(Neuf
heures une minute)
La Présidente (Mme
Guillemette) : Bonjour, tout le monde. Donc, bienvenue à la Commission
spéciale sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie. Ayant
constaté le quorum, je déclare la séance ouverte.
La commission est
réunie aujourd'hui, virtuellement, afin de procéder aux consultations
particulières et auditions publiques sur l'évolution de la Loi concernant les
soins de fin de vie.
Mme la secrétaire, est-ce
qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire :
Non, Mme la Présidente.
Auditions (suite)
La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Donc, ce matin, nous entendrons par
visioconférence les groupes suivants,
donc : Dre Michèle
Marchand, Dr Louis Roy et le groupe
interdisciplinaire freudien de recherche et d'intervention publique.
Donc, sans plus
tarder, bienvenue, Dre Marchand. Merci d'avoir accepté notre invitation et
d'être avec nous ce matin. Comme prévu, vous avez 20 minutes pour nous
présenter votre exposé, et, par la suite, il y aura un échange avec les membres
de la commission pour une période de 40 minutes. Donc, je vous cède
immédiatement la parole, Dre Marchand.
Mme Michèle Marchand
Mme Marchand
(Michèle) : Oui, bonjour. Je voulais d'abord vous remercier, d'abord,
de tenir le débat public et ensuite pour l'invitation. Ce n'était pas obligé du
tout parce que je représente moi-même seulement et je ne représente personne
d'autre.
Je me présente. J'ai
travaillé 22 ans comme médecin de famille dans un quartier populaire de Montréal
et je n'ai pas fait particulièrement de soins palliatifs, j'ai fait de la pratique générale. Comme l'aspect
social de la médecine et l'éthique
m'intéressaient, et l'éthique médicale, je me suis donné une formation en
philosophie et je me suis rendue, sur une période de 22 ans aussi,
au doctorat en philosophie, et ma thèse portait sur la métaéthique et l'éthique
médicale.
De 1999 à 2015, j'ai
travaillé au Collège des médecins comme secrétaire du groupe de travail en
éthique et conseillère en éthique auprès de la direction générale. J'ai quitté
en 2015, mais c'est à ce titre que j'ai participé très activement au débat sur
l'euthanasie au Québec et à la... qui a abouti à la Loi concernant les soins de
fin de vie. Même si j'étais retraitée, j'ai continué à suivre religieusement le
débat. J'ai publié, en 2017, un petit livre sur l'AMM au Québec : Pourquoi
tant de prudence. Et, depuis
2017, je trouve que ça va bien, bien vite, et je suis un peu
inquiète. Et c'est pour ça que je suis
contente d'être ici pour exprimer mes opinions. J'ai longtemps
représenté le collège sur le sujet de l'euthanasie, mais là je
représente moi-même. Le collège va présenter sa position cet après-midi.
Le plan : Je
voudrais d'abord vous parler de... pas nécessairement des deux questions très
pointues qui sont dans votre mandat — je sais que vous avez un
mandat assez précis — mais
j'aimerais parler un peu, d'abord, de l'éthique, de l'éthique médicale et particulièrement
du principe d'autonomie, parce que c'est ça, mon expertise. Je voudrais ensuite
toucher l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie, parce que c'est
mon expérience, j'ai suivi le développement depuis le début jusqu'à aujourd'hui.
Et ensuite je reviendrai aux deux questions qui vous occupent. C'est sûr que ça
va peut-être aller un peu vite, mais là on pourra poursuivre avec les questions.
La
première, l'autonomie, l'éthique et l'éthique médicale, c'est sûr
que, dans nos sociétés libérales, l'autonomie a pris... libérales
au sens philosophique du terme, là, l'autonomie a pris une place prépondérante,
au point où on pense que c'est à peu près le principe... le seul principe pour
guider nos actions, alors qu'il y a beaucoup, beaucoup d'autres valeurs et
d'autres principes qui peuvent nous guider et qu'on doit mettre en équilibre
avec l'autonomie. Quand on doit décider d'une politique publique comme vous
avez à le faire, là, il me semble que c'est un peu court de dire que l'objectif
principal, c'est de respecter les décisions des individus, comme s'il n'y avait
pas, comme dirait Margaret Thatcher, quelque chose comme une société. Je pense
qu'on peut avoir des objectifs un peu plus ambitieux au plan social. D'ailleurs,
les individus eux-mêmes sont souvent prêts à faire des compromis dans l'intérêt
public. Par contre, ils veulent participer à l'élaboration des compromis, et c'est
pour ça que le débat public est si important.
Dans le domaine des soins
en particulier, on sait très bien que tous ceux qui participent à une décision
doivent faire des compromis : le médecin qui propose le plus objectivement
possible le soin qu'il juge le plus approprié, le patient qui peut refuser ou
accepter le soin ou faire une nouvelle demande, auquel cas le médecin va
reprendre tout le processus. Ce qui est visé, finalement, c'est une décision
partagée et c'est faux de penser qu'on répond toujours positivement à la
demande d'un patient.
Ici comme ailleurs, l'encadrement des soins ne
repose pas sur le principe d'autonomie, mais sur une autonomie bien relative qu'on appelle le consentement. Le consentement,
c'est que le patient peut accepter ou refuser le soin
proposé, mais jamais, ni ici ni ailleurs, il ne peut en exiger. Le Code civil
est très clair, le Code de déontologie des médecins est très clair à cet
égard-là. Et on s'est donné un dispositif légal très sophistiqué pour que même
les patients qui ne sont plus autonomes, qui sont inaptes, puissent avoir des
soins, bénéficier de soins, même s'ils ne sont plus capables d'exercer leur
autonomie. Là, on pense au consentement substitué, au mandat de protection, aux
directives médicales anticipées, et tout ça. Bref, il me semble qu'on a réussi,
au Québec, à sortir du paternalisme médical, sans s'en aller vers l'autonomie à
tous crins, qu'on appelle aussi la médecine de boutique, où, finalement, on
répond toujours oui aux demandes des patients.
Pour moi... J'en viens à la question de
l'euthanasie. Pour moi, donc, l'euthanasie, ce n'est pas une question
d'autonomie. La question de l'euthanasie, au plan moral et au plan social,
c'est : Doit-il être permis de mettre fin à la vie d'une autre personne
pour soulager ses souffrances? Bien sûr, choisir de mourir plutôt que de
souffrir est une décision déchirante et hautement personnelle. Mais de savoir
si on va avoir de l'aide ou non, ça, c'est une décision à laquelle une personne
ne peut répondre. C'est à la société de répondre si on va accorder de l'aide ou
si on n'en accordera pas. Il ne faut pas oublier que, jusqu'en 2005, au Canada,
l'aide à mourir était considérée comme un crime dans toutes les circonstances.
La question, donc, s'adresse surtout à vous, les législateurs, qui devez
trancher sur ce qui va être permis ou non. Maintenant qu'on a ouvert pour les
personnes qui ne sont pas en fin de vie et qu'on doit, semble-t-il, ouvrir plus
largement, comment on va faire ça au Québec? Je pense que c'est ça, la question
morale que vous avez à vous poser.
J'en viens à l'évolution sur les soins de fin de
vie. Les précisions que je viens de faire me semblent importantes parce que le
débat sur l'euthanasie est un débat extrêmement polarisé, avec, d'un côté, les
gens qui sont très, très contre, qui pensent que la mort doit toujours être
naturelle. Ce n'est pas toujours pour des raisons de convictions religieuses,
là. On peut penser que la vie a un caractère sacré et que c'est toujours un
meurtre que de mettre fin à la vie d'une personne, même si c'est pour soulager
ses souffrances. Il y a aussi ceux qui sont contre parce qu'ils pensent qu'il y
a une pente glissante — on
y reviendra — et
aussi que la déontologie médicale ne devrait pas permettre aux médecins
d'accomplir un tel acte euthanasique. De l'autre côté, il y a ceux qui sont
très, très, très pour, et leur argument, quasiment le seul et le principal,
c'est l'autonomie.
La loi sur les soins de fin de vie, c'est comme
une troisième voie. On a essayé, au Québec, de ne pas tomber dans cette
polarisation-là et d'aller vers une troisième voie. Pourquoi? Parce qu'on
savait bien que la mort naturelle, ce n'est plus naturel du tout. La majorité
des... Maintenant que la médecine a progressé et que l'espérance de vie
augmente, on sait très bien que la mort est rarement naturelle et qu'elle
arrive après une décision humaine. Donc, il faut savoir qui va décider, mais on
fait déjà ça couramment quand on arrête des traitements. On fait déjà ça, on a
une expérience, on a un encadrement légal, au niveau des soins, pour arrêter
les traitements.
• (9 h 10) •
Donc, on s'est dit : Pourquoi... et ce sont
les médecins qui ont lancé le débat au Québec : Pourquoi on
n'utiliserait pas la même philosophie, le même encadrement? Il n'y a pas eu de
dérapage tellement pour les arrêts de traitements, même pour les traitements
vitaux. Pourquoi on n'utiliserait pas la même chose pour l'euthanasie? On a
voulu considérer... On a proposé de considérer l'euthanasie comme un soin de
dernier recours pour les personnes en fin de vie. C'est pour ça que ça
s'appelle l'aide médicale à mourir. Ce n'est pas de l'aide à mourir pour des
gens qui pourraient vivre, c'est de l'aide médicale pour des gens qui sont déjà
en train de mourir.
Donc, la loi sur les soins de fin de vie, c'est
une loi sur les soins de vie, et non seulement sur l'euthanasie, contrairement
à ce qu'il y a dans le Code criminel. Et ça veut dire que l'aide médicale à
mourir peut maintenant faire partie du continuum de soins, si on respecte les
trois critères. Les trois critères, là, on ne les a pas inventés, hein? Le
critère de fin de vie, il est déjà là dans tous les États américains qui ont
libéralisé le suicide assisté. Il faut un pronostic de moins de six mois pour
avoir droit au suicide assisté. Le critère de souffrance et d'aptitude de
consentir... Les deux autres critères, la souffrance, l'aptitude à consentir,
c'est dans tous les pays qui ont libéralisé... européens surtout, les Pays-Bas,
la Belgique, le Luxembourg, qui ont libéralisé l'euthanasie.
Donc, le modèle québécois, la Loi concernant les
soins de fin de vie, là, c'est une ouverture assez limitée. C'est vrai, c'est
une ouverture, mais c'est une ouverture assez limitée. Par rapport à la
majorité des pays qui n'ont aucune ouverture, qu'il y a une prohibition totale,
c'est une ouverture, mais c'est vrai qu'elle est limitée. C'est une solution de
compromis après des débats publics. C'est une solution de compromis qui a été
assez bien acceptée, même par les opposants
qui étaient très, très contre, qui a été tolérée et qui s'est implantée partout
au Québec de façon... assez bien, là. Ça fonctionne assez bien. Mais je
me demande si on n'est pas victime de notre succès, là, finalement.
Donc, ça a été assez bien accepté, sauf par les
partisans de l'autonomie, qui, eux autres, dès le départ, voulaient une
ouverture beaucoup plus large. Donc, ce qu'ils ont fait, ces partisans-là, même
au Québec, même les partisans du Québec ont contesté le critère de fin de vie.
Ils se sont appuyés sur l'arrêt Carter. C'est un détail, là, mais ils se sont
appuyés là-dessus pour contester le critère de fin de vie, qui, pourtant, était
au coeur de notre loi.
Eh bien, ils ont gagné. Ils ont gagné parce que
le critère de fin de vie a été considéré comme anticonstitutionnel à l'encontre des droits protégés par la constitution,
le droit à la vie... le droit à la vie, à la sécurité et à l'égalité. Et ça a été considéré comme une
discrimination pour les personnes qui ne sont pas en fin de vie — comme si ça constituait un groupe,
là, je ne sais pas pourquoi ça constitue un groupe — et
que cette discrimination-là n'était pas justifiée parce qu'on pouvait protéger
les personnes vulnérables autrement qu'en leur... les personnes qui sont... les
personnes n'étant pas en fin de vie qui sont
vulnérables, je ne le sais pas trop, là, autrement qu'en les privant de ce
soin.
Moi, je vais vous expliquer, là, je vais essayer
de le faire rapidement, pourquoi le critère de fin de vie est important. C'est
assez simple, mais c'est tellement intuitif qu'on n'en a pas tellement discuté.
C'est qu'écourter la vie de quelqu'un qui est en train de mourir puis arrêter
la vie de quelqu'un qui pourrait vivre, théoriquement, c'est deux
actions qui n'ont même pas du tout le même poids moral. Pour écourter la vie
qui pourrait se poursuivre, là, pour arrêter la vie de quelqu'un, même si c'est
son désir, il faut que la souffrance soit pas mal forte pour qu'on accepte
qu'on en est rendu là, puis qu'on renonce à ce que la vie puisse se poursuivre,
et qu'on puisse aider encore la personne à vivre. Donc, la balance est
difficile à faire quand les gens sont déjà en fin de vie. Quand ils ne le sont
pas, là, c'est difficile, là. Il faut que la souffrance soit vraiment majeure
pour qu'on pense qu'on n'a pas d'autres moyens, là, qu'on est rendu au bout du
rouleau, là.
Quand les personnes sont en fin de vie, on avait
déjà les soins palliatifs. On savait... Les soins palliatifs n'étaient
peut-être pas aussi développés qu'on voulait, mais on savait quel processus, le
continuum à suivre et quand est-ce qu'on en venait à n'être plus capable de
soulager des gens, on le savait assez bien. Mais, pour le reste des gens qui ne
sont pas en fin de vie, quand est-ce qu'on va être sûr qu'on les a assez aidés
pour dire : Bon, bien là, je pense que c'est vrai qu'on ne peut plus rien faire
et que la meilleure solution, c'est de renoncer à la vie? Voyez-vous, c'est
pour ça que le critère de fin de vie était central dans ce raisonnement-là.
C'est clair, là, je vais parler de... c'est
clair qu'en enlevant le critère de fin de vie on venait de saper la loi québécoise
à sa base, là. Je ne sais pas si c'était le but, mais, en tout cas, c'est ça
qui est arrivé. Et là on venait s'en remettre au Code criminel, qui lui aussi
devait être modifié, parce que le critère de fin de vie avait été mis dans la
loi C-14... dans le projet de loi C-14, en 2016.
Mais surtout, ce qu'on a fait en enlevant le
critère de fin de vie, là, c'est qu'on a ouvert une véritable boîte de Pandore,
parce que du monde qui souffre, là, et qui parfois aimerait mieux mourir que souffrir,
là, il y en a pas mal. Et les cas que vous
avez... dont vous discutez, là, les cas de malades... de problèmes de santé
mentale ou de démence, c'est deux
exemples, mais il y en a plein, d'autres secteurs où les gens souffrent, plein
d'autres secteurs de soins où les gens souffrent et qui, parfois,
aimeraient mourir. Donc... et là, c'est comme s'il fallait régler ça très
rapidement parce que l'ouverture est déjà faite. La question qui se pose, là,
c'est : Comment on va faire ça, ouvrir si rapidement, alors que ça nous a
pris beaucoup de débats publics, beaucoup de temps pour s'organiser dans le
secteur assez limité, finalement, des soins de fin de vie?
Par contre, ce qu'il faut dire, c'est que le
projet de loi C-7 et les modifications qui ont été apportées au Code
criminel vont un peu dans le même sens. Ils ont gardé la distinction entre la
fin... la mort raisonnablement prévisible et la mort non raisonnablement
prévisible. Les critères qu'on exigeait dans la Loi concernant les soins de fin
de vie sont assez semblables à ceux qui ont été mis dans le Code criminel. Je
ne pense pas qu'il y ait d'incohérence majeure de ce côté-là, là.
Donc, le Code criminel semble aller dans le même
sens. Pourquoi il y aurait un problème? Le problème que je vois, là, c'est que ce qu'on avait mis comme procédure et comme façon
d'assurer les soins palliatifs pour en arriver à ce soin... avant d'en
arriver aux soins de derniers recours, ça, là, ça a été mis comme des mesures
de sauvegarde. Ça a été mis comme des mesures de sauvegarde. Il me semble clair
que des mesures de sauvegarde, comme une deuxième opinion d'un psychiatre, un
délai de 90 jours, ça ne peut pas remplacer tout le continuum de soins
dont on a besoin... qu'on a besoin de faire, là, dans lequel il faut passer à travers
avant d'arriver à une solution de dernier recours comme l'aide médicale à
mourir.
Et quand on regarde bien les modifications qui
ont été apportées au Code criminel et le projet de loi C-7, là, on rend se
compte qu'ils n'ont pas mis seulement des mesures de contrôle, ils ont mis
aussi ce qu'ils appellent un examen parlementaire, qui, lui... Ils savent bien
qu'on ne pas se fier juste à mesures administratives comme des délais. Eux
autres, là, ils ont comme mandat de regarder les protocoles de soins,
l'organisation des soins palliatifs, la prise en charge de la maladie mentale
au niveau canadien.
À mon avis, là, on s'en va tout droit vers des
normes nationales par le biais du Code criminel, qui est censé gérer l'aide
médicale à mourir. On s'en vient vers des normes de soins nationales. Bon,
est-ce qu'il faut y voir un problème? Je ne veux pas en faire un problème, là,
fédéral-provincial, là. Dans le fond, quand on a dit qu'on ouvrait à l'aide
médicale à mourir, on a joué dans le champ du fédéral. Mais il y a quand même
un problème là, parce qu'en général on organise nous-mêmes notre système de
soins, et on a la régulation de nos pratiques professionnelles, et on ne fait
pas ça comme dans le reste du Canada, et, en général, je pense que ça marche
assez bien.
• (9 h 20) •
Alors, qu'est-ce qu'on fait? Moi, je pense qu'il
y a trois scénarios possibles. Je vais en venir à vos questions pointues,
mais avant, je pense que je veux... je pense qu'il y a trois scénarios
possibles. Je pense qu'il faut absolument garder nos acquis dans le domaine des
soins de fin de vie. Moi, je pense que la Loi concernant les soins de fin de
vie, là, il faut la garder. Il faut éviter de la tuer en essayant de toutes
rentrer les autres considérations. Il faut la garder pour les soins de fin de
vie, c'est ça qu'elle était. Il faut lui apporter, selon moi, des modifications
mineures pour ne pas venir en contradiction
avec le Code criminel, mais je pense
que c'est tout à fait possible. Et je pense qu'il faut aller de l'avant,
comme on voulait aller pour... comme on voulait aller et comme le groupe
d'experts sur l'inaptitude voulait, ouvrir, possiblement, une demande anticipée
d'aide médicale à mourir, rester dans ce champ de... parce que, là, c'est
envisageable quand le critère de fin de vie est là, mais ça ne l'est pas
nécessairement quand il n'est plus là.
Le deuxième
scénario, c'est que, si on garde cette loi-là, bien, il faut quand même
s'occuper de ce qui, de facto, est ouvert. Et je pense qu'il faut
travailler avec Ottawa. Je pense qu'on n'a pas nécessairement intérêt à faire
la chaise vide, là, mais en gardant tout à fait le contrôle de nos pratiques
professionnelles et de notre organisation des soins. Là, là, ça veut dire qu'il
faudrait très rapidement avoir vraiment un plan pour la maladie mentale, par
exemple, ou pour la prise en charge des personnes qui ont des troubles
cognitifs, rapidement, avoir un plan qui n'est pas nécessairement une loi, où
là l'aide médicale à mourir pourrait s'inscrire, mais qui... comme soin de
dernier recours, et non comme une entité qui
flotte, là, et que ça nous prend juste des mesures de sauvegarde, là, et que ça
va bien aller.
Ça, là, c'est un projet de
société, mais c'est un projet qui est très ambitieux. Je ne sais pas si c'est
ça qu'on va faire. Et, dans l'immédiat, il faut faire attention, parce que, là,
c'est ouvert de facto, et il faut au moins s'organiser pour que les critères
qui sont dans le Code criminel et les pratiques professionnelles soient... les
critères soient respectés et que les bonnes pratiques aussi soient respectées. Je
pense qu'il va y avoir beaucoup de personnes éligibles, et il faut absolument
s'organiser dans l'immédiat pour ne pas que ça dérape.
Le troisième scénario... j'achève. Le
troisième scénario, c'est qu'on pourrait se dire qu'on va, de toute façon, vers
une ouverture de plus en plus large. Alors, je pense qu'il serait plus réaliste
de se donner un modèle complètement différent, qui ressemble au modèle suisse,
qui, là, s'adresse seulement aux personnes aptes et qui privilégie le suicide
assisté, qui fait ça en marge du système de soins et avec une contribution des
médecins qui est minimale. Ça, c'est le modèle suisse. Eux autres, ils ont une
longue histoire avec le suicide. Nous autres, on en a une qui n'est pas longue,
mais qui n'est pas drôle non plus, et c'est ça.
Ça fait que je pense qu'il faut souhaiter que le
débat public nous permette de dire où les Québécois veulent aller exactement. Est-ce qu'ils veulent aller vers
un modèle de plus en plus libéral comme ça ou s'ils veulent aller...
s'ils veulent continuer dans le sens de la Loi concernant les soins de fin de
vie? Est-ce qu'il me reste un peu de temps?
La Présidente (Mme Guillemette) : On
peut continuer les échanges avec les discussions des collègues, si vous voulez.
Mme Marchand (Michèle) : Oui, oui,
parce que je pense que, dans chaque scénario, on peut voir comment on répond à
vos deux questions pointues, celle des maladies mentales et celle des...
J'aurais aimé mieux le dire, mais peut-être je vais le dire en répondant à vos
questions.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Sûrement que la question va vous être posée, Dre Marchand. Donc, je
céderais la parole à la députée de Joliette.
Mme
Hivon : Oui.
Bonjour, Dre Marchand. C'est un plaisir de vous entendre. Je suis très
heureuse qu'on vous ait invitée parce que vous amenez le débat dans une
perspective beaucoup plus large qu'on n'a pas entendue jusqu'à maintenant.
Donc, votre connaissance de tout le dossier est évidente. Écoutez, j'ai très
peu de temps, et j'aurais des tonnes de questions. J'ai
4 min 30 s.
Donc, je voulais savoir... d'abord, si on prend
la question des troubles mentaux, je comprends exactement ce que vous dites,
là, parce qu'effectivement on est forcés de faire ces réflexions-là parce que
le critère de fin de vie a sauté via les tribunaux. Et donc je veux donc vous
entendre sur la question des troubles mentaux, parce que vous nous amenez toute
la question de, oui, l'autonomie, mais il y a d'autres valeurs aussi, puis que,
comme société, il faut voir comment on fait l'équilibre. Vous êtes consciente,
donc, que ce critère-là, bien sûr, a sauté. Donc, si on jugeait que, compte
tenu de l'ensemble des éléments dans le dossier, les troubles mentaux ne peuvent
pas, comme ça, être intégrés, pour vous, quelles seraient les justifications
possibles pour dire qu'on fait une distinction entre les maladies physiques et
les maladies mentales?
Et je vous
pose tout de suite ma deuxième question, qui est toute autre, c'est sur... vu
que vous avez beaucoup, beaucoup réfléchi, là, c'est sur la question de
la demande anticipée. Puis vous, ce que vous nous dites, c'est que, dans le fond, elle, elle cadre vraiment déjà avec
la philosophie de notre loi, parce que c'est juste une question, dans le
fond, de prévoir de manière anticipée. Comment on évalue, dans une telle
circonstance, le respect du critère de la souffrance?
Mme Marchand (Michèle) : Oui, je
vais répondre... je vais essayer de vous répondre rapidement. C'était
exactement... Si j'avais eu le temps, j'aurais fait ça. La distinction entre la
maladie physique et la maladie mentale, on ne l'a jamais faite. Dans la Loi
concernant les soins de fin de vie, on prend en compte la souffrance psychique
aussi bien... et existentielle aussi bien que la maladie physique, et je pense
qu'il faut continuer dans ce sens-là. Ce qui est difficile avec la maladie
mentale, là, il y a deux difficultés, et je pense que tout le monde s'entend
pour dire qu'il y a vraiment deux... il y a trois difficultés, finalement.
La première, là, c'est que ça prend un suivi à
très long terme pour être capable d'évaluer l'aptitude et la souffrance. C'est
fluctuant, dans une maladie mentale, ce n'est pas comme... Puis là on n'est
plus dans une période donnée, là, on est dans une grande période. On n'est plus
en fin de vie, on est au cours de la vie, et ça prend un suivi très prolongé
pour pouvoir bien évaluer ça. Ce n'est pas vrai que quelqu'un va être capable
d'évaluer ça à un moment donné et ce n'est pas vrai qu'un patient prend des
décisions... quand il prend cette décision-là, qu'on peut l'évaluer là, là. Ce
n'est pas vrai, ça. Donc, ça prend... Donc, ce n'est pas vrai pour la
souffrance et ce n'est pas vrai pour l'aptitude. Donc, c'est ça qui fait un
grand... qui pose problème aux psychiatres. Il y a des psychiatres qui pensent
qu'on peut quand même le faire et qu'il va finir par y avoir des cas qu'on va
juger réfractaires et qui devraient y avoir droit. Il y a en d'autres qui
disent qu'on ne peut jamais abandonner.
Et la
troisième difficulté, c'est que ça prend un suivi pas juste pour être capable
d'évaluer, ça prend un suivi pour aider
le monde à vivre. Et là on sait que la maladie mentale est l'enfant pauvre de
notre système de soins. Donc, il faut se donner... il faut rendre les soins accessibles, il faut être capable de
prendre en charge ces patients-là avant qu'ils en viennent à la décision
de choisir de mourir. Comprenez-vous? Et c'est ça qui est difficile. On ne peut
pas se donner ça en un tournemain. Mais
c'est quand même comme ça qu'il faut réfléchir le problème, comme on a réfléchi
les soins de fin de vie.
On ne va pas apporter l'aide médicale à mourir...
Le modèle suisse, là, c'est qu'on apporte l'aide médicale à mourir, bang, puis
là c'est ça. Et c'est du suicide assisté aussi, là, parce que les soignants,
là, répugnent à proposer l'aide médicale à mourir à moins
d'avoir essayé tout le continuum de soins, qui ne sont pas juste des soins
médicaux. C'est du soutien social, c'est... Comprenez-vous?
Il y a toute une job de société à faire, là,
avant de penser que la mort est la meilleure solution, et c'est pour ça qu'il
faut intégrer ça dans un plan. Ce n'est peut-être pas dans une loi, comme on a
fait pour les soins de fin de vie, mais, dans notre plan de maladie... bien, pour
le soutien à la maladie mentale, là, eh bien, il faut voir où va se situer... mais à mon avis, c'est en dernier recours. Et ça,
il faut prévoir, il faut être capable d'assumer... d'assurer
l'accessibilité aux soins, il faut être capable de le faire, sinon, ça va être
un désastre. Comprenez-vous, là, un peu mon idée? Je pense que c'est ça, le
principal problème avec la maladie mentale.
Si on en vient aux demandes anticipées
maintenant, là, il faut voir que les demandes anticipées, là, ça touche juste une catégorie de personnes inaptes, hein?
C'est des personnes qui ont déjà... bon, mais dont on sait... et c'est vrai
que ça touche surtout les patients déments, là, qui sont atteints de démence,
là, qui ont des troubles neurocognitifs, et c'est vrai que c'est beaucoup de
monde, et c'est vrai que c'est inquiétant, et c'est vrai qu'il faut trouver une
réponse. Mais la réponse, là, ce n'est pas juste d'ouvrir à l'aide médicale à
mourir. C'est la même chose que pour la maladie mentale, il faut se donner un
plan. Il faut se donner un plan. Tu sais, il y a du monde, là, ils ne veulent
pas aller en CHSLD, ils veulent mourir. Donc, il faut s'assurer que les soins,
dont les CHSLD font partie, les soins à domicile, les soins... tout ça, sont
adéquats avant, sinon, les gens vont aller direct là, et c'est ça que les gens
craignent avec les demandes anticipées.
Bon, si je viens à votre question plus pointue,
évaluer la souffrance, ça veut dire que, quand on... mettons, les directives
médicales anticipées, si le critère de fin de vie est là, comme dans mon
premier scénario, on garde notre soin en fin de vie, moi, je pense qu'on peut
tout à fait imaginer ça. Et c'est ça que le groupe d'experts propose, mais la
fin de vie est là. On sait que ça va être applicable seulement en fin de vie.
S'il n'y a plus le critère de fin de vie, bien là, il reste juste la
souffrance. Et là le discours, là, c'est que la souffrance est complètement
subjective, là, hein? À mon avis, là, ce n'est pas vrai, là, on ne peut pas
faire une politique publique comme ça, de dire : Là, vous allez
déterminer, dans vos directives médicales... dans vos demandes, à quel moment
vous trouvez que la souffrance est trop grande. On ne peut pas faire ça. Les
critères sont déjà... Il faut avoir quelque chose d'objectif, là.
Je pense
qu'en démence, il y a quand même des stades d'évolution. Contrairement à la
maladie mentale, il y a des stades d'évolution qui sont bien connus,
qui, habituellement, se confirment, et là on pourrait jouer... on pourrait
avoir des moyens objectifs de dire, là : Je pense que, maintenant, ça
s'applique. Donc, ce n'est pas exclu, mais il faut faire bien attention. Et
c'est hors de question que chacun décide de sa mort, là. Si chacun veut décider
de sa mort, c'est pour ça qu'il faut aller vers le suicide médicalement... le
suicide assisté, là, parce que, là, c'est un autre enjeu, là, c'est
complètement un autre enjeu. Mais, si on veut faire un encadrement de
l'euthanasie, il faut vraiment avoir des critères le moindrement objectifs.
La deuxième chose, je pense que ça ne peut pas
être contraignant. Ça ne peut pas être contraignant, parce que, bien, il n'y a
aucune demande qui est contraignante, on le dit, là. Les refus de soins sont
contraignants, c'est ça qu'on a mis dans les DMA. D'ailleurs, je pense que les
DMA devraient... on devrait revoir la rédaction des DMA pour que ce soit fait
avec l'équipe de soins, avec les proches. De cette façon-là, on pourrait peut-être
étendre un peu les situations et les soins, là, les situations qui pourraient
être touchées par des DMA. D'ailleurs, il ne faut pas oublier les DMA, parce
que ce n'est pas tout le monde qui va avoir accès à l'aide médicale à mourir,
et il faut qu'ils aient accès à d'autres façons s'ils veulent que leur vie ne
se prolonge pas, là.
• (9 h 30) •
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup.
Mme Marchand (Michèle) : Personne ne
veut parler des arrêts de boire et manger, mais il faut en parler.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Dre Marchand.
Mme Hivon : Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) : Je
céderais maintenant la parole à la députée de Maurice-Richard.
Mme Montpetit : Je vous remercie,
Mme la Présidente. Bonjour, tout le monde. Bonjour, Dre Marchand. Merci
d'être avec nous ce matin. C'est fort intéressant, vous écouter. Honnêtement,
vous amenez... comme le disait ma collègue de Joliette, vous amenez une
perspective aussi qui est très différente de ce qu'on a entendu jusqu'à
maintenant. Puis ce que je retiens, puis c'est vrai que ça nous amène dans
un... bien, ça doit être aussi l'aspect... Je trouve ça intéressant, c'est
l'aspect philosophique et médical en même temps. Mais vous nous amenez vraiment
dans un débat où vous soulignez la différence fondamentale entre le fait
d'écourter l'agonie chez quelqu'un, la souffrance chez quelqu'un, versus
provoquer la mort. Je pense que c'est un peu là-dessus que vous... tu sais,
provoquer la mort chez quelqu'un qui veut mourir mais qui n'est pas en fin de
vie.
Et là je pense que ça nous amène beaucoup dans
nos réflexions de, justement, la souffrance versus la fin de vie, versus comment c'est exprimé chez quelqu'un
qui fait de la démence. Puis j'aimerais ça vous entendre davantage là-dessus, parce que moi, j'ai encore beaucoup de
questionnements sur... justement, sur l'aspect, je veux dire, peut-être
un petit plus philosophique. Puis c'est pour ça que je suis contente que vous
soyez là ce matin.
Le groupe d'experts l'avait bien dit, hein, la
maladie neurodégénérative ne devrait pas priver quelqu'un du droit de choisir
une fin de vie qui est conforme à ses valeurs. Et ils parlaient vraiment de
valeurs, notamment, là, c'est bien la formulation qui avait
été utilisée. Puis tout l'enjeu, vous l'avez un peu souligné, que l'aspect de
la souffrance pour quelqu'un qui est en situation de démence, il peut quand
même être subjectif. Oui, vous nous avez dit : Il y a des critères assez
définis, mais, encore là, dans les experts qu'on a vus, puis on verra comme on
avancera dans les prochaines consultations qu'on fera, mais il y a encore une
certaine ambiguïté sur est-ce que c'est si clair que ça, la souffrance de quelqu'un
qui est dans une situation de dégénérescence neurocognitive, sa souffrance
psychologique, entre autres, au-delà de la souffrance physique.
Donc, j'aimerais ça vous entendre sur ce
concept-là de souffrance versus d'est-ce que quelqu'un pourrait faire une
demande sur... davantage sur ses valeurs, sur la volonté, bien, d'une mort dans
la dignité, sans le critère de la souffrance.
Mme Marchand (Michèle) : Bien, je
pense qu'on ne pourra pas enlever le critère de la souffrance, là. Ce qui se
pose, c'est le caractère très subjectif de cette souffrance-là. Moi, je ne
doute aucunement que les gens, même si on ne considère pas ça de la souffrance,
n'apprécient pas la vie des derniers stades de la démence. Ce n'est pas
considéré comme de la souffrance, mais je pense que... je comprends très bien
que quelqu'un aimerait mieux écourter sa vie... par anticipation surtout,
écourter sa vie que de vouloir vivre ça.
Et c'est pour ça que je n'exclus pas le
troisième scénario, où là il faudrait envisager comme un suicide assisté, parce
que, là, il faudrait que ça soit... Là, là, c'est la décision de la personne
qui décide qu'elle n'en peut plus, et là on n'est plus tellement dans un soin,
là. Comprenez-vous? On n'est plus tellement dans un soin, on est dans un choix
de fin de vie, on est dans un choix de choisir sa mort. Mais ça n'a jamais été
l'optique qu'on a pris quand on a mis ça dans le domaine des soins. Et je doute
qu'on puisse dire que quelqu'un qui ne veut pas vivre ça... par exemple,
Mme Demontigny, là, qu'on va prendre au Dr Poirier, là, je doute
qu'on puisse intégrer ça dans un système de soins. En tout cas, moi, il
faudrait que je sois bien, bien sûre qu'il y a eu une très, très bonne prise en
charge pour prendre sur ma conscience professionnelle d'écourter la vie de
quelqu'un qui ne veut pas se rendre jusqu'au dernier stade de la démence, là.
Je peux comprendre, et, comme société, on
pourrait penser... mais là je pense qu'on se rapproche vraiment, vraiment du
suicide assisté, où il faut que ça soit la personne apte elle-même qui prend
cette décision-là, qui le fait et que, là, ce n'est pas du tout une décision de
soins, c'est une... là, c'est une décision de vie, de choix de vie.
Et c'est pour ça que le troisième scénario,
d'aller plutôt vers le suicide assisté, je ne pense pas qu'il faut l'exclure.
Mais je ne pense pas qu'on peut faire ça comme on a fait pour les soins de vie,
où là tout le monde était prêt à contribuer. C'était un projet, et tout le
monde a voulu contribuer à ça. Mais mettre fin... Là, pense que les gens
seraient peut-être prêts à contribuer à une meilleure prise en charge des gens
qui ont des troubles neurocognitifs, mais je ne pense pas qu'on est rendus à
vouloir régler le problème... C'est un problème immense, hein, et je ne pense
pas qu'on veuille le régler par l'euthanasie.
Peut-être qu'on peut permettre le suicide
assisté. C'est vers ça que le Code criminel, d'ailleurs, penche. Le suicide
assisté est là, mais là je pense qu'à ce moment-là il va y avoir une contribution
minimale de la profession médicale. Il y a sûrement
des médecins qui sont prêts à le faire, on en a entendu, mais c'est une contribution minimale de la profession
médicale et une intégration minimale dans notre système de soins, parce que,
là, ça devient de moins en moins une chose qui se justifie par les soins... par
le biais des soins. Comprenez-vous?
C'est le
modèle... En fait, là, je ne pense plus qu'on est dans le modèle... D'ailleurs,
là, aux Pays-Bas, là... il y a
juste les Pays-Bas, hein, qui permet les directives médicales anticipées. Ça ne
se fait quasiment pas, parce que les médecins veulent difficilement contribuer.
On a peur. Écourter... pas écourter la vie, mais cesser la vie d'une personne
qui ne peut plus nous dire, là, si elle est d'accord, là, tout le monde a peur
de ça. Et dans toutes les instances où ça a été permis... Ce n'est pas pour
rien qu'ils ont mis le suicide assisté aux États-Unis, hein, c'est parce que
les médecins ne voulaient pas rentrer là-dedans. Ils ne veulent même pas
rentrer en fin de vie, là, ça fait qu'ils ne rentreront pas dans le fait
d'écourter la vie de quelqu'un qui a fait une demande il y a longtemps, sans
pouvoir vérifier que ce n'est pas contre son gré.
Et c'est pour ça, je n'exclus pas, moi, ça, là,
mais ça, c'est une tout autre chose. Et je pense qu'il faut s'inspirer... il
faut garder notre loi sur les soins de fin de vie, il faut s'en inspirer le
plus qu'on peut. Mais quand on en fait un choix comme ça, là, je pense que
c'est plutôt du suicide assisté. Comprenez-vous un petit peu la différence que
je veux faire?
Mme Montpetit : Non, non, je
comprends très bien. Ce n'est pas une question simple, hein, donc, c'est...
vous l'évoquez bien. C'est peut-être simpliste comme...
Mme Marchand (Michèle) : Mais est-ce
que j'ai répondu, minimalement, à votre question ou...
Mme
Montpetit : Ah! absolument,
absolument. Mais j'aurais une... Quand vous dites, justement : Vous ne seriez pas capable de
le faire, comme professionnelle, c'est peut-être simpliste, comme question,
mais juste pour bien comprendre, c'est une question de valeurs ou c'est
une question déontologique, dans votre... comme médecin?
Mme Marchand
(Michèle) : Bien, moi, je
pense, là, c'est une décision de politique publique. Je pense qu'on ne devrait pas
mandater les médecins pour faire... qu'on ne devrait pas compter sur la
profession médicale, un, pour le faire, et, deux, pour l'encadrer, parce que,
là, ce n'est plus une décision qui demande une... C'est une décision de politique
publique, d'ouvrir au suicide assisté, ce n'est plus une... ce n'est plus... Et
d'ailleurs, ça se fait en marge du système de soins, ce
qui pose un immense problème ensuite, parce que les gens sont obligés de sortir
des institutions, nous autres... ils sont obligés de sortir des institutions
publiques pour aller réclamer le suicide assisté dans une instance extérieure
au système de soins.
• (9 h 40) •
Mme Montpetit : O.K., parfait. Toujours
sur la question de la démence, est-ce que je comprends que quelqu'un qui serait
en... J'essaie juste de voir aussi le... Vous n'excluez pas, justement, toute
la question du critère de fin de vie, de... Donc, à partir de quel... Tu sais,
j'imagine que vous avez été en contact... vous n'avez pas fait de soins palliatifs,
là, vous nous l'avez bien mentionné, mais vous avez été en contact avec des
gens qui font de la démence. Puis, encore là, j'aimerais ça vous entendre sur
la souffrance physique versus la souffrance psychologique.
Est-ce qu'on est... Est-ce qu'un médecin qui est
en relation avec un patient qui a une démence, une dégénérescence
neurocognitive, il est capable d'évaluer... parce qu'on nous a parlé,
justement, des stades plus sur la souffrance physique. Mais est-ce que la
souffrance psychologique, justement, qui est peut-être reliée, notamment, à la
détresse, au fait de ne pas reconnaître ses proches, au fait de la perte de
dignité, est-ce que cette souffrance psychologique là, il est possible de
l'évaluer pour un médecin?
Mme Marchand (Michèle) : Je ne sais
pas, là, ça dépasse mon champ de compétence, là. Je ne sais pas. Je ne suis pas capable de vous dire ça. Je ne sais
pas, ça dépasse mon champ de compétence. Mais vous avez entendu des
opinions contradictoires, hein, le Dr Carrier, je pense, qui vous disait que
c'est possible, là, et Dr Poirier qui vous disait
que ce n'est pas une souffrance comme les autres, et c'est plutôt être dans un
état plutôt second. Bon, je ne le sais pas.
Mais je pense que, de toute façon, c'est dur
d'évaluer ça selon des critères de souffrance comme on en utilise dans les
autres soins. Et je ne suis pas sûre qu'on est dans une affaire de soins, là,
et je pense que c'est plutôt une décision de dire : Est-ce que les gens
ont le droit de décider du moment de leur mort? Mais, s'ils ont le droit de
décider du moment de leur mort, sans que ce soit intégré dans un continuum de
soins, eh bien, là, on est dans... on est plutôt dans du suicide assisté.
Mais je pense qu'on pourrait faire les deux. Je
pense... Peut-être qu'il faut deux régimes qui vont... peut-être qu'il faut
tout ça, peut-être qu'il ne faut pas en exclure. Je ne pense pas qu'il faut
mettre le modèle suisse, là, pour tout le monde, là, hein? On fait déjà de
l'euthanasie en fin de vie, et je pense qu'on pourrait... si c'est possible,
qu'on en fasse aussi pour les gens qui ont des maladies mentales et qui sont
des cas très réfractaires. Ça se pourrait qu'on en fasse pour des gens qui sont
handicapés et... Comprenez-vous, là? Ça se pourrait qu'on en fasse pour des
gens qui sont handicapés et... Comprenez-vous, là? Ça se pourrait que ce soit
dans un continuum de soins sur plusieurs secteurs de souffrance, on va dire,
là. Mais, je pense, quand on en vient à des jugements comme : Moi, je ne
veux pas vivre ça, là, on est plutôt...
Moi, je ne veux pas qu'on laisse les gens se
suicider tout seuls, hein? Ce n'est pas ça, l'idée, là. D'ailleurs, je suis une
partisane, moi, des arrêts de traitements, des arrêts de boire et manger. Je
pense qu'il... c'est une avenue qui a l'air cruelle, mais qu'il faudrait
envisager, là, parce qu'on veut aider ces gens-là. Les gens qui ne veulent plus
vivre, là, on ve veut pas non plus les laisser se suicider dans leur cabanon,
là. Donc, on veut les aider, mais c'est difficile à intégrer dans un système de
soins, et, à la limite, il faut mettre ça comme un peu en marge, je pense, du système de soins, quand on en vient à des choix complètement personnels, là, complètement personnels, qui ne cadrent pas avec le continuum de soins qu'on essaie de
donner, là. D'ailleurs, ces gens-là ne veulent pas toujours
rentrer dans un continuum de soins, hein? Puis je les comprends, des
fois, parce qu'ils ne veulent pas finir leur vie en CHSLD.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Dre Marchand. Donc, je passerais la parole au député de Gouin.
M. Nadeau-Dubois : Merci, Mme la
Présidente. Merci, Mme Marchand, de votre contribution lumineuse à nos
travaux. Je pense que votre présentation a la grande vertu de nous rappeler
quelle est la logique, l'économie générale de la législation québécoise en
matière d'aide médicale à mourir. Et, personnellement, ça me permet de
positionner les différentes contributions qu'on a reçues depuis le début de la
commission sur une espèce de carte, là, des différentes conceptions.
J'aimerais revenir avec vous sur la... Vous avez
identifié trois enjeux, là, sur la question de l'ouverture potentielle de
l'aide médicale à mourir aux gens souffrant de troubles mentaux sévères. Puis
la deuxième difficulté que vous avez indiquée, si j'ai bien capté, c'est la
notion d'incurabilité ou non du trouble de santé mentale.
Depuis le début de la commission, il y a des
psychiatres qui sont venus nous dire les deux choses : certains qu'il y a toujours de l'espoir et que, donc, par
définition, c'est antithétique que de parler d'un trouble de santé
mentale incurable, et d'autres qui nous ont
dit : Non, après un certain temps, un certain suivi, on peut avoir un
degré raisonnable de certitude que la personne est arrivée au bout des
traitements. Comme législateurs, là, si on décidait de rester à l'intérieur de
la logique de la loi québécoise actuelle, comment trancher cette question-là?
