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Version finale

42nd Legislature, 1st Session
(November 27, 2018 au October 13, 2021)

Friday, May 28, 2021 - Vol. 45 N° 7

Special consultations and public hearings on the Evolution of the Act respecting end-of-life care


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Auditions (suite)

Mme Michèle Marchand

M. Louis Roy

Groupe interdisciplinaire freudien de recherche et intervention clinique (GIFRIC)

Chambre des notaires du Québec (CNQ)

Collège des médecins du Québec

Curateur public

Mémoires déposés

Autres intervenants

Mme Nancy Guillemette, présidente

Mme Véronique Hivon

Mme Marie Montpetit

M. Gabriel Nadeau-Dubois

Mme Suzanne Blais

Mme Geneviève Hébert

Mme Marilyne Picard

M. Éric Girard

M. François Jacques

Mme Jennifer Maccarone

*          M. Willy Apollon, GIFRIC

*          Mme Lucie Cantin, idem

*          Mme Danielle Bergeron, idem

*          M. Jean Lambert, CNQ

*          M. Mauril Gaudreault, CMQ

*          M. André Luyet, idem

*          M. Denis Marsolais, Curateur public

*          Mme Julie Baillargeon-Lavergne, bureau du Curateur public

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures une minute)

La Présidente (Mme Guillemette) : Bonjour, tout le monde. Donc, bienvenue à la Commission spéciale sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance ouverte.

La commission est réunie aujourd'hui, virtuellement, afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire : Non, Mme la Présidente.

Auditions (suite)

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Donc, ce matin, nous entendrons par visioconférence les groupes suivants, donc : Dre Michèle Marchand, Dr Louis Roy et le groupe interdisciplinaire freudien de recherche et d'intervention publique.

Donc, sans plus tarder, bienvenue, Dre Marchand. Merci d'avoir accepté notre invitation et d'être avec nous ce matin. Comme prévu, vous avez 20 minutes pour nous présenter votre exposé, et, par la suite, il y aura un échange avec les membres de la commission pour une période de 40 minutes. Donc, je vous cède immédiatement la parole, Dre Marchand.

Mme Michèle Marchand

Mme Marchand (Michèle) : Oui, bonjour. Je voulais d'abord vous remercier, d'abord, de tenir le débat public et ensuite pour l'invitation. Ce n'était pas obligé du tout parce que je représente moi-même seulement et je ne représente personne d'autre.

Je me présente. J'ai travaillé 22 ans comme médecin de famille dans un quartier populaire de Montréal et je n'ai pas fait particulièrement de soins palliatifs, j'ai fait de la pratique générale. Comme l'aspect social de la médecine et l'éthique m'intéressaient, et l'éthique médicale, je me suis donné une formation en philosophie et je me suis rendue, sur une période de 22 ans aussi, au doctorat en philosophie, et ma thèse portait sur la métaéthique et l'éthique médicale.

De 1999 à 2015, j'ai travaillé au Collège des médecins comme secrétaire du groupe de travail en éthique et conseillère en éthique auprès de la direction générale. J'ai quitté en 2015, mais c'est à ce titre que j'ai participé très activement au débat sur l'euthanasie au Québec et à la... qui a abouti à la Loi concernant les soins de fin de vie. Même si j'étais retraitée, j'ai continué à suivre religieusement le débat. J'ai publié, en 2017, un petit livre sur l'AMM au Québec : Pourquoi tant de prudence. Et, depuis 2017, je trouve que ça va bien, bien vite, et je suis un peu inquiète. Et c'est pour ça que je suis contente d'être ici pour exprimer mes opinions. J'ai longtemps représenté le collège sur le sujet de l'euthanasie, mais là je représente moi-même. Le collège va présenter sa position cet après-midi.

Le plan : Je voudrais d'abord vous parler de... pas nécessairement des deux questions très pointues qui sont dans votre mandat — je sais que vous avez un mandat assez précis — mais j'aimerais parler un peu, d'abord, de l'éthique, de l'éthique médicale et particulièrement du principe d'autonomie, parce que c'est ça, mon expertise. Je voudrais ensuite toucher l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie, parce que c'est mon expérience, j'ai suivi le développement depuis le début jusqu'à aujourd'hui. Et ensuite je reviendrai aux deux questions qui vous occupent. C'est sûr que ça va peut-être aller un peu vite, mais là on pourra poursuivre avec les questions.

La première, l'autonomie, l'éthique et l'éthique médicale, c'est sûr que, dans nos sociétés libérales, l'autonomie a pris... libérales au sens philosophique du terme, là, l'autonomie a pris une place prépondérante, au point où on pense que c'est à peu près le principe... le seul principe pour guider nos actions, alors qu'il y a beaucoup, beaucoup d'autres valeurs et d'autres principes qui peuvent nous guider et qu'on doit mettre en équilibre avec l'autonomie. Quand on doit décider d'une politique publique comme vous avez à le faire, là, il me semble que c'est un peu court de dire que l'objectif principal, c'est de respecter les décisions des individus, comme s'il n'y avait pas, comme dirait Margaret Thatcher, quelque chose comme une société. Je pense qu'on peut avoir des objectifs un peu plus ambitieux au plan social. D'ailleurs, les individus eux-mêmes sont souvent prêts à faire des compromis dans l'intérêt public. Par contre, ils veulent participer à l'élaboration des compromis, et c'est pour ça que le débat public est si important.

Dans le domaine des soins en particulier, on sait très bien que tous ceux qui participent à une décision doivent faire des compromis : le médecin qui propose le plus objectivement possible le soin qu'il juge le plus approprié, le patient qui peut refuser ou accepter le soin ou faire une nouvelle demande, auquel cas le médecin va reprendre tout le processus. Ce qui est visé, finalement, c'est une décision partagée et c'est faux de penser qu'on répond toujours positivement à la demande d'un patient.

Ici comme ailleurs, l'encadrement des soins ne repose pas sur le principe d'autonomie, mais sur une autonomie bien relative qu'on appelle le consentement. Le consentement, c'est que le patient peut accepter ou refuser le soin proposé, mais jamais, ni ici ni ailleurs, il ne peut en exiger. Le Code civil est très clair, le Code de déontologie des médecins est très clair à cet égard-là. Et on s'est donné un dispositif légal très sophistiqué pour que même les patients qui ne sont plus autonomes, qui sont inaptes, puissent avoir des soins, bénéficier de soins, même s'ils ne sont plus capables d'exercer leur autonomie. Là, on pense au consentement substitué, au mandat de protection, aux directives médicales anticipées, et tout ça. Bref, il me semble qu'on a réussi, au Québec, à sortir du paternalisme médical, sans s'en aller vers l'autonomie à tous crins, qu'on appelle aussi la médecine de boutique, où, finalement, on répond toujours oui aux demandes des patients.

Pour moi... J'en viens à la question de l'euthanasie. Pour moi, donc, l'euthanasie, ce n'est pas une question d'autonomie. La question de l'euthanasie, au plan moral et au plan social, c'est : Doit-il être permis de mettre fin à la vie d'une autre personne pour soulager ses souffrances? Bien sûr, choisir de mourir plutôt que de souffrir est une décision déchirante et hautement personnelle. Mais de savoir si on va avoir de l'aide ou non, ça, c'est une décision à laquelle une personne ne peut répondre. C'est à la société de répondre si on va accorder de l'aide ou si on n'en accordera pas. Il ne faut pas oublier que, jusqu'en 2005, au Canada, l'aide à mourir était considérée comme un crime dans toutes les circonstances. La question, donc, s'adresse surtout à vous, les législateurs, qui devez trancher sur ce qui va être permis ou non. Maintenant qu'on a ouvert pour les personnes qui ne sont pas en fin de vie et qu'on doit, semble-t-il, ouvrir plus largement, comment on va faire ça au Québec? Je pense que c'est ça, la question morale que vous avez à vous poser.

J'en viens à l'évolution sur les soins de fin de vie. Les précisions que je viens de faire me semblent importantes parce que le débat sur l'euthanasie est un débat extrêmement polarisé, avec, d'un côté, les gens qui sont très, très contre, qui pensent que la mort doit toujours être naturelle. Ce n'est pas toujours pour des raisons de convictions religieuses, là. On peut penser que la vie a un caractère sacré et que c'est toujours un meurtre que de mettre fin à la vie d'une personne, même si c'est pour soulager ses souffrances. Il y a aussi ceux qui sont contre parce qu'ils pensent qu'il y a une pente glissante — on y reviendra — et aussi que la déontologie médicale ne devrait pas permettre aux médecins d'accomplir un tel acte euthanasique. De l'autre côté, il y a ceux qui sont très, très, très pour, et leur argument, quasiment le seul et le principal, c'est l'autonomie.

La loi sur les soins de fin de vie, c'est comme une troisième voie. On a essayé, au Québec, de ne pas tomber dans cette polarisation-là et d'aller vers une troisième voie. Pourquoi? Parce qu'on savait bien que la mort naturelle, ce n'est plus naturel du tout. La majorité des... Maintenant que la médecine a progressé et que l'espérance de vie augmente, on sait très bien que la mort est rarement naturelle et qu'elle arrive après une décision humaine. Donc, il faut savoir qui va décider, mais on fait déjà ça couramment quand on arrête des traitements. On fait déjà ça, on a une expérience, on a un encadrement légal, au niveau des soins, pour arrêter les traitements.

• (9 h 10) •

Donc, on s'est dit : Pourquoi... et ce sont les médecins qui ont lancé le débat au Québec : Pourquoi on n'utiliserait pas la même philosophie, le même encadrement? Il n'y a pas eu de dérapage tellement pour les arrêts de traitements, même pour les traitements vitaux. Pourquoi on n'utiliserait pas la même chose pour l'euthanasie? On a voulu considérer... On a proposé de considérer l'euthanasie comme un soin de dernier recours pour les personnes en fin de vie. C'est pour ça que ça s'appelle l'aide médicale à mourir. Ce n'est pas de l'aide à mourir pour des gens qui pourraient vivre, c'est de l'aide médicale pour des gens qui sont déjà en train de mourir.

Donc, la loi sur les soins de fin de vie, c'est une loi sur les soins de vie, et non seulement sur l'euthanasie, contrairement à ce qu'il y a dans le Code criminel. Et ça veut dire que l'aide médicale à mourir peut maintenant faire partie du continuum de soins, si on respecte les trois critères. Les trois critères, là, on ne les a pas inventés, hein? Le critère de fin de vie, il est déjà là dans tous les États américains qui ont libéralisé le suicide assisté. Il faut un pronostic de moins de six mois pour avoir droit au suicide assisté. Le critère de souffrance et d'aptitude de consentir... Les deux autres critères, la souffrance, l'aptitude à consentir, c'est dans tous les pays qui ont libéralisé... européens surtout, les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg, qui ont libéralisé l'euthanasie.

Donc, le modèle québécois, la Loi concernant les soins de fin de vie, là, c'est une ouverture assez limitée. C'est vrai, c'est une ouverture, mais c'est une ouverture assez limitée. Par rapport à la majorité des pays qui n'ont aucune ouverture, qu'il y a une prohibition totale, c'est une ouverture, mais c'est vrai qu'elle est limitée. C'est une solution de compromis après des débats publics. C'est une solution de compromis qui a été assez bien acceptée, même par les opposants qui étaient très, très contre, qui a été tolérée et qui s'est implantée partout au Québec de façon... assez bien, là. Ça fonctionne assez bien. Mais je me demande si on n'est pas victime de notre succès, là, finalement.

Donc, ça a été assez bien accepté, sauf par les partisans de l'autonomie, qui, eux autres, dès le départ, voulaient une ouverture beaucoup plus large. Donc, ce qu'ils ont fait, ces partisans-là, même au Québec, même les partisans du Québec ont contesté le critère de fin de vie. Ils se sont appuyés sur l'arrêt Carter. C'est un détail, là, mais ils se sont appuyés là-dessus pour contester le critère de fin de vie, qui, pourtant, était au coeur de notre loi.

Eh bien, ils ont gagné. Ils ont gagné parce que le critère de fin de vie a été considéré comme anticonstitutionnel à l'encontre des droits protégés par la constitution, le droit à la vie... le droit à la vie, à la sécurité et à l'égalité. Et ça a été considéré comme une discrimination pour les personnes qui ne sont pas en fin de vie — comme si ça constituait un groupe, là, je ne sais pas pourquoi ça constitue un groupe — et que cette discrimination-là n'était pas justifiée parce qu'on pouvait protéger les personnes vulnérables autrement qu'en leur... les personnes qui sont... les personnes n'étant pas en fin de vie qui sont vulnérables, je ne le sais pas trop, là, autrement qu'en les privant de ce soin.

Moi, je vais vous expliquer, là, je vais essayer de le faire rapidement, pourquoi le critère de fin de vie est important. C'est assez simple, mais c'est tellement intuitif qu'on n'en a pas tellement discuté. C'est qu'écourter la vie de quelqu'un qui est en train de mourir puis arrêter la vie de quelqu'un qui pourrait vivre, théoriquement, c'est deux actions qui n'ont même pas du tout le même poids moral. Pour écourter la vie qui pourrait se poursuivre, là, pour arrêter la vie de quelqu'un, même si c'est son désir, il faut que la souffrance soit pas mal forte pour qu'on accepte qu'on en est rendu là, puis qu'on renonce à ce que la vie puisse se poursuivre, et qu'on puisse aider encore la personne à vivre. Donc, la balance est difficile à faire quand les gens sont déjà en fin de vie. Quand ils ne le sont pas, là, c'est difficile, là. Il faut que la souffrance soit vraiment majeure pour qu'on pense qu'on n'a pas d'autres moyens, là, qu'on est rendu au bout du rouleau, là.

Quand les personnes sont en fin de vie, on avait déjà les soins palliatifs. On savait... Les soins palliatifs n'étaient peut-être pas aussi développés qu'on voulait, mais on savait quel processus, le continuum à suivre et quand est-ce qu'on en venait à n'être plus capable de soulager des gens, on le savait assez bien. Mais, pour le reste des gens qui ne sont pas en fin de vie, quand est-ce qu'on va être sûr qu'on les a assez aidés pour dire : Bon, bien là, je pense que c'est vrai qu'on ne peut plus rien faire et que la meilleure solution, c'est de renoncer à la vie? Voyez-vous, c'est pour ça que le critère de fin de vie était central dans ce raisonnement-là.

C'est clair, là, je vais parler de... c'est clair qu'en enlevant le critère de fin de vie on venait de saper la loi québécoise à sa base, là. Je ne sais pas si c'était le but, mais, en tout cas, c'est ça qui est arrivé. Et là on venait s'en remettre au Code criminel, qui lui aussi devait être modifié, parce que le critère de fin de vie avait été mis dans la loi C-14... dans le projet de loi C-14, en 2016.

Mais surtout, ce qu'on a fait en enlevant le critère de fin de vie, là, c'est qu'on a ouvert une véritable boîte de Pandore, parce que du monde qui souffre, là, et qui parfois aimerait mieux mourir que souffrir, là, il y en a pas mal. Et les cas que vous avez... dont vous discutez, là, les cas de malades... de problèmes de santé mentale ou de démence, c'est deux exemples, mais il y en a plein, d'autres secteurs où les gens souffrent, plein d'autres secteurs de soins où les gens souffrent et qui, parfois, aimeraient mourir. Donc... et là, c'est comme s'il fallait régler ça très rapidement parce que l'ouverture est déjà faite. La question qui se pose, là, c'est : Comment on va faire ça, ouvrir si rapidement, alors que ça nous a pris beaucoup de débats publics, beaucoup de temps pour s'organiser dans le secteur assez limité, finalement, des soins de fin de vie?

Par contre, ce qu'il faut dire, c'est que le projet de loi C-7 et les modifications qui ont été apportées au Code criminel vont un peu dans le même sens. Ils ont gardé la distinction entre la fin... la mort raisonnablement prévisible et la mort non raisonnablement prévisible. Les critères qu'on exigeait dans la Loi concernant les soins de fin de vie sont assez semblables à ceux qui ont été mis dans le Code criminel. Je ne pense pas qu'il y ait d'incohérence majeure de ce côté-là, là.

Donc, le Code criminel semble aller dans le même sens. Pourquoi il y aurait un problème? Le problème que je vois, là, c'est que ce qu'on avait mis comme procédure et comme façon d'assurer les soins palliatifs pour en arriver à ce soin... avant d'en arriver aux soins de derniers recours, ça, là, ça a été mis comme des mesures de sauvegarde. Ça a été mis comme des mesures de sauvegarde. Il me semble clair que des mesures de sauvegarde, comme une deuxième opinion d'un psychiatre, un délai de 90 jours, ça ne peut pas remplacer tout le continuum de soins dont on a besoin... qu'on a besoin de faire, là, dans lequel il faut passer à travers avant d'arriver à une solution de dernier recours comme l'aide médicale à mourir.

Et quand on regarde bien les modifications qui ont été apportées au Code criminel et le projet de loi C-7, là, on rend se compte qu'ils n'ont pas mis seulement des mesures de contrôle, ils ont mis aussi ce qu'ils appellent un examen parlementaire, qui, lui... Ils savent bien qu'on ne pas se fier juste à mesures administratives comme des délais. Eux autres, là, ils ont comme mandat de regarder les protocoles de soins, l'organisation des soins palliatifs, la prise en charge de la maladie mentale au niveau canadien.

À mon avis, là, on s'en va tout droit vers des normes nationales par le biais du Code criminel, qui est censé gérer l'aide médicale à mourir. On s'en vient vers des normes de soins nationales. Bon, est-ce qu'il faut y voir un problème? Je ne veux pas en faire un problème, là, fédéral-provincial, là. Dans le fond, quand on a dit qu'on ouvrait à l'aide médicale à mourir, on a joué dans le champ du fédéral. Mais il y a quand même un problème là, parce qu'en général on organise nous-mêmes notre système de soins, et on a la régulation de nos pratiques professionnelles, et on ne fait pas ça comme dans le reste du Canada, et, en général, je pense que ça marche assez bien.

• (9 h 20) •

Alors, qu'est-ce qu'on fait? Moi, je pense qu'il y a trois scénarios possibles. Je vais en venir à vos questions pointues, mais avant, je pense que je veux... je pense qu'il y a trois scénarios possibles. Je pense qu'il faut absolument garder nos acquis dans le domaine des soins de fin de vie. Moi, je pense que la Loi concernant les soins de fin de vie, là, il faut la garder. Il faut éviter de la tuer en essayant de toutes rentrer les autres considérations. Il faut la garder pour les soins de fin de vie, c'est ça qu'elle était. Il faut lui apporter, selon moi, des modifications mineures pour ne pas venir en contradiction avec le Code criminel, mais je pense que c'est tout à fait possible. Et je pense qu'il faut aller de l'avant, comme on voulait aller pour... comme on voulait aller et comme le groupe d'experts sur l'inaptitude voulait, ouvrir, possiblement, une demande anticipée d'aide médicale à mourir, rester dans ce champ de... parce que, là, c'est envisageable quand le critère de fin de vie est là, mais ça ne l'est pas nécessairement quand il n'est plus là.

Le deuxième scénario, c'est que, si on garde cette loi-là, bien, il faut quand même s'occuper de ce qui, de facto, est ouvert. Et je pense qu'il faut travailler avec Ottawa. Je pense qu'on n'a pas nécessairement intérêt à faire la chaise vide, là, mais en gardant tout à fait le contrôle de nos pratiques professionnelles et de notre organisation des soins. Là, là, ça veut dire qu'il faudrait très rapidement avoir vraiment un plan pour la maladie mentale, par exemple, ou pour la prise en charge des personnes qui ont des troubles cognitifs, rapidement, avoir un plan qui n'est pas nécessairement une loi, où là l'aide médicale à mourir pourrait s'inscrire, mais qui... comme soin de dernier recours, et non comme une entité qui flotte, là, et que ça nous prend juste des mesures de sauvegarde, là, et que ça va bien aller.

Ça, là, c'est un projet de société, mais c'est un projet qui est très ambitieux. Je ne sais pas si c'est ça qu'on va faire. Et, dans l'immédiat, il faut faire attention, parce que, là, c'est ouvert de facto, et il faut au moins s'organiser pour que les critères qui sont dans le Code criminel et les pratiques professionnelles soient... les critères soient respectés et que les bonnes pratiques aussi soient respectées. Je pense qu'il va y avoir beaucoup de personnes éligibles, et il faut absolument s'organiser dans l'immédiat pour ne pas que ça dérape.

Le troisième scénario... j'achève. Le troisième scénario, c'est qu'on pourrait se dire qu'on va, de toute façon, vers une ouverture de plus en plus large. Alors, je pense qu'il serait plus réaliste de se donner un modèle complètement différent, qui ressemble au modèle suisse, qui, là, s'adresse seulement aux personnes aptes et qui privilégie le suicide assisté, qui fait ça en marge du système de soins et avec une contribution des médecins qui est minimale. Ça, c'est le modèle suisse. Eux autres, ils ont une longue histoire avec le suicide. Nous autres, on en a une qui n'est pas longue, mais qui n'est pas drôle non plus, et c'est ça.

Ça fait que je pense qu'il faut souhaiter que le débat public nous permette de dire où les Québécois veulent aller exactement. Est-ce qu'ils veulent aller vers un modèle de plus en plus libéral comme ça ou s'ils veulent aller... s'ils veulent continuer dans le sens de la Loi concernant les soins de fin de vie? Est-ce qu'il me reste un peu de temps?

La Présidente (Mme Guillemette) : On peut continuer les échanges avec les discussions des collègues, si vous voulez.

Mme Marchand (Michèle) : Oui, oui, parce que je pense que, dans chaque scénario, on peut voir comment on répond à vos deux questions pointues, celle des maladies mentales et celle des... J'aurais aimé mieux le dire, mais peut-être je vais le dire en répondant à vos questions.

La Présidente (Mme Guillemette) : Sûrement que la question va vous être posée, Dre Marchand. Donc, je céderais la parole à la députée de Joliette.

Mme Hivon : Oui. Bonjour, Dre Marchand. C'est un plaisir de vous entendre. Je suis très heureuse qu'on vous ait invitée parce que vous amenez le débat dans une perspective beaucoup plus large qu'on n'a pas entendue jusqu'à maintenant. Donc, votre connaissance de tout le dossier est évidente. Écoutez, j'ai très peu de temps, et j'aurais des tonnes de questions. J'ai 4 min 30 s.

Donc, je voulais savoir... d'abord, si on prend la question des troubles mentaux, je comprends exactement ce que vous dites, là, parce qu'effectivement on est forcés de faire ces réflexions-là parce que le critère de fin de vie a sauté via les tribunaux. Et donc je veux donc vous entendre sur la question des troubles mentaux, parce que vous nous amenez toute la question de, oui, l'autonomie, mais il y a d'autres valeurs aussi, puis que, comme société, il faut voir comment on fait l'équilibre. Vous êtes consciente, donc, que ce critère-là, bien sûr, a sauté. Donc, si on jugeait que, compte tenu de l'ensemble des éléments dans le dossier, les troubles mentaux ne peuvent pas, comme ça, être intégrés, pour vous, quelles seraient les justifications possibles pour dire qu'on fait une distinction entre les maladies physiques et les maladies mentales?

Et je vous pose tout de suite ma deuxième question, qui est toute autre, c'est sur... vu que vous avez beaucoup, beaucoup réfléchi, là, c'est sur la question de la demande anticipée. Puis vous, ce que vous nous dites, c'est que, dans le fond, elle, elle cadre vraiment déjà avec la philosophie de notre loi, parce que c'est juste une question, dans le fond, de prévoir de manière anticipée. Comment on évalue, dans une telle circonstance, le respect du critère de la souffrance?

Mme Marchand (Michèle) : Oui, je vais répondre... je vais essayer de vous répondre rapidement. C'était exactement... Si j'avais eu le temps, j'aurais fait ça. La distinction entre la maladie physique et la maladie mentale, on ne l'a jamais faite. Dans la Loi concernant les soins de fin de vie, on prend en compte la souffrance psychique aussi bien... et existentielle aussi bien que la maladie physique, et je pense qu'il faut continuer dans ce sens-là. Ce qui est difficile avec la maladie mentale, là, il y a deux difficultés, et je pense que tout le monde s'entend pour dire qu'il y a vraiment deux... il y a trois difficultés, finalement.

La première, là, c'est que ça prend un suivi à très long terme pour être capable d'évaluer l'aptitude et la souffrance. C'est fluctuant, dans une maladie mentale, ce n'est pas comme... Puis là on n'est plus dans une période donnée, là, on est dans une grande période. On n'est plus en fin de vie, on est au cours de la vie, et ça prend un suivi très prolongé pour pouvoir bien évaluer ça. Ce n'est pas vrai que quelqu'un va être capable d'évaluer ça à un moment donné et ce n'est pas vrai qu'un patient prend des décisions... quand il prend cette décision-là, qu'on peut l'évaluer là, là. Ce n'est pas vrai, ça. Donc, ça prend... Donc, ce n'est pas vrai pour la souffrance et ce n'est pas vrai pour l'aptitude. Donc, c'est ça qui fait un grand... qui pose problème aux psychiatres. Il y a des psychiatres qui pensent qu'on peut quand même le faire et qu'il va finir par y avoir des cas qu'on va juger réfractaires et qui devraient y avoir droit. Il y a en d'autres qui disent qu'on ne peut jamais abandonner.

Et la troisième difficulté, c'est que ça prend un suivi pas juste pour être capable d'évaluer, ça prend un suivi pour aider le monde à vivre. Et là on sait que la maladie mentale est l'enfant pauvre de notre système de soins. Donc, il faut se donner... il faut rendre les soins accessibles, il faut être capable de prendre en charge ces patients-là avant qu'ils en viennent à la décision de choisir de mourir. Comprenez-vous? Et c'est ça qui est difficile. On ne peut pas se donner ça en un tournemain. Mais c'est quand même comme ça qu'il faut réfléchir le problème, comme on a réfléchi les soins de fin de vie.

On ne va pas apporter l'aide médicale à mourir... Le modèle suisse, là, c'est qu'on apporte l'aide médicale à mourir, bang, puis là c'est ça. Et c'est du suicide assisté aussi, là, parce que les soignants, là, répugnent à proposer l'aide médicale à mourir à moins d'avoir essayé tout le continuum de soins, qui ne sont pas juste des soins médicaux. C'est du soutien social, c'est... Comprenez-vous?

Il y a toute une job de société à faire, là, avant de penser que la mort est la meilleure solution, et c'est pour ça qu'il faut intégrer ça dans un plan. Ce n'est peut-être pas dans une loi, comme on a fait pour les soins de fin de vie, mais, dans notre plan de maladie... bien, pour le soutien à la maladie mentale, là, eh bien, il faut voir où va se situer... mais à mon avis, c'est en dernier recours. Et ça, il faut prévoir, il faut être capable d'assumer... d'assurer l'accessibilité aux soins, il faut être capable de le faire, sinon, ça va être un désastre. Comprenez-vous, là, un peu mon idée? Je pense que c'est ça, le principal problème avec la maladie mentale.

Si on en vient aux demandes anticipées maintenant, là, il faut voir que les demandes anticipées, là, ça touche juste une catégorie de personnes inaptes, hein? C'est des personnes qui ont déjà... bon, mais dont on sait... et c'est vrai que ça touche surtout les patients déments, là, qui sont atteints de démence, là, qui ont des troubles neurocognitifs, et c'est vrai que c'est beaucoup de monde, et c'est vrai que c'est inquiétant, et c'est vrai qu'il faut trouver une réponse. Mais la réponse, là, ce n'est pas juste d'ouvrir à l'aide médicale à mourir. C'est la même chose que pour la maladie mentale, il faut se donner un plan. Il faut se donner un plan. Tu sais, il y a du monde, là, ils ne veulent pas aller en CHSLD, ils veulent mourir. Donc, il faut s'assurer que les soins, dont les CHSLD font partie, les soins à domicile, les soins... tout ça, sont adéquats avant, sinon, les gens vont aller direct là, et c'est ça que les gens craignent avec les demandes anticipées.

Bon, si je viens à votre question plus pointue, évaluer la souffrance, ça veut dire que, quand on... mettons, les directives médicales anticipées, si le critère de fin de vie est là, comme dans mon premier scénario, on garde notre soin en fin de vie, moi, je pense qu'on peut tout à fait imaginer ça. Et c'est ça que le groupe d'experts propose, mais la fin de vie est là. On sait que ça va être applicable seulement en fin de vie. S'il n'y a plus le critère de fin de vie, bien là, il reste juste la souffrance. Et là le discours, là, c'est que la souffrance est complètement subjective, là, hein? À mon avis, là, ce n'est pas vrai, là, on ne peut pas faire une politique publique comme ça, de dire : Là, vous allez déterminer, dans vos directives médicales... dans vos demandes, à quel moment vous trouvez que la souffrance est trop grande. On ne peut pas faire ça. Les critères sont déjà... Il faut avoir quelque chose d'objectif, là.

Je pense qu'en démence, il y a quand même des stades d'évolution. Contrairement à la maladie mentale, il y a des stades d'évolution qui sont bien connus, qui, habituellement, se confirment, et là on pourrait jouer... on pourrait avoir des moyens objectifs de dire, là : Je pense que, maintenant, ça s'applique. Donc, ce n'est pas exclu, mais il faut faire bien attention. Et c'est hors de question que chacun décide de sa mort, là. Si chacun veut décider de sa mort, c'est pour ça qu'il faut aller vers le suicide médicalement... le suicide assisté, là, parce que, là, c'est un autre enjeu, là, c'est complètement un autre enjeu. Mais, si on veut faire un encadrement de l'euthanasie, il faut vraiment avoir des critères le moindrement objectifs.

La deuxième chose, je pense que ça ne peut pas être contraignant. Ça ne peut pas être contraignant, parce que, bien, il n'y a aucune demande qui est contraignante, on le dit, là. Les refus de soins sont contraignants, c'est ça qu'on a mis dans les DMA. D'ailleurs, je pense que les DMA devraient... on devrait revoir la rédaction des DMA pour que ce soit fait avec l'équipe de soins, avec les proches. De cette façon-là, on pourrait peut-être étendre un peu les situations et les soins, là, les situations qui pourraient être touchées par des DMA. D'ailleurs, il ne faut pas oublier les DMA, parce que ce n'est pas tout le monde qui va avoir accès à l'aide médicale à mourir, et il faut qu'ils aient accès à d'autres façons s'ils veulent que leur vie ne se prolonge pas, là.

• (9 h 30) •

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup.

Mme Marchand (Michèle) : Personne ne veut parler des arrêts de boire et manger, mais il faut en parler.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup, Dre Marchand.

Mme Hivon : Merci.

La Présidente (Mme Guillemette) : Je céderais maintenant la parole à la députée de Maurice-Richard.

Mme Montpetit : Je vous remercie, Mme la Présidente. Bonjour, tout le monde. Bonjour, Dre Marchand. Merci d'être avec nous ce matin. C'est fort intéressant, vous écouter. Honnêtement, vous amenez... comme le disait ma collègue de Joliette, vous amenez une perspective aussi qui est très différente de ce qu'on a entendu jusqu'à maintenant. Puis ce que je retiens, puis c'est vrai que ça nous amène dans un... bien, ça doit être aussi l'aspect... Je trouve ça intéressant, c'est l'aspect philosophique et médical en même temps. Mais vous nous amenez vraiment dans un débat où vous soulignez la différence fondamentale entre le fait d'écourter l'agonie chez quelqu'un, la souffrance chez quelqu'un, versus provoquer la mort. Je pense que c'est un peu là-dessus que vous... tu sais, provoquer la mort chez quelqu'un qui veut mourir mais qui n'est pas en fin de vie.

Et là je pense que ça nous amène beaucoup dans nos réflexions de, justement, la souffrance versus la fin de vie, versus comment c'est exprimé chez quelqu'un qui fait de la démence. Puis j'aimerais ça vous entendre davantage là-dessus, parce que moi, j'ai encore beaucoup de questionnements sur... justement, sur l'aspect, je veux dire, peut-être un petit plus philosophique. Puis c'est pour ça que je suis contente que vous soyez là ce matin.

Le groupe d'experts l'avait bien dit, hein, la maladie neurodégénérative ne devrait pas priver quelqu'un du droit de choisir une fin de vie qui est conforme à ses valeurs. Et ils parlaient vraiment de valeurs, notamment, là, c'est bien la formulation qui avait été utilisée. Puis tout l'enjeu, vous l'avez un peu souligné, que l'aspect de la souffrance pour quelqu'un qui est en situation de démence, il peut quand même être subjectif. Oui, vous nous avez dit : Il y a des critères assez définis, mais, encore là, dans les experts qu'on a vus, puis on verra comme on avancera dans les prochaines consultations qu'on fera, mais il y a encore une certaine ambiguïté sur est-ce que c'est si clair que ça, la souffrance de quelqu'un qui est dans une situation de dégénérescence neurocognitive, sa souffrance psychologique, entre autres, au-delà de la souffrance physique.

Donc, j'aimerais ça vous entendre sur ce concept-là de souffrance versus d'est-ce que quelqu'un pourrait faire une demande sur... davantage sur ses valeurs, sur la volonté, bien, d'une mort dans la dignité, sans le critère de la souffrance.

Mme Marchand (Michèle) : Bien, je pense qu'on ne pourra pas enlever le critère de la souffrance, là. Ce qui se pose, c'est le caractère très subjectif de cette souffrance-là. Moi, je ne doute aucunement que les gens, même si on ne considère pas ça de la souffrance, n'apprécient pas la vie des derniers stades de la démence. Ce n'est pas considéré comme de la souffrance, mais je pense que... je comprends très bien que quelqu'un aimerait mieux écourter sa vie... par anticipation surtout, écourter sa vie que de vouloir vivre ça.

Et c'est pour ça que je n'exclus pas le troisième scénario, où là il faudrait envisager comme un suicide assisté, parce que, là, il faudrait que ça soit... Là, là, c'est la décision de la personne qui décide qu'elle n'en peut plus, et là on n'est plus tellement dans un soin, là. Comprenez-vous? On n'est plus tellement dans un soin, on est dans un choix de fin de vie, on est dans un choix de choisir sa mort. Mais ça n'a jamais été l'optique qu'on a pris quand on a mis ça dans le domaine des soins. Et je doute qu'on puisse dire que quelqu'un qui ne veut pas vivre ça... par exemple, Mme Demontigny, là, qu'on va prendre au Dr Poirier, là, je doute qu'on puisse intégrer ça dans un système de soins. En tout cas, moi, il faudrait que je sois bien, bien sûre qu'il y a eu une très, très bonne prise en charge pour prendre sur ma conscience professionnelle d'écourter la vie de quelqu'un qui ne veut pas se rendre jusqu'au dernier stade de la démence, là.

Je peux comprendre, et, comme société, on pourrait penser... mais là je pense qu'on se rapproche vraiment, vraiment du suicide assisté, où il faut que ça soit la personne apte elle-même qui prend cette décision-là, qui le fait et que, là, ce n'est pas du tout une décision de soins, c'est une... là, c'est une décision de vie, de choix de vie.

Et c'est pour ça que le troisième scénario, d'aller plutôt vers le suicide assisté, je ne pense pas qu'il faut l'exclure. Mais je ne pense pas qu'on peut faire ça comme on a fait pour les soins de vie, où là tout le monde était prêt à contribuer. C'était un projet, et tout le monde a voulu contribuer à ça. Mais mettre fin... Là, pense que les gens seraient peut-être prêts à contribuer à une meilleure prise en charge des gens qui ont des troubles neurocognitifs, mais je ne pense pas qu'on est rendus à vouloir régler le problème... C'est un problème immense, hein, et je ne pense pas qu'on veuille le régler par l'euthanasie.

Peut-être qu'on peut permettre le suicide assisté. C'est vers ça que le Code criminel, d'ailleurs, penche. Le suicide assisté est là, mais là je pense qu'à ce moment-là il va y avoir une contribution minimale de la profession médicale. Il y a sûrement des médecins qui sont prêts à le faire, on en a entendu, mais c'est une contribution minimale de la profession médicale et une intégration minimale dans notre système de soins, parce que, là, ça devient de moins en moins une chose qui se justifie par les soins... par le biais des soins. Comprenez-vous?

C'est le modèle... En fait, là, je ne pense plus qu'on est dans le modèle... D'ailleurs, là, aux Pays-Bas, là... il y a juste les Pays-Bas, hein, qui permet les directives médicales anticipées. Ça ne se fait quasiment pas, parce que les médecins veulent difficilement contribuer. On a peur. Écourter... pas écourter la vie, mais cesser la vie d'une personne qui ne peut plus nous dire, là, si elle est d'accord, là, tout le monde a peur de ça. Et dans toutes les instances où ça a été permis... Ce n'est pas pour rien qu'ils ont mis le suicide assisté aux États-Unis, hein, c'est parce que les médecins ne voulaient pas rentrer là-dedans. Ils ne veulent même pas rentrer en fin de vie, là, ça fait qu'ils ne rentreront pas dans le fait d'écourter la vie de quelqu'un qui a fait une demande il y a longtemps, sans pouvoir vérifier que ce n'est pas contre son gré.

Et c'est pour ça, je n'exclus pas, moi, ça, là, mais ça, c'est une tout autre chose. Et je pense qu'il faut s'inspirer... il faut garder notre loi sur les soins de fin de vie, il faut s'en inspirer le plus qu'on peut. Mais quand on en fait un choix comme ça, là, je pense que c'est plutôt du suicide assisté. Comprenez-vous un petit peu la différence que je veux faire?

Mme Montpetit : Non, non, je comprends très bien. Ce n'est pas une question simple, hein, donc, c'est... vous l'évoquez bien. C'est peut-être simpliste comme...

Mme Marchand (Michèle) : Mais est-ce que j'ai répondu, minimalement, à votre question ou...

Mme Montpetit : Ah! absolument, absolument. Mais j'aurais une... Quand vous dites, justement : Vous ne seriez pas capable de le faire, comme professionnelle, c'est peut-être simpliste, comme question, mais juste pour bien comprendre, c'est une question de valeurs ou c'est une question déontologique, dans votre... comme médecin?

Mme Marchand (Michèle) : Bien, moi, je pense, là, c'est une décision de politique publique. Je pense qu'on ne devrait pas mandater les médecins pour faire... qu'on ne devrait pas compter sur la profession médicale, un, pour le faire, et, deux, pour l'encadrer, parce que, là, ce n'est plus une décision qui demande une... C'est une décision de politique publique, d'ouvrir au suicide assisté, ce n'est plus une... ce n'est plus... Et d'ailleurs, ça se fait en marge du système de soins, ce qui pose un immense problème ensuite, parce que les gens sont obligés de sortir des institutions, nous autres... ils sont obligés de sortir des institutions publiques pour aller réclamer le suicide assisté dans une instance extérieure au système de soins.

• (9 h 40) •

Mme Montpetit : O.K., parfait. Toujours sur la question de la démence, est-ce que je comprends que quelqu'un qui serait en... J'essaie juste de voir aussi le... Vous n'excluez pas, justement, toute la question du critère de fin de vie, de... Donc, à partir de quel... Tu sais, j'imagine que vous avez été en contact... vous n'avez pas fait de soins palliatifs, là, vous nous l'avez bien mentionné, mais vous avez été en contact avec des gens qui font de la démence. Puis, encore là, j'aimerais ça vous entendre sur la souffrance physique versus la souffrance psychologique.

Est-ce qu'on est... Est-ce qu'un médecin qui est en relation avec un patient qui a une démence, une dégénérescence neurocognitive, il est capable d'évaluer... parce qu'on nous a parlé, justement, des stades plus sur la souffrance physique. Mais est-ce que la souffrance psychologique, justement, qui est peut-être reliée, notamment, à la détresse, au fait de ne pas reconnaître ses proches, au fait de la perte de dignité, est-ce que cette souffrance psychologique là, il est possible de l'évaluer pour un médecin?

Mme Marchand (Michèle) : Je ne sais pas, là, ça dépasse mon champ de compétence, là. Je ne sais pas. Je ne suis pas capable de vous dire ça. Je ne sais pas, ça dépasse mon champ de compétence. Mais vous avez entendu des opinions contradictoires, hein, le Dr Carrier, je pense, qui vous disait que c'est possible, là, et Dr Poirier qui vous disait que ce n'est pas une souffrance comme les autres, et c'est plutôt être dans un état plutôt second. Bon, je ne le sais pas.

Mais je pense que, de toute façon, c'est dur d'évaluer ça selon des critères de souffrance comme on en utilise dans les autres soins. Et je ne suis pas sûre qu'on est dans une affaire de soins, là, et je pense que c'est plutôt une décision de dire : Est-ce que les gens ont le droit de décider du moment de leur mort? Mais, s'ils ont le droit de décider du moment de leur mort, sans que ce soit intégré dans un continuum de soins, eh bien, là, on est dans... on est plutôt dans du suicide assisté.

Mais je pense qu'on pourrait faire les deux. Je pense... Peut-être qu'il faut deux régimes qui vont... peut-être qu'il faut tout ça, peut-être qu'il ne faut pas en exclure. Je ne pense pas qu'il faut mettre le modèle suisse, là, pour tout le monde, là, hein? On fait déjà de l'euthanasie en fin de vie, et je pense qu'on pourrait... si c'est possible, qu'on en fasse aussi pour les gens qui ont des maladies mentales et qui sont des cas très réfractaires. Ça se pourrait qu'on en fasse pour des gens qui sont handicapés et... Comprenez-vous, là? Ça se pourrait qu'on en fasse pour des gens qui sont handicapés et... Comprenez-vous, là? Ça se pourrait que ce soit dans un continuum de soins sur plusieurs secteurs de souffrance, on va dire, là. Mais, je pense, quand on en vient à des jugements comme : Moi, je ne veux pas vivre ça, là, on est plutôt...

Moi, je ne veux pas qu'on laisse les gens se suicider tout seuls, hein? Ce n'est pas ça, l'idée, là. D'ailleurs, je suis une partisane, moi, des arrêts de traitements, des arrêts de boire et manger. Je pense qu'il... c'est une avenue qui a l'air cruelle, mais qu'il faudrait envisager, là, parce qu'on veut aider ces gens-là. Les gens qui ne veulent plus vivre, là, on ve veut pas non plus les laisser se suicider dans leur cabanon, là. Donc, on veut les aider, mais c'est difficile à intégrer dans un système de soins, et, à la limite, il faut mettre ça comme un peu en marge, je pense, du système de soins, quand on en vient à des choix complètement personnels, là, complètement personnels, qui ne cadrent pas avec le continuum de soins qu'on essaie de donner, là. D'ailleurs, ces gens-là ne veulent pas toujours rentrer dans un continuum de soins, hein? Puis je les comprends, des fois, parce qu'ils ne veulent pas finir leur vie en CHSLD.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci, Dre Marchand. Donc, je passerais la parole au député de Gouin.

M. Nadeau-Dubois : Merci, Mme la Présidente. Merci, Mme Marchand, de votre contribution lumineuse à nos travaux. Je pense que votre présentation a la grande vertu de nous rappeler quelle est la logique, l'économie générale de la législation québécoise en matière d'aide médicale à mourir. Et, personnellement, ça me permet de positionner les différentes contributions qu'on a reçues depuis le début de la commission sur une espèce de carte, là, des différentes conceptions.

