Journal des débats (Hansard) of the Select Committee on the Impacts of Screens and Social Media on Young People’s Health and Development
Version préliminaire
43rd Legislature, 1st Session
(début : November 29, 2022)
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Tuesday, September 24, 2024
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Vol. 47 N° 6
Special consultations and public hearings on the Impacts of Screens and Social Media on Young People’s Health and Development
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9 h 30 (version non révisée)
(Neuf heures quarante-six minutes)
La Présidente (Mme Dionne) : Alors,
bon mardi à tous et à toutes. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de
la commission spéciale sur les impacts des écrans et des réseaux sociaux sur la
santé et le développement des jeunes ouverte.
La Commission se réunit afin de poursuivre
les consultations particulières et les auditions publiques sur les impacts des
écrans et des réseaux sociaux chez les jeunes. Donc, Mme la secrétaire, y a-t-il
des remplacements?
La Secrétaire
: Non, Mme
la Présidente.
La Présidente (Mme Dionne) : Alors,
ce matin, nous entendrons messieurs Éric Martin et Sébastien Mussi, tous deux
enseignants en philosophie et co-auteurs du livre Bienvenue dans la machine
enseigner à l'ère numérique. M. Steve Waterhouse, chargé de cours en microprogramme
à maîtrise de l'Université de Sherbrooke Sécurité de l'information. Et
finalement, Mme Maude Bonenfant, professeure au Département de communication
sociale et publique à l'Université du Québec à Montréal.
Donc, je souhaite la bienvenue à MM.
Martin et Mussi. Donc, merci d'être avec nous ce matin. Je vous rappelle que
vous avez 10 minutes pour nous faire part de vos commentaires, votre
exposé. Par la suite, nous allons procéder à une période d'échange avec les
membres de la commission. Donc, je vous cède la parole.
M. Mussi (Sébastien) : Oui,
bonjour. Merci tout d'abord à la commission de nous recevoir. Nous sommes ici,
vous l'avez dit, avec un double chapeau. Nous sommes tous les deux professeurs
de philosophie au cégep, moi depuis 20 ans et Éric Martin depuis 12 ans.
Et nous sommes aussi essayistes et chercheurs indépendants. Nous avons chacun
écrit plusieurs livres et de nombreux articles sur l'enseignement et le système
éducatif et, en 2023, nous publions Bienvenue dans la machine qui est
une synthèse de l'expérience de l'enseignement en ligne qu'on a dû faire durant
la COVID-19 et une réflexion plus globale sur l'informatisation de l'école
présente et avenir.
Bienvenue dans la machine nous a
amenés à formuler deux conclusions. La première, c'est la nécessité d'un
moratoire, d'un moratoire sérieux sur l'informatisation de l'enseignement et
plus généralement de l'école, y compris pour l'enseignement supérieur. Et la
seconde conclusion, c'est que malgré une expérience de l'enseignement en ligne
catastrophique de l'avis de tout le monde, y compris de nombreux
administrateurs, l'informatisation de l'enseignement se poursuit à vitesse
grand V, sans égard aux problèmes qu'elle peut poser.
Or, ces problèmes sont nombreux. Ils ne
sont pas limités à la petite enfance anxiété grandissante, sentiment de
solitude, addiction comparable à celle des drogues dures, perte des capacités
de socialisation, retard dans le développement émotif, difficulté croissante à
distinguer entre opinion, information et connaissance, retard dans les
apprentissages de la lecture et de la maîtrise générale de la langue, perte de
l'empathie, perte de l'intérêt pour l'autre.
Ces problèmes sont soulevés par de
nombreux chercheurs comme par des organismes officiels, par exemple l'Institut
national de la santé publique du Québec. Et pourtant, les réponses de l'industrie
intéressée et des promoteurs de l'informatisation de l'enseignement à ces
problèmes consistent le plus souvent à ne pas répondre. Et c'est un peu court,
considérant que c'est de nous, enfants, qu'il s'agit. C'est insuffisant, voire
inacceptable.
Par contre, les promoteurs de l'informatisation
de l'enseignement ne manquent pas de nous promettre monts et merveilles pour l'école
de demain, cette informatisation qu'on ferait de nous par un mystérieux procédé
des meilleurs professeurs et permettrait par le même procédé aux élèves d'apprendre
plus, plus vite, mieux, le tout sans effort et dans la joie. Or, ces belles
promesses ne sont pas documentées autrement que par des cas très spécifiques et
sans considération pour le moyen et le long terme.
• (9 h 50) •
Les études sur la lecture numérique, par
exemple, ont montré qu'elle est en réalité moins performante pour le
développement de la capacité de compréhension que la lecture sur papier. Des
pays ayant implanté à grande échelle comme la Suède recule à ce propos en ce
moment même, les études sur la prise de notes par ordinateur mènent à la
conclusion qu'elle n'apporte rien de plus que la prise de notes manuscrites,
tout en entraînant des effets négatifs sur l'attention.
M. Mussi (Sébastien) : ...En
réalité, nous sommes ici face à une véritable croyance, celle qu'à plus de
technologie correspondrait à un meilleur apprentissage, le tout en laissant
totalement de côté la question du contact humain si fondamental dans le
développement de l'enfant comme de l'adolescent. De tels fantasmes ont déjà
existé dans le passé avec des résultats pour le moins discutables. La télé n'a
pas mené à la révolution de l'éducation, comme certains promettaient. Les
tableaux électroniques dans les classes n'ont en rien amélioré les
apprentissages. À qui le fardeau de la preuve, donc?
Bien entendu, ces technologies peuvent,
dans certains cas, avoir leur utilité, mais leur utilisation devrait être
ciblée, réservée à des cas spécifiques. En général, ni professeur ni élève ne
bénéficient là d'une plus-value. Pourtant, l'implantation actuelle de ces
technologies ressemble de plus en plus à une invasion. En termes d'offres
d'enseignement en ligne, on est passés pour les cégeps de
9 000 inscriptions aux cours à 265 000 entre 2019 et 2022, pendant
que des cours universitaires ne sont tout simplement plus offerts en classe. On
peut évoquer aussi, un peu en vrac, les écrans partout dans les salles de
classe au point de rendre les tableaux en partie inutilisables, les exigences
de certaines administrations pour que chaque programme développe un projet
numérique, les départements dédiés entièrement à la technopédagogie, des
formations continues qui ne proposent plus que des mises à jour aux dernières
mises à jour des logiciels en vogue.
On peut se demander, après tout ça, si le
mur-à-mur, si l'adaptation dans les meilleurs délais des programmes
d'enseignement de la maternelle à l'université, comme le recommandait pour
l'intelligence artificielle le Conseil de l'innovation du Québec, ne seraient
pas une fausse bonne idée. Il faudrait ici réfléchir à partir de deux
principes, à partir du principe de précaution qui stipule qu'il faut s'abstenir
d'appliquer une technologie si les dangers et les problèmes qu'elle peut
engendrer sont importants, malgré les bénéfices potentiels, qui ici restent
entièrement à démontrer, à partir aussi des finalités de l'école, qui ne peut
et ne doit pas servir uniquement à produire des travailleurs ni à être inféodés
aux exigences de l'économie. Cette réflexion s'impose d'autant plus au vu de
l'absence de bénéfice pour les premiers concernés, nos enfants et nos élèves.
Je passe maintenant la parole à Éric Martin.
M. Martin (Éric) : Merci,
Sébastien. Pour ma part, je voulais rappeler que le sociologue Michel Freitag,
qui était l'auteur du livre Le naufrage de l'université en 1995, nous avait
bien rappelé que l'éducation a toujours été des Grecs jusqu'aux Lumières, et
même ici, au Québec, lors de la Révolution tranquille, pensée à partir d'un
idéal, disons, humaniste, c'est-à-dire le développement intégral de la personne
humaine et son inscription dans un monde commun. Mais ce qui est particulier
avec notre époque, c'est qu'elle a renoncé à cette idée de l'humain ou de
l'humanisme parce que, désormais, la seule chose qui compte, c'est
l'adaptation. Et c'est le mot qu'on entend maintenant partout. Il faut
s'adapter. À quoi? À un environnement économique, technologique, à un système.
Donc, ce n'est pas la culture, ni le symbolique, ni une réflexion politique qui
pilotent les réformes, c'est plutôt l'arrimage à ces processus ou ces systèmes
économiques et technologiques qui sont, eux-mêmes, poussés par des
organisations ou des entreprises, le plus souvent, d'ailleurs, des entreprises
étrangères, notamment américaines.
On peut donc parler d'une forme
d'impérialisme technologique, du moins, c'est comme ça que Marcel Rioux, lui
aussi sociologue, avait qualifié le phénomène, donc un impérialisme
technologique qui s'exerce à la fois sur la vie sociale mais aussi sur
l'éducation nationale, le prétexte étant que l'école est en retard et doit
s'informatiser pour être plus en phase avec le marché du travail. On opère en
faisant cela une confusion complète entre deux espaces ou deux sphères de la
société qui ont des fonctions complètement différentes puisque le rôle de
l'école, c'est la formation de la personne humaine ou du citoyen, de la
citoyenne et non pas seulement la profitabilité, qui peut être celle des
industries, et le rabattage de l'une de ces sphères sur l'autre cause un
sérieux problème. Deuxième problème, c'est que ces processus ou ces systèmes
deviennent de plus en plus eux-mêmes automatiques, comme c'est le cas de
l'intelligence artificielle, dont le développement prend de plus en plus la
forme d'une fuite en avant.
Donc, quand nous mettons à la remorque
l'éducation, la vie sociale, donc à la remorque de ces systèmes, nous
favorisons une supplémentation du monde des images, des écrans et du virtuel
qui deviennent plus importants que la présence ou la socialité réelle ou
concrète. Et les impacts de cela négatifs ont déjà été évoqués non seulement
par Sébastien, mais aussi par plein d'experts à la fois au Québec et même à
l'international, dont plusieurs ont comparu devant cette commission. Et il est
assez évident que les avis convergent sur les impacts négatifs.
Pour ma part, je voulais simplement
insister sur l'un d'entre eux à savoir ce qu'on pourrait appeler la destruction
du langage, des capacités cognitives et également des capacités de
socialisation, ce qu'on pourrait appeler avec Marcel Rioux la fonction
symbolisante de l'être humain. Il me semble que cette destruction constitue...
M. Martin (Éric) : ...constitue
ce qu'Éric Sadin appelle une forme d'anti-humanisme radical. Et je pense qu'il
est important pour nous, ce matin, à la fois Sébastien et moi, de s'inscrire en
faux contre cet anti-humanisme qui nous dit qu'il n'y a pas d'alternative et
que nous devons emprunter, donc, la voie de cet anti-humanisme. Puis c'est
notre rôle, en tant que professeurs mais aussi à titre de philosophes, de
rappeler aujourd'hui que l'éducation, les institutions, les écoles et aussi
l'État ont un devoir d'opérer à partir d'autres choses, c'est-à-dire un souci
du bien, celui des enfants évidemment, mais surtout le bien commun. Et, en
conséquence, il nous apparaît crucial de reprendre le contrôle sur ce qu'on
pourrait appeler aujourd'hui un processus incontrôlé, de marquer un temps
d'arrêt nécessaire pour prendre la pleine mesure des risques qui sont induits
par l'informatisation des rapports sociaux sur les jeunes et sur la société. Il
devient important de poser des limites législatives, car nous avons affaire à
des gens dont l'autonomie n'est pas achevée, qui doivent être protégés aussi
bien que l'école en tant qu'institution doit être protégée, aussi comme milieu
de vie, par ces limites législatives.
L'idéologie actuelle nous dit : plus
on accélère la présence des écrans, plus nous préparons les jeunes au monde du
futur, au monde cybernétique qui déferle sur nous et nous devons fatalement
soi-disant nous adapter. Sébastien et moi pensons, au contraire, que nous
devrions appliquer deux principes opposés, et je vais maintenant expliquer. Le
premier, c'est une réflexion sur une idée de l'humain, de la culture, de la
société, de l'héritage des civilisations, mais aussi du rapport à la nature. Voilà
l'idée qui devrait guider les choix en matière d'éducation et les choix
politiques et non pas la seule adaptation à la fuite en avant, ou au processus
empirique, ou au système technologique. C'est le rôle de la puissance publique
de freiner les ardeurs des puissances privées qui sont en train de
court-circuiter la socialisation normale. Et le deuxième principe, c'est qu'en
toute circonstance où ce sera possible la présence et la socialité concrètes
doivent être préférées à ce que Éric Sadin appelle la vie spectrale ou la vie
virtuelle. Autrement dit, si j'ai le choix entre lire un livre ou donner un
cours dans une forêt, nous avons maintenant ça à mon cégep, on peut réserver
une forêt pour y donner des cours, si j'ai le choix entre ça, donc, ou brancher
les jeunes sur un écran, je devrais à chaque fois faire le choix de la présence
concrète et je devrais être soutenu dans ce choix aussi bien par les
institutions que par les lois et par l'État.
En terminant, je dirais simplement que
l'éducation est une chose trop importante pour la laisser entre les mains de
fabricants et de marchands intéressés. Je vous remercie de nous avoir écoutés
aujourd'hui.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
infiniment, messieurs. Nous allons débuter la période d'échange. Alors, M. le
député de Marquette, la parole est à vous.
M. Ciccone :Merci beaucoup. Merci beaucoup. Je tiens à souhaiter une
belle semaine à tous les collègues membres de cette commission. Bonjour, Pr
Martin, et bonjour également au professeur Mussi. Merci beaucoup d'être là
aujourd'hui.
D'entrée de jeu, vous avez... vous avez
parlé d'un moratoire, vous avez parlé d'un temps d'arrêt également, vous nous
avez parlé aussi de la problématique des écrans, des outils technologiques.
Considérant le fait que, justement, on... tous les outils qui sont dans nos
classes au Québec, est-ce possible d'envisager, justement, un moratoire, comme
vous le demandez? Comment on le fait?
M. Martin (Éric) : Bien, je
veux dire, il me semble qu'il est toujours possible de faire des choix.
Regardez ce que la Suède a fait, par exemple, récemment. Ou, dans le cas de
l'Allemagne, il y a un exemple flagrant qui concernait cette fois les frais de
scolarité. L'Allemagne, pendant des années, elle a essayé d'emprunter la voie à
l'américaine, des frais de scolarité élevés, en calquant les États-Unis, et, à
un moment donné, en s'apercevant que ça ne convenait pas à leur culture
nationale et à leurs besoins, bien, ils ont fait marche arrière, ils ont
rétropédalé, et ça a très bien fonctionné. Et je pense que tout ce qui a été
fait peut être défait.
Et simplement, en terminant, dire
qu'actuellement le danger, comme j'essaie de l'expliquer tantôt, c'est que les
choix ne sont pas faits à partir d'une réflexion. C'est pour ça qu'un temps
d'arrêt est nécessaire. Pour le moment, on est dans la fuite en avant, on est
dans une adaptation qui prend la forme d'une sorte de déferlante où,
finalement, on court après notre queue et on n'est pas en train de penser ce
que nous faisons. Donc, je pense qu'il vaudrait mieux, avant de procéder plus
avant, marquer ce temps d'arrêt. Et peut-être déciderons-nous que nous
garderons une partie de ces outils, aucun d'entre eux, je ne sais pas, mais
chose certaine, au moins, on le fera en pleine... en pleine conscience.
M. Ciccone :Alors, ce que j'entends, ce que vous demandez, c'est
d'arrêter vraiment l'utilisation des outils technologiques, des écrans dans nos
classes du Québec. Est-ce que j'ai bien compris?
• (10 heures) •
M. Mussi (Sébastien) : Oui,
on est en train de faire du mur-à-mur et ça s'implante de façon tout à fait
sauvage en ce moment. Les résistances qu'il peut y avoir sont souvent
individuelles, c'est-à-dire, c'était le prof qui préfère que les élèves
prennent des notes manuscrites. Il y a très peu de soutien de la part des
institutions. Avant de dire qu'on va mettre des écrans partout... Parce que
l'idée, c'est : Pourquoi je devrais donner un cours de philosophie avec
des écrans? C'est quoi, la plus-value, et pour moi et pour les étudiants? En
réalité, elle est nulle...
10 h (version non révisée)
M. Mussi (Sébastien) : ...et
le problème c'est que les bénéfices pédagogiques qu'on peut attendre de ça, il
faut les démontrer, il ne faut pas simplement les promettre. Il me semble que c'est
hyperimportant de montrer, oui, ce qu'on fait, c'est pour le bien de nos
enfants. Et cette démonstration, elle n'est pas encore faite et les indications
qu'on a, ça va plutôt dans le sens contraire.
M. Martin (Éric) : ...apporter
dans la mesure où la plupart des classes sont déjà équipées, en tout cas, dans
mon collège et dans mon ancien collège également, Édouard-Montpetit, de
matériel multimédia déjà existant, un qui est déjà en réutilisation. Donc ça,
ce n'est pas, ce n'est pas cela qu'on remet en question, c'est ça, ça existe
déjà, il n'y a pas de problème. Ce qui est dangereux actuellement, c'est la
phase nouvelle qui vient, c'est-à-dire l'enseignement en ligne qui se multiplie
partout, et aussi l'intelligence artificielle entre les mains des étudiants,
mais aussi qu'on suggère fortement aux professeurs, par exemple pour monter
leur plan de cours. C'est de cette partie-là des choses dont on est inquiet.
Donc, il faut bien entendre que nous ne sommes pas technophobes ou en train de
dire qu'il faut retirer les ordinateurs des écoles. Ils y sont et c'est normal
qu'ils y soient. Mais là, présentement, cette nouvelle phase accélérée, voilà
celle qui nous inquiète.
M. Ciccone :Merci beaucoup. On s'aperçoit, là, plus la commission avance,
plus on commence à avoir vraiment un débat de société à ce niveau-là parce qu'on
a les pour et les contre. Mais vous, avec votre position qui est quand même
assez claire, là, vous dites quoi à tous ceux qui sont venus à cette commission
nous dire : Bien, c'est présent, ça ne partira jamais, aussi bien l'apprivoiser.
M. Mussi (Sébastien) : Oui,
alors évidemment, c'est présent, évidemment, il faut l'apprivoiser, mais il y a
deux façons de le faire. La première, c'est de faire du mur à mur, c'est-à-dire
de dire comme l'Office de l'innovation du Québec l'a dit, il faut mettre de l'intelligence
artificielle dès la maternelle, il faut ploguer les enfants sur des écrans dès
la maternelle. Petite réflexion personnelle je ne sais pas s'il avait ri, mais
il me semble qu'on a plus ou moins tous ici appris à utiliser un ordinateur
sans qu'on nous ait mis ça dans les mains dès l'âge de trois ou quatre ans. En
tout cas, la plupart d'entre nous, moi, j'ai plus de 50 ans, je sais, il n'y en
avait pas d'ordinateurs à l'école, pis ça ne m'empêche pas d'être capable de
les utiliser, d'avoir appris. Alors évidemment qu'il faut apprendre à utiliser,
mais qu'il faut aussi surtout comprendre ce que c'est. On peut dire à nos
enfants vous allez subir ça, on va faire de vous des utilisateurs. Ou on peut
leur dire : on va vous fournir des outils de compréhension de ce qu'est un
ordinateur. C'est quoi les impacts sociaux, à quoi ça sert pour leur redonner
du pouvoir là-dessus? Et ces deux voies-là sont vraiment très différentes.
M. Martin (Éric) : Moi, j'aimerais
revenir à ce que je disais tantôt sur la confusion entre les sphères, c'est-à-dire
que c'est normal que dans la société, dans l'industrie, par exemple, dans des
sphères d'activité économique, pour des innovations de procédés ou de
productivité, on veuille aller vers ça, par exemple, en foresterie où en...
Bon, tant pis, c'est correct, ça leur appartient. Le danger, c'est que l'école
se mette au diapason de ça et qu'il y ait une confusion entre les deux espaces.
Parce que l'école ne doit pas nécessairement fonctionner de la même façon que
fonctionnent, par exemple, d'autres sphères de la société et au même rythme. À
l'école, le temps est plus lent, le temps fonctionne différemment et on n'est
pas obligé de brancher les jeunes sur des écrans à toutes les heures de la
journée. En fait, c'est néfaste. Et c'est ce qu'on voit même en bas de deux
ans. La recommandation ce n'est pas du tout d'écran. Et même après c'est un
usage limité parce qu'il y a une socialisation qui est en construction, ce qui
n'est pas le cas dans l'industrie où on a affaire à des gens qui sont, j'imagine,
déjà socialisés. C'est la raison évidente pour laquelle on ne peut pas calquer
le fonctionnement de l'institution scolaire sur le fonctionnement de l'industrie.
Or, j'ai l'impression qu'aujourd'hui on procède à cette confusion-là et c'est
une des raisons du problème que nous avons.
M. Ciccone :Merci beaucoup à vous deux. Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : Mme
la députée de Châteauguay.
Mme Gendron : Merci. Bien,
bonjour. Excusez-moi, je ne pensais pas que j'étais la prochaine. Enchanté de
faire votre connaissance ce matin. Heureuse de vous rencontrer. Merci pour
votre explication, ce matin. J'avais des petites questions par rapport au
niveau scolaire. Que faites-vous des enfants avec un besoin particulier? Est-ce
qu'on le sait que ces outils-là, règle générale, sont nécessaires pour la
réussite des jeunes? Donc, vous, je comprends que vous placeriez un moratoire,
mais qu'en est-il des outils pour les jeunes à besoins particuliers qui en ont
vraiment besoin?
M. Mussi (Sébastien) : Il y a
des outils technologiques qui sont à...
La Présidente (Mme Dionne) : Si
vous voulez bien recommencer, votre micro n'était pas ouvert.
M. Mussi (Sébastien) : Mon micro,
on me dit qu'il est ouvert. Vous m'entendez là?
Mme Gendron : Oui, oui.
M. Mussi (Sébastien) : Alors,
d'une part, pour les cas particuliers, les cas spécifiques, évidemment qu'il y
a des applications intéressantes. Le problème c'est quand ça vient remplacer
des fonctions humaines et qu'on en met partout. Un moratoire ne s'appliquerait
évidemment pas à ça. Ensuite, on a beaucoup le réflexe informatique. Qui nous
dit que tel problème qui auparavant se traitait différemment, se réglait
différemment, requiert nécessairement le recours à l'informatique. Il y a là
des choses à discuter. Alors évidemment, la question des élèves en situation
particulière dépasse mes compétences en tant qu'essayiste et prof de philo,
mais il y a en tout cas un réflexe informatique qu'on pourrait, dans certains
cas en tout cas, remettre en question. Puis évidemment, il y a un problème on
pallie souvent à un problème de personnel par des moyens informatiques sans que
ça ait la même efficacité...
M. Martin (Éric) : ...et puis,
parce qu'on disait tantôt, c'est que présentement, nous avons une politique qui
dit : on en met partout, ça concerne tous les étudiants, ça concerne tout
le corps enseignant. Et là, on n'est plus en train de traiter avec les gens qui
ont des difficultés particulières, qui est un cas à part, qui doit être
considéré en particulier. Ce dont on parle, nous, dans notre essai, c'est la
généralisation de ça. Durant la COVID, on a tous subi l'enseignement en ligne à
tous les degrés scolaires, sans exception, handicap ou pas là. Et c'est de ça
dont il est question. Et c'est cette pression exercée par les GAFAM qui nous
inquiètent, nous. Alors bien sûr, dans certains cas, ça peut aider des gens qui
ont par exemple des neuroatypies ou encore de la dyslexie. Et ça, ce n'est pas
du tout un problème pour nous, dans la mesure où c'est justifié médicalement.
On n'est pas des médecins, on n'est pas compétents pour juger de ça, nous. Par
contre, ce que nous pouvons vous dire ce matin, c'est que présentement, le
problème auquel fait face la société québécoise, c'est une pression extrêmement
forte qui s'exerce sur tous les degrés scolaires, d'inclure la technopédagogie
dans l'ensemble des activités. Il n'y a pas une journée qui passe sans que je
reçoive un courriel. Même avant la réunion de ce matin, j'en ai reçu un qui me
disait que je devais aller vers des jeux vidéo en classe et du virtuel. Donc,
il n'y a pas une journée qui passe sans que cette pression-là ne nous soit
rappelée à tout instant.
Mme Gendron : Merci. J'avais
une autre, une seconde question, en fait. Je comprends aussi que les jeunes
doivent avoir certaines connaissances technologiques avant de rentrer sur le
milieu du travail. Parce qu'on le sait aujourd'hui, on a tous des écrans, bien
qu'on veut valoriser la présence en personne, c'est pratique la technologie. La
preuve, aujourd'hui, vous êtes en visioconférence avec nous. Donc
nécessairement que ça apporte des outils qui sont importants et qui sont
facilitant. En fait, ma question était : Que dites-vous de ces jeunes-là,
en fait, qui veulent rentrer dans un milieu du travail puis avoir les outils
technologiques pour pouvoir travailler puis être à l'aise avec ça?
M. Martin (Éric) : J'ai eu
une conversation récemment avec un collègue qui enseigne l'informatique dans
mon cégep et il m'a dit que même en informatique, il y a des compétences qu'on
ne peut pas enseigner à distance parce qu'à travers un écran, je ne suis pas
capable de lui montrer exactement comment tenir la souris, comment cliquer ici.
Même dans des domaines technologiques, il y a des choses qui ne s'enseignent
qu'en présence. Et c'est là le danger que même dans les secteurs d'activité,
disons à haute technologie, on ne peut pas complètement escamoter la présence
ou la socialité concrète. On a eu un exemple dans les médias d'une étudiante de
l'Université Laval qui suivait 80 % de ses cours en ligne et qui disait
qu'elle était tellement démotivée qu'elle allait probablement quitter les
études. Il y a quelque chose là-dedans, comme une catastrophe. Donc, vous voyez
que sous prétexte de préparer les gens au marché du travail, on est en train de
ruiner en fait la possibilité d'une éducation et d'une socialisation
fondamentale. Et je ne pense pas que les employeurs vont non plus vouloir avoir
des employés qui n'ont pas développé d'aptitudes de socialisation, qui sont des
compétences clés aussi sur le marché du travail. Ce n'est pas seulement les
aptitudes à utiliser les machines, bien sûr que c'est important, mais ces
aptitudes-là, c'est aussi c'est relationnel également. Dans le travail, on emploie
des compétences relationnelles et si nous sacrifions les compétences
relationnelles. Je n'aime pas le terme compétence, mais je l'utilise un peu par
défaut de dire si on sacrifie l'un pour l'autre, on n'est pas rien du tout, là.
Donc, il faut faire attention. L'adaptation au marché du travail, c'est une
chose, mais l'école ne peut pas être pensée seulement à partir de l'adaptation
au marché du travail. On forme aussi des acteurs sociaux, des citoyens, des
citoyennes, les membres d'une culture, les gens qui s'inscrivent dans une
histoire. Et l'ensemble de ces facteurs-là doivent être pris en considération.
Mme Gendron : M. Martin,
merci, M. Mussi.
La Présidente (Mme Dionne) :
Merci, Mme la députée. M. le député de Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc : M. Mussi,
salutations spéciales à M. Éric Martin, un vieux camarade de l'UQAM d'une autre
époque où nous étions jeunes et fous. Je ne sais pas si on est encore fous,
mais on est définitivement beaucoup moins jeunes. Cela étant dit, vous êtes des
philosophes. J'ai une formation d'historien. J'ai tendance à vouloir regarder
le temps long et à me poser des questions sur le moment présent. Est-ce qu'on a
assez de recul sur notre moment présent? Souvent, la réponse est non, mais
l'évolution des technologies est une des questions qui nous porte le plus, je
penser à essayer d'avoir du recul sur notre moment présent. Je me rappelle
notamment quand j'étais plus jeune, c'était la question des calculatrices.
Est-ce qu'on peut faire nos tests de mathématiques avec une calculatrice,
évidemment, au primaire et même un bout du secondaire, c'était non, il fallait
qu'on apprenne nos calculs par cœur, nos tables de multiplication, etc. par
cœur. Rendu plus vers la fin du secondaire sur les opérations plus complexes,
les racines carrées et autres, là on pouvait utiliser la calculatrice
évidemment, parce que c'était un outil qui allait nous servir dans notre
éventuel travail ou dans nos études si on poussait un peu plus dans le domaine
de la mathématique.
• (10 h 10) •
Je me pose des fois la question parce que je vois
l'année passée, il y avait des articles qui disaient qu'il y avait des écoles
qui commençaient à arrêter d'enseigner l'écriture en lettres attachées, parce
que c'est vrai qu'objectivement, aujourd'hui, on se sert très peu de l'écrit,
on n'écrit plus des lettres manuscrites. J'ai écrit une carte de fête cette
semaine. C'était la dernière fois. Je pense que j'avais écrit un texte
significatif en lettres attachées. Autrement, on écrit une liste d'épicerie ou
pis encore la porte dans l'écrit, sur notre téléphone, etc....
M. Leduc : ...je vous pose...
Je vous dis tout ça parce que je me pose souvent la question. Est-ce que notre
réaction par rapport aux outils technologiques, étant l'ordinateur, les trucs
en ligne, etc., le codage autre, est-ce qu'elle est forte parce qu'on veut le
presser aux enfants qui sont très jeunes puis qu'on pense que ça va faire en
sorte qu'ils n'auront pas la capacité d'apprendre des trucs de base, alors que,
si on... s'ils étaient plus familiarisés à ça plus tard dans leur processus, on
serait moins inquiets? J'ai aussi en tête la simple lecture d'une carte.
Aujourd'hui, on ne sait plus comment lire une carte. On se dirige avec notre
téléphone, Google Maps et compagnie, puis, si Google Maps plante, on est
complètement désorientés, alors qu'il n'y a pas si longtemps... Mon père nous a
rejoints en vacances cet été, lui, il n'est pas très techno, puis il se
promenait à moto, il avait juste... puis il s'était mémorisé sa carte dans sa
tête, puis, quand il est arrivé, il était fier de me dire qu'il s'était rendu,
lui, sans... sans géomachin. Puis je ne sais même pas si moi, j'aurais réussi à
me rendre à ma destination sans ce téléphone-là.
Bref, est-ce qu'on est en train de...
Est-ce que ce qui nous inquiète vraiment, c'est qu'on veut trop pousser cette
technologie-là aux jeunes enfants avant qu'ils apprennent les fondamentaux,
puis ça serait moins grave, qu'ils l'apprennent un peu plus tard, adolescence,
adulte, ou est-ce qu'en soi vous dites que ces avancées technologiques là
comportent des dangers significatifs, qui dit qu'on devrait, sans être dans la
technophobie, comme vous le souligniez tantôt, M. Martin, sans être dans...
là-dedans, qu'on la repousse le plus possible, voire qu'on ne l'utilise pas du
tout?
M. Mussi (Sébastien) : Bien,
c'est une question immense que vous posez. Je ne suis pas sûr que j'ai la
réponse. Il y a deux choses qu'on peut dire, c'est que, quand on fait un calcul
à la machine à calculer, il y a encore quelque chose que l'être humain fait,
même si, effectivement, moi, je serais incapable aujourd'hui de calculer une
racine carrée sans machine à calculer, alors que je l'avais appris à l'époque.
La deuxième chose, c'est toute... ce qu'on pourrait appeler toute technologie
remplace un certain nombre de fonctions humaines. L'écriture, c'est un support
de mémoire. Ça l'a toujours été... pratiquement le début. Ici, on est en train,
puis il y a quand même des études sur le long terme qui le montrent, de toucher
à des choses qui ne sont plus seulement utilitaires. Quand on voit que des
jeunes perdent la capacité d'éprouver de l'empathie pour l'autre, on a quelque
chose qui touche au fondement de la possibilité de socialiser. Si je suis
incapable d'éprouver de l'empathie pour quelqu'un d'autre, comment est-ce qu'on
peut développer un lien avec les gens qui nous entourent? Et il y a un saut ici
qui n'est quand même pas neutre, je pense qu'il y a un saut qualitatif ici.
Et puis, évidemment, Éric l'a souligné
tout à l'heure, il y a la vitesse à laquelle ça se produit. On fait souvent la
comparaison avec la révolution de l'imprimerie, hein? On banalise. Ah!
l'informatique, c'est une révolution comme l'imprimerie. Ça a déjà existé. On
ne va pas résister à l'imprimerie. Est-ce qu'on peut rappeler qu'entre
l'invention de l'imprimerie et l'école obligatoire pour que les jeunes, les
enfants apprennent à lire, il s'est passé 400 ans. Là, on est en train de
dire qu'on va mettre de l'informatisation partout dans l'école en 10 ans.
J'ai... Il se produit quelque chose ici d'essentiel. Il y a une dépossession de
nos enfants et nos adolescents à laquelle on est en train de procéder pour des
raisons essentiellement... essentiellement économiques. Et, encore une fois, ça
ne veut pas dire qu'il ne faut rien apprendre de l'informatique, mais apprendre
quoi? Et est-ce que c'est nécessaire d'en mettre partout?
M. Martin (Éric) : Peut-être
ajouter aussi, réponse, donc, de philosophe, que Günther Anders, dans
L'obsolescence de l'homme, dans les années 50, avait déjà identifié le
phénomène dont on parle ici, phénomène qui ne se réduisait pas à l'école, mais
qui concerne toute la société, qu'il appelait, donc, lui, à l'époque, le
déchargement à... mais nous, on pourrait appeler ça le délestage cognitif.
C'est peut-être la façon la plus simple de le dire. C'est que, de plus en plus,
des facultés intérieures à l'esprit sont en train d'être déposées dans des
systèmes extérieurs à nous qui pensent à notre place. Alors, c'est l'exemple du
GPS, par exemple, qui pense à ma place. Évidemment, la question c'est : Où
place-t-on la limite non seulement à l'école, parce que c'est là qu'on est
censés acquérir ces facultés ou stimuler ces facultés-là, où place-t-on la
limite, mais dans notre société en général? Jusqu'où voulons-nous automatiser
le jugement, la prise de décision? Est-ce qu'en politique on veut que ce soit
l'intelligence artificielle qui prenne la décision à la place des débats
parlementaires? Vous voyez. Tout... tout... Est-ce que c'est qu'en matière de
justice on veut que les questions juridiques soient réglées par des
algorithmes? C'est toute cette question qui est derrière. Si on parle du temps
long, c'est ce mouvement progressif de délestage ou de déchargement de l'esprit
dans des systèmes extérieurs, qui avaient été identifiés aussi par Michel
Freitag dans la transition à la postmodernité.
Alors, c'est ça, la réponse à la question
d'un point de vue philosophique, c'est que, là, le vaste mouvement dans lequel
on est engagés non seulement dans l'école, mais dans la société, c'est de s'en
remettre de plus en plus à ces processus automatisés qui vont décider à notre
place. Et, si on ne fait rien, s'il n'y a pas de frein qui est placé à ça, dans
le cas qui nous occupe particulièrement, la jeunesse, bien, je veux dire... et,
de plus en plus, leur vie va être une forme de vie d'assisté technologique où
les décisions sont prises en charge par des processus cybernétiques et il
restera très peu d'autonomie, alors que l'école est censée construire
l'autonomie. Mais c'est une critique qu'on peut adresser à notre société en
général, cette direction vers le déchargement cognitif ou délestage cognitif.
Donc, je pense que, là...
M. Martin (Éric) : ...ça pose
des limites aussi sur le développement de la cybernétique et de l'intelligence
artificielle, par exemple, dans la société en général. Mais, puisque cette
commission se concentre surtout sur la jeunesse, on peut ramener à l'école et
dire que, certainement, lorsque c'est possible, alors que c'est encore
possible, on devrait tout faire pour favoriser le développement des qualités de
la personne à l'intérieur, hein, de la personne, et non pas tout de suite miser
sur cette prise en charge d'assistance technologique, etc.
M. Leduc : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Dionne) : Mme
la députée de Hull.
Mme Tremblay : Merci
beaucoup. Alors, bonjour. Très, très... Vous amenez quand même une réflexion,
puis je pense qu'elle va dans le sens de la réflexion qu'on a tous ici,
ensemble, là, collectivement, c'est-à-dire l'enjeu de la technologie, les
impacts que ça a. Vous allez jusqu'au moratoire, évidemment, on l'aura compris.
Mais ce que je veux savoir, puis je pense
que vos réflexions vont quand même dans ce sens-là, là... Au niveau de l'enseignement,
l'INSPQ est venu dire, là, que ça ne devrait pas être la méthode d'enseignement
par défaut, les technologies, mais ça devrait apporter un plus à notre
enseignement qui, autrement, ne pourrait pas être fait. Donc, tu sais, ça vient
vraiment être à des étapes importantes de notre enseignement. J'imagine que ça,
ça va dans votre... dans votre pensée, dans le fond, ce que vous venez de nous
dire aujourd'hui. C'est que c'est : pas de mur-à-mur, pas partout, puis,
vraiment, de réfléchir à l'utilisation des technologies, un peu comme l'INSPQ
vient... est venu le dire. Est-ce que j'ai bien compris, là, un peu, ce que
vous nous avez apporté?
M. Martin (Éric) : Oui,
absolument. Je pense qu'on n'est pas du tout en train de dire qu'il ne faut pas
qu'il y ait de technologie dans nos écoles, mais qu'on doit faire la preuve que
c'est un moyen qui va apporter quelque chose de plus ou quelque chose de
positif lorsqu'on l'emploie. Présentement, ce n'est pas ce qu'on fait. On nous
dit : C'est là pour rester, il faut s'adapter, il faut en mettre partout.
On nous dit que les professeurs doivent faire leurs plans de cours avec
ChatGPT, que les robots doivent même corriger les examens. C'est le cas, par
exemple, au collège Sainte-Anne, où un logiciel a été développé pour corriger
les copies en littérature, par exemple, alors que la correction, c'est une
étape fondamentale de notre rapport avec l'élève ou l'étudiant, l'étudiante,
parce que, quand on corrige quelqu'un, on voit, à la fois, ses qualités et ses
défauts et, après ça, on peut réagir dans la relation avec la personne. Donc,
ça fait partie de l'enseignement, le moment de la correction. Si on le confie à
une machine, on arrive à une situation absurde où un cours pourrait être
planifié par ChatGPT, et les travaux rédigés par ChatGPT, et corrigés par
ChatGPT. Vous voyez bien qu'on arrive à : qu'est-ce qu'il reste d'enseignement
là-dedans? Donc... Et c'est ça que l'on voit, maintenant, comme discours.
Donc, évidemment que la réaction à ça ne
doit pas être de dire : On débranche tout et on revient à l'âge de pierre.
Il y a des technologies qui peuvent être utiles. Mais, lorsque c'est utile, il
n'y a pas de problème si... Moi, ça m'arrive de projeter, par exemple, une
toile, une image, un documentaire sur Socrate. Ça peut m'arriver, à l'occasion.
Mais il faut que ça reste quelque chose d'occasionnel, et là ce n'est pas ce
qui se passe. Ce n'est plus quelque chose d'occasionnel, ça devient quelque
chose où on nous dit : Si vous n'êtes pas en train de le faire
perpétuellement, vous êtes en retard. Vous voyez? Et c'est ça, le danger, et c'est
qu'on ne réfléchit...
Et, comme disait Sébastien, tantôt, de
manière très excellente, il y a plein d'impacts négatifs, qui sont soulignés
partout, et nous trouvons hallucinant que, malgré tous les signaux d'alarme qui
sont allumés... la maison est en feu, là... et on continue, et c'est la fuite
en avant, et ça n'arrête pas. Et dans n'importe quel autre domaine, s'il y
avait autant de signaux d'alarme, il y a des gens qui se poseraient des
questions, mais là on dirait que, depuis quelques années, ça continue à
avancer, malgré les... d'intoxication, qui sont clairement démontrés.
Mme Tremblay : Vous avez
parlé de limites, d'amener des limites législatives, là. Vous êtes passés
rapidement, mais ça a attiré mon attention. Alors, quand vous avez parlé de
limites législatives, vous entendez quoi?
M. Martin (Éric) : Bien,
vas-y, Sébastien. Je ne sais pas si tu veux réagir à ça?
M. Mussi (Sébastien) : Vas-y,
vas-y. Non, non, vas-y.
M. Martin (Éric) : Bien, un
exemple qu'on peut donner, très simplement. On a une collègue, là, Julie
Baribeau, qui vient d'écrire un mémoire qui a été déposé à cette commission, je
pense, sur le Phone-Free Schools Movement. Donc, c'est le mouvement des écoles
sans téléphone. Alors, déjà, il y a des mesures positives qui ont été prises
pour interdire les téléphones à l'intérieur des classes, dans les niveaux
primaire, secondaire. C'est très bien, mais c'est insuffisant, parce qu'il y a
des endroits, par exemple, aux États-Unis où on les enlève carrément de l'édifice
scolaire, de l'institution. Parce que les périodes de socialisation qu'il y a
dans les pauses, par exemple, les jeunes, au lieu d'être sur leur téléphone,
bien, ils font des sports, ils vont dans un club d'échecs ou, je ne sais pas
quoi, mais ils font des choses sociales. Donc, vous voyez qu'on peut aller
encore plus loin que ce qu'on a déjà fait. On a hésité, je pense, au Québec, à
aller jusque là.
Mais dans l'enseignement supérieur, par
exemple, on a laissé les téléphones, on a laissé les établissements, et chaque
professeur, se débattre avec ça. Bien, il y aurait, carrément, possibilité de
légiférer pour interdire les appareils... téléphones dits intelligents dans
tous les édifices scolaires, par exemple. C'est un exemple, mais il y en aurait
d'autres.
• (10 h 20) •
Alors, évidemment, je n'ai pas la réponse
à quelles seraient toutes les lois qui pourraient être mises en place, mais il
y aurait sûrement manière de s'inspirer de ce qui se fait en Suède, aussi, pour
poser différentes limites. Parce que le problème actuel, c'est l'absence de
limites. C'est qu'au fond on est dans une sorte de chaos, où, finalement, il y
a des endroits où il y a des projets pilotes qu'on ne connaît même pas, ça...
M. Martin (Éric) : ...on
tombe dessus et on s'y adapte un peu comme à la va-comme-je-te-pousse. Donc,
pour éviter cela, il faudrait un cadre juridique réfléchi à mon sens.
Mme Tremblay : Il y a
plusieurs...
M. Martin (Éric) : On peut...
Mme Tremblay : Dernière
question, ça va? Alors, il y a plusieurs écoles qui sont venues nous parler
justement, là, bien, l'interdiction en classe, ça, ça va, il n'y avait pas...
Je pense que majoritairement les intervenants étaient en faveur.
Cependant, pour l'interdiction dans les
écoles, ça, c'était différent. Il y avait... Bon, il y avait différentes
pensées, mais plusieurs sont venus nous dire : Mais il faut... Ça nous
prend des balises évidemment. Puis je pense que tout le monde ici qui sont
venus sont conscients, là, des enjeux du temps d'écran, du contenu. Alors,
vous, d'avoir des grandes balises, puis après ça, les milieux, eux aient une
réflexion, alors d'éviter justement mais ce que vous autres vous avez en fait
appelé un peu le mur-à-mur, mais d'avoir des balises, de donner des balises
justement et de... après ça, chacune des écoles va décider de comment elle,
elle applique ces balises-là, c'est-à-dire, bon, est-ce qu'elle interdit de
façon complète le téléphone ou elle fait des moments d'interdiction? Qu'est-ce
que vous pensez de laisser après ça, à partir de grandes balises, les milieux,
eux, décider puis de prendre des décisions selon ce qu'ils sont comme milieux,
parce que les milieux sont très différents les uns des autres?
M. Mussi (Sébastien) : Écoutez,
deux choses, d'abord on ne réglera pas la question avec des décisions au cas
par cas. La deuxième chose, c'est que je suis un peu estomaqué par la question
que vous posez. Il me semble que l'État a un devoir envers nos enfants, la
nocivité de l'utilisation et la surutilisation des écrans, elle est démontrée
sur les études longitudinales qui ont été faites sur 20, sur 30 ans. On
voit des changements de comportement dans nos classes, des élèves qui ne
sortent plus de la classe aux pauses, qui ne se parlent plus, on n'est plus
capable de les faire parler, ne serait-ce qu'un étudiant qui rate un cours, qui
doit demander les notes de cours à quelqu'un, il n'y arrive plus. Ça fait que
je suis désolé, il y a là un débat de société. C'est pour ça qu'un moratoire
sérieux est nécessaire. Si on veut laisser les écoles choisir. Parfait!
Laissons les écoles faire ce qu'elles veulent, la majorité des enfants vont continuer
à faire ce qu'ils font en ce moment, on continuera à avoir les mêmes effets,
les mêmes résultats. C'est votre responsabilité au niveau de l'État de faire
quelque chose pour au moins qu'on sache où on s'en va de façon cohérente. Ce n'est
pas aux institutions de faire ça puis ce n'est surtout pas aux profs de gérer
ça.
J'ajoute une chose dans le comportement
des élèves. Moi, j'ai des élèves à l'enseignement supérieur qui se comportent
actuellement comme des enfants du secondaire. Il y a encore, au point de vue
émotif, au point de vue de l'autodiscipline, au point de vue la capacité à se
gérer en classe, j'ai fait des trucs que je n'ai jamais faits avant. Faire de
la discipline en classe pour dire aux élèves qu'utiliser le téléphone puis
regarder des matchs de hockey pendant un cours, ce n'est pas acceptable, c'est
surréaliste. Ça fait que je m'excuse, non, ce n'est pas aux écoles, au cas par
cas, de baliser ça sur des recommandations molles, vagues. Regardez ce qui se
passe dans les écoles. Des organismes qui gèrent de l'électronique, de l'informatique,
il y en a partout. C'est implanté mur-à-mur déjà en ce moment dans le système.
Si l'État ne fait pas quelque chose, on va foncer droit dans le mur, et vous
allez élever une génération qui ne sera pas capable ni d'autonomie, ni de
réflexion critique, ni d'implication sociale. Ça fait que, si c'est ça que vous
voulez, allez-y, faites du cas par cas.
Mme Tremblay : Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup, Mme la députée. M. le député de Gaspé.
M. Sainte-Croix : Merci, Mme
la Présidente. Bonjour, MM. Martin et Mussi, très heureux de vous avoir ici
aujourd'hui. Je vous dirais que c'est un propos différent dans le sens où vous
faites aussi... vous êtes allés sur le terrain de l'enseignant, hein, l'usage
au niveau... du côté de l'enseignant. Écoutez, vous parlez de fuite en avant,
vous parlez d'absence de réflexion, de généralisation de l'usage à des fins
économiques et commerciales. Vous avez même employé le terme «chaos». Je pense
que votre position est assez claire à ce niveau-là. Vous êtes des tenants d'un
moratoire, d'un temps d'arrêt nécessaire et, corrigez-moi si je suis dans l'erreur,
à une réflexion, une réflexion de société visant d'une part la notion même au-delà
de l'apprentissage de ce que je comprends de votre point de vue, dans la vie de
tous les jours, pardon, l'usage à des fins pédagogiques ou autres par l'école,
et j'insiste par l'école, ça, je comprends que vous avez là une réflexion
profonde d'entamée à ce niveau-là. Mais je comprends aussi que vous faites une
distinction entre l'apprentissage généralisé de l'informatique, là, de ce qu'on
disait... moi, quand j'étais à l'école, on parlait d'informatique, là, pour l'informatique,
dans le sens où ce sera dans nos vies de tous les jours, ce l'est déjà et ce le
sera, et l'usage...
M. Sainte-Croix : ...l'usage
de ce que vous appelez la technopédagogique. Donc, il y a vraiment là deux...
deux... deux distinctions que je fais, là, au niveau de votre rapport à la
technologie. Sachant qu'on a besoin d'une réflexion, qu'on a besoin d'avoir une
meilleure connaissance, et on en a déjà, puis vous l'avez souligné, puis
beaucoup de gens sont venus nous le dire ici, là, sur la nocivité, là, de
l'usage des écrans, comment voyez-vous dans le temps? Parce que je suis aussi,
moi, historien de formation et je m'intéresse aux changements de société dans
la durée. Parce que c'est là que ça se passe. Comment voyez-vous le temps
nécessaire pour la société québécoise de mieux documenter l'impact de l'usage
de notre société, d'une part, à des fins pédagogiques, hein, l'école? Et,
autrement, sachant qu'on a besoin d'avoir des connaissances générales au niveau
de l'usage de l'informatique, comment voyez-vous ce terme-là, comment
voyez-vous le rapport à la recherche dans les années à venir, quel est le rôle
de l'État, est-ce qu'on doit se mettre en mode accéléré et est-ce qu'on doit
investir des budgets de recherche beaucoup plus conséquents en fonction de cet
objectif-là? Puis comment voyez-vous, globalement, au niveau de la santé
publique, cette démarche-là qu'on a à faire pour se repositionner de façon
intelligente dans cet enjeu-là, là, qu'on a là?