Voilà, comment trancher cette question-là? J'avoue que, personnellement, ça me
rend perplexe.
Mme Marchand (Michèle) :
Je vais vous répondre un peu à côté, mais je veux vous dire que c'est à peu
près la même chose qui s'est passée avec les soins palliatifs. Comprenez-vous?
Il y avait des gens... Quand on voulait ouvrir aux personnes en fin de vie, et
c'étaient les gens qui s'occupaient des soins palliatifs qui étaient comme les experts de ce secteur, et c'est... beaucoup
de gens étaient extrêmement réticents, parce qu'ils disaient :
Il y a toujours quelque chose à faire, il y a même une expérience
positive dans la fin de vie. Et je pense que ce qu'on a fait, finalement, là,
c'est qu'on n'a pas tranché carré. Comprenez-vous? On n'a pas tranché, justement,
là, on a permis qu'il y ait des gens qui pensent qu'il y
a toujours quelque chose à faire et d'autres qui pensent qu'on peut arriver à
certaines situations exceptionnelles, bien, on a dit... où ce serait
envisageable.
Bien, on a dit,
là : O.K., il y en a qui ne le feront jamais et qui pensent qu'on pourra toujours
faire quelque chose, mais faisons minimalement quelque chose, par exemple, pour
que ceux qui veulent le faire en fin de vie le... pas en fin de vie, mais in
extremis, comme dernier recours, le fassent en dernier recours. Et là tout le
monde est capable d'accepter ça et tout le monde est capable, je veux dire...
Bien, tout le monde n'est pas content, là, mais c'est un compromis acceptable,
même pour les gens qui pensent qu'on peut toujours offrir quelque chose. Ils
vont continuer de toujours offrir quelque chose, mais ça va être possible pour
certains de dire : Moi, je pense qu'on est arrivés là, là, et ça ne sera
pas interdit comme ce l'était avant, et ça va même...
Mais ça ne veut pas
dire que ça va être encouragé de faire ça très précocement ou obligé pour tout
le monde de le faire. Ce n'est pas parce que quelque chose devient permis...
Écoutez, ce n'était pas permis avant, là, l'aide médicale à mourir. Ce n'est pas parce que quelque chose devient permis
que c'est la plus... la chose la plus appropriée à faire, là. Je pense qu'il faut garder en tête que
c'est un soin de dernier recours. Et ça nous donne une charge sociale
vraiment lourde, parce que, si c'est un dernier recours, il faut que les
premiers recours soient corrects, là. Comprenez-vous? Et ça, je pense qu'on
peut faire un certain compromis, même pour des soignants ou des gens qui, au
départ, étaient très... avaient des opinions très polarisées. Vous comprenez un
peu le...
M.
Nadeau-Dubois : Oui, tout à fait, tout à fait. Qu'est-ce que vous
répondez... Parce que votre troisième difficulté que vous avez indiquée, sur
cette question-là, c'est la question de l'insuffisance des soins à l'heure
actuelle. Vous avez dit : La santé mentale, c'est le parent pauvre de
notre système de santé. À cet argument-là, beaucoup d'experts à la commission
ont répondu : C'est un faux dilemme, on peut faire les deux. On pourrait
ouvrir à l'aide médicale à mourir pour les troubles de santé mentale sévères
et, en même temps travailler, comme société, sur l'amélioration significative
des soins en santé mentale. Qu'est-ce que vous pensez, vous, de cet
argument-là?
Mme Marchand
(Michèle) : Moi, je pense que c'est vrai. C'est ça qu'on a fait avec
les soins palliatifs, on n'a pas attendu que le réseau des soins palliatifs
soit parfait. Les soins palliatifs, là, c'est loin d'être parfait, hein? C'est
loin d'être parfait, mais il faut travailler sur les deux plans en même temps.
Et c'est pour ça qu'on a une loi sur les soins de fin de vie et non une loi sur
l'aide médicale à mourir. D'ailleurs, c'est ça que le fédéral veut faire, par
la voie de l'aide médicale à mourir, il veut rentrer dans l'organisation des
soins. Comprenez-vous? Nous autres, on a fait le processus inverse, on a essayé
d'intégrer l'aide médicale à mourir dans un continuum de soins. Je pense que
c'est plus intelligent. Bien, en tout cas, pas plus intelligent parce que c'est
une autre façon de porter ça, là, mais...
Et puis je pense
qu'il faut faire la même chose pour les autres types de problèmes. C'est beaucoup
plus difficile pour la démence, me semble-t-il, que pour les maladies mentales,
mais je pense que ce n'est pas impossible de maintenir les deux positions et de
faire une espèce de... C'est un compromis, finalement, où ces deux positions-là
sont capables de vivre ensemble, à condition
qu'entre les deux positions il y ait quelque
chose, comprenez-vous, il y
ait quelque chose comme prise en charge. Et ça, c'est un gros... c'est un
projet très ambitieux de vouloir qu'il y ait quelque chose entre les deux pour
une société.
La Présidente (Mme Guillemette) : Merci
beaucoup, M. le député. Merci beaucoup, Dre Marchand. Je passerais maintenant
la parole à la députée d'Abitibi-Ouest.
• (9 h 50) •
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : Merci beaucoup, Mme Marchand. Très intéressant.
Moi, j'aimerais que vous parliez de l'aide médicale à mourir via la sédation
palliative, parce qu'on sait que, dans la population et sur certains camps
médicaux, c'est flou. Alors, j'aimerais vous entendre sur ce point-là. Et le
deuxième point, c'est que, si la sédation palliative serait plus connue,
pensez-vous qu'on aurait moins de demandes d'aide médicale à mourir... de
demandes, excusez-moi, de soins de vie?
Mme Marchand (Michèle) :
Oui, je suis très contente de votre question parce qu'effectivement... Bon, je
veux répondre à ça avec beaucoup d'enthousiasme, là. La sédation, c'est un des
problèmes qu'on avait, justement, avec les soins de fin de vie. Comprenez-vous,
là? C'est ça, le problème qu'on avait. La sédation palliative est un moyen...
c'est très utile, c'est très utile.
Le problème qui se
posait avec la sédation palliative, c'est que, quand on met quelqu'un en
sédation palliative, c'est évident qu'il ne
peut plus boire et manger et qu'il va mourir, et les gens ont très peur que ce
soit identique à de l'euthanasie. Ce n'est pas identique du tout, mais
c'est sûr... mais plus... Au fur et à mesure qu'on discutait des soins de fin
de vie, on a été capables de clarifier ça, que la sédation palliative n'est pas
de l'aide médicale à mourir. Mais on avait tellement peur que ce soit l'aide
médicale à mourir, on avait peur de parler de toutes ces choses-là avant. On
avait tellement peur qu'on réservait la sédation palliative à des périodes in
extremis, là, on voulait faire ça très tardivement, parce que c'est sûr que,
finalement, ça va tuer le patient parce qu'il ne mange pas puis il ne boit pas.
Donc, comprenez-vous? Ça fait que, là, on retardait l'utilisation de la sédation
palliative.
Moi, je pense qu'il
faut utiliser la sédation palliative quand on peut et quand les gens, c'est ça
qu'ils veulent. Et c'est très utile, mais il ne faut pas exclure pour autant
l'aide médicale à mourir. Mais la sédation palliative, c'est différent. C'est
différent, on endort le patient, mais c'est évident qu'on ne peut pas le faire
très précocement parce qu'il va en mourir, parce qu'il n'est pas hydraté, il
n'est pas... Donc, c'est ça, mais c'est quelque chose qui est très, très utile.
Et quand quelqu'un est en sédation palliative, il n'a pas besoin d'aide
médicale à mourir. Quand quelqu'un va mourir calmement, sans trop de
souffrances, on en a... il ne faut pas penser à l'aide médicale à mourir.
Les gens disent :
Moi, je veux choisir le moment de ma mort. Là, ce n'est pas ça, là, c'est que
c'est des gens qu'on avait de la misère et on réservait la sédation palliative
à des... on les laissait souffrir parce qu'on ne voulait pas mettre la sédation
palliative précocement, donc... Ça fait que, comprenez-vous, c'est tout ça qui
s'est clarifié et que, je pense, ça fait du
bien à tout le monde, de pouvoir utiliser la sédation palliative sans avoir
peur de faire de l'euthanasie, de pouvoir utiliser l'euthanasie quand
les gens ne veulent pas de sédation palliative, mais que ça va mal, mais pas
utiliser l'euthanasie parce que je veux choisir ma mort. Comprenez-vous, là?
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : J'ai
juste une petite dernière question. C'est que... considérez-vous que, lorsqu'on
demande une sédation palliative, que le patient doit être apte à choisir la sédation
palliative?
Mme
Marchand (Michèle) : La sédation palliative, je pense qu'en général les patients sont aptes à choisir, oui.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) : Merci
beaucoup, Mme la députée. Je céderais la parole à la députée de Saint-François.
Mme
Hébert : Merci,
Mme la Présidente. Bonjour. Bon matin, Dre Marchand. Très intéressant, ce
que vous nous apportez ce matin. Moi, j'aimerais revenir sur quand vous avez
parlé qu'il y avait trois scénarios. Et, dans le premier, vous avez dit :
Ce qui serait important, c'est de garder nos acquis pour les soins de fin de
vie. Ensuite, vous avez dit : Si on ouvre, bien, il faudrait que ce soit
des modifications mineures. Qu'est-ce que vous voulez dire par modifications
mineures?
Mme Marchand (Michèle) : Les modifications...
Bien, je pense que, bon, la Loi concernant les soins de fin de vie, la loi québécoise,
on va l'appeler comme ça, là, a des critères, des procédures, là, que vous
connaissez probablement, là, qui sont assez détaillés, et tout ça. Le Code
criminel, là, a aussi des critères qui sont sensiblement, à mon avis, les
mêmes, mais que, bon, vous voyez, là, des ajustements mineurs, à mon avis...
Puis il a déjà conservé une branche pour les personnes qui sont en... dont la
mort est prévisible, et c'est à peu près les mêmes critères. Il faut que les... soient souffrants, il faut qu'ils
soient aptes à donner leur consentement, puis là il y a des procédures
précises. Bon, mais, par exemple, le handicap n'est pas considéré. Tu sais, il
y a des affaires, là... Moi, je ne pense pas que...
Les gens disaient que la loi fédérale était
beaucoup plus permissive pour les personnes en fin de vie ou les personnes...
mais je ne pense pas. Je pense que c'est à peu près la même chose. Les
procédures sont à peu près les mêmes aussi pour les personnes qui sont en fin
de vie, et donc je ne pense pas, là, qu'il y ait de gros problèmes là. Et je
pense que des modifications mineures, là, il faudra regarder, là, dans la
précision de la formulation des choses, voir si ça correspond à la façon dont
c'est formulé dans le Code criminel et ne convient pas à...
Bon, il y a certaines choses qui seraient plus
difficiles, par exemple, comme ouvrir les demandes anticipées, les demandes
anticipées d'aide médicale à mourir. Ça, là, je pense que le Code criminel
exige que les gens soient aptes. On pourrait plaider que les gens sont aptes au
moment où ils font la demande, là, mais c'est sûr que, là, on ne pourrait plus
avoir l'aptitude au moment où l'acte est posé. Et ça, je ne le sais pas, si ça
pose des problèmes juridiques, c'est hors de mon champ de compétences, mais ça
pourrait être un ajustement, là, qu'il faudrait surveiller. Et il ne faudrait
pas se lancer dans d'autres batailles. On l'a perdue, là, la bataille au plan
juridique, et il ne faudrait pas se lancer, je pense, dans d'autres batailles
sur le fait qu'on va ouvrir à des demandes anticipées, alors que le Code
criminel ne l'avait pas prévu.
Mme
Hébert : Donc, ce
que vous dites, c'est qu'on ouvre aux demandes anticipées, mais là c'est...
puis on enlève le critère d'aptitude de la fin...
Mme Marchand (Michèle) : Bien, ça se
trouve... Tu sais, c'est ça, les demandes anticipées, là, c'est comme enlever
le critère d'aptitude, oui et non. Dans le fond, les gens sont aptes quand ils
font la demande, mais, quand on l'applique, ils ne le sont plus. Donc, je ne
sais pas si ça poserait un problème, là, au niveau de la concordance avec...
parce que Me Ménard nous disait que c'est le Code criminel qui a
prépondérance, là, sur les autres lois, mais je pense que notre loi sur la fin
de vie, là, les soins de fin de vie, là, je ne pense pas qu'elle soit sur
plusieurs points en contradiction avec le Code criminel. Celui-là, la
proposition des experts qui proposent qu'il y ait déjà un diagnostic et tout
ça, là, je pense que ça... Je ne le sais pas. Il faudrait voir avec des
juristes, voir si il y a une... si ça va être contesté constitutionnellement.
Mais à mon avis, quand le critère de fin de vie est là, je pense qu'on pourrait
intégrer ça dans notre loi. Je pense que c'est possible de penser à des
directives médicales anticipées quand le critère de fin de vie est là, parce que, là, on sait
quand l'appliquer, ça va être en fin de vie, ça va être quand les gens sont
souffrants. Si le critère de fin de vie n'est pas là, il nous reste juste la
souffrance, et là c'est un petit peu plus compliqué.
Mme
Hébert : Puis,
dans cette optique-là, qui serait apte à prendre la décision pour la personne
qui est rendue inapte?
Mme
Marchand (Michèle) : Bien, si
c'est une demande anticipée, bien là, je pense que l'idée du groupe
d'experts... là, je me réfère au groupe d'experts. Je pense, l'idée d'avoir une
espèce de mandataire, qui n'est pas le mandataire au sens
courant et judiciaire du terme, là, d'avoir quelqu'un qui va voir à l'application...
mais ce n'est pas cette personne-là qui va l'appliquer, je pense que, les
critères étant déjà déterminés, eh bien, ça va être comme quand on applique un consentement,
là. C'est un consentement qui a... Le consentement anticipé, là, il a comme la
même valeur, mais la demande, elle ne peut pas être exécutoire. Il n'y a pas
une demande qui est exécutoire.
Donc là, il va falloir voir si c'est quelque
chose qui est approprié et que le patient a d'avance demandé ou consenti... à
laquelle il a déjà consenti. Il faut voir ça sous l'angle d'une demande. La
demande est indicative, mais on va voir si ça a la même valeur... c'est ça
qu'on a dit dans les directives médicales anticipées, là, si ça a la même
valeur qu'un consentement d'une personne apte, ni plus ni moins. Donc, ça ne
donne pas ouverture à l'aide médicale à mourir, mais, si les conditions sont
remplies, ça va donner une ouverture, si les conditions sont remplies.
Mme
Hébert : Merci,
Dre Marchand.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup. Je céderais la parole à la députée de Soulanges.
M. Picard :
Bonjour, Dre Marchand. Merci pour... Vos échanges sont vraiment
constructifs. Je vais revenir un petit peu sur l'élément que vous avez mentionné
à ma collègue à propos des Pays-Bas. Vous dites qu'ils n'entrent pas dans le
bain, là, de... il y a plusieurs médecins, en fait, qui ne veulent pas... ou
qui font avec une grande hésitation les soins de fin de vie ou qui ne veulent
pas les faire. On sait qu'en ce moment au Québec, là, vous savez qu'il y a des directives médicales anticipées, il y a des
papiers de niveaux de soins qui font qu'avec un consentement substitué,
aussi, une personne pourrait décider qu'une telle personne, un proche aidant, ou
un parent, ou un frère, ou bien, peu importe qui peut décider de ne pas faire
de réanimation, peut décider de ne pas faire d'intubation.
Je comprends que, pour un médecin, c'est
contre-intuitif, parce que les médecins se doivent d'être là pour soigner
jusqu'au bout, doivent faire tout en leur possible pour sauver leurs patients.
Qu'est-ce qui fait, selon vous, que les directives médicales anticipées, les
niveaux de soins... est plus acceptable? Pourquoi un médecin est plus
confortable à faire ces demandes-là qu'il ne le serait avec la directive
médicale anticipée?
• (10 heures) •
Mme
Marchand (Michèle) : Bon, si je comprends bien votre question, là, c'est : Pourquoi, même aux
Pays-Bas, où c'est permis, les médecins ont des réticences? Il y a beaucoup
de demandes qui sont refusées, mais c'est des demandes d'euthanasie. C'est des
demandes d'euthanasie, ce qu'on appelle ici des demandes d'AMM. Pourquoi? Parce
que tout le monde a peur d'écourter la vie de quelqu'un, d'enlever la vie à
quelqu'un contre son gré, alors que la personne ne peut pas... Sur le coup, on
ne peut pas être sûr que c'est ce qu'elle veut. C'est ça qui fait que les gens
ont peur. Et le cas qui nous a été rapporté des Pays-Bas, où on a été obligé de
forcer une personne, qui était devenue inapte,
à la sédationner ou la contentionner pour y donner l'aide médicale à mourir,
c'est horrible, ça. Il n'y a personne qui veut vraiment faire ça.
Parce que ça, là, c'est difficile. C'est une
situation difficile pour tout le monde, c'est difficile pour un soignant. Ce
n'est pas parce que les gens veulent absolument faire de l'acharnement
thérapeutique, parce que, contrairement à ça, les DMA, les refus de soins...
Les DMA, là, c'est des refus de soins, puis ça, là, les médecins, là, ce n'est
pas vrai qu'ils sont inconfortables avec ça. Les gens qui sont inconfortables
avec l'arrêt des soins, là, c'est les proches, et c'est pour ça que les DMA sont
contraignants pour les proches. C'est contraignant parce que c'est les proches qui ont de la misère à faire ça. Les
médecins font ça couramment parce qu'ils sentent une certaine
responsabilité. Ils ont prolongé la vie de
ces gens-là, et là ça ne marche pas, là, et ça fait que... Comprenez-vous, là?
C'est de l'acharnement thérapeutique, là.
Donc, je pense que les DMA... Moi, je suis tout
à fait d'accord avec les DMA. Comme je disais, là, il faudrait voir, là, pour
qu'ils soient rédigés de... On a réduit les situations où les DMA pouvaient
s'appliquer parce que les gens peuvent faire ça tout seuls chez eux, là, puis
là ils connaissent ce que c'est que d'être en fin de vie. Ils connaissent ce
que c'est que... de ne plus avoir de fonction cognitive. Ils peuvent s'imaginer
ça, mais il y a plein d'affaires qu'ils ne peuvent pas s'imaginer, là, puis
qu'il faudrait discuter voir si ça s'applique à eux autres, puis s'ils peuvent
prévoir ça de façon libre, éclairée. Comprenez-vous, là?
Donc, il faudrait peut-être les rédiger
autrement. Mais ça, c'est des refus de soins, et ça, je vous le dis, là, les
médecins en général font ça. On fait des arrêts de traitement régulièrement et
même des arrêts de boire et manger, là. Les médecins seraient prêts à
accompagner les... mais de là à... d'écourter activement la vie d'une personne,
alors là, ce n'est pas pareil, là. Comprenez-vous, là? Parce que la personne,
elle n'est plus capable de nous dire que c'est ça... et c'est ça qui rend les
médecins si réticents. Je ne dis pas que c'est impossible de le faire, là, mais
si les gens vont le faire avec beaucoup, beaucoup et de réticence et de
prudence, là, parce qu'on ne veut pas...
Et partout où ça a été libéralisé... Et puis là
il faut s'enlever de la tête que c'est libéralisé partout, là. Mais partout où
ça a été libéralisé, l'aide médicale à mourir, là, c'est pour des personnes
aptes, et, quand on en vient à des personnes inaptes, là, on a de la misère. Et
même dans la loi... Je veux dire ça... même dans la Loi concernant les soins de
fin de vie, là, le scénario 1, mettons qu'on la garde, ce qu'on avait dit,
c'est qu'il y a quand même des gens qui sont inaptes puis qui sont souffrants
en fin de vie, et ça, là, peut-être qu'il faut ouvrir pour eux autres, là.
Et ce qu'on avait suggéré au moment où on avait
fait... au moment de... Ça n'a pas été mis dans la loi, là, mais ce qu'on avait
suggéré, c'est qu'il y ait une autorisation du tribunal, une autorisation
préalable à l'acte pour que les personnes qui sont inaptes, il n'y ait pas de
consentement substitué, parce que tout le monde a peur de ça, comprenez-vous? Il
n'y a pas de consentement substitué pour l'aide médicale à mourir, mais il
pourrait y avoir une autorisation pour que, dans les cas extrêmes, et je pense
que ça va être la même chose pour les mineurs, jusqu'à un certain
point, vraiment des personnes, là, qui souffrent, là, puis qu'on... Ils ont
autant le droit d'arrêter de souffrir que les autres, mais il faut faire
extrêmement attention, parce qu'il n'y a personne qui veut écourter la vie de
quelqu'un contre son gré. On a peur de l'euthanasie involontaire et on a
raison.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Mme la députée. Merci infiniment, Dre Marchand, de
votre... de nous avoir présenté votre point de vue ce matin. C'est très
important pour la suite de nos travaux.
Mme Marchand (Michèle) : Avec
plaisir.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, nos échanges sont terminés. Donc, nous suspendons les travaux pour
accueillir nos nouveaux invités. Et encore une fois, Dre Marchand, merci,
vraiment.
(Suspension de la séance à 10 h 05)
(Reprise à 10 h 10)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, nous reprenons les travaux. Bienvenue, Dr Roy. Donc, merci d'avoir
accepté notre invitation, merci d'être avec nous aujourd'hui.
Donc, vous avez 20 minutes pour votre
exposé, et, par la suite, il y aura un échange avec les membres de la commission
pour 40 minutes. Donc, je vous cède la parole.
M. Louis Roy
M. Roy (Louis) :
Je vous remercie. Merci à tous les membres de la commission de m'avoir permis
et de m'avoir invité à me présenter à vous aujourd'hui dans les travaux sur la
Loi concernant les soins de fin de vie.
Tout d'abord, juste, dans la mise en place, vous
dire une chose importante. Depuis le 17 mai dernier, j'ai cessé ma
pratique clinique comme médecin en soins palliatifs pour me joindre à l'équipe
du Collège des médecins du Québec à la Direction de l'inspection
professionnelle. Donc, je suis ici à titre personnel et non pas à titre de
représentant du Collège des médecins, vous l'aurez compris.
Donc, je vous présente ici mes constats de mes
22 dernières années de médecin en soins palliatifs en milieu universitaire
et à domicile. La première chose sur laquelle je voudrais attirer
l'attention... Évidemment, je sais que les travaux de la commission portent
beaucoup, beaucoup autour de l'élargissement de l'accès à l'aide médicale à mourir,
mais la Loi concernant les soins de fin de vie inclut aussi les soins
palliatifs, entre autres choses. Et, lors des travaux qui avaient mené à cette
loi, j'avais été amené à deux reprises de pouvoir rencontrer les parlementaires
et présenter devant eux, et, à chaque fois... À ce moment-là, j'avais insisté
sur le fait que, oui, si on va vers l'aide médicale à mourir... mais il y a une
chose importante, c'est celle d'avoir accès à des soins palliatifs.
Force est de constater que les soins palliatifs
se sont améliorés dans les dernières années, mais pas autant qu'on aurait pu
peut-être le souhaiter. Il y a encore des difficultés d'accès en termes de
rapidité, en termes de qualité aussi. C'est variable d'un endroit à l'autre,
d'un établissement à l'autre. Donc, je... simplement faire un rappel aux
membres de la commission qu'il y a cet élément très, très important. C'est une
minorité de gens qui vont, en fin de vie, demander l'aide médicale à mourir, et
même, lorsqu'ils demanderont l'aide médicale à mourir, ils auront eu, je
l'espère, accès à des soins palliatifs, et que leur choix, s'ils vont vers l'aide
médicale à mourir, ne sera pas parce qu'ils n'auront pas eu accès à des soins
palliatifs en temps et lieu et en qualité.
D'ailleurs, à ce niveau-là, on remarque... j'ai
pu remarquer dans ma pratique, dans la dernière année, suite à la pandémie,
qu'il y a eu un effet qu'on n'avait peut-être pas attendu, c'est de voir que
les gens, face à la pandémie et aux contraintes que... qui étaient imposées
lorsque les gens entraient dans les établissements de santé, les gens sont
restés beaucoup plus longtemps à leur domicile. On a vu même plus de décès à
domicile. Je l'ai... On l'a constaté avec certaines de mes collègues qui font
beaucoup de soins palliatifs à domicile, le nombre de gens à suivre, les durées
de suivi, le nombre de décès ont augmenté.
Donc, il y a là quelque chose qui est
intéressant. C'est que, oui, les gens pourraient... et on en a souvent parlé,
au fil des années, d'augmenter l'accès à domicile et les décès à domicile. Oui,
les gens pourraient le faire, mais il y a tout cet élément de l'offre et la
demande, dans le sens où, lorsque le fardeau devient trop lourd à domicile, les
gens ont tendance à se tourner vers les
établissements qui sont des institutions avec des structures plus lourdes, donc
plus chères, et que, si on a une accessibilité augmentée facilitée à domicile
avec plus de ressources, on va probablement permettre d'avoir des gens qui vont
rester plus longtemps chez eux, ce qui... (panne de son) ...une amélioration.
J'ai parlé... Je vais glisser un mot sur la
qualité des soins palliatifs. Il faut continuer à faire la formation, s'assurer
que les gens ont accès à des soins de qualité de... quels que soient les
professionnels. Et, à ce niveau, il y a deux
éléments, et je sais bien que ce n'est pas les membres de la commission qui
vont mettre ça, mais ils peuvent avoir une influence pour inciter des
instances à mettre des choses en place.
Il y a une plateforme qui se met actuellement en
place au niveau du ministère de la Santé, qui s'appelle la plateforme eConsult,
ou consultation électronique, qui est un mécanisme qui se met en place pour
permettre aux médecins de première ligne d'avoir un accès rapide, de façon
électronique, pour un avis qui peut mener à... oui, écoutez, il faut qu'on voie
votre patient en consultation ou voici ce que je vous suggère. Cette
plateforme-là n'est actuellement pas prévue dans... au
début de son implantation pour inclure les soins palliatifs, mais je suis
convaincu que les soins palliatifs seraient une méthode... ce serait une sphère
d'intervention où la plateforme serait très, très utile, très utilisée. Donc,
il y a là une possibilité.
La création aussi de communautés de pratique
virtuelle qui pourraient permettre, justement, de favoriser l'échange entre des
gens qui en font beaucoup, qui ont une expertise en soins palliatifs, et les
médecins de première ligne qui en font peu et qui ont besoin, justement, de
pouvoir avoir... aller chercher rapidement de l'information et du soutien. Donc, je me permets de passer ici cet
élément qui m'apparaît important et... les soins palliatifs étant un
élément vraiment essentiel lorsque les personnes arrivent en fin de vie.
Dans les autres considérations de la loi, il y a
les directives médicales anticipées. Je passerais rapidement, mais simplement
pour vous dire que, dans mon expérience clinique, ça demeure vraiment très
méconnu, peu utilisé. Il y a donc encore du travail à faire, entre autres, au
travers de campagnes d'information auprès du grand public.
Le troisième chapitre au niveau de la loi, c'est
la sédation palliative continue, qui a été incluse dans la loi afin de pouvoir baliser des pratiques qui étaient
parfois assez divergentes ou, à tout le moins, pas toujours semblables. Ce
qui reste de ce côté-là, c'est qu'il y a des flous. Les gens ne comprennent pas
nécessairement qu'est-ce que la sédation palliative
continue, même au niveau des milieux cliniques et encore plus au niveau de la
population. Est-ce que la sédation palliative continue, c'est une aide
médicale à mourir, qui fait qu'on décède en quelques heures ou quelques jours
au lieu de quelques minutes? C'est souvent perçu comme ça. Donc, là aussi, il y
a de l'information à transmettre, il y a de l'éducation, particulièrement au
niveau des professionnels de la santé, pour s'assurer que ce soin, qui est très
utile, qui est très... qui peut être bien utilisé, soit utilisé à bon escient,
mais bien compris de...
Alors, j'en arrive au sujet le plus crucial de
vos travaux, c'est celui de l'aide médicale à mourir. Je dois vous avouer que
j'ai été rapidement... lorsque la loi a été implantée, rapidement mis dans le
bain pour avoir été invité à coprésider le comité au ministère sur
l'implantation de l'aide médicale à mourir. On a travaillé pendant près d'un an
et demi. Les choses se sont mises en place, et j'ai été moi-même surpris, suite
à nos travaux et avec l'implantation de l'aide médicale à mourir, de voir que
le nombre de demandes est nettement supérieur à ce que l'on pouvait... on avait
pensé, hein? On s'était dit qu'il y aurait un certain nombre, mais c'est
vraiment du double ou même au triple des chiffres auxquels on pensait. Et j'ai
même été étonné, entre autres... mais là sans tomber dans un âgisme, là, qui
pourrait avoir l'air de mauvais aloi, mais j'avais comme une espèce de
présomption personnelle de dire : Peut-être que les gens plus âgés vont,
pour différentes raisons, peut-être aussi culturelles, avoir moins recours
et... Mais non, la demande d'aide médicale à mourir ne connaît pas d'âge. J'ai
vu des demandes, dans les dernières années, jusqu'à 100 ans avec des gens
très lucides et très déterminés. Donc, vraiment, ça n'a pas d'âge et ça vient
couvrir toutes les tranches de notre population.
Dans tous les changements qui arrivent, il y a
des éléments qui font en sorte... qui demeurent flous. C'est sûr que, pour
avoir accès à l'aide médicale à mourir pour une personne qui est atteinte d'une
maladie néoplasique, un cancer avec une évolution connue, c'est beaucoup plus
facile, c'est beaucoup plus simple dans le sens où, pour le côté clinique, le
côté médical, on a plus facilement une idée de ce qui s'en vient, vers quoi on
va par rapport à des maladies d'insuffisance organique, comme l'insuffisance
cardiaque, par exemple.
Et ce qui vient en plus s'ajouter, c'est cette
notion, qui était à l'origine dans la loi, du pronostic de survie, notion qui,
suite au jugement de la Cour supérieure, a été invalidée, mais qui reste
ancrée. Donc, vous savez, lorsqu'on apprend une notion, c'est difficile de la
désapprendre. Je peux vous dire que, dans les derniers 18 mois, dans mon
milieu, dans le CHU de Québec, j'étais quelqu'un qui était une des figures de
référence pour les demandes d'aide médicale à mourir, et c'était à répétition.
J'avais des questions : Qu'est-ce qu'on fait avec ça, le pronostic? Est-ce que
ça tient encore ou est-ce qu'on va...
Donc, il y a des notions qui font que, puisque la loi évolue, puisqu'il
y a des changements, il y a des choses qui sont comme... restent incertaines.
Les gens ne sont pas certains de comment bien faire... et être certain de bien
faire.
• (10 h 20) •
En plus, il y a des éléments, avec les récents
changements qui ont été faits au gouvernement fédéral, qui amènent encore plus
de questionnements. La notion des 10 jours, qui était dans la loi au
niveau fédéral, maintenant, la notion du 90 jours compte tenu du
diagnostic, là aussi, il y a... ça amène... Tous ces éléments amènent des flous
qui font en sorte que beaucoup d'intervenants, particulièrement mes collègues
médecins, vont se sentir un peu insécurisés.
À quelle loi je dois faire référence? Quels critères je dois suivre? Le fait
d'avoir deux lois dans deux juridictions différentes, les gens sont dans
un élément qui les rend insécures. Donc, une nécessité d'avoir une
harmonisation, de s'assurer qu'il y aura... que ce sera plus simple de
comprendre, et que les critères, finalement, quel que soit... j'ose faire une
image, quel que soit du côté de la rivière des Outaouais qu'on est, les
critères demeurent les mêmes pour tout le
monde. Alors, ça, c'est un élément qui, à mon avis, est vraiment fondamental,
et qui va faciliter l'accès, et il va faciliter le travail en clinique
pour l'évaluation de l'accès à l'aide médicale à mourir.
Il a été beaucoup question de l'accès pour les
personnes qui ont un handicap. Et ça, c'est vraiment... on l'a vu, dans la loi fédérale, c'est mentionné. Au
Québec, ce ne l'était pas, donc ça demeure difficile. Mais personnellement,
dans les dernières années, j'ai eu, à un certain nombre de reprises, des gens
atteints d'un handicap physique, mais qui ne compromettait pas leur survie dans
un temps qui était prévisible, qui m'étaient référés pour avoir un avis. Est-ce
que cette personne pourrait recevoir l'aide médicale à mourir puisqu'elle m'en
parle? Et vraiment ici... En me préparant pour vous rencontrer aujourd'hui, me
revenait cette question qui m'était apparue lors des travaux qu'on avait faits
pour la mise en place de l'aide médicale à mourir, et cette question,
c'était : Qui suis-je pour décider qu'une souffrance n'est pas assez
importante pour justifier une demande d'aide médicale à mourir? Ce n'est pas ma
souffrance à moi, mais c'est un jugement que moi, je porte sur la souffrance de
l'autre. Et ça, c'est vraiment difficile, cliniquement,
de se retrouver devant quelqu'un et de lui dire : Écoutez, selon les
termes de la loi actuelle de... moi, comme je les comprends, comme je les
interprète, je ne peux accepter votre demande. Et c'est une... On ne veut pas
dire oui à toutes les demandes, parce qu'il ne faut pas qu'il y ait des
demandes qui soient frivoles, mais c'est difficile de voir quelqu'un qui a une
souffrance qui... visiblement, le handicap, il est lourd, il cause des
souffrances physiques, psychiques, et que ça devient intolérable pour la
personne.
Alors, il y a là un élément important à regarder
pour s'assurer que ces gens-là ne se retrouvent pas dans une situation
d'inconfort et aussi ne se retrouvent pas dans la situation où la seule
solution, lorsqu'on a dit : Bien, écoutez, dans les termes actuels, je ne
peux pas accepter votre demande, mais vous pouvez toujours vous adresser à la
cour pour voir si, au niveau juridique, vous pourriez avoir un jugement qui
vous y autoriserait... Ça fait que vous voyez bien et vous le comprenez très
bien, ce recours judiciaire va être un fardeau pour le patient qui déjà est
pris avec une maladie, avec plein de choses. Et, à chaque fois que j'en ai fait
la mention, j'ai rarement eu des... quelqu'un qui disait : Ah oui! Je vais
faire ça, je vais aller vers ça. Les gens n'ont pas cette énergie. Donc, je
pense que la loi doit être assez claire pour permettre, justement, qu'on n'ait
pas besoin d'aller vers ce recours de type juridique.
J'aborde brièvement la notion des personnes qui
sont atteintes d'une maladie psychique ou de... au niveau de l'état de santé
mentale. Je n'ai pas du tout l'expertise à ce niveau-là pour faire une
évaluation juste et claire... mes collègues de la psychiatrie sauront mieux
vous informer. Mais il faut se rappeler encore une fois : Qui suis-je? Qui
suis-je pour décider de la souffrance de l'autre, lorsque la souffrance, elle
est là, elle est intense, elle est persistante? Il faut faire la différence
entre une situation aiguë de stress et qui a un potentiel de guérison, par
rapport à une situation qui est chronique. Mais je pense que ces gens-là
méritent d'avoir une oreille attentive.
Il y a des situations que j'appelle comme
litigieuses ou limites. Peut-être qu'avec les changements législatifs qui s'en
viennent il y en aura moins, ce sera plus facile. Mais il est arrivé, il m'est
arrivé à un certain nombre de reprises de me retrouver devant une situation
de... bon, est-ce que oui, est-ce que non, même si je connais bien la loi, même si j'en ai déjà discuté avec beaucoup de
gens, est-ce que la personne est admissible ou non puis de voir vers qui
je peux me tourner pour en discuter, donc en parler avec mes collègues, et
tout. Et, à titre anecdotique, je peux vous dire,
j'ai déjà... une fois, entre autres, j'étais embêté, alors je parle avec
quelqu'un du comité d'éthique clinique qui... J'ai fini par me faire dire : Ah! tu vis un dilemme
moral intérieur. J'ai dit : Bien, ça, ça ne m'aide pas beaucoup parce
que...
Est-ce que j'ai un dilemme moral intérieur ou
j'ai quelqu'un de souffrant devant moi? Et finalement, ce qui arrive, c'est
que, finalement, si on a une situation qui semble un peu limite, on va être
porté... on va dire : Bien, puisque je
suis incertain, je me sens dans une zone grise, je vais donc dire : Non,
ce n'est pas admissible ou adressez-vous à quelqu'un d'autre. Et, à ce
niveau-là, ce serait vraiment intéressant qu'il y ait, justement, une instance
à laquelle le clinicien pourrait se référer.
Dans le document que je vous ai fait parvenir,
j'ai fait mention... une instance qu'on pourrait appeler la table nationale
d'accès à l'aide médicale à mourir, là — je me suis permis d'inventer
quelque chose — mais
une instance où le médecin, le clinicien ou une équipe pourrait dire :
Écoutez, nous, on a une situation, on n'est pas trop sûrs, on est... on reste
dans notre zone grise et on aimerait ça, plutôt que de dire on va de l'avant...
mais au risque de se faire taper sur les doigts en se faisant dire : Vous
n'aviez pas le droit de faire ça ou on n'y va pas puis on prive la personne de peut-être... d'un soin qu'elle aurait eu droit, de dire :
Bien, on pourrait s'adresser... Est-ce que c'est la Commission des soins
de fin de vie qui devrait le faire? Est-ce que ça devrait... sous l'égide de la
commission, avec un groupe d'experts et qui pourrait donner une autorisation
préalable?
Et je reviens à la notion, tout à l'heure, de
dire à la personne : Bien, adressez-vous à la cour, et si la cour
dit : Oui, vous devriez avoir droit à l'aide médicale à mourir, revenez me
voir avec votre jugement, et on pourra aller de l'avant. Bien, cette table
d'accès aurait cette espèce de rôle plutôt que de dire : Adressez-vous à
la cour. C'est du côté clinique qu'on s'assure qu'on y va puis que... être
capable de dire : Écoutez, on est allés jusqu'à l'instance la plus élevée
d'un groupe d'experts qui dit : Écoutez, non, actuellement votre demande
ne peut pas être acceptée, ou oui, dans les circonstances, compte tenu du
dossier qu'on a présenté, votre demande, elle devient acceptable. Et ça permet
de soulager tout le monde. Le médecin va se sentir appuyé, que ce soit un oui
ou un non, va se sentir... Bien, je suis appuyé, ce n'est pas juste ma décision
à moi, ou je me sens appuyé d'en dire un, oui, parce que j'ai eu d'autres gens
qui sont venus confirmer mon impression. Donc, à ce niveau-là, il y aurait quelque
chose. Je ne pense pas que c'est un groupe qui va être sollicité toutes les
semaines, mais un certain nombre de fois par année aurait des demandes et
pourrait faciliter, justement, cet accès.
Finalement, la notion du consentement à l'aide
médicale à mourir, on en a parlé, le consentement préalable d'avoir une autorisation
d'aller vers l'aide médicale à mourir, même suite à la perte de l'aptitude à
consentir, une fois que tout a été évalué. Et là-dessus, mon expérience
clinique, c'est qu'il y a beaucoup de patients qui ont très peur de perdre leur
aptitude et qui vont soit devancer la date, soit refuser certains soins propres
à les soulager par peur de ne plus avoir l'aptitude nécessaire, parce qu'ils
s'étaient dit : Bien, je voudrais attendre la semaine prochaine, j'ai des
choses à régler, je veux revoir quelqu'un de ma famille, mais là, dans les circonstances,
je pense que je vais aller plus rapidement parce que je vais me retrouver
dans... je peux me retrouver dans une situation où je ne pourrai pas avoir
accès à l'aide médicale à mourir. À ce niveau-là, il y a lieu de s'assurer
d'avoir un mécanisme organisé, sécuritaire, fiable. Est-ce que c'est une
entente entre le patient et le médecin? Est-ce que c'est un consentement que
le... une délégation du consentement que le patient fait à une personne qu'il a
choisie et clairement identifiée? C'est une chose qui est à préciser, mais je
pense qu'il faut le faire pour éviter que les gens, justement, aillent plus rapidement
vers l'aide médicale à mourir que nécessaire.
Et, entre autres, par
rapport aux gens qui sont atteints de troubles neurocognitifs, qu'on parle des
démences, de maladie d'Alzheimer, bien, écoutez, je ne vous apprends rien en
disant que notre population est de plus en plus vieillissante,
et plus on vieillit dans notre population, plus il y aura de gens qui auront ce
diagnostic. Et je pense qu'on aura une
pression de plus en plus pour que ce soit possible de faire une demande, comme
préalable, de prévoir, là. Rendu à un
certain moment dans l'évolution de ma maladie, je veux qu'on puisse aller de
l'avant vers l'aide médicale à
mourir, de pouvoir faire une demande vraiment anticipée, et ça, je pense qu'il faut l'examiner.
Si on ne le fait pas cette fois-ci, ce sera peut-être dans une prochaine
révision de la loi, mais inévitablement, à mon avis, dans notre société, on
s'en va vers là.
• (10 h 30) •
Mon tout dernier
point, c'est simplement un point... et je sais que ce n'est pas la commission
qui peut changer ça, mais sur le protocole de soins utilisé actuellement au
Québec. Il y a des situations où, compte tenu de la santé globale de la
personne, son état cardiopulmonaire peut être encore très bon, malgré une
maladie très avancée. Le protocole de médicaments utilisé actuellement est très
efficace, va assurément s'assurer... il y a aura le décès et il n'y aura pas de
souffrance pour la personne. Mais, si le coeur de la personne est encore
solide, j'ai vu des moments où il y a eu jusqu'à presque 20 minutes entre
le début et la fin de la procédure. Alors, quand on est rendu à 15,
16 minutes après la fin de la dernière injection, il y a... la personne
elle-même ne souffre pas, mais il y a un état émotionnel, il y a un état de
stress sur les proches, sur les soignants aussi.
Il y a moyen de
raccourcir ce temps-là. Cependant, actuellement, au Québec, de la manière dont
on a formulé nos choses, c'est que ce moyen, qui est de donner un médicament
supplémentaire, n'est comme autorisé que dans la situation particulière... s'il
y a don d'organes qui va faire suite à l'aide médicale à mourir. Et le principe,
c'est qu'on veut préserver autant que possible la qualité des organes à
transplanter.
Mais personnellement
je ne vois pas pourquoi, si on s'attend que le décès peut être retardé parce
qu'on a une condition cardiaque qui est plutôt solide, qu'on ne puisse pas
donner ce médicament supplémentaire pour accélérer l'arrêt cardiaque, pour
accélérer le processus du décès. C'est une accélération, là, on parle de
minutes, mais je peux vous dire que, pour les proches, 12 minutes au
chevet à attendre que le médecin ne dise : Oui, là, c'est bien fait, c'est
terminé, le coeur vient d'arrêter de battre, c'est très long, le temps peut
paraître très, très long. Et je pense que c'est une modification qui est
relativement mineure. Ça se fait déjà dans les autres provinces canadiennes,
lorsque c'est justifié, d'ajouter un médicament supplémentaire.
Alors, ce sont mes
commentaires. Dans le document que j'ai fait parvenir à la commission, vous
trouvez le résumé des recommandations que je fais... que je faisais pour aller
vers une amélioration. Et j'en profite pour vous remercier à nouveau de votre
écoute, de votre accueil, et aussi de l'ensemble de votre travail.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Merci beaucoup, Dr Roy. Je passerais la parole à
ma collègue la députée de Maurice-Richard.
Mme
Montpetit : Bonjour, Dr Roy. Merci. Merci d'être avec nous
aujourd'hui. Je vois que vous avez plus de 20 ans de pratique en soins
palliatifs, en plus d'avoir été président de l'Association québécoise de soins
palliatifs, d'avoir siégé sur l'Association canadienne des soins palliatifs.
Donc, de toute façon, à vous écouter on voit la longue expérience et expertise
que vous avez dans le domaine. Donc, c'est certainement très éclairant pour
nous de pouvoir échanger avec vous aujourd'hui.
J'aimerais ça vous
entendre. Vous avez parlé de situations litigieuses ou de situations limites.
