Journal des débats (Hansard) of the Select Committee on the Evolution of the Act respecting end-of-life care
Version préliminaire
42nd Legislature, 1st Session
(November 27, 2018 au October 13, 2021)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.
Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions
Monday, August 9, 2021
-
Vol. 45 N° 8
Special consultations and public hearings on the Evolution of the Act respecting end-of-life care
Aller directement au contenu du Journal des débats
Intervenants par tranches d'heure
-
-
-
Guillemette, Nancy
-
Jacques, François
-
Hébert, Geneviève
-
Birnbaum, David
-
Maccarone, Jennifer
-
-
Maccarone, Jennifer
-
Guillemette, Nancy
-
Marissal, Vincent
-
Hivon, Véronique
-
Ouellette, Guy
-
-
Guillemette, Nancy
-
Birnbaum, David
-
Maccarone, Jennifer
-
Marissal, Vincent
-
Hivon, Véronique
-
Blais, Suzanne
-
Girard, Éric
-
-
Girard, Éric
-
Guillemette, Nancy
-
Marissal, Vincent
-
Hivon, Véronique
-
Hébert, Geneviève
-
-
Hébert, Geneviève
-
Guillemette, Nancy
-
Blais, Suzanne
-
Birnbaum, David
-
-
Guillemette, Nancy
-
Hivon, Véronique
-
Jacques, François
-
Hébert, Geneviève
-
Maccarone, Jennifer
-
-
Maccarone, Jennifer
-
Guillemette, Nancy
-
Birnbaum, David
-
Marissal, Vincent
13 h (version révisée)
(Treize heures vingt-trois minutes)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, bonjour, tout le monde et bienvenue à la commission spéciale sur l'évolution concernant les
soins de fin de vie. Avant de commencer officiellement la captation... donc,
ça, ce bout-là, on l'a déjà fait avec vous, M. Blain.
Auditions (suite)
Donc, nous accueillons maintenant Les
Usagers de la santé du Québec avec son représentant, M. Pierre Blain,
président-directeur général. Donc, M. Blain, merci d'être avec nous cet
après-midi. Je vous cède la parole. Donc, vous avez 10 minutes pour nous
faire votre exposé, et, par la suite, il y aura un échange avec les membres de
la commission d'une période de 35 minutes. Je vous cède maintenant la
parole.
Les Usagers de la santé du Québec (LUSQ)
M. Blain (Pierre) : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Mmes les députées, MM. les <députés, c'est
la...
La Présidente (Mme Guillemette) :
...
avec nous cet après-midi. Je vous cède la parole.
Donc, vous avez 10 minutes pour
nous faire votre exposé, et, par la suite, il y aura un échange avec les
membres de la commission d'une période de 35 minutes. Je vous cède
maintenant la parole.
M. Blain (Pierre) : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Mmes les députées, MM. les >députés, c'est
la troisième fois que je me présente devant vous pour exprimer les souhaits des
Usagers de la santé du Québec et mes réflexions sur l'aide médicale à mourir.
Les Usagers de la santé du Québec vous expriment ce que nous entendons des
usagers et ce qu'ils nous demandent de vous transmettre. Nous exprimons les
craintes de personnes handicapées qui ne voudraient pas être contraintes de la
subir s'ils n'expriment pas clairement leurs intentions. Nous exprimons aussi
les sentiments de personnes qui ne voudraient pas vivre la déchéance de ne plus
être vivantes sans en avoir les bienfaits.
L'usager, en tant que personne libre, a le
droit de demander l'aide médicale à mourir comme l'ont reconnu les tribunaux.
Les usagers ont des droits et doivent pouvoir les faire valoir, y compris dans
l'aide médicale à mourir.
Votre document de réflexion nous demande
de nous prononcer sur les enjeux soulevés par l'élargissement potentiel de
l'aide médicale à mourir pour les personnes en situation d'inaptitude ou celles
dont le seul problème médical est un trouble mental. Vous comprendrez que ces
deux enjeux ne sont pas du tout... sont différents et demandent des réponses
différentes.
Suite au jugement de la cause Truchon et
Gladu, le Parlement fédéral a revu sa loi. Encore une fois, il est apparu,
malheureusement, des disparités entre la loi fédérale et la loi provinciale
votée par l'Assemblée nationale. En effet, malgré la recommandation du groupe
d'experts mandaté par le ministre de la Santé qui proposait que l'aide médicale
à mourir soit administrée même si l'usager devenait inapte entre le moment de
l'acceptation de la demande et le moment de l'administration, il a fallu une
disposition spéciale pour que cela puisse s'appliquer au Québec.
D'autres points divergent entre la loi
fédérale et la loi adoptée par celle du Québec. Nous recommandons donc que le
Québec harmonise sa loi pour correspondre à la loi fédérale afin d'éviter toute
confusion. Je ne vous dis pas que la loi fédérale est la meilleure, entre
autres, avec le délai de 10 jours qui doive s'appliquer entre
l'administration, ce que... ce n'est pas ça que je vous dis. Mais au moins, il
faut faire en sorte que, dans la majorité des cas, nous puissions avoir...
qu'on... que ça puisse être un peu semblable.
D'ailleurs, si nous vous donnons cet
exemple, c'est pour soulever que les critères d'admission à l'aide médicale à
mourir demeurent encore très flous et sujets à interprétation des médecins, des
infirmiers et des infirmières ou de l'administration.
L'avis des experts diverge sur la notion
d'inaptitude car leur avis se base sur des critères différents. Pour le
Curateur public, une personne est inapte lorsqu'elle est incapable de prendre
soin d'elle-même ou d'administrer ses biens. Le Collège des médecins met de
l'avant l'aptitude à consentir aux soins. Le consentement doit être libre,
éclairé et donné à une fin spécifique. Pour Les Usagers de la santé du Québec,
ces notions d'inaptitude n'ont rien à voir avec le droit de l'usager de faire
respecter ses droits, même en cas d'inaptitude. En effet, les travaux de cette <commission
est...
M. Blain (Pierre) : ...
de l'avant l'aptitude à consentir aux soins. Le consentement doit être libre,
éclairé et donné à une fin spécifique. Pour Les Usagers de la santé du Québec,
ces notions d'inaptitude n'ont rien à voir avec le droit de l'usager de faire
respecter ses droits, même en cas d'inaptitude. En effet, les travaux de cette
>commission est d'établir si une personne qui a exprimé ses volontés de
demander l'aide médicale à mourir en cas d'inaptitude pourrait être admissible
à l'aide médicale à mourir.
Les jugements des tribunaux et la loi
fédérale ont ouvert la porte à une interprétation beaucoup plus large de ce qui
pourrait être admissible comme critères pour demander l'aide médicale à mourir.
Ainsi la notion de fin de vie est disparue jusqu'à un certain point. Pour nous,
l'usager a le droit de déterminer à l'avance ses volontés de recevoir l'aide
médicale à mourir lorsqu'il sera inapte. La loi devrait donc lui permettre
cette possibilité.
Nous recommandons donc que la loi sur
l'aide médicale à mourir reconnaisse les domaines d'aide médicale à mourir
anticipée.
La première implication que vous avez en
tant que législateurs, c'est de protéger les plus vulnérables. Par conséquent, seules
les personnes qui auraient exprimé clairement leur volonté de demander l'aide
médicale à mourir dans un document pourraient y être admissibles. Cela exclut
donc les personnes qui n'auraient pas consigné leurs volontés, les mineurs et
les personnes inaptes de facto.
Nous avons tous été émus récemment, bien
sûr, par l'appel de grands-parents qui souhaitaient que leur petit-fils né avec
une condition médicale difficile puisse recevoir l'aide médicale à mourir.
Malgré notre sympathie, nous ne croyons pas que cela devrait être permis. Et le
cas Latimer illustre assez bien la situation. Il en est de même pour les
personnes handicapées.
Par conséquent, seules les personnes aptes
pourraient signer une demande d'aide médicale à mourir anticipée. Cette demande
devrait se retrouver dans un registre facilement accessible. Il existe déjà, au
Québec, un registre sur les directives médicales et, à notre avis, ce registre
devrait également inclure les demandes d'aide médicale anticipées, et nous
reviendrons plus tard, bien sûr, sur les modalités. Un seul registre éviterait
toute confusion. C'est pourquoi nous recommandons donc que le Registre des
directives médicales anticipées inclue également les demandes d'aide médicale à
mourir anticipées.
Qu'en est-il des mineurs? Pourraient-ils
faire une demande d'aide médicale? Dans leur cas, il ne s'agirait pas d'une
demande anticipée puisqu'ils sont déjà là. Un mineur peut être émancipé,
toutefois, s'il l'est, il pourrait faire une demande. Dans tous les autres cas,
nous ne croyons pas que les mineurs devraient être autorisés.
• (13 h 30) •
Toutefois, maintenant, on doit parler d'un
processus. Quand devrions-nous enclencher? Protéger les plus vulnérables
consiste également à s'assurer du processus qui conduira à l'exécution de la
demande d'aide médicale à mourir anticipée.
Votre dilemme en tant que législateurs
sera de déterminer quand on enclenchera l'aide médicale à mourir anticipée.
Cela soulève de très nombreuses questions, et est, en réalité, au coeur de
cette commission. Il y a d'ailleurs deux <aspects à considérer...
>
13 h 30 (version révisée)
< M. Blain (Pierre) :
...d'aide médicale à mourir anticipée.
Votre dilemme en tant que législateurs
sera de déterminer quand on enclenchera l'aide médicale à mourir anticipée.
Cela soulève de très nombreuses questions, et est, en réalité, au coeur de
cette commission. Il y a d'ailleurs deux >aspects à considérer :
Qui enclenche, et quand? Si je vous pose... si je vous donne ces choses-là, c'est
parce qu'on a... j'ai eu dans ma vie à prendre une décision semblable, et pour
moi, ce qui est important, c'est le respect de la personne et aussi le respect
de sa volonté.
Les experts s'entendent généralement sur
le fait que les personnes rendues au stade sept de la maladie d'Alzheimer n'ont
plus vraiment conscience de la réalité, c'est la seule certitude que nous
avons. Certains s'interrogent : Doit-on donner l'aide médicale à mourir à
une personne inapte et qui ne semble pas souffrir? Pour moi, c'est de la
rhétorique, il faut plutôt respecter la volonté de la personne. Mais quand
déclencher le processus, et qui devrait le faire? Tout devrait se retrouver, à
notre avis, dans la demande d'aide médicale à mourir anticipée. Il faut que la
personne qui signe ce document puisse identifier un mandataire qui agira en son
nom lorsqu'elle le jugera nécessaire. Ce mandataire devrait obligatoirement
accepter cette charge et signer également le document. Sans mandataire, il ne
devrait pas y avoir d'aide médicale à mourir. Le mandataire devient la personne
qui enclenche la demande d'aide médicale à mourir au nom de la personne inapte.
Et, j'insiste, il est hors de question pour nous que l'équipe soignante ou un
de ses membres puisse enclencher le processus.
Nous recommandons donc que la personne
signe une demande et désigne un mandataire, et nous recommandons que le
mandataire désigné accepte sa charge et signe la demande d'aide médicale à
mourir.
De plus, il faut aussi prévoir un
mécanisme au cas où le mandataire ne pourrait plus exercer sa charge. Si la
personne a signé la demande est toujours apte, elle pourrait désigner une autre
personne. En cas d'inaptitude, je pense que le mandataire pourrait lui-même
désigner une autre personne. Et surtout le mandataire devrait être présent tout
au long du processus qui conduira à une demande d'aide médicale anticipée. L'équipe
médicale posera un diagnostic qui influencera le mandataire à enclencher le
processus de demande d'aide médicale à mourir.
Naturellement, vous qui êtes avocats dans
beaucoup de cas, vous allez sûrement me dire : Oui, mais le Code civil
fait en sorte que la famille... etc. Vous avez tout à fait raison, et c'est
pour ça que je suggère qu'il y ait plutôt un mandataire, parce que les chicanes
peuvent commencer à s'exercer dans les familles pour dire : Oui, on
devrait, non, on ne devrait pas. Par conséquent, si on veut que la
responsabilité d'une personne soit... la volonté d'une personne soit respectée,
bien, il faut qu'il y ait une seule personne qui puisse prendre la décision au
moment opportun.
Et nous suggérons que l'ajout d'un
organisme extérieur indépendant dans le processus qui conduira à l'aide
médicale à mourir devrait être une <façon de faire. Nous...
M. Blain (Pierre) : ...
volonté d'une personne soit respectée, bien, il faut qu'il y ait une seule
personne qui puisse prendre la décision au moment opportun.
Et nous suggérons que l'ajout d'un
organisme extérieur indépendant dans le processus qui conduira à l'aide
médicale à mourir devrait être une >façon de faire. Nous pensons que ce
regard extérieur... parce que jusqu'à présent, les usagers ont des défenseurs
un peu partout, jusqu'à présent, il n'y en a aucun dans le cas des personnes
qui enclenchent l'aide médicale à mourir.
Je vais aller rapidement, parce qu'il
reste l'autre partie, qui est la partie maladie mentale. Présentement, l'aide
médicale à mourir n'est pas vraiment fermée aux personnes présentant des
troubles de maladie mentale. En effet, plusieurs personnes y ont eu recours. Il
y a une différence, bien sûr, entre santé mentale et maladie mentale. La
maladie mentale couvre plusieurs diagnostics qui ne se ressemblent pas et qui
peuvent même s'opposer. Sur le site du gouvernement du Québec, on retrouve une
définition de la santé mentale... de la maladie mentale, plutôt : «La
maladie mentale se définit par des changements qui affectent la pensée,
l'humeur ou le comportement d'une personne et qui lui causent de la détresse ou
de la souffrance.» Je crois que la réponse à vos interrogations se retrouve
dans cette définition. En effet, si la condition d'une personne en est une de
souffrance, nous croyons que cette personne devrait être admissible à l'aide
médicale à mourir. D'ailleurs, c'est une des conditions qui s'appliquent lors
de la demande d'acceptation de l'aide médicale à mourir.
Nous croyons, d'ailleurs, que ça a...
c'est l'avenue qui a été privilégiée dans tous les cas jusqu'à présent. Un
psychiatre devrait-il établir un diagnostic? C'est aux médecins à décider entre
eux. Chacun a sa spécialité, toutefois, la prise en charge d'un médecin est
normalement faite par son médecin traitant. Si ce dernier a besoin d'un avis,
il pourrait le demander. D'ailleurs, la loi actuelle indique qu'un deuxième
avis médical est nécessaire. Par conséquent, nous croyons qu'il serait
difficile, sinon impossible, pour cette commission de trancher. La loi
actuelle, et surtout celle qui a été revue pour répondre aux jugements des
tribunaux, couvre la problématique de santé mentale.
Nous n'aborderons pas les idées
suicidaires car nous n'en avons pas la compétence. Répondent-elles aux critères
de la loi? À vous d'en juger dans votre sagesse et dans... et votre avis... et
les avis d'experts.
Merci, mesdames et messieurs. Merci, Mme
la Présidente.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, M. Blain.
Donc, avant de continuer avec les
questions venant des membres de la commission, je fais un petit retour en
arrière, donc, pour le bien de la télédiffusion. La commission est réunie aujourd'hui,
virtuellement, afin de procéder aux consultations particulières et aux
auditions publiques sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de
vie.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a
des remplacements?
La Secrétaire
: Non,
Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Et j'aimerais avoir le consentement pour permettre au député de Chomedey
de pouvoir participer aux séances.
Des voix
: ...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Ça va à tous? Donc, nous passons <maintenant à la...
La Présidente (Mme Guillemette) :
...
fin de vie. Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des
remplacements?
La Secrétaire
: Non,
Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Et j'aimerais avoir le consentement pour permettre au député de Chomedey
de pouvoir participer aux séances.
Des voix
: ...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Ça va à tous? Donc, nous passons >maintenant à la discussion avec les
membres de la commission. Donc, est-ce que... Bien, en fait, je vais y aller,
si je peux me permettre. M. Blain, merci de votre présentation aujourd'hui.
Vous êtes la voix des usagers, donc c'est d'autant plus important pour nous.
Vous parliez, au niveau de l'Alzheimer... Au niveau de l'Alzheimer, c'est
facile parce qu'il y a le stade 7. C'est plus cadré. Mais, si on parle
d'autres troubles cognitifs qui ne sont pas aussi bien définis, de laisser un
membre de la famille ou un mandataire seul prendre cette décision-là, est-ce
que vous ne trouvez pas que c'est lourd? Est-ce qu'on ne devrait pas le...
qu'il soit accompagné par une équipe médicale pour ne pas qu'il sente cette
charge-là toute sur ses épaules?
M. Blain (Pierre) : Vous avez
tout à fait raison, Mme la Présidente, et c'est entendu qu'il faut que l'équipe
médicale assiste tout au long du processus. Mais, comme je vous ai dit, le
problème vient du fait du moment qu'on va déterminer. Dans beaucoup de cas,
plusieurs personnes disent : C'est quand je ne reconnaîtrai plus les
miens. Personnellement, je ne pense pas que c'est la bonne façon de le faire.
Donc, quand vous parlez de troubles cognitifs autres, vous avez tout à fait
raison. La seule, en réalité, qui amène la mort jusqu'à un certain point, c'est
l'Alzheimer. J'ai rencontré énormément d'experts, j'ai assisté à énormément de
conférences et, comme vous le savez, bon, j'ai un peu d'expérience dans ce
domaine-là, et c'est ça qui m'amène à dire : Je préfère faire très
attention, et j'aimerais mieux qu'une seule personne prenne la décision.
Le problème qui est soulevé, cependant, c'est est-ce
qu'il n'y aura pas d'autres considérations extérieures. Genre, ça coûte trop
cher de garder quelqu'un, etc., vaut mieux... Et l'autre problème que
j'entrevois aussi, c'est plutôt la douleur que la personne a elle-même, pas la
personne qui a demandé l'aide médicale à mourir, souvent, c'est la personne qui
dit : Ah! moi, ça me fait trop souffrir de la voir dans cet état-là. Donc,
je pense que c'est préférable que ce soit une seule personne qui prenne une
décision semblable, le mandataire, mais, bien sûr, conseillé par une équipe
médicale.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait, merci. Je crois que j'ai le député de Mégantic. Je vous cède la <parole.
M. Jacques : Merci, Mme la
Présidente. M. Blain...
M. Blain (Pierre) : ...
que ce soit une seule personne qui prenne une décision semblable, le
mandataire, mais, bien sûr, conseillé par une équipe médicale.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait, merci. Je crois que j'ai le député de Mégantic. Je vous cède la >parole.
M. Jacques : Merci, Mme la Présidente.
M. Blain, bonjour. Je veux revenir, là, sur votre présentation, là, parler
de demandes anticipées. Est-ce que, votre demande anticipée, vous la faites
avant la maladie ou au moment de la maladie, au moment que la maladie est
commencée?
M. Blain (Pierre) :
Excusez-moi, j'ai manqué la fin, j'ai fait un mouvement brusque.
• (13 h 40) •
M. Jacques : Il n'y a pas de problème.
Ce que je disais, on parle de demandes anticipées. Est-ce que la demande
anticipée se fait au moment de l'apparition de la maladie ou elle peut se faire
avant l'apparition d'une maladie?
M. Blain (Pierre) : À mon point
de vue, ça devrait être au moment où il y a l'apparition d'une maladie, effectivement,
où on a justement des vraies raisons pour le faire. Sauf qu'actuellement, avec
la loi, et c'est ça qui est un peu ambigu, est-ce que n'importe qui pourrait la
demander pour n'importe quelle raison? Alors, pour moi, c'est plutôt, quand
arrive une maladie qui est dégénérative et qui amène, justement, éventuellement
la mort, je pense que c'est le meilleur moment pour la faire.
M. Jacques : Donc, quelqu'un,
là, qui est en parfaite santé ne peut pas faire... ne pourrait pas faire... pas
un testament, mais une demande anticipée pour un événement qui pourrait se
produire dans le futur, exemple, un ACV massif qui rend la personne inapte à
tout. Vous ne pensez pas que les gens... ce n'est pas de la dignité aussi,
cette façon-là de vivre, si on ne peut pas s'accepter d'une telle façon, bien,
de pouvoir dire qu'est-ce qu'il va se passer par la suite si jamais il nous
arrive un accident? Puis ça peut être un accident de la route, là, qui crée des
lésions permanentes, irréversibles et qui nous empêche, là, de ne prendre
aucune décision.
M. Blain (Pierre) : Merci de
cette précision-là, sauf qu'il existe déjà, justement, des demandes de refus de
soins. Ce que vous me dites, dans le fond : Ce n'est pas suffisant la
demande de refus de soins. C'est qu'il pourrait y avoir également
l'enclenchement, et c'est là, je pense, vous, comme parlementaires, législateurs,
que vous pouvez justement faire ce genre de travail là. Moi, je n'ai pas
d'objection à ce que ce soit fait. La seule chose, c'est plutôt comment on va
le faire.
M. Jacques : Et avez-vous des
idées comment on peut le faire?
M. Blain (Pierre) : Oui,
effectivement, c'est qu'il faut que ce soit enregistré dans un registre, et,
par la suite, comme je vous ai dit, à mon point de vue... Alors, quand vous
dites : Vivre dans la dignité, vous avez tout à fait raison. D'ailleurs, c'est
une des phrases que j'ai dite dès le début de ma présentation, quand j'ai <parlé
que les gens ont...
M. Blain (Pierre) : ...
enregistré
dans un registre, et, par la suite, comme je vous ai dit, à mon point de vue...
Alors, quand vous dites : Vivre dans la dignité, vous avez tout à fait
raison. D'ailleurs, c'est une des phrases que j'ai dite dès le début de ma
présentation, quand j'ai >parlé que les gens ont... voudraient être
vivants sans en reconnaître les bienfaits. Alors, oui, je pense que c'est
quelque chose qui peut être fait.
La seule problématique, c'est est-ce qu'on
est sûrs, à ce moment-là, que c'est le bon moment d'enclencher. Et c'est là où
moi, j'ai eu un petit peu de... Je vais vous raconter une anecdote qui n'est
pas drôle. J'étais dans un salon funéraire avec quelqu'un, et la personne
souffrait d'Alzheimer, son mari venait de décéder, elle était en délire, son
mari était à l'hôtel, puis elle avait un ami qui s'appelait Roméo maintenant.
Et là, jusqu'à un moment donné, elle se retourne vers moi et elle dit : Tu
sais, il est bien mieux là que vivant. Donc, il y a ces moments de lucidité
aussi qui peuvent exister. Si la personne avait fait une demande anticipée d'aide
médicale à mourir, c'est au mandataire de déterminer c'est le bon moment
d'enclencher, et je pense qu'ils auraient toute l'autorité. Et vous avez raison
aussi, c'est Mme la Présidente qui parlait ou c'est vous, je ne me souviens
pas, de la lourdeur d'une tâche d'un cas semblable, et je vais vous dire que,
dans le premier mémoire que j'ai présenté à l'Assemblée nationale en ce
sujet-là, j'avais fait le tour d'à peu près toutes les communautés culturelles,
de toutes les religions également. Les seuls qui n'avaient pas voulu signer le
mémoire recommandant l'aide médicale à mourir, c'étaient les peuples
autochtones, parce que, pour eux, ce qui était difficile, c'était le moment...
c'était la personne qui enclenchait, justement, qui donnait la piqûre, et qui
disaient : Pour cette personne-là, ça va être trop difficile. D'ailleurs,
Mme Hivon, qui vient d'arriver, était à cette commission, et c'était un
des arguments que j'avais fait valoir pour dire : Les seuls qui n'avaient
pas voulu, c'étaient les peuples autochtones.
M. Jacques : O.K. Vous avez
parlé des personnes vulnérables, bon, on s'entend, là, que si on veut avoir des
mandats ou des choix de fin de vie signés ou écrits... avant la maladie, quelle
qu'elle soit, les personnes vulnérables vont avoir beaucoup de difficulté à
avoir accès à ça aussi. Vous avez soulevé un petit peu le point. J'avais... je
ne m'étais attardé à ça puis je n'y avais pas pensé, à cette problématique-là.
Est-ce que vous avez des solutions pour que l'accessibilité soit égale pour
tous?
M. Blain (Pierre) : Moi, je n'en
vois pas de solution à ce niveau-là. Je pense que, dans tous les cas, il faut
que la personne soit apte et puisse exprimer ses volontés de façon libre avant.
Autrement, je ne vois pas.
Je vais vous donner un autre cas aussi qui
m'est arrivé, je l'ai mentionné un petit peu dans le mémoire, mais une <personne...
M. Blain (Pierre)T : ... Je
pense que dans tous les cas, il faut que la personne soit apte et puisse
exprimer ses volontés de façon libre avant. Autrement, je ne vois pas.
Je vais vous donner un autre cas aussi
qui m'est arrivé, je l'ai mentionné un petit peu dans le mémoire, mais une >personne
lourdement handicapée m'avait fait venir pour me dire : Je... et elle
avait de la difficulté à s'exprimer, elle ne pouvait pas s'exprimer, elle avait...
tout ça, mais elle avait peur que, justement, on prenne une décision pour elle,
un moment donné, et qu'on fasse l'aide médicale à mourir à son endroit alors
qu'elle disait : Moi, je veux vivre, même si c'est difficile pour moi, je
veux vivre. Donc, pour moi, je ne vois pas d'autre solution que la volonté,
quand on est apte de pouvoir le faire. Ça veut dire que, justement, toutes les
personnes qui ne sont... qui sont déjà inaptes en naissant ne pourront jamais
avoir... et c'est là où c'est extrêmement dangereux, si jamais on en venait à
une conclusion semblable.
M. Jacques : Oui, je suis
d'accord... je suis tout à fait d'accord avec vous. Bien, merci, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le député. Je céderais maintenant la parole à la députée de Saint-François.
Mme
Hébert
:
Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Blain, pour votre intervention.
