(Neuf
heures dix-sept minutes)
La Présidente (Mme
Guillemette) : Mesdames messieurs, nous allons débuter la séance.
Ayant constaté le quorum...
Des voix :
...
La Présidente (Mme
Guillemette) : Oui. Parfait. Donc, merci, Me Filion et
M. Maclure. Nous allons... Moi, je viens de tout perdre ici, là. Ah! c'est
revenu. Donc, nous allons débuter les remarques préliminaires, et après nous
vous inviterons, là, à faire votre présentation.
Donc, ayant constaté
le quorum, je déclare la séance de la commission spéciale...
(Interruption)
La Présidente (Mme
Guillemette) : Il y a beaucoup de technique ce matin. On peut y aller?
Merci.
Donc, ayant constaté
le quorum, je déclare la séance de la commission spéciale sur l'évolution des
soins de vie ouverte.
La
commission est réunie virtuellement afin de procéder aux consultations
particulières et auditions publiques sur l'évolution de la Loi concernant
les soins de fin de vie.
Mme la
secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire :
Non, Mme la Présidente.
• (9 h 20) •
La Présidente (Mme
Guillemette) : Merci. Aussi, j'aimerais savoir s'il y a consentement
pour permettre au député de Chomedey de participer à la séance. Consentement
accepté.
Donc,
ce matin, nous débuterons avec les remarques préliminaires puis nous
entendrons, par visio, les groupes suivants : M. Jocelyn
Maclure et Mme Nicole Filion, coprésidente et coprésident du Groupe
d'experts sur la question de l'inaptitude et de l'aide médicale à mourir, la
Dre Mona Gupta et la Commission sur les soins de fin de vie.
Remarques préliminaires
Donc, j'inviterais ma
collègue la vice-présidente Mme Marie Montpetit, députée de Maurice-Richard,
à nous présenter ses remarques préliminaires.
Mme Marie Montpetit
Mme
Montpetit : Oui. Bonjour. Bonjour, Mme la Présidente. Bonjour,
tout le monde. Bien, écoutez, très heureuse d'être là ce matin pour entamer ces
travaux. Je sais qu'on n'a pas énormément de temps pour faire ces remarques
préliminaires, mais simplement dire que je suis bien heureuse d'agir à titre de
vice-présidente sur cette importante commission.
On le sait, Québec a
toujours été... a été un leader, a été un précurseur dans la question de l'aide
médicale à mourir, puis je pense
qu'aujourd'hui on commence vraiment une... on entame une nouvelle étape qui est
extrêmement importante sur des questions complexes, sur l'inclusion
possible de gens qui sont inaptes à consentir, de personnes qui ont des troubles de santé mentale, des
troubles mentaux graves. C'est des questions qui sont certainement complexes,
qui sont certainement sensibles, toujours, quand il est question de mort, de
souffrance, de dignité humaine, mais je trouve ça très important qu'on prenne,
justement, le temps de le faire comme parlementaires.
Je vois qu'on a déjà
les premiers experts qui sont arrivés aujourd'hui pour avoir un échange avec
nous. On a fait une... On sera accompagnés dans ces travaux, justement,
d'experts de très haut niveau qui ont fait des réflexions préalables sur ces questions-là et qui pourront
certainement venir nous guider dans nos réflexions, parce que la question
n'est pas simple, tant au niveau éthique, tant au niveau moral mais tant au
niveau de son applicabilité non plus.
Donc, je suis
certaine qu'on pourra le faire. Et je suis heureuse qu'on le refasse, encore
cette fois-ci, de façon transpartisane et qu'on entame ce dialogue-là avec la
société également, sur... puisque c'est elle aussi qui a demandé, au cours des dernières années, que ces
questions-là soient abordées. Et donc très heureuse d'être ici avec vous. Je le
fais avec beaucoup d'humilité, parce
que c'est des questions qui viennent changer la place d'une société mais qui
viennent également répondre à des enjeux qui sont souvent très
déchirants dans la vie d'une personne ou dans la vie d'un proche aidant
également. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Guillemette) :
...préliminaires. Pardon?
Une voix : ...
La Présidente (Mme Guillemette) :
O.K. J'inviterais le député de Gouin, maintenant, à faire ses remarques
préliminaires.
M. Gabriel
Nadeau-Dubois
M.
Nadeau-Dubois : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Votre
invitation initiale, je pense, avait été bloquée par des problèmes
techniques. Ça va nous arriver. Ce n'est pas l'idéal, mais j'espère qu'on sera
en mesure de mener nos travaux tout de même rondement.
Bonjour, tout le monde. Très content d'être ici.
Et je ne m'étendrai pas très longtemps, juste vous dire que je trouve ça très
important, l'exercice auquel on va se prêter dans les prochaines semaines et
les prochains mois ici, à la commission. Je nous souhaite de suivre une belle
tradition, je pense, québécoise qui a été inaugurée, il y a quelques années,
sur cet enjeu-là, une tradition de prendre le temps de réfléchir à ces
enjeux-là, prendre le temps d'y aller en profondeur, ne pas faire l'économie de
ces discussions-là, même si elles sont difficiles, même si elles sont
sensibles.
Puis, deuxièmement, je dirais aussi, il y a une
tradition québécoise de procéder de manière transpartisane sur ces questions-là, de ne pas se laisser dévier dans
nos réflexions par les objectifs partisans, par nos orientations politiques, celles de nos formations politiques, mais de
vraiment tenter de mettre ça de côté pour, d'abord, écouter les experts, puis
les gens qui vivent les situations également.
Je nous souhaite des réflexions fertiles.
J'espère qu'on va avancer tout le monde ensemble là-dedans puis surtout j'espère qu'on va aboutir sur un consensus
social et politique le plus large possible. Je nous souhaite d'aboutir à
des recommandations qui vont unir la société québécoise autour de cette
question-là. Je nous souhaite d'entendre le plus
d'opinions possible, divergentes, parfois nuancées, parfois plus cassantes.
C'est correct. Je nous souhaite vraiment d'entendre le plus de gens
possible avec le plus de perspectives possible et de cheminer dans une
réflexion collective vers des recommandations qui seront les plus consensuelles
possible.
Ça fait que c'est mes souhaits, c'est mes
attentes pour les travaux qu'on entame aujourd'hui. Je suis très content de faire partie de cette commission-là. Je
nous souhaite des débats et un dialogue constructifs, productifs. Je pense
que c'est ce que les gens qui nous ont élus
s'attendent de nous. Alors, allons-y, chers amis, chers collègues. Je suis très
content d'être parmi vous pour cet exercice-là.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le député. Je passerais maintenant la parole à la députée de
Joliette, Mme Hivon.
Mme
Véronique Hivon
Mme
Hivon : Oui.
Bonjour. Merci. Mme la Présidente, Mme la vice-présidente, chers
collègues, je suis vraiment très heureuse, même émue un peu d'être parmi vous
ce matin, d'amorcer, donc, cette nouvelle phase des travaux sur ces enjeux-là, très importants, de l'aide médicale à mourir
en contexte de maladie, par exemple, neurodégénérative, d'inaptitude et
aussi de troubles mentaux. Ce sont des questions extrêmement complexes mais
extrêmement importantes.
Et on a un
privilège incroyable, c'est celui d'être des élus de la population. Et je pense
que la meilleure manière d'exercer notre rôle d'élu, c'est que, quand il
y a de ces enjeux aussi sensibles qui habitent nos concitoyens, qui habitent
les gens que nous avons le privilège de représenter... c'est de prendre nos
responsabilités à bras-le-corps et de permettre que ces débats-là puissent se
faire en toute ouverture, en toute transparence, en entendant tous les points de vue et pour pouvoir bâtir le plus grand
consensus possible mais surtout d'évoluer tout le monde ensemble, experts,
citoyens, élus, pour que la société sente qu'elle marche dans une direction et
qu'on n'a pas peur d'affronter ces débats-là, qui touchent les gens dans ce
qu'ils ont de plus profond, humainement, socialement, je vous dirais aussi
médicalement, éthiquement. Donc, c'est un grand privilège, et je prends la
pleine mesure de ça.
Je pense qu'effectivement on a fait un grand pas
en étant des précurseurs au Québec. On a inspiré beaucoup, et je suis confiante
qu'il va se produire la même chose avec les travaux qu'on amorce aujourd'hui
parce qu'on les fait en étant guidés par les meilleures volontés et valeurs
possible.
Et je veux juste dire, en terminant, que ça,
c'est la première phase que nous amorçons, avec des experts de haut niveau,
mais que, tous les gens qui nous suivent et qui s'intéressent à la question,
sachez qu'il y aura une deuxième étape plus tard, à la fin de l'été, où nous
allons entendre citoyens, groupes d'intérêts, organismes qui voudront venir
nous présenter leurs points de vue pour avoir le débat le plus riche possible.
Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Donc, je passerais maintenant la parole au député de Chomedey.
M.
Guy Ouellette
M. Ouellette : Le député de Chomedey
va être bref, Mme la Présidente. Je pense que, moi aussi, on peut être
très heureux de faire partie d'une commission transpartisane sur un enjeu aussi
important que celui-là.
On aura
aussi, au cours des prochaines semaines et avec les échéances qu'on a, de
novembre, une responsabilité. C'est une responsabilité qui est grande.
Et, MM. et Mme les experts qui nous écoutez, nous sommes tout ouïe et, en toute humilité, nous espérons que vous nous éclairerez pour
que notre travail de législateur soit bénéfique pour l'ensemble des citoyens du
Québec. Merci, Mme la Présidente.
La présidente, Mme Nancy
Guillemette
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le député. Donc, je tiens à remercier tout le personnel qui est
ici ce matin et qui m'accompagne. Vous voyez, il y a une grosse technique, et,
sans eux, on n'y arriverait pas. Et on a une équipe, au secrétariat, qui fait
un travail extraordinaire avec efficacité et rapidité. Salutations également
aux collègues. C'est un réel plaisir de travailler avec vous. C'est rare qu'on
a... C'est vraiment, vraiment rare qu'on a la chance
de travailler de façon transpartisane et c'est vraiment agréable de le faire.
Et on a à apprendre, tout un chacun. Donc, merci d'être là et d'avoir
accepté ce mandat. Merci particulier à tous ceux et celles qui viendront
partager leur expertise et leur expérience. C'est grâce à vous qu'on pourra
élever nos discussions.
Depuis 2014, vous savez, on a une loi sur l'aide
médicale à mourir. On a été des précurseurs. Mais, depuis ce temps, il y a eu
des nouveaux éléments qui se sont ajoutés, et maintenant la société nous
demande de prendre compte de ces éléments-là. Donc, c'est un enjeu important.
C'est un enjeu que nous devons traiter avec respect et diligence. C'est un
sujet sensible et délicat, et ça vient confronter aussi nos valeurs mais
également notre propre finitude. On ne s'interroge pas souvent sur notre propre
finitude, et ça peut être confrontant d'en discuter.
• (9 h 30) •
Donc, nous
entendrons des experts, mais nous voulons aussi vous entendre. C'est un débat
de société important. Je vous invite
à nous suivre sur le site de l'Assemblée nationale. Et bientôt vous aurez accès
à une consultation publique en ligne. Je vous invite à partager avec vos
collègues et vos amis et à en discuter pour qu'on puisse élever le débat de
façon satisfaisante.
Auditions
Je cède maintenant la parole à nos deux premiers
invités, Me Nicole Filion et M. Jocelyn Maclure, pour une période de
20 minutes.
Mme
Nicole Filion et M. Jocelyn Maclure
Mme Filion (Nicole) : Alors, bonjour,
tout le monde. D'abord, peut-être vous parler de la méthodologie que nous avons employée dans le cadre des travaux du
groupe d'experts, travaux du groupe d'experts qui se sont déroulés sur une période de 18 mois, soit entre
décembre 2017 et juin 2019. Au total, il y a eu 17 réunions, à
raison de huit heures par jour.
Nous avons eu le privilège de réunir des experts
qui étaient issus de plusieurs domaines différents, soit les domaines de la médecine, de la pharmacie, des
sciences infirmières, de la psychologie, du travail social, de la philosophie,
du droit et aussi de la défense des droits des usagers. Ces experts-là, tous
réunis ensemble, ont exprimé des opinions à titre individuel en tant qu'experts
dans leurs domaines respectifs.
D'abord, les
rencontres du groupe d'experts ont été, pour nous, l'occasion de se
familiariser avec les différentes dimensions des enjeux qui étaient au
coeur du mandat mais aussi de se familiariser sur les nombreux défis, là, qui
étaient rencontrés sur le terrain par les professionnels de la santé. Donc,
pour ce faire, nous avons eu l'occasion d'entendre aussi différentes personnes
qui ont été invitées à nous partager soit leurs travaux scientifiques ou soit
leur expérience pratique. Au total, nous avons invité 22 professionnels,
chercheurs ou représentants d'organisme, qui sont venus enrichir la réflexion
des membres du groupe d'experts.
Le rapport, intitulé L'aide médicale à mourir
pour les personnes en situation d'inaptitude : le juste équilibre entre le droit à l'autodétermination, la
compassion et la prudence, je
pense que vous avez eu l'occasion d'en prendre connaissance puisqu'il a été déposé pour les fins des travaux de la
commission. Donc, ce rapport-là contient 14 recommandations.
M. Maclure et moi, ce matin, allons nous... (panne de son) ...sur les recommandations
que je pourrais qualifier de plus importantes pour les fins de vos travaux.
Fait à signaler qui n'est pas banal, malgré des points de vue divergents, au
départ, qui étaient partagés par différents experts, au terme des travaux, nous
avons réussi à atteindre un consensus sur les 14 recommandations.
Je veux vous rappeler le mandat du groupe
d'experts. Il est à la page 17 de notre rapport. Alors, je le résume
brièvement. Nous avions «pour mandat général d'examiner la possibilité que des
modifications soient apportées à la Loi concernant les soins de fin de vie,
après avoir évalué les enjeux cliniques, éthiques et juridiques en cause.
«Plus précisément, le groupe d'experts avait
pour mandat : d'étudier le concept d'inaptitude sous les angles juridiques,
cliniques et éthiques; de déterminer les enjeux rencontrés ou anticipés en lien
avec l'inaptitude dans le contexte de l'aide
médicale à mourir; d'analyser les effets du caractère évolutif du spectre de
l'aptitude et de l'inaptitude dans la
perspective du principe de continuum du consentement; d'analyser les situations
pour lesquelles l'accès à l'aide médicale à mourir serait souhaitable en
cas d'inaptitude, le cas échéant; d'évaluer les différents moyens et conditions
qui permettraient à une personne d'exprimer sa volonté — et
finalement — de
rédiger un rapport faisant état de ses recommandations.»
J'aimerais souligner que les travaux du groupe
d'experts ainsi que la rédaction du rapport ont eu lieu avant que ne soit rendu
le jugement du 11 septembre 2019 dans l'affaire Gladu-Truchon, qui
rendait notamment inopérant, là, le critère de fin de vie pour déterminer si
une personne pouvait avoir recours à l'aide médicale à mourir.
Et je termine en précisant
que le rapport a été déposé à l'Assemblée nationale le
29 novembre 2019 et qu'à nos yeux
il constitue certainement une excellente base pour amorcer votre réflexion à
plus grande échelle sur l'élargissement de l'aide médicale à mourir pour
les personnes inaptes. Alors, là-dessus, je cède la parole à M. Maclure.
Merci.
M. Maclure (Jocelyn) : Merci. Merci,
Mme la Présidente, MM., Mmes les députés. Merci, Nicole. Donc, c'est un plaisir
pour moi aussi d'être avec vous aujourd'hui à discuter de cette question très
importante dans un esprit aussi qui, me semble-t-il, honore la société québécoise
et les députés de tous les partis en particulier.
Dans mon
travail en philosophie, en particulier en éthique, là, depuis de nombreuses
années, j'ai souvent eu la chance de
discuter avec certains d'entre vous, là, sur d'autres enjeux très complexes,
hein, la laïcité, les accommodements raisonnables,
l'intelligence artificielle et
plusieurs autres débats de société. La question d'est-ce qu'on devrait
permettre, hein, aux personnes qui
vont avoir une maladie neurodégénérative et perdre leur aptitude, hein, à
demander... à prendre des décisions éclairées concernant leurs soins de
santé, leurs soins de fin de vie, c'est une des questions éthiques les plus
complexes et délicates à laquelle j'ai été confronté jusqu'ici dans mon
parcours.
C'est une des
questions les plus complexes, bon, parce que, comme c'est souvent le cas en
éthique, hein, il y a un dilemme
éthique très profond au coeur de cette question. Bon, il y a plusieurs valeurs
éthiques, là, qui sont pertinentes à la réflexion, mais il y a une
tension forte entre, d'un côté, le principe d'autonomie, hein, personnelle ou
d'autonomie individuelle, en particulier eu égard aux choix que l'on souhaite
faire concernant notre fin de vie et les soins qu'on souhaite recevoir dans
cette... à ce moment crucial de notre vie, donc, d'un côté, l'autonomie
personnelle, de l'autre côté, hein, la protection des... le principe de la
protection des personnes vulnérables. C'est une tension forte.
D'un côté, bon, vous le savez, la légalisation
de l'aide médicale à mourir au Québec, bon, était fondée, hein, sur une idée
de... sur un idéal, hein, d'une fin de vie vécue dans la dignité, et la dignité
implique, entre autres, hein, un
accroissement du pouvoir d'autodétermination concernant nos choix en fin de
vie, hein, donc, d'où l'idée d'ajouter à des soins... la possibilité d'avoir des soins palliatifs de qualité,
d'ajouter aussi la possibilité de faire une demande d'aide médicale à
mourir, hein, dans certaines circonstances. Donc, le principe d'autonomie a
joué un rôle clé, hein, dans le processus de légalisation de l'aide médicale à
mourir.
De l'autre côté, on sait que, bon, les personnes
en fin de vie, les personnes qui sont aux prises avec une maladie, par exemple,
incurable, et en particulier des personnes qui, donc, vivent une maladie
neurodégénérative, hein, qui leur font perdre, hein, leur aptitude, hein, à
comprendre leur état de santé, à comprendre quelles sont les différentes
options devant eux, parfois, donc, des personnes qui n'arrivent plus, bon, à
reconnaître leurs proches, qui ne se souviennent plus, hein, de quelles étaient
leurs volontés lorsqu'ils avaient toutes leurs capacités cognitives, ce sont
des personnes qui sont dans une situation de vulnérabilité extrême, donc, et on
devait réfléchir collectivement, donc, à qu'est-ce qui est la bonne chose à
faire, hein, dans ce contexte. Est-ce qu'on devrait permettre, par exemple, aux
personnes de formuler à l'avance, hein, de demander de façon anticipée l'aide
médicale à mourir? Et, la réponse qu'on a donnée à cette question, donc, on a
voulu qu'elle soit équilibrée, hein, comme Nicole l'a rappelé, et marquée au
coin de la prudence.
Et on va passer en revue quelques-unes des
recommandations, mais c'est une réponse équilibrée, en ce sens que l'on cherche, hein, à accroître le pouvoir
d'autodétermination des personnes en permettant la rédaction de ce qu'on a
appelé des demandes anticipées d'aide médicale à mourir. Donc, une demande
anticipée permet d'exercer, disons, à l'avance, hein, son autonomie concernant
la fin de vie que l'on se souhaite.
Mais on a souhaité aussi baliser ce droit pour
faire en sorte, hein... ou réduire les risques qu'une demande anticipée d'aide
médicale à mourir soit appliquée de façon trop précoce, hein, de façon hâtive,
parce qu'on ne peut pas exclure, par exemple, hein, la possibilité qu'une
personne ait perdu, là, son aptitude, hein, à consentir à ses soins mais qu'elle ait quand même une certaine
qualité de vie, hein, même si ses facultés cognitives sont fortement touchées.
Bon, il y a des cas de ce qu'on appelle parfois,
là, il faut... de la démence heureuse ou... Bon, des maladies
neurodégénératives comme l'alzheimer, pour certaines personnes, hein, peuvent
évoluer quand même relativement lentement ou ça peut... Le déclin peut se
faire, hein, d'année en année. Il peut y avoir des phases, hein, dans la maladie, où il y a une certaine qualité de vie, il
y a certains plaisirs, il y a certaines émotions positives qui sont vécues,
même si on ne parvient plus très bien à reconnaître ses proches ou on a
clairement oublié ce qu'on souhaitait lorsqu'on était en pleine possession de
nos capacités rationnelles. Donc, on a aussi proposé, hein, d'adopter aussi des
mesures qui, bon, permettraient de réduire les risques, hein, que la demande
soit exécutée de façon trop rapide, pendant que la personne a encore une
certaine qualité de vie.
• (9 h 40) •
Donc, on pense que des demandes anticipées
d'aide médicale à mourir devraient être acceptées, que la volonté des personnes
devrait être reconnue, mais elle devrait être appliquée, hein, lorsqu'on
constate, bon, que la personne n'a plus vraiment de qualité de vie, que ses
souffrances, hein, semblent persistantes, que les... vraiment, aux yeux des
proches et de l'équipe soignante, là, que, la personne, sa vie est faite davantage
de souffrance et de détresse, hein, que de plaisir. Donc, c'est à ce moment-là,
hein, qu'on pense qu'une demande anticipée d'aide médicale à mourir devrait
être appliquée en pratique, et c'est de cette façon-là qu'on a tenté, là, de
concilier, hein, autant que faire se peut, le principe d'autonomie, qui est
crucial, là, lorsqu'il est question des questions de fin de vie, hein — une
conception de ce qu'est une vie qui a un sens, de ce qu'est une vie bonne,
hein, ça inclut une réflexion sur le type de
fin de vie qu'on se souhaite — donc,
d'équilibrer ce principe-là avec le principe de la protection des personnes
vulnérables, dont les personnes qui sont en situation d'inaptitude.
Si je passe rapidement aux recommandations...
Vous les avez probablement devant vous. Donc, on pourra revenir, hein, dans la
discussion, sur toutes les 14 recommandations si vous le souhaitez.
J'attire votre attention sur la recommandation n° 2, donc : «Que soit reconnue et rendue
possible la formulation d'une demande anticipée d'aide médicale à mourir
en prévision de l'inaptitude à consentir à ce soin, sous les conditions», donc,
énoncées dans le rapport.
Recommandation 3, donc, cette
recommandation inclut, entre autres, l'idée que la rédaction de la demande anticipée doit se faire après l'obtention d'un
diagnostic d'une maladie grave et incurable. Donc, ce n'est pas une demande
qu'on voit comme étant... qui devrait ne pas pouvoir être rédigée, par exemple,
en toute situation, avant même d'avoir obtenu un diagnostic d'une
maladie comme l'Alzheimer, par exemple. Donc, ce n'est pas une demande qui
pourrait être appliquée, par exemple, suite
à un accident, un traumatisme qui causerait une inaptitude rapide. On
encourage, hein, tous les citoyens du Québec à rédiger ce qu'on appelle les
DMA, hein, leurs directives médicales anticipées, par exemple, pour
demander quels types de soins ils souhaitent recevoir s'ils se retrouvent dans
cette situation-là. Mais on pense qu'une demande anticipée d'aide médicale à
mourir devrait être rédigée vraiment lorsqu'on est bien informé de la situation
qui nous attend, hein, et donc après un diagnostic, après des discussions avec
des professionnels de la santé, discussions, idéalement, avec les proches.
Donc, on pourra y revenir si vous voulez.
On ajoute ensuite que, «bien qu'elle n'ait pas
de caractère exécutoire, cette demande devra néanmoins être considérée et
évaluée, au moment opportun, dans le respect des conditions précisées dans le
rapport».
