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Version finale

43rd Legislature, 1st Session
(début : November 29, 2022)

Thursday, September 19, 2024 - Vol. 47 N° 5

Special consultations and public hearings on the Impacts of Screens and Social Media on Young People’s Health and Development


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Auditions (suite)

Centre canadien de protection de l'enfance (CCPE)

Mme Magali Dufour

Fondation des gardiens virtuels

La Maison Jean-Lapointe inc.

Mme Mélissa Généreux

Autres intervenants

Mme Amélie Dionne, présidente

Mme Elisabeth Prass

Mme Marie-Belle Gendron

Mme Suzanne Tremblay

M. François St-Louis

M. Alexandre Leduc

M. Stéphane Sainte-Croix

M. Enrico Ciccone

M. Yannick Gagnon

Mme Madwa-Nika Cadet

Mme Audrey Bogemans

*          M. René Morin, CCPE

*          M. François Savard, Fondation des gardiens virtuels

*          M. Jean-Christophe Filosa, idem

*          Mme Anne Elizabeth Lapointe, La Maison Jean-Lapointe inc.

*          M. Max Teisseire, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Onze heures vingt-neuf minutes)

La Présidente (Mme Dionne) : Alors, la commission... je déclare la séance ouverte, ayant constaté le quorum.

Avant de débuter, est-ce qu'il y a consentement pour aller un peu au-delà de l'heure prévue, je vous dirais, un maximum de 10 minutes?

Des voix : Consentement.

La Présidente (Mme Dionne) : Consentement? Parfait. Merci beaucoup.

Alors, la commission spéciale est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur les impacts des écrans et des réseaux sociaux sur la santé et le développement de nos jeunes.

Donc, Mme la secrétaire, il y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Non, Mme la Présidente.

Auditions (suite)

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup. Donc, nous entendrons, cet avant-midi, le Centre canadien de protection de l'enfance, la Dre Magali Dufour, psychologue et professeure agréée, Département de psychologie de l'Université du Québec à Montréal.

Alors, d'entrée de jeu, nous entendrons M. René Morin du Centre canadien de protection de l'enfance. Donc, M. Morin, je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour nous faire part de votre exposé, et, suite à cela, nous aurons une période d'échange avec les membres de la commission. Donc, je vous cède la parole.

Centre canadien de protection de l'enfance (CCPE)

M. Morin (René) : Très bien. Rebonjour, Mme la Présidente et distingués membres de la commission. Je veux tout d'abord vous remercier d'avoir invité le Centre canadien de protection de l'enfance à témoigner devant vous ce matin.

• (11 h 30) •

Notre organisation est active depuis plus de 30 ans dans la lutte contre l'exploitation et les abus sexuels d'enfants sur Internet. Notre siège social est à Winnipeg, et nous avons tissé, au fil des ans, des collaborations fructueuses avec des corps de police et des organismes partout au Canada et bien sûr au Québec, où nous avons, entre autres, un partenariat solide avec la Sûreté du Québec. (Interruption) Pardon. Le Centre canadien de protection de l'enfance mène divers programmes et initiatives à l'échelle pancanadienne, dont l'une des plus connues est peut-être cyberaide.ca, la centrale canadienne de signalement des cas d'exploitation, d'abus sexuels d'enfants sur Internet. Des signalements comme ça, cyberaide.ca en traite autour de 3 000 par mois. Nous gérons aussi Projet Arachnid, un outil qui parcourt le Web visible et le Web clandestin à la recherche d'images d'abus pédosexuels connus et qui envoie des demandes de suppression aux entités qui les hébergent. Quatorze pays participent à cette initiative. À ce jour, Projet Arachnid a traité plus de 160 milliards d'images. Nous envoyons, en moyenne, 840 000 demandes de suppression d'images par mois à quelque 1 400 hébergeurs dans plus d'une centaine de pays. Ça vous donne une petite idée du volume de matériel pédopornographique en circulation dans l'espace numérique. Et on ne parle, ici, que d'images connues. De nouvelles images sont mises en circulation par milliers tous les jours, et la démocratisation de l'intelligence artificielle n'annonce rien de bon pour la suite des choses. J'y reviendrai plus loin.

Je vais laisser à d'autres intervenants le soin de se prononcer sur des enjeux comme le temps d'écran et la publicité destinée aux enfants. Mon intervention portera plutôt sur les enjeux qui touchent directement les champs d'activité de notre organisation, comme la distribution non consensuelle d'images intimes, le leurre d'enfants, la sextorsion et les hypertrucages.

Commençons par la distribution non consensuelle d'images intimes. Ici, les jeunes sont très souvent victimes de leurs pairs. Statistique Canada nous apprend d'ailleurs que 97 % des victimes sont âgées de 12 à 17 ans et que 90 % des accusés sont eux aussi âgés de 12 à 17 ans.

Je vais vous citer ici un cas qui nous a été signalé à travers cyberaide.ca. C'est le cas d'une jeune fille qui s'était fait filmer à son insu dans une cabine de toilette à son école. La vidéo a été partagée à d'autres élèves dans un groupe de messagerie fermé. L'école a mené une intervention éducative que nous avons accompagnée. La diffusion de la vidéo a été maîtrisée. La vidéo elle-même a été supprimée des téléphones des élèves impliqués. Les comptes en cause ont été signalés, et la vidéo a été versée dans Projet Arachnid pour en faciliter la suppression au cas où elle referait surface. Cet exemple illustre comment des situations de ce genre peuvent être prises en charge au niveau de l'école.

Du point de vue légal, la distribution non consensuelle d'images intimes relève du système de justice pénale, mais ce n'est pas l'idéal lorsque les protagonistes sont des personnes mineures. Par manque de ressources, les forces policières arrivent à peine à traiter 10 % des cas, et la protection de l'enfance n'y peut pas grand-chose non plus puisque ça n'entre pas dans son mandat. On préconise donc des interventions éducatives où les écoles ont un rôle à jouer, puisqu'elles sont bien placées pour soutenir les victimes et intervenir auprès des élèves qui mettent les images en circulation. La déjudiciarisation est souvent la voie à préconiser. Et les cas de distribution non consensuelle d'images intimes ne sont pas à prendre à la légère, parce qu'ils peuvent avoir des répercussions durables sur les victimes. D'ailleurs, on ne compte plus les victimes qui sont allées jusqu'à s'enlever la vie pour échapper à la honte. Ça s'est vu au Québec et ailleurs au Canada. Évidemment, c'est le genre de sujet qu'on aimerait voir intégré dans les cursus scolaires, avec des protocoles d'intervention appropriés.

Parlons maintenant du leurre d'enfants à des fins sexuelles. Ce phénomène atteint des sommets jamais vus. De 2016 à 2023, les signalements de leurre à cyberaide.ca ont augmenté de 2 640 %. C'est extrêmement élevé, j'en conviens, mais on sait très bien que la réalité est encore pire que ça, puisque les infractions sexuelles, souvent, ne sont pas signalées aux autorités, et encore moins lorsque la victime est adolescente. Cette montée fulgurante du leurre d'enfants à des fins sexuelles devrait inquiéter tout le monde. La réalité, c'est que les plateformes de médias sociaux offrent aux individus mal intentionnés un accès direct et sans entrave à nos enfants 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Par exemple, dans la dernière année, on a vu un cas où un Américain de 41 ans a communiqué pendant plus d'un an avec une jeune Canadienne de 13 ans. Durant cette période, il a traversé la frontière à trois reprises pour venir la voir. La troisième fois, il l'a enlevée et il a réussi à retraverser la frontière avec la jeune fille enfermée dans le coffre de son véhicule. La fille a été portée disparue pendant plus d'une semaine. Mais, heureusement, elle a été retrouvée, et des accusations ont été déposées contre l'individu.

Il ne faudrait pas pour autant penser que les individus qui se livrent à cette pratique sont nécessairement des étrangers pour leurs jeunes victimes, car vous avez de plus en plus de cas où la personne accusée et la victime ont un rapport de proximité dans la vraie vie. Par exemple, nous avons relevé de nombreux cas impliquant des membres du personnel enseignant ou encore des adultes de l'entourage de l'enfant ou des membres de sa parenté.

J'en profite pour glisser un mot sur l'encadrement des appareils numériques à l'école. Je ne m'étendrai pas longuement sur le sujet, faute de temps, mais sachez que nous sommes au fait de nombreux cas de leurre et d'extorsion où les parents, ayant découvert que leur enfant s'est fait prendre au piège, ont pris des mesures pour couper la communication entre l'enfant et le prédateur. Le problème, c'est quand l'enfant reprend contact avec le prédateur à l'école avec les appareils que l'école met à sa disposition.

Sur l'extorsion, je peux vous dire que c'est encore là un phénomène qui ne cesse de prendre de l'expansion, au point où nous recevons actuellement une moyenne de 10 signalements d'extorsion par jour, et ce, depuis plus d'un an. On ne saurait trop insister sur les ravages de l'extorsion chez les jeunes, qui se retrouvent parfois sous l'emprise de leur sextorqueur pendant des mois, voire des années. Encore ici, les pires cas aboutissent malheureusement à des suicides.

Revenons maintenant à l'intelligence artificielle. On est ici en présence d'un phénomène nouveau, bien sûr, mais, déjà au cours de la dernière année, nos analystes ont traité plus de 4 000 images sexuellement explicites qui mettent en scène des enfants et qui ont été générées à l'aide de l'intelligence artificielle. Dans certains cas, ces images ont été produites par d'autres enfants à l'aide d'outils de nudification par intelligence artificielle. La technologie permettant de créer de telles images est désormais facile d'accès pour le public et pour les jeunes. Interrogez Google, et vous trouverez facilement en quelques minutes une dizaine de ces outils de nudification, dont certains sont gratuits. Ces images hypertruquées ont beau être fausses, elles affectent quand même les victimes de la même manière que si elles étaient vraies. Elles sont souvent utilisées pour exploiter et harceler les victimes, qui sont bien souvent féminines. On voit aussi des cas où ces images sont utilisées à des fins d'extorsion. Dans les derniers mois, de nombreuses écoles se sont adressées à nous par rapport à des problématiques de ce genre avec leurs élèves. Il y a ici un parallèle à faire avec les débuts de la problématique du sextage, vers le milieu des années 2010, où les écoles étaient carrément prises au dépourvu, tout comme les corps de police. L'histoire se répète aujourd'hui avec l'intelligence artificielle et les hypertrucages.

Du point de vue réglementaire, il n'y a pas encore beaucoup d'encadrement sur cette nouvelle forme de cyberviolence sexuelle qui n'a pas fini de faire des remous. Au minimum, les instances concernées pourraient publier des énoncés de position sur le sujet, et les écoles pourraient moderniser leur politique numérique en conséquence et intégrer, encore ici, le sujet dans leur cursus.

J'arrive à la fin de mon intervention, et je vous dirais que la réalité, c'est qu'une bonne partie des problèmes dont j'ai traité se produisent sur des plateformes que nos enfants utilisent tous les jours, et souvent plusieurs heures par jour. Dans un monde idéal, les opérateurs de ces plateformes auraient à coeur la sécurité de leurs jeunes utilisateurs et agiraient en conséquence. C'est ce qu'on a toujours attendu d'eux depuis qu'Internet existe. Mais les données et les situations que je vous ai présentées ne laissent aucun doute, l'autoréglementation ne fonctionne tout simplement pas. Les pouvoirs publics doivent donc intervenir pour réglementer les plateformes numériques, et non les laisser poser les balises elles-mêmes.

De nombreux gouvernements ont déjà pris des mesures assez musclées à cet égard, et on pourrait s'en inspirer. On peut regarder du côté du Royaume-Uni, de l'Australie ou encore de la Commission européenne. Qu'est-ce que les provinces peuvent faire à leur niveau? Il y a certainement des choses à clarifier entre ce qui relève du fédéral et ce qui relève des provinces. En principe, tout ce qui concerne les télécommunications relève du fédéral, mais les provinces ne manquent pas d'outils pour agir à leur niveau. On peut penser aux lois sur la protection du consommateur. Après tout, on parle ici d'entreprises qui offrent des services et qui ont des devoirs de diligence. Il y a aussi les lois sur la protection de l'enfance, la protection des données, la protection de la vie privée, l'enregistrement des entreprises, et j'en passe. Ces lois sont autant de leviers que les provinces peuvent utiliser pour assujettir les acteurs du numérique à des règles qui permettront de mieux protéger les enfants. Du côté...

• (11 h 40) •

La Présidente (Mme Dionne) : Merci, M. Morin. On a écoulé le 10 minutes, alors on va... Si vous le permettez, on va commencer la période d'échange, de questions. Alors, vous pourrez poursuivre à ce moment-là avec l'ensemble des membres.

M. Morin (René) : Très bien.

La Présidente (Mme Dionne) : Donc, nous allons débuter cette période d'échange avec Mme la députée de D'Arcy-McGee.

Mme Prass : Merci, Mme la Présidente. Merci de votre présentation. C'est un aspect auquel on n'a pas encore touché, donc, très intéressant d'entendre et très inquiétant d'entendre les chiffres que vous mettez de l'avant, également.

Quand on parle de l'exploitation des enfants, malheureusement, comme vous en avez fait le portrait, les réseaux sociaux, dans les dernières années, c'est vraiment là qu'ils sont le plus vulnérables, et, comme vous avez mentionné aussi, surtout quand ils connaissent la personne, quand ce n'est pas quelqu'un qui vient faire du «catfishing», ou quoi que ce soit. Ça rend les choses encore plus difficiles.

Vous avez mentionné quelque chose... quelques éléments pour lesquels les écoles et le gouvernement pourraient mettre des gestes de l'avant. De la sensibilisation, c'est sûr. Mais, réellement, est-ce qu'il y a quelque chose qu'on peut demander, du côté des géants des réseaux sociaux, pour mettre en place pour mieux protéger nos jeunes? Parce que c'est une responsabilité partagée avec eux, également.

M. Morin (René) : Oui, bien sûr, et ça, c'est un message qu'on martèle depuis très, très, très longtemps. En fait, les opérateurs de plateformes numériques ont un rôle à jouer. Vous savez, on les a laissés aller depuis toutes ces années à s'autoréglementer. On voit bien, comme je l'ai mentionné, que ça ne fonctionne pas. Je pense qu'on est rendus au point où c'est aux gouvernements d'intervenir pour leur mettre des balises. Ces entreprises vont essayer de dicter les règles du jeu. Regardez, par exemple : hier ou avant-hier, Instagram est arrivé... Pour essayer de bien paraître, parce qu'aux États-Unis on s'apprête à entendre un débat sur un projet de loi pour mieux protéger les enfants, Instagram, dans ce contexte-là, s'est hâté de présenter toutes sortes de mesures qui, à notre avis, sont des mesures plutôt cosmétiques ou des choses qui existaient déjà, et dans l'espoir finalement de dorer un petit peu la pilule et de faire en sorte que ça va mieux passer. Mais, au fond, ce n'est pas à ces entreprises-là de dicter les règles du jeu, c'est plutôt aux gouvernements d'arriver et de leur dire comment faire fonctionner les plateformes, leurs plateformes dans le but de mieux protéger les... On peut penser, par exemple, à des systèmes de vérification ou de confirmation de l'âge, comme ça commence déjà à se faire dans quelques États américains et dans quelques pays également. Je pense que tôt ou tard il faudra se tourner vers ce genre de solutions au Canada pour justement s'assurer que les jeunes ont accès à du contenu qu'ils peuvent voir, mais aussi faire en sorte que leur accès à des sites ou à des plateformes qui pourraient leur causer préjudice sera contrôlé. Donc, quelque part, ça va passer par des mesures de contrôle et de vérification d'âge.

Il ne faut pas compter sur les entreprises de médias sociaux pour faire ce travail-là. On ne va quand même pas demander aux entreprises de médias sociaux de valider l'identité de leurs utilisateurs à l'aide de, je ne sais pas, moi, d'un passeport, ou d'une carte de crédit, ou quoi que ce soit. C'est des renseignements personnels qu'il vaut mieux mettre les mains entre les gouvernements qui vont avoir à mettre en place ce genre de mesures là et, évidemment, d'avoir les défenseurs de la vie privée qui vont arriver et qui vont mettre en cause ce genre de pratiques là, mais il y a des modèles qui indiquent où on peut mettre en place ce genre de procédures de vérification d'âge sans pour autant compromettre la vie privée des utilisateurs.

Mme Prass : Mais, avec la réalité des VPN, nous, ce qu'on... moi, ce que j'entends, quand je parle, surtout, à des jeunes, c'est que c'est très facile de surpasser ces mesures-là, justement, avec un VPN. Donc, est-ce qu'il y a... Avez-vous d'autres suggestions, justement, pour faire la vérification de l'âge ou de l'identité de la personne? Parce que ça semble qu'il y ait déjà une façon de surmonter cet enjeu-là.

M. Morin (René) : Il y a des modèles qui ont été mis en place. Si vous regardez du côté de la France, je crois, c'est le Conseil national de recherche, si je ne m'abuse, qui a présenté un modèle qui fonctionne à partir de jetons numériques. Donc, évidemment, l'échange d'information fait en sorte qu'il n'y a pas, finalement... que... On passe par un intermédiaire pour faire valider, pour procéder à la vérification de l'âge, mais l'entité qui fournit le service, que ce soit un site Web, ou une plateforme numérique, ou autre, n'a pas accès à ces informations-là, elle n'a accès qu'au résultat de la vérification. Ce qu'on cherche à savoir, c'est est-ce que cette personne-là a, oui ou non, l'âge requis, et ça ne va pas plus loin que ça. La vérification est faite par un tiers.

Mme Prass : Et ma dernière question... Vous avez parlé de la suppression d'images de nature sexuelle et un grand nombre, que vous voyez à chaque mois, de demandes de suppression. Est-ce que les géants du Web, du numérique, est-ce qu'ils agissent à temps? Est-ce que vous trouvez qu'ils se traînent les pieds? Est-ce qu'il y a quelque chose, justement avec l'intelligence artificielle, qu'ils pourraient mettre en place pour détecter ces images, pour qu'ils puissent les... faire la suppression même avant qu'on le réalise ou on fasse la demande?

M. Morin (René) : Vous soulevez des points très intéressants. Je vous dirais que, de notre côté, avec Projet Arachnid — je vous ai donné les chiffres tout à l'heure — on découvre une tonne de ces images quotidiennement, on envoie énormément de demandes de suppression. On a mesuré le taux d'efficacité de nos demandes de suppression, on est à peu près à 50 % dans un horizon de 24 heures. Donc, la technologie fonctionne. Est-ce que ça fonctionne pour tout le monde? Absolument pas, parce que vous avez effectivement des opérateurs récalcitrants qui vont par exemple mettre plusieurs jours avant de retirer les images qu'on leur demande de retirer, vous en avez d'autres qui vont contester pour toutes sortes de raisons la validité de nos demandes. Et on va plus loin que ça. Il n'y a pas que les images d'abus sexuels connus qu'on cherche à faire retirer, mais on cherche à faire retirer également des images qui peuvent porter préjudice à l'enfant, comme par exemple, je ne sais pas, moi, une vidéo d'une jeune fille qui va subir une agression sexuelle à la caméra. La vidéo, elle peut s'ouvrir sur des images de cette jeune fille qui sera vêtue d'une robe. Ce ne sont pas à proprement parler, jusque-là, des images qui sont illégales, mais on sait très bien ce qui va se passer après, et on ne veut pas que ces images-là, qui font partie finalement de la même séquence vidéo, si vous voulez, continuent de circuler sur Internet, parce que cela porte préjudice justement à la jeune victime, à son intégrité, à sa dignité.

Donc, il y a encore du travail à faire, et c'est là où on aura justement besoin de lois pour forcer les opérateurs de plateformes en ligne à agir dans un délai très rapide à toute... vis-à-vis toute demande de suppression. En France, par exemple, ce délai-là est de 24 heures. On laisse 24 heures aux opérateurs de plateformes pour retirer les images après qu'on leur a demandé la suppression.

Mme Prass : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci.

M. Morin (René) : Je vous en prie.

La Présidente (Mme Dionne) : Mme la députée de Châteauguay.

Mme Gendron : Oui, bonjour. Merci beaucoup, M. Morin, d'être là, puis, d'entrée de jeu, je veux vous remercier d'agir pour nos enfants, pour nos jeunes, parce qu'en fait les données que vous avez... vous nous avez partagées sont troublantes. Pour moi, elles le sont. Merci de nous en informer. Mais une des données qui m'a accrochée, là... Je ne sais pas si vous avez dit : 96 % ou 97 %, en fait, des situations de sextorsion, et tout ça, sont... proviennent de gens qui connaissent les victimes. Est-ce que c'est bien ça que vous avez dit?

M. Morin (René) : Oui. En fait, je parlais plutôt de la diffusion non consensuelle d'images intimes, où 97 % des victimes sont âgées de 12 à 17 ans, mais 90 % des accusés ont le même âge. Donc, c'est un... c'est une problématique, la distribution non consensuelle des images intimes, qui se déroule beaucoup entre pairs, entre jeunes du même âge.

Mme Gendron : Compte tenu de cette information-là, je comprends que les réseaux sociaux sont importants pour que les jeunes communiquent, et tout ça, quelles mesures... Vous êtes bien au fait, là, de toutes les mesures qui peuvent être prises au niveau technologique. Je comprends que vous voulez agir au niveau des grandes entreprises telles que Meta. Par contre, on le sait, que ce n'est pas facile de leur obliger de changer leurs méthodes. Mais n'y a-t-il pas une action qui peut être prise à la maison ou dans un cadre scolaire qui pourrait diminuer ce risque-là?

M. Morin (René) : Vous avez, et c'est une mesure qui peut être appliquée autant sur les serveurs des écoles que sur les serveurs des grandes entreprises. Il existe à l'heure actuelle un certain nombre de technologies de filtrage proactif ou réactif. Donc, on parle beaucoup ici d'images de... qui sont connues, qui sont connues parce qu'elles ont été mises en circulation depuis un certain temps. Elles sont connues par nous parce qu'elles nous ont été signalées, elles sont connues par les forces policières. Toutes ces données-là sont mises en commun à travers des bases de données qui relèvent de la GRC, d'Interpol, la Sûreté du Québec, on a accès à tout ça, et donc on prélève les empreintes numériques des images en circulation pour en détecter la présence sur Internet. Notre technologie, Projet Arachnid, fonctionne comme ça, et on a développé nous-mêmes, et d'autres l'ont fait également, développé des technologies qui vont justement rechercher de façon proactive des images qui correspondent à ces signatures, à ces empreintes numériques dans le but de les intercepter.

On ne comprend pas, nous, par ailleurs, pourquoi des images connues continuent de réapparaître sur différentes plateformes des mois, parfois des années, même, après leur suppression. Il n'y a pas de raison pourquoi ces images-là devraient continuer de réapparaître tout le temps, puisque les technologies existent pour les intercepter, vous voyez? Donc, quelque part, un levier que la loi pourrait avoir, ce serait d'obliger justement tous les acteurs à utiliser ce genre de technologie de filtrage proactif d'images connues.

• (11 h 50) •

Mme Gendron : J'imagine que le frein à l'utilisation de cette technologie-là est probablement, justement, la méconnaissance de ces produits-là, mais également le coût rattaché à ces... à cette technologie?

M. Morin (René) : En fait non, je ne crois pas, ces solutions-là sont connues, et je ne vous parle pas de solutions qui sont révolutionnaires, hein, ça existe depuis plusieurs années, et le coût de mise en oeuvre est vraiment marginal. Je pense qu'il n'y a pas de raison pourquoi telle ou telle entité devrait se priver de mettre en place ces technologies-là, d'autant plus qu'elles sont bien souvent gratuites. En tout cas, celle que, nous, on distribue à travers le Centre canadien de protection de l'enfance, elle est mise gratuitement à la disposition des opérateurs qui veulent s'en servir. Donc, il n'y a pas vraiment de bonne raison pour ne pas utiliser ces technologies-là, qui pourraient justement permettre d'intercepter la quasi-totalité des images connues.

Mme Gendron : Merci. En terminant, une dernière petite question : Est-ce que vous suggérez un âge d'accès à... justement, au numérique, et tout ça? Est-ce que, vous, dans votre quotidien, vous trouvez que ce serait une bonne chose?

M. Morin (René) : Bien, évidemment, je ne vais pas me prononcer sur cette question-là. Je pense que vous aurez d'autres intervenants à la commission qui ont des opinions très, très, très claires là-dessus avec des données pour le prouver. Donc, je préfère laisser d'autres personnes se prononcer à ce sujet-là.

Mme Gendron : Merci, M. Morin.

M. Morin (René) : Je vous en prie.

La Présidente (Mme Dionne) : Mme la députée de Hull.

Mme Tremblay : Oui, bonjour. Alors, je vais revenir sur ce qui se passe un petit peu dans les écoles. J'y ai passé quand même 17 ans, j'ai bien vu les effets, là, d'images distribuées, là, non consensuelles, puis justement entre des jeunes, souvent, qui ont sensiblement le même âge puis qui parfois se connaissent, parfois se connaissent moins, mais ça a passé par l'entremise d'amis, puis, en tout cas, bref, vous avez sûrement vu toutes ces situations-là.

Vous avez parlé rapidement, là — ça a été rapide, c'est pour ça que je vous ramène sur le sujet... Les écoles peuvent agir en modifiant, bon, leurs politiques, en modifiant... Qu'est-ce que... Vous avez sûrement des modèles d'écoles, là, qui agissent bien dans ce dossier-là, qui sont des bons modèles. Qu'est-ce qu'ils font, eux, pour prévenir, justement, là, toute la distribution de cette... ces images-là puis, après ça, pour... bien, quand ça se produit, parce que malheureusement ça se produit de façon assez fréquente, de ce qu'on comprend, dans nos écoles... Donc, qu'est-ce qu'ils font en amont? Puis, une fois que ça arrive, c'est quoi, là, eux autres, leur façon de gérer la... de bien gérer, là, cette situation-là?

M. Morin (René) : Oui, tout à fait. Bien, vous savez, quand cette problématique-là a commencé à émerger — on recule, là, au milieu des années 2010, comme je le mentionnais tout à l'heure — à l'époque, les écoles étaient carrément dépourvues face au problème et dépassées par l'ampleur que ça a pris très, très, très rapidement. En réaction, on a développé des guides qu'on distribue dans les écoles gratuitement, qu'on peut télécharger sur le site du Centre canadien de protection de l'enfance. C'est un phénomène qu'on a appelé l'«autoexploitation juvénile», donc l'exploitation des jeunes par les jeunes. C'est un peu ce qui se passe, c'est un peu la réalité que vous avez décrite et que vous avez connue dans vos années dans le milieu scolaire. Donc, c'est un guide qui vraiment prend les écoles par la main et leur propose une démarche pour agir, dans ce genre de situations là, dans le meilleur intérêt des victimes, mais aussi vis-à-vis de la personne qui a mis les images en circulation. Donc, c'est une approche qui est utilisée un peu partout au Canada maintenant et dont on a fait la promotion, là, également dans les écoles au Québec, on sait qu'un certain nombre d'écoles l'utilisent également. Donc, c'est certainement une approche, là, qui permet de gérer ce genre de situations là assez rapidement, assez efficacement et avant que ça dérape. Parce que, comme je le mentionnais tout à l'heure, en théorie, c'est... ça relève du système de justice pénale. Mais est-ce qu'on va vraiment criminaliser ou aller jusqu'à criminaliser des... je ne sais pas, moi, un jeune couple dont les images intimes ont été mises en circulation, allez savoir pourquoi? Mais c'est le genre de situations qui nécessitent une approche qui est différente. C'est pour ça que je parlais tout à l'heure d'une démarche éducative, d'une démarche de déjudiciarisation, c'est ce qui donne les meilleurs résultats au bout du compte.

Mme Tremblay : Effectivement. Je parlais à une policière, justement, là, parce qu'on a la police communautaire ici, là... qui sont dans les écoles chez nous, au Québec, et elle disait que, justement, on essaie de déjudiciariser. Mais jusqu'à quel point on doit le faire, de laisser cette chance-là aux jeunes? Est-ce qu'on doit évaluer chaque situation, ou, nécessairement, on ne va pas vers la... déjudiciarisation? Excusez-moi. Alors, hein, elle a été difficile.

Alors, elle est où, la ligne, finalement, pour... de peut-être, comme on pourrait dire entre guillemets, de... Bien, tu sais, oui, il y a l'éducation, mais, à un moment donné, jusqu'à quel point, quand c'est très grave? ...(panne de son)... tracer une ligne à quelque part?

M. Morin (René) : ...très bonne question. Oui, oui, tout à fait, je sais très bien où vous allez avec ça. Écoutez, je pense qu'il faut faire une distinction entre les situations qu'on a devant nous. Est-ce qu'on est en présence par exemple d'images qui ont été prises dans l'intimité d'un couple de façon consensuelle et qui se sont mises à circuler en dehors du cadre de l'intimité de ce jeune couple là ou alors est-ce qu'on est en présence d'une situation où vous avez, je ne sais pas, moi, un groupe de jeunes garçons qui ont réussi à mettre la main par différents moyens sur des images intimes de telle ou telle jeune fille à l'école et qui s'en servent pour la harceler de façon carrément mal intentionnée? Vous voyez, il y a vraiment une différence à faire entre ces deux situations, qui sont carrément aux opposées l'une de l'autre, et je pense que, dans le second cas que j'ai exposé, ça nécessiterait peut-être une approche plus rigoureuse et plus musclée, là, on s'entend, parce qu'il y a eu... ça a été fait à des fins malveillantes. Ce n'est pas toujours le cas.

Mme Tremblay : Et puis vous parlez des... vous avez parlé des compagnies puis, avec ma collègue ici, en face, donc, qui disait, bon, bien, il y a un délai, tu sais, puis des fois ça peut prendre plusieurs jours chez certains opérateurs. J'imagine, les opérateurs ne sont pas tous ici au Canada. Est-ce que ça, c'est un enjeu, le fait qu'ils ne soient pas... que leur siège social ne soit pas ici, situé... Est-ce que ça, c'est un enjeu ...(panne de son)...