J'aimerais revenir avec vous sur la... Vous avez identifié trois enjeux, là, sur la question de l'ouverture potentielle de l'aide médicale à mourir aux gens souffrant de troubles mentaux sévères. Puis la deuxième difficulté que vous avez indiquée, si j'ai bien capté, c'est la notion d'incurabilité ou non du trouble de santé mentale.

Depuis le début de la commission, il y a des psychiatres qui sont venus nous dire les deux choses : certains qu'il y a toujours de l'espoir et que, donc, par définition, c'est antithétique que de parler d'un trouble de santé mentale incurable, et d'autres qui nous ont dit : Non, après un certain temps, un certain suivi, on peut avoir un degré raisonnable de certitude que la personne est arrivée au bout des traitements. Comme législateurs, là, si on décidait de rester à l'intérieur de la logique de la loi québécoise actuelle, comment trancher cette question-là? Voilà, comment trancher cette question-là? J'avoue que, personnellement, ça me rend perplexe.

Mme Marchand (Michèle) : Je vais vous répondre un peu à côté, mais je veux vous dire que c'est à peu près la même chose qui s'est passée avec les soins palliatifs. Comprenez-vous? Il y avait des gens... Quand on voulait ouvrir aux personnes en fin de vie, et c'étaient les gens qui s'occupaient des soins palliatifs qui étaient comme les experts de ce secteur, et c'est... beaucoup de gens étaient extrêmement réticents, parce qu'ils disaient : Il y a toujours quelque chose à faire, il y a même une expérience positive dans la fin de vie. Et je pense que ce qu'on a fait, finalement, là, c'est qu'on n'a pas tranché carré. Comprenez-vous? On n'a pas tranché, justement, là, on a permis qu'il y ait des gens qui pensent qu'il y a toujours quelque chose à faire et d'autres qui pensent qu'on peut arriver à certaines situations exceptionnelles, bien, on a dit... où ce serait envisageable.

Bien, on a dit, là : O.K., il y en a qui ne le feront jamais et qui pensent qu'on pourra toujours faire quelque chose, mais faisons minimalement quelque chose, par exemple, pour que ceux qui veulent le faire en fin de vie le... pas en fin de vie, mais in extremis, comme dernier recours, le fassent en dernier recours. Et là tout le monde est capable d'accepter ça et tout le monde est capable, je veux dire... Bien, tout le monde n'est pas content, là, mais c'est un compromis acceptable, même pour les gens qui pensent qu'on peut toujours offrir quelque chose. Ils vont continuer de toujours offrir quelque chose, mais ça va être possible pour certains de dire : Moi, je pense qu'on est arrivés là, là, et ça ne sera pas interdit comme ce l'était avant, et ça va même...

Mais ça ne veut pas dire que ça va être encouragé de faire ça très précocement ou obligé pour tout le monde de le faire. Ce n'est pas parce que quelque chose devient permis... Écoutez, ce n'était pas permis avant, là, l'aide médicale à mourir. Ce n'est pas parce que quelque chose devient permis que c'est la plus... la chose la plus appropriée à faire, là. Je pense qu'il faut garder en tête que c'est un soin de dernier recours. Et ça nous donne une charge sociale vraiment lourde, parce que, si c'est un dernier recours, il faut que les premiers recours soient corrects, là. Comprenez-vous? Et ça, je pense qu'on peut faire un certain compromis, même pour des soignants ou des gens qui, au départ, étaient très... avaient des opinions très polarisées. Vous comprenez un peu le...

M. Nadeau-Dubois : Oui, tout à fait, tout à fait. Qu'est-ce que vous répondez... Parce que votre troisième difficulté que vous avez indiquée, sur cette question-là, c'est la question de l'insuffisance des soins à l'heure actuelle. Vous avez dit : La santé mentale, c'est le parent pauvre de notre système de santé. À cet argument-là, beaucoup d'experts à la commission ont répondu : C'est un faux dilemme, on peut faire les deux. On pourrait ouvrir à l'aide médicale à mourir pour les troubles de santé mentale sévères et, en même temps travailler, comme société, sur l'amélioration significative des soins en santé mentale. Qu'est-ce que vous pensez, vous, de cet argument-là?

Mme Marchand (Michèle) : Moi, je pense que c'est vrai. C'est ça qu'on a fait avec les soins palliatifs, on n'a pas attendu que le réseau des soins palliatifs soit parfait. Les soins palliatifs, là, c'est loin d'être parfait, hein? C'est loin d'être parfait, mais il faut travailler sur les deux plans en même temps. Et c'est pour ça qu'on a une loi sur les soins de fin de vie et non une loi sur l'aide médicale à mourir. D'ailleurs, c'est ça que le fédéral veut faire, par la voie de l'aide médicale à mourir, il veut rentrer dans l'organisation des soins. Comprenez-vous? Nous autres, on a fait le processus inverse, on a essayé d'intégrer l'aide médicale à mourir dans un continuum de soins. Je pense que c'est plus intelligent. Bien, en tout cas, pas plus intelligent parce que c'est une autre façon de porter ça, là, mais...

Et puis je pense qu'il faut faire la même chose pour les autres types de problèmes. C'est beaucoup plus difficile pour la démence, me semble-t-il, que pour les maladies mentales, mais je pense que ce n'est pas impossible de maintenir les deux positions et de faire une espèce de... C'est un compromis, finalement, où ces deux positions-là sont capables de vivre ensemble, à condition qu'entre les deux positions il y ait quelque chose, comprenez-vous, il y ait quelque chose comme prise en charge. Et ça, c'est un gros... c'est un projet très ambitieux de vouloir qu'il y ait quelque chose entre les deux pour une société.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup, M. le député. Merci beaucoup, Dre Marchand. Je passerais maintenant la parole à la députée d'Abitibi-Ouest.

• (9 h 50) •

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Merci beaucoup, Mme Marchand. Très intéressant. Moi, j'aimerais que vous parliez de l'aide médicale à mourir via la sédation palliative, parce qu'on sait que, dans la population et sur certains camps médicaux, c'est flou. Alors, j'aimerais vous entendre sur ce point-là. Et le deuxième point, c'est que, si la sédation palliative serait plus connue, pensez-vous qu'on aurait moins de demandes d'aide médicale à mourir... de demandes, excusez-moi, de soins de vie?

Mme Marchand (Michèle) : Oui, je suis très contente de votre question parce qu'effectivement... Bon, je veux répondre à ça avec beaucoup d'enthousiasme, là. La sédation, c'est un des problèmes qu'on avait, justement, avec les soins de fin de vie. Comprenez-vous, là? C'est ça, le problème qu'on avait. La sédation palliative est un moyen... c'est très utile, c'est très utile.

Le problème qui se posait avec la sédation palliative, c'est que, quand on met quelqu'un en sédation palliative, c'est évident qu'il ne peut plus boire et manger et qu'il va mourir, et les gens ont très peur que ce soit identique à de l'euthanasie. Ce n'est pas identique du tout, mais c'est sûr... mais plus... Au fur et à mesure qu'on discutait des soins de fin de vie, on a été capables de clarifier ça, que la sédation palliative n'est pas de l'aide médicale à mourir. Mais on avait tellement peur que ce soit l'aide médicale à mourir, on avait peur de parler de toutes ces choses-là avant. On avait tellement peur qu'on réservait la sédation palliative à des périodes in extremis, là, on voulait faire ça très tardivement, parce que c'est sûr que, finalement, ça va tuer le patient parce qu'il ne mange pas puis il ne boit pas. Donc, comprenez-vous? Ça fait que, là, on retardait l'utilisation de la sédation palliative.

Moi, je pense qu'il faut utiliser la sédation palliative quand on peut et quand les gens, c'est ça qu'ils veulent. Et c'est très utile, mais il ne faut pas exclure pour autant l'aide médicale à mourir. Mais la sédation palliative, c'est différent. C'est différent, on endort le patient, mais c'est évident qu'on ne peut pas le faire très précocement parce qu'il va en mourir, parce qu'il n'est pas hydraté, il n'est pas... Donc, c'est ça, mais c'est quelque chose qui est très, très utile. Et quand quelqu'un est en sédation palliative, il n'a pas besoin d'aide médicale à mourir. Quand quelqu'un va mourir calmement, sans trop de souffrances, on en a... il ne faut pas penser à l'aide médicale à mourir.

Les gens disent : Moi, je veux choisir le moment de ma mort. Là, ce n'est pas ça, là, c'est que c'est des gens qu'on avait de la misère et on réservait la sédation palliative à des... on les laissait souffrir parce qu'on ne voulait pas mettre la sédation palliative précocement, donc... Ça fait que, comprenez-vous, c'est tout ça qui s'est clarifié et que, je pense, ça fait du bien à tout le monde, de pouvoir utiliser la sédation palliative sans avoir peur de faire de l'euthanasie, de pouvoir utiliser l'euthanasie quand les gens ne veulent pas de sédation palliative, mais que ça va mal, mais pas utiliser l'euthanasie parce que je veux choisir ma mort. Comprenez-vous, là?

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : J'ai juste une petite dernière question. C'est que... considérez-vous que, lorsqu'on demande une sédation palliative, que le patient doit être apte à choisir la sédation palliative?

Mme Marchand (Michèle) : La sédation palliative, je pense qu'en général les patients sont aptes à choisir, oui.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup, Mme la députée. Je céderais la parole à la députée de Saint-François.

Mme Hébert : Merci, Mme la Présidente. Bonjour. Bon matin, Dre Marchand. Très intéressant, ce que vous nous apportez ce matin. Moi, j'aimerais revenir sur quand vous avez parlé qu'il y avait trois scénarios. Et, dans le premier, vous avez dit : Ce qui serait important, c'est de garder nos acquis pour les soins de fin de vie. Ensuite, vous avez dit : Si on ouvre, bien, il faudrait que ce soit des modifications mineures. Qu'est-ce que vous voulez dire par modifications mineures?

Mme Marchand (Michèle) : Les modifications... Bien, je pense que, bon, la Loi concernant les soins de fin de vie, la loi québécoise, on va l'appeler comme ça, là, a des critères, des procédures, là, que vous connaissez probablement, là, qui sont assez détaillés, et tout ça. Le Code criminel, là, a aussi des critères qui sont sensiblement, à mon avis, les mêmes, mais que, bon, vous voyez, là, des ajustements mineurs, à mon avis... Puis il a déjà conservé une branche pour les personnes qui sont en... dont la mort est prévisible, et c'est à peu près les mêmes critères. Il faut que les... soient souffrants, il faut qu'ils soient aptes à donner leur consentement, puis là il y a des procédures précises. Bon, mais, par exemple, le handicap n'est pas considéré. Tu sais, il y a des affaires, là... Moi, je ne pense pas que...

Les gens disaient que la loi fédérale était beaucoup plus permissive pour les personnes en fin de vie ou les personnes... mais je ne pense pas. Je pense que c'est à peu près la même chose. Les procédures sont à peu près les mêmes aussi pour les personnes qui sont en fin de vie, et donc je ne pense pas, là, qu'il y ait de gros problèmes là. Et je pense que des modifications mineures, là, il faudra regarder, là, dans la précision de la formulation des choses, voir si ça correspond à la façon dont c'est formulé dans le Code criminel et ne convient pas à...

Bon, il y a certaines choses qui seraient plus difficiles, par exemple, comme ouvrir les demandes anticipées, les demandes anticipées d'aide médicale à mourir. Ça, là, je pense que le Code criminel exige que les gens soient aptes. On pourrait plaider que les gens sont aptes au moment où ils font la demande, là, mais c'est sûr que, là, on ne pourrait plus avoir l'aptitude au moment où l'acte est posé. Et ça, je ne le sais pas, si ça pose des problèmes juridiques, c'est hors de mon champ de compétences, mais ça pourrait être un ajustement, là, qu'il faudrait surveiller. Et il ne faudrait pas se lancer dans d'autres batailles. On l'a perdue, là, la bataille au plan juridique, et il ne faudrait pas se lancer, je pense, dans d'autres batailles sur le fait qu'on va ouvrir à des demandes anticipées, alors que le Code criminel ne l'avait pas prévu.

Mme Hébert : Donc, ce que vous dites, c'est qu'on ouvre aux demandes anticipées, mais là c'est... puis on enlève le critère d'aptitude de la fin...

Mme Marchand (Michèle) : Bien, ça se trouve... Tu sais, c'est ça, les demandes anticipées, là, c'est comme enlever le critère d'aptitude, oui et non. Dans le fond, les gens sont aptes quand ils font la demande, mais, quand on l'applique, ils ne le sont plus. Donc, je ne sais pas si ça poserait un problème, là, au niveau de la concordance avec... parce que Me Ménard nous disait que c'est le Code criminel qui a prépondérance, là, sur les autres lois, mais je pense que notre loi sur la fin de vie, là, les soins de fin de vie, là, je ne pense pas qu'elle soit sur plusieurs points en contradiction avec le Code criminel. Celui-là, la proposition des experts qui proposent qu'il y ait déjà un diagnostic et tout ça, là, je pense que ça... Je ne le sais pas. Il faudrait voir avec des juristes, voir si il y a une... si ça va être contesté constitutionnellement. Mais à mon avis, quand le critère de fin de vie est là, je pense qu'on pourrait intégrer ça dans notre loi. Je pense que c'est possible de penser à des directives médicales anticipées quand le critère de fin de vie est là, parce que, là, on sait quand l'appliquer, ça va être en fin de vie, ça va être quand les gens sont souffrants. Si le critère de fin de vie n'est pas là, il nous reste juste la souffrance, et là c'est un petit peu plus compliqué.

Mme Hébert : Puis, dans cette optique-là, qui serait apte à prendre la décision pour la personne qui est rendue inapte?

Mme Marchand (Michèle) : Bien, si c'est une demande anticipée, bien là, je pense que l'idée du groupe d'experts... là, je me réfère au groupe d'experts. Je pense, l'idée d'avoir une espèce de mandataire, qui n'est pas le mandataire au sens courant et judiciaire du terme, là, d'avoir quelqu'un qui va voir à l'application... mais ce n'est pas cette personne-là qui va l'appliquer, je pense que, les critères étant déjà déterminés, eh bien, ça va être comme quand on applique un consentement, là. C'est un consentement qui a... Le consentement anticipé, là, il a comme la même valeur, mais la demande, elle ne peut pas être exécutoire. Il n'y a pas une demande qui est exécutoire.

Donc là, il va falloir voir si c'est quelque chose qui est approprié et que le patient a d'avance demandé ou consenti... à laquelle il a déjà consenti. Il faut voir ça sous l'angle d'une demande. La demande est indicative, mais on va voir si ça a la même valeur... c'est ça qu'on a dit dans les directives médicales anticipées, là, si ça a la même valeur qu'un consentement d'une personne apte, ni plus ni moins. Donc, ça ne donne pas ouverture à l'aide médicale à mourir, mais, si les conditions sont remplies, ça va donner une ouverture, si les conditions sont remplies.

Mme Hébert : Merci, Dre Marchand.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup. Je céderais la parole à la députée de Soulanges.

M. Picard : Bonjour, Dre Marchand. Merci pour... Vos échanges sont vraiment constructifs. Je vais revenir un petit peu sur l'élément que vous avez mentionné à ma collègue à propos des Pays-Bas. Vous dites qu'ils n'entrent pas dans le bain, là, de... il y a plusieurs médecins, en fait, qui ne veulent pas... ou qui font avec une grande hésitation les soins de fin de vie ou qui ne veulent pas les faire. On sait qu'en ce moment au Québec, là, vous savez qu'il y a des directives médicales anticipées, il y a des papiers de niveaux de soins qui font qu'avec un consentement substitué, aussi, une personne pourrait décider qu'une telle personne, un proche aidant, ou un parent, ou un frère, ou bien, peu importe qui peut décider de ne pas faire de réanimation, peut décider de ne pas faire d'intubation.

Je comprends que, pour un médecin, c'est contre-intuitif, parce que les médecins se doivent d'être là pour soigner jusqu'au bout, doivent faire tout en leur possible pour sauver leurs patients. Qu'est-ce qui fait, selon vous, que les directives médicales anticipées, les niveaux de soins... est plus acceptable? Pourquoi un médecin est plus confortable à faire ces demandes-là qu'il ne le serait avec la directive médicale anticipée?

• (10 heures) •

Mme Marchand (Michèle) : Bon, si je comprends bien votre question, là, c'est : Pourquoi, même aux Pays-Bas, où c'est permis, les médecins ont des réticences? Il y a beaucoup de demandes qui sont refusées, mais c'est des demandes d'euthanasie. C'est des demandes d'euthanasie, ce qu'on appelle ici des demandes d'AMM. Pourquoi? Parce que tout le monde a peur d'écourter la vie de quelqu'un, d'enlever la vie à quelqu'un contre son gré, alors que la personne ne peut pas... Sur le coup, on ne peut pas être sûr que c'est ce qu'elle veut. C'est ça qui fait que les gens ont peur. Et le cas qui nous a été rapporté des Pays-Bas, où on a été obligé de forcer une personne, qui était devenue inapte, à la sédationner ou la contentionner pour y donner l'aide médicale à mourir, c'est horrible, ça. Il n'y a personne qui veut vraiment faire ça.

Parce que ça, là, c'est difficile. C'est une situation difficile pour tout le monde, c'est difficile pour un soignant. Ce n'est pas parce que les gens veulent absolument faire de l'acharnement thérapeutique, parce que, contrairement à ça, les DMA, les refus de soins... Les DMA, là, c'est des refus de soins, puis ça, là, les médecins, là, ce n'est pas vrai qu'ils sont inconfortables avec ça. Les gens qui sont inconfortables avec l'arrêt des soins, là, c'est les proches, et c'est pour ça que les DMA sont contraignants pour les proches. C'est contraignant parce que c'est les proches qui ont de la misère à faire ça. Les médecins font ça couramment parce qu'ils sentent une certaine responsabilité. Ils ont prolongé la vie de ces gens-là, et là ça ne marche pas, là, et ça fait que... Comprenez-vous, là? C'est de l'acharnement thérapeutique, là.

Donc, je pense que les DMA... Moi, je suis tout à fait d'accord avec les DMA. Comme je disais, là, il faudrait voir, là, pour qu'ils soient rédigés de... On a réduit les situations où les DMA pouvaient s'appliquer parce que les gens peuvent faire ça tout seuls chez eux, là, puis là ils connaissent ce que c'est que d'être en fin de vie. Ils connaissent ce que c'est que... de ne plus avoir de fonction cognitive. Ils peuvent s'imaginer ça, mais il y a plein d'affaires qu'ils ne peuvent pas s'imaginer, là, puis qu'il faudrait discuter voir si ça s'applique à eux autres, puis s'ils peuvent prévoir ça de façon libre, éclairée. Comprenez-vous, là?

Donc, il faudrait peut-être les rédiger autrement. Mais ça, c'est des refus de soins, et ça, je vous le dis, là, les médecins en général font ça. On fait des arrêts de traitement régulièrement et même des arrêts de boire et manger, là. Les médecins seraient prêts à accompagner les... mais de là à... d'écourter activement la vie d'une personne, alors là, ce n'est pas pareil, là. Comprenez-vous, là? Parce que la personne, elle n'est plus capable de nous dire que c'est ça... et c'est ça qui rend les médecins si réticents. Je ne dis pas que c'est impossible de le faire, là, mais si les gens vont le faire avec beaucoup, beaucoup et de réticence et de prudence, là, parce qu'on ne veut pas...

Et partout où ça a été libéralisé... Et puis là il faut s'enlever de la tête que c'est libéralisé partout, là. Mais partout où ça a été libéralisé, l'aide médicale à mourir, là, c'est pour des personnes aptes, et, quand on en vient à des personnes inaptes, là, on a de la misère. Et même dans la loi... Je veux dire ça... même dans la Loi concernant les soins de fin de vie, là, le scénario 1, mettons qu'on la garde, ce qu'on avait dit, c'est qu'il y a quand même des gens qui sont inaptes puis qui sont souffrants en fin de vie, et ça, là, peut-être qu'il faut ouvrir pour eux autres, là.

Et ce qu'on avait suggéré au moment où on avait fait... au moment de... Ça n'a pas été mis dans la loi, là, mais ce qu'on avait suggéré, c'est qu'il y ait une autorisation du tribunal, une autorisation préalable à l'acte pour que les personnes qui sont inaptes, il n'y ait pas de consentement substitué, parce que tout le monde a peur de ça, comprenez-vous? Il n'y a pas de consentement substitué pour l'aide médicale à mourir, mais il pourrait y avoir une autorisation pour que, dans les cas extrêmes, et je pense que ça va être la même chose pour les mineurs, jusqu'à un certain point, vraiment des personnes, là, qui souffrent, là, puis qu'on... Ils ont autant le droit d'arrêter de souffrir que les autres, mais il faut faire extrêmement attention, parce qu'il n'y a personne qui veut écourter la vie de quelqu'un contre son gré. On a peur de l'euthanasie involontaire et on a raison.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup, Mme la députée. Merci infiniment, Dre Marchand, de votre... de nous avoir présenté votre point de vue ce matin. C'est très important pour la suite de nos travaux.

Mme Marchand (Michèle) : Avec plaisir.

La Présidente (Mme Guillemette) : Donc, nos échanges sont terminés. Donc, nous suspendons les travaux pour accueillir nos nouveaux invités. Et encore une fois, Dre Marchand, merci, vraiment.

(Suspension de la séance à 10 h 05)

(Reprise à 10 h 10)

La Présidente (Mme Guillemette) : Donc, nous reprenons les travaux. Bienvenue, Dr Roy. Donc, merci d'avoir accepté notre invitation, merci d'être avec nous aujourd'hui.

Donc, vous avez 20 minutes pour votre exposé, et, par la suite, il y aura un échange avec les membres de la commission pour 40 minutes. Donc, je vous cède la parole.

M. Louis Roy

M. Roy (Louis) : Je vous remercie. Merci à tous les membres de la commission de m'avoir permis et de m'avoir invité à me présenter à vous aujourd'hui dans les travaux sur la Loi concernant les soins de fin de vie.

Tout d'abord, juste, dans la mise en place, vous dire une chose importante. Depuis le 17 mai dernier, j'ai cessé ma pratique clinique comme médecin en soins palliatifs pour me joindre à l'équipe du Collège des médecins du Québec à la Direction de l'inspection professionnelle. Donc, je suis ici à titre personnel et non pas à titre de représentant du Collège des médecins, vous l'aurez compris.

Donc, je vous présente ici mes constats de mes 22 dernières années de médecin en soins palliatifs en milieu universitaire et à domicile. La première chose sur laquelle je voudrais attirer l'attention... Évidemment, je sais que les travaux de la commission portent beaucoup, beaucoup autour de l'élargissement de l'accès à l'aide médicale à mourir, mais la Loi concernant les soins de fin de vie inclut aussi les soins palliatifs, entre autres choses. Et, lors des travaux qui avaient mené à cette loi, j'avais été amené à deux reprises de pouvoir rencontrer les parlementaires et présenter devant eux, et, à chaque fois... À ce moment-là, j'avais insisté sur le fait que, oui, si on va vers l'aide médicale à mourir... mais il y a une chose importante, c'est celle d'avoir accès à des soins palliatifs.

Force est de constater que les soins palliatifs se sont améliorés dans les dernières années, mais pas autant qu'on aurait pu peut-être le souhaiter. Il y a encore des difficultés d'accès en termes de rapidité, en termes de qualité aussi. C'est variable d'un endroit à l'autre, d'un établissement à l'autre. Donc, je... simplement faire un rappel aux membres de la commission qu'il y a cet élément très, très important. C'est une minorité de gens qui vont, en fin de vie, demander l'aide médicale à mourir, et même, lorsqu'ils demanderont l'aide médicale à mourir, ils auront eu, je l'espère, accès à des soins palliatifs, et que leur choix, s'ils vont vers l'aide médicale à mourir, ne sera pas parce qu'ils n'auront pas eu accès à des soins palliatifs en temps et lieu et en qualité.

D'ailleurs, à ce niveau-là, on remarque... j'ai pu remarquer dans ma pratique, dans la dernière année, suite à la pandémie, qu'il y a eu un effet qu'on n'avait peut-être pas attendu, c'est de voir que les gens, face à la pandémie et aux contraintes que... qui étaient imposées lorsque les gens entraient dans les établissements de santé, les gens sont restés beaucoup plus longtemps à leur domicile. On a vu même plus de décès à domicile. Je l'ai... On l'a constaté avec certaines de mes collègues qui font beaucoup de soins palliatifs à domicile, le nombre de gens à suivre, les durées de suivi, le nombre de décès ont augmenté.

Donc, il y a là quelque chose qui est intéressant. C'est que, oui, les gens pourraient... et on en a souvent parlé, au fil des années, d'augmenter l'accès à domicile et les décès à domicile. Oui, les gens pourraient le faire, mais il y a tout cet élément de l'offre et la demande, dans le sens où, lorsque le fardeau devient trop lourd à domicile, les gens ont tendance à se tourner vers les établissements qui sont des institutions avec des structures plus lourdes, donc plus chères, et que, si on a une accessibilité augmentée facilitée à domicile avec plus de ressources, on va probablement permettre d'avoir des gens qui vont rester plus longtemps chez eux, ce qui... (panne de son) ...une amélioration.

J'ai parlé... Je vais glisser un mot sur la qualité des soins palliatifs. Il faut continuer à faire la formation, s'assurer que les gens ont accès à des soins de qualité de... quels que soient les professionnels. Et, à ce niveau, il y a deux éléments, et je sais bien que ce n'est pas les membres de la commission qui vont mettre ça, mais ils peuvent avoir une influence pour inciter des instances à mettre des choses en place.

Il y a une plateforme qui se met actuellement en place au niveau du ministère de la Santé, qui s'appelle la plateforme eConsult, ou consultation électronique, qui est un mécanisme qui se met en place pour permettre aux médecins de première ligne d'avoir un accès rapide, de façon électronique, pour un avis qui peut mener à... oui, écoutez, il faut qu'on voie votre patient en consultation ou voici ce que je vous suggère. Cette plateforme-là n'est actuellement pas prévue dans... au début de son implantation pour inclure les soins palliatifs, mais je suis convaincu que les soins palliatifs seraient une méthode... ce serait une sphère d'intervention où la plateforme serait très, très utile, très utilisée. Donc, il y a là une possibilité.

La création aussi de communautés de pratique virtuelle qui pourraient permettre, justement, de favoriser l'échange entre des gens qui en font beaucoup, qui ont une expertise en soins palliatifs, et les médecins de première ligne qui en font peu et qui ont besoin, justement, de pouvoir avoir... aller chercher rapidement de l'information et du soutien. Donc, je me permets de passer ici cet élément qui m'apparaît important et... les soins palliatifs étant un élément vraiment essentiel lorsque les personnes arrivent en fin de vie.

Dans les autres considérations de la loi, il y a les directives médicales anticipées. Je passerais rapidement, mais simplement pour vous dire que, dans mon expérience clinique, ça demeure vraiment très méconnu, peu utilisé. Il y a donc encore du travail à faire, entre autres, au travers de campagnes d'information auprès du grand public.

Le troisième chapitre au niveau de la loi, c'est la sédation palliative continue, qui a été incluse dans la loi afin de pouvoir baliser des pratiques qui étaient parfois assez divergentes ou, à tout le moins, pas toujours semblables. Ce qui reste de ce côté-là, c'est qu'il y a des flous. Les gens ne comprennent pas nécessairement qu'est-ce que la sédation palliative continue, même au niveau des milieux cliniques et encore plus au niveau de la population. Est-ce que la sédation palliative continue, c'est une aide médicale à mourir, qui fait qu'on décède en quelques heures ou quelques jours au lieu de quelques minutes? C'est souvent perçu comme ça. Donc, là aussi, il y a de l'information à transmettre, il y a de l'éducation, particulièrement au niveau des professionnels de la santé, pour s'assurer que ce soin, qui est très utile, qui est très... qui peut être bien utilisé, soit utilisé à bon escient, mais bien compris de...

Alors, j'en arrive au sujet le plus crucial de vos travaux, c'est celui de l'aide médicale à mourir. Je dois vous avouer que j'ai été rapidement... lorsque la loi a été implantée, rapidement mis dans le bain pour avoir été invité à coprésider le comité au ministère sur l'implantation de l'aide médicale à mourir. On a travaillé pendant près d'un an et demi. Les choses se sont mises en place, et j'ai été moi-même surpris, suite à nos travaux et avec l'implantation de l'aide médicale à mourir, de voir que le nombre de demandes est nettement supérieur à ce que l'on pouvait... on avait pensé, hein? On s'était dit qu'il y aurait un certain nombre, mais c'est vraiment du double ou même au triple des chiffres auxquels on pensait. Et j'ai même été étonné, entre autres... mais là sans tomber dans un âgisme, là, qui pourrait avoir l'air de mauvais aloi, mais j'avais comme une espèce de présomption personnelle de dire : Peut-être que les gens plus âgés vont, pour différentes raisons, peut-être aussi culturelles, avoir moins recours et... Mais non, la demande d'aide médicale à mourir ne connaît pas d'âge. J'ai vu des demandes, dans les dernières années, jusqu'à 100 ans avec des gens très lucides et très déterminés. Donc, vraiment, ça n'a pas d'âge et ça vient couvrir toutes les tranches de notre population.

Dans tous les changements qui arrivent, il y a des éléments qui font en sorte... qui demeurent flous. C'est sûr que, pour avoir accès à l'aide médicale à mourir pour une personne qui est atteinte d'une maladie néoplasique, un cancer avec une évolution connue, c'est beaucoup plus facile, c'est beaucoup plus simple dans le sens où, pour le côté clinique, le côté médical, on a plus facilement une idée de ce qui s'en vient, vers quoi on va par rapport à des maladies d'insuffisance organique, comme l'insuffisance cardiaque, par exemple.

Et ce qui vient en plus s'ajouter, c'est cette notion, qui était à l'origine dans la loi, du pronostic de survie, notion qui, suite au jugement de la Cour supérieure, a été invalidée, mais qui reste ancrée. Donc, vous savez, lorsqu'on apprend une notion, c'est difficile de la désapprendre. Je peux vous dire que, dans les derniers 18 mois, dans mon milieu, dans le CHU de Québec, j'étais quelqu'un qui était une des figures de référence pour les demandes d'aide médicale à mourir, et c'était à répétition. J'avais des questions : Qu'est-ce qu'on fait avec ça, le pronostic? Est-ce que ça tient encore ou est-ce qu'on va... Donc, il y a des notions qui font que, puisque la loi évolue, puisqu'il y a des changements, il y a des choses qui sont comme... restent incertaines. Les gens ne sont pas certains de comment bien faire... et être certain de bien faire.

• (10 h 20) •

En plus, il y a des éléments, avec les récents changements qui ont été faits au gouvernement fédéral, qui amènent encore plus de questionnements. La notion des 10 jours, qui était dans la loi au niveau fédéral, maintenant, la notion du 90 jours compte tenu du diagnostic, là aussi, il y a... ça amène... Tous ces éléments amènent des flous qui font en sorte que beaucoup d'intervenants, particulièrement mes collègues médecins, vont se sentir un peu insécurisés. À quelle loi je dois faire référence? Quels critères je dois suivre? Le fait d'avoir deux lois dans deux juridictions différentes, les gens sont dans un élément qui les rend insécures. Donc, une nécessité d'avoir une harmonisation, de s'assurer qu'il y aura... que ce sera plus simple de comprendre, et que les critères, finalement, quel que soit... j'ose faire une image, quel que soit du côté de la rivière des Outaouais qu'on est, les critères demeurent les mêmes pour tout le monde. Alors, ça, c'est un élément qui, à mon avis, est vraiment fondamental, et qui va faciliter l'accès, et il va faciliter le travail en clinique pour l'évaluation de l'accès à l'aide médicale à mourir.

Il a été beaucoup question de l'accès pour les personnes qui ont un handicap. Et ça, c'est vraiment... on l'a vu, dans la loi fédérale, c'est mentionné. Au Québec, ce ne l'était pas, donc ça demeure difficile. Mais personnellement, dans les dernières années, j'ai eu, à un certain nombre de reprises, des gens atteints d'un handicap physique, mais qui ne compromettait pas leur survie dans un temps qui était prévisible, qui m'étaient référés pour avoir un avis. Est-ce que cette personne pourrait recevoir l'aide médicale à mourir puisqu'elle m'en parle? Et vraiment ici... En me préparant pour vous rencontrer aujourd'hui, me revenait cette question qui m'était apparue lors des travaux qu'on avait faits pour la mise en place de l'aide médicale à mourir, et cette question, c'était : Qui suis-je pour décider qu'une souffrance n'est pas assez importante pour justifier une demande d'aide médicale à mourir? Ce n'est pas ma souffrance à moi, mais c'est un jugement que moi, je porte sur la souffrance de l'autre. Et ça, c'est vraiment difficile, cliniquement, de se retrouver devant quelqu'un et de lui dire : Écoutez, selon les termes de la loi actuelle de... moi, comme je les comprends, comme je les interprète, je ne peux accepter votre demande. Et c'est une... On ne veut pas dire oui à toutes les demandes, parce qu'il ne faut pas qu'il y ait des demandes qui soient frivoles, mais c'est difficile de voir quelqu'un qui a une souffrance qui... visiblement, le handicap, il est lourd, il cause des souffrances physiques, psychiques, et que ça devient intolérable pour la personne.

Alors, il y a là un élément important à regarder pour s'assurer que ces gens-là ne se retrouvent pas dans une situation d'inconfort et aussi ne se retrouvent pas dans la situation où la seule solution, lorsqu'on a dit : Bien, écoutez, dans les termes actuels, je ne peux pas accepter votre demande, mais vous pouvez toujours vous adresser à la cour pour voir si, au niveau juridique, vous pourriez avoir un jugement qui vous y autoriserait... Ça fait que vous voyez bien et vous le comprenez très bien, ce recours judiciaire va être un fardeau pour le patient qui déjà est pris avec une maladie, avec plein de choses. Et, à chaque fois que j'en ai fait la mention, j'ai rarement eu des... quelqu'un qui disait : Ah oui! Je vais faire ça, je vais aller vers ça. Les gens n'ont pas cette énergie. Donc, je pense que la loi doit être assez claire pour permettre, justement, qu'on n'ait pas besoin d'aller vers ce recours de type juridique.

J'aborde brièvement la notion des personnes qui sont atteintes d'une maladie psychique ou de... au niveau de l'état de santé mentale. Je n'ai pas du tout l'expertise à ce niveau-là pour faire une évaluation juste et claire... mes collègues de la psychiatrie sauront mieux vous informer. Mais il faut se rappeler encore une fois : Qui suis-je? Qui suis-je pour décider de la souffrance de l'autre, lorsque la souffrance, elle est là, elle est intense, elle est persistante? Il faut faire la différence entre une situation aiguë de stress et qui a un potentiel de guérison, par rapport à une situation qui est chronique. Mais je pense que ces gens-là méritent d'avoir une oreille attentive.

Il y a des situations que j'appelle comme litigieuses ou limites. Peut-être qu'avec les changements législatifs qui s'en viennent il y en aura moins, ce sera plus facile. Mais il est arrivé, il m'est arrivé à un certain nombre de reprises de me retrouver devant une situation de... bon, est-ce que oui, est-ce que non, même si je connais bien la loi, même si j'en ai déjà discuté avec beaucoup de gens, est-ce que la personne est admissible ou non puis de voir vers qui je peux me tourner pour en discuter, donc en parler avec mes collègues, et tout. Et, à titre anecdotique, je peux vous dire, j'ai déjà... une fois, entre autres, j'étais embêté, alors je parle avec quelqu'un du comité d'éthique clinique qui... J'ai fini par me faire dire : Ah! tu vis un dilemme moral intérieur. J'ai dit : Bien, ça, ça ne m'aide pas beaucoup parce que...

Est-ce que j'ai un dilemme moral intérieur ou j'ai quelqu'un de souffrant devant moi? Et finalement, ce qui arrive, c'est que, finalement, si on a une situation qui semble un peu limite, on va être porté... on va dire : Bien, puisque je suis incertain, je me sens dans une zone grise, je vais donc dire : Non, ce n'est pas admissible ou adressez-vous à quelqu'un d'autre. Et, à ce niveau-là, ce serait vraiment intéressant qu'il y ait, justement, une instance à laquelle le clinicien pourrait se référer.

Dans le document que je vous ai fait parvenir, j'ai fait mention... une instance qu'on pourrait appeler la table nationale d'accès à l'aide médicale à mourir, là — je me suis permis d'inventer quelque chose — mais une instance où le médecin, le clinicien ou une équipe pourrait dire : Écoutez, nous, on a une situation, on n'est pas trop sûrs, on est... on reste dans notre zone grise et on aimerait ça, plutôt que de dire on va de l'avant... mais au risque de se faire taper sur les doigts en se faisant dire : Vous n'aviez pas le droit de faire ça ou on n'y va pas puis on prive la personne de peut-être... d'un soin qu'elle aurait eu droit, de dire : Bien, on pourrait s'adresser... Est-ce que c'est la Commission des soins de fin de vie qui devrait le faire? Est-ce que ça devrait... sous l'égide de la commission, avec un groupe d'experts et qui pourrait donner une autorisation préalable?

Et je reviens à la notion, tout à l'heure, de dire à la personne : Bien, adressez-vous à la cour, et si la cour dit : Oui, vous devriez avoir droit à l'aide médicale à mourir, revenez me voir avec votre jugement, et on pourra aller de l'avant. Bien, cette table d'accès aurait cette espèce de rôle plutôt que de dire : Adressez-vous à la cour. C'est du côté clinique qu'on s'assure qu'on y va puis que... être capable de dire : Écoutez, on est allés jusqu'à l'instance la plus élevée d'un groupe d'experts qui dit : Écoutez, non, actuellement votre demande ne peut pas être acceptée, ou oui, dans les circonstances, compte tenu du dossier qu'on a présenté, votre demande, elle devient acceptable. Et ça permet de soulager tout le monde. Le médecin va se sentir appuyé, que ce soit un oui ou un non, va se sentir... Bien, je suis appuyé, ce n'est pas juste ma décision à moi, ou je me sens appuyé d'en dire un, oui, parce que j'ai eu d'autres gens qui sont venus confirmer mon impression. Donc, à ce niveau-là, il y aurait quelque chose. Je ne pense pas que c'est un groupe qui va être sollicité toutes les semaines, mais un certain nombre de fois par année aurait des demandes et pourrait faciliter, justement, cet accès.

Finalement, la notion du consentement à l'aide médicale à mourir, on en a parlé, le consentement préalable d'avoir une autorisation d'aller vers l'aide médicale à mourir, même suite à la perte de l'aptitude à consentir, une fois que tout a été évalué. Et là-dessus, mon expérience clinique, c'est qu'il y a beaucoup de patients qui ont très peur de perdre leur aptitude et qui vont soit devancer la date, soit refuser certains soins propres à les soulager par peur de ne plus avoir l'aptitude nécessaire, parce qu'ils s'étaient dit : Bien, je voudrais attendre la semaine prochaine, j'ai des choses à régler, je veux revoir quelqu'un de ma famille, mais là, dans les circonstances, je pense que je vais aller plus rapidement parce que je vais me retrouver dans... je peux me retrouver dans une situation où je ne pourrai pas avoir accès à l'aide médicale à mourir. À ce niveau-là, il y a lieu de s'assurer d'avoir un mécanisme organisé, sécuritaire, fiable. Est-ce que c'est une entente entre le patient et le médecin? Est-ce que c'est un consentement que le... une délégation du consentement que le patient fait à une personne qu'il a choisie et clairement identifiée? C'est une chose qui est à préciser, mais je pense qu'il faut le faire pour éviter que les gens, justement, aillent plus rapidement vers l'aide médicale à mourir que nécessaire.

Et, entre autres, par rapport aux gens qui sont atteints de troubles neurocognitifs, qu'on parle des démences, de maladie d'Alzheimer, bien, écoutez, je ne vous apprends rien en disant que notre population est de plus en plus vieillissante, et plus on vieillit dans notre population, plus il y aura de gens qui auront ce diagnostic. Et je pense qu'on aura une pression de plus en plus pour que ce soit possible de faire une demande, comme préalable, de prévoir, là. Rendu à un certain moment dans l'évolution de ma maladie, je veux qu'on puisse aller de l'avant vers l'aide médicale à mourir, de pouvoir faire une demande vraiment anticipée, et ça, je pense qu'il faut l'examiner. Si on ne le fait pas cette fois-ci, ce sera peut-être dans une prochaine révision de la loi, mais inévitablement, à mon avis, dans notre société, on s'en va vers là.

• (10 h 30) •

Mon tout dernier point, c'est simplement un point... et je sais que ce n'est pas la commission qui peut changer ça, mais sur le protocole de soins utilisé actuellement au Québec. Il y a des situations où, compte tenu de la santé globale de la personne, son état cardiopulmonaire peut être encore très bon, malgré une maladie très avancée. Le protocole de médicaments utilisé actuellement est très efficace, va assurément s'assurer... il y a aura le décès et il n'y aura pas de souffrance pour la personne. Mais, si le coeur de la personne est encore solide, j'ai vu des moments où il y a eu jusqu'à presque 20 minutes entre le début et la fin de la procédure. Alors, quand on est rendu à 15, 16 minutes après la fin de la dernière injection, il y a... la personne elle-même ne souffre pas, mais il y a un état émotionnel, il y a un état de stress sur les proches, sur les soignants aussi.

Il y a moyen de raccourcir ce temps-là. Cependant, actuellement, au Québec, de la manière dont on a formulé nos choses, c'est que ce moyen, qui est de donner un médicament supplémentaire, n'est comme autorisé que dans la situation particulière... s'il y a don d'organes qui va faire suite à l'aide médicale à mourir. Et le principe, c'est qu'on veut préserver autant que possible la qualité des organes à transplanter.

Mais personnellement je ne vois pas pourquoi, si on s'attend que le décès peut être retardé parce qu'on a une condition cardiaque qui est plutôt solide, qu'on ne puisse pas donner ce médicament supplémentaire pour accélérer l'arrêt cardiaque, pour accélérer le processus du décès. C'est une accélération, là, on parle de minutes, mais je peux vous dire que, pour les proches, 12 minutes au chevet à attendre que le médecin ne dise : Oui, là, c'est bien fait, c'est terminé, le coeur vient d'arrêter de battre, c'est très long, le temps peut paraître très, très long. Et je pense que c'est une modification qui est relativement mineure. Ça se fait déjà dans les autres provinces canadiennes, lorsque c'est justifié, d'ajouter un médicament supplémentaire.

Alors, ce sont mes commentaires. Dans le document que j'ai fait parvenir à la commission, vous trouvez le résumé des recommandations que je fais... que je faisais pour aller vers une amélioration. Et j'en profite pour vous remercier à nouveau de votre écoute, de votre accueil, et aussi de l'ensemble de votre travail.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup, Dr Roy. Je passerais la parole à ma collègue la députée de Maurice-Richard.