Et, recommandation 4, donc, on propose la
création d'un formulaire, hein, spécifique pour les demandes anticipées d'AMM,
un formulaire distinct du formulaire des demandes... des directives médicales
anticipées. Et, bon, on veut que la
personne, hein, parce que c'est vraiment ancré, hein, dans l'autonomie et dans
le consentement individuel... donc, que la personne formule elle-même,
de manière libre et éclairée, la demande d'AMM au moyen du formulaire prescrit. La personne signe son formulaire en présence
d'un médecin, qui le signe également et qui confirme le diagnostic de la
maladie grave et incurable, l'aptitude de la personne à consentir aux soins à
ce moment-là et à faire sa demande anticipée d'AMM et le caractère libre et
éclairé de la demande. Cette démarche est faite par la personne elle-même
devant deux témoins ou devant notaire sous forme d'acte notarié. Là-dessus, je
repasse la parole à Me Filion.
Mme Filion (Nicole) : Oui. Alors, de
mon côté, j'attire votre attention sur la recommandation numéro 7, donc : «Que la personne qui signe une demande
anticipée d'aide médicale à mourir puisse, au même moment, désigner, dans le formulaire, un tiers qui va être chargé de
faire connaître sa demande et de demander, en son nom, le traitement de
sa demande en temps jugé opportun.» Et cette charge du tiers devra être
acceptée par écrit.
Alors, à
titre de tiers, on peut certainement penser
à des proches, hein, qui connaissent intimement la personne, le patient, qui connaissent ses préoccupations, son style de vie, ses préférences. Les
proches sont souvent les mieux placés pour
relayer les volontés du patient et pour interpréter le sens de ses gestes, de
ses comportements et de ses manifestations.
Pour ce qui est de la recommandation n° 8, elle se décline comme suit : «Qu'il revienne au tiers
désigné, le cas échéant, d'initier le traitement de la demande anticipée d'aide
médicale à mourir au moment jugé opportun, et qu'en l'absence d'un membre
désigné, ou dans l'éventualité d'un refus, désistement ou empêchement de sa
part, la demande de traitement de la demande anticipée d'aide médicale à mourir
se fasse par une personne qui va démontrer un intérêt pour le patient ou, à
défaut, par une autorité externe impartiale, dont le mandat serait de protéger
la volonté du patient et d'agir dans son meilleur intérêt.»
Donc, j'aimerais préciser que le
tiers désigné n'exercerait pas un consentement substitué, donc son jugement et
sa décision ne se substituent pas à celui de son proche, et que le tiers
désigné, aussi, ne doit pas être confondu comme représentant légal. Son seul et
unique rôle, de ce tiers-là, se limite à rappeler au personnel soignant
l'existence du formulaire de demande anticipée et de s'assurer que ce
formulaire-là sera dûment considéré.
Bien entendu, il faut considérer
également qu'il puisse y avoir des personnes qui sont totalement isolées, donc
qui ne peuvent pas désigner un tiers, compte tenu de leur situation, ou, tout
simplement, il y aura certainement des patients qui ne voudront pas désigner un
proche pour les représenter comme tiers dans le cadre de leur démarche. Donc,
le groupe d'experts, dans ces situations-là, était d'avis que l'absence d'un
tiers ne devait pas pour autant compromettre le droit à l'autodétermination de
la personne qui a rédigé une demande anticipée d'aide médicale à mourir. Et le
groupe d'experts recommandait qu'en l'absence d'un tiers... qu'il y ait une
autorité neutre, qu'on n'a pas identifiée ou qui restera à déterminer, qui
pourrait avoir à coeur l'intérêt et le respect des volontés de la personne, et que cette autorité neutre là puisse agir comme
porte-voix, en quelque sorte, pour s'assurer que la demande anticipée
sera consultée et considérée.
Maintenant, la recommandation n° 9 : «Que les critères d'admissibilité
à l'aide médicale à mourir applicables aux personnes devenues inaptes à
consentir à l'aide médicale à mourir soient les suivants...»
Alors, les critères sont : une personne
devra être assurée, au sens de la Loi sur l'assurance maladie; cette
personne-là devra être majeure; elle devra être atteinte d'une maladie grave et
incurable; sa situation médicale devrait se
caractériser par un déclin avancé et irréversible de ses capacités; compte tenu
de ses circonstances médicales, elle est engagée dans une trajectoire de
fin de vie pour laquelle le médecin peut raisonnablement prévoir sa mort, sans
pour autant avoir à établir un délai précis quant à son espérance de vie.
Ensuite, un autre critère : cette personne doit manifester des souffrances physiques, psychiques ou existentielles
constantes, importantes et difficiles à soulager; ces souffrances devront être évaluées par le
médecin et l'équipe soignante multidisciplinaire et devraient correspondre
à ce qui est exprimé dans la demande anticipée d'aide médicale à mourir, et,
dans ce cas, le médecin et l'équipe soignante sont encouragés à entrer en
dialogue avec le tiers qui a été désigné, le cas échéant, dans le formulaire et
les proches du patient; et, bien entendu, qu'elle ait rédigé une demande
anticipée qui respecte les conditions que nous avons énoncées aux recommandations 3,
4 et 7.
Alors, pour ce qui est des souffrances, vous en
apprendrez certainement davantage. Vous aurez l'occasion aujourd'hui d'entendre
la Dre Mona Gupta, qui est psychiatre. Nous avons eu le privilège de
l'entendre, et elle nous a beaucoup éclairés quant aux
souffrances de nature psychologique et psychique, existentielle. Donc, vous
aurez l'occasion de lui poser des questions en ce sens-là. Et là-dessus, bien,
je cède la parole à Jocelyn pour la conclusion de notre présentation. Merci.
• (9 h 50) •
M. Maclure (Jocelyn) : Je pense voir
que notre temps est écoulé. Donc, je pense qu'on peut y aller avec la période de questions. Puis, comme Nicole l'a dit,
c'est des conclusions qui ont été atteintes, hein, avant l'arrêt Baudouin. Donc,
on pourra discuter de l'impact de l'arrêt, du jugement, si vous le souhaitez,
mais je laisse ça entre vos mains.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci à vous deux. Donc, je céderais maintenant la parole au député de
Mégantic.
M. Jacques : Bien, merci, Mme la
Présidente. Me Filion, M. Maclure, bienvenue à cette commission. Vous
êtes les premiers intervenants, donc c'est un privilège pour vous aussi. C'est
un privilège pour moi d'intervenir le premier
aussi. Je suis très heureux de faire partie de la Commission spéciale sur les soins de fin de vie. C'est un
domaine que j'ai traité longuement
dans mon ancienne vie. Donc, je suis fébrile avec les discussions qui
commencent ce matin.
Je veux revenir sur la demande anticipée. Bon,
je vais vous expliquer un peu, là, ce que j'ai vécu un peu, dans ma vie, par
rapport à ça. J'ai une grand-mère qui a de l'alzheimer, qui commence à avoir
des symptômes à la maison. Mon grand-père décède. On se rend compte qu'elle a
beaucoup, beaucoup de difficultés à fonctionner seule. Elle s'en va en RPA pour
une courte durée, un an et demi. Suite à ça, elle s'en va en CHSLD pendant
13 ans.
Bon, on parle du bien-être de la personne, de la
personne, de la façon qu'elle se sent. Ma grand-mère se sentait très bien. Elle
chantait, elle était enjouée, elle jouait du piano encore, même si elle ne
reconnaissait plus personne. Donc, elle
était retournée dans ses 18, 20 ans, 22 ans. Elle parlait des gens
qu'elle a côtoyés dans ce temps-là, puis tout ça. Par contre, ma grand-mère
était une personne hyperfière, qui a été au public toute sa vie et qui n'aurait
jamais accepté de se voir dépérir de cette façon-là.
Donc, de ce que je comprends de votre
proposition, c'est qu'une personne pourrait avoir fait une demande anticipée au
premier stade. Parce qu'on ne parle pas, là, dans les... d'un mandat
d'inaptitude, de faire une demande anticipée
de soins de fin de vie au cas où il m'arriverait telle, telle, telle chose.
Donc, elle aurait pu faire une demande de... anticipée de soins de fin
de vie. Par contre, elle n'aurait pas pu être exécutoire tant et aussi
longtemps qu'elle aurait ressenti des problèmes, des malaises... ou que sa
qualité de... non pas sa qualité de vie, mais sa qualité de personne ne puisse
requérir à... qu'elle ne puisse plus fonctionner, dans le fond, ou qu'elle ait
des douleurs non pas psychologiques mais plutôt physiques. Est-ce que c'est
bien ça que je peux comprendre dans votre rapport?
M. Maclure (Jocelyn) : Oui. Merci
beaucoup pour votre commentaire et question. C'est exactement ça. On sait, on a entendu que des patients... pas des
patients, mais des citoyens qui vont devenir des patients et qui ont une
certaine conception de ce qu'est une vie de... une fin de vie digne vont dire
des choses comme : Lorsque je vais devoir être placé, c'est à ce
moment-là que je voudrais que la demande soit exécutée, ou : Lorsque je
vais dépendre, hein, des autres pour les soins les plus primaires, c'est à ce
moment-là que je voudrais être placé, lorsque je ne reconnaîtrai plus mes
proches. On a entendu ça.
On comprend très bien que ça fait partie d'une
certaine conception de ce qu'est une vie digne, mais on n'a pas été jusque-là,
parce que, comme, je pense comprendre, l'exemple de votre grand-mère peut le
montrer, bon, une personne qui vit une maladie neurodégénérative, hein, subit
une transformation identitaire majeure, hein, radicale, ses priorités, ses
intérêts, ses préférences, hein, peuvent changer de façon radicale, et, bon, il
est possible qu'à ce moment-là l'idée d'être complètement indépendant,
donc, ce ne soit plus pertinent, là, dans sa vie maintenant et qu'il y ait
d'autres plaisirs, qu'il y ait autre chose
qui font quand même en sorte que ça vaut la peine de continuer cette
vie-là encore un certain temps.
Et c'est
pour, justement, éviter, hein, une application trop rapide, hein,
d'une demande anticipée, parce que, là, il faut penser que, par exemple,
hein, une personne qui est dans une situation de démence mais qui a une
certaine qualité de vie... Est-ce qu'on veut vraiment demander à des
professionnels de la santé, là, d'aller appliquer, d'aller pratiquer l'aide
médicale à mourir dans ces conditions-là? Les professionnels de la santé nous
ont dit : On s'imagine mal, là, faire
ça, mais, lorsqu'on voit qu'il y a de la véritable souffrance physique ou
psychologique et qu'il n'y a plus de qualité
de vie, là, ça peut redevenir un soin, hein, l'aide médicale à mourir, et, dans
ce contexte-là, ça nous semble plus éthiquement acceptable. Donc, ce
serait pour une période, une étape ultérieure, hein, dans l'évolution de la
maladie.
M. Jacques : O.K. Puis de quelle
façon on va pouvoir, dans le fond, avoir un jugement concret pour chacune des
personnes? Donc, de quelle façon on va établir une ligne pour que chacune des
maladies ou des souffrances soit évaluée adéquatement sur l'ensemble des
patients? Et où est-ce que la ligne va être, plus précisément, là?
Mme Filion (Nicole) : Bien, en fait,
une des conditions, c'est qu'effectivement... que la personne manifeste des
souffrances soit physiques, soit psychiques, soit existentielles. Et on les a
qualifiées également, hein? Il faut que ces souffrances-là
soient constantes, très importantes et difficiles à soulager. Donc, il est
clair, à nos yeux, que l'évaluation des
souffrances devra être réalisée par l'équipe... le médecin, bien entendu, mais
toute l'équipe soignante multidisciplinaire qui, souvent, entoure le
patient, là. On pense aux travailleurs sociaux, ergothérapeutes, etc.
Et évidemment ça ne peut pas se faire non plus
en silo. On encourageait l'équipe soignante et le médecin à entrer en dialogue,
sûrement, avec le tiers qui a été désigné, parce que, s'il y a eu un tiers
désigné, ça veut dire que le patient avait une totale
confiance en cette personne-là. Il y a des fortes chances que le patient,
aussi, l'a désigné parce que cette
personne-là connaît son histoire, etc., ses valeurs, son historique, évidemment.
Et donc on invitait le médecin et l'équipe soignante à entrer en dialogue avec
le tiers désigné mais aussi, évidemment, avec les proches du patient.
Donc,
c'est vraiment des souffrances qui sont qualifiées, en tout cas, pour les fins
de nos recommandations, et qui sont évaluées par cette équipe-là, qui va entrer
en communication avec le tiers désigné et les proches. Merci.
M. Jacques :
Bien, finalement, là, pour le tiers désigné, votre recommandation 7, là,
ne pourrait pas dire : La dignité de la
personne, de mon proche ou de la personne à qui j'ai signé pour dire que je
l'accompagnerais et j'exécuterais ses volontés à un moment opportun... ne
pourrait pas dire que la dignité affectée à un tel point d'une personne pourrait
donner ou susciter le consentement à faire un soin de fin de vie.
Mme Filion (Nicole) : Bien, en fait, le tiers désigné est une personne
parmi tant d'autres qui pourrait venir éclairer l'équipe soignante.
M. Jacques :
Parfait.
Mme Filion
(Nicole) : Alors, c'est pour ça que j'ai insisté, tout à l'heure, pour
dire que ce n'est pas un consentement substitué, hein? Le tiers désigné, ce
n'est pas lui qui va décider. Lui, son rôle, c'est de porter à la connaissance
de l'équipe soignante la demande anticipée d'aide médicale à mourir et de dire
à l'équipe soignante : Voici, mon proche a fait... — une
dame, on l'a appelée «la dame» — et veuillez considérer cela, maintenant,
je peux vous éclairer sur l'historique de... puis, bon, ma soeur, mon frère,
etc., il y a d'autres personnes qui connaissent bien, pourraient vous donner
des renseignements, pourraient être une mine d'informations, là, pour vous
éclairer dans l'évaluation de la souffrance. Je ne sais pas, Jocelyn, si tu
veux compléter.
M. Maclure
(Jocelyn) : C'est parfait pour moi.
M.
Jacques : Bon, bien, je vous remercie, Me Filion et M. Maclure. Je vais laisser la parole à
d'autres collègues, là, qui avaient des questions.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Merci. Je passerais la parole à la députée de Soulanges.
• (10 heures) •
Mme
Picard : ...M. Maclure
et Mme Filion. Je vais y aller quand
même assez brièvement, parce que j'aimerais que vous élaboriez encore un petit peu plus
sur le tiers désigné. Je trouve ça vraiment intéressant, votre proposition. Par
contre, je sens que ça va
être beaucoup le proche
aidant qui va être le tiers désigné
et j'ai peur pour une certaine pression, en fait, si le proche aidant... si ça le confronte à ses propres valeurs
personnelles, la décision de la personne souffrante. Donc, si...
J'ai
bien aimé votre idée, en fait, là, que ce serait peut-être un tiers qui serait
plus neutre. J'y vois peut-être plus le curateur, dans certains cas, le
Curateur public, mais... ou un notaire, ou peut-être une autre personne, mais
j'aimerais que vous élaboriez un
petit peu sur qui vous voyez comme personne, un tiers désigné qui serait plus
neutre, pour peut-être essayer de décharger ce poids-là, cette
pression-là sur les proches aidants.
M. Maclure (Jocelyn) : Peut-être que je peux commencer, puis, Nicole, tu
pourrais suivre, là, avec la question du
curateur, entre autres. J'ai la chance d'avoir pour compagne une professeure et
chercheuse en travail social qui fait des recherches auprès des aidants,
des proches aidants, et effectivement des conflits de valeurs entre la volonté
de la personne malade et du proche, hein, ça peut survenir.
Dans
l'optique philosophique, hein, qui a été la nôtre, là, c'est vraiment... La
possibilité de rédiger une demande anticipée découle, hein, du principe
d'autodétermination de la personne, hein? Donc, il faut que ce soit vraiment
clair qu'il ne s'agit pas de transférer,
hein, la capacité de consentir à un tiers. Le tiers, Nicole l'a dit, est plus
un porte-voix, hein, pour la personne. Et donc c'est à la personne, au
fond, malade de désigner, parmi ses proches, là, la personne en qui elle a
confiance, hein, qui va vraiment porter sa voix et respecter sa volonté.
Et
c'est possible, hein, qu'une personne, malheureusement, ne trouve pas un tel
proche, hein, dans son entourage, et c'est pour ça qu'on a prévu
aussi... On ne voulait pas que le pouvoir d'autodétermination des personnes,
hein, dépende de ces facteurs plus contingents. Donc, s'il n'y a pas de tiers
désigné, donc, il y a une autre procédure qui a été imaginée. Et peut-être que,
Nicole, là, tu peux compléter.
Mme Filion
(Nicole) : Bien, pour ce qui est... Oui, effectivement, Jocelyn, tu as
raison, dans le fond, le tiers désigné, là, c'est vraiment une courroie de
transmission, là, des volontés qui seront exprimées par la personne. C'est très
clair à nos yeux que le tiers désigné ne choisit pas pour la personne. Il ne
fait que rapporter sa volonté, là, aux professionnels qui sont chargés de
prodiguer des traitements et des soins appropriés.
Maintenant, pour répondre à votre question sur
l'autorité neutre, pour les fins des travaux du groupe d'experts, nous ne
l'avons pas identifiée. Je vous rappelle également que, bien qu'à l'époque
j'étais directrice générale des affaires juridiques au Curateur public,
à l'époque des travaux et de la rédaction du rapport, c'est à titre personnel
que nous nous sommes tous engagés dans les travaux que... et dans le mandat
qu'on nous a confié à l'époque, et que chacun
des experts n'engageait aucunement les organisations pour lesquelles il travaillait. Donc, je pense
bien que vous aurez l'occasion d'entendre incessamment les représentants
du Curateur public. Peut-être qu'ils auront une opinion.
Ce que je peux vous dire, c'est
que le Curateur public consent à des soins pour des personnes qu'il représente
à titre de tuteur ou curateur et il consent aussi à des soins pour des personnes
qui sont totalement isolées, alors... et qui sont, évidemment, inaptes à
consentir à leurs soins, il va de soi. Donc, voilà.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Je passerais maintenant la parole à la députée de Saint-François pour
quatre minutes.
Mme
Hébert : Merci,
Mme la Présidente. Merci à mes collègues, qui ont apporté de très bonnes questions.
Je m'adresse soit à M. Maclure ou à
Me Filion. Moi, j'ai une question par rapport... Advenant... Disons qu'on
parle d'alzheimer. Advenant un moment de lucidité, parce qu'on sait qu'il y a
différents stades, il y a comme sept stades, disons... Je prends l'alzheimer en
particulier. Disons, il y a sept stades, puis, des fois, peut-être que la
souffrance, parce que la personne se voit, elle est un peu plus consciente...
Elle peut être peut-être plus au début, mais, à la fin, elle la perd, cette
souffrance-là, puis elle pourrait devenir plus agréable ou...
Tu sais, moi aussi, j'ai ma grand-mère qui a
vécu l'alzheimer, puis c'était... Elle n'était pas du tout désagréable. Elle
avait quand même une joie de vivre jusqu'à la fin. Donc, dans cette situation-là,
si la personne a pris la décision, comment
que... Si la situation change, qu'on ne voit plus la souffrance ou quoi que ce soit,
le tiers qui est désigné ou le curateur, comment qu'on peut évaluer
qu'elle souffre encore? Je ne sais pas si vous comprenez un peu le sens de ma question.
M. Maclure (Jocelyn) : Tout à fait.
Merci pour la question. D'abord, bon, il y a peut-être deux éléments dans la question. S'il s'agit vraiment de moments de
lucidité, donc là, rien ne change par
rapport à la situation
actuelle, c'est-à-dire qu'une personne, par
rapport à une demande d'aide médicale
à mourir, peut changer d'idée jusqu'à la fin, hein?
Tant qu'elle est capable d'exprimer ses volontés et de consentir ou de demander
des soins, elle peut changer d'idée. Donc, ça, c'est possible, hein, jusqu'à
tant que les aptitudes cognitives de la personne le permettent.
S'il n'y a pas de retour à l'aptitude, mais on
sent une certaine variation dans la qualité de vie, l'esprit de nos recommandations, c'est d'attendre... ou qu'il y ait
un déclin, là, irrémédiable et irréversible des capacités et de la qualité
de vie. C'est vraiment pour soulager la souffrance, là, que l'on propose
d'appliquer, donc, une demande anticipée d'aide
médicale à mourir. Et donc je pense que, dans l'esprit des recommandations, ce serait d'attendre qu'on constate, hein, ce déclin qui
semble irréversible.
Mme
Hébert : Parfait.
Puis, juste pour me rassurer, parce que ça a été évoqué dans la population, là,
il y a des gens qui m'ont abordée sur cette question-là, puis je vois qu'on ne
va vraiment pas dans ce sens-là, donc, il y a une exclusion de l'option de
planifier d'avance une aide anticipée, une demande anticipée d'aide médicale à
mourir dans le cas d'inaptitude, comme un
mandat d'inaptitude. On ne pourrait pas d'avance, sans avoir une maladie, pouvoir
la mettre dans notre mandat d'inaptitude, cette option-là, dire : Non, je
ne le sais pas, moi, si jamais j'ai l'alzheimer, moi, je ne veux... à cause de ma dignité ou quoi que ce soit, j'aimerais
avoir l'aide. On ne peut pas le faire. Ce n'est pas une recommandation
que vous posez. C'est ça? Comprenez-vous?
Mme Filion
(Nicole) : Oui.
Effectivement, vous avez raison, il faut vraiment qu'il y ait obtention d'un
diagnostic. Jocelyn en a parlé tout à l'heure, pour nous, il est
important que ce soit une condition, là, sine qua non, c'est-à-dire qu'il faut qu'il y ait un diagnostic qui soit posé
par le médecin. Ça va permettre à la personne de pouvoir se projeter dans le
futur, dans le temps, de pouvoir connaître qu'est-ce qui s'en vient comme
avancées médicales, est-ce qu'il y a des espoirs, quel est le pronostic,
etc. Ça va aussi ouvrir un dialogue avec l'équipe soignante, ils vont pouvoir
parler de cette maladie-là, etc., un échange qui est aussi extrêmement
personnalisé.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Désolée, maître...
Mme Filion (Nicole) : Donc, pour
nous, c'était vraiment... Ça prenait vraiment un diagnostic, effectivement.
Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Me Fillion. Désolée de vous interrompre.
Mme Filion (Nicole) : Ça va.
La
Présidente (Mme Guillemette) :
Je céderais maintenant la parole au deuxième... à l'opposition officielle.
Donc, je crois que... Est-ce que c'est la députée de Maurice-Richard?
Mme Montpetit : Oui.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, je cède la parole à Mme la députée de Maurice-Richard.
Mme
Montpetit : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Me Fillion. Bonjour,
M. Maclure. De toute façon, Me Fillion,
j'ai une question en lien avec ce que vous étiez en train d'aborder. Donc, je
vous laisserai... Vous aurez
l'occasion de compléter. Merci beaucoup d'être avec nous, tous les deux.
Je sais que vous avez réfléchi énormément à ces questions-là au cours du passé. Donc, c'est très, très
éclairant, et c'est un... c'est très pertinent pour nous d'avoir ces
échanges-là avec vous.
J'aimerais
revenir, moi, sur les types de situation, les types de cas d'inaptitude. Vous
en avez identifié cinq lors de votre... lors de vos travaux. J'aimerais
qu'on revienne un peu à la base, dans le fond, de c'est quoi, les types de
situations dans lesquelles une personne peut se retrouver inapte à consentir,
dans le fond, et que vous aviez aussi, justement, exclu certaines situations
pour être éligible à l'aide médicale à mourir, vous en avez gardé d'autres.
Donc, j'aimerais entendre votre réflexion,
vraiment, là-dessus, sur qu'est-ce qui a déterminé votre décision, justement, à
faire cette sélection-là.
• (10 h 10) •
M. Maclure (Jocelyn) : Merci pour la
question. Et, pour poursuivre le propos de Nicole, l'idée est de favoriser la
délibération la plus éclairée possible par rapport à ce que l'on souhaite pour
notre fin de vie. Et, bon, là, présentement,
pendant que je suis en santé, je peux avoir certaines idées sur, bon, qu'est-ce
que je vais souhaiter, là, si, par
exemple, hein, je suis atteint d'une telle... d'une maladie, là,
neurodégénérative, mais, bon, je ne suis pas nécessairement dans cette situation-là, je n'ai pas toutes les
informations. Il se peut que mes préconceptions soient... ne résistent pas, là,
à l'analyse, là, si je me retrouve vraiment dans cette situation-là.
