(Neuf heures une minute)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Bon matin, tout le monde. Nous allons débuter les audiences de la commission...
On recommence. Donc, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la commission
spéciale sur l'évolution des soins de fin de vie débutée.
Donc, la commission est réunie virtuellement aujourd'hui
afin de procéder aux consultations particulières et aux auditions publiques sur
l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire : Non, Mme la
Présidente, il n'y a pas de remplacement.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Donc, j'aimerais savoir s'il y a consentement pour permettre au député
de Chomedey de participer à la séance.
Des voix : Consentement.
Auditions (suite)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, il y a consentement.
Ce matin,
nous entendrons par visioconférence les groupes suivants, donc : Pre Louise
Bernier, Dr Alain Naud et la Pre Jocelyne Saint-Arnaud.
Donc, je
souhaite maintenant la bienvenue à Mme Louise Bernier. Vous
disposez de 20 minutes, Mme Bernier, pour nous présenter votre
exposé, et ensuite il y aura échange avec les membres de la commission pour
40 minutes.
Donc, Mme Bernier, merci d'être avec nous
ce matin, et je vous cède la parole.
Mme Louise Bernier
Mme Bernier (Louise) : Bonjour,
membres de la commission. C'est vraiment un plaisir pour moi d'être ici
aujourd'hui.
Donc, je suis Louise Bernier, professeure à la
Faculté de droit de l'Université de Sherbrooke, spécialisée en droit de la
santé et en éthique. Je suis ici avec vous aujourd'hui parce qu'avec ma
collègue de l'Université de Montréal Catherine Régis on a travaillé, depuis
quelques années, sur les directives médicales anticipées qui font partie de la
loi actuellement, le régime des directives médicales anticipées, et, par la
suite, j'ai poursuivi des travaux et j'ai
constaté, donc, certaines limites dans l'outil actuel, qui est un outil qui est
assez méconnu encore des Québécois, qui est peu utilisé encore après
cinq ans.
Donc, si on prévoit ouvrir l'accès à l'aide
médicale à mourir pour les personnes ayant reçu un diagnostic de maladie
neurocognitive par demande anticipée, c'est l'occasion rêvée, c'est l'occasion
idéale de repenser le régime de directives médicales anticipées ou d'en penser
un nouveau pour ces questions-là, et il y a certaines modalités d'application,
certaines mesures de sauvegarde qu'il va falloir réfléchir.
Et aujourd'hui, bien, je voulais vous soumettre
différents points de réflexion, que j'ai articulés autour de trois volets, donc l'accompagnement des décisions
anticipées, la mise en oeuvre aussi, certains événements, certains
éléments à considérer lors de la mise en oeuvre des décisions puis un point que
je considère aussi important de réfléchir dès maintenant, c'est les effets à
plus long terme que ces décisions-là pourraient avoir sur la société. Je pense
que ce n'est vraiment pas trop tôt pour y réfléchir non plus.
Donc, je commence avec l'accompagnement des
décisions anticipées. Un consentement, qu'il soit anticipé ou non, pour être
valide, vous le savez déjà, doit être donné par une personne apte mais doit
aussi être libre et éclairé, O.K.? Et, dans le régime actuel des directives
médicales anticipées, on a prévu une présomption d'information, O.K., puis on
avait décidé qu'on allait prévoir que les gens qui remplissent leur directive
médicale anticipée soient présumés avoir trouvé l'information pour éclairer
leur décision de soins anticipés.
Donc, on a transféré au patient le devoir
d'information qui incombe en général au professionnel de la santé. On l'avait
transféré sous forme de responsabilité au patient pour faciliter probablement
le processus, pour vraiment mettre l'accent sur le désir de... mettre l'accent
sur l'autonomie, l'autodétermination puis s'éloigner du paternalisme médical,
mais, en même temps, en faisant ça, en transférant ce devoir d'information là
sur les patients, je pense qu'on a sursimplifié le processus puis on l'a
dépouillé d'éléments qui sont essentiels. Je pense qu'il faut reconnaître la
valeur de l'information médicale qui peut être transférée, lors d'un
consentement anticipé comme ça, par des professionnels, par des experts. Donc,
en ce moment, on remet ça entre les mains des individus, et puis je pense qu'il
faut que ça soit repensé si on veut ouvrir le processus de directive médicale
anticipée pour l'aide médicale à mourir.
Donc, il faut absolument
prévoir une transmission d'informations, et puis moi, je la conçois en deux
temps ou en deux volets, cette transmission d'informations là.
Je pense qu'évidemment il y a une masse
d'information qui va devoir être transmise par les professionnels de la santé,
les équipes, sur le diagnostic comme tel, sur... On va donner le diagnostic à
la personne, mais, au moment de consentir à l'aide médicale à mourir de façon
anticipée, je pense qu'il faut revenir sur ces informations-là, sur les
différents stades de la maladie, sur les variations possibles, sur les
scénarios possibles, sur l'évolution, les délais, combien de temps ça peut
prendre pour aller d'une phase à l'autre, etc., et le fait que ça puisse
évoluer différemment pour différents patients.
Donc, cette information-là doit être transmise,
doit être comprise aussi, dans un langage qui assure que le consentement va
être réellement éclairé. Et, moi, ce que je pense aussi, c'est qu'il faut se
saisir de cette occasion-là pour aller chercher de l'information en amont aussi
sur qui consent, donc avoir un réel échange avec les patients qu'on a devant
nous pour savoir, bien, à l'avance qu'est-ce qui motive ce choix-là, quelle est
votre historique de vie, vos valeurs, vos croyances, qu'est-ce qui fait en
sorte que vous souhaitez, face à un diagnostic comme ça, recevoir l'aide
médicale à mourir quand le temps sera venu puis quand vous serez devenu inapte.
On prévoit déjà ces échanges-là dans une aide
médicale à mourir plus classique avec des personnes aptes. L'article 29
prévoit qu'on va aller chercher de l'information, on va s'assurer que le consentement
est libre et éclairé, on va donner de l'information. Et là je pense qu'avec ce
nouvel outil là, de la décision anticipée, il faut prévoir, comme on le fait
dans plusieurs provinces aussi, des espaces où la personne peut vraiment nous
informer sur qui elle est, sur qu'est-ce qui motive... qu'est-ce qui va... et vraiment
qui va nous donner un contexte, qui va nous donner des éléments pour, lorsque
la personne sera devenue inapte, se référer à ça puis pouvoir vraiment voir qui
était la personne qui souhaitait recevoir ce soin-là, qu'est-ce qui était
important pour elle, est-ce qu'elle subissait...
Puis, tu sais, ça peut être une occasion aussi
de s'assurer de la liberté du consentement, hein? C'est... un consentement doit
être libre et éclairé. Donc, est-ce que la personne, en lui posant certaines questions,
est-ce qu'elle subit des pressions? Est-ce que c'est vraiment son choix? Peut-être
que oui, sûrement que oui, mais il faut s'assurer aussi que le consentement est réellement libre. Peut-être
qu'elle ne souhaite pas être un fardeau, puis c'est sa perception. Mais est-ce qu'on lui a fait sentir qu'elle était
un fardeau? Est-ce que... Donc, aller chercher de l'information sur
vraiment ce qui motive la décision.
Et je pense qu'il va falloir le formaliser ce
nouveau processus de consentement libre et éclairé, d'expression de volonté. Il va falloir le formaliser et trouver
des espaces de discussion probablement dans le suivi... Je ne sais pas
quelle forme ça va prendre puis je pense que vous allez devoir vous enquérir
auprès, probablement, des professionnels de la santé et des autres professionnels
qui travaillent... qu'est-ce qui est possible dans ce contexte-là. Le
consentement anticipé, est-ce qu'on peut l'intégrer dans un suivi de soins?
Est-ce qu'on peut l'intégrer? Est-ce que c'est mieux que ça soit fait à part?
Est-ce que... Comment on peut le faire? Comment on s'assure que ça soit fait?
Et je pense qu'il faut le formaliser par
peut-être un processus aussi, comme on le fait dans le cadre de la recherche,
par exemple, où, quand on présente un formulaire de consentement de la
recherche, il y a une double signature, O.K., donc la personne signe. La
personne qui est là, soit le professionnel de recherche, le directeur de la recherche, le chercheur principal va dire qu'il a
répondu aux questions de la personne,
qu'il a pu lui expliquer certaines étapes,
et tout. Je pense qu'il va falloir arriver probablement à cette formalisation
du processus, puis c'est peut-être
quelque chose qui est... On aurait souhaité qu'il y ait un formulaire facile,
comme on avait pour les directives médicales anticipées,
mais je pense qu'on n'a pas le choix de se rendre compte que, sans être... sans
trop complexifier le processus comme tel, il faut admettre que c'est
complexe. Il faut admettre... Il ne faut pas que ça soit compliqué, mais il
faut que l'outil témoigne de la complexité des choses, des différentes couches
qui sont importantes à vraiment aborder dès le départ, lorsque la personne est
apte.
• (9 h 10) •
Un autre élément que je pense qu'il faut
vraiment, vraiment considérer, c'est le fait qu'on puisse revoir les directives
médicales anticipées, les bonifier, les réviser tant qu'on est encore apte.
Pour certaines personnes, ces maladies-là vont avoir différentes phases, et
puis l'aptitude va demeurer pendant de nombreux mois, des années, même. Et on... peut-être, ce qu'on
considérait absolument impensable ou ce qu'on désirait vraiment, vraiment dès
le début, au moment du diagnostic, de l'annonce du diagnostic, peut-être
que certaines perceptions peuvent changer à mesure où on vit avec la maladie.
Donc, sans présumer
que ça va arriver, prévoir peut-être des mécanismes un petit peu plus faciles pour
retourner... pour faire un suivi. En ce moment, l'article 54 exige que,
pour modifier nos directives médicales anticipées, il faut en produire des
nouvelles, il faut aller chercher un nouveau formulaire, il faut le déposer. Je
pense qu'il y a lieu de penser à une flexibilité de l'outil aussi, hein, qui
pourrait justement se faire au cours d'un suivi médical et validé
périodiquement. Je ne pense pas qu'on puisse établir des délais précis pour
réévaluer les choses, parce que l'évolution de la maladie va être différente
pour chacun, mais je pense que de le prévoir dans un suivi de soins, de
réévaluer, de bonifier, de changer les directives médicales anticipées, si
c'est ce que la personne souhaite, ça devrait être facile, ça devrait pouvoir
être fait. Donc, ça, c'est mon premier point.
Il y a un deuxième volet, je pense, qui
nécessite qu'on s'y attarde, c'est la mise en oeuvre des directives médicales anticipées. Vous en avez beaucoup parlé
vendredi dernier, déjà, mais je pense que, quand on a des directives
médicales anticipées que l'on souhaite peut-être contraignantes, il faut quand
même réaliser qu'au moment de leur mise en oeuvre il va y avoir... ces
directives médicales anticipées vont s'intégrer avec d'autres facteurs,
d'autres responsabilités, devoirs des médecins, des équipes au moment de les
mettre en oeuvre. Je pense, par exemple, aux différents critères de la loi,
O.K.? Si on a une des directives médicales anticipées, qui ont été établies à
l'avance, où on souhaite qu'on reçoive l'aide médicale à
mourir dans telle ou telle... quand on sera rendu à telle ou telle phase de la
maladie, quand on aura perdu telle ou telle aptitude ou telle... où on essaie
de l'établir le plus clairement possible avec
nos valeurs en donnant du contexte, évidemment, quand nos proches ou nos
personnes de confiance... je vais y revenir tout à l'heure, mais quand
ils vont amener cette décision-là puis ils vont dire : Bien, je pense que
c'est ça que mon proche souhaitait, on est rendus là, cette décision-là ne
pourra pas être... les médecins ou les personnes qui vont être au coeur de la
mise en oeuvre de la décision ne seront pas des exécutants de cette
décision-là, O.K.? Il faut quand même comprendre que ces personnes-là ont des
obligations déontologiques, légales, et ils doivent respecter les autres
critères de la loi.
Là où on a
des questions à se poser, c'est sur la question du déclin avancé et
irréversible des capacités — vous en avez parlé — et de la souffrance, surtout physique,
psychique constante et qui ne peut pas être soulagée. C'est difficile
d'anticiper ces questions-là, et le jugement clinique des soignants doit
pouvoir s'exercer dans ces circonstances-là.
Maintenant, pour la souffrance, vous en avez
parlé aussi puis vous avez eu des exposés super intéressants sur la question,
la souffrance, c'est une question très complexe. Et en ce moment, quand on a
une personne qui est apte devant nous, on va aller parler avec elle de sa
souffrance, elle va nous exprimer qu'elle souffre, elle va nous le dire, on va prendre en considération... évidemment, on
va prendre acte de ça. Là où c'est compliqué, puis vous le savez déjà,
c'est pour les personnes qui sont inaptes. Puis est-ce qu'on peut admettre en
amont que la personne apte puisse témoigner de ce qui serait souffrant pour
elle, lorsqu'elle sera inapte, en avance, puis quel poids on donne à ça? Puis quel est le rôle de l'équipe soignante dans
l'opérationnalisation de ça puis dans, justement, leur jugement clinique?
Comme vous disiez la semaine passée, il y a des personnes qui, en apparence,
n'auront pas l'air souffrantes, qui vont vivre une démence plus ou moins
sereine. Est-ce qu'il faut prendre en considération que la personne apte avait
envisagé certains facteurs à l'avance, l'isolement, la perte d'amitiés
significatives, la perte de contacts, perte de certaines capacités d'autonomie?
Ce qui fait souffrir une personne dans le fait de se projeter dans ces états-là,
est-ce que ça a le même poids que ce qu'on observe aussi? Est-ce qu'il faut
donner un poids, finalement, à ce qu'on observe, ce qu'on n'est pas capable de mesurer dans une situation clinique parce
que, bien, on n'a pas d'indicateur
que la personne souffre? Tout ce qu'on a, c'est les éléments qui avaient
été mentionnés en amont par la personne apte.
Donc, ça, c'est des questions qu'il faut se
poser. Puis je ne pense pas que le choix ou cette évaluation-là ne doit que
reposer sur les équipes au moment où la question va se poser. Je pense que
c'est quelque chose qu'il faut qui soit réfléchi aussi. À qui on redonne cette possibilité
de mesurer la souffrance? Comment on interprète l'intérêt du patient dans ce
contexte-là? Comment on voit la question du refus catégorique de soins?
Vous savez, le refus catégorique de la personne
inapte est une notion juridique valide qui existe. On a laissé une espèce d'autonomie
ou de capacité résiduelle à l'inapte. Lorsqu'il refuse catégoriquement ce qu'il
pourrait déjà avoir accepté lorsqu'il était apte, on prend ça au sérieux, et
même c'est dans la Loi, hein, concernant les soins de fin de vie. Même quand on
a des directives médicales anticipées, si on refuse catégoriquement le temps
venu, il faut se saisir de l'article 16 et aller valider le pouvoir,
justement, le soin par le tribunal. Devant un refus catégorique d'une personne
qui aurait consenti à l'aide médicale à mourir, puis qui peut encore
communiquer avec nous, et qui ne semble plus vouloir ça, alors qu'on lui présente
l'option, qu'est-ce qu'on fait de ce refus catégorique là? Comment on l'aborde?
Et, dans la loi fédérale en ce moment, dans les nouvelles dispositions, même si
on avait prévu le renoncement final au consentement, on a prévu que, si la
personne oppose un refus catégorique, on ne peut pas procéder à l'aide médicale
à mourir.
Donc, je pense que le refus catégorique, il
faudrait prévoir comment le traiter. Est-ce que c'est par un comité externe?
Est-ce que c'est toujours par le tribunal? Est-ce qu'on prévoit des gens qui
vont... avec qui les équipes vont pouvoir discuter? Je ne pense pas que ce
choix-là ou ce poids-là doit revenir sur les épaules seulement des soignants,
qui vont être confrontés à ces questions-là. Il faut prendre soin de... puis il
faut anticiper l'impact émotionnel aussi que ces dilemmes-là peuvent avoir sur
les soignants.
Je veux dire quelques mots sur la place des
proches. La place des proches... La décision anticipée, ça ne sera pas une...
on ne souhaite pas que ça soit un consentement substitué. On ne veut pas
donner, je pense, de place de décideur ou de représentant légal aux proches.
Les directives anticipées sont là pour, justement, redonner le pouvoir au
patient, mais ça serait une erreur de ne pas impliquer les proches dès le départ,
si c'est possible, dans le processus de consentement, les impliquer dès le
départ dans la transmission d'informations. On peut nommer une personne de
confiance. On pourrait avoir les proches aussi présents. Les modalités
pourraient être réfléchies, mais je pense que d'impliquer tous les proches, de
prévoir un rôle pour les proches, ce qui est déjà prévu dans la loi de toute
façon pour une aide médicale à mourir plus classique, c'est vraiment une bonne
idée parce qu'il ne faut pas minimiser... il faut réaliser qu'ils ont... Ils
sont très, très précieux, les proches, pour nous instruire sur la personne
aussi, la personne qui avait décidé à l'avance... qui le connaissent très bien,
les changements qu'ils pourraient avoir observés chez cette personne-là, et aussi
le fait que cette décision-là va avoir des impacts pour eux aussi, puis de
reconnaître qu'ils vont être au coeur de la mise en oeuvre de la décision dès
le départ, ça peut faciliter beaucoup les choses.
Je travaille beaucoup dans le domaine du don
d'organes, puis d'impliquer les proches en amont, on réalise que c'est souvent
ça, la solution pour une meilleure effectuation d'une décision qui a peut-être
une valeur contraignante, une valeur légale, mais il ne faut pas négliger
l'apport puis la place des proches, même s'il n'y a pas de rôle légal à
proprement parler.
Il reste quelques minutes pour aborder mon
dernier, dernier point, que je considère très important aussi, d'anticiper les
effets de l'ouverture de l'aide médicale à mourir par demande anticipée sur nos
choix de société. J'entends par là que, face
à... Il ne faudrait pas sous-estimer l'impact de la représentation de la
maladie neurocognitive, par exemple. Si on ouvre l'aide médicale à
mourir pour les personnes qui souffrent de cette maladie-là, il faut absolument éviter que toutes les personnes qui reçoivent ce
diagnostic-là aient une perception que l'aide médicale à mourir, c'est ce qui
est attendu d'eux maintenant, O.K., donc que c'est le choix à privilégier et
puis que, s'ils ne le prennent pas, ce choix-là, bien, ils sont... ils décident
d'être un fardeau, ils décident...
Je pense qu'il faut prévoir ça à l'avance. Puis
la façon, je pense, de prévoir ça, c'est d'investir aussi dans d'autres... oui,
l'aide médicale à mourir pour ceux qui le veulent, mais d'investir également
dans d'autres options, d'investir... de ne
pas opérer ce qu'on pourrait appeler un abandon thérapeutique de ces catégories
de patients là, parce que l'aide médicale à mourir leur est disponible,
donc ils devraient aller vers ça, mais d'investir dans d'autres ressources,
dans un accompagnement de ces personnes-là pour que le choix soit réellement
libre, hein? Parce qu'il ne faut pas du tout minimiser l'impact de la société...
des choix de société quand on prend notre décision. Il faut réaliser que ces
éléments-là vont avoir un impact sur nous. Et, si la seule solution quand on a
ces maladies-là, c'est de demander l'aide
médicale à mourir, puis qu'on n'a pas
d'autres ressources, d'autres façons d'anticiper vivre avec la maladie,
bien, ça pourrait être... ça pourrait créer
une perception qu'on ne veut pas, je pense, encourager. Donc, je pense qu'il
faut y penser dès le début. Si on
ouvre, il faut aussi prévoir qu'il y en a qui ne voudront pas, puis il ne faut
pas le négliger, ça non plus.
Donc, je pense que j'ai écoulé mon temps. Est-ce
que j'ai encore un peu de temps ou non?
• (9 h 20) •
La Présidente (Mme Guillemette) : Il
vous reste... excusez. Il vous reste 30 secondes, mais on a...
Mme Bernier (Louise) : Ah! bien,
parfait. Alors, je peux conclure. Alors, j'avais une petite conclusion.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Oui.
Mme Bernier (Louise) : Alors, je
pense qu'il faut admettre... Quand on repense à décider de façon anticipée pour
ces questions-là, il faut admettre que c'est complexe en amont, il faut
dépasser le réflexe de vouloir un outil facile, avec des cases à cocher, et
tout. Je pense qu'il va falloir vraiment se pencher sur l'outil, admettre que
la décision a des ramifications relationnelles, investir des ressources pour
l'aide à la décision puis investir aussi dans d'autres solutions pour
l'accompagnement de patients qui ne voudraient pas prendre ce choix.
Alors, j'ai hâte de discuter avec vous.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Mme Bernier.
La Présidente (Mme Guillemette) : Je
céderais maintenant la parole à la députée de Joliette.
Mme
Hivon : Oui. Bonjour.
Merci beaucoup de votre présentation, Mme Bernier. C'est un plaisir de
vous entendre. J'ai peu de temps, donc je vais vous poser mes trois questions,
puis vous pourrez leur... y répondre à la suite une de l'autre.
Dans le rapport du comité d'experts, donc sur
les personnes en situation d'inaptitude, la recommandation 4, eux, ils
font vraiment une distinction entre les directives anticipées et une demande
anticipée qui serait une demande autre. Et donc je voulais voir si vous étiez
dans la même logique qu'eux. Eux, ils prévoient qu'on va s'assurer, là, du
caractère libre et éclairé parce que ça va devoir être avec un médecin, il va
devoir y avoir des témoins. Donc, vu que vous avez beaucoup insisté là-dessus,
j'aimerais savoir où vous vous distinguez de cette recommandation-là.
La deuxième question, c'était sur cette fameuse
question, donc, de la souffrance. Je comprends que vous dites : Il faut
vraiment que l'ensemble des critères de la loi... votre position, vous me
corrigerez si j'ai mal compris, l'ensemble des critères de l'article 26 de
la loi doivent continuer, donc, à être respectés, y compris la question de la
souffrance constante et intolérable. Et, dans votre analyse à vous, est-ce que
cette souffrance-là, si c'est la souffrance de la personne qui l'anticipe, donc,
elle, elle se projette et elle se dit : Moi, si je ne peux plus
reconnaître personne, si je ne peux plus
manger, ça va être une souffrance intolérable, mais évidemment, vous me voyez
venir, qu'au moment où elle est dans cette situation-là, elle a l'air
sereine, et tout. À quoi donnez-vous, je dirais, préséance dans... Est-ce que
la souffrance anticipée doit être reconnue au sens de l'article 26?
Et puis finalement le caractère contraignant ou
exécutoire. Est-ce que, selon vous, il devrait y avoir un caractère contraignant
quand les critères de l'article 26 sont respectés?
Mme Bernier (Louise) : Merci beaucoup
pour vos questions. C'est très riche.
Alors, je commence par la première. Pour moi, il
n'y a pas d'absolu si la demande ou les directives... Je pense que les
directives médicales anticipées, telles qu'elles sont actuellement, si on fait
deux processus parallèles, ça ne change pas qu'elles devraient être revues,
pour moi, les directives médicales anticipées, parce que ce que j'ai dit pour
la présomption d'information s'applique aussi pour les autres soins, selon moi,
O.K.?
Donc, je pense qu'on pourrait choisir, parce que
c'est très spécial, c'est... puis on prévoit d'ouvrir pour des personnes qui
ont un diagnostic, et tout. Je pense qu'on pourrait faire un régime à part de
demandes d'aide médicale à mourir, à part avec la présomption. De toute façon, je
pense que les directives médicales anticipées, telles qu'elles sont en ce
moment, je pense qu'on a des preuves assez claires qu'il n'y a pas d'adhésion.
Donc, je pense que ce que je propose ici, ça pourrait aussi s'appliquer aux
directives médicales anticipées. Si on décide de faire deux régimes ou un
régime, c'est... mais je pense que ce que je propose pour vraiment informer le consentement,
puis le processus devrait être... Si on y pense juste pour l'aide médicale à
mourir pour l'instant, bien, évidemment, éventuellement, je pense qu'il
faudrait également le prévoir.
Pour la souffrance, votre question
est excellente, je n'ai pas de réponse claire à ça. C'est très difficile pour
moi, mais, si on admet les directives médicales anticipées, on donne quand même
un poids et un rôle légal à cette personne apte là qui se projette, O.K., qui
se projette dans une situation. Et puis c'est très... Puis le dilemme qui est
établi par les auteurs Dresser puis Dworkin, puis tout ça, est-ce que c'est les
intérêts critiques qui doivent primer ou les intérêts expérientiels? Puis c'est
très difficile de négliger un ou l'autre, O.K., puis de le prévoir à l'avance du
mieux possible, puis de dire : Bien, voici, moi, ce qui serait souffrant. Je
pense que, comme Jocelyn Maclure le disait, ça va peut-être passer par le
déclin avancé aussi, tu sais, la rencontre du déclin avancé des capacités, qui
vont peut-être vraiment s'apparenter à quelque chose qu'on considérerait comme
souffrant puis à la souffrance existentielle, tu sais, qui... et la souffrance
psychique, qui est difficile à mesurer. Est-ce que, face à une personne qui a
l'air tout à fait sereine, on se réfère à ses directives médicales anticipées?
Je pense qu'il va falloir y penser.
Moi, ma position, c'est que c'est très difficile
à mitiger puis ça va être difficile pour les soignants. Je pense qu'il faut
prendre en considération que ça va être eux qui vont devoir faire cette
évaluation clinique là, puis il ne faut pas les laisser avec... il faut leur
donner le plus d'outils possible.
Et, si on veut aller d'un côté où on donne
vraiment énormément de pouvoir à la personne apte sur la personne qu'elle va
devenir, si c'est le choix qu'on fait parce qu'on envisage que c'est à elle de
décider de prendre et de vraiment... de
faire valoir ses intérêts critiques jusqu'à la fin, bien, il va
falloir que ça soit très clair à ce
moment-là puis anticiper des difficultés que ça pourrait avoir pour les
soignants.
Pour ce qui est de la contraignabilité, je pense
que, si tous les critères de l'article 26 sont remplis, ça pourrait être
possible d'avoir des directives médicales contraignantes, mais il faut se
laisser une marge de manoeuvre. Il faut laisser... On ne peut pas penser que
les médecins vont être des exécutants. Puis il va y avoir... Je pense qu'il ne
faut pas donner l'impression aux
personnes : Vous prenez votre destinée entre vos mains. Vous avez... Tu
sais, il faut s'assurer que ce qu'on demande est possible légalement.
Puis, comme on vient de voir avec la souffrance, ce n'est pas si clair que ça.
Alors, il va falloir peut-être ne pas laisser cette impression de... tu sais,
de décision contraignante en toute circonstance, prévoir que, bien, ça se peut
que, dans certains cas, ça ne soit pas possible.
Puis, vraiment, avec la présence des proches,
justement, essayer de, justement, prévoir cette flexibilité-là puis devoir
référer peut-être à eux dans le cas où on ne pourra pas les implanter de façon
aussi claire que c'était à la base dans notre tête, mais se laisser une
certaine marge de manoeuvre, peut-être, dans le consentement, une flexibilité
dans l'expression des volontés, qui pourrait faire en sorte que, oui, ça serait
contraignant, mais avec la flexibilité, si on y va avec une forme très, très,
très claire et qui ne permet pas de sortir du cadre, on va peut-être s'emmurer
dans quelque chose qui ne sera pas capable d'être mis en oeuvre par la suite.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Mme Bernier.
Mme Bernier (Louise) : Je ne sais
pas si ça répond à vos questions.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup.
Mme Bernier (Louise) : Oui? O.K.
La Présidente (Mme Guillemette) : On
passera...
Mme Bernier (Louise) :Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) : Je
vais maintenant passer la parole au député de Chomedey.
M. Ouellette : Bonjour,
Mme Bernier. J'ai encore moins de temps que ma collègue de Joliette. Je
vais avoir le temps pour une seule question. Et je vous écoutais nous parler de
l'adhésion aux directives médicales anticipées, ce n'est pas celle qu'on
voudrait. Et j'aimerais que vous nous parliez un petit peu plus du médiateur
bioéthique parce que vous semblez attacher une grande importance, et je vois
une très grande utilité dans cette fonction-là. Et j'aimerais ça vous entendre
un petit peu plus là-dessus.
• (9 h 30) •
Mme Bernier (Louise) : Merci. Oui.
Bien, en fait, je pense qu'il y a différentes possibilités possibles, mais,
oui, je pense que quelqu'un qui... pour le régime actuel de directives
médicales anticipées, tu sais, je pense qu'il faut prévoir des ressources. Je
ne pense pas qu'il faut laisser des gens seuls avec ces décisions-là. Puis on
réalise qu'en impliquant les parties prenantes en amont puis en... ce qu'on
appelle en anglais, là... bien, en français, la prise de décision partagée, on
réalise — il
y a plein d'études là-dessus — que, quand on a une prise de décision
partagée, par la suite les gens sont beaucoup plus enclins, justement, à aller
de l'avant, à avoir une certaine adhésion à la décision qui a été prise quand
ils ont pu anticiper et aussi expliquer leur contexte de vie vraiment puis en
se faisant poser des questions. Je pense qu'un médiateur bioéthique, ou ça
pourrait être vraiment un soignant ou juste une personne qui a les compétences, mais je trouve que les
bioéthiciens, les gens qui font de la bioéthique, souvent, ou de l'éthique
clinique sont très bien placés pour essayer de faire sortir les intérêts des
parties prenantes puis, souvent, bien, prévoir qu'il peut y avoir des conflits,
qu'il pourrait y avoir des problèmes à l'intérieur puis faire sortir déjà
certaines choses à la base, certains
intérêts, certaines perceptions : Moi, je ne veux pas être un fardeau.
Bien, moi, je ne pense pas que tu vas être
un fardeau. Puis là on établit... puis moi, je ne veux pas me voir, par exemple, vieillir comme ça, puis vraiment
établir...
Puis, tu sais, dans les
directives médicales anticipées, la rigidité de l'outil fait en sorte que
l'adhésion n'était pas au rendez-vous parce qu'on prévoyait : oui, non,
des boîtes, et ce n'est vraiment pas souhaitable, pour moi, qu'on poursuive
avec cette voie-là. Qu'on admette d'emblée que, oui, ça va être plus compliqué
dès le départ, mais ça va nous simplifier la vie par la suite. Puis je pense
que ce rôle-là de personnes extérieures, de personnes... C'est sûr que ça va
prendre des ressources, puis il va falloir trouver le temps, puis je ne sais
pas qui va faire ça puis où ça va être inclus, dans les tâches de qui, mais je
pense qu'il faut le prévoir absolument, parce qu'à force de vouloir
sursimplifier, bien, on arrive avec un outil qui n'a pas vraiment de... qui
n'est pas... que ce n'était pas justement... qu'il n'y a pas d'adhésion par les
personnes qui devraient justement pouvoir en profiter.
M. Ouellette : Merci.
Mme Bernier (Louise) : De rien.
Merci à vous.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le député. Donc, je céderais la parole maintenant à Mme la députée d'Abitibi-Ouest.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Merci, Mme la
Présidente. Merci, Mme Bernier, pour la belle présentation. Lorsqu'un
patient reçoit un pronostic sombre, irréversible, comment s'assurer que lademande
de l'aide à mourir ne soit pas une détresse ou une souffrance psychologique au-delà
de la souffrance physique? Et quel est l'échéancier? Combien de temps, la
préparation lorsqu'on choisit l'aide à mourir? Combien de temps on peut
accompagner cette personne-là aussi?
Mme Bernier (Louise) : Merci pour la
question. Alors, je pense qu'il faut faire peut-être... La souffrance
psychologique a une valeur, hein? Ce n'est pas parce qu'une personne souffre
psychologiquement qu'on... Mais ce que je
comprends, c'est... il faut départager aussi ce qui pourrait venir d'un choc,
hein, dès le départ, qui pourrait vraiment être un choc, puis
dire : Moi, je ne veux absolument pas du tout vivre ça, donc je veux l'aide
médicale à mourir maintenant. Il pourrait y avoir un choc comme ça et une
souffrance un peu... bien, le choc de l'annonce aussi. Alors, c'est pour
ça que je pense que l'annonce doit se faire, le diagnostic, l'annonce du
diagnostic, en clinique. Et après il faut prévoir un autre moment, je pense,
où, là, on va pouvoir réfléchir à certaines options.
Puis moi, ce que je pensais de... C'est pour ça
que je trouve qu'il faut pouvoir prévoir retourner à ces directives médicales
anticipées dans des délais très faciles, il faut faciliter le retour, il faut
simplifier l'outil pour que la personne, justement,
dans les délais qu'elle souhaite... Parce que je ne pense pas qu'on puisse
établir un délai, parce que l'évolution de la maladie va différer selon les différentes
personnes, hein, puis une personne va pouvoir rester apte très longtemps,
alors qu'une autre, ça va décliner très rapidement. Donc, je pense qu'il va
falloir vivre avec cette espèce d'incertitude qui accompagne le diagnostic,
mais prévoir, dans l'outil, au moins les mécanismes pour faciliter de retourner
à l'outil, de pouvoir le changer une fois le choc passé, tu sais, pour vraiment
s'assurer... Puis je pense que ça pourrait faire partie du suivi clinique, du
standard de soins où on retourne à la personne puis on dit : Bon, là, le choc passé, est-ce que c'est encore ça que
tu souhaites? Quelles sont tes volontés, quelles sont tes appréhensions par rapport à ça maintenant? Donc, je ne
sais pas si ça répond bien à votre question. Est-ce que...
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Oui,
c'est parfait. Ma seule inquiétude, c'était, pour faire ce choix-là, est-ce qu'on
peut s'assurer que le patient... on a bien répond à toutes les questions
face au patient qui demande l'aide
médicale à mourir? Parce qu'on sait que la cadence, elle est augmentée dans
le... en santé, hein? Alors, c'est mon inquiétude.
Mme Bernier (Louise) : Je pense que
c'est tout à fait légitime, puis c'est pour ça qu'il faut prévoir, je pense,
une aide, dès le début, avec des gens qui sont formés aussi, avec un coaching,
tu sais. Puis je pense que les ordres professionnels vont devoir être mobilisés pour ça, là, pour
dire : Bon, bien, quand on a l'outil de la demande anticipée, là,
d'aide à mourir, bien, ça, ça vient avec des responsabilités. Puis il va
falloir les attribuer à des gens, avec du
coaching, avec une formation pour aller chercher l'information, pour vraiment s'enquérir auprès de la personne de ce
qu'elle souhaite et de pouvoir y retourner. Mais c'est superimportant, vous
avez raison de le mentionner.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Merci
beaucoup.
Mme Bernier (Louise) : Merci à vous.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Je passerais maintenant la parole au député de Lac-Saint-Jean.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Bien,
merci, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Louise Bernier. Bien, moi, je veux
revenir un petit peu plus au niveau, là, de la mise en oeuvre, là. Quand vous
dites : Là où c'est compliqué, c'est quand les personnes deviennent
inaptes, la commission des soins de fin de vie l'avait mentionné aussi, qu'il y
a une partie des gens, quand vient le temps, bien, ils ne sont plus en mesure de
faire le consentement pour l'aide médicale à mourir parce qu'ils deviennent
inaptes à prendre ces décisions-là.
Puis je veux aussi
vous entendre plus, peut-être un exemple, qu'est-ce que les proches... Parce
que, quand on parle de proches, bien souvent c'est des gens de la famille. Oui,
ce n'est pas... ils ne peuvent pas décider, mais vous dites qu'ils ont un grand rôle au niveau de
l'implication. Mais j'aimerais ça avoir un exemple, parce que, quand vient
le temps de prendre des décisions, bien, des
fois, la personne n'est plus inapte, et les proches se retrouvent aussi avec
ça entre les mains. Puis vous parliez, vous
faisiez un peu référence avec le don d'organes, tout ça, mais peut-être
un exemple.
Mme Bernier
(Louise) : Parfait. Donc, votre première question, c'était sur une
personne qui est devenue inapte, comment on s'assure, si j'ai bien compris,
comment on s'assure qu'on a assez d'information, une fois que la personne est
devenue inapte, pour mettre en oeuvre ce qu'elle souhaitait. Je pense que ça,
ça va vraiment passer par un outil puis avec les gens qui connaissent les
différents stades de maladie, les différents scénarios. Je pense qu'on n'aura
pas le choix, dans notre outil, de prévoir des scénarios puis d'admettre qu'il
y a une adaptation possible émotionnelle, hein, puis quel poids on donne à
cette adaptation émotionnelle là. Est-ce qu'on ne lui donne aucun poids parce
que ça fait partie des intérêts plus expérientiels, et ce qu'on souhaite, c'est
vraiment mettre de l'avant nos intérêts plus critiques, donc vraiment tout ce
qui est, bon, nos capacités intellectuelles, capacités d'interagir avec le
monde extérieur, et tout? Donc, ces choses-là, il va falloir qu'on les prenne
en considération puis on donne un rôle à la personne apte, plus ou moins grand,
dans les décisions qu'elle prend pour le futur, son futur soi qui va devenir
inapte. Donc, ça, il faut que ça se réfléchisse en amont.
Et, pour ce qui est
de votre exemple pour les membres de la famille, je pense que, si on implique
les membres de la famille très tôt dans le processus, il pourrait y avoir des
choses qui soient mises à plat dès le départ où, vraiment, on discute avec son
proche de ce qu'il souhaite, un petit peu comme dans le don d'organes. Tu sais,
si on établit un peu comment les choses pourraient se passer et que le patient,
par exemple, dit : Bien, moi, jamais je ne voudrais vivre à vos crochets,
jamais je ne voudrais être un poids, puis que les proches disent : Bien
oui, mais moi, je veux te garder le plus longtemps possible, O.K., par exemple,
comme ça, là, puis on a cette discussion-là, puis on exprime tous les deux nos intérêts, nos valeurs, puis on réalise que la
personne, bien, c'est peut-être égoïste de vouloir la garder le plus
longtemps possible, parce qu'elle, elle ne veut vraiment pas vieillir comme ça,
elle ne veut pas être en perte d'autonomie, puis d'avoir ces conversations-là
en amont, ça pourrait donner un petit peu de matière à la fin.
Puis un autre exemple,
ça pourrait être le fait d'impliquer les proches, bien, on reconnaît qu'ils ont
une expertise, là, d'accompagnant, ou de proche, ou de... ils sont aux
premières loges de comment la personne évolue, de ce qu'elle pourrait avoir
vécu, de comment elle a vécu les choses. Est-ce qu'elle pourrait avoir changé
un petit peu de perception à travers l'évolution de la maladie? Parce qu'on a
beau vouloir accompagner la décision du début, les soignants ne seront pas, à
chaque étape de la maladie, impliqués de la même façon. Donc, les proches sont
des témoins experts de ce qui se passe. Et je pense que d'avoir eu cette
conversation-là en amont, ça peut aussi diminuer la culpabilité lorsque vient
le temps d'opérationnaliser la décision puis de dire : Bon, bien, je pense
que c'est le temps, c'est ce qu'il voulait, il avait été très, très clair
là-dessus. Maintenant, est-ce qu'on est rendu là? Puis on prend la décision
finale, la décision qui est déjà prise, mais on l'opérationnalise en équipe,
mais en prenant acte de l'importance de la vision de la famille puis de la
perception qu'ils ont eue aussi de ce que souhaitait leur proche. Si on n'a pas
eu ces conversations-là en amont, c'est très difficile après, on peut
réinterpréter, on peut... et on le voit dans le don d'organes puis on pourrait
le voir ici. Si les proches n'ont pas été impliqués dès le début, il y a des
possibilités qu'ils interprètent des choses d'une façon qui n'est pas adéquate.
• (9 h 40) •
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : J'aurais peut-être une dernière question, mais je
retiens aussi, quand vous dites, là : Les proches deviennent des témoins
experts, j'ai retenu ça aussi. Quand vous dites aussi : La personne qui
est rendue inapte, oui, il y a du personnel soignant spécialisé, entre autres
les médecins, qui vont être là aussi, là, justement, parce que c'est des soins,
qu'on pourrait dire, mais voyez-vous d'autre personnel aussi traitant autre que
les médecins, psychologues, infirmières?
Mme Bernier
(Louise) : Ah oui! Bien oui, il y a des équipes, hein, multi, oui,
souvent...
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Est-ce qu'ils pourraient participer aussi à la
décision?
Mme Bernier
(Louise) : Bien, pour l'instant, dans la loi, c'est vraiment les
médecins qui sont au coeur de la mise en oeuvre. Mais je pense que ces
décisions-là puis ces rencontres-là pourraient certainement se faire en... puis
c'est comme ça que ça se passe en ce moment, les évaluations. Il y a quand même
des équipes multidisciplinaires puis il faut, oui, il faut reconnaître ça,
parce que, là, c'est... je pense que, surtout avec l'aspect de souffrance et
l'aspect, tu sais, de déclin avancé, je pense qu'il pourrait y avoir... puis ça
libérerait aussi. C'est un gros poids d'avoir à tout déterminer si les critères
sont rencontrés. Je pense que, si on pouvait avoir des équipes spécialisées,
des équipes multidisciplinaires, ça serait une excellente idée, effectivement,
avec d'autres professionnels.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Bien, merci, Mme la Présidente. Merci.
Mme Bernier
(Louise) : Merci à vous.
La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Je céderais maintenant la parole à Mme la
députée de Soulanges.
Mme Picard :
Bonjour, Mme Bernier.
Mme Bernier (Louise) : Bonjour.
Mme Picard :
Je vais rebondir un petit peu... j'avais une autre question, mais je vais
rebondir un petit peu sur la question de mon
collègue. En fait, c'est superintéressant, ce que vous proposez, d'équipe, là,
autour des patients qui ont à prendre
cette décision-là, et tout. Où vous la voyez, cette équipe-là? Est-ce qu'on
pourrait la... est-ce qu'elle serait plus dans les hôpitaux, dans les
maisons de soins palliatifs, dans les soins à domicile? Dans notre structure
actuelle du système de santé, j'aimerais savoir où vous la voyez.
Puis ma question que j'avais, vous parlez
beaucoup de diagnostic : Est-ce que, selon vous, est-ce que ça prend absolument un diagnostic, ou bien il y a
peut-être certains diagnostics qui seraient d'emblée admissibles à
l'aide médicale à mourir, ou bien vous... Est-ce qu'on devrait s'attarder à un
diagnostic? Donc, deux petites questions.
Mme Bernier (Louise) : Alors, pour
votre première question — merci — la
forme que pourrait prendre cet accompagnement à la décision, il peut être
multiple. Si... Puis ça, ça va être intéressant que vous posiez la question aux
médecins qui viennent plus tard, aujourd'hui, même, tout à l'heure, comment ça
pourrait être intégré dans leur pratique. Est-ce que ça alourdirait trop le processus
de suivi ou non? Mais je pense qu'il faut que ça soit formalisé, O.K.? Ça
peut prendre différentes formes. Tu sais, dans les directives médicales
anticipées, ça pourrait être, si ce n'est pas pour l'aide médicale à mourir, ça pourrait être, tu sais, des ressources, des
outils interactifs qui sont mis à la disposition, des rencontres possibles avec des équipes, tu
sais, volantes aussi, qui se promènent, et tout. Ça, ça pourrait être
possible.
Mais, pour l'aide médicale à mourir, quand on a
un diagnostic, on a déjà un suivi clinique qui est engagé, donc je pense qu'il
faut les voir probablement différemment. Et, si ça pouvait s'intégrer dans le
suivi clinique, je pense que ça serait idéal de pouvoir l'intégrer, si c'est
possible, si ça n'alourdit pas trop le processus, si ça n'alourdit pas trop la
tâche des soignants. Je pense que... Puis ça, ça va être à voir avec le
collège, comment on prévoit cet espace de dialogue là, comment on l'intègre
dans le suivi de soins. Je pense que ça, il faut y penser, mais, si ça pouvait
se faire de façon assez systématique, avec un retour possible et avec un suivi,
je pense que ça serait idéal d'impliquer les proches aussi dans ce suivi-là dès
le départ.
Pour votre deuxième question... Pouvez-vous me
la rappeler rapidement? Excusez-moi.
Mme Picard : Oui, c'est au sujet du
diagnostic.
Mme Bernier (Louise) : Ah oui! Oui.
Oui, oui. Je suis d'accord avec le rapport Maclure à ce niveau-là. Je pense que
le diagnostic est essentiel. C'est le point de départ, je pense, un diagnostic de
maladie neurocognitive qui pourrait être assez large, donc pas cibler une
maladie en particulier, mais prévoir que, quand on s'en va dans un type de
diagnostic vers l'inaptitude éventuelle... Parce que je pense que, pour décider
de ces questions-là de façon éclairée, le diagnostic ancre la décision dans une
réalité, en fait, qui est nécessaire, je pense, pour la première étape.
Éventuellement, est-ce qu'on pourrait envisager
des directives anticipées plus larges déconnectées d'un diagnostic? Peut-être
ou non, mais, pour l'instant, je pense qu'il faut vraiment avoir... L'idée du
diagnostic est importante pour assurer que, justement, cette décision-là
s'ancre dans une réalité, et ça éclaire énormément la décision, à ce moment-là,
puis ça permet ce que j'ai proposé comme accompagnement.
Mme Picard : Merci beaucoup.
Mme Bernier (Louise) : Merci à vous.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Je céderais la parole... je retournerais à Mme la députée
d'Abitibi-Ouest.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Merci,
Mme la Présidente. Du potentiel... médicale anticipée concernant l'aide à
mourir, devrait-elle être obligatoirement formulée par écrit? Par exemple, une
personne devenue inapte mais ayant exprimé oralement à ses proches une volonté
de recevoir l'aide médicale à mourir alors qu'elle était apte devrait-elle être
considérée comme admise?
Mme Bernier (Louise) : Bonne
question. Je pense que oui. Je pense qu'il faut que ça soit... Non, en fait,
non, je pense qu'il faut prévoir que ce soit fait par écrit par une personne
apte pour éviter... Si on veut que ce soit une réelle décision médicale
anticipée, il faut pouvoir... il faut que ça soit signé, il faut que ça soit
consigné par écrit. Si la personne n'est pas capable de signer, il faut qu'il y
ait une trace. Mais de permettre que la personne dise... bien, ça laisse trop
de place à l'interprétation. Puis ce n'est pas qu'on ne fait pas confiance aux
familles, sûrement que c'est vraiment tout à fait vrai que la personne avait
dit ça, mais je pense que, si on veut... Les mesures de sauvegarde sont
importantes dans ces domaines-là. Je pense que, si on veut éviter, justement,
des interprétations, hein, on veut quand même s'assurer que c'est la décision
de la personne et qu'on peut se référer à un document, à, vraiment, un énoncé de volonté. Je pense que c'est nécessaire de
prévoir une forme très... justement, de formaliser le processus,
absolument.
Sinon, il y a trop d'interprétations possibles.
Il y a des dérives possibles également. On ne peut pas nier que des personnes pourraient peut-être vouloir...
trouver que c'est un fardeau aussi ou penser peut-être, dans leur for
intérieur, que ce n'est pas humain, O.K.?
Mais je pense que, pour des décisions aussi importantes de vie, de mort, de fin
de vie, je pense que la décision doit
clairement être exprimée par la personne. Il faut pouvoir, nous, comme... vous,
comme soignant, comme personne aussi, d'avoir l'espèce de garantie, un
peu procédurale, qui nous permet de se rassurer que c'était vraiment son choix,
parce que ce n'est pas anodin, et je pense qu'il faut vraiment passer par ce
formalisme-là.
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : Merci beaucoup.
La
Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup. Je céderais maintenant la parole au député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : ...si je peux... ma
collègue de Westmount—Saint-Louis
avait des questions préalablement, et moi après. Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Tout à fait. Parfait, merci.
Mme Maccarone : Merci, Mme la
Présidente. Merci, Mme Bernier. Ça tombe bien, vous avez évoqué «place à
l'interprétation», puis je pense qu'entre nous on a beaucoup de préoccupations
en ce qui concerne la notion d'inaptitude. Est-ce que... Puis vous ne l'avez
pas évoqué nécessairement dans votre présentation, mais comment voyez-vous la
façon que nous allons déterminer l'aptitude ou l'inaptitude à une façon de
consentir aux soins? C'est une question qui
me préoccupe beaucoup, beaucoup, surtout... ce serait ma question préliminaire,
mais je ferais de la suite, parce que, si vous pouvez le faire en
rafale, on comprend que le rapport puis les recommandations de Me Filion
et M. Maclure, on évoque qu'il y a autres situations d'inaptitude à
consentir qui devraient être considérées, comme les personnes qui souffrent de déficience intellectuelle, ou du spectre de
l'autisme, ou ayant des troubles de santé mentale.
Alors, est-ce qu'il y a une façon de s'assurer
qu'on ne fait pas fausse route en identifiant peut-être des critères
d'admissibilité ou un autre potentiel d'élargissement des autres critères? Puis
comment allons-nous définir ceci? Parce que ce n'est pas nécessairement une
personne qui est inapte. Moi, je suis maman de deux enfants autistes. Ils sont
aptes à quelques moments puis ils sont inaptes en autres moments. Alors, je
pense que nous devrons vraiment se pencher sur ces questions.
• (9 h 50) •
Mme
Bernier (Louise) : Excellente question. Donc, je pense que, pour votre
première question sur l'aptitude, en ce moment, c'est l'évaluation des
critères de Nouvelle-Écosse, là, qui prévaut, en fait. Et donc il va falloir
s'assurer, quand on va chercher ce consentement-là, que la personne,
justement... Bien, au moment du consentement, on veut que la personne soit
apte, O.K.? Donc, pour donner un consentement valide, on souhaite que la
personne soit apte à donner ce consentement-là. Ça fait partie des conditions.
Pour donner un consentement valide, il faut être apte à le faire, sinon ça sera
un consentement substitué, O.K., ce qu'on... on n'est pas rendu là.
Donc, si on veut donner le consentement, il
faut... donc, si on suit les critères de la Nouvelle-Écosse, il faut comprendre la nature de sa maladie, le but du
traitement, du soin, ici, le but... les risques associés à ce traitement-là,
les risques de ne pas subir le traitement,
puis se demander si la capacité qu'on a de consentir est affectée par la
maladie qu'on a, O.K.? En ce moment,
quand on se demande si une personne est inapte à consentir aux soins, on va se
poser ces questions-là.
Donc, je pense que ça serait une évaluation
clinique qui reprend ces éléments-là. Au moment de prendre la décision, il
faudra s'assurer qu'on remplit ces critères-là. Puis, au moment où on considère
qu'on est inapte, bien, on ne les remplit plus, O.K.? Puis les critères ne sont
pas cumulatifs. Ça fait qu'à partir du moment où on a deux ou trois critères ça
peut être suffisant pour dire qu'on a perdu notre aptitude, O.K.? Et je pense
que, pour l'instant, ce qu'on considère, ce qu'on envisage, c'est de prendre
une personne qui est apte à prendre la décision à un certain moment. Donc,
quelqu'un qui n'aurait jamais été apte à décider de la façon dont... avec les
critères dont on vient de parler, ne serait pas éligible, n'aurait pas... on
n'ouvrirait pas l'aide médicale à mourir à cette personne-là, qui n'aurait pas
pu exprimer son consentement libre et éclairé alors qu'elle était apte. C'est
la première étape.
Est-ce qu'un jour on envisagera des décisions...
substituer les représentants légaux qui pourraient prendre la décision pour les
personnes inaptes jusqu'à l'aide médicale à mourir? Peut-être qu'on va un jour
arriver là, mais là je pense que, pour la première étape, il faut vraiment
qu'on ouvre à la personne qui est apte au moment où elle prend sa décision. Je
ne sais pas si ça répond bien à votre question.
Mme Maccarone : Oui et non. Par
rapport à la question, c'est sûr, j'aurais voulu avoir des précisions, parce
que, tu sais, une question d'inaptitude puis aptitude, ça peut vraiment
évoluer.
Mme Bernier (Louise) : Tout à fait.
Mme Maccarone : Puis vous avez parlé
un peu, dans votre témoignage, que peut-être on devrait prévoir un délai ou une
double signature, par exemple. Quand on parle des personnes qui souffrent de
spectre de l'autisme ou une déficience intellectuelle, par exemple, ce n'est peut-être
pas les mêmes mesures qui pourront être utiles pour accompagner de telles personnes,
parce que le manque de compréhension n'est peut-être pas là.
Mme Bernier (Louise) : Tout à fait.
Mme Maccarone : Alors, est-ce qu'il
y a d'autres mesures que nous devons prévoir pour protéger ces personnes,
protéger leur famille et aussi respecter leur droit civil de militer pour
elles-mêmes, prendre des décisions pour elles-mêmes?
Mme Bernier (Louise) : Oui. Oui.
Absolument. Je pense que vous avez raison de dire : Bien, si on est
capable d'identifier que, selon la loi ou selon les critères, ces personnes-là
ont des moments d'aptitude, c'est tout à fait... puis, tu
sais, on considère que les personnes qui, pour avoir un régime de protection
d'ouvert, par exemple... ne sont pas inaptes pour autant. Puis ça, c'est très
important, vous le mentionnez, puis ça, il faut vraiment, vraiment considérer ça à ce moment-là, de dire que les
personnes qui ont un diagnostic x ou qui ont une condition x ne sont
pas inaptes en raison de leur condition. Ça sera toujours une question de
faits, l'évaluation, hein, de l'aptitude, puis ça, il faut vraiment, vraiment...
vous avez raison de le mentionner.
Pour l'instant, ce à quoi on pense ouvrir, c'est
vraiment les personnes qui ont reçu un diagnostic de maladie neurocognitive,
donc c'est vraiment très précis, et elles sont aptes à ce moment-là et elles
vont perdre leur aptitude. Donc là, si on se
concentre là-dessus, je pense qu'on peut prévoir vraiment d'évaluer l'aptitude
à différents moments. Si, éventuellement, on voulait ouvrir à d'autres
catégories de patients, bien, je pense qu'il faudrait réfléchir en amont à
comment on évalue l'aptitude, est-ce qu'on l'évalue à différents moments, comme
vous dites, est-ce qu'il faut... puis, oui, trouver le difficile équilibre
entre la possibilité, pour eux, de décider pour eux-mêmes lorsqu'ils sont aptes
puis, en même temps, les protéger contre des
dérives. Donc, oui, vous avez raison, c'est ça, c'est une question très
complexe.
Mme Maccarone : Merci, Mme la
Présidente. Je céderais la parole à mon collègue de D'Arcy-McGee.
M.
Birnbaum : Merci. Et merci,
Mme la Présidente. Merci, Mme Bernier, pour vos interventions assez
pertinentes et intéressantes et votre appel à nous qu'en soi il y a lieu à
réexaminer tout ce qui est autour des directives médicales anticipées et que,
de plusieurs façons, ces mêmes questions se posent en tout ce qui a trait à l'aide
médicale à mourir.
Ces directives, par contre, actuellement, si
j'ai bien compris, sont remplies par plusieurs gens et plusieurs personnes qui ne sont pas confrontées par un
diagnostic grave. Et les experts, jusqu'à date, nous conseillent de
circonscrire notre débat, en tout ce a trait
à l'aide médicale à mourir, aux gens qui auraient reçu un diagnostic, comme
je dis, assez grave. C'est un paramètre assez important, mais qui peut
être discuté.
Est-ce que vous avez un point de vue à partager
avec nous sur cette question? Est-ce qu'on devrait absolument limiter nos
délibérations aux gens confrontés par un tel diagnostic?
Mme Bernier (Louise) : Bonne question.