M. Morin (René) : ...toujours un enjeu. Ce n'est pas facile à gérer, ça fait partie de la réalité de ce qu'Internet est devenu. Souvenez-vous, hein, on a beaucoup parlé par exemple de Pornhub il n'y a pas si longtemps. Bon, Pornhub a son siège au Québec, a des serveurs dans différents pays, prétend que son siège social est aux Pays-Bas. Ça devient problématique, à un moment donné, de savoir sous quel régime législatif telle ou telle entreprise Internet est gérée. Il reste que plusieurs de ces entreprises-là, justement, ont des serveurs dans différents pays ou, à tout le moins, des clients, des utilisateurs dans différents pays. Donc, il faudra, je pense, à un moment donné, faire l'exercice de clarifier justement les lois qu'on a en la matière pour être en mesure de sévir au besoin contre des entreprises récalcitrantes qui offrent leurs services à nos citoyens et qui ont des utilisateurs dans notre pays.

Mme Tremblay : Dernière question. Je reviens sur les systèmes, là, de filtrage que vous dites qu'on peut installer, que vous pouvez même fournir gratuitement. Alors, au niveau, nous, chez nous, des centres de services scolaires, ça devrait être quelque chose qui devrait être installé sur l'ensemble de notre réseau scolaire, finalement, si ce n'est pas déjà fait. Est-ce que vous avez... vous savez que c'est installé sur... dans les écoles au Québec? Puis est-ce qu'on devrait le faire de façon systématique?

M. Morin (René) : Je ne pourrais pas vous le dire. Je ne sais pas, je ne suis pas au courant des écoles québécoises qui pourraient utiliser ce genre de technologies là. Il y en a peut-être qui le font, en tout cas je l'espère. Mais, en fait, là où ces images se retrouvent souvent et là où les jeunes vont aller les chercher, c'est sur les plateformes qu'ils vont fréquenter et c'est sur les Facebook, c'est sur les Instagram.

Et l'autre enjeu dont on va devoir s'occuper à un moment donné, c'est celui du chiffrement de bout en bout, parce que, de plus en plus, ces plateformes-là vont chercher à chiffrer les communications entre utilisateurs de telle manière qu'on va les soustraire au regard des autorités. Pour Facebook, pour Instagram, pour Meta, entre autres, c'est une manière justement d'échapper au fait que, pendant plusieurs années, elles avaient à signaler des images par centaines de milliers à l'entité américaine qui s'occupe de ça. Maintenant, comme les communications sont chiffrées, bien, toutes ces images-là passent sous le radar, mais continuent quand même d'être échangées. Vous voyez? Donc, c'est un autre enjeu dont on va devoir s'occuper à un moment ou l'autre.

Mme Tremblay : Merci.

M. Morin (René) : Je vous en prie.

• (12 heures) •

La Présidente (Mme Dionne) : M. le député de Joliette.

M. St-Louis : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Permettez-moi de vous remercier de participer aux travaux de notre commission.

Meta nous parle de nouveaux mécanismes qu'il souhaite mettre en place. À la lumière des réponses que vous avez données à mes collègues de D'Arcy-McGee et de Châteauguay, est-ce que c'est de la poudre aux yeux, selon vous?

M. Morin (René) : Vous m'avez entendu rire. C'est un peu la réaction qu'on a eue hier ou avant-hier lorsqu'on a pris connaissance de ces nouvelles mesures qui ont été mises en avant par Instagram, n'est-ce pas? Bon, on sait qu'Instagram est une plateforme qui est utilisée quotidiennement par un adolescent sur deux aux États-Unis. C'est probablement à peu près la même chose au Canada. Maintenant, Instagram va vous dire : On met ces mesures-là de l'avant parce qu'on a entendu les parents, on veut travailler avec les parents pour mieux protéger les enfants. Mais, au fond, ces mesures-là, c'est des mesures qu'on demande depuis plus de 20 ans, et c'est maintenant, parce qu'Instagram va être appelée à être auditionnée, là, de façon imminente dans le contexte du développement d'un projet de loi aux États-Unis pour mieux protéger les enfants. Donc, c'est une question de timing, ils ont choisi de sortir ces mesures-là juste avant les auditions. Vous voyez un petit peu. Et ça revient à ce que je disais tout à l'heure : Est-ce qu'on doit laisser à ces entreprises-là le soin de dicter les règles du jeu ou est-ce que ce ne serait pas aux autorités de le faire pour elles? C'est un peu ce qu'on voit ici.

Et, si vous regardez un petit peu comment ça se passe, on parle d'Instagram, Instagram qui a mis ces mesures-là de l'avant. Mais Instagram, ça relève de Meta, qui a aussi Facebook, qui a aussi WhatsApp. Alors, pourquoi ces mêmes mesures-là ne sont pas déployées également sur Facebook et sur WhatsApp? Pourquoi ces mesures-là sont déployées seulement dans des pays comme les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni, l'Australie, la Commission européenne, dans les pays qui justement ont entrepris des démarches juridiques envers Instagram? Pourquoi Instagram ne déploie pas ces mesures-là aussi dans tous les pays? Vous voyez? Donc, il y a vraiment... On fait, comme on dit en bon français, du «cherry picking» ici, là, on déploie des mesures où on pense que c'est nécessaire, et ailleurs ça continue de fonctionner comme ça fonctionnait avant.

Maintenant, il y aura tout le... toute la question du fait que ces mesures-là peuvent être facilement contournées par les enfants. Comment on va faire pour s'assurer que... Si on veut limiter l'accès de telle ou telle application aux enfants de tel ou tel groupe d'âge, comment on va faire pour contrôler justement l'âge des enfants, les empêcher de mentir sur leur âge ou, si on soumet le compte de l'enfant au contrôle parental, bien, comment on va faire en sorte que l'enfant ne va pas tout simplement ouvrir un autre compte en prétendant être âgé de 20 ans au lieu de 13 ans pour contourner justement le regard de ses parents? Ce sont toutes des questions qui ne sont pas claires pour l'instant et qu'on devra regarder beaucoup plus attentivement. Mais merci d'avoir posé la question.

M. St-Louis : Vous avez parlé de pédosexualité puis de suppression d'images qui... puis qui rebondissent quelques semaines, quelques mois, voire même quelques années plus tard. Est-ce qu'il n'y a pas une espèce d'abysse, avec le «dark Web», où est-ce que même tous les législateurs de la planète pourraient être dupés ou... En tout cas j'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Morin (René) : Ce n'est pas facile. On s'entend, le «dark Web», vous le savez, c'est un repère pour les consommateurs, les amateurs, les producteurs de matériel pédopornographique. Pourquoi? Parce que, justement, c'est un espace où ils peuvent échanger entre eux, former des communautés dans l'anonymat le plus complet. Pour les forces policières, ça crée des difficultés considérables. C'est très, très, très difficile de pourchasser des individus sur le Web clandestin. Il faut arriver par toutes sortes de moyens à les faire sortir de là pour être en mesure de capturer leur adresse IP et éventuellement savoir où ils sont et leur mettre le grappin dessus. Donc, pour les enquêteurs, ce n'est pas évident, ça suppose des techniques d'enquête qui sont... qui ne sont pas faciles, qui sont complexes. C'est pour ça que ça prend du temps. Et le problème, c'est que plus on tarde à agir, plus les images circulent et plus l'enfant qui est mis en scène dans ces images-là subit un préjudice de plus en plus grand. Ce n'est pas facile. Mais, vous savez, la technologie évolue. Comparativement à ce qu'on avait il y a quelques années, on est rendus vraiment ailleurs, tout ce qu'on fait sur Internet finit tôt ou tard par laisser des traces. Et ce sont ces traces-là qui vont finir par mener les enquêteurs aux consommateurs et... (panne de son) ...de ce genre de matériel.

M. St-Louis : Merci.

M. Morin (René) : Je vous en prie.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve.

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, monsieur. On a des discussions ici sur la tentative, peut-être, de vouloir resserrer ou, du moins, interdire certaines particularités des réseaux sociaux. On a parlé, mettons, d'interdire le bouton J'aime, interdire le démarrage automatique des vidéos, les notifications «push», les microtransactions, bref, il y aurait beaucoup de choses à dire, mais, à chaque fois qu'on parle de ça, il y a toujours une certaine réaction, que je pense tout à fait normale, de dire : Oui, mais est-ce possible? C'est un géant international. Des fois, c'est comme... si c'était sur Internet, c'était... puis intangible, il y avait comme une pogne qu'on ne pourrait pas avoir, comme Meta. Mais vous, pensez-vous qu'on peut faire ça, qu'on peut interdire des notions particulières de réseaux sociaux qui ne pourraient pas fonctionner sur le territoire québécois?

M. Morin (René) : Ces entreprises-là vont souvent agir sous la pression. Et il y a différents moyens d'exercer de la pression sur eux ou sur elles pour qu'elles agissent. Prenez, par exemple... on parlait des mesures qu'Instagram est en train de déployer. Une chose qu'on réclame depuis très longtemps et qui vient d'être annoncée, justement, c'est le fait que les profils soient privés par défaut. Donc, votre profil d'enfant de 13 ans ne sera accessible qu'aux personnes que... à qui vous aurez choisi de partager vos informations. Ce n'était pas comme ça avant, les profils étaient publics par défaut. Maintenant ils seront privés par défaut, comme j'ai mentionné tout à l'heure, pas partout dans le monde, dans certains pays, mais c'est déjà le début de quelque chose.

Donc, pourquoi Instagram a décidé maintenant de faire ça? Bien, c'est qu'Instagram commençait à sentir la soupe chaude, avec toute la pression qui est exercée sur Meta par toutes les entreprises qui entament des procédures judiciaires à son égard. Donc c'est un exemple que je vous donne. C'est possible de mettre en place des mesures, mais ces entreprises-là ne vont pas toujours le faire de plein gré ou par leur bon vouloir, elles doivent quelque part sentir une certaine pression pour agir.

M. Leduc : Elles doivent respecter la loi. Et, si ça devient la loi, c'est la fin de la discussion.

M. Morin (René) : ...c'est exactement ce qu'il faut faire.

M. Leduc : En ce sens-là, les gens qui sont passés avant vous, d'Option Consommateurs, proposaient de rajouter dans la loi sur l'accès aux renseignements personnels, peut-être que ce n'est pas le titre exact, là, mais la notion de l'intérêt supérieur de l'enfant, qui donnerait à la Commission d'accès à l'information le pouvoir de juger des plaintes, mais donc, si tel ou tel aspect ou modalité d'un ou d'un autre réseau social est compatible avec l'intérêt supérieur de l'enfant, je vous donne l'exemple du bouton «J'aime», par exemple, et que ce serait donc une commission d'experts des... qui sont nommés aux deux tiers par la Chambre, ici, de l'Assemblée nationale, donc avec quand même une légitimité de la classe politique, est-ce que c'est une procédure qui vous semblerait intéressante ou est-ce que vous en avez une autre en tête que vous pourriez nous suggérer?

M. Morin (René) : C'est une procédure qui mérite d'être étudiée. Comme je le mentionnais tout à l'heure, ce n'est pas toujours évident de voir jusqu'où les provinces peuvent aller, et qu'est-ce qui relève plutôt de la compétence du fédéral. On sait que toutes ces entreprises-là, de médias sociaux, de technologie, de télécommunications, finalement, les télécoms, ça relève du fédéral. Néanmoins, au provincial, des lois comme celles que vous avez mentionnées au niveau de la protection du consommateur peuvent certainement être examinées de plus près à la lumière de ces enjeux-là pour justement mieux protéger les enfants. Parce que, comme je le mentionnais tout à l'heure dans mon intervention, après tout, on parle ici d'entreprises qui offrent des services à des utilisateurs qui sont nos concitoyens, donc on pense qu'effectivement la Loi sur la protection du consommateur est certainement une bonne piste, là, à explorer dans un sens.

M. Leduc : Merci.

M. Morin (René) : Je vous en prie.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci, M. le député. M. le député de Gaspé.

M. Sainte-Croix : Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Morin, d'être présent avec nous aujourd'hui pour aborder un sujet quand même délicat et important, je pense, pour la société, pour nos jeunes principalement, mais aussi pour l'ensemble, là, de la société. Puis merci aussi, comme le disait ma collègue, d'agir au niveau de la protection de nos enfants.

C'est quand même troublant, ce que vous nous avez apporté comme contexte d'information ce matin sur le phénomène... la présence du phénomène puis ce que je qualifierais aussi de... malheureusement, là, pour les fins de la discussion, de potentiel de croissance. J'en réfère à la pédosexualité. Clairement, l'autorégulation n'est pas la voie à suivre. C'est... Ça apparaît assez clairement dans votre propos. Clairement, la pédosexualité a un potentiel de croissance incroyable. On le voit avec les données que vous nous avez présentées ce matin. Clairement, l'évolution technologique, et là j'en réfère à l'intelligence artificielle, amène un autre cade. Et je m'explique. Les enfants ne sont plus exposés uniquement à des images réelles, mais on fabrique des images de nos enfants en situation vulnérable.

Considérant la rapidité de cette industrie-là, hein, l'intelligence artificielle, considérant les moyens qui sont derrière, financiers, corporatifs, hein, qui sont derrière cette industrie, puis considérant aussi la notion de profit et de rentabilité qui est rattachée à cette entreprise... à ces entreprises, à cette industrie, est-ce que vous croyez qu'on va arriver... Puis je regarde, là, votre organisation et les datas que vous nous avez présentées, c'est un volume absolument incroyable qui circule de façon quotidienne, 24 sur 24, 12 mois par année, dans un contexte mondial. Et vous l'avez dit tantôt...

• (12 h 10) •

La Présidente (Mme Dionne) : M. le député, je veux juste vous dire qu'il vous reste moins de deux minutes, si vous voulez...

M. Sainte-Croix : O.K. Où je veux en venir, dans le fond, c'est très complexe de savoir, tu sais, la source, dans le fond, de la data, hein, qui se promène sur la planète en fonction de la clientèle. Est-ce que vous croyez qu'on va arriver strictement par une législation provinciale ou, plus largement, il faut regarder le problème en fonction de la mondialité aussi, là? Comment vous voyez la... notre intervention au niveau du législateur, là?

M. Morin (René) : Oui. Vous avez parlé de l'intelligence artificielle, c'est un enjeu majeur. On commence vraiment à voir se dessiner les contours de l'ampleur que ça pourrait prendre. Écoutez, je vous parlais tout à l'heure des sites, des outils de ludification que les jeunes utilisent dans les écoles. Bon, est-ce qu'on pourrait, avec un mécanisme de vérification...

La Présidente (Mme Dionne) : M. Morin, je m'excuse de vous interrompre. Il faudra juste conclure en 30 secondes. C'est le temps qu'il nous reste.

M. Morin (René) : Oui, tout à fait. Bien, je pense qu'effectivement les législateurs vont devoir imposer des balises au secteur de l'intelligence artificielle. Je pense, par exemple, le gros problème, c'est d'arriver à distinguer le vrai du faux. Ces technologies-là arrivent à produire du matériel de qualité très élevée, très rapidement, en gros volume. Est-ce qu'on ne pourrait pas, quelque part, les obliger, par exemple, à mettre une sorte de filigrane sur les images générées à l'aide de l'intelligence artificielle justement pour qu'on sache que ce sont de fausses images? Ce serait au moins un minimum.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup, M. Morin. Merci infiniment. Merci pour votre contribution à ces travaux.

Pour ma part, je suspends quelques instants pour accueillir notre prochaine invitée.

(Suspension de la séance à 12 h 13)

(Reprise à 12 h 14)

La Présidente (Mme Dionne) : La commission reprend maintenant ses travaux. Donc, je souhaite la bienvenue à Dre Dufour. Donc, bienvenue, Mme Dufour. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour nous faire part de votre exposé, et ensuite nous procéderons à une période d'échange avec les membres de la commission. Alors, la parole est à vous.

Mme Magali Dufour

Mme Dufour (Magali) : Oui. Bonjour. Merci, Mme la Présidente. Bonjour, distingués membres de la commission. C'est un véritable plaisir et un bonheur d'être ici aujourd'hui.

Je m'appelle Magali Dufour. Je suis docteure en psychologie, psychologue de formation et professeure à l'Université du Québec à Montréal, au Département de psychologie. Je travaille en dépendance à Internet, donc, vraiment, dans le continuum de la sévérité, donc, moi, je me situe vraiment dans les plus sévères, depuis environ 20 ans. Et aujourd'hui, je vais donc prendre le temps de vous situer un peu nos travaux que nous faisons, donc, depuis, je vous dirais, donc, le début des années 2010, c'est-à-dire à peu près au moment où est-ce qu'est apparu l'iPad.

Donc, je vais avoir un peu trois points. Je vais d'abord vous parler un peu de la prévalence des problèmes, je vais vous parler du portrait clinique de ceux qui demandent de l'aide et je vais également vous parler d'une population que l'on considère vulnérable, qui est les joueurs d'«e-sports», notamment ceux qui font du «e-sports» dans les écoles.

Donc, il faut savoir que nous travaillons... je travaille avec différentes équipes depuis 2012, où est-ce qu'on a commencé à faire le portrait des jeunes qui sont dans les écoles et à leur utilisation des écrans. Donc, avec Natacha Brunelle, dès 2012, on a commencé à documenter, je vous dirais, de façon très imparfaite, le temps d'écran et ainsi que les problèmes associés à Internet.

Donc, dès 2012, on avait commencé à constater que les jeunes passaient en moyenne entre 17 et 18 heures sur Internet, et qu'on avait aux alentours d'une vingtaine de pour-cent qu'on considérait qui avait des problèmes, c'est-à-dire, donc, qui commençait à avoir des méfaits. En 2012, on avait à peu près 1 % de jeunes pour lequel on jugeait qu'il nécessitait des traitements, donc des services spécialisés.

Quelques années plus tard, donc six ans plus tard, on a fait une étude, donc, auprès de 4 000 jeunes, dans les secondaires à nouveau, partout au Québec. Et on a constaté que... l'évolution, finalement, à la fois du temps de jeu et également de la sévérité du portrait clinique. Donc aujourd'hui, on est plus aux alentours de 20, 22 heures de temps d'écran rapporté par les jeunes. On s'entend que je n'ai pas regardé le temps sur leur appareil pour voir si c'est vrai, mais disons qu'on va penser qu'ils font la même erreur que nos jeunes en 2012, à l'époque.

Et, en termes, maintenant, de sévérité, donc, on a des instruments validés pour voir quel est le niveau de la problématique. Eh bien, maintenant, nous sommes beaucoup plus aux alentours de 30 % des jeunes qui pourraient être considérés comme ayant besoin d'un certain niveau d'aide, pas nécessairement un traitement spécialisé, mais bien une aide, par exemple une intervention précoce ou encore une intervention, par exemple, une prévention très ciblée.

Nos plus à risque, donc nos plus sévères, ceux pour lesquels... nécessitent des soins en services spécialisés, donc en centre de traitement, eh bien, nous sommes rendus à 3,3 %. C'est donc une augmentation quand même significative puisque nous sommes passés de 1,8 % à 3,3 %. Au Québec, nous nous situons à peu près dans la... à peu près avec des chiffres très semblables à la population mondiale, où est-ce qu'on va toujours parler aux alentours de 4 %.

Je vous parle donc de dépendance à Internet. Il faut bien penser que, dans nos études, on va toujours prendre en considération trois applications : les jeux vidéo, les réseaux sociaux et également le streaming, c'est-à-dire l'écoute en continu des vidéos. Et, dans nos études, que ce soit en 2012, en 2018 ou encore aujourd'hui, on voit des profils différents pour les garçons et pour les filles, les garçons passant beaucoup plus de temps en jeux... pour les jeux vidéo, alors que chez nos filles, c'est avec les réseaux sociaux. Et donc on a deux profils complètement distincts. Donc, nos premières études nous ont permis de constater qu'il y avait des jeunes à risque puis qu'il y en avait qui avaient besoin d'aide.

Nos plus récents travaux, qui ont été notamment un peu élaborés suite au Parlement et à des discussions, sont auprès des e-sportifs. Vous savez, l'e-sport, ce sont la compétition de jeux vidéo qui se passe dans les écoles. Et de plus en plus d'écoles, à la fois secondaire, collégial et l'universitaire, ont des équipes d'e-sports. On voit donc... On a donc eu une étude pour les documenter, et quel est le niveau de sévérité de ces jeunes-là, et de voir l'évolution de leur habitude de jeu, notamment de jeux vidéo.

Notre première constatation, eh bien, c'est de dire ils jouent beaucoup aux jeux vidéo. Ils passent entre 30 et 50 heures de temps par semaine à jouer à leurs jeux vidéo. Donc, il y a une partie qui est consacrée aux e-sports, à laquelle va s'ajouter du temps de jeu vidéo pour le loisir, à laquelle va s'ajouter le streaming. En comparaison avec des mêmes... les mêmes... de leurs mêmes pairs, on estime qu'ils ont à peu près 15 heures de plus d'investissement dans le temps de jeux vidéo. Ils vont dépenser aux alentours de 1 700 $ pour année en termes d'équipement, en termes de microtransactions.

Et ce qui... Ils voient beaucoup, beaucoup de bienfaits en termes de socialisation et en termes de bien-être. Ils rapportent également des méfaits en termes de sommeil et en termes de résultats scolaires et en termes d'investissement disponible pour d'autres activités. Mais ce qui nous a le plus marqués, dans cette étude-là, eh bien, c'est de voir que 44 % d'entre eux souhaitent diminuer leur habitude de jeux vidéo, mais ils n'ont pas réussi à le faire. Et 22 % estiment eux-mêmes qu'ils ont un problème, alors que nos instruments n'en détectent que 6 %... que 5,6 %.

• (12 h 20) •

Et donc on peut penser, et ça, c'est vraiment une hypothèse qu'on va vérifier dans les prochaines années, qu'il y a une certaine culpabilité face à leur habitude de jeux vidéo, parce que plusieurs pensent qu'ils ont un problème, alors que ça ne semble pas tout à fait être le cas. Par ailleurs, chez ces jeunes e-sportifs, on a quand même 49 % qui ont une estime de soi faible ou très faible. Donc des marqueurs pour nous qui nous préoccupent en termes de santé mentale. Maintenant... Donc, cette étude va se poursuivre dans... pour les deux prochaines années. Nous allons pouvoir constater l'évolution mais je ne suis pas en mesure de vous en parler immédiatement.

Maintenant, la troisième étude que je voudrais simplement vous parler, rapidement, ce sont... c'est l'étude où est-ce qu'on fait le portrait des jeunes qui sont en traitement, actuellement. Nous avons le mandat, par le MSSS, d'implanter un traitement, qui s'appelle Virtu-A, partout au Québec. Donc, il va y avoir maintenant un traitement pour les cyberdépendants, ceux demandant de l'aide.

Cette étude, qui était vraiment un bonheur de faire, on va avoir les résultats dans quelques semaines. Toutefois, on est capables de vous dire qui sont ceux qui demandent des traitements. Nous avons donc fait le portrait des 62 personnes qui cognent dans les portes des centres de réadaptation. Et ce que l'on constate, eh bien, sans surprise, ce sont des jeunes garçons.

Donc, notre étude est chez les 15-25. Ce sont des jeunes garçons, à 74 %, qui viennent en raison de leur problème de jeux vidéo. Et donc 69 % ont des problèmes de jeux vidéo, et nous avons un 14 % qui, eux, sont plus avec les réseaux sociaux. Ces jeunes-là viennent à la demande souvent de leurs parents. Ils vivent encore chez leurs parents et ont des revenus extrêmement faibles.

Le portrait clinique est extrêmement complexe. C'est des jeunes qui demandent des jeux... qui demandent de l'aide. Quand on regarde leur temps d'écran, nous sommes à 51 heures-semaine, alors que nos jeunes de la même cohorte, si on peut dire, rapportent 20 heures, hein, donc vous voyez comme on est dans vraiment une perte de contrôle plus importante. Et le portrait clinique que l'on voit, on voit de la détresse psychologique à 73 %, une estime faible ou très faible à 80 %, et plusieurs tentatives de suicide dans le dernier mois. Et donc on a un portrait clinique de jeunes qui ne vont pas bien en raison des jeux vidéo.

Et donc, à la lumière des travaux qu'on a faits dans les dernières années, on a développé des outils de détection validés, on a développé des traitements. On sait qu'il y a une partie des jeunes qui ont des problèmes avec les jeux vidéo pour lesquels on commence à assez bien s'occuper. Au Québec, on est très privilégiés.

Par contre, il y a tous les feux jaunes, autrement dit les jeunes à risque pour lesquels nous n'avons pas d'interventions qui ont encore été développées. Il y a des programmes de prévention qui sont habituellement plus pour les feux verts, mais pour nos jeunes à risque, pour l'instant, il n'y a pas d'intervention précoce qui a été développée. Et donc, ça, ça va devoir, pour... je pense que ça devrait faire partie de nos priorités.

Par ailleurs, les... dans les jeunes qui ne vont pas bien, il y a une grande partie qui sont des joueurs de jeux vidéo pour lesquels il faut porter une attention. Et donc je pense qu'il faut continuer nos efforts, et continuer nos efforts aussi auprès de cette industrie, qui a également des responsabilités. Je viens des jeux de hasard et d'argent, j'ai travaillé à un groupe de travail justement qui a étudié l'implantation des jeux de hasard et d'argent au Québec, en ligne, et je sais comment l'industrie peut travailler, peut développer des outils pour aider la prise de conscience. Et donc je pense qu'il faut qu'il y ait... qu'il y ait un travail avec à la fois l'industrie des jeux de vidéo, mais également avec les industries qui donnent les services d'Internet pour développer des outils pour faciliter la prise de conscience et le choix, et également faciliter des outils pour les parents pour qu'ils puissent aussi aider leurs jeunes à s'autoréguler. Parce que, pour l'instant, ça prend presque un doctorat en informatique pour avoir accès à ces outils. Et donc moi je pense qu'il faut travailler avec l'industrie pour pouvoir faire ça.

Et je terminerai en disant qu'il est important que toute intervention que vous allez décider soit évaluée de façon à ce qu'on puisse la modifier si elle n'a pas les impacts que l'on souhaite. Donc voilà. Ça termine ma présentation.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci infiniment, Mme Dufour. Donc, nous allons débuter les échanges avec M. le député de Joliette.

M. St-Louis : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci, Dre Dufour, de participer aux travaux de notre commission.

Les e-sports, ce n'est pas une réalité que je connais, je suis papa de deux filles, donc je vais m'en tenir plus au nombre d'heures. Parce que vous avez scindé un peu les deux sexes avec des réalités différentes, là. Sans faire de sexisme, là, les jeunes filles sont plus sur les réseaux sociaux en majorité. Je suis resté surpris que, quand j'ai demandé le téléphone à ma fille la semaine dernière après les débuts des travaux de la commission, de voir qu'elle avait une moyenne de sept heures par jour. Le souffle m'a coupé, littéralement, pour réaliser que, là-dessus, il y avait peut-être un trois heures de communications, là, via les différentes plateformes, mais que c'étaient plus des discussions entre amis. Ce qui m'amène quand même à quatre heures, fois sept, une trentaine d'heures par semaine. Vous avez parlé de 50 heures. Je me dis : Est-ce que c'est sain? Moi, pour moi, je n'ai pas... On n'a pas de barème. J'aurais tendance à penser que ma fille est borderline, peut-être qu'elle aurait peut-être besoin d'être encadrée. Vous en pensez quoi? J'utilise mon exemple personnel, là, mais je suis convaincu que beaucoup de parents comme moi qui se... Elle est où, la coupure?

Mme Dufour (Magali) : J'aime tellement votre question. Enfin où est la coupure? La coupure n'existe pas pour l'instant. Parce que, pour faire des normes, comme par exemple pour les normes de consommation d'alcool ou de jeux de... ou pour les jeux de hasard et d'argent, j'ai participé à cette élaboration-là, ça a coûté 2 millions de dollars, faire les normes pour les jeux de hasard et d'argent. Et ça prend des études épidémiologiques où est-ce qu'on sait pendant plusieurs années combien d'heures puis les méfaits qui sont associés. Présentement, ces données-là n'existent pas. On n'a pas de données qui sont fiables, qui vont nous permettre de dire : Oui, à partir de trois heures par jour d'heures de loisir, parce que moi, je m'occupe que des heures de loisir, oups! C'est dangereux, ou à partir de quatre, oups! C'est dangereux. Pour l'instant, on est extrêmement imparfaits dans notre compréhension de quand est-ce que c'est assez, quand est-ce que ce n'est pas suffisant.

Par contre, en fait, et là, si vous aviez demandé à votre fille, ça aurait été intéressant, combien elle, elle pensait avoir fait d'heures. Probablement qu'elle nous aurait dit un trois, quatre heures, ça fait qu'elle serait probablement arrivée dans les chiffres que je vous ai présentés. Sauf que le portrait est différent.

Et c'est pour ça que je... moi, je trouve ça assez intéressant de voir comment c'est important d'avoir des outils pour les parents justement pour avoir accès au profil de leur enfant et peut-être déterminer... moi, je le fais, on est tous dans le même appareil, donc de décider combien d'heures je permets et à partir de quelle heure c'est interdit. Mais, pour ça, c'est... dès qu'il y a une mise à jour, toutes nos modifications ne fonctionnent plus, bref, ça demande beaucoup, beaucoup, beaucoup, aux parents, de connaissances en technologie.

Donc, pour l'instant, la santé publique dit c'est cinq heures ou c'est quatre heures, là, tout dépendamment de leur étude, qui... On commence à voir des effets, par jour, mais on n'a pas encore de donnée qui est fiable. Et j'espère qu'un jour on va être capables de le faire, mais pour l'instant, on est très imparfaits dans notre compréhension.

M. St-Louis : Merci. Puis, pour votre gouverne, je pense qu'elle est restée aussi surprise que moi.

Mme Dufour (Magali) : Oui.

M. St-Louis : Merci.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à M. le député de Marquette.

M. Ciccone : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, Dre Dufour. Je tiens à vous remercier parce que je vous ai citée souvent, très, très souvent. J'ai peut-être tout lu ce que vous avez fait sur... justement en matière d'e-sports. Puis je n'ai pas besoin de dire à mes collègues et vous dire également ma position là-dessus. Mais, en même temps, aujourd'hui, ce n'est pas une question de donner ma position, c'est une question d'aller chercher de l'information.

Vous nous avez élevé, là... relevé beaucoup de problématiques et de faits qui sont quand même assez troublants, là, avec les chiffres. Sans nécessairement dire qu'un est pire que l'autre, là, mais... parce que là, on peut parler des réseaux sociaux, puis là, on englobe tout ici, là, pas juste les e-sports, mais est-ce que les e-sports est peut-être une plus grande problématique au niveau de la dépendance, au niveau... Vous avez parlé de suicide, là. C'est la première fois que j'entends quelqu'un me parler de suicide, là. Aujourd'hui, les heures que vous nous avez présentées, c'est quand même... Puis même l'argent aussi dépensé, parce que ça force aussi peut-être à contrevenir à des lois, à faire de la fraude aussi. Puis on l'a vu, là, avec certains jeunes de personnalités publiques, là, qui ont commis des fraudes à ce niveau-là. Considérez-vous que c'est une plus grande problématique que le reste?