M. Martin (Éric) : Bien, je
trouve votre question très intéressante parce que vous nous amenez sur un
terrain qui me rappelle, évidemment, le classique, hein, c'est le rapport
Parent. C'est-à-dire qu'il y a eu un peu le même enjeu au moment de la
Révolution tranquille, un enjeu d'adaptation, de modernisation économique et technologique.
On se disait : On est en retard sur la société post-industrielle
américaine. Jusqu'où on va s'adapter? Et la réponse, à l'époque, Guy Rocher
appelait ça l'équilibre entre la culture et la technique. On a essayé de tenir
les deux bouts de la chaîne. On a essayé de s'adapter aux États-Unis tout en
gardant un peu l'humanisme, la culture, etc. Ça a donné notamment les cégeps,
qui sont un hybride entre ces deux idées là, l'économie locale, mais aussi la
formation générale, par exemple.
On est un peu dans un moment similaire
maintenant, où nous devons faire très attention parce que... Il y avait un
article, il y a quelques années, qui s'appelait How Google Took Over the
Classroom, alors Comment Google veut se saisir de la salle de classe. Il y a nécessairement,
de ce côté-là, une velléité assez claire de dire que c'est maintenant la
Silicon Valley qui va déterminer ce qui va arriver pour le futur. Et il me
semble que notre société, elle doit, non seulement pour l'école, mais en
général, actuellement, se demander si elle veut vraiment embarquer dans ce
train-là. Puis c'est déjà le cas présentement, on est déjà en train de perdre
le terrain face aux GAFAM, face aux Netflix, face aux Uber, une ubérisation
générale de notre société.
Donc là, il y a... il y a... il y a un
enjeu de dire... Là, vous avez évoqué la santé publique, l'éducation. On
pourrait évoquer aussi l'environnement. L'État, actuellement, aurait une
responsabilité de se dire : Bien, si ce n'est pas ce modèle-là que l'on
veut suivre, quelle est la vision générale à partir de laquelle... disons, une
société du XXIᵉ siècle qui serait une société écologique, démocratique, bien,
de quel type d'éducation aurait-elle besoin? Et Michel Freitag, en tout cas,
disait que, si on voulait former des gens pour le XXIᵉ siècle, on aurait besoin
de gens qui ont des capacités d'empathie, une compréhension des autres
cultures, une compréhension aussi de l'écologie. Là, comme le disait Sébastien
tantôt, ce n'est pas ça qu'on est en train de former, là. On forme actuellement
des gens qui ont des défauts d'empathie, qui ont une perte de culture générale.
Donc là, on fait exactement l'inverse de ce qu'on devrait faire pour préparer
les citoyens et citoyennes du XXIᵉ siècle. Donc, il est certain que ça exige
une vision d'ensemble à partir de laquelle les différentes actions pourront par
la suite être pensées.
Donc là, effectivement, quel type de
recherche à encourager? Est-ce que... Actuellement, on encourage beaucoup la
recherche dans le domaine de l'intelligence artificielle, on la célèbre, même
on l'applaudit. Est-ce qu'on ne devrait pas, au contraire, réallouer une partie
des budgets de recherche pour... pour évaluer, justement, les impacts... Bien,
il y en a déjà, de la bonne recherche qui... Vous avez accueilli, par exemple,
Caroline Fitzpatrick, j'ai vu qu'elle a... elle est venue devant la commission,
Dre Mélissa Généreux. Il y a plein de gens qui font déjà de l'excellente
recherche sur ces questions-là, mais on a besoin de davantage et on a besoin
d'un portrait plus global de ce qui se passe à l'école et dans la société.
Mais c'est pour ça que tantôt j'insistais
sur l'idée de penser ça à partir d'un lieu synthétique de ce que nous voulons
pour le Québec. Parce que l'alternative inverse, c'est qu'on va nous imposer
une direction, pas juste au Québec, hein, le monde entier va suivre, au fond,
le projet de la Silicon Valley. Du moins, eux, ils ont une panoplie de systèmes
qu'ils veulent nous proposer, pour ne pas dire nous imposer, avec lesquels ils
veulent qu'on s'administre dans le futur. Mais je ne pense pas que c'est notre
intérêt, d'un point de vue de spécificité culturelle et nationale même, d'aller
dans cette direction-là.
• (10 h 30) •
Donc, ce n'est pas les mesures...
Évidemment, ça dépasse ma compétence. Moi, je ne travaille pas en santé
publique, je ne peux pas vous dire ce que la santé publique doit faire, mais ce
que je peux vous dire, par contre, c'est qu'il faut qu'il y ait un lieu
synthétique à partir duquel ceci va être pensé avec le temps nécessaire
derrière. Alors, est-ce que c'est trois à cinq ans comme la commission Parent?
Peut être, mais quelque chose de... d'une réflexion des états généraux ou d'une
commission Parent 2.0, ça fait des années qu'on la réclame, mais où on
aurait le temps de penser globalement ce que nous sommes en train de faire...
10 h 30 (version non révisée)
M. Martin (Éric) : ...parce
que pour le moment, si on suit la voie de l'adaptation, là, c'est aussi la voie
de notre dissolution collective dans un modèle d'américanisation assurément.
M. Mussi (Sébastien) : On
peut ajouter une chose, c'est que vous faites une distinction qu'on a
effectivement faite entre l'apprentissage généralisé où on met de l'informatique
partout et la question utilisation et de connaissances informatiques. On a
beaucoup dit à une certaine époque, nos élèves étaient des natifs du numérique.
Pour eux, c'était comme naturel. Je peux vous dire que c'est très loin d'être
le cas avec des procédures simples, ça les dépasse. Transformer un fichier log
en fichier PDF par exemple, on l'a vécu pendant la COVID. Il faudrait
effectivement donner des connaissances et des savoirs à nos étudiants pour qu'ils
puissent avoir une certaine maîtrise là-dessus...
La Présidente (Mme Dionne) : En
30 secondes, M. Mussi. Il nous reste 30 secondes.
M. Mussi (Sébastien) : Parfait...
et non pas subir passivement ce qui se passe, c'est-à-dire comprendre ce que c'est
qu'un ordinateur, ce que c'est qu'un réseau, quelles sont les conséquences que
ça a sur une société, etc. Si on veut une véritable culture informatique, c'est
là qu'il faut commencer, ne pas en faire des utilisateurs passifs.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
infiniment, M. Mussi, M. Martin pour votre contribution. Pour ma part, je
suspends les travaux quelques instants pour accueillir notre prochain invité.
Merci à vous.
(Suspension de la séance à 10 h 32)
(Reprise à 10 h 35)
La Présidente (Mme Dionne) : La
commission reprend maintenant ses travaux. Donc, je souhaite la bienvenue à M.
Waterhouse. Bienvenue à la commission. Alors, je vous rappelle, M. Waterhouse,
que vous avez 10 minutes pour nous faire part de votre exposé, vos commentaires
et suite à cela, nous allons procéder à une période d'échange avec les membres
de la commission. Alors, la parole est à vous.
M. Waterhouse (Steve) : Mme
la Présidente, merci. Chers membres du comité, merci de m'avoir invité...
M. Waterhouse (Steve) : ...je
voulais vous présenter tout simplement une perspective ici d'une... d'un point
de vue externe, vous avez entendu quand même des experts d'un peu partout et ce
qui était de très bonnes interventions jusqu'à présent, il y en a d'autres qui
sont annoncées, mais je voulais vous apporter la perspective, justement, que le
temps d'écran peut être souvent utilisé à mauvais escient contre les gens. Et,
en fait, c'est qu'est-ce qui me garde éveillé la nuit? C'est cette constante
préoccupation envers les prochaines actions des acteurs de la menace à un
niveau international, envers notre société, envers nos jeunes et envers notre
façon de vivre.
À l'échelle internationale, les acteurs de
cybermenaces suivants sont toujours intéressés à recruter des jeunes, même des
fois des moins jeunes, en manque de sensations fortes, comme avec les milieux
criminels traditionnels, notamment les cybercriminels, dans le crime organisé
pour profiter de la cybercriminalité, des hacktivistes, autrement dit ceux et
celles qui veulent faire valoir leur point de vue politique via des moyens
électroniques, des cyberextorqueurs, pour aller chercher de l'argent, monétiser
cette... ces vols, les... autrement dit, ceux et celles qui sont en... en gage
de sensations fortes, et les pirates informatiques parrainés par l'État, qui
sont encore là, très utiles dans leurs actions.
Les façons dont les acteurs de la menace
s'y prennent sont de toutes sortes de façons, mais vous en avez entendu comme
en exemples qui tournent autour de ces dernières : la cyberintimidation,
les cyberprédateurs, les publications d'informations privées, le phishing, le
harponnage, qui est du phishing ciblé vers des gens, tomber dans le piège de
l'escroquerie, le téléchargement accidentel de logiciels malveillants, malgré
les gens prennent peut-être des dispositions, mais que ça devient chose faite,
une fois que c'est sûr, les appareils... compromet les messages qui reviennent
les hanter, un... un enfant plus tard dans sa vie. Autrement dit, quelqu'un va
diffuser un message, une vidéo, comme vous le savez, des fois, ça... des
remords dans les moments qu'ils s'attendent moins, et évidemment aussi
l'usurpation d'identité qui est très subtile.
Malgré toutes les... des réglementations
et lois en place, la responsabilité première d'accès aux contenus en
provenance... en provenance, pardon, de l'Internet et/ou de son accès, selon
moi, incombe aux parents, donc, à la maison principalement, ce qui souvent les
parents sont dépassés par l'avancement technologique et à l'école durant le
jour. Des formations... d'éducation appropriées en collaboration des
partenaires accrédités, pas seulement du réseau de l'éducation, parce qu'ils
sont quand même assez chargés, doivent être apportées dans notre société, pas
seulement de manière statique... pardon, avec du contenu en ligne, mais un...
de façon dynamique, avec des gens.
Modérer le contenu en ligne ne révèle pas
seulement des mesures techniques, comme vous avez, ni de... les lois, mais
l'accès aux applications... aux appareils, pardon, par lesquels les enfants
peuvent y accéder. Ça prend un effort d'équipe, selon ma perspective. Ça prend
un effort d'équipe de par les entreprises technologiques et le secteur privé,
des applications de la loi et des systèmes judiciaires, les services d'aide à
l'enfance, comme vous avez entendu jusqu'à présent, les services aussi des
écoles et des systèmes d'éducation. Les parents... quand je dis : Des
systèmes d'éducation privés, publics, même l'entreprise privée qui peut être
mise à contribution dans cette manière, la coopération internationale, on va
jusqu'à cet... ce niveau-là, parce que vous avez des ONG qui vont être en
mesure, justement, d'avoir une perspective là où ils interviennent un peu
partout sur les continents, et en même temps, favoriser que ces changements-là
s'opèrent d'un point de vue international, et que ça vienne nous aider ici
aussi. Et finalement, les services gouvernementaux qui... je vais préciser, un
rôle très clé là-dedans.
Ces efforts doivent prendre la forme de
programmes de sensibilisation et d'éducation plus présents, plus actifs dans le
quotidien, et pas seulement pour la jeunesse, intégrés aux programmes
scolaires, mais aussi pour les adultes. Car notre société accuse un grave
retard dans la littératie numérique. Et ça se voit dans la rue, ça se voit à la
maison où les gens génèrent du contenu comme jamais vu avant dans l'histoire et
parfois hypothèquent la vie privée des enfants, alors que ce qui a été filmé il
y a 10 ans peut devenir un désavantage de demain pour ce jeune maintenant
rendu adulte, surtout lorsqu'ils ont à soumettre la première demande d'emploi.
Parce que les services de ressources humaines, si vous ne le saviez pas, font
une recherche intensive sur le passé dans le monde électronique des jeunes.
Nous devons maintenant se préoccuper davantage de la vie privée numérique,
d'autant plus importante, les tendances récentes envers l'usage des innovations
comme l'intelligence artificielle et aussi les algorithmes des plateformes des
médias sociaux pour générer la désinformation et entretenir sa propagande prend
de plus en plus de place dans le temps consacré en ligne, maintenant et dans
l'avenir.
Une éducation sur le sujet saura rendre
les jeunes et les moins jeunes électeurs moins vulnérables à cette fausse
information et aussi contribuera à développer une pensée critique à
l'information présentée, comme dans le cas... avec une urgence sanitaire qu'on
a vécue récemment.
• (10 h 40) •
Le leadership requis pour aider devrait
comprendre des intervenants comme vous avez sollicités, mais aussi
différents... de différents ministères, notamment le MCN, le ministère de
l'Éducation, ministère de la Santé incorporés dans un groupe de travail autonome
afin qui... que tout bouge rapidement sans que ce soit fait... et que ce soit
fait à court terme, pardon, sans que ça s'éternise. La population, nos jeunes
ne peuvent pas attendre 6 à 10 ans, alors que la situation...
M. Waterhouse (Steve) : ...envenime
année après année. Pourquoi pas des camps d'été avec intégration
d'apprentissage et des jeux électroniques qui sont des conséquences de l'année
scolaire? L'encouragement au tournoi à capturer le drapeau, donc on dit
l'activité dans le terme technique, capture the flag, c'est des exercices qui
sont menés soit dans des conventums, comme exemple le Hackfest qui a lieu ici à
Québec, ou bien internationalement, où on incite les jeunes à pouvoir, à ce
moment-là, mettre à contribution leur apprentissage et surtout leurs aptitudes
et habiletés. Mais aussi au Canada, ailleurs dans le monde, comme je précisais,
n'en feront pas des... des pirates notoires ni des cybercriminels, mais bien
des gens compétents en technologie qui ont mis en pratique ces meilleures pratiques,
voir la cyberhygiène apprise, et prêts à faire face à demain. Merci à nouveau
pour cette opportunité d'échange. Et je suis prêt à répondre à vos questions.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup, M. Waterhouse. Nous allons débuter cette période d'échange avec
Mme la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme Cadet : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, M. Waterhouse. Merci d'être avec nous aujourd'hui.
Vous apportez donc un aspect, donc, de la thématique qu'on n'a pas encore
abordée, donc je vous en remercie. Puis ça me permet de vous poser, donc, une
question, donc, qu'on a posée à d'autres interlocuteurs sur la majorité
numérique. Bien souvent, bon, plusieurs, donc, interlocuteurs, donc, sont
venus, donc ont eu, donc, des avis, donc, divergents, sur la nécessité, donc,
de l'imposer, donc d'avoir un âge minimal pour aller sur les différentes
plateformes, mais on sait que ce serait soit une pratique symbolique, là, ce
qui prévaut en ce moment ou une pratique, donc, qui imposerait de faire la vérification
de l'âge des utilisateurs afin donc de véritablement la mettre en place.
J'aimerais savoir, donc, quel est votre avis quant à la nécessité, donc, de
mettre en place, donc, une majorité numérique sur le plan de la sécurité des
données des mineurs.
M. Waterhouse (Steve) : Il va
de soi de la maturité des gens qui utilisent ces outils-là, va faire en sorte
que ça va faciliter la compréhension des impacts. Puis je m'explique. Ailleurs
dans le monde, vous avez... j'ai une recherche BCG qui va faire partie du
mémoire qui dit que, donc, en Amérique du Nord, 92 % des jeunes s'initient
à l'Internet à partir de l'âge de 12 ans, mais seulement 57 % à
partir de l'âge de huit ans. Donc, de cette approche-là, il y a un élément,
comme je mentionnais dans mon introduction que le parent donne un accès facile
à ses enfants, donc pour aller consommer l'Internet. Mais la majorité des
parents avec lesquels j'ai intervenu et j'ai parlé avec, quand je dis
intervenu, c'est vraiment pour les aider, dans l'appui, de restreindre l'accès
à un minimum d'information, voire juste à des sites spécifiques. Mais le jeune,
il n'en fait pas la distinction, il ouvre l'appareil, il y a connexion
Internet, il consomme ce qu'il veut bien et la journée va très bien. Mais la
journée qu'il va à l'extérieur d'un cadre défini, c'est là que ça dérape bien
souvent. Alors de cette façon-là, il faut encore une fois que l'élément
parental qui est le plus souvent impliqué avec le jeune dans l'utilisation de
ces moyens-là puisse comprendre comment faire cet encadrement-là. Mais si on
revient avec l'environnement scolaire où est-ce que les jeunes passent
peut-être quoi, 6 heures, 8 heures par jour, j'en ai monté des
systèmes pour faire ce filtrage. La population étudiante, filtrage pour dire :
On ne permet pas des sites de gambling ou des sites illicites. Mais, en même
temps, il y a toujours des mécanismes à côté. S'ils ne sont pas considérés ou
bien évalués, bien, ça va donner une porte de sortie pour être en mesure, donc,
de le consommer pareil durant le temps consacré pour l'apprentissage seulement.
La Présidente (Mme Dionne) : Juste
être sûre d'avoir bien saisi, puis je vais peut-être aussi réitérer ma
question, c'est que, dans le fond, là, nous on en train de se dire :
Est-ce qu'il faudrait, donc, interdire, donc, l'accès aux, disons, réseaux
sociaux, ces différentes plateformes aux jeunes avant un certain âge? Mais l'un
des enjeux de la mise sur pied, donc, d'une telle mesure, c'est de se
dire : O.K., bien, si on dit, par exemple, donc on ne peut pas, donc,
accéder, donc, aux plateformes, donc, de Meta avant l'âge de 15 ans, mais
il faut qu'on soit en mesure de le vérifier, sinon ce n'est pas tout à fait
efficace comme mesure, ce serait une mesure plutôt symbolique. Mais en faisant
ça, on est... l'État, donc, viendrait dire : Mais il faudrait capturer les
données des enfants mineurs pour être capable de confirmer qu'ils ont, bel et
bien, l'âge, là, de pouvoir accéder à ces plateformes-là. Qu'est-ce que vous
pensez, bien, en fait, d'une telle mesure? Donc, qu'est ce que ça voudrait dire
pour la sécurité des données? Où seraient stockées ces données là, donc, des
jeunes? Est-ce que c'est l'État qui devrait les stocker? Est-ce que ce serait
les plateformes qui devraient le faire elles-mêmes? Qu'est-ce que ça
signifierait pour la sécurité des données de mettre en place une majorité
numérique?
M. Waterhouse (Steve) : Mais
déjà là, dans l'acceptation populaire, ça ne passera jamais le test, que l'État
s'immisce à capturer de l'information, l'interpréter, la stocker, ça n'ira pas
très loin. Alors, on peut peut-être se rapprocher de l'idée d'une identité
numérique, mais, cependant, si on amène une identité numérique puis qu'on
l'appose à des moins de 18 ans, là, on rentre dans une autre arène légale
par rapport à ça. Ça fait que ça... c'est pour ça, je ramène le... et je
recerne la problématique vers le parent. S'il fait une bonne évaluation du
risque, puis là il faudrait peut-être amener les outils nécessaires aux parents
de faire cette évaluation du risque là, quel est le risque que j'expose mon
enfant aux médias sociaux? Quel est... Qu'est-ce qu'on retrouve? Oui, les
grandes plateformes, dans la meilleure des pensées, veulent que ça soit
consommé par tout le monde. C'est à leur avantage...
M. Waterhouse (Steve) :
...avantage, ils vont faire des pieds et des mains pour amener ça jusqu'au plus
jeune âge, pour, après ça, leur faciliter la vie à consommer les produits que
la plateforme offre. Maintenant, cette modération-là, elle est parrainée par
qui, selon quel principe? Parce que, comme on dit chez Facebook ou Méta, les
community guidelines, donc les lignes directrices de cette plateforme-là bien,
sont... je ne sais pas qui les dessine, mais souvent elles sont à l'encontre de
notre façon de vivre et de voir la vie, parce qu'eux, disent que telle façon...
une telle image, ou un tel dire, ça va à l'encontre des lignes directrices,
alors que pour nous ici, bien, c'est un usage humoristique commun. Alors, c'est
des éléments comme ça, je donne un exemple bien banal qui fait en sorte que qui
va dire vrai là-dedans. Il faut se ramener peut-être avec un consortium à
l'extérieur, un peu comme présentement l'identité numérique, c'est dans la 10ᵉ
année qu'il y a un tronc commun qui a été établi à travers le Canada. Il y a un
Conseil canadien d'identité numérique qui fait en sorte que tous les joueurs,
les acteurs inhérents à l'usage d'une identité numérique bien ont été mis, ont
été sollicités et mis à contribution. Et de là, vient un cadre de référence neutre,
gouvernemental comme entreprise privée qui va en faire usage. Mais là, en
disant ça, ça, ça va être pour la consommation, utilisation de services
publics, mais le jeune, là-dedans, il n'est toujours pas inclus. Alors, on est
toujours à la case départ face à cette situation-là qui revient à quel est
l'adulte qui est responsable envers l'enfant, qui va lui permettre l'accès ou
pas? Je crois que le problème est situé à ce niveau-là.
Mme Cadet : D'où le principe
de cyberhygiène dont vous parliez à la fin de votre exposé.
M. Waterhouse (Steve) : La
cyberhygiène est pour tous et chacun qui font un travail en ligne, la
cyberhygiène... Je vais vous donner juste l'exemple, le fameux mot de passe
qu'on ne peut pas s'en dégager jusqu'à présent. Mais si tout le monde continue
l'utiliser un, deux, trois, quatre, cinq, six, que ça fait huit ans que c'est
le numéro un mondial, on est toujours à la même place, on patauge dans la même
mare. Alors, il faut changer ces habitudes-là, il faut changer la perspective
que c'est-tu important un mot de passe? La réponse, c'est oui. C'est-tu
encombrant pour la majorité des gens. Ils vont dire, oui. Ça fait que c'est
pour ça que les gens le mettent facile. C'est une caractéristique humaine. Mais
quand on l'explique, qu'est ce que ça peut apporter comme conséquences? Bien,
il y en a qui vont dire : Bien, c'est juste ma tablette, c'est juste mon
téléphone. Mais alors, dans les clés de rentrer dans votre maison, n'importe
qui, ça dérangera pas. C'est la même analogie que le mot de passe facile à
deviner.
Mme Cadet : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Dionne) :
Mme la députée d'Iberville.
Mme Bogemans : Merci, Mme la
Présidente. Bienvenue. Moi, je voulais avoir votre opinion parce qu'on a
souligné au travers les entrevues, vraiment la force du lobby puis à quel
point, autant pour les adultes que dans le milieu de l'éducation que pour les
jeunes, exerçaient une certaine pression. Puis une de vos suggestions
principales était de joindre, de sensibiliser, mais même d'éduquer. Comme vous
veniez de répondre à la question, là, sur les enjeux du numérique en général,
ce serait quoi un plan pour vous et qui serait porteur pour sensibiliser et
éduquer quand même donc, sur le long terme, la population en général pour bien
être capable de le faire, parce que c'est large.
M. Waterhouse (Steve) : C'est
très large et le temps est compté. Alors j'y verrais très bien que le
gouvernement soit le leader, assume le rôle de leadership pour être en mesure
de tirer les lignes directrices par lesquelles tous et chacun qui veulent avoir
une intervention qui en vaille la peine, vont pouvoir s'influencer de cette
ligne directrice là parce que c'est un but ultime. Donc, on disait : Le
gouvernement peut amener à ce moment-là, dans cinq ans, 10 ans, évidemment,,
comme on dit en anglais, les milestones, les bornes à franchir pour, après ça,
que les gens s'y adonnent. Cependant, le danger que je veux souligner par
contre à faire, c'est de mettre en place cette pratique, c'est le manque de
vérification. Donc, c'est-tu le Vérificateur général qui va dire : Aïe,
vous n'avez pas rencontré vos objectifs. Là, il faut faire quelque chose. Dans
ce cas-là, on a trop d'exemples à énumérer que dans le passé, cette méthode-là,
pardon, ne fonctionne pas, surtout dans un temps fini. Alors, il faut amener
justement c'est pour ça que je donnais l'exemple du Consortium d'identité
numérique canadien qui a toutes sortes d'acteurs, de toutes, de toutes
confessions confondues, si je peux dire ça, viendront ensemble, puis
dire : Le plan d'action, il faut l'amener, puis on est obligatoire de
faire une réaction rapide et donner à ce moment-là un consensus. Donc, s'il y
en a quatre sur cinq qui sont d'accord ou qui ont répondu à l'appel, bien, on
avance, parce que le cinquième qui n'a pas répondu, il est peut-être embourbé
ou il n'est pas intéressé finalement, là.
Mme Bogemans : Donc c'est
d'arriver à un consensus sur des cibles à atteindre, puis après ça, de la
communiquer de manière persistante au fil du temps ou de se donner des moments
dans la société où on pourrait faire le tour de la question.
M. Waterhouse (Steve) : On
est au-delà, je crois, de revenir fréquemment à se poser des questions parce
que les questions, vous les avez et vous les avez posées dans les dernières
semaines. Et, je crois, vous avez fait un beau tour d'horizon, mais l'on est à
l'étape de l'action. C'est un peu mon discours que j'apporte aujourd'hui, là,
pour cesser de jongler avec le sujet, mais prendre action pour que rapidement
nos jeunes de demain, ils ne soient pas hypothéqués comme je disais.
Mme Bogemans : Parfait. Puis
tout à l'heure, vous suggériez la mise en place de groupes de travail
interministériels. Puis là, on parlait de cibles. Ce serait quoi les premières
cibles pour ces groupes de travail là, si on veut?
• (10 h 50) •
M. Waterhouse (Steve) : Bien,
premièrement, reconnaître le problème, puis là si ce n'est pas aussi j'aurais
voulu indiquer là-dedans le ministère de la Justice pour définir un encadrement
peut-être particulier face à ce que le jeune soit sous une forme d'identité
numérique. C'est fort ce que je viens de dire là, mais c'est peut-être est-ce
que c'est une avenue à explorer? Là, à ce moment-là, ces éléments légaux
devront être adressés par ce ministère particulier...
M. Waterhouse (Steve) : ...particulier.
Mais, par contre, je verrais mal à ce moment-là qu'on ait un statut comme ça.
Ailleurs dans le monde, je n'ai pas vu de législation qui confère à un jeune...
moins de 18 ans, donc qui n'est pas en majorité, d'avoir cette identité
numérique là qui lui soit donnée. Est-ce que le Québec va être précurseur
là-dedans encore? Peut-être. Mais, par contre, c'est une pente qui est très
glissante.
Mme Bogemans : O.K. Puis ma
dernière question, c'était pour faire un petit peu de pouce, là, sur ce que ma
collègue avançait, l'âge numérique, mais vous répondiez que c'était vraiment la
responsabilité du parent, à la base, puis que ça partait de l'appareil. Est-ce
que vous pensez qu'on devrait, au contraire, quand le parent achète un appareil
pour un mineur, par exemple, que certaines programmations comme le contrôle
parental soient mises par défaut dans l'appareil, que... qu'il y ait comme une
programmation d'emblée, tout ce qui peut être activé pour la sécurité du jeune
soit fait d'emblée de la part du fabricant?
M. Waterhouse (Steve) : Bien,
c'est une bonne question... c'est une bonne suggestion. Cependant, est-ce que
le marchand va vendre des tablettes avec déjà l'activation de la restriction
parentale en place, et une autre tablette va avoir... Donc, des tablettes,
justement, avec la restriction parentale, ça ne sera peut-être pas bien géré,
justement, sur le marché. Alors, soit qu'ils sont de facto intégrés et activés,
ce que les gens n'aiment pas beaucoup, parce que là ils sont devant des
restrictions qu'ils doivent apprendre comment désengager, alors que là, on
est... l'autre problème actuel, qui est : Tout est ouvert, et là il faut
travailler avec, refermer les portes.
Moi, je suis dans le... je suis de la
chapelle où est-ce qu'il faut ouvrir au besoin, et, de cette façon-là, ça
serait peut-être plus profiteur à tous et chacun, et en faisant des... en
montrant des exemples que ça leur donne un avantage. Parce qu'actuellement, vu
que c'est intangible, les gens n'y voient pas l'avantage de fermer toutes les
portes et de les ouvrir au besoin, et ce qui fait en sorte que les gens vont se
dire : Bien, c'est ça, on veut nous museler, on veut nous bloquer de faire
quoi que ce soit. Ça amène aussi cette discussion.
Mme Bogemans : Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
Mme la députée de D'Arcy-McGee.
Mme Prass : ... Merci pour
votre présentation. Donc, en parlant de la question de l'âge numérique, on sait
que les VPN sont facilement utilisés pour justement faire en sorte qu'on peut
cacher notre identité, et puis, s'il y a un âge minimum, bien, ça nous permet
de rentrer dans le système. Est-ce que vous pensez justement que le VPN fait en
sorte que faire un âge... poser un âge numérique ferait en sorte que... Tu
sais, ce n'est pas réaliste, parce qu'un VPN fait en sorte que le jeune peut
facilement outrepasser cette mesure-là.
M. Waterhouse (Steve) : Bien,
je veux juste mettre au point le terme «VPN». Donc, un réseau privé virtuel
est... n'est seulement qu'un... l'établissement d'un conduit entre un point de
départ et une destination. Peu importe ce que... de quel appareil démarre cette
connectivité sécurisée, qui est très sécuritaire d'ailleurs, bien, si la
personne transpire de l'information à la source, elle va ressortir l'autre
côté, au bout du tunnel, comme on dit. Donc, si la destination, après ça, s'en
va dans l'Internet et après ça s'éparpille partout, bien, l'identité aussi va
s'éparpiller partout. Donc, c'est une fausse sécurité de dire : Le VPN
nous protège de tout, protège l'identité. C'est juste que présentement, si je
connais... je suis connecté par exemple au réseau sans fil de l'Assemblée nationale
et j'active mon VPN, bien, le transit que prennent mes données à partir de mon
appareil jusqu'à l'Internet, mon point de sortie, l'Assemblée nationale, ne
verra pas qu'est-ce que j'ai généré ou communiqué. Mais, «à destination», vers
quelle destination je vais aller? Si je vais chez Microsoft, par exemple, bien,
chez Microsoft... va savoir que je me suis connecté, mais oui, vous avez
raison, pas à partir de l'Assemblée nationale, il sera à partir de mon point de
sortie où j'ai terminé ma connexion. Donc, petit élément technique.
Alors, est-ce que c'est le bon moyen? Non,
parce que vous avez raison aussi, le jeune, il sait que ça existe, il y a des
paquets de solutions de ce type-là, VPN, qui existent et qui vont faire des
contournements de sécurité. Par contre, il y a des moyens techniques d'empêcher
aussi qu'un VPN s'active et qu'il soit utilisé, puis on peut le... on peut le
vivre à chaque jour. Je veux dire, il y a des portails d'information, de médias
qui l'empêchent, la consultation d'informations, alors que le VPN est activé,
parce qu'ils connaissent déjà la banque d'adresses que cette compagnie-là de
VPN utilise.
Alors, est-ce que c'est une solution
technique qui peut favoriser ou non le VPN? La réponse, c'est oui. Demain
matin, il va-tu y avoir une autre technique qui va apparaître? La réponse,
c'est oui aussi.
Mme Prass : Et, quand vous
parlez, justement, puis que vous mentionnez dans votre mémoire aussi, ça
incombe aux parents d'être un petit peu l'exemple puis de faire un petit peu la
surveillance, comment est-ce qu'on fait pour aller rejoindre ces parents, pour
les sensibiliser à cette réalité-là? Parce que souvent, ils se disent :
Bien, tu sais, c'est un travail qui va se faire à l'école, ce n'est pas
nécessairement ma responsabilité. Comment est-ce qu'on fait pour aller les
rejoindre?
M. Waterhouse (Steve) : Bien,
de dire que le travail va se faire à l'école, c'est là qu'on travaille un peu
de la pensée magique, parce que les professeurs le font, encore une fois, d'une
façon... avec qu'est-ce qu'ils ont appris avec le temps d'une connaissance
personnelle, puis ce n'est pas toujours les meilleures pratiques qui sont mises
de l'avant, on ne le cachera pas. Est-ce que le prof d'aujourd'hui a le temps
d'apprendre ce volet-là en plus du reste qu'on lui impose? Ça fait partie d'un
sujet parmi les autres sur la pile. Ça fait que, s'il faudrait amener le prof
dans l'équation, pas... dans la solution, il faudrait l'enseigner... lui
enseigner, à ce moment-là, puis j'ai déjà lancé une initiative, voilà quatre
ans, de former les formateurs, former les profs de cégep, former les profs au
secondaire, puis l'initiative a été...
M. Waterhouse (Steve) : ...il
a été froidement reçu parce que là j'étais comme si je froissais certains ego,
je froissais certaines personnes que là je venais leur dire comment faire leur
travail. Mais la réponse c'est oui parce que je leur disais : Vous n'avez
pas les connaissances à jour puis je l'ai vérifié à plusieurs aspects.
Autrement dit, je me suis inscrit à des cours qui étaient offerts et c'était
d'une piètre qualité que ça dérangeait et ça créait plus de problèmes que ça
apportait une éducation utile pour que les gens puissent s'en servir
équitablement. Alors à votre question, c'est là qu'il faut regarder ça d'une
autre façon puis le parent je ne sais pas s'il y en a qui se souviennent, dans
notre jeunesse, on avait dans les années 80, dans les premiers
balbutiements informatiques décentralisés, l'émission qui était à Télé-Québec
sur qui s'appelait donc, je viens d'oublier le nom, et qui était une émission à
caractère social pour donner aux gens cette éducation-là. Qu'est-ce que c'est
une disquette? Qu'est-ce qui est un ordinateur, comment le démarrer, etc.
Est-ce qu'on doit retourner à cet enseignement-là, interactif, via une émission
spécialisée? La réponse, je crois que c'est oui. Et à Télé-Québec, je veux
dire, c'est quand même un canal bien utilisé pour la documentation ici, je
crois que ce serait un bon médium avec lequel pousser l'idée qui était Octo-puce,
l'émission du temps.
Mme Prass : Octo-puce, c'est
ça? C'est parfait. Puis j'aurai une dernière question pour vous : Vous
avez mentionné au début de votre intervention toute la question de la
cybercriminalité, cyberintimidation, etc. Pensez-vous que les forces de l'ordre
ont assez d'effectifs qui sont mis à contribution pour suivre ces enjeux-là?
M. Waterhouse (Steve) : Au
cours des dernières représentations que j'ai faites dans des comités similaires
ici, j'ai toujours apporté comme conclusion : Il faut donner plus de
ressources financières, techniques et humaines aux services policiers pour
accomplir ce travail-là. De même, on en a entendu parler justement hier, un
sujet dans la place publique que la ville de Québec demande plus de ressources policières.
Mais cet exemple-là, ça va aussi dans le domaine où est-ce qu'il faut tenir
compte de la réalité sur le terrain? Est-ce qu'il y a plus de crimes
technologiques où il y a plus de crimes à caractère traditionnel? Bien, le
crime avec violence va prendre préséance sur un crime technologique. Il n'y a
pas de violence en principe, il y a une énorme violence psychologique qui sont
rattachée souvent au vol d'identité, au vol de portefeuille de quoi que ce
soit. Il faudrait peut-être l'adresser, ça aussi. Même la capacité nationale,
elle est présentement sous-évaluée, il n'y a pas assez d'argent pour le CNC3
donc la GRC qui fait ce centre de coordination nationale pour la
cybercriminalité... contre la cybercriminalité. Et ce n'est pas demain matin,
eux autres aussi, que leurs rangs vont être comblés. Donc, globalement aussi,
il y a des efforts aussi à l'échelle de la planète que tous y contribuent. Mais
évidemment, le problème croît par l'usage de la technologie puis aussi bien,
les éléments qui vont aider des forces de l'ordre qui vont aider là-dedans,
mais ils ne sont nécessairement pas en pleine puissance, autrement dit, pour
venir aider la population lorsqu'ils sont dans le trouble.
Mme Prass : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Dionne) : Mme
la députée de Hull.
Mme Tremblay : Oui. Alors,
bonjour. Au niveau des compagnies, là, Facebook et tout ça, est-ce que...
comment est-ce qu'on peut agir envers eux, avec l'expérience que vous avez,
pour leur imposer des règles? Puis là, je parle d'eux autres, mais même chose
pour les jeux, là, qui qui poussent du contenu publicitaire, qui rendent ça
plus addictif par différents moyens, là, des coffres de récompenses, qu'il y a
des loteries qui ressemblent à des jeux vidéo. Est-ce qu'on peut agir puis si
oui, comment, pour, justement, faire en sorte, tu sais, comme à la
télévision, on a bien contrôlé le contenu dont les enfants, publicitaires, mais
là, est-ce qu'on peut les obliger puis comment ces compagnies-là, justement, à
arrêter, justement, d'atteindre les jeunes?
M. Waterhouse (Steve) : Vous
avez apporté un bon point. Quelle est l'autorité nationale sur la gestion du
contenu à l'affichage? Bien, c'est le CRTC. C'est le CRTC qui peut modérer
aussi les réglementations envers tout qu'est-ce qui est télécommunication,
incluant l'Internet. Maintenant, c'est facile de dire... de vraiment modérer
qu'est-ce qui se diffuse à la radio, qu'est-ce que se diffuse à la télévision,
parce que la conséquence ultime, c'est de retirer le permis de transmission.
Est-ce qu'on peut en retirer le permis de travail à un fournisseur d'accès à
Internet qui ne ferait pas cette modération-là? Donc, il faudrait mandater les
fournisseurs d'accès Internet à faire la modération du contenu. C'est toute une
job. Il se fait actuellement une modération, puis ça, c'est le DMCA, donc un
consortium contre le téléchargement de matériel à connotation copyright, donc
aux droits d'auteur, la protection du droit d'auteur. Et si vous faites le
téléchargement d'une musique ou bien d'un film sans que vous ayez payé les
droits d'auteur, il y a un courriel qui va apparaître dans votre boîte à
courriel parce que le fournisseur d'accès Internet a repéré que vous avez fait
le téléchargement et vous faites probablement usage illégalement de ce matériel-là.
Mais la conséquence, c'est quoi? C'est une tape sur les doigts parce qu'il est
impossible d'identifier qui qui est au bout pour mettre des accusations de viol
de copyright alors que c'est seulement une adresse IP qui transpire dans les
journaux d'audit de cette organisation-là.
• (11 heures) •
Maintenant, est-ce qu'on revient à
dire : il faut mandater un fournisseur d'accès à Internet à faire cette
modération du contenu Internet, mais là aussi, vous allez avoir une levée de
boucliers incroyable. Puis après coup, bien, les gens vont prendre simplement
une technologie VPN, vont sortir dans un autre pays, ça ne s'applique pas puis
ils vont le consommer comme ça. Alors, qu'on revient à notre licence radio et
télévision...
11 h (version non révisée)
M. Waterhouse (Steve) : ...qui
est vraiment régionale, locale, ça fait que ça ne va pas outre frontières, bien
souvent, là.
Mme Tremblay : Et au niveau
de... Parce que, là, les compagnies essaient un peu de s'autoréguler, vous l'avez
vu, ils ont fait des annonces, tu sais, pour justement moins atteindre les
jeunes, moins amener de compagnies. Est-ce que vous pouvez... est-ce qu'on peut
leur faire confiance en lien avec ça, parce qu'il s'autorégulent, eux autres
mêmes, ou nous, on peut plus les amener à s'autoréguler, justement.
M. Waterhouse (Steve) : Ça va
compléter votre première question. Il est un peu de la pensée magique qu'ils
vont se... Chaque compagnie dans le monde avec des bassins d'utilisateurs,
comme chez Meta, de 2 milliards quelque chose, vont dire : Le Québec, c'est
un marché d'une dizaine de millions de figurants, probablement, est-ce que ça
pèse dans la balance pour dire : On va se plier, on va changer nos façons
de faire? C'est un effort en commun. C'est pour ça que je disais : C'est
un travail d'équipe. Si tous les horizons travaillent dans le même sens, la
compagnie va avoir, à ce moment-là, à se remettre en question, ça, c'est
évident. Alors, des législations, des lois vont faire... vont aider parce
que... est-ce qu'une compagnie comme Meta veut avoir des problèmes légaux avec
une entité légale, que ce soit une province, un pays ou autre? La réponse,
probablement, c'est non, mais dépendamment, qu'est ce que ça leur implique,
parce que, s'il y a un gros coût rattaché à faire un changement dans leurs
façons d'être et de faire, ils vont tenter le tout pour le tout, puis ils ont l'argent,
je crois, pour supporter une bonne équipe d'avocats pour contrer la loi envers
lequel ça leur cause un petit problème, peut-être même régional, si je peux
utiliser ce terme-là.
Alors, c'est là que les compagnies vont
tout faire pour aider, satisfaire leur clientèle. C'est toujours une question d'argent.
Ça fait que, si la mathématique dit : ça leur est profitable à moyen ou
long terme, ils vont le faire, mais, si ça ne l'est pas, ils vont trouver
toutes sortes de moyens pour le contrer.
Mme Tremblay : Ça fait que,
dans le fond, c'est plus on... plus, collectivement et mondialement, il y a des
pressions qui sont faites, parce que le Québec agit, puis plusieurs autres
pays, là, agissent aussi, c'est plus cette pression-là qui amène, finalement...
c'est chaque petit geste que, collectivement, on pose, finalement, qui va
amener les compagnies, tranquillement, pas vite, à changer puis à modifier.
M. Waterhouse (Steve) : Oui.
Et il faut le faire le faire constructif aussi. Il ne faut pas dire... encore
là, rentrer sur les médias sociaux, peu importe lesquels, et à outrance,
négativement, défaire la compagnie puis dire : C'est une compagnie qui ne
fait pas ci, ne fait pas ça, mais bien aller de façon constructive puis
proposer des solutions. Alors, si, de ce comité ressortent des propositions
intéressantes pour la compagnie, c'est de le mousser, de vraiment maximiser la
publicité de ces solutions-là à leur apporter.
Puis, oui, effectivement, si on peut
apporter, après ça, dans la francophonie, qui est quand même dans la dizaine de
millions d'utilisateurs, bien, ça fait un levier encore plus important, qui va
parler plus fort, justement, à ces grands conglomérats.
Mme Tremblay : Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
M. le député de Marquette.
M. Ciccone :Merci beaucoup, Mme la Présidente. M. Waterhouse, merci
beaucoup d'être là aujourd'hui. On a effleuré un peu la sécurité, mais d'en
parler avec un expert de renom comme vous, on est très... c'est très, très,
très apprécié, d'être parmi nous.
Plusieurs éléments ont été évoqués aujourd'hui,
là, mais, oui, c'est vrai qu'on parle... une commission spéciale pour protéger
les jeunes des écrans, et sur la santé et leur développement, mais on sait que
la sécurité, là, informatique, ça touche tout le monde, là. Je veux dire, il y
a des tentatives d'hameçonnage même... Si je demande à mes collègues, au moins
une fois par semaine, là, on tente... on nous envoie un courriel puis on tente
de nous hameçonner. Il y a les aînés aussi qui sont touchés énormément dans ça,
les jeunes, mais, selon vos recherches, vos chiffres, votre expérience, qui est
le plus susceptible d'être visé par les malfaiteurs?
M. Waterhouse (Steve) : La
personne qui n'est pas attentive dans l'utilisation de moyens technologiques et
la personne qui est émotionnellement chargée. Je dis ça de cette façon-là pour
tout simplement dire : Comme vous vous dites, on reçoit un paquet de
correspondances, et, souvent, dans l'instant d'un moment, on va appuyer sur le
bon bouton ou le mauvais, et c'est là que, souvent, la malice va s'installer,
parce qu'on n'a pas porté attention. Il y avait un hyperlien, l'hyperlien a
téléchargé du code malicieux, et l'appareil est compromis, a rentré un
rançongiciel dans l'organisation. C'est souvent le modus operandi.
Alors, c'est de cette façon-là que, quand
on reçoit des transmissions qu'on ne s'attend pas, même quand on s'y attend...
bien, il faut juste prendre le temps de le regarder et d'y porter attention,
peu importe l'âge. Parce que le jeune, lui, il va être curieux, il va aller de
façon... tête première, il va foncer puis il ne verra pas les conséquences. Une
personne plus mature, voire plus âgée, bien là, va le faire, encore une fois,
avec cette même curiosité, mais peut-être avec un pas de recul, mais il va y
aller pareil, l'appareil va être compromis, puis, après ça, il va vivre avec
les conséquences de soit un rançongiciel, du vol d'identité, un téléphone qui
apparaît que... chez eux, qui sonne chez lui ou chez elle et que... Microsoft
veut l'aider parce qu'il lui dit qu'il a été infecté, tout simplement.
Alors, si on appelle... si on appelle la population
à comprendre une bonne fois que, non, les grands conglomérats ne vous appellent
pas en guise de prévention, ni non plus le gouvernement, Revenu Québec, Revenu
Canada... Il n'y a pas d'organisation qui appelle direct le citoyen. On est
quand même à cette étape de base de...
M. Waterhouse (Steve) : ...rappeler
que les services publics, les grandes compagnies n'appellent pas chez les gens.
Ça, on fait juste envoyer ce message-là officiellement, bien, les gens, à ce
moment-là, sauront à quoi s'attendre, et ils pourront mettre fin à cette
sollicitation-là non voulue, et en ligne, bien, lorsqu'ils recevront ces
messages non sollicités, ils pourront les détruire tout simplement.
M. Ciccone :Avez-vous des exemples concrets où vraiment, là, les
malfaiteurs vont cibler nos jeunes, soit par Meta, soit par ByteDance, par
exemple, TikTok, ou même chez les jeux vidéo? Il y en a... il va y avoir des
conversations, puis il y en a qui vont s'infiltrer. Avez-vous déjà des exemples
concrets? Comment on cite nos jeunes avec les outils, dont... les plus
populaires chez nos enfants, de nos jeunes?
M. Waterhouse (Steve) : Tout
à fait. Ça commence justement par les environnements sociaux, que ce soit par
les plateformes, les Snapchat, Instagram. Mais oui, les plateformes de jeux
vidéo, c'est très subtil. Et parce qu'il y a ce mysticisme, autrement dit, les
gens sont tous avec un avatar, c'est difficile de connaître qui, qui est à
l'autre bout. Et donc lorsqu'il y a une proximité qui se développe, c'est vu,
dans plusieurs cas, lorsqu'il y a eu justement un rapprochement entre un
criminel ou une personne de mauvaise intention, disons, et un jeune dans
l'environnement de jeu, ils vont s'allier, ils vont faire des conquêtes
ensemble, si je peux utiliser cette analogie et après ça, donc ils viennent
buddy, buddy, puis après : Aie! il faudrait peut-être se voir, ça serait
le fun prendre une petite liqueur ensemble, si ça se fait encore. Mais après
ça, ils vont s'en d'aller justement à un endroit physique. Et après ça, le
jeune peut en être désavantagé de cette façon-là, tout comme les jeunes filles
qui sont sollicitées, et que ce soit sur le terrain... le milieu
d'environnement scolaire, mais que combien... lorsque j'ai eu des discussions
avec des adolescents et des adolescentes, bien, ils disaient : Ils sont
submergés, comme on dit dans le bon jargon, des dick pic, autrement dit, des
photos non sollicitées d'appareils génitaux masculins, c'est rendu commun. Ce
n'est même plus une exception : Aie! rapporte-le à la police. Malgré qu'à
travers le monde on a le plus haut taux de rejet de ces éléments-là, au de lieu
de les rapporter, les gens... il y en a tellement, ils les effacent, tout
simplement. Ça va... ça passe à un autre appel, là.
M. Ciccone :Avec nos outils de protection qui sont disponibles
présentement, là, il semble qu'on est toujours en retard. Il est- tu... Est-il
utopique de penser qu'un jour on va être capable de prendre le dessus?
M. Waterhouse (Steve) : La
réponse, c'est non. Parce que les attaquants ont toujours l'avantage sur les
moyens technologiques. Je parle pour les réseaux corporatifs, institutionnels,
peu importe. C'est toujours plus facile pour un attaquant d'aller exploiter une
vulnérabilité que personne ne connaît encore. Et au moment où est-ce que les
gens vont s'en apercevoir, il y a déjà eu méfait de commis. Alors, c'est pour
ça que... Je vous donne la vérité telle qu'elle est, je n'essaie pas
d'embellir la chose, mais je vous donne un exemple, là, où est-ce que ça va être
d'un extrême versus un autre. Chez moi, lorsque les enfants étaient
adolescents, bien, c'est plate pour eux autres, j'étais le seul instructeur
d'un produit de filtrage d'accès Internet et j'avais le matériel nécessaire
pour que la maison soit complètement filtrée pour l'accès à Internet. Et je
pouvais voir en temps réel qu'est-ce qui se faisait, et ils étaient avertis,
là, je ne le faisais pas à couvert, mais j'étais en mesure de voir aussi les
menaces qui venaient les chatouiller. Tout comme après ça, d'être en mesure
d'intervenir vers les destinations et de prévenir vers des sites illicites.
