(Quatorze heures)
La Présidente (Mme Dionne) : Alors,
bon lundi à tous et à tous. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de
la commission spéciale sur les écrans... l'impact... les impacts des écrans et
des réseaux sociaux sur la santé et le développement des jeunes ouverte.
Donc, je vous souhaite la bienvenue et je
demande de fermer vos cellulaires pour ceux et celles qui... pour lesquels ils
seraient encore ouverts.
Donc, la commission spéciale est réunie afin de
poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur les
impacts des écrans et des réseaux sociaux sur la santé des jeunes.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire : Non, Mme la
Présidente.
La
Présidente (Mme Dionne) : Donc, nous entendrons cet après-midi
Mme Catherine L'Ecuyer... voyons, pardon, chercheuse, consultante,
conférencière et autrice, la Dre Victoria Dunckley, physicienne et
psychiatre, Mme Caroline Fitzpatrick, professeure associée à la Faculté
d'éducation de l'Université de Sherbrooke, Option Consommateurs et finalement,
pour terminer cette commission, la Fédération des centres de services scolaires
du Québec.
Auditions (suite)
Donc, dans un premier temps, je souhaite la
bienvenue à Mme L'Ecuyer, qui est avec nous ici cet après-midi en
visioconférence. Donc, je vous rappelle, Mme L'Ecuyer, que vous disposez de
10 minutes pour nous faire votre exposé, vous pourriez peut-être vous
présenter aussi en entrée de jeu, et, par la suite, nous procéderons à une
séance de questions avec tous les membres de la commission. Donc, la parole est
à vous.
Mme Catherine
L'Ecuyer
Mme L'Ecuyer (Catherine) : Merci. Je
vous remercie. Catherine L'Ecuyer. J'ai un doctorat en éducation et
psychologie. Je suis avocate. J'ai travaillé dans une entreprise de
communication, Microcell, Fido, pendant... pendant quelque temps à Montréal.
J'ai ensuite fait des études en éducation et psychologie. Et je demeure à
Madrid. Donc, mon français est un peu rouillé, là. J'espère que ça va se
comprendre.
Donc, je commence. Bien, en fait, je... Tout
d'abord, je tiens à vous remercier de créer cette commission qui a pour but
d'aborder une question aussi importante que celle de l'impact des écrans et des
réseaux sociaux sur les enfants et les adolescents.
Pour comprendre comment la technologie affecte
nos enfants, il est important de comprendre comment nos enfants apprend...
apprennent, comment ils apprennent et ce qui est réellement nécessaire à chaque
étape de leur développement. Donc, c'est
important de comprendre... on pourrait les appeler, peut-être, les lois
naturelles de l'enfant. Montessori dit d'ailleurs : Lorsque
l'enfant montre un comportement inattendu, qui nous déplaît, l'adulte arrive rarement à la conclusion que ce comportement est
un cri, une protestation de la nature parce qu'on a imposé à l'enfant quelque chose qui va à l'encontre de sa dignité ou
qu'il a été privé de quelque chose d'essentiel pour son développement.
Alors,
comment les enfants apprennent-ils? Donc, entre zéro à six ans, les enfants
apprennent de deux façons :
premièrement par le biais des expériences sensorielles de qualité adaptées à
leur rythme interne et deuxièmement par
le biais des interactions personnelles avec leurs parents, comme le Dr Chicoine
dirait, leurs figures d'attachement.
De zéro à six ans, la pensée abstraite de
l'enfant se développe. Donc, c'est la raison pour laquelle les enfants
n'apprennent pas via un écran. En fait, la littérature pédiatrique parle
d'ailleurs, là, de... on parle de l'effet déficitaire de la vidéo sur
l'apprentissage. Cet enfant... Cet effet, pardon, décrit la difficulté qu'a un
enfant à traduire une image en deux dimensions, donc une image en ligne, sur un
plan en trois dimensions, donc dans le monde réel. En autres termes, lorsqu'un
enfant vit une expérience virtuelle, on pourrait parler d'un déficit
d'apprentissage.
La littérature pédiatrique parle également de
l'effet déplacement. Donc, en quoi consiste cet effet? C'est l'idée, on
pourrait dire en langage des affaires, là, du coût d'opportunité. Donc, il ne
suffit pas de dire que quelque chose n'est
pas... ne fait pas trop mal ou n'est pas trop bon. Une journée dure
24 heures, et ce que les enfants consacrent à des activités... à
des activités qui ne contribuent pas à leur bon développement, bien, on
pourrait dire que c'est du temps perdu pour leur bon développement. On ne doit
pas oublier, là, que les premières années du développement de l'enfant sont des
étapes critiques, notamment pour le développement neurologique. Vous allez
peut-être vous rendre compte que je fais beaucoup de... Je parle surtout de la
première enfance parce que c'est l'étape où je suis plus spécialiste, là. Donc,
je ne vais pas rentrer sur la question de l'adolescence.
En effet, la littérature
scientifique souligne une série d'inconvénients lorsqu'un enfant est exposé à
un écran dès son plus jeune âge. Donc, on
peut parler, entre autres, de l'impulsivité, l'inattention, la perte
d'attention, la diminution du
vocabulaire, entre autres. C'est la raison pour laquelle, d'ailleurs,
l'Académie américaine de pédiatrie recommande zéro temps d'écran pour les zéro à deux ans et moins d'une heure
par jour pour le segment de deux à cinq ans. L'association
canadienne de pédiatrie arrive aux mêmes conclusions et affirme
clairement : «Aucune preuve — et ça, c'est une citation que je trouve
très intéressante — ne
soutient l'introduction des technologies chez l'enfant.»
Ces recommandations ne sont pas des
recommandations, des suggestions ou des conseils pédagogiques. On pourrait parler... En fait, ce sont des
recommandations de santé publique. Les critères éducatifs devraient être
beaucoup plus restrictifs puisque ce qu'on cherche dans l'éducation, ce n'est
pas d'éviter le mal, mais de viser à l'excellence. Par conséquent, une école
qui aurait des écrans dans ses classes préscolaires ne serait pas une école de
qualité. L'utilisation des écrans devait donc... devrait donc être interdite à
ce stage, même les réseaux sociaux, tout ce qui est associé avec l'écran,
puisqu'on parle d'un enjeu de santé publique.
Pourquoi, alors qu'il s'agit d'un enjeu de santé
publique, l'opinion générale était-elle réfractaire à ce discours jusqu'à il y
a quelques mois, on pourrait dire quelques mois après la pandémie? Parce que
nous sommes confrontés, on pourrait dire, à l'une des industries les plus puissantes
de notre époque, qui dispose de budgets illimités pour nous faire penser que
ces produits contribuent au bon développement de nos enfants. Réalité
numérique, santé numérique, enfant
numérique, brèche numérique, avenir numérique, compétences numériques, ils ont
su introduire dans notre langage quotidien des manières de comprendre le
monde qui ont changé notre mentalité et qui nous ont fait considérer leurs
produits comme un facteur essentiel et incontournable pour l'être humain.
Les entreprises technologiques, qu'elles vendent
des appareils, des applications ou des plateformes Web, n'ont pas pour mission de fournir des appareils, des plateformes ou des
contenus à leurs utilisateurs ou à leurs clients. On pourrait dire
plutôt que leur mission est de capter l'attention des utilisateurs ou de leurs
clients pour vendre ce temps d'attention aux entreprises qui sponsorisent leurs
contenus. Pour ce faire, ils embauchent les esprits les plus brillants,
psychologues, ingénieurs, qui savent intégrer des améliorations technologiques,
par exemple le scroll infini ou des contenus addictifs, pour retenir le plus
longtemps possible l'attention en ligne de leurs utilisateurs.
Pour donner des bons résultats en bourse, ces
entreprises doivent augmenter leur clientèle en intégrant des comptes de
mineurs et en vendant des données à des tiers. Comme disait Milton Friedman,
l'une des icônes bien connues du capitalisme, la responsabilité de l'exécutif
est de diriger les affaires conformément aux souhaits de ses actionnaires, ce qui consiste généralement à
gagner le plus d'argent possible tout en respectant les lois et les
coutumes. En d'autres termes, les dirigeants
de ces sociétés ont l'obligation par la loi de faire passer les intérêts de
leurs actionnaires avant ceux des enfants, et les seules limites à cette
logique sauvage, on pourrait dire, sont les lois que vous édictez pour protéger
les enfants, qui sont les plus vulnérables.
Par conséquent, penser que la solution réside
dans ce qu'on parle... Je ne sais pas, au Québec, si on parle de ça, parce que
je ne suis pas très présente dans les nouvelles québécoises, je vous avoue, là,
mais, en Espagne, on parle souvent d'autorégulation de l'industrie et dans...
et on parle de l'exercice de sa responsabilité sociale, mais je pense que c'est
tout à fait naïf et ce serait ignorer complètement l'abc de la logique
commerciale.
C'est cette même industrie, d'ailleurs, qui
consacre plusieurs millions aux budgets de marketing sous la bannière de la
responsabilité sociale des entreprises et qui finance une grande partie de la
recherche sur ces produits, donne des
traitements de faveur à certains directeurs d'école avec des invitations et des
cadeaux, finance des recherches universitaires sur des sujets susceptibles
d'avoir un impact sur leur modèle d'affaires et sur la réglementation de leurs activités, comme la protection des données.
Elle sponsorise également de plusieurs... de nombreuses conférences dans
des congrès pédagogiques, donne des
récompenses pour les enseignants, paie les honoraires des intervenants dans
des conférences destinées aux
enseignements... aux enseignants, pardon, et elle donne aussi des titres
fictifs aux enseignants qui utilisent des produits en classe pour les
établir comme des experts, des titres qui, selon moi, n'ont pas de base
objective, là, «distinguished educators», je ne sais pas si ça vous dit quelque
chose, ou des titres du genre, et investissent aussi dans des publicités qui
représentent un pourcentage important des revenus... de leurs revenus.
Donc, je pense qu'il est bien temps de mettre de
l'ordre dans tout ça. Dans un conflit d'intérêts évident, tous ceux qui
reçoivent des avantages des entreprises technologiques étalent un visage amical
et évidemment parlent un langage qui est très... on pourrait dire, par leur
langage, donc : santé numérique, usage responsable, la technologie est
neutre, ça dépend de la façon dont on l'utilise... et souvent restent
silencieux sur les inconvénients de leurs produits.
• (14 h 10) •
Donc, je ne sais pas c'est quoi, la situation au
Québec. Je vous répète, là, je ne suis pas très présente, mais ici, en Espagne,
on parle du dilemme interdire ou ne pas interdire. Donc, selon moi, c'est un
dilemme qui est simpliste et qui ne répond pas au problème fondamental. Donc,
il ne s'agit pas de débattre d'interdire ou non quelque chose aux enfants ni de
commencer à lancer... Je ne sais pas, ici, c'est l'arsenal politique de lutte
entre les positions conservatrices et progressistes. Je pense que ce n'est pas ni
progressiste ni conservateur de laisser les enfants faire ce que l'industrie
les incite à faire ou de laisser les lois du marché passer avant les intérêts
de l'enfant. Il s'agit de protéger les enfants d'une industrie dont les
intérêts ne coïncident pas avec ce qu'exige leur nature. Donc, laisser les
entreprises technologiques décider de ce qui doit ou non entrer dans une salle
de classe ou dans une cantine, ce serait comme confier à Pizza Hut le soin de
préparer le menu des cantines scolaires.
