, si je travaille sur les obstacles pour
sortir la personne de l'étage, l'amener sur la rue, il faut après ça que je
l'amène dans des habitudes de vie où elle va pouvoir s'épanouir. Et c'est là,
le défi, de travailler sur des obstacles, c'est qu'on identifie où sont les bloquants
et on s'assure de pouvoir les enlever.
Une logique que j'aime beaucoup souligner,
c'est que, quand j'étais du côté des centres de réadaptation, je regardais
quelqu'un qui avait des troubles sévères du <comportement puis je...
M. Jean (Daniel) :
...
et c'est là, le défi, de travailler sur des obstacles, c'est qu'on
identifie où sont les bloquants et on s'assure de pouvoir les enlever.
Une logique que j'aime beaucoup
souligner, c'est que, quand j'étais du côté des centres de réadaptation, je
regardais quelqu'un qui avait des troubles sévères du >comportement puis
j'essaie de l'amener vers une intégration d'activités de jour, ou
socioprofessionnelles, ou professionnelles parce que je lui donnais du sens, à
sa vie, les comportements déviants diminuaient, etc. C'est sûr qu'on n'en
faisait pas des professions au même titre, mais l'occupation, exemple, auprès
des personnes autistes était très intéressante comme résultat.
J'ai travaillé au ministère du Travail,
Emploi et Solidarité sociale et, quand je suis arrivé, bon, quand j'étais au
niveau de l'assistance sociale, on soulignait que, quand il y a des personnes
qui sont «contraintes sévères à l'emploi», bien, on va les amener dans des
programmes d'aide non active. Aujourd'hui, la pensée évolue, mais ce qu'on se
rend compte, autrement dit, c'est tout simplement de... la façon dont on va
voir la personne, ses capacités et ses incapacités... cet équilibre-là qui va nous
permettre de bouger ou pas.
Ça fait que la personne qu'on veut voir
ajouter, ce n'est pas une personne du monde médical. On veut voir ajouter une
personne qui connaît... Ça peut être un proche aidant, effectivement. Ça peut
être quelqu'un d'un organisme communautaire ou un travailleur social, un
sociologue, etc., quelqu'un qui connaît l'environnement de la personne ou les
actions qu'on peut poser dans l'environnement pour changer le paradigme.
M. Marissal : Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Donc, je céderais maintenant la parole à la députée de Joliette.
Mme
Hivon
:
Oui, bonjour. Merci beaucoup, c'est vraiment une très bonne présentation. Vous
cernez vraiment bien les enjeux.
Je veux poursuivre exactement là-dessus,
sur la recommandation 4. Donc là, on est dans le cadre de la demande anticipée,
la personne a un diagnostic, et là ce que vous nous dites, c'est qu'il faudrait
prévoir la participation d'un professionnel du réseau et des services sociaux
autre que le médecin ou de la société civile. En ce moment, dans la loi
actuelle, ça parle déjà de l'importance d'avoir recours à l'équipe
multidisciplinaire. Donc, ce principe-là est dans la loi. Est-ce qu'il est
toujours appliqué? Je ne le sais pas, mais, en théorie, ça devrait. Donc, en
théorie, on va plus large que le seul médecin quand on traite, donc, et qu'on
accompagne la personne.
Vous, si je comprends bien de ce que vous
avez dit à mon collègue, ce que vous souhaitez davantage, c'est peut-être ce
que certains nous disent, un intervenant psychosocial ou une personne
significative à l'extérieur. Mais là, si on est dans le cas d'une personne qui
a un diagnostic de maladie d'Alzheimer, par exemple, et qui fait une demande
anticipée, on n'est pas dans le même contexte qu'une personne, par exemple, qui
a une déficience depuis longtemps, qui est accompagnée par certains organismes,
puis tout ça, là, on est quelqu'un qui est pas mal entouré de son médecin de
famille puis de ses proches. Ce serait quel type de personnes, dans ce cas-ci,
qu'on verrait?
• (16 h 30) •
M. Jean (Daniel) : Bien,
l'idée, c'est d'aller chercher… c'est d'aller dans la logique de la loi,
effectivement, une approche interdisciplinaire ou transdisciplinaire, et ce
qu'on veut voir ajouté, c'est quelqu'un qui connaît bien les besoins de la
personne. Donc, ça peut <passer par...