Bon, maintenant, est-ce qu'un parent
devrait aller chercher toutes ces qualifications-là? La réponse, c'est non,
c'est impossible. Par contre, 15 ans plus tard, 20 ans plus tard, il
y a des technologies qui se prêtent aujourd'hui à des moyens de base qui
peuvent être installés, configurés chez les résidences et minimiser ces
risques-là d'accès non voulus vers l'extérieur. Donc, il y a un élément de base
qui peut être... consigné à la maison. Et le parent, à ce moment-là, bien, il
aura cette assurance que, si jamais il y a un site malveillant qui émerge dans
son environnement, que ce soit à caractère pornographique, à caractère
pédopornographique ou quoi d'autre que le parent peut décider, bien, ça peut
être filtré dès là. Aujourd'hui, la technologie est disponible, oui.
M. Ciccone :Merci beaucoup, mais merci de responsabiliser les parents,
parce qu'on a eu votre mémoire, là, il est tout chaud, il vient d'arriver, là.
M. Waterhouse (Steve) : Il
n'est pas complet, en plus.
M. Ciccone :Puis vous responsabilisez les parents là-dedans, puis je
pense que ça commence là. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci,
Mme la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme Cadet : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Donc, à nouveau, M.... M. Waterhouse, à l'instar de ma
collègue de Hull, donc, je m'interroge, donc, sur les pratiques... bien, en
fait, sur les... la régulation de certaines pratiques commerciales des
plateformes. Elle en a nommé quelques-unes, donc, par exemple, donc,
l'encadrement de la publicité en ligne ou les mécanismes donc de rétention
d'information, de captation d'information des jeunes, donc qui les... donc,
gardent, donc, sur les médias sociaux.
Moi, j'aimerais peut-être vous entendre
sur... bien, en fait, de voir si vous, vous en verriez d'autres, pratiques,
notamment, encore une fois, c'est quant à la sécurité des données, parce qu'on
sait le modèle d'affaires, donc, des entreprises de médias sociaux, donc, qui
sont basés là-dessus. Mais est-ce qu'il y a certaines pratiques qui seraient...
sur lesquelles il serait plus critique de se pencher, nous, comme législateurs?
• (11 h 10) •
M. Waterhouse (Steve) : Oui,
c'est de peut-être continuer dans la lancée de la loi 25. On sait que,
présentement, elle a eu cette troisième phase qui a pris forme le
22 septembre dernier, j'ai eu l'occasion de contribuer aux travaux du
projet de loi n° 64, et, à travers de ça, c'est qu'il faut davantage...
M. Waterhouse (Steve) : ...davantage
et demander à la Commission d'accès à l'information du Québec qu'elle éduque la
population envers ses droits, ses droits, ce que... Cette loi 25 dit quoi?
Bien, c'est le droit, justement, à ce que, l'information que l'on confie, bien,
on est en droit de savoir où elle va aller, l'information, à quelle fin elle va
servir et, après ça, quel est son temps de retenu, comment ça va être détruit
ou, tout simplement, si je vais être oublié de l'Internet, de la facilitation.
Elle a le droit à l'oubli, qui est appelé. Alors, si cette... la CAI fait son
travail, que... Présentement, elle est très invisible sur le public. Parce que,
quand on jase avec n'importe qui, ça demande : Que c'est ça, cette loi
n° 25 là? Ils ne savent rien. Parce que, quand j'étais justement à l'autre
côté du rideau, j'étais en... je voulais faire un travail conjoint avec eux,
puis il y avait une fin de non-recevoir incroyable, alors que soit ils étaient
submergés... tout simplement pas assez de personnes pour faire le travail.
Donc, il faut leur donner, aux autres aussi, les ressources pour qu'ils aient à
porter à la population cette éducation de base. Donc, s'ils font ce travail-là,
ça va vous faciliter la vie, à la commission, après ça, pour dire : Les
données personnelles, bien, comment est-ce que vous, comme citoyens, vous devez
en prendre connaissance et surtout restreindre la distribution? Parce que les
gens donnent beaucoup trop d'informations. Ils s'exposent inutilement, mais ils
le font, des fois, sans malveillance, pour tout simplement avoir accès aux
biens et services.
Alors, s'il faut... On peut questionner le
narratif. Pourquoi vous avez besoin de mon adresse? Pourquoi vous avez besoin
de mon adresse courriel? À quoi va servir mon numéro d'assurance sociale si je
vous le confie? Bien, ça, c'est qu'est-ce que le citoyen doit demander. Le
consommateur doit demander au commerçant. Puis le commerçant, s'il n'est pas
capable de l'expliquer, bien, il a deux choix... Je ne vous vends pas le produit
si vous ne me donnez pas l'information. Mais là, après ça, on peut questionner,
il y a des pratiques douteuses, parce qu'il veut avoir toute mon information
pour aucune fin. Alors, c'est là qu'il y a... On est dans cet élément-là de
changement. On peut considérer... peut-être dans un tourbillon. Mais il faut y
porter attention et il faut, à ce moment-là, encore une fois, faire valoir nos
droits parce que, si on ne les fait pas valoir, ils vont être dissous à travers
le temps, puis on va se demander comment ça se fait qu'on n'est pas protégés.
Mme Cadet : Ça fait que, pour
vous, donc, la demande de ces renseignements personnels dans le cadre d'une
transaction entre la plateforme et l'utilisateur, donc, ça, c'est quelque chose
sur lequel on a un levier, là, vous le voyez.
M. Waterhouse (Steve) : Bien,
vous avez toujours le choix. Pareil comme quand vous entrez dans un
établissement et qu'on vous dit : Vous êtes filmé. Bien, ça, c'est
l'avertissement comme quoi vous consentez, si vous rentrez, passez cet
écriteau, que vous acceptez d'être filmé. Mais, s'il n'y a pas d'écriteau qui
vous avertit en ce sens, c'est une violation de la vie privée en soi.
Mme Cadet : C'est ça, oui.
C'est ça. Puis là je pense, par exemple, donc... Parfois, il y a un peu, donc,
ces jeux en ligne. Donc, on... Donc, on est, donc, sur Facebook, et là, donc,
il va y avoir, donc, ces jeux. Je veux dire : Regardez, donc, de quoi vous
aurez l'air quand vous aurez 65 ans. Et là, donc, les gens, donc, cliquent
là-dessus, donnent, donc, tous leurs renseignements personnels. Donc, il y a
quand même, donc, une partie, donc, de reconnaissance faciale là-dedans puis,
parfois, il y a une demande, donc, de transmission de renseignements personnels
qui est... qui accompagne ce clic-là, mais on va directement vers un autre
fournisseur. Ça fait que j'aimerais vous entendre sur ces types de pratiques.
M. Waterhouse (Steve) : Dans
votre exemple, je ne peux... je ne peux m'empêcher de penser que le... lorsque
ça a sorti voilà six ans peut-être, c'est un consortium russophone qui était
derrière l'accumulation de cette information-là, puis on ne sait toujours pas à
quoi, à quelle fin qu'elle va servir, alors que Cambridge Analytica a été un
cas à partir de dénonciations de l'interne, un cas tapant sur de la captation
d'informations sans le consentement de l'utilisateur et servie à d'autres fins.
Il y en a plein, de plateformes qu'on pourrait passer la journée à jaser qui en
font cette captation-là. Ça fait que, quand on amène ça dans la cour d'un
enfant, d'un jeune puis il se fait demander un paquet de questions, ton papa à
quel âge?, ta maman à quel âge?, puis après ça, vous vivez à quelle adresse?,
le jeune, il ne se posera pas de question sur l'évaluation du risque, il va
tout simplement dire... parce qu'il veut soit accéder à un niveau supérieur ou
quoi que ce soit, et, subtilement, l'information va sortir, va percoler vers ce
fournisseur de services là, puis ça a été vu dans le passé. Ça fait que c'est
pour ça qu'il faut avoir cette éducation-là de : L'information, là,
qu'est-ce que vous... en quoi vous êtes responsable et jusqu'où ça peut aller?
Il faut en faire des démonstrations.
Mme Cadet : Ça fait que, dans
cet exemple...
La Présidente (Mme Dionne) : ...
Mme Cadet : O.K. Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : ...désolée,
Mme la députée, c'est malheureusement tout le temps que nous avons. Alors,
merci infiniment, M. Waterhouse, pour votre contribution à ces travaux.
Alors, pour ma part, je suspends la
commission quelques instants pour accueillir notre prochain invité.
(Suspension de la séance à 11 h 14
)
(Reprise à 11 h 25)
La Présidente (Mme Dionne) :
La commission reprend maintenant ses travaux. Donc, je souhaite la bienvenue à
Mme Bonenfant et Mme Dumont. Alors, bienvenue à cette commission. Merci pour
votre contribution. Alors, je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour nous
faire part de votre exposé. Par la suite, nous procéderons à une période
d'échange avec les membres de la commission. La parole est à vous.
Mme Bonenfant (Maude) :
Parfait. Merci beaucoup...
Mme Bonenfant (Maude) : ...beaucoup,
Mme la Présidente. Merci à vous tous et toutes. On veut vous remercie beaucoup
pour la mise en place de la commission. On doit vous dire que ça faisait
longtemps qu'on attendait une telle action politique, donc on est vraiment
très, très, très heureuses d'être là. On a beaucoup d'idées à vous présenter.
On a essayé de cibler sur six qu'on va vous exposer.
Je suis Maude Bonenfant. Je suis
professeur au département de communication sociale et publique à l'UQAM. Je
suis aussi titulaire de la Chaire de recherche du Canada en jeu, technologies
et société. J'étudie le jeu vidéo depuis 20 ans et depuis une douzaine
d'années, je suis aussi dans les études de, la surveillance, donc je comprenais
bien ce que le précédent présentateur était venu vous parler. Donc, j'ai
vraiment un pied dans les aspects très positifs des technologies, des jeux
vidéo, mais aussi les aspects plus négatifs, puis j'ai aussi une vue d'ensemble
de l'objet lui-même. Donc, vous avez beaucoup entendu parler des impacts, mais
on va moins vous parler des impacts, mais plutôt de l'objet, l'interface,
comment ça fonctionne, le design mais aussi le système techno-économique. Je
travaille aussi avec des juristes, donc on commence à bien connaître les lois,
et avec des informaticiens. Donc, si vous avez des questions sur les objets.
Aujourd'hui, je suis accompagnée
d'Alexandra Dumont.
Mme Dumont (Alexandra) : Oui,
bonjour. Je suis doctorante en communications à l'Université du Québec à
Montréal également. Je me spécialise aussi dans les jeux vidéo, dans l'étude
des jeux vidéo puis plus particulièrement dans le cadre de ma thèse, je me
concentre sur les mécaniques de hasard dans les jeux mobiles. En parallèle à
ça, je suis également co-directrice à la Chaire du Canada jeux vidéo,
technologies et société, où on a, entre autres, réalisé une analyse sur un
corpus de jeux mobiles pour enfants pour explorer, bon, les questions de vie
privée et les mécaniques qui s'y retrouvent.
Mme Bonenfant (Maude) : Je
dois dire que la chaire vient de changer de nom. Avant, c'était la Chaire de
recherche sur les données massives et les communautés de joueurs. Donc, vous
voyez vraiment que l'aspect surveillance est très important pour nous.
Donc, vous avez entendu beaucoup de
recommandations, mais il y a... des fois qui n'étaient pas dans la même lignée.
Mais je pense que tout le monde, on s'entend qu'on veut essayer de mieux
protéger les jeunes. Nous, on croit qu'il faut vraiment agir en amont. Je pense
que Dr Généreux disait : «En santé publique, si on agit à la source, on
prévient beaucoup les problèmes en aval». Donc, c'est... on est un peu dans
cette direction-là dans nos propositions. Comme je vous disais, on en aurait eu
beaucoup. On a essayé d'en choisir six, qu'on considère très importantes, mais
aussi réalistes et très concrètes, et donc qui pourraient relativement
facilement se mettre en place rapidement.
Donc la première recommandation part d'un
constat, donc la problématique la classification actuelle est autorégulée par
l'industrie, et là je vais surtout parler des jeux vidéo. Je m'y connais moins
en médias sociaux numériques. Et donc, en gros, pour aller rapidement, présentement
c'est le ESRB qui est l'institution, l'instance qui donne une cote sur les jeux
vidéo qui est en fait issu de l'industrie, et donc en fait c'est le lobby de
l'industrie qui a mis en place la classification des jeux vidéo présentement,
et donc qui ont déterminé les cotes. Eh bien jusqu'en 2018, il y avait une cote
qui s'appelait Petite enfance, «Early Childhood», mais elle était tellement peu
apposée par l'industrie elle-même qu'elle était éliminée. Et donc aujourd'hui,
si vous regardez tous les jeux pour enfants, ils sont tous pour tous. Et donc
déjà, là, ça cause un problème parce que ce n'est pas... ça ne veut pas dire
que le jeu est bon pour l'enfant, ça veut juste dire qu'il n'y a pas de contenu
mauvais pour lui. C'est une grosse nuance qui est apportée. Et évidemment, les
jeunes, on a été très, très surpris de ça, quand on regarde des jeux pour
enfants, les conditions d'utilisation s'appliquent pour les 13 ans et
plus. Ça veut dire que même un jeu pour un cinq ans, il est protégé comme un 13 ans
et plus. Donc, présentement, nos jeunes de 12 ans et moins ne sont pas du
tout protégés comme ils le devraient en termes de collecte de données, et ceci
légalement puisque c'est écrit dans les conditions d'utilisation que l'on
accepte et donc, ça, on pourra en parler, on a beaucoup travaillé aussi sur les
conditions d'utilisation.
Parallèlement à ça, bien, les magasins
d'applications donnent leurs propres cotes. Donc l'App Store et la Google Play
Store donnent leurs propres cotes qui souvent ne concordent pas pour le même
jeu. Ils rajoutent des cotes comme le Google Play Store va rajouter la
«approuvée par les enseignants» qui n'est pas valable non plus. On pourra vous
le démontrer si vous voulez, on a toutes les preuves à l'appui. Bref, il y a
beaucoup de confusion, il y a beaucoup de mauvais messages, et on envoie des
fausses informations aux parents considérant la sécurité du jeu qui devrait
être pour les 4 à 6 ans mais qui en fait l'enfant n'est pas du tout protégé et
ce n'est pas du tout adéquat pour lui.
• (11 h 30) •
Donc nous, ce qu'on propose, c'est
vraiment une instance indépendante qui viendrait faire de la classification,
apposer des cotes sur les jeux vidéo et les plateformes numériques avec...
11 h 30 (version non révisée)
Mme Bonenfant (Maude) : ...des
experts indépendants qui viendraient vraiment évaluer selon les stades de
développement de l'enfant, puis en fonction de sa protection, exactement à l'image
de la Régie du cinéma qui est maintenant sous le ministère des Communications
et de la Culture, et donc on ferait ce travail-là. Donc, une instance comme ça,
déjà, on aurait fait un gros pas pour que... donner des informations aux
parents pour prendre des bons choix.
Le deuxième problème, c'est que, et ça va
dans le continuum, la classification actuelle, peu importe laquelle, elle n'est
basée que sur le contenu, on ne tient pas compte des mécaniques alors que c'est
hyper important, surtout quand on parle de faire faire des actions à nos
enfants, ça peut avoir un pouvoir persuasif très fort. Et donc ça, ce n'est pas
pris en compte. Parfois, on va indiquer certains éléments, par exemple, si on
collecte la géolocalisation, s'il y a des contacts sur Internet, s'il y a d'autres
joueurs, bon, etc. Il va y avoir certains éléments, mais ça n'intervient pas
dans la cote. Donc, ça peut être quand même une cote pour tous, mais avec des
éléments qu'on ne voudrait pas pour nos enfants. Donc, nous, ce qu'on propose,
c'est parallèlement à l'instance indépendante, c'est qu'on crée une cote qui
tienne compte de ces éléments là, interactifs, qui tienne compte aussi de la
collecte de données. La cote dont je vous parlais pour petite enfance, elle
était accotée sur la COPA, qui est la loi étasunienne de protection de la vie
privée des enfants, qui est la plus restrictive. On pourrait se baser là-dessus
pour dire : Bien, pour les jeux 12 ans et moins, on considère que ça
protège les enfants comme la COPA devrait les protéger. Donc, il y aurait des
agencements quand même relativement faciles à opérer, sans nécessairement faire
une législation comme telle pour mettre en place à la fois une instance
indépendante pour apposer des cotes, à la fois des cotes qui reflètent bien le
développement, le stade de développement de l'enfant, ses besoins de protection,
et on pourrait être très granulaire dans la cote et donc dire : Bien, six
ans et moins, il n'y a pas ça, 12 ans et moins, il n'y a pas ça, 16 ans
et moins, etc. Et là on pourrait vraiment aller pour avoir une cote à laquelle
les parents pourraient vraiment se fient.
Là, ici, je vais juste faire une petite
parenthèse. On en a peut-être peu parlé ou, du moins, on a écouté beaucoup des
personnes qui sont passées, mais c'est peut-être un élément qui est moins venu,
présentement, dans le système économique, là, juste pour faire rapidement, là,
avant, tu sais, on pouvait acheter un jeu, on jouait, qu'on joue 20 minutes
ou deux heures, ça ne changeait rien, et puis, à un moment donné, il y a eu un
passage à... des transformations dans les modèles économiques, et on est passé
de ce qu'on appelle un jeu comme produit, un jeu en tant que produit, à un jeu
comme un service, et donc c'est un jeu qui dure 5, 10, 15, 20 ans, avec du
contenu qui est ajouté, et les jeux gratuits. Et ce passage-là vers ces modèles
économiques là, bien, évidemment, comme on ne paye pas à l'entrée, bien, il
faut garder les gens connectés le plus longtemps possible, les faire dépenser,
etc. Et c'est ce passage là de ce nouveau modèle économique là qui a entraîné l'apparition
d'une grande quantité de mécaniques malveillantes par rapport au design. Et
donc, là, présentement, tout est dans... tout est dans... comme noyé. Donc, les
bons jeux vidéo sont noyés à l'intérieur des mauvais jeux vidéo. Puis les deux,
hein, on est très joueuse, on adore les jeux vidéo, donc comprenez-nous bien,
là, c'est très frustrant, même nous qui connaissons ça, d'essayer de trouver
des bons jeux dans le flot. Alors, j'imagine les parents qui n'ont pas le
temps, il faut qu'ils trouvent un jeu à télécharger très rapidement. Mais là, s'il
y avait la cote québécoise qui dit : Ça, pour les 12 ans et moins, il
n'y a pas de problème, tu peux le télécharger, ton enfant, il peut jouer, il
est en sécurité. Mais le parent, c'est sûr qu'il favoriserait ça, c'est sûr qu'il
irait voir cette cote de confiance là, et là on donnerait un avantage
économique aux bonnes entreprises qui veulent faire des bons jeux parce que,
dans le flot, elles seraient facilement identifiables, les parents
favoriseraient ces développeurs-là qui ont des bons produits, et là on
viendrait rétablir un peu le ballant économique parce que, présentement, ce qu'on
voit, c'est que même les bonnes entreprises penchent vers le côté obscur, si on
peut dire, parce que l'argent est drainé là, parce que ça fonctionne, d'avoir
ces mécaniques-là, addictives et de dépenses. Et donc, là, si on pouvait
aider... renvoyer... envoyer un signal clair : Mais nous, au Québec, ça, c'est
des bons jeux, on favorise les entreprises qui développent ces bons jeux-là. Et
là on donne un avantage économique à nos entreprises. Et vous le savez sûrement
qu'au Québec on est une grosse plateforme de production de jeux vidéo, on a
plein de petits développeurs qui font des petits bijoux de jeux, et là, ça, ça
viendrait les aider à se démarquer dans ce flot-là de jeux, et, justement, ne
pas avoir besoin d'aller vers ces systèmes-là économiques.
Je fais un petit peu plus vite. Un
problème. Il y a des stratégies malveillantes et du design... du design
persuasif malveillant qui sont utilisés. Ça, vous l'avez beaucoup entendu, je
vais le passer rapidement, mais on pourra revenir éventuellement. Problème
aussi... Oh, je ne vous ai pas dit notre solution pour ça. Ici, la
recommandation, bien... Ah, oui, un...
Mme Bonenfant (Maude) : ...encadrement
législatif sur les interfaces truquées, les incitatifs comportementaux et
autres mécaniques persuasives en fonction de l'âge. Ça aussi, vous voyez, ça va
avec la classification qu'on pourrait faire, mais là, ici, renforcer un
encadrement législatif... c'est assez fou qu'on n'ait pas encore d'interdiction
d'interfaces truquées, alors qu'il y a d'autres législations qui l'ont fait,
mais il y a aussi plusieurs stratégies, là, pour essayer de modifier les
comportements, ce qu'on appelle en anglais des «nudges», qu'on pourrait venir
identifier aussi pour dire : C'est interdit.
Il y a une recherche qui vient de sortir,
récemment, puis c'est vraiment extrêmement choquant, il y a plus d'interfaces
truquées dans les plateformes pour enfants que pour les plateformes pour
adultes. Alors, il y a vraiment quelque chose qu'il faut faire là, il faut
agir, puis je pense que, là, il y aurait une intervention.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci,
Mme. On peut poursuivre la discussion avec les collègues, qui ont sûrement un
tas de questions à vous poser, alors...
Mme Bonenfant (Maude) : Oui.
Je m'excuse, je... Ça fait des années que j'attends ce moment.
La Présidente (Mme Dionne) : Bien,
ça nous fait vraiment plaisir de vous accueillir, puis on est tous très heureux
aussi de cette commission spéciale. Alors, on va débuter avec M. le député de
Marquette.
M. Ciccone :Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci beaucoup à vous
deux. Merci pour votre mémoire puis merci d'avoir mis des images aussi pour
ceux qui ne sont pas familiers, là, avec les jeunes. Moi, le mien est rendu à
25, là, il y a beaucoup de nouvelles technologies, des nouveaux jeux, puis on
les lit, mais on n'est pas capables de les mettre en images. Alors, merci
beaucoup d'avoir fait ça.
Deux questions très rapides. Vous
mentionnez, dans votre mémoire, le California's Age Appropriate Design Cold Act
et, au Royaume-Uni, The Children's Code... The Children's Code. Selon vous,
est-ce que ça fonctionne?
Mme Bonenfant (Maude) : Oui,
ça fonctionne.
M. Ciccone :Il y a des résultats probants, oui?
Mme Bonenfant (Maude) : Oui.
Oui, ça fonctionne. C'est sûr que... Bien, peut-être que je vais te laisser
répondre.
Mme Dumont (Alexandra) : Bien
oui, en fait, tu sais, l'objectif, surtout, c'est d'établir des guides, des
conseils aux développeurs pour dire : Voici les bonnes pratiques à
réaliser, à... à implémenter dans les jeux, mais aussi de partir à la base de
«Safety by design» aussi, de bien placer... comment dire, d'avoir l'intérêt de
l'enfant en premier, plutôt que d'avoir... Évidemment, c'est sûr que les
intérêts économiques sont là, mais... Est-ce que tu peux compléter...
Mme Bonenfant (Maude) : Oui,
ça marche. C'est sûr qu'on est dans un système qui est global, globalisé, puis
j'ai bien entendu les arguments : comment on peut être David contre
Goliath. Ceci étant dit, oui, mais, à un moment donné, on ne peut pas juste
rester assis puis ne rien faire, il faut commencer à mettre de l'avant. Puis
c'est pour ça qu'avec des règles, même des lois qui sont énoncées, bien, les
bonnes entreprises, les bonnes citoyennes corporatives vont vouloir embarquer
dans le train. Là, pour l'instant, c'est qu'il n'y a même pas ce train-là,
donc, il n'y a même pas cette distinction-là.
À partir du moment où on commence à mettre
des balises : Voici comment bien faire des jeux, bien faire des
plateformes, etc., si vous, bonnes entreprises, vous voulez vous conformer à
ça, bien, on va le reconnaître à travers x et y.
L'autre chose, aussi, c'est que la
législation... Il faut vraiment le prendre, le comprendre en deux, dans deux
volets : il y a vraiment l'énonciation de la législation, tel qu'au
Royaume-Uni et tel qu'en California... en Californie, pardon, et il y a ensuite
sa mise en application avec des poursuites judiciaires. C'est deux choses
distinctes. Et moi, je pense que, déjà, dénoncer une loi, déjà, de dire :
Au Québec, nous, on interdit les interfaces truquées, on interdit telle chose,
on interdit telle chose, on envoie un message, de un, aux entreprises, et, de
deux, à la population. Parce que la loi, aussi, c'est un moyen d'éduquer. Là,
les parents ne le savent même pas, les gens ne le savent même pas, n'ont même
pas une connaissance de ça.
Donc, s'il pouvait y avoir... là, il y a
eu un problème avec la loi no 25, où il faudrait en parler davantage, je suis
tout à fait d'accord, mais, dans le cas d'une législation qui viendrait
encadrer les jeux vidéo, les plateformes numériques, comme ça, il faudrait
qu'il y ait une campagne de sensibilisation pour dire : Voici, ça, ici, ce
n'est pas tolérable parce qu'il y a des experts, la recherche le dit, c'est
mauvais pour les enfants.
Et après il y aura des poursuites. Et là
il y en a, des poursuites, on a plusieurs exemples de poursuites judiciaires,
d'entreprises qui ont cédé puis qui ont fait : Oui, on va se conformer à
ça.
• (11 h 40) •
Mme Dumont (Alexandra) : Oui,
puis un des meilleurs exemples, c'est Fortnite qui est... aux États-Unis, ils
ont reçu, bon, une amende de 520 millions de dollars US, dont un qui est
un recours collectif où les parents pouvaient demander des remboursements en
raison des ventes d'items à offre limitée. Donc, on misait sur l'urgence pour
pouvoir favoriser les ventes.
Donc, ce n'est quand même pas anodin non
plus et une petite somme non plus, là. Fortnite, c'est un des jeux... le plus
populaire auprès des enfants. Et donc ça prouve que, bon, il y a un désir
d'encadrer, de...
Mme Dumont (Alexandra) :
...pouvoir appliquer.
M. Ciccone :
Merci. Dernière question. Moi, j'ai une marotte, ici, là puis mes collègues la
connaissent puis vous êtes une spécialiste dans le domaine, vous avez étudié
plus de 20 ans les jeux vidéo, là. Faux sentiment de sécurité, vous parlez de
manipulation des enfants, des effets nocifs, ciblage publicitaire,
microtransactions, risques de crises, d'une crise de santé publique en ce qui
concerne le risque de développer une dépendance, vous parlez surtout sur les
jeux compulsifs. Êtes-vous d'accord, vous, avec l'implantation des programmes
de jeux vidéo dans les écoles dans nos écoles du Québec?
Mme Dumont (Alexandra) :
Alors, vous allez être surpris. Mais oui, puis je vais vous expliquer pourquoi.
C'est que là, on vous parle des effets négatifs, on vous parle du côté négatif
des jeux vidéo, mais les jeux vidéo ont énormément de côtés positifs. Et moi
c'est ça. Quand j'ai commencé au début des années 2000, c'était les jeux en
ligne et je voyais la socialisation, la communication, l'entraide, le
développement de compétences même, l'empathie, le partage, etc. Et là, je
pourrais vous passer l'apprentissage. Y a plein d'avantages là-dessus. Il y a
plein d'avantages aussi pour des populations pour qui la socialisation en face
à face, où pour une raison ou une autre, peut être plus difficile. Les
personnes neurodivergence, les personnes en situation de handicap, les
personnes en région éloignée, les personnes LGBTQ+, etc. Et donc toutes ces
personnes-là retrouvent une communauté au sein des jeux, ils partagent une
passion et ils développent aussi une confiance en eux. Et là, je vais vous
faire une petite image que je fais souvent. Imaginez, on va prendre l'ado de 14
ans qui, lui, aime beaucoup les jeux vidéo et à l'école il peut en parler un
peu avec ses amis proches, etc. Et là, il joue, il joue, il joue, puis
évidemment papa, maman, déconnecte-toi, il faut que tu viennes souper, tu joues
trop, c'est tannant. Et là, l'enfant, dès qu'il se déconnecte de son jeu, on
lui tape sur la tête, puis on dit tu joues trop, tu ne fais pas ça puis il
n'est pas très bon à l'école et tout ça. Mais lui, il se valorise dans le jeu,
lui, il aime ça, lui, il est reconnu, il se connecte puis il y a un sentiment
d'appartenance, il prend de la confiance en lui et ça, c'est extrêmement
important, surtout à l'adolescence où on veut construire son identité à travers
ces dynamiques-là. Mais imaginez si à chaque fois, il n'est pas reconnu par ses
parents, il n'est pas valorisé, il n'est pas... Et donc, c'est son identité
elle-même qui l'est. Et donc, à un moment donné, tu sais, c'est l'oeuf ou la
poule. Est-ce que le jeu vidéo est le problème ou est-ce qu'à un moment donné
on crée le problème parce qu'on a une vision, disons, péjorative de l'activité?
Ceci étant dit, puis là, vous le savez, il y a des mécaniques qui sont
extrêmement mauvaises, il faut les enlever, mais il y a des très, très bons
jeux aussi où il n'y a pas ce genre de mécaniques là. Si l'enfant, vraiment, il
est à l'adolescence, puis il commence à être, je vais reprendre les mots de ma
collègue Dufour, Magalie Dufour, qui disait Il y avait les verts, les jaunes et
les rouges. Donc, les rouges sont pris par le système. Les verts, tout va bien,
mais c'est les jaunes qui ont besoin de eSport à l'école, c'est les jaunes
qu'on amène qui sont sur le bord de vouloir trop jouer puis risquer l'école. On
les amène dans un programme encadré, eSport études, là, c'est un privilège. Il
faut que tes notes aillent bien, il faut que tu fasses de l'exercice physique,
il faut que tu apprennes les bonnes habitudes de vie, c'est une affaire
d'équipe etc.. Et donc, on l'encadre comme ça. Et là, on se rend compte des
bienfaits. Il apprend à s'autoréguler lui-même, non pas à se faire cogner sur
la tête par papa, maman, mais à lui-même dire : Bien là, j'ai assez joué
et je vais aller faire autre chose. Puis un dernier point, ça fait longtemps
que je veux vous parler, hein?
M. Ciccone :
Vous auriez pu m'appeler, hein? Je veux dire, il n'y a pas de problème...
Mme Dumont (Alexandra) : Mais
juste un dernier point. Dans des recherches qu'on fait parce que je viens de
mener, au sortir de la pandémie, moi j'ai trouvé ça magnifique. Parce que le
jour un de... quand le Québec s'est fermé, les communautés de joueurs et
joueuses étaient déjà en train de s'organiser pour sortir de l'isolement,
organisaient des activités, prenaient des 5 à 7, etc. Déjà, les communautés de
joueurs étaient superorganisées pour s'assurer que tout le monde était correct
et ils ont commencé à se faire du soutien social entre eux. Ils ont commencé à
se faire des petits organismes, à faire des gardiens virtuels. La fondation des
gardiens virtuels émerge de ça et c'est vraiment... et nous, on a fait une
grosse recherche, c'est avec une autre équipe de recherche, là, une grosse
recherche sur le soutien social et la pair aidance dans les communautés de
joueurs et joueuses et c'est magnifique qu'est-ce qui se passe là? Et c'est ça
qu'il faut valoriser. Puis s'il y a des programmes de eSport études très fixes,
non seulement on valorise l'enfant, on le reconnaît dans sa passion, mais en
plus on lui apprend à grandir avec les jeux vidéo.
M. Ciccone :
Merci. On a deux visions, l'INSPQ et la vôtre. Merci beaucoup, on va se faire
une tête. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Dionne) :
Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à M. le député de Jonquière.
M. Gagnon : Bonjour, je n'ai
pas d'expertise comme vous. Je débute avec une question, là, plus technique
d'un groupe de citoyens, particulièrement chez nous. Il y a quand même tout un
marché, là, du jeu vidéo usagé...
M. Gagnon : ...des
spécialités. Les gens dans mon coin me demandaient : Quand un jeune va
échanger un jeu ou va se procurer un jeu vidéo usagé, est-ce qu'il y a des
traces du joueur précédent? Si c'est un adulte, si c'est... s'il a acheté du
matériel. Est-ce qu'on est capable d'aller rechercher... Je donne l'exemple, si
c'est un jeune de neuf ans qui achète un jeu vidéo que la personne était adulte
ou un grand consommateur, est-ce qu'il va y avoir des traces du précédent...
Mme Bonenfant (Maude) : Bien,
ça dépend, ça dépend quel jeu vous... On est aux cartouches, ou on est aux CDs,
on est aux... tu sais, c'est ça, c'est que ça dépend quelle est la plateforme.
Mais normalement, non, il n'y a pas... il peut y avoir les parties
enregistrées, mais là on parle d'ancienne technologie. Si on a peur de la
surveillance, là, je pense que la personne précédente avait... là, il y a une
collecte massive de données, particulièrement les jeux mobiles. Donc, si on a à
s'inquiéter de tracer l'enfant, c'est vraiment... les jeux mobiles sont
vraiment un cheval de Troie pour rentrer sur les appareils puis collecter une
quantité astronomique de données. Et ce n'est pas juste le développeur, hein?
Quand on installe, c'est tous les tiers qui viennent s'installer. Et là, avant
la loi 25, on ne savait pas combien il y en avait. Ça, c'est merveilleux
de la loi. Maintenant, on commence à savoir. Et certains... à certains sites
Web, on monte jusqu'à 800, 800 tiers qui se connectent en même temps. Donc
là, là, les... si, vraiment, on veut se soucier de la vie privée, là, il faut
agir vraiment sur les applications mobiles parce que c'est là qu'il y a
vraiment beaucoup de collecte de données qui est faite sur les enfants.
M. Gagnon : Très intéressant.
Puis la question plus en lien avec moi, plus personnellement, je veux vous
parler de certification. Tout à l'heure, là, c'était quand même flagrant, là,
vous mentionnez haut et fort, là, il n'y a aucune protection pour les jeunes
d'en bas de 12 ans. Puis, bon, on a en place... certification, pardon, les
produits du Québec, qu'est-ce qu'une certification biologique, puis vous dites
qu'au niveau des jeux vidéo, on n'a pas de certification qui vient sécuriser le
parent. En plus de ça, on vient faire accroire qu'il y a un consortium de
professeurs qui vient mettre son étampe pour dire : Ça, c'est vraiment
bien fait. Ça fait que...
Mme Bonenfant (Maude) : On
a... je n'ai pas eu le temps de me rendre là, mais il y a... ce que nous, en
recherche, on appelle la gamification du numérique, et donc il y a de plus en
plus de phénomène de gambling, mais des phénomènes qui se déclinent, et donc
cette gamblification-là du Web... Excusez, j'ai oublié votre question.
M. Gagnon : ...la certification,
on n'a rien, puis en plus on utilise les enseignants.
Mme Bonenfant (Maude) : Oui,
c'est ça, oui, c'est ça, et donc nous, on essaie de voir un petit peu :
Est-ce qu'effectivement, il y avait une gamblification des jeux pour enfants?
Et oui, il y en a, et en plus il y en avait dans les jeux recommandés par les
enseignants. On a vu des mécaniques de gambling dans des jeux recommandés par
des enseignants. Et donc à quoi peut -se fier le parent?
Mme Dumont (Alexandra) : Dans
le fond, le... c'est ça, le système de... approuvé par les enseignants, c'est
une initiative un peu d'autorégulation de Google, en fait, qui vise à essayer
de mettre de l'avant les bons produits. Il y en a qui sont... qui sont très
bons dans les jeux qui sont présentés, sauf que, quand on essaie de chercher
l'information sur qui sont ces enseignants qui testent les jeux, on ne trouve
pas l'information. Puis aussi du côté des développeurs quand ils reçoivent une
analyse d'un jeu qui ne convient pas à la politique de Google, les... ce qui
ressort, c'est que les développeurs ne savent pas pourquoi leur... tu sais,
leur jeu a été refusé, et leur solution est de... juste de monter l'âge qui...
de... à qui leur produit est destiné. Donc, il y a une faille dans cette
tentative d'autorégulation, par exemple de Google qui mène à... justement, de
la confusion, qui encourage la confusion auprès des parents.
La Présidente (Mme Dionne) : Oui,
merci beaucoup, M. le député. M. le député de Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour à vous deux. Ma question est assez simple, dans le fond, on
se questionne beaucoup sur la manière dont on pourrait intervenir, autant sur
les réseaux sociaux, mais éventuellement aussi sur les jeux vidéo. Puis on
dirait qu'on a toujours une espèce de réflexe qui dit : Oui, mais c'est
tellement des gros joueurs. Un peu comme quand on a un débat sur les taxations
des riches ou des grosses entreprises. Ah! c'est des gros... ça ne marchera
pas, ça ne marchera pas. Est-ce que ça... est-ce que ça peut fonctionner si on
décide de serrer la vis, de réguler, de faire le ménage, en bon québécois, de
l'industrie du jeu vidéo? Ça peut faire... ça peut fonctionner?
• (11 h 50) •
Mme Bonenfant (Maude) : Oui,
ça peut. Parce que, si on... si vraiment on leur donne un avantage économique
de le faire, moi, je pense qu'on est beaucoup de parents. Puis je travaille
avec des équipes dans le Canada anglais, en Europe, en Australie, au Brésil,
sur la planète entière, on est tous dans la même affaire, là, et les parents de
la planète cherchent des mentions auxquelles ils peuvent... en quelles ils
peuvent avoir confiance. Il y a en Australie où ils font du bon travail, etc.
Mais c'est sûr que le parent québécois n'a peut-être pas la... le réflexe d'aller
sur une plateforme australienne, là, mais ça se fait très peu. Et tout le
monde, on est avec ça, on veut être capables de reconnaître les bons jeux pour
nos enfants. Et...
Mme Bonenfant (Maude) : ...c'est
en ça que ça donne un avantage. Si on fait ça, c'est que là, on a un... il y a
un avantage économique aux bonnes entreprises, celles qui veulent s'y conformer
vont avoir cet avantage-là. Je suis aussi relativement proche des entreprises
de jeux vidéo, donc je comprends comment ça fonctionne, et je vois des bonnes
entreprises qui s'en vont vers ces types de monétisation là, parce que tout
l'argent est là, puis c'est comme ça que ça fonctionne, il n'y a aucun
incitatif.
Donc, il faut... C'est sûr qu'on ne fera
probablement jamais autant d'argent que ces stratégies-là, qui sont des
stratégies de gambling, là, on est en train de créer des dépendants dès la
petite enfance avec ça. Mais les entreprises qui sont écœurées puis qui ne
veulent pas faire ça, bien, ils veulent faire autre chose, mais là, il faut
qu'on leur appose un avantage en disant : Là, si tu fais ça, les
consommateurs et les consommatrices vont aller vers tes produits.
M. Leduc : J'ai l'impression
qu'on parle de deux choses : d'une part, tu sais, les... la demande des
parents de jeux de qualité, qui est une chose, le marché s'autorégulerait par
la demande de parents conscientisés, puis l'autre, où est-ce qu'on dit :
Non, non, on va passer des lois, des règlements pour interdire, donc, par
exemple les microtransactions.
Mme Bonenfant (Maude) : Oui.
Mme Dumont (Alexandra) : Dans
le fond, on a déjà des exemples qui existent, là, avec... si on pense à la
Belgique. Ils ne sont pas... Ils ne sont pas tant plus que nous, là. Je veux
dire, c'est quand même un petit marché, là, quand on y pense, au niveau de
l'industrie, vraiment. Ils parlent français, ils parlent néerlandais. Ce n'est
pas... Ce n'est pas l'anglais, par exemple, qui est la langue première de...
donc, on pense aux jeux vidéo, et ils ont quand même réussi à empêcher la vente
de «loot box». Donc, les jeux ont... les compagnies n'ont pas eu le choix de se
plier. Par exemple, même FIFA, là, qui est un des jeux les plus populaires, les
plus aussi cités, quand on pense, de mécaniques persuasives très flagrantes,
là, au niveau du hasard, bien, ils n'ont pas le choix, et Electronic Arts n'a
pas le choix de retirer ces options-là dans ses jeux. Donc, c'est déjà comme un
très bon exemple, là, je pense. C'est possible, même si on est un petit marché,
d'avoir un effet sur l'industrie puis de... moins, promouvoir des jeux avec des
valeurs qu'on a au Québec, là.
Mme Bonenfant (Maude) : Là,
il y a deux choses. Il y aurait la... une certification, une cote... des cotes,
une classification qui n'est pas législative, tu sais. Ça, on peut la poser, la
cote, puis ça... c'est à des experts de déterminer, indépendants :
c'est-tu pour les 13 ans, c'est tu... Tu sais, ça, c'est une chose.
Puis il peut y avoir une loi, puis la loi,
elle peut être très précise, hein, et donc... Parce qu'on entendait aussi
parler... Il y a beaucoup de confusion entre les coffres à butin, les «loot
box», les microtransactions, même dans la commission, là. L'idée, là, les «loot
box», ce n'est pas mauvais en soi. Un «loot box»... Moi, ça fait une heure que
je joue, je suis en équipe, on est dans une mission, on va dans un donjon, on
réussit le boss final puis on a un «loot box», on l'ouvre, ce n'est pas grave,
c'est une récompense qu'on... Le problème, c'est quand j'achète des «loot box»
dans les boutiques. Donc là, tu sais, ce n'est pas d'interdire les «loot box»,
c'est d'interdire la vente de «loot box», ce que la Belgique a fait, et
Fortnite a reculé.
La même chose avec les microtransactions.
Les microtransactions en soi, ce n'est pas mal, c'est les stratégies qui sont
mises en arrière pour pousser les microtransactions. Donc, par exemple, si on
obligeait à ce que les boutiques en jeux, pour les 16 ans et moins - je
dis n'importe quoi, là - mais qu'il n'y ait pas d'items rotatifs et que ça...
il n'y ait pas d'items différés... Ça, ça veut dire que, si vous, vous jouez,
moi, je joue, on ne voit pas les mêmes items, parce qu'on a fait du ciblage sur
vous, on a fait du ciblage sur moi pour pousser à la consommation. Bien là, si
on interdit les boutiques avec des items différés selon vous et moi, des
boutiques avec des items rotatifs, des boutiques avec du vrai argent et de
l'argent en jeu... Là, ça, c'est toutes des stratégies pour augmenter les
ventes. Mais ce n'est pas la boutique, ce n'est ni la microtransaction qui est
le problème, c'est les stratégies qu'on a mises en place.
Donc, là, ça ne serait pas de dire aux
entreprises de jeux vidéo : Vous n'avez plus le droit de
microtransactions, ce n'est pas du tout ça. Vous n'avez plus le droit de mettre
de la pression par des stratégies de design pour pousser de manière
malveillante à la consommation dans les jeux pour 17 ans et moins, par
exemple.
M. Leduc : Vous parlez de la
Belgique. Est-ce que ça fait longtemps que c'est appliqué? Est-ce qu'on a assez
de recul pour constater que c'est applicable, et surtout que ça a des effets
positifs?
Mme Bonenfant (Maude) : Oui.
M. Leduc : Il y a des études
là-dessus, puis... O.K.
Mme Bonenfant (Maude) : Oui,
il y a... Oui.
Mme Dumont (Alexandra) : On a
des collègues en Belgique qui ont fait plusieurs études, Game Able, qui ont
fait... justement, qui ont... ils ont regardé les stratégies de détournement de
ces... de cette loi-là, mais aussi quel effet ça avait vraiment auprès des
joueurs, puis, tu sais, souvent, ce qu'ils notent, c'est que, bien, c'est des
efforts, puis les gens, ils ne font pas nécessairement les efforts pour
détourner les règles, et ça a... ça a un effet sur... c'est appliqué, c'est
respecté.
Mme Bonenfant (Maude) : Sauf
que cette même équipe-là voit des phénomènes de «gamblification», voit des
problèmes, là, chez les 15-17 ans, surtout avec tous les phénomènes
récents de gambling...
Mme Bonenfant (Maude) : ...«gambling»
qui ne sont pas considérées par la loi et donc qui... qui ont cours et qui
devrait être inclus. C'est pour ça que, ça, c'était une de nos recommandations,
parce que, là, eux, ils voient les cohortes qui suivent, ils ont fait des
études longitudinales et entre autres, par exemple, des instants vidéastes qui font
la promotion du «gambling» ou... bon, tout ça, tous ces phénomènes-là qu'ils
prennent dans l'ensemble, et donc c'est pour ça que nous, une de nos
recommandations, c'est d'élargir la définition des jeux de hasard et d'argent
pour l'inclure, puis moderniser la Loi sur les loteries, pour que ça devienne
illégal. Après, on viendra appliquer la loi puis faire des poursuites, mais
d'abord, il faudrait que ça soit illégal. Puis en le rendant illégal, il faut
informer les jeunes. Ils ne savent même pas que c'est du «gambling». Les petits
poux, là, qui jouent avec des roulettes, là, de... les roues de fortune, tu
n'as pas eu le cadeau que tu veux, regarde une publicité, tu n'as pas eu le
cadeau que tu veux, regarde une publicité. Lui, entre cette mécanique-là absolument
nocive puis une autre mécanique de jeu où il doit aller chercher le petit chat
dans la... dans la pièce, bien, c'est pareil. Il n'y a aucun signe qu'on lui
envoie pour dire que c'est nocif. Donc l'enfant, il a grandi avec ça, il ne
sera pas capable de discriminer. Donc là, il faut vraiment que, déjà dans la
loi, on dit non, ça, c'est interdit, qu'on envoie un message. C'est pour ça que
je parle aussi d'élargir le mandat de Loto-Québec pour inclure les 17 ans
et moins pour qu'on prenne compte de ces jeunes-là qui s'en viennent parce que
l'exposition à des jeux de hasard et d'argent en âge mineur augmente beaucoup
les risques de développer une dépendance à l'âge adulte. Et là, c'est majeur ce
qui s'en vient, c'est une très grave crise de santé publique si on n'agit pas.
Donc, premièrement, déjà, rendre ça illégal, ça fait partie des... La loi, elle
est là, on n'a même pas encore à modifier. Tu sais, c'est pour ça, on a essayé
de faire des recommandations où il y a une législation, oui, sur le «gambling»,
mais sinon il y a des éléments qu'on pourrait déjà relativement facilement
passer pour envoyer un message clair : Au Québec, on ne tolère pas ça, on
protège nos enfants, puis parents sachez que la roue de fortune qu'ils vont
tourner dans le jeu est illégale.
M. Leduc : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Dionne) : M.
le député de Gaspé.
M. Sainte-Croix : Merci, Mme
la Présidente. Merci, mesdames, d'être ici aujourd'hui avec un propos
éclairant. J'aimerais revenir sur ce que vous qualifiez, là, d'interfaces
truquées dans les jeux. Si j'ai bien compris, et corrigez-moi si je me trompe,
vous dites qu'il y a plus d'interfaces truquées que d'interfaces réelles,
disons ça comme ça.
Du point de vue législatif, je comprends
que vous êtes... Dans le fond, on ne devrait pas voir, rendre accessible ce
type de conception au niveau des usages. Comment on s'assure, du point de vue
du législateur, qu'on arrive à cette fin-là? Comment on deale avec ça, là,
concrètement, là, par rapport à nos objectifs qui est de contrer les impacts
négatifs de l'usage, dans le cas qui nous occupe, chez les enfants? Comment
voyez-vous cette articulation-là au niveau nos mesures potentielles?
Mme Bonenfant (Maude) : Mais
ça a déjà été formulé, entre autres, en Union européenne, donc c'est déjà là.
Puis il y a d'autres législations aussi, on en a relevé quelques-unes qui ont
enchâssé les interfaces truquées, les «dark» ou «déceptive patterns» dans la
loi, puis en inscrivant des énoncés généraux qui est basé sur le fait de
tromper la personne. En fait, c'est quand on offre, par exemple, deux choix qui
ne sont pas représentés de manière équitable équivalente, bien là, on trompe
quand on favorise visuellement un. Il y a une volonté de tromper, il y a une
volonté d'envoyer la personne sur... Donc ça... ça, c'est énonçable dans une
loi. Plusieurs juridictions l'ont déjà fait. Et donc ce n'est pas d'aller
pointer chaque actualisation du «dark pattern» comme tel, mais d'arriver avec
certaines... certains énoncés comme ça qui permettent de rendre illégal le fait
de tromper volontairement une personne quand il navigue ou un enfant quand il
est dans une boutique en jeux, ou, bon, etc.
M. Sainte-Croix : Donc, ça
existe.
Mme Bonenfant (Maude) : Oui.
M. Sainte-Croix : C'est...
c'est connu, ça a fait ses preuves de ce que je comprends. Ça peut représenter
quoi comme... En termes de volume, là, concrètement, dans une année, pour des
jeunes Québécois et Québécoises, là, c'est quoi cette offre- là, concrètement, qui
peut se présenter sur un marché?
Mme Bonenfant (Maude) : Je ne
suis pas sûre de vous comprendre. Des «dark patterns», là, il y a ça sur un
site Web, il y a ça dans des boutiques de jeux, il y a ça sur Tik Tok, il y a
ça... c'est...