Mme Dufour (Magali) : En fait, nos chiffres sur l'e-sports démontrent qu'il y a, par exemple, dans... Moi, j'ai un étudiant qui vient de terminer son doctorat, qui a des données quand même intéressantes, mais notre cohorte est plus grande. Donc, on a 250 joueurs avec nous et on a 5,6 % qui présentent probablement une dépendance à Internet. Et je vous rappelle que, dans la population, c'est 3 %, donc c'est un peu plus élevé. Mais ce n'est pas des chiffres comme auxquels... la petite cohorte d'Antoine, qui avait 70 %. On était à 10 %. Donc ça nous préoccupait beaucoup.

Ce qui est intéressant avec l'e-sport, c'est justement ce portrait nuancé. Et on en a parlé beaucoup avec... d'équipes et, en fait, le problème, c'est que l'e-sport est super bien encadré, habituellement, ils vont dire : Il y a un coach, il y a tout ça, mais c'est que dès qu'il n'y a plus d'e-sports, ils ajoutent des heures de jeux vidéo de loisir. Et donc ça ne remplace pas. Donc, la théorie, c'était que ça allait remplacer le jeu, un peu, le loisir ou en tout cas du moins en prendre une partie, mais ce n'est pas tout à fait le cas. Ça ne s'est qu'ajouté. Et donc, c'est un peu ça, le problème. Et ça, je pense qu'il faut... il va falloir que... adresser cette problématique-là.

Et moi, ce qui me préoccupe dans l'aspect e-sport, c'est justement que ce soit intégré dans les écoles. Et, si on fait une réflexion sur le temps d'écran, eh bien, il y a comme une sorte de paradoxe de promouvoir quelque chose qui est sur les écrans, même si ça plaît aux jeunes, là, peut-être que ça devrait être du parascolaire, et, bref, il y a quelque chose pour moi qui est d'un paradoxe dans promouvoir quelque chose où est-ce que... Vous savez, dans les diagnostics officiels, il n'y a que le trouble du jeu vidéo qui a été reconnu, donc il n'y a pas une dépendance aux réseaux sociaux. La dépendance à Internet, même si c'est extrêmement prévalant dans la littérature, c'est utilisé, mais la seule reconnaissance de l'Organisation mondiale de la santé, c'est le trouble du jeu vidéo.

• (12 h 30) •

M. Ciccone : Merci beaucoup de le mentionner. Vous m'avez un peu devancé. Je m'en allais exactement à ce niveau-là, sur les programmes scolaires. On ne peut pas dire qu'il y en a beaucoup, là, au Québec. Il y en a quatre, cinq, à peu près, là, puis beaucoup dans les écoles privées plus que publiques. Je pense, au public, si je ne me trompe pas, il y en a peut-être un, là... une école. Ce que vous nous dites, dans le fond, là, c'est que... parce que là vous dites également que ça va prendre... tu sais, vous êtes en train de colliger les données, ça va prendre à peu près deux ans, avoir... avant d'avoir tous les résultats. Est-ce que vous dites à ces écoles-là, qui pensent peut-être à en avoir, et même ceux qui les ont amenés, ces programmes-là, que, dans le doute, là, encore, là, on devrait s'abstenir, là, il ne faut pas rentrer ça dans nos écoles? Est-ce que c'est ce que vous dites?

Mme Dufour (Magali) : En fait, quand on en a parlé aux écoles, on leur a donné nos chiffres et on leur a dit... Moi, ce que je souhaiterais, c'est que, s'ils implantent, c'est qu'il y ait des outils pour aider ces jeunes-là, donc d'abord qu'il y ait une détection, s'il y a un problème, un encadrement, des outils pour que la jeune soit en mesure de voir son temps d'écran. Parce qu'il faut bien penser qu'eux, les e-sportifs, rapportent beaucoup de bienfaits en termes de bien-être et de socialisation, donc, en fait, c'est comment s'assurer que ces bienfaits-là soient... par exemple, que les jeunes puissent... Parce qu'on a des jeunes qui ont une faible estime de soi, des difficultés de socialisation, et parfois, ça leur permet de s'intégrer, donc comment faire pour avoir les bénéfices sans avoir les aspects négatifs.

Et enfin, on essaie d'équiper un peu l'équipe-école pour qu'il y ait peut-être de la détection dès l'entrée dans ces équipes-là pour s'assurer qu'il n'y ait pas de problème et de peut-être soutenir ceux pour lesquels on a peut-être un peu plus de préoccupations.

M. Ciccone : Est-ce qu'on oublie un élément également? Parce qu'on a parlé à plusieurs groupes, dont un groupe, là, l'Association des écoles privées, si je ne me trompe pas, qui nous disaient... Puis, quand j'ai communiqué avec certaines écoles, ils m'ont dit : Bien, on les encadre bien, on leur fait faire plus d'exercices, mais on semble oublier que, c'est parfait, là, ce qu'on fait à l'école, peut-être qu'on les encadre bien, puis on les surveille, puis ils ont tous les outils nécessaires, puis on est très à l'écoute aussi de la problématique, mais on oublie que ces jeunes-là, à 4 heures, 3 heures et demie, 4 heures, ils s'en vont à la maison. Puis ce n'est pas vrai qu'ils n'embarqueront pas sur leur manette, là, puis leur jeu vidéo. Ça aussi, il faut le considérer, là.

Mme Dufour (Magali) : En fait, c'est exactement ça. Il faut absolument considérer l'ensemble de leur habitude Internet. On parle de comment ils vont peut-être aller jouer, mais c'est aussi... ils deviennent... à ne faire que regarder. C'est un peu comme, tu sais, dans la dépendance, il y a trois critères : il y a la perte de contrôle, il y a l'obsession et il y a les conséquences associées. Et donc, quand on a une personne que ça devient le centre de sa vie, c'est là qu'on devient à risque de développer une dépendance. Donc, si je fais que du streaming, que je joue aux jeux vidéo, puis, en plus, je fais du e-sports et que je n'ai aucune autre activité, eh bien, c'est là, pour moi, qu'on devient avec un profil un peu plus à risque et préoccupant.

M. Ciccone : Question très, très rapide...

La Présidente (Mme Dionne) : J'ai beaucoup d'interventions...

M. Ciccone : O.K., parfait.

La Présidente (Mme Dionne) : ...et puis on reviendra s'il nous reste du temps, là. C'est beaucoup, beaucoup de monde qui ont des questions. Alors, on poursuit avec M. le député de Jonquière.

M. Gagnon : Bonjour, Mme Dufour.

Mme Dufour (Magali) : Bonjour. Vous avez reconnu mon accent?

M. Gagnon : Oui, tout à fait, tout à fait. Vous allez reconnaître la mienne, naturellement. Je vais y aller concis, étant donné qu'il y a d'autres collègues qui veulent prendre parole.

Effectivement, les statistiques, encore une fois, font la démonstration de pourquoi qu'on est ici. Mais, par contre, on a beaucoup parlé de parents, on a beaucoup parlé de l'école, de la prise en charge d'un tout pour y arriver. Mais on a également parlé beaucoup de réduction des méfaits, comment est-ce qu'on va y arriver, puis tantôt vous avez mis des lumières, mais vous avez dit quelque chose que je trouve vraiment stimulant — puis les collègues, là, on va y aller bientôt, dans la classe — vous avez dit que, oui, il y a la réduction des méfaits, mais vous avez dit quelque chose de tellement motivant : Les jeunes veulent participer à leur propre réduction des méfaits.

Alors, ce que je comprends, c'est que les jeunes disent : Hé! moi aussi, je trouve que j'en fais pas mal. Et, à l'aube de rentrer dans l'école, j'aimerais, le temps de ma question, mettre les parents puis l'école de côté, la structure, conseil d'établissement, puis j'aimerais vous entendre, c'est-à-dire que les jeunes nous tendent la main. Et comment, quand le Dr Parent disait : Je rentre dans une classe, je suis une spécialiste, j'ai 30 ans, elle avait un profil quand même fort sympathique, mais les jeunes disaient : Ah! tu es ici pour nous chialer. Alors, tu sais, il y a un contact à y avoir avec les jeunes, il y a une relation, je pense. En tout cas, je trouve ça vraiment inspirant.

Mme Dufour (Magali) : En fait, on voit beaucoup de culpabilité chez les jeunes. Là, je vous l'ai présentée chez nos e-sportifs, mais on a des données également avec les 16-25. Et, en fait, quand on leur demande : Croyez-vous avoir un problème?, on a quand même des chiffres qui n'ont pas de bon sens, 40 % vont dire oui. Les gens se sentent énormément, énormément coupables face à leurs habitudes, lorsque moi j'en parle : Ah oui! Moi, j'ai un problème. Mais, en fait, ce n'est pas ça, avoir un problème pour moi. Tu sais, on a comme une sorte de... J'ai une de mes cliniciennes qui dirait, une certaine dramatisation ou, du moins, en tout cas, une inquiétude importante, puis je la comprends. Et les jeunes ont besoin d'avoir, je pense, des outils pour avoir un regard clair, précis sur leur propre utilisation.

Vous parliez de votre fille avec l'utilisation, mais, quand on fait, en plus, par exemple, un peu... Par exemple, on joue avec une console, quand on est un peu avec l'ordinateur, ça devient difficile de voir un portrait commun de ce qu'on fait. Et on en a vraiment besoin, et les jeunes sont curieux, parce qu'ils veulent faire des choix et ils savent. Au début, quand j'ai commencé dans les années 2010, là ils ne savaient pas que ça posait problème. Maintenant, les jeunes sont très au courant et veulent participer à la solution.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve.

M. Leduc : Bonjour.

Mme Dufour (Magali) : Bonjour.

M. Leduc : Sur l'aspect plus précis, donc, des jeux vidéo, on s'est fait souvent mentionner que, bon, il y a en soi le temps de jeu vidéo qui est nocif, etc., mais il y a tout l'aspect des microtransactions qui est à la frontière du jeu du hasard, donc, qui entraîne les jeunes et la carte de crédit de leurs parents. Dans cette logique-là, on semble avoir constaté qu'il y a des pays, comme le Japon, qui ont interdit les microtransactions dans les jeux vidéo. Est-ce que ça serait une voie qui serait pertinente à explorer pour le Québec?

Mme Dufour (Magali) : En fait, c'est une voie extrêmement intéressante. Et quand on va parler avec nos jeunes en traitement, donc, si je prends le profil, ce n'est pas tant les microtransactions qui posent problème, mais plutôt tout le renforcement que le jeu va leur donner. Vous savez, comme par exemple, Fortnite a été dessiné, notamment, par des psychologues pour permettre aux jeunes d'être toujours stimulés, d'être stimulés juste assez, hein, donc, d'avoir un défi que la personne va être capable... Et non seulement on va renforcer le jeune, on va lui donner des promotions, on va lui permettre d'avoir tel «skin» s'il joue tant d'heures, il va faire partie de tel groupe. Donc, on va renforcer son identité, mais, en plus, on va le punir s'il abandonne une game. Par exemple, le jeu Overwatch, si vous abandonnez, parce qu'il faut que vous alliez souper, eh bien, vous allez être banni du jeu 12, 14, 18 heures, 24 heures, si ça vous arrive. Et, en ce sens-là, donc, on va comme vraiment punir. Donc, tu sais, Skinner et ses petits rats, on utilise les mêmes stratégies avec les jeux vidéo. Et c'est pour ça que, moi, je pense qu'on a un devoir, en tant que société, d'encadrer cette industrie-là, justement parce qu'ils renforcent et ils dessinent, comme pour les drogues, là, ils dessinent pour renforcer le jeune, mais, en plus, on lui interdit d'arrêter d'une certaine façon. On l'oblige à continuer avec des stratégies qui pourraient être encadrées, donc, justement, le bannissement, parce que vous avez interrompu une game, parce qu'étrangement il faut que vous alliez souper ou vous coucher.

M. Leduc : Puis ces façons-là de développer des jeux, on comprend l'effet nocif pour les enfants, mais c'est un effet nocif probablement pour les adultes aussi.

Mme Dufour (Magali) : C'est un effet nocif pour tout humain, je vous dirais.

M. Leduc : Donc, si on disait qu'on bannissait, par exemple, les microtransactions, les adultes non plus ne pourraient plus en faire, ça ne serait pas... ça serait pas si mal que ça.

Mme Dufour (Magali) : Ce ne serait pas si mal que ça. C'est clair que l'industrie ne voudra pas, mais ce qui est fantastique, c'est que le Québec a beaucoup investi dans l'industrie du jeu vidéo, on les a beaucoup financées. Et donc, moi, je pense qu'il y a donc une communication qui existe déjà. On peut leur demander de devenir des bons citoyens et qu'ils mettent en place des stratégies pour protéger les joueurs. Le joueur pourrait décider, avant de débuter, combien d'heures. On le fait dans les jeux de hasard et d'argent. Je ne vois pas pourquoi ça ne se ferait pas là. On pourrait avoir, donc, un temps de jeu déterminé, et donc, après tant de minutes, ça serait... On pourrait avoir une horloge également, en disant : Ça fait deux heures que tu joues, es-tu certain de vouloir... On pourrait donc avoir aussi tout un... des boutons, si jamais le jeune est en détresse, pour qu'il puisse demander de l'aide. Bref, il y a des stratégies qui ont déjà été vues dans d'autres industries, qui pourraient être implantées avec les jeux vidéo.

M. Leduc : Mais ce n'est pas intrinsèque à l'industrie du jeu vidéo, c'est récent quand même, là. J'ai joué beaucoup, j'ai un peu moins de temps, maintenant, de jouer au jeu, mais j'ai joué quand même mon lot. Ça n'existait pas avant, ça, les microtransactions ou les paiements de saison, d'expansion. Tu achetais ton jeu, tu jouais, puis c'est tout.

Mme Dufour (Magali) : En fait, le jeu s'est beaucoup transformé, parce qu'ils sont devenus gratuits, donc ils ont trouvé d'autres façons de monétiser. Mais, vous avez raison, mais l'industrie du jeu a eu un gros lobby, et ils ne veulent pas reconnaître qu'ils causent des torts. Ils ont fait beaucoup de pression pour ne pas que l'OMS dise qu'il y a un trouble du jeu vidéo. Et donc, pour l'instant, même si on a tenté, à plusieurs fois, d'aller leur montrer les données, ils ont toujours refusé, disant que c'était de la dramatisation des effets.

• (12 h 40) •

M. Leduc : Vous ne croyez pas du tout à une autorégulation?

Mme Dufour (Magali) : Ah! je ne le crois pas du tout, mais je ne le crois pas pour aucune substance. Donc...

M. Leduc : En général, vous ne croyez pas à l'autorégulation. Ça marche. Merci.

La Présidente (Mme Dionne) : M. le député de Gaspé.

M. Sainte-Croix : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Dufour. Très heureux de vous avoir ici aujourd'hui. Mme Dufour, les e-sports, «e-games», tu sais, ce n'est pas d'hier quand même, ça fait un bout. Tu sais, moi, en grandissant, on a vu ça, on a vu ça évoluer. Qu'est-ce qui a fait en sorte qu'aujourd'hui on parle de dépendance au regard de ces pratiques-là? D'une part, quand vous dites, c'est encadré, hein, les jeunes dans les écoles, où ces sports-là, ces options-là sont offertes, ils sont encadrés. Ça veut dire quoi, ça, concrètement, ils sont encadrés?

Mme Dufour (Magali) : Vous avez deux excellentes questions. Donc, pourquoi c'est devenu une dépendance? En fait, tout comportement qui amène du plaisir et qui permet finalement de sécréter de la dopamine pourrait ultimement avoir un potentiel pour la... pour qu'on puisse perdre le contrôle et, donc, amener à un certain comportement de dépendance. Mais les jeux vidéo se sont transformés, hein, on a fait un peu... Entre Pac Man et les jeux aujourd'hui, on a comme une sorte... à vrai dire, c'est Pong, le premier, c'est comme des trucs qui lancent la balle. Il y a comme une évolution qui a été faite, qui a été dessinée pour nous capter, capter notre attention et vraiment nous amener dans un cycle de renforcement, vraiment, de façon plus importante. Donc, comme je vous disais, vous avez des défis. Et, comme l'industrie vous regarde, elle va ajuster les défis. S'ils sont trop grands, elle va les diminuer, donc, pour que vous continuiez à... Donc, les jeux vidéo ne sont plus les mêmes. Et comme on a eu, justement... Il y a beaucoup plus de machines qui vous regardent, hein? Ils ont ajusté leurs produits, donc, ils vont savoir si vous aimez, par exemple, la compétition. Et ils ont surtout mis des gens en réseau, parce que les jeux vidéo ne sont pas que pour stimuler pour le plaisir, c'est également une façon d'entrer en contact avec les autres. Et les garçons et les filles aussi qui aiment jouer aux jeux vidéo, ça va vraiment comme être une porte d'entrée, un facilitateur des contacts sociaux. Et donc, en ce sens-là, ils se sont beaucoup transformés. Ce qui fait que cette transformation-là a amené, je vous dirais, une plus grande complexité et les amener plus près de la dépendance, parce qu'on voit maintenant, même dans le cerveau, que le réseau... que les réseaux neuronaux et de la dopamine, ça ressemble beaucoup à lorsqu'on prend des substances, notamment, avec de l'alcool.

Donc, c'est un peu pour ça que c'est devenu... Excusez-moi, je n'ai pas pris de notes pour votre deuxième excellente question.

M. Sainte-Croix : L'encadrement, quand on parle d'encadrement...

Mme Dufour (Magali) : L'encadrement, oui. L'encadrement, ça, c'est ce que les écoles vont nous rapporter quand on va leur demander, c'est-à-dire qu'ils vont avoir habituellement un temps défini pour jouer. Ils vont également faire des messages. Parfois, il y a des écoles qui vont implanter des programmes de prévention, justement, pour parler des méfaits associés. Et il va également avoir une attention particulière portée sur l'aspect physique, d'éducation physique ou de mouvement pour justement contrebalancer cette activité sédentaire là, c'est l'encadrement qu'il va y avoir. Il va y avoir un entraîneur qui, théoriquement, va être sensible aux besoins du jeune.

M. Sainte-Croix : Est-ce que ça implique la présence parentale ou c'est strictement dirigé vers le jeune?

Mme Dufour (Magali) : Ça dépend, je vous dirais, c'est très variable selon les écoles et le niveau des jeunes. Il y a beaucoup de programmes e-sports, maintenant, au collégial et au niveau universitaire, qui n'impliqueront pas, bien entendu, les parents. Au niveau du secondaire, certains programmes vont interpeler les parents, il va donc y avoir une signature, et, en fait, les parents vont donc avoir une rencontre avec l'équipe pour dire : Qu'est-ce que c'est, faire du e-sport, et quel style d'encadrement l'école va fournir? Donc, oui, les parents sont au courant. De façon générale, les parents sont assez soulagés d'avoir cet encadrement-là, parce qu'ils ont l'impression que quelqu'un d'autre va également regarder les habitudes de jeu vidéo et va s'en préoccuper.

J'ai une de mes étudiantes qui fait sa thèse de doctorat auprès des parents, dont les enfants ont des difficultés avec Internet, et la souffrance de ces parents-là est incroyable. Les parents sentent qu'ils sont en échec, qu'ils ont raté leur rôle de parents. Si vous entendiez les verbatims, c'est bouleversant. On met beaucoup la responsabilité des parents... Et les jeunes demandent 10, 15, 20 fois, 50 fois par semaine de jouer aux jeux vidéo, et donc c'est difficile de résister constamment. Et donc, en ce sens-là, moi, je serais... j'essaierais de protéger les parents et de donner des outils à tout le monde pour aider. Parce que les parents se sentent démunis pour encadrer quelque chose d'aussi complexe, particulièrement dans une technologie qui évolue tellement plus vite que, nous, on est capable de l'apprivoiser.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Cadet : Merci, Mme la Présidente. Bonjour. Merci d'être avec nous aujourd'hui. Un peu dans la lignée, donc, des questions de mon collègue d'Hochelaga-Maisonneuve, donc, je me demandais... je me posais des questions, donc, sur les mécanismes présents, donc, dans les jeux vidéo qui les différencient des autres types d'usages, donc, des écrans qui, eux aussi, donc, ont des mécanismes de captation de l'attention. Je pense que vous en avez décrit deux, donc... vous a posé directement la question sur les microtransactions, puis là vous nous avez donné, donc, d'autres exemples.

Puis je me demandais, donc, pouvez-vous, donc... S'il y avait, donc, un mécanisme ou des mécanismes précis à proscrire dans cette industrie-là, comparativement, donc, aux autres, donc, qui sont... qui peuvent, donc, également être néfastes, donc, pour vous, donc, ce serait lesquels à prioriser pour le législateur?

Mme Dufour (Magali) : Il est clair qu'il y a une... D'abord, pour les jeux vidéo, il va y avoir aussi beaucoup de publicités associées avec les jeux vidéo. Il va y avoir de la publicité sur le fait de venir jouer ou avoir des récompenses associées à la présence, hein? Si vous venez jouer tant de minutes par jour, vous allez donc pouvoir avoir un «skin». On va même développer toute une sorte de marchandisation, là, même si c'est gratuit, pour que vous puissiez y aller le plus souvent possible, et donc que ce soit plus difficile pour vous de garder... Admettons que vous dites : Moi, je ne joue pas du lundi au mercredi, oui, mais pour avoir le «skin», je vais y aller, et donc de résister à la tentation. Donc, voyez-vous, on va toujours vous mettre dans des situations pour que l'autocontrôle soit plus difficile. Donc, d'avoir dans les boutiques, donc... Et les boutiques, ça date, hein, il y a même des objets qui vont disparaître, ils vont créer des choses rares. Ils vont les adapter, parce qu'en fait ils lisent les profils des jeunes — et des adultes, là — les jeunes, donc, pour moi, c'est 15-25, là, la population avec laquelle je travaille, ils vont même adapter leur offre par rapport à qui vous êtes. Est-ce que vous êtes quelqu'un qui dépensez beaucoup? Est-ce que vous dépensez... Ils ont toute cette lecture-là et ils vont adapter, donc, à la fois leur stratégie de marketing et même, des fois, parfois le niveau du jeu.

Donc, pour réussir, pour certains, on va vous offrir, donc, des gemmes ou des diamants, à d'autres, on a l'offrira pas. Vous n'êtes pas venus depuis longtemps, on va vous envoyer... Donc, il y a toutes sortes de stratégies à la fois de marketing mais même de manipulation, je vous dirais, dans les jeux parce qu'ils sont capables de lire vos profils.

Mme Cadet : Oui, donc, il y a un volet... un certain volet de protection du consommateur, si je vous entends bien.

Mme Dufour (Magali) : Oui, tout à fait.

Mme Cadet : Aussi, si j'ai bien compris, un peu plus tôt, je pense que vous disiez, donc, au Québec, donc, on a des interventions qui sont prévues. Donc, pour les jeunes qui sont aux prises avec des problèmes, il n'y a pas d'enjeu, mais, pour les jeunes à risque, ce n'est pas le cas. C'est ce que vous disiez?

Mme Dufour (Magali) : Exactement. Donc, si on fait le continuum des jeunes, donc, pour les feux verts, on a habituellement beaucoup... on a des programmes de prévention, PAUSE ton écran. Vous allez en rencontrer plusieurs. Vous allez avoir Anne Elizabeth Lapointe, vous avez vu le CIEL qui font... donc, pour les feux verts. Pour les feux rouges, donc, c'est... ils vont dans les centres de réadaptation en dépendance, qui sont des traitements qui sont gratuits. Mais, pour nos feux jaunes, donc, ceux pour lesquels on a des méfaits, donc des conséquences, qui ne sont pas assez sévères pour aller dans les centres de traitement, mais qui auraient besoin d'aide. Pour eux, donc, c'est souvent ceux qui vont aller dans les CLSC, qui vont demander de l'aide dans des écoles, pour l'instant, on n'a pas de services. Ils vont avoir des services de travail social, de psychoéducation généraux, mais il n'y a pas encore de programme qui a été fait pour aider ces jeunes-là.

Donc, on est présentement... on espère, un jour, avoir une subvention, là, on est en évaluation, mais il n'y a pas d'intervention précoce qui a été développée, donc, d'outils, surtout dans les milieux scolaires, parce que les milieux scolaires, même pour les collégiaux, ils nous demandent souvent : Oui, mais, tu sais, les jeunes viennent nous voir, ce n'est pas assez sévère pour aller en traitement, mais ils auraient besoin de quelques séances de thérapie, trois, quatre, cinq, six. Et, pour l'instant, on n'a pas de programme structuré pour pouvoir les soutenir.

Mme Cadet : Dans le continuum de services. Merci.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup. Mme la députée de Hull.

Mme Tremblay : Oui. Alors, bonjour. Tantôt, bien, vous avez parlé, bon, que les jeunes, tu sais, ont une certaine culpabilité en lien avec leurs habitudes. Donc, ça doit amener un facteur anxieux, j'imagine. Alors... Puis probablement que ça va avec le feu jaune dont vous venez de parler. Donc, est-ce que... Comment on peut intervenir? C'est de leur donner des outils justement pour qu'ils comprennent où est-ce que ça devient un problème? Puis ça, j'imagine qu'on devrait étendre ça à la grandeur de nos écoles afin que les jeunes soient capables un peu de s'évaluer puis s'autoévaluer à quel moment, ça devient vraiment un enjeu.

Mme Dufour (Magali) : Enfin, vous avez une très bonne question. Donc, est-ce que former les jeunes pour qu'ils soient plus en mesure d'avoir une sorte de conscience, hein, d'où sont-ils, est-ce qu'ils ont plus des problèmes ou pas, je pense que ça, ce serait vraiment un des éléments qui pourraient être apportés, donc qu'ils aient un regard critique puis qu'ils puissent se situer par rapport un peu au continuum de services ou, en tout cas, d'aide qu'ils pourraient avoir besoin. Je pense que ça pourrait être une très bonne idée.

Avec Julie Lane, ma collègue de l'Université de Sherbrooke, on a travaillé... Julie a développé, son équipe, une intervention en anxiété, et donc on a vu qu'il y avait des profils différents aussi. Donc, on a travaillé pour nos jeunes filles qui avaient un problème de dépendance aux réseaux sociaux, elles avaient plus de l'anxiété généralisée, alors que nos utilisateurs problématiques de jeux vidéo, eux, c'était plus une phobie sociale. Et donc de travailler d'autres habiletés, notamment l'anxiété, peut parfois aider, justement, parce que nos filles... nos personnes anxieuses vont aller vérifier dans les réseaux sociaux : Suis-je correcte?

Donc, quand on va travailler... quand on travaille le temps d'écran, il faut travailler, je vous dirais, d'autres habiletés : la gestion de l'anxiété, l'autocontrôle, l'apaisement et, je vous dirais, l'estime de soi, hein? Vous avez vu mes joueurs de jeux vidéo, l'estime de soi est faible ou très faible, en traitement à 80 %. Mais, même dans des programmes de e-sports, on est à 49 %. C'est quand même très préoccupant. Je pense qu'il y a tout un travail sur l'estime de soi qui doit être fait pour protéger les jeunes, pour qu'ils aillent moins se faire valider, que ce soit à travers les réseaux sociaux ou à travers les jeux vidéo.

• (12 h 50) •

Mme Tremblay : Oui. Alors, je vais revenir, parce que, dans le groupe de cet après-midi, justement, là, qui est la Fondation des gardiens virtuels, ils reviennent sur le e-sport, vous en avez quand même parlé, puis ils placent ça dans la colonne, vraiment, des avantages, eux, donc cette façon-là de faire. Parce que, bon, ils vont venir dire qu'il y a un sentiment d'accomplissement de soi, de développement de l'esprit d'équipe, de compétence de communication, puis que, bon, au niveau des parents, ça démontre des résultats positifs au niveau de la socialisation, développement de leurs compétences transversales. Est-ce que vous, vous iriez jusqu'à placer ça dans la colonne des avantages ou dire : C'est plus un désavantage, puis moi, je n'aurais pas tendance à ce que ça soit en augmentation dans nos écoles? Vous vous situez où?

Mme Dufour (Magali) : Bien, nous, les données que l'on a auprès de 250 jeunes... Ça fait que, là, je ne sais pas...

Mme Tremblay : 250.

Mme Dufour (Magali) : ...250 participants à travers le Québec, je ne le sais pas comment ils ont fait leur étude. C'est clair que les jeunes vont nous rapporter que c'est... que ça améliore leur bien-être et que ça facilite de la socialisation. Tout à fait. Par contre, ils nous rapportent également des méfaits. Ils vont nous rapporter des méfaits scolaires, ils vont nous rapporter des méfaits sur le sommeil, puis ils vont nous rapporter également des méfaits, parfois, avec la famille, parce qu'il peut y avoir... Donc, pour moi, ce n'est pas si clair qu'on est juste dans du bienfait. On est vraiment dans un... je vous dirais, dans des profils distincts.

Et là, comme je vous dis, on vient d'avoir les données, on les a présentées à l'ACFAS, c'est la première fois qu'on les présentait. On va être capables de, je vous dirais, dans les prochaines années, de dire : O.K., mais est-ce qu'il y en a qui sont plus vulnérables? Parce que, pour moi, dans ce groupe, ce n'est pas un groupe homogène, c'est un groupe probablement hétérogène, pour lequel il y a une partie clairement qui aurait besoin d'aide. Mais qui sont-ils puis comment je vais faire pour les identifier? Ma compréhension n'est pas encore assez approfondie pour ça.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup.

Mme Tremblay : Ça fait que je comprends qu'il est trop tôt pour les placer d'un bord ou de l'autre.

Mme Dufour (Magali) : Oui, il est trop tôt pour moi.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci. Il nous reste un petit quatre minutes. Je sais que M. le député de Marquette... aux travaux. Alors, je vais...

M. Ciccone : ...

La Présidente (Mme Dionne) : Est-ce qu'il y a consentement pour...

Des voix : Consentement.

M. Ciccone : Vous êtes trop... Bien, j'avais seulement une dernière question, parce que... Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci, chers collègues.