Puis, bon, je sais que c'est un peu hors de notre mandat, mais ça va nous
retrouver de toute façon, parce que je pense qu'il faut clarifier cet
élément-là. Vous dites que, comme professionnel, vous vous êtes retrouvé dans
des situations où l'admissibilité d'un patient aux soins de fin de vie n'est
pas toujours claire, elle était ambiguë pour vous, comme patient. Puis je
souhaitais vous entendre davantage là-dedans, parce que je trouve ça quand même
assez perturbant de voir que vous vous êtes fait répondre : Si vous pensez
que le patient répond aux critères, allez-y, on verra par la suite si on vous
donne raison ou pas, avec, évidemment, des risques de sanction, ce qui est
quand même une plus que curieuse façon de
fonctionner, là, on s'entend là-dessus. Donc, je voulais vous entendre sur
qu'est-ce qui fait que vous vous êtes... il y a des situations qui sont
ambiguës. Est-ce que c'est la clarté de la loi actuelle?
M.
Roy (Louis) : En fait, les situations ambiguës,
c'est, en fait, le fait d'avoir retiré, dans les critères, au niveau de la loi
québécoise, la notion du pronostic... en fait, la notion du pronostic était
mise dans les critères comme étant être en fin de vie. Bon, être en fin de vie,
on en a débattu beaucoup, entre autres, dans le comité que j'avais coprésidé.
Qu'est-ce que c'est, être en fin de vie? Est-ce que c'est deux jours,
deux semaines, deux mois, deux ans? À l'usage, il y a eu une
espèce d'entente, de consensus, de se dire : Bien, si on pense
raisonnablement que le décès... on ne serait pas surpris que le décès survienne
dans la prochaine année, on disait : Bien, on va considérer que c'est
admissible, mais, si on pense que ça serait surprenant que le décès survienne
dans la prochaine année, on disait : Bien, la personne, on ne la considère
pas en fin de vie et qu'elle ne serait pas admissible. Donc, on a des situations
comme ça, alors, du fait que ce critère est disparu.
Dans la
loi fédérale, on avait la notion, là, sans pour autant que le décès soit... je
ne me souviens pas exactement des termes, là, mais que le décès soit comme
attendu, sans pour autant qu'un pronostic de survie n'ait été établi, alors,
encore plus ambigu que ce qui était dans la loi québécoise. Alors, ça nous
donnait des situations où : Est-ce que la personne répond entièrement à
tous les critères? Et, compte tenu de ça, et c'est celui qui était le plus
difficile, là, est-ce qu'on est vers la fin de vie? Est-ce qu'on n'est pas vers
la fin de vie?
Alors, c'est sûr qu'une fois que ça disparaît, ça permet de
simplifier des choses, mais parfois il y a des situations
ou des gens... Est-ce qu'on est vraiment dans tous les critères? Est-ce que...
Les notions de maladie, de souffrance, et tout, est-ce qu'on est tous là? Ça
reste... parfois, ce n'est pas aussi clair qu'on le voudrait.
La
majorité des situations, il y a des gens qui m'ont été... J'en ai vu, là, de
nombreux, j'ai fait de nombreuses aides médicales à mourir dans les
dernières années. Il y a des gens où, dès le moment où j'avais la
référence, je voyais la personne, qu'elle soit hospitalisée ou en clinique
externe, puis ça ne me prenait pas deux minutes pour être convaincu : Bien
oui, cette personne-là, elle répond à l'ensemble des critères. Mais je
n'arrêtais pas mon entrevue là parce que je
voulais voir quel était l'ensemble de sa motivation et aussi est-ce que tous
les autres soins ont été possibles, est-ce qu'on a offert tout le reste,
incluant les soins palliatifs.
Mais d'être capable
d'évaluer tout ça, parfois, on reste dans une zone qui est un peu floue, qui
est une zone grise. Et de pouvoir, justement, s'adresser à une instance qui va
donner un consentement préalable... Quand vous disiez : Allez-y, puis on
verra après, bien, c'est qu'il n'y avait aucune instance qui n'a cette autorité
actuellement, de pouvoir dire si... Je me souviens d'avoir déjà parlé à
quelqu'un à la commission, dire : Écoute, on n'a pas ce mandat de donner
comme notre sceau, a priori, on est là juste après, on reçoit votre
déclaration. Donc, d'avoir, justement, l'élément, a priori, de dire :
Bien, dans certaines situations, vous pouvez vous adresser à tel endroit,
soumettre la situation et ce sera comme
l'endroit où on viendra résoudre le questionnement, donc, c'est autour de ça
que je voulais qu'on puisse clarifier, que ça puisse simplifier le
travail des gens qui sont en clinique et qui, parfois, se retrouvent dans des
situations un peu plus ambiguës.
Mme
Montpetit : Puis quand vous parlez d'une... vous l'avez nommée,
justement, la table nationale d'accès à l'aide médicale à mourir, je comprends,
c'est une proposition que vous faites. Mais quand vous parlez, justement, d'un endroit où un médecin pourrait se référer
pour avoir un consentement de conformité, vous parlez de professionnels
qui seraient réunis. Encore là, juste pour le clarifier, est-ce que vous parlez
de professionnels qui seraient plus d'un point de vue juridique, dans le fond,
de conformité à la loi, ou qui pourraient venir vous valider comme au niveau
médical aussi, ou un juste mélange des deux?
M.
Roy (Louis) : Moi, je pense que c'est le juste mélange des
deux. Dans ma tête à moi, mais dans ma petite tête, je verrais bien que ça
puisse être un mandat qu'on ajoute à la Commission des soins de fin de vie,
qu'il pourrait se créer un comité auquel le clinicien peut s'adresser,
dire : Je vous envoie une demande, j'ai besoin de votre réflexion, je vais
vous présenter une situation clinique. Et j'aimerais avoir deux, trois
médecins, un, deux juristes, un éthicien qui vont pouvoir entendre ça et
dire : Bien, dans cette situation-là, nous, ou notre consensus, on dit
oui, on dit non, mais... Donc, je pense
que ce serait assez simple, et je ne pense pas que ce serait une surcharge pour
les travaux de la Commission des soins de fin de vie.
• (10 h 40) •
Mme
Montpetit : Merci. Concernant les personnes en perte d'aptitude, vous,
bon, vous soulignez l'élément que la personne devrait pouvoir prendre soit une
entente avec son médecin en cas de perte d'aptitude, ou déléguer son consentement
à la personne de son choix en cas de perte de sa capacité à consentir. Puis je
voulais vous entendre davantage là-dessus, parce qu'on a entendu différentes
opinions aussi sur est-ce que ce consentement-là devrait être laissé à quelqu'un
de sa famille, à quelqu'un de proche : certains professionnels qui étaient
pour, justement, ou certains, même, patients qui disaient : Ça peut être intéressant
d'avoir quelqu'un qui nous connaît très, très bien, à qui on délègue ce consentement-là, d'autres qui nous ont dit : Il faut
faire attention, justement, au niveau de l'implication émotionnelle
que peut avoir la famille. J'aimerais ça vous entendre davantage, parce que
vous avez pu voir vraiment toutes sortes de situations, là, comme médecin.
M.
Roy (Louis) : Oui, en fait, lorsque je faisais la notion de
l'entente entre le patient et le médecin, je référais, vous l'avez bien
compris, à ce qu'on voit qui a été écrit dans la loi fédérale récemment
modifiée, qu'on retrouve ça. C'est une manière intéressante... Je pense que
c'est une manière intéressante, qui s'applique bien lorsque l'administration de
l'aide médicale à mourir est prévue dans un délai relativement court en termes
de jours ou de semaines, de dire : Bien, écoutez, comme je vous ai fait
mention, écoutez, moi, j'ai encore quelques affaires à régler, il y a mon fils
qui va revenir de Vancouver que je veux revoir une dernière fois, mais rendu la
semaine prochaine, là, je vais être prêt à recevoir l'aide médicale à mourir
parce que, là, ça devient intolérable, donc, d'avoir le moment, il est proche.
Donc, l'entente avec le médecin, elle est simple et facile.
Si on est dans une
situation plus longue, dans le sens, si on va, entre autres, avec une
personne... si je reviens avec les gens avec un diagnostic de démence, et
qu'une personne voudrait faire une demande anticipée d'aide médicale à mourir,
dire : Lorsque j'arriverai à telle situation d'évolution de la maladie, de
décrire dans quelles circonstances je veux... voici mes volontés, là, c'est
plus difficile que l'entente soit avec le médecin parce qu'est-ce que c'est
dans trois mois, est-ce que c'est dans trois ans, est-ce que... Si on a cette
permission-là, est-ce qu'il y a un délai? On dit : Bien, ce n'est pas plus
que six mois, ce n'est pas plus qu'un an, ce n'est pas plus que deux ans? Je ne
suis pas juriste, je ne suis pas... je ne peux pas vous le dire.
Mais je pense que,
si les gens peuvent faire une demande anticipée, que la délégation... ou de
dire : Je demande, je remets à une certaine personne le devoir de faire
mettre ça en application, bien là, ça va être plus facile avec une personne...
un tiers, une personne proche qu'avec un médecin. Parce que le médecin,
sera-t-il toujours là? Est-ce qu'il va avoir changé de lieu de travail et puis
cessé son travail? Donc, je pense que les deux peuvent être des versions
utilisables, dépendant des circonstances. Mais je suis d'accord avec vous que,
pour un proche, un membre de famille, ça peut être émotivement difficile. Donc,
il faut que tout ça soit bien préparé, qu'on puisse être capable de se sentir
confortable et que la personne ne se sente pas déchirée affectivement.
Mme
Montpetit : J'aurais une dernière question. Je sais qu'il me reste
très peu de temps, je vais vous la poser brièvement.
Pourriez-vous nous décrire, justement... Parce qu'il y a un médecin qui nous
disait, justement : Les gens ne meurent pas
d'Alzheimer. Pourriez-vous nous décrire, nécessairement, ce que vous avez vu
comme professionnel, c'est quoi, la fin de vie, les derniers
jours, les derniers mois, ce que ça veut dire, quelqu'un qui est
inapte et à qui on ne donne pas les soins de vie, il faut qu'il puisse
consentir, ce que ça veut dire en termes de souffrance pour un patient?
M. Roy (Louis) : Bien, en fait, si on prend l'exemple
de la personne qui est rendue inapte, qui a une démence
en phase avancée, on va lui prodiguer des soins palliatifs — enfin,
j'espère qu'on va lui prodiguer des soins palliatifs, c'est ce qu'on fait dans
le milieu où j'ai travaillé pendant de nombreuses années — mais
cette personne se retrouve en situation où elle est là, mais elle n'est plus
capable de volonté d'elle-même. Donc, on va devoir l'alimenter, on va devoir la
vêtir, on va devoir lui faire son hygiène. Donc, c'est une personne qui est là,
mais... où il y a encore un corps qui est vivant, mais on n'a plus le contact
psychique.
Et alors, ça, peut-être,
tout le monde ne l'a pas vu autour d'eux, dans leurs familles, mais c'est quand
même difficile pour des membres de famille, d'aller revoir, visiter sa mère une
fois par semaine au centre d'hébergement et qu'elle ne reconnaît personne,
que... donc, se retrouver dans une situation où on est un étranger. Puis même,
à la limite, puisqu'on ne voit pas nécessairement les personnes qui étaient
proches régulièrement, cette personne-là peut même devenir un peu anxieuse,
parce qu'elle est habituée à certains visages, qui sont les visages quotidiens
du lieu où elle est soignée. Donc, il faut voir que c'est une personne qui va
être là, il faut s'occuper de tous ses besoins fondamentaux. Elle est parfois
alitée, dans les derniers jours ou dernières semaines, va être alitée
24 heures par jour parce que trop faible, même, pour être installée au
fauteuil. Donc, c'est vraiment une personne humaine qui est là, mais à qui on
n'a plus accès, à son état cognitif.
Mme
Montpetit : Merci.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Merci, Mme la députée. Je passerais la parole au député
de Gouin.
M.
Nadeau-Dubois : Merci, Mme la Présidente. Merci, Dr Roy.
J'aimerais qu'on parle ensemble de la question de la souffrance. C'est d'ailleurs
le titre de votre mémoire. Et il y a un débat auquel on fait face ici, à la commission,
depuis le début de nos auditions, c'est le débat entre, disons, une conception subjective
de la souffrance, donc la personne est la seule capable de dire si elle
souffre ou pas, puis il y a peut-être des conceptions plus objectivantes, là, où le médecin serait appelé... ou l'équipe
traitante serait appelée à contribuer à ce jugement-là : est-ce
qu'il y a réellement souffrance ou pas. Je pense que, déjà, le titre de votre
mémoire indique clairement dans quel camp vous logez. Vous logez vraiment dans
le... Disons, sur le spectre, vous êtes assez proche d'une conception très
subjective de la souffrance. Ça revient à plusieurs moments dans votre mémoire
d'ailleurs.
Qu'est-ce que vous
répondez aux gens qui diraient qu'en insistant autant sur l'aspect subjectif de
la souffrance on court le risque de sortir de la logique de l'aide médicale à
mourir et qu'on entre davantage dans une logique de suicide assisté,
c'est-à-dire une logique où la personne, de manière 100 % autonome, peut
dire : Moi, je juge que, soit maintenant, soit dans quelques années, je
suis dans une situation de souffrance intolérable, moi, je définis souffrance
intolérable comme, par exemple, le fait de ne plus être capable de m'alimenter,
de ne plus être capable de reconnaître mes proches, et, si c'est ma conception
de la souffrance, la société doit le reconnaître, personne ne peut juger de ça,
et donc je devrais avoir accès à l'aide médicale à mourir? Certaines personnes
nous disent : Quand on rentre
là-dedans, on sort un peu de la logique de l'aide médicale à mourir puis on
rentre davantage dans une logique de suicide assistée. Qu'est-ce que
vous répondez? Qu'est-ce que vous pensez de cette idée-là?
M. Roy (Louis) : Bien, écoutez, d'abord, lorsqu'on parle de
souffrance, là, on peut mettre clairement... souffrance physique, c'est
l'aspect, entre guillemets, le plus facile pour un clinicien d'être capable de
dire... de reconnaître. Ça m'est arrivé plusieurs fois de voir des gens qui ont
des douleurs, qui sont à l'hôpital, et puis, écoutez, on essaie de trouver
comment ça se fait que ça vous fait si mal, on vous fait des examens, des
imageries, puis ils retournent nous voir, les gens : Écoutez, vous avez
bien raison de vous plaindre, là, parce que ce que j'ai vu à l'imagerie, ça
doit faire très, très, très mal. Donc, sur la souffrance physique, on a des
éléments objectifs, on est capable de dire : Oui, oui, je suis capable de
voir que, écoutez, vous êtes toujours à bout de souffle, là, vous avez toujours
l'impression que vous allez étouffer d'un moment à l'autre, c'est objectivable.
Quand on tombe dans
la souffrance psychique, là, on tombe dans une sphère qui est autre. On n'a pas
d'imagerie de résonnance magnétique qui est capable de nous montrer que le
cerveau est en souffrance psychique. C'est vraiment... Alors là, c'est vraiment
la relation qu'on peut avoir d'une personne à une autre, d'être capable de
raconter quelle est mon histoire, qu'est-ce que je vis, qu'est-ce que je vis à
l'intérieur, et pourquoi ça devient intolérable pour moi, pourquoi,
personnellement, là, cette situation-là, elle est intolérable.
Évidemment, il faut
différencier la situation aiguë — je viens d'apprendre que ma mère est
malade puis qu'elle va mourir dans les prochains mois, puis je trouve ça
intolérable parce qu'on était très, très proches, là, on a une situation aiguë,
puis on va travailler ça — par
rapport à une situation qui est chronique. Donc, dans la souffrance psychique,
il faut s'adresser à la notion de la chronicité, dans le sens où c'est quelque
chose qui est perdurant dans le temps. Ce
n'est pas juste nouveau de la semaine dernière, ça perdure dans le temps et ça
vient perturber le fonctionnement quotidien, le fonctionnement global de
la personne. La personne devient incapable de vraiment être à son meilleur de
ce qu'elle conçoit d'elle-même dans son fonctionnement quotidien, dans son
fonctionnement au travail, dans son fonctionnement en société, dans ses
relations personnelles.
Donc là, l'évaluation,
elle est plus longue, elle est plus complexe. Ce n'est pas en deux minutes que
je peux me faire une idée de ça. Mais il y a des gens qui, après une longue
entrevue, ou parfois trois, quatre entrevues, vont dire : Oui, je sens...
je comprends la souffrance que vous vivez, je dirais, le désarroi psychique qui
est là et sur lequel il ne semble pas y avoir rien sur lequel se raccrocher,
donc, ça... et là il faut faire attention. Est-ce que c'est une dépression non
traitée? Il y a tout plein de choses, il faut que ça soit médicament bien
évalué.
• (10 h 50) •
Mais il y a des gens chez qui on trouve... J'ai
vu des gens avec des cancers avec très, très peu de douleur physique
dire : Écoutez, je pense que je ne pourrai pas avoir l'aide médicale à
mourir parce que je n'ai pas de douleur, peut-être qu'il faudrait que je me
mette à prendre de la morphine pour vous convaincre que j'aurais droit. Je veux
dire, écoutez, non, vous n'avez pas de douleur physique, mais vous me parlez,
depuis qu'on se voit, les dernières semaines, que vos journées sont
intolérables, que vous êtes physiquement fatigué, que vous n'avez plus aucune
perspective positive de temps, que, pour vous, vos livres sont terminés, que
vous avez fait vos adieux et que tout ce que vous attendez, c'est que cette
maladie finisse par venir à bout des forces de votre corps pour pouvoir être
délivré. Et ça, c'est de la souffrance psychique, c'est-à-dire d'être face à
une maladie mortelle qui va mener à un décès, à une échéance plus ou moins
courte, et de ne pas avoir aucun contrôle.
Donc, la vie a perdu tout son sens. La personne
qui était hyperdynamique, hyperfonctionnelle, qui travaillait beaucoup, qui
avait 1 000 activités et qui, du jour au lendemain, se retrouve...
apprend qu'elle a... je reste toujours avec
le cancer, c'est le plus rapide. Maintenant, elle a un cancer, et, tout à coup, je
ne suis plus capable de travailler, je n'ai
plus l'énergie pour le faire, j'ai ceci, on a regardé toutes les possibilités,
il n'y a pas de traitement, j'ai... on a fait le tour, ça fait trois
mois que j'ai appris ça, et ma vie ne fait plus aucune forme de sens, il ne me
reste qu'attendre la mort.
Et c'est là où la notion de la souffrance psychique
peut devenir vraiment très, très intense et va prendre le dessus sur tout le
reste, des gens à qui on a soulagé les douleurs physiques, mais qui
disent : C'est correct, là, la douleur, ça va, ça se tolère, mais je n'ai
plus de raison, je n'ai plus d'attente, parce que la seule attente que j'ai,
c'est de ne pas me réveiller demain matin, puis chaque matin est comme un matin
de trop, parce que toute ma journée n'est qu'à penser à ça. Je ne sais pas si
je réussis à répondre à votre question, à clarifier.
M. Nadeau-Dubois : Oui, oui. Il me
reste... Est-ce qu'il me reste du temps, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Non, malheureusement.
M. Nadeau-Dubois : Merci.
La
Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le député. Donc, je céderais maintenant la parole à la députée
d'Abitibi-Ouest.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Merci,
M. Roy. Très intéressant. 22 ans d'expérience à côtoyer la mort, je
vous admire beaucoup. J'ai une question concernant... Comment on fait pour
s'assurer que le choix que le patient a fait, le choix de partir, il est clair,
il est bien... il n'a pas de points d'interrogation vers la fin? Comment on
fait pour valider si on a... si tout est correct?
M. Roy (Louis) :
Écoutez, c'est... j'ai peut-être le défaut d'avoir été longtemps en soins
palliatifs. À un moment donné, il y a des choses qui sont devenues plus... pas
instinctives, mais disons que, les avoir côtoyés, des gens qu'on va voir, qui
vont parler d'aide médicale à mourir, et c'est à répétition, je peux vous dire,
des gens, de les avoir vus, revenir le lendemain ou le surlendemain, puis la
première chose qu'ils disent : Vous savez, hein, Dr Roy, je n'ai pas
changé d'idée. Ça, c'est l'entrée en matière. Oui, d'accord. Vous, avez-vous
changé d'idée, Dr Roy? Je dis : Bien, moi, je ne suis pas là pour
changer d'idée, mais moi, je viens voir comment, vous, ça va aujourd'hui,
comment ça se passe. Les deux dernières journées, comment ça s'est passé? En
fin de semaine dernière, vous aviez vos petits-enfants qui venaient vous voir,
comment ça a été? Vous me dites que vous n'avez pas changé, mais, suite à cette
visite, est-ce que... Non, ma visite est faite. Il y a une espèce de certitude.
Je peux vous donner l'exemple contraire. Il
m'est arrivé, c'était pas mal dans les débuts de l'aide médicale à mourir, peut-être
la deuxième année, une dame qui a fait une demande d'aide médicale à mourir,
puis c'était clair qu'elle était admissible
en termes de diagnostic, et tout, mais, à chaque fois qu'on venait pour
réaborder le sujet, il y avait une
angoisse qui montait, ça devenait angoissant. Elle avait de la difficulté à en
parler avec ses proches. Je disais : Bien, il faut quand même... Non, mais, vous savez, vous
aurez juste à leur dire après. J'ai dit : Bien, non, on ne peut pas faire
ça.
Donc, on travaillait beaucoup ça, mais, à un
moment donné, il y a un jeudi, j'y vais, il y a une de ses filles qui est à son
chevet, puis il y a encore de l'angoisse qui monte, puis là je m'assois, puis
je lui dis : Écoutez, moi, là, je sens qu'à chaque fois qu'on en parle que
ça vient... ça fait monter de l'anxiété chez vous, puis, j'ai l'impression,
comme si vous vous sentez obligée d'aller vers ça. Puis moi, là, tout à coup,
dans mon coeur, ça ne marche pas. Ça fait que, là, si vous voulez, là, ça va
être un long week-end de congé, on va mettre ça sur la glace, on n'y pense plus
puis on va prendre le week-end, là. Puis la semaine prochaine, on verra si vous
voulez qu'on en parle. On va mettre ça de côté. Puis la personne dit :
Bon, c'est correct. Bon, puis à part ça, vous mangez? Je viens pour sortir de
la chambre, et sa fille dit : Docteur, elle veut vous reparler. Je
reviens, et la dame m'a regardé avec un grand sourire, puis elle me dit :
Merci beaucoup. Parce que, tout à coup, je sentais... Puis moi, je ne voulais
pas qu'on mette une date tout de suite, parce que je ne la sentais pas prête,
puis elle m'a dit un gros merci beaucoup.
Je vous ai dit, c'était un
long week-end. Quand je suis revenu le mardi suivant, le lundi étant férié, la
dame était décédée pendant le week-end de l'évolution de sa maladie. Mais son
«merci beaucoup» a été signifiant, dans le sens où si moi, comme clinicien, ou
si j'ai une infirmière ou quelqu'un d'autre qui travaille avec moi qui
dit : Ah! Mme Unetelle, là, il me semble qu'elle a l'air ambivalente,
bien, s'il y a quelqu'un dans l'équipe qui dit : Il me semble qu'elle a
l'air ambivalente, on va regarder ça pour s'assurer qu'il n'y a pas
d'ambivalence, parce que, si on va vers l'aide médicale à mourir, il n'y a pas
de retour. Donc, il faut être certain. Le jour où on le fait, pour que moi, je
me sente bien en le faisant, il faut que je sois convaincu que c'est la bonne
et la seule bonne solution pour cette personne-là actuellement et qu'il n'y
avait pas d'autre alternative qui pouvait être une bonne solution.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Et, si
vous aviez une recommandation à faire en soins de vie, quelle serait cette
recommandation-là pour le projet de loi des soins de fin de vie?
M. Roy (Louis) : Ah! grande
question, mais je reviens au début de ma présentation, c'est que les gens aient
accès aux soins palliatifs et qu'ils y aient accès rapidement, qu'on n'attende
pas à trois jours de la fin pour dire : Ah! là, on va vous faire voir par
les soins palliatifs.
J'ai vu des
gens... Dans le CHU de Québec, entre
autres, on a une clinique externe de soins palliatifs oncologiques, donc, qui est attenante à la clinique de
chimiothérapie, d'hémato-oncologie, et il s'est développé une certaine
habitude : relativement rapidement, des gens qu'on voit que leur maladie
semble... on peut continuer à les traiter, mais leur maladie va éventuellement évoluer,
de les référer rapidement, dans le sens de faire une prise de contact. Et de
savoir qu'il y a quelqu'un qui sera
disponible, il y aura une équipe qui va être disponible, d'avoir ça, ça rassure
les gens puis, quand ils ont un malaise, quand ils ont un symptôme,
quand ils ont un questionnement, ils peuvent aller refrapper à cette porte-là
pour dire : Écoutez, j'aimerais ça vous revoir, j'ai mal ici, ou je me
pose des questions, ou, là, ils viennent de
me dire qu'il va falloir changer de chimiothérapie parce que le traitement n'a
pas l'air de bien fonctionner ou je ne le tolère pas, puis là je me pose
la question : Est-ce que je dois aller encore là ou non? Je dis :
Bien, vous devriez en parler avec l'oncologue. Oui, mais j'aimerais ça en
parler aussi avec vous.
Donc, d'avoir un accès rapide aux soins
palliatifs, je vous ai parlé beaucoup de cancers, mais ça peut être une
personne qui arrive avec un problème cardiaque qui évolue, qui s'en va vers
l'insuffisance cardiaque terminale, d'avoir, en plus de son équipe de
cardiologie qui la suit et qui fait le maximum pour l'aider, d'avoir aussi le
suivi avec l'équipe de soins palliatifs qui va pouvoir rassurer de :
Avez-vous des malaises? Avez-vous des symptômes? Avez-vous besoin de soutien?
Est-ce que votre entourage a besoin de soutien? Est-ce qu'on peut faire quelque
chose? Est-ce qu'on devrait mettre les soins du CLSC à domicile dans le
portrait? Cette portion-là va être beaucoup mieux faite par une équipe de soins
palliatifs dûment en place, qui va être en lien... si on est, comme moi
j'étais, dans un hôpital, qui va pouvoir être en lien avec les équipes du
domicile, mais pour que la personne soit vue dans un global, et non pas
seulement juste une maladie... de regarder juste la portion maladie au lieu de
regarder le global.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Merci
beaucoup, Dr Roy.
M. Roy (Louis) :
Merci. Ça fait plaisir.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Mme la députée. Dr Roy, je vais me permettre. Vous avez
pratiqué longtemps. Les principales causes pour lesquelles, présentement, là, aujourd'hui,
avec la loi qu'on a, outre le cancer, les gens ont accès à l'aide médicale à
mourir?
• (11 heures) •
M. Roy (Louis) :
Bon, le cancer c'est vraiment beaucoup de gens, là, dans ceux qui ont demandé l'aide
médicale à mourir. Dans les autres, on voit beaucoup
des gens, bon, avec certaines maladies neurologiques, entre autres la très connue sclérose
latérale amyotrophique, qui a eu, bon, des cas un peu célèbres dans les médias,
mais que les gens... et ça, c'est assez
fréquent que les gens, dès l'annonce du diagnostic, vont en parler, vont
dire : Ah! bien, moi, je vais probablement demander l'aide. Ils
viennent d'apprendre le diagnostic, on n'a pas fini de leur expliquer c'est
quoi, la maladie, puis... et tout : Je vais probablement demander l'aide
médicale à mourir, à un moment donné, j'aimerais ça que vous me donniez de l'information.
Donc, il y a du travail là.
Dans les autres maladies qu'on voit, c'est des
gens qui ont des atteintes organiques, donc des insuffisances cardiaques, des
maladies pulmonaires sévères, des gens qui sont rendus avec de l'oxygène
24 heures par jour à domicile, des gens qui sont sous hémodialyse, parfois
depuis un certain temps, des fois, c'est nouveau. Mais un traitement comme
l'hémodialyse, là, trois fois par semaine, quatre heures d'hémodialyse, c'est,
pour en avoir vu plusieurs, c'est à peu près comme de courir trois fois un
marathon par semaine. Les gens sortent de la dialyse, là, puis ils ne s'en vont
pas manger au restaurant, ils s'en vont se coucher. Puis, s'ils sont le
moindrement un peu plus malades puis un peu plus âgés, ils vont se coucher,
puis ils ont leur dialyse lundi, puis mardi ils s'en remettent, puis mercredi
ils reviennent à la dialyse. Donc, à un moment donné, ils arrivent, là, puis
ils disent : Bien là, ça ne fait plus aucun sens. Alors, c'est des gens
qui arrivent en bout de course de l'évolution d'une insuffisance d'un ou de plusieurs
organes.
Dans celles qui sont plus... qui étaient plus
difficiles, c'est des gens qui arrivaient avec un handicap physique pour
lequel... de se retrouver, dire : Bien, écoute, je suis vraiment désolé,
la loi ne me permet pas, je reconnais le handicap, je reconnais les souffrances
qui sont là, autant physiques que psychiques, mais je ne peux pas, parce que la
maladie qui est là, c'est un handicap, et elle ne mène pas vers un décès
prochainement, ce qui est une notion qui est incluse dans
la loi fédérale. Dans ces gens-là, j'ai déjà vu quelqu'un qui... j'étais à
l'urgence, puis la personne a dit : Bien, moi, si je n'ai pas l'aide
médicale à mourir, je vais aller régler ça. Puis finalement j'ai dit : Bien,
O.K., on va rester à l'hôpital. Puis on est resté à l'hôpital le temps qu'on
puisse parler puis comme réussir, là, à calmer la pression qui est trop montée
suite à des éléments autour... dus au handicap, mais...
Puis là j'étais en dehors de mon créneau, hein,
je n'hospitalisais pas quelqu'un en soins palliatifs, mais j'avais dit à la
directrice des soins... des services professionnels, j'ai dit : Écoutez,
je ne peux pas laisser partir cette personne-là, je vais être trop inquiet, je
l'admets, puis je la prends à ma charge, là, je vais l'assumer au complet, ce
ne sera pas l'équipe de soins palliatifs. Ça a permis de refaire le tour puis
de replacer la personne dans son contexte puis de retourner dans son milieu de
vie.
Mais on a des gens qui arrivent dans des situations
difficiles. La vie, parfois, devient intolérable. Donc, il faut vraiment qu'on
le voie sur le global puis de voir la personne dans son global.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. On a entendu beaucoup souffrance versus dignité. Là, ce que j'entends,
c'est la prise de décision versus la sérénité, donc on a aussi cet aspect-là à
regarder. Et on a eu une intervenante tout à l'heure, Dre Marchand, qui
nous disait qu'il faudrait revoir les DMA, les demandes médicales anticipées, et
vous nous avez fait la remarque aussi qu'en fait c'est très méconnu puis ce
n'est pas vraiment utilisé. Qu'est-ce qu'on pourrait faire pour...
M. Roy (Louis) :
Qu'est-ce qu'on pourrait faire? Il y avait eu, lorsque la loi avait été
adoptée, il y avait eu cette notion qu'il devait y avoir une campagne grand
public d'information. Il y a ça. En même temps, une campagne, c'est... si on fait une série de spots
publicitaires trois fois dans l'année pendant que les Canadiens de Montréal
sont en finale pour avoir un maximum de cote d'écoute, ce n'est pas
assez pour entrer une notion aux gens, de dire : Ah oui! il faudrait que
je fasse mes directives médicales anticipées, là. Je pense qu'il faut que
l'information soit disponible.
Peut-être qu'il faudrait aussi que les
intervenants en santé de première ligne l'aient dans leur créneau, la personne
qui va voir son médecin de famille, que ça fasse peut-être partie, une fois par
année, dire : Est-ce qu'on a déjà parlé de directives médicales
anticipées?, pour que ça vienne de quelqu'un. Est-ce que les notaires
pourraient aussi en parler, lorsque les gens vont vouloir faire un testament,
dans certaines situations où justement ça pourrait être... l'information se donne plus un pour un que de penser... que de
faire des spots publicitaires, là, comme je vous dis.
Il y a de nombreuses années, là, avant même la
loi sur les soins de fin de vie, il y avait eu, au plan canadien, il y avait
une compagnie... la fondation d'une compagnie pharmaceutique avait dit :
On va vous soutenir, les soins palliatifs. Ils avaient pris une page complète,
quatre couleurs, dans tous les grands quotidiens du Canada un samedi. Ça leur a
coûté une fortune, bien sûr. Et moi, je reviens, j'étais au conseil
d'administration de l'association canadienne, puis là on nous dit ça, puis ça
va être le samedi telle date. Ça fait que moi, je laisse passer. Et mon
conjoint lit quatre à cinq journaux par jour de... français, anglais. Là, je
laisse passer la date, je dis : As-tu vu quelque chose sur les soins palliatifs
dans les journaux? Non. J'ai dit : Bien, une pleine page dans tous les
journaux? Ah! non, bien, je ne lis pas ces choses-là. Donc, la notion du spot
publicitaire...
Alors, moi, je pense qu'il faut y aller vraiment
sur le terrain, de dire... il faut que l'information soit là, il faut que les
professionnels de la santé la connaissent et l'amènent. Alors, si je vous
parlais des gens en insuffisance cardiaque,
bien, ils sont suivis à la clinique d'insuffisance cardiaque. Bien, c'est peut-être
un bon endroit où l'infirmière clinicienne pourrait dire : Est-ce
que vous avez déjà pensé à vos directives médicales anticipées? S'il arrive une
complication, on fait quoi, on va jusqu'où?
Pour que ces choses-là entrent dans le collimateur puis dire : Et votre
mari, lui, en avez-vous parlé avec lui? Pour que l'information roule un peu
sur...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Lui, il pourrait être, à ce moment-là, une courroie de transmission à laquelle
on pourrait...
M. Roy (Louis) :
Absolument.
La Présidente (Mme Guillemette) : D'accord.
Je vous remercie beaucoup. Donc, je céderais la parole, pour la dernière
intervenante, à la députée de Joliette.
Mme
Hivon : Oui.
Bonjour, Dr Roy, heureuse de vous revoir.
M. Roy (Louis) :
Bonjour. C'est un plaisir.
Mme
Hivon : Écoutez,
j'ai un gros cinq minutes environ. Donc, j'aurais deux questions, ça fait que
c'est pour vous donner un ordre de grandeur du temps que vous avez à peu près
pour y répondre.
La première, c'est vraiment, vu que vous êtes
vraiment aux premières loges puis vous administrez beaucoup d'aide médicale à
mourir,...moi, j'ai entendu, au cours des dernières années, en lien avec une
demande anticipée pour des personnes, donc, qui auraient une maladie neurocognitive
dégénérative, que le niveau de confort du médecin changerait dramatiquement
s'il devait administrer l'aide médicale à mourir à quelqu'un qui est inapte
parce qu'il a une démence, la maladie d'Alzheimer. Donc, j'aimerais vous
entendre là-dessus, le jour même où vient le moment d'administrer l'aide
médicale à mourir à quelqu'un qui n'est plus là et peut avoir l'air
relativement encore là mais qui ne peut rien vous dire.
Puis le deuxième élément,
c'est un peu en lien, c'est un sujet qu'on aborde beaucoup ici, mais, vu que
vous parlez beaucoup de la souffrance, comment on fait... comment on réconcilie
le fait que certains nous disent : Moi, si j'écris a, b, c dans ma demande
anticipée d'aide médicale à mourir, c'est ça. Donc, si j'ai dit que c'est quand
je ne reconnaissais plus mes proches, je veux l'aide médicale à mourir, vous me
le donnez, versus le fait que la personne peut, au moment où cette condition-là
se réalise, ne pas avoir de souffrance et, puisqu'elle n'est plus exactement la
même personne, ne pas nécessairement avoir de souffrance psychique non plus.
Donc, comment on réconcilie ça avec l'existence du critère de la souffrance?
• (11 h 10) •
M.
Roy (Louis) : O.K. Écoutez, par rapport aux médecins, je pense qu'on est dans un processus continu. Il y
a 10 ans, on aurait demandé aux médecins : Quel est votre niveau de
confort d'administrer l'aide médicale à mourir à quelqu'un? Les niveaux
auraient été très, très, très bas, parce que ce n'était pas présent. Même
lorsque l'aide médicale à mourir est devenue officiellement accessible, on
avait très peu de médecins qui... ça a été un des enjeux, au début, d'avoir des
médecins qui répondent ou qui acceptent de prendre les demandes. Et
progressivement il y en a de plus en plus, de médecins, qui acceptent de
prendre les demandes, qui se sentent confortables. Je vois, pour avoir été en
milieu universitaire, des jeunes médecins en formation qui veulent tous au
moins en voir une, une fois, puis qu'on puisse en parler. Et je pense que tout
ça, cette génération-là qui monte va aussi être plus à l'aise.
Donc, la société évolue, la société change, les
gens changent, les perceptions qu'on a changent. On a de moins en moins de gens
qui s'y opposent. Je peux vous dire, dans mon milieu où je suis, de Québec, je
ne me souviens pas... je me souviens d'un médecin qui m'a dit : Bon, vous
avez réussi à gagner votre affaire, vous allez faire de l'aide médicale à
mourir. Mais ça a été une seule personne. Tous les autres ont dit :
Écoute, je ne me sens pas, moi, prêt ou capable de le faire, mais je reconnais
que, si j'étais dans la situation de cette personne-là, peut-être que je le
demanderais.
Donc, c'est une question de... que ça soit
présent, que ça existe, de perception. Alors, je pense que pour le médecin qui
arriverait devant une personne qui est devenue inapte, mais devant un concept
très clair d'une demande qui a été clairement établie, que c'est vraiment... je
pense que là, à ce niveau-là, si c'est fait d'avance, il faudra que ce soit juridiquement inattaquable, que la chose
soit vraiment bien claire et que ça soit révocable tant et aussi
longtemps que la personne est apte, que ça soit révocable en tout temps. Ça,
c'est aussi clair. Je pense qu'il y aura au début peut-être moins de médecins
qui vont être confortables, mais il va y en avoir, et progressivement la chose
va devenir acceptée, même plus qu'acceptable.
Par rapport à
la seconde portion de votre question, si on est face à ça, c'est comment on
réussit à déterminer... en fait, la
personne qui reçoit... Je vais prendre... moi, là, je reçois un diagnostic, là,
la semaine prochaine : Dr Roy, vous avez l'alzheimer,
stade 1, mais on sait que ça va évoluer, puis que je décide de faire ça,
bien, au moment où je fais ma demande, je dis : Bien, moi, aujourd'hui, en
toute conscience de moi-même, voici quelle est la limite à laquelle je ne
voudrais pas être. Je ne voudrais pas être comme j'ai vu telle personne qui
était rendue grabataire, donc voici la limite où je ne voudrais pas être. Une
fois que je suis arrivé à cette limite-là, je ne suis plus apte, mais j'ai
atteint cette limite que j'avais fixée par avance. C'est un concept, là, qui
peut être un peu difficile, mais j'ai moi-même fixé ma limite et je demande à
quelqu'un d'actualiser cette notion de quand je vais... si j'arrive là, vous
arrêtez. Et j'ai dit à mon conjoint, je dis : Moi, si je suis inapte, là,
bon, l'aide médicale à mourir, ce n'est pas... ce n'est pas possible, mais, si
je deviens inapte, là, puis je suis grabataire, comme on a vu ton père, là,
j'ai dit, là, tu dis au docteur d'arrêter les pilules pour le cholestérol, puis
l'hypertension, puis le diabète, puis vous me servez de la tarte au sucre,
puis, si j'ai l'air d'aimer ça, vous m'en redonnez, puis on s'en fout de ma
glycémie puis du reste. Donc, j'ai donné une directive anticipée à mes proches,
dire : Vous ne faites rien pour me retenir. À partir du moment où je
n'aurai plus mon raisonnement, ma conscience de moi-même, vous ne faites rien
pour me retenir. Si je tombe puis que je me blesse, oui, vous faites tout pour
me sauver, si je suis sauvable, mais sinon...
Alors, quand
la personne donne un moment, en pleine conscience : Moi, je vous fixe quel
est mon point limite, bien, comment
on peut arriver, quand on arrive à ce point limite là, remettre en question sa
décision qui avait été faite?
Mme
Hivon : Bien, en
fait, juste... si je peux me permettre, donc, ça veut dire que le critère de
souffrance, pour vous, dans un cas comme ça, on l'enlève. C'est comme le
critère de souffrance anticipée qui compte ou juste de limites de la personne.
M. Roy (Louis) :
Bien, écoutez, si on veut regarder la souffrance, c'est, si, par baguette
magique, pendant cinq minutes, je pouvais prendre cette personne-là et la
ramener puis dire : Bien, voici, là, je veux savoir, là. Là, vous êtes
rendue à ce stade-là, on est rendu à ça, vous aviez dit, si vous êtes là, on
vous fait l'aide médicale à mourir, est-ce
que c'est toujours ça que vous voulez? Oui? Non? Puis ensuite vous allez
retourner à votre état où vous étiez avant. Quelle est la probabilité
que la personne qui peut sortir d'elle-même puis se regarder, dire : Ah!
non, finalement, j'ai envie de continuer comme ça, alors qu'elle avait donné...
La notion
d'être dépendant des autres, d'être grabataire, d'être incontinent, ça peut
nous sembler non souffrant, mais moi, je pense qu'il y a une forme de
souffrance. Le nombre de personnes avec des démences qui sont... qui ont des gestes agressifs parce qu'ils
se sentent comme attaqués, parce que tout ce qui est autour d'eux est un
élément comme une attaque, ça, c'est un élément qui peut faire en sorte...
bien, il y a une forme de souffrance. Est-ce que... C'est quoi, la conscience
de cette souffrance-là? Je ne le sais pas, on n'est pas capable de le dire,
mais je pense qu'il y a un élément où cette... on n'est pas obligé de se tordre
de douleur pour dire qu'on est dans une souffrance ou dans une situation qui
devient inacceptable.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Merci. Merci, Mme la députée. Merci beaucoup,
Dr Roy, pour votre partage ce matin.
Donc, nous suspendons les travaux quelques
instants, le temps d'accueillir nos nouveaux invités. Merci encore infiniment,
Dr Roy.
(Suspension de la séance à 11 h 15)
(Reprise à 11 h 25)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, nous pouvons reprendre les travaux. Merci. Donc, nous accueillons maintenant le Groupe
interdisciplinaire freudien de recherche et d'intervention clinique,
Mme Lucie Cantin, M. Willy Apollon et Dre Danielle
Bergeron. Donc, je vous cède la parole pour votre présentation de
20 minutes.
Groupe interdisciplinaire freudien de recherche
et intervention clinique (GIFRIC)
M. Apollon (Willy) : Bonjour, Mme la
Présidente, et bonjour à vous tous, membres de la commission. Nous tenons d'abord
à vous remercier de nous donner l'occasion de témoigner aux audiences de cette commission.
Je suis Willy Apollon, docteur en philosophie, Paris-Sorbonne, et
psychanalyste. Je suis l'auteur, concepteur du traitement psychanalytique des
psychoses et de son développement clinique au centre de traitement
psychanalytique pour psychotiques, Le 388.
Dre Danielle
Bergeron est psychiatre et psychanalyste. Elle est professeure agrégée de
clinique au Département de psychiatrie de l'Université Laval. Elle est
responsable médicale du 388. Elle se joindra à la discussion après la présentation.
Mme Lucie Cantin est psychologue et
psychanalyste. Elle a été professeure de clinique et est actuellement superviseure clinique pour l'internat au doctorat
à l'École de psychologie de l'Université
Laval. Elle est psychanalyste au 388.
Nous sommes donc les trois psychanalystes qui
ont créé et mis en oeuvre ce traitement spécialisé pour les psychoses à Québec il y a
40 ans. Nous sommes membres d'un groupe d'une trentaine de professionnels
de différentes disciplines, j'ai nommé le GIFRIC, qui, en collaboration
avec le CIUSSS de la Capitale-Nationale, rend possible ce traitement autre à Québec.
Le GIFRIC est
responsable de l'orientation psychanalytique du centre, du maintien de l'encadrement clinique qui conditionne ses
résultats, de la formation du personnel et de l'évaluation continue des
résultats cliniques qui sont publics et vérifiables.