J'ai retenu que vous avez recommandé que le Québec harmonise la loi pour
qu'elle corresponde avec la loi fédérale, pour qu'on évite toute confusion. Par
contre, l'approche québécoise en matière d'aide médicale à mourir est basée sur
une continuité de soins, puis l'approche canadienne, elle, c'est un droit
fondamental. Alors là, puisqu'on parle de droit fondamental puis de soins, on
n'est pas du tout... c'est deux approches qui sont, je pense, difficilement
conciliables, alors comment vous pensez qu'on peut l'harmoniser?
M. Blain (Pierre) : Vous avez
tout à fait raison, et c'est la problématique d'un pays comme le Canada où,
d'un côté, c'est plus basé sur certains droits individuels, si je peux dire, et
de l'autre côté... Sauf que les tribunaux nous ont ouvert... ont ouvert la
porte à ça. Par conséquent, moi, je pense que ce n'est pas incompatible, la
notion de soins, de... et qu'on peut le constater. C'est plutôt... c'est dans
les mécaniques, comme celle que je vous ai dite tantôt. Au niveau du Québec,
quand le groupe d'experts avait recommandé qu'on administre tout de même l'aide
médicale à mourir si une personne devenait inapte entre le moment où elle... la
demande avait été acceptée et le moment... C'est là. À mon point de vue, c'est
plutôt des petits ajustements comme ça.
Comme je vous ai dit, l'autre chose, moi,
qui me dérange un peu dans la loi fédérale, c'est les 10 jours qui ne sont
pas supposés... Mais je suis sûr que personne ne nous écoute, mais c'est très
rare que les médecins le suivent, cette partie-là. Ça se fait souvent assez rapidement
pour répondre, justement, à la volonté des personnes.
Mme
Hébert
:
O.K. Parce qu'au Québec, vous savez, tu sais, c'est... on a le droit de le
demander mais ça ne veut pas dire que ça va être automatiquement offert, cette...
ce soin de fin de vie là, qui est l'aide médicale à mourir, donc ça fait qu'il
y a comme une disparité entre les deux. Parfait.
J'ai une question, aussi. Vous dites que
c'est de... le moment où déclencher l'aide, le processus d'aide médicale à
mourir anticipée, là, donc quand on a fait notre <demande, le...
Mme
Hébert
: ...
ce soin de fin de vie là, qui est l'aide médicale à mourir, donc ça fait qu'il
y a comme une disparité entre les deux. Parfait.
J'ai une question, aussi. Vous dites
que c'est de... le moment où déclencher l'aide, le processus d'aide médicale à
mourir anticipée, là, donc quand on a fait notre >demande, le moment
entre le déclencher par notre mandataire, là, vous dites qu'il va falloir qu'il
y ait des bonnes balises, que ça soit clair, mais avez-vous fait des
réflexions? Parce que, là, vous lancez ça comme ça, mais... Parce qu'il dit,
là, le moment de déclencher, quand le déclencher, le «quand», est-ce que vous
avez déjà réfléchi un peu à...
M. Blain (Pierre) : À mon
point de vue, c'est exactement comme maintenant que ça devrait s'appliquer.
Présentement, une personne fait une demande, une équipe médicale vérifie si c'est
quelque chose qui est admissible et, à ce moment-là, rend une décision. Ça ne
veut pas dire que la personne ne peut pas revenir pour faire... si elle est
refusée. À mon point de vue, le mandataire devient la personne, et, à ce
moment-là, l'équipe médicale devrait juger pour voir si c'est le... si c'est
correct et si ça répond aux critères.
Cependant, maintenant, les tribunaux ont
fait en sorte que la notion de fin de vie, elle disparaît. La preuve,
M. Truchon a demandé l'aide médicale à mourir sans qu'il soit en fin de
vie, suite au jugement de la Cour du Québec. Donc, à ce moment-là, le même
principe s'applique. Pour moi, la demande doit être faite, elle est faite par
un mandataire qui, à ce moment-là, agit au nom de la personne, c'est tout.
Mme
Hébert
:
Parfait. Mais est-ce que la demande, elle est exécutoire, ou la personne
pourrait revenir en arrière, ou reporter? Est-ce que c'est la mandataire qui
décide ou la personne a toujours le dernier mot?
• (13 h 50) •
M. Blain (Pierre) : La
personne, si elle n'est plus apte, ne pourra pas avoir le dernier mot. C'est là
où, plus tôt, quand j'ai dit, et que Mme la Présidente l'a souligné : On a
une seule certitude, c'est le stade 7 de la maladie d'Alzheimer. Dans tous
les autres cas, bien, c'est l'interprétation d'une équipe médicale et l'interprétation
du mandataire qui peut le faire, parce que la personne ne sera plus apte pour
prendre la décision elle-même.
Mme
Hébert
:
Parfait. Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
...(panne de son) ...non, ne m'entendent plus. Oui, vous m'entendez bien? Donc,
je céderais maintenant la parole au député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : Merci, Mme la
Présidente, et merci, M. Blain, pour vos interventions toujours lucides et
très pertinentes au débat à chacune des étapes qu'on aura franchies... pardon,
ensemble au Québec.
Quand on parle de la demande anticipée et
la suite d'un mandataire, je me permets de comprendre qu'on aimerait quand
même, évidemment, donner le plus de clarté à ce mandataire pour que sa
responsabilité déjà assez lourde soit balisée par une demande <claire et
précise...
M. Birnbaum : ...
permets de comprendre qu'on aimerait quand même, évidemment, donner le plus de
clarté à ce mandataire pour que sa responsabilité déjà assez lourde soit
balisée par une demande >claire et précise. Auriez-vous des suggestions
pour nous en ce qui a trait à comment baliser la demande? C'est-à-dire, quel
genre de critères devrait être cité? Comment est-ce qu'on aide l'individu
atteint d'un diagnostic, à définir la souffrance, l'horizon, qualité de vie et
tout ça? Comment est-ce qu'on assure des demandes d'où les voeux sont très...
le plus clair possible.
M. Blain (Pierre) : Oh là là!
C'est vraiment une bonne question que vous me posez là. Et les experts nous
amènent justement, jusqu'à un certain point, à certaines réponses.
La première des choses pour moi, il y a...
Une chose est claire. Cette demande-là anticipée, quand y arrivera l'exécution,
ne doit pas être différente des autres demandes qui sont faites. C'est-à-dire,
on doit les étudier de la même façon qu'on les étudie. La différence maintenant,
c'est plutôt... c'est que la loi fédérale et les tribunaux ont fait en sorte
que ce soit un petit peu plus large.
Le seul autre problème, que j'ai soulevé
aussi tantôt, concernait le Code civil au Québec. D'habitude, c'est le conjoint,
les enfants qui doivent prendre des décisions. Alors, à mon point de vue, il va
falloir faire en sorte... Il existe cependant un conseil de tutelle, mais le
conseil de tutelle qui existe actuellement est plutôt pour les biens. Moi, je
pense que peut-être un conseil de tutelle devrait aussi être partie prenante à
ces choses-là.
Mais surtout la chose la plus importante,
c'est : il faut éviter des chicanes inutiles et il faut surtout éviter de
ne pas respecter la volonté de la personne. Comme je vous ai dit tantôt, moi,
je l'ai entendu souvent, et c'était les premiers critères qu'on a entendus
quand on voulait faire des demandes d'aide médicale à mourir, elles étaient de
dire : Oui, mais je ne reconnaîtrai plus les miens. Et ça, là, c'est
presque impossible, sauf au stade 7 de la maladie d'Alzheimer qu'on est
certains que ça, ce n'est plus là.
Donc, autrement, pour moi, c'est suivre...
et je pense qu'aussi le mandataire, s'il veut vraiment bien remplir son
travail, devrait tenir la famille au courant. Je pense que c'est une étape
extrêmement importante pour qu'il y ait, dans le fond, une espèce de consensus
qui s'établisse alentour de ça. Je ne sais pas si j'ai répondu à votre
question, monsieur?
M. Birnbaum : C'est
intéressant. Nous avons entendu parler ici et là de la démence heureuse, je ne
sais pas si c'est le bon terme, mais ça peut être quelqu'un qui aurait <signé
une demande...
M. Blain (Pierre) : ...
Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question, monsieur?
M. Birnbaum : C'est
intéressant. Nous avons entendu parler ici et là de la démence heureuse, je ne
sais pas si c'est le bon terme, mais ça peut être quelqu'un qui aurait >signé
une demande d'admission pour l'aide médicale à mourir, qui donne des critères
tout à fait compris — je ne reconnais plus mes enfants, je n'ai pas
la capacité d'autonomie dans mes fonctions, et tout ça. Est-ce que vous avez
des conseils en ce qui a trait à ce scénario-là?
M. Blain (Pierre) : Oui,
M. le député. D'ailleurs, j'ai une belle-soeur qui est infirmière et qui,
pour elle, la mémoire affective ne disparaît jamais. Elle, quand elle... elle
fait beaucoup de cas d'Alzheimer, et pour elle, la famille, la meilleure des
choses qu'ils ont à faire, c'est de toucher les personnes qui sont souffrantes
et d'établir, comme ça, une espèce de lien. On l'a vu, récemment, dans
certaines vidéos qu'on a vues sur Internet où une dame âgée, tout à coup, s'est
mise à jouer du piano et interprétait la... elle était redevenue la grande
interprète qu'elle était. Par conséquent, il n'y a pas de réponse claire
là-dedans.
Quand vous parlez, justement, des deux formes,
parce qu'effectivement, il y a deux formes, la forme heureuse et la forme un
peu plus agressive, et je les ai vécues toutes les deux dans ma famille, alors,
effectivement... Et il y a le fameux cas qu'on a eu, aussi, en Belgique, où, au
moment d'administrer l'aide médicale à mourir, il y a une personne qui a réagi.
Bon, je pense que le cas est allé devant les tribunaux et ça s'est soldé sans
suite. Mais il va y avoir toujours des cas semblables. Moi, je me dis,
cependant, dans le doute, vaut mieux s'abstenir.
M. Birnbaum : Merci beaucoup,
M. Blain. Mme la Présidente, je crois que ma collègue de Westmount—Saint-Louis
aurait d'autres questions. Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le député. Mme la députée de Westmount—Saint-Louis.
Mme Maccarone : Merci,
Mme la Présidente. Bonjour, M. Blain. Je ne connais pas beaucoup
l'organisme que vous représentez mais je comprends que vous avez déjà passé,
lors de la première consultation, pour offrir votre témoignage. Pouvez-vous
nous dire s'il y a eu une évolution lors de... les premiers départs, quand vous
avez participé, dans le passé, et aujourd'hui? Et combien de gens ont été
consultés lors du dépôt de votre mémoire et votre témoignage aujourd'hui?
M. Blain (Pierre) : Notre
organisme, les usagers de la santé... Dans les témoignages que j'ai faits, dans
les années précédentes, j'étais avec une autre organisation de défense des
droits aussi. Dans ce cas-ci, notre organisme est un organisme qui est plus
présent depuis, et on compte environ 1 000 personnes qui sont membres
de notre organisation. Et à ce moment-là, on agit surtout par Facebook. On
prend maintenant les réseaux sociaux plus pour faire les consultations.
Certains, dans certains cas, n'étaient pas du tout d'accord, ils trouvaient que
mon mémoire n'allait pas assez loin. Moi, je pense qu'au contraire, j'ai pu <établir
une...
M. Blain (Pierre) : ... qui
sont membres de notre organisation. Et à ce moment-là, on agit surtout par
Facebook. On prend maintenant les réseaux sociaux plus pour faire les
consultations. Certains, dans certains cas, n'étaient pas du tout d'accord, ils
trouvaient que mon mémoire n'allait pas assez loin. Moi, je pense qu'au
contraire, j'ai pu >établir un certain équilibre pour préserver
justement les plus vulnérables.
Et c'est toujours difficile d'essayer
d'aller trop loin. Le Québec justement est allé déjà très loin quand il a autorisé
l'aide médicale à mourir, entre autres, on a été la première société ici, en
Amérique du Nord, à le faire, et ça a été un large consensus. Et le résultat a
été cependant que beaucoup de demandes étaient refusées, et on ne savait pas
pourquoi. Il y avait encore cette espèce de barrage culturel ou religieux qui
existait dans certaines régions et qui faisait en sorte que certains hôpitaux...
Je pense que tranquillement, parce que
j'ai regardé les dernières statistiques, les dernières statistiques ont fait en
sorte que c'est en train de se résorber. Donc, oui, il y a une évolution, oui,
on en est rendus maintenant qu'on veut, mais, comme je vous disais tantôt, il
faut faire attention entre juger la souffrance de la personne qui te fait une
demande d'aide médicale à mourir et la souffrance de la personne qui, elle,
souffre de voir quelqu'un souffrir. C'est ça qui est la problématique.
Et c'est pour ça que j'essaie autant
possible de le mettre, cette façon, dans des mains extérieures, d'une personne
de confiance qui aurait été choisie par la personne et qui pourrait le faire.
C'est pour ça que je ne suis pas d'accord, moi, avec des... certains experts
qui disent que le moi évolue pendant l'année, pendant une période. Pour moi,
c'est pareil, comme pour dire : Si je fais un testament à 20 ans puis
que je ne le change pas, bien, mon testament n'est plus valable. Bien sûr, on
parle de vie et de mort ici, là, mais, d'un autre côté, je pense qu'il faut
respecter la volonté de la personne, peu importe le moment où ça s'est produit.
Mme Maccarone : Je pense que
c'est une belle porte d'entrée pour ma prochaine question en ce qui concerne le
mandataire : Est-ce que le mandataire, dans votre scénario, peut-être le
Curateur public? Parce qu'on a plusieurs personnes qui ont perdu leurs
aptitudes, qui vont être sous la responsabilité du Curateur public, mais, ce n'est
pas un proche aidant, ce n'est pas nécessairement un membre de la famille, malgré
que c'est des gens qui sont très compétents. Selon vous, est-ce que cette
personne qui serait le mandataire au nom de Curateur public devrait avoir cette
responsabilité aussi?
• (14 heures) •
M. Blain (Pierre) : En tout
respect, Mme la députée, je crois que non, parce qu'il faut que ce soit le
respect de la personne. Si la personne est inapte et n'a pas fait une demande,
je ne crois pas que ça devrait se faire. Et, surtout, avec le Curateur public,
ça apporterait une charge beaucoup plus grande. Ça ne serait... Parce que j'ai
eu des discussions avec certains médecins qui disaient : C'est le médecin
qui est le mieux à même de décider. Oui, d'accord, mais, si c'est le médecin
qui enclenche, bien, la population pourrait dire : Oui, c'est vrai, il
avait besoin d'un lit. Alors, je pense que c'est un peu la même chose qui
devrait se <produire avec le...
>
14 h (version révisée)
< M. Blain (Pierre) : ...
Parce
que j'ai eu des discussions avec certains médecins qui disaient : C'est le
médecin qui est le mieux à même de décider. Oui, d'accord, mais, si c'est le médecin
qui enclenche, bien, la population pourrait dire : Oui, c'est vrai, il avait
besoin d'un lit. Alors, je pense que c'est un peu la même chose qui devrait se >produire
avec le Curateur public. Je sais qu'il a une charge de travail extrêmement
grande, mais j'espère que ça... Non, je préférerais non.
Mme Maccarone : Puis, en ce
qui concerne les demandes anticipées et les personnes qui sont dans une
situation de vulnérabilité ou les personnes qui sont vulnérables, selon vous,
comme représentant des comités d'usagers, est-ce qu'on devrait moduler le
programme ou s'assurer que le programme est adapté pour que tout le monde peut
avoir une compréhension de c'est quoi, l'aide médicale à mourir, quand on parle
de soins de fin de vie? Par exemple, une personne qui souffre d'un handicap
mental, une déficience intellectuelle, est-ce que nous devons aussi moduler le
programme pour eux pour que ça soit vraiment éligible pour toutes les
personnes?
M. Blain (Pierre) : Oui, je
pense que vous avez raison. La seule différence, c'est qu'il faut faire
attention, quand on arrive justement avec la maladie mentale, parce qu'il y a
toutes sortes de conditions qui peuvent s'offrir. Je ne sais pas, probablement
que, vous aussi, vous avez eu... avoir des suicides dans l'entourage de
personnes que vous aimiez, et c'est là qu'il s'agit de voir la différence. Si
une personne est rendue assez souffrante pour vouloir se suicider, il faut voir
si c'est pour les bonnes raisons, à mon point de vue, dans ce temps-là. Alors,
c'est là où, en réalité, j'ai de la difficulté. Mais, oui, il faudrait que ce
soit bien encadré, il faut que ce soit bien balisé, et c'est pour ça que, pour
moi, les mêmes demandes... la même demande d'aide médicale à mourir doit être
celle qu'on suit régulièrement, de façon générale, mais, en même temps, il faut
peut-être l'adapter un petit peu mieux pour les autres.
Mme Maccarone : Merci, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée. Je céderais maintenant la parole au député de Rosemont.
M. Marissal : Merci, Mme la
Présidente. M. Blain, merci d'être là. J'ai très peu de temps, alors je
vais quand même rapidement souligner votre contribution, elle est appréciable
et appréciée.
Comme j'ai à peu près quatre minutes, je
vais y aller rondement. Qui pourrait être mandataire ou, je vais poser la
question à l'envers, en fait, qui ne devrait pas être mandataire?
M. Blain (Pierre) : Un
médecin, un membre de l'équipe soignante. Les autres, ça peut être n'importe
qui.
M. Marissal : Y compris la
famille très proche.
M. Blain (Pierre) : Y compris
la famille très proche, mais une seule personne, mais sauf qu'il devrait être
consulté pour éviter, justement, les conflits de famille.
M. Marissal : D'accord. Vous
ne voyez pas une certaine contradiction là-dedans? Puisqu'en ce moment ce qu'on
chercherait, idéalement, c'est des directives exécutoires. Vous parlez d'un
mandataire qui pourrait, là je me fais l'avocat du diable, là, mais, pour plein
de raisons, ne jamais enclencher. Donc, on prive la personne qui avait pourtant
<demandé d'en finir...
M. Marissal : ...ce qu'on
chercherait, idéalement, c'est des directives exécutoires. Vous parlez d'un
mandataire... qui pourrait, là je me fais l'avocat du diable, là, mais, pour
plein de raisons, ne jamais enclencher. Donc, on prive la personne qui avait
pourtant >demandé d'en finir, on la prive donc de cette dernière
volonté.
M. Blain (Pierre) : Oui, mais
je pense que ça pourrait être encadré dans la demande qui est signée, hein, de
façon antérieure. Je pense qu'à ce moment-là... Et c'est là qu'il y a une
discussion qui doit être faite entre la personne qui signerait une demande et
le mandataire pour s'assurer que la volonté soit vraiment respectée et... Parce
qu'autrement on ne pourra jamais enclencher. Qui enclenche? C'est impossible.
M. Marissal : On pourrait
enclencher comme ça se fait en ce moment, par une équipe médicale qui décide.
Mais vous n'êtes pas... je comprends que vous n'êtes pas...
M. Blain (Pierre) : Non.
M. Marissal : ...et je ne juge
pas, là, vous n'êtes pas d'accord avec ça. Vous savez, de la théorie à la
pratique...
M. Blain (Pierre) : Mais ce
n'est pas l'équilibre.
M. Marissal : Je m'excuse de
vous interrompre. De la théorie à la pratique, on peut parfois avoir des
retours de sentiment puis, tout d'un coup, ne pas avoir envie de porter ce
choix final qui mènera quelqu'un à la mort. Ça se peut, ça. À ce moment-là,
donc, d'emblée, la personne n'enclenchera pas le processus ou retardera
indûment, selon la demande qui lui avait été faite et le mandat qu'elle avait,
non?
M. Blain (Pierre) : Vous avez
tout à fait raison. C'est un... Il faut prendre ce risque-là, tout de même. La
différence, c'est : Est-ce qu'il va y avoir 1 % de cas semblables? Il
va y en avoir 30 %? Je pense qu'à partir de ce moment-là la probabilité
que la personne ne remplisse pas son mandat est plus faible que celle qu'elle vont
le faire, parce que ça va être bien clair entre la personne qui ferait la
demande et le mandataire.
M. Marissal : Très bien. Vous
parlez d'un organisme extérieur pour protéger les personnes vulnérables.
Peut-être définir «vulnérable» ici, parce qu'il me semble que quelqu'un qui est
totalement inapte et n'est plus en mesure de prendre des décisions cadre assez
parfaitement dans la définition de vulnérabilité. C'est même la vulnérabilité
extrême, quant à moi. Cet organisme, il est... quelle forme prend-il? Est-ce un
organisme gouvernemental, paragouvernemental, privé? Comment... Quelle forme
prend-il et quels sont ses pouvoirs?
M. Blain (Pierre) : À mon
point de vue, c'est quelque chose un peu comme les comités des usagers qui sont
à l'intérieur mais qui n'ont pas ce genre de pouvoirs là. Ça peut être dans une
organisation comme la nôtre, qui est plus dans le milieu. Il y a aussi un
groupe de mourir dans la dignité, etc. C'est le regard extérieur pour nous
assurer que ce sont les bonnes... le bon moment de déclencher et surtout que
c'est les bonnes raisons de le faire. Pour moi, ça sera probablement toujours
le bon moment, mais, comme je vous ai dit, il y en a plusieurs qui ont des
craintes, dans certains cas, de savoir : Est-ce que c'est pour le... Est-ce
que, justement, on... ça coûte trop cher, de garder quelqu'un vivant?
M. Marissal : Effectivement,
il y a toujours cette... ce spectre au-dessus de toutes ces discussions. Cet
organisme, donc, aurait-il un...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
M. Marissal : Très bien, Mme
la Présidente. Désolé.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le député. C'est tout le temps que nous avions. Donc, je
céderais <maintenant...
M. Blain (Pierre) : ...
est-ce
que,
justement, on... ça coûte trop cher, de garder quelqu'un vivant?
M. Marissal :
Effectivement, il y a toujours cette... ce spectre au-dessus de toutes ces
discussions. Cet organisme, donc, aurait-il un...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
M. Marissal : Très bien,
Mme la Présidente. Désolé.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le député. C'est tout le temps que nous avions. Donc, je
céderais >maintenant la parole à députée de Joliette.
Mme
Hivon
: Oui.
Bonjour, M. Blain. Merci beaucoup de votre présentation. J'avais d'autres questions,
mais je vais poursuivre rapidement — moi aussi, j'ai juste
quatre minutes — sur la question de mon collègue. Tantôt, je
vais faire un peu l'avocat du diable, vous avez répondu à la question de ma
collègue de Westmount—Saint-Louis que vous ne pensez pas que le Curateur public
pourrait être mandataire parce qu'il n'est pas collé, si j'ai bien compris, là,
sur la personne comme telle, si, par exemple, une personne aurait été apte et
deviendrait inapte. Mais là vous nous dites qu'un organisme extérieur pourrait
venir aider à situer le moment pour déclencher l'application de l'aide médicale
à mourir. Mais est-ce qu'on n'est pas dans le même type de situation où
l'organisation n'a pas une connaissance fine des volontés de la personne?
M. Blain (Pierre) : Vous avez
raison. L'organisme dont je parle ne serait pas là, lui, pour enclencher. Il
serait là après que l'enclenchement est fait et s'assurer que tout se déroule
comme c'est supposé et dans le respect des droits de la personne qui a demandé
l'aide médicale à mourir.
Dans le cas du curateur, vous avez raison,
si les législateurs veulent leur donner cette possibilité-là, mais il y aura
toujours une crainte d'être partie, en même temps, de...
Mme
Hivon
:
Parfait. O.K., donc, dans votre scénario, vous avez votre mandataire qui est
désigné, puis, encore une fois, je cherche une petite précision, il est désigné
mais seulement pour appliquer la volonté, donc déclencher le moment en disant :
À la lumière de ce que ma conjointe, ma fille, mon père a écrit dans sa demande
anticipée, on est rendus à ce moment-là. Donc, comme mandataire, je souligne
que nous devons enclencher le processus, et non pas me substituer à la personne
pour dire : Voici, elle voudrait maintenant l'avoir. On se comprend bien?
C'est juste pour enclencher.
M. Blain (Pierre) :
Absolument.
Mme
Hivon
:
Parfait. Autre petite question. Dans votre mémoire, vous, vous nous dites que...
à savoir, le critère de la souffrance, est-ce qu'on doit l'évaluer au moment où
on donnerait l'aide médicale à mourir, vous qualifiez ça un peu de faux débat.
Et puis c'est un débat qui nous a occupés et qui nous occupe encore beaucoup,
dans la mesure où on veut... si on veut garder le critère de la souffrance.
Donc, je vous soumets un cas d'une
personne qui aurait mis dans ses directives anticipées simplement : Moi,
quand je ne reconnaîtrai plus mes enfants ou, moi, quand je ne pourrai plus
manger par moi-même, je veux avoir l'aide médicale à mourir. Est-ce que cela,
en soi, pour vous, devrait être suffisant, même si, au moment d'appliquer, la
personne chante à longueur de journée, est heureuse, à l'air bien, ne fait pas
d'errance, pas d'anxiété? Comment on juge ça alors?
M. Blain (Pierre) : Vous posez
la <bonne question, Mme la députée...
Mme
Hivon
: ...pour
vous, devrait être suffisant, même si, au moment d'appliquer, la
personne chante à longueur de journée, est heureuse, à l'air bien, ne fait pas
d'errance, pas d'anxiété? Comment on juge ça alors?
M. Blain (Pierre) : Vous
posez la >bonne question, Mme la députée, c'est-à-dire, tous les experts
que j'ai écoutés, que j'ai rencontrés n'ont pas de réponse à ça. Pour beaucoup
de ces experts, ce n'est pas une réponse de dire : Je ne répondrai... je
ne reconnaîtrai plus les miens ou je ne peux plus manger. Pour eux autres, ce n'est
pas nécessairement suffisant.