Madame... Dre Dufour, si je ne m'abuse, là, je retourne dans ma mémoire d'archives à votre sujet, corrigez-moi si j'ai tort, je pense que c'est l'année passée ou il y a deux ans, je vous ai déjà entendue dire, puis ce n'est pas d'hier, là, si ça fait deux ans, là, vous avez dit : Il est temps que le ou les gouvernements légifèrent. Vous parlez de... Qu'est-ce que le gouvernement pourrait faire en matière de législation quand vous dites ça? Est-ce que je me trompe quand... L'avez-vous déjà dit?

Mme Dufour (Magali) : Non, vous ne vous trompez pas. Je l'ai déjà dit.

M. Ciccone : Parfait.

Mme Dufour (Magali) : Je pense qu'il faut qu'il y ait un encadrement sur qu'est-ce que les compagnies de jeux vidéo ont le droit de faire, qu'est-ce qu'elles n'ont pas droit de faire. J'ai écouté un reportage avec Elon Musk à TV5, qui disait, quand il a acheté Twitter, X maintenant... Elle disait : Comment vous allez réguler X? Mais il dit : Mais je ne régulerai pas. Oui, mais... Elle dit : Oui, mais vous ne trouvez pas qu'il y a des méfaits? Il dit : Oui, mais c'est aux... c'est vraiment aux gouvernements de me dire quoi faire, je ne le ferai jamais par moi-même. J'ai toujours suivi la réglementation pour Tesla et donc je vais suivre les règles quand elles seront édifiées, mais jamais je ne vais en mettre pour moi-même.

Et là, bon, moi, je n'apprécie pas nécessairement le personnage en tant que tel, mais ça me dit : O.K., les promoteurs, l'industrie ne s'autorégulent pas. Et moi, je pense que le gouvernement a un rôle important à jouer, à dire à l'industrie : Si vous souhaitez offrir des services à notre population, eh bien, quelles vont être les règles. On l'a fait avec les jeux de hasard et d'argent. On l'a fait, par exemple, si vous lisez le rapport, qu'on avait remis il y a plusieurs années, pour dire comment pourrait être fait l'offre des jeux de hasard et d'argent sur Internet, hein, ça se ressemble quand même un peu. Et, en Angleterre, il y avait vraiment une sorte de commission qui donne des licences en disant : Vous avez le droit de faire de la publicité, vous, vous n'avez pas le droit. Et là il y a toute une série de choses que, pour offrir, donc, par exemple, des jeux de hasard et d'argent, l'industrie doit répondre. On pourrait avoir donc un régulateur qui donnerait des licences, donc, pour que, par exemple, Fortnite opère. Et, pour avoir cette licence-là, il pourrait y avoir, par exemple, d'avoir des outils pour mesurer le temps, d'avoir... de ne plus jamais être banni si on arrête une partie en cours, il pourrait y avoir des règlements.

Donc, je pense que, dans les jeux de hasard et d'argent, il y a eu des choses qui ont été faites, parce que c'est un contrôle sur Internet, hein, donc on est dans des choses qui sont assez semblables et dans lesquelles on pourrait s'inspirer. Il y a eu beaucoup de choses qui ont été faites en France, en Angleterre, et on avait remis un rapport avec les différentes législations. Mais moi, je pense que laisser l'industrie faire ce qu'elle veut n'est pas un... n'est pas souhaitable pour nos jeunes et ne permet pas la protection qu'ils méritent.

M. Ciccone : Est-ce que... Là, vous parlez des... de la législation au niveau des corporations, de s'attaquer aux corporations, est ce que le Québec est assez fort pour s'en occuper seul ou il va avoir besoin du fédéral pour le faire également?

Mme Dufour (Magali) : Moi, je pense que le Québec a toujours été novateur, et on peut commencer des choses, mais on devrait faire une coalition avec les autres provinces pour être plus forts et l'initier. Je pense que ça serait une très bonne chose. Et je soupçonne que l'Ontario a tous ces questionnements-là avec la poursuite contre Fortnite, avec différentes poursuites qu'ils ont. Je pense qu'on pourrait être des alliés. Et plus on est nombreux, plus on va être forts. Mais je vous dirais aussi d'inclure les opérateurs. On pense... quand on pense à Vidéotron ou à Bell, qui offrent des services Internet, eux pourraient donner des outils faciles aux parents pour contrôler le temps d'écran. Ça pourrait être de base. Moi, mon enfant a un forfait. À un moment donné, le forfait, je demande : Oui, mais comment faire pour gérer le temps d'écran? Ils trouvaient que je ne payais pas assez cher pour avoir ces outils-là.

Donc, je pense que les opérateurs, qui sont Québécois, qui sont sur notre site, pourraient aussi travailler avec le gouvernement et avoir une responsabilité pour donner des choses faciles aux parents. Pas besoin d'avoir une sorte de PhD en informatique.

M. Ciccone : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup. Et on a déjà des bonnes relations avec nos opérateurs, avec la couverture cellulaire et Internet, alors le canal est déjà ouvert. Alors, merci beaucoup, Mme Dufour, c'est très intéressant.

Donc, moi, je suspends les travaux jusqu'à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 57)

(Reprise à 14 h 01)

La Présidente (Mme Dionne) : La commission reprend maintenant ses travaux. Donc, ayant constaté le quorum, nous reprenons ces travaux.

Donc, nous poursuivons cet après-midi avec les témoins suivants, donc, la Fondation des gardiens virtuels, Mme Anne Élisabeth Lapointe, directrice générale de La Maison Jean-Lapointe et du Centre québécois de lutte aux dépendances, ainsi que Mme Mélissa Généreux, médecin spécialiste en santé publique et professeure titulaire à la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l'Université de Sherbrooke.

Donc, je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de la Fondation des gardiens virtuels. Merci d'être avec nous cet après-midi. Donc, je vous rappelle que vous disposez d'un temps de 10 minutes pour nous faire part de votre exposé. Suite à cela, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Alors, la parole est à vous.

Fondation des gardiens virtuels

M. Savard (François) : Parfait! Bien, premièrement, merci à tous pour l'invitation. Au nom de la Fondation des gardiens virtuels, on est heureux de pouvoir collaborer à votre commission parlementaire, qui est extrêmement importante, c'est un sujet qui nous touche, à... qui touche à tous et à toutes.

Pour ceux et celles qui ne connaissent pas la Fondation des gardiens virtuels, on est un organisme de bienfaisance qui a été fondé en 2018. Notre mission était une balise Internet pour le monde en détresse et de faire la promotion de la consommation responsable du numérique.

Présentement, notre projet phare sont les travailleurs de rue numériques. Donc, c'est l'équivalent des travailleurs de rue, mais au lieu de prendre un ballon puis de faire du travail de proximité dans un parc, on utilise le jeu vidéo pour connecter avec les jeunes où est-ce qu'ils s'isolent maintenant, donc chez eux. Puis on utilise des chaînes Twitch. Donc, on fait une collaboration avec une soixantaine d'influenceurs québécois où est-ce que, dans le fond, leurs chaînes, c'est nos nouveaux parcs, puis dans la... Ce programme-là existe depuis un an et demi, et déjà c'est plus de 2 500 interventions qu'on a fait auprès d'une clientèle qui n'est pas desservie par les services... que les services ne sont pas capables de rejoindre en ce moment.

Je m'appelle François Savard, praticien et chercheur en étude du jeu, président de la Fondation des gardiens virtuels. J'effectue en ce moment un doctorat interdisciplinaire en santé et société à l'UQAM. Je m'intéresse à l'encadrement de la pratique vidéoludique compétitive, donc, tout ce qui est e-sport, sport électronique. Je suis accompagné aujourd'hui de mon collègue, Jean-Christophe Filosa. Il est responsable de nos travailleurs de rue numériques puis il s'assure de coordonner tout notre réseau avec les influenceurs. Au cours de cette commission, vous avez entendu et allez entendre une multitude de témoignages superintéressants sur les effets potentiels, négatifs ou positifs, des écrans par rapport aux jeunes.

Ce que j'aimerais qu'on fasse aujourd'hui, c'est qu'on prenne tout d'abord un pas de recul puis qu'on analyse un peu dans quel monde on vit en ce moment, parce qu'il y a un changement de paradigmes qui s'est fait à travers les années. J'ai 34 ans, donc j'ai vécu ces deux mondes. Avant, il y avait juste un téléphone à la maison. Avant, si on voulait marcher puis écouter de la musique, on avait besoin d'un gros walkman ou d'un gros lecteur de CD. Avant, on pouvait s'obstiner pendant des heures avec quelqu'un sur une information puis il n'y avait aucune façon de savoir qui avait raison ou tort. Avant, si on voulait se tenir informé de l'actualité, soit que, le soir, on écoutait les nouvelles ou, dans le métro, on lisait le journal. La liste est très longue, et je pourrais continuer comme ça. Maintenant — puis tout ce que je vous ai dit jusqu'à maintenant, en ce moment, se retrouve sur les téléphones intelligents — aujourd'hui, les jeunes grandissent avec des formations gratuites sur une panoplie de sujets, sur qu'est-ce qui les intéresse. Ils ne sont plus obligés de se fier uniquement sur une source de média, comme, par exemple, moi, lorsque j'étais jeune, c'était juste le journal dans le métro, ils ont accès à des outils qui leur permettent de s'exprimer, de se mobiliser, de socialiser et surtout de trouver des ressources dont ils ont vraiment besoin.

Puis j'aimerais mettre une emphase sur ce dernier point, puis je vais vous donner l'exemple de la Fondation des gardiens virtuels. Je ne sais pas si, parmi... entre vous, avez vu le documentaire Bye, d'Alexandre Taillefer, où est-ce que... avec son fils, qui s'est malheureusement enlevé la vie? C'est malheureusement quelque chose qu'on a vécu, nous autres mêmes. Par exemple, je suis impliqué dans les communautés de jeux vidéo depuis 2002, malheureusement, j'ai plusieurs... pas collègues, mais amis qui se sont enlevé... Puis c'était... Là, on parle de 2017, il n'y avait pas de ressources en ligne pour aller chercher ce monde-là.

En mettant sur pied la Fondation des gardiens virtuels, en 2018, nos premières années ont été extrêmement pénibles. Lorsqu'on parlait à différentes instances du gouvernement, lorsqu'on parlait à des organismes communautaires, lorsqu'on parlait aux acteurs du milieu de la santé, les gens ne prenaient pas au sérieux qu'est-ce qui se passait en ligne. Il y a même des gens qui ont dit... qui riaient de nous autres parce que, tu sais, le virtuel, ce n'est pas vrai, ce n'est pas la vraie chose, ce n'est pas la vraie vie. Ça aura pris une pandémie mondiale pour faire changer les opinions. Il y a vraiment un avant et un après. Puis, en ce moment, lorsque j'écoute beaucoup de discours, qu'est-ce que j'ai peur, c'est qu'on retourne en 2017 puis qu'on prive, justement, plusieurs jeunes des ressources qu'ils ont besoin puis que, tu sais... qu'on remette des vies en danger.

Un point aussi que j'aimerais mettre de l'avant, c'est le fait que, malgré toutes les lois et les énergies qu'on peut mettre sur des restrictions, les jeunes vont trouver des façons de les contourner. On a tous été jeunes un jour, on a tous détourné des règlements qui nous ont été imposés. Puis, au niveau du numérique, je vais juste vous donner deux exemples personnels. Le premier, justement, lorsque j'étais ado, on avait un ordinateur familial dans la maison, puis, du jour au lendemain, mon père m'avait enlevé les droits d'administration, donc on avait des sessions de famille. Tout d'un coup, je n'étais plus l'administrateur, j'étais juste un compte enfant. Il a été surpris, quand il est revenu de travailler, que c'était rendu lui, le compte enfant, et moi, le compte administration. Je n'avais jamais piraté de ma vie, mais, en trois heures, j'avais appris à comment pirater mon propre ordinateur, et de lui enlever des droits, et de me les remettre. Le deuxième exemple, et là, cette fois-ci, c'est ma fille vis-à-vis moi, il y a plusieurs années, je regardais sur mon cell et j'ai remarqué qu'il y avait plein de photos floues. Je ne comprenais pas. C'était flou, il y avait des yeux, il y avait des... je ne comprenais pas, jusqu'à tant que je voie une grosse face et moi qui dors sur le côté. Ma fille, elle avait trois ans. C'est la première fois qu'elle a pris mon téléphone. Elle m'avait déjà vu rentrer le numéro... bien, le code, elle avait été chercher l'appareil photo puis elle avait pris des photos. Donc, à trois ans, première fois qu'elle touche à mon téléphone, elle est capable de le débloquer parce qu'elle m'a vu et elle est capable de naviguer, relativement, dedans. Donc, autant que moi, j'avais une longueur d'avance sur mon père, autant elle a une longueur d'avance sur moi.

Puis, avant de passer la balle à mon collègue, si jamais, au cours de la commission, vous avez des questions, justement, sur les compétitions de jeux vidéo, et tout, ce n'est pas notre sujet aujourd'hui, mais, si vous en avez, on peut les répondre. Puis aussi j'aimerais vous inviter, sur ça spécifiquement, dans un mois, à Saint-Apollinaire, il y a le deuxième plus gros LAN, qui va avoir lieu, donc, si vous avez des questions sur comment ça se passe puis, tu sais... vraiment vivre l'expérience puis comprendre pourquoi est-ce que les jeunes tripent autant là-dessus, bien, ça va nous faire plaisir de vous faire une visite guidée de l'événement puis de vous expliquer en détail qu'est-ce qui se passe. Donc, je passerais à mon collègue.

M. Filosa (Jean-Christophe) : O.K. Il me reste trois minutes. Je vais y aller rapidement. Donc, après des milliers d'heures passées avec les jeunes en ligne, on s'est réalisé qu'il n'y avait pas juste du négatif, mais du positif aussi. Ce qui est important aussi, c'est de réfléchir à une collaboration. Nous, on a fait une collaboration avec des «streamers», des diffuseurs, ce qui nous a permis, actuellement, d'avoir un impact sur 2 500 jeunes au Québec qui étaient connectés, qu'on n'aurait pas pu rejoindre autrement. Beaucoup le milieu de la santé, parmi les jeunes groupes, CJE et autres, ont de la difficulté à rejoindre, actuellement, les jeunes. Donc, en passant en ligne, c'est une bonne façon de les rejoindre. C'est aussi de briser l'isolement. On s'entend qu'interdire les réseaux sociaux, les choses comme ça, peut avoir des impacts négatifs, comme des jeunes de la communauté LGBT qui sont seuls dans leur environnement, qui n'ont pas d'exemples positifs ou qui se posent des questions qu'ils ne poseraient pas à leurs parents. Donc, avoir accès à des réseaux comme ça permet justement d'avoir une réflexion là-dessus. Aussi, en travaillant aussi avec des groupes de créateurs du Québec, pour ce qui est des contenus, il y a moyen de travailler une charte avec eux. Je pense que c'est important aussi de travailler en communauté. Puis, dernièrement, il a été créé une table d'action collaborative sur la jeunesse connectée, où des organismes privés et OBNL ont réussi à travailler ensemble sur savoir où étaient les jeunes et mieux les contacter pour les ramener dans le présentiel. Donc, je pense que la collaboration est la clé de beaucoup d'actions que vous travaillez actuellement.

• (14 h 10) •

La Présidente (Mme Dionne) : Merci infiniment pour cet exposé. Nous allons débuter la période d'échange avec Mme la députée de Hull.

Mme Tremblay : Oui. Bonjour. Merci de votre présence ici aujourd'hui. J'ai tellement de questions que je ne sais pas par où commencer. Alors, travailleur de rue numérique, vous l'avez effleuré, mais j'aimerais ça, vous entendre, puis je vais faire le lien avec ce que vous avez dit, là, parce que, dans vos recommandations, vous allez dire, ici : Les «streamers», là, les «streameuses», donc, doivent être impliqués. Ça a-tu un lien entre... je pense que vous avez travaillé ça ensemble, de ce que je comprends, là, par votre... Ça fait que comment on les implique, ces personnes-là? Puis c'est qui, ces gens-là avec qui vous avez travaillé? Je suis curieuse.

M. Filosa (Jean-Christophe) : O.K. Parmi nos diffuseurs avec qui on travaille, actuellement, ou les «streamers», tout dépend du terme que vous voulez prendre, là-dedans, il peut y avoir un historien, il y a 15 000 personnes qui le suivent, il y a une fille qui a deux hamsters, il y a 3 000 jeunes qui la suivent, il y a une nutritionniste, il y a toutes sortes de gens. Donc, ça nous permet de rejoindre environ 180 000 jeunes qui suivent ces gens-là, actuellement. Ces gens-là, ils font de la diffusion. Nous, on leur a permis justement de se libérer du fait que les jeunes leur demandaient conseil, parce qu'on s'entend qu'ils deviennent des exemples pour les jeunes, puis ils n'ont pas toujours la bonne réponse.

Moi, à la place, ce que je leur donne, c'est des gens qui sont formés, qui viennent du milieu de la santé, ou des étudiants en psychologie, qui sont capables de faire de l'écoute active et du référencement au bon endroit. Actuellement, on a un impact sur des jeunes du Québec, de l'Acadie, et, dernièrement, aussi avec des jeunes Français, parce qu'on s'entend qu'en ligne ça vient de partout. C'est important de ne pas les oublier, ces jeunes-là. Puis 60 %, c'est des jeunes hommes, ce qui est souvent difficile à rejoindre, et, 20 %, c'est la clientèle LGBT. Le clavardage, l'avantage que ça a, c'est que c'est moins dans l'émotion, ça nous permet d'avoir une intervention plus réfléchie. C'est ce que je pourrais vous faire en résumé, rapidement.

Mme Tremblay : O.K. ça fait que vous rentrez en contact, là, de que je comprends, là, avec, justement, là, des «streamers» qui ont, justement, beaucoup de gens qui les suivent, puis, à partir de là, vous leur dites : Si vous croyez... de faire la promotion de votre entreprise... OBNL, là?

M. Filosa (Jean-Christophe) : OBNL.

Mme Tremblay : OBNL. Alors là, eux, s'ils ont des jeunes qui posent des questions ou ils sentent qu'un jeune a le besoin, ils vous mettent en lien avec ce jeune-là. C'est un peu comme ça que ça fonctionne ou à partir... Ils font la promotion de votre OBNL, puis là les jeunes sont sensibilisés puis viennent vers vous?

M. Filosa (Jean-Christophe) : Non. Nous, on est vraiment en amont. Nous, on fait partie de la discussion. Il y a un chat : on va dire que vous vous appelez «chemise grise» puis vous avez la chance de parler avec «chemise bleue», qui est un de mes intervenants, qui a un sigle qui permet de reconnaître que c'est un intervenant. Donc, pendant le chat, le jeune, lui, à un moment donné, il va voir apparaître une affiche qui va lui dire : Écoute, si tu as un défi ou n'importe quoi, tu as besoin de parler... Il peut rentrer dans un salon privé, puis, à partir de ce moment-là, bien, le jeune, justement, il peut être conseillé.

Puis un des défis qu'on a remarqués, c'est que, souvent, les jeunes avaient un premier contact et revenaient une deuxième fois. Pourquoi? Parce que, dans le système de la santé, souvent, les jeunes, ils se faisaient dire : Oui, bonjour, la première fois, prochaine visite, 2026. Donc là, ils reviennent chez nous. Puis là on est en train de travailler à un continuum de services avec des CJE du Québec, puis des choses comme ça, pour réfléchir aux endroits qui peuvent recevoir les jeunes. Parce qu'un jeune qui se fait dire non ou qui se fait dire : À la prochaine fois, pour avoir un psychologue, un psychiatre ou des choses comme ça, c'est une boîte de Pandore.

Mme Tremblay : Vous évaluez que vous avez aidé combien de jeunes jusqu'ici?

M. Filosa (Jean-Christophe) : Là, on est rendus à 2 500 jeunes en un an et demi.

Mme Tremblay : En un an et demi, 2 500 jeunes. O.K., donc... Puis vous appelez ça «travailleur de rue numérique». Est-ce que c'est quelque chose qui se faisait ailleurs puis qui, là, s'est installé ici, ou c'est ici?

M. Filosa (Jean-Christophe) : Non, c'est parti de nous. Actuellement, on est en train d'écrire le protocole pour le ministère de la Santé. C'est un nouveau métier qui est en train de se créer.

Mme Tremblay : Ça fait que vous avez des liens avec le ministère de la Santé à l'heure actuelle?

M. Filosa (Jean-Christophe) : Oui, oui.

Mme Tremblay : Puis vous êtes combien de travailleurs de rue?

M. Filosa (Jean-Christophe) : J'ai une dizaine d'intervenants, plus deux personnes qui font le dispatch puis qui aussi font du support psychologique. On a obtenu, l'année dernière, le prix de la meilleure organisation de l'AQPS, l'Association québécoise de la prévention du suicide, parce qu'ils ont vu justement dans notre approche une approche différente pour avoir un impact auprès des jeunes.

Mme Tremblay : Très intéressant. Je vous remercie.

M. Filosa (Jean-Christophe) : Ça fait plaisir.

M. Savard (François) : Puis, là-dessus, en ce moment, aussi, là, on est en communication avec des organismes en France, en Belgique, et tout, qui aimeraient ça, exporter, justement, qu'est-ce qu'on est en train de développer au Québec. Donc, il y a vraiment un très gros potentiel aussi à l'international.

Mme Tremblay : Puis il y a l'intérêt des «streamers» à vous intégrer à leurs discussions.

M. Savard (François) : Oui, parce qu'en fait ce service-là vient principalement de la communauté, parce que c'était un besoin qu'eux-mêmes ont identifié puis qu'on a réussi à créer pour eux. Parce que les influenceurs, même si beaucoup de personnes n'aiment pas ce mot-là, ça reste du monde qui ont une influence sur leurs communautés, ils sont proches de leurs communautés, puis les jeunes et moins jeunes développent des liens avec eux, puis, lorsqu'ils ne se sentent pas bien, bien, ils vont aller se confier à eux. Puis eux, ils ne sont pas équipés, justement, à intervenir, donc c'est là que nous, avec nos travailleurs de rue numériques, on vient pallier ce manque-là.

M. Filosa (Jean-Christophe) : Puis, pour un dernier point par rapport à ça, on travaille actuellement pour développer une formation en écoute active pour ces gens-là, parce que, comme nous, on n'est pas toujours disponibles tout le temps, bien, qu'au moins eux ne soient pas mal pris puis ne disent pas les mauvais mots ou, au moins, aient la capacité de faire un début d'écoute active. Donc, c'est pour ça que je vous dis que ça peut devenir des collaborateurs, il faut juste réfléchir comment puis leur parler.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup. Nous allons passer à la prochaine question. Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Cadet : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Filosa, bonjour, M. Savard. Merci pour votre intervention très intéressante, très touchante aussi. Et, au passage, M. Savard, donc, on est de la même génération, donc, je me souviens aussi du temps d'avant et, moi aussi, j'ai un fils de deux ans qui sait exactement comment appuyer, donc... trouver, donc, le bouton pour prendre... en fait, l'appareil photo sur le téléphone et prendre plein de photos de faces et de photos floues.

La première question que j'ai pour vous, parce que c'est absolument intéressant, votre modèle de travailleur de rue numérique et... je me demandais, donc, comment vous arrivez à tisser le lien de confiance avec les jeunes. Comment est-ce qu'ils arrivent à vous faire confiance quand ils vous voient comme ça en ligne, donc, sur les forums de discussion?

M. Savard (François) : Bien, on est présents où est-ce qu'ils sont puis on ne juge pas leur passion. La très grosse majorité de nos travailleurs de rue, c'est des gameurs, eux autres mêmes, certains ne l'étaient pas... parce que c'est plus facile de former quelqu'un qui est... dans le fond, qui n'est pas... dans le fond, qui est formé en travailleur de rue, de le former à aimer le jeu vidéo, et non l'inverse, on... Mais, comme mon collègue Jean-Christophe mentionnait, on participe activement aux discussions, donc ce n'est pas juste d'être passif, on échange avec eux, on rit avec eux, comme un travailleur de rue ferait en jouant dans un parc avec... au ballon, mais il y a un travail de proximité qui est fait, puis c'est un lien de confiance qui se bâtit. Donc, ce n'est pas sur une seule soirée, c'est sur le long terme.

Mme Cadet : Sur le long terme, ça veut dire quoi, à peu près, en termes de durée? J'imagine que c'est sûr que ça dépend de chaque jeune, là.

M. Savard (François) : Ça va dépendre des jeunes, mais, déjà, le fait qu'on est présents où est-ce que... dans le fond, on est où est-ce qu'eux sont, les liens se tissent assez rapidement.

Mme Cadet : Vous faites partie de leur écosystème de façon organique, là, si je comprends bien.

M. Savard (François) : Oui.

M. Filosa (Jean-Christophe) : On est là sept soirs semaine, c'est la grosse différence. On a commencé, on avait deux intervenants quatre soirs semaine. Un mois plus tard, c'était comme : Wouh! C'est Noël, on n'a pas le choix, on est tombés à quatre intervenants par soir, sept soirs semaine, entre 19 heures et 22 heures. Ça correspond aussi à notre capacité d'accueil qu'on a. Puis, rapidement, les jeunes se sont aperçus qu'on n'était pas des robots, parce que je permets à mes travailleurs de rue, justement, de parler de musique, de parler de ce qui se passe à travers le chat, des choses comme ça. Ce qui permet... l'avantage aussi, à des jeunes, parfois, de faire signe, ou des modérateurs qui sont sur ces réseaux-là, puis intervenir auprès de mon équipe, puis dire : Oui, bien, écoute, il y a tel jeune qui a eu tel discours, ou des choses comme ça. Donc, parfois, on peut faire des interventions comme ça. Sans que le jeune vienne directement, on peut tendre une perche vers lui aussi.

Mme Cadet : L'intervenante précédente, plus tôt aujourd'hui, nous parlait des mécanismes, là, qui captent notre attention et qui font partie des jeux vidéo. On en a beaucoup parlé, dans le cadre des réseaux sociaux aussi, de façon plus large, dans le cadre de cette commission. Est-ce que vous pensez que le fait, pour le législateur, d'agir pour empêcher les microtransactions ou empêcher, donc, les publicités, en tout cas, toutes sortes... ces mécanismes-là, si ça réduirait, donc, le nombre de jeunes à risque qui viendraient vous voir?

M. Savard (François) : Je dirais que oui, mais qu'est-ce qu'il est important de voir, avec les jeux vidéo, c'est la même chose avec les plateformes puis les différents médias sociaux, c'est... ils ne sont pas tous égaux. En ce moment, ces mécanismes-là, où est-ce qu'on voit justement les microtransactions, les publicités, et tout, c'est surtout des applications mobiles, donc, des jeux mobiles. Puis même, avec une chaire de recherche à l'UQAM, on regardait les applications mobiles pour les enfants, puis, à un certain point, il y avait des «dark patterns», dans le fond, des mécaniques qui ressemblaient à des mécaniques de hasard, faites dans des jeux d'enfants. Mais ces mécaniques-là, par exemple, sur des jeux sur consoles et d'ordinateur, sont beaucoup moins présents parce que, justement, c'est un public qui est beaucoup plus averti puis que, lorsque des compagnies et des studios essaient de le faire, bien, il y a un «backlash» de la communauté, qui est contre ça. Mais, par contre, c'est vrai que, côté jeux mobiles, puis il en sort des millions à chaque année, il n'y a pas vraiment de suivi qui est fait à ce niveau-là.

Mme Cadet : Vous avez dit : 2 500 jeunes depuis un an et demi. Vous avez écrit 1 274 interventions juste en 2024. Qu'est-ce que nous, on pourrait faire pour empêcher, en fait, que vous ayez besoin d'intervenir auprès de plus de jeunes dans les années à venir?

• (14 h 20) •

M. Filosa (Jean-Christophe) : Bien, à la base, on aura toujours à intervenir. Je veux dire, peu importe les lois qui vont passer ou n'importe quoi, les jeunes... Je vais vous donner un exemple. Dernièrement, c'était le 1er juillet, il y avait plein de jeunes qui nous contactaient parce qu'ils étaient en couple, donc un peu plus vieux que ceux qu'on vise actuellement, puis ils étaient coincés avec leur blonde ou leur chum chez eux, puis ils ne pouvaient pas déménager, bon, bien, ça amenait de la violence conjugale...

Mme Cadet : Ah! O.K., vous intervenez sur les autres aspects aussi.

M. Filosa (Jean-Christophe) : ...ça amenait toutes sortes de problématiques. Quand il y a eu la crise, justement, auprès des universitaires, par rapport, justement, à ce qui se passe entre Israël et la Palestine, il y a beaucoup de jeunes de la communauté juive qui nous ont communiqué... Donc, on s'entend aussi qu'on suit aussi les problématiques sociales qui existent, donc ça dépasse juste le «gaming», puis ces choses comme ça aussi. On s'entend qu'il y a beaucoup de solitude chez nos jeunes. Quand on parlait, justement, de la communauté LGBT, ce qui revient souvent, c'est beaucoup des jeunes de régions qui communiquent avec nous, qui se sentent seuls, qui n'ont pas d'exemple positif, qui n'osent pas en parler en milieu scolaire. Donc, c'est pour ça que je vous dis que c'est important de prendre ce qu'il y a de meilleur dans le réseau. Oui, il y a des faiblesses, oui, il y a des choses qu'il faut enlever, ça, je suis d'accord avec ça, je ne remets pas ça en question, mais j'ai un doute sur la majorité numérique, pour être franc avec vous. Moi, je suis plus pour l'éducation des jeunes, parce qu'on s'entend que c'est des futurs travailleurs qui vont vivre avec ça. Puis, en plus, comme mon ami disait tantôt, comme l'alcool ou n'importe quoi, le questionnement qu'il faut se poser, c'est que... si on crée une majorité numérique, est-ce qu'on va créer un filet social? Parce que, si c'est à 13, 14, 16 ans, le jeune, il va capoter, il va tomber là-dessus, c'est comme... wouh!, il va être heureux, mais, en même temps, il va peut-être tomber dans les excès, s'il n'a pas la bonne éducation, il va peut-être faire des bêtises, la sextorsion, et tout ce que vous voulez. Donc là, ce qu'il faut réfléchir, c'est... si on met cette loi-là, ce que je vous recommande... c'est quoi, le filet social qu'on met après pour ne pas échapper ces jeunes-là?

Mme Cadet : Merci. Merci beaucoup. Je vais devoir quitter, mais c'est très intéressant. Merci pour votre travail.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci, Mme la députée. M. le député de Gaspé.