Et on veut
aussi que la décision, que l'expression de la volonté soit quand même assez
rapprochée, temporellement parlant,
de la maladie elle-même, de ses manifestations. Donc là, si, par exemple, une
personne, à 35 ans, exprime ses volontés mais a un diagnostic à
55 ans... Bon, on sait, on change, hein, à travers, donc, notre parcours
de vie.
Donc, l'idée est de permettre, hein, la
délibération la plus éclairée possible. Et donc c'est ce qui fait que, bon,
c'est vraiment les maladies neurodégénératives, là, sur lesquelles on a
vraiment focalisé notre attention, sur ces types de maladie là. On sait qu'on
peut perdre l'aptitude, hein, suite à des accidents soudains et imprévus. Dans
ce cas-là, on peut, on a déjà la possibilité
d'exprimer des volontés, du moins en refusant certains soins qui nous
maintiendraient en vie. Donc, on encourage plutôt, pour ce type de
situation là, à rédiger, donc, des directives médicales anticipées, hein? C'est
une possibilité que peu de citoyens québécois, bon, se prévalent présentement
et c'est une façon assez efficace d'exprimer ses volontés pour ce type de
situation là.
Mme Montpetit : Mais, dans le cas
que vous nous présentez, par exemple, bon, dans les situations... Vous parlez, entre autres, de quelqu'un qui pourrait
avoir un AVC, du jour au lendemain, qui deviendrait inapte. Est-ce que... Quand
vous nous parlez, justement, éthiquement, de la question de
l'autodétermination, est-ce que ce n'est pas... est-ce que ça ne fait pas partie de l'autodétermination,
justement, de pouvoir prendre cette décision-là avant de devenir inapte?
Puis je comprends quand vous parler d'une maladie
qui est neurodégénérative, qui va évoluer dans le temps, qui laisse le temps à
la personne de passer d'une situation où elle est apte, apte à consentir, à une
situation où elle est inapte, et donc qu'il y a un continuum de temps qui lui
permet de prendre cette décision-là. Mais, dans des situations, justement, où ça, ça ne se produit pas, par
exemple, justement, un AVC, un accident, est-ce que, justement, ça ne vient
pas à l'encontre de la question de l'autodétermination d'empêcher la personne
de prendre cette décision-là pendant qu'elle est apte?
Mme Filion (Nicole) : Je peux... Le
groupe d'experts a longuement discuté, là, de la possibilité de permettre la
demande anticipée en l'absence d'un diagnostic préalable pour permettre,
effectivement, à des personnes qui ont un
accident soudain ou imprévu de pouvoir se prévaloir de l'aide médicale à
mourir. Et je vous dirais que la très grande majorité des membres du
groupe d'experts ont conclu qu'élargir l'admissibilité, l'aide médicale à
mourir, dans ce contexte-là, était, à nos yeux, prématuré.
Pour nous, il
était vraiment nécessaire qu'il y ait un diagnostic pour que la personne ne
s'imagine pas affligée de toutes sortes de maladies, qu'elle se fasse des
scénarios purement hypothétiques de ce qui pourrait lui arriver pour l'avenir. Le fait d'avoir un diagnostic va
permettre... Pour elle, bien souvent, évidemment, quand elle reçoit un
diagnostic, c'est qu'elle est généralement prise en charge par le milieu
médical, mais ça va lui permettre d'être bien informée de sa maladie, de son pronostic de survie, des
avancées médicales qui s'offrent, et elle n'aura pas trop à se projeter trop
loin dans le temps. Et, pour nous, ça faisait pleinement du sens, à ce
moment-là, que le diagnostic était un incontournable dès le départ et un
critère permettant la demande anticipée.
M. Maclure (Jocelyn) : Peut-être
très brièvement, et vous pourrez le confirmer avec des professionnels de la santé, là, mais ce qu'on a compris, me
semblait-il, de nos médecins, c'est que, si on refuse, par exemple, hein, la
réanimation, la respiration artificielle et les deux autres, là, soins
qu'on peut refuser, je pense qu'on ne va pas être maintenu en vie très
longtemps dans ce type de situation là si on a rempli une DMApuis on a refusé
ce genre de soin là. Donc, les DMA, c'est une façon de permettre une certaine
autodétermination des personnes, là.
Mme
Montpetit : Parfait. Merci
beaucoup. Donc, oui, j'entends beaucoup ce que vous nous dites sur l'aspect
de la décision éclairée, dans le fond, là, de la prendre quand on est dans une
situation où on a toute l'information concernant notre état. Mais est-ce qu'à
votre connaissance... Puis on aura d'autres experts, je pense, justement,
médicaux qui vont pouvoir nous éclairer là-dessus, mais est-ce qu'il y a des
situations de dégénérescence cognitive où le diagnostic est fait peut-être
après, justement, cette phase-là de... d'aptitude ou de décision éclairée ou est-ce
qu'on peut... Est-ce qu'on pourrait se retrouver dans des situations, justement,
le fait de ne pas avoir permis à cette personne-là de le faire avant son
diagnostic... La maladie a évolué trop rapidement, et donc on lui... elle se
retrouve dans une situation où elle n'est plus apte à consentir, là.
M. Maclure
(Jocelyn) : Je pense que c'est... Vous pourrez, effectivement, en
discuter avec les spécialistes qui... avec qui vous allez discuter. Pour nous,
c'est possible, hein, ce genre de scénario. Mais, comme ce qui donne la légitimité, d'un point de vue éthique, hein, c'est
vraiment l'exercice de l'autonomie ou du droit à
l'autodétermination, dans ces cas-là, on se retrouverait à donner un consentement
substitué, à reconnaître le consentement substitué. Et les risques, hein, sont
trop grands, de permettre le consentement substitué, où le proche, hein,
exerce, hein, sur la base de ses propres valeurs et de ses propres intérêts
parfois aussi, hein, prend des décisions importantes pour un proche. Et ça nous
semble trop risqué, d'un point de vue éthique, ça.
Mme Montpetit : Non, je le posais
dans la... à l'inverse, en fait, que, justement, en excluant la possibilité de
le faire avant d'obtenir un diagnostic, ça peut exclure peut-être certaines personnes,
effectivement. On creusera. On creusera cette question-là avec certains
experts, peut-être, de la maladie d'Alzheimer, entre autres, et autres.
J'aurais une dernière question puis j'ai mon
collègue David Birnbaum qui souhaite vous poser une question également. Vous
avez abordé, vous avez fait mention des souffrances psychiques, physiques et
existentielles. Un, je voulais savoir si vous les considériez comme
mutuellement exclusives ou elles doivent être réunies. Puis je voulais vous
entendre sur la notion de souffrance existentielle. Qu'est-ce que vous entendez
en... par cet élément-là?
M. Maclure
(Jocelyn) : Je vais être
bref là-dessus, parce que Dre Gupta est vraiment la spécialiste, au
Québec, sur ces questions-là. Mais, bon, c'est difficile de les couper
au couteau, mais une souffrance existentielle concerne vraiment la question, vraiment, du sens de la vie, là. Est-ce que ma vie
a encore un sens? Même si je n'ai pas, par exemple, un trouble de l'humeur ou
un problème sur le plan de la personnalité, ma vie ne peut plus avoir de sens,
et ça peut me plonger dans une
certaine détresse. C'est dans ce sens-là. Mais les trois sont souvent
imbriquées l'une dans l'autre, hein?
Mme Montpetit : Parfait. Merci
beaucoup.
Je voulais dire «le collègue de D'Arcy-McGee»,
évidemment. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Allez-y, M. le collègue de D'Arcy-McGee, pour
2 min 30 s.
M. Birnbaum : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Et merci, Mme Filion et M. Maclure, pour
votre... vos délibérations, de toute évidence,
très rigoureuses, rigoureuses durant ces 18 mois, ainsi que la rigueur de
vos recommandations aussi.
Je veux poursuivre parce que... Je tiens à
souligner la signification de vos recommandations, parce qu'elles touchent à
comment circonscrire l'accès à la demande anticipée de l'aide médicale à mourir.
Parce que je crois que ça se peut qu'il y ait un bon pourcentage de la population
qui nous invite, en quelque part, de les inclure dans la discussion, les gens
qui sont d'un certain âge mais pas devant un diagnostic. Alors, votre
recommandation est très claire, mais c'est un sujet très, très important.
Pour poursuivre, en quelque part, là-dessus, sur
le continuum, je vous invite de commenter sur un exemple que j'invente. Quelqu'un qui reçoit un diagnostic
d'alzheimer assez léger, disons, dont ils auraient leurs pleines capacités
à cet instant-là, ils ne seraient pas devant un diagnostic nécessairement très
sombre, à ce moment-ci, de votre avis et selon
vos recommandations 2 et 3, est-ce qu'ils seraient éligibles à... ils
auraient l'accès à cette possibilité de faire une demande anticipée
d'aide médicale à mourir?
Mme Filion (Nicole) : Oui,
absolument. Quelqu'un qui est au début de la maladie, qui est totalement apte à
consentir à ses soins, pourrait faire une demande d'aide médicale à mourir si,
évidemment, il rencontre toutes les autres conditions que nous avons
identifiées dans le rapport. Alors, il faut, effectivement, que le formulaire
se signe selon nos recommandations, en
présence du médecin, et le médecin confirme, par sa signature, que le patient
était apte au moment où il a signé et
qu'il a reçu un diagnostic, etc. Donc, dans l'hypothèse que vous soulevez,
effectivement, cette personne-là pourrait se prévaloir d'une demande
anticipée.
• (10 h 20) •
M. Birnbaum : Merci. Si je peux,
dans une... toute une autre direction, juste d'aborder une question, très vite,
qui est très complexe aussi. Je crois que nous tous, on situe l'aide médicale à
mourir sur un continuum de soins disponibles aux gens, aux personnes du Québec.
Il y a un autre endroit sur ce continuum, et c'est le soin palliatif. Est-ce
que vous avez la moindre crainte que...
La
Présidente (Mme Guillemette) :
Je suis désolée, M. le député de D'Arcy-McGee, votre temps est écoulé.
Je céderais maintenant la parole à la députée de Joliette pour
neuf minutes.
Mme
Hivon : Oui. Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour à vous deux. Merci encore pour
l'excellent travail. J'ai relu votre rapport au complet et je le trouve
toujours aussi profond et éclairant. J'aimerais qu'on fasse le cheminement
ensemble d'une question qui est, selon moi, à la fois très philosophique et
très pratique, c'est celle de la souffrance et donc de la réalité de la
personne entre ce qu'elle avait anticipé et ce qu'elle vit. Mes deux collègues
du parti ministériel l'ont amenée en parlant de cas, de leurs grands-mères.
Donc,
on a ce cas, vous en parlez beaucoup, avec l'exemple de Margo, dans votre texte. Donc, on peut
s'imaginer que, dans une situation x,
on va être extrêmement malheureux, désorienté, souffrant, mais, quand on
vit la situation x, on a une démence relativement heureuse.
Moi, pour me sortir de cette espèce de dilemme là... Puis vous parlez de tous
les éthiciens et
philosophes, c'est vraiment intéressant comme discussion, qui se sont penchés là-dessus. Mais, en fait,
quand on se ramène au critère de la
souffrance, tel que prévu dans la loi actuelle et que vous maintenez, donc, on
doit, pour donner l'aide médicale à mourir, être face à une souffrance
qui va être intolérable, constante et inapaisable, dans des circonstances jugées acceptables pour la
personne. Ça veut donc dire qu'une personne qui aurait la démence heureuse
ne peut pas se voir attribuer, administrer
l'aide médicale à mourir puisqu'elle ne serait pas dans une situation de
souffrance constante et intolérable.
Et donc je veux juste
que vous me confirmiez si vous êtes dans cette même réflexion là. Parce que
c'est sûr, comme vous l'avez dit, M. Maclure, que les citoyens, souvent,
vont nous dire : Moi, si je ne suis plus capable de reconnaître mes
proches, si je ne peux plus m'occuper de mes soins moi-même, je voudrais avoir
l'aide médicale à mourir. Mais, au moment où la personne le vit, ça se peut
très bien qu'elle n'ait pas de souffrance liée à ça et qu'elle soit dans une
démence heureuse. C'est plus une souffrance anticipée. Donc, je veux juste
savoir si vous faites le même raisonnement que moi, que, vu que vous suggérez
de garder, évidemment, intact le critère de la souffrance, tel que défini, ça
fait en sorte qu'on évite ces cas de démence heureuse, puisque le critère ne
serait pas rempli.
M. Maclure (Jocelyn) : Exactement. Bien, merci pour votre commentaire et
votre contribution, évidemment, à l'évolution
du débat québécois sur la question. C'est exactement ça. Donc, on est
conscients que la reconnaissance, hein, du droit à l'autonomie devient plus circonscrite, hein, étant donné
qu'on maintient, entre autres, le critère de la souffrance, mais c'est pour atteindre, hein, l'équilibre entre
les deux principes, qui ne sont pas parfaitement réconciliables en l'espèce.
Et, en plus du cas de
Margo, là — et
je vous invite tous à en prendre connaissance, hein, c'est un cas extrêmement
riche, là, philosophiquement parlant — on a été aussi très
influencés par le cas néerlandais, là, qui est un cas, là, qui s'est vraiment passé, là, empiriquement parlant, où une
femme qui avait plusieurs fois exprimé sa volonté, hein, d'avoir accès à l'euthanasie, lorsque venait
le temps de l'appliquer, disait : Ah... Lorsqu'elle vivait les effets de
la maladie, elle disait : Ah!
mais pas tout de suite, hein, je vais la vouloir mais toujours un peu plus tard. Et finalement, le moment où l'équipe a
décidé de l'administrer, ça s'est plutôt mal passé.
Donc, c'est pour ça
aussi, hein, pour éviter de plonger, hein, les professionnels de la santé dans
ce genre de situation là, qu'on a dit : Bon, il faut constater, hein,
qu'il y a une dégradation importante, tant des capacités que du bien-être, et une souffrance qui est là,
permanente et indéniable. Donc, c'est pour se donner ces protections-là, là,
qu'on a gardé ce critère-là, effectivement.
Mme
Hivon : O.K. Merci
beaucoup. Je pense qu'il y a beaucoup de pédagogie à faire aussi avec la
population sur cet élément-là.
Donc, je continue sur
la question de la souffrance. Dans la demande anticipée, concrètement, pour
vous, la personne est au premier stade, par exemple, d'une démence, maladie
d'Alzheimer, et... Quand elle fait sa demande, elle fait uniquement indiquer : Si je suis dans une situation de
souffrance constante, intolérable, je veux, donc, obtenir l'aide médicale à mourir, ou elle décrit le type
de souffrance, qui serait, par exemple : Si je souffre physiquement, si je
souffre psychiquement, ou vous dites : Non, elle fait juste
inscrire que, si elle souffre, elle veut avoir l'aide médicale à mourir, ou
elle détaille?
Mme Filion (Nicole) : Bien, en fait, on s'est... Ce qu'on a dit, c'est
que les souffrances devaient être exprimées dans la demande anticipée d'aide
médicale à mourir. Et les souffrances, là, c'est... ça nécessite de la
considération de beaucoup, beaucoup de composantes, et Dre Gupta
vous en dira davantage, mais des composantes physiques, qu'on pense à la douleur, psychologiques, qu'on pense à
l'anxiété, émotionnelles, on pense à la tristesse sociale, l'isolement social, la perte des amis proches, et
existentielles, Jocelyn le disait tout à l'heure, là, la perte de sens. Alors,
non, en principe, il faut que les souffrances soient exprimées dans la
demande, et qu'elles soient évaluées par le médecin et l'équipe soignante, et
qu'elles tiennent en considération l'ensemble des composantes que je viens de
vous identifier.
Mme
Hivon :
Je comprends en théorie, mais je trouve que, dans l'application de ça... Quand
je suis au premier stade de ma maladie, on va peut-être m'expliquer ce que je
peux vivre, traverser, mais on ne le sait pas, comme on le dit, quel type de
démence je vais avoir dans les derniers stades. Et donc est-ce que... Si on
force une personne à décrire le type de
souffrance en détail qu'elle devra traverser pour qu'on donne l'ouverture à
l'aide médicale à mourir, est-ce qu'on ne restreint pas trop? Et est-ce
qu'on ne devrait pas, justement, plutôt dire : Si je suis dans une
situation de souffrance, telle qu'inscrite à l'article 26 de la loi en ce
moment, là, intolérable, constante, je voudrais qu'on me donne l'aide médicale
à mourir? Parce que j'ai juste peur que le fardeau et la projection qu'on doit
faire, pour arriver pile sur le type de souffrance qu'on devrait traverser pour
avoir accès à l'aide médicale à mourir, soient trop contraignants.
Puis là, vu que je
n'ai plus énormément de temps, je vais vous poser tout de suite mon autre
question, vous pourrez répondre aux deux. Mon autre question, c'est que vous
faites le choix, malgré que vous insistez beaucoup et que la base de tout ça, c'est l'autodétermination de la personne qui
justifie la demande anticipée... Vous refusez d'y mettre un caractère
exécutoire. Et il me semble qu'on dit un peu deux... une chose et son contraire
quand on dit : Oui, le principe de l'autodétermination doit permettre ça,
mais, en même temps, ça ne peut pas être exécutoire. Donc, ça... Jusqu'où ça va rassurer la personne si on lui
dit : Peut-être qu'on va l'appliquer mais peut-être pas, selon les
circonstances?
M. Maclure
(Jocelyn) : O.K. Je vais
prendre le premier élément, puis Nicole pourra compléter avec le deuxième.
Bien, vous avez tout à fait raison, hein, c'est
une zone un peu d'ambiguïté, là, dans nos recommandations. Et je pense que...
Moi, je vois... Disons, de spécifier le type de souffrance, ça donne des
informations supplémentaires pour interpréter la demande,
mais c'est à titre, disons, informatif et pour, disons, aider les décideurs.
Mais c'est clair que ce qui est le plus important, c'est est-ce que les
critères sont satisfaits ou pas. Et on ne peut dire : Ah! mais, voici, ma
souffrance, ça veut dire telle et telle chose, et donc qu'on ne respecterait
pas les autres critères. C'est si... En fait, ça devrait être optionnel, me
semble-t-il, et pour guider ceux qui vont prendre la décision.
Mme Filion (Nicole) : Et, pour
compléter, on l'a appelée, on l'a désignée une demande anticipée d'aide
médicale à mourir et on a foncièrement décidé de ne pas l'identifier à titre de
directive, justement, pour ne pas que ça ait le caractère exécutoire à tout
prix. Je pense qu'on a eu beaucoup, beaucoup de... aussi de réflexions de la
part de médecins, qui, eux... C'est eux qui appliquent l'aide médicale à
mourir, hein? Les médecins souhaitaient aussi s'assurer que les critères sont
rencontrés et que les critères puissent être discutés avec les proches, la
famille.
On est dans une situation où la personne est
inapte. Dans notre régime actuel, législatif, l'aide médicale à mourir est
permise dans un contexte d'aptitude jusqu'à la fin, hein, de l'administration
de l'aide médicale à mourir. Le contexte dans lequel on se retrouvait, dans le
cadre du mandat, c'est dans une situation d'inaptitude au moment d'appliquer
l'administration de l'aide médicale à mourir. Alors, je pense qu'il y avait des
composantes qui devaient être vraiment prises en considération, et c'est la
raison pour laquelle on a choisi que cette demande-là ne soit pas... qu'elle
n'ait pas le caractère exécutoire.
• (10 h 30) •
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup. Donc, je céderais maintenant la parole au député de Chomedey
pour deux minutes.
M. Ouellette : Deux minutes, c'est
assez... c'est même très rapide. Bonjour à vous deux. Merci du travail exceptionnel que vous faites. Je pense que,
M. Maclure, vous l'avez dit, c'est une question des plus complexes, et,
pour nous, il faudra être assez humbles pour essayer de rejoindre le même
consensus que vous avez eu dans vos 14 recommandations.
En quoi le jugement Gladu-Truchon a pu ou peut
modifier certaines des recommandations que vous aviez faites dans votre
rapport?
M. Maclure (Jocelyn) : Merci pour la
question. Donc, bon, le critère, hein, de fin de vie ou celui, là, fédéral, de
mort raisonnablement prévisible, donc, n'est plus opérant. Et nous, on garde,
hein, l'idée que la personne se situe dans une trajectoire de fin de vie, hein?
Donc, ça n'a pas besoin d'être dans la phase terminale, mais ça fait partie des
garanties qu'on a imaginées pour être sûrs que la demande ne soit pas appliquée
hâtivement.
Donc là, le jugement, hein, était basé sur des
cas, évidemment, de types de maladie très différents des maladies
neurodégénératives. Et, bon, il faudrait faire une analyse, là, pour voir
comment... quels sont les impacts du jugement, ce qu'on n'a pas pu faire, mais,
au moins, j'inviterais à la prudence, lorsqu'il est question de maladies neurodégénératives, pour s'assurer de ne pas
affaiblir, hein, les garanties que l'on a, qu'elles soient appliquées lorsque
la personne souffre vraiment. Et l'idée de la trajectoire de fin de vie,
c'était une de ces garanties, une de ces mesures de protection.
Donc, il faudrait voir est-ce qu'un régime
spécial pour les maladies neurodégénératives devrait être imaginé, tout en
respectant le jugement Beaudoin, là.
M. Ouellette : Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci beaucoup, M. le député. C'est tout le temps qu'on avait. Donc,
merci beaucoup à Mme Filion et M. Maclure. Merci pour votre
contribution aux travaux de la commission, c'est très enrichissant. On en
aurait pris encore pour plusieurs, plusieurs minutes.
Donc, je suspends les travaux quelques instants,
le temps d'accueillir nos nouveaux invités.
(Suspension de la séance à 10 h 33)
(Reprise à 10 h 40)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, bonjour, tout le monde. Merci d'être ici pour cette deuxième
présentation. Bienvenue à la Dre Mona Gupta. Et je vous remercie d'être
ici ce matin pour partager avec nous votre expérience et vos connaissances, qui
seront très importantes pour la suite de nos travaux.
Donc, je vous rappelle que vous disposez de
20 minutes pour votre exposé, après quoi il y aura échange avec les
membres de la commission. Donc, je vous cède la parole pour votre présentation.
Dre Gupta, à vous la parole.
Mme Mona Gupta
Mme Gupta (Mona) : Merci beaucoup, Mme
la Présidente. Je suis très reconnaissante à la commission pour l'opportunité
de venir vous rencontrer et j'ai bien hâte pour l'échange après mon exposé.
Je vais me présenter d'abord. Je suis médecin
psychiatre au CHUM, à Montréal, avec plus que 20 années d'expérience clinique. Je suis également
professeure agrégée de clinique dans le Département de psychiatrie et
d'addictologie, à l'Université de Montréal, et chercheuse en philosophie
et éthique de la psychiatrie au CRCHUM. J'ai été la
présidente du comité aviseur de l'AMPQ, l'Association des médecins psychiatres
du Québec, sur le sujet de l'AMM pour les
troubles mentaux. J'ai été aussi membre du groupe de travail du Conseil des
académies canadiennes, le groupe qui a étudié cet enjeu à la demande du gouvernement
fédéral.
Mais aujourd'hui je suis là dans mon rôle comme
psychiatre et chercheuse. Je ne suis pas ici pour faire l'«advocacy» pour une
certaine prise de position, mais plutôt de discuter avec vous les fruits de ma
recherche et ma participation dans le débat au sujet de l'aide médicale à
mourir pour des personnes atteintes de troubles mentaux, pour lesquelles le seul problème médical invoqué
est un trouble mental. Alors, c'est long. Pour le reste de mon temps, je
vais dire TM-SPMI. Pendant mon exposé, je
vais discuter les enjeux cliniques principaux qui ont été soulevés sur cette
question et qu'est-ce qu'on peut faire, si on peut faire quelque chose, pour
aborder ces enjeux.