Mme Montpetit : Bonjour, Dr Roy. Merci. Merci d'être avec nous aujourd'hui. Je vois que vous avez plus de 20 ans de pratique en soins palliatifs, en plus d'avoir été président de l'Association québécoise de soins palliatifs, d'avoir siégé sur l'Association canadienne des soins palliatifs. Donc, de toute façon, à vous écouter on voit la longue expérience et expertise que vous avez dans le domaine. Donc, c'est certainement très éclairant pour nous de pouvoir échanger avec vous aujourd'hui.

J'aimerais ça vous entendre. Vous avez parlé de situations litigieuses ou de situations limites. Puis, bon, je sais que c'est un peu hors de notre mandat, mais ça va nous retrouver de toute façon, parce que je pense qu'il faut clarifier cet élément-là. Vous dites que, comme professionnel, vous vous êtes retrouvé dans des situations où l'admissibilité d'un patient aux soins de fin de vie n'est pas toujours claire, elle était ambiguë pour vous, comme patient. Puis je souhaitais vous entendre davantage là-dedans, parce que je trouve ça quand même assez perturbant de voir que vous vous êtes fait répondre : Si vous pensez que le patient répond aux critères, allez-y, on verra par la suite si on vous donne raison ou pas, avec, évidemment, des risques de sanction, ce qui est quand même une plus que curieuse façon de fonctionner, là, on s'entend là-dessus. Donc, je voulais vous entendre sur qu'est-ce qui fait que vous vous êtes... il y a des situations qui sont ambiguës. Est-ce que c'est la clarté de la loi actuelle?

M. Roy (Louis) : En fait, les situations ambiguës, c'est, en fait, le fait d'avoir retiré, dans les critères, au niveau de la loi québécoise, la notion du pronostic... en fait, la notion du pronostic était mise dans les critères comme étant être en fin de vie. Bon, être en fin de vie, on en a débattu beaucoup, entre autres, dans le comité que j'avais coprésidé. Qu'est-ce que c'est, être en fin de vie? Est-ce que c'est deux jours, deux semaines, deux mois, deux ans? À l'usage, il y a eu une espèce d'entente, de consensus, de se dire : Bien, si on pense raisonnablement que le décès... on ne serait pas surpris que le décès survienne dans la prochaine année, on disait : Bien, on va considérer que c'est admissible, mais, si on pense que ça serait surprenant que le décès survienne dans la prochaine année, on disait : Bien, la personne, on ne la considère pas en fin de vie et qu'elle ne serait pas admissible. Donc, on a des situations comme ça, alors, du fait que ce critère est disparu.

Dans la loi fédérale, on avait la notion, là, sans pour autant que le décès soit... je ne me souviens pas exactement des termes, là, mais que le décès soit comme attendu, sans pour autant qu'un pronostic de survie n'ait été établi, alors, encore plus ambigu que ce qui était dans la loi québécoise. Alors, ça nous donnait des situations où : Est-ce que la personne répond entièrement à tous les critères? Et, compte tenu de ça, et c'est celui qui était le plus difficile, là, est-ce qu'on est vers la fin de vie? Est-ce qu'on n'est pas vers la fin de vie?

Alors, c'est sûr qu'une fois que ça disparaît, ça permet de simplifier des choses, mais parfois il y a des situations ou des gens... Est-ce qu'on est vraiment dans tous les critères? Est-ce que... Les notions de maladie, de souffrance, et tout, est-ce qu'on est tous là? Ça reste... parfois, ce n'est pas aussi clair qu'on le voudrait.

La majorité des situations, il y a des gens qui m'ont été... J'en ai vu, là, de nombreux, j'ai fait de nombreuses aides médicales à mourir dans les dernières années. Il y a des gens où, dès le moment où j'avais la référence, je voyais la personne, qu'elle soit hospitalisée ou en clinique externe, puis ça ne me prenait pas deux minutes pour être convaincu : Bien oui, cette personne-là, elle répond à l'ensemble des critères. Mais je n'arrêtais pas mon entrevue là parce que je voulais voir quel était l'ensemble de sa motivation et aussi est-ce que tous les autres soins ont été possibles, est-ce qu'on a offert tout le reste, incluant les soins palliatifs.

Mais d'être capable d'évaluer tout ça, parfois, on reste dans une zone qui est un peu floue, qui est une zone grise. Et de pouvoir, justement, s'adresser à une instance qui va donner un consentement préalable... Quand vous disiez : Allez-y, puis on verra après, bien, c'est qu'il n'y avait aucune instance qui n'a cette autorité actuellement, de pouvoir dire si... Je me souviens d'avoir déjà parlé à quelqu'un à la commission, dire : Écoute, on n'a pas ce mandat de donner comme notre sceau, a priori, on est là juste après, on reçoit votre déclaration. Donc, d'avoir, justement, l'élément, a priori, de dire : Bien, dans certaines situations, vous pouvez vous adresser à tel endroit, soumettre la situation et ce sera comme l'endroit où on viendra résoudre le questionnement, donc, c'est autour de ça que je voulais qu'on puisse clarifier, que ça puisse simplifier le travail des gens qui sont en clinique et qui, parfois, se retrouvent dans des situations un peu plus ambiguës.

Mme Montpetit : Puis quand vous parlez d'une... vous l'avez nommée, justement, la table nationale d'accès à l'aide médicale à mourir, je comprends, c'est une proposition que vous faites. Mais quand vous parlez, justement, d'un endroit où un médecin pourrait se référer pour avoir un consentement de conformité, vous parlez de professionnels qui seraient réunis. Encore là, juste pour le clarifier, est-ce que vous parlez de professionnels qui seraient plus d'un point de vue juridique, dans le fond, de conformité à la loi, ou qui pourraient venir vous valider comme au niveau médical aussi, ou un juste mélange des deux?

M. Roy (Louis) : Moi, je pense que c'est le juste mélange des deux. Dans ma tête à moi, mais dans ma petite tête, je verrais bien que ça puisse être un mandat qu'on ajoute à la Commission des soins de fin de vie, qu'il pourrait se créer un comité auquel le clinicien peut s'adresser, dire : Je vous envoie une demande, j'ai besoin de votre réflexion, je vais vous présenter une situation clinique. Et j'aimerais avoir deux, trois médecins, un, deux juristes, un éthicien qui vont pouvoir entendre ça et dire : Bien, dans cette situation-là, nous, ou notre consensus, on dit oui, on dit non, mais... Donc, je pense que ce serait assez simple, et je ne pense pas que ce serait une surcharge pour les travaux de la Commission des soins de fin de vie.

• (10 h 40) •

Mme Montpetit : Merci. Concernant les personnes en perte d'aptitude, vous, bon, vous soulignez l'élément que la personne devrait pouvoir prendre soit une entente avec son médecin en cas de perte d'aptitude, ou déléguer son consentement à la personne de son choix en cas de perte de sa capacité à consentir. Puis je voulais vous entendre davantage là-dessus, parce qu'on a entendu différentes opinions aussi sur est-ce que ce consentement-là devrait être laissé à quelqu'un de sa famille, à quelqu'un de proche : certains professionnels qui étaient pour, justement, ou certains, même, patients qui disaient : Ça peut être intéressant d'avoir quelqu'un qui nous connaît très, très bien, à qui on délègue ce consentement-là, d'autres qui nous ont dit : Il faut faire attention, justement, au niveau de l'implication émotionnelle que peut avoir la famille. J'aimerais ça vous entendre davantage, parce que vous avez pu voir vraiment toutes sortes de situations, là, comme médecin.

M. Roy (Louis) : Oui, en fait, lorsque je faisais la notion de l'entente entre le patient et le médecin, je référais, vous l'avez bien compris, à ce qu'on voit qui a été écrit dans la loi fédérale récemment modifiée, qu'on retrouve ça. C'est une manière intéressante... Je pense que c'est une manière intéressante, qui s'applique bien lorsque l'administration de l'aide médicale à mourir est prévue dans un délai relativement court en termes de jours ou de semaines, de dire : Bien, écoutez, comme je vous ai fait mention, écoutez, moi, j'ai encore quelques affaires à régler, il y a mon fils qui va revenir de Vancouver que je veux revoir une dernière fois, mais rendu la semaine prochaine, là, je vais être prêt à recevoir l'aide médicale à mourir parce que, là, ça devient intolérable, donc, d'avoir le moment, il est proche. Donc, l'entente avec le médecin, elle est simple et facile.

Si on est dans une situation plus longue, dans le sens, si on va, entre autres, avec une personne... si je reviens avec les gens avec un diagnostic de démence, et qu'une personne voudrait faire une demande anticipée d'aide médicale à mourir, dire : Lorsque j'arriverai à telle situation d'évolution de la maladie, de décrire dans quelles circonstances je veux... voici mes volontés, là, c'est plus difficile que l'entente soit avec le médecin parce qu'est-ce que c'est dans trois mois, est-ce que c'est dans trois ans, est-ce que... Si on a cette permission-là, est-ce qu'il y a un délai? On dit : Bien, ce n'est pas plus que six mois, ce n'est pas plus qu'un an, ce n'est pas plus que deux ans? Je ne suis pas juriste, je ne suis pas... je ne peux pas vous le dire.

 Mais je pense que, si les gens peuvent faire une demande anticipée, que la délégation... ou de dire : Je demande, je remets à une certaine personne le devoir de faire mettre ça en application, bien là, ça va être plus facile avec une personne... un tiers, une personne proche qu'avec un médecin. Parce que le médecin, sera-t-il toujours là? Est-ce qu'il va avoir changé de lieu de travail et puis cessé son travail? Donc, je pense que les deux peuvent être des versions utilisables, dépendant des circonstances. Mais je suis d'accord avec vous que, pour un proche, un membre de famille, ça peut être émotivement difficile. Donc, il faut que tout ça soit bien préparé, qu'on puisse être capable de se sentir confortable et que la personne ne se sente pas déchirée affectivement.

Mme Montpetit : J'aurais une dernière question. Je sais qu'il me reste très peu de temps, je vais vous la poser brièvement. Pourriez-vous nous décrire, justement... Parce qu'il y a un médecin qui nous disait, justement : Les gens ne meurent pas d'Alzheimer. Pourriez-vous nous décrire, nécessairement, ce que vous avez vu comme professionnel, c'est quoi, la fin de vie, les derniers jours, les derniers mois, ce que ça veut dire, quelqu'un qui est inapte et à qui on ne donne pas les soins de vie, il faut qu'il puisse consentir, ce que ça veut dire en termes de souffrance pour un patient?

M. Roy (Louis) : Bien, en fait, si on prend l'exemple de la personne qui est rendue inapte, qui a une démence en phase avancée, on va lui prodiguer des soins palliatifs — enfin, j'espère qu'on va lui prodiguer des soins palliatifs, c'est ce qu'on fait dans le milieu où j'ai travaillé pendant de nombreuses années — mais cette personne se retrouve en situation où elle est là, mais elle n'est plus capable de volonté d'elle-même. Donc, on va devoir l'alimenter, on va devoir la vêtir, on va devoir lui faire son hygiène. Donc, c'est une personne qui est là, mais... où il y a encore un corps qui est vivant, mais on n'a plus le contact psychique.

Et alors, ça, peut-être, tout le monde ne l'a pas vu autour d'eux, dans leurs familles, mais c'est quand même difficile pour des membres de famille, d'aller revoir, visiter sa mère une fois par semaine au centre d'hébergement et qu'elle ne reconnaît personne, que... donc, se retrouver dans une situation où on est un étranger. Puis même, à la limite, puisqu'on ne voit pas nécessairement les personnes qui étaient proches régulièrement, cette personne-là peut même devenir un peu anxieuse, parce qu'elle est habituée à certains visages, qui sont les visages quotidiens du lieu où elle est soignée. Donc, il faut voir que c'est une personne qui va être là, il faut s'occuper de tous ses besoins fondamentaux. Elle est parfois alitée, dans les derniers jours ou dernières semaines, va être alitée 24 heures par jour parce que trop faible, même, pour être installée au fauteuil. Donc, c'est vraiment une personne humaine qui est là, mais à qui on n'a plus accès, à son état cognitif.

Mme Montpetit : Merci.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci, Mme la députée. Je passerais la parole au député de Gouin.

M. Nadeau-Dubois : Merci, Mme la Présidente. Merci, Dr Roy. J'aimerais qu'on parle ensemble de la question de la souffrance. C'est d'ailleurs le titre de votre mémoire. Et il y a un débat auquel on fait face ici, à la commission, depuis le début de nos auditions, c'est le débat entre, disons, une conception subjective de la souffrance, donc la personne est la seule capable de dire si elle souffre ou pas, puis il y a peut-être des conceptions plus objectivantes, là, où le médecin serait appelé... ou l'équipe traitante serait appelée à contribuer à ce jugement-là : est-ce qu'il y a réellement souffrance ou pas. Je pense que, déjà, le titre de votre mémoire indique clairement dans quel camp vous logez. Vous logez vraiment dans le... Disons, sur le spectre, vous êtes assez proche d'une conception très subjective de la souffrance. Ça revient à plusieurs moments dans votre mémoire d'ailleurs.

Qu'est-ce que vous répondez aux gens qui diraient qu'en insistant autant sur l'aspect subjectif de la souffrance on court le risque de sortir de la logique de l'aide médicale à mourir et qu'on entre davantage dans une logique de suicide assisté, c'est-à-dire une logique où la personne, de manière 100 % autonome, peut dire : Moi, je juge que, soit maintenant, soit dans quelques années, je suis dans une situation de souffrance intolérable, moi, je définis souffrance intolérable comme, par exemple, le fait de ne plus être capable de m'alimenter, de ne plus être capable de reconnaître mes proches, et, si c'est ma conception de la souffrance, la société doit le reconnaître, personne ne peut juger de ça, et donc je devrais avoir accès à l'aide médicale à mourir? Certaines personnes nous disent : Quand on rentre là-dedans, on sort un peu de la logique de l'aide médicale à mourir puis on rentre davantage dans une logique de suicide assistée. Qu'est-ce que vous répondez? Qu'est-ce que vous pensez de cette idée-là?

M. Roy (Louis) : Bien, écoutez, d'abord, lorsqu'on parle de souffrance, là, on peut mettre clairement... souffrance physique, c'est l'aspect, entre guillemets, le plus facile pour un clinicien d'être capable de dire... de reconnaître. Ça m'est arrivé plusieurs fois de voir des gens qui ont des douleurs, qui sont à l'hôpital, et puis, écoutez, on essaie de trouver comment ça se fait que ça vous fait si mal, on vous fait des examens, des imageries, puis ils retournent nous voir, les gens : Écoutez, vous avez bien raison de vous plaindre, là, parce que ce que j'ai vu à l'imagerie, ça doit faire très, très, très mal. Donc, sur la souffrance physique, on a des éléments objectifs, on est capable de dire : Oui, oui, je suis capable de voir que, écoutez, vous êtes toujours à bout de souffle, là, vous avez toujours l'impression que vous allez étouffer d'un moment à l'autre, c'est objectivable.

Quand on tombe dans la souffrance psychique, là, on tombe dans une sphère qui est autre. On n'a pas d'imagerie de résonnance magnétique qui est capable de nous montrer que le cerveau est en souffrance psychique. C'est vraiment... Alors là, c'est vraiment la relation qu'on peut avoir d'une personne à une autre, d'être capable de raconter quelle est mon histoire, qu'est-ce que je vis, qu'est-ce que je vis à l'intérieur, et pourquoi ça devient intolérable pour moi, pourquoi, personnellement, là, cette situation-là, elle est intolérable.

Évidemment, il faut différencier la situation aiguë — je viens d'apprendre que ma mère est malade puis qu'elle va mourir dans les prochains mois, puis je trouve ça intolérable parce qu'on était très, très proches, là, on a une situation aiguë, puis on va travailler ça — par rapport à une situation qui est chronique. Donc, dans la souffrance psychique, il faut s'adresser à la notion de la chronicité, dans le sens où c'est quelque chose qui est perdurant dans le temps. Ce n'est pas juste nouveau de la semaine dernière, ça perdure dans le temps et ça vient perturber le fonctionnement quotidien, le fonctionnement global de la personne. La personne devient incapable de vraiment être à son meilleur de ce qu'elle conçoit d'elle-même dans son fonctionnement quotidien, dans son fonctionnement au travail, dans son fonctionnement en société, dans ses relations personnelles.

Donc là, l'évaluation, elle est plus longue, elle est plus complexe. Ce n'est pas en deux minutes que je peux me faire une idée de ça. Mais il y a des gens qui, après une longue entrevue, ou parfois trois, quatre entrevues, vont dire : Oui, je sens... je comprends la souffrance que vous vivez, je dirais, le désarroi psychique qui est là et sur lequel il ne semble pas y avoir rien sur lequel se raccrocher, donc, ça... et là il faut faire attention. Est-ce que c'est une dépression non traitée? Il y a tout plein de choses, il faut que ça soit médicament bien évalué.

• (10 h 50) •

Mais il y a des gens chez qui on trouve... J'ai vu des gens avec des cancers avec très, très peu de douleur physique dire : Écoutez, je pense que je ne pourrai pas avoir l'aide médicale à mourir parce que je n'ai pas de douleur, peut-être qu'il faudrait que je me mette à prendre de la morphine pour vous convaincre que j'aurais droit. Je veux dire, écoutez, non, vous n'avez pas de douleur physique, mais vous me parlez, depuis qu'on se voit, les dernières semaines, que vos journées sont intolérables, que vous êtes physiquement fatigué, que vous n'avez plus aucune perspective positive de temps, que, pour vous, vos livres sont terminés, que vous avez fait vos adieux et que tout ce que vous attendez, c'est que cette maladie finisse par venir à bout des forces de votre corps pour pouvoir être délivré. Et ça, c'est de la souffrance psychique, c'est-à-dire d'être face à une maladie mortelle qui va mener à un décès, à une échéance plus ou moins courte, et de ne pas avoir aucun contrôle.

Donc, la vie a perdu tout son sens. La personne qui était hyperdynamique, hyperfonctionnelle, qui travaillait beaucoup, qui avait 1 000 activités et qui, du jour au lendemain, se retrouve... apprend qu'elle a... je reste toujours avec le cancer, c'est le plus rapide. Maintenant, elle a un cancer, et, tout à coup, je ne suis plus capable de travailler, je n'ai plus l'énergie pour le faire, j'ai ceci, on a regardé toutes les possibilités, il n'y a pas de traitement, j'ai... on a fait le tour, ça fait trois mois que j'ai appris ça, et ma vie ne fait plus aucune forme de sens, il ne me reste qu'attendre la mort.

Et c'est là où la notion de la souffrance psychique peut devenir vraiment très, très intense et va prendre le dessus sur tout le reste, des gens à qui on a soulagé les douleurs physiques, mais qui disent : C'est correct, là, la douleur, ça va, ça se tolère, mais je n'ai plus de raison, je n'ai plus d'attente, parce que la seule attente que j'ai, c'est de ne pas me réveiller demain matin, puis chaque matin est comme un matin de trop, parce que toute ma journée n'est qu'à penser à ça. Je ne sais pas si je réussis à répondre à votre question, à clarifier.

M. Nadeau-Dubois : Oui, oui. Il me reste... Est-ce qu'il me reste du temps, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Guillemette) : Non, malheureusement.

M. Nadeau-Dubois : Merci.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci, M. le député. Donc, je céderais maintenant la parole à la députée d'Abitibi-Ouest.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Merci, M. Roy. Très intéressant. 22 ans d'expérience à côtoyer la mort, je vous admire beaucoup. J'ai une question concernant... Comment on fait pour s'assurer que le choix que le patient a fait, le choix de partir, il est clair, il est bien... il n'a pas de points d'interrogation vers la fin? Comment on fait pour valider si on a... si tout est correct?

M. Roy (Louis) : Écoutez, c'est... j'ai peut-être le défaut d'avoir été longtemps en soins palliatifs. À un moment donné, il y a des choses qui sont devenues plus... pas instinctives, mais disons que, les avoir côtoyés, des gens qu'on va voir, qui vont parler d'aide médicale à mourir, et c'est à répétition, je peux vous dire, des gens, de les avoir vus, revenir le lendemain ou le surlendemain, puis la première chose qu'ils disent : Vous savez, hein, Dr Roy, je n'ai pas changé d'idée. Ça, c'est l'entrée en matière. Oui, d'accord. Vous, avez-vous changé d'idée, Dr Roy? Je dis : Bien, moi, je ne suis pas là pour changer d'idée, mais moi, je viens voir comment, vous, ça va aujourd'hui, comment ça se passe. Les deux dernières journées, comment ça s'est passé? En fin de semaine dernière, vous aviez vos petits-enfants qui venaient vous voir, comment ça a été? Vous me dites que vous n'avez pas changé, mais, suite à cette visite, est-ce que... Non, ma visite est faite. Il y a une espèce de certitude.

Je peux vous donner l'exemple contraire. Il m'est arrivé, c'était pas mal dans les débuts de l'aide médicale à mourir, peut-être la deuxième année, une dame qui a fait une demande d'aide médicale à mourir, puis c'était clair qu'elle était admissible en termes de diagnostic, et tout, mais, à chaque fois qu'on venait pour réaborder le sujet, il y avait une angoisse qui montait, ça devenait angoissant. Elle avait de la difficulté à en parler avec ses proches. Je disais : Bien, il faut quand même... Non, mais, vous savez, vous aurez juste à leur dire après. J'ai dit : Bien, non, on ne peut pas faire ça.

Donc, on travaillait beaucoup ça, mais, à un moment donné, il y a un jeudi, j'y vais, il y a une de ses filles qui est à son chevet, puis il y a encore de l'angoisse qui monte, puis là je m'assois, puis je lui dis : Écoutez, moi, là, je sens qu'à chaque fois qu'on en parle que ça vient... ça fait monter de l'anxiété chez vous, puis, j'ai l'impression, comme si vous vous sentez obligée d'aller vers ça. Puis moi, là, tout à coup, dans mon coeur, ça ne marche pas. Ça fait que, là, si vous voulez, là, ça va être un long week-end de congé, on va mettre ça sur la glace, on n'y pense plus puis on va prendre le week-end, là. Puis la semaine prochaine, on verra si vous voulez qu'on en parle. On va mettre ça de côté. Puis la personne dit : Bon, c'est correct. Bon, puis à part ça, vous mangez? Je viens pour sortir de la chambre, et sa fille dit : Docteur, elle veut vous reparler. Je reviens, et la dame m'a regardé avec un grand sourire, puis elle me dit : Merci beaucoup. Parce que, tout à coup, je sentais... Puis moi, je ne voulais pas qu'on mette une date tout de suite, parce que je ne la sentais pas prête, puis elle m'a dit un gros merci beaucoup.

Je vous ai dit, c'était un long week-end. Quand je suis revenu le mardi suivant, le lundi étant férié, la dame était décédée pendant le week-end de l'évolution de sa maladie. Mais son «merci beaucoup» a été signifiant, dans le sens où si moi, comme clinicien, ou si j'ai une infirmière ou quelqu'un d'autre qui travaille avec moi qui dit : Ah! Mme Unetelle, là, il me semble qu'elle a l'air ambivalente, bien, s'il y a quelqu'un dans l'équipe qui dit : Il me semble qu'elle a l'air ambivalente, on va regarder ça pour s'assurer qu'il n'y a pas d'ambivalence, parce que, si on va vers l'aide médicale à mourir, il n'y a pas de retour. Donc, il faut être certain. Le jour où on le fait, pour que moi, je me sente bien en le faisant, il faut que je sois convaincu que c'est la bonne et la seule bonne solution pour cette personne-là actuellement et qu'il n'y avait pas d'autre alternative qui pouvait être une bonne solution.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Et, si vous aviez une recommandation à faire en soins de vie, quelle serait cette recommandation-là pour le projet de loi des soins de fin de vie?

M. Roy (Louis) : Ah! grande question, mais je reviens au début de ma présentation, c'est que les gens aient accès aux soins palliatifs et qu'ils y aient accès rapidement, qu'on n'attende pas à trois jours de la fin pour dire : Ah! là, on va vous faire voir par les soins palliatifs.

J'ai vu des gens... Dans le CHU de Québec, entre autres, on a une clinique externe de soins palliatifs oncologiques, donc, qui est attenante à la clinique de chimiothérapie, d'hémato-oncologie, et il s'est développé une certaine habitude : relativement rapidement, des gens qu'on voit que leur maladie semble... on peut continuer à les traiter, mais leur maladie va éventuellement évoluer, de les référer rapidement, dans le sens de faire une prise de contact. Et de savoir qu'il y a quelqu'un qui sera disponible, il y aura une équipe qui va être disponible, d'avoir ça, ça rassure les gens puis, quand ils ont un malaise, quand ils ont un symptôme, quand ils ont un questionnement, ils peuvent aller refrapper à cette porte-là pour dire : Écoutez, j'aimerais ça vous revoir, j'ai mal ici, ou je me pose des questions, ou, là, ils viennent de me dire qu'il va falloir changer de chimiothérapie parce que le traitement n'a pas l'air de bien fonctionner ou je ne le tolère pas, puis là je me pose la question : Est-ce que je dois aller encore là ou non? Je dis : Bien, vous devriez en parler avec l'oncologue. Oui, mais j'aimerais ça en parler aussi avec vous.

Donc, d'avoir un accès rapide aux soins palliatifs, je vous ai parlé beaucoup de cancers, mais ça peut être une personne qui arrive avec un problème cardiaque qui évolue, qui s'en va vers l'insuffisance cardiaque terminale, d'avoir, en plus de son équipe de cardiologie qui la suit et qui fait le maximum pour l'aider, d'avoir aussi le suivi avec l'équipe de soins palliatifs qui va pouvoir rassurer de : Avez-vous des malaises? Avez-vous des symptômes? Avez-vous besoin de soutien? Est-ce que votre entourage a besoin de soutien? Est-ce qu'on peut faire quelque chose? Est-ce qu'on devrait mettre les soins du CLSC à domicile dans le portrait? Cette portion-là va être beaucoup mieux faite par une équipe de soins palliatifs dûment en place, qui va être en lien... si on est, comme moi j'étais, dans un hôpital, qui va pouvoir être en lien avec les équipes du domicile, mais pour que la personne soit vue dans un global, et non pas seulement juste une maladie... de regarder juste la portion maladie au lieu de regarder le global.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Merci beaucoup, Dr Roy.

M. Roy (Louis) : Merci. Ça fait plaisir.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup, Mme la députée. Dr Roy, je vais me permettre. Vous avez pratiqué longtemps. Les principales causes pour lesquelles, présentement, là, aujourd'hui, avec la loi qu'on a, outre le cancer, les gens ont accès à l'aide médicale à mourir?

• (11 heures) •

M. Roy (Louis) : Bon, le cancer c'est vraiment beaucoup de gens, là, dans ceux qui ont demandé l'aide médicale à mourir. Dans les autres, on voit beaucoup des gens, bon, avec certaines maladies neurologiques, entre autres la très connue sclérose latérale amyotrophique, qui a eu, bon, des cas un peu célèbres dans les médias, mais que les gens... et ça, c'est assez fréquent que les gens, dès l'annonce du diagnostic, vont en parler, vont dire : Ah! bien, moi, je vais probablement demander l'aide. Ils viennent d'apprendre le diagnostic, on n'a pas fini de leur expliquer c'est quoi, la maladie, puis... et tout : Je vais probablement demander l'aide médicale à mourir, à un moment donné, j'aimerais ça que vous me donniez de l'information. Donc, il y a du travail là.

Dans les autres maladies qu'on voit, c'est des gens qui ont des atteintes organiques, donc des insuffisances cardiaques, des maladies pulmonaires sévères, des gens qui sont rendus avec de l'oxygène 24 heures par jour à domicile, des gens qui sont sous hémodialyse, parfois depuis un certain temps, des fois, c'est nouveau. Mais un traitement comme l'hémodialyse, là, trois fois par semaine, quatre heures d'hémodialyse, c'est, pour en avoir vu plusieurs, c'est à peu près comme de courir trois fois un marathon par semaine. Les gens sortent de la dialyse, là, puis ils ne s'en vont pas manger au restaurant, ils s'en vont se coucher. Puis, s'ils sont le moindrement un peu plus malades puis un peu plus âgés, ils vont se coucher, puis ils ont leur dialyse lundi, puis mardi ils s'en remettent, puis mercredi ils reviennent à la dialyse. Donc, à un moment donné, ils arrivent, là, puis ils disent : Bien là, ça ne fait plus aucun sens. Alors, c'est des gens qui arrivent en bout de course de l'évolution d'une insuffisance d'un ou de plusieurs organes.

Dans celles qui sont plus... qui étaient plus difficiles, c'est des gens qui arrivaient avec un handicap physique pour lequel... de se retrouver, dire : Bien, écoute, je suis vraiment désolé, la loi ne me permet pas, je reconnais le handicap, je reconnais les souffrances qui sont là, autant physiques que psychiques, mais je ne peux pas, parce que la maladie qui est là, c'est un handicap, et elle ne mène pas vers un décès prochainement, ce qui est une notion qui est incluse dans la loi fédérale. Dans ces gens-là, j'ai déjà vu quelqu'un qui... j'étais à l'urgence, puis la personne a dit : Bien, moi, si je n'ai pas l'aide médicale à mourir, je vais aller régler ça. Puis finalement j'ai dit : Bien, O.K., on va rester à l'hôpital. Puis on est resté à l'hôpital le temps qu'on puisse parler puis comme réussir, là, à calmer la pression qui est trop montée suite à des éléments autour... dus au handicap, mais...

Puis là j'étais en dehors de mon créneau, hein, je n'hospitalisais pas quelqu'un en soins palliatifs, mais j'avais dit à la directrice des soins... des services professionnels, j'ai dit : Écoutez, je ne peux pas laisser partir cette personne-là, je vais être trop inquiet, je l'admets, puis je la prends à ma charge, là, je vais l'assumer au complet, ce ne sera pas l'équipe de soins palliatifs. Ça a permis de refaire le tour puis de replacer la personne dans son contexte puis de retourner dans son milieu de vie.

Mais on a des gens qui arrivent dans des situations difficiles. La vie, parfois, devient intolérable. Donc, il faut vraiment qu'on le voie sur le global puis de voir la personne dans son global.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. On a entendu beaucoup souffrance versus dignité. Là, ce que j'entends, c'est la prise de décision versus la sérénité, donc on a aussi cet aspect-là à regarder. Et on a eu une intervenante tout à l'heure, Dre Marchand, qui nous disait qu'il faudrait revoir les DMA, les demandes médicales anticipées, et vous nous avez fait la remarque aussi qu'en fait c'est très méconnu puis ce n'est pas vraiment utilisé. Qu'est-ce qu'on pourrait faire pour...

M. Roy (Louis) : Qu'est-ce qu'on pourrait faire? Il y avait eu, lorsque la loi avait été adoptée, il y avait eu cette notion qu'il devait y avoir une campagne grand public d'information. Il y a ça. En même temps, une campagne, c'est... si on fait une série de spots publicitaires trois fois dans l'année pendant que les Canadiens de Montréal sont en finale pour avoir un maximum de cote d'écoute, ce n'est pas assez pour entrer une notion aux gens, de dire : Ah oui! il faudrait que je fasse mes directives médicales anticipées, là. Je pense qu'il faut que l'information soit disponible.

Peut-être qu'il faudrait aussi que les intervenants en santé de première ligne l'aient dans leur créneau, la personne qui va voir son médecin de famille, que ça fasse peut-être partie, une fois par année, dire : Est-ce qu'on a déjà parlé de directives médicales anticipées?, pour que ça vienne de quelqu'un. Est-ce que les notaires pourraient aussi en parler, lorsque les gens vont vouloir faire un testament, dans certaines situations où justement ça pourrait être... l'information se donne plus un pour un que de penser... que de faire des spots publicitaires, là, comme je vous dis.

Il y a de nombreuses années, là, avant même la loi sur les soins de fin de vie, il y avait eu, au plan canadien, il y avait une compagnie... la fondation d'une compagnie pharmaceutique avait dit : On va vous soutenir, les soins palliatifs. Ils avaient pris une page complète, quatre couleurs, dans tous les grands quotidiens du Canada un samedi. Ça leur a coûté une fortune, bien sûr. Et moi, je reviens, j'étais au conseil d'administration de l'association canadienne, puis là on nous dit ça, puis ça va être le samedi telle date. Ça fait que moi, je laisse passer. Et mon conjoint lit quatre à cinq journaux par jour de... français, anglais. Là, je laisse passer la date, je dis : As-tu vu quelque chose sur les soins palliatifs dans les journaux? Non. J'ai dit : Bien, une pleine page dans tous les journaux? Ah! non, bien, je ne lis pas ces choses-là. Donc, la notion du spot publicitaire...

Alors, moi, je pense qu'il faut y aller vraiment sur le terrain, de dire... il faut que l'information soit là, il faut que les professionnels de la santé la connaissent et l'amènent. Alors, si je vous parlais des gens en insuffisance cardiaque, bien, ils sont suivis à la clinique d'insuffisance cardiaque. Bien, c'est peut-être un bon endroit où l'infirmière clinicienne pourrait dire : Est-ce que vous avez déjà pensé à vos directives médicales anticipées? S'il arrive une complication, on fait quoi, on va jusqu'où? Pour que ces choses-là entrent dans le collimateur puis dire : Et votre mari, lui, en avez-vous parlé avec lui? Pour que l'information roule un peu sur...

La Présidente (Mme Guillemette) : Lui, il pourrait être, à ce moment-là, une courroie de transmission à laquelle on pourrait...

M. Roy (Louis) : Absolument.

La Présidente (Mme Guillemette) : D'accord. Je vous remercie beaucoup. Donc, je céderais la parole, pour la dernière intervenante, à la députée de Joliette.

Mme Hivon : Oui. Bonjour, Dr Roy, heureuse de vous revoir.

M. Roy (Louis) : Bonjour. C'est un plaisir.

Mme Hivon : Écoutez, j'ai un gros cinq minutes environ. Donc, j'aurais deux questions, ça fait que c'est pour vous donner un ordre de grandeur du temps que vous avez à peu près pour y répondre.

La première, c'est vraiment, vu que vous êtes vraiment aux premières loges puis vous administrez beaucoup d'aide médicale à mourir,...moi, j'ai entendu, au cours des dernières années, en lien avec une demande anticipée pour des personnes, donc, qui auraient une maladie neurocognitive dégénérative, que le niveau de confort du médecin changerait dramatiquement s'il devait administrer l'aide médicale à mourir à quelqu'un qui est inapte parce qu'il a une démence, la maladie d'Alzheimer. Donc, j'aimerais vous entendre là-dessus, le jour même où vient le moment d'administrer l'aide médicale à mourir à quelqu'un qui n'est plus là et peut avoir l'air relativement encore là mais qui ne peut rien vous dire.

Puis le deuxième élément, c'est un peu en lien, c'est un sujet qu'on aborde beaucoup ici, mais, vu que vous parlez beaucoup de la souffrance, comment on fait... comment on réconcilie le fait que certains nous disent : Moi, si j'écris a, b, c dans ma demande anticipée d'aide médicale à mourir, c'est ça. Donc, si j'ai dit que c'est quand je ne reconnaissais plus mes proches, je veux l'aide médicale à mourir, vous me le donnez, versus le fait que la personne peut, au moment où cette condition-là se réalise, ne pas avoir de souffrance et, puisqu'elle n'est plus exactement la même personne, ne pas nécessairement avoir de souffrance psychique non plus. Donc, comment on réconcilie ça avec l'existence du critère de la souffrance?

• (11 h 10) •

M. Roy (Louis) : O.K. Écoutez, par rapport aux médecins, je pense qu'on est dans un processus continu. Il y a 10 ans, on aurait demandé aux médecins : Quel est votre niveau de confort d'administrer l'aide médicale à mourir à quelqu'un? Les niveaux auraient été très, très, très bas, parce que ce n'était pas présent. Même lorsque l'aide médicale à mourir est devenue officiellement accessible, on avait très peu de médecins qui... ça a été un des enjeux, au début, d'avoir des médecins qui répondent ou qui acceptent de prendre les demandes. Et progressivement il y en a de plus en plus, de médecins, qui acceptent de prendre les demandes, qui se sentent confortables. Je vois, pour avoir été en milieu universitaire, des jeunes médecins en formation qui veulent tous au moins en voir une, une fois, puis qu'on puisse en parler. Et je pense que tout ça, cette génération-là qui monte va aussi être plus à l'aise.

Donc, la société évolue, la société change, les gens changent, les perceptions qu'on a changent. On a de moins en moins de gens qui s'y opposent. Je peux vous dire, dans mon milieu où je suis, de Québec, je ne me souviens pas... je me souviens d'un médecin qui m'a dit : Bon, vous avez réussi à gagner votre affaire, vous allez faire de l'aide médicale à mourir. Mais ça a été une seule personne. Tous les autres ont dit : Écoute, je ne me sens pas, moi, prêt ou capable de le faire, mais je reconnais que, si j'étais dans la situation de cette personne-là, peut-être que je le demanderais.

Donc, c'est une question de... que ça soit présent, que ça existe, de perception. Alors, je pense que pour le médecin qui arriverait devant une personne qui est devenue inapte, mais devant un concept très clair d'une demande qui a été clairement établie, que c'est vraiment... je pense que là, à ce niveau-là, si c'est fait d'avance, il faudra que ce soit juridiquement inattaquable, que la chose soit vraiment bien claire et que ça soit révocable tant et aussi longtemps que la personne est apte, que ça soit révocable en tout temps. Ça, c'est aussi clair. Je pense qu'il y aura au début peut-être moins de médecins qui vont être confortables, mais il va y en avoir, et progressivement la chose va devenir acceptée, même plus qu'acceptable.

Par rapport à la seconde portion de votre question, si on est face à ça, c'est comment on réussit à déterminer... en fait, la personne qui reçoit... Je vais prendre... moi, là, je reçois un diagnostic, là, la semaine prochaine : Dr Roy, vous avez l'alzheimer, stade 1, mais on sait que ça va évoluer, puis que je décide de faire ça, bien, au moment où je fais ma demande, je dis : Bien, moi, aujourd'hui, en toute conscience de moi-même, voici quelle est la limite à laquelle je ne voudrais pas être. Je ne voudrais pas être comme j'ai vu telle personne qui était rendue grabataire, donc voici la limite où je ne voudrais pas être. Une fois que je suis arrivé à cette limite-là, je ne suis plus apte, mais j'ai atteint cette limite que j'avais fixée par avance. C'est un concept, là, qui peut être un peu difficile, mais j'ai moi-même fixé ma limite et je demande à quelqu'un d'actualiser cette notion de quand je vais... si j'arrive là, vous arrêtez. Et j'ai dit à mon conjoint, je dis : Moi, si je suis inapte, là, bon, l'aide médicale à mourir, ce n'est pas... ce n'est pas possible, mais, si je deviens inapte, là, puis je suis grabataire, comme on a vu ton père, là, j'ai dit, là, tu dis au docteur d'arrêter les pilules pour le cholestérol, puis l'hypertension, puis le diabète, puis vous me servez de la tarte au sucre, puis, si j'ai l'air d'aimer ça, vous m'en redonnez, puis on s'en fout de ma glycémie puis du reste. Donc, j'ai donné une directive anticipée à mes proches, dire : Vous ne faites rien pour me retenir. À partir du moment où je n'aurai plus mon raisonnement, ma conscience de moi-même, vous ne faites rien pour me retenir. Si je tombe puis que je me blesse, oui, vous faites tout pour me sauver, si je suis sauvable, mais sinon...

Alors, quand la personne donne un moment, en pleine conscience : Moi, je vous fixe quel est mon point limite, bien, comment on peut arriver, quand on arrive à ce point limite là, remettre en question sa décision qui avait été faite?

Mme Hivon : Bien, en fait, juste... si je peux me permettre, donc, ça veut dire que le critère de souffrance, pour vous, dans un cas comme ça, on l'enlève. C'est comme le critère de souffrance anticipée qui compte ou juste de limites de la personne.

M. Roy (Louis) : Bien, écoutez, si on veut regarder la souffrance, c'est, si, par baguette magique, pendant cinq minutes, je pouvais prendre cette personne-là et la ramener puis dire : Bien, voici, là, je veux savoir, là. Là, vous êtes rendue à ce stade-là, on est rendu à ça, vous aviez dit, si vous êtes là, on vous fait l'aide médicale à mourir, est-ce que c'est toujours ça que vous voulez? Oui? Non? Puis ensuite vous allez retourner à votre état où vous étiez avant. Quelle est la probabilité que la personne qui peut sortir d'elle-même puis se regarder, dire : Ah! non, finalement, j'ai envie de continuer comme ça, alors qu'elle avait donné...

La notion d'être dépendant des autres, d'être grabataire, d'être incontinent, ça peut nous sembler non souffrant, mais moi, je pense qu'il y a une forme de souffrance. Le nombre de personnes avec des démences qui sont... qui ont des gestes agressifs parce qu'ils se sentent comme attaqués, parce que tout ce qui est autour d'eux est un élément comme une attaque, ça, c'est un élément qui peut faire en sorte... bien, il y a une forme de souffrance. Est-ce que... C'est quoi, la conscience de cette souffrance-là? Je ne le sais pas, on n'est pas capable de le dire, mais je pense qu'il y a un élément où cette... on n'est pas obligé de se tordre de douleur pour dire qu'on est dans une souffrance ou dans une situation qui devient inacceptable.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Merci, Mme la députée. Merci beaucoup, Dr Roy, pour votre partage ce matin.

Donc, nous suspendons les travaux quelques instants, le temps d'accueillir nos nouveaux invités. Merci encore infiniment, Dr Roy.

(Suspension de la séance à 11 h 15)

(Reprise à 11 h 25)

La Présidente (Mme Guillemette) : Donc, nous pouvons reprendre les travaux. Merci. Donc, nous accueillons maintenant le Groupe interdisciplinaire freudien de recherche et d'intervention clinique, Mme Lucie Cantin, M. Willy Apollon et Dre Danielle Bergeron. Donc, je vous cède la parole pour votre présentation de 20 minutes.

Groupe interdisciplinaire freudien de recherche
et intervention clinique (GIFRIC)

M. Apollon (Willy) : Bonjour, Mme la Présidente, et bonjour à vous tous, membres de la commission. Nous tenons d'abord à vous remercier de nous donner l'occasion de témoigner aux audiences de cette commission. Je suis Willy Apollon, docteur en philosophie, Paris-Sorbonne, et psychanalyste. Je suis l'auteur, concepteur du traitement psychanalytique des psychoses et de son développement clinique au centre de traitement psychanalytique pour psychotiques, Le 388.

Dre Danielle Bergeron est psychiatre et psychanalyste. Elle est professeure agrégée de clinique au Département de psychiatrie de l'Université Laval. Elle est responsable médicale du 388. Elle se joindra à la discussion après la présentation.

Mme Lucie Cantin est psychologue et psychanalyste. Elle a été professeure de clinique et est actuellement superviseure clinique pour l'internat au doctorat à l'École de psychologie de l'Université Laval. Elle est psychanalyste au 388.

