(Onze heures vingt-neuf minutes)
La
Présidente (Mme Dionne) : Alors, la commission... je déclare la séance
ouverte, ayant constaté le quorum.
Avant de débuter, est-ce qu'il y a consentement
pour aller un peu au-delà de l'heure prévue, je vous dirais, un maximum de
10 minutes?
Des voix : Consentement.
La Présidente (Mme Dionne) : Consentement?
Parfait. Merci beaucoup.
Alors, la commission spéciale est réunie afin de
poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur les
impacts des écrans et des réseaux sociaux sur la santé et le développement de
nos jeunes.
Donc, Mme la secrétaire, il y a-t-il des
remplacements?
La Secrétaire : Non, Mme la
Présidente.
Auditions (suite)
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup. Donc, nous entendrons, cet avant-midi, le Centre canadien de
protection de l'enfance, la Dre Magali Dufour, psychologue et professeure
agréée, Département de psychologie de l'Université du Québec à Montréal.
Alors, d'entrée de jeu, nous entendrons
M. René Morin du Centre canadien de protection de l'enfance. Donc,
M. Morin, je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour nous faire
part de votre exposé, et, suite à cela, nous aurons une période d'échange avec
les membres de la commission. Donc, je vous cède la parole.
Centre canadien de
protection de l'enfance (CCPE)
M. Morin
(René) : Très bien. Rebonjour, Mme la Présidente et
distingués membres de la commission. Je veux tout d'abord vous remercier d'avoir invité le Centre canadien de protection
de l'enfance à témoigner devant vous ce matin.
• (11 h 30) •
Notre organisation est active depuis plus de
30 ans dans la lutte contre l'exploitation et les abus sexuels d'enfants
sur Internet. Notre siège social est à Winnipeg, et nous avons tissé, au fil
des ans, des collaborations fructueuses avec des corps de police et des
organismes partout au Canada et bien sûr au Québec, où nous avons, entre
autres, un partenariat solide avec la Sûreté du Québec. (Interruption) Pardon.
Le Centre canadien de protection de
l'enfance mène divers programmes et initiatives à l'échelle pancanadienne, dont
l'une des plus connues est peut-être cyberaide.ca, la centrale
canadienne de signalement des cas d'exploitation, d'abus sexuels d'enfants sur
Internet. Des signalements comme ça, cyberaide.ca en traite autour de
3 000 par mois. Nous gérons aussi Projet Arachnid, un outil qui parcourt
le Web visible et le Web clandestin à la recherche d'images d'abus pédosexuels
connus et qui envoie des demandes de suppression aux entités qui les hébergent.
Quatorze pays participent à cette initiative. À ce jour, Projet Arachnid a traité plus de
160 milliards d'images. Nous envoyons, en moyenne,
840 000 demandes de suppression d'images par mois à quelque
1 400 hébergeurs dans plus d'une centaine de pays. Ça vous donne une
petite idée du volume de matériel pédopornographique en circulation dans
l'espace numérique. Et on ne parle, ici, que d'images connues. De nouvelles images sont mises en circulation par milliers tous
les jours, et la démocratisation de l'intelligence artificielle
n'annonce rien de bon pour la suite des choses. J'y reviendrai plus loin.
Je vais laisser à d'autres intervenants le soin
de se prononcer sur des enjeux comme le temps d'écran et la publicité destinée
aux enfants. Mon intervention portera plutôt sur les enjeux qui touchent
directement les champs d'activité de notre organisation, comme la distribution
non consensuelle d'images intimes, le leurre d'enfants, la sextorsion et les
hypertrucages.
Commençons par la distribution non consensuelle
d'images intimes. Ici, les jeunes sont très souvent victimes de leurs pairs. Statistique
Canada nous apprend d'ailleurs que 97 % des victimes sont âgées de 12 à
17 ans et que 90 % des accusés sont eux aussi âgés de 12 à 17 ans.
Je vais vous citer ici un cas qui nous a été
signalé à travers cyberaide.ca. C'est le cas d'une jeune fille qui s'était fait
filmer à son insu dans une cabine de toilette à son école. La vidéo a été
partagée à d'autres élèves dans un groupe de messagerie fermé. L'école a mené
une intervention éducative que nous avons accompagnée. La diffusion de la vidéo
a été maîtrisée. La vidéo elle-même a été supprimée des téléphones des élèves
impliqués. Les comptes en cause ont été signalés, et la vidéo a été versée dans
Projet Arachnid pour en faciliter la suppression au cas où elle referait surface. Cet exemple illustre comment des
situations de ce genre peuvent être prises en charge au niveau de
l'école.
Du point de vue légal, la
distribution non consensuelle d'images intimes relève du système de justice
pénale, mais ce n'est pas l'idéal lorsque les protagonistes sont des personnes
mineures. Par manque de ressources, les forces policières arrivent à peine à
traiter 10 % des cas, et la protection de l'enfance n'y peut pas
grand-chose non plus puisque ça n'entre pas dans son mandat. On préconise donc
des interventions éducatives où les écoles ont un rôle à jouer, puisqu'elles
sont bien placées pour soutenir les victimes et intervenir auprès des élèves
qui mettent les images en circulation. La déjudiciarisation est souvent la voie
à préconiser. Et les cas de distribution non consensuelle d'images intimes ne
sont pas à prendre à la légère, parce qu'ils peuvent avoir des répercussions
durables sur les victimes. D'ailleurs, on ne compte plus les victimes qui sont
allées jusqu'à s'enlever la vie pour échapper à la honte. Ça s'est vu au Québec
et ailleurs au Canada. Évidemment, c'est le genre de sujet qu'on aimerait voir
intégré dans les cursus scolaires, avec des protocoles d'intervention
appropriés.
Parlons maintenant du leurre d'enfants à des
fins sexuelles. Ce phénomène atteint des sommets jamais vus. De 2016 à 2023,
les signalements de leurre à cyberaide.ca ont augmenté de 2 640 %.
C'est extrêmement élevé, j'en conviens, mais on sait très bien que la réalité
est encore pire que ça, puisque les infractions sexuelles, souvent, ne sont pas
signalées aux autorités, et encore moins lorsque la victime est adolescente.
Cette montée fulgurante du leurre d'enfants à des fins sexuelles devrait
inquiéter tout le monde. La réalité, c'est que les plateformes de médias
sociaux offrent aux individus mal intentionnés un accès direct et sans entrave
à nos enfants 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Par exemple, dans la
dernière année, on a vu un cas où un Américain de 41 ans a communiqué pendant plus d'un an avec une jeune Canadienne de
13 ans. Durant cette période, il a traversé la frontière à trois
reprises pour venir la voir. La troisième fois, il l'a enlevée et il a réussi à
retraverser la frontière avec la jeune fille enfermée dans le coffre de son
véhicule. La fille a été portée disparue pendant plus d'une semaine. Mais,
heureusement, elle a été retrouvée, et des accusations ont été déposées contre
l'individu.
Il ne faudrait pas pour autant penser que les
individus qui se livrent à cette pratique sont nécessairement des étrangers
pour leurs jeunes victimes, car vous avez de plus en plus de cas où la personne
accusée et la victime ont un rapport de proximité dans la vraie vie. Par exemple,
nous avons relevé de nombreux cas impliquant des membres du personnel
enseignant ou encore des adultes de l'entourage de l'enfant ou des membres de
sa parenté.
J'en profite pour glisser un mot sur
l'encadrement des appareils numériques à l'école. Je ne m'étendrai pas
longuement sur le sujet, faute de temps, mais sachez que nous sommes au fait de
nombreux cas de leurre et d'extorsion où les parents, ayant découvert que leur
enfant s'est fait prendre au piège, ont pris des mesures pour couper la communication
entre l'enfant et le prédateur. Le problème, c'est quand l'enfant reprend
contact avec le prédateur à l'école avec les appareils que l'école met à sa
disposition.
Sur l'extorsion, je peux vous dire que c'est
encore là un phénomène qui ne cesse de prendre de l'expansion, au point où nous
recevons actuellement une moyenne de 10 signalements d'extorsion par jour,
et ce, depuis plus d'un an. On ne saurait trop insister sur les ravages de
l'extorsion chez les jeunes, qui se retrouvent parfois sous l'emprise de leur sextorqueur pendant des mois,
voire des années. Encore ici, les pires cas aboutissent malheureusement
à des suicides.
Revenons maintenant à l'intelligence
artificielle. On est ici en présence d'un phénomène nouveau, bien sûr, mais,
déjà au cours de la dernière année, nos analystes ont traité plus de
4 000 images sexuellement explicites qui mettent en scène des enfants et qui ont été générées à l'aide de
l'intelligence artificielle. Dans certains cas, ces images ont été produites par d'autres enfants à l'aide
d'outils de nudification par intelligence artificielle. La technologie
permettant de créer de telles images est désormais facile d'accès pour le
public et pour les jeunes. Interrogez Google, et vous trouverez facilement en
quelques minutes une dizaine de ces outils de nudification, dont certains sont
gratuits. Ces images hypertruquées ont beau être fausses, elles affectent quand
même les victimes de la même manière que si elles étaient vraies. Elles sont
souvent utilisées pour exploiter et harceler les victimes, qui sont bien
souvent féminines. On voit aussi des cas où
ces images sont utilisées à des fins d'extorsion. Dans les derniers mois, de
nombreuses écoles se sont adressées à nous par rapport à des
problématiques de ce genre avec leurs élèves. Il y a ici un parallèle à faire
avec les débuts de la problématique du
sextage, vers le milieu des années 2010, où les écoles étaient carrément
prises au dépourvu, tout comme les corps de police. L'histoire se répète
aujourd'hui avec l'intelligence artificielle et les hypertrucages.
Du point de vue réglementaire, il n'y a pas
encore beaucoup d'encadrement sur cette nouvelle forme de cyberviolence
sexuelle qui n'a pas fini de faire des remous. Au minimum, les instances
concernées pourraient publier des énoncés de
position sur le sujet, et les écoles pourraient moderniser leur politique
numérique en conséquence et intégrer, encore ici, le sujet dans leur
cursus.
J'arrive à la fin de mon intervention, et je
vous dirais que la réalité, c'est qu'une bonne partie des problèmes dont j'ai
traité se produisent sur des plateformes que nos enfants utilisent tous les
jours, et souvent plusieurs heures par jour. Dans un monde idéal, les
opérateurs de ces plateformes auraient à coeur la sécurité de leurs jeunes
utilisateurs et agiraient en conséquence. C'est ce qu'on a toujours attendu
d'eux depuis qu'Internet existe. Mais les données et les situations que je vous
ai présentées ne laissent aucun doute, l'autoréglementation ne fonctionne tout
simplement pas. Les pouvoirs publics doivent donc intervenir pour réglementer
les plateformes numériques, et non les laisser poser les balises elles-mêmes.
De nombreux gouvernements ont déjà pris des
mesures assez musclées à cet égard, et on pourrait s'en inspirer. On peut
regarder du côté du Royaume-Uni, de l'Australie ou encore de la Commission
européenne. Qu'est-ce que les provinces peuvent faire à leur niveau? Il y a
certainement des choses à clarifier entre ce qui relève du fédéral et ce qui
relève des provinces. En principe, tout ce qui concerne les télécommunications
relève du fédéral, mais les provinces ne manquent pas d'outils pour agir à leur
niveau. On peut penser aux lois sur la protection du consommateur. Après tout, on parle ici d'entreprises qui offrent des
services et qui ont des devoirs de diligence. Il y a aussi
les lois sur la protection de l'enfance, la protection des données, la
protection de la vie privée, l'enregistrement des entreprises, et j'en passe.
Ces lois sont autant de leviers que les provinces peuvent utiliser pour
assujettir les acteurs du numérique à des règles qui permettront de mieux
protéger les enfants. Du côté...
• (11 h 40) •
La Présidente (Mme Dionne) : Merci,
M. Morin. On a écoulé le 10 minutes, alors on va... Si vous le
permettez, on va commencer la période d'échange, de questions. Alors, vous
pourrez poursuivre à ce moment-là avec l'ensemble des membres.
M. Morin (René) : Très bien.
La Présidente (Mme Dionne) : Donc,
nous allons débuter cette période d'échange avec Mme la députée de
D'Arcy-McGee.
Mme Prass : Merci, Mme la
Présidente. Merci de votre présentation. C'est un aspect auquel on n'a pas
encore touché, donc, très intéressant d'entendre et très inquiétant d'entendre
les chiffres que vous mettez de l'avant, également.
Quand on parle de l'exploitation des enfants,
malheureusement, comme vous en avez fait le portrait, les réseaux sociaux, dans
les dernières années, c'est vraiment là qu'ils sont le plus vulnérables, et,
comme vous avez mentionné aussi, surtout
quand ils connaissent la personne, quand ce n'est pas quelqu'un qui vient faire
du «catfishing», ou quoi que ce soit. Ça rend les choses encore plus
difficiles.
Vous avez mentionné quelque chose... quelques
éléments pour lesquels les écoles et le gouvernement pourraient mettre des gestes de l'avant. De la sensibilisation, c'est
sûr. Mais, réellement, est-ce qu'il y a quelque chose qu'on peut
demander, du côté des géants des réseaux sociaux, pour mettre en place pour
mieux protéger nos jeunes? Parce que c'est une responsabilité partagée avec
eux, également.
M. Morin (René) : Oui, bien sûr, et
ça, c'est un message qu'on martèle depuis très, très, très longtemps. En fait,
les opérateurs de plateformes numériques ont un rôle à jouer. Vous savez, on
les a laissés aller depuis toutes ces années à s'autoréglementer. On voit bien,
comme je l'ai mentionné, que ça ne fonctionne pas. Je pense qu'on est rendus au
point où c'est aux gouvernements d'intervenir pour leur mettre des balises. Ces
entreprises vont essayer de dicter les règles du jeu. Regardez, par
exemple : hier ou avant-hier, Instagram est arrivé... Pour essayer de bien
paraître, parce qu'aux États-Unis on s'apprête à entendre un débat sur un
projet de loi pour mieux protéger les enfants, Instagram, dans ce contexte-là,
s'est hâté de présenter toutes sortes de mesures qui, à notre avis, sont des
mesures plutôt cosmétiques ou des choses qui existaient déjà, et dans l'espoir
finalement de dorer un petit peu la pilule et de faire en sorte que ça va mieux
passer. Mais, au fond, ce n'est pas à ces entreprises-là de dicter les règles
du jeu, c'est plutôt aux gouvernements d'arriver et de leur dire comment faire
fonctionner les plateformes, leurs plateformes dans le but de mieux protéger
les... On peut penser, par exemple, à des systèmes de vérification ou de
confirmation de l'âge, comme ça commence déjà à se faire dans quelques États
américains et dans quelques pays également. Je pense que tôt ou tard il faudra
se tourner vers ce genre de solutions au Canada pour justement s'assurer que
les jeunes ont accès à du contenu qu'ils peuvent voir, mais aussi faire en
sorte que leur accès à des sites ou à des plateformes qui pourraient leur
causer préjudice sera contrôlé. Donc, quelque part, ça va passer par des
mesures de contrôle et de vérification d'âge.
Il ne faut pas compter sur les entreprises de
médias sociaux pour faire ce travail-là. On ne va quand même pas demander aux
entreprises de médias sociaux de valider l'identité de leurs utilisateurs à
l'aide de, je ne sais pas, moi, d'un passeport, ou d'une carte de crédit, ou
quoi que ce soit. C'est des renseignements personnels qu'il vaut mieux mettre
les mains entre les gouvernements qui vont avoir à mettre en place ce genre de
mesures là et, évidemment, d'avoir les défenseurs de la vie privée qui vont
arriver et qui vont mettre en cause ce genre de pratiques là, mais il y a des
modèles qui indiquent où on peut mettre en place ce genre de procédures de
vérification d'âge sans pour autant compromettre la vie privée des
utilisateurs.
Mme Prass : Mais, avec la réalité
des VPN, nous, ce qu'on... moi, ce que j'entends, quand je parle, surtout, à
des jeunes, c'est que c'est très facile de surpasser ces mesures-là, justement,
avec un VPN. Donc, est-ce qu'il y a... Avez-vous d'autres suggestions,
justement, pour faire la vérification de l'âge ou de l'identité de la personne?
Parce que ça semble qu'il y ait déjà une façon de surmonter cet enjeu-là.
M. Morin (René) : Il y a des modèles
qui ont été mis en place. Si vous regardez du côté de la France, je crois,
c'est le Conseil national de recherche, si je ne m'abuse, qui a présenté un
modèle qui fonctionne à partir de jetons numériques. Donc, évidemment,
l'échange d'information fait en sorte qu'il n'y a pas, finalement... que... On
passe par un intermédiaire pour faire valider, pour procéder à la vérification
de l'âge, mais l'entité qui fournit le service, que ce soit un site Web, ou une
plateforme numérique, ou autre, n'a pas accès à ces informations-là, elle n'a
accès qu'au résultat de la vérification. Ce qu'on cherche à savoir,
c'est est-ce que cette personne-là a, oui ou non, l'âge requis, et ça ne
va pas plus loin que ça. La vérification est faite par un tiers.
Mme Prass : Et ma dernière
question... Vous avez parlé de la suppression d'images de nature sexuelle et un
grand nombre, que vous voyez à chaque mois,
de demandes de suppression. Est-ce que les géants du Web, du numérique, est-ce qu'ils agissent à temps? Est-ce que vous trouvez
qu'ils se traînent les pieds? Est-ce qu'il y a quelque chose, justement avec
l'intelligence artificielle, qu'ils pourraient mettre en place pour détecter
ces images, pour qu'ils puissent les... faire la suppression même avant qu'on
le réalise ou on fasse la demande?
M. Morin (René) : Vous soulevez des
points très intéressants. Je vous dirais que, de notre côté, avec Projet
Arachnid — je
vous ai donné les chiffres tout à l'heure — on découvre une tonne de ces
images quotidiennement, on envoie énormément de demandes de suppression. On a
mesuré le taux d'efficacité de nos demandes de suppression, on est à peu près à
50 % dans un horizon de 24 heures. Donc, la technologie fonctionne. Est-ce
que ça fonctionne pour tout le monde? Absolument pas, parce que vous avez
effectivement des opérateurs récalcitrants qui vont par exemple mettre
plusieurs jours avant de retirer les images qu'on leur demande de retirer, vous
en avez d'autres qui vont contester pour toutes sortes de raisons la validité
de nos demandes. Et on va plus loin que ça. Il n'y a pas que les images d'abus
sexuels connus qu'on cherche à faire retirer, mais on cherche à faire retirer
également des images qui peuvent porter préjudice à l'enfant, comme par
exemple, je ne sais pas, moi, une vidéo d'une jeune fille qui va subir une
agression sexuelle à la caméra. La vidéo, elle peut s'ouvrir sur des images de
cette jeune fille qui sera vêtue d'une robe. Ce ne sont pas à proprement parler,
jusque-là, des images qui sont illégales, mais on sait très bien ce qui va se
passer après, et on ne veut pas que ces images-là, qui font partie finalement
de la même séquence vidéo, si vous voulez,
continuent de circuler sur Internet, parce que cela porte préjudice justement à
la jeune victime, à son intégrité, à sa dignité.
Donc, il y a encore du travail à faire, et c'est
là où on aura justement besoin de lois pour forcer les opérateurs de
plateformes en ligne à agir dans un délai très rapide à toute... vis-à-vis
toute demande de suppression. En France, par exemple, ce délai-là est de
24 heures. On laisse 24 heures aux opérateurs de plateformes pour
retirer les images après qu'on leur a demandé la suppression.
Mme Prass : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
M. Morin (René) : Je vous en prie.
La Présidente (Mme Dionne) : Mme la
députée de Châteauguay.
Mme Gendron : Oui, bonjour. Merci
beaucoup, M. Morin, d'être là, puis, d'entrée de jeu, je veux vous remercier d'agir pour nos enfants, pour nos
jeunes, parce qu'en fait les données que vous avez... vous nous avez
partagées sont troublantes. Pour moi, elles le sont. Merci de nous en informer.
Mais une des données qui m'a accrochée, là... Je ne sais pas si vous avez
dit : 96 % ou 97 %, en fait, des situations de sextorsion, et
tout ça, sont... proviennent de gens qui connaissent les victimes. Est-ce que c'est
bien ça que vous avez dit?
M. Morin (René) : Oui. En fait, je
parlais plutôt de la diffusion non consensuelle d'images intimes, où 97 % des victimes sont âgées de 12 à 17 ans, mais
90 % des accusés ont le même âge. Donc, c'est un... c'est une
problématique, la distribution non consensuelle des images intimes, qui se
déroule beaucoup entre pairs, entre jeunes du même âge.
Mme Gendron : Compte tenu de cette
information-là, je comprends que les réseaux sociaux sont importants pour que
les jeunes communiquent, et tout ça, quelles mesures... Vous êtes bien au fait,
là, de toutes les mesures qui peuvent être prises au niveau technologique. Je
comprends que vous voulez agir au niveau des grandes entreprises telles que Meta. Par contre, on le sait, que ce
n'est pas facile de leur obliger de changer leurs méthodes. Mais n'y a-t-il
pas une action qui peut être prise à la maison ou dans un cadre scolaire qui
pourrait diminuer ce risque-là?
M. Morin (René) : Vous avez, et
c'est une mesure qui peut être appliquée autant sur les serveurs des écoles que
sur les serveurs des grandes entreprises. Il existe à l'heure actuelle un
certain nombre de technologies de filtrage proactif ou réactif. Donc, on parle
beaucoup ici d'images de... qui sont connues, qui sont connues parce qu'elles
ont été mises en circulation depuis un certain temps. Elles sont connues par
nous parce qu'elles nous ont été signalées, elles
sont connues par les forces policières. Toutes ces données-là sont mises en
commun à travers des bases de données qui
relèvent de la GRC, d'Interpol, la Sûreté du Québec, on a accès à tout ça, et
donc on prélève les empreintes numériques des images en circulation pour en détecter la présence sur Internet.
Notre technologie, Projet Arachnid, fonctionne comme ça, et on a développé nous-mêmes, et d'autres
l'ont fait également, développé des technologies qui vont justement rechercher
de façon proactive des images qui
correspondent à ces signatures, à ces empreintes numériques dans le but de les
intercepter.
On ne
comprend pas, nous, par ailleurs, pourquoi des images connues continuent de
réapparaître sur différentes plateformes
des mois, parfois des années, même, après leur suppression. Il n'y a pas de
raison pourquoi ces images-là devraient continuer de réapparaître tout
le temps, puisque les technologies existent pour les intercepter, vous voyez?
Donc, quelque part, un levier que la loi pourrait avoir, ce serait d'obliger
justement tous les acteurs à utiliser ce genre de technologie de filtrage
proactif d'images connues.
• (11 h 50) •
Mme Gendron : J'imagine que le frein
à l'utilisation de cette technologie-là est probablement, justement, la
méconnaissance de ces produits-là, mais également le coût rattaché à ces... à
cette technologie?
M. Morin (René) :
En fait non, je ne crois pas, ces solutions-là sont connues, et je ne vous
parle pas de solutions qui sont révolutionnaires, hein, ça existe depuis
plusieurs années, et le coût de mise en oeuvre est vraiment marginal. Je pense
qu'il n'y a pas de raison pourquoi telle ou telle entité devrait se priver de
mettre en place ces technologies-là, d'autant plus qu'elles sont bien souvent
gratuites. En tout cas, celle que, nous, on distribue à travers le Centre
canadien de protection de l'enfance, elle est mise gratuitement à la disposition
des opérateurs qui veulent s'en servir.
Donc, il n'y a pas vraiment de bonne raison pour ne pas utiliser ces
technologies-là, qui pourraient justement permettre d'intercepter la
quasi-totalité des images connues.
Mme
Gendron : Merci. En terminant,
une dernière petite question : Est-ce que vous suggérez un âge
d'accès à... justement, au numérique, et
tout ça? Est-ce que, vous, dans votre quotidien, vous trouvez que ce serait une
bonne chose?
M. Morin (René) : Bien, évidemment,
je ne vais pas me prononcer sur cette question-là. Je pense que vous aurez
d'autres intervenants à la commission qui ont des opinions très, très, très
claires là-dessus avec des données pour le prouver. Donc, je préfère laisser
d'autres personnes se prononcer à ce sujet-là.
Mme Gendron : Merci, M. Morin.
M. Morin (René) : Je vous en prie.
La Présidente (Mme Dionne) : Mme la
députée de Hull.
Mme Tremblay : Oui, bonjour. Alors,
je vais revenir sur ce qui se passe un petit peu dans les écoles. J'y ai passé
quand même 17 ans, j'ai bien vu les effets, là, d'images distribuées, là,
non consensuelles, puis justement entre des jeunes, souvent, qui ont
sensiblement le même âge puis qui parfois se connaissent, parfois se
connaissent moins, mais ça a passé par l'entremise d'amis, puis, en tout cas,
bref, vous avez sûrement vu toutes ces situations-là.
Vous avez parlé rapidement, là — ça a été rapide, c'est
pour ça que je vous ramène sur le sujet... Les écoles peuvent agir en
modifiant, bon, leurs politiques, en modifiant... Qu'est-ce que... Vous avez
sûrement des modèles d'écoles, là, qui
agissent bien dans ce dossier-là, qui sont des bons modèles. Qu'est-ce qu'ils
font, eux, pour prévenir, justement, là, toute la distribution de cette... ces images-là puis, après ça, pour...
bien, quand ça se produit, parce que malheureusement ça se produit de façon assez fréquente, de ce
qu'on comprend, dans nos écoles... Donc, qu'est-ce qu'ils font en amont?
Puis, une fois que ça arrive, c'est quoi, là, eux autres, leur façon de gérer
la... de bien gérer, là, cette situation-là?
M. Morin (René) : Oui, tout à fait.
Bien, vous savez, quand cette problématique-là a commencé à émerger — on
recule, là, au milieu des années 2010, comme je le mentionnais tout à
l'heure — à l'époque,
les écoles étaient carrément dépourvues face au problème et dépassées
par l'ampleur que ça a pris très, très, très rapidement. En réaction, on a
développé des guides qu'on distribue dans les écoles gratuitement, qu'on peut
télécharger sur le site du Centre canadien de protection de l'enfance. C'est un
phénomène qu'on a appelé l'«autoexploitation juvénile», donc l'exploitation des
jeunes par les jeunes. C'est un peu ce qui se passe, c'est un peu la réalité
que vous avez décrite et que vous avez connue dans vos années dans le milieu
scolaire. Donc, c'est un guide qui vraiment prend les écoles par la main et
leur propose une démarche pour agir, dans ce genre de situations là, dans le
meilleur intérêt des victimes, mais aussi vis-à-vis de la personne qui a mis
les images en circulation. Donc, c'est une approche qui est utilisée un peu
partout au Canada maintenant et dont on a fait la promotion, là, également dans
les écoles au Québec, on sait qu'un certain nombre d'écoles l'utilisent
également. Donc, c'est certainement une approche, là, qui permet de gérer ce
genre de situations là assez rapidement, assez efficacement et avant que ça
dérape. Parce que, comme je le mentionnais tout à l'heure, en théorie, c'est...
ça relève du système de justice pénale. Mais est-ce qu'on va vraiment
criminaliser ou aller jusqu'à criminaliser des... je ne sais pas, moi, un jeune
couple dont les images intimes ont été mises en circulation, allez savoir
pourquoi? Mais c'est le genre de situations qui nécessitent une approche qui
est différente. C'est pour ça que je parlais tout à l'heure d'une démarche
éducative, d'une démarche de déjudiciarisation, c'est ce qui donne les
meilleurs résultats au bout du compte.
Mme
Tremblay : Effectivement. Je parlais à une policière, justement,
là, parce qu'on a la police communautaire ici, là... qui sont dans les
écoles chez nous, au Québec, et elle disait que, justement, on essaie de
déjudiciariser. Mais jusqu'à quel point on doit le faire, de laisser cette
chance-là aux jeunes? Est-ce qu'on doit évaluer chaque situation, ou,
nécessairement, on ne va pas vers la... déjudiciarisation? Excusez-moi. Alors,
hein, elle a été difficile.
Alors, elle est où, la ligne, finalement,
pour... de peut-être, comme on pourrait dire entre guillemets, de... Bien, tu
sais, oui, il y a l'éducation, mais, à un moment donné, jusqu'à quel point,
quand c'est très grave? ...(panne de son)... tracer une ligne à quelque part?
M. Morin (René) : ...très bonne
question. Oui, oui, tout à fait, je sais très bien où vous allez avec ça. Écoutez, je pense qu'il faut faire une distinction
entre les situations qu'on a devant nous. Est-ce qu'on est en présence
par exemple d'images qui ont été prises dans l'intimité d'un couple de façon
consensuelle et qui se sont mises à circuler en dehors du cadre de l'intimité
de ce jeune couple là ou alors est-ce qu'on est en présence d'une situation où
vous avez, je ne sais pas, moi, un groupe de jeunes garçons qui ont réussi à
mettre la main par différents moyens sur des images intimes de telle ou telle
jeune fille à l'école et qui s'en servent pour la harceler de façon carrément
mal intentionnée? Vous
voyez, il y a vraiment une différence à faire entre ces deux situations, qui
sont carrément aux opposées l'une de
l'autre, et je pense que, dans le second cas que j'ai exposé, ça nécessiterait
peut-être une approche plus rigoureuse et plus musclée, là, on s'entend,
parce qu'il y a eu... ça a été fait à des fins malveillantes. Ce n'est pas
toujours le cas.
Mme Tremblay : Et puis vous parlez
des... vous avez parlé des compagnies puis, avec ma collègue ici, en face,
donc, qui disait, bon, bien, il y a un délai, tu sais, puis des fois ça peut
prendre plusieurs jours chez certains opérateurs. J'imagine, les opérateurs ne
sont pas tous ici au Canada. Est-ce que ça, c'est un enjeu, le fait qu'ils ne
soient pas... que leur siège social ne soit pas ici, situé... Est-ce que ça,
c'est un enjeu ...(panne de son)...
M. Morin (René) : ...toujours un
enjeu. Ce n'est pas facile à gérer, ça fait partie de la réalité de ce
qu'Internet est devenu. Souvenez-vous, hein, on a beaucoup parlé par exemple de
Pornhub il n'y a pas si longtemps. Bon,
Pornhub a son siège au Québec, a des serveurs dans différents pays, prétend que
son siège social est aux Pays-Bas. Ça devient problématique, à un moment
donné, de savoir sous quel régime législatif telle ou telle entreprise Internet
est gérée. Il reste que plusieurs de ces
entreprises-là, justement, ont des serveurs dans différents pays ou, à tout le
moins, des clients, des utilisateurs dans différents pays. Donc, il faudra, je
pense, à un moment donné, faire l'exercice de clarifier justement les lois
qu'on a en la matière pour être en mesure de sévir au besoin contre des
entreprises récalcitrantes qui offrent leurs services à nos citoyens et qui ont
des utilisateurs dans notre pays.
Mme Tremblay : Dernière question. Je
reviens sur les systèmes, là, de filtrage que vous dites qu'on peut installer,
que vous pouvez même fournir gratuitement. Alors, au niveau, nous, chez nous,
des centres de services scolaires, ça devrait être quelque chose qui devrait
être installé sur l'ensemble de notre réseau scolaire, finalement, si ce n'est pas déjà fait. Est-ce que vous avez...
vous savez que c'est installé sur... dans les écoles au Québec? Puis est-ce
qu'on devrait le faire de façon systématique?