Nous sommes donc ici en tant qu'experts dans le
traitement de la schizophrénie et des psychoses, c'est-à-dire ces maladies que
la psychiatrie appelle des troubles mentaux sévères et persistants. Notre
propos aujourd'hui portera essentiellement
sur la notion d'incurabilité de cette maladie que notre expérience
clinique et les résultats du traitement ne nous permettent pas de
soutenir.
Nous définirons ce qu'est la psychose, précisons
ici que la schizophrénie est une forme de psychose, et qu'implique la psychose
comme type de souffrance. Nous présenterons les résultats cliniques qui
montrent que les problèmes sérieux que présentent les patients psychotiques ne
sont pas irréversibles moyennant un traitement adéquat qui leur permet
d'évoluer jusqu'à retrouver une vie satisfaisante de citoyen actif dans la société.
Ensuite, un mot sur les conséquences anticipées à l'élargissement de la loi.
Nous tenons à préciser que notre propos ne concerne nullement les maladies végétatives, maladie d'Alzheimer, maladie de
Parkinson, etc., les maladies physiques incurables ou encore les
maladies...
La psychose.
Bien sûr, on reconnaît qu'il s'agit de troubles mentaux
graves pour lesquels il est important qu'une société comme la nôtre
puisse offrir une diversité de services adéquats. Dans cette gamme de services,
nous offrons, quant à nous, un traitement
spécifique et spécialisé qui suppose l'adhésion du patient, parce qu'il s'agit de psychanalyse.
Il faut savoir qu'un jeune de 18 à 22 ans
qui reçoit un diagnostic de schizophrénie se fait souvent dire qu'il doit
désormais éviter les situations de stress, donc abandonner ses projets de vie,
et qu'il devra prendre des médicaments toute sa vie parce qu'il s'agit d'une
maladie incurable. Ces jeunes adultes auront ainsi à gérer les effets
débilitants de la médication neuroleptique : effets secondaires parfois
irréversibles, prise de poids importante, troubles sexuels, etc. Ils vivent
donc ce diagnostic comme une condamnation, comme si leur vie à peine commencée
était irrémédiablement hypothéquée au point où plusieurs d'entre eux ne voient
d'autre solution que le suicide.
• (11 h 30) •
C'est
ainsi que le ministère de la Santé et des Services sociaux, dans son Plan
d'action en santé mentale de 2015‑2020, nous
indique que 10 % de ces jeunes se suicident dans les cinq années qui
suivent ce diagnostic de psychose. Ceci sans compter tous les autres
qui, sans mettre fin à leurs jours, ne trouvent plus aucun intérêt à vivre. Ils
ne prendront plus aucune précaution pour protéger leur santé et leur vie. Ils
ont perdu l'espoir de réaliser les projets de vie qu'ils avaient imaginés au
cours de leur adolescence.
Quand nous offrons aux psychotiques un cadre de
traitement où ils peuvent parler librement, dire vraiment ce qu'ils sont en
train de vivre au plus intime d'eux-mêmes, parce qu'ils sont enfin écoutés,
entendus au-delà de la symptomatologie qu'ils présentent, nous apprenons d'eux
que, depuis l'enfance, ils ne se sont jamais reconnus dans les discours tenus
sur eux, pas plus qu'ils n'ont adhéré, comme adolescents, à l'organisation de
la société. Non pas parce qu'ils sont antisociaux, mais
parce qu'ils sont préoccupés, comme nous devrions l'être tous, par ce qui ne fonctionne pas dans l'humanité : les
injustices sociales, les guerres, le racisme, la violence faite aux femmes, la
pauvreté grandissante, la destruction de la planète, tous ces problèmes qui
nécessiteraient que toutes les nations et tous les pays travaillent ensemble
pour les régler.
Le psychotique a le sentiment d'être seul à se
rendre compte de ce mal qui détruit l'humanité, tel ce patient dont on réalise
en le visitant chez lui que son domicile est rempli d'une vingtaine de boîtes
d'écrits qu'il a passé son temps à rédiger pour développer une solution qui
consisterait à mettre sur pied un gouvernement mondial. L'échec à pouvoir
réaliser seul un tel projet est la source d'une souffrance psychique spécifique
dont l'origine est éthique, c'est-à-dire liée à ce qu'il estime devoir faire
pour l'humanité et à l'impossibilité où il se trouve de le réaliser,
impossibilité à laquelle il est confronté.
Ainsi, la souffrance du psychotique est un enjeu
éthique. Tous nos patients ont eu, à un moment ou un autre de leur vie, des idées sérieuses de suicide. Pour
beaucoup d'entre eux, ce n'est pas la souffrance physique insupportable,
ce n'est pas non plus une souffrance psychique intolérable qui commande ces
idées de suicide. Ces citoyens, schizophrènes ou psychotiques, vivent dans un
univers intime où la préoccupation de l'humain est au centre de leur vie. Aussi, quand ils se sentent accueillis dans
leur différence et décident de parler vraiment, ils nous disent que
certains de ces projets d'avenir sont pour
eux plus importants que leur propre vie et que, s'ils doivent les abandonner,
ils pensent plutôt mourir, soit parce qu'ils se sentent en faute de ne
pouvoir les réaliser, soit parce que la société telle qu'elle est organisée ne
leur permettra jamais de réaliser ces choses qu'ils estiment nécessaires pour
l'humanité.
Je laisse la parole à ma collègue Lucie Cantin
pour continuer.
Mme Cantin (Lucie) : Alors, voici,
je vais vous donner quelques exemples cliniques pour illustrer ce dont on vient de parler. Par exemple, tel de nos
patients qui, engagé dans des recherches universitaires, apprend que les
résultats risquent d'être utilisés à des fins militaires contraires aux idéaux
humanitaires qui l'avaient motivé à participer
à ces recherches. La découverte de ce à quoi pourra servir son travail le
précipite dans une crise psychotique importante qui l'a amené au 388. Au
cours de sa cure, il décidera d'abandonner son domaine de recherche pour se
consacrer à une formation professionnelle qui l'habilitera à aider les
personnes âgées dans les hôpitaux. Ainsi, la souffrance qu'il éprouvait à
l'idée de devoir renoncer à son projet l'aura amené à créer pendant la cure une
nouvelle solution éthique qui répondait à son souci d'aider l'humain, ce qui
lui a redonné une raison de vivre.
Tel autre
patient hospitalisé à répétition depuis l'adolescence et pour lequel la famille
démunie songeait à un placement à
long terme, parce qu'il présentait depuis des années des symptômes réfractaires
au traitement psychopharmacologique, continuant à être envahi par les
hallucinations, à s'isoler pour prier jour et nuit, à errer dans les rues et
qui, au cours de son traitement au 388, a réussi à ne plus jamais être
hospitalisé, à vivre seul de façon autonome en appartement et à reprendre des
études qu'il avait abandonnées à 16 ans tout en travaillant à temps
partiel pour payer ses études.
Pendant que nous préparions ce document, un
patient a résumé mieux que nous pourrions le faire l'effet du traitement. Il
nous disait, et je le cite : «Quand je réussis à trouver les mots pour
dire ce que je vis intérieurement, je ne suis plus schizophrène...»
La Présidente (Mme Guillemette) :
Excusez, Mme... Dre Cantin, on va suspendre quelques instants parce qu'on
a vraiment un problème à vous entendre, là. On essaie plusieurs choses, puis ça
ne fonctionne pas.
Donc, on va suspendre pour essayer de régler ce
problème-là, quelques secondes.
(Suspension de la séance à 11 h 37)
(Reprise à 11 h 39)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, nous reprenons avec la Dre Cantin. Donc, je vous cède la parole, et
vous pouvez recommencer dès le début.
Mme Cantin (Lucie) : D'accord.
Alors, je commençais, à la suite de M. Apollon, en vous donnant des
exemples cliniques de ce qu'il vient d'aborder. Tel de nos patients, par
exemple, qui est engagé dans des recherches universitaires et qui apprend que
ses résultats risquent d'être utilisés à des fins militaires qui sont
contraires aux idéaux humanitaires qui
l'avaient motivé à participer à ces recherches. La découverte de ce à quoi
pourra servir son travail le précipite
dans une crise psychotique importante qui l'a amené au 388. Au cours de sa
cure, il décidera d'abandonner son domaine
de recherche pour se consacrer à une formation professionnelle qui l'habilitera
à aider les personnes âgées dans les hôpitaux.
La souffrance qu'il éprouvait à l'idée de devoir renoncer à son projet l'a
amené ainsi, pendant la cure, à créer une nouvelle solution éthique qui
répondait à son souci d'aider l'humain, ce qui lui a redonné une raison de
vivre.
• (11 h 40) •
Tel autre
patient, hospitalisé à répétition depuis l'adolescence et pour lequel la
famille démunie songeait à un placement à long terme, parce qu'il présentait depuis des années des symptômes
réfractaires au traitement psychopharmacologique, continuant à être
envahi par les hallucinations, à s'isoler, prostré, pour prier de façon
continue jour et nuit et à errer dans les rues et qui, au cours de son
traitement au 388, réussit à ne plus retourner à l'hôpital, à vivre seul de
façon autonome en appartement et à reprendre des études abandonnées depuis
l'âge de 16 ans tout en travaillant à temps partiel pour payer ses études.
Pendant que nous
préparions ce document, un patient a résumé mieux que nous pourrions le faire
l'effet du traitement. Il a dit, et je le cite : «Quand je réussis à
trouver les mots pour dire ce que je vis intérieurement, je ne suis plus
schizophrène, ça me ramène à mon humanité.» Il faut noter que ce patient avait
passé trois années à l'hôpital avant de venir au 388 et qu'actuellement il vit
de façon autonome, seul en appartement, tout en faisant du bénévolat dans un
CHSLD.
Aussi, alors, est-ce qu'on va leur donner accès
à l'aide médicale à mourir parce qu'on ne leur donne pas les services adéquats
pour reprendre leur vie en main? Est-ce que ce serait une nouvelle forme de
discrimination parce que ce sont des schizophrènes et des psychotiques, eux qui
sont les parents pauvres de nos services de santé et qui souffrent déjà des
préjugés négatifs les plus tenaces dans notre société?
Notre centre accueille plus d'une centaine de
personnes souffrant de schizophrénie ou de psychose. La plupart d'entre eux ont
vécu plusieurs hospitalisations en psychiatrie avant leur arrivée au centre.
Dans un milieu ouvert, nous offrons un
traitement global, 24 heures par jour, sept jours-semaine, toute l'année,
y compris un traitement intensif de la décompensation psychotique sur
place pour lequel nous disposons de six lits de traitement, évitant ainsi
l'hospitalisation et le recours à l'urgence.
Le traitement psychanalytique des psychoses a
des résultats qui sont connus non seulement au Québec, mais en Europe, aux États-Unis
et en Amérique du Sud, où plusieurs spécialistes s'y intéressent à la fois pour
les résultats obtenus ou parce qu'ils s'en inspirent pour créer des services
semblables chez eux.
Les données actuelles témoignent que nos usagers
opèrent des changements majeurs dans leur vie, tels que la gestion des épisodes
aigus sans le recours à l'hospitalisation et la modification et/ou la
disparition des symptômes psychotiques. Ceci se vérifie par une diminution
significative du taux de suicide à un taux de 1 %, comparativement au
10 % mentionné dans le plan de santé mentale pour ce type de clientèle. Ça
se manifeste aussi par une diminution significative des hospitalisations et la
reprise d'une autonomie qui se concrétise par l'autonomie du lieu de vie et un
retour au travail, aux études ou à une activité sociale significative qui les
engage dans la société.
On vous présente, dans le mémoire, quelques
tableaux. J'en commenterais quelques-uns seulement, d'abord le premier, qui
présente un groupe de 197 patients qui sont traités pendant... qui ont été
traités pendant trois ans et plus au 388. La ligne verte au milieu du tableau
indique, là, le moment de leur arrivée au 388. On y compare donc le nombre de
jours d'hospitalisation pour ce groupe de patients au cours des trois années
qui ont précédé leur arrivée au centre avec le nombre de jours
d'hospitalisation pendant leur traitement au 388. On voit qu'avant leur arrivée
au 388 les hospitalisations augmentaient de façon importante d'année en année,
atteignant 7 300 jours d'hospitalisation dans l'année précédant leur
arrivée au 388, et que ce chiffre chutait à 944 au bout de trois ans.
Dans le
deuxième tableau, toujours pour le même groupe, la colonne rouge vous indique
qu'à l'arrivée au 388 51 % de
ces usagers vivaient dans un lieu de vie autonome, alors qu'au bout de trois
ans notre chiffre atteignait 81 %.
De la même façon, le troisième tableau qui
concerne leur participation active dans la société, toujours dans la colonne
rouge, on voit que 25 % seulement d'entre eux étaient actifs au moment de
leur arrivée au 388, alors qu'au bout de trois ans on avait 73 % de ces gens
qui étaient actifs.
Je m'attarderai aux trois derniers tableaux qui
sont dans le mémoire parce que ces trois derniers concernent un groupe de
83 patients qui ont été traités pendant huit ans et plus. Sur le tableau
des hospitalisations, on voit aussi qu'avant leur arrivée au 388 le nombre
de jours augmentait d'année en année, atteignant 3 400 jours dans
l'année qui a précédé leur arrivée au 388, et que ce chiffre diminuait constamment
au cours des années jusqu'à arriver à 284 au cours de la huitième année de
traitement.
Quant à
l'autonomie par rapport au lieu de vie, elle passe de 49 %, quand ils sont
arrivés au 388, pour atteindre 90 % au bout de huit ans.
Concernant leur participation à la vie sociale,
je vous rappelle, c'est le retour aux études, au travail, au bénévolat,
17 % seulement étaient actifs au moment de leur arrivée, et ce chiffre
atteignait 75 % au bout de huit ans.
Ces derniers tableaux, qui illustrent
l'évolution clinique sur huit ans de traitement, sont importants parce qu'ils
montrent une amélioration de leur vie qui non seulement se maintient, mais qui
continue de progresser au fil des ans,
confirmant ainsi la permanence de la diminution des symptômes. Et ces données
longitudinales pour ce genre de clientèle viennent donc contredire
l'irréversibilité des symptômes chez les patients souffrant de troubles mentaux
sévères et persistants.
Je voudrais ajouter qu'en 2002 un groupe
d'experts a été mandaté par le ministère de la Santé pour venir évaluer le
programme. À cette occasion-là, les experts ont rencontré quelque
42 patients, ils ont rencontré les familles, ils ont rencontré les
proches, ils ont rencontré les partenaires du réseau. Je vous cite brièvement
une de leurs conclusions : «Les parents apprécient particulièrement que le
traitement permette d'optimaliser les capacités de chacun jusqu'à un niveau de
rétablissement dont ils avaient cessé de rêver. Les partenaires — eux,
c'est-à-dire les gens du CLSC, des autres centres hospitaliers, les psychiatres
du réseau, organismes communautaires — signalent que la clientèle
référée et observée au 388 présente des troubles graves et persistants que
plusieurs psychiatres hésiteraient à traiter en dehors du cadre hospitalier
formel. La démarche personnelle d'engagement exigée du patient pour son
admission au 388 ne biaise en rien la sélection de la clientèle qui se révèle
lourde objectivement. Les partenaires ont constaté des améliorations qu'ils ne
pouvaient pas obtenir eux-mêmes antérieurement avec les mêmes clients.» Fin de
la citation.
Je soulignerais, finalement, que ce traitement
coûte à l'État 50 $ par jour par patient, et ça, c'est sans compter les
économies liées à la diminution des hospitalisations et des coûts sociaux.
En
conclusion, trois points. Ces cas et bien d'autres nous ont portés à nous poser
la question si l'aide médicale à mourir ne vient pas se substituer à des
services adéquats qui aideraient les personnes à reprendre leur vie en main.
Deuxièmement,
l'aide à mourir pourrait devenir une voie de sortie encouragée à leur insu par
les spécialistes qui ont posé un
diagnostic fatal aux jeunes psychotiques, consacrant une impasse indépassable
pour leur avenir. L'aide médicale à mourir pourrait ainsi être accordée
pour des raisons tout autres que celles pour lesquelles la loi la rendrait
accessible.
Finalement, le psychotique, et on veut être
clair sur ça, est un citoyen de plein droit. S'il a accès à l'aide médicale à
mourir, ce doit être pour les mêmes raisons de maladies physiques incurables,
comme tout autre citoyen, et non pas parce qu'il est psychotique et que cette
maladie serait incurable. Avec les résultats que nous venons de montrer, à
savoir que les personnes retrouvent une vie de citoyen actif comme nous tous et
une vie satisfaisante pour eux-mêmes, notre expérience clinique ne nous permet
pas de parler des psychoses comme des maladies incurables. Je vous remercie.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Dre Cantin. Donc, nous allons maintenant procéder à la
période d'échange avec les membres de la commission en débutant par le député
de Gouin.
• (11 h 50) •
M.
Nadeau-Dubois : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs dames.
J'ai à peu près six minutes. Donc, je vais
vous poser quelques questions, mais je vais vous demander de faire le même
effort que moi en termes de concision.
D'abord, vous nous dites et vous n'êtes pas les
premiers à nous le dire qu'il y a un danger à ouvrir l'aide médicale à mourir pour les gens souffrant de
troubles mentaux dans un contexte où les soins ne sont pas suffisamment
disponibles et qu'il y a énormément de discriminations qui s'abattent encore
sur les gens qui souffrent de ces maladies-là. C'est un argument similaire qui
avait été présenté lors de la première commission sur l'aide médicale à mourir
au sujet des soins palliatifs. Beaucoup de gens disaient : On ne peut pas
ouvrir l'aide médicale à mourir dans un contexte où les soins palliatifs sont
particulièrement déficients au Québec.
Et depuis le début de nos travaux ici, à la
commission, beaucoup d'experts sont venus répondre à cet argument-là en
disant : C'est un peu un faux dilemme. On pourrait faire les deux, on
pourrait ouvrir l'aide médicale à mourir pour les gens souffrant de troubles
mentaux sévères et persistants tout en... en même temps, sur une voie
parallèle, travailler avec énergie à améliorer les soins puis l'acceptabilité
dans la société des gens qui souffrent de troubles mentaux sévères. Qu'est-ce
que vous répondez à cet argument-là?
Mme Cantin (Lucie) : C'est difficile
de voir qui est-ce qui... Est-ce qu'on m'entend?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Oui, on vous entend bien.
Mme Cantin (Lucie) : Est-ce que,
M. Apollon, vous voulez... Je vous laisserais, M. Apollon, parler de
la différence entre cette souffrance physique et psychique.
M. Apollon (Willy) : Je crois qu'il
faut faire une différence claire entre souffrance physique et souffrance
psychologique. La souffrance physique peut devenir irrémédiable, et, à ce
moment-là, l'aide à mourir est certes un apport. La souffrance psychologique...
on ne peut pas dire que la souffrance psychologique est irréversible parce que
la souffrance psychologique, et en particulier chez le psychotique, est une
souffrance liée à un sentiment d'éthique. C'est une souffrance qui est liée au
fait de penser qu'on ne pourra pas accomplir quelque chose que l'on considère
comme un devoir plus important que sa vie même. C'est ça, l'enjeu, c'est une question
d'éthique.
Par ailleurs, la souffrance psychologique, même
quand ce n'est pas dans la psychose, on ne peut pas dire qu'elle est
irréversible comme la souffrance physique biologique. C'est ça, le point.
M.
Nadeau-Dubois : Merci. Deux questions
pour vous, en rafale, vous pourrez y répondre l'une à la suite de l'autre.
D'abord, vous nous... D'abord, sur la question
de l'incurabilité, vous nous dites... vous affirmez quand même quelque chose de
fort, puis d'ailleurs, vous n'êtes pas le premier, hein, mais c'est quand même
une affirmation forte, devant la commission, vous nous dites : Aucune
souffrance psychologique n'est incurable. Je comprends que, dans votre
expérience clinique à vous, vous avez des résultats convaincants. Qu'est-ce qui
vous permet de faire ce saut-là et de dire, même dans des cas, par exemple, de
troubles obsessionnels compulsifs, des cas de dépression chronique, des cas
extrêmement lourds qui nous ont été présentés, notamment par l'association des
psychiatres du Québec, qu'est-ce qui vous permet d'affirmer avec une telle
certitude qu'il n'y a aucun cas incurable? Et pourquoi... Et seriez-vous mal à
l'aise avec un compromis qui dirait : Bien, laissons les professionnels de
la santé juger de ça et permettons l'aide
médicale à mourir pour les situations où les gens et leurs professionnels de la
santé jugent qu'on est devant... qu'on a un degré raisonnable de
certitude que le cas est incurable? C'est ma première question.
Et la deuxième, la loi québécoise sur l'aide
médicale à mourir, actuellement, n'exclut pas les gens qui ont des troubles mentaux. Si je suis votre raisonnement,
c'est la recommandation que vous nous faites. Vous nous dites :
Vous devriez exclure nommément dans la loi
les gens souffrant de troubles mentaux sévères. Que répondriez-vous à
quelqu'un qui dirait, et c'est des
représentations qui nous ont été faites à la commission, que, ce faisant, on
inscrirait une discrimination dans la
loi québécoise sur l'aide médicale à mourir, une discrimination qui est, selon
eux, injustifiable? Qu'est-ce que vous répondriez à cet argument-là?
Donc, vous pouvez répondre à mes deux questions dans le temps qu'il nous reste.
Mme Cantin (Lucie) :
Dre Bergeron, est-ce que vous voulez répondre?
M. Apollon
(Willy) : Allez-y, Lucie.
Mme Bergeron (Danielle) : Oui, je
pense que je peux répondre. Pourquoi on enlèverait... vous dites : Pourquoi
on enlèverait le droit d'avoir l'aide médicale à mourir de gens qui ont un...
qui souffrent d'un TOC sévère ou d'une dépression qui ne guérit pas. Le point
de vue qui amènerait à l'aide médicale à mourir, ce serait que ce sont des maladies
d'origine biologique. Et ça, quand on parle de la dépression, de la psychose ou
d'un trouble obsessif compulsif comme une maladie biologique, c'est un argument
qui est trompeur. C'est trompeur parce que c'est... en fait, le trouble émotif
peut apporter des modifications dans la biologie, mais actuellement il n'y a
rien qui prouve que la maladie elle-même est d'origine biologique.
Quand on rencontre
des... moi, je reprends le domaine où je suis la plus spécialisée, quand même,
quand on rencontre des psychotiques depuis... ça fait 40 ans, moi, que
j'en écoute, et que je les entends, et que je les accompagne. Quand on les
rencontre et qu'on entend ce qui leur fait problème, on se rend bien compte
que, d'une part, une fois qu'ils ont pu
parler, retrouver qu'est-ce qui est à
l'origine de leurs difficultés, mais retrouver en eux-mêmes l'origine de
leurs difficultés, il y a beaucoup de symptômes qui deviennent caducs, qui
tombent, les hallucinations arrêtent, les idées de suicide cessent, et ils
peuvent à nouveau reprendre une vie. Et c'est le... Si c'est réversible parce
que la personne a trouvé un lieu pour retrouver en elle-même ce qui a été la
cause psychologique, la cause intérieure, la cause humaine de ses difficultés,
elle va pouvoir trouver de meilleures solutions, pour traverser ces
difficultés-là, qu'elle a trouvées quand elle était enfant, ou adolescente, ou
au début de sa vie adulte. Donc, l'idée que les maladies psychiatriques
seraient d'origine biologique, c'est... (panne de son).
Par ailleurs, de quel
droit avons... de quel droit un être humain enlèverait la vie à un autre être
humain? De quel droit on prendrait la vie d'un autre être humain? Quand... moi,
je crois que c'est encore comme ça, quand j'ai fait... quand j'ai terminé
mon cours de médecine, avant de faire la spécialité, j'ai fait un serment, le
serment d'Hippocrate, qui date du IVe siècle avant Jésus-Christ, mais qui
est encore tout à fait adéquat. Et, dans ce serment, du temps d'Hippocrate, parce qu'il est un petit peu modifié maintenant,
Hippocrate disait qu'il ne remettrait à personne du poison, même si on
m'en demande, que ça va à l'encontre du serment du médecin que de donner, par
exemple, un cocktail de médicaments qui le ferait mourir. Et, dans le cas de la
maladie dite mentale, c'est inapproprié.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Merci beaucoup. Donc, je céderais maintenant la parole
au député de Lac-Saint-Jean.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Bonjour à vous trois. Vous m'entendez bien?
Une voix :
Oui, bonjour.
• (12 heures) •
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Bon, écoutez, je vais revenir un peu sur le sujet
de mon prédécesseur. Et peut-être que je n'ai pas bien saisi le sens, puis je
vais vous poser la question, mais je vais... Vous mentionnez, dans votre
mémoire, que d'élargir l'accès aux personnes atteintes d'un trouble mental
pourrait être considéré comme de la discrimination
en regard de l'accès déficient aux
soins et aux mesures d'accompagnement. C'est bien le cas, n'est-ce pas?
Mme Cantin
(Lucie) : Oui.
M.
Girard (Lac-Saint-Jean) :
Bon, O.K. Or, l'Association des médecins psychiatres du
Québec, l'AMPQ, devant la commission,
a affirmé, elle, que de refuser l'aide
médicale à mourir serait... sur la
base qu'il est atteint d'un trouble mental, serait, au contraire, une
forme de discrimination. Donc, j'aimerais ça... qu'en pensez-vous?
Mme Cantin
(Lucie) : Je voudrais... D'abord, on est très conscients, en disant ce
qu'on a dit à propos de la discrimination, de prendre l'argument tout à fait à
l'envers de la façon dont il est pris habituellement, à savoir que ce serait
discriminant pour les personnes souffrant de trouble mental grave que de leur
refuser l'aide médicale à mourir.
Quand on écrit ce
qu'on a écrit à propos de la discrimination, il y a deux choses. Je reprendrai
un peu ce que Dre Bergeron vient de dire. C'est sûr qu'à partir du moment
où la maladie mentale, la psychose en particulier, la psychose et la
schizophrénie, parce que c'est quand même notre secteur d'expertise, à partir
du moment où c'est posé comme une maladie d'origine biologique, à ce moment-là,
l'argument de la discrimination, effectivement, se pose de la façon dont vous
l'avez posé : Puisque ce serait une maladie d'origine biologique, bien,
pourquoi ils seraient exclus de l'aide médicale à mourir?
Mais
quand, justement, on considère et qu'on voit qu'il n'y a aucune preuve à ça,
que la maladie mentale, y compris la schizophrénie et la psychose, sont
d'origine biologique, personne n'a fait la preuve de ça, bien, on se demande...
il reste quand même que c'est pour ces patients-là, les patients schizophrènes
et psychotiques, c'est pour ces patients-là qu'on offre le moins de services
dans les services publics — c'est
vraiment les parents pauvres des services de santé — et c'est surtout les
gens qui sont les plus discriminés sur le plan social.
Vous savez, dans les
médias et partout, vous entendez facilement parler des gens qui sont déprimés,
qui ont des troubles anxieux, qui ont des TOC, qui ont des maladies bipolaires,
mais, dès le moment où il s'agit de schizophrénie ou de psychose, il y a
une discrimination sociale importante. Par exemple, aussitôt qu'il va y avoir
un crime dans la société, bien, tout le
monde va conclure que c'est quelqu'un qui est un malade mental. Nos patients, à
ces moments-là, justement, sont toujours très affectés et ils nous
disent : On va dire encore que c'est des psychotiques et des
schizophrènes. Alors, le poids de la discrimination sociale est immense sur les
psychotiques et sur les schizophrènes. S'ils essaient de se trouver un emploi,
il ne faut pas qu'ils disent qu'ils ont ce diagnostic-là, ce qu'on n'aura pas
comme discrimination à propos d'une dépression ou d'un trouble anxieux.
Et
donc, à partir de ce moment-là, c'est sûr que, pour nous, l'important,
là, c'est : Alors, est-ce que ces gens-là ne souffrent pas plutôt du
fait de ne pas avoir de traitement adéquat, de ne pas être entendus comme des
humains? C'est ça qu'on appelle le poids de cette discrimination, et de penser,
donc, que c'est simplement d'origine biologique et qu'il n'y a rien à faire
pour eux. D'ailleurs, c'est ce qu'on... les internes en psychologie, ce qu'ils
nous disent, c'est qu'à l'université, c'est ça qu'on leur apprend. Ils peuvent
travailler avec des déprimés, des troubles anxieux, des TOC, mais, pour les
psychotiques et les schizophrènes, il n'y a rien à faire. C'est ça qu'on leur
enseigne et c'est ça qu'on appelle la discrimination.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
Mme Cantin (Lucie) : ...aller dans
le même sens jusqu'à, justement, les aider à se suicider.
La
Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Dre Cantin. J'aurais une question complémentaire. Premièrement, félicitations,
là, pour les résultats du 388 . C'est impressionnant, vous avez 90 %
de résultats. Mais qu'est-ce qu'on fait avec, justement, ceux auxquels on n'a
pas de résultat, le 10 % qui... parce qu'on sait qu'il y a une grande peur
d'engagement personnel aux patients qui ne veulent pas s'engager, qu'il n'y a
pas de rémission ou de rétablissement. Donc, c'est plus, je vous dirais, cette
portion-là qui nous intéresse particulièrement pendant les travaux.
Mme Cantin
(Lucie) : Bien, ce que je
répondrais... Je ne vois pas mes collègues, alors je ne vois pas s'ils ont...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Allez-y, Dre Cantin.
Mme Cantin (Lucie) : Ce que je
dirais de ce 10 % là... Quand on dit 90 % des gens qui
redeviennent actifs, bien, il y a des gens, oui, certains de nos patients, qui
ne sont pas capables de reprendre une activité sociale... pas du bénévolat, ni
des études ou du travail, mais qui vont réussir à vivre en dehors de l'hôpital,
alors qu'ils étaient... je dirais qu'ils s'en allaient vers non seulement des hospitalisations
à répétition, mais de plus en plus longues, avec, éventuellement, une
chronicité qui faisait qu'ils n'étaient pas capables de vivre dans la société.
Je dirais que, pour ces gens-là, le seul fait de vivre dans la société et non
plus dans... à l'hôpital, bien, c'est déjà quelque chose. Et, je ne sais pas,
si on prenait la population en général puis qu'on regardait le pourcentage de
gens, justement, qui ne travaillent pas ou n'ont pas d'études ou du bénévolat,
mais qui vivent chez eux, avec des activités quotidiennes, je ne sais pas si on
aurait un autre... un pourcentage semblable. C'est ce que je répondrais en
premier : c'est déjà une amélioration que de ne pas passer sa vie enfermé
à l'hôpital.
La Présidente (Mme Guillemette) : Je
suis d'accord. Et vous disiez tout à l'heure... Je ne me souviens plus qui a dit qu'il y aurait des conséquences anticipées à
l'élargissement de la loi. Quelles conséquences? Et très rapidement, là, il nous reste quelques minutes, là, quelles
conséquences ça aurait, l'élargissement de la loi? Vous avez peur à des dérives?
Mme Bergeron (Danielle) : Moi, je
peux en dire un mot. Ce qui me préoccupe le plus, c'est d'augmenter le nombre
de décès. Il y a un certain nombre de personnes qui vont se suicider, mais qui
ne demanderaient pas nécessairement l'aide médicale à mourir et... Mais là on
va leur dire : Maintenant, vous avez le choix, ou bien vous vous engagez à
faire un travail sur vous, vous allez travailler avec les travailleurs sociaux,
avec un clinicien, un psychologue, un psychanalyste, ou bien vous vous engagez,
puis il va y avoir des moments où ça va être difficile, ou bien c'est vrai que, maintenant,
là, vous pourriez demander de mourir, parce
que vous avez des problèmes très
graves.
Cette possibilité de demander l'aide médicale à
mourir, pour un psychotique, selon moi, ça va augmenter le nombre de décès, le
nombre de morts. Il y a ceux qui se suicident, il y a ceux qui vont demander l'aide
médicale à mourir et qui auraient pu faire une autre vie si on leur offrait un
autre type d'approche qui leur convient bien. Donc, je trouve... moi, je trouve ça très,
très dangereux que d'offrir ça. Et,
pour un médecin, un psychiatre, ça va
complètement à l'encontre de ce qu'on doit faire quand on reçoit un patient, c'est-à-dire
chercher toutes les formules, toutes les solutions pour l'aider à sortir de son
marasme, à sortir de ses difficultés, de ses problèmes.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. C'est tout le temps que nous avions. On va continuer les échanges avec
la députée de Westmount—Saint-Louis.
Donc, Mme la députée, la parole est à vous.
Mme Maccarone : Merci, Mme la
Présidente. Bienvenue à vous tous. Merci pour votre témoignage et votre
partage. Je veux mieux comprendre, parce que vous parlez beaucoup des maladies
d'origine biologique et que nous avons quand même une marge de manoeuvre pour
venir aider ces personnes, mais en ce qui concerne comme, par exemple, la
schizophrénie, mais en ce qui concerne peut-être aussi les problèmes
neurologiques, pour les problèmes de santé mentale des personnes, qui... c'est
sûr, je sais qu'il y a aussi, peut-être, un débat en ce qui concerne la
schizophrénie puis l'impact que ça soit génétique, neurologique aussi.
Par exemple, si on parlait d'autres diagnostics
neurologiques comme l'autisme, selon vous, est-ce que ça, c'est quelque chose
que nous devons considérer, comme une extension puis des paramètres pour offrir
l'aide médicale à mourir à ces personnes? Puis à l'intérieur de quelles
balises? Parce que, si on parle de choses qui ne sont pas réversibles, bien, il
y a en a plein, plein, plein, de maladies de santé mentale qui ne sont pas
réversibles. Alors, selon vous, ça serait quoi, vos recommandations en ce qui
concerne ce type de diagnostic?
M. Apollon (Willy) : Il y a des maladies mentales, il y a des troubles
mentaux qui accompagnent des troubles qui sont neurologiques ou
biologiques ou physiques, et ces troubles qui sont neurologiques ou biologiques
ou physiques peuvent être incurables, irréversibles, et, dans ces cas, l'aide à
mourir, c'est quelque chose... si le patient le demande et si les médecins
trouvent qu'effectivement il n'y a pas de guérison possible, l'aide à mourir, à
ce moment-là, est tout à fait normale.
L'enjeu, c'est quand
on part d'une maladie vraiment psychologique, des troubles mentaux dont
l'origine n'est pas biologique. Il y a des conséquences biologiques, mais ce
n'est pas l'origine. Là, à ce moment-là, il faut faire la différence entre ce
qui est d'une origine vraiment psychologique, une souffrance qui est une
souffrance, encore une fois, qui est d'ordre éthique... parce que la souffrance
psychologique est toujours d'ordre éthique, alors que la souffrance physique,
la souffrance biologique, ce n'est pas une question d'éthique, c'est vraiment
une question de... c'est une santé qui se
défait, qui se dégrade. Alors, ça, c'est tout à fait autre chose. Il faut bien
faire cette différence entre une souffrance psychologique qui est
d'ordre éthique et une souffrance physique qui peut devenir, qui peut être liée
à une maladie incurable. Je pense qu'il faut bien faire cette différence.
• (12 h 10) •
Mme
Maccarone : Je vous entends en ce qui concerne... qui est un enjeu
éthique, en ce qui concerne des difficultés psychiques que les gens peuvent
subir. Alors, nous avons entendu certains experts qui nous ont dit que personne ne devrait être exclu selon la
souffrance, selon eux, et non le diagnostic. Alors, qui devrait juger la
souffrance, d'abord, selon vous? Parce que
même si... Puis ça, c'est question, peut être, numéro 1 : Qui devrait
juger la souffrance?
Puis, question
numéro 2, en ce qui concerne... pour rester à l'intérieur de votre
argument enjeu éthique... parce que, si, mettons, je vous donne un exemple pour
la personne qui va offrir ce type de jugement et si je vous soumets que la personne qui souffre, après des
années de tentatives de traitements, souffre encore, ou juge que lui-même
souffre encore, ou, après le refus de traitement, c'est qui qui devrait juger
de la souffrance, en termes enjeu éthique?
M. Apollon
(Willy) : Seul le patient peut décider. Ce que le spécialiste fait, il
évalue. Il évalue en fonction de la science, en fonction des thérapies
existantes, en fonction de la loi, mais seul le patient peut décider s'il veut
mourir ou pas. Ce n'est certainement pas à un spécialiste de décider à la place
du patient.
Mme
Maccarone : Sauf que vous dites que, mettons, votre programme... Puis
je partage les beaux mots de notre présidente... de vous féliciter pour le
succès que vous avez à l'intérieur de votre programme, sauf que ça ne peut pas
fonctionner pour tout le monde. On comprend que la santé mentale, c'est
tellement varié. Et si, mettons, on a un patient qui dit... C'est complexe
comme enjeu éthique, parce que, si on dit que nous allons élargir... puis c'est
tellement final que, si, mettons, on est face à une personne qui dit : Bien,
moi, ça ne me tente pas à avoir ce type de traitement, même s'il peut avoir
accès à votre traitement, est-ce qu'il y a des balises que nous devons prendre
en considération pour bien protéger cette personne, qui peut être très
vulnérable aussi, parce qu'il souffre d'un problème de santé mentale, pour avoir un accompagnement en ce qui concerne
l'accès à l'aide médicale à mourir, pour s'assurer que nous protégeons les
personnes, les professionnels dans la santé qui vont l'administrer puis pour
s'assurer que la décision qui est prise est vraiment bien réfléchie?
M. Apollon
(Willy) : Aussi, vous voyez, dans votre question même, l'enjeu, c'est
la qualité des services et la qualité de la formation des professionnels.
Mme
Maccarone : Oui, mais je ne veux pas nécessairement faire un gros
débat. Mais, de l'autre côté, c'est ça, on comprend que, si on veut respecter
les droits civils des gens, on a adopté, à l'Assemblée nationale, par exemple,
le projet de loi n° 18 en ce qui concerne, par exemple, le Curateur public,
hein? Puis on veut protéger les droits civils des gens, mais ça ne peut pas
toujours être l'accès aux soins. Je pense que le collègue de Gouin a très bien
fait l'exposition dans le sens qu'on peut faire deux choses en parallèle, ce
qui...
Mettons, nous allons
attaquer notre système de santé et services sociaux pour s'assurer que les personnes
qui souffrent ont accès à des soins, mais en parallèle aussi avoir un programme
qui est bien armé, qui peut bien protéger les personnes vulnérables, mais aussi
leur donner accès à l'aide médicale à mourir avec des balises pour les
protéger. Qu'est-ce que nous devons faire
pour faire les deux? C'est quoi, vos recommandations face à une personne qui
dit, comme j'ai dit, par exemple : Je refuse ce traitement, malgré que
j'ai accès à votre programme, mais je refuse le traitement? Qu'est-ce que nous
devons faire pour bien protéger les professionnels et aussi protéger les
personnes vulnérables?
Mme Cantin
(Lucie) : Je pense que la question même que vous nous posez, là, la
question de fond, me semble-t-il, c'est : Qui va déterminer la souffrance?
Qui va déterminer le niveau de souffrance? Et ce qu'on est en train de dire,
c'est que seul le patient, seule la personne, au fond, peut déterminer son
niveau de souffrance. Mais il ne faut pas demander à des professionnels de la
santé, qui sont là, eux, pour offrir, pour travailler avec le patient à trouver
des solutions, il ne faut pas lui demander à lui de venir donner sa bénédiction
au fait que : Non, monsieur, il n'y a
plus rien à... ou non, madame, il n'y a plus rien à faire avec vous. Il ne
faut pas demander ça à un professionnel de la santé. En tout cas, dans
mon expérience, depuis 40 ans, puis même depuis qu'on entend parler de cet
élargissement de la loi, il n'y a aucun de nos patients qui nous ont parlé de
ça.
Parce qu'il ne faut pas... il ne faut vraiment pas
minimiser ce point qui est que, si on offre des services adéquats, là,
puis par services adéquats, là, on parle vraiment de tenir compte, justement,
de leurs souffrances, mais en travaillant avec
eux, si on leur donne des services adéquats, là, je ne suis pas sûre qu'il
y aurait tant de gens comme ça à demander l'aide à mourir.
Mais la question de fond,
vous avez raison, c'est : Mais qui va déterminer, tu sais, cette
souffrance-là? Quand vous nous la posez, je la retournerais aux législateurs,
justement : Qui va déterminer que son niveau de souffrance psychologique
est tel que c'est... qu'il n'y a plus rien à faire? C'est ça, la vraie
question, mais qu'on ne peut pas demander à des professionnels de la santé qui
travaillent avec eux de décider de ça à leur place.
Mme Maccarone : Selon vous, est-ce
qu'il y a des troubles mentaux ou problèmes de santé mentale qui devraient être
d'emblée considérés comme non admissibles, d'abord? Parce que, selon votre
argument, si on peut offrir des soins puis
s'ils reçoivent des soins, bien, on peut leur aider. Alors, est-ce que, selon
vous, nous devons avoir des exclusions, par exemple? Puis, si oui,
deuxième question liée à ça, c'est : Comment déterminer le consentement
avec des personnes qui souffrent de tels problèmes de santé mentale?
Mme Bergeron (Danielle) : Encore là,
ce sont des bonnes questions. J'ai un peu de difficulté, moi, à vous
entendre... à entendre parler de soins quand il s'agit de donner la...
c'est-à-dire de terminer des soins. Une fois que la personne demande l'aide
médicale à mourir — là,
je vais le prendre dans le champ de la médecine générale — c'est
la fin des soins, ce n'est pas un soin.
• (12 h 20) •
Mme Maccarone : Tout à fait. Je suis
d'accord.
Mme
Bergeron (Danielle) : Je
comprends qu'il faut que quelqu'un s'offre pour faire ce travail
d'accompagnement de la personne à qui on a accordé l'aide médicale à mourir,
mais, si je regarde ça du point de vue de la... parce qu'elle est en souffrance
physique intolérable, bon, mais, si on regarde ça du point de vue de la
psychiatrie, c'est vraiment offrir la fin des soins. On ne peut pas faire ça,
nous, offrir la fin des soins. On doit chercher si, quelque part, ailleurs, il
y a d'autres services. Ça peut être à l'extérieur de notre province, ça peut
être dans un autre pays. Est-ce qu'ailleurs cette personne-là pourrait recevoir
le type de soins qui lui permettraient de reprendre sa vie en main?
Moi, j'ai des exemples comme ça, d'un patient
schizophrène, il y a longtemps, que les parents avaient envoyé en France, dans un service qui s'appelait La Borde. Il était très
malade, ce jeune homme là. Il avait 20, 22 ans. Il est resté là pendant deux ans et puis il a été soigné. Mais,
avant d'y aller, sa vie était bien mal foutue, il n'était vraiment
pas bien.
Donc, c'est parce
qu'il faut se le dire, en psychiatrie, il ne devrait pas y avoir une fin des
soins, parce qu'il y a toujours quelque chose à faire, un angle sous
lequel on pourrait aller solliciter la créativité propre de la personne pour...
aussi pour, avec nous, trouver quelque chose qui va lui redonner la vie.
La
Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci beaucoup, Dre Bergeron. Merci, Mme Cantin,
M. Apollon. Ça a été très instructif, ce matin, notre échange avec vous.
Donc, c'est tout le temps que nous avions.
Nous suspendons les travaux. Et nous... la commission
reprend ses travaux à 13 h 30. Donc, merci à tout le monde.
(Suspension de la séance à 12 h 22)
(Reprise à 13 h 29)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, bon après-midi, tout le monde, et bienvenue à la Commission spéciale sur
l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie.
Avant de commencer officiellement la captation,
je vous demanderais de vous nommer… non, désolée, ce bout-là, on l'a fait. Donc, cet après-midi, nous avons le plaisir
d'accueillir avec nous Me Jean Lambert et Me Antoine Fafard.
Donc, bienvenue, merci d'avoir accepté notre invitation. Et vous avez, comme on
vous a expliqué, vous avez 20 minutes pour faire votre exposé, et, par la
suite, il y aura un échange avec les membres de la commission pour une période
de 40 minutes. Donc, je vous cède la parole. Je ne sais pas qui commence,
mais je vous cède la parole.
Chambre des notaires du Québec
(CNQ)
M. Lambert (Jean) : Alors, Mme la
Présidente, c'est notaire Lambert qui va débuter. Alors, je vous présente
rapidement le notaire qui m'accompagne, Me Antoine Fafard, qui est un
juriste à la Direction des affaires juridiques de la chambre et s'occupe de
recherche et d'affaires législatives.