Donc, quelle serait la solution? Est-ce que...
La solution se résume-t-elle à faire d'Internet un endroit plus sûr, plus
sécuritaire? Encore une fois, je pense que nous sommes au niveau des approches
simplistes. Bien sûr, on doit essayer de
faire d'Internet un endroit sécuritaire, mais je pense que... parce qu'Internet
c'est un endroit merveilleux où un esprit éduqué en mode analogique peut
trouver des trésors, on pourrait dire, mais les efforts des entreprises technologiques pour tenter de nettoyer Internet ne peuvent
pas rassurer les parents en leur offrant une fausse sécurité. Je pense qu'on
doit être réalistes. Internet ne sera jamais un endroit totalement sûr pour un
esprit encore immature. Nos enfants ont un esprit immature.
Donc, pour toutes ces raisons, et c'est
difficile pour moi de résumer tout ce que je veux dire en 10 minutes, je
pense que, et c'est toujours ce que j'ai défendu depuis 2012, la meilleure
préparation pour le monde on-line, le monde en ligne, c'est le monde «offline»,
c'est le monde... c'est le vrai monde. Le monde, c'est la réalité analogique.
Donc, je suis prête pour écouter vos questions.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup, Mme L'Ecuyer. Alors, qu'on soit en Espagne, qu'on soit au Québec, je
pense qu'on se pose les mêmes questions, alors, oui, interdire ou ne pas
interdire. Maintenant, c'est ce à quoi la commission va servir, d'une part,
c'est de se documenter et d'entendre les experts comme vous, là, nous parler
des effets des écrans. Alors, voici où nous en sommes. Est-ce que j'ai un
membre qui souhaite débuter la période des questions? Députée de Hull.
Mme Tremblay : Alors, bonjour. Merci
pour cette présentation. Vous avez terminé, puis je suis un peu restée... Je voudrais aller un petit peu plus
loin. Il ne s'agit pas... pour préparer le monde, mais il faut préparer le
monde «offline». Vous avez terminé sur cette
phrase. Alors, qu'est-ce qu'il faut faire? Quels sont les moyens d'action que
l'on doit poser pour mieux préparer le monde «offline», comme vous l'avez dit?
Vous ne l'avez pas beaucoup détaillé, mais j'aimerais ça vous entendre
davantage sur cela.
Mme L'Ecuyer (Catherine) : Oui,
bien, ce n'est pas... En fait, c'est préparer l'enfant pour être capable de
gérer le monde on-line, mais cette préparation doit avoir lieu dans
l'«offline». C'est ce que je voulais dire. Je ne sais pas si j'ai bien expliqué ce que je voulais dire, mais c'est ça que je
voulais dire. Donc, la meilleure préparation pour être dans le monde
on-line, c'est être dans le monde «offline», c'est en étant dans le monde
«offline».
En quoi ça consiste? Bien, en fait, il y a
plusieurs façons de le faire, là. La première chose, je vous dirais, c'est
impossible de transmettre à un enfant le sens de l'intimité et du privé si cet
enfant-là a un dispositif ou un appareil numérique dans ses mains avec... six,
sept, ou 12 ans, ou 16 ans, même. Donc, c'est important que l'enfant
comprenne en quoi consiste l'intimité personnelle, la pudeur, le sens du privé,
le sens du public, c'est quoi qu'on partage, c'est quoi qu'on ne partage pas,
et ça, ça se développe dans le monde... dans le vrai monde. Donc, c'est pour ça
que je dis que la meilleure façon, c'est de retracer, c'est... comment qu'on
dit en français, ce serait d'attendre pour donner un dispositif à l'enfant le
plus tard possible.
Une autre chose qui doit aussi... Par exemple,
un enfant sur Internet... En fait, on pourrait parler du point de vue des...
neurologique, là, les fonctions exécutives, par exemple. Une d'elles, c'est
d'être capable de gérer les stimuli, donc de dire non, de dire oui, mais, pour
être capable de dire non, pour dire... pour être capable de dire oui à quelque chose qui se présente devant nous sur un
écran, l'enfant doit avoir plusieurs qualités. La première qualité, il
doit être capable de dire non aux stimuli.
Donc, c'est la... on dit «inhibition» en anglais, je ne sais pas en français,
la capacité d'inhibition, là. Et la
deuxième, c'est être capable de reconnaître ce qui est intéressant, ce qui est
pertinent pour l'enfant.
Donc, dans ce
sens-là, je vais vous... je vais vous raconter une histoire rapide. Ils ont
fait une étude, à l'université de Stanford il y a quelques années, et
ils ont comparé deux groupes d'étudiants. Donc, il y avait un groupe
d'étudiants qui faisait de la multitâche technologique intense et un autre
groupe d'étudiants qui utilisaient les écrans, mais de façon... en séquence,
là, une chose après l'autre. Ils comparaient les deux groupes. Je ne vais pas
vous raconter toute l'étude, c'est un peu long, mais il y avait trois critères.
Donc, un des critères, c'était la mémoire de
travail, un autre, c'était la capacité d'osciller entre les tâches, et le
troisième, c'était la capacité de reconnaître les informations pertinentes pour
pouvoir décider : Qu'est-ce que je fais maintenant? Donc, la conclusion de
l'étude, c'était que les enfants... Les jeunes, pardon, ce n'étaient pas des
enfants, c'étaient des étudiants universitaires, imaginez-vous. Donc, il
disait, le directeur de l'étude, qui s'appelle Clifford Nass, disait que les
jeunes qui faisaient de la multitâche technologique intense étaient tombés en
amour avec la non-pertinence, donc l'«irrelevancy» en anglais, là.
Donc, je ne sais pas si je m'explique, là, mais
une personne qui est constamment en contact avec un dispositif qui la bombarde
de stimuli constamment, donc c'est une personne qui n'est plus capable de
reconnaître ce qui est pertinent et ce qui
n'est pas pertinent. Donc, ça, c'est la capacité de reconnaître ce qui a du
sens, ce qui fait du sens et ce qui est pertinent. C'est quelque chose
qui ne se développe pas en ligne, c'est quelque chose qui se développe dans le
vrai monde quand une personne est consciente de c'est quoi, ma mission vitale,
c'est quoi, mon... c'est quoi qui donne un sens à ma vie ce matin, c'est quoi
ma, mission professionnelle, personnelle et au niveau de ma famille.
Donc, un des problèmes, c'est qu'avant de
développer le sens de la pertinence et le sens de la vie d'un enfant on les
a... on leur a donné ce dispositif technologique qui fait en sorte qu'ils
perdent le sens... Parce que, moi, à une heure du matin, j'ai... je vais avoir
50 ans dans quelques... dans quelques jours, à une heure du matin, je me
retrouve en train de m'intéresser pour la nouvelle du bas ou du pantalon de Michael
Jackson qui a été vendu pour 300 000 $ dans une «auction» de
Christie's, là, et j'ai dit : Qu'est-ce que je suis en train de faire,
d'écouter cette nouvelle-là à une heure du matin, là? Puis j'ai quand même un
certain sens de la pertinence. On peut s'imaginer un enfant de 12 ans ou
de 16 ans qui n'a pas encore développé le sens de la pertinence. Dans le
monde virtuel, c'est vraiment un enfant qui va un peu partout, mais qui n'a pas
de direction puis qui perd le sens de la pertinence.
Mme Tremblay : J'aurais une dernière
question.
La
Présidente (Mme Dionne) : Oui, certainement, Mme la députée.
Mme
Tremblay : Alors, juste en dernière question, vous avez parlé... au
niveau, bien, de la petite enfance, au niveau du préscolaire, donc,
préscolaire, c'est 4-5 ans, maternelle qu'on appelle, puis là vous nous
dites : C'est un enjeu de santé publique. Donc, c'est... ça devrait être
interdit. Donc, les écrans, à cet âge-là... Parce que, là, on dit que c'est
autour d'une heure par jour, mais, dans la classe en tant que telle, à cet
âge-là, pour vous, ça devrait être complètement interdit, peu importe que ça
devienne un outil...
Mme L'Ecuyer
(Catherine) : Oui. En fait, je vais préciser quelque chose que j'ai
peut-être mal expliqué, mais, quand je parle de préscolaire, là, moi, je parle
de zéro à six, donc, parce qu'en Espagne, là, on commence... on parle de
l'école à quatre mois. Donc, c'est peut-être... Le préscolaire, au Québec,
c'est une expression qui est peut-être
consacrée pour parler d'une autre étape, là. Moi, je parlais d'avant l'école
primaire. Donc, je parlais de zéro à cinq. En fait, c'est zéro à six,
là, mais, peut-être, zéro à cinq, c'est mieux, parce que les recommandations
pédiatriques parlent de zéro à cinq, ne parlent pas de zéro à six.
Donc, quand je vous
dis que c'est... une école ne devrait pas avoir d'écrans dans les salles de
classe, vous avez bien raison, vous me
dites : Oui, mais, de deux à cinq, on parle d'une heure, on ne parle pas
de zéro. Donc, moi, ce que je vous rappelle, c'est qu'on parle d'une
heure, mais on ne parle pas d'une heure parce que ça contribue au bon
développement de l'enfant ou parce que l'enfant peut apprendre par le biais de
l'écran. On parle d'une heure parce qu'on parle aux parents, on dit : Ça
ne fait pas trop mal, une heure, mais attention au contenu et souvenez-vous que
ça ne contribue pas à l'apprentissage puis au bon développement.
Donc,
ça, ça veut dire que l'écran, de zéro à cinq ans, n'a pas sa place dans les
salles de classe. Donc, ça a sa place peut-être quand une maman ou un
papa sont en train de donner les bains. Ils ont trois enfants, ils ont deux
mains. Donc, ils ont besoin peut-être de
mettre Dora l'exploratrice pendant qu'ils donnent le bain à leurs
enfants ou l'abeille Maya, là, qu'on écoutait quand on était plus
jeunes, mais ce n'est pas la même chose à l'école parce qu'on n'envoie pas nos enfants à l'école pour qu'ils voient La
petite sirène ou des contenus de Disney. On envoie nos enfants à
l'école pour qu'ils puissent se développer, bien apprendre des choses. Donc, ce
n'est pas les... On pourrait dire que les écrans n'ont pas leur place, de zéro
à cinq ans, dans les écoles.
Une voix :
...
Mme L'Ecuyer (Catherine) :
Est-ce que vous m'entendez? Parce que je pense que le... je ne vous ai pas
entendue... la dernière phrase.
Mme
Tremblay : J'ai dit : Merci beaucoup pour vos réponses.
Mme L'Ecuyer
(Catherine) : Ah! merci à vous.
• (14 h 20) •
La Présidente (Mme Dionne) : Oui,
on vous entend très bien, Mme L'Ecuyer. Mme la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme Cadet : Merci,
Mme la Présidente. Bonjour, Mme L'Ecuyer. Merci beaucoup pour votre plaidoyer
aujourd'hui, très intéressant.