M. Morin (René) : Je ne pourrais pas
vous le dire. Je ne sais pas, je ne suis pas au courant des écoles québécoises qui pourraient utiliser ce genre de
technologies là. Il y en a peut-être qui le font, en tout cas je l'espère.
Mais, en fait, là où ces images se retrouvent souvent et là où les jeunes vont
aller les chercher, c'est sur les plateformes qu'ils vont fréquenter et c'est
sur les Facebook, c'est sur les Instagram.
Et l'autre enjeu dont on va devoir s'occuper à
un moment donné, c'est celui du chiffrement de bout en bout, parce que, de plus
en plus, ces plateformes-là vont chercher à chiffrer les communications entre
utilisateurs de telle manière qu'on va les soustraire au regard des autorités.
Pour Facebook, pour Instagram, pour Meta, entre autres, c'est une manière
justement d'échapper au fait que, pendant plusieurs années, elles avaient à
signaler des images par centaines de milliers à l'entité américaine qui s'occupe
de ça. Maintenant, comme les communications sont chiffrées, bien, toutes ces
images-là passent sous le radar, mais continuent quand même d'être échangées.
Vous voyez? Donc, c'est un autre enjeu dont on va devoir s'occuper à un moment
ou l'autre.
Mme Tremblay : Merci.
M. Morin (René) : Je vous en prie.
• (12 heures) •
La Présidente (Mme Dionne) : M. le
député de Joliette.
M. St-Louis : Merci beaucoup, Mme la
Présidente. Permettez-moi de vous remercier de participer aux travaux de notre
commission.
Meta nous
parle de nouveaux mécanismes qu'il souhaite mettre en place. À la lumière des
réponses que vous avez données à mes collègues de D'Arcy-McGee et de
Châteauguay, est-ce que c'est de la poudre aux yeux, selon vous?
M. Morin (René) : Vous m'avez
entendu rire. C'est un peu la réaction qu'on a eue hier ou avant-hier lorsqu'on
a pris connaissance de ces nouvelles mesures qui ont été mises en avant par
Instagram, n'est-ce pas? Bon, on sait qu'Instagram est une plateforme qui est
utilisée quotidiennement par un adolescent sur deux aux États-Unis. C'est probablement à peu près la même chose au
Canada. Maintenant, Instagram va vous dire : On met ces mesures-là
de l'avant parce qu'on a entendu les
parents, on veut travailler avec les parents pour mieux protéger les enfants.
Mais, au fond, ces mesures-là, c'est
des mesures qu'on demande depuis plus de 20 ans, et c'est maintenant,
parce qu'Instagram va être appelée à être auditionnée, là, de façon
imminente dans le contexte du développement d'un projet de loi aux États-Unis
pour mieux protéger les enfants. Donc, c'est une question de timing, ils ont
choisi de sortir ces mesures-là juste avant les auditions. Vous voyez un petit
peu. Et ça revient à ce que je disais tout à l'heure : Est-ce qu'on doit
laisser à ces entreprises-là le soin de dicter les règles du jeu ou est-ce que
ce ne serait pas aux autorités de le faire pour elles? C'est un peu ce qu'on
voit ici.
Et, si vous regardez un petit peu comment ça se
passe, on parle d'Instagram, Instagram qui a mis ces mesures-là de l'avant. Mais Instagram, ça relève de Meta, qui a aussi
Facebook, qui a aussi WhatsApp. Alors, pourquoi ces mêmes mesures-là ne
sont pas déployées également sur Facebook et sur WhatsApp? Pourquoi ces
mesures-là sont déployées seulement dans des
pays comme les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni, l'Australie, la
Commission européenne, dans les pays qui
justement ont entrepris des démarches juridiques envers Instagram? Pourquoi
Instagram ne déploie pas ces mesures-là aussi dans tous les pays? Vous voyez?
Donc, il y a vraiment... On fait, comme on dit en bon français, du «cherry picking» ici, là, on
déploie des mesures où on pense que c'est nécessaire, et ailleurs ça
continue de fonctionner comme ça fonctionnait avant.
Maintenant, il y aura tout le... toute la
question du fait que ces mesures-là peuvent être facilement contournées par les enfants. Comment on va faire
pour s'assurer que... Si on veut limiter l'accès de telle ou telle
application aux enfants de tel ou tel groupe d'âge, comment on va faire pour
contrôler justement l'âge des enfants, les empêcher de mentir sur leur âge ou,
si on soumet le compte de l'enfant au contrôle parental, bien, comment on va
faire en sorte que l'enfant ne va pas tout simplement ouvrir un autre compte en
prétendant être âgé de 20 ans au lieu de 13 ans pour contourner
justement le regard de ses parents? Ce sont toutes des questions qui ne sont
pas claires pour l'instant et qu'on devra regarder beaucoup plus attentivement.
Mais merci d'avoir posé la question.
M. St-Louis : Vous avez parlé de
pédosexualité puis de suppression d'images qui... puis qui rebondissent
quelques semaines, quelques mois, voire même quelques années plus tard. Est-ce
qu'il n'y a pas une espèce d'abysse, avec le «dark Web», où est-ce que même
tous les législateurs de la planète pourraient être dupés ou... En tout cas
j'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Morin (René) : Ce n'est pas
facile. On s'entend, le «dark Web», vous le savez, c'est un repère pour les
consommateurs, les amateurs, les producteurs de matériel pédopornographique.
Pourquoi? Parce que, justement, c'est un espace où ils peuvent échanger entre
eux, former des communautés dans l'anonymat le plus complet. Pour les forces
policières, ça crée des difficultés considérables. C'est très, très, très
difficile de pourchasser des individus sur le Web clandestin. Il faut arriver
par toutes sortes de moyens à les faire sortir de là pour être en mesure de
capturer leur adresse IP et éventuellement savoir où ils sont et leur mettre le
grappin dessus. Donc, pour les enquêteurs, ce n'est pas évident, ça suppose des
techniques d'enquête qui sont... qui ne sont pas faciles, qui sont complexes.
C'est pour ça que ça prend du temps. Et le problème, c'est que plus on tarde à
agir, plus les images circulent et plus l'enfant qui est mis en scène dans ces
images-là subit un préjudice de plus en plus grand. Ce n'est pas facile. Mais,
vous savez, la technologie évolue. Comparativement à ce qu'on avait il y a
quelques années, on est rendus vraiment ailleurs, tout ce qu'on fait sur
Internet finit tôt ou tard par laisser des traces. Et ce sont ces traces-là qui
vont finir par mener les enquêteurs aux consommateurs et... (panne de son)
...de ce genre de matériel.
M. St-Louis : Merci.
M. Morin (René) : Je vous en prie.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc : Merci, Mme la Présidente.
Bonjour, monsieur. On a des discussions ici sur la tentative, peut-être, de
vouloir resserrer ou, du moins, interdire certaines particularités des réseaux
sociaux. On a parlé, mettons, d'interdire le bouton J'aime, interdire le démarrage
automatique des vidéos, les notifications «push», les microtransactions, bref,
il y aurait beaucoup de choses à dire, mais, à chaque fois qu'on parle de ça,
il y a toujours une certaine réaction, que
je pense tout à fait normale, de dire : Oui, mais est-ce possible? C'est
un géant international. Des fois, c'est comme... si c'était sur
Internet, c'était... puis intangible, il y avait comme une pogne qu'on ne
pourrait pas avoir, comme Meta. Mais vous, pensez-vous qu'on peut faire ça,
qu'on peut interdire des notions particulières de réseaux sociaux qui ne
pourraient pas fonctionner sur le territoire québécois?
M. Morin (René) : Ces entreprises-là
vont souvent agir sous la pression. Et il y a différents moyens d'exercer de la
pression sur eux ou sur elles pour qu'elles agissent. Prenez, par exemple... on
parlait des mesures qu'Instagram est en train de déployer. Une chose qu'on
réclame depuis très longtemps et qui vient d'être annoncée, justement, c'est le
fait que les profils soient privés par défaut. Donc, votre profil d'enfant de
13 ans ne sera accessible qu'aux personnes que... à qui vous aurez choisi
de partager vos informations. Ce n'était pas comme ça avant, les profils
étaient publics par défaut. Maintenant ils seront privés par défaut, comme j'ai
mentionné tout à l'heure, pas partout dans le monde, dans certains pays, mais
c'est déjà le début de quelque chose.
Donc, pourquoi Instagram a décidé maintenant de
faire ça? Bien, c'est qu'Instagram commençait à sentir la soupe chaude, avec
toute la pression qui est exercée sur Meta par toutes les entreprises qui
entament des procédures judiciaires à son égard. Donc c'est un exemple que je
vous donne. C'est possible de mettre en place des mesures, mais ces
entreprises-là ne vont pas toujours le faire de plein gré ou par leur bon
vouloir, elles doivent quelque part sentir une certaine pression pour agir.
M. Leduc : Elles doivent respecter
la loi. Et, si ça devient la loi, c'est la fin de la discussion.
M. Morin (René) : ...c'est
exactement ce qu'il faut faire.
M. Leduc :
En ce sens-là, les gens qui sont passés avant vous, d'Option Consommateurs,
proposaient de rajouter dans la loi sur l'accès aux renseignements personnels,
peut-être que ce n'est pas le titre exact, là, mais la notion de l'intérêt
supérieur de l'enfant, qui donnerait à la Commission d'accès à l'information le
pouvoir de juger des plaintes, mais donc, si tel ou tel aspect ou modalité d'un
ou d'un autre réseau social est compatible avec l'intérêt supérieur de l'enfant, je vous donne l'exemple du
bouton «J'aime», par exemple, et que ce serait donc une commission
d'experts des... qui sont nommés aux deux tiers par la Chambre, ici, de
l'Assemblée nationale, donc avec quand même une légitimité de la classe
politique, est-ce que c'est une procédure qui vous semblerait intéressante ou
est-ce que vous en avez une autre en tête que vous pourriez nous suggérer?
M. Morin
(René) : C'est une procédure qui mérite d'être étudiée. Comme je le
mentionnais tout à l'heure, ce n'est pas toujours évident de voir jusqu'où les
provinces peuvent aller, et qu'est-ce qui relève plutôt de la compétence du fédéral. On sait que toutes ces
entreprises-là, de médias sociaux, de technologie, de
télécommunications, finalement, les
télécoms, ça relève du fédéral. Néanmoins, au provincial, des lois comme celles
que vous avez mentionnées au niveau
de la protection du consommateur peuvent certainement être examinées de plus
près à la lumière de ces enjeux-là pour
justement mieux protéger les enfants. Parce que, comme je le mentionnais tout à
l'heure dans mon intervention, après tout, on parle ici d'entreprises
qui offrent des services à des utilisateurs qui sont nos concitoyens, donc on
pense qu'effectivement la Loi sur la protection du consommateur est certainement une bonne piste, là, à explorer
dans un sens.
M. Leduc : Merci.
M. Morin
(René) : Je vous en prie.
La Présidente (Mme
Dionne) : Merci, M. le député. M. le député de Gaspé.
M.
Sainte-Croix : Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Morin, d'être
présent avec nous aujourd'hui pour aborder
un sujet quand même délicat et important, je pense, pour la société, pour nos
jeunes principalement, mais aussi pour l'ensemble, là, de la société.
Puis merci aussi, comme le disait ma collègue, d'agir au niveau de la
protection de nos enfants.
C'est quand même
troublant, ce que vous nous avez apporté comme contexte d'information ce matin
sur le phénomène... la présence du phénomène puis ce que je qualifierais aussi
de... malheureusement, là, pour les fins de la discussion, de potentiel de
croissance. J'en réfère à la pédosexualité. Clairement, l'autorégulation n'est
pas la voie à suivre. C'est... Ça apparaît
assez clairement dans votre propos. Clairement, la pédosexualité a un potentiel
de croissance incroyable. On le voit
avec les données que vous nous avez présentées ce matin. Clairement,
l'évolution technologique, et là j'en réfère à l'intelligence
artificielle, amène un autre cade. Et je m'explique. Les enfants ne sont plus
exposés uniquement à des images réelles, mais on fabrique des images de nos
enfants en situation vulnérable.
Considérant
la rapidité de cette industrie-là, hein, l'intelligence artificielle,
considérant les moyens qui sont derrière, financiers, corporatifs, hein, qui sont derrière cette industrie, puis
considérant aussi la notion de profit et de rentabilité qui est
rattachée à cette entreprise... à ces entreprises, à cette industrie, est-ce
que vous croyez qu'on va arriver... Puis je
regarde, là, votre organisation et les datas que vous nous avez présentées,
c'est un volume absolument incroyable qui circule de façon quotidienne,
24 sur 24, 12 mois par année, dans un contexte mondial. Et vous l'avez dit
tantôt...
• (12 h 10) •
La Présidente (Mme Dionne) : M.
le député, je veux juste vous dire qu'il vous reste moins de deux
minutes, si vous voulez...
M.
Sainte-Croix : O.K. Où je veux en venir, dans le fond, c'est très
complexe de savoir, tu sais, la source, dans le fond, de la data, hein, qui se
promène sur la planète en fonction de la clientèle. Est-ce que vous croyez
qu'on va arriver strictement par une législation provinciale ou, plus
largement, il faut regarder le problème en fonction de la mondialité aussi, là?
Comment vous voyez la... notre intervention au niveau du législateur, là?
M. Morin
(René) : Oui. Vous avez parlé de l'intelligence artificielle, c'est un
enjeu majeur. On commence vraiment à voir se dessiner les contours de l'ampleur
que ça pourrait prendre. Écoutez, je vous parlais tout à l'heure des sites, des
outils de ludification que les jeunes utilisent dans les écoles. Bon, est-ce
qu'on pourrait, avec un mécanisme de vérification...
La Présidente (Mme
Dionne) : M. Morin, je m'excuse de vous interrompre. Il faudra
juste conclure en 30 secondes. C'est le temps qu'il nous reste.
M. Morin
(René) : Oui, tout à fait. Bien, je pense qu'effectivement les
législateurs vont devoir imposer des balises au secteur de l'intelligence
artificielle. Je pense, par exemple, le gros problème, c'est d'arriver à
distinguer le vrai du faux. Ces technologies-là arrivent à produire du matériel
de qualité très élevée, très rapidement, en gros volume. Est-ce qu'on ne
pourrait pas, quelque part, les obliger, par exemple, à mettre une sorte de
filigrane sur les images générées à l'aide de l'intelligence artificielle
justement pour qu'on sache que ce sont de fausses images? Ce serait au moins un
minimum.
La Présidente (Mme
Dionne) : Merci beaucoup, M. Morin. Merci infiniment. Merci pour
votre contribution à ces travaux.
Pour ma part, je
suspends quelques instants pour accueillir notre prochaine invitée.
(Suspension de la séance à 12 h 13)
(Reprise à 12 h 14)
La Présidente (Mme Dionne) : La
commission reprend maintenant ses travaux. Donc, je souhaite la bienvenue à
Dre Dufour. Donc, bienvenue, Mme Dufour. Je vous rappelle que vous
avez 10 minutes pour nous faire part de votre exposé, et ensuite nous
procéderons à une période d'échange avec les membres de la commission. Alors,
la parole est à vous.
Mme Magali Dufour
Mme Dufour (Magali) : Oui. Bonjour.
Merci, Mme la Présidente. Bonjour, distingués membres de la commission. C'est
un véritable plaisir et un bonheur d'être ici aujourd'hui.
Je m'appelle Magali Dufour. Je suis docteure en
psychologie, psychologue de formation et professeure à l'Université du Québec à
Montréal, au Département de psychologie. Je travaille en dépendance à Internet,
donc, vraiment, dans le continuum de la
sévérité, donc, moi, je me situe vraiment dans les plus sévères, depuis environ
20 ans. Et aujourd'hui, je vais donc prendre le temps de vous situer un
peu nos travaux que nous faisons, donc, depuis, je vous dirais, donc, le début
des années 2010, c'est-à-dire à peu près au moment où est-ce qu'est apparu
l'iPad.
Donc, je vais
avoir un peu trois points. Je vais d'abord vous parler un peu de la prévalence
des problèmes, je vais vous parler du
portrait clinique de ceux qui demandent de l'aide et je vais également vous
parler d'une population que l'on considère vulnérable, qui est les
joueurs d'«e-sports», notamment ceux qui font du «e-sports» dans les écoles.
Donc, il faut savoir que nous travaillons... je
travaille avec différentes équipes depuis 2012, où est-ce qu'on a commencé à
faire le portrait des jeunes qui sont dans les écoles et à leur utilisation des
écrans. Donc, avec Natacha Brunelle, dès 2012, on a commencé à documenter, je
vous dirais, de façon très imparfaite, le temps d'écran et ainsi que les
problèmes associés à Internet.
Donc, dès 2012, on avait commencé à constater
que les jeunes passaient en moyenne entre 17 et 18 heures sur Internet, et
qu'on avait aux alentours d'une vingtaine de pour-cent qu'on considérait qui
avait des problèmes, c'est-à-dire, donc, qui commençait à avoir des méfaits. En
2012, on avait à peu près 1 % de jeunes pour lequel on jugeait qu'il
nécessitait des traitements, donc des services spécialisés.
Quelques années plus tard, donc six ans plus
tard, on a fait une étude, donc, auprès de 4 000 jeunes, dans les
secondaires à nouveau, partout au Québec. Et on a constaté que... l'évolution,
finalement, à la fois du temps de jeu et également de la sévérité du portrait
clinique. Donc aujourd'hui, on est plus aux alentours de 20, 22 heures de
temps d'écran rapporté par les jeunes. On s'entend que je n'ai pas regardé le
temps sur leur appareil pour voir si c'est vrai, mais disons qu'on va penser
qu'ils font la même erreur que nos jeunes en 2012, à l'époque.
Et, en termes, maintenant, de sévérité, donc, on
a des instruments validés pour voir quel est le niveau de la problématique. Eh
bien, maintenant, nous sommes beaucoup plus aux alentours de 30 % des
jeunes qui pourraient être considérés comme ayant besoin d'un certain niveau
d'aide, pas nécessairement un traitement spécialisé, mais bien une aide, par exemple une intervention
précoce ou encore une intervention, par exemple, une prévention très
ciblée.
Nos plus à risque, donc nos plus sévères, ceux
pour lesquels... nécessitent des soins en services spécialisés, donc en centre
de traitement, eh bien, nous sommes rendus à 3,3 %. C'est donc une
augmentation quand même significative puisque nous sommes passés de 1,8 %
à 3,3 %. Au Québec, nous nous situons à peu près dans la... à peu près avec des chiffres très semblables à la
population mondiale, où est-ce qu'on va toujours parler aux alentours de
4 %.
Je vous parle donc de dépendance à Internet. Il
faut bien penser que, dans nos études, on va toujours prendre en considération
trois applications : les jeux vidéo, les réseaux sociaux et également le
streaming, c'est-à-dire l'écoute en continu des vidéos. Et, dans nos études,
que ce soit en 2012, en 2018 ou encore aujourd'hui, on voit des profils différents pour les garçons et pour les
filles, les garçons passant beaucoup plus de temps en jeux... pour les
jeux vidéo, alors que chez nos filles, c'est avec les réseaux sociaux. Et donc
on a deux profils complètement distincts. Donc, nos premières études nous ont
permis de constater qu'il y avait des jeunes à risque puis qu'il y en avait qui
avaient besoin d'aide.
Nos plus récents travaux, qui ont été notamment
un peu élaborés suite au Parlement et à des discussions, sont auprès des
e-sportifs. Vous savez, l'e-sport, ce sont la compétition de jeux vidéo qui se
passe dans les écoles. Et de plus en plus d'écoles, à la fois secondaire,
collégial et l'universitaire, ont des équipes d'e-sports. On voit donc... On a
donc eu une étude pour les documenter, et quel est le niveau de sévérité de ces
jeunes-là, et de voir l'évolution de leur habitude de jeu, notamment de jeux
vidéo.
Notre première constatation, eh bien, c'est de
dire ils jouent beaucoup aux jeux vidéo. Ils passent entre 30 et 50 heures
de temps par semaine à jouer à leurs jeux vidéo. Donc, il y a une partie qui
est consacrée aux e-sports, à laquelle va s'ajouter du temps de jeu vidéo pour
le loisir, à laquelle va s'ajouter le streaming. En comparaison avec des
mêmes... les mêmes... de leurs mêmes pairs, on estime qu'ils ont à peu près
15 heures de plus d'investissement dans le temps de jeux vidéo. Ils vont
dépenser aux alentours de 1 700 $ pour année en termes d'équipement,
en termes de microtransactions.
Et ce qui... Ils voient beaucoup, beaucoup de
bienfaits en termes de socialisation et en termes de bien-être. Ils rapportent
également des méfaits en termes de sommeil et en termes de résultats scolaires
et en termes d'investissement disponible pour d'autres activités. Mais ce qui
nous a le plus marqués, dans cette étude-là, eh bien, c'est de voir que
44 % d'entre eux souhaitent diminuer leur habitude de jeux vidéo, mais ils
n'ont pas réussi à le faire. Et 22 %
estiment eux-mêmes qu'ils ont un problème, alors que nos instruments n'en
détectent que 6 %... que 5,6 %.
• (12 h 20) •
Et donc on peut penser, et
ça, c'est vraiment une hypothèse qu'on va vérifier dans les prochaines années, qu'il y a une certaine culpabilité face à leur
habitude de jeux vidéo, parce que plusieurs pensent qu'ils ont un
problème, alors que ça ne semble pas tout à fait être le cas. Par ailleurs,
chez ces jeunes e-sportifs, on a quand même 49 % qui ont une estime de soi
faible ou très faible. Donc des marqueurs pour nous qui nous préoccupent en
termes de santé mentale. Maintenant... Donc, cette étude va se poursuivre
dans... pour les deux prochaines années. Nous allons pouvoir constater
l'évolution mais je ne suis pas en mesure de vous en parler immédiatement.
Maintenant, la troisième étude que je voudrais
simplement vous parler, rapidement, ce sont... c'est l'étude où est-ce qu'on
fait le portrait des jeunes qui sont en traitement, actuellement. Nous avons le
mandat, par le MSSS, d'implanter un traitement, qui s'appelle Virtu-A, partout
au Québec. Donc, il va y avoir maintenant un traitement pour les
cyberdépendants, ceux demandant de l'aide.
Cette étude, qui était vraiment un bonheur de
faire, on va avoir les résultats dans quelques semaines. Toutefois, on est
capables de vous dire qui sont ceux qui demandent des traitements. Nous avons
donc fait le portrait des 62 personnes
qui cognent dans les portes des centres de réadaptation. Et ce que l'on
constate, eh bien, sans surprise, ce sont des jeunes garçons.
Donc, notre étude est chez les 15-25. Ce sont
des jeunes garçons, à 74 %, qui viennent en raison de leur problème de
jeux vidéo. Et donc 69 % ont des problèmes de jeux vidéo, et nous avons un
14 % qui, eux, sont plus avec les réseaux sociaux. Ces jeunes-là viennent
à la demande souvent de leurs parents. Ils vivent encore chez leurs parents et
ont des revenus extrêmement faibles.
Le portrait clinique est extrêmement complexe.
C'est des jeunes qui demandent des jeux... qui demandent de l'aide. Quand on
regarde leur temps d'écran, nous sommes à 51 heures-semaine, alors que nos
jeunes de la même cohorte, si on peut dire, rapportent 20 heures, hein,
donc vous voyez comme on est dans vraiment une perte de contrôle plus
importante. Et le portrait clinique que l'on voit, on voit de la détresse
psychologique à 73 %, une estime faible ou très faible à 80 %, et
plusieurs tentatives de suicide dans le dernier mois. Et donc on a un portrait
clinique de jeunes qui ne vont pas bien en raison des jeux vidéo.
Et donc, à la lumière des travaux qu'on a faits
dans les dernières années, on a développé des outils de détection validés, on a
développé des traitements. On sait qu'il y a une partie des jeunes qui ont des
problèmes avec les jeux vidéo pour lesquels on commence à assez bien s'occuper.
Au Québec, on est très privilégiés.
Par contre, il y a tous les feux jaunes,
autrement dit les jeunes à risque pour lesquels nous n'avons pas
d'interventions qui ont encore été développées. Il y a des programmes de
prévention qui sont habituellement plus pour
les feux verts, mais pour nos jeunes à risque, pour l'instant, il n'y a pas
d'intervention précoce qui a été développée. Et donc, ça, ça va devoir,
pour... je pense que ça devrait faire partie de nos priorités.
Par ailleurs, les... dans les jeunes qui ne vont
pas bien, il y a une grande partie qui sont des joueurs de jeux vidéo pour
lesquels il faut porter une attention. Et donc je pense qu'il faut continuer
nos efforts, et continuer nos efforts aussi auprès de cette industrie, qui a
également des responsabilités. Je viens des jeux de hasard et d'argent, j'ai
travaillé à un groupe de travail justement qui a étudié l'implantation des jeux
de hasard et d'argent au Québec, en ligne, et je sais comment l'industrie peut
travailler, peut développer des outils pour aider la prise de conscience. Et
donc je pense qu'il faut qu'il y ait... qu'il y ait un travail avec à la fois
l'industrie des jeux de vidéo, mais également avec les industries qui donnent
les services d'Internet pour développer des outils pour faciliter la prise de
conscience et le choix, et également faciliter des outils pour les parents pour
qu'ils puissent aussi aider leurs jeunes à s'autoréguler. Parce que, pour
l'instant, ça prend presque un doctorat en informatique pour avoir accès à ces
outils. Et donc moi je pense qu'il faut travailler avec l'industrie pour
pouvoir faire ça.
Et je
terminerai en disant qu'il est important que toute intervention que vous allez
décider soit évaluée de façon à ce qu'on puisse la modifier si elle n'a
pas les impacts que l'on souhaite. Donc voilà. Ça termine ma présentation.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
infiniment, Mme Dufour. Donc, nous allons débuter les échanges avec M. le
député de Joliette.
M.
St-Louis : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Merci, Dre Dufour, de participer aux travaux de notre
commission.
Les e-sports, ce n'est pas une réalité que je
connais, je suis papa de deux filles, donc je vais m'en tenir plus au nombre
d'heures. Parce que vous avez scindé un peu les deux sexes avec des réalités
différentes, là. Sans faire de sexisme, là, les jeunes filles sont plus sur les
réseaux sociaux en majorité. Je suis resté surpris que, quand j'ai demandé le
téléphone à ma fille la semaine dernière après les débuts des travaux de la
commission, de voir qu'elle avait une moyenne de sept heures par jour. Le
souffle m'a coupé, littéralement, pour réaliser que, là-dessus, il y avait
peut-être un trois heures de communications, là, via les différentes
plateformes, mais que c'étaient plus des discussions entre amis. Ce qui m'amène
quand même à quatre heures, fois sept, une trentaine d'heures par semaine. Vous
avez parlé de 50 heures. Je me dis : Est-ce que c'est sain? Moi, pour
moi, je n'ai pas... On n'a pas de barème. J'aurais tendance à penser que ma
fille est borderline, peut-être qu'elle aurait peut-être besoin d'être
encadrée. Vous en pensez quoi? J'utilise mon exemple personnel, là, mais je
suis convaincu que beaucoup de parents comme moi qui se... Elle est où, la
coupure?
Mme Dufour
(Magali) : J'aime tellement votre question. Enfin où est la coupure?
La coupure n'existe pas pour l'instant. Parce que, pour faire des normes, comme
par exemple pour les normes de consommation d'alcool ou de jeux de... ou pour
les jeux de hasard et d'argent, j'ai participé à cette élaboration-là, ça a
coûté 2 millions de dollars, faire les normes pour les jeux de hasard
et d'argent. Et ça prend des études épidémiologiques où est-ce qu'on sait pendant plusieurs années combien d'heures puis les
méfaits qui sont associés. Présentement, ces données-là n'existent pas. On n'a
pas de données qui sont fiables, qui vont nous permettre de dire : Oui, à
partir de trois heures par jour d'heures de loisir, parce que moi, je m'occupe
que des heures de loisir, oups! C'est dangereux, ou à partir de quatre, oups! C'est dangereux. Pour l'instant, on
est extrêmement imparfaits dans notre compréhension de quand est-ce que
c'est assez, quand est-ce que ce n'est pas suffisant.
Par contre, en fait,
et là, si vous aviez demandé à votre fille, ça aurait été intéressant, combien
elle, elle pensait avoir fait d'heures. Probablement qu'elle nous aurait dit un
trois, quatre heures, ça fait qu'elle serait probablement arrivée dans les
chiffres que je vous ai présentés. Sauf que le portrait est différent.
Et c'est pour ça que
je... moi, je trouve ça assez intéressant de voir comment c'est important
d'avoir des outils pour les parents justement pour avoir accès au profil de
leur enfant et peut-être déterminer... moi, je le fais, on est tous dans le même
appareil, donc de décider combien d'heures je permets et à partir de quelle
heure c'est interdit. Mais, pour ça, c'est... dès qu'il y a une mise à jour,
toutes nos modifications ne fonctionnent plus, bref, ça demande beaucoup,
beaucoup, beaucoup, aux parents, de connaissances en technologie.
Donc, pour l'instant,
la santé publique dit c'est cinq heures ou c'est quatre heures, là, tout
dépendamment de leur étude, qui... On
commence à voir des effets, par jour, mais on n'a pas encore de donnée qui est
fiable. Et j'espère qu'un jour on va être capables de le faire, mais
pour l'instant, on est très imparfaits dans notre compréhension.
M. St-Louis :
Merci. Puis, pour votre gouverne, je pense qu'elle est restée aussi surprise
que moi.
Mme Dufour (Magali) :
Oui.
M. St-Louis :
Merci.
La Présidente (Mme
Dionne) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à M. le député
de Marquette.
M.
Ciccone : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour,
Dre Dufour. Je tiens à vous remercier parce que je vous ai citée souvent, très, très souvent. J'ai peut-être tout lu ce
que vous avez fait sur... justement en matière d'e-sports. Puis je n'ai
pas besoin de dire à mes collègues et vous dire également ma position
là-dessus. Mais, en même temps, aujourd'hui, ce n'est pas une question de
donner ma position, c'est une question d'aller chercher de l'information.
Vous nous avez élevé,
là... relevé beaucoup de problématiques et de faits qui sont quand même assez
troublants, là, avec les chiffres. Sans nécessairement dire qu'un est pire que
l'autre, là, mais... parce que là, on peut parler des réseaux sociaux, puis là,
on englobe tout ici, là, pas juste les e-sports, mais est-ce que les e-sports
est peut-être une plus grande problématique au niveau de la dépendance, au
niveau... Vous avez parlé de suicide, là. C'est la première fois que j'entends
quelqu'un me parler de suicide, là. Aujourd'hui, les heures que vous nous avez présentées, c'est quand même... Puis même l'argent
aussi dépensé, parce que ça force aussi peut-être à contrevenir à des
lois, à faire de la fraude aussi. Puis on l'a vu, là, avec certains jeunes de
personnalités publiques, là, qui ont commis des fraudes à ce niveau-là.
Considérez-vous que c'est une plus grande problématique que le reste?
Mme Dufour
(Magali) : En fait, nos chiffres sur l'e-sports démontrent qu'il y a,
par exemple, dans... Moi, j'ai un étudiant qui vient de terminer son doctorat,
qui a des données quand même intéressantes, mais notre cohorte est plus grande. Donc, on a 250 joueurs avec
nous et on a 5,6 % qui présentent probablement une dépendance à
Internet. Et je vous rappelle que, dans la population, c'est 3 %, donc
c'est un peu plus élevé. Mais ce n'est pas des chiffres comme auxquels... la
petite cohorte d'Antoine, qui avait 70 %. On était à 10 %. Donc ça
nous préoccupait beaucoup.