M. Sainte-Croix : Je
reformule.
Mme Bonenfant (Maude) : Oui,
c'est ça.
• (12 heures) •
M. Sainte-Croix : Un jeune,
dépendamment de son âge, comment il peut être exposé, au niveau d'une journée
régulière, là, ordinaire, là? À quelle fréquence ça peut arriver, ça, dans son
écran, là, ce type de... C'est dépendamment de ses sujets d'intérêt,
dépendamment de...
Mme Bonenfant (Maude) : Ça,
c'est dépendamment des plateformes sur lesquelles...
M. Sainte-Croix : Ça va être
ça. O.K. Je saisis...
12 h (version non révisée)
M. Sainte-Croix : ...c'est
beau. Merci.
Mme Dumont (Alexandra) : ...juste
donner un exemple, là.
La Présidente (Mme Dionne) : ...
Mme Dumont (Alexandra) : Une
des recherches qui a été faite, ça a été par l'Office de la protection du consommateur
au Canada, et, sur les 146 sites Web, tout public testé, c'est 99 %
des sites Web qui avaient des interfaces truquées. Puis, au niveau des enfants,
dans les applications pour enfants, ce qu'ils ont remarqué, c'est le... c'était
deux tiers plus présents.
M. Sainte-Croix : ...quasi
assurée à partir du moment où le jeune a accès à ce type de contenus. Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup. Alors, Mme la députée de Hull.
Mme Tremblay : Oui. Alors,
bonjour. Moi, ma question, au niveau de la classification, je reviens sur la
classification qui est intéressante, là : Comment, à partir du moment où
tu crées, là, cet organisme là de classification, là, mais il en sort des
milliers, là, donc comment, là où ça a été créé, il fonctionne? Parce que c'est
presque impossible de tout classifier ce qui sort sur le marché. Donc, comment
ça fonctionne, ceux qui ont mis ça en place, donc ce type de classification là?
Parce que, vous le savez, des petites applications, il en sort à tous les
jours, là. Puis mes filles m'envoient : Acceptes-tu ça, acceptes-tu ça?
Puis là tu es là à distance puis tu ne sais pas trop, oui, non, là, parce qu'il
en sort beaucoup. Alors, je veux savoir : Est-ce qu'ils arrivent, comment
ils font, comment ça fonctionne?
Mme Bonenfant (Maude) : Non,
là, ce n'est pas possible. Même l'industrie n'est pas capable, ils sont en
train d'automatiser. C'est semi-automatisé présentement, la classification des
jeux, justement, à cause des jeux mobiles. Et là on n'a pas parlé d'intelligence
artificielle, là, mais avec l'intelligence artificielle générative, vous allez
voir le flot de jeux mobiles déferler. Donc là, si on n'encadre pas avant ça,
là, il va y avoir vraiment des problèmes, parce que ça va se démultiplier.
L'idée avec l'instance indépendante, ce n'est
pas de venir apposer une cote à tous les jeux, c'est de venir sélectionner des
jeux sur lesquels on appose une cote et que ça soit ceux-là qui soient mis, si
on veut, sur un piédestal. Et tous les autres qui sortent à... aux cinq
minutes, ils n'ont a pas de cote, et donc ça sera aux parents, en informant, de
voir : O.K., non, il n'est pas... il n'y a pas été évalué par l'instance
québécoise, tu ne télécharges pas ce jeu-là. Et donc ça va être d'aller cibler.
Et là les entreprises, par exemple, pourraient soumettre leurs jeux à l'instance
de classification, et là on commencerait à construire une banque de données
comme ça, de jeux, et pourquoi pas, qu'elle soit utilisée plus largement dans d'autres
juridictions.
Mme Tremblay : Dans le fond,
ça serait de dire aux parents : Voici la banque de jeux. Puis que le
parent dit à ses enfants : Mais tes jeux, tu vas les choisir à partir de
cette banque-là.
Mme Bonenfant (Maude) : Bien,
un peu comme quand on écoutait les petits bonhommes quand on était jeune, hein,
tu sais, c'est : Tu peux écouter les bonhommes de telle l'heure à telle
heure, c'est ceux-là qui passent à la télé, puis c'est... C'est ça, il y avait
un contrôle, il y avait... tu sais, ce n'était pas la démultiplication. On
avait un certain choix, mais on était sûr, c'étaient des bons choix, validés
par des adultes, par... etc. Donc, c'est un petit peu le même principe, c'est
dire : On se fait une banque, une base de données de bons jeux avec une
certification, une cote reconnue et les adultes peuvent se fier à ces cotes-là
pour encadrer leurs enfants sans connaissance des jeux vidéo. Parce que, tu
sais, moi c'est simple, je connais bien ça, je sais discriminer : Ça, ce n'est
pas bon. Mais les parents qui ne s'y connaissent pas, ce n'est pas de la
mauvaise volonté, tout est sur le même plan. J'ai donné l'exemple de l'enfant,
mais pour le parent aussi, les mécaniques sont toutes égales.
Mme Tremblay : J'ai une
question en lien avec ça. Si... mais là... bien poser ma question parce qu'à
partir du moment... Tu sais, dans toute la mécanique qu'ils mettent en place, l'industrie,
là, il y a un objectif de passer certaines publicités, de faire de l'argent, il
y a tout le temps quelque chose d'économique là-dedans. Ça fait que, est ce qu'on
retrouverait... j'espère que vous aller comprendre ma question, mais en cette
classification-là, probablement des jeux qui sont probablement plus payants
parce que... puis moins gratuits, parce que l'objectif du jeu gratuit, il y a
quelque chose, à un moment donné, il veut rentabiliser quelque chose, là, O.K.?
Alors, on le trouverait probablement dans cette classification-là, fort
probablement, puis peut-être à faible coût parfois, mais des jeux qui seraient
probablement plus payants dans cette classification-là. Est-ce que ça se
pourrait, là? Est-ce que je me trompe?
Mme Bonenfant (Maude) : Absolument.
Absolument. C'est sûr que les jeux gratuits, bien, il faut qu'ils rentabilisent,
donc, tu sais, c'est ça. À moins qu'il y ait des institutions sociales, par
exemple Télé-Québec, vous leur donnez le mandat de faire un jeu vidéo, ils en
ont fait un avec Passe-Partout, par exemple, là, une plateforme mobile. Donc
là, oui, c'est gratuit, mais là ça a été validé par une instance indépendante.
Mais sinon, les jeux gratuits, il faut qu'ils aillent faire leur argent quelque
part, et c'est là que toutes les mécaniques malveillantes embarquent. Et donc,
mais si on sort de ce modèle économique là avec des jeux vendus, bien là, il y
a d'excellents jeux, des jeux où je laisserais mes enfants sans problème jouer
à ces jeux-là. Et donc, oui, à ce moment-là, mais il y aurait cette...
probablement que cette classification-là, cette cote-là, favoriserait ces types
de jeux là, mais...
Mme Bonenfant (Maude) : ...il
y a des jeux qui ne sont pas si chers que ça et il y aurait éventuellement
des.... On subventionne beaucoup l'industrie, est-ce que là, il y aurait
quelque chose à faire de subventionner du côté de jeux comme ça qui
rentreraient dans notre classification, là ça, ce n'est pas mon expertise du
tout. Mais c'est des avenues. Nous, ce qu'on voulait faire comprendre, c'est
que là, il faut qu'on... Il faut agir sur le plan économique parce qu'on sait
que c'est là que ça va bouger. Mais il faut donner un avantage économique aux
bonnes entreprises.
Mme Tremblay : Mais ça
viendrait rassurer les parents qui diraient : Mais je paye un petit peu,
mais au moins je n'embarque pas mon enfant dans des habitudes qui ne sont pas
saines puis qui peuvent l'amener, tu sais, au jeu compulsif. Puis c'est ce
qu'on ne souhaite pas comme parent. Il n'y a pas un parent qui souhaite ça. En
terminant, moi, j'aimerais ça savoir pourquoi vous avez ciblé Loto-Québec.
Votre... vous n'en avez pas parlé beaucoup, là, mais c'est dans élargissement
du mandat de Loto-Québec, parce qu'ils ne sont pas spécialisés du tout dans
l'enfance, à moins de 18 ans. Donc, en terminant, pourquoi Loto-Québec?
Mme Bonenfant (Maude) : Bien,
parce qu'il y a du gambling présentement chez nos jeunes. Donc moi, comme
chercheuse, on trouve ça dans les jeux, on le voit et on voit une
gamblification bien qui si je contacte? Loto-Québec, il faut faire quelque
chose. Mais j'ai bien compris, ce n'est pas dans leur mandat. Mais c'est
incroyable, parce que ces jeunes-là, ces enfants-là, vont grandir, ils vont
être adultes, Il y a plus de risques de jeu compulsif. Donc il faut qu'on
n'agisse pas à partir de 18 ans. Il faut qu'on agisse avant. Il faut qu'on
agisse présentement puis qu'on informe. Puis les phénomènes de gamblification
sont relativement récents. Donc, c'est peut-être là où ça peut encore bouger du
côté de cette instance-là, mais c'est une instance gouvernementale, une société
d'État. Il me semble qu'elle pourrait avoir le mandat de mieux protéger les
17 ans et moins face à la gamblification du numérique.
Mme Tremblay : Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Dionne) :
Merci, Mme la députée. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Mme la députée
de Bourassa-Sauvé.
Mme Cadet : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Je ne pensais pas avoir le temps de revenir pour terminer
avec vous. Merci beaucoup. J'ai peut-être manqué donc une partie des échanges,
mais en fait, je vous poserais la même question que j'ai posée donc à
l'interlocuteur précédent sur la majorité numérique, et ce que ça implique au
niveau de la gestion des données personnelles des mineurs? Si vous avez une
opinion là-dessus, vous disiez être familière avec le sujet aussi.
Mme Bonenfant (Maude) : Bien,
d'abord, l'intitulé Majorité numérique n'est pas bon, on s'entend, là, ça porte
à confusion. Majorité et ensuite numérique, de quoi on parle exactement? Donc
moi, de ce que je comprends, de ce que, par exemple, la France a mis de
l'avant, c'est une interdiction d'accès à certains médias sociaux numériques.
Là, on vient déjà de. Oui, c'est ça, ce n'est pas la majorité numérique, c'est
l'interdiction d'accès à certains médias sociaux numériques. Donc, et ces médias-là
sont déjà à 13 ans et plus. Donc là, si on veut être cohérents, bien, il
faudrait aller au-delà. Mais 14 ans, on a une majorité, une autonomie pour
les soins médicaux, au travail. Donc, est-ce que là, on mettrait au-delà de
14 ans la majorité numérique, alors qu'à 14 ans l'enfant peut aller
consulter un médecin...
Mme Cadet : Le droit de
consentir aux soins.
Mme Bonenfant (Maude) : Oui,
c'est ça. Donc, tu sais, il faut qu'il y ait une certaine cohérence de ce
côté-là. Parallèlement à ça, bon, comme je disais, c'est beaucoup plus les jeux
vidéo. Et donc si on ne considère pas dans le numérique les jeux vidéo, donc on
est vraiment sur les médias sociaux numériques, mais dans les jeux vidéo, une
classification avec des réelles cotes serait une forme de majorité numérique.
Avant 12 ans, tu n'as pas accès à ce jeu-là.
Mme Cadet : À ce jeu-là, mais
est-ce que vous iriez, par exemple, pour les tout-petits parce que vous parliez
de la classification dès le départ que le milieu a enlevé. Est-ce qu'on
mettrait une interdiction tout simplement pour les tout-petits, pour ce qui est
donc de ces jeux-là ou vous auriez tout simplement une classification même pour
ces jeux-là.
Mme Bonenfant (Maude) : Ah
oui, mais il y a d'excellents jeux pour les trois à cinq ans, des jeux vidéo
des trois à cinq ans, des excellents jeux adaptés à leur développement, à leur
stade de développement. Et là, il faut bien, il faut bien me comprendre. Je
digresse un peu de votre question, mais je pense que c'est important. Tu sais,
on a parlé beaucoup du temps d'écran et je pense que tout le monde s'entend que
c'est pas juste une question de temps d'écran...
La Présidente (Mme Dionne) :
Mme, dans le fond, on va devoir mettre fin à la conversation. Alors nous sommes
12 h 10 alors, désolée. Alors, la commission spéciale suspend ses
travaux jusqu'après les avis des travaux de commission vers 15 h 15.
Alors un énorme merci pour votre contribution à ces travaux. Bon dîner, tout le
monde.
(Suspension de la séance à 12 h 10)
15 h (version non révisée)
(Reprise à 15 h 17)
La Présidente (Mme Dionne) : Alors,
bonjour. Bon après-midi à tous. La Commission spéciale sur les impacts des
écrans et des réseaux sociaux sur le développement des jeunes reprend ses
travaux. Donc, nous recevons les consultations particulières et les auditions
publiques sur les impacts des écrans et des réseaux sociaux sur la santé et le
développement des jeunes.
Donc, cet après-midi, nous entendrons les
témoins suivants : Action Toxicomanie, le Bureau des affaires de la
jeunesse, Mme Marie-Pierre Jolicoeur, doctorante en faculté de droit à l'Université
Laval, Mme Julie Miville-Deschênes, sénatrice indépendante du Québec, et
finalement le Centre québécois d'éducation aux médias et à l'information.
Donc, sans plus tarder, je souhaite la
bienvenue aux représentants d'Action Toxicomanie. Donc, peut-être vous
présenter d'entrée de jeu. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour nous
transmettre votre exposé. Suite à cela, nous procéderons à une période d'échange
avec les membres de la commission. Alors, la parole est à vous.
Mme Poisson (Émilie) : Merci, Mme
la Présidente, membres de la commission. Je me présente, Émilie Poisson, je
suis directrice générale chez Action Toxicomanie. Je vous présente ma collègue
Audrey-Anne Lecours, qui est coordonnatrice clinique chez Action Tox et
responsable de notre volet prévention.
La tâche qui vous a été confiée, ça
représente certainement un défi colossal, mais c'est essentiel le travail que
vous ferez, jusqu'au dépôt du rapport, pour l'avenir de nos jeunes. Puis pour
ça, on voulait vraiment prendre le temps de vous remercier.
Action Tox c'est un organisme en promotion
des saines habitudes de vie et en prévention des dépendances qui existe depuis
maintenant 33 ans, 33 ans à travailler auprès des jeunes âgés de 10 à 30 ans et
leurs proches, à nous adapter aux nouvelles réalités. Si on se souvient bien,
il y a 33 ans, Internet n'avait pas fait son apparition. Donc, à nous adapter à
l'apparition d'Internet, aux téléphones intelligents, aux boissons énergisantes
ou les vapoteuses ainsi que toutes les substances psychoactives.
Concrètement, Action Tox, c'est un
organisme communautaire qui œuvre annuellement dans quatre... dans toutes les
écoles de quatre centres de services scolaires de la Mauricie et du
Centre-du-Québec. Donc, annuellement, nous travaillons auprès de 25 000 jeunes
de la cinquième année du primaire à la cinquième année du secondaire, ainsi qu'à
leurs proches et parents. Et c'est aussi quotidiennement 21 employés qui se
rendent dans 30 écoles secondaires, ainsi que plus d'une centaine d'écoles
primaires afin d'y déployer notre programme d'ateliers en prévention des
dépendances, en promotion des habitudes de vie et en développement des
compétences personnelles.
• (15 h 20) •
Bien entendu, notre programme, comprenant
19 ateliers, comprend également des ateliers sur les écrans. Nos 21 intervenants,
intervenantes qui se déplacent dans les écoles, ils sont aussi dans les écoles
secondaires. Ils sont là pour animer notre programme, pour le déployer, pour
dépister et référer les jeunes... repérer et dépister... référer les jeunes,
pardon, vers les services spécialisés, là, en dépendances.
Donc nous, notre travail, c'est de
travailler avec les jeunes, les feux jaunes et les feux verts, les feux verts
et les feux jaune comme on a entendu, là, dernièrement, ce qu'on appelle l'intervention
précoce. Et lorsque le jeune est un feu rouge, et on le réfère donc à travers
notre mécanisme d'accès, là, de la Mauricie et du Centre-duQuébec.
Notre mécanisme d'accès, la trajectoire de
services qu'on a bâtie en Mauricie—Centre-du-Québec est vraiment un mécanisme
qui est efficient et qui mériterait d'être exporté dans toutes les régions du
Québec. La trajectoire de services fonctionne. Globalement, le programme...
Mme Poisson (Émilie) : ...dont
je vous parle depuis tantôt, c'est le plus utilisé au Québec en promotion des
saines habitudes de vie et en prévention des dépendances. Et, depuis peu, il
est également exporté dans deux autres provinces canadiennes, soit l'Alberta et
l'Ontario. Comme bien d'autres organismes en prévention des dépendances ayant
une mission similaire à la nôtre et déployant également le même modèle d'action
préventive, nous sommes membres de l'AQCID, soit l'Association québécoise des
centres d'intervention en dépendance, qu'on salue, là, au passage. Et parce que
notre modèle, il a inspiré différents cadres de référence ministériels tels que
la Stratégie québécoise sur l'utilisation des écrans et la santé des jeunes,
qui a été publiée en 2022, ou le Programme de prévention des dépendances en
milieu scolaire, aussi parce qu'il est cité dans le cadre de référence du
projet Épanouir, parce que ce modèle-là fonctionne depuis des années, parce
qu'il est déjà implanté dans plusieurs régions du Québec, parce que les jeunes,
leurs familles, leurs proches et la communauté y adhèrent, on est venues vous
la présenter aujourd'hui.
Mme Lecours (Audrey-Ann) : Effectivement,
jour après jour, Action Toxicomanie déploie sur le terrain une vision globale
de la prévention des dépendances et de la promotion de saines habitudes de vie.
Aujourd'hui, cette vision-là globale, je vais vous la décliner en trois grands
volets.
Le point de départ de ce travail de
proximité là, c'est la prévention universelle. Quand on dit «prévention
universelle», c'est les ateliers qu'on fait en classe, des ateliers qui visent
à sensibiliser, informer, développer l'esprit critique des jeunes. Ça marche.
Les jeunes sont intéressés par nos contenus. Ils sont surtout intéressés, les
jeunes, quand on leur... quand on leur parle de sujets qui les concernent.
Ça ne fait pas juste intéresser les
jeunes. Vous savez, chez Action Toxicomanie, c'est environ 400 demandes de
parents, rencontres parents qu'on fait par année. De cette quantité-là, c'est
23 % qui concernent uniquement l'utilisation des écrans. Donc, les parents
aussi sont concernés par l'utilisation des écrans de leurs enfants.
Ça les intéresse, les jeunes, quand on va
les voir en atelier, ça les intéresse de parler de désinformation, de mieux
saisir les pièges pour ne pas tomber dans cette désinformation-là, de parler
aussi d'auto-observation, des indices pour être en mesure de reconnaître si je
suis en train de glisser vers une utilisation problématique. Ça, ça pogne. Ils
aiment parler d'alternatives aux écrans. Nos jeunes, ils en ont, des
alternatives, ils en ont, des intérêts, et ils aiment en parler. Et ça, ça
représente vraiment un facteur de protection pour eux, puis, bien, on est bien
contents de ça. Ils aiment mieux comprendre aussi la relation qu'ils
entretiennent avec les écrans puis aussi la fonction que ça a dans leur vie,
ces écrans-là. Puis vous ne serez pas surpris d'apprendre que ces jeunes-là
aiment aussi qu'on démystifie la demande d'aide. Ça marche. Au cours des trois
dernières années, les demandes de services jeunesse concernant l'utilisation
problématique des écrans a augmenté de 33 % chez Action Toxicomanie.
Quand on travaille en développement de
compétences, inévitablement on vise à ce que les jeunes puissent identifier des
forces, bien entendu, on veut augmenter leur sentiment d'efficacité
personnelle. Mais c'est sûr aussi qu'on veut que les jeunes amorcent une
réflexion, puissent identifier des zones de vulnérabilité afin qu'ils visent un
meilleur développement de ces compétences-là. Puis, quand on parle de compétences...
capacité à s'affirmer, capacité à gérer ses émotions, capacité à résister aux
influences, là, je n'en ferai pas toute la nomenclature.
Vous savez, ce n'est pas tous les élèves
qu'on rencontre en prévention universelle qui ont besoin d'aide, la plupart
vont bien. Ils ont une utilisation assez équilibrée des écrans. Mais
l'objectif, quand on fait des ateliers comme ceux-là, c'est de rejoindre ceux
qui se posent des questions, qui ne sont pas certains d'avoir une utilisation
équilibrée.
Quelques exemples. C'est ceux qui se
rendent compte qu'ils accordent peut-être un peu trop d'importance aux «like».
C'est ceux qui conscientisent que les écrans, ce sont leur stratégie numéro un
pour être en relation parce qu'ils sont trop timides. C'est celui qui a un TDAH
qui a décidé d'arrêter sa médication puis qui se calme un peu cognitivement en
utilisant les écrans, bien, le «gaming» entre autres. C'est pour celle qui
jette son lunch le midi parce qu'elle aimerait donc avoir le corps de son
influenceuse préférée. C'est pour lui qui vient tout juste de se commander en
ligne des produits dopants pour améliorer son apparence corporelle. Les profils
des jeunes sont bien différents.
En plus de ça, vous savez très bien que
les plateformes numériques visent étroitement la satisfaction d'un besoin
fondamental chez l'être humain. On a juste à penser au besoin d'être aimé et la
mise en place d'un symbole d'approbation sociale comme celui des «like». Ce
n'est pas plus compliqué que ça.
On veut agir vite pour limiter les conséquences
liées à leur consommation des écrans et les soutenir dans leur développement.
Puis ça, comment qu'on fait ça, chez Action Tox? C'est ça qui est intéressant.
C'est l'action deux, je vous dirais, ça s'appelle l'intervention précoce.
Qu'est-ce que ça veut dire concrètement,
l'intervention précoce? C'est que l'intervenant qui fait un atelier en classe,
c'est le même intervenant qui a un bureau dans l'école, au même titre que le
psychologue, le conseiller en orientation, le TES de l'école. Les jeunes, dans
le fond, qui ont amorcé une réflexion pendant les ateliers, bien, ils peuvent
se rendre dans le bureau de l'intervenant, continuer... bien, poser leurs
questions, continuer leur réflexion puis amener aussi une...
Mme Lecours (Audrey-Ann) : ...une
réflexion par rapport aux particularités qui les lient aux écrans. Alors,
voilà. Puis... C'est là aussi qu'on va favoriser le recours à des alternatives,
c'est là aussi qu'on va viser une meilleure utilisation, une utilisation plus
équilibrée. Ça marche. Non seulement la prévention universelle, ça fonctionne,
mais, dans toutes les demandes jeunesse qui sont logées chez Action
Toxicomanie, 49 % des demandes jeunesse, ce sont des jeunes qui viennent
tout de suite après les ateliers. Ce n'est quand même pas banal. Ça veut dire
qu'ils ont besoin d'être entendus, ces jeunes-là, et ils ont besoin d'un
soutien adapté, ciblé selon leurs particularités, comme j'ai nommé.
Donc, l'intervenant les rencontres, les
dépistes, hein, ces jeunes-là, grâce à des grilles, là, qui sont reconnues, là,
comme le débat internet quand on parle des écrans, et va évaluer les besoins,
hein? Vous... Quand on passe une grille d'évaluation, Émilie l'a bien nommé,
vert, jaune, rouge, on va octroyer des services en fonction des couleurs
obtenues. Quand on est dans une utilisation problématique en dépendance, on va
référer vers les services spécialisés en dépendance octroyée par le CIUSSS sur
notre territoire, en Mauricie, au Centre-du-Québec. Mais, quand on est un
intervenant en prévention des dépendances, bien, c'est sûr et certain qu'on va
référer à d'autres professionnels parce que... Bien, il y a la nutritionniste
qui peut peut-être aider la jeune à explorer la notion du poids ou de
l'alimentation. Il y a aussi les psychologues qui vont aider les jeunes qui
sont plus anxieux. Donc, on est un référent vraiment, vraiment important. On
travaille tous ensemble, hein, ces professionnels... ces professionnels-là, à
tisser un filet de sécurité signifiant pour nos jeunes.
Puis je vous dirais que la vision globale
ne s'arrête pas juste à ce rapport de proximité là avec les jeunes. Notre
vision globale, c'est que, tout à coup, bien, on est un intervenant expert dans
une école qui est là pour soutenir les directions d'école, qui est là aussi pour
répondre aux questions des enseignants. Comment je fais pour repérer un jeune?
On est là pour répondre à leurs questions. On contribue à de la formation. On
accompagne le monde à ce que tous ensemble, on puisse repérer ces jeunes à
risque là et offrir un service adapté. Alors, de cette expérience sur le
terrain là, bien entendu, il en découle des recommandations. Je laisse la
parole à ma collègue Émilie.
Mme Poisson (Émilie) : Oui,
des recommandations. On a aussi des pistes de réflexion ou de solution, là,
dans le mémoire, on pourra en discuter. La première recommandation qu'on aurait
envie de vous faire, c'est que la mise en place d'actions globales continues et
cohérentes, telle que le modèle qu'on vient de vous présenter en prévention des
dépendances, qui est déjà en place dans son ensemble ou en partie dans la
majorité des régions du Québec... le soit en totalité, et ce, dès le primaire.
Le fait que le modèle soit déjà implanté, bien, va favoriser définitivement son
exportation dans les autres régions du Québec. Que toutes orientations liées à
la prévention et à la promotion en matière d'écrans visent l'éducation et le
développement de compétences personnelles et sociales de tous, et ce, dès le
plus jeune âge. Et, finalement, que les décisions que vous aurez à prendre, les
orientations ou les projets de loi issus de cette commission soient orientés
vers le développement de citoyens numériques critiques, responsables et en
quête d'équilibre. Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
infiniment sur ces belles paroles. Alors, on va débuter la période d'échange.
M. le député de Gaspé.
M. Sainte-Croix : Merci, Mme
la Présidente. Bonjour, mesdames, très heureux de vous avoir ici avec nous
aujourd'hui. Vous parlez de surconsommation numérique, vous parlez de
dépendances, hein, au développement de dépendances qui se rattachent à d'autres
types de substances. Voyez-vous quand même des différences dans le cheminement,
là, qui accompagnent nos jeunes à ce niveau-là, là?
Mme Lecours (Audrey-Ann) : ...entre
les substances et les écrans?
M. Sainte-Croix : Exact,
exact.
Mme Lecours (Audrey-Ann) : Tout
à fait. En fait, ce qu'on observe souvent, c'est une comorbidité, hein? On peut
voir autant des jeunes qui vont utiliser des produits dopants pour, bien, jouer
plus longtemps ou rester éveillé plus longtemps. On va voir la double
problématique. Les profils sont quand même différents, bien entendu. Bien, en
fait, je vous dis ça, puis pas vraiment. Parce que la dépendance en tant que
telle, c'est un symptôme, hein, il y a souvent quelque chose derrière. Donc,
peu importe le comportement exutoire que je vais utiliser, que ce soit les
écrans, que ce soit la consommation de substances psychoactives, souvent ça
vient satisfaire un besoin. Et puis, dans le fond, l'objectif, nous, c'est
d'identifier ce besoin... chez les jeunes et de l'accompagner à ce que cette
tâche développementale là puisse être assouvi plus sainement. Donc, oui, il y a
des profils différents. Mais, vous savez, ce qui est un peu frappant dans notre
travail actuellement, c'est qu'on se rend compte que la consommation d'écrans a
de forts impacts sur le développement de comportements dopants.
• (15 h 30) •
Je vous donne par exemple, comme je vous
l'ai cité un peu en exemple, le jeune qui, lui, veut améliorer son apparence
corporelle, va tout à coup suivre des influenceurs qui vont lui proposer des
stratégies miracles ou, bien, des produits dopants pour améliorer cette
apparence corporelle là. On va... on a... Je ne sais pas si vous avez entendu
parler, mais nous, on est un peu scandalisés par le fait que plusieurs
influenceurs vont faire la promotion de microdosages de psychédéliques, le
champignon magique, là. Donc, on a des jeunes qui arrivent dans nos bureaux
puis qui ont des questions en lien avec la psilocybine, puis ils se
disent : Bien, c'est parce que moi, je suis très anxieux ou j'ai un TDAH,
puis j'ai vu à l'intérieur de contenus consommés sur les réseaux sociaux que ça
pourrait être ma...
15 h 30 (version non révisée)
Mme Lecours (Audrey-Ann) : ...ma
recette miracle. Donc, nous, là, on travaille à démystifier tout ça, mais... Ça
fait que, nous, ce qu'on voit, c'est que les écrans, dans certains cas, vont
favoriser le développement de dépendances. On pense au gaming et boissons
énergisantes. Ils sont bombardés de pubs pendant qu'ils gament, bien, allez,
prends-toi des boissons énergisantes, tu vas tougher plus longtemps dans ton
jeu. Donc, c'est toutes sortes de contextes, là, auxquels ont été exposés.
M. Sainte-Croix : Les causes
sont peut-être différentes, mais les conséquences sont assez similaires, aux
substances psychoactives auprès de nos... des surconsommateurs, c'est ce que je
comprends un peu de votre...
Mme Lecours (Audrey-Ann) : Bien
oui, oui, effectivement, quand on parle de développement de problématiques en
santé mentale, quand on pense à des impacts au niveau physique, au niveau
financier, au niveau scolaire, c'est sensiblement pareil, honnêtement, tu sais.
M. Sainte-Croix : Est-ce que vous
voyez que la clientèle est de plus en plus exposée tôt à ce type de dépendances
là?
Mme Lecours (Audrey-Ann) : Bien,
nous, depuis les trois dernières années... depuis cinq ans, là, c'est majeur.
On a plus de demandes liées à l'utilisation des écrans. Mais je vous dirais la
dernière année, entre autres, scolaire, là, on vient de débuter une nouvelle
année scolaire, mais l'année passée, on avait plus de demandes pour octroyer
des services ciblés à des jeunes d'âge primaire. Effectivement, c'est... souvent
c'est l'école qui nous interpelle ou des parents qui nous interpellent pour
dire : Là, je sens qu'on est en train de perdre le contrôle, le
comportement change, plus d'irritabilité, plus conflits. Donc, on n'a jamais eu
autant que l'an dernier des demandes d'intervention auprès d'enfants d'âge
primaire. Tout à fait.
M. Sainte-Croix : Merci
beaucoup.
Mme Lecours (Audrey-Ann) : Ça
me fait plaisir.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci,
M. le député. Mme la... oui, Mme la députée de D'Arcy-McGee, pardon.
Mme Prass : Vous avez fait
justement un petit peu la distinction entre une bonne utilisation des écrans et
des réseaux sociaux et ceux qui ne le sont pas, et il y en a qui ont fait cette
distinction, il y en a qui ne l'ont pas faite. Et quand on regarde le nombre d'heures
qu'un jeune passe devant un écran, est-ce que vous pensez... bien, deux
questions. Premièrement, est-ce que vous pensez qu'il doit y avoir une
distinction entre les heures qui sont utilisées pour la socialisation à des
fins utiles et ceux qui sont... qui ne le sont pas, où il y a plus de
possibilités... où ils se font intimider en ligne ou quoi que ce soit. Donc,
vous faites vraiment la distinction des heures de bonne utilisation et de
mauvaise utilisation, si je comprends bien?
Mme Lecours (Audrey-Ann) : C'est
une combinaison de plusieurs variables, quand on parle de... on a... Vous l'avez
entendu à la commission, le temps ne peut pas à lui seul représenter un facteur
de risque trop signifiant. Il faut vraiment voir... c'est ça, il y a plusieurs
variables, tant le contenu. Il y a des spécialistes qui vous ont entretenus
là-dessus.
Maintenant, un bon... je pense que les
jeunes se font un peu prendre dans tout ça, tu sais, ils ne sont pas... ils ne sont
pas outillés justement pour... comment je vais faire pour m'affirmer par
rapport à une situation d'intimidation? Vers qui je vais demander de l'aide?
Quand on travaille en développement de compétences, on vise à donner des outils
aux jeunes pour qu'ils puissent être en mesure de voir venir les choses, se
poser des questions, prendre du recul. Quand on pense à la désinformation,
entre autres, comment je fais pour savoir que ce qui m'est transmis comme
information, bien, c'est vrai? Bien, on a des outils chez Action Tox pour
amener les jeunes à dire : Bien, peut-être en diversifiant tes sources,
peut-être en en parlant avec quelqu'un, un spécialiste. Donc, bonne
utilisation, mauvaise utilisation, il faut que les jeunes eux-mêmes puissent
être en mesure de détecter est-ce que c'est correct ce à quoi je suis exposé,
est-ce que c'est correct qu'est-ce que je suis en train de vivre via les
réseaux. Puis ça, bien, nous, notre travail, c'est ce qu'on fait dans les
ateliers. On développe cet esprit critique là puis on les outille pour qu'ils
puissent prendre de bonnes décisions numériques.
Puis l'enjeu, en fait, puis c'est pour ça
qu'on est ici aujourd'hui, c'est pour promouvoir l'intervention précoce. À
partir du moment où je sens, ih, là, là, je ne suis pas sûre de ce que je suis
en train de vivre, ou ah! non, j'ai envoyé une photo, tu sais, ça, là, quand
ils vivent des enjeux importants, bien, on veut qu'ils puissent se sentir à l'aise
d'aller vers quelqu'un. Puis le fait que ce soit le même intervenant qui a
abordé ce sujet, qui a fait preuve d'une posture non moralisatrice, qui est
intéressé, bien, ça ouvre la porte, les jeunes, ils viennent cogner à notre
porte, des fois ça fait même la file aux pauses, puis ce n'est pas une blague,
c'est vrai, il y a vraiment un besoin.
Mme Poisson (Émilie) : Notre
atelier sur les écrans qu'on déploie en secondaire un et celui... est celui qui
génère le plus de demandes de services à la suite de l'atelier. C'est là que
nos intervenants vont se retrouver avec beaucoup, beaucoup de demandes de
services. Là, les jeunes vont se questionner, on l'entendait avec Mme Dufour,
je pense, plutôt la semaine dernière, qui disait : Des fois, les jeunes
vont exagérer leur problématique, c'est-à-dire penser qu'ils ont développé une
problématique, puis elle n'est pas... ce n'est pas... elle n'est pas réelle, ça
fait qu'on va avoir ces jeunes-là aussi, mais c'est quand même l'atelier qui
génère le plus de demandes à la suite de... bien, c'est ça, à la suite de l'atelier.
Mme Prass : Bien, je pense
que c'est encourageant d'entendre que les jeunes, ils sont... ils veulent venir
vous en parler puis ils veulent participer. Moi, par exemple, mon jeune, j'ai
un petit garçon de 13 ans qui va souvent venir me dire : Ah! il va me
donner l'information, je vais lui dire : Tu as pris ça où? Sur l'Internet.
Ça fait que moi, depuis deux ans, je lui dis : Bien, ce n'est pas une
source d'information parce que tout se dit, il faut que tu fasses des
recherches pour aller trouver d'autres sources pour...
Mme Prass : ...pour confirmer
que c'est bien le cas. Donc, j'imagine que ça, ça fait partie des outils que
vous voulez contribuer aux jeunes.
Mme Lecours (Audrey-Ann) : Dans
un monde de licornes, dans un monde idéal, on est vraiment des gens très
motivés et on aimerait pouvoir même mettre en place, puis on en a parlé avec
des collègues de PAUSE, de Capsana, de dire : Bien, est-ce qu'on ne
pourrait pas établir des grands principes que, comme adultes signifiants,
parents, intervenants, enseignants, on pourrait mettre de l'avant concernant
l'utilisation des écrans? À titre d'exemple, par exemple, bien, promouvoir le
fait que tout ce qu'on y trouve, ce n'est pas nécessairement vrai, tout ce que
tu y mets, bien, ça peut être publié partout, diversifier tes sources, des
grands principes du genre. Quand je suis en interaction avec un jeune, bien, je
le ferme, mon téléphone, tu sais. Donc, quelques grands principes comme ça que,
collectivement, on se dit : Bien, on est... Hein, on parle de modèles, on
a parlé des parents, à quel point ils pouvaient représenter un modèle, donc,
bien, comment on ne pourrait pas avoir une ligne de conduite collective pour
promouvoir une utilisation plus équilibrée des écrans?
Mme Prass : Puis j'ai une
question par rapport aux autres, mais l'utilisation des écrans dans les écoles
comme outil pédagogique, est-ce que vous avez une opinion là-dessus? Est-ce
que, pour vous, ça fait partie de la réalité du XXIᵉ siècle de nos jeunes?
Est-ce que c'est un départ, justement, d'habitudes qu'on doit... auquel on...
Est-ce qu'on perd des habitudes, par exemple écrire à la main, etc., des atouts
qu'on perd avec l'introduction de la technologie?
Mme Lecours (Audrey-Ann) : Les
outils pédagogiques, encore faut-il qu'ils le soient, pédagogiques. C'est à
dire qu'un enfant qui a besoin d'un ordinateur, par exemple, parce qu'il a des
difficultés en écriture, et tout ça, alors, bon, tu sais, peut être... puis je
sais qu'il y a eu des propos remettant en question certains outils
pédagogiques, nous ne sommes pas les experts dans ce domaine-là, mais on peut
quand même dire que, si c'est nécessaire, si on y voit des bénéfices, ça va,
mais encore faut-il qu'ils le soient, pédagogiques. Ayant des enfants d'âge
primaire, des fois, on se dit : Bien, coudon, ils ont passé beaucoup de
temps sur les écrans aujourd'hui. Est-ce que c'était nécessairement du contenu
pédagogique? Quand j'entends que mes enfants, sur l'heure du dîner, pendant...
au service de garde, ils vont écouter des émissions que moi, à la maison, c'est
interdit d'écouter parce que je considère que les valeurs qui y sont véhiculées
ne sont pas nécessairement des valeurs positives, bien là, je me remets en
question. Est-ce qu'on est dans un contexte pédagogique? Donc, c'est encore...
Si on a vraiment un rapport avec des orthopédagogues, une réflexion
scientifique derrière le fait que l'enfant a un outil pédagogique, bien,
pourquoi pas? Ce qu'on veut, c'est leur réussite éducative.
Mme Poisson (Émilie) : On
aimerait pousser la réflexion plus loin par rapport à ça, parce que, là, on
entend parler des outils pédagogiques, mais je crois qu'il est sur la table
aussi de peut-être interdire complètement les cellulaires dans les écoles.
Nous, ce qu'on aimerait apporter comme bémol, c'est, justement, si on se rend
dans une cafétéria sur l'heure du dîner, on a beaucoup d'élèves avec des
portables parce que soit qu'ils l'ont comme mesure adaptative ou ils sont dans
un programme eSport, quelconque, ou il y a des écoles mêmes qui ont aboli le
papier, donc les jeunes ont des tablettes. Donc, si on abolit le cellulaire,
qu'est-ce qu'on fait avec les jeunes qui ont des ordinateurs portables dans les
cafétérias, qui, sur l'heure du midi, gament ou qui peuvent continuer à avoir
accès à leurs réseaux sociaux?
On vous disait, on l'a entendu plusieurs
fois, on vous le dit aussi, les grandes compagnies de ce monde se sont déjà
adaptées et ils savent déjà que le vent risque de tourner, là, concernant
l'accès au cellulaire dans les écoles. On a les montres intelligentes qui sont
de plus en plus intelligentes. Nos intervenants nous disaient la semaine passée
qu'ils n'ont jamais vu autant de jeunes dans la classe avec les montres
intelligentes. Et les montres, là, on peut texter maintenant, pas juste
répondre à un message, on peut décider, là, de texter qui que ce soit d'autre.
Et donc, qu'est-ce qu'on fait? On abolit aussi les montres, on abolit les
portables? Lorsque... bien, pas lorsque, parce que ça a toujours été comme ça,
l'interdiction de fumer, on voit les jeunes vapoter sur le coin en face de
l'école, sur le coin de la rue, ce qu'on appelle, nous, le coin puff. Est-ce
qu'on va se retrouver avec des jeunes au coin cell à côté du point puff? Est-ce
qu'on va voir des jeunes, en fait, sortir de l'école aller consommer leurs
écrans, leurs réseaux sociaux en face de l'école? Quand on sait que l'école
reste quand même un facteur de protection très important, est-ce que nous
souhaitons éloigner les jeunes de ce facteur de protection là? On vous lance ça
comme piste de réflexion, vous réfléchirez là-dessus.
Mme Prass : Merci beaucoup.
• (15 h 40) •
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc : Je voulais
justement poser la question si c'était une bonne idée d'interdire ou pas le
cellulaire en classe, mais voulez-vous développer un peu?
Mme Lecours (Audrey-Ann) : Bien,
vous savez, tu sais, quand, récemment, en 2023, il y a eu la réglementation
entourant les saveurs dans les produits...
Mme Lecours (Audrey-Ann) : ...du
vapotage, hein? Bien, on a vu, nous... La journée même, on était très
contentes, on se disait que c'était un jour... une journée de fête. Mais non,
en fait, c'est que l'industrie s'est adaptée pour offrir des saveurs à part, et
les jeunes ont trouvé d'autres stratégies pour avoir accès à leurs produits
contenant des saveurs. Donc, les jeunes et l'industrie s'adaptent, mais ça ne
veut pas dire que... Mais, c'est ça, tu sais, on est conscient de ça.
M. Leduc : Mais la question
devient quasiment philosophique, tu sais, on met une limite à 100 sur
l'autoroute, même si on sait que la plupart du monde roule à 115, 120. Mais, si
on mettait la limite à 120, il roulerait probablement à 140. Est-ce que le fait
de dire : On l'interdit sur le territoire de l'école, il y a certainement
du monde qui vont sortir sur l'heure du dîner avec leur cellulaire, mais est-ce
que c'est tout le monde qui vont faire ça? Et est-ce qu'on aura quand même des
effets bénéfiques, même si ce n'est pas appliqué de manière stricte?
Mme Lecours (Audrey-Ann) : C'est
une combinaison de facteurs, tu sais, c'est une combinaison de facteurs. Oui,
peu- être que ça pourrait avoir un effet bénéfique. Nous, on dit :
Attention, peut-être qu'il pourrait y avoir des éléments qui pourraient être
non bénéfiques, puis... Bien, ce n'est pas juste ça. Il faut travailler à ce
que ces jeunes-là deviennent des citoyens numériques, critiques, équilibrés, puis
ça passe par la prévention, c'est inévitable pour nous, puis le soutien tôt. Si
je commence à me poser des questions, si je me rends compte qu'une relation qui
n'est peut-être pas nécessairement saine avec l'utilisation des écrans, je dois
vite regarder ça en étant accompagné.
M. Leduc : Vous ne remettez
pas en question la directive du... l'interdiction du cellulaire en classe, là
c'était plus sur la question de l'école au complet?
Mme Poisson (Émilie) : Non,
mais c'est ça. Là, depuis l'interdiction du cellulaire en classe, c'est là
qu'on voit l'apparition des montres intelligentes. Ça fait que...
Mme Lecours (Audrey-Ann) : On
a des jeunes qui ont deux cellulaires, donc, qui vont déposer le téléphone
cellulaire.
Mme Poisson (Émilie) : Le
vieux cellulaire. Les lunettes Ray-Ban maintenant, qui permettent de filmer. On
peut écouter de la musique puis, si tu es à côté, tu n'entends même pas que la
personne... L'industrie s'est adaptée, les jeunes aussi. On a toujours un peu
un pas de retard derrière l'industrie. Avec le modèle qu'on présente, c'est ça,
c'est qu'on va s'adapter selon les tendances, en restant toujours avec les
jeunes, en s'adaptant à ça, puis en continuant à développer les mêmes
compétences personnelles nécessaires pour... chez les jeunes, pour les aider à
avoir une consommation plus équilibrée.
M. Leduc : Donc, si on
interdit sur le territoire de l'école, on va... on se magasine une déception.
Mme Lecours (Audrey-Ann) : Je
pense que ça va prendre du temps...
Mme Poisson (Émilie) : Bien,
des beaux défis, certainement.
Mme Lecours (Audrey-Ann) : Oui,
c'est ça, exactement, tu sais... Puis il va falloir peut-être s'assurer qu'il y
ait des ressources humaines, peut-être s'allier avec des organisations
communautaires pour qu'il y ait plus de travailleurs de rue. Tu sais, il va
falloir que... Les jeunes, ils vont sortir, ça, c'est sûr et certain. S'il y a
de quoi dont on est certaines ici, parce qu'on le vit au quotidien, les jeunes,
quand on les restreint, bien, ils vont trouver des façons de satisfaire leurs
besoins. Et puis là, bien, ils vont trouver la façon. Donc, est-ce qu'il y aura
d'autres initiatives pouvant limiter les conséquences de ça? Certainement,
mais...
Mme Poisson (Émilie) : Je
vois difficilement par contre, comment interdire l'ensemble des outils
technologiques. Là, ça va devenir un beau défi pour les écoles, les ordinateurs
portables, les montres, les lunettes de ce monde, là.
M. Leduc : À l'époque, ils
interdisaient les Tamagotchi à mon école secondaire, mais ça, c'est un autre...
Mme Poisson (Émilie) : Ça les
faisait mourir parce que tu ne les nourrissais pas.
M. Leduc : Voilà. Quelle
cruauté. Je finis avec une dernière question. Vous parlez beaucoup d'élèves qui
viennent chercher des services à la fin de vos présentations. Est-ce que...
est-ce que le système... Est-ce que vous, vous êtes assez équipés pour offrir
ce service-là?
Mme Lecours (Audrey-Ann) : Bien,
franchement, là, on peut en être fiers en Mauricie, au Centre-du-Québec, on a
la trajectoire de service la plus efficiente. Vraiment, chez Action
Toxicomanie, mettons, dans un rush, là, c'est environ un délai de deux semaines
avant qu'un jeune soit rencontré. Ce que nous considérons comme étant très
raisonnable. Et au niveau des services spécialisés en dépendance, c'est un 10
jours, 10 jours ouvrables avant que le jeune soit rencontré pour une première
fois, pas pour une prise de rendez-vous, rencontré. Donc, c'est très, très,
très rapide, et on a tous les outils, les grilles de dépistage validées qui
nous permettent vraiment de voir le niveau de soins requis et d'orienter nos
interventions en fonction du niveau de soins requis. C'est très, très, très
efficace. Pour vrai, là, tu sais, je ne dis pas ça pour... ce n'est pas du
violon, c'est vrai.
Mme Poisson (Émilie) : Nous,
on l'est, ce n'est pas toutes les régions par contre qui le sont. Ce ne sont
pas toutes les régions par contre qui ont un mécanisme d'accès aussi développé.
Lorsque l'enveloppe du ministre Carmant, qui est descendu pour le Programme de
prévention des dépendances en milieu scolaire, une des choses qu'on a
observées, c'est quand on va dépister des jeunes, il faut les référer. Et là il
y avait... le terrain n'était pas prêt nécessairement dans le sens où les CISSS
et les CIUSSS de ce monde n'étaient pas nécessairement tous prêts à recevoir
ces jeunes-là qui revenaient... qui se faisaient référer, parce qu'on en
dépistait plus, bien évidemment, étant dans les écoles. Donc, il y a quelque
chose à faire à ce niveau-là pour préparer le terrain, s'assurer qu'il y ait un
filet qui va accueillir les jeunes lorsqu'ils seront référés.
Je vous le disais, ce modèle-là est en
majorité, là, déployé déjà dans d'autres régions du Québec. Il n'est pas
nécessairement...
Mme Poisson (Émilie) : ...déployé
dans son ensemble, c'est-à-dire que dans beaucoup de régions du Québec, ça va
être l'animation d'ateliers, la prévention universelle, puis le financement, il
n'est pas nécessairement assez grand pour qu'il y ait l'intervention précoce,
c'est-à-dire, comme Audrey-Ann disait, que l'intervenant soit dans l'école avec
son bureau et tout ça. Ça fait qu'on va faire lever des lapins en allant animer
nos ateliers, mais après ça, le jeune se retrouve un peu... À quelle porte je
vais frapper? On le sait, le professionnel scolaire... le personnel scolaire
est débordé. Donc, des fois, un jeune qui va avoir des questions sur son
utilisation des écrans, ça pourrait être long avant qu'il le voie.
Ça fait qu'en Mauricie-Centre-du-Québec,
oui, parce que ça fait 33 ans qu'on existe, parce qu'il y a un autre organisme
qui est sur le territoire avec nous qui existe depuis aussi longtemps et parce
que le mécanisme d'accès existe, ça fonctionne, on est un des modèles... On a
l'air de se vanter, là, mais c'est vrai, on est un modèle, là, qui fonctionne à
ce niveau-là.
M. Leduc : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
Mme la députée de Hull.
Mme Tremblay : Oui, bonjour.