Dans la continuité
des questions de ma collègue, je m'interrogeais, parce que vous vous êtes
effectivement, donc, beaucoup concentrée sur la petite enfance. Vous venez de
préciser zéro à six ans. Vous avez aussi dit : Donc, il faudrait, en fait, comme parents, donner un
dispositif à l'enfant le plus tard possible. Donc, j'aimerais voir... peut-être
vous entendre, donc, sur vos recommandations
passé la petite enfance, parce qu'évidemment, donc, dans la commission spéciale, on s'interroge, donc, aux différentes
étapes, donc, de la vie d'un jeune, la petite enfance, ensuite, bon,
primaire, secondaire, bon, même, donc,
jusqu'à l'âge de 25 ans. Donc, pour vous, comment est-ce que vous voyez le
continuum de recommandations, dépendamment du niveau de maturité du développement
de l'enfant?
Mme L'Ecuyer
(Catherine) : Oui, bien, en fait, c'est une question qui est très
complexe pour le peu de temps qu'on a, mais je vais essayer de répondre à
quelque chose que... Il faut vraiment parler du type de dispositif, de l'âge,
puis il faut parler du contexte aussi. Par exemple, si on parle de... Moi, je
parle de l'école surtout, là, parce que
c'est ma spécialité, là. Je suis spécialiste en théorie éducative. Donc, quand
on parle de l'école primaire, bien, c'est certain que les écrans peuvent
interférer avec l'apprentissage de la lecture et de l'écriture, parce qu'il y a
plusieurs études qui confirment que l'apprentissage de la lecture, l'écriture
doit se faire à la main pour avoir des bons résultats. Donc, on a essayé de le faire à l'écran et sur le... comment qu'on
appelle ça en français, là, le... mais on a été plusieurs...
Moi, je vous le dis,
on est dans une espèce d'expérimentation à grande échelle, c'est aussi simple
que ça, là. L'industrie technologique, quand ils ont rentré les tablettes dans
les salles de classe, il n'y a pas eu de preuve qui a été faite, là... Moi, je
suis avocate, je vous le dis, il y a le fardeau de la preuve, en droit, qui
doit être fait, et le fardeau de la preuve, bien, il est double dans ce cas-là
puis il est sur les épaules des entreprises technologiques. Le premier fardeau
de la preuve, c'est de prouver qu'il y a des effets positifs sur
l'apprentissage de nos jeunes pour chaque étape où est-ce qu'on introduit les tablettes dans les classes. Et le deuxième
fardeau de la preuve, c'est de prouver qu'il n'y a pas d'effet négatif
sur le développement et l'apprentissage des jeunes.
Donc, on est en 2024. Les tablettes ont été
introduites dans les salles de classe à partir... Je vous dirais, en 2017, ça a
commencé... en 2015, ça a commencé à être très fort en Espagne, et on est
toujours en train de réclamer les preuves, et on est
toujours à l'attente... et on ne les a pas. Donc, je pense que ce qu'il y a eu
ici, c'est une espèce de... On a fermé les yeux, on a dit : O.K., on va
rentrer ça dans les classes parce que ça a l'apparence de modernité, de
progrès, et puis là on se rend compte que ça ne fonctionne pas. Les professeurs
se plaignent. Les parents sont déboussolés. Les experts, ils disent :
Bien, on le savait. En fait, moi, je peux vous dire que je le savais parce
qu'en 2015 j'ai écrit un livre sur ce sujet-là puis j'ai dit : Bien, c'est
une erreur dont on va se... on dit repentir, là. Donc, je pense que ça a été
une erreur.
Moi, je pense que, quand... Il n'y a pas d'âge
spécifique où est-ce qu'on peut dire : Une personne est prête. Ça dépend
de chaque personne. Chaque personne a un cycle de maturité différent, mais
c'est sûr qu'avant 16 ou 18 ans... Je sais que c'est presque... c'est un
scandale, ce que je vais vous dire, là, je suis consciente de ça, en Espagne,
c'est assez scandalisant, ce que je dis, mais ça fait depuis 2014 que je le
dis, mais là c'est... je vous avoue que c'est assez moins scandalisant depuis
l'année passée, mais moi, j'ai toujours dit qu'avant 16 ou 18 ans personne
ne devait avoir un smartphone. Donc, je ne pense pas qu'on doit faire une
interdiction légale du gouvernement, là, mais moi, je parle, là, d'une
recommandation éducative.
Donc, je ne pense pas que les parents devraient
acheter un smartphone ou un téléphone intelligent à leurs enfants. Tu sais, il
y a plusieurs choses qui sont interdites, hein? On parle avant... On ne peut
pas acheter de l'alcool, du tabac, de la pornographie avant 18 ans. Bien,
pourquoi est-ce qu'on peut avoir un dispositif qui est tout à fait... qui rend
nos enfants accros avant 18 ans? Donc, moi, je pense que c'est une erreur.
Donc, ça, c'est mon opinion, qui est basée sur la lecture de plusieurs études,
là.
Mme Cadet : Puis là vous parlez du
dispositif. Au Québec, on a beaucoup, donc, un débat sur la majorité numérique,
donc, l'accès à la création de comptes sur les différents réseaux sociaux,
donc, qui pourrait se faire, donc, à travers, donc, différents dispositifs, là,
qu'ils soient la propriété de l'enfant ou pas. Sur cet élément-ci, j'aimerais
vous entendre.
Mme L'Ecuyer (Catherine) : Oui,
bien, moi, je pense qu'on ne devrait pas avoir accès aux réseaux sociaux avant
18 ans. Et ça, je suis complètement certaine et convaincue que ça... On va
finir... Ça va être la même chose que l'industrie de la cigarette, là. On a...
Je veux dire, pendant plusieurs années, des entreprises de cigarettes vendaient
des publicités dans des revues, je pense que
c'était le Medical Journal of New York. Vous pouvez vous imaginer,
pendant plusieurs années, ils ont vendu des
pages complètes de publicité. Donc, je veux dire, ça va prendre du temps, peut-être,
pour qu'on s'en rende compte, mais je pense
qu'un jeune qui est sur les réseaux sociaux avant 18 ans, c'est
destructif. Moi, c'est ma position. Mes enfants, c'est peut-être personnel, là,
mais ils ne sont pas sur les réseaux sociaux, puis j'en ai... j'en ai une qui a
19 ans, et ils ont plusieurs amis, et ça fonctionne tout à fait bien, il
n'y a aucun problème.
Mme Cadet : C'était ça, ma prochaine
question. Est-ce que vous... Bien là, vous dites que ça fonctionne dans votre
cas à vous, mais est-ce que vous pensez que, comme mesure gouvernementale, que
ça peut fonctionner comme interdiction?
Mme L'Ecuyer (Catherine) : Oui. En
fait, il faut faire attention, parce que je suis avocate, donc, je vous avoue qu'il faut faire une grande différence entre
un conseil éducatif mis en place par les parents et une loi qui interdit
quelque chose aux parents. Donc, c'est très délicat, là. Donc, il faut faire
attention. Donc, moi, personnellement, il faudrait que j'y pense un petit peu
plus, là, mais j'ai déjà commencé ma réflexion sur ce sujet-là. Moi, je
n'interdirais pas la vente de téléphones
intelligents aux jeunes ou aux parents ou je ne mettrais pas de sanctions aux
parents qui achètent ça à leurs
jeunes. Je pense que ça fait partie, là, de la liberté d'éducation, que je
défends moi-même. Mais par contre, oui, j'interdirais qu'un enfant soit
sur les réseaux sociaux, parce que c'est différent. Je pense que ce qui est en jeu,
c'est très différent.
Les réseaux sociaux, le problème, et je l'ai
expliqué dans mon exposition, c'est un modèle des affaires qui capte l'attention des enfants. Donc, il y a un
conflit d'intérêts entre les entreprises technologiques et la santé
publique de nos enfants. Donc, je pense que,
oui, le gouvernement, là, devrait prendre des décisions très drastiques puis je
pense que, si le Québec le faisait...
En Europe, on était... Il y avait... Si je me souviens bien, là, la liberté...
La Commission européenne donnait de
14 à 16 ans comme liberté... Les États membres de la Commission
européenne... de... pardon, oui, décidaient eux-mêmes. L'Espagne a
décidé 14 ans en... je pense qu'on était en 2015, et là, récemment, ils
ont décidé de changer pour 16 ans, et
moi, je suis certaine qu'on va arriver à 18 ans. Donc, je pense que
c'est... Il va falloir qu'il y ait un pays ou une province qui soit
pionnière pour prendre cette décision-là, mais ça va être la... ça va être la
décision qui va être prise, je suis certaine, dans cinq ans partout dans le
monde.
Mme Cadet : Merci beaucoup, Mme
L'Ecuyer.
Mme L'Ecuyer (Catherine) : Merci à
vous.
La Présidente (Mme Dionne) : Je
passe maintenant la parole à M. le député de Gaspé.
M. Sainte-Croix : Merci, Mme la
Présidente. Merci, Mme L'Ecuyer, de vous prêter à l'exercice. C'est très
enrichissant comme propos.
Vous faites état,
dans l'une de vos publications, de la vitesse du développement numérique, tant
et si bien qu'on n'arrive même pas à évaluer l'effet qu'ont les outils, les
plateformes sur nos enfants. Ça amène comme problème que,
dans le fond, on n'a pas idée de l'impact sur l'usage, hein, en fonction de la
clientèle qui est ciblée avec le développement numérique. Ceci dit, ça
n'empêche pas les choses d'avancer, ça n'empêche pas des choses de se faire d'un point de vue commercial. Comment
on... Comment on s'outille pour contrer ou, minimalement, encadrer cet
élément-là du développement numérique?
Mme L'Ecuyer
(Catherine) : Bien, c'est vraiment... C'est très intéressant. Je n'ai
pas parlé de ça parce que je n'avais pas le
temps puis je suis contente que vous me posiez la question, mais c'est parce
que, là, on est en... on est en train
de voir, là, une situation à deux vitesses. Donc, d'un côté, on a ce que...
Vous parlez de la situation commerciale des entreprises qui va très vite. Donc, c'est un modèle de... Je ne sais
pas, en français, si on dit obsolescence technologique. Vous me
comprenez? Donc, c'est ça.
Et puis là, d'un
autre côté, on a la recherche, qui est très lente. Donc, je viens... On vient
tout juste de publier un article sur cette question-là, d'ailleurs, Anales
de Pediatria, en espagnol, qui est aussi publié en anglais, là, qui traite
justement de cette question-là. Dans un éditorial de The Lancet, il y a
eu une question... Je pense qu'il y a une jeune fille aux États-Unis qui s'est
suicidée suite à une situation sur les réseaux sociaux, puis, justement,
l'éditeur de The Lancet posait cette question-là, il disait : Bien,
on a un problème, il y a deux vitesses, l'obsolescence technologique d'un côté
puis, d'un autre côté, bien, les lois qui répondent normalement aux conclusions
de la recherche, et la recherche est très
coûteuse et très lente, donc. Puis, je vais vous dire, elle est très lente et
très coûteuse, puis pas seulement ça,
mais, je l'ai dit dans mon exposition, souvent, les entreprises technologiques
donnent de l'argent aux chercheurs.
Donc, ça... Moi,
c'est une des mesures que j'ai proposées ici au gouvernement espagnol. On m'a
posé aussi la question. On m'a demandé, comme experte, de donner une bonne
idée, là, puis une des bonnes idées que je leur ai données, puis,
malheureusement, il y a trop de lobbys, puis ça n'a pas été possible, mais
peut-être qu'au Québec c'est plus facile, ça
serait de demander aux entreprises technologiques de faire ce que les
entreprises pharmaceutiques font aux États-Unis, puis c'est de dire à
qui ils donnent de l'argent.