>
16 h 30 (version révisée)
<27
Mme
Hivon
:
…qu'on verrait?
M. Jean (Daniel) :
Bien, l'idée, c'est d'aller chercher… c'est d'aller dans la logique de la loi,
effectivement, une approche interdisciplinaire ou transdisciplinaire, et ce
qu'on veut voir ajouté, c'est quelqu'un qui connaît bien les besoins de la
personne. Donc, ça peut >passer par le réseau de la santé,
effectivement, par quelqu'un de la société civile qui va aller capter un
proche, parce qu'on voit que c'est souvent par là que ça va passer, un
organisme qui accompagne la famille, mais l'enjeu, c'est : si on veut agir
puis essayer de pouvoir aller le plus loin possible dans la façon d'atténuer
les souffrances, il faut coller le plus possible les besoins de la personne, il
faut la comprendre. C'est ça, notre enjeu. Mais cette recommandation-là, ce
n'est pas une grande révolution par rapport à, effectivement, la loi, c'est
juste un trait qu'on souligne de façon plus intensive.
Mme
Hivon
:
O.K. Puis, quand vous amenez ensuite... à la recommandation 5 puis par la
suite, les deux autres paragraphes de votre page 12, vous parlez de
l'importance de vraiment informer la personne, de voir avec elle les autres
alternatives, tout ça, pour peut-être soulager sa souffrance ou tout ça, là on
est encore dans le cadre d'une demande anticipée, donc tout ça se ferait dans
le contexte de sa discussion avec le médecin pour s'assurer du consentement
éclairé quand elle fait sa demande anticipée. Est-ce que, encore une fois, vous
trouvez… Parce que, dans la loi actuelle, on prévoit ces mécanismes-là pour
avoir le... ce qui doit être discuté avec la personne. Est-ce que vous pensez que,
vu qu'on est dans le contexte d'une demande anticipée, on doit aller plus loin
et être plus précis sur ce qui doit être discuté pour obtenir le consentement?
M. Jean (Daniel) : Bien,
ce qui m'embête un peu... oui, il faudrait essayer de… ce qui m'embête un peu,
c'est le profil des personnes handicapées. Quand on regarde les statistiques,
60 %... O.K., en fait, c'est 64 %, là, la donnée exacte, 64 %
des personnes handicapées ont des douleurs — c'est variable, des fois
c'est plus intensif, des fois, c'est cyclique — ont des douleurs, donc
des douleurs amènent la souffrance. Et là on parle de, quand même, près de 1
million dans la population du Québec.
Moi, ce que je dis, c'est que la
souffrance... j'entends bien, puis c'est le débat que vous avez à faire au sein
de la commission, hein, c'est comment mesurer cette souffrance-là, ces concepts
de douleur, de souffrance, et comment apprécier. Ce qu'on dit, nous, du côté de
l'office, c'est que, souvent, dans nos accompagnements des personnes
handicapées et des familles, entre ce qui est vécu quand on commence
l'accompagnement et la fin, c'est deux mondes, O.K.? Ce qui était vécu au début
était vécu comme étant quelque chose de très anxiogène, il y avait une
interruption de service, souvent un des deux parents devait rester à la maison,
il y avait comme une lourde difficulté, et à la fin on avait trouvé des voies
de passage qui permettaient d'aller de l'avant.
Donc, ce qu'on dit, juste, dans le débat,
c'est qu'il y a deux axes sur lesquels il faut travailler : il faut
travailler sur l'espoir d'atténuer la souffrance et il faut travailler, si on
n'est pas capable d'atténuer la souffrance, comment on est capable <de
s'assurer qu'on répond…
M. Jean (Daniel) :
...on
avait trouvé des voies de passage qui permettaient d'aller de l'avant.
Donc, ce qu'on dit juste, dans
le débat, c'est qu'il y a deux axes sur lesquels il faut travailler : il
faut travailler sur l'espoir d'atténuer la souffrance et il faut travailler, si
on n'est pas capable d'atténuer la souffrance, comment on est capable >de
s'assurer qu'on répond bien aux besoins de la personne, et, pour ça, ça prend quelqu'un
qui connaît bien la personne.