M. Sainte-Croix : Merci, Mme la Présidente. Messieurs, bonjour. Très heureux de vous avoir ici aujourd'hui, avec votre éclairage qui est différent de ce qu'on entend depuis bientôt, là, plus d'une semaine. J'imagine que vous suivez les travaux, bon, vous avez entendu qu'on est beaucoup sur l'impact, hein, sur nos jeunes, plus souvent négatif que positif, malheureusement. Vous apportez un éclairage différent, vous parlez de potentiel de créativité derrière, nommément, ChatGPT. J'aimerais vous entendre là-dessus. Qu'est-ce que... Tu sais, dans le fond, quand vous intervenez avec vos jeunes, ce n'est pas nécessairement toujours négatif, de ce que je comprends, non plus, ça peut être, dans certains cas, quelque chose qui les stimule ou qui les amène ailleurs, ou vous êtes plus souvent dans la question résolution de problème ou...

M. Filosa (Jean-Christophe) : Les travailleurs de rue numériques sont comme les travailleurs de rue. À la base, les gens arrivent avec des bonnes et des mauvaises journées. Donc, parfois, il y en a qui ont pris l'habitude juste de lâcher un call. Tu arrives chez toi, mais tu es encore tout seul, tu sais. Au Québec, on a un problème de solitude, chez nos jeunes, là, il ne faut pas passer à côté de ça, c'est important. Ils n'ont personne à qui parler. Bien, parfois ils vont parler avec mes travailleurs de rue de ce qui va bien dans leur quotidien, puis des choses comme ça. Et, en responsabilisant les créateurs, justement, les «streamers», les influenceurs, des choses comme ça, en leur disant : Tu as une responsabilité morale, bien, parfois, ils font attention à ce qu'ils disent, à ce qu'ils font en ligne aussi, parce que, quand ils font partie de la solution, bien... tu réfléchis autrement. Donc, c'est dans cette approche-là que nous, on est.

M. Savard (François) : Puis, au niveau, justement de la créativité, en ce moment, avec tous les outils, justement, technologiques, c'est extrêmement facile pour les jeunes, apprendre, par exemple, à faire du montage vidéo, à faire du montage d'images, de la musique. Donc, il y a beaucoup de personnes, par exemple, qui rêvent d'être DJ, ou peu importe quoi... bien, qu'au moins, maintenant, avec les plateformes, ils sont capables de créer et de laisser cours à leur imagination.

M. Sainte-Croix : Ça, ça pourrait être un facteur qui pourrait éventuellement être favorable pour certains jeunes.

M. Savard (François) : Oui, définitivement.

M. Sainte-Croix : Qui pourrait les sortir de leur solitude, de leurs problématiques de socialisation. Ça fait qu'il y a là aussi, potentiellement, quelque chose qui pourrait être positif au niveau de notre jeunesse.

M. Filosa (Jean-Christophe) : Je vais vous donner un exemple. Actuellement, on travaille sur un nouveau programme qui est pour les jeunes filles de l'immigration. Donc, nous, on veut les former pour qu'elles deviennent diffuseuses et «streameuses», ce qui va un peu leur permettre, justement, de gagner de l'autonomie, de la confiance en soi, et de mieux connaître notre Québec aussi, et de parler avec des gens qui viennent de différentes communautés. Voyez-vous, ça, ça fait partie du créatif qu'on peut obtenir.

À l'autre extrême, on est en train de travailler actuellement sur un projet par rapport à la cyberintimidation. Au Québec, on n'a pas de ligne directe pour les jeunes qui vivent de la cyberintimidation. Donc, nous, à travers une application de clavardage, on est en réflexion, actuellement, pour pouvoir répondre à ces jeunes-là. Parce que, comme je le disais tantôt aussi, le clavardage, c'est beaucoup moins dans l'émotion, donc ça permet au jeune de parler à sa vitesse puis de discuter avec nous. Donc, nous, on est plus dans le mode solution, actuellement.

Donc, comme vous l'avez dit, beaucoup de gens ont amené le côté négatif, puis il le faut, parce qu'il y a des choses à régler. C'est comme dans n'importe quel sport, le hockey, le baseball, ou n'importe quoi, il y a eu des périodes noires, il y a eu des réflexions, puis ça s'est amélioré. Bien, dans le numérique, c'est pareil, il y a eu des périodes noires, on a laissé faire. Actuellement, vous êtes en réflexion, ce qui est bien, puis on va essayer de trouver ce qu'il y a de positif à l'intérieur de ça.

M. Sainte-Croix : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve.

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Bonjour à vous deux. C'est très original, votre intervention, votre organisation. C'est rafraîchissant. Deux questions. Vous avez peut-être entendu les présentations précédentes, il y a une discussion alentour de l'interdiction éventuelle des microtransactions, où est-ce qu'on essaie de faire le ménage de l'industrie, de ce qui est le plus nocif. Comment ce serait reçu, ça, chez les jeunes si on légiférait? J'ai compris que le Japon avait fait une intervention législative, la Belgique, les Pays-Bas. Est-ce qu'au Québec, si on disait : C'est fini, les microtransactions pour les jeux vidéo... est-ce que ça serait reçu positivement, négativement? Comment vous pensez que ce serait reçu?

M. Savard (François) : Oui. La majorité des lois qui ont été mises en place précisément en lien avec les «loot boxes», donc les coffres à butin, qui sont des mécaniques de hasard, au final, c'est : tu achètes quelque chose, tu ne sais pas exactement qu'est-ce que tu vas avoir dedans puis... ça, ça encourage la personne à en ouvrir plus pour aller chercher l'élément cosmétique, souvent, qu'elle veut aller chercher. Ça, oui, dans le fond, ça peut être beaucoup plus problématique parce que, justement, ça vient reposer sur des mécaniques de jeu de hasard et d'argent. Donc, tout ce qui était, par exemple, «dark patterns», que je mentionnais, oui, ça, c'est extrêmement problématique chez les jeunes.

Pour un public averti, beaucoup moins, par exemple, les adultes, et tout, comme il y en a qui sont capables d'aller au casino, qui ne sont pas capables de... qui ne vont pas devenir dépendants nécessairement. Mais, pour ce qui est des jeunes, qui sont plus susceptibles avec ce type de mécaniques là, oui, il y a une problématique par rapport à ça.

M. Leduc : Mais donc est-ce que ce serait bien reçu, d'après vous? Est-ce que les jeunes diraient : Bonne idée, ou, au contraire, il y aurait une rébellion : Non, laissez-nous tranquilles, on veut acheter nos petits trucs sur les jeux vidéo?

M. Savard (François) : Il y aurait probablement une rébellion très vocale parce qu'il n'y a personne qui aime se faire dire que non, ce n'est pas correct, puis quelque chose qui existe déjà, personne n'aime se le faire enlever, mais, spécifiquement sur ces «dark patterns» là, selon moi, sur le long terme, il y aurait plus de bénéfique que de négatif.

M. Leduc : Bref, il faudrait être prêt à subir un certain contrecoup des jeunes si on faisait ça, mais, sur le moyen, long terme, on...

M. Savard (François) : Oui. Exact.

M. Leduc : Parfait.

M. Savard (François) : Puis, déjà, avec les réglementations qui ont été mises en place, bien, les studios de jeux et les développeurs d'applications mobiles se sont déjà adapté, puis, dans certaines plages, justement, comme... puis on en voit de moins en moins, justement, de ça, parce que, justement, il y a aussi la communauté qui s'éduque puis qui devient...

M. Leduc : Critique.

M. Savard (François) : ...critique envers, justement, ce type de mécanique là. Puis, par exemple, il y a un jeu, récemment, à Star Wars, qui avait mis des mécaniques comme ça, puis là il y a eu, justement, une très grosse grogne des joueurs, et le studio a fait volte-face et a tout enlevé par rapport à ça. Donc, ça va aussi des deux côtés.

M. Leduc : Vous parlez de Battlefront II?

M. Savard (François) : Oui. Exactement.

M. Leduc : Ah! j'ai joué à ça. O.K. Justement, vous parlez des jeunes puis de la réaction — c'était ma dernière question — on le sait, que l'industrie ne s'autorégulera pas toute seule, mais est-ce que la communauté est assez forte et... comment je dirais ça, clairvoyante, pour avoir un impact? Ça fait que, là, vous mentionnez le jeu en question, ça s'adonne que je le connais, mais on ne peut pas dire que... c'est ça, que ça s'est répliqué de manière systématique sur tous les jeux, tu sais. Je veux dire, il n'y a pas de rébellion de joueurs de Fortnite pour dire : Arrêtez de faire des trucs du genre. Ça fait que... Est-ce que... est-ce qu'on peut miser sur... comment je dirais ça, sur la bienveillance, la clairvoyance de la communauté pour finir par corriger les méfaits de cette industrie-là ou il va falloir qu'on intervienne d'un point de vue législatif?

M. Savard (François) : Très bonne question.

M. Leduc : Parce que moi, je fais la différence entre l'industrie puis la communauté de joueurs.

M. Savard (François) : Oui.

M. Leduc : Ça, c'est très clair pour moi. Je ne fais pas confiance à l'industrie, mais qu'est-ce qu'on peut retirer de cette communauté-là?

M. Filosa (Jean-Christophe) : Bien, actuellement, bien, écoutez, moi, j'ai un fils qui fait du e-sport depuis des années, là, donc, il aime ça, donc, du coup, papa, il suit aussi, pas le choix. Comme on peut aller au hockey dans les arénas, moi, je suis dans mon salon avec mon fils puis je regarde ce qu'il fait actuellement comme activités, là, donc, puis je suis beaucoup la communauté, hein, je fais partie de cette communauté-là.

La communauté a beaucoup changé. La communauté, aussi, est composée pas juste de jeunes, beaucoup de gens beaucoup plus vieux, qui, eux, sont beaucoup plus critiques sur, justement, un peu les magouilles de certaines entreprises ou la façon de retirer de l'argent. Parce qu'ils deviennent parents, puis le jour où tu es parent, puis ton flo, il te revient avec, justement, un : Aïe! Il y a 15 $, 20 $, 30 $ qui ont été pris sur mon compte, puis je ne sais pas pourquoi, ça fait allumer. Donc, je vous dirais qu'il y a une maturité qui est arrivée parmi les gameurs parce qu'ils ont vieilli, qui a un impact sur les plus jeunes parce qu'on leur fait prendre conscience, à quelque part, que ce n'est pas pour leur bien qu'on fait ça, on ne fait pas apparaître telle, telle, telle «box», ou n'importe quoi... c'est pour leur retirer de l'argent, puis qu'en bout de ligne c'est juste un «skin», c'est juste une image, ce n'est pas un impact réel. Donc, je pense qu'il y a une éducation qui se fait par, actuellement, l'expérience des joueurs. Ce n'est pas parfait, il faut les aider, ça, je suis d'accord, mais je pense qu'on peut faire confiance à la communauté. Actuellement, il y a une belle évolution qui se fait.

M. Leduc : Merci.

• (14 h 30) •

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup. Mme la députée de D'Arcy-McGee.

Mme Prass : ...vous avez mentionné au début... excusez-moi, comment vous allez chercher ces jeunes-là avec vos travailleurs de rue virtuels, mais est-ce que c'est uniquement des jeunes qui identifient qu'ils ont un enjeu ou qu'ils ont... qui demandent de l'aide que vous rejoignez? Parce qu'on sait, beaucoup de jeunes n'ont pas le courage, n'ont pas la conscience, ils ne sont pas conscientisés pour réaliser que, tu sais, peut-être, ils passent trop de temps... Donc, les jeunes qui viennent vers vous, c'est des jeunes qui identifient qu'il y a un enjeu, ils voudraient parler à quelqu'un, c'est ça?

M. Filosa (Jean-Christophe) : Non, pas automatiquement. On a beaucoup de jeunes. Je vous dirais que le clavardage a un autre avantage, c'est qu'au téléphone tu as de l'émotion, on s'entend : je parle, je suis triste, je ne vais pas, tu sais. En clavardage, c'est neutre en partant, donc le jeune, il peut parler de tout et de rien. Nous, dans la discussion, on peut l'amener à : Est-ce que tu veux parler de quelque chose en particulier? Donc, on va travailler dans ce sens-là parce que nous, on est là pour offrir du soutien, mais, à la base, il y a beaucoup de jeunes, de plus en plus de jeunes qui viennent, qui jettent un premier filet puis disent : Oui, oui, bien, peut-être, qui nous rappellent une deuxième fois ou nous contactent une deuxième fois, puis, à un moment donné, ils disent : Oui, j'ai un défi personnel. Ça peut-être un... tu sais, en termes... Nous, on est 14-28, on a eu des jeunes de huit ans qui nous ont contactés aussi, là, qui ont passé par le compte de leur grand frère, grande soeur, ou des choses comme ça aussi, là. Donc, on a vraiment une clientèle de toutes les sortes.

Puis comme je le disais tantôt un de vos collègues, il y en a que c'est juste pour discuter, pour discuter, donc, c'est un premier bris de leur solitude. Puis il y en a d'autres qui arrivent vraiment avec des problématiques très lourdes, complexes, où là, bien, ça prend un peu plus de patience, parfois deux, trois rencontres ou des choses comme ça pour arriver au bout, pour lui donner le référencement. Parce que ce qui est important, c'est de leur donner l'outil. Nous, on n'agit pas à leur place. Nous, on n'est pas un centre d'urgence. Nous, on a un centre d'écoute numérique puis on est là justement pour leur trouver le meilleur emplacement où ils peuvent avoir un service qui correspond à leurs besoins, que ce soit une jeune femme battue, que ce soit un jeune qui vit de la violence à l'école. Tantôt je soulevais justement la problématique de cyberintimidation, de toutes sortes de problématiques qu'on a. Bien justement, ça, ça permet ça. Puis en faisant partie de la communauté, les jeunes, au fur et à mesure, en s'apercevant qu'on a un aspect social positif, bien, ils prennent confiance. Puis parfois c'est des amis à eux qui les poussent à venir nous parler. Souvent c'est arrivé qu'ils nous ont dit : C'est un de mes amis qui a parlé avec vous, qui vous a vus, puis on vous a recommandés. Puis c'est comme ça aussi qu'on a des nouveaux «streamers» qui sont arrivés, des nouveaux... Donc, actuellement, on est rendus environ à une soixantaine qui participe avec nous actuellement à l'intérieur du Québec.

Mme Prass : Et justement, vous disiez... vous êtes là pour essayer de les orienter vers les bonnes ressources. Mais vous avez dit au début que vous desservez les services que le public ne dessert pas à nos jeunes. Donc, je voudrais que vous puissiez élaborer sur ce point-là. Et aussi quand vous dites, par exemple, un jeune qui vient vous voir, qui est en détresse psychologique, mais qui va aller voir le médecin, une travailleuse sociale, puis il va se faire dire : Dans deux ans, tu vas voir un psychologue, quand vous voyez que les services de l'État ne sont pas là pour combler le besoin du jeune, comment est-ce que vous agissez à ce moment-là?

M. Filosa (Jean-Christophe) : Bien, actuellement, moi, ça va faire un an que je fais le tour d'organismes montréalais de santé mentale ou jeunesse. Comme je vous disais tantôt, on avait la problématique, dans certains cas, ils n'arrivent pas à rejoindre les jeunes. Les jeunes restent en ligne, ils n'arrivent pas à les rejoindre, ce qui est une grosse problématique. Et à l'autre extrême, il y a les jeunes qui se tapent le nez sur des services. Donc, à partir de là, nous, ce qu'on fait, c'est un continuum de service. Actuellement, on parle... on a parlé avec les CJE, ils sont quand même 130 à travers le Québec, on essaie de voir lesquels ont des disponibilités pour accueillir les jeunes. En France, on a fait la même chose : C'est les Maisons des adolescents que ça s'appelle en France. Ils nous ont dit : Partout en France on peut les recevoir, sauf à Paris. Là, on est débordés. Bien, on le sait. Donc là, on a fait affaire avec d'autres organismes puis là on est en réflexion pour se créer notre propre réseau à l'interne de gens qui ont la capacité d'un accueil, plus que la première rencontre.

La première rencontre, en général, au Québec, ce n'est pas problématique. On est capables d'avoir une première rencontre. Tu sais, on a créé Aire ouverte, on a créé des belles... des beaux organismes. On s'entend que le milieu de la santé a fait un beau travail à ce niveau-là. Mais parfois, dans certains cas, en région éloignée ou ailleurs, ou même dans le Grand Montréal, on le voit à travers des communautés qui viennent d'arriver au Québec ou des choses comme ça, ils ne savent pas par où passer, ou leurs communautés ont un malaise par rapport à la santé mentale. Donc, si on ne les prend pas vite en charge, bien, ils restent avec leurs problématiques. Tu sais, il y a un peu tout ça aussi que dans les enjeux dans lesquels on essaie de travailler pour avoir une réponse à ça. Elle n'est pas parfaite. Comme actuellement, bien, je manque de travailleurs de rue, là, je n'ai pas... je n'ai pas assez... les moyens d'en engager plus, alors que j'en aurais besoin. Mais avec ce qu'on fait, malgré tout, la communauté grossit rapidement, puis on gagne en confiance avec les gens.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup. Le temps file. Je vais céder la parole à Mme la députée de Châteauguay.

Mme Gendron : Merci beaucoup. D'entrée de jeu, M. Savard, M. Filosa, c'est : félicitations, de un, pour votre mémoire, mais également pour, de un, votre nom également, que j'aime bien, mais aussi pour votre approche qui sort du cadre. Vous avez su agir aux endroits où est-ce que nos jeunes se trouvent.

Donc, on a peu entendu de groupes comme le vôtre, première chose. Puis là ils disent les fleurs après le pot, là, bien, il y a une chose que j'aimerais bien savoir. Un peu plus tôt, on a rencontré une docteure qui disait que certains jeunes restent plus que 50 heures par semaine sur les réseaux. Des problèmes majeurs chez nos jeunes, c'est en fait la consultation, puis les écrans numériques, et tout ça. N'est-ce pas de mettre un plaster sur le bobo, d'intervenir dans un monde virtuel pour une problématique chez les enfants qui est justement d'utiliser trop les réseaux? Je veux que vous me convainquiez, là, je veux que vous réussissiez à me convaincre du contraire. Expliquez-moi comment, justement, votre mécanisme d'aide envers ces jeunes-là en ligne peut aider à ceux qui sont dépendants des réseaux.

M. Savard (François) : Ça, je peux y aller. En fait, la réponse est simple. Ce n'est pas que ça qu'on couvre. Par exemple, dans le mémoire, la cyberdépendance, c'est une ligne sur la quinzaine de lignes qu'on va chercher. Donc, oui, en effet, pour quelqu'un qui est cyberdépendant, puis on en a eu, par exemple, qui étaient dépendants aux jeux vidéo, donc là, après ça, on va les référer, par exemple, à des centres qui sont spécialisés là-dessus. Mais l'idée est d'être là pour l'ensemble des enjeux, puis d'être en communication avec eux, puis de leur donner un service qui est personnalisé à leurs besoins. C'est des personnes qui ne veulent pas appeler, c'est des personnes qui ne veulent pas envoyer des courriels, qui ne vont pas se déplacer en personne. Donc, en étant présent où est-ce qu'eux ils sont, dans le fond, c'est soit qu'on est là et on les aide, ou on n'est pas là, et ils finissent tout seuls, puis il n'y a rien qui se fait.

Mme Gendron : J'aime bien ce que vous dites, là, d'une de vos recommandations, d'éducation intergénérationnelle, c'est la mesure concrète que vous proposez. Est-ce que vous avez dit non à l'âge numérique? Est-ce que concrètement, il y a d'autres choses, en tant que législateurs ou en tant que... bien, en fait, parents aussi, qu'on peut faire concrètement pour aider nos jeunes justement qui passent trop de temps sur les réseaux sociaux?

• (14 h 40) •

M. Savard (François) : Bien, pour ce qui est des parents, c'est de remarquer sa propre consommation. Tu sais, on a fait des conférences avec des parents, puis la première question que je leur demande, c'est : C'est quoi que vous faites le matin en vous levant? Puis la majorité du monde, tu sais, ils regardent leurs notifications. Puis il y a des études récentes qui sont sorties, surtout pour les tout-petits, de... justement, il y a des conséquences sur leur développement lorsque le parent, il est toujours sur son cell. Bien ça, c'est problématique, et il faut apprendre aux parents, justement, à consommer de manière responsable les technologies et le numérique. Comme que je mentionnais tantôt avec mon exemple, tu sais, mes parents n'ont pas grandi avec ça, moi, j'ai grandi à moitié avec ça, ma fille a grandi avec ça. Donc, elle va savoir comment bien éduquer. Donc, c'est plusieurs générations qu'on va réussir à acquérir des connaissances collectives sur, justement, qu'est-ce qui est bien et qu'est-ce qui est mauvais par rapport à ça.

Mme Gendron : C'est lourd de sens, «plusieurs générations». J'espère ne pas aller jusque là, mais merci. Merci beaucoup. Aviez-vous d'autres commentaires?

M. Filosa (Jean-Christophe) : Oui. Juste pour ajouter. J'ai travaillé beaucoup avec les aînés dans une période de ma vie, entre autres pendant la pandémie, là. Les aînés aussi sont contaminés aussi par ça. Désolé, mais le nombre d'aînés qui restent tout seuls chez eux avec leur téléphone cellulaire plutôt que de sortir dehors, là... Donc, on s'entend que la problématique, là... C'est pour ça que je me méfie un petit peu d'une loi-cadre juste pour les jeunes, là. On s'entend que c'est l'ensemble de la société qui vit par rapport à ça. Donc, si on fait l'éducation intergénérationnelle, ça veut aussi avoir un impact sur les aînés. Parce que, si grand-papa et grand-maman, quand il vient faire un tour chez son jeune puis qu'il est toujours sur son téléphone cellulaire, ce n'est pas plus gagnant. Donc, les parents, ce n'est pas juste le parent près, c'est aussi l'oncle, la tante, les grands-parents. Il faut faire attention, parce que souvent, quand on dit «le parent», on s'imagine papa, maman. Actuellement, dans les familles qui sont agrandies, on s'entend qu'actuellement il y a beaucoup de divorces, beaucoup de reconstructions familiales, c'est large, là. Tu sais, il va y avoir deux, trois, quatre grands-parents. Donc, en fin de compte, c'est ça aussi quand je parle d'intergénérationnel. Ce n'est pas juste le parent direct, c'est d'aller plus large.

Mme Gendron : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci. Merci. M. le député de Marquette.

M. Ciccone : Merci. Il reste combien de temps, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Dionne) : Il nous reste un trois minutes.

M. Ciccone : Bon, bien, je vais faire ça vite. Dans le meilleur des mondes, on n'a pas besoin de vous autres, on s'entend là-dessus. Puis j'aurais quasiment le goût de vous poser la question, là, qu'est-ce qu'on pourrait faire pour ne plus avoir besoin de vos services, mais on n'a pas assez de temps. Mais ce que je dirai, c'est que, un, je tiens à vous féliciter. Je tiens à vous féliciter parce que vous avez vu qu'il y avait une problématique et vous êtes allés au coeur. Vous êtes dans un mode intervention et vous êtes allés chercher les jeunes au coeur pour les faire parler. Parce que moi-même j'ai eu un adolescent, qui est adulte aujourd'hui, là, mais, tu sais, je veux dire, je l'entendais parler, puis il se disait : Aïe! À soir, papa, on se rencontre tous, on est ensemble. Puis moi, un papa qui est un peu ignorant, je dis : Parfait. Tu veux-tu du coke, tu veux-tu des chips pour la gang? Il dit : Non, on fait ça en ligne. Puis ça a créé beaucoup, chez mon fils, énormément de colère, des trous dans les murs et, etc. Puis, mon gars, il a zéro violence, là, vraiment zéro. Mais ça, ça... Puis je ne sais pas, si, dans ce temps-là, il y avait eu des interventionnistes comme vous, ça l'aurait sûrement, sûrement aidé. Mais je veux vous entendre. Juste un petit partage, là, il ne reste plus beaucoup de temps, là. Quand vous intervenez avec les jeunes ou n'importe qui sur les réseaux, là, sur les jeux, là, un, c'est fait de façon confidentielle? Vous ne savez pas à qui vous parlez.

M. Savard (François) : Non.

M. Ciccone : Puis, si jamais vous avez une intervention importante à faire, là, quelqu'un qui dit : Moi, c'est terminé, je veux mettre fin à mes jours, qu'est-ce que vous faites? Qu'est-ce que vous faites? Comment vous pouvez intervenir pour sauver la personne?

M. Filosa (Jean-Christophe) : Nous, on connaît justement les organismes qui peuvent réceptionner ces jeunes-là, suicide.ca, des choses comme ça. Nous, ils nous connaissent. Donc, nous, on peut les référer directement là-bas. Donc, nous, on est dans le référencement. Donc, nous, c'est de faire l'impact. Je vous dirais que, dans la majorité des cas, quand j'ai des recours, les jeunes le font. Donc, on a vraiment une réponse positive. Puis, quand vous disiez, justement : Dans un monde parfait, on n'aurait pas besoin de nous. Dans un monde parfait, on n'aurait pas besoin de faire de la prévention du suicide non plus, si on arrivait justement à combler tous les suicides du Québec. Mais c'est ce que je ne pense pas qu'il va arriver demain matin. Donc, je pense qu'on va tous continuer à travailler ensemble.

M. Ciccone : Merci beaucoup pour votre travail.

M. Filosa (Jean-Christophe) : Au plaisir.

La Présidente (Mme Dionne) : Il reste une petite minute. M. le député de Jonquière, avez-vous une petite question rapide?

M. Gagnon : Oui. O.K., on va prendre celle-là. Gardiens virtuels, santé publique, Aire ouverte, est-ce qu'il y a un lien vraiment important? Peut-être en 30 secondes, comment vous avez établi le lien entre l'Aire ouverte et votre organisme?

M. Filosa (Jean-Christophe) : On a créé la table, justement. Je vous parlais tantôt de jeunesse connectée, puis on a eu une réflexion. Ils sont venus, parce qu'ils ont leurs jeunes. Puis ça, à cette table-là, on leur a donné droit de parole. On donne le droit à trois jeunes qui participent à la table. Ce n'est pas juste des compagnies privées ou des OBNL qui sont sur place. Puis eux, ils sont contents parce qu'ils vont faire connaître nos services, justement, auprès des jeunes. Et nous, on peut référencer les jeunes qui nous disent que... Moi, je ne sais pas, celui de Montréal-Nord, l'Aire ouverte de Montréal-Nord me dit : On a de la place, on a une capacité d'accueil. D'accord. Je dis à mon équipe : Écoutez, dans la région de Montréal, on a tel... on a tel coin où on peut intervenir.

M. Gagnon : J'entends «cinq secondes». Ça fait qu'un jeune rentre à Aire ouverte, pour une... ça va être une infirmière, un toxicomane... Mais il rencontre qui, un jeune qui a une problématique de jeux vidéo dans une Aire ouverte?

M. Filosa (Jean-Christophe) : Ce n'est pas une Aire ouverte à qui on va donner le mandat. Il y a d'autres organismes qui existent à Montréal ou dans d'autres régions.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup. Merci infiniment pour votre contribution. Moi aussi, je tiens à vous féliciter pour votre approche novatrice.

Et je suspends les travaux quelques instants pour accueillir notre prochain invité. Merci.

(Suspension de la séance à 14 h 46)

(Reprise à 14 h 50)

La Présidente (Mme Dionne) : La commission reprend maintenant ses travaux. Donc, je souhaite la bienvenue à Mme Lapointe et M. Teisseire. Donc, bonjour et bienvenue à cette commission. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour nous faire part de votre exposé, et suite à cela, nous procéderons à une période de questions avec les membres de la commission. Donc, je vous cède la parole.

La Maison Jean-Lapointe inc.

Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : Mmes et MM. les députés, Mme la Présidente, bonjour à toutes et tous. Je me présente, Anne Elizabeth Lapointe, je suis directrice générale de La Maison Jean-Lapointe. Je suis accompagnée de Max Teisseire qui est le directeur des programmes de prévention à La Maison Jean-Lapointe.

La Maison Jean-Lapointe existe depuis 1982. Elle est connue pour le traitement, mais, depuis 20 ans, fait également de la prévention. La mission principale de La Maison Jean-Lapointe est d'améliorer la qualité de vie des personnes par la prévention, le traitement, le soutien et le partage de connaissances en matière de substances et de dépendances. À ce jour, la maison a aidé plus de 40 000 personnes aux prises avec des problèmes de consommation et a sensibilisé plus de 1 million de jeunes à travers le Québec, et on les a sensibilisés aux risques liés à la consommation des substances psychoactives, aux jeux de hasard et d'argent et également aux risques liés aux écrans et aux réseaux sociaux. Nos actions en prévention ciblent principalement les adolescents du secondaire, mais également les adultes qui gravitent autour de ces jeunes. Aujourd'hui, c'est donc à titre d'experts en prévention que nous venons témoigner.

Tout d'abord, nous tenons à féliciter votre initiative et nous croyons que la communication est un pas important, et qui va permettre des actions durables et efficaces pour outiller et protéger nos jeunes contre les impacts des écrans. Cette année, comme je viens de le dire, la maison souligne 20 ans de prévention. On a débuté nos activités en 2004 avec des activités sur les jeux de hasard et d'argent. On a poursuivi avec d'autres thématiques, mais au fil des ans, par le biais de nos ateliers sur les jeux de hasard et d'argent, on a vu un intérêt de plus en plus marqué des adolescents par rapport aux jeux vidéo et aussi, tranquillement, par rapport à tout ce qui était les réseaux sociaux. Et en réponse aux préoccupations qu'on recevait de la part des directions d'école, des enseignants et aussi de parents, on a développé une activité qui allait cibler justement ce qu'on dit aujourd'hui, l'hyperconnectivité.

Au fil des dernières années, on a donc pu observer aux premières loges l'évolution de l'impact des écrans sur le bien-être des jeunes. Comme vous le savez, pendant la pandémie, les jeunes se sont tournés davantage vers les écrans et, nous, on a pu voir, on a pu constater. Quand on est retournés en classe, on a vu les conséquences. C'était marquant de voir les conséquences sur leur santé mentale et physique. Nos intervenants nous disaient : Nos jeunes sont poqués. Et on a pu le constater. Et c'est pour ça que c'est tellement important, le travail que tout le monde, tous les acteurs font en matière, justement, de prévention et de traitement au niveau des écrans.