Donc, il y a une
espèce de... Il y a une base de données, aux États-Unis, où les médecins
doivent dire... Je ne sais pas si c'est les entreprises pharmaceutiques ou les
médecins qui doivent dire à qui ils donnent de l'argent ou de qui ils reçoivent
de l'argent. Je ne me souviens pas, mais, si on pouvait faire ça ici, là, au
Québec, ou en Espagne, ou partout dans le monde... Les entreprises
technologiques donnent beaucoup d'argent aux écoles, donnent de l'argent même à
certains gouvernements, à des entreprises, même à des moyens de communication.
Ici, là, La Presse, souvent, il y a des contenus qui sont
sponsorisés par l'industrie.
• (14 h 30) •
Donc, c'est vraiment
difficile d'arriver à une situation où est-ce qu'on base l'éducation de nos
enfants, autant à la maison comme à l'école, sur les évidences. Quand je parle
d'évidence, là, vous comprenez, «evidence-based education», là, je parle des
preuves, des études. Donc, c'est très important de parler à... Puis là je vous
dirais, tu sais, que la télévision, par exemple, ça nous a pris 20... 10, 20,
30 ans pour savoir c'étaient quoi, les effets, mais la télévision est
arrivée, puis il y a d'autre chose qui est arrivé.
Puis là quand on est
arrivés avec les tablettes, en 2015, Dimitri Christakis, qui était l'expert de
l'Académie américaine de pédiatrie, il a écrit un article qui disait :
Bien, tout ce qu'on a dit sur les recommandations pédiatriques, ça ne vaut
peut-être plus pour les tablettes. Donc, il a posé la question : Est-ce
qu'on doit réviser les recommandations? Bien, évidemment, les recommandations
qui sont... qui ont été publiées en 2018 n'ont pas été révisées, parce que l'effet est aussi nocif, mais ça nous a pris de...
je ne me souviens pas c'était quoi, là, 2011 à... ça a pris plusieurs
années avant d'arriver à la conclusion que les tablettes étaient aussi...
créaient aussi des effets négatifs... que la
télévision. Parce que ce n'est pas passif, par contre, c'est très addictif,
parce que l'enfant, c'est sûr qu'il... mais c'est les algorithmes qui parlent
avec l'enfant. Donc, l'enfant, c'est sûr que ce n'est pas passif, mais c'est
comme si on allait le chercher avec un
stimuli. Donc, c'est pire parce que c'est beaucoup plus addictif. Donc,
l'enfant est beaucoup plus accro sur une tablette que devant la
télévision.
Donc, pour revenir à
votre question, vous avez mis le doigt sur la question. Donc, ici, la question,
c'est vraiment, là, qu'il faut s'assurer de faire des lois pour que les
entreprises technologiques arrêtent de faire de l'argent en utilisant l'argumentation pédagogique, scolaire
et éducative, et on doit les obliger à amener leurs preuves, à faire
leur fardeau de la preuve avant de faire de
l'argent avec ça, parce qu'évidemment... Tu sais, Meta, par exemple, bien,
quand c'était Facebook, on se souvient, les
nouvelles où est-ce qu'ils voulaient, eux, introduire les mineurs sur les
réseaux sociaux, mais ce n'était pas pour que le monde soit plus
intéressant puis pour qu'on se fasse des amis, c'était évidemment...
J'ai travaillé dans
une entreprise de communication. Je vous avoue, tu sais, le modèle d'affaires,
c'est très simple, là, c'est d'avoir plus de clients puis d'avoir plus de
consommation par client. Donc, les enfants, bien, c'est des personnes qui ne
sont pas capables de se réguler, de s'auto, comment on dit en français,
régulariser, là. Donc, la consommation, c'est sans fin. Donc, si on est
capables d'avoir l'enfant avec un téléphone, puis c'est papa ou maman qui paie,
bien, c'est sûr que c'est un modèle d'affaires qui est très lucratif, là.
La Présidente (Mme
Dionne) : Merci beaucoup.
M.
Sainte-Croix : Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme
Dionne) : Je passerais la parole maintenant au député de Marquette.
M.
Ciccone : Bonjour, Mme L'Ecuyer. La
semaine dernière, on a commencé nos travaux, on a eu trois, quatre groupes qui
nous ont interpelés, trois, si je ne m'abuse. Sur trois groupes, il y en a un
qui était complètement à l'opposé sur les
heures d'écran. Moi, j'aimerais vous entendre là-dessus, sur les heures
d'écran. Je sais que vous avez dit que,
de zéro à cinq, six, on ne devrait pas mettre nos jeunes devant des écrans.
Cependant, si on parle du secondaire, si on va plus loin un peu en âge, pour vous, c'est quoi, une heure d'écran?
Est-ce que c'est... On parlait d'outil pédagogique à l'école, par la
suite on parlait de jeux vidéo à la maison, tablettes à la maison, réseaux
sociaux. Et il y a un groupe qui nous
disait : Il faut absolument tout calculer ces heures-là en matière
d'heures d'écran. Un autre groupe nous a dit : Bien, tout ce qui
est pédagogique, il ne faut pas l'inclure dans les heures d'écran, parce que
c'est de l'apprentissage. Moi, j'aimerais vous entendre là-dessus.
Mme L'Ecuyer (Catherine) : En fait,
bien, j'imagine que vous avez vu les statistiques, là, États-Unis, Angleterre,
les heures d'écran, c'étaient sept, huit, neuf, 10; là, c'est rendu 14. Puis
Clifford Nass, il disait : Bien, comment ça peut être 14? Parce que nos
enfants doivent dormir. Parce qu'ils faisaient plusieurs choses en même temps,
là, la multitâches technologique. Donc, eux autres, ce qu'ils faisaient,
c'était qu'ils additionnaient les... Si j'étais
sur un jeu, par exemple, comment on... sur un jeu vidéo, et je faisais mes
devoirs sur l'ordinateur, puis je regardais mes WhatsApp, bien, ils multipliaient par trois l'heure, là. Donc, ce
n'est pas vraiment logique, mais bon. Donc, il y a plusieurs façons de
le calculer.
Moi, je vous dirais que, bien, en fait, moi, je
considère que... Je sais que c'est très, très... c'est un scandale, ce que je
vais dire, là, mais je le dis en 2014, puis je le redis aujourd'hui, puis je
suis certaine que ça va être confirmé, mais les tablettes, ce n'est pas un
outil pédagogique. Donc, ça, c'est un des problèmes, c'est qu'on prend pour
acquis, on tient... on pense que c'est un outil pédagogique, puis c'est la
raison pour laquelle on dit : Bien, ça ne doit pas être compté comme heure
d'écran, parce que c'est un outil pédagogique. Bien, moi, je ne suis pas d'accord.
Moi, je pense que c'est une heure d'écran, ce n'est pas un outil pédagogique.
Puis les heures d'écran, bien, on doit... on doit les accepter, comme parent,
quand ça a un sens, l'enfant est prêt pour être en train de faire ce qu'il est
en train de faire. Puis ça, c'est une question de sens commun. Mais c'est sûr
que le bon sens, là, c'est... c'est difficile, là.
Puis ce n'est pas facile non plus, ce n'est
pas... l'idée, ce n'est pas non plus de faire une loi pour détailler ce qui
doit être un temps d'écran, là, je ne pense pas que ça soit l'idée, mais je
pense que... Je veux dire, moi, j'ai... c'est quoi que je vais faire avec mon
téléphone intelligent? Je vais aller chercher le bus, puis je veux savoir à
quelle heure il passe, puis je veux savoir comment me rendre à tel endroit,
bien, j'ai besoin de mon téléphone intelligent. Bien, ça, c'est un temps
d'écran qui a du sens. Par exemple, bien, je dois appeler une amie parce que
j'ai besoin de lui raconter un de mes... un problème, bien, c'est un temps d'écran
intelligent. Je veux voir un film qui est intéressant, bien, c'est un temps
d'écran... c'est intéressant si tu as une qualité. Donc, je pense que ça, c'est
les parents qui doivent décider ça, si c'est... On parle d'un mineur, là.
Donc, c'est une question complexe, mais c'est
une question qui a... qui fait partie d'une casuistique. Je ne sais pas si j'ai
répondu à votre question, là, mais moi, je suis contre le fait de compter... de
considérer la tablette comme un outil pédagogique. Je pense que c'est peut-être
la partie la plus importante de ma réponse, là.
M.
Ciccone : Est-ce que... dans tout ça, là, est-ce que vous
excluez cependant des jeunes qui ont des problèmes d'apprentissage, des
jeunes qui ont des plans d'intervention où ils utilisent, justement, des
laptops, puis on va mettre Antidote, on va
mettre plusieurs... plusieurs programmes pour les aider à réussir? Est-ce que
vous excluez ces gens-là, ces jeunes-là?
Mme L'Ecuyer (Catherine) : Bien, je
trouve ça intéressant. Je vous avoue que c'est une question que j'ai reçue
souvent puis je réponds toujours avec une question, non une réponse, je
dis : Où est-ce qu'elles sont, les études qui disent qu'un enfant qui a
des problèmes d'apprentissage a des meilleurs résultats par le biais d'un écran?
Il n'y a pas... il n'y a pas d'étude sur cette question-là. C'est ça, le
problème, c'est qu'on est toujours en train de prendre pour acquis une série de
choses qui n'ont pas été prouvées. Donc, où est-ce qu'elles sont, ces
preuves-là?
Il y a plusieurs applications technologiques qui
disent que les enfants qui ont des problèmes de dyslexie... On dit «dyslexie»
en français, c'est ça?
M. Ciccone :
Oui, c'est bon.
Mme L'Ecuyer (Catherine) : Pardon,
c'est parce que j'ai l'espagnol et l'anglais, là, à gauche puis à droite, là. Mais c'est que les enfants qui ont de la
dyslexie ont des problèmes de lecture. Moi, je vous avoue, après avoir
travaillé pendant longtemps avec des écoles
et avoir vu, étudié la situation, je vais même me devancer puis je vais vous
amener une hypothèse, moi, je pense qu'il y
a... la multiplication des cas de dyslexie qu'on voit présentement dans toutes
les écoles, partout dans le monde, ça
a beaucoup à voir avec la méthode d'apprentissage de la lecture, qui est
globale, la méthode globale. La vraie
méthode pour apprendre, là, qui fonctionne, c'est la méthode phonétique, ce
n'est pas la méthode globale. Donc, la méthode globale, souvent, elle
arrive par le biais d'un écran. Donc, je vais vous dire, ici, je pense qu'il
faut prendre deux pas en arrière, là, puis comme mettre en question les
principes qu'on donne... qu'on prend pour acquis.
M. Ciccone : Juste une petite dernière, je peux-tu, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Dionne) : Oui.
Après, je... Oui.
M. Ciccone : O.K., une
petite dernière rapidement. Tantôt vous avez parlé de recherche et des fonds,
là, qui sont... pour certaines industries, qui sont attribués. Puis vous l'avez
dit, là, les tablettes, tout ce qui est la technologie est allé trop vite, ça a
dépassé la recherche. Qu'est-ce que le législateur, le gouvernement peut faire
pour vous aider dans vos recherches, pour que ce soit un peu plus rapide pour
rattraper, si c'est possible?