Est-ce que, justement, avec le fait que,
maintenant, on a peut-être cette possibilité-là de mourir dans la dignité, à ce
moment-là, peut-être que ça pourrait devenir un critère que vous pourriez
évaluer et qui pourrait être fait? Étant donné que la loi fait en sorte,
maintenant, qu'on n'a pas plus la fin de vie immédiate, mais c'est peut-être la
qualité de vie, c'est peut-être quelque chose qui peut être introduit dans la
loi québécoise en parlant de qualité de vie.
Mme
Hivon
:
Est-ce qu'il me reste du temps, Mme la Présidente?
• (14 h 10) •
La Présidente (Mme Guillemette) :
30 secondes.
Mme
Hivon
: Oui.
Donc, pour vous, peut-être que le critère de la souffrance ne devrait plus être
là, mais juste le critère de la qualité de vie. Je résume ça simplement, mais
vous nous amenez à réfléchir là-dessus.
M. Blain (Pierre) : Les
deux. Pour moi, la souffrance va toujours rester parce qu'elle est là présentement
dans la loi. Et maintenant on pourrait peut-être y rajouter quelque chose de
plus, qui est la qualité de vie.
Mme
Hivon
: O.K.
Mais, pour vous, la souffrance doit demeurer comme critère.
M. Blain (Pierre) : La
souffrance doit demeurer. Et c'est là, entre autres, en santé mentale, que ça
existe.
Mme
Hivon
: Oui,
O.K., merci beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée. Donc, je céderais maintenant la parole au député de Chomedey.
M. Ouellette : Merci, Mme la
Présidente. Merci, M. Blain. J'ai encore moins de temps que mes deux
derniers collègues. Je veux vous amener sur la dernière partie de votre
mémoire, la maladie mentale, où vous nous mettez, dans votre mémoire, ce qu'il
y a sur le site du gouvernement sur la santé mentale, sur la maladie mentale,
et vous nous suggérez de garder le statu quo ou vous nous suggérez le statu quo
parce que c'est déjà prévu dans la loi. J'aimerais ça, que vous soyez un petit
peu plus explicite.
M. Blain (Pierre) : M. le
député, pour moi, c'est un peu ce que je viens de discuter avec Mme la députée,
c'est-à-dire la souffrance. Pour moi, dans le cas de la santé mentale, justement,
dans la définition qu'on a, on parle de souffrance, et, pour moi, justement, la
souffrance doit être un des éléments. Et, jusqu'à présent, les demandes qui ont
été faites concernant l'aide médicale à mourir pour des personnes en santé
mentale, le critère de souffrance s'est fait. D'ailleurs, le Curateur public a
autorisé, dans certains cas, une demande semblable.
M. Ouellette : Donc, si je
vous suis, ce qui existe présentement devrait être assez pour qu'on n'ait pas <besoin
de...
M. Blain (Pierre) :
...dans
certains cas, une demande semblable.
M. Ouellette :
Donc, si je vous suis, ce qui existe
présentement devrait être assez
pour qu'on n'ait pas >besoin de... pas légiférer, mais qu'on n'a pas
besoin d'en tenir compte dans notre rapport ou dans notre réflexion actuelle.
M. Blain (Pierre) : Vous avez
raison. Pour moi, c'est pour ça que je parle de statu quo à ce niveau-là. Je
pense qu'on a déjà des critères au niveau de la santé mentale. Si on veut les
étendre et si on veut justement aller autrement, c'est là qu'il peut être très
difficile... et c'est pour ça que j'ai dit que je n'étais pas spécialiste au
niveau des idées suicidaires, bon, alors, comment pouvons-nous le juger? À ce
moment-là, est-ce que c'est un psychiatre? Moi, je pense que c'est le médecin,
c'est l'équipe médicale qui peut. Et dans tous les cas, la même chose va être
faite, la demande va être évaluée et jugée de la même façon pour voir si l'aide
médicale à mourir est acceptable ou pas.
M. Ouellette : Merci, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci beaucoup. Merci, M. Blain, d'avoir accepté d'être ici avec
nous aujourd'hui et de répondre à nos questions. C'est très éclairant pour les
travaux de la commission.
Donc, nous allons suspendre quelques
instants, le temps d'accueillir nos nouveaux invités, mais, comme on est un peu
en retard, on n'aura pas le 10 minutes, on va reprendre immédiatement les
travaux. Donc, je demanderais aux membres de rester branchés, on va débuter
tout de suite. Merci encore, M. Blain.
M. Blain (Pierre) : Merci et
bonne journée.
(Suspension de la séance à 14 h 14)
(Reprise à 14 h 18)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, bonjour, Mme Poirier. Merci d'être avec nous aujourd'hui. Donc, nous
entendons l'organisme Carpe Diem du Centre de ressources Alzheimer et sa
représentante, Mme Nicole Poirier. Donc, je vous rappelle que vous avez
10 minutes pour nous présenter votre exposé, et, par la suite, il y aura
un échange avec les membres de la commission pour une période de
35 minutes. Donc, je vous cède la parole.
Carpe Diem — Centre de ressources Alzheimer
Mme Poirier (Nicole) :
Parfait. Merci beaucoup. Merci d'échanger, d'accepter d'échanger avec moi
aujourd'hui. Donc, effectivement, je suis directrice de Carpe Diem, un
organisme que j'ai contribué à fonder il y a 35 ans. J'ai fait aussi des
études en psychologie, en gérontologie puis une maîtrise en administration
publique. Ma mère a eu l'alzheimer dernièrement. Elle est décédée en 2015. Et j'ai
pu vivre aussi ce qu'un proche vit lorsqu'on a des décisions à prendre pour une
personne qui devient progressivement... qui perd son aptitude.
Alors, ce que je vais vous échanger
aujourd'hui, c'est beaucoup le fruit de mon expérience à Carpe Diem, mais aussi
toutes ces années de recherche. La première recherche remonte à 1989 avec...
lorsque Mme Lavoie-Roux, qui était ministre de la Santé, m'avait reçue
puis m'avait dit : Bon, votre projet est intéressant, mais il faudrait
faire une recherche pour comprendre les besoins de personnes, les familles, le
réseau. Et elle avait investi 1,2 million à ce moment-là dans cette
recherche-action que j'avais accepté de faire parce que c'était une
recherche-action, justement, puis qu'on pouvait offrir des services en même
temps qu'on faisait de la recherche. Et, au terme de cette recherche, j'ai
réalisé que, bon, il y avait la maladie qui causait des souffrances, mais il y
avait aussi des souffrances causées par les conditions de vie, par les manques
de formation, par de la médication mal adaptée, de l'enfermement, et tout ça. Alors,
ça, ça fait partie de mon cheminement puis de ma réflexion, ainsi que
différents comités, comme le comité sur le plan d'action pour la maladie
d'Alzheimer avec le Dr Bergman . J'ai fait aussi des visites
d'appréciation dans les CHSLD. Puis j'ai été beaucoup en Europe aussi pour
partager notre approche.
• (14 h 20) •
Alors, en 2010, j'ai écrit un mémoire dans
le cadre de la commission Mourir dans la dignité. Et à l'époque, bien, c'était
un peu nouveau qu'on entende parler d'ouvrir l'aide à mourir aux personnes qui
allaient devenir inaptes. Alors, moi, mon mémoire, à ce moment-là, c'était de
dire, bien, il y a la maladie qui cause des souffrances, mais il y a tellement
de conditions de vie aussi qui causent des souffrances. Comment peut-on faire
un choix éclairé et sans pression si on n'a pas plus d'options pour nous plus
tard, si on n'a pas plus de perspectives intéressantes autres que l'aide à
mourir? Alors, moi, c'était de dire : C'est démontré par les recherches,
il y a de l'abus de psychotropes dans des milieux d'hébergement, il y a des
souffrances <causées par le fait...
Mme Poirier (Nicole) : ...et
sans pression si on n'a pas plus d'options pour nous plus tard, si on n'a
pas plus de perspectives intéressantes autres que l'aide à mourir? Alors, moi,
c'était de dire : C'est démontré par les recherches, il y a de l'abus de
psychotropes dans des milieux d'hébergement, il y a des souffrances >causées
par le fait d'être enfermé, il y a de la dénutrition, c'est démontré aussi par
les recherches, il y a un manque d'accompagnement des familles. Alors, moi, je
proposais de travailler là-dessus, sans nécessairement être contre l'idée
d'offrir éventuellement une aide à mourir.
Ensuite, bien là il y a eu ma mère que
j'ai accompagnée, puis à toutes mes réflexions s'est ajouté celle d'une fille,
avec ses frères et soeurs, qui doit prendre des décisions, puis sans que j'aie
pu m'imaginer, des petites décisions aux grandes réflexions de tout le monde,
alors que je pensais que c'était simple.
Je donne juste un exemple. Il y a un
médicament contre l'alzheimer qui causait des effets secondaires à ma mère bien
évidents, et puis moi qui pensais que ça prendrait peut-être une heure,
ensemble, à prendre la décision, bien, ça a pris des mois, alors que chacun... On
est sept enfants à décider selon nos expériences, nos valeurs. Puis parfois,
bien, on s'éloigne, on n'a pas toujours conscience de ce que les autres frères
et soeurs font dans la vie. Puis parfois, bien, ils arrivent avec des
réflexions qui étaient assez inattendues. Et ça, c'est pour le médicament.
Ensuite, on a eu à décider des traitements
pour ma mère, qui a eu le cancer, un cancer des intestins. Est-ce qu'on
continue les tests? Est-ce qu'on fait des investigations? Est-ce qu'on traite? Est-ce
qu'on opère? Est-ce qu'on va aux soins palliatifs? Ce n'est pas simple comme
décision, puis je l'ai vécu à fond. Alors, ça, ça m'a amenée à me dire :
Bien, c'est compliqué, confier à une tierce personne des décisions. Et celle,
ultime, de mourir, pour moi, je pense que c'est une grande marque de confiance,
mais je prévois qu'il y aura beaucoup de risques de conflits et risques de
vivre cette situation-là de façon difficile.
Alors, ça, c'est ce qui m'a amenée à en ce
moment, aux travaux du comité, que j'ai suivis. J'ai lu le rapport du comité,
j'ai aussi lu le document de consultation et je vous partage, aujourd'hui, mes
réflexions suite aux documents de consultation. On dit, dans le document, qu'il
faut avoir un diagnostic pour pouvoir rédiger des demandes ou des directives
anticipées. Donc, la question du diagnostic, je la comprends, il faut l'avoir,
mais, quand j'en ai parlé à des familles qui ont accompagné un parent, on m'a
dit : Oui, c'est correct, mais moi, ma mère n'aurait pas pu signer un
document comme celui-là parce que lorsqu'elle a eu le diagnostic... ça fait
partie de la nature de la maladie, c'est long, poser un diagnostic, puis
souvent il y a des personnes, en fonction du type de maladie... Si vous avez
une maladie frontotemporale, ça se peut que vous ayez vite perdu votre capacité
à juger de votre situation versus un autre type de maladie. Donc, il y a des <personnes
qui m'ont dit...
Mme Poirier (Nicole) : ...a
eu
le diagnostic... ça fait partie de la nature de la maladie, c'est long, poser
un diagnostic, puis souvent il y a des personnes, en fonction du type de
maladie... Si vous avez une maladie frontotemporale, ça se peut que vous ayez
vite perdu votre capacité à juger de votre situation versus un autre type de
maladie. Donc, il y a des >personnes qui m'ont dit : C'est injuste,
et même qui m'ont dit : C'est discriminatoire, parce que moi, je serais...
Il y a des gens qui ont appris qu'il fallait poser le diagnostic pour y avoir
accès.
Donc là, je sais qu'il y a une campagne de
sensibilisation qui pourrait être offerte, mais, en même temps, je me disais :
Juste concrètement, s'il y a 10 000 personnes par année qui reçoivent
un diagnostic de maladie d'Alzheimer, qu'il y en a la moitié qui signe des
demandes ou des directives, ça va faire beaucoup de dossiers à traiter.
Concrètement, est-ce qu'on aura les médecins — qu'on a de la difficulté
à avoir en ce moment pour avoir une prescription d'antibiotiques — est-ce
qu'on va avoir les médecins puis les professionnels pour analyser correctement
ces demandes ou ces directives? Donc, quand... si on parle de demandes, pour
moi, c'est clair que, si c'est des demandes... la question de reconnaître ses
proches, être incontinent puis pouvoir manger ou gérer sa vie, il faut que ce
soient des demandes, parce que ça peut tellement varier dans le futur qu'il
faut pouvoir avoir une évaluation en temps réel. Par contre, là, j'y vois beaucoup,
beaucoup d'interprétations puis de contre-exemples. Elle reconnaît qui? Elle ne
reconnaît pas untel, elle ne reconnaît pas ses enfants. Elle mange, mais elle
mange de quelle façon? Il y a tellement d'interprétations que je vois ça
difficile.
Les directives, pour moi, les directives,
ça pourrait être une option, à la condition que le seul critère, ce soit la
souffrance, si la personne souffre. Et il y a vraiment des personnes avec la
maladie qui ont des souffrances qui ne sont pas en lien avec les conditions de
vie, comme je vous le disais tout à l'heure. Il y a des personnes que la
maladie provoque des troubles de la pensée, des troubles perceptuels. Dans leur
tête, c'est le chaos total, peu importe ce qu'on fait, c'est souffrant, et on
n'arrive pas ni avec de l'aide médicamenteuse ni avec de l'aide
environnementale. Alors, qu'est-ce qu'on fait avec ces personnes-là
lorsqu'elles sont dans cet état-là? Bien, moi, je me dis : Si on me disait
que c'est des directives, c'est exécutoire, c'est quand la personne souffre,
parfait, ça, pour moi, ça pourrait fonctionner, mais le seul critère, ce serait
la souffrance.
Ensuite, les recherches ont démontré qu'il
y a 80 %... pas les recherches, mais on sait qu'il y a 80 % des
personnes qui se retrouvent en CHSLD qui ont une maladie qui touche les
fonctions cognitives. Parmi tous les troubles qu'on parle, des troubles du
comportement, il y a en a 85 % qui seraient liés à autre chose que la
maladie, et 15 % seraient liés à ce que je viens de vous dire, des
souffrances ou des troubles liés carrément à la maladie. Donc, je me dis :
Ceux qui n'auront pas signé des directives pour être épargnés de la souffrance,
bien, ils vont souffrir quand même. Comment on peut faire pour les soulager
s'ils n'ont pas signé leurs intentions au préalable?
Donc là, c'est là qu'il m'est venu, en
discutant avec <l'équipe aussi...
Mme Poirier (Nicole) :
...carrément à la maladie. Donc, je me dis : Ceux qui n'auront pas signé
des directives pour être épargnés de la souffrance, bien, ils vont souffrir
quand
même. Comment on peut faire pour les soulager s'ils n'ont pas signé leurs
intentions au préalable?
Donc là, c'est là qu'il m'est venu, en
discutant avec >l'équipe aussi puis en analysant des situations
concrètes vécues à Carpe Diem et ailleurs, de me dire : Bon, bien, moi,
si... mon autodétermination, ce n'est pas de confier à mes enfants ou à un
proche ce qui va m'arriver plus tard. D'abord, je ne veux pas leur mettre ce
fardeau-là puis je ne veux pas le confier à des personnes que je ne connais
pas. Je veux pouvoir moi-même choisir de ma fin de vie puis de qui va décider.
Donc, est-ce que... Je me demande pourquoi,
dans le rapport, il n'a pas été question davantage de la sédation profonde et
continue. Quand quelqu'un souffre, au lieu de lui donner des neuroleptiques qui
ont des effets secondaires puis qui me font souffrir, pourquoi on n'irait pas
plus vers carrément endormir la souffrance dans... Pour mes enfants, pour le
monde autour, c'est beaucoup plus simple par rapport à l'intention. Mon
intention... L'intention, c'est de soulager la souffrance, ce n'est pas de
mettre fin à mes jours. Donc, c'est une question. Pour moi, ce serait une
option.
Ensuite, une autre option que je trouve
que j'aimerais avoir si jamais je souffrais d'alzheimer, ça serait la possibilité,
si je suis apte, à avoir accès à l'aide à mourir en restant apte. Maintenant
que le critère de fin de vie n'est plus exigé, pourquoi on ne pourrait pas,
quand on est aptes, avoir accès à l'aide à mourir? Souvent, les gens disent :
Je ne veux pas être obligé d'aller en Suisse. En Suisse, il faut être apte pour
avoir l'aide à mourir. Pourquoi on n'ouvre pas à une assistance à mourir au
moment où on est apte? Pour moi, ça aussi, ça fait partie de l'autodétermination,
puis l'autodétermination à l'état pur pour moi, parce que c'est moi qui décide
jusqu'en fin... jusqu'à la toute fin. Donc, ça, c'était aussi une question.
Alors, si j'ai l'alzheimer... Je termine
avec ça. Je me suis posé la question parce que tous vos travaux nous amènent à
réfléchir puis à pousser toujours plus loin la réflexion. Je me suis dit :
Qu'est-ce que je fais si j'ai l'alzheimer? J'ai des bons risques parce que, du
côté de ma mère, ils sont quatre à l'avoir eu, donc je veux y penser dès
maintenant. Donc, si on me diagnostique une maladie d'Alzheimer, d'abord, je
vais essayer de voir quelle maladie j'ai. Parce que, là, dans tous les écrits
qu'on voit, on donne des grandes étapes, mais on ne définit pas les différentes
maladies. C'est différent d'avoir la maladie à corps de Lewy, qui,
physiquement, nous donne une impression d'être très avancés dans la maladie,
mais on est encore capables de parler puis de s'exprimer, une aphasie primaire
progressive, où je n'ai plus les mots, ça me pénalise beaucoup dans les tests,
mais ma pensée reste claire, une maladie d'Alzheimer classique, une
dégénérescence frontotemporale, qui va vite évoluer, peut-être. Donc, qu'est-ce
qui m'attend? Je veux le savoir puis de façon précise.
• (14 h 30) •
Ensuite, je veux savoir si je suis apte à
l'aide médicale à mourir en restant apte. Ça, c'est mon deuxième point. Je veux
pouvoir avoir accès à ça. Parce que les <craintes...
>
14 h 30 (version révisée)
< Mme Poirier (Nicole) :
...une dégénérescence frontotemporale, qui va vite évoluer, peut-être. Donc,
qu'est-ce qui m'attend? Je veux le savoir puis de façon précise.
Ensuite, je veux savoir si je suis apte
à l'aide médicale à mourir en restant apte. Ça, c'est mon deuxième point. Je
veux pouvoir avoir accès à ça. Parce que les >craintes... On parle
souvent des craintes d'être incontinent. Moi, ce que je crains le plus, c'est d'être
privée d'aller aux toilettes. On parle souvent de la crainte de ne pas
reconnaître ses proches. Bien, moi, la grande crainte que j'ai, c'est d'être
entourée de gens qui ne me reconnaîtront pas, qui ne connaîtront pas mes
habitudes puis qui ne connaîtront pas mes désirs.
Alors, mes enfants, bien, eux, ils vont
continuer de me reconnaître, mes proches vont continuer de me reconnaître. Il y
a d'ailleurs Christian Bobin qui a écrit un texte sur la maladie d'Alzheimer
que son père a vécue en France, et puis son père, il ne le reconnaissait pas,
mais il lui a dit un jour : Je ne sais pas qui vous êtes, mais vous êtes
celui que j'attendais. Et, dans... Ça, c'est quelque chose qu'on vit beaucoup.
Puis il est démontré dans les neurosciences... J'ai écrit un livre avec Roger
Gil, un neuropsychiatre de Poitiers, sur la neuropsychologie, puis c'est
démontré par les recherches que les gens qui sont prosopagnosiques, qui ne
reconnaissent pas les visages, ont une émotion quand ils sont devant leurs
proches, et ça, ça a été démontré avec des capteurs qui démontrent l'émotion.
Donc : Je ne sais pas qui tu es, mais je sais que je suis bien avec toi.
Puis ça, ça se vit aussi avec les intervenants, quand il y a de la stabilité.
Ensuite, on parle beaucoup de la crainte
de ne plus manger. Oui, j'ai peur de ça, mais j'ai encore plus peur qu'on me
prive de manger puis que je devienne dénutrie parce qu'on ne sait pas comment
m'accompagner, parce qu'on n'a pas le temps de m'aider à manger et/ou soit qu'on
me nourrisse supervite puis que ça ne soit pas à mon rythme. Peur de me perdre.
Souvent, on dit ça : J'ai peur de me perdre. Mais, moi, j'ai encore plus
peur, puis ça, c'est vraiment une grande angoisse pour moi, d'être enfermée, d'être
privée de ma liberté, de ne pas pouvoir aller dehors et de... Et ça, pour moi,
c'est une des plus grandes privations de liberté, puis il n'en est pas beaucoup
question dans les échanges. Peur de... ma vie. Oui, j'ai peur, mais j'ai encore
plus peur que mes enfants n'aient plus de vie parce qu'ils sont obligés de
s'occuper de moi. Alors, ça, pour moi aussi, ça fait partie de mes peurs.
Donc, en conclusion, bien, je pense qu'on
a un chantier important à faire au niveau des conditions de vie. Pour ce qui
est de vos travaux, bien, j'aimerais que soit évaluée la question de la
sédation au lieu de l'aide à mourir, carrément, et, en ayant la possibilité d'une
sédation, c'est un soin, ça peut être inscrit dans nos directives médicales
anticipées, je crois, ou dans notre mandat d'inaptitude. On peut demander un
soin, on peut en refuser un autre. Moi, je voudrais refuser les neuroleptiques.
Lorsque tout aura été tenté pour me soulager, je ne veux pas que ça soit des
neuroleptiques qui donnent des effets secondaires et qui font plus, à ce
moment-là, plus de mal que de bien, je veux plutôt un médicament pour me calmer
et que ça m'emporte tout doucement. Puis, comme ça, tout le monde sera égal
devant la souffrance, pas juste ceux qui ont signé des directives avant, mais tout
le monde qui vont souffrir puis qui n'auront peut-être pas eu la possibilité de
l'écrire. Voilà.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci <beaucoup...
Mme Poirier
(Nicole) : ...plus de mal que de bien, je veux
plutôt un
médicament pour me calmer, et que ça m'emporte tout doucement. Puis comme ça
tout
le monde sera égal devant la souffrance, pas juste ceux qui ont signé des
directives avant, mais
tout le monde qui vont souffrir puis qui n'auront
peut-être pas eu la
possibilité de l'écrire. Voilà.
La
Présidente (Mme Guillemette) :
Merci >beaucoup,
Mme Poirier. Je céderais la parole au député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum :
Merci, Mme la Présidente, et merci, Mme Poirier, pour votre témoignage
basé sur votre grande expérience et ainsi que l'humanité de votre propre
expérience. Je crois que votre témoignage ajoute à nos réflexions, mais, il
faut le dire, ajoute à la complexité des grandes questions devant nous.
Vous parlez beaucoup...
Vous avez parlé beaucoup de l'état du traitement pour les gens atteints
d'Alzheimer, toutes les conditions de vie autour de ça. En contrepoids, nous, nous
sommes en train de parler de l'aide médicale à mourir. Est-ce que vous êtes en
train, en quelque part, de faire un lien entre les deux? C'est-à-dire, est-ce
que, si je vous entends bien, vous avez une inquiétude que de mettre une plus
grande ouverture envers l'aide médicale à mourir, on risque de délester la
recherche, le travail, les services offerts aux gens atteints d'Alzheimer? Est-ce
que vous faites un lien de cet ordre-là?
Mme Poirier
(Nicole) : Je pourrais faire un lien, mais déjà, je me demande... du
réalisme puis de la possibilité de le faire. Avec les moyens qu'on a en ce
moment, on n'y arrive pas, à soigner correctement. Concrètement, où allons-nous
trouver les professionnels, les soignants qui vont être capables d'évaluer des
personnes qu'ils ne connaissent pas? Parce qu'en théorie, oui, une équipe
multidisciplinaire pourrait peut-être évaluer la personne en fin de vie, voir...
ça correspond à ses directives. Mais il n'y en a pas, de ressources en ce
moment, puis on va prendre des ressources précieuses pour évaluer si la
personne correspond à ce qu'elle avait déjà mentionné? Je trouve qu'on pourrait
mieux utiliser notre humanité et nos ressources.
Puis je pense
que c'est déjà difficile... Les médecins qui font le diagnostic en début de
maladie ont de la difficulté à vraiment évaluer l'état de conscience de la personne,
les gens qui sont privés des mots sont vraiment pénalisés dans les tests. J'ai
de la difficulté à croire qu'on va avoir des évaluations qui ne seront pas
contestées par les familles.
M. Birnbaum :
Vous avez dit, dans un temps, qu'il faut évidemment respecter l'autonomie de
l'individu et sa volonté et que, si on exige un diagnostic préalable, ça risque
d'être <peut-être trop tard pour...
M. Birnbaum : ...dans un
temps qu'il faut
évidemment respecter l'
autonomie de l'individu
et sa volonté et que, si on exige un
diagnostic préalable, ça risque
d'être >peut-être trop tard pour plusieurs qui auraient aimé exprimer
cette volonté lors d'une demande d'aide médicale à mourir. Après, vous avez dit
que, ça se peut, si on ouvre trop le chantier, on va se trouver avec de
multiples demandes pour l'aide médicale à mourir. Alors, en quelque part, c'est
deux constats contradictoires.
Dans un premier temps, est-ce que vous
pouvez nous dire si vous êtes en train de dire que l'accès à une demande d'aide
médicale à mourir devrait être possible même en absence d'un diagnostic? Et, dans
un deuxième temps, si oui, comment est-ce qu'on balise les critères afin que la
demande ne soit pas irréaliste ou trop élevée?
Mme Poirier (Nicole) : Ce que les
familles m'ont dit, puis ça vient d'elles, les idées, cette idée-là, c'était de
dire : On n'est pas comme dans les cancers où, lorsque... si je n'ai pas
le cancer puis que je reçois mon diagnostic, c'est possible que, là, ma vision
change, des choses. Avec l'Alzheimer, lorsque tu as le diagnostic, c'est déjà un
petit peu avancé, puis c'est possible que des personnes ne soient plus en état.