On en a parlé dans notre mémoire, nos plus grandes préoccupations sont le temps d'écran excessif, l'accès facile à des contenus inappropriés, l'influence sur la santé mentale, dont l'anxiété et la dépression, le manque de contrôle parental et, évidemment, les risques de cyberdépendance. Comme vous pouvez le lire dans le mémoire, les conséquences liées à l'hyperconnectivité sont nombreuses et préoccupantes. On ne les nommera pas nécessairement ici, vous les connaissez, mais sachez que, nous, on est autant préoccupés que vous. Quelles sont les solutions? Il y en a plusieurs. Votre document est très complet. Il donne beaucoup de pistes de réflexion et de solutions, mais pour nous, on le sait, la solution, c'est la prévention. C'est l'information et la sensibilisation, mais évidemment englobés dans la prévention.

M. Teisseire (Max) : Je prends la parole. On sait que la population exprime de plus en plus, donc, son besoin d'actions concrètes et d'information sur le rôle qu'elle peut jouer dans l'encadrement des jeunes face à l'utilisation des écrans. Des campagnes sociétales comme PAUSE par Capsana répondent à cette demande. Sur le plan de la sensibilisation et de la prévention, notre atelier Mon équilibre, destiné aux élèves du premier cycle du secondaire, constitue une réponse concrète. Cet atelier vise à sensibiliser les ados à une utilisation équilibrée des écrans en leur permettant de mieux comprendre l'impact de la lumière bleue sur le sommeil, le rôle de la dopamine dans le comportement en ligne ainsi que les conséquences d'un usage excessif des écrans. Grâce à des discussions interactives, Mon équilibre fournit des outils pratiques pour encourager l'autocontrôle, développer le jugement critique et mieux gérer le temps d'écran. Depuis sa création en 2015, l'atelier a rejoint plus de 102 000 jeunes à travers le Québec.

Lors des ateliers, les jeunes montrent un réel intérêt pour les enjeux critiques liés à leur utilisation, particulièrement sur des sujets tels que l'effet de la lumière bleue sur le sommeil, pourquoi certaines personnes ragent en jouant à des jeux vidéo ou encore la signification réelle lorsqu'on clique «j'ai lu et j'accepte les conditions d'utilisation». Ces interactions génèrent aussi des résultats tangibles. L'évaluation scientifique de l'atelier Mon équilibre a démontré que non seulement les jeunes acquièrent des connaissances, mais retiennent également la majorité des messages clés. L'étude d'impact a révélé une augmentation d'utilisation des stratégies d'autocontrôle pour mieux gérer leur temps d'écran à la suite de l'activité. Et en plus les jeunes adoptent d'autres stratégies abordées lors de l'atelier, donc, comme, par exemple, la désactivation des notifications d'applications, la prise de repas en famille sans écran et l'utilisation du mode «ne pas déranger» ou du mode «avion» en présence d'amis.

Pour renforcer cet impact, chaque élève repart de notre activité avec un microlivre, un outil de réinvestissement qui synthétise les concepts clés de l'atelier et présente des ressources disponibles non seulement à l'école, mais aussi à l'extérieur de l'école, comme Tel-jeunes, par exemple. Ce microlivre est très apprécié par les jeunes qui le conservent souvent dans leur boîte à crayons et il leur sert également comme support pour ouvrir un dialogue avec leurs parents sur l'usage des écrans. Donc, ce lien tangible permet de prolonger les apprentissages de l'atelier, mais aussi de susciter une réflexion durable sur les habitudes numériques.

Par ailleurs, nous rencontrons fréquemment, comme Elizabeth l'a dit, des parents qui se sentent démunis face à l'utilisation des écrans de leurs ados. Et donc, pour répondre à cette préoccupation, la conférence destinée aux parents de jeunes du secondaire leur propose des outils concrets pour jouer un rôle proactif dans la prévention des risques liés aux écrans. Cette conférence interactive aborde les principes fondamentaux de la prévention des dépendances et propose des alternatives aux écrans et, ainsi, offre des stratégies de communication favorisant une approche parentale positive.

Au niveau des recommandations, notre principale demande est le financement récurrent pour les organismes de prévention comme La Maison Jean-Lapointe. Un financement récurrent permettrait d'assurer une présence stable et continue des organismes spécialisés en prévention comme La Maison Jean-Lapointe dans les écoles à travers la province. Cette stabilité garantirait non seulement la mise en oeuvre des meilleures pratiques en prévention, mais aussi un contact direct et régulier avec des jeunes. Ce contact permettrait ainsi d'outiller efficacement et de renforcer les messages de prévention liés aux saines habitudes de vie. De plus, il offrirait l'opportunité d'observer les nouveaux phénomènes et les besoins émergents chez les élèves. Enfin, un financement récurrent permettrait à La Maison Jean-Lapointe de poursuivre le développement et l'enrichissement de ses activités liées aux écrans, non seulement pour les jeunes, mais aussi pour les parents, les enseignants et les intervenants.

Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : Nous recommandons également l'interdiction des coffres à butin dans les jeux vidéo. Les coffres à butin ou les «loot box», comme vous le savez, s'apparentent aux jeux de hasard. Ils incitent les jeunes à adopter des comportements à risque et compulsifs tout en les exposant aux mécanismes des jeux d'argent. La maison recommande leur interdiction dans les jeux vidéo accessibles aux mineurs afin de prévenir l'encouragement des jeunes à ces pratiques et de mieux les protéger contre les risques de dépendance et d'initiation précoce aux jeux de hasard et d'argent.

On recommande également des espaces sans écran dans les écoles. La création d'espaces ou de périodes sans écran au sein des écoles offrirait aux jeunes un environnement propice aux interactions sociales en direct. Ces initiatives contribueraient à rétablir un équilibre entre le temps passé en ligne et les moments de détente hors ligne tout en renforçant les liens sociaux.

Et nous recommandons également des services d'accompagnement pour les jeunes en difficulté, pas les jeunes cyberdépendants, mais des jeunes qui commencent à démontrer des signes de problématiques au niveau de l'utilisation des écrans. Et ce type de services là permettrait justement d'intervenir de manière précoce. Et ces solutions-là, c'est personnalisé, c'est adapté aux besoins spécifiques de chaque élève. Et de cette façon-là, cette prise en charge là, elle est définitivement efficace et permet de freiner, justement, la progression vers une cyberdépendance.

En terminant, on tient à vous rappeler que chaque dollar investi en prévention permet de sauver 10 $ en coûts sociaux. Et je vous dirais également que le Québec s'est déjà démarqué en Amérique du Nord avec son cadre de référence en matière de prévention de la consommation des substances psychoactives chez les jeunes. Aujourd'hui, avec les écrans, vous avez l'opportunité de renforcer cet élan et de faire du Québec un véritable chef de file en matière de prévention. En investissant dans des stratégies innovantes et en soutenant les organismes de prévention, vous pouvez non seulement protéger la santé de nos jeunes, mais aussi bâtir un avenir où l'usage des technologies pourrait être sain et équilibré. Le moment est venu de faire du Québec un modèle mondial à suivre. Merci beaucoup.

• (15 heures) •

La Présidente (Mme Dionne) : Merci infiniment pour vos propos. Donc, nous allons maintenant débuter la période d'échange avec M. le député de Joliette.

M. St-Louis : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Permettez-moi d'abord de vous remercier, tous les deux, de vous rendre disponibles et de participer aux réflexions de notre commission. On l'a entendu d'autres groupes précédemment, vous en avez parlé, la dépendance, vous la comparez à... En fait, la surconsommation numérique, pardon, peut provoquer des comportements similaires et addictifs à ceux de substances psychoactives. J'aimerais ça vous entendre un peu plus longuement là-dessus, parce que, bon, naturellement, vous avez une grande notoriété puis une expérience, une expertise, devrais-je dire, très, très longue en matière de dépendance. Il y a des dépendances qui sont très problématiques, l'alcool, les drogues. La cigarette en est une. C'est néfaste, mais les gens sont fonctionnels. Ce n'est pas demain la veille que les écrans vont disparaître. Donc, merci de...

Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : Effectivement. Bien, écoutez, je vous dirais qu'en matière de prévention, puis on en a parlé, on fait de l'intervention précoce auprès des jeunes. C'est, justement... c'est que, quand on regarde les conséquences et les similitudes entre une dépendance aux écrans... Puis, je vous dirais, la similitude est beaucoup au niveau des jeux de hasard et d'argent en termes des comportements, en termes de l'obsession, le temps passé à réfléchir à : mon Dieu! c'est quand, la prochaine fois que je vais pouvoir me brancher de la même façon? C'est quand, la prochaine fois que je vais jouer? Alors, c'est sûr qu'au... C'est au niveau des conséquences. On s'isole davantage, on va délaisser nos activités sociales. Bien souvent, quand on consomme, que ce soit le jeu en ligne, ou des jeux vidéo, ou toutes sortes de... les réseaux sociaux, c'est que c'est accessible en tout temps, 24 heures sur 24. Tu n'as pas besoin de te déplacer pour aller consommer ou aller jouer, c'est à la portée de ton cellulaire. Et donc, 24 heures sur 24, tu peux t'y adonner. Et c'est là qu'on voit... Comme nous, on a une très grande préoccupation, parce que, veux, veux pas, on a besoin d'utiliser les outils technologiques pour fonctionner dans la vie. Mais, malheureusement, il faut également développer des mesures qui vont nous permettre de contrôler et d'utiliser d'une façon beaucoup plus saine les écrans. Alors, c'est sûr que nous, ce qu'on voit, c'est qu'un jeune qui a un problème de dépendance à une substance, au jeu ou les écrans, la cyberdépendance, c'est le même combat.

M. St-Louis : Merci. Permettez-moi aussi, pendant que vous êtes là, de vous remercier pour tout ce que vous faites, parce que, personnellement, j'ai des gens que je connais bien qui sont passés chez vous puis qui sont très bien et très heureux aujourd'hui.

Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci, M. le député. M. le député de Marquette.

M. Ciccone : Merci beaucoup. Merci beaucoup pour votre présence. Très, très apprécié. Vous faites un travail extraordinaire, et je tiens à le dire, là. J'ai moi-même fait des activités avec vos jeunes, on a joué au hockey, étant un ancien joueur de la Ligue nationale. Ma soeur travaillait chez vous. On allait faire des activités, on faisait des activités de sport, alors ça a été... J'ai vu comment vous travaillez avec les jeunes, notamment, et je tenais à vous le dire et vous le mentionner.

Également, on... outre tout ce que vous apportez dans la société, là, vous êtes un centre de traitement de dépendances. Sur ce qui nous concerne aujourd'hui, là, avez-vous un département, justement? Êtes-vous capables de les mettre dans les catégories? Vous avez parlé de jeux de hasard, de gambling, et tout ça, mais, en même temps, avez-vous une catégorie de... où vous travaillez avec la dépendance aux jeux vidéo, aux écrans? Et, si c'est le cas, vous recevez combien de personnes par année, vous aidez combien de personnes par année, et si vous remarquez que la tendance est à la hausse, là?

Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : Écoutez, en fait, nous, à La Maison Jean-Lapointe, pour le moment, on ne traite pas la cyberdépendance. Le traitement est chez les adultes. On sait qu'il y a des... pour les adolescents, il y a le centre comme Le Grand Chemin, qui traite les jeunes cyberdépendants.

Au niveau des adultes, il y a des projets pilotes actuellement. Et comme, à La Maison Jean-Lapointe, tout ce qu'on fait doit être évalué et faire ses preuves, on attend que le projet pilote se termine pour pouvoir accueillir des personnes cyberdépendantes. Mais c'est sûr qu'on le voit ici. Et pas plus loin qu'il y a quelques jours on avait un résident qui était ici pour une problématique de consommation de substances qui avait caché sur lui un cellulaire. Alors, quand ils arrivent en traitement, on ne fait pas une fouille intégrale, on fouille la valise. Et cette personne-là, quand on a compris qu'il avait son cellulaire et on lui a dit : Bien, écoute, nous, il va falloir te le confisquer, la personne a décidé de mettre fin à sa thérapie tellement elle était dépendante à son cellulaire et aux écrans.

Alors, pour nous, on le voit et on voit également des gens, des plus jeunes qui viennent chez nous, qui ont une dépendance — bien souvent, c'est le cannabis — et qui jouent également beaucoup aux jeux vidéo. Et ce qui est le plus dur chez nous, le temps qu'ils sont en thérapie, ce n'est pas d'arrêter le cannabis, c'est de ne pas jouer.

Alors, on le voit, on a hâte de pouvoir les traiter, mais, pour l'instant, ce n'est pas ce qu'on fait. Mais c'est sûr que, dans nos activités de prévention, bien, rapidement, par les commentaires de nos jeunes, on est capables de voir quel jeune, probablement, a... passe trop de temps sur les écrans.

M. Ciccone : Merci. Est-ce que j'ai bien compris qu'il y a un projet pilote, puis éventuellement, là, vous allez être capables de recevoir des jeunes ou des gens qui ont cette dépendance-là?

Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : Absolument.

M. Ciccone : Parfait. «Good».

Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : Absolument.

M. Ciccone : Parfait. C'est... Très heureux d'entendre ça. Alors, vous avez parlé de financement tantôt. On sait que c'est vraiment le nerf de la guerre, là, le financement. Chez vous, là, puis on va se dire les vraies choses, on va se parler de chiffres, là, vous avez besoin de combien pour être capables de faire votre travail, pour être capables de combler, là, la demande? Je sais que vous n'êtes pas tout seuls, là, il y a d'autres centres, là, mais, pour être capable de ne pas dire : Bien là, on n'est pas capables d'en prendre plus parce qu'on n'a pas le financement nécessaire, pour être capable de faire le travail, là, ça prend combien?

Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : Je vous dirais que nous, actuellement, on reçoit un certain financement qui nous permet de rencontrer les jeunes avec l'activité qu'a décrit Max, c'est-à-dire nos activités liées à l'hyperconnectivité, mais évidemment on est très restreints.

Alors, si, nous, on veut, demain matin, aller rencontrer tous les jeunes à travers le Québec, ça nous demanderait un financement, je vous dirais, minimum de 300 000 $ par année, mais un financement récurrent, parce qu'en plus, nous, ce qu'on fait, c'est de l'intervention précoce. Comme on l'a dit, nous, on le fait au niveau des substances psychoactives. On veut l'élargir aux jeunes qui commencent à démontrer des signes de cyberdépendance. On ne l'a pas, le financement pour ça.

M. Ciccone : Merci beaucoup. Très apprécié. Merci.

Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : Bienvenue.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de Gaspé.

M. Sainte-Croix : Merci, Mme la Présidente. Mme Lapointe, M. Teisseire, bonjour. Bienvenue. Très heureux d'avoir votre éclairage aujourd'hui avec nous.

Vous parliez, lors de votre exposé, d'ateliers développés autour de 2015. On est près d'une décennie plus tard. Parlez-nous de l'évolution de ce que vous traitez à tous les jours. Où en sommes-nous? Comment les choses ont évolué?

M. Teisseire (Max) : Je peux commencer.

Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : Oui, oui, vas-y. Oui, oui.

M. Teisseire (Max) : Donc, dans le fond, c'est sûr... Oui, 2015. C'est sûr que, dans nos ateliers, les interactions évoluent. Les thèmes, les problématiques, les enjeux restent les mêmes, c'est vis-à-vis la relation saine avec les écrans et comment gérer son temps et aussi, bien, de développer cet esprit, voilà, critique chez les jeunes ou chez les personnes, chez les individus. Comme adulte, moi, je n'ai pas à m'exclure non plus. Et après, c'est sûr que les techniques, les stratégies de la part de l'industrie vont évoluer. Donc, nous, on les aborde, mais ça reste des stratégies. Donc, après, c'est pouvoir les identifier et les partager avec les jeunes.

Et, en fait, les jeunes sont souvent au courant ou peuvent les observer, que... qu'ils se sont... qu'ils se font, comment dire, manipuler ou qu'il y a une stratégie derrière ou il y a une volonté de les garder le plus longtemps possible à travers les écrans, que ce soit à travers le visionnement, à travers les jeux vidéo, les récompenses, etc.

Donc, pour répondre à la question, l'évolution, on voit, par contre, depuis le début, quand on avait commencé en 2015, c'était quelques années après l'arrivée de la tablette, le iPad, il y avait vraiment une fascination pour cette nouvelle technologie. Ah! on voyait les bienfaits dans l'éducation, on voyait... c'était nouveau, alors qu'aujourd'hui, 10 ans plus tard, il y a un recul et il y a une observation qui s'est faite par rapport... Bien, oui, il y a des côtés positifs. C'est des outils. Donc, tout va dépendre de la relation qu'on va avoir avec ces outils-là. Elles peuvent être positives, négatives, mais elles présentent quand même des enjeux et des risques significatifs.

Donc, j'ai envie de dire, il y a une meilleure prise de conscience de la part des directions, des écoles, des parents et des jeunes, également, vis-à-vis leur relation aux écrans.

Est-ce que tu voulais ajouter autre chose?

• (15 h 10) •

Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : Non, ça va. Je ne sais pas si ça répond à votre question?

M. Sainte-Croix : Bien, peut-être juste rajouter, si vous me le permettez, Mme la Présidente, vous nous dites aussi, puis je trouve ça intéressant... tu sais, les jeunes ne sont pas naïfs au point de ne pas comprendre la situation à laquelle ils participent, d'une certaine façon. Ils sont conscients de leur vulnérabilité.

Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : Oui, vraiment. Puis ce qui est vraiment intéressant... Nous, on les rencontre au début du secondaire, alors ils ont déjà, évidemment, quelques années derrière la cravate, si je peux dire, en termes d'utilisation des écrans. Et donc ce qu'on voit, c'est ça, c'est le fait qu'on ne peut jamais sous-estimer nos jeunes et leur intelligence parce qu'ils le voient, ils s'en parlent entre eux. Mais on voit des modes, également, au niveau des jeux. Alors, quand on a commencé, c'étaient beaucoup les jeux vidéo comme World of Warcraft, ensuite il y a eu Fortnite, et, auprès des jeunes filles, davantage ce qui les réseaux sociaux et tout ce qui touche l'apparence, etc., le nombre de like, l'effet des likes, etc. Alors, on le voit quand même, là, nos jeunes ne sont pas dupes. Et les jeunes, quelqu'un d'autre l'a dit dans la présentation précédente, les jeunes sont nés avec cette technologie-là et donc ils n'ont pas le même rapport que nous qui ne sommes... on n'est pas nés avec, nous autres. Alors, c'est quand même intéressant de voir la lucidité des jeunes.

M. Sainte-Croix : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Dionne) : Mme la députée de Hull.

Mme Tremblay : Oui. Oui, bonjour. Alors, vous avez parlé de stratégie d'autocontrôle, donc, chez les jeunes, que vous leur donnez ce type de stratégie. C'est quoi, les stratégies d'autocontrôle que vous leur donnez? Est-ce que c'est efficace? Est-ce qu'ils arrivent à s'autocontrôler? Parce que d'autres intervenants sont venus nous dire que les jeunes sont capables de le faire puis sont conscients quand des... tu sais, de leur utilisation.

M. Teisseire (Max) : En effet. Donc, bien, notre étude d'impact avait vraiment évalué, suite à l'atelier, une augmentation de 8 % des jeunes qui mettaient en place, donc, ces stratégies d'autocontrôle là. On en présente plusieurs qui traitent différentes sphères, donc, que ce soit vis-à-vis des conséquences sociales, donc on parle, voilà, d'éteindre les notifications, d'avoir des moments sans écrans également. Vis-à-vis du sommeil, on recommande, par exemple, bien, d'éteindre les écrans avant de se coucher. Si... Idéalement, c'est une heure à deux heures avant, mais nous, on encourage de commencer avec 10 minutes, cinq minutes, si c'est ça que ça prend. Puis on serait peut-être surpris des conséquences ou des effets... peut-être pas le temps pour s'endormir, mais la qualité du sommeil. Donc, c'est en se réveillant, souvent, on va, des fois, voir les effets.

Il y a aussi, je pense, à travers... c'est beaucoup avec les stratégies d'autocontrôle ou les stratégies mises en place de la part des jeunes. Des fois, on demande même si les jeunes peuvent se partager les stratégies... les règles à la maison vis-à-vis des écrans et un peu de travailler sur les normes sociales vis-à-vis, bien : O.K. C'est normal. Moi, j'ai... mon ami aussi a ces mêmes règles-là. Donc, est-ce que... comment on vit ça à travers?

Et donc, comme société, on mettait également vis-à-vis, donc... la concentration vis-à-vis des devoirs. On recommandait, voilà, de décider d'arrêter les écrans, ne pas commencer les écrans tant que les devoirs n'étaient pas terminés. Et souvent, à la fin de l'atelier, quand moi, j'en animais, souvent, je demandais aux jeunes : Qui, dans la classe, serait intéressé de réduire le temps d'écran, donc, en général ou dans une sphère des jeux vidéo et certains par rapport au sommeil, par exemple? Et la plupart levaient la main. Et donc, là, je posais par la suite la question : Bien, quelle stratégie pensez-vous mettre en place? Et donc ils nommaient soit qu'est-ce qu'on proposait ou des leurs. Et ensuite, moi, j'encourageais également... bien, on encourage l'équipe de prévention d'en parler à leurs parents, parler avec des amis pour pouvoir aussi entraîner l'effet de groupe, et donc peut-être à la maison, bien, après le souper, au lieu d'aller regarder un film ensemble, bien, peut-être, une fois par semaine, on peut jouer un jeu à la place, un jeu Uno, un jeu de société, par exemple, et donc comment entraîner et comment s'encourager, les membres au sein, bien, d'amis ou au sein de la famille.

Mme Tremblay : Merci. Alors, j'ai une autre question. Vous dites «des espaces sans écrans, des périodes sans écrans dans les écoles», donc, vous serez... Bien, est-ce que ça, ça vient en opposition? C'est la question que je me pose. Est-ce que vous seriez pour l'interdiction complète dans l'école ou c'est mieux de se donner des espaces, finalement? Donc, qu'est-ce que... qu'est-ce que vous en pensez? Parce que, là, vous savez qu'en salle de classe le téléphone n'est plus autorisé. Donc là, les écoles ont différents moyens, là, des boîtes, des pochettes, on le laisse dans le casier. C'est appliqué, là, selon ce que l'école a décidé. Mais je veux faire le lien avec l'interdiction versus les espaces, des temps sans écrans.

Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : Je vais commencer, tu pourras compléter.

M. Teisseire (Max) : Bien sûr.

Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : Vous savez, les jeunes, et, encore une fois, les gens qui présentaient avant nous l'ont dit, il y a deux endroits où les jeunes passent le plus de temps en 2024. Le premier lieu, c'est l'école et le deuxième, c'est en ligne. Donc, si on permet les écrans dans les écoles, bien, ça veut dire que, finalement, les jeunes n'auront plus d'espace sans écran. Et nous, c'est notre constat. Alors, on n'est pas là pour dire aux directions d'école quoi faire ou d'interdire, mais c'est sûr que de voir... quand tu constates que les écrans suivent les jeunes, peu importe où ils sont, il y a une problématique.

Où est-ce que le gouvernement peut avoir un certain contrôle, bien, c'est ce qu'il se passe dans les écoles. À la maison, ça va être difficilement contrôlable, mais, dans les écoles, il y a certainement des actions, comme vous l'avez nommé, les cellulaires, et il y a sûrement plus à faire. Donc, déjà, si on peut voir une diminution des écrans... Parce qu'on comprend qu'on peut éduquer les jeunes à l'utiliser d'une façon saine et intelligente. On en a besoin, là, pour faire les devoirs, pour faire des PowerPoint, peu importe. Mais je pense que, déjà, de diminuer, de réduire, pour nous, c'est ce qui est absolument favorable. Mais je ne sais pas, Max, si tu as envie de...

M. Teisseire (Max) : Oui. Bien, en fait, moi, j'avais... j'ai un exemple qui avait lieu avant l'interdiction des téléphones personnels ou des appareils personnels dans les classes. Il y avait une école qui avait interdit les téléphones dans les classes et dans l'école, en fait, même dans les couloirs d'école, et ce qu'on voyait, il y avait beaucoup d'interactions, donc, sans écrans parmi les jeunes, quand, à l'heure... à la pause du dîner, les jeunes restaient quand même à l'école, ne sortaient pas tous pour y aller, sur leurs écrans.

Et je m'en rappelle, moi, j'avais posé la question en atelier : Comment vous vivez ça? Comment vous voyez ça, de ne pas avoir vos téléphones sur vous, s'il est dans les casiers toute la journée? Puis ils disaient : Ah! bien, nous, c'était dur au début, mais ensuite on s'est vite habitués puis on est tout à fait à l'aise maintenant de ne pas avoir notre téléphone sur nous, d'avoir des moments sans les écrans. Et, quand je rapportais... bien, quand j'en parle avec d'autres élèves dans d'autres écoles qui ont le téléphone sur eux, ils voyaient mal, oui, ils voyaient mal de pouvoir avoir une période sans écrans, sans leur téléphone sur eux, et encore moins de passer une journée sans leur téléphone. Et ces jeunes-là de l'école qui n'avaient pas de... pas d'écrans étaient vraiment surpris de la réaction.

Donc, c'est aussi une question, je pense, voilà, d'éducation et de normes qui va rentrer là-dedans. Donc, moi, c'est un exemple qui m'a toujours marqué.

Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : Oui. Puis, en même temps, je dirais qu'il ne faut pas oublier, hein, l'être humain a une très grande capacité d'adaptation. Et donc, s'il fallait reculer un peu face à toute... à l'amplitude des écrans dans nos vies, l'être humain va s'adapter. C'est ça, notre force. On est résilients et on s'adapte.

Mme Tremblay : Donc, je comprends, là, de réduire au maximum le temps d'écran dans les écoles, c'est la tendance vers laquelle vous... que vous tendez, si on ne va pas...

Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : Bien, nous, en fait, on a vu les impacts positifs de réduire, définitivement. Mais, en même temps, les approches qui sont trop restrictives, trop paternalistes, c'est sûr que les jeunes n'aiment pas ça. Mais, quand on leur explique puis ils prennent part à un débat comme Max a pu avoir avec eux, c'est plus facile après. Quand on explique, quand on... ils font... ils sont partie prenante, c'est beaucoup plus facile, après ça, de pouvoir arriver à des solutions qui, évidemment, nous, de notre point de vue, sont idéales.

Mme Tremblay : On va aller les voir sur le terrain aussi, les jeunes, là, dans les prochaines semaines, là, pour les écouter puis voir qu'est-ce qu'eux ont à dire, évidemment.

Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : Ah oui! Ah! excellent. Excellent.

M. Teisseire (Max) : Absolument. Puis je dirais, dans le fond, je pense que l'important, c'est de pouvoir offrir des espaces où les jeunes peuvent socialiser sans écran. Parce que, souvent, si un jeune... Les jeunes vont dire : Bien, moi, je veux bien ne pas utiliser mon écran, mais, quand je suis avec mon groupe et j'ai deux amis qui sont sur leurs téléphones, sur leurs écrans, bien, je me sens, moi, exclu, donc je vais faire pareil pour faire partie du groupe. Donc, c'est avoir des moments sans écran.

• (15 h 20) •

Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : On fait la même chose, hein, les adultes.

Mme Tremblay : Retirer le wifi dans l'école pendant l'heure du dîner — tu sais, ce n'est pas tous les jeunes qui ont des données cellulaires ou, souvent, ils sont restreints sur leurs données cellulaires — est-ce que ça pourrait être une solution?

Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : Moi, je pense que toutes les solutions sont envisageables.

Mme Tremblay : Parfait. Merci.

Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup. M. le député de Joliette, vous avez une autre question, oui.

M. St-Louis : Merci, Mme la Présidente. Oui, me revoilà une seconde fois. À peu près tout ce qui crée une dépendance, on a légiféré, là. Il y a toujours un âge légal pour boire, pour fumer, pour jouer. Qu'est-ce que vous pensez de la majorité numérique dont tout le monde parle? Puis il y a même certains pays qui ont déjà légiféré. J'aimerais ça, vous entendre là-dessus.

Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : Écoutez, on en a parlé, on en parlait plus tôt, justement, c'est... Vous savez, notre stratégie de prévention, pourquoi elle est efficace, c'est parce qu'on a harmonisé les messages qu'on envoie aux jeunes. Ça veut dire qu'on a des activités pour les enseignants, les parents et les jeunes. Et, dans tous les groupes, nos messages de prévention sont les mêmes. Les jeunes, justement, c'est des jeunes, ils ne sont pas capables de prendre toutes les meilleures décisions. Et, à ce moment-là, si tout le monde s'entend sur le message à envoyer, l'effet de horde, de contamination, là, on va dire, qui est efficace, est beaucoup plus grand et, à ce moment-là, le jeune risque de prendre une bonne décision.

En ce moment, notre constat : l'âge pour consommer du cannabis, 21 ans, consommer de l'alcool, 18 ans, conduire, 16 ans, voter, 16 ans...

M. Teisseire (Max) : 18.

Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : ...aller dans les écoles pour... C'est 18 ans? Oui. Désolée. Ça fait longtemps que j'ai eu mon permis, et moi, dans mon temps, c'était 16 ans. Mais également par rapport, évidemment, à la confidentialité du jeune, c'est 14 ans. Alors, comment est-ce qu'un jeune, après ça... si on impose un âge numérique qui va être, admettons, 15 ans, qu'est-ce qui fait du sens dans tout ça? Pour moi, si on a... on met des... Puis, en plus, on parle aux jeunes : Le développement du cerveau, ce n'est pas avant 25 ans. Ça fait que le pauvre jeune, il ne sait plus où se garrocher, excusez-moi. Ce qui fait que tant que nous autres, comme décideurs, on envoie des messages contradictoires : Tu es capable de voter à tel âge, mais tu n'es pas capable de boire avant tel âge, puis tu ne peux pas consommer, pour nous, il n'y a aucune efficacité là-dedans.

Je pense qu'on s'entend, par contre, que ce qu'on souhaite, c'est protéger les jeunes. Mais, pour moi, il faut avoir une ligne directrice qui... si un jeune questionne, on est capables d'expliquer. Moi, actuellement, si mon jeune me demande pourquoi je peux jouer à tel âge, pourquoi je peux consommer à tel âge, mais pas à tel âge, moi, je ne saurai pas quoi dire. Je ne sais pas quoi dire. Donc, c'est notre constat. Mais c'est sûr que... peut-être que Max a un autre point de vue.

M. Teisseire (Max) : Non, en fait, je le partage. Moi, je pense que c'est vraiment, notamment, donc, parler dans l'éducation, dans la prévention.