Ce qui est
intéressant avec l'e-sport, c'est justement ce portrait nuancé. Et on en a
parlé beaucoup avec... d'équipes et, en fait, le problème, c'est que l'e-sport
est super bien encadré, habituellement, ils vont dire : Il y a un coach,
il y a tout ça, mais c'est que dès qu'il n'y a plus d'e-sports, ils ajoutent
des heures de jeux vidéo de loisir. Et donc ça ne remplace pas. Donc, la
théorie, c'était que ça allait remplacer le jeu, un peu, le loisir ou en tout
cas du moins en prendre une partie, mais ce n'est pas tout à fait le cas. Ça ne
s'est qu'ajouté. Et donc, c'est un peu ça, le problème. Et ça, je pense qu'il
faut... il va falloir que... adresser cette problématique-là.
Et moi, ce qui me
préoccupe dans l'aspect e-sport, c'est justement que ce soit intégré dans les
écoles. Et, si on fait une réflexion sur le temps d'écran, eh bien, il y a
comme une sorte de paradoxe de promouvoir quelque chose qui est sur les écrans,
même si ça plaît aux jeunes, là, peut-être que ça devrait être du parascolaire,
et, bref, il y a quelque chose pour moi qui est d'un paradoxe dans promouvoir
quelque chose où est-ce que... Vous savez, dans les diagnostics officiels, il
n'y a que le trouble du jeu vidéo qui a été reconnu, donc il n'y a pas une
dépendance aux réseaux sociaux. La dépendance à Internet, même si c'est
extrêmement prévalant dans la littérature, c'est utilisé, mais la seule
reconnaissance de l'Organisation mondiale de la santé, c'est le trouble du jeu
vidéo.
• (12 h 30) •
M.
Ciccone : Merci beaucoup de le mentionner.
Vous m'avez un peu devancé. Je m'en allais exactement à ce niveau-là, sur les
programmes scolaires. On ne peut pas dire qu'il y en a beaucoup, là, au Québec.
Il y en a quatre, cinq, à peu près, là, puis beaucoup dans les écoles privées
plus que publiques. Je pense, au public, si je ne me trompe pas, il y en a
peut-être un, là... une école. Ce que vous nous dites, dans le fond, là, c'est
que... parce que là vous dites également que ça va prendre... tu sais, vous
êtes en train de colliger les données, ça va prendre à peu près deux ans, avoir... avant d'avoir tous les résultats. Est-ce
que vous dites à ces écoles-là, qui pensent peut-être à en avoir, et
même ceux qui les ont amenés, ces programmes-là, que, dans le doute, là, encore,
là, on devrait s'abstenir, là, il ne faut pas rentrer ça dans nos écoles?
Est-ce que c'est ce que vous dites?
Mme Dufour
(Magali) : En fait, quand on en a parlé aux écoles, on leur a donné
nos chiffres et on leur a dit... Moi, ce que je souhaiterais, c'est que, s'ils
implantent, c'est qu'il y ait des outils pour aider ces jeunes-là, donc d'abord
qu'il y ait une détection, s'il y a un problème, un encadrement, des outils
pour que la jeune soit en mesure de voir son temps d'écran. Parce qu'il faut
bien penser qu'eux, les e-sportifs, rapportent beaucoup de bienfaits en termes
de bien-être et de socialisation, donc, en fait, c'est comment s'assurer que
ces bienfaits-là soient... par exemple, que
les jeunes puissent... Parce qu'on a des jeunes qui ont une faible estime de
soi, des difficultés de socialisation, et parfois, ça leur permet de
s'intégrer, donc comment faire pour avoir les bénéfices sans avoir les aspects
négatifs.
Et enfin, on essaie d'équiper un peu
l'équipe-école pour qu'il y ait peut-être de la détection dès l'entrée dans ces
équipes-là pour s'assurer qu'il n'y ait pas de problème et de peut-être
soutenir ceux pour lesquels on a peut-être un peu plus de préoccupations.
M. Ciccone : Est-ce qu'on oublie un élément également? Parce qu'on a
parlé à plusieurs groupes, dont un groupe, là, l'Association des écoles
privées, si je ne me trompe pas, qui nous disaient... Puis, quand j'ai
communiqué avec certaines écoles, ils m'ont dit : Bien, on les encadre
bien, on leur fait faire plus d'exercices, mais on semble oublier que, c'est
parfait, là, ce qu'on fait à l'école, peut-être qu'on les encadre bien, puis on
les surveille, puis ils ont tous les outils nécessaires, puis on est très à
l'écoute aussi de la problématique, mais on oublie que ces jeunes-là, à
4 heures, 3 heures et demie, 4 heures, ils s'en vont à la
maison. Puis ce n'est pas vrai qu'ils n'embarqueront pas sur leur manette, là,
puis leur jeu vidéo. Ça aussi, il faut le considérer, là.
Mme Dufour (Magali) : En fait, c'est
exactement ça. Il faut absolument considérer l'ensemble de leur habitude
Internet. On parle de comment ils vont peut-être aller jouer, mais c'est
aussi... ils deviennent... à ne faire que regarder. C'est un peu comme, tu
sais, dans la dépendance, il y a trois critères : il y a la perte de
contrôle, il y a l'obsession et il y a les conséquences associées. Et donc,
quand on a une personne que ça devient le centre de sa vie, c'est là qu'on
devient à risque de développer une dépendance. Donc, si je fais que du streaming,
que je joue aux jeux vidéo, puis, en plus, je fais du e-sports et que je n'ai
aucune autre activité, eh bien, c'est là, pour moi, qu'on devient avec un
profil un peu plus à risque et préoccupant.
M. Ciccone :
Question très, très rapide...
La Présidente (Mme Dionne) : J'ai
beaucoup d'interventions...
M. Ciccone : O.K., parfait.
La Présidente (Mme Dionne) : ...et
puis on reviendra s'il nous reste du temps, là. C'est beaucoup, beaucoup de
monde qui ont des questions. Alors, on poursuit avec M. le député de Jonquière.
M. Gagnon : Bonjour,
Mme Dufour.
Mme Dufour (Magali) : Bonjour. Vous
avez reconnu mon accent?
M.
Gagnon : Oui, tout à fait,
tout à fait. Vous allez reconnaître la mienne, naturellement. Je vais y aller
concis, étant donné qu'il y a d'autres collègues qui veulent prendre parole.
Effectivement, les statistiques, encore une
fois, font la démonstration de pourquoi qu'on est ici. Mais, par contre, on a
beaucoup parlé de parents, on a beaucoup parlé de l'école, de la prise en
charge d'un tout pour y arriver. Mais on a également parlé beaucoup de
réduction des méfaits, comment est-ce qu'on va y arriver, puis tantôt vous avez
mis des lumières, mais vous avez dit quelque chose que je trouve vraiment
stimulant — puis
les collègues, là, on va y aller bientôt, dans la classe — vous
avez dit que, oui, il y a la réduction des méfaits, mais vous avez dit quelque
chose de tellement motivant : Les jeunes veulent participer à leur propre
réduction des méfaits.
Alors, ce que je comprends, c'est que les jeunes
disent : Hé! moi aussi, je trouve que j'en fais pas mal. Et, à l'aube de
rentrer dans l'école, j'aimerais, le temps de ma question, mettre les parents
puis l'école de côté, la structure, conseil d'établissement, puis j'aimerais
vous entendre, c'est-à-dire que les jeunes nous tendent la main. Et comment,
quand le Dr Parent disait : Je rentre dans une classe, je suis une spécialiste,
j'ai 30 ans, elle avait un profil quand même fort sympathique, mais les
jeunes disaient : Ah! tu es ici pour nous chialer. Alors, tu sais, il y a
un contact à y avoir avec les jeunes, il y a une relation, je pense. En tout
cas, je trouve ça vraiment inspirant.
Mme Dufour (Magali) : En fait, on
voit beaucoup de culpabilité chez les jeunes. Là, je vous l'ai présentée chez
nos e-sportifs, mais on a des données également avec les 16-25. Et, en fait,
quand on leur demande : Croyez-vous avoir un problème?, on a quand même
des chiffres qui n'ont pas de bon sens, 40 % vont dire oui. Les gens se
sentent énormément, énormément coupables face à leurs habitudes, lorsque moi
j'en parle : Ah oui! Moi, j'ai un problème. Mais, en fait, ce n'est pas ça,
avoir un problème pour moi. Tu sais, on a comme une sorte de... J'ai une de mes
cliniciennes qui dirait, une certaine dramatisation ou, du moins, en tout cas,
une inquiétude importante, puis je la comprends.
Et les jeunes ont besoin d'avoir, je pense, des outils pour avoir un regard
clair, précis sur leur propre utilisation.
Vous parliez de votre fille avec l'utilisation,
mais, quand on fait, en plus, par exemple, un peu... Par exemple, on joue avec
une console, quand on est un peu avec l'ordinateur, ça devient difficile de
voir un portrait commun de ce qu'on fait. Et on en a
vraiment besoin, et les jeunes sont curieux, parce qu'ils veulent faire des
choix et ils savent. Au début, quand j'ai commencé dans les années 2010, là ils
ne savaient pas que ça posait problème. Maintenant, les jeunes sont très au
courant et veulent participer à la solution.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc : Bonjour.
Mme Dufour (Magali) : Bonjour.
M. Leduc : Sur l'aspect plus précis,
donc, des jeux vidéo, on s'est fait souvent mentionner que, bon, il y a en soi
le temps de jeu vidéo qui est nocif, etc., mais il y a tout l'aspect des
microtransactions qui est à la frontière du jeu du hasard, donc, qui entraîne les
jeunes et la carte de crédit de leurs parents. Dans cette logique-là, on semble
avoir constaté qu'il y a des pays, comme le Japon, qui ont interdit les
microtransactions dans les jeux vidéo. Est-ce que ça serait une voie qui serait
pertinente à explorer pour le Québec?
Mme Dufour (Magali) : En fait, c'est
une voie extrêmement intéressante. Et quand on va parler avec nos jeunes en
traitement, donc, si je prends le profil, ce n'est pas tant les
microtransactions qui posent problème, mais plutôt tout le renforcement que le
jeu va leur donner. Vous savez, comme par exemple, Fortnite a été dessiné,
notamment, par des psychologues pour permettre aux jeunes d'être toujours
stimulés, d'être stimulés juste assez, hein, donc, d'avoir un défi que la
personne va être capable... Et non seulement on va renforcer le jeune, on va
lui donner des promotions, on va lui permettre d'avoir tel «skin» s'il joue
tant d'heures, il va faire partie de tel groupe. Donc, on va renforcer son
identité, mais, en plus, on va le punir s'il abandonne une game. Par exemple,
le jeu Overwatch, si vous abandonnez, parce qu'il faut que vous alliez souper,
eh bien, vous allez être banni du jeu 12, 14, 18 heures, 24 heures,
si ça vous arrive. Et, en ce sens-là, donc, on va comme vraiment punir. Donc,
tu sais, Skinner et ses petits rats, on utilise les mêmes stratégies avec les
jeux vidéo. Et c'est pour ça que, moi, je pense qu'on a un devoir, en tant que
société, d'encadrer cette industrie-là, justement parce qu'ils renforcent et
ils dessinent, comme pour les drogues, là, ils dessinent pour renforcer le
jeune, mais, en plus, on lui interdit d'arrêter d'une certaine façon. On
l'oblige à continuer avec des stratégies qui pourraient être encadrées, donc,
justement, le bannissement, parce que vous avez interrompu une game, parce
qu'étrangement il faut que vous alliez souper ou vous coucher.
M. Leduc : Puis ces façons-là de
développer des jeux, on comprend l'effet nocif pour les enfants, mais c'est un
effet nocif probablement pour les adultes aussi.
Mme Dufour (Magali) : C'est un effet
nocif pour tout humain, je vous dirais.
M. Leduc : Donc, si on disait qu'on
bannissait, par exemple, les microtransactions, les adultes non plus ne
pourraient plus en faire, ça ne serait pas... ça serait pas si mal que ça.
Mme Dufour (Magali) : Ce ne serait
pas si mal que ça. C'est clair que l'industrie ne voudra pas, mais ce qui est
fantastique, c'est que le Québec a beaucoup investi dans l'industrie du jeu
vidéo, on les a beaucoup financées. Et donc, moi, je pense qu'il y a donc une
communication qui existe déjà. On peut leur demander de devenir des bons
citoyens et qu'ils mettent en place des stratégies pour protéger les joueurs.
Le joueur pourrait décider, avant de débuter, combien d'heures. On le fait dans
les jeux de hasard et d'argent. Je ne vois pas pourquoi ça ne se ferait pas là.
On pourrait avoir, donc, un temps de jeu déterminé, et donc, après tant de
minutes, ça serait... On pourrait avoir une horloge également, en disant :
Ça fait deux heures que tu joues, es-tu certain de vouloir... On pourrait donc
avoir aussi tout un... des boutons, si jamais le jeune est en détresse, pour
qu'il puisse demander de l'aide. Bref, il y a des stratégies qui ont déjà été
vues dans d'autres industries, qui pourraient être implantées avec les jeux
vidéo.
M. Leduc : Mais ce n'est pas
intrinsèque à l'industrie du jeu vidéo, c'est récent quand même, là. J'ai joué
beaucoup, j'ai un peu moins de temps, maintenant, de jouer au jeu, mais j'ai
joué quand même mon lot. Ça n'existait pas
avant, ça, les microtransactions ou les paiements de saison, d'expansion. Tu
achetais ton jeu, tu jouais, puis c'est tout.
Mme Dufour (Magali) : En fait, le
jeu s'est beaucoup transformé, parce qu'ils sont devenus gratuits, donc ils ont
trouvé d'autres façons de monétiser. Mais, vous avez raison, mais l'industrie
du jeu a eu un gros lobby, et ils ne veulent
pas reconnaître qu'ils causent des torts. Ils ont fait beaucoup de pression
pour ne pas que l'OMS dise qu'il y a un trouble du jeu vidéo. Et donc,
pour l'instant, même si on a tenté, à plusieurs fois, d'aller leur montrer les
données, ils ont toujours refusé, disant que c'était de la dramatisation des
effets.
• (12 h 40) •
M. Leduc : Vous ne croyez pas du
tout à une autorégulation?
Mme Dufour
(Magali) : Ah! je ne le crois pas du tout, mais je ne le
crois pas pour aucune substance. Donc...
M. Leduc : En général, vous ne
croyez pas à l'autorégulation. Ça marche. Merci.
La Présidente (Mme Dionne) :
M. le député de Gaspé.
M. Sainte-Croix : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, Mme Dufour. Très heureux de vous avoir ici
aujourd'hui. Mme Dufour, les e-sports, «e-games», tu sais, ce n'est pas d'hier
quand même, ça fait un bout. Tu sais, moi,
en grandissant, on a vu ça, on a vu ça évoluer. Qu'est-ce qui a fait en sorte
qu'aujourd'hui on parle de dépendance au regard de ces pratiques-là?
D'une part, quand vous dites, c'est encadré, hein, les jeunes dans les écoles,
où ces sports-là, ces options-là sont offertes, ils sont encadrés. Ça veut dire
quoi, ça, concrètement, ils sont encadrés?
Mme Dufour
(Magali) : Vous avez deux excellentes questions. Donc,
pourquoi c'est devenu une dépendance? En
fait, tout comportement qui amène du plaisir et qui permet finalement de
sécréter de la dopamine pourrait ultimement avoir un potentiel pour
la... pour qu'on puisse perdre le contrôle et, donc, amener à un certain
comportement de dépendance. Mais les jeux vidéo se sont transformés, hein, on a
fait un peu... Entre Pac Man et les jeux aujourd'hui, on a comme une
sorte... à vrai dire, c'est Pong, le premier, c'est comme des trucs qui lancent
la balle. Il y a comme une évolution qui a été faite, qui a été dessinée pour
nous capter, capter notre attention et vraiment nous amener dans un cycle de
renforcement, vraiment, de façon plus importante. Donc, comme je vous disais,
vous avez des défis. Et, comme l'industrie vous regarde, elle va ajuster les
défis. S'ils sont trop grands, elle va les diminuer, donc, pour que vous
continuiez à... Donc, les jeux vidéo ne sont plus les mêmes. Et comme on a eu,
justement... Il y a beaucoup plus de machines qui vous regardent, hein? Ils ont
ajusté leurs produits, donc, ils vont savoir si vous aimez, par exemple, la
compétition. Et ils ont surtout mis des gens en réseau, parce que les jeux
vidéo ne sont pas que pour stimuler pour le plaisir, c'est également une façon
d'entrer en contact avec les autres. Et les garçons et les filles aussi qui
aiment jouer aux jeux vidéo, ça va vraiment comme être une porte d'entrée, un
facilitateur des contacts sociaux. Et donc, en ce sens-là, ils se sont beaucoup
transformés. Ce qui fait que cette transformation-là a amené, je vous dirais,
une plus grande complexité et les amener plus près de la dépendance, parce
qu'on voit maintenant, même dans le cerveau, que le réseau... que les réseaux
neuronaux et de la dopamine, ça ressemble beaucoup à lorsqu'on prend des
substances, notamment, avec de l'alcool.
Donc, c'est un peu pour ça que c'est devenu...
Excusez-moi, je n'ai pas pris de notes pour votre deuxième excellente question.
M. Sainte-Croix : L'encadrement,
quand on parle d'encadrement...
Mme Dufour (Magali) : L'encadrement,
oui. L'encadrement, ça, c'est ce que les écoles vont nous rapporter quand on va leur demander, c'est-à-dire qu'ils
vont avoir habituellement un temps défini pour jouer. Ils vont également
faire des messages. Parfois, il y a des
écoles qui vont implanter des programmes de prévention, justement, pour
parler des méfaits associés. Et il va également avoir une attention
particulière portée sur l'aspect physique, d'éducation physique ou de mouvement pour justement contrebalancer cette activité
sédentaire là, c'est l'encadrement qu'il va y avoir. Il va y avoir un
entraîneur qui, théoriquement, va être sensible aux besoins du jeune.
M. Sainte-Croix : Est-ce que ça
implique la présence parentale ou c'est strictement dirigé vers le jeune?
Mme Dufour (Magali) : Ça dépend, je
vous dirais, c'est très variable selon les écoles et le niveau des jeunes. Il y a beaucoup de programmes e-sports,
maintenant, au collégial et au niveau universitaire, qui n'impliqueront
pas, bien entendu, les parents. Au niveau du secondaire, certains programmes
vont interpeler les parents, il va donc y avoir une signature, et, en fait, les
parents vont donc avoir une rencontre avec l'équipe pour dire : Qu'est-ce
que c'est, faire du e-sport, et quel style d'encadrement l'école va fournir?
Donc, oui, les parents sont au courant. De façon générale, les parents sont
assez soulagés d'avoir cet encadrement-là, parce qu'ils ont l'impression que
quelqu'un d'autre va également regarder les habitudes de jeu vidéo et va s'en
préoccuper.
J'ai une de mes étudiantes qui fait sa thèse de
doctorat auprès des parents, dont les enfants ont des difficultés avec
Internet, et la souffrance de ces parents-là est incroyable. Les parents
sentent qu'ils sont en échec, qu'ils ont raté leur rôle de parents. Si vous
entendiez les verbatims, c'est bouleversant. On met beaucoup la responsabilité
des parents... Et les jeunes demandent 10, 15, 20 fois, 50 fois par
semaine de jouer aux jeux vidéo, et donc c'est difficile de résister constamment.
Et donc, en ce sens-là, moi, je serais... j'essaierais de protéger les parents
et de donner des outils à tout le monde pour
aider. Parce que les parents se sentent démunis pour encadrer quelque chose
d'aussi complexe, particulièrement dans une technologie qui évolue
tellement plus vite que, nous, on est capable de l'apprivoiser.
La
Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à Mme
la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme
Cadet : Merci, Mme la Présidente. Bonjour. Merci d'être avec
nous aujourd'hui. Un peu dans la lignée, donc, des questions de mon collègue d'Hochelaga-Maisonneuve, donc, je me
demandais... je me posais des questions,
donc, sur les mécanismes présents, donc, dans les jeux vidéo qui les
différencient des autres types d'usages, donc, des écrans qui, eux aussi, donc, ont des mécanismes de captation
de l'attention. Je pense que vous en avez décrit deux, donc... vous a
posé directement la question sur les microtransactions, puis là vous nous avez
donné, donc, d'autres exemples.
Puis je me demandais, donc, pouvez-vous, donc...
S'il y avait, donc, un mécanisme ou des mécanismes précis à proscrire dans
cette industrie-là, comparativement, donc, aux autres, donc, qui sont... qui
peuvent, donc, également être néfastes, donc, pour vous, donc, ce serait
lesquels à prioriser pour le législateur?
Mme Dufour
(Magali) : Il est clair qu'il y a une... D'abord, pour les jeux vidéo,
il va y avoir aussi beaucoup de publicités associées avec les jeux vidéo. Il va
y avoir de la publicité sur le fait de venir jouer ou avoir des récompenses
associées à la présence, hein? Si vous venez jouer tant de minutes par jour,
vous allez donc pouvoir avoir un «skin». On va même développer toute une sorte
de marchandisation, là, même si c'est gratuit, pour que vous puissiez y aller
le plus souvent possible, et donc que ce soit plus difficile pour vous de
garder... Admettons que vous dites : Moi, je ne joue pas du lundi au
mercredi, oui, mais pour avoir le «skin», je vais y aller, et donc de résister à
la tentation. Donc, voyez-vous, on va toujours vous mettre dans des situations
pour que l'autocontrôle soit plus difficile. Donc, d'avoir dans les boutiques,
donc... Et les boutiques, ça date, hein, il y a même des objets qui vont
disparaître, ils vont créer des choses rares. Ils vont les adapter, parce qu'en
fait ils lisent les profils des jeunes — et des adultes, là — les
jeunes, donc, pour moi, c'est 15-25, là, la population avec laquelle je
travaille, ils vont même adapter leur offre par rapport à qui vous êtes. Est-ce
que vous êtes quelqu'un qui dépensez beaucoup? Est-ce que vous dépensez... Ils
ont toute cette lecture-là et ils vont adapter, donc, à la fois leur stratégie
de marketing et même, des fois, parfois le niveau du jeu.
Donc, pour réussir, pour certains, on va vous
offrir, donc, des gemmes ou des diamants, à d'autres, on a l'offrira pas. Vous n'êtes pas venus depuis
longtemps, on va vous envoyer... Donc, il y a toutes sortes de stratégies à
la fois de marketing mais même de
manipulation, je vous dirais, dans les jeux parce qu'ils sont capables de lire
vos profils.
Mme
Cadet : Oui, donc, il y a un volet... un certain volet de
protection du consommateur, si je vous entends bien.
Mme Dufour (Magali) : Oui, tout à
fait.
Mme Cadet : Aussi, si j'ai bien
compris, un peu plus tôt, je pense que vous disiez, donc, au Québec, donc, on a
des interventions qui sont prévues. Donc, pour les jeunes qui sont aux prises
avec des problèmes, il n'y a pas d'enjeu, mais, pour les jeunes à risque, ce
n'est pas le cas. C'est ce que vous disiez?
Mme Dufour
(Magali) : Exactement. Donc, si on fait le continuum des
jeunes, donc, pour les feux verts, on a habituellement beaucoup... on a
des programmes de prévention, PAUSE ton écran. Vous allez en rencontrer
plusieurs. Vous allez avoir Anne Elizabeth Lapointe, vous avez vu le CIEL qui
font... donc, pour les feux verts. Pour les feux rouges, donc, c'est... ils
vont dans les centres de réadaptation en dépendance, qui sont des traitements
qui sont gratuits. Mais, pour nos feux jaunes, donc, ceux pour lesquels on a
des méfaits, donc des conséquences, qui ne sont pas assez sévères pour aller
dans les centres de traitement, mais qui auraient besoin d'aide. Pour eux,
donc, c'est souvent ceux qui vont aller dans les CLSC, qui vont demander de
l'aide dans des écoles, pour l'instant, on n'a pas de services. Ils vont avoir
des services de travail social, de psychoéducation généraux, mais il n'y a pas
encore de programme qui a été fait pour aider ces jeunes-là.
Donc, on est présentement... on espère, un jour,
avoir une subvention, là, on est en évaluation, mais il n'y a pas
d'intervention précoce qui a été développée, donc, d'outils, surtout dans les
milieux scolaires, parce que les milieux scolaires, même pour les collégiaux,
ils nous demandent souvent : Oui, mais, tu sais, les jeunes viennent nous
voir, ce n'est pas assez sévère pour aller en traitement, mais ils auraient
besoin de quelques séances de thérapie, trois, quatre, cinq, six. Et, pour
l'instant, on n'a pas de programme structuré pour pouvoir les soutenir.
Mme Cadet : Dans le continuum de
services. Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup. Mme la députée de Hull.
Mme Tremblay : Oui. Alors, bonjour.
Tantôt, bien, vous avez parlé, bon, que les jeunes, tu sais, ont une certaine
culpabilité en lien avec leurs habitudes. Donc, ça doit amener un facteur
anxieux, j'imagine. Alors... Puis probablement
que ça va avec le feu jaune dont vous venez de parler. Donc, est-ce que... Comment
on peut intervenir? C'est de leur donner des outils justement pour
qu'ils comprennent où est-ce que ça devient un problème? Puis ça, j'imagine
qu'on devrait étendre ça à la grandeur de nos écoles afin que les jeunes soient
capables un peu de s'évaluer puis s'autoévaluer à quel moment, ça devient
vraiment un enjeu.
Mme Dufour (Magali) : Enfin, vous
avez une très bonne question. Donc, est-ce que former les jeunes pour qu'ils
soient plus en mesure d'avoir une sorte de conscience, hein, d'où sont-ils,
est-ce qu'ils ont plus des problèmes ou pas, je pense que ça, ce serait
vraiment un des éléments qui pourraient être apportés, donc qu'ils aient un
regard critique puis qu'ils puissent se situer par rapport un peu au continuum
de services ou, en tout cas, d'aide qu'ils pourraient avoir besoin. Je pense
que ça pourrait être une très bonne idée.
Avec Julie Lane, ma collègue de l'Université de
Sherbrooke, on a travaillé... Julie a développé, son équipe, une intervention en anxiété, et donc on a vu qu'il
y avait des profils différents aussi. Donc, on a travaillé pour nos
jeunes filles qui avaient un problème de dépendance aux réseaux sociaux, elles
avaient plus de l'anxiété généralisée, alors que nos utilisateurs
problématiques de jeux vidéo, eux, c'était plus une phobie sociale. Et donc de
travailler d'autres habiletés, notamment l'anxiété, peut parfois aider,
justement, parce que nos filles... nos personnes anxieuses vont aller vérifier
dans les réseaux sociaux : Suis-je correcte?
Donc, quand on va travailler... quand on
travaille le temps d'écran, il faut travailler, je vous dirais, d'autres habiletés : la gestion de l'anxiété,
l'autocontrôle, l'apaisement et, je vous dirais, l'estime de soi, hein? Vous
avez vu mes joueurs
de jeux vidéo, l'estime de soi est faible ou très faible, en traitement à
80 %. Mais, même dans des programmes de e-sports, on est à
49 %. C'est quand même très préoccupant. Je pense qu'il y a tout un
travail sur l'estime de soi qui doit être fait pour protéger les jeunes, pour
qu'ils aillent moins se faire valider, que ce soit à travers les réseaux
sociaux ou à travers les jeux vidéo.
• (12 h 50) •
Mme Tremblay : Oui. Alors, je vais
revenir, parce que, dans le groupe de cet après-midi, justement, là, qui est la
Fondation des gardiens virtuels, ils reviennent sur le e-sport, vous en avez
quand même parlé, puis ils placent ça dans
la colonne, vraiment, des avantages, eux, donc cette façon-là de faire. Parce
que, bon, ils vont venir dire qu'il y a un sentiment d'accomplissement
de soi, de développement de l'esprit d'équipe, de compétence de communication,
puis que, bon, au niveau des parents, ça démontre des résultats positifs au
niveau de la socialisation, développement de leurs compétences transversales.
Est-ce que vous, vous iriez jusqu'à placer ça dans la colonne des avantages ou
dire : C'est plus un désavantage, puis moi, je n'aurais pas tendance à ce
que ça soit en augmentation dans nos écoles? Vous vous situez où?
Mme Dufour
(Magali) : Bien, nous, les données que l'on a auprès de 250
jeunes... Ça fait que, là, je ne sais pas...
Mme Tremblay : 250.
Mme Dufour (Magali) : ...250
participants à travers le Québec, je ne le sais pas comment ils ont fait leur
étude. C'est clair que les jeunes vont nous rapporter que c'est... que ça
améliore leur bien-être et que ça facilite de la socialisation. Tout à fait.
Par contre, ils nous rapportent également des méfaits. Ils vont nous rapporter
des méfaits scolaires, ils vont nous
rapporter des méfaits sur le sommeil, puis ils vont nous rapporter également
des méfaits, parfois, avec la famille, parce qu'il peut y avoir... Donc,
pour moi, ce n'est pas si clair qu'on est juste dans du bienfait. On est
vraiment dans un... je vous dirais, dans des profils distincts.
Et là, comme je vous dis, on vient d'avoir les
données, on les a présentées à l'ACFAS, c'est la première fois qu'on les
présentait. On va être capables de, je vous dirais, dans les prochaines années,
de dire : O.K., mais est-ce qu'il y en a qui sont plus vulnérables? Parce
que, pour moi, dans ce groupe, ce n'est pas un groupe homogène, c'est un groupe probablement hétérogène, pour lequel il
y a une partie clairement qui aurait besoin d'aide. Mais qui sont-ils
puis comment je vais faire pour les identifier? Ma compréhension n'est pas
encore assez approfondie pour ça.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup.
Mme Tremblay : Ça fait que je
comprends qu'il est trop tôt pour les placer d'un bord ou de l'autre.
Mme Dufour (Magali) : Oui, il est
trop tôt pour moi.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
Il nous reste un petit quatre minutes. Je sais que M. le député de Marquette...
aux travaux. Alors, je vais...
M. Ciccone : ...
La Présidente (Mme Dionne) : Est-ce
qu'il y a consentement pour...
Des voix : Consentement.
M. Ciccone : Vous êtes trop... Bien, j'avais seulement une dernière
question, parce que... Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci, chers
collègues.
Madame... Dre Dufour, si je ne m'abuse, là, je
retourne dans ma mémoire d'archives à votre sujet, corrigez-moi si j'ai tort,
je pense que c'est l'année passée ou il y a deux ans, je vous ai déjà entendue
dire, puis ce n'est pas d'hier, là, si ça fait deux ans, là, vous avez dit :
Il est temps que le ou les gouvernements légifèrent. Vous parlez de...
Qu'est-ce que le gouvernement pourrait faire en matière de législation quand
vous dites ça? Est-ce que je me trompe quand... L'avez-vous déjà dit?
Mme Dufour (Magali) : Non, vous ne
vous trompez pas. Je l'ai déjà dit.
M. Ciccone : Parfait.
Mme Dufour (Magali) : Je pense qu'il
faut qu'il y ait un encadrement sur qu'est-ce que les compagnies de jeux vidéo
ont le droit de faire, qu'est-ce qu'elles n'ont pas droit de faire. J'ai écouté
un reportage avec Elon Musk à TV5, qui disait, quand il a acheté Twitter, X
maintenant... Elle disait : Comment vous allez réguler X? Mais il
dit : Mais je ne régulerai pas. Oui, mais... Elle dit : Oui, mais
vous ne trouvez pas qu'il y a des méfaits? Il dit : Oui, mais c'est aux...
c'est vraiment aux gouvernements de me dire quoi faire, je ne le ferai jamais
par moi-même. J'ai toujours suivi la réglementation pour Tesla et donc je vais
suivre les règles quand elles seront édifiées, mais jamais je ne vais en mettre
pour moi-même.