Je voulais revenir un petit peu sur... Parce que l'interdiction bien là, on a
compris que ce n'est pas nécessairement, à votre avis, la solution. Mais vous
parlez, bon... les jeunes contournent. Mais est-ce que... Tu sais, on a
interdit le cellulaire en classe, donc, bon, parce que c'est une source
importante de déconcentration puis c'est... tu sais, c'est bon de... Mais...
Puis, tu sais, vous dites : Mais il y a des petites façons de contourner,
évidemment, deux cellulaires, mais on s'entend que ça doit être une faible
majorité de jeunes. Donc, on est vraiment, là... La majorité, tu sais, ça va
bien, ils comprennent le pourquoi puis... mais... Vous êtes d'accord avec moi
là-dessus?
Mme Lecours (Audrey-Ann) : Tout
à fait.
Mme Tremblay : C'est ce que
vous entendez? Quand ils vous parlent, c'est ce qu'ils vont venir vous dire
aussi, oui?
Mme Lecours (Audrey-Ann) : Oui.
Vraiment. En classe, là, le niveau d'adhésion semble assez... tu sais, assez
efficace. Même les jeunes, hein? On a... Avec notre mémoire, on a envoyé un vox
pop, là, que les jeunes exprimaient un peu... Bien, la question, c'était :
Qu'est-ce que vous auriez à dire aux gens...
Mme Poisson (Émilie) : S'ils
étaient ici aujourd'hui, qu'est-ce qu'ils vous... ils vous diraient, en fait.
Mme Lecours (Audrey-Ann) : Oui.
Puis eux, ils le réclament, hein, ils réclament un meilleur encadrement, ils
réclament de meilleurs outils, ils réclament des intervenants en prévention
dans les écoles pour les accompagner. Donc, les jeunes, ils le disent, qu'ils
en ont besoin. Donc, dans le cadre... à l'intérieur des cours, là, jusqu'à
maintenant... il y en aura toujours, des jeunes qui tenteront de ne pas
respecter les règles, mais la majorité des jeunes les respectent. C'est plus
dans le contexte où on interdit totalement, là il y a différents enjeux qui
posent question.
Mme Tremblay : Est-ce que...
Bon, si on ne va pas dans le sens de l'interdiction, quand même, vous l'avez
dit, je pense, d'avoir une réflexion, des balises, je pense, puis, tu sais,
d'avoir quand même cette réflexion-là, qu'est-ce qui se passe dans l'école
pendant l'heure du dîner, aux pauses, tout ça, d'amener quand même une
réflexion. Il y a d'autres intervenants qui sont venus dire, bien, tu sais,
d'avoir des balises, puis après chaque école a une réflexion sur l'utilisation,
qui pourrait aller jusqu'à l'interdiction, mais il n'y avait pas beaucoup de
gens qui étaient nécessairement, là, jusqu'à l'interdiction complète, mais il y
a quand même des écoles qui ont pris cette direction-là. Ça fait que d'avoir
des grandes balises, puis après chaque milieu a une réflexion sur qu'est-ce
qu'on fait pour diminuer le temps d'écran dans nos écoles puis travailler en
prévention. Est-ce que, vous, c'est... c'est une réflexion que vous pensez qui
est dans la bonne direction puis que les jeunes adhéreraient à ça aussi, tu
sais?
Mme Lecours (Audrey-Ann) : Qu'il
y ait des balises? Bien, pourquoi pas, tu sais. Puis moi, je pense que les
jeunes aussi pourraient être nécessairement impliqués dans cette réflexion-là,
de dire quelles pourraient être les balises, quels sont les lieux où on
pourrait dire : Bien... Je ne sais pas, là, tu sais, pendant qu'on
mange... Je ne sais pas, je n'ai aucune idée, mais, tu sais...
Mme Tremblay : Des dîners
sans écran, tu sais, de les laisser...
Mme Lecours (Audrey-Ann) : Oui.
Mme Poisson (Émilie) : Mais
nous, on fait... on monte des équipes, des fois, dans... des intervenantes
impliquées dans les écoles, elles vont faire un 72 heures sans écran avec les
jeunes, et ça fonctionne, là, les jeunes le font, là. Je ne vous dis pas que
c'est la majorité, là, c'est cinq, six, huit, 10 jeunes, là, peut-être, mais
ils le font. Ils sont prêts à se prêter au jeu. Comme Audrey-Ann dit, je pense
que, oui, ça va être... ça serait important de les consulter, mais sans... il va
falloir garder en tête que les jeunes qui, eux, ont des problématiques...
qu'ils ne voient pas qu'on est en train un peu de démoniser l'écran pour
qu'après ça ils ne soient plus à l'aise d'aller parler aux intervenants en se
disant : Bien là, tout le monde adhère au dîner sans écran, moi, je suis
le seul qui n'est pas capable. Tu sais, il faut... il faut qu'on continue
aussi, oui, à baliser, mais à s'assurer qu'il va y avoir un filet pour
accueillir ces jeunes-là qui représentent... qui ont des difficultés eux autres
mêmes.
• (15 h 50) •
Mme Tremblay : Parfait.
Merci. Donc, éducation, prévention puis soutien.
Mme Poisson (Émilie) : Oui.
Mme Lecours (Audrey-Ann) : Oui,
soutien. C'est... Oui, mais le... ensuite le soutien, c'est nécessaire pour
éviter la détérioration des impacts. Quand on dit : Les jeunes, ils en
vivent, des impacts... mais on veut agir avant que ça soit à... de l'ordre de
l'impact.
Mme Tremblay : Merci
beaucoup.
Mme Lecours (Audrey-Ann) : Ça
fait plaisir.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
M. le député de Marquette.
M. Ciccone :Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour à vous deux.
Vous savez qu'au début, avant de débuter cette commission-là, on a...
M. Ciccone :...établir des orientations de la commission, puis vous les
avez eues, puis vous avez répondu avec votre mémoire. Puis il y a un élément où
on a débattu, puis on l'a mis dans des catégories. Ici, je vois que vous
réalisez des activités de promotion de la santé globale auprès des jeunes de 10
à 30 ans. Pour vous, qu'est-ce qui est un jeune? Puis ça touche qui, là?
Mme Lecours (Audrey-Ann) : Pour
nous...
M. Ciccone :Qu'est-ce qui est un jeune? Est-ce que c'est zéro à 15,
zéro à 18, jusqu'à 25 ans?
Mme Lecours (Audrey-Ann) : Notre
mission nous dit d'agir... On agit auprès des 10 à 30 ans, des jeunes
adultes qui vont venir vers nous, mais c'est difficile pour nous de... Les
parents aussi ont besoin d'être informés et sensibilisés. Je veux dire,
c'est...
Mme Poisson (Émilie) : Bien,
c'est ça, comme je vous dirais, on a un volet de 18-24 ans aussi. On agit
dans les établissements postsecondaires. Ça fait que les 18-24 ans restent
jeunes. En tout cas j'espère que 24 ans...
M. Ciccone :Mais je pense que je vais préciser ma question. Je vais
préciser ma question. Les gens qui vont vous voir, là, voyez-vous une plus
grande... un plus grand nombre de jeunes plus jeunes, disons 10 ans? C'est-tu
des adolescents, c'est-tu des jeunes adultes, c'est-tu des adultes? Parce que
vous travaillez avec des 10 à 30 ans, là. Ça fait que je veux voir, là, la
plus grande... La problématique de dépendance, est-ce que c'est plus jeune ou
plus vieux? Ou c'est semblable?
Mme Poisson (Émilie) : Bien,
en fait, on va avoir un peu de difficulté à répondre à la question,
c'est-à-dire là où on œuvre le plus et on voit le plus grand nombre de jeunes,
c'est au secondaire. Donc, on ne peut pas... Quand on va au primaire, en
cinquième et sixième année, on va... on est vraiment juste dans la prévention
universelle. Donc, ça va être un faible taux de jeunes élèves de cinquième
année, du primaire... voyons, cinquième année, sixième année qui vont entamer
un suivi avec nous après. Donc, c'est plus... C'est plus au niveau du
secondaire qu'on a des demandes à ce niveau-là. Puis, comme je le disais en
secondaire un, à la suite... à la suite de notre atelier, là, on toppe les
demandes.
Mme Lecours (Audrey-Ann) : C'est
environ en moyenne, un atelier, chaque année, va générer environ 2 à
3 demandes de services par atelier, et puis on voit une augmentation à
cinq demandes environ par atelier quand il est question des écrans. Donc
c'est... Puis l'élément clé de ça, de cette demande d'aide là, c'est le fait
que les jeunes... On explore un petit peu, on a des outils d'auto-observation,
on pose des questions puis là les jeunes, tout à coup, ils font comme :
Ah! Bien oui, effectivement, j'ai délaissé une activité que j'aimais. En tout
cas, ça fait que cet élément-là, lié à l'auto-observation, fait comme :
Aïe! Je pense que j'aurais le goût d'aller en parler de mon utilisation.
Au primaire, mettons, rares sont les
demandes de services. Souvent, les parents, ils vont nous appeler dans des
situations très critiques. Mais par contre, notre atelier au primaire génère
énormément d'intérêt des jeunes. Ils sont très participatifs. Rares sont les
fois où on est capables de compléter notre contenu, tellement que les jeunes
ont des choses à dire à propos de leur utilisation des écrans.
M. Ciccone :On voit ici, là, qu'une demande sur quatre à peu près dans
votre région, là, c'est par rapport avec les écrans. C'est 23 %.
Mme Lecours (Audrey-Ann) : Des
parents.
M. Ciccone :Vous avez eu une augmentation de 33 % durant les
dernières années. Avec votre travail, est-ce que vous voyez qu'on voit une
diminution? Est-ce que les jeunes reviennent vous voir? Est-ce que vous êtes
capables d'aller jusqu'au bout avec eux autres et leur faire comprendre ou
c'est vraiment, vraiment difficile avec tout ce qui nous entoure, puis on n'est
pas capable de limiter, là, parce que la technologie développe toujours puis il
y a toujours quelque chose de nouveau? Puis vous avez parlé des lunettes tantôt.
Tu sais, on voit des jeunes dans la rue qui parlent tout seuls, mais c'est
parce qu'ils parlent à leurs lunettes puis ils demandent... Ils veulent une
musique qui est particulière, là. Ça fait que...
Mme Poisson (Émilie) : Bien,
vas-y
Mme Lecours (Audrey-Ann) : Bien,
en fait, je vous dirais que oui, ça fonctionne. Les jeunes qui viennent à
nos... C'est difficile quand on a un jeune qui est vert, jaune, le vert, un
peu moins de rencontres, nécessite un peu moins de soutien, là, mais, mettons,
le jeune jaune, c'est du six à huit rencontres. Habituellement, quand on
octroie du six à huit rencontres à un jeune qui est jaune, on voit vraiment une
diminution de l'utilisation des écrans. On est capables d'amener le jeune à
trouver des alternatives pour répondre aux besoins. C'est à dire, mettons, moi
je suis... J'ai besoin de calmer mon anxiété. Je vais consommer, je vais
«binge-watcher» du TikTok pour me calmer, bien, on travaille avec lui, on
travaille les alternatives puis on voit vraiment une réduction au niveau de la
consommation des écrans.
Est-ce que... Est-ce que c'est toujours
pareil? Est-ce que, parce qu'un jeune est passé par nos services, plus jamais
il ne va avoir besoin? Non. Hein, c'est... On le sait, la dépendance, c'est
quelque chose qui est assez vivant. Il y a des phases, hein, dans le
développement d'un être humain. Ça se peut qu'on retrouve, on revoit cet
individu-là. Par contre, l'expérience, la demande d'aide chez Action
Toxicomanie, elle est très positive. C'est très important comme coordonnatrice
clinique que mon équipe offre un service chaleureux. Donc, vraiment, les gens,
ils vivent une belle expérience. Puis s'il y a quoi que ce soit, ils vont
revenir demander de l'aide. Et aussi, ils vivent aussi une bonne expérience...
Mme Lecours (Audrey-Ann) : ...quand
ils arrivent dans les services spécialisés, ça aussi, on le voit. Puis les
jeunes qui nécessitent une rentrée... en entrée en thérapie fermée, hein, sur
notre territoire, c'est le Grand chemin, bien, ils s'y rendent, ils sont
accompagnés de façon très personnalisée. Et environ... Ils peuvent... On a eu
une rencontre récemment, c'est environ huit semaines, donc ils peuvent passer
de huit à 10 semaines en thérapie puis ils vont demeurer assez longtemps en
thérapie, ces jeunes-là. Donc, c'est-à-dire que les gens qui embarquent dans un
processus y demeurent, et ça fonctionne.
M. Ciccone :Ça fonctionne. Avez-vous les données, à savoir... Parce
que, quand on parle d'écrans, là, c'est large, les écrans. Est-ce que c'est
jeux vidéo, est-ce que c'est les réseaux sociaux? C'est quoi? Les plus grandes
demandes, ça vient d'où?
Mme Lecours (Audrey-Ann) : Les
réseaux sociaux, les influenceurs, les impacts de ces influences-là, les
impacts de la désinformation, ça, là... ça, on le rencontre beaucoup dans nos
bureaux. Les profils sont très différents, hein? Un jeune qui va consommer
majoritairement les réseaux sociaux et un jeune gamer, ce n'est pas
nécessairement les mêmes profils. On va avoir, par exemple, chez les jeunes
gamers, des profils un peu plus introvertis, des défis parfois au niveau des
habiletés sociales, tu sais, bon, il y a des profils différents. On va voir,
parfois, chez les gamers, plus de l'anxiété de performance, alors que, chez nos
jeunes consommateurs de réseaux sociaux, plus une anxiété d'apparence.
Donc, c'est des profils qui sont
différents, mais je vous dirais que, là où on voit plus les ramifications des
écrans, c'est vraiment en lien avec l'utilisation puis la consommation des
réseaux sociaux. Les jeunes qui vont faire des demandes liées au gaming,
souvent ils vont venir faire une demande d'aide plus loin dans le spectre.
C'est plus long avant qu'ils viennent, donc la détérioration est un petit peu
plus présente.
M. Ciccone :O.K., parfait. Ça fait qu'il faut faire plus de
sensibilisation sur, justement, les chats.
Mme Lecours (Audrey-Ann) : Oui,
l'abri du gamer.
M. Ciccone :Il y a un groupe qui est venu nous voir qui dit qu'ils vont
sur les chats puis qu'ils font de la sensibilisation, puis ils peuvent faire
des rencontres, ils ont leurs contacts s'ils ont problème. Ça fait qu'il faut
aller cibler plus ces jeunes-là parce que c'est eux autres qui ont de la
difficulté à dire que... on a un problème.
Mme Poisson (Émilie) : Au
niveau du gaming, oui, mais comme on parlait, le développement de compétences
personnelles... Une fois que le jeune... quand on estime, elle est bonne, quand
tu es capable de t'affirmer, puis tout ça, habituellement, on ne se pas jusqu'à
à la problématique bien établie parce qu'on est capable de s'affirmer, on est
capable de dire non, on est capable de dire : Bien là, c'est assez, j'ai
d'autres passions, je suis capable de faire autre chose.
Quand Audrey-Ann, elle vous parlait,
tantôt, tu sais... On va essayer de chercher c'est quoi, la fonction derrière
le comportement, c'est quoi, c'est quelles compétences, c'est où que le bât
blesse. C'est là qu'on va travailler avec eux. Ça fait que, oui, leur dire...
être là puis leur dire : Il existe des ressources, je vois que tu es
souvent en ligne, u là jusqu'à tard, etc., oui, mais il faut aussi voir
pourquoi ce jeune-là passe ses nuits sur les jeux vidéo, là.
M. Ciccone :Merci beaucoup...
Mme Lecours (Audrey-Ann) : ...
M. Ciccone :Bien non, mais continuez si vous...
Mme Lecours (Audrey-Ann) : Non,
mais je vais juste rajouter un élément. Vous savez, la stratégie numéro un que
les jeunes... Quand, mettons, j'ai un jeune en suivi individuel, puis le jeune,
il veut réduire sa consommation d'écrans, vous savez c'est quoi, la stratégie
numéro un qu'il va mettre à son plan d'intervention? C'est : de passer
plus de temps avec mes parents. Mais c'est assez standardisé, là, donc, ça,
c'est quand même important aussi, tout le noyau familial, la relation avec la
famille. C'est un enjeu clé dans le rétablissement de ces jeunes-là par rapport
à leur utilisation des écrans. En tout cas, du moins c'est ça qu'eux nous
disent.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
Il reste... Ah! Oui.
M. Ciccone :Puis il faut... puis il faut que le parent dépose son
outil... téléphone.
Mme Lecours (Audrey-Ann) : Oui.
La Présidente (Mme Dionne) : J'avais
une autre collègue, Mme la députée de Châteauguay, qui avait une question. Oui.
Mme Gendron : Merci, Mme la
Présidente, je vais faire ça rapidement, mais ce que vous venez de dire, ça
parle beaucoup. Je vais vraiment m'en souvenir. Puis un grand merci, là, j'aime
votre approche, là. Vous dites que ça doit devenir des citoyens critiques qui
peuvent réfléchir par eux-mêmes de leur utilisation, également.
Je comprends que dans un cadre scolaire,
vous laisseriez quand même le cellulaire aux jeunes. Par contre, de quelle
façon, à l'école, on pourrait quand même intervenir à ce niveau-là, justement,
pour essayer de séparer l'étudiant de l'appareil. Puis est-ce que vous pensez
que ça devrait faire... un atelier devrait faire partie d'un certain corpus
scolaire? Est-ce qu'il devrait y avoir là, justement, des cours ou un atelier
obligatoires à tous? J'aimerais vous entendre, en quelques secondes, j'imagine?
• (16 heures) •
La Présidente (Mme Dionne) : Il
vous reste une minute.
Mme Gendron : Une minute.
Mme Poisson (Émilie) : Oh
boy!
Mme Lecours (Audrey-Ann) : Certainement.
Certainement. Vous savez, avec les nouveaux cours, là, Culture et citoyenneté
québécoise, nous, nos intervenants, c'est à l'intérieur de ces cours-là qu'ils
vont faire des ateliers de sensibilisation liés à l'utilisation des écrans.
Donc, tu sais, oui, inévitablement, que ça soit assez systématique, que les
jeunes puissent entendre parler d'utilisation des écrans aussi, de tout ce qui
s'appelle cybercrime, et tout ça, tu sais. Je pense qu'il faut aller aller
assez large dans les informations qu'on transmet.
Mme Poisson (Émilie) : Les
grands principes qu'Audrey-Ann parlait tantôt, je pense que ça aussi, ça peut
être vraiment une idée dans le cadre...
16 h (version non révisée)
Mme Poisson (Émilie) : ...colère
aussi comme enseignant, comme intervenant. Comment on se positionne? C'est quoi
notre posture par rapport aux écrans? Et oui, de répéter que tout ce qu'on voit
sur Internet n'est pas nécessairement vrai, c'est là aussi qu'on va développer
l'esprit critique des jeunes, puis de continuer à investir, sans plugger le
titre de nos ateliers, investir dans leur passion, en fait, les enseignants les
connaissent, les élèves, ils savent ce qu'ils aiment. Ça fait que de continuer
ça, d'encourager ça.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup. C'est malheureusement tout le temps qu'on a. Donc, Mme Lecours, Mme Poisson,
merci infiniment pour votre contribution à nos travaux.
Je suspends les travaux quelques instants
pour accueillir notre prochain témoin.
(Suspension de la séance à 16 h 01)
(Reprise à 16 h 05)
La Présidente (Mme Dionne) : La
commission reprend maintenant ses travaux. Je souhaite maintenant la bienvenue
aux représentants du Bureau des affaires de la jeunesse. Donc, merci de vous
joindre à nous pour cette commission. Donc, je vous rappelle que vous disposez
de 10 minutes pour nous faire part de votre exposé. Peut-être vous
présenter d'entrée de jeu. Et, suite à ça, nous procéderons à une période d'échange
avec les membres de la commission. Alors, ceci étant dit, la parole est à vous.
Mme Champagne (Véronic) : Parfait.
Je vais me présenter d'ores et déjà. Donc, Véronic Champagne, vous l'avez
mentionné, du Bureau des affaires de la jeunesse pour le Directeur des
poursuites criminelles et pénales. J'ai la chance d'être... de la procureure en
chef de ce magnifique bureau depuis maintenant deux ans. Je vais laisser les
gens qui m'accompagnent se présenter, je vous ferai l'exposé par la suite.
Mme St-Pierre (Joanny) : Bonjour.
Joanny St-Pierre, procureure aux poursuites criminelles et pénales,
coordonnatrice du Comité de concertation contre la lutte à l'exploitation
sexuelle des enfants sur Internet. Alors, de mon côté, j'appartiens au Bureau
des mandats organisationnels. Je pense que Véronic vous présentera un petit peu
plus en détail mon bureau.
M. Ouellette (Maxime) : Et
bonjour à toutes et à tous. Me Maxime Ouellette, procureur au bureau des...
M. Ouellette (Maxime) : ...affaires
de la jeunesse de Saint-Jérôme et, également, là, j'ai initié avec quelques-uns
de mes collègues et confrères, là, le Projet Sexto, qui a débuté à Saint-Jérôme
il y a quelques années, je sais que Me Champagne va vous en parler. Donc, ça me
fera plaisir de participer, évidemment, à la commission et de répondre à vos
questions.
Mme Champagne (Véronic) : Donc,
parfait, je vais me lancer, si ça vous convient. Donc, j'ai décidé pour ce bref
exposé de vous parler justement de beaux projets qu'on a au DPCP, au Directeur
des poursuites criminelles et pénales, et c'est sûr, particulièrement trois qui
sont au Bureau des affaires de la jeunesse pour vous montrer un peu le travail
d'intervention qu'on fait en amont en tant que poursuivant public, justement
pour répondre aux besoins des jeunes, aux besoins de la population concernant,
justement, cet attrait pour les réseaux sociaux, Internet et la téléphonie
intelligente. Donc, au Bureau des affaires de la jeunesse, à la base, on est...
évidemment, on est là pour intenter des poursuites criminelles et pénales
contre les adolescents de 12 à 17 ans, 12 à 18 ans moins un jour, donc. Mais on
a, entre autres, trois sphères, programmes, on a parlé de Sexto brièvement, on
aussi La Cour d'école et le #gardecapourtoi qu'on va donner dans les écoles.
Je vais commencer par vous parler de
#gardecapourtoi, qui est un programme qui est donné dans le coin de Gatineau,
toute la Commission scolaire de Gatineau. Tous les élèves de secondaire I de
Gatineau, tant les écoles francophones qu'anglophones, privées ou publiques,
reçoivent la visite de policiers, d'un procureur ainsi que d'un membre du
CALACS pour parler... on appelle ça le «sexting» ou le «sexetage» avec les
adolescents. Ce qui est fait pendant cette rencontre-là qui dure environ une
heure, c'est vraiment de parler à tous les élèves de la séduction, du
consentement, des ressources d'aide et de la façon de bien utiliser les médias
sociaux, et peut-être, au lieu d'envoyer des photos sexys, des photos, là, qui
pourraient être considérées comme de la pornographie, des moyens alternatifs,
là, un peu sous le joug de la blague, là, qui pourraient être faits pour,
disons, se débarrasser de la situation des demandes de photos compromettantes.
Donc, c'est un programme qui est très centré, là, Gatineau. Mais, chaque année,
depuis quelques années, là, tous les élèves de secondaire I... sont rencontrés
pour être, disons, sensibilisés, là, au «sexetage» et à la diffusion d'images
sur les réseaux sociaux.
On a également un autre programme qui
s'appelle la Cour d'école, qui est là depuis plusieurs années. On en est à
notre neuvième année cette année. Et ce qui est magnifique avec la Cour
d'école, c'est qu'il y a des procureurs formateurs qui se rendent dans les
classes de cinquième année du primaire, cette fois-ci, pour parler avec les
jeunes de différents sujets en lien avec le système judiciaire. L'année passée,
pour vous donner une idée de grandeur, il y avait 172 procureurs formateurs qui
formaient 50 équipes, qui se sont présentés dans 74 classes du Québec, pour
parler avec les jeunes sur une durée de 17 semaines, ce qui est quand même là,
plusieurs séances, où on va parler du système judiciaire, de l'absentéisme
scolaire, de l'intimidation. On va parler également de l'importance de faire
des bons choix. Mais on a surtout deux nouvelles leçons, dans les dernières
années, qu'on a mis en place, une qui est sur le respect de soi et le respect
des autres, où on parle du consentement, et une autre qui est soisprudent.ca où
on parle justement de la façon de se comporter sur les réseaux sociaux.
Tout ça a été pris d'une idée, le
programme était... s'appelait Lead au départ et... des procureurs de la
Californie. Avec les années, on a modifié le programme pour vraiment répondre
de plus en plus aux besoins qu'on voyait chez les jeunes. C'est pour ça qu'une
leçon sur le consentement a été ajoutée et une leçon sur le comment se
comporter sur Internet. La leçon sur le consentement, là, ne vient pas non plus
montrer aux jeunes, là , en tant que tel, les techniques, là, quant au
consentement, mais c'est vraiment sous la forme d'exposé et de faire... et de
comprendre le respect de soi, le respect des autres, le respect du non, le
respect de s'écouter soi-même également lorsqu'on ne désire pas quelque chose.
L'importance de choisir son réseau d'amis et de respecter un non qui peut
être... quand tu chatouilles ton petit frère qui te dit d'arrêter, bien, on
cesse les manipulations à ce moment-là.
• (16 h 10) •
Donc une leçon très intéressante qui
apprend vraiment aux jeunes à identifier la limite et également à les nommer, à
fréquenter aussi, comme je vous le disais, des amis de leur âge, à demander
avant de toucher et à faire en sorte qu'on respecte leur non-désir d'être
touché, de toucher quelqu'un d'autre, ne serait-ce que de donner des bisous à
des oncles ou à des tantes qu'on ne voit pas trop souvent, de reconnaître le
malaise chez soi-même et chez les autres, et d'identifier également les adultes
de confiance et les ressources. Donc, cette leçon-là est...
Mme Champagne (Véronic) : ...elle
est nouvelle, elle a été mise sur pied par le DPCP en collaboration avec des
collaborateurs, là, qui travaillent auprès, là, des jeunes ayant pu subir, là,
des abus sexuels.
Il y a également une leçon, comme je vous
disais, en plus des 15 autres, là, qui parlent de la... de sensibiliser les
élèves à l'importance de la prudence sur Internet et sur les médias sociaux. En
fait, on vient définir avec les jeunes, là, c'est quoi, un comportement prudent
sur Internet, c'est quoi, les conséquences possibles de certains comportements
ou gestes que je peux avoir sur Internet. Le fait de publier une photo, une
image, un texte, jusqu'où ça peut aller? Qu'est-ce qui peut se passer par
rapport à ça? On se rappelle que c'est des enfants de 11 ans, qui sont en
cinquième année, donc qui, pour la plupart, sont dans leurs débuts, là,
d'apprendre à aller soi-même sur Internet. Et malheureusement, il y en a qui
ont déjà, là, des... sont déjà sur les réseaux sociaux, donc de les apprendre,
là, à bien naviguer dans tout ça.
Donc, ce qu'on veut faire, c'est illustrer
les conséquences de certains comportements sur Internet, les renseigner sur
leurs droits, leurs obligations en matière numérique. Il y a même la lecture
d'un code de vie sur le net, leur montrer vraiment, là, comment naviguer,
exemple, de justement... un peu aussi pour qu'ils en discutent avec leurs
parents, que l'ordinateur soit à la vue, de donner ses codes d'accès toujours à
ses parents, des trucs pour qu'ils soient en sécurité, là, sur les réseaux
sociaux.
Donc, comme je dis, la cour d'école dure,
il y a une notion introductive, 16 semaines. La dernière, ça se termine par un
procès simulé où on amène les enfants, là, visiter le palais de justice et
rencontrer la magistrature et également, là, les policiers, les intervenants du
système judiciaire. Si je vous parle de ça, je voulais principalement, comme je
vous dis, vous parler des deux leçons, mais ça nous permet aussi d'aller voir
les jeunes et d'avoir également, là, mis en place des leçons à la fine pointe.
On adapte le projet d'année en année pour vraiment répondre, là, aux besoins
des jeunes.
Bon, Me Ouellette s'est présenté tout à
l'heure, notre coordonnateur Sexto, Sexto qui est un magnifique projet
également, là, du Bureau des affaires de la jeunesse. En fait, c'est en lien
avec le Bureau des affaires de la jeunesse de Saint-Jérôme, le Service de
police de Saint-Jérôme, qu'ils se sont rendu compte, bien, qu'il y avait de
plus en plus de phénomènes de sextage chez les adolescents. Et là, on remonte
en 2016. Et ils se sont mis ensemble pour mettre en place le projet Sexto, qui
maintenant est vraiment devenu une mesure-phare du plan d'action pour prévenir
et contrer l'intimidation et la cyberintimidation. Je vous dirais que, d'année
en année, on est de plus en plus partout au Québec, je dirais qu'on a même...
on est... il reste quelques corps de police à se joindre à nous et quelques
commissions scolaires.
Ce qu'est Sexto, c'est une action
concertée, rapide, en situation de sextage. S'il y a un jeune, une jeune qui se
plaint en milieu scolaire que sa photo a été distribuée ou un jeune qui va voir
un intervenant, qui lui dit : Moi, j'ai reçu cette photo-là, il y a une
intervention rapide, efficace. Le but de Sexto : que cette photo-là cesse
d'être propagée. Parce que c'est bien beau dire : Nous, on est des
poursuivants publics, on va poursuivre, on va faire ce qui s'en suit, donner
une sentence, une peine, mais l'important pour la victime, pour la personne que
la photo circule, c'est que la photo cesse de circuler. Donc, Sexto, c'est une
intervention rapide.
Je vous dirais qu'entre le moment où le
geste est dénoncé et la prise de décision, qu'est-ce qu'on fait avec ce
dossier-là, il y a un délai de 24 à 48 heures. C'est-à-dire que, dans ce
délai-là, le policier rencontre l'intervenant scolaire, ils discutent de la
situation, on demande à un procureur si on y va par méthode d'enquête
traditionnelle, c'est-à-dire qu'on judiciarise le dossier, ou si on y va par la
rencontre Sexto. Comment on se base pour faire le choix? C'est bien simple. On
va voir, chaque situation est un cas d'espèce, quelle est la motivation de
l'adolescent, l'origine de tout ça, pourquoi il a transmis cette photo-là.
Est-ce que c'est un coup de tête? Est-ce que c'était par vengeance? On valide
toute l'information et on prend une décision, comme je dis, le but premier
étant toujours de récupérer ces photos-là et de faire en sorte qu'elles ne
circulent plus.
Je vous disais qu'on est presque partout
au Québec avec Sexto. En fait, il y a 24 corps de police municipaux, le SPVM et
la Sûreté du Québec qui sont, là, désormais formés Sexto, avec les commissions
scolaires, là... les centres de services scolaires qui y sont rattachés. En
fait, là, il reste quelques corps de police, là. Je ne veux pas... Je ne veux
pas mal les nommer, donc je laisserai peut-être Maître Ouellette les dire. Mais
on a même un corps de police autochtone qui est formé Sexto, qui applique la
méthode Sexto. L'objectif, évidemment, est d'être partout, partout, partout,
avec Sexto, dans tous... dans tous les... dans tous les corps de police et dans
tous... dans toutes les écoles.
Pour vous donner une idée, là, depuis
2016...
Mme Champagne (Véronic) : ...il
y a 1 625 dossiers qui ont été traités avec la méthode Sexto, et ça, ça
comprend 5 457 jeunes qui ont été impliqués dans ce genre de dossier là. Vous
savez, une photo peut être partagée à une, à deux, à 10, à 12 personnes,
transcende les écoles, peut se ramasser très loin. Donc, c'est beaucoup de
jeunes qui ont été traités, dont juste l'année dernière, durant la dernière
année scolaire, 413 dossiers qui ont été traités, là, par Sexto, c'est dire que
ça fonctionne...
La Présidente (Mme Dionne) : Je
dois vous interrompre, Mme Champagne. Désolée. Le 10 minutes est dépassé, mais
ce n'est pas grave. Je suis certaine que les collègues ont un tas de questions
à vous poser. Alors, on va poursuivre avec mes collègues. Donc, qui veut
débuter ces échanges? Oui, Mme la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme Cadet : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, Me Champagne, Me Ouellette... pardon, Me St-Pierre, je
pense que... Merci. Merci pour vos interventions. J'avais peut-être une
question, donc, sur la tangente de ce que vous expliquez par rapport à Sexto
puis le rôle que nous, on peut jouer comme législateur, une thématique que
quelques collègues, donc, ont abordée avec vos prédécesseurs. Donc, c'est toute
la question, donc, du droit à l'oubli, là. Donc, je comprends, donc, qu'on
parle, donc, des photos... diffusées donc, vous dites donc à une, à deux, à 300
personnes. Donc, est-ce que vous voyez un bénéfice? Est-ce que vous voyez,
donc, que ce type d'action là, de la part du législateur, donc, pourrait vous
aider, donc, sur le long terme face à cette initiative que vous avez créée...
conçue?
Mme Champagne (Véronic) : Bien,
en fait...
Mme St-Pierre (Joanny) : Parfait.
Je peux me lancer. En fait, je vais y aller peut-être un petit peu différemment
de votre prémisse, c'est-à-dire que votre question se terminait avec :
Est-ce qu'on peut y aller en complément avec votre projet Sexto? En fait, moi
je vois l'opportunité de venir légiférer dans la possibilité de pouvoir
rapidement intervenir pour enlever du matériel d'images intimes qu'ils diffusent
sur Internet comme étant excessivement positif. Plusieurs provinces au Canada
ont des lois qui permettent aux victimes d'obtenir de l'aide, du soutien pour
pouvoir faire des démarches dans... ces démarches-là, parce qu'on sait que ça
peut être complexe pour une victime de faire enlever du matériel d'elle qui
constitue des images intimes. Et c'est bénéfique pour ces victimes-là d'avoir
la possibilité de recourir à un cadre législatif pour pouvoir aller faire
enlever ce matériel-là. Donc, je pense que cette possibilité-là de légiférer au
Québec pourrait être très, très, très positive, et de rassembler, par exemple,
des services pour ces victimes-là en un seul et même endroit où elles n'ont pas
à aller cogner à plusieurs portes pour essayer de trouver comment je pourrais
faire, avec qui je dois intervenir.
Donc, je pense que c'est définitivement
quelque chose qui pourrait être très positif pour les victimes québécoises,
avec des services évidemment en français. Donc, je pense que ça pourrait être
très, très bénéfique.
Mme Cadet : Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : M.
le député de Marquette.
M. Ciccone :Merci beaucoup. Bonjour à vous trois. Merci de votre
présence. Vous avez parlé de plusieurs programmes que vous avez mis en place
pour sensibiliser les jeunes. Je veux vous parler de cyberintimidation... Il y
a combien de cas que vous avez répertoriés? Est-ce qu'il y a beaucoup, beaucoup
de cas qui se retrouvent devant vous , où vous devez, là, porter des
accusations ou que vous devez vraiment faire votre travail pour justement
avertir un jeune ou qu'il y ait des conséquences? Est-ce qu'il y en a beaucoup
en matière de cyberintimidation ou ça se règle toujours avant d'arriver devant
vous?
• (16 h 20) •
Mme Champagne (Véronic) : Ce
serait une bonne nouvelle si ça se réglait toujours avant d'arriver devant
nous. On aimerait ça. C'est sûr que le programme, entre autres, c'est vraiment
pour la diffusion d'images intimes. La cyberintimidation, c'est drôle, parce
que notre système ne me permet pas de vous donner des chiffres sur le nombre de
dossiers de cyberintimidation, parce que ça va être un chef d'accusation qui va
être du harcèlement, de l'intimidation, des menaces. Donc, moi, je n'ai pas r,
d'extraire la donnée que vous me demandez, s'il y a des dossiers de cette
nature-là. Évidemment, comme procureur terrain, je peux vous dire que, oui,
c'est des dossiers qu'on voit, il y en a beaucoup, malheureusement. Parfois,
l'intimidation va commencer à l'école, va se poursuivre le soir par les médias
sociaux. C'est beaucoup ce qu'on peut voir. En fait, le jeune n'a plus de
pause, il n'a plus de moment de répit même chez lui, tu sais, on réussit à le
rejoindre.
Donc, on a beaucoup de ces dossiers-là,
évidemment, de cyberintimidation. Ce qu'il faut savoir, en matière jeunesse,
puis je ne sais pas si vous êtes... vous connaissez bien...
Mme Champagne (Véronic) :
...système de justice pénale pour adolescents. Mais c'est qu'on a aussi ce
qu'on appelle toutes les mesures extrajudiciaires. On essaie aussi beaucoup de
sensibiliser les jeunes. Notre but n'est pas toujours de faire en sorte de
judiciariser l'adolescent. On essaie de lui amener de l'aide, du soutien, lui
faire réaliser l'impact de ses comportements par des méthodes alternatives, par
des méthodes extrajudiciaires. Donc, on a beaucoup de dossiers. C'est sûr que
quand on voit ce qui a inclus des images intimes, de la pornographie, on a
Sexto mais pour effectivement, vraiment la cyberintimidation comme vous
l'appelez là, on aura plutôt des dossiers, mais qui seront traités différemment
parce que chaque cas pour un jeune est un cas d'espèce. Donc, on va le traiter,
là, selon les besoins de l'adolescent qui est devant nous.
M. Ciccone :
Les jeunes qui commettent des fautes qui se retrouvent devant vous, là,
toujours en matière, là, en parlant d'outils numériques, là, principalement,
là, ça vient de quelle plateforme? Ou c'est principalement des textos, là?
Est-ce qu'il y a des plateformes particulières qui sont souvent nommées, qu'on
a utilisées justement pour commettre des fautes?
Mme St-Pierre (Joanny) : J'ai
envie de prendre la balle au bond. En fait, l'utilisation des plateformes, à
mon avis, elle est changeante. C'est-à-dire que ça va aller selon les modes si
on veut, parce que les jeunes, pour une période, ils vont aller sur une
plateforme qui est préférée et là, pour X ou Y raison, cette plateforme-là va
devenir moins intéressante, ou il y en a une nouvelle qui va apparaître avec
des options supplémentaires ou des options différentes qui vont amener les
jeunes à aller vers cette plateforme-là. Alors, on pourrait vous dire
aujourd'hui, peut- être, et peut-être que Maxime pourra compléter la réponse,
mais on pourrait vous dire qu'aujourd'hui, en date du 24 septembre 2024, il y a
une plateforme en particulier qui est plus populaire que les autres. Et dans
six mois, la réponse pourrait, à mon avis, être différente. Donc, il y a à la
fois quand on pense à l'utilisation de plateformes pour commettre des
infractions, mais également à l'utilisation de plateformes pour des jeunes qui
deviennent victimes d'infractions. Donc, dans l'un ou l'autre des cas, à partir
du moment où un enfant qui a, peu importe l'âge qu'il a, est en possession d'un
appareil informatique qui se connecte sur Internet, il y a des risques qu'ils
soient victimes ou qu'ils puissent à son tour, par exemple, tomber dans les
filets, de commettre de l'intimidation.
M. Ciccone :
Me Ouellette, vous avez dit tantôt que vous étiez à Saint-Jérôme, ici, on tente
aussi de savoir, là, les impacts différents en matière de ruralité ou des sites
urbains, là. Je suis persuadé que vous parlez avec d'autres collègues qui ont
la même position que vous. Voyez-vous un achalandage au niveau urbain versus
rural ou vice-versa?
M. Ouellette (Maxime) :
Écoutez, moi, je coordonne Sexto sur l'ensemble de la province de Québec. Donc
j'ai autant la chance de m'adresser à des partenaires locaux comme Saint-Jérôme
dans des régions un peu plus rurales que, par exemple, le SPVM à Montréal, là,
où on a fait le déploiement de Sexto à l'automne dernier, donc en septembre
2023 jusqu'en avril 2024. Je vous dirais que la réalité, entre autres, du
sextage chez les adolescents, elle est partagée à l'entièreté de la province.
Le phénomène ne semble pas être plus important ou moins important en région,
par exemple, qu'en milieu urbain. Donc cette problématique là, elle est
vraiment, là, similaire, je vous dirais, et partagée par l'ensemble des jeunes.
Pour peut-être revenir à la question précédente au niveau des réseaux sociaux,
nous, ce qu'on voit beaucoup dans nos dossiers, c'est l'utilisation de Snapchat
qui est depuis des années une plateforme qui est beaucoup utilisée chez les
jeunes, également Messenger, donc, Facebook, Meta, Messenger qui est aussi un
outil qui est souvent utilisé pour créer des groupes de discussion entre
élèves. Et bien là, un adolescent, par exemple, ou une adolescente va décider
de partager du contenu à ce groupe-là. Donc on peut avoir 10, 12, 20 personnes,
et les gens n'ont pas sollicité nécessairement le contenu, mais là, on leur
expose du contenu, parfois du contenu, par exemple au niveau de sexto, qui peut
s'apparenter à de la pornographie juvénile au sens de la loi. Donc, nous,
sexto, on est en matière d'intervention, contrairement aux autres programmes
que Me Champagne a défini un petit peu plus tôt qui sont vraiment des
programmes davantage basés sur la prévention et l'information. Sexto, lorsqu'il
s'applique, c'est qu'on est en intervention. Donc, il y a eu un cas de sextage,
il y a eu du partage d'images intimes, il y a une demande d'une adolescente ou
d'un adolescent qui a besoin d'aide. Et là, on met en marche le protocole
sexto. Et l'objectif, eh bien, c'est d'éduquer les jeunes et non pas de les
judiciariser. C'est vers ça qu'on tente le plus d'aller avec sexto, parce qu'on
s'est rendu compte que les moyens légaux, ce qu'on entreprenait au niveau
judiciaire, bien, créait des délais, la prise en charge n'était pas optimale et
au final, bien, on ne répondait pas aux besoins des jeunes et on ne
responsabilisait pas les adolescents qui se livraient au sextage, mais avec
sexto, nous, on considère qu'on a beaucoup amélioré la situation et des
dossiers qui prenaient des mois à enquêter et à se régler au niveau judiciaire
maintenant dans un délai de moins d'une semaine, on peut arriver à les régler.
Puis ça, c'est la...
M. Ouellette (Maxime) : ...la
majorité de nos dossiers... on parle d'une proportion de près de 60 % des
dossiers dont Me Champagne a parlé tout à l'heure qui se sont réglés via la
rencontre de sensibilisation sexto et non vers la voie judiciaire.
M. Ciccone :Bien, bravo! Merci beaucoup. Merci beaucoup.
M. Ouellette (Maxime) : Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : Vous
me rappelez combien de dossiers, tout à l'heure vous aviez parlé que vous aviez
gérés?
M. Ouellette (Maxime) : Oui,
c'est 1625 dossiers depuis 2016. Seulement l'année dernière, on a constaté 416
dossiers, pour l'année entière, en 2023. Et entre janvier 2024 et juin 2024,
donc la dernière période, nous, quon a comptabilisée, c'est 396 dossiers. Donc,
on note une augmentation croissante depuis 2016. Évidemment, il y a une partie
de l'augmentation qui est en lien avec le fait que le déploiement se fait
d'année en année de façon plus importante, auprès de davantage de corps
policiers, mais on note quand même une croissance, là, dans le traitement des
dossiers, parce que, l'année dernière, ce qu'on a constaté entre janvier et
juin, c'est qu'à Montréal, qui était la nouvelle région où on a implanté Sexto,
il y a eu 68 dossiers qui ont été traités. Donc, en les déduisant du fameux 396
dossiers qu'on avait, bien, on en a quand même près de... quasiment le même
nombre que l'année d'avant, seulement avec une demi-année, là. Donc, c'est
vraiment... c'est vraiment préoccupant, comme phénomène.
La Présidente (Mme Dionne) : Et
pourquoi vous pensez que... Si vous étiez législateurs ou à notre place en
commission... comment est-ce qu'on pourrait contribuer? Est-ce que c'est au
niveau de la prévention? Est-ce que... Là, c'est sûr que, oui, comme vous
dites, il y a plus d'interventions, il y a le déploiement de Sexto, donc,
évidemment, il doit y avoir plus de dénonciations, mais comment on explique ce
phénomène puis comment on peut contribuer à... Puis est-ce que le modèle de
Sexto aussi peut s'appliquer à d'autres actes de cyberintimidation, là, disons
ça comme ça?
Des voix : ...
M. Ouellette (Maxime) : Joanny,
tu vas te lancer?
Mme St-Pierre (Joanny) : C'est
certain que, quand on parle de comment on peut intervenir en amont, je pense
qu'il faut penser à sensibiliser la population très, très tôt. Je suis
convaincue que je suis la première qui vous le dit, dans ce que vous entendez,
mais, souvent, ce que je prononce comme souhait, c'est que, dès le moment où
des enfants ont accès à des appareils informatiques qui se connectent sur
Internet, on devrait être en mesure d'avoir avec eux des discussions de
sensibilisation sur les impacts potentiels, à la fois sur les impacts qu'ils
peuvent subir, parce que ces jeunes-là peuvent devenir victimes, plus on est
sur Internet, plus on est vulnérable à se faire approcher par des gens qui vont
tenter de commettre des infractions à notre égard, donc ça, c'est important,
mais je pense aussi qu'il faut qu'on informe à la fois les parents et les
enfants. Tout à l'heure, j'entendais une intervenante qui disait que la clé de
la solution pour diminuer la dépendance, c'est de remettre les enfants en
présence des parents davantage, mais je pense que les parents aussi sont un
petit peu dépourvus face à ce phénomène-là, parce qu'ils ne savent pas quoi
regarder. Ils ne savent pas les plateformes qui sont utilisées par leurs
enfants. Ils ne sont, je pense, pour la plupart, pas conscients des dangers,
des risques à la fois de la surutilisation, mais aussi desquels s'exposent les
enfants. Donc, je pense qu'il faut que les parents soient au courant
rapidement, plus intéressés et sensibilisés au fait qu'il y a des dangers avec
Internet et quels ils sont. Et je pense que les enfants aussi doivent être
conscients de ce à quoi ils doivent faire attention.
Et je pense que, comme législateurs, une
des choses qui est importante, c'est peut-être le langage qu'on emploie,
notamment dans les communications qu'on a avec la population, parce que, par
moment, des fois, quand on parle, même comme gouvernement, quand on s'exprime à
la population, on va entretenir des mythes, des stéréotypes, de façon tout à
fait involontaire, mais par rapport, par exemple, à la violence sexuelle en
ligne, de penser que c'est uniquement des gens qu'on ne connaît pas qui
utilisent des faux profils pour venir s'intéresser aux enfants, donc, c'est
d'entretenir des limites et des stéréotypes parce que ça pourrait être un
oncle, une tante, ça pourrait être un cousin, un ami de la famille qui nous
approche et qui fait de nous une victime, de la même manière que, pour les
jeunes, l'intimidation va se faire entre personnes qui se connaissent, d'abord
et avant tout. Donc, je pense que dans le langage qu'on emploie et dans la
façon dont on s'exprime pour dénoncer ce phénomène-là et sensibiliser, ça fait
partie d'une des possibilités. Donc, Maxime, je ne sais pas si tu veux
compléter.
• (16 h 30) •
M. Ouellette (Maxime) : Bien,
nous, dans le Sexto, quand on applique la rencontre de sensibilisation, en
fait, ce sont les policiers. Parce qu'il faut comprendre que Sexto, c'est un
partenariat entre les écoles, les services policiers puis le DPCP. Lorsque
nous, on oriente le dossier au niveau de la rencontre de sensibilisation, les
policiers vont accueillir les jeunes impliqués ainsi qu'au moins un de leurs
parents au poste de police. C'est des rencontres qui se font en individuel.
Donc, chaque jeune, avec un parent, va être rencontré, on va les sensibiliser
au phénomène du sextage. On va leur demander, entre autres, de remplir un
engagement de destruction de photographies pour s'assurer que les images qui
auraient pu être partagées, là, entre les jeunes, bien...