Merci. Moi, je pense que, dans une... bien, c'est vraiment mon premier réflexe,
ce serait que, dans une première étape d'ouverture d'aide médicale à mourir aux
personnes inaptes, on le fasse de façon
connexe à un diagnostic, parce que, comme je disais, le diagnostic éclaire les
circonstances, donne un ancrage réel à la prise de décision. On n'est
pas dans... Puis vous avez raison de mentionner que, pour les directives médicales
anticipées, en ce moment, on le fait de façon tout à fait déconnectée d'un
diagnostic ou d'une possibilité, O.K., sauf que ça va s'appliquer dans trois
situations qui seront des situations prédéterminées.
Et je pense qu'éventuellement on pourrait penser
qu'on va ouvrir plus largement, peut-être, mais, pour l'instant, je pense que,
si on ouvre l'aide médicale à mourir, si on veut avoir un consentement
réellement éclairé, il faut... Puis moi, je pense que les directives médicales
anticipées, en ce moment, le consentement, à cause de la présomption d'information puis pour plein, plein,
plein de raisons, le consentement n'est pas suffisant, ce qui est
demandé. Donc, je pense que, pour la suite, il faut s'assurer d'avoir un
consentement éclairé puis d'aller chercher tous les éléments de contexte
nécessaires pour éclairer le consentement.
Vu qu'on parle de personnes qui vont être
rendues inaptes et qu'on parle d'aide médicale à mourir, je pense que, pour ce
soin-là en particulier, le fait de commencer de façon plus prudente, avec des
diagnostics de façon vraiment plus limitée, je pense que c'est la voie à
suivre, personnellement, effectivement.
M. Birnbaum : Merci. À juste titre,
vous nous parlez du fardeau actuel en tout ce qui a trait aux directives, de
s'auto-informer, et ça résonne. En quelque part, si on veut parler d'un accès
étendu, équitable pour les gens moins éduqués, pour les gens en région éloignée,
où les services sont moins disponibles, ce fardeau, j'en conviens, est assez
grand. En même temps, on doit porter attention à votre observation. Vous
conviendrez, j'imagine qu'on parle d'une demande ambitieuse, c'est-à-dire
comment est-ce qu'on peut rectifier cette situation. Est-ce que vous avez
quelques suggestions de l'ordre général,
comment on puisse assurer que l'offre est réelle, facile et équitable pour tout
le monde?
Mme Bernier (Louise) : Oui. Bien,
j'ai étudié certains régimes qui sont ailleurs et je pense qu'il y a vraiment
des bonnes pratiques, notamment en Alberta, en Colombie-Britannique, où on a
prévu des outils d'aide à la décision, tu sais, qui étaient virtuels. Je ne
pense pas que ça... Je pense qu'il faut faire vraiment la différence entre des
demandes d'aide médicale à mourir anticipées. Ça, je pense qu'il va falloir vraiment
que ça soit accompagné de façon très, très serrée.
Pour les directives médicales anticipées, où il
y a absolument... où on doit s'informer, s'auto-informer, puis on n'a pas de
ressource, moi, j'ai fait l'exercice à quelques reprises d'appeler, d'essayer
de m'informer juste pour voir un peu si on pouvait avoir des ressources; très
difficile. Donc, je pense qu'il faudrait prévoir des points... un accès... un
accès à... Tu sais, on ne peut pas penser que tout le monde va aller remplir
ses directives médicales anticipées avec un professionnel de la santé, ça va
être... c'est trop lourd, mais de l'information, des capsules d'information, un
outil, justement, informatique, mais qui serait interactif, certaines
ressources aussi, certains points de contact qui pourraient être assez
facilement établis pour vraiment avoir des personnes qui peuvent faire... Parce
que, là, on remet tout sur les notaires puis sur les personnes qui doivent
elles-mêmes trouver l'information. Ce n'est pas adéquat.
Ça fait que je pense qu'il y a vraiment des...
il y a vraiment un juste milieu à trouver, là, entre investir énormément, puis
ce n'est pas réaliste, et trouver certains outils, mais qui pourraient être
informés, puis surtout se départir du check-list oui ou
non, parce que, dans le fond, ça ne donne absolument aucun contexte. Donc,
prévoir vraiment un endroit pour établir c'est quoi, nos priorités de vie, qui
on est, tout ça, je pense que c'est un outil qui doit être beaucoup bonifié.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup. Merci, M. le député. Donc, je céderais maintenant la parole à M.
le député de Gouin.
• (10 heures) •
M.
Nadeau-Dubois : Merci, Mme la Présidente. J'ai peu de temps, je vais vous poser... Et bonjour,
Pre Bernier. Merci de vos commentaires ce matin. Je vais vous poser deux
questions en rafale, si vous le voulez bien.
D'abord, sur la question du formulaire, vous le
jugez, si je comprends, actuellement, simple, voire simpliste, là, pour ce qui est de vraiment bien cerner le
consentement des gens. J'ai lu votre article, je comprends, puis,
mettons, je vous soumets amicalement une objection. C'est-à-dire, comment ne
pas tomber dans l'autre extrême, c'est-à-dire avoir
un formulaire qui devient trop exigeant? Tout le monde n'a pas la même
littératie, tout le monde n'a pas la même capacité de comprendre. Tu
sais, vous parlez, par exemple, de faire un exposé des valeurs, tout ça. Tu
sais, c'est très bien du point de vue du
principe, là, ou théoriquement, mais, concrètement, jusqu'à quel point est-ce
qu'on peut s'attendre à ce que des gens qui ont un niveau de littératie
moyen ou en bas de la moyenne soient en mesure de remplir ces exigences-là?
Bref, est-ce qu'il n'y a pas le risque d'un formulaire qui serait trop
exigeant? Première question.
Deuxième question : Juste pour clarifier
vraiment votre avis sur cette question-là, admettons qu'on inventait un
formulaire qui serait idéal, là, ou qui se rapproche de l'idéal, que la
personne est accompagnée par ses proches, qu'il y a le processus de coaching
auquel vous faisiez allusion un peu plus tôt, admettons que tout ça se passe et
que tout ça se passe bien, la personne arrive à un état dans sa maladie où elle
n'est plus apte à décider, et là, à ce moment-là, elle manifeste de manière
claire, nette, un refus de l'aide médicale à mourir, juste pour bien cerner
votre position, là, si tout a été fait dans les règles de l'art, là, dans le
processus le plus idéal qui soit en amont, mais qu'arrivé au moment fatidique
il y a expression claire d'un refus, quel consentement devrait prévaloir? Celui
de la personne inapte qui dit : Non, je ne veux pas, ou celui de la
personne apte, encadrée, coachée, alimentée, qui a, sur plusieurs mois,
exprimé, par exemple, en amont un consentement éclairé? Lequel des deux
consentements devrait l'emporter à ce moment-là?
Mme Bernier (Louise) : Parfait.
Merci pour vos questions. Alors, je réponds à la première. Je conçois
effectivement qu'il faut, dans un outil idéal, prévoir que, bien, il ne faut
pas que ça soit trop compliqué non plus puis il ne faut pas que ça soit trop
ambitieux. Je pense qu'il y a vraiment des bonnes pratiques qui existent,
d'outils d'aide à la décision, O.K., qui sont vraiment très simples. Puis je
pense qu'un exposé de valeurs, ça n'a pas besoin d'être compliqué. Ça peut être
de répondre à quelques questions. Puis, sur le site de la RAMQ, il y a des informations
qui ont été ajoutées récemment, mais je pense que ça doit être centralisé dans
le document, en fait. Ça fait que je pense qu'il
y a plusieurs... Puis ça pourrait être un vidéo, ça pourrait être quelque chose
d'assez simple, d'expliquer un peu qui prend la décision et qu'est-ce
qui est à la base de cette décision-là, de vouloir refuser ou de vouloir, même,
accepter.
Il y a un autre problème dans les directives
médicales anticipées, c'est qu'on peut accepter à l'avance tous les soins.
Donc, il y a ça, là, tu sais, qu'est-ce qui est derrière. Je pense que ça,
vraiment, il y a des formulaires qui pourraient exister, qui seraient bonifiés,
où on ne va pas dans l'espèce de piège des cases à cocher, mais qu'on donne un
petit peu plus de contexte sans que ça tombe dans quelque chose de trop
complexe non plus. Je pense qu'il y a moyen, il y a moyen de le faire avec le
bon outil. Pour ce qui est du refus catégorique... Je ne sais pas si ça répond,
mais, sinon, on pourra revenir.
Mais, sinon, pour ce qui est du refus
catégorique, c'est une superbonne question. Un refus catégorique de l'inapte,
ce n'est pas un vrai refus de soins, hein, parce qu'un inapte ne peut pas
refuser ou consentir de façon... de la même
façon qu'une personne apte. Donc, ça n'aura pas le même poids que le
consentement anticipé, qui est un consentement valide d'une personne
apte.
Comment c'est traité, dans la loi, le refus
catégorique, ça n'a pas une valeur de refus de soins. Ce que ça dit, c'est que
ça dit : Il faut aller devant les tribunaux pour faire autoriser les soins
à ce moment-là. On reconnaît cette capacité résiduelle, O.K., de l'inapte et on
va aller en discuter. Je pense que, sans avoir une position très tranchée de
dire : Bien, il faut respecter le refus catégorique, il faut certainement
le considérer, O.K., il faut certainement aller en discuter en plus grand
comité. Il faut prévoir une instance, comme c'est le cas dans
l'article 16. De toute façon, c'est déjà prévu dans votre Loi concernant
les soins de fin de vie, qu'advenant un refus catégorique il faut se référer à
l'article 16. Donc, ce n'est pas nouveau. Puis, dans le Code criminel pour
l'instant, ça empêche le deuxième... l'aide médicale à mourir, bon.
Mais le refus catégorique a certainement une
valeur. Et ça ne sera pas la même valeur, comme je disais, que le consentement
anticipé, mais il faut reconnaître que, si on passe par-dessus, ça pourrait
avoir énormément de conséquences, à la fois émotives... pour les proches, pour
les soignants. Il y a eu des poursuites, dans certains pays, où on a forcé
l'aide médicale à mourir chez une personne qui avait l'air de vouloir la
refuser. Donc, d'aller chercher de l'aide, d'aller chercher des personnes avec
qui on peut en discuter puis évaluer la situation avec, comme qu'on disait, le
consentement le plus... le mieux fait possible, avec énormément de contexte,
qui va nous aider, justement, à interpréter ce refus catégorique là.
Puis ce n'est pas impossible que, dans notre
consentement en amont, on aurait prévu ce scénario-là, O.K.? Puis il faut faire
la différence entre refus catégorique puis un réflexe biologique, là, tu sais,
quelqu'un qui, juste, refuse... bon.
La
Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup, Mme Bernier. C'est
très intéressant, mais c'est tout le temps qu'on avait aujourd'hui. Merci
beaucoup pour votre contribution aux travaux.
C'est vraiment très
intéressant, on en aurait pris encore, mais, malheureusement, je dois suspendre
les travaux pour accueillir nos prochains invités. Merci.
(Suspension de la séance à
10 h 06)
(Reprise à 10 h 10)
La Présidente (Mme Guillemette) : Donc, nous sommes de retour. Nous accueillons maintenant
notre prochain invité, le Dr Alain Naud. M. Naud...
Dr Naud, vous avez... vous disposez de 20 minutes pour nous présenter
votre exposé, et, par la suite, il y aura un échange de 40 minutes avec
les membres de la commission. Donc, je vous cède maintenant la parole, docteur.
M. Alain Naud
M.
Naud (Alain) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. D'entrée
de jeu, bien, je tiens à remercier la
commission de l'invitation. C'est un grand
plaisir d'être là pour porter auprès de vous la voix des soignants, des malades
et de leurs proches pour ce qui est de l'aide médicale à mourir en
particulier et des soins de fin de vie. Et c'est une mission que je me suis
donnée, là, dès l'application de la loi, en décembre 2015.
D'entrée de jeu,
j'aimerais faire une mise au point. C'est que, bien que je sois membre des
conseils d'administration à la fois du CHU de Québec-Université Laval et du Collège des
médecins du Québec, c'est
uniquement à titre personnel et en tant que médecin impliqué dans l'aide
médicale à mourir et les soins de fin de vie que je m'adresse à vous aujourd'hui.
Je ne représente pas ces organisations. Alors, le contenu du mémoire que je
vous ai soumis et mes propos n'engagent personne d'autre que moi-même.
Pour me présenter rapidement,
je suis médecin de famille, médecin en soins palliatifs, là, depuis 36 ans
maintenant. J'ai été le premier médecin au Canada à parler publiquement de son
implication, là, dans l'aide médicale à mourir en avril 2016. J'ai aussi été
témoin expert en aide médicale à mourir et soins palliatifs au procès Gladu-Truchon. J'ai agi comme conférencier dans au-delà
d'une cinquantaine de congrès médicaux, là, depuis cinq ans, et comme personne-ressource
dans les médias, là, à près de 130 reprises, et j'ai une expérience
personnelle d'accompagnement et d'évaluation de malades avec l'aide médicale à
mourir dans plus d'une centaine de situations, et agi comme mentor auprès de plusieurs
dizaines, là, de professionnels.
Je commencerai par quelques
constats, sur le terrain québécois, des plus de cinq ans d'expérience que nous
avons maintenant avec l'aide médicale à mourir. Et c'est clair pour moi et, je
pense, pour à peu près tout le monde, là, que les travaux actuels et futurs ne
doivent pas remettre question la légitimité de l'aide médicale à mourir, cette
légitimité-là, elle a été établie et très bien établie par le débat public de
société que nous avons fait au Québec, là, de 2009 à 2014, mais les travaux
devraient porter sur la correction de nos erreurs, à la lumière de l'expérience
acquise, et sur les enjeux futurs d'accessibilité.
Un constat que je
réitère d'emblée, c'est que l'aide médicale à mourir, c'est fondamentalement un
acte médical dont l'évaluation et la
conformité professionnelle et déontologique relèvent des conseils de médecins,
dentistes et pharmaciens ainsi que du Collège des médecins du Québec. Un
sondage récent du Collège des médecins du Québec montrait que 89 % des
médecins, au Québec, sont plutôt ou totalement d'accord avec l'aide médicale à
mourir, et 9 % d'entre eux l'ont déjà administrée. Depuis décembre 2015,
l'aide médicale à mourir existe au Québec et est administrée de façon très
rigoureuse et en tout respect des lois.
Un point que je dois
absolument mentionner : vous savez, les opposants religieux et
idéologiques à l'aide médicale à mourir nous ont fait des prophéties depuis
longtemps, et continuent de le faire, de dérapages et de pente glissante. Un
point que je dois soulever, c'est qu'effectivement, depuis cinq ans, il y a eu
de nombreux dérapages, et il continue d'y en avoir, et il y a une pente glissante
qui a été prise, mais elle n'est pas dans l'évaluation et l'administration de
l'aide médicale à mourir, elle est dans l'obstruction qui existe encore à un
accès légitime à l'aide médicale à mourir par des individus ou des
établissements par pure opposition idéologique ou religieuse.
Les
statistiques qui sont compilées par la commission des soins de fin de vie
montrent qu'un malade sur trois qui a signé une demande d'aide médicale
à mourir n'a pas pu y avoir accès, et on ne sait pas pourquoi, hormis de les
classer en trois grandes catégories : demande refusée, non administrée,
devenu inapte entre-temps. Il n'y a aucun examen qui est toujours fait de ces
demandes-là, et c'est clairement là que sont les dérapages. Je pense que tous
les professionnels qui sont impliqués sur le terrain le constatent
régulièrement à la grandeur de la province, certaines régions beaucoup plus que
d'autres. Et ils se perpétuent parce que ça se fait en toute impunité, parce
que, même si ça fait cinq ans qu'on le demande, il n'y a aucun examen
systématique de ces refus et non-administrations qui sont faits. Alors, vous
pensez bien que les opposants idéologiques et religieux s'en donnent à coeur
joie là-dedans.
Et, quand on parle
des malades vulnérables qui ne sont pas protégés, clairement, ce sont tous ces
malades, et non pas ceux qui reçoivent actuellement l'aide médicale à mourir,
parce que ça se fait au terme d'un processus extrêmement rigoureux, complexe,
qui n'implique pas juste deux médecins, mais toute une équipe de professionnels,
qui se porte garante aussi, là, de la rigueur de l'exercice. Et, dans le
33 % de malades, on ne parle même pas de tous ceux à qui on a empêché,
hein, délibérément de signer une demande officielle d'aide médicale à mourir.
Et ça aussi, évidemment, on n'en connaît pas le nombre, mais on peut supposer
qu'ils sont encore plus nombreux.
Je me dois de dire un mot
sur le lobby religieux, je pense, parce que c'est important de le mettre à
jour. Parce que l'intérêt du lobby religieux...
Et comprenez bien que je n'ai aucune, aucune objection à l'opposition
religieuse. Je pense que l'opposition
religieuse ou de quelque nature que ce soit, elle est très légitime,
parfaitement légitime, et doit être respectée.
Là où je n'ai aucun respect, c'est quand cette opposition religieuse s'exerce
de façon cachée, soigneusement cachée et mesquine, parce que l'intérêt
du lobby religieux, ce n'est pas de participer au débat, ce n'est pas de faire
avancer le débat, ce n'est pas d'amener des idées, mais c'est uniquement d'imposer
une conviction personnelle à l'ensemble de la population. Et ça, on le constate
sur le terrain de façon, là, très régulière.
Le premier mandat de la commission était de
discuter des conséquences du retrait de critères de fin de vie qui a été ordonné par la Cour supérieure du Québec. Et
vous aurez compris, si vous avez jeté un coup d'oeil à mon mémoire, que
ça ne peut pas se limiter qu'à cet objectif, mais qu'on doit plutôt discuter
des conséquences de l'inaction du gouvernement du Québec à ne jamais avoir
modifié sa propre loi, depuis juin 2014, en fonction de l'évolution de la
société et du droit sur cette question.
Depuis Carter, le jugement unanime de la Cour
suprême du Canada en février 2016, il était évident, je pense, pour tout
le monde que la loi du Québec était dépassée, était injustement restrictive et
aurait dû être revue. Et non seulement elle aurait dû être revue à cette
occasion, mais elle aurait dû, pas juste pu, mais dû être revue à de nombreuses occasions : dès juin 2016...
dès février 2015, pardon, avec l'arrêt Carter de la Cour suprême du
Canada, ensuite, juin 2016, avec l'adoption, par le Parlement
canadien, de C-14, septembre 2019, avec le jugement Gladu-Truchon de la Cour
supérieure du Québec, et tout récemment, mars 2021, avec C-7, qui venait,
encore une fois, modifier le Code criminel canadien.
La coexistence de ces deux lois, depuis le tout
début au Québec, a fait porter sur les épaules des médecins un poids qui est
tout à fait intolérable d'un cafouillage juridique qu'on dénonce depuis cinq
ans, et qui existe encore, et qui s'est même amplifié, récemment, avec des
communications récentes d'un sous-ministre à la Santé et de la Commission sur
les soins de fin de vie.
Vous verrez, à la page 6 de mon mémoire,
j'ai mis une page complète d'extraits du jugement Gladu-Truchon de la Cour
supérieure du Québec, et vous verrez que la Cour supérieure du Québec n'est pas
tendre au regard de l'immobilisme du gouvernement du Québec à revoir sa propre
loi. Et je vous en cite juste deux ou trois phrases, là :
«À l'évidence la loi québécoise ne peut
s'appliquer dans un cadre totalement hermétique à l'abri des répercussions de
l'arrêt Carter ou du nouveau paysage législatif [québécois].
«[...]l'absence
de motivation quant à son inaction à réagir aux enseignements de la Cour
suprême dans Carter milite contre une
grande déférence. Vu sous cet angle, "l'inertie ne peut servir d'argument
pour justifier de déférence — justifier
la déférence.
«[...]le Québec
ne peut rester les bras croisés et ignorer la nouvelle réalité dans laquelle sa
loi sur l'aide médicale à
mourir s'inscrit.»
La Cour supérieure avait donné six mois aux deux
paliers de gouvernement pour harmoniser leurs lois : «Enfin, cette période
de suspension permettra une concertation du Parlement et de la législature afin
d'éviter de perpétuer les incongruités actuelles en matière d'aide médicale à
mourir au Québec. Et :
«[...]le législateur fédéral adopte un régime
plus permissif que celui existant au Québec, sans aucune réponse législative de
la part du gouvernement québécois. Par conséquent, depuis l'entrée en vigueur
de la loi fédérale, le 17 juin 2016,
les critiques à l'endroit de ces incongruités ne cessent d'être réitérées dans
les sphères médicale et publique québécoises. Précurseurs en matière d'aide médicale à mourir au Canada, les Québécois se voient aujourd'hui imposer les conditions les plus restrictives
d'admissibilité à travers le pays.»
Alors, comme dans la pièce de théâtre, bien, on
attend Godot, et on attend toujours en 2021, et on se fait dire qu'en 2021 on
va continuer d'entendre, mais les conséquences, bien, elles sont nombreuses et
elles sont majeures. On en a fait et on
continue d'en faire porter le poids, de la responsabilité de l'interprétation,
sur les épaules des médecins, ce qui
est intolérable, depuis cinq ans, et ce qui l'est de plus en plus. Et les
répercussions, bien, elles sont sur les malades et elles sont sur la
population. Alors, les conséquences, c'est que de nombreux médecins ont
délaissé l'aide médicale à mourir à cause de ce cafouillage juridique, et un
nombre probablement encore plus grand refuse de s'impliquer pour la même
raison.
• (10 h 20) •
Depuis l'adoption de C-7, récemment, en mars
2017... 2021, pardon, bien, et ça a été aggravé par une communication du sous-ministre
à la Santé et de la Commission sur les soins de fin de vie, il y a de nombreux médecins qui ont délaissé de nouveau l'aide médicale à mourir et de nombreux autres, maintenant, qui refusent de voir un malade qui n'est pas à l'unité de soins
palliatifs ou qui n'a pas un pronostic de moins de deux mois pour cette raison.
Donc, les conséquences sont nombreuses, et,
tristement, bien, les conséquences de ça, depuis cinq ans, bien, c'est un accès
restreint à l'aide médicale à mourir, c'est des médecins qui quittent ou qui
refusent de s'engager, c'est des malades qui sont injustement refusés au Québec
et admissibles partout ailleurs au Canada, c'est un accès inégal à l'aide
médicale à mourir, et ce sont des fins de vie indignes qu'on observe depuis
plus de cinq ans maintenant parce qu'il y a eu de trop nombreux reportages
média qui ont fait état de Québécois qui sont morts à la suite de grèves de la
faim, qui se sont suicidés ou qui sont allés mourir en Suisse au coût de
40 000 $ parce qu'injustement refusés au Québec et qui auraient été
admissibles partout ailleurs au Canada. Et cette situation-là se perpétue.
Notre conscience professionnelle, comme
médecins, et nos obligations déontologiques nous dictent d'agir d'abord et
avant tout dans l'intérêt du malade. C'est nous, médecins et soignants, qui
sont au chevet de ce grand malade souffrant qui nous regarde dans les yeux et
qui nous demande avec anxiété et appréhension dans la voix : Docteur,
allez-vous pouvoir m'aider? Je n'en peux plus. C'est motivés des mêmes intérêts
et obligations envers nos malades que nous ne pouvons
plus fermer les yeux, et détourner le regard, et tolérer les situations
d'indignité que nous dénonçons depuis des années, qui sont uniques et propres
au Québec.
Et, comme médecin, actuellement, ce serait une
grave faute déontologique et professionnelle, à mon avis, de refuser une aide
médicale à mourir à un malade parce qu'il ne répond pas à un critère de la loi n° 2 et de le regarder béatement agoniser et
mourir à petit feu d'une grève de la faim, se suicider ou aller mourir en
Suisse, alors qu'il aurait été admissible partout ailleurs au Canada en vertu
d'une loi pancanadienne et du Code criminel. L'inaction du gouvernement du
Québec, depuis 2014, à légiférer pour ajuster sa propre loi à l'évolution de la
société et du droit ne peut servir de prétexte ni d'argument pour continuer à
imposer des fins de vie indignes à nos malades.
Et a posteriori, bien, quand on regarde l'arrêt
Carter, le jugement Gladu-Truchon de la Cour supérieure du Québec, C-14, C-7, adopté récemment, en
mars 2021, il n'y a absolument rien qui justifie que les Québécois aient
un accès plus restreint à l'aide médicale à mourir que les citoyens du
reste du Canada. Verra-t-on prochainement un médecin québécois accusé au
criminel et emprisonné parce qu'il a prodigué l'aide médicale à mourir à un
malade à l'encontre d'un critère de la loi n° 2, mais en parfaite
conformité et respect du Code criminel canadien? Si c'est le cas, bien, je vous
annonce que je me porte volontaire pour être le premier médecin.
Alors, il est important de corriger ce
cafouillage juridique là. Et, à notre avis, bien, il y a juste deux solutions, qui passent forcément par des mesures
législatives. La première serait d'abolir tout simplement et carrément le
chapitre sur l'aide médicale à mourir de la
loi québécoise. Depuis l'arrêt Carter, qui a obligé le Canada à modifier le
Code criminel, bien, la rationnelle qui nous avait permis, au Québec, de
mettre en place l'aide médicale à mourir ne tient plus.
Et la seconde possibilité, bien, c'est
d'harmoniser complètement la loi n° 2 sur l'aide médicale à mourir, pour
ce qui est du chapitre de l'aide médicale à mourir, avec le Code criminel
canadien. Et il y a beaucoup de travail à faire, et je mentionne quelques
éléments. Et le premier élément que je dois mentionner, je suis obligé de le
faire en tant que médecin, et je le fais au
nom de mes collègues médecins à travers la province, c'est de revoir la
Commission sur les soins de fin de
vie. J'y consacre six pages dans mon mémoire. Alors, évidemment, je ne prendrai
pas tout le temps pour vous relire
tout ce que j'ai documenté et l'argumentaire que j'y ai mis, mais c'est un sérieux problème. Je pense que, dès 2016, on a vu que c'était une erreur qui avait
été mise dans la loi, cette commission-là, du moins le mandat qu'on lui a confié d'évaluer la conformité des aides médicales
à mourir administrées au Québec. Ça a eu des conséquences dramatiques.
Cette commission-là, par sa composition, les
outils, le mandat dont elle est dispose, est parfaite pour être un observateur
des soins de fin de vie au Québec mais n'est absolument pas, absolument pas
crédible, compétente pour évaluer la conformité des aides médicales à mourir.
Les décisions ont été arbitraires, jamais justifiées. Elle fait ses propres
interprétations des critères de la loi. Elle s'immisce, depuis le tout début et
encore aujourd'hui, dans un jugement sur l'évaluation de l'acte médical quand
elle décrète que le malade n'était pas en fin de vie, que le malade n'était pas apte à consentir, que le malade ne
souffrait pas de maladie grave et irrémédiable et même remettait en
cause, parfois, le diagnostic qui avait été
établi et le pronostic. C'est clairement de l'ingérence dans l'évaluation de
l'acte médical. Et, bon, j'ai mis la
conclusion de tout ça à la page 15, que je vous laisserai lire. Moi-même,
j'ai reçu plusieurs dizaines de lettres de cette commission-là et,
pourtant, je considère que je fais une pratique absolument rigoureuse, exemplaire
dans l'aide médicale à mourir.
Deuxième élément, la possibilité de renonciation
à l'obligation d'aptitude au moment de la procédure dans le cas d'une mort
naturelle raisonnablement prévisible. Et comprenons que ça n'a rien à voir avec
le deuxième mandat de la commission, qui est d'évaluer les directives
anticipées dans le cas de diagnostics de démence. On parle ici de gens qui ont
été admis à l'aide médicale à mourir pour qui il y a une date qui est prévue et
qui risquent de perdre leur aptitude entre-temps.
Et, depuis janvier 2016, on dénonce ces
situations-là, qui est une injustice de la loi. Puis on a vu des malades qui
devançaient le moment de l'aide médicale à mourir par crainte de manquer l'aide
médicale à mourir, des malades qui refusaient délibérément de prendre leurs
narcotiques, de prendre les médicaments pour dormir, les anxiolytiques, dans
les derniers jours de vie, encore là de peur de rater l'aide médicale à mourir.
Et on a vu de trop nombreux malades mourir indignement parce que, le moment
venu de l'aide médicale à mourir, ils n'étaient plus aptes. Et, à ce moment-là,
bien, on devait les regarder mourir à petit feu dans un coma, une agonie
interminable, et supporter la détresse des familles et des soignants qui
étaient témoins de ça.
Alors, le fédéral a bien entendu ces demandes-là
et a intégré, hein, dans sa nouvelle loi, la possibilité de renoncer au moyen
d'un formulaire écrit. Récemment, bien, il y a un sous-ministre et la
commission qui nous écrivent pour dire : Bien, vous ne pouvez faire ça au
Québec, parce que la loi n'a pas été changée. Donc, vous comprenez que c'est...
on ne peut pas, nous, comme médecins, fermer les yeux là-dessus et continuer à
tolérer des situations, là, d'indignité. Nos obligations professionnelles et
déontologiques, notre sens du devoir et du respect des malades, leur droit à
l'autodétermination ainsi que l'humanité, et la compassion, et la bienveillance
dont nous les entourons ne nous permettent pas d'obtempérer aveuglément à ces
directives injustes et cruelles, directives qui émanent, d'autant plus, d'un
ministère et d'un gouvernement qui portent la seule, la totale responsabilité
de son inaction depuis sept ans et qui essaie de la refiler sur le dos des
médecins et surtout de la population.
Réhabiliter le critère d'admissibilité, de
maladie, affection ou handicap, encore là, on invoque que la loi québécoise n'a
pas été changée pour nous dire, à nous, médecins, bien : Le handicap et
l'affection ne sont pas admissibles à l'aide médicale à mourir. Alors,
ironiquement, ça aurait comme conséquence que M. Jean Truchon, qui, vous
vous rappelez, avait reçu une exemption personnelle de la Cour supérieure du
Québec pour avoir accès à l'aide médicale à mourir et qui l'a reçue l'an
dernier, si M. Truchon faisait une demande aujourd'hui, il ne serait pas admissible à l'aide médicale à mourir parce
qu'il a un handicap, alors que la Cour supérieure du Québec, Carter, C-14 et C-7 nous disent que ces
gens-là doivent être admissibles.
Et, bon, introduire des
sanctions en cas d'action délibérée pour entraver l'aide médicale à mourir,
c'est malheureusement ce qu'on voit encore trop régulièrement partout en
province encore aujourd'hui, et ça se fait en toute impunité parce qu'encore
une fois il n'y a aucun mécanisme qui est prévu, d'examen de ces cas. Il n'y a
aucune déclaration, aucun compte à rendre des médecins ou des établissements
qui le font.
• (10 h 30) •
Je sauterai sur les autres recommandations,
évidemment, je pense qu'elles sont assez bien détaillées, explicites dans le
mémoire, et j'irai directement sur la section 2, qui est la possibilité
d'introduire, par des directives anticipées,
une aide médicale à mourir future après avoir reçu un diagnostic de démence,
d'alzheimer ou autre démence associée.
Je pense que c'est une demande qui est très importante, très sentie dans la
population. Comme médecin de famille, je peux vous dire que, depuis
10 ans, il n'y a pas une semaine où je ne me fais pas poser des questions
sur ce sujet-là par des patients qui disent : Quand est-ce qu'on va enfin
pouvoir le faire?
La maladie
d'Alzheimer, c'est très prévalent. On sait que le nombre de cas va exploser
dans les 20 prochaines années.
Toutes les familles sont concernées, il y en a, des situations d'alzheimer dans
toutes les familles, et je pense que les gens connaissent trop bien le
caractère incurable et la lente et cruelle dégradation de cette maladie, où le
cerveau meurt plusieurs années avant le corps, ainsi que la finalité.
Encore là, en respectant le principe d'autodétermination,
je pense qu'il faut offrir aux gens le choix de leur fin de vie, de ce qu'ils considèrent
être une dignité de fin de vie, et je mets dans le mémoire une mécanique qui
serait, à mon avis, relativement simple à mettre en place et qui permettrait de
respecter cette situation-là.
Et je terminerai, dans la dernière minute qu'il
me reste, sur la santé mentale et l'aide médicale à mourir. Je pense qu'il y a
beaucoup d'enjeux, je les mentionne là-dedans. Mais la question n'est pas de
savoir est-ce qu'on devrait le faire. Moi,
je pense que la question, ça va être de convenir, en débat de société, des
balises à mettre en place d'ici à ce
que le Code criminel soit modifié pour le permettre, parce que rien,
actuellement, n'interdit d'accepter les problèmes de santé mentale à
l'aide médicale à mourir. Mais il y a un défi, certainement, d'information et
de formation auprès de la population, parce que ça évoque beaucoup de choses,
dans l'esprit de la population, qui n'ont rien à voir avec le type de malade qui
pourrait être admissible. Vous avez reçu la Dre Gupta, que j'ai déjà vu
dire : En 20 ans de pratique comme psychiatre, j'ai un malade qui
aurait pu être admissible. Je peux vous dire qu'en 36 ans de pratique
comme médecin de famille, et la santé mentale, c'est 20 % de ma pratique,
là, je ne vois aucun malade qui aurait pu être admissible, éventuellement, à l'aide
médicale à mourir pour un problème de santé mentale pur ou principal, et,
pourtant, la souffrance, elle est là.
Et, quand on invoque, bien, les ressources,
bien, à quelque part, il faut cesser d'opposer «ressources» et «accès à l'aide
médicale à mourir» — les
opposants l'ont fait avec la santé physique — et il faut être capable d'offrir, évidemment, les ressources suffisantes
et l'aide médicale à mourir pour ceux qui pourraient y avoir accès.
Parce qu'il faut bien réaliser qu'en santé mentale comme en santé physique tout
l'argent et toutes les ressources du monde ne pourront jamais tout guérir et ne
pourront jamais soulager toutes les souffrances.
Alors, bien, Mme la Présidente, je pense
que mon temps est écoulé. Je m'arrêterai là-dessus et je serai heureux de
répondre aux questions des députés.
La
Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Dr Naud. Je céderais la parole au député de
Chomedey.
M. Ouellette : Merci, Dr Naud.
Votre mémoire a le mérite d'être clair, votre position a le mérite d'être
claire aussi. On a un mandat et qui regarde
plus vos recommandations 13 et 14. J'aurais aimé... parce qu'on aura des
observations à faire aussi, et j'aurais aimé
que vous me parliez un peu plus de votre recommandation 6, là, parce que
tout ce qui est de l'aide médicale à mourir, ce n'est pas répertorié,
puis ce qui n'est pas administré, je veux dire, on n'a pas de suivi. Est-ce qu'on doit, est-ce qu'on devra en tenir
compte dans notre rapport qu'on aura à soumettre avant de changer la
loi?
M. Naud (Alain) :
Merci beaucoup pour votre question, M. le député, elle est importante.
Clairement, oui. Et, vous savez, ça n'a pas besoin d'un changement législatif,
hein? Il suffirait juste d'une directive ministérielle pour dire : À
partir de demain matin, on met en place un mécanisme pour examiner,
systématiquement, toutes les demandes refusées et non administrées. Parce que,
comme je vous l'ai mentionné, c'est clairement là que seront les dérapages,
qu'on observe depuis le tout début et qu'on continue, malheureusement,
d'observer encore.
Donc, et moi,
je suis interpelé, là, je vous dirais, pratiquement à toutes les semaines par
des médecins à travers la province qui veulent me parler : Bien, qu'est-ce
que je dois faire, là? Ça n'a pas de bon sens, ce que j'observe actuellement.
Et tout ça se fait de façon tout à fait anonyme et en toute impunité parce
qu'il n'y a aucune déclaration de ces cas-là, hein? Vous savez, le médecin, là,
qui dit simplement à son patient : Ne faites pas de demande d'aide
médicale à mourir, là, vous êtes refusé d'emblée, bien, il ne laisse pas de
note nulle part, là. Donc, il n'y a aucun compte à rendre, il n'y a aucun document
à remplir, il ne recevra aucune lettre de la Commission sur les soins de fin de
vie. Et ça, malheureusement, on le voit, là, trop souvent encore.
Encore cette semaine, hein, il y a des malades
qui ont vu leur demande d'aide médicale à mourir être mise à la poubelle, carrément.
Il y a des malades dont on met la demande d'aide médicale à mourir sur la
tablette, et on attend tout simplement qu'ils meurent après plusieurs semaines
sans qu'ils aient été évalués. Il y a des malades qui sont injustement refusés
sans raison, sans explication. Il y a des pressions qui s'exercent sur les
malades, parfois des professionnels eux-mêmes, parfois de la famille. Et ça, on
l'a entendu : famille qui va voir le malade qui a fait une demande à
l'hôpital, et qui lui dit : Si tu ne retires pas ta demande, on ne vient
plus te voir. Donc, on doit s'assurer qu'un
malade qui le fait, qui fait une demande, le fait de façon
libre et éclairée, sans contrainte ni menace, mais il n'y a personne
qui s'assure qu'un malade qui retire une demande le fait de façon libre et
éclairée, sans contrainte et menace. Et ça, on le voit malheureusement
trop souvent.
Il y a des malades qui font une demande d'aide
médicale à mourir à leur médecin, là, clairement, pas une demande d'information :
Je veux avoir l'aide médicale à mourir, et qui se font répondre : Nous en
reparlerons dans une semaine, vous n'êtes pas rendu là. Parlez-en d'abord à vos
enfants. Vous ne pouvez pas faire de demande d'aide médicale à mourir. L'aide
médicale à mourir, ça ne se fait pas ici, donc envisagez une autre option. On
peut vous faire une sédation palliative à la
place. Et ça, je vous le dis, là, les dérapages et les indignités, là, elles
sont fréquentes. Donc, il suffirait
d'une directive ministérielle pour dire : À partir de demain, on met en
place un mécanisme d'examen
de ces demandes. Et ça pourrait être fait très, très rapidement, et il est
urgent qu'on le fasse. Nous le demandons depuis 2016. Au CHU de Québec,
il y a un an maintenant, on a pris la décision d'examiner systématiquement
toutes ces demandes refusées et non
administrées parce que c'est important qu'on le fasse, et je pense que ça
devrait être fait à la grandeur de la province.
M. Ouellette : Merci.
La Présidente
(Mme Guillemette) :
Merci, M. le député de...
député. Merci, Dr Naud. Je céderais maintenant la parole à la
députée de Saint-François.
Mme
Hébert : Merci,
Mme la Présidente. Merci, Dr Naud, pour votre... bien, votre mémoire.
Et vous avez parlé tantôt de démence, de la
démence heureuse de l'Alzheimer, que c'était quelque chose qui allait être de
plus en plus fréquent dans toutes les familles. Moi, j'aimerais vous entendre
par rapport à la démence heureuse puis le retrait de consentement final.
Comment qu'on devrait considérer une demande d'aide médicale à mourir comme
exutoire malgré l'absence de souffrance de la personne qui en fait la demande?
Et, au niveau médical, comment s'assurer, de façon définitive, que la personne
est atteinte de démence ou d'Alzheimer, par exemple, ou de souffrance de
manière grave et irréversible?
Puis, en même temps, j'aimerais vous amener
aussi... bien, que vous nous ameniez dans votre réflexion. Advenant qu'il y a
un refus catégorique de l'aide médicale à mourir, ça a été consenti
antérieurement, mais que plus la démence arrive, la personne, elle est quand
même sereine, heureuse, puis, disons, elle n'a plus les conditions de
souffrance qu'elle avait évoquées, alors comment vous voyez ça, ce refus-là, à
un moment donné?
M. Naud (Alain) :
Merci, Mme la députée. C'est aussi une question très importante que vous
posez.
Écoutez, sur la démence heureuse, je pense qu'il
y aurait long... il y aurait beaucoup de choses à dire, là. Et il faut
concevoir le concept de souffrance pas juste comme douleur physique, hein?
Parce que, malheureusement, là, on a tendance, dans notre esprit et dans
l'esprit de la population, là, de dire : Bien, la souffrance, c'est la
douleur physique, si la douleur physique est bien soulagée, puis la personne
est souriante et a l'air confortable, quelle raison a-t-on de lui administrer
l'aide médicale à mourir? Alors, il faut bien comprendre que la souffrance,
c'est aussi la souffrance psychique. Et la souffrance physique, ça dépasse de
loin la simple douleur physique. Ça peut être, par exemple, de ne plus être capable de s'alimenter, d'être totalement
alité, d'avoir des ponctions, des examens répétés, d'être complètement
dépendant des autres pour tous ses besoins de base. Tout ça, c'est de la souffrance
physique.
Et, dans le cas de la démence d'Alzheimer et
autres démences associées, je pense qu'il faut juste... il ne faut pas
s'arrêter à la souffrance mais parler aussi de dignité de fin de vie. Et, vous
savez, je le disais tantôt, l'alzheimer, tout le monde connaît ça, là. On sait
comment ça évolue, on sait comment ça se finit, quand le malade meurt en
stade 7, hein, couché dans son lit en chien de fusil, là, alors que le
seul réflexe qu'il a, c'est d'ouvrir la bouche quand on lui met quelque chose
sur le bord des lèvres, là. Et qu'est-ce qu'on répondrait à un malade, par
exemple, qui a reçu un diagnostic d'Alzheimer et qui dirait : Bien, vous
savez, moi, j'ai une maladie d'Alzheimer, je ne veux pas mourir comme j'ai vu
mourir mon père, mon frère ou ma soeur, et, quand je serai rendu à un stade où
est-ce que je ne reconnais plus personne depuis, par exemple, six mois, que je
ne suis plus capable seul d'assumer mes besoins de base ou que je suis alité
complètement, je considérerai que ma vie, à ce moment, n'aura plus de sens, que
ma vie sera indigne, et je vous autoriserai à ce qu'on puisse la terminer dans
ce que je considère être une fin de vie plus digne avec l'aide médicale à
mourir, peu importe que je sois... que j'aie l'air heureux ou pas, là, je
considérerai que ma propre vie n'aura plus de sens à ce moment-là? Alors, si un
malade nous demande ça, qui sommes-nous pour lui dire : Bien, tu as tort
ou tu as raison? Je pense qu'il appartient à chaque individu de choisir sa
propre fin de vie et de considérer ce qui lui apparaît être une fin de vie
digne. Vous avez des convictions religieuses, et, pour vous, l'important, c'est d'attendre que le moment... le
moment où Dieu viendra vous chercher? Parfait, ça doit être respecté. Mais, pour quelqu'un qui dit : Moi,
rendu à ce stade-là, là, je vous autoriserai à m'administrer l'aide
médicale à mourir, je pense qu'on a l'obligation de respecter ça. Et les gens
le feront au moyen de directives anticipées.
• (10 h 40) •
Et je propose une mécanique à cet effet-là. Et,
vous savez, donner des directives avancées alors qu'on est inaptes, là, on le
fait déjà. Quand on fait un mandat en cas d'inaptitude, bien, on désigne un
mandataire, à qui on a confiance pour nous représenter et prendre des décisions
à notre place au moment où on ne sera plus apte, dans un testament. Quand on désigne un liquidateur, bien,
en principe, c'est quelqu'un en qui on a confiance et qu'on a confiance
qu'il ne trahira pas nos volontés. Alors, je vous propose, dans le mémoire, une
mécanique qui pourrait être mise en place, là, relativement facilement, à mon
avis, et qui permettrait de respecter, là, ces dernières volontés là du malade.
Et évidemment ces
volontés-là... bon, comme je le mentionne, on devrait, après le diagnostic,
attendre un certain temps, parce
qu'évidemment il y a un choc à absorber. Il faut orienter le malade vers les
ressources appropriées, l'information, demande qui
devra être répétée et demande qui pourra être retirée tant que le malade est
apte à le faire et par la nomination d'un mandataire. Le mandataire n'aurait
pas pour mandat de déterminer que le moment est venu mais bien d'aviser
l'équipe traitante d'évaluer, voir si ce moment est venu. Et il appartiendrait
à chaque malade de déterminer que le moment est venu au moyen de critères, là,
facilement objectivables. Et le malade choisirait les critères qui, pour lui,
représentent de l'indignité de fin de vie dans sa condition évolutive, là,
d'Alzheimer, par exemple : ça fait six mois que je ne reconnais plus mes proches
de façon constante, je suis totalement alité, je suis totalement dépendant des
autres pour mes besoins de base, j'ai un comportement agressif qui est
incontrôlable depuis plusieurs mois. Alors, on pourrait mettre une série de
critères comme ça. Et, encore une fois, je pense qu'il appartient à chaque
personne de déterminer ce qui correspond à de la dignité ou de l'indignité de
fin de vie, et ça doit dépasser largement la simple notion de douleur physique
bien ou mal soulagée.
Mme
Hébert :
Merci.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Parfait. Je céderais la parole au député de Mégantic.
M. Jacques :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Dr Naud. Juste une petite question
pour compléter, là, un peu, là, ce que ma collègue de Saint-François a parlé.
Au niveau du consentement,
de ce que je comprends, là, ce que vous suggérez, c'est que, lorsque la maladie
apparaît, dans un premier temps, la personne pourrait avoir recours à un genre
de mandat d'inaptitude pour dire c'est quoi, les soins de fin de vie qu'elle
désire, et à quelle étape qu'elle les désire, et qu'après ça il y ait un délai
de trois à six mois avant qu'elle puisse les recevoir, minimalement. C'est bien
ça que je comprends?
M. Naud (Alain) :
C'est
bien ça, oui.
M. Jacques :
Donc, une personne qui ferait un mandat d'inaptitude dans son vivant, qui n'a
pas aucune maladie, ne pourrait pas déjà stipuler certaines recommandations par
rapport à ce qu'il pourrait lui arriver plus tard?
M. Naud (Alain) : Oui. Merci, M. le député. En
effet, vous avez tout à fait raison. Ce que j'amène, c'est que je ne pense pas qu'on puisse le demander à
l'avance. Vous savez, quand on a 20 ans, 30 ans, 40 ans, de
dire : Vous savez, moi, si, rendu à 80 ans, j'ai une maladie d'Alzheimer,
vous m'administrez l'aide médicale à mourir, là, je pense que ce n'est pas
adéquat. Évidemment, beaucoup d'eau va couler sous le pont, et il peut se
passer bien des choses.
Alors, moi, je pense
que ce n'est pas une directive anticipée dans le sens de ce qui existe, actuellement,
du registre des DMA, des directives médicales anticipées. Donc, je pense qu'on
ne peut pas demander à l'avance ce soin-là, mais uniquement une fois qu'on a
reçu un diagnostic de démence et alors qu'on est encore, évidemment, dans les
premiers stades de la maladie, parce que c'est une maladie qui évolue, hein,
sur de nombreuses années, là, et ça prend plusieurs années avant que le malade
devienne inapte, là. Donc, ce serait vraiment après avoir reçu un diagnostic,
dans la condition, dans la situation sociale et familiale où se retrouve ce
malade et après une certaine période
d'attente minimale, comme je le mentionnais, parce qu'il y a un choc à
absorber, là, quand on se fait dire qu'on a une maladie d'Alzheimer, là,
je pense que tous les gens qui sont au chevet le savent très bien et tous les
gens qui accompagnent ces malades-là ou qui
l'ont vécu le savent très bien aussi, là. Donc, ce serait juste après le
diagnostic, après une période d'attente minimale, au moyen d'un
formulaire, d'une directive spécifique à cet effet, qui devrait être, encore
une fois, répétée, là, au moins trois à six mois plus tard. Et, bien, on pourra
débattre du délai, éventuellement.
Et, l'autre point
important, c'est que ce mandat-là devrait être contraignant, hein, c'est-à-dire
que pas soumis au jugement des proches, des enfants, de la famille, des frères
et des soeurs, là, comme le sont les directives médicales anticipées actuellement, et qui ont une nature contraignante. Alors, même
si les enfants ne sont pas d'accord, bien,
écoutez, c'est la volonté du malade, et cette volonté-là doit être respectée.
Mais, en effet, ce que je propose, c'est que ça se fasse uniquement
après avoir reçu officiellement un diagnostic.
M. Jacques :
Bien, je vous remercie. Je vais laisser les questions aux autres collègues, là.
J'aurais beaucoup de questions, là, mais je vais laisser la place. Merci.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Parfait. Merci, M. le député. Donc, je céderais la
parole à Mme la députée d'Abitibi-Ouest.
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Naud,
pour votre belle présentation.
La perte de capacité,
soit l'aptitude, n'est pas un phénomène, et c'est toujours possible
d'anticiper. Par exemple, traumatismes crâniens cérébraux et les AVC peuvent
engendrer d'importantes séquelles et entraîner l'inaptitude de manière
soudaine. Dans ce contexte, serait-il possible de faire une directive médicale
anticipée pour l'aide médicale à mourir en l'absence de diagnostic?
M. Naud (Alain) : Merci, Mme la députée, pour
votre question. Évidemment, l'enjeu que vous soulevez est très important.
Écoutez, je pense qu'avec l'aide médicale à mourir, hein, on évolue, la société
continue d'évoluer, et je pense qu'il faut y aller par étapes aussi, se concentrer
sur les enjeux les plus importants, les besoins les plus ressentis et
immédiats, là, dans la population. Et je pense que la fréquence de la
pathologie doit être prise en compte dans notre décision là-dessus.
Ce
que vous soulevez est effectivement très important. Mais, si on essaie de
légiférer pour pouvoir... sur ce problème-là, on risque de s'embarquer dans de
grands débats sur quelles pathologies va-t-on accepter, quels en seront les
critères. Vous savez, tous les troubles neurologiques, etc., les AVC, les ICT,
les paralysies, est-ce qu'on accepte quelqu'un qui a juste un problème de
langage suite à un AVC, qui a une paralysie complète? On risque de faire un très long débat sur cette question-là,
alors que, dans le cas de la démence, et d'Alzheimer, et autres démences
associées, je pense qu'on est capables d'agir et d'aller rapidement là-dessus
parce que, clairement, c'est très prévalent,
hein, c'est très présent dans notre société. Ça évolue. On connaît ça, la
démence de l'alzheimer. On sait comment ça évolue, on sait quand ça commence, on sait comment ça se termine, et
je pense qu'il y a beaucoup moins de débats à faire ou d'imprécisions,
là, là-dessus.
Alors, ce que vous
soulevez, oui, j'applaudirais, là, à l'idée de pouvoir éventuellement y arriver,
mais je pense qu'on devrait d'abord commencer avec la maladie d'Alzheimer et
autres démences associées, se donner un petit peu de temps de roder ça, de voir
est-ce qu'il y a des écueils qui apparaissent, qu'on n'avait pas pu voir venir,
et, éventuellement, peut-être ouvrir, là, à
d'autres conditions neurologiques comme celles que vous mentionnez,
hein?
Je pense que, l'aide
médicale à mourir, là, on n'est pas au bout du chemin, on est au tout début. La
société va continuer d'évoluer là-dessus, et on devra toujours le faire en
gardant à l'esprit l'intérêt des malades, évidemment, et le respect de ces
malades-là. Mais ma proposition serait qu'on commence par l'alzheimer et les
démences associées.
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Merci, Mme la députée. Donc, je céderais la parole
à Mme la députée de Soulanges.
Mme Picard :
Bonjour. Merci beaucoup, Dr Naud, d'être parmi nous aujourd'hui.
Je ne sais pas si
vous avez eu la... si vous avez écouté Mme Bernier, qui a passé juste
avant vous, mais elle adressait une idée d'intégrer une équipe multi, une
équipe qui serait avec peut-être un psychiatre, avec un professeur d'éthique ou
quelqu'un, dans le fond, qui pourrait aider les docteurs à prendre leur
décision, mais faire vraiment un beau... une belle équipe autour du patient et
de son proche. Comment pensez-vous qu'on pourrait intégrer cette équipe multi
là aux professionnels, dont vous êtes, là, qui... pour ne pas... en fait, pour
empêcher d'alourdir votre travail, mais aussi pour ne pas allonger les délais
non plus, là? Comment vous voyez ça, vous?
• (10 h 50) •
M.
Naud (Alain) : Oui. Merci,
Mme la députée. Vous faites référence, j'imagine, aux démences, hein, et
Alzheimer et autres démences associées, oui? Bien, tout à fait. Écoutez, non,
je n'ai pas pu assister à la présentation précédente parce que j'étais dans les
techniques pour ma propre présentation.
Bien, c'est ce que je
propose dans mon mémoire, d'ailleurs, hein? C'est que, vous savez, la... le...
il faudrait mettre en place une équipe multidisciplinaire. Quand je disais,
tantôt dans la mécanique, pour la personne elle-même, de désigner un
mandataire, bien, son rôle, en fait... et on ne fera pas porter le poids de la
responsabilité, là, de la décision à ce mandataire-là, mais son rôle serait
seulement d'aviser l'équipe, le moment venu, que : Bien, écoutez, je me
demande si les critères que la personne a désignés elle-même, là, ne sont pas
maintenant atteints et qu'il serait temps de
procéder à son évaluation, là, à son évaluation. Et cette évaluation ne devrait
pas être confiée à un seul individu, à un seul médecin, elle devrait
être confiée à une équipe multidisciplinaire, et c'est tout à fait, là, ce que je
propose.
Alors, ça... Et ce que je propose, évidemment, on
peut en débattre, là, mais ça devrait être minimalement un médecin, une
infirmière, une travailleuse sociale qui sont au chevet de la personne, qui la
connaissent bien, qui sont déjà impliqués.
Et on pourra élargir l'équipe avec un éthicien, là, évidemment, je n'y vois
absolument aucun problème. Et c'est cette
équipe-là qui prendrait la décision finale de dire : Oui, le moment est
venu d'administrer l'aide médicale à mourir.
Et ça pourrait se faire
très bien — ce
que... une des recommandations, là, évidemment, qui sont dans le mémoire, sur
laquelle je n'ai pas eu le temps de revenir — par aide médicale à mourir
par voie orale. À ce moment-là, on n'a pas besoin d'injection nécessairement,
hein? Puis l'aide médicale à mourir par voie orale, qu'on ne devrait pas
appeler le suicide assisté... Quant à moi, là, ça n'a rien à voir avec le
suicide, là. C'est vraiment de l'aide médicale à mourir. C'est juste la voie
d'administration qui est différente.
Et ça pourrait être
fait par les IPS. Parce qu'une autre de mes recommandations, c'est qu'il est
urgent qu'on intègre les IPS à l'aide médicale à mourir comme partout ailleurs
au Canada. Donc, ces malades-là, évidemment, sont dans des centres de soins prolongés,
hein? On s'entend que, rendus à ce stade-là, très peu seront, probablement, à la
maison, là. Les IPS sont très impliquées dans les CHSLD, leur apport est
précieux. Alors, l'équipe multidisciplinaire aurait le mandat d'évaluer si le moment est venu, et, si le moment est
venu, bien, tout simplement par l'administration de l'aide médicale à
mourir par voie orale, qui pourrait être faite par le médecin ou par
l'infirmière, avec les mêmes conditions que l'aide médicale à mourir qu'on connaît bien actuellement, là... pourrait
être prodiguée à ce moment-là. Alors, je suis tout à fait d'accord avec
ça, évidemment.
Mme Picard :
Merci. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Donc, M. le député de Lac-Saint-Jean, 1 min 30 s, s'il
vous plaît.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Oui. Bonjour, M. Naud. Tout à l'heure, on
amenait madame... un professeur titulaire à l'Université de Sherbrooke, qui a
parlé du formulaire, le fameux formulaire, là, de remplir un formulaire.
Qu'est-ce que vous en pensez?
M.
Naud (Alain) : Écoutez, une de mes recommandations, c'est
d'abolir, tout simplement, dès maintenant le formulaire de déclaration
provincial. La première version, là, sur papier, était une horreur absolue, là.
Ça a été fait par des juristes, pour des juristes, qui ont certainement eu
beaucoup de plaisir à le concevoir, là, mais qui n'avait aucune utilité
clinique médicale. Et c'est quand même aux médecins qu'on confie la
responsabilité, là, d'évaluer et d'administrer l'aide médicale à mourir.