Et là, bon, moi, je
n'apprécie pas nécessairement le personnage en tant que tel, mais ça me
dit : O.K., les promoteurs, l'industrie ne s'autorégulent pas. Et moi, je
pense que le gouvernement a un rôle important à jouer, à dire à
l'industrie : Si vous souhaitez offrir des services à notre population, eh
bien, quelles vont être les règles. On l'a fait avec les jeux de hasard et
d'argent. On l'a fait, par exemple, si vous lisez le rapport, qu'on avait remis
il y a plusieurs années, pour dire comment pourrait être fait l'offre des jeux
de hasard et d'argent sur Internet, hein, ça se ressemble quand même un peu.
Et, en Angleterre, il y avait vraiment une sorte de commission qui donne des
licences en disant : Vous avez le droit de faire de la publicité, vous,
vous n'avez pas le droit. Et là il y a toute une série de choses que, pour
offrir, donc, par exemple, des jeux de hasard et d'argent, l'industrie doit
répondre. On pourrait avoir donc un régulateur qui donnerait des licences,
donc, pour que, par exemple, Fortnite opère. Et, pour avoir cette licence-là,
il pourrait y avoir, par exemple, d'avoir des outils pour mesurer le temps,
d'avoir... de ne plus jamais être banni si on arrête une partie en cours, il
pourrait y avoir des règlements.
Donc, je pense que, dans les jeux de hasard et
d'argent, il y a eu des choses qui ont été faites, parce que c'est un contrôle
sur Internet, hein, donc on est dans des choses qui sont assez semblables et
dans lesquelles on pourrait s'inspirer. Il y a eu beaucoup de choses qui ont
été faites en France, en Angleterre, et on avait remis un rapport avec les
différentes législations. Mais moi, je pense que laisser l'industrie faire ce
qu'elle veut n'est pas un... n'est pas souhaitable pour nos jeunes et ne permet
pas la protection qu'ils méritent.
M. Ciccone : Est-ce que... Là, vous parlez des... de la législation au
niveau des corporations, de s'attaquer aux corporations, est ce que le Québec
est assez fort pour s'en occuper seul ou il va avoir besoin du fédéral pour le
faire également?
Mme Dufour (Magali) : Moi, je pense
que le Québec a toujours été novateur, et on peut commencer des choses, mais on
devrait faire une coalition avec les autres provinces pour être plus forts et
l'initier. Je pense que ça serait une très bonne chose. Et je soupçonne que
l'Ontario a tous ces questionnements-là avec la poursuite contre Fortnite, avec
différentes poursuites qu'ils ont. Je pense qu'on pourrait être des alliés. Et
plus on est nombreux, plus on va être forts. Mais je vous dirais aussi
d'inclure les opérateurs. On pense... quand on pense à Vidéotron ou à Bell, qui
offrent des services Internet, eux pourraient donner des outils faciles aux
parents pour contrôler le temps d'écran. Ça pourrait être de base. Moi, mon
enfant a un forfait. À un moment donné, le forfait, je demande : Oui, mais
comment faire pour gérer le temps d'écran? Ils trouvaient que je ne payais pas
assez cher pour avoir ces outils-là.
Donc, je pense que les opérateurs, qui sont
Québécois, qui sont sur notre site, pourraient aussi travailler avec le
gouvernement et avoir une responsabilité pour donner des choses faciles aux
parents. Pas besoin d'avoir une sorte de PhD en informatique.
M. Ciccone : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup. Et on a déjà des bonnes relations avec nos opérateurs, avec la
couverture cellulaire et Internet, alors le canal est déjà ouvert. Alors, merci
beaucoup, Mme Dufour, c'est très intéressant.
Donc, moi, je suspends les travaux jusqu'à
14 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 57)
(Reprise à 14 h 01)
La Présidente (Mme Dionne) : La
commission reprend maintenant ses travaux. Donc, ayant constaté le quorum, nous
reprenons ces travaux.
Donc, nous poursuivons cet après-midi avec les
témoins suivants, donc, la Fondation des gardiens virtuels, Mme Anne Élisabeth
Lapointe, directrice générale de La Maison Jean-Lapointe et du Centre québécois
de lutte aux dépendances, ainsi que Mme Mélissa Généreux, médecin
spécialiste en santé publique et professeure titulaire à la Faculté de médecine
et des sciences de la santé de l'Université de Sherbrooke.
Donc, je souhaite maintenant la bienvenue aux
représentants de la Fondation des gardiens virtuels. Merci d'être avec nous cet
après-midi. Donc, je vous rappelle que vous disposez d'un temps de
10 minutes pour nous faire part de votre exposé. Suite à cela, nous
procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Alors, la
parole est à vous.
Fondation des gardiens
virtuels
M. Savard
(François) : Parfait! Bien, premièrement, merci à tous pour l'invitation.
Au nom de la Fondation des gardiens virtuels, on est heureux de pouvoir
collaborer à votre commission parlementaire, qui est extrêmement importante,
c'est un sujet qui nous touche, à... qui touche à tous et à toutes.
Pour ceux et celles qui ne connaissent pas la
Fondation des gardiens virtuels, on est un organisme de bienfaisance qui a été
fondé en 2018. Notre mission était une balise Internet pour le monde en
détresse et de faire la promotion de la consommation responsable du numérique.
Présentement,
notre projet phare sont les travailleurs de rue numériques. Donc, c'est
l'équivalent des travailleurs de rue, mais au lieu de prendre un ballon puis de
faire du travail de proximité dans un parc, on utilise le jeu vidéo pour
connecter avec les jeunes où est-ce qu'ils s'isolent maintenant, donc chez eux.
Puis on utilise des chaînes Twitch. Donc, on fait une collaboration avec une
soixantaine d'influenceurs québécois où est-ce que, dans le fond, leurs
chaînes, c'est nos nouveaux parcs, puis dans la... Ce programme-là existe
depuis un an et demi, et déjà c'est plus de 2 500 interventions qu'on
a fait auprès d'une clientèle qui n'est pas desservie par les services... que
les services ne sont pas capables de rejoindre en ce moment.
Je m'appelle François
Savard, praticien et chercheur en étude du jeu, président de la Fondation des
gardiens virtuels. J'effectue en ce moment un doctorat interdisciplinaire en
santé et société à l'UQAM. Je m'intéresse à l'encadrement
de la pratique vidéoludique compétitive, donc, tout ce qui est e-sport, sport
électronique. Je suis accompagné aujourd'hui de mon collègue,
Jean-Christophe Filosa. Il est responsable de nos travailleurs de rue
numériques puis il s'assure de coordonner tout notre réseau avec les
influenceurs. Au cours de cette commission, vous avez entendu et allez entendre
une multitude de témoignages superintéressants sur les effets potentiels,
négatifs ou positifs, des écrans par rapport aux jeunes.
Ce que j'aimerais
qu'on fasse aujourd'hui, c'est qu'on prenne tout d'abord un pas de recul puis
qu'on analyse un peu dans quel monde on vit en ce moment, parce qu'il y a un
changement de paradigmes qui s'est fait à travers les années. J'ai 34 ans,
donc j'ai vécu ces deux mondes. Avant, il y avait juste un téléphone à la maison.
Avant, si on voulait marcher puis écouter de la musique, on avait besoin d'un
gros walkman ou d'un gros lecteur de CD. Avant, on pouvait s'obstiner pendant
des heures avec quelqu'un sur une information puis il n'y avait aucune façon de
savoir qui avait raison ou tort. Avant, si on voulait se tenir informé de
l'actualité, soit que, le soir, on écoutait les nouvelles ou, dans le métro, on
lisait le journal. La liste est très longue, et je pourrais continuer comme ça.
Maintenant — puis
tout ce que je vous ai dit jusqu'à maintenant, en ce moment, se retrouve sur
les téléphones intelligents — aujourd'hui,
les jeunes grandissent avec des formations gratuites sur une panoplie de
sujets, sur qu'est-ce qui les intéresse. Ils ne sont plus obligés de se
fier uniquement sur une source de média, comme, par exemple, moi, lorsque
j'étais jeune, c'était juste le journal dans le métro, ils ont accès à des
outils qui leur permettent de s'exprimer, de se mobiliser, de socialiser et
surtout de trouver des ressources dont ils ont vraiment besoin.
Puis j'aimerais
mettre une emphase sur ce dernier point, puis je vais vous donner l'exemple de
la Fondation des gardiens virtuels. Je ne sais pas si, parmi... entre vous,
avez vu le documentaire Bye, d'Alexandre Taillefer, où est-ce que... avec son fils, qui s'est
malheureusement enlevé la vie? C'est malheureusement quelque chose qu'on a
vécu, nous autres mêmes. Par exemple, je
suis impliqué dans les communautés de jeux vidéo depuis 2002,
malheureusement, j'ai plusieurs... pas collègues, mais amis qui se sont
enlevé... Puis c'était... Là, on parle de 2017, il n'y avait pas de ressources
en ligne pour aller chercher ce monde-là.
En mettant sur pied
la Fondation des gardiens virtuels, en 2018, nos premières années ont été
extrêmement pénibles. Lorsqu'on parlait à
différentes instances du gouvernement, lorsqu'on parlait à des organismes
communautaires, lorsqu'on parlait aux acteurs du milieu de la santé, les gens
ne prenaient pas au sérieux qu'est-ce qui se passait en ligne. Il y a même des
gens qui ont dit... qui riaient de nous autres parce que, tu sais, le virtuel,
ce n'est pas vrai, ce n'est pas la vraie
chose, ce n'est pas la vraie vie. Ça aura pris une pandémie mondiale pour faire
changer les opinions. Il y a vraiment un avant et un après. Puis, en ce
moment, lorsque j'écoute beaucoup de discours, qu'est-ce que j'ai peur, c'est
qu'on retourne en 2017 puis qu'on prive, justement, plusieurs jeunes des
ressources qu'ils ont besoin puis que, tu sais... qu'on remette des vies en
danger.
Un point aussi que
j'aimerais mettre de l'avant, c'est le fait que, malgré toutes les lois et les
énergies qu'on peut mettre sur des
restrictions, les jeunes vont trouver des façons de les contourner. On a tous
été jeunes un jour, on a tous détourné des règlements qui nous ont été
imposés. Puis, au niveau du numérique, je vais juste vous donner deux exemples
personnels. Le premier, justement, lorsque j'étais ado, on avait un ordinateur
familial dans la maison, puis, du jour au lendemain, mon père m'avait enlevé
les droits d'administration, donc on avait des sessions de famille. Tout d'un
coup, je n'étais plus l'administrateur, j'étais juste un compte enfant. Il a
été surpris, quand il est revenu de travailler, que c'était rendu lui, le
compte enfant, et moi, le compte administration. Je n'avais jamais piraté de ma
vie, mais, en trois heures, j'avais appris à comment pirater mon propre
ordinateur, et de lui enlever des droits, et de me les remettre. Le deuxième
exemple, et là, cette fois-ci, c'est ma fille vis-à-vis moi, il y a plusieurs
années, je regardais sur mon cell et j'ai
remarqué qu'il y avait plein de photos floues. Je ne comprenais pas. C'était
flou, il y avait des yeux, il y avait
des... je ne comprenais pas, jusqu'à tant que je voie une grosse face et moi
qui dors sur le côté. Ma fille, elle
avait trois ans. C'est la première fois qu'elle a pris mon téléphone. Elle
m'avait déjà vu rentrer le numéro... bien, le code, elle avait été
chercher l'appareil photo puis elle avait pris des photos. Donc, à trois ans,
première fois qu'elle touche à mon
téléphone, elle est capable de le débloquer parce qu'elle m'a vu et elle est
capable de naviguer, relativement, dedans. Donc, autant que moi, j'avais
une longueur d'avance sur mon père, autant elle a une longueur d'avance sur
moi.
Puis, avant de passer
la balle à mon collègue, si jamais, au cours de la commission, vous avez des
questions, justement, sur les compétitions de jeux vidéo, et tout, ce n'est pas
notre sujet aujourd'hui, mais, si vous en avez, on peut les répondre. Puis
aussi j'aimerais vous inviter, sur ça spécifiquement, dans un mois, à
Saint-Apollinaire, il y a le deuxième plus gros LAN, qui va avoir lieu, donc,
si vous avez des questions sur comment ça se passe puis, tu sais... vraiment
vivre l'expérience puis comprendre pourquoi est-ce que les jeunes tripent
autant là-dessus, bien, ça va nous faire plaisir de vous faire une visite
guidée de l'événement puis de vous expliquer en détail qu'est-ce qui se passe.
Donc, je passerais à mon collègue.
M. Filosa (Jean-Christophe) : O.K.
Il me reste trois minutes. Je vais y aller rapidement. Donc, après des milliers
d'heures passées avec les jeunes en ligne, on s'est réalisé qu'il n'y avait pas
juste du négatif, mais du positif aussi. Ce qui est
important aussi, c'est de réfléchir à une collaboration. Nous, on a fait une
collaboration avec des «streamers», des diffuseurs, ce qui nous a permis,
actuellement, d'avoir un impact sur 2 500 jeunes au Québec qui
étaient connectés, qu'on n'aurait pas pu rejoindre autrement. Beaucoup le
milieu de la santé, parmi les jeunes groupes, CJE et autres, ont de la
difficulté à rejoindre, actuellement, les jeunes. Donc, en passant en ligne,
c'est une bonne façon de les rejoindre. C'est aussi de briser l'isolement. On
s'entend qu'interdire les réseaux sociaux, les choses comme ça, peut avoir des
impacts négatifs, comme des jeunes de la communauté LGBT qui sont seuls dans
leur environnement, qui n'ont pas d'exemples positifs ou qui se posent des
questions qu'ils ne poseraient pas à leurs parents. Donc, avoir accès à des
réseaux comme ça permet justement d'avoir une réflexion là-dessus. Aussi, en
travaillant aussi avec des groupes de créateurs du Québec, pour ce qui est des
contenus, il y a moyen de travailler une charte avec eux. Je pense que c'est
important aussi de travailler en communauté. Puis, dernièrement, il a été créé
une table d'action collaborative sur la jeunesse connectée, où des organismes
privés et OBNL ont réussi à travailler ensemble sur savoir où étaient les
jeunes et mieux les contacter pour les ramener dans le présentiel. Donc, je
pense que la collaboration est la clé de beaucoup d'actions que vous travaillez
actuellement.
• (14 h 10) •
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
infiniment pour cet exposé. Nous allons débuter la période d'échange avec Mme
la députée de Hull.
Mme Tremblay : Oui. Bonjour. Merci
de votre présence ici aujourd'hui. J'ai tellement de questions que je ne sais pas par où commencer. Alors, travailleur
de rue numérique, vous l'avez effleuré, mais j'aimerais ça, vous
entendre, puis je vais faire le lien avec ce que vous avez dit, là, parce que,
dans vos recommandations, vous allez dire, ici : Les «streamers», là, les
«streameuses», donc, doivent être impliqués. Ça a-tu un lien entre... je pense
que vous avez travaillé ça ensemble, de ce que je comprends, là, par votre...
Ça fait que comment on les implique, ces personnes-là? Puis c'est qui, ces
gens-là avec qui vous avez travaillé? Je suis curieuse.
M. Filosa (Jean-Christophe) : O.K.
Parmi nos diffuseurs avec qui on travaille, actuellement, ou les «streamers», tout dépend du terme que vous voulez
prendre, là-dedans, il peut y avoir un historien, il y a
15 000 personnes qui le suivent,
il y a une fille qui a deux hamsters, il y a 3 000 jeunes qui la
suivent, il y a une nutritionniste, il y a toutes sortes de gens. Donc,
ça nous permet de rejoindre environ 180 000 jeunes qui suivent ces
gens-là, actuellement. Ces gens-là, ils font de la diffusion. Nous, on leur a permis
justement de se libérer du fait que les jeunes leur demandaient conseil, parce qu'on s'entend qu'ils deviennent
des exemples pour les jeunes, puis ils n'ont pas toujours la bonne
réponse.
Moi, à la place, ce que je leur donne, c'est des
gens qui sont formés, qui viennent du milieu de la santé, ou des étudiants en psychologie, qui sont capables de
faire de l'écoute active et du référencement au bon endroit.
Actuellement, on a un impact sur des jeunes du Québec, de l'Acadie, et,
dernièrement, aussi avec des jeunes Français, parce qu'on s'entend qu'en ligne
ça vient de partout. C'est important de ne pas les oublier, ces jeunes-là. Puis
60 %, c'est des jeunes hommes, ce qui est souvent difficile à rejoindre,
et, 20 %, c'est la clientèle LGBT. Le clavardage, l'avantage que ça a,
c'est que c'est moins dans l'émotion, ça nous permet d'avoir une intervention
plus réfléchie. C'est ce que je pourrais vous faire en résumé, rapidement.
Mme Tremblay : O.K. ça fait que vous
rentrez en contact, là, de que je comprends, là, avec, justement, là, des
«streamers» qui ont, justement, beaucoup de gens qui les suivent, puis, à
partir de là, vous leur dites : Si vous croyez... de faire la promotion de
votre entreprise... OBNL, là?
M. Filosa (Jean-Christophe) : OBNL.
Mme Tremblay : OBNL. Alors là, eux,
s'ils ont des jeunes qui posent des questions ou ils sentent qu'un jeune a le
besoin, ils vous mettent en lien avec ce jeune-là. C'est un peu comme ça que ça
fonctionne ou à partir... Ils font la promotion de votre OBNL, puis là les jeunes
sont sensibilisés puis viennent vers vous?
M. Filosa
(Jean-Christophe) : Non. Nous, on est vraiment en amont. Nous, on fait
partie de la discussion. Il y a un chat : on va dire que vous vous
appelez «chemise grise» puis vous avez la chance de parler avec «chemise
bleue», qui est un de mes intervenants, qui a un sigle qui permet de
reconnaître que c'est un intervenant. Donc, pendant le chat, le jeune, lui, à
un moment donné, il va voir apparaître une affiche qui va lui dire :
Écoute, si tu as un défi ou n'importe quoi, tu as besoin de parler... Il peut
rentrer dans un salon privé, puis, à partir de ce moment-là, bien, le jeune,
justement, il peut être conseillé.
Puis un des défis qu'on a remarqués, c'est que,
souvent, les jeunes avaient un premier contact et revenaient une deuxième fois.
Pourquoi? Parce que, dans le système de la santé, souvent, les jeunes, ils se
faisaient dire : Oui, bonjour, la
première fois, prochaine visite, 2026. Donc là, ils reviennent chez nous. Puis
là on est en train de travailler à un continuum de services avec des CJE
du Québec, puis des choses comme ça, pour réfléchir aux endroits qui peuvent
recevoir les jeunes. Parce qu'un jeune qui se fait dire non ou qui se fait
dire : À la prochaine fois, pour avoir un psychologue, un psychiatre ou
des choses comme ça, c'est une boîte de Pandore.
Mme Tremblay : Vous évaluez que vous
avez aidé combien de jeunes jusqu'ici?
M. Filosa (Jean-Christophe) : Là, on
est rendus à 2 500 jeunes en un an et demi.
Mme
Tremblay : En un an et demi, 2 500 jeunes. O.K., donc... Puis
vous appelez ça «travailleur de rue numérique». Est-ce que c'est quelque chose
qui se faisait ailleurs puis qui, là, s'est installé ici, ou c'est ici?
M. Filosa (Jean-Christophe) : Non,
c'est parti de nous. Actuellement, on est en train d'écrire le protocole
pour le ministère de la Santé. C'est un nouveau métier qui est en train de se
créer.
Mme
Tremblay : Ça fait que vous avez des liens avec le ministère de la
Santé à l'heure actuelle?
M. Filosa
(Jean-Christophe) : Oui, oui.
Mme
Tremblay : Puis vous êtes combien de travailleurs de rue?
M. Filosa
(Jean-Christophe) : J'ai une dizaine d'intervenants, plus deux
personnes qui font le dispatch puis qui aussi font du support psychologique. On
a obtenu, l'année dernière, le prix de la meilleure organisation de l'AQPS,
l'Association québécoise de la prévention du suicide, parce qu'ils ont vu
justement dans notre approche une approche différente pour avoir un impact
auprès des jeunes.
Mme
Tremblay : Très intéressant. Je vous remercie.
M. Filosa
(Jean-Christophe) : Ça fait plaisir.
M. Savard
(François) : Puis, là-dessus, en ce moment, aussi, là, on est en
communication avec des organismes en France,
en Belgique, et tout, qui aimeraient ça, exporter, justement, qu'est-ce qu'on
est en train de développer au Québec. Donc, il y a vraiment un très gros
potentiel aussi à l'international.
Mme
Tremblay : Puis il y a l'intérêt des «streamers» à vous intégrer à
leurs discussions.
M. Savard
(François) : Oui, parce qu'en fait ce service-là vient principalement
de la communauté, parce que c'était un
besoin qu'eux-mêmes ont identifié puis qu'on a réussi à créer pour eux. Parce
que les influenceurs, même si beaucoup de personnes n'aiment pas ce
mot-là, ça reste du monde qui ont une influence sur leurs communautés, ils sont
proches de leurs communautés, puis les jeunes et moins jeunes développent des
liens avec eux, puis, lorsqu'ils ne se sentent pas bien, bien, ils vont aller
se confier à eux. Puis eux, ils ne sont pas équipés, justement, à intervenir,
donc c'est là que nous, avec nos travailleurs de rue numériques, on vient
pallier ce manque-là.
M. Filosa
(Jean-Christophe) : Puis, pour un dernier point par rapport à ça, on
travaille actuellement pour développer une formation en écoute active pour ces
gens-là, parce que, comme nous, on n'est pas toujours disponibles tout le
temps, bien, qu'au moins eux ne soient pas mal pris puis ne disent pas les
mauvais mots ou, au moins, aient la capacité de faire un début d'écoute active.
Donc, c'est pour ça que je vous dis que ça peut devenir des collaborateurs, il
faut juste réfléchir comment puis leur parler.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup. Nous allons passer à la prochaine question. Mme la députée de
Bourassa-Sauvé.
Mme Cadet : Merci,
Mme la Présidente. Bonjour, M. Filosa, bonjour, M. Savard. Merci pour
votre intervention très intéressante, très touchante aussi. Et, au passage, M.
Savard, donc, on est de la même génération, donc,
je me souviens aussi du temps d'avant et, moi aussi, j'ai un fils de deux ans
qui sait exactement comment appuyer, donc... trouver, donc, le bouton
pour prendre... en fait, l'appareil photo sur le téléphone et prendre plein de
photos de faces et de photos floues.
La
première question que j'ai pour vous, parce que c'est absolument intéressant,
votre modèle de travailleur de rue numérique et... je me demandais,
donc, comment vous arrivez à tisser le lien de confiance avec les jeunes.
Comment est-ce qu'ils arrivent à vous faire
confiance quand ils vous voient comme ça en ligne, donc, sur les forums de
discussion?
M. Savard
(François) : Bien, on est présents où est-ce qu'ils sont puis on ne
juge pas leur passion. La très grosse majorité de nos travailleurs de rue,
c'est des gameurs, eux autres mêmes, certains ne l'étaient pas... parce que
c'est plus facile de former quelqu'un qui est... dans le fond, qui n'est pas...
dans le fond, qui est formé en travailleur de
rue, de le former à aimer le jeu vidéo, et non l'inverse, on... Mais, comme mon
collègue Jean-Christophe mentionnait, on participe activement aux
discussions, donc ce n'est pas juste d'être passif, on échange avec eux, on rit
avec eux, comme un travailleur de rue ferait en jouant dans un parc avec... au
ballon, mais il y a un travail de proximité qui est fait, puis c'est un lien de
confiance qui se bâtit. Donc, ce n'est pas sur une seule soirée, c'est sur le
long terme.
Mme Cadet : Sur
le long terme, ça veut dire quoi, à peu près, en termes de durée? J'imagine que
c'est sûr que ça dépend de chaque jeune, là.
M. Savard (François) : Ça va
dépendre des jeunes, mais, déjà, le fait qu'on est présents où est-ce que...
dans le fond, on est où est-ce qu'eux sont, les liens se tissent assez
rapidement.
Mme Cadet : Vous
faites partie de leur écosystème de façon organique, là, si je comprends bien.
M. Savard (François) : Oui.
M. Filosa (Jean-Christophe) : On est
là sept soirs semaine, c'est la grosse différence. On a commencé, on avait deux
intervenants quatre soirs semaine. Un mois plus tard, c'était comme :
Wouh! C'est Noël, on n'a pas le choix, on est tombés à quatre intervenants par
soir, sept soirs semaine, entre 19 heures et 22 heures. Ça correspond
aussi à notre capacité d'accueil qu'on a. Puis, rapidement, les jeunes se sont
aperçus qu'on n'était pas des robots, parce que je permets à mes travailleurs
de rue, justement, de parler de musique, de parler de ce qui se passe à travers
le chat, des choses comme ça. Ce qui permet... l'avantage aussi, à des jeunes,
parfois, de faire signe, ou des modérateurs qui sont sur ces réseaux-là, puis
intervenir auprès de mon équipe, puis dire : Oui, bien, écoute, il y a tel
jeune qui a eu tel discours, ou des choses comme ça. Donc, parfois, on peut
faire des interventions comme ça. Sans que le jeune vienne directement, on peut
tendre une perche vers lui aussi.
Mme Cadet : L'intervenante
précédente, plus tôt aujourd'hui, nous parlait des mécanismes, là, qui captent
notre attention et qui font partie des jeux vidéo. On en a beaucoup parlé, dans
le cadre des réseaux sociaux aussi, de façon plus large, dans le cadre de cette
commission. Est-ce que vous pensez que le fait, pour le législateur, d'agir pour empêcher les microtransactions ou empêcher,
donc, les publicités, en tout cas, toutes sortes... ces mécanismes-là,
si ça réduirait, donc, le nombre de jeunes à risque qui viendraient vous voir?
M. Savard (François) : Je dirais que
oui, mais qu'est-ce qu'il est important de voir, avec les jeux vidéo, c'est la
même chose avec les plateformes puis les différents médias sociaux, c'est...
ils ne sont pas tous égaux. En ce moment, ces mécanismes-là, où est-ce qu'on
voit justement les microtransactions, les publicités, et tout, c'est surtout
des applications mobiles, donc, des jeux mobiles. Puis même, avec une chaire de
recherche à l'UQAM, on regardait les applications mobiles pour les enfants,
puis, à un certain point, il y avait des «dark patterns», dans le fond, des
mécaniques qui ressemblaient à des mécaniques de hasard, faites dans des jeux
d'enfants. Mais ces mécaniques-là, par exemple, sur des jeux sur consoles et
d'ordinateur, sont beaucoup moins présents parce que, justement, c'est un
public qui est beaucoup plus averti puis que, lorsque des compagnies et des
studios essaient de le faire, bien, il y a un «backlash» de la communauté, qui
est contre ça. Mais, par contre, c'est vrai que, côté jeux mobiles, puis il en
sort des millions à chaque année, il n'y a pas vraiment de suivi qui est fait à
ce niveau-là.
Mme Cadet : Vous avez dit :
2 500 jeunes depuis un an et demi. Vous avez écrit
1 274 interventions juste en 2024. Qu'est-ce que nous, on pourrait
faire pour empêcher, en fait, que vous ayez besoin d'intervenir auprès de plus
de jeunes dans les années à venir?
• (14 h 20) •
M. Filosa (Jean-Christophe) : Bien,
à la base, on aura toujours à intervenir. Je veux dire, peu importe les lois
qui vont passer ou n'importe quoi, les jeunes... Je vais vous donner un
exemple. Dernièrement, c'était le 1er juillet, il y avait plein de jeunes
qui nous contactaient parce qu'ils étaient en couple, donc un peu plus vieux
que ceux qu'on vise actuellement, puis ils étaient coincés avec leur blonde ou
leur chum chez eux, puis ils ne pouvaient pas déménager, bon, bien, ça amenait
de la violence conjugale...
Mme Cadet : Ah! O.K., vous
intervenez sur les autres aspects aussi.
M. Filosa (Jean-Christophe) : ...ça
amenait toutes sortes de problématiques. Quand il y a eu la crise, justement,
auprès des universitaires, par rapport, justement, à ce qui se passe entre
Israël et la Palestine, il y a beaucoup de jeunes de la communauté juive qui
nous ont communiqué... Donc, on s'entend aussi qu'on suit aussi les
problématiques sociales qui existent, donc ça dépasse juste le «gaming», puis
ces choses comme ça aussi. On s'entend qu'il y a beaucoup de solitude chez nos
jeunes. Quand on parlait, justement, de la communauté LGBT, ce qui revient
souvent, c'est beaucoup des jeunes de régions qui communiquent avec nous, qui
se sentent seuls, qui n'ont pas d'exemple positif, qui n'osent pas en parler en
milieu scolaire. Donc, c'est pour ça que je vous dis que c'est important de
prendre ce qu'il y a de meilleur dans le réseau. Oui, il y a des faiblesses,
oui, il y a des choses qu'il faut enlever, ça, je suis d'accord avec ça, je ne
remets pas ça en question, mais j'ai un doute sur la majorité numérique, pour
être franc avec vous. Moi, je suis plus pour l'éducation des jeunes, parce
qu'on s'entend que c'est des futurs travailleurs qui vont vivre avec ça. Puis,
en plus, comme mon ami disait tantôt, comme l'alcool ou n'importe quoi, le
questionnement qu'il faut se poser, c'est que... si on crée une majorité
numérique, est-ce qu'on va créer un filet social? Parce que, si c'est à 13, 14,
16 ans, le jeune, il va capoter, il va tomber là-dessus, c'est comme...
wouh!, il va être heureux, mais, en même temps, il va peut-être tomber dans les
excès, s'il n'a pas la bonne éducation, il va peut-être faire des bêtises, la
sextorsion, et tout ce que vous voulez. Donc là, ce qu'il faut réfléchir,
c'est... si on met cette loi-là, ce que je vous recommande... c'est quoi, le
filet social qu'on met après pour ne pas échapper ces jeunes-là?
Mme
Cadet : Merci. Merci beaucoup. Je vais devoir quitter,
mais c'est très intéressant. Merci pour votre travail.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci,
Mme la députée. M. le député de Gaspé.
M.
Sainte-Croix : Merci, Mme la Présidente. Messieurs, bonjour. Très
heureux de vous avoir ici aujourd'hui, avec votre éclairage qui est
différent de ce qu'on entend depuis bientôt, là, plus d'une semaine. J'imagine
que vous suivez les travaux, bon, vous avez entendu qu'on est beaucoup sur
l'impact, hein, sur nos jeunes, plus souvent négatif que positif,
malheureusement. Vous apportez un éclairage différent, vous parlez de potentiel
de créativité derrière, nommément, ChatGPT. J'aimerais vous entendre là-dessus.
Qu'est-ce que... Tu sais, dans le fond, quand vous intervenez avec vos jeunes,
ce n'est pas nécessairement toujours négatif, de ce que je comprends, non plus,
ça peut être, dans certains cas, quelque chose qui les stimule ou qui les amène
ailleurs, ou vous êtes plus souvent dans la question résolution de problème
ou...