L'autre affaire avec l'âge numérique, ça, ce sera intéressant de voir, les pays qui l'ont instauré, qui ont légiféré là-dessus, de voir est-ce que... tu sais, l'efficacité de cette mesure-là également.

Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : Oui.

M. St-Louis : Donc, si je comprends bien, vous seriez pour. Peu importe, là, si on statue sur 14, 15 ou 16, pour vous, une majorité numérique, ça fait plein de sens.

Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : En fait, ça ne fait aucun sens s'il n'y a pas une concertation entre justement qu'est-ce qu'on a, qu'est-ce qu'on interdit ou à partir de quel âge un jeune peut faire telle action. S'il n'y a pas cette concertation-là, moi, je ne suis pas convaincue de l'efficacité, comme je vous dis, parce que le jeune, à la fin de la journée, il demeure mêlé. Pour nous, c'est ça, le constat. Parce qu'on rencontre les jeunes par rapport au jeu, par rapport à l'hyperconnectivité et par rapport aux substances, puis, entre les substances, il y en a qui sont illégales, il y en a qui sont légales, il y en a que c'est tel âge, tel âge. Pour nous, c'est plus ça. Puis, encore une fois, les jeunes sont intelligents, là. Il ne faut pas les sous-estimer.

Et, comme on l'a dit d'entrée de jeu, des approches qui sont trop restrictives, les jeunes vont toujours chercher à les contourner. Et, à la fin de la journée, dépendamment comment est-ce qu'on contrôle, qui va avoir le fardeau d'implanter ça et de contrôler ça? Ça va être les parents. Et nos parents, en ce moment, nous, ils nous demandent de l'aide comme : Aidez-moi. Aidez-moi à arriver à contrôler l'usage du jeune.

Alors, si... Et, on le sait, bien souvent, les parents vont nous dire : Ah! j'étais fatigué. Je veux faire le souper. J'ai mis mon enfant devant l'écran. Donc, le pauvre parent, s'il n'est pas éduqué et informé comme il faut, lui, il va laisser faire le jeune puis il va dire : Bien oui, je vais te le créer, ton compte, puis tu pourras y aller.

Alors, pour nous, ce n'est pas notre sphère d'expertise de savoir comment est-ce que ça va être contrôlé, mais, en tout cas, pour nous, on regarde ça plus de l'extérieur puis on se dit : Bien, je pense qu'il va falloir une concertation.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup.

M. St-Louis : Très bien. Merci.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci. Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Cadet : Merci, Mme la Présidente. Bonjour. Bonjour à vous deux. J'ai malheureusement manqué une partie de votre présentation en raison d'autres obligations professionnelles, donc je ne... j'espère ne pas répéter quoi que ce soit, mais j'irais, donc, de la question suivante. Il y a différents spécialistes, donc, qui sont venus avant vous qui nous parlaient... Bon, donc, on parlait, donc, de différentes restrictions auprès des jeunes, notamment de dire : Bien, peut-être qu'il y aurait des recommandations aux gens, bien, pas de... pas d'accès aux réseaux sociaux, pas d'accès aux écrans, donc, pendant la semaine. Et parfois on nous a mis en garde, ou informés, ou, du moins, donc, inclus dans le débat la question, donc, de comportements qui seraient qualifiés de boulimiques, donc des jeunes qui, en raison, donc, d'une trop grande restriction, pourraient, donc, avoir, donc, un usage encore plus concentré des écrans pendant une période de permissivité. Donc, j'aimerais vous entendre là-dessus.

Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : Oui. Écoutez, c'est intéressant comme point de vue, puis effectivement, pas que... en tout cas, je n'avais pas nécessairement réfléchi à ça, mais c'est vrai qu'on peut comprendre un comportement de «binge» qui pourrait avoir lieu à ce moment-là, et donc une très grande difficulté à ces jeunes-là, lorsqu'ils sont dans un comportement de «binge», d'être capable, justement, de se contrôler.

C'est sûr, encore une fois, pour nous, les mesures restrictives, ce n'est jamais la première solution, et c'est pour ça que, pour nous, ce qui est important, c'est... en amont de toutes les mesures que le gouvernement va vouloir mettre en place, tant qu'il y a des campagnes d'éducation, des campagnes d'information, des campagnes sociétales et de la prévention auprès des jeunes, auprès des parents, nous, on le sait qu'à long terme c'est ça qui marche. S'il y a d'autres mesures qui accompagnent puis qui viennent bonifier, tant mieux. Mais, nous, ça fait 20 ans qu'on fait de la prévention. Ça faisait très longtemps qu'on voulait débuter la prévention pour éviter que les gens se ramassent à la maison. On disait toujours : L'objectif, notre objectif, c'est de fermer la maison. C'est que nous, on le sait, que, la prévention, ça marche. Et c'est pour ça que, oui, toutes les mesures qui sont proposées, toutes les solutions valent la peine d'être explorées, mais, à la fin de la journée, si on ne fait pas de prévention, de sensibilisation, toutes ces mesures-là ne serviront à rien.

Mme Cadet : Merci. Puis, peut-être en sous question, est-ce que vous pensez que ces comportements, donc, d'usage excessif, concentré, là... dans le comportement de «binge», est-ce que, dans le cadre de votre expertise, est-ce que c'est pire? Est-ce que ça s'équivaut? Est-ce qu'on est mieux de dire : Ah! bien, les recommandations nous disent, donc, combien d'heures par jour, que c'est mieux d'avoir un usage plus équivalent qui est détaché, ou est-ce qu'il y a plus de risque de développer... d'être vulnérable, donc, à développer des dépendances avec le comportement de «binge»?

Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : Les deux. C'est les deux, définitivement, de la même façon qu'on peut voir, en traitement, des gens qui vont consommer, ou jouer, ou peu importe, à tous les jours pendant un certain temps, comme des gens qui font juste «binger» une fois par mois, une fois par semaine, je ne sais pas, là, deux fois par année, et qui se ramassent quand même avec un problème. Ça prend d'autres facteurs pour évaluer cette problématique-là.

Mme Cadet : Merci.

Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : Merci.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci, Mme la députée. Est-ce qu'il y a d'autres interventions ou questions de la part des membres? Ça fait le tour? Alors, merci infiniment pour votre contribution à ces travaux qui... Oui, on en prend connaissance à tous les jours, là. C'est une prise de conscience collective, et je pense que c'est un travail qui est nécessaire. Alors, grâce à des acteurs comme vous, on va être en mesure de bien réfléchir à la question et d'essayer d'apporter les meilleures solutions possibles. Alors, merci encore.

Et nous, on suspend les travaux quelques instants pour accueillir nos prochains témoins.

(Suspension de la séance à 15 h 29)

(Reprise à 15 h 36)

La Présidente (Mme Dionne) : La commission reprend maintenant ses travaux. Donc, nous avons le bonheur d'accueillir, pour cette fin de journée, la Dre Généreux. Alors, bonjour et bienvenue à cette commission. Donc, je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour nous faire part de votre exposé, et, ensuite de cela, nous procéderons à une période de questions avec les membres. Alors, je vous cède la parole.

Mme Mélissa Généreux

Mme Généreux (Mélissa) : Merci beaucoup. Bien, je voulais prendre... commencer en vous remerciant, parce que j'apprécie beaucoup le temps que vous investissez à tous nous accueillir, là. Il y a plusieurs experts que vous allez rencontrer et pour... c'est pour un sujet que je considère très, très important, à savoir les écrans et les réseaux sociaux.

Je débuterais juste en me présentant, pour peut-être identifier les différents chapeaux que je porte, ce qui m'a amenée aussi à m'intéresser aux écrans et aux réseaux sociaux. Donc, je suis d'abord médecin spécialiste en santé publique, ça fait une quinzaine d'années. J'ai été directrice de santé publique pendant six ans, en Estrie, et maintenant je suis médecin-conseil, toujours dans la région de l'Estrie. Et un de mes dossiers, évidemment, c'est les écrans, les réseaux sociaux et, plus largement, tout ce qui touche à la santé mentale et au bien-être des jeunes.

Je suis aussi professeure titulaire à la Faculté de médecine des sciences de la santé, à l'Université de Sherbrooke, et je vous dirais que, par ce chapeau-là, ça me permet d'encadrer, superviser plusieurs étudiants et étudiantes en médecine, entre autres, qui, dans leurs stages, ont réalisé avec moi plusieurs enquêtes sur la santé psychologique, le bien-être des jeunes de 12-25 ans. On a fait ça pendant quatre ans, mais aussi une enquête plus récente, en 2024, sur le bien-être des familles, où on a plus sondé des parents un peu partout au Québec. Donc, je vais en glisser quelques mots ici et là dans les prochaines minutes.

Et, juste avant de finir ma présentation, je pense que c'est important aussi de souligner que je suis maman et belle-maman, quand même cinq fois, donc je vis avec cinq enfants, qui sont âgés entre huit et 19 ans, que je vois aller depuis plusieurs années. Donc, forcément, ça vient aussi enrichir, si on veut, ma compréhension de la relation que les jeunes entretiennent avec les écrans.

Je me disais, pour commencer, tu sais, je sais que vous avez entendu parler beaucoup des impacts soit positifs ou négatifs des écrans et des réseaux sociaux sur la santé, je ne vais pas tout redire, mais j'aimerais quand même mettre l'accent sur le fait que, non, les écrans ne sont pas que négatifs. D'ailleurs, c'est ce qui me permet, là... j'avais des contraintes familiales, et c'est ce qui me permet de pouvoir être avec vous aujourd'hui. Donc, on n'est pas foncièrement, là, contre les écrans.

D'ailleurs, on a sondé 18 000 jeunes en 2023 pour leur demander c'était quoi, leur top trois des impacts positifs qu'avaient les écrans dans leur vie. Et ils ont dit : Les relations avec les amis, les relations amoureuses et aussi les loisirs. Donc, ça, pour eux, c'était positivement affecté par les écrans. Malheureusement, top trois d'impacts négatifs, il y avait un impact sur le sommeil, sur la réussite éducative, mais aussi sur la qualité de l'environnement familial. Donc, je trouvais important de montrer que, du point de vue des jeunes, tout n'est pas nécessairement négatif non plus avec les écrans. Par contre, la moitié de ces jeunes-là nous a rapporté se sentir moyennement à très dépendant aux écrans. Donc, ça, là, le fort potentiel d'addiction, qui est bien démontré dans la littérature, est aussi très bien ressenti par les jeunes.

Quand on sonde les parents, je ne vous cacherai pas qu'en 2024 les 14 000 parents, qui ont répondu à notre enquête un peu partout au Québec, nous disaient qu'ils étaient préoccupés. C'était leur préoccupation numéro un, là, le temps d'écran de leurs enfants, et ce, autant au primaire qu'au secondaire. Et les parents de grands utilisateurs, donc au moins quatre heures par jour, autant la semaine que la fin de semaine, nous disaient que leurs enfants s'amusaient moins avec les amis, avaient moins d'énergie, plus de difficulté d'attention et une vie moins facile à l'école, entre autres choses. Donc, ça, ça demeure des perceptions, encore une fois, mais c'est quand même des milliers de personnes qui se sont prononcées sur le sujet au Québec.

Il y a, par contre, plusieurs choses, puis ça, je pense, c'est important à dire, qui demeurent encore un peu incertaines dans la littérature. Donc, on observe des choses sur le terrain, mais on n'a pas exactement encore une compréhension parfaite et précise de la relation qui existe entre le temps d'écran et la santé mentale. Donc, par exemple, dans notre enquête, on a bien vu que les jeunes qui consomment beaucoup d'écrans sont aussi des jeunes qui vont présenter plus de symptômes anxieux, dépressifs. Il y a vraiment un lien entre les deux, mais la poule ou l'oeuf, c'est difficile à dire avec mon genre d'enquête, là, où on prend un portrait instantané. Parce qu'on n'est pas en mesure de dire si l'anxiété et la dépression étaient là avant l'usage important d'écrans, et c'est peut-être ça qui a aussi amené les jeunes à se réfugier à travers les réseaux sociaux et les écrans. Donc, on manque d'études dans ce sens-là. On a vraiment besoin de plus de recherches, plus de recherches aussi pour démontrer est-ce qu'un quatre heures d'écrans, assis sur un sofa avec notre famille à regarder un film, versus un quatre heures isolé à voir défiler des vidéos TikTok tout seul dans sa chambre... Est-ce que c'est exactement le même quatre heures en termes d'effets négatifs? Probablement que non.

Il n'y a aussi vraiment pas beaucoup d'études sur l'efficacité des mesures. Moi, c'est peut-être ça qui me marque le plus. Donc, il y a toutes sortes de mesures qui sont prises, partout sur la planète, pour essayer de contrer les impacts négatifs, mais très peu d'entre elles ont été évaluées. Donc, je vous amène quand même à une certaine position, un regard critique par rapport à ça, parce qu'on ne le sait pas, exactement, à l'heure où on se parle, de ce qui est le plus efficace pour prévenir les effets négatifs des écrans.

• (15 h 40) •

Ceci étant dit, moi, je trouvais ça important de remettre un peu la rigueur scientifique puis voir ce qu'on sait puis ce qu'on sait un peu moins, mais, selon moi, c'est mon opinion professionnelle, il y a quand même suffisamment d'observations terrain, suffisamment de rapports d'enquête, un peu partout dans le monde, pour nous dire que les écrans et les réseaux sociaux, c'est un enjeu important de santé publique. J'oserais même dire que c'est un enjeu qui s'apparente, dans les prochaines années, de l'ampleur de ce qu'on peut avoir vu pour la lutte au tabac, la consommation trop importante d'alcool, la malbouffe ou les substances psychoactives, de façon générale.

Je m'explique. C'est dans le sens que plusieurs de ces substances-là ou ces produits nocifs là ont un caractère addictif, ils viennent surstimuler le circuit de récompense, puis c'est exactement ce qui se passe aussi avec les réseaux sociaux. Il y a aussi toute cette notion-là de pression, d'influence par les pairs, d'attrait pour... par les jeunes pour ces substances-là. On voit vraiment, là, des liens très, très proches. Et j'ajouterais que, pour le tabac, et la malbouffe, et même pour l'alcool, on voit le rôle de l'industrie, leurs stratégies malsaines de marketing, de publicité, de production d'un produit qui est consciemment nocif pour rendre un peu plus accro des grands utilisateurs. Donc, tout ça, on voit vraiment un grand, grand lien.

Donc, je me dis, sachant qu'il y a autant de liens, aussi bien apprendre des stratégies qui ont été gagnantes, de santé publique, et s'en inspirer pour l'appliquer aux écrans. Je mets quand même une nuance très importante ici. Oui, on peut faire plusieurs parallèles, mais les écrans, à l'opposé du tabagisme par exemple, ne sont pas que nocifs. Donc, évidemment, autant qu'on vise un Québec zéro tabac, on ne vise peut-être pas un Québec zéro écran. Donc, il y a encore plus cette couche de complexité là, je dirais, par rapport aux écrans, qu'on doit avoir en tête.

Donc, si je vais un petit peu plus dans les stratégies de santé publique gagnantes, puisque c'est un enjeu de santé publique, en santé publique, on va toujours avoir le double objectif, puis c'est fondamental qu'on l'ait pour le dossier des écrans des réseaux sociaux... c'est-à-dire que, oui, on veut réduire les impacts négatifs sur la santé des écrans et des réseaux sociaux, mais on veut... on doit aussi chercher à réduire les inégalités sociales de santé. Encore une fois, si je me réfère à l'exemple du tabac, historiquement, on a commencé à faire beaucoup d'actions de sensibilisation, d'éducation à la santé. Ça a marché, mais juste pour un groupe de la population, pour le groupe... en fait, davantage pour un groupe de la population, c'est-à-dire le groupe un peu mieux nanti, qui a une plus grande littératie en santé, qui a cette plus grande facilité là à aller chercher l'information, à l'enregistrer puis à changer ses comportements. Mais ce qu'on a vu, c'est qu'il y a un autre grand pan de la population, qu'on pourrait appeler le groupe un peu plus défavorisé, chez qui des stratégies de sensibilisation, ça a été beaucoup moins efficace. Donc, ce qu'on a appris, avec le tabac, la malbouffe et plein d'autres substances, c'est qu'on doit aussi agir absolument au niveau des environnements. On doit faire en sorte que le produit ne soit pas trop accessible et ne soit pas trop tentant pour rendre le changement de comportement plus facile.

Donc, si je l'applique à l'échelle des écrans, ça ne veut pas dire nécessairement une approche coercitive avec une grande loi superstricte, encadrante. Ça peut être une option, mais c'est vraiment... Moi, ce que je pense qui est le mieux, c'est d'avoir une cohérence au niveau des différents environnements, milieux de vie des jeunes, des actions qui sont toutes cohérentes puis qui poussent dans le même sens. Donc, exemple, si je prends à l'école, on peut avoir une interdiction de cellulaire en classe. Ça, c'est une mesure unique. Je doute quand même de son efficacité si ce n'est pas jumelé avec d'autres actions. Par exemple, si on est dans un milieu scolaire où on pousse beaucoup sur les méthodes pédagogiques très, très numériques, si on est dans une école où il y a des écrans partout, ordinateurs, écrans de télévision, iPad, dans toutes les pièces, si on est dans une école où l'usage des écrans est beaucoup utilisé comme objet de récompense, lors des pédagos, par exemple, ou si on est dans une école où on a très peu d'alternatives aux écrans, tu sais, on manque d'infrastructures sportives ou d'activités parascolaires pour donner le goût aux jeunes de faire d'autres choses. Mais on n'est pas dans la cohérence ici.

Donc, tout ça, bien, en fait, je pense, j'imagine qu'on va y aller un peu plus avec des questions, mais ça amène quand même à se poser des questions par rapport à la fameuse interdiction des cellulaires mur à mur dans toutes les écoles. Sincèrement, je pense quand même qu'il y a quelque chose d'intéressant derrière ça, en ce sens que... d'avoir un environnement où on n'a pas la pression puis l'influence par les pairs de voir tout le monde sur son cellulaire, puis dire : Est-ce que je suis en train de manquer quelque chose? Moi aussi, je dois y aller, parce que, là, il y a comme une vie parallèle, numérique qui est en train de s'exercer, qui nous donne l'envie irrésistible d'y aller. Donc, c'est sûr qu'un milieu avec des zones sans écran, des moments sans écran, certains milieux décident de le faire vraiment mur à mur sur toute la journée. Ça peut avoir ça d'intéressant. Mais je réitère le fait que ça serait quand même franchement pertinent de pouvoir évaluer ce qui s'est passé dans ces milieux-là. Il y a des écoles qui ont eu le courage de le faire. Donc, on a plein d'experts, on a des gens en santé publique, dans le domaine de la santé et de l'éducation, qui pourraient venir documenter ces démarches-là. Comment ça s'est passé? Avez-vous impliqué des jeunes autour de la table, des parents, du personnel? Qu'est-ce qui fait que ça a fonctionné? Et surtout qu'est-ce que ça a donné? Et ça, ça pourrait vraiment servir d'une base de guide pour d'autres écoles, qui pourraient vouloir initier un tel processus, mais il me semble qu'il y a... Quelque chose d'un petit peu plus «bottom up», qui part de la base, avec des bons outils d'accompagnement, serait quelque chose garant de succès. Donc, je pense que j'ai pas mal atteint le 10 minutes. Donc, je vous laisserais maintenant pour les questions.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup, Mme Généreux. Donc, oui, on va débuter avec la période de questions en débutant avec Mme la députée de Châteauguay.

Mme Gendron : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Généreux. Merci d'être avec nous aujourd'hui. J'ai eu le bonheur de vous entendre, ce matin, justement, en entrevue. Donc, ça m'a mis un petit peu en bouche, là, votre présentation. J'avais deux questions qui ne sont pas tout à fait reliées. La première étant : Vous... de ce que je comprends, c'est que vous y allez plutôt vers de la sensibilisation, du contrôle, plutôt que de l'interdiction, ou est-ce qu'on mêle à ça un âge numérique?

Mme Généreux (Mélissa) : Bien, en fait... Non, c'est ça, de la sensibilisation individuelle, c'est nécessaire, mais ce n'est pas suffisant. Ça, pour moi, ça va de soi, mais ce que je veux dire, c'est qu'agir sur les environnements, si on y va avec une mesure très coercitive, du genre on interdit les cellulaires partout, mais qu'en contrepartie on a des devoirs à faire en ligne, plein de travaux d'équipe interactifs en ligne, des cours sur les iPad, puis qu'on a plein d'écrans partout, et qu'on rentre à la maison puis que papa, maman continuent à être sur les écrans, il y a comme quelque chose, tu sais, qui est moins cohérent. Donc, ce que je veux dire, c'est : Est-ce qu'il faut y aller avec une mesure très stricte, très encadrante, mais qui ne vient pas accompagnée d'autres mesures cohérentes, ou est-ce qu'on n'est pas mieux d'avoir une diversité de mesures?

Mais, ceci étant dit, est-ce que je suis pour ou contre quelque chose d'un petit peu plus dans le domaine de l'interdiction? Moi, je pense juste qu'on n'a peut-être pas encore assez évalué pour être sûr et certain que c'est ça, l'approche unique. Mais sincèrement, je vais parler pour moi, si mon enfant pouvait aller dans une école où on avait bien établi un milieu avec moins d'écrans, je serais bien contente, là. Tu sais, je fais juste dire que... Est-ce que ça doit être fait de façon drastique mur à mur, dans toutes les écoles dès décembre, versus essayer de mieux comprendre ce qui fonctionne, quelles sont les barrières aussi? Tu sais, les parents qui sont inquiets de ne pas pouvoir rejoindre leurs enfants, bon, bien, les écoles où on l'a fait, puis ça a fonctionné, comment ils ont contourné cette barrière-là? Est-ce qu'on peut avoir un petit guide pour aider les écoles à bien le faire, puis que ce soit mieux reçu, plutôt que quelque chose de très contraignant qui crée un genre de frustration, sans peut-être toute la valeur ajoutée, là, associée à ça?

Mme Gendron : Je comprends bien. Donc, un guide pour les milieux scolaires, peut-être aussi les milieux à la maison. Je vous comprends, moi aussi, j'ai cinq ados à la maison, ça fait que c'est un défi de taille aussi à la maison.

Je vais vous amener sur d'autre chose. Moi, mes enfants, c'est des fervents de lecture, de bibliothèque numérique. Vous êtes une spécialiste des écrans, vous avez mentionné. Y a-t-il là une différence entre un écran bleu qu'on utilise, un iPad, ordinateur, à ce qu'on fait une lecture sur un «e-reader», là, ou en français, honnêtement...

Une voix : ...

Mme Gendron : Une liseuse, pardon, merci.

Mme Généreux (Mélissa) : Je...Et, en fait, on y va avec la logique, parce que, comme je vous dis, les mécanismes fins d'action ne sont pas encore parfaitement établis, mais, oui, c'est quand même de plus en plus reconnu que... C'est comme je disais, ce n'est vraiment pas juste le temps d'écran qui compte que le type de contenu qu'on va regarder, la finalité d'usage, donc là ce que vous dites, lire du contenu éducatif, qui nous permet de garder aussi l'attention longtemps sur la même chose, hein?

Parce que, si vous avez... En tout cas, moi, j'en ai, des enfants, comme je dis, à la maison, puis ça... même d'écouter un film au complet sans bouger, ils trouvent ça long, parce que, comparé à une vidéo TikTok de 30 secondes, c'est pas mal plus long, ça demande une attention soutenue. Donc, d'aller dans une lecture de quelque chose qui est moins de lumière bleue, comme vous dites, mais qui a une vocation un peu plus éducative ou de profondeur, ou d'apprendre, de lire, de s'intéresser à une histoire de façon plus maintenue, définitivement que, selon mon avis, on n'est pas dans le même risque que de passer la même durée de temps sur un iPad ou un cellulaire tout petit, qui force les yeux, qui nous oblige à... bien, qui nous amène à s'isoler puis à finalement passer deux, trois heures de sa vie sans avoir vraiment été exposé à quelque chose de constructif. Des fois, oui, des fois, non, mais... et même des fois des choses malsaines. On n'a pas parlé de cyberintimidation, de cyberviolence, mais effectivement, sur une liseuse, c'est un petit peu plus difficile d'imaginer qu'on va être exposé à du contenu malsain.

Mme Gendron : Merci de votre contribution.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve.

• (15 h 50) •

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Dre Généreux. Tout d'abord, je vais vous remercier pour les... vos contributions. L'étude que vous aviez faite nous avait beaucoup aidés dans nos travaux sur l'âge minimal de travail, bientôt presque deux ans de ça. Donc, merci pour ça. J'avais une question sur la majorité numérique, mais on l'a déjà posée. C'est excellent.

Je vous amènerais peut-être un peu sur un sujet différent, là. Les gens qui vous ont précédée un peu plus tôt aujourd'hui, on a eu un échange sur la différence entre l'industrie puis la communauté de joueurs, plus sur l'aspect jeux vidéo. Puis on avait la réflexion : Tu sais, est-ce que l'industrie peut s'autoréguler — c'est un peu la tendance qu'on voit, tu sais, Meta a annoncé, il n'y a pas plus tard qu'avant-hier ou hier, même, des nouvelles règles pour ses profils, pour les jeunes, etc. — ou est-ce qu'il faut considérer l'industrie des réseaux sociaux et du jeu vidéo de la même manière qu'on a fini par considérer l'industrie de l'alcool, du tabac? C'est une industrie qui... dont le profit vise à faire des choses pas tout à fait dans l'intérêt de la santé publique, puis il faut mettre des règles extrêmement claires.

Mme Généreux (Mélissa) : Ce serait pas mal la deuxième des deux... des deux hypothèses que je mettrais de l'avant. Je n'ai rien... Ce ne sont pas des ennemis, je n'ai rien contre les personnes derrière ça, mais la vocation des réseaux sociaux ou des plateformes de jeux vidéo, c'est d'avoir des gens, souvent des jeunes, parce qu'ils sont encore plus attirés, mais de tous âges, qui vont durer et rester le plus longtemps possible puis qui vont se fidéliser, qui vont être y retourner le plus souvent. Donc, leur intérêt, c'est de créer ce genre de dépendance là, entre guillemets, qui fait qu'on va avoir une plus grande clientèle, qui va toujours être de plus en plus nombreuse, fidèle. Donc, toutes les stratégies qui sont utilisées sont strictement à cette fin-là. Donc, ils n'ont pas de vocation sociale, là. Je n'ai jamais vu... peut-être qu'un jour on aura des... un réseau social créé par le communautaire ou le public à des fins purement bénéfiques, là, mais, pour le moment, je n'en connais pas. Si vous en connaissez, tant mieux.

Donc, oui, pour moi, c'est exactement comme l'industrie du tabac, l'industrie du tabac ou de l'alcool. Bien, l'alcool, c'est un peu plus complexe parce que c'est quand même en lien avec le gouvernement, mais, encore là, on pourrait en parler, c'est loin d'être parfait. Mais, au niveau du tabac, il n'y a aucune connexion, là, c'est purement à des fins privées puis, encore une fois, avec le seul objectif qui est de rendre dépendant. Puis on voit que, même quand ils ont eu des tendances à dire : Ah! on veut être des bons concitoyens, et puis on va s'améliorer, bien, woups! on amène des lois, ils vont contourner en créant des produits de vapotage. Puis là, s'il y a des limites au vapotage, on va... on va recréer des nouvelles stratégies pour enlever les saveurs, les mettre à côté. Et c'est ça, leur job.

Dans les réseaux sociaux, ce qu'on fait, ou les jeux vidéo, c'est d'engager des neuropsychologues pour dire : Pouvez-vous nous faire des stratégies visuelles, sonores, ou peu importe, ou d'architecture, qui vont faire en sorte que nos gens vont revenir? L'exemple, moi, qui m'avait le plus frappé, là, ça s'appelle la captologie, la science de comment capter l'attention des gens, bien oui, c'est un vrai mot, où on nous expliquait que les neuropsychologues ont... Tu sais, le fameux point rouge, là, sur les applications, qu'on voit, tu sais, qui dit que tu as manqué quelque chose, là, bien, ce point rouge là est absolument calculé pour créer et générer un sentiment d'urgence. Dans le fond, quand on voit un point rouge, ça lance un signal : Vas-y, c'est urgent, il y a quelque chose qui se passe. Donc, je ne vois pas en quoi on fait ça dans le meilleur intérêt de nos jeunes, non.

M. Leduc : Il y a comme deux façons d'aborder ça, qui ne sont pas nécessairement contradictoires, mais il y a la question du nombre d'heures du temps d'écran puis, après ça, il y a qu'est-ce qu'on y consomme. Puis on réfléchit à... Il y a des gens qui parlent de... dont moi, de peut-être aller explorer l'idée de réguler certains aspects des réseaux sociaux, interdire certains aspects des réseaux sociaux, mettons, les boutons J'aime, le démarrage automatique de vidéos, etc., tout ce qui sont les aspects les plus nocifs des réseaux sociaux, par voie législative ou en donnant des pouvoirs, comme le... Option Consommateurs le proposait à la Commission d'accès à l'information. Est-ce que c'est une piste intéressante, ça aussi, de dire : On pourrait peut-être aller corriger certains des effets les plus nocifs des réseaux sociaux en complément ou en remplacement de l'idée du nombre d'heures d'écran?

Mme Généreux (Mélissa) : Bien, définitivement. Tu sais, en santé publique, on va toujours dire que les mesures les plus efficaces, c'est celles qui agissent à la source du problème. C'est là où on risque... on a le plus de chances d'atteindre tout le monde, sans égard aux capacités d'adopter des changements, tu sais. Si, à la base, le produit est moins nocif, évidemment, tout le monde va bénéficier de ça, qu'on soit issu d'un groupe plus favorisé ou pas, ou plus défavorisé.

Maintenant, c'est sûr qu'on entend toujours la question de voir qu'est-ce qu'il est possible de faire. Est-ce que c'est plus grand que nature? Tu sais, c'est David contre Goliath, là, c'est un peu ce qu'on entend, mais je trouve ça très intéressant, parce qu'avec l'émergence de la commission ça a amené plein d'experts à plus se parler. Et il y en a une, que vous allez rencontrer la semaine prochaine, Mme Bonenfant, là, avec qui j'ai eu le plaisir de discuter, et elle... Il y a des gens qui ont passé leur vie ou pratiquement leur carrière à travailler sur comment on peut mieux réguler. Donc, elle me parlait, elle vous en parlera sûrement, de l'exemple d'une régie du cinéma, mais appliquée aux réseaux sociaux ou aux plateformes de jeux vidéo, qu'il y aurait un organisme public complètement détaché de... en fait, qui est financé par le public, donc détaché du privé, qui est là pour exercer un certain contrôle, émettre des cotes. Ça serait le fun, un PG-13, là, excusez, je ne sais pas comment on dit ça en français, en tout cas, ça, là, c'est... je ne sais pas comment...