Mme L'Ecuyer (Catherine) : Oui.
Bien, en fait, je m'excuse, je vais vous répéter ce que j'ai dit avant, mais
je pense que c'est très important, la
transparence au niveau de la «financiation» des recherches. Donc ce n'est pas
normal que — je ne vais pas nommer des entreprises, mais je
pourrais les nommer, là, c'est facile, il y en a quatre ou cinq — que ces entreprises-là sponsorisent ou — on
dit en français «sponsorisent», c'est ça? — ou donnent... commanditent des études sur
ces questions-là. Ça devrait être interdit ou ça devrait être très transparent,
là, la «financiation». Donc, je pense...
• (14 h 40) •
M.
Ciccone : Bien, je ne veux pas vous
couper, mais je parle de la collecte de données. Tantôt, on vous a compris.
Mais c'est au niveau de la collecte de données. Est-ce que le gouvernement peut
faire quelque chose pour la collecte de données?
Mme L'Ecuyer
(Catherine) : Ah oui! Ah! bien oui, bien oui, bien oui.
M.
Ciccone : Bon, c'est ça, je veux vous
entendre là-dessus.
Mme L'Ecuyer
(Catherine) : Oui, oui, oui, la collecte de données. Moi, je pense ici
qu'on parle de 18 ans, puis c'est 18 ans, puis 18 ans, puis
18 ans. Le problème, c'est qu'on a... J'ai d'ailleurs participé à une
conférence avec les procureurs de la couronne ici, en Espagne, et la
présidente, là, ou la directrice de l'agence de protection des données de
l'Espagne, et tout le monde était d'accord, on demande des responsabilités aux
parents pour les méfaits de leurs enfants mineurs, d'une part, et, d'autre
part, on permet aux enfants mineurs, sans le permis des parents, d'être sur les
réseaux sociaux. Donc, c'est un train... c'est un accident de train,
évidemment, c'est une collision annoncée, là. Donc, ici, je pense que ce serait
important, tout ce qui est collection de données, ça ne pourrait pas être
possible avant 18 ans. Donc, ça, c'est une façon aussi de résoudre le
problème de l'accès aux réseaux sociaux.
La Présidente (Mme
Dionne) : Merci, Mme L'Ecuyer. Il nous reste peu de temps, alors je
céderais la parole au député d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc : Merci,
Mme la Présidente. Merci beaucoup pour votre présentation. Très apprécié.
Vous faites une
distinction entre votre souhait de ne pas aller dans l'interdiction de la
machine, donc le cellulaire... Vous en
faites plus une espèce de directive, à la limite, de santé publique ou, du
moins, une recommandation. Mais, à la
réponse à ma collègue, tantôt... à la question de ma collègue sur
l'interdiction des réseaux sociaux, là, vous avez une position beaucoup
plus tranchée en disant : Oui, oui, oui, on interdit. Donc, la fameuse
majorité numérique.
C'est difficilement
applicable, ça, quand même. Là, je sais qu'il y a des pays qui votent des
choses comme ça, la France, notamment, pas loin de chez vous. Comment on
applique ça? Parce que, vous le disiez tantôt, c'est interdit, la pornographie,
etc., mais vous savez comment ça marche, là, vous allez sur un site :
Avez-vous 18 ans? Oui, puis c'est terminé, hein, ça ne demande pas plus
d'information que ça. Puis, à chaque fois qu'on fait un pas dans la direction
«oui, mais peut-être qu'on pourrait demander», là, on bascule dans les données,
les données numériques. Qui les ramasse? Qui
est responsable? L'État? Une société privée? Oh! c'est un vaste... c'est un
vaste sujet.
Ça fait qu'est-ce que
vous, vous avez, comme une piste pour dire : Oui, oui? Ou est-ce que vous
dites : Bien, peut-être que ce serait, à la limite, juste mieux de dire...
un peu comme sur les sites pornographiques, au moins, ça fait une...
minimalement, une certaine barrière symbolique? Au même titre que ce n'est pas
parce qu'on n'a pas 18 ans qu'on ne peut pas prendre un verre d'alcool
fourni par mononcle ou un joint fourni par le grand frère. Je ne parle pas
d'expérience. C'est moi, le grand frère, je n'ai pas fourni de... je n'ai pas
fourni de joint à personne dans ma famille, soyez rassurée. Mais vous comprenez
ce que je veux dire.
Mme L'Ecuyer (Catherine) : Oui,
oui, je comprends ce que vous voulez dire. Je suis avocate, donc je
comprends tout à fait ce que vous voulez dire. Mais, comme vous le savez, les
avocats, vous êtes là... plusieurs avocats, certainement. Mais le droit a
plusieurs... a plusieurs effets, pas seulement d'interdire, mais aussi
d'éduquer. Donc, quand on dit que c'est interdit d'avoir accès aux réseaux
sociaux avant 18 ans, bien, on lance un message. Donc, ce qu'on dit, c'est
que les enfants ne sont pas prêts. Donc, ça, c'est beaucoup, déjà.
Donc là, la deuxième
question, c'est comment on met ça en oeuvre. Donc, je vous comprends puis je
vous avoue que je peux même vous mettre en contact avec la directrice de
l'agence de protection des données ici, en Espagne, qui s'appelle Mar España.
Mar España, c'est une personne incroyable qui a fait beaucoup, beaucoup de
travail sur la question de la protection des mineurs. Et c'est une personne qui
a eu une idée, que je ne peux pas vous expliquer parce que c'est très
technique, mais dans l'agence de protection des données, en Espagne, ils ont
mis en oeuvre un certificat numérique qui fait en sorte que la personne qui
rentre dans un réseau social ou qui est sur les... en ligne doit s'identifier,
donc... puis là il y a comme une espèce de façon de contrôler l'âge. Je ne peux
pas vous raconter en détail parce que je ne suis pas trop au courant de ça,
mais je trouve ça très intéressant.
Ma position, c'est
plutôt qu'ils ne soient pas sur les réseaux sociaux. Mais évidemment qu'il faut
avoir ces mesures-là de contrôle. Donc, s'il
y a quelqu'un qui est intéressé à la commission, qui veut m'envoyer un
courriel, je peux vous donner le
contact de Mar España. Il y a peut-être quelqu'un de son équipe qui peut
communiquer avec vous. Je sais
qu'eux ils sont en
communication avec d'autres gouvernements, avec la Maison-Blanche, ils ont déjà
parlé avec plusieurs gouvernements sur ces questions-là. Mais, si vous
voulez, je serais... ça me ferait plaisir, il n'y a pas de problème.
Et, oui,
c'est sûr qu'une question, c'est interdire l'accès aux réseaux sociaux, puis il
y a une autre question qu'il faut faire
très attention pour que l'État ne soit pas trop un État qui s'ingère dans les
décisions de la famille. Donc, moi, je suis vraiment une défenseure, là,
de la liberté éducative, donc je pense qu'interdire qu'un enfant de 17 ans
ou un jeune de 17 ans ait un téléphone
cellulaire... Bien, un téléphone cellulaire... C'est sûr qu'un téléphone
cellulaire sans Internet, ça existe, d'ailleurs, là, mais un téléphone
avec une connexion Internet, je pense que c'est aller trop loin. Donc, moi... peut-être, on pourrait interdire la vente, mais la
possession, là, d'un téléphone Internet, je pense que c'est aller trop
loin.
Puis il y a des téléphones, aussi, avec
connexion Internet, des Nokia, qui ont WhatsApp, par exemple, puis qui ont
certaines... Je m'excuse, l'image est très, très... C'est parce que je suis en
Espagne, puis c'est la nuit ici, là, donc... Je suis à Madrid puis...
La
Présidente (Mme Dionne) : Mme Lécuyer, il nous reste à peine
10 secondes, alors... la température tombe bien avec la fin de
votre audition. Juste pour...
Mme L'Ecuyer (Catherine) : Bien, en
fait...
La Présidente (Mme Dionne) : Oui,
allez-y.
Mme L'Ecuyer (Catherine) : Non,
bien, c'est ça, je vous remercie beaucoup. Moi, je suis vraiment très contente
que vous ayez fait cette commission-là. C'est vraiment un début magnifique, là.
Puis, si vous avez besoin de moi pour quoi que ce soit, je suis tout à fait
disponible. Je vais juste vous dire qu'en 2014, quand mon livre est sorti,
bien, ça a été un peu de scandale... un peu de scandale. Cultiver
l'émerveillement a été très bien reçu, mais, Pour un retour à la réalité,
pas trop bien reçu, en fait, parce que c'était très... c'était peut-être
alarmiste. Mais maintenant, en 2024,
ce n'est pas... ce n'est pas trop alarmiste. Une relecture du livre n'est pas
trop... n'est pas trop alarmiste, donc.
La Présidente (Mme Dionne) : Comme
quoi vous étiez visionnaire. Alors, malheureusement, c'est tout le temps qu'on
avait, mais, oui, notre secrétariat va entrer en contact avec vous pour les
coordonnées de l'agence de protection des données, là, qui est fort
intéressante. Alors, merci beaucoup de votre contribution, c'est très apprécié.
Alors, pour ma part, je suspends les travaux pour
accueillir notre prochain témoin. Merci beaucoup.
Mme L'Ecuyer (Catherine) : Merci
beaucoup. Au revoir.
(Suspension de la séance à 14 h 46)
(Reprise à 14 h 50)
La Présidente (Mme Dionne) : La
commission est maintenant prête à reprendre ses travaux.
Donc, je souhaite la bienvenue à la Dre Victoria
Dunkley. Donc, bonjour, Mme Dunkley, merci de contribuer
à nos travaux. Donc, je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour
nous exposer vos commentaires, et par la suite nous procéderons à une
période d'échange avec les membres de la commission. Donc, je vous cède la
parole.
Donc, il y a un petit délai pour la traduction,
j'imagine. Est-ce que vous nous...
Une voix : ...
La Présidente (Mme Dionne) : Ah!
nous allons suspendre quelques instants.
(Suspension de la séance à 14 h 51)
(Reprise à 14 h 54)
La Présidente (Mme Dionne) : Alors,
nous reprenons les travaux. Désolée, petit problème technique.
Alors, on reprend avec la Dre Victoria Dunkley.
Donc, bonjour, Mme Dunckley. Bienvenue à cette commission. Je vous
rappelle que vous disposez de 10 minutes pour nous faire votre exposé. Par
la suite, nous procéderons à un échange de questions avec les membres de la
commission.
Donc, peut-être vous présenter et nous faire
part ensuite de vos commentaires. La parole est à vous.
Mme Victoria L.
Dunckley
Mme Dunckley (Victoria
L.) :
OK. Thank you very much. Thank you so much for inviting me today. Good
afternoon, everybody. I'm Dr. Victoria Dunkley and I'm a physician and
child and adolescent psychiatrist for over 20 years. And I have specialized in
the impact of screen time on the brain for almost as long.
So, 20
years ago, I started noticing that, when kids were playing video games, that
they were having trouble with focus and
impulse control. And then, obviously, the problem has just gotten worse and
worse over time, as more devices came into the picture, handheld
devices, smartphones, iPads, etc., and now social media. But the underlying
physiology really has not changed. So, my focus is really on the physiological
impacts of screen time on the nervous system, how it dysregulates the nervous
system and how those effects translate into symptoms and dysfunction.