M. Filosa (Jean-Christophe) : Les
travailleurs de rue numériques sont comme les travailleurs de rue. À la base,
les gens arrivent avec des bonnes et des mauvaises journées. Donc, parfois, il
y en a qui ont pris l'habitude juste de lâcher un call. Tu arrives chez toi,
mais tu es encore tout seul, tu sais. Au Québec, on a un problème de solitude,
chez nos jeunes, là, il ne faut pas passer à côté de ça, c'est important. Ils
n'ont personne à qui parler. Bien, parfois ils vont parler avec mes
travailleurs de rue de ce qui va bien dans leur quotidien, puis des choses
comme ça. Et, en responsabilisant les créateurs, justement, les «streamers»,
les influenceurs, des choses comme ça, en leur disant : Tu as une
responsabilité morale, bien, parfois, ils font attention à ce qu'ils disent, à
ce qu'ils font en ligne aussi, parce que, quand ils font partie de la solution,
bien... tu réfléchis autrement. Donc, c'est dans cette approche-là que nous, on
est.
M. Savard (François) : Puis, au
niveau, justement de la créativité, en ce moment, avec tous les outils,
justement, technologiques, c'est extrêmement facile pour les jeunes, apprendre,
par exemple, à faire du montage vidéo, à faire du montage d'images, de la
musique. Donc, il y a beaucoup de personnes, par exemple, qui rêvent d'être DJ,
ou peu importe quoi... bien, qu'au moins, maintenant, avec les plateformes, ils
sont capables de créer et de laisser cours à leur imagination.
M.
Sainte-Croix : Ça, ça pourrait être un facteur qui pourrait
éventuellement être favorable pour certains jeunes.
M. Savard (François) : Oui,
définitivement.
M. Sainte-Croix : Qui pourrait les
sortir de leur solitude, de leurs problématiques de socialisation. Ça fait
qu'il y a là aussi, potentiellement, quelque chose qui pourrait être positif au
niveau de notre jeunesse.
M. Filosa (Jean-Christophe) : Je
vais vous donner un exemple. Actuellement, on travaille sur un nouveau
programme qui est pour les jeunes filles de l'immigration. Donc, nous, on veut
les former pour qu'elles deviennent diffuseuses et «streameuses», ce qui va un
peu leur permettre, justement, de gagner de l'autonomie, de la confiance en soi, et de mieux connaître notre Québec aussi,
et de parler avec des gens qui viennent de différentes communautés.
Voyez-vous, ça, ça fait partie du créatif qu'on peut obtenir.
À l'autre extrême, on est en train de travailler
actuellement sur un projet par rapport à la cyberintimidation. Au Québec, on
n'a pas de ligne directe pour les jeunes qui vivent de la cyberintimidation.
Donc, nous, à travers une application de clavardage, on est en réflexion,
actuellement, pour pouvoir répondre à ces jeunes-là. Parce que, comme je le
disais tantôt aussi, le clavardage, c'est beaucoup moins dans l'émotion, donc
ça permet au jeune de parler à sa vitesse puis de discuter avec nous. Donc,
nous, on est plus dans le mode solution, actuellement.
Donc, comme vous l'avez dit, beaucoup de gens
ont amené le côté négatif, puis il le faut, parce qu'il y a des choses à
régler. C'est comme dans n'importe quel sport, le hockey, le baseball, ou
n'importe quoi, il y a eu des périodes noires, il y a eu des réflexions, puis
ça s'est amélioré. Bien, dans le numérique, c'est pareil, il y a eu des
périodes noires, on a laissé faire. Actuellement, vous êtes en réflexion, ce
qui est bien, puis on va essayer de trouver ce qu'il y a de positif à
l'intérieur de ça.
M. Sainte-Croix : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc : Merci, Mme la Présidente.
Bonjour à vous deux. C'est très original, votre intervention, votre organisation.
C'est rafraîchissant. Deux questions. Vous avez peut-être entendu les
présentations précédentes, il y a une discussion alentour de l'interdiction
éventuelle des microtransactions, où est-ce qu'on essaie de faire le ménage de
l'industrie, de ce qui est le plus nocif. Comment ce serait reçu, ça, chez les
jeunes si on légiférait? J'ai compris que le Japon avait fait une intervention
législative, la Belgique, les Pays-Bas. Est-ce qu'au Québec, si on
disait : C'est fini, les microtransactions pour les jeux vidéo... est-ce
que ça serait reçu positivement, négativement? Comment vous pensez que ce
serait reçu?
M. Savard (François) : Oui. La
majorité des lois qui ont été mises en place précisément en lien avec les «loot
boxes», donc les coffres à butin, qui sont des mécaniques de hasard, au final,
c'est : tu achètes quelque chose, tu ne sais pas exactement qu'est-ce que
tu vas avoir dedans puis... ça, ça encourage la personne à en ouvrir plus pour
aller chercher l'élément cosmétique, souvent, qu'elle veut aller chercher. Ça,
oui, dans le fond, ça peut être beaucoup plus
problématique parce que, justement, ça vient reposer sur des mécaniques de jeu
de hasard et d'argent. Donc, tout ce qui
était, par exemple, «dark patterns», que je mentionnais, oui, ça, c'est
extrêmement problématique chez les jeunes.
Pour un public averti, beaucoup moins, par
exemple, les adultes, et tout, comme il y en a qui sont capables d'aller au
casino, qui ne sont pas capables de... qui ne vont pas devenir dépendants
nécessairement. Mais, pour ce qui est des
jeunes, qui sont plus susceptibles avec ce type de mécaniques là, oui, il y a
une problématique par rapport à ça.
M.
Leduc : Mais donc est-ce que ce serait bien reçu, d'après
vous? Est-ce que les jeunes diraient : Bonne idée, ou, au contraire, il y aurait une rébellion :
Non, laissez-nous tranquilles, on veut acheter nos petits trucs sur les jeux
vidéo?
M. Savard (François) : Il y aurait
probablement une rébellion très vocale parce qu'il n'y a personne qui aime se faire
dire que non, ce n'est pas correct, puis quelque chose qui existe déjà,
personne n'aime se le faire enlever, mais, spécifiquement sur ces «dark
patterns» là, selon moi, sur le long terme, il y aurait plus de bénéfique que
de négatif.
M. Leduc : Bref, il faudrait être
prêt à subir un certain contrecoup des jeunes si on faisait ça, mais, sur le
moyen, long terme, on...
M. Savard (François) : Oui. Exact.
M. Leduc : Parfait.
M. Savard (François) : Puis, déjà,
avec les réglementations qui ont été mises en place, bien, les studios de jeux
et les développeurs d'applications mobiles se sont déjà adapté, puis, dans
certaines plages, justement, comme... puis on en voit de moins en moins,
justement, de ça, parce que, justement, il y a aussi la communauté qui s'éduque
puis qui devient...
M. Leduc : Critique.
M. Savard (François) : ...critique
envers, justement, ce type de mécanique là. Puis, par exemple, il y a un jeu,
récemment, à Star Wars, qui avait mis des mécaniques comme ça, puis là il y a
eu, justement, une très grosse grogne des joueurs, et le studio a fait
volte-face et a tout enlevé par rapport à ça. Donc, ça va aussi des deux côtés.
M. Leduc : Vous parlez de
Battlefront II?
M. Savard (François) : Oui.
Exactement.
M. Leduc : Ah! j'ai joué à ça. O.K.
Justement, vous parlez des jeunes puis de la réaction — c'était
ma dernière question — on
le sait, que l'industrie ne s'autorégulera pas toute seule, mais est-ce que la
communauté est assez forte et... comment je dirais ça, clairvoyante, pour avoir
un impact? Ça fait que, là, vous mentionnez le jeu en question, ça s'adonne que
je le connais, mais on ne peut pas dire que... c'est ça, que ça s'est répliqué
de manière systématique sur tous les jeux, tu sais. Je veux dire, il n'y a pas
de rébellion de joueurs de Fortnite pour dire : Arrêtez de faire des trucs
du genre. Ça fait que... Est-ce que... est-ce qu'on peut miser sur... comment
je dirais ça, sur la bienveillance, la clairvoyance de la communauté pour finir
par corriger les méfaits de cette industrie-là ou il va falloir qu'on
intervienne d'un point de vue législatif?
M. Savard (François) : Très bonne
question.
M. Leduc : Parce que moi, je fais la
différence entre l'industrie puis la communauté de joueurs.
M. Savard (François) : Oui.
M. Leduc : Ça, c'est très clair pour
moi. Je ne fais pas confiance à l'industrie, mais qu'est-ce qu'on peut retirer
de cette communauté-là?
M. Filosa (Jean-Christophe) : Bien,
actuellement, bien, écoutez, moi, j'ai un fils qui fait du e-sport depuis des
années, là, donc, il aime ça, donc, du coup, papa, il suit aussi, pas le choix.
Comme on peut aller au hockey dans les arénas, moi, je suis dans mon salon avec
mon fils puis je regarde ce qu'il fait actuellement comme activités, là, donc,
puis je suis beaucoup la communauté, hein, je fais partie de cette
communauté-là.
La communauté a beaucoup changé. La communauté,
aussi, est composée pas juste de jeunes, beaucoup de gens beaucoup plus vieux,
qui, eux, sont beaucoup plus critiques sur, justement, un peu les magouilles de
certaines entreprises ou la façon de retirer de l'argent. Parce qu'ils
deviennent parents, puis le jour où tu es parent, puis ton flo, il te revient
avec, justement, un : Aïe! Il y a 15 $, 20 $, 30 $ qui ont
été pris sur mon compte, puis je ne sais pas pourquoi, ça fait allumer. Donc,
je vous dirais qu'il y a une maturité qui est arrivée parmi les gameurs parce
qu'ils ont vieilli, qui a un impact sur les plus jeunes parce qu'on leur fait
prendre conscience, à quelque part, que ce n'est pas pour
leur bien qu'on fait ça, on ne fait pas apparaître telle, telle, telle «box»,
ou n'importe quoi... c'est pour leur retirer de l'argent, puis qu'en bout de
ligne c'est juste un «skin», c'est juste une image, ce n'est pas un impact
réel. Donc, je pense qu'il y a une éducation qui se fait par, actuellement,
l'expérience des joueurs. Ce n'est pas parfait, il faut les aider, ça, je suis
d'accord, mais je pense qu'on peut faire confiance à la communauté.
Actuellement, il y a une belle évolution qui se fait.
M. Leduc : Merci.
• (14 h 30) •
La Présidente (Mme
Dionne) : Merci beaucoup. Mme la députée de D'Arcy-McGee.
Mme Prass : ...vous
avez mentionné au début... excusez-moi, comment vous allez chercher ces
jeunes-là avec vos travailleurs de rue virtuels, mais est-ce que c'est
uniquement des jeunes qui identifient qu'ils ont un enjeu ou qu'ils ont... qui demandent de l'aide que vous
rejoignez? Parce qu'on sait, beaucoup de jeunes n'ont pas le courage,
n'ont pas la conscience, ils ne sont pas conscientisés pour réaliser que, tu
sais, peut-être, ils passent trop de temps... Donc, les jeunes qui viennent
vers vous, c'est des jeunes qui identifient qu'il y a un enjeu, ils voudraient
parler à quelqu'un, c'est ça?
M. Filosa
(Jean-Christophe) : Non, pas automatiquement. On a beaucoup de jeunes.
Je vous dirais que le clavardage a un autre avantage, c'est qu'au téléphone tu
as de l'émotion, on s'entend : je parle, je suis triste, je ne vais pas,
tu sais. En clavardage, c'est neutre en partant, donc le jeune, il peut parler
de tout et de rien. Nous, dans la discussion, on peut l'amener à : Est-ce
que tu veux parler de quelque chose en particulier? Donc, on va travailler dans
ce sens-là parce que nous, on est là pour offrir du soutien, mais, à la base,
il y a beaucoup de jeunes, de plus en plus de jeunes qui viennent, qui jettent
un premier filet puis disent : Oui, oui, bien, peut-être, qui nous
rappellent une deuxième fois ou nous contactent une deuxième fois, puis, à un
moment donné, ils disent : Oui, j'ai un défi personnel. Ça peut-être un...
tu sais, en termes... Nous, on est 14-28, on a eu des jeunes de huit ans qui
nous ont contactés aussi, là, qui ont passé par le compte de leur grand frère,
grande soeur, ou des choses comme ça aussi, là. Donc, on a vraiment une
clientèle de toutes les sortes.
Puis comme je le
disais tantôt un de vos collègues, il y en a que c'est juste pour discuter, pour
discuter, donc, c'est un premier bris de leur solitude. Puis il y en a d'autres
qui arrivent vraiment avec des problématiques très lourdes, complexes, où là,
bien, ça prend un peu plus de patience, parfois deux, trois rencontres ou des
choses comme ça pour arriver au bout, pour lui donner le référencement. Parce
que ce qui est important, c'est de leur donner l'outil. Nous, on n'agit pas à
leur place. Nous, on n'est pas un centre d'urgence. Nous, on a un centre
d'écoute numérique puis on est là justement pour leur trouver le meilleur
emplacement où ils peuvent avoir un service qui correspond à leurs besoins, que
ce soit une jeune femme battue, que ce soit un jeune qui vit de la violence à
l'école. Tantôt je soulevais justement la problématique de cyberintimidation,
de toutes sortes de problématiques qu'on a. Bien justement, ça, ça permet ça.
Puis en faisant partie de la communauté, les jeunes, au fur et à mesure, en
s'apercevant qu'on a un aspect social positif, bien, ils prennent confiance.
Puis parfois c'est des amis à eux qui les poussent à venir nous parler. Souvent
c'est arrivé qu'ils nous ont dit : C'est un de mes amis qui a parlé avec
vous, qui vous a vus, puis on vous a recommandés. Puis c'est comme ça aussi
qu'on a des nouveaux «streamers» qui sont arrivés, des nouveaux... Donc, actuellement,
on est rendus environ à une soixantaine qui participe avec nous actuellement à
l'intérieur du Québec.
Mme Prass :
Et justement, vous disiez... vous êtes là pour essayer de les orienter vers les
bonnes ressources. Mais vous avez dit au début que vous desservez les services
que le public ne dessert pas à nos jeunes. Donc, je voudrais que vous puissiez
élaborer sur ce point-là. Et aussi quand vous dites, par exemple, un jeune qui
vient vous voir, qui est en détresse psychologique, mais qui va aller voir le
médecin, une travailleuse sociale, puis il va se faire dire : Dans deux
ans, tu vas voir un psychologue, quand vous voyez que les services de l'État ne
sont pas là pour combler le besoin du jeune, comment est-ce que vous agissez à
ce moment-là?
M. Filosa
(Jean-Christophe) : Bien, actuellement, moi, ça va faire un an que je
fais le tour d'organismes montréalais de santé mentale ou jeunesse. Comme je
vous disais tantôt, on avait la problématique, dans certains cas, ils
n'arrivent pas à rejoindre les jeunes. Les jeunes restent en ligne, ils
n'arrivent pas à les rejoindre, ce qui est une grosse problématique. Et à
l'autre extrême, il y a les jeunes qui se tapent le nez sur des services. Donc,
à partir de là, nous, ce qu'on fait, c'est un continuum de service.
Actuellement, on parle... on a parlé avec les CJE, ils sont quand même 130 à
travers le Québec, on essaie de voir lesquels ont des disponibilités pour
accueillir les jeunes. En France, on a fait la même chose : C'est les
Maisons des adolescents que ça s'appelle en France. Ils nous ont dit :
Partout en France on peut les recevoir, sauf à Paris. Là, on est débordés.
Bien, on le sait. Donc là, on a fait affaire avec d'autres organismes puis là
on est en réflexion pour se créer notre propre réseau à l'interne de gens qui
ont la capacité d'un accueil, plus que la première rencontre.
La première rencontre, en général, au Québec, ce
n'est pas problématique. On est capables d'avoir une première rencontre. Tu
sais, on a créé Aire ouverte, on a créé des belles... des beaux organismes. On
s'entend que le milieu de la santé a fait un beau travail à ce niveau-là. Mais
parfois, dans certains cas, en région éloignée ou ailleurs, ou même dans le
Grand Montréal, on le voit à travers des communautés qui viennent d'arriver au
Québec ou des choses comme ça, ils ne savent pas par où
passer, ou leurs communautés ont un malaise par rapport à la santé mentale.
Donc, si on ne les prend pas vite en charge, bien, ils restent avec leurs problématiques.
Tu sais, il y a un peu tout ça aussi que dans les enjeux dans lesquels on
essaie de travailler pour avoir une réponse à ça. Elle n'est pas parfaite.
Comme actuellement, bien, je manque de travailleurs de rue, là, je n'ai pas...
je n'ai pas assez... les moyens d'en engager plus, alors que j'en aurais
besoin. Mais avec ce qu'on fait, malgré tout, la communauté grossit rapidement,
puis on gagne en confiance avec les gens.
La Présidente (Mme Dionne) :
Merci beaucoup. Le temps file. Je vais céder la parole à Mme la députée de
Châteauguay.
Mme Gendron : Merci beaucoup.
D'entrée de jeu, M. Savard, M. Filosa, c'est : félicitations, de
un, pour votre mémoire, mais également pour, de un, votre nom également, que
j'aime bien, mais aussi pour votre approche qui sort du cadre. Vous avez su
agir aux endroits où est-ce que nos jeunes se trouvent.
Donc, on a peu entendu de groupes comme le
vôtre, première chose. Puis là ils disent les fleurs après le pot, là, bien, il
y a une chose que j'aimerais bien savoir. Un peu plus tôt, on a rencontré une
docteure qui disait que certains jeunes restent plus que 50 heures par
semaine sur les réseaux. Des problèmes majeurs chez nos jeunes, c'est en fait la consultation, puis les écrans
numériques, et tout ça. N'est-ce pas de mettre un plaster sur le bobo,
d'intervenir dans un monde virtuel pour une problématique chez les enfants qui
est justement d'utiliser trop les réseaux? Je veux que vous me convainquiez,
là, je veux que vous réussissiez à me convaincre du contraire. Expliquez-moi
comment, justement, votre mécanisme d'aide envers ces jeunes-là en ligne peut
aider à ceux qui sont dépendants des réseaux.
M. Savard (François) : Ça, je
peux y aller. En fait, la réponse est simple. Ce n'est pas que ça qu'on couvre.
Par exemple, dans le mémoire, la cyberdépendance, c'est une ligne sur la
quinzaine de lignes qu'on va chercher. Donc, oui, en effet, pour quelqu'un qui
est cyberdépendant, puis on en a eu, par exemple, qui étaient dépendants aux
jeux vidéo, donc là, après ça, on va les référer, par exemple, à des centres
qui sont spécialisés là-dessus. Mais l'idée est d'être là pour l'ensemble des
enjeux, puis d'être en communication avec eux, puis de leur donner un service
qui est personnalisé à leurs besoins. C'est des personnes qui ne veulent pas
appeler, c'est des personnes qui ne veulent pas envoyer des courriels, qui ne
vont pas se déplacer en personne. Donc, en étant présent où est-ce qu'eux ils
sont, dans le fond, c'est soit qu'on est là
et on les aide, ou on n'est pas là, et ils finissent tout seuls, puis il n'y a
rien qui se fait.
Mme Gendron : J'aime
bien ce que vous dites, là, d'une de vos recommandations, d'éducation
intergénérationnelle, c'est la mesure
concrète que vous proposez. Est-ce que vous avez dit non à l'âge numérique?
Est-ce que concrètement, il y a
d'autres choses, en tant que législateurs ou en tant que... bien, en fait,
parents aussi, qu'on peut faire concrètement pour aider nos jeunes
justement qui passent trop de temps sur les réseaux sociaux?
• (14 h 40) •
M. Savard (François) : Bien,
pour ce qui est des parents, c'est de remarquer sa propre consommation. Tu
sais, on a fait des conférences avec des parents, puis la première question que
je leur demande, c'est : C'est quoi que vous faites le matin en vous
levant? Puis la majorité du monde, tu sais, ils regardent leurs notifications.
Puis il y a des études récentes qui sont sorties, surtout pour les tout-petits,
de... justement, il y a des conséquences sur leur développement lorsque le
parent, il est toujours sur son cell. Bien ça, c'est problématique, et il faut
apprendre aux parents, justement, à
consommer de manière responsable les technologies et le numérique. Comme que je
mentionnais tantôt avec mon exemple, tu sais, mes parents n'ont pas grandi avec
ça, moi, j'ai grandi à moitié avec ça, ma fille a grandi avec ça. Donc, elle va
savoir comment bien éduquer. Donc, c'est plusieurs générations qu'on va réussir
à acquérir des connaissances collectives
sur, justement, qu'est-ce qui est bien et qu'est-ce qui est mauvais par rapport
à ça.
Mme Gendron : C'est lourd de
sens, «plusieurs générations». J'espère ne pas aller jusque là, mais merci.
Merci beaucoup. Aviez-vous d'autres commentaires?
M. Filosa (Jean-Christophe) : Oui.
Juste pour ajouter. J'ai travaillé beaucoup avec les aînés dans une période de
ma vie, entre autres pendant la pandémie, là. Les aînés aussi sont contaminés
aussi par ça. Désolé, mais le nombre d'aînés qui restent tout seuls chez eux
avec leur téléphone cellulaire plutôt que de sortir dehors, là... Donc, on
s'entend que la problématique, là... C'est pour ça que je me méfie un petit peu
d'une loi-cadre juste pour les jeunes, là. On s'entend que c'est l'ensemble de
la société qui vit par rapport à ça. Donc, si on fait l'éducation
intergénérationnelle, ça veut aussi avoir un impact sur les aînés. Parce que,
si grand-papa et grand-maman, quand il vient faire un tour chez son jeune puis
qu'il est toujours sur son téléphone cellulaire, ce n'est pas plus gagnant.
Donc, les parents, ce n'est pas juste le parent près, c'est aussi l'oncle, la
tante, les grands-parents. Il faut faire attention, parce que souvent, quand on
dit «le parent», on s'imagine papa, maman. Actuellement, dans les familles qui
sont agrandies, on s'entend qu'actuellement il y a beaucoup de divorces,
beaucoup de reconstructions familiales, c'est large, là. Tu sais, il va y avoir
deux, trois, quatre grands-parents. Donc, en fin de compte, c'est ça aussi
quand je parle d'intergénérationnel. Ce n'est pas juste le parent direct, c'est
d'aller plus large.
Mme Gendron : Merci beaucoup.
La Présidente
(Mme Dionne) : Merci. Merci. M. le député de Marquette.
M. Ciccone : Merci. Il reste combien de temps, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Dionne) : Il
nous reste un trois minutes.
M. Ciccone : Bon, bien, je vais faire ça vite. Dans le meilleur des
mondes, on n'a pas besoin de vous autres, on s'entend là-dessus. Puis j'aurais
quasiment le goût de vous poser la question, là, qu'est-ce qu'on pourrait faire
pour ne plus avoir besoin de vos services, mais on n'a pas assez de temps. Mais
ce que je dirai, c'est que, un, je tiens à vous féliciter. Je tiens à vous
féliciter parce que vous avez vu qu'il y avait une problématique et vous êtes
allés au coeur. Vous êtes dans un mode intervention et vous êtes allés chercher
les jeunes au coeur pour les faire parler. Parce que moi-même j'ai eu un
adolescent, qui est adulte aujourd'hui, là, mais, tu sais, je veux dire, je
l'entendais parler, puis il se disait : Aïe! À soir, papa, on se rencontre
tous, on est ensemble. Puis moi, un papa qui est un peu ignorant, je dis :
Parfait. Tu veux-tu du coke, tu veux-tu des chips pour la gang? Il dit :
Non, on fait ça en ligne. Puis ça a créé beaucoup, chez mon fils, énormément de
colère, des trous dans les murs et, etc. Puis, mon gars, il a zéro violence,
là, vraiment zéro. Mais ça, ça... Puis je ne sais pas, si, dans ce temps-là, il
y avait eu des interventionnistes comme vous, ça l'aurait sûrement, sûrement
aidé. Mais je veux vous entendre. Juste un petit partage, là, il ne reste plus
beaucoup de temps, là. Quand vous intervenez avec les jeunes ou n'importe qui
sur les réseaux, là, sur les jeux, là, un, c'est fait de façon confidentielle?
Vous ne savez pas à qui vous parlez.
M. Savard (François) : Non.
M. Ciccone : Puis, si jamais vous avez une intervention importante à
faire, là, quelqu'un qui dit : Moi, c'est terminé, je veux mettre fin à
mes jours, qu'est-ce que vous faites? Qu'est-ce que vous faites? Comment vous
pouvez intervenir pour sauver la personne?
M. Filosa (Jean-Christophe) : Nous,
on connaît justement les organismes qui peuvent réceptionner ces jeunes-là,
suicide.ca, des choses comme ça. Nous, ils nous connaissent. Donc, nous, on
peut les référer directement là-bas. Donc, nous, on est dans le référencement.
Donc, nous, c'est de faire l'impact. Je vous dirais que, dans la majorité des
cas, quand j'ai des recours, les jeunes le font. Donc, on a vraiment une
réponse positive. Puis, quand vous disiez, justement : Dans un monde
parfait, on n'aurait pas besoin de nous. Dans un monde parfait, on n'aurait pas
besoin de faire de la prévention du suicide non plus, si on arrivait justement
à combler tous les suicides du Québec. Mais c'est ce que je ne pense pas qu'il
va arriver demain matin. Donc, je pense qu'on va tous continuer à travailler
ensemble.
M. Ciccone : Merci beaucoup pour votre travail.
M. Filosa (Jean-Christophe) : Au
plaisir.
La Présidente (Mme Dionne) : Il
reste une petite minute. M. le député de Jonquière, avez-vous une petite
question rapide?
M. Gagnon : Oui.
O.K., on va prendre celle-là. Gardiens virtuels, santé publique, Aire ouverte,
est-ce qu'il y a un lien vraiment
important? Peut-être en 30 secondes, comment vous avez établi le lien
entre l'Aire ouverte et votre organisme?
M. Filosa (Jean-Christophe) : On
a créé la table, justement. Je vous parlais tantôt de jeunesse connectée, puis
on a eu une réflexion. Ils sont venus, parce qu'ils ont leurs jeunes. Puis ça,
à cette table-là, on leur a donné droit de parole. On donne le droit à trois
jeunes qui participent à la table. Ce n'est pas juste des compagnies privées ou
des OBNL qui sont sur place. Puis eux, ils sont contents parce qu'ils vont
faire connaître nos services, justement, auprès des jeunes. Et nous, on peut
référencer les jeunes qui nous disent que... Moi, je ne sais pas, celui de
Montréal-Nord, l'Aire ouverte de Montréal-Nord me dit : On a de la place,
on a une capacité d'accueil. D'accord. Je dis à mon équipe : Écoutez, dans
la région de Montréal, on a tel... on a tel coin où on peut intervenir.
M. Gagnon : J'entends
«cinq secondes». Ça fait qu'un jeune rentre à Aire ouverte, pour une... ça va
être une infirmière, un toxicomane...
Mais il rencontre qui, un jeune qui a une problématique de jeux vidéo dans une
Aire ouverte?
M. Filosa (Jean-Christophe) : Ce
n'est pas une Aire ouverte à qui on va donner le mandat. Il y a d'autres
organismes qui existent à Montréal ou dans d'autres régions.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup. Merci infiniment pour votre contribution. Moi aussi, je tiens à vous
féliciter pour votre approche novatrice.
Et je suspends les travaux quelques instants
pour accueillir notre prochain invité. Merci.
(Suspension de la séance à 14 h 46)
(Reprise à 14 h 50)
La Présidente (Mme Dionne) : La
commission reprend maintenant ses travaux. Donc, je souhaite la bienvenue à
Mme Lapointe et M. Teisseire. Donc, bonjour et bienvenue à cette
commission. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour nous
faire part de votre exposé, et suite à cela, nous procéderons à une période de
questions avec les membres de la commission. Donc, je vous cède la parole.
La Maison Jean-Lapointe
inc.
Mme Lapointe (Anne Elizabeth) :
Mmes et MM. les députés, Mme la Présidente, bonjour à toutes et tous. Je me présente, Anne Elizabeth Lapointe, je suis
directrice générale de La Maison Jean-Lapointe. Je suis accompagnée de
Max Teisseire qui est le directeur des programmes de prévention à La Maison
Jean-Lapointe.
La Maison Jean-Lapointe existe depuis 1982. Elle
est connue pour le traitement, mais, depuis 20 ans, fait également de la
prévention. La mission principale de La Maison Jean-Lapointe est d'améliorer la
qualité de vie des personnes par la prévention, le traitement, le soutien et le
partage de connaissances en matière de substances et de dépendances. À ce jour,
la maison a aidé plus de 40 000 personnes aux prises avec des
problèmes de consommation et a sensibilisé plus de 1 million de jeunes à
travers le Québec, et on les a sensibilisés aux risques liés à la consommation
des substances psychoactives, aux jeux de hasard et d'argent et également aux
risques liés aux écrans et aux réseaux sociaux. Nos actions en prévention
ciblent principalement les adolescents du secondaire, mais également les
adultes qui gravitent autour de ces jeunes. Aujourd'hui, c'est donc à titre
d'experts en prévention que nous venons témoigner.
Tout d'abord, nous tenons à féliciter votre
initiative et nous croyons que la communication est un pas important, et qui va
permettre des actions durables et efficaces pour outiller et protéger nos
jeunes contre les impacts des écrans. Cette année, comme je viens de le dire,
la maison souligne 20 ans de prévention. On a débuté nos activités en 2004
avec des activités sur les jeux de hasard et d'argent. On a poursuivi avec
d'autres thématiques, mais au fil des ans, par le biais de nos ateliers sur les
jeux de hasard et d'argent, on a vu un intérêt de plus en plus marqué des
adolescents par rapport aux jeux vidéo et aussi, tranquillement, par rapport à
tout ce qui était les réseaux sociaux. Et en réponse aux préoccupations qu'on
recevait de la part des directions d'école, des enseignants et aussi de
parents, on a développé une activité qui allait cibler justement ce qu'on dit
aujourd'hui, l'hyperconnectivité.
Au fil des dernières années, on a donc pu
observer aux premières loges l'évolution de l'impact des écrans sur le
bien-être des jeunes. Comme vous le savez, pendant la pandémie, les jeunes se
sont tournés davantage vers les écrans et, nous, on a pu voir, on a pu
constater. Quand on est retournés en classe, on a vu les conséquences. C'était
marquant de voir les conséquences sur leur santé mentale et physique. Nos
intervenants nous disaient : Nos jeunes sont poqués. Et on a pu le
constater. Et c'est pour ça que c'est tellement important, le travail que tout
le monde, tous les acteurs font en matière, justement, de prévention et de
traitement au niveau des écrans.
On en a parlé dans notre mémoire, nos plus
grandes préoccupations sont le temps d'écran excessif, l'accès facile à des
contenus inappropriés, l'influence sur la santé mentale, dont l'anxiété et la
dépression, le manque de contrôle parental et, évidemment, les risques de
cyberdépendance. Comme vous pouvez le lire dans le mémoire, les conséquences
liées à l'hyperconnectivité sont nombreuses et préoccupantes. On ne les nommera
pas nécessairement ici, vous les connaissez, mais sachez que, nous, on est
autant préoccupés que vous. Quelles sont les solutions? Il y en a plusieurs.
Votre document est très complet. Il donne beaucoup de pistes de réflexion et de
solutions, mais pour nous, on le sait, la solution, c'est la prévention. C'est
l'information et la sensibilisation, mais évidemment englobés dans la
prévention.