Puis ce qu'on m'a dit, c'est : Pourquoi ça ne serait pas des demandes dans...
par exemple, le mandat en cas d'inaptitude, que les personnes puissent les
inscrire, leurs demandes, à ce moment-là, quand ils ne sont pas touchés par la
maladie puis qu'ils peuvent réfléchir, un peu comme je l'ai fait, moi, en ce
moment? C'était ça, la question.
Puis vous avez... C'est vrai aussi que c'est
contradictoire, ce que je vous dis, mais c'est deux réalités : des gens
qui peuvent être privés de cette option, plus, peut-être, beaucoup de monde...
si on fait de la publicité puis on encourage les personnes à signer des
directives, c'est vrai, effectivement, qu'il y a peut-être beaucoup de monde
qui vont les signer, mais c'est un et l'autre, et c'est un fait que je vous
soumets.
M. Birnbaum : Est-ce que vous
avez des commentaires sur ce phénomène dont on parle, qui est la démence
heureuse? C'est-à-dire que, si on était devant... On est devant une demande d'aide
médicale à mourir où on parle de souffrance, d'inaptitude, et tout ça. Et,
advenant un moment où c'est clair que les symptômes sont très aggravés, mais la
personne ne démontre pas une grande souffrance, dans le sens plus facile à
comprendre de ce terme-là, qu'est-ce qu'on fait?
Mme Poirier (Nicole) : Oui, bien,
moi, je pense que les gens qui... Je ne parle pas de démence heureuse. Bien, je
dis que c'est une situation moins souffrante ou, en tout cas, où il n'y a pas vraiment
de souffrance apparente. Et il y en a beaucoup, de personnes, qui vivent comme
ça, où est-ce qu'elles développent... Hier encore, quelqu'un m'a dit : Ma
mère a eu une maladie d'Alzheimer, puis elle s'est fait un <petit ami,
puis elle rit tout le temps...
Mme Poirier (Nicole) :
...pas de démence heureuse. Bien, je dis que c'est une
situation moins
souffrante ou,
en tout cas, où il n'y a pas
vraiment de
souffrance apparente. Et il y en a
beaucoup, de personnes, qui vivent
comme ça, où
est-ce qu'elles développent... Hier encore,
quelqu'un
m'a dit : Ma mère a eu une maladie d'Alzheimer, puis elle s'est fait un >petit
ami, puis elle rit tout le temps. Bon, les personnes... Moi, ma mère n'était ni
l'un ni l'autre. Avant d'avoir son cancer, elle n'était pas souffrante. Et je
pense qu'à ce moment-là, s'il n'y a pas de notion de souffrance, comme j'ai dit
tout à l'heure, je ne vois pas... je trouve que ça serait très compliqué, à ce
moment-là, de prendre la décision d'aller... d'offrir l'aide à mourir. Mais
oui, il y en a. Je ne vous dis pas que c'est beau, la maladie d'Alzheimer ou
les formes de démences, mais il y en a effectivement qui sont moins agressives
chez la personne, qui ne rendent pas le cerveau complètement chaotique.
• (14 h 40) •
M. Birnbaum : Finalement, je
crois entendre de vous une importance éventuelle d'assurer une vulgarisation de
l'opportunité, c'est-à-dire d'assurer qu'il y ait un accès équitable en région,
partout, chez les plus pauvres, les moins éduqués à cette demande d'aide
médicale à mourir. Est-ce que je vous entends bien là-dessus, puis il y a un
avertissement dans votre message à nous là-dessus?
Mme Poirier (Nicole) : Oui,
parce que c'est sûr que seules... il ne faudrait pas que ce soit seules les
personnes qui ont les moyens de se payer un notaire, qui sont assez informées,
assez éduquées, qui sont capables de rédiger et d'y avoir accès. Mais, malgré
tout ça, il y aura encore de l'iniquité. Moi, pour moi, la façon d'être la plus
équitable, c'est de trouver une façon, comme société, de soulager les
souffrances. Et puis soulager des souffrances, ce ne se fera pas nécessairement
avec des directives ou des demandes anticipées. Ça va être, comme société,
d'avoir accès à un soin qui consiste à être celui de... qu'on endorme la
souffrance au lieu de me donner des médicaments qui me font souffrir aussi.
M. Birnbaum : Merci beaucoup.
Mme Poirier (Nicole) : Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Donc, est-ce qu'on continue avec la députée de Westmount—Saint-Louis?
Mme Maccarone : Merci, Mme la
Présidente. Mon collègue a posé toutes les questions pour notre formation
politique.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Merci. Donc, je céderais maintenant la parole au député de Rosemont.
M. Marissal : Merci, Mme la
Présidente. Mme Poirier, bienvenue. Merci de votre témoignage. On sent effectivement
l'humanité là-dedans, puis c'est quand même bon de se rappeler qu'on est là
pour ça surtout ici. Ce n'est pas purement mécanique, là, ce qu'on fait ici.
Je ne suis pas du tout spécialiste, en
tout cas, certainement pas autant que vous dans ces questions de fin de vie, de
maladie ou de sédation, ça fait que je suis allé faire un peu de devoirs
pendant que vous <parliez, tout à l'heure, tout en vous...
M. Marissal : ...surtout ici.
Ce n'est pas purement mécanique, là, ce qu'on fait ici.
Je ne suis pas du tout spécialiste,
en
tout cas,
certainement pas autant que vous dans ces
questions de
fin de vie, de maladie ou de sédation, ça fait que je suis allé faire un peu de
devoirs pendant que vous >parliez, tout à l'heure, tout en vous
écoutant, rassurez-vous, et je suis tombé sur un site, par exemple, Fin de vie,
Soins palliatifs, le Centre national français, une source parmi d'autres, là.
Je les cite : «Toute personne a droit d'avoir une fin de vie digne et
accompagnée du meilleur apaisement possible de la souffrance. Cet accompagnement
peut nécessiter une sédation profonde et continue jusqu'au décès, associée à
une analgésie, pour soulager une personne malade qui présente une situation de
souffrance vécue comme insupportable alors que le décès est imminent et
inévitable.» C'est de ça dont vous parlez?
Mme Poirier (Nicole) : Oui,
exactement. Mais maintenant, la fin de vie n'est plus un critère obligatoire,
il n'existe plus. Donc, moi, je me dis... Ce que je trouve, c'est que, dans le
rapport d'expert, il y a trois, quatre phrases là-dessus. Ça n'a pas été
creusé, ça n'a pas été élaboré. J'aurais aimé ça, que ce soit... que les pour
et les contre soient fournis dans le rapport.
M. Marissal : Je comprends,
Mme Poirier. Mais là vous me voyez venir, là : ici, là, le centre national
de fin de vie et de soins palliatifs français parle de décès imminent et
inévitable. Je comprends que le débat, ici, là, juridique... j'en connais les
tenants et aboutissants. Combien de temps on peut garder quelqu'un en sédation
prolongée, sachant que des gens, parfois, meurent après six, sept, huit ans
d'Alzheimer, de maladies dégénératives? Combien de temps garde-t-on les gens
sous sédation? Mais est-ce qu'on peut alors parler de qualité de vie et de
dignité?
Mme Poirier (Nicole) : C'est
effectivement... Moi, les personnes auxquelles je fais référence, là, c'est
vraiment des personnes... puis je l'ai vécu récemment, là, dans la dernière
année, trois personnes pour qui, là, c'était insupportable, il n'y avait rien à
faire. Et qu'est-ce qui s'est passé? Ils se sont retrouvés à l'hôpital sous
contention physique, chimique et ils sont morts dans le mois qui a suivi. Mais
ils ne sont pas morts de la bonne façon. Ils sont morts dans des conditions
inacceptables.
Alors, c'est sûr qu'il faut que la souffrance
soit vraiment évaluée, là. Je ne parle pas des personnes qui ont des «downs» ou
qui sont... qui ont besoin d'être réanimées pour être heureuses, là. Je ne
parle pas de ça. Je parle des 15 %, là, que c'est vraiment grave, là, puis
qui peuvent se frapper sur les murs, qui peuvent crier, qui peuvent frapper
puis que chaque attention pour eux est mal décodée. Je parle de ces
situations-là. Puis, en général, ces personnes-là ne vivent pas longtemps, en
tout cas, pas longtemps quand ils vont à l'hôpital.
M. Marissal : Donc, la
sédation, pour vous, ça s'appliquerait dans un pourcentage assez mince de cas,
là, de toute évidence?
Mme Poirier (Nicole) : Oui.
Quand, avec les médecins, là... Puis ça, c'est des <situations...
Mme Poirier (Nicole) :
...parle
de ces situations-là. Puis, en général, ces personnes-là ne
vivent pas longtemps, en tout cas, pas longtemps quand ils vont à l'hôpital.
M. Marissal : Donc, la
sédation, pour vous, ça s'appliquerait dans un pourcentage assez mince de cas,
là, de toute évidence?
Mme Poirier (Nicole) : Oui.
Quand, avec les médecins, là... Puis ça, c'est des >situations où ça
fait des mois qu'on essaie avec les médecins. On essaie une médication. Ça ne fait
pas. On en essaie une autre. On cherche, là. Il faut vraiment avoir éliminé
toutes les autres causes possibles. Ces personnes-là, habituellement, ne sont
pas... ne vivent pas longtemps.
M. Marissal : Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci beaucoup, M. le député. Je céderais maintenant la parole à la députée
de Joliette.
Mme
Hivon
:
Oui. Bonjour, Mme Poirier. Je suis très heureuse de vous revoir et de vous
entendre. Vous nous amenez beaucoup d'éléments de réflexion que seule une
personne qui a votre expérience peut le faire. Donc, merci de votre générosité.
Je vais poursuivre sur la même question de la sédation palliative continue. C'est
intéressant. Vous êtes la première personne, effectivement, à amener ça. Dans
la loi sur les soins de fin de vie, c'est un soin précis, prévu dans certaines
circonstances. Le défi, c'est que les médecins, en fait, peuvent respecter des
directives de refus de soins, mais les médecins... Comme patient, moi, je ne
peux pas dire : Aïe! Je veux tel traitement, telle affaire. C'est-à-dire
que, quand on m'offre des choses, évidemment, je peux dire oui ou non, mais je
ne peux pas exiger quelque chose. Et, sur la sédation continue, ce qu'on nous a
beaucoup dit lors des premiers travaux, c'est que les indications médicales,
pour que ce soit un soin approprié, c'est quand on estime, puis là on revient à
ce que vous discutiez avec mon collègue, qu'il reste quelques semaines à vivre,
parce que le fait d'induire une sédation continue... En fait, vous ne pouvez
pas continuer à être alimentée et à être hydratée. La bonne pratique, là, de ce
qu'on a compris dans les premiers travaux, c'est que c'est antinomique. Donc,
dans les faits, on arrête de vous nourrir et de vous hydrater. Donc,
évidemment, vous allez mourir. Dans les personnes qui sont en pleine santé, des
fois, ça peut prendre jusqu'à trois, quatre semaines de sédation continue. Les
gens qui sont très fragilisés, ça peut être plus court. Mais donc ce serait
difficile, de ce que je comprends de ce que les experts médicaux nous disent,
de pouvoir exiger un tel soin parce qu'il doit être approprié à la
circonstance.
Donc, est-ce que vous, ce que vous nous
dites, c'est que ça devrait être une possibilité dans les directives anticipées
de le dire, mais évidemment sous réserve que ce soit un soin approprié, puisque
les gens, les patients ou les familles ne pourraient pas, comme tel, l'exiger?
Mme Poirier (Nicole) :
Bien oui. À tout le moins, que ce soit... que ça fasse partie des réflexions
puis qu'une personne ne meure pas, en fait, de neuroleptiques, mais bien d'un
traitement qui va avoir réellement soulagé sa souffrance. C'est surtout ça qui
m'importe.
Mme
Hivon
:
Oui. Je comprends. C'est dans des situations désespérées, un peu comme celles
auxquelles vous faisiez référence, que l'option devrait arriver, pour quelqu'un
qui ne l'aurait pas demandé ou si ce n'était pas possible de le demander.
Ensuite, l'autre point que je trouve
intéressant, c'est que vous dites que vous, vous estimez qu'une <personne
qui a un...
Mme Poirier (Nicole) : ...sa
souffrance. C'est surtout ça qui m'importe.
Mme
Hivon
:
Oui. Je comprends. C'est dans des situations désespérées, un peu comme celles
auxquelles vous faisiez référence, que l'option devrait arriver, pour quelqu'un
qui ne l'aurait pas demandé ou si ce n'était pas possible de le demander.
Ensuite, l'autre point que je trouve
intéressant, c'est que vous dites que vous, vous estimez qu'une >personne
qui a un diagnostic, qui a la maladie d'Alzheimer ou une forme de maladie
neurocognitive comme ça, neurodégénérative, pourrait pouvoir... devrait pouvoir
le demander avant d'être inapte. De la compréhension puis de ce qui se fait,
là, depuis quelques mois, depuis que le jugement Gladu-Truchon est pleinement
appliqué, c'est effectivement une possibilité. C'est-à-dire que, si vous
répondez aux critères, donc déclin avancé et irréversible de la maladie,
souffrance constante, inapaisable, vous seriez admissible. Mais qu'est-ce qu'on
fait avec les gens qui disent : O.K., ça, ça me soulage en partie, mais, en
même temps, je ne veux pas devancer à outrance le moment en ayant toujours peur
que, dans trois jours, dans une semaine, dans deux semaines, je n'en aurai plus
du tout, d'aptitudes, et donc je ne pourrai plus me qualifier? Et donc est-ce
que, dans cette optique-là, ça vous semble opportun de le prévoir, la possibilité
de le demander de manière anticipée?
• (14 h 50) •
Mme Poirier (Nicole) : Avec
toutes les réserves que j'ai dites tout à l'heure, que ça va être difficile à
appliquer. Et je pense que c'est une maladie qui est quand même progressive et
qui nous donne du temps, du temps devant nous, quand on a une forme... comme
d'aphasie primaprogressive ou une maladie classique.
Mme
Hivon
: O.K.
Et donc je vous amène à vos... justement, à votre encadrement de tout à
l'heure. Vous disiez que vous envisageriez la directive anticipée pour des
raisons de souffrance. Et là, si je... J'ai deux sous-questions par rapport à
ça. Est-ce que ce que vous envisagez, dans le fond, c'est que la personne dise,
dans ses directives, dans sa demande exécutoire ou sa directive anticipée :
Si j'ai des souffrances, qu'elles sont objectivables, et tout ça, sans
spécifier le type de circonstance de souffrance, je voudrais pouvoir avoir
accès à l'aide médicale à mourir, aussi large que ça?
Et, deuxième question, ça revient un petit
peu sur la démence heureuse, mais c'est un peu plus large, c'est qu'il y a des
gens, des experts, qui sont venus nous dire : Vous savez, on ne peut pas
dire qu'une personne ne souffre pas. Ce n'est pas parce que tu souris aux gens,
puis que tu es encore poli parce que tu es bien élevé, puis que tu as encore
des moments où tu as l'air bien que tu ne souffres pas. Donc, pour certains
experts, c'était comme de venir nous dire : Vous savez, l'Alzheimer, c'est
toujours souffrant, alors qu'au contraire il y a des gens qui nous disent :
Il y a des gens qui ont l'Alzheimer qui ont une bonne qualité de vie. Donc,
avec votre expérience, le continuum, le curseur, on le met où, entre ces deux
opposés-là qu'on a entendus?
Mme Poirier (Nicole) : O.K. Bon,
la première, sur la souffrance, je pense qu'objectiver la souffrance, ce serait
de dire : Lorsque la souffrance est vraiment la souffrance de la personne et
non pas celle de ses proches. Déjà, c'est tout un <cheminement à...
Mme Poirier (Nicole) :
...la
première, sur la souffrance, je pense qu'objectiver la souffrance,
ce serait de dire : Lorsque la souffrance est vraiment la souffrance de la
personne et non pas celle de ses proches. Déjà, c'est tout un >cheminement
à accompagner les familles, il faut le prévoir, c'est complexe. Que la
souffrance n'est pas causée par un manque de soins ou des conditions de vie, ça
serait un critère pour moi. Donc... Et ensuite, bien, si tout ça est confirmé,
oui, je pense que, dans des directives, si on le disait comme ça, ça pourrait
peut-être être quelque chose que je trouverais possible, en ayant fait tout ce
cheminement-là, en étant capable d'éliminer les autres causes qui nous amènent
à une souffrance puis de le rédiger dans des directives, oui. Est-ce que ça
répond?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
Mme
Hivon
:
Oui. Je n'ai pas de temps pour ma deuxième. Ce n'est pas grave. Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup. Donc, je céderais la parole à la députée d'Abitibi-Ouest.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Merci, Mme Poirier. Moi, j'aimerais qu'on parle de neuroleptiques. Vous
avez parlé de neuroleptiques. Vous avez parlé de sédation continue. Sédation
continue, pour moi, c'est continu, hein? Alors, c'est installé avec un soluté,
et puis on injecte une médication régulièrement et on augmente la dose. Au
niveau des patients qui... Ces patients-là ont un certain âge, habituellement.
Alors, vous comprendrez qu'il va avoir d'autres effets secondaires. On parle
des neuroleptiques qui peuvent avoir des effets d'agressivité, ces choses-là, tandis
que la sédation continue, elle, endort le patient. Alors, le patient est alité.
Il dort. Il ne mange plus, hypersalive. Alors, elle est où, la dignité du
patient dans tout ça?
Mme Poirier (Nicole) :
Bien, je trouve que ce que vous décrivez, c'est ce qu'on voit plutôt chez les
gens qui ont des neuroleptiques : d'être crispé, d'avoir de
l'hypersalivation, d'avoir de la souffrance aussi. C'est ce qu'on... Moi, je
trouve que... J'observe plus... Je n'ai pas d'expérience dans la sédation
palliative. Je ne sais pas comment ça pourrait être administré. C'est une idée
qui m'est venue récemment en parlant avec les personnes. Je trouve que c'est
plus... C'est plus acceptable, en tout cas, pour moi d'éteindre la souffrance,
quitte à ce que la personne soit dans un coma ou un semi-coma, que de vivre
avec des neuroleptiques qui... que c'est démontré que ça amène de la souffrance
et vraiment pas une vie digne.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Puis, si je vous parle de soin de confort, est-ce que c'est mieux qu'un soin
continu?
Mme Poirier (Nicole) : Ça
serait... Ça serait dans cet ordre-là, là, d'un soin de confort. Effectivement,
ça pourrait être plus acceptable que sédation palliative, qui est un terme que
j'ai utilisé, mais que je ne suis pas une spécialiste du tout, là. L'idée, c'est
de dire que j'ai vu des gens où on s'est dit, en équipe : Il faudrait
l'endormir. C'est juste ça qu'on peut imaginer.
Donc, que ce soit un soin de <confort,
c'est peut-être mieux, ce que vous dites, mais...
Mme Poirier (Nicole) : …que
sédation
palliative, qui est un terme que j'ai utilisé, mais que je ne suis pas une
spécialiste du tout, là. L'idée, c'est de dire que j'ai vu des gens où on s'est
dit, en équipe : Il faudrait l'endormir. C'est juste ça qu'on peut
imaginer.
Donc, que ce soit un soin de >confort,
c'est peut-être mieux, ce que vous dites, mais c'est toujours mieux que des
neuroleptiques.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Puis la dignité? J'aimerais vous entendre un petit peu sur la dignité d'un
malade, d'un patient alzheimer ou en phase terminale. Pour vous, c'est quoi, la
dignité d'un individu?
Mme Poirier (Nicole) : Bien,
la dignité... il y a plusieurs formes de dignité. Il y a celle… Il y a la
dignité qu'on retrouve dans le regard des autres. Moi, pour moi, la dignité, c'est
beaucoup le regard des autres, comment on va agir avec moi. C'est ce que je
vous expliquais tout à l'heure. Pour moi, c'est d'être vue comme une personne à
part entière, d'avoir encore de l'autodétermination.
Parce que, le principe
d'autodétermination, je ne sais pas combien de fois on le voit, on le lit dans
le rapport, mais, quand vous êtes en institution, l'autodétermination, là, il
faut la chercher, et… parce que c'est souvent l'institution qui décide de tout
pour la personne, puis, pour moi, ça, c'est une perte de dignité, de ne plus
pouvoir décider de ce que je porte, de ce que je mange, de l'heure que je me
couche. Puis souvent l'autodétermination, dans des milieux très rigides, c'est
perçu comme un trouble du comportement : la personne, elle ne s'adapte
pas. C'est ça… c'est comme ça qu'on interprète l'autodétermination, bien
souvent, alors que c'est juste un désir de contrôler sa vie. Donc, pour moi, c'est
beaucoup là, la dignité.
Et je trouve un peu questionnant qu'on
ressorte l'autodétermination en fin de vie alors qu'on en a beaucoup perdu en
cours de route. Ça me questionne. Alors, pour moi, c'est beaucoup ça, comment
les autres vont agir envers moi, dans quel milieu je vais vivre. Puis, si je n'ai
pas ce regard digne envers moi, bien, je vais perdre ma dignité.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Je
vous remercie beaucoup. Je vais laisser place à un de mes collègues.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup. Donc, je céderais la parole au député de Lac-Saint-Jean.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Poirier. J'ai… Écoutez, c'est intéressant,
là, quand vous parlez, parce que, là, vous amenez toute la qualité… les
traitements, tu sais, pour rendre la personne… qu'elle souffre moins. Mais c'est
parce que c'est difficile aussi, là, puis je veux bien comprendre, là, ce que
vous dites. Mais, moi, ce que je comprends de ce que vous dites, c'est que... On
a une Mme Demontigny qui est venue à la commission, et elle, elle a
mentionné : Savoir partir quand c'est encore beau. Mais ça veut dire, ça...
Partir quand c'est encore beau, ça ne veut pas dire que tu souffres
nécessairement physiquement. Puis là vous semblez, bien, en tout cas, ce que je
comprends, dire : Ça ne veut pas dire, tu sais, de partir plus quand on
souffre, tout ça, mais elle, elle disait vraiment de choisir le moment. Mais, choisir
son moment à elle, ça ne veut pas dire qu'aux yeux des <médecins…
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
...là vous semblez, bien, en tout cas, ce que je comprends, dire : Ça ne
veut pas dire, tu sais, de partir plus quand on souffre, tout ça, mais elle,
elle disait vraiment de choisir le moment. Mais, choisir son moment à elle, ça
ne veut pas dire qu'aux yeux des >médecins... qu'elle souffre. Vous
comprenez, là, toute la question scientifique, puis ces choses-là.
Puis on a eu aussi le docteur Judes
Poirier, vous devez sûrement connaître, qui est un chercheur et un généticien
sur la maladie, qui, lui aussi, amenait cet aspect-là, de dire : C'est
quand, le moment que tu souffres, le moment que tu ne souffres pas? Là, autrement
dit, est-ce qu'on peut laisser le choix de... la personne décider de partir
quand elle veut partir? Mais ça veut dire qu'elle peut partir... d'un point de
vue médical, qu'elle ne souffre pas nécessairement, là.
Je veux savoir un peu votre point de vue,
parce que vous semblez dire qu'il faut quand même aller peut-être plus loin
avant de dire : Oui, laisser la personne encore peut-être voir comment ça
va... Mais, si la personne... Ces gens-là, qui sont atteints, ils disent :
Moi, je veux choisir le moment. Oui, il peut y avoir des moments d'émotion, tu
sais, c'est variable d'une personne à l'autre. Vous pensez quoi de ces deux
témoignages-là, là?
Mme Poirier (Nicole) : Oui,
puis j'ai écouté les deux témoignages. Pour Mme Demontigny, je comprends très
bien son point de vue. Ce que je me dis : Pour elle, l'idée, ce serait
de... c'est un prix à payer, hein, c'est un prix à payer. Mais d'être apte et
de décider, ça serait de décider au moment où je reste apte. Je sais qu'il y a
un prix à payer, c'est peut-être des années de vie, mais c'est... pour moi,
l'autodétermination, c'est ce qu'il serait possible de faire. Puis, si ce n'est
pas ça, bien, quel... la suite des choses, ce sera... Effectivement, ça va devenir
difficile de décider c'est quoi, le beau moment. Là, on va ouvrir une grosse
porte, là, où tout le monde peut interpréter.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Mais je m'attarde vraiment à la maladie de l'Alzheimer, là. Il faut faire la
différence avec tout le reste, O.K., parce que la maladie de l'Alzheimer est vraiment
quelque chose d'incurable. Puis, tu sais, on n'en meurt pas, on meurt des
suites, mais c'est vraiment...
Parce que la commission, là-dessus, là, au
niveau de l'Alzheimer, je pense qu'il y a quand même... c'est quelque chose d'important,
là, ceux qui sont atteints de la maladie d'Alzheimer, ça fait que, tu sais, c'est
vraiment à ce niveau-là. Puis je pense qu'il faut peut-être apporter une
attention particulière au niveau de la maladie de l'Alzheimer. Parce que, là,
on rentre dans la dignité puis on sait qu'il n'y a pas d'issue, là, en ce
moment.
• (15 heures) •
Mme Poirier (Nicole) : Bien,
je suis tout à fait consciente de ça. Ce que je trouve de difficile, c'est de
pouvoir espérer imaginer évaluer un état qui serait «quand je ne reconnaîtrai
plus mes proches», ou «quand je ne mangerai plus par moi-même», ou «quand je ne
pourrai plus gérer»... ou «je vais être incontinent». Bien, tu sais, ça, je
trouve que... Je comprends ce que vous dites puis je suis complètement d'accord
avec la problématique. L'Alzheimer, c'est un gros problème. Mais les autres
maladies apparentées sont aussi très souffrantes, là. Ce n'est pas juste l'Alzheimer.
Donc, je le comprends, mais, pour moi, c'est... pour elle, ça serait une <option...
>
15 h (version révisée)
< Mme Poirier (Nicole) :
...Bien, tu sais, ça, je trouve que... Je comprends ce que vous dites puis je
suis complètement d'accord avec la problématique. L'Alzheimer, c'est un gros problème.