So, we're seeing an
unprecedented increase in mental health disorders and developmental delays in
children, things like attention issues, kids being diagnosed with ADHD,
aggression, delays in learning. And then, in the older children and teens,
we're seeing a lot of depression, anxiety, suicidality, self-harm, cutting,
etc.
So, what I wanted to talk about
was how screen time really triggers... screen time acts like a stimulant. So,
it triggers the fight-or-flight system in the brain and body, and
fight-or-flight can also be freeze, that's the third aspect. And it turns out
that screen time can induce these effects not just in one way, but in multiple
ways. And this is key to understanding how it's causing all these issues.
The first mechanism by which it
causes stress or hyperarousal is that screen time stimulates the reward
pathways very intensely. And this happens even with educational materials. So,
the reward pathways get stimulated, those are the dopamine receptors, and, over
time, the dopamine receptors become desensitized and stop working as well, so
then the child is no longer interested in the natural world. Other things are
boring, they can't seem to get things done because they're looking for that
high level of stimulation. There's also a lot of sensory stimulations: the
intense and vivid colors, the rapid movements, changing contents, all of those
things also increase arousal levels.
Then, we have the bright and
blue light. So, most of you may have heard about how blue light suppresses
melatonin, which is a sleep signal in the brain, but, when melatonin is
suppressed, it also affects inflammation in the brain. Melatonin is a very
potent anti-inflammatory. It also protects DNA in the brain, and also it's a
hormone regulator. So, all of these things are going on simultaneously just
with suppressing melatonin. And, if you block the blue light, screen light
still suppresses melatonin, even if you block the blue light. So, when kids are
being exposed to screens all day, even if the content is benign, it's just
regulating the nervous system.
Another aspect that causes
stress is multitasking. So, kids are constantly, you know, using devices to...
they're chatting, they're looking things up, they're doing their homework,
they're on social media, they're listening to music, all sorts of things. So,
all of that multitasking is also stressful. It increases arousal, so they keep
doing it. Actually, the multitasking itself can become addictive. So they keep
doing it and they actually... we know that kids are not good at multitasking,
and they actually get worse over time. They think they're good at it, but
they're not.
Another aspect is the
interactivity, so all of the touching, scrolling, the rapid responsiveness,
which is also what makes our devices attractive, that also increases arousal
levels. And also the radiations. So there's radiations from the screen, from
wi-fi, from cell phone signals, from Bluetooth. All of these things, you know,
kind of layer on each other. And those, we know, also increase the stress
response and also suppress melatonin.
So, all of these things are
going on at the same time in a synergistic method. And you can see, if you're
looking... if you have my brief, you can see that a lot of these aspects really
don't have a lot to do with content. They happen just because the screen itself
acts like a stimulant and interacting with the screen acts like a stimulant.
And that's really important, because I think people keep trying to suggest that
kids just need to use it in a balanced way or just do these things and not
that, but what's happening is those things cause issues too. So, that's one of
my biggest take home points.
• (15 heures) •
O.K. So, if you understand how
screen time can increase the stress response, when that happens day in and day
out, you get a child who's overstimulated, and the brain actually kind of shuts
down. So the frontal lobe is the front part of the brain, the more human part
of the brain, and, when there's a lot of hyperarousal, the frontal lobe kind of
shuts down. So blood flow shifts to the more primitive part of the brain, and
there's less blood flow up here, where we need it. So, that child starts to
behave in a more primitive manner. They're more defensive, they're more
reactive, they can't think... can't think ahead, they can't plan, they can't
look back because they're kind of in this survival fight-or-flight mode, and
it's very difficult to get out of that mode without removing all the
stimulation.
So, what's happening when we
see that poor frontal lobe functioning... And this can look different in
different kids, because the frontal lobe controls mood regulation, executive
functioning, impulse control and even things like creativity and kindness, so
all of the things that make us human. So, when the frontal lobe gets shut down,
any or all of those aspects can also get shut down. So, kids could be anxious,
or they could just be more impulsive, or they can be aggressive, but that
underlying physiology is the same, it's really frontal lobe dysfunction.
But a very typical way that a
child looks with too much screen time is that they're irritable, weepy and they
can't focus. They can't get things done. They have no stress tolerance, they're
easily frustrated. So they may have problems on the playground. They may have
poor eye contact. They are sore losers, so, if something goes wrong, they can't tolerate it. So, they're just very
fragile. And you can't learn in that state. So what we're seeing is that kids,
you know, are... in general, all the math and reading scores are going down.
They haven't really gone back up since the pandemic
ended. But, even before the pandemic, all of those things were going down, and
the reason is because of screens.
So,
what I've learned over time, doing this for 20 years, is that, yes, there's
some benefit we know from research, there's some benefit to just trying to
limit screen time, getting screens out of the bedroom, limit... you know,
having parental limits, etc., but a much better intervention, and this, to me,
is the gold standard, is that you remove screens for four weeks altogether, you
remove all of that unnatural stimulation and let the brain kind of reset and
heal. So, what happens when you remove all of that is that the body clock
resynchronizes, the stress hormones lower, the blood flow returns to the
frontal lobe. And what you see, within a week in younger children and maybe by the second week in teens,
is a much happier, more relaxed child. They're better engaged, they make better
eye contact, they're able to learn. You can see their grades go up. I've
seen kids, including boys, start reading. And this is within a few weeks. It's
quite dramatic.
And we know also that screen time is
associated with obesity, not just obesity, but things like high cholesterol and things like that. I have seen children's
cholesterol panels improve within six weeks. So there's dramatic changes, and
brain chemistry, and hormones and all across the board.
O.K.
So, I mentioned that there's all these trends on the rise right now, increases
in mental health diagnosis, but not just that, but also kids being put on
medication unnecessarily, and the medications themselves have side effects. And
we're also seeing that just in general, when kids are being treated, it's just
not working.
So,
I think my time is running out. So, I just want to emphasize that
school-related screen time is contributing
to all of this, both one-on-one device use and having to do homework at night.
We know that light at night from screens is related to depression, not
just depression, but suicidal thinking and actual suicide.
So,
the recommendations include allowing children to opt out of one-to-one device
programs at school, for children to opt out of having to do homework on a
computer at night, and then also to utilize these electronic fasts or screen
fasts for four weeks to improve not just mood and focus, but actually assess
children in school, because now you're... now you're returning them to their
natural state and you can really see what's happening. It may not solve
everything, but it will get them to the place where you can actually make
change.
So,
those are my...
La
Présidente (Mme Dionne) :
...
Mme
Dunckley (Victoria L.) :
Sorry.
La
Présidente (Mme Dionne) :
Ah! désolée. Le temps est écoulé, Mme Dunckley, mais nous
allons poursuivre ces discussions intéressantes avec une période d'échange avec
les membres de la commission. Donc, nous allons débuter cette période avec M.
le député de Marquette.
M.
Ciccone :
Merci
beaucoup, Mme la Présidente.
Thank
you, Dr. Dunckley, for being here with us today. You talked about screen
time. I want to hear you on screen time. At what age should we put a kid in
front of a screen? And, in the same category, how do you... what category you put screen... is screen time in
school in learning, iPad, social media, video games, do you put
everything in the same category as screen time?
Mme
Dunckley (Victoria L.) :
OK. So, to the first question about what age is we want to delay as
much as possible. I try not to get too much
into the details because, for some kids, they need to delay as long as possible
because they're just more vulnerable. Kids with any kind of underlying
difficulty are going to be more vulnerable and sensitive. We know, from zero to three, they should have zero screen
time. After that, it should just be... I mean, to me, ideally, it should be none. You know, if you aim
for none, they're still going to get some, but it'll be much less. So,
kind of one general guideline that I like to
say is : The amount of screen time, right now, that kids are getting per
day should be the amount they're
getting per week. So, if they're getting two hours per day, or five hours a
day, or, you know, teenagers are,
like, ten hours a day, that should be the weekly allowed amount. So, that's...
the longer you wait, the better. Less is more.
And
the second question about how do I categorize everything, in this day and age,
I really kind of put it all together. The most important distinction in my mind
is if it's interactive. So, like a slow-paced documentary is going to be less
stimulating and problematic than watching... using... even using learning apps,
because they're interactive and they're closer. So, anything that's closer is
also more stimulating and more... you know, the light from the screen is more
problematic. So, I think, because most of it is interactive these days, I would
categorize it all together.
M.
Ciccone :
Thank
you, doctor. I have one final question for you. Here, in our area, I don't know
if it's the same thing in your area, but here, in... we have high schools that
offer esport programs. When... And their... the explication is because, in the
near future, we will have some esports Olympic Games, we want to prepare them.
So, they offer it in our high school education system. What are your thoughts
on that?
Mme
Dunckley (Victoria L.) :
I mean, I don't think it's a good idea. I think it just kind of
compounds the problem. And, you know, a lot of the kids that are really not
doing actual sports might be attracted to something like this. But, to me, it's
just compounding the problem, especially if the schools are offering it. I just
think it's much better to promote natural sports where they're interacting with
nature, and being outdoors, and having sunshine, and moving their body. I just
think we want to be careful about offering something that, potentially, is
affecting their physiology and long-term health, really.
M.
Ciccone :
Thank
you very much, doctor. Thank you.
La
Présidente (Mme Dionne) :
Merci. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Châteauguay.
Mme
Gendron : Yes. Hi, Dr. Dunckley. Thank you so much to be with us today. It
was really interesting to see your point of view, and thank you for your
presentation as well.
You
talked much about video games, but how about using social media to communicate?
I just want to know your point of view about that. And how about watch TV on
tablet or those other uses we can do with, actually, blue screen, but... Yes.
Mme Dunckley (Victoria
L.) :
Well, I
think... What was the first part of your question about the...
Mme Gendron :
...video games, but how about taking...
using social media for communication for children? Like, I mean, children
between, maybe, six to 16, you know.
• (15 h 10) •
Mme Dunckley (Victoria
L.) :
OK. So,
all of us that have boots on the ground, that are dealing with, you know,
actually interacting with people, with kids, we all agree that social media
shouldn't be happening at all for children or even teenagers. You know, our
surgeon general has issued... I'm not sure if it's an official warning, but has
talked about issuing an official warning about that social media can impact
mental health. But the problem is, even if they're using social media just to
communicate and there's nothing nefarious going on, the problem is they're
doing that more and more, they kind of have a secret life that the parent
doesn't know about and which isn't really developmentally appropriate. And it
affects... it's starting to affect their ability to socialize face to face. So,
this was even happening before the pandemic, but now it's much worse.
So, we see kids being
incredibly uncomfortable with face-to-face communication, particularly with
adults. And then you see that play out later when they're trying to go to
college. They're falling apart. They're very fragile. They have trouble making
phone calls. They have trouble interacting with the public. I mean, it's just...
it's just causing all sorts of problems, so... And also, just... You know,
adolescence is supposed to be a time of awkwardness, socially, where you learn
how to interact, and it feels awkward at times, but it gets better with
practice, and that practice is being taken away. So, especially when kids are
starting so young, it's just problematic and, you know, amplifying the problem.
Mme Gendron :
OK. But what is your opinion about
using apps at school for education purpose?