• (13 h 30) •
Quant à moi, Jean Lambert, alors, très
rapidement, président de la Chambre des notaires de 1984 à l'an 1990. Donc, j'ai participé intensément à tous les
travaux de la réforme du Code civil et, en 1988, j'ai amené cette innovation,
le concept du mandat en prévision de... pardon, de l'inaptitude, donc le mandat
de protection. Et je suis revenu à la chambre
comme président de 2009 à 2014 et j'ai donc encore une fois été impliqué dans
les travaux, d'abord, premièrement, la commission Mourir dans
la dignité, et ensuite les travaux du projet de loi n° 52,
avec Mme Hivon, et j'étais membre aussi de la table interprofessionnelle
du Collège des médecins du Québec.
Alors donc, ça vous donne un petit peu l'idée
pourquoi ces questions... et j'ai aussi un petit point, une parenthèse à faire.
Alors, mon intérêt pour ces questions vient du temps de mes études collégiales,
universitaires, où j'ai été, pendant cinq ans, un aide-infirmier, c'était le
terme de l'époque des préposés aux bénéficiaires, à l'Hôpital Notre-Dame-de-la-Merci, au nord de Montréal, un hôpital, à
l'époque, de 600 lits pour malades chroniques, donc des gens qui venaient
finir leurs jours là. Donc, j'ai été familiarisé, dès mon jeune âge, à ce monde
souffrant dont nous allons parler aujourd'hui.
J'aimerais faire une précision. Plusieurs
d'entre vous savent sans doute que je suis un des 11 commissaires de la
Commission des soins de fin de vie. Alors, en aucun cas, aujourd'hui, je ne
vais parler, à quelque titre que ce soit, au nom de la commission. Je suis
vraiment ici au nom de la Chambre des notaires, puisque j'ai toujours occupé
une fonction importante dans ces questions à la Chambre des notaires, et
notamment j'ai présidé le groupe de travail sur l'aide médicale à mourir qui a
été instauré dans la foulée du jugement Truchon-Gladu. Alors donc, voilà pour
cette précision.
Alors, voici donc, nous allons parler de
personnes souffrantes et de la nécessaire mise à jour de la Loi concernant les
soins de fin de vie. Alors, notre présentation sera quand même assez
concentrée... d'abord, le rôle du notaire, et ensuite les questions de
consentement et de demande anticipée. Et nous terminerons en parlant un petit
peu des DMA, qui, à mon point de vue, sont malheureusement un échec de la loi n° 2.
Alors, tout
d'abord, peut-être rappeler que la chambre a toujours été impliquée dans ces
travaux. Premièrement, dans la commission Mourir dans la dignité, elle a
déposé un mémoire, également, comme j'ai mentionné tantôt, tout le processus
législatif, avec Mme Hivon, là, que je connais et salue, donc le projet de
loi n° 52, et par la suite, évidemment, comme membre
de la commission, évidemment, vous pouvez deviner que je suis resté bien au
fait, et j'ai été désigné par la chambre pour être représentant du notariat à
la commission.
Donc, la chambre a mis sur pied, en 2019, dans
la foulée du jugement, un groupe d'experts qui a produit son rapport sur cette question
de la demande anticipée, du consentement anticipé, qui a remis son rapport un
mois avant le groupe d'experts gouvernemental Maclure-Filion. Et, assez
curieusement, nous sommes arrivés à des conclusions tout à fait... pas
identiques, mais assez semblables.
Alors, je me permets de vous dire, rapidement,
le notaire, qui il est, parce que c'est généralement un professionnel assez peu
connu. On sait qu'il est là, on l'associe maisons, contrats de mariage, mais
c'est à peu près tout. Évidemment,
on ignore que c'est le seul professionnel au Québec qui détient le statut d'officier public, c'est-à-dire qu'il a une parcelle de
l'État, une partie de l'autorité de l'État pour conférer aux documents qu'il
instrumente, donc qu'il rédige pour les
citoyens du Québec, une force juridique, une sécurité inégalée. Donc,
les actes notariés sont rarement, très rarement et difficilement
contestables en raison des devoirs que le notaire doit suivre et respecter, et
tout un formalisme très contraignant, qui fait en sorte que, lorsque, par
exemple, un consentement est donné, bien, il est véritablement, valablement
donné. Et on parlera de ça un peu plus tard.
Donc, le
législateur impose l'acte notarié, par
exemple, pour le contrat de mariage.
Il l'impose pour l'hypothèque. Il l'impose, par exemple, dans le cas
d'une succession, lorsque les droits des mineurs sont impliqués, également pour
la renonciation à une succession, déclaration de copropriété. Bref, on voit des
actes qui sont importants et on comprend que, pour le bien-être d'une personne,
et particulièrement lorsqu'il est question d'aide médicale à mourir et surtout,
comme on parlera tantôt, de demande anticipée, eh bien, on comprend que le
meilleur outil, le meilleur écrit, c'est l'acte notarié.
Je prends une minute ici pour faire une
distinction entre le consentement anticipé et la demande anticipée. Malheureusement,
là, le Code criminel, en bon... en bon résultat de juristes de common law, on
va parler d'une renonciation, alors que, dans le fond, ici, au Québec, notre
culture juridique parle plutôt de l'autonomie d'une personne. Et c'est en vertu
de cette autonomie qu'une personne peut donner un consentement ou le refuser.
Alors, on va se situer, nous, dans cette culture
juridique et parler du consentement anticipé lorsque la mort est à court terme.
Et on voit... on va parler ici des personnes qui sont souffrantes, qui vont
refuser de prendre la médication de peur de perdre la capacité de donner un consentement
terminal. Alors, on pense ici qu'il faut faire droit à cette demande des gens
de pouvoir obtenir ce soin. On parle évidemment ici de court terme, je dirais peut-être
moins d'un mois. Et, à ce moment-là, la personne, en vertu de l'autonomie qu'on
lui reconnaît, elle dit : Bien, j'ai fait une demande, vous m'avez jugé
admissible à l'aide médicale à mourir, voici, je voudrais continuer de prendre
ma médication, je voudrais prolonger ma vie pour donner une chance à mes
proches qui sont à l'extérieur de venir me retrouver, et je ne voudrais pas,
donc, manquer, si vous me permettez, le bateau parce que j'aurai perdu ma
capacité de consentir à la dernière minute, au moment des injections.
Remarquez que c'est une question
d'interprétation. On est quelques juristes qui croyons que l'article 29...
là, on ne voit pas pourquoi l'article 29 n'impose pas qu'il y ait un consentement
répété à la toute fin. Bon, je pense que ça a été l'interprétation de départ
qui a été confortée par C-14, la modification au Code criminel qui a suivi
l'arrêt Carter, mais, en réalité, dans notre loi, on ne le voit pas. Probablement,
cette interprétation vient de cette précaution du médecin de s'assurer que le
demandeur n'a pas retiré sa demande. Mais on pense qu'on peut aménager ça, en
tout cas, du moins, si on ne peut pas l'aménager, qu'on modifie rapidement la
loi.
Pourquoi?
Parce que sur les 7 300 aides médicales à mourir qui ont été
administrées jusqu'à mars 2020, il y en a au moins 30 %... et ça,
c'est très conservateur. Il y a plus que ça, parce que cette préoccupation-là,
on la voit dans tous les rapports que les médecins font après qu'ils ont
administré l'aide médicale à mourir. Mais prenons le chiffre de 30 %. Et
là, là-dessus, on a un chiffre certain, quant à moi, c'est un plancher, mais ça
veut dire 2 110 personnes qui vont refuser de prendre leur médication
pour ne pas perdre leur capacité de consentir à la fin ou vont devancer l'aide
médicale à mourir, le soin, l'administration du soin, et, ce faisant, ne
permettent pas à des proches éloignés de pouvoir arriver à temps. Alors, on
pense que ça, c'est beaucoup de souffrance que l'on peut corriger. Bon.
Alors, on parlera rapidement tantôt de la
modification au Code criminel, qui parle de renonciation par entente
contractuelle, hein? Ça, là, on est dans le monde de la common law, ça ne peut
pas être plus ça. Alors, on pense qu'on peut ici, au Québec, aménager, tout en respectant... parce que,
bien évidemment, il faut respecter le Code criminel, mais on pourrait,
avec un addendum au formulaire de demande actuel, avoir cette formule et
respecter, faire cette entente contractuelle. Puis, bon, on peut comprendre
qu'une entente contractuelle de court terme, on s'assure que le médecin qui
aura contracté, si je puis dire, donc convenu d'administrer, soit encore dans
le paysage, sera actif. Encore là, que... on sait qu'il y a toujours un risque
puis on se pose bien des questions là-dessus, mais on pourrait au moins
aménager ça. On pense que, dans la plupart des cas, on pourra au moins
satisfaire ce besoin des gens, qui est un besoin très, très, très réel.
• (13 h 40) •
Alors, maintenant, au niveau de la demande
anticipée, malheureusement, l'amendement de Mme Wallin, sénatrice, n'a pas été retenu, la demande que la
chambre a faite, parce qu'on a participé aussi souvent aux travaux de C‑7,
et ça n'a pas été retenu. On a dit : Bien, on y verra plus tard.
Malheureusement, plus tard, au fédéral, on a vu ce que ça donne, c'est beaucoup de temps, hein, on l'a vue,
là, demande de prolongation au tribunal, une fois, deux fois, trois
fois. Écoutez, là, pendant que les gens souffrent, pendant que les gens sont
pris avec cette préoccupation-là, ils viennent de recevoir un diagnostic de
problème de maladie affectant leur neurocognitif d'une façon grave, incurable,
on sait qu'on est sur une trajectoire qui est bien connue, là... On va parler,
par exemple, du cas de Mme Demontigny, avec l'alzheimer. Elle voudrait, Mme Demontigny, pouvoir coucher sur
papier sa demande. Alors, la Chambre
des notaires demande, effectivement, qu'on fasse droit à ça. Bon,
actuellement, ce n'est pas permis au niveau du Code criminel. Est-ce qu'on peut
essayer d'aménager quelque chose à partir des critères de
l'article 241.2(3), etc., du Code criminel pour fonctionner à l'intérieur
de ce délai de maladie naturelle... mort naturelle raisonnablement prévisible?
Là-dessus, évidemment, je trahis un petit peu le
fait que je suis un des commissaires de la Commission des soins de fin de vie.
La commission a fait une analyse très poussée du délai entre la demande et
l'administration de ce soin, et, dans 98 % des cas, c'est un an ou moins,
puis 1 % ou 2 %, allé à 18 mois. Donc, on pourrait, comme la commission
l'a suggéré, regarder cette période temporelle comme étant une période où on
pourrait aménager ce consentement anticipé, qu'on pourrait appeler «demande
anticipée», et je vais vous dire pourquoi à l'instant, et ainsi satisfaire au Code
criminel. Alors, on serait dans une période, donc, de mort naturelle
raisonnablement prévisible.
On pourrait l'aménager en satisfaisant, évidemment,
à la demande du Code criminel que ce soit une entente contractuelle, malheureusement,
mais qu'on pourrait évidemment aménager de façon à, par exemple, s'assurer que
le demandeur a eu toute l'information, divulguera, comme on l'a proposé, nous,
dans la demande, que cette personne-là a consulté et qu'on mentionne ces
consultations, l'existence de ces consultations à l'acte, qu'on détermine
également les critères et les conditions, les circonstances dans lesquelles la
personne voudra que le soin lui soit administré, ce qu'on appelle, nous, «le moment venu». Alors donc, toujours dans le
respect du Code criminel, on peut aller plus loin avec... en aménageant.
Et, de plus,
comme le conseil canadien des académies, qui a fait un travail formidable
sur toutes ces questions-là, alors, particulièrement, le conseil
suggérait fortement qu'un tiers de confiance soit impliqué dans le processus,
et c'est aussi la position de la chambre. Alors donc, dans le document qui
serait confectionné, on demande toujours qu'il soit obligatoirement notarié,
pour des raisons que j'expliquerai tantôt, que ce document, effectivement,
s'assure que tous ces points-là soient
mentionnés. D'abord, c'est le rôle du notaire de s'assurer, hein, que
la personne sait très bien ce qu'elle fait. Le seul fait qu'on exige un acte
notarié, c'est déjà une première mesure de sauvegarde très importante.
Deuxièmement, le notaire a un devoir de conseil
qui est très directif dans les obligations professionnelles du notaire, et c'est d'ailleurs à peu près
le seul élément qui, souvent, revient dans les problèmes de déontologie, où le notaire, quelques notaires, parfois, en prennent un peu large avec
le devoir de conseil. Donc, le devoir de conseil est crucial ici.
Et on va même
plus loin, un peu comme pour les procédures devant notaire pour mettre à
exécution un mandat de protection ou
encore d'ouvrir un régime de protection, les notaires qui seront appelés à
recevoir ces demandes devront avoir suivi une formation particulière,
particulièrement concernant les éléments médicaux impliqués, de sorte que le
notaire qui aura suivi ça aura une accréditation. Donc, pour la protection du
public, on voit... on va plus loin et on veut s'assurer que le notaire qui
recevra ces demandes saura de quoi il s'agit, saura comprendre le diagnostic,
saura comprendre... sera capable de discuter avec les professionnels de la
santé de la personne pour bien la conseiller.
Le notaire, c'est un spécialiste du
consentement, hein? Je vous disais tantôt que c'est très rare qu'un acte
notarié est contesté. Pourquoi? Parce que le notaire a développé, évidemment,
au cours, je dirais, presque des siècles, puisque la profession est plus que
millénaire, donc, les outils pour être capable de s'assurer qu'un consentement
est valablement donné puis il est donné d'une façon éclairée. Alors, je vous
disais tantôt que, dans l'acte, on propose qu'effectivement les démarches d'information
de la personne soient bien mentionnées d'une façon très claire, identifier ses
sources d'information, au besoin, même, d'avoir un échange avec le médecin de
la personne.
L'autre grande qualité de l'acte notarié, c'est
la précision de sa rédaction. Le conseil canadien des académies mentionne
qu'effectivement, pour le personnel soignant, pour le professionnel qui sera
appelé à administrer l'aide médicale à mourir, il a besoin d'être rassuré quant
à la détermination, la volonté, l'expression de la volonté de la personne,
également des circonstances et conditions dans lesquelles devra se produire
l'administration de l'aide médicale à mourir, ce qu'on appelle «le moment
venu». Alors donc, la rédaction précise est absolument primordiale.
Alors donc, encore une fois, on pense que le
notaire est, là-dessus... a prouvé depuis bien longtemps qu'il était un expert
dans la rédaction des documents juridiques. Alors donc, le notaire prendra
soin, effectivement, de faire un... dresser un état de situation de la personne
et s'assurer des conditions. Par exemple, la personne pourrait dire :
Lorsque je ne reconnais plus mes proches, quand elle ignorera son état,
ignorera même son identité, qu'elle ne sera plus capable de voir à ses
activités domestiques, aux activités de la vie quotidienne... Bref, cette
description viendra conforter le soignant qui sera appelé à administrer l'aide
médicale à mourir.
On ajoute, nous, la
présence d'un tiers de confiance, j'en ai parlé tantôt. Pourquoi? Bien,
d'abord, c'est une façon de partager un peu le fardeau de cette décision qui
sera difficile, parce qu'on sera appelé à l'appliquer peut-être un an ou deux... Là, actuellement, on essaie de
demeurer dans le cadre d'une mort raisonnablement prévisible, mais on
espère que le gouvernement du Québec fera des représentations au niveau de ses
homologues fédéraux, le ministère de la Justice fédéral pour justement
modifier, mais, dans l'instant, travaillons dans le cadre qui nous est donné.
Alors donc, d'avoir ce tiers de confiance qui sera un proche, qui aura
accompagné pendant toute cette période entre la signature de l'acte et le
moment venu pour conforter l'équipe soignante, pour dire : Oui, cette
personne n'a jamais retiré cette volonté qu'elle a exprimée, elle a toujours
dit : Écoute, quand je ne serai plus là dans ma tête, là, vas-y, et je te
demande de voir à ce que ça soit fait.
Il faut comprendre que ce n'est pas le tiers qui
prend la décision, en bout de ligne, c'est le professionnel de la santé. Ici,
au Québec, c'est le médecin, mais on comprend que ce tiers sera celui qui
allumera, en quelque sorte, la mèche pour dire au personnel soignant, au
médecin : Bien, voici, le moment est venu, quant à nous, vous êtes à même
de constater que les conditions, les circonstances que le demandeur a faites
sont bien présentes.
Alors, je pense qu'encore une fois la présence
de ce tiers est un élément très important. Et ce tiers, pour éviter qu'il se
décharge un peu, en disant : Savez-vous, moi, je ne savais pas ce que
c'était, quand j'ai accepté ça, on va demander qu'il ait fait... qu'il ait eu
une rencontre, une consultation psychosociale pour qu'il comprenne ce que ça va
impliquer pour lui émotivement, à un moment donné, de dire : Vous savez,
médecin, je pense que c'est le temps qu'on respecte puis on mette à exécution
les volontés. Alors, il y a toujours une charge émotive importante, et donc on
aura soin, donc, de s'assurer que le tiers aura fait cette consultation et
qu'il viendra s'engager à voir au respect de cette volonté dans l'acte ou dans
un acte subséquent, s'il n'est pas disponible au moment de la signature de
l'acte par le demandeur.
Alors, voilà pour la demande. Rapidement, je
termine avec les directives médicales anticipées. Je ne l'ai pas mentionné
tantôt, mais j'étais un des membres du groupe de travail ministériel qui a
défini le fameux formulaire. Alors, on a travaillé avec la connaissance qu'on
avait à l'époque, mais aujourd'hui plusieurs estiment qu'on devrait l'élargir.
En tout cas, on peut constater que c'est presque un échec monumental, après
plus de cinq ans, qu'il y ait à peu près 60 000 inscriptions au registre
de la Régie de l'assurance maladie du Québec. On comprend, là, que ça n'a pas
levé. Et il y a des secteurs, d'ailleurs, comme, par exemple, dans la région
métropolitaine de Montréal, ça ne lève pas fort non plus. Alors, il y a
probablement des problèmes de culture pour les communautés ethnoculturelles,
etc., donc il y a un travail à faire. Et malheureusement, à l'époque, le
gouvernement devait allouer certaines ressources financières pour faire
connaître, parce que dans le projet de loi n° 2 ou n° 52, c'est la
seule mesure qui touche vraiment tout le monde, qui touche tous les citoyens.
On leur dit : Planifiez vos soins, ce que vous voulez faire, qu'on vous
fasse, qu'on prenne soin de vous, qu'on... les soins que vous ne voulez pas
avoir, que vous refusez, et on donne une valeur contraignante à ça. Alors,
j'imagine, tantôt, dans la discussion, on aura à savoir est-ce qu'on est
contraignants ou pas pour la demande, là. Alors, ça, je laisse ça à notre
discussion tantôt.
Ce qui est certain, c'est qu'il faut, Mme la
Présidente, il faut qu'on revienne sur cette question des DMA pour qu'on puisse
vraiment en faire un outil abordable et qui soit, dans le fond, non pas dans un
registre de la RAMQ mais dans le DSQ, donc le Dossier de santé du Québec.
Merci.
• (13 h 50) •
La
Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Merci beaucoup, Me Lambert. Je céderais la parole à la
députée de Joliette.
Mme
Hivon : Oui. Bonjour, Me Lambert, heureuse de vous
voir, Me Fafard. Donc, j'ai un gros cinq minutes, on va y aller
rondement. Effectivement, pour les DMA, je suis bien d'accord avec vous, donc,
ce n'est pas au coeur de notre mandat. On pourrait en jaser longtemps, mais
autant sur le formulaire qui devrait être revu et repensé que sur l'importance
de faire connaître ce mécanisme-là pour les refus de traitement, c'est vraiment
essentiel, selon moi, et je partage complètement vos conclusions, mais ce sera
pour un autre débat.
Aujourd'hui, c'est ça, je veux vraiment vous
entendre, je pense que c'est très intéressant ce que vous nous dites. Comment s'assurer... Je voulais vous amener
vraiment sur la question de la demande anticipée, là,
potentiellement, pour l'aide médicale à mourir. Donc, on a entendu plusieurs
experts avant qui nous ont dit : Il faudrait un diagnostic, un peu comme
le groupe, donc, Maclure-Filion, là, d'experts le recommande, et il faudrait
vraiment impliquer un médecin pour que quelqu'un vienne préciser avec le plus
de détails possible ce qu'il entrevoit pour la suite. Vous allez dans le même
sens en nous disant : Il faut vraiment que ce soit détaillé.
Moi, je veux juste comprendre. Pour moi, il y a
comme un trio, là, c'est-à-dire, si un notaire joue un rôle dans tout ça, évidemment,
ce n'est pas lui qui a la science médicale. Ça fait que, là, vous nous dites aujourd'hui :
Ça serait des notaires spécifiques qui pourraient avoir une accréditation, mais
ça ne leur donne pas nécessairement leur cours de médecine, on se comprend.
M. Lambert (Jean) : Tout à fait.
Mme
Hivon : Donc, dans
votre compréhension, comment on articule ce travail-là, je dirais, avec le
médecin, là, très concrètement, là? Parce que je veux comprendre aussi comment
vous le voyez. Là, vous nous avez dit : On pourrait consulter un médecin
au besoin. Mais les gens nous disent souvent, les experts médicaux nous
disent : Il faut vraiment connaître le détail de la maladie, là, pour être
capable de bien guider la personne. Donc, comment on articule ça?
M.
Lambert (Jean) : En fait, ce qu'on... on l'a mentionné, mais, encore
une fois, comme je vous dis, on est perfectibles dans notre proposition. Ce
qu'on veut, c'est qu'il y ait eu vraiment une connaissance poussée, fine du
diagnostic et aussi des conséquences de la pathologie, que le demandeur, donc,
ait eu cette consultation.
Est-ce que le notaire
a besoin d'être là et présent? Je n'ai rien contre le fait qu'un médecin
soit... accompagne son patient ou sa patiente au moment de la signature de
l'acte de demande d'administration de l'aide médicale par anticipation, mais je
ne crois pas que les médecins se rendent facilement disponibles, parce qu'ils
sont déjà débordés. Alors, un peu comme nous le faisons pour les DMA pour
l'acte notarié, contrairement au formulaire du ministère, là, du ministre,
prescrit par le ministre, nous, le notaire doit d'abord, avant de procéder à la
signature de ces DMA, il doit avoir une conversation, un échange sérieux avec
son client, lui demander de consulter des sources, de consulter des
professionnels de la santé avant de dire : Je refuse la dialyse, ou je
refuse d'être réanimé, ou... bon, voilà. Et, lorsque nous recevons l'acte, ces
démarches-là spécifiques doivent être énoncées à l'acte, on veut être certain
que ça a été fait, et la personne, donc, nous le donne.
Si c'est... on n'a
pas ça et que la personne, qui sait, n'est pas elle-même une professionnelle de
la santé, bien, le notaire refuse, il ne va pas plus loin. Donc, déjà là, c'est
une mesure, je pense, de sauvegarde intéressante. Donc, on applique le même
principe, à la demande d'aide médicale par anticipation, que la personne ait
reçu vraiment toute l'information. On peut même demander au médecin, comme ça
arrive des fois dans le cas des ouvertures de régime de protection, que le
médecin nous fasse rapport dans une lettre, nous dire quelle... de quelle
pathologie il s'agit et quelles sont les conséquences. Et ça, ça pourrait être
annexé à notre acte.
Donc, on voit ici
que, contrairement à toute autre forme où ça peut se faire sur le coin d'une
table ou rapidement par du monde qui sont pressés, nous, on dit : Un
instant, c'est extrêmement important, c'est un acte très sérieux, et on va
prendre le temps, il y a des démarches préalables. On ne fera pas ça à la
sauvette, évidemment, après qu'il y aura un diagnostic. Est-ce qu'on parle d'un
90 jours? Je pense que ça ne dérange pas grand monde, là, ce délai-là de
90 jours n'est pas pertinent, je pense, dans notre affaire. Mais, lorsque
la demande sera faite, il y aura eu des démarches, et la personne, comme
Mme Demontigny, aura une très bonne connaissance de quoi il s'agit. Et le
notaire aura aussi, par sa formation, comme on l'a fait, par exemple, pour les
régimes de protection...
Moi, j'avais dit à
l'époque que les notaires, arriver auprès d'une personne vulnérable qui est en
institution et qui, des fois, on lui demande : Comment allez-vous?, qui
nous répond : La planète Mars est verte, on comprend que ce n'est pas
habituel comme situation. Alors, moi, pour l'avoir vécu dans ma pratique,
c'est... j'avais souhaité que la chambre et le ministère imposent cette
condition, et ça a été le cas. Et, pendant deux jours, les notaires qui sont
accrédités ont reçu une formation d'un psychiatre. Et ils n'ont pas fait des
psychiatres, bien sûr, mais au moins le notaire est outillé pour comprendre,
pour avoir... être capable de comprendre ce que le travailleur social met dans
son rapport d'évaluation psychosociale, est capable de comprendre le diagnostic
que le médecin lui transmet dans sa lettre qui est requise par la loi. Alors,
on applique le même principe pour que le notaire sache de quoi il en retourne.
Et on veut que ce
soient des notaires aussi qui vont avoir le goût de s'impliquer dans ce genre
d'affaires là. Ce n'est pas tout le monde, là, qui est prêt. Il y en a qui sont
très mal à l'aise parmi les notaires, comme toute autre personne dans la société,
avec ces sujets-là. Mais ceux qui auront l'accréditation, c'est parce qu'ils
auront le goût, ils auront également
l'intention de se perfectionner, de savoir, de se tenir au courant de ce qui se
passe dans ce domaine-là.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Merci beaucoup, Mme la députée. Merci, Me Lambert.
Je céderais maintenant la parole à la députée de Saint-François.
Mme
Hébert :
Merci beaucoup, Mme la Présidente. M. Lambert, juste pour revenir, là, sur
la réponse que vous avez donnée à ma collègue la députée de Joliette, je veux
juste être sûre, vous avez besoin d'une preuve écrite que la personne a fait
ses démarches quand qu'elle va rédiger...
M. Lambert
(Jean) : Bien oui, parce que la... c'est le meilleur moyen, parce que quelqu'un
peut arriver, nous dire : Oui, oui, notaire, je l'ai fait, ça. Bon, on a
vu ça dans d'autres circonstances aussi, et on exige d'avoir un écrit, on l'exige pour plein de choses. Par exemple, quelqu'un qui se présente pour dire : Je représente
une entité, un club, une société, une entreprise, bien, on demande
d'avoir des documents, prouvez-nous que vous avez cette autorité.
Alors, par contre,
là, il arrive parfois, par exemple, lorsqu'on nous demande d'intervenir auprès
de personnes qui sont très malades pour recevoir leurs dernières volontés, et
là on va demander que le médecin traitant, le médecin qui suit cette personne-là
nous certifie que, d'après lui, cette personne-là a encore la maîtrise de ses
neurones, qu'elle comprend, qu'elle a encore une capacité. Ça n'empêche pas le
notaire que la journée, comme ça m'est déjà arrivé, où j'ai rencontré la personne,
elle ne savait même pas ce que j'étais venu faire dans sa chambre. Alors, je n'ai
pas besoin de vous dire qu'on n'a rien signé.
Alors donc, d'avoir
un écrit, bien sûr que ça fait... on le demande dans toute autre question
d'ordre patrimonial, à plus forte raison lorsqu'il s'agit de la santé et
surtout de la mort d'une personne.
• (14 heures) •
Mme
Hébert :
Parfait, merci. Puis je vous amène... Vous demandez d'imposer l'acte notarié
pour faire une demande anticipée d'aide médicale à mourir, mais pensez-vous que
ça va ajouter un fardeau aux patients qui doivent passer à travers tout ce qui
est les complications bureaucratiques, techniques par rapport à ces
conditions-là? Puis je me questionne à savoir, les coûts, est-ce qu'on ne va
pas restreindre à une certaine clientèle?
M. Lambert (Jean) : Bon, alors, premièrement,
pour la lourdeur, je ne crois pas qu'il y ait de lourdeur, hein? On comprend...
Prenons le cas de Mme Demontigny, parce je pense qu'il est très utile.
Alors, je suis certain que Mme Demontigny, si on lui
dit : Votre notaire peut recevoir votre demande, alors il va vous
expliquer tout ce que vous avez à faire, et, lorsque ça sera fait, vous allez
revenir le voir, et là on va consigner dans un acte, et ça va vous permettre
d'atteindre l'objectif que vous voulez... Alors, moi, je ne vois pas de
lourdeur là-dedans. De toute façon, il devra y avoir un écrit quelconque.
Alors, prenons... au Québec, on a cette richesse
d'avoir un écrit qui est incomparable au Canada. Il n'y a pas d'autre écrit qui
a cette force juridique, de sécurité juridique, que l'acte notarié qui... soit
dit en passant, les notaires est la seule véritable particularité du Québec. On
parle français ailleurs au Canada, il y a des sapins, des lacs, mais des
notaires, il y en a seulement qu'au Québec. Alors donc, utilisons cet outil-là.
Maintenant, la question des coûts, d'abord, premièrement,
on ne parle pas de milliers de dollars, on parle de sommes quand même relativement
raisonnables par rapport à l'objectif visé. Deuxièmement, les personnes qui
n'auraient pas les moyens pourront se prévaloir, je pense bien, de l'aide
juridique. Il faudrait aménager cette... la loi d'aide... (panne de son).
La Présidente (Mme Guillemette) : On
va suspendre quelques instants. On a un petit pépin technique.
(Suspension de la séance à 14 h 02)
(Reprise à 14 h 03)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Vous pouvez continuer, Me Lambert.
M. Lambert (Jean) : Alors donc, je
mentionnais, au moment où la technique nous a quittés, que l'aide juridique
pourrait, à ce moment-là, être mise à contribution. On ne parle pas, quand
même, de dizaines de milliers de personnes, là.
Maintenant, l'État pourrait aussi décider que
c'est un intrant au même titre, par exemple, que les coûts du pharmacien ou
d'autres professionnels qui sont... qui entourent l'aide médicale à mourir.
Alors, ça, je pense qu'on pourra discuter ça, mais je ne crois pas que les
coûts soient un élément qui prive la sécurité que peut apporter l'acte notarié
dans la demande d'aide médicale à mourir par anticipation, alors que c'est la
sécurité et conforter plein de personnes, y compris, c'est très important,
le personnel médical qui aura à respecter et avoir à administrer le soin,
conformément à la volonté de la personne.
Mme
Hébert : Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée. Donc, je passerais la parole à la députée de Soulanges.
Mme
Picard : Bonjour, Me Lambert. Vous recommandez d'avoir un tiers
qui, au moment précis, peut déterminer que le soin pourrait être
prodigué. Qu'arriverait-il si ce tiers, cette tierce personne là, décide
d'ajourner ad nauseam le moment de l'aide médicale à mourir? Est-ce que vous,
vous pourriez être mis à contribution? Est-ce que vous seriez interpelé ou...
Comment vous voyez cette situation-là?
M. Lambert (Jean) : Bon,
premièrement, en titre préventif, on demande que, justement, le tiers de
confiance ait consulté une ressource psychosociale pour savoir exactement à
quoi il s'engage. Deuxièmement, lorsqu'il va s'engager
à respecter les volontés de la personne qui lui demande d'être son tiers de
confiance, d'abord, premièrement, c'est certainement un proche, une
personne qui a un intérêt très particulier pour cette personne qui lui demande
de lui rendre ce service. Alors, déjà là, c'est un peu comme...
Par exemple, au départ, on croyait beaucoup
qu'il y aurait des familles qui se seraient opposées aux demandes d'aide
médicale à mourir. Or, ce qu'on voit dans les formulaires des médecins, qu'ils
nous envoient à la commission, c'est... au contraire, c'est l'appui de la
famille. Alors, on avait cette appréhension-là au départ, puis c'était
compréhensible, mais maintenant, cinq ans plus tard, on s'aperçoit que ces
craintes n'étaient pas fondées.
Je reviens toujours à votre question. Dans
l'hypothèse, tout de même, où un tiers de confiance déciderait de ne pas suivre
les instructions et la volonté de la personne, bien, d'abord, un, il y a des
proches qui sont au courant, parce qu'on va demander à la personne, et ça, ça
fait partie des déclarations qui devront être à l'acte, qu'elle a bien informée
son entourage de cette demande. Il reste aussi le médecin, parce qu'actuellement
on comprend qu'on sera à l'intérieur des balises du Code criminel, donc ça sera
un médecin qui sera identifié, hein? On parle de notre demande dans le cadre des 18 mois, là. Alors donc, le
médecin ou le médecin et un substitut... parce qu'on proposera qu'il y
ait également un substitut pour essayer d'éviter la difficulté du médecin qui
est malade la journée où il doit s'exécuter, alors donc, on aurait un
substitut... alors donc, déjà là, des gens qui pourront intervenir et, au
besoin, de s'adresser au tribunal. On comprend qu'on sera dans de rares cas
d'exception, de s'adresser au tribunal, justement, pour que le médecin puisse
procéder.
Mais, encore
là, et ça reste à étudier, allons-nous avoir besoin de ce recours au tribunal?
Parce que, comprenons-nous bien, le tiers de confiance est un rouage
très important, mais il n'est pas l'essentiel, le rouage essentiel. En bout de ligne, c'est le médecin et, si jamais on
élargit, l'infirmier et l'infirmière clinicienne. La décision, elle leur
appartient. Alors donc, le tiers de confiance qui
n'exécute pas son engagement n'empêche pas la réalisation des volontés de la
personne. Mais on comprend encore qu'on sera dans de très rares cas.
Mme
Picard : Dans le cas d'un
mandat d'inaptitude que vous faites en ce moment, là, avec vos personnes
qui viennent à vos bureaux, est-ce qu'il y a une tierce personne aussi qui est
impliquée dans votre mandat d'inaptitude?
M. Lambert (Jean) : C'est le
mandataire et, souvent, le mandataire et un mandataire substitut, alors... et
c'est toujours un proche ou une personne qui a manifesté, pendant de longues
années, un intérêt pour le majeur qui fait
son mandat, parce qu'il arrive quand
même des cas où le mandant n'a pas de
proche, de famille, des gens qui, par exemple, sont des immigrants ici
et qui n'ont pas de famille proche. Alors, on comprend que, pour être mandataire,
ça se passe assez difficilement, si la personne est en Afrique ou en Europe,
alors que la personne est ici et a besoin de soins, par exemple, de décisions
médicales.
Mme Picard : Donc, vous voulez vraiment
qu'on se colle au mandat d'inaptitude en ce moment, là, un petit peu la même
formule.
M. Lambert (Jean) : Bien, ça a
prouvé que ça fonctionnait depuis... Regardez, c'est entré en vigueur le
2 avril 1990, puis je ne pense pas qu'il y ait eu de drame. Et la
procédure devant notaire qui a été adoptée par le législateur en 2002, qui est
entrée en vigueur, là non plus, le ciel n'est pas tombé sur la tête de
personne. Et là on évite le tribunal aux gens. Tout se passe dans notre bureau,
c'est le notaire qui va interroger la personne plutôt que ça soit un greffier,
une personne qui est généralement inconnue de la personne en cause, de la
mandante.
Alors donc,
la formule a bien fonctionné. Elle a même été adoptée ailleurs, en France, qui
nous a copié... qui nous ont copiés
là-dessus. Alors, je pense que c'est... on doit, à ce moment-là, effectivement,
faire hommage à ce précédent.
• (14 h 10) •
Mme Picard : Merci beaucoup.
La
Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée. Je céderais maintenant la parole au député de Mégantic.
M. Jacques : Oui, bonjour, maître.
Je veux revenir encore sur le mandat d'inaptitude, là. Vous avez parlé de
Mme Demontigny, entre autres, qui pourrait faire, dans le fond, dans un
genre de mandat, une demande anticipée. Pour vous... Ce n'est pas comme ça que
vous l'avez dit?
M. Lambert (Jean) : Non, c'est un
acte à part.
M. Jacques : Un acte à part?
M. Lambert (Jean) : Oui, oui, oui.
Je pense qu'actuellement notre loi est claire, on ne peut même pas le faire
dans des DMA, c'est un acte qui... la demande d'aide médicale à mourir, c'est
un acte distinct, et je pense qu'il est bon que ça demeure. Je sais qu'il y en
a qui voudraient inclure ça dans des DMA. Bon, on peut toujours voir, mais je
pense que les DMA devraient demeurer ce qu'ils sont, en les élargissant, et que
la demande médicale à mourir par anticipation...
Il faut comprendre, là, on s'en vient dans un
contexte qui est très particulier, hein? C'est une volonté qui va s'exécuter...
bon, actuellement, on parle d'à peu près deux ans ou 18 mois. On
espère qu'un jour ça pourra être un peu plus large pour, par exemple, faire
droit à une demande comme celle de Mme Demontigny. Mais actuellement,
donc, vu la spécificité, le caractère tout à fait particulier, je pense que,
pour ceux qui auront à exécuter, ils n'ont pas à se mêler de savoir que la
personne va aussi faire les affaires bancaires, qu'elle pourra vendre le
chalet, qu'elle pourra aller ouvrir le
coffret de sûreté. Je pense que non, on n'a pas besoin de mêler ces choses-là. Il
faut que ça soit un document distinct, solennel et par une personne, un
notaire accrédité, ce qui n'est pas le cas pour le mandat de protection.
M.
Jacques : O.K., bon, je continue là-dessus. Moi, personnellement,
O.K., je ne suis pas malade aujourd'hui. J'aimerais faire... Bon, là,
vous dites que ce n'est pas un mandat, là. J'aimerais faire une demande d'aide
médicale à mourir dans le cas particulier que j'aurais une maladie ou un
accident cérébral vasculaire qui ne me permettrait plus de rien faire. Comment
vous voyez ça? Est-ce que ce serait possible? Est-ce que c'est une idée qui
pourrait être avancée? Est-ce qu'on pourrait avancer dans tout ça, ou vous
pensez que ce n'est vraiment pas là qu'il faut aller?
M. Lambert (Jean) : Bon, actuellement,
évidemment, puis là j'aime toujours ça donner ça d'une façon colorée, ce
n'est pas en jouant aux cartes le samedi soir puis dire : Aïe! écoute, là,
t'as-tu fait ta demande anticipée? Non, non. Je pense que, justement, le sujet
est tellement particulier et précis qu'il doit être balisé. Et la première
balise, c'est que la personne doit avoir reçu un diagnostic, et un diagnostic
d'une maladie qui affecte son cognitif, une maladie grave, une maladie
irréversible, incurable, et qui reçoit toute l'information relative à cette
pathologie et ses conséquences. Et c'est à ce moment-là qu'on ouvre la
possibilité à cette personne de faire la demande.
Je sais que bien des gens trouvent que c'est
chinois, probablement parce que l'acceptation sociale de l'aide médicale à
mourir a été surprenante au Québec, mais il demeure que quelqu'un met fin à la
vie d'un autre. Alors, il ne faut jamais oublier qu'en arrière-plan, là, c'est toujours là, là.
Et, si on ne respecte pas un cadre formel, solennel, on se retrouve à tuer
une personne. On devient, comment dirais-je, un client du Code criminel. Je ne
pense pas qu'il n'y ait personne qui est intéressé à ça.
M. Jacques : Oui, bien, je comprends
votre position, là. Par contre...
M. Lambert
(Jean) : Ce n'est pas juste
la mienne, si vous me permettez. Entre autres, le conseil canadien des académies et nous aussi, à notre groupe d'experts
de la chambre, on a discuté de cette question-là et on a vu qu'il y
avait beaucoup de difficultés. Peut-être que, dans quelques années,
M. François, on y viendra, mais, pour le moment, déjà, de permettre à
Mme Demontigny de faire cette démarche, là, ça va être déjà un progrès
énorme.
M. Jacques : Oui, parfait. Bien, je
ne sais pas si... je pense qu'il y a d'autres collègues qui voulaient parler,
là. Je vais les laisser...
La
Présidente (Mme Guillemette) :
Oui, effectivement. On continue nos échanges avec la députée
de Maurice-Richard.
Mme Montpetit : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, maître. Très heureuse de vous entendre, de vous rencontrer aujourd'hui. Très clair, votre mémoire
est limpide, comme on pourrait mentionner. J'ai plusieurs questions, en fait, qui ont été... qui me sont venues à
l'esprit, en fait, en vous écoutant aussi, dans les échanges que vous avez eus
avec mes collègues, entre autres sur la question de la tierce personne, du
tiers de confiance, comme vous l'avez appelé, tiers décideur ou... plusieurs,
plusieurs questions à cet effet-là. Puis vous me ferez la différence entre le
tiers décideur et le tiers de confiance. Je vous vois hocher de la tête.
Premièrement, il y a certaines personnes qui
peuvent se retrouver dans des situations, justement, où... puis là je sais que
vous avez mentionné, bon, des personnes qui pourraient être isolées, qui n'ont
pas ce tiers de confiance là ou qui pourraient se retrouver dans une situation
où les gens qui sont autour d'elles ne sont pas à l'aise de jouer ce rôle-là.
Je comprends bien que vous recommandez que c'est souhaitable qu'il y ait cette
tierce personne là dans la relation, mais que ce n'est pas obligatoire, parce
qu'il y a des situations où ça pourrait ne pas être possible ou ça pourrait
amener un fardeau supplémentaire à la personne, là.
M. Lambert (Jean) : Effectivement,
il peut arriver qu'une personne qui formule cette demande n'a pas de proche,
n'a pas de personne qui lui manifeste un intérêt. Alors, est-ce qu'à ce
moment-là on devrait demander au Curateur public d'être le tiers? Je ne suis
pas certain. En tout cas, actuellement, dans sa loi, il ne pourrait pas
accepter ce mandat. C'est pourquoi qu'on dit que la présence d'un tiers, très
souhaitable, n'est pas essentielle.
Deuxièmement, ce n'est pas le tiers qui décide.
C'est pour ça que j'ai hoché de la tête, là, ce n'est pas un tiers décideur. Je
donne l'image de dire : Il allume la mèche, c'est-à-dire que lui, il suit,
hein? On dit : On souhaite que ce soit une personne qui soit dans une
certaine intimité avec la personne qui a demandé l'aide médicale par anticipation,
donc qui suit, qui lui parle régulièrement, etc., et qui, à un moment donné, va
dire au personnel soignant et, disons, au médecin de la personne : Je
pense qu'on est arrivés au moment venu. Vous êtes à même de voir qu'elle ne
reconnaît plus personne, elle n'est plus capable de s'alimenter elle-même, elle
ignore tout à fait qui elle est, ne connaît pas son état, pas capable de
pourvoir à ses besoins sanitaires, etc., alors... mais c'est, en définitive, le
professionnel de la santé qui va confirmer si, effectivement, ces
circonstances, ces conditions-là sont présentes, et c'est celui qui va
administrer, qui, en définitive, prend la décision.
Alors, le tiers est là, dans le fond, pour
partager, parce qu'on reconnaît que, pour une seule personne, médecin ou
infirmière ou infirmier clinicien, de prendre cette décision, c'est une
décision qui est lourde, et c'est une décision qui sera plus facile à prendre
pour ce professionnel de la santé si une personne proche de la personne à qui
on veut lui administrer pour respecter ses volontés qui... puisse lui
dire : Non, elle n'a pas varié, elle a toujours maintenu, tant qu'elle
était assez lucide, elle m'a toujours dit : Là, n'oublie pas, là, quand ça
va être le temps, là, je veux que tu leur dises, là, qu'ils passent à l'action.
Mme
Montpetit : Puis dans cette... je ne sais pas si on peut l'appeler une
triade : notaire, proche et professionnel, comment on peut... Parce
que j'imagine qu'on peut supposer qu'il pourrait y avoir des situations,
justement, où le point de vue ou l'évaluation du tiers de confiance n'est pas
nécessairement la même que celle du professionnel de la santé, là. Je sais, on
a échangé tout à l'heure sur qu'est-ce qui arrive si un tiers ne souhaitait
pas, justement, ou, en tout cas, reportait la décision. Je pense vous avez été
bien clair là-dessus. Mais comment l'arbitrage se fait, ou comment on
réconcilie, justement, une évaluation qui ne serait pas la même?