Mais, avant je me lance dans le sujet,
j'aimerais donner quelques commentaires préalables. D'abord, ni la loi québécoise ni la loi canadienne incluent ou excluent les
personnes d'avoir accès à l'AMM sur la base d'un diagnostic quelconque. L'accès à l'AMM est basé sur
l'ensemble de leurs circonstances cliniques, qui sont résumées, à peu près, dans les critères
d'admissibilité, dont vous êtes sûrement familiers.
Étant donné la prévalence des troubles mentaux
dans la population, qui est à peu près 20 % dans une période de 12 mois, ça veut dire qu'un certain
pourcentage des personnes qui ont eu l'accès à AMM sous les exigences actuelles
avaient des troubles mentaux. Donc, des
personnes atteintes de troubles mentaux qui ont aussi des maladies physiques
ont l'accès actuellement, et ils ont eu accès même avant la nouvelle loi
fédérale.
Alors, pourquoi est-ce qu'on réfléchit sur la
question du diagnostic trouble mental en ce moment? En fait, je ne sais pas, mais je pense que c'est à cause du
fait, probablement, que ces personnes ont rarement eu accès à cause du critère fin de vie. Alors, la question se pose
quant aux personnes TM-SPMI : Est-ce qu'il y a des caractéristiques qui
sont associées avec chaque personne qui est dans la catégorie TM-SPMI? Et
est-ce que ces caractéristiques distinguent ces personnes de toute autre
personne, tout autre citoyen qui ont accès actuellement? Autrement dit, est-ce
qu'il y a une différence entre la personne qui a un trouble bipolaire et la
personne qui a un trouble bipolaire et un cancer?
Avant je vais plus loin, je vais être claire
sur, selon moi, qui sont les plus personnes qui ne devraient pas avoir l'accès
à l'AMM. On parle des personnes qui vivent des crises aiguës, peu importe la
raison, peu importe si c'est à cause du symptôme de leur maladie, si c'est à
cause des circonstances sociales. On parle des personnes qui sont tôt dans la trajectoire de leur maladie et on
parle des personnes qui n'ont pas d'accès adéquat aux soins appropriés
pour leur problème. Là, je parle en mon propre nom, mais, j'imagine, la grande
majorité des psychiatres et, en fait, la grande majorité des personnes seront
d'accord avec ces propos.
Deux mises en garde par rapport au discours
autour du débat de l'AMM-TM-SPMI. Je pense que le discours part souvent de cas paradigmatiques. Ce que je
veux dire par ça, c'est que, même si on sait que les maladies physiques
et les maladies mentales sont des catégories, même si on peut dire ça, très
larges, on a, dans nos esprits, en arrière-plan, quand on parle de la maladie
physique, une notion qu'on parle d'une affection avec une détérioration
inévitable et une trajectoire prévisible. De
l'autre côté, en arrière-plan, quand on parle de la maladie mentale, on a, en
arrière-plan, l'affection, souvent causée par un mode de vie stressant, qui
pourrait s'améliorer avec des soins de base ou même le passage du temps.
C'est vrai dans certains cas, mais ils sont des généralisations qui ne
s'appliquent pas à chaque trouble ni à chaque patient. On sait tout ça, mais je
le dis juste parce que ce sont souvent ces cas paradigmatiques qui animent les
arguments dans le débat.
Deuxièmement, quand on parle de personnes
atteintes de troubles mentaux, on parle de troubles mentaux ici et les troubles
physiques là-bas. On oublie qu'il y a de grands pourcentages de la population
des patients qui sont atteints des deux. J'ai élaboré sur ce point dans mon
mémoire et j'ai offert des exemples, des vrais cas, des vraies personnes qui
ont eu accès à l'AMM, qui... vécu à la fois des pathologies physiques et
mentales. Et les mêmes enjeux qui sont soulevés dans le débat ont été soulevés
par ces cas. Et, maintenant qu'on est dans un contexte où l'AMM est accessible
hors le contexte fin de vie, on peut attendre d'avoir plus de cette sorte de
cas avec une concomitance psychiatrique et physique, étant donné la prévalence
élevée des troubles mentaux dans la population des patients atteints de
maladies physiques chroniques.
Alors, maintenant,
je passe aux enjeux cliniques principaux dont je voulais parler. Il y a
quatre enjeux principaux qui ont été identifiés par divers auteurs, chercheurs,
groupes de travail sur la question de l'AMM pour les personnes atteintes de
troubles mentaux. Il s'agit : l'aptitude à prendre une décision pour avoir
l'AMM, la souffrance constante et insupportable, la suicidalité et la nature
incurable de l'affection. Je vais discuter chacun ainsi que des pistes de
réflexion sur comment on peut répondre adéquatement à ces enjeux.
D'abord, l'aptitude. Comme vous le savez, selon
le Code civil, toute personne, 14 ans et plus, est présumée apte à prendre ses décisions par rapport au traitement et leurs soins, incluant les personnes atteintes des
troubles mentaux. Et tous les jours, dans notre système de santé, les
personnes, incluant les personnes atteintes de troubles mentaux, prennent des
décisions avec des enjeux élevés par rapport à leurs soins : la décision
d'avoir ou de ne pas avoir la chimiothérapie
pour un cancer, la décision d'avoir, maintenir ou cesser la dialyse. Ces gens-là, quand il y a une question... un soupçon qu'il y a peut-être
un enjeu d'aptitude, ils sont évalués, leur aptitude est évaluée selon les
critères actuels, bien décrits dans le guide de pratique élaboré par le Collège
des médecins du Québec. Il s'agit de la compréhension, appréciation,
raisonnement et l'expression d'un choix.
L'AMM est un
peu différente des soins généraux, parce qu'on n'est pas présumé apte pour
avoir l'AMM. Il faut que chaque
demandeur soit évalué pour son aptitude, et c'est là où on voit... on entre
dans le débat. Il y a deux inquiétudes. Il y en a qui disent que
l'évaluation de l'aptitude pour décider d'avoir l'AMM est particulièrement
difficile chez les personnes atteintes de
troubles mentaux. Je dirais que, oui, ça peut être difficile mais pas plus
difficile que n'importe... autre situation où la personne doit prendre
une décision de soins vie et mort. Et, dans un sens, ce problème est déjà couvert dans la loi actuelle, où, si deux médecins ne sont
pas d'accord ou ils trouvent ça trop difficile de décider si la personne est
apte, ils ne vont pas procéder à l'AMM. C'est le cas actuellement. Il faut
statuer dans l'affirmative pour procéder.
• (10 h 50) •
La deuxième
inquiétude dans ce débat par rapport à l'aptitude, c'est que les critères sont
trop axés sur ces compétences cognitives et ne prennent pas en considération de
façon spécifique que les troubles mentaux peuvent affecter la prise de décision. Donc, une personne peut être légalement
apte, mais son jugement peut être très affecté quand même. En fait, je suis d'accord avec ça puis je
pense que, justement, le débat sur l'AMM chez les personnes atteintes de
troubles mentaux est une opportunité de réfléchir sur les critères qu'on a pour
l'aptitude plus générale, pas juste pour l'AMM mais pour toutes les décisions
de vie et de mort, par exemple, ou les décisions avec des enjeux élevés, et
voir si on a besoin d'ajouter d'autres éléments.
À titre d'exemple,
aux Pays-Bas, dans leur cas, c'est pour... dans le cas de l'euthanasie et
suicide assisté, mais moi, je pense que ça
peut être élargi pour d'autres soins... mais ils utilisent les mots «bien
réfléchi», qui font référence à l'idée
que ce n'est pas juste d'avoir les compétences de prendre une décision mais
d'utiliser ces compétences, ce qui n'est pas le cas, en fait, avec nos
critères actuels.
Maintenant, discutons
la souffrance constante et insupportable, qui est un critère d'admissibilité
pour avoir accès à l'AMM. Un trouble mental
lui-même peut affecter son évaluation de sa propre souffrance, car il peut
affecter ses cognitions, sentiments, perceptions et jugements.
Je
vous donne un exemple. Des personnes qui ont vécu des traumatismes en enfance,
très sévères, expérimentent souvent une dénigration de soi qui est
totale et envahissante. Elles sont convaincues, effectivement, qu'elles ne
valent rien. Alors, on peut imaginer facilement que ce type de croyance peut
affecter sa perception de la possibilité d'amélioration. Donc, si on pense
qu'on va être dans cet état où on ne vaut rien pour toujours, bien, on va
souffrir dans une façon constante. Comment on fait en sorte que, malgré
l'affirmation de sa souffrance insupportable... que ces éléments qui peuvent
affecter sa perception de souffrance sont pris en considération dans une
évaluation AMM? Je pense que, là, on voit la pertinence de l'implication de la
psychiatrie dans les évaluations. Justement, l'évaluation de la souffrance psychique d'une personne est
notre quotidien. C'est pour ça, on est formés cinq ans dans la spécialité.
Discutons maintenant
la tendance suicidaire. Alors, l'inquiétude à ce sujet, c'est que la tendance
suicidaire peut être un symptôme d'un trouble mental lui-même, et donc une
demande d'AMM faite par une personne avec un trouble mental peut refléter sa
tendance suicidaire et pas un désir authentique et réfléchi.
D'abord,
il faut rappeler que ce n'est pas tous les troubles mentaux qui sont associés
avec un risque élevé de suicide. Et,
même parmi les troubles qui sont associés avec un risque élevé de suicide, ce
n'est pas toutes les personnes atteintes de troubles qui vont expérimenter
des idées suicidaires.
Mais
on peut apprendre des situations, comme j'ai mentionné avant, dans lesquelles des
personnes atteintes de troubles mentaux veulent prendre d'autres sortes de
décisions de soins pour mettre fin à leur vie, comme je disais, une décision de
cesser la dialyse, par exemple, ou de refuser une chimiothérapie pour un cancer
qui va prolonger leur vie.
Dans ces circonstances,
on pose parfois, en clinique, cette même question : Mais est-ce que c'est
plutôt une idée suicidaire, qu'il veut refuser la dialyse ou refuser la chimio?
Et, dans ces situations, cliniquement, on considère les questions de l'aptitude, bien sûr, mais aussi est-ce que la personne
vit une crise, est-ce que c'est à cause de ça qu'il veut refuser ses soins,
est-ce qu'il y a des circonstances modifiables qu'on peut traiter pour aider la
personne d'être plus soulagée, est-ce qu'il y a une dynamique
relationnelle nuisible qui est en jeu et qui fait en sorte que la personne
refuse des soins. On considère tous ces éléments. Et, parfois, on va empêcher,
même, les gens d'agir sur leur prise de décision, qui n'est pas banale, qui est
une démarche légale. Il faut chercher une ordonnance de traitement, etc. Mais
on ne fait pas ça pour tout le monde. Parfois, on est convaincu que la personne
peut prendre ses propres décisions. Et malheureusement, même si ça veut dire
qu'il y a des conséquences graves, la personne a le droit de le faire. Alors,
dans le cas d'AMM, on devrait appliquer ces mêmes considérations.
Je vais aborder, maintenant,
la nature incurable de l'affection quand on parle des troubles mentaux. C'est
cet enjeu-là qui a provoqué le plus de débats pendant l'étude récente de la
loi C-7, la loi fédérale sur l'AMM. Pourquoi? Je suppose que l'objectif du
critère de la maladie grave et incurable qui se trouve dans la loi québécoise
est d'éviter une situation
dans laquelle quelqu'un reçoit l'AMM, mais, à un certain point, à
l'avenir, sa condition aurait pu s'améliorer. Et, si on n'a pas quelque
chose qui nous donne cette certitude, on court ce risque-là. C'est vrai, en
fait. Une fois, on n'est plus dans un contexte fin de vie, on ne peut pas avoir
une certitude à 100 % qu'à un point, à l'avenir, la condition d'une personne n'aurait pas pu
s'améliorer. Ceci est la conséquence logique de la décision dans le jugement
de Truchon-Gladu.
La question, je
pense, pour la société, c'est combien de certitude est nécessaire. Si on a
besoin de 100 % certitude, ou quelque chose semblable, près, il faut qu'on exclue beaucoup de gens de l'accès,
parce qu'il y a beaucoup
de circonstances cliniques, pas juste des troubles mentaux, où on
n'a pas un haut degré de certitude. Si on est capables d'accepter qu'on ne peut
pas avoir un degré de certitude à 100 % ou très élevé, on serait obligés
de définir : Mais qu'est-ce
qu'on veut dire par maladie grave et incurable? Et il faut faire ça pour les
maladies physiques ainsi que les troubles mentaux. Ça pourrait prendre
considération des éléments comme la sévérité des symptômes de la personne, son degré d'incapacité fonctionnelle, sa capacité
d'adaptation, incluant son état de santé global, ses tentatives de traitement,
bien sûr, et aussi la durée de sa maladie, et l'évolution de cette maladie dans
le temps.
Mais heureusement
nous n'avons pas à commencer de zéro. Par exemple, nos collègues, aux Pays-Bas,
et l'association des psychiatres flamands
ont déjà essayé de définir qu'est-ce que ça veut dire, une maladie incurable,
dans leur contexte. On n'a pas exactement les mêmes critères, mais on
peut en servir en modifiant ce qu'ils ont proposé pour le contexte québécois.
Je veux ajouter,
maintenant, quatre recommandations supplémentaires qui vont avec les pistes de
réflexion que j'avais proposées dans la
section avant. Je pense qu'on a besoin d'exiger au moins la participation d'un
psychiatre dans le processus d'évaluation pour une personne qui est
atteinte d'un trouble mental comme seul problème médical invoqué.
Quand on
considère qu'il faut statuer sur la gamme des soins que la personne a
eus, son aptitude décisionnelle dans
des situations complexes, sa souffrance dans les contextes des
troubles mentaux complexes, on parle des connaissances, et des habilités, et l'expérience au niveau de la
spécialité. Un processus d'évaluation d'une telle demande exige du temps, et je
pense que c'est quelque chose qui doit être communiqué au public. Je pense que,
sur le terrain, il y a parfois la perception
qu'on a besoin de répondre en urgence et je pense que, pour ce type de demande,
c'est exactement le contraire. On ne veut pas agir en
urgence, on veut traiter les urgences puis prendre le temps qu'il faut pour
bien réfléchir tous les éléments.
Étant donné le potentiel pour un degré élevé de
complexité ainsi que la menace de sanction criminelle pour les médecins qui
prodiguent le soin, je pense qu'une surveillance prospective devrait être
considérée, pas juste pour les troubles mentaux mais pour toutes sortes de cas
complexes.
Et finalement ni la loi québécoise ni la loi
canadienne n'ont un mécanisme qui empêche quelqu'un pour faire plusieurs
requêtes et subir plusieurs évaluations, même suite à un refus. Donc, je pense
que, minimalement, d'avoir un temps d'attente entre des demandes pourrait être
bienvenu.
Avant je me termine, j'aimerais mentionner les
deux manques souvent évoqués. Je parle ici de manque de ressources et manque de
consensus. Il faut demander la question, quand on parle de manque de ressources,
on parle de qui. Et, souvent, quand on parle
de cette question, on confond deux groupes de patients différents. Il y a
le problème de manque de ressources en première ligne
pour la population générale, mais, si on se base sur les données internationales, ces personnes ne sont pas nos demandeurs de l'AMM pour des
troubles mentaux. Donc, oui, on devrait améliorer l'offre de services en première ligne, mais je pense
que, parmi les personnes qui vont demander l'AMM pour des troubles
mentaux, on parle des personnes sévèrement atteintes, chroniquement.
Alors, si on regarde, parallèlement, dans
d'autres sphères de la médecine, on voit des mécanismes formels, comme des
corridors de services, les centres d'excellence avec les mandats spécifiques,
les partenariats avec les organismes communautaires bien encadrés. Ce sont les
mécanismes qu'on a besoin de développer en psychiatrie pour être sûrs que les
patients les plus sévèrement atteints ont accès aux soins spécialisés. On le
fait maintenant, mais c'est comme un peu aléatoire. Ça dépend sur le clinicien
individuel, quoique... Je pense qu'on a besoin de formaliser. Mais, manque de
ressources, on parle vraiment d'avoir ce type de corridor, ce mécanisme pour
les patients les plus sévèrement atteints.
Et j'aimerais conclure sur l'enjeu de manque de
consensus. C'est vrai que les avis en psychiatrie et parmi des experts dans le
domaine sont très partagés. Et c'est important. On doit le prendre en
considération parce qu'il y a des implications
pratiques. Par exemple, si les médecins sont tous en désaccord, personne ne va
participer. Mais qu'est-ce que ça nous dit par rapport à c'est quoi, la
bonne chose à faire? Ça ne dit rien, en fait. Ce que les psychiatres pensent
entre eux, ça ne peut pas être une justification pour exclure quelqu'un de
faire une demande. C'est tentant de croire qu'en excluant des personnes
atteintes de troubles mentaux on va éviter les cas trop difficiles et on va
juste conserver les cas où ça semble plus facile, mais, comme j'ai discuté tout
le long de mon exposé, on traite déjà ces cas difficiles à cause du fait que
les personnes atteintes de troubles psychiatriques et physiques en même temps
ont déjà l'accès. Alors, je vais m'arrêter là puis j'ai bien hâte pour la
discussion maintenant.
• (11 heures) •
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Dre Gupta. Donc, je céderais maintenant la parole à la
députée de Maurice-Richard.
Mme Montpetit : Merci,
Mme la Présidente. Bonjour, Dre Gupta. Merci beaucoup pour votre
présentation. Toujours aussi rigoureuse et claire.
Ça soulève plusieurs questions
dans mon esprit sur l'applicabilité de cette question-là. J'aimerais ça, déjà,
vous entendre, sur le départ, sur la question de... Parce que, bon, il y a des
enjeux, je pense, aussi sur les définitions des troubles mentaux. Est-ce que
c'est ce qui est reconnu, par exemple, par le DSM-V uniquement? Est-ce
que, cliniquement, il est possible d'établir une liste des troubles mentaux qui
pourraient être éligibles à l'aide médicale à mourir? Donc, j'aimerais ça vous
entendre sur... Je sais que c'est un peu... Bon, c'est un peu la base, je
crois, mais je pense que c'est important aussi de vous entendre sur cette
question-là parce que c'est quand même ce qui va guider aussi, au niveau de
l'applicabilité, nos réflexions, là.
Mme
Gupta (Mona) : Oui. C'est une excellente question. Et, en fait, ça a été débattu lors de l'étude du projet de loi fédéral parce que... Ils ont évité
l'utilisation de l'expression «trouble mental», qui est plutôt le terme...
clinique, et ils ont décidé de mettre
«maladie mentale», mais ils n'ont donné aucune définition de la maladie, et
donc on ne savait pas trop, en fait, à quoi ils faisaient référence. La
seule chose, ils disaient : C'est ce qui est traité en psychiatrie, qui...
Vraiment, ça n'éclaircit pas la chose, parce qu'on peut imaginer... Je pense
que, dans les esprits des gens, quelque chose
comme la toxicomanie est comme un trouble mental, mais c'est rarement traité
par la psychiatrie, en fait. Donc, c'est vraiment difficile.
Puis je pense
qu'on voit, dans vos questions, dans cette discussion, exactement le problème
d'essayer d'attacher ça avec un diagnostic, parce que, tout de suite, on
rentre dans le... Mais qui est inclus, qui est exclu? Qu'est-ce qui compte et qu'est-ce qui ne compte pas? Et donc je pense
que le terme clinique, c'est simple, dans le sens où, au moins, c'est le terme clinique.
On sait exactement à quoi ça fait référence. Dresser une liste, je pense qu'on
va avoir exactement le même problème.
Mme
Montpetit : Et, quand vous dites «terme clinique»... Puis je vous pose
la question parce que... Bon, moi, j'ai eu
le grand bonheur d'étudier en psychologie à une époque. C'était le DSM-IV,
ce n'était pas le DSM-V, mais c'était quand même le cadre sur
lequel on s'appuyait pour définir la question de troubles mentaux. Je pense que
ce n'était pas «troubles mentaux», effectivement, déjà, à l'époque, là. Mais
c'était un débat, effectivement, je peux dire, qui m'a surprise mais qui, de
toute évidence, a soulevé beaucoup d'enjeux sur la définition, de ce qu'on
entend.
Quand
vous dites là... Quand vous référez à «clinique», moi, c'est ça, je veux
vraiment vous entendre là-dessus, sur comment on peut le préciser
davantage, parce que ça semble être vraiment un débat qui est soulevé puis qui
vient apporter... je ne sais pas si «confusion» est le bon mot, là, mais sur
les directions qu'on doit prendre.
Mme Gupta
(Mona) : Je ne suis pas certaine que je comprends bien la nuance que
vous apportez, donc, s'il vous plaît,
corrigez-moi si je vais dans le mauvais sens. Mais en fait je pense que je
retournerais au critère d'admissibilité qui est une malade grave et
incurable. Et je pense que je resterais là, parce que, je pense, essayer
d'établir une définition de «trouble mental»
pour voir si ça rentre dans maladie grave et incurable va nous amener dans le
même débat : Mais est-ce que ça compte, est-ce que ça ne compte
pas?
Il y a plein de
choses dans le DSM-V, on ne dirait jamais que ça va être un motif pour
demander l'AMM, comme bégaiement, mais il
est là. Donc, je ne pense pas que... Et je pense que... Mais, cliniquement,
personne ne va dire : Mais ça, c'est une maladie grave et incurable
dans le sens de la loi sur l'AMM.
Donc, je pense que
définir «trouble mental», ça va être une partie déjà perdue. Je pense que c'est
mieux de faire la réflexion à
l'inverse : Est-ce qu'il y a des troubles mentaux qui peuvent être
considérés des maladies graves et incurables? Et là il faut dire :
Mais qu'est-ce que c'est, une maladie incurable?, puis sans attacher ça à un
diagnostic quelconque.
Mme
Montpetit : Oui, absolument. Ça répond parfaitement à ma question,
c'est ce que je voulais vous entendre... Puis, si je vous posais la question,
justement : Est-ce qu'il y a des maladies, des troubles mentaux qui sont
considérés comme graves et incurables?, est-ce que, pour vous, justement, c'est
quelque chose qui fait une certaine forme de consensus ou, encore là, c'est
matière à débat?
Mme Gupta
(Mona) : Bien, je pense que, cliniquement, on va s'entendre. Et c'est vrai
que, dans le domaine, on parle des maladies
sévères et persistantes. Donc, clairement, il y a une idée que certaines sont
sévères, puis ce sont eux qui
reçoivent cette étiquette-là. Mais je pense que le collège puis aussi le législateur nous ont encouragés, toujours, de concevoir de... la
situation d'une personne et dans l'ensemble de ses circonstances cliniques.
Donc, encore une fois, je veux résister à la tendance d'attacher la sévérité à
un diagnostic mais plus à ses circonstances vécues.
Mme
Montpetit : O.K. Vous nous avez aussi, bon, je pense, sensibilisés au
fait que les troubles mentaux, ça peut
venir, justement, altérer, bon, les perceptions, les émotions, les cognitions,
le jugement de la personne. Donc, ça peut venir affecter l'autoévaluation
de la souffrance. Je trouvais très intéressant que vous abordiez cette
question-là, en ce sens que... Bon, c'est
sûr que j'aimerais vous entendre sur deux aspects, dans le fond, parce que vous
suggérez, justement, qu'il y ait un psychiatre qui soit impliqué pour
faire cette autoévaluation... bien, pour faire cette évaluation-là de la souffrance. Donc, deux choses sur lesquelles
j'aimerais vous entendre, sur comment on peut concilier le fait de ne pas...
que l'autoévaluation de la souffrance, dans le fond, soit altérée, ce qui vient
en opposition avec l'autodétermination de la personne à prendre une décision
pour elle-même, et aussi comment cette souffrance-là va être évaluée dans le
contexte clinique d'une relation avec un psychiatre.