16 h 30 (version non révisée)
M. Ouellette (Maxime) : ...soit
effacée. Et toutes ces informations-là vont être consignées au niveau de la
banque de données policière pour qu'on sache, bien, évidemment, s'il y a d'autres
interventions plus tard et qu'on soit capable de définir : Bien, tels
jeunes ou tels jeunes ont déjà été impliqués. Donc là, la prochaine fois, ce ne
sera peut-être pas une intervention préventive qu'on va faire. Et dans le
processus, ce qui est magnifique puis ce qui rejoint un petit peu les propos de
Joanny, c'est qu'en fait les parents sont présents, et c'est... en tout cas, en
discuter avec nos partenaires, que ce soit au niveau policier ou au niveau
scolaire, c'est très dur de mobiliser un parent pendant 20 à 30 minutes
pour être capable d'avoir un échange avec lui sur, bien, c'est quoi, les
risques associés par exemple à l'utilisation des réseaux sociaux, puis, dans
Sexto, plus spécifiquement, en lien avec le partage d'images intimes sur les
réseaux sociaux. Et là, on a l'opportunité de le faire avec Sexto, puis ce qu'on
entend de nos partenaires policiers, c'est que les parents, là, c'est un peu ce
que Joanny nous disait, ils ne sont pas informés de l'ensemble des risques que
ça peut comporter de laisser accès, un libre accès aux réseaux sociaux à leurs
jeunes. C'est comme si on laissait entrer un enfant dans une jungle, qu'on ne
connaissait pas cette jungle-là et qu'on ne connaissait pas les risques qui y
étaient, mais on le laisse quand même y aller. Puis on espère que 3 heures,
4 h plus tard, bien, ils en sortent indemnes. C'est un peu comme ça qu'on
peut comparer le cyberespace. En tout cas, moi, j'aime bien utiliser cette
métaphore-là et les parents ne s'en rendent pas compte.
Et souvent dans notre dynamique à nous, au
niveau du sextage, les parents ne savent pas non plus que le fait d'échanger du
contenu de nature sexuelle entre adolescents peut correspondre à de la
pornographie juvénile au sens de la loi. Donc, ils ont beaucoup à apprendre. Ce
n'est pas des mauvaises personnes, c'est vraiment des gens qui ne... qui ne
connaissent pas en fait cet univers-là. Et c'est compliqué de s'y intéresser
quand on part de zéro. Donc, pour moi, tout passe par la prévention, l'information
et l'éducation. Parce qu'en matière d'intervention, on est rendus beaucoup plus
loin dans le processus. Donc, c'est certain que, si on est capable de trouver
des solutions en amont, bien, en tout cas, moi, de mon expérience personnelle
avec Sexto principalement, c'est certain que ce serait gagnant. Puis je le...
je le vends toujours à mes partenaires. Sexto, c'est une chose. On va aider ces
jeunes-là, mais idéalement ils ne se rendraient pas jusque-là. Donc, comment on
va faire? Bien, on va mettre des campagnes de prévention en place, on va les
informer. Puis bien, évidemment, nous, on a des limites au niveau du DPCP,
notre mandat est d'être un service de poursuites, comme Me Champagne le disait,
mais je pense qu'ensemble, l'ensemble des acteurs peuvent trouver des solutions
pour en arriver, là, à évidemment, ce résultat-là.
La Présidente (Mme Dionne) : Puis,
si je reprends votre métaphore, puis connaissant les menaces qui règnent sur
les plateformes, est-ce que... Je ne sais pas, peut-être que vous ne vous
voudrez pas me répondre, mais est-ce qu'on devrait retarder l'âge d'accès aux
plateformes et aux réseaux sociaux? Et, je comprends qu'il y a une
responsabilité parentale, je l'entends bien, prévention, tout ça, mais est-ce
que vous seriez en faveur de retarder le plus possible l'accès aux réseaux
sociaux pour les jeunes?
Mme St-Pierre (Joanny) : Je
pense que, pour nous, c'est difficile de prendre une position avec la posture
qu'on a, comme poursuivant public, par contre, encore une fois, je pense que,
si une telle mesure était décidée, par exemple au terme de vos travaux... je
pense qu'il ne faut pas mettre de côté le besoin criant d'information et de
sensibilisation, parce qu'une seule mesure prise toute seule pourrait passer à
côté du problème. Et je pense qu'il faut vraiment que les gens soient
sensibilisés aux risques que ces enfants-là courent pour que les enfants et les
parents soient en mesure d'identifier dans quel moment mon enfant est à risque
ou moi-même je suis à risque en tant qu'enfant.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
Je cède maintenant la parole à M. le député de Gaspé.
M. Sainte-Croix : Merci, Mme
la Présidente. Maître Champagne, Ouellet et Saint-Pierre, j'aimerais tout d'abord
vous remercier pour ce que vous faites pour les jeunes Québécois et
Québécoises. Je pense que ça mérite d'être souligné parce qu'on comprend que ce
n'est pas quelque chose nécessairement de facile et d'évident, j'imagine,
autant pour les victimes que les parents, d'être dans une situation de cette
nature-là. C'est quand même quelque chose d'assez complexe.
Moi, j'aimerais savoir, à l'intérieur des
cas que vous... qui sont rapportés à vous, est-ce que vous voyez une
certaine... un certain équilibre au niveau des victimes, au niveau du genre, où
vous voyez une prédominance d'un genre par rapport à l'autre? Et généralement,
mon opinion, c'est que je pense qu'il y a plus de filles ou de jeunes femmes
qui sont victimes de ce type... si je parle... je pense aux sextos. Est-ce bien
le cas ou c'est vraiment assez équilibré comme phénomène?
Mme St-Pierre (Joanny) : Et j'ai
envie de vous dire qu'on voit, en matière de violence sexuelle comme en matière
d'exploitation sexuelle des enfants sur Internet, cette prédominance où les
femmes et les filles sont davantage victimes que les garçons. Maintenant, je ne
sais pas si mes collègues veulent compléter pour peut-être d'autres types en
matière d'intimidation, mais pour la violence sexuelle, ça se répertorie de la
même façon...
Mme St-Pierre (Joanny) : ...quand
c'est fait en ligne, malheureusement.
M. Ouellette (Maxime) : Pour
ce qui est du sextage, on remarque également la même tendance, là. C'est
généralement des filles qui sont victimes du phénomène, que ce soit le leur ou
même le repartage d'images intimes. On fait confiance à notre partenaire et là,
oups, tout d'un coup il y a une rupture qui survient ou bien la personne décide
de partager. Et, malheureusement, la plupart du temps, c'est les garçons qui
vont décider de repartager l'image. J'ai des statistiques récentes, là, elles
sont peut-être trop récentes pour que je puisse m'avancer par rapport à ça,
mais c'est quand même une proportion majoritairement, là, en fait, femmes,
filles qui sont victimes, là, même dans nos dossiers de sextage, c'est une
donnée qu'on ne compilait pas avant la dernière demi-année. On a commencé à la
compiler parce qu'évidemment on s'y intéresse puis on voulait développer et
voir ce quelle tendance se développait, puis on la voit déjà se manifester, là.
M. Sainte-Croix : Au niveau
de votre intervention, est-ce que vous êtes en mesure d'établir une certaine
forme de profil des jeunes qui sont poussés vers des gestes de cette nature là?
Tu sais, il y a-tu... en bon français, il y a-tu des patterns que vous êtes en
mesure d'identifier?
M. Ouellette (Maxime) : Je
peux peut-être... pendant que, Joanny, tu réfléchis de ton côté. Moi,
rapidement, parce que, dans le cadre de mon mandat de coordination, évidemment,
je vois beaucoup les dossiers aussi qui nous sont soumis, là, qu'on oriente
vers les services policiers, je ne suis pas en mesure aujourd'hui d'identifier
nécessairement, là, un profil cible qui se livre plus ou qui serait davantage
vulnérable au niveau du sextage chez les adolescents. Ce que je peux vous dire
par contre, c'est que, généralement, les garçons sont un petit peu plus âgés
que les filles. On remarque une différence d'environ une année entre les jeunes
filles qui sont victimes et les jeunes garçons qui les sollicitent pour
partager des images. Donc, la moyenne des filles, c'est environ 13 ans,
les garçons, 14 ans. Donc, on se situe davantage là. Donc, évidemment,
c'est un peu en adéquation avec les principes de notre loi, hein, sous le
système de justice pénale pour adolescents, c'est-à-dire quand les jeunes,
bien, plus ils sont jeunes, moins ils ont un niveau de maturité important.
Donc, peut-être, de ce fait, sont plus vulnérables ou plus propices à se livrer
à ce type de comportement-là.
Mme St-Pierre (Joanny) : Pour
ce qui est de la violence sexuelle ou de l'exploitation sexuelle des enfants
sur Internet, malheureusement, on n'a pas de profil cible. C'est-à-dire que
n'importe quel enfant, à un moment ou un autre de sa vie, peut se retrouver
victime d'une personne mal intentionnée qui va tenter d'atteindre cet
enfant-là. C'est certain que l'enfant qui est dans un état momentané de
vulnérabilité, avec des facteurs plus faciles à aller exploiter par le
contrevenant, a des chances davantage de se rendre loin dans cette
victimisation-là. Mais il y a des enfants de tous les milieux, malheureusement,
de toutes, toutes les sphères sociales, qui vont pouvoir tomber dans les
filets. C'est des gens habiles, c'est des gens habiles qui vont aller vers ces
enfants là, qui vont être capables de trouver la faille, les failles pour
réussir à aller citer le lien avec ces enfants-là et obtenir ce qu'ils
souhaitent avoir éventuellement, soit des images ou une rencontre avec eux.
Donc, je reviens à mon message de tout à
l'heure. Je pense qu'il faut éviter de catégoriser pour que les gens soient
conscients que nos enfants, ils peuvent tous... ils ont la possibilité tous
d'être victimes. Donc, il n'y a personne qui est à l'abri, malheureusement.
M. Sainte-Croix : Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : M.
le député de Joliette.
M. St-Louis : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Merci à vous trois d'être ici aujourd'hui. C'est très
apprécié, votre participation aux travaux de notre commission. Est-ce que... En
tout cas, j'espère que ma question va être quand même assez claire, mais je
pars un peu d'une réflexion où ce n'est pas un peu la pointe de l'iceberg qui
se retrouve... en fait, les situations qui tournent mal se retrouvent des
statistiques chez vous, alors que peut-être qu'en 2024 la cybersexualité fait
partie... en tout cas, peut-être pas pour tous et toutes, mais pour certains et
certaines, de l'apprentissage adolescent ou, bon... bien, moi, je viens d'une
autre époque, on appelait ça jouer au docteur, là, mais... Puis je ne veux pas
banaliser la chose, mais est-ce que vous ne pensez pas que c'est tristement un
peu là pour rester? Parce que l'outil est là et il y a une certaine facilité,
puis vous avez parlé de confiance puis de spontanéité, de naïveté. Vos
1 600, quelques cas, est-ce que c'est... ça ne cache pas derrière,
peut-être, une façon de faire une nouvelle génération?
• (16 h 40) •
M. Ouellette (Maxime) : La
problématique de ça, c'est que, maintenant, ça se fait sur les réseaux sociaux.
Et quand un jeune perd le contrôle de cette image là, bien, ce n'est pas
seulement l'individu avec lequel il avait partagé une image, par exemple, qui
est impliqué avec cette personne-là. Rapidement, les conséquences du partage
d'images intimes sont...
M. Ouellette (Maxime) : ...intimes
sont telles qu'elles... où on se doit de trouver des solutions, puis on ne peut
pas entretenir ces... puis je... ce n'est pas un reproche que je fais, ce type
de réflexion là. Parce que nos jeunes on se doit de les protéger, parce que,
justement, bien, ils sont plus vulnérables, ils sont moins matures, ils sont portés
à peut-être, justement, expérimenter certaines choses.
Puis, dans le cadre de nos discussions
dans Sexto dans les dernières années, bien, c'est évident, vous avez raison de
dire qu'il y a un volet d'exploration à la sexualité puis de... D'une certaine
façon, certains jeunes qui vont se... au «sextage» peuvent s'épanouir
sexuellement de cette manière-là quand c'est fait dans des conditions
favorables où les gens sont dans une relation de confiance et que les images ne
sont pas repartagées. Mais moi, ce que je dis tout le temps en formation puis
quand je m'adresse à des partenaires, c'est qu'on ne peut jamais garantir que
ces images-là, peu importe le contexte dans lequel elles sont partagées, vont
demeurer entre les mains de la personne à qui on fait confiance. Puis c'est ça,
la problématique de l'utilisation des réseaux sociaux puis de s'exposer de
cette manière-là. Là, je parle pour le «sextage». Puis je suis persuadé que Me
St-Pierre va... elle va être capable de donner plus de détails. Je la voix sourire.
Mais nous, ce qu'on voit dans Sexto, c'est cette problématique-là puis c'est ça
qu'on veut adresser par, évidemment, le protocole puis en insistant auprès des
partenaires pour qu'on essaie de développer, là, des moyens de prévenir en
amont tout ça puis d'informer les parents parce qu'on va... Je ne sais pas, on
peut peut-être le dire 10, 15, 20 fois, mais il faut que les parents
soient en mesure d'encadrer leurs adolescents dans l'utilisation des réseaux
sociaux. C'est avant tout la responsabilité du parent à mon avis. Joanny,
peut-être que tu veux compléter.
Mme St-Pierre (Joanny) : Mais,
en fait, ce qui, moi, me préoccupe par rapport à cette... à cette dynamique-là
qui se dessine tranquillement, c'est toujours la notion de consentement
également. Parce que les enfants qui ne sont pas conscients qui sont en train
d'être manipulés pour produire des images, c'est un problème. Si on ne leur
enseigne pas à déterminer dans quel moment je suis en train d'être manipulé ou,
par exemple, mon copain ou ma copine me fait de la pression, parce que ça fait
20 fois, 20... 30 fois, 40 fois qu'il me demande des images, moi, je
n'ai pas le goût, si ça ne me tente pas, mais là ça fait 40 fois qu'il me
le demande puis qu'il est insistant ou encore il me dit qu'il va aller voir
ailleurs si jamais je ne le fais pas, on tombe dans une dynamique qui est
criminalisable, donc on est dans du leurre informatique, dans du leurre,
donc... Donc, c'est ça qui est préoccupant parce que, si on ne connaît pas les
limites acceptables ou pas, on se retrouve dans des situations où des jeunes
femmes principalement, mais aussi des jeunes garçons vont se retrouver face à
une obligation... impression d'obligation de produire ce matériel-là.
Et, comme Maxime le disait si bien, la
problématique avec Internet, c'est qu'à partir du moment où ce matériel-là, il
est en potentiel de dissémination, c'est à l'infini. Donc, une image qui est
publiée une seule seconde sur Internet a un potentiel d'être par la suite... de
réapparaître à l'infini. Il suffit d'une seconde pour que quelqu'un en fasse
une capture d'écran et l'enregistre sur un support différent pour que cette
image-là soit remise sans cesse en circulation. Donc, il faut garder ça en
tête, parce que peut-être qu'il y a un aspect d'épanouissement sexuel pour ces
adolescents, mais il faut garder en tête que le contexte dans lequel cet
épanouissement-là peut se faire représente un risque différent de
l'épanouissement qui va se faire dans une chambre à coucher où personne n'a
accès. À partir du moment où l'épanouissement se fait dans une chambre à
coucher avec la porte fermée, que personne ne les voie, il n'y a pas de risque
de dissimulation. Mais, à partir du moment où l'image se retrouve sur Internet,
il y en a un. Et c'est là où la ligne est difficile à trancher, et aussi, c'est
important de garder en tête qu'il y a un risque.
M. St-Louis : Parce qu'il y a
des mécanismes qui permettent... En fait, il y a des organismes qui demandent
la suppression de ces images-là, puis c'est fait, puis tout ça, mais... Parce
qu'on l'a entendu en commission la semaine... la semaine dernière. Ces
images-là, des fois, réapparaissent quelques mois, voire même quelques années
plus tard. Puis il y a toujours le pendant du «dark Web» qui fait en sorte que,
des fois, bien, même si c'est supprimé, bien, ça... ça continue de circuler. On
peut faire quoi? Je veux dire, là, je vous entends, puis, pour moi, comme papa,
ce que je me dis, c'est sensibilisation, éducation, éducation, éducation, mais,
comme législateurs, qu'est-ce qu'on peut faire d'autre?
Mme St-Pierre (Joanny) : C'est
une bonne question. Mais je suis d'accord avec vous qu'effectivement c'est une
problématique. Puis, vous avez raison, au Centre canadien de protection de
l'enfance... le Arachnid qui est un magnifique projet et qui donne beaucoup
d'espoir aux victimes. Mais je pense qu'il faut s'assurer d'encadrer nos
enfants, et les parents, pour les accompagner dans la meilleure connaissance,
dans la conscience du fait qu'à partir du moment où moi, je publie quelque
chose sur Internet il y a un risque que ce que je... il publie soit là jusqu'à
la fin de mes jours. À partir du moment où on est conscients de ça, la capacité
de prendre une...
Mme St-Pierre (Joanny) : ...décision,
je pense, elle est meilleure, mais je ne suis pas convaincue que nos enfants
sont à ce point conscients de ce risque-là. Je ne pense pas qu'on leur... qu'on
les éduque suffisamment à cet effet-là. Est-ce que c'est une obligation du
législateur? Est-ce que ça passe par un travail concerté de tout le monde? Moi,
je pense que c'est là où ça sera gagnant de le faire en concertation avec
peut-être plusieurs portions du gouvernement. Mais une chose est certaine, le
risque est là, et effectivement, c'est difficile une fois que c'est sur
Internet d'y mettre fin, même s'il y a des outils qui existent.
M. St-Louis : Est-ce que je
peux... une dernière, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Dionne) : Oui.
Il reste une minute.
M. St-Louis : Rapidement,
l'arrivée de l'intelligence artificielle fait en sorte que, des fois, on peut
prendre juste le visage. On n'a pas nécessairement une photo compromettante,
mais les résultats sont les mêmes, ça, on le sait. Vous en pensez quoi? Est-ce
que vous avez eu des cas déjà?
Mme St-Pierre (Joanny) : Bien,
en fait, quand on parle d'hypertrucage, donc de prendre le visage de quelqu'un
puis de le mettre sur un corps nu et de donner l'impression que c'est l'image
de quelqu'un d'autre, c'est une certitude que l'impact chez la personne qui est
visée par cette image-là est le même que si c'était son image à elle-même.
Parce que la personne qui va avoir cette photo-là, il va être convaincu que la
photo, elle est inédite, ça ne va pas faire la différence. Alors, pour la
personne qui le vit, l'impact est exactement le même. Donc je pense que c'est
important de le garder en tête. Et effectivement, avec nos jeunes, on le voit,
il y a des applications qui sont de plus en plus accessibles, qui permettent en
deux clics la possibilité de créer ce genre d'image là. Et on le voit qu'ils le
font par moment en trouvant ça drôle, un peu en blague en se disant : Ha,
ha! Je vais faire ce type de photo là. Encore une fois, je pense que la
sensibilisation est la clé. Quand on n'a pas le choix, on... à l'intervention
et éventuellement la criminalisation de l'acte. Mais je pense qu'il faut les
éduquer sur le fait que ça a de l'impact chez l'autre, s'ils font ça, et cet
impact-là peut durer jusqu'à la fin de leurs jours parce que cette image-là est
diffusée sur Internet. C'est infini l'impact sur ces victimes-là.
M. St-Louis : Merci pour vos
réponses, mais surtout merci, comme le disait mon collègue le député de Gaspé,
pour tout ce que vous faites pour nos jeunes Québécois et Québécoises.
La Présidente (Mme Dionne) : Alors,
Me Champagne, Ouellette, St-Pierre, merci beaucoup pour votre contribution à
ces travaux. Et nous, on suspend quelques instants pour accueillir nos
prochains témoins. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 48)
(Reprise à 16 h 55)
La Présidente (Mme Dionne) :
La commission reprend maintenant ses travaux. Donc, je souhaite maintenant
la bienvenue à Mme Jolicoeur. Alors, merci de votre présence. Donc, je
vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour nous faire part de
votre exposé. Et suite à cela, nous procéderons à une période d'échange avec
les membres de la commission. Alors, je vous cède la parole.
Mme Jolicoeur (Marie-Pier) :
Merci beaucoup, Mme la Présidente. Mmes et MM. les députés, bonjour. Je
vous remercie beaucoup de m'avoir invité aujourd'hui à venir vous entretenir
sur les enjeux qui occupent cette commission. Il y a des enjeux qui
m'intéressent particulièrement à titre de doctorante en droit des enfants dans
l'environnement numérique qui est, oui, vraiment devenu un sujet de recherche à
part entière. Je me sens vraiment privilégiée de pouvoir vous partager mes
observations sur ces questions dans une perspective de droits de l'enfant. Je
souligne que je collabore régulièrement avec plusieurs des intervenants qui se
sont adressés à vous ou qui vont le faire dans les prochains jours. Et je
déclare également que je n'ai pas de conflit d'intérêts professionnels ou
personnels à venir vous parler aujourd'hui, mes recherches étant financées par
des organismes qui sont indépendants. Et donc cette perspective collaborative
et très souvent interdisciplinaire, que j'adopte dans mes travaux m'amène...
Mme Jolicoeur (Marie-Pier) : ...mais
à formuler d'entrée de jeu une mise en garde à l'égard d'un faux dilemme qui
s'est créé depuis quelques années autour des questions qui nous concernent,
soit celui qu'on aurait à choisir entre des solutions éducatives, ou des
solutions juridiques, ou entre un acteur, ou une autre... un acteur ou une
autre pour protéger les enfants dans le monde numérique. J'invite vraiment la
commission à adopter une vision large, une vision complémentaire des
responsabilités de chaque acteur de la société dans la recherche de solutions.
Je mentionne aussi d'entrée de jeu que de
parler de droit lorsqu'on réfère aux enfants, ça peut sembler un acquis en
2024, mais sachez que la reconnaissance de l'enfant comme personne à part
entière qui jouit d'une capacité et qui possède des droits, c'est une situation
pour laquelle il a fallu militer à une certaine époque qui n'est pas si
lointaine, où l'enfant était considéré comme un être qui était incapable,
défini par ses manques par rapport à l'adulte. Il est vraiment passé d'objet de
droit à un véritable sujet de droit.
Puis c'est vraiment sur cette vision que
repose la Convention sur les droits de l'enfant, qui est un instrument
juridique international qui a été ratifié par les gouvernements, pardon, du
Québec et du Canada en 1991. Et donc le Québec s'est engagé à faire appliquer,
à respecter les principes qu'elle contient en ligne et hors ligne. Et donc les
principes de droits de l'enfant, ce ne sont pas juste des beaux principes,
c'est des engagements, c'est des obligations. Et donc, en ce sens, le
paragraphe 35 de l'observation générale numéro 25 est sans équivoque
à l'égard des responsabilités de l'État par rapport à l'industrie du numérique,
et je cite : «Les entreprises ont des incidences sur les droits de
l'enfant dans le cadre de la fourniture de services et de produits liés au
numérique. Les entreprises sont tenues de respecter ces droits, de prévenir et
de réparer les atteintes le cas échéant, et les États ont l'obligation de
veiller à ce que les entreprises assument ces responsabilités».
Comme mon temps est restreint, je vous
soumets, à la lumière de ces premiers commentaires, la très large
recommandation, mais importante, que l'ensemble des éventuels projets de loi et
initiatives de l'Assemblée nationale du Québec qui découleraient de cette
commission spéciale tienne compte de l'outil d'évaluation des répercussions sur
les droits des enfants, le ERDE, fondé sur la convention, pour aider les
parlementaires à évaluer leurs répercussions éventuelles sur les enfants.
Vous savez, en 1977, lorsque le Québec a
adopté la Loi sur la protection de la jeunesse, cette dernière a été reconnue
comme une loi d'avant-garde. Cette loi a été imitée d'ailleurs dans d'autres
juridictions à travers le monde. Elle a permis au Québec de se positionner sur
la scène internationale. Donc, on a l'occasion aujourd'hui de nous placer comme
précurseur, d'agir avec leadership et de suivre la mouvance actuelle qui a
débuté aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Australie et ailleurs, pour s'assurer
de protéger les droits de l'enfant en ligne par des messages forts et des
initiatives concrètes.
Pour ce faire, dans mon mémoire, je ne
vous soumets pas moins de 18 recommandations basées sur cinq principes
clés en droit des enfants. Je ne vais pas avoir le temps de passer au travers,
mais je vais insister sur deux principes clés, puis on pourra revenir sur le
reste dans le cadre de nos échanges.
D'abord, premier principe, et je vais
faire sourire les personnes avec qui je collabore régulièrement, si jamais
elles écoutent cette audition, puisque je le martèle souvent, le principe des
capacités évolutives de l'enfant. Les enfants ont besoin de protection, mais
ils ont aussi besoin de participation. Ils ont besoin d'autonomie
décisionnelle. Ces différents besoins vont varier selon les contextes, selon
l'âge, selon les domaines de décision. Et ce principe va avoir des conséquences
importantes dans leurs relations numériques. Par exemple, dans la petite
enfance, c'est une période au cours de laquelle l'enfant va se développer
rapidement.
• (17 heures) •
Bon, on vous l'a dit, plusieurs intervenants
vous l'ont dit, il y a une vulnérabilité singulière dans les toutes premières
années de la vie. On pense que ce serait justifié dans le cadre d'initiatives
législatives ou pédagogiques à caractère symbolique, par exemple, ou à travers
des normes de santé publique, de suggérer, au nom du principe des capacités
évolutives de l'enfant et en raison des données probantes qu'on vous a
présentées, des balises d'usage des écrans qui seraient distinctes entre la
petite enfance, l'enfance et l'adolescence.
Il y a différentes propositions de loi
actuellement dans le monde qui incarnent cette vision nuancée de ce qui est
optimal entre les catégories d'âge, du degré de maturité et de compréhension de
chaque enfant. Le fameux projet de loi sur la majorité numérique, je crois, sur
votre table peut-être, dans vos réflexions présentement, ceux qui portent sur
le renforcement de la protection des mineurs sur les réseaux sociaux, les
projets de loi autour de la vérification de l'âge à l'entrée des sites pornographiques
et les mesures d'encadrement du contenu télévisuel et cinématographique. Pour
évaluer ce qu'est la capacité de l'enfant, il y a différents critères qui sont
recommandés par l'UNICEF. D'abord, la capacité de l'enfant de comprendre...
17 h (version non révisée)
Mme Jolicoeur (Marie-Pier) : ...quoi,
les alternatives qui sont disponibles. L'enfant doit aussi être capable d'exercer
un choix indépendamment de toute contrainte et manipulation, un critère que l'on
peut questionner dans le cas des réseaux sociaux en jeune âge, la capacité
aussi de pouvoir mesurer les conséquences néfastes qui pourraient naître du
traitement de ces données personnelles, par exemple. La capacité d'évaluer les
avantages, les risques, les dommages potentiels sur son développement, difficile
pour un enfant du primaire, par exemple, dans le cas de la pornographie.
Cette reconnaissance de l'acquisition
progressive de l'autonomie de l'enfant, c'est un concept qui devrait guider les
travaux des parlementaires, pour éviter de tomber dans un paternalisme
juridique envers les enfants, certes, mais pour aussi, en même temps, s'assurer
de les protéger... adéquatement, pardon, et d'agir sur le plan législatif
lorsque c'est requis.
Deuxième principe, celui de l'intérêt
supérieur de l'enfant, et je vais terminer mon allocution sur ce principe, dont
on vous a d'ailleurs déjà parlé. On l'a dit souvent, les écrans, plus
largement, le numérique, bon, offre des opportunités aux mineurs, ils peuvent
aussi provoquer des risques, et le nerf de la guerre réside en grande partie
dans cet exercice qui consiste à séparer le bon grain de l'ivraie, en matière
de numérique dans l'enfance. Et je vous propose que le guide, la boussole dans
cet exercice, ce soit le meilleur intérêt de l'enfant, comme nous le requièrent,
d'ailleurs, nos engagements internationaux en matière de protection des
mineurs.
Et je réitère que ce n'est pas seulement
un principe qui est intéressant, l'intérêt supérieur de l'enfant, c'est une
obligation qui découle de l'article 3 de la convention. On dit : «Dans
toutes les décisions qui concernent les enfants, que ce soit les institutions
privées, publiques, les autorités administratives, les organes législatifs, l'intérêt
supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. Et donc cette
obligation s'applique à tout moment, en tout lieu, dans tous les contextes du
monde numérique et de la vie hors ligne.» Et donc de parler de considération
primordiale, ça fait en sorte qu'en cas de conflit avec d'autres droits, ceux
de l'entreprise, des entreprises du secteur du numérique, ou ceux des parents,
on va accorder un poids, une priorité qui va être plus élevée à l'intérêt de l'enfant,
comme la Cour suprême l'a fait dans l'arrêt Irwin Toy en 1989, une décision qui
est historique pour le Canada, où on a vraiment fait passer l'intérêt de l'enfant
en priorité. Et donc le plus haut tribunal du pays a conclu que c'était
«raisonnable de la part du législateur d'empêcher les annonceurs d'exploiter la
crédulité des enfants», je reprends les mots de la décision.
Et donc cette évaluation de l'intérêt
supérieur de l'enfant, ça doit faire... ça doit faire une place aussi au
respect du droit de l'enfant d'exprimer son opinion, du droit d'être entendu
dans toutes les affaires qui le concernent. Je salue l'intention de la
commission en ce sens de faire participer les écoles et je pense qu'il ne faut
pas hésiter à aller le plus loin possible dans cette implication et cette
participation des enfants.
Il paraît aussi une avenue prometteuse d'intégrer
le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant comme étant prioritaire aux
intérêts commerciaux de l'industrie, comme on le retrouve, d'ailleurs, dans des
lois au Royaume-Uni ou dans certaines législations américaines.
À propos de la participation des enfants,
le rapport de l'important organisme Digital Future Commission, au Royaume-Uni,
est sans équivoque à l'égard du modèle d'affaires des plateformes et de ce qu'en
pensent les mineurs. Le rapport révèle que les enfants ont exprimé «vouloir un
monde numérique qui est moins addictif, moins préjudiciable et qui ne les
exploite pas sur le plan économique.», je reprends les mots des enfants.
Et donc je souhaite terminer par les
propos éloquents de l'éminent professeur en droit des technologies au Québec,
Pierre Trudel, qui a exprimé, dans un article aux médias au sujet de l'encadrement
de l'industrie du numérique : «Il faut cesser de prétendre que les lois d'un
État ne peuvent pas s'appliquer lorsqu'une activité se déroule sur Internet. Ce
qui manque, pour assurer l'efficacité des lois aux activités qui se déroulent
en ligne, c'est la volonté des autorités de les appliquer et de les assortir
des risques proportionnés pour ceux qui choisiraient de passer outre.» Donc, j'invite
la commission à réfléchir à ce que le Québec prenne les mesures nécessaires
pour faire en sorte qu'il devienne risqué pour les entreprises de faire fi des
lois qui s'appliquent pour protéger les enfants, en ligne comme ailleurs. Je
vous remercie de votre attention et je suis disponible pour échanger avec vous.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup, Mme Jolicoeur. Nous allons débuter cette période d'échange avec M. le
député de Jonquière.
M. Gagnon : Bonjour...plaisir
de vous accueillir. J'ai bien entendu certaines balises en fonction de l'âge,
mais vous avez dit quelque chose qui m'accroche, vous avez dit : Une
certaine autonomie décisionnelle. Et de manière très courte, ce que j'entends,
c'est... vous proposez, puis reprenez mes propos, mais vous proposez... vous
proposez une certaine liberté aux enfants dans leurs choix. C'est ce que j'entends,
c'est-à-dire... on peut parler, d'école, on peut parler du parent, on peut
parler de formation, on peut parler d'éducation, mais vous ramenez une vision
qui dit : En fonction de l'âge, en fonction de certaines balises, les
enfants peuvent faire certains choix...
M. Gagnon : ...c'est là-dessus
que j'aimerais vous entendre.
Mme Jolicoeur (Marie-Pier) : Bien,
c'est le principe des capacités évolutives de l'enfance, c'est au cœur de
toutes les lois en protection de la jeunesse, là, cette idée de dire que
l'enfant est titulaire de droits, donc de ne pas rentrer dans une attitude qui
est paternaliste ou qui est... qui serait autant dans les mesures éducatives
que dans les mesures juridiques. Cependant, le besoin... la reconnaissance du
principe de l'acquisition progressive de l'autonomie, ça n'exempte pas le fait
qu'on a aussi un devoir de protection de l'enfant. Et donc c'est vraiment un
principe qui est évolutif, qui est contextuel également et qui ne fait pas en
sorte, puis j'espère avoir été claire là-dessus dans mon audition, que l'État
n'a pas d'obligation d'encadrer les entreprises, l'industrie du numérique, là,
lorsque nécessaire.
M. Gagnon : Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : D'autres
interventions? Oui, Mme la députée d'Iberville.
Mme Bogemans : ...de la
qualité du contenu, puis que ça reflète bien, finalement, l'intérêt de
l'enfant. Ça serait quoi le meilleur processus pour que le matériel puis le
contenu qui est présenté aux enfants dans les écoles soit adéquats, selon vous?
Mme Jolicoeur (Marie-Pier) : Bien,
je pense qu'il faut suivre les données probantes à ce sujet là. Dans les
écoles, sur les technologies pédagogiques, il y a des gens qui ont vraiment des
expertises spécifiques, là, sur cette question-là, si votre question, tu sais,
s'adresse vraiment au contexte scolaire. Encore une fois, ça aussi, ça découle
de nos engagements internationaux envers les enfants que d'être capables de leur
fournir un contenu de qualité. Puis je pense que ça ressort assez clairement de
la commission que tout ce qui mobilise des stratagèmes basés sur l'économie de
l'attention, sur des... vraiment de la surstimulation, tout ça, ça ne
correspond certainement pas à ce qui est optimal, là, pour le développement de
l'enfant. Donc, j'espère répondre à votre question par rapport au contexte
scolaire. Je n'ai pas d'expertise spécifique, là, à la question des outils
pédagogiques en contexte scolaire, là.
Mme Bogemans : Mais en fait
est-ce que... Pour respecter le principe que vous venez de mettre de l'avant,
finalement, est-ce que le mieux ça serait, par exemple, de dire : Nous
avons le droit, dans les écoles, d'utiliser telle plateforme ou tel outil parce
qu'on a les études probantes, indépendantes ou avec une transparence de qui a
financé les études pour être capable de dire que c'est du bon matériel?
Mme Jolicoeur (Marie-Pier) : Je
pense que vous mettez le point sur un enjeu qui est très important, là, la
transparence aussi du financement de ces études-là. Tout à fait. Mais je pense
que si on revient au fait que la boussole, le guide, c'est le meilleur intérêt
de l'enfant, mais ça serait d'évaluer au cas par cas, bien, par exemple,
l'interdiction du cellulaire dans la classe peut avoir une justification, parce
que c'est dans le meilleur intérêt de l'enfant d'être concentré, de ne pas être
distrait durant ces périodes de classe, peut-être même de l'élargir,
effectivement, dans des contextes plus vastes. Pour ce qui est, après ça,
d'utiliser des outils qui sont bien balisés, il y a eu des associations, là,
de... qui sont venues vous parler, qui sont vraiment dans le secteur des
technologies éducatives. Mais, à ce moment-là, en utilisant ce principe là de l'intérêt
supérieur de l'enfant, ça serait d'évaluer contextuellement, effectivement, ça
peut être dans l'intérêt de l'enfant de bénéficier d'outils pédagogiques en
classe lorsque c'est opportun.
Mme Bogemans : Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : M.
le député d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour. Merci pour votre présentation. Pouvez-vous nous dire, ça
m'intéresse, là, le concept de l'intérêt supérieur de l'enfant, dans combien
d'autres lois québécoises on utilise ce concept-là?
• (17 h 10) •
Mme Jolicoeur (Marie-Pier) : Bien,
en fait, le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant, il est dans notre
droit commun, là, dans notre Code civil du Québec. C'est une obligation, un
engagement international qu'on a. Là, je ne veux pas rentrer dans trop des
considérations techniques, mais on a un enjeu au Canada, au Québec de ne pas
avoir intégré la convention par une loi habilitante dans nos lois. Ce qui ne
veut pas dire que le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant n'est pas un
engagement, là, qu'on doit respecter, mais le fait de l'intégrer spécifiquement
dans une législation, par exemple, Me Levac qui vous a recommandé de le faire
dans une loi sur la protection des renseignements personnels, moi, je pense que
ce n'est jamais une mauvaise idée. Je veux dire, pour l'argumentaire aussi
qu'elle mettait de l'avant, l'idée de la protection parapluie, là, je trouve ça
assez intéressant. Et aussi parce que, bien, il y a un peu une présomption
d'interprétation des lois que le législateur ne parle jamais pour rien dire,
donc le fait de marteler qu'on met de l'avant une loi qui a pour but de
protéger les personnes physiques dans le cyberespace, dans... sur Internet,
bien, le fait d'inscrire qu'on valorise l'intérêt supérieur de l'enfant et
qu'on protège un groupe vulnérable, je pense que c'est une avenue qui est
intéressante, là, pour le gouvernement.
M. Leduc : Vous parliez de Me
Levac, ça, c'était avec Option consommateur?
Mme Jolicoeur (Marie-Pier) : Oui,
exact.
M. Leduc : Oui, c'est ça.
C'est ça. Donc, leur proposition, de dire : On devrait intégrer ce
concept-là dans la Loi sur les renseignements personnels et confier à la
Commission d'accès à l'information un certain pouvoir...
M. Leduc : ...pouvoir
décisionnel sur l'objet d'une plainte, de potentiellement interdire des
fonctionnalités de réseaux sociaux, quelque chose que vous pensez qu'il est une
piste intéressante?
Mme Jolicoeur (Marie-Pier) : Bien,
tout à fait. Je dirais que de manière générale, quand une loi comme celle-ci
cherche à protéger un groupe vulnérable, de mettre l'intérêt supérieur de
l'enfant, c'est une avenue qui est intéressante. Ce que j'ai essayé aussi de
vous dire dans mon exposé, c'est que le principe de l'intérêt supérieur de
l'enfant, il s'applique en tout temps, en tout lieu, tout le temps, dans notre
vie en ligne et hors ligne. Donc, le fait que ça ne soit pas inscrit dans la
loi, ce n'est pas un justificatif pour dire : Bien, on passe outre le
principe de l'intérêt supérieur de l'enfant. Mais le fait de le mettre dans une
loi, ça donne, c'est ça, une protection peut-être supplémentaire effectivement.
M. Leduc : Vous parliez
tantôt de prioriser donc l'intérêt supérieur de l'enfant par rapport aux
intérêts économiques des entreprises de jeux vidéo ou de réseaux sociaux.
Comment on le concrétise? Parce que je ne suis pas sûr qu'il y a beaucoup de
monde qui serait en désaccord avec cette hiérarchisation que vous faites de ces
deux principes-là. Mais concrètement, là, on parle de donc, par exemple, de
l'intégrer, faire de la solution d'Option Consommateurs une réalité. Mais
est-ce qu'il y a d'autres manières que vous pourriez nous suggérer vraiment
plus concrètes de le concrétiser alors cette...
Mme Jolicoeur (Marie-Pier) : Bien,
vous dites qu'il y a... qu'il n'y a pas beaucoup de gens qui sont en désaccord.
Par contre...
M. Leduc : Officiellement et
publiquement.
Mme Jolicoeur (Marie-Pier) : Oui,
oui, officiellement et publiquement, tout à fait.
M. Leduc : Après ça, quelques
investisseurs pourraient nous dire autrement. On s'entend, là.
Mme Jolicoeur (Marie-Pier) : Oui.
Mais en fait, par contre, quand vient le temps d'agir pour contraindre
l'industrie, même si on est d'accord avec le principe, des fois on se
questionne nous-mêmes. Bien, je l'ai entendu dans l'espace médiatique, je l'ai
un peu entendu aussi en commission de dire : Bien là, qui qu'on est, David
contre Goliath, contre l'industrie du numérique. Moi, je vous dirais :
Si... il n'y a rien qui est censé être au-dessus du gouvernement et de
l'industrie, sauf les droits et libertés de la personne. On est dans une
constitution où, bien, ce qui est supralégislatif, c'est les droits et libertés
de la personne. Mais sinon, l'industrie n'est pas censée être au-dessus des
lois. Et donc je comprends l'asymétrie de pouvoir qui s'est créée. Je comprends
cette espèce de réflexe-là de dire qu'on est... Mais... mais moi, j'invite la
commission à vraiment chercher à avoir la certitude que ça fait partie de ses
devoirs, de ses obligations envers les enfants, que d'encadrer l'industrie si
jamais il y a préjudice puis qu'on viole l'intérêt de l'enfant, l'intérêt
supérieur de l'enfant. Donc, c'est un mythe qu'on ne peut pas encadrer Internet
que, parce qu'il y a des sites qui sont hébergés dans d'autres... dans d'autres
pays, les lois ne s'appliqueraient pas. Il y a une décision de la Cour suprême
célèbre qu'on nous enseigne dans nos séminaires de droit des technologies où
une injonction extraterritoriale a été demandée dans Google et Equustek, en
2018, donc pour forcer Google à appliquer... c'était dans un cas de propriété
intellectuelle, en tout cas, peu importe. Mais vraiment, c'est ce mythe-là, là,
qu'on n'a pas de pouvoir sur l'industrie parce que l'industrie toute puissante.
En tout cas, je pense qu'il faut rétablir l'asymétrie de pouvoir qui s'est
créée.
M. Leduc : Je ne veux pas
parler au nom de mes collègues, mais, mettons, moi, ce qui pourrait me faire
réfléchir, ce n'est pas tellement l'idée qu'on peut légiférer. Ça, je sens
qu'on a ce pouvoir-là, c'est notre fonction première ici et dans ce beau
Parlement, mais c'est plus la question : Est-ce que ça va fonctionner?
Est-ce que ça va être efficace?
Mme Jolicoeur (Marie-Pier) : Oui.
M. Leduc : Est-ce qu'on va
réussir à pour de vrai réglementer ce secteur-là, mettre au pas les... C'est
plus ce truc-là. Tu sais, on parlait tantôt des VPN, est-ce qu'on peut... La
dernière chose que je voudrais, c'est qu'on légifère puis qu'on bombe le torse,
puis on dit : Au Québec, c'est comme ça qu'on vit, pour paraphraser
certaines personnes, mais qu'après ça, ça ne fonctionne pas. Puis à ce qu'on
devienne presque une risée internationale. Bien, eux autres, ils ont dit qu'ils
allaient tout changer puis finalement rien ne change. C'est plus
l'applicabilité de ce qu'on tenterait de faire.
Mme Jolicoeur (Marie-Pier) : Je
vous rassure par rapport à l'aspect, tu sais, d'être une risée. Tu sais, il y a
une mouvance actuelle dans les lois au Royaume-Uni, en France, aux États-Unis,
où vraiment on adopte des lois pour encadrer l'industrie. Je pense que c'est
vraiment l'occasion de suivre cette mouvance-là. Le UK Age... Age Code, là, sur
le design... Pardon, le titre exact, mais vous savez lequel. UK Children Code,
là, pour agir vraiment sur le design du numérique. Il y a une étude qui a été
faite par Children and SCREAM qui est un organisme indépendant aux États-Unis
pour mesurer l'effectivité de cette loi-là, et ils ont dénombré
128 changements qui ont été faits suite à l'adoption de ce code-là. C'est
sûr que c'est difficile de dénombrer, de ce nombre-là, c'est quoi qui est
réellement et directement corrélé avec l'adoption de la loi, ou qu'est-ce qui a
été de l'autorégulation de l'industrie, qu'ils se sont dit : O.K. on sent
l'eau chaude et donc on adopte des changements.
Mais quand même, c'est sûr que pour
l'enjeu de l'effectivité du droit, puis qui moi, comme doctorante en droit,
m'intéresse beaucoup aussi, et c'est normal, je pense que c'est un enjeu,
l'efficacité du droit, qui n'est pas présent seulement dans le monde numérique.
Tu sais, on se questionne sur l'effectivité des normes dans le monde non... non
numérique, et je pense qu'on est dans des démarches très prospectives...
Mme Jolicoeur (Marie-Pier) : ...prospectives,
donc on... l'efficacité réelle, si on la mesure... parce qu'on ne mesure pas
toujours l'efficacité de toutes les lois, bien, on va le savoir, c'est sûr, par
après. Bien, je pense que sur des enjeux... Particulièrement René Morin qui est
venu vous parler des enjeux qui concernent la délinquance sexuelle en ligne,
les enjeux de vie privée, les enjeux que Maude Bonenfant vous a parlé ce matin
concernant les stratagèmes, Magali Dufour, je pense que sur ces enjeux-là, il y
a vraiment quelque chose à faire sur le plan législatif.
M. Leduc : C'est sûr que je
pourrais vous parler longtemps des normes du travail qui ne sont pas à
100 %...
Mme Jolicoeur (Marie-Pier) : Tout
à fait.
M. Leduc : ...appliquées au
Québec. Bien, ce que je retiens de votre témoignage, c'est que même si on n'est
pas à 100 % certain que ça va 100 % s'appliquer, on est quand même
suffisamment certain que ce droit nouveau là aura un impact pour s'y lancer.
Mme Jolicoeur (Marie-Pier) : Oui.
Puis je pense qu'on vous a parlé de force symbolique aussi du droit. C'est sûr
qu'en sociologie du droit, on va s'intéresser aussi à ces effets-là de la
norme, au fait que le gouvernement prend une posture. Récemment, je parlais
aussi avec... d'effectivité, justement, du droit sur Internet, et on me parlait
de la stratégie que d'ailleurs, je pense, le Centre canadien de la petite
enfance... de protection de l'enfance, pardon, met en œuvre l'idée d'être en
réseau avec les autres pays qui ont adopté une législation similaire, qui
fonctionne très bien dans le cas de la pédopornographie. Donc, ce n'est pas
parce que le contenu problématique vient de l'Irlande, par exemple, qu'on va se
retenir d'agir et donc de développer des partenariats en réseau comme ça. Bien
là, si un jour on a un commissaire à la protection de l'enfance au Québec, là,
il y a un projet de loi... ça pourrait être d'être en réseau avec les
ombudsmans de protection de l'enfance de d'autres juridictions. La Sûreté du
Québec, je pense qu'elle n'est pas venue encore témoigner, mais, en tout cas,
les polices... les corps policiers peuvent travailler aussi en réseau. Les
protections de la jeunesse, les commissariats à la vie privée, la CNIL en France,
tout ça. Donc, ce travail-là en réseau, ça peut être un levier pour s'assurer
de l'effectivité des lois adoptées.
M. Leduc : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Dionne) : Moi,
je vais me faire l'avocat du diable. J'essaie de voir, tu sais, au niveau de
l'intérêt supérieur de l'enfant, des fois, dans une certaine mesure, si ça peut
s'appliquer. Parce qu'on a... bon, on a entendu plusieurs témoins, puis au
niveau, bon, de l'interdiction du cellulaire, complètement dans les écoles, bien
certaine vision, c'est que, bien, ça serait dans l'intérêt de l'enfant, parce
que sur l'heure du dîner, les jeunes sont tous sur leurs cellulaires, puis il
n'y a plus personne qui socialise, l'activité physique est moins là. Donc, dans
un... Comment on arrive à jongler avec ça alors qu'on a deux écoles de pensée
sur l'interdiction des cellulaires complètement à l'école? Quand certains
prônent que, bien... l'intérêt supérieur de l'enfant, ce serait de l'interdire
et d'autres disent : Bien non, si vous faites ça, on va créer d'autres
problèmes, ou ils vont aller... c'est ça, ils vont sortir de l'école, puis ils
vont aller sur... visiter leur plateforme. Alors, je... c'est dans ce... devant
ces dilemmes-là que je me dis : Comment on applique ce principe?
Mme Jolicoeur (Marie-Pier) : Bien,
c'est une très, très belle question, parce que l'intérêt supérieur de l'enfant,
c'est quelque chose qui est contextuel. Puis je me mets à votre place, là, ça
fait presque deux semaines que vous recevez de l'information de... puis de
l'information qui peut sembler contradictoire mais qui est la démonstration...
puis ça, c'est une recommandation aussi que j'ai dans mon mémoire de segmenter
les sujets, parce qu'il y a plus d'une trentaine de problématiques, là, qui
sont abordées dans le document de consultation, puis ça peut créer, des fois,
cette impression-là de : Ah! bien là, dans ce cas-ci, l'écran, il est
bénéfique. Dans tel autre, il ne l'est pas. Puis là... Donc, peut-être qu'en
segmentant aussi les enjeux, ça peut aider. Et moi, comme juriste, je le vois,
là, cet enjeu-là de la nuance qui est important, là, de ne pas tomber
technophobie ou technophilie, être dans un juste milieu. Mais moi, ma crainte
parfois, dans certains discours, c'est que cet accueil-là de la nuance fasse un
peu basculer dans la complaisance par rapport à certains risques, tu sais, le
fait de... puis c'est des débats, là, qu'il peut y avoir entre... mais il y a
des risques qui sont extrêmement importants, extrêmement sérieux. Tantôt vous
avez Mme Miville-Dechêne qui va venir vous parler de l'accès à la
pornographie. Il y a des intervenants qui vous ont parlé de cyberdépendance.