M. Teisseire (Max) : Je prends
la parole. On sait que la population exprime de plus en plus, donc, son besoin
d'actions concrètes et d'information sur le rôle qu'elle peut jouer dans
l'encadrement des jeunes face à l'utilisation des écrans. Des campagnes
sociétales comme PAUSE par Capsana répondent à cette demande. Sur le plan de la
sensibilisation et de la prévention, notre atelier Mon équilibre, destiné aux
élèves du premier cycle du secondaire, constitue une réponse concrète. Cet
atelier vise à sensibiliser les ados à une utilisation équilibrée des écrans en
leur permettant de mieux comprendre l'impact de la lumière bleue sur le sommeil,
le rôle de la dopamine dans le comportement en ligne ainsi que les conséquences
d'un usage excessif des écrans. Grâce à des discussions interactives, Mon équilibre fournit des outils pratiques pour encourager
l'autocontrôle, développer le jugement critique et mieux gérer le temps d'écran. Depuis sa création
en 2015, l'atelier a rejoint plus de 102 000 jeunes à travers le
Québec.
Lors des ateliers, les jeunes montrent un réel
intérêt pour les enjeux critiques liés à leur utilisation, particulièrement sur
des sujets tels que l'effet de la lumière bleue sur le sommeil, pourquoi
certaines personnes ragent en jouant à des jeux vidéo ou encore la
signification réelle lorsqu'on clique «j'ai lu et j'accepte les conditions
d'utilisation». Ces interactions génèrent aussi des résultats tangibles.
L'évaluation scientifique de l'atelier Mon équilibre a démontré que non
seulement les jeunes acquièrent des connaissances, mais retiennent également la
majorité des messages clés. L'étude d'impact a révélé une augmentation
d'utilisation des stratégies d'autocontrôle pour
mieux gérer leur temps d'écran à la suite de l'activité. Et en plus les jeunes
adoptent d'autres stratégies abordées lors de l'atelier, donc, comme,
par exemple, la désactivation des notifications d'applications, la prise de
repas en famille sans écran et l'utilisation du mode «ne pas déranger» ou du
mode «avion» en présence d'amis.
Pour
renforcer cet impact, chaque élève repart de notre activité avec un microlivre,
un outil de réinvestissement qui synthétise les concepts clés de
l'atelier et présente des ressources disponibles non seulement à l'école, mais
aussi à l'extérieur de
l'école, comme Tel-jeunes, par exemple. Ce microlivre est très apprécié par les
jeunes qui le conservent souvent dans leur boîte à crayons et il leur
sert également comme support pour ouvrir un dialogue avec leurs parents sur
l'usage des écrans. Donc, ce lien tangible permet de prolonger les
apprentissages de l'atelier, mais aussi de susciter une réflexion durable sur
les habitudes numériques.
Par ailleurs, nous rencontrons fréquemment,
comme Elizabeth l'a dit, des parents qui se sentent démunis face à
l'utilisation des écrans de leurs ados. Et donc, pour répondre à cette
préoccupation, la conférence destinée aux parents de jeunes du secondaire leur
propose des outils concrets pour jouer un rôle proactif dans la prévention des
risques liés aux écrans. Cette conférence interactive aborde les principes
fondamentaux de la prévention des dépendances et propose des alternatives aux écrans
et, ainsi, offre des stratégies de communication favorisant une approche
parentale positive.
Au niveau des recommandations, notre principale
demande est le financement récurrent pour les organismes de prévention comme La
Maison Jean-Lapointe. Un financement récurrent permettrait d'assurer une
présence stable et continue des organismes spécialisés en prévention comme La
Maison Jean-Lapointe dans les écoles à travers la province. Cette stabilité
garantirait non seulement la mise en oeuvre des meilleures pratiques en
prévention, mais aussi un contact direct et régulier avec des jeunes. Ce
contact permettrait ainsi d'outiller efficacement et de renforcer les messages de prévention liés aux saines
habitudes de vie. De plus, il offrirait l'opportunité d'observer les
nouveaux phénomènes et les besoins émergents
chez les élèves. Enfin, un financement récurrent permettrait à La Maison Jean-Lapointe
de poursuivre le développement et l'enrichissement de ses activités liées aux
écrans, non seulement pour les jeunes, mais aussi pour les parents, les
enseignants et les intervenants.
Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : Nous
recommandons également l'interdiction des coffres à butin dans les jeux vidéo.
Les coffres à butin ou les «loot box», comme vous le savez, s'apparentent aux
jeux de hasard. Ils incitent les jeunes à adopter des comportements à risque et
compulsifs tout en les exposant aux mécanismes des jeux d'argent. La maison
recommande leur interdiction dans les jeux vidéo accessibles aux mineurs afin
de prévenir l'encouragement des jeunes à ces pratiques et de mieux les protéger
contre les risques de dépendance et d'initiation précoce aux jeux de hasard et
d'argent.
On recommande également des espaces sans écran
dans les écoles. La création d'espaces ou de périodes sans écran au sein des
écoles offrirait aux jeunes un environnement propice aux interactions sociales
en direct. Ces initiatives contribueraient à rétablir un équilibre entre le
temps passé en ligne et les moments de détente hors ligne tout en renforçant les
liens sociaux.
Et nous recommandons également des services
d'accompagnement pour les jeunes en difficulté, pas les jeunes cyberdépendants,
mais des jeunes qui commencent à démontrer des signes de problématiques au
niveau de l'utilisation des écrans. Et ce type de services là permettrait
justement d'intervenir de manière précoce. Et ces solutions-là, c'est
personnalisé, c'est adapté aux besoins spécifiques de chaque élève. Et de cette
façon-là, cette prise en charge là, elle est
définitivement efficace et permet de freiner, justement, la progression vers
une cyberdépendance.
En terminant, on tient à vous rappeler que
chaque dollar investi en prévention permet de sauver 10 $ en coûts
sociaux. Et je vous dirais également que le Québec s'est déjà démarqué en
Amérique du Nord avec son cadre de référence en matière de prévention de la
consommation des substances psychoactives chez les jeunes. Aujourd'hui, avec
les écrans, vous avez l'opportunité de renforcer cet élan et de faire du Québec
un véritable chef de file en matière de prévention. En investissant dans des
stratégies innovantes et en soutenant les organismes de prévention, vous pouvez
non seulement protéger la santé de nos jeunes, mais aussi bâtir un avenir où
l'usage des technologies pourrait être sain et équilibré. Le moment est venu de
faire du Québec un modèle mondial à suivre. Merci beaucoup.
• (15 heures) •
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
infiniment pour vos propos. Donc, nous allons maintenant débuter la période
d'échange avec M. le député de Joliette.
M. St-Louis : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Permettez-moi d'abord de vous remercier, tous les deux, de
vous rendre disponibles et de participer aux réflexions de notre commission. On
l'a entendu d'autres groupes précédemment, vous en avez parlé, la dépendance,
vous la comparez à... En fait, la surconsommation numérique, pardon, peut
provoquer des comportements similaires et addictifs à ceux de substances
psychoactives. J'aimerais ça vous entendre un peu plus longuement là-dessus,
parce que, bon, naturellement, vous avez une grande notoriété puis une
expérience, une expertise, devrais-je dire, très, très longue en matière de
dépendance. Il y a des dépendances qui sont très problématiques, l'alcool, les
drogues. La cigarette en est une. C'est néfaste, mais les gens sont
fonctionnels. Ce n'est pas demain la veille que les écrans vont disparaître.
Donc, merci de...
Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : Effectivement.
Bien, écoutez, je vous dirais qu'en matière de prévention, puis on en a parlé,
on fait de l'intervention précoce auprès des jeunes. C'est, justement... c'est
que, quand on regarde les conséquences et les similitudes entre une dépendance
aux écrans... Puis, je vous dirais, la similitude est beaucoup au niveau des
jeux de hasard et d'argent en termes des comportements, en termes de
l'obsession, le temps passé à réfléchir à : mon Dieu! c'est quand, la
prochaine fois que je vais pouvoir me brancher de la même façon? C'est quand,
la prochaine fois que je vais jouer? Alors, c'est sûr qu'au... C'est au niveau
des conséquences. On s'isole davantage, on va délaisser nos activités sociales.
Bien souvent, quand on consomme, que ce soit le jeu en ligne, ou des jeux
vidéo, ou toutes sortes de... les réseaux sociaux, c'est que c'est accessible
en tout temps, 24 heures sur 24. Tu n'as pas besoin de te déplacer pour
aller consommer ou aller jouer, c'est à la portée de ton cellulaire. Et donc, 24 heures sur 24, tu peux t'y adonner. Et c'est là
qu'on voit... Comme nous, on a une très grande préoccupation, parce que, veux,
veux pas, on a besoin d'utiliser les outils technologiques pour fonctionner
dans la vie. Mais, malheureusement, il faut également développer des mesures
qui vont nous permettre de contrôler et d'utiliser d'une façon beaucoup plus
saine les écrans. Alors, c'est sûr que nous, ce qu'on voit, c'est qu'un jeune
qui a un problème de dépendance à une substance, au jeu ou les écrans, la
cyberdépendance, c'est le même combat.
M. St-Louis : Merci.
Permettez-moi aussi, pendant que vous êtes là, de vous remercier pour tout ce
que vous faites, parce que, personnellement, j'ai des gens que je connais bien
qui sont passés chez vous puis qui sont très bien et très heureux aujourd'hui.
Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci,
M. le député. M. le député de Marquette.
M. Ciccone : Merci beaucoup. Merci beaucoup pour votre présence. Très,
très apprécié. Vous faites un travail extraordinaire, et je tiens à le dire,
là. J'ai moi-même fait des activités avec vos jeunes, on a joué au hockey,
étant un ancien joueur de la Ligue nationale. Ma soeur travaillait chez vous.
On allait faire des activités, on faisait des activités de sport, alors ça a
été... J'ai vu comment vous travaillez avec les jeunes, notamment, et je tenais
à vous le dire et vous le mentionner.
Également, on... outre tout ce que vous apportez
dans la société, là, vous êtes un centre de traitement de dépendances. Sur ce
qui nous concerne aujourd'hui, là, avez-vous un département, justement?
Êtes-vous capables de les mettre dans les catégories? Vous avez parlé de jeux
de hasard, de gambling, et tout ça, mais, en même temps, avez-vous une
catégorie de... où vous travaillez avec la dépendance aux jeux vidéo, aux
écrans? Et, si c'est le cas, vous recevez combien de personnes par année, vous
aidez combien de personnes par année, et si vous remarquez que la tendance est
à la hausse, là?
Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : Écoutez,
en fait, nous, à La Maison Jean-Lapointe, pour le moment, on ne traite pas la
cyberdépendance. Le traitement est chez les adultes. On sait qu'il y a des...
pour les adolescents, il y a le centre comme Le Grand Chemin, qui traite les
jeunes cyberdépendants.
Au niveau des adultes, il y a des projets
pilotes actuellement. Et comme, à La Maison Jean-Lapointe, tout ce qu'on fait
doit être évalué et faire ses preuves, on attend que le projet pilote se
termine pour pouvoir accueillir des personnes cyberdépendantes. Mais c'est sûr
qu'on le voit ici. Et pas plus loin qu'il y a quelques jours on avait un
résident qui était ici pour une problématique de consommation de substances qui
avait caché sur lui un cellulaire. Alors, quand ils arrivent en traitement, on
ne fait pas une fouille intégrale, on fouille la valise. Et cette personne-là,
quand on a compris qu'il avait son cellulaire et on lui a dit : Bien,
écoute, nous, il va falloir te le confisquer, la personne a décidé de mettre
fin à sa thérapie tellement elle était dépendante à son cellulaire et aux
écrans.
Alors, pour nous, on le voit et on voit
également des gens, des plus jeunes qui viennent chez nous, qui ont une
dépendance — bien
souvent, c'est le cannabis — et
qui jouent également beaucoup aux jeux vidéo. Et ce qui est le plus dur chez
nous, le temps qu'ils sont en thérapie, ce n'est pas d'arrêter le cannabis,
c'est de ne pas jouer.
Alors, on le voit, on a hâte de pouvoir les
traiter, mais, pour l'instant, ce n'est pas ce qu'on fait. Mais c'est sûr que,
dans nos activités de prévention, bien, rapidement, par les commentaires de nos
jeunes, on est capables de voir quel jeune, probablement, a... passe trop de
temps sur les écrans.
M. Ciccone : Merci. Est-ce que j'ai bien compris qu'il y a un projet
pilote, puis éventuellement, là, vous allez être capables de recevoir des
jeunes ou des gens qui ont cette dépendance-là?
Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : Absolument.
M. Ciccone : Parfait. «Good».
Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : Absolument.
M. Ciccone : Parfait. C'est... Très heureux d'entendre ça. Alors, vous
avez parlé de financement tantôt. On sait que c'est vraiment le nerf de la
guerre, là, le financement. Chez vous, là, puis on va se dire les vraies
choses, on va se parler de chiffres, là, vous avez besoin de combien pour être
capables de faire votre travail, pour être capables de combler, là, la demande?
Je sais que vous n'êtes pas tout seuls, là, il y a d'autres centres, là, mais,
pour être capable de ne pas dire : Bien
là, on n'est pas capables d'en prendre plus parce qu'on n'a pas le financement
nécessaire, pour être capable de faire le travail, là, ça prend combien?
Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : Je
vous dirais que nous, actuellement, on reçoit un certain financement qui nous permet de rencontrer les jeunes avec
l'activité qu'a décrit Max, c'est-à-dire nos activités liées à
l'hyperconnectivité, mais évidemment on est très restreints.
Alors,
si, nous, on veut, demain matin, aller rencontrer tous les jeunes à travers le
Québec, ça nous demanderait un financement, je vous dirais, minimum de
300 000 $ par année, mais un financement récurrent, parce qu'en plus,
nous, ce qu'on fait,
c'est de l'intervention précoce. Comme on l'a dit, nous, on le fait au niveau
des substances psychoactives. On veut l'élargir aux jeunes qui commencent
à démontrer des signes de cyberdépendance. On ne l'a pas, le financement pour
ça.
M.
Ciccone : Merci beaucoup. Très apprécié.
Merci.
Mme Lapointe (Anne
Elizabeth) : Bienvenue.
La Présidente (Mme
Dionne) : Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de Gaspé.
M. Sainte-Croix : Merci, Mme la Présidente.
Mme Lapointe, M. Teisseire, bonjour. Bienvenue. Très heureux
d'avoir votre éclairage aujourd'hui avec nous.
Vous
parliez, lors de votre exposé, d'ateliers développés autour de 2015. On est
près d'une décennie plus tard. Parlez-nous
de l'évolution de ce que vous traitez à tous les jours. Où en sommes-nous?
Comment les choses ont évolué?
M. Teisseire
(Max) : Je peux commencer.
Mme Lapointe (Anne
Elizabeth) : Oui, oui, vas-y. Oui, oui.
M. Teisseire (Max) : Donc, dans le fond, c'est
sûr... Oui, 2015. C'est sûr que, dans nos ateliers, les interactions
évoluent. Les thèmes, les problématiques, les enjeux restent les mêmes, c'est
vis-à-vis la relation saine avec les écrans et comment gérer son temps et
aussi, bien, de développer cet esprit, voilà, critique chez les jeunes ou chez
les personnes, chez les individus. Comme
adulte, moi, je n'ai pas à m'exclure non plus. Et après, c'est sûr que les
techniques, les stratégies de la part de l'industrie vont évoluer. Donc, nous,
on les aborde, mais ça reste des stratégies. Donc, après, c'est pouvoir les
identifier et les partager avec les jeunes.
Et, en fait, les
jeunes sont souvent au courant ou peuvent les observer, que... qu'ils se
sont... qu'ils se font, comment dire, manipuler ou qu'il y a une stratégie
derrière ou il y a une volonté de les garder le plus longtemps possible à
travers les écrans, que ce soit à travers le visionnement, à travers les jeux
vidéo, les récompenses, etc.
Donc, pour répondre à
la question, l'évolution, on voit, par contre, depuis le début, quand on avait
commencé en 2015, c'était quelques années après l'arrivée de la tablette, le
iPad, il y avait vraiment une fascination pour cette nouvelle technologie. Ah!
on voyait les bienfaits dans l'éducation, on voyait... c'était nouveau, alors
qu'aujourd'hui, 10 ans plus tard, il y a un recul et il y a une
observation qui s'est faite par rapport... Bien, oui, il y a des côtés positifs.
C'est des outils. Donc, tout va dépendre de la relation qu'on va avoir avec ces
outils-là. Elles peuvent être positives, négatives, mais elles présentent quand
même des enjeux et des risques significatifs.
Donc, j'ai envie de
dire, il y a une meilleure prise de conscience de la part des directions, des
écoles, des parents et des jeunes, également, vis-à-vis leur relation aux
écrans.
Est-ce que tu voulais
ajouter autre chose?
• (15 h 10) •
Mme Lapointe (Anne
Elizabeth) : Non, ça va. Je ne sais pas si ça répond à votre question?
M.
Sainte-Croix : Bien, peut-être juste rajouter, si vous me le
permettez, Mme la Présidente, vous nous dites aussi, puis je trouve ça
intéressant... tu sais, les jeunes ne sont pas naïfs au point de ne pas
comprendre la situation à laquelle ils participent, d'une certaine façon. Ils
sont conscients de leur vulnérabilité.
Mme Lapointe (Anne
Elizabeth) : Oui, vraiment. Puis ce qui est vraiment intéressant...
Nous, on les rencontre au début du secondaire, alors ils ont déjà, évidemment,
quelques années derrière la cravate, si je peux dire, en termes d'utilisation
des écrans. Et donc ce qu'on voit, c'est ça, c'est le fait qu'on ne peut jamais
sous-estimer nos jeunes et leur intelligence parce qu'ils le voient, ils s'en
parlent entre eux. Mais on voit des modes, également, au niveau des jeux.
Alors, quand on a commencé, c'étaient beaucoup les jeux vidéo comme World of
Warcraft, ensuite il y a eu Fortnite, et,
auprès des jeunes filles, davantage ce qui les réseaux sociaux et tout ce qui
touche l'apparence, etc., le nombre de like, l'effet des likes, etc.
Alors, on le voit quand même, là, nos jeunes ne sont pas dupes. Et les jeunes,
quelqu'un d'autre l'a dit dans la présentation précédente, les jeunes sont nés
avec cette technologie-là et donc ils n'ont pas le même rapport que nous qui ne
sommes... on n'est pas nés avec, nous autres. Alors, c'est quand même
intéressant de voir la lucidité des jeunes.
M.
Sainte-Croix : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme
Dionne) : Mme la députée de Hull.
Mme
Tremblay : Oui. Oui, bonjour. Alors, vous avez parlé de stratégie
d'autocontrôle, donc, chez les jeunes, que
vous leur donnez ce type de stratégie. C'est quoi, les stratégies
d'autocontrôle que vous leur donnez? Est-ce que c'est efficace? Est-ce
qu'ils arrivent à s'autocontrôler? Parce que d'autres intervenants sont venus
nous dire que les jeunes sont capables de le faire puis sont conscients quand
des... tu sais, de leur utilisation.
M.
Teisseire (Max) : En effet. Donc, bien, notre étude d'impact avait
vraiment évalué, suite à l'atelier, une augmentation de 8 % des jeunes qui
mettaient en place, donc, ces stratégies d'autocontrôle là. On en présente
plusieurs qui traitent différentes sphères, donc, que ce soit vis-à-vis des
conséquences sociales, donc on parle, voilà, d'éteindre les notifications,
d'avoir des moments sans écrans également. Vis-à-vis du sommeil, on recommande,
par exemple, bien, d'éteindre les écrans avant de se coucher. Si... Idéalement,
c'est une heure à deux heures avant, mais nous, on encourage de commencer
avec 10 minutes, cinq minutes, si c'est ça que ça prend. Puis on serait
peut-être surpris des conséquences ou des effets... peut-être pas le temps pour
s'endormir, mais la qualité du sommeil. Donc, c'est en se réveillant, souvent,
on va, des fois, voir les effets.
Il y a aussi, je
pense, à travers... c'est beaucoup avec les stratégies d'autocontrôle ou les
stratégies mises en place de la part des jeunes. Des fois, on demande même si
les jeunes peuvent se partager les stratégies... les règles à la maison
vis-à-vis des écrans et un peu de travailler sur les normes sociales vis-à-vis,
bien : O.K. C'est normal. Moi, j'ai... mon ami aussi a ces mêmes
règles-là. Donc, est-ce que... comment on vit ça à travers?
Et donc, comme
société, on mettait également vis-à-vis, donc... la concentration vis-à-vis des
devoirs. On recommandait, voilà, de décider d'arrêter les écrans, ne pas
commencer les écrans tant que les devoirs n'étaient pas terminés. Et souvent, à
la fin de l'atelier, quand moi, j'en animais, souvent, je demandais aux
jeunes : Qui, dans la classe, serait intéressé de réduire le temps
d'écran, donc, en général ou dans une sphère des jeux vidéo et certains par
rapport au sommeil, par exemple? Et la plupart levaient la main. Et donc, là,
je posais par la suite la question : Bien, quelle stratégie pensez-vous
mettre en place? Et donc ils nommaient soit qu'est-ce qu'on proposait ou des
leurs. Et ensuite, moi, j'encourageais également... bien, on encourage l'équipe
de prévention d'en parler à leurs parents, parler avec des amis pour pouvoir
aussi entraîner l'effet de groupe, et donc peut-être à la maison, bien, après
le souper, au lieu d'aller regarder un film ensemble, bien, peut-être, une fois
par semaine, on peut jouer un jeu à la place, un jeu Uno, un jeu de société,
par exemple, et donc comment entraîner et comment s'encourager, les membres au
sein, bien, d'amis ou au sein de la famille.
Mme
Tremblay : Merci. Alors, j'ai une autre question. Vous dites «des
espaces sans écrans, des périodes sans écrans dans les écoles», donc, vous
serez... Bien, est-ce que ça, ça vient en opposition? C'est la question que je
me pose. Est-ce que vous seriez pour l'interdiction complète dans l'école ou
c'est mieux de se donner des espaces, finalement? Donc, qu'est-ce que...
qu'est-ce que vous en pensez? Parce que, là, vous savez qu'en salle de classe
le téléphone n'est plus autorisé. Donc là, les écoles ont différents moyens,
là, des boîtes, des pochettes, on le laisse dans le casier. C'est appliqué, là,
selon ce que l'école a décidé. Mais je veux faire le lien avec l'interdiction
versus les espaces, des temps sans écrans.
Mme Lapointe (Anne
Elizabeth) : Je vais commencer, tu pourras compléter.
M. Teisseire
(Max) : Bien sûr.
Mme Lapointe (Anne
Elizabeth) : Vous savez, les jeunes, et, encore une fois, les gens qui
présentaient avant nous l'ont dit, il y a deux endroits où les jeunes passent
le plus de temps en 2024. Le premier lieu, c'est l'école et le deuxième, c'est
en ligne. Donc, si on permet les écrans dans les écoles, bien, ça veut dire
que, finalement, les jeunes n'auront plus d'espace sans écran. Et nous, c'est
notre constat. Alors, on n'est pas là pour dire aux directions d'école quoi
faire ou d'interdire, mais c'est sûr que de voir... quand tu constates que les
écrans suivent les jeunes, peu importe où ils sont, il y a une problématique.
Où est-ce que le
gouvernement peut avoir un certain contrôle, bien, c'est ce qu'il se passe dans
les écoles. À la maison, ça va être difficilement contrôlable, mais, dans les
écoles, il y a certainement des actions, comme vous l'avez nommé, les
cellulaires, et il y a sûrement plus à faire. Donc, déjà, si on peut voir une
diminution des écrans... Parce qu'on comprend qu'on peut éduquer les jeunes à
l'utiliser d'une façon saine et intelligente. On en a besoin, là, pour faire
les devoirs, pour faire des PowerPoint, peu importe. Mais je pense que, déjà,
de diminuer, de réduire, pour nous, c'est ce qui est absolument favorable. Mais
je ne sais pas, Max, si tu as envie de...
M. Teisseire
(Max) : Oui. Bien, en fait, moi, j'avais... j'ai un exemple qui avait
lieu avant l'interdiction des téléphones
personnels ou des appareils personnels dans les classes. Il y avait une école
qui avait interdit les téléphones dans les classes et dans l'école, en
fait, même dans les couloirs d'école, et ce qu'on voyait, il y avait beaucoup
d'interactions, donc, sans écrans parmi les jeunes, quand, à l'heure... à la
pause du dîner, les jeunes restaient quand même à l'école, ne sortaient pas
tous pour y aller, sur leurs écrans.
Et je m'en rappelle,
moi, j'avais posé la question en atelier : Comment vous vivez ça? Comment
vous voyez ça, de ne pas avoir vos téléphones sur vous, s'il est dans les
casiers toute la journée? Puis ils disaient : Ah! bien, nous, c'était dur
au début, mais ensuite on s'est vite habitués puis on est tout à fait à l'aise
maintenant de ne pas avoir notre téléphone sur nous, d'avoir des moments sans
les écrans. Et, quand je rapportais... bien, quand j'en parle avec d'autres
élèves dans d'autres écoles qui ont le téléphone sur eux, ils voyaient mal,
oui, ils voyaient mal de pouvoir avoir une période sans écrans, sans leur
téléphone sur eux, et encore moins de passer une journée sans leur téléphone.
Et ces jeunes-là de l'école qui n'avaient pas de... pas d'écrans étaient
vraiment surpris de la réaction.
Donc, c'est aussi une
question, je pense, voilà, d'éducation et de normes qui va rentrer là-dedans.
Donc, moi, c'est un exemple qui m'a toujours marqué.
Mme Lapointe (Anne
Elizabeth) : Oui. Puis, en même temps, je dirais qu'il ne faut pas
oublier, hein, l'être humain a une très grande capacité d'adaptation. Et donc,
s'il fallait reculer un peu face à toute... à l'amplitude des écrans dans nos
vies, l'être humain va s'adapter. C'est ça, notre force. On est résilients et
on s'adapte.
Mme Tremblay : Donc, je comprends,
là, de réduire au maximum le temps d'écran dans les écoles, c'est la tendance
vers laquelle vous... que vous tendez, si on ne va pas...
Mme
Lapointe (Anne Elizabeth) : Bien, nous, en fait, on a vu les impacts positifs
de réduire, définitivement. Mais, en même temps, les approches qui sont
trop restrictives, trop paternalistes, c'est sûr que les jeunes n'aiment pas
ça. Mais, quand on leur explique puis ils prennent part à un débat comme Max a
pu avoir avec eux, c'est plus facile après. Quand on explique, quand on... ils
font... ils sont partie prenante, c'est beaucoup plus facile, après ça, de
pouvoir arriver à des solutions qui, évidemment, nous, de notre point de vue,
sont idéales.
Mme Tremblay : On va aller les voir
sur le terrain aussi, les jeunes, là, dans les prochaines semaines, là, pour
les écouter puis voir qu'est-ce qu'eux ont à dire, évidemment.
Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : Ah
oui! Ah! excellent. Excellent.
M. Teisseire (Max) : Absolument.
Puis je dirais, dans le fond, je pense que l'important, c'est de pouvoir offrir
des espaces où les jeunes peuvent socialiser sans écran. Parce que, souvent, si
un jeune... Les jeunes vont dire : Bien, moi, je veux bien ne pas utiliser
mon écran, mais, quand je suis avec mon groupe et j'ai deux amis qui sont sur
leurs téléphones, sur leurs écrans, bien, je me sens, moi, exclu, donc je vais
faire pareil pour faire partie du groupe. Donc, c'est avoir des moments sans
écran.
• (15 h 20) •
Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : On
fait la même chose, hein, les adultes.
Mme Tremblay : Retirer le wifi dans
l'école pendant l'heure du dîner — tu sais, ce n'est pas tous les jeunes qui
ont des données cellulaires ou, souvent, ils sont restreints sur leurs données
cellulaires — est-ce
que ça pourrait être une solution?
Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : Moi,
je pense que toutes les solutions sont envisageables.
Mme Tremblay : Parfait. Merci.
Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup. M. le député de Joliette, vous avez une autre question, oui.
M. St-Louis : Merci, Mme la
Présidente. Oui, me revoilà une seconde fois. À peu près tout ce qui crée une
dépendance, on a légiféré, là. Il y a toujours un âge légal pour boire, pour
fumer, pour jouer. Qu'est-ce que vous pensez de la majorité numérique dont tout
le monde parle? Puis il y a même certains pays qui ont déjà légiféré.
J'aimerais ça, vous entendre là-dessus.
Mme
Lapointe (Anne Elizabeth) : Écoutez, on en a parlé, on en parlait plus tôt,
justement, c'est... Vous savez, notre
stratégie de prévention, pourquoi elle est efficace, c'est parce qu'on a
harmonisé les messages qu'on envoie aux jeunes. Ça veut dire qu'on a des activités pour les enseignants, les
parents et les jeunes. Et, dans tous les groupes, nos messages de prévention sont les mêmes. Les jeunes, justement,
c'est des jeunes, ils ne sont pas capables de prendre toutes les
meilleures décisions. Et, à ce moment-là, si
tout le monde s'entend sur le message à envoyer, l'effet de horde, de
contamination, là, on va dire, qui
est efficace, est beaucoup plus grand et, à ce moment-là, le jeune risque de
prendre une bonne décision.
En ce moment, notre constat : l'âge pour
consommer du cannabis, 21 ans, consommer de l'alcool, 18 ans,
conduire, 16 ans, voter, 16 ans...
M. Teisseire (Max) : 18.
Mme
Lapointe (Anne Elizabeth) :
...aller dans les écoles pour... C'est 18 ans? Oui. Désolée. Ça fait
longtemps que j'ai eu mon permis, et moi, dans mon temps, c'était 16 ans.
Mais également par rapport, évidemment, à la confidentialité du jeune, c'est
14 ans. Alors, comment est-ce qu'un jeune, après ça... si on impose un âge
numérique qui va être, admettons, 15 ans, qu'est-ce qui fait du sens dans
tout ça? Pour moi, si on a... on met des... Puis, en plus, on parle aux
jeunes : Le développement du cerveau, ce n'est pas avant 25 ans. Ça
fait que le pauvre jeune, il ne sait plus où se garrocher, excusez-moi. Ce qui
fait que tant que nous autres, comme décideurs, on envoie des messages
contradictoires : Tu es capable de voter à tel âge, mais tu n'es pas
capable de boire avant tel âge, puis tu ne peux pas consommer, pour nous, il
n'y a aucune efficacité là-dedans.
Je pense qu'on s'entend, par contre, que ce
qu'on souhaite, c'est protéger les jeunes. Mais, pour moi, il faut avoir une
ligne directrice qui... si un jeune questionne, on est capables d'expliquer.
Moi, actuellement, si mon jeune me demande pourquoi
je peux jouer à tel âge, pourquoi je peux consommer à tel âge, mais pas à tel
âge, moi, je ne saurai pas quoi dire. Je ne sais pas quoi dire. Donc, c'est
notre constat. Mais c'est sûr que... peut-être que Max a un autre point de vue.
M. Teisseire (Max) : Non, en fait,
je le partage. Moi, je pense que c'est vraiment, notamment, donc, parler dans
l'éducation, dans la prévention.
L'autre affaire avec l'âge numérique, ça, ce
sera intéressant de voir, les pays qui l'ont instauré, qui ont légiféré
là-dessus, de voir est-ce que... tu sais, l'efficacité de cette mesure-là
également.
Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : Oui.