Parce que
vous avez cité à plusieurs reprises Mme Demontigny. Puis vous avez
sûrement eu l'occasion, peut-être, d'entendre son témoignage quand elle
est venue jeudi dernier. Puis elle nous parlait vraiment, elle, de sa relation
avec son tiers de confiance, qui est une amie qu'elle connaît depuis
20 ans. Puis elle a dit : Elle me connaît, yeux dans les yeux, même
quand je ne serai plus apte, elle sera capable, elle, par la proximité qu'on a,
d'indiquer le moment où... le moment venu,
comme vous l'appelez, les circonstances dans lesquelles elle souhaite... Et,
si, dans une situation comme ça, justement, le professionnel n'avait pas
la même lecture, est-ce que c'est au niveau, justement... c'est le notaire
qui... Comment vous voyez ça, en fait, une situation comme ceci?
• (14 h 20) •
M. Lambert
(Jean) : Rendu à ce moment-là, le notaire n'a pas de rôle à jouer, là.
Lui, là, ce qu'il avait à faire, c'est, si je peux dire, mettre la table et
s'assurer que tous les éléments pour que... lorsque le temps venu sera
effectivement arrivé, à ce moment-là, que les gens qui auront à agir et prendre
les décisions seront outillés pour le faire. Donc, pour le cas de situations
que vous mentionnez, Mme Montpetit, il reste que c'est le professionnel,
en bout de ligne, qui doit poser ce geste professionnel et prendre la décision.
Donc, ce n'est pas le tiers de confiance qui peut peut-être dire : Moi, je
pense que c'est le temps de l'arrivée, c'est le professionnel.
Ceci étant dit, c'est qu'actuellement, à cause
de cet article du Code criminel qui demande que ça soit une entente
contractuelle qu'on va aménager, évidemment, parce qu'on va la bonifier, mais
il reste qu'en bout de ligne, c'est une entente entre le demandeur ou la
demanderesse et un médecin, ou un médecin et un médecin substitut, qui devront
procéder à telle date, encore là, que je pense qu'il y a moyen d'aménager,
hein? Moi, j'ai toujours été admiratif du travail qui a été fait sous l'égide
de Mme Hivon. C'est d'avoir trouvé qu'on était dans le domaine du soin, alors qu'on n'avait pas encore l'arrêt
Carter, hein, je vous le rappelle. Donc, je pense qu'il y a moyen
d'aménager ces dispositions du Code criminel.
Mais, pour le moment, on a ça, et le
professionnel qui sera partie à cette entente, s'il décide qu'il ne procède pas, je pense qu'à ce moment-là il y aura peut-être
des recours de demander au tribunal de prendre la décision et d'indiquer
à un autre médecin de procéder. Alors là, ça devient l'intervention du
tribunal. Comme on le fait, par exemple, pour la protection du malade mental,
c'est le tribunal, à un moment donné, qui va prendre certaines décisions, mais
on comprend qu'on sera dans des cas très rares. Donc, il ne faudrait pas priver
la grande majorité des gens juste parce que, peut-être, on va avoir un ou deux
cas d'exception.
Mme Montpetit : Parfait. Je voudrais
revenir aussi à la formation du notaire. C'est ça que vous nous avez parlé.
Puis ma collègue de Joliette l'a évoqué précédemment, mais je voulais continuer
l'échange avec vous sur... Vous avez parlé d'avoir des notaires qui auraient une
accréditation spécifique, une formation particulière pour bien comprendre le
diagnostic, donc là, bien comprendre les diagnostics, parce qu'il n'est pas question
seulement, nécessairement, de la maladie d'Alzheimer, là, il y a d'autres
formes de démence ou de maladies graves, incurables, dégénératives. Vous voyez
quoi comme formation? Donc, une formation qui serait faite a posteriori, c'est
ce qu'on comprend, mais quel type de formation, quel type d'accréditation?
M. Lambert (Jean) : Alors, très
simplement, si la loi québécoise est modifiée pour effectivement faire droit à la demande anticipée et que l'acte devra être
obligatoirement notarié, alors ça fera partie de la mise en application
de cette disposition de la loi que des
notaires devront être accrédités, tout comme on l'a fait lorsqu'on a confié aux
notaires les ouvertures de régimes de protection ou de mise à exécution des
mandats hors du tribunal. Donc, même principe.
Maintenant,
pour définir quel sera le contenu de cette formation, évidemment,
la chambre vous communiquera... va échanger avec ses partenaires, dont
le Collège des médecins, des professionnels qui sont particulièrement au fait
de ces maladies et de ses évolutions. Et ce que le notaire aura besoin de
savoir, c'est d'abord de se familiariser avec la terminologie médicale,
d'aisément être capable de comprendre des conséquences qu'une pathologie peut
avoir pour être capable d'échanger avec la
personne pour s'assurer que... à l'aide de quelques questions,
que cette personne-là a bien consulté, qu'elle est bien informée et
qu'elle va donner un consentement éclairé.
Mais, comme Mme Hivon l'a bien souligné, il
ne s'agit pas de faire un médecin du notaire, hein? Alors, ce n'est pas avec
une formation de trois ou quatre jours qu'on va atteindre cet objectif-là. Et
d'ailleurs ce n'est pas ce qui est souhaité. Ce qui est souhaité, c'est que le
notaire sache de quoi on parle, de quoi il s'agit, quelles sont les
conséquences pour cette personne, d'être capable d'échanger pour être sûr que
cette personne-là comprend ce qu'elle fait
et connaît les conséquences pour cette personne, d'être capable d'échanger pour être sûr que
cette personne-là comprend ce qu'elle fait et connaît les
conséquences de son geste, alors la même chose que pour l'aide médicale à
mourir.
Mme
Montpetit : Parfait. Puis
vous... un élément qui me questionnait dans ce... quand vous avez parlé,
justement, de la relation du notaire avec le médecin, bon, vous faisiez
référence aux directives médicales anticipées, mais encore là c'est des... aux DMA, pardon, qui vont être... quand
elles sont... Elles ne sont pas faites dans le contexte d'une maladie,
alors que, quand on parle de consentement anticipé, elles sont vraiment dans le
contexte où la personne vient vous voir, elle a un diagnostic de maladie grave,
par exemple, incurable, dégénérative. Est-ce qu'il n'y a pas une notion de
secret professionnel aussi? Quand vous dites : Le notaire pourrait être
amené à avoir une discussion avec le médecin du patient pour valider certains
éléments... puis je ne veux pas mal vous citer, là, mais j'avais l'impression
que c'était un peu à ça que vous référiez quand vous disiez : Il va venir
valider la gravité, il va venir valider la situation. Est-ce qu'il n'y a pas un
enjeu de secret professionnel entre le patient et son médecin?
M. Lambert (Jean) : Alors, écoutez,
le secret professionnel, quel que soit le professionnel au Québec, le secret professionnel est la propriété du client,
du demandeur, du patient, pas du médecin, pas du notaire. Donc, si le
patient dit à son médecin : J'aimerais ça que tu participes à une rencontre
avec le notaire parce qu'il veut s'assurer que je comprends bien, alors il n'y en a pas, de problème, il n'y a pas de
problème de secret professionnel. L'acte qui va être rédigé par la suite demeure encore un acte privé,
doté de... couvert par le secret professionnel, et il appartient à la
personne, le client, d'en faire part à qui
cette personne-là souhaite, parce que le secret professionnel lui appartient,
pas au notaire.
Mme Montpetit : Parfait. C'est
limpide. Je vous remercie. J'ai ma collègue de Westmount—Saint-Louis qui souhaiterait
également échanger avec vous. Merci.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Parfait. Mme la députée.
Mme Maccarone : Je sais qu'il reste
très peu de temps. Alors, bonjour, maître. Ma question, parce que j'ai du temps
peut-être juste pour une question, c'est : Quelles mesures supplémentaires
devront être mises en place pour protéger des personnes vulnérables lors de
l'élargissement de l'aide médicale à mourir, comme, par exemple, pour les personnes en situation d'inaptitude, comme une personne
qui souffre d'une déficience intellectuelle, par exemple? Parce qu'on veut s'assurer, évidemment, de la
protection de ces personnes puis on ne veut pas les remettre dans une situation
où ils sont encore plus vulnérables malgré qu'on aurait peut-être une tierce personne
qui va s'impliquer à l'intérieur de ce dossier.
M. Lambert (Jean) : Bon, j'essaie de
comprendre votre question. C'est qu'il est bien évident que, si la personne est
déjà frappée d'inaptitude, d'incapacité mentale, là, il n'y en aura pas, de
demande anticipée, là. Puis le notaire n'est pas dans le tableau, là, parce
qu'il ne peut pas agir s'il n'est pas convaincu que le consentement est donné
d'une façon éclairée, d'une façon... donné en toute connaissance de cause.
Alors donc, ça, on met ça de côté.
Par contre, la protection d'une personne qui
deviendra vulnérable par la suite, bien, écoutez, c'est le principe du mandat
de protection. En 1988, quand j'ai proposé ça aux législateurs dans le cadre
des travaux de la réforme du Code civil, à peu près tous les juristes, y
compris les juristes de la Chambre des notaires, ont dit : Ça n'a pas
d'allure, votre affaire, M. le président. Mais ils ont dit : Vous êtes le
président, vous avez l'opportunité. Pourquoi? Parce que la procuration, celui
qui la donne doit en tout temps être capable de vérifier si celui à qui il l'a
donnée exécute bien. Dès l'instant qu'il perd cette faculté, le droit fait que
la procuration cesse d'avoir une validité. Et là on proposait quelque chose qui
prenait naissance, justement, lorsque l'inaptitude arrivait, puis ça a
fonctionné.
Alors, je pense que c'est le même principe, actuellement,
avec une demande anticipée. Et on n'est pas les seuls, les notaires, à être en
faveur de ça. Je pense que, ce matin, dans le journal, le Collège des
médecins... D'ailleurs, dans le temps du projet de loi n° 52,
quand on discutait avec Mme Hivon, le collège avait déjà mentionné qu'il
était d'accord avec ça, et il y a beaucoup de gens qui sont d'accord avec ça.
Donc, je pense qu'on satisfait une très grande majorité de la population, hein?
La Chambre des notaires a fait faire un sondage en 2019, au printemps, par
Léger, et c'est 85 % des gens, des Québécois qui disent que, oui, on
devrait pouvoir faire une demande anticipée dans ces circonstances-là.
Alors donc, pour les quelques rares cas
d'exception, bien, on essaiera d'aller peut-être plus loin dans les mesures de
sauvegarde, mais, déjà là, le fait que ce soit obligatoirement notarié, avec
toutes les obligations du notaire et le formalisme auquel il est tenu, je pense
que ça sera une mesure de sauvegarde bien suffisante.
Mme Maccarone : Alors, à votre
avis...
La
Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Mme la
députée. Donc, je céderais maintenant
la parole au député de Gouin.
• (14 h 30) •
M.
Nadeau-Dubois : Merci, Mme la Présidente. Merci, maître. Mes collègues ont posé plusieurs des questions
que je souhaitais poser, alors je vais vous en poser une seule, et, si mes collègues
souhaitent vous en poser d'autres, mon temps est à leur disposition.
Qu'en est-il de la question du délai? Vous avez,
un peu plus tôt dans votre témoignage, mentionné clairement que, pour vous, la
demande anticipée d'aide médicale à mourir ne devrait pouvoir être faite que
lorsqu'il y a un diagnostic clair, avec une maladie connue et une évolution
relativement prévisible, donc maladie dégénérative grave et incurable. Dans ce
sens-là, vous vous situez dans la continuité de la loi actuelle. Qu'en est-il
de la question du délai? Est-ce que cette demande d'aide médicale à mourir
anticipée pourrait être faite n'importe quand après l'obtention du diagnostic? Est-ce
qu'elle devrait être réitérée par la suite? Est-ce qu'il devrait y avoir des
balises temporelles ou si, peu importe le délai, dans le fond, entre le moment
où la demande est faite et le moment où l'aide médicale à mourir est
administrée, il ne devrait pas y avoir de limite? Est-ce que ce délai-là
importe ou pas pour vous dans un contexte où ce sont des maladies
dégénératives, où la condition des gens peuvent évoluer dans le temps, que leur
propre perception de leur maladie pourrait également évoluer dans le temps?
M. Lambert (Jean) : Bon, on a
discuté ce point-là dans notre groupe d'experts, et on s'est dit peut-être qu'annuellement on devrait demander qu'il y ait
une espèce de renouvellement. Mais les gens autour de la table, il y en a qui... entre autres, en éthique
médicale, ils ont dit : Mais de toute façon la personne qui va avoir un
tel diagnostic va être suivie, va avoir des
contacts réguliers avec le personnel médical, avec son médecin, ses
spécialistes. Donc, elle est en mesure, continuellement, par le fait même,
de retirer ce consentement-là parce que... ou cette demande, c'est-à-dire,
parce que là on parle de demande, pour bien se situer dans ce que j'ai dit au
tout début, donc peut retirer sa demande en aucun temps. Donc, le seul fait
qu'elle ne le retire pas, dans le fond, c'est une façon de réitérer sa volonté.
Maintenant, s'il faut... s'il y en a qui
disent : Bien, on veut blinder l'affaire encore plus... qu'il y ait une
espèce de renouvellement qui se fasse, il faudra quand même que ça soit assez
simple, il ne faut pas que ça soit trop lourd, mais, à ce moment-là, oui, c'est
possible. Mais, encore là, je vous dis, la conduite même de la personne va
inférer qu'elle n'a pas retiré sa demande.
Maintenant, vous avez... on parle de temps. Évidemment,
actuellement, on fonctionne à l'intérieur de ce que le Code criminel nous
permet. On parle de mort raisonnablement prévisible, et le législateur fédéral
a bien pris soin de ne pas préciser ce que c'est. J'ai
même entendu parler de gens au Canada anglais, où ils disent : Nous
autres, la mort prévisible, ça peut être même quatre, cinq ans, hein, on
connaît la trajectoire, imaginez, alors que ce n'est pas ça, là. La
renonciation dans le temps, c'était un peu comme notre consentement. On
travaillait dans le court terme, mais on sait qu'il y en a qui vont être imaginatifs,
qui vont étirer l'élastique. Nous, on pense que l'intervention du législateur
québécois doit justement empêcher que cet élastique se tire et donc de mettre
au moins des balises.
Actuellement, on sait que la mort
raisonnablement prévisible, si on regarde les demandes d'aide médicale à mourir qui ont été faites et administrées au
Québec au cours des dernières cinq années, c'est un maximum de
18 mois, donc on est capable de fonctionner là-dedans. Idéalement, il
faudrait que ça soit plus large, mais actuellement on va devoir fonctionner
dans cette période temporelle.
M. Nadeau-Dubois : Merci beaucoup.
La
Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, M. le député. Merci beaucoup, Me Fafard et
Me Lambert, pour ces précieuses précisions que vous nous avez faites
aujourd'hui.
Donc, nous suspendons les travaux quelques
instants, le temps d'accueillir nos nouveaux invités.
(Suspension de la séance à 14 h 33)
(Reprise à 14 h 40)
La Présidente
(Mme Guillemette) : Donc, la
commission reprend ses travaux, et nous accueillons maintenant
le Collège des médecins du Québec avec le Dr Mauril Gaudreault et le
Dr André Luyet.
Donc, merci et bienvenue. Vous aurez
20 minutes pour faire votre exposé. Par la suite, il y aura un échange
avec les membres de la commission d'une période de 40 minutes. Donc, je
vous cède la parole, messieurs.
Collège des médecins du Québec
M. Gaudreault (Mauril) :
Merci. Merci, Mme Guillemette, chère présidente de la commission;
Mme Marie Montpetit, vice-présidente; vous tous, membres de la commission,
merci de prendre le temps d'entendre le point de vue du Collège des médecins du
Québec. Je suis son président, Mauril Gaudreault, médecin de famille, ex-doyen
associé à la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l'Université de
Sherbrooke. Je compte 40 ans de pratique médicale en soins hospitaliers,
en soins ambulatoires et de longue durée, notamment au Saguenay.
À mes côtés,
Dr André Luyet, directeur général du collège, médecin psychiatre, professeur agrégé
de clinique à la Faculté de médecine
de l'Université de Montréal... cumule 30 ans de pratique et
d'implication médico-administrative, notamment comme directeur des
services professionnels et il a prodigué l'aide médicale à mourir.
Le Collège des médecins du Québec salue la mise
sur pied de cette commission, étape préalable à une révision de la Loi
concernant les soins de fin de vie. Adoptée en 2014 puis entrée en vigueur en
2015, cette loi requiert une révision en
profondeur, mais, entretemps, il faut l'amender pour corriger une situation
qui n'a actuellement aucun sens.
Depuis l'entrée en vigueur du projet
de loi C-7 en mars dernier, tous
les Canadiens dont la mort naturelle est raisonnablement prévisible, à
l'exception des Québécois, peuvent renoncer au consentement final à recevoir l'aide
médicale à mourir au moyen d'une entente formelle écrite entre le médecin et le
patient sous certaines conditions.
Au Québec, la Loi concernant les soins de fin de
vie exige que la personne soit apte à consentir au moment de recevoir l'aide
médicale à mourir. Or, des patients sont actuellement lésés par la loi
québécoise parce que, dans le seul but de demeurer aptes à fournir leur
deuxième consentement, ils peuvent endurer des souffrances souvent
intolérables. Certains se suicident, d'autres se laissent mourir de faim,
refusent de prendre leur médication ou, contre leur gré, se soumettent à une
profonde sédation jusqu'à leur mort. Ils souffrent à en mourir, et, pour le
Collège des médecins, pour nous, médecins, cette situation est inacceptable.
Sur le plan déontologique, les médecins ne peuvent accepter que certains
Québécois en fin de vie meurent dans une telle indignité.
Depuis 2008, le collège a pris position en
faveur de l'aide médicale à mourir, car c'est un soin, un soin dont sont
cependant privés les patients en raison de la confusion, du fouillis juridique
et politique actuel. On n'accepterait pas que les médecins tiennent un dialogue
de sourds au pied du lit de leur patient souffrant, le temps de convenir de la
conduite à tenir. Nous en avons parlé au ministre de la Santé et aux trois partis
d'opposition. Tous ont eu une bonne écoute, mais maintenant, il faut sortir de
cette impasse au nom des patients.
Nous comprenons qu'il y a la loi, qu'il y a la politique,
mais il y a aussi la médecine, et notre devoir de médecin nous impose d'utiliser
la loi pour soulager nos patients. On est chanceux, il y en a deux, mais elles
doivent être harmonisées pour que les médecins puissent travailler sans la
menace très claire à leur endroit de poursuite par la justice québécoise ou
encore à l'endroit de leur ordre professionnel. Ces menaces découragent des
médecins de prodiguer l'aide médicale à mourir, et, en bout de ligne, c'est le
patient qui écope, encore. D'ici à ce que les parlementaires québécois
harmonisent les deux lois, le collège ne découragera pas les médecins
d'utiliser l'une ou l'autre des lois, selon la situation médicale, et la
volonté claire de leurs patients, et dans le respect de tous les aspects
déontologiques. Voilà notre position.
Depuis l'adoption des nouvelles dispositions
fédérales, les Québécois n'ont plus le même accès à l'aide médicale à mourir
que les autres citoyens du pays. C'est la clause dérogatoire à l'envers.
Certains patients québécois doivent souffrir davantage
aux derniers moments de leur vie que les autres Canadiens. Faudra-t-il aider
les patients à traverser de l'Outaouais vers l'Ontario ou de longer la
Matapédia pour qu'ils obtiennent, dans une autre province, les soins réclamés,
en tout respect de leur choix et du rétablissement de leurs droits?
Pourtant, il y a, au Québec, acceptabilité
sociale sur la question de l'aide médicale à mourir, comme en témoigne la demande croissante pour ce soin. Cela
se reflète aussi par l'évolution du droit à la suite de deux jugements importants de la Cour suprême et de la Cour supérieure
du Québec. Le consensus entourant ce soin se retrouve aussi très largement chez les médecins. À preuve, un sondage
SOM, réalisé pour le compte du collège en mars dernier auprès de
l'ensemble des médecins québécois, révèle que 89 % des répondants sont soit
totalement d'accord ou plutôt d'accord pour que l'aide médicale à mourir soit
offerte à des patients en fin de vie qui la réclament.
Depuis le départ, le collège a encadré la
pratique de l'aide médicale à mourir au moyen de guides d'exercice et de lignes directrices pharmacologiques. Il a
été actif sur le plan des représentations, des formations et des
inspections professionnelles. Il participe à
la surveillance de la qualité de l'exercice de concert avec les CMDP, des
établissements et la Commission sur les
soins de fin de vie, qui étudient les formulaires des déclarations. Il soutient
les CMDP et souhaite que tous les
médecins qui administrent l'aide médicale à mourir détiennent des privilèges
dans l'établissement de leur région pour que les CMDP endossent
pleinement la responsabilité de l'évaluation de la qualité de l'aide médicale à
mourir. Le collège accompagne les médecins pour une prise de décision mettant
de l'avant une logique de soins.
Après plus de cinq années d'existence, après
plus de 7 000 aides médicales à mourir par plus de 750, 800 médecins, force est de constater qu'il
faut revoir la loi cependant car, bien que l'opinion publique à l'égard de
l'aide médicale à mourir ait évolué rapidement, la loi québécoise, elle, n'a
jamais fait l'objet d'une révision en profondeur.
D'ailleurs,
le collège est favorable à l'élargissement de la pratique de l'aide médicale à
mourir aux infirmières praticiennes
spécialisées, comme le prévoit la nouvelle législation fédérale, et ce, de
l'évaluation jusqu'à l'administration.
Nous sommes heureux de prendre part à la
conversation sur l'évolution de cette loi. Le collège a mis sur pied récemment
un groupe de réflexion, constitué notamment de trois experts médecins. Ce
groupe entendra plusieurs points de vue au cours des prochains mois pour
permettre à son conseil d'administration de prendre position sur un ensemble
d'aspects. Je vais laisser là-dessus le Dr Luyet les aborder.
M. Luyet
(André) : Alors, bonjour.
D'abord, l'aptitude à consentir aux soins doit demeurer un critère
essentiel d'admissibilité à l'aide médicale à mourir. Pour être valide, un
consentement doit être libre, éclairé, donné à une fin spécifique et pouvoir
être retiré à tout moment.
Toutefois, les modalités de consentement peuvent
se transformer pour refléter plus précisément les volontés d'une personne dans les différentes situations
cliniques rencontrées et l'importance qu'accorde désormais notre société
aux valeurs de dignité, d'autodétermination et d'inviolabilité de la personne.
Trois situations particulières suscitent un
questionnement pour le collège sous l'angle de l'aptitude à consentir à l'aide
médicale à mourir.
En premier lieu, dans le cas d'une mort
raisonnablement prévisible, le risque de perdre l'aptitude à consentir en phase
terminale ou préterminale et de ne plus être en mesure de confirmer son consentement
au moment de recevoir le soin. Malgré certains avis légaux divergents, nous
retenons pour l'instant qu'au Québec la personne doit obligatoirement
reconfirmer son consentement à recevoir l'aide médicale à mourir au moment de
son administration, alors que le Code criminel autorise le renoncement à ce consentement
final au moyen d'une entente formelle, écrite et signée pour les personnes dont
la mort naturelle est raisonnablement prévisible.
Dans les faits, il nous apparaît que les autres
options actuellement offertes sont souvent moins acceptables sur le plan humain. Par conséquent, le collège
souhaite que la loi québécoise permette la renonciation au consentement
final. De notre point de vue, il n'y a pas d'entorse déontologique au fait de
permettre la renonciation au consentement final chez une personne apte à
consentir au moment de formuler une demande d'aide médicale à mourir basée sur
ses choix, ses droits et ses valeurs et pleinement informée des possibilités de
perdre son aptitude au moment de recevoir l'aide médicale à mourir en raison de
l'évolution de sa maladie et/ou de ses traitements. Une telle modification de
la loi pourrait être apportée dans un très court délai en attendant une
révision en profondeur de la loi.
• (14 h 50) •
En second lieu, toujours sur le thème du consentement,
le risque de perdre l'aptitude à consentir, inhérente aux troubles
neurocognitifs majeurs. Le collège est favorable à la possibilité de formuler
une demande d'aide médicale à mourir anticipée au moyen d'une directive
médicale anticipée, ce qui n'est pas permis dans la loi québécoise actuelle. La
personne demanderait ce soin à un stade d'évolution précis et prédéterminé d'un
trouble neurocognitif majeur portant atteinte à ses valeurs et à sa dignité. Il
est possible d'encadrer et de baliser cette avenue pour atteindre l'objectif,
dans le respect des personnes et du droit, par une réflexion, un formulaire
spécifique, une pleine connaissance de l'évolution et des alternatives
offertes, une reconfirmation périodique, la prédétermination du moment, la
nomination d'un mandataire, etc.
Enfin, l'acquisition du droit de consentir à ces
soins pour le mineur émancipé. Ce sujet est très sensible, et la réflexion sur
cette question doit se poursuivre en profondeur. Le collège n'a pas de position
arrêtée sur le sujet, mais souhaite ardemment y participer et offre toute son
expertise à la commission.
Sur la question, maintenant, du critère de fin
de vie, le collège considère positivement son retrait. Discriminatoire, il
sous-entendait une prévisibilité de la mort basée sur un pronostic. Les
pronostics comportent une grande variabilité sur le plan individuel, et les
personnes les ayant déjoués sont légion en clinique. Bien que le retrait du
critère de fin de vie rende les deux lois conformes et superposables sur ce
point, elles ne le sont pas sur les conditions qui permettent d'avoir recours à
l'aide médicale à mourir. Ainsi, le Québec ne permet pas d'inclure, dans la compréhension de
«maladie grave et incurable», les handicaps qui peuvent aussi entraîner une
souffrance inapaisable et une atteinte importante et irréversible du
niveau de fonctionnement.
Par ailleurs, le maintien du concept de
prévisibilité de la mort pour déterminer la série de mesures de sauvegarde
applicables, selon la nouvelle loi canadienne, ne devrait pas inciter à fixer
un point de bascule précis en termes de mois. Selon nous, il faut privilégier
une discussion avec le demandeur et prendre en compte une logique de soins
plutôt que les pages du calendrier.
En terminant, dans une vision inclusive, exempte
de discrimination basée sur le diagnostic et fondée sur une compréhension
globale de l'humain, le collège croit que la réflexion sur l'aide médicale à
mourir doit aussi porter sur la situation des personnes dont le motif
prépondérant de demande serait un trouble mental. Une personne atteinte d'une pathologie psychiatrique sévère et
réfractaire peut ressentir une souffrance tout aussi intense et une atteinte
tout aussi grave de son autonomie fonctionnelle sinon plus que les personnes
souffrant de pathologies dites physiques.
L'évolution de certains troubles mentaux pourrait rendre une personne
admissible à l'aide médicale à mourir étant donné le retrait du critère
de fin de vie des lois provinciales et fédérales. Il faudrait toutefois, dans
le cas de demandes d'aide médicale à mourir motivées par un trouble de santé mentale, seul ou en comorbidité, établir certaines balises pour éviter
un glissement qui irait à l'encontre de l'esprit de la loi et conduirait vers
l'administration de soins inappropriés.
Aux critères déjà... existants, pardon,
s'ajouteraient les cinq conditions suivantes : premièrement, décision
prise au terme d'une évaluation globale et juste de sa situation par le
demandeur et non uniquement inscrite dans un épisode de soins; deuxièmement,
exclusion d'une idéation suicidaire s'inscrivant dans la symptomatologie
décrite d'un trouble mental, comme l'idéation suicidaire caractéristique d'un
état dépressif; troisièmement, sévérité des symptômes et de l'atteinte du fonctionnement
global présente sur une longue période, ce qui empêche la personne de se
réaliser dans un projet de vie et enlève toute signification à son existence; quatrièmement,
exigence d'un long parcours de soins avec suivi approprié, essais multiples de
thérapies disponibles, reconnues efficaces et soutien psychosocial soutenu et
approprié; finalement, évaluation multidisciplinaire des demandes avec la
présence essentielle du médecin ou de l'infirmière praticienne spécialisée
ayant pris en charge le suivi de la personne avec la pathologie psychiatrique
et d'un psychiatre consulté dans le cadre de la demande d'aide médicale à
mourir.
En conclusion, Dr Gaudreault.
M. Gaudreault (Mauril) :
Donc, les personnes souffrantes sont donc dans l'angle mort des parlementaires québécois
depuis le 17 mars. Chaque jour, des patients font des grèves de la faim
pour mourir plus rapidement et refusent leur médication pour ne pas perdre leur
aptitude à consentir à recevoir l'aide médicale à mourir lors de la dernière
visite du médecin. L'avancée de l'accès à l'aide médicale à mourir au Canada ne
doit pas créer un recul au Québec. Les patients québécois n'ont pas à tolérer
plus de souffrance qu'ailleurs au pays, on s'entendra tous là-dessus. Ils ont
le droit de mourir, eux aussi, dans la dignité.
Voilà. Nous vous remercions de votre écoute.
Dr Luyet et moi sommes maintenant prêts à répondre à vos questions. Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) : Merci
beaucoup. Donc, je céderais la parole pour débuter à la députée de Soulanges.
Mme Picard : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, Dr Gaudreault et Dr Luyet.
J'aimerais savoir... Vous l'avez mentionné un
petit peu dans votre allocution du départ, mais j'aimerais savoir, est-ce que,
vous, vous pensez qu'on devrait statuer sur certains diagnostics ou bien ce
serait plus sur des conditions en général? Parce qu'on l'a vu dans le passé,
des fois, de s'attarder à certains diagnostics, ça peut rendre inadmissibles
certaines personnes dans des programmes ou peu importe quoi d'autre. Donc,
j'aimerais avoir votre opinion sur si on devrait utiliser le mot «diagnostic».
M. Luyet (André) : Bien, pour le
collège, on ne devrait pas y aller sur la base du diagnostic et on ne devrait pas non plus chercher à faire une différence entre
les maladies mentales et les maladies physiques sur ce point-là. Il y a
des maladies qui méritent le même diagnostic et qui vont connaître des
évolutions très différentes, et je pense qu'il faut baser notre prise de décision
sur l'évaluation clinique, sur la situation de la personne et sur la rencontre
des critères d'admissibilité.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Donc, je céderais la parole à la députée de Saint-François.
Mme
Hébert : Merci,
Mme la Présidente. Bonjour, Dr Luyet et Dr Gaudreault. Si je résume,
donc, vous, vous dites qu'on... quand on a l'aptitude à consentir pour un soin,
ça, ça doit rester. Mais dans quelle condition qu'on abolirait le deuxième
consentement? Comprenez-vous?
M. Gaudreault (Mauril) : Bien, dans les...
• (15 heures) •
Mme
Hébert :
Bien, dans le sens que, tu sais, vous dites : Ça prend l'aptitude, je
comprends, mais ensuite, il n'y aurait pas
besoin de... parce que là, présentement, c'est ça, là, qu'on a besoin, c'est...
on a besoin du consentement de la
personne à la fin pour... quand on donne l'acte médical à mourir. C'est un
acte. Donc, dans...Alors, ce que vous dites, c'est qu'on... ça ne devrait plus être enlevé,
c'est ça? Il devrait être enlevé, ce deuxième consentement là de la
personne.
M.
Gaudreault (Mauril) : Alors, merci pour votre question, Mme la
députée. Bien, en fait, actuellement, au moment où on se parle, on a besoin
d'un deuxième consentement lucide de la part du patient ou de la patiente pour
procéder à l'aide médicale à mourir, et, dans les situations où le patient
n'est plus lucide, ne peut plus donner son consentement, le médecin ne peut pas
pratiquer ce soin d'aide médicale à mourir.
Donc, ce que nous demandons, c'est que tant que
la personne est lucide, elle fait un premier consentement éclairé, tout ça,
c'est parfait, mais elle doit avoir la possibilité, comme ailleurs au Canada,
de signer ou de s'entendre sur un formulaire au cas où elle ne deviendrait plus
lucide, cette personne-là. Et ça, ça peut être plus ou moins prévisible dans
l'évolution, selon les problèmes de santé, selon l'état de la personne.
Donc, nous, ce qu'on prétend, ce qu'on veut dire
par là, c'est qu'il ne devrait plus être obligatoire qu'un deuxième
consentement dit final soit signé par la personne de façon lucide, mais plutôt,
selon les situations cliniques, qu'elle
puisse signer un formulaire qui l'abstiendrait de devoir signer ce dernier
consentement au cas où elle deviendrait non lucide, la personne.
Et c'est pour ça qu'on dit que... puis c'est des
vraies situations, là. On n'a pas inventé ça, là, tout à coup. C'est des vraies
situations rapportées par plusieurs médecins de patients qui, de peur de perdre
leur lucidité, vont demander à diminuer leur
médication analgésique ou encore vont choisir d'autres moyens, ce qui est
inacceptable pour nous, vous aurez compris.
M. Luyet (André) : Ou encore qui
vont perdre leur capacité à exprimer leurs volontés et qui vont voir leurs
soins prendre la forme d'une sédation prolongée, alors que ce n'était pas le
choix qu'ils exprimaient alors qu'ils étaient en état de le faire, et vont voir
leur agonie se prolonger. Et ce n'est pas du tout le scénario qu'ils avaient
envisagé et prévu pour vivre ces derniers moments de vie accompagnés de leurs
proches.
Mme
Hébert : Puis dans
le continuum de soins, parce qu'on appelle... ici, au Québec, on appelle ça
un... ça fait partie des soins de fin de vie. Donc, dans le continuum de soins,
est-ce que, vous, vous le voyez plus comme à la fin de tout ce qu'on a tenté ou
ça peut être encouragé dès le début? Parce que ce qu'on sait, c'est que... ce
qu'on voit, c'est que, bon, il y a la sédation palliative, il y a différentes
options, puis des fois les gens vont peut-être plus rapidement à l'aide
médicale à mourir que d'envisager tous les soins.
Est-ce que ça, il y a... Il y a d'autres
médecins qui ont rapporté qu'il n'y avait pas assez d'information aux patients
sur... puis souvent ils en venaient vite à l'aide médicale à mourir, puis des
fois, même, ça pouvait créer une certaine anxiété chez des patients parce
que... Ça fait que je veux juste voir...
M. Gaudreault (Mauril) :
Bien, c'est clair que ça crée une certaine anxiété, une anxiété plus que
certaine, là, une anxiété, c'est clair. Mais vous savez, tout cela aussi réside
dans la relation du médecin avec le patient, du médecin avec les professionnels
de l'équipe. Le médecin n'est pas tout seul dans... il y a
toujours une équipe d'autres professionnels de la santé autour de cette
personne. Donc, la relation de toute l'équipe avec le patient, elle, elle est
souvent... elle est fréquente, elle est régulière. Et les patients, patientes
qui manifestent le désir d'avoir ce soin ne le font pas qu'une fois, discutent
de cela de façon régulière, fréquente avec les membres de l'équipe soignante.
Donc, c'est dans ce sens-là.
À quel moment ça doit être signé,
là, peut-être, le formulaire de renonciation au consentement final, on pourra
discuter de cela, mais l'état, l'évolution de la situation d'une personne puis
de son état est examiné de façon régulière et souvent même quotidienne par
rapport à l'état de situation dans lequel est rendue l'évolution de la maladie.
Donc, à ce moment-là, le médecin et les autres équipes soignantes peuvent
décider d'un moment avec le ou la patiente, idéal, pour la signature d'un tel
formulaire de consentement ou de renonciation au consentement final. Voilà. Je
ne sais pas si ça répond à votre question.
M. Luyet (André) : Bien,
j'ajouterais un complément, peut-être, avant que... C'est une très bonne
question, puis le consentement demeure une valeur cardinale, quelque chose de
très, très important. C'est essentiel, et, pour qu'il soit valable, il faut
qu'il soit éclairé. Donc, on ne peut pas prendre une décision comme celle-là
puis donner son consentement avec une
information tronquée ou incomplète. Donc, c'est important d'avoir l'ensemble de
l'information pour un consentement libre et éclairé. Et j'aime aussi le fait
qu'on parle beaucoup d'aide médicale à mourir parce que c'est le thème de la
rencontre, là, mais de revoir ça puis de le placer dans une programmation de
soins de fin de vie globale, c'est aussi très intéressant aussi.
Alors, on ne doit pas envisager l'aide médicale
à mourir par défaut, parce qu'on n'est pas en mesure de bénéficier des autres
soins. Je pense qu'il faut faire la promotion d'une programmation complète de
soins de fin de vie, qui donne un choix à la personne puis qui lui permet,
justement, de consentir de façon libre et éclairée, en tenant compte de sa
volonté, de ses valeurs et de ses droits.
Mme
Hébert : J'ai
juste une dernière petite question qui me trotte depuis toutes les
consultations qu'on fait puis depuis qu'on a eu cette... excusez-moi, la
statistique. Ça m'inquiète, alors... Puis on a su la semaine passée qu'en
Belgique, aux Pays-Bas, ils avaient atteint 2,4 % des morts qui avaient
été par euthanasie, parce que c'est le terme qu'ils utilisent, après près de
40 ans et 30 ans, là, d'existence de la loi. Puis nous, ici,
seulement après quatre ans, on a déjà atteint le 2,4 %. Alors, je vous
demande : Pensez-vous que ça va augmenter encore de beaucoup? Parce que,
là, si on parle d'élargissement, donc c'est encore plus plausible. Donc, c'est
une question que je vous pose comme ça.
M. Luyet (André) :
Bien, pour l'instant, on est sur une pente ascendante, je dois le dire, là. Il
y a un taux de croissance assez important, autour de 30 %, mais c'est...
Mais évidemment je ne pense pas que ça va continuer sur cette progression-là,
parce que ça finirait par englober presque l'ensemble des décès du Québec, là,
si on pousse le curseur jusqu'à l'extrême, là. Mais, pour l'instant, on est
dans une phase ascendante, puis la tendance n'est pas vers un aplatissement à
court terme, là, de cette croissance-là.
M. Gaudreault (Mauril) :
Et je le répète, ça... si je peux me permettre, merci encore pour la question,
mais c'est un soin, hein? Le collège a toujours vu l'aide médicale à mourir
dans une logique de soins, et c'est dans ce sens-là qu'on est là avec vous cet
après-midi aussi et qu'on participe à la conversation, à l'évolution de cette
loi. C'est un soin. C'est un soin, maintenant, qui est disponible pour le
patient, qui est disponible dans la conduite à tenir dans le cadre de la
discussion entre l'équipe soignante et le patient. Donc, le soin, quand on le
voit de cette façon-là, il n'est pas surprenant qu'il y ait une pente
ascendante par rapport à l'accessibilité à ce soin.
Moi, ça ne me préoccupe pas, personnellement. Ça
me préoccuperait que ce soin-là ne soit pas disponible, tout en l'encadrant de
façon tout à fait correcte, comme c'est le cas maintenant.
Mme
Hébert : Merci,
Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Guillemette) :
...
M. Gaudreault (Mauril) :
On ne vous entend pas, Mme la Présidente. O.K.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Donc, vous m'entendez bien?
Des voix : Oui.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait, merci. Donc, tout à l'heure, on a entendu la Chambre des notaires qui
nous faisait part, et là je vous pose la question bien candidement, qu'une
balise qui pourrait être intéressante soit que les demandes soient notariées,
en collaboration avec l'équipe médicale, bien entendu. Mais vous pensez quoi de
ça, que toutes les demandes devraient être notariées, avec un diagnostic
médical, en collaboration avec l'équipe de soins, le médecin, là? Est-ce que ça
pourrait être une balise intéressante?
M. Luyet (André) : Bien, il faudrait
le regarder plus attentivement, mais il ne faudrait pas que ça amène une discrimination, que ça amène des... deux types de
citoyens : ceux qui sont en mesure de pouvoir faire notarier leur
décision et leur choix et d'autres qui n'y
auraient pas accès peut-être... ou un accès équitable à ce genre de service
professionnel.
La
Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait, merci. Donc, je vais céder la parole à ma collègue d'Abitibi-Ouest.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : ...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Votre micro, chère collègue.
• (15 h 10) •
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Syndrome
du micro. Alors, il reste combien de temps, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Quatre minutes.
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : Parfait,
merci. Dr Gaudreault, Dr Luyet, merci pour la belle présentation.
Alors, il semble y avoir une confusion dans la population et les professionnels
de la santé sur l'aide médicale à mourir et la sédation palliative. Comment
peut-on clarifier ça pour avoir un message clair dans la population et
sensibiliser aussi les professionnels de la santé?
M. Luyet (André) : En fait, la
sédation palliative continue, c'est un choix qui est offert aux personnes qui
sont soit très anxieuses ou très inconfortables et qui acceptent d'être
soulagées tout en étant bien informées qu'ils... possiblement qu'ils ne vont pas connaître un retour vers un état plus
vigile et qui vont possiblement s'éteindre de cette façon-là mais d'une
façon confortable. Donc, c'est un peu la différence que je vois, là, pour
essayer de le définir le plus clairement possible.
Mais c'est
certain que l'aide médicale à mourir a, dès l'adoption de la loi n° 2,
a attiré beaucoup de... l'attention. Les autres importants volets de la
loi ont moins pénétré, je dirais, dans la population, sont moins connus, autant
les directives médicales anticipées que la sédation palliative continue. Donc,
il y aurait certainement un effort à faire pour mieux renseigner la population
sur l'existence de ces modalités de soins.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Je me permettrais une autre question. Ça va? On m'entend bien? Tantôt,
vous nous parliez des troubles de santé mentale et qu'il y avait... vous nous
avez fait mention de cinq balises, la dernière balise étant l'évaluation par une
équipe multidisciplinaire, dont un psychiatre. Et on a entendu des
psychiatres plus tôt, dans les auditions, et qui nous disaient que, pour eux,
c'est dur de dire qu'on va mettre fin à la vie de quelqu'un pour cause de seul
trouble de santé mentale, parce que, pour eux, il y a toujours une option, il y
a toujours un traitement, il y a toujours une solution à essayer. Donc, s'ils
font partie de l'équipe de soins dans l'évaluation, comment voyez-vous cet
aspect-là?
M. Luyet (André) : Bien, c'est une
équipe de soins... En fait, l'avis du psychiatre, on voulait un avis externe,
hein? Il y a le médecin traitant, qui n'est pas toujours un psychiatre, il faut
bien le mentionner. Il y a énormément de patients qui sont aux prises avec des
troubles de santé mentale, qui sont suivis par des médecins de la première
ligne, par des omnipraticiens, et puis il y en aura de plus en plus qui seront
suivis également par des infirmières praticiennes spécialisées.
Donc, il y a l'équipe, je dirais, nucléaire
autour du suivi puis de la prise en charge de cette pathologie-là, et puis on
rajoutait un avis externe, un tiers plus neutre qui avait une expertise en
santé mentale pour participer également à la discussion. C'est certain que...
Je peux comprendre le point de vue exprimé par plusieurs intervenants en santé
mentale. C'est une... c'est quelque chose de très important en termes de
traitement puis de réadaptation, de réhabilitation et de rétablissement, la
notion d'espoir, mais il arrive certains... (Panne de son)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Ah! on est gelés, ça fait comme tantôt.
Donc, on va suspendre le temps de reconnecter,
on va suspendre.
M. Luyet (André) : Oui?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Ah! vous êtes revenu, d'accord.
M. Luyet (André) : C'est revenu.
Alors, je poursuis sur ma lancée sans qu'il y ait trop de rupture, là, mais
donc ils ont épuisé tous les recours, toutes les possibilités thérapeutiques
et, malgré tout ça, ils sont... ils répondent encore
à l'ensemble des critères de grande souffrance puis d'intolérabilité de leur
situation avec incapacité d'entrevoir un projet. Parce que l'espoir, c'est ça aussi, c'est de pouvoir jouer
éventuellement son rôle de citoyen, de prendre sa place dans la société, d'avoir des contacts, d'avoir des
proches, d'avoir un projet d'études, d'avoir un logement, d'avoir un
emploi.