Donc, il y a des enjeux qui sont très, très... qui n'occulte pas le fait
qu'effectivement, pour certains... puis moi, j'y suis sensible, bien sûr,
comme... dans une perspective de droits de l'enfant, des enfants en situation
de handicap pour qui la technologie va être bénéfique, va leur permettre d'être
un outil d'inclusion. Ça fait que tout ça pour... une longue réponse pour vous
dire finalement que je pense qu'en segmentant les sujets et en accueillant
cette complexité-là, qui est vraiment propre à... ça semble être un gros
problème les écrans et les enfants, mais c'est finalement plusieurs...
plusieurs problématiques différentes, plusieurs enjeux. Il faut prendre le
temps de les évaluer. Il faut prendre le temps de les analyser. Et voilà,
longue question finalement. Puis la question était dans les écoles, mais...
Longue réponse, mais merci. C'est une question qui est importante, vraiment.
• (17 h 20) •
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
C'est éclairant. Mme la députée de...
La Présidente (Mme Dionne) : ...Bourassa-Sauvé.
Mme Cadet : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, Me Jolicoeur. Merci pour votre mémoire. En fait, donc,
vous l'avez abordé un peu, donc, dans votre énoncé. Donc, vous dites,
donc : On s'intéresse, donc, à la question de la majorité numérique. Une
des expertes qui vous a précédée nous a un peu corrigés dans notre
nomenclature, puis j'aimerais, en fait, avoir votre opinion là-dessus. Donc, en
fait, à l'égard, donc, du principe des capacités évolutives de l'enfant,
comment est-ce que vous abordez ce sujet-là? Et, le cas échéant, donc, si vous
mettriez, donc, un certain âge qui soit conséquent avec ce principe-là que vous
évoquiez dans votre mémoire.
Mme Jolicoeur (Marie-Pier) : J'aurais
trois choses à dire. Je savais que vous alliez me parler de la majorité
numérique. Donc, je pense que c'est... qui vous a parlé, je partage ces
réserves là sémantiques. D'abord, premier commentaire, celui de la forme. Je
pense effectivement qu'il y a une confusion qui peut se créer et peut-être même
une espèce de... c'est comme si on... une espèce de valorisation des réseaux
sociaux, comme si, finalement, être dans le... avoir des outils numériques ou
avoir un contact avec le numérique, ça se limitait aux réseaux sociaux. Puis,
tu sais, on... le consentement aussi, on ne parle pas de majorité médicale, on
parle... Tu sais, je pense que ce n'est peut-être pas le bon choix stratégique.
Puis d'ailleurs, il y a un maître de conférence en France qui a critiqué le
choix du titre «majorité numérique» pour essentiellement les mêmes raisons.
Pour ce qui est de l'âge exact, tu sais,
c'est plus des experts en éducation, en développement de l'enfant, qui vont
trancher ce débat-là. Mais je pense que l'idée de nommer la loi pour ce qu'elle
est, c'est-à-dire une loi qui vise à limiter l'accès des jeunes de moins de
14 ans, par exemple, aux réseaux sociaux... ou même, j'irais peut-être
plus loin, de dire, en fait... À la base, l'industrie avait créé ces outils-là
pour des jeunes de 13 ans et plus, donc c'est presque une mesure de
renforcement de l'efficacité de l'interdiction qui a été mise à la base par
l'industrie. Donc, il y aurait un choix à ce niveau-là.
Après ça, sur le fond, je pense qu'il y a
beaucoup d'arguments favorables au fait de dire qu'avant la préadolescence,
pour les critères que je vous ai exposé aussi dans mon allocution sur la
capacité à mesurer les avantages et les inconvénients, la capacité à pouvoir
vraiment comprendre tous les risques, quand... Il y a un organisme super... je
ne sais pas si je l'ai déjà nommé, mais Children and Screens à Washington, aux
États-Unis, qui travaille à faire de la recherche. Et l'an dernier, j'assistais
à un congrès international, et il y a une chercheure qui a présenté une étude
où elle avait analysé des profils Instagram de jeunes de moins de 13 ans
de manière qualitative. Donc, elle avait fait ressortir... et elle n'avait même
pas eu besoin de faire de demandes d'amitié, elle avait simplement évalué. Et
le titre de sa présentation est assez éloquent et le titre était... je m'excuse
pour l'anglais, mais c'était : I'm 10 and I'm single, donc j'ai
10 ans et je suis célibataire. Pour... c'était très très percutant comme
titre, et elle a fait ressortir de son étude, qui avait beaucoup de contenu
hypersexualisé, que les jeunes mettaient leur statut matrimonial publiquement
sur les pages, qu'il y avait des adresses, des renseignements sensibles, etc.
Et donc moi, quand j'entends cette séance-là, je me dis qu'il y a quand même
des arguments qui sont favorables dans le respect de cette capacité là
progressive de l'autonomie de l'enfant, de dire : Bien, avant 13, 14,
15 ans, ce n'est peut-être pas un outil qui est approprié.
Et, après ça, pour le déploiement, parce
que, là, c'est là que... Bon, O.K., sur la question de la vérification de
l'âge, la semaine dernière, là — je ne sais pas si je peux continuer,
je ne sais pas s'il me reste du temps — la semaine dernière, j'ai
assisté à un Global Summit of Age Verification, donc c'est un... il est
disponible en rediffusion. D'ailleurs, si jamais vous voulez aller le voir,
c'est le Age Verification Association Provider qui a organisé un sommet pour
faire le point sur les connaissances techniques qu'on a sur la vérification de
l'âge. Et, parmi les constats qui sortent de cette rencontre là, il y a cinq
ans, ils avaient fait un exercice similaire et il y avait cinq manières de
vérifier l'âge en ligne. Et maintenant, il y a 12 façons de le faire.
Donc, la technologie évolue en cette matière-là. Un aspect qui est très
important aussi, c'est que, vérifier l'âge, ce n'est pas la même chose que
vérifier l'identité. Donc, c'est deux choses qui sont... la seconde manœuvre
étant plus intrusive sur le plan de la vie privée, mais on peut opérer une
vérification d'âge, puis peut-être que Mme Miville-Dechêne vous en
parlera, en respectant le double anonymat, en faisant un tiers de confiance qui
fait la vérification.
La question de la protection des
renseignements personnels, c'est une objection qui est importante, vraiment,
c'est sûr. Évidemment, on est dans un contexte où c'est une lutte de tous les
instants de protéger les renseignements personnels...
Mme Jolicoeur (Marie-Pier) : ...en
ligne. Par contre, je pense que, tôt ou tard, on va être confrontés à résoudre
ce dilemme-là... cette problématique-là technique d'être capables, ne serait-ce
que parce que nos services publics se dématérialisent, on est de plus en plus
dans un monde où nos rapports se passent dans le monde numérique. Et donc la
question de la vérification d'âge, je pense que c'est une question sur le plan
technologique qu'il va falloir résoudre. Et, quand on parle de vérification de
l'âge, particulièrement pour l'accès à des sites pornographiques, qui est
vraiment un fléau, là, un jeune sur trois qui a accès à du contenu avant 12 ans
et le trois quarts des jeunes garçons qui en écoutent à l'âge de 16 ans, c'est
vraiment un enjeu de taille. Et donc c'est toujours la réplique qu'on entend,
le fait de... bon, comment qu'on va réaliser ça sur le plan technique, dans le
respect de la vie privée. Mais l'organisateur de ce sommet-là a terminé en
disant : Si on a réussi à faire marcher l'homme sur la lune, bien, on
va... on va être capable de trouver une manière de vérifier l'âge dans le
respect de la protection des données personnelles. Donc, c'est là... c'est ce
que j'aurais à dire pour ça, mais je pense qu'il faut rester optimiste.
Mme Cadet : Merci pour cette
réponse très complète. Puis là-dessus, je pense, vous avez dit quelque chose,
donc, de très intéressant en disant : La vérification de l'âge, ce n'est
pas la même chose que la vérification de l'identité, donc ça pourrait
permettre, donc, le double anonymat, donc, de l'individu, de l'utilisateur, de
l'usager. Donc, je comprends. Donc, par exemple... Donc, je pense qu'un autre
interlocuteur, donc, nous mentionnait que... bien, en fait, avec toutes les
images qui sont diffusées, donc, avec tout ce que... tout le contenu qui est
produit par l'utilisateur en ligne, les plateformes sont, de façon indirecte,
en mesure d'identifier, à tout le moins, là, le... environ, donc, l'âge de
l'utilisateur. Est-ce que c'est un peu ce que vous voulez dire ici? Ce serait
en utilisant, donc, des informations parallèles, c'est-à-dire les sites qui
sont... les pages qui sont suivies, le type de contenu qui est produit. Est-ce
que c'est avec ce type de renseignements là qu'on pourrait inférer l'âge?
Mme Jolicoeur (Marie-Pier) : Vous
me parlez un peu de... d'informations qui sont anonymisées ou dépersonnalisées.
Effectivement, c'est une écoute qui est assez aride, là, écouter ce sommet-là,
dans le sens que, sur le plan technique... tu sais, je ne suis pas ingénieure
informatique, bien sûr, mais ma compréhension, c'est celle-ci, effectivement,
qu'on anonymise la donnée et que... et parmi, même, les méthodes... Tu sais,
moi, il y avait certaines méthodes, tu sais, pour lesquelles j'étais sceptique,
par exemple. Et il y a un élément qui est important pour l'évaluation de ces
méthodes-là, il y a le International Standard Organisation qui est en train
d'adopter des lignes justement avec des clauses qui parlent de la sécurité, de
la protection des données, de la performance aussi, parce que, si on met un...
tu sais, une mesure de vérification de l'âge de l'avant puis que, finalement,
elle ne fonctionne pas, bien, ça ne sert pas...
Donc, il y a vraiment ce souci-là
d'encadrement de ces balises-là. Et effectivement que... je sais que les
organismes, bon, sont encore... on est encore en train de découvrir sur ça,
mais ce qui semble être l'avenue, là, la plus porteuse et intéressante pour le
respect de la vie privée, c'est double anonymat avec un tiers. Évidemment qu'on
ne veut pas que l'industrie pornographique ou les GAFAM se retrouvent avec les
données, effectivement.
Mme Cadet : Merci. Je peux
poser une dernière question?
La Présidente (Mme Dionne) : Bien
sûr. Il reste un beau gros neuf minutes.
Mme Cadet : Merci. Vos... En
fait, les interlocuteurs qui vous ont précédée, donc, ont parlé, donc, de la
classification, donc, des jeux vidéo. D'autres... D'autres avant elles, donc,
nous ont parlé, donc, de ce système de classification là, qui existe aussi,
donc, en Australie, donc... sur des jeux sur des applications téléphoniques.
Donc, vous, j'aimerais savoir, donc, comment est-ce que vous percevez ce type
de mesure là, toujours dans le respect, donc, des différents principes de
capacité évolutive de l'enfant et de l'intérêt supérieur de l'enfant.
Mme Jolicoeur (Marie-Pier) : ...que
c'est une... c'est une excellente idée. Je pense que... En fait, l'industrie du
cinéma le fait de manière indépendante. Il y a une loi sur le cinéma au Québec
qui encadre. Et donc je pense que c'est vraiment dans l'intérêt supérieur de
l'enfant, justement, que les jeux vidéo puis les... ce qui se retrouve dans les
contenus, on ait une évaluation objective et indépendante, là, des contenus. Je
pense que c'est une avenue intéressante.
Mme Cadet : Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : Est-ce
qu'il y a d'autres interventions?
Mme Cadet : ...
La Présidente (Mme Dionne) : Aucun
problème, Mme la députée.
Mme Cadet : ...d'autres
questions, mais je voulais laisser la place.
La Présidente (Mme Dionne) : ...
Mme Cadet : Parfait. Votre
troisième principe, la participation des enfants dans les discussions sur les
enjeux qui les concernent dans l'environnement numérique, comment est-ce qu'on
le met en œuvre, selon vous, ce principe-là?
• (17 h 30) •
Mme Jolicoeur (Marie-Pier) : Bien,
vous avez eu une très bonne proposition. Encore une fois, je pense que c'est Me
Levac qui l'a faite par rapport à l'idée de créer des comités consultatifs,
donc d'avoir une participation qui est un tout petit peu plus régulière. Aller
dans les écoles, bien, tu sais, c'est intéressant, c'est sûr, c'est un peu plus
ponctuel, sporadique. Vous savez, je pense que c'est le 22 septembre, là, qu'on
a adopté le pacte numérique, là, l'ONU vient tout juste d'adopter ce pacte-là.
Et il y a Five Rights... Five Rights Foundation qui est une organisation où il
y a des jeunes ambassadeurs au Royaume-Uni qui participent dans les
pourparlers, qui vraiment sont très, très actifs de manière organisée, là, tu
sais, il y a vraiment un organisme. Donc, on pourrait...
17 h 30 (version non révisée)
Mme Jolicoeur (Marie-Pier) : ...s'inspirer
de modèles similaires, mais d'avoir, c'est ça, des comités consultatifs, je
pense que l'Assemblée nationale a des... parfois, fait participer dans des
exercices de simulation des jeunes, des choses comme ça. En fait, ces
mesures-là... C'est important d'entendre la voix des enfants, c'est quelque
chose qui est superimportant. L'observation que je cite dans mon mémoire... On
a fait participer 729 enfants à cet exercice-là, leur parole est citée dans des
paragraphes de l'observation. C'est une très belle démonstration, justement, du
respect de la parole de l'enfant.
Mme Cadet : Merci. Puis
enfin, on a entendu précédemment, donc, le Bureau des affaires de la jeunesse,
là, du DPCP sur la diffusion d'images sexuellement explicites ou d'images
intimes. Selon vous, comment le législateur québécois, donc, peut encadrer de
telles pratiques?
Mme Jolicoeur (Marie-Pier) : Ça,
c'est un enjeu qui est superimportant, qui est très alarmant aussi, parce que,
je pense... Je n'ai pas entendu, là, l'intervention juste avant moi, mais je
pense qu'il y a une banalisation, peut-être, ou une méconnaissance des
conséquences. Donc... Moi, je suis animatrice pour le CIEL. Donc, vous avez eu
Emmanuelle Parent. Je pense que cette... c'est... il y a une clé de sensibilisation,
vraiment, de faire connaître, de savoir que, quand on partage, ça peut être
diffusé, tout ça, de faire... faire prendre conscience pour les jeunes, mais
sinon, d'avoir une rapidité si jamais il y a une photo qui circule. Le Centre
canadien de protection de l'enfance fait un travail vraiment extraordinaire
pour ça. Mais je pense que d'avoir vraiment une concertation avec les écoles,
les corps policiers pour que ça soit le plus rapide possible...
C'est ça, je pense qu'on ne réalise pas
les conséquences psychologiques, là, vraiment, de... Tu sais, on... je me
rappelle, en droit des technologies, j'avais lu un article, on parlait de choc
post-traumatique, là, vraiment, quand on sait que notre image peut circuler,
puis là, avec l'hypertrucage, ça peut être des fausses images, mais les
conséquences sont les mêmes, essentiellement. Donc...
Mme Cadet : ...avec les
moyens technologiques, on est en mesure de vraiment effacer ces images-là?
Mme Jolicoeur (Marie-Pier) : Bien,
je sais que l'intelligence artificielle se raffine, là, des fois, pour, des
fois... Il y a justement le... Ça donne beaucoup plus de munitions à des gens
qui sont mal intentionnés, mais, à l'inverse, on peut l'utiliser à notre
avantage. Je pense que le projet Arachnid fait un travail vraiment
extraordinaire pour repérer le matériel pédopornographique. Après ça, je pense
que c'est... ça fait partie justement des exemples où la technologie peut être
vraiment dans l'intérêt supérieur de l'enfant.
Mme Cadet : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Dionne) : Est-ce
qu'il y a d'autres interventions? Alors, merci infiniment de votre présence et
de votre contribution, surtout, à ces travaux, donc... des questions parfois
quand même complexes. Alors, c'est toujours intéressant d'être... de se faire
mieux éclairer par les différents intervenants qui viennent nous voir.
Alors sur ça, moi, je suspends les travaux
pour accueillir notre prochain témoin. Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 34)
(Reprise à 17 h 38)
La Présidente (Mme Dionne) : La
commission reprend maintenant ses travaux. Donc, je souhaite maintenant la
bienvenue à Mme Miville-Dechêne. Donc, merci d'être avec nous en cette fin de
journée. Donc, je vous rappelle, vous avez 10 minutes pour nous transmettre
votre exposé. Puis, suite à cela, on procédera à une période d'échange avec les
membres de la commission. Donc, je vous cède la parole.
Mme Miville-Dechêne (Julie) : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Donc, je remercie bien sûr la commission de m'avoir
invitée à parler d'un enjeu que je porte depuis quatre ans, soit la volonté de
protéger les enfants de l'exposition à la pornographie en ligne, qui s'incarne
dans le projet de loi S-210. Ma longue bataille montre bien la difficulté
de légiférer dans le monde numérique. Bien que les parents réclament de l'aide,
je fais face à une forte opposition du gouvernement libéral fédéral à l'idée
d'assurer par voie législative que seuls les adultes puissent avoir accès à la
porno en ligne.
Mon bureau a commandé en février dernier
deux questions de sondage à la firme Léger pour en avoir le cœur net. 73 %
des répondants estiment que l'accès facile des mineurs à la porno en ligne est
un problème important et 77 % veulent qu'on impose une vérification d'âge
pour en limiter l'accès. Il y aurait aujourd'hui plus de 4 millions de
sites de porno à travers le monde. On parle du tiers de la bande passante.
L'écosystème a radicalement changé il y a une quinzaine d'années, quand les
plateformes pornos ont choisi un modèle de contenu téléversé par les citoyens
et ont donc opté pour la gratuité. Toute barrière à l'accès a donc disparu.
C'est entre 11 et 13 ans que les enfants ont leur premier contact avec la
porno en ligne, de plus en plus hardcore, il faut le souligner. Au Canada,
40 % des garçons du secondaire en ont vu, seulement 7 % des filles.
Au Royaume-Uni, le quart des enfants de 11 ans et moins ont regardé de la
porno.
• (17 h 40) •
La réputé pédiatre ontarienne Meghan
Harrison, a livré un témoignage poignant au Sénat. Je la cite : «Les
images que voit un enfant affectent sans contredit le développement de son
cerveau. La plasticité synaptique est à son apogée chez les enfants et plus
particulièrement chez les adolescents, ce qui signifie que les comportements,
les images, les idées et les valeurs constamment répétés qui sont captés par le
cerveau puis intériorisés pendant l'enfance et l'adolescence peuvent avoir une
incidence durable, ce qui n'est pas le cas chez les adultes.» La pédiatre
poursuit ainsi : «Les adolescents que je reçois dans mon bureau vivent une
très grande confusion par rapport à leur corps, ce que l'on attend d'eux sur le
plan sexuel et ce qui est normal ou non.» Le pédiatre que vous connaissez,
Jean-François Chicoine ajoute et je le cite : «Trop jeune, trop souvent,
trop intensivement, l'exposition à la porno est toujours une blessure, mais
chez certains enfants, c'est une réelle cassure qui brise leur estime de soi et
le rapport avec les autres pour toujours.» La sexologue Marie Christine Pinel, quant
à elle, a fait des constats...
Mme Miville-Dechêne (Julie) : ...chez
les jeunes, dans sa pratique. Je la cite : «Je vois émerger des tendances
destructrices, une recrudescence des relations de dominance, une anxiété de
performance qui entraîne des douleurs à la pénétration, un dysfonctionnement
érectile, une explosion dans la demande de chirurgie esthétique génitale. Tous
ces problèmes sont dus à l'influence de la porno. La recherche scientifique
fait de plus en plus d'associations, et non de liens de cause à effet, je le
précise, donc des associations alarmantes. Le visionnement fréquent de la porno
par les adolescents peut mener à une consommation compulsive, créer des
attentes irréalistes quant aux pratiques attendues, créer de la peur et de
l'anxiété, entraîner des symptômes de dépression et être lié à un niveau
d'intégration sociale plus faible.
Que retiennent les jeunes? La consommation
répétée de porno par les ados renforce les stéréotypes de genre et perpétue les
croyances sexistes et... l'objectification des femmes. Au moins 40%des scènes
de porno en ligne mettent en scène des actes de violence contre les femmes.
Cette vision brutale de la sexualité risque de traumatiser les enfants et les
jeunes et de nuire à l'image qu'ils ou elles se font d'eux-mêmes et des
relations amoureuses.
Selon le Centre canadien de protection de
l'enfance, qui a été cité par votre précédent témoin, la pornographie entre
adultes n'est pas seulement néfaste, dit le Centre pour le développement
cérébral des enfants, elle peut aussi les préparer à d'éventuelles agressions
sexuelles en normalisant et en banalisant l'activité sexuelle dans leur esprit.
C'est troublant.
Au Royaume-Uni, enfin, la Commissaire à
l'enfance a publié un rapport choc. Je la cite : «Les jeunes voient des
choses qui déforment leur vision de ce qu'ils croient être une véritable
relation sexuelle. Des filles m'ont dit que leur premier baiser avec le petit
copain avec leur... lors de leur premier baiser avec leur petit copain,
celui-ci a essayé de les étrangler parce que c'est ce qu'ils avaient vu dans
une vidéo pornographique.» Une récente enquête auprès de 1000 jeunes
britanniques, ils font plus de recherche là-bas qu'ici, comme vous le voyez,
donc, des jeunes de 16 à 21 ans, ça indique que 47 % d'entre eux croient
que les filles s'attendent à ce que la sexualité comprenne des agressions
physiques, comme du quasi-étranglement ou des claques, 42 % disent que les
filles aiment ce genre d'agression. Il est clair que l'autoréglementation est
un échec. Ces sites gratuits tirent leurs revenus de la publicité et des jeux
vidéo à caractère sexuel qui ciblent les jeunes. Plus il y a de clics, quel que
soit l'âge des clients, plus les profits rentrent.
Le projet de loi S-210, limitant l'accès
en ligne des jeunes à la porno, s'attaque donc à un enjeu grave de santé et de
sécurité publique. S-210 criminalise le fait, pour toute organisation, de
rendre accessible à un mineur du matériel sexuellement explicite à des fins
commerciales. Et ce n'est pas de la censure. S-210 énonce que le matériel
sexuellement explicite qui a un but légitime lié à la science, à la médecine et
à l'éducation ou aux arts, n'est pas couvert par l'interdiction. J'ai toujours
défendu fermement l'importance d'une éducation sexuelle complète à l'école. Il
ne s'agit pas de ça sur les sites pornos.
De plus, la jurisprudence montre que le
terme «matériel sexuellement explicite», tel qu'utilisé dans le Code criminel,
ne peut pas être appliqué à n'importe quelle scène de nudité. On vise des
activités sexuelles intimes, représentées de manière détaillée et non
équivoque, dans le but de stimuler sexuellement ceux qui la visionnent.
Comme les sites Web... Comment, la
question, c'est bien sûr de savoir comment les sites Web devraient-ils vérifier
l'âge de leurs visiteurs avant qu'ils aient accès à du matériel porno? La bonne
nouvelle, c'est qu'il y a des percées technologiques et qu'elles ont réduit au
minimum les risques de la vérification d'âge des clients. Selon les experts,
l'estimation d'âge, notamment, serait un moyen particulièrement sécuritaire,
car on ne recueille aucune donnée. Parce que les technologies évoluent, S-210
ne détermine pas quelle méthode devrait être utilisée, sinon qu'elle soit
fiable et sécuritaire. Le choix des méthodes est laissé à la réglementation.
Bien sûr, à cause des VPN, des jeunes vont contourner la loi, mais il est
improbable que des enfants de huit, 10, 12 ans en soient capables. Cette
vérification d'âge ne devrait pas être faite par des sites pornos eux-mêmes,
mais par des fournisseurs de services tiers spécialisés. C'est une précaution
essentielle pour éviter que les sites pornos aient accès aux données
personnelles de leurs clients.
Voici comment l'Age Verification
Provider's Association décrit le processus : «La vérification d'âge n'est
pas synonyme de vérification de...
Mme Miville-Dechêne (Julie) :
...l'identité. Il s'agit de deux choses complètement distinctes. En ce qui
nous concerne, nous essayons de recueillir puis de conserver le moins de
données possible. Dans bien des cas, il n'est même pas nécessaire de conserver
des données personnelles des utilisateurs. Rappelons également que la liberté
d'expression n'est pas un droit absolu, ça a été beaucoup évoqué dans ce débat,
mais un droit qui peut être restreint en vertu de la charte, dans les limites
du raisonnable, et justifiable dans une société libre et démocratique. Lorsqu'il
faut soupeser les droits en jeu, l'atteinte d'un objectif aussi essentiel que
la protection des membres les plus vulnérables de notre société devrait
prévaloir sur un inconvénient mineur, soit se soumettre à une vérification
d'âge.
Certains clament quand même que la
responsabilité de protéger les mineurs de la porno en ligne devrait incomber
seulement aux parents. Encore une fois, c'est un argument qui ne tient pas la
route. Les Canadiens voudraient-ils que les ventes d'alcool et de cigarettes et
les activités de jeux soient laissées à la seule surveillance des parents? Bien
sûr que non. On oublie que les parents n'ont pas tous le même niveau de
littératie numérique. Si le contrôle parental fonctionnait, on le ferait. La
vérité est que la plupart des parents n'ont aucune idée de ce que leurs enfants
voient sur Internet et qu'ils ont besoin de notre aide. Nos appuis sont
nombreux, notamment la Société canadienne de pédiatrie, l'Académie canadienne
de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent et l'Association des pédiatres du
Québec. D'autres pays ont déjà pris des mesures en vue de protéger les mineurs
de ce bombardement. Woups! j'ai perdu mon texte. Excusez-moi. Il a défilé à
l'envers.
D'autres pays ont déjà pris des mesures en
vue de protéger les mineurs de ce bombardement d'images porno en ligne. Les
sites pornos ont répliqué avec des poursuites, mais ils ont échoué jusqu'à
maintenant. L'Allemagne, la France, la Grande-Bretagne et l'Union européenne
ont adopté des lois et des directives de vérification d'âge. L'Espagne doit
lancer un projet pilote bientôt, l'Australie également. Une douzaine d'États
américains ont emboîté le pas. Qu'attendons-nous? C'est toute une génération de
jeunes et d'enfants qui font leur éducation sexuelle sur les sites pornos, avec
les conséquences qui viennent avec. Comme mère, comme féministe, je juge qu'il
n'appartient pas aux pornographes de décider ce que nos filles et nos garçons
regardent. Je vous remercie et je suis prête à répondre à vos questions.
La Présidente (Mme Dionne) :
Merci infiniment, Mme Miville-Dechêne. Donc, nous allons débuter cette
période d'échange avec la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme Cadet : Merci, Mme
la Présidente. Bonjour, Mme la sénatrice. Très heureuse de vous revoir, même si
ce n'est que par le biais de la vidéoconférence. Mais merci, pour votre exposé.
Vous avez fait mention donc de faits absolument troublants. Je pense que ma
collègue et moi, on se regardait en se disant : Mon Dieu! C'est tout un
univers. Puis ma première question je pense que vous écoutiez Me Jolicoeur,
donc, juste avant, elle a bien mis la table en nous disant que vous auriez,
donc, des précisions, donc, à nous offrir quant à la vérification de l'âge. Et
là, donc, vous nous dites, donc, c'est possible, donc, de le faire de façon
anonymisée, fiable et sécuritaire. Pouvez-vous, donc, nous donner, donc,
quelques exemples? Je pense que, là, on a mis la table sur le fait que la
vérification de l'âge, ça ne signifie pas que la question de l'identité. Puis
vous avez bien compris que c'est une question qui nous préoccupe beaucoup, non
seulement pour l'accès à des sites pornographiques, mais également, donc, tout
ce qui concerne, donc, l'accès à des... aux réseaux sociaux de façon un peu
plus large, là, advenant le cas que les législateurs québécois voudraient aller
dans cette direction.
Mme Miville-Dechêne
(Julie) : Donc, cette question...
Mme Cadet : Alors,
voilà.
Mme Miville-Dechêne
(Julie) : Donc, je vous remercie beaucoup de cette question
importante. Je dois vous dire que la raison pour laquelle nous avons décidé de
mettre les choix de méthode dans la réglementation du projet de loi, la
réglementation, tout comme au Québec, est adoptée après, quand le projet de
loi... après que le projet de loi soit adopté. Donc, on a repoussé les choix
très précis de méthodes de vérification à ce moment-là parce que, regardez
bien, ça fait quatre ans que je défends ce projet de loi. Depuis quatre ans, il
y a eu plein de nouvelles méthodes, plein d'avancées technologiques sur toutes
ces questions-là. Et donc on n'est vraiment plus rendus au même point.
• (17 h 50) •
Donc, je peux discuter avec vous de cela,
mais je ne me prétends pas une experte. Il y en a beaucoup. Ce que je veux vous
dire, c'est qu'il y a évidemment des méthodes classiques qui sont les méthodes
de cartes qui peuvent être, qui peuvent être en ligne, qui peut être montrées,
donc, des cartes d'identité, mais on a beaucoup dit récemment que l'estimation
de l'âge à plus ou moins deux ans était une méthode qui permettait d'aller très
rapidement et de ne recueillir évidemment aucune donnée, parce que...
Mme Miville-Dechêne (Julie) : ...parce
qu'on estime l'âge de la personne qui veut entrer sur les sites pornos. Et ce
n'est pas... Tu sais, on parle beaucoup d'intelligence artificielle, mais
l'estimation d'âge ne recueille pas de données et elle est pas mal fiable et
surtout très sécuritaire. Ça pourrait être une des méthodes. Mais ce qui se passe,
par exemple, dans les pays comme la Grande-Bretagne, où on a passé une loi et
on a de la réglementation, ce qu'on dit, c'est : Ce sera aux vérificateurs
d'âge de proposer des méthodes et nous évaluerons leur degré de fiabilité et de
sécurité. Donc, ça peut être un éventail de choses. Je vous donne l'exemple de
l'Allemagne qui a une loi sur la vérification d'âge depuis plus d'une dizaine
d'années et qui a plus d'une centaine de méthodes différentes par, évidemment,
des tierces parties, des vérificateurs d'âge qui sont approuvés. Donc, ça peut
être des petites différences entre les méthodes, mais ça montre bien qu'il y a
plusieurs méthodes possibles. Et, dans le cas de l'Allemagne, je sais qu'on est
très inquiets pour les données, mais, dans le cas de l'Allemagne, il n'y a
jamais eu de fuites de données depuis qu'on a commencé cela.
Donc, bien sûr, quand on n'aime pas un
projet de loi, on a tendance à le couvrir de tous les mots, et on a beaucoup
entendu que ça serait impossible, que ça serait trop dangereux. Mais, comme
vous le savez, Mme la députée, nous sommes tout le temps sur Internet. Nous
faisons des transactions bancaires. Nous faisons beaucoup de choses qui
impliquent de la sécurité et nos données. Donc, évidemment, il y a toujours un
risque minimal. Mais on est dans un pays où il y a des lois. Et les
vérificateurs d'âge devront obtenir une certification du gouvernement, c'est ce
qui se passe, des... d'un régulateur ou des autorités. Donc, seules ces tierces
parties vérifiées pourront effectivement faire de la vérification d'âge.
Je vous parle aussi d'une méthode qui a
été développée en France, qui, effectivement, travaille sur ces questions-là
depuis l'adoption de sa loi, et donc ça s'appelle le double anonymat. Ce que ça
veut dire, c'est que, quand le client vient frapper à la porte, par exemple, de
Pornhub, qui est un site porno qu'on connaît bien, il est renvoyé
automatiquement vers une compagnie qui vérifie l'âge, et la compagnie qui
vérifie l'âge ne sait pas qu'il a frappé à la porte de Pornhub, donc on lui
demande juste une vérification d'âge, et, quand on lui donne un jeton prouvant
qu'il a plus que 18 ans, ce même client retourne, par exemple, vers
Pornhub qui... qui n'a pas de donnée autre que celle-là. Donc, ça s'appelle un
double anonymat dans la mesure où les données ne sont pas partagées. Donc, ça,
les Français disent qu'ils ont réussi à trouver la façon de le faire et ils
vont commencer bientôt des projets pilotes.
Donc, je n'ose pas vous dire, là, que
c'est... que tout est réglé et tout, mais on est suffisamment en avance pour
que des pays, comme la Grande-Bretagne qui travaille depuis des années sur ce
dossier, soient maintenant à la veille de mettre en place leurs lois en disant
aux vérificateurs d'âge : Proposez-nous des solutions et on va les
évaluer. Évidemment, il y a différents degrés de complication dans ces
méthodes-là.
Mme Cadet : Merci. Est-ce
que... Bien, en fait, on a entendu, donc, le Directeur des poursuites
criminelles et pénales, un peu plus tôt, donc, nous parler, donc, du partage
d'images intimes, donc d'images sexuellement explicites. Donc là, on ne parle
pas, donc, des plateformes, donc, des entreprises elles-mêmes, mais donc de...
d'adolescents...
Mme Miville-Dechêne (Julie) : Non,
il faut que ce soit... Ce n'est pas couvert par mon projet de loi.
Mme Cadet : Non, c'est ça.
Parfait. C'était un peu ma question à savoir si ça, c'était couvert par votre
projet de loi, non.
Mme Miville-Dechêne (Julie) : Parce
que vous remarquerez, mais évidemment j'avais beaucoup de données... ce ne sont
que les organisations qui sont touchées et non les individus. Et c'est clair
que, pour éviter que, par exemple, deux jeunes qui s'échangent des images
intimes soient passibles d'une infraction criminelle, on a limité le projet de
loi à des organisations, que ce soit des plateformes, bien sûr, mais que ce
soit aussi des sites pornos. Il y en a sur la plateforme X et... De la
pornographie, il y en a beaucoup, il y en a beaucoup partout. C'est... Pour
moi, ça a été une découverte. Parce que, comme c'est très payant, ça a vraiment
augmenté de... il y a eu une montée fulgurante de la pornographie sur Internet.
Ce n'est pas pour rien qu'il y a des images qu'on appelle des pop-up qui
sortent... Quand les enfants regardent... qu'ils regardent Internet, ils
peuvent... il peut, tout à coup, y avoir une image de pornographie qui sort.
Écoutez, c'est un peu affolant...
Mme Cadet : Oui. Parfait.
Merci, merci beaucoup...
La Présidente (Mme Dionne) : ...je
reviendrai vers vous, Mme la députée. Monsieur... Mme la députée de Hull.
Mme Tremblay : Oui. Bonjour.
J'aimerais ça que vous me parliez un petit peu plus des pays, là, justement,
qui sont allés de l'avant, tu sais, qui ont pris des décisions importantes pour
protéger, bien, nos enfants, leurs enfants. Ce qu'on souhaite faire ici,
évidemment, de ces images et de tout ce que l'on retrouve sur les réseaux.
Est-ce qu'ils ont vu une diminution? Comment ça se passe? Est-ce qu'il y a des
études là-dessus? Est-ce que vous avez de l'information sur cela?
Mme Miville-Dechêne (Julie) : J'ai
de l'information, mais ils prétendent qu'il y a des études... L'Allemagne est
certainement le pays qui a, en place, une loi depuis le plus longtemps. Les
plateformes nationales, c'est-à-dire allemandes, les plateformes pornos se sont
conformés assez rapidement pour la protection des enfants. Mais ce qui se
passe, c'est qu'en ce moment il y a une bataille rangée entre les différents
pays et les plateformes pornographiques qui ne peuvent... qui ne veulent pas
perdre leurs avantages de pouvoir vraiment avoir n'importe qui, qui peut
regarder de la porno et donc leur procurer des revenus supplémentaires.
Donc, en ce moment, il y a eu une bataille
pendant plusieurs années en Allemagne. Pornhub, qui est maintenant possédé par
Ethical Capital Partners, a poursuivi l'Allemagne en disant qu'ils n'avaient
pas le droit d'avoir cette loi et cette loi, ce n'était pas as constitutionnel,
et tout. Ils ont finalement perdu. Mais ce qu'ils ont fait, et ça vous montre
la ténacité de ces plateformes, c'est que plutôt que de se soumettre à la loi,
Pornhub a décidé de changer son adresse URL et est encore présente en Allemagne
avec une adresse légèrement changée. Donc, ça vous montre la férocité de cette
bataille, le fait que ces plateformes ne veulent pas se soumettre aux lois
nationales. Et donc ce qui va se passer en Allemagne, c'est qu'ils vont
retourner devant le Parlement, passer une autre loi pour éviter que les
adresses légèrement changées puissent être utilisées. Donc, ça, c'est la
bataille en Allemagne, elle n'est pas gagnée, mais je dois vous dire que les
règlements... les régulateurs là-bas ne lâchent pas prise.
En Grande-Bretagne, la loi a été passée.
Le Online Safety Act a été passé il y a environ un an, devrait bientôt entrer
en vigueur. Il y a eu des changements de régime. Il y a un premier projet de
loi qui a été abandonné. Donc, dans ce cas-ci, c'est un projet de loi très
complet, qui protège aussi les enfants sur les médias sociaux, qui demandent
aux médias sociaux de s'assurer qu'eux-mêmes mettent des précautions en place,
mais demandent, pour la pornographie, en particulier, de la vérification d'âge
ou de l'estimation d'âge. Donc, c'est à peu près la même approche que celle
qu'on a prise. On n'a pas encore, évidemment, de résultats puisqu'elle n'est
pas en vigueur. La France doit commencer aussi des projets pilotes et, comme je
vous dis, ils ont décidé que le double anonymat serait une façon de faire.
Aux États-Unis, la question est un peu
plus complexe parce qu'il y a à peu près une douzaine d'États qui obligent des
vérifications d'âge. Mais ce qui s'est passé, c'est que Pornhub, en
particulier, a décidé de quitter les États où on faisait cette demande, donc,
ils se sont carrément retirés des États. Il y a aussi eu des poursuites qui ont
été engagées. Et maintenant c'est à la Cour suprême des États-Unis de
déterminer si les droits des sites pornographiques de diffuser sans restriction
de la pornographie sont supérieurs aux droits des enfants d'être protégés.
Donc, c'est un cas de liberté d'expression. Aux États-Unis, la liberté
d'expression est encore plus protégée qu'au Canada, et ça va être une décision
intéressante.
• (18 heures) •
Il y a là-bas, en Louisiane, un cas où
Pornhub est resté sur place. Et ce qu'on a fait comme vérification d'âge, c'est
que, là-bas, les permis de conduire peuvent être numérisés, sont numériques.
Contrairement à ici, tous tes papiers officiels sont numériques. Donc, c'est le
permis de conduire qui permet aux clients de la Louisiane de pouvoir consulter
Pornhub. Ce que Pornhub a dit par la suite, elle a fait des études. Et Pornhub
a dit qu'il y avait eu une véritable chute, une importante chute du nombre de
clients. Et donc c'était le résultat de la vérification d'âge. C'est possible,
on s'entend. Il y a, sans doute, des clients qui n'iront pas vers des sites
pornos qui demandent la vérification d'âge. Mais, après tout, nous ne sommes
pas là...
18 h (version non révisée)
Mme Miville-Dechêne (Julie) : ...pour
protéger les profits des sites pornos, mais plutôt pour protéger les enfants.
Mme Tremblay : Effectivement.
Donc, la vérification... Ça fait que ça fonctionne finalement, mais on ne peut
pas... quand vous dites qu'il y a eu une importante chute des clients, ce n'étaient
pas nécessairement des enfants, mais c'est qu'à partir du moment où on
contrôle...
Mme Miville-Dechêne (Julie) :
Non, non.
Mme Tremblay : Ça va dans les
deux sens, c'est ça?
Mme Miville-Dechêne (Julie) :
Exact.
Mme Tremblay : Exactement.
Mme Miville-Dechêne (Julie) :
On ne peut pas mesurer, franchement, jusqu'à maintenant, on n'est pas encore en
mesure et c'est des questions... Et ça se fait sur des années. Vous savez, ce
qui m'inquiète le plus, c'est que ça fait 15 ans qu'on a la gratuité, donc ça
fait quand même toute une génération d'enfants qui sont passés par là. Et je
parle souvent d'urgence parce que, de mon point de vue, les relations
sexuelles, les relations intimes sont une partie importante de la vie et les
mentalités sur l'égalité homme-femme peut se faire dans ces situations-là. C'est
pas pour rien que la violence, les agressions se font beaucoup dans l'intimité
et donc, je pense qu'il est très important que, surtout au Québec, on a fait de
grands pas dans l'égalité des femmes et des hommes. Mais cette espèce d'explosion
de la pornographie en quelques années fait augmenter des stéréotypes qu'on
avait réussi, d'une certaine façon, c'est beaucoup dire, réussi, mais qu'on
avait quand même, dont on avait diminué la fréquence. Alors ça, ça m'inquiète.
C'est des choses un peu moins faciles à mesurer, mais quand on voit des femmes
toujours dans les positions de servitude dans l'acte sexuel, sans compter la
violence, sans compter tout ce qui vient avec, ça finit par avoir une empreinte
dans le cerveau de ces jeunes-là.
Mme Tremblay : Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup, Mme la députée, Mme la députée de D'Arcy-McGee.
Mme Prass : Merci, Mme la
Présidente. Ma question a été posée par ma collègue, ma collègue, mais je vais
élaborer un peu. Vous parlez, par exemple, en Louisiane, du permis numérique,
mais qu'est-ce qui ferait en sorte qu'un jeune ne prenne pas celui d'un frère
qui est plus vieux, son père, quoi que ce soit? Parce que les jeunes,
malheureusement, ils sont bien contournés puis connaissent bien comment
utiliser l'Internet et les ordinateurs. Donc, je comprends qu'il n'y aurait
jamais de solution ultime qui ferait en sorte... Mais j'imagine, c'est l'aspect
dissuasif également qui fait en sorte qu'on ne va peut-être pas prendre cette
chance-là. On ne va peut-être justement pas prendre le permis de notre père ou
notre frère et qu'eux ils sachent. Mais est-ce que vous avez une idée dans les
pays européens, si statistiquement ils ont réussi eux également à diminuer la
fréquence de personnes qui vont visiter ces sites-là? Ou des jeunes plutôt?
Mme Miville-Dechêne (Julie) :
Alors on peut, on le fait... Jusqu'à maintenant, on n'a pas d'études là-dessus.
C'est assez difficile à mesurer. On n'a jamais su, par exemple, combien d'enfants,
quelle est la proportion d'enfants qui visitaient, qui entraient dans des sites
pornographiques. Je pense qu'il y a eu des estimations à l'effet que les
mineurs pouvaient constituer peut-être 10 % des clients. Mais je pense qu'il
faut être très, très prudent avec ces chiffres, parce que sur quoi on se fie
pour dire ça? Et évidemment, ceci dit, laissez-moi vous dire que les sites
pornographiques doivent ramasser de l'information. Parce que quand on consulte
un site puis qu'on va jouer, alors, tout ça fait que les sites pornographiques,
on a beau s'exclamer que c'est très dangereux, faire de la vérification d'âge,
mais les sites pornographiques ont déjà beaucoup, beaucoup d'informations sur
leurs clients. Est-ce que je vais vous répondre sur la question des cartes qui
peuvent être les permis de conduire qui peuvent être empruntés ou volés aux
parents? C'est que c'est vrai pour tout. Prenez le jeu en ligne. Il faut une
carte de crédit. Dans certains cas, les jeunes prennent la carte de leurs
parents, ce qu'on veut en faisant une loi, c'est que le jeune de huit, 10, 12
ans ne puisse pas, sans aucune barrière, rentrer sur un site porno. Pour l'instant,
tout ce qu'il y a, c'est on leur demande : Avez-vous 18 ans? Ils cliquent
sur le bouton et ils rentrent. Donc, ce n'est pas vrai que tous les enfants de
cet âge-là vont trouver des moyens détournés pour se rendre sur ces sites. Il y
a une espèce de message qui est donné là, de la société, ce n'est pas pour toi
et tu ne peux pas y entrer. Alors, est-ce qu'ils vont vraiment essayer de
déjouer un système de vérification d'âge? En tout cas, on ne protège, on ne
pourra pas protéger tous les enfants. L'Internet est un immense défi dans tous
les domaines. Moi, je me suis intéressé à la pornographie, mais il y a beaucoup
d'autres préjudices...
Mme Miville-Dechêne (Julie) : ...et
ce qu'il faut faire, c'est s'assurer que le plus grand nombre ne sombre pas et
de protéger le plus grand nombre. Et c'est ce qu'on fait aussi dans la société
non Internet. Prenez l'alcool, on demande des cartes, mais on sait bien qu'il y
a des enfants qui consomment de l'alcool et qui l'obtiennent par toutes sortes
de moyens. Donc, ça sera la même chose sur l'Internet. Quand on me dit :
Votre projet de loi, c'est une passoire. Bien, je dis : Pas tout à fait,
pas vraiment, mais aucune loi n'est suivie de façon absolue. Ce sont des
signaux qu'on donne. Et surtout, là, ce qu'on fait, c'est qu'on dit aux
plateformes pornos, aux sites pornos : Attention! Vous allez... vous
pouvez être poursuivi, il y aura une infraction criminelle qui... qu'on veut
cliquer qui... qui devient réelle, et si vous permettez à un mineur de regarder
de la pornographie. Voilà, donc ce n'est pas rien, le Code criminel. Et on
prend ça justement à cause des effets graves de la pornographie sur le cerveau
des enfants.
Mme Prass : Et quelle serait
la façon, justement si un jeune, disons, se fait passer pour plus de
18 ans? Ce que vous suggérez pour les... pour les pénalités pour les
entreprises, c'est... c'est s'ils permettent volontairement à des jeunes de
jouer avec les systèmes...
Mme Miville-Dechêne (Julie) : Pas
juste volontairement. Il faut... tu sais,_ ils seront condamnés pour une
infraction criminelle s'ils n'ont pas mis en place un système de vérification
d'âge qui sera approuvé, qui sera dans la réglementation. Il y aura une série
de contrôles, mais ce n'est pas en ne faisant rien puis en se fermant les yeux
qu'ils vont échapper la loi. C'est une loi qui oblige ceux qui, en ce moment,
bénéficient de cette absolue liberté les sites pornos de toutes sortes, on leur
demande de prendre leurs responsabilités et d'agir, parce que c'est eux qui
mettent les enfants en danger. Ce sont des entreprises commerciales, et toute
entreprise commerciale se doit de minimiser les torts qu'elle fait, surtout
quand la recherche scientifique montre que de plus en plus de torts existent.
On a toujours... on a toujours cru, dans notre société, que la pornographie,
qui est légale pour les adultes, par et pour des adultes consentants, demeurait
un divertissement d'adultes. Il n'y a pas grand monde qui considère que c'est
sain pour les enfants de regarder de la pornographie. Donc, c'est ce consensus
social qu'on doit reporter sur l'Internet, la société, sans doute à certains
égards, est devenue plus permissive. Le niveau de pornographie qui a déjà été
softcore est maintenant hardcore plus, plus, plus, mais pourquoi est-ce qu'on
laisserait les choses aller ainsi au nom de la liberté d'expression, alors
qu'on met en danger ce qu'on a de plus précieux, c'est nos enfants? Je
m'emporte. C'est parce que ça fait longtemps que je travaille sur le dossier.
Mme Prass : Question pour
vous. Vous avez mentionné que, dans certains États aux États-Unis, que les
PornHub, par exemple, ils se sont retirés du marché. Vous n'avez pas dit la
même chose pour les pays européens. Vous avez dit qu'en Allemagne ils ont
changé d'URL. Mais qu'est-ce qui a fait en sorte qu'ils ont... Est-ce que la
façon dont ils ont mis cette restriction de l'avant aux États-Unis... Quelle
est la distinction entre les deux pour qu'ils soient toujours présents en
Europe, mais qu'ils se soient retirés de certains États en Amérique?
• (18 h 10) •
Mme Miville-Dechêne (Julie) : J'imagine
que c'est des décisions de marché. Quand c'est un petit marché, ça ne vaut pas
la peine de rester si c'est plus compliqué de faire des vérifications d'âge. Il
me semble que Pornhub a dit qu'ils n'étaient pas satisfaits de la façon dont la
vérification d'âge allait être faite dans les États qu'ils ont quittés. Mais en
général, c'est vraiment des décisions d'affaires parce que vous comprenez, ce
qui se passe, c'est que, plus les États veulent mettre des lois, plus ça va
diminuer le nombre de clients de ces entreprises pornographiques. Et donc, en
ce moment, c'est un combat pour... avec des poursuites contre plusieurs pays en
même temps pour s'assurer que le marché demeure ouvert comme il l'a été au début
de l'Internet. C'est un net refus, vraiment un grand refus d'accepter que les
pays légifèrent. Et moi, ça me scandalise parce que, comment dire, ça fait
quand même une quinzaine d'années. Ils ont eu une quinzaine d'années pour
essayer de trouver des façons de protéger les enfants et rien n'a été fait.
Tout ce qu'on a fait, c'est empocher de l'argent. Et, en plus, vous le savez,
ces sites-là, parce qu'il y avait des millions et des millions d'images qui
étaient... on a permis très longtemps, maintenant, il y a des entreprises qui
font un peu mieux, mais à n'importe qui de téléverser...