Mais les autres maladies apparentées sont aussi très souffrantes, là. Ce n'est
pas juste l'Alzheimer. Donc, je le comprends, mais, pour moi, c'est... pour
elle, ça serait une >option. Puis d'ailleurs je l'ai entendue aussi dire :
Je ne voudrais pas être obligée d'aller en Suisse. Mais là cette question-là n'est...
elle pourrait ne pas être allée en Suisse.
Donc, ça, c'est pour elle, puis, pour le
Dr Poirier, ce que j'en retiens, c'est que, lui, ce qu'il dit, c'est... Bien,
ce que j'ai retenu, c'est que les conditions de vie... Il a parlé des chiens
Mira qui peuvent aider aux conditions de vie des personnes, mais qu'on n'a pas
des moyens d'avoir des chiens pour tout le monde, mais il y a quand même, là-dedans,
une ouverture sur les conditions de vie. Puis, quand M. Gabriel
Nadeau-Dubois lui a demandé si on avait toutes les ressources pour donner une
bonne qualité de vie, est-ce que ce serait différent, puis il a répondu :
Je n'y crois pas, ça serait différent, mais je n'y crois pas, parce que c'est
comme s'il baissait les bras déjà sur la possibilité d'améliorer les conditions
de vie. Donc, lui, c'est son... Il est peut-être fils unique, je ne le sais
pas, mais, quand tu es plusieurs enfants dans une famille... Oui?
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Si vous me permettez, mais, le Dr Poirier, il parle aussi de la capacité
de jugement, quand les capacités de jugement sont affectées, comment on... Tu
sais, c'est difficile à évaluer, la capacité de jugement, à un certain stade,
là, ça fait que c'est... Lui, il semblait dire : Bien, regarde, à un
moment donné, les gens peuvent décider le moment aussi...
Mme Poirier (Nicole) :
Oui, mais c'est ça qui va être... Moi, ce que je dis, c'est que ça va être extrêmement
compliqué d'essayer de mesurer est-ce que l'état de la personne correspond
à ce qu'elle avait écrit. En principe, ça semble possible, mais je suis
convaincue que, dans les faits... Peut-être pour certaines personnes, comme
Mme Demontigny ou M. Poirier, mais elles sont rares, les personnes
comme Mme Demontigny. Il y a peut-être Blandine Prévost, en France, que j'ai
connue, mais des personnes qui sont capables d'analyser comme ça puis de le
décrire... Il ne faut pas penser que tout le monde qui ont l'Alzheimer ont ces
capacités-là. Donc, on fait l'option...
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
C'est sûr, mais, vous savez, quelqu'un... se promener avec une poupée toute la
journée, là, tu sais, quand on se promène dans des centres, c'est ça, est-ce
que c'est ça, de la dignité, tu sais?
Mme Poirier (Nicole) :
Bien, je suis d'accord avec vous que... mais ça, il faut faire la différence
entre la souffrance des autres puis la souffrance de la personne. Il va falloir
qu'on avance dans ça.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
C'est le consentement, toute la question du consentement.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup. Merci, Mme Poirier, d'avoir été avec nous et de répondre à
nos questions aujourd'hui. C'est très formateur pour nous, pour la suite des
décisions de la commission.
Donc, nous allons suspendre quelques
instants, le temps d'accueillir nos nouveaux invités. Et je demanderais aux
membres de la commission de rester connectés parce qu'on va reprendre très rapidement.
Merci. Merci, Mme <Poirier...
La Présidente (Mme Guillemette) :
...
parce qu'on va reprendre très
rapidement. Merci. Merci,
Mme >Poirier.
Mme Poirier (Nicole) :
Merci. Au revoir.
(Suspension de la séance à 15 h 03)
(Reprise à 15 h 04)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, nous sommes de retour, et nous accueillons maintenant les représentants du
réseau citoyen Vivre dans la dignité, Mme Julie Senécal et M. Jasmin
Lemieux-Lefebvre. Bienvenue. Merci d'être avec nous cet après-midi. Donc, vous
disposez de 10 minutes pour faire votre exposé. Il y aura un échange avec
les membres de la commission pour une période de 35 minutes. Je vous cède
maintenant la parole.
Vivre dans la dignité
M. Lemieux-Lefebvre (Jasmin) :
Bonjour. Alors, tout d'abord, je tiens à vous lever mon chapeau, parce que,
depuis le début de vos travaux, et jusqu'au 24 août, ce sera près de 70 groupes
et individus que vous aurez eu la chance de rencontrer. C'est un temps de
réflexion important. Merci beaucoup. C'est très apprécié. Je vais prendre la
première moitié de notre temps alloué et, par la suite, je vais céder la parole
à Julie. Et je tiens à vous souligner que c'est la première fois qu'elle
prendra la parole publiquement pour partager son expérience. Merci beaucoup,
Julie.
Alors, je représente le réseau citoyen
Vivre dans la dignité, fondé à Montréal en 2010, en amont de la Commission
spéciale sur la question de mourir dans la dignité. Alors, notre mission, c'est
de promouvoir la protection de la vie, la dignité inhérente et l'accompagnement
des personnes rendues vulnérables par la maladie, la vieillesse ou le handicap.
On représente près de 5 000 personnes qui ont signé notre manifeste
au fil des ans.
Un mot sur les défis de poursuivre la
mobilisation contre les effets néfastes de l'aide médicale à mourir. En fait, c'est
ce que l'on croit. Évidemment, les organismes qui militent pour le droit de
mourir dans la dignité ont le beau jeu, depuis l'adoption de la législation au
Québec et au <Canada, tant par...
M. Lemieux-Lefebvre (Jasmin) :
...contre les effets néfastes de l'aide médicale à mourir, en fait, c'est ce
que l'on croit. Évidemment, les organismes qui militent pour le droit de mourir
dans la dignité ont le beau jeu depuis l'adoption de la législation au Québec
et au >Canada, tant par l'attention médiatique que les subventions. Ce n'est
pas notre cas, mais, bien que nous soyons en profond désaccord sur... de
repousser les limites de l'aide médicale à mourir, bien, on constate et nous
croyons qu'ils sont animés d'une volonté de bien faire. Mais, comme c'est le
cas depuis le début des débats, en 2010, il y a une fracture philosophique
entre nous, et c'est cette façon de voir, des regards différents sur la
dignité.
Pour le réseau citoyen Vivre dans la
dignité et pour une portion encore significative de Québécois, cette dignité,
bien, elle ne se perd jamais. Pour les deux enjeux les plus importants de votre
commission, l'aide médicale à mourir par directive anticipée pour des personnes
devenues inaptes, on ne peut l'envisager d'aucune façon. Ces personnes-là ont
toujours bénéficié de protections spéciales de l'État et de la société. On ne
peut pas envisager de placer un professionnel de la santé dans une situation où
il aurait à enlever la vie à une personne qui ne comprendrait pas l'impact du
geste que l'on s'apprête à poser sur elle.
Le gouvernement doit combattre le
sentiment de perdre la dignité sociale par des campagnes de sensibilisation
auprès des gens rendus vulnérables au capacitisme, à l'âgisme. On le sent avec
la médiatisation répétitive que la perte de facultés entraînerait une perte de
dignité. Il y a de nos concitoyens qui peuvent se sentir comme des fardeaux.
Nous sommes aussi fortement opposés à
l'aide médicale à mourir pour des questions de troubles mentaux, mais on
connaît le contexte canadien. En mars 2023, ce sera ouvert, et on vous invite à
une démarche de prudence, un peu comme le Québec, qui a choisi, dans sa loi sur
le cannabis, d'avoir le régime le plus strict au pays. Vous pouvez avoir un
rôle de précurseur et inspirer d'autres provinces. Et il faut investir
massivement en santé mentale, vous le verrez dans le témoignage de Julie, et
aussi améliorer l'accès des soins palliatifs pour des cas de troubles mentaux.
Rapidement, quelques autres enjeux. Pour
nous, il faut s'assurer qu'un médecin puisse toujours se retirer de faciliter
activement l'aide médicale à mourir, qu'il pourrait considérer comme une
euthanasie, également que les maisons de soins palliatifs qui le souhaitent
puissent continuer à ne pas offrir l'aide médicale à mourir, sans pression
financière ou autres. Et on tient vraiment à vous remercier d'avoir choisi,
dans votre consultation, de ne pas aborder la question des mineurs matures.
Donc, les soins palliatifs, il faut le
répéter et répéter, ce n'est pas juste une question de fin de vie. Et on a fait
une vidéo qu'on vient de lancer, Le trésor des soins palliatifs, pour <rappeler...
M. Lemieux-Lefebvre (Jasmin) :
...d'avoir choisi, dans votre
consultation, de ne pas aborder la
question
des mineurs matures.
Donc, les
soins palliatifs, il
faut le répéter, répéter, ce n'est pas juste une
question de
fin
de vie. Et on a fait une vidéo qu'on vient de lancer, Le trésor des
soins
palliatifs
, pour >rappeler cet élément, et j'espère que vous
aurez la chance de la regarder parce que je pense que la vidéo exprime bien le
ton avec lequel on veut mener le débat et le dialogue. Alors, je cède tout de
suite la parole à Julie.
• (15 h 10) •
Mme Senécal (Julie) : Merci
beaucoup, Jasmin. Merci à vous de m'accueillir. Je tiens à préciser que mon témoignage
est le mien, mais j'ai fréquenté énormément de gens, lors de mes thérapies, qui
ont eu des défis, de vouloir se suicider, etc., et mon témoignage inclut le témoignage
de plusieurs personnes ainsi que de mon ergothérapeute, qui est spécialisé en
santé mentale.
Donc, je suis Julie Senécal, 48 ans,
j'ai quatre filles, épidémiologiste de formation. Mon témoignage s'oriente
beaucoup dans la région de l'Outaouais parce que c'est ici que je vis et c'est
ici que je vis les défis de manque de ressources en santé mentale. J'ai fait
une dépression majeure, en 2013, qui a duré presque huit ans. Je suis encore
fragile aujourd'hui malgré les thérapies et les ressources qui ont été
faiblement disponibles, mais qui ont été disponibles. Au cours de mes huit ans,
j'ai été hospitalisée à cinq reprises pour des tentatives de suicide. C'est à
ma quatrième hospitalisation seulement, en 2021, que le personnel médical m'a référée
à des ressources dans la communauté afin de bien m'encadrer à ma sortie de
l'hôpital, mais, avant ça, on me retournait dans mon milieu, sans ressources,
sans aide.
Les personnes qui souffrent de défis de
santé mentale, qui ont des pensées suicidaires ou qui ont des... ou qui font
des tentatives de suicide, elles sont prédisposées à demander l'aide médicale à
mourir lors de périodes de détresse, dépression, anxiété, sont souvent
influencées par leur état psychologique, leur détresse, la stigmatisation ainsi
que le manque de ressources. Souvent, les personnes qui sont dans une situation
telle ont... sont sous l'influence de stupéfiants.
Ceci dit, l'aide médicale à mourir pour
les personnes ayant des défis de santé mentale est alors une question très
complexe et un challenge éthique. C'est aussi un défi de manque de ressources
appropriées. Les défis de santé mentale, s'ils sont pris en charge rapidement
par des spécialistes et des thérapies, peuvent souvent mener... s'ils ne sont
pas pris en charge, je m'excuse, peuvent mener à la dépression majeure,
l'anxiété généralisée, et, justement, des pensées suicidaires, et même passer à
l'acte de suicide. Lorsqu'une personne qui a des défis de santé mentale a des <pensées
suicidaires ou...
Mme Senécal (Julie) : ...et
des thérapies, peuvent souvent mener... s'ils ne sont pas pris en charge, je
m'excuse, peuvent mener à la dépression majeure, l'anxiété généralisée et,
justement,
des pensées suicidaires, et même passer à l'acte de suicide. Lorsqu'une
personne qui a des défis de
santé mentale a des >pensées
suicidaires ou fait une tentative de suicide, c'est immédiatement, même en
amont, qu'elle a besoin d'aide et de ressources. Pour l'instant, il existe des
lignes téléphoniques qu'on peut... auxquelles on peut appeler à l'aide, mais,
une fois qu'on a raccroché, on est retournés à nous-mêmes, dans notre milieu,
dans notre désespoir, et il n'y a pas d'aide qui vient à notre secours.
Si on est... Si on a la recommandation
d'aller à l'hôpital, à l'arrivée à l'hôpital, on est carrément mis dans une
chambre, en attente, sans ressources. Il n'y a pas de psychologues. Il n'y a
pas de travailleurs sociaux. Il n'y a personne qui vient venir voir la personne
qui a des... qui est en détresse. Puis, moi, ça m'a même pris jusqu'à une
semaine, à un moment donné, pour voir un psychiatre à l'hôpital. Donc, j'ai été
hospitalisée une semaine sans... à attendre, puis ça a pris une semaine avant
qu'un psychiatre me voie. J'ai dû être hospitalisée jusqu'à cinq fois, ça, je l'ai
dit un petit peu tôt, pour qu'on me donne un filet de sécurité puis qu'on me
donne de l'encadrement en sortant de l'hôpital.
Je vais vous avouer qu'avec le manque de ressources
disponibles pour les gens qui souffrent en santé mentale, quand les gens sont
en détresse et qu'ils sont près de l'acte, tentative de suicide, ça serait très
facile d'accepter l'aide médicale à mourir, parce que, dans ces situations de
détresse là, on ne voit pas d'issue. Par contre, avec un bon support, un bon
soutien en amont et pendant la crise, on s'en sort. Aujourd'hui... Oui, j'ai
fait cinq tentatives de suicide, mais aujourd'hui je vois la vie superbelle. Je
profite de mes quatre enfants. Puis c'est... Si je n'avais pas eu l'aide que
j'ai eue, je ne m'en serais probablement pas sortie, mais le manque de ressources
pour prévenir, c'est vraiment ça, mon message, dans un sens, pour prévenir que quelqu'un
qui souffre de santé mentale se rende jusqu'à vouloir se suicider. Le manque
est criant. Le manque est criant, et je vais terminer avec ça.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci beaucoup, Mme Senécal, pour votre témoignage. Merci, M.
Lemieux-Lefebvre. Donc, nous passons maintenant à la période d'échange avec les
membres de la commission, en commençant par le député de <Rosemont.
M. Marissal : Merci,
Mme
la Présidente. M. Lemieux-Lefebvre...
La Présidente (Mme Guillemette) :
...Merci. Merci beaucoup, Mme Senécal, pour votre témoignage. Merci,
M. Lemieux-Lefebvre. Donc, nous passons maintenant à la période d'échange
avec les membres de la commission, en commençant par le député de >Rosemont.
M. Marissal : Merci, Mme la
Présidente. M. Lemieux-Lefebvre, Mme Senécal, merci pour le
témoignage assez touchant. Je pense qu'il n'y a personne ici, là... Puis je ne
me ferai pas le porte-parole de mes collègues, mais je pense qu'il n'y a
personne ici qui oserait se lever publiquement puis dire que tout va bien, dans
le meilleur des mondes, dans le système de santé au Québec, qu'on ne manque pas
de ressources, que tout le monde est vu super rapidement, qu'on n'échappe
jamais personne dans les mailles du filet. Il n'y a personne qui oserait dire
ça, en tout cas, certainement jamais moi. Les journaux sont malheureusement
remplis d'histoires de gens qu'on échappe tous les jours.
Moi, dans ma circonscription, vous allez
comprendre pourquoi je vous dis ça, là, j'ai l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont.
Alors, il n'y a jamais personne qui va me faire... que tout va bien dans le
système de santé. Et je comprends et je respecte tellement votre préoccupation
de vivre dans la dignité et d'avoir accès à des soins de qualité, accès à des
soins. Ça veut dire pas juste se faire hospitaliser, ça veut dire voir un
psychiatre quand on est hospitalisé en psychiatrie. Je suis avec vous
là-dessus, Mme Senécal.
Tout cela dit, est-ce qu'on ne pourrait
pas banaliser... bien, baliser, pas banaliser, pardon, excusez-moi le lapsus,
baliser l'aide médicale à mourir dans les cas de santé mentale, en excluant
justement les épisodes psychotiques dont vous parliez, Mme Senécal? Par
exemple, en période de tentative de suicide ou de grande, grande détresse
psychologique, pour moi, il va de soi que nous devrions, d'emblée, exclure. Est-ce
que ce n'est pas possible de le faire, et qu'à ce compte-là le dernier recours
d'aide médicale à mourir, de soins de fin de vie, soit réservé à d'autres types
de problèmes beaucoup plus graves, qu'ils soient neurologiques, psychologiques
ou physiologiques?
M. Lemieux-Lefebvre (Jasmin) :
Je te laisse y aller, Julie, pour commencer.
Mme Senécal (Julie) : Les
troubles de santé mentale... Je comprends très bien votre question. Moi, mon
expérience est au niveau des crises, mais je peux donner l'exemple... ma soeur.
Ma soeur a failli mourir plusieurs fois d'anorexie, qui est une maladie qui se
contrôle, mais qui ne se guérit pas, et on a essayé à plusieurs reprises de lui
sauver la vie, mais maintenant, aujourd'hui, elle vit avec ce qu'on appelle la dyskinésie
tardive, qui est comme l'effet secondaire sévère de médicaments qu'elle a pris
pendant qu'elle était malade. Elle n'est pas fonctionnelle aujourd'hui. Ma mère
doit prendre soin d'elle. Elle ne... Je ne peux pas <dire...
Mme Senécal (Julie) :
...elle vit avec ce qu'on appelle la dyskinésie tardive, qui est comme l'effet
secondaire sévère de médicaments qu'elle a pris pendant qu'elle était malade.
Elle n'est pas fonctionnelle
aujourd'hui. Ma mère doit prendre soin
d'elle. Elle ne... Je ne peux pas >dire que c'est une personne
fonctionnelle.
Par contre, par contre, avec les soins qu'elle
a eus, elle a été capable de trouver, à l'intérieur de son mal-être puis de ses
défis physiques... Elle a été capable de trouver une joie de vivre puis, aujourd'hui,
elle profite de... bien, de ses nièces, de mes quatre filles. Et c'est une situation
très difficile parce qu'elle ne peut pas sortir publiquement. La dyskinésie
tardive fait en sorte qu'elle fait des crises à répétition. Elle n'a pas une qualité
de vie, mais, par contre, à l'intérieur de ça, avec l'aide et l'encadrement,
elle est capable de trouver une joie de vivre quand même.
Donc, ça, je vous donne un exemple de cas
graves, puis c'est ma soeur, mais il y a moyen, avec les ressources, d'aller
chercher un désir de vivre puis un désir d'apprécier la vie malgré le fait qu'on
n'est pas comme les autres, parce que ma soeur ne peut pas sortir. Elle ne peut
pas prendre soin d'elle. C'est ma mère qui fait tout pour elle. Elle peut à
peine se faire à manger, mais c'est ça.
M. Lemieux-Lefebvre (Jasmin) :
J'ajouterais un...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
M. Lemieux-Lefebvre (Jasmin) :
Puis-je ajouter un point?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Oui, allez-y.
• (15 h 20) •
M. Lemieux-Lefebvre (Jasmin) :
Le message qu'on va lancer à la population générale... des personnes avec défis
en santé mentale, je pense, est primordial. Alors, bien que l'on pourrait se
dire, bon, alors, pour les cas limites, on va avoir des balises, mais laisser
un certain espace, bien, le message que ça va lancer à toutes ces personnes-là
qui... Et, on le voit, là, déjà, on entend des messages de psychiatres qui...
On entend : L'aide médicale à mourir s'en vient, pourquoi faire des
efforts thérapeutiques quand je pourrais simplement laisser aller, et puis on y
aura accès bientôt.
Et c'est pour ça, l'important... Vivre
dans la dignité, on a choisi de ne pas donner de... quel est le temps de
thérapie. Vous entendrez des gens qui vous demanderont 10 ans, certains c'est
six mois de thérapie fermée. Pour nous, c'est vraiment la volonté... Sur cette
question-là, sachant que le vase est troué de partout dans la question des
soins en santé mentale au Québec, il y a une responsabilité d'y aller avec les
balises les plus strictes possibles que vous discernerez avec les travaux de la
commission.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, M. le député. Je céderais maintenant la parole à la députée de
Joliette.
Mme
Hivon
:
Oui, bonjour à vous deux, et merci beaucoup de la présentation et du témoignage
très, très concrets, très humains, que vous nous avez livrés, qui, <certainement,
va nous...
M. Lemieux-Lefebvre (Jasmin) :
...avec les travaux de la
commission.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
Merci beaucoup,
M. le député. Donc, je céderais
maintenant
la parole à
la députée de
Joliette.
Mme
Hivon
:
Oui. Bonjour à vous deux, et
merci beaucoup de la
présentation et
du témoignage
très, très concret, très humain que vous nous avez livré,
qui, >certainement va nous alimenter. Les médecins qu'on a vus, les
psychiatres, les spécialistes qu'on a eus, nous auraient dit...
Mme Senécal, évidemment, je vous
dirais, comme aparté, que c'est toujours périlleux de commencer à commenter le
cas personnel de quelqu'un. Donc, merci beaucoup de commenter votre propre cas.
Puis, dans tout ça, il y a beaucoup de respect dans ma question. Les
psychiatres... Puis moi, je ne voudrais pas qu'un cas comme le vôtre puisse
être admissible, là, bien honnêtement. Ce que les psychiatres nous disaient, c'est
qu'eux non plus, dans la mesure où ils voudraient que... et là je généralise,
parce qu'il y a des opinions totalement divergentes au sein même des
psychiatres, mais, mettons, l'association qui est venue présenter, qui nous a
dit qu'il faudrait que, vraiment, la maladie soit incurable, qu'elle soit
irréversible, ce sont les critères actuels de la loi, et que, la souffrance, on
sache qu'elle soit absolument constante et inapaisable.
Et là il y a énormément de débats, à
savoir si on est capables d'arriver avec ces critères-là, appliqués, on se
comprend, mais est-ce que, pour vous, vous dites : Il faut fermer la porte
absolument en toutes circonstances ou si vous dites qu'il y a des situations où
l'incurabilité de la maladie est établie, des cas, par exemple, de
schizophrénie très grave, et que l'irréversibilité, aussi, et que ça pourrait
être envisageable?
Et le deuxième élément de ma question, c'est
que, pour certains, compte tenu que le critère de fin de vie a sauté avec les
décisions des tribunaux, on ferait face à un deux poids, deux mesures et on
mettrait, en quelque sorte, les personnes qui ont un trouble mental ou qui
souffrent de maladie mentale dans une catégorie autre en les excluant d'emblée
par rapport aux personnes qui souffrent de maladies physiques. Vous, comme
personne qui avez souffert de ces problèmes-là, comment vous réagissez à cette
affirmation-là?
Mme Senécal (Julie) :
Moi, ce que je pourrais dire, c'est qu'en ce moment les soins en santé mentale
sont très compartimentés. Il n'y a pas d'approche... J'ai étudié un peu en
biologie. Donc, je vais utiliser le terme «écosystémique». Il n'y a pas
d'approche écosystémique pour bien chapeauter les personnes qui ont des
problèmes en santé mentale. Donc, j'ai de la difficulté avec votre question
parce que je ne suis pas convaincue que les gens... Vous avez parlé d'un cas de
schizophrénie grave, ou peu importe. Je ne suis pas convaincue que les soins
soient assez disponibles. On n'est pas rendus là, encore, au niveau de la
qualité des soins pour ces <personnes-là...
Mme Senécal (Julie) : ...que
les gens... Vous avez parlé de cas de schizophrénie grave, ou
peu
importe. Je ne suis pas convaincue que les soins soient assez disponibles. On
n'est pas rendus là encore
au niveau de la qualité des soins pour ces >personnes-là.
Donc, j'aurais plus tendance à dire qu'il faut miser sur une approche...
Les problèmes de santé mentale, ce n'est
pas un problème de coeur, ou un problème d'artères, ou un problème qui est
isolé. Il y a la communauté qui est impliquée. Il y a les familles qui sont
impliquées. Il y a... C'est un tout. En Afrique, ils disent qu'on crée une
personne avec une société. Donc, j'ai de la difficulté avec votre question,
parce que c'est le manque de ressources qui est le problème. Donc, je ne me
sens pas apte à répondre à une question, si, oui ou non, l'aide médicale à
mourir devrait être offerte à une personne qui est... que ça fait 25 ans qu'elle
souffre de schizophrénie majeure puis qu'elle n'a aucune qualité de vie, parce
que les soins de santé ne sont pas encore rendus là. Il n'y a pas d'approche
écosystémique.
Je vais juste donner un exemple. Là, c'est
mon cas encore, mais c'est une première qui s'est faite avec ma psychiatre.
Elle a fait une réunion avec ma travailleuse sociale, avec ma psychologue et
avec elle dans son bureau, puis ça, c'est quelque chose qui ne se fait pas, là.
C'est vraiment quelque chose de nouveau qui s'est fait pour pouvoir me procurer
un filet de sécurité. Ça, c'est à ma sortie de l'hôpital quand j'ai fait une
tentative de suicide le printemps passé. Bien, ça, c'est un exemple de services
et de soins, parce que, là, je peux téléphoner à ma travailleuse sociale. Ma
psychiatre sait exactement qui je dois téléphoner, quand, dans quel ordre de
priorité, et tout, là.
Donc, je m'éloigne peut-être un petit peu
de la question...
Mme
Hivon
: Non,
ça va.
Mme Senécal (Julie) : ...mais,
pour moi, l'approche comme... C'est le système, il faut que le système
fonctionne ensemble. C'est trop compartimenté en ce moment. Tu vas voir ton
psychiatre pour des médicaments. Là, tu as ton psychologue pour certaines
thérapies. Puis là il y a le travailleur social pour... Mais, comme, ils ne
travaillent pas ensemble... Donc, je vais m'arrêter là parce que j'en aurais
long à dire.
Mme
Hivon
:
Merci beaucoup.
Mme Senécal (Julie) : Je ne
sais pas si ça répond à votre question, mais...