Mme Gupta
(Mona) : O.K. J'ai entendu deux questions, donc je vais prendre
chacune après l'autre. Et je pense que, justement, cette question
d'autoévaluation versus... ou autoévaluation potentiellement distortionnée
contre autodétermination est toujours en jeu, en fait, en pratique clinique, au
moins en psychiatrie. Ce n'est pas juste en AMM. Puis c'est ça, l'équilibre il
faut chercher. On a le cadre légal qui nous guide, qui est... On est dans la présomption de l'aptitude pour tout le monde. AMM
est un peu différent, comme j'ai dit, mais on ne dit pas d'emblée que la
personne en trouble mental, il devrait être inapte ou pas capable de faire une
bonne autoévaluation de sa souffrance. Mais la question se pose.
Et je pense qu'on
essaie toujours de cibler cet équilibre entre aider les gens de réaliser ce
qu'ils veulent et d'empêcher quelqu'un d'agir quand ce n'est pas dans ses
intérêts définis par lui-même. Donc, justement, notre travail, en psychiatrie, c'est de dire : Mais, attends, vous dites
que votre vie ne vaut rien, vous voulez mettre fin à vos jours, vous
voulez vous suicider, mais ça se peut que vous allez réfléchir autrement si on
vous aide, si vous avez accès à des soins,
etc. Donc, je pense que c'est un équilibre, et il faut juste essayer de cibler
cet équilibre chaque fois où on fait
une évaluation.
Je pense que, comme... L'autre chose, c'est que,
même si c'est un petit peu le contraire de ce que j'ai dit avant, oui, c'est
important d'avoir quelque chose en place qui empêche des multiples demandes,
une après l'autre. Mais un refus à un moment de temps x n'est pas un refus
pour toujours. Ça se peut que ce n'est pas le bon moment maintenant, mais que,
dans un... après une certaine période de temps, oui, c'est un soin approprié.
Donc, il faut qu'on conçoive, je pense, tout le processus
dans une manière longitudinale aussi et pas juste comme : C'est non, c'est
non pour toujours, on ne respecte pas l'autodétermination. Ça, c'était la
première.
La deuxième question,
je crois, c'est : Comment est-ce qu'on fait en psychiatrie?
• (11 h 10) •
Mme
Montpetit : Comment vous évaluez, justement, dans la relation avec un
patient, comment vous évaluez sa propre souffrance quand lui a une
incapacité à faire une autoévaluation adéquate?
Mme Gupta
(Mona) : Oui, mais c'est plutôt qu'on essaie de voir s'il y a des
indices que la personne ne fait pas une autoévaluation adéquate. Donc, on prend
pour acquis, toujours, que les gens autoévaluent dans la bonne façon, mais
parfois on entend des indices. Mettons, la famille nous dit : Je ne
reconnais pas mon proche, il n'était jamais comme ça.
En fait, une collègue
m'a parlé d'un cas exactement comme ça, d'un monsieur atteint d'un cancer, pas
un trouble mental, mais qui demandait AMM, et c'était justement la famille qui
a dit au psychiatre : Bien, il n'a jamais parlé de ça, il n'était pas comme ça, je ne reconnais pas mon mari, je
ne pense pas que cette demande est authentique. Donc, c'était un indice
d'aller plus loin, de voir : Mais est-ce que cette demande correspond
réellement à ses désirs, ses croyances, comment il voulait vivre ses derniers
jours ou est-ce qu'il y a quelque chose d'autre qui s'insère dans ce processus, voire trouble psychiatrique, trouble
dépressif, changement cognitif à cause de la présence, justement, du
cancer qu'il avait? Donc, c'est... Voilà, c'est un exemple où on cherche les
indices qu'il y a peut-être quelque chose qui n'est pas authentique, si je peux
utiliser ce mot.
Mme
Montpetit : Merci beaucoup, Dre Gupta. Mme la Présidente, j'ai ma
collègue de Westmount—Saint-Louis
qui aurait une question également.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Parfait. Merci. Allez-y, Mme la députée.
Mme
Maccarone : Merci, Dre Gupta. Vous avez mentionné peut-être
prendre une période de temps pour évaluer lorsque la personne s'exprime. Est-ce
qu'on a une idée de combien de temps qu'on devrait se donner pour cette attente
pour réévaluation?
Mme
Gupta (Mona) : Pour l'évaluation de demande d'AMM chez une personne
atteinte d'un trouble mental, c'est ça?
Mme
Maccarone : Bien, après que... Vous avez dit... Mettons, il y a
quelqu'un qui s'exprime, puis là vous avez dit : Bien, ça se peut qu'il y
ait quelque chose qui peut changer dans leur vie, alors nous devrons passer une
réévaluation. Alors, on devrait prévoir combien de temps, par exemple, pour
cette réévaluation?
Mme Gupta
(Mona) : Oui. J'ai le goût de vous redonner la question et dire que
c'est un peu, comme, votre problème. Mais je dirais que c'est quelque part
entre ne pas avoir tellement de temps que ça devient, effectivement, un
obstacle, mais pas trop peu de temps qu'on ne peut pas prendre en considération
tous les aspects puis...
Mais, dans le cas
dont je viens de parler, si on juge que, réellement, la personne n'exprime pas
ses vrais désirs, bien là, on devrait,
comme, soit suspendre ou refuser la demande puis dire : Mais on peut
essayer d'autre chose. Là, on va
rencontrer un autre problème qui est le refus de traitement, qu'on peut en
parler dans une minute, mais donc je pense que...
Je
ne sais pas si vous avez déjà vu le document de l'AMPQ. Nous avons proposé un
processus qui durait des mois. Donc, on peut discuter, trois mois, six
mois, cinq mois, mais je pense qu'on parle des mois, pas des jours.
Mme
Maccarone : Le refus de traitement, ça me préoccupe beaucoup parce
que... Par exemple, je vais vous donner une
mise en scène d'une personne trans qui est venue à mon bureau. Elle a
35 ans, hein, puis ça fait des années, depuis... qu'elle exprime sa volonté de vouloir faire... avoir accès à
l'aide médicale à mourir. Elle a toutes ses facultés. Évidemment, c'est
une personne trans féminine qui souffre d'une dépression, mais elle a aussi
refusé des chirurgies d'affirmation de genre, qui peuvent être vues comme un
soin. Alors, elle, elle tomberait dans quelle catégorie? D'abord, est-ce que ça
veut dire, parce qu'elle a refusé un soin, mais elle a toutes ses facultés puis
elle est apte, qu'on ne devrait pas l'inclure dans ce processus?
Mme Gupta
(Mona) : Oui. Ça, c'est excellent. Et ça, c'est le dilemme, en fait,
qui embête nos collègues aux Pays-Bas, nos collègues en Belgique aussi. Et je
pense que ce serait très bien si on peut s'entendre et élaborer sur une
définition d'incurabilité qui prenne en considération cet élément,
c'est-à-dire : Si quelqu'un refuse un soin qui a une haute probabilité
d'améliorer la situation ou l'état de souffrance, peu importe, est-ce que ça
rend automatiquement la personne incurable? Mon intuition, c'est non, pas nécessairement.
Donc, je ne veux
jamais dire jamais, mais ce que je veux dire, c'est qu'intuitivement,
cliniquement, si quelqu'un a une maladie, la notion d'incurabilité, ça attache,
oui, à la décision prise par la personne mais aussi par la condition. Ce n'est
pas qu'une évaluation de la personne. Donc, mettons que quelqu'un a un cancer
du sein qui est curable et refuse des soins, bien, on va dire : Elle a un
cancer curable, mais elle refuse des soins. On ne dit pas : Elle a refusé
des soins, donc son cancer est devenu incurable. Donc, je pense que
l'incurabilité attache aux décisions de la personne, oui, mais aussi à sa
condition.
Je pense qu'aux Pays-Bas
et en Belgique ils ont résolu le problème en parlant d'une haute probabilité de
succès. Je pense que c'est bien de le formuler comme ça, mais, en même temps,
est-ce qu'on est réellement capables de chiffrer qu'est-ce qu'on veut dire par
haute probabilité? Peut-être pas. Donc là, je pense qu'on est dans la zone grise de jugement clinique où... Si on pense que
c'est un refus qui est... d'un soin qui esteffectif pour beaucoup de gens et
que la personne refuse pour les raisons qui ne semblent pas vraiment
raisonnables, mais ce n'est pas le bon moment de procéder, ça ne veut pas dire
que ce n'est jamais approprié, mais, pour le moment, on va laisser le temps
couler.
L'autre élément que j'aimerais ajouter à ça,
c'est qu'il y a beaucoup de circonstances, en psychiatrie, où il faut laisser
le temps pour la situation d'évoluer. Et parfois, dans le temps, la situation,
pas à cause d'un traitement mais juste à cause des circonstances de vie, la
personne va changer son idée ou va poursuivre d'autre chose. Et je pense que c'est important aussi qu'il y ait un
temps approprié, même s'il y a un refus, pour que la personne vive autre
chose. C'est pour ça, je dis : La durée de la maladie est vraiment
importante, surtout quand on parle des gens qui sont plus jeunes, plus au début
de leur parcours de maladie. C'est autre chose quand on parle de quelqu'un qui
avait une maladie depuis 30 ans.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Dre Gupta. Donc, je céderais maintenant la parole au
député de Gouin.
M. Nadeau-Dubois : Bonjour,
Dre Gupta. Merci d'être avec nous aujourd'hui. Écoutez, c'est des enjeux
qui ne sont pas faciles. Je ne suis pas un expert, donc vous allez me pardonner
toute la candeur de mes questions puis l'approximation dans le vocabulaire, là,
parce que je ne maîtrise pas les enjeux aussi bien que vous. Je vais essayer de
bien m'exprimer.
Sur la question de la souffrance, je pense qu'il
y a, dans la population en général, qui ne sont pas des psychiatres, dont je fais partie, une difficulté à appréhender cette
notion-là dans le cas des gens qui souffrent de troubles mentaux,
c'est-à-dire... Il y a tout un débat sur qu'est-ce qui... un débat, une
réflexion, je pense, qui arrive, qui naît spontanément chez les gens, à
savoir : Quand vient le temps d'évaluer la souffrance de quelqu'un qui a
des troubles mentaux, quelle est la portion de cette souffrance-là qui relève,
je vais le dire très simplement, de la société? Quelle est la portion de cette souffrance-là qui relève de l'exclusion sociale
dont font preuve les personnes qui ont un rapport au monde différent,
qui ont un rapport à la rationalité qui n'est pas celui de la norme? Il y a,
dans la souffrance, en matière de troubles mentaux, cette idée qu'il y a des
gens qui ne correspondent pas à la norme de rationalité qui est généralement
admise. Et donc la question, ce serait : Quelle est la part de souffrance qui
relève de l'exclusion, du fait de se sentir inadéquat dans la société, d'avoir
des difficultés à entrer en communication avec les autres, puis quelle est la part de la souffrance qui est vraiment une
souffrance, je le dis comme je suis capable de le dire, là,
mais, tu sais, vraiment interne, vraiment propre à la personne?
Et donc ça pose la question, puis c'est beaucoup
des gens qui vont avoir un rapport critique à la psychiatrie comme pratique qui
vont poser ces questions-là, en disant : Bien, c'est peut-être aussi la
société qu'il faut changer, puis notre rapport à la rationalité, puis notre
manière de vivre avec les gens qui ont des troubles de santé mentale. Puis les
gens qui font cette réflexion-là se disent : Est-ce qu'il n'y a pas un
danger d'ouvrir la porte à l'aide médicale à
mourir dans un contexte où il y a encore tous ces défis-là d'inclusion, tu
sais? Puis est-ce qu'il n'y a pas des manières de diminuer la souffrance
qui ne relèvent pas du psychiatre et de son patient mais de ce qu'on fait,
comme société, avec ces gens-là, puis de la place qu'on leur donne, puis de
comment on les considère?
Ça fait que je le dis vraiment de manière
approximative, avec les mots qui sont les miens, mais comment vous, vous faites la part des choses là-dedans?
Comment vous répondriez à des gens qui ont cette inquiétude-là, qu'on soit en train de faire l'économie d'un débat sur
ces enjeux-là en ouvrant la porte à l'aide médicale à mourir pour les gens
qui souffrent seulement de troubles mentaux?
• (11 h 20) •
Mme Gupta (Mona) : Merci beaucoup
pour la question, M. le député. Puis il y a beaucoup de niveaux dans votre
question. Donc, je vais essayer de passer une par une, mais, juste,
rappelez-moi si j'ai oublié des choses.
Je pense que... Je reviens un peu à ce que j'ai
dit par rapport au manque de ressources. Je pense que c'est vraiment important
qu'on ne confonde pas des groupes de personnes. Alors, est-ce qu'il y a
l'exclusion sociale? Oui. Est-ce qu'il y a des choses qu'on devrait faire, dans
notre société, pour améliorer l'exclusion sociale vécue pas juste par les
personnes qui ont des troubles mentaux mais toutes sortes de personnes? Oui.
Mais qui sont les demandeurs de l'AMM-SPMI? Là,
il faut se baser sur les données internationales parce que... Évidemment, on ne
les a pas ici parce qu'on ne le fait pas vraiment ici. Ils ne sont pas une
population large des personnes marginales qui demandent, donc, pour... Parce
que vous faites ce lien causal là entre l'exclusion et une souffrance qui va
mener une personne à demander AMM. On parle d'un très petit groupe de personnes
qui ont été malades longtemps, qui ont essayé beaucoup, beaucoup de
traitements, qui ont eu accès, la plupart parmi eux, de beaucoup, beaucoup de
services.
Et je pense qu'une raison qu'on se permet
d'avoir cette discussion dans notre société, c'est parce qu'il n'y a pas
beaucoup de gens qui connaissent ces patients-là. Bon, justement, parce qu'ils
sont tellement malades depuis tellement longtemps, ils ne voient pas beaucoup
de gens. Ils sont connus aux équipes psychiatriques qui s'occupent des
personnes malades chroniquement, mais, quand on pense... C'est pour ça, j'ai
dit «mise en garde» au début. Quand on pense dans la maladie mentale, on pense
de notre voisin qui a vécu une dépression après son divorce. On ne pense pas de la personne avec un TOC si sévère,
il passe 20 heures sur 24 à se laver, jusqu'au point où ses mains sont
couvertes en sang, il ne se nourrit plus, il ne dort plus, il doit laver sa
toilette 400 fois par jour parce qu'il perçoit que c'est
contaminé. On ne pense pas de ces personnes parce qu'on ne les connaît pas.
Donc, je ne suis pas certaine que le lien fait entre l'exclusion sociale, et
les problèmes sociétaux, et la demande d'AMM est un bon lien. Ce serait ma
première réponse.
Le deuxième volet ou
la deuxième piste de ma réponse, c'est la suivante. Je comprends tout à fait
pourquoi le législateur a mis «physiques et psychiques» dans la loi, mais je le
regrette aussi, parce que je pense que ça communique le message que la souffrance
est quelque chose morcelé. On ne peut dire : Ce morceau de sa souffrance
appartient de sa douleur, et ce morceau appartient de sa tristesse, et ce
morceau appartient à l'exclusion sociale. La souffrance
est l'expérience vécue d'une personne, et une personne est une intégrité. Il
n'est pas isolé avec son expérience de maladie, il vit une expérience de
maladie dans une société. Donc, tout ce qu'il vit est interrelié.
Alors, je reviens à
l'AMM qu'on fait maintenant. Le demandeur qui dit : Je suis en fin de vie,
je suis dépendant, j'ai besoin, le seul endroit où je peux aller, c'est le
CHSLD, je ne veux pas y aller, je veux avoir l'AMM maintenant parce que ce
n'est pas comme ça que j'ai envisagé ma fin de vie, on parle d'un problème
social, on parle d'un contexte où l'hébergement qu'on peut offrir à quelqu'un
dans cet état n'est pas, pour lui, adéquat, et ça amène de la souffrance, en
fait. Donc, on ne peut... Il vit une maladie. C'est à cause de ça, il est dans
cette situation, mais il vit sa maladie dans
un contexte social. Donc, est-ce qu'on a besoin de travailler nos problèmes
sociaux? Absolument. Mais on ne peut pas nier, en même temps, pour des
problèmes... personnes avec des troubles mentaux mais pour n'importe...
personne, incluant les demandeurs, actuellement, que leur souffrance est en
interaction avec la société dans laquelle on vit. Puis on ne dit pas qu'à cause
de ça vous ne pouvez pas avoir accès. Ce qu'on devrait faire, c'est de prendre
ça en considération dans les évaluations qu'on fait des personnes et être sûrs
qu'on fait tout ce qu'on peut, en tant que société, pour remédier des choses
qui sont remédiables.
M.
Nadeau-Dubois : De combien de temps est-ce que je dispose, Mme la
Présidente?
La Présidente (Mme
Guillemette) : 1 min 30 s.
M.
Nadeau-Dubois : Vous parlez de votre réticence à ce qui... à attacher
des diagnostics spécifiques dans le cas de
l'aide médicale à mourir pour les personnes qui souffrent de troubles mentaux.
Je comprends cette réticence-là. Ma
question pour vous : D'un point
de vue d'acceptabilité sociale — parce
que, comme législateurs, ça nous préoccupe, ça, tu sais, que nos
intentions soient bien comprises puis que les gens adhèrent, puis, pour qu'ils
adhèrent, il faut qu'ils saisissent de quoi
il est question — est-ce qu'il n'y a pas un risque, considérant toute l'ambiguïté que vous nommez
vous-même sur qu'est-ce qu'exactement les problèmes de santé mentale, que ce
flou-là sur la question du diagnostic envoie un genre de message ou soit perçu
comme un élargissement très, très, très libéral et que ça suscite une réaction — est-ce que vous voyez que je veux
dire? — une
réaction sociale à une perception que, mon Dieu, là, ça va être possible pour, je vais le dire comme je le...
comme, pour n'importe qui, n'importe comment? Comment on fait pour
lutter contre cette perception-là, selon vous?
Mme Gupta
(Mona) : Bien, peut-être... J'offre ça, je ne sais pas si c'est
suffisant, mais peut-être, dans la manière
que j'ai amenée, de dire : Mais on n'attache pas ça à un diagnostic, on ne
l'a jamais fait, on ne va pas commencer maintenant, mais c'est clair,
qui n'est pas admissible. Donc, on identifie, justement, les gens. Parce que,
souvent, j'entends ça : Mais est-ce que quelqu'un en crise peut aller à
l'urgence puis demander AMM? Mais non, non. Donc, je... Mais je pense qu'il
faut qu'on le dise, puis il faut que ce soit dit par soit vous, le législateur,
ou, je ne sais pas exactement, que ce message soit communiqué pas juste au public
mais aux cliniciens dans le réseau de santé : Non, on n'ouvre pas,
on est toujours dans la maladie grave et incurable. On n'est pas
dans jeune de 17 ans qui vient d'avoir une rupture avec sa blonde.
Non. Donc, le fait que c'est...
Et je pense qu'en
fait ce questionnement de la population, ça montre le cas... Ce que j'ai dit au
début, la mise en garde, ça montre le cas paradigmatique de la maladie mentale
qui est en arrière-plan. Parce que, quand on parle de l'AMM maladie physique, personne
ne pense que tu casses ton bras à jouer au baseball, tu peux demander AMM, tu vas l'avoir. Personne ne pense ça. Donc, pourquoi est-ce qu'on pense que tu vis une crise, tu as cassé avec ta blonde, tu vas
aller à l'urgence et avoir l'AMM? Parce qu'on croit que la maladie mentale ne
peut pas ou n'est pas une maladie grave et incurable.
Donc,
je pense que c'est vraiment de rester sur ces propos. On parle des maladies
graves et incurables, pas des crises, pas les gens qui viennent d'être
diagnostiqués, pas des jeunes marginaux, sur la rue, ou peu importe.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Merci. Merci beaucoup, M. le député. Je céderais maintenant
la parole au député de Chomedey pour deux minutes.
M.
Ouellette : Deux petites minutes, Mme Gupta, ce n'est pas beaucoup.
Je veux juste vous
ramener sur la quatrième recommandation que vous nous avez faite,
recommandation complémentaire. Et je pense qu'il sera de la responsabilité de
la commission de s'assurer, dans son rapport, de mettre des balises pour faire
en sorte que les demandeurs... et je vais employer un mot qui est peut-être
lourd, mais que... les demandeurs quérulents, là, bien, qu'on puisse suivre
leur histoire et qu'il n'y en ait pas un qui passe dans les mailles du filet pour qu'à un moment donné on se
ramasse en sanction criminelle ou qu'on ne fasse pas le bon travail. C'est que
vous nous éveillez à obligatoirement mettre une disposition dans le rapport que
nous allons devoir préparer.
Mme Gupta (Mona) : Est-ce que vous
me demandez ce serait quoi, une balise?
M. Ouellette :
Oui, c'était ça, ma question, là. Mais, définitivement, je me sens une responsabilité
de mettre quelque chose dans le rapport.
Mme Gupta (Mona) : Bien, je pense
que ce serait bienvenu, de mon point de vue, et je pense que... Merci pour
avoir nommé. Malgré le fait que c'est difficile à dire, des demandeurs
quérulents ou récurrents, ou peu importe... Mais je pense que ça peut exister
et puis je pense que c'est important qu'il y ait quelque chose. Je suis
contente que c'est, comme, plutôt votre problème que le mien.
Mais c'est clair que, dans le système actuel, quelqu'un
peut ouvrir un dossier dans plusieurs endroits sans que l'établissement sait qu'est-ce qui se passe dans l'autre. Je pense
que c'est un processus important qui exige le temps, mais ça peut rapidement
devenir un processus sans fin qui consomme beaucoup de temps et ressources si
ce n'est pas bien encadré.
Alors, oui,
donc, comment on le fait? Ce qu'on a proposé à l'AMPQ, mais c'est une façon de
faire, il y a d'autres façons de faire, c'est d'avoir
une organisation centralisée. Mais je ne sais pas si ce serait possible,
mais... Voilà.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci, M. le député. Donc, moi, j'aurais une question avant de céder la
parole à mes collègues. On sait qu'il y a des gens qui ont des pensées
suicidaires récurrentes. Comment on peut évaluer cette idée de pensées
suicidaires récurrentes versus l'aide médicale à mourir?
Mme Gupta (Mona) : Oui. Merci
beaucoup, Mme la Présidente, pour cette question. C'est, encore une fois, une
autre question qui fait réfléchir beaucoup les gens sur la question. Je reviens
un peu à mes exemples des patients atteints de troubles mentaux qui ont des
maladies physiques chroniques, qui subissent des traitements qui prolongent
leur vie, comme la dialyse, qui ont fait peut-être des tentatives de suicide
par le passé, qui ont des idées suicidaires récurrentes et qui arrivent à un
moment où ils veulent cesser leur dialyse, qui va inévitablement mener à leur
mort. Alors, on applique une série de recommandations dans ces cas.
Donc, je dirais que ce n'est pas une question de
distinguer entre les deux mais plutôt de dire : Mais est-ce que c'est un ensemble de circonstances où on pense que cette prise de décision est, comme disait Mme la députée, plus dans le sens d'une
vraie autodétermination versus quelque chose qui est compromis par la maladie
physique, ou psychique, ou d'autres circonstances sociorelationnelles,
etc.? Donc, c'est ça, la réflexion qu'on fait maintenant dans ce genre de situation
délicate. Et je pense que ce serait la même sorte de réflexion qu'on a besoin
d'avoir chez quelqu'un qui a des antécédents, des idées et tentatives
suicidaires récurrentes et chroniques.
• (11 h 30) •
La
Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Merci. Je passerais maintenant la parole à la députée de Soulanges.