Mme Miville-Dechêne (Julie) : ...des
images, non seulement de pornographie avec des adultes consentants, mais des
images d'exploitation sexuelle, des images de jeunes filles qui n'avaient... de
jeunes femmes qui n'avaient pas consenti à ce que leurs images soient
partagées. Pornhub et ses anciens propriétaires ont dû payer assez cher, aux
États-Unis, il y a eu des poursuites, on a interrompu des poursuites en les
obligeant à faire mieux dans la vérification des images qui circulaient. Donc,
il y a eu des efforts, je dois dire, beaucoup plus aux États-Unis, en termes
légaux, qu'au Canada, je suis un peu triste de ça, pour essayer de contrôler
ces plateformes qui se croient tout permis et qui mettent en vedette l'intimité
des gens sans même que les gens, parfois, soient au courant ou soient
consentants. Ce n'est pas comme YouTube, là, ce n'est pas des joueurs de
guitare, là, c'est des gens tout nus qui font toutes sortes de choses et dont
la vie peut être détruite parce qu'on a téléversé leurs images. Alors, Ethical
Capital Partner dit que ses méthodes, maintenant, de vérification sont
meilleures, mais ce n'est qu'un site, il y a des milliers de sites.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
M. le député de Gaspé, puis j'ai aussi M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve.
Donc, vous nous quittez à quelle heure, déjà, Mme la sénatrice?
Mme Miville-Dechêne (Julie) : Je
vous quitte à 25, dans 13 minutes.
La Présidente (Mme Dionne) : D'accord.
Mme Miville-Dechêne (Julie) : Donc,
je vais essayer de répondre plus brièvement. Je m'excuse, je suis intarissable.
La Présidente (Mme Dionne) : Il
n'y a aucun... C'était très intéressant. Il n'y a aucun problème.
M. Sainte-Croix : Merci, Mme
la Présidente. Bonsoir, Mme la sénatrice. Vous remercier, d'abord, de votre
présence avec nous aujourd'hui. C'est très intéressant d'écouter votre propos,
très troublant aussi, très honnêtement. Moi, je vous écoute depuis quoi, là,
15, 20 minutes, avec tout ce que vous nous avez partagé comme information, avec
ce que vous avez nommé aussi le consensus social, comment vous expliquez-vous
la résistance du législateur canadien devant votre projet de loi? Qu'est-ce qui
explique qu'on n'aille pas de l'avant?
Mme Miville-Dechêne (Julie) : Alors,
écoutez, je... C'est une excellente question. D'abord, dans ce cas-ci, c'est
moi la législatrice, parce que j'amène ce qu'on appelle un projet de loi
d'initiative sénatoriale, mais les parties sont libres ou non d'accepter cette
proposition. Et ce qui m'a beaucoup, beaucoup troublée, c'est que, du côté du
gouvernement libéral actuel, c'est là que j'ai eu le plus opposition... et qui
ont changé au gré... au gré... au gré des mois. Donc, la dernière en date,
c'est de dire que, parce qu'on veut interdire aux mineurs le matériel
sexuellement explicite, qui est la définition du Code criminel de la
pornographie, eh bien, ce que ça va donner, c'est que des films où on voit soit
un sein soit une paire de fesses, sur Netflix ou sur HBO, ces films-là vont
être censurés. Donc, c'est de prendre ce projet de loi qui est vraiment ciblé,
avec une expression connue, "matériel sexuellement explicite", et de
dire que c'est... ce sera de la censure et que tout ce qui montre un peu de
chair sera censuré. Alors, c'est tellement gros, que, comment dire, enfin... Ça
a été démonté et... démonté par des experts de la question, qui ont dit :
Bien, voyons donc! Alors donc, ça, c'est une raison.
Une autre, c'est évidemment dans les
questions sérieuses que vous posez, c'est : Ça va être très dangereux pour
les clients, ils vont devoir... ils vont devoir donner leurs informations
personnelles à des sites peu... qui ont une mauvaise réputation. Ça, c'est le
premier ministre Trudeau qui a dit ça. Bien, je regrette, mais plein de pays
commencent à le faire, ont passé des lois. Avec la réglementation, il n'y a
aucune raison que ce soit mal fait. Ça dépend essentiellement de la mise en
vigueur de la loi, donc.
Et l'autre... l'autre... c'est la liberté
d'expression. Bien, quand même, est-ce que, vraiment, c'est une atteinte
majeure à la liberté d'expression que de demander à quelqu'un, pendant 30
secondes, une minute, un peu comme vous faites quand vous faites des vérifications
pour avoir accès à des informations bancaires ou quoi que ce soit... De quelle
façon c'est une... c'est une atteinte à la liberté d'expression?
Donc, moi, j'ai l'impression qu'il y a une
espèce de confusion entre la liberté sexuelle pour les adultes, soit, et la
pornographie. Et je crois... Quand je parle à des parlementaires, je me rends
compte que beaucoup ne savent même pas ce qu'on peut voir sur ces sites
pornos...
Mme Miville-Dechêne (Julie) : ...ce
n'est pas fleur bleue, là. Ce n'est pas de l'érotisme. C'est dur, très, très
dur. Alors, que des adultes consentants veulent voir ça, c'est une chose, mais
qu'on juge que, non, non, c'est mieux aucune loi ou que celle-là, c'est mieux
de ne rien faire que de faire quelque chose... Et, entendons-nous, dans
l'Internet, vous qui êtes justement en train d'étudier toute cette question-là,
vous savez bien que, quand on légifère dans un domaine nouveau, il y a des
risques d'erreurs. C'est compliqué, on n'a pas de barème, on essaie, mais vaut
mieux essayer de protéger les enfants que de ne rien faire au nom d'une liberté
d'expression absolue. Quand je vous dis que la Cour suprême est en train de se
pencher là-dessus aux États-Unis, c'est que la crise, cette crise-là est rendue
assez grave.
Alors donc, oui, comme gouvernement, il y
a une décision de ne pas appuyer ce projet de loi. Il y a certains libéraux qui
ont choisi de ne pas respecter cette règle, ont voté pour en deuxième lecture.
Du côté des démocrates, il y a un peu de division. Le Bloc québécois nous
appuie fermement, les conservateurs aussi. On est rendus à la troisième
lecture. On va voir comment les choses vont se terminer. C'est impossible à
prédire. Mais je vous avoue que, si le gouvernement jugeait qu'il y avait des
choses vraiment dans ce projet de loi qu'il fallait changer, il pouvait très
bien les changer, ça s'appelle un amendement. Mais on n'a jamais eu cette
discussion. Le projet de loi, leur avis était vicié et il ne voulait rien
entendre. Donc, écoutez, c'est ça, la démocratie. Je vais... J'essaie de
récolter le plus de voix de parlementaires possible et on verra comment le vote
se déroulera.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
M. le...
M. Leduc : Bonjour, Mme
Miville-Dechêne, toujours un plaisir de vous entendre. J'étais sur la
commission sur l'exploitation sexuelle des mineurs il y a quelques années.
Votre témoignage avez été percutant à ce moment-là, il l'est encore
aujourd'hui. Très rapidement, dans les deux minutes qui nous restent. Vous avez
fait référence tantôt à des jeux vidéo sexualisés que les enfants peuvent voir
sur des plateformes. Je ne suis pas familier avec ça. Pouvez-vous nous
l'expliquer un peu de quoi il en retourne?
Mme Miville-Dechêne (Julie) : Oui.
Alors, écoutez, pour être bien franche, c'est mon fils qui m'a parlé de ça,
alors... qui est un peu plus jeune que moi, comme vous pouvez l'imaginer, et
qui avait regardé sur ces plateformes parce qu'il savait que je travaillais
là-dessus. Alors, on regarde des vidéos, mais il y a aussi des jeux vidéo auxquels
on peut participer et qui sont souvent, cela dit, payants, ces jeux vidéo, et
c'étaient des jeux qui mettent en scène une certaine sexualité aussi. Donc,
c'est une autre façon de faire des sous pour les plateformes.
M. Leduc : Et ça, c'est de la
publicité entre deux vidéos pornographiques?
Mme Miville-Dechêne (Julie) : Il
y a aussi... il y a aussi... il y a aussi de la publicité. Les deux, les deux
existent. Il y a des jeux vidéo et il y a de la publicité. La publicité, c'est
le nerf de la guerre. C'est ça qui fait que les sites pornos récoltent de
l'argent. Et la publicité est payée, c'est comme à la télé, au nombre de clics,
au nombre de clients. Donc, plus il y a de clients, plus les taux publicitaires
sont élevés et plus la plateforme fait de l'argent, qu'elle peut parfois
redistribuer à certains créateurs de contenus, à certaines travailleuses du
sexe qui peuvent... qui peuvent faire des performances sur ces plateformes-là.
Mais...
M. Leduc : La publicité,
c'est payé... c'est des grands... des grands constructeurs de voitures, des...
des prochains films à l'affiche?
Mme Miville-Dechêne (Julie) : Non.
Non, non, ce n'est pas des constructeurs de voitures. Il y a beaucoup de gens
qui se sont retirés du marché publicitaire de ces sites-là, particulièrement
quand il y a eu le scandale entourant Pornhub et les...
• (18 h 20) •
M. Leduc : ...
Mme Miville-Dechêne (Julie) : ...et
les images de mineurs, le grand article du New York Times de Kristof, là. Ça a
fait fuir pas mal de compagnies et aussi Visa et Mastercard, qui maintenant
n'autorisent plus les transactions sur... sur Pornhub, en tout cas, peut-être
sur d'autres plateformes. Donc, il y a eu une réaction quand même du marché,
mais ça existe encore. On ne sait plus exactement maintenant qui est le
premier. À l'époque, on disait beaucoup que la plateforme Pornhub était la plus
regardée. Je ne suis plus sûre que c'est le cas.
M. Leduc : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Dionne) : Parfait.
Alors, oui... bon. Mme la sénatrice est disponible jusqu'à 25, alors on peut...
on peut poursuivre.
M. Ciccone :Merci beaucoup. Bonjour... Bonsoir, Mme la sénatrice.
Justement, je vais faire du pouce sur ce que mon collègue a dit. Je vois que
votre projet de loi est appuyé pour... par plusieurs, puis je pense que c'était
très important de le faire...
M. Ciccone :...Maintenant, ceux qui sont contre votre projet de loi
ont... C'est leur opinion, là. Cependant, si... Y a-t-il moyen d'empêcher... On
a vu Visa, Mastercard, qui ont décidé librement de ne plus accepter les
paiements de ces sites. Je ne sais pas si c'est juste Hub ou tous les autres
sites, là, qui...
Mme Miville-Dechêne (Julie) : C'était...
Toute la bataille à ce moment-là était focussée sur Pornhub.
M. Ciccone :Pornhub. O.K.
Mme Miville-Dechêne (Julie) : Je
ne suis pas sûr que c'est tous les sites.
M. Ciccone :Parce que Pornhub a plusieurs tentacules. Si je ne m'abuse.
Mme Miville-Dechêne (Julie) : C'est
Ethical... Ethical Capital... Maintenant, c'est Ethical Capital Partners
qui a racheté. Donc, c'est Aylo qui a plusieurs... qui a plusieurs sites,
notamment Pornhub. Donc, c'est un peu tentaculaire, hein? Chaque compagnie a
plusieurs sites pour avoir différents publics. Mais ce que vous devez...
Excusez- moi. Allez-y avec votre question.
M. Ciccone :Mais, en matière de... Serait-il possible d'envisager en
matière de législation, d'empêcher justement de publiciser sur ce genre de
sites là? Est-ce que ce serait possible de le faire ou ce serait impossible
parce que c'est des compagnies privées, puis on ne peut pas leur dire comment
se gérer. Mais parce que c'est comme ça qu'ils vont aller chercher... Puis la
même chose avec les blogs. Ce n'est pas juste de la pornographie, il y a des
blogs sportifs qui vont... qui utilisent beaucoup, puis c'est des fausses
nouvelles. C'est complètement ridicule, là. Puis c'est comme ceux qu'ils font
de l'argent.
Mme Miville-Dechêne (Julie) : Ce
qu'il faut comprendre, c'est que la pornographie pour les adultes est légale.
Donc, ces sites agissent dans la légalité parce qu'on n'a jamais fait de lois
précises qui leur empêchent de montrer de la pornographie aux enfants. Parce
qu'avant ça ne marchait pas comme ça. Avant, il fallait montrer une carte. Et
les sites n'étaient pas disponibles. Tout le monde ne pouvait pas les voir.
Donc, on est dans une espèce de vide qui fait qu'ils peuvent faire ça.
Mais ce que je voulais ajouter, c'est sûr
que quand on les prend par l'argent, les cartes de crédit, ça leur a fait très
mal. Mais je voulais revenir sur une chose, c'est que le gouvernement fédéral a
présenté un projet de loi qui s'appelle C-63, qui est censé en partie protéger
les jeunes et aussi minimiser le discours haineux. Et ça aurait très bien pu
être un cadre où le gouvernement aurait pu présenter sa version d'un projet de
loi qui fait appel à la vérification d'âge pour certains préjudices jugés
graves. Et ils ne l'ont pas fait. Ils ont... Disons qu'ils se sont attaqués à
certains préjudices, mais clairement, ça ne fait pas partie de leurs priorités.
M. Ciccone :Parfait. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Dionne) : Il
reste une minute et demie. Je ne sais pas, Mme la sénatrice, on ne veut pas
vous bousculer dans votre temps non plus.
Mme Miville-Dechêne (Julie) : Non,
parce qu'il faut que je parte, que je coure vers...
La Présidente (Mme Dionne) : Oui,
c'est ça. Donc, il nous reste une minute. Ça fait que je pense qu'on va vous
laisser aller à vos obligations.
Mme Miville-Dechêne (Julie) : Bien,
je vous remercie.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
d'avoir été là.
Mme Miville-Dechêne (Julie) : Oui,
puis je voulais vous remercier parce que vous faites un travail beaucoup plus
large. Moi, quand j'ai commencé à travailler sur la porno, on ne parlait pas
beaucoup de l'effet des écrans, des médias sociaux sur les enfants il y a
quatre ans, beaucoup moins que maintenant, en tout cas. Et vous, vous avez pris
le sujet de façon plus large. Et aujourd'hui je le prendrais de façon plus
large parce que c'est toute une question de circonstances. Moi, j'ai commencé à
travailler sur ce sujet-là pendant la pandémie et toute... J'avais participé à
une manifestation devant Pornhub et je me disais : Mais qu'est-ce qu'ils
font, les enfants, pendant la pandémie? Ils regardent des écrans. Donc, ça va
augmenter. Alors, je m'étais vraiment concentrée là-dessus pour toute une
série, à cause de toute une série de hasards. Mais il y a beaucoup d'autres
choses sur les réseaux sociaux qui sont complexes pour les enfants, si ce n'est
que dans regarder trop. Point. Et donc je trouve que votre commission est très
à propos. Et j'espère qu'on va travailler sur ces questions-là, à Ottawa aussi.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
infiniment pour le commentaire. Et d'autant plus que c'est une commission
transpartisane, alors c'est... c'est agréable.
Mme Miville-Dechêne (Julie) : Oui,
parce que...
La Présidente (Mme Dionne) : On
est tous...
Mme Miville-Dechêne (Julie) : C'est
un sujet transpartisan.
La Présidente (Mme Dionne) : Exactement.
Mme Miville-Dechêne (Julie) : Moi,
les conservateurs, là-dessus, sont d'accord avec le projet de loi. Ils l'ont
été depuis le début. Ils ont fait que ça a passé un peu plus vite que ça aurait
pu passer à travers les différentes étapes, parce que souvent l'opposition fait
obstacle. Donc, la protection des enfants, ce n'est pas une question partisane
et ce n'est pas non plus... On peut être en désaccord sur plein d'autres
choses, sur l'éducation sexuelle par exemple, et tout, mais, sur cette
question-là, il faut absolument mettre des barrières là en... et, de mon point
de vue, renforcer l'éducation sexuelle. Je sais que vous le faites, au Québec,
avec un nouveau programme. C'est très bienvenu, parce que ça n'avait pas de
sens avant. Mais ça, ce sont aussi des outils pour que les enfants eux-mêmes se
rendent compte que ce n'est pas ça, la réalité. Parce que c'est ça qui est le
plus grave. Ils regardent ça, là, puis ils pensent que c'est ça, la réalité...
Mme Miville-Dechêne (Julie) : ...des
relations sexuelles. Imaginez quand ils arrivent puis que...
La Présidente (Mme Dionne) : Vous
avez raison. Je vais vous interrompre parce que vous allez être en retard pour
votre vote.
Mme Miville-Dechêne (Julie) : Très
bien, au revoir. Merci de m'avoir écouté.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
infiniment. Et nous, on suspend la commission quelques instants pour accueillir
notre prochain invité.
(Suspension de la séance à 18 h 26)
18 h 30 (version non révisée)
(Reprise à 18 h 32)
La Présidente (Mme Dionne) : La
commission reprend maintenant ses travaux. Donc, nous avons le bonheur d'accueillir,
comme dernier invité, M. Lavoie du Centre québécois d'éducation aux médias
et à l'information. Bienvenue.
M. Lavoie (André) :Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : Donc,
je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour nous faire part de
votre exposé. Suite à cela, nous procéderons à une période d'échanges avec les
membres de la commission.
M. Lavoie (André) :Parfait.
La Présidente (Mme Dionne) : Alors,
à vous la parole.
M. Lavoie (André) :Alors, bien, je vous remercie beaucoup de m'accueillir au
nom du CQMI et en mon nom personnel aussi. André Lavoie. Je suis journaliste
indépendant, critique de cinéma. Je collabore depuis 26 ans au journal Le
Devoir. Je collabore également au magazine Québec Science et je suis un des
membres cofondateurs du Centre québécois d'éducation aux médias et à l'information.
Officiellement, on est né en mai 2021.
Mais au cours de ma présentation, je vais faire un peu la petite histoire de
notre organisation, vous présenter un peu qu'est-ce qu'on fait, comment
fonctionne et surtout quelle est la philosophie qui nous anime, et donc qu'est-ce
qu'on fait auprès des jeunes particulièrement.
D'abord, évidemment, on est parti de
différents constats quand on a commencé à élaborer le programme, parce que les
journalistes... Enfin, moi, je n'étais pas là au moment où on a commencé à
élaborer des programmes de formation avant que le CQMI existe. C'était en 2018.
Ça fait que, rappelez-vous, en 2018, c'était l'époque de... l'époque glorieuse
de Donald Trump à la Maison-Blanche lors de sa première... et on espère seule
présidence. Et donc des journalistes, comme... j'imagine comme les élus
voyaient qu'il y avait prolifération de fausses nouvelles, de théories du
complot, et tout ça. Et donc ils ont compris aussi qu'il y avait une certaine
fragilité dans la population et particulièrement chez les jeunes pour faire...
pour distinguer le vrai du faux, pour savoir c'est quoi, une vraie nouvelle
versus une fausse nouvelle. Donc, on a élaboré des programmes puis on a parti
de certains constats qui ont été confirmés dans un sondage qu'on a... qu'on a
demandé à la firme Léger, qu'on a fait en 2023. Donc, vous voyez un peu les
chiffres. De mon point de vue, ils sont effectivement alarmants. Parmi les
18-35 ans, il y aurait environ six jeunes sur 10 qui ne font pas confiance
aux médias. Il y aurait 90 % des personnes qu'on a sondées qui ont un
doute sur au moins une théorie complotiste. Et je vous rappelle qu'une théorie
complotiste, ça peut être autant... et on en a entendue beaucoup sur, par
exemple, les vaccins, mais il y en a qui sont encore convaincus que la terre
est plate. Il y en a d'autres qui croient que vous êtes des reptiliens, que
vous êtes des francs-maçons, que vous êtes des... vous faites partie des
Illuminati. On rigole, mais sincèrement, il y a des gens qui pensent ça. Et
parmi les 18-34, bien, il y en a 84 % de ces gens-là qui sont incapables
de distinguer le vrai du faux sur les réseaux sociaux pour une raison très
simple. Et ça, on l'explique quand moi, je vais en classe parce que je suis
journaliste formateur aussi pour le CQMI. C'est qu'avant... j'allais dire «dans
mon temps», quand j'ai commencé à m'informer, on ouvre un magazine, on ouvre un
journal ou on écoute le Téléjournal. Les choses sont hiérarchisées et elles
sont explicitées. On a un éditorial. On a une chronique. On a un reportage. On
a le courrier du lecteur. On a une nouvelle brève. Sur les réseaux sociaux,
tout se mélange. Les gens ne savent pas nécessairement si on a affaire à une
chronique, ou un reportage, ou un éditorial. Et donc les 18-34, eux qui n'ont
pas du tout, du tout grandi avec un magazine et un journal entre les mains, eux
ont beaucoup de difficulté à distinguer le vrai du faux sur les réseaux
sociaux.
Nous, notre mission avec ce constat-là,
comme je vous disais, qu'on trouve un peu alarmant, évidemment, en tant que
journaliste, mais je vous dirais aussi en tant que citoyen, c'est ce qui nous
anime au CQMI. On a... Je vous dirais, on a deux... notre mission est à deux
volets, si vous voulez. D'abord, on veut aider les citoyens, pas juste les
jeunes. C'est sûr qu'on rencontre et on va à la rencontre de beaucoup de
jeunes, mais on s'adresse aussi aux citoyens de tous les âges pour mieux les
aider...
M. Lavoie (André) :...avoir les meilleurs outils pour mieux s'informer puis à
développer leur esprit critique aussi, et ça, c'est un excellent moyen pour
combattre la désinformation. Mais on veut aussi faire œuvre utile à l'égard de
notre profession, on veut faire connaître le journalisme. On veut leur
expliquer que le journalisme, même si certaines journées je suis sûr que
certains d'entre vous ne sont pas d'accord avec moi, mais le journaliste, ça a
un rôle essentiel dans notre démocratie, et on est un rouage important, que
vous aimiez ça ou pas, et on veut aussi essayer de faire comprendre ça aux
jeunes qui... je voulais... Ensemble, on partage la même chose ce soir, c'est
qu'en général, les jeunes se méfient pas mal des politiciens, mais se méfient
aussi parfois beaucoup des journalistes. Donc, on prêche pour notre paroisse,
mais laissez-moi vous dire que personnellement, étant assez politisé moi-même,
j'essaie aussi de vous inclure dans ma gang et de vous aider — là,
évidemment, comme je m'en doutais... oui, voilà. Alors, pas besoin de vous dire
que c'est un défi permanent. Je vous dirais que c'est un défi que je
qualifierais d'une classe à la fois, parce qu'on va dans toutes sortes de
milieux.
On va beaucoup dans les écoles, on va
depuis l'année... Depuis cette année en fait, on va... En fait, depuis l'année
dernière, on va dans les écoles primaires, mais on va aussi beaucoup, beaucoup
dans les écoles secondaires. Moi, je vous avoue que ce qui est assez fascinant
dans mon travail de journaliste formateur, c'est que depuis trois ans à peu
près, je suis allé dans les écoles des quartiers les plus favorisés de Montréal
et, à côté de ça, je suis allé dans les écoles les plus défavorisées de
Montréal, et laissez- moi vous dire que ne ça ne change pas nécessairement d'un
quartier à l'autre, mais d'une école à l'autre. Et ce n'est pas parce que les
gens sont dans un milieu favorisé qu'ils sont nécessairement mieux informés.
Donc, l'idée de sensibiliser, de faire comprendre aux gens l'importance des
médias d'information, l'importance d'être bien informé comme citoyen dans une
société démocratique, je vous dirais que c'est un défi dans... en tout cas personnellement,
dans toutes les écoles que j'ai fréquentées.
Au CQMI, la large part de notre travail,
c'est bien sûr de donner des formations, des activités, mais aussi on veut...
on fait beaucoup d'activités, d'événements pour pour se faire connaître, mais
aussi faire connaître notre mission, alors des débats, on participe à des
rencontres. Le printemps dernier, on était parmi les gens invités dans une
journée de réflexion et de partage avec le Secrétariat de la jeunesse, parce
que nous sommes soutenus par le Secrétariat à la jeunesse, et aussi c'est une
façon pour nous de faire... de faire connaître, dans le fond, le fondement même
de notre mission qui est de permettre aux gens d'aiguiser leur sens critique et
de comprendre l'importance de bien s'informer.
Je vous donne quelques chiffres pour
vous... pour vous expliquer concrètement, là, où je dis... où je vous dis ce
qu'on fait. Mais est-ce que ça a un impact? Est-ce qu'on est quelque part? Oui.
Depuis 2018, à cette époque-là, si le programme était... a été conçu par
quelques journalistes qui étaient principalement liés à la Fédération
professionnelle des journalistes du Québec. Donc, c'est à ce moment-là que ça a
commencé. Et le CQMI est arrivé en 2021 comme un... comme un... On a fondé un
OBNL pour accueillir le programme, parce que la Fédération professionnelle des
journalistes trouvait que le programme commençait à prendre beaucoup de place,
et comme ce n'est comme pas nécessairement une grosse organisation, la FPJQ,
ils ont jugé bon de faire en sorte que le programme puisse ensemble voler de
ses propres ailes. Mais donc, depuis 2018, on a rencontré 60 000 participants,
on a fait plus de 2 000 formations dans les écoles. Moi, je suis allé
dans les centres communautaires. Il y en a qui sont allés beaucoup dans les
bibliothèques aussi. On a... on est allé... En fait, on a été à la rencontre...
on a été visiter 500... 520 établissements. On compte sur une équipe de
70 journalistes formateurs, et c'est des gens de toutes les générations,
des gens de tous les... de tous les milieux. Il y a des retraités aussi de
Radio-Canada, Le Journal de Montréal, moi, du Devoir, des gens de La Presse,
des gens de Radio-Canada et beaucoup de photojournalistes aussi qui font du
reportage à l'étranger. Donc, le profil des formateurs est très vaste, mais en
fait, la seule... la seule caractéristique, si on veut, c'est que ce qu'on
exige, c'est que les journalistes soient membres soit de la FPJQ ou de
l'Association des journalistes indépendants du Québec, ou des bozos comme moi,
qui sont membres des deux associations.
• (18 h 40) •
On a un taux de satisfaction moyen de
97 % et un taux de renouvellement de 85 % des enseignants, et ça, ça
nous... on en est très fiers parce que ça veut dire qu'on a un certain impact
auprès des gens qu'on rencontre. Je l'ai encore vécu pas plus tard qu'hier
parce que j'ai parlé avec une enseignante du programme Culture et société
québécoise et je suis allé dans sa classe il y a deux ans. En fait, j'avais
rencontré cinq de ses groupes il y a deux ans, dans le cadre de l'ancien cours
Éthique et culture religieuse. Et là, elle donne le cours de Culture et
citoyenneté québécoise, et là je rencontre... ou, à la fin octobre, début
novembre, je vais rencontrer six groupes de son école, et donc ça, ça veut dire
que de retourner chez elle, dans son école, c'est signe...
M. Lavoie (André) :...les signes qu'elle a apprécié notre présence. Et on a
une vingtaine de partenaires dans la francophonie. D'ailleurs, je ne sais pas
si on peut nommer la page... non, excusez-moi. Ah! voilà, j'ai les partenaires.
Écoutez, pas pour faire du... pas vous étaler mon agenda mondain, mais dimanche
soir, je quitte pour Paris dans le cadre du Sommet de la Francophonie et je
vais rencontrer... parce que, depuis quelques années, on est en lien avec des
partenaires français et belges, le CLEMI, le Centre pour l'éducation des
médias, l'information en France et en Belgique, le Conseil supérieur de
l'éducation média, deux organismes qui sont gouvernementaux, qui sont liés par
le... avec l'État. Et c'est deux organisations qui sont très, très... très
engagées dans la question de l'éducation aux médias et ils veulent élaborer un
réseau international d'éducation média, réseau international francophone.
Alors, c'est la raison pour laquelle ils ont invité le CQMI.
C'est moi qui serai le représentant
québécois et on va jeter les bases d'un réseau international francophone. Le
modèle est encore à discuter. Mais tout ça pour vous dire que c'est ces
organisations-là, juste pour vous donner une idée, là, le Conseil supérieur de
l'éducation aux médias, ils sont sept employés et ils couvrent une population
qui est en faite la Wallonie francophone, d'environ 1,8 million
d'habitants. Alors, nous, on est un OBNL, on a une employée à... relativement à
temps complet et on a une stagiaire et tous les autres... toutes les autres
personnes impliquées comme moi, nous sommes tous des bénévoles. Alors, c'est
sûr qu'on apprécie beaucoup le soutien du secrétariat à la jeunesse, mais on
n'est pas du tout dans les mêmes ordres de grandeur et de moyens. Quand moi, je
parle avec mes interlocuteurs européens, c'est évident que... moi, je leur
disais : Écoutez, telle chose, on ne peut pas le faire, telle chose, il
faut y penser, parce que nous, on est une petite organisation en croissance
puis on a beaucoup, beaucoup d'enthousiasme. Mais c'est sûr qu'on... qu'on ne
se compare pas auFinnish Society on Media Education qui est... en fait, qui est
pour nous... en fait, si on avait un idéal ou si on avait un rêve, c'est de
ressembler à cette organisation-là qui est extrêmement dynamique. Et il faut
dire aussi qu'en Finlande et dans les pays scandinaves, l'éducation aux médias
est extrêmement, extrêmement valorisée. Et évidemment, une fois de plus, je
m'emmêle dans mes pinceaux. Désolé.
La Présidente (Mme Dionne) : Votre
temps est terminé, mais est-ce que vous... Ah! O.K., bien, s'il y a
consentement pour que vous puissiez faire part de vos recommandations. Bien
oui...
M. Lavoie (André) :J'aurais une... il me resterait une diapositive qui est, en
fait, la... mes recommandations...
La Présidente (Mme Dionne) : Allez-y.
M. Lavoie (André) :...par rapport au travail formidable que vous faites à
cette commission, nos réflexions terrain et nos souhaits. Alors, nous, notre
appel à vous aujourd'hui, d'abord, bien, si on avait à élaborer des politiques
ou à réfléchir sur des choses à faire pour aider les jeunes à soit s'éloigner
des écrans temporairement ou les utiliser de manière plus intelligente et efficace,
bien, d'abord, c'est justement de former les jeunes à un usage éclairé des
écrans et des outils numériques. Parce que l'interdiction totale, on s'entend,
là, ni vous ni moi on va voir ça de notre vivant, là. Et, comme on dit, le
génie est sorti de la lampe et le dentifrice est sorti du tube. Donc, essayons
de faire en sorte que les jeunes aient une utilisation éclairée et judicieuse
de leur téléphone et des écrans.
Deuxièmement, favoriser l'élargissement de
l'éducation aux médias et à l'information dans le programme scolaire et
intégrer une formation critique sur l'utilisation de l'intelligence
artificielle. Ça, écoutez, j'ai l'impression que, dans quelques années, puis
dans pas longtemps, on va peut-être faire une commission sur l'intelligence
artificielle parce que ça se développe à vitesse grand V. Il y a énormément
d'enjeux qui entourent ça, mais c'est sûr que je pense que de réfléchir à
l'école dans le cadre du cursus scolaire, à ces questions-là, ça serait une
bonne chose. Dans le cadre du... du cours, pardon, Culture et citoyenneté
québécoise, je ne suis pas pédagogue, je ne suis pas spécialiste en éducation,
peut-être.
Troisième point : promouvoir et
valoriser les programmes d'éducation aux médias et l'information, tels que...
un de nos programmes qui s'appelle 30 secondes avant d'y croire. Donc,
c'est sûr que toutes les initiatives que les organisations utilisent, entre
autres, par exemple les médias, parce que les médias aussi font des émissions,
il y a... tout récemment, il y a la Presse, entre autres, qui a fait des
nouvelles initiatives pour permettre aux gens d'avoir... d'une manière
synthétisée, de mieux comprendre l'actualité. À Radio-Canada, les Décrypteurs
font un travail formidable, donc il aurait peut-être de valoriser ça aussi.
Accompagner les enseignants en leur
fournissant des contenus de qualité lorsqu'il est question d'éducation média à
l'information. Ça, écoutez, moi, si je me base sur les commentaires, les
échanges, les réflexions que j'ai avec les enseignants que je rencontre, c'est
sûr que beaucoup d'entre eux...
M. Lavoie (André) :...nous demandent, demandent nos services, parce qu'ils
sont, elles sont un peu démunies devant tout ça. Vous le savez mieux que moi...
aussi bien que moi, ils sont débordés, ils ont beaucoup d'enjeux, beaucoup de
choses à gérer. Donc, c'est clair que la question de l'éducation aux médias,
rajoutée à tout le reste, c'est pour ça que je pense que nous, en tout cas, on
a l'impression qu'on fait quand même aussi un petit travail d'accompagnement, mais
on devrait être plusieurs à le faire. Et finalement, bien, sensibiliser les
parents et l'ensemble des intervenants qui gravitent autour des jeunes à
l'importance de bien s'informer. Ça, c'est clair. Écoutez, c'est comme la
lecture, c'est comme bien manger, c'est comme faire du sport, c'est comme
écouter. Si les parents passent leur temps sur leur télé... Vous savez,
écoutez, je vais plutôt donner un autre exemple, un exemple de vieux, ce qui
est mon cas. Un parent à une époque où tout le monde fumait... Moi j'ai connu
ça, là, je ne fume pas, Dieu merci, je ne fume pas, Dieu merci. Mais un parent
qui fume puis qui demandait... qui exigeait que son enfant ne fume pas, ce
n'était pas très crédible.
Alors, aujourd'hui -alors Dieu merci, il y
a une législation qui fait en sorte que le tabagisme a beaucoup diminué au
Québec - bien, je pense qu'il va peut-être falloir réfléchir à l'utilisation
des écrans chez les jeunes et en faire un enjeu de santé publique aussi. Alors,
c'est évident qu'un parent qui a toujours le nez sur son téléphone est moins
crédible lorsque vient le temps de gronder son enfant, en disant faire autre
chose que de passer ton temps sur ton téléphone ou ta tablette. Donc, c'est sûr
que je pense que... Et, en ce moment, je lis constamment, dans mon journal et
dans d'autres médias, toutes sortes d'études scientifiques très crédibles sur
le fait que, pour les enfants en bas âge, c'est extrêmement nuisible,
l'utilisation excessive des écrans. Donc, c'est sûr que de sensibiliser les
parents, juste à ça, ça serait, à mon avis, une bonne chose. Mais c'est clair
qu'il n'y a pas mal de travail à faire puis il n'y a pas mal de gens à
convaincre.
Alors, sur ce, j'ai dépassé mon temps,
désolé, mais je vous remercie de votre attention. Et ça fait un peu le tour de
ce que fait le CQMI.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup, M. Lavoie. On va débuter cette période d'échange avec M. le député de
Marquette.
M. Ciccone :Merci beaucoup. Bonjour... Bonsoir. J'ai une question pour
vous. Je ne serai pas trop difficile avec vous, j'ai une question. Vous savez
que, quand on parle d'écrans, là, moi, je mets... on met tous les écrans dans
le même sac. Puis, par la suite, après, après nos travaux, on va être capable
de départager les écrans. Puis là je me fie à votre grande expérience au niveau
des médias, vous en avez vu. Vous avez commencé, il y avait seulement les
journaux. Vous êtes au courant que... C'est sûr que vous êtes au courant
qu'aujourd'hui les médias d'information sont passés au numérique. Et là je ne
veux pas vous mettre dans le trouble avec ma question, mais avez- vous des
exemples...
M. Lavoie (André) :...tasser dans le coin comme au hockey, vous, là.
M. Ciccone :...mais avez-vous des exemples ou de l'information à l'effet
que les médias d'information utiliseraient - je le mets au conditionnel, là,
c'est une de vos tactiques journalistiques, là - utiliseraient certaines
tactiques pour garder ses lecteurs sur leurs écrans? Puis là je parle ici, puis
je mets tout, là, des stations de sport, par exemple, il va avoir des pools, il
va avoir des lumières, des couleurs, un chronomètre. Vous savez, là, ça fait
qu'on les garde, là. Est-ce qu'on utiliserait les mêmes tactiques au niveau des
médias d'information que les autres plateformes?
M. Lavoie (André) :Moi, écoutez, moi je peux vous dire une chose, je ne suis
pas dans le secret des dieux, peut-être que oui, peut-être que non. Par contre,
je vais vous dire une chose, c'est évident que les médias ont fait un constat
que moi, je fais et que vous faites aussi, que peut-être vous-même, dans votre
quotidien de citoyen, d'élu, je ne sais trop, on fait. C'est-à-dire que notre
capacité collective d'attention a beaucoup diminué, ce qui fait en sorte que -
et moi je le vois dans mon média puis je le vois ailleurs aussi - on est plus
réfractaire aux textes longs, on aime beaucoup les vidéos, on aime beaucoup les
brèves, on aime beaucoup...
• (18 h 50) •
Moi, écoutez, je suis vraiment d'une autre
école, parce que, jamais dans ma vie - moi, je lis Le Devoir depuis 40 ans
cette année - jamais dans ma vie, j'aurais réclamé que Le Devoir ait les photos
couleur à une époque, mais, finalement, ça prenait des photos couleur pour
attirer le lecteur. Donc, maintenant, un journal... Écoutez, je vais juste
faire une parenthèse, là. Il y a deux semaines, je suis allé dans une école,
dans un cégep, et j'avais mon devoir papier avec moi. J'avais une classe de 50
cégépiens. J'ai sorti mon devoir papier et j'ai demandé : Qui, d'entre
vous, avez déjà tenu un journal papier dans vos mains? Il y a une personne sur
50 qui a levé la main. O.K. Donc, on parle... Et moi, quand je parle de
journal, j'ai l'impression que j'ai grandi en même temps que les dinosaures du
Parc Jurassique. Parce que là, les journaux... On parle de médias, et donc que
ce soit Le Devoir...
M. Lavoie (André) :...le 98,5 FM, Radio-Canada, tout le monde fait des
images. Cet été, j'ai fait un article sur... j'ai fait une série d'articles sur
les médias publics, étrangers, internationaux. Et un des quatre textes, je l'ai
consacré à un média français public qui s'appelle France Bleu, qui est
spécialisé en information régionale. Ils ont 44 stations régionales à
travers la France. Et le gros débat, c'était : la direction de France Bleu
veut faire rentrer les caméras dans les studios de radio. Il y a eu une
résistance pas possible. Il y a même eu un mouvement de grève. Vous allez me
dire qu'en France on a fait pour moins que ça. Mais donc tout ça pour vous
dire, M. Ciccone, que les médias est-ce qu'ils ont une stratégie obscure
pour faire en sorte que... C'est clair que oui, mais est ce que c'est une
stratégie qui est semblable à celle dont nous parlait Mme Miville-Dechêne
tout à l'heure par rapport... Je ne crois pas, mais c'est évident que les
médias cherchent des façons de séduire un auditoire qui leur échappe de plus en
plus. Dans mon journal, au Devoir, je dis «mon journal», pour qui je suis
pigiste au Devoir, là, on s'entend que je n'ai... je ne suis pas dans les
officines et la haute direction, mais on a une équipe vidéo. Donc, c'est
évident que les jeunes qui sont abonnés... parce que la classe où je suis allé
dans le cégep où je suis allé il y a quelques semaines, le professeur a abonné
tout le monde au Devoir. Moi, je suis convaincu que les jeunes de cette
classe-là consultent bien davantage la section vidéo qu'ils lisent mes longs
articles sur des écrivains oubliés dont ils n'ont jamais entendu parler. Alors,
regardez, c'est la vie, là. Mais donc je ne sais pas si j'ai répondu à votre
question, mais tout ça pour dire que les médias, c'est clair qu'ils essaient
d'accrocher les jeunes. Ont-ils des techniques machiavéliques? Je ne sais trop.
M. Ciccone :Mais on parle de notifications, des pages sans fin, tu
sais, c'est...
M. Lavoie (André) :Oui. Ah, oui, tout à fait. Tout cet attirail-là que tout le
monde utilise de toute façon, c'est évident que les médias s'en servent, mais,
en même temps, eux, je veux dire, on s'entend, là, c'est... Tu sais, la... on
parle beaucoup de la crise des médias, là, ce n'est pas une lubie de
journaliste, là, la crise des médias, c'est réel, elle est profonde. Et moi,
laissez-moi vous dire que quand je vais dans une école et que je pose la
question : Qui d'entre vous avez une application d'un média d'information
sur vos téléphones? Je vous le dis, quand il y en a deux sur 30, je suis
content parce que... Et, en plus, la question de l'argent est un... n'est pas
un enjeu, là. Je veux dire, moi, j'ai l'application de la BBC, j'ai l'application
de NPR, j'ai l'application de Radio-Canada, j'ai plusieurs applications de
médias d'information, et c'est gratuit, alors... Et les jeunes aujourd'hui
lisent beaucoup plus l'anglais que moi, je pouvais le lire à leur âge, et ils
n'ont pas de raison de ne pas avoir une application de médias d'information
gratuits sur leur téléphone, mais ils n'en ont pas. Et je vais... et j'ai posé
la question aussi bien dans une des écoles les plus huppées de Montréal que je
la pose dans une polyvalente, je m'excuse de trahir mon âge, mais dans une
école secondaire publique, et c'est pareil, il y a aussi peu de jeunes qui ont
des applications, des médias d'information sur leur téléphone.
M. Ciccone :Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
Le temps file. Et on a... j'ai beaucoup de collègues qui ont des questions.
Alors, Mme la députée de Hull, la parole est à vous.
Mme Tremblay : Oui. Bonjour.
Alors... vous avez dit : Les 18-34 ans ont beaucoup de difficulté à
distinguer le vrai du faux.
M. Lavoie (André) :Oui.
Mme Tremblay : Donc là, si je
me ramène aux plus jeunes, ça veut dire que ça doit être encore d'autant plus
vrai.
M. Lavoie (André) :Et d'autant plus pire.
Mme Tremblay : Vous leur
dites quoi? Qu'est-ce qu'on leur dit? Comment vous travaillez avec eux pour les
amener à... Là, j'ai vu le... ici, l'hashtag 30 secondes avant d'y croire,
là, ça fait que j'imagine, c'est dans l'esprit.
M. Lavoie (André) :Oui, c'est le nom de notre programme.
Mme Tremblay : Mais... Oui?
M. Lavoie (André) :Mais en fait, ce qu'on leur explique dans nos formations,
c'est qu'on leur présente ce que c'est qu'une fausse nouvelle et on leur dit
qu'est ce qu'on doit vérifier, qu'est ce qu'on doit voir pour reconnaître un
média d'information. On leur dit, par exemple... par exemple, on leur
dit : Si vous allez sur un site de médias d'information avec une... avec
un vrai code de déontologie, vous devriez avoir l'adresse, le numéro de
téléphone, le nom de l'équipe, un courriel pour contacter les gens et vous
devriez voir le nom du journaliste. Et aussi on leur explique, on leur explique
tout ça, puis on leur donne des exemples de vraies nouvelles, puis de fausses
nouvelles. On leur présente, par exemple, des sites, Infowars par exemple, pour
ne pas le nommer, qui était le site de... visiblement, tout le monde le
connaît. Donc, on leur explique que ça, quand on lit la description du site,
c'est clairement dit que c'est un site de fausses nouvelles et que c'est ça. Et
donc, on... Et aussi l'idée de départ du titre de notre programme, 30...
M. Lavoie (André) :...secondes avant d'y croire, c'est qu'on invite les gens à
prendre un temps de recul de 30 secondes et de regarder la nouvelle, de la
lire, de voir d'où elle provient, de quelle source, est-ce vérifié? Y a-t-il
une date? Y a-t-il un nom? Et attendre un moment avant de la partager. Parce
que c'est ça aussi, le problème qu'on a vu, c'est que... et ça, ce n'est pas
moi qui le dis, c'est le Massachussets Institute of Technology, ils ont fait
une étude pour expliquer que les fausses nouvelles voyagent six fois plus vite
que les vraies. Donc, et en plus, les rectificatifs... quand un média fait une
erreur ou fait une faute quelconque, une mauvaise information, il y a un
rectificatif, souvent il n'y est pas... on se concentre sur, mettons, l'erreur
de la nouvelle et tout ça.
Donc, ce qu'on fait concrètement, c'est
qu'on explique aux jeunes où aller, c'est-à-dire, quand on est sur un moteur de
recherche puis qu'on fait une recherche, on va vous amener sur des sites
vérifiés. C'est quel type de site? Avez-vous beaucoup d'informations? Et aussi,
on leur demande de prendre un temps de recul quand vient le temps de partager
parce qu'ils peuvent partager des choses calomnieuses, mensongères,
dangereuses. On leur donne des exemples aussi sur la santé, parce qu'il y a
beaucoup de jeunes filles qui s'informent sur Instagram pour les questions de
nutrition et c'est prouvé. Et encore là, ce n'est pas moi qui le dis, c'est une
lanceuse d'alerte qui travaillait chez Meta qui a expliqué que Meta
délibérément faisait en sorte que les jeunes filles étaient littéralement
scotchées sur Instagram puis sur ces questions-là. Ils allaient... le parcours
classique, là, c'était la fille qui allait chercher une recette ou des conseils
pour maigrir et qui, là, se retrouvait dans un vortex de fausses informations
sur des faux régimes spectaculaires.
Donc, ce qu'on fait avec les jeunes, c'est
qu'on essaie vraiment... Et c'est là... c'est pour ça que je vous dis que notre
mission est double, c'est-à-dire, oui, sensibiliser les gens aux dangers des
fausses nouvelles parce qu'il y a des dangers. Je veux dire, vous n'avez juste
à regarder la campagne électorale américaine présidentielle, à tous les jours,
on en voit des dangers, des fausses nouvelles. Mais à côté de ça, vous allez me
dire : On prêche pour notre paroisse, puis je veux dire, oui,
certainement, mais on essaie de dire aux jeunes : Écoutez, si vous
voulez... moi, là, mon plaidoyer, là, de curé, là, c'est : Informez-vous,
soyez éclairés, soyez conscients de ce qui se passe autour de vous, soyez
alertes, essayez de comprendre les choses, ce qui se passe. J'essaie
vraiment avec tout mon cœur de les inviter à essayer de comprendre le monde
dans lequel il vit. Et ça, un des moyens, c'est bien sûr de sortir dehors puis
de lâcher leurs écrans, mais quand ils sont devant, d'aller lire et consulter
des médias d'information qui, eux, vont leur donner une vision, peut-être pas
toujours juste, certainement partiale. Ça aussi, je leur explique que les
médias, c'est aussi des entreprises, ils sont teintés politiquement, ils sont
teintés logiquement, c'est clair. Sauf que nous, comme journalistes, peu
importe où on travaille, on a un code de déontologie. Alors, on leur explique
tout ça, puis on espère qu'ils vont cheminer là-dedans, puis qu'ils vont
développer des réflexes, puis, on espère, des comportements, mais au moins des
réflexes de dire : Bien, ah, tu sais, il faudrait peut-être que je fasse attention.
Ah! il faudrait peut-être... Est-ce que c'est vraiment un média d'information
crédible? C'est ça qu'on essaie de faire. Est-ce qu'on réussit tout le temps?
On les rencontre 1 h 30, deux heures, une heure, mais on se
dit : Au moins ils sont conscients qu'il y a des possibilités de bien
s'informer puis de mieux comprendre le monde dans lequel ils vivent.
• (19 heures) •
Mme Tremblay : Parce que
quand ils accèdent à des mauvaises... la mauvaise information, le problème,
c'est par les algorithmes après, on leur présente d'autres mauvaises
informations...
M. Lavoie (André) :C'est ça, les algorithmes...
Mme Tremblay : ...et ça
devient une boucle, là.
M. Lavoie (André) :Oui, oui. Bien, en fait, c'est pour ça qu'on appelle ça... en
anglais, ils appellent ça, le «rabbit hole», le trou de lapin, et c'est pour ça
que... et vous l'avez vu, chers élus... moi, je l'ai vu comme citoyen puis
laissez-moi vous dire que ça m'a affolé, mais pendant la pandémie, là, je veux
dire, le trou de lapin avait la grosseur du stade olympique, là. Je veux dire,
les gens, là, qui avaient décidé que les vaccins, ce n'était pas bon, puis que
le gouvernement cachait des affaires, puis Bill Gates, puis George Soros, ça
allait tous nous éliminer, là, je veux dire, il y a des gens qui sont
littéralement tombés là-dedans puis ils n'en sont jamais ressortis, là. C'est
ça que ça fait. Et la lanceuse d'alerte de Méta, c'est ça qu'elle disait. Elle
disait : Les jeunes filles et les jeunes hommes aussi, parce que la dynamique
est un peu différente, les gars veulent prendre du volume puis les filles
veulent maigrir, là, je schématise, mais, en gros, c'est ça, là, la lanceuse
d'alerte, c'est exactement ce que disait. Ils veulent, elle ne le disait pas
dans mes mots comme ça, mais c'était ça...