Est arrivé, en novembre 2018, le formulaire
unifié électronique pancanadien du gouvernement fédéral, qui est, à mon avis,
infiniment mieux fait que le formulaire provincial. On nous avait promis une
harmonisation. Ce n'est pas le cas du tout, hein? Alors, ça a fait juste
compliquer les choses, prendre beaucoup plus de temps, parce que, là, on a un
formulaire électronique où est-ce qu'on a la partie provinciale, après ça, la
partie fédérale, avec beaucoup de redondance entre les deux. Beaucoup de questions
ambiguës dans le formulaire provincial. Il n'est d'aucune utilité, surtout que,
comme je le mentionnais, on devrait retirer le mandat d'évaluer la conformité,
là, de l'aide médicale à mourir à la Commission sur les soins de fin de vie.
Alors, ce formulaire-là, je peux vous dire que
ça a fait fuir aussi beaucoup de médecins qui s'y sont frottés et qu'il y a
beaucoup de médecins qui refusent encore de s'impliquer parce que ça fait juste
amener des contraintes supplémentaires. L'aide médicale à mourir, ce n'est pas
simple, là. S'il y en a qui s'imaginent qu'on fait ça, là, comme médecins, les
deux doigts dans le nez, là, c'est beaucoup d'heures d'investissement, c'est au
moins une dizaine d'heures, et le formulaire est un irritant majeur
actuellement.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, M. le député. Merci, Dr Naud. Je cède maintenant la
parole au député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : Merci.
(Interruption)
M. Birnbaum : Ça va? Merci,
Mme la Présidente. Merci, Dr Naud, pour vos observations lucides, vos
recommandations assez claires. C'est ça qui s'impose dans un débat complexe
mais exigeant et très présent.
Écoutez, votre évaluation, votre diagnostic de
l'état de choses actuel en tout ce qui a trait au traitement, aux demandes d'aide
médicale à mourir, est assez sombre, en quelque part. Vous parlez de quelque 33 %
de membres qui ont été soit non traités comme il faut ou refusés. Et j'imagine,
compte tenu de votre expérience, avec raison, vous notez qu'il y en a, il y en
aurait eu plein d'autres qui n'ont même pas postulé ou même pas soumis leur
demande.
Bon, plusieurs de vos recommandations touchent à
comment pallier à la situation, mais j'aimerais vous inviter à renchérir. Pour
l'instant, vous parlez d'une brèche législative à corriger dans le plus bref
délai, vous parlez de votre lecture de l'inefficacité actuelle de la
commission. Mais là c'est assez évident, en quelque part, que, suite à nos
recommandations et suite à la tendance mondiale, bon, les demandes vont s'accroître,
et il y aurait une plus grande présence de ce phénomène-là.
Comment faire, quoi d'autre est-ce qu'il faut
faire pour assurer, avec la rigueur nécessaire, mais que les demandes soient traitées ou rejetées en toute
transparence et en toute reddition de comptes? Qu'est-ce qu'on doit
faire de plus, actuellement, et en anticipant un élargissement de cette option
sombre et très importante pour tout le monde?
M. Naud (Alain) :
Oui. Merci, M. le député. Bien, en fait, un constat qu'il faut faire
depuis plus de cinq ans, là, c'est que, l'aide médicale à mourir, c'est fait de
façon extrêmement rigoureuse au Québec, en toute conformité des lois. Alors,
moi, je pense qu'il faut d'abord éliminer tous les irritants qui empêchent,
actuellement, les médecins de
s'impliquer — et on en
a déjà mentionné plusieurs, là, l'incohérence entre les deux lois, le
formulaire électronique provincial, les lettres incessantes de la
Commission sur les soins de fin de vie — qui n'ont pas lieu d'être.
Et, vous avez raison, les demandes vont
augmenter, là, c'est... on n'a pas besoin d'être devin pour le prédire, là,
parce que c'est le cas, c'est ce qu'on a vu dans tous les pays dans les
premières années où ça a été implanté, parce qu'on élargit maintenant
l'accessibilité, parce que c'est mieux connu, parce que les résistances
diminuent, tranquillement, là, à travers la province, de façon urgente,
permettre aux IPS de s'impliquer dans l'aide médicale à mourir. Alors, si on
commence par éliminer tous les irritants qu'on dénonce comme médecins depuis
cinq ans et qui sont encore en place, bien, je peux vous promettre que beaucoup
de médecins vont revenir à l'aide médicale à mourir ou vont enfin s'impliquer.
L'autre chose, et moi, bien, je suis enseignant,
évidemment, à l'université, là, en médecine familiale, je peux vous dire que la
génération des médecins qui s'en vient va être extrêmement favorable et va
vouloir s'impliquer dans l'aide médicale à mourir. C'est déjà enseigné à
l'université, et je peux vous dire que j'ai une liste longue comme ça, moi, de médecins résidents, là, qui souhaitent m'accompagner pour apprendre comment faire l'aide
médicale à mourir au Québec. Donc, éliminer d'abord les irritants, je
pense que ça va donner une chance.
Dans les dernières statistiques, 9 % des
médecins ont prodigué l'aide médicale à mourir, hein? Et il y a plus de
20 000 médecins au Québec, là, et ce nombre-là augmente d'une année à
l'autre, là, donc, ça, c'est très important, c'est important de le mettre en
place. Et, après ça, bien, il faut documenter, évidemment, toutes les aides
médicales à mourir, tant administrées que celles qui sont refusées ou non
administrées. Et ça, bien, il y a déjà en place un mécanisme qui s'assure de la rigueur des AMM administrées. Les CMDP,
conseils de médecins, dentistes, pharmaciens, là, déjà, des
établissements reçoivent exactement les mêmes formulaires que ceux de la
Commission sur les soins de fin de vie et les évaluent tous. Et ils ont, eux,
l'expérience, l'expertise, la formation, la composition du groupe et l'accès au dossier médical et aux équipes soignantes pour
faire ce travail-là de façon rigoureuse. Et ils sont supportés par le Collège
des médecins du Québec, et c'est eux, en dernier recours, qui s'assurent de la
conformité de l'acte médical qui a été prodigué dans l'aide médicale à mourir.
Donc, vous savez, il y a des choses qu'on
dénonce depuis cinq ans, et qui auraient dû être corrigées depuis longtemps, et
qui sont relativement faciles à corriger, actuellement, si on écoute les
cliniciens qui sont sur le terrain. Alors, je pense qu'il faut prendre nos
informations aussi aux bons endroits pour prendre le pouls, là, de la situation
actuelle au Québec pour pouvoir y apporter les correctifs.
M.
Birnbaum : Merci. J'aurais
une autre question, puis après, je suis sûr, ma collègue de Westmount—Saint-Louis en aurait.
Je vous amène sur un autre terrain. Vous parlez
de soins palliatifs, et je trouve que vous nous offrez un rappel important que
quelque 80 % des gens qui ont demandé l'aide médicale à mourir avaient
déjà recours aux soins palliatifs. Deux choses. Dans un premier temps, vous
recommandez que ces établissements de soins palliatifs n'aient pas le droit de
s'exempter d'appliquer l'aide médicale à mourir. J'aimerais vous entendre
là-dessus.
Et, deuxième chose, est-ce qu'on a... parce
qu'on parle d'un continuum de soins, est-ce qu'il y a la moindre raison de
craindre que l'État, en conséquence d'un usage étendu de l'aide médicale à
mourir, risque de délester, en quelque part, le financement très important pour
le soin palliatif?
• (11 heures) •
M. Naud (Alain) :
Merci, M. le député, de la question. Effectivement, on s'entend tous, là,
tous les médecins, je pense, et c'est clair pour tout le monde, là, les soins
palliatifs, c'est la base des soins autant de fin de vie que de soulagement et
d'accompagnement des conditions chroniques, hein, mais incurables, là, parce
que... Et ça, ça a changé beaucoup, hein? Depuis un bon bout de temps
maintenant, là, ce n'est plus réservé seulement aux malades qui vont mourir, là, qui sont à l'unité de soins
palliatifs, mais à toutes les personnes qui ont des conditions
chroniques. Alors, c'est la base, et, évidemment, il faut que ce soit
accessible et suffisamment financé partout dans la province.
Maintenant, un des arguments des opposants
religieux, c'était de dire : Vous savez, les gens, ils demandent l'aide
médicale à mourir parce qu'ils n'ont pas accès aux soins palliatifs. On savait
que c'était faux. On a la preuve maintenant que c'est faux, parce que, comme
vous le mentionnez, 80 % des gens qui ont reçu l'aide médicale à mourir au
Québec étaient déjà en soins palliatifs, et l'autre 20 % a refusé d'y
aller, et ils en ont parfaitement le droit, parce que, quand on rencontre le
malade, ça fait partie de nos obligations, s'il n'est pas déjà en soins
palliatifs, de l'informer de la possibilité d'aller en soins palliatifs. Donc,
ça, c'est extrêmement fondamental et important. Et, bien, si on retire à la
Commission sur les soins de fin de vie le mandat d'évaluer la conformité de
l'aide médicale à mourir, ce qu'elle n'est pas en mesure de faire, à mon avis,
bien, on pourrait certainement dégager du budget qui pourrait être investi dans
les soins palliatifs.
Sur les maisons privées de soins palliatifs, il
n'y a plus maintenant aucune raison qui justifie de maintenir ces
exemptions-là. À l'entrée en vigueur de la loi, toutes les maisons avaient fait
front commun, hein, pour s'opposer. Et le constat qu'on fait, c'est qu'il y a
des demandes d'aide médicale à mourir dans toutes les maisons de soins
palliatifs, même celles qui refusent toujours de l'offrir. Et ce qu'on voit
depuis cinq ans, et ce qui continue de se produire dans les maisons qui
refusent de l'offrir, c'est des transferts honteux de ces malades vers un
établissement public dans leurs derniers jours de vie parce qu'ils ont osé demander
l'aide médicale à mourir, sans compter les pressions qu'ils subissent pour ne
pas faire de demande, hein?
Alors, ça, là, il n'y a aucune raison que ça se
maintienne. Et il est très clair que l'opposition qui est maintenue encore par
certaines maisons, elle relève de l'opposition idéologique, et/ou religieuse,
et/ou de crainte de représailles catholiques. Et j'en ai donné un exemple dans
mon mémoire, parce que ça existe, on ne se mettra pas la tête dans le sable,
là. La perte du financement des communautés religieuses est une des raisons.
Alors, dans l'intérêt des malades, là, il n'y a aucune, aucune raison de
maintenir cette exemption-là encore pour les quelques maisons de soins
palliatifs qui continuent d'être opposées. Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Mme la députée de Westmount—Saint-Louis.
Mme
Maccarone : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Dr Naud. Dans votre mémoire, vous avez évoqué, dans votre recommandation 14, d'autoriser l'accès à l'aide médicale à mourir pour les problèmes de santé mentale, mais
vous n'avez pas adressé le problème ou la
condition d'une déficience intellectuelle ou autres types de maladies. Selon
vous, est-ce que c'est... Ça ne faisait pas
partie de votre mémoire puis de vos recommandations parce que,
selon vous, une personne qui souffre
d'une déficience intellectuelle ou l'autisme ne peut pas consentir? Et, si oui,
ce sont quoi, les conditions dont nous pouvons établir une aptitude ou
une inaptitude, d'autres qui pourront faire partie de l'aide médicale à mourir?
M. Naud (Alain) :
Oui, merci, Mme la députée. Effectivement, je n'ai pas parlé, là, de la
déficience intellectuelle ou de l'autisme. Bien, vous savez, l'enjeu, il est
vraiment en lien avec l'aptitude à consentir, hein? Et évidemment la déficience
intellectuelle, c'est un large spectre, tout comme celui de l'autisme, là. Et
ça, je pense que le débat devra se faire vraiment avec les experts de cette question-là,
parce que, bon, de déterminer que quelqu'un comprend bien sa situation, comprend
bien les alternatives qui s'offrent à lui, constater la souffrance morale et
pouvoir réitérer une demande, tout ça, bien... Vous savez, il y a beaucoup de
critères en place quand on évalue une demande d'aide médicale à mourir, mais je
pense que l'enjeu principal, c'est vraiment sur la capacité à consentir à ce soin-là, qui, évidemment, est questionnée
très directement quand on parle, là, de déficience intellectuelle
et d'autisme.
Alors, je n'ai pas,
volontairement, voulu m'embarquer dans ce champ-là, parce que, déjà que la santé
mentale, je pense que c'est un enjeu sensible dont on a à faire un débat de société,
là, et qui implique déjà, comme je le
mentionnais, plusieurs écueils, là, qu'on devrait résoudre, là... Mais
je pense que c'est une ouverture, éventuellement, dont il faudra aussi
discuter, mais je pense qu'on ne pourra pas tout régler, hein, dans un seul
mandat ou d'un seul coup par un seul projet de loi.
Mme Maccarone : Ça fait que ça veut
dire vous, vous n'avez pas de recommandation, nécessairement, en ce qui
concerne les critères qui devraient être appliqués pour mesurer l'aptitude ou
l'inaptitude d'une personne qui souhaite avoir accès à l'aide médicale à
mourir.
M. Naud (Alain) : Spécifiquement pour ce qui est de la déficience
intellectuelle et de l'autisme, effectivement, là-dessus, je
m'abstiendrai de faire des recommandations, parce que ce n'est pas mon domaine
d'expertise, très honnêtement, et je ne veux pas prétendre des choses que je ne
suis pas capable de soutenir.
Mme Maccarone : Est-ce que ça veut
dire qu'on devrait d'abord penser aussi à une liste de maladies, comme un peu
qui était recommandé quand on parle de Me Fillion, par exemple, à l'intérieur
du rapport qu'il nous a donné? Puis je comprends votre souhait de peut-être
passer par-dessus ce comité, mais est-ce qu'on devrait se pencher sur une liste
de maladies, aussi, qui devraient avoir une éligibilité à avoir accès à l'aide
médicale à mourir?
M. Naud (Alain) :
Bien, vous savez, dans le cas de la démence, des troubles neurocognitifs
majeurs, là, démence et autres... alzheimer et autres démences associées, je
pense que c'est relativement facile de faire une telle liste. Dans le cas de la santé mentale, ça m'apparaît plus difficile,
parce qu'encore là il y a un large spectre d'atteintes, hein? Les
troubles neurocognitifs, on les connaît, on est capable de les diagnostiquer,
on en connaît l'évolution, elle est la même pour tout le monde. Ça demeure une
maladie incurable avec une lente et sévère dégradation.
Dans le cas des problèmes de santé mentale, là,
le spectre est beaucoup plus large. Alors, il faudrait faire l'exercice avec les spécialistes. Évidemment, je
suis un médecin de famille, je ne suis pas spécialiste, là, un
psychiatre en santé mentale, là, mais de faire une liste qui serait très, très
restrictive de diagnostics de santé mentale me semble un exercice, là, à ce
moment-ci, un peu plus périlleux.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Mme la députée. Merci, Dr Naud. Je cède maintenant la
parole au député de Gouin.
M. Nadeau-Dubois : Merci, Mme la
Présidente. Merci, Dr Naud, pour votre présentation. J'ai peu de temps.
J'ai envie de vous entendre sur une question que j'ai posée à la précédente
intervenante à la commission au sujet de la possibilité, puis ça me semble être
une possibilité pas complètement farfelue, loin de là, que des gens qui
aient... au moment, par exemple, ou suite à avoir reçu un diagnostic d'une
maladie comme l'alzheimer, puissent se dire, à ce moment-là : Je suis
certain que c'est ce que je veux, recevoir l'aide médicale à mourir lorsque je
vais être rendu dans un état avancé, mais qui, finalement, suite à l'évolution
de la maladie, au moment où vient... par exemple, pourrait se présenter le
moment de donner le consentement vraiment final, là, pour recevoir l'aide
médicale à mourir, se dirait : Non, je ne veux pas, je ne veux pas. Puis
ce serait un refus net, un refus répété, malgré le fait qu'il y ait eu processus
en amont, disons, un processus parfait. Donc là, on est comme dans une
situation où il y a deux consentements qui s'affrontent, là, le consentement
initial, donné en toute connaissance de cause dans un état d'aptitude complet,
puis un refus de consentement par la suite d'une personne qui n'est plus jugée
apte.
Du point de vue de la pratique, ça pose quand
même une question pas simple, là. Ça pourrait placer les médecins dans des
situations où ils devraient administrer l'aide médicale à mourir à une personne
qui exprime un refus répété. On nous a parlé d'expériences internationales
assez désagréables à cet égard. Comment vous voyez ce dilemme-là, vous?
M. Naud (Alain) :
Oui, bien, merci, M. le député. Écoutez, moi, je n'y vois pas de problème, là,
réellement. Évidemment, la demande, une telle demande, devrait être faite au
moment où le malade est apte, hein, et devrait être réitérée après un certain
délai, comme je le mentionnais déjà. Et il faut comprendre que l'aide médicale
à mourir, là, ce n'est pas une obligation, là, quand on a eu un diagnostic de
démence, d'alzheimer, là, ou autre démence associée. Ça reste un choix
personnel. Et cette demande-là, éventuellement, pourrait être retirée n'importe
quand, tant que le malade est apte. Et il pourrait changer d'avis, évidemment.
Je pense que ça va de soi.
À partir du moment où le malade devient inapte,
vous savez, pour en avoir vu beaucoup, parce que, comme médecin, on en voit beaucoup de ces malades-là, là, une fois que
l'inaptitude est arrivée, là, la discussion avec le malade sur : Est-ce que c'est encore ce que vous
voulez, là?, elle n'est plus possible. Elle n'est plus possible, là, le malade
est rendu dans un état avancé qui fait que,
regardez, peu importe quelle sera la réponse, je pense que le malade est inapte.
Puis ce que vous mentionnez, bien, on le vit
déjà de toute façon, hein? Vous savez, quand quelqu'un fait un mandat en cas d'inaptitude, hein, et décide de
désigner un mandataire, et décide qu'il lui confie, par exemple,
l'administration de ses biens et certains pouvoirs, bien, une fois qu'on met en
place le mandat en cas d'inaptitude, là, on retourne pour voir la personne pour
lui demander : Est-ce que c'est toujours ce que vous souhaitez?, on vit
avec la décision, hein? Et, bien, on serait dans le même champ d'exercices avec
ces malades-là.
• (11 h 10) •
Et, quand vous
dites : Il y a eu des situations malheureuses, là, évidemment, on
l'entend, là. Il y a des gens qu'on a dû attacher pour administrer l'aide
médicale à mourir par voie intraveineuse parce qu'ils voulaient se débattre.
Justement, l'aide médicale à mourir par voie orale, là, permet d'éviter ça. Et
un malade agité, là — parce
que, rendu là, à ce stade-là de la maladie, là, ce n'est pas un refus de
recevoir l'aide médicale à mourir, c'est de l'agitation psychomotrice qui est
inhérente à la maladie cérébrale et qui fait que les malades, parfois, sont
agressifs, hein, se mettent à frapper les soignants, se mettent à frapper leur
propre entourage — bien,
évidemment, dès que vous les approchez, ils vont se mettre à frapper tout le
monde. Ce n'est pas un refus de l'aide médicale à mourir qu'ils auraient déjà
demandé, c'est une manifestation de la sévérité de la maladie, tout simplement.
Et il n'est pas question d'attacher quelqu'un
pour prodiguer l'aide médicale à mourir par voie intraveineuse. Vous savez,
l'aide médicale à mourir par voie orale... Et ce serait une magnifique
indication, de pouvoir le permettre, parce qu'honnêtement je ne pense pas
qu'actuellement avec l'aide médicale à mourir, là, moi, je n'ai jamais eu de
demande de malade qui m'a dit, là : J'aimerais mieux que vous me donniez
quelque chose puis je vais faire ça tout seul à la maison, là. Les gens
apprécient que le médecin soit là, que l'équipe traitante soit là, qu'on les
accompagne du début à la fin, et jusqu'après le décès pour ce qui est des
proches, là, et qu'on prenne ça en charge, et qu'on soit avec eux. Bien, dans
les cas des démences avancées qui auraient demandé et qui seraient prêts à
recevoir l'aide médicale à mourir, bien, la voie orale, où on fait prendre son
jus d'orange au malade, tout simplement, et le résultat va être le même, là...
Donc, évidemment, il n'est pas question d'attacher qui que ce soit pour lui
prodiguer l'aide médicale à mourir, là. Donc, je ne vois pas ça comme un
écueil, là, réellement.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup. Merci, M. le député. Je cède maintenant la parole à la députée
de Joliette.
Mme
Hivon : Merci, Mme
la Présidente. Bonjour, Dr Naud. Donc, j'ai peu de temps aussi, donc...
poser mes trois questions, en espérant que vous aurez le temps pour répondre
aux trois.
La première, c'est que, vu que, maintenant, le
critère de fin de vie n'est plus dans le décor, juste pour qu'on comprenne
bien, une personne peut avoir une maladie neurocognitive et faire une demande
pour obtenir l'aide médicale à mourir alors qu'elle a encore une partie de son
aptitude, parce qu'elle a un déclin avancé, irréversible et des souffrances,
même si elle n'a pas complètement perdu son aptitude. Donc, je veux juste que
vous nous éclairiez, parce que certains pourraient dire que, vu que cette
possibilité-là existe, vu que la fin de vie n'est plus un critère, pourquoi on
fait tout ce débat-là d'une demande anticipée? Mais je présume que c'est parce
qu'on veut pouvoir accompagner la personne le plus longtemps possible, parce
que certains pourraient vouloir l'obtenir trop tôt par rapport à la situation
qu'elles voudraient éviter. Donc, ça, j'aimerais vous entendre là-dessus.
L'autre élément, c'est que, jusqu'à maintenant,
dans le débat public et dans ceux qu'on a entendus, tout le monde réitère
l'importance de respecter tous les critères de l'article 26, donc,
qu'importe qu'on soit dans le cadre d'une demande anticipée, donc la notion de
souffrance qu'on pense intolérable. Vous, vous arrivez aujourd'hui avec une
notion différente, qui est la question de l'indignité. Et là je veux comprendre
si, pour vous, il faudrait changer le concept, quand on est dans un cas de
demande anticipée, pour passer du concept de souffrance à celui d'indignité, et
si, pour vous, l'indignité fait partie de la souffrance. Si jamais j'ai du
temps, je reviendrai sur la maladie mentale.
M. Naud (Alain) :
Merci beaucoup, Mme la députée. Bien, écoutez, l'indignité, hein,
l'appréhension de l'indignité de fin de vie, pour moi, c'est une souffrance.
Vous savez, quelqu'un qui se dit, là : J'ai une maladie d'Alzheimer et je
sais qu'éventuellement je vais être rendu dans cet état-là, il vit une
souffrance reliée à l'évolution et à la finalité inévitable de la maladie.
Donc, on n'a pas nécessairement besoin de changer le concept, mais il faut
concevoir le terme de souffrance dans... de façon beaucoup plus large que la
seule douleur physique non soulagée, parce que l'indignité appréhendée, pour
moi, c'est déjà une souffrance qui peut être extrêmement intolérable. Vous
savez, pour en avoir eu beaucoup, des gens qui ont une maladie d'Alzheimer, là,
ces gens... c'est rare que les gens sont sereins dans l'évolution de cette
maladie-là parce qu'ils savent trop bien ce qui s'en vient.
Maintenant, sur votre première question, pour ce
qui est de l'aptitude, effectivement, en vertu du retrait de critère de fin de
vie au provincial et du retrait de critère de mort naturelle raisonnablement
prévisible au fédéral, il n'y a plus de pronostic qui est exigible maintenant.
Donc, quelqu'un qui est dans les premiers stades de la maladie d'Alzheimer, ou
intermédiaire, et qui est encore apte pourrait demander et recevoir l'aide
médicale à mourir, sauf qu'il ne peut pas le faire de façon anticipée en vue de
l'inaptitude future, il devrait pouvoir le recevoir maintenant, tant qu'il est
encore apte à consentir. Et c'est là où bât blesse, parce que, vous savez, de
ne plus reconnaître ses proches, là, ça n'arrive pas du jour au lendemain, un
bon matin, hein, c'est fluctuant.
Alors, il y a des gens qui veulent dire, et moi,
je l'entends, là, à toutes les semaines, là : Bien, oui, je voudrais éventuellement
y avoir recours, mais je veux pouvoir profiter aussi de mes proches le plus
longtemps possible, et probablement que mes proches veulent profiter aussi de
ma présence. Donc, il y aura une période intermédiaire où je ne serai pas toujours
là, mais je reconnaîtrai encore, quand même, mes enfants, mes petits-enfants,
et je pourrai en profiter. Et c'est pour ça que, dans les critères, les balises
qu'on mettra ensemble, bien, il y aurait des critères de temporalité aussi,
hein? Ça fait six mois que je ne reconnais plus mes proches, par exemple, et
non pas une semaine ou hier. Et, à ce moment-là, bien, ça permettrait aux
gens... Parce que le souhait des gens, finalement, ce n'est pas dire :
Bien, j'ai eu un diagnostic de la maladie d'Alzheimer il y a un mois par le
médecin de famille ou le neurologue, donc je
veux avoir l'aide médicale à mourir le mois prochain, là. Les gens savent qu'il y a
encore plusieurs années devant eux où
ils vont quand même pouvoir profiter de la vie, là, malgré l'appréhension de
comment ça va se terminer.
Donc, ça permettrait, tout
ça, de permettre aux gens, si c'est leur souhait, d'avoir encore du temps, tout
simplement, hein, tout comme j'en faisais mention au tout début, là, la
directive anticipée. Dans le cas d'un malade qui a été accepté et pour qui l'aide
médicale à mourir est déjà prévue, là, bien, de le refuser, ça fait que les
gens précipitaient leur aide médicale à mourir, alors que moi, j'ai entendu ça
de tout le monde, là : J'aurais aimé pouvoir en profiter encore, mais je
ne veux pas prendre le risque de manquer ce moment-là. Alors, c'est important
de faire ce débat-là pour respecter vraiment la volonté des gens et permettre
aux gens de pouvoir profiter de ce dont ils sont capables, de profiter le plus
longtemps possible.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Dr Naud. Merci, Mme la députée. C'est tout le temps qu'on avait. Donc, je vous remercie, Dr Naud,
pour votre contribution aux travaux de la commission. C'est très
enrichissant pour nous et très formateur.
Donc, je suspends les travaux quelques instants,
le temps d'accueillir nos nouveaux invités.
(Suspension de la séance à 11 h 17)
(Reprise à 11 h 20)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, nous sommes de retour. Bonjour, tout le monde. Nous sommes... nous accueillons maintenant notre prochaine
invitée, Mme la Pre Jocelyne Saint-Amand. Donc, bienvenue parmi
nous, Mme Saint-Amand. Merci d'avoir accepté l'invitation ce matin. Comme
toutes les autres formations, vous aurez 20 minutes, en tant qu'experte,
pour nous partager votre exposé. Et ensuite il y aura un échange avec les
membres de la commission pour une période de
40 minutes. Donc, je vous cède maintenant la parole. Mme Saint-Arnaud, c'est à
vous.
Mme Jocelyne Saint-Arnaud
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : Oui, bonjour à tous. Ça me fait plaisir d'être
avec vous. En fait, on me dit de me présenter rapidement. Donc, je suis
professeure associée à l'École de santé publique de l'Université de Montréal.
Je suis aussi auteure de plusieurs livres en éthique de la santé et je
m'intéresse particulièrement à la limite des ressources en santé. Donc, j'y
vais maintenant avec un texte, mais je vous ai envoyé un mémoire où vous avez
toutes les références. Vous pourrez le consulter.
Alors, des changements dans la loi canadienne et
québécoise concernant l'aide médicale à mourir sont devenus nécessaires à la
suite des affaires Carter, d'une part, et Truchon et Gladu, d'autre part. Il
est clair que les deux lois doivent s'harmoniser, faute de quoi de nombreuses
requêtes devant les tribunaux sont susceptibles de se produire. Cependant,
outre des enjeux légaux, des enjeux éthiques sont en cause, particulièrement
l'équité dans l'accès à l'aide médicale à mourir. Ce mémoire présente les
points qui doivent être changés dans la Loi concernant les soins de fin de vie : le retrait du critère de fin de vie...
(panne de son) ...d'aide médicale à
mourir dans les directives
médicales anticipées pour les personnes atteintes de maladies neuropathiques
dégénératives, l'inclusion de l'aide au suicide dans l'aide médicale à mourir
et l'accès à l'aide médicale à mourir pour des personnes atteintes de troubles
mentaux comme seul diagnostic, en y ajoutant des mesures de sauvegarde.
Le retrait du critère de fin de vie. Dans la loi
fédérale, le retrait du critère de mort raisonnablement prévisible rend le Code
criminel compatible avec la jurisprudence canadienne et québécoise. Le retrait
du critère de fin de vie dans la loi québécoise apportera une cohérence entre
les deux législations en tenant compte de la jurisprudence québécoise. D'autres
raisons appuient le retrait du critère de fin de vie. En effet, ce critère peut
susciter plusieurs interprétations de la part des médecins, allant d'une
semaine de survie, selon certains médecins, à un an pour d'autres médecins, ce qui engendre des inégalités dans
l'accès à l'aide médicale à mourir. Certaines personnes ont fait la
grève de la faim pour arriver en fin de vie
et ainsi avoir accès à l'aide
médicale à mourir, ce qui est
éthiquement inacceptable. D'un point
de vue clinique, il est difficile
d'établir un pronostic précis en
matière de fin de vie. Les statistiques de survie ne permettent pas de juger du pronostic d'un individu
spécifique avec exactitude, encore moins de juger de sa qualité de vie.
Je suis d'avis de retirer complètement le
critère de fin de vie. Cependant, une fois ce critère retiré, l'aide médicale à
mourir est ouverte à tous ceux qui répondent aux autres critères, ce qui est
conforme au principe d'égalité devant la loi, mais se pose la question alors de
la protection des groupes vulnérables, qui sont constitués de tous ceux qui
pourraient ne pas être aptes à décider pour eux-mêmes au moment de la demande
ou qui pourraient subir des influences indues.
Le
point 2, l'inclusion de l'aide médicale à mourir dans les directives
médicales anticipées pour des personnes atteintes de maladies
neurologiques dégénératives. Les DMA s'appliquent dans le cas de trois
conditions cliniques : fin de vie, coma
terminal ou permanent et démence grave sans possibilité d'amélioration. Si une
personne peut refuser à l'avance d'être maintenue en vie par des
techniques comme la réanimation, la dialyse, l'usage du respirateur,
l'alimentation, hydratation artificielle quand elle est dans l'une des trois
situations cliniques mentionnées, pourquoi ne
pourrait-elle pas demander l'aide médicale à mourir alors qu'elle est encore
apte à le faire quand elle est, évidemment, dans les premiers stades de sa maladie? La Cour supérieure du Québec a
accepté que M. Truchon et Mme Gladu puissent recevoir l'aide médicale à mourir, même s'ils
n'étaient pas en fin de vie, parce qu'ils répondaient à tous les autres
critères.
Pour permettre une
demande d'aide médicale à mourir dans les DMA pour des personnes atteintes
d'une maladie neurologique dégénérative, il faudrait appliquer les conditions
suivantes : s'assurer que la personne a reçu la confirmation
d'un diagnostic de maladie dégénérative, qu'elle est apte à accepter ou à
refuser des soins ou des traitements pour elle-même au moment de la demande
anticipée et que sa décision soit libre et éclairée.
Actuellement aucune vérification
de l'aptitude à consentir ou à refuser des soins ou des interventions n'est faite au
moment où une personne remplit un
formulaire de DMA. Dans la Loi concernant les soins de fin de vie,
il y a présomption d'aptitude,
mais il serait plus éthique de vérifier l'aptitude au moment de la signature
des DMA pour toute personne qui remplit le
formulaire. Il serait aussi approprié de vérifier si la personne a reçu et
compris toutes les informations pertinentes à sa prise de décision et
qu'elle fait la demande sans coercition ou influence malveillante.
La démarche d'évaluation
de l'aptitude est la première étape dans le cadre d'un processus d'aide
médicale à mourir pour des personnes dont on a médicalement la certitude
qu'elles n'auront plus l'usage de leurs facultés intellectuelles quand elles
seront dans les dernières phases de leur maladie, et donc qu'elles ne seraient
pas autorisées à faire une demande d'aide médicale à mourir. Comme le
formulaire est consigné dans un registre gouvernemental et que les médecins
doivent s'y référer pour ce qui concerne les soins de fin de vie, il serait
facile pour tout médecin d'en prendre connaissance et d'en tenir compte dans
les soins et traitements.
Le point 3,
l'aide au suicide à inclure dans l'aide médicale à mourir. Actuellement, l'aide
médicale à mourir au Québec n'inclut pas l'aide médicale au suicide, alors que
la loi fédérale modifiant le Code criminel l'inclut. Dans la loi québécoise, ce
sont seulement les médecins qui sont autorisés à donner les injections
léthales, et la personne qui fait la requête ne peut elle-même mettre fin à sa
vie, comme ça se pratique en Suisse. De permettre l'aide médicale au suicide
dans la Loi concernant les soins de fin de vie apporterait des avantages à
plusieurs niveaux. La personne qui fait une requête d'aide médicale à mourir et
qui veut bénéficier de l'aide au suicide déciderait du moment où elle se donne
la mort. Ce serait plus facile pour elle de revenir sur sa décision, le cas
échéant, puisqu'elle maîtriserait davantage cette dernière étape du processus.
Deuxièmement, ce
changement libérerait les médecins de la responsabilité de pratiquer eux-mêmes
l'intervention. Je devrais dire «des médecins», évidemment. Des résultats
d'études montrent que certains d'entre eux sont très perturbés émotivement et
psychologiquement après cette intervention. De plus, cette pratique pourrait compenser pour les médecins qui invoquent
l'objection de conscience pour ne pas pratiquer l'aide médicale à
mourir. Autoriser l'aide médicale au suicide favoriserait une plus grande
cohérence entre la loi fédérale et la loi québécoise. Et, si les infirmières
praticiennes pouvaient y être autorisées, à ce moment-là, il y aurait encore
plus de cohérence entre les deux législations.
Quatrième
point, l'aide médicale à mourir pour les personnes dont l'unique diagnostic
concerne un problème de santé mentale et les mesures de sauvegarde. À
partir du moment où le critère de fin de vie
est retiré des critères d'accès à l'aide
médicale à mourir, les personnes qui
répondent aux autres critères doivent pouvoir avoir accès à l'aide médicale à mourir. C'est le principe
d'égalité devant la loi qui s'applique. Cependant, parmi les personnes qui y
auront accès, certains groupes sont plus vulnérables, et la question est de
savoir s'ils devraient être protégés par des mesures supplémentaires à inclure
dans la loi. Les critères dont nous allons traiter en lien avec une demande
d'aide médicale à mourir pour une personne atteinte de trouble mental sont les
suivants : l'aptitude à consentir aux soins, la gravité et le caractère
incurable de la maladie et le fait qu'elle éprouve des souffrances psychiques
insupportables.
Disons d'emblée que
la santé mentale ne peut pas être isolée de la santé physique. Selon
l'Association des psychiatres du Canada, et
je cite : «Les recherches indiquent que les maladies mentales sont causées
par l'interaction entre des facteurs biologiques, génétiques,
psychologiques et sociaux qui mène à des perturbations dans le cerveau. La maladie mentale peut se déclarer chez n'importe
qui si des facteurs de risque suffisants sont réunis.» Il n'y a donc pas
lieu de faire une classe à part dans la loi
pour les personnes atteintes de problèmes de santé mentale; ce serait
discriminatoire.
Je parle maintenant
de l'aptitude à consentir aux soins. S'il est juste de penser que certaines
personnes atteintes d'un problème de santé mentale ne sont pas en mesure de
consentir aux soins parce que leur état de santé aggrave leur jugement... plutôt, entrave leur jugement, excusez-moi, ce
n'est pas le cas de tous. Selon une revue intégrative des écrits, qui
date... qui est de Okay, 2007, effectuée au moment de l'admission dans une
unité psychiatrique, 67 % à 30 %
des patients, selon cinq études différentes, ont la capacité de décider pour
eux-mêmes. Selon quatre de ces études, 50 % sont aptes à décider
parmi ceux qui se présentent volontairement, et 45 % sont aptes à décider
parmi ceux qui sont contraints par la cour.
Il faut noter que les
personnes hospitalisées, soit de leur plein gré soit selon une ordonnance de la
cour, font partie des personnes qui sont les plus gravement atteintes et qui
peuvent être un danger pour elles-mêmes ou pour les autres. Malgré tout, parmi
elles se trouve un pourcentage non négligeable de personnes qui sont aptes à
prendre des décisions pour elles-mêmes. Pour protéger les personnes atteintes
de troubles mentaux qui songent à l'aide médicale à mourir, il faut d'abord
s'assurer qu'elles sont aptes à décider pour elles-mêmes.
• (11 h 30) •
Il n'y a pas
d'uniformité dans l'évaluation de l'aptitude au Québec, qu'elle soit effectuée
par des psychiatres, ou d'autres spécialistes, ou encore des omnipraticiens. En
fait, ils appliquent généralement les critères de Nouvelle-Écosse, mais ces
critères proviennent d'un cas de jurisprudence et ils ont été précisés après le
fait, alors qu'en clinique l'aptitude est évaluée si des doutes se produisent à
ce sujet à propos du consentement à un soin ou à un traitement. Selon des résultats d'études, des psychiatres font souvent
une évaluation générale, sans mener des entretiens en profondeur, pour
évaluer l'aptitude des patients qui ont des problèmes de santé mentale. Quelquefois,
les outils sont jugés non appropriés. Cependant, Applebauma développé une
grille d'évaluation de l'aptitude s'adressant spécifiquement aux personnes
atteintes de troubles mentaux. Présentée sous forme de tableau, cette grille
inclut non seulement les critères d'aptitude et les questions qui permettent
d'en faire l'évaluation, mais aussi, en parallèle, la tâche du patient pour
répondre à la question, et l'approche du psychiatre qui fait l'évaluation, et
des commentaires pour chacun des items. Ce
tableau-là est inclus dans mon mémoire... ou une partie du tableau est incluse
dans mon mémoire.
Parmi les mesures de
protection supplémentaires, l'examen de l'aptitude par deux psychiatres,
recommandé par Verhofstadt et ses collègues et par l'Association des médecins
psychiatres du Québec, aurait pour résultat une réassurance concernant
l'identification des symptômes de trouble mental, l'aptitude, le type de
souffrance et son caractère inapaisable, de même que les types de traitement
qui pourraient être offerts. De toute évidence, il serait plus équitable que
les mêmes critères soient utilisés par les psychiatres consultants, surtout
quand il s'agit d'évaluer l'aptitude des personnes plus vulnérables.
L'Association des médecins psychiatres du Québec suggère la création d'un
comité qui coordonne la consultation en psychiatrie, ce qui apparaît très
pertinent. Cette association pourrait présenter une grille qui serait la même
pour tous, ce qui favoriserait l'équité dans l'accès à l'aide médicale à mourir
pour les personnes ayant des troubles mentaux.
Deuxième point, maladies mentales graves et
incurables. Il existe des maladies mentales qui sont incurables. En effet, des
troubles neuropsychiatriques graves, comme certains types de schizophrénie ...
(panne de son) ...et sont résistants à tout traitement. La référence est Howes,
en 2016, de ce que je viens de dire. En désespoir de cause, des personnes
atteintes de problèmes de santé mentale ont recours au suicide. Certaines font
des tentatives de suicide en milieu hospitalier, et le personnel soignant
intervient à chaque fois pour leur éviter la mort... (panne de son) ...accès à
l'aide médicale à mourir peut aussi entraîner des suicides.
L'aide médicale à mourir apparaît comme une
pratique plus humaine en autant que des mesures de sauvegarde s'ajoutent aux
critères déjà en place pour la protection des personnes atteintes de troubles
mentaux et que les traitements ne sont pas abandonnés parce qu'une personne
aurait fait une requête d'aide médicale à mourir. Il appartient au psychiatre
de juger si la maladie mentale d'une personne qui demande l'aide médicale à
mourir est incurable. De plus, les traitements devraient obligatoirement ne pas
se restreindre à la prise de médicaments et être complétés par la
psychothérapie dans une approche multidisciplinaire.
La nécessité d'une approche multidisciplinaire
est confirmée par l'Association des médecins psychiatres du Québec, qui
considère que, et là je cite, «pour arriver à la conclusion d'incurabilité, le
psychiatre doit évaluer les interventions biologiques, pharmacologiques,
psychologiques et sociales». Il serait donc approprié qu'une équipe
multidisciplinaire soit associée au traitement prescrit et à leur évaluation.
Aussi, si le patient l'autorise, ses proches pourraient être associés à la
démarche.
Troisième point, souffrances physiques
constantes et insupportables. La maladie mentale peut être très souffrante,
chronique et associée à des limitations importantes en termes de qualité de
vie. En cela, elle ne diffère pas d'autres types de maladies. Comme pour la
santé mentale et la santé physique, il est difficile d'isoler la souffrance
psychique de la douleur physique. On sait comment le stress est corrélé avec
des maladies physiques comme les maladies cardiaques, auto-immunes et
gastro-intestinales. De plus, la souffrance constante et insupportable est liée
à ce qu'on appelle la douleur totale, celle qui a donné lieu à la création des
soins palliatifs.
Selon une étude qualitative effectuée en Norvège
auprès de 335 patients hospitalisés, la souffrance des personnes atteintes
de troubles mentaux est liée aux facteurs suivants : manque de
compréhension de la part du personnel soignant, assujettissement à la
médication, absence de psychothérapie, aucune alliance établie, aucune
confiance, absence de prise en compte des besoins sociaux, des traumatismes de
jeunesse, des expériences de guerre, des soins à la famille, des expériences
négatives avec l'aide sociale et, enfin, stéréotype à l'égard de la santé
mentale dans le public en général, qui semble être partagé par les soignants en
psychiatrie.
Bien sûr,
certains facteurs reflètent le point de vue des patients interviewés, et des
facteurs environnementaux entrent en ligne de compte. Il faut souligner
aussi que les personnes hospitalisées souffrent de troubles de santé mentale
graves et manifestent des comportements perturbateurs : actes de violence,
tentatives de suicide, etc. De ce fait, des mesures sécuritaires doivent être
prises, mais elles ne devraient pas s'appliquer dans le détachement émotif,
entendons-nous, et l'absence de partenariat dans le soin.
Il est clair que les demandes d'aide médicale à
mourir obligent soignants et patients à discuter des traitements de fin de vie et des niveaux de soins. En Belgique, selon De
Hert et ses collègues, en 2015, 50 % des personnes atteintes de
troubles mentaux... font la demande d'euthanasie, dont la demande a été
étudiée, suspendent leur décision après avoir pu en parler. Selon ces auteurs,
quand la demande est traitée adéquatement et que les patients ont pu largement
s'exprimer, la discussion autour de la demande fait partie du processus
thérapeutique en allégeant la souffrance.
Quatrième point : processus décisionnel
dans l'examen d'une requête d'aide médicale à mourir pour des personnes
atteintes de troubles mentaux. Une équipe de chercheurs belges, Verhofstadt et
ses collègues, a examiné cinq lignes
directrices belges traitant d'un processus décisionnel clinique et éthique
s'appliquant aux patients qui ont un trouble
de santé mentale et qui font une requête d'euthanasie. Certaines des lignes
directrices étudiées proposent d'utiliser une approche à deux voies de
manière simultanée, celle de l'évaluation clinique de l'état de santé et des
traitements possibles et celle de l'examen de la requête d'euthanasie. Cette
façon de faire respecte à la fois l'autonomie de la personne et le devoir de protéger la vie humaine en explorant des moyens
d'aider la personne souffrante pour lui proposer des soins plus adaptés à sa condition. De cette façon, ce ne sont pas
uniquement les critères de la loi qui sont considérés dans l'accès à
l'euthanasie — j'utilise
le terme «euthanasie» parce qu'on est en Belgique, là — mais
la requête qui est explorée d'un point de vue médical et psychologique autant
que d'un point de vue social et existentiel.
On retrouve l'interdisciplinarité ici. Le
traitement effectué au moment de la demande est évalué, intensifié ou modifié.
Ensuite, la possibilité de réadaptation est examinée pour mettre l'accent sur
l'autonomie du patient, sa participation sociale et sa qualité de vie. L'option
palliative n'est pas exclue pour des personnes pour qui il n'y a aucun espoir
d'amélioration, mais cette option inclut aussi un travail de restauration de
l'estime de soi, des liens sociaux et de la
qualité de vie. En un mot, la demande d'euthanasie par un patient ayant des
troubles de santé mentale ne doit pas mettre fin à des traitements et à
des soins globaux, au contraire.
Ce
que l'on retient de ces propositions, c'est l'importance de
l'interprofessionnalité, c'est-à-dire que les médecins qui acceptent de
s'investir dans une requête d'euthanasie ou d'aide médicale à mourir aient des
échanges avec les autres médecins traitants, dont les psychiatres, investis
dans les soins, et inversement. De plus, les aspects socioexistentiels étant
importants et non habituellement traités, même chez des personnes hospitalisées
pour troubles mentaux sans requête d'aide médicale à mourir, une
interdisciplinarité est essentielle. On devrait aussi inclure les autres
membres de l'équipe de soins, infirmières et préposés, qui ont un rapport
positif avec le patient, mais aussi les travailleurs sociaux et, chez nous, les
intervenants en soins spirituels.
Enfin,
selon les demandes de la Commission fédérale de contrôle et d'évaluation de
l'euthanasie en Belgique, le pourcentage des euthanasies effectuées chez
des personnes atteintes d'affections psychiatriques comme diagnostic principal
a baissé de 4,03 % entre 2009 et 2019. Il n'y aurait donc pas lieu de
craindre des dérives. Est-ce qu'on pourrait y voir l'effet d'une approche à
deux voies — c'est
une question que je pose — celle
qui vient d'être décrite?
Autre modification
recommandée dans la loi, le critère impliquant que le patient doit être apte à
décider des soins pour lui-même jusqu'au moment de l'aide médicale à mourir
doit être retiré, parce qu'il force souvent à devancer la date de l'aide
médicale à mourir ou donne lieu à des comportements éthiquement inacceptables
quand des personnes refusent d'être soulagées pour conserver intactes leurs
facultés intellectuelles jusqu'au décès. La loi modifiant le Code criminel
précise que la personne qui fait une demande d'aide médicale à mourir doit
avoir été informée des moyens disponibles pour soulager la douleur, notamment
les soins palliatifs. D'inclure cette obligation dans la loi québécoise
favoriserait l'harmonisation entre les deux lois tout en favorisant la
réflexion sur des moyens autres que l'aide médicale à mourir.
• (11 h 40) •
Alors,
en résumé, les recommandations, c'est : le critère de fin de vie doit être retiré parce qu'il est discriminatoire envers
les personnes qui sont souffrantes sans espoir d'amélioration; les directives
médicales anticipées devraient inclure la
possibilité pour des personnes atteintes de maladies neuropathiques
dégénératives, comme l'alzheimer ou le parkinson, de faire une demande anticipée
d'aide médicale à mourir; l'aptitude de toute personne qui signe un formulaire
d'aide médicale à mourir devrait être
vérifiée au moment de la demande, de même que les conditions d'une demande
éclairée et libre de toute coercition. Cette
mesure est particulièrement nécessaire si la règle de maintenir l'aptitude
jusqu'au moment de l'intervention n'est pas maintenue; pour rendre plus
cohérente la loi qui modifie le Code criminel et la Loi concernant les soins de
fin de vie, l'aide au suicide devrait être une option dans le cadre de l'aide
médicale à mourir. Cette option apporterait des avantages à plusieurs niveaux,
notamment en favorisant le libre choix et respect de l'autonomie jusqu'à la fin
pour un individu qui choisirait cette option; permettre aux personnes atteintes
de troubles mentaux comme seul diagnostic d'avoir accès à l'aide médicale à
mourir, en autant qu'elles sont aptes à prendre des décisions pour elle-même,
que des traitements en interdisciplinarité leur sont offerts et ont été acceptés
et que leur condition est jugée incurable par deux psychiatres; inclure des
infirmières praticiennes dans la pratique de l'aide médicale à mourir serait un
atout, comme la loi fédérale le permet, puisqu'un des problèmes qui se pose
quand on décide d'ouvrir davantage les critères d'accès à l'aide médicale à
mourir, ce serait le nombre insuffisant de médecins pour répondre à la demande.
En conclusion, les
critères d'accès à l'aide médicale à mourir doivent être les mêmes pour tous,
sans faire de discrimination pour les personnes atteintes de troubles mentaux,
respectant ainsi le principe d'égalité devant la loi. Cependant, des mesures de
protection supplémentaires en termes d'évaluation de l'aptitude et d'offres de
traitement doivent être mises en place pour protéger ces personnes qui
constituent un groupe plus vulnérable. On retient que l'examen de l'aptitude
doit être fait par deux psychiatres, qu'une étude multidisciplinaire doit être
associée à l'examen de la requête et enfin que l'approche à double voie, examen
de la requête et traitement approprié en même temps qu'examen, donc, de la
requête, favorise à la fois le respect de l'autonomie de la personne aussi bien
que le bien-être, la qualité de vie des personnes qui sont atteintes de
troubles mentaux. Idéalement, cette mesure devrait s'appliquer à toute personne qui fait une requête d'aide médicale à
mourir. Et voici. J'espère que je suis dans mes temps.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Oui, tout à fait. Merci beaucoup. C'est très, très
enrichissant. Je me lance, là. J'aimerais que vous me parliez de l'aide au
suicide versus l'aide médicale à mourir.
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : Bien, la
différence, c'est que ce n'est pas la même personne qui pose l'acte.
Quand le médecin donne, au Québec, les trois injections qui vont mettre fin à
la vie de la personne — d'ailleurs,
quelquefois la personne décède après la première injection — c'est
le médecin qui le fait. Alors, on va parler d'aide médicale à mourir ou,
autrefois, on parlait d'euthanasie ici. Mais, quand c'est la personne elle-même
qui avale une médication, un produit qui va mettre fin à sa vie, à ce
moment-là, c'est elle qui pose l'acte. Et donc, selon moi, ça favorise son
autonomie, parce que, quand on est pris dans une espèce d'engrenage où on a
fait des démarches pendant un mois, mettons, ce n'est pas sûr que, si on a des
doutes, on décide qu'on change d'avis. La loi dit que, oui, la personne peut
toujours changer d'avis. Moi, je me dis que, si c'est la personne elle-même qui
se donne la mort, c'est qu'elle est plus autonome là-dedans et pourrait, par
exemple, décider de ne pas le faire.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Merci. Donc, toujours, cet acte-là, sous supervision
médicale.
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : Oui, ou encore,
si... comme la loi fédérale l'autorise, des infirmières praticiennes ou
des infirmiers praticiens pourraient le faire. Mais actuellement ce n'est pas
dans la loi québécoise.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Parfait. Et vous disiez aussi que ce serait favorable
pour la santé mentale, sauf si la personne a fait un refus de traitement, d'un
plan de traitement qu'on lui a proposé. Vous voyez ça comment, si la personne
refuse les traitements qu'on lui propose? Est-ce qu'on autorise les soins de
fin de vie ou...
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : Oui, c'est une bonne question,
parce que moi-même, je me suis souvent posé la question, souvent, depuis que la
loi existe, parce qu'effectivement une personne peut refuser d'être soulagée,
mais maintenant c'est le soulagement de la douleur qui devient le principal
critère une fois qu'on a enlevé celui de fin
de vie, donc c'est sûr
que ça pose un problème. D'après moi, pour les personnes atteintes de troubles
psychiatriques ou de problèmes de santé mentale, je pense que ça prend absolument
un essai de traitement.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Merci. Donc, je céderais maintenant la parole à la députée d'Abitibi-Ouest.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Merci,
Mme la Présidente. Lorsqu'une personne se retrouve en situation d'inaptitude et
qu'elle ne puisse affirmer clairement son souhait d'aide médicale à mourir à un
moment précis, comment on détermine le moment précis pour l'administration de l'aide
médicale à mourir lorsque le patient ou la patiente n'est pas en mesure de le
fixer?
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : D'accord. Là, c'est dans la situation où la
personne l'aurait demandée dans les directives médicales anticipées. Et ce que
je disais, c'est qu'il fallait absolument vérifier l'aptitude. D'ailleurs, on
devrait le faire... je parlais, ce matin, avec un avocat qui dit que, même
légalement, il faudrait que ce soit fait pour tout le monde, de vérifier
l'aptitude au moment de la signature des directives médicales anticipées.
Si je prends l'exemple de la maladie
d'Alzheimer, qui se déroule sur, je ne sais pas, moi, je pense, sept stades,
bien, la personne, elle est apte à prendre des décisions pour elle-même dans
les premiers stades de sa maladie, quelquefois jusqu'au stade 4. Donc, ce
serait durant ces périodes-là qu'elle peut en faire la demande. Maintenant,
elle peut faire la demande en disant : Moi, je souhaite avoir l'aide
médicale à mourir quand je vais être rendu à l'étape 7. Mais, à
l'étape 7, là, c'est qu'elle est recroquevillée sur elle-même dans son lit
là, puis qu'elle ne mange plus ni rien. Bien, il y en a qui vont quand même
nourrir ces personnes-là, là, pour prolonger leur vie, ce qui devient de l'acharnement thérapeutique. Mais elle pourrait
demander l'aide médicale à mourir à la dernière étape, quand on est
capable de confirmer l'avant... disons, l'étape 6 ou l'étape 7, là,
de la maladie. Est-ce que ça répond à votre question?
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Oui,
merci. Selon vous, Mme Saint-Arnaud, est-ce qu'il y a des effets néfastes
à l'élargissement de l'aide médicale à mourir pour les personnes en situation
d'inaptitude?
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : Oui. Moi, ce que je répondrais là-dessus, c'est
qu'à partir du moment où, aux Pays-Bas, on a établi une loi, on a aussi
souhaité qu'il y ait une équipe de... une équipe... Il ne faut pas que je
me regarde parce qu'il y a un décalage entre ce que je dis puis ma bouche.
Alors, aux Pays-Bas, ils ont décidé, au départ, qu'il y aurait une équipe de
chercheurs indépendante tout à fait des commissions qui examinent les requêtes
et les rapports médicaux après le fait. Et puis ces chercheurs-là sont capables
de dire quelles sont les aides médicales à mourir, si j'utilise le langage
québécois, qui ne sont pas déclarées. Donc, ça, moi, c'est un souhait que
j'aurais voulu pour le Québec, parce que ça permet de savoir exactement le
nombre d'aides médicales à mourir.
Puis, généralement, les médecins, par exemple,
qui ne déclareraient pas... Moi, dans les études empiriques que j'ai
consultées, en Belgique et aux Pays-Bas, il y a des médecins qui s'entendent
avec la famille, disent : On n'a pas
besoin de déclarer. Bon, ça ne donne pas vraiment le chiffre exact des
euthanasies qui ont été vraiment effectuées. Alors, ça, ce serait une
option pour resserrer. Mais les commissions, en fait, sont dans une situation
difficile parce qu'elles doivent en même temps favoriser les déclarations et en
même temps opérer un contrôle.
Moi, ce que je considère, c'est que les
commissions, généralement, n'ont pas vraiment opéré de contrôle. Si je pense à
la Belgique, par exemple, celle qui a créé la commission, celle qui a fait la
promotion de l'euthanasie dans la loi, elle, c'est une juriste. Bien, un jour,
elle n'est pas allée devant le tribunal pour demander si les critères d'aide...
d'euthanasie, pour obtenir l'euthanasie, pouvaient être les mêmes que pour
l'aide au suicide, et c'est en commission qu'ils ont décidé que les critères
devaient être les mêmes.