Mme Picard : Bonjour,
Mme Gupta. J'ai une question qui, somme toute... Je crois qu'elle est
toute simple, mais je vais vous la poser. Vous suggérez d'inclure un pédiatre
dans l'équipe de la décision ou de l'acte de l'aide médicale à mourir. Est-ce
que, selon vous, ça pourrait être une IPS, une infirmière praticienne
spécialisée en santé mentale qui ferait cette évaluation-là ou ça nécessiterait
vraiment juste un psychiatre?
Mme Gupta (Mona) : Oui. Ça, c'est
comme... Ça, c'est une question qui a un élément légal aussi, je crois, parce que, dans le cadre de la loi canadienne, il
s'agit des IPS aussi, qui peuvent être des cliniciens qui prodiguent ce soin.
Je pense que, je dirais, ça prend un psychiatre. Je pense que les IPS peuvent peut-être
commencer de s'impliquer dans la pratique, mais je pense que
l'implication d'au moins un psychiatre, dans l'évaluation de la demande, serait
nécessaire. Je pense que la formation n'est pas la même. Donc, je pense que
oui. Je ne vois pas pourquoi ça... Les IPS pratiquent déjà au Canada. Je pense
que la pratique générale de l'AMM, c'est possible, mais, l'évaluation d'une
demande trouble mental SPMI, je pense que ça prend au moins un psychiatre pour
faire l'évaluation de la demande.
Mme Picard : Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée. Donc, je passerais la parole à Mme la députée de Saint-François.
Mme
Hébert : Oui.
Merci, Mme la Présidente. Merci, Mme Gupta. Dans le contexte où... Probablement
que ma question va se rapprocher des autres collègues qui ont posé les
questions, mais je pense que j'ai encore besoin de l'entendre de votre part.
Dans le contexte où les médecins doivent évaluer la... par rapport aux valeurs
du patient puis sa vision sur... Parce qu'on s'entend, là, en maladie mentale,
là, ça va être plus sur ce que lui considère comme une bonne vie ou qu'est-ce
qu'il considère comme une vie acceptable.
Donc, à quel moment on peut considérer qu'il y a
vraiment un déclin puis que c'est avancé, que la souffrance est intolérable et
incurable? Parce qu'on s'entend, là, vous l'avez dit, c'est vraiment une catégorie
de personnes qui est minime, là, quand même, quand on parle de santé mentale,
qui vont demander l'aide médicale à mourir, là, avec tous les critères que vous avez envoyés, ça fait que... que vous avez
donnés. Donc, à quel moment qu'on peut vraiment considérer qu'il y a un déclin comme étant
avancé puis que la souffrance est vraiment intolérable et incurable?
Mme Gupta
(Mona) : Je pense... Je veux
juste clarifier un mot. Vous avez dit : La personne atteinte des troubles
mentaux, c'est une catégorie qui est minime.
Mme
Hébert : Bien, vous avez dit tantôt que c'était... il y avait...
Les types de personnes, selon vous, qui allaient
peut-être être admissibles à cette aide-là étaient quand même
assez restreints en nombre parce qu'on en excluait beaucoup,
là, avec les crises aiguës, la personne, c'est tôt dans la maladie, la personne
qui n'a pas eu des soins adéquats, qu'on n'a pas tout tenté. Donc, étant
donné que c'est une catégorie quand même qui est minime, moi, j'aimerais
savoir, là, c'est où, là, qu'on considère qu'il y a vraiment un déclin puis que
c'est avancé, assez pour que ce soit intolérable et incurable.
Mme Gupta (Mona) :
Oui. Merci. Merci pour la précision. Bien, écoute, je pense qu'il y a
différentes manières qu'on peut définir ces expressions-là, «incurable»,
«déclin avancé» et «irréversible». Ça va prendre une définition quelconque,
mais je pense que ça va tourner autour de la sévérité, dont le cas que j'ai
mentionné, quelqu'un qui est complètement absorbé par ses symptômes
20 heures sur 24. On ne va pas le chiffrer dans la loi, évidemment,
mais on parle d'un degré, d'être envahi, et une sévérité qu'il faut identifier.
On parle aussi des tentatives de
traitement. Donc, ici encore, je fais référence à nos collègues
aux Pays-Bas, mais ils parlent des traitements biologiques,
psychologiques, sociaux, avec une durée et une intensité appropriées,
optimales.
Donc, je ne pense pas
que c'est souhaitable d'essayer de dire : Mais tellement d'années ou
x nombre de traitements, mais plus que ce soit cliniquement évaluable que
c'est beaucoup, si je peux le dire comme ça. Donc, ça, c'est la partie
incurable.
Je pense que la
partie déclin fonctionnel, bien, ça va dépendre un peu de la personne, parce
que nos fonctions n'ont pas... tous les mêmes, dans le sens où ce n'est pas tout
le monde qui travaille, ce n'est pas tout le monde qui veut avoir des relations
intimes, etc. Mais, les êtres humains, on veut faire des choses dans la vie,
puis, selon ce qu'on veut faire, ce qu'on
souhaite faire, est-ce que la maladie impose des contraintes importantes
sur ce fonctionnement, sur ce
plan de vie, sur la personne?
Donc, ce sont les enjeux
qu'il faut prendre en considération. Et c'est sûr qu'on a besoin d'attacher ça
avec un degré de sévérité et une durée, une
constance dans le temps. Donc, encore une fois, on ne parle pas de la deuxième
année que quelqu'un souffre de quelque chose, mais on parle de quelqu'un
qui est souffrant depuis des années, voire des décennies, qui ont essayé beaucoup
de choses, d'aller mieux, et qui n'ont pas réussi.
Mme
Hébert :
Merci beaucoup.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Merci. Donc, je céderais la parole au député de
Mégantic.
M. Jacques :
Bien, merci, Mme la Présidente. Dre Gupta, merci d'être là aujourd'hui. Je
vais aller dans le même sens, là, que la
députée de Maurice-Richard
puis le député de Gouin, là, qui se sont attardés beaucoup, là, au cas... comment on pouvait cibler certaines maladies. Je comprends, là, dans
le discours que vous faites depuis le début, là, qu'on ne peut pas cibler une
maladie en tant que telle, la schizophrénie ou quoi que ce soit. Et, bon, vous
me rassurez aussi que ça prend un élément important et de longueur de plusieurs
années pour arriver à un déclin majeur pour que les gens, là, puissent recourir
à l'aide médicale à mourir ou aux soins de fin de vie.
Puis
mon interrogation, avant que vous parliez ou commenciez votre intervention,
c'était au niveau de la famille, bon,
les proches de ces personnes-là, bon, quelles influences qu'ils peuvent
apporter à demander à une personne de requérir à l'aide médicale à mourir, dans un cas, qui pourraient mettre de la
pression sur certaines personnes qui ont des problèmes mentaux, de un.
Et, de deux, de
quelle façon ils pourraient être consultés aussi, dans les deux sens, autant
pour ne pas qu'ils mettent de pression à ces
personnes-là, mais, dans l'autre sens, qu'ils soient des accompagnateurs
fidèles à ces personnes-là qui voudraient aller vers l'aide médicale à
mourir, et de les consulter, à savoir vraiment est-ce que les gens puissent
recourir ou non, puis qu'il y ait un deuxième avis. Oui, l'avis du psychiatre
me rassure énormément, je pense que c'est...
il faut que ce soit là, ça ne peut pas ne pas être là, mais, dans l'autre sens,
la bulle familiale, les gens qui interviennent avec ces personnes-là...
J'aimerais ça vous entendre là-dessus.
Mme Gupta (Mona) :
Oui. Merci beaucoup, M. le député, pour la question. Bien, j'aimerais... J'ai
le goût de commencer avec l'idée qu'on n'a pas besoin de réinventer la roue. On
le fait déjà. Nos médecins qui pratiquent l'AMM au Québec, ils interagissent
avec les familles, ils parlent avec eux, ils essaient de voir c'est quoi, la
relation entre eux et la personne. Je pense que, dans la grande, grande, grande
majorité des cas, les familles sont des proches aidants et peuvent éclaircir
qu'est-ce qui se passe pour cette personne, c'était quoi, sa vision de sa fin
de vie, etc.
Donc... Et je pense
que, généralement... — ça,
c'est quelque chose que j'ai appris d'un projet de recherche que je mène actuellement sur l'évaluation des
demandes, c'est... — quand la
famille et la demande sont synchronisées, les demandeurs, c'est là où le
médecin se sent le plus rassuré par rapport à la demande.
Donc, je pense qu'on
le fait déjà. C'est sûr qu'il y a certaines familles qu'ils n'ont pas une bonne
relation avec leurs proches, puis il faut qu'on fasse attention à ça. Et je
reviens un peu à ma recommandation complémentaire sur la pertinence de la
psychiatrie. Ça, c'est notre quotidien de faire attention à ces dynamiques
intrafamiliales. Et c'est une autre raison, je pense, que notre expertise est
souhaitable.
Mais une force aussi
de la loi québécoise, si je peux partir du processus et revenir à la loi, c'est
que c'est inclus, en fait, que les proches
et la famille soient consultés dans le processus. Je pense que c'est approprié.
Je pense qu'on devrait continuer de faire ça, à moins que la personne
ait des raisons importantes, comme abus dans l'enfance ou quelque chose comme
ça, où ce ne serait vraiment pas approprié d'inclure la famille.
• (11 h 40) •
M.
Jacques : O.K. Juste pour compléter, là, bon, vous avez souligné, là,
qu'il y a des familles que la relation est moins bonne avec ces gens-là et...
Bien, c'est plus... Moi, mon inquiétude était vraiment là, ceux qui ont une
mauvaise relation, les gens sont tannés de s'occuper de cette personne-là.
Parce que, souvent, ça devient un fardeau pour toute la famille, pour
l'ensemble de la famille. Donc, à ce moment-là, les familles ne seraient pas
consultées. C'est ce que vous dites.
Mme Gupta
(Mona) : Je pense que ça revient toujours au demandeur. Si le
demandeur veut impliquer sa famille, qui est actuellement le cas dans la grande
majorité des cas, on va l'impliquer. Donc, je pense que le principe de départ,
c'est que l'entourage soit impliqué.
Mais, si on a des
raisons de croire, au travers de notre travail avec la personne, que ce ne
serait pas bien que la famille soit
impliquée ou si la personne refuse carrément que la famille soit impliquée,
bien, on ne peut pas l'imposer non plus. Mais c'est...
Je pense que, dans un
premier temps, un patient qui refuse d'emblée d'impliquer sa famille, ça
devrait être un indice de poursuivre, hein?
On ne va pas juste dire : Oh! O.K. On va dire : Mais qu'est-ce qui se
passe? D'explorer ça davantage, donc, ça va faire partie de l'évaluation.
Et c'est encore une
raison où de telles évaluations doivent prendre du temps, parce que ce n'est
pas quelque chose qu'on va comprendre dans un rendez-vous, bien, c'était quoi,
l'interaction, la relation avec la famille, pourquoi est-ce qu'ils sont
impliqués, pourquoi ils ne sont pas impliqués, pourquoi ce refus est là. Donc,
ce sont des enjeux, justement, à faire sortir pour impliquer ou pas la famille
dans une manière appropriée.
M.
Jacques : Donc, le rôle du
psychiatre est hyperimportant dans ce dossier-là. Donc, c'est... 90 %, là, de toute l'analyse... ou
99 % de toute l'analyse relève du professionnel qui est le ou la
psychiatre.
Mme
Gupta (Mona) : Je pense que... Tous ces éléments complexes par rapport
à la dynamique interpersonnelle, familiale ou avec l'équipe traitante,
par exemple, je pense que ça relève de l'expertise de la psychiatrie, oui.
M. Jacques :
Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Et, pour faire suite à cette question,
est-ce que c'est le psychiatre traitant ou vous prendriez un... vraiment
un psychiatre externe?
Mme Gupta
(Mona) : Oui. Merci, Mme la Présidente. Je pense que ça peut être fait
dans plusieurs manières, et là on est un peu
dans le détail du processus. Je pense que n'importe... médecin peut s'abstenir
de participer. Donc, on ne peut pas dire qu'il faut absolument que ce
soit le médecin traitant s'il ne veut pas participer.
Je pense qu'il y a
aussi des bonnes raisons qu'un médecin traitant ne s'implique pas, c'est-à-dire
que cette personne demeure neutre, accompagne la personne dans son processus
sans être l'une qui va dire oui ou non et entrer dans cette dynamique, que
cette partie soit regardée par une personne avec un regard de l'extérieur.
Dans d'autres cas, je
peux imaginer que c'est plus une relation de confiance entre les deux, où la
personne veut vraiment être accompagnée par
son propre médecin traitant, qui la connaît depuis longtemps, puis le médecin
traitant veut être impliqué. Donc, je
ne mettrais pas les «il faut être ci» ou «il faut être ça». Je pense que ça va
dépendre des cas.
Et
je voulais aussi juste souligner qu'on parle beaucoup ici, maintenant, des
psychiatres, mais, quand on parle de
cette petite population des personnes sévèrement atteintes, elles sont souvent
suivies par des équipes multidisciplinaires. Et je pense que, même si, dans la loi, ce sont des médecins qui
prodiguent le soin et qui font les évaluations... Je pense qu'une bonne
évaluation, ça aussi va prendre du temps, va impliquer ces soignants-là, ces
cliniciens-là qui connaissent aussi le patient, d'autres angles. Donc, on met
nos perspectives ensemble pour arriver aux bonnes... à la bonne décision.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Merci beaucoup, Dre Gupta. C'est tout le temps
qu'on avait. C'est très enrichissant, et je vous remercie pour votre
contribution aux travaux de la commission.
Je suspends les
travaux quelques instants, le temps d'accueillir nos nouveaux invités. Merci.
(Suspension de la séance à 11 h 45
)
(Reprise à 11 h 50)
La Présidente (Mme
Guillemette) : Donc, merci, tout le monde. Je souhaite la bienvenue
aux représentants de la Commission sur les
soins de fin de vie, donc le Dr Michel A. Bureau, le président, ainsi
que le Dr David Lussier, commissaire à la commission. Donc,
bienvenue et merci d'avoir accepté l'invitation.
Je vous rappelle que
vous disposez de 20 minutes pour votre exposé et qu'ensuite il y aura un
échange de 40 minutes avec les membres de la commission. Donc, messieurs,
je vous cède la parole.
Commission sur les soins de
fin de vie
M. Bureau (Michel A.) : Merci,
Mme la Présidente. Chers parlementaires, c'est avec plaisir qu'on participe aujourd'hui
à la Commission spéciale sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin
de vie. Je me présente, Michel Bureau. Je suis le
président de la commission. J'ai été, dans ma vie, un intensiviste et un
pédiatre. Depuis plusieurs années, je ne pratique pas la médecine. Le
Dr Lussier va se présenter.
M. Lussier
(David) : Oui. Donc, David
Lussier. Je suis gériatre à l'Institut universitaire de gériatrie de Montréal,
avec une formation complémentaire puis une pratique qui est presque
exclusivement sur la douleur chronique, donc, des
patients âgés avec douleurs chroniques, puis aussi un intérêt pour l'aide
médicale à mourir puis les soins palliatifs. J'ai fait une formation en soins palliatifs puis je
pratique des aides médicales à mourir, là, probablement une quinzaine
ou une vingtaine, là, depuis 2015.
M. Bureau (Michel A.) : Merci,
David. Nous sommes très heureux de voir cette commission spéciale créée. Depuis la création de la loi en 2014, beaucoup
de choses ont changé. Est arrivé le Code
criminel, qui est venu compléter
la loi québécoise, et après cela, plus récemment, le jugement Baudouin suivi de
C-7, qui ont retiré le critère de fin de vie,
qui était un critère de... une balise d'un secteur qui s'ouvre maintenant
et qui inquiète beaucoup la commission en raison des implications
que cela aura. Et on a compris ce matin, avec le débat sur les inaptes et sur
les patients avec trouble mental ou maladie mentale, selon qu'on parle le
langage du fédéral ou du Québec... nous amène dans des zones qui vont être relativement floues et des décisions difficiles à
prendre pour les demandeurs de l'AMM autant que pour ceux qui vont
devoir les évaluer.
Le deuxième cliché montre le rôle de la
commission. Nous nous distinguons considérablement de ce que vous avez entendu avec les présentateurs de ce
matin. Eux viennent vous donner les grands principes pour écrire les lois,
mettre les balises qui sont nécessaires, et nous, nous sommes à l'autre bout,
nous sommes dans l'application de la loi, qu'est-ce que la loi a convenu,
comment elle suggère, sa signification.
Et la loi, créée en 2014, a décidé de créer une
commission indépendante pour suivre l'évolution des soins de fin de vie et les soins de fin de vie globaux,
autant les soins palliatifs que l'aide médicale à mourir, la sédation
palliative continue. Et cette
commission est une commission qui représente la société civile, des usagers,
des avocats, des éthiciens, quatre
médecins, des infirmières de soins palliatifs, etc., des travailleurs sociaux.
C'est vraiment un reflet de la société civile.
Notre mandat
est de regarder comment vont les soins de fin de vie dans leur globalité et
faire des recommandations au ministre, le cas échéant. Et la loi a
précisé que chaque cas d'aide médicale à mourir, en raison de son risque
appréhendé en 2014, devait être vérifié par la commission, et c'est ce qui fut
fait depuis.
On parle... Vous allez entendre parler beaucoup
de coexistence de deux lois, pareil comme si c'était deux lois qui se
confrontaient, et les médecins n'ont pas très bien compris, d'après moi, le
sens de ces deux lois.
La loi du Québec, c'est une loi de soins. C'est
des soins de fin de vie, palliatifs, soins d'AMM, déclaration médicale
anticipée. Et cette loi interpelle les acteurs, les établissements, les
médecins, le CMDP des hôpitaux, le Collège des médecins, et elle est vraiment
dirigée sur l'acte médical, comment on donne les soins, aux gens, de fin de
vie. La loi fédérale n'est pas comprise comme la loi qui est venue déclarer que
l'acte médical n'est pas criminel et elle se...
Son langage est juridique, et son approche est difficile à comprendre par les
médecins, parce qu'ils ne parlent pas le langage habituel des
cliniciens. Cependant, tous les deux s'adressent aux critères de fin de vie,
et, quand il y a divergence entre les positions de la loi fédérale... les
dispositions de la loi fédérale et québécoise, c'est la disposition la plus contraignante qui prévaut. Par exemple, la
loi fédérale disait qu'il fallait attendre 10 jours pour donner l'AMM
à quelqu'un qui rencontrait les critères, la
loi québécoise ne disait pas ça, alors, le critère le plus contraignant fut
utilisé.
Cependant, en ce qui concerne le handicap, la
loi québécoise ne parle pas du handicap, et je crois qu'il faudrait l'ajouter. C'était le cas Truchon.
M. Truchon avait un handicap grave et incurable, il n'était pas en fin de
vie, et la loi québécoise ne lui permettait pas, même s'il avait été en
fin de vie, de recevoir l'aide médicale à mourir. Alors, nous recommandons que
la prochaine révision de la loi ajoute le handicap.
La loi fédérale accepte comme évaluateur
l'infirmier praticien, et je crois que, dans l'évolution des pratiques
infirmières, l'infirmier praticien devrait, dans le futur, être accepté comme
prestataire de soins.
Le cliché suivant s'intitule Dialogue entre le
médecin et le patient. C'est là que ça se passe. Vous avez entendu tout à l'heure Mme Gupta, et elle
référait au vague de la définition fédérale d'une maladie grave et incurable.
Nous ne sommes pas dans une science dure, nous sommes dans un domaine de
pratique médicale. Et, quand un patient se fait dire qu'il a une maladie grave
et incurable, il demande tout de suite à son médecin : Combien de temps il me reste à vivre?, est-ce que
je vais souffrir?, ainsi de suite. Et le médecin lui répond : Je pense
qu'il vous reste moins de 12 mois, on va vous accompagner, on va
vous donner les soins qu'il faut dans le respect de votre volonté, mais c'est
vous qui décidez, c'est vous qui allez prendre la décision. Et, s'il a besoin
de l'aide médicale à mourir, bien, il le demande, il est évalué. S'il rencontre
les critères, il aura l'aide médicale à mourir.
Regardez le cliché qui décrit le portrait de
l'AMM au Québec. Vous voyez la courbe à 45 degrés de l'augmentation du
taux d'AMM année après année. C'est une croissance de 30 % à 40 % par
année. On peut se demander jusqu'où ira cette croissance de l'aide médicale à
mourir. On a l'impression que c'est tout le monde qui va demander l'aide
médicale à mourir. Et je veux corriger ça, ce n'est pas ça pantoute, là.
Il y a à peu près 3 % des décès, au Québec,
qui, même à ce stade-ci, demandent l'aide médicale à mourir. Sur
70 000 décès, nous sommes 2 000, 2 500. Cette courbe va
continuer de croître. Elle va croître pendant deux, trois ans encore. Et la Belgique et la Hollande ont atteint
un niveau de 4 %, 5 % des décès, et ce sera sans doute la même chose
ici.
La variable que nous ne connaissons pas :
Qu'est-ce que le retrait du facteur de fin de vie va solliciter comme nouvelle
clientèle?
Qui sont les personnes
qui demandent l'aide médicale à mourir? Il y en a 7 000, au Québec, qui,
depuis le début, ont reçu l'aide médicale à mourir. On penserait qu'à
chaque année c'est un nouveau groupe qui se joint au peloton des gens qui reçoivent l'aide médicale à mourir,
mais ce n'est pas le cas. C'est toujours la même chose. C'est un groupe
de moyenne d'âge de 70 ans. Ils ont tous, presque, 60 ans et plus.
Les trois quarts ont le cancer.
Le groupe le plus fréquent qui suit, c'est les
maladies neurodégénératives. Et je ne parle pas de l'alzheimer ici, je parle de la sclérose en plaques, du
parkinson, ce type de maladie. 10 % ou 11 % sont des maladies
cardiopulmonaires. Et, chose
étonnante, les gens demandent l'aide médicale à mourir quand ils sont vraiment
en fin de vie. Pronostic vital, pour 75 %, 74 % d'eux, sur les
7 000, est de moins de trois mois. Alors, ils attendent vraiment en fin de
vie.
• (12 heures) •
L'aide médicale à mourir est administrée en
centre hospitalier mais de plus en plus à domicile, aussi en CHSLD et les maisons
de soins palliatifs, s'ils sont ouverts récemment.
Regardez le cliché suivant, il est
impressionnant, sur le temps où les gens viennent demander l'aide médicale à
mourir. C'est le pronostic vital qui est montré ici : 14 % de
demandes alors qu'il reste moins de deux semaines à vivre — des
fois, c'est trois jours, quatre jours — 74 %, je disais tout à
l'heure, c'est à moins de trois mois, et tous le demandent en moins de
18 mois. Mais il faut se rappeler que nous étions dans la contrainte du
facteur de fin de vie, et les gens étaient
nécessairement à courte échéance, c'est-à-dire dans les 12 ou 18 derniers
mois de la vie. Mais les gens attendent tardivement pour demander l'aide
médicale à mourir.
Parmi ceux qui demandent l'aide médicale à
mourir, il y a une proportion très importante qui ne le reçoit pas. À notre
premier rapport, c'était ce chiffre, et, à nos analyses récentes, c'est la même
chose, sur 100 personnes qui demandent l'aide médicale à mourir, les deux
tiers vont l'avoir, un tiers ne l'aura pas. Et, parmi les deux tiers qui l'ont,
pour avoir l'aide médicale à mourir, il faut que ces... 25 % de ces
patients-là qui demandent l'aide médicale à mourir doivent refuser de prendre
leur médicament ou le prendre partiellement et accepter de souffrir plutôt que
de prendre leur analgésique, parce qu'ils ont peur de perdre la capacité de
décider au moment de recevoir l'aide médicale à mourir.
Rappelez-vous, la loi fédérale, comme la loi
québécoise, dit qu'au moment de recevoir l'aide médicale à mourir il faut dire oui, il faut être capable de
consentir. Et ici nous allons... La commission demande aux parlementaires,
dans une action non partisane, de régler ce problème, et ça ne peut
probablement pas attendre la révision de la loi.