Et les membres de notre conseil
d'administration, c'est des personnes handicapées, majoritairement, et, pour
eux, les questions, dans le fond, de l'accompagnement, de ne pas faire prendre
une décision par quelqu'un d'autre, c'étaient des éléments fondamentaux dans
tout le débat qu'on a eu avec eux.
Mme
Hivon
:
Merci. C'est très clair.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée.
On parle d'accompagnement. Pour quelqu'un
qui n'aurait pas de proches, il y a, comme vous le dites, peut-être une équipe
soignante, mais est-ce qu'on pourrait parler d'un conseiller en éthique, peut-être,
ou du Curateur public? Puis j'aimerais peut-être vous entendre à ce niveau-là.
M. Jean (Daniel) : Bien, effectivement,
moi, dans ce que j'ai vécu dans le passé, quand on avait des personnes qui
n'avaient pas de cellule familiale autour d'elles, de proches, des personnes
qui connaissaient bien leur condition, on essayait d'évaluer les capacités. Il
y a des outils qui existent aujourd'hui pour évaluer les conditions de vie des personnes
handicapées à partir du modèle que je vous parlais, là, l'interaction entre les
facteurs individuels, l'environnement puis les habitudes de vie, et ces
outils-là permettent effectivement d'apprécier ce sur quoi on peut agir. Ça
fait qu'effectivement, là, il faudrait... Il y a un outil, MHAVIE, là, entre
autres, qui est un peu connu, qui permet d'aller chercher ce type d'information
là. Mais je pense que, si on n'a pas de proches qui nous permettent de nous
renseigner, là, il faut aller du côté des approches documentées, scientifiques
ou, effectivement... je n'avais pas pensé à la question d'un spécialiste en
éthique, mais ça pourrait être effectivement aussi des bonnes voies de passage.
La Présidente (Mme Guillemette) :
C'est un autre groupe qui est venu en auditions aujourd'hui qui nous ont
apporté cette voie-là, puis je voulais voir ce que vous en pensiez.
Vous recommandez que le critère... à
l'article 26, le critère de la loi, vous dites : «Elle a eu accès à des
soins, des services, du soutien et des opportunités de milieu de vie et de
participation sociale pouvant améliorer ses conditions de vie avec l'accompagnement
requis pour s'en prévaloir, et ce, sans succès et sans autre alternative.» À
quel niveau d'accès et d'accompagnement il est possible de statuer, là, qu'on
en a assez fait, là, que le «sans succès» et le «sans alternative», on l'a
atteint? Et qui devrait être en mesure de statuer une telle question?
M. Jean (Daniel) : Au
niveau... Je parlais avec le directeur national de la santé mentale, au
ministère de la Santé et des Services sociaux, de la problématique de la santé
mentale puis les périodes de crise, puis il me disait que ça pouvait... une <période...
La Présidente
(Mme Guillemette) :
...et qui devrait être en mesure de
statuer une telle
question?
M. Jean (Daniel) :
Au niveau... Je parlais avec le directeur national de la santé mentale, au
ministère de la Santé et des Services sociaux, de la problématique de la santé
mentale puis les périodes de crise, puis il me disait que ça pouvait... une
>période de souffrance extrême pouvait durer de quelques mois à autour
de 18 mois, hein, il y a comme des épisodes. Et le signal d'alarme, c'est
quand que tu as franchi le 18 mois, là, puis que tu as essayé un paquet
d'interventions, médicaments, des interventions de plus... de type dans la communauté
aussi et que rien n'a fonctionné. Là, effectivement, l'équipe peut se poser des
questions.
Le lien que je ferais peut-être pour
illustrer comment que le modèle répond bien, d'une certaine façon, c'est la
pandémie, ce qu'on vient de vivre, d'une certaine façon. La pandémie nous a
fait vivre... tous les citoyens, on a tous vécu... de façon différente, mais on
a vécu une plus grande détresse et des plus grandes difficultés. On se rend
compte que, quand on n'a pas accès à tous les services auxquels on voudrait
avoir... ou qu'on n'a pas toute l'intervention qu'il nous faudrait, il y a une
détérioration de la qualité de vie puis une augmentation de la souffrance ou de
la détresse.