Donc, c'est vrai qu'il y a des risques. C'est
pour ça que ça prend des mesures de sauvegarde, parce qu'effectivement, d'après
les résultats de mes études, ce n'est pas ça que je vous ai présenté, mais ça
fait au-delà de 10 ans, moi, que je fais des études là-dessus, et puis les
personnes qui sont les plus vulnérables, c'est les personnes qui sont en
dépression puis c'est les personnes qui sont seules à l'hôpital, parce que les
personnes qui sont seules à l'hôpital peuvent recevoir l'euthanasie sans
l'avoir demandée. Là, je parle des Pays-Bas puis de la Belgique. Alors, c'est
sûr que nous, on n'est pas à l'abri de ça non plus. Excusez-moi.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Mais,
selon vous, Mme Saint-Arnaud, quelles seraient les mises en place pour
protéger les personnes les plus vulnérables face à l'aide à mourir?
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : Bien, c'est qu'il faut... il faut, premièrement,
mettre l'accent sur l'aptitude de la personne, et puis non seulement faire une
vérification rapide, mais aller en profondeur là-dedans, surtout pour les
personnes qui sont atteintes de problèmes de santé mentale. Alors, c'est pour
ça que moi, dans mon mémoire, j'ai reproduit une partie
du tableau d'Applebaum, qui est un psychiatre, et qui formule des questions, et
qui indique comment on peut faire l'examen de l'aptitude chez des personnes qui
ont des troubles de santé mentale. Alors, pour moi, c'est la principale
condition.
Je vais vous dire franchement, moi, avant la
loi, avant que la loi existe, j'ai fait partie de la commission en 2015, je
n'étais pas en faveur d'une loi parce que je trouvais que c'était une question
qui devait être traitée entre le médecin et son patient. Mais je respecte la
démocratie et maintenant j'examine... je continue à examiner comment ça se
passe, quelles sont les conditions. J'en étais certaine, moi, que les critères
s'ouvriraient. Ça a été pareil ailleurs. On
commence par considérer les personnes qui sont aptes, et puis ensuite, bien, on
pense aux personnes inaptes qui vont l'avoir
demandé dans les directives anticipées. Alors, ce n'est pas différent, ce qui
se passe ici, de ce qui se passe
ailleurs.
Je vous dirais qu'il y a un plus grand contrôle
aux Pays-Bas qu'en Belgique à propos des critères. On a souvent comparé, en
Belgique, comment... la position des médecins par rapport à ceux qui font
partie d'une association qui aide les
médecins dans le cas d'une demande d'euthanasie, puis de la part de la
commission elle-même, et c'est la commission elle-même qui est la plus ouverte
et qui accepte que, quand une personne le demande, bien, il faut le faire, ni
plus ni moins, là. Je prends un peu un raccourci, là, mais c'est à peu près ça.
Donc, en Belgique, moi, ce que j'ai constaté, c'est que c'étaient les médecins
qui étaient les gardiens, les gardiens des bonnes pratiques dans ce domaine-là.
Puis il y a une très grande différence entre les médecins francophones puis les
médecins néerlandais, différence de trois quarts par rapport à un quart, là,
dans les déclarations qui sont faites à la commission.
Alors, je pense, c'est surtout l'aptitude.
Ensuite, quand il s'agit de personnes atteintes de problèmes de santé mentale,
bien, d'être capable de, vraiment, ne pas abandonner leur traitement. Il ne
faut pas qu'ils abandonnent leur traitement parce qu'ils font une demande
d'aide médicale à mourir. Il faut que ça soit continu. Donc, c'est pour ça que
je vous ai parlé de la double voie. Il y a aussi, dans le mémoire, qui est plus
long que ce que je viens de vous présenter,
une démarche en quatre étapes d'un auteur qui est belge, qui s'appelle
Thienpont, et c'est vraiment intéressant, comment il introduit
l'interdisciplinarité dans à la fois l'examen de la demande et la poursuite des
traitements, puis éventuellement de changer les traitements, s'ils ne sont pas
appropriés, pour que la personne ne soit pas vulnérable à décider trop vite
d'une aide médicale à mourir, si on parle dans le vocabulaire québécois.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Je vous
remercie beaucoup, Mme Saint-Arnaud.
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : Ça me fait plaisir.
• (11 h 50) •
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Je céderais maintenant la parole à la députée de Soulanges.
Mme Picard : Merci beaucoup, Mme la
Présidente. Bonjour, Mme Saint-Arnaud.
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : Bonjour.
Mme Picard : Ma question... En fait,
vous avez parlé beaucoup de l'équipe multi, et je pense que c'est nécessaire,
là, de créer une belle cellule autour de la personne qui demande ce soin-là
pour qu'elle soit bien appuyée puis que tout le monde autour de la table
comprenne l'enjeu. Donc, concrètement, comment vous la voyez, cette cellule-là,
ce comité-là? Qui, autour de la table, devrait être au chevet du patient pour
l'aider à prendre sa décision?
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : Bien, c'est-à-dire, au chevet du patient, il y a
toujours une équipe au moins de médecins et d'infirmières. Dans notre système,
qui souffre quelquefois de manque de ressources, n'est-ce pas, il n'y a pas toujours
la possibilité d'obtenir des soins palliatifs. Alors, ça, c'est aussi...
j'aurais pu l'inclure dans ma réponse précédente à Mme Blais, qu'on ait
des soins palliatifs accessibles et qui répondent à la définition qu'on
retrouve dans la loi. Parce qu'elle est très belle, la définition qu'on
retrouve dans la loi des soins palliatifs, mais, quand on va à d'autres
articles dans la même loi, c'est qu'ils sont disponibles si les ressources en personnel
et financières sont disponibles, puis, bon, on le sait que ces ressources-là ne
sont pas disponibles partout. Je m'éloigne peut-être de votre question.
Pouvez-vous me la rappeler?
Mme Picard : En fait, l'équipe
multi, de qui elle serait composée?
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : Ah oui! L'équipe. Alors, justement, dans ces soins
palliatifs là, il y a une description de toutes les disciplines qui pourraient
y être associées. Mais c'est sûr que les médecins, psychiatres, infirmières,
travailleurs sociaux, c'est important. On pourrait rajouter psychologues. Il y
en a qui ne veulent rien savoir des psychiatres, hein? Il y a des personnes qui
ne veulent rien savoir des psychiatres. Mais pourquoi il n'y en a pas, de
psychologues dans nos hôpitaux? Parce que les psychiatres, eux, sont payés par
la RAMQ, tandis que les psychologues seraient payés sur le budget de l'hôpital.
Puis, comme les budgets, bien, ont eu tendance à baisser, là, depuis, je
dirais, assez longtemps, bien, on n'a pas nécessairement accès à tous ces professionnels
qui pourraient aider dans la réponse à la requête. Mais aussi de penser que
d'examiner la requête, ça peut déjà faire partie de la continuité des soins, et
surtout pas d'oublier les soins. Alors, minimalement, ça prend des médecins,
des infirmières, des travailleurs sociaux, et puis, bien, idéalement, ça
prendrait aussi des psychologues.
Mme Picard : Et un proche,
j'imagine. Est-ce que vous voyez une implication d'une tierce personne aussi?
Mme
Saint-Arnaud (Jocelyne) : Oui. Ça, ça a été traité
aussi dans plusieurs résultats d'études que, quand la personne l'accepte, que
les proches soient inclus dans la démarche, parce que, comme vous l'avez vu,
quand on veut ni plus ni moins favoriser la santé mentale d'une personne, on
essaie de la réintroduire... de lui redonner des relations sociales, de lui
redonner une estime d'elle-même, et puis les proches peuvent jouer un rôle là-dedans,
en autant que la personne l'accepte. Puis ce n'est peut-être pas
tous les proches non plus. Peut-être
que la personne dirait : Bien, c'est telle personne
avec qui je peux m'entretenir de ce genre de problèmes, etc.
Mme Picard : Merci. Merci
beaucoup.
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : Bienvenue.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Je céderais la parole à la députée de Saint-François pour une très
courte question. Mme la députée.
Mme Hébert :
Merci, Mme la Présidente. Mme Saint-Arnaud, la Commission des soins de fin
de vie rapporte qu'il y a plusieurs organismes et même des psychiatres,
des médecins qui ont affirmé qu'ils auraient une crainte à l'élargissement de
l'aide médicale à mourir parce que ça pouvait briser l'espoir des personnes
atteintes de troubles mentaux... puissent un
jour aller mieux. Donc, j'aimerais que vous me partagiez si vous avez ces
craintes-là, vous aussi.
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : Il faut dire que moi, je ne suis pas psychiatre,
donc je ne peux pas parler en leur nom. Ils connaissent bien leur clientèle, ce
qui n'est pas mon cas.
Moi, ce que j'ai lu beaucoup, c'est des
résultats d'études empiriques, par contre. Et puis je dirais que les craintes
ne sont pas toujours fondées, si on regarde ce qu'il se passe ailleurs, dans
les autres pays qui ont légalisé l'aide
médicale à mourir et qui acceptent que des personnes atteintes de problèmes de
santé mentale puissent bénéficier de... et faire une requête
d'euthanasie. Je dirais que, là, je n'ai pas en tête, là, certaines études,
mais c'est possible de trouver des éléments qui nous donnent des indications
là-dessus.
Et puis, généralement, bien, on aura aussi l'avis...
Parce que moi, je vous ai cité un résultat d'enquête, là, auprès des personnes
hospitalisées, et c'est très rare qu'on a des études qualitatives sur un très
grand nombre de personnes, là. Le chiffre
que je vous ai cité, là, c'est autour de 335, là. Habituellement, quand on fait
une étude qualitative, là, c'est
auprès d'une dizaine de personnes, une vingtaine dans le plus, mais là, là,
c'est 300 personnes qui ont répondu, qui ne venaient pas toutes du
même centre hospitalier, là. Et c'est sûr que les personnes hospitalisées,
c'est celles qui ont les maladies les plus graves et c'est celles pour qui on
prend plus de mesures de sécurité, mais, en même temps, les mesures de
sécurité, ça sert aussi de repoussoir pour des relations plus humaines.
Alors, c'est sûr que la crainte, elle est
présente parce qu'il y a différents actes de violence aussi qui sont proférés
dans les milieux hospitaliers. Mais, si une personne n'est pas hospitalisée,
bien, elle a plus de chances d'être apte à décider pour elle-même. Puis ça,
moi, je pense que c'est le critère absolument déterminant, et c'est sur
celui-là qu'il faut se centrer en premier lieu.
Ensuite, dans cette évaluation-là de l'aptitude,
bien, si on a le point de vue aussi d'autres personnes, et qu'on ne fasse pas
simplement cocher des cases en évaluant l'aptitude, puis qu'on prend le temps
d'avoir une conversation vraiment profonde avec la personne en cause, bien, ce
qu'on a comme résultat d'étude, c'est que ces personnes-là, ça les aide
beaucoup, au point où, vraiment, ils peuvent abandonner l'idée d'avoir recours
à l'aide médicale à mourir. Donc, je pense que ça, c'est quand même une
indication.
• (12 heures) •
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Mme Saint-Arnaud. Je céderais maintenant la parole à la
députée de Maurice-Richard.
Mme Montpetit : Je vous remercie,
Mme la Présidente. Bonjour, Mme Saint-Arnaud. Merci d'être avec nous
aujourd'hui. J'ai quelques questions à vous poser, mais, d'entrée de jeu, ce
que j'aimerais comprendre... Parce qu'effectivement, vous l'avez mentionné,
votre réflexion a évolué au cours des années. Je pense qu'on pourrait
certainement le mentionner comme ça. Je suis allée relire, effectivement, les
mémoires que vous aviez déposés à l'époque,
je pense, en 2009, 2013 — vous avez été très active dans cette discussion sociale là — et je voyais qu'encore dernièrement, c'est ça, vous associez... puis je
ne veux pas... je veux juste être bien sûre de comprendre, vous avez
utilisé le mot «dérive», qu'une des dérives
à laquelle on peut faire face, justement, c'est la question... c'est élargir
les critères possibles, là. Et je voulais juste bien comprendre votre
posture, dans le fond. Est-ce que vous pensez que, oui, ça peut être élargi? Quand vous dites : C'est
une dérive possible, est-ce que vous pensez que ça peut être fait, avec les
mesures de protection nécessaires, que, oui, on peut élargir, oui, on peut
considérer ça ou vous le considérez vraiment comme une dérive possible, donc pas une avenue vers laquelle on devrait aller?
Parce que je sais que vous avez souligné plusieurs éléments, mais je
voulais juste être bien sûre de comprendre votre posture là-dessus.
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : C'est-à-dire que, pour moi, une fois qu'on ouvre
la porte, il faut l'ouvrir pour vrai. C'est ça que je pense, qu'on ne peut pas,
au nom de certains critères discriminatoires, de mettre de côté certaines
personnes, sans... qui répondent, par ailleurs, aux critères de la loi, surtout
si on enlève le critère de fin de vie. Donc, à partir du moment où ces
personnes répondent aux critères de la loi, on ne peut pas les mettre à part.
Donc, il faut, à ce moment-là, ajouter des mesures de protection, et c'est
là-dessus aussi que je suis intervenue. Je ne sais pas si
c'est très clair, mais c'est vrai que moi, j'avais défini «dérive» au départ,
parce que, quand on commence à définir, c'est toujours pour la personne apte,
mais, au fur et à mesure... mais, si on regarde qu'est-ce qui se passe en
Belgique, par exemple, là, c'est rendu que les enfants ont accès. Est-ce qu'on
veut aller jusque-là? Moi, je dirais non. Mais là je considérerais que ça
serait une dérive au sens péjoratif du terme.
Mais, déjà, qu'on permette aux personnes de
demander à l'avance l'aide médicale à mourir dans les directives anticipées,
j'aurais plutôt tendance à ne pas considérer que c'est une dérive, dans le sens
que ces personnes-là sont aptes quand elles
le demandent. Il faut vraiment faire des vérifications, par contre, parce que,
si on fait comme actuellement dans la loi, on présume que la personne
est apte, non, ça ne fonctionnerait pas. Donc, vraiment, moi, je centre mon
affaire sur l'aptitude.
Les enfants, bien, écoutez, c'est sûr qu'ils ont
leur mot à dire dans les traitements maintenant, ce qui n'était pas le cas
autrefois, mais de là à ouvrir l'aide médicale à mourir aux enfants, je suis
tout à fait contre, tout à fait. Puis les personnes qui seraient inaptes au
moment de la demande, je suis tout à fait contre aussi, parce qu'à ce moment-là
ce sont les proches, par exemple, ou autres personnes qui décident pour elles.
Je n'accepterais pas ça.
Mme Montpetit : Puis, sur le
continuum, justement, vous faites la distinction entre «apte» ou «qui devient
inapte». Puis vous y avez peut-être référé, mais il y a plusieurs des...
justement, des... bien, en fait, entre autres, le groupe d'experts, les
coprésidents, qui sont venus vendredi, qui nous ont sensibilisés au fait que la
personne... on devrait permettre de faire ce choix-là seulement quand un
diagnostic a été posé. D'un point de vue bioéthique, je serais curieuse de vous
entendre sur cette question-là aussi.
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : Oui, je suis absolument d'accord, là, ça faisait
partie des conditions que j'ai énumérées. C'est vrai que j'ai parlé vite, là,
puis que j'avais juste 20 minutes, mais, effectivement, qu'il y ait une
obligation d'offrir des traitements, mais aussi une obligation pour la personne
de les accepter, peut-être pas pendant 10 ans, là, mais ça, c'est au
psychiatre à décider ça, ensemble. Mais moi, je trouvais ça très intéressant,
l'idée de l'Association des médecins psychiatres du Québec, qui proposait une
espèce de comité qui fasse l'examen. Puis, dans ce comité-là, ça pourrait être
multidisciplinaire, puis l'avantage, ce serait qu'il pourrait fournir une
grille d'évaluation pour l'aptitude vraiment créée pour les personnes qui ont
des problèmes de santé mentale. Alors, à ce moment-là, bien, ce sont des
mesures qui vont... ce sont des mesures de sauvegarde qui vont éviter certaines
dérives.
Après ça, bien, s'il y a des médecins qui ne
suivent pas les règles, bien, on n'a aucune façon de vérifier ici, là, on n'a
pas de comité, on n'a pas une équipe de recherche indépendante pour faire cette
évaluation-là. Bien, ça s'est fait surtout aux Pays-Bas et dans la partie
néerlandaise de la Belgique aussi, où, là, on examine les actes de décès, puis il
y a une entente avec un notaire qui reçoit les réponses, qui les anonymise.
Ceux qui répondent ont des garanties de ne pas être poursuivis. Ça donne un
portrait de la situation qui est plus complet que simplement les déclarations
qui sont faites aux commissions.
Mme Montpetit : Oui, j'ai vu, dans
votre mémoire, là, que vous aviez le tableau comparatif entre ce qui est
déclaré... J'ai mes collègues aussi qui...
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : Ah! les anciens mémoires.
Mme Montpetit : Oui, c'est ça, exactement,
exactement. Une autre petite question pour vous avant que je cède la parole à
mes collègues, aussi, qui voulaient échanger avec vous. Sur la question, encore
là, de l'éthique, vous l'avez survolée, c'est pour ça que l'échange, ça nous
permet d'aller sur des points plus précis, mais vous avez souvent fait
référence à la détresse aussi des soignants, à la souffrance des professionnels
de la santé aussi. Puis j'aurais souhaité, justement,
comme, je pense, c'est un domaine sur lequel vous vous êtes
penchée aussi particulièrement, vous entendre sur cette question-là.
Est-ce que ça peut être une barrière, justement, au traitement? Est-ce que
c'est dans le cadre que l'on va mettre, où on doit apporter une attention, justement,
à cet élément-là?
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : En fait, j'ai perdu mon idée, mais pouvez-vous
juste reprendre quelque chose que vous venez de dire, là?
Mme Montpetit : Oui, oui, absolument,
avec plaisir. C'était sur la question sur la détresse...
• (12 h 10) •
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : Ah oui! La détresse morale des soignants, oui.
Bon, alors, ce que j'ai à dire là-dessus : les études sont faites surtout
chez les infirmières. Elles sont faites aussi auprès des autres professionnels
de la santé, mais un des gros facteurs qui... déterminant dans la détresse
morale des soignants, des infirmières en particulier, notamment celles qui sont
aux soins intensifs, c'est l'acharnement thérapeutique. Et on comprend que l'aide
médicale à mourir aussi, c'est une des façons d'éviter l'acharnement
thérapeutique. Alors, dans ce sens-là, moi,
j'ai toujours... je suis étonnée quelquefois de lire des
résultats d'études qui montrent que, par exemple, les proches qui... Les proches de personnes qui ont demandé l'aide médicale à mourir, moi, j'aurais pu penser que ces personnes-là
seraient traumatisées par l'expérience, mais pas le cas... ce n'est pas le cas.
Et puis c'est intéressant de voir que...
D'autant plus qu'il est appelé «un soin» dans la loi, là. Au départ, j'avais de
la misère à accepter ce terme. Maintenant, je comprends... bien, en fait,
j'utilise un petit peu plus le terme «intervention» que «soin» maintenant.
Mais, ceci étant dit, je
ne crois pas que c'est une situation qui causerait de la détresse morale. En
tout cas, ça ne ressort pas dans les écrits, ça, c'est sûr. Quand j'ai fait une
revue intégrative des écrits il y a quelques années — il
faudrait d'ailleurs que je prenne le temps de publier ça — je me
suis rendu compte que la détresse morale des soignants, on la retrouvait dans
tous les pays. On la retrouve autant au Québec, ailleurs au Canada, aux
États-Unis, dans les pays scandinaves. On la retrouve partout, et, toujours, la
question d'acharnement thérapeutique revient dans chacun des pays. Ça fait que
le problème, c'est que les médecins, on dirait qu'ils veulent absolument agir.
Ils ont de la difficulté à référer à des soins palliatifs.
Ça commence à changer. Ça commence à changer.
J'ai lu des expériences qui se passent avec l'Hôpital de Verdun et les soins à
domicile, et, à ce moment-là, les soins palliatifs, on n'attend pas la dernière
semaine pour les donner aux personnes, mais on commence bien avant. Et il y a
une auteure, qui est une... qui est Diane Guay, qui a écrit une thèse de
doctorat sur la question d'offrir des soins palliatifs avant que la personne
soit rendue en fin de vie, autrement dit, de la soulager davantage de sa
souffrance et de ses douleurs avant d'en arriver à la fin. Et ça, bien, si ça
pouvait s'appliquer, là, ça serait une façon d'éviter à la fois l'acharnement
thérapeutique et des recours à l'aide médicale à mourir qui seraient dus à une
crainte des traitements à venir.
Parce qu'il y a beaucoup de préjugés dans la
population sur les soins palliatifs : la morphine tue, et puis les soins
palliatifs, c'est quand on... on en meurt, alors que, quand il y a un bon
dosage de médication, la personne, souvent, est inscrite dans les soins
palliatifs, mais elle peut s'en retourner chez elle après. Alors, c'est ça que
je trouve qui serait important, pour répondre à votre question, mais je ne
ferai pas de lien entre la détresse morale des soignants et l'aide médicale à
mourir. En tout cas, ce n'est pas ce que j'aurai lu dans tous les résultats
d'étude que j'ai pu consulter.
Mme Montpetit : Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) : Je
céderais la parole à Mme la députée de Westmount—Saint-Louis. Il nous reste
30 secondes, Mme la députée.
Mme Maccarone : Alors, très
rapidement. Vous avez parlé d'un comité d'experts pour évaluer l'inaptitude ou
l'aptitude d'une personne de prendre une décision en ce qui concerne l'aide
médicale à mourir. Alors, selon vous, est-ce que les personnes qui souffrent
d'une déficience intellectuelle ou autisme pourraient être éligibles à ce même
accès à un comité, d'abord faire... accès à avoir l'aide médicale à mourir?
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : C'est une très bonne question. En fait, votre
question me fait penser au DSM-V, qui a été très élargi, permettant
beaucoup plus de prescriptions pour des problèmes qui ne sont pas toujours des
problèmes qui auraient à être médicamentés. Alors, ça, moi, quand vous me posez
la question, je pense au spectre de l'autisme, et ça, c'est très large. Et puis
je le sais que les compagnies pharmaceutiques sont intervenues dans le
remaniement du DSM. Alors, ce qui arrive avec les parents, là, ils sont
mal pris, là. Le professeur dit : Votre enfant, il dérange tout le monde à
l'école, il faut absolument que vous alliez voir le médecin. Le médecin n'a pas
d'autres moyens que de faire une médication, lui. Je ne le sais pas trop
comment ça marche pour avoir accès à un psychologue, mais, d'après ce que je
sais, c'est très long, la liste d'attente. Alors, il y a beaucoup de jeunes qui
sont médicamentés, mais qui ne le seraient pas s'il n'y avait pas cet
élargissement-là du DSM-V.
Ceci étant
dit, est-ce qu'une personne autiste... Ça dépend de son degré d'aptitude. J'en
reviens toujours là. Alors, comment
évaluer l'aptitude d'une personne qui est autiste? Bien, probablement qu'il
faut aller plus loin dans les questions.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Mme Saint-Arnaud, c'est tout le temps... Parfait. Merci. Désolée de vous
interrompre, mais...
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : Bien, communiquez avec moi par courriel.
La Présidente (Mme Guillemette) :
...j'ai ce rôle-là de la gardienne du temps. Donc, et en ce sens, j'aurai besoin du consentement de la commission pour
dépasser sur l'heure prévue, parce qu'on est déjà un peu en retard sur
notre temps. Donc, j'ai consentement de tout
le monde? Merci. Donc, je céderais maintenant la parole à la députée de
Joliette.
Mme
Hivon : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Saint-Arnaud. Heureuse de vous
revoir. Ça fait quelques fois quand même
qu'on échange, dans le cadre de commissions, sur cette question-là, donc, de
l'aide médicale à mourir. Donc, merci de votre contribution supplémentaire. Je
pense que c'est vraiment intéressant de voir l'évolution,
aussi, quand on est frappés à la réalité, donc, de comment ça se passe en
pratique, et tout. Donc, merci
beaucoup.
Premièrement, je vous trouve... ça très
intéressant que vous ayez soulevé que le fait même que, dans les cas de maladie
mentale, la discussion puisse apporter un apaisement par rapport à l'idée même
d'avoir recours à l'aide médicale à mourir. Puis je dois dire que ça me
rappelle une jeune femme qui était venue dans la première phase des débats, qui
avait une maladie physique, l'ataxie de Friedreich, et qui nous avait dit que,
pour elle, c'était d'abord une sortie de secours, l'aide médicale à mourir, de
juste savoir que ça existe, que ça pouvait être un facteur d'apaisement. Donc,
je comprends que ce que vous nous dites aujourd'hui, puis j'ai parcouru
rapidement, là, votre exposé, c'est qu'il y a des études qui montrent, donc,
qu'une personne qui souffre de troubles mentaux, le fait d'engager une
conversation sur cette hypothèse-là et de savoir qu'elle existe peut, en soi,
apaiser ses souffrances.
Mme
Saint-Arnaud (Jocelyne) : Oui, oui, et puis ce n'est
pas juste pour les personnes atteintes de troubles mentaux, c'est que les
personnes qui font une requête d'aide médicale à mourir, quand elles ont
l'occasion d'en parler et puis de donner la... de n'être pas dans un carcan,
là, de... Des fois, je pense à ça, moi. Tu sais, un formulaire où est-ce que tu
coches, là, bien oui, c'est correct, là, tu as coché, mais tu n'as pas vraiment
discuté, tu n'as pas laissé parler la personne de son problème, tu n'avais pas
le temps de la laisser parler, des choses comme ça. Alors, c'est sûr que ce
n'est pas juste la maladie mentale, en fait, qui demanderait des changements,
c'est pour toute personne. Et ça, dans les résultats d'études, ça apparaît,
c'est que, quand les personnes... ce qu'il y a de bon quand une personne fait
une demande d'aide médicale à mourir, c'est que, là, on se préoccupe d'elle
puis de savoir si on ne pourrait pas lui offrir des soins palliatifs, par
exemple. Alors, des fois, quelques fois, on ne l'a pas fait avant. Il y a des
résultats d'études là-dedans, d'ailleurs, là, des statistiques de la Commission
sur les soins de fin de vie là-dessus.
Et puis il y a une autre chose qui est
préoccupante, c'est la consultation qui est très inégale, par les médecins, des
directives médicales anticipées. Dans la région de Montréal, c'est presque pas,
puis, dans l'Estrie, on a comme 3 000 consultations, là, entre 2015
et 2019. Et ça, on a beau dire, de faire la promotion des directives médicales
anticipées, si les médecins ne vont pas voir dans le registre, bien, c'est un
problème, effectivement, oui.
Mme
Hivon : O.K.
Justement, je veux vous amener là-dessus, sur deux points : directive
médicale anticipée et demande anticipée d'aide médicale à mourir, parce
qu'évidemment ce n'est pas permis en ce moment dans les directives médicales.
Vous, vous dites : Évidemment, il faudrait toujours vérifier l'aptitude.
Moi, je vous soumettrais une hypothèse. À partir du moment où c'est une demande
très sérieuse pour l'aide médicale à mourir qui ne peut se faire que par la
personne elle-même, jamais par consentement substitué, je soumettrais que le
niveau doit nécessairement être différent en termes de vérification via les...
versus les directives actuelles, médicales anticipées, puisque, dans le fond,
les directives médicales anticipées actuelles, ce sont essentiellement de
refuser d'être réanimé, par exemple, d'être hydraté ou alimenté
artificiellement. Je veux juste voir si vous suivez mon raisonnement. Et donc,
dans ces cas-là, une personne indique à l'avance ce qu'elle souhaiterait ou
non.
Ça été souhaité dans la loi que ça reste souple
pour que les personnes puissent le faire par elles-mêmes sans, par exemple,
aller chez le notaire, ou tout ça, surtout parce que ça pourrait être fait par
consentement substitué. Donc, un proche a le droit, pour quelqu'un qui n'a plus
son aptitude, de dire : Je la connais, elle ne voudrait pas être réanimée
ou : Là, c'est de l'acharnement, elle ne voudrait pas ça.
Donc, je voyais une différence entre le niveau
d'intensité de ces deux demandes-là. Puis le comité d'experts, sur la question
de l'inaptitude et de l'aide médicale à mourir, nous suggère de bien séparer
les deux, donc, de garder les directives médicales anticipées et de prévoir un
processus différent pour une demande anticipée d'aide médicale à mourir. Donc,
je vous vois plus sceptique. Donc, j'aimerais ça que vous me disiez en quoi
vous êtes d'accord ou non avec ce que j'ai dit et ce que la commission... ce
que le groupe d'experts a dit.
• (12 h 20) •
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : Ah! moi, je suis très visuelle,
hein, puis je lis beaucoup. Alors, ce que j'entends, c'est... ça ne me reste
pas, mais ce que je lis, oui. Alors, je n'ai pas lu le document dont vous me
parlez, mais moi, je suis étonnée de vous entendre, que, dans les directives
médicales anticipées, ça pourrait être une personne
qui le demande. Moi, je vois tellement de conflits d'intérêts possibles
là-dedans, là, que... Puis, aux États-Unis, là, c'est clair que, dans la
loi, il y a une vérification de l'aptitude pour tout le monde qui fait une
demande anticipée.
Alors, on peut bien l'appeler
«directive médicale anticipée», mais «demande anticipée», ça se ressemble,
hein? En fait, c'est juste le vocabulaire de la loi qui dit «directive médicale
anticipée». Mais c'est pour ça que moi, je souhaiterais
que l'aptitude, elle soit vérifiée pour toute personne qui fait une demande.
Parce que quelle différence y a-t-il entre
refuser la réanimation, refuser la dialyse, refuser l'utilisation du respirateur et l'alimentation, hydratation
artificielle, qui vont faire en sorte que le
décès va survenir à plus ou moins brève échéance, et puis demander l'aide
médicale à mourir?
Déjà, dans la loi, moi, je ne suis absolument
pas d'accord qu'une personne, quand elle est dans ces trois conditions-là,
puisse cocher de recevoir tout ça. Dans le formulaire, c'est comme ça. Bien là,
c'est ça qui est de l'acharnement thérapeutique aussi, parce que ces
personnes-là sont soit fin de vie, soit coma végétatif persistant, soit maladie
grave dans les derniers stades, puis elles demanderaient de recevoir... d'être
réanimées, de recevoir la dialyse, et tout,
là. Moi, je trouve que ça, c'est de l'acharnement thérapeutique. Puis ça, dans
le formulaire, la personne, elle peut
cocher tout ça. Donc, je ne vois pas... je ne ferais pas de différence entre
demande anticipée et puis directives médicales anticipées, moi.
Mme
Hivon : Parfait.
Juste pour dire, là, je ne voulais pas dire qu'une personne qui fait des
directives médicales anticipées, ça pourrait être fait par quelqu'un d'autre
qu'elle-même, là. C'est justement l'idée des directives médicales anticipées,
c'est l'autonomie de la personne, c'est elle qui le dit. Le seul parallèle que
je faisais, vu que ça exclut l'aide médicale à mourir, c'est que ce type de
soins là, qui, en ce moment, font partie des directives médicales anticipées,
sont des choses qui peuvent aussi être décidées par des tiers si on est en
situation où la personne a perdu son aptitude. Par exemple, un tiers peut
décider...
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : D'accord, d'accord.
Mme
Hivon : ...la
nuance que je faisais. Parfait.
Mme
Saint-Arnaud (Jocelyne) :
Considérons le consentement substitué à part...
Mme
Hivon :
Oui, c'est ça. Parfait.
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : ...à part, parce qu'il y a un
témoin à la signature, hein, pour les DMA.
Mme
Hivon : Exact.
Voilà. Donc, je voulais vous amener maintenant sur la question de la
souffrance. Vous avez aussi vraiment une spécialisation en éthique. Et deux
éléments. En ce moment, ce qui est prévu à l'article 26, c'est que la souffrance, elle est autant... elle
peut être autant physique que psychique. Donc, on tient compte de
l'ensemble de ces souffrances-là. Pour ce qui est de la maladie mentale, s'il
devait y avoir une ouverture, donc, est-ce que...
La Présidente (Mme Guillemette) : Il
vous reste 30 secondes, Mme la députée.
Mme
Hivon : Pardon?
La Présidente (Mme Guillemette) : Il
vous reste 30 secondes.
Mme
Hivon : O.K. J'ai
bien eu le temps de mon collègue?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Oui, neuf minutes, effectivement.
Mme
Hivon : Bon, bien,
c'est beau. Je voulais juste savoir si vous estimiez qu'il fallait avoir une
approche différente par rapport à l'évaluation de la souffrance dans un
contexte de troubles mentaux. Parce que j'ai lu tout ce que vous avez écrit, et
est-ce que c'est vraiment différent d'en ce moment, comme on l'évalue?
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : Moi, je ne ferais pas de différence...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Malheureusement, on a...
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : ...ferais pas une différence
dans la loi.
Mme
Hivon : Oui.
Parfait. O.K., c'est ce que je voulais savoir. Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Mme Saint-Arnaud. Désolée d'encore une fois être obligée
de vous couper. Je céderais maintenant la parole au député de Chomedey.
M. Ouellette : Merci, Mme la
Présidente. Mme Saint-Arnaud, c'est très agréable de vous entendre. Vous
avez terminé votre réponse à la collègue de Joliette, là, même si c'était assez
rapide? Parce que j'aurais pris une partie de mon deux minutes.
Je vous écoute parler depuis tantôt d'aptitude,
de comité multidisciplinaire puis de mesures de sauvegarde, et ça nous indique
que les membres de la commission vont devoir, dans leur rapport prochain,
parler de... prévoir des mesures d'accompagnement, des mesures d'encadrement
puis des mesures de contrôle. Je pense que ce sera très important. Je comprends
qu'on a deux grandes questions sur lesquelles il va falloir élaborer, mais il
faudra faire des observations par rapport à ce que vous venez de nous dire et
votre cri du coeur, parce qu'il n'y a pas de système parfait. Est-ce que j'ai
une bonne lecture de la situation?
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : Oui. Il n'y a pas de système parfait, puis c'est
sûr qu'on essaie toujours... je suis un peu aristotélicienne en disant ça, mais
on cherche le juste milieu dans une situation complexe. Alors, c'est sûr qu'on
veut à la fois respecter l'autonomie des personnes qui veulent en faire la
demande et qui répondent aux critères et à la fois protéger les groupes qui
sont plus vulnérables. C'est pour ça que ça prend des mesures de sauvegarde.
Excusez-moi, là, mais c'est en train de tomber, ça. C'est pour ça que ça va
prendre des mesures de sauvegarde, et puis, bien, ça implique un certain contrôle,
là.
Puis moi, si je pense qu'il y a un comité, je
préfère... J'ai présidé plusieurs comités dans ma carrière, des comités
d'éthique clinique, des comités d'éthique de la recherche, etc., et puis l'importance
du comité, c'est que, nécessairement, il y a l'interdisciplinarité dans un
comité. Alors, ce n'est pas le président du comité qui décide. Il va décider...
il va rédiger l'avis, c'est sûr, mais il va prendre le point de vue de tous
ceux qui participent à la rencontre. Alors, c'est ça qui est important.
M. Ouellette : Merci, madame.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le député. Merci beaucoup, Mme Saint-Arnaud. C'était très, très agréable. On en aurait pris encore plus. Je vous remercie infiniment de votre contribution aux travaux de la commission.
Et, compte tenu de l'heure, nous suspendons les
travaux jusqu'à 13 h 30.
(Suspension de la séance à 12 h 27)
(Reprise à 13 h 29)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Bon après-midi, tout le monde. Bienvenue à cette séance de la Commission
spéciale sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie.
La commission est réunie virtuellement afin de
poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur l'évolution
de la Loi concernant les soins de fin de vie.
Donc, cet après-midi, nous entendrons les
groupes suivants et les personnes suivantes : le Dr Marcel Arcand,
Me Jean-Pierre Ménard, Pre Gina Bravo et Me Danielle Chalifoux.
Donc, nous
avons maintenant avec nous le Dr Marcel Arcand. Donc,
bienvenue et merci d'être là cet après-midi.
Je vous rappelle que vous avez
20 minutes pour nous présenter votre exposé et qu'à la suite
de ce 20 minutes il y aura
une période d'échange de 40 minutes avec les membres de la commission.
Donc, Dr Arcand, je vous cède la parole.
M. Marcel Arcand
M. Arcand
(Marcel) : Merci. Est-ce que tout le monde m'entend? Oui?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Oui.
• (13 h 30) •
M. Arcand
(Marcel) : O.K. Alors, bien, je me
présente. Je suis un médecin de famille. J'ai été professeur à l'Université de Sherbrooke en médecine de famille.
J'ai pratiqué beaucoup en soins aux personnes âgées, y compris
pour les personnes en soins de longue durée, et j'ai pris ma retraite active,
mais je participe encore à l'aide médicale à mourir comme médecin substitut
quand le médecin traitant ne souhaite pas le faire lui-même. Je travaille aussi...
je collabore avec Gina Bravo, que vous allez entendre un peu plus tard cet après-midi,
à des projets de recherche qui concernent justement les soins de fin de vie
dans la maladie d'Alzheimer.
Mon premier point touche la question du
renoncement au consentement final lorsqu'on donne l'aide médicale à mourir. Pas
plus tard qu'il y a deux semaines, peu après que la loi fédérale a été
approuvée, j'ai eu... je m'occupais d'une dame qui était en soins palliatifs, à
l'hôpital, pour un cancer avec multiples métastases, etc., et qui était pressée de recevoir l'aide médicale à mourir. Je l'ai vu le mercredi. J'ai dit que
j'approuvais, j'avais un deuxième médecin, et tout, et j'ai dit :
On va le faire le vendredi. Malheureusement, dans la nuit du jeudi au vendredi,
quelques heures avant que je le fasse, elle a fait un accident vasculaire
cérébral. Elle a perdu l'usage de la parole et elle était agitée, donc les
médecins sur place lui on prescrit des médicaments pour la calmer, etc. Et,
quand je suis arrivé, au grand désespoir du mari et de la famille, je leur ai
dit que je ne pouvais pas procéder à l'aide médicale à mourir puisque la
patiente n'était plus apte.
Je n'avais pas fait signer le formulaire de
renoncement au consentement final parce qu'il n'existe pas encore une version
approuvée. Et puis on a appris par après que la commission des soins de fin de
vie nous disait que ce n'était pas... ça ne cadrait pas avec la loi québécoise
et qu'il faudrait harmoniser avec le fédéral. Donc, je prie les parlementaires
d'harmoniser le plus vite possible cette loi pour qu'on puisse utiliser cet
outil-là, qui aurait l'avantage de, disons, donner le soin qui est souhaité par
le patient, là, même s'il a perdu son aptitude à quelques heures de là, et
aussi pour les personnes qui souhaitent tellement rester aptes qu'elles
refusent de prendre leur médication contre la douleur, etc. Donc, ça, c'est mon
premier point.
Ensuite, je vais vous parler de la question de
l'alzheimer et des maladies apparentées. Juste rappeler, puis ça, je pense que
vous le savez, que c'est un des pires scénarios des soins de fin de vie que...
celui dont les gens ont le plus peur, bien souvent, de perdre leurs capacités
cognitives peu à peu, d'être obligés d'être relocalisés en dehors de chez eux
parce qu'ils sont devenus un fardeau de soins, etc.
Et je vais vous faire part d'un travail de
recherche qui a été fait avec Dre Bravo et un jeune étudiant à la maîtrise
en sciences de la santé, à Sherbrooke, qui a interviewé des personnes qui
venaient d'avoir, récemment, un diagnostic de maladie d'Alzheimer pour
connaître leur point de vue par rapport à l'aide médicale à mourir. C'est assez
original, pas facile à faire nécessairement. Mais il a pu trouver huit
personnes, avec l'aide d'un neurologue de la clinique de mémoire, pour faire
des entrevues, et, unanimement, ces huit personnes-là ont dit qu'elles
souhaitaient un jour pouvoir avoir accès à l'aide médicale à mourir. C'est sûr
qu'au départ juste le fait d'accepter de participer à ce type d'entrevue
biaise, là. Il y a probablement un biais qui fait que ces gens-là ont accepté,
ils étaient déjà favorables à l'aide médicale à mourir, mais, quand même, on
n'a pas souvent la chance d'avoir des témoignages de ces personnes-là après
leur diagnostic.
Parce qu'on le sait, par exemple avec
Mme Sandra Demontigny, qu'il y a une période après le diagnostic où on est
apte avant de perdre son aptitude, où on serait apte à consentir au soin de
l'aide médicale à mourir. Et, aux Pays-Bas, par exemple, où il est possible de
faire l'euthanasie de personnes qui ont... qui ne sont pas aptes si elles ont demandé
l'aide médicale à mourir, ça demeure quand même une pratique très limitée parce
que les médecins ne sont pas beaucoup à l'aise de faire l'aide médicale à
mourir à un patient sans qu'il réactive sa demande. Donc, je sais,
par exemple, qu'en 2017 il y a eu 169 personnes inaptes qui ont reçu
l'aide médicale à mourir, mais la majorité... c'est-à-dire pas inaptes, mais
avec la maladie d'Alzheimer ou une maladie apparentée, mais la majorité était
encore apte à consentir aux soins.
Donc, le problème ici c'est plus
le critère de fin de vie qui n'est plus opérant au Québec et au Canada. Et
d'ailleurs il se fait de l'aide médicale à mourir pour des personnes avec
l'alzheimer quand elles sont encore aptes. Il s'en fait au Canada, en Ontario
et en Colombie-Britannique actuellement. Alors, je pense que ça serait une
bonne chose que ça
puisse être facilité ici aussi, au Québec. Je pense en particulier à des gens
qui ont une histoire familiale positive de maladie d'Alzheimer puis qui
disent : Bien, moi, là, je ne veux pas que ma vie se termine comme celle
de mon père ou de ma mère. Il y a des types de démence qui sont
particulièrement pénibles, des démences frontales avec de l'agitation, des
crises, souvent, en fin de vie, etc. Donc, ça, moi, je pense que, si vous avez
le pouvoir de faire en sorte que les
médecins puissent administrer ce soin même si la personne a encore plusieurs
années à vivre, mais elle a clairement un déclin cognitif assez avancé,
bien, sur une trajectoire de fin de vie, je pense qu'on devrait permettre ça.
Il y a un autre type de situation.
Bien, j'ai dit que, s'il y avait des directives anticipées, ça serait difficile
à appliquer pour nos médecins si les gens ne réactivent pas le soin. Par
contre, j'ai vécu, comme médecin en soins de longue
durée, quelques situations vraiment pénibles de personnes avec des démences
sévères, qui criaient à répétition, malgré qu'on ait essayé toutes
sortes de thérapies : antidouleur, antianxiété, antihallucinations, malgré
qu'on ait eu l'aide des équipes les plus compétentes
en gérontopsychiatrie, et on était rendus, à la fin, à devoir les garder sous
sédation. Donc, c'était quasiment comme une sédation continue. Ils dormaient
juste assez pour ne pas crier en général, mais ils pouvaient manger. Donc, moi, rendu là, je veux dire, je serais d'accord
si la famille le demande. Et c'est ce qui était le cas, la famille le demandait, mais on ne pouvait
pas le faire. Si tout le monde est d'accord que dans le meilleur intérêt du patient de
faire... de donner l'aide à mourir, à
ce moment-là, je serais prêt à le
faire dans des cas comme ça, qui sont...
Maintenant, il existe d'autres problèmes que
juste l'Alzheimer, et tout ça. Il peut y avoir des gens qui, suite à un
accident vasculaire, deviennent comateux subitement ou d'autres, un accident de
la route puis qui sont très détériorés point de vue cognitif, qui ne sont plus
aptes. Je pense qu'on devrait, tel que le Collège des médecins l'a déjà suggéré
dans un rapport, penser à utiliser le consentement substitué. Donc, la personne
a désigné un mandataire ou elle en a... elle a parlé qu'elle ne voudrait pas
vivre dans un état comme ça, elle se retrouve dans un tel état végétatif ou... bien, je pense qu'on devrait
pouvoir aussi leur offrir l'aide
médicale à mourir si, de l'avis du
mandataire, et des membres de la famille, et de l'équipe de soins, tout ça,
c'est dans le meilleur intérêt du patient. Bien sûr, ça prendrait des balises
et que cette pratique-là soit revue par après pour être sûrs qu'on protège les personnes
les plus vulnérables, mais, en tout cas, je pense qu'on rendrait service à ces personnes-là.
Voilà. Moi, c'est pas mal tout ce que j'avais à
dire. Je pense, je suis bien à l'intérieur de mon 20 minutes. Je sais que
vous travaillez fort. Ça fait que, si on finit un peu plus de bonne heure, vous
ne devriez pas être... m'en vouloir. Merci.
• (13 h 40) •
La Présidente (Mme Guillemette) : Merci
beaucoup, Dr Arcand. Je passe... Excusez. Je céderais la parole à la députée
de Maurice-Richard pour... On va ajuster les temps, là, donc on aura
plus de temps. Donc, Mme la
députée de Maurice-Richard.
Mme Montpetit : Merci. Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, Dr Arcand. Merci d'être présent avec nous aujourd'hui.
C'est toujours très apprécié, surtout avec le bagage et l'expérience que vous
avez. Ça va nous permettre de vous poser certaines questions aussi sur
l'applicabilité de tout ça, certaines barrières, et tout.
Mais je commencerais peut-être, justement, avec
les éléments que vous aviez soulignés à la fin de votre intervention. Vous avez
parlé de consentement substitué, et je voudrais vous entendre, justement, comme
vous avez une expérience très importante
dans tout ce qui est dégénérescence cognitive, entre autres maladie
d'Alzheimer. Dans quel contexte ce
genre de consentement peut... pourrait être donné? Parce qu'encore là il y a
des... vous avez sûrement suivi nos travaux, là, depuis deux jours, sur
un alzheimer, bon, une démence sereine. Comment, concrètement, ça vient être
évalué?
Vous avez mentionné aussi que ce serait
important de mettre certaines balises. Moi, j'aimerais ça vous entendre,
justement, sur le type de situations que vous avez vues. Est-ce que c'est
relativement uniforme, la maladie d'Alzheimer? Est-ce que ces balises-là, vous
pensez qu'elles peuvent être établies de façon relativement, encore là, uniforme ou, quand vous dites : Il faudra les
réviser, c'est justement parce qu'il faudra vérifier l'applicabilité de tout
ça, là?
M. Arcand (Marcel) : Bien, les situations que j'ai décrites, de
personnes qui crient, etc., ce n'est pas extrêmement rare, mais ce n'est
pas la majorité, loin de là. Il y a aussi, là, bien... (panne de son) ...dans
leurs directives préalables, qui feraient une demande d'aide médicale à mourir,
puis que, là, ils pourraient baliser, dire... bien, je sais que Mme Demontigny, par exemple... dire :
Quand je ne serai plus capable de m'occuper de mes besoins de base,
j'aimerais qu'on me le donne, même si je
suis devenue inapte à ce moment-là. Mais ça, ce n'est pas toujours aussi facile
que ça à appliquer, et je ne suis pas
partisan de directives contraignantes. Autrement dit, je suis en faveur que les
gens puissent faire une demande anticipée d'aide médicale à mourir qui
serait évaluée en fonction des circonstances actuelles.
Donc, si la personne a une démence heureuse, en
tout cas, probablement que je ne ferais pas l'aide médicale à mourir. Si, par
contre, elle est... elle a l'air inconfortable, c'est sûr que je vais être
tenté de le faire. Et, si, de l'avis de l'ensemble des membres de la famille,
la personne n'aurait vraiment pas voulu être dans la situation dans laquelle
elle est actuellement, ils pourraient fournir un consentement substitué, le
mandataire ou le conseil de famille, et à ce moment-là, moi, j'accepterais de
le faire. Je ne sais pas si ça clarifie ou... Mais, peut-être, la distinction
ici, c'est : je ne vois pas ça comme contraignant, je vois ça comme les
gens puissent faire une demande anticipée, mais qu'on évalue, en fonction des
circonstances, si c'est vraiment dans le meilleur intérêt du patient.
Mme Montpetit : Et est-ce que vous
diriez, justement, de par votre expérience, que la ligne, elle est toujours claire entre... En fait, est-ce qu'il est toujours
assez clair d'établir la souffrance de quelqu'un qui a une
dégénérescence cognitive, qui fait de l'alzheimer? Est-ce qu'il y a... Tu sais,
justement, on parle de démence sévère, ou de démence heureuse,
ou de souffrance, tout ça. Est-ce que... Vous, comme professionnel, là, comment
vous pouvez nous guider là-dedans, dans le fond, dans ce que vous avez vu?
M. Arcand
(Marcel) : Bien, ce que j'ai vu, c'est qu'habituellement en
début de maladie les gens ont souvent un très bon soutien de la famille, etc.,
mais, quand, à un moment donné, ils viennent qu'ils ne reconnaissent même plus les membres de la famille, qu'ils ne
reconnaissent pas les soignants comme des aidants, mais plutôt des
personnes qui les agressent, à partir du moment où on observe tout ce qu'on appelle
les symptômes comportementaux et psychologiques,
de la démence, l'errance, les gens qui cherchent à se sauver de leur unité de
soins, il y a des hallucinations qui sont possibles, etc., il y a...
Donc, oui, d'après moi, je dirais que ce n'est pas peut-être pas la majorité,
mais ce n'est pas loin de la moitié des patients avec démence sévère ou avancée
qui ont différentes formes de souffrance, là.
Mme Montpetit : Puis est-ce que
c'est... Quand je vous demande si c'est uniforme, dans le fond, encore là,
c'est : Si on mettait 10 médecins autour d'une table... autour d'un
patient, en fait, je vais le dire comme ça, est-ce que l'évaluation, pour vous,
de la souffrance de quelqu'un qui a la maladie d'Alzheimer va être relativement
uniforme au niveau de l'interprétation?
M. Arcand
(Marcel) : Bien, à ma connaissance, il n'y a pas d'outils
simples, là, qu'on peut utiliser. Il y a des outils pour mesurer les symptômes
comportementaux, il y a des outils pour mesurer la douleur pour les personnes
qui sont incapables de l'exprimer verbalement, donc grimaces, agitation,
respiration qui modifie lors de certaines manipulations ou mobilisations du
patient, etc. Je pense qu'il pourrait y avoir des consensus assez clairs. C'est
sûr que j'inclurais les infirmières là-dedans, qui sont au chevet du patient, ou
le personnel soignant, qui sont au chevet du patient, qui ont une bien
meilleure idée de la souffrance des patients que les médecins qui font une
petite visite une fois de temps en temps.
Mme
Montpetit :
Particulièrement, j'imagine, en CHSLD aussi, effectivement, d'avoir les équipes
de première ligne, de proximité, là...
M. Arcand
(Marcel) : Oui. En anglais, ils appellent ça des «nursing
homes». Ça fait que c'est plus la maison des nurses que la maison des médecins.
Mais c'est bien, c'est... Mais je pense qu'il faut donner une place, même, au
personnel infirmier dans les décisions. Tu sais, quand je parle de consensus
pour arriver à un consentement substitué, moi, je ferais participer les
infirmières qui connaissent bien le patient à la discussion.
Mme Montpetit : Je vous remercie
beaucoup, Dr Arcand. J'ai mon collègue le député — j'allais
dire son prénom encore, excusez-moi — de D'Arcy-McGee qui
souhaitait pouvoir échanger avec vous également.
M. Arcand
(Marcel) : D'accord.
M. Birnbaum : Merci. Merci,
Dr Arcand, pour vos interventions. Écoutez, un des grands enjeux, on en
discute, c'est de comment circonscrire les demandes d'accès à l'aide médicale à
mourir. Je suis curieux. De votre expérience,
y a-t-il un pourcentage des diagnostics de démence où on prévoit pour une
longue période des symptômes, disons, évidemment sérieux mais pas si
graves que ça, donc la qualité de vie peut être assez intéressante?
M. Arcand
(Marcel) : Oui, je pense que plus on développe la maladie
d'Alzheimer tardivement, souvent, c'est des formes plus légères de la maladie.
C'est plus comme si elle était associée au vieillissement, alors que les gens
qui débutent la maladie tôt, souvent, c'est plus agressif, les formes
familiales, par exemple, là, qui sont quand même minoritaires. Mais, oui, oui,
il y a énormément de variations entre les cas, même sur la durée de vie.
• (13 h 50) •
M. Birnbaum : Oui. Et je me permets
la question parce que nous sommes invités par des experts, les derniers jours, à comprendre qu'on devrait limiter
l'accès aux gens devant un diagnostic assez sérieux, ce qui m'amène à deux questions. Est-ce que les outils,
actuellement, de diagnostic sont de plus en plus sophistiqués pour aider le
monde à confronter, à se réconcilier des symptômes qui risquent d'être très
présents pour eux? Et, dans un deuxième temps, de vous inviter à vous situer
là-dessus : Est-ce qu'il faut... Avant qu'une demande d'accès à l'aide
médicale à mourir soit même recevable, non exécutoire pour l'instant, mais même
recevable, est-ce que ça devrait se limiter aux gens confrontés d'un diagnostic
assez grave de démence ou d'alzheimer?
M. Arcand (Marcel) : Oui, bien oui, je dirais que oui,
que ça soit vérifié par des experts de la maladie. Un peu comme on a dans la
loi fédérale, qui parle de mort naturelle non raisonnablement prévisible, il
faut comme référer à un expert de la
maladie. Dans ce cas-là, oui. Il y a ce qu'on appelle les cliniques de mémoire
qui sont... il y a des gériatres et
des neurologues qui sont habilités à faire... à poser un diagnostic et surtout trouver ce qui n'est pas
maladie d'Alzheimer et qui pourrait être réversible. Ce n'est quand même
pas si fréquent que ça, mais ça peut être des dépressions, ça peut être
un trouble métabolique quelconque. Donc, oui, il faut vérifier ça. On a de plus
en plus d'outils radiologiques qui aident pour diagnostiquer la maladie, donc, par
exemple, ce qu'on appelle le PET scan ou... qui montre des zones du cerveau qui
sont dysfonctionnelles ou hypofonctionnelles assez caractéristiques dans la
maladie d'Alzheimer ou dans les démences frontales. Je pense que ça, c'est...
oui, c'est préférable d'avoir un diagnostic bien précis, c'est sûr, mais essentiellement c'est l'évolution aussi du patient qui... les troubles de mémoire
ou les troubles de langage qui
s'installent, etc., qui vont confirmer le diagnostic, là. Mais, oui, moi, je
suis parfaitement d'accord si on exige qu'il y ait... que ces gens-là
soient vus par un expert de la maladie.
M. Birnbaum :
Vous avez parlé des exemples actuels déchirants, des gens qui auraient indiqué
leurs intentions, et l'incapacité est venue avant qu'ils pouvaient confirmer
leurs intentions, évidemment, déchirantes. Et je crois qu'on a eu le message qu'il
faut que cette situation soit corrigée, mais vous avez, si j'ai bien compris,
élargi la discussion un petit peu aux gens qui, peut-être, n'auraient pas rendu
leurs intentions très claires, qui sont à cette étape très sérieuse où ça crie,
où la personne est, de toute évidence, souffrante. Dans ces situations, vous
avez, si j'ai bien compris, parlé de laisser une marge de manoeuvre pour
intervenir du côté des familles, des membres de la famille proche et des
médecins. Est-ce que vous avez des inquiétudes que, là, on donne une discrétion
peut-être, dans un premier temps, que les médecins ne souhaiteraient pas avoir
ou trop de pouvoirs aux familles des fois peut-être pas de bonne foi dans la
situation?
M. Arcand (Marcel) : O.K. Bien, c'est sûr qu'il peut
arriver des situations où des familles vont pousser, tu sais, pour cette option-là, puis on trouve que ce n'est pas
nécessairement dans le meilleur intérêt du patient à ce moment-ci de sa
vie, ça, c'est des dangers, ou l'inverse, des médecins vont pousser, des
familles ne sont pas d'accord, bon, etc. L'idéal, c'est un consensus, «shared
decision-making», donc une décision partagée. De toute façon, c'est beaucoup
demander aux familles que de porter le fardeau, seules, d'une telle décision
pour un proche. Mais, si la décision est partagée par l'équipe de soins et la
famille, je pense que ça peut se vivre beaucoup mieux.