Mme Dunckley (Victoria
L.) :
There's
very little, you know, to no evidence showing that those improve any outcomes,
and, even if they improve an outcome in the short term, it doesn't play out
over the long term. So, a lot of these apps are overused. And we know what
works. We know that kids need a human connection to learn, especially kids who
are struggling. So, that's the other issue, as there... There might be... You know,
kids who are the most resilient and have the most advantages, they might be
able to tolerate things like that OK, but kids who really need it are going to
get worse. So, that's the other problem. It's like if we try to keep using
technology to try to help kids who are struggling, it just makes things worse,
and then we think : Oh! maybe we're just using the wrong app, when, in fact,
just using the app is what's... is making the problem worse.
Mme Gendron :
Thank you so much.
La Présidente (Mme
Dionne) :
Merci.
Je passe maintenant la parole à Mme la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme Cadet :
Merci, Mme la Présidente.
Hi, Dr. Dunckley. Thank you so
much for being with us today. On the same subject of edtech, so, you mentioned
the different mechanisms that... the screen time... that the... the use, so,
for example, you know, like passive watching or like the mechanisms that can be
effective... offensive online, like, well, endless scrolling and the rewards
and «edification» system. And we do also know that some apps for education,
sometimes, use these same mechanisms, but some don't. So, I wanted to hear your
point of view about that because you essentially, like, said, in your
recommendations, like: Eliminate the use of learning or edtech, and I hear you
about... There's no evidence, right, there's no evidence that it actually
helps. But I wanted to understand, like, what is your point of view on to which
degree does it harm from, like, the mechanisms that they may or may not use. Because
there's edtech, I mean, in schools, but as also, sometimes, like, parents
themselves, like, will want to supplement by either, like, well, buying, like, some software or going online and
using some apps for the development of their older children. So, I
wanted to hear you on that topic of edtech.
Mme Dunckley (Victoria
L.) :
Well, I
think all of the edtech programs use some... those technics, you know, to some
degree. Some might be worse than others, but we... what we see, and, you know,
if we just look at everything as a whole in the big picture, math and reading
scores are going down. So, whatever people are trying to use is not working.
And I see that it's not only not working, but it's just adding to the problem.
And then you have a child who, you know...
What I just saw in my son's
classroom, who's in second grade, is that they started to use an app for
reading and for math, and then, all of a sudden, my son told me that, in the
middle of the app, which is used across... the same app is used all over the
world, by the way, in the middle of it, it... they get rewarded by a video
game. The teacher didn't even know this was going on. So I was, you know,
angry. But it's...
So, I just think there's so
much going on behind the scenes that we don't know about. And just using any of
these... You know, there's advertisements going on, there's monetization going
on. There's tracking and collecting data, mining data
from the kids while they're using it. There's just a lot of aspects that are...
You know, it's a very kind of a dark... dark situation going on when you look
really behind the scenes of what's happening. And we just know it's not
working.
And then say, for that child
who's struggling anyway, now you're adding a little bit more screen time. Are
they going to sleep a little bit less at night? Probably. So, I think just...
the message should just be : Less is more and go back to what we know works.
Mme Cadet :
So, we had some conversations about,
like, maybe labelling, you know, to classify like the... well, some edtech
apps, a little bit like we do with movies, with good edtechs and bad edtechs,
so we can recognize the mechanisms. But essentially what you're saying is that,
essentially, all edtech is created equal?
Mme Dunckley (Victoria
L.) :
I mean,
there might be a little bit of variation, but I think, the good edtech, we
still... I still wouldn't trust what those companies are putting out. And also,
the organizations, including, like, Common Sense Media, they get... they get money,
you know. So, there's always this conflict of interest going on, even when an
organization that we trust is saying... Even the American Academy of
Pediatrics, you know, gets money from Google, gets money from Meta. So, I think
it's very hard to see objectively if any of these edtech programs are really
better than others.
Mme
Cadet :
We do know that a lot of these
mechanisms and the effect that they have on people, so screen-related stress or hyperarousal, they also work on adults, right? So,
at which stage of the development does screen time is more an issue of
opportunity cost, so less sleep, less time to exercise? And at what point you
say, like : OK, like, this amount of screen time, it's really, really harmful
by itself and not just a matter of opportunity cost?
Mme Dunckley (Victoria
L.) :
I think
it's hard to tease those things apart. We do know that, aside from the
opportunity cost, that, like, say, for example, for obesity and metabolic
issues with cholesterol and things like that, we know that, separately or
independent of the opportunity cost, it increases the risk of obesity, and high
blood sugar, and things like that. So, I think there's always going to be the opportunity
cost because it's time, right? And, if it's done every day, even if it's for
ten minutes, when you start multiplying those minutes over days, and weeks, and
months, and years, for a developing brain, you're really... it really is an
opportunity cost. And what's happening is all those costs are being lost where
the kid could be making more connections in the brain and becoming more
resilient. And, in addition to that...
Mme Cadet :
For kids, yes.
Mme Dunckley (Victoria
L.) :
Yes, for
kids, but, you know, adults too. Like, an adult is going to be exposed, you
know, their whole life as well. And, you know, the problem that we're seeing
medically with adults is through the roof too. So, I just think, if you just...
it's kind of, like, a mindset, like, there's no amount of safe time really.
It's really about trying to minimize as much as you can.
Mme Cadet :
Your main recommendation is screen
fasting. So, it looks like it's more a recommendation for parents. So, where do
you see the State... like, what role the State can play in terms of regulating
the industry or being able to place some barriers?
Mme Dunckley (Victoria
L.) :
I think
it... I mean, the State can... I feel like it's a place or a way that the State could mention it. You know, people do listen
to, like, the pediatricians mentioning to them : You know, by the way, if you keep your kid off screens for four weeks,
their dopamine system is going to reset. And, even if the pediatricians
feel like that parents don't listen to them... but just having messages like
that, like just mentioning : Hey! you know, this is an option for you, I think
that goes a long way.
Mme Cadet :
Question from me. We talk a lot about
banning social media below a certain age. Do you agree with that
recommendation?
Mme Dunckley (Victoria
L.) :
I do. I
do. I just think it's very hard... even when parents realize it's a problem,
it's very, very hard for parents to get away from it when their child and the
child's friends are all using it to communicate. They... No one wants to
ostracize their child, no one wants their child to feel left out. So, I
think... You know, I think making it really illegal under a certain age, and
then, even above that age, it should... there should be significant warnings
about it... will help parents, give them permission to stay off it for as long
as possible.
Mme Cadet :
Thank you. Merci beaucoup, Mme la
Présidente.
• (15 h 20) •
La Présidente (Mme Dionne) : Je cède
maintenant la parole à Mme la députée de Hull.
Mme Tremblay : Oui, bonjour. Alors,
moi, je reviens sur tous les effets, là, négatifs que ça peut avoir chez les enfants. On se dit de plus en plus, dans le
milieu scolaire, que... puis vous l'avez dit aussi, mais qu'il y a, bon,
plus d'enfants TDAH, d'anxiété, puis vous dites même, là,
autistes, même, dans vos... dans votre mémoire, troubles d'apprentissage,
crises de colère. Puis on le remarque aussi, là, dans les écoles en général, tu
sais, on se dit que... vous l'avez dit, plus d'enfants qui ont une médication
également. Donc, vous, vous faites un lien quand même assez direct entre
l'utilisation des médias sociaux et ces troubles-là, et même que vous dites, à
certains endroits : Un écran peut même imiter, chez un enfant sans
diagnostic, ces troubles-là, qu'il n'aurait pas nécessairement sans
l'utilisation des écrans. Donc, j'aimerais ça vous entendre vraiment là-dessus,
sur... nous, on constate, dans les écoles, qu'il y a plus de cela, mais... le
lien avec les réseaux sociaux.
Mme Dunckley (Victoria
L.) :
With
social media? Is that what you're... OK. Yes. So, I think social media, it adds
additional layers. So, on top of all this overstimulating effect of interacting
with their screen, and going back to their phone, and having those reward
systems hijacked... the additional layers added on top of that are that, you
know, preteens and teens are extremely vulnerable to the social pull of what
social media can do. So, that need, that developmental need, the stage they're
at is being hijacked. So, their brains light up more, and they have a harder
time not using it than a child who is 18 even.
So,
to me, it's very problematic. It's having huge impacts on kids in school. And
here, in the U.S., in California in particular, they're really trying to push or
they're starting to implement phone-free schools, and not just... not...
you know, not letting kids have their phone in the classroom, but, quote,
unquote, «bell-to-bell policy». So, from the beginning of the day to the end of
the day, they're not allowed to use them. So, that is step one of what needs to
happen.
And, that way, they have at
least those eight hours where they're free from having to respond to social
media prompts. So, I think that's one thing, that's an important first step,
and then I think not using school-issued devices, because they're accessing
social media on their devices, and then going home, and they're being exposed
to all sorts of things just through the school... the school given devices, so,
all of these things are problematic.
And I think, you know, again,
we're trying to, like... everyone keeps trying to work around it so that there
are safety precautions in place without addressing the root problem, which is
the device and the screen itself. The kids won't... Because it's so addictive
and it's built to be addictive, the kids are not going to turn it down if it's
in their face. They can't, they literally can't. So, I think we have to do it
for them, and remove it for them, and make it so that they can be kids again
and interact in the way they're supposed to.
Mme Tremblay : Ici, au Québec...
parce que vous avez abordé ça dans votre réponse, aussi, au Québec, on a
interdit le cellulaire en classe, donc il y a une directive du ministère de
l'Éducation qui est venue interdire en classe. De ce que je comprends, vous,
vous iriez encore plus loin, donc, dans l'interdiction, là, pendant la période
du dîner, par exemple, donc de limiter de plus en plus, finalement,
l'utilisation, là, des outils... bien, peu importe, des écrans en général, même
à l'extérieur de la classe.
Mme Dunckley (Victoria
L.) :
Yes. Yes,
exactly. And I think the bell-to-bell policy is really important, because lunch
is when the kids, they're supposed to be interacting, and, a lot of times, you
look around, and they're all just sitting on
their phones together. So, I think eliminating it from that... you know, the
bell-to-bell, where they can't access at all
during school hours, would be very helpful. It would force them to interact and
give them some relief.
You know, a lot of kids say
when they're forced to give it up or they can't use it... a lot of them express
relief and say that it's... They can... Even during the day, they can see their
anxiety come down a little bit that they're not having to respond, and be
reliant on it, and get that constant feedback. So, I think the kids may, you
know, express some kind of resistance, and parents too, but then, when we
actually enforce it, they feel relief, and they feel better, and they can feel
that they feel better.
Mme Tremblay : Dernière question. En
classe, on revient le plus possible à ce que moi, j'ai connu, papier, crayons,
et, quand on utilise des outils numériques, si on décide d'en utiliser, il faut
que ça ait vraiment un plus à l'apprentissage. Donc, vous seriez vraiment d'accord
avec ça?
Mme Dunckley (Victoria
L.) :
Yes,
absolutely. I think just going back to pen and... you know, pencil and paper,
using... If they're using the computer, it's in a computer lab, to use... to
learn skills. An occasional use to enhance learning or just show them
something, using a shared screen on a projector, a projector wall, something
like that, instead of kids having individual devices, that's also a best
practice. I'm glad to hear that.
Mme Tremblay : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
Je cède maintenant la parole à Mme la députée d'Iberville.
Mme Bogemans :
Merci beaucoup.
We talk a lot about the effect
of screen time on the brains of the kids, but I wanted to hear about the effect
of presenting screen time to kids as, really, a reward, either at school or at
home. Does it trigger other things than what you already presented?