Des voix : ...

Mme Généreux (Mélissa) : ...je ne sais pas. En tout cas, cette cote-là, une cote d'âge recommandé, tu sais. Comme parent, on est constamment confronté à des nouveaux jeux, là. Moi, Brawl Stars puis ces... je ne sais pas lesquels sont bons, ne sont pas bons, comment on... est-ce que TikTok, c'est moins bon que Snapchat? Est-ce que... probablement, Facebook m'apparaît plus nuancé que Snapchat ou... mais les parents ne le savent pas.

Les guides, ce n'est pas si évident que ça, le... Donc, d'avoir déjà un genre de cotation ou une évaluation faite par des experts, d'avoir un genre de contrôle, de vigie par un organisme indépendant, public, ça pourrait être franchement intéressant. Ce n'est pas parfait, on n'est pas dans la régulation, mais on est en train de dire aux réseaux sociaux puis aux jeux vidéo en ligne : On vous surveille, on vous surveille puis... Parce que, là, personne ne les... bien, il y a des chercheurs, des experts qui les surveillent, mais franchement ils ont la vie facile, là, tu sais, je veux dire, on n'exerce pas beaucoup de contrôle.

M. Leduc : C'est ça. Les pouvoirs publics ne se sont pas mouillés bien, bien encore, là.

Mme Généreux (Mélissa) : Non, vraiment pas. On pourrait vraiment en faire plus. Puis, même au niveau de la régulation, si on est dans une logique où on considère que certains... certaines tendances d'architecture de réseaux sociaux amènent à créer ce qu'on pourrait appeler... quelque chose qui s'approche du jeu pathologique, tu sais, les fameux coffres à butin, là, les «loot boxes» en anglais, où, tu sais, les jeunes accumulent du temps ou peuvent même dépenser de l'argent, puis là il y a une surprise quand tu ouvres la boîte avec... Bien là, ça, il y a comme vraiment quelque chose plus qu'addictif, là, on est en train d'instaurer une notion de jeu en ligne, tu sais, de gambling, là, c'est... Donc, ça, si on est capable de faire ces démonstrations-là puis d'utiliser nos pouvoirs, en termes de lutte aux dépendances, au jeu pathologique, puis de, comme Québec, aller réguler certaines pratiques qu'on considère qui favorisent carrément de la dépendance ou du jeu pathologique, ça peut être aussi une avenue.

Ce qu'on m'a dit, c'est qu'en Belgique ils ont réussi à le faire sous cet angle-là, et certains jeux vidéo ont même reculé, parce qu'en se disant : Tant qu'à avoir deux, trois pays qui commencent à nous mener la vie dure, ça va être peut-être plus simple de carrément enlever cet aspect-là de notre plateforme, là, qui cause un peu plus de polémique.

M. Leduc : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci. Je cède maintenant la parole à Mme la députée d'Iberville.

Mme Bogemans : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je voulais vous entendre sur votre perception de l'intelligence artificielle dans les salles de classe, comment... votre perception, vraiment, de cet enjeu-là puis comment on pourrait mieux l'encadrer.

Mme Généreux (Mélissa) : C'est hallucinant. Ça va vraiment vite, ce monde-là, là. Je vous dirais, moi, je suis moi-même professeure à l'université, donc j'en... je le vois, à quel point... bien là, je ne sais pas si c'est dans ce sens-là que vous vouliez dire, mais à quel point ça peut même nuire à l'apprentissage ou contribuer à... pas du plagiat, là, mais, tu sais, de la production de contenu qui n'est pas vraiment basé sur une réflexion, un vrai travail comme on voudrait que les jeunes acquérissent. Donc, ça, on le voit.

Je veux dire, c'est omniprésent partout, là. Des fois, je donne l'exemple de mon garçon qui ne se rend même pas compte que c'est de l'intelligence artificielle, mais il cherche une question pour son devoir, puis on a une Alexa dans la maison, puis il dit : Alexa, c'est quoi, la réponse à ça? Puis je dis : Bien, voyons donc, mon petit gars, tu ne vas pas... il faut que tu les fasses, tes mathématiques, tu sais. Bien, vous voyez, mais je pense qu'ils ne s'en rendent pas compte, ça va juste trop vite. Donc, oui, effectivement. Je pense même qu'au moment où, probablement, vous avez rédigé un peu les balises de la commission ce n'était même pas si encore présent que ça l'est aujourd'hui.

Donc, c'est... à mon avis, ce que ça dit, tout ça, c'est que, oui, on parlait de peut-être... d'organismes publics de régulation, de contrôle, style Régie du cinéma, ça, c'est une chose, mais, au-delà de... il y a comme... on a besoin d'avoir un genre d'organisme qui est vraiment en vigie de tout ça, des tendances, des nouvelles... développements de plateformes, des tendances, des nouvelles connaissances qu'on a dans la littérature, ça explose de partout, les connaissances sur les impacts plus nuancés des réseaux sociaux et des écrans sur la santé, le bien-être, mais aussi des... Tranquillement, j'ose espérer qu'on va avoir plus de connaissances sur les pratiques, qu'est-ce qui a fonctionné, qu'est-ce qui n'a pas fonctionné, pourquoi, comment. Donc, c'est une job à temps plein, de probablement plusieurs personnes, là, d'avoir cette vigilance-là, d'être au courant. Et c'est dans ce cadre-là, je crois, que l'intelligence artificielle pourrait occuper une bonne partie pour... de ces personnes-là pour mieux anticiper, là, les... Il peut y avoir du positif, là, je ne dis pas qu'il n'y a pas de positif, mais il y a certainement des préoccupations qui viennent aussi avec cette nouvelle réalité là.

Mme Bogemans : Merci. Tout à l'heure, vous abordiez, par exemple dans la cohérence, qu'une salle de classe remplie d'ordinateurs, par exemple, c'était... ça n'envoyait probablement pas le bon message. L'endroit où on voit souvent le plus d'écrans, actuellement dans notre réseau scolaire, c'est probablement, un, dans le réseau privé et, de l'autre côté, avec les besoins particuliers, donc tout ce qui est aide à la lecture, aide à l'écriture, etc. Ça fait que j'aimerais ça vous entendre là-dessus.

• (16 heures) •

Mme Généreux (Mélissa) : En fait, c'est deux réalités fort différentes, mais merci de poser la question, parce que ça permet quand même de spécifier que, pour les enfants, bon, EHDAA, là, qui ont des besoins particuliers, en lien avec des difficultés d'apprentissage, ou d'adaptation, ou certains handicaps, c'est quand même quelque chose d'autre, là. Tu sais, là, je ne suis pas en train de dire que les écrans, c'est nocif tout le temps, de toute façon, je l'ai dit plusieurs fois, mais, dans certaines circonstances bien particulières, c'est tout à fait compréhensible et ça peut vraiment aider certains enfants à parcourir leur cheminement scolaire, là, de façon beaucoup plus positive ou réduire les inégalités, là, qu'ils pourraient avoir, d'entrée de jeu, en termes de facilité d'apprentissage. Donc, ça, c'est bien de le préciser, là. Les technologies ont plein d'avantages, notamment pour les enfants qui ont des besoins particuliers.

Pour ce qui est des écoles privées, par contre, c'est très intéressant, parce que... Encore une fois, je fais des parallèles avec le tabac. Le tabac, quand ça a commencé, là, c'était très populaire auprès... j'enseigne tout le temps ça à mes étudiants en médecine, c'est pour ça que je dis ça, auprès des médecins. Les premières cohortes, là, où est-ce qu'on a réussi à démontrer que le tabac causait le cancer, c'étaient des cohortes de médecins, parce que c'est eux qui fumaient le plus dans la société. Puis là, tranquillement, on s'est rendu compte que ce n'était pas une bonne idée, puis là on ne voit plus beaucoup de médecins fumer ou... Bon.

Ce que je veux dire par là, c'est que c'est un peu la même chose avec les écrans dans les écoles privées. Il y a eu évidemment cette tendance-là, parce qu'au début c'était tout nouveau, c'était la technologie puis c'était associé à un certain standard, tu sais, niveau socioéconomique élevé. Donc, il y avait quelque... Je pense que personne ne se doutait, là, de l'aspect si négatif, là, qu'on a pu observer par la suite. Mais ce que j'entends... ça encore, ça reste à documenter, là, l'état de situation plus à jour dans les écoles, mais il existe des écoles privées, de plus en plus, qui sont contraignantes par rapport au numérique. On voit de plus en plus de retour au papier, crayon ou, justement, des codes de vie où on interdit carrément le cellulaire pendant une partie de la journée ou des endroits.

Et ça, je commence à constater ce type de mouvement là un peu plus dans les écoles privées, qui ont probablement un petit peu plus de latitude aussi pour procéder à certaines initiatives de la sorte. Donc, comme je vous dis, moi, je ne serais vraiment pas surprise qu'au fur et à mesure que c'est connu et documenté, les risques à la santé, on voie que les écrans et les réseaux sociaux, dans leurs effets plus négatifs, soient encore plus prédominants dans les groupes défavorisés. C'est vraiment ce que je pense qu'il pourrait arriver.

Mme Bogemans : Parfait. J'avais une autre question pour vous. Dans les derniers jours, on a rencontré une docteure américaine qui nous parlait de l'approche thérapeutique pour quelqu'un de... bien, en fait, un jeune cyberdépendant, qui consistait à retirer les écrans ou de restreindre énormément le temps d'écran pendant quatre semaines pour que l'afflux sanguin dans le cerveau se rétablisse. Je me demandais si on avait de la recherche québécoise ou canadienne qui pourrait appuyer une approche thérapeutique pour la cyberdépendance.

Mme Généreux (Mélissa) : Oh! c'est sûr que, là, je ne veux pas sortir trop de mon champ de spécialité, mais, oui, j'ai lu des travaux. Est-ce que c'est... Moi, ceux que j'ai lus étaient plus américains, en effet, mais là... Ça fait que je ne pourrais pas dire si on en a fait. En fait, que la pratique, elle existe, ça, c'est une chose, définitivement, mais est-ce que ça a été documenté, étudié avec des études, des références qu'on pourrait vous fournir? Je pense que je ne serais pas la meilleure pour vous le confirmer, mais, oui, cette notion-là, un peu, comme approche thérapeutique, de couper les ponts, de faire une pause, là, pendant un certain temps, ça a été démontré, dans certains cas, évidemment, bien ciblés, comme n'étant pas aussi efficace, mais quand même presque aussi efficace qu'une psychothérapie pour quelqu'un, un jeune qui aurait des enjeux de santé mentale comme de troubles anxios, troubles dépressifs. Donc, je trouvais quand même que c'est parlant. Je ne pense pas que c'est quelque chose à appliquer pour tous les jeunes qui souffrent d'anxiété, dépression, mais, dans un cas où l'usage d'écrans est vraiment problématique, c'est une avenue, je sais, qui a été de plus en... qui est de plus en plus documentée et utilisée, en effet.

Mme Bogemans : Merci beaucoup. Vous avez amené des points très intéressants.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci, Mme la députée. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Cadet : Merci. Bonjour, Dre Généreux. Merci d'être avec nous aujourd'hui. J'aimerais d'abord préciser votre propos quant à la majorité numérique. J'ai bien entendu qu'au niveau de l'interdiction du cellulaire à l'école, donc, pour vous, vous n'y voyez pas nécessairement une approche mur à mur, mais vous faisiez beaucoup de parallèles, puis vous venez de le refaire, d'ailleurs, avec le tabac, donc, en disant : Au niveau des interdictions, donc, on veut donc aller vers une société zéro tabac, mais on ne peut pas aller vers une société zéro numérique. Donc, dans ce cadre-là, donc, si je comprends bien, donc, vous, vous seriez contre l'instauration d'une majorité numérique?

Mme Généreux (Mélissa) : Bien, premièrement, il y en a déjà une à 13 ans, bien, tu sais, je ne sais pas si on l'appelle majorité numérique, mais qui n'est juste pas bien appliquée. Donc, encore une fois, je reviens un peu avec les propos d'y aller avec... Je pense qu'on pourrait se perdre ou avoir une fausse réassurance que d'opter pour une mesure très contraignante, qui ferait beaucoup de bruit, si, parallèlement, on ne fait pas les efforts de vraiment travailler un meilleur contrôle de l'âge, une vérification parentale, par exemple. Et j'aime beaucoup l'approche de la France de parler d'une approche progressive où on peut permettre l'accès aux réseaux sociaux à un certain âge, mais des réseaux sociaux qui sont reconnus comme étant éthiques. Ça, c'est quand même bien, dire : On ne veut pas limiter l'accès aux réseaux sociaux, mais, si vous n'atteignez pas les standards éthiques, c'est non.

Bon, tu sais, il peut y avoir des choses comme ça qui sont discutées, où est-ce que... Le seul petit bémol, de les restreindre avant l'âge de 16 ans, bien, un, je pense qu'on a de la misère à l'appliquer en bas de 13 ans, donc je ne vois pas trop pourquoi on serait capables en bas de 16 ans, là. C'est quand même un gros bémol. Mais le deuxième, c'est qu'il y a... Quand on parle des effets positifs, je... On parlait des enfants avec des besoins particuliers, d'une part, mais je pense aussi à tous ces jeunes-là qui... bien, par exemple, issus de la communauté LGBTQ+ ou des jeunes en milieu un peu plus isolé ou qui ont... qui partagent un intérêt très spécifique, qui n'est peut-être pas si présent dans leur communauté, et qui auraient le goût de pouvoir être en réseau avec d'autres personnes. Donc, il y a quand même cet aspect-là, de bris d'isolement puis de connexion, d'un sentiment d'appartenance à une communauté, qui peut être très intéressant, surtout chez des jeunes qui sont un peu plus marginalisés, qui ont peut-être plus de difficultés, pour différentes raisons, à établir ce lien-là à partir de ce qui est déjà disponible dans leur communauté. Donc, il y a peut-être là, moi, qu'en y repensant bien ça me bloquait un peu.

Donc, c'est sûr que, dans un monde idéal, on obligerait les réseaux sociaux et les jeux vidéo à être éthiques, et, oui, je pense que... Est-ce qu'il faut absolument y aller par la coercition? Je ne le sais pas, mais d'encourager le plus possible... de retarder l'âge de l'initiation par des pratiques un petit peu plus douces, par des alternatives... Tu sais, c'est sûr, je ne le sais pas pour ceux qui sont parents dans la salle, mais une soirée où on a un espace, une cour d'école disponible, avec des terrains de basket, puis que les jeunes peuvent jouer dehors, puis, après ça, qu'ils ont accès à un cours x, y pas trop cher, peut-être même, qui sait, gratuit ou presque, offert par le centre communautaire, ou la ville, ou le quartier, puis ça passe vite, là, une soirée, puis là, ni vu ni connu, il est rendu 8 heures, c'est l'heure d'aller faire dodo, puis, tout au plus, vous aurez un 10, 15 minutes d'écran, là, comme on appelle... mais c'est sûr que, si on n'a pas d'espace pour meubler les soirées, le temps à l'école...

Donc, je pense vraiment qu'on n'a pas tout fait ça puis je me demande si c'est légitimé d'aller vers des mesures très coercitives sans avoir essayé les autres mesures. Je ne dis pas que je suis convaincue, mais j'ai quand même des questionnements par rapport à ça.

Mme Cadet : Oui, et puis c'est une bonne transition vers la prochaine question que j'avais, parce que, là, vous parlez, donc, des alternatives, donc, d'offrir, donc, autre chose aux jeunes, aux familles, parce que, si on les prive d'écrans, bien, il faut qu'ils soient capables, donc, d'avoir donc du temps de divertissement hors écran. On a aussi... On a beaucoup entendu parler, donc, des disparités entre les milieux favorisés et les milieux défavorisés, là. Donc, nonobstant le fait que les environnements favorisés ont plus accès aux écrans de manière encadrée, donc, à l'école, on nous a répété que c'était surtout les jeunes issus des milieux défavorisés qui avaient, donc, des hauts taux, donc, de nombre d'heures passées devant les écrans. Peut-être, donc, vous entendre sur les solutions ou les méthodes, donc, de sensibilisation par rapport à ces effets-là.

Mme Généreux (Mélissa) : Puis là vous m'excuserez, hein, je fais toujours attention parce que je ne veux pas avoir un discours qui est péjoratif ou stigmatisant, pas du tout, c'est vraiment plus d'un point de vue épidémiologique, là, quand on regarde des grandes masses de personnes, oui, effectivement, on voit les écarts qui commencent déjà à se pointer selon le niveau socio-économique. Donc, c'est là que...

Si je fais un exemple, on reçoit beaucoup, comme parents, de courriels de l'école, puis moi, je suis beaucoup en relation avec les milieux scolaires dans le cadre de mon travail, puis, souvent, ce qu'on nous dit des milieux scolaires, c'est qu'ils notent un désengagement assez important des parents. Ils ont remarqué ça depuis quelques années. La pandémie encore semble avoir exacerbé ça, mais ce n'est peut-être pas juste expliqué par ça.

Bref, les parents, comment on les sensibilise? On leur envoie un courriel, c'est ça? Le courriel, est-ce qu'ils vont vraiment le lire? On les invite à une conférence? Moi, les milieux scolaires me disent souvent que, oui, des fois, une conférence ou deux vont être plus populaires que les autres, mais c'est souvent, quand même, le même bassin de parents qui va se déplacer, puis souvent les parents qui en avaient peut-être un peu moins besoin à la base, tu sais, les parents qui sont... déjà tendance à être très au courant des ressources, d'aller en ligne, qui connaissent le site Pause, le site CIEL. Vous voyez un peu ce que je veux dire?

Donc, je pense vraiment que les méthodes de sensibilisation qui passent par outiller les parents, outiller les jeunes, il faut le faire, mais on ne doit pas s'attendre à ce que ça ait la même efficacité si ça ne vient pas avec d'autres mesures, tu sais. Puis c'est là que je trouve ça très dommage, mais la famille qui, par exemple, a de la misère à joindre les deux bouts parce que le logement coûte trop cher, l'épicerie coûte trop cher, qu'ils doivent faire plus de travail, qui ont peut-être deux jobs en même temps, qui sont plus occupés le soir, qui sont épuisés, je ne sais trop, ça se pourrait que ça soit facilitant de dire : Regarde, je vais laisser mon jeune sur l'écran parce que, pendant ce temps-là, ça me donne le temps de souffler, ou d'aller faire mon autre travail, ou je ne sais trop.

Donc, c'est là que d'avoir un environnement favorable, un quartier où est-ce qu'il y a de la verdure, où est-ce qu'il y a des activités, où est-ce que c'est sécuritaire d'aller jouer dans la rue, où est-ce qu'il y a une vie communautaire, ça peut faire toute la différence pour un jeune qui va, du coup, avoir du temps de libre et pouvoir aller occuper ce temps libre là d'une façon plus... tu sais, à travers la nature, le sport, le contact social, aller au parc, et tout ça. Mais, comme, malheureusement, on le sait, en ce moment, il y a quand même des grandes inégalités. En termes de qualité d'environnement favorable, c'est souvent, encore une fois, dans les quartiers les plus favorisés qu'on va avoir des beaux terrains de basketball, des beaux espaces verts, des belles activités sociales, des fêtes de quartier, et tout.

Donc, je sais que c'est gros, ce qu'on dit, mais je pense que, si on pouvait se donner les moyens d'investir davantage dans des alternatives sans écran qui, par ailleurs, sont bonnes pour promouvoir l'activité physique, la santé mentale, ça a juste des cobénéfices à peu près sur tous les aspects du bien-être des jeunes et, en plus, ça donne un coup de pouce pour la déconnexion numérique.

• (16 h 10) •

Mme Cadet : Une dernière question de mon côté. Bien, justement, sur la thématique des parents, une autre corrélation qu'on voit, donc, c'est le... qui est dans un... d'un tout autre ordre, là, c'est le nombre de temps passé... récréatif, donc, passé, donc, par les parents devant l'écran, comparativement à celui des jeunes. Donc, ce qu'on entend, c'est que les parents qui passent beaucoup de temps récréatif devant les écrans, donc, il y a plus de chances que leurs jeunes aussi le fassent. Donc, on parlait, donc, de sensibilisation, mais comment est-ce qu'on peut outiller la population par rapport à ce phénomène-là que... je pense, qui n'est pas tout à fait connu non plus?

Mme Généreux (Mélissa) : Bien, très important, puis c'est bon, parce qu'avec vos questions ça me permet d'adresser des choses que je n'ai pas pu dire en 10 minutes, mais j'ai beaucoup aussi consulté mes collègues de santé publique, là. Donc, ce que je vous dis, ça ne vient pas juste de ma vision, mais on s'entend tous pour dire que... du moins, les personnes que j'ai consultées, qu'il faut y aller par une approche un peu plus de parcours de vie, là. Ce n'est pas entre 12 puis 17 ans, là, que le problème des écrans... ou entre 12 et 25 ans que le problème des écrans survient, c'est probablement dès la naissance et ensuite jusqu'à un certain âge.

Bon, rendu à un âge un peu plus avancé, il y a des générations qui ont moins baigné là-dedans, puis c'est peut-être moins un réflexe, un automatisme d'y aller, mais on voit que la qualité, même, mère ou père-enfant dès la naissance... Tu sais, quand on voit des coussins d'allaitement qui existent, où il y a un espace pour déposer le cellulaire, comme ça, c'est moins long d'allaiter, je peux scroller les réseaux sociaux en même temps, c'est problématique. Donc, c'est du précieux temps... On appelle ça un peu la technoférence, là, tu sais, l'interférence entre la technologie puis la qualité de la relation qu'un parent peut entretenir avec son enfant.

Donc, oui, c'est superimportant d'avoir ça en tête sur... dès les petits bébés, les CPE, les tout-petits, ensuite primaire, secondaire, les jeunes adultes, la transition vers leur rôle de parents. La seule petite chose, quand même, je pense qu'il faut faire attention, c'est qu'encore une fois je trouve que ce serait franchement facile de... Autant qu'on a pu dire que, ah! les jeunes, on va les sensibiliser, puis, s'ils comprennent bien les risques, ils vont faire plus attention... Tu sais, en tout cas, je trouve ça un peu simple comme façon de penser.

C'est un peu la même chose pour les parents. Tu sais, si... Je pense que la plupart des parents commencent quand même à être conscientisés sur le fait que ce n'est pas idéal de passer beaucoup de temps devant les écrans, mais c'est plus compliqué que ça. Tu sais, s'il suffisait de dire aux gens : Vous savez, ce n'est pas très bon pour la santé, ce que vous faites, il n'y a plus grand monde qui mangerait de malbouffe. Tout le monde ferait plein d'activité physique. On ne boirait plus d'alcool. Tu sais, je serais au chômage, là, je n'aurais plus de job de médecin de santé publique, parce tout le monde irait bien, tout le monde serait en santé.

Donc, ce que je veux dire, c'est qu'on ne peut pas mettre le fardeau uniquement sur les épaules des jeunes et des parents. Les parents, aussi, compétitionnent contre une industrie vorace qui fait tout pour rendre leurs jeunes accros. Donc, c'est là que je vous dis qu'il faut qu'il y ait une cohérence d'effort qui est distribuée à plusieurs niveaux et pas seulement sur les épaules des parents et des jeunes.

Mme Cadet : Merci beaucoup, Dre Généreux.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de Joliette.

M. St-Louis : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Dre Généreux, content de vous recevoir, merci d'être là pour nous.

Je vais retoucher un point qui a déjà été discuté, en fait, la question de ma collègue députée de Châteauguay, qui touchait les écrans, parce qu'on parle beaucoup du contenu puis on parle du temps d'écran, mais, pour moi, le temps d'écran est relié directement au médium, le médium étant les fameux écrans bleus. Il y en a partout. Là, il y en a maintenant... Il y a des écrans tactiles dans nos voitures. Il y en a sur... Je viens d'acheter une cuisinière, puis, mon Dieu! c'est quasiment plus gros que la télévision que j'avais quand j'étais jeune. Les téléviseurs ont 65 pouces maintenant. Il y en a partout, partout, puis je n'ai pas l'impression que ça va aller en diminuant, au contraire, la technologie.

Et puis, bon, bien, ceux qui souffrent de dépression saisonnière le savent, là, la luminosité affecte certaines personnes, en fait, affecte tout le monde, mais à différents niveaux. On a reçu une psychiatre en début de semaine qui parlait de déréglementation de neurotransmetteurs, dont, bon, la mélatonine, la dopamine... la dopamine pour d'autres raisons, puis c'est même elle qui suggérait, là, le jeûne de quatre semaines pour faire une espèce de «reset». Je me dis : On ne peut pas passer notre temps à faire du jeûne en alternance pour réguler notre cerveau, puis vous en pensez quoi? On s'en va où vers ça... Il y a un changement de société, puis vous êtes à même... vous êtes en santé publique, vous êtes... les deux mains dedans au quotidien.

Mme Généreux (Mélissa) : Bien, c'est sûr, tu sais, qu'il faut avoir des approches pour les jeunes ou les moins jeunes qui développent une utilisation problématique. Tu sais, ça, c'est... Il va toujours en falloir, mais est-ce qu'on doit se dire que c'est ça, la solution à tout, tu sais, on va les laisser développer un usage problématique puis ensuite... Bien, c'est un peu, vraiment, le parallèle avec les diètes, là, tu sais, l'idéal, c'est de ne pas avoir à entreprendre une diète drastique. Ce n'est pas recommandé, on le sait maintenant. Donc, je ne dis pas... normalement, c'est d'acquérir des bonnes habitudes, puis d'entretenir un certain équilibre dans notre alimentation, puis, oui, ça ne veut pas dire de manger parfaitement tout le temps, ça veut dire d'être capable de se payer des petites différences, des aliments moins santé une fois de temps en temps, mais d'apprécier aussi les aliments qui sont plus santé.

Donc, je pense, c'est un peu la même chose... Tu sais, c'est vers ça qu'on doit tendre pour les écrans. C'est correct, tu sais, c'est vrai que, sur le coup, ça libère de la dopamine puis ça fait du bien, là, les écrans. Sur le coup, c'est vrai, ça le fait, il y a quelque chose de... On a l'impression que ça fait du bien parce que ça vient surstimuler notre circuit de récompense, puis là ça libère de la dopamine, puis on dit : Ah! tu sais, je me sens bien. Tu sais, à coup de 10, 15 minutes ici et là, si c'est ce qui détend les gens, c'est correct, mais ce qu'on veut, c'est les amener à dire... Il y a d'autres choses aussi qui peuvent te détendre... puis qu'il y a probablement quelque chose de beaucoup... un impact plus profond, tu sais, tu te sens un peu stressé, la pleine conscience, des exercices de respiration, ça peut être d'aller faire une course à pied dehors, de... et il y a plein de moyens, là, pour se ressourcer, aller profiter de la luminosité, comme vous dites, naturelle.

Donc, il existe des centaines, si ce n'est pas des milliers de moyens qui ne sont pas numériques pour aller chercher cette dopamine-là, ce sentiment d'apaisement aussi, tout dépendant de l'activité qu'on fait, puis qui vont avoir d'autres bienfaits beaucoup plus importants puis plus durables que les écrans. Donc, oui, je pense que de réfléchir à ça... Tu sais, moi, je pense juste aux salles d'attente dans les hôpitaux, les cliniques, dentistes, peu importe, là, il y a des écrans partout, où, souvent... puis il n'y a pas beaucoup d'alternatives. Ça fait que, si vous allez... ou, sinon, vous allez avoir votre écran avec vous, bien, votre cellulaire, là, puis là, bien, les enfants vont dire : C'est long, c'est plate, puis il n'y a pas de jeux, il y n'a rien d'autre à faire. Donc, on finit par dire : Bien, regarde la télévision ou, tiens, je vais te donner le iPad, le cellulaire. Déjà là, c'est peut-être une demi-heure, une heure, des fois, qui sait, ça peut être long quand on attend chez... à la clinique.

Donc, tu sais, cette culture-là de... Est-ce qu'on est capables... Aussi, j'aimais bien, dans le rapport français, cette culture-là d'accepter qu'un petit, là, des fois, ça pleure puis ça prend de l'espace, ça fait du bruit dans un espace public, parce que c'est sûr que la meilleure façon d'avoir un petit tranquille, c'est de lui donner un écran dans les mains puis il ne fera pas un bruit, je vous le garantis, mais est-ce que c'est correct, ou on n'est pas capables d'accepter que, bien oui, à l'épicerie, dans les espaces publics, il bouge un peu, il brasse les affaires, mais, au moins, il s'amuse, il explore puis il est en train de développer son langage, son aspect socioaffectif de façon beaucoup plus positive qu'en le mettant sur un écran? Mais je ne dis pas ça péjorativement, là, j'ai déjà mis mes enfants sur un écran, tu sais, je fais juste dire... mais j'essaie de moins en moins le faire parce je vois qu'il y a moins d'avantages à le faire.

M. St-Louis : Je vous remercie. J'essaie, depuis une semaine, d'obtenir un chiffre magique d'un nombre d'heures par jour qui serait sain. Comme les cigarettes... trois cigarettes par jour, on sait que ce n'est pas... un paquet, ça ne marche pas, mais, non... Bien, merci infiniment.

• (16 h 20) •

Mme Généreux (Mélissa) : Non, mais c'est... le temps d'écran, il faut faire vraiment attention. Méfiez-vous de quelqu'un qui va vous donner un chiffre précis parce que c'est exactement dans les zones, un peu, d'incertitude qu'on a, là, mais je ne pense pas qu'il y a un seuil... Tu sais, ce n'est pas... Ce n'est pas un effet cancérigène que, à partir d'une certaine quantité, c'est dans... Ce n'est pas comme ça que ça fonctionne, là, tu sais, puis, comme je dis, c'est plus que du temps, c'est la nature de ce à quoi on est exposés, le contexte, et tout ça.

La Présidente (Mme Dionne) : Le loisir versus le pédagogique, ça, c'est aussi la question, le contenu qu'on consomme. Merci beaucoup, Dre Généreux. Ça a été un plaisir de vous recevoir ici, en commission. Merci pour votre contribution.

Alors, pour ma part, eh bien, je... La commission ajourne ses travaux jusqu'au mardi 24 septembre, 9 h 45. Alors je vous souhaite une très belle fin de journée à tous.

(Fin de la séance à 16 h 21)

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