Nous sommes donc les trois psychanalystes qui ont créé et mis en oeuvre ce traitement spécialisé pour les psychoses à Québec il y a 40 ans. Nous sommes membres d'un groupe d'une trentaine de professionnels de différentes disciplines, j'ai nommé le GIFRIC, qui, en collaboration avec le CIUSSS de la Capitale-Nationale, rend possible ce traitement autre à Québec.

Le GIFRIC est responsable de l'orientation psychanalytique du centre, du maintien de l'encadrement clinique qui conditionne ses résultats, de la formation du personnel et de l'évaluation continue des résultats cliniques qui sont publics et vérifiables.

Nous sommes donc ici en tant qu'experts dans le traitement de la schizophrénie et des psychoses, c'est-à-dire ces maladies que la psychiatrie appelle des troubles mentaux sévères et persistants. Notre propos aujourd'hui portera essentiellement sur la notion d'incurabilité de cette maladie que notre expérience clinique et les résultats du traitement ne nous permettent pas de soutenir.

Nous définirons ce qu'est la psychose, précisons ici que la schizophrénie est une forme de psychose, et qu'implique la psychose comme type de souffrance. Nous présenterons les résultats cliniques qui montrent que les problèmes sérieux que présentent les patients psychotiques ne sont pas irréversibles moyennant un traitement adéquat qui leur permet d'évoluer jusqu'à retrouver une vie satisfaisante de citoyen actif dans la société. Ensuite, un mot sur les conséquences anticipées à l'élargissement de la loi. Nous tenons à préciser que notre propos ne concerne nullement les maladies végétatives, maladie d'Alzheimer, maladie de Parkinson, etc., les maladies physiques incurables ou encore les maladies...

La psychose. Bien sûr, on reconnaît qu'il s'agit de troubles mentaux graves pour lesquels il est important qu'une société comme la nôtre puisse offrir une diversité de services adéquats. Dans cette gamme de services, nous offrons, quant à nous, un traitement spécifique et spécialisé qui suppose l'adhésion du patient, parce qu'il s'agit de psychanalyse.

Il faut savoir qu'un jeune de 18 à 22 ans qui reçoit un diagnostic de schizophrénie se fait souvent dire qu'il doit désormais éviter les situations de stress, donc abandonner ses projets de vie, et qu'il devra prendre des médicaments toute sa vie parce qu'il s'agit d'une maladie incurable. Ces jeunes adultes auront ainsi à gérer les effets débilitants de la médication neuroleptique : effets secondaires parfois irréversibles, prise de poids importante, troubles sexuels, etc. Ils vivent donc ce diagnostic comme une condamnation, comme si leur vie à peine commencée était irrémédiablement hypothéquée au point où plusieurs d'entre eux ne voient d'autre solution que le suicide.

• (11 h 30) •

C'est ainsi que le ministère de la Santé et des Services sociaux, dans son Plan d'action en santé mentale de 2015‑2020, nous indique que 10 % de ces jeunes se suicident dans les cinq années qui suivent ce diagnostic de psychose. Ceci sans compter tous les autres qui, sans mettre fin à leurs jours, ne trouvent plus aucun intérêt à vivre. Ils ne prendront plus aucune précaution pour protéger leur santé et leur vie. Ils ont perdu l'espoir de réaliser les projets de vie qu'ils avaient imaginés au cours de leur adolescence.

Quand nous offrons aux psychotiques un cadre de traitement où ils peuvent parler librement, dire vraiment ce qu'ils sont en train de vivre au plus intime d'eux-mêmes, parce qu'ils sont enfin écoutés, entendus au-delà de la symptomatologie qu'ils présentent, nous apprenons d'eux que, depuis l'enfance, ils ne se sont jamais reconnus dans les discours tenus sur eux, pas plus qu'ils n'ont adhéré, comme adolescents, à l'organisation de la société. Non pas parce qu'ils sont antisociaux, mais parce qu'ils sont préoccupés, comme nous devrions l'être tous, par ce qui ne fonctionne pas dans l'humanité : les injustices sociales, les guerres, le racisme, la violence faite aux femmes, la pauvreté grandissante, la destruction de la planète, tous ces problèmes qui nécessiteraient que toutes les nations et tous les pays travaillent ensemble pour les régler.

Le psychotique a le sentiment d'être seul à se rendre compte de ce mal qui détruit l'humanité, tel ce patient dont on réalise en le visitant chez lui que son domicile est rempli d'une vingtaine de boîtes d'écrits qu'il a passé son temps à rédiger pour développer une solution qui consisterait à mettre sur pied un gouvernement mondial. L'échec à pouvoir réaliser seul un tel projet est la source d'une souffrance psychique spécifique dont l'origine est éthique, c'est-à-dire liée à ce qu'il estime devoir faire pour l'humanité et à l'impossibilité où il se trouve de le réaliser, impossibilité à laquelle il est confronté.

Ainsi, la souffrance du psychotique est un enjeu éthique. Tous nos patients ont eu, à un moment ou un autre de leur vie, des idées sérieuses de suicide. Pour beaucoup d'entre eux, ce n'est pas la souffrance physique insupportable, ce n'est pas non plus une souffrance psychique intolérable qui commande ces idées de suicide. Ces citoyens, schizophrènes ou psychotiques, vivent dans un univers intime où la préoccupation de l'humain est au centre de leur vie. Aussi, quand ils se sentent accueillis dans leur différence et décident de parler vraiment, ils nous disent que certains de ces projets d'avenir sont pour eux plus importants que leur propre vie et que, s'ils doivent les abandonner, ils pensent plutôt mourir, soit parce qu'ils se sentent en faute de ne pouvoir les réaliser, soit parce que la société telle qu'elle est organisée ne leur permettra jamais de réaliser ces choses qu'ils estiment nécessaires pour l'humanité.

Je laisse la parole à ma collègue Lucie Cantin pour continuer.

Mme Cantin (Lucie) : Alors, voici, je vais vous donner quelques exemples cliniques pour illustrer ce dont on vient de parler. Par exemple, tel de nos patients qui, engagé dans des recherches universitaires, apprend que les résultats risquent d'être utilisés à des fins militaires contraires aux idéaux humanitaires qui l'avaient motivé à participer à ces recherches. La découverte de ce à quoi pourra servir son travail le précipite dans une crise psychotique importante qui l'a amené au 388. Au cours de sa cure, il décidera d'abandonner son domaine de recherche pour se consacrer à une formation professionnelle qui l'habilitera à aider les personnes âgées dans les hôpitaux. Ainsi, la souffrance qu'il éprouvait à l'idée de devoir renoncer à son projet l'aura amené à créer pendant la cure une nouvelle solution éthique qui répondait à son souci d'aider l'humain, ce qui lui a redonné une raison de vivre.

Tel autre patient hospitalisé à répétition depuis l'adolescence et pour lequel la famille démunie songeait à un placement à long terme, parce qu'il présentait depuis des années des symptômes réfractaires au traitement psychopharmacologique, continuant à être envahi par les hallucinations, à s'isoler pour prier jour et nuit, à errer dans les rues et qui, au cours de son traitement au 388, a réussi à ne plus jamais être hospitalisé, à vivre seul de façon autonome en appartement et à reprendre des études qu'il avait abandonnées à 16 ans tout en travaillant à temps partiel pour payer ses études.

Pendant que nous préparions ce document, un patient a résumé mieux que nous pourrions le faire l'effet du traitement. Il nous disait, et je le cite : «Quand je réussis à trouver les mots pour dire ce que je vis intérieurement, je ne suis plus schizophrène...»

La Présidente (Mme Guillemette) : Excusez, Mme... Dre Cantin, on va suspendre quelques instants parce qu'on a vraiment un problème à vous entendre, là. On essaie plusieurs choses, puis ça ne fonctionne pas.

Donc, on va suspendre pour essayer de régler ce problème-là, quelques secondes.

(Suspension de la séance à 11 h 37)

(Reprise à 11 h 39)

La Présidente (Mme Guillemette) : Donc, nous reprenons avec la Dre Cantin. Donc, je vous cède la parole, et vous pouvez recommencer dès le début.

Mme Cantin (Lucie) : D'accord. Alors, je commençais, à la suite de M. Apollon, en vous donnant des exemples cliniques de ce qu'il vient d'aborder. Tel de nos patients, par exemple, qui est engagé dans des recherches universitaires et qui apprend que ses résultats risquent d'être utilisés à des fins militaires qui sont contraires aux idéaux humanitaires qui l'avaient motivé à participer à ces recherches. La découverte de ce à quoi pourra servir son travail le précipite dans une crise psychotique importante qui l'a amené au 388. Au cours de sa cure, il décidera d'abandonner son domaine de recherche pour se consacrer à une formation professionnelle qui l'habilitera à aider les personnes âgées dans les hôpitaux. La souffrance qu'il éprouvait à l'idée de devoir renoncer à son projet l'a amené ainsi, pendant la cure, à créer une nouvelle solution éthique qui répondait à son souci d'aider l'humain, ce qui lui a redonné une raison de vivre.

 (11 h 40)

Tel autre patient, hospitalisé à répétition depuis l'adolescence et pour lequel la famille démunie songeait à un placement à long terme, parce qu'il présentait depuis des années des symptômes réfractaires au traitement psychopharmacologique, continuant à être envahi par les hallucinations, à s'isoler, prostré, pour prier de façon continue jour et nuit et à errer dans les rues et qui, au cours de son traitement au 388, réussit à ne plus retourner à l'hôpital, à vivre seul de façon autonome en appartement et à reprendre des études abandonnées depuis l'âge de 16 ans tout en travaillant à temps partiel pour payer ses études.

Pendant que nous préparions ce document, un patient a résumé mieux que nous pourrions le faire l'effet du traitement. Il a dit, et je le cite : «Quand je réussis à trouver les mots pour dire ce que je vis intérieurement, je ne suis plus schizophrène, ça me ramène à mon humanité.» Il faut noter que ce patient avait passé trois années à l'hôpital avant de venir au 388 et qu'actuellement il vit de façon autonome, seul en appartement, tout en faisant du bénévolat dans un CHSLD.

Aussi, alors, est-ce qu'on va leur donner accès à l'aide médicale à mourir parce qu'on ne leur donne pas les services adéquats pour reprendre leur vie en main? Est-ce que ce serait une nouvelle forme de discrimination parce que ce sont des schizophrènes et des psychotiques, eux qui sont les parents pauvres de nos services de santé et qui souffrent déjà des préjugés négatifs les plus tenaces dans notre société?

Notre centre accueille plus d'une centaine de personnes souffrant de schizophrénie ou de psychose. La plupart d'entre eux ont vécu plusieurs hospitalisations en psychiatrie avant leur arrivée au centre. Dans un milieu ouvert, nous offrons un traitement global, 24 heures par jour, sept jours-semaine, toute l'année, y compris un traitement intensif de la décompensation psychotique sur place pour lequel nous disposons de six lits de traitement, évitant ainsi l'hospitalisation et le recours à l'urgence.

Le traitement psychanalytique des psychoses a des résultats qui sont connus non seulement au Québec, mais en Europe, aux États-Unis et en Amérique du Sud, où plusieurs spécialistes s'y intéressent à la fois pour les résultats obtenus ou parce qu'ils s'en inspirent pour créer des services semblables chez eux.

Les données actuelles témoignent que nos usagers opèrent des changements majeurs dans leur vie, tels que la gestion des épisodes aigus sans le recours à l'hospitalisation et la modification et/ou la disparition des symptômes psychotiques. Ceci se vérifie par une diminution significative du taux de suicide à un taux de 1 %, comparativement au 10 % mentionné dans le plan de santé mentale pour ce type de clientèle. Ça se manifeste aussi par une diminution significative des hospitalisations et la reprise d'une autonomie qui se concrétise par l'autonomie du lieu de vie et un retour au travail, aux études ou à une activité sociale significative qui les engage dans la société.

On vous présente, dans le mémoire, quelques tableaux. J'en commenterais quelques-uns seulement, d'abord le premier, qui présente un groupe de 197 patients qui sont traités pendant... qui ont été traités pendant trois ans et plus au 388. La ligne verte au milieu du tableau indique, là, le moment de leur arrivée au 388. On y compare donc le nombre de jours d'hospitalisation pour ce groupe de patients au cours des trois années qui ont précédé leur arrivée au centre avec le nombre de jours d'hospitalisation pendant leur traitement au 388. On voit qu'avant leur arrivée au 388 les hospitalisations augmentaient de façon importante d'année en année, atteignant 7 300 jours d'hospitalisation dans l'année précédant leur arrivée au 388, et que ce chiffre chutait à 944 au bout de trois ans.

Dans le deuxième tableau, toujours pour le même groupe, la colonne rouge vous indique qu'à l'arrivée au 388 51 % de ces usagers vivaient dans un lieu de vie autonome, alors qu'au bout de trois ans notre chiffre atteignait 81 %.

De la même façon, le troisième tableau qui concerne leur participation active dans la société, toujours dans la colonne rouge, on voit que 25 % seulement d'entre eux étaient actifs au moment de leur arrivée au 388, alors qu'au bout de trois ans on avait 73 % de ces gens qui étaient actifs.

Je m'attarderai aux trois derniers tableaux qui sont dans le mémoire parce que ces trois derniers concernent un groupe de 83 patients qui ont été traités pendant huit ans et plus. Sur le tableau des hospitalisations, on voit aussi qu'avant leur arrivée au 388 le nombre de jours augmentait d'année en année, atteignant 3 400 jours dans l'année qui a précédé leur arrivée au 388, et que ce chiffre diminuait constamment au cours des années jusqu'à arriver à 284 au cours de la huitième année de traitement.

Quant à l'autonomie par rapport au lieu de vie, elle passe de 49 %, quand ils sont arrivés au 388, pour atteindre 90 % au bout de huit ans.

Concernant leur participation à la vie sociale, je vous rappelle, c'est le retour aux études, au travail, au bénévolat, 17 % seulement étaient actifs au moment de leur arrivée, et ce chiffre atteignait 75 % au bout de huit ans.

Ces derniers tableaux, qui illustrent l'évolution clinique sur huit ans de traitement, sont importants parce qu'ils montrent une amélioration de leur vie qui non seulement se maintient, mais qui continue de progresser au fil des ans, confirmant ainsi la permanence de la diminution des symptômes. Et ces données longitudinales pour ce genre de clientèle viennent donc contredire l'irréversibilité des symptômes chez les patients souffrant de troubles mentaux sévères et persistants.

Je voudrais ajouter qu'en 2002 un groupe d'experts a été mandaté par le ministère de la Santé pour venir évaluer le programme. À cette occasion-là, les experts ont rencontré quelque 42 patients, ils ont rencontré les familles, ils ont rencontré les proches, ils ont rencontré les partenaires du réseau. Je vous cite brièvement une de leurs conclusions : «Les parents apprécient particulièrement que le traitement permette d'optimaliser les capacités de chacun jusqu'à un niveau de rétablissement dont ils avaient cessé de rêver. Les partenaires — eux, c'est-à-dire les gens du CLSC, des autres centres hospitaliers, les psychiatres du réseau, organismes communautaires — signalent que la clientèle référée et observée au 388 présente des troubles graves et persistants que plusieurs psychiatres hésiteraient à traiter en dehors du cadre hospitalier formel. La démarche personnelle d'engagement exigée du patient pour son admission au 388 ne biaise en rien la sélection de la clientèle qui se révèle lourde objectivement. Les partenaires ont constaté des améliorations qu'ils ne pouvaient pas obtenir eux-mêmes antérieurement avec les mêmes clients.» Fin de la citation.

Je soulignerais, finalement, que ce traitement coûte à l'État 50 $ par jour par patient, et ça, c'est sans compter les économies liées à la diminution des hospitalisations et des coûts sociaux.

En conclusion, trois points. Ces cas et bien d'autres nous ont portés à nous poser la question si l'aide médicale à mourir ne vient pas se substituer à des services adéquats qui aideraient les personnes à reprendre leur vie en main.

Deuxièmement, l'aide à mourir pourrait devenir une voie de sortie encouragée à leur insu par les spécialistes qui ont posé un diagnostic fatal aux jeunes psychotiques, consacrant une impasse indépassable pour leur avenir. L'aide médicale à mourir pourrait ainsi être accordée pour des raisons tout autres que celles pour lesquelles la loi la rendrait accessible.

Finalement, le psychotique, et on veut être clair sur ça, est un citoyen de plein droit. S'il a accès à l'aide médicale à mourir, ce doit être pour les mêmes raisons de maladies physiques incurables, comme tout autre citoyen, et non pas parce qu'il est psychotique et que cette maladie serait incurable. Avec les résultats que nous venons de montrer, à savoir que les personnes retrouvent une vie de citoyen actif comme nous tous et une vie satisfaisante pour eux-mêmes, notre expérience clinique ne nous permet pas de parler des psychoses comme des maladies incurables. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup, Dre Cantin. Donc, nous allons maintenant procéder à la période d'échange avec les membres de la commission en débutant par le député de Gouin.

• (11 h 50) •

M. Nadeau-Dubois : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs dames. J'ai à peu près six minutes. Donc, je vais vous poser quelques questions, mais je vais vous demander de faire le même effort que moi en termes de concision.

D'abord, vous nous dites et vous n'êtes pas les premiers à nous le dire qu'il y a un danger à ouvrir l'aide médicale à mourir pour les gens souffrant de troubles mentaux dans un contexte où les soins ne sont pas suffisamment disponibles et qu'il y a énormément de discriminations qui s'abattent encore sur les gens qui souffrent de ces maladies-là. C'est un argument similaire qui avait été présenté lors de la première commission sur l'aide médicale à mourir au sujet des soins palliatifs. Beaucoup de gens disaient : On ne peut pas ouvrir l'aide médicale à mourir dans un contexte où les soins palliatifs sont particulièrement déficients au Québec.

Et depuis le début de nos travaux ici, à la commission, beaucoup d'experts sont venus répondre à cet argument-là en disant : C'est un peu un faux dilemme. On pourrait faire les deux, on pourrait ouvrir l'aide médicale à mourir pour les gens souffrant de troubles mentaux sévères et persistants tout en... en même temps, sur une voie parallèle, travailler avec énergie à améliorer les soins puis l'acceptabilité dans la société des gens qui souffrent de troubles mentaux sévères. Qu'est-ce que vous répondez à cet argument-là?

Mme Cantin (Lucie) : C'est difficile de voir qui est-ce qui... Est-ce qu'on m'entend?

La Présidente (Mme Guillemette) : Oui, on vous entend bien.

Mme Cantin (Lucie) : Est-ce que, M. Apollon, vous voulez... Je vous laisserais, M. Apollon, parler de la différence entre cette souffrance physique et psychique.

M. Apollon (Willy) : Je crois qu'il faut faire une différence claire entre souffrance physique et souffrance psychologique. La souffrance physique peut devenir irrémédiable, et, à ce moment-là, l'aide à mourir est certes un apport. La souffrance psychologique... on ne peut pas dire que la souffrance psychologique est irréversible parce que la souffrance psychologique, et en particulier chez le psychotique, est une souffrance liée à un sentiment d'éthique. C'est une souffrance qui est liée au fait de penser qu'on ne pourra pas accomplir quelque chose que l'on considère comme un devoir plus important que sa vie même. C'est ça, l'enjeu, c'est une question d'éthique.

Par ailleurs, la souffrance psychologique, même quand ce n'est pas dans la psychose, on ne peut pas dire qu'elle est irréversible comme la souffrance physique biologique. C'est ça, le point.

M. Nadeau-Dubois : Merci. Deux questions pour vous, en rafale, vous pourrez y répondre l'une à la suite de l'autre.

D'abord, vous nous... D'abord, sur la question de l'incurabilité, vous nous dites... vous affirmez quand même quelque chose de fort, puis d'ailleurs, vous n'êtes pas le premier, hein, mais c'est quand même une affirmation forte, devant la commission, vous nous dites : Aucune souffrance psychologique n'est incurable. Je comprends que, dans votre expérience clinique à vous, vous avez des résultats convaincants. Qu'est-ce qui vous permet de faire ce saut-là et de dire, même dans des cas, par exemple, de troubles obsessionnels compulsifs, des cas de dépression chronique, des cas extrêmement lourds qui nous ont été présentés, notamment par l'association des psychiatres du Québec, qu'est-ce qui vous permet d'affirmer avec une telle certitude qu'il n'y a aucun cas incurable? Et pourquoi... Et seriez-vous mal à l'aise avec un compromis qui dirait : Bien, laissons les professionnels de la santé juger de ça et permettons l'aide médicale à mourir pour les situations où les gens et leurs professionnels de la santé jugent qu'on est devant... qu'on a un degré raisonnable de certitude que le cas est incurable? C'est ma première question.

Et la deuxième, la loi québécoise sur l'aide médicale à mourir, actuellement, n'exclut pas les gens qui ont des troubles mentaux. Si je suis votre raisonnement, c'est la recommandation que vous nous faites. Vous nous dites : Vous devriez exclure nommément dans la loi les gens souffrant de troubles mentaux sévères. Que répondriez-vous à quelqu'un qui dirait, et c'est des représentations qui nous ont été faites à la commission, que, ce faisant, on inscrirait une discrimination dans la loi québécoise sur l'aide médicale à mourir, une discrimination qui est, selon eux, injustifiable? Qu'est-ce que vous répondriez à cet argument-là? Donc, vous pouvez répondre à mes deux questions dans le temps qu'il nous reste.

Mme Cantin (Lucie) : Dre Bergeron, est-ce que vous voulez répondre?

M. Apollon (Willy) : Allez-y, Lucie.

Mme Bergeron (Danielle) : Oui, je pense que je peux répondre. Pourquoi on enlèverait... vous dites : Pourquoi on enlèverait le droit d'avoir l'aide médicale à mourir de gens qui ont un... qui souffrent d'un TOC sévère ou d'une dépression qui ne guérit pas. Le point de vue qui amènerait à l'aide médicale à mourir, ce serait que ce sont des maladies d'origine biologique. Et ça, quand on parle de la dépression, de la psychose ou d'un trouble obsessif compulsif comme une maladie biologique, c'est un argument qui est trompeur. C'est trompeur parce que c'est... en fait, le trouble émotif peut apporter des modifications dans la biologie, mais actuellement il n'y a rien qui prouve que la maladie elle-même est d'origine biologique.

Quand on rencontre des... moi, je reprends le domaine où je suis la plus spécialisée, quand même, quand on rencontre des psychotiques depuis... ça fait 40 ans, moi, que j'en écoute, et que je les entends, et que je les accompagne. Quand on les rencontre et qu'on entend ce qui leur fait problème, on se rend bien compte que, d'une part, une fois qu'ils ont pu parler, retrouver qu'est-ce qui est à l'origine de leurs difficultés, mais retrouver en eux-mêmes l'origine de leurs difficultés, il y a beaucoup de symptômes qui deviennent caducs, qui tombent, les hallucinations arrêtent, les idées de suicide cessent, et ils peuvent à nouveau reprendre une vie. Et c'est le... Si c'est réversible parce que la personne a trouvé un lieu pour retrouver en elle-même ce qui a été la cause psychologique, la cause intérieure, la cause humaine de ses difficultés, elle va pouvoir trouver de meilleures solutions, pour traverser ces difficultés-là, qu'elle a trouvées quand elle était enfant, ou adolescente, ou au début de sa vie adulte. Donc, l'idée que les maladies psychiatriques seraient d'origine biologique, c'est... (panne de son).

Par ailleurs, de quel droit avons... de quel droit un être humain enlèverait la vie à un autre être humain? De quel droit on prendrait la vie d'un autre être humain? Quand... moi, je crois que c'est encore comme ça, quand j'ai fait... quand j'ai terminé mon cours de médecine, avant de faire la spécialité, j'ai fait un serment, le serment d'Hippocrate, qui date du IVe siècle avant Jésus-Christ, mais qui est encore tout à fait adéquat. Et, dans ce serment, du temps d'Hippocrate, parce qu'il est un petit peu modifié maintenant, Hippocrate disait qu'il ne remettrait à personne du poison, même si on m'en demande, que ça va à l'encontre du serment du médecin que de donner, par exemple, un cocktail de médicaments qui le ferait mourir. Et, dans le cas de la maladie dite mentale, c'est inapproprié.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup. Donc, je céderais maintenant la parole au député de Lac-Saint-Jean.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Bonjour à vous trois. Vous m'entendez bien?

Une voix : Oui, bonjour.

• (12 heures) •

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Bon, écoutez, je vais revenir un peu sur le sujet de mon prédécesseur. Et peut-être que je n'ai pas bien saisi le sens, puis je vais vous poser la question, mais je vais... Vous mentionnez, dans votre mémoire, que d'élargir l'accès aux personnes atteintes d'un trouble mental pourrait être considéré comme de la discrimination en regard de l'accès déficient aux soins et aux mesures d'accompagnement. C'est bien le cas, n'est-ce pas?

Mme Cantin (Lucie) : Oui.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Bon, O.K. Or, l'Association des médecins psychiatres du Québec, l'AMPQ, devant la commission, a affirmé, elle, que de refuser l'aide médicale à mourir serait... sur la base qu'il est atteint d'un trouble mental, serait, au contraire, une forme de discrimination. Donc, j'aimerais ça... qu'en pensez-vous?

Mme Cantin (Lucie) : Je voudrais... D'abord, on est très conscients, en disant ce qu'on a dit à propos de la discrimination, de prendre l'argument tout à fait à l'envers de la façon dont il est pris habituellement, à savoir que ce serait discriminant pour les personnes souffrant de trouble mental grave que de leur refuser l'aide médicale à mourir.

Quand on écrit ce qu'on a écrit à propos de la discrimination, il y a deux choses. Je reprendrai un peu ce que Dre Bergeron vient de dire. C'est sûr qu'à partir du moment où la maladie mentale, la psychose en particulier, la psychose et la schizophrénie, parce que c'est quand même notre secteur d'expertise, à partir du moment où c'est posé comme une maladie d'origine biologique, à ce moment-là, l'argument de la discrimination, effectivement, se pose de la façon dont vous l'avez posé : Puisque ce serait une maladie d'origine biologique, bien, pourquoi ils seraient exclus de l'aide médicale à mourir?

Mais quand, justement, on considère et qu'on voit qu'il n'y a aucune preuve à ça, que la maladie mentale, y compris la schizophrénie et la psychose, sont d'origine biologique, personne n'a fait la preuve de ça, bien, on se demande... il reste quand même que c'est pour ces patients-là, les patients schizophrènes et psychotiques, c'est pour ces patients-là qu'on offre le moins de services dans les services publics — c'est vraiment les parents pauvres des services de santé — et c'est surtout les gens qui sont les plus discriminés sur le plan social.

Vous savez, dans les médias et partout, vous entendez facilement parler des gens qui sont déprimés, qui ont des troubles anxieux, qui ont des TOC, qui ont des maladies bipolaires, mais, dès le moment où il s'agit de schizophrénie ou de psychose, il y a une discrimination sociale importante. Par exemple, aussitôt qu'il va y avoir un crime dans la société, bien, tout le monde va conclure que c'est quelqu'un qui est un malade mental. Nos patients, à ces moments-là, justement, sont toujours très affectés et ils nous disent : On va dire encore que c'est des psychotiques et des schizophrènes. Alors, le poids de la discrimination sociale est immense sur les psychotiques et sur les schizophrènes. S'ils essaient de se trouver un emploi, il ne faut pas qu'ils disent qu'ils ont ce diagnostic-là, ce qu'on n'aura pas comme discrimination à propos d'une dépression ou d'un trouble anxieux.

Et donc, à partir de ce moment-là, c'est sûr que, pour nous, l'important, là, c'est : Alors, est-ce que ces gens-là ne souffrent pas plutôt du fait de ne pas avoir de traitement adéquat, de ne pas être entendus comme des humains? C'est ça qu'on appelle le poids de cette discrimination, et de penser, donc, que c'est simplement d'origine biologique et qu'il n'y a rien à faire pour eux. D'ailleurs, c'est ce qu'on... les internes en psychologie, ce qu'ils nous disent, c'est qu'à l'université, c'est ça qu'on leur apprend. Ils peuvent travailler avec des déprimés, des troubles anxieux, des TOC, mais, pour les psychotiques et les schizophrènes, il n'y a rien à faire. C'est ça qu'on leur enseigne et c'est ça qu'on appelle la discrimination.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci.

Mme Cantin (Lucie) : ...aller dans le même sens jusqu'à, justement, les aider à se suicider.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci, Dre Cantin. J'aurais une question complémentaire. Premièrement, félicitations, là, pour les résultats du 388 . C'est impressionnant, vous avez 90 % de résultats. Mais qu'est-ce qu'on fait avec, justement, ceux auxquels on n'a pas de résultat, le 10 % qui... parce qu'on sait qu'il y a une grande peur d'engagement personnel aux patients qui ne veulent pas s'engager, qu'il n'y a pas de rémission ou de rétablissement. Donc, c'est plus, je vous dirais, cette portion-là qui nous intéresse particulièrement pendant les travaux.

Mme Cantin (Lucie) : Bien, ce que je répondrais... Je ne vois pas mes collègues, alors je ne vois pas s'ils ont...

La Présidente (Mme Guillemette) : Allez-y, Dre Cantin.

Mme Cantin (Lucie) : Ce que je dirais de ce 10 % là... Quand on dit 90 % des gens qui redeviennent actifs, bien, il y a des gens, oui, certains de nos patients, qui ne sont pas capables de reprendre une activité sociale... pas du bénévolat, ni des études ou du travail, mais qui vont réussir à vivre en dehors de l'hôpital, alors qu'ils étaient... je dirais qu'ils s'en allaient vers non seulement des hospitalisations à répétition, mais de plus en plus longues, avec, éventuellement, une chronicité qui faisait qu'ils n'étaient pas capables de vivre dans la société. Je dirais que, pour ces gens-là, le seul fait de vivre dans la société et non plus dans... à l'hôpital, bien, c'est déjà quelque chose. Et, je ne sais pas, si on prenait la population en général puis qu'on regardait le pourcentage de gens, justement, qui ne travaillent pas ou n'ont pas d'études ou du bénévolat, mais qui vivent chez eux, avec des activités quotidiennes, je ne sais pas si on aurait un autre... un pourcentage semblable. C'est ce que je répondrais en premier : c'est déjà une amélioration que de ne pas passer sa vie enfermé à l'hôpital.

La Présidente (Mme Guillemette) : Je suis d'accord. Et vous disiez tout à l'heure... Je ne me souviens plus qui a dit qu'il y aurait des conséquences anticipées à l'élargissement de la loi. Quelles conséquences? Et très rapidement, là, il nous reste quelques minutes, là, quelles conséquences ça aurait, l'élargissement de la loi? Vous avez peur à des dérives?

Mme Bergeron (Danielle) : Moi, je peux en dire un mot. Ce qui me préoccupe le plus, c'est d'augmenter le nombre de décès. Il y a un certain nombre de personnes qui vont se suicider, mais qui ne demanderaient pas nécessairement l'aide médicale à mourir et... Mais là on va leur dire : Maintenant, vous avez le choix, ou bien vous vous engagez à faire un travail sur vous, vous allez travailler avec les travailleurs sociaux, avec un clinicien, un psychologue, un psychanalyste, ou bien vous vous engagez, puis il va y avoir des moments où ça va être difficile, ou bien c'est vrai que, maintenant, là, vous pourriez demander de mourir, parce que vous avez des problèmes très graves.

Cette possibilité de demander l'aide médicale à mourir, pour un psychotique, selon moi, ça va augmenter le nombre de décès, le nombre de morts. Il y a ceux qui se suicident, il y a ceux qui vont demander l'aide médicale à mourir et qui auraient pu faire une autre vie si on leur offrait un autre type d'approche qui leur convient bien. Donc, je trouve... moi, je trouve ça très, très dangereux que d'offrir ça. Et, pour un médecin, un psychiatre, ça va complètement à l'encontre de ce qu'on doit faire quand on reçoit un patient, c'est-à-dire chercher toutes les formules, toutes les solutions pour l'aider à sortir de son marasme, à sortir de ses difficultés, de ses problèmes.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. C'est tout le temps que nous avions. On va continuer les échanges avec la députée de Westmount—Saint-Louis. Donc, Mme la députée, la parole est à vous.

Mme Maccarone : Merci, Mme la Présidente. Bienvenue à vous tous. Merci pour votre témoignage et votre partage. Je veux mieux comprendre, parce que vous parlez beaucoup des maladies d'origine biologique et que nous avons quand même une marge de manoeuvre pour venir aider ces personnes, mais en ce qui concerne comme, par exemple, la schizophrénie, mais en ce qui concerne peut-être aussi les problèmes neurologiques, pour les problèmes de santé mentale des personnes, qui... c'est sûr, je sais qu'il y a aussi, peut-être, un débat en ce qui concerne la schizophrénie puis l'impact que ça soit génétique, neurologique aussi.

Par exemple, si on parlait d'autres diagnostics neurologiques comme l'autisme, selon vous, est-ce que ça, c'est quelque chose que nous devons considérer, comme une extension puis des paramètres pour offrir l'aide médicale à mourir à ces personnes? Puis à l'intérieur de quelles balises? Parce que, si on parle de choses qui ne sont pas réversibles, bien, il y a en a plein, plein, plein, de maladies de santé mentale qui ne sont pas réversibles. Alors, selon vous, ça serait quoi, vos recommandations en ce qui concerne ce type de diagnostic?

M. Apollon (Willy) : Il y a des maladies mentales, il y a des troubles mentaux qui accompagnent des troubles qui sont neurologiques ou biologiques ou physiques, et ces troubles qui sont neurologiques ou biologiques ou physiques peuvent être incurables, irréversibles, et, dans ces cas, l'aide à mourir, c'est quelque chose... si le patient le demande et si les médecins trouvent qu'effectivement il n'y a pas de guérison possible, l'aide à mourir, à ce moment-là, est tout à fait normale.

L'enjeu, c'est quand on part d'une maladie vraiment psychologique, des troubles mentaux dont l'origine n'est pas biologique. Il y a des conséquences biologiques, mais ce n'est pas l'origine. Là, à ce moment-là, il faut faire la différence entre ce qui est d'une origine vraiment psychologique, une souffrance qui est une souffrance, encore une fois, qui est d'ordre éthique... parce que la souffrance psychologique est toujours d'ordre éthique, alors que la souffrance physique, la souffrance biologique, ce n'est pas une question d'éthique, c'est vraiment une question de... c'est une santé qui se défait, qui se dégrade. Alors, ça, c'est tout à fait autre chose. Il faut bien faire cette différence entre une souffrance psychologique qui est d'ordre éthique et une souffrance physique qui peut devenir, qui peut être liée à une maladie incurable. Je pense qu'il faut bien faire cette différence.

• (12 h 10) •

Mme Maccarone : Je vous entends en ce qui concerne... qui est un enjeu éthique, en ce qui concerne des difficultés psychiques que les gens peuvent subir. Alors, nous avons entendu certains experts qui nous ont dit que personne ne devrait être exclu selon la souffrance, selon eux, et non le diagnostic. Alors, qui devrait juger la souffrance, d'abord, selon vous? Parce que même si... Puis ça, c'est question, peut être, numéro 1 : Qui devrait juger la souffrance?

Puis, question numéro 2, en ce qui concerne... pour rester à l'intérieur de votre argument enjeu éthique... parce que, si, mettons, je vous donne un exemple pour la personne qui va offrir ce type de jugement et si je vous soumets que la personne qui souffre, après des années de tentatives de traitements, souffre encore, ou juge que lui-même souffre encore, ou, après le refus de traitement, c'est qui qui devrait juger de la souffrance, en termes enjeu éthique?

M. Apollon (Willy) : Seul le patient peut décider. Ce que le spécialiste fait, il évalue. Il évalue en fonction de la science, en fonction des thérapies existantes, en fonction de la loi, mais seul le patient peut décider s'il veut mourir ou pas. Ce n'est certainement pas à un spécialiste de décider à la place du patient.

Mme Maccarone : Sauf que vous dites que, mettons, votre programme... Puis je partage les beaux mots de notre présidente... de vous féliciter pour le succès que vous avez à l'intérieur de votre programme, sauf que ça ne peut pas fonctionner pour tout le monde. On comprend que la santé mentale, c'est tellement varié. Et si, mettons, on a un patient qui dit... C'est complexe comme enjeu éthique, parce que, si on dit que nous allons élargir... puis c'est tellement final que, si, mettons, on est face à une personne qui dit : Bien, moi, ça ne me tente pas à avoir ce type de traitement, même s'il peut avoir accès à votre traitement, est-ce qu'il y a des balises que nous devons prendre en considération pour bien protéger cette personne, qui peut être très vulnérable aussi, parce qu'il souffre d'un problème de santé mentale, pour avoir un accompagnement en ce qui concerne l'accès à l'aide médicale à mourir, pour s'assurer que nous protégeons les personnes, les professionnels dans la santé qui vont l'administrer puis pour s'assurer que la décision qui est prise est vraiment bien réfléchie?

M. Apollon (Willy) : Aussi, vous voyez, dans votre question même, l'enjeu, c'est la qualité des services et la qualité de la formation des professionnels.

Mme Maccarone : Oui, mais je ne veux pas nécessairement faire un gros débat. Mais, de l'autre côté, c'est ça, on comprend que, si on veut respecter les droits civils des gens, on a adopté, à l'Assemblée nationale, par exemple, le projet de loi n° 18 en ce qui concerne, par exemple, le Curateur public, hein? Puis on veut protéger les droits civils des gens, mais ça ne peut pas toujours être l'accès aux soins. Je pense que le collègue de Gouin a très bien fait l'exposition dans le sens qu'on peut faire deux choses en parallèle, ce qui...

Mettons, nous allons attaquer notre système de santé et services sociaux pour s'assurer que les personnes qui souffrent ont accès à des soins, mais en parallèle aussi avoir un programme qui est bien armé, qui peut bien protéger les personnes vulnérables, mais aussi leur donner accès à l'aide médicale à mourir avec des balises pour les protéger. Qu'est-ce que nous devons faire pour faire les deux? C'est quoi, vos recommandations face à une personne qui dit, comme j'ai dit, par exemple : Je refuse ce traitement, malgré que j'ai accès à votre programme, mais je refuse le traitement? Qu'est-ce que nous devons faire pour bien protéger les professionnels et aussi protéger les personnes vulnérables?

Mme Cantin (Lucie) : Je pense que la question même que vous nous posez, là, la question de fond, me semble-t-il, c'est : Qui va déterminer la souffrance? Qui va déterminer le niveau de souffrance? Et ce qu'on est en train de dire, c'est que seul le patient, seule la personne, au fond, peut déterminer son niveau de souffrance. Mais il ne faut pas demander à des professionnels de la santé, qui sont là, eux, pour offrir, pour travailler avec le patient à trouver des solutions, il ne faut pas lui demander à lui de venir donner sa bénédiction au fait que : Non, monsieur, il n'y a plus rien à... ou non, madame, il n'y a plus rien à faire avec vous. Il ne faut pas demander ça à un professionnel de la santé. En tout cas, dans mon expérience, depuis 40 ans, puis même depuis qu'on entend parler de cet élargissement de la loi, il n'y a aucun de nos patients qui nous ont parlé de ça.

Parce qu'il ne faut pas... il ne faut vraiment pas minimiser ce point qui est que, si on offre des services adéquats, là, puis par services adéquats, là, on parle vraiment de tenir compte, justement, de leurs souffrances, mais en travaillant avec eux, si on leur donne des services adéquats, là, je ne suis pas sûre qu'il y aurait tant de gens comme ça à demander l'aide à mourir.

Mais la question de fond, vous avez raison, c'est : Mais qui va déterminer, tu sais, cette souffrance-là? Quand vous nous la posez, je la retournerais aux législateurs, justement : Qui va déterminer que son niveau de souffrance psychologique est tel que c'est... qu'il n'y a plus rien à faire? C'est ça, la vraie question, mais qu'on ne peut pas demander à des professionnels de la santé qui travaillent avec eux de décider de ça à leur place.

Mme Maccarone : Selon vous, est-ce qu'il y a des troubles mentaux ou problèmes de santé mentale qui devraient être d'emblée considérés comme non admissibles, d'abord? Parce que, selon votre argument, si on peut offrir des soins puis s'ils reçoivent des soins, bien, on peut leur aider. Alors, est-ce que, selon vous, nous devons avoir des exclusions, par exemple? Puis, si oui, deuxième question liée à ça, c'est : Comment déterminer le consentement avec des personnes qui souffrent de tels problèmes de santé mentale?

Mme Bergeron (Danielle) : Encore là, ce sont des bonnes questions. J'ai un peu de difficulté, moi, à vous entendre... à entendre parler de soins quand il s'agit de donner la... c'est-à-dire de terminer des soins. Une fois que la personne demande l'aide médicale à mourir — là, je vais le prendre dans le champ de la médecine générale — c'est la fin des soins, ce n'est pas un soin.

• (12 h 20) •

Mme Maccarone : Tout à fait. Je suis d'accord.

Mme Bergeron (Danielle) : Je comprends qu'il faut que quelqu'un s'offre pour faire ce travail d'accompagnement de la personne à qui on a accordé l'aide médicale à mourir, mais, si je regarde ça du point de vue de la... parce qu'elle est en souffrance physique intolérable, bon, mais, si on regarde ça du point de vue de la psychiatrie, c'est vraiment offrir la fin des soins. On ne peut pas faire ça, nous, offrir la fin des soins. On doit chercher si, quelque part, ailleurs, il y a d'autres services. Ça peut être à l'extérieur de notre province, ça peut être dans un autre pays. Est-ce qu'ailleurs cette personne-là pourrait recevoir le type de soins qui lui permettraient de reprendre sa vie en main?

Moi, j'ai des exemples comme ça, d'un patient schizophrène, il y a longtemps, que les parents avaient envoyé en France, dans un service qui s'appelait La Borde. Il était très malade, ce jeune homme là. Il avait 20, 22 ans. Il est resté là pendant deux ans et puis il a été soigné. Mais, avant d'y aller, sa vie était bien mal foutue, il n'était vraiment pas bien.

Donc, c'est parce qu'il faut se le dire, en psychiatrie, il ne devrait pas y avoir une fin des soins, parce qu'il y a toujours quelque chose à faire, un angle sous lequel on pourrait aller solliciter la créativité propre de la personne pour... aussi pour, avec nous, trouver quelque chose qui va lui redonner la vie.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Merci beaucoup, Dre Bergeron. Merci, Mme Cantin, M. Apollon. Ça a été très instructif, ce matin, notre échange avec vous. Donc, c'est tout le temps que nous avions.

Nous suspendons les travaux. Et nous... la commission reprend ses travaux à 13 h 30. Donc, merci à tout le monde.

(Suspension de la séance à 12 h 22)

(Reprise à 13 h 29)

La Présidente (Mme Guillemette) : Donc, bon après-midi, tout le monde, et bienvenue à la Commission spéciale sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie.