Maintenant, on essaie
de trouver des solutions pour que les gens qui ont de tels problèmes puissent
bénéficier aussi du soin qu'est l'aide médicale à mourir, mais je suis bien conscient de tous les
obstacles qui pourraient se mettre sur le chemin. Mais, en tout cas, tu
sais, il arrive, par exemple, mettons que quelqu'un est en soins de longue
durée, qu'il a perdu son aptitude à cause d'un gros accident vasculaire cérébral
ou d'un accident de la route, puis etc., puis il est nourri artificiellement
avec un tube de gavage qu'on appelle, là, un tube qui va porter de la
nourriture au niveau de l'estomac, bien, on peut, actuellement, par un tel
consensus famille-soignants, tout ça, décider d'arrêter la nutrition. Si on
pense que c'est ce que le patient aurait voulu puis qui... dans le meilleur
intérêt, on peut même retirer le tube, et donc je me dis : C'est le même
genre de défis décisionnels qui nous attend, puis, pour ça, il faut qu'il y ait
des bons canaux de communication entre la famille puis l'équipe soignante ou
les gens en soins intensifs, qu'on enlève le tube qui leur permettait de
respirer parce qu'on pense que le pronostic est trop mauvais puis qu'il n'y a
rien à faire. Donc, c'est des décisions éthiques, et ça, on en a de plus en
plus chaque jour que la médecine fait des progrès.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Merci beaucoup. Merci, M. le député. Merci,
Dr Arcand. Donc, je céderais maintenant la parole au député de Gouin. Vous
avez sept minutes, M. le député. On ne vous entend pas.
M.
Nadeau-Dubois : Comme ça, ça devrait fonctionner.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Tout à fait. Merci.
M.
Nadeau-Dubois : Merci. Merci, Mme la Présidente. Merci,
Dr Arcand, pour votre contribution à nos travaux aujourd'hui.
Vous vous êtes dit en
faveur de modalités de consentement substituées. J'aimerais que vous nous
expliquiez dans quelles circonstances est-ce que ça devrait être possible,
selon vous, et encadré de quelle manière.
M. Arcand (Marcel) : Bien, le consentement substitué,
je ne suis pas avocat, mais c'est quelque chose qui existe déjà dans la loi.
Normalement, je pense que c'est le mandataire qui est désigné pour qu'on essaie
de reconstruire les volontés du patient quand il y aurait ce type de décision
là. Moi, j'aurais tendance à être assez inclusif au niveau de la famille ou
tous ceux qui ont à coeur l'intérêt du patient... puissent aider à déterminer
quelle est la meilleure chose à faire à ce moment-ci de sa vie pour ce patient,
pour ce patient-là à ce moment-ci de sa vie. Puis, un petit peu comme j'ai
expliqué, par exemple, là, la personne qui avait un tube, là, qui est nourrie artificiellement, qui est en coma puis qu'on
décide d'arrêter pour... bien, il y a un consentement substitué habituellement,
parce que... à moins que la personne avait dit clairement dans ses directives
anticipées : Je ne veux pas de tube de nutrition artificielle ou quelque
chose comme ça, mais ce n'est pas la majorité des cas.
Donc, c'est quelque
chose qui existe déjà. Puis moi, je proposais ça plutôt qu'une directive
contraignante, de dire : Je veux qu'on me fasse l'aide médicale à mourir
quand j'aurai telle, telle, telle incapacité. Ça peut être difficile à
interpréter, parce que ça peut être fluctuant d'une journée à l'autre. Mais,
par contre, si tout le monde qui se réunit dit :
Oui, oui, c'est exactement ce qu'elle voulait... où elle ne voulait pas se
rendre, cette patiente-là, bien, à ce
moment-là, on partage la décision et on procède au soin qui était souhaité. Je
ne sais pas si ça vous éclaire.
• (14 heures) •
M.
Nadeau-Dubois : Oui, oui, ça m'éclaire. Mais, juste pour bien comprendre,
dans l'exemple que vous donnez, est-ce que la personne devrait avoir signifié
de manière formelle sa volonté de recevoir l'aide médicale à mourir ou ça peut
être seulement le fruit d'une discussion de ses proches, qui disent : Ah!
elle nous l'avait déjà dit oralement à plusieurs reprises, donc on prend la
décision? Jusqu'à quel point est-ce qu'il devrait y avoir quand même une
demande formelle de la personne? Parce que, tu sais... En fait, comment on fait
pour respecter aussi la volonté des patients puis leur autonomie décisionnelle?
M.
Arcand (Marcel) : Oui. Bien, idéalement, c'est sûr que ça
facilite la tâche s'il y a eu une demande anticipée
clairement exprimée. Mais moi, je ne serais pas nécessairement gêné de dire...
même pour des personnes qui ne l'ont
pas exprimé verbalement ou par écrit, qu'on puisse décider que c'est dans leur
meilleur intérêt d'offrir ce soin-là. Je parlais des personnes qui crient, qui ont l'air complètement inconfortables, qu'on n'arrive pas à soulager autrement que par la sédation, en les faisant dormir la
majeure... tu sais, 22 heures sur 24. Puis, en tout cas, je pense que
c'est peut-être un pas de plus, mais je sais que le Collège des
médecins, dans les documents qu'il a produits sur le sujet, avait mentionné que
c'était peut-être une solution même plus facile à administrer que les demandes
contraignantes.
M. Nadeau-Dubois : Et est-ce que,
selon vous, le principe inverse devrait s'appliquer aussi? C'est-à-dire, si une
personne avait manifesté sa volonté de recevoir l'aide médicale à mourir
advenant circonstances x, y, z et qu'une fois les circonstances se présentant
les proches, l'équipe autour du patient jugent que, finalement, la personne
semble être bien, ne semble pas souffrir, est-ce que le même principe devrait
s'appliquer? Est-ce qu'on devrait pouvoir renverser, dans le fond, le consentement?
M. Arcand
(Marcel) : Encore là, l'idéal, c'est de faire un consensus,
mais j'avoue que ça pourrait arriver, ce genre de situation là. Je pense que
les avocats diraient que la volonté du patient devrait l'emporter sur les
désirs de la famille. Mais c'est sûr qu'encore là il faudrait travailler sur
le... peut-être des objectifs intermédiaires puis cheminer tous ensemble. Ce
serait difficile à appliquer si la famille n'était absolument pas d'accord.
C'est une bonne question.
M. Nadeau-Dubois : Bien, je n'essaie
pas de vous coincer, là, j'essaie vraiment de comprendre votre réflexion,
surtout comme personne qui pratique l'aide médicale à mourir. Ce que vous nous
dites, c'est : D'un côté, il devrait y avoir un principe de consentement
substitué pour administrer l'aide médicale à mourir à quelqu'un qui n'en avait
peut-être pas manifesté la volonté auparavant ou, en tout cas, qui l'avait
manifestée de manière, disons, informelle auprès de ses proches, mais vous nous
dites... mais, pour le contraire, par contre, ça ne s'appliquerait pas. Est-ce
que je comprends bien?
M. Arcand
(Marcel) : Bien non, bien, je ne dis pas que ça ne
s'appliquerait pas, mais ça ne serait pas la situation idéale, bien sûr. Je
pense que ça pourrait s'appliquer si la demande est explicite, très claire,
puis qu'on est vraiment rendu là, mais que... je pense qu'on aurait tout
intérêt à essayer de travailler avec la famille pour qu'ils cheminent dans...
(panne de son) ...volonté du patient. C'est plus ça.
Mais probablement que, si la demande est
explicite, très claire, tout ça, personnellement, je serais prêt à le faire,
même si un... souvent, c'est un membre de la famille qui n'est pas d'accord,
alors que les autres sont d'accord. Mais ça, tu sais, c'est la volonté du
patient qui prédomine à ce moment-là, oui.
M. Nadeau-Dubois : Et je me
demandais si vous aviez des réflexions sur l'autre portion de notre mandat, celui qui concerne les personnes qui souffrent de
troubles mentaux. Est-ce que vous, vous seriez à l'aise d'administrer
l'aide médicale à mourir à quelqu'un qui souffre de troubles mentaux? Puis on
s'entend, là, c'est des gens qui ont... qui
auraient accès à l'aide médicale à mourir seulement pour cette raison-là.
Qu'est-ce que vous en pensez? Seriez-vous prêt à le faire? Si oui, à
l'intérieur de quelles balises?
M. Arcand (Marcel) : Bien, d'abord,
je crois que ça peut être très souffrant quand ça dure depuis des
années, des dépressions ou des... certaines
maladies qui... comme la schizophrénie ou tout ça, je pense que ça peut être
extrêmement souffrant aussi, et donc j'ai une certaine réceptivité. Mais c'est
sûr que moi, je procéderais seulement si, encore là, le consensus psychiatrique
va dans le sens que c'est le... dans le meilleur intérêt du patient actuellement.
J'ai refusé pas plus tard qu'il y a
deux semaines une madame qui était juste pour dépression chronique, que j'ai
référée à une psychiatre, mais qui n'arrive pas non plus à la faire
sortir de ça. Mais elle avait aussi des problèmes physiques qu'on a regardés,
mais pas assez avancée dans ses problèmes physiques, etc. Donc, c'est sûr...
Puis j'ai déjà un patient qui avait un léger handicap et qui s'est suicidé
après mon refus, malgré qu'on ait continué à intervenir auprès de lui. Mais
donc la souffrance, elle est là, c'est certain, mais... Donc, moi, j'aurais une
certaine ouverture, mais vraiment bien encadrée par les psychiatres.
M. Nadeau-Dubois : Puis quel type d'encadrement
vous rendrait à l'aise comme praticien?
M. Arcand
(Marcel) : Bien, si le psychiatre dit : Écoute, ça fait
12 ans qu'on traite ce patient-là, il est très souffrant, on n'a rien
d'autre à lui offrir puis on en est... moi et mes collègues, on en est venus à
la conclusion qu'on accepte de faire ce... qu'on accepterait de faire ce
soin-là, mais on vous demande de le faire, vous, je pense que je pourrais être
à l'aise. Je me rappelle d'un cas, j'avais un jeune homme avec une sclérose en
plaques qui n'était pas tout à fait assez
avancée pour être... quand on disait «fin de vie imminente», là, avec le
critère fin de vie. Aujourd'hui, ce serait différent, mais, à l'époque,
il... c'était un patient qui était en fauteuil roulant puis qui était prêt à
aller se jeter dans le trafic pour se suicider. Il s'est retrouvé à l'hôpital,
ils l'ont traité, il est retourné dans son établissement, il a fait d'autres
tentatives, etc., puis, à un moment donné, la psychiatre m'a dit : Je
pense qu'on ne... on n'a vraiment rien d'autre à lui offrir, si vous voulez
procéder avec le... en tenant compte de son diagnostic de sclérose en plaques
seulement ou on peut mentionner sa souffrance psychologique aussi. Bien, je
l'ai fait, finalement. Donc, je pense que c'est possible. Moi, je crois que
c'est possible pour la maladie mentale aussi.
M. Nadeau-Dubois :
Et, si la...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
M. Nadeau-Dubois : Et, si le... si
le psychiatre vous demandait...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup. Merci beaucoup, M. le député. C'est tout le temps qu'on avait.
Je dois maintenant céder la parole à la députée de Joliette.
Mme
Hivon : Merci, Mme
la Présidente.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Sept minutes. Sept minutes, Mme la députée.
Mme
Hivon : Oui, merci beaucoup. Et merci, Dr Arcand. Je
pense qu'on vous entendrait pendant longtemps, parce que, de toute
évidence, vous avez une expérience très riche.
En fait, depuis le début de nos auditions, qui
sont quand même jeunes, vous êtes vraiment la première personne à arriver avec
l'idée du consentement substitué. Donc, pourquoi on se casse tous la tête avec
l'idée de la demande anticipée qui doit venir de la personne? C'est qu'à
l'origine de la loi, c'était vraiment un incontournable comme balise, face à tous ceux qui craignaient des dérapages, que
vraiment la demande vienne toujours de la personne elle-même. Et donc
c'est la même logique qui se retrouve avec cette idée de demande anticipée.
Puis tantôt vous avez dit que les médecins, selon vous, ne seraient pas à
l'aise tellement à appliquer — je veux juste être sûre d'avoir bien compris — à partir d'une demande anticipée et qu'ils
pourraient l'être davantage avec un consentement substitué. Moi,
j'aurais pensé l'inverse.
M. Arcand
(Marcel) : Oui. Non, je comprends.
Mme
Hivon : Parce que
ce qui vient du patient lui-même, on se dit : Au moins, on a la sécurité
qu'il l'a demandé. Donc, je veux juste clarifier à mon tour si ce que vous
voulez dire, c'est que l'idéal ce serait qu'il y ait les deux, dans le fond, et,
si, vous, c'est une fin de non-recevoir, c'est-à-dire, sans l'aval des proches,
vous ne pourriez pas procéder, vous seriez trop inconfortable.
M. Arcand
(Marcel) : Ah! beaucoup de questions. Oui, c'est sûr que
l'idéal, c'est qu'il y ait à la fois une demande d'aide médicale à mourir, une
demande anticipée d'aide médicale à mourir et un consensus avec la famille sur le moment où on l'applique pour être sûr que
ça corresponde vraiment à ce que le patient souhaitait dire, souhaitait
qu'on lui fasse comme soin.
Moi, je n'aime pas beaucoup l'idée de demande
contraignante, par contre. Moi, comme médecin, je pourrais, dans certaines circonstances, être mal à l'aise
pour donner l'aide médicale à mourir, refuser de le faire, si je pense que ce
n'est pas dans le meilleur intérêt du patient au moment où on le demande, là.
Donc, bon, puis, si la famille refuse, comme
j'ai expliqué tout à l'heure, mettons, le patient l'a demandé, puis que c'est
clair, puis l'équipe soignante pense que,
oui, c'est dans son meilleur intérêt, mais qu'il y a un membre de la
famille... c'est rare, je ne pense pas qu'il y aurait l'ensemble de la famille contre, là, mais il
pourrait y avoir un membre de la famille qui est avocat, là, puis qui
refuserait, bien, en tout cas, je pense qu'on se battrait pour le faire changer
d'idée, donc, pour respecter la volonté du patient, là.
• (14 h 10) •
Mme
Hivon : O.K. Donc,
c'est une question, évidemment, de pratique professionnelle puis de confort
professionnel, je le conçois. Les gens vont venir nous dire, eux : Bien,
c'est mon autonomie. Nous, il faut comme jongler avec tous ces principes-là, évidemment.
Puis je voulais juste vous soumettre une hypothèse.
C'est parce que beaucoup se projettent puis disent... Moi, par exemple, je
dirais dans ma demande anticipée : Si je ne peux plus reconnaître
personne, si je ne suis plus capable de m'alimenter et de m'occuper de mes
propres soins, de manière anticipée, pour moi, c'est une souffrance atroce.
Mais, évidemment, il y a tout le débat de savoir, une fois rendue là, est-ce
que la personne souffrirait autant de ça ou non, mais je ne vous amène pas tout
de suite là-dessus. Mais, si, dans la demande anticipée, en fait, on parlait,
un peu comme vous le dites, là, des circonstances où la souffrance, elle est vraiment
énorme et reconnaissable par les cris, de l'agitation, tout ça, est-ce que,
pour vous, ce serait quelque chose, dans la pratique, de plus gérable, c'est-à-dire
de ne pas avoir un énoncé de conditions que la personne projette, mais plus une
appréciation objective de s'il y a souffrance ou non de la personne?
M. Arcand
(Marcel) : Oui, oui, c'est sûr que ce serait plus facile à
gérer, il y aurait comme une évidence assez claire de souffrance intolérable,
là, en plus de tous les autres critères, déclin avancé, bon, etc. Donc, oui, ce
serait nettement plus gérable. Maintenant, on sait que...
Mme
Hivon : O.K.
M. Arcand (Marcel) : J'ai parlé aussi de l'expérience
hollandaise, là, les médecins, là, qui... pour qui... qui en reçoivent, des
directives d'euthanasie, mais qui ne sont pas à l'aise de le faire parce qu'il
faudrait comme réactiver le consentement d'une façon ou
d'une autre, puis le patient, il est devenu complètement inapte. Et c'est pour
ça qu'il ne s'en fait pas tellement, d'aide médicale à mourir pour les patients
d'Alzheimer aux Pays-Bas. Ça va se faire pour ceux en démence pas trop avancée,
qui comprennent encore ce qu'on leur fait au moment où on le fait, mais je
pense que des médecins... je pense, ça serait...
Mme
Hivon :
...
M. Arcand (Marcel) : Pardon?
Mme
Hivon :
Allez-y, continuez, Dr Arcand.
M. Arcand (Marcel) : Non, mais je veux juste dire que
moi, je peux comprendre les collègues qui ne seraient pas à l'aise de recevoir
une telle directive, si ce n'est pas clair pour eux que c'est dans le meilleur
intérêt du patient au moment où ils seraient supposés le faire.
Mme
Hivon :
De toute façon, l'objection de conscience demeurerait toujours, j'imagine...
M. Arcand (Marcel) : Oui, oui.
Mme
Hivon :
...l'idée de l'intérêt supérieur. Juste en terminant, s'il me reste un peu de
temps, tantôt, vous avez dit : Il s'en fait, des aides médicales à mourir,
on en discutait avec Dr Naud ce matin, vu que le critère de fin de vie a
sauté pour des personnes, par exemple, qui ont la maladie d'Alzheimer mais qui
ont encore leur aptitude puisque c'est possible, mais, au Québec, ça ne serait
pas non plus impossible. C'est parce que, tantôt, vous avez parlé d'Alberta
puis de Colombie-Britannique, puis j'étais curieuse pourquoi vous excluiez le Québec.
Il n'y a rien, a priori, qui ne l'exclut puisque la fin de vie n'est plus
là.
M. Arcand (Marcel) : Bien oui, je suis d'accord, mais
il faudrait juste qu'on ne se sente pas persécuté si on le fait. Parce qu'à ma
connaissance, à date, il y en a peut-être eu, des cas, mais je n'en ai pas
entendu parler. Puis je suis sur une communauté de pratique, une liste où on
échange des cas, puis personne... tellement de cas de maladie d'Alzheimer.
C'est comme si quelque part, au Québec, on avait décidé que ça ne se faisait
pas, à moins qu'on nous dise que ça peut se faire.
Mais donc peut-être
que la commission des soins de fin de vie aurait un rôle à jouer pour nous
donner l'absolution, si on suit les critères de C-7, là, du... de... C-7, du
fédéral, puis qui... dont les médecins des autres provinces se servent pour en
faire, des cas comme ça. Mais moi, je serais à l'aise de le faire pour ces
personnes-là, mais, c'est ça, je ne suis pas sûr que je veux être le premier,
premier, mais, en tout cas, s'il le faut, je le serai.
Mme
Hivon :
O.K. Parce que je ne vois pas ce qui l'empêcherait, compte tenu qu'au Québec
aussi le critère de fin de vie n'est plus là.
Puis, s'il me reste
un petit peu de temps, je reviendrais à ma question précédente, là, vraiment
sur la question de la souffrance. Donc là,
on... évidemment, vous m'avez dit : Oui, on pourrait être plus confortable
si, dans le fond, dans la demande anticipée, on nous indiquait
seulement : Si je suis dans un état de souffrance intolérable et
constante, je voudrais qu'on donne ouverture à ma demande. Mais, si, par
ailleurs, quelqu'un parlait plus de souffrance qui serait liée à sa perte d'autonomie, donc, de réalité
objective, vous, rendu au moment où la personne vivrait cette situation-là,
entre la douleur qui était anticipée, la souffrance anticipée puis la réelle ou
peut-être qu'évidemment elle est plus consciente de ça, comment vous aborderiez
cette espèce de dilemme entre l'espèce de souffrance anticipée, mais qui ne
peut potentiellement pas être présente du tout, évidemment, quand la personne a
perdu son aptitude?
M. Arcand (Marcel) : Bien, je sais que la souffrance,
pour moi, ce n'est pas juste la douleur, là, comme des... En fait, la plupart
des cas pour lesquels on accepte l'aide médicale à mourir, il y a d'autres
types de souffrance que la douleur puis... parce que les gens sont en soins
palliatifs, qui sont bons, en général, pour traiter la douleur, mais, bon, l'essoufflement, d'autres symptômes
physiques qui jouent, mais il y a la souffrance psychologique qui peut être
très importante puis la souffrance existentielle. C'est sûr, si on est dans une
maladie d'Alzheimer avancée, la souffrance existentielle, peut-être qu'elle
n'est pas là, mais il peut y avoir une souffrance psychologique, moi, je suis
certain. Juste la façon dont les patients réagissent, à vouloir... à cogner
dans les portes, puis à vouloir se sauver, puis...
des unités, puis à se battre contre l'infirmier et l'infirmière qui vient les
aider à leur hygiène ou tout ça. Donc, oui, moi, je tiendrais compte de
cette souffrance-là, c'est certain. Je ne sais pas si je me suis perdu en
tentant de répondre à l'autre question, mais vous me le direz si je n'ai pas
bien répondu.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Merci.
Mme
Hivon :
Je pense que Mme la présidente va nous couper...
La Présidente (Mme
Guillemette) : Merci, Mme la députée.
Mme
Hivon : Merci.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Je céderais maintenant la parole au député de Lac-Saint-Jean.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Merci, Mme
la Présidente. Bonjour, M. Arcand.
M. Arcand
(Marcel) : Bonjour.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) : C'est
très intéressant de vous entendre, d'entendre aussi votre expérience. Puis je
reviens un petit peu avec les patients, avec les gens qui n'ont pas le temps de
remplir leur demande puis qui deviennent
inaptes, là, par la suite. C'est là que la... comme on dit, la ligne est mince,
puis la décision... les décisions sont difficiles
à prendre. Puis, tu sais, la responsabilité aussi... je reviens un peu sur la responsabilité qui incombe au mandataire, tu
sais, qui doit statuer lors du moment venu. Cette responsabilité-là, j'aimerais ça savoir un peu ce que vous en pensez.
M. Arcand
(Marcel) : Bien, moi, je suis partisan de la décision partagée,
c'est-à-dire qu'il faut que ça soit l'équipe
de soins... et ne pas laisser ce fardeau-là au mandataire tout seul. Je connais
des gens qui ont souffert énormément du fait qu'on leur a dit :
Veux-tu qu'on arrête le traitement? Tu sais, décide, plutôt que d'être... de
devenir un partenaire dans la décision, là, que le médecin soit partenaire dans
la décision, de dire : Écoutez, à ce stade-ci de sa maladie, et tout ça,
oui, je pense que c'est le meilleur intérêt pour lui. Je pense que les
mandataires seraient pas mal contents d'être appuyés dans ces décisions-là qui
peuvent être, de fait, très traumatisantes, là.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : O.K.
La... autrement dit, la responsabilité, ça serait la responsabilité du
médecin et des... et du proche en même temps ou...
M. Arcand
(Marcel) : Bien, tu sais, aux soins intensifs quand on décide
d'enlever... d'arrêter les respirateurs, là, tout ça, c'est-tu... est-ce que
c'est la fille du patient qui décide? Moi, je pense que c'est le médecin puis
que... Mais il y a aussi une décision partagée, parce qu'il l'a expliqué à la
famille, puis ils ont décidé de ne pas poursuivre en cour pour stopper ça, là.
Mais je pense que le médecin doit assumer son rôle à ce moment-là, oui.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Ça se
retrouve plus facilement aussi avec les personnes qui sont seules, ceux qui
n'ont pas d'entourage.
M. Arcand
(Marcel) : Oui, oui.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Là, la
responsabilité, elle est...
M. Arcand
(Marcel) : ...elle est encore plus à l'équipe de soins, bien
oui.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Puis
vous mentionnez aussi que vous étiez favorable à inclure le personnel soignant,
entre autres les infirmiers, infirmières, dans le processus d'évaluation et
administratif aussi.
M. Arcand
(Marcel) : Pour administrer l'aide médicale à mourir, vous voulez
dire, ou... Bien, moi, c'était les inclure dans la discussion. Parce qu'au
départ il y a une question, c'est : Quel est le meilleur intérêt de cette personne-ci à ce moment-ci de sa vie? Bien, le
personnel infirmier qui le côtoie chaque jour a probablement beaucoup de
choses à dire, autant que le fils qui vient le voir une fois par semaine ou...
bon, peut-être pas autant, mais, en tout cas, il peut contribuer à la
discussion. C'est ça.
Au niveau administratif, je ne le sais pas. Si
vous parlez, comme au Canada, qu'il y a des infirmières spécialisées, je crois,
à qui on donne le droit de faire l'aide médicale à mourir, a priori, je
n'ai pas nécessairement d'objection si tous
les critères sont respectés, parce que, techniquement, une infirmière pourrait
le faire autant que moi, là, c'est juste pousser la seringue au bon
moment, mais c'est tout. C'est de gérer tout le reste, là, qui est exigeant,
là.
• (14 h 20) •
M. Girard (Lac-Saint-Jean) : O.K.
J'aurais une dernière question puis je vais laisser la parole à mes collègues.
Puis là je vais aller sur le fameux formulaire. On a eu des groupes cet
avant-midi... discuté. Qu'est-ce que vous en pensez, le fameux formulaire à
remplir pour...
M. Arcand
(Marcel) : ...le renoncement, là, ou renonciation, je ne sais
plus quel est le bon mot, là. Moi, je pense que, toutes les fois que quelqu'un
fait une demande que je juge acceptable puis qu'on s'entend sur un moment pour
faire l'aide médicale à mourir, qui peut être plus ou moins rapproché, je leur
ferais signer un tel formulaire, s'ils sont d'accord, pour qu'ils se sentent
libres de prendre la médication contre la douleur, même si elle leur cause un
peu de somnolence, ou tout ça, ou encore qu'ils sachent que, même s'il arrive
une petite catastrophe comme la madame, j'ai raconté, qui a fait son accident
vasculaire, là, quelques heures avant l'aide médicale à mourir, bien, qu'ils
sentent qu'ils vont l'avoir, le soin, tel qu'ils l'espéraient.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Merci, Mme
la Présidente. C'est tout pour moi.
La
Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le député. Je céderais maintenant la parole à
Mme Abitibi-Ouest.
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : Merci, Mme la Présidente. Dr Arcand, bonjour.
M. Arcand
(Marcel) : Bonjour.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Est-il
risqué, à votre avis, de ne pas cibler de manière précise les troubles
neurocognitifs qui pourraient être admissibles à une demande d'aide médicale à
mourir? Et cela pourrait-il ouvrir la porte à un trop grand recours à l'aide
médicale à mourir? Comment on peut doser tout ça?
M. Arcand
(Marcel) : Vous voulez dire que, si on l'ouvre pour les gens
qui ont des troubles neurocognitifs, on va
l'ouvrir encore plus? Écoutez, les dangers sont là, je ne les nie pas, puis il
faut prendre les mesures pour protéger les personnes inaptes. Mais les
priver d'aide médicale à mourir, si c'est ce qui apparaît être dans leur
meilleur intérêt, je pense que ce n'est pas la bonne solution, ça fait qu'il
faut avoir d'autres balises. Donc, une des balises, c'est que tu ne décides pas
tout seul, il faut que... il faut au moins deux médecins. Puis, dans ces
cas-là, je dirais, en plus, les psychiatres puis, en plus, possiblement, bien,
un consentement familial. Donc, plus de balises pour protéger les inaptes, mais
quand même que ces gens-là puissent recevoir ce soin-là.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
J'aimerais que vous élaboriez sur les dangers, Dr Arcand. Est-ce possible?
M. Arcand (Marcel) :
Ah! les dangers sont là, certain. Il pourrait y avoir des pressions de la part
de membres de la famille pour qu'on procède rapidement, puis le motif étant
financier ou juste de l'épuisement, je ne sais
pas trop, là. Oui, oui, je pense que ça... Bien, même quand on fait du soin
palliatif, là, puis que les gens approchent de la fin, mais que ça dure,
ça dure, des fois, les familles viennent nous voir, disent : Vous ne
pourriez pas aller un peu plus vite, là? Ça fait que je pense que, oui, oui, il
y en a, des dangers, c'est sûr. C'est pour ça que, moi, les balises que je
vois, c'est qu'il n'y ait pas juste une personne qui décide puis que... Puis
les périodes de réflexion avant aussi, c'est utile, peut-être pas 90 jours
dans ces cas-là, mais au moins une dizaine de jours, je pense que c'est bon que
tout le monde ait la chance de s'exprimer puis...
Mais le
principal danger, je pense, c'est surtout les pressions qui viennent de gens
qui n'ont pas nécessairement le meilleur intérêt du patient à coeur. Puis
l'autre danger, c'est sûr que, si on le fait par consentement substitué pour
des gens qui ne l'ont pas demandé expressément, mais qu'on juge qu'ils sont tellement
souffrants, puis c'est la seule façon de les soulager, peut-être qu'on pourrait
dire que le danger, c'est d'aller trop loin, là, d'aller même à l'encontre de
la volonté des patients. Mais ça, je mettrais un petit bémol là-dessus.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Ma
dernière question, Dr Arcand, c'est : Lorsque vous avez un patient
qui est quadraplégique, dans la trentaine, gavage, qui demande à en finir, à
mourir, qui devient un fardeau pour sa famille, que répondez-vous, et quelles
sont les procédures à faire?
M. Arcand
(Marcel) : Bien, actuellement, avec la disparition de... le
critère fin de vie au Québec, là, par contre on a encore maladie grave et incurable. Mais,
moi, d'après moi, ça peut rentrer là-dedans, là, parce
qu'il y a des complications. Ces gens-là, on sait qu'ils vivent moins
longtemps que la moyenne, ils ont des complications d'être immobiles, bien souvent, donc ils se font des
fractures de fragilité, ils ont des calculs urinaires, des infections
respiratoires, bon, etc. La seule chose,
c'est qu'il ne faut pas le faire trop vite après l'accident pour donner une
chance à la réadaptation puis à la réinsertion sociale.
J'en ai fait
un, cas de personne quadriplégique que j'ai justifié, dans le temps, sur le
syndrome d'immobilisation, le fait qu'il avait toutes les complications,
il était rendu à 50 kilos, je pense, qu'il pesait, il ne pouvait même plus
se lever dans son fauteuil roulant motorisé, etc. Et puis le Collège des
médecins a accepté ma proposition, si on veut, quand ils ont révisé mon
dossier. Mais cette personne-là avait quand même réussi à travailler, il
s'était marié, etc. C'est juste qu'à un moment donné les malheurs physiques
sont arrivés, qui ont eu un gros effet psychologique, puis il n'aimait pas du
tout ce qui s'en venait devant lui, puis je le comprends.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Bien,
merci beaucoup, Dr Arcand, c'est très apprécié.
M. Arcand
(Marcel) : Ça fait plaisir.
La
Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Mme la députée. Donc, je céderais la parole maintenant à
Mme la députée de Saint-François.
Mme
Hébert : Merci,
Mme la Présidente. Merci, Dr Arcand. Je pense que vous mettez... c'est
très pertinent, ce que vous nous dites, et vous mettez énormément de lumière et
d'histoires. On peut presque imaginer les personnes que... vous nous racontez
leurs histoires, et ça vient beaucoup teinter, en tout cas, nos réflexions.
Moi, j'ai entendu
dans... d'autres intervenants précédents, qu'il y avait une certaine... il n'y
avait pas consensus sur les mesures contraignantes. On parle... puis je reviens
encore, je sais que je suis intervenue souvent, mais, disons, quelqu'un qui a l'alzheimer, qui est quand même dans une
situation qui est... il y a une perte d'aptitude, mais qui a quand même...
qui est quand même serein. Puis il y en a qui ont dit que c'était les... quand
ça avait été rempli précédemment, quand la personne était apte, que ça
l'amenait plus exécutoire et contraignant. Donc, quand il arrivait à tel stade, même si on ne voit pas de souffrance, rien, on
pouvait procéder quand même. Puis il y en a d'autres que non, s'il n'y a pas
apparence de souffrance, et tout, ça fait que...
Je vous vois, vous
aussi, vous avez autant d'un côté que de l'autre. Alors, c'est une situation
qui est difficile à... J'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Arcand (Marcel) : Oui, peut-être une chose que je
n'ai pas mentionné, mais, bon, je ne sais pas si on peut faire du chemin
là-dessus, mais c'est sûr que les médecins, leur crainte, c'est de donner la
mort à quelqu'un qui ne réactive pas la demande, etc., surtout qu'ils ne le
connaissent... S'ils le connaissent depuis longtemps, ça peut être différent.
Si le patient avait fait un vidéo qui dit exactement : Je ne veux pas me
retrouver dans la situation... dans telle, telle, telle situation, puis ce
vidéo-là, on le voit au moment... à ce moment-là puis on dit : Oui, c'est
vrai, c'est vraiment ça qu'il voulait, donc, quelque part, la demande est comme
réactivée par le patient. Peut-être que j'exagère, puis c'est un peu une fantaisie, mais je sais qu'aux États-Unis
il y a des endroits où on propose aux gens de faire ce genre de vidéo
là, ils se promènent avec leur petite clé USB sur laquelle ils ont... ils
expriment leur volonté de fin de vie.
Mais,
sinon, si je me fie à l'expérience hollandaise, qui est quand même... où l'aide
médicale à mourir est très présente
depuis une vingtaine d'années, il reste qu'il y a peu de cas de demandes
anticipées d'aide à mourir qui trouvent des médecins pour le faire. Ça fait que, je pense, ça, ça resterait un
problème. Je ne sais pas si je... Est-ce que j'ai répondu?
• (14 h 30) •
Mme
Hébert :
Oui. Puis, quand.... C'est sûr et certain que j'ai beaucoup de collègues qui en
ont parlé, par rapport au consentement substitué. Moi, j'ai une question, là,
puis j'aimerais vous entendre là-dessus. Peut-être que vous l'avez dit aussi,
j'ai dû m'absenter une petite minute tantôt. Le diagnostic est nécessaire
pour...
M. Arcand
(Marcel) : Oui, oui, oui.
Mme
Hébert :
...pour faire une demande. On ne pourrait pas l'inclure dans un mandat
d'inaptitude, la prévision qu'un jour, si j'ai un accident cérébrovasculaire ou
si j'ai un accident de voiture, je suis quadraplégique, je veux l'aide médicale
à mourir. Vous voulez... il y a vraiment comme un diagnostic qui doit être, au
préalable, d'une maladie grave, incurable.
M. Arcand
(Marcel) : Bien, moi, je pense qu'on pourrait le faire quand même,
c'est juste que, si c'est contraignant, ça
prend un diagnostic. C'est ce que la plupart des gens font actuellement dans
des directives à l'avance, ils disent : Je ne voudrais pas être
prolongé si je n'ai plus ma capacité de consentir ou, bon, etc., mais... Puis
il n'y a pas de diagnostic au départ. Ils le font, on en tient compte, mais on
n'est pas contraint d'appliquer ça parce que, de toute façon, ce n'est pas clair à quel moment... en tout cas, ce n'est pas
toujours très clair. Mais c'est sûr que, si vous voulez mettre ça
contraignant, que ça puisse se faire, bien, à ce moment-là, ça prend un
diagnostic, c'est sûr. C'est toujours mieux, les directives anticipées à partir
d'un diagnostic.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Merci.
M. Arcand
(Marcel) : Donc, la personne qui a une maladie pulmonaire obstructive,
qui dit : Bien, moi, comme j'ai une maladie pulmonaire obstructive, je ne
veux plus aller aux soins intensifs, je ne veux plus être intubée, tout ça, ça
fait bien plus de sens que quelqu'un qui n'a pas encore de diagnostic, O.K.?
Mme
Hébert :
Merci.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Parfait. Merci beaucoup, Mme la députée. Merci
beaucoup, Dr Arcand. C'est très instructif, ça va nous aider dans la suite
de nos travaux.
M. Arcand (Marcel) :
En tout cas, je peux vous dire que j'ai trouvé que vous aviez des bonnes
questions.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Et merci d'y avoir répondu si précisément.
M. Arcand
(Marcel) : Félicitations!
La Présidente (Mme
Guillemette) : Donc, la commission suspend ses travaux quelques
instants, le temps d'accueillir nos nouveaux invités. Merci encore,
Dr Arcand.
M. Arcand
(Marcel) : Merci. À une prochaine, peut-être.
(Suspension de la séance à
14 h 33)
(Reprise à 14 h 40)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Donc, nous sommes de retour. Nous accueillons maintenant
Me Jean-Pierre Ménard. Donc, merci d'être avec nous cet après-midi,
Me Ménard. Vous disposez de 20 minutes pour
votre exposé, et, par la suite, il y aura un échange, avec les membres de la
commission, d'une période de 40 minutes. Donc, je vous cède la parole.
M. Jean-Pierre Ménard
M. Ménard
(Jean-Pierre) : Merci, Mme la Présidente. Alors, je vais d'abord me présenter. Je suis
Jean-Pierre Ménard, je suis avocat depuis 41 ans. Ça fait depuis à
peu près... depuis 2009 que je participe aux activités de la commission, d'abord
par le Barreau puis, par la suite, j'ai continué après dans différents rôles.
En 2013, j'ai présidé le comité de juristes experts du ministère. Par la suite,
la loi a été adoptée. La loi fédérale a été adoptée après coup.
En 2017, j'ai été appelé à représenter
M. Truchon et Mme Gladu dans un litige contre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial.
Alors, de 2017, donc, à 2019, ça m'a... ça a pris une bonne partie de mon
temps aussi, alors, jusqu'au jugement Truchon en septembre 2019 aussi.
J'ai participé à toutes sortes de comités de
travail, fédéral, provincial, les derniers en date étant ceux de
l'hiver 2020‑2021 au fédéral. Alors, j'ai comparu trois fois devant le
comité du Sénat et des Communes sur le projet de loi C-7.
Bon, ceci étant dit, on va commencer maintenant
la présentation. Ce que je compte faire, c'est que je vais partir de la
décision du jugement Truchon, la décision de la juge Baudouin pour... comme
point de départ, et on va voir après ça qu'est-ce que ça a changé en cours de
route aussi.
Alors, si je... on revient au jugement Truchon.
Alors, là-dessus, il y a un certain nombre de constats qui ont été faits par la
juge Baudouin dans son jugement. D'abord, ce que la juge Baudouin nous propose
comme cheminement, c'est d'abord que chacun de ces cas-là nécessite une
évaluation individuelle. Alors, peu importe d'où viennent... peu importe d'où
les gens viennent, donc, dans ce cas-là, la juge Baudouin a déterminé qu'en
matière d'accès à l'aide médicale à mourir une évaluation individuelle de la
condition de la personne qui en fait la demande doit être faite, et ce, peu
importe d'où vient la demande.
Dans ce
cas-ci, il faut se rappeler que la demande émanait de deux citoyens, par
ailleurs relativement démunis, chacun était handicapé aussi, avait vécu
des épisodes de troubles mentaux. Par contre, la condition des requérants, au
moment où la requête a été présentée, ne laissait pas de doute sur leur
aptitude, et les deux respectaient par ailleurs tous les critères de fin de vie
aussi.
Alors, selon
la juge Baudouin, ce n'est pas la qualité des demandeurs dans leur qualité de
personnes handicapées qui était la
question importante, c'est de savoir si ces personnes-là étaient souffrantes et
aptes à consentir, le reste étant plutôt secondaire. Alors donc, la juge
a réalisé la situation et conclu que les deux étaient... rencontraient ces
conditions-là.
La juge, donc, a pris bien soin aussi d'examiner
une preuve d'experts très développée sur la notion de vulnérabilité de différents groupes de personnes, dont les personnes
handicapées et celles qui présentent des problèmes de santé mentale.
Elle en a conclu que chaque personne de ces différents groupes ne présente pas
nécessairement cette vulnérabilité-là. Alors, autrement dit, ça reste une
situation individuelle.
Bon, donc, dans la même veine, la juge a conclu
que la prohibition absolue d'accès pour tout un groupe était
inconstitutionnelle, c'était vraiment chaque personne, après évaluation, qu'on
pouvait décider si elle était... si elle rencontrait ou non les conditions.
Donc, on n'a écarté aucune des catégories de personnes initialement, chacun des
cas était... devait être évalué individuellement aussi... du jugement. Quand le
jugement a été sorti, il n'y a pas eu d'appel ni du fédéral ni du provincial.
Le jugement, donc, de la Cour supérieure est demeuré intégral comme tel. Alors,
ça, donc, c'était l'élément, là, important du jugement Truchon.
Alors, maintenant, par la suite, le fédéral a
donné suite à ça. Alors, c'est par le projet de loi, donc, C-7, qui a été
adopté le 17 mars 2021, donc, il y a à peine quelques semaines, que
la juge a établi les paramètres de ce que ça... qu'il devait être.
Bon, élément
bien important, parce que tout le monde a souligné un peu un aspect ou l'autre
des lois, là, moi, je porte attention
plus aux effets purement légaux, si on veut, de cette loi-là. Alors, qu'est-ce
qui est important là-dedans? Alors, évidemment, la loi a proposé
plusieurs améliorations à la loi actuelle. Entre autres, on a fait sauter le
délai de 10 jours entre les deux consentements, on a prévu le
consentement... la renonciation au consentement final dans la loi, etc., là.
Alors, il y a plusieurs améliorations comme ça qui ont été apportées. Par
contre, il y en a d'autres qui ne sont pas du tout des améliorations par
rapport à ce qui existait déjà : le délai de 90 jours, entre autres,
l'attente, là, pour les gens dont la mort n'est pas prévisible, etc., ce n'est
pas le but de mon propos aujourd'hui
Par contre, il y a un petit article de rien, une
ligne dans la loi qui a... qui détermine absolument... en tout cas, qui
détermine de façon notable ce que le Québec va pouvoir faire ou ne pas faire
avec cette loi-là. Alors, c'est l'article... ici, là, 241.2(2.1), qui dit que
la maladie mentale... que les gens souffrant uniquement de maladie mentale ne
sont pas admissibles à la loi. Alors, autrement dit, pour être encore plus
précis, on dit que la maladie mentale est exclue des conditions de santé
pouvant donner accès à l'aide médicale à mourir lorsqu'il s'agit de la seule
condition médicale invoquée, et ce, peu importe que toutes les conditions
d'accès à l'aide médicale soient rencontrées. Alors, autrement dit, même si les
gens rencontrent toutes les conditions de l'aide médicale, si la raison
médicale est uniquement la maladie mentale, ces gens-là sont maintenant exclus,
ce qu'ils n'étaient pas avant le 17 mars 2021.
Alors donc, depuis le 17 mars 2021, il
n'est plus possible pour une personne qui a une maladie mentale seulement de
revendiquer l'aide médicale à mourir. Alors, ça, c'est un changement qui est
majeur.
La Présidente (Mme Guillemette) : M.
Ménard, pouvez-vous ajuster votre micro un petit peu? On vous entend moins
bien.
M.
Ménard (Jean-Pierre) : Là, est-ce que c'est mieux?
La Présidente (Mme
Guillemette) : Oui, parfait. Merci.
• (14 h 50) •
M. Ménard
(Jean-Pierre) : Bon, alors, je vais répéter ce que je viens de dire.
Alors, on a décidé, donc, que l'aide médicale à mourir, lorsque la personne qui
le demande a uniquement un problème de santé mentale, n'était pas recevable, même
si cette personne rencontre par ailleurs toutes les autres conditions de la
loi. Alors, autrement dit, on les exclut. Il y en a
qui ont dit : Oui, mais ça, c'est valide juste pour deux ans. Ce n'est pas
vrai. La loi ne mentionne pas de
délai ou de conditions comme ça. Alors donc, jusqu'à nouvel ordre et pour
l'avenir, cette exclusion-là prévaut aussi.
Alors, c'est donc une
exclusion qui est importante, c'est dans la loi fédérale, mais il faut penser
que la loi provinciale est assujettie à la loi fédérale aussi. La règle de
prépondérance fédérale fait en sorte que ça va s'appliquer aussi à la province
de Québec. Alors, il reste, finalement, assez peu de choses à légiférer pour la
province tenant compte de ces éléments-là.
Dans la nouvelle loi,
le législateur dit que c'est important de faire un équilibre entre l'autonomie
de la personne, la protection des personnes vulnérables, la protection contre...
en matière de santé. Je vous suggère que ce qui a été fait comme tentative de
conciliation, ça ne traduit pas ça... ça traduit carrément un... de protection
des personnes vulnérables, mais pas juste les
personnes vulnérables, toutes les personnes qui sont dans la même condition que... toutes les personnes
qui ont un problème de maladie mentale uniquement, que ces gens-là soient aptes
ou inaptes. Alors, ils sont les deux exclus de l'accès à l'aide médicale à
mourir.
Alors donc, la
priorité qu'on voulait donner aux personnes vulnérables, bien, on a ratissé
beaucoup trop large pour assurer la
protection des personnes. Alors, ça expose la loi à être attaquée de façon
assez rapide, j'ai l'impression, sur
ce plan-là, parce qu'effectivement la loi protège les personnes qui n'ont pas
besoin d'être protégées, et l'enveloppe de protection qui est accordée
aux personnes est trop large.
En plus de ça, bien,
évidemment, cette loi-là, tenant compte de cette clause-là, sur la santé
mentale, va avoir pour effet de stigmatiser, si on veut, les personnes qui sont
atteintes de santé mentale parce que, d'abord, on va avoir à faire un tri parmi les gens qui font... qui
demandent l'accès à l'aide médicale à mourir. Et, du moment qu'une
personne va avoir des problèmes de santé
mentale, on va l'exclure sans même l'évaluer ou sans même déterminer si, oui ou
non, elle pouvait être apte ou non à
consentir. Alors, ça, ça va générer, donc, un phénomène de stigmatisation
importante aussi.
Donc, ce problème de
stigmatisation là, ça va également générer un problème de discrimination parce
qu'on va carrément exclure du chemin de l'aide médicale à mourir les gens qui
ont une maladie mentale uniquement plutôt que de les traiter au cas par cas
individuellement. Moi, je soutiens que cet... l'état de la jurisprudence, là,
je vais parler de la Cour suprême, je vais parler de la Cour supérieure dans...
la Cour suprême dans Carter et la Cour supérieure dans Truchon, qui sont
exactement au même effet, qui considèrent que, pour avoir droit à l'aide
médicale à mourir, c'est la preuve des souffrances intolérables d'un adulte
capable... est la condition pour avoir accès à l'aide médicale à mourir, et
rien d'autre.
Alors là, avec la
nouvelle loi, la nouvelle loi fédérale, c'est beaucoup plus large que ça. Les
gens qui ont... qui sont privés de l'accès à l'aide médicale à mourir, c'est un
cas de discrimination bien clair par rapport à leur droit à l'égalité, parce
que ces gens-là vont être moins égaux que d'autres, si on veut, en n'ayant pas
accès à l'aide médicale à mourir du seul fait du diagnostic, alors que toutes
les études qui ont été faites là-dessus, aller jusqu'aux plus récentes, là, elles
disent toutes que, dans tous les cas, il faut évaluer les personnes, il ne faut
pas se fier au diagnostic, il faut vraiment prendre le cas comme un tout aussi.
Important aussi, on
infère un peu de cette disposition-là que les gens sont inaptes. Il faut se
rappeler que la maladie mentale n'égale pas inaptitude. On peut avoir une
maladie mentale sans être inapte. Alors, ce n'est pas... il n'y a pas
d'automatisme là-dessus, et, avec la loi telle qu'elle est rédigée, on en fait
un automatisme aussi.
En fin de compte, la
vulnérabilité, donc, des personnes, est-ce que c'est une question qui peut être
évaluée par les médecins éventuellement puis qu'on doive se faire une idée
globale par rapport à la condition du patient et non pas juste se fier sur le
diagnostic?
Je vais accélérer un
peu parce que c'est... mon temps fuit, lui aussi. Alors, si je regarde mes
notes, tout ça... ça avec la loi québécoise. Alors, la loi québécoise,
évidemment, là, on ne connaît pas encore la réponse exacte. La première réponse
du gouvernement du Québec a été, quand le jugement Truchon est sorti :
Parfait, on va se conformer au jugement, on suspend... on arrête d'appliquer la
règle de la fin de vie. Ça a duré juste quelques jours parce qu'après ça, avec les pressions des milieux médicaux
particulièrement, on a... on est revenu en arrière, et Québec a instauré
un genre de moratoire. On ne l'a pas fait dans la loi, O.K., mais on l'a fait
légalement en disant au Collège des
médecins : Retenez les médecins, pour le moment, on ne fait pas de... on
n'accorde pas l'aide médicale quand c'est juste la question de... quand
il y a juste une question de santé mentale qui est en cause. Alors, on a donc...
on a fait marche arrière. Puis là je pense que le comité est ici... ici
aujourd'hui vise un peu à répondre à cette interrogation-là.
Remarquez que, dans
le cas du Québec, à matin, j'écoutais le médecin... il a parlé de l'implication
de... il a parlé des gestes de Québec depuis 2014. Alors, depuis 2014, la loi
n'a eu aucun amendement, n'a pas été amendée une
seule fois et ne le sera pas encore avant un an ou deux ans, tenant compte de
ces vérités-là, alors que les distinctions entre les lois provinciales et fédérales vont en s'accroissant. Le projet de loi C-7 a accru
considérablement l'écart, si on veut, entre la loi provinciale et la loi fédérale. Alors, ça va poser
des problèmes bien... bien concrets. Est-ce que Québec va simplement
plier bagage et s'en remettre aux dispositions de la loi fédérale? Ça reste à
voir. Mais actuellement c'est une situation qui est un peu confuse, si on veut,
aussi. C'est ça.
Alors donc, en termes de
conclusion, parce que je pense que mon temps est presque expiré, alors donc, la
loi provinciale... pardon, l'état actuel de la loi, fédérale et provinciale,
laisse peu de place à l'initiative de Québec, parce qu'il y a la prépondérance de la loi fédérale qui
s'applique. Le législateur québécois va avoir à faire des choix en
termes de stratégie. S'il l'estime souhaitable, il pourra soit mettre sa loi en
concordance avec la loi fédérale ou s'adresser aux tribunaux, peut-être, le cas
échéant, pour tester sa loi, pour savoir si sa loi va... rencontre les tests.
C'est ça.
Alors donc, dans le cas des
demandes anticipées, le problème va se poser aussi parce qu'encore là ça va...
on va... donner effet à des décisions qui sont prises alors que la personne est
inapte. Alors, il est probable qu'on va, encore là, donner plus d'espace à la
loi québécoise.
Alors, écoutez, donc, c'est dit rapidement.
Alors, s'il y avait des questions...
• (15 heures) •
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Me Ménard. Donc, on va procéder à la période de questions, en
commençant par le député de Gouin.
M. Nadeau-Dubois : Merci,
Mme la Présidente. Merci, Me Ménard.
J'ai envie de vous inviter à développer sur le
dernier point que vous avez abordé, celui des demandes anticipées. Ça fait
partie, ça, vraiment, du mandat qui nous a été donné ici, à la commission,
celui de réfléchir à la situation des personnes qui deviennent inaptes au
courant de l'évolution de leur maladie, par exemple des maladies
neurodégénératives. Quelle est votre position sur cette question-là,
considérant que vous insistez beaucoup, dans votre présentation d'aujourd'hui,
sur l'importance de l'autonomie des personnes? Comment tranchez-vous ce dilemme
dans le cas des personnes qui pourraient consentir un jour mais qui, au fil de
leur maladie, deviennent inaptes, et donc ne
sont plus en mesure de consentir quelques mois ou quelques
années après l'avoir fait initialement? Est-ce que ces personnes-là
devraient avoir accès à l'aide
médicale à mourir? Si oui... Bien,
sinon, pourquoi? Et, si oui, avec quelles balises, quel encadrement,
pour s'assurer que l'autonomie de ces personnes-là soit respectée jusqu'à la
fin malgré leur inaptitude?
M. Ménard (Jean-Pierre) : Parfait. O.K.
Alors, d'abord, moi, personnellement, je pense que, quand on devient inapte, on
perd le droit de modifier ses actes antérieurs. Il y a d'excellents arguments
pour les... leur donner un effet après, mais le concept qu'on utilise pour ça,
c'est le concept d'ici et maintenant, et non pas ce qui a déjà été. Alors,
c'est clair qu'à ce moment-là... pardon, si on a le choix entre un
moment x et antérieur à l'inaptitude et le moment actuel, où la personne
est inapte, je pense que la loi privilégie le moment où la personne devient
inapte. Et, à ce moment-là, elle va nécessairement perdre certains droits, même
si ce serait bien le fun d'avoir des conditions qui facilitent la question de...
qui facilitent la demande d'aide médicale à mourir. Mais, quand la personne est
rendue inapte, on pense, je pense que c'est une perte de temps de chercher à
essayer d'amadouer le sort, si on veut, pour donner une chance à la personne.
Je pense que, de façon bien, bien nette puis je pense qu'au point de vue légal
tous les ouvrages... puis j'ai encore vérifié tout récemment, on réclame tous
la nécessité de l'aptitude. C'est vraiment le point déterminant, même en
Hollande, même en Belgique. En Hollande, 145 cas, entre autres, sur les
145 cas, on ne sait pas s'il y en avait juste quatre ou cinq qui n'étaient
pas parfaitement aptes... être dans une zone grise, mais l'immense majorité
était des personnes qui étaient aptes et qu'à ce moment-là, donc, le consentement
était valide, même s'ils avaient une maladie mentale. Alors...
M. Nadeau-Dubois : O.K. Mais
juste... Je suis désolé. Juste pour être sûr de bien vous comprendre, vous
insistez beaucoup sur l'importance que la personne soit apte. Juste pour être
sûr de bien saisir votre pensée, là, est-ce que, selon vous, ça doit... cette
aptitude-là doit être maintenue jusqu'à la fin, jusqu'au moment du consentement
final, là, au moment d'administrer l'aide médicale à mourir? Est-ce que, selon
vous, elle devrait être apte à consentir à nouveau à ce moment-là?
M. Ménard (Jean-Pierre) : Ah non.
Là, sous réserve maintenant d'une disposition fédérale, qui prévoit la
renonciation au consentement final dans les gens qui ont déjà été évalués, ils
ont été jugés aptes, mais qui deviennent inaptes après, hormi ce cas-là, qui
est un cas d'exception, le reste des cas de... ce sont des cas qui exigent
l'aptitude au moment où on donne l'aide médicale à mourir.
M. Nadeau-Dubois : Et qu'est-ce que
vous répondez — parce
que c'est intéressant, votre point de vue, il diffère de celui qui nous a été
présenté par des intervenants qu'on a eus depuis le début de nos travaux — à
l'argument de ces gens-là, qui est de dire : Quand les personnes sont aptes,
elles ont toutes leurs capacités de juger quel type de vie elles veulent mener,
et on ne peut pas... et on ne devrait pas, c'est ce que ces gens-là disent,
leur renier ce droit-là, même si la maladie fait en sorte qu'elles sont...
qu'elles deviennent inaptes?
M. Ménard (Jean-Pierre) : Oui, ça
serait souhaitable qu'on puisse le faire comme si rien n'était, mais on ne peut
pas, parce que, là, il arrive un changement important dans leur vie et qui
peut... beaucoup d'autres choses, alors donc,
là, les gens ne peuvent plus dire s'ils veulent ou s'ils ne veulent pas. Et là
ils n'ont pas... Si on suit votre hypothèse, là, on y va sur la preuve
de l'aptitude dans le passé sans tenir compte de ce qu'est la personne actuellement.