Alors, quand toutes ces portes-là se ferment, et
qu'on est souffrant, puis qu'on est très mal... Je comprends la réticence, mais
je peux vous dire qu'il y a des gens qui se retrouvent dans des impasses comme
celles-là. Et, pour eux, il ne faudrait pas minimiser ou comparer leur
situation à celles qu'on rencontre et qu'on accepte un peu mieux maintenant du
côté de la santé physique, là. Ils ont un état de détresse tout à fait
comparable avec une souffrance aussi intense et les mêmes difficultés.
Et je le dis souvent, là, comme psychiatre à
l'origine, moi-même, on est mal à l'aise de voir une différence entre la santé
physique puis la santé mentale puis de croire que les individus ont deux
santés, là. On essaie de voir la personne
globalement et de la considérer comme un tout. Et ça, ça s'inscrit en ligne
droite avec les écrits de l'Organisation mondiale de la santé, là.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Je vous remercie beaucoup.
M. Gaudreault (Mauril) :
Et moi, comme médecin de famille, vous allez me permettre d'appuyer encore sur plus d'importance par rapport à tout l'aspect
d'équipe soignante et vraiment, vraiment de traitement
interdisciplinaire, toute l'importance de l'équipe et tous les autres
professionnels de la santé qui gravitent autour du ou de la patiente, que ce
soit dans une situation de problème de santé mentale ou de problème de santé
physique, là. Il y a toujours, toujours, toujours... On sait que l'aide
médicale à mourir, c'est fait par un médecin, et bientôt ce sera, j'imagine,
fait aussi par une infirmière praticienne spécialisée, mais tout cela, la
conduite, le traitement, la décision, est beaucoup, beaucoup discuté en équipe
avec le patient et sa famille.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup. Je vais maintenant céder la parole à la députée de Maurice-Richard.
Mme Montpetit : Je vous remercie,
Mme la Présidente. Bonjour, Dr Gaudreault. Bonjour, Dr Luyet. Bien
heureuse de vous revoir, deux fois en deux jours.
Vous avez abordé plusieurs éléments dans votre
mémoire. Je vais m'en tenir à ce qui concerne le mandat de notre commission,
dont notamment, bon, la question, évidemment, de la directive ou de la demande
médicale anticipée. Vous nous dites que vous êtes favorable, ça, j'entends bien
ça, mais vous avez très peu, pour ne pas dire pas élaboré sur comment encadrer
puis venir baliser cette avenue. C'est sûr que, comme Collège des médecins,
dans votre rôle d'assurer, de bien protéger
le public, moi, c'est sur cet élément-là que je souhaiterais vous entendre...
Peut-être que vous n'aviez pas le
temps, vous avez fait des choix de restreindre, ce n'est jamais très long,
20 minutes, pour présenter, non plus. Mais vous avez élaboré
certains éléments sur la période de réflexion, un formulaire... en tout cas,
vous avez la nomination d'un mandataire, vous avez juste fait une liste non
exhaustive de certains éléments, mais j'aimerais ça vous donner le temps de
nous les expliquer. Parce qu'au-delà d'aller de l'avant dans cette avenue, ce
qu'on souhaiterait aussi entendre, c'est comment on s'assure, justement, que le
public est bien... que les patients sont bien protégés
aussi, que le cadre, si d'aventure, on a des recommandations en ce sens, que le
cadre qui est mis en place soit adéquat, là.
M. Luyet (André) : Cette section a
été laissée volontairement peu développée. On voulait surtout énoncer certaines
pistes qui pourraient être approfondies pour arriver à aller sur cette voie-là.
On n'a pas de protocole ou de choses très bien formalisées, mais on ouvre des
portes pour dire : Il y a des façons de le faire, de le faire de manière
respectueuse, de le faire de façon déontologique, de le faire de façon
correcte, de façon légale, et il y a différents moyens qui devront être, je dirais, explorés, puis développés, puis
testés. Et, parmi ceux-là, on en évoque quelques-uns, qui est loin
d'être une liste complète ni exhaustive, là, et il y aurait certainement lieu
d'approfondir, comme vous le soulignez, là, lors de travaux subséquents, mais
pour l'instant, c'est surtout une porte qu'on voulait ouvrir pour dire qu'il y
avait une possibilité de le faire et de le faire de façon correcte.
Mme Montpetit : Je m'en voudrais
d'insister, mais vous comprendrez que notre mandat, il est... on a un rapport à
rendre au mois de novembre, donc notre phase de consultations... la première
phase de consultations, elle se termine aujourd'hui.
Donc, je comprends, vous n'avez pas, comme
collège, de recommandation à nous faire sur des balises précises qui devraient
être mises en place. Juste pour bien comprendre, vous nous en ferez suivre par
la suite, mais je pense que c'est important, au-delà de savoir que vous êtes en
accord ou pas sur les... je ne veux pas utiliser le mot «sauvegardes», là, encore là, mais sur les balises, sur les remparts qui
doivent être mis en place, bien respectueusement, je m'attendais à ce
que vous arriviez avec ce genre de recommandation là aujourd'hui, là.
• (15 h 20) •
M. Luyet (André) : Oui, mais le
collège a mis sur pied un groupe de réflexion sur l'aide médicale à mourir et
les différentes formes que ça peut prendre, et le groupe de travail a été mis
sur pied tout récemment, et déjà il se réunit à une fréquence soutenue, là,
hebdomadaire, pour justement avancer et préciser ce genre de question là.
Alors, il nous fera plaisir, là, d'approfondir la question que vous nous
adressez et de vous revenir avec plus de précisions à court terme.
Mme Montpetit : Dr Gaudreault,
je pense que vous aviez quelque chose à ajouter.
M. Gaudreault (Mauril) :
Oui. Bien, en fait, c'est dans le même sens, Dr Luyet l'a dit, il y a un
groupe de réflexion que nous avons créé au niveau du conseil d'administration,
avec des médecins experts qui font partie du groupe, afin de proposer au conseil
d'administration un positionnement par rapport à ces directives médicales
anticipées. On a parlé beaucoup d'aide médicale à mourir, il n'y a pas que ça,
mais il y a des directives médicales anticipées. Et, pour être fidèles à la
vision du collège, nous allons, avec nos membres, donc plusieurs médecins, mais
peut-être d'autres professionnels aussi de même que d'autres organismes,
prendre des décisions et poser des actions pour nous rapprocher du public et
lui assurer des soins de qualité, évidemment.
Mme Montpetit :
Parfait. On attendra ça avec impatience, plus tôt que tard, évidemment. Vous
connaissez les délais et l'échéancier dans lequel on travaille à l'heure
actuelle.
Toujours sur la question de la
directive, puis vous utilisez vraiment le mot «directive» plutôt que «demande»,
là, je me permets de vous poser la
question : Est-ce que c'est intentionnel, dans le sens que vous... parce
que, bon, il y a eu certains débats sur est-ce que ça devrait être une
directive dans le sens qu'elle est exécutoire, versus une demande qui pourrait
être... où un proche, ou un tiers, ou un professionnel pourrait décider de ne
pas appliquer la demande qui est faite ou la directive qui est faite par la
personne. Est-ce que vous l'entendez de cette façon-là?
M. Luyet (André) : Bien, on l'associe, en quelque sorte, à une directive médicale
anticipée, mais inversée. Au lieu de refuser
certains soins dans certaines conditions, on revendiquait, comme citoyen, un
soin dans une situation clinique bien particulière. C'est dans ce
sens-là qu'on l'a associée aux... comme une directive médicale anticipée, mais
techniquement on parlait davantage... on aurait dû parler de demande anticipée.
Mme Montpetit : De
demande anticipée. D'accord, parfait. Non, mais les mots ont un sens, sont bien
importants aujourd'hui, donc je voulais être sûre de bien valider ce que
vous... comme vous avez mis du temps dans ce mémoire, certainement, de bien
valider ce que vous nous recommandez.
Vous parlez aussi, à la
page 8, quand vous parlez de... donc, de la... pas la directive, mais bien
la demande anticipée, que, bon, que vous
êtes favorable dans un contexte, justement, où ça porterait atteinte aux
valeurs et à la dignité de la personne. Encore là, vous parlez de
valeurs et de dignité, la phrase s'arrête là. Est-ce que... Donc, je comprends,
vous excluez complètement la question ou
vous séparez la question de la souffrance versus la question des valeurs et
de la dignité telle qu'établie par la personne lorsqu'elle est apte à
déterminer la façon dont elle souhaite terminer ses jours.
M. Luyet (André) : ...
Mme Montpetit : Je
peux peut-être préciser, ça n'a pas l'air... je vois des...
M. Luyet (André) : Oui, s'il vous
plaît.
Mme
Montpetit : Bien, c'est que dans votre... Je vous la lis, là, le haut
de la page 11, vous dites : «La personne demanderait un soin à
un stade d'évolution précis, déterminé d'un trouble neurocognitif majeur
portant atteinte à ses valeurs et à sa dignité.»
Est-ce que vous, quand vous parlez de valeurs et de dignité... parce qu'il y a des experts et des patients qui sont venus nous voir en disant : On pourrait avoir accès... Par exemple, quelqu'un qui a la maladie d'Alzheimer, maladie...
dégénérescence neurocognitive, qui souhaiterait avoir accès à l'aide médicale à
mourir, non pas dans un contexte de souffrance, mais bien dans un contexte de
dignité, justement, où elle dit, par exemple : Moi, je souhaite que...
selon mes valeurs, je souhaite qu'on me donne l'aide médicale à mourir dans tel
contexte. Donc, dans votre mémoire, vous faites référence aux valeurs et à la
dignité et non à la souffrance.
M. Gaudreault (Mauril) : C'est ça.
Mme Montpetit : Juste pour être...
qu'on interprète bien ce que vous nous déposez aujourd'hui.
M. Gaudreault (Mauril) :
Oui, oui, c'est tout à fait dans ce sens-là par rapport à, exemple, je ne sais
pas, moi, une démence, une démence de type alzheimer à un stade avancé, il y a
là une atteinte aux valeurs et à la dignité de la personne lorsque le stade est
pas mal avancé, même si la personne n'a pas l'air à présenter des souffrances
importantes, mais il y a là... C'est dans ce sens-là qu'on parlait de cette
recommandation d'un trouble cognitif majeur avec... je n'ai pas besoin de vous
faire d'explication ou de dessin par rapport à ça, dans toutes nos familles on
a vécu ça maintenant par rapport aux démences avancées et, je dirais, une mort
psychique avant la mort. Donc, c'est dans ce sens-là, par rapport à porter
atteinte, là, aux valeurs et à la dignité de la personne.
M. Luyet (André) : Mais il faut
peut-être avoir une réflexion large aussi sur le thème de la douleur. Parce que
la douleur, ce qui est bien dans la loi québécoise, c'est la douleur telle
qu'évaluée et ressentie par la personne qui fait la demande. Alors, qu'est-ce
qui... Il y a la douleur physique qu'on peut ressentir, mais la personne qui
serait capable d'anticiper que... avec toute l'information qu'elle possède,
dans l'évolution d'un trouble dégénératif, neurodégénératif, va se retrouver...
ou neurocognitif, va se retrouver dans une situation de dégradation qui est
tout à fait inacceptable pour elle, qui va
se retrouver dans des états qu'elle appréhende, qu'elle ne souhaite pas,
qu'elle ne veut pas vivre, qui, si
elle était en mesure de porter un jugement sur ce dysfonctionnement-là, lui
rendrait la situation insupportable.
Mme Montpetit : Et vous pensez...
parce qu'encore là on a eu des témoignages divers, mais, comme vous représentez
aussi, en plus du public, les médecins, vous pensez que... Comment ce serait
reçu, cette question-là, par les médecins? Comment est reçu votre
positionnement d'exclure la situation de souffrance pour s'en tenir à une
question de valeurs et de dignité? Parce que c'est quand même une posture, je
ne sais pas si c'est philosophique, ou éthique, ou médicale, encore bien
différente de ce qui est en place à l'heure actuelle, là.
M. Gaudreault (Mauril) :
Alors, pour le médecin qui est en contact avec de tels patients et qui soigne
de tels patients, ce que nous tentons de
vous expliquer, c'est clair, là, par rapport à tout l'aspect de dignité de la
personne et de respect de ses valeurs, d'habitude, les médecins
connaissent les patients depuis x temps, ont déjà partagé avec ces patients-là. On a une bonne idée des valeurs et
des souhaits des patients qui, lorsqu'arrive à un moment donné, dans
l'évolution de la maladie... je reprends
toujours le cas de la démence de type alzheimer à un stade avancé. C'est clair
que le patient qui a suivi au long
cours ce ou cette... le médecin qui a suivi au long cours ce ou cette patiente
est bien au fait des volontés qu'elle a pu exprimer. Et il y a
certainement une souffrance là-dedans, même si ce n'est pas une souffrance
d'allure physique.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. On va devoir continuer la discussion avec le député de Gouin. Merci
beaucoup, Mme la députée. Donc, M. le député de Gouin.
M. Nadeau-Dubois : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, Dr Gaudreault, Dr Luyet. Je vais aller dans la
continuité de la question de ma collègue de Maurice-Richard.
Vous avez été très clair sur votre adhésion à l'idée selon laquelle l'aide
médicale à mourir doit être considérée comme un soin. Et c'est tout l'esprit,
dans le fond, de la loi québécoise qui repose sur cette notion-là.
Par contre, j'essaie de comprendre votre
position sur le critère de souffrance. Est-ce que, pour vous, il doit être
maintenu? Et c'était la conversation que vous étiez en train d'avoir avec ma
collègue, comment faut-il l'évaluer, ce critère de souffrance là, dans des cas,
par exemple, de maladie neurodégénérative où la souffrance n'est peut-être pas
perceptible de l'extérieur par le médecin, puis ces patients-là sont dans une
situation où ils ne sont plus nécessairement en mesure non plus de l'exprimer?
Donc, comment on réconcilie la persistance du critère...
Bien, en
fait, parce que pour que l'aide... Je perçois qu'il y a conceptuellement un
lien entre le critère de souffrance et
le fait de concevoir l'aide médicale à mourir comme un soin. C'est bien le cas,
ça me semble être logique l'un avec l'autre.
Si on veut rester dans une logique de soin, c'est ce que vous dites vouloir faire, j'en suis, comment on
réconcilie ça avec le fait que, la souffrance, elle est pratiquement invisible
chez quelqu'un qui est dans un stade avancé, par exemple, de l'alzheimer, puis
même que cette personne-là pourrait, de l'extérieur, sembler plutôt sereine?
Donc, est-ce que c'est seulement la souffrance
projetée de la personne qui était apte à l'époque, ici, qui nous permet de
remplir le critère, ou est-ce qu'il ne faudrait pas trouver un mécanisme pour
le valider à nouveau, là, avant... ce critère de souffrance là, avant
d'administrer l'aide médicale à mourir?
M. Gaudreault (Mauril) : Bien, pour moi,
là... Dr Luyet pourra certainement renchérir, mais, pour moi, la
souffrance, elle doit être vue de façon globale, à la fois psychique et
physique, et aussi par rapport à la perte, je dirais, de plusieurs facultés ou
fonctions cognitives de la personne. C'est pour ça que je dis que c'est
important, le suivi au long cours d'une telle personne par une équipe de soins
ou par, idéalement, quelques personnes qui ont pu avoir un contact... quelques
professionnels, je dirais, qui ont pu avoir un contact au long cours avec ces
patients-là afin de bien déterminer ce dont on parle par rapport au fait que...
Vous
savez, même au premier stade de la maladie, de la démence de type alzheimer,
les patients, ils sont conscients des
pertes qu'ils sont en train de vivre. Et même s'il n'y a pas là de souffrance
physique, la prise de conscience de ces pertes-là entraîne des difficultés puis des souffrances d'ordre
psychique qui, même si elles sont difficiles à déceler à un stade avancé
de la maladie, sont certainement encore présentes. Mais effectivement ce n'est
pas quelque chose, là, qu'on peut diagnostiquer avec précision, contrairement à
d'autres diagnostics pour lesquels c'est plus facile en médecine.
• (15 h 30) •
M. Luyet (André) : C'est embêtant, mais juste en complément de réponse là-dessus, je
dirais, c'est l'évaluation par la personne de son état de souffrance qui
est centrale. Puis il arrive des périodes d'évolution de la maladie où on n'est
pas en mesure d'exprimer clairement cette souffrance-là. Mais il y a quand même
des évolutions assez... il y a des prototypes d'évolution, je dirais.
Par
exemple, si on prend la démence de type alzheimer, on sait qu'il y a peut-être
sept, huit, neuf, 10 variations
d'étapes d'évolution de la maladie puis d'évolutions différentes. Mais, si on
n'était en mesure, lorsqu'on est au début d'une maladie, qu'on est
encore capables de consentir, ou même avant, de dire : Bien, moi, si j'ai
des pertes de mémoire légères, je peux vivre avec, ce n'est pas une souffrance
pour moi, mais, si je suis rendu complètement impotente, plus capable de
bouger, plus capable de m'exprimer, plus capable de... ce n'est pas bien, si je
suis rendu à avoir de l'anxiété de catastrophe, je refuse ça.
M.
Nadeau-Dubois : Merci. Donc, je comprends que, pour vous, c'est la
souffrance anticipée qui suffit. Est-ce que j'ai le temps pour une
deuxième question, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme
Guillemette) : Allez-y, on va s'ajuster.
M.
Nadeau-Dubois : ...est compté. Donc, j'essaie de...
La Présidente (Mme
Guillemette) : Oui, allez-y, on va s'ajuster.
M.
Nadeau-Dubois : Ma deuxième question... Il y a des psychiatres qui
viennent nous dire : Des maladies psychiques incurables, ça n'existe pas,
et d'autres qui viennent nous dire que ça existe. Il y a des gens... Et donc on
est devant, comme législateurs, une situation où, au sein même du champ de la
psychiatrie, il y a des opinions contraires. Certains nous disent : Ce
n'est jamais incurable, une maladie psychique, donc un trouble mental sévère.
D'autres nous disent : Oui, parfois, on peut avoir un degré raisonnable de
certitude que c'est incurable.
Comme législateurs...
Alors, vous savez comme moi que le critère de l'incurabilité est inscrit en
toutes lettres, là, dans la loi québécoise. Comme législateurs, comment
devrions-nous trancher un débat comme celui-là, où, au sein même du champ de la
psychiatrie, il semble y avoir débat?
M. Luyet
(André) : Bien, pour ma part, la plupart des maladies mentales sont
traitables, contrôlables, mais demeurent des états chroniques dans bien des
cas. Même la dépression, on se rend compte, après un premier épisode, que les
chances d'en faire un deuxième sur une période de cinq ans est probablement de
l'ordre de 50 %, puis ça va... après le troisième épisode, on est rendu à
au-delà de 90 %. Puis c'est des gens qui vont prendre des traitements
d'entretien pour plusieurs années, mais c'est contrôlable, on peut vivre
normalement, on peut...
Mais est-ce qu'on
guérit un bipolaire? Est-ce qu'on guérit un schizophrène? Est-ce qu'on peut le
déclarer guéri? Non. Je pense qu'on traite de mieux en mieux, je pense que la
gamme thérapeutique s'est grandement enrichie, je pense qu'on arrive à bien
contrôler. Il y a des gens qui arrivent à bien vivre leur vie en dépit de leur
diagnostic et de leurs traitements et il y a des gens qui ont des états sévères
et réfractaires, qui, malgré toutes les avancées jusqu'à ce jour, vont
présenter des évolutions vraiment très négatives.
M.
Nadeau-Dubois : Merci beaucoup, messieurs.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Merci. Merci beaucoup. Je céderais la parole à la
députée de Joliette.
Mme
Hivon :
Oui, bonjour, Dr Gaudreault, Dr Luyet. Juste un petit commentaire en
débutant. Je pense que vous avez, à escient, fait une conclusion assez
provocante en disant que les parlementaires québécois avaient dans leur angle
mort des personnes souffrantes. Je veux juste vous rassurer, ce qui nous anime
à tous les jours en ayant créé cette commission-ci, c'est de s'occuper de
personnes souffrantes. Et je veux dire que, depuis qu'on a fait la loi et la
démarche au Québec, qui a influencé la Cour suprême et ensuite le fédéral avec
le Code criminel, qui a repris notre terminologie, jusqu'à nos critères,
c'était d'être là pour les personnes souffrantes. Donc, je veux vous rassurer,
on est là pour ces personnes-là.
Je veux... Je voudrais continuer, justement, ça
fait le lien, sur la souffrance. Vous en avez parlé avec mes deux collègues.
Vous allez trouver qu'on est obsédés par ça, mais moi, je voulais comprendre le
degré de confort. Vous
êtes le Collège des médecins, donc vous êtes là pour, évidemment,
que les actes soient bien faits. Mais vous êtes en constant contact avec
ces médecins-là qui pratiquent ce type de soin. Le degré de confort des
médecins d'administrer l'aide médicale à mourir à une personne qui serait inapte,
qui aurait fait une demande anticipée, et qui ne serait plus là pour pouvoir
donner son avis, et qui pourrait être dans un état qui fluctue beaucoup, où il
est difficile d'évaluer certaines choses, j'aimerais que vous me parliez un peu
de comment vous pensez qu'il va être. Parce qu'au début de la loi il y avait
très peu de médecins ouverts, et beaucoup de médecins nous disent : Oui,
ça a évolué, heureusement, mais là c'est toute autre chose de penser, comme
médecin, comme soignant, d'administrer l'aide médicale à mourir à quelqu'un qui n'est pas là avec toute sa
conscience, donc pour manifester sa volonté. On parle de demande anticipée,
là.
Et l'autre élément, c'est la souffrance,
justement. Je veux bien que vous me clarifiiez ça, là. La souffrance, c'est un
critère incontournable de l'article 26 de la loi. Là, ce que vous nous
dites, vous, c'est que vous jugez que cette souffrance-là, dans le fond, elle
n'a pas à être évaluée au moment de l'administration de l'aide médicale à
mourir dans le cas d'une demande anticipée, mais bien de ce qui aurait été
anticipé par la personne. Et donc on se fie à
cette souffrance anticipée là et non pas à la souffrance au moment même de
l'administration de l'aide médicale à mourir.
Donc, c'est mes deux questions. Je vous lance
ça, parce que j'ai un gros cinq minutes. Ça fait que, si vous pouvez répondre,
ce serait très apprécié.
M. Gaudreault
(Mauril) : Un début de réponse de ma part, puis complété par le
Dr Luyet, j'en suis certain. Écoutez, c'est pour ça que je disais tout à
l'heure : un suivi au long cours, c'est important, tu sais, pas un suivi
pendant un an, pendant, nécessairement, deux mois, etc. C'est un médecin, une
équipe qui aura le suivi d'un patient pendant x temps. À mon avis, c'est ça qui
est important d'abord et avant tout par rapport à bien évaluer, je dirais, les
volontés de ce ou cette patiente par rapport à la situation qu'elle vit. C'est
pour ça, là, dans ce sens-là... Et je pense qu'il y aura toujours des médecins
qui seront mal à l'aise avec ça puis il y aura toujours des médecins qui le
seront plus. Et notre code de déontologie le dit aussi, lorsqu'il y a une
objection de conscience, on n'a pas de problème avec ça, mais, à ce moment-là,
le médecin qui ne peut pas aller dans ce soin-là doit référer son patient à un
médecin qui, lui ou elle, est d'accord pour administrer ce type de soin,
toujours dans le cadre de la logique de soin.
Mais, pour
bien répondre à votre question — c'est important, merci de la poser
d'ailleurs — bien,
oui, je pense que les médecins, il y
en a un bon pourcentage qui vont être à l'aise avec ça parce qu'ils auront
connu la personne de façon intime au long cours, c'est ça que je veux
dire, sur x temps, par rapport à avoir échangé avec elle, par rapport à bien connaître ses volontés, ses valeurs, etc., le
médecin, mais aussi les autres professionnels qui font partie de l'équipe.
Dr Luyet.
• (15 h 40) •
M. Luyet (André) : Bien, exactement
dans le même sens, pour dire que ce qu'on ouvre comme porte, là, c'est de
dire : On ne peut pas dire, à ce moment-ci, que c'est contre nos principes
déontologiques, là, d'aller dans le sens d'une demande anticipée. Donc, il faut
le regarder. On pense qu'il y a des façons de le faire qui seraient correctes
et on ouvre des portes, là, pour explorer cette éventualité-là. Je pense qu'il
y a une façon de le faire et de le faire correctement. Et, si c'est fait
correctement, je pense que les médecins vont endosser cette... je dirais, cette
nouvelle façon là, là, cet élargissement-là des choix qui sont offerts aux
personnes.
Mme
Hivon : O.K. Puis
avec le petit peu de temps qui me reste, je comprends donc que mon analyse de
votre positionnement sur la question de la souffrance était la bonne puisque
vous n'avez pas réfuté. Ça fait qu'en tout cas vous pourrez me dire si j'errais
dans l'interprétation de vos propos.
Mais ma dernière petite question, c'est...
J'imagine que vous avez pris connaissance, là, du rapport d'expert sur la question de l'inaptitude et donc de l'aide
médicale à mourir, là, Maclure... le rapport Maclure-Filion. Et je
voulais savoir si, globalement, les balises qu'ils ont mises, là... comme un
diagnostic préalable, un tiers désigné pour alerter l'existence d'une demande anticipée, est-ce que ces balises-là, vous
êtes en accord avec, donc, ce qui est recommandé?
M. Gaudreault (Mauril) :
Oui, tout à fait.
Mme
Hivon : Parfait.
Merci.
M.
Gaudreault (Mauril) : Et je
voulais vous dire, Mme Hivon, que ce n'était pas... ce n'est pas dans un
sens de confrontation qu'on utilise de tels mots
par rapport aux parlementaires, mais c'est plus un appel à l'aide de la part
des patients puis des médecins qui s'en
occupent pour faire en sorte de prendre des décisions rapidement. C'est dans ce
sens-là.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup. Merci beaucoup, Dr Gaudreault et Dr Luyet, d'avoir été
avec nous cet après-midi et d'avoir partagé votre expertise et celui de vos
collègues.
Donc, nous suspendons les travaux quelques
instants, le temps d'accueillir nos nouveaux invités.
(Suspension de la séance à 15 h 42)
(Reprise à 15 h 51)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, nous sommes de retour. Nous accueillons maintenant le Curateur public du
Québec avec Me Denis Marsolais et Me Julie Baillargeon-Lavergne.
Donc, merci d'être avec nous cet après-midi, d'avoir
accepté cette belle invitation. Nous allons débuter les échanges. Vous allez
avoir 20 minutes pour nous présenter votre exposé. Par la suite, il y aura
un échange avec les membres de la commission pour une période de
40 minutes. Donc, je vous cède la parole dès maintenant.
Curateur public
M. Marsolais (Denis) : Alors,
bon, merci, Mme la Présidente. Je salue aussi tous les membres de la commission,
dont je connais plus particulièrement certaines personnes d'entre vous. Je
tiens à vous remercier de nous donner l'occasion de participer à la réflexion
sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie et, plus particulièrement,
sur l'élargissement potentiel de l'aide médicale à mourir aux personnes en situation
d'inaptitude et celles souffrant d'un problème de santé mentale. Est-ce que
vous m'entendez bien? Ça va? Merci.
Bien évidemment, tout ce qui touche la
protection des personnes inaptes interpelle particulièrement le Curateur public.
C'est l'essence même de notre mission depuis près de 75 ans. Au fil des
années, notre organisation s'est développée et s'est aussi modernisée. Nous
avons toujours placé l'intérêt de la personne inapte, le respect de ses droits
et la sauvegarde de son autonomie au coeur de nos interventions. Nous faisons
un pas de plus dans cette direction avec la nouvelle loi adoptée à l'unanimité
à l'Assemblée nationale le 2 juin 2020, loi qui rentrera en vigueur
en juin 2022, donc dans près d'un an. Il est inscrit clairement dans cette
loi que les volontés et les préférences de
ces personnes doivent être prises en compte dans toutes les
décisions qui les concernent. Vous constatez que le Curateur public
évolue au même rythme que celui de la société québécoise. C'est aussi ce que
nous entendons faire cet après-midi avec vous concernant la question de l'aide
médicale à mourir.
Je souhaite
brosser un bref tableau de l'organisation que je dirige. Le Curateur public, c'est
plus de 800 employés qui oeuvrent dans des domaines d'expertise
très variés. Nous sommes présents dans 11 villes au Québec. Nous jouons
trois rôles principaux, soit sensibiliser la population à l'inaptitude, aux
mesures de protection, accompagner les familles qui prennent charge d'un proche
inapte et, en dernier recours, bien, agir comme représentant légal pour les personnes
inaptes lorsqu'il n'y a aucun proche pour les présenter.
On estime qu'au Québec il y a plus de 175 000 adultes
qui seraient inaptes. La très grande majorité d'entre eux n'ont aucune mesure
de protection juridique. Les quelque 33 000 adultes qui ont une
mesure de protection juridique sont majoritairement pris en charge par leur
famille, à savoir 9 200 personnes qui sont sous régime privé, donc un
tuteur ou un curateur, un proche, 11 400 personnes que c'est suite à
un mandat homologué. Les autres, soit environ
13 000 personnes, bien, ces 13 000 personnes-là sont sous
notre responsabilité, donc une représentation légale par le Curateur
public.
Les causes d'une inaptitude des personnes que
nous représentons sont, à 41 %, déficience intellectuelle, problèmes de santé mentale, 30 %; maladies dégénératives, 21 %; et
traumatismes crâniens et autres causes, 8 %. Nous pensons que c'est
important de vous préciser ces statistiques-là dans l'objet de la commission
qui nous intéresse cet après-midi.
Auprès des personnes que nous représentons, il y
a une équipe de 146 curateurs et curatrices délégués qui sont mes yeux et
mes oreilles sur le terrain. Ces professionnels engagés et empathiques prennent
quotidiennement des décisions qui ont un
impact dans la vie des personnes inaptes. Dans cette prise de décision, nous
sommes toujours guidés, et ça, c'est important, par l'intérêt de la
personne, le respect de ses droits et la sauvegarde de son autonomie.
Pour les personnes représentées par le Curateur
public ainsi que pour toute personne isolée, une de nos responsabilités est de
traiter les demandes de consentement aux soins lorsqu'il est établi que ces
personnes ne peuvent consentir elles-mêmes.
Notre Direction médicale et du consentement aux soins, sous la direction du
Dr Jean-Victor Patenaude, est formée de médecins et d'infirmières.
Cette direction traite annuellement plus de 10 700 demandes de
consentement de toute nature. C'est énorme.
En matière de consentement aux soins, en vertu
du Code civil du Québec, le Curateur public est tenu d'agir dans le seul
intérêt de la personne qu'il représente, en respectant, évidemment, dans la
mesure du possible, les volontés qu'elle a pu manifester. Si une personne
inapte, sous la responsabilité du Curateur public, a rédigé des directives
médicales anticipées en application de la loi, lorsqu'elle est encore,
évidemment, apte, ces directives seront respectées si les soins visés sont
jugés requis par le médecin traitant.
C'est fort de notre expertise et de notre
expérience que nous abordons aujourd'hui avec vous une question, comme vous en
conviendrez, complexe et délicate. À ce stade-ci, les certitudes n'ont sans
doute par leur place, mais nous souhaitons transmettre néanmoins à la
commission certaines réflexions, et ce, en toute ouverture.
Tout d'abord, le Curateur public est en faveur
de l'élargissement des critères d'admissibilité pour l'aide médicale à mourir
aux personnes qui prévoient perdre leurs facultés mentales en raison d'une
progression d'une maladie neurodégénérative. Le Curateur public est d'avis que
les personnes ayant reçu un diagnostic de cette maladie devraient pouvoir
préparer une demande anticipée d'aide médicale à mourir. Pourquoi? Parce que,
pour nous, encore une fois, le respect de l'autodétermination de la personne
est fondamental. Il est clair pour nous que les souhaits de fin de vie que des
personnes ont exprimés en toute connaissance de cause doivent être respectés
une fois qu'elles sont devenues inaptes.
Pour assurer que la volonté du patient est bien
traduite dans les demandes anticipées d'aide médicale à mourir, nous croyons
que cette démarche devrait faire l'objet de discussions avec le médecin
traitant. Nous recommandons donc que la demande anticipée d'aide médicale à
mourir soit signée, évidemment, par le patient en présence de son médecin et
que cette demande fasse l'objet de discussions périodiques. Je pense que le Collège
des médecins a suggéré le même aspect, d'avoir des discussions, de façon
périodique, patient et médecin pour voir l'évolution
aussi et pour s'assurer que la situation déterminée dans la demande soit toujours
évolutive... que le patient, pardon, puisse moduler ou préciser davantage, avec
le médecin traitant, cette situation-là. De plus, les observations et les notes
du médecin concernant ces discussions devraient, à notre avis, être consignées
dans le dossier du patient pour assurer une pérennité des informations.
De façon générale, nous appuyons donc les
initiatives qui visent à assurer une meilleure prise en compte de la volonté
exprimée par une personne lorsqu'elle est encore apte. De plus, nous affirmons
qu'aucune prise de... qu'aucune forme de prise de décision substitutive n'est à
envisager pour demander l'aide médicale à mourir au nom d'une personne inapte.
Il est inconcevable pour nous qu'une personne autre que la personne concernée
puisse décider du sort de cette personne.
Le Curateur public estime également que, sur la
base de l'égalité des droits, les personnes qui ont une déficience
intellectuelle devraient aussi pouvoir formuler une demande d'aide médicale à
mourir si elles sont atteintes d'une maladie grave et incurable et qu'elles
sont aptes à consentir à leurs soins au moment de leur demande, évidemment, en
respectant les critères de l'aide médicale à mourir.
Nous prônons également le droit à l'autodétermination
et au respect des volontés des personnes atteintes de troubles mentaux et aptes
à consentir à leurs soins. Toutefois, et le «toutefois» est important à
notre avis, nous croyons qu'il est primordial que les experts en santé
mentale balisent les critères d'admissibilité en considérant la nature de la
maladie et les traitements disponibles, des experts en santé mentale ou une
équipe multidisciplinaire qui gravitent autour de la santé mentale, pour être
bien sûrs de bien encadrer et baliser cette maladie qui est particulière et qui
touche malheureusement plusieurs personnes de notre société.
• (16 heures) •
Parlons maintenant de la façon d'enclencher le
traitement d'une demande anticipée d'aide médicale à mourir au moment opportun
en suivant les critères établis par la Loi concernant les soins de fin de vie.
Le Curateur public croit que le traitement d'une
telle demande devra être enclenché, et ce n'est pas hiérarchique, c'est un ou
l'autre, par le patient lui-même évidemment, par une personne qu'il désigne ou
par les membres de l'équipe soignante. On a entendu que les statistiques,
notamment aux Pays-Bas sur le... il y a deux ans, il y avait
162 demandes. Il y en a 160 demandes qui ont été formulées ou
demandées, le déclenchement, par la personne... même, par le patient. Il y en a
seulement que deux qui a été demandé par une tierce personne. Alors, on voit
que c'est des cas quand même assez rares, mais quand même...
Si le patient le désire, il devrait pouvoir
désigner son représentant légal, actuel ou futur, incluant le Curateur public.
Le législateur pourrait envisager de leur accorder un rôle dans le suivi des
traitements des demandes anticipées d'aide médicale à mourir pour les personnes
isolées. Nous sommes donc ouverts à jouer un rôle auprès des personnes que nous
représentons, si un besoin est exprimé en ce sens. À cet égard, je tiens à
souligner que nous encourageons fortement la présence de proches auprès des
personnes sous notre responsabilité et que nous favorisons toujours la
collaboration avec eux.
J'aimerais également préciser que la préparation
d'une demande d'aide médicale à mourir est un geste personnel et qui implique
la personne elle-même et son équipe médicale. Le Curateur public n'est donc pas
partie prenante dans la préparation de cette demande, et nous ne sommes pas non
plus nécessairement informés lorsqu'une telle demande est acheminée ou existe.
Nous exprimons une préoccupation particulière à l'égard des traitements des
demandes formulées par des personnes qui seraient isolées et du respect de leur
volonté. Le rôle précis que le Curateur public pourrait jouer dans ces
situations reste à définir, mais je tiens quand même à vous préciser que nous
sommes ouverts à mettre notre expertise à profit et à jouer un rôle de défense
des intérêts de ces personnes. Nous poursuivons évidemment notre réflexion et
nous sommes disposés à participer à des échanges sur ce sujet.
Le cas où une personne, qui aurait préparé une
demande anticipée, soit incapable de déclencher elle-même la demande au moment
choisi risque d'être rare, comme je vous l'ai expliqué. Cependant, évidemment,
chaque cas est important. Nous avons le devoir, je pense, comme société,
d'assurer à la population que les choix qu'ils ont faits en toute lucidité
seront respectés au moment venu.
Finalement, le Curateur public... pour le
Curateur public, la réflexion sur la question de l'élargissement de l'aide
médicale à mourir doit être basée sur l'importance de la légalité des droits
pour tous, du respect du droit à l'autodétermination et des volontés exprimées
par les personnes. Cela constitue, membres de la commission, la base de notre
mission et le reflet de nos valeurs et du respect de l'empathie.
Donc, notre positionnement peut se résumer de la
façon suivante : le Curateur public est en faveur de l'élargissement des
critères d'admissibilité de l'aide médicale à mourir. Nous sommes en faveur du
droit à la renonciation au consentement final afin d'éviter que des personnes
souffrant inutilement ou demandent l'aide médicale à mourir trop hâtivement de
peur de perdre leurs capacités, le deuxième consentement, le fameux deuxième
consentement. Nous sommes en faveur aussi des demandes anticipées pour des
personnes ayant reçu un diagnostic de maladie neurodégénérative et nous sommes,
et je le répète, en désaccord, profondément, sur le consentement substitué
concernant les demandes d'aide médicale à mourir.
Nous sommes maintenant disposés à répondre à
toutes vos questions. Alors, évidemment, Me Baillargeon est à l'emploi du
Curateur public depuis 14 ans à titre d'avocate. Elle est évidemment mon
adjointe exécutive depuis mon arrivée, mais, pour les questions
opérationnelles, je lui laisserai le plaisir de répondre à vos questions, s'il
y a des questions plus précises. Maintenant disposés, Mme la Présidente, à
répondre à vos questions.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Merci beaucoup pour votre présentation. Donc, je céderais maintenant
la parole à la députée de Westmount—Saint-Louis.
Mme Maccarone :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Me Marsolais. Toujours un plaisir
d'échanger avec vous et de vous entendre par rapport à le rôle du Curateur
public, surtout en ce qui concerne maintenant les soins de fin de vie.
J'aurais des questions, c'est sûr, je vous
entends, par rapport à l'autodétermination. Je pense que ça fait bien suite à
la loi n° 18, qui a été adoptée, puis ce que nous
aimerons mettre en vigueur par rapport au respect des droits civils des
personnes qui sont peut-être sous curatelle avec des mandataires ou autres.
Mais je veux vous entendre un peu par rapport à
une distance éthique. Est-ce qu'il y a une distance éthique à respecter en ce
qui concerne peut-être le rôle du... ou la personne responsable pour une
personne vulnérable? Parce qu'on a entendu plusieurs experts qui nous ont dit
qu'il faut toujours faire attention à la... ou une mal interprétation d'une
personne qui souffre peut-être d'une déficience intellectuelle ou qui est sous
le spectre de l'autisme, parce qu'on sait que souvent ils ont une tendance de vouloir
nous dire ce qu'ils pensent qu'on veut entendre, puis on sait aussi que ça se
peut que ça va être un niveau de compréhension qui va se différer d'une
personne qui n'a pas une difficulté neurologique, par exemple.
Alors, est-ce qu'il y a une distance éthique à
respecter? Et, si oui, comment pouvons-nous la mettre en place pour s'assurer
qu'on protège ces personnes qui sont souvent très vulnérables déjà et déjà
marginalisées?
M. Marsolais (Denis) : Je vais me
permettre... réponse, puis Julie pourra compléter.
Écoutez, un des premiers critères importants et
incontournables, c'est le consentement libre et éclairé. Il faut s'assurer
qu'une personne soit qui a un diagnostic de déficience intellectuelle ou
atteinte de maladie mentale, et là on parle d'élargissement, ne soit pas privée
de faire une demande d'aide médicale à mourir du seul fait qu'elle est
déficiente intellectuelle ou qu'elle a une maladie mentale. Ça, c'est la
première prémisse.
Maintenant, il faut s'assurer du consentement.
Il faut s'assurer que cette personne-là comprend bien la portée de sa demande
et de son geste. J'aime à penser et je suis convaincu qu'il y a une foule de
personnes, même qui sont inaptes, déclarées inaptes, qui ont cette capacité,
qui ont la capacité d'être en mesure de décider de demander, dans telle
circonstance, d'avoir l'aide médicale à mourir. Évidemment que c'est un sujet
délicat et que les balises doivent être importantes. C'est pour ça qu'en ce qui
concerne les maladies mentales, qui est une maladie, c'est important que les
balises soient établies de façon très serrée, sans ambiguïté pour qu'on puisse
déterminer ou donner l'opportunité à ces personnes-là, mais aux bonnes
personnes, pas que ça soit une possibilité donnée à toutes les personnes
atteintes de maladie mentale.
Pour des personnes atteintes de déficience
intellectuelle, là aussi, je pense qu'il faut agir de façon prudente, mais ça
ne veut pas dire qu'on doit nécessairement, pour éviter... Comment dirais-je?
Ce n'est pas en balisant puis en empêchant ces personnes-là d'avoir cette
opportunité-là qu'on va régler la situation. Je pense qu'il faut avoir une
ouverture. La société, je pense qu'elle est rendue là. Il faut avoir une
ouverture, donner cette possibilité-là à ces personnes-là, mais il faut qu'elle
soit balisée. Ça, c'est le premier volet.
Deuxième volet, c'est que la... Bon, pour l'aide
médicale à mourir, une décision... un consentement anticipé, là, je pense que
toute l'équipe soignante a un rôle fort important. Je discutais avec le
président du Collège des médecins, cette semaine, il était tout à fait d'accord
avec... Bon, en fait, on a la même position, il faut absolument que la
situation qui va être identifiée dans la demande du patient ou de la personne
concernée, il faut que cette situation-là, évidemment... Puis je pense qu'aux
Pays-Bas ils demandent même que ça soit écrit de la main de la personne et non
pas que ça soit une question, réponse, là, ou un choix multiple, d'une part.
Puis il faut aussi que cette situation-là soit claire pour le patient, pour la
personne qui fait la demande, mais aussi et surtout, je vous dirais, pour le
médecin traitant, pour que les deux s'entendent sur la clarté de la situation,
pour ne pas qu'il y ait d'ambiguïté le jour où cette situation-là arriverait et
le jour où l'administration devra être traitée par le médecin.
Alors, la meilleure façon... Je vais essayer
d'être plus court dans mes réponses. La meilleure façon de s'assurer de ça,
bien, il faut que ce libellé-là soit entériné ou soit vérifié par le médecin
traitant et non seulement soit vérifié lors de la demande, à notre avis, mais
il faut qu'il soit à toutes les rencontres ou périodiquement dans les visites
du patient et du médecin, que le médecin puisse reparler de... bien, d'abord,
pour voir si la personne est toujours consentante puis peut-être pouvoir
bonifier, moduler ou peaufiner la circonstance que cette personne-là a donnée et de le noter dans le dossier. Moi, je pense qu'avec ces balises-là, je pense qu'on
vient mettre un encadrement qui va permettre de s'assurer que ça va être
les bonnes personnes qui vont pouvoir faire l'aide médicale à mourir.
• (16 h 10) •
Mme Maccarone : Ça fait qu'en
parlant des bonnes personnes... Je m'excuse, je veux juste interrompre, parce
que peut-être vous pouvez élaborer dans votre réponse complémentaire à ce que
Me Marsolais vient de partager. Ce serait quoi, le rôle du Curateur
public? D'abord, si c'est une personne qui est sous la responsabilité du
curateur, comment cette personne va militer, va accompagner cette personne?
Est-ce qu'on devrait parler... penser à élargir le rôle du curateur à cet
égard? Parce que des fois, pour quelques personnes, comme vous le savez très
bien, vous êtes le seul intervenant qui représente une personne vulnérable.
M. Marsolais (Denis) : Et on ne veut
pas se défiler dans nos responsabilités, au contraire, mais on veut être en
mesure de bien rendre ces responsabilités-là. C'est pour ça qu'on est encore
dans la réflexion quel rôle précis on pourrait jouer.