M. St-Louis : Donc, si je
comprends bien, vous seriez pour. Peu importe, là, si on statue sur 14, 15 ou
16, pour vous, une majorité numérique, ça fait plein de sens.
Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : En
fait, ça ne fait aucun sens s'il n'y a pas une concertation entre justement
qu'est-ce qu'on a, qu'est-ce qu'on interdit ou à partir de quel âge un jeune
peut faire telle action. S'il n'y a pas cette concertation-là, moi, je ne suis
pas convaincue de l'efficacité, comme je vous dis, parce que le jeune, à la fin
de la journée, il demeure mêlé. Pour nous, c'est ça, le constat. Parce qu'on
rencontre les jeunes par rapport au jeu, par rapport à l'hyperconnectivité et
par rapport aux substances, puis, entre les substances, il y en a qui sont
illégales, il y en a qui sont légales, il y en a que c'est tel âge, tel âge.
Pour nous, c'est plus ça. Puis, encore une fois, les jeunes sont intelligents,
là. Il ne faut pas les sous-estimer.
Et, comme on l'a dit d'entrée de jeu, des
approches qui sont trop restrictives, les jeunes vont toujours chercher à les
contourner. Et, à la fin de la journée, dépendamment comment est-ce qu'on
contrôle, qui va avoir le fardeau d'implanter ça et de contrôler ça? Ça va être
les parents. Et nos parents, en ce moment, nous, ils nous demandent de l'aide
comme : Aidez-moi. Aidez-moi à arriver à contrôler l'usage du jeune.
Alors, si... Et, on le sait, bien souvent, les
parents vont nous dire : Ah! j'étais fatigué. Je veux faire le souper.
J'ai mis mon enfant devant l'écran. Donc, le pauvre parent, s'il n'est pas
éduqué et informé comme il faut, lui, il va laisser faire le jeune puis il va
dire : Bien oui, je vais te le créer, ton compte, puis tu pourras y aller.
Alors, pour
nous, ce n'est pas notre sphère d'expertise de savoir comment est-ce que ça va
être contrôlé, mais, en tout cas, pour nous, on regarde ça plus de
l'extérieur puis on se dit : Bien, je pense qu'il va falloir une
concertation.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup.
M. St-Louis : Très bien. Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
Mme la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme Cadet : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour. Bonjour à vous deux. J'ai malheureusement manqué une
partie de votre présentation en raison d'autres obligations professionnelles,
donc je ne... j'espère ne pas répéter quoi que ce soit, mais j'irais, donc, de
la question suivante. Il y a différents spécialistes, donc, qui sont venus
avant vous qui nous parlaient... Bon, donc, on parlait, donc, de différentes
restrictions auprès des jeunes, notamment de dire : Bien, peut-être qu'il
y aurait des recommandations aux gens, bien, pas de... pas d'accès aux réseaux
sociaux, pas d'accès aux écrans, donc, pendant la semaine. Et parfois on nous a
mis en garde, ou informés, ou, du moins, donc, inclus dans le débat la
question, donc, de comportements qui seraient qualifiés de boulimiques, donc
des jeunes qui, en raison, donc, d'une trop grande restriction, pourraient,
donc, avoir, donc, un usage encore plus concentré des écrans pendant une
période de permissivité. Donc, j'aimerais vous entendre là-dessus.
Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : Oui.
Écoutez, c'est intéressant comme point de vue, puis effectivement, pas que...
en tout cas, je n'avais pas nécessairement réfléchi à ça, mais c'est vrai qu'on
peut comprendre un comportement de «binge» qui pourrait avoir lieu à ce
moment-là, et donc une très grande difficulté à ces jeunes-là, lorsqu'ils sont
dans un comportement de «binge», d'être capable, justement, de se contrôler.
C'est sûr, encore une fois, pour nous, les
mesures restrictives, ce n'est jamais la première solution, et c'est pour ça
que, pour nous, ce qui est important, c'est... en amont de toutes les mesures
que le gouvernement va vouloir mettre en place, tant qu'il y a des campagnes
d'éducation, des campagnes d'information, des campagnes sociétales et de la prévention
auprès des jeunes, auprès des parents, nous, on le sait qu'à long terme c'est
ça qui marche. S'il y a d'autres mesures qui accompagnent puis qui viennent
bonifier, tant mieux. Mais, nous, ça fait 20 ans qu'on fait de la
prévention. Ça faisait très longtemps qu'on voulait débuter la prévention pour
éviter que les gens se ramassent à la maison. On disait toujours :
L'objectif, notre objectif, c'est de fermer la maison. C'est que nous, on le
sait, que, la prévention, ça marche. Et c'est pour ça que, oui, toutes les
mesures qui sont proposées, toutes les solutions valent la peine d'être
explorées, mais, à la fin de la journée, si on ne fait pas de prévention, de
sensibilisation, toutes ces mesures-là ne serviront à rien.
Mme Cadet : Merci. Puis,
peut-être en sous question, est-ce que vous pensez que ces comportements, donc,
d'usage excessif, concentré, là... dans le
comportement de «binge», est-ce que, dans le cadre de votre expertise, est-ce
que c'est pire? Est-ce
que ça s'équivaut? Est-ce qu'on est mieux de dire : Ah! bien, les
recommandations nous disent, donc,
combien d'heures par jour, que c'est mieux d'avoir un usage plus équivalent qui
est détaché, ou est-ce qu'il y a plus de risque de développer... d'être
vulnérable, donc, à développer des dépendances avec le comportement de «binge»?
Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : Les
deux. C'est les deux, définitivement, de la même façon qu'on peut voir, en traitement, des gens qui vont consommer,
ou jouer, ou peu importe, à tous les jours pendant un certain temps,
comme des gens qui font juste «binger» une fois par mois, une fois par semaine,
je ne sais pas, là, deux fois par année, et
qui se ramassent quand même avec un problème. Ça prend d'autres facteurs pour
évaluer cette problématique-là.
Mme Cadet : Merci.
Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci,
Mme la députée. Est-ce qu'il y a d'autres interventions ou questions de la part
des membres? Ça fait le tour? Alors, merci infiniment pour votre contribution à
ces travaux qui... Oui, on en prend connaissance à tous les jours, là. C'est
une prise de conscience collective, et je pense que c'est un travail qui est
nécessaire. Alors, grâce à des acteurs comme vous, on va être en mesure de bien
réfléchir à la question et d'essayer d'apporter les meilleures solutions
possibles. Alors, merci encore.
Et nous, on suspend les travaux quelques
instants pour accueillir nos prochains témoins.
(Suspension de la séance à 15 h 29)
(Reprise à 15 h 36)
La Présidente (Mme Dionne) : La
commission reprend maintenant ses travaux. Donc, nous avons le bonheur
d'accueillir, pour cette fin de journée, la Dre Généreux. Alors, bonjour et
bienvenue à cette commission. Donc, je vous rappelle que vous avez
10 minutes pour nous faire part de votre exposé, et, ensuite de cela, nous
procéderons à une période de questions avec les membres. Alors, je vous cède la
parole.
Mme Mélissa
Généreux
Mme Généreux (Mélissa) : Merci
beaucoup. Bien, je voulais prendre... commencer en vous remerciant, parce que j'apprécie beaucoup le temps que vous
investissez à tous nous accueillir, là. Il y a plusieurs experts que
vous allez rencontrer et pour... c'est pour
un sujet que je considère très, très important, à savoir les écrans et les réseaux
sociaux.
Je débuterais juste en me présentant, pour
peut-être identifier les différents chapeaux que je porte, ce qui m'a amenée
aussi à m'intéresser aux écrans et aux réseaux sociaux. Donc, je suis d'abord
médecin spécialiste en santé publique, ça fait
une quinzaine d'années. J'ai été directrice de santé publique pendant six ans,
en Estrie, et maintenant je suis médecin-conseil, toujours dans la
région de l'Estrie. Et un de mes dossiers, évidemment, c'est les écrans, les
réseaux sociaux et, plus largement, tout ce qui touche à la santé mentale et au
bien-être des jeunes.
Je suis aussi professeure titulaire à la Faculté
de médecine des sciences de la santé, à l'Université de Sherbrooke, et je vous
dirais que, par ce chapeau-là, ça me permet d'encadrer, superviser plusieurs
étudiants et étudiantes en médecine, entre autres, qui, dans leurs stages, ont
réalisé avec moi plusieurs enquêtes sur la santé psychologique, le bien-être
des jeunes de 12-25 ans. On a fait ça pendant quatre ans, mais aussi une
enquête plus récente, en 2024, sur le bien-être des familles, où on a plus
sondé des parents un peu partout au Québec. Donc, je vais en glisser quelques
mots ici et là dans les prochaines minutes.
Et, juste avant de finir ma présentation, je
pense que c'est important aussi de souligner que je suis maman et belle-maman,
quand même cinq fois, donc je vis avec cinq enfants, qui sont âgés entre huit
et 19 ans, que je vois aller depuis plusieurs années. Donc, forcément, ça
vient aussi enrichir, si on veut, ma compréhension de la relation que les
jeunes entretiennent avec les écrans.
Je me disais, pour commencer, tu sais, je sais
que vous avez entendu parler beaucoup des impacts soit positifs ou négatifs des
écrans et des réseaux sociaux sur la santé, je ne vais pas tout redire, mais
j'aimerais quand même mettre l'accent sur le fait que, non, les écrans ne sont
pas que négatifs. D'ailleurs, c'est ce qui me permet, là... j'avais des
contraintes familiales, et c'est ce qui me permet de pouvoir être avec vous
aujourd'hui. Donc, on n'est pas foncièrement, là, contre les écrans.
D'ailleurs, on a sondé 18 000 jeunes
en 2023 pour leur demander c'était quoi, leur top trois des impacts positifs qu'avaient les écrans dans leur vie. Et
ils ont dit : Les relations avec les amis, les relations amoureuses et
aussi les loisirs. Donc, ça, pour eux, c'était positivement affecté par les
écrans. Malheureusement, top trois d'impacts négatifs, il y avait un impact sur le sommeil, sur la réussite éducative, mais
aussi sur la qualité de l'environnement familial. Donc, je trouvais important de montrer que, du point de vue
des jeunes, tout n'est pas nécessairement négatif non plus avec les écrans. Par contre, la moitié de ces jeunes-là
nous a rapporté se sentir moyennement à très dépendant aux écrans. Donc,
ça, là, le fort potentiel d'addiction, qui est bien démontré dans la
littérature, est aussi très bien ressenti par les jeunes.
Quand on sonde les parents, je ne vous cacherai
pas qu'en 2024 les 14 000 parents, qui ont répondu à notre enquête un
peu partout au Québec, nous disaient qu'ils étaient préoccupés. C'était leur
préoccupation numéro un, là, le temps d'écran de leurs
enfants, et ce, autant au primaire qu'au secondaire. Et les parents de grands
utilisateurs, donc au moins quatre heures par jour, autant la semaine que la
fin de semaine, nous disaient que leurs enfants s'amusaient moins avec les
amis, avaient moins d'énergie, plus de difficulté d'attention et une vie moins
facile à l'école, entre autres choses. Donc, ça, ça demeure des perceptions,
encore une fois, mais c'est quand même des milliers de personnes qui se sont
prononcées sur le sujet au Québec.
Il y a, par contre, plusieurs choses, puis ça,
je pense, c'est important à dire, qui demeurent encore un peu incertaines dans la
littérature. Donc, on observe des choses sur le terrain, mais on n'a pas
exactement encore une compréhension parfaite et précise de la relation qui
existe entre le temps d'écran et la santé mentale. Donc, par exemple, dans notre enquête, on a bien vu que les
jeunes qui consomment beaucoup d'écrans sont aussi des jeunes qui vont présenter plus de symptômes anxieux,
dépressifs. Il y a vraiment un lien entre les deux, mais la poule ou l'oeuf,
c'est difficile à dire avec mon genre
d'enquête, là, où on prend un portrait instantané. Parce qu'on n'est pas en
mesure de dire si l'anxiété et la
dépression étaient là avant l'usage important d'écrans, et c'est peut-être ça
qui a aussi amené les jeunes à se réfugier à travers les réseaux sociaux
et les écrans. Donc, on manque d'études dans ce sens-là. On a vraiment besoin
de plus de recherches, plus de recherches aussi pour démontrer est-ce qu'un
quatre heures d'écrans, assis sur un sofa avec notre famille à regarder un
film, versus un quatre heures isolé à voir défiler des vidéos TikTok tout seul
dans sa chambre... Est-ce que c'est exactement le même quatre heures en termes
d'effets négatifs? Probablement que non.
Il n'y a aussi vraiment pas beaucoup d'études
sur l'efficacité des mesures. Moi, c'est peut-être ça qui me marque le plus.
Donc, il y a toutes sortes de mesures qui sont prises, partout sur la planète,
pour essayer de contrer les impacts négatifs, mais très peu d'entre elles ont
été évaluées. Donc, je vous amène quand même à une certaine position, un regard
critique par rapport à ça, parce qu'on ne le sait pas, exactement, à l'heure où
on se parle, de ce qui est le plus efficace pour prévenir les effets négatifs
des écrans.
• (15 h 40) •
Ceci étant dit, moi, je trouvais ça important de
remettre un peu la rigueur scientifique puis voir ce qu'on sait puis ce qu'on
sait un peu moins, mais, selon moi, c'est mon opinion professionnelle, il y a
quand même suffisamment d'observations terrain, suffisamment de rapports
d'enquête, un peu partout dans le monde, pour nous dire que les écrans et les
réseaux sociaux, c'est un enjeu important de santé publique. J'oserais même
dire que c'est un enjeu qui s'apparente, dans les prochaines années, de
l'ampleur de ce qu'on peut avoir vu pour la lutte au tabac, la consommation trop
importante d'alcool, la malbouffe ou les substances psychoactives, de façon
générale.
Je m'explique. C'est dans le sens que plusieurs
de ces substances-là ou ces produits nocifs là ont un caractère addictif, ils
viennent surstimuler le circuit de récompense, puis c'est exactement ce qui se
passe aussi avec les réseaux sociaux. Il y a aussi toute cette notion-là de
pression, d'influence par les pairs, d'attrait pour... par les jeunes pour ces
substances-là. On voit vraiment, là, des liens très, très proches. Et
j'ajouterais que, pour le tabac, et la malbouffe, et même pour l'alcool, on
voit le rôle de l'industrie, leurs stratégies malsaines de marketing, de
publicité, de production d'un produit qui est consciemment nocif pour rendre un
peu plus accro des grands utilisateurs. Donc, tout ça, on voit vraiment un
grand, grand lien.
Donc, je me dis, sachant qu'il y a autant de
liens, aussi bien apprendre des stratégies qui ont été gagnantes, de santé
publique, et s'en inspirer pour l'appliquer aux écrans. Je mets quand même une
nuance très importante ici. Oui, on peut faire plusieurs parallèles, mais les
écrans, à l'opposé du tabagisme par exemple, ne sont pas que nocifs. Donc,
évidemment, autant qu'on vise un Québec zéro tabac, on ne vise peut-être pas un
Québec zéro écran. Donc, il y a encore plus cette couche de complexité là, je
dirais, par rapport aux écrans, qu'on doit avoir en tête.
Donc, si je vais un petit peu plus dans les
stratégies de santé publique gagnantes, puisque c'est un enjeu de santé publique,
en santé publique, on va toujours avoir le double objectif, puis c'est
fondamental qu'on l'ait pour le dossier des écrans des réseaux sociaux...
c'est-à-dire que, oui, on veut réduire les impacts négatifs sur la santé des
écrans et des réseaux sociaux, mais on veut... on doit aussi chercher à réduire
les inégalités sociales de santé. Encore une fois, si je me réfère à l'exemple
du tabac, historiquement, on a commencé à faire beaucoup d'actions de
sensibilisation, d'éducation à la santé. Ça a marché, mais juste pour un groupe
de la population, pour le groupe... en fait, davantage pour un groupe de la
population, c'est-à-dire le groupe un peu mieux nanti, qui a une plus grande
littératie en santé, qui a cette plus grande facilité là à aller chercher l'information,
à l'enregistrer puis à changer ses comportements. Mais ce qu'on a vu, c'est
qu'il y a un autre grand pan de la population, qu'on pourrait appeler le groupe
un peu plus défavorisé, chez qui des stratégies de sensibilisation, ça a été
beaucoup moins efficace. Donc, ce qu'on a appris, avec le tabac, la malbouffe
et plein d'autres substances, c'est qu'on doit aussi agir absolument au niveau
des environnements. On doit faire en sorte que le produit ne soit pas trop
accessible et ne soit pas trop tentant pour rendre le changement de
comportement plus facile.
Donc, si je l'applique à l'échelle des écrans,
ça ne veut pas dire nécessairement une approche coercitive avec une grande loi
superstricte, encadrante. Ça peut être une option, mais c'est vraiment... Moi,
ce que je pense qui est le mieux, c'est d'avoir une cohérence au niveau des
différents environnements, milieux de vie des jeunes, des actions qui sont
toutes cohérentes puis qui poussent dans le même sens. Donc, exemple, si je
prends à l'école, on peut avoir une interdiction de cellulaire en classe. Ça,
c'est une mesure unique. Je doute quand même de son efficacité si ce n'est pas
jumelé avec d'autres actions. Par exemple, si on est dans un milieu scolaire où
on pousse beaucoup sur les méthodes pédagogiques très, très numériques, si on
est dans une école où il y a des écrans partout, ordinateurs, écrans de
télévision, iPad, dans toutes les pièces, si on est dans une école où l'usage
des écrans est beaucoup utilisé comme objet
de récompense, lors des pédagos, par exemple, ou si on est dans une école où on
a très peu d'alternatives aux écrans, tu sais, on manque
d'infrastructures sportives ou d'activités parascolaires pour donner le goût
aux jeunes de faire d'autres choses. Mais on n'est pas dans la cohérence ici.
Donc, tout ça, bien, en
fait, je pense, j'imagine qu'on va y aller un peu plus avec des questions, mais
ça amène quand même à se poser des questions par rapport à la fameuse
interdiction des cellulaires mur à mur dans toutes les écoles. Sincèrement, je
pense quand même qu'il y a quelque chose d'intéressant derrière ça, en ce sens
que... d'avoir un environnement où on n'a pas la pression puis l'influence par
les pairs de voir tout le monde sur son cellulaire,
puis dire : Est-ce que je suis en train de manquer quelque chose? Moi
aussi, je dois y aller, parce que, là, il y a comme une vie parallèle,
numérique qui est en train de s'exercer, qui nous donne l'envie irrésistible
d'y aller. Donc, c'est sûr qu'un milieu avec des zones sans écran, des moments
sans écran, certains milieux décident de le faire vraiment mur à mur sur toute
la journée. Ça peut avoir ça d'intéressant. Mais je réitère le fait que ça
serait quand même franchement pertinent de pouvoir évaluer ce qui s'est passé
dans ces milieux-là. Il y a des écoles qui ont eu le courage de le faire. Donc,
on a plein d'experts, on a des gens en santé publique, dans le domaine de la
santé et de l'éducation, qui pourraient venir documenter ces démarches-là.
Comment ça s'est passé? Avez-vous impliqué des jeunes autour de la table, des
parents, du personnel? Qu'est-ce qui fait que ça a fonctionné? Et surtout
qu'est-ce que ça a donné? Et ça, ça pourrait vraiment servir d'une base de
guide pour d'autres écoles, qui pourraient vouloir initier un tel processus,
mais il me semble qu'il y a... Quelque chose d'un petit peu plus «bottom up»,
qui part de la base, avec des bons outils d'accompagnement, serait quelque
chose garant de succès. Donc, je pense que j'ai pas mal atteint le
10 minutes. Donc, je vous laisserais maintenant pour les questions.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup, Mme Généreux. Donc, oui, on va débuter avec la période de
questions en débutant avec Mme la députée de Châteauguay.
Mme Gendron : Merci beaucoup, Mme la
Présidente. Bonjour, Mme Généreux. Merci d'être avec nous aujourd'hui.
J'ai eu le bonheur de vous entendre, ce matin, justement, en entrevue. Donc, ça
m'a mis un petit peu en bouche, là, votre présentation. J'avais deux questions
qui ne sont pas tout à fait reliées. La première étant : Vous... de ce que
je comprends, c'est que vous y allez plutôt vers de la sensibilisation, du
contrôle, plutôt que de l'interdiction, ou est-ce qu'on mêle à ça un âge
numérique?
Mme Généreux (Mélissa) : Bien, en
fait... Non, c'est ça, de la sensibilisation individuelle, c'est nécessaire,
mais ce n'est pas suffisant. Ça, pour moi, ça va de soi, mais ce que je veux
dire, c'est qu'agir sur les environnements, si on y va avec une mesure très
coercitive, du genre on interdit les cellulaires partout, mais qu'en
contrepartie on a des devoirs à faire en ligne, plein de travaux d'équipe
interactifs en ligne, des cours sur les iPad, puis qu'on a plein d'écrans
partout, et qu'on rentre à la maison puis que papa, maman continuent à être sur
les écrans, il y a comme quelque chose, tu sais, qui est moins cohérent. Donc,
ce que je veux dire, c'est : Est-ce qu'il faut y aller avec une mesure
très stricte, très encadrante, mais qui ne vient pas accompagnée d'autres mesures
cohérentes, ou est-ce qu'on n'est pas mieux d'avoir une diversité de mesures?
Mais, ceci étant dit, est-ce que je suis pour ou
contre quelque chose d'un petit peu plus dans le domaine de l'interdiction?
Moi, je pense juste qu'on n'a peut-être pas encore assez évalué pour être sûr
et certain que c'est ça, l'approche unique. Mais sincèrement, je vais parler
pour moi, si mon enfant pouvait aller dans une école où on avait bien établi un
milieu avec moins d'écrans, je serais bien contente, là. Tu sais, je fais juste
dire que... Est-ce que ça doit être fait de façon drastique mur à mur, dans
toutes les écoles dès décembre, versus essayer de mieux comprendre ce qui
fonctionne, quelles sont les barrières aussi? Tu sais, les parents qui sont
inquiets de ne pas pouvoir rejoindre leurs enfants, bon, bien, les écoles où on
l'a fait, puis ça a fonctionné, comment ils ont contourné cette barrière-là?
Est-ce qu'on peut avoir un petit guide pour aider les écoles à bien le faire,
puis que ce soit mieux reçu, plutôt que quelque
chose de très contraignant qui crée un genre de frustration, sans peut-être
toute la valeur ajoutée, là, associée à ça?
Mme
Gendron : Je comprends bien. Donc, un guide pour les milieux
scolaires, peut-être aussi les milieux à la maison. Je vous comprends,
moi aussi, j'ai cinq ados à la maison, ça fait que c'est un défi de taille
aussi à la maison.
Je vais vous amener sur d'autre chose. Moi, mes
enfants, c'est des fervents de lecture, de bibliothèque numérique. Vous êtes
une spécialiste des écrans, vous avez mentionné. Y a-t-il là une différence
entre un écran bleu qu'on utilise, un iPad, ordinateur, à ce qu'on fait une
lecture sur un «e-reader», là, ou en français, honnêtement...
Une voix : ...
Mme
Gendron : Une liseuse,
pardon, merci.
Mme Généreux (Mélissa) : Je...Et,
en fait, on y va avec la logique, parce que, comme je vous dis, les mécanismes
fins d'action ne sont pas encore parfaitement établis, mais, oui, c'est quand
même de plus en plus reconnu que... C'est comme je disais, ce n'est vraiment
pas juste le temps d'écran qui compte que le type de contenu qu'on va regarder,
la finalité d'usage, donc là ce que vous dites, lire du contenu éducatif, qui
nous permet de garder aussi l'attention longtemps sur la même chose, hein?
Parce que, si vous avez... En tout cas, moi,
j'en ai, des enfants, comme je dis, à la maison, puis ça... même d'écouter un
film au complet sans bouger, ils trouvent ça long, parce que, comparé à une
vidéo TikTok de 30 secondes, c'est pas mal plus long, ça demande une
attention soutenue. Donc, d'aller dans une lecture de quelque chose qui est
moins de lumière bleue, comme vous dites, mais qui a une vocation un peu plus
éducative ou de profondeur, ou d'apprendre, de lire, de s'intéresser à une
histoire de façon plus maintenue, définitivement que, selon mon avis, on n'est pas dans le même risque que de
passer la même durée de temps sur un iPad ou un cellulaire tout petit,
qui force les yeux, qui nous oblige à... bien, qui nous amène à s'isoler puis à
finalement passer deux, trois heures de sa vie sans avoir vraiment été exposé à
quelque chose de constructif. Des fois, oui, des fois, non, mais... et même des
fois des choses malsaines. On n'a pas parlé de cyberintimidation, de
cyberviolence, mais effectivement, sur une liseuse, c'est un petit peu plus
difficile d'imaginer qu'on va être exposé à du contenu malsain.
Mme Gendron : Merci de votre
contribution.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve.
• (15 h 50) •
M. Leduc : Merci, Mme la Présidente.
Bonjour, Dre Généreux. Tout d'abord, je vais vous remercier pour les... vos
contributions. L'étude que vous aviez faite nous avait beaucoup aidés dans nos
travaux sur l'âge minimal de travail, bientôt presque deux ans de ça. Donc,
merci pour ça. J'avais une question sur la majorité numérique, mais on l'a déjà
posée. C'est excellent.
Je vous amènerais peut-être un peu sur un sujet
différent, là. Les gens qui vous ont précédée un peu plus tôt aujourd'hui, on a
eu un échange sur la différence entre l'industrie puis la communauté de
joueurs, plus sur l'aspect jeux vidéo. Puis on avait la réflexion : Tu
sais, est-ce que l'industrie peut s'autoréguler — c'est un peu la tendance
qu'on voit, tu sais, Meta a annoncé, il n'y a pas plus tard qu'avant-hier ou
hier, même, des nouvelles règles pour ses profils,
pour les jeunes, etc. — ou
est-ce qu'il faut considérer l'industrie des réseaux sociaux et du jeu vidéo de
la même manière qu'on a fini par considérer l'industrie de l'alcool, du
tabac? C'est une industrie qui... dont le profit vise à faire des choses pas
tout à fait dans l'intérêt de la santé publique, puis il faut mettre des règles
extrêmement claires.
Mme Généreux (Mélissa) : Ce serait
pas mal la deuxième des deux... des deux hypothèses que je mettrais de l'avant.
Je n'ai rien... Ce ne sont pas des ennemis, je n'ai rien contre les personnes
derrière ça, mais la vocation des réseaux sociaux ou des plateformes de jeux
vidéo, c'est d'avoir des gens, souvent des jeunes, parce qu'ils sont encore
plus attirés, mais de tous âges, qui vont durer et rester le plus longtemps
possible puis qui vont se fidéliser, qui vont être y retourner le plus souvent.
Donc, leur intérêt, c'est de créer ce genre de dépendance là, entre guillemets,
qui fait qu'on va avoir une plus grande clientèle, qui va toujours être de plus
en plus nombreuse, fidèle. Donc, toutes les stratégies qui sont utilisées sont
strictement à cette fin-là. Donc, ils n'ont pas de vocation sociale, là. Je
n'ai jamais vu... peut-être qu'un jour on aura des... un réseau social créé par
le communautaire ou le public à des fins purement bénéfiques, là, mais, pour le
moment, je n'en connais pas. Si vous en connaissez, tant mieux.
Donc, oui, pour moi, c'est exactement comme
l'industrie du tabac, l'industrie du tabac ou de l'alcool. Bien, l'alcool,
c'est un peu plus complexe parce que c'est quand même en lien avec le
gouvernement, mais, encore là, on pourrait en parler, c'est loin d'être
parfait. Mais, au niveau du tabac, il n'y a aucune connexion, là, c'est
purement à des fins privées puis, encore une fois, avec le seul objectif qui
est de rendre dépendant. Puis on voit que, même quand ils ont eu des tendances
à dire : Ah! on veut être des bons concitoyens, et puis on va s'améliorer,
bien, woups! on amène des lois, ils vont contourner en créant des produits de
vapotage. Puis là, s'il y a des limites au vapotage, on va... on va recréer des
nouvelles stratégies pour enlever les saveurs, les mettre à côté. Et c'est ça,
leur job.
Dans les réseaux sociaux, ce qu'on fait, ou les
jeux vidéo, c'est d'engager des neuropsychologues pour dire : Pouvez-vous
nous faire des stratégies visuelles, sonores, ou peu importe, ou d'architecture,
qui vont faire en sorte que nos gens vont revenir? L'exemple, moi, qui m'avait
le plus frappé, là, ça s'appelle la captologie, la science de comment capter
l'attention des gens, bien oui, c'est un vrai mot, où on nous expliquait que
les neuropsychologues ont... Tu sais, le fameux point rouge, là, sur les
applications, qu'on voit, tu sais, qui dit que tu as manqué quelque chose, là,
bien, ce point rouge là est absolument calculé pour créer et générer un
sentiment d'urgence. Dans le fond, quand on voit un point rouge, ça lance un
signal : Vas-y, c'est urgent, il y a quelque chose qui se passe. Donc, je
ne vois pas en quoi on fait ça dans le meilleur intérêt de nos jeunes, non.
M.
Leduc : Il y a comme deux façons d'aborder ça, qui ne sont
pas nécessairement contradictoires, mais il y a la question du nombre
d'heures du temps d'écran puis, après ça, il y a qu'est-ce qu'on y consomme.
Puis on réfléchit à... Il y a des gens qui parlent de... dont moi, de peut-être
aller explorer l'idée de réguler certains aspects des réseaux sociaux,
interdire certains aspects des réseaux sociaux, mettons, les boutons J'aime, le
démarrage automatique de vidéos, etc., tout ce qui sont les aspects les plus
nocifs des réseaux sociaux, par voie législative ou en donnant des pouvoirs,
comme le... Option Consommateurs le proposait à la Commission d'accès à
l'information. Est-ce que c'est une piste intéressante, ça aussi, de
dire : On pourrait peut-être aller corriger certains des effets les plus
nocifs des réseaux sociaux en complément ou en remplacement de l'idée du nombre
d'heures d'écran?
Mme Généreux (Mélissa) : Bien,
définitivement. Tu sais, en santé publique, on va toujours dire que les mesures les plus efficaces, c'est celles qui
agissent à la source du problème. C'est là où on risque... on a le plus de
chances d'atteindre tout le monde, sans
égard aux capacités d'adopter des changements, tu sais. Si, à la base, le
produit est moins nocif, évidemment, tout le
monde va bénéficier de ça, qu'on soit issu d'un groupe plus favorisé ou pas, ou
plus défavorisé.
Maintenant, c'est sûr qu'on entend toujours la
question de voir qu'est-ce qu'il est possible de faire. Est-ce que c'est plus
grand que nature? Tu sais, c'est David contre Goliath, là, c'est un peu ce
qu'on entend, mais je trouve ça très intéressant, parce qu'avec l'émergence de
la commission ça a amené plein d'experts à plus se parler. Et il y en a une,
que vous allez rencontrer la semaine prochaine, Mme Bonenfant, là, avec
qui j'ai eu le plaisir de discuter, et elle... Il y a des gens qui ont passé leur vie ou
pratiquement leur carrière à travailler sur comment on peut mieux réguler. Donc, elle me parlait, elle vous en
parlera sûrement, de l'exemple d'une régie du cinéma, mais appliquée aux
réseaux sociaux ou aux plateformes de jeux vidéo, qu'il y aurait un organisme
public complètement détaché de... en fait, qui est financé par le public, donc
détaché du privé, qui est là pour exercer un certain contrôle, émettre des
cotes. Ça serait le fun, un PG-13, là, excusez, je ne sais pas comment on dit
ça en français, en tout cas, ça, là, c'est... je ne sais pas comment...