Mme
Hivon
: Oui,
ça répond très bien. J'avais une autre... J'avais l'autre volet, là, mais je
pense que je n'ai plus de temps, Mme la Présidente? Ça fait que...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. On y reviendra peut-être à la fin, Mme la députée de Joliette. Donc, je
céderais maintenant la parole à la députée de Saint-François.
Mme
Hébert
:
Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Lemieux-Lefebvre et Mme Senécal,
pour votre témoignage. C'est très touchant. Et, de voir que vous le vivez aussi
autant personnel que dans votre famille, avec votre sphère, ça vient teinter <encore...
La Présidente (Mme Guillemette) :
...Mme la députée de
Joliette. Donc, je céderais maintenant la
parole à la députée de
Saint-François.
Mme
Hébert
:
Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Lemieux-Lefebvre et Mme Senécal
pour votre témoignage, c'est très touchant, et de voir que vous le vivez aussi
autant personnel que dans votre famille avec votre soeur, ça vient teinter >encore
plus votre intervention.
Moi, j'aimerais vous poser la question... Ce
sera soit un de vous deux qui pourra répondre, là... Vous recommandez, là... Puis
je sais que vous l'avez dit, M. Lemieux-Lefebvre, que c'étaient nous qui
devions déterminer les balises ou, en tout cas... dans les recommandations,
mais est-ce que vous avez réfléchi... parce que vous recommandez que le Québec
se dote de balises très strictes, le plus strict possible, mais, dans le cas de
l'aide médicale à mourir, là, qu'elle serait disponible pour les personnes qui
ont des troubles mentaux, c'est quoi qui seraient les balises nécessaires pour
encadrer la pratique, là? Avez-vous commencé quand même à y réfléchir, même si
vous nous mettez ça comme : Faites des balises très strictes? Est-ce que
vous avez comme des lignes qui pourraient nous enligner?
M. Lemieux-Lefebvre (Jasmin) :
Alors, dans tout ce que j'ai vu présentement, l'appel à 10 ans de suivi
thérapeutique adéquat semble la formule avec laquelle nous sommes les plus
confortables. Alors, c'est certain qu'il y a des personnes qui vont dire :
Bien voyons! 10 ans, ça n'a aucun bon sens, mais il est question de vie ou
de mort, et, dans l'environnement que l'on connaît au Québec... nous oblige à y
aller avec une proposition de balises aussi strictes parce qu'on ne veut pas
voir un cas où la personne n'aurait pas eu tous les soins adéquats qu'elle
mérite.
Et, je tiens à le répéter, la question...
parce que, quand on parle de soins palliatifs pour des cas de troubles mentaux,
souvent, les gens disent : Quoi, des soins palliatifs pour troubles
mentaux, qu'est-ce que c'est? Alors, on est encore au tout début de ce
traitement, de la façon dont c'est offert au Québec. Il y a tellement de choses
à faire. Je vous dirais, juste travailler sur la façon dont on peut aider les
personnes en soins palliatifs pour troubles mentaux, il y a tout un chantier à
faire, et, bien sûr, nous, on vous proposerait de faire ce chantier-là avant celui
de l'aide médicale à mourir. On connaît le contexte de 2023. Donc, c'est pour
ça que ce qu'on vous propose, c'est les balises les plus strictes.
Mme
Hébert
:
Parfait. Puis je vais juste ajouter... On a entendu Pre Vrakas, puis elle-même
partageait son expérience personnelle. Puis je crois que, si je n'exagère pas,
c'est au-delà d'une vingtaine d'années avant qu'on trouve vraiment son
diagnostic. Ça fait que même quand vous dites 10 ans, ça aurait pu... dans
son cas à elle, on aurait pu passer à côté. Donc, c'est quand même une balise
qui, je ne le sais pas, là, mais...
M. Lemieux-Lefebvre (Jasmin) :
Non, vous avez raison. On mentionne 10 ans, mais là vous mentionnez le cas
de Georgia Vrakas, et là c'est un exemple clair, là, que 10 ans n'auraient
pas été suffisants.
Mme
Hébert
: C'est
bien. Merci beaucoup. Merci, Mme la Présidente.
• (15 h 30) •
Mme Senécal (Julie) : Est-ce
que je peux <juste...
>
15 h 30 (version révisée)
<17877
Mme
Hébert
: ...je ne le sais pas, là, mais...
M. Lemieux-Lefebvre (Jasmin) :
Non, vous avez raison. On mentionne 10 ans, mais là vous mentionnez le cas
de Georgia Vrakas, et là c'est un exemple clair, là, que 10 ans n'auraient
pas été suffisants.
Mme
Hébert
: C'est
bien. Merci beaucoup. Merci, Mme la Présidente.
Mme Senécal (Julie) :
Est-ce
que je peux >juste...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Oui, allez-y, Mme Senécal.
Mme Senécal (Julie) : C'est
tout court, ce que je veux rajouter, mais mon ergothérapeute, qui est
spécialiste en santé mentale, m'a mentionné que l'accompagnement dans les
besoins, à tous les niveaux, sur le très long terme sont nécessaires pour les
gens qui ont des défis en santé mentale, puis, comme... ça renforcit ce qui
vient d'être dit, puis... Mais lui, c'est sa profession, c'est ça qu'il fait
tous les jours, donc il en voit énormément, de patients, là. Donc, je voulais juste
rajouter ça.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait, merci, c'est très pertinent.
Mme Senécal (Julie) : Son nom,
c'est Carl Brouillette, et il m'a sauvé la vie à plusieurs reprises, oui.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Donc, je céderais la parole à Mme la députée d'Abitibi-Ouest.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Bonjour, Mme Senécal. Merci beaucoup du beau partage que vous nous faites.
Ça demande beaucoup de courage, je vous admire. Merci.
M. Lemieux, on parle de soins
palliatifs chez les gens souffrant de problèmes de santé mentale. Selon vous,
quel serait l'idéal pour avoir des soins palliatifs? Parce qu'on parle de soins
palliatifs. Sûrement que vous avez un gabarit, vous avez un idéal pour que les
patients en santé mentale soient bien.
M. Lemieux-Lefebvre (Jasmin) :
Bien sûr. Alors, de pouvoir, un, le faire connaître, parce qu'il y a une
méconnaissance totale de la possibilité d'avoir un accès, et ça, même dans la communauté
médicale. Alors, le premier chantier, c'est de faire connaître, et, par la
suite habiliter, donner les ressources pour pouvoir l'offrir dans les
différents milieux. Et là bien sûr, au Québec, il y a une grande disparité
quand on parle de soins palliatifs pour des personnes qui souffrent de troubles
mentaux. Donc, ça, c'est la première étape, et, par la suite, d'y aller étape
par étape.
Et je laisserais... Il y a tout plein
d'experts qui réfléchissent à cette question-là. Alors, nous, on est un réseau citoyen
qui vont chercher, qui vont glaner les meilleures expériences. Je leur
laisserais à eux de vous exprimer dans le détail comment le faire. Mais,
vraiment, il y a un beau chantier qui, je trouve, serait motivant et, à tout le
moins, quelle que soit votre décision, je trouve que ce chantier-là, pour le Québec,
on devrait le démarrer aussi.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée. Si je peux me permettre, tout à l'heure, vous avez parlé
de 10 ans de suivi thérapeutique adéquat. On sait qu'il y a des gens qui
font des refus de traitement. On gérerait ça comment? Je ne sais pas si c'est <M.
Lemieux...
La Présidente (Mme Guillemette) :
... Si je peux me permettre,
tout à l'heure, vous avez parlé de 10 ans
de suivi thérapeutique adéquat. On sait qu'il y a des gens qui font des refus
de traitement. On gérerait ça comment? Je ne sais pas si c'est >M. Lemieux-Lefebvre
ou Mme Sénécal...
M. Lemieux-Lefebvre (Jasmin) :
Julie, veux-tu dire un mot là-dessus?
Mme Senécal (Julie) : Par
expérience, puis c'est juste mon expérience, je ne suis pas professionnelle
dans le domaine, mais quelqu'un qui fait un refus de traitement, c'est qu'il
est vraiment rendu dans... J'essaie de parler en bon français. Il est vraiment
rendu dans le désespoir total. Puis c'est difficile pour quelqu'un qui n'est
pas arrivé dans un niveau de détresse maximal à ce niveau-là de comprendre,
mais je vais le dire en bon québécois, vous m'excuserez pour mon langage...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Ça va. Allez-y. Allez-y comme vous le sentez.
Mme Senécal (Julie) :
...mais quand tu veux mourir puis qu'il n'y a plus rien dans ta tête qui peut
te motiver à continuer à vivre, même de l'aide de la part d'un professionnel de
la santé ou même de l'aide d'un proche de la famille, tu la refuses. Tu ne veux
plus rien savoir. Tu veux juste mourir.
Donc, moi, j'ai de la difficulté avec les
refus de traitement parce qu'il y a une condition psychologique qui fait en
sorte que la personne va refuser un traitement. Puis elle a besoin d'aide pour
cette condition psychologique là. Et moi, je parle pour les défis de santé
mentale, là, je ne parle pas pour d'autres problématiques de santé, là, ce n'est
pas mon domaine, mais, quand on est rendu à un point où on refuse l'aide, où on
refuse les traitements, où on refuse tout, c'est que, là, le système nous a
laissés aller comme vraiment trop loin.
Puis c'est pour ça que je parlais du
besoin d'aide en amont, en amont, quand les personnes commencent à ne pas aller
bien. Il manque de ressources en amont pour permettre aux personnes d'éviter de
se rendre jusque là.
Donc, moi, ça, ça serait ma réponse. Un
refus de traitement, c'est que la personne est rendue tellement creuse, là, qu'elle
ne voit même plus que l'aide est possible. Puis je ne suis pas la seule à... Ce
n'est pas juste moi, là, qui témoigne, là, c'est plusieurs personnes que j'ai
consultées aussi.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Merci. Aussi ma question s'adresserait peut-être à
M. Lemieux-Lefebvre. On parle beaucoup de santé mentale, mais vous êtes
contre également l'aide médicale à mourir dans les cas d'inaptitude où il y a
des <problèmes...
La Présidente (Mme Guillemette) :
...
Parfait. Merci. Aussi ma question s'adresserait peut-être à
M. Lemieux-Lefebvre. On parle beaucoup de santé mentale, mais vous êtes
contre également l'aide médicale à mourir dans les cas d'inaptitude où il y a
des >problèmes cognitifs comme l'Alzheimer ou... Donc, j'aimerais vous
entendre un peu plus, là, sur cet aspect-là, parce que les gens sont... il y a
des gens qui sont vraiment venus témoigner pour avoir accès à cette aide
médicale à mourir là. Il y a des gens qui étaient en situation, présentement, là,
qui sont présentement en situation... donc j'aimerais vous entendre un petit
peu plus au sujet de l'inaptitude et des troubles cognitifs.
M. Lemieux-Lefebvre (Jasmin) :
Tout d'abord, je pense que c'est important de le dire, le respect profond de la
réalité de ces personnes, et que notre approche, même si nous sommes contre, on
respecte et on accueille les personnes qui ont vécu des expériences familiales,
qui ont vraiment des craintes. Alors, ça ne veut pas dire... il n'y a pas
aucune adéquation entre opposition contre cette ouverture et l'accueil des
personnes.
Alors, ceci étant dit, juste à penser à
une situation où un professionnel de la santé qui a reçu les directives
anticipées où toutes les balises ont été soigneusement suivies, et là il se retrouve
devant une personne qui n'a aucune idée de ce qui va se passer, là. Et le
professionnel de la santé va devoir lui faire les trois injections, et la
personne ne sait pas ce qui se passe. Et je dois regarder du côté de la
Belgique où on a les témoignages de professionnels de la santé qui en ont eu
des cauchemars, et là ce n'est pas des caricatures que je fais, ce sont des
histoires de personnes, et des personnes qui se sentaient habilitées à le
faire.
Alors, à partir du moment où on ouvre la
porte à l'aide médicale à mourir pour des personnes devenues inaptes, là, c'est
une situation que, pour nous, de demander à des professionnels de la santé,
même s'ils seraient parfaitement... ils sont prêts à le faire, ils vous disent :
Nous, on veut suivre... c'est une démarche autonome de personnes qui nous l'ont
demandé lorsqu'elles étaient aptes. Mais on ne peut pas, en âme et conscience,
et je vous demande de vraiment penser, de voir un peu la démarche, là, qui se
passerait, et elle existe, là, du côté de la Belgique et des Pays-Bas, et, en
âme et conscience, et avec le témoignage de professionnels de la santé et de
familles de Belgique et de Pays-Bas, on ne peut pas l'imaginer pour le Québec.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci beaucoup à vous deux. Je céderais maintenant la parole au député
de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : Merci, Mme
la Présidente, et merci, Mme Senécal, pour votre courage, votre franchise
et votre <sagesse. Merci, M. Lemieux-Lefebvre aussi...
M. Lemieux-Lefebvre (Jasmin) :
... on ne peut pas l'imaginer pour le Québec.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci beaucoup à vous deux. Je céderais maintenant la parole au député
de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : Merci,
Mme la Présidente, et merci, Mme Senécal, pour votre courage, votre
franchise et votre >sagesse. Merci, M. Lemieux-Lefebvre aussi. Écoutez.
Moi, je reçois de vos témoignages, des mises en garde solennelles et archi-importantes
sur l'importance d'améliorer, de bonifier, pas juste de maintenir nos services
de santé mentale, nos services de santé en général. L'interpellation
primordiale que tout ce qu'on ferait n'aurait pas un impact négatif sur les
soins palliatifs, je comprends qu'il faut agir avec la plus grande prudence,
mais j'ose croire, je comprends et je respecte que ce n'est pas votre message.
Et je vous mets devant le défi que, moi, je reçois un message de
complémentarité totale avec la possibilité d'élargir l'aide médicale à mourir,
c'est-à-dire avec des balises très sérieuses, très responsables, avec une
compréhension que le Québec et l'État a l'obligation d'améliorer ses services,
qu'un élargissement balisé comme il faut serait fidèle à vos préoccupations. Je
vous invite de réagir à ma façon de recevoir vos propos.
• (15 h 40) •
M. Lemieux-Lefebvre (Jasmin) :
Julie, j'ai parlé un peu. J'aimerais que tu puisses parler un peu.
Mme Senécal (Julie) :
Oui, c'est beau. Quand j'entends parler de balises, moi, je ne suis pas
professionnelle de la santé, je ne peux pas vous guider, en termes de balises,
ou quoi que ce soit, mais je pense que c'est un domaine de recherche qu'il
serait très noble d'entreprendre. Il y aurait des études en santé publique, il
y aurait des études en sociologie. Il y aurait plusieurs études, des équipes
multidisciplinaires qui pourraient vraiment se pencher sur la question et
pousser les consultations beaucoup plus loin. Parce que les balises dont on
parle, c'est des défis très éthiques, très complexes. Et, comme on a entendu,
il y a des défis en santé mentale qui peuvent être résolus, mais sur une
période de 10 ans, 20 ans, peut-être plus. Moi, j'ai une tante qui a
70 ans, qui vient juste <d'apprendre...
Mme Senécal (Julie) : ...
c'est des défis très éthiques, très complexes. Et comme on a entendu, il y a
des défis en santé mentale qui peuvent être résolus, mais sur une période de 10 ans,
20 ans, peut-être plus. Moi, j'ai une tante qui a 70 ans, qui vient
juste >d'apprendre qu'elle a un trouble de personnalité limite. Elle,
elle l'a appris à 70 ans. Mais je crois que votre question, c'est une
question académique qui doit être soulevée par une équipe multidisciplinaire,
en santé publique, en santé mentale, en santé sociale. Je ne sais pas quoi dire
de plus. Excusez-moi, je bouge mon écran parce que je suis émotive quand je
parle.
M. Lemieux-Lefebvre (Jasmin) :
Bien oui. J'ajouterais un point. C'est que vous allez entendre, bien sûr, des
appels à la complémentarité, et je crois que c'est important aussi de rappeler
qu'il y a encore beaucoup de Québécois qui ont cette vision, je l'ai dit en
présentation, que la dignité, elle ne se perd pas avec les facultés qui
disparaissent tranquillement. Alors, c'est sûr que c'est fondamental pour nous.
C'est sûr que, depuis le début des débats en 2010, ça vient ponctuer nos
interventions.
Il y a encore beaucoup de personnes qui
ont vraiment au coeur le fait que, quand les gens nous disent : Bien la
dignité, je la perds... Non, non, non, puis on veut vous le rappeler. Bien sûr,
il y a toutes les questions d'autonomie, etc., mais comme société, de
rappeler... Et vraiment, il y a un appel, il y a un message qu'on doit lancer
aux personnes. Les facultés que vous allez perdre, les craintes que vous
avez... bien, votre dignité, là, elle sera toujours avec vous.
Donc, vous avez des appels d'un côté, vous
avez des appels aussi d'autres personnes qui pensent vraiment qu'il y a une
fracture philosophique. Alors, on le voit. On respecte les différents points de
vue, mais si on ne vous disait pas, et puis on entend ces échos-là un peu
partout sur le terrain, qu'il y a encore des personnes au Québec qui croient en
la dignité qui ne se perdra jamais, bien, on manquerait à notre mission.
M. Birnbaum : Donc, avec
respect, vous suggérez que c'est à nous, et pas à l'individu, disons,
l'individu devant un diagnostic d'Alzheimer précoce, c'est à nous, c'est à
l'État de juger et d'évaluer la dignité, et ça n'appartient pas à cet
individu-là, avec des balises très strictes, d'avoir l'opportunité, fidèle à la
loi actuelle, à quelque part, à prendre sa décision. Est-ce que je vous
comprends bien?
M. Lemieux-Lefebvre (Jasmin) :
Oui, vous me comprenez bien. Parce que, suite à ce choix, bien là il va y avoir
un mur, celui de placer un professionnel de la santé à procéder à une aide
médicale à mourir devant une personne qui sera inapte, et même, et je le <répète,
même s'il y a eu le choix...
M. Lemieux-Lefebvre (Jasmin) :
...
vous me comprenez bien. Parce que, suite à ce choix, bien là il va y
avoir un mur, celui de placer un professionnel de la santé à procéder à une
aide médicale à mourir devant une personne qui sera inapte, et même, et je le >répète,
même s'il y a eu le choix avant, il y a une situation que, pour nous, on ne
peut tolérer, qui... À travers le monde, là, il y a seulement deux endroits qui
ont ouvert la porte. Et on voit trop d'histoires qui nous brisent le coeur, de
personnes, même si c'est quelques cas, et pour nous ce n'est pas la quantité de
personnes, là, chaque cas est important. Et on ne peut pas mettre... Et en tout
respect pour les personnes qui le demandent, avec leur choix autonome, on ne
veut pas mettre des professionnels de la santé au Québec dans cette situation,
ce choix qui, pour nous, ne nous apparaît pas opportun du tout.
M. Birnbaum : On va
s'entendre que la loi actuelle est basée sur la vision d'une continuité de
soins de santé où s'insère l'aide médicale à mourir dans les circonstances très
balisées. Et on va en convenir qu'un médecin individuel peut se désister de
pratiquer cette intervention-là. Par contre l'obligation de l'État actuel, c'est
d'assurer la disponibilité, selon ces balises actuelles, la disponibilité du
recours à l'aide médicale à mourir. Est-ce que vous croyez que cette assurance,
même sur le plan institutionnel, ne devrait pas exister ou vous voulez protéger
le droit de désister d'un individu, un médecin individuel?
M. Lemieux-Lefebvre (Jasmin) :
Bien sûr, on veut protéger... protéger la conscience des médecins, au point de
vue personnel, mais le choix de société de se dire qu'évidemment... On le
reconnaît, là, il y a des balises qui ont été données avec la Loi concernant
les soins de fin de vie. Mais jamais la question d'enlever la vie de personnes
inaptes n'a été abordée. Il y a un choix au niveau fédéral de ne pas ouvrir la
porte, même s'il y avait des pressions importantes. Et vous avez la possibilité
aussi de prendre ce choix que, dans votre cadre, dans la loi québécoise, pour
des questions d'une personne qui est devenue inapte, bien, malheureusement, on
fait ce choix-là de ne pas mettre nos professionnels de la santé dans cette situation.
M. Birnbaum : Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci. Donc, merci à vous deux pour le témoignage et pour la
présentation. Ça nous aide grandement pour la suite de nos travaux de la commission.
Donc, merci pour votre contribution.
Et nous, nous suspendons quelques
instants, le temps de recevoir nos prochains invités. Et je demanderais aux
membres de la commission de rester avec nous. <Merci encore.
(Suspension de la séance à
15 h 48)
La Présidente (Mme Guillemette) :
... pour la suite de nos travaux de la
commission. Donc, merci pour
votre contribution.
Et nous, nous suspendons quelques
instants, le temps de recevoir nos prochains invités. Et je demanderais aux
membres de la
commission de rester avec nous. >Merci encore.
(Suspension de la séance à 15 h 48)
16 h (version révisée)
(Reprise à 16 heures)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, nous sommes de retour, et la commission reprend ses travaux. Donc...
(Interruption) Excusez. Nous accueillons maintenant la Commission
des droits de la personne et des droits de la jeunesse avec leurs
représentants, donc Me Philippe-André Tessier, président, et Me Marie
Carpentier, conseillère juridique. Donc, vous disposez de 10 minutes pour
faire votre exposé, et, par la suite, il y aura un échange avec les membres de
la commission pour une période de 35 minutes. Je vous cède maintenant la
parole.
Commission des droits de la personne et des droits
de la jeunesse (CDPDJ)
M. Tessier (Philippe-André) :
Merci beaucoup, Mme la Présidente, Mmes et MM. les députés. Philippe-André
Tessier, donc président de la commission, accompagné de Me Marie Carpentier,
conseillère juridique à la direction de la recherche de la commission.
Je rappelle que la commission a pour but
d'assurer le respect et la promotion des principes énoncés dans la Charte des
droits et libertés de la personne. Elle assure aussi la protection de l'intérêt
de l'enfant et le respect et la promotion des droits qui lui sont reconnus,
notamment par la Loi sur la protection de la jeunesse.
Conformément à notre mandat, la commission
a pris connaissance du document de consultation produit par la commission
spéciale. Évidemment, comme plusieurs autres intervenants devant vous, on salue
la nécessaire réflexion entreprise sur l'élargissement de l'accès à l'aide
médicale à mourir aux personnes en situation d'inaptitude et celles souffrant
de troubles mentaux. On salue, évidemment, l'étendue de vos travaux, le
document de consultation, la qualité des interventions devant vous, et on pense
que cette approche-là, pour laquelle le Québec a fait preuve d'innovation,
mérite d'être soulignée et saluée à nouveau.
En 2014, la commission a participé aux
consultations, évidemment, concernant le projet de loi n° 52. Depuis, la Cour
suprême a rendu sa décision dans l'affaire Carter, et la Cour supérieure, dans
la cause Truchon et Gladu. Ces décisions, fondées sur les droits et libertés
garantis par la charte canadienne, convergent avec plusieurs des
recommandations formulées à l'époque par la commission. Plus récemment, la
commission a assisté au forum sur l'évolution de la loi tenu en janvier et en
décembre 2020.
Nous estimons utile de vous rappeler ici
les grandes lignes de la position de la commission avant de soumettre nos
observations quant aux demandes explicites du cahier de consultation. D'abord,
nous tenons à rappeler que le cadre sous lequel nous nous fondons et nous
fondons notre analyse est celui des droits et libertés garantis par la charte
québécoise, dont le respect s'impose notamment aux législateurs. La commission
était d'accord et continue de l'être avec l'introduction de l'aide médicale à
mourir en droit québécois et avec le principe que cette aide s'inscrit dans un
continuum de soins. Elle maintient que les droits et libertés doivent
s'inspirer... doivent inspirer, pardon, la prestation de soins, notamment dans
le respect de la dignité de la personne. De l'avis de la commission, l'aide
médicale à mourir est de nature à favoriser la mise en oeuvre de certains
droits et libertés garantis par la charte. Des conditions actuellement prévues
dans la loi pourraient donc avoir effet d'en compromettre la réalisation, bien
que, nous en convenons tous, la prudence doit servir de guide en la matière.
Ainsi, le droit à la vie des personnes
concernées est compromis par le fait qu'elles ne puissent accéder à l'aide
médicale à <mourir...
M. Tessier (Philippe-André) :
...de
certains droits et libertés garantis par la charte. Des conditions
actuellement prévues dans la loi pourraient donc avoir effet d'en compromettre
la réalisation, bien que, nous en convenons tous, la prudence doit servir de
guide en la matière.
Ainsi, le droit à la vie des personnes
concernées est compromis par le fait qu'elles ne puissent accéder à l'aide
médicale à >mourir. En effet, face à cet empêchement légal, certaines
personnes pourraient hâter le moment où elles décident de mettre fin à leurs
jours avant d'en être incapables. On peut d'ailleurs considérer la mort comme
faisant partie intégrante de la vie, comme le soulignait le juge de la Cour
suprême Cory dans l'affaire... Sue Rodriguez, pardon. À ce titre, le droit de
mourir dans la dignité serait partie du droit à la vie garantie par la charte.
De l'avis de la commission, le caractère sacré de la vie n'exige pas que toute
vie humaine soit préservée à tout prix, car le choix de mettre fin à ses jours
relève de la morale personnelle. Il est donc protégé par la liberté de
conscience.
Comme l'avait indiqué la Commission
spéciale sur la question de mourir dans la dignité en 2012, et j'ouvre les
guillemets : «les croyances de certains ne sauraient servir de base à
l'élaboration d'une législation applicable à tous», fermeture des guillemets.
Le fait de ne pas avoir accès à l'aide médicale à mourir compromet également le
droit à la dignité, lequel est lié à l'autonomie et à la maîtrise de son corps.
Il est porté atteinte à ce droit quand on empêche la personne de faire les
choix fondamentaux le concernant... la concernant, pardon. Le droit au respect
de sa vie privée, dans la mesure où il garantit une certaine forme d'autonomie,
est également en cause quand l'aide médicale à mourir est inaccessible.