Avant de commencer officiellement la captation, je vous demanderais de vous nommer… non, désolée, ce bout-là, on l'a fait. Donc, cet après-midi, nous avons le plaisir d'accueillir avec nous Me Jean Lambert et Me Antoine Fafard. Donc, bienvenue, merci d'avoir accepté notre invitation. Et vous avez, comme on vous a expliqué, vous avez 20 minutes pour faire votre exposé, et, par la suite, il y aura un échange avec les membres de la commission pour une période de 40 minutes. Donc, je vous cède la parole. Je ne sais pas qui commence, mais je vous cède la parole.

Chambre des notaires du Québec (CNQ)

M. Lambert (Jean) : Alors, Mme la Présidente, c'est notaire Lambert qui va débuter. Alors, je vous présente rapidement le notaire qui m'accompagne, Me Antoine Fafard, qui est un juriste à la Direction des affaires juridiques de la chambre et s'occupe de recherche et d'affaires législatives.

• (13 h 30) •

Quant à moi, Jean Lambert, alors, très rapidement, président de la Chambre des notaires de 1984 à l'an 1990. Donc, j'ai participé intensément à tous les travaux de la réforme du Code civil et, en 1988, j'ai amené cette innovation, le concept du mandat en prévision de... pardon, de l'inaptitude, donc le mandat de protection. Et je suis revenu à la chambre comme président de 2009 à 2014 et j'ai donc encore une fois été impliqué dans les travaux, d'abord, premièrement, la commission Mourir dans la dignité, et ensuite les travaux du projet de loi n° 52, avec Mme Hivon, et j'étais membre aussi de la table interprofessionnelle du Collège des médecins du Québec.

Alors donc, ça vous donne un petit peu l'idée pourquoi ces questions... et j'ai aussi un petit point, une parenthèse à faire. Alors, mon intérêt pour ces questions vient du temps de mes études collégiales, universitaires, où j'ai été, pendant cinq ans, un aide-infirmier, c'était le terme de l'époque des préposés aux bénéficiaires, à l'Hôpital Notre-Dame-de-la-Merci, au nord de Montréal, un hôpital, à l'époque, de 600 lits pour malades chroniques, donc des gens qui venaient finir leurs jours là. Donc, j'ai été familiarisé, dès mon jeune âge, à ce monde souffrant dont nous allons parler aujourd'hui.

J'aimerais faire une précision. Plusieurs d'entre vous savent sans doute que je suis un des 11 commissaires de la Commission des soins de fin de vie. Alors, en aucun cas, aujourd'hui, je ne vais parler, à quelque titre que ce soit, au nom de la commission. Je suis vraiment ici au nom de la Chambre des notaires, puisque j'ai toujours occupé une fonction importante dans ces questions à la Chambre des notaires, et notamment j'ai présidé le groupe de travail sur l'aide médicale à mourir qui a été instauré dans la foulée du jugement Truchon-Gladu. Alors donc, voilà pour cette précision.

Alors, voici donc, nous allons parler de personnes souffrantes et de la nécessaire mise à jour de la Loi concernant les soins de fin de vie. Alors, notre présentation sera quand même assez concentrée... d'abord, le rôle du notaire, et ensuite les questions de consentement et de demande anticipée. Et nous terminerons en parlant un petit peu des DMA, qui, à mon point de vue, sont malheureusement un échec de la loi n° 2.

Alors, tout d'abord, peut-être rappeler que la chambre a toujours été impliquée dans ces travaux. Premièrement, dans la commission Mourir dans la dignité, elle a déposé un mémoire, également, comme j'ai mentionné tantôt, tout le processus législatif, avec Mme Hivon, là, que je connais et salue, donc le projet de loi n° 52, et par la suite, évidemment, comme membre de la commission, évidemment, vous pouvez deviner que je suis resté bien au fait, et j'ai été désigné par la chambre pour être représentant du notariat à la commission.

Donc, la chambre a mis sur pied, en 2019, dans la foulée du jugement, un groupe d'experts qui a produit son rapport sur cette question de la demande anticipée, du consentement anticipé, qui a remis son rapport un mois avant le groupe d'experts gouvernemental Maclure-Filion. Et, assez curieusement, nous sommes arrivés à des conclusions tout à fait... pas identiques, mais assez semblables.

Alors, je me permets de vous dire, rapidement, le notaire, qui il est, parce que c'est généralement un professionnel assez peu connu. On sait qu'il est là, on l'associe maisons, contrats de mariage, mais c'est à peu près tout. Évidemment, on ignore que c'est le seul professionnel au Québec qui détient le statut d'officier public, c'est-à-dire qu'il a une parcelle de l'État, une partie de l'autorité de l'État pour conférer aux documents qu'il instrumente, donc qu'il rédige pour les citoyens du Québec, une force juridique, une sécurité inégalée. Donc, les actes notariés sont rarement, très rarement et difficilement contestables en raison des devoirs que le notaire doit suivre et respecter, et tout un formalisme très contraignant, qui fait en sorte que, lorsque, par exemple, un consentement est donné, bien, il est véritablement, valablement donné. Et on parlera de ça un peu plus tard.

Donc, le législateur impose l'acte notarié, par exemple, pour le contrat de mariage. Il l'impose pour l'hypothèque. Il l'impose, par exemple, dans le cas d'une succession, lorsque les droits des mineurs sont impliqués, également pour la renonciation à une succession, déclaration de copropriété. Bref, on voit des actes qui sont importants et on comprend que, pour le bien-être d'une personne, et particulièrement lorsqu'il est question d'aide médicale à mourir et surtout, comme on parlera tantôt, de demande anticipée, eh bien, on comprend que le meilleur outil, le meilleur écrit, c'est l'acte notarié.

Je prends une minute ici pour faire une distinction entre le consentement anticipé et la demande anticipée. Malheureusement, là, le Code criminel, en bon... en bon résultat de juristes de common law, on va parler d'une renonciation, alors que, dans le fond, ici, au Québec, notre culture juridique parle plutôt de l'autonomie d'une personne. Et c'est en vertu de cette autonomie qu'une personne peut donner un consentement ou le refuser.

Alors, on va se situer, nous, dans cette culture juridique et parler du consentement anticipé lorsque la mort est à court terme. Et on voit... on va parler ici des personnes qui sont souffrantes, qui vont refuser de prendre la médication de peur de perdre la capacité de donner un consentement terminal. Alors, on pense ici qu'il faut faire droit à cette demande des gens de pouvoir obtenir ce soin. On parle évidemment ici de court terme, je dirais peut-être moins d'un mois. Et, à ce moment-là, la personne, en vertu de l'autonomie qu'on lui reconnaît, elle dit : Bien, j'ai fait une demande, vous m'avez jugé admissible à l'aide médicale à mourir, voici, je voudrais continuer de prendre ma médication, je voudrais prolonger ma vie pour donner une chance à mes proches qui sont à l'extérieur de venir me retrouver, et je ne voudrais pas, donc, manquer, si vous me permettez, le bateau parce que j'aurai perdu ma capacité de consentir à la dernière minute, au moment des injections.

Remarquez que c'est une question d'interprétation. On est quelques juristes qui croyons que l'article 29... là, on ne voit pas pourquoi l'article 29 n'impose pas qu'il y ait un consentement répété à la toute fin. Bon, je pense que ça a été l'interprétation de départ qui a été confortée par C-14, la modification au Code criminel qui a suivi l'arrêt Carter, mais, en réalité, dans notre loi, on ne le voit pas. Probablement, cette interprétation vient de cette précaution du médecin de s'assurer que le demandeur n'a pas retiré sa demande. Mais on pense qu'on peut aménager ça, en tout cas, du moins, si on ne peut pas l'aménager, qu'on modifie rapidement la loi.

Pourquoi? Parce que sur les 7 300 aides médicales à mourir qui ont été administrées jusqu'à mars 2020, il y en a au moins 30 %... et ça, c'est très conservateur. Il y a plus que ça, parce que cette préoccupation-là, on la voit dans tous les rapports que les médecins font après qu'ils ont administré l'aide médicale à mourir. Mais prenons le chiffre de 30 %. Et là, là-dessus, on a un chiffre certain, quant à moi, c'est un plancher, mais ça veut dire 2 110 personnes qui vont refuser de prendre leur médication pour ne pas perdre leur capacité de consentir à la fin ou vont devancer l'aide médicale à mourir, le soin, l'administration du soin, et, ce faisant, ne permettent pas à des proches éloignés de pouvoir arriver à temps. Alors, on pense que ça, c'est beaucoup de souffrance que l'on peut corriger. Bon.

Alors, on parlera rapidement tantôt de la modification au Code criminel, qui parle de renonciation par entente contractuelle, hein? Ça, là, on est dans le monde de la common law, ça ne peut pas être plus ça. Alors, on pense qu'on peut ici, au Québec, aménager, tout en respectant... parce que, bien évidemment, il faut respecter le Code criminel, mais on pourrait, avec un addendum au formulaire de demande actuel, avoir cette formule et respecter, faire cette entente contractuelle. Puis, bon, on peut comprendre qu'une entente contractuelle de court terme, on s'assure que le médecin qui aura contracté, si je puis dire, donc convenu d'administrer, soit encore dans le paysage, sera actif. Encore là, que... on sait qu'il y a toujours un risque puis on se pose bien des questions là-dessus, mais on pourrait au moins aménager ça. On pense que, dans la plupart des cas, on pourra au moins satisfaire ce besoin des gens, qui est un besoin très, très, très réel.

• (13 h 40) •

Alors, maintenant, au niveau de la demande anticipée, malheureusement, l'amendement de Mme Wallin, sénatrice, n'a pas été retenu, la demande que la chambre a faite, parce qu'on a participé aussi souvent aux travaux de C‑7, et ça n'a pas été retenu. On a dit : Bien, on y verra plus tard. Malheureusement, plus tard, au fédéral, on a vu ce que ça donne, c'est beaucoup de temps, hein, on l'a vue, là, demande de prolongation au tribunal, une fois, deux fois, trois fois. Écoutez, là, pendant que les gens souffrent, pendant que les gens sont pris avec cette préoccupation-là, ils viennent de recevoir un diagnostic de problème de maladie affectant leur neurocognitif d'une façon grave, incurable, on sait qu'on est sur une trajectoire qui est bien connue, là... On va parler, par exemple, du cas de Mme Demontigny, avec l'alzheimer. Elle voudrait, Mme Demontigny, pouvoir coucher sur papier sa demande. Alors, la Chambre des notaires demande, effectivement, qu'on fasse droit à ça. Bon, actuellement, ce n'est pas permis au niveau du Code criminel. Est-ce qu'on peut essayer d'aménager quelque chose à partir des critères de l'article 241.2(3), etc., du Code criminel pour fonctionner à l'intérieur de ce délai de maladie naturelle... mort naturelle raisonnablement prévisible?

Là-dessus, évidemment, je trahis un petit peu le fait que je suis un des commissaires de la Commission des soins de fin de vie. La commission a fait une analyse très poussée du délai entre la demande et l'administration de ce soin, et, dans 98 % des cas, c'est un an ou moins, puis 1 % ou 2 %, allé à 18 mois. Donc, on pourrait, comme la commission l'a suggéré, regarder cette période temporelle comme étant une période où on pourrait aménager ce consentement anticipé, qu'on pourrait appeler «demande anticipée», et je vais vous dire pourquoi à l'instant, et ainsi satisfaire au Code criminel. Alors, on serait dans une période, donc, de mort naturelle raisonnablement prévisible.

On pourrait l'aménager en satisfaisant, évidemment, à la demande du Code criminel que ce soit une entente contractuelle, malheureusement, mais qu'on pourrait évidemment aménager de façon à, par exemple, s'assurer que le demandeur a eu toute l'information, divulguera, comme on l'a proposé, nous, dans la demande, que cette personne-là a consulté et qu'on mentionne ces consultations, l'existence de ces consultations à l'acte, qu'on détermine également les critères et les conditions, les circonstances dans lesquelles la personne voudra que le soin lui soit administré, ce qu'on appelle, nous, «le moment venu». Alors donc, toujours dans le respect du Code criminel, on peut aller plus loin avec... en aménageant.

Et, de plus, comme le conseil canadien des académies, qui a fait un travail formidable sur toutes ces questions-là, alors, particulièrement, le conseil suggérait fortement qu'un tiers de confiance soit impliqué dans le processus, et c'est aussi la position de la chambre. Alors donc, dans le document qui serait confectionné, on demande toujours qu'il soit obligatoirement notarié, pour des raisons que j'expliquerai tantôt, que ce document, effectivement, s'assure que tous ces points-là soient mentionnés. D'abord, c'est le rôle du notaire de s'assurer, hein, que la personne sait très bien ce qu'elle fait. Le seul fait qu'on exige un acte notarié, c'est déjà une première mesure de sauvegarde très importante.

Deuxièmement, le notaire a un devoir de conseil qui est très directif dans les obligations professionnelles du notaire, et c'est d'ailleurs à peu près le seul élément qui, souvent, revient dans les problèmes de déontologie, où le notaire, quelques notaires, parfois, en prennent un peu large avec le devoir de conseil. Donc, le devoir de conseil est crucial ici.

Et on va même plus loin, un peu comme pour les procédures devant notaire pour mettre à exécution un mandat de protection ou encore d'ouvrir un régime de protection, les notaires qui seront appelés à recevoir ces demandes devront avoir suivi une formation particulière, particulièrement concernant les éléments médicaux impliqués, de sorte que le notaire qui aura suivi ça aura une accréditation. Donc, pour la protection du public, on voit... on va plus loin et on veut s'assurer que le notaire qui recevra ces demandes saura de quoi il s'agit, saura comprendre le diagnostic, saura comprendre... sera capable de discuter avec les professionnels de la santé de la personne pour bien la conseiller.

Le notaire, c'est un spécialiste du consentement, hein? Je vous disais tantôt que c'est très rare qu'un acte notarié est contesté. Pourquoi? Parce que le notaire a développé, évidemment, au cours, je dirais, presque des siècles, puisque la profession est plus que millénaire, donc, les outils pour être capable de s'assurer qu'un consentement est valablement donné puis il est donné d'une façon éclairée. Alors, je vous disais tantôt que, dans l'acte, on propose qu'effectivement les démarches d'information de la personne soient bien mentionnées d'une façon très claire, identifier ses sources d'information, au besoin, même, d'avoir un échange avec le médecin de la personne.

L'autre grande qualité de l'acte notarié, c'est la précision de sa rédaction. Le conseil canadien des académies mentionne qu'effectivement, pour le personnel soignant, pour le professionnel qui sera appelé à administrer l'aide médicale à mourir, il a besoin d'être rassuré quant à la détermination, la volonté, l'expression de la volonté de la personne, également des circonstances et conditions dans lesquelles devra se produire l'administration de l'aide médicale à mourir, ce qu'on appelle «le moment venu». Alors donc, la rédaction précise est absolument primordiale.

Alors donc, encore une fois, on pense que le notaire est, là-dessus... a prouvé depuis bien longtemps qu'il était un expert dans la rédaction des documents juridiques. Alors donc, le notaire prendra soin, effectivement, de faire un... dresser un état de situation de la personne et s'assurer des conditions. Par exemple, la personne pourrait dire : Lorsque je ne reconnais plus mes proches, quand elle ignorera son état, ignorera même son identité, qu'elle ne sera plus capable de voir à ses activités domestiques, aux activités de la vie quotidienne... Bref, cette description viendra conforter le soignant qui sera appelé à administrer l'aide médicale à mourir.

On ajoute, nous, la présence d'un tiers de confiance, j'en ai parlé tantôt. Pourquoi? Bien, d'abord, c'est une façon de partager un peu le fardeau de cette décision qui sera difficile, parce qu'on sera appelé à l'appliquer peut-être un an ou deux... Là, actuellement, on essaie de demeurer dans le cadre d'une mort raisonnablement prévisible, mais on espère que le gouvernement du Québec fera des représentations au niveau de ses homologues fédéraux, le ministère de la Justice fédéral pour justement modifier, mais, dans l'instant, travaillons dans le cadre qui nous est donné. Alors donc, d'avoir ce tiers de confiance qui sera un proche, qui aura accompagné pendant toute cette période entre la signature de l'acte et le moment venu pour conforter l'équipe soignante, pour dire : Oui, cette personne n'a jamais retiré cette volonté qu'elle a exprimée, elle a toujours dit : Écoute, quand je ne serai plus là dans ma tête, là, vas-y, et je te demande de voir à ce que ça soit fait.

Il faut comprendre que ce n'est pas le tiers qui prend la décision, en bout de ligne, c'est le professionnel de la santé. Ici, au Québec, c'est le médecin, mais on comprend que ce tiers sera celui qui allumera, en quelque sorte, la mèche pour dire au personnel soignant, au médecin : Bien, voici, le moment est venu, quant à nous, vous êtes à même de constater que les conditions, les circonstances que le demandeur a faites sont bien présentes.

Alors, je pense qu'encore une fois la présence de ce tiers est un élément très important. Et ce tiers, pour éviter qu'il se décharge un peu, en disant : Savez-vous, moi, je ne savais pas ce que c'était, quand j'ai accepté ça, on va demander qu'il ait fait... qu'il ait eu une rencontre, une consultation psychosociale pour qu'il comprenne ce que ça va impliquer pour lui émotivement, à un moment donné, de dire : Vous savez, médecin, je pense que c'est le temps qu'on respecte puis on mette à exécution les volontés. Alors, il y a toujours une charge émotive importante, et donc on aura soin, donc, de s'assurer que le tiers aura fait cette consultation et qu'il viendra s'engager à voir au respect de cette volonté dans l'acte ou dans un acte subséquent, s'il n'est pas disponible au moment de la signature de l'acte par le demandeur.

Alors, voilà pour la demande. Rapidement, je termine avec les directives médicales anticipées. Je ne l'ai pas mentionné tantôt, mais j'étais un des membres du groupe de travail ministériel qui a défini le fameux formulaire. Alors, on a travaillé avec la connaissance qu'on avait à l'époque, mais aujourd'hui plusieurs estiment qu'on devrait l'élargir. En tout cas, on peut constater que c'est presque un échec monumental, après plus de cinq ans, qu'il y ait à peu près 60 000 inscriptions au registre de la Régie de l'assurance maladie du Québec. On comprend, là, que ça n'a pas levé. Et il y a des secteurs, d'ailleurs, comme, par exemple, dans la région métropolitaine de Montréal, ça ne lève pas fort non plus. Alors, il y a probablement des problèmes de culture pour les communautés ethnoculturelles, etc., donc il y a un travail à faire. Et malheureusement, à l'époque, le gouvernement devait allouer certaines ressources financières pour faire connaître, parce que dans le projet de loi n° 2 ou n° 52, c'est la seule mesure qui touche vraiment tout le monde, qui touche tous les citoyens. On leur dit : Planifiez vos soins, ce que vous voulez faire, qu'on vous fasse, qu'on prenne soin de vous, qu'on... les soins que vous ne voulez pas avoir, que vous refusez, et on donne une valeur contraignante à ça. Alors, j'imagine, tantôt, dans la discussion, on aura à savoir est-ce qu'on est contraignants ou pas pour la demande, là. Alors, ça, je laisse ça à notre discussion tantôt.

Ce qui est certain, c'est qu'il faut, Mme la Présidente, il faut qu'on revienne sur cette question des DMA pour qu'on puisse vraiment en faire un outil abordable et qui soit, dans le fond, non pas dans un registre de la RAMQ mais dans le DSQ, donc le Dossier de santé du Québec. Merci.

• (13 h 50) •

La Présidente (Mme Guillemette) : Parfait. Merci beaucoup, Me Lambert. Je céderais la parole à la députée de Joliette.

Mme Hivon : Oui. Bonjour, Me Lambert, heureuse de vous voir, Me Fafard. Donc, j'ai un gros cinq minutes, on va y aller rondement. Effectivement, pour les DMA, je suis bien d'accord avec vous, donc, ce n'est pas au coeur de notre mandat. On pourrait en jaser longtemps, mais autant sur le formulaire qui devrait être revu et repensé que sur l'importance de faire connaître ce mécanisme-là pour les refus de traitement, c'est vraiment essentiel, selon moi, et je partage complètement vos conclusions, mais ce sera pour un autre débat.

Aujourd'hui, c'est ça, je veux vraiment vous entendre, je pense que c'est très intéressant ce que vous nous dites. Comment s'assurer... Je voulais vous amener vraiment sur la question de la demande anticipée, là, potentiellement, pour l'aide médicale à mourir. Donc, on a entendu plusieurs experts avant qui nous ont dit : Il faudrait un diagnostic, un peu comme le groupe, donc, Maclure-Filion, là, d'experts le recommande, et il faudrait vraiment impliquer un médecin pour que quelqu'un vienne préciser avec le plus de détails possible ce qu'il entrevoit pour la suite. Vous allez dans le même sens en nous disant : Il faut vraiment que ce soit détaillé.

Moi, je veux juste comprendre. Pour moi, il y a comme un trio, là, c'est-à-dire, si un notaire joue un rôle dans tout ça, évidemment, ce n'est pas lui qui a la science médicale. Ça fait que, là, vous nous dites aujourd'hui : Ça serait des notaires spécifiques qui pourraient avoir une accréditation, mais ça ne leur donne pas nécessairement leur cours de médecine, on se comprend.

M. Lambert (Jean) : Tout à fait.

Mme Hivon : Donc, dans votre compréhension, comment on articule ce travail-là, je dirais, avec le médecin, là, très concrètement, là? Parce que je veux comprendre aussi comment vous le voyez. Là, vous nous avez dit : On pourrait consulter un médecin au besoin. Mais les gens nous disent souvent, les experts médicaux nous disent : Il faut vraiment connaître le détail de la maladie, là, pour être capable de bien guider la personne. Donc, comment on articule ça?

M. Lambert (Jean) : En fait, ce qu'on... on l'a mentionné, mais, encore une fois, comme je vous dis, on est perfectibles dans notre proposition. Ce qu'on veut, c'est qu'il y ait eu vraiment une connaissance poussée, fine du diagnostic et aussi des conséquences de la pathologie, que le demandeur, donc, ait eu cette consultation.

Est-ce que le notaire a besoin d'être là et présent? Je n'ai rien contre le fait qu'un médecin soit... accompagne son patient ou sa patiente au moment de la signature de l'acte de demande d'administration de l'aide médicale par anticipation, mais je ne crois pas que les médecins se rendent facilement disponibles, parce qu'ils sont déjà débordés. Alors, un peu comme nous le faisons pour les DMA pour l'acte notarié, contrairement au formulaire du ministère, là, du ministre, prescrit par le ministre, nous, le notaire doit d'abord, avant de procéder à la signature de ces DMA, il doit avoir une conversation, un échange sérieux avec son client, lui demander de consulter des sources, de consulter des professionnels de la santé avant de dire : Je refuse la dialyse, ou je refuse d'être réanimé, ou... bon, voilà. Et, lorsque nous recevons l'acte, ces démarches-là spécifiques doivent être énoncées à l'acte, on veut être certain que ça a été fait, et la personne, donc, nous le donne.

Si c'est... on n'a pas ça et que la personne, qui sait, n'est pas elle-même une professionnelle de la santé, bien, le notaire refuse, il ne va pas plus loin. Donc, déjà là, c'est une mesure, je pense, de sauvegarde intéressante. Donc, on applique le même principe, à la demande d'aide médicale par anticipation, que la personne ait reçu vraiment toute l'information. On peut même demander au médecin, comme ça arrive des fois dans le cas des ouvertures de régime de protection, que le médecin nous fasse rapport dans une lettre, nous dire quelle... de quelle pathologie il s'agit et quelles sont les conséquences. Et ça, ça pourrait être annexé à notre acte.

Donc, on voit ici que, contrairement à toute autre forme où ça peut se faire sur le coin d'une table ou rapidement par du monde qui sont pressés, nous, on dit : Un instant, c'est extrêmement important, c'est un acte très sérieux, et on va prendre le temps, il y a des démarches préalables. On ne fera pas ça à la sauvette, évidemment, après qu'il y aura un diagnostic. Est-ce qu'on parle d'un 90 jours? Je pense que ça ne dérange pas grand monde, là, ce délai-là de 90 jours n'est pas pertinent, je pense, dans notre affaire. Mais, lorsque la demande sera faite, il y aura eu des démarches, et la personne, comme Mme Demontigny, aura une très bonne connaissance de quoi il s'agit. Et le notaire aura aussi, par sa formation, comme on l'a fait, par exemple, pour les régimes de protection...

Moi, j'avais dit à l'époque que les notaires, arriver auprès d'une personne vulnérable qui est en institution et qui, des fois, on lui demande : Comment allez-vous?, qui nous répond : La planète Mars est verte, on comprend que ce n'est pas habituel comme situation. Alors, moi, pour l'avoir vécu dans ma pratique, c'est... j'avais souhaité que la chambre et le ministère imposent cette condition, et ça a été le cas. Et, pendant deux jours, les notaires qui sont accrédités ont reçu une formation d'un psychiatre. Et ils n'ont pas fait des psychiatres, bien sûr, mais au moins le notaire est outillé pour comprendre, pour avoir... être capable de comprendre ce que le travailleur social met dans son rapport d'évaluation psychosociale, est capable de comprendre le diagnostic que le médecin lui transmet dans sa lettre qui est requise par la loi. Alors, on applique le même principe pour que le notaire sache de quoi il en retourne.

Et on veut que ce soient des notaires aussi qui vont avoir le goût de s'impliquer dans ce genre d'affaires là. Ce n'est pas tout le monde, là, qui est prêt. Il y en a qui sont très mal à l'aise parmi les notaires, comme toute autre personne dans la société, avec ces sujets-là. Mais ceux qui auront l'accréditation, c'est parce qu'ils auront le goût, ils auront également l'intention de se perfectionner, de savoir, de se tenir au courant de ce qui se passe dans ce domaine-là.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup, Mme la députée. Merci, Me Lambert. Je céderais maintenant la parole à la députée de Saint-François.

Mme Hébert : Merci beaucoup, Mme la Présidente. M. Lambert, juste pour revenir, là, sur la réponse que vous avez donnée à ma collègue la députée de Joliette, je veux juste être sûre, vous avez besoin d'une preuve écrite que la personne a fait ses démarches quand qu'elle va rédiger...

M. Lambert (Jean) : Bien oui, parce que la... c'est le meilleur moyen, parce que quelqu'un peut arriver, nous dire : Oui, oui, notaire, je l'ai fait, ça. Bon, on a vu ça dans d'autres circonstances aussi, et on exige d'avoir un écrit, on l'exige pour plein de choses. Par exemple, quelqu'un qui se présente pour dire : Je représente une entité, un club, une société, une entreprise, bien, on demande d'avoir des documents, prouvez-nous que vous avez cette autorité.

Alors, par contre, là, il arrive parfois, par exemple, lorsqu'on nous demande d'intervenir auprès de personnes qui sont très malades pour recevoir leurs dernières volontés, et là on va demander que le médecin traitant, le médecin qui suit cette personne-là nous certifie que, d'après lui, cette personne-là a encore la maîtrise de ses neurones, qu'elle comprend, qu'elle a encore une capacité. Ça n'empêche pas le notaire que la journée, comme ça m'est déjà arrivé, où j'ai rencontré la personne, elle ne savait même pas ce que j'étais venu faire dans sa chambre. Alors, je n'ai pas besoin de vous dire qu'on n'a rien signé.

Alors donc, d'avoir un écrit, bien sûr que ça fait... on le demande dans toute autre question d'ordre patrimonial, à plus forte raison lorsqu'il s'agit de la santé et surtout de la mort d'une personne.

• (14 heures) •

Mme Hébert : Parfait, merci. Puis je vous amène... Vous demandez d'imposer l'acte notarié pour faire une demande anticipée d'aide médicale à mourir, mais pensez-vous que ça va ajouter un fardeau aux patients qui doivent passer à travers tout ce qui est les complications bureaucratiques, techniques par rapport à ces conditions-là? Puis je me questionne à savoir, les coûts, est-ce qu'on ne va pas restreindre à une certaine clientèle?

M. Lambert (Jean) : Bon, alors, premièrement, pour la lourdeur, je ne crois pas qu'il y ait de lourdeur, hein? On comprend... Prenons le cas de Mme Demontigny, parce je pense qu'il est très utile. Alors, je suis certain que Mme Demontigny, si on lui dit : Votre notaire peut recevoir votre demande, alors il va vous expliquer tout ce que vous avez à faire, et, lorsque ça sera fait, vous allez revenir le voir, et là on va consigner dans un acte, et ça va vous permettre d'atteindre l'objectif que vous voulez... Alors, moi, je ne vois pas de lourdeur là-dedans. De toute façon, il devra y avoir un écrit quelconque.

Alors, prenons... au Québec, on a cette richesse d'avoir un écrit qui est incomparable au Canada. Il n'y a pas d'autre écrit qui a cette force juridique, de sécurité juridique, que l'acte notarié qui... soit dit en passant, les notaires est la seule véritable particularité du Québec. On parle français ailleurs au Canada, il y a des sapins, des lacs, mais des notaires, il y en a seulement qu'au Québec. Alors donc, utilisons cet outil-là.

Maintenant, la question des coûts, d'abord, premièrement, on ne parle pas de milliers de dollars, on parle de sommes quand même relativement raisonnables par rapport à l'objectif visé. Deuxièmement, les personnes qui n'auraient pas les moyens pourront se prévaloir, je pense bien, de l'aide juridique. Il faudrait aménager cette... la loi d'aide... (panne de son).

La Présidente (Mme Guillemette) : On va suspendre quelques instants. On a un petit pépin technique.

(Suspension de la séance à 14 h 02)

(Reprise à 14 h 03)

La Présidente (Mme Guillemette) : Vous pouvez continuer, Me Lambert.

M. Lambert (Jean) : Alors donc, je mentionnais, au moment où la technique nous a quittés, que l'aide juridique pourrait, à ce moment-là, être mise à contribution. On ne parle pas, quand même, de dizaines de milliers de personnes, là.

Maintenant, l'État pourrait aussi décider que c'est un intrant au même titre, par exemple, que les coûts du pharmacien ou d'autres professionnels qui sont... qui entourent l'aide médicale à mourir. Alors, ça, je pense qu'on pourra discuter ça, mais je ne crois pas que les coûts soient un élément qui prive la sécurité que peut apporter l'acte notarié dans la demande d'aide médicale à mourir par anticipation, alors que c'est la sécurité et conforter plein de personnes, y compris, c'est très important, le personnel médical qui aura à respecter et avoir à administrer le soin, conformément à la volonté de la personne.

Mme Hébert : Merci.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci, Mme la députée. Donc, je passerais la parole à la députée de Soulanges.

Mme Picard : Bonjour, Me Lambert. Vous recommandez d'avoir un tiers qui, au moment précis, peut déterminer que le soin pourrait être prodigué. Qu'arriverait-il si ce tiers, cette tierce personne là, décide d'ajourner ad nauseam le moment de l'aide médicale à mourir? Est-ce que vous, vous pourriez être mis à contribution? Est-ce que vous seriez interpelé ou... Comment vous voyez cette situation-là?

M. Lambert (Jean) : Bon, premièrement, en titre préventif, on demande que, justement, le tiers de confiance ait consulté une ressource psychosociale pour savoir exactement à quoi il s'engage. Deuxièmement, lorsqu'il va s'engager à respecter les volontés de la personne qui lui demande d'être son tiers de confiance, d'abord, premièrement, c'est certainement un proche, une personne qui a un intérêt très particulier pour cette personne qui lui demande de lui rendre ce service. Alors, déjà là, c'est un peu comme...

Par exemple, au départ, on croyait beaucoup qu'il y aurait des familles qui se seraient opposées aux demandes d'aide médicale à mourir. Or, ce qu'on voit dans les formulaires des médecins, qu'ils nous envoient à la commission, c'est... au contraire, c'est l'appui de la famille. Alors, on avait cette appréhension-là au départ, puis c'était compréhensible, mais maintenant, cinq ans plus tard, on s'aperçoit que ces craintes n'étaient pas fondées.

Je reviens toujours à votre question. Dans l'hypothèse, tout de même, où un tiers de confiance déciderait de ne pas suivre les instructions et la volonté de la personne, bien, d'abord, un, il y a des proches qui sont au courant, parce qu'on va demander à la personne, et ça, ça fait partie des déclarations qui devront être à l'acte, qu'elle a bien informée son entourage de cette demande. Il reste aussi le médecin, parce qu'actuellement on comprend qu'on sera à l'intérieur des balises du Code criminel, donc ça sera un médecin qui sera identifié, hein? On parle de notre demande dans le cadre des 18 mois, là. Alors donc, le médecin ou le médecin et un substitut... parce qu'on proposera qu'il y ait également un substitut pour essayer d'éviter la difficulté du médecin qui est malade la journée où il doit s'exécuter, alors donc, on aurait un substitut... alors donc, déjà là, des gens qui pourront intervenir et, au besoin, de s'adresser au tribunal. On comprend qu'on sera dans de rares cas d'exception, de s'adresser au tribunal, justement, pour que le médecin puisse procéder.

Mais, encore là, et ça reste à étudier, allons-nous avoir besoin de ce recours au tribunal? Parce que, comprenons-nous bien, le tiers de confiance est un rouage très important, mais il n'est pas l'essentiel, le rouage essentiel. En bout de ligne, c'est le médecin et, si jamais on élargit, l'infirmier et l'infirmière clinicienne. La décision, elle leur appartient. Alors donc, le tiers de confiance qui n'exécute pas son engagement n'empêche pas la réalisation des volontés de la personne. Mais on comprend encore qu'on sera dans de très rares cas.

Mme Picard : Dans le cas d'un mandat d'inaptitude que vous faites en ce moment, là, avec vos personnes qui viennent à vos bureaux, est-ce qu'il y a une tierce personne aussi qui est impliquée dans votre mandat d'inaptitude?

M. Lambert (Jean) : C'est le mandataire et, souvent, le mandataire et un mandataire substitut, alors... et c'est toujours un proche ou une personne qui a manifesté, pendant de longues années, un intérêt pour le majeur qui fait son mandat, parce qu'il arrive quand même des cas où le mandant n'a pas de proche, de famille, des gens qui, par exemple, sont des immigrants ici et qui n'ont pas de famille proche. Alors, on comprend que, pour être mandataire, ça se passe assez difficilement, si la personne est en Afrique ou en Europe, alors que la personne est ici et a besoin de soins, par exemple, de décisions médicales.

Mme Picard : Donc, vous voulez vraiment qu'on se colle au mandat d'inaptitude en ce moment, là, un petit peu la même formule.

M. Lambert (Jean) : Bien, ça a prouvé que ça fonctionnait depuis... Regardez, c'est entré en vigueur le 2 avril 1990, puis je ne pense pas qu'il y ait eu de drame. Et la procédure devant notaire qui a été adoptée par le législateur en 2002, qui est entrée en vigueur, là non plus, le ciel n'est pas tombé sur la tête de personne. Et là on évite le tribunal aux gens. Tout se passe dans notre bureau, c'est le notaire qui va interroger la personne plutôt que ça soit un greffier, une personne qui est généralement inconnue de la personne en cause, de la mandante.

Alors donc, la formule a bien fonctionné. Elle a même été adoptée ailleurs, en France, qui nous a copié... qui nous ont copiés là-dessus. Alors, je pense que c'est... on doit, à ce moment-là, effectivement, faire hommage à ce précédent.

• (14 h 10) •

Mme Picard : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci, Mme la députée. Je céderais maintenant la parole au député de Mégantic.

M. Jacques : Oui, bonjour, maître. Je veux revenir encore sur le mandat d'inaptitude, là. Vous avez parlé de Mme Demontigny, entre autres, qui pourrait faire, dans le fond, dans un genre de mandat, une demande anticipée. Pour vous... Ce n'est pas comme ça que vous l'avez dit?

M. Lambert (Jean) : Non, c'est un acte à part.

M. Jacques : Un acte à part?

M. Lambert (Jean) : Oui, oui, oui. Je pense qu'actuellement notre loi est claire, on ne peut même pas le faire dans des DMA, c'est un acte qui... la demande d'aide médicale à mourir, c'est un acte distinct, et je pense qu'il est bon que ça demeure. Je sais qu'il y en a qui voudraient inclure ça dans des DMA. Bon, on peut toujours voir, mais je pense que les DMA devraient demeurer ce qu'ils sont, en les élargissant, et que la demande médicale à mourir par anticipation...

Il faut comprendre, là, on s'en vient dans un contexte qui est très particulier, hein? C'est une volonté qui va s'exécuter... bon, actuellement, on parle d'à peu près deux ans ou 18 mois. On espère qu'un jour ça pourra être un peu plus large pour, par exemple, faire droit à une demande comme celle de Mme Demontigny. Mais actuellement, donc, vu la spécificité, le caractère tout à fait particulier, je pense que, pour ceux qui auront à exécuter, ils n'ont pas à se mêler de savoir que la personne va aussi faire les affaires bancaires, qu'elle pourra vendre le chalet, qu'elle pourra aller ouvrir le coffret de sûreté. Je pense que non, on n'a pas besoin de mêler ces choses-là. Il faut que ça soit un document distinct, solennel et par une personne, un notaire accrédité, ce qui n'est pas le cas pour le mandat de protection.

M. Jacques : O.K., bon, je continue là-dessus. Moi, personnellement, O.K., je ne suis pas malade aujourd'hui. J'aimerais faire... Bon, là, vous dites que ce n'est pas un mandat, là. J'aimerais faire une demande d'aide médicale à mourir dans le cas particulier que j'aurais une maladie ou un accident cérébral vasculaire qui ne me permettrait plus de rien faire. Comment vous voyez ça? Est-ce que ce serait possible? Est-ce que c'est une idée qui pourrait être avancée? Est-ce qu'on pourrait avancer dans tout ça, ou vous pensez que ce n'est vraiment pas là qu'il faut aller?

M. Lambert (Jean) : Bon, actuellement, évidemment, puis là j'aime toujours ça donner ça d'une façon colorée, ce n'est pas en jouant aux cartes le samedi soir puis dire : Aïe! écoute, là, t'as-tu fait ta demande anticipée? Non, non. Je pense que, justement, le sujet est tellement particulier et précis qu'il doit être balisé. Et la première balise, c'est que la personne doit avoir reçu un diagnostic, et un diagnostic d'une maladie qui affecte son cognitif, une maladie grave, une maladie irréversible, incurable, et qui reçoit toute l'information relative à cette pathologie et ses conséquences. Et c'est à ce moment-là qu'on ouvre la possibilité à cette personne de faire la demande.

Je sais que bien des gens trouvent que c'est chinois, probablement parce que l'acceptation sociale de l'aide médicale à mourir a été surprenante au Québec, mais il demeure que quelqu'un met fin à la vie d'un autre. Alors, il ne faut jamais oublier qu'en arrière-plan, là, c'est toujours là, là. Et, si on ne respecte pas un cadre formel, solennel, on se retrouve à tuer une personne. On devient, comment dirais-je, un client du Code criminel. Je ne pense pas qu'il n'y ait personne qui est intéressé à ça.

M. Jacques : Oui, bien, je comprends votre position, là. Par contre...

M. Lambert (Jean) : Ce n'est pas juste la mienne, si vous me permettez. Entre autres, le conseil canadien des académies et nous aussi, à notre groupe d'experts de la chambre, on a discuté de cette question-là et on a vu qu'il y avait beaucoup de difficultés. Peut-être que, dans quelques années, M. François, on y viendra, mais, pour le moment, déjà, de permettre à Mme Demontigny de faire cette démarche, là, ça va être déjà un progrès énorme.

M. Jacques : Oui, parfait. Bien, je ne sais pas si... je pense qu'il y a d'autres collègues qui voulaient parler, là. Je vais les laisser...

La Présidente (Mme Guillemette) : Oui, effectivement. On continue nos échanges avec la députée de Maurice-Richard.

Mme Montpetit : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, maître. Très heureuse de vous entendre, de vous rencontrer aujourd'hui. Très clair, votre mémoire est limpide, comme on pourrait mentionner. J'ai plusieurs questions, en fait, qui ont été... qui me sont venues à l'esprit, en fait, en vous écoutant aussi, dans les échanges que vous avez eus avec mes collègues, entre autres sur la question de la tierce personne, du tiers de confiance, comme vous l'avez appelé, tiers décideur ou... plusieurs, plusieurs questions à cet effet-là. Puis vous me ferez la différence entre le tiers décideur et le tiers de confiance. Je vous vois hocher de la tête.

Premièrement, il y a certaines personnes qui peuvent se retrouver dans des situations, justement, où... puis là je sais que vous avez mentionné, bon, des personnes qui pourraient être isolées, qui n'ont pas ce tiers de confiance là ou qui pourraient se retrouver dans une situation où les gens qui sont autour d'elles ne sont pas à l'aise de jouer ce rôle-là. Je comprends bien que vous recommandez que c'est souhaitable qu'il y ait cette tierce personne là dans la relation, mais que ce n'est pas obligatoire, parce qu'il y a des situations où ça pourrait ne pas être possible ou ça pourrait amener un fardeau supplémentaire à la personne, là.

M. Lambert (Jean) : Effectivement, il peut arriver qu'une personne qui formule cette demande n'a pas de proche, n'a pas de personne qui lui manifeste un intérêt. Alors, est-ce qu'à ce moment-là on devrait demander au Curateur public d'être le tiers? Je ne suis pas certain. En tout cas, actuellement, dans sa loi, il ne pourrait pas accepter ce mandat. C'est pourquoi qu'on dit que la présence d'un tiers, très souhaitable, n'est pas essentielle.

Deuxièmement, ce n'est pas le tiers qui décide. C'est pour ça que j'ai hoché de la tête, là, ce n'est pas un tiers décideur. Je donne l'image de dire : Il allume la mèche, c'est-à-dire que lui, il suit, hein? On dit : On souhaite que ce soit une personne qui soit dans une certaine intimité avec la personne qui a demandé l'aide médicale par anticipation, donc qui suit, qui lui parle régulièrement, etc., et qui, à un moment donné, va dire au personnel soignant et, disons, au médecin de la personne : Je pense qu'on est arrivés au moment venu. Vous êtes à même de voir qu'elle ne reconnaît plus personne, elle n'est plus capable de s'alimenter elle-même, elle ignore tout à fait qui elle est, ne connaît pas son état, pas capable de pourvoir à ses besoins sanitaires, etc., alors... mais c'est, en définitive, le professionnel de la santé qui va confirmer si, effectivement, ces circonstances, ces conditions-là sont présentes, et c'est celui qui va administrer, qui, en définitive, prend la décision.

Alors, le tiers est là, dans le fond, pour partager, parce qu'on reconnaît que, pour une seule personne, médecin ou infirmière ou infirmier clinicien, de prendre cette décision, c'est une décision qui est lourde, et c'est une décision qui sera plus facile à prendre pour ce professionnel de la santé si une personne proche de la personne à qui on veut lui administrer pour respecter ses volontés qui... puisse lui dire : Non, elle n'a pas varié, elle a toujours maintenu, tant qu'elle était assez lucide, elle m'a toujours dit : Là, n'oublie pas, là, quand ça va être le temps, là, je veux que tu leur dises, là, qu'ils passent à l'action.