Alors, moi, je pense
qu'on ne s'en sort pas, il faut absolument que ce soit un acte fait par une personne
apte. Même si elle perd son aptitude le
lendemain, il faut toujours, pour qu'elle le fasse, qu'elle soit apte. Et,
même s'il y aurait mille et
une bonnes raisons de... peut-être qu'on peut l'accommoder pour ci ou
l'accommoder pour ça ou... alors je pense que ça ne tient... ça... malheureusement,
ça ne tient pas le fort. On a... Puis, comme je dis, puis là je parle comme
juriste, on est dans du noir ou du blanc, on n'est pas dans du gris pâle, puis
du gris foncé, puis du peut-être, O.K.? Alors, c'est : Tu
es apte ou tu es inapte. C'est une... Je suis d'accord que c'est une
abstraction, mais il faut
qu'on tranche, les faits nous demandent de
trancher : Elle est-tu apte ou elle est inapte, et non pas : Bien, peut-être
qu'avec un...
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci, Me Ménard. C'est tout le temps
que nous avions avec le député de Gouin.
M. Nadeau-Dubois :
Merci beaucoup.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Je céderais maintenant la parole à la députée
de Joliette.
M. Ménard
(Jean-Pierre) : Bonsoir, madame.
Mme Hivon :
Merci. Bonjour. Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Me Ménard.
Heureuse de vous revoir.
M. Ménard
(Jean-Pierre) : Moi de même.
Mme Hivon :
Donc, écoutez, Me Ménard, je veux poursuivre sur la question, donc, de la possible
demande anticipée. Je veux juste, comme juriste, que vous nous fassiez la
distinction entre le fait de pouvoir, via les directives médicales anticipées,
signifier à l'avance, par exemple, un refus de traitement, un refus de
réanimation, un refus d'hydratation artificielle, pourquoi, ça, selon vous, ça
peut tenir la route, alors qu'une demande anticipée d'aide médicale à mourir,
qui, oui, est un geste actif, donc c'est différent en termes d'intensité, mais,
en termes de se projeter dans une situation
où on aurait perdu notre inaptitude, peut apparaître identique? Quelle nuance
apportez-vous?
M. Ménard
(Jean-Pierre) : Bon, d'abord, il n'y a pas beaucoup de nuance entre
l'aide médicale à mourir et la personne qui se fait mourir par ce biais-là. Par
contre, la personne n'a pas besoin d'être apte pour refuser les traitements,
son représentant peut refuser les traitements pour elle, peut consentir
n'importe quelle modalité de fin de vie pour elle, alors que... c'est-à-dire,
si elle est inapte, alors que la personne inapte elle-même ne peut pas... la personne
elle-même ne pourrait pas consentir à ces modalités-là. Alors, ça, c'est une
première série de différences.
En doctrine, on
retrouve souvent une assimilation large, si on veut, de ces possibilités-là,
mais, ultimement, quand le... vu que l'aide à mourir est une décision qui est
personnelle, avec la qualité que ça prend pour rendre la décision, je pense,
encore là, que c'est un... il faut faire la différence, il faut faire la part
des choses entre les deux.
• (15 h 10) •
Mme Hivon :
Donc, pour vous, ce qui motive cette prise de position là, c'est parce que le
refus de traitement existe déjà de manière substituée?
M. Ménard (Jean-Pierre) :
Oui.
Mme Hivon :
Donc, si vous tombez dans le coma, un proche peut décider, et, même si on
introduit l'idée que c'est votre décision à vous qui s'exprime avant, le fait
que ça existait déjà dans le Code civil, c'est une nuance importante par
rapport à la demande d'aide médicale à mourir, c'est bien ça? Je vous ai bien
compris?
M. Ménard
(Jean-Pierre) : Oui.
Mme
Hivon :
O.K. Donc, ça m'amène à vous dire, à vous demander... là, je comprends que vous
n'êtes pas favorable à ça, mais admettons qu'on allait dans cette voie-là, je
présume que ça veut dire que, pour vous, la demande qui provient de la personne
est absolument incontournable? Parce que, là, on a eu l'intervenant avant vous,
qui, pour la première fois, a amené l'idée d'un consentement substitué pour une
personne inapte en situation de demande d'aide médicale à mourir, mais qui
pourrait être fait par des proches. Je comprends que vous, à partir de ce
principe-là, vous seriez contre cette hypothèse-là?
M. Ménard
(Jean-Pierre) : Concrètement, oui, même si, ultimement, je partage
beaucoup, beaucoup de sympathie pour les gens qui la mettent de l'avant, là.
Mais, bon, on a, dans la loi, tracé une limite, bon, on peut être d'accord ou
pas d'accord avec, on peut trouver qu'elle est exagérée, mais il reste qu'elle
est là, O.K.? Alors, on va vivre avec, à moins qu'on ne fasse disparaître ça de
la loi. On dit : Dorénavant, bon, bien, dorénavant, pour les cas de...
quand la personne aura émis des volontés avant son décès, bon, on devra les
respecter, même si la personne n'est plus apte ou même s'il y a conséquence.
Mais là ce n'est pas le choix qu'on a fait, O.K.? Alors, on a fait un choix
comme société, alors je pense qu'on vit avec ça.
Mme Hivon :
O.K. Vous trouvez que c'est toujours le bon choix?
M. Ménard
(Jean-Pierre) : Bien non, pas... non, je ne dis pas nécessairement que
c'est le... toujours le bon choix, c'est le choix que la société impose.
Mme
Hivon : Parfait.
Une dernière petite question très pointue, juridique. Tantôt, vous avez dit
que, dans la loi fédérale, donc, je pense
qu'on a tous vu ça, là, qu'ils ont nommément exclu la maladie mentale. Mais
plusieurs estiment qu'avec l'apparition
du 2023 pour réviser ça, ça voudrait dire que, dans deux ans, la
maladie mentale serait incluse. Je comprends que ce n'est pas votre analyse.
Pouvez-vous nous préciser?
M. Ménard
(Jean-Pierre) : Oui. Mon
analyse, d'abord, elle repose sur les dispositions transitoires
actuellement en vigueur dans la loi C-7, où on a fait une faute...
J'aurais peut-être dû vous l'expliquer, là, mais je vais déposer, de toute
façon, un texte élaboré. La faute qu'on a faite, c'est qu'on dit, dans la
disposition transitoire, que, jusqu'en 2023... c'est-à-dire la loi va
s'appliquer à partir de 2023 pour les années à venir. Bon, ça veut dire
que, tout de suite, si on veut suivre ça à
la lettre, les gens auraient droit de faire la demande d'aide médicale à mourir, même ceux qui ont une condition unique de maladie mentale, ça serait bon
jusqu'en 2023, puis après ça, après 2023, on ne pourrait plus.
Si je suis les dispositions transitoires de la
loi, elles ne sont pas reproduites ici, dans le texte de loi, mais elles sont dans le projet de loi tel qu'il a été
adopté. Et alors je ne sais pas si c'est une erreur des légistes ou de ceux qui
y ont pensé, en tout cas, de toute façon, prenons pour acquis que ça
serait... qu'en 2023 on révise tout ça, O.K.? Bon, d'abord, ce n'est pas
dans la loi, alors ça ne veut pas dire que ça va être... que ça ne sera pas
prévisible, mais ça ne veut pas dire que ça va l'être obligatoirement aussi.
Alors, moi, je pense qu'on va être... là, ça va être... d'une promesse
électorale. Là, ça apparaît dans le Code criminel, on n'est pas encore sûrs de
ce que ça va être en 2023.
Alors, moi, je pense que ça aurait été beaucoup
plus simple de mettre la disposition là, sur la question de la maladie mentale,
mais de préciser que ça va être révisé en 2023. Là, ça aurait été correct,
même si je suis plus ou moins d'accord avec
ça, là, que ça aurait été correct. Là, on n'a pas ça, O.K.? Alors, on est tout
à fait silencieux là-dessus, on a oublié la disposition transitoire du projet
de loi dans sa version finale. Alors, je suis enclin à vous dire : Oui, il
faut faire attention, mais il faudrait voir... il faudrait avoir, bon, la
version complète, là.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Me Ménard. Merci, Mme la députée. Je passerais maintenant la
parole au député de Mégantic.
M. Jacques : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, Me Ménard.
Je voudrais revenir, là, sur ce que le collègue
de Gouin a parlé, entre autres de la demande pour un soin de fin de vie, une demande anticipée, entre autres.
Bon, on sait que, lorsque la personne est inapte, là, vous dites, là,
que, selon la loi, tout ce qui est au niveau
juridique, bien, c'est impossible, là, de le faire. On comprend tout ça, tout
le monde, tout ça.
Dans le meilleur des mondes, au niveau
juridique, est-ce que ce serait de mettre des conditions dans un mandat
d'inaptitude qui pourrait être homologué à un certain moment quand les
conditions du mandat sont remplies? Est-ce
que c'est lorsque la personne reçoit un diagnostic de maladie d'Alzheimer en
stade 1, qui... la personne pourrait demander un soin de fin de vie
qui serait exécutoire plus tard? Parce que vous dites aussi que ça ne peut pas
être subrogé à une autre personne, là, le... la décision finale. Ça fait que,
d'un point de vue juridique, là, j'aimerais ça vous entendre par rapport à tout
ça, là, de quelle façon que vous que le voyez, qu'est-ce qui serait... qui
resterait tout le temps efficace dans un temps donné ou dans l'avis donné.
M. Ménard (Jean-Pierre) : Bon,
d'abord, ce qui résoudrait le problème de façon absolue, ça serait qu'on fasse
disparaître la mention qui est dans le Code criminel, à savoir que la maladie
mentale est... elle n'est pas une maladie au sens de la loi, O.K.? Alors, ça
serait la meilleure façon, parce qu'on pourrait laisser, à ce moment-là, le
soin aux équipes, aux intervenants sur le terrain, une marge de manoeuvre
beaucoup plus grande aussi. Alors, ça, ça serait peut-être... Parce que vouloir
modifier le mandat d'inaptitude pour rajouter des clauses là-dessus, on se bute
toujours, toujours au même obstacle, à savoir que la loi fédérale l'interdit,
et on n'avance pas, là, O.K.? Alors donc, ce qu'il faudrait faire, c'est
remonter en amont de la loi fédérale, de faire disparaître ça, de trouver
d'autres façons d'accommoder les gens sur le terrain.
M. Jacques : Bien, moi, je veux
revenir parce que je parlerais d'alzheimer. On ne parle pas de maladies
mentales, on parle de maladies dégénératives. Donc, à ce moment-là, de quelle
façon vous verriez l'application? Moi, je décide un jour que, si jamais j'ai
l'alzheimer, je ne veux pas vivre cette maladie-là jusqu'à la phase 7 puis
je dis qu'à un moment donné je veux arrêter tout ça. Est-ce qu'à la
phase 1, quand j'ai encore ma lucidité, je peux déterminer d'y aller, d'avancer puis de prendre un soin de fin de vie à
un moment donné ou est-ce que je dois le faire avant?
Là, j'ai un problème, mon ordinateur veut se
déconnecter, ça fait trop longtemps qu'il est connecté au réseau, mais je vais
écouter la réponse. Excusez-moi.
M. Ménard (Jean-Pierre) : Bon,
d'abord, si vous faites une demande d'aide médicale à mourir au stade 1, elle est bonne au moins jusqu'au stade 3 ou
4, tant que vous êtes encore apte à le faire. Autrement dit, on devrait y
donner suite, selon votre demande, si vous
rencontrez les autres conditions aussi. Par contre, il n'y a pas moyen d'aller
au-delà de ça sur la seule foi du consentement de la personne elle-même,
puis là, à ce moment-là, ça... n'est plus en état de consentir, il n'y a personne qui peut consentir à sa place, pour elle.
Alors, je pense que c'est ça, l'état du droit, actuellement.
M. Jacques : Donc, l'obligation que
la maladie soit active, au niveau du droit, c'est ce qui prévaut?
M. Ménard (Jean-Pierre) : Oui, dans
le sens où la maladie ne va pas faire l'objet d'une rémission ou d'une
amélioration, c'est vraiment... alors, ça va tenir.
• (15 h 20) •
M. Jacques :
O.K. Donc, il n'y a pas de possibilité de déterminer tout ça avant, au cas que...
M. Ménard (Jean-Pierre) : Ça peut
toujours se déterminer, mais le problème, c'est que... exécutoire. Alors, moi,
je pense que ça, ça... il n'y aurait pas d'exécution possible de ça.
M. Jacques : Parfait. Merci.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci,
M. le député. Je cède la parole maintenant à la députée d'Abitibi-Ouest.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Merci,
Mme la Présidente. Bonjour, Me Ménard.
Alors, la loi concernant les soins de vie
mentionne que, pour qu'il obtienne l'aide médicale à mourir, la situation
médicale du patient doit se caractériser par un déclin avancé et irréversible
de ses capacités. Comment ce critère actuel de la loi peut-il être appliqué
dans un contexte de santé mentale? Santé mentale, je ne parle pas de maladie
mentale, je parle de santé mentale, problème dû à la pathologie du patient.
M. Ménard (Jean-Pierre) : Bon,
alors, c'est... Bon, on peut prendre plusieurs exemples, là, mais prenons le
cas du patient, comme la maladie d'Alzheimer, par exemple, un bon exemple, là.
Alors, ça va être quand sa situation médicale
va être, je dirais, désespérée... pas désespérée, mais assez avancée pour être
sûr que... puis, et ça, en conjonction avec les autres symptômes de sa
maladie. Je pense que, là, ça... on va percevoir comme, à un moment donné, que,
là, le temps est venu. Mais le...
Je ne sais pas si je comprends bien votre
question, là. Vous me demandez : Quand est-ce qu'on le sait, que le déclin
est assez avancé? C'est-tu ça que vous me demandez?
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Oui.
Est-ce qu'elle est éligible? Quand le déclin est avancé, est-ce qu'elle est
éligible aux soins de fin de vie? Mais, entre parenthèses, on parle de santé
mentale, santé mentale due à sa pathologie, détresse psychologique, ces
choses-là. Est-ce qu'elle est éligible?
M. Ménard
(Jean-Pierre) : Oui, oui, si
on est capable de faire le lien entre tout ça, là, je pense qu'elle serait
éligible.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Je vous
remercie beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Merci, Mme la députée d'Abitibi-Ouest. Je céderais maintenant la
parole à Mme la députée de Saint-François.
Mme
Hébert : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, Me Ménard.
Il y a certaines personnes qui ont affirmé, dans
un mémoire, que la commission des soins de fin de vie n'avait pas la compétence
nécessaire pour évaluer les demandes d'aide médicale à mourir étant donné
qu'elle était composée... qu'elle n'était pas composée uniquement de médecins.
Mais on sait que l'aide médicale à mourir, bien, ça comporte différents volets
qui sont moraux, éthiques, juridiques. Donc, j'aimerais vous entendre là-dessus
pour... Justement, moi, je pense que ça prend différentes personnes qui doivent
encadrer ces demandes-là pour rendre les décisions. Alors, j'aimerais vous
entendre sur le volet qui est juridique, qui est important.
M. Ménard (Jean-Pierre) : Bon, moi,
ce que je pense, c'est que c'est bien que ce soit évalué par une commission
multidisciplinaire, parce qu'il n'y a pas juste la...
La Présidente (Mme Guillemette) On vous
entend moins bien.
M. Ménard (Jean-Pierre) : ...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Oui, merci, ça va.
M. Ménard (Jean-Pierre) : Oui, bon,
O.K. Alors donc, c'est bien que ce soit évalué par une commission
multidisciplinaire, parce que ça apporte un éclairage différent sur tout ça.
Puis, comme je citais la juge Baudouin en début d'exposé, elle dit qu'il faut
qu'on considère l'ensemble des données qui se rapportent au patient. Alors
donc, ce n'est pas une affaire strictement médicale, c'est une affaire qui
intéresse... c'est-à-dire qui fait appel, bien, à l'approche multidisciplinaire
aussi. Alors, je pense que ça serait... c'est quand même bien que ce soit comme
ça.
Mme
Hébert : Parfait.
Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée. J'ai le député de Mégantic qui aurait une autre
question pour vous, M. Ménard... Me Ménard.
M. Jacques : Bien, merci,
Mme la Présidente. De retour, Me Ménard.
Vous avez soulevé, là, le
point, durant votre discours, votre intervention, sur le fait que le Québec
pourrait s'appuyer sur la loi, la loi fédérale, la C-7, et ne pas légiférer.
J'aimerais ça que vous englobiez ça un peu, là, vous nous parliez de ça un
petit peu, là.
M. Ménard (Jean-Pierre) : Oui. Bon,
alors je ne dis pas que c'est ça qu'il faudrait faire, je vous dis que c'est une des options qui existent actuellement.
Parce que, là, il commence à y avoir passablement de distinctions entre
la loi provinciale et la loi fédérale. Auparavant, avant 2021, il y avait
quelques distinctions qui étaient quand même importantes. Là, maintenant, il y
en a d'autres qui se sont encore ajoutées par-dessus. Puis il n'y a pas... en
tout cas je n'ai pas vu, moi, nulle part dans l'immédiat, là, de volonté de se
rapprocher ou de rapprocher les deux lois.
Par contre, ce que j'entrevois, c'est qu'il
devrait y avoir un meilleur mariage forcé, si on veut, des lois et... à moins
que Québec décide d'attendre deux ans puis modifier sa loi, ce qui est encore
dans les cartons aussi. Alors... Parce que, dans... Je le sais, on dit :
Bon, on va être proches du terme...
M. Jacques : Parce que c'est
mars 2023, l'arrivée, là, de C-7, si on veut. Je pense que c'est quelque
chose qui se doit d'être ajusté quand même assez régulièrement, et je ne pense
pas qu'il faut attendre deux ans avant de bouger, avant que la loi fédérale
rentre en fonction, là, non plus, là.
M. Ménard (Jean-Pierre) : Moi,
je serais d'accord. Je serais d'accord que plus vite on bouge, mieux c'est,
mais... Puis là, hier, je ne sais pas si vous avez écouté le Dr Bureau
quand il parlait un peu de toute une série de modifications qui s'en vient, qui
devraient être faites dans la loi, il les a énoncées, mais ce n'est pas encore
dans le ciment, si on veut. Alors là, il y aura une commission qui va occuper
le terrain jusqu'au mois de novembre. Alors, on peut penser qu'avant 2022
ce n'est pas prévisible qu'on fasse la refonte de la loi, alors je suis
modérément optimiste.
M. Jacques : Bien, je pense que
le Québec, là, on a quand même nos particularités puis on a une population qui
ne pense pas pareil comme le reste du Canada non plus dans tous les points, là,
donc on a nos distinctions à faire, je crois, là.
M. Ménard (Jean-Pierre) : Oui.
Ça, il faudrait que le Québec l'affirme, O.K.? Alors, autrement dit, qu'on
passe une véritable loi de société distincte avec x nombre de différences
ici versus le Canada anglais. Alors, si on décide de faire ça, qu'on le fasse,
mais là, présentement, je ne perçois pas de volonté claire de...
M. Jacques : Donc, le seul
avantage, là, c'était l'arrimage, qui était difficile, là, selon...
M. Ménard (Jean-Pierre) : Bien,
moi, je le perçois comme étant difficile, mais vous pouvez être... penser que
ça se fait facilement. Ça, c'est...
M. Jacques : Non, mais je
voulais voir, là, c'était où que vous étiez dans tout ça, là. Je vous remercie.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Merci, M. le député.
Moi, j'aurais peut-être une question,
Me Ménard. Vous avez parlé, tout à l'heure, d'inaptitude puis vous
disiez : Quand on n'est plus apte, on perd le droit. Mais, un cas de
figure, j'ai quelqu'un qui est apte, qui donne son consentement à l'aide
médicale à mourir, quelques semaines, quelques mois plus tard, elle ne... elle
devient plus apte, mais là elle ne veut plus l'aide médicale à mourir.
Qu'est-ce qui prédomine?
M. Ménard
(Jean-Pierre) : Les volontés
qu'elle... les plus récentes, là, alors, elle... donc les dernières
volontés qu'elle a émises, qu'elle ne veut plus, alors... Par ailleurs, si elle
était apte, on l'évalue et on considère qu'elle est...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait.
M. Ménard (Jean-Pierre) :
...faire sa volonté. Mais quand qu'elle devient inapte, un mois après, juste
avant de... ou peu de temps avant de recevoir la procédure, là, ça va être
valide.
La Présidente (Mme Guillemette) :
O.K. Parfait. Merci.
Donc, je céderais maintenant la parole à la
députée de Westmount—Saint-Louis.
Mme Maccarone : Merci,
Mme la Présidente. Bonjour, Me Ménard. Je voulais renchérir un peu
sur le même sujet que Mme la présidente en ce qui concerne l'inaptitude. Vous
avez mentionné maladie mentale n'égale pas inaptitude, que c'est un phénomène
de stigmatisation. Alors, je pense que votre position est claire, mais, quand
on ramène la discussion par rapport à la maladie mentale... Et je ne parle pas nécessairement
de la maladie dégénérative comme alzheimer.
Moi, je parle plus de santé mentale, une personne qui peut-être souffre d'une dépression, par exemple.
Avez-vous une position que vous pouvez partager avec nous suite à un éventuel
élargissement de la loi pour clarifier les
termes en ce qui concerne condition mentale, maladie mentale, trouble mental?
Parce que je pense qu'on a besoin d'avoir de la «clarité» en ce qui
concerne ce sujet, aptitude, inaptitude.
• (15 h 30) •
M. Ménard (Jean-Pierre) : Oui. D'abord, le terme «maladie mentale», là, c'est dans le Code criminel. Alors, c'était le... Le
gouvernement fédéral a choisi à dessein ce qualificatif-là pour qualifier un
éventail de toutes sortes de choses, O.K.? C'est sûr que, dans la maladie mentale, il y a
toutes sortes de maladies. Il y en a, des maladies dégénératives, puis il y a des
maladies qui sont... qui n'empêchent pas le fonctionnement de la personne.
Il y a toutes sortes de maladies là-dedans.
On pourrait aisément
faire un certain ménage puis trouver des termes plus précis pour qualifier les
gens qu'on veut vraiment viser là-dedans. Là, ce n'est pas fait actuellement au
niveau la loi fédérale. Alors, on est obligés de
vivre avec, puis c'est pour ça que je dois vous dire que, malheureusement, selon la terminologie de la loi, ça semble être un frein à beaucoup,
beaucoup de choses. Et alors c'est pour ça que ça... il faudrait y penser davantage.
Mme
Maccarone : Penser davantage,
mais... comme, par exemple... un peu comme mes collègues, par exemple, une personne qui présente une déficience intellectuelle ou un trouble du spectre de l'autisme, est-ce que ces
personnes devraient être admissibles à
l'aide médicale à mourir? Puis je pense qu'on est mieux d'aborder la question
précisément, parce que la question d'aptitude puis inaptitude pour ces
personnes, c'est une question qui peut être très large, parce que, malgré un
diagnostic... parce que ça prend un diagnostic, on comprend, mais ça se peut
que cette personne est apte à prendre des décisions, mais ils ont quand même un
diagnostic de maladie mentale.
M. Ménard (Jean-Pierre) : L'aptitude n'a pas vraiment... n'a pas
automatiquement à voir avec le
diagnostic, O.K.? Autrement dit, une personne peut avoir tel diagnostic,
demeurer apte, le même... une autre personne peut avoir le même diagnostic puis elle, elle est inapte, là aussi. Alors donc...
Alors, il faut regarder l'ensemble du fonctionnement d'une personne pour
se faire une idée plus précise d'à qui on a affaire.
Alors, le diagnostic
seul n'est pas suffisant. Il faut regarder voir qu'est-ce que ça comporte comme
autres données, si on veut, pour voir si...
Mme
Maccarone : ...
M. Ménard
(Jean-Pierre) : ...oui.
Mme
Maccarone : Comme quoi d'abord? Selon vous, ça serait quoi, les
critères d'admissibilité qu'on devrait considérer?
M. Ménard
(Jean-Pierre) : Bien, écoutez, c'est toujours le critère d'aptitude
dans le cas de personnes déficientes intellectuelles, du trouble de l'autisme, qu'est-ce
que ces gens-là sont capables de faire pour convaincre les gens qui s'en
occupent qu'ils sont capables et aptes. S'ils ne sont pas capables, il manque
quelque chose. C'est malheureux à dire, mais ils vont être... ils ne seront pas
jugés aptes, à ce moment-là, à cette conduite-là. Alors, même si c'est
malheureux à dire, je ne pense pas qu'on va pouvoir aller bien, bien loin avec
ça. En tout cas. Puis c'est pour ça que je pense... déficience intellectuelle.
Mme
Maccarone : Même avec un accompagnement d'un... médical d'un médecin
ou une équipe autour, les proches aidants, s'ils disent qu'on comprend cette
personne? J'accompagne cette personne depuis des années. Je comprends que c'est
une personne qui souffre. Parce que, là, on parle aussi beaucoup de comment
définir c'est quoi, la souffrance. Comment est-ce qu'on peut établir qu'on
souffre assez pour être éligible, dans le fond, en terme général? Alors, même avec un tel accompagnement,
vous, vous pensez qu'ils ne devront pas être éligibles, dans le fond.
M. Ménard
(Jean-Pierre) : ...
La Présidente (Mme
Guillemette) : Est-ce que Me Ménard est toujours là?
Me Ménard, je crois que vous avez perdu la connexion.
Mme
Maccarone : En attendant après la réponse, Mme la Présidente, je
voulais juste partager avec vous que c'était ma dernière question. Je vais
céder la parole à ma collègue la députée de Maurice-Richard.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Parfait. Merci. Si on retrouve Me Ménard...
On
va suspendre quelques instants. Il
nous reste quand même... Ah! Il nous reste quand même
quelques minutes.
Donc, on va suspendre
et on va essayer de se reconnecter avec Me Ménard.
(Suspension de la séance à
15 h 36)
(Reprise à 15 h 39)
M. Ménard
(Jean-Pierre) : Est-ce que vous m'entendez?
La
Présidente (Mme Guillemette) : Oui, on vous entend bien, Me Ménard, et on vous voit aussi également
maintenant.
Donc, on en était à la réponse de la députée de Westmount—Saint-Louis.
M. Ménard
(Jean-Pierre) : ...répéter la question.
Mme Maccarone : Oui. Bien, je
peux répéter la question, Me Ménard.
• (15 h 40) •
La Présidente (Mme Guillemette) :
Oui, allez-y.
Mme Maccarone : C'était plus parce
que vous avez dit que ça va être très difficile pour les personnes qui
souffrent d'une déficience intellectuelle ou autisme d'avoir un droit à...
accès à l'aide médicale à mourir, faute de capacité d'identifier leurs
aptitudes. Alors, ce que je voulais savoir, selon vous, c'est si cette
personne, qui est considérée apte par son entourage, par ses proches aidants,
par son médecin ou ses soignants, qui souffre et qui comprend très bien les
consignes malgré leur maladie, leur diagnostic, là vous pensez toujours qu'ils
ne devront pas avoir accès à l'aide médicale à mourir parce que, c'est ça, vous
avez parlé... La raison pour ma question, c'est parce que vous avez parlé de stigmatisme. Puis, c'est sûr, pour une personne
qui souffre d'une déficience intellectuelle, ou autre, c'est un stigmatisme
pour une personne qui souffre d'une maladie de santé mentale comme la
dépression ou autre. C'est ça, on est en santé un jour, puis ça se peut que ça
va changer un peu, comme les autres maladies.
Alors, si l'entourage dit que cette personne
comprend très bien, cette personne s'est exprimée... cette volonté, pensez-vous
qu'ils devront toujours être exclus à avoir accès à l'aide médicale à mourir?
M. Ménard
(Jean-Pierre) : Non. Alors,
à travers ce que vous dites, ça, il y a des critères d'aptitude là-dedans,
là. Alors, je pense que, tu sais, si son médecin ou ses proches la trouvent
apte, bien, je pense que ça peut effectivement reproduire une autre dynamique.
Moi, je... mais, comme... chaque cas est un cas particulier.
Alors, même si une personne a priori a une
déficience, il est possible qu'après une bonne évaluation on considère que,
oui, elle est capable. Bien, à ce moment-là, on va suivre sa volonté...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
M. Ménard (Jean-Pierre) : ...et
c'est une question d'évaluation.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Ça vous va, Mme la députée de Westmount—Saint-Louis? Une autre question?
Parfait. Donc, merci beaucoup,
Me Ménard, de votre présence aujourd'hui. Merci beaucoup de la contribution
que vous apportez à notre commission.
Et nous suspendons quelques instants, le temps
d'accueillir notre nouvelle invitée. Merci.
M. Ménard (Jean-Pierre) : Merci
beaucoup.
(Suspension de la séance à 15 h 41)
(Reprise à 15 h 49)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, nous sommes de retour. Nous accueillons maintenant Mme Gina Bravo.
Mme Bravo, merci d'avoir accepté notre invitation cet après-midi.
Donc, il y aura votre présentation pour
20 minutes et, ensuite, il y aura un échange avec les membres de la commission
pour une période de 40 minutes.
Donc, je vous cède la parole.
Mme Gina Bravo
Mme Bravo (Gina) :
Bonjour à tous, à toutes. Alors, merci encore une fois de l'invitation. Alors,
je me présente brièvement. Je suis
professeure à la Faculté de médecine, sciences de la santé, de l'Université de
Sherbrooke. Je suis aussi chercheure au Centre de recherche sur le
vieillissement du CIUSSS de l'Estrie-CHUS et aussi membre du Réseau québécois
de recherche en soins palliatifs et de fin de vie, le RQSPAL, que vous
connaissez peut-être.
• (15 h 50) •
Alors, mes propos s'appuient, non pas sur mon
expérience clinique — je
ne suis pas clinicienne — mais
plutôt sur les résultats d'études que je mène depuis 2016 sur l'acceptabilité
d'étendre l'aide médicale à mourir aux personnes
inaptes. Je ne parlerai pas du volet santé mentale. Je n'ai pas d'expérience ou
je n'ai pas fait des recherches dans
ce domaine-là. Et, bien sûr, quand je parle d'inaptitude, je fais référence aux
adultes et non aux enfants. Je pense que ce n'est pas le but de la
rencontre d'aujourd'hui.
Je suis ici à
titre personnel, mais je voulais simplement souligner que mes travaux, je les
fais avec d'autres collègues de
Sherbrooke, avec des collègues de d'autres provinces canadiennes et de trois
pays où l'euthanasie est légalisée, les Pays-Bas, la Belgique et la Suisse, pour mettre un peu à profit... tirer
parti de leur expérience par rapport à l'euthanasie.
Les études que je réalise se font via des
questionnaires qui utilisent des vignettes cliniques. Une vignette clinique,
c'est simplement une description fictive d'un cas d'une personne qui vise à
capter la décision que l'on a à prendre socialement,
c'est-à-dire, en l'occurrence, d'étendre ou non l'aide médicale à mourir aux
personnes qui sont en situation d'inaptitude. Si oui, dans quelles
circonstances, avec quelles mesures de protection?
Alors, je vous ai transmis, je pense, deux
documents. J'espère que vous les avez. Vous n'avez peut-être pas eu le temps de
les regarder. Le premier comprend des figures, en fait, que je vais utiliser,
et je trouvais plus simple que vous les ayez sous la main. Et le deuxième,
c'est un article qui n'est pas encore publié, donc qui n'est pas accessible,
mais qui résume un peu les commentaires que les gens ont laissés à la fin de
nos questionnaires, que je trouve intéressants parce qu'ils mettent en évidence
le fait qu'il y a quelque chose d'un peu réducteur dans le fait de simplement
rapporter la proportion de gens qui sont pour ou contre une certaine
intervention, donc, en l'occurrence, l'extension
de l'aide médicale à mourir dans ce cas ici. Parce qu'une personne peut être
contre mais trouver que, dans
certaines situations, c'est peut-être effectivement la meilleure solution. À
l'inverse, vous avez des gens qui se sont dits favorables à l'extension, mais qui ont exprimé des craintes, des
préoccupations dans l'espace qu'on avait donné à cette fin.
Alors, si je vous renvoie à la première
figure... ou la deuxième, là, après la page-titre de ce que je vous ai
présenté, donc, vous voyez que la vignette qu'on a utilisée fait intervenir une
personne qui est atteinte de la maladie d'Alzheimer, qui avait demandé l'aide
médicale à mourir pendant qu'elle était encore capable de le faire, et qui, maintenant, n'est plus apte à prendre des
décisions, et pour qui l'aide
médicale à mourir est considérée à
deux moments différents. C'est un peu le scénario type que l'on imagine,
puis je vais y revenir dans quelques instants.
Mes études ont ciblé quatre groupes qui vont
revenir aussi à travers mes différentes diapositives ou mes différentes
figures, donc des personnes âgées de 65 ans et plus, c'est-à-dire les
personnes qui sont le plus concernées par une perte éventuelle de leurs
fonctions cognitives, les proches aidants de personnes atteintes, qui
pourraient être appelés à initier la démarche d'aide médicale à mourir si
jamais la personne devenait inapte, et des infirmières et des médecins qui pourraient
être impliqués dans l'administration même de l'aide médicale à mourir.
On s'entend que, quand on parle de situations
d'inaptitude, ce n'est pas que la maladie d'Alzheimer ou autre cause de
démence, mais c'est sur cette population que j'ai travaillé. Donc, il ne faut
pas oublier que, dans une loi éventuelle, si on parlait de situations
d'inaptitude, que ce serait beaucoup plus englobant que ça comme terme.
Alors, mon but cet après-midi, donc, c'est de
vous présenter certains de mes résultats, de les commenter et de souligner au
passage quelques enjeux que soulève l'extension de l'aide médicale à mourir aux
personnes inaptes. À la toute fin, s'il me reste quelques minutes, j'aimerais
parler de l'accès aux données sur l'aide médicale à mourir à des fins de
recherche.
Alors, je vous renvoie encore une fois à la
vignette. Vous voyez probablement à gauche le diagnostic de démence. Si on
n'intervient pas, la personne va cheminer possiblement pendant des années
jusqu'à sa mort naturelle. À un moment donné, le long de cette trajectoire,
elle perd sa capacité de prendre des décisions. Et vous voyez, j'espère, le mot
«stade avancé» et «stade terminal», qui sont les deux stades que l'on a
utilisés. Donc, le stade avancé, la personne est rendue inapte, mais il pourrait
lui rester plusieurs années à vivre, tandis qu'au stade terminal elle est
rendue en fin de vie. Je crois qu'on disait qu'il lui restait deux semaines à
vivre. Dans le premier cas, on la décrivait sans détresse apparente. Elle avait
l'air bien, mais elle ne se souvenait pas du tout... elle ne reconnaissait pas
les gens autour d'elle. Et, dans le deuxième cas, on la décrivait en détresse.
Vous voyez probablement qu'au stade terminal on
a aussi questionné les gens sur la sédation palliative continue, et j'y
reviendrai dans un instant. Je trouvais intéressant qu'on a eu l'idée de
questionner nos participants aux deux stades maintenant que le critère de fin
de vie ou de mort raisonnablement prévisible a été retiré, ce qui n'était pas le cas à l'époque. Mais, bon, c'était
une bonne chose de l'avoir fait, particulièrement pertinent, évidemment,
pour la maladie d'Alzheimer, qui peut durer pendant des années.
Alors, la figure suivante, bien, c'est
l'acceptabilité d'étendre l'aide médicale à mourir pour la personne inapte.
Vous voyez que c'est marqué dans le titre, au stade avancé, donc je vous
rappelle que la personne pourrait avoir encore bien des années à vivre. Donc,
vous voyez les taux d'acceptabilité dans les quatre groupes que l'on a
sondés : des aînés, des proches, des infirmières et des médecins. Et vous
voyez la tendance est toujours la même, donc les aînés, les proches sont plus
favorables, et ça va en descendant jusqu'au médecin. Et la bande bleue, c'est
avec une directive écrite, tandis que le vert, on disait aux
participants : Imaginez qu'elle ne l'a pas mis par écrit, mais qu'elle en
a souvent parlé à ses proches, à son médecin. Est-ce que vous seriez même
d'accord dans ce cas-là? Alors, c'est les taux que vous avez sur cette
figure-là.
Sur la suivante, c'est le stade terminal. Donc,
je vous rappelle, la personne est en fin de vie. Il lui reste quelques semaines
à vivre selon l'équipe clinique. Vous voyez les mêmes tendances, mais des taux
d'acceptabilité encore plus élevés. On est
dans les 90 % pour les proches et les aidants, même chez les infirmières,
relativement élevés, et même chez les
médecins. 71 % des médecins qui ont participé ont dit qu'ils étaient
ouverts à l'extension à ce stade-là.
Sur la diapo suivante, vous verrez que j'ai
rajouté une bande grise pour chacun des groupes. Ça réfère à la sédation
palliative continue. Donc, vous savez qu'un des arguments pour ne pas étendre
l'aide médicale à mourir, c'est qu'on a d'autres options, dont la sédation
palliative continue. Et ici ça compare la position des gens par rapport à cette
approche-là. Donc, vous voyez qu'avec une directive écrite les gens sont moins
favorables à la sédation palliative, donc ils sont plus ouverts à l'aide
médicale à mourir pour tous les groupes, sauf pour les médecins où on ne voit pas de différence. Mais, quand même, pour
les médecins, ils ne sont pas plus favorables à cette option-là qu'aux
autres. Ici, je n'ai pas mis les pourcentages, là. C'est les tendances, en
fait, qui sont utiles.
Et la diapo suivante, qui est la dernière de ce
type-là, pour les médecins seulement, on leur a demandé : Si jamais
c'était légalisé et que le patient était un des leurs, le patient qu'on vient
de décrire, est-ce que vous seriez capables...
est-ce que vous seriez favorables ou prêts à administrer l'aide médicale à mourir lui-même? Donc, c'est beau d'être d'accord
avec l'extension, il faut quand même que quelqu'un puisse faire la... donner le
soin en question.
Alors,
c'est ce que vous avez. Donc, en bleu, c'est l'ouverture par rapport à
l'extension aux deux stades en question et, en vert, c'est l'ouverture à
administrer eux-mêmes l'aide médicale à mourir. Donc, vous voyez, au stade
avancé, par exemple, 45 % puis 31 %. Donc, il y a toujours un peu
moins de gens qui sont prêts à le faire qu'ils sont ouverts à ce que ça soit
permis. C'est normal. Mais, même au stade terminal, vous avez 71 % des
médecins qui ont dit qu'ils étaient favorables, et un sur deux a dit, à ce
moment-là, qu'il serait prêt à la faire.
Donc,
la conclusion de cette première série de résultats, la conclusion que moi, je
tire — peut-être en aurez-vous une autre — c'est que, si vous décidiez
d'aller de l'avant avec l'extension, vous auriez l'appui des populations
concernées, voire même une proportion significative des professionnels de la
santé.
Au
sujet des professionnels, la dernière figure soulève un premier enjeu qui est
celui de l'accès. Est-ce qu'il
y aura des médecins volontaires à la grandeur du Québec, dans toutes les
régions, pas juste dans les centres urbains, qui seront prêts à l'administrer,
et idéalement pas juste quelques-uns pour que le fardeau de ce geste-là, qui
est probablement difficile à faire pour la plupart d'entre eux, soit sur une
seule personne? Donc, peut-être, dans vos discussions, considérez-vous les
infirmières praticiennes, comme c'est le cas dans le reste du Canada. Je ne
sais pas quelle est la situation ici, au Québec, et aussi, évidemment,
l'harmonisation des deux lois. J'imagine qu'il y a des gens qui vont vous... en
discuter. Ça touche un peu à ça.
Donc, si je résume,
il y a un appui à l'extension d'après nos résultats, et c'est certainement un
argument pour étendre. Mais, à mon avis, ce
n'est pas suffisant comme argument. Je pense qu'il importe de savoir pourquoi
les gens sont favorables. Bien sûr,
tout ça repose sur le principe d'autodétermination, le respect des volontés.
Donc, les gens disent : Si les
gens l'ont demandé, si c'est clair que la situation qui est décrite dans la
directive correspond à celle que la personne est en train de vivre, elle devrait y avoir accès. Pourquoi les gens font
cette demande-là? Bien, vous avez sûrement souvent entendu l'expression
que tous ne veulent pas vivre la maladie jusqu'au bout, en fait, et c'est ce
qui motive les gens.
• (16 heures) •
Sur la diapo
suivante, dont le titre est Options pour ceux qui ne veulent pas vivre la
maladie jusqu'au bout, j'ai écrit juste
quelques options que les gens pourraient avoir, peut-être qu'il y en a
d'autres : cesser de boire et de manger pendant que la personne est
toujours apte, qui va entraîner son décès éventuellement; tenter de se
suicider, c'est aussi une façon d'écourter sa vie si on ne veut pas vivre la
maladie jusqu'au bout. Évidemment, dans ces deux options-là, vous comprendrez
qu'on va écourter une vie de plusieurs années, une vie pendant laquelle il y
aurait plusieurs années de relative bonne qualité de vie. Et l'histoire du
suicide, ce n'est pas farfelu. Je vous lis un des commentaires qui a été laissé à la fin de notre enquête. C'est
un proche aidant, en fait, qui dit : «Mes choix sont faits. Si je ne peux
avoir l'aide à mourir, il ne me restera que
le suicide si la maladie s'installe.» Donc, c'est quand même quelque chose de
réel.
D'autres options,
bien, c'est de rédiger une directive en prévision de son inaptitude dans
laquelle la personne peut refuser toute
intervention qui pourrait prolonger sa vie, comme les DMA actuellement. Le cas
type auquel on pense dans le contexte de la démence, bien, c'est la
pneumonie. On n'intervient pas, la personne va décéder à court terme. La personne pourrait aussi refuser d'être
alimentée, hydratée de façon artificielle, là aussi ça va entraîner son
décès, mais ça va être beaucoup plus long,
ou demander l'aide médicale à mourir, qui n'est pas une option, évidemment,
actuellement.
Alors, pourquoi les
gens la demandent? Mon interprétation, c'est la peur, la peur de deux
choses : la peur de la maladie elle-même et la peur d'être mal soigné, la
peur des CHSLD où la majorité des gens vont se retrouver en fin de vie
actuellement au Québec, au Canada et dans bien d'autres pays.
Alors, je vais vous
illustrer par quelques commentaires ces propos, La maladie qui fait peur.
Alors, je vous lis un extrait d'une
infirmière, en fait : «Ma grand-mère a vécu jusqu'au dernier stade de la
maladie d'Alzheimer, elle avait sept
enfants très proches d'elle. Elle est morte en s'étouffant pendant qu'un
PBA — donc,
préposé aux bénéficiaires, vraisemblablement — lui
faisait manger de la purée. Elle ne pouvait plus dire de mots, elle babillait,
avait une couche et passait sa journée en
position foetale dans un lit. Je ne souhaite cela à personne.» Donc, c'est un
exemple de...
D'autres
exemples, c'est les expressions qui sont utilisées pour décrire la maladie, je
vous en liste quelques-uns : «cette infâme maladie», «cette
terrible maladie», «une maladie dégradante pour la personne atteinte», «une
forme de déchéance», «maudite maladie». Donc, vous voyez l'impression que ça
donne aux gens.
Il y a aussi des
pendants positifs à la qualité de vie que des gens ont exprimés. Par exemple,
une infirmière dit : «Je trouve que les patients avec démence sont
heureux. C'est la famille qui trouve ça dur.» Donc, un piège à éviter, une
nécessité de vigilance, élargir l'accès aux personnes inaptes pour respecter
leurs volontés et non pour soulager la famille d'un fardeau, bien réel, mais il
devrait y avoir, évidemment, d'autres moyens de faire ça.
Aussi, plusieurs ont
mentionné la difficulté pour les proches de prendre la décision. J'imagine
qu'ils risquent d'être impliqués dans cette décision. Et je vous donne un
exemple d'un aîné qui dit... ou d'une aînée : «Si j'étais la personne
responsable d'elle, j'aurais le cas de conscience de décider si elle a droit à
la vie ou à la mort. Qui suis-je pour décider de qui mérite de vivre? De
mourir? Quel dilemme!»
Beaucoup
de gens ont parlé de la souffrance aussi, qui est un autre enjeu auquel vous
êtes confrontés, c'est-à-dire de la définir. Deux exemples de propos qui
se rapportent à la souffrance : «La détresse de la personne en stade
débutant — c'est
un proche qui parle — ou
moyen est en fait bien plus grande parfois qu'en stade avancé, parce qu'au
stade moyen, elle peut avoir la conscience d'être atteinte de la maladie. Ça,
c'est une grande souffrance.» Donc, ici, on ne parle pas d'une personne inapte,
on parle d'une personne apte, mais qui a une souffrance qui découle de sa
projection, de la façon dont elle se projette dans le futur, et c'est ça qui
lui fait peur.
Ou un médecin qui
dit : «Je fus très soulagé de voir qu'en 2016 on pouvait enfin offrir ce
soin. Pourquoi un patient dément, qui l'aurait au préalable bien formulé,
n'aurait pas droit à ce soin? Souffrir d'une démence terminale serait donc plus
acceptable que de souffrir d'un cancer?» Donc, faisant référence au fait
qu'actuellement l'aide médicale à mourir est surtout utilisée pour les cas de
cancer. Donc, tout ça se rapporte à la maladie elle-même, la peur de cette
maladie pour laquelle on ne peut rien, actuellement, ou pas beaucoup.
Deuxième, c'est la peur
d'être mal soigné, la peur des CHSLD. Je vous donne deux exemples. Un aîné ou
une aînée : «J'ai vraiment peur de me ramasser dans une maison de personnes
âgées. Je trouve qu'ils sont vraiment mal
traités, mangent mal, mauvaise hygiène, on leur parle toujours
comme des personnes sans valeur. J'ai vraiment peur de me rendre
là.» Ou un proche qui dit : «En plus d'avoir un mari avec démence, je
travaille en CHSLD, et c'est devenu minable comme soins.» Je trouve ça
très triste, tenir des propos comme ça.
Tout ça renvoie à des besoins de formation pour
pouvoir mieux prendre soin de ces personnes, qui sont soulignés par les professionnels
aussi. Il n'y a pas juste les aînés puis les proches qui ont parlé de ce besoin
de formation. Je vous donne un exemple d'un médecin : «Il est possible,
dans la plupart des cas, d'assurer un bien-être et une dignité aux patients
jusqu'à un stade avancé de la maladie. Ce qui manque pour en être capable,
c'est surtout des ressources humaines, de la formation, de l'empathie et du
temps de contact.» Ou une infirmière qui dit : «Il devrait y avoir plus de
formation aux médecins qui travaillent ou qui sont de garde pour les CHSLD au Québec.
Les notions de souffrance psychologique et de détresse ne sont pas comprises
par la majorité d'entre eux.»
Vous savez qu'à l'occasion du Forum national sur
l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie, qui a eu lieu au début
de 2020, la ministre McCann réitérait sa ferme intention d'améliorer l'offre
des soins et services pour les personnes en fin de vie et disait que... elle ne
voulait pas que l'aide médicale à mourir soit perçue comme une réponse à un
manque de soins requis. Elle a beaucoup insisté là-dessus, soit à son mot
d'ouverture ou de clôture, je ne m'en souviens pas.
Et vous êtes
bien placés pour savoir que la ministre Blais, par exemple, a déposé une
politique sur l'hébergement, les soins de fin de vie, qui vise justement
à améliorer la qualité des soins dans ces milieux. Cependant, selon toute
vraisemblance, ces améliorations-là n'arriveront pas demain matin. Je suis sur
le comité d'experts, et le plan d'action ministériel, juste lui, s'étend sur
quatre ans. Donc, ça va prendre un certain temps avant que des améliorations
vont se produire.
En d'autres
termes, ce que je veux dire, c'est que, si le gouvernement décidait
d'élargir l'aide médicale à mourir aux personnes
en situation d'inaptitude, il aurait probablement l'appui de la population.
C'est l'impression que j'ai, même des professionnels, comme je l'ai
mentionné, mais je pense qu'il faudra accepter que cet appui découle en partie
d'une perception très négative de la qualité des soins que reçoivent les personnes
atteintes de démence ou d'autres troubles dans le réseau de la santé.
Certaines
personnes ont fait aussi des commentaires
sur les limites des directives anticipées, qui est vraisemblablement le
moyen qui sera utilisé. Et je vous résume ici les propos d'un proche qui a
tellement capté, en quelques phrases, je trouve, de façon très claire le
dilemme qui se présente. Alors, je vous le lis : «La question des volontés
écrites au préalable est difficile parce que la personne qui les a écrites
n'est déjà plus vraiment de ce monde quand elle ne reconnaît plus ses proches.
Oui, c'est encore techniquement la même personne, mais le cerveau est tellement
changé que c'est presque rendu une autre personne. Si cette personne est
confortable, est-ce que les volontés
exprimées par une "autre personne", la personne apte ayant eu peur de
la démence future — donc, on
voit cette notion de peur qui revient — alors hypothétique, peuvent
vraiment s'appliquer à la personne qui existe maintenant?» Donc, un choix à
faire : Est-ce que les directives basées sur une peur de ce qui nous
attend, qui ne reflètent pas nécessairement ce qui va se passer, devraient être
au coeur des critères, en fait?
Donc, un deuxième enjeu. Bien, le premier,
c'était l'accès. Si la loi le permet, il faudrait que ça soit accessible à la grandeur du Québec. Le deuxième
enjeu, bien, c'est la définition de la souffrance. Vous allez devoir la
définir un peu. Je comprends que, dans une loi, ça ne pourra pas être très,
très précis, mais il va falloir donner des orientations.
Puis il y a deux grands types. Est-ce que vous
allez exiger une évidence de souffrance au moment où l'acte serait considéré,
en fait? La plupart de nos participants semblaient prioriser cette option-là.
Donc, je vous donne un exemple d'une infirmière : «Je pense que le seul
moment à utiliser cette mesure serait lorsque le patient a des douleurs
physiques ou psychiques extrêmes et qu'aucun analgésique ne puisse le soulager.
La situation médicale doit être vraiment difficile et inhumaine pour que l'on
puisse administrer une médication pour accélérer une fin de vie.» Donc, ça,
c'est un type. Est-ce que la souffrance devra être présente ou si une
souffrance anticipée, comme celle que j'ai décrite tout à l'heure, va suffire,
va être possible?
Ce qui importe ici, en fait, c'est que, si vous
ou le gouvernement décidez d'étendre aux personnes inaptes, il va falloir
s'assurer que la loi soit opérationnelle, que les personnes qui souhaitent la
recevoir puissent la recevoir s'ils satisfont
les critères que vous avez définis, pas comme aux Pays-Bas, où la loi le
permet, mais la souffrance est jugée par le médecin. Et les médecins
disent : Bien, moi, je ne suis pas capable de juger si la personne
satisfait ces critères-là, parce que c'est
une souffrance qui devrait être déterminée par la personne elle-même. Je ne
suis pas capable de confirmer le désir
de mourir non plus. Donc, vous le savez sans doute, aux Pays-Bas, beaucoup de personnes
remplissent une directive anticipée d'euthanasie, que ça s'appelle, mais
très peu la reçoivent à cause de ça et aussi parce qu'évidemment il est
difficile pour les familles de décider d'aller de l'avant. Ce n'est quand même
pas une décision qui est facile.
Donc, si je prends la définition dans la loi
actuelle, j'espère que c'est celle du Québec que j'ai bien mise : «...souffrances physiques ou psychiques
constantes, insupportables — pour moi, insupportable, il y a juste la
personne qui peut juger, mais peut-être avez-vous une autre opinion — qui
ne peuvent être apaisées dans des conditions qu'elle juge tolérables.» Là
encore, il y a juste elle qui peut savoir ça, il me semble. Et donc cette
définition-là ne me semble pas opérationnelle, si vous la laissez telle quelle.
• (16 h 10) •
Bon, personnellement, je suis plus favorable à
une souffrance objectivée, soit sur la base d'un jugement clinique, soit sur la
base d'un outil validé. Vous savez qu'il existe des outils pour juger si une
personne est en souffrance... et les personnes non communicatives. Je pense
qu'il faudrait une telle souffrance au moment où l'acte pourrait
être administré simplement parce que j'ai peine à imaginer que quelqu'un va le
faire, dans les autres cas, sur la base d'un document écrit il y a une dizaine
d'années, dont la personne ne se souvient plus et que la famille pourrait
apporter à l'attention du médecin.
Autre considération, évidemment : Qui va
prendre la décision? J'imagine que vous faites cette réflexion-là aussi. Et allez-vous
exiger l'accord préalable des familles? Des soignants? Bon, pour les soignants,
il va falloir l'accord un peu, parce qu'il va falloir que quelqu'un le fasse.
Mais allez-vous aussi exiger l'accord des familles?
Donc, outre la personne elle-même, par exemple,
via une directive anticipée ou des propos faits oralement peut-être, est-ce que
ça, ça va suffire? Est-ce qu'une directive va être suffisante ou si vous allez
vouloir avoir aussi le consensus de la
famille ou un consensus entre les trois acteurs, la personne elle-même, la
famille et l'équipe soignante? Le proche
pourrait être, par exemple, celui qui est nommé dans une directive, comme le
suggérait le groupe d'experts, là, que...
vous avez sûrement lu le rapport. Moi, je suis plus favorable à un consensus
entre les trois experts, mais pas tout le monde est de cet avis-là. Il y a des gens qui disent : Si je l'ai
écrit, je l'ai demandé, c'est moi qui décide, ce n'est pas ma famille.
Et vous savez aussi que, dans le rapport du
groupe d'experts, ils suggéraient bien sûr que des... ils recommandaient que les directives soient permises,
les directives anticipées, mais qu'elles ne soient pas contraignantes ou exécutoires. Sur la base de mes résultats, je
ne crois pas que cette recommandation ferait consensus, en fait. Les
gens, j'ai l'impression, disent : Bien, si c'est permis, si on a le droit
de le faire à travers une directive, bien, si j'écris une directive et qu'elle
est claire, elle devrait être respectée.
En résumé, je ne sais pas combien il me reste de
temps, donc je pense qu'il y a un appui assez fort à l'extension, davantage en
fin de vie, ce n'est pas vraiment surprenant, mais pas exclusivement. Je pense
que nos résultats aussi soulignent la nécessité d'améliorer le soin aux
proches, qui vont vraisemblablement être impliqués dans la décision et qui
devraient baser leur décision sur la volonté de la personne et non sur leurs
propres besoins. Nécessité d'améliorer la
qualité des soins, en particulier dans les CHSLD. Je sais qu'il y a des travaux
en ce sens-là qui sont en cours, mais la COVID nous a montré à quel
point c'est important. Les besoins de formation, donc, deux types, besoin de
formation pour que les gens prennent bien soin des personnes qui sont atteintes,
mais aussi pour administrer éventuellement l'aide médicale à mourir pour ceux
qui seraient d'accord de le faire. Il y en aura, à mon avis, peut-être pas
beaucoup, peut-être pas distribués à la grandeur du Québec, mais il y en aura.
Pour répondre à ces besoins de formation, bien,
qu'est-ce que ça veut dire? Ça veut dire des guides de pratique, ça veut dire
des outils de formation pour les professionnels pour les aider à juger :
Est-ce que les conditions qui sont énoncées dans la directive correspondent?
Est-ce que les critères sont satisfaits? Dans les critères, il y aura vraisemblablement
la notion de souffrance, il va falloir les aider à juger cette souffrance-là,
selon ce que vous allez décider, juger la valeur à accorder aux souhaits
exprimés dans le passé, parfois dans un passé très, très lointain, versus la
condition de la personne actuellement, ses intérêts actuels. Est-ce que vous
allez rechercher un équilibre entre les deux, donner priorité à une directive, par
exemple, versus la condition de la personne? Et aussi un guide par rapport à la
façon de réagir à la résistance du patient, donc je fais ici référence au cas
que vous connaissez sans doute, là, qui s'est
passé aux Pays-Bas, qui a fait beaucoup... qui a fait couler beaucoup
d'encre parce que la personne a résisté, en fait, à l'administration, et
on a dû la tenir, ce qui a entraîné beaucoup de démissions et de lettres
ouvertes de la part des médecins. Enfin, peut-être développer des services de
soutien pour ceux qui accepteront de le faire, ce n'est quand même pas un acte
facile.