Ça nous a aussi appris qu'on avait un bon niveau
de services avant, puisqu'on veut le retrouver, hein? Il faut voir aussi la
perspective dans... Nous, ce qu'on dit, à l'office, là, c'est que c'est... ce
que la pandémie nous enseigne, c'est que, si on agit sur les conditions, les
obstacles des personnes, on peut atteindre des résultats. Mais ne soyons pas
dogmatiques, reconnaissons qu'actuellement la science a des limites par rapport
à certaines problématiques, autant au niveau des maladies neurologiques
dégénératives, au niveau de la santé mentale que des automutilateurs sévères
avec une déficience profonde ou autisme, là. Il y a des enjeux là, là, des
drames qui se vivent, là, puis qu'on n'a pas trouvé de solution, puis il faut
être assez honnête pour dire : Actuellement, on ne sait pas. Puis là il
faut poser la question à la personne : Qu'est-ce que tu veux faire de ta
vie? Parce que, là, actuellement, on n'a pas la réponse.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Je céderais maintenant la parole à la députée de Saint-François.
Mme
Hébert
:
Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Jean.
Je voudrais vous amener par rapport à
quand on pense, là... disons qu'on y va pour quelqu'un qui a un diagnostic d'une
maladie incurable, qui a un diagnostic irréversible puis qu'éventuellement il
risque de devenir inapte. Donc, si on parle, là, d'inaptitude... alors, si la
personne veut faire une demande anticipée, avez-vous réfléchi à comment ça...
quelle forme ça pourrait être? Est-ce que ça doit être notarié? Est-ce que ça
doit être une demande simple faite avec le médecin, comme les... Donc, est-ce
que vous avez pensé à la procédure qui pourrait être faite?
M. Jean (Daniel) : Sur cet
élément-là, non, de façon très claire, mais est-ce que vous faites référence à
une problématique reliée à la déficience, ou à la personne handicapée, ou une problématique
de santé <physique...
Mme
Hébert
:
…une demande simple faite avec le médecin, comme les... Donc,
est-ce que
vous avez pensé à la procédure qui pourrait être faite?
M. Jean (Daniel) :
Sur cet élément-là, non,
de façon très claire, mais
est-ce que
vous faites référence à une
problématique reliée à la déficience, ou à
la
personne handicapée, ou une
problématique de santé >physique?
Mme
Hébert
:
Santé physique.
M. Jean (Daniel) : Santé
physique. Donc, pour nous, ce qu'on dit, tout simplement, dans le mémoire, c'est
qu'on colle les processus actuels. Ce qu'on a entendu, du côté du curateur — vous
l'avez entendu en mai dernier, je crois — nous apportait des
éclairages. On n'a pas l'expertise pour aller plus loin là-dessus. Nous, le
bout qui nous intéressait, c'est l'autodétermination, c'est de dire: Bien, les
personnes handicapées ont des droits, et il faut reconnaître qu'elle a aussi le
droit de demander une aide médicale à mourir lorsqu'elle a une maladie physique
incurable.
• (16 h 40) •
Mme
Hébert
:
Parfait. Si on va du côté de ma collègue, donc, Mme la Présidente, qui a amené
une question, puis... Je vous ai entendu parler de l'outil MHAVIE. C'est la première
fois que j'entends ça. Est-ce que vous êtes capable de m'expliquer un petit peu
plus c'est quoi, cet outil-là?