Étant donné les atteintes potentielles aux
droits et libertés garantis par la charte qu'elle implique, la commission était
et est toujours préoccupée par l'inaccessibilité de l'aide médicale à mourir à
certaines personnes, notamment les personnes mineures et les personnes inaptes
à consentir aux soins. Dans le cas des personnes inaptes à consentir aux soins,
outre que cela entraînerait potentiellement une violation de certains droits et
libertés fondamentaux, cette exclusion pourrait également être considérée
discriminatoire sur la base d'un handicap prévu à l'article 10 de la
charte.
La faculté de consentir ou non aux soins
est protégée notamment par le droit à l'intégrité garanti par la charte. L'aptitude
à consentir aux soins doit être distinguée de la capacité juridique. En d'autres
termes, cette faculté ne se rattache pas nécessairement au fait que la personne
soit soumise à un régime de protection. L'aptitude de la personne à consentir
aux soins s'apprécie en fonction de son autonomie décisionnelle au moment où
elle doit consentir aux soins et être évaluée pour chaque soin.
En vertu du Code civil du Québec, les
personnes inaptes à consentir aux soins sont soumises au consentement
substitué. Notons qu'il est possible, par consentement substitué, de demander
la fin d'un traitement, même si cet arrêt signifie la mort. On peut également
demander la cessation de l'alimentation et de l'hydratation.
Or, ce n'est pas le cas pour l'aide
médicale à mourir. Rappelons que la Loi concernant les soins de vie exige que
la personne ait elle-même consenti à recevoir cette aide. Depuis cette année,
il est possible pour une personne en fin de vie d'obtenir l'aide médicale à
mourir si elle devient inapte après que sa demande ait été acceptée. Il n'est
cependant pas possible d'opérer par consentement substitué ni même d'avoir
recours à des directives médicales anticipées. La différence entre une demande
de cesser les traitements et une demande d'aide médicale à mourir apparaît
difficilement justifiable.
Je constate que ma caméra a des
difficultés et je m'en excuse.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Il n'y a pas de problème.
M. Tessier (Philippe-André) :
La consultation... C'est ça...
La Présidente (Mme Guillemette) :
C'est peut-être la diffusion aussi. Il n'y a pas de <problème...
M. Tessier (Philippe-André) :
...anticipées.
La différence entre une demande de cesser les traitements
et une demande d'aide médicale à mourir apparaît difficilement justifiable.
Je constate que ma caméra a des
difficultés et je m'en excuse.
La Présidente
(Mme Guillemette) :
Il n'y a pas de problème.
M. Tessier (Philippe-André) :
La consultation... C'est ça...
La Présidente
(Mme Guillemette) :
C'est peut-être la diffusion aussi. Il
n'y a pas de >problème.
M. Tessier (Philippe-André) :
Donc, l'important, c'est que vous m'entendiez bien.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait.
M. Tessier (Philippe-André) :
La consultation ne porte pas sur l'aide médicale à mourir pour les personnes
mineures. Elles sont cependant exclues de la loi, puisque la loi, évidemment,
indique que seules les personnes majeures peuvent la recevoir. Outre les droits
énumérés précédemment, cette exclusion serait susceptible de compromettre
l'intérêt de l'enfant et le respect de ses droits, qui devraient être au coeur
des décisions le concernant. Or, le Code civil prévoit que la personne mineure
de plus de 14 ans dispose d'une autonomie décisionnelle restreinte en
matière de consentement aux soins. Quant aux personnes de 14 ans, elles
sont, tout comme on le mentionnait pour les personnes majeures inaptes à
consentir aux soins, soumises aux règles du consentement substitué.
L'objectif derrière les conditions légales
est simple : protéger les personnes éventuellement en situation de
vulnérabilité, soit les personnes mineures ou inaptes à consentir à ce soin.
Cet objectif est louable. Cependant, s'il est raisonnable de baliser plus
étroitement l'accès à l'aide médicale à mourir pour les personnes en situation
de vulnérabilité, il nous semble déraisonnable de leur refuser d'emblée tout
accès.
Rappelons que, comme l'indiquait la juge
Baudouin de la Cour supérieure dans l'affaire Truchon, l'aide médicale à mourir
est un soin parce qu'elle soulage les souffrances. La possibilité pour voir les
personnes en situation de vulnérabilité... de voir leurs droits respectés et
leurs souffrances allégées doit pouvoir exister, quitte à ce que chaque cas
soit soigneusement étudié d'un point de vue individuel.
En 2014, la commission avait invité le
législateur à aménager des règles plus en phase avec les règles de consentement
des personnes mineures et qui tiennent compte du caractère spécifique et
irréversible de l'aide médicale à mourir. Elle avait également demandé que des
règles plus en accord avec celles qui prévalent actuellement à l'égard des
personnes majeures inaptes à consentir aux soins soient aménagées moyennant le
développement de mécanismes de consentement approprié, y compris par le biais
de nouvelles possibilités de consentement anticipé.
La commission considère de plus que les
demandes d'aide médicale à mourir des personnes dont le seul problème médical
invoqué est un trouble mental doivent être évaluées au cas par cas, notamment
au chapitre de l'aptitude à consentir aux soins. Une exclusion systématique de
ces personnes serait susceptible, comme je le mentionnais précédemment, d'être
discriminatoire car ces personnes font partie du groupe protégé par le motif de
discrimination de handicap prohibé par la charte.
En somme, la commission estime nécessaire
que des solutions soient apportées à l'exclusion des personnes inaptes à
consentir aux soins. Elle souhaite également que l'encadrement de l'accès à
l'aide médicale à mourir respecte tous les droits des personnes dont le seul
problème médical invoqué en est un relevant de la santé mentale. Elle invite
finalement la commission spéciale de se pencher sur l'exclusion des personnes
mineures et, évidemment, elle réserve cependant son jugement sur les solutions
concrètes qui seront apportées par le législateur à ces problèmes complexes, en
précisant que ce n'est pas le rôle de la commission aujourd'hui.
Nous vous remercions de votre attention,
et je demeure disponible pour répondre à vos questions avec ma collègue, tout
en tentant de régler le problème de caméra.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Pour la caméra, Me Tessier, de notre côté, ça va bien maintenant. Donc, merci
pour votre exposé.
Nous passons maintenant à la période d'échange
avec les <membres...
M. Tessier (Philippe-André) :
...nous
vous remercions de votre attention, et je demeure disponible
pour répondre à vos questions avec ma collègue, tout en tentant de régler le
problème de caméra.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Pour la caméra, Me Tessier, de notre côté, ça va bien maintenant. Donc, merci
pour votre exposé.
Nous passons maintenant à la période d'échange
avec les >membres de la commission. Donc, Mme la députée de Joliette,
la parole est à vous.
• (16 h 10) •
Mme
Hivon
: Oui,
merci beaucoup. Bonjour à vous deux. Merci de votre présence. Donc, évidemment,
puis ce n'est peut-être pas surprenant, c'est le rôle de la commission, mais je
comprends que votre position en est une d'ouverture complète, sous réserve,
évidemment, de balises qui pourraient, elles, être très strictes, mais que
l'admissibilité, la possibilité de demander l'aide médicale à mourir devrait
autant concerner les personnes qui ont une maladie dégénérative en le demandant
de manière anticipée, les personnes qui sont inaptes de naissance par le
consentement substitué, les mineurs, par le même mécanisme. Donc, c'est bien
votre position de base, qu'il y ait une ouverture à toutes les catégories
possibles et qu'il n'y ait aucune exclusion, d'emblée?
M. Tessier (Philippe-André) :
Oui, bien, tout à fait. Donc, il faut comprendre que les modalités de
consentement dans l'aide médicale à mourir, c'est une exception au régime
général, hein, de consentement aux soins, et les exceptions en droit doivent
être justifiées et le plus limité possible. Donc, on s'entend aussi que les
balises, comme vous nous le disiez, doivent être, compte tenu du caractère
spécifique de l'aide médicale à mourir, évidemment, doivent être aménagées
spécifiquement en lien avec ce type de pratique là.
Puis il faut rappeler aussi que, compte
tenu des jugements, tant Carter que Truchon, dans lequel les démonstrations ont
été faites factuellement, qui ne remettent pas en cause l'application des
mesures, donc, on a quand même un vécu, un historique. Donc, en 2014,
évidemment, nous n'avions pas ce regard-là. Maintenant, on dispose de données,
on dispose d'éléments factuels qui nous permettent, encore une fois, d'avancer
ces propositions-là.
Mme
Hivon
: O.K.
Je vais vous amener sur une question assez pratique puis peut-être à la fois
théorique, mais, si on crée les droits les plus extraordinaires et une égalité
de droit de tout le monde, mais que, dans les faits, il n'y a personne pour les
appliquer... Je m'explique. C'est beaucoup plus difficile pour un médecin de
donner l'aide médicale à mourir à une personne qui n'est pas là pour le
demander, encore plus dans un cas, par exemple, où elle ne l'aurait pas
demandée de manière anticipée, mais que ce serait via un consentement substitué
d'un tiers qui pense que c'est ce qui est bon pour la personne. Déjà, au début
de la loi, sur le terrain, ce n'était pas si simple de trouver des médecins
prêts à offrir l'aide médicale à mourir. S'il y a une ouverture, éventuellement,
et que, dans le fond, ces droits-là existent en pratique... en théorie, mais qu'en
pratique c'est extrêmement difficile de les appliquer, est-ce qu'on ne crée pas
de nouvelles discriminations qui ne sont pas théoriques, mais qui sont <très...
Mme
Hivon
:
...pas si simple de trouver des médecins prêts à offrir l'aide médicale à
mourir. S'il y a une ouverture, éventuellement, et que, dans le fond, ces
droits-là existent en pratique... en théorie, mais qu'en pratique c'est
extrêmement difficile de les appliquer, est-ce qu'on ne crée pas de nouvelles
discriminations qui ne sont pas théoriques, mais qui sont >très
pratiques, selon le degré d'ouverture du médecin, que vous allez avoir la
chance ou non de rencontrer sur votre parcours?
M. Tessier (Philippe-André) :
Évidemment, on... c'est une excellente question, donc l'application des droits,
donc, pour que ceux-ci existent dans le réel, dans le concret, et encore
faut-il qu'il y ait des professionnels qui soient disposés à prodiguer cet
acte-là, ce soin-là, ce qu'on peut peut-être avancer comme élément d'hypothèse
ou comme réponse, c'est qu'il y a présentement toutes sortes de consentements
substitués qui sont mis en place pour une panoplie de mesures, certaines qui
mènent jusqu'à la mort. Il y a, dans ce contexte-là, des critères et des
contraintes qui existent et des contraintes qui ne viennent aussi pas tellement...
bien, qui ont plusieurs fonctions, qui ont plusieurs finalités. Une de ces
finalités-là de ces contraintes-là, soit l'intervention du tribunal, vise notamment
à s'assurer que la personne est bel et bien protégée, que la décision est prise
dans le meilleur intérêt de la personne. Mais, lorsque l'on parle d'intervention
du tribunal aussi, on parle de fournir aussi une certaine sécurité à l'ensemble
des professionnels qui participent à l'acte, en ce sens qu'il y a ici des
décisions, et aussi à la famille. Donc, on a la famille, les proches, on a
l'équipe médicale, donc on a un paquet de personnes impliquées. Et donc il y a,
dans le consentement substitué, certaines règles qui font en sorte que l'intervention
du tribunal peut venir donner une certaine sécurité par rapport à ces questions-là.
Mais il est évident que la question... Et, encore une fois, comme la commission
l'avait dit en 2014 sur le projet de loi n° 52, on comprend la nature de
vos travaux, on comprend que la prudence est de mise parce que, justement, il
faut encore s'assurer que lorsqu'un régime est mis en place, ce régime-là soit
applicable et effectif pour toutes les Québécoises et tous les Québécois.
Mme
Hivon
:
Donc, si je vous comprends bien, face à votre position, vous dites que l'intervention
du tribunal devrait pouvoir être envisagée dans certaines circonstances. Est-ce
que vous pouvez préciser ces circonstances-là? Est-ce qu'on parle de personnes,
donc, qui devraient avoir recours au consentement substitué ou l'envisager également
pour, par exemple, les demandes anticipées?
M. Tessier (Philippe-André) :
Bien, écoutez, c'est sûr et certain qu'à ce moment-ci, compte tenu de la nature
du mandat de la commission, nous n'en sommes pas à l'étape, comme je le disais d'entrée
de jeu, là, dans nos commentaires, donc on se réservait la possibilité
d'évaluer les propositions qui allaient être faites. Ce qu'on vous dit, cela
dit, puis parce qu'en toute transparence, c'est sûr et certain que si on vous
parle de consentement substitué, si on parle de s'assurer qu'il y a
effectivement des professionnels qui administrent ces soins-là, bien, il faut
tenir compte aussi du cadre dans lequel ça s'inscrit. Et donc je souligne à la
commission, on porte à l'attention de la commission que le consentement
substitué va <s'accompagner...
M. Tessier (Philippe-André) :
...
parce qu'en toute transparence, c'est sûr et certain que si on vous
parle de consentement substitué, si on parle de s'assurer qu'il y a
effectivement des professionnels qui administrent ces soins-là, bien, il faut
tenir compte aussi du cadre dans lequel ça s'inscrit. Et donc je souligne à la
commission on porte à l'attention de la commission que le consentement
substitué va >s'accompagner de l'intervention d'un tribunal dans
certaines circonstances, et cela peut inspirer les travaux de la commission,
oui, effectivement.
Mme
Hivon
:
Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Mme la députée. Donc, je céderais la parole au député de Mégantic.
M. Jacques : Merci, Mme la Présidente.
Merci et bonjour, Me Tessier. Vous avez parlé, là, que les exceptions en droit,
c'est un... ça devient des problématiques. Je comprends très bien, là, que plus
que c'est cadré, plus que c'est facile à être appliqué. Est-ce qu'il y a des
exceptions qui pourraient quand même être envisageables où on ne touche à rien
de ça?
M. Tessier (Philippe-André) :
Bien, écoutez, l'idée étant ici que ce qu'on comprend, et ce qui est le
principe même de l'aide médicale à mourir et des jugements qui sont venus
l'appliquer, et du cadre dans lequel cela s'inscrit, c'est que ça s'inscrit
dans un continuum de soins. Donc, il s'agit ici d'un soin, et ce soin-là, son objectif,
c'est de mettre fin à la souffrance, oui, par la fin de la vie, mais son objectif
premier, c'est de mettre fin à la souffrance. Je pense que vous avez entendu
d'autres intervenants aussi vous parler de ça. Donc, il est sûr et certain que,
lorsque l'on parle de créer des exceptions à un soin dont l'objectif est
d'éviter la souffrance, il faut que ces exceptions-là soient justifiées, soient
balisées, soient le plus limitées possible. C'est un peu le sens du propos
qu'on tient devant vous aujourd'hui.
Et donc c'est pour ça, par exemple, qu'on
vous donne un exemple du mineur de 17 ans et six mois versus 18 ans
et six mois. C'est sûr et certain qu'on peut se poser la question : Qu'est-ce
qui fait en sorte que l'être humain qui a 17 ans et six mois, qui est
en... Puis là, évidemment, oublions le critère de fin de vie, parce qu'on
s'entend, il n'est plus là, mais prenons le cas de figure où est-ce que cette
personne-là est en fin de vie. Là, avant l'arrêt Truchon, cette personne-là se
voyait refuser l'aide médicale à mourir. Alors, son choix, c'était
effectivement de s'en prendre à lui-même ou de procéder à la fin des
traitements, donc par hydratation, nourriture, etc. Alors, il faut se poser la
question : Dans ce contexte-là, qu'est-ce qui est le plus humain dans les
deux approches?
Et puis c'est un petit peu ça aussi, le
regard qu'on porte sur l'enjeu. On tente de prendre ce pas de recul là. Puis on
comprend les travaux de votre commission, on entend les intervenants, on
entendait les intervenants précédents. C'est extrêmement sensible. Il y a des
questions, ici... C'est pour ça que, d'entrée de jeu, on saluait votre travail.
Mais ce qu'on veut juste rappeler, c'est que ces exceptions-là, c'est aussi des
êtres humains, et ces exceptions-là, ces êtres humains là, ils ont ces
droits-là, et comment on aménage... puis c'est ça, le défi du législateur dans
le cas présent, c'est comment on aménage <l'exercice de ces balises,
comment on crée ces...
M. Tessier (Philippe-André) :
...d'entrée de jeu,
on saluait votre travail. Mais ce qu'on veut juste
rappeler, c'est que ces exceptions-là, c'est aussi des êtres humains, et ces
exceptions-là... ces êtres humains là, ils ont ces droits-là, et comment on
aménage... puis c'est ça, le défi du législateur dans le cas présent, c'est
comment on aménage >l'exercice de ces balises, comment on crée ces
balises-là pour protéger ces personnes-là.
Puis je termine là-dessus en vous disant,
M. le député, que la décision Truchon, la juge Baudouin a analysé la preuve, et
les données, tant au Québec qu'au Canada, puis même les données étrangères,
elles ne font pas état de dérives, de dérapages. Donc, les médecins sont
capables de distinguer les patients suicidaires de ceux qui recherchent l'aide
médicale à mourir. Donc, on a ces données-là qui nous aident aujourd'hui à
prendre des meilleures décisions, et c'est tant mieux pour l'exercice dans lequel
vous êtes.
M. Jacques : Parfait. Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le député. Donc, si je reviens un peu, vous dites que ça fait partie
d'un continuum de soins, c'est de mettre fin à la souffrance. Donc, pour vous,
le critère de souffrance doit toujours être omniprésent. Si on parle de quelqu'un
avec un trouble cognitif, il y a la souffrance réelle, mais, quand on fait une
demande anticipée ou une demande d'aide médicale à mourir, il y a la souffrance
anticipée aussi. Peut-être qu'elle ne sera pas au même titre qu'elle est
réellement, là. Donc, pour vous, le critère de souffrance doit toujours être
présent?
• (16 h 20) •
M. Tessier (Philippe-André) :
Bien, peut-être que ma collègue peut compléter, mais la notion de souffrance,
elle est au coeur de la dignité humaine, elle est au coeur du jugement de la Cour
supérieure, dont la Procureure générale n'a pas fait appel, donc qui a passé...
qui a force de droit. Donc, essentiellement, c'est pour ça que, pour nous, ce
critère-là... et c'est aussi ce qui ressort en doctrine chez beaucoup d'experts,
c'est ce qui a été mis de l'avant pas la commission. Je ne sais pas si ma
collègue veut compléter.
Mme Carpentier (Marie) : Oui,
merci, merci beaucoup. Il reste que, même si on procédait, par exemple, par
consentement substitué, il reste les autres critères de la loi sur les soins de
fin de vie à l'article 26 qui sont applicables, qui sont un déclin avancé
et irréversible de ses capacités, des souffrances physiques ou psychiques, c'est
des critères qui demeurent présents, même si on élargit, par exemple, aux
personnes mineures. Donc, ces critères seraient toujours là.
Puis il y a aussi les critères du
consentement substitué qui font que la décision doit être prise dans le
meilleur intérêt de la personne concernée. Et, dans certaines circonstances, le
meilleur intérêt de la personne concernée, c'est d'interrompre ses souffrances.
Donc... Mais on est d'avis que les balises qui sont en place, la façon dont est
exercée, par exemple, le contrôle sur le consentement substitué, quand on
observe la jurisprudence autour de ces questions-là, bien, nous, on est
rassurés par le processus. Si, par exemple, il y a une mésentente entre les
médecins et les <parents...
Mme Carpentier (Marie) :
...on est d'avis que les balises qui sont en place, la façon dont est exercée,
par exemple, le contrôle sur le consentement substitué, quand on observe la
jurisprudence autour de ces questions-là, bien, nous, on est rassurés par le
processus. Si, par exemple, il y a une mésentente entre les médecins et les
>parents puis qu'il y a une intervention d'un juge, bien, cette
intervention va aller dans le sens du meilleur intérêt de la personne
concernée. Puis, s'il y a un doute que ce n'est pas l'aide médicale à mourir,
la meilleure solution, bien, on est conscients que ça ne sera pas accordé comme
solution, que les mécanismes en place vont servir suffisamment pour protéger
les personnes qui sont dans une situation de vulnérabilité. Puis c'est sûr que,
si on parle des personnes qui sont incapables de consentir, bien, les
précautions, on est convaincus que les précautions vont être encore plus
grandes.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Et, au niveau de la santé mentale, on sait qu'il y a des gens qu'après 10,
15 ans de soins, on trouve enfin la lumière au bout du tunnel, qui ont
fait plusieurs tentatives de suicide ou qui ont des idées suicidaires, finalement,
on trouve la bonne molécule ou le bon soin, puis ils vont remercier les gens de
les avoir sauvés. Donc, quelles balises on peut mettre en place pour protéger
ces gens-là? Ou jusqu'où on doit aller dans le soin et dans l'offre
thérapeutique?
M. Tessier (Philippe-André) :
Bien, écoutez, c'est sûr et certain que, là, encore une fois, aujourd'hui, on n'est
pas, devant nous, avec un projet de loi qui nous propose des modalités. Ce qu'on
comprend, c'est qu'il y aura vraisemblablement un dépôt d'un projet de loi. Je
ne voudrais pas commettre un outrage aujourd'hui devant vous, mais je comprends
qu'il y aura dépôt d'un projet de loi et qu'on pourra effectivement, à ce
moment-là, commenter et revenir devant la commission appropriée pour regarder
quelles sont les modalités qui sont présentées. Mais rappelons-nous la chose
suivante, puis en réponse à votre question, oui, c'est sûr et certain qu'il
peut toujours y avoir ce genre de situation là, mais encore faut-il regarder
lorsque... les critères qui sont mis de l'avant pour l'aide médicale à mourir.
Un des médecins qui témoignait devant le tribunal dans l'affaire Truchon disait
qu'il n'y a aucun soin, même des soins entraînant la fin de vie, qui est aussi
réglementée, régimentée, contrôlée que l'aide médicale à mourir. Et donc il est
certain que, ça, c'est les éléments qui ont été retenus, qui ont été mis en
preuve et qui sont factuellement présents, c'est que l'encadrement juridique
prévu par la loi n° 52, là, par la loi telle qu'elle
est aujourd'hui, est venu créer ces balises-là. On est venus développer une
pratique. Et c'est sûr et certain qu'on veut s'assurer que les cas et la
distinction qui se fait entre les gens qui sont peut-être... qui pourraient
présenter une ambivalence, qui pourraient avoir des pensées suicidaires, ce
sont tous des éléments qui relèvent... qui reviennent devant. Et ce que la
preuve a <démontré, c'est qu'on...
M. Tessier (Philippe-André) :
...pratique.
Et c'est sûr et certain qu'on veut s'assurer que les cas et
la distinction qui se fait entre les gens qui sont peut-être... qui pourraient
présenter une ambivalence, qui pourraient avoir des pensées suicidaires, ce
sont tous des éléments qui relèvent... qui reviennent devant. Et ce que la
preuve a >démontré, c'est qu'on fait la distinction. Présentement, les
médecins sont en mesure — et c'est les termes du tribunal — avec
toute la diligence requise, de faire cette distinction-là, compte tenu des
critères établis par le législateur. Alors... Et, comme je le répète, là, c'est
le soin le plus encadré, le plus réglementé qu'il y a.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Merci beaucoup. Je céderais la parole à la députée de Saint-François.
Mme
Hébert
:
Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Tessier et Mme Carpentier. J'ai
une petite question par rapport à la souffrance. Souvent, la souffrance, ça
peut être objectif, ça peut être... ou subjectif. Donc, c'est... vous dites,
par rapport à, tu sais, l'aide médicale à mourir, c'est par rapport à alléger
les souffrances d'une personne, puis c'est le soin de fin de vie qui vient
comme arrêter la souffrance. Mais dans un cas... D'une personne à une autre, la
souffrance, elle est différente. Puis souvent on a entendu parler, par rapport
à l'alzheimer, les gens anticipent la souffrance parce qu'ils l'ont vue, ils
ont eu une expérience de vie. Mais quelqu'un qui ne l'a jamais vécu, comment il
va être capable de déterminer sa souffrance dans une demande anticipée, à
savoir : Moi, ça... Tu sais, c'est... je ne sais pas si vous voyez ce que
je veux dire par rapport à déterminer c'est quoi, la souffrance qui pour être
un critère.
M. Tessier (Philippe-André) :
Oui, bien là, dans le cas où vous parlez, on parle aussi de directives
anticipées. C'est ce qui fait... C'est ce qui est mis de l'avant un peu, là,
par la consultation, la commission, etc. Donc, c'est sûr et certain qu'on se
retrouve dans une situation où on fait appel aussi à... il y a un aspect d'autonomie
de la personne. Puis la personne, elle décide à l'avance, compte tenu d'une
situation de fait qui se produit, qui est cette maladie-là, par exemple, de
donner une directive anticipée. On parlait de directives médicales anticipées,
maintenant on dit directives anticipées pour tenir compte de certaines... d'une
évolution de la maladie. Mais, encore une fois, il faut être conscient que ça,
ici, le principe auquel on fait appel, c'est qu'on permet à cette
personne-là... on donne à une personne une certaine forme de sécurité. Cette
personne-là dit : Moi, je me vois. Et il faut faire attention lorsqu'on
fait des généralités parce que, vous l'avez bien dit, Mme la députée, on va y
aller dans le cas par cas, on va évaluer de façon individuelle chacun des cas.
Alors, c'est sûr et certain que lorsqu'on prévoit ce genre de mécanisme là,
bien, il faut aussi respecter ce que la personne en elle-même dit ou déclare
être.
Et c'est un des principes aussi qui est
retenu dans l'affaire Truchon, c'est cette approche individualisée là. Cette
approche-là, c'est de dire : On ne peut pas prendre les personnes inaptes,
disons, comme un <bloc...