Autre formation, je pense qu'une de mes
collègues vous en a parlé, donc formation professionnelle pour aider une personne dans la rédaction même d'une
demande anticipée, pour qu'elle soit bien interprétée ou qu'il y ait le moins possible d'interprétation. Bon,
personnellement, j'ai un petit peu de difficultés avec les formulaires tout
pré-préparés avec des petites cases à cocher comme la DMA. Je ne pense
pas que c'est la meilleure façon de faire, mais, bon, c'est peut-être dans
cette direction que vous irez.
Est-ce qu'il me reste une minute pour parler de
l'accès aux données ou si je dois m'arrêter? Je n'ai pas remarqué à quelle
heure on a débuté.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Bien, vous n'avez plus de temps, mais sûrement qu'on va prendre la question, et
il y a quelqu'un qui va sûrement vous revenir avec ça.
Mme Bravo (Gina) :
O.K. Bien, c'était simplement pour dire que la communauté scientifique,
évidemment, souhaite qu'il y ait un accès
aux données relatives à l'aide
médicale à mourir pour des fins de
recherche, évidemment, des données anonymisées, on s'entend. Bien sûr,
la Commission sur les soins de fin de vie a comme mandat d'exploiter ces
données-là, elle les présente dans ses rapports périodiques, mais je pense
qu'on pourrait aller plus loin.
Vous savez peut-être aussi, vous êtes peut-être
bien placés pour le savoir qu'il y a des discussions en cours avec le ministère, dont une rencontre à laquelle
M. Dubé a participé, sur la création d'un observatoire national sur les
soins de fin de vie. Au sein de cet observatoire, on voudrait regrouper
l'ensemble des données qui touchent les soins de fin de vie, et l'aide médicale
à mourir devrait en faire partie puisque c'est un soin de fin de vie.
Voilà, merci beaucoup de votre temps.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait, merci beaucoup, Mme Bravo. Donc, je céderais maintenant la parole
à la députée de Joliette.
Mme
Hivon : Oui,
bonjour. Merci beaucoup, Mme Bravo. Vraiment, vous avez fait un tour
d'horizon assez extraordinaire de tous les
enjeux et de toutes les questions que nous avons devant nous, ces enjeux si
simples à trancher, donc, mais, vraiment, vous
avez mis la table de manière admirable à ce qui nous attend. Et donc je vous
remercie vraiment de vos travaux puis de ces sondages-là qui ont été faits.
Et maintenant je voudrais creuser avec vous, là,
vous, comme experte, votre sentiment. Je pense qu'il y a deux éléments qui sont
fondamentaux, là, sur lesquels on se pose beaucoup de questions déjà, c'est
comment évaluer à l'avance les éléments qui vont déclencher, par exemple,
l'application d'une directive... d'une demande médicale anticipée en termes de
souffrance. Puis l'autre élément, c'est qui va être responsable. Est-ce que
c'est effectivement contraignant, la demande en elle-même? Est-ce que c'est
l'équipe médicale, comme vous le suggérez, avec les proches et la directive?
Donc, jusqu'où on met le curseur vers l'autonomie versus le consensus?
Ça fait que, bref, je les prends une par une.
Un, pour vous, puisque vous nous faites bien ressortir les stades, par exemple
stade avancé, stade terminal, puis la souffrance objective, je trouve ça très
intéressant que vous fassiez ressortir que, quand on est apte, c'est une chose
d'avoir la définition qui est dans la loi, mais, quand on n'est plus là pour
juger si c'est tolérable ou non puis comment on le vit, on a besoin de critères
objectifs. Selon vous, est-ce que, dans le
contexte d'une demande anticipée, la personne devrait simplement écrire que, si
elle a des douleurs et/ou souffrances objectives qui la mettent dans un
état intolérable et constant, qu'elle veut avoir l'aide médicale à mourir ou si
elle devrait carrément écrire tous les détails de ce qui, pour elle, ne serait
pas tolérable, à l'avance?
Mme Bravo (Gina) : Moi, je pense qu'elle doit le décrire, parce que juste de dire
si les souffrances que je ressens dans 10 ans sont intolérables, selon
qui? Elle ne pourra pas elle-même décrire ses souffrances ou dire qu'elles sont
intolérables pour elle. Donc, mon impression, c'est que, dans une directive
anticipée, la personne devrait décrire ce qui est intolérable pour elle. Et ce
pourrait être de souffrir physiquement, par exemple, et de ne pas être soulagée
ou de dire : Moi, je ne veux pas vivre dans cet état-là, les choses qui
sont importantes pour moi, je ne pourrai plus les faire ou, si je ne peux plus
les faire, je voudrais qu'on me laisse partir à ce moment-là. Mais il ne faut
pas remettre le jugement entre les mains de quelqu'un d'autre, il me semble,
pour ce qui touche la souffrance, parce que les autres ne seront pas en mesure
de le faire, à moins d'une souffrance physique assez évidente à l'oeil. Mais
tout ce qui touche plus la souffrance psychologique, ou la détresse, ou le fait
de ne pas vouloir vivre dans cet état, je pense que seule une description la
plus précise possible de la personne pourra être utile à ce moment-là.
Mme
Hivon : 27 MmeHivon : O.K. Vous sembliez nous dire
que, vous, entre la souffrance au moment même de l'administration
potentielle de l'aide médicale versus la souffrance anticipée... exemple,
j'anticipe que si je ne reconnais plus personne, que je ne suis pas capable de
m'alimenter, ça va être tellement pénible que je vais vouloir l'aide médicale à
mourir versus quand je le vis, c'est autre chose. Vous sembliez pencher sur
l'évaluation au moment où on administrerait l'aide médicale à mourir. Donc,
comment on réconcilie ça avec le fait qu'en début de maladie on inscrit
nous-mêmes, en se projetant, donc, les éléments qui, selon nous, seraient
intolérables?
Mme Bravo (Gina) :
Bien, en fait, vous pouvez le permettre si la loi définit ou accepte ces
situations-là. Je ne sais pas comment ça sera formulé, mais, si la loi disait
qu'une personne pourrait, dans une directive, décrire ce qui est intolérable
pour elle et, bien qu'au moment venu il n'y ait pas d'apparence de souffrance,
on accepte cette souffrance-là qui est une souffrance hypothétique, d'une
certaine façon, vous pourriez le faire.
Moi, ce que
j'ai dit pour justifier ma position, puis ça ne sera peut-être pas la vôtre,
c'est : Est-ce qu'il va y avoir quelqu'un qui va accepter de le
faire? Donc, imaginez, j'ai écrit une directive, j'entrevois que je ne pourrai
plus reconnaître mes proches, je ne pourrai plus lire, faire ce qui est
important pour moi et je ne veux pas vivre ça. Je me retrouve dans cette
situation-là, il faut quand même qu'il y ait quelqu'un qui vienne me chercher
puis qui dise : Bon, bien, madame,
c'est le temps, vous correspondez à la... Mais, si j'ai l'air bien, et tout,
moi, j'ai de la difficulté à concevoir que quelqu'un va le faire,
peut-être que je me trompe, mais...
C'est ça que je veux dire, un peu, quand je
parle de loi opérationnelle ou pas, de permettre quelque chose qui, dans les
faits, ne pourrait pas se produire ou, en tout cas, à moins que certaines des
personnes qui sont venues chez vous vous diraient : Moi, même dans une
situation comme ça, si la personne a été claire, je vais le faire. Bon, bien,
peut-être, mais, disons, j'ai peine à croire. Déjà, il y a un certain nombre de
médecins qui acceptent de le faire maintenant,
il va y en avoir moins dans les cas de démence, et il me semble qu'il va y en
avoir moins encore dans des cas de démence où il n'y a pas souffrance
apparente au moment... Puis qu'est-ce qui va déclencher, en fait, le processus
de dire : Bon, bien, c'est aujourd'hui, le 24 avril, qu'on y va, par
exemple? Ça me semble invraisemblable, mais peut-être que je manque
d'imagination, là.
Mme
Hivon : Non, je
pense que c'est extrêmement pertinent, ce que vous soulevez, parce
qu'effectivement il faut ensuite qu'il y ait des médecins, que ça ne soit pas
un droit théorique et qui donne un espoir à des gens qui ne pourra jamais se
concrétiser. Donc, je pense que c'est très pertinent.
Et ça m'amène par ailleurs sur l'autre tension,
c'est-à-dire que les gens qui demandent beaucoup cette possibilité-là sont des
gens qui valorisent beaucoup l'autonomie. Et la loi est beaucoup basée sur ce
principe d'autonomie. Quand on y arrive avec une hypothèse comme la vôtre, de
dire : Bien là, il faudrait qu'il y ait un consensus de la famille, des
soignants, on est vraiment en train de mettre un petit peu de côté l'autonomie
au profit d'une décision, je dirais, consensuelle avec les chicanes
potentielles, avec les conflits potentiels puis de valeurs entre les personnes
impliquées. Donc, est-ce qu'encore, dans un cas comme celui-là, on fait
miroiter une possibilité, mais qui risque de difficilement s'appliquer pour les
gens qui l'auraient demandée?
• (16 h 20) •
Mme Bravo
(Gina) : Ça va être un choix à faire. Je ne sais pas si c'est
l'autonomie à tout prix. Une fois que la personne sera partie, il y a des
personnes qui vont rester, il va y avoir la famille qui va rester aussi. C'est
sûr que beaucoup de gens ne veulent... disent... ne veulent pas être un fardeau
pour leurs proches, et donc ils veulent leur faciliter
la décision aussi. Ce n'est pas des choix faciles, là. Si c'était facile, on ne
serait pas là à en discuter, la décision serait déjà prise. Moi, j'ai
tendance à privilégier un consensus. C'est peut-être le reflet de ma nature.
Comme je l'ai mentionné, je sais qu'il y a
des gens que ce n'est pas ce qu'ils veulent, et vous pourrez décider que la
personne elle-même, ça suffit. Je pense que tout le monde serait plus
confortable si c'était un consensus au détriment d'un certain degré d'autonomie
des gens. Je pense que c'est comme un compromis que je trouverais acceptable.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Merci, Mme la députée. Oui, allez-y, Mme Bravo.
Mme Bravo (Gina) :
Ah! je voulais juste dire que c'est aussi ce que la majorité de nos répondants
disaient. En fait, ils étaient... Bon, il y
a des peurs d'abus qui ont été mentionnées. Je n'en ai pas parlé parce que,
je pense, c'est des choses que vous connaissez bien, mais les gens
étaient aussi beaucoup plus confortables quand il y avait un certain consensus.
Mais ça aussi, ça se discute, quand on rédige notre directive, si on sait
quelles sont les règles, si on sait que c'est un consensus avec la famille, par
exemple. On ne peut pas identifier d'avance les intervenants impliqués, là, c'est peut-être dans 10 ans que ça va se
produire. Donc, ça, on n'en parle pas. Mais ma famille immédiate ou la
personne que j'aurai nommément... nommément nommée, identifiée dans ma
directive, si c'est mon conjoint, par exemple, je peux lui parler de ça, de cette importance qu'a l'autonomie pour moi, par exemple, avant. Et ce qu'on espère, c'est que la personne qui acceptera d'être nommée, qui acceptera ce rôle de donner à
mon autonomie l'importance que je lui demande de donner, c'est basé
sur le dialogue, en fait.
La
Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Merci beaucoup. Merci,
Mme la députée. Je céderais maintenant
la parole à la députée de Soulanges.
Mme Picard : Bonjour. Merci beaucoup
d'être parmi nous aujourd'hui. Vous m'amenez à une question parce que vous avez
parlé de définir peut-être un peu plus la notion de souffrance. Pour vous ou
selon vos travaux que vous avez effectués, est-ce que
l'isolement d'une personne pourrait être une souffrance qui pourrait être
considérée?
La
Présidente (Mme Guillemette) :
On ne vous entend plus, Mme Bravo. Peut-être que vous êtes
déconnectée de votre ordinateur ou... Ah! je crois que...
Mme Bravo (Gina) : Est-ce que, là, vous m'entendez?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Oui, on vous entend bien, là.
Mme Bravo (Gina) : Est-ce que vous êtes d'accord à ce que j'enlève ces écouteurs
pas très confortables?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Oui, oui, oui, pas de problème. On vous entend bien comme ça, ça fait qu'il n'y
a aucun problème.
Mme Bravo (Gina) :
Bon, merci beaucoup. Alors, Mme Picard, l'isolement, bien, je trouve que
ce n'est pas lié beaucoup à la problématique de l'inaptitude. La personne
atteinte de démence, elle est en milieu d'hébergement, il y a... évidemment, on
peut être très seul, là, on s'entend, on peut ne pas avoir de visite de la
famille. Mais c'est comme si vous disiez : J'ai un diagnostic de maladie
d'Alzheimer, je vais écrire, dans ma directive, si je me retrouve seule... Je
ne sais pas trop qu'est-ce que ça veut dire dans le contexte, donc j'ai un
petit peu de difficultés à voir que l'isolement est un élément central à la
problématique de la démence ou de la maladie d'Alzheimer. Je vais... je ne reconnaîtrai plus personne, mais il va y avoir des
gens autour de moi, je vais fonctionner avec eux, je vais interagir avec
eux sans trop savoir ce que je fais ou pas. C'est peut-être moi qui saisis mal
la situation à laquelle vous faites référence.
Mme Picard : Oui, en fait, bien,
c'est un peu dans l'optique où une personne, justement, avec l'alzheimer
pourrait dire... une personne qui devance, là, je crois, là, qui serait seule,
une personne qui n'aurait pas de famille, peut-être. Peut-être que, dans ce
moment-là, elle se dirait : Bon, bien, si je vais en... si je suis rendue
au stade 6 de l'alzheimer et que je suis seule, je pourrais me prévaloir
de cet acte.
Mme Bravo (Gina) : Je comprends que la personne était seule avant, donc vous
sous-entendez une personne qui n'a pas de famille, qui est isolée. Bien, c'est
comme si, dans ce vous décrivez, ce n'est pas tant la maladie qui est l'élément
central, c'est le fait d'être seul, puis il y a plein de gens seuls qui...
plein de gens qui sont seuls sans avoir... être atteints de cette maladie-là.
J'ai un petit peu de difficultés à connecter les deux.
Mme Picard : Bien, je vais vous
amener peut-être... juste, en fait, une personne, justement, qui serait seule,
comment pourrait avoir quelqu'un... ou qui pourrait être la personne autour
d'elle qui serait impliquée dans les soins ou dans la décision avec elle? Selon
vous, est-ce que c'est, supposons, le Curateur public, ou est-ce que ça
pourrait être un notaire, ou... Je ne sais pas. Avez-vous des idées, d'une personne
seule, qui pourrait l'aider dans ses choix?
Mme Bravo (Gina) : Je comprends.
Donc, je pense que, si je comprends bien votre question, c'est dans une
directive où vous allez suivre la recommandation du groupe d'experts et
dire : On devrait nommer une personne qui va porter nos volontés quand on
ne sera plus capable de le faire nous-mêmes. Une personne totalement isolée
n'aurait personne à nommer, bien, oui, je pense que l'option de mettre
quelqu'un qui est significatif... Le Curateur public, c'est quelqu'un un peu
distancé, là, mais c'est peut-être la seule option qu'il y aurait dans ce
cas-là. Je verrais le Curateur public. Un notaire serait quelqu'un qui le
connaît. Dans le fond, il ne serait pas isolé. C'est comme si... Si on prend la
prémisse qu'il est isolé, bien, il n'a personne, donc la seule personne
possible, ce serait le Curateur public. Ça pourrait faire partie de ses fonctions. Je n'ai
pas eu beaucoup d'interactions avec le Curateur public, mais on en avait, par exemple, pour des personnes qui étaient inaptes pour participer à la recherche,
la décision lui revenait. Disons que le curateur ne connaissait pas beaucoup
la personne, là.
M. Picard :
Et, sur la notion du diagnostic, est-ce que vous avez eu des échos de... est-ce
qu'on devrait se positionner sur des diagnostics précis ou bien sur plutôt des
conditions, un état d'une personne?
Mme Bravo (Gina) : Bien, encore une fois, je ne
mettrais pas beaucoup d'emphase sur le diagnostic. D'abord, le diagnostic n'est
pas une preuve d'inaptitude, en fait. Ce n'est pas ça qui détermine. C'est plus
une inaptitude de fait ou un état.
Donc, j'éviterais... Comme dans la loi actuelle, on ne dit pas : Si vous
avez un cancer en phase terminale. Évidemment, dans les faits, c'est beaucoup
cette clientèle-là qui a recours à l'aide
médicale à mourir, pas
exclusivement, mais entre autres. Mais j'éviterais de mettre des diagnostics
dans la loi, parce qu'on va en échapper. Je pense que c'est plus de décrire le
type de personne qui est visé, indépendamment du diagnostic, ou de parler de situation
d'inaptitude. Puis encore on parle beaucoup de cas de démence ou de troubles
neurocognitifs, mais, je l'ai mentionné tout à l'heure, si vous utilisez
l'expression «situation d'inaptitude», ça peut être suite à un accident de
voiture. Donc, il faut que vous soyez d'accord. C'est sûr que, quand on a un
accident de voiture et que c'est soudain, on n'a souvent pas rédigé de directives après, parce que ce n'est
pas la même problématique. Mais il peut y avoir des gens en situation
d'inaptitude qui auraient pu rédiger une directive, si vous faites la promotion,
par exemple, de la rédaction des directives par la suite, et qui se retrouvent
dans cette situation-là. Donc, je ne mettrais pas de diagnostic, là,
a priori, comme ça, sans avoir fait de recherche là-dessus, mais,
spontanément, je répondrais que ce n'est pas une bonne idée.
Mme Picard :
Merci beaucoup pour vos réponses.
Mme Bravo (Gina) : De rien.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Merci. Bien, je peux me permettre une question. Vous
parlez de diagnostic. Vous avez dit tout à l'heure que vous n'alliez pas vers
le côté de la santé mentale parce que ce n'était pas dans vos expertises de recherche, mais est-ce que de mettre un
diagnostic en santé mentale aussi ce n'est pas préconisé?
• (16 h 30) •
Mme Bravo (Gina) : Bien, pour la... encore une fois, je
n'ai pas d'expertise dans ce domaine-là, je n'ai pas lu la littérature, donc je m'avance sur un terrain que je ne connais
pas, mais, a priori, les diagnostics, ce n'est pas du tout le
modèle. Nulle part, dans les autres pays, on n'a une liste de diagnostics, de
personnes qui seraient admissibles. Et donc, pour la santé mentale, je sais que les cas
de... psychiatriques, là, je ne sais pas si vous en... bien, probablement qu'il
y a une partie de vos activités qui porte là-dessus, mais a priori je ne sais
pas quelle est l'utilité du diagnostic par rapport à l'état de la personne.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Parfait. Merci. Vous parliez, bon, beaucoup de la
souffrance apparente, mais quelqu'un qui est
en... au stade 7 à la maladie d'Alzheimer, qui est couché en foetus dans
un lit, il n'a pas vraiment de souffrance apparente, mais on fait
référence beaucoup à la dignité de la personne. C'est quoi, votre rapport à cet
état de fait là?
Mme Bravo (Gina) : Oui, c'est un bon exemple et c'est
un exemple descriptif, dans une directive plutôt que les petites cases à
cocher, où je pourrais décrire un état comme ça, surtout si je le fais avec un
professionnel qui m'aide à le faire, qui m'aide à voir les différentes situations
qui pourront... Je ne suis pas experte, disons, mais je suis comme M., Mme
Tout-le-Monde dans le sujet, et, pour bien décrire ce qui est pour moi
inacceptable, j'aurais besoin d'être accompagnée. Et je pense que l'exemple que
vous donnez, si je suis dans mon lit, toute recroquevillée sur moi-même, comme
on l'a... que je ne peux pas manger, que je ne peux pas me nourrir ou boire
moi-même, moi, je ne veux pas ça. Moi, je pense qu'il y a beaucoup de gens que
ce qu'ils ne veulent pas, c'est bien avant ça, bien avant ça, mais, si c'est,
entre autres, ça qu'ils ne veulent pas, bien, ça se décrit, surtout si on le
fait accompagnés pour être sûrs qu'on le fasse correctement. Puis la plupart
des gens trouvent qu'il n'y a pas beaucoup de sens à cette partie-là de la
maladie, et c'est ce qui motive les gens à ne pas vouloir vivre ce passage-là,
en fait.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Merci. Je passerais la parole au député de Lac-Saint-Jean.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Merci, Mme la Présidente. Moi, je veux revenir un
petit peu plus au niveau du consentement puis l'aptitude à consentir aussi.
Puis je vous poserais la question : En quoi l'aptitude à consentir à
l'aide médicale à mourir se distingue-t-elle de l'aptitude à recevoir d'autres
soins? Parce qu'on parle de soins, de soins en fin de vie, tout ça, puis, dans
vos études, je ne sais pas si ça a ressorti.
Mme
Bravo (Gina) : En fait, ça ne se distingue pas. Je pense que
c'est... En fait, ce n'est pas l'aptitude à consentir, c'est l'aptitude à...
bien, à consentir à ce soin-là en particulier ou l'aptitude à prendre une
décision. Dans nos études à nous, il était
clair que la personne n'était plus capable de prendre des décisions. Et donc il
faut que d'autres acteurs entrent en
jeu. Dans notre cas à nous, évidemment, c'était la famille qui va voir le
médecin puis qui dit : Bien, ma mère ne voulait pas vivre cet
état-là, voici ce qu'elle a écrit dans son document, est-ce qu'on peut
procéder? En fait, tu sais, il faut qu'il y
ait quelqu'un qui déclenche la demande. Je serais étonnée que ça soit les professionnels
de la santé eux-mêmes qui disent : Bon, j'ai trouvé le document
dans le dossier de la personne, elle n'est plus apte à consentir. L'aptitude à
consentir n'est pas si facile que ça à déterminer, là, à certains stades de la
maladie, là, vous avez raison de le
souligner, mais, dans le cas de nos études à nous, c'était clair, là, qu'on
était loin de... il n'y avait pas de confusion par rapport à ça, la personne
ne pouvait plus prendre de décision par elle-même. Donc, il fallait que quelqu'un d'autre initie le processus.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) : O.K.
Puis tout à l'heure vous avez mentionné aussi que cette décision-là ne doit pas se prendre seule quand on parle de la
famille, là, mais bien d'être entouré avec des professionnels. Et
pouvez-vous me nommer les gens, les gens qui seraient importants au niveau du
personnel de la santé, qui peuvent participer? Parce qu'on soulignait, entre
autres, l'importance des infirmières, hein, d'être... de participer au
processus d'évaluation, et même peut-être d'aller au niveau
administratif. Donc, j'aimerais ça vous entendre là-dessus.
Mme Bravo (Gina) :
Bien, en fait, vous avez raison. Idéalement, ça pourrait être le médecin de
famille, par exemple, si la personne à la chance d'en avoir un. Idéalement,
c'est quelqu'un qui connaît bien la personne, qui connaît son histoire de vie,
qui connaît son entourage aussi et qui pourrait plus facilement discuter de ses
valeurs. Il faudrait que la personne, la famille ou le proche qui serait nommé
pour représenter la personne quand elle ne pourra plus se représenter elle-même
soit présent aussi.
On peut très bien imaginer les travailleurs
sociaux aussi. Je ne l'ai pas mentionné, mais les études que j'ai menées, on
est en train de la reproduire auprès des travailleurs sociaux, qui est un
groupe qui est impliqué, notamment, pour revenir à votre première question, à
l'évaluation d'aptitude. Ils sont souvent impliqués et ils sont aussi impliqués
dans l'accompagnement soit des patients, quand ils sont aptes, ou des familles
avant, après. Donc, c'est un groupe professionnel qui a des expertises dans ce
domaine-là et qui pourrait être formé spécifiquement pour accompagner les gens.
Les infirmières aussi. J'essaie juste de voir comment on pourrait rencontrer...
Mon médecin de famille, je le rencontre de temps en temps. L'infirmière, je ne
sais pas trop comment je pourrais la rencontrer.
Il pourrait y avoir des gens qui sont
spécialisés ou identifiés pour accompagner. J'aimerais mieux des professionnels
de la santé qu'un notaire, par exemple, avec qui on fait nos mandats... Vous
avez probablement des mandats d'inaptitudes. On le fait avec eux, mais c'est
beaucoup préformaté. Il n'y a pas une connaissance préalable de la personne.
Donc, l'idéal, je pense, serait soit un médecin de famille ou une infirmière
que l'on connaît bien, ce qui est plus rare, un travailleur social aussi qui
pourrait jouer ce rôle-là.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) : C'est
tout pour moi, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, M. le député. Donc, je céderais maintenant la parole à la
députée de Maurice-Richard.
Mme Montpetit : Je vous remercie,
Mme la Présidente. Bonjour, Mme Bravo. Ça soulève tellement de questions,
votre présentation puis les réponses que vous avez données également, mais merci
beaucoup d'être là avec nous pour contribuer à nos travaux.
D'entrée de jeu, spécifiquement sur l'étude que
vous avez faite, je me posais la question — puis on a eu ces échanges-là
aussi avec d'autres intervenants préalablement à vous — sur :
Est-ce que, dans le fond, le consentement anticipé doit se donner à partir du
moment où il y a un diagnostic ou avant? Je comprends, cliniquement, ce n'est
pas votre expertise, mais, dans votre... ce que je comprends de l'étude que
vous nous avez faite, dans les questions qui ont été posées, vous avez fait le
choix de commencer à partir du moment où il y a la maladie. Si je ne me trompe
pas, vous n'avez pas évalué le consentement anticipé dans une perspective hypothétique de maladie. Puis je me
demandais : En termes de recherche, justement, pourquoi avoir pris cette
posture-là?
• (16 h 40) •
Mme Bravo (Gina) :
C'est une bonne question. Puis, en fait, si ma mémoire est bonne, et je peux me
tromper, mais, dans le rapport du groupe
d'experts, on recommandait que l'on
puisse uniquement remplir une directive anticipée postdiagnostic. Et
personnellement je ne comprenais pas ce rationnel. Que j'aie déjà mon
diagnostic ou pas... J'ai souvenir qu'ils disaient : Ce serait plus
concret de savoir que j'ai déjà un diagnostic. Moi, je ne vois pas beaucoup la
différence, mais il y a peut-être des subtilités qui m'échappent. Mais vous me
rappelez, par votre question, que je me suis demandé pourquoi, quelle
protection supplémentaire ça donne. J'ai souvenir que c'est parce que, si je
reçois un diagnostic, bien, je suis avec mon médecin, puis là c'est l'occasion
d'en parler. Il peut me décrire ce qui m'attend, par exemple, plutôt que ça soit
complètement théorique, bien que, si on vit assez longtemps, beaucoup de
personnes vont avoir de la démence. Ce n'est pas complètement théorique et
farfelu, mais néanmoins... Donc, ça, c'est un morceau de réponse.
Et l'autre, vous avez raison, dans notre
vignette, pour rendre un peu les choses un peu plus concrètes — on
fait beaucoup de choix, hein, quand on écrit une vignette comme ça qu'on va
utiliser pour une quinzaine de pages de questionnaire — on
avait décidé que c'était postdiagnostic. On disait que la mère de la patiente
en question était décédée avec une démence, qu'elle l'avait vue, donc, évoluer,
qu'elle savait qu'au début ça peut bien se passer, mais qu'à un moment donné
elle ne sera plus capable de s'occuper d'elle, elle ne sera plus capable
d'exprimer ses besoins, et tout ça. Donc, effectivement, c'est un choix qu'on a
fait. Je pense que c'est un bon choix, mais la question se pose. Mais, comme je
vous dis, moi, je n'avais pas vraiment compris, outre le soutien que je
pourrais avoir postdiagnostic.
Et ça me fait penser de vous souligner, je
parlais de l'étude que l'on fait chez les travailleurs sociaux, une différence
par rapport aux études que l'on a faites et que je vous ai très brièvement
présentées, c'est qu'aux travailleurs sociaux on demande aussi s'ils sont d'accord
avec l'aide médicale à mourir avant qu'elle perde l'aptitude. Donc, si
vous vous souvenez, nos vignettes à nous, les questions que nous, on a posées
se situent postperte d'aptitude à prendre une décision, donc ce qu'on a appelé
le stade avancé et le stade terminal. Mais, dans l'étude que l'on mène actuellement
auprès des travailleurs sociaux, on devance même sur la trajectoire et on
dit : Supposons que la personne dit : Moi, je suis encore capable de
m'exprimer et je ne veux pas attendre de devenir inapte, parce que c'est une autre option et c'est probablement quelque chose à laquelle vous allez réfléchir maintenant
que vous... pas que vous, mais qu'il n'est plus nécessaire d'être en fin
de vie, est-ce que... même d'être encore apte et dire : Moi, je ne veux
pas attendre l'inaptitude, je veux partir avant, pendant que c'est moi qui
décide, pendant que je sais ce qu'on est en train de me faire, pendant que je
peux dire : Oui, c'est bien ce que je veux, c'est un autre élément de
complexité à vos réflexions. Il y en a beaucoup.
Mme Montpetit : Il y en a beaucoup,
en effet, oui. Merci. J'aimerais ça aussi vous entendre... je sais que c'est
plus philosophique, mais vous avez mentionné qu'un des enjeux, à travers ces
réflexions-là, c'est l'effet que ça pourrait avoir sur la dévalorisation de la
vie des personnes qui ont un trouble cognitif. Et puis c'est un élément dont on
n'a pas... qu'on n'a pas abordé à l'heure actuelle. Je sais, c'est ça, c'est peut-être
un peu plus philosophique, mais je pense que, comme on est dans un contexte
aussi où, par exemple, la dégénérescence cognitive, l'alzheimer, on parle quand
même d'épidémie à venir au niveau du vieillissement, je serais... oui,
peut-être «épidémie» n'est pas le bon mot dans le contexte aujourd'hui, mais, en
tout cas, c'est ce dont on parlait il y a quelques années, là, je fais faire
une parenthèse, mais que le nombre... malheureusement, il y a de plus en plus
de gens qui vont en souffrir. J'aurais aimé ça vous entendre, justement, sur
cette question-là de l'impact que ça pourrait avoir sur ceux qui ne prennent
pas nécessairement cette décision-là d'aide médicale à mourir ou de consentement
anticipé.
Mme Bravo
(Gina) : En fait, si vous lisez l'article que je vous ai transmis,
sur les commentaires, c'est un élément qui revient, cette crainte que ces personnes,
avec leur maladie, soient dévalorisées socialement puis qu'on ne leur attribue
plus de valeur. Dans la mesure où l'acte serait basé sur une décision de la personne
elle-même, je pense qu'on ne peut pas prétendre que c'est de la dévalorisation,
quoique c'est peut-être... la dévalorisation est peut-être la motivation, à la
base, de la personne, mais je pense qu'il y a beaucoup d'autres
motivations : la peur de la maladie, la peur
de... ne pas vouloir être un fardeau pour ses proches, etc. Et je ne pense pas que, comme société, il y a le risque qu'on donne l'aide
médicale à mourir à des personnes qui ne l'auraient pas demandée, en fait. Je
n'ai pas cette crainte-là.
C'est sûr que
l'abus des proches... beaucoup ont parlé de l'abus des proches, même ceux qui
étaient favorables. Ils ont juste dit qu'il faut être vigilants, il faut
faire attention. On parlait beaucoup d'abus financier principalement et non de
l'abus basé sur un fardeau trop grand, là. C'était vraiment pour aller chercher
l'héritage plus rapidement. C'est beaucoup les infirmières, en fait, qui ont
fait ce commentaire-là, comme si elles en avaient été témoins, pas nécessairement
dans... Ça n'a rien à voir avec l'aide médicale à mourir, d'en avoir été
témoin, mais j'ai l'impression qu'il y en a beaucoup
qui l'ont vu. Donc, oui, il y a un risque de dévalorisation, mais je pense que ce
n'est pas l'élément principal, à mon avis.
Mme Montpetit : Puis j'aurais beaucoup
d'autres questions. Je vais vous en poser une dernière, parce que j'ai mon collègue
aussi, notre temps est toujours compté, qui souhaite vous en poser une. Mais je
me demandais à quel point, dans les réponses
qui vous ont été données, il y a une méconnaissance du vieillissement ou que nos perceptions sont basées, justement, beaucoup sur des
concepts erronés de ce qu'est le vieillissement, de ce qu'est la démence. Est-ce
que vous avez évalué, justement, comment c'est venu teinter les réponses qui
vous ont été données dans le cadre de cette étude-là?
Mme Bravo
(Gina) : Seulement indirectement. Puis
vous avez raison de dire que, si les gens sont pour remplir des directives, si
c'est pour être autorisés, il faut que les gens soient bien informés quand même.
En même temps, je pense, c'est justement dans l'article en question où je
rapporte les commentaires des gens, je concluais en disant : Bien, il faut
qu'il y ait des efforts de faits pour qu'on ait une perception plus positive de
la démence. Et les évaluateurs disaient : Mais qu'est-ce qu'il y a de
positif là-dedans? Donc, c'était comme pour dire : C'est négatif, mais
c'est la réalité.
Bon, c'est sûr qu'un
certain nombre de participants ont parlé des déments heureux, qu'on appelle,
donc de ceux qui n'ont pas l'air malheureux. Puis il en existe. C'est surtout
des médecins qui disaient ça : Moi, j'en connais. Ça ne veut pas dire que
c'est la majorité. À ma connaissance, il n'y a aucune publication qui nous
dirait quelle proportion des personnes atteintes de démence sont heureuses,
mais on sait qu'il y en a, et ça justifie encore davantage, dans sa directive,
de bien décrire ce qui est pour nous inacceptable. Est-ce que d'être un dément
heureux — puis
je m'excuse d'utiliser cette expression-là, mais c'est comme l'expression qui
est utilisée — est-ce
que de savoir que je vais peut-être avoir... ne pas être malheureuse, je ne le
voudrais pas à ce moment-là? Est-ce que je dis : Si je suis une démente heureuse, je
vais continuer, alors, jusqu'à la fin, ça va être moins dur pour tout le
monde que d'accélérer mon décès, ou je vais... donnez-moi pas d'antibiotiques
si j'ai une pneumonie, je partirai comme ça plutôt qu'avec un geste d'aide
médicale à mourir?
Mais donc,
effectivement, il y en a, des personnes pour qui ça peut bien se passer, mais,
vous savez, le problème, c'est... on ne sait pas de quel groupe on... à quel
groupe va appartenir. On ne le sait pas d'avance. Il n'y a personne qui va être
capable de prédire : Telle personne, ça va bien se passer. Je pense que
c'est invraisemblable, là, même au niveau scientifique. Alors, il va falloir
plus décrire : Si je suis dans telle situation, je ne voudrais pas le
vivre et je voudrais que vous me donniez l'aide médicale à mourir dans ce
cas-là.
Mme Montpetit :
...je vous remercie.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci. Je passerais la parole au député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum :
Merci, Mme la Présidente. Et merci, Mme Bravo, pour la qualité de vos
interventions. Ça alimente nos réflexions de façon très importante.
Écoutez, c'est
confrontant d'entendre, peut-être pas surprenant, mais que, lors de votre
sondage... de prendre en ligne de compte l'anticipation de la qualité ou le
manque de qualité de services qui les attendaient, bon, compte tenu de nos
derniers 18 mois, et même bien avant. On soit clair que c'est confrontant,
quelque part. Et évidemment, on ne veut pas que, quelque geste collectif qu'on
prenne, on se libère de la responsabilité de faire tellement mieux, mais, dans le contexte de nos discussions, en même temps, je ne veux pas du tout minimiser ce constat-là. Mais est-ce que vous avez mesuré combien
d'ampleur ça prenait? Parce que c'est une chose circonstancielle, en quelque
part. À part de la décision comme telle de dire : Dans une telle
souffrance, j'aimerais mettre fin à ma vie, est-ce que vous avez qualifié et
quantifié l'ampleur de cette préoccupation-là?
Mme Bravo
(Gina) : Excellente
question. Réponse : Non, et je ne sais pas comment on ferait ça,
scientifiquement parlant. Mais votre question est très, très, très pertinente.
Ce qui est un peu
encourageant, c'est que ce volet-là, de qualité de soins, il s'améliore,
c'est-à-dire, on peut l'améliorer, on peut
faire des efforts en ce sens, et je pense que tout ce qui s'est passé avec la
COVID va extrêmement nous motiver. La politique de Mme Blais, qui
est tout à fait indépendante de la COVID, on avait commencé nos travaux avant
que la pandémie entre, donc, ça, c'était déjà dans les cartons. Ce sont tous
des efforts qui vont dans la même direction.
J'ai des discussions
avec mes collègues par rapport à cette balance dont vous parlez, qualité des
soins versus la maladie elle-même, et c'est difficile de savoir dans quelle
mesure ça influence. Mon «gut feeling», là, ça vaut ce que ça vaut, mais c'est
que la peur de la maladie est encore plus grande, en fait. Est-ce que, si on
avait... Puis ça revient un peu à la description que donnait Mme la Présidente
tout à l'heure. D'être au stade 7, tout recroquevillé sur soi-même dans
son lit, complètement déconnecté, ça, ça n'a rien à voir avec la qualité des
soins, là, je pense, bien, on pourrait
peut-être faire en sorte que ça, ça
se passe bien, mais il reste que, pour beaucoup de gens, ça n'a pas beaucoup de sens. Donc, je pense que, si j'avais à...
si vous me forcez à choisir entre la qualité des soins puis la maladie elle-même, j'aurais tendance... que la maladie elle-même a davantage de poids. Et je me réjouis du fait que
la qualité des soins, on peut socialement faire des efforts pour que ça,
ça ait un poids zéro, idéalement, dans un monde idéal, si vous voulez.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Merci. Merci beaucoup, M. le député. Donc, je céderais
la parole maintenant au député de Gouin.
M. Nadeau-Dubois :
Merci, Mme la Présidente. Merci, Mme Bravo, pour votre présentation très
complète. Comme le disait ma collègue de Joliette, vous avez fait un beau tour
d'horizon.
Sur la question de
l'inaptitude, si je comprends bien la position qui est la vôtre, vous, grosso
modo, là, si je schématise, vous souhaitez que ce soit possible pour les gens
d'exprimer un consentement anticipé, mais vous souhaitez qu'il soit quand même
relativement détaillé, assez descriptif, là, pas seulement cocher des cases,
comme vous l'aviez vous-même dit. Vous dites
également : Il faudrait qu'il y ait une manière d'évaluer qu'il y a une
souffrance objective, là, trouver une manière d'objectiver la souffrance des
gens pour qu'on puisse venir comme valider, dans le fond, la description qui avait été faite antérieurement par la personne
quand elle était apte. Puis vous ajoutez également la question d'un
certain consensus médical puis au sein des proches. Puis, si j'essaie de
schématiser votre réflexion, vous me dites : Si tout ça se produit, on a
quelque chose... on a un fondement solide pour procéder à l'aide médicale à
mourir pour quelqu'un qui est dans une situation d'inaptitude.
Si
j'ai bien compris votre raisonnement, ma question serait la suivante : Si
on a toutes rempli ces conditions-là, donc un consentement anticipé
détaillé et précis, on constate que les souffrances, de manière relativement
objective, là, je ne sais pas... je veux dire, ce ne sera pas... ce ne sera
jamais une science exacte, on ne peut pas être dans la tête de la personne,
mais il y a quand même des procédures qui existent, et qu'il y a consensus,
mais que la personne, soit dans un moment de lucidité soit dans un autre
contexte, exprime, elle, un refus, à ce moment-là, qu'est-ce qui devrait se
passer, selon vous? La personne est déjà jugée inapte, mais, pour une raison ou
une autre, elle émet comme un non-consentement à l'égard de l'aide médicale à
mourir. Qu'est-ce qu'on fait si ça se passe?
• (16 h 50) •
Mme Bravo (Gina) :
C'est une bonne question. Mais vous avez bien résumé ma position, là, en fait,
avec toutes les nuances qui s'imposent, mais je pense que c'est un résumé qui
est exact. Votre intervention, je pense, fait référence un peu à de la résistance. Si quelqu'un
s'oppose, qu'on est prêt à l'administrer, c'est une forme, probablement,
de résistance. Encore une fois, moi, mon attitude est comme guidée par une
espèce de trait de personnalité où j'ai tendance à être plus prudente, et donc
je pense que le refus devrait être respecté.
Les spécialistes vont parfois dire, et il faut
tenir compte de leur avis davantage... du mien, que des refus peuvent ne pas être fondés dans ces situations-là.
Et c'est pour ça qu'un autre élément de votre réflexion, puis vous
l'avez peut-être déjà fait, c'est : Est-ce que vous allez exiger un
expert, en fait, dans le sujet? Dans le dossier, y aura-t-il, comme, par exemple, Mme la présidente parlait, des
problèmes de santé mentale, on exigeait qu'il y ait des psychiatres, si
ce n'est pas ici, au Québec, là, dans d'autres pays... qu'il y ait un
spécialiste, vraiment, de cette maladie-là à l'origine de la souffrance pour
bien la comprendre, pour pouvoir voir que c'est une souffrance réelle?
Donc, dans le cas des résistances... Vous avez
probablement vu, suite au cas dont je parlais, des Pays-Bas, avec le... qu'ils ont baptisé l'euthanasie-café,
donc avec le sédatif mis dans le café, ils viennent juste de sortir la règle
que, oui, le sédatif dans le café va être permis. Donc, c'est pour empêcher
cette résistance-là. Est-ce que vous allez aller dans ce sens-là? Est-ce que,
peut-être, ce n'est pas dans une loi qu'on va parler de ça, mais plutôt dans
les guides de pratique? Parce que c'est comme... c'est l'acte, c'est la façon
de faire l'acte lui-même. Mais, suite au cas dont je vous parlais, la recommandation qui a été faite par la commission aux
Pays-Bas, c'est d'autoriser le sédatif pour empêcher que la personne
résiste dans ce cas-là. Moi, ça me donne un petit peu des frissons, mais c'est
peut-être parce que je ne suis pas clinicienne puis je ne suis pas auprès des
patients quotidiennement.
Donc, j'aurais tendance à dire : Dans le
doute, n'y allons pas, mais je pense que, si vous posez la même question — puis
vous l'avez peut-être déjà fait — à des spécialistes de la maladie, ils
vont peut-être vous répondre : Il ne faut pas donner trop d'importance à
ce refus-là, qui ne serait comme pas fondé. Alors là, c'est la limite de mon
expertise, là, que je vous expose.
M. Nadeau-Dubois : Oui. Bien, c'est
en effet une réponse...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci, M. le député. C'est tout le temps qu'il nous restait avec
Mme Bravo. Donc, merci infiniment de votre présence avec nous cet
après-midi, Mme Bravo.
Et nous suspendons les travaux quelques
instants, le temps d'accueillir notre nouvelle invitée.
(Suspension de la séance à 16 h 54)
(Reprise à 17 heures)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, nous sommes de retour. Merci, tout le monde.
Je souhaiterais la bienvenue à Mme Danielle
Chalifoux. Donc, vous aurez 20 minutes pour faire votre exposé et, par la suite, vous aurez un échange avec les
membres de la commission pour 40 minutes. Donc, je vous cède la
parole.
Institut de planification des soins du
Québec
Mme
Chalifoux (Danielle) :
Alors, merci beaucoup, Mme la
Présidente. Mmes, MM. les députés et
ministre, merci de m'avoir invitée à participer aux auditions de la commission.
Je suis présidente de l'Institut
de planification des soins du Québec. C'est un organisme qui a pour mission d'informer et de soutenir tant les personnes plus
vulnérables que leurs aidants, les organismes et plus généralement le public qui fait appel à nous en matière de
droit de la santé. À ce titre, j'ai présenté de multiples conférences un peu
partout au Québec depuis une dizaine
d'années, ce qui m'a permis de recueillir les opinions et aussi de mieux
comprendre les problématiques qui préoccupent les gens quant à l'aide médicale
à mourir et aux demandes anticipées, ainsi que pour les personnes atteintes de
maladie mentale. J'ai aussi pratiqué en soins infirmiers dans des CHSLD et dans des maisons de soins palliatifs, ce
qui m'a permis de me rapprocher de la réalité terrain des personnes atteintes de diverses maladies chroniques et
celles en fin de vie. Aussi mon intervention devant vous aujourd'hui se situe, oui, au niveau du
droit, mais il tient compte aussi de mon expérience terrain à titre de
conférencière, mais aussi de professionnelle
en soins infirmiers — je suis retraitée depuis quelques années, tout de même — et aussi à titre de citoyenne.
Vous avez probablement devant vous une copie d'un PowerPoint que j'aurais aimé vous
présenter, mais, apparemment, ce n'est pas possible, alors je vais suivre ce
plan détaillé et j'espère que vous allez me suivre moi aussi de la même façon.
Il n'est pas complet. J'ai pensé présenter les choses qui me tenaient le plus à
coeur puis je vous laisserai ensuite la possibilité de me poser toutes les questions que vous voulez.
Alors, l'état de la situation, on va commencer par ça. Suite à
l'affaire Gladu-Truchon et à la loi C-7, bien, la déclaration d'inconstitutionnalité de la notion de fin de vie ou de la
mort naturelle raisonnablement prévisible consiste en un changement fondamental dans la perception autant
que dans l'application de la Loi concernant les soins de fin de vie. On aurait pu souhaiter, dont je suis, que la notion
de fin de vie soit maintenue dans une acception plus large et plus
inclusive, mais l'absence de définition et
l'arbitraire de son application ont mené à sa disparition en matière d'aide
médicale à mourir.
Alors, le jugement en question
s'applique au Québec et pas dans toutes les provinces, comme vous le savez,
donc c'est C-7 qui pourvoit pour le reste du Canada. La notion de fin de vie,
dans la Loi concernant les soins de fin de vie, était un genre de notion
parapluie, hein, comprenant et les soins palliatifs autant que l'aide médicale
à mourir, et sa disparition ouvre la porte à toute une panoplie de maladies,
d'affections ou de handicaps. On pense tout d'abord aux
maladies neurodégénératives comme l'alzheimer, ou la maladie de Parkinson, ou
la sclérose en plaques, mais cela inclut aussi des maladies auxquelles on ne
penserait pas au premier abord comme, j'en cite quelques-unes, là, par exemple, la polyarthrite rhumatoïde sévère, la fibrose kystique, le diabète,
etc., et ce que l'on considère également comme des handicaps qui sont acquis ou innés, comme la paralysie
cérébrale dont souffrait feu M. Jean Truchon, et des séquelles
de maladies infectieuses comme la poliomyélite, qui est la maladie dont
Mme Nicole Gladu est atteinte.
Alors, en ce qui concerne les modifications qui
sont contenues dans C-7, il y a des conséquences. Moi, j'ai interprété
certaines dispositions concernant le renoncement au consentement final à l'aide
médicale à mourir, qui est dans C-7, comme, si vous voulez, une façon d'avoir
avalisé le principe des demandes anticipées puisque c'est une demande qui est quand
même anticipée, même si elle n'est pas anticipée pour une très longue période,
mais avec une entente préalable, et je
trouve que ça ressemble énormément aux demandes anticipées, finalement.
Et, les conséquences sur les personnes atteintes de maladie mentale,
bien, comme vous le savez, suite aux propositions du Sénat, il y a eu un genre
d'acquiescement à permettre l'aide médicale à mourir aux personnes atteintes de
maladie mentale, mais sujet à des études supplémentaires après une période, là,
qui va être d'à peu près... ou qui va être de 24 mois. Alors, je vais en
reparler un petit peu plus loin.
Alors, je vais aborder maintenant les
conséquences et sur la rédaction et la terminologie de la Loi concernant les
soins de fin de vie et les modifications, qui, à notre sens, sont les plus...
enfin, que nous, on a trouvé importantes, là. Il y en a, énormément, beaucoup.
Je m'étais amusée à calculer le nombre de fois où la mention «notion de fin de
vie» est répertoriée dans la loi, puis j'en avais compté, je pense, plus de 25,
alors il y en a beaucoup. Il va falloir, évidemment, voir si ça s'applique
encore toujours.
Alors, la disparition du critère de fin de vie
change fondamentalement, comme j'ai dit tout à l'heure, la manière de percevoir l'aide médicale à mourir non
plus seulement comme un soin de fin
de fin de vie, mais comme un soin tout court, dont les personnes peuvent
se prévaloir. Alors, maintenant, si elles sont atteintes d'une maladie grave et
incurable, qu'elles respectent les conditions d'aptitude, de souffrance, et
qu'elles présentent un déclin avancé de leurs capacités, dont je vais parler
aussi tout à l'heure parce que je trouve que c'est très important, il faut
donc, selon nous, que cela se répercute clairement dans l'ensemble de la loi.
Tout d'abord,
dans son intitulé, la Loi concernant les soins de fin de vie devrait-elle être
modifiée pour y inclure l'aide médicale à mourir? Nous, on pense que ça
serait peut-être une façon de voir les choses, de conserver la «Loi concernant
les soins de fin de vie» et d'y ajouter «et l'aide médicale à mourir». Dans
certaines définitions aussi, comme à l'article 3, au
troisième paragraphe, qui dit que les soins de fin de vie englobent à la
fois l'aide médicale à mourir et les soins
palliatifs, à ce moment-là, il faudrait modifier ça aussi. De même qu'au
6° paragraphe de l'article 3, qui définit l'aide médicale à
mourir comme étant un soin de fin de vie, bien, évidemment, il va falloir
probablement modifier, actualiser cette définition aussi.
Alors, il y a beaucoup de modifications de
concordance parce que, dans certains cas, si on parle de soins palliatifs,
bien, on maintient la... la sédation palliative continue, bien, c'est sûr que
ça ne se fait qu'en fin de vie, alors, à ce
moment-là, il faut maintenir aussi, alors il y a tout un travail de concordance
à faire. Mais nous, à l'institut, on a aussi relevé deux autres
modifications, qu'on trouve... Évidemment, il y a aussi celle de la condition
de l'article 26, au troisième paragraphe, là, il va sans dire qu'il
faut la retrancher.
Maintenant, quant aux maisons de soins
palliatifs, moi, je voulais simplement vous souligner aussi qu'il y a un
article 13 qui est rédigé comme suit dans la loi, on dit : «Les
maisons de soins palliatifs déterminent les soins de fin de vie qu'elles
offrent dans leurs locaux.» Nous savons tous que, maintenant que la Maison
Michel-Sarrazin, qui est le chef de file dans ce domaine, a accepté que l'aide
médicale à mourir soit administrée dans ses locaux, ça a un effet
d'entraînement sur toutes les maisons de soins palliatifs. On croit que cet
article-là a vraiment perdu sa pertinence, va épingler ces maisons-là plutôt
que tous les autres établissements où il y a de l'aide médicale à mourir maintenant, de même que le fameux article 72
de la Loi concernant les soins de fin de vie, qu'on appelait communément
la clause Michel-Sarrazin, mais qui n'a plus non plus sa pertinence puisque
Michel-Sarrazin a décidé d'offrir l'aide médicale à mourir dans ses locaux.
Donc, on n'a plus besoin de cette exception-là, qui avait été faite pour la
Maison Michel-Sarrazin.
Maintenant, je
voudrais vous parler aussi... On trouve très importantes, nous, les quelques
considérations constitutionnelles, malgré que nous ne sommes pas des
constitutionnalistes. Mais C-14 et C-7 sont des lois qui modifient le Code
criminel, mais ce sont des exceptions au Code criminel à l'effet d'y retrancher
l'aide médicale à mourir sous certaines conditions de fond. Alors donc, c'est
une décriminalisation de l'aide médicale à mourir sous certaines conditions.
Ça, c'est tout à fait légitime, c'est du ressort de la... du palier fédéral.
Mais
j'aimerais paraphraser ici le Pr Patrick Taillon, que probablement
plusieurs d'entre vous connaissent ou vont connaître, peut-être, s'il va
vous entretenir de certaines choses au niveau constitutionnel. À mesure que la...
Il disait, il n'y a pas longtemps, je
l'entendais parler : À mesure que la décriminalisation s'effectue en matière d'aide médicale à
mourir, la compétence fédérale diminue, et c'est la compétence provinciale en
santé qui prend le relais. Et nous, on est
absolument d'accord avec ça. Ça fait que, même si le palier fédéral, dans un
souci d'harmonisation et d'uniformisation pour le Canada entier, a
empiété sur la compétence provinciale, il n'en demeure pas moins que la santé,
la gestion de la santé, les professions,
c'est tout du domaine provincial. Et la loi sur l'aide médicale à mourir a
modifié le Code criminel au
niveau fédéral, mais n'a pas modifié, selon nous, le Code civil, en tout cas,
qui est notre compétence à nous.
• (17 h 10) •
Alors, je trouve que
ce raisonnement, pour nous, vaut pour les directives anticipées éventuelles que
vous pourriez décider d'inclure dans la loi
et pour les règles qui régissent aussi les maladies mentales. Alors, en
conséquence, nous croyons que le Québec peut légiférer d'emblée dans ces deux
domaines, qui sont de son ressort exclusif, sans devoir être à la remorque du palier fédéral, comme
d'ailleurs on l'a déjà fait quand, on s'en souvient... lors de
l'adoption de la Loi concernant les soins de fin de vie, puisqu'on a été les
premiers à adopter une loi au Canada à cet égard-là.
Maintenant, je vais
aborder la pratique de l'aide médicale à mourir et l'effet de la disparition de
la notion de fin de vie. Selon nous, et je pense que c'est assez évident, il va
y avoir un accroissement des demandes. Il va y avoir une variété de demandes
qui vont entraîner, probablement, une complexité accrue de l'évaluation, parce
que, là, on n'a plus ce critère de fin de vie, donc on va avoir un critère,
qui, selon nous, n'est pas nécessairement aussi très, très clair. Je vais vous en parler tout à l'heure. Et,
de plus, si jamais on permettait les demandes anticipées, cela
augmenterait le niveau de difficulté, parce que l'évaluation du bien-fondé de
la demande, dans une demande anticipée, se fait en deux temps, se fait au
moment où la personne fait la demande et se fait aussi au moment où la personne
devrait normalement recevoir l'aide médicale
à mourir selon les critères qui ont été établis dans sa demande. Alors donc, il
y a un niveau de difficulté, là, qui est accru aussi.
Et, en matière de
politique de rédaction de loi, nous sommes aussi en faveur de l'élaboration, à
l'intérieur de la Loi concernant les soins de fin de vie et possiblement l'aide
médicale à mourir, des mesures strictes pour chacune des situations envisagées
et non pas de laisser la discrétion à des organismes divers que l'on ne
voudrait pas voir prendre la place du
législateur. On considère que la délégation trop grande à des organismes fait
que le législateur, d'une certaine façon, donne un peu ses pouvoirs à
ces organismes-là et ne... devrait plutôt assumer pleinement son rôle. Alors donc, on est en faveur d'une loi détaillée,
un peu comme il a été fait déjà et
comme tout le secteur, le chapitre des directives médicales anticipées,
dans la loi, le permet. C'est une loi qui, vraiment, selon moi, comporte tous
les détails nécessaires pour que l'application soit claire et précise.
Alors, je voudrais
dire un mot aussi sur la question du critère du déclin avancé des capacités
comme condition d'admissibilité à l'aide médicale à mourir, parce qu'avec la
disparition de la question des soins de fin de vie proprement dits, bien, le critère du déclin avancé des capacités
prend plus d'importance. Parce qu'auparavant, étant donné qu'il fallait évaluer que la personne était
en fin de vie, elle était nécessairement, disons, en déclin avancé de
ses capacités, alors ce critère-là, il est
un peu passé sous le tapis, mais maintenant il prend une importance assez
primordiale.