Mme Montpetit : Puis dans cette... je ne sais pas si on peut l'appeler une triade : notaire, proche et professionnel, comment on peut... Parce que j'imagine qu'on peut supposer qu'il pourrait y avoir des situations, justement, où le point de vue ou l'évaluation du tiers de confiance n'est pas nécessairement la même que celle du professionnel de la santé, là. Je sais, on a échangé tout à l'heure sur qu'est-ce qui arrive si un tiers ne souhaitait pas, justement, ou, en tout cas, reportait la décision. Je pense vous avez été bien clair là-dessus. Mais comment l'arbitrage se fait, ou comment on réconcilie, justement, une évaluation qui ne serait pas la même?

Parce que vous avez cité à plusieurs reprises Mme Demontigny. Puis vous avez sûrement eu l'occasion, peut-être, d'entendre son témoignage quand elle est venue jeudi dernier. Puis elle nous parlait vraiment, elle, de sa relation avec son tiers de confiance, qui est une amie qu'elle connaît depuis 20 ans. Puis elle a dit : Elle me connaît, yeux dans les yeux, même quand je ne serai plus apte, elle sera capable, elle, par la proximité qu'on a, d'indiquer le moment où... le moment venu, comme vous l'appelez, les circonstances dans lesquelles elle souhaite... Et, si, dans une situation comme ça, justement, le professionnel n'avait pas la même lecture, est-ce que c'est au niveau, justement... c'est le notaire qui... Comment vous voyez ça, en fait, une situation comme ceci?

• (14 h 20) •

M. Lambert (Jean) : Rendu à ce moment-là, le notaire n'a pas de rôle à jouer, là. Lui, là, ce qu'il avait à faire, c'est, si je peux dire, mettre la table et s'assurer que tous les éléments pour que... lorsque le temps venu sera effectivement arrivé, à ce moment-là, que les gens qui auront à agir et prendre les décisions seront outillés pour le faire. Donc, pour le cas de situations que vous mentionnez, Mme Montpetit, il reste que c'est le professionnel, en bout de ligne, qui doit poser ce geste professionnel et prendre la décision. Donc, ce n'est pas le tiers de confiance qui peut peut-être dire : Moi, je pense que c'est le temps de l'arrivée, c'est le professionnel.

Ceci étant dit, c'est qu'actuellement, à cause de cet article du Code criminel qui demande que ça soit une entente contractuelle qu'on va aménager, évidemment, parce qu'on va la bonifier, mais il reste qu'en bout de ligne, c'est une entente entre le demandeur ou la demanderesse et un médecin, ou un médecin et un médecin substitut, qui devront procéder à telle date, encore là, que je pense qu'il y a moyen d'aménager, hein? Moi, j'ai toujours été admiratif du travail qui a été fait sous l'égide de Mme Hivon. C'est d'avoir trouvé qu'on était dans le domaine du soin, alors qu'on n'avait pas encore l'arrêt Carter, hein, je vous le rappelle. Donc, je pense qu'il y a moyen d'aménager ces dispositions du Code criminel.

Mais, pour le moment, on a ça, et le professionnel qui sera partie à cette entente, s'il décide qu'il ne procède pas, je pense qu'à ce moment-là il y aura peut-être des recours de demander au tribunal de prendre la décision et d'indiquer à un autre médecin de procéder. Alors là, ça devient l'intervention du tribunal. Comme on le fait, par exemple, pour la protection du malade mental, c'est le tribunal, à un moment donné, qui va prendre certaines décisions, mais on comprend qu'on sera dans des cas très rares. Donc, il ne faudrait pas priver la grande majorité des gens juste parce que, peut-être, on va avoir un ou deux cas d'exception.

Mme Montpetit : Parfait. Je voudrais revenir aussi à la formation du notaire. C'est ça que vous nous avez parlé. Puis ma collègue de Joliette l'a évoqué précédemment, mais je voulais continuer l'échange avec vous sur... Vous avez parlé d'avoir des notaires qui auraient une accréditation spécifique, une formation particulière pour bien comprendre le diagnostic, donc là, bien comprendre les diagnostics, parce qu'il n'est pas question seulement, nécessairement, de la maladie d'Alzheimer, là, il y a d'autres formes de démence ou de maladies graves, incurables, dégénératives. Vous voyez quoi comme formation? Donc, une formation qui serait faite a posteriori, c'est ce qu'on comprend, mais quel type de formation, quel type d'accréditation?

M. Lambert (Jean) : Alors, très simplement, si la loi québécoise est modifiée pour effectivement faire droit à la demande anticipée et que l'acte devra être obligatoirement notarié, alors ça fera partie de la mise en application de cette disposition de la loi que des notaires devront être accrédités, tout comme on l'a fait lorsqu'on a confié aux notaires les ouvertures de régimes de protection ou de mise à exécution des mandats hors du tribunal. Donc, même principe.

Maintenant, pour définir quel sera le contenu de cette formation, évidemment, la chambre vous communiquera... va échanger avec ses partenaires, dont le Collège des médecins, des professionnels qui sont particulièrement au fait de ces maladies et de ses évolutions. Et ce que le notaire aura besoin de savoir, c'est d'abord de se familiariser avec la terminologie médicale, d'aisément être capable de comprendre des conséquences qu'une pathologie peut avoir pour être capable d'échanger avec la personne pour s'assurer que... à l'aide de quelques questions, que cette personne-là a bien consulté, qu'elle est bien informée et qu'elle va donner un consentement éclairé.

Mais, comme Mme Hivon l'a bien souligné, il ne s'agit pas de faire un médecin du notaire, hein? Alors, ce n'est pas avec une formation de trois ou quatre jours qu'on va atteindre cet objectif-là. Et d'ailleurs ce n'est pas ce qui est souhaité. Ce qui est souhaité, c'est que le notaire sache de quoi on parle, de quoi il s'agit, quelles sont les conséquences pour cette personne, d'être capable d'échanger pour être sûr que cette personne-là comprend ce qu'elle fait et connaît les conséquences pour cette personne, d'être capable d'échanger pour être sûr que cette personne-là comprend ce qu'elle fait et connaît les conséquences de son geste, alors la même chose que pour l'aide médicale à mourir.

Mme Montpetit : Parfait. Puis vous... un élément qui me questionnait dans ce... quand vous avez parlé, justement, de la relation du notaire avec le médecin, bon, vous faisiez référence aux directives médicales anticipées, mais encore là c'est des... aux DMA, pardon, qui vont être... quand elles sont... Elles ne sont pas faites dans le contexte d'une maladie, alors que, quand on parle de consentement anticipé, elles sont vraiment dans le contexte où la personne vient vous voir, elle a un diagnostic de maladie grave, par exemple, incurable, dégénérative. Est-ce qu'il n'y a pas une notion de secret professionnel aussi? Quand vous dites : Le notaire pourrait être amené à avoir une discussion avec le médecin du patient pour valider certains éléments... puis je ne veux pas mal vous citer, là, mais j'avais l'impression que c'était un peu à ça que vous référiez quand vous disiez : Il va venir valider la gravité, il va venir valider la situation. Est-ce qu'il n'y a pas un enjeu de secret professionnel entre le patient et son médecin?

M. Lambert (Jean) : Alors, écoutez, le secret professionnel, quel que soit le professionnel au Québec, le secret professionnel est la propriété du client, du demandeur, du patient, pas du médecin, pas du notaire. Donc, si le patient dit à son médecin : J'aimerais ça que tu participes à une rencontre avec le notaire parce qu'il veut s'assurer que je comprends bien, alors il n'y en a pas, de problème, il n'y a pas de problème de secret professionnel. L'acte qui va être rédigé par la suite demeure encore un acte privé, doté de... couvert par le secret professionnel, et il appartient à la personne, le client, d'en faire part à qui cette personne-là souhaite, parce que le secret professionnel lui appartient, pas au notaire.

Mme Montpetit : Parfait. C'est limpide. Je vous remercie. J'ai ma collègue de Westmount—Saint-Louis qui souhaiterait également échanger avec vous. Merci.

La Présidente (Mme Guillemette) : Parfait. Mme la députée.

Mme Maccarone : Je sais qu'il reste très peu de temps. Alors, bonjour, maître. Ma question, parce que j'ai du temps peut-être juste pour une question, c'est : Quelles mesures supplémentaires devront être mises en place pour protéger des personnes vulnérables lors de l'élargissement de l'aide médicale à mourir, comme, par exemple, pour les personnes en situation d'inaptitude, comme une personne qui souffre d'une déficience intellectuelle, par exemple? Parce qu'on veut s'assurer, évidemment, de la protection de ces personnes puis on ne veut pas les remettre dans une situation où ils sont encore plus vulnérables malgré qu'on aurait peut-être une tierce personne qui va s'impliquer à l'intérieur de ce dossier.

M. Lambert (Jean) : Bon, j'essaie de comprendre votre question. C'est qu'il est bien évident que, si la personne est déjà frappée d'inaptitude, d'incapacité mentale, là, il n'y en aura pas, de demande anticipée, là. Puis le notaire n'est pas dans le tableau, là, parce qu'il ne peut pas agir s'il n'est pas convaincu que le consentement est donné d'une façon éclairée, d'une façon... donné en toute connaissance de cause. Alors donc, ça, on met ça de côté.

Par contre, la protection d'une personne qui deviendra vulnérable par la suite, bien, écoutez, c'est le principe du mandat de protection. En 1988, quand j'ai proposé ça aux législateurs dans le cadre des travaux de la réforme du Code civil, à peu près tous les juristes, y compris les juristes de la Chambre des notaires, ont dit : Ça n'a pas d'allure, votre affaire, M. le président. Mais ils ont dit : Vous êtes le président, vous avez l'opportunité. Pourquoi? Parce que la procuration, celui qui la donne doit en tout temps être capable de vérifier si celui à qui il l'a donnée exécute bien. Dès l'instant qu'il perd cette faculté, le droit fait que la procuration cesse d'avoir une validité. Et là on proposait quelque chose qui prenait naissance, justement, lorsque l'inaptitude arrivait, puis ça a fonctionné.

Alors, je pense que c'est le même principe, actuellement, avec une demande anticipée. Et on n'est pas les seuls, les notaires, à être en faveur de ça. Je pense que, ce matin, dans le journal, le Collège des médecins... D'ailleurs, dans le temps du projet de loi n° 52, quand on discutait avec Mme Hivon, le collège avait déjà mentionné qu'il était d'accord avec ça, et il y a beaucoup de gens qui sont d'accord avec ça. Donc, je pense qu'on satisfait une très grande majorité de la population, hein? La Chambre des notaires a fait faire un sondage en 2019, au printemps, par Léger, et c'est 85 % des gens, des Québécois qui disent que, oui, on devrait pouvoir faire une demande anticipée dans ces circonstances-là.

Alors donc, pour les quelques rares cas d'exception, bien, on essaiera d'aller peut-être plus loin dans les mesures de sauvegarde, mais, déjà là, le fait que ce soit obligatoirement notarié, avec toutes les obligations du notaire et le formalisme auquel il est tenu, je pense que ça sera une mesure de sauvegarde bien suffisante.

Mme Maccarone : Alors, à votre avis...

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup, Mme la députée. Donc, je céderais maintenant la parole au député de Gouin.

• (14 h 30) •

M. Nadeau-Dubois : Merci, Mme la Présidente. Merci, maître. Mes collègues ont posé plusieurs des questions que je souhaitais poser, alors je vais vous en poser une seule, et, si mes collègues souhaitent vous en poser d'autres, mon temps est à leur disposition.

Qu'en est-il de la question du délai? Vous avez, un peu plus tôt dans votre témoignage, mentionné clairement que, pour vous, la demande anticipée d'aide médicale à mourir ne devrait pouvoir être faite que lorsqu'il y a un diagnostic clair, avec une maladie connue et une évolution relativement prévisible, donc maladie dégénérative grave et incurable. Dans ce sens-là, vous vous situez dans la continuité de la loi actuelle. Qu'en est-il de la question du délai? Est-ce que cette demande d'aide médicale à mourir anticipée pourrait être faite n'importe quand après l'obtention du diagnostic? Est-ce qu'elle devrait être réitérée par la suite? Est-ce qu'il devrait y avoir des balises temporelles ou si, peu importe le délai, dans le fond, entre le moment où la demande est faite et le moment où l'aide médicale à mourir est administrée, il ne devrait pas y avoir de limite? Est-ce que ce délai-là importe ou pas pour vous dans un contexte où ce sont des maladies dégénératives, où la condition des gens peuvent évoluer dans le temps, que leur propre perception de leur maladie pourrait également évoluer dans le temps?

M. Lambert (Jean) : Bon, on a discuté ce point-là dans notre groupe d'experts, et on s'est dit peut-être qu'annuellement on devrait demander qu'il y ait une espèce de renouvellement. Mais les gens autour de la table, il y en a qui... entre autres, en éthique médicale, ils ont dit : Mais de toute façon la personne qui va avoir un tel diagnostic va être suivie, va avoir des contacts réguliers avec le personnel médical, avec son médecin, ses spécialistes. Donc, elle est en mesure, continuellement, par le fait même, de retirer ce consentement-là parce que... ou cette demande, c'est-à-dire, parce que là on parle de demande, pour bien se situer dans ce que j'ai dit au tout début, donc peut retirer sa demande en aucun temps. Donc, le seul fait qu'elle ne le retire pas, dans le fond, c'est une façon de réitérer sa volonté.

Maintenant, s'il faut... s'il y en a qui disent : Bien, on veut blinder l'affaire encore plus... qu'il y ait une espèce de renouvellement qui se fasse, il faudra quand même que ça soit assez simple, il ne faut pas que ça soit trop lourd, mais, à ce moment-là, oui, c'est possible. Mais, encore là, je vous dis, la conduite même de la personne va inférer qu'elle n'a pas retiré sa demande.

Maintenant, vous avez... on parle de temps. Évidemment, actuellement, on fonctionne à l'intérieur de ce que le Code criminel nous permet. On parle de mort raisonnablement prévisible, et le législateur fédéral a bien pris soin de ne pas préciser ce que c'est. J'ai même entendu parler de gens au Canada anglais, où ils disent : Nous autres, la mort prévisible, ça peut être même quatre, cinq ans, hein, on connaît la trajectoire, imaginez, alors que ce n'est pas ça, là. La renonciation dans le temps, c'était un peu comme notre consentement. On travaillait dans le court terme, mais on sait qu'il y en a qui vont être imaginatifs, qui vont étirer l'élastique. Nous, on pense que l'intervention du législateur québécois doit justement empêcher que cet élastique se tire et donc de mettre au moins des balises.

Actuellement, on sait que la mort raisonnablement prévisible, si on regarde les demandes d'aide médicale à mourir qui ont été faites et administrées au Québec au cours des dernières cinq années, c'est un maximum de 18 mois, donc on est capable de fonctionner là-dedans. Idéalement, il faudrait que ça soit plus large, mais actuellement on va devoir fonctionner dans cette période temporelle.

M. Nadeau-Dubois : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup, M. le député. Merci beaucoup, Me Fafard et Me Lambert, pour ces précieuses précisions que vous nous avez faites aujourd'hui.

Donc, nous suspendons les travaux quelques instants, le temps d'accueillir nos nouveaux invités.

(Suspension de la séance à 14 h 33)

(Reprise à 14 h 40)

La Présidente (Mme Guillemette) : Donc, la commission reprend ses travaux, et nous accueillons maintenant le Collège des médecins du Québec avec le Dr Mauril Gaudreault et le Dr André Luyet.

Donc, merci et bienvenue. Vous aurez 20 minutes pour faire votre exposé. Par la suite, il y aura un échange avec les membres de la commission d'une période de 40 minutes. Donc, je vous cède la parole, messieurs.

Collège des médecins du Québec

M. Gaudreault (Mauril) : Merci. Merci, Mme Guillemette, chère présidente de la commission; Mme Marie Montpetit, vice-présidente; vous tous, membres de la commission, merci de prendre le temps d'entendre le point de vue du Collège des médecins du Québec. Je suis son président, Mauril Gaudreault, médecin de famille, ex-doyen associé à la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l'Université de Sherbrooke. Je compte 40 ans de pratique médicale en soins hospitaliers, en soins ambulatoires et de longue durée, notamment au Saguenay.

À mes côtés, Dr André Luyet, directeur général du collège, médecin psychiatre, professeur agrégé de clinique à la Faculté de médecine de l'Université de Montréal... cumule 30 ans de pratique et d'implication médico-administrative, notamment comme directeur des services professionnels et il a prodigué l'aide médicale à mourir.

Le Collège des médecins du Québec salue la mise sur pied de cette commission, étape préalable à une révision de la Loi concernant les soins de fin de vie. Adoptée en 2014 puis entrée en vigueur en 2015, cette loi requiert une révision en profondeur, mais, entretemps, il faut l'amender pour corriger une situation qui n'a actuellement aucun sens. Depuis l'entrée en vigueur du projet de loi C-7 en mars dernier, tous les Canadiens dont la mort naturelle est raisonnablement prévisible, à l'exception des Québécois, peuvent renoncer au consentement final à recevoir l'aide médicale à mourir au moyen d'une entente formelle écrite entre le médecin et le patient sous certaines conditions.

Au Québec, la Loi concernant les soins de fin de vie exige que la personne soit apte à consentir au moment de recevoir l'aide médicale à mourir. Or, des patients sont actuellement lésés par la loi québécoise parce que, dans le seul but de demeurer aptes à fournir leur deuxième consentement, ils peuvent endurer des souffrances souvent intolérables. Certains se suicident, d'autres se laissent mourir de faim, refusent de prendre leur médication ou, contre leur gré, se soumettent à une profonde sédation jusqu'à leur mort. Ils souffrent à en mourir, et, pour le Collège des médecins, pour nous, médecins, cette situation est inacceptable. Sur le plan déontologique, les médecins ne peuvent accepter que certains Québécois en fin de vie meurent dans une telle indignité.

Depuis 2008, le collège a pris position en faveur de l'aide médicale à mourir, car c'est un soin, un soin dont sont cependant privés les patients en raison de la confusion, du fouillis juridique et politique actuel. On n'accepterait pas que les médecins tiennent un dialogue de sourds au pied du lit de leur patient souffrant, le temps de convenir de la conduite à tenir. Nous en avons parlé au ministre de la Santé et aux trois partis d'opposition. Tous ont eu une bonne écoute, mais maintenant, il faut sortir de cette impasse au nom des patients.

Nous comprenons qu'il y a la loi, qu'il y a la politique, mais il y a aussi la médecine, et notre devoir de médecin nous impose d'utiliser la loi pour soulager nos patients. On est chanceux, il y en a deux, mais elles doivent être harmonisées pour que les médecins puissent travailler sans la menace très claire à leur endroit de poursuite par la justice québécoise ou encore à l'endroit de leur ordre professionnel. Ces menaces découragent des médecins de prodiguer l'aide médicale à mourir, et, en bout de ligne, c'est le patient qui écope, encore. D'ici à ce que les parlementaires québécois harmonisent les deux lois, le collège ne découragera pas les médecins d'utiliser l'une ou l'autre des lois, selon la situation médicale, et la volonté claire de leurs patients, et dans le respect de tous les aspects déontologiques. Voilà notre position.

Depuis l'adoption des nouvelles dispositions fédérales, les Québécois n'ont plus le même accès à l'aide médicale à mourir que les autres citoyens du pays. C'est la clause dérogatoire à l'envers. Certains patients québécois doivent souffrir davantage aux derniers moments de leur vie que les autres Canadiens. Faudra-t-il aider les patients à traverser de l'Outaouais vers l'Ontario ou de longer la Matapédia pour qu'ils obtiennent, dans une autre province, les soins réclamés, en tout respect de leur choix et du rétablissement de leurs droits?

Pourtant, il y a, au Québec, acceptabilité sociale sur la question de l'aide médicale à mourir, comme en témoigne la demande croissante pour ce soin. Cela se reflète aussi par l'évolution du droit à la suite de deux jugements importants de la Cour suprême et de la Cour supérieure du Québec. Le consensus entourant ce soin se retrouve aussi très largement chez les médecins. À preuve, un sondage SOM, réalisé pour le compte du collège en mars dernier auprès de l'ensemble des médecins québécois, révèle que 89 % des répondants sont soit totalement d'accord ou plutôt d'accord pour que l'aide médicale à mourir soit offerte à des patients en fin de vie qui la réclament.

Depuis le départ, le collège a encadré la pratique de l'aide médicale à mourir au moyen de guides d'exercice et de lignes directrices pharmacologiques. Il a été actif sur le plan des représentations, des formations et des inspections professionnelles. Il participe à la surveillance de la qualité de l'exercice de concert avec les CMDP, des établissements et la Commission sur les soins de fin de vie, qui étudient les formulaires des déclarations. Il soutient les CMDP et souhaite que tous les médecins qui administrent l'aide médicale à mourir détiennent des privilèges dans l'établissement de leur région pour que les CMDP endossent pleinement la responsabilité de l'évaluation de la qualité de l'aide médicale à mourir. Le collège accompagne les médecins pour une prise de décision mettant de l'avant une logique de soins.

Après plus de cinq années d'existence, après plus de 7 000 aides médicales à mourir par plus de 750, 800 médecins, force est de constater qu'il faut revoir la loi cependant car, bien que l'opinion publique à l'égard de l'aide médicale à mourir ait évolué rapidement, la loi québécoise, elle, n'a jamais fait l'objet d'une révision en profondeur.

D'ailleurs, le collège est favorable à l'élargissement de la pratique de l'aide médicale à mourir aux infirmières praticiennes spécialisées, comme le prévoit la nouvelle législation fédérale, et ce, de l'évaluation jusqu'à l'administration.

Nous sommes heureux de prendre part à la conversation sur l'évolution de cette loi. Le collège a mis sur pied récemment un groupe de réflexion, constitué notamment de trois experts médecins. Ce groupe entendra plusieurs points de vue au cours des prochains mois pour permettre à son conseil d'administration de prendre position sur un ensemble d'aspects. Je vais laisser là-dessus le Dr Luyet les aborder.

M. Luyet (André) : Alors, bonjour. D'abord, l'aptitude à consentir aux soins doit demeurer un critère essentiel d'admissibilité à l'aide médicale à mourir. Pour être valide, un consentement doit être libre, éclairé, donné à une fin spécifique et pouvoir être retiré à tout moment.

Toutefois, les modalités de consentement peuvent se transformer pour refléter plus précisément les volontés d'une personne dans les différentes situations cliniques rencontrées et l'importance qu'accorde désormais notre société aux valeurs de dignité, d'autodétermination et d'inviolabilité de la personne.

Trois situations particulières suscitent un questionnement pour le collège sous l'angle de l'aptitude à consentir à l'aide médicale à mourir.

En premier lieu, dans le cas d'une mort raisonnablement prévisible, le risque de perdre l'aptitude à consentir en phase terminale ou préterminale et de ne plus être en mesure de confirmer son consentement au moment de recevoir le soin. Malgré certains avis légaux divergents, nous retenons pour l'instant qu'au Québec la personne doit obligatoirement reconfirmer son consentement à recevoir l'aide médicale à mourir au moment de son administration, alors que le Code criminel autorise le renoncement à ce consentement final au moyen d'une entente formelle, écrite et signée pour les personnes dont la mort naturelle est raisonnablement prévisible.

Dans les faits, il nous apparaît que les autres options actuellement offertes sont souvent moins acceptables sur le plan humain. Par conséquent, le collège souhaite que la loi québécoise permette la renonciation au consentement final. De notre point de vue, il n'y a pas d'entorse déontologique au fait de permettre la renonciation au consentement final chez une personne apte à consentir au moment de formuler une demande d'aide médicale à mourir basée sur ses choix, ses droits et ses valeurs et pleinement informée des possibilités de perdre son aptitude au moment de recevoir l'aide médicale à mourir en raison de l'évolution de sa maladie et/ou de ses traitements. Une telle modification de la loi pourrait être apportée dans un très court délai en attendant une révision en profondeur de la loi.

• (14 h 50) •

En second lieu, toujours sur le thème du consentement, le risque de perdre l'aptitude à consentir, inhérente aux troubles neurocognitifs majeurs. Le collège est favorable à la possibilité de formuler une demande d'aide médicale à mourir anticipée au moyen d'une directive médicale anticipée, ce qui n'est pas permis dans la loi québécoise actuelle. La personne demanderait ce soin à un stade d'évolution précis et prédéterminé d'un trouble neurocognitif majeur portant atteinte à ses valeurs et à sa dignité. Il est possible d'encadrer et de baliser cette avenue pour atteindre l'objectif, dans le respect des personnes et du droit, par une réflexion, un formulaire spécifique, une pleine connaissance de l'évolution et des alternatives offertes, une reconfirmation périodique, la prédétermination du moment, la nomination d'un mandataire, etc.

Enfin, l'acquisition du droit de consentir à ces soins pour le mineur émancipé. Ce sujet est très sensible, et la réflexion sur cette question doit se poursuivre en profondeur. Le collège n'a pas de position arrêtée sur le sujet, mais souhaite ardemment y participer et offre toute son expertise à la commission.

Sur la question, maintenant, du critère de fin de vie, le collège considère positivement son retrait. Discriminatoire, il sous-entendait une prévisibilité de la mort basée sur un pronostic. Les pronostics comportent une grande variabilité sur le plan individuel, et les personnes les ayant déjoués sont légion en clinique. Bien que le retrait du critère de fin de vie rende les deux lois conformes et superposables sur ce point, elles ne le sont pas sur les conditions qui permettent d'avoir recours à l'aide médicale à mourir. Ainsi, le Québec ne permet pas d'inclure, dans la compréhension de «maladie grave et incurable», les handicaps qui peuvent aussi entraîner une souffrance inapaisable et une atteinte importante et irréversible du niveau de fonctionnement.

Par ailleurs, le maintien du concept de prévisibilité de la mort pour déterminer la série de mesures de sauvegarde applicables, selon la nouvelle loi canadienne, ne devrait pas inciter à fixer un point de bascule précis en termes de mois. Selon nous, il faut privilégier une discussion avec le demandeur et prendre en compte une logique de soins plutôt que les pages du calendrier.

En terminant, dans une vision inclusive, exempte de discrimination basée sur le diagnostic et fondée sur une compréhension globale de l'humain, le collège croit que la réflexion sur l'aide médicale à mourir doit aussi porter sur la situation des personnes dont le motif prépondérant de demande serait un trouble mental. Une personne atteinte d'une pathologie psychiatrique sévère et réfractaire peut ressentir une souffrance tout aussi intense et une atteinte tout aussi grave de son autonomie fonctionnelle sinon plus que les personnes souffrant de pathologies dites physiques. L'évolution de certains troubles mentaux pourrait rendre une personne admissible à l'aide médicale à mourir étant donné le retrait du critère de fin de vie des lois provinciales et fédérales. Il faudrait toutefois, dans le cas de demandes d'aide médicale à mourir motivées par un trouble de santé mentale, seul ou en comorbidité, établir certaines balises pour éviter un glissement qui irait à l'encontre de l'esprit de la loi et conduirait vers l'administration de soins inappropriés.

Aux critères déjà... existants, pardon, s'ajouteraient les cinq conditions suivantes : premièrement, décision prise au terme d'une évaluation globale et juste de sa situation par le demandeur et non uniquement inscrite dans un épisode de soins; deuxièmement, exclusion d'une idéation suicidaire s'inscrivant dans la symptomatologie décrite d'un trouble mental, comme l'idéation suicidaire caractéristique d'un état dépressif; troisièmement, sévérité des symptômes et de l'atteinte du fonctionnement global présente sur une longue période, ce qui empêche la personne de se réaliser dans un projet de vie et enlève toute signification à son existence; quatrièmement, exigence d'un long parcours de soins avec suivi approprié, essais multiples de thérapies disponibles, reconnues efficaces et soutien psychosocial soutenu et approprié; finalement, évaluation multidisciplinaire des demandes avec la présence essentielle du médecin ou de l'infirmière praticienne spécialisée ayant pris en charge le suivi de la personne avec la pathologie psychiatrique et d'un psychiatre consulté dans le cadre de la demande d'aide médicale à mourir.

En conclusion, Dr Gaudreault.

M. Gaudreault (Mauril) : Donc, les personnes souffrantes sont donc dans l'angle mort des parlementaires québécois depuis le 17 mars. Chaque jour, des patients font des grèves de la faim pour mourir plus rapidement et refusent leur médication pour ne pas perdre leur aptitude à consentir à recevoir l'aide médicale à mourir lors de la dernière visite du médecin. L'avancée de l'accès à l'aide médicale à mourir au Canada ne doit pas créer un recul au Québec. Les patients québécois n'ont pas à tolérer plus de souffrance qu'ailleurs au pays, on s'entendra tous là-dessus. Ils ont le droit de mourir, eux aussi, dans la dignité.

Voilà. Nous vous remercions de votre écoute. Dr Luyet et moi sommes maintenant prêts à répondre à vos questions. Merci.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup. Donc, je céderais la parole pour débuter à la députée de Soulanges.

Mme Picard : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Dr Gaudreault et Dr Luyet.

J'aimerais savoir... Vous l'avez mentionné un petit peu dans votre allocution du départ, mais j'aimerais savoir, est-ce que, vous, vous pensez qu'on devrait statuer sur certains diagnostics ou bien ce serait plus sur des conditions en général? Parce qu'on l'a vu dans le passé, des fois, de s'attarder à certains diagnostics, ça peut rendre inadmissibles certaines personnes dans des programmes ou peu importe quoi d'autre. Donc, j'aimerais avoir votre opinion sur si on devrait utiliser le mot «diagnostic».

M. Luyet (André) : Bien, pour le collège, on ne devrait pas y aller sur la base du diagnostic et on ne devrait pas non plus chercher à faire une différence entre les maladies mentales et les maladies physiques sur ce point-là. Il y a des maladies qui méritent le même diagnostic et qui vont connaître des évolutions très différentes, et je pense qu'il faut baser notre prise de décision sur l'évaluation clinique, sur la situation de la personne et sur la rencontre des critères d'admissibilité.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Donc, je céderais la parole à la députée de Saint-François.

Mme Hébert : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Dr Luyet et Dr Gaudreault. Si je résume, donc, vous, vous dites qu'on... quand on a l'aptitude à consentir pour un soin, ça, ça doit rester. Mais dans quelle condition qu'on abolirait le deuxième consentement? Comprenez-vous?

M. Gaudreault (Mauril) : Bien, dans les...

• (15 heures) •

Mme Hébert : Bien, dans le sens que, tu sais, vous dites : Ça prend l'aptitude, je comprends, mais ensuite, il n'y aurait pas besoin de... parce que là, présentement, c'est ça, là, qu'on a besoin, c'est... on a besoin du consentement de la personne à la fin pour... quand on donne l'acte médical à mourir. C'est un acte. Donc, dans...Alors, ce que vous dites, c'est qu'on... ça ne devrait plus être enlevé, c'est ça? Il devrait être enlevé, ce deuxième consentement là de la personne.

M. Gaudreault (Mauril) : Alors, merci pour votre question, Mme la députée. Bien, en fait, actuellement, au moment où on se parle, on a besoin d'un deuxième consentement lucide de la part du patient ou de la patiente pour procéder à l'aide médicale à mourir, et, dans les situations où le patient n'est plus lucide, ne peut plus donner son consentement, le médecin ne peut pas pratiquer ce soin d'aide médicale à mourir.

Donc, ce que nous demandons, c'est que tant que la personne est lucide, elle fait un premier consentement éclairé, tout ça, c'est parfait, mais elle doit avoir la possibilité, comme ailleurs au Canada, de signer ou de s'entendre sur un formulaire au cas où elle ne deviendrait plus lucide, cette personne-là. Et ça, ça peut être plus ou moins prévisible dans l'évolution, selon les problèmes de santé, selon l'état de la personne.

Donc, nous, ce qu'on prétend, ce qu'on veut dire par là, c'est qu'il ne devrait plus être obligatoire qu'un deuxième consentement dit final soit signé par la personne de façon lucide, mais plutôt, selon les situations cliniques, qu'elle puisse signer un formulaire qui l'abstiendrait de devoir signer ce dernier consentement au cas où elle deviendrait non lucide, la personne.

Et c'est pour ça qu'on dit que... puis c'est des vraies situations, là. On n'a pas inventé ça, là, tout à coup. C'est des vraies situations rapportées par plusieurs médecins de patients qui, de peur de perdre leur lucidité, vont demander à diminuer leur médication analgésique ou encore vont choisir d'autres moyens, ce qui est inacceptable pour nous, vous aurez compris.

M. Luyet (André) : Ou encore qui vont perdre leur capacité à exprimer leurs volontés et qui vont voir leurs soins prendre la forme d'une sédation prolongée, alors que ce n'était pas le choix qu'ils exprimaient alors qu'ils étaient en état de le faire, et vont voir leur agonie se prolonger. Et ce n'est pas du tout le scénario qu'ils avaient envisagé et prévu pour vivre ces derniers moments de vie accompagnés de leurs proches.

Mme Hébert : Puis dans le continuum de soins, parce qu'on appelle... ici, au Québec, on appelle ça un... ça fait partie des soins de fin de vie. Donc, dans le continuum de soins, est-ce que, vous, vous le voyez plus comme à la fin de tout ce qu'on a tenté ou ça peut être encouragé dès le début? Parce que ce qu'on sait, c'est que... ce qu'on voit, c'est que, bon, il y a la sédation palliative, il y a différentes options, puis des fois les gens vont peut-être plus rapidement à l'aide médicale à mourir que d'envisager tous les soins.

Est-ce que ça, il y a... Il y a d'autres médecins qui ont rapporté qu'il n'y avait pas assez d'information aux patients sur... puis souvent ils en venaient vite à l'aide médicale à mourir, puis des fois, même, ça pouvait créer une certaine anxiété chez des patients parce que... Ça fait que je veux juste voir...

M. Gaudreault (Mauril) : Bien, c'est clair que ça crée une certaine anxiété, une anxiété plus que certaine, là, une anxiété, c'est clair. Mais vous savez, tout cela aussi réside dans la relation du médecin avec le patient, du médecin avec les professionnels de l'équipe. Le médecin n'est pas tout seul dans... il y a toujours une équipe d'autres professionnels de la santé autour de cette personne. Donc, la relation de toute l'équipe avec le patient, elle, elle est souvent... elle est fréquente, elle est régulière. Et les patients, patientes qui manifestent le désir d'avoir ce soin ne le font pas qu'une fois, discutent de cela de façon régulière, fréquente avec les membres de l'équipe soignante. Donc, c'est dans ce sens-là.

À quel moment ça doit être signé, là, peut-être, le formulaire de renonciation au consentement final, on pourra discuter de cela, mais l'état, l'évolution de la situation d'une personne puis de son état est examiné de façon régulière et souvent même quotidienne par rapport à l'état de situation dans lequel est rendue l'évolution de la maladie. Donc, à ce moment-là, le médecin et les autres équipes soignantes peuvent décider d'un moment avec le ou la patiente, idéal, pour la signature d'un tel formulaire de consentement ou de renonciation au consentement final. Voilà. Je ne sais pas si ça répond à votre question.

M. Luyet (André) : Bien, j'ajouterais un complément, peut-être, avant que... C'est une très bonne question, puis le consentement demeure une valeur cardinale, quelque chose de très, très important. C'est essentiel, et, pour qu'il soit valable, il faut qu'il soit éclairé. Donc, on ne peut pas prendre une décision comme celle-là puis donner son consentement avec une information tronquée ou incomplète. Donc, c'est important d'avoir l'ensemble de l'information pour un consentement libre et éclairé. Et j'aime aussi le fait qu'on parle beaucoup d'aide médicale à mourir parce que c'est le thème de la rencontre, là, mais de revoir ça puis de le placer dans une programmation de soins de fin de vie globale, c'est aussi très intéressant aussi.

Alors, on ne doit pas envisager l'aide médicale à mourir par défaut, parce qu'on n'est pas en mesure de bénéficier des autres soins. Je pense qu'il faut faire la promotion d'une programmation complète de soins de fin de vie, qui donne un choix à la personne puis qui lui permet, justement, de consentir de façon libre et éclairée, en tenant compte de sa volonté, de ses valeurs et de ses droits.

Mme Hébert : J'ai juste une dernière petite question qui me trotte depuis toutes les consultations qu'on fait puis depuis qu'on a eu cette... excusez-moi, la statistique. Ça m'inquiète, alors... Puis on a su la semaine passée qu'en Belgique, aux Pays-Bas, ils avaient atteint 2,4 % des morts qui avaient été par euthanasie, parce que c'est le terme qu'ils utilisent, après près de 40 ans et 30 ans, là, d'existence de la loi. Puis nous, ici, seulement après quatre ans, on a déjà atteint le 2,4 %. Alors, je vous demande : Pensez-vous que ça va augmenter encore de beaucoup? Parce que, là, si on parle d'élargissement, donc c'est encore plus plausible. Donc, c'est une question que je vous pose comme ça.

M. Luyet (André) : Bien, pour l'instant, on est sur une pente ascendante, je dois le dire, là. Il y a un taux de croissance assez important, autour de 30 %, mais c'est... Mais évidemment je ne pense pas que ça va continuer sur cette progression-là, parce que ça finirait par englober presque l'ensemble des décès du Québec, là, si on pousse le curseur jusqu'à l'extrême, là. Mais, pour l'instant, on est dans une phase ascendante, puis la tendance n'est pas vers un aplatissement à court terme, là, de cette croissance-là.

M. Gaudreault (Mauril) : Et je le répète, ça... si je peux me permettre, merci encore pour la question, mais c'est un soin, hein? Le collège a toujours vu l'aide médicale à mourir dans une logique de soins, et c'est dans ce sens-là qu'on est là avec vous cet après-midi aussi et qu'on participe à la conversation, à l'évolution de cette loi. C'est un soin. C'est un soin, maintenant, qui est disponible pour le patient, qui est disponible dans la conduite à tenir dans le cadre de la discussion entre l'équipe soignante et le patient. Donc, le soin, quand on le voit de cette façon-là, il n'est pas surprenant qu'il y ait une pente ascendante par rapport à l'accessibilité à ce soin.

Moi, ça ne me préoccupe pas, personnellement. Ça me préoccuperait que ce soin-là ne soit pas disponible, tout en l'encadrant de façon tout à fait correcte, comme c'est le cas maintenant.

Mme Hébert : Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Guillemette) : ...

M. Gaudreault (Mauril) : On ne vous entend pas, Mme la Présidente. O.K.

La Présidente (Mme Guillemette) : Parfait. Donc, vous m'entendez bien?

Des voix : Oui.

La Présidente (Mme Guillemette) : Parfait, merci. Donc, tout à l'heure, on a entendu la Chambre des notaires qui nous faisait part, et là je vous pose la question bien candidement, qu'une balise qui pourrait être intéressante soit que les demandes soient notariées, en collaboration avec l'équipe médicale, bien entendu. Mais vous pensez quoi de ça, que toutes les demandes devraient être notariées, avec un diagnostic médical, en collaboration avec l'équipe de soins, le médecin, là? Est-ce que ça pourrait être une balise intéressante?

M. Luyet (André) : Bien, il faudrait le regarder plus attentivement, mais il ne faudrait pas que ça amène une discrimination, que ça amène des... deux types de citoyens : ceux qui sont en mesure de pouvoir faire notarier leur décision et leur choix et d'autres qui n'y auraient pas accès peut-être... ou un accès équitable à ce genre de service professionnel.

La Présidente (Mme Guillemette) : Parfait, merci. Donc, je vais céder la parole à ma collègue d'Abitibi-Ouest.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : ...

La Présidente (Mme Guillemette) : Votre micro, chère collègue.

• (15 h 10) •

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Syndrome du micro. Alors, il reste combien de temps, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Guillemette) : Quatre minutes.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Parfait, merci. Dr Gaudreault, Dr Luyet, merci pour la belle présentation. Alors, il semble y avoir une confusion dans la population et les professionnels de la santé sur l'aide médicale à mourir et la sédation palliative. Comment peut-on clarifier ça pour avoir un message clair dans la population et sensibiliser aussi les professionnels de la santé?

M. Luyet (André) : En fait, la sédation palliative continue, c'est un choix qui est offert aux personnes qui sont soit très anxieuses ou très inconfortables et qui acceptent d'être soulagées tout en étant bien informées qu'ils... possiblement qu'ils ne vont pas connaître un retour vers un état plus vigile et qui vont possiblement s'éteindre de cette façon-là mais d'une façon confortable. Donc, c'est un peu la différence que je vois, là, pour essayer de le définir le plus clairement possible.

Mais c'est certain que l'aide médicale à mourir a, dès l'adoption de la loi n° 2, a attiré beaucoup de... l'attention. Les autres importants volets de la loi ont moins pénétré, je dirais, dans la population, sont moins connus, autant les directives médicales anticipées que la sédation palliative continue. Donc, il y aurait certainement un effort à faire pour mieux renseigner la population sur l'existence de ces modalités de soins.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Je me permettrais une autre question. Ça va? On m'entend bien? Tantôt, vous nous parliez des troubles de santé mentale et qu'il y avait... vous nous avez fait mention de cinq balises, la dernière balise étant l'évaluation par une équipe multidisciplinaire, dont un psychiatre. Et on a entendu des psychiatres plus tôt, dans les auditions, et qui nous disaient que, pour eux, c'est dur de dire qu'on va mettre fin à la vie de quelqu'un pour cause de seul trouble de santé mentale, parce que, pour eux, il y a toujours une option, il y a toujours un traitement, il y a toujours une solution à essayer. Donc, s'ils font partie de l'équipe de soins dans l'évaluation, comment voyez-vous cet aspect-là?

M. Luyet (André) : Bien, c'est une équipe de soins... En fait, l'avis du psychiatre, on voulait un avis externe, hein? Il y a le médecin traitant, qui n'est pas toujours un psychiatre, il faut bien le mentionner. Il y a énormément de patients qui sont aux prises avec des troubles de santé mentale, qui sont suivis par des médecins de la première ligne, par des omnipraticiens, et puis il y en aura de plus en plus qui seront suivis également par des infirmières praticiennes spécialisées.

Donc, il y a l'équipe, je dirais, nucléaire autour du suivi puis de la prise en charge de cette pathologie-là, et puis on rajoutait un avis externe, un tiers plus neutre qui avait une expertise en santé mentale pour participer également à la discussion. C'est certain que... Je peux comprendre le point de vue exprimé par plusieurs intervenants en santé mentale. C'est une... c'est quelque chose de très important en termes de traitement puis de réadaptation, de réhabilitation et de rétablissement, la notion d'espoir, mais il arrive certains... (Panne de son)

La Présidente (Mme Guillemette) : Ah! on est gelés, ça fait comme tantôt.

Donc, on va suspendre le temps de reconnecter, on va suspendre.

M. Luyet (André) : Oui?

La Présidente (Mme Guillemette) : Parfait. Ah! vous êtes revenu, d'accord.

M. Luyet (André) : C'est revenu. Alors, je poursuis sur ma lancée sans qu'il y ait trop de rupture, là, mais donc ils ont épuisé tous les recours, toutes les possibilités thérapeutiques et, malgré tout ça, ils sont... ils répondent encore à l'ensemble des critères de grande souffrance puis d'intolérabilité de leur situation avec incapacité d'entrevoir un projet. Parce que l'espoir, c'est ça aussi, c'est de pouvoir jouer éventuellement son rôle de citoyen, de prendre sa place dans la société, d'avoir des contacts, d'avoir des proches, d'avoir un projet d'études, d'avoir un logement, d'avoir un emploi.