Des voix : ...
Mme Généreux (Mélissa) : ...je ne
sais pas. En tout cas, cette cote-là, une cote d'âge recommandé, tu sais. Comme
parent, on est constamment confronté à des nouveaux jeux, là. Moi, Brawl Stars
puis ces... je ne sais pas lesquels sont bons, ne sont pas bons, comment on...
est-ce que TikTok, c'est moins bon que Snapchat? Est-ce que... probablement,
Facebook m'apparaît plus nuancé que Snapchat ou... mais les parents ne le
savent pas.
Les guides, ce n'est pas si évident que ça,
le... Donc, d'avoir déjà un genre de cotation ou une évaluation faite par des
experts, d'avoir un genre de contrôle, de vigie par un organisme indépendant,
public, ça pourrait être franchement intéressant. Ce n'est pas parfait, on
n'est pas dans la régulation, mais on est en train de dire aux réseaux sociaux
puis aux jeux vidéo en ligne : On vous surveille, on vous surveille
puis... Parce que, là, personne ne les... bien, il y a des chercheurs, des experts
qui les surveillent, mais franchement ils ont la vie facile, là, tu sais, je
veux dire, on n'exerce pas beaucoup de contrôle.
M. Leduc : C'est ça. Les pouvoirs
publics ne se sont pas mouillés bien, bien encore, là.
Mme Généreux (Mélissa) : Non, vraiment
pas. On pourrait vraiment en faire plus. Puis, même au niveau de la régulation,
si on est dans une logique où on considère que certains... certaines tendances
d'architecture de réseaux sociaux amènent à créer ce qu'on pourrait appeler...
quelque chose qui s'approche du jeu pathologique, tu sais, les fameux coffres à
butin, là, les «loot boxes» en anglais, où, tu sais, les jeunes accumulent du
temps ou peuvent même dépenser de l'argent, puis là il y a une surprise quand
tu ouvres la boîte avec... Bien là, ça, il y a comme vraiment quelque chose
plus qu'addictif, là, on est en train d'instaurer une notion de jeu en ligne,
tu sais, de gambling, là, c'est... Donc, ça, si on est capable de faire ces
démonstrations-là puis d'utiliser nos pouvoirs, en termes de lutte aux
dépendances, au jeu pathologique, puis de, comme Québec, aller réguler
certaines pratiques qu'on considère qui favorisent carrément de la dépendance
ou du jeu pathologique, ça peut être aussi une avenue.
Ce qu'on m'a
dit, c'est qu'en Belgique ils ont réussi à le faire sous cet angle-là, et
certains jeux vidéo ont même reculé, parce qu'en se disant : Tant
qu'à avoir deux, trois pays qui commencent à nous mener la vie dure, ça va être
peut-être plus simple de carrément enlever cet aspect-là de notre plateforme,
là, qui cause un peu plus de polémique.
M. Leduc : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
Je cède maintenant la parole à Mme la députée d'Iberville.
Mme Bogemans : Merci beaucoup, Mme
la Présidente. Je voulais vous entendre sur votre perception de l'intelligence artificielle dans les salles de
classe, comment... votre perception, vraiment, de cet enjeu-là puis
comment on pourrait mieux l'encadrer.
Mme Généreux (Mélissa) : C'est
hallucinant. Ça va vraiment vite, ce monde-là, là. Je vous dirais, moi, je suis
moi-même professeure à l'université, donc j'en... je le vois, à quel point...
bien là, je ne sais pas si c'est dans ce sens-là que vous vouliez dire, mais à
quel point ça peut même nuire à l'apprentissage ou contribuer à... pas du
plagiat, là, mais, tu sais, de la production de contenu qui n'est pas vraiment
basé sur une réflexion, un vrai travail comme on voudrait que les jeunes
acquérissent. Donc, ça, on le voit.
Je veux dire, c'est omniprésent partout, là. Des
fois, je donne l'exemple de mon garçon qui ne se rend même pas compte que c'est
de l'intelligence artificielle, mais il cherche une question pour son devoir,
puis on a une Alexa dans la maison, puis il dit : Alexa, c'est quoi, la
réponse à ça? Puis je dis : Bien, voyons donc, mon petit gars, tu ne vas
pas... il faut que tu les fasses, tes mathématiques, tu sais. Bien, vous voyez,
mais je pense qu'ils ne s'en rendent pas compte, ça va juste trop vite. Donc,
oui, effectivement. Je pense même qu'au moment où, probablement, vous avez
rédigé un peu les balises de la commission ce n'était même pas si encore
présent que ça l'est aujourd'hui.
Donc, c'est... à mon avis, ce que ça dit, tout
ça, c'est que, oui, on parlait de peut-être... d'organismes publics de
régulation, de contrôle, style Régie du cinéma, ça, c'est une chose, mais,
au-delà de... il y a comme... on a besoin d'avoir un genre d'organisme qui est
vraiment en vigie de tout ça, des tendances, des nouvelles... développements de
plateformes, des tendances, des nouvelles connaissances qu'on a dans la
littérature, ça explose de partout, les connaissances sur les impacts plus
nuancés des réseaux sociaux et des écrans sur la santé, le bien-être, mais
aussi des... Tranquillement, j'ose espérer
qu'on va avoir plus de connaissances sur les pratiques, qu'est-ce qui a
fonctionné, qu'est-ce qui n'a pas fonctionné, pourquoi, comment. Donc, c'est
une job à temps plein, de probablement plusieurs personnes, là, d'avoir cette vigilance-là, d'être au courant. Et c'est
dans ce cadre-là, je crois, que l'intelligence artificielle pourrait occuper une bonne partie pour... de ces
personnes-là pour mieux anticiper, là, les... Il peut y avoir du positif,
là, je ne dis pas qu'il n'y a pas de
positif, mais il y a certainement des préoccupations qui viennent aussi avec
cette nouvelle réalité là.
Mme
Bogemans : Merci. Tout à l'heure, vous abordiez, par exemple dans la
cohérence, qu'une salle de classe remplie d'ordinateurs, par exemple,
c'était... ça n'envoyait probablement pas le bon message. L'endroit où on voit
souvent le plus d'écrans, actuellement dans notre réseau scolaire, c'est
probablement, un, dans le réseau privé et, de l'autre côté, avec les besoins
particuliers, donc tout ce qui est aide à la lecture, aide à l'écriture, etc.
Ça fait que j'aimerais ça vous entendre là-dessus.
• (16 heures) •
Mme Généreux
(Mélissa) : En fait, c'est deux réalités fort différentes, mais merci
de poser la question, parce que ça permet quand même de spécifier que, pour les
enfants, bon, EHDAA, là, qui ont des besoins particuliers, en lien avec des
difficultés d'apprentissage, ou d'adaptation, ou certains handicaps, c'est
quand même quelque chose d'autre, là. Tu sais, là, je ne suis pas en train de
dire que les écrans, c'est nocif tout le temps, de toute façon, je l'ai dit
plusieurs fois, mais, dans certaines circonstances bien particulières, c'est
tout à fait compréhensible et ça peut
vraiment aider certains enfants à parcourir leur cheminement scolaire, là, de
façon beaucoup plus positive ou réduire
les inégalités, là, qu'ils pourraient avoir, d'entrée de jeu, en termes de
facilité d'apprentissage. Donc, ça, c'est bien de le préciser, là. Les technologies ont plein d'avantages, notamment
pour les enfants qui ont des besoins particuliers.
Pour ce qui est des
écoles privées, par contre, c'est très intéressant, parce que... Encore une
fois, je fais des parallèles avec le tabac. Le tabac, quand ça a commencé, là,
c'était très populaire auprès... j'enseigne tout le temps ça à mes étudiants en médecine, c'est pour ça que
je dis ça, auprès des médecins. Les premières cohortes, là, où est-ce
qu'on a réussi à démontrer que le tabac causait le cancer, c'étaient des
cohortes de médecins, parce que c'est eux qui fumaient le plus dans la société.
Puis là, tranquillement, on s'est rendu compte que ce n'était pas une bonne
idée, puis là on ne voit plus beaucoup de médecins fumer ou... Bon.
Ce que je veux dire
par là, c'est que c'est un peu la même chose avec les écrans dans les écoles
privées. Il y a eu évidemment cette tendance-là, parce qu'au début c'était tout
nouveau, c'était la technologie puis c'était associé à un certain standard, tu
sais, niveau socioéconomique élevé. Donc, il y avait quelque... Je pense que
personne ne se doutait, là, de l'aspect si négatif, là, qu'on a pu observer par
la suite. Mais ce que j'entends... ça encore, ça reste à documenter, là, l'état
de situation plus à jour dans les écoles, mais il existe des écoles privées, de
plus en plus, qui sont contraignantes par rapport au numérique. On voit de plus
en plus de retour au papier, crayon ou, justement, des codes de vie où on
interdit carrément le cellulaire pendant une partie de la journée ou des
endroits.
Et ça, je commence à
constater ce type de mouvement là un peu plus dans les écoles privées, qui ont
probablement un petit peu plus de latitude aussi pour procéder à certaines
initiatives de la sorte. Donc, comme je vous dis, moi, je ne serais vraiment
pas surprise qu'au fur et à mesure que c'est connu et documenté, les risques à
la santé, on voie que les écrans et les réseaux sociaux, dans leurs effets plus
négatifs, soient encore plus prédominants dans les groupes défavorisés. C'est
vraiment ce que je pense qu'il pourrait arriver.
Mme
Bogemans : Parfait. J'avais une autre question pour vous. Dans les
derniers jours, on a rencontré une docteure américaine qui nous parlait de
l'approche thérapeutique pour quelqu'un de... bien, en fait, un jeune cyberdépendant, qui consistait à retirer les
écrans ou de restreindre énormément le temps d'écran pendant quatre
semaines pour que l'afflux sanguin dans le cerveau se rétablisse. Je me
demandais si on avait de la recherche québécoise ou canadienne qui pourrait
appuyer une approche thérapeutique pour la cyberdépendance.
Mme Généreux
(Mélissa) : Oh! c'est sûr que, là, je ne veux pas sortir trop de mon
champ de spécialité, mais, oui, j'ai lu des travaux. Est-ce que c'est... Moi,
ceux que j'ai lus étaient plus américains, en effet, mais là... Ça fait que je
ne pourrais pas dire si on en a fait. En fait, que la pratique, elle existe,
ça, c'est une chose, définitivement, mais est-ce que ça a été documenté, étudié
avec des études, des références qu'on pourrait vous fournir? Je pense que je ne serais pas la meilleure pour vous le
confirmer, mais, oui, cette notion-là, un peu, comme approche
thérapeutique, de couper les ponts, de faire une pause, là, pendant un certain
temps, ça a été démontré, dans certains cas, évidemment, bien ciblés, comme
n'étant pas aussi efficace, mais quand même presque aussi efficace qu'une
psychothérapie pour quelqu'un, un jeune qui aurait des enjeux de santé mentale
comme de troubles anxios, troubles dépressifs. Donc, je trouvais quand même que
c'est parlant. Je ne pense pas que c'est quelque chose à appliquer pour tous
les jeunes qui souffrent d'anxiété, dépression, mais, dans un cas où l'usage
d'écrans est vraiment problématique, c'est une avenue, je sais, qui a été de
plus en... qui est de plus en plus documentée et utilisée, en effet.
Mme Bogemans :
Merci beaucoup. Vous avez amené des points très intéressants.
La Présidente
(Mme Dionne) : Merci, Mme la députée. Je cède maintenant la
parole à Mme la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme Cadet :
Merci. Bonjour, Dre Généreux. Merci d'être avec nous aujourd'hui.
J'aimerais d'abord préciser votre propos quant à la majorité numérique. J'ai
bien entendu qu'au niveau de l'interdiction du cellulaire à l'école, donc, pour
vous, vous n'y voyez pas nécessairement une approche mur à mur, mais vous
faisiez beaucoup de parallèles, puis vous venez de le refaire, d'ailleurs, avec
le tabac, donc, en disant : Au niveau des interdictions, donc, on veut
donc aller vers une société zéro tabac, mais on ne peut pas aller vers une
société zéro numérique. Donc, dans ce cadre-là, donc, si je comprends bien,
donc, vous, vous seriez contre l'instauration d'une majorité numérique?
Mme Généreux (Mélissa) : Bien,
premièrement, il y en a déjà une à 13 ans, bien, tu sais, je ne sais pas
si on l'appelle majorité numérique, mais qui n'est juste pas bien appliquée.
Donc, encore une fois, je reviens un peu avec les propos d'y aller avec... Je pense qu'on
pourrait se perdre ou avoir une fausse réassurance que d'opter pour une
mesure très contraignante, qui ferait beaucoup de bruit, si, parallèlement, on
ne fait pas les efforts de vraiment travailler un meilleur contrôle de l'âge,
une vérification parentale, par exemple. Et j'aime beaucoup l'approche de la
France de parler d'une approche progressive où on peut permettre l'accès aux
réseaux sociaux à un certain âge, mais des réseaux sociaux qui sont reconnus
comme étant éthiques. Ça, c'est quand même bien, dire : On ne veut pas
limiter l'accès aux réseaux sociaux, mais, si vous n'atteignez pas les
standards éthiques, c'est non.
Bon, tu sais, il peut y avoir des choses comme
ça qui sont discutées, où est-ce que... Le seul petit bémol, de les restreindre
avant l'âge de 16 ans, bien, un, je pense qu'on a de la misère à
l'appliquer en bas de 13 ans, donc je ne vois pas trop pourquoi on serait
capables en bas de 16 ans, là. C'est quand même un gros bémol. Mais le
deuxième, c'est qu'il y a... Quand on parle des effets positifs, je... On
parlait des enfants avec des besoins particuliers, d'une part, mais je pense
aussi à tous ces jeunes-là qui... bien, par exemple, issus de la communauté
LGBTQ+ ou des jeunes en milieu un peu plus isolé ou qui ont... qui partagent un
intérêt très spécifique, qui n'est peut-être pas si présent dans leur communauté,
et qui auraient le goût de pouvoir être en réseau avec d'autres personnes.
Donc, il y a quand même cet aspect-là, de bris d'isolement puis de connexion,
d'un sentiment d'appartenance à une communauté, qui peut être très intéressant,
surtout chez des jeunes qui sont un peu plus marginalisés, qui ont peut-être
plus de difficultés, pour différentes raisons, à établir ce lien-là à partir de
ce qui est déjà disponible dans leur communauté. Donc, il y a peut-être là,
moi, qu'en y repensant bien ça me bloquait un peu.
Donc, c'est sûr que, dans un monde idéal, on
obligerait les réseaux sociaux et les jeux vidéo à être éthiques, et, oui, je
pense que... Est-ce qu'il faut absolument y aller par la coercition? Je ne le
sais pas, mais d'encourager le plus possible... de retarder l'âge de
l'initiation par des pratiques un petit peu plus douces, par des
alternatives... Tu sais, c'est sûr, je ne le sais pas pour ceux qui sont
parents dans la salle, mais une soirée où on a un espace, une cour d'école
disponible, avec des terrains de basket, puis que les jeunes peuvent jouer
dehors, puis, après ça, qu'ils ont accès à un cours x, y pas trop cher,
peut-être même, qui sait, gratuit ou presque, offert par le centre
communautaire, ou la ville, ou le quartier, puis ça passe vite, là, une soirée,
puis là, ni vu ni connu, il est rendu 8 heures, c'est l'heure d'aller
faire dodo, puis, tout au plus, vous aurez un 10, 15 minutes d'écran, là,
comme on appelle... mais c'est sûr que, si on n'a pas d'espace pour meubler les
soirées, le temps à l'école...
Donc, je pense vraiment qu'on n'a pas tout fait
ça puis je me demande si c'est légitimé d'aller vers des mesures très
coercitives sans avoir essayé les autres mesures. Je ne dis pas que je suis
convaincue, mais j'ai quand même des questionnements par rapport à ça.
Mme Cadet : Oui, et puis c'est
une bonne transition vers la prochaine question que j'avais, parce que, là,
vous parlez, donc, des alternatives, donc, d'offrir, donc, autre chose aux
jeunes, aux familles, parce que, si on les prive d'écrans, bien, il faut qu'ils
soient capables, donc, d'avoir donc du temps de divertissement hors écran. On a
aussi... On a beaucoup entendu parler, donc, des disparités entre les milieux
favorisés et les milieux défavorisés, là. Donc, nonobstant le fait que les
environnements favorisés ont plus accès aux écrans de manière encadrée, donc, à
l'école, on nous a répété que c'était surtout les jeunes issus des milieux
défavorisés qui avaient, donc, des hauts taux, donc, de nombre d'heures passées devant les écrans. Peut-être, donc,
vous entendre sur les solutions ou les méthodes, donc, de
sensibilisation par rapport à ces effets-là.
Mme Généreux (Mélissa) : Puis là
vous m'excuserez, hein, je fais toujours attention parce que je ne veux pas avoir un discours qui est péjoratif ou
stigmatisant, pas du tout, c'est vraiment plus d'un point de vue
épidémiologique, là, quand on regarde des grandes masses de personnes, oui,
effectivement, on voit les écarts qui commencent déjà à se pointer selon le niveau
socio-économique. Donc, c'est là que...
Si je fais un exemple, on reçoit beaucoup, comme
parents, de courriels de l'école, puis moi, je suis beaucoup en relation avec
les milieux scolaires dans le cadre de mon travail, puis, souvent, ce qu'on
nous dit des milieux scolaires, c'est qu'ils notent un désengagement assez
important des parents. Ils ont remarqué ça depuis quelques années. La pandémie
encore semble avoir exacerbé ça, mais ce n'est peut-être pas juste expliqué par
ça.
Bref, les parents, comment on les sensibilise?
On leur envoie un courriel, c'est ça? Le courriel, est-ce qu'ils vont vraiment
le lire? On les invite à une conférence? Moi, les milieux scolaires me disent
souvent que, oui, des fois, une conférence ou deux vont être plus populaires que
les autres, mais c'est souvent, quand même, le même bassin de parents qui va se
déplacer, puis souvent les parents qui en avaient peut-être un peu moins besoin
à la base, tu sais, les parents qui sont... déjà tendance à être très au
courant des ressources, d'aller en ligne, qui connaissent le site Pause, le
site CIEL. Vous voyez un peu ce que je veux dire?
Donc, je pense vraiment que les méthodes de
sensibilisation qui passent par outiller les parents, outiller les jeunes, il
faut le faire, mais on ne doit pas s'attendre à ce que ça ait la même
efficacité si ça ne vient pas avec d'autres mesures, tu sais. Puis c'est là que
je trouve ça très dommage, mais la famille qui, par exemple, a de la misère à
joindre les deux bouts parce que le logement coûte trop cher, l'épicerie coûte
trop cher, qu'ils doivent faire plus de travail, qui ont peut-être deux jobs en
même temps, qui sont plus occupés le soir, qui sont épuisés, je ne sais trop,
ça se pourrait que ça soit facilitant de dire : Regarde, je vais laisser mon
jeune sur l'écran parce que, pendant ce temps-là, ça me donne le temps de
souffler, ou d'aller faire mon autre travail, ou je ne sais trop.
Donc, c'est là que
d'avoir un environnement favorable, un quartier où est-ce qu'il y a de la
verdure, où est-ce qu'il y a des activités,
où est-ce que c'est sécuritaire d'aller jouer dans la rue, où est-ce qu'il y a
une vie communautaire, ça peut faire toute la différence pour un jeune
qui va, du coup, avoir du temps de libre et pouvoir aller occuper ce temps
libre là d'une façon plus... tu sais, à travers la nature, le sport, le contact
social, aller au parc, et tout ça. Mais, comme,
malheureusement, on le sait, en ce moment, il y a quand même des grandes
inégalités. En termes de qualité d'environnement favorable, c'est souvent,
encore une fois, dans les quartiers les plus favorisés qu'on va avoir des beaux
terrains de basketball, des beaux espaces verts, des belles activités sociales,
des fêtes de quartier, et tout.
Donc, je sais que
c'est gros, ce qu'on dit, mais je pense que, si on pouvait se donner les moyens
d'investir davantage dans des alternatives sans écran qui, par ailleurs, sont
bonnes pour promouvoir l'activité physique, la santé mentale, ça a juste des
cobénéfices à peu près sur tous les aspects du bien-être des jeunes et, en
plus, ça donne un coup de pouce pour la déconnexion numérique.
• (16 h 10) •
Mme Cadet :
Une dernière question de mon côté. Bien, justement, sur la thématique des
parents, une autre corrélation qu'on voit, donc, c'est le... qui est dans un...
d'un tout autre ordre, là, c'est le nombre de temps passé... récréatif, donc,
passé, donc, par les parents devant l'écran, comparativement à celui des
jeunes. Donc, ce qu'on entend, c'est que les parents qui passent beaucoup de
temps récréatif devant les écrans, donc, il y a plus de chances que leurs
jeunes aussi le fassent. Donc, on parlait, donc, de sensibilisation, mais
comment est-ce qu'on peut outiller la population par rapport à ce phénomène-là
que... je pense, qui n'est pas tout à fait connu non plus?
Mme Généreux
(Mélissa) : Bien, très important, puis c'est bon, parce qu'avec vos
questions ça me permet d'adresser des choses que je n'ai pas pu dire en
10 minutes, mais j'ai beaucoup aussi consulté mes collègues de santé
publique, là. Donc, ce que je vous dis, ça ne vient pas juste de ma vision,
mais on s'entend tous pour dire que... du moins, les personnes que j'ai
consultées, qu'il faut y aller par une approche un peu plus de parcours de vie,
là. Ce n'est pas entre 12 puis 17 ans, là, que le problème des écrans...
ou entre 12 et 25 ans que le problème des écrans survient, c'est probablement
dès la naissance et ensuite jusqu'à un certain âge.
Bon, rendu à un âge
un peu plus avancé, il y a des générations qui ont moins baigné là-dedans, puis
c'est peut-être moins un réflexe, un automatisme d'y aller, mais on voit que la
qualité, même, mère ou père-enfant dès la naissance... Tu sais, quand on voit
des coussins d'allaitement qui existent, où il y a un espace pour déposer le cellulaire, comme ça, c'est moins long d'allaiter,
je peux scroller les réseaux sociaux en même temps, c'est problématique.
Donc, c'est du précieux temps... On appelle ça un peu la technoférence, là, tu
sais, l'interférence entre la technologie puis la qualité de la relation qu'un
parent peut entretenir avec son enfant.
Donc, oui, c'est
superimportant d'avoir ça en tête sur... dès les petits bébés, les CPE, les
tout-petits, ensuite primaire, secondaire, les jeunes adultes, la transition
vers leur rôle de parents. La seule petite chose, quand même, je pense qu'il faut faire attention, c'est qu'encore
une fois je trouve que ce serait franchement facile de... Autant qu'on a
pu dire que, ah! les jeunes, on va les sensibiliser, puis, s'ils comprennent
bien les risques, ils vont faire plus attention... Tu sais, en tout cas, je
trouve ça un peu simple comme façon de penser.
C'est un peu la même
chose pour les parents. Tu sais, si... Je pense que la plupart des parents
commencent quand même à être conscientisés sur le fait que ce n'est pas idéal
de passer beaucoup de temps devant les écrans, mais c'est plus compliqué que
ça. Tu sais, s'il suffisait de dire aux gens : Vous savez, ce n'est pas
très bon pour la santé, ce que vous faites, il n'y a plus grand monde qui
mangerait de malbouffe. Tout le monde ferait plein d'activité physique. On ne
boirait plus d'alcool. Tu sais, je serais au chômage, là, je n'aurais plus de
job de médecin de santé publique, parce tout le monde irait bien, tout le monde
serait en santé.
Donc, ce que je veux
dire, c'est qu'on ne peut pas mettre le fardeau uniquement sur les épaules des
jeunes et des parents. Les parents, aussi, compétitionnent contre une industrie
vorace qui fait tout pour rendre leurs jeunes accros. Donc, c'est là que je
vous dis qu'il faut qu'il y ait une cohérence d'effort qui est distribuée à
plusieurs niveaux et pas seulement sur les épaules des parents et des jeunes.
Mme Cadet : Merci
beaucoup, Dre Généreux.
La Présidente (Mme
Dionne) : Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de
Joliette.
M. St-Louis :
Merci beaucoup, Mme la Présidente. Dre Généreux, content de vous recevoir,
merci d'être là pour nous.
Je vais retoucher un
point qui a déjà été discuté, en fait, la question de ma collègue députée de
Châteauguay, qui touchait les écrans, parce qu'on parle beaucoup du contenu
puis on parle du temps d'écran, mais, pour moi, le temps d'écran est relié
directement au médium, le médium étant les fameux écrans bleus. Il y en a
partout. Là, il y en a maintenant... Il y a des écrans tactiles dans nos voitures.
Il y en a sur... Je viens d'acheter une cuisinière, puis, mon Dieu! c'est quasiment plus gros que la télévision
que j'avais quand j'étais jeune. Les téléviseurs ont 65 pouces
maintenant. Il y en a partout, partout, puis je n'ai pas l'impression que ça va
aller en diminuant, au contraire, la technologie.
Et puis, bon, bien,
ceux qui souffrent de dépression saisonnière le savent, là, la luminosité
affecte certaines personnes, en fait, affecte tout le monde, mais à différents
niveaux. On a reçu une psychiatre en début de semaine qui parlait de
déréglementation de neurotransmetteurs, dont, bon, la mélatonine, la
dopamine... la dopamine pour d'autres raisons, puis c'est même elle qui
suggérait, là, le jeûne de quatre semaines pour faire une espèce de «reset». Je
me dis : On ne peut pas passer notre temps à faire du jeûne en alternance
pour réguler notre cerveau, puis vous en pensez quoi? On s'en va où vers ça...
Il y a un changement de société, puis vous êtes à même... vous êtes en santé
publique, vous êtes... les deux mains dedans au quotidien.
Mme Généreux (Mélissa) : Bien, c'est
sûr, tu sais, qu'il faut avoir des approches pour les jeunes ou les moins
jeunes qui développent une utilisation problématique. Tu sais, ça, c'est... Il
va toujours en falloir, mais est-ce qu'on doit se dire
que c'est ça, la solution à tout, tu sais, on va les laisser développer un
usage problématique puis ensuite... Bien, c'est un peu, vraiment, le parallèle
avec les diètes, là, tu sais, l'idéal, c'est de ne pas avoir à entreprendre une
diète drastique. Ce n'est pas recommandé, on le sait maintenant. Donc, je ne
dis pas... normalement, c'est d'acquérir des
bonnes habitudes, puis d'entretenir un certain équilibre dans notre
alimentation, puis, oui, ça ne veut pas dire de manger parfaitement tout
le temps, ça veut dire d'être capable de se payer des petites différences, des
aliments moins santé une fois de temps en temps, mais d'apprécier aussi les
aliments qui sont plus santé.
Donc, je pense, c'est un peu la même chose... Tu
sais, c'est vers ça qu'on doit tendre pour les écrans. C'est correct, tu sais,
c'est vrai que, sur le coup, ça libère de la dopamine puis ça fait du bien, là,
les écrans. Sur le coup, c'est vrai, ça le fait, il y a quelque chose de... On
a l'impression que ça fait du bien parce que ça vient surstimuler notre circuit de récompense, puis là ça libère de
la dopamine, puis on dit : Ah! tu sais, je me sens bien. Tu sais, à
coup de 10, 15 minutes ici et là, si
c'est ce qui détend les gens, c'est correct, mais ce qu'on veut, c'est les
amener à dire... Il y a d'autres choses aussi qui peuvent te détendre...
puis qu'il y a probablement quelque chose de beaucoup... un impact plus
profond, tu sais, tu te sens un peu stressé, la pleine conscience, des
exercices de respiration, ça peut être d'aller faire une course à pied dehors,
de... et il y a plein de moyens, là, pour se ressourcer, aller profiter de la
luminosité, comme vous dites, naturelle.
Donc, il existe des centaines, si ce n'est pas
des milliers de moyens qui ne sont pas numériques pour aller chercher cette
dopamine-là, ce sentiment d'apaisement aussi, tout dépendant de l'activité
qu'on fait, puis qui vont avoir d'autres
bienfaits beaucoup plus importants puis plus durables que les écrans. Donc,
oui, je pense que de réfléchir à ça... Tu sais, moi, je pense juste aux
salles d'attente dans les hôpitaux, les cliniques, dentistes, peu importe, là,
il y a des écrans partout, où, souvent... puis il n'y a pas beaucoup
d'alternatives. Ça fait que, si vous allez... ou, sinon, vous allez avoir votre
écran avec vous, bien, votre cellulaire, là, puis là, bien, les enfants vont
dire : C'est long, c'est plate, puis il n'y a pas de jeux, il y n'a rien
d'autre à faire. Donc, on finit par dire : Bien, regarde la télévision ou,
tiens, je vais te donner le iPad, le cellulaire. Déjà là, c'est peut-être une
demi-heure, une heure, des fois, qui sait, ça peut être long quand on attend
chez... à la clinique.
Donc, tu sais, cette culture-là de... Est-ce
qu'on est capables... Aussi, j'aimais bien, dans le rapport français, cette
culture-là d'accepter qu'un petit, là, des fois, ça pleure puis ça prend de
l'espace, ça fait du bruit dans un espace public, parce que c'est sûr que la
meilleure façon d'avoir un petit tranquille, c'est de lui donner un écran dans
les mains puis il ne fera pas un bruit, je vous le garantis, mais est-ce que
c'est correct, ou on n'est pas capables d'accepter que, bien oui, à l'épicerie,
dans les espaces publics, il bouge un peu, il brasse les affaires, mais, au
moins, il s'amuse, il explore puis il est en train de développer son langage,
son aspect socioaffectif de façon beaucoup plus positive qu'en le mettant sur un écran? Mais je ne dis pas ça
péjorativement, là, j'ai déjà mis mes enfants sur un écran, tu sais, je
fais juste dire... mais j'essaie de moins en moins le faire parce je vois qu'il
y a moins d'avantages à le faire.
M.
St-Louis : Je vous remercie.
J'essaie, depuis une semaine, d'obtenir un chiffre magique d'un nombre
d'heures par jour qui serait sain. Comme les cigarettes... trois cigarettes par
jour, on sait que ce n'est pas... un paquet, ça ne marche pas, mais, non...
Bien, merci infiniment.
• (16 h 20) •
Mme Généreux (Mélissa) : Non, mais
c'est... le temps d'écran, il faut faire vraiment attention. Méfiez-vous de
quelqu'un qui va vous donner un chiffre précis parce que c'est exactement dans
les zones, un peu, d'incertitude qu'on a, là, mais je ne pense pas qu'il y a un
seuil... Tu sais, ce n'est pas... Ce n'est pas un effet cancérigène que, à
partir d'une certaine quantité, c'est dans... Ce n'est pas comme ça que ça
fonctionne, là, tu sais, puis, comme je dis, c'est plus que du temps, c'est la
nature de ce à quoi on est exposés, le contexte, et tout ça.
La Présidente (Mme Dionne) : Le
loisir versus le pédagogique, ça, c'est aussi la question, le contenu qu'on
consomme. Merci beaucoup, Dre Généreux. Ça a été un plaisir de vous recevoir
ici, en commission. Merci pour votre contribution.
Alors, pour ma part, eh bien, je... La
commission ajourne ses travaux jusqu'au mardi 24 septembre,
9 h 45. Alors je vous souhaite une très belle fin de journée à tous.
(Fin de la séance à 16 h 21)