M. Jean (Daniel) : Bien,
c'est un outil qui vise à identifier, dans les différentes sphères de la vie de
la personne, dans le fond, c'est quoi, ses capacités, qu'est-ce qu'elle est
capable de faire puis ce qu'elle n'est pas capable de faire. Ça nous amène à
nous questionner où est l'obstacle et sur quoi on doit agir. Je vous donne
comme exemple, toujours, la personne au deuxième étage, si on met un ascenseur…
qui est en une incapacité motrice, qui est en fauteuil roulant, donc, on
comprend qu'avec l'ascenseur elle est capable de descendre, mais, un coup
qu'elle est rendue dehors, elle n'est pas capable d'aller plus loin que la rue
parce qu'il n'y a pas de transport adapté, il n'y a pas d'élément. Donc là, on
travaille sur les obstacles dans l'environnement, mais, un coup que la personne
est dehors, est en train de marcher, est en train de prendre un transport, là,
elle a soit des rôles sociaux ou des activités de vie qu'elle doit réaliser
pour prendre sa place dans la société. Donc, cet outil-là nous amène à prendre
en considération chacun des éléments.
Moi, quand j'ai travaillé avec des
automutilateurs sévères, paradoxalement, le taux de réussite était aux
alentours de 70 %, je vous dirais, là, O.K., 30 % des résultats
étaient mitigés, là, O.K., on avait peut-être un 30 % qui était... vraiment,
c'était… on avait réglé une partie du problème. Puis le groupe, au centre, on
avait réussi à maintenir un équilibre, il y avait moins de souffrance, la
personne réussissait à se réaliser, et souvent c'était en travaillant en équipe
interdisciplinaire, et en réduisant un petit peu la médication, puis en
augmentant, O.K., les autres façons d'aller chercher un sens à la vie.
Ça fait que ce qu'on se rend compte c'est
que la souffrance est alimentée par des facteurs internes, mais est alimentée
aussi par la représentation qu'on se fait de notre rôle dans la société, ou de
notre place, etc., ou de la place que la famille <ou les proches...
Mme
Hébert
:
Parfait…
M. Jean (Daniel) :
un sens à la vie.
Ça fait que ce qu'on se rend compte
c'est que la souffrance est alimentée par des facteurs internes, mais est
alimentée aussi par la représentation qu'on se fait de notre rôle dans la
société, ou de notre place, etc., ou de la place que la famille >ou les proches...
Mme
Hébert
:
Parfait. Puis, quand... J'aime ce que vous dites, là, qu'on peut atténuer une
portion de la souffrance, mais, si une personne, pour elle, la vie est
inconcevable si on n'a pas 100 % des souffrances qui sont atténuées,
est-ce qu'elle est quand même éligible à l'aide médicale à mourir ou, parce
qu'on a réussi à rendre sa vie... un semblant, là, de qualité, bien, on ne juge
pas qu'il y a une si grande souffrance? Donc, est-ce que c'est possible encore?
M. Jean
(Daniel) : Là, il y a un enjeu d'autodétermination, c'est-à-dire que,
la personne, je pense que c'est elle qui doit choisir. Ma réponse serait de
deux niveaux : l'autodétermination de la personne handicapée, puis il ne
faudrait pas que ça ne soit que les personnes handicapées qui peuvent avoir
droit à ça, O.K., au détriment des autres groupes dans la population qui
peuvent vivre des souffrances similaires, sinon pires, mais qui n'auraient pas
accès, tu sais.
Ça
paraît un peu paradoxal, ce que je vous dis, mais l'office, son rôle, c'est
d'assurer une pleine participation des personnes handicapées. Donc, on n'est
pas des spécialistes de l'approche médicale, mais ce qu'on dit, nous, c'est que
les personnes handicapées ont le droit d'avoir une place au soleil, puis, si
elles souffrent, elles devraient avoir les mêmes droits que tous les autres
citoyens.
Mme
Hébert
:
Parfait. J'ai terminé, Mme la Présidente. Merci, M. Jean.
M. Jean (Daniel) :
Plaisir.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci beaucoup. Ça met fin à notre présentation pour cet après-midi.
Merci beaucoup, messieurs, à vous deux,
d'avoir été présents aujourd'hui. C'est très formateur pour la suite de nos
travaux et ça va nous éclairer grandement, j'en suis certaine. Donc, sur ce, je
vous remercie de votre collaboration.
Et, compte tenu de l'heure, la
commission ajourne ses travaux jusqu'à demain, mercredi 11 août, où nous
reprendrons notre mandat, à 9 h 30. Merci. Bonne fin de journée, tout
le monde.
(Fin de la séance à 16 h 44)