Alors, quand toutes ces portes-là se ferment, et qu'on est souffrant, puis qu'on est très mal... Je comprends la réticence, mais je peux vous dire qu'il y a des gens qui se retrouvent dans des impasses comme celles-là. Et, pour eux, il ne faudrait pas minimiser ou comparer leur situation à celles qu'on rencontre et qu'on accepte un peu mieux maintenant du côté de la santé physique, là. Ils ont un état de détresse tout à fait comparable avec une souffrance aussi intense et les mêmes difficultés.

Et je le dis souvent, là, comme psychiatre à l'origine, moi-même, on est mal à l'aise de voir une différence entre la santé physique puis la santé mentale puis de croire que les individus ont deux santés, là. On essaie de voir la personne globalement et de la considérer comme un tout. Et ça, ça s'inscrit en ligne droite avec les écrits de l'Organisation mondiale de la santé, là.

La Présidente (Mme Guillemette) : Parfait. Je vous remercie beaucoup.

M. Gaudreault (Mauril) : Et moi, comme médecin de famille, vous allez me permettre d'appuyer encore sur plus d'importance par rapport à tout l'aspect d'équipe soignante et vraiment, vraiment de traitement interdisciplinaire, toute l'importance de l'équipe et tous les autres professionnels de la santé qui gravitent autour du ou de la patiente, que ce soit dans une situation de problème de santé mentale ou de problème de santé physique, là. Il y a toujours, toujours, toujours... On sait que l'aide médicale à mourir, c'est fait par un médecin, et bientôt ce sera, j'imagine, fait aussi par une infirmière praticienne spécialisée, mais tout cela, la conduite, le traitement, la décision, est beaucoup, beaucoup discuté en équipe avec le patient et sa famille.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup. Je vais maintenant céder la parole à la députée de Maurice-Richard.

Mme Montpetit : Je vous remercie, Mme la Présidente. Bonjour, Dr Gaudreault. Bonjour, Dr Luyet. Bien heureuse de vous revoir, deux fois en deux jours.

Vous avez abordé plusieurs éléments dans votre mémoire. Je vais m'en tenir à ce qui concerne le mandat de notre commission, dont notamment, bon, la question, évidemment, de la directive ou de la demande médicale anticipée. Vous nous dites que vous êtes favorable, ça, j'entends bien ça, mais vous avez très peu, pour ne pas dire pas élaboré sur comment encadrer puis venir baliser cette avenue. C'est sûr que, comme Collège des médecins, dans votre rôle d'assurer, de bien protéger le public, moi, c'est sur cet élément-là que je souhaiterais vous entendre... Peut-être que vous n'aviez pas le temps, vous avez fait des choix de restreindre, ce n'est jamais très long, 20 minutes, pour présenter, non plus. Mais vous avez élaboré certains éléments sur la période de réflexion, un formulaire... en tout cas, vous avez la nomination d'un mandataire, vous avez juste fait une liste non exhaustive de certains éléments, mais j'aimerais ça vous donner le temps de nous les expliquer. Parce qu'au-delà d'aller de l'avant dans cette avenue, ce qu'on souhaiterait aussi entendre, c'est comment on s'assure, justement, que le public est bien... que les patients sont bien protégés aussi, que le cadre, si d'aventure, on a des recommandations en ce sens, que le cadre qui est mis en place soit adéquat, là.

M. Luyet (André) : Cette section a été laissée volontairement peu développée. On voulait surtout énoncer certaines pistes qui pourraient être approfondies pour arriver à aller sur cette voie-là. On n'a pas de protocole ou de choses très bien formalisées, mais on ouvre des portes pour dire : Il y a des façons de le faire, de le faire de manière respectueuse, de le faire de façon déontologique, de le faire de façon correcte, de façon légale, et il y a différents moyens qui devront être, je dirais, explorés, puis développés, puis testés. Et, parmi ceux-là, on en évoque quelques-uns, qui est loin d'être une liste complète ni exhaustive, là, et il y aurait certainement lieu d'approfondir, comme vous le soulignez, là, lors de travaux subséquents, mais pour l'instant, c'est surtout une porte qu'on voulait ouvrir pour dire qu'il y avait une possibilité de le faire et de le faire de façon correcte.

Mme Montpetit : Je m'en voudrais d'insister, mais vous comprendrez que notre mandat, il est... on a un rapport à rendre au mois de novembre, donc notre phase de consultations... la première phase de consultations, elle se termine aujourd'hui.

Donc, je comprends, vous n'avez pas, comme collège, de recommandation à nous faire sur des balises précises qui devraient être mises en place. Juste pour bien comprendre, vous nous en ferez suivre par la suite, mais je pense que c'est important, au-delà de savoir que vous êtes en accord ou pas sur les... je ne veux pas utiliser le mot «sauvegardes», là, encore là, mais sur les balises, sur les remparts qui doivent être mis en place, bien respectueusement, je m'attendais à ce que vous arriviez avec ce genre de recommandation là aujourd'hui, là.

• (15 h 20) •

M. Luyet (André) : Oui, mais le collège a mis sur pied un groupe de réflexion sur l'aide médicale à mourir et les différentes formes que ça peut prendre, et le groupe de travail a été mis sur pied tout récemment, et déjà il se réunit à une fréquence soutenue, là, hebdomadaire, pour justement avancer et préciser ce genre de question là. Alors, il nous fera plaisir, là, d'approfondir la question que vous nous adressez et de vous revenir avec plus de précisions à court terme.

Mme Montpetit : Dr Gaudreault, je pense que vous aviez quelque chose à ajouter.

M. Gaudreault (Mauril) : Oui. Bien, en fait, c'est dans le même sens, Dr Luyet l'a dit, il y a un groupe de réflexion que nous avons créé au niveau du conseil d'administration, avec des médecins experts qui font partie du groupe, afin de proposer au conseil d'administration un positionnement par rapport à ces directives médicales anticipées. On a parlé beaucoup d'aide médicale à mourir, il n'y a pas que ça, mais il y a des directives médicales anticipées. Et, pour être fidèles à la vision du collège, nous allons, avec nos membres, donc plusieurs médecins, mais peut-être d'autres professionnels aussi de même que d'autres organismes, prendre des décisions et poser des actions pour nous rapprocher du public et lui assurer des soins de qualité, évidemment.

Mme Montpetit : Parfait. On attendra ça avec impatience, plus tôt que tard, évidemment. Vous connaissez les délais et l'échéancier dans lequel on travaille à l'heure actuelle.

Toujours sur la question de la directive, puis vous utilisez vraiment le mot «directive» plutôt que «demande», là, je me permets de vous poser la question : Est-ce que c'est intentionnel, dans le sens que vous... parce que, bon, il y a eu certains débats sur est-ce que ça devrait être une directive dans le sens qu'elle est exécutoire, versus une demande qui pourrait être... où un proche, ou un tiers, ou un professionnel pourrait décider de ne pas appliquer la demande qui est faite ou la directive qui est faite par la personne. Est-ce que vous l'entendez de cette façon-là?

M. Luyet (André) : Bien, on l'associe, en quelque sorte, à une directive médicale anticipée, mais inversée. Au lieu de refuser certains soins dans certaines conditions, on revendiquait, comme citoyen, un soin dans une situation clinique bien particulière. C'est dans ce sens-là qu'on l'a associée aux... comme une directive médicale anticipée, mais techniquement on parlait davantage... on aurait dû parler de demande anticipée.

Mme Montpetit : De demande anticipée. D'accord, parfait. Non, mais les mots ont un sens, sont bien importants aujourd'hui, donc je voulais être sûre de bien valider ce que vous... comme vous avez mis du temps dans ce mémoire, certainement, de bien valider ce que vous nous recommandez.

Vous parlez aussi, à la page 8, quand vous parlez de... donc, de la... pas la directive, mais bien la demande anticipée, que, bon, que vous êtes favorable dans un contexte, justement, où ça porterait atteinte aux valeurs et à la dignité de la personne. Encore là, vous parlez de valeurs et de dignité, la phrase s'arrête là. Est-ce que... Donc, je comprends, vous excluez complètement la question ou vous séparez la question de la souffrance versus la question des valeurs et de la dignité telle qu'établie par la personne lorsqu'elle est apte à déterminer la façon dont elle souhaite terminer ses jours.

M. Luyet (André) : ...

Mme Montpetit : Je peux peut-être préciser, ça n'a pas l'air... je vois des...

M. Luyet (André) : Oui, s'il vous plaît.

Mme Montpetit : Bien, c'est que dans votre... Je vous la lis, là, le haut de la page 11, vous dites : «La personne demanderait un soin à un stade d'évolution précis, déterminé d'un trouble neurocognitif majeur portant atteinte à ses valeurs et à sa dignité.»

Est-ce que vous, quand vous parlez de valeurs et de dignité... parce qu'il y a des experts et des patients qui sont venus nous voir en disant : On pourrait avoir accès... Par exemple, quelqu'un qui a la maladie d'Alzheimer, maladie... dégénérescence neurocognitive, qui souhaiterait avoir accès à l'aide médicale à mourir, non pas dans un contexte de souffrance, mais bien dans un contexte de dignité, justement, où elle dit, par exemple : Moi, je souhaite que... selon mes valeurs, je souhaite qu'on me donne l'aide médicale à mourir dans tel contexte. Donc, dans votre mémoire, vous faites référence aux valeurs et à la dignité et non à la souffrance.

M. Gaudreault (Mauril) : C'est ça.

Mme Montpetit : Juste pour être... qu'on interprète bien ce que vous nous déposez aujourd'hui.

M. Gaudreault (Mauril) : Oui, oui, c'est tout à fait dans ce sens-là par rapport à, exemple, je ne sais pas, moi, une démence, une démence de type alzheimer à un stade avancé, il y a là une atteinte aux valeurs et à la dignité de la personne lorsque le stade est pas mal avancé, même si la personne n'a pas l'air à présenter des souffrances importantes, mais il y a là... C'est dans ce sens-là qu'on parlait de cette recommandation d'un trouble cognitif majeur avec... je n'ai pas besoin de vous faire d'explication ou de dessin par rapport à ça, dans toutes nos familles on a vécu ça maintenant par rapport aux démences avancées et, je dirais, une mort psychique avant la mort. Donc, c'est dans ce sens-là, par rapport à porter atteinte, là, aux valeurs et à la dignité de la personne.

M. Luyet (André) : Mais il faut peut-être avoir une réflexion large aussi sur le thème de la douleur. Parce que la douleur, ce qui est bien dans la loi québécoise, c'est la douleur telle qu'évaluée et ressentie par la personne qui fait la demande. Alors, qu'est-ce qui... Il y a la douleur physique qu'on peut ressentir, mais la personne qui serait capable d'anticiper que... avec toute l'information qu'elle possède, dans l'évolution d'un trouble dégénératif, neurodégénératif, va se retrouver... ou neurocognitif, va se retrouver dans une situation de dégradation qui est tout à fait inacceptable pour elle, qui va se retrouver dans des états qu'elle appréhende, qu'elle ne souhaite pas, qu'elle ne veut pas vivre, qui, si elle était en mesure de porter un jugement sur ce dysfonctionnement-là, lui rendrait la situation insupportable.

Mme Montpetit : Et vous pensez... parce qu'encore là on a eu des témoignages divers, mais, comme vous représentez aussi, en plus du public, les médecins, vous pensez que... Comment ce serait reçu, cette question-là, par les médecins? Comment est reçu votre positionnement d'exclure la situation de souffrance pour s'en tenir à une question de valeurs et de dignité? Parce que c'est quand même une posture, je ne sais pas si c'est philosophique, ou éthique, ou médicale, encore bien différente de ce qui est en place à l'heure actuelle, là.

M. Gaudreault (Mauril) : Alors, pour le médecin qui est en contact avec de tels patients et qui soigne de tels patients, ce que nous tentons de vous expliquer, c'est clair, là, par rapport à tout l'aspect de dignité de la personne et de respect de ses valeurs, d'habitude, les médecins connaissent les patients depuis x temps, ont déjà partagé avec ces patients-là. On a une bonne idée des valeurs et des souhaits des patients qui, lorsqu'arrive à un moment donné, dans l'évolution de la maladie... je reprends toujours le cas de la démence de type alzheimer à un stade avancé. C'est clair que le patient qui a suivi au long cours ce ou cette... le médecin qui a suivi au long cours ce ou cette patiente est bien au fait des volontés qu'elle a pu exprimer. Et il y a certainement une souffrance là-dedans, même si ce n'est pas une souffrance d'allure physique.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. On va devoir continuer la discussion avec le député de Gouin. Merci beaucoup, Mme la députée. Donc, M. le député de Gouin.

M. Nadeau-Dubois : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Dr Gaudreault, Dr Luyet. Je vais aller dans la continuité de la question de ma collègue de Maurice-Richard. Vous avez été très clair sur votre adhésion à l'idée selon laquelle l'aide médicale à mourir doit être considérée comme un soin. Et c'est tout l'esprit, dans le fond, de la loi québécoise qui repose sur cette notion-là.

Par contre, j'essaie de comprendre votre position sur le critère de souffrance. Est-ce que, pour vous, il doit être maintenu? Et c'était la conversation que vous étiez en train d'avoir avec ma collègue, comment faut-il l'évaluer, ce critère de souffrance là, dans des cas, par exemple, de maladie neurodégénérative où la souffrance n'est peut-être pas perceptible de l'extérieur par le médecin, puis ces patients-là sont dans une situation où ils ne sont plus nécessairement en mesure non plus de l'exprimer? Donc, comment on réconcilie la persistance du critère...

Bien, en fait, parce que pour que l'aide... Je perçois qu'il y a conceptuellement un lien entre le critère de souffrance et le fait de concevoir l'aide médicale à mourir comme un soin. C'est bien le cas, ça me semble être logique l'un avec l'autre. Si on veut rester dans une logique de soin, c'est ce que vous dites vouloir faire, j'en suis, comment on réconcilie ça avec le fait que, la souffrance, elle est pratiquement invisible chez quelqu'un qui est dans un stade avancé, par exemple, de l'alzheimer, puis même que cette personne-là pourrait, de l'extérieur, sembler plutôt sereine?

Donc, est-ce que c'est seulement la souffrance projetée de la personne qui était apte à l'époque, ici, qui nous permet de remplir le critère, ou est-ce qu'il ne faudrait pas trouver un mécanisme pour le valider à nouveau, là, avant... ce critère de souffrance là, avant d'administrer l'aide médicale à mourir?

M. Gaudreault (Mauril) : Bien, pour moi, là... Dr Luyet pourra certainement renchérir, mais, pour moi, la souffrance, elle doit être vue de façon globale, à la fois psychique et physique, et aussi par rapport à la perte, je dirais, de plusieurs facultés ou fonctions cognitives de la personne. C'est pour ça que je dis que c'est important, le suivi au long cours d'une telle personne par une équipe de soins ou par, idéalement, quelques personnes qui ont pu avoir un contact... quelques professionnels, je dirais, qui ont pu avoir un contact au long cours avec ces patients-là afin de bien déterminer ce dont on parle par rapport au fait que...

Vous savez, même au premier stade de la maladie, de la démence de type alzheimer, les patients, ils sont conscients des pertes qu'ils sont en train de vivre. Et même s'il n'y a pas là de souffrance physique, la prise de conscience de ces pertes-là entraîne des difficultés puis des souffrances d'ordre psychique qui, même si elles sont difficiles à déceler à un stade avancé de la maladie, sont certainement encore présentes. Mais effectivement ce n'est pas quelque chose, là, qu'on peut diagnostiquer avec précision, contrairement à d'autres diagnostics pour lesquels c'est plus facile en médecine.

• (15 h 30) •

M. Luyet (André) : C'est embêtant, mais juste en complément de réponse là-dessus, je dirais, c'est l'évaluation par la personne de son état de souffrance qui est centrale. Puis il arrive des périodes d'évolution de la maladie où on n'est pas en mesure d'exprimer clairement cette souffrance-là. Mais il y a quand même des évolutions assez... il y a des prototypes d'évolution, je dirais.

Par exemple, si on prend la démence de type alzheimer, on sait qu'il y a peut-être sept, huit, neuf, 10 variations d'étapes d'évolution de la maladie puis d'évolutions différentes. Mais, si on n'était en mesure, lorsqu'on est au début d'une maladie, qu'on est encore capables de consentir, ou même avant, de dire : Bien, moi, si j'ai des pertes de mémoire légères, je peux vivre avec, ce n'est pas une souffrance pour moi, mais, si je suis rendu complètement impotente, plus capable de bouger, plus capable de m'exprimer, plus capable de... ce n'est pas bien, si je suis rendu à avoir de l'anxiété de catastrophe, je refuse ça.

M. Nadeau-Dubois : Merci. Donc, je comprends que, pour vous, c'est la souffrance anticipée qui suffit. Est-ce que j'ai le temps pour une deuxième question, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Guillemette) : Allez-y, on va s'ajuster.

M. Nadeau-Dubois : ...est compté. Donc, j'essaie de...

La Présidente (Mme Guillemette) : Oui, allez-y, on va s'ajuster.

M. Nadeau-Dubois : Ma deuxième question... Il y a des psychiatres qui viennent nous dire : Des maladies psychiques incurables, ça n'existe pas, et d'autres qui viennent nous dire que ça existe. Il y a des gens... Et donc on est devant, comme législateurs, une situation où, au sein même du champ de la psychiatrie, il y a des opinions contraires. Certains nous disent : Ce n'est jamais incurable, une maladie psychique, donc un trouble mental sévère. D'autres nous disent : Oui, parfois, on peut avoir un degré raisonnable de certitude que c'est incurable.

Comme législateurs... Alors, vous savez comme moi que le critère de l'incurabilité est inscrit en toutes lettres, là, dans la loi québécoise. Comme législateurs, comment devrions-nous trancher un débat comme celui-là, où, au sein même du champ de la psychiatrie, il semble y avoir débat?

M. Luyet (André) : Bien, pour ma part, la plupart des maladies mentales sont traitables, contrôlables, mais demeurent des états chroniques dans bien des cas. Même la dépression, on se rend compte, après un premier épisode, que les chances d'en faire un deuxième sur une période de cinq ans est probablement de l'ordre de 50 %, puis ça va... après le troisième épisode, on est rendu à au-delà de 90 %. Puis c'est des gens qui vont prendre des traitements d'entretien pour plusieurs années, mais c'est contrôlable, on peut vivre normalement, on peut...

Mais est-ce qu'on guérit un bipolaire? Est-ce qu'on guérit un schizophrène? Est-ce qu'on peut le déclarer guéri? Non. Je pense qu'on traite de mieux en mieux, je pense que la gamme thérapeutique s'est grandement enrichie, je pense qu'on arrive à bien contrôler. Il y a des gens qui arrivent à bien vivre leur vie en dépit de leur diagnostic et de leurs traitements et il y a des gens qui ont des états sévères et réfractaires, qui, malgré toutes les avancées jusqu'à ce jour, vont présenter des évolutions vraiment très négatives.

M. Nadeau-Dubois : Merci beaucoup, messieurs.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Merci beaucoup. Je céderais la parole à la députée de Joliette.

Mme Hivon : Oui, bonjour, Dr Gaudreault, Dr Luyet. Juste un petit commentaire en débutant. Je pense que vous avez, à escient, fait une conclusion assez provocante en disant que les parlementaires québécois avaient dans leur angle mort des personnes souffrantes. Je veux juste vous rassurer, ce qui nous anime à tous les jours en ayant créé cette commission-ci, c'est de s'occuper de personnes souffrantes. Et je veux dire que, depuis qu'on a fait la loi et la démarche au Québec, qui a influencé la Cour suprême et ensuite le fédéral avec le Code criminel, qui a repris notre terminologie, jusqu'à nos critères, c'était d'être là pour les personnes souffrantes. Donc, je veux vous rassurer, on est là pour ces personnes-là.

Je veux... Je voudrais continuer, justement, ça fait le lien, sur la souffrance. Vous en avez parlé avec mes deux collègues. Vous allez trouver qu'on est obsédés par ça, mais moi, je voulais comprendre le degré de confort. Vous êtes le Collège des médecins, donc vous êtes là pour, évidemment, que les actes soient bien faits. Mais vous êtes en constant contact avec ces médecins-là qui pratiquent ce type de soin. Le degré de confort des médecins d'administrer l'aide médicale à mourir à une personne qui serait inapte, qui aurait fait une demande anticipée, et qui ne serait plus là pour pouvoir donner son avis, et qui pourrait être dans un état qui fluctue beaucoup, où il est difficile d'évaluer certaines choses, j'aimerais que vous me parliez un peu de comment vous pensez qu'il va être. Parce qu'au début de la loi il y avait très peu de médecins ouverts, et beaucoup de médecins nous disent : Oui, ça a évolué, heureusement, mais là c'est toute autre chose de penser, comme médecin, comme soignant, d'administrer l'aide médicale à mourir à quelqu'un qui n'est pas là avec toute sa conscience, donc pour manifester sa volonté. On parle de demande anticipée, là.

Et l'autre élément, c'est la souffrance, justement. Je veux bien que vous me clarifiiez ça, là. La souffrance, c'est un critère incontournable de l'article 26 de la loi. Là, ce que vous nous dites, vous, c'est que vous jugez que cette souffrance-là, dans le fond, elle n'a pas à être évaluée au moment de l'administration de l'aide médicale à mourir dans le cas d'une demande anticipée, mais bien de ce qui aurait été anticipé par la personne. Et donc on se fie à cette souffrance anticipée là et non pas à la souffrance au moment même de l'administration de l'aide médicale à mourir.

Donc, c'est mes deux questions. Je vous lance ça, parce que j'ai un gros cinq minutes. Ça fait que, si vous pouvez répondre, ce serait très apprécié.

M. Gaudreault (Mauril) : Un début de réponse de ma part, puis complété par le Dr Luyet, j'en suis certain. Écoutez, c'est pour ça que je disais tout à l'heure : un suivi au long cours, c'est important, tu sais, pas un suivi pendant un an, pendant, nécessairement, deux mois, etc. C'est un médecin, une équipe qui aura le suivi d'un patient pendant x temps. À mon avis, c'est ça qui est important d'abord et avant tout par rapport à bien évaluer, je dirais, les volontés de ce ou cette patiente par rapport à la situation qu'elle vit. C'est pour ça, là, dans ce sens-là... Et je pense qu'il y aura toujours des médecins qui seront mal à l'aise avec ça puis il y aura toujours des médecins qui le seront plus. Et notre code de déontologie le dit aussi, lorsqu'il y a une objection de conscience, on n'a pas de problème avec ça, mais, à ce moment-là, le médecin qui ne peut pas aller dans ce soin-là doit référer son patient à un médecin qui, lui ou elle, est d'accord pour administrer ce type de soin, toujours dans le cadre de la logique de soin.

Mais, pour bien répondre à votre question — c'est important, merci de la poser d'ailleurs — bien, oui, je pense que les médecins, il y en a un bon pourcentage qui vont être à l'aise avec ça parce qu'ils auront connu la personne de façon intime au long cours, c'est ça que je veux dire, sur x temps, par rapport à avoir échangé avec elle, par rapport à bien connaître ses volontés, ses valeurs, etc., le médecin, mais aussi les autres professionnels qui font partie de l'équipe. Dr Luyet.

• (15 h 40) •

M. Luyet (André) : Bien, exactement dans le même sens, pour dire que ce qu'on ouvre comme porte, là, c'est de dire : On ne peut pas dire, à ce moment-ci, que c'est contre nos principes déontologiques, là, d'aller dans le sens d'une demande anticipée. Donc, il faut le regarder. On pense qu'il y a des façons de le faire qui seraient correctes et on ouvre des portes, là, pour explorer cette éventualité-là. Je pense qu'il y a une façon de le faire et de le faire correctement. Et, si c'est fait correctement, je pense que les médecins vont endosser cette... je dirais, cette nouvelle façon là, là, cet élargissement-là des choix qui sont offerts aux personnes.

Mme Hivon : O.K. Puis avec le petit peu de temps qui me reste, je comprends donc que mon analyse de votre positionnement sur la question de la souffrance était la bonne puisque vous n'avez pas réfuté. Ça fait qu'en tout cas vous pourrez me dire si j'errais dans l'interprétation de vos propos.

Mais ma dernière petite question, c'est... J'imagine que vous avez pris connaissance, là, du rapport d'expert sur la question de l'inaptitude et donc de l'aide médicale à mourir, là, Maclure... le rapport Maclure-Filion. Et je voulais savoir si, globalement, les balises qu'ils ont mises, là... comme un diagnostic préalable, un tiers désigné pour alerter l'existence d'une demande anticipée, est-ce que ces balises-là, vous êtes en accord avec, donc, ce qui est recommandé?

M. Gaudreault (Mauril) : Oui, tout à fait.

Mme Hivon : Parfait. Merci.

M. Gaudreault (Mauril) : Et je voulais vous dire, Mme Hivon, que ce n'était pas... ce n'est pas dans un sens de confrontation qu'on utilise de tels mots par rapport aux parlementaires, mais c'est plus un appel à l'aide de la part des patients puis des médecins qui s'en occupent pour faire en sorte de prendre des décisions rapidement. C'est dans ce sens-là.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup. Merci beaucoup, Dr Gaudreault et Dr Luyet, d'avoir été avec nous cet après-midi et d'avoir partagé votre expertise et celui de vos collègues.

Donc, nous suspendons les travaux quelques instants, le temps d'accueillir nos nouveaux invités.

(Suspension de la séance à 15 h 42)

(Reprise à 15 h 51)

La Présidente (Mme Guillemette) : Donc, nous sommes de retour. Nous accueillons maintenant le Curateur public du Québec avec Me Denis Marsolais et Me Julie Baillargeon-Lavergne. Donc, merci d'être avec nous cet après-midi, d'avoir accepté cette belle invitation. Nous allons débuter les échanges. Vous allez avoir 20 minutes pour nous présenter votre exposé. Par la suite, il y aura un échange avec les membres de la commission pour une période de 40 minutes. Donc, je vous cède la parole dès maintenant.

Curateur public

M. Marsolais (Denis) : Alors, bon, merci, Mme la Présidente. Je salue aussi tous les membres de la commission, dont je connais plus particulièrement certaines personnes d'entre vous. Je tiens à vous remercier de nous donner l'occasion de participer à la réflexion sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie et, plus particulièrement, sur l'élargissement potentiel de l'aide médicale à mourir aux personnes en situation d'inaptitude et celles souffrant d'un problème de santé mentale. Est-ce que vous m'entendez bien? Ça va? Merci.

Bien évidemment, tout ce qui touche la protection des personnes inaptes interpelle particulièrement le Curateur public. C'est l'essence même de notre mission depuis près de 75 ans. Au fil des années, notre organisation s'est développée et s'est aussi modernisée. Nous avons toujours placé l'intérêt de la personne inapte, le respect de ses droits et la sauvegarde de son autonomie au coeur de nos interventions. Nous faisons un pas de plus dans cette direction avec la nouvelle loi adoptée à l'unanimité à l'Assemblée nationale le 2 juin 2020, loi qui rentrera en vigueur en juin 2022, donc dans près d'un an. Il est inscrit clairement dans cette loi que les volontés et les préférences de ces personnes doivent être prises en compte dans toutes les décisions qui les concernent. Vous constatez que le Curateur public évolue au même rythme que celui de la société québécoise. C'est aussi ce que nous entendons faire cet après-midi avec vous concernant la question de l'aide médicale à mourir.

Je souhaite brosser un bref tableau de l'organisation que je dirige. Le Curateur public, c'est plus de 800 employés qui oeuvrent dans des domaines d'expertise très variés. Nous sommes présents dans 11 villes au Québec. Nous jouons trois rôles principaux, soit sensibiliser la population à l'inaptitude, aux mesures de protection, accompagner les familles qui prennent charge d'un proche inapte et, en dernier recours, bien, agir comme représentant légal pour les personnes inaptes lorsqu'il n'y a aucun proche pour les présenter.

On estime qu'au Québec il y a plus de 175 000 adultes qui seraient inaptes. La très grande majorité d'entre eux n'ont aucune mesure de protection juridique. Les quelque 33 000 adultes qui ont une mesure de protection juridique sont majoritairement pris en charge par leur famille, à savoir 9 200 personnes qui sont sous régime privé, donc un tuteur ou un curateur, un proche, 11 400 personnes que c'est suite à un mandat homologué. Les autres, soit environ 13 000 personnes, bien, ces 13 000 personnes-là sont sous notre responsabilité, donc une représentation légale par le Curateur public.

Les causes d'une inaptitude des personnes que nous représentons sont, à 41 %, déficience intellectuelle, problèmes de santé mentale, 30 %; maladies dégénératives, 21 %; et traumatismes crâniens et autres causes, 8 %. Nous pensons que c'est important de vous préciser ces statistiques-là dans l'objet de la commission qui nous intéresse cet après-midi.

Auprès des personnes que nous représentons, il y a une équipe de 146 curateurs et curatrices délégués qui sont mes yeux et mes oreilles sur le terrain. Ces professionnels engagés et empathiques prennent quotidiennement des décisions qui ont un impact dans la vie des personnes inaptes. Dans cette prise de décision, nous sommes toujours guidés, et ça, c'est important, par l'intérêt de la personne, le respect de ses droits et la sauvegarde de son autonomie.

Pour les personnes représentées par le Curateur public ainsi que pour toute personne isolée, une de nos responsabilités est de traiter les demandes de consentement aux soins lorsqu'il est établi que ces personnes ne peuvent consentir elles-mêmes. Notre Direction médicale et du consentement aux soins, sous la direction du Dr Jean-Victor Patenaude, est formée de médecins et d'infirmières. Cette direction traite annuellement plus de 10 700 demandes de consentement de toute nature. C'est énorme.

En matière de consentement aux soins, en vertu du Code civil du Québec, le Curateur public est tenu d'agir dans le seul intérêt de la personne qu'il représente, en respectant, évidemment, dans la mesure du possible, les volontés qu'elle a pu manifester. Si une personne inapte, sous la responsabilité du Curateur public, a rédigé des directives médicales anticipées en application de la loi, lorsqu'elle est encore, évidemment, apte, ces directives seront respectées si les soins visés sont jugés requis par le médecin traitant.

C'est fort de notre expertise et de notre expérience que nous abordons aujourd'hui avec vous une question, comme vous en conviendrez, complexe et délicate. À ce stade-ci, les certitudes n'ont sans doute par leur place, mais nous souhaitons transmettre néanmoins à la commission certaines réflexions, et ce, en toute ouverture.

Tout d'abord, le Curateur public est en faveur de l'élargissement des critères d'admissibilité pour l'aide médicale à mourir aux personnes qui prévoient perdre leurs facultés mentales en raison d'une progression d'une maladie neurodégénérative. Le Curateur public est d'avis que les personnes ayant reçu un diagnostic de cette maladie devraient pouvoir préparer une demande anticipée d'aide médicale à mourir. Pourquoi? Parce que, pour nous, encore une fois, le respect de l'autodétermination de la personne est fondamental. Il est clair pour nous que les souhaits de fin de vie que des personnes ont exprimés en toute connaissance de cause doivent être respectés une fois qu'elles sont devenues inaptes.

Pour assurer que la volonté du patient est bien traduite dans les demandes anticipées d'aide médicale à mourir, nous croyons que cette démarche devrait faire l'objet de discussions avec le médecin traitant. Nous recommandons donc que la demande anticipée d'aide médicale à mourir soit signée, évidemment, par le patient en présence de son médecin et que cette demande fasse l'objet de discussions périodiques. Je pense que le Collège des médecins a suggéré le même aspect, d'avoir des discussions, de façon périodique, patient et médecin pour voir l'évolution aussi et pour s'assurer que la situation déterminée dans la demande soit toujours évolutive... que le patient, pardon, puisse moduler ou préciser davantage, avec le médecin traitant, cette situation-là. De plus, les observations et les notes du médecin concernant ces discussions devraient, à notre avis, être consignées dans le dossier du patient pour assurer une pérennité des informations.

De façon générale, nous appuyons donc les initiatives qui visent à assurer une meilleure prise en compte de la volonté exprimée par une personne lorsqu'elle est encore apte. De plus, nous affirmons qu'aucune prise de... qu'aucune forme de prise de décision substitutive n'est à envisager pour demander l'aide médicale à mourir au nom d'une personne inapte. Il est inconcevable pour nous qu'une personne autre que la personne concernée puisse décider du sort de cette personne.

Le Curateur public estime également que, sur la base de l'égalité des droits, les personnes qui ont une déficience intellectuelle devraient aussi pouvoir formuler une demande d'aide médicale à mourir si elles sont atteintes d'une maladie grave et incurable et qu'elles sont aptes à consentir à leurs soins au moment de leur demande, évidemment, en respectant les critères de l'aide médicale à mourir.

Nous prônons également le droit à l'autodétermination et au respect des volontés des personnes atteintes de troubles mentaux et aptes à consentir à leurs soins. Toutefois, et le «toutefois» est important à notre avis, nous croyons qu'il est primordial que les experts en santé mentale balisent les critères d'admissibilité en considérant la nature de la maladie et les traitements disponibles, des experts en santé mentale ou une équipe multidisciplinaire qui gravitent autour de la santé mentale, pour être bien sûrs de bien encadrer et baliser cette maladie qui est particulière et qui touche malheureusement plusieurs personnes de notre société.

• (16 heures) •

Parlons maintenant de la façon d'enclencher le traitement d'une demande anticipée d'aide médicale à mourir au moment opportun en suivant les critères établis par la Loi concernant les soins de fin de vie.

Le Curateur public croit que le traitement d'une telle demande devra être enclenché, et ce n'est pas hiérarchique, c'est un ou l'autre, par le patient lui-même évidemment, par une personne qu'il désigne ou par les membres de l'équipe soignante. On a entendu que les statistiques, notamment aux Pays-Bas sur le... il y a deux ans, il y avait 162 demandes. Il y en a 160 demandes qui ont été formulées ou demandées, le déclenchement, par la personne... même, par le patient. Il y en a seulement que deux qui a été demandé par une tierce personne. Alors, on voit que c'est des cas quand même assez rares, mais quand même...

Si le patient le désire, il devrait pouvoir désigner son représentant légal, actuel ou futur, incluant le Curateur public. Le législateur pourrait envisager de leur accorder un rôle dans le suivi des traitements des demandes anticipées d'aide médicale à mourir pour les personnes isolées. Nous sommes donc ouverts à jouer un rôle auprès des personnes que nous représentons, si un besoin est exprimé en ce sens. À cet égard, je tiens à souligner que nous encourageons fortement la présence de proches auprès des personnes sous notre responsabilité et que nous favorisons toujours la collaboration avec eux.

J'aimerais également préciser que la préparation d'une demande d'aide médicale à mourir est un geste personnel et qui implique la personne elle-même et son équipe médicale. Le Curateur public n'est donc pas partie prenante dans la préparation de cette demande, et nous ne sommes pas non plus nécessairement informés lorsqu'une telle demande est acheminée ou existe. Nous exprimons une préoccupation particulière à l'égard des traitements des demandes formulées par des personnes qui seraient isolées et du respect de leur volonté. Le rôle précis que le Curateur public pourrait jouer dans ces situations reste à définir, mais je tiens quand même à vous préciser que nous sommes ouverts à mettre notre expertise à profit et à jouer un rôle de défense des intérêts de ces personnes. Nous poursuivons évidemment notre réflexion et nous sommes disposés à participer à des échanges sur ce sujet.

Le cas où une personne, qui aurait préparé une demande anticipée, soit incapable de déclencher elle-même la demande au moment choisi risque d'être rare, comme je vous l'ai expliqué. Cependant, évidemment, chaque cas est important. Nous avons le devoir, je pense, comme société, d'assurer à la population que les choix qu'ils ont faits en toute lucidité seront respectés au moment venu.

Finalement, le Curateur public... pour le Curateur public, la réflexion sur la question de l'élargissement de l'aide médicale à mourir doit être basée sur l'importance de la légalité des droits pour tous, du respect du droit à l'autodétermination et des volontés exprimées par les personnes. Cela constitue, membres de la commission, la base de notre mission et le reflet de nos valeurs et du respect de l'empathie.

Donc, notre positionnement peut se résumer de la façon suivante : le Curateur public est en faveur de l'élargissement des critères d'admissibilité de l'aide médicale à mourir. Nous sommes en faveur du droit à la renonciation au consentement final afin d'éviter que des personnes souffrant inutilement ou demandent l'aide médicale à mourir trop hâtivement de peur de perdre leurs capacités, le deuxième consentement, le fameux deuxième consentement. Nous sommes en faveur aussi des demandes anticipées pour des personnes ayant reçu un diagnostic de maladie neurodégénérative et nous sommes, et je le répète, en désaccord, profondément, sur le consentement substitué concernant les demandes d'aide médicale à mourir.

Nous sommes maintenant disposés à répondre à toutes vos questions. Alors, évidemment, Me Baillargeon est à l'emploi du Curateur public depuis 14 ans à titre d'avocate. Elle est évidemment mon adjointe exécutive depuis mon arrivée, mais, pour les questions opérationnelles, je lui laisserai le plaisir de répondre à vos questions, s'il y a des questions plus précises. Maintenant disposés, Mme la Présidente, à répondre à vos questions.

La Présidente (Mme Guillemette) : Parfait. Merci beaucoup pour votre présentation. Donc, je céderais maintenant la parole à la députée de Westmount—Saint-Louis.

Mme Maccarone : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Me Marsolais. Toujours un plaisir d'échanger avec vous et de vous entendre par rapport à le rôle du Curateur public, surtout en ce qui concerne maintenant les soins de fin de vie.

J'aurais des questions, c'est sûr, je vous entends, par rapport à l'autodétermination. Je pense que ça fait bien suite à la loi n° 18, qui a été adoptée, puis ce que nous aimerons mettre en vigueur par rapport au respect des droits civils des personnes qui sont peut-être sous curatelle avec des mandataires ou autres.

Mais je veux vous entendre un peu par rapport à une distance éthique. Est-ce qu'il y a une distance éthique à respecter en ce qui concerne peut-être le rôle du... ou la personne responsable pour une personne vulnérable? Parce qu'on a entendu plusieurs experts qui nous ont dit qu'il faut toujours faire attention à la... ou une mal interprétation d'une personne qui souffre peut-être d'une déficience intellectuelle ou qui est sous le spectre de l'autisme, parce qu'on sait que souvent ils ont une tendance de vouloir nous dire ce qu'ils pensent qu'on veut entendre, puis on sait aussi que ça se peut que ça va être un niveau de compréhension qui va se différer d'une personne qui n'a pas une difficulté neurologique, par exemple.

Alors, est-ce qu'il y a une distance éthique à respecter? Et, si oui, comment pouvons-nous la mettre en place pour s'assurer qu'on protège ces personnes qui sont souvent très vulnérables déjà et déjà marginalisées?

M. Marsolais (Denis) : Je vais me permettre... réponse, puis Julie pourra compléter.

Écoutez, un des premiers critères importants et incontournables, c'est le consentement libre et éclairé. Il faut s'assurer qu'une personne soit qui a un diagnostic de déficience intellectuelle ou atteinte de maladie mentale, et là on parle d'élargissement, ne soit pas privée de faire une demande d'aide médicale à mourir du seul fait qu'elle est déficiente intellectuelle ou qu'elle a une maladie mentale. Ça, c'est la première prémisse.

Maintenant, il faut s'assurer du consentement. Il faut s'assurer que cette personne-là comprend bien la portée de sa demande et de son geste. J'aime à penser et je suis convaincu qu'il y a une foule de personnes, même qui sont inaptes, déclarées inaptes, qui ont cette capacité, qui ont la capacité d'être en mesure de décider de demander, dans telle circonstance, d'avoir l'aide médicale à mourir. Évidemment que c'est un sujet délicat et que les balises doivent être importantes. C'est pour ça qu'en ce qui concerne les maladies mentales, qui est une maladie, c'est important que les balises soient établies de façon très serrée, sans ambiguïté pour qu'on puisse déterminer ou donner l'opportunité à ces personnes-là, mais aux bonnes personnes, pas que ça soit une possibilité donnée à toutes les personnes atteintes de maladie mentale.

Pour des personnes atteintes de déficience intellectuelle, là aussi, je pense qu'il faut agir de façon prudente, mais ça ne veut pas dire qu'on doit nécessairement, pour éviter... Comment dirais-je? Ce n'est pas en balisant puis en empêchant ces personnes-là d'avoir cette opportunité-là qu'on va régler la situation. Je pense qu'il faut avoir une ouverture. La société, je pense qu'elle est rendue là. Il faut avoir une ouverture, donner cette possibilité-là à ces personnes-là, mais il faut qu'elle soit balisée. Ça, c'est le premier volet.

Deuxième volet, c'est que la... Bon, pour l'aide médicale à mourir, une décision... un consentement anticipé, là, je pense que toute l'équipe soignante a un rôle fort important. Je discutais avec le président du Collège des médecins, cette semaine, il était tout à fait d'accord avec... Bon, en fait, on a la même position, il faut absolument que la situation qui va être identifiée dans la demande du patient ou de la personne concernée, il faut que cette situation-là, évidemment... Puis je pense qu'aux Pays-Bas ils demandent même que ça soit écrit de la main de la personne et non pas que ça soit une question, réponse, là, ou un choix multiple, d'une part. Puis il faut aussi que cette situation-là soit claire pour le patient, pour la personne qui fait la demande, mais aussi et surtout, je vous dirais, pour le médecin traitant, pour que les deux s'entendent sur la clarté de la situation, pour ne pas qu'il y ait d'ambiguïté le jour où cette situation-là arriverait et le jour où l'administration devra être traitée par le médecin.

Alors, la meilleure façon... Je vais essayer d'être plus court dans mes réponses. La meilleure façon de s'assurer de ça, bien, il faut que ce libellé-là soit entériné ou soit vérifié par le médecin traitant et non seulement soit vérifié lors de la demande, à notre avis, mais il faut qu'il soit à toutes les rencontres ou périodiquement dans les visites du patient et du médecin, que le médecin puisse reparler de... bien, d'abord, pour voir si la personne est toujours consentante puis peut-être pouvoir bonifier, moduler ou peaufiner la circonstance que cette personne-là a donnée et de le noter dans le dossier. Moi, je pense qu'avec ces balises-là, je pense qu'on vient mettre un encadrement qui va permettre de s'assurer que ça va être les bonnes personnes qui vont pouvoir faire l'aide médicale à mourir.

• (16 h 10) •

Mme Maccarone : Ça fait qu'en parlant des bonnes personnes... Je m'excuse, je veux juste interrompre, parce que peut-être vous pouvez élaborer dans votre réponse complémentaire à ce que Me Marsolais vient de partager. Ce serait quoi, le rôle du Curateur public? D'abord, si c'est une personne qui est sous la responsabilité du curateur, comment cette personne va militer, va accompagner cette personne? Est-ce qu'on devrait parler... penser à élargir le rôle du curateur à cet égard? Parce que des fois, pour quelques personnes, comme vous le savez très bien, vous êtes le seul intervenant qui représente une personne vulnérable.