M. Tessier (Philippe-André) :
...bien,
il faut aussi respecter ce que la personne en elle-même dit ou
déclare être.
Et c'est un des principes aussi qui est
retenu dans l'affaire Truchon, c'est cette approche individualisée là. Cette
approche-là, c'est de dire : On ne peut pas prendre les personnes inaptes,
disons, comme un >bloc monolithique. Vous allez entendre des cas de différentes
façons.
Et c'est un peu ça, la leçon et la morale
de l'histoire de la saga judiciaire qu'il y a eu : c'est qu'il faut
traiter l'être humain, chaque vie humaine de façon importante. Et ça, ça veut
donc dire cette approche-là, individualisée, à laquelle vous faites référence.
Et c'est là où est-ce qu'on met des balises, mais qu'ultimement, à la fin de la
journée, il va y avoir du cas par cas et il va y avoir ces cas d'appréciation
là, mais qui, je vous le soumets respectueusement, se produisent déjà. Il y a
des cas où, effectivement, l'aide médicale à mourir est refusée pour les
critères actuels.
Donc, cet exercice-là, ce balisage-là... ma
collègue faisait référence à l'article 26, il y a des critères qui
existent. C'est présent, présentement. Et il y a des décisions des tribunaux
qui vont, des fois, permettre les soins, d'autres fois non. Ça va dépendre,
encore une fois, de la situation factuelle de chaque cas.
Mme
Hébert
:
Parfait.
Mme Carpentier (Marie) : Si je
peux me permettre d'ajouter, vous aviez, tout à l'heure, la discussion par
rapport à la dignité aussi. C'est que je pense que, comme... et la souffrance
et la dignité, c'est peut-être vain d'essayer de faire une définition
universelle qui s'appliquerait à tout le monde de la même façon et de la
souffrance ou de la dignité. Donc, je rejoins mon collègue sur cette question-là,
là, l'idée qu'il faut que ce soit une évaluation individualisée. Puis la
conception que la personne et ses proches se font de la souffrance et de la
dignité est importante dans l'équation.
Mme
Hébert
:
Parfait. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée. Donc, je céderais maintenant la parole à la députée de Westmount—Saint-Louis.
Mme Maccarone : Merci beaucoup.
Bonjour, Me Tessier, bonjour, Me Carpentier. Toujours un plaisir d'échanger
avec vous. Je vais changer un peu de propos. J'aimerais parler du potentiel
d'exploitation, de maltraitance. On ne l'a pas abordé encore, mais, dans le
rôle que vous jouez actuellement, comment prévoyez-vous de protéger les
citoyens quand on parle de l'exploitation des personnes âgées, handicapées au
sens de la charte québécoise? Et il y a la maltraitance selon la Loi visant à
lutter contre la maltraitance envers les aînés et toute autre personne majeure
en situation de vulnérabilité. Que devons-nous prévoyer pour assurer que ce ne
sera pas le cas pour protéger les citoyens?
• (16 h 30) •
M. Tessier (Philippe-André) :
Bien oui, bien, c'est une très bonne question, effectivement. Donc, puis c'est
pour ça que je le rappelais d'entrée de jeu, la commission, tant en 2014,
encore aujourd'hui, rappelle le principe de prudence, le principe de précaution
par rapport à ces questions-là. Il ne s'agit pas ici, puis il ne faut pas faire
dire... Il ne faut pas exagérer tout. Oui, bien qu'on propose de déverrouiller
ces limitations qui sont présentement là pour les majeurs inaptes et les
personnes mineures, il faut comprendre que ce n'est pas, genre, «let's open the
floodgates», ce n'est pas un accès tous <azimuts. Il faut vraiment bien...
>
16 h 30 (version révisée)
< M. Tessier (Philippe-André) :
...puis il ne faut pas faire dire... Il ne faut pas exagérer tout. Oui, bien
qu'on propose de déverrouiller ces limitations qui sont présentement là pour
les majeurs inaptes et les personnes mineures, il faut comprendre que ce n'est
pas, genre, «let's open the floodgates», ce n'est pas un accès tous >azimuts.
Il faut vraiment bien le baliser, même le mettre... l'astreindre à des
conditions plus strictes, parce qu'effectivement on comprend pourquoi, d'entrée
de jeu, ces personnes-là avaient été exclues, parce qu'elles sont présumées
plus vulnérables, on les juge vulnérables. Comme société, on vise à la protéger,
mais ici, ce dont on parle, on parle... rappelons-nous, on est dans un contexte
d'aide médicale à mourir. Donc, on est dans un concept, puis je reviens là-dessus,
où est-ce que la personne est dans une situation de souffrance. Il y a quelque
chose qui fait en sorte que, cette personne-là, il y a... pour des raisons tout
à fait personnelles, impérieuses, bien, veut mettre fin à ses jours, où il y a
des raisons de mettre fin à ses jours, parce que la souffrance de la personne,
ce n'est pas une façon de vivre pour cette personne-là. À ce moment-là, on le
décrit souvent en littérature, on parle d'être relationnel, la personne, par
les contacts qu'elle a, par les gens qui s'occupent d'elle, que ce soit au
niveau de la famille ou du personnel soignant, lorsque ces personnes-là se
rendent compte que cette personne-là souffre et... On la place devant ce
mur-là, présentement, il n'y a pas de... «there's no way out», il n'y a pas de
possibilité pour la personne d'avoir accès à quoi que ce soit. Donc, on dit à
cette personne-là : Compte tenu de ton statut, bien, un peu, tu es
condamné à souffrir. On est désolés, mais parce que tu es un mineur, parce que
tu es inapte, bien, tu vas souffrir. Puis la seule autre possibilité, pour la
famille proche puis l'équipe médicale, il faut se le dire, il faut se le dire
entre nous, la seule possibilité pour mettre fin aux souffrances, c'est la
déshydratation, arrêter l'alimentation. Ça, c'est permis par consentement
substitué, présentement, en droit. Donc, on place l'équipe médicale et la
famille devant le choix de dire : Je veux abréger les souffrances de la
personne mineure ou de la personne majeure inapte, bien, la seule solution, ça
va être d'arrêter l'alimentation et l'hydratation. Il faut se poser la question :
Est-ce que c'est ce qu'on veut comme résultat, compte tenu de l'expérience
qu'on a de l'aide médicale à mourir, au Québec et ailleurs, à l'international,
compte tenu des études qui ont été faites, compte tenu de l'approche qui a été
développée, compte tenu de l'ensemble des témoignages que vous allez entendre?
C'est ça, une des questions fondamentales à laquelle vous avez à répondre et à
proposer une solution.
Et c'est pour ça que nous, on vous dit :
Prévoyons des règles, prévoyons des règles strictes, prévoyons des règles très,
très contraignantes. J'ai évoqué puis je vous dis : On réserve notre
jugement lorsqu'il y aura projet de loi. J'évoque la possibilité de
l'intervention du tribunal, qui peut être un autre verrou, une autre façon de
protéger le majeur inapte, personne en vulnérabilité, pour assurer qu'il n'y a
pas de situation d'exploitation, pas de situation de maltraitance, que cela est
fait dans le seul et unique intérêt de la personne, de la vie humaine qui est
devant nous, et que le seul motif, c'est d'abréger les souffrances de la
personne qui est devant nous et aucune autre considération.
Mme Maccarone : Alors, je
comprends, nous n'avons pas un projet de loi devant nous, alors ça va être
difficile peut-être pour vous de vous exprimer en ce qui concerne votre rôle, mais
c'est ça qui me préoccupe. Parce que, là, on parle qu'on <devrait...
M. Tessier (Philippe-André) :
...
que le seul motif, c'est d'abréger les souffrances de la personne qui
est devant nous et aucune autre considération.
Mme Maccarone : Alors, je
comprends, nous n'avons pas un projet de loi devant nous, alors ça va être
difficile peut-être pour vous de vous exprimer en ce qui concerne votre rôle,
mais c'est ça qui me préoccupe. Parce que, là, on parle qu'on >devrait
avoir le droit à la dignité, on parle de... on devrait avoir un accès très
large, selon vous, parce que, tu sais, le droit à la dignité, le droit de
mettre fin à la souffrance, ça appartient à tous et à toutes, mais ne
devons-nous pas prévoir peut-être... Mettons, le rôle des proches, des proches
aidants, ça va être quoi? Parce que, je me mets dans vos souliers, suite à une
adoption ou des recommandations que ce comité se fera, ne devons-nous peut-être
pas prévoir votre rôle à l'intérieur de ceci? Parce que, là, on parle d'avoir
un accès très large. Alors, le rôle de la commission sera quoi face à plusieurs
personnes qui vont peut-être se plaindre au CDPDJ pour dire : Mon accès...
j'ai été refusé un accès à cause de... Alors, comment allez-vous agir pour
représenter ces personnes, en pensant qu'il y aura peut-être des gens qui vont
dire : Bien là, ils ont dit non à cause d'eux, peut-être parce que je
souffre de déficience intellectuelle, parce que je souffre de l'autisme, mais
je milite pour moi-même, j'ai une compréhension de qu'est-ce que je demande.
Que ferez-vous face à ces demandes de représentation pour protéger les droits
de ces citoyens?
M. Tessier (Philippe-André) :
Bien, c'est sûr et certain que... là, vous évoquez le mécanisme de plainte à la
commission. Là, évidemment, moi, je vous dirais que les questions qui se posent
devant nous, que ça soit par le biais de la commission, que ça soit par un
recours au tribunal, comme ça a été dans le cas de Truchon et Gladu, ce n'est
pas passé par le filtre de la commission, là. C'est des... Les gens ont saisi
les tribunaux de cette question-là. Donc, la... et c'est ce qu'on avait dit en
2014, hein, lorsque... sur certaines des questions qui ont été mises, la
question de fin de vie, et autres. Donc, on avait, à ce moment-là, indiqué à la
commission qui était chargée d'étudier le projet de loi, c'est-à-dire : Il
y a ici un risque potentiel que certains éléments du projet soient mis de côté,
parce qu'il y a ces exclusions-là qui sont potentiellement discriminatoires. Et
donc, nous, ce qu'on dit, c'est qu'il y a ce potentiel-là de recours, de
contestation, vous y faites référence. Nous, le rôle de la commission, dans un
contexte comme ça, c'est toujours un rôle, dans l'intérêt public, de s'assurer
que les éléments qui sont mis de l'avant sont là dans le meilleur intérêt de la
personne.
Lorsqu'il y a situation d'exploitation,
puis là je sors un peu du propos, mais vous m'amenez là, nous, ce qu'il faut
s'assurer, c'est que la personne qui est victime d'exploitation ne pose pas des
gestes de son plein gré, bien qu'ils peuvent, en apparence, sembler un peu
bizarres. Nous, ce qu'on fait, c'est qu'on va faire une enquête, on va
s'assurer que, dans les faits particuliers devant nous, ce qu'on a, c'est bel
et bien quelqu'un qui est victime d'une situation où il y a une mise à profit.
Donc, il y a des critères juridiques, encore une fois, qui ont été élaborés, on
est venu établir des critères pour <s'assurer...
M. Tessier (Philippe-André) :
...un peu bizarres. Nous, ce qu'on fait, c'est qu'on va faire une enquête, on
va s'assurer que, dans les faits particuliers devant nous, ce qu'on a, c'est
bel et bien quelqu'un qui est victime d'une situation où il y a une mise à
profit. Donc, il y a des critères juridiques, encore une fois, qui ont été
élaborés, on est venu établir des critères pour >s'assurer qu'on
distingue le cas où la personne est vulnérable et véritablement exploitée du
cas où la personne vulnérable, elle, décide de poser des gestes parce que c'est
le geste qu'elle souhaite faire, malgré sa vulnérabilité.
Donc, qui dit vulnérabilité ne veut pas
dire inaptitude. Qui dit vulnérabilité ne veut pas dire incapacité de prendre
des décisions, et il faut respecter aussi cette zone-là d'autonomie. C'est
aussi le principe du projet de loi n° 18, qui a été
adopté avec le Curateur public, là. Donc, c'est toute cette question-là de la convention
de Paris, des principes internationaux qui rattachent ces éléments-là aussi de
l'autonomie décisionnelle de la personne.
Mme Maccarone : Alors, est-ce
que ce serait de la discrimination de refuser une demande anticipée de l'aide
médicale à mourir à une personne qui souffre d'une déficience intellectuelle, ou
de l'autisme, ou d'un handicap?
M. Tessier (Philippe-André) :
C'est la question qu'on soulève, c'est la préoccupation... une des
préoccupations qu'on soulève, tout comme, en 2014, on soulevait des préoccupations,
on le réitère devant la commission actuelle, et c'est pour ça que je vous dis, là :
Nous, pour le moment, on n'a pas de projet de loi devant nous, donc on n'a pas
pu analyser le projet de loi, mais ce qu'on vous dit, c'est qu'en 2014 on a
parlé des mineurs, on a parlé des majeurs inaptes, on a parlé de ces questions-là,
et on nous a dit : Attention! Ici, il y a des zones dans lesquelles la
compatibilité de ces exclusions-là... Puis, encore là, on se répète, là, c'est
des exclusions blindées mur à mur, il n'y a pas d'exception possible, et on dit :
Attention! Quand il n'y a pas d'exception possible, quand il n'y a pas de possibilité
pour ce faire, surtout quand on parle d'un soin, il faut se rappeler, là, la
loi québécoise parle de soins ici, donc c'est là aussi qu'il faut être très
prudent dans... lorsqu'on vient décrire et discerner ces exceptions-là.
Mme Maccarone : O.K. Merci, Mme
la Présidente. S'il me reste du temps, je céderais la parole à mon collègue de D'Arcy-McGee.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Merci. Oui, M. le député, pour 1 min 30 s
M. Birnbaum : Oui. Merci. Écoutez,
je comprends, vous mettez devant nous une exigence qui est difficile à ignorer.
En même temps, dans la même ligne de questionnement de mes collègues, je me
préoccupe de la façon de faire... de rendre ça réel. Je vous avoue que je ne
crois pas qu'un seul expert témoin ou les autres témoins aujourd'hui auraient
abordé cette question tout à fait légitime. Alors, je vous invite, si vous avez
des pistes de réflexion davantage sur les comment... Parce que je ne vous cache
pas que je trouverais ça très difficile d'éviter de nous adresser à la question
primordiale que vous mettez <devant nous...
M. Birnbaum : ...légitime.
Alors, je vous invite, si vous avez des pistes de réflexion
davantage
sur les comment... Parce que je ne vous cache pas que je trouverais ça très
difficile d'éviter de nous adresser à la
question primordiale que vous
mettez >devant nous.
M. Tessier (Philippe-André) :
Bien, écoutez, puis, encore une fois, là, dans un souci... vous avez entendu
des représentations devant vous de la part de différentes associations, ou
groupes, ou experts qui sont venus vous parler. Bon, premièrement, il y a des comités
d'experts qui vont se pencher sur la question des mineurs et des majeurs inaptes.
Vous êtes bien au fait de ça, le cahier de consultation en parle, donc je ne
fais pas de la redite, là, vous le savez, vous savez très bien de quoi je
parle. Il y a des associations qui ont parlé de mettre en place un comité
d'experts pour commencer à regarder la question des mineurs puis des... puis on
parle des mineurs, donc, de 14 à 18.
• (16 h 40) •
Alors, il y a toute sorte de choses qui
pourraient être faites par le comité, mais, encore une fois, je ne... loin de
moi l'idée d'usurper le rôle de cette commission et de vous... mais vous me
posez la question, et donc c'est sûr et certain que vous avez entendu de nombreux
témoignages qui évoquent ces questions-là. On voit ce que le fédéral fait de
son côté. On rappelle que le Québec a été un précurseur sur ces questions-là,
donc il y a aussi quelque chose d'intéressant à voir et à mettre de l'avant, parce
qu'on pense qu'on a une bonne loi au Québec. On a fait un bel exercice en 2014,
bien, 2012 à 2014. On en fait un autre intéressant. Et ces éléments-là méritent
d'être soulevés puis d'être traités, parce que, bien, sinon, si on ne les
traite pas, bien, finalement, ils viennent à nous de l'autre façon. C'est que,
là, il y a intervention, il y a contestation, et là on se retrouve en «réaction
à».
Écoutez, c'est sûr et certain que ces questions-là
vont être là, vont demeurer, existent ailleurs, à l'étranger, il y a des
modèles, il existe des alternatives. Est-ce que le Québec serait précurseur?
Oui, mais, comme je vous le dis, ça ne serait pas la première fois et ce n'est peut-être
pas une mauvaise chose, compte tenu de l'expérience de l'aide médicale à mourir
des sept, huit dernières années.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
Mme Carpentier (Marie) : Si je
peux me permettre.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Oui. Allez-y, Me Carpentier.
Mme Carpentier (Marie) : Bien,
observez ce qui se disait, en termes de consentement substitué au Québec,
ailleurs, donc partir... Parce que, pour notre part, on a démarré l'analyse à
partir du droit à l'intégrité, qui comporte le droit de consentir aux soins, et
puis donc on a examiné comment ça se passait quand la personne n'est pas apte à
consentir. Donc, je pense que ça serait un meilleur point de départ d'analyse
de partir avec le principe de consentement puis le principe de consentement
substitué, de voir comment on peut le verrouiller encore plus, puisqu'on est
dans un chemin qui est plus poussé, mais je pense que ça serait un bon point de
départ de la réflexion.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup. Donc, je céderais maintenant la parole au député de Rosemont.
M. Marissal : Merci, Mme la
Présidente. Si jamais je déborde un petit peu, je vous soumets respectueusement
que le député de Chomedey a laissé deux belles grosses minutes sur la
table qu'on devrait...
La Présidente (Mme Guillemette) :
On l'a quand même réparti, mais allez-y, M. le député.
M. Marissal : C'est bien.
Bien, bonjour, maîtres, au pluriel, merci d'être là. Il y a eu beaucoup,
beaucoup de questions avant les miennes, donc je ne ferai pas exprès de <répéter
ce...
M. Marissal : ...s
i jamais
je déborde un petit peu, je vous soumets respectueusement que le député de
Chomedey a laissé deux belles grosses minutes sur la table qu'on devrait...
La Présidente (Mme Guillemette) :
On l'a quand même réparti, mais allez-y, M. le député.
M. Marissal : C'est bien.
Bien, bonjour, maîtres, au pluriel, merci d'être là. Il y a eu beaucoup,
beaucoup de questions avant les miennes, donc je ne ferai pas exprès de >répéter
ce qui a été demandé. Une question, d'abord, purement technicopratique, là. Je
n'ai pas vu de mémoire de votre part. Il n'y en a pas, donc. Y en aura-t-il un?
M. Tessier (Philippe-André) :
Comme je le disais, le mémoire suivra lorsqu'il y aura projet de loi.
M. Marissal : O.K. Donc, il
n'y a pas eu de mémoire pour cette deuxième phase. C'est bien, très bien, alors
je n'ai pas eu la berlue. De quel article parlez-vous, à quel article
référez-vous de la loi de protection des droits des enfants quand vous dites
que de ne pas leur accorder, par exemple, le droit de mourir dans la dignité
serait discriminatoire et brimerait leurs droits? Juste pour ma compréhension
puis me le mettre sous la dent, là, de quels articles on parle ici?
M. Tessier (Philippe-André) :
Bien, on ne parle pas de la Loi sur la protection de la jeunesse, on parle ici
de la charte québécoise des droits et libertés qui s'applique à toute personne,
et les enfants sont des personnes et sont titulaires des droits, sont sujets de
droits. La commission, comme défenseure des droits de l'enfant, au Québec,
depuis plus... depuis sa création, s'assure que les droits des enfants sont
dûment représentés et respectés, non seulement dans le cadre des interventions
de la protection de la jeunesse puis, il faut se rappeler, qui vise 2 %
des enfants du Québec, mais pour les 98 % autres des enfants qui, eux, ne
sont pas assujettis au régime d'exception qui est la Loi sur la protection de
la jeunesse, le régime général des droits, qui est celui de la charte
québécoise des droits et libertés, s'applique à eux aussi, tant le droit à la
dignité et à l'intégrité, etc. Et c'est sur cette base-là qu'on est devant vous
aujourd'hui, comme on l'était, en 2014, dans... sur le p.l. n° 52.
M. Marissal : O.K. Vous avez
en partie répondu à ma seconde... à ma troisième question, tout à l'heure, je
pense, là. On parle bien d'enfants de 14 ans et plus, hein? Bien, 14-18,
puisqu'on devient majeur à 18 ans. Quand vous revendiquez, par exemple,
l'élargissement de la loi, c'est... on parle d'enfants de 14 ans et plus?
M. Tessier (Philippe-André) :
Là... Puis merci beaucoup pour votre question, ça me permet de préciser. Ce que
la commission vous présente, ce ne sont pas des revendications, ce sont des
recommandations ou des avis. Ce que nous avons dit, dans notre mémoire
de 2014, c'est que ce que nous constatons, c'est que la règle de
l'exclusion absolue des enfants, donc les moins de 18 ans, à première vue,
est problématique, pour les raisons que j'ai évoquées plus tôt. Et notamment,
un des arguments, c'est sûr et certain que le Code civil prévoit, pour
les 14 à 18, certains droits pour ces enfants-là et même une question...
il y a aussi une question de consentement substitué, il y a aussi le rôle des
parents lorsqu'il y a des refus injustifiés, je ne veux pas rentrer dans le
détail. Mais pour les moins de 14 ans, et là je réfère aux propos de ma
collègue, très justes, à... qui... juste avant moi, les enfants de moins de
14 ans, on revient au régime de consentement substitué, qui est la même
chose que pour les majeurs inaptes. Donc, c'est pour ça que ma collègue,
tantôt, vous disait : Comme piste de réflexion, regardez la question du
consentement substitué, parce que la question du consentement substitué vient
régir les enfants de 14 ans et moins et les majeurs inaptes. Les enfants
de 14 à 18, mettons, c'était comme... c'est comme un <hybride,
là...
M. Tessier (Philippe-André) :
...
moins de 14 ans, on revient au régime de consentement
substitué, qui est la même chose que pour les majeurs inaptes. Donc, c'est pour
ça que ma collègue, tantôt, vous disait : Comme piste de réflexion,
regardez la question du consentement substitué, parce que la question du
consentement substitué vient régir les enfants de 14 ans et moins et les
majeurs inaptes. Les enfants de 14 à 18, mettons, c'étaient comme...
c'est comme un >hybride, là, je ne veux pas... on ne rentrera pas dans
les détails, je vais vous permettre de vous... poser votre autre question.
M. Marissal : Merci. Non, donc
on irait plutôt, dans votre interprétation, vers le consentement substitué pour
ce qui est des enfants de moins de 14 ans, c'est ce que... vous nous
invitez, en tout cas, à regarder de ce côté-là, c'est ce que je comprends de
votre intervention.
M. Tessier (Philippe-André) :
Oui, effectivement, c'est cette question-là qui est au coeur de la question des
mineurs et des majeurs inaptes.
M. Marissal : Peut-être une
dernière question. Elle est un peu plus large et philosophique. On débattait d'ailleurs
ce matin du terme «dérive», puisqu'il y a beaucoup de témoins qui craignent, à
tort ou à raison, puis je comprends que le débat puisse se faire, des dérives
si on élargit la loi, puis là je ne parle pas seulement des enfants, je parle
de l'élargissement de la loi en général.
Vous avez dit à plusieurs reprises :
Non, elle est super encadrée, cette loi-là, c'est la loi la plus encadrée de
tous les encadrements. Dans votre esprit, donc, tous les garde-fous sont là, il
n'y a pas de dérive possible. Bon, là, on ne définira pas «dérive», on n'aura jamais
assez de temps, là, d'ici à demain matin, là, mais qu'est-ce que vous répondez,
donc, à ces gens qui disent, de façon légitime : Wo! Attention, là, vous
êtes en train d'ouvrir une porte de grange, là, le vent va rentrer là-dedans
puis ça va être... Allez-y, je vous en prie.
M. Tessier (Philippe-André) :
Oui, bien...
La Présidente (Mme Guillemette) :
J'imagine... Deux petites minutes, peut-être, Me Tessier, 30 secondes.
J'imagine que j'ai le consentement de tout le monde pour avoir la réponse de Me
Tessier? Parce qu'on déroge un peu de notre temps. Donc, allez-y, Me Tessier.
M. Tessier (Philippe-André) :
Très court.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Prenez votre temps.
M. Tessier (Philippe-André) :
Puis je veux juste préciser, la commission, on ne se pose pas en experte de l'aide
médicale à mourir ou du consentement au soin. Ce qu'on vous dit, c'est qu'il
faut regarder le cadre des droits et libertés de la personne qui s'impose à
nous dans cette discussion-là. Et pour être plus exact, plus spécifique, je
réfère au paragraphe 259 de la décision Truchon, dont je suis convaincu
que vous avez copie ou que vous pouvez avoir copie facilement, et je réfère au
Dr Naud, cité par la juge, qui dit : «Aucun autre acte médical, même
irréversible — comme une amputation ou le retrait d'un traitement
vital, par exemple — ne fait l'objet d'une évaluation de l'aptitude
de manière aussi constante, rigoureuse et assidue que l'aide médicale à mourir.»
Donc, ce ne sont pas mes propos, ce sont ceux du Dr Naud, témoin qui était
devant la juge Beaudoin dans l'affaire Truchon. Et cela met fin à mon intervention.
Merci, Mme la Présidente, pour le temps.
M. Marissal : Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Me Carpentier et Me Tessier, pour votre contribution aux
travaux de la commission, c'est très apprécié, et ça va nous aider grandement pour
la suite des travaux de la commission.
Donc, compte tenu de l'heure, la commission
ajourne ses travaux au mardi 10 août, à 9 h 30, où elle
poursuivra son mandat. Merci et bonne fin de soirée, tout le <monde.
(Fin de la séance à 16 h 48)
La Présidente (Mme Guillemette) :
...10 août, à 9 h 30, où elle poursuivra son mandat. Merci et
bonne fin de soirée, tout le >monde.
(Fin de la séance à 16 h 48)