Parmi ceux qui ne reçoivent pas l'aide médicale
à mourir, il y en a six sur 100 qui ont retiré leur demande. Il faut donc
laisser du temps aux gens pour retirer leur demande. Il y en a 11 % qui
sont venus tellement tardivement demander l'aide médicale à mourir qu'ils sont
morts avant de recevoir l'aide médicale à mourir ou de l'évaluer. Le 13 %, sur ces 34 % qu'il reste, la
moitié n'était pas en fin de vie. Ils ne rencontraient pas le critère. Cela est
réglé par la disparition du critère de la fin de vie. Mais l'autre
portion, ce sont des gens qui satisfaisaient les critères, qui ont demandé l'aide médicale à mourir, par exemple, le
lundi, pour le lundi suivant, et qui,
le vendredi, ont perdu... commencé à
perdre leurs aptitudes, et ils n'ont pas pu recevoir, le lundi suivant, l'aide médicale à mourir. Pourquoi? Parce qu'ils n'étaient pas capables de consentir.
Ici, il y avait deux obstacles : l'obstacle
fédéral, où il y avait le 10 jours de délai plus l'obligation, comme au
Québec, de consentir au moment final. Le fédéral a retiré ces deux obstacles.
C'est maintenant au Québec de le faire, et
la commission demande aux parlementaires de trouver une solution rapide, pour
ces souffrances qui sont évitables, avec un petit changement législatif
ponctuel.
Est-ce que le retrait du facteur de fin de vie
va changer beaucoup l'aide médicale à mourir, la même chose que C-7? En
théorie, le retrait du facteur de fin de vie ouvre grand la porte à une
nouvelle clientèle de demandeurs d'AMM. En réalité, il n'y en aura pas tant que ça,
parce que le critère de maladie grave et incurable demeure. Il faut que
ces patients-là soient en déclin avancé de leur maladie et déclin irréversible
de leurs capacités et que les souffrances soient persistantes et inapaisables.
On a vu tout
à l'heure, sur l'autre cliché, que les personnes attendaient le dernier jour ou
presque pour demander l'aide médicale à mourir. Ceux qui font le
parkinson, la sclérose en plaques vont continuer d'attendre le délai final pour recevoir l'aide médicale à mourir.
Certains vont le demander de façon plus précocement, mais nous croyons que
ce ne sera pas un très grand nombre.
Le cliché
suivant montre l'inquiétude de la commission. Le critère de fin de vie est retiré. Des gens de
maladies neurodégénératives vont
venir plus rapidement qu'avant, mais arriveront les gens avec des
polypathologies, c'est-à-dire qu'ils n'ont pas une maladie grave et incurable
inscrite au registre des maladies, mais ils ont des conditions dont l'ensemble
en fait une maladie grave et incurable.
C'est aussi vrai et inquiétant pour les personnes âgées qui ont toutes
certaines... qui ont souvent plusieurs petites pathologies.
La population est très demandeuse. On entend
souvent : Le refus de boire et de manger conduit à l'aide médicale à mourir,
la fatigue de vivre, la grande fatigabilité, le grand âge. Et les médecins sont
compatissants avec leurs patients et voient ces demandeurs. Et il y a une
grande prudence qu'on doit avoir ici. Ce ne sont pas des critères qui sont des
critères de maladie grave et incurable, et il y a un risque de glissement vers
la mort sur demande, que personne ne veut. Alors, ici, la loi prochaine devra
prévoir suffisamment de mesures de sauvegarde pour qu'il n'y ait pas ce
glissement vers la mort sur demande.
L'inaptitude et l'AMM pour l'agonie, j'en ai
parlé tout à l'heure, celui qui va perdre sa capacité de décider, alors que sa
date est fixée pour l'aide médicale à mourir, devrait... jusqu'à la fin. Et d'ailleurs
le rapport des experts sur l'inaptitude avait déjà fait cette recommandation en
2019.
Là où c'est compliqué, vous en avez entendu
parler ce matin, c'est les maladies neurocognitives, l'alzheimer. Ce n'est pas
le rôle de la commission de définir les critères qui doivent apparaître dans la
loi. Et M. Maclure et Mme Filion
ont très bien élaboré sur ce sujet. Et la commission
a déjà entendu en présence, il y a un an et plus, ces experts, et la commission
souscrit à l'ensemble de leurs recommandations, que nous saluons.
Pour
les troubles mentaux, c'est aussi très compliqué. À la demande de Mme McCann,
à l'époque, nous avons interrogé les groupes aidants, des gens atteints de problèmes
mentaux. Et on a produit un rapport à la ministre à l'époque, et le message est
à peu près le même : Une extrême prudence pour admettre à l'AMM les
patients avec des troubles mentaux, avec des... prendre le temps qu'il faut et
s'assurer qu'il s'agit bien de gens qui n'ont pas d'espoir de guérison et que
leur décision est bien mûrie.
Cependant, le travail
des psychiatres... Et ce que racontait tout à l'heure Dre Gupta rencontre
l'orientation de la commission, qui souscrit à cette analyse qu'ils en font et
attend de voir les mesures particulières d'évaluation et de sauvegarde qui vont
être nécessaires pour qu'il n'y ait pas de dérapage dans ce groupe à risque.
Enfin, je ne peux
pas, comme pédiatre, ne pas vous rappeler ceci : Un adolescent de
15 ans qui fait le cancer et qui a une
situation incontrôlable, pourquoi n'aurait-il pas, lui aussi, accès à l'aide
médicale à mourir si ses douleurs sont inapaisables? Nous recommandons
que ce sujet soit mis à l'étude par votre commission. Et je sais déjà que les groupes pédiatriques des quatre réseaux
universitaires se penchent déjà sur cette question pour faire ses
recommandations à l'automne.
• (12 h 10) •
Enfin,
trois recommandations en rafale. La loi de fin de vie est une loi excellente.
Elle a fait son travail pour les 7 000 Québécois et
Québécoises qui ont reçu l'aide médicale à mourir. Mais c'était la partie
facile. C'étaient des gens qui n'allaient
pas vivre longtemps, les douleurs étaient là, ils étaient encore aptes à
décider, les décisions médicales... le décours de la maladie est connu.
Et il n'y a pas eu de glissement, et ce fut... et la commission a joué son rôle
d'aller vérifier les cas qui étaient
borderlines pour s'assurer qu'il n'y avait pas de dérapage. Et, enfin, au bout
de six, sept ans de cette loi, on peut dire qu'elle a accompli ce
qu'elle devait faire.
Cependant, un tas de
petites choses méritent d'être redressées dans cette loi. Et je sais qu'on
viendra à une révision de cette loi en
profondeur. Il reste quand même, ce que je vous disais tout à l'heure, un point
qui, d'après moi, d'après la commission, devrait être réglé rapidement, c'est
le renoncement au consentement terminal pour ceux qui vont mourir de
façon imminente.
Enfin, il faut
s'adresser au public, et c'est la recommandation que nous faisons, et vous le
faites déjà, et je sais que ça fait partie du plan. Le public est prêt à
entendre une campagne d'information sur la sensibilisation sur les soins de fin de vie, dont les déclarations
médicales anticipées, dont parlait M. Maclure tout à l'heure, qui ont
besoin d'être connues de la population et utilisées.
Pour les médecins, ça
devient compliqué et... très compliqué. Quand il y aura les inaptes et les
problèmes de maladie mentale, un service-conseil pour les professionnels,
médecins et infirmiers, si c'est le cas, sera nécessaire.
Et enfin, pour la
population qui veut ces services mais ne sait pas toujours comment s'y
adresser, dans les centres hospitaliers, avoir une ligne contact pour la
population serait très utile.
Je termine ici en
vous remerciant. Et nous sommes à votre disposition pour commentaires et
questions.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Merci beaucoup, Dr Bureau. Donc, je céderais
maintenant la parole au député de Gouin.
M.
Nadeau-Dubois : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs. Merci
d'être avec nous aujourd'hui. J'ai peu de
temps. J'ai envie de vous inviter à préciser une de vos recommandations, celle
que vous jugez urgente. Vous nous avez même invités explicitement à ne
pas attendre, si j'ai bien compris, là, la fin des travaux de la commission pour procéder avec cette question-là,
c'est-à-dire le fait de permettre la renonciation au
consentement pour les gens qui risquent de perdre leur aptitude à
consentir avant la date prévue pour l'aide médicale à mourir. Pourquoi, selon
vous, est-il urgent de faire une modification législative là-dessus? Pourquoi
procéder aussi rapidement? Je ne suis pas pour, je ne suis pas contre, hein, je veux juste vous entendre défendre cette
idée-là plus en profondeur, nous expliquer votre réflexion là-dessus.
La
commission s'est donné quand même des contraintes de
temps assez sérieuses. Pour ce type de commission là, là, habituellement, ça prend... ça peut être un an, un an et demi.
Là, on s'est donné des délais beaucoup plus rapides. Le gouvernement s'est engagé
à déposer un projet de loi suite à ça, à un rythme assez rapide également.
Donc, pourquoi faudrait-il, selon vous, accélérer encore davantage sur cette question
spécifique?
M. Bureau
(Michel A.) : Dr Lussier.
M. Lussier
(David) : Oui. Merci. C'est vraiment... C'est une excellente question,
puis il y a plusieurs raisons pourquoi. En
fait, la loi fédérale, qui a été changée, maintenant, permet ce qu'on
appelle le renoncement au consentement final, donc, c'est-à-dire que la
personne dont la mort est raisonnablement prévisible peut prendre une entente
avec le médecin pour dire que, si je perds mon aptitude avant de recevoir
l'AMM, je pourrai quand même la recevoir.
Là, il y a des débats
de juristes, là, je ne voudrais pas interpréter des lois, là, il y a des...
mais le consensus semble être que la loi provinciale actuelle ne le permet pas.
Ça, ça a vraiment plusieurs conséquences néfastes pour les patients, deux
principales, je dirais. La principale, c'est qu'on voit souvent, souvent, nous,
dans les formulaires, on le voit, tous les professionnels qui sont impliqués
avec des patients qui demandent l'AMM, que les gens refusent les médicaments
parce qu'ils ont peur de devenir somnolents, ils ont peur de devenir confus,
ils ont peur de perdre leur aptitude et de
ne pas pouvoir recevoir l'AMM. Donc, le fait de ne pas avoir accès au
renoncement au consentement final, ça fait que les gens souffrent plus
en attendant de recevoir l'AMM.
L'autre, c'est que des
gens qui pourraient vouloir recevoir l'AMM dans trois, quatre semaines, parce
qu'ils voudraient passer plus de temps de qualité avec leurs proches, le
demandent maintenant. Donc, ils devancent leur AMM parce qu'ils ont peur de
devenir inaptes, de perdre leur aptitude parce que les médicaments ou la
maladie va les rendre confus. Donc, ça
enlève du temps de qualité avec leurs proches. Donc, ça, c'est vraiment
une avancée importante qui a été introduite par la loi fédérale.
Puis, maintenant, le Québec, à cause de la loi provinciale actuelle, est la
seule province où ce n'est pas possible, alors que les patients en souffrent.
M. Bureau
(Michel A.) :
J'ajouterais un autre groupe. Il y a des gens qui perdent le droit de recevoir l'AMM
et qui sont en grande souffrance. Alors, parce qu'ils ne peuvent pas dire oui,
ils doivent donc attendre leur mort avec leur souffrance que l'AMM était là
pour abréger.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Une minute, M. le député.
M. Nadeau-Dubois : Il me reste une
minute. J'aurais eu envie d'approfondir, mais mes collègues le feront. Quatre
ans après l'application de la loi au Québec, pourquoi il y a encore autant de
variations régionales, selon vous? Notamment, pourquoi, à Montréal, est-ce
qu'on est encore autant sous le niveau du reste du Québec?
M. Bureau (Michel A.) :
Dr Lussier est au coeur de Montréal.
M. Lussier (David) : C'est très,
très, très difficile. On sait qu'à Montréal il y a des variations d'un quartier
à l'autre aussi. Il y a plusieurs hypothèses socioculturelles, entre autres. Il
y a des communautés socioculturelles pour lesquelles
c'est moins dans les valeurs de demander l'AMM. Il y a peut-être
des endroits où il y a des soins
palliatifs qui sont plus
présents. Mais tout ce qu'on peut faire, malheureusement, c'est des hypothèses.
Je crois que
les quatre ans nous ont montré qu'il
n'y a pas de barrière à l'AMM. Au
début, on pensait qu'il y avait peut-être des poches de résistance
idéologique à l'AMM chez les professionnels, mais ça ne semble pas être le cas.
Donc, il n'y a pas vraiment
de... C'est une question très, très, très importante et intéressante,
mais je n'ai pas de réponse à vous donner à part des hypothèses.
La
Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup. Je céderais maintenant la parole à la députée de Joliette.
Mme
Hivon : Merci
beaucoup à vous deux pour votre présentation et pour votre travail de manière
générale. Sur le point sur lequel vous avez
beaucoup insisté, la question du consentement final, je pense qu'effectivement
il y aurait de très grands débats
juridiques que nous pourrions tenir ensemble avec beaucoup de passion
aujourd'hui, mais malheureusement ce n'est pas dans notre mandat. Et je
pense que c'est important juste de vous le préciser, notre mandat n'est pas un
mandat de modification de la loi sur toutes sortes d'enjeux mais vraiment...
pas de mise à jour, mais vraiment d'évolution sur ces deux grands enjeux là,
donc, des maladies neurodégénératives du cerveau et des troubles mentaux. Ça
fait que je voulais juste... Je sais, vous avez passé votre message, c'est
parfait, on est là pour tout recevoir, mais moi, je veux vous ramener sur ça,
parce que je sais que vous vous y êtes penchés, même si vous n'êtes pas là pour
nous faire des recommandations spécifiques à cause du mandat de
Mme McCann.
Et vous nous dites que vous adhérez aux
recommandations, donc, du groupe de Mme Filion et M. Maclure. Donc,
là-dessus, j'avais deux questions pour vous. Ils nous disent de ne pas
recommander que ce soit exécutoire, la demande anticipée d'aide médicale à
mourir, et j'ai un peu de mal à réconcilier ça. Évidemment, il n'y a jamais...
Ce n'est pas un droit, l'aide médicale à
mourir, c'est clair dans la loi, il faut que les critères soient rencontrés
puis qu'il y ait un médecin qui
accepte de le faire. Mais est-ce qu'il n'y a pas une contradiction d'enlever
complètement un caractère exécutoire avec le principe d'autodétermination
à la base?
Et l'autre
élément, c'est : Comment on évalue la souffrance physique ou psychique de
personnes qui ne peuvent plus, donc, s'exprimer?
M. Bureau
(Michel A.) : Pour la
première question, quand la commission, les commissaires, 11 commissaires
ont rencontré M. Maclure et Mme Filion, on leur a posé cette
question : Est-ce que ce n'est pas laisser au médecin le choix de décider
plutôt que de la rendre exécutoire? Et la réponse qu'on a eue à l'époque,
c'était : Peut-être qu'on aurait dû l'écrire autrement. Je les ai entendus
ce matin et j'ai bien compris que leur position de prudence n'avait pas changé.
Mais la commission, là-dessus, probablement, pencherait plus du côté de la
rendre contraignante. Je ne sais pas si ça doit être exécutoire, mais
contraignant.
Quant à la
deuxième question, évaluer la souffrance, le Collège des médecins a statué que
c'est le patient lui-même qui évalue
la souffrance. Quand il n'est pas capable de l'exprimer, nous avons une
barrière, et il doit y avoir un interprète. Et peut-être que David peut
mieux qualifier cela que moi, puisqu'il voit cette clientèle. David?
• (12 h 20) •
M. Lussier (David) : Oui. Bien,
c'est, encore là, vraiment deux excellentes questions. Peut-être que je me permettrais de compléter sur la première, sur le
caractère contraignant ou exécutoire. Je crois que ça va beaucoup avec le
changement qui peut s'opérer, même chez une personne démente. M. Maclure
en a parlé ce matin. C'est très bien explicité dans leur rapport.
On a, à
travers la vie, des valeurs qui changent. Notre personnalité se modifie. Donc,
quelqu'un qui a un trouble neurocognitif, une maladie neurodégénérative,
qui fait sa demande anticipée et qui, après ça, perd son aptitude parce que la maladie évolue peut avoir... peut aussi devenir moins
souffrant. Donc, ça vient rejoindre votre autre question par rapport à ça. La
maladie d'Alzheimer, entre autres, qui est très souffrante dans les premières
phases, quand on est conscient de nos déficits, ça devient souvent moins
souffrant pour la personne elle-même dans les phases suivantes. Donc, la
personne qui avait de la difficulté à penser qu'elle ne pourrait pas faire
telle ou telle activité, ses besoins, ses valeurs changent, et elle est
heureuse avec un univers beaucoup plus restreint.
Donc, le
rendre exécutoire, c'est comme un peu empêcher cette personne-là qui devient
inapte, et dont la maladie évolue, de
pouvoir changer ses besoins et ses valeurs. Puis ça, ça peut aller un peu
contre, justement, l'autodétermination. Parce que pourquoi quelqu'un qui perd l'aptitude à prendre des décisions ne pourrait pas prendre la décision de continuer
à vivre si ses valeurs et ses besoins ont changé? Donc, nier à des personnes
qui ont une maladie neurodégénérative le droit
de changer de valeurs ou de décision, ça peut aller contre l'autodétermination.
Donc, je pense que ça, ça va un peu contre le caractère exécutoire ou
contraignant.
Pour le reste, pour la souffrance, c'est
vraiment une question très, très, très difficile, parce qu'il faut faire la
différence entre l'hétéroévaluation de la souffrance et l'autoévaluation. On ne
peut pas faire l'autoévaluation quand une
personne est vraiment très avancée dans sa démence. Ça rejoint un peu la
souffrance existentielle dont il a été question
ce matin. On voit beaucoup, beaucoup, nous-mêmes, chez les patients en fin de vie de maladies cancéreuses, de
souffrances existentielles. Donc, est-ce que, pour moi, la vie actuelle,
ma qualité de vie ne vaut plus la peine d'être vécue? Donc, ça, pour une personne avec une démence, ça
pourrait aussi être la même chose, de dire... Puis c'est là où c'est important
de décrire qu'est-ce que la souffrance représenterait pour soi dans le futur,
donc, puis ça va nous aider à évaluer la souffrance
dans le futur, parce que, sinon, on va y aller beaucoup avec de
l'agressivité, de l'agitation, des pleurs, mais il y a des personnes qui
peuvent être très souffrantes sans qu'il y ait ça.
Donc, c'est très complexe, mais je crois que les
gens qui sont habitués de travailler avec ces gens-là peuvent le faire, d'où
l'importance de laisser la place au jugement clinique des soignants dans ces
cas-là.
Mme
Hivon : Merci. Est-ce
qu'il me reste du temps, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Non. Désolée, Mme la députée.
Mme
Hivon : Bon,
merci.
La Présidente (Mme Guillemette) : Je
céderais la parole au député de Chomedey.
M.
Ouellette : Pour deux
petites minutes. Merci d'être là. Bonjour à vous deux. Moi, c'est la question
des mineurs qui m'interpelle. Est-ce que vous nous suggérez, dans nos
travaux, d'en tenir compte ou, je vous dirais, d'attendre? Parce que c'est
relativement nouveau, c'est une question qui est en suspens. Il y a déjà des
groupes pédiatriques qui s'y penchent et qui
vont faire rapport au ministre. En quoi, en partant du moment où vous en faites
une recommandation, on
devrait, dans le cadre des travaux de la commission, tenir compte de tout
l'aspect des mineurs?
M. Bureau (Michel A.) : Les
initiatives pédiatriques de résoudre ce problème, c'est parce que ces médecins le vivent, mais ils ne le vivent pas à la même
fréquence que la médecine des adultes. Le cancer terminal avec plein de
souffrances est plus rare chez les enfants, qui font plus des maladies
hématologiques, dont les souffrances sont moins aiguës ou plus apaisables.
Mais, pour être spécifique à votre question, les
groupes qui travaillent là-dessus disent : On a besoin de guides, on va
proposer quelque chose. Mais à qui ils doivent le proposer? Il me semble que,
puisque la commission spéciale est déjà là, elle pourrait reconnaître que c'est
un besoin et proposer que des travaux se fassent.
M. Ouellette : Je pense que ça
répond à mon interrogation, Mme la Présidente. Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Donc, je céderais la parole à la députée de Soulanges.
Mme
Picard : Bonjour, messieurs.
Merci d'être parmi nous aujourd'hui. Votre expertise va assurément ajouter à
nos travaux. J'y allais, moi aussi, avec la même... peut-être pas la même question
que mon collègue Guy Ouellette, mais en
fait... Oui, vous suggérez, à la recommandation 8, qu'il y ait un groupe d'experts
pour l'aide médicale à mourir pour les mineurs. Mme Gupta, la précédente
intervenante, nous a dit que, selon elle, il y a
un 14 ans et plus pour consentir aux soins au Québec, donc on
pourrait peut-être amalgamer ces deux idées pour qu'ils consentent peut-être à
avoir l'aide médicale à mourir.
Je pourrais peut-être prendre l'occasion pour
vous expliquer que j'ai une petite fille de neuf ans. Elle est suivie en soins
palliatifs pédiatriques à Sainte-Justine. Et puis je le sais, que c'est une
demande des groupes aussi, parce qu'il y a des enfants, souvent, ils ont des
maladies rares, des maladies orphelines, et, bien sûr, on ne sait pas s'il va y
avoir un traitement à long terme, là, des maladies rares et orphelines. Mais,
pour l'avoir vu, là, j'ai vu une petite
cocotte, là, qui avait tellement de souffrances, il n'y avait aucun traitement
qui pouvait la soulager, puis c'est vraiment des situations qui
nécessitent de s'y attarder.
Ma question pour vous serait : Est-ce que
vous le voyez, vous, sur terrain? Est-ce que vous sentez qu'il y a une grande
demande? Bien, vous l'avez dit, qu'il y a beaucoup moins d'enfants qui seraient
touchés, mais est-ce que vous sentez cette volonté-là, là, du terrain pour
changer?
M.
Bureau (Michel A.) :
Pour avoir pratiqué les soins intensifs des enfants dans ma vie et d'avoir vu
nombre de nouveau-nés qui naissent
avec des problèmes incompatibles avec la vie, l'aide médicale à mourir apparaît
tout de suite comme étant... peut-être sous une forme différente, mais
un besoin pour apaiser les souffrances de ces enfants. Et les pédiatres, de
leur mieux, le font. Un jour ou l'autre, on va devoir s'adresser à cette
question. Le seul gouvernement qui l'a fait, ce sont les Pays-Bas, où il y a
des dispositions pour s'adresser au très jeune âge.
Quant aux 14
à 17 ans, j'avais compris, de notre juriste de la commission, que ce n'est
pas... Bien qu'ils ont le droit de refuser, ils ont certains droits
concernant leur propre santé, ils ne seraient pas couverts, ai-je compris, par
cette fenêtre de 14 à 17 ans. Mais je ne peux pas répondre à votre
question.
Mme
Picard : Merci. Et puis, par
rapport peut-être aux maladies orphelines, on sait qu'il y en a
beaucoup, là, qui... des maladies qui
n'ont nécessairement pas de nom ou bien pas de diagnostic précis. Est-ce que
vous avez quelque chose à
ajouter pour nos travaux? Peut-être que vous avez aussi entendu, sur le
terrain, des suggestions.
M. Bureau
(Michel A.) : Avant que
l'aide médicale à mourir arrive, il y
a une décade, les médecins trouvaient des solutions de compassion pour aider
leurs patients à franchir cette dernière étape de la vie. Les pédiatres
en sont là, un peu coincés par la difficulté de la question et puis l'absence
d'historique législatif. Partout dans le monde, c'est le même problème. Puis
ces enfants-là sont en assez grand nombre, là, ceux dont vous décrivez.