M. Marsolais (Denis) : Et on ne veut pas se défiler dans nos responsabilités, au contraire, mais on veut être en mesure de bien rendre ces responsabilités-là. C'est pour ça qu'on est encore dans la réflexion quel rôle précis on pourrait jouer.

La chose que je peux affirmer aujourd'hui, c'est que vous avez vu, dans notre mémoire, la recommandation de dire que le patient ou la personne qui est sous notre responsabilité peut nommer un tiers... Elle peut soulever sa demande elle-même, nommer un tiers ou nommer le personnel soignant. Lorsqu'elle nomme un tiers, on s'inclut dans ce tiers-là, parce qu'il y a des personnes... On parle de la demande anticipée, par exemple, là. Une personne qui fait une demande anticipée puis qui dit : Bien, le jour... si jamais je deviens inapte, et donc je devrais avoir un tuteur privé ou un tuteur public, bien, j'aimerais ça que ça soit mon tuteur qui fasse... le suivi de ma demande. Il y en a que c'est complètement le contraire, qui ne voudrait absolument pas que le tuteur, qui est public, qui est le gouvernement, puisse interagir dans cette démarche-là. Mais, si c'est le voeu et le souhait de la personne, je ne peux pas contredire tout ce que je viens de vous dire depuis les 20 dernières minutes. Nous, on va respecter les volontés de la personne puis on va s'assurer que ces volontés-là soient respectées en tout temps.

Alors, si elle souhaite, cette personne-là, qu'on soit la personne qui... le tiers de confiance, bien, on le sera, puis là, à ce moment-là, il y aura des modalités à établir avec... Évidemment qu'on a des curatrices déléguées qui suivent toutes les personnes qui sont sous notre responsabilité. On connaît le dossier, on sera... on établira des relations avec les médecins traitants aussi pour être sûrs de participer à l'évolution des discussions que... évidemment, avec l'autorisation initialement du patient pour qu'on puisse être en mesure de connaître la situation. N'étant pas un proche, ça va être plus difficile. C'est là qu'il faut essayer de développer des modalités pour faire en sorte qu'on puisse avoir connaissance au bon moment... mais, entre vous et moi, là, on va toujours privilégier un proche de la famille. Pour une personne qui désire l'aide médicale à mourir, un proche de la famille a beaucoup plus de proximité. On n'aura jamais autant de proximité, nous, qu'un proche de la famille. Et s'il n'y en a pas, là... Julie.

Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) : Il faut aussi faire la distinction entre les personnes qu'on représente, qui pourraient être isolées, les personnes qui ne sont pas sous régime de protection, qui sont aussi isolées. Là, il y a vraiment des enjeux... On n'est pas fermés, là, on est ouverts aux discussions là-dessus, mais, pour nous, on voit des problématiques. Dans la mesure où on ne connaît pas ces personnes-là, il y a une impossibilité pour nous de suivre l'évolution de la maladie, comment même être au courant qu'il y aurait eu une demande faite en ce sens-là.

Donc, ça, c'est... Il y a un besoin de réflexion à ce niveau-là, et je ne sais pas quel rôle, nous, on pourrait jouer pour ces personnes-là.

M. Marsolais (Denis) : Assurément qu'il y a un groupe de personnes qui connaît... qui va connaître en temps réel la situation de la personne concernée, c'est l'équipe soignante.

Mme Maccarone : ...circonstances vraiment favorables, mais on sait que, dans plusieurs cas, ce n'est pas la réalité de plusieurs personnes. Alors, que pouvons-nous faire vraiment pour s'assurer qu'on protège ces personnes?

Ça fait que ça m'amène à une réflexion. Lors des échanges que nous avons eus, à l'intérieur des changements pour le projet de loi n° 18, est-ce que nous avons manqué une opportunité de venir protéger les personnes encore plus quand nous parlions peut-être d'un élargissement de l'aide médicale à mourir puis des soins de fin de vie? Parce qu'on n'a pas eu ce débat par rapport au rôle de Curateur public.

Alors, est-ce qu'on a des considérations légales à penser aussi en ce qui concerne peut-être les recommandations qui vont venir suite... à la fin de cette commission?

M. Marsolais (Denis) : Écoutez, moi, je pense que, lorsqu'on a parlé du projet de loi et qu'on a présenté, article par article, toute la question des soins était écartée des discussions, était écartée des discussions parce que ça concernait les dispositions qui relèvent du ministère de la Santé, d'une loi qui relève du ministère de la Santé.

Par ailleurs, toujours dans la foulée du respect des volontés d'une personne, bien, il n'est pas... je veux dire, ce n'est pas antinomique aujourd'hui de dire que, si une personne désire que, le jour où elle deviendrait inapte, que ça soit... à mon avis, idéalement un proche, là, mais que ça soit le curateur... on va agir, il n'y a pas de souci. Ça fait qu'on n'est pas... pas parce qu'on ne l'a pas traité, parce que c'est un autre... vraiment, c'est un autre chantier, bien, qu'on ne peut pas le traiter indirectement par la commission qui fait l'objet des discussions qu'on a aujourd'hui, là. Ce n'est pas...

Mme Maccarone : Bien, vous, vous êtes prêt aussi... Tu sais, c'est sûr, on a parlé beaucoup de formation puis, dans cette commission-ci, on parle beaucoup de formation. Ça fait que vous êtes d'avis que ça va prendre une formation, évidemment, assez précise pour le curateur.

Puis on a aussi eu une question par rapport à... qu'on devrait peut-être mettre tous les cas publics des gens qui font des demandes, des gens qui ont accès à l'aide médicale à mourir. Pensez-vous que c'est le chemin que nous devons prendre pour que les personnes comprend mieux? Puis est-ce qu'il y a aussi une question éthique en ce qui concerne les personnes sous la responsabilité du curateur, si on y va vers un registre public de ces demandes pour mieux comprendre les soins de fin de vie?

M. Marsolais (Denis) : Moi, je vous avoue que notre réflexion concernant l'existence ou non d'un registre public n'est pas terminée. Mais, pour l'instant, je ne suis pas convaincu aujourd'hui que le registre public pourrait amener... pourrait être d'une utilité dans le cadre de l'aide médicale à mourir. Moi, encore une fois, je reviens, c'est une relation patient-médecin traitant. C'est là... L'importance, c'est bien plus dans le dossier médical du patient ou de la personne que dans un registre public, là.

Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) : Bien, surtout considérant qu'on... Tu sais, il faut qu'il y ait des discussions périodiques. Les volontés peuvent évoluer dans le temps, les modalités aussi, notre perception sur notre maladie. Je pense que le fait d'avoir des discussions fréquentes avec l'équipe médicale, ça peut difficilement se refléter dans un registre.

M. Marsolais (Denis) : Tu sais, il y a des personnes... Je peux présumer que des personnes aujourd'hui qui reçoivent un diagnostic de maladie dégénérative puis là qui disent : Je veux faire une demande anticipée, je ne veux jamais me rendre à telle situation, que le jour où mes enfants ne me reconnaissent pas, etc., je vais me retrouver en chaise roulante, peu importe... Aujourd'hui, je pense, ça, peut-être, au fil des années... maladie d'Alzheimer, c'en est une, là, au fil des années, je ne trouve pas ça si pire que ça, puis ce que je pensais il y a deux ans, quand j'ai formulé ma demande, bien, ma tolérance a évolué et ma pensée a évolué avec les discussions avec le médecin, puis j'aurais le goût de moduler un peu, de modifier un peu la situation x que j'ai mentionnée dans ma demande. Je pense qu'il faut laisser absolument cette possibilité-là de faire évoluer le consentement, d'un côté comme de l'autre, avec la meilleure personne, le meilleur conseiller... Bon, je dis le médecin traitant, c'est l'équipe qui entoure aussi... Je pense que le Dr Gaudreault nous l'a mentionné, parce que... Je ne l'ai pas écouté nécessairement après-midi, mais des discussions que j'ai eues avec lui... Toute l'équipe qui entoure un médecin, là, bien... évidemment que ces personnes-là aussi ont un contact avec certaines personnes de l'équipe.

Alors, il faut vraiment qu'il y ait du dialogue continu puis que le dialogue aussi puisse être colligé dans le dossier médical pour laisser des traces, parce que le médecin peut prendre sa retraite, la personne peut changer de district, puis son dossier suit. Il faut absolument qu'il y ait des traces, et je ne pense pas... Pour essayer de faire une réponse courte quand j'en fais une longue, je ne pense pas que le registre... qu'un registre quelconque pourrait pallier à ça. Je réponds bien à votre question?

Mme Maccarone : Oui. C'est sûr, ça répond bien à ma question, mais ce que... c'est plus dans le sens que je cherche des précisions. Je pense que tous les membres de la commission cherchent des précisions. Même j'aurais voulu vraiment entendre votre avis en ce qui concerne le rôle du curateur puis comment que vous voyez comment que le curateur va soit accompagner... puis si nous avons des changements vraiment à faire qui sont précis à l'intérieur des recommandations finales. Je pense que c'est le moment puis je pense que c'est ça que nous avons besoin d'avoir en ce qui concerne les personnes vulnérables.

L'autre question que j'aurais... Puis je comprends que vous êtes en train de faire la réflexion, tout à fait, je pense que nous avons du temps à peut-être revoir... Si vous avez une réflexion plus mûre à partager avec les membres plus tard, je pense que ce serait le bienvenu puis ça va sûrement faire partie de notre réflexion.

Mais ça m'amène à... autre question comme : Est-ce qu'il y a des... Quand on parle d'autodétermination, est-ce qu'il y a des cas où il y aura des exclusions puis est-ce que nous devons aussi avoir cette réflexion à quelque part? Parce que, là, on parle de consentement libre et éclairé, mais souvent les personnes qui sont sous la responsabilité du curateur... Bien, c'est la question que nous avions, tellement que... leur donner le droit de vote, on a plusieurs questionnements. Et, si on a cette réflexion... puis là c'est les demandes d'avoir accès aux soins de fin de vie. Est-ce qu'il y a des moments où nous devons avoir une réflexion de... ces personnes ne devront pas faire partie, malgré que nous voulions respecter une autodétermination?

• (16 h 20) •

M. Marsolais (Denis) : Assurément. Assurément qu'il devrait... mais c'est les balises qui vont être établies qui vont permettre... qui vont permettre, qui vont peut-être exclure la possibilité, pour tel type de personne, à faire une demande d'aide médicale.

Mais moi, je pense... Comment dirais-je? Vous me dites que vous voulez avoir des précisions. Moi, la précision la plus importante que je vous dis, que je suis en mesure de vous dire aujourd'hui, c'est que nous, on va être le gardien de respecter les volontés de la personne. Ça, c'est du côté du Curateur public.

Quant à établir les balises qui vont permettre à une personne de le faire ou ne pas le faire, moi, je pense qu'il faut donner ouverture à le faire, mais baliser ces opportunités-là. Puis ça, bien, c'est une équipe multidisciplinaire qui va faire en sorte de faire certaines balises, là.

Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) : Bien, je veux peut-être juste préciser, ce n'est pas parce qu'on est sous régime de protection et déclaré inapte par le tribunal qu'on est nécessairement inapte à consentir à ses soins.

Donc, à chaque fois qu'on prodigue un soin, le médecin doit évaluer, selon les critères de la Cour d'appel, si tu es apte à consentir à ce soin-là, puis ça va être la même chose pour l'aide médicale à mourir. Et ça, c'est vraiment l'équipe médicale qui va juger si tu as l'aptitude nécessaire à donner un consentement libre et éclairé. Donc, ça, c'est une chose, et il y a plein de gens qui sont sous régime, qui sont aptes à consentir à leurs soins, et d'autres ne le sont pas. Donc, ça, c'est vraiment la base.

Pour ce qui est de la demande anticipée puis le tiers de confiance, là, on ne parle pas d'un consentement substitué ici. C'est vraiment juste lever le drapeau puis de dire : Cette personne-là, elle a formulé une demande à une certaine époque, on pense qu'elle est peut-être rendue là puis on laisse le soin à l'équipe médicale de juger de...

Mme Maccarone : Ça fait que c'est qui qui devrait mettre en vigueur, peut-être, des règles modulées, de façon modulée pour avoir ce consentement? Le curateur qui a un rôle à jouer à l'intérieur de ça? Parce qu'on a entendu, tu sais, c'est pour avoir des balises... Vous avez dit qu'il faut que ça soit libre et écrit, mais, si une personne n'a pas les moyens d'écrire, est-ce que verbal, ça y va? Tu sais, est-ce qu'on devrait avoir... autres moyens d'accompagnement? Puis, si oui, est-ce que le curateur a un rôle à jouer à l'intérieur de... le mettre en vigueur?

M. Marsolais (Denis) : Assurément que le curateur est sûrement une personne qui va avoir un rôle important dans cette démarche-là, mais ça ne sera pas le seul, parce qu'on n'a pas toutes les expertises. On a beau avoir une équipe médicale ici... Nous, c'est clair que, si on aura à statuer pour faire le suivi suite à une demande... puis c'est clair qu'on va former une équipe multidisciplinaire à l'intérieur de notre organisation, puis il va y avoir un certain nombre de personnes d'expertise qui vont évaluer, est-ce que le moment est arrivé pour faire en sorte d'aviser l'équipe soignante pour dire : Bien, ce qui a été souhaité par la personne, le moment précis, bien, c'est le temps d'aviser l'équipe médicale.

Mais, en même temps, il faut toujours avoir à l'esprit, et Julie l'a précisé, le consentement anticipé, le consentement a été donné. Le reste de la démarche, c'est le tiers, là, soit le tiers proche ou le tiers Curateur public, et il ne fait... juste soulever à l'équipe soignante ou au médecin traitant que la situation qui avait été décrite dans la demande, selon les informations qu'il a, cette situation est arrivée, et c'est le moment peut-être de voir à l'administration de l'aide médicale à mourir. Après, là, c'est le médecin qui va décider s'il y a une corrélation entre la situation qui est soulevée par rapport à la situation souhaitée.

C'est pourquoi c'est tant important qu'il y ait une communication, à la base, entre le patient, le demandeur et le médecin traitant pour que le langage utilisé dans la description de la situation soit un langage, certes, qui soit compris par le demandeur, mais aussi qui soit clair pour le médecin traitant ou pour tout autre médecin qui aura à traiter du suivi de cette demande-là. Moi, je pense que...

Mme Maccarone : Notarisé?

M. Marsolais (Denis) : Je ne suis pas là puis, écoutez, je suis un peu mal placé pour vous donner une opinion là-dessus, ayant été président...

Mme Maccarone : Vous, vous êtes mal placé? Vous êtes l'ancien...

M. Marsolais (Denis) : Non, mais pourquoi pas? Pourquoi pas, mais je pense que...

Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) : Ça devrait faire partie d'un éventail d'options, je pense, pour le citoyen.

M. Marsolais (Denis) : Là, vous me posez une belle question, là, difficile à répondre. Mais moi, je pense qu'il faut que... je pense qu'un acte notarié pour recevoir le consentement, j'en suis, il n'y a pas de souci, mais quid de l'évolution de la situation après, parce que la... peut-être que le consentement va être modulé, et tout, ça... Je ne suis vraiment pas dans ces modalités-là pour l'instant, là, de la façon de faire le consentement.

L'important, pour moi, là, c'est qu'il y ait un consentement éclairé, qu'on soit certain que la personne, qu'elle soit atteinte de maladie mentale ou de déficience intellectuelle, qu'elle puisse faire cette demande-là si elle est en mesure de le faire puis y consentir. Parce qu'il y a plein de personnes qui ont ces pathologies-là puis qui sont en mesure de donner un consentement aux soins. Ça reste un soin. Évidemment, c'est un soin particulier, puis, comme c'est un soin particulier quand on parle de maladie mentale, tout particulièrement, bien, il faut que ce soin-là soit encadré avec des balises qui soient la suite de réflexions de l'équipe médicale multidisciplinaire qui va faire en sorte qu'on ne fasse pas n'importe quoi. C'est important, là, mais il ne faut pas brimer les gens d'avoir la possibilité de le faire. Ils sont assez... Parfois, les personnes atteintes de maladie mentale ou de déficience intellectuelle, qui sont un peu considérées... qui, en général, ne sont pas aptes à dire ou à donner leur opinion, que... dans la vraie vie, ce n'est pas vrai.

Alors, il faut donner la chance, cette possibilité-là si la personne est en mesure de consentir à.... Comme le consentement aux soins, nous, il y a des gens qui sont sous notre juridiction puis qui sont en mesure, selon le médecin, de consentir aux soins. On n'intervient pas. On intervient seulement dans le cas où cette personne-là, selon l'équipe médicale, n'est plus en mesure de consentir aux soins.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Merci, Mme la députée. Je céderais la parole à la députée de Joliette.

Mme Hivon : Oui. Bonjour à vous. Merci beaucoup pour votre présentation et votre réflexion sur tout ça. On tenait vraiment à vous entendre.

Merci d'abord de la précision, là, ou du rappel que vous faites sur l'importance que la situation quant à l'aptitude de la personne à consentir à ses soins doit se faire à chaque fois, pour chaque demande, et qu'il n'y a pas d'a priori qu'on doit avoir parce qu'une personne est sous un régime de protection. C'est déjà le cas en ce moment, la personne qui peut fluctuer dans son aptitude peut faire une demande d'aide médicale à mourir si, quand elle le fait, elle est apte. Donc, je pense qu'il y a encore beaucoup de pédagogie à faire dans la société par rapport à ça, pour enlever ces stigmates-là et ce paternalisme-là. Ça fait que merci de le faire à nouveau.

Et l'autre chose sur laquelle je vous remercie d'emblée, au-delà, là, de la prise de position, c'est que vous êtes très clairs, mais on voulait vous entendre là-dessus. Donc, des personnes qui sont inaptes, en quelque sorte, de naissance, qui ont une déficience profonde, qui ne peuvent consentir, donc, à aucun soin, à aucun élément de leur vie, vous nous dites : jamais de consentement substitué pour ces personnes-là. Donc, ça, c'est très clair.

M. Marsolais (Denis) : En tout cas, tant que je serai Curateur public, ça va être non. On ne peut pas prendre la place de ces personnes-là.

Mme Hivon : Parfait. Parce que, même si certains en théorie pourraient dire qu'il y a une discrimination, je comprends que vous mettez le curseur vers la protection, parce qu'il pourrait y avoir des dérives trop importantes. Parfait. C'est très clair.

Là, je veux qu'on aille sur le tiers ou l'équipe traitante qui serait la personne qui agite le drapeau. On a bien compris, ce n'est pas cette personne-là qui décide, mais elle a accompagné la personne, elle sait qu'il y a une demande anticipée qui a été faite.

Donc, je veux juste bien, là... J'ai lu votre mémoire, tout ça, là. Ce que vous nous dites, c'est que, quand il y a un tel tiers qui est désigné dans la demande potentielle, c'est cette personne-là qui agite le drapeau auprès de l'équipe soignante. Quand il n'y en a pas, ça pourrait être l'équipe soignante. Évidemment, vous dites : Nous, on pourrait peut-être jouer un rôle là-dedans, le curateur. Mais, quand il y en a une personne de désignée, c'est ça que je veux clarifier avec vous, là, dans votre hypothèse, il faut que ça soit cette personne-là ou vous dites : Bien, ça pourrait aussi être l'équipe soignante, puis on pourrait passer outre ou, en tout temps, c'est la personne qui est désignée?

• (16 h 30) •

M. Marsolais (Denis) : Encore une fois, en prémisse de la réponse que je vais vous donner, ma plus grande préoccupation, c'est le respect de la volonté de la personne.

Donc, le monopole donné au tiers, nommé par la personne, je pense qu'il ne faut pas que cette personne-là ait le monopole. Le meilleur exemple, je nomme ma conjointe ou je nomme... peu importe la personne, et cette personne-là, le moment venu, elle ne veut pas... elle ne veut pas pour toutes sortes de raisons, éthiques, religieuses, ou peu importe, et là, alors que l'équipe soignante... et son consentement était très clair, la description de la situation était très claire. Moi, je veux faire en sorte, autant que faire se peut, de donner un éventail de possibilités à faire en sorte que la volonté clairement exprimée en toute lucidité d'une personne puisse être réalisée, si cette situation-là arrive. Évidemment que la prémisse à tout ça, c'est que la situation soit claire autant pour le médecin traitant que pour le patient. C'est pour ça que l'importance... qu'il y ait une connexion. Et moi, j'irais même à dire...

Mme Hivon : ...

M. Marsolais (Denis) : Oui, j'irais même à dire, on ne l'a pas dit dans le mémoire, que les médecins devraient signer la demande avec le patient. Je ne vois pas, une fois que... Puis donc, s'il signe la demande, c'est qu'il... la meilleure personne placée pour dire que cette personne-là est capable de donner un consentement, c'est son patient, et qu'il constate aussi que le libellé de la situation est clair pour lui. Ça fait que, pour les tiers, la meilleure preuve, ça serait que le médecin et le patient signent cette demande-là. De toute façon, cette demande-là va être dans le dossier médical, et ça va se suivre. Alors, je pense que, si on veut blinder les choses, là, c'est ça...

Et pour répondre plus précisément à votre question, qu'il y ait un tiers de confiance ou qu'il y ait un proche, tant mieux, mais de faire une hiérarchie de consentement, s'il n'est pas là, puis après tu vas à là, puis après tu vas à l'autre, moi, je pense que le sujet est trop sérieux, et l'enjeu de respecter la volonté d'une personne, c'est trop important pour nous que de le limiter seulement à une personne. C'est et/ou, là, ce n'est pas... c'est cumulatif, ce n'est pas...

Puis... donner l'exemple des dons d'organes, O.K.? Je me souviens, moi, quand j'étais à la chambre, on a fait des dons d'organes, tout était beau, avec le Dr Pierre Marsolais, à Sacré-Coeur, puis c'était important. Puis on a même... on pouvait même faire le don d'organes au sein d'un testament, peu importe, bon, il y a différentes façons, il y avait une panoplie de façons. Consentement libre et éclairé, si jamais j'étais en mesure de... que mes organes, à mon décès, là, clinique, puissent servir, c'est ça que je veux. Vous remplissez tout, votre permis de conduire, c'est un consentement.

Dans la pratique, ce qui se passe encore aujourd'hui, là, le réflexe, c'est de demander à la famille pour voir s'ils sont d'accord. Moi, je ne souhaiterais pas, en tout respect avec la famille, que s'il y a un consentement libre et éclairé, qu'on se sente obligé, quand c'est clair, là, le médecin a signé, c'est consenti, tout est beau, qu'on se sente obligé, comme société, d'aller s'assurer que la famille est d'accord. Souvent, dans ces situations-là, vous le savez, Mme Hivon, que... Véronique, qu'il y a certaines personnes qui ne veulent même pas en parler à leur famille, parce que ce n'est pas bien vu, puis tout ça. C'est sûr que, si elle fait une demande, cette personne-là, et la chose arrive, bien, la famille... puis si on consulte la famille, la décision, là, c'est de savoir si la situation qui est décrite, qui est claire, on est là.

Mme Hivon : Oui. Parfait.

M. Marsolais (Denis) : Ça a l'air drastique, là, mais... Puis ce n'est pas parce que je vais ouvrir la machine à ce qu'il y ait un nombre effarant de... il faut que ce soit fait sérieusement.

Mme Hivon : C'est beau. C'est parce qu'il me reste une question, puis j'ai très peu de temps, ça fait que je pense que c'est une nuance très, très importante. Vous dites, en fait, le tiers, il sert à lever le drapeau, mais ce n'est pas lui qui va se tourner vers la famille élargie pour dire : Finalement, on est-tu d'accord ou pas d'accord? C'est la personne qui l'avait demandé, c'est elle qu'on doit suivre. En fait, vous avez amené un point, là, puis vous avez beaucoup insisté sur l'évolution de la maladie, l'évolution, la fluctuation des volontés de la personne, donc l'importance, évidemment, ça, ça va de soi, c'est déjà dans la loi, que la personne peut changer d'idée en tout temps. Ça fait que, là, vous dites : Ça, c'est important, d'où l'importance qu'elle puisse en parler périodiquement avec son médecin. On comprend ça.

Mais ça, justement, ça m'amène à quelque chose qui est quelque chose qui nous occupe ici beaucoup, du moins, certains membres de la commission, on est presque obsédé avec ça, c'est la question de l'évaluation de la souffrance entre l'anticipation de la situation et la situation telle qu'elle se vit. Puis à la page 10 de votre mémoire, là, vous dites bien, vous encouragez à ce que ce soit décrit, là, avec détail, la nature des souffrances que la personne juge intolérables. Mais évidemment on se comprend que c'est la personne, dans son anticipation, qui décrit : Ça, ça, ça, pour moi, ça n'a pas de sens.

Vous savez aussi que, dans la loi, on dit qu'il faut qu'au moment où il y a une demande d'aide médicale à mourir ou qu'on l'administre la souffrance est là. Alors, je veux juste savoir si vous qui êtes très soucieux de l'autonomie de la personne, mais, en même temps, qui connaissez les fluctuations de la personne... Certains sont venus nous dire : La personne qui est démente, elle peut avoir une démence heureuse, en quelque sorte, on se comprend. On pourrait faire un grand débat de trois jours là-dessus, mais elle ne témoigne pas, elle ne montre pas de signe de souffrance perceptible, évaluable, objectivable.

Donc, certains nous disent : Ce n'est comme plus la même personne. Ça fait que, oui, on se fie à ce qu'elle nous a demandé, mais est-ce qu'il faut évaluer aussi qu'il y a une souffrance, qu'elle soit psychique ou physique, mais qu'il y en a une au moment où on donnerait ouverture parce que les conditions sont remplies?

M. Marsolais (Denis) : Bien, si moi, aujourd'hui, je vous dis : Si jamais j'arrive à telle situation, que j'ai une maladie dégénérative, d'abord, c'est le premier critère, il faut d'abord que j'aie une maladie dégénérative, et que je dis : Si jamais j'arrive au jour où je ne suis plus capable de reconnaître mes enfants, je suis alité, je ne suis plus capable de me nourrir, etc., puis évidemment que le médecin va m'aider à capsuler ça pour que ça soit clair, bien, à ce moment-là, moi, j'aimerais qu'on... j'aimerais, parce que je ne suis plus là. Probablement, je vais être... je vais avoir de la démence à ce moment-là. Démence heureuse, bien, moi... Il y en a, des gens qui, psychologiquement parlant, d'être inconscients, là, d'une démence heureuse, eux autres disent : Bien, de toute façon, je ne le sentirai pas, il n'y a pas de problème. Mais, encore là, ça va être l'évaluation du médecin qui va être en mesure d'évaluer ce que la personne avait décrit dans sa demande. L'importance de la révision périodiquement de ça, c'est que ma pensée, dans deux ans, peut changer avec l'évolution de ma maladie, et c'est là que c'est important.

C'est pour ça qu'un registre avec une demande x, moi, je pense que c'est le dossier médical qui est le coeur... qui est le nerf de la guerre là-dedans, puis c'est ça, vraiment, qui est l'entité, qui est la source d'information la plus importante à conserver parce qu'il y a une pérennité dans le dossier de santé aussi. Julie.

Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) : Il y a aussi toute une notion de... pour plusieurs personnes, en tout cas, de mourir dans une certaine dignité. Donc, je sais qu'il y a un débat sur la démence heureuse. Si elle est réellement heureuse ou pas, là, moi, je ne suis pas experte en médecine pour trancher cette question-là, mais je pense qu'on est capable, quand même, comme personne, d'anticiper des situations où on se dit : Moi, je ne veux pas me rendre jusqu'à ce point-là.

Mme Hivon : En terminant, je vais juste vous soumettre... c'est juste que c'est un vrai débat existentiel et social. Parce que, là, vous avez énuméré une liste d'éléments, mais, si quelqu'un disait : Moi, dès que je ne reconnais plus mes enfants, par exemple, je veux l'aide médicale à mourir, on est loin de la situation où elle est grabataire, où elle est alitée, où elle n'est plus capable de se nourrir. Donc, c'est ça que nous... c'est pour ça qu'on vous pousse dans ces questions-là, parce que c'est une question très difficile. Est-ce que c'est la mort sur demande au moment qui a été demandé ou c'est l'anticipation avec des critères de souffrance?

M. Marsolais (Denis) : Puis vous avez entièrement raison, parce que ce n'est pas simple, d'où l'importance de la discussion avec son médecin traitant. Parce que le médecin traitant, lui, va être en mesure d'allumer des lumières rouges puis de dire : Oui, bien, peut-être, etc. Mais je pense que toutes les réponses sont bonnes dans ce type de questionnement là, il faut juste mettre une ligne en quelque part, mais une ligne qui soit acceptable au plan sociétal... avec la société.

Alors, il ne faut pas que ça soit trop large, mais il ne faut pas que ça soit restrictif puis il faut surtout être en mesure de respecter la volonté de la personne, en autant que ses volontés soient assez précises et acceptables pour qu'on puisse procéder à l'administration de l'aide médicale à mourir...

• (16 h 40) •

Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) : Et que ça rentre dans le critère de souffrance physique, psychique, constante, insupportable. Il faut quand même rentrer dans les critères de la loi. Est-ce que le fait de ne plus reconnaître ses enfants seulement rencontre ce critère-là?

M. Marsolais (Denis) : Je ne suis pas capable de répondre à ça, mais on parle de souffrance existentielle, là. Le rapport des experts a parlé de souffrance existentielle. Ça fait que ça va être une bonne définition dans la loi.

Mme Hivon : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci, Mme la députée. Je céderais maintenant la parole au député de Lac-Saint-Jean.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Merci, Mme la Présidente. Bonjour à vous deux. Merci d'être là en ce vendredi après-midi.

Bon, écoutez, j'ai entendu un peu, là, les questions qui ont été posées, tout ce que vous avez pu aussi expliquer. Moi, j'aurais une question, parce qu'en fait, c'est sûr et certain, je ne connais pas beaucoup nécessairement le rôle que le Curateur public peut faire et c'est quoi... jusqu'à quel point le Curateur public a des droits par rapport à la famille. Et je sais aussi que parfois c'est la famille qui est le curateur, dans certains cas. En tout cas, si ce n'est pas exact, vous me le réexpliquerez comme il faut.

Mais dans le cas où est-ce qu'il y a des gens qui n'ont pas de famille ou la famille n'est pas présente, mais c'est vraiment le Curateur public qui a la gestion de la personne, lorsqu'il arrive une situation, en fait, que le médecin doit prendre, en fait, la décision, mais qu'il a encore un doute, un doute s'il doit exécuter ce que le patient voulait, il y a plusieurs personnes qui nous ont recommandé d'avoir un comité, une table nationale d'experts qui, justement... pour aider, épauler le médecin, là, dans la prise de décision.

Je voudrais savoir ce que vous en pensez de cette table-là. Je sais, là, que je sors un peu, peut-être, là, de votre... mais ce n'est pas grave, vous êtes quand même le Curateur public du Québec, puis c'est venu à plusieurs reprises. Donc, les gens qui n'ont pas de famille, qui n'ont pas... que c'est vous... dont vous avez la responsabilité, bien, qui demandent, exemple, l'aide médicale à mourir, puis que le médecin a des doutes, alors là, il y a des interventions de votre part. Donc, j'aimerais ça avoir votre point de vue là-dessus, un peu, là, sur cette table-là d'experts, provinciale.

M. Marsolais (Denis) : Écoutez, vous parlez d'une personne isolée, qui n'a pas de proche, puis qu'il y a l'équipe médicale qui est là, et que la situation a été... la situation que cette personne-là a décrite au moment où elle était apte, elle est devenue inapte, puis on est arrivé là, le médecin considère que cette situation-là n'est pas exactement... on n'est pas rendu à ce stade-là. C'est ça, votre question?

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Oui. Bien, en fait, c'est quand le médecin a encore des doutes. La personne l'avait demandé, mais il a encore des doutes. Puis il y a plusieurs personnes qui ont intervenu, des spécialistes, des médecins puis qui recommandent une table d'experts pour aider, pour épauler le médecin dans la décision quand il a encore des doutes.

M. Marsolais (Denis) : Moi, je pense que, d'abord, ultimement, la décision appartient au médecin. Si le médecin n'est pas en mesure de prendre une décision parce que ce n'est pas clair ou qu'il a besoin de faire appel à un expert... parce qu'un médecin de famille, par exemple, il peut avoir des connaissances bien pointues, bien précises, notamment concernant la maladie mentale, mais il...

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Je vais repréciser plus ma question, c'est qu'il aurait des doutes par rapport à l'admissibilité du patient. Désolé, je n'ai pas... j'aurais dû éclairer, j'ai manqué...

M. Marsolais (Denis) : Je vous avais compris dans ce sens-là.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Oui, éclairer, l'admissibilité du patient.

M. Marsolais (Denis) : L'admissibilité au patient de recevoir l'aide médicale à mourir.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Oui, désolé, monsieur et madame, là.

M. Marsolais (Denis) : Pas de souci, on est là pour ça. Puis ce n'est pas... Les certitudes, je vous l'ai dit dans mon allocution, ça n'a pas leur place, aujourd'hui, hein? Je pense qu'on est tous un peu en... exploratoire, on a tous des opinions, mais je pense que ces opinions-là vont évoluer avec le temps, assurément.

Bon, moi, le cas où le médecin ne sait pas trop puis il ne veut pas se prononcer parce que ce n'est pas clair dans sa tête, même si... par rapport à la situation décrite, la situation actuelle, bien, je pense que... Une table nationale, je ne le sais pas, j'en sais trop, là, je pense qu'il ne faut pas... C'est assez complexe comme ça, je ne suis pas sûr qu'une table nationale ça serait nécessaire, mais qu'il y ait une équipe multidisciplinaire qui soit en mesure de... pas réviser, parce qu'il n'y a pas eu de décision du médecin, mais de faire une recommandation au médecin, supplémentaire, pour le conforter dans sa prise de position ou le conforter dans son indécision, bien, je pense qu'à ce moment-là il faut faire appel à un groupe tiers d'experts, pas n'importe qui... ils auront une expertise certaine dans différents domaines. Et, si on est dans, par exemple, dans un cas d'une personne qui est atteinte de maladie mentale, par exemple, bien, assurément qu'il y a des experts qui ont une expertise très pointue concernant ce domaine de... ce domaine, pas de droit, mais ce domaine médical là, et donc, à ce moment-là, il pourra y faire référence. Mais au moment où on se parle, M. Girard, tout est ouvert, là. L'important, c'est de donner des voies d'accès pour permettre à un médecin qui n'est pas trop sûr d'avoir... d'être supporté par une équipe... puis je pense que le Collège des médecins serait très favorable à ça aussi, parce qu'on n'a pas... tous les médecins n'ont pas toute la même expertise dans tous les domaines, comme tous les juristes n'ont pas toute la même expertise dans tous les domaines de droit. Ça fait que le parallèle, je pense que ce serait important de le faire. Une table nationale, je ne le sais pas, mais assurément une équipe multidisciplinaire, assurément.

Mais la question qui se pose davantage puis... d'avoir la question, mais je vais la... (panne de son) ...si le médecin ne veut pas, puis le tiers de confiance, là, qui est nommé, lui, il dit : On est vraiment rendu là, là, certains ont parlé, bien là, à ce moment-là, on pourrait s'adresser aux tribunaux pour... Moi, je ne suis pas très favorable à ça. On travaille activement, le système de justice, pour déjudiciariser, pour faire en sorte de donner une plus grande accessibilité puis ne pas compliquer les affaires. Moi, je pense qu'à ce moment-là la loi à venir devrait prévoir un mécanisme d'arbitrage, là... je ne parlerais pas d'arbitrage dans ce contexte-là, mais un mécanisme auquel on pourrait faire référence, peut-être au même groupe externe qu'on parlait tantôt, là, l'équipe multidisciplinaire, qui pourrait faire une révision du refus du médecin, puis de soit dire après, mais pas une seule personne, une équipe, vraiment, là, dire, bien : Le médecin est d'accord de ne pas vouloir parce qu'on n'est pas rendu à la situation qui était décrite, ou la situation qui était décrite, malheureusement, n'est pas assez claire pour qu'il y ait... avoir un consentement du médecin, clair, ou il a tort, mais essayer d'éviter — puis je suis sûr que Me Véronique Hivon va être d'accord avec moi — essayer d'éviter, dans la réflexion de la loi, qu'on soit... qu'on ait le réflexe que, si ça ne marche pas, on va aller devant les tribunaux. On ne peut pas l'écarter complètement, mais il faut trouver des mesures alternatives de résolution des conflits, là, parce qu'il y aurait un conflit entre l'appréciation de la personne tierce puis le corps médical.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : O.K. Je trouve ça intéressant, parce que c'était ça que je voulais vous poser, puis vous m'avez devancé complètement.

M. Marsolais (Denis) : J'ai lu dans vos pensées.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Quand le médecin ne veut pas, puis quand on parle d'un tiers... mais des fois, le tiers, ce n'est pas la famille, puis on sait que des fois il y a des gens qui n'ont pas... tu sais, ils ont des familles, mais qui n'ont pas... tu sais, ils sont sous curateur public puis la famille n'est pas là. Mais moi, je voudrais savoir, quelqu'un qui ne veut pas le dire à sa famille, est-ce qu'il va... est-ce qu'ils vont être devant le fait accompli quand même?

M. Marsolais (Denis) : Le tiers, là, sa seule responsabilité, hein, la seule chose que la loi va lui donner, présumément, c'est de, comme disait tantôt quelqu'un, lever le drapeau. Parce que le consentement, là, il est déjà donné. Il ne consent à rien, le tiers, il fait juste lever le... bien, juste... il fait lever le drapeau, il veille à ce que lorsque la situation qui est décrite, qui est connue du tiers, j'espère, que lorsque cette situation-là arrive, si l'équipe autour, qui entoure le patient, et tout, est moins alerte ou peu importe les raisons, à lever le drapeau puis à dire au corps médical : Je pense qu'on est rendu là. Mais le tiers n'a pas à dire : Je suis d'accord, je ne suis pas d'accord, là.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Non, non, mais il va être informé après.

M. Marsolais (Denis) : Oui, oui.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : O.K. Je vais laisser... je vais terminer là, je pense, j'ai des collègues qui ont des questions. Merci.

M. Marsolais (Denis) : Ça fait plaisir.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci, cher collègue. Bien, oui, je vais prendre la balle au bond. Ça m'a fait un peu sourciller, tout à l'heure, quand vous avez dit que... parce qu'au niveau des équipes de soins il y a plusieurs idées qui s'affrontent, de dire : Bien, on inclut un membre de la famille ou on n'inclut pas un membre de la famille. Vous, vous nous dites de ne pas inclure de membres de la famille. Mais là où j'ai sourcillé, c'est quand vous avez dit qu'ils ne sont pas obligés d'être avisés. Donc, on pourrait procéder à l'aide médicale à mourir et aviser la famille juste après? J'ai besoin de vous entendre là-dessus.

M. Marsolais (Denis) : Vous m'avez mal compris, là, vraiment mal... ce n'est pas ça que j'ai dit. Julie, vas-y donc.

Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) : Non, évidemment que c'est un cheminement que tout le monde fait ensemble. Je pense que le cas que Denis soulevait, c'est, s'il y a discordance au sein de la famille, puis je pense que c'est des cas très, très rares, de faire primer la volonté de la personne d'abord. Mais il n'est aucunement question de ne pas...

M. Marsolais (Denis) : ...de cacher ça à la famille, absolument pas, là.

La Présidente (Mme Guillemette) : On va chercher un consensus.

• (16 h 50) •

M. Marsolais (Denis) : Consensus sur quoi?

La Présidente (Mme Guillemette) : Sur, en fait, la décision, si...

Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) : Le consentement est déjà donné.

La Présidente (Mme Guillemette) : Le consentement est donné.

M. Marsolais (Denis) : Le consensus, là, en fait, l'approbation, la décision d'administrer l'aide médicale à mourir, dans le cadre d'une demande anticipée, là, le consentement est déjà donné, la situation est claire. Il y a quelqu'un qui est mentionné dans la demande, le tiers de confiance, on peut l'appeler comme ça, un proche, peu importe, pour veiller au grain puis voir... être sûr que les volontés de ma mère, là, que moi, là, je vais m'assurer que le jour où la situation va arriver, parce que je suis plus proche puis je vais être en mesure de... puis je l'accompagne quand elle va voir le médecin, et tout, ça fait que je dis... N'oubliez pas, il y a une demande d'aide médicale à mourir, puis je pense qu'on est rendu là.

À mon humble avis, là, puis avec toute la déférence que je peux avoir... de la famille, puis je me mets là-dedans, j'ai déjà vécu une situation semblable, la décision, rendu là, de savoir la corrélation entre la situation décrite non souhaitée et la situation arrivée, c'est le médecin. Sinon... quoi faire des demandes anticipées?

La Présidente (Mme Guillemette) : Parfait.

M. Marsolais (Denis) : Sinon, ça n'a pas de sens de faire des demandes anticipées. Un consentement anticipé, ça dit ce que ça dit : Je consens à l'avance parce que j'ai une maladie dégénérative, qui va forcément m'arriver à, in extremis, je suis alzheimer, à une situation x, si j'arrive au degré 7. Écoutez, je dis ça, puis je ne connais rien là-dedans, là, mais, au degré 7 de l'alzheimer, si c'est ça, puis degré 7, c'est ça que je vais être comme personne humaine, je ne veux pas être là. Bien, c'est un consentement anticipé.

Puis c'est important, évidemment... puis habituellement ça va être comme ça aussi, là, que je vais informer les membres de la famille ou ma mère va nous informer, tous les enfants, pour dire : Si jamais j'arrive là puis... Écoutez, moi, je connais une personne, il y a plusieurs années, qui était atteinte d'une maladie dégénérative importante puis qui disait — c'était un de mes amis — qui disait : Écoute, Denis, si jamais j'arrive là, je ne veux pas être là, c'est-tu clair, je ne veux pas être là. Bien, cette personne-là, sur le bord d'arriver là, bien, elle a fait autrement pour ne pas arriver là. Alors, quand... si cette même personne là... puis peut-être cette personne-là, s'il y avait eu des demandes anticipées, là, hein, elle n'aurait peut-être pas posé ce geste-là à ce moment-là. Elle aurait peut-être fait un an, deux ans, trois ans, quatre ans. Moi, ça me touche. C'est tout.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Merci beaucoup pour la précision. Donc, avec votre intervention, ça met fin à la première phase des travaux de la commission. Je vous remercie, encore une fois, au nom de tous les membres de la commission, de votre présence cet après-midi. Ça a été très éclairant pour nous.

Mémoires déposés

Donc, avant d'ajourner les travaux, je dépose les mémoires des personnes et des organismes qui n'ont pas été entendus.

Je vous remercie, tout le monde, de votre collaboration. Et, compte tenu de l'heure, la commission suspend ses travaux pour se réunir en séance de travail dans quelques minutes. Merci encore, Me Marsolais, Me Baillargeon-Lavergne.

(Fin de la séance à 16 h 54)

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