Il faut signaler
qu'il y a des juristes qui trouvent que, ce critère-là, qui n'est pas mentionné
dans l'arrêt Carter, sa constitutionnalité serait douteuse. Pour nous, on
trouve que son caractère est assez flou, parce que qu'est-ce que c'est qu'un
déclin avancé des capacités? Ça peut être très subjectif d'une personne à
l'autre. Il y a certaines personnes qui ont des déclins avancés des capacités
qui vont continuer de vouloir vivre jusqu'à la fin, d'autres sont plus
susceptibles d'être vulnérables par rapport à ça. Alors, j'entrevois des
difficultés par rapport à ce critère-là.
Puis enfin, au niveau
de l'évaluation de l'aptitude à demander l'aide médicale à mourir, le fait
qu'on a élargi énormément, avec la disparition du critère de fin de vie, toutes
les conditions dans lesquelles on peut demander l'aide médicale à mourir, les
handicaps, les affections, tous les gens qui ne sont pas en fin de vie, la
complexité d'évaluer l'aptitude va être elle aussi augmentée. Et on a une proposition
à vous faire à cet effet-là.
Alors, si on se
penche plus particulièrement sur la problématique au niveau des demandes
anticipées, est-il superflu de mentionner qu'au Québec le consensus est déjà
atteint à ce sujet depuis plusieurs années? Mes nombreux entretiens et les interventions que je fais ou que
les gens me font, lors des conférences que je présente régulièrement,
ont toujours été hautement favorables aux
demandes anticipées. Les sondages, les consultations diverses sont aussi
favorables.
Alors, je tiens à
mentionner aussi que la position officielle de la Société d'Alzheimer du Canada
considère que les personnes atteintes de la
maladie d'Alzheimer ne cessent pas d'être des personnes comme toutes les
autres, qui ont des droits, dont celui de recevoir l'aide médicale à
mourir et à faire des demandes anticipées. C'est une position officielle de la
Société d'Alzheimer elle-même, je trouve qu'il est important de la considérer
dans ce domaine-là.
Alors, en
considération de tout ça, moi, je pense que ça... les consultations, etc.,
devraient normalement avoir suffi et que la
commission devrait plutôt étudier... plutôt que d'étudier l'opportunité de
faire des demandes anticipées, elle devrait se pencher sur les
conditions auxquelles on devrait faire ces demandes anticipées là, parce que je
pense que c'est admis de... il y a un consensus par rapport à ça au Québec.
Ce
qui m'amène à vous parler des recommandations du groupe d'experts qui a été
formé par le gouvernement précédent et qui, pour les demandes
anticipées, devraient être très utiles à la formulation d'une loi éventuelle.
Et j'aimerais apporter une précision à propos des recommandations du groupe
d'experts. Je voudrais attirer l'attention, votre attention, sur une position
qui... j'étais membre, hein, de ce comité-là, alors il y a une position qui n'a
pas fait l'unanimité, et j'aimerais vous en parler. C'est à l'égard des
personnes qui souffriraient de séquelles graves et irrémédiables d'une maladie, tel qu'un ACV, par exemple, pour pouvoir faire une demande anticipée d'aide médicale à
mourir en vue de leur inaptitude.
Et je m'explique. Le
groupe d'experts a donné comme obligation, pour les personnes qui font une
demande anticipée, d'avoir déjà reçu, au préalable, un diagnostic de maladie
grave et incurable. Cela, comme vous pouvez le constater, exclut
automatiquement les victimes d'un événement soudain et imprévu, tel un AVC ou
un traumatisme crânien grave, puisque ces personnes-là n'auraient pas été en
mesure de faire une demande anticipée parce qu'elles n'ont jamais eu de
diagnostic préalable. Cette exclusion nous semble, à l'Institut
de planification des soins, être une atteinte injustifiée aux droits de ces
personnes.
D'ailleurs, cette condition de diagnostic préalable visait,
entre autres, une certaine actualisation de la demande pour ne pas que la demande anticipée date
de très nombreuses années, aurait peut-être perdu son actualisation.
Alors, c'est compréhensible, et je crois que c'est acceptable pour les maladies
dégénératives dont l'évolution est prévisible. Mais, pour les séquelles graves
et irréversibles d'un ACV, par exemple, je crois qu'on pourrait exiger, si on
veut absolument avoir une actualisation, une
autre forme, dont un renouvellement de la demande anticipée à tous les cinq
ans.
Mais je vous soumets que requérir
une actualisation, ce n'est pas nécessairement une position, disons, il n'y a
pas d'obligation par rapport à ça, parce que ne pas le faire — comme, par exemple, il n'y a personne qui exige qu'on réactualise notre testament à tous les cinq ans, etc. — c'est laisser aux personnes la responsabilité de le faire
elles-mêmes au moment où elles le trouvent propice, selon les circonstances,
les situations de la vie. Alors donc, pour ça, moi, je pense qu'il y
aurait lieu de distinguer entre
diverses situations pour les demandes anticipées, si on veut garder
cette obligation-là, d'avoir un diagnostic préalable.
Maintenant, je disais tout à l'heure, et je
pense que c'est aussi important, que l'évaluation de l'aptitude est une
condition essentielle et incontournable, et nous pensons que refuser l'aide
médicale à mourir parce que l'aptitude ou l'inaptitude a été mal évaluée, bien,
d'abord, c'est une atteinte aux droits et ça devrait normalement ne pas se produire. Par
ailleurs, on a constaté... en tout cas, moi, je l'ai constaté comme infirmière, mais il y a
des chercheurs, là, qui m'appuient là-dessus, qui constatent que, quand
on est en communication avec des personnes dans le système de santé ou qu'on voit... Moi, en matière de soins de fin de vie, je l'ai vu aussi assez souvent,
l'évaluation de l'aptitude laisse souvent à désirer,
n'est pas faite selon des critères vraiment objectifs, et, pour des
problématiques particulières, ça représente un certain défi.
Bien, je vous
donne un exemple. La maladie d'Alzheimer et l'évolution... c'est-à-dire l'aptitude, et son évaluation doit être rigoureuse. Et ce n'est pas parce qu'une personne a la maladie d'Alzheimer que, nécessairement, elle est inapte, n'est-ce pas? Mais par ailleurs il faut tenir
compte de certains facteurs et il faut mettre les conditions favorables à
reconnaître son aptitude pour ne pas la préjudicier par rapport à ça. Alors, il
faut tenir compte de certaines choses comme, par exemple, des intervalles
lucides. Il faut tenir compte aussi du fait qu'il y a certaines situations dans
la maladie d'Alzheimer. Je ne sais pas s'il y en a qui ont déjà entendu parler
du syndrome crépusculaire, mais il y a certaines périodes dans la journée où
les personnes sont plus vulnérables que d'autres.
• (17 h 20) •
Et j'assistais à un webinaire de la société canadienne
des... je vais le dire en anglais parce que tout le monde le dit en anglais,
là, Canadian Association of MAID Assessors and Providers il n'y a pas longtemps,
où on parlait, justement, de cette difficulté d'évaluation. Mais les médecins
qui faisaient la conférence disaient que ça prend des connaissances pointues de
la maladie d'Alzheimer pour pouvoir vraiment évaluer l'aptitude d'une personne.
Ça devrait se faire au moyen de plusieurs entrevues dans un milieu favorable et
sécurisé, par exemple, avec la présence des proches, qui serait rassurante,
etc. Alors, ce n'est pas une mince affaire. Puis je pense qu'on n'est pas
outillés, dans le moment, vraiment, pour faire des évaluations de cette
ampleur-là, et je pense qu'il va falloir faire quelque chose par rapport à ça.
Et, dans l'aptitude et les troubles mentaux,
j'ai toujours plaisir à mentionner un arrêt de la Cour suprême, qui date déjà
de plusieurs années, qui s'appelle Starson contre Swayze, où la Cour suprême a
reconnu que, malgré le fait qu'une personne est atteinte d'un trouble mental ou
d'une maladie mentale sérieuse, elle peut très bien être apte à prendre des
décisions éclairées. Et, dans ce cas, il s'agissait d'un professeur qui
s'appelait le Pr Starson, qui était atteint d'une maladie bipolaire sévère
pour laquelle il avait été hospitalisé à plusieurs reprises, et n'empêche que
la Cour suprême a dit que cette personne-là, elle pouvait faire des choix
éclairés. En l'occurrence, c'était pour refuser une médication qu'il ne voulait
pas prendre parce que ça compromettait toutes les recherches qu'il était en
train de faire, parce qu'il n'avait pas la même acuité mentale que,
normalement, il aurait dû avoir.
Il y a un autre volet aussi, c'est l'aptitude et
le léger retard de développement mental. Je tenais à en parler parce que c'est
assez délicat. Mais j'ai pris connaissance d'une étude de la professeure
psychologue Mme Giard, qui a analysé, justement, l'aptitude des personnes
qui ont un retard de développement mental dans le cadre de leur capacité à
consentir à participer à un projet de recherche. Donc, elle en venait à la
conclusion que ces personnes-là pouvaient avoir une certaine aptitude pour une
fin particulière, là, ici, c'était un projet de recherche, mais ça pourrait
aussi bien être l'aide médicale à mourir, mais qu'on devait tenir compte de
circonstances et de caractéristiques particulières, que l'évaluation devait
être faite de façon aussi, là, rigoureuse et pour qu'elle ne soit pas
préjudiciable à ces personnes-là. Puis elle mentionnait...
J'espère que je n'irai pas... que je vais avoir
le temps de tout vous dire, mais, en tout cas, on ira aux périodes de questions
quand le 20 minutes sera terminé, Mme la Présidente. Là, je compte
sur vous pour m'aviser.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Allez-y. Le 20 minutes est terminé, mais c'est vraiment intéressant, ce
que vous dites. Allez-y, Mme Chalifoux.
Mme Chalifoux (Danielle) : Ah oui?
Bien, écoutez, parfait.
Alors donc, par exemple, les personnes qui ont
un léger retard mental ont souvent la propension à vouloir dire comme nous, à
vouloir accepter, essayer de faire une réponse qui va nous convenir à nous, la
personne qui interroge, plutôt qu'elle. Donc, c'est tous des facteurs qui font
qu'il y a besoin d'une évaluation de personnes qui sont vraiment versées dans
les situations particulières.
Et c'est là que nous avons une recommandation,
qui est de créer un centre d'expertise gouvernemental en aide médicale à mourir
en général, qui pourrait s'adresser un peu au modèle de la
Colombie-Britannique, là, dont je vous parlais tout à l'heure, l'Association of
MAID Assessors and Providers, dont certains médecins québécois font partie,
mais qui est beaucoup, je dois le dire, orientée du côté anglophone. Alors, je
penserais que cette façon de créer un centre d'expertise, qui est de la
formation, de l'information, du mentorat pour les médecins, mais pour d'autres
professionnels de la santé, même des administrateurs en santé sont membres
aussi, pour des chercheurs, pour encourager la recherche, notamment, justement,
en évaluation de l'aptitude et autant que pour l'aide médicale à mourir en général... Et ils ont un volet de soutien
et d'information aux personnes, au public en général, qui envisagent de
demander l'aide médicale à mourir. Alors, je considère que la commission aurait
peut-être avantage à se pencher sur, éventuellement, la
formation d'un comité d'experts de ce genre, qui pourrait former et informer,
mentorer aussi les personnes qui donnent l'aide médicale à mourir.
Je vais passer très rapidement, puisque mon
temps est écoulé, sur l'aide médicale à mourir et les personnes dont la maladie
mentale est la seule condition invoquée, parce que je suis sûre que vous allez
entendre l'Association des médecins psychiatres du Québec, et qui a vraiment
fait un travail remarquable. Mme Gupta, qui est la porte-parole, en
général, explique de façon très claire les conditions auxquelles les personnes
qui ont des maladies mentales, qui sont récalcitrantes, qui sont chroniques et
qui, évidemment, de ce fait-là, auraient duré pendant des années et des années
et qui en feraient des maladies graves et incurables...
Et je pense que je vais terminer là-dessus puis
je vais... prendrai vos questions après. Nous sommes favorables, dans le cadre
des conclusions de ce rapport de l'association des psychiatres québécois, nous,
à ce que les personnes qui souffrent de maladie mentale puissent avoir l'aide
médicale à mourir. Et je ne crois pas qu'on devrait redouter les abus, parce
que, dans une récente conférence que la Dre Herremans, qui est belge et
qui était au symposium de consultations que le gouvernement a entrepris à ce
sujet-là il n'y a pas tellement longtemps... nous disait que, dans les
Pays-Bas... Moi, j'ai fait un peu un petit calcul rapide, là, je suis très
mauvaise en calcul, mais, en tout cas, j'en ai conclu, là, de ces chiffres,
que, tant pour les maladies dégénératives que pour les troubles mentaux, aux
Pays-Bas, il n'y a pas plus que 3,6 % des personnes qui ont l'aide
médicale à mourir sur le nombre total des aides médicales à mourir pour ces
personnes-là et qu'en Belgique c'est encore moins, c'est 2 %. Alors, je
trouve que ces pourcentages-là sont rassurants, finalement, parce que des abus,
est-ce qu'on doit les craindre, je ne croirais pas.
Par ailleurs,
disons que la situation des soins en santé mentale est déplorable au Québec,
comme ailleurs, d'ailleurs, un peu
partout. Et que l'un n'irait pas sans l'autre : comme on a fait dans le
cas de l'aide médicale à mourir et les soins palliatifs, il faut absolument que le même scénario se reproduise pour
que l'augmentation de la qualité et de l'accessibilité des personnes qui ont des troubles mentaux puisse
se faire en parallèle avec l'acceptation de l'aide médicale à mourir.
Alors, disons, je vais m'arrêter ici puis je
vais prendre vos questions.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. On va passer à la période des questions. Je suis certaine que ça va
répondre à ce qu'il reste. Donc, je cède la parole au député de Chomedey.
M. Ouellette : Merci, Mme la
Présidente. Me Chalifoux, c'est rafraîchissant de vous entendre. Mais je
pense que la lecture que j'en fais, c'est que, vous savez, on a un mandat qui
est très circonscrit, qui est très restreint, et je pense que, dans notre
rapport, il va falloir tenir compte de mesures d'accompagnement, de mesures de
contrôle, de mesures d'encadrement, qui vont être très importantes. Mais... Et
je lisais, dans vos recommandations, comment, dans la deuxième partie de notre
mandat, on va rencontrer des citoyens, comment, pour vous, c'est important.
Parce qu'est-ce que je me trompe en vous disant que vous nous encouragez à
aller plus loin que C-7 et, au lieu d'arrimer avec C-7, être encore les
précurseurs dans les directives médicales ou dans l'aide médicale à mourir?
Et, pour la minute qu'il me reste, je vous
laisse ce temps-là pour voir si ma lecture est correcte.
Mme Chalifoux (Danielle) : Oui,
votre lecture est parfaite. Et puis, quand je voyais la Commission sur les
soins de fin de vie faire son rapport et nous rapporter qu'elle avait interrogé
trois personnes seulement, qui étaient visées par des troubles mentaux, pour
avoir leur opinion, par rapport à beaucoup d'autres organisations, je trouvais ça un peu... un peu, pas assez, là. Je dois vous
dire que je trouve que, les premières personnes qui sont visées là-dedans,
c'est les personnes qui sont atteintes de troubles mentaux. Puis il faudrait
que la commission trouve un moyen, tout en respectant leur vie privée,
évidemment, je pense, ce n'est pas des gens qui vont vouloir venir sur la
sellette et être, ensuite de ça, interrogés par des journalistes, et tout, là,
il faudrait trouver un moyen de savoir exactement comment ces personnes-là
réagissent à cette éventualité, je trouve que c'est très important.
Je trouve que la consultation citoyenne, dans ce
domaine-là, est encore à faire. Et, en tout respect, et je peux comprendre, il
y a certains organismes, quelquefois, qui sont à la défense de personnes, qui
n'ont peut-être pas tout à fait la même façon d'entrevoir les choses que les
citoyens eux-mêmes. C'est déjà arrivé dans le passé avec l'aide médicale à
mourir, c'est possible aussi que ça arrive, là, je ne veux pas viser personne
en particulier, mais que ça arrive aussi pour des personnes dont la maladie
mentale est la seule pathologie invoquée.
Et, oui, j'irais, directement, comme on l'a déjà
fait, au terme des travaux de la commission, à faire quelque chose à ce
niveau-là sans attendre le fédéral.
• (17 h 30) •
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup.
M. Ouellette : Merci.
La
Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le député. Je céderais maintenant la parole au député de Mégantic.
M. Jacques : Bien, merci, Mme
la Présidente. Bonjour, Mme Chalifoux.
Mme Chalifoux (Danielle) :
Bonjour.
M. Jacques : Plaisir de vous voir aujourd'hui. Vous avez parlé d'AVC, de consentement précédant la maladie, là. On en a parlé beaucoup,
là, depuis les deux journées, puis...
Mme Chalifoux
(Danielle) : Ah oui?
M. Jacques :
Oui, oui, ça fait plusieurs fois qu'on en parle. Donc, je voulais revenir là-dessus
parce qu'on parle, là, de... Il y en a
qui vont parler de consentement suite à la maladie. Il y en a
d'autres qui vont parler de consentement avant la maladie. Donc, on
pourrait mettre ça... De ce que j'entendais, que vous avez dit plus tôt, bon,
on pourrait mettre ça, mettons, dans un mandat d'inaptitude, et qui serait
renouvelable. Notre désir pourrait être renouvelable aux cinq ans. C'est-tu
bien ça que j'ai entendu?
Mme Chalifoux
(Danielle) : Bien, c'est-à-dire, dans un mandat en prévision
d'inaptitude ou autrement, là, ça, moi, je n'ai pas vraiment de position par
rapport à ça. Mais ce que... J'étais en réaction sur le fait que, dans le rapport
du groupe d'experts, on semblait vouloir dire qu'on ne pourrait pas faire une
demande anticipée avant d'avoir eu un diagnostic. Mais, si c'est le cas...
Moi, j'ai eu
l'expérience de ma mère qui se promenait sur la rue puis qui est tombée, bang!
puis qui a fait un ACV avec des séquelles graves et irrémédiables. Alors, quand
même qu'elle aurait voulu avoir un diagnostic, là, je veux dire, c'est survenu, là, complètement... personne n'aurait pu prévoir cet événement parce que
c'est un événement imprévu et
soudain. Et cette personne-là, pendant les cinq ans qu'elle a survécu, elle
nous a demandé à tout moment... elle
voulait mourir. Il n'y avait pas l'aide
médicale à mourir à l'époque. Et, à
la fin, bien, elle avait perdu son aptitude.
Alors donc, je veux
dire, je trouve que, pour des personnes dans cette situation-là, il faudrait
pouvoir leur permettre de faire une demande
anticipée sous la forme que la commission jugerait, là... sans exiger qu'il y ait un
diagnostic préalable qui a été établi, parce que
c'est vraiment de ne pas reconnaître leurs droits. C'est à peu près
la position qu'on a.
Et puis
l'actualisation, là, c'est que... C'est vrai que c'est un peu difficile de
dire : Bien, moi, quand j'avais 30 ans, j'ai fait une demande
anticipée, là, soit dans un mandat ou autrement, pour dire que, si je faisais
un ACV puis que j'avais des séquelles graves, là, qui étaient bien, bien
installées, que je voudrais avoir l'aide médicale à mourir. Mais, je veux dire,
si ça fait 30 ans de ça ou si ça fait 40 ans, vous savez... Bon, est-ce
que... La demande perd un peu de sa légitimité. Je ne sais pas si vous serez d'accord
avec moi, mais ça fait trop longtemps, là.
Alors, c'est pour ça
qu'il faudrait peut-être voir à une actualisation quelconque, puis, en général...
dans certaines autres juridictions, c'est cinq ans. Moi, je trouve que ça
serait raisonnable.
M. Jacques :
Bon, donc là, pour vous, bien, je fais un AVC demain matin, j'ai mis ça dans
mes dispositions, j'ai fait une disposition que je change aux cinq ans ou aux
10 ans, là, tout dépendamment, que je reconfirme que c'est ça... c'est mon
désir, j'ai un accident de voiture, j'ai des séquelles graves, ma tête n'est
plus là, je vais être alité le reste de mes jours en n'ayant plus conscience de
ce qui se passe. Donc, vous êtes... votre position est de dire : Oui, on
accepte ça. On fait des dispositions pour puis on avance vers ces
dispositions-là.
Mme Chalifoux
(Danielle) : Oui.
M. Jacques :
Est-ce que vous pensez que la population en général est quand même... à quelle
place qu'elle est dans tout ça, là?
Mme Chalifoux
(Danielle) : Moi, je pense que la population est... Comme je vous dis,
moi, ça fait plus que 10 ans que je fais des conférences régulièrement,
tout le temps, et que je m'assure de poser les questions ou les gens m'en
posent, et je peux vous dire que la population est d'accord avec ça. Maintenant,
il y a des mesures de sauvegarde qu'il faut adopter, parce que, dans le cas
d'un ACV, ça ne se présente pas de la même manière que quand que les personnes
ont des maladies neurodégénératives. Là, ça serait plus au docteur, là, de...
Mais c'est sûr qu'il faut que les séquelles soient graves, il faut que les
séquelles soient irrémédiables. Alors, il y a toujours un certain temps de
possible réhabilitation, qu'il faut attendre, parce que les personnes qui ont
des ACV, des fois, récupèrent très bien, puis ça peut prendre quelques mois.
Alors, il faut quand même qu'il y ait une séquelle grave et irrémédiable qui
est vraiment cristallisée dans le temps.
Alors, ça, c'est des
mesures de sauvegarde qu'il faudrait aussi adopter. Et évidemment ça prend
aussi que la personne soit... devienne inapte. Parce que, si elle est apte,
elle pourra toujours demander, oui.
M. Jacques :
J'ai une dernière petite question. Un couple... le monsieur ou la madame
protège l'autre parce qu'il fait de l'alzheimer, mais il le protège tellement
que, quand qu'il arrive au stade de pouvoir décider de dire qu'il veut avoir
l'aide médicale à mourir, à un moment donné, bien, il n'est plus apte à prendre
la décision parce qu'il a été protégé tout le temps par son conjoint. On fait
quoi dans ce cas-là?
Mme Chalifoux
(Danielle) : Bien, c'est pour ça qu'il faut faire des demandes
anticipées, M. le député, parce que, si on n'en fait pas, bien, c'est sûr qu'il
peut y avoir toutes sortes de situations dans lesquelles l'inaptitude arrive,
puis, bon, bien, c'est terminé parce que l'aptitude, c'est une condition
essentielle et incontournable de l'aide médicale à mourir. Alors qu'elle soit
anticipée ou en temps réel, ça prend l'aptitude. Puis ça, je pense qu'il n'y a
pas personne qui va nier ça, là. On ne fera pas, je pense bien, l'aide médicale
à mourir pour des personnes inaptes qui ne l'ont jamais demandée, là. Je pense
que ce n'est pas dans l'agenda de personne, là.
M. Jacques : O.K.
Mme Chalifoux, je vous remercie. Je vais laisser la parole à mes collègues
parce qu'ils avaient d'autres questions aussi, puis j'ai pris peut-être un peu
plus de temps, là.
Mme Chalifoux
(Danielle) : Parfait.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Pas de problème, M. le député. Donc, je cède la parole au député de
Lac-Saint-Jean.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Bonjour. Bonjour, Mme Chalifoux.
Mme Chalifoux (Danielle) : Bonjour.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) : C'est
un plaisir de vous entendre. Vous êtes quand même une experte, là, dans votre
domaine. Moi, ma... ce que je lis ou ce que je retiens, c'est que vous
recommandez de légiférer sur la demande anticipée d'aide médicale à mourir sans
privilégier une catégorie de personnes au détriment d'une autre.
Mme Chalifoux (Danielle) : C'est ça.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Bon,
croyez-vous néanmoins qu'un système à deux vitesses au niveau du consentement devrait être mis en place selon les types de maladies, d'affections ou
de handicaps qui seraient éligibles?
Mme
Chalifoux (Danielle) : Je ne comprends pas très bien votre question. Pouvez-vous me donner un exemple?
M. Girard (Lac-Saint-Jean) : En
fait, quand vous dites, là, au niveau du consentement qui devrait être mis en
place... C'est ça. C'est ça, parce que vous parlez d'un... Tu sais, quand je
vous dis : Croyez-vous néanmoins qu'un système à deux vitesses au niveau
du consentement devrait être mis en place, bien, selon les types de maladies,
tu sais, on parle d'affections ou de handicaps, là, qui seraient éligibles? Parce
que vous recommandez de légiférer les demandes anticipées.
Mme Chalifoux (Danielle) : Oui.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Donc,
j'aimerais un peu plus, là, vous entendre là-dessus.
Mme
Chalifoux (Danielle) : Si je comprends bien, vous voulez dire qu'il y
aurait... Il y a plusieurs situations, parce qu'il y a des
personnes qui sont en situation de handicap, il y a des personnes qui sont en situation
de maladie dégénérative. Elles peuvent être neurodégénératives, elle peut être
dégénérative physiquement. Comme je disais tout à l'heure, il y a des
séquelles d'infections, il y a toutes sortes de choses. C'est sûr que les
critères généraux, indépendamment des maladies, doivent s'appliquer.
Quel que soit le handicap, l'affection, la maladie, le trouble mental, il faut
que la personne soit apte.
Là où réside le problème, c'est comment on va
évaluer, dépendamment des spécificités de chaque affection, maladie ou
handicap, l'aptitude de la personne à consentir aux soins. C'est là qu'il y a
des difficultés puis c'est là qu'il faut y avoir des régimes qui sont particuliers
par rapport à d'autres, comme je vous disais tout à l'heure. Puis d'ailleurs...
Je ne sais pas si je peux prendre cette occasion-là pour dire qu'il y a
beaucoup de gens qui parlent de vulnérabilité puis qu'il faut protéger les
personnes vulnérables, etc. Puis j'ai décidé de parler quand même de personnes
qui pouvaient avoir des légers retards mentaux puis qu'on pouvait aussi
considérer aptes pour avoir l'aide médicale à mourir, et je pense que,
peut-être, ça en ferait sourciller quelques-uns.
Alors, moi,
je voudrais dire que, dans les traités de... que nous avons signés, des
traités... pardon, internationaux, excusez-moi, concernant les personnes
handicapées, nous avons... le gouvernement fédéral a adhéré à ces traités-là. On a l'obligation de respecter les personnes
vulnérables, mais on a aussi l'obligation d'encourager leur autonomie,
dont l'autonomie décisionnelle de ces personnes-là. Et ce n'est pas parce
qu'une personne a nécessairement un handicap mental qu'elle est complètement
inapte à avoir l'aide médicale à mourir ou à faire des demandes anticipées.
Alors, je voulais le souligner, puis peut-être
ça répond un peu, M. Girard, à votre question.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Oui.
Mme
Chalifoux (Danielle) : Parce que ce sont des situations particulières.
Les principes généraux s'appliquent à tout le monde, mais, dans la façon
dont on va faire l'évaluation, là, il faut tenir compte des spécificités.
J'espère que c'est clair.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Oui, c'était clair. Merci. Merci. Moi, je n'ai pas
d'autre point, Mme la Présidente.
Mme Chalifoux (Danielle) : Merci.
La
Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Merci. Il ne nous reste pas beaucoup de temps pour notre
parti...
Une voix : Ah! c'est dommage.
• (17 h 40) •
La
Présidente (Mme Guillemette) : ...mais moi, j'aurais une petite
question rapide. Vous nous dites de modifier l'intitulé et la définition des
soins de fin de vie dans la loi. Est-ce qu'on n'ira pas jouer, dans ce cas-là,
dans le cas de soin versus droit? Il ne peut pas y avoir un danger, là?
Mme Chalifoux
(Danielle) : Je pense qu'on peut s'entendre pour dire, Mme la
Présidente, que le critère de fin de vie n'est plus requis pour l'aide médicale
à mourir. Donc, dans les définitions, on ne devrait pas dire que l'aide
médicale à mourir est un soin de fin de vie, parce qu'il ne l'est plus.
Alors, c'est de cette
façon-là que, je pense, il faudrait le modifier. Remarquez que je ne veux pas
dire par là que c'est mon opinion personnelle tellement, parce que moi,
j'aurais aimé ça, garder la notion de fin de vie, mais comprise d'une façon
différente qu'elle l'a été. Mais alors, ce n'est plus... ça ne veut pas dire
que ce n'est pas un soin. C'est toujours un soin, mais c'est plus élargi que
simplement la fin de vie. Ça comprend aussi des personnes qui ont un déclin
avancé de leurs capacités, qui ne sont pas nécessairement en fin de vie. Ça
change un peu la perspective au niveau des affections, des handicaps, mais
c'est quand même un soin qui est requis dans certaines conditions. Moi, je ne
vois pas de problème, sauf qu'il faut distinguer, par exemple, la sédation
palliative, qui, elle, ne peut vraiment pas se faire en dehors du critère de fin
de vie, parce que, sinon, vous tomberiez dans l'euthanasie, là, pure et simple,
parce que priver une personne de nourriture et d'être hydratée pendant un mois,
disons, elle va mourir de ça plutôt que de sa maladie.
Alors, c'est
différent de, disons... Alors, il faut tenir compte de toutes ces
subtilités-là, disons, d'une certaine façon dans la rédaction. Et c'est pour ça
que, pour l'intitulé, je... bien, en tout cas, moi, je recommanderais qu'on
fasse la distinction déjà pour être fidèle à l'arrêt Truchon et à ce que la population
demande, finalement.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Parfait. Merci. Je vois bien la nuance.
Mme Chalifoux
(Danielle) : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Je céderais maintenant la parole à la députée de Maurice-Richard.
Mme
Montpetit : Je vous remercie, Mme la Présidente. Ça va être ma
collègue de Westmount—Saint-Louis
qui va commencer.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Parfait. Allez-y.
Mme
Maccarone : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Dre Chalifoux.
Quelques questions en ce qui concerne, encore une fois, l'aptitude, parce que
vous avez mentionné, dans le fond, qu'on devrait élargir ceci pour inclure une population
peut-être qui souffre d'une déficience intellectuelle. Mais est-ce qu'il y a
des contraintes ou est-ce qu'on... Mettons,
une déficience intellectuelle, les personnes qui souffrent du spectre de
l'autisme, par exemple, est-ce qu'on
devrait inclure tous les gens avec des paramètres? Et, si oui, à l'intérieur de
votre réponse, si vous pouvez qualifier comment pouvons-nous accompagner
ces personnes à mieux comprendre cette décision, parce que ce n'est pas du tout
la même chose. Une personne, peut-être, qui a un handicap, qui est apte, mais
qui souffre différemment que ces personnes
qui sont en train de souffrir, mais ils ont besoin d'un accompagnement ainsi
que leurs proches aidants.
Mme Chalifoux
(Danielle) : Ah! madame, je suis tellement d'accord avec vous, là.
C'est exactement ça. Vous dites en quelques phrases, là... Le but de mon
intervention au niveau de l'évaluation, c'est ça. Parce que, comme on a vu avec l'évaluation, présentement, des
personnes qui ont la maladie d'Alzheimer, il y en a quelques-unes qui
étaient à un stade avancé et qui ont eu l'aide médicale à mourir, même si on
pourrait croire à première vue que ces personnes-là, par définition, sont
inaptes. Mais l'organisme dont je vous parlais tout à l'heure, là, les
assesseurs de l'aide médicale à mourir au Canada, nous ont vraiment démontré
qu'il était possible, même avec un déclin avancé des capacités, de conserver
une façon de pouvoir consentir de manière libre et éclairée, mais ça prend
qu'on fasse ça dans des conditions qui favorisent l'aptitude plutôt que le
contraire.
Alors, il faut les
mettre dans des situations particulières. Il ne faut pas... Il faut aller chez
eux — d'abord,
ça, c'est difficile de trouver un médecin qui va faire ça — pour
ne pas les déplacer puis qu'ils se retrouvent dans un milieu qu'eux vont considérer comme hostile, la présence du proche
aidant aide énormément, et il faut que le médecin ait vu à plusieurs
reprises...
D'ailleurs, quand je
prends connaissance, souvent par curiosité, des histoires qui sont reliées à
l'admissibilité aux Pays-Bas des personnes qui ont des maladies dégénératives,
il y a souvent, vous savez, ce qu'on appelle des histoires de cas, là, greffées
au rapport. On voit comment est-ce que les médecins psychiatres là-bas, qui
font leurs démarches pour essayer de voir si la personne est apte ou n'est pas
apte malgré la maladie, voient les personnes à plusieurs reprises. Souvent, ce
sont des médecins qui connaissent les patients depuis des années, qui
s'assurent de les mettre dans une condition favorable. En d'autres mots, comme
je disais tout à l'heure, essayer d'aller dans le sens de respecter les droits
des personnes en leur réservant des moments d'aptitude plutôt que de se canter
dans une position, de dire : Ah! bien, cette personne-là, elle est malade
mentale, elle a un léger déficit mental, elle est ci, elle est ça, donc elle
est inapte, ce qui ne leur rend pas justice, je crois.
Mme Maccarone : Merci. C'est très
clair. J'adore votre idée d'un centre d'expertise, je trouve que c'est bien.
Puis je comprends qu'on s'inspire un peu de ce qui est fait ailleurs.
À l'intérieur de ceci,
pensez-vous que ce serait aussi logique d'aller vers l'avant avec une recommandation,
comme on a entendu avec Mme Bravo un peu, d'accompagner des gens par
rapport à un accompagnement pour comment rédacter une demande d'avoir l'aide
médicale à mourir pour éviter une interprétation qui ne peut pas être celui que... est souhaité par la personne qui
place la demande? Et, si oui, est-ce que ce serait le centre d'expertise qui
va... est-ce que c'est le centre d'expertise qui va accompagner des personnes
qui souhaitent à faire des demandes, à mieux clarifier c'est quoi, puis le
comment, puis toutes les mesures d'accompagnement?
Mme Chalifoux (Danielle) : Bien, écoutez,
c'est la raison... C'est pour ça que nous recommandons ce centre d'expertise
là, c'est pour former des gens à ça. Puis je suis contente de voir que
Mme Bravo, pour laquelle j'ai beaucoup d'admiration aussi, ait suggéré
aussi un accompagnement, parce que c'est très important. Puis la demande d'aide
médicale à mourir, quand elle est anticipée, il faudrait évidemment prendre
beaucoup de soins à sa rédaction, parce qu'il y a bien des gens qui
disent : Quand je ne reconnaîtrai plus les miens, je veux avoir l'aide
médicale à mourir. Mais c'est un critère assez vague, et il n'est pas sûr que
la personne va peut-être ne pas reconnaître les siens, mais ça ne veut pas dire
qu'elle va souffrir non plus de façon intolérable, des souffrances constantes,
et etc. Parce qu'il est arrivé — puis ça, c'est dans les annales, puis le
rapport des experts en parle aussi — qu'il y a des personnes qui
ont la maladie d'Alzheimer et qui, au contraire, sont très heureuses. Bien,
très heureuses, en tout cas, ne démontrent
aucun problème, là, particulier à ça. Je dois dire que, comme infirmière, je
l'ai vu assez souvent. On appelle ça... Excusez-moi, c'est très
paternaliste ou maternaliste ce que je vais dire, là, mais, tu sais, les
petites madames avec les poupées, là, qui sont toujours contentes puis qui sont
toujours prêtes à un sourire, à être gentilles, tu sais, qui... Il y en a qui
ne démontent aucun signe de souffrance, alors qu'il y en a d'autres que c'est
tout le contraire.
Mme Maccarone : Ça amène la question,
c'est : Comment identifier la souffrance d'une personne? Alors, si vous
pouvez peut-être nous aider un peu avec votre réflexion là-dessus, parce que
c'est clair, comme Mme Bravo a dit, selon elle, bien, ça devrait être
autodéterminé. Moi, ce que je ressens comme souffrance, c'est très personnel.
Mais est-ce qu'on devrait avoir des balises, à quelque part, pour nous aider ou
aider les médecins ou les centres d'expertise, qu'ils soient... pour identifier
c'est quoi, la souffrance d'une personne qui va demander à avoir accès à l'aide
médicale à mourir?
Mme Chalifoux (Danielle) : Vous
ouvrez quelque chose, là. Ça pourrait prendre deux, trois heures, là, pour
discuter de cette question-là, malheureusement. Mais, vous savez, on... il y a
deux aspects à cette question-là. Est-ce qu'on va respecter la personne dans sa demande lors
de... alors qu'elle était apte? Elle dit, bien, par exemple : Bon, moi, je veux l'aide médicale à mourir quand je ne
reconnaîtrai plus les miens. En dehors... Elle considère que ce fait-là va être...
C'est la souffrance appréhendée qu'on appelle, qu'elle va être souffrante
nécessairement à ce moment-là. Elle appréhende
la souffrance. Il y a des gens qui disent : Bien, la personne était apte.
C'est ce qu'elle voulait, on va respecter ça.
Par ailleurs, comme je disais tout à l'heure...
Puis c'est le cas de Margot, là, qu'on appelle, là, dans les annales, c'est la personne qui avait justement
demandé ça, mais qui ne démontrait aucune souffrance, qui était très,
très bien, puis qu'on dit à ce moment-là : Bien, si on évalue quand même,
même si c'est subjectif, il y a quand même un certain degré d'évaluation de la
souffrance pour les gens, là, qui sont aptes, là, et qui demandent l'aide
médicale à mourir. On va quand même avoir certaines façons de voir que la
personne est réellement souffrante. Mais pourquoi on ne le ferait pas quand il
s'agit d'une demande anticipée? Pourquoi là, ça serait seulement la demande
anticipée qui compterait?
Moi, je pense qu'il faut évaluer la souffrance
au moment où on donne l'aide médicale à mourir, peu importe qu'il y ait eu une demande anticipée ou non. Ça ne
veut pas dire qu'on ne respectera pas, par exemple, la demande anticipée
dans son ensemble, mais il peut arriver que
la personne a pensé de façon appréhendée qu'elle souffrirait d'une
situation puis que, dans les faits, dans la réalité, elle n'en souffre pas.
Mais, je vous dis, ce n'est pas la majorité des gens, là.
Je ne voudrais pas non plus, là, faire comme...
ça, en faire un cas très particulier parce qu'en général les gens qui ont la
maladie d'Alzheimer, quand ils arrivent à un déclin avancé de leurs capacités,
ils sont souffrants. En général, ils ont plein de symptômes qui démontrent
vraiment qu'il y a une souffrance aiguë qui existe.
Je ne sais pas si ça répond. J'ai essayé d'être
le plus court possible, là.
• (17 h 50) •
Mme Maccarone : Tout à fait. Je
comprends que c'est une question assez large.
Mme Chalifoux (Danielle) :
Bien, il y a...
Mme Maccarone : Merci, Mme la
Présidente.
Mme Chalifoux (Danielle) :
C'est ça. Il y a une position à prendre, hein? Il faut...
Mme Maccarone : Tout à fait.
Mme Chalifoux (Danielle) : ...par
exemple, que la commission, là, elle prenne position par rapport à ça, oui.
Mme Maccarone : Tout à fait.
Merci pour vos réponses. Mme la Présidente, s'il reste du temps, je céderais la
parole à ma collègue la députée de Maurice-Richard.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Oui, tout à fait. Allez-y, Mme la députée.
Mme Montpetit : Merci. Bonjour,
Me Chalifoux.
Mme Chalifoux (Danielle) :
Bonjour.
Mme Montpetit : Oui, je vois le
temps qui file, donc moi aussi, je vais faire une question assez, assez brève,
mais en lien avec une des réponses que vous avez faites à la question de ma
collègue. Vous avez fait, par le passé, entre autres, la recommandation, pour
les personnes avec perte cognitive, justement... une évaluation du degré de
souffrance et de douleur, que cette évaluation-là, elle soit faite par un
médecin que vous aviez qualifié de compétent en évaluation de la douleur chez
les personnes non communicantes.
Quand vous avez répondu à ma collègue, vous avez
parlé beaucoup d'un... du contexte, en fait. Vous avez dit : Bon, que ce soit fait à la maison, que ce soit fait dans un contexte, finalement, qui va privilégier, je comprends, une forme de... Je ne sais pas si c'est d'être rassuré
ou d'être confortable. Là, je voulais vous entendre sur, justement,
ce... Quand vous qualifiez la compétence du médecin versus le contexte dans
lequel c'est fait... En fait, je voulais vous entendre sur ce contexte-là, puis
vous référiez vraiment aux médecins. Est-ce que ce serait seulement des
médecins ou d'autres professionnels de la santé?
Mme Chalifoux (Danielle) : Mon
Dieu! J'aime beaucoup votre question. Merci pour cette question-là, ça va me
permettre de m'exprimer là-dessus. Non, je ne crois pas que ça serait le
privilège exclusif du médecin, quoiqu'en bout de ligne, comme disent les
Anglais, à la fin du jour, il faut que quelqu'un signe comme quoi la personne
est apte ou inapte. Mais il devrait absolument être... C'est une démarche
multidisciplinaire parce qu'il y a plein de... Il y a des psychologues, qui
sont des neuropsychologues, qui sont vraiment d'une compétence très pointue en
matière d'aptitude. Il faut absolument avoir recours à ces ressources-là, qu'on
a.
Il y a aussi tout simplement les proches qui
peuvent aussi apporter. Le proche aidant qui est quasiment 24 heures sur
24 auprès de la personne, elle aussi ou il aussi a son mot à dire par rapport à
ça. Moi, je pense que la question doit finalement, en bout de ligne, peut-être
être autorisée par un médecin, mais qu'il faut qu'il y ait eu des
participations multidisciplinaires. Ça peut aussi être très important d'avoir
l'opinion d'un travailleur social par rapport à la situation.
Mais il faut distinguer deux choses, si vous me
permettez. Il y a la question de l'évaluation de l'aptitude puis il y a la
question de la souffrance. Pour l'évaluation de la souffrance, il y a vraiment
non... Je veux dire, nous autres, les infirmières — même si je suis
retraitée, je m'identifie encore souvent comme infirmière — on
est capables de reconnaître quand une personne est souffrante ou pas. Il y a
toutes sortes de façons de le faire, de voir. Les personnes qui ont la maladie
d'Alzheimer vont développer soit une agitation à certains moments, comme je
parlais tout à l'heure, là, de l'agitation crépusculaire — c'est
très typique — ou
vont avoir toutes sortes de façons de nous démontrer la souffrance. Elle peut
être évaluée.
Il y a beaucoup de travaux de recherche qui ont
été faits là-dessus. Il y a aussi le fait qu'on peut aussi évaluer la
souffrance d'une personne qui est tout à fait apathique, ne répond plus à rien,
est toujours triste. Il n'y a pas seulement les grands agités, là, qui sont
souffrants. Il y a toute une panoplie. Et vous demanderiez aux personnes qui
ont travaillé là-dessus, là, plus directement que moi, puis on va vous dire que
c'est très... c'est très possible d'évaluer un degré de souffrance important
chez les personnes qui ont des troubles neurodégénératifs.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
Mme Montpetit : Est-ce qu'il me
reste un petit peu de temps?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup.
Mme Montpetit : Non. C'est terminé,
hein? Merci, Me Chalifoux.
La Présidente
(Mme Guillemette) : C'est
tout le temps qu'il vous restait, Mme
la députée. Donc, je céderais
la parole au député de Gouin.
M. Nadeau-Dubois : Merci, Mme la
Présidente. Merci, Mme Chalifoux, pour votre présentation. J'ai deux
questions. Je vais vous les poser en rafale parce que j'ai peu de temps.
Mme Chalifoux (Danielle) : Oui.
M. Nadeau-Dubois : D'abord, sur la
question du diagnostic, là, nécessaire ou non à la rédaction d'une demande de
consentement anticipée, les gens du groupe d'experts ont utilisé, pour défendre
leur position, avec laquelle, je comprends, vous êtes en désaccord, l'argument
du consentement libre et éclairé. Ce qu'ils nous ont dit, c'est que, pour qu'un consentement soit valide, il
faut qu'il soit éclairé. Et est-il vraiment éclairé, ce consentement-là,
si on demande à quelqu'un
de se projeter dans une situation, au fond, complètement hypothétique pour
laquelle la personne n'a pas vraiment d'information? Si jamais, un jour,
j'ai une maladie x, si jamais, un jour, il m'arrive un accident y et que je me retrouve dans
telle ou telle circonstance, je préférerais avoir l'aide médicale à mourir. Je caricature volontairement parce que
j'ai peu de temps, mais vous voyez l'argument, c'est de dire : C'est
tellement flou et abstrait. Est-ce que c'est vraiment un consentement éclairé?
Puis ma compréhension de leur position, c'est que ça s'appuyait sur cet
argument-là. Vous, vous nous dites : Non, ce n'est pas nécessaire. Ça fait
que j'aimerais que vous nous expliquiez en quoi, selon vous, le consentement,
il est éclairé, même dans des circonstances qui sont aussi, disons, abstraites
pour les gens qui rédigent la demande anticipée.
Ma deuxième question. Il y a Me Ménard qui
est passé un peu plus tôt ici, en commission, et qui nous a dit que, selon lui,
l'état actuel du droit fait en sorte qu'un consentement doit être exprimé dans
l'ici et maintenant pour être valide. Vous semblez être d'une autre école, vous
nous dites : Non, le consentement devrait pouvoir se maintenir malgré
l'état d'inaptitude...
Mme Montpetit : ...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Marie, on t'entend. Mme la députée de Maurice-Richard.
M.
Nadeau-Dubois : Merci, Mme la Présidente, d'avoir remis à l'ordre ma collègue. Non, c'est... sans problème.
Donc, est-ce que,
selon vous... Êtes-vous d'accord avec Me Ménard? Est-ce qu'il est... Est-ce qu'on... Comment
peut-on présumer de l'existence d'un consentement si la personne n'est plus
capable de le confirmer? Voilà mes deux questions.
Mme Chalifoux (Danielle) : Bon,
alors... Bien, je vais... Vous me rappellerez à l'ordre si je m'égare, là,
parce que vos deux questions sont importantes puis pourraient demander beaucoup
de développement.
Pour la question de dire que les situations sont
hypothétiques. Les situations sont hypothétiques, oui et non, parce que moi, en
tout cas, dans mon expérience personnelle... Comme je disais tout à l'heure,
moi, j'ai vu ma mère... je l'ai vue pendant cinq ans souffrir de séquelles
graves et irrémédiables d'un ACV. Je peux vous dire que je sais ce que c'est.
Et je pense que, dans les nombreuses personnes à qui j'ai parlé ou que je parle
quand je donne des conférences, les gens ont tous dans leur parenté, dans
leur... soit leur conjoint ou les gens... Vous savez, les ACV, c'est très,
très, très fréquent. J'ai quelqu'un de ma parenté immédiate, là, qui vient de
souffrir d'un ACV il n'y a pas longtemps aussi et qui souffre, justement, de
séquelles très graves et irrémédiables. Je pense que tout le monde est à même
de savoir ce que c'est et de pouvoir avoir une opinion là-dessus, en tout
respect pour l'opinion contraire. Moi, je pense que c'est très facile.
C'est la même chose pour les problèmes de
traumatisme crânien. Écoutez, quand les personnes... Et il y en a énormément,
là. Moi, je n'ai pas eu le temps de vous donner des statistiques, mais vous
allez dans les recherches qu'on peut faire à ce niveau-là. Il y a beaucoup de
personnes qui souffrent de séquelles graves et irrémédiables de traumatismes
crâniens et qui deviennent inaptes et il y a... Des gens les voient, les gens
le savent.
Alors, je pense qu'on ne peut pas demander non
plus l'impossible, là, tu sais, on ne peut pas dire : Bien, écoutez, il
faut que vous ayez eu la maladie pour pouvoir faire une demande anticipée.
C'est l'essence même de cette maladie-là, qu'on ne peut pas la prévenir
d'avance. Mais on peut avoir une bonne idée des raisons, des façons et de voir
comment est-ce que les personnes qui ont des séquelles graves et irrémédiables
de ça, et qui deviennent inaptes par rapport à ça, sont... dans quelle
situation ils sont. Je pense qu'on peut donner un consentement.
Et là on va tomber dans la deuxième question, si
vous croyez que vous avez une réponse à la première.
La Présidente (Mme Guillemette) : Il
vous reste 10 secondes, Mme Chalifoux.
Mme Chalifoux (Danielle) :
10 secondes. Écoutez, bon, alors, les directives médicales anticipées de
la Loi concernant les soins de fin de vie, les mandats en prévision
d'inaptitude, la Cour suprême, les cours... le Code civil, le Code de procédure
civile, tous ces instruments-là parlent de consentement anticipé, de la
validité, du fait que c'est un consentement qui vaut autant que s'il était
donné de façon contemporaine. Si la personne est apte, je ne vois pas qu'est-ce
qu'on peut ajouter d'autre sur la validité légale d'un consentement anticipé.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci, M. le député. Merci, Me Chalifoux. J'aurais besoin du
consentement de tous pour...
Mme Chalifoux (Danielle) : Libre et
éclairé.
La Présidente (Mme Guillemette) :
...oui, libre et éclairé, pour déborder un peu sur notre heure, là, sur notre
heure prévue de fin.
Donc, s'il y a consentement de tous, je
passerais maintenant la parole à la députée de Joliette.
• (18 heures) •
Mme
Hivon : Oui.
Bonjour, Maître...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Mme la députée.
Mme
Hivon : Oui.
Bonjour.
Mme Chalifoux
(Danielle) : Bonjour.
Mme
Hivon : Merci, Mme
la Présidente. Bonjour, Me Chalifoux.
Mme Chalifoux (Danielle) : Bonjour.
Mme
Hivon : Contente
de vous revoir. Écoutez, moi, je voudrais vous amener sur le spectre des
valeurs, l'autonomie, l'autodétermination de
la personne versus, je dirais, traditionnellement, ce qu'on appelait plus le
paternalisme médical.
Donc, c'est sûr qu'il y a un choix qui a été
fait vers l'autonomie de la personne dans la loi sur les soins de fin de vie,
hein? On a même dit que c'était vraiment la relation patient-médecin, même s'il
y a d'autres personnes qui peuvent être consultées, mais c'était ça, la clé
pour décider si on vous fait donner l'aide médicale à mourir.
Aujourd'hui, certains ont amené d'autres
éléments, jusqu'au consentement substitué, en nous disant que, pour les
médecins, ça pourrait être plus simple d'y aller par consentement substitué
plutôt que de directives anticipées en sentant qu'il y a un accord de la
famille. Certains nous ont dit que, pour donner, donc, ouverture et application
à une demande anticipée, il faudrait avoir aussi consentement, mettons, du
proche qui a été désigné, selon le groupe d'experts, là, pour entamer le
processus et un consensus plus large équipe médicale et proche. Et donc, en
lien avec la directive de la demande anticipée, je voulais voir où vous vous
situez, vous, dans ce spectre-là.
Mme Chalifoux
(Danielle) : Mon Dieu! Je ne sais pas si vous pouvez penser que... où
je me situe vraiment, mais...
Mme Hivon : J'ai
une petite idée, mais je veux en fait que vous nous expliquiez pourquoi, selon
vous, le curseur doit être mis vraiment sur...
Mme Chalifoux (Danielle) :
L'autonomie des personnes.
Mme
Hivon :
...l'autonomie de la personne.
Mme Chalifoux (Danielle) :
Bien, parce que c'est un droit fondamental, parce que l'autonomie des personnes, c'est vraiment la pierre d'assise de
toutes les questions reliées à l'aide médicale à mourir, c'est la
condition de base. Et, selon moi, le
consentement anticipé... pardon, le consentement substitué n'a pas sa place par
rapport à ça. Je préfère de beaucoup avoir une position qui va favoriser
la recherche d'une décision libre et éclairée et d'un consentement chez les
personnes vulnérables pour essayer de ne pas les préjudicier par rapport à ça
que de demander à la famille, au répondant.
Écoutez, je sais par expérience que c'est
tellement plus facile d'aller voir le proche, la famille pour demander un
consentement que de vraiment respecter l'autonomie de la personne et de
rechercher son consentement à elle ou de
simplement dire que, bon, bien, la personne n'est pas autonome, on va aller de
ce côté-là. Je l'ai vu à maintes reprises. Je ne suis pas en accord avec
ça. Je sais que ça fait l'affaire de bien des gens parce que c'est plus simple,
c'est plus facile, mais ce n'est pas... On n'est pas dans la facilité, là, on
est dans le respect des droits puis de l'autonomie des personnes. Et je préfère
que ce soit difficile puis qu'on aille chercher la décision libre et éclairée,
quand on peut et avec les moyens qu'on a, plutôt que de se fier à un proche,
parce que le proche peut avoir toutes sortes de motivations qu'on ignore. On ne
veut pas dire nécessairement non plus que c'est des mauvaises motivations. On
peut dire que son opinion compte, mais ce n'est pas le proche qui devrait
décider. Moi, je suis contre la décision substituée. À chaque fois que c'est
possible de l'éviter, on l'évite. Il y a certaines circonstances... par
exemple, elle est reconnue pour la sédation
palliative continue. Bien, c'est peut-être... de cette façon-là, oui, ça peut
se comprendre, mais pas pour l'aide médicale à mourir et ni pour les
demandes anticipées non plus.
Mme
Hivon : O.K.
Compte tenu de votre position très claire sur le principe de
l'autodétermination des personnes, je me demandais comment vous composez avec
l'aspect... la recommandation que la demande anticipée dans le groupe d'experts
ne soit pas contraignante. On comprend tous que le médecin a son libre arbitre,
qu'il a son objection de conscience, là.
Mais est-ce qu'il n'y a pas un double discours quand on valorise l'autonomie
mais qu'en même temps on ne peut pas garantir à la personne que, si tous
les critères sont remplis, on va donner accès à sa demande?
Mme Chalifoux (Danielle) : Bien,
comme je disais...
La Présidente (Mme Guillemette) : En
20 secondes, Me Chalifoux.
Mme Chalifoux (Danielle) : En
20 secondes. Bien, écoutez, ceci étant... Comme je vous dis, moi... Il y a
deux positions. Quand j'étais plus jeune, je vais vous avouer que j'avais la
position de respecter l'autonomie de la demande anticipée, mais j'ai changé d'avis
en voyant, par expérience, que, comme je disais tout à l'heure, la souffrance
devrait être un critère qu'on évalue au moment... Et ça n'empêche pas que les
gens vont quand même avoir le même droit que tout le monde, parce que la
souffrance est un critère pour tout le monde, pas seulement pour les... Disons,
on ne fait pas de distinction, là, entre l'aide médicale à mourir en temps réel
ou la demande anticipée. Le critère de la souffrance s'applique à tout le
monde, selon moi.
Alors donc, la personne qui
ne serait pas souffrante, même si elle l'a demandé auparavant, bien, il
faudrait attendre qu'elle soit... qu'elle devienne souffrante.
Mme
Hivon : Non, mais,
si la souffrance...
Mme Chalifoux (Danielle) : Je suis
d'accord avec le groupe d'experts là-dessus.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
Mme
Hivon : Parfait.
Ah! c'est trop frustrant.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
Mme
Hivon : C'est
beau.
La
Présidente (Mme Guillemette) :
C'est tout le temps qu'on avait. Je vous remercie beaucoup,
Me Chalifoux, de votre participation, d'avoir accepté de partager avec
nous votre expérience et vos connaissances.
Donc, compte tenu de l'heure, la commission
suspend ses travaux. Je vous demanderais de raccrocher. Et la commission se
réunit en séance de travail, donc, dans la prochaine minute.
Mme Chalifoux (Danielle) : Alors,
merci à tout le monde.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci encore une fois, Me Chalifoux.
Mme
Hivon : Merci.
(Fin de la séance à 18 h 05)