La chose que je peux
affirmer aujourd'hui, c'est que vous avez vu, dans notre mémoire, la
recommandation de dire que le patient ou la personne qui est sous notre
responsabilité peut nommer un tiers... Elle peut soulever sa demande elle-même,
nommer un tiers ou nommer le personnel soignant. Lorsqu'elle nomme un tiers, on
s'inclut dans ce tiers-là, parce qu'il y a des
personnes... On parle de la demande anticipée, par exemple, là. Une personne
qui fait une demande anticipée puis qui dit : Bien, le jour... si jamais
je deviens inapte, et donc je devrais avoir un tuteur privé ou un tuteur
public, bien, j'aimerais ça que ça soit mon tuteur qui fasse... le suivi de ma
demande. Il y en a que c'est complètement le
contraire, qui ne voudrait absolument pas que le tuteur, qui est public, qui
est le gouvernement, puisse interagir dans cette démarche-là. Mais, si
c'est le voeu et le souhait de la personne, je ne peux pas contredire tout ce
que je viens de vous dire depuis les 20 dernières minutes. Nous, on va
respecter les volontés de la personne puis on va s'assurer que ces volontés-là
soient respectées en tout temps.
Alors, si elle
souhaite, cette personne-là, qu'on soit la personne qui... le tiers de
confiance, bien, on le sera, puis là, à ce moment-là, il y aura des modalités à
établir avec... Évidemment qu'on a des curatrices déléguées qui suivent toutes
les personnes qui sont sous notre responsabilité. On connaît le dossier, on
sera... on établira des relations avec les
médecins traitants aussi pour être sûrs de participer à l'évolution des discussions que... évidemment, avec l'autorisation
initialement du patient pour qu'on puisse être en mesure de connaître la situation.
N'étant pas un proche, ça va être plus difficile. C'est là qu'il faut essayer
de développer des modalités pour faire en sorte qu'on puisse avoir connaissance
au bon moment... mais, entre vous et moi, là, on va toujours privilégier un
proche de la famille. Pour une personne qui désire l'aide médicale à mourir, un
proche de la famille a beaucoup plus de proximité. On n'aura jamais autant de
proximité, nous, qu'un proche de la famille. Et s'il n'y en a pas, là... Julie.
Mme
Baillargeon-Lavergne (Julie) : Il faut aussi faire la distinction
entre les personnes qu'on représente, qui pourraient être isolées, les personnes
qui ne sont pas sous régime de protection, qui sont aussi isolées. Là, il y a vraiment
des enjeux... On n'est pas fermés, là, on est ouverts aux discussions
là-dessus, mais, pour nous, on voit des problématiques. Dans la mesure où on ne
connaît pas ces personnes-là, il y a une impossibilité pour nous de suivre
l'évolution de la maladie, comment même être au courant qu'il y aurait eu une
demande faite en ce sens-là.
Donc, ça, c'est... Il
y a un besoin de réflexion à ce niveau-là, et je ne sais pas quel rôle, nous,
on pourrait jouer pour ces personnes-là.
M. Marsolais
(Denis) : Assurément qu'il y a un groupe de personnes qui connaît...
qui va connaître en temps réel la situation de la personne concernée, c'est
l'équipe soignante.
Mme Maccarone :
...circonstances vraiment favorables, mais on sait que, dans plusieurs cas, ce
n'est pas la réalité de plusieurs personnes. Alors, que pouvons-nous faire
vraiment pour s'assurer qu'on protège ces personnes?
Ça fait que ça
m'amène à une réflexion. Lors des échanges que nous avons eus, à l'intérieur
des changements pour le projet de loi n° 18, est-ce
que nous avons manqué une opportunité de venir protéger les personnes encore
plus quand nous parlions peut-être d'un élargissement de l'aide médicale à mourir
puis des soins de fin de vie? Parce qu'on n'a pas eu ce débat par rapport au
rôle de Curateur public.
Alors,
est-ce qu'on a des considérations légales à penser aussi en ce qui concerne
peut-être les recommandations qui vont venir suite... à la fin de cette
commission?
M. Marsolais
(Denis) : Écoutez, moi, je pense que, lorsqu'on a parlé du projet de
loi et qu'on a présenté, article par article, toute la question des soins était
écartée des discussions, était écartée des discussions parce que ça concernait
les dispositions qui relèvent du ministère de la Santé, d'une loi qui relève du
ministère de la Santé.
Par ailleurs,
toujours dans la foulée du respect des volontés d'une personne, bien, il n'est
pas... je veux dire, ce n'est pas
antinomique aujourd'hui de dire que, si une personne désire que, le jour où
elle deviendrait inapte, que ça soit...
à mon avis, idéalement un proche, là, mais que ça soit le curateur... on va
agir, il n'y a pas de souci. Ça fait qu'on n'est pas... pas parce qu'on ne l'a pas traité, parce que c'est un
autre... vraiment, c'est un autre chantier, bien, qu'on ne peut pas le traiter indirectement par la
commission qui fait l'objet des discussions qu'on a aujourd'hui, là. Ce n'est
pas...
Mme
Maccarone : Bien, vous, vous êtes prêt aussi... Tu sais, c'est sûr, on
a parlé beaucoup de formation puis, dans cette commission-ci, on parle beaucoup
de formation. Ça fait que vous êtes d'avis que ça va prendre une formation, évidemment,
assez précise pour le curateur.
Puis on a aussi eu
une question par rapport à... qu'on devrait peut-être mettre tous les cas
publics des gens qui font des demandes, des gens qui ont accès à l'aide
médicale à mourir. Pensez-vous que c'est le chemin que nous devons prendre pour
que les personnes comprend mieux? Puis est-ce qu'il y a aussi une question
éthique en ce qui concerne les personnes sous la responsabilité du curateur, si
on y va vers un registre public de ces demandes pour mieux comprendre les soins
de fin de vie?
M. Marsolais
(Denis) : Moi, je vous avoue que notre réflexion concernant
l'existence ou non d'un registre public n'est pas terminée. Mais, pour
l'instant, je ne suis pas convaincu aujourd'hui que le registre public pourrait
amener... pourrait être d'une utilité dans le cadre de l'aide médicale à mourir.
Moi, encore une fois, je reviens, c'est une relation patient-médecin traitant.
C'est là... L'importance, c'est bien plus dans le dossier médical du patient ou
de la personne que dans un registre public, là.
Mme Baillargeon-Lavergne
(Julie) : Bien, surtout considérant qu'on... Tu sais, il faut qu'il y
ait des discussions périodiques. Les volontés peuvent évoluer dans le temps,
les modalités aussi, notre perception sur notre maladie. Je pense que le fait
d'avoir des discussions fréquentes avec l'équipe médicale, ça peut difficilement
se refléter dans un registre.
M. Marsolais
(Denis) : Tu sais, il y a des personnes... Je peux présumer que des
personnes aujourd'hui qui reçoivent un diagnostic de maladie dégénérative puis
là qui disent : Je veux faire une demande anticipée, je ne veux jamais me
rendre à telle situation, que le jour où mes enfants ne me reconnaissent pas,
etc., je vais me retrouver en chaise roulante, peu importe... Aujourd'hui, je
pense, ça, peut-être, au fil des années... maladie d'Alzheimer, c'en est une,
là, au fil des années, je ne trouve pas ça si pire que ça, puis ce que je
pensais il y a deux ans, quand j'ai formulé ma demande, bien, ma tolérance a
évolué et ma pensée a évolué avec les discussions avec le médecin, puis
j'aurais le goût de moduler un peu, de modifier un peu la situation x que
j'ai mentionnée dans ma demande. Je pense qu'il faut laisser absolument cette possibilité-là
de faire évoluer le consentement, d'un côté comme de l'autre, avec la meilleure
personne, le meilleur conseiller... Bon, je dis le médecin traitant, c'est
l'équipe qui entoure aussi... Je pense que le Dr Gaudreault nous l'a
mentionné, parce que... Je ne l'ai pas écouté nécessairement après-midi, mais
des discussions que j'ai eues avec lui... Toute l'équipe qui entoure un médecin, là,
bien... évidemment que ces personnes-là aussi ont un contact avec certaines personnes
de l'équipe.
Alors, il faut vraiment qu'il y ait du dialogue
continu puis que le dialogue aussi puisse être colligé dans le dossier médical
pour laisser des traces, parce que le médecin peut prendre sa retraite, la
personne peut changer de district, puis son dossier suit. Il faut absolument
qu'il y ait des traces, et je ne pense pas... Pour essayer de faire une réponse
courte quand j'en fais une longue, je ne pense pas que le registre... qu'un
registre quelconque pourrait pallier à ça. Je réponds bien à votre question?
Mme Maccarone : Oui. C'est sûr, ça
répond bien à ma question, mais ce que... c'est plus dans le sens que je
cherche des précisions. Je pense que tous les membres de la commission
cherchent des précisions. Même j'aurais voulu vraiment entendre votre avis en
ce qui concerne le rôle du curateur puis comment que vous voyez comment que le
curateur va soit accompagner... puis si nous avons des changements vraiment à
faire qui sont précis à l'intérieur des recommandations finales. Je pense que
c'est le moment puis je pense que c'est ça que nous avons besoin d'avoir en ce
qui concerne les personnes vulnérables.
L'autre question que j'aurais... Puis je
comprends que vous êtes en train de faire la réflexion, tout à fait, je pense
que nous avons du temps à peut-être revoir... Si vous avez une réflexion plus
mûre à partager avec les membres plus tard, je pense que ce serait le bienvenu
puis ça va sûrement faire partie de notre réflexion.
Mais ça
m'amène à... autre question comme : Est-ce qu'il y a des... Quand on parle d'autodétermination, est-ce
qu'il y a des cas où il y aura des exclusions puis est-ce que nous devons aussi
avoir cette réflexion à quelque part? Parce que, là, on parle de consentement
libre et éclairé, mais souvent les personnes qui sont sous la responsabilité du
curateur... Bien, c'est la question que nous avions, tellement que... leur
donner le droit de vote, on a plusieurs questionnements. Et, si on a cette
réflexion... puis là c'est les demandes d'avoir accès aux soins de fin de vie.
Est-ce qu'il y a des moments où nous devons avoir une réflexion de... ces
personnes ne devront pas faire partie, malgré que nous voulions respecter une
autodétermination?
• (16 h 20) •
M. Marsolais (Denis) : Assurément.
Assurément qu'il devrait... mais c'est les balises qui vont être établies qui
vont permettre... qui vont permettre, qui vont peut-être exclure la
possibilité, pour tel type de personne, à faire une demande d'aide médicale.
Mais moi, je pense... Comment dirais-je? Vous me
dites que vous voulez avoir des précisions. Moi, la précision la plus
importante que je vous dis, que je suis en mesure de vous dire aujourd'hui,
c'est que nous, on va être le gardien de respecter les volontés de la personne.
Ça, c'est du côté du Curateur public.
Quant à établir les balises qui vont permettre à
une personne de le faire ou ne pas le faire, moi, je pense qu'il faut donner
ouverture à le faire, mais baliser ces opportunités-là. Puis ça, bien, c'est
une équipe multidisciplinaire qui va faire en sorte de faire certaines balises,
là.
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) :
Bien, je veux peut-être juste préciser, ce n'est pas parce qu'on est sous
régime de protection et déclaré inapte par le tribunal qu'on est nécessairement
inapte à consentir à ses soins.
Donc, à chaque fois qu'on prodigue un soin, le
médecin doit évaluer, selon les critères de la Cour d'appel, si tu es apte à
consentir à ce soin-là, puis ça va être la même chose pour l'aide médicale à
mourir. Et ça, c'est vraiment l'équipe médicale qui va juger si tu as l'aptitude
nécessaire à donner un consentement libre et éclairé. Donc, ça, c'est une
chose, et il y a plein de gens qui sont sous régime, qui sont aptes à consentir
à leurs soins, et d'autres ne le sont pas. Donc, ça, c'est vraiment la base.
Pour ce qui est de la demande anticipée puis le
tiers de confiance, là, on ne parle pas d'un consentement substitué ici. C'est
vraiment juste lever le drapeau puis de dire : Cette personne-là, elle a
formulé une demande à une certaine époque, on pense qu'elle est peut-être rendue
là puis on laisse le soin à l'équipe médicale de juger de...
Mme Maccarone : Ça fait que c'est
qui qui devrait mettre en vigueur, peut-être, des règles modulées, de façon
modulée pour avoir ce consentement? Le curateur qui a un rôle à jouer à l'intérieur
de ça? Parce qu'on a entendu, tu sais, c'est pour avoir des balises... Vous
avez dit qu'il faut que ça soit libre et écrit, mais, si une personne n'a pas
les moyens d'écrire, est-ce que verbal, ça y va? Tu sais, est-ce qu'on devrait
avoir... autres moyens d'accompagnement? Puis, si oui, est-ce que le curateur a
un rôle à jouer à l'intérieur de... le mettre en vigueur?
M. Marsolais
(Denis) : Assurément que le curateur est sûrement une personne qui va
avoir un rôle important dans cette démarche-là, mais ça ne sera pas le seul,
parce qu'on n'a pas toutes les expertises. On a beau avoir une équipe médicale ici... Nous, c'est clair que, si on aura à
statuer pour faire le suivi suite à une demande... puis c'est clair qu'on va
former une équipe multidisciplinaire à l'intérieur de notre organisation, puis
il va y avoir un certain nombre de personnes d'expertise qui vont évaluer,
est-ce que le moment est arrivé pour faire en sorte d'aviser l'équipe soignante
pour dire : Bien, ce qui a été souhaité par la personne, le moment précis,
bien, c'est le temps d'aviser l'équipe médicale.
Mais, en même temps,
il faut toujours avoir à l'esprit, et Julie l'a précisé, le consentement
anticipé, le consentement a été donné. Le reste de la démarche, c'est le tiers,
là, soit le tiers proche ou le tiers Curateur public, et il ne fait... juste
soulever à l'équipe soignante ou au médecin traitant que la situation qui avait
été décrite dans la demande, selon les informations qu'il a, cette situation est arrivée, et c'est le moment peut-être
de voir à l'administration de l'aide médicale à mourir. Après, là, c'est le médecin qui va décider s'il y a
une corrélation entre la situation qui est soulevée par rapport à la situation
souhaitée.
C'est pourquoi c'est
tant important qu'il y ait une communication, à la base, entre le patient, le
demandeur et le médecin traitant pour que le langage utilisé dans la
description de la situation soit un langage, certes, qui soit compris par le
demandeur, mais aussi qui soit clair pour le médecin traitant ou pour tout
autre médecin qui aura à traiter du suivi de cette demande-là. Moi, je pense
que...
Mme
Maccarone : Notarisé?
M.
Marsolais (Denis) :
Je ne suis pas là puis, écoutez, je suis un
peu mal placé pour vous donner une opinion là-dessus, ayant été président...
Mme
Maccarone : Vous, vous êtes mal placé? Vous êtes l'ancien...
M. Marsolais
(Denis) : Non, mais pourquoi pas? Pourquoi pas, mais je pense que...
Mme
Baillargeon-Lavergne (Julie) :
Ça devrait faire partie d'un éventail d'options, je pense, pour le citoyen.
M. Marsolais
(Denis) : Là, vous me posez une belle question, là, difficile à
répondre. Mais moi, je pense qu'il faut que... je pense qu'un acte notarié pour
recevoir le consentement, j'en suis, il n'y a pas de souci, mais quid de l'évolution
de la situation après, parce que la... peut-être que le consentement va être
modulé, et tout, ça... Je ne suis vraiment pas dans ces modalités-là pour
l'instant, là, de la façon de faire le consentement.
L'important, pour
moi, là, c'est qu'il y ait un consentement éclairé, qu'on soit certain que la personne,
qu'elle soit atteinte de maladie mentale ou de déficience intellectuelle,
qu'elle puisse faire cette demande-là si elle est en mesure de le faire puis y
consentir. Parce qu'il y a plein de personnes qui ont ces pathologies-là puis
qui sont en mesure de donner un consentement aux soins. Ça reste un soin. Évidemment,
c'est un soin particulier, puis, comme c'est un soin particulier quand on parle
de maladie mentale, tout particulièrement, bien, il faut que ce soin-là soit
encadré avec des balises qui soient la suite de réflexions de l'équipe médicale
multidisciplinaire qui va faire en sorte qu'on ne fasse pas n'importe quoi.
C'est important, là, mais il ne faut pas brimer les gens d'avoir la possibilité
de le faire. Ils sont assez... Parfois, les personnes atteintes de maladie
mentale ou de déficience intellectuelle, qui sont un peu considérées... qui, en
général, ne sont pas aptes à dire ou à donner leur opinion, que... dans la
vraie vie, ce n'est pas vrai.
Alors, il faut donner
la chance, cette possibilité-là si la personne est en mesure de consentir à....
Comme le consentement aux soins, nous, il y a des gens qui sont sous notre
juridiction puis qui sont en mesure, selon le médecin, de consentir aux soins.
On n'intervient pas. On intervient seulement dans le cas où cette personne-là,
selon l'équipe médicale, n'est plus en mesure de consentir aux soins.
La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Merci,
Mme la députée. Je céderais la parole
à la députée de Joliette.
Mme
Hivon :
Oui. Bonjour à vous. Merci beaucoup pour votre présentation et votre réflexion
sur tout ça. On tenait vraiment à vous entendre.
Merci d'abord de la
précision, là, ou du rappel que vous faites sur l'importance que la situation
quant à l'aptitude de la personne à consentir à ses soins doit se faire à
chaque fois, pour chaque demande, et qu'il n'y a pas d'a priori qu'on doit
avoir parce qu'une personne est sous un régime de protection. C'est déjà le cas
en ce moment, la personne qui peut fluctuer dans son aptitude peut faire une demande
d'aide médicale à mourir si, quand elle le fait, elle est apte. Donc, je pense
qu'il y a encore beaucoup de pédagogie à faire dans la société par rapport à
ça, pour enlever ces stigmates-là et ce paternalisme-là. Ça fait que merci de
le faire à nouveau.
Et l'autre chose sur
laquelle je vous remercie d'emblée, au-delà, là, de la prise de position, c'est
que vous êtes très clairs, mais on voulait vous entendre là-dessus. Donc, des
personnes qui sont inaptes, en quelque sorte, de naissance, qui ont une
déficience profonde, qui ne peuvent consentir, donc, à aucun soin, à aucun
élément de leur vie, vous nous dites : jamais de consentement substitué
pour ces personnes-là. Donc, ça, c'est très clair.
M. Marsolais
(Denis) : En tout cas, tant que je serai Curateur public, ça va être
non. On ne peut pas prendre la place de ces personnes-là.
Mme
Hivon :
Parfait. Parce que, même si certains en théorie pourraient dire qu'il y a une
discrimination, je comprends que vous mettez le curseur vers la protection,
parce qu'il pourrait y avoir des dérives trop importantes. Parfait. C'est très
clair.
Là, je veux qu'on aille sur le tiers ou l'équipe
traitante qui serait la personne qui agite le drapeau. On a bien compris, ce
n'est pas cette personne-là qui décide, mais elle a accompagné la personne,
elle sait qu'il y a une demande anticipée qui a été faite.
Donc, je veux
juste bien, là... J'ai lu votre mémoire, tout ça, là. Ce que vous nous dites,
c'est que, quand il y a un tel tiers qui est désigné dans la demande
potentielle, c'est cette personne-là qui agite le drapeau auprès de l'équipe
soignante. Quand il n'y en a pas, ça pourrait être l'équipe soignante.
Évidemment, vous dites : Nous, on pourrait peut-être jouer un rôle
là-dedans, le curateur. Mais, quand il y en a une personne de désignée, c'est
ça que je veux clarifier avec vous, là, dans votre hypothèse, il faut que ça
soit cette personne-là ou vous dites : Bien, ça pourrait aussi être
l'équipe soignante, puis on pourrait passer outre ou, en tout temps, c'est la
personne qui est désignée?
• (16 h 30) •
M. Marsolais (Denis) : Encore une
fois, en prémisse de la réponse que je vais vous donner, ma plus grande
préoccupation, c'est le respect de la volonté de la personne.
Donc, le monopole donné au tiers, nommé par la
personne, je pense qu'il ne faut pas que cette personne-là ait le monopole. Le meilleur
exemple, je nomme ma conjointe ou je nomme... peu importe la personne, et cette
personne-là, le moment venu, elle ne veut pas... elle ne veut pas pour toutes
sortes de raisons, éthiques, religieuses, ou peu importe, et là, alors que
l'équipe soignante... et son consentement était très clair, la description de
la situation était très claire. Moi, je veux faire en sorte, autant que faire
se peut, de donner un éventail de possibilités à faire en sorte que la volonté clairement
exprimée en toute lucidité d'une personne puisse être réalisée, si cette situation-là
arrive. Évidemment que la prémisse à tout ça, c'est que la situation soit
claire autant pour le médecin traitant que pour le patient. C'est pour ça que
l'importance... qu'il y ait une connexion. Et moi, j'irais même à dire...
Mme
Hivon : ...
M. Marsolais (Denis) : Oui, j'irais
même à dire, on ne l'a pas dit dans le mémoire, que les médecins devraient
signer la demande avec le patient. Je ne vois pas, une fois que... Puis donc,
s'il signe la demande, c'est qu'il... la meilleure personne placée pour dire
que cette personne-là est capable de donner un consentement, c'est son patient,
et qu'il constate aussi que le libellé de la situation est clair pour lui. Ça
fait que, pour les tiers, la meilleure preuve, ça serait que le médecin et le
patient signent cette demande-là. De toute façon, cette demande-là va être dans
le dossier médical, et ça va se suivre. Alors, je pense que, si on veut blinder
les choses, là, c'est ça...
Et pour répondre plus précisément à votre question,
qu'il y ait un tiers de confiance ou qu'il y ait un proche, tant mieux, mais de
faire une hiérarchie de consentement, s'il n'est pas là, puis après tu vas à
là, puis après tu vas à l'autre, moi, je pense que le sujet est trop sérieux, et l'enjeu de respecter la volonté d'une personne,
c'est trop important pour nous que de le limiter seulement à une personne.
C'est et/ou, là, ce n'est pas... c'est cumulatif, ce n'est pas...
Puis... donner l'exemple des dons d'organes, O.K.?
Je me souviens, moi, quand j'étais à la chambre, on a fait des dons d'organes, tout était beau, avec le
Dr Pierre Marsolais, à Sacré-Coeur, puis c'était important.
Puis on a même... on pouvait même faire le don d'organes au sein d'un
testament, peu importe, bon, il y a différentes façons, il y avait une panoplie de façons. Consentement libre et éclairé, si jamais j'étais en mesure de... que mes organes, à
mon décès, là, clinique, puissent servir, c'est ça que je veux. Vous
remplissez tout, votre permis de conduire, c'est un consentement.
Dans la pratique, ce qui se passe encore aujourd'hui,
là, le réflexe, c'est de demander à la famille pour voir s'ils sont d'accord.
Moi, je ne souhaiterais pas, en tout respect avec la famille, que s'il y a un consentement
libre et éclairé, qu'on se sente obligé, quand c'est clair, là, le médecin a
signé, c'est consenti, tout est beau, qu'on se sente obligé, comme société,
d'aller s'assurer que la famille est d'accord. Souvent, dans ces situations-là,
vous le savez, Mme Hivon, que... Véronique, qu'il y a certaines personnes
qui ne veulent même pas en parler à leur famille, parce que ce n'est pas bien
vu, puis tout ça. C'est sûr que, si elle fait une demande, cette personne-là,
et la chose arrive, bien, la famille... puis si on consulte la famille, la
décision, là, c'est de savoir si la situation qui est décrite, qui est claire,
on est là.
Mme
Hivon : Oui.
Parfait.
M. Marsolais (Denis) : Ça a l'air
drastique, là, mais... Puis ce n'est pas parce que je vais ouvrir la machine à
ce qu'il y ait un nombre effarant de... il faut que ce soit fait sérieusement.
Mme
Hivon : C'est
beau. C'est parce qu'il me reste une question, puis j'ai très peu de temps, ça
fait que je pense que c'est une nuance très, très importante. Vous dites, en
fait, le tiers, il sert à lever le drapeau, mais ce n'est pas lui qui va se
tourner vers la famille élargie pour dire : Finalement, on est-tu d'accord
ou pas d'accord? C'est la personne qui
l'avait demandé, c'est elle qu'on doit suivre. En fait, vous avez amené un
point, là, puis vous avez beaucoup insisté sur l'évolution de la
maladie, l'évolution, la fluctuation des volontés de la personne, donc l'importance,
évidemment, ça, ça va de soi, c'est déjà
dans la loi, que la personne peut changer d'idée en tout temps. Ça fait que,
là, vous dites : Ça, c'est important,
d'où l'importance qu'elle puisse en parler périodiquement avec son médecin. On
comprend ça.
Mais ça, justement,
ça m'amène à quelque chose qui est quelque chose qui nous occupe ici beaucoup,
du moins, certains membres de la commission, on est presque obsédé avec ça,
c'est la question de l'évaluation de la souffrance entre
l'anticipation de la situation et la situation telle qu'elle se vit. Puis à la
page 10 de votre mémoire, là, vous dites bien, vous encouragez à ce que ce
soit décrit, là, avec détail, la nature des souffrances que la personne juge
intolérables. Mais évidemment on se comprend que c'est la personne, dans son
anticipation, qui décrit : Ça, ça, ça, pour moi, ça n'a pas de sens.
Vous savez aussi que,
dans la loi, on dit qu'il faut qu'au moment où il y a une demande d'aide
médicale à mourir ou qu'on l'administre la souffrance est là. Alors, je veux
juste savoir si vous qui êtes très soucieux de l'autonomie de la personne,
mais, en même temps, qui connaissez les fluctuations de la personne... Certains
sont venus nous dire : La personne qui est démente, elle peut avoir une démence
heureuse, en quelque sorte, on se comprend. On pourrait faire un grand débat de
trois jours là-dessus, mais elle ne témoigne pas, elle ne montre pas de signe
de souffrance perceptible, évaluable, objectivable.
Donc, certains nous
disent : Ce n'est comme plus la même personne. Ça fait que, oui, on se fie
à ce qu'elle nous a demandé, mais est-ce qu'il faut évaluer aussi qu'il y a une
souffrance, qu'elle soit psychique ou physique, mais qu'il y en a une au moment
où on donnerait ouverture parce que les conditions sont remplies?
M. Marsolais
(Denis) : Bien, si moi, aujourd'hui, je vous dis : Si jamais
j'arrive à telle situation, que j'ai une maladie dégénérative, d'abord, c'est
le premier critère, il faut d'abord que j'aie une maladie dégénérative, et que
je dis : Si jamais j'arrive au jour où je ne suis plus capable de
reconnaître mes enfants, je suis alité, je ne suis plus capable de me nourrir,
etc., puis évidemment que le médecin va m'aider à capsuler ça pour que ça soit
clair, bien, à ce moment-là, moi, j'aimerais qu'on... j'aimerais, parce que je
ne suis plus là. Probablement, je vais être... je vais avoir de la démence à ce
moment-là. Démence heureuse, bien, moi... Il y en a, des gens qui,
psychologiquement parlant, d'être inconscients, là, d'une démence heureuse, eux
autres disent : Bien, de toute façon, je ne le sentirai pas, il n'y a pas
de problème. Mais, encore là, ça va être l'évaluation du médecin qui va être en
mesure d'évaluer ce que la personne avait décrit dans sa demande. L'importance de
la révision périodiquement de ça, c'est que ma pensée, dans deux ans, peut
changer avec l'évolution de ma maladie, et c'est là que c'est important.
C'est pour ça qu'un
registre avec une demande x, moi, je pense que c'est le dossier médical
qui est le coeur... qui est le nerf de la guerre là-dedans, puis c'est ça,
vraiment, qui est l'entité, qui est la source d'information la plus importante
à conserver parce qu'il y a une pérennité dans le dossier de santé aussi.
Julie.
Mme
Baillargeon-Lavergne (Julie) : Il y a aussi toute une notion de...
pour plusieurs personnes, en tout cas, de
mourir dans une certaine dignité. Donc, je sais qu'il y a un débat sur la
démence heureuse. Si elle est réellement heureuse ou pas, là, moi, je ne suis pas experte en
médecine pour trancher cette question-là, mais je pense qu'on est capable,
quand même, comme personne, d'anticiper des situations où on se dit : Moi,
je ne veux pas me rendre jusqu'à ce point-là.
Mme
Hivon :
En terminant, je vais juste vous soumettre... c'est juste que c'est un vrai
débat existentiel et social. Parce que, là, vous avez énuméré une liste
d'éléments, mais, si quelqu'un disait : Moi, dès que je ne reconnais plus
mes enfants, par exemple, je veux l'aide médicale à mourir, on est loin de la
situation où elle est grabataire, où elle est alitée, où elle n'est plus
capable de se nourrir. Donc, c'est ça que nous... c'est pour ça qu'on vous
pousse dans ces questions-là, parce que c'est une question très difficile.
Est-ce que c'est la mort sur demande au moment qui a été demandé ou c'est
l'anticipation avec des critères de souffrance?
M. Marsolais
(Denis) : Puis vous avez entièrement raison, parce que ce n'est pas
simple, d'où l'importance de la discussion avec son médecin traitant. Parce que
le médecin traitant, lui, va être en mesure d'allumer des lumières rouges puis
de dire : Oui, bien, peut-être, etc. Mais je pense que toutes les réponses
sont bonnes dans ce type de questionnement là, il faut juste mettre une ligne
en quelque part, mais une ligne qui soit acceptable au plan sociétal... avec la
société.
Alors, il ne faut pas
que ça soit trop large, mais il ne faut pas que ça soit restrictif puis il faut
surtout être en mesure de respecter la volonté de la personne, en autant que
ses volontés soient assez précises et acceptables pour qu'on puisse procéder à l'administration
de l'aide médicale à mourir...
• (16 h 40) •
Mme
Baillargeon-Lavergne (Julie) : Et que ça rentre dans le critère de
souffrance physique, psychique, constante, insupportable. Il faut quand même
rentrer dans les critères de la loi. Est-ce que le fait de ne plus reconnaître
ses enfants seulement rencontre ce critère-là?
M. Marsolais
(Denis) : Je ne suis pas capable de répondre à ça, mais on parle de
souffrance existentielle, là. Le rapport des experts a parlé de souffrance
existentielle. Ça fait que ça va être une bonne définition dans la loi.
Mme
Hivon :
Merci beaucoup.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Merci, Mme la députée. Je céderais maintenant la parole
au député de Lac-Saint-Jean.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Merci, Mme la Présidente. Bonjour à vous deux.
Merci d'être là en ce vendredi après-midi.
Bon, écoutez,
j'ai entendu un peu, là, les questions qui ont été posées, tout ce que vous
avez pu aussi expliquer. Moi, j'aurais une question, parce qu'en fait,
c'est sûr et certain, je ne connais pas beaucoup nécessairement le rôle que le Curateur public peut faire et c'est quoi... jusqu'à
quel point le Curateur public a des droits par rapport à la famille. Et je sais
aussi que parfois c'est la famille qui est le curateur, dans certains cas. En
tout cas, si ce n'est pas exact, vous me le réexpliquerez comme il faut.
Mais dans le cas où est-ce qu'il y a des gens
qui n'ont pas de famille ou la famille n'est pas présente, mais c'est vraiment
le Curateur public qui a la gestion de la personne, lorsqu'il arrive une situation,
en fait, que le médecin doit prendre, en
fait, la décision, mais qu'il a encore un doute, un doute s'il doit exécuter ce
que le patient voulait, il y a plusieurs personnes qui nous ont
recommandé d'avoir un comité, une table nationale d'experts qui, justement...
pour aider, épauler le médecin, là, dans la prise de décision.
Je voudrais savoir ce que vous en pensez de
cette table-là. Je sais, là, que je sors un peu, peut-être, là, de votre...
mais ce n'est pas grave, vous êtes quand même le Curateur public du Québec,
puis c'est venu à plusieurs reprises. Donc, les gens qui n'ont pas de famille,
qui n'ont pas... que c'est vous... dont vous avez la responsabilité, bien, qui demandent, exemple, l'aide médicale à
mourir, puis que le médecin a des doutes, alors là, il y a des
interventions de votre part. Donc,
j'aimerais ça avoir votre point de vue là-dessus, un peu, là, sur cette
table-là d'experts, provinciale.
M. Marsolais (Denis) : Écoutez, vous
parlez d'une personne isolée, qui n'a pas de proche, puis qu'il y a l'équipe
médicale qui est là, et que la situation a été... la situation que cette personne-là
a décrite au moment où elle était apte, elle est devenue inapte, puis on est
arrivé là, le médecin considère que cette situation-là n'est pas exactement...
on n'est pas rendu à ce stade-là. C'est ça, votre question?
M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Oui.
Bien, en fait, c'est quand le médecin a encore des doutes. La personne l'avait
demandé, mais il a encore des doutes. Puis il y a plusieurs personnes qui ont
intervenu, des spécialistes, des médecins puis qui recommandent une table
d'experts pour aider, pour épauler le médecin dans la décision quand il a
encore des doutes.
M. Marsolais (Denis) : Moi, je pense
que, d'abord, ultimement, la décision appartient au médecin. Si le médecin
n'est pas en mesure de prendre une décision parce que ce n'est pas clair ou
qu'il a besoin de faire appel à un expert... parce qu'un médecin de famille,
par exemple, il peut avoir des connaissances bien pointues, bien précises,
notamment concernant la maladie mentale, mais il...
M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Je vais
repréciser plus ma question, c'est qu'il aurait des doutes par rapport à
l'admissibilité du patient. Désolé, je n'ai pas... j'aurais dû éclairer, j'ai
manqué...
M. Marsolais (Denis) : Je vous avais
compris dans ce sens-là.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Oui,
éclairer, l'admissibilité du patient.
M. Marsolais (Denis) :
L'admissibilité au patient de recevoir l'aide médicale à mourir.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Oui,
désolé, monsieur et madame, là.
M. Marsolais (Denis) : Pas de souci,
on est là pour ça. Puis ce n'est pas... Les certitudes, je vous l'ai dit dans
mon allocution, ça n'a pas leur place, aujourd'hui, hein? Je pense qu'on est
tous un peu en... exploratoire, on a tous des opinions, mais je pense que ces
opinions-là vont évoluer avec le temps, assurément.
Bon, moi, le cas où le médecin ne sait pas trop
puis il ne veut pas se prononcer parce que ce n'est pas clair dans sa tête,
même si... par rapport à la situation décrite, la situation actuelle, bien, je
pense que... Une table nationale, je ne le sais pas, j'en sais trop, là, je
pense qu'il ne faut pas... C'est assez complexe comme ça, je ne suis pas sûr
qu'une table nationale ça serait nécessaire, mais qu'il y ait une équipe
multidisciplinaire qui soit en mesure de... pas réviser, parce qu'il n'y a pas
eu de décision du médecin, mais de faire une recommandation au médecin,
supplémentaire, pour le conforter dans sa prise de position ou le conforter
dans son indécision, bien, je pense qu'à ce moment-là il faut faire appel à un
groupe tiers d'experts, pas n'importe qui... ils auront une expertise certaine
dans différents domaines. Et, si on est dans, par exemple, dans un cas d'une
personne qui est atteinte de maladie mentale, par exemple, bien, assurément
qu'il y a des experts qui ont une expertise très pointue concernant ce domaine
de... ce domaine, pas de droit, mais ce domaine médical là, et donc, à ce
moment-là, il pourra y faire référence. Mais au moment où on se parle,
M. Girard, tout est ouvert, là. L'important, c'est de donner des voies
d'accès pour permettre à un médecin qui n'est pas trop sûr d'avoir... d'être
supporté par une équipe... puis je pense que le Collège des médecins serait
très favorable à ça aussi, parce qu'on n'a pas... tous les médecins n'ont pas
toute la même expertise dans tous les domaines, comme tous les juristes n'ont
pas toute la même expertise dans tous les domaines de droit. Ça fait que le
parallèle, je pense que ce serait important de le faire. Une table nationale,
je ne le sais pas, mais assurément une équipe multidisciplinaire, assurément.
Mais la question qui se pose davantage puis...
d'avoir la question, mais je vais la... (panne de son) ...si le médecin ne veut
pas, puis le tiers de confiance, là, qui est nommé, lui, il dit : On est
vraiment rendu là, là, certains ont parlé, bien là, à ce moment-là, on pourrait
s'adresser aux tribunaux pour... Moi, je ne suis pas très favorable à ça. On
travaille activement, le système de justice, pour déjudiciariser, pour faire en
sorte de donner une plus grande accessibilité puis ne pas compliquer les affaires.
Moi, je pense qu'à ce moment-là la loi à venir devrait prévoir un mécanisme d'arbitrage, là... je ne parlerais pas d'arbitrage
dans ce contexte-là, mais un mécanisme auquel on pourrait faire référence,
peut-être au même groupe externe qu'on parlait tantôt, là, l'équipe
multidisciplinaire, qui pourrait faire une révision du refus du médecin, puis
de soit dire après, mais pas une seule personne, une équipe, vraiment, là,
dire, bien : Le médecin est d'accord de ne pas vouloir parce qu'on n'est
pas rendu à la situation qui était décrite, ou la situation qui était décrite,
malheureusement, n'est pas assez claire pour qu'il y ait... avoir un
consentement du médecin, clair, ou il a tort, mais essayer d'éviter — puis
je suis sûr que Me Véronique Hivon va être d'accord avec moi — essayer
d'éviter, dans la réflexion de la loi, qu'on soit... qu'on ait le réflexe que,
si ça ne marche pas, on va aller devant les tribunaux. On ne peut pas l'écarter
complètement, mais il faut trouver des mesures alternatives de résolution des
conflits, là, parce qu'il y aurait un conflit entre l'appréciation de la
personne tierce puis le corps médical.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) : O.K. Je
trouve ça intéressant, parce que c'était ça que je voulais vous poser, puis
vous m'avez devancé complètement.
M. Marsolais (Denis) : J'ai lu dans
vos pensées.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Quand
le médecin ne veut pas, puis quand on parle d'un tiers... mais des fois, le
tiers, ce n'est pas la famille, puis on sait que des fois il y a des gens qui
n'ont pas... tu sais, ils ont des familles, mais
qui n'ont pas... tu sais, ils sont sous curateur public puis la famille n'est
pas là. Mais moi, je voudrais savoir, quelqu'un qui ne veut pas le dire
à sa famille, est-ce qu'il va... est-ce qu'ils vont être devant le fait
accompli quand même?
M. Marsolais (Denis) : Le tiers, là,
sa seule responsabilité, hein, la seule chose que la loi va lui donner,
présumément, c'est de, comme disait tantôt quelqu'un, lever le drapeau. Parce
que le consentement, là, il est déjà donné. Il ne consent à rien, le tiers, il
fait juste lever le... bien, juste... il fait lever le drapeau, il veille à ce
que lorsque la situation qui est décrite, qui est connue du tiers, j'espère,
que lorsque cette situation-là arrive, si l'équipe autour, qui entoure le
patient, et tout, est moins alerte ou peu importe les raisons, à lever le
drapeau puis à dire au corps médical : Je pense qu'on est rendu là. Mais
le tiers n'a pas à dire : Je suis d'accord, je ne suis pas d'accord, là.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Non,
non, mais il va être informé après.
M. Marsolais (Denis) : Oui, oui.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) : O.K. Je
vais laisser... je vais terminer là, je pense, j'ai des collègues qui ont des
questions. Merci.
M. Marsolais (Denis) : Ça fait
plaisir.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, cher collègue. Bien, oui, je vais prendre la balle au bond. Ça m'a fait
un peu sourciller, tout à l'heure, quand vous avez dit que... parce qu'au
niveau des équipes de soins il y a plusieurs idées qui s'affrontent, de
dire : Bien, on inclut un membre de la famille ou on n'inclut pas un
membre de la famille. Vous, vous nous dites de ne pas inclure de membres de la
famille. Mais là où j'ai sourcillé, c'est quand vous avez dit qu'ils ne sont
pas obligés d'être avisés. Donc, on pourrait procéder à l'aide médicale à
mourir et aviser la famille juste après? J'ai besoin de vous entendre
là-dessus.
M. Marsolais
(Denis) : Vous m'avez mal compris, là, vraiment mal... ce n'est pas ça
que j'ai dit. Julie, vas-y donc.
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) :
Non, évidemment que c'est un cheminement que tout le monde fait ensemble. Je
pense que le cas que Denis soulevait,
c'est, s'il y a discordance au sein de la famille, puis je pense que c'est des cas très, très rares, de faire primer la volonté de la personne
d'abord. Mais il n'est aucunement question de ne pas...
M. Marsolais (Denis) : ...de cacher
ça à la famille, absolument pas, là.
La Présidente (Mme Guillemette) : On
va chercher un consensus.
• (16 h 50) •
M. Marsolais (Denis) : Consensus sur
quoi?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Sur, en fait, la décision, si...
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) :
Le consentement est déjà donné.
La Présidente (Mme Guillemette) : Le
consentement est donné.
M. Marsolais (Denis) : Le consensus,
là, en fait, l'approbation, la décision d'administrer l'aide médicale à mourir,
dans le cadre d'une demande anticipée, là, le consentement est déjà
donné, la situation est claire. Il y a quelqu'un qui est mentionné dans la
demande, le tiers de confiance, on peut l'appeler comme ça, un proche, peu
importe, pour veiller au grain puis voir... être sûr que les volontés de ma
mère, là, que moi, là, je vais m'assurer que le jour où la situation va
arriver, parce que je suis plus proche puis je vais être en mesure de... puis
je l'accompagne quand elle va voir le médecin, et tout, ça fait que je dis...
N'oubliez pas, il y a une demande d'aide médicale à mourir, puis je pense qu'on
est rendu là.
À mon humble
avis, là, puis avec toute la déférence que je peux avoir... de la famille, puis
je me mets là-dedans, j'ai déjà
vécu une situation semblable, la décision, rendu là, de savoir la corrélation
entre la situation décrite non souhaitée et la situation arrivée, c'est le
médecin. Sinon... quoi faire des demandes anticipées?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait.
M. Marsolais (Denis) : Sinon, ça n'a
pas de sens de faire des demandes anticipées. Un consentement anticipé, ça dit ce que ça dit : Je consens à
l'avance parce que j'ai une maladie dégénérative, qui va forcément
m'arriver à, in extremis, je suis alzheimer,
à une situation x, si j'arrive au degré 7. Écoutez, je
dis ça, puis je ne connais rien là-dedans,
là, mais, au degré 7 de l'alzheimer, si c'est ça, puis degré 7, c'est
ça que je vais être comme personne humaine, je ne veux pas être là. Bien, c'est
un consentement anticipé.
Puis c'est important, évidemment... puis
habituellement ça va être comme ça aussi, là, que je vais informer les membres
de la famille ou ma mère va nous informer, tous les enfants, pour dire :
Si jamais j'arrive là puis... Écoutez, moi,
je connais une personne, il y a plusieurs années, qui était atteinte d'une
maladie dégénérative importante puis qui disait — c'était
un de mes amis — qui
disait : Écoute, Denis, si jamais j'arrive là, je ne veux pas être là,
c'est-tu clair, je ne veux pas être là. Bien, cette personne-là, sur le bord
d'arriver là, bien, elle a fait autrement pour ne pas arriver là. Alors,
quand... si cette même personne là... puis peut-être cette personne-là, s'il y
avait eu des demandes anticipées, là, hein, elle n'aurait peut-être pas posé ce
geste-là à ce moment-là. Elle aurait peut-être fait un an, deux ans, trois ans,
quatre ans. Moi, ça me touche. C'est tout.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci beaucoup pour la précision. Donc, avec votre intervention, ça met
fin à la première phase des travaux de la commission. Je vous remercie, encore
une fois, au nom de tous les membres de la commission, de votre présence cet
après-midi. Ça a été très éclairant pour nous.
Mémoires déposés
Donc, avant d'ajourner les travaux, je dépose
les mémoires des personnes et des organismes qui n'ont pas été entendus.
Je vous
remercie, tout le monde, de votre collaboration.
Et, compte tenu de l'heure, la commission suspend ses travaux pour se réunir en séance de travail dans
quelques minutes. Merci encore, Me Marsolais, Me Baillargeon-Lavergne.
(Fin de la séance à 16 h 54)