Mme Picard : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée de Soulanges. Je vais me permettre une question, Dr Bureau. Vous disiez tout à l'heure que la loi du Québec n'inclut pas les handicapés, et que vous
suggériez peut-être de l'ajouter. Quels critères il faudrait ajouter
pour des mécanismes de sécurité ou... si jamais on venait qu'à ajouter
cette population-là?
• (12 h 30) •
M. Bureau (Michel A.) : Je suis
content que vous posiez cette question parce que... Je croyais que le gouvernement
fédéral, ayant permis aux personnes handicapées d'avoir l'aide médicale à
mourir... qu'il y avait une vaste expérience
canadienne sur le sujet. Alors, j'ai été voir le coroner de l'Ontario, la plus
grande province en nombre, et il a dit : On n'a presque pas de
demandes. Pourquoi? Parce qu'elles sont bloquées par le critère de fin de vie.
Les gens qui ont de grands handicaps, comme M. Truchon, ne sont pas
nécessairement en fin de vie. Et M. Truchon a dû passer par la cour pour
obtenir l'aide médicale à mourir.
Et vous avez raison de soulever cette question.
Et j'en parlais avec un sous-ministre récemment, où... de la Santé, où nous
disions qu'il fallait à tout prix ne pas juste ajouter les handicapés à la
maladie grave et incurable mais déjà travailler
sur les critères où ce serait admissible. Et c'est presque aussi complexe que
ce qui concerne les patients admissibles en santé mentale. Un quadriplégique de
19 ans, d'un accident de ski, le lendemain, il veut mourir, mais,
cinq ans après, il a peut-être trouvé un sens à sa vie. Alors, c'est un
sujet très complexe et qui ne peut pas être inclus sans une kyrielle de
précautions.
La Présidente (Mme Guillemette) : Et
est-ce qu'il y a un laps de temps qu'on devrait prendre en compte à ce moment-là?
M. Bureau (Michel A.) :
Sûrement. Mais j'ai projeté, tout à l'heure, un cliché, le médecin et son
patient. Les médecins ne vont jamais répondre à une demande d'un quadriplégique
post-traumatique dans les semaines qui vont suivre, ou dans les mois, ou même
dans les premières années. Il y a, là, une richesse d'accompagnement, et les
médecins sont conscients que le temps, ici, est absolument nécessaire. Et, si
vous me demandiez un chiffre, j'aurais du mal à vous dire, mais il s'agit
d'années, il ne s'agit pas de mois.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Merci. Je céderais la parole à la députée de Saint-François.
Mme
Hébert : Merci,
Mme la Présidente. Merci à vous deux, Dr Bureau et Dr Lussier.
Je reviendrais sur, peut-être... dans la question de la députée de Joliette.
Moi, j'aimerais savoir... Parce qu'on parle de douleur. C'est plus facile à
évaluer, une douleur physique, mais, quand on parle de souffrance, parce que,
là, c'est... La souffrance et la douleur, il y a une différence. Comment que
c'est... Croyez-vous que c'est possible de mesurer objectivement la souffrance?
Parce qu'on s'entend qu'on parle de l'aide médicale à mourir puis que, là,
c'est... On ouvre différentes portes, soit à
la santé mentale, par rapport... les gens qui ont des problèmes de santé
mentale, les problèmes de handicap, d'inaptitude. Donc, j'aimerais ça,
si c'est... si vous avez une opinion là-dessus...
M. Bureau (Michel A.) :
Dr Lussier.
M. Lussier (David) : Oui. Je suis
content que vous posiez la question. Merci. C'est vraiment une excellente
question. Puis ça a fait beaucoup... Ça a créé des problèmes un peu au début de
l'AMM, dans la première année, où les médecins refusaient d'administrer des AMM
à des patients en disant : Vous n'êtes pas assez souffrant.
Ça a été clarifié assez rapidement, entre autres,
par Dre Gupta, par le Collège des médecins, en disant que la souffrance est subjective. Donc, si le patient me
dit qu'il est souffrant, il est souffrant. La souffrance est une
autoévaluation. On
ne peut pas évaluer la souffrance de quelqu'un d'autre, comme on ne peut pas non plus évaluer la
douleur physique de quelqu'un
d'autre. Donc, c'est vraiment le... une expérience subjective, la souffrance, encore
plus que la douleur, d'où la difficulté. Quand on a affaire à des
patients, à des personnes qui ont un trouble cognitif, qui ne peuvent pas
décrire eux-mêmes leur propre souffrance, ça devient beaucoup, beaucoup plus
difficile.
Donc, c'est pour ça qu'il
faut se baser sur ce qui a été fait avant, sur la souffrance que ces gens-là
auraient pu percevoir comme étant souffrante
quand leur état se dégraderait. Parce qu'on ne peut pas évaluer la souffrance
de quelqu'un d'autre. Ça,
c'est impossible. La souffrance, c'est une expérience subjective.
Mme
Hébert :
Parfait. Puis c'est vraiment... C'est vraiment quelque chose qui me... Tantôt,
quand vous avez parlé de rester très prudents pour le dérapage, par rapport au
dérapage, moi, j'ai beaucoup de... j'ai une sensibilité, les personnes qui sont vulnérables. Donc, quelles
mesures qui devraient être mises en place pour protéger les personnes
qui sont plus vulnérables? Parce que c'est là que je vois que peut-être qu'il y
a un angle que... qu'il pourrait y avoir un certain dérapage. Donc, comme
celles qui présentent des déficiences intellectuelles, est-ce que vous avez des
mesures, vous avez déjà réfléchi à des mesures qui devraient être mises en
place?
M. Bureau
(Michel A.) : Encore là, c'est entre le médecin, sa déontologie,
sa compréhension de la situation clinique et la prudence qu'il doit avoir. Vous
dites sans le dire : Les médecins n'ont pas tous la même pensée, il y a un
certain libéralisme pour certains, un conservatisme pour d'autres. Ceux qui ont
créé la loi ont dit : Au départ, ça prend quelqu'un pour veiller à ça.
Et la commission a
été créée, pas au plaisir des médecins, parce que, la commission, quand elle
voit une déclaration d'aide médicale à mourir qui a une zone de flou, un des
commissaires-médecins appelle le médecin, lui dit : Qu'est-ce que c'est,
on ne comprend pas, pouvez-vous nous expliquer? Puis c'est un certain... une
certaine balise, qui se fait de médecin à médecin ou de praticien à praticien,
qui invite à la grande prudence. Alors, si vous demandez aux médecins s'ils
sont contents de voir la commission regarder par-dessus leur épaule, vous allez
avoir toutes sortes de réponses. Je ne vois pas d'autre mécanisme qu'une veille
très importante, cas par cas.
Mme
Hébert :
Merci.
M. Lussier
(David) : Si je peux me permettre d'ajouter rapidement, ce qui est important,
c'est le délai, actuellement, pour s'assurer que la personne puisse avoir l'évaluation
nécessaire puis qu'elle puisse recevoir les soins et services. Moi, j'ai été
très marqué dans ma pratique par des patients qui m'ont dit : J'ai fait
une demande d'aide médicale à mourir il y a trois, quatre ans, ça a été refusé
parce que je n'étais pas en fin de vie, mais maintenant je suis très content
que ça ait été refusé, parce que ma douleur a été mieux soulagée, ma dépression
a été mieux soulagée, a été mieux traitée, et maintenant je suis heureux de
vivre.
Donc, ce qu'il faut
faire, c'est ça, c'est s'assurer que le patient ait eu accès aux meilleurs
soins possible, et ça, c'est s'assurer qu'on ait une période d'évaluation,
qu'on ait une période de traitement, pour s'assurer que c'est vraiment une
demande constante et qui n'est pas le fait d'un découragement passager ou d'un
non-accès, là, aux soins optimaux pour sa condition.
Mme
Hébert :
Parfait.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Merci. Je vais me permettre, chers collègues, vous avez
dit, en entrée de jeu, Dr Bureau, que le rôle de la commission, ce n'était
pas de définir les critères. Vous verriez qui pour définir les critères? Qui
pourrait être... s'adjoindre, là, pour nous aider à ce niveau-là?
M. Bureau
(Michel A.) : Bien, vous avez entendu ce matin les experts, des
experts, qui étaient le groupe Maclure-Filion.
Ils ont travaillé avec les plus grands experts du Québec,
qui ont scruté les connaissances internationales, et ils ont donné des
avis que la commission a reçus avec admiration. Et c'était la justesse de leurs
recommandations. C'est eux, les experts.
En santé mentale, les
professionnels de santé mentale, dont Dre Gupta faisait état ce matin,
vont donner des balises, et ça reste, à la fin, la décision entre le médecin et
son patient, d'appliquer ces balises.
Et
les médecins qui font ça ont développé un savoir-faire. Ils ont une expertise.
Ils font un travail extraordinaire, je dois dire. Ils mettent à risque leur...
Certains disent : On a peur de se faire poursuivre. Ils mettent à
risque... Ils prennent certains risques, parce qu'ils opèrent dans une
zone d'une confusion relative. Mais, en bout de piste, on est capables de dire que les systèmes marchent bien. Il a
bien fonctionné pour les 7 000 AMM. C'est vrai que c'était dans une
zone où la mort était prévisible. C'était plus facile. Nous entrons dans
une zone de turbulences, je dois dire, mais j'ai bien confiance qu'on trouve, avec les guides que vous allez mettre dans la
loi, qu'on... que son applicabilité soit juste. Ça va demander plus de
veille, je crois. David?
M. Lussier
(David) : Non, je n'ai rien à ajouter.
• (12 h 40) •
La Présidente (Mme Guillemette) : Peut-être une dernière question rapidement. Vous avez parlé
d'une campagne d'information. Qu'est-ce qu'on pourrait mettre dans cette
campagne d'information là si... pour la suite des choses?
M.
Bureau (Michel A.) : Bien, vous avez demandé ce matin, à
M. Maclure, pourquoi les gens qui ont une hémorragie cérébrale puis qui
deviennent... qui perdent toutes leurs capacités de décider... pourquoi ils ne
peuvent pas avoir l'aide médicale à mourir, et sa réponse, ça a été : Les
dispositifs législatifs sont là, puis la population ne connaît pas.
Les
dispositifs législatifs, c'est la déclaration médicale anticipée. Chaque fois
qu'on me pose cette question-là... Je demande aux gens qui sont en
ligne : Combien, de vous, l'avez remplie, votre déclaration médicale
anticipée? Si vous devenez incapable de décider pour vous-même, voulez-vous
qu'on vous garde à vie sur respirateur? Alors, ces déclarations médicales
anticipées doivent être connues du public et doivent être utilisées. Ça, c'est
une mesure qu'une campagne publique pourrait viser.
L'autre,
c'est... Vous avez vu ce matin, je vous décrivais les gens qui attendent
quasiment de mourir pour demander l'aide
médicale à mourir. C'est probablement par méconnaissance et... méconnaissance
du public mais aussi méconnaissance de nombreux professionnels de la
santé. Alors, vous ne manqueriez pas de cibles dans une campagne publique.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Je vous remercie beaucoup. Donc, je céderais maintenant
la parole à la députée de Maurice-Richard.
Mme
Montpetit : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Dr Bureau.
M. Bureau
(Michel A.) : Bonjour.
Mme
Montpetit : Bonjour,
Dr Lussier. Merci. Merci pour tout le travail que vous faites. Merci pour
votre présentation aussi.
Moi, je vous le dis
d'entrée de jeu, j'ai été assez bouleversée par le... Puis je comprends que
vous le portiez à notre attention, là, sur l'élément, justement, qu'il y ait
des gens qui anticipent, en fait, leur... bon, je ne sais pas si c'est «anticipent», mais font leur demande d'aide
médicale à mourir plus tôt, justement, de peur de ne plus être aptes pour le
faire, ou refusent la médication, ou, en tout cas, qu'il y ait une forme de
souffrance qui est là, due à comment ça fonctionne. Moi, ça me
bouleverse beaucoup d'apprendre ça, puis je vous remercie quand même de le
porter à notre attention.
J'aurais aimé vous...
J'aimerais vous donner l'occasion de nous parler, puis, je ne sais pas, peut-être,
ça va s'adresser à Dr Lussier comme
gériatre, mais de nous parler davantage des stades, en fait, des maladies
neurocognitives. Tu sais, on parle beaucoup
de l'alzheimer. Donc, déjà, j'aimerais ça que vous puissiez identifier à quels
autres types de maladie on fait référence quand on parle de maladies
neurocognitives, et qu'après ça... Est-ce que, dans le fond, c'est
des... Je sais que c'est très complexe, toutes les questions
de démence, mais est-ce que c'est des stades, justement, qui sont, somme
toute, relativement uniformes? Est-ce
que c'est très variable? Justement,
de quoi on parle, en fait, et à quoi on doit faire... on doit
s'attendre, justement, quand on aborde ces questions-là?
M.
Lussier (David) : Oui. Merci
pour la question. C'est... Vous allez avoir plus tard, je crois,
Dr Serge Gauthier, qui est vraiment l'expert, le grand expert québécois,
là, ou un des grands experts québécois en maladie d'Alzheimer.
On parle souvent des
stades de Reisberg, qui est celui qui est le... qui fait le sept stades qui a
été fait pour la maladie d'Alzheimer, mais qu'on
utilise un peu pour tous les types de démence. Il faut savoir
que nous, on est au stade 1 de l'échelle de Reisberg puis... parce que
c'est la personne normale, puis après ça on va évoluer. La personne
qui est au stade 5 commence à avoir des difficultés de
fonctionnement, la personne qui est au stade 6 a plus de difficultés puis
la personne qui est au stade 7 est grabataire puis dit quelques mots par
jour seulement.
Donc, la difficulté, c'est
de savoir qu'est-ce qui représente un déclin avancé et irréversible. Ça, c'est
une question qui va se poser plus tard, quand on va avoir... si on a des
demandes anticipées pour l'AMM. Elle se pose déjà, maintenant que le critère de
fin de vie a été enlevé. Parce que quelqu'un qui a une démence, ce qu'on
appelle un trouble neurocognitif majeur
maintenant, qui est une maladie grave et incurable, peut faire sa demande
maintenant. Il répond aux critères. Il n'a pas besoin d'être en fin de
vie, donc, il est encore apte. Donc, on a déjà un nombre assez important, je
vous dirais, de personnes dans ces conditions-là qui font des demandes.
Donc, maintenant, il
faut définir qu'est-ce que c'est, le déclin avancé et irréversible des
fonctions cognitives et de la capacité
physique. Donc, on est dans... probablement dans les stades 5 ou 6, là, de
Reisberg, sur l'échelle de sept. Le problème, c'est qu'on ne sait jamais
comment les maladies vont évaluer... évoluer. La maladie d'Alzheimer évolue avec
un déclin progressif, mais il y a des gens qui vont rester stables pendant des
années et des années et qui vont se détériorer beaucoup suite à un événement
aigu comme une fracture de hanche, alors que d'autres types de démence vont être très, très stables pendant encore plus
longtemps et sans détérioration
graduelle. Donc, c'est très, très,
très difficile de prévoir
comment une maladie va évoluer.
Mme
Montpetit : Puis, je pense, c'est Dr BureauV, vous avez fait
référence, tout à l'heure, à la... à l'importance
aussi de faire... ou Dr Lussier, pardon, là, mais de faire... de porter
attention, dans le fond, et de faire confiance au jugement du clinicien, justement, pour
l'évaluation de la qualité de vie, pour l'évaluation de la souffrance. Comment,
vous, justement, comme commission,
ça vous permettrait... Là, là, je parle toujours de la question des maladies neurocognitives. Si cette évaluation-là de souffrance ou de
qualité de vie, elle est faite, justement, par le clinicien, comment ça vous
permet d'avoir un deuxième regard, comme commission, dans ces cas-là précis?
M. Bureau
(Michel A.) : David?
M.
Lussier (David) : Oui. Je ne suis pas certain de très bien comprendre
votre question. Vous voulez dire que... Si on se fie au jugement clinique,
comment nous, on peut aussi évaluer?
Mme
Montpetit : Oui, oui, exactement.
M. Lussier
(David) : Bien, encore là, c'est de voir est-ce que le jugement
clinique du... qui a été fait par le médecin est conforme aux critères de la
loi. Nous, c'est important de le dire, qu'on n'évalue pas du tout, du tout l'acte médical. On n'a pas la compétence pour
évaluer l'acte médical, ce qui revient au conseil des médecins, dentistes
et pharmaciens, les établissements et au Collège des médecins. Nous, on évalue la conformité à la loi. Donc, si le médecin nous dit
que, selon son évaluation, le patient a un déclin avancé et irréversible, on va
se fier à son évaluation clinique. Maintenant, on peut avoir aussi un
jugement sur ce qu'est un déclin avancé et irréversible.
Nous, il faut dire
aussi qu'on survient toujours après. Bon, je crois que c'est clair pour la
plupart des gens, mais peut-être pas pour toute la population, qu'on ne donne
pas une conformité avant l'AMM. On arrive après que ça a été fait.
Mme
Montpetit : Puis, dans le cas, justement, d'avancé et irréversible,
puis là, vraiment, je sais que je vais un
petit peu plus loin que le rôle que vous jouez présentement, là, mais c'est un
peu l'objectif aussi, de voir comment, sur les questions
d'inaptitude, ça pourrait se mettre en place, dans le fond, est-ce que... Puis
là je vous demandais, c'est ça, par rapport aux maladies neurocognitives, où vous m'aviez expliqué, bon, l'échelle
pour l'alzheimer... Mais est-ce que, pour l'ensemble des maladies neurocognitives,
c'est très clair cliniquement ou c'est assez clair cliniquement, quand on arrive à un stade avancé et irréversible?
Est-ce que le jugement clinique, il est uniforme sur ces questions-là
ou, justement, il y a un niveau de complexité aussi?
M. Lussier
(David) : Non. Le jugement clinique est assez uniforme. On utilise
les... à peu près les mêmes stades. Il y a
d'autres échelles, là, de léger, modéré ou avancé, mais, peu importe la cause
de la démence ou du trouble cognitif, on a le... une évaluation qui est
semblable, puis le jugement clinique est suffisant. La difficulté, c'est qu'on
ne peut pas prédire ce qui va se produire. Mais, pour évaluer ce qui est là maintenant,
c'est à peu près semblable pour tout. Il faut seulement s'entendre, comme société,
probablement, sur... savoir qu'est-ce qui est un déclin avancé et irréversible
de quelqu'un qui a une démence.
M. Bureau (Michel A.) :
Mais, pour les personnes qui ont une maladie non pas neurocognitive, mais
neurodégénérative, comme une personne qui fait la sclérose en plaques, il y a
des étapes de déclin. Mais nous avions, récemment, une patiente qui... dont le
médecin faisait la déclaration, quand elle a passé du stade où elle n'était
plus ambulatoire et elle s'en allait en
chaise roulante, c'était trop pour elle. Elle voulait l'aide médicale à mourir.
Alors, il y a des étapes, il y a des
déclins qui sont assez stéréotypés et que les médecins reconnaissent
facilement, et les patients surtout.
Mme
Montpetit : Parfait. Je vous remercie. Mme la Présidente, il y a
mon collègue de D'Arcy-McGee qui a une question. Merci beaucoup à vous deux.
La Présidente (Mme Guillemette) : Oui. Je vais avoir besoin du consentement pour...
parce qu'on a commencé un petit peu en retard, là, donc, pour prolonger la
séance d'environ trois minutes. Donc, est-ce qu'il y a consentement?
Des voix :
Consentement.
La Présidente (Mme Guillemette) : Consentement. Donc, député de D'Arcy-McGee, je
vous cède la parole.
• (12 h 50) •
M. Birnbaum :
Merci, Mme la Présidente. Merci, Dr Bureau et Dr Lussier, pour
vos interventions tellement importantes et votre expertise continue qui va nous
aider dans nos réflexions. Compte tenu de cette expertise, je veux vous inviter
à offrir vos commentaires sur l'étendue de la demande anticipée d'aide médicale
à mourir.
Le groupe d'experts,
ce matin, nous a invités de circonscrire cette demande, et c'est fort... et il
y a de bonnes raisons, peut-être, pour
faire... aux gens devant un diagnostic. Nous avons un devoir de pédagogie
aussi, de sensibilisation du public.
Et il y a la possibilité qu'il y a un grand pourcentage du public qui aimerait
avoir accès à cette demande, qui... on est... qui n'est pas censée d'être
exécutoire, c'est-à-dire qu'il y aurait d'autres étapes. Est-ce que vous
partagez les conseils qu'on aurait
eus, de circonscrire nos travaux, notre travail et de limiter l'accès à cette
demande uniquement aux gens qui sont devant un diagnostic sérieux tel
que décrit?
M. Bureau
(Michel A.) : David?
M. Lussier (David) : Oui. Moi... C'est très bien expliqué aussi, dans
le rapport, que la perspective qu'on a face à une maladie, face à notre futur
va changer au moment d'un diagnostic. C'est vrai pour les maladies
neurocognitives, ce serait vrai pour d'autres maladies aussi. Là, on
parle des maladies neurocognitives. Donc, c'est très difficile, pour quelqu'un
qui s'imagine avoir un diagnostic de maladie neurocognitive, savoir comment il
va réagir quand ça va arriver. Et notre évaluation... Les études ont montré que
notre évaluation qu'on fait avant d'avoir le diagnostic va souvent changer
après avoir eu le diagnostic. Donc, on va pouvoir être prêts, souvent, à
accepter plus de pertes de fonctions, probablement, après avoir eu le
diagnostic.
Donc,
c'est pour ça que c'est important, et c'est très bien expliqué, encore là, par le
rapport d'experts, d'attendre d'avoir le diagnostic pour être
certains, finalement, de protéger. C'est une mesure de protection, finalement,
pour ne pas que la personne prenne une décision qu'elle n'aurait pas prise
sinon.
M. Birnbaum : Et, si je peux
poursuivre, compte tenu que la recommandation, c'est que ce ne soit pas
exécutoire et qu'évidemment les circonstances devraient être assez sérieuses et
graves en termes de souffrance, et de qualité
de vie, et attentes de vie, ça ne devrait pas, ces conditions-là, ces
contraintes-là, nous inviter à aller un petit peu plus loin?
M. Bureau (Michel A.) : J'ai
regardé, avant cette commission, quelles étaient les statistiques des
Hollandais, qui permettent la déclaration médicale anticipée, et j'étais très
étonné du très petit nombre de gens qui, finalement, sont admissibles. Et je me disais : Est-ce que leurs règles sont
trop contraignantes dans l'admissibilité? Et ça se pose pour nous aussi.
M. Birnbaum : Mme la
Présidente, il me reste...
La Présidente (Mme Guillemette) :
40 secondes, M. le député.
M. Birnbaum : 40 secondes.
Juste bien vite. Vous nous avez offert un portrait très clair de ce qui se
passe jusqu'à date. Êtes-vous satisfaits, advenant une demande plus importante
fort possible, qu'en région, spécifiquement et particulièrement, l'accès au
soin médical à mourir peut être au rendez-vous s'il y a une demande...
M. Bureau
(Michel A.) : Je dirais
que oui. Nous sommes aujourd'hui à un chiffre d'à peu près
1 000 médecins qui s'impliquent. Au début, il y en avait 50, 60, 100.
Maintenant, les médecins voient là un exercice de la médecine d'un très haut niveau. Ce n'est plus un fardeau.
C'est devenu quelque chose de très spécial de la médecine, et ce ne sont
pas tous les médecins qui vont pouvoir faire ça. Ça prend du monde comme
Dr Lussier.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci.
Merci beaucoup. Merci, Dr Bureau, Dr Lussier, pour votre contribution
aux travaux de la commission.
Donc, compte tenu de l'heure, la commission
suspend ses travaux quelques instants et se réunira en séance de travail. Donc,
ceci met fin à la séance pour aujourd'hui. Et je vous invite à raccrocher pour
mettre fin à la visioconférence. Merci, tout le monde.
(Fin de la séance à 12 h 54)