Mme Dunckley (Victoria
L.) :
I think
it all triggers the same things in the brain, but I... we recommend not using
screen time as a reward because then they're constantly thinking about getting
the reward.
So, what happens when you take the screens away is that
they kind of go through a grieving process and then they're forced to start...
you know, accept it, and then they start playing more outside and being more
creative, and physical, and all those things that... their brain kind of wakes
up. So, when you're using it as a reward, even if, like, say, some parents
would say : Well, if you're good this week or you do all your homework, then
you can get some on the weekend... We used to do things that way, but now we're
kind of saying that it doesn't work that way. We really want children to be,
like, self-driven and not interacting or doing what they need to do just to get
that screen reward. So, we want to... we want to... our recommendation is to
avoid doing that.
Mme Bogemans :
You said previously that the goal... one of, like,
realistic goal for a family would be to turn the hours
that one kid would spend on a day on the... all of the week. What would be the
process you would suggest for that family to make it happen?
Mme
Dunckley (Victoria L.) :
I think doing the screen fast first, for four weeks, helps break the
habits better than anything else. So, when I do the screen fast, I do allow a
few hours of a slow-paced movie or something like that a week. So, they do get
a little bit of a reprieve and especially if the family can do it together.
But, doing that, the four weeks, really does help kind of reset the habits. And
then, from there, after that, then they can kind of think about : OK, how many
hours per week are we going to allow and what is that going to look like? Is it
going to be, you know, gaming? Is it going to be this or that? Obviously,
again, less is more. And some parents decide, if they see such dramatic
changes, that they just want to continue with no devices, especially for kids
that have autism, you know, ADHD, things like that, they really do function
much better just eliminating it altogether for the long term. But, at least, if
the parents start with those four weeks, then they can... it's not so
overwhelming, and they can see for themselves the difference.
Mme
Bogemans :
OK.
Thank you.
La
Présidente (Mme Dionne) :
Merci. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? M. le député de
Marquette.
M.
Ciccone :
Oui.
Merci.
Me
again, Doctor. I'm just curious. How was your studies received in your part of
the country? And, in the same question, I know there's a big lobby, you know,
about the screens, and egames, and all that, video games. How is that received
on their part?
Mme Dunckley (Victoria L.) :
I think the pendulum is starting to swing here, in
the U.S., and particularly, I think, in California. It
still got a long way to go, but I think, you know, ten years ago, when I would
give a talk, it was really me trying to make my argument and try to convince
people that it was affecting their focus and their mood regulation, things like
that. Now, we have research showing that.
You
know, I'm just... I'm a clinician, so I don't do formalized research, but now
there's research showing that it causes focus problems. If they look at
longitudinal studies, we now have research showing there's delays in language
and lower math or reading scores and things like that with more screen time. We
know there's now a study going on showing that... I think, they did, instead of
two... they did two hours a week of screen time and... you know, as an
intervention very similar to mine, but they only did it for two weeks. But it
was really a feasibility study to see if they could actually do it, and they
did. And they saw a dramatic change, I think it was in preschoolers, in the
behavior, and the functioning, and learning of those children. So, I think that
it's... the time is coming where the pendulum is swinging. But there's still...
it's still a huge problem, I think, in the... at the community level.
• (15 h 30) •
M.
Ciccone :
How
strong is the lobby of the video games and all the apps they're presenting?
Mme
Dunckley (Victoria L.) :
It's huge.
M.
Ciccone :
How
strong is that? Are they stronger than we are right now, for the ones like
yourself who want to control screen time?
Mme
Dunckley (Victoria L.) :
I mean, it's huge. It's David and Goliath. And it's not just the
video game industry, it's the communications industry, and Google, and, you
know, all the big tech players, and they have their tentacles everywhere. So, I
think it really has to come from, you know, the top down and having, like, the
surgeon general put out warnings. There's
going to be lawsuits and things like that, like, against social media
companies. Things like that are going
to have to happen, I think, before, a, people realize what's going on, but also
to make kind of a societal change where we're really viewing this as a
problem for children and trying to protect them for as long as we can.
M.
Ciccone :
We
had a... Last week, we had a doctor also... does some research, wrote a book,
and she said that all the companies that you mentioned, they should be ashamed
of what they're doing to our kids. What are your thoughts on that?
Mme Dunckley (Victoria
L.) :
Absolutely.
Yes, absolutely, you know. And we know that Meta was doing some research — this is the whole whistleblower incident — was doing research showing that they're... what they were doing was making kids more depressed, feeling worse and
having suicidal thinking. They knew that and they were doing it anyway, they
didn't change what they were doing. So, then, when they got caught, then they
decided not to do that kind of research anymore, you know.
So, things like that, that I
think... Tristan Harris, Center for Humane Technology, like, his group and kind
of all the whistleblowers talking about what's going on inside those big tech
companies, we have to pay attention to that. They're all saying and giving lip
service to what they can do and what they're doing, but, behind the scenes, you
know, there's still mega corporation who are... they're beholden to
shareholders. So, I think, you know, it may be OK to, like, ask them to make
changes, but we cannot trust anything that they're saying, that they're putting
in place as precaution.
M. Ciccone :
Thank you.
La Présidente (Mme
Dionne) :
Merci.
Mme la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme Cadet :
Merci.
You mentioned that even the
American Association of Pediatrics, like, can be funded by the corporations in
the industry and what we'll call, well, I guess, tech washing. So, do you think
that there's enough transparency in where,
like, all of this funding is going right now? And would it be helpful to have
more transparency, especially, I mean, given, like, what you see? You
live in California.
Mme Dunckley (Victoria
L.) :
I do
think it would be helpful to have more transparency and, you know, to publicly
acknowledge that they are getting funding from these companies, because I think
what happens is : they may have certain positions and then they kind of... by
the time it gets presented to the public, it gets watered down. So, there's the
language of : it needs to be balanced, it needs to be... You know, those kind
of... that kind of messaging is because they don't want to lose their
sponsorships and their funding. So, I think paying attention to that kind of
language, when they... when language gets watered down and things, you know,
like that the... everything in moderation, or they need to have balanced use,
or we need to have a more nuanced conversation, you know, things like that, I
think those are red flags to those of us who are kind of in the fields.
I
think... And it's not to say that those organizations are not doing good work
too. You know, Common Sense Media is doing good work, and so is the American Academy of Pediatrics,
but I still... they still have conflicts of interest.
Mme Cadet : More time? OK.
La Présidente (Mme
Dionne) :
Allez-y.
Mme
Cadet : Thank
you. And, again, I come to questions on, like, where the State can intervene.
So, earlier, like, you said that the recommendations
that come from public health authorities are... already have like a certain
sense of authority from the Government. Is
there like any other type of role that the... that States can play in terms of
regulating the industry? Because we know that self-regulation... It seems, from
what you're saying, that self-regulation from the industry is not enough or
even, like... not even possible.
Mme Dunckley (Victoria
L.) :
Yes. I
mean, I think it should still be done. It's just not going to solve the
problem. I think, you know, have educating health professionals, the
pediatricians, the mental health professionals as well as the educators is
what's going to happen. In terms of having it... You know, I feel like we have
to work around everything. So, I feel like teachers, and principals, and all
the... you know, that whole... the whole education system needs to know that
less is more into, you know, how to use it, and then, same thing with the
health professionals. So, I think that is
one way to kind of work around it, and just not... we just can't rely on
regulation. I mean, I think... honestly, I think the most helpful thing
would be making it illegal for minors.
Mme Cadet :
Social media illegal for...
Mme Dunckley (Victoria
L.) :
So,
making social media illegal... making it illegal or, at least, frown upon to give one... you know, one-to-one devices in
schools. I just think having legal protection is... would work much
better.
Mme Cadet : Thank you.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup. Merci beaucoup, Mme Dunckley, pour...
Mme Dunckley
(Victoria L.) :
...can I just add one more thing?
La Présidente (Mme Dionne) : Oui,
allez-y.
Mme Dunckley (Victoria L.) :
With the one-to-one... or just any school-issued
devices, there's also a lot of things happening, like porn exposure, and as early as,
like, first grade. So, whether, you know, if it's, you know, a child bringing a phone or even a school-issued
device, kids are being exposed to porn by first or second grade. I mean,
it's insane. And then other kids are being
exposed to, like, self-harming videos, on social media, through school-issued
devices.
So, I think the school-issued
devices, that's a huge problem, and there's a lot of these issues that are
going on with minors that can't really be talked about, because they're minors,
but it's very, very common for these things to happen and it's obviously very
disturbing for the parents.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup, Mme Dunckley, merci pour votre contribution à ces
travaux.
Alors, pour ma part, je suspends les travaux
quelques instants pour accueillir nos prochains invités. Merci.
(Suspension de la séance à 15 h 37)
(Reprise à 15 h 40
)
La Présidente (Mme Dionne) : Bonjour
à tous. La commission reprend maintenant ses travaux. Donc, je souhaite la
bienvenue à Mme Caroline Fitzpatrick et Mme Gabrielle Garon-Carrier.
Donc, bonjour, mesdames, bienvenue à cette commission. Je vous rappelle que
vous disposez de 10 minutes pour nous présenter votre exposé. Suite à ça,
il y aura une période de questions avec les membres de la commission. Donc, je
vous cède la parole.
Mmes Caroline
Fitzpatrick et Gabrielle Garon-Carrier
Mme Fitzpatrick (Caroline) : Donc,
bonjour à tous. Je vous remercie, honorables membres de la commission
parlementaire, pour l'opportunité de partager avec vous les travaux de mon
équipe sur les jeunes et les écrans. Je vais commencer en disant que je n'ai
aucun conflit d'intérêts à rapporter. Tous mes travaux sont financés par voie
de concours, par des organismes indépendants.
Aujourd'hui, je vais me pencher sur deux
enjeux : l'utilisation des écrans par les jeunes et l'accès aux réseaux
sociaux et aux jeux vidéo. L'environnement numérique des enfants s'est
transformé de manière dramatique au cours
des dernières décennies, et un des changements les plus marquants est
l'utilisation croissante et de plus en plus précoce des appareils
mobiles par les jeunes enfants. L'utilisation des appareils mobiles se distingue
d'utilisation d'appareils traditionnels,
comme la télévision en particulier, à cause de leur petite taille et
l'incorporation d'algorithmes personnalisés. Ces appareils
favoriseraient une utilisation solitaire plutôt qu'en famille. En plus, les
appareils mobiles se connectent à l'Internet, et ceci fait en sorte que les
contenus y deviennent disponibles sur demande et en quantité illimitée.
J'aimerais aussi soulever une autre tendance générale, c'est que les enfants de
milieux défavorisés accumuleraient plus de temps devant les écrans que les
enfants de milieux plus favorisés, et c'est une tendance qui semble s'amplifier
à travers le temps.
Il y a trois raisons pour lesquelles
l'utilisation des écrans par les enfants pourrait avoir un impact sur leur développement.
Tout d'abord, selon le principe du vase communicant, lorsque les enfants
accumulent beaucoup de temps avec les écrans, ils ont moins de temps à
consacrer à d'autres activités, comme les échanges et les interactions avec les
autres autour d'eux, jouer à faire semblant et l'exploration de leur
environnement. En plus, nous savons que les enfants apprennent en imitant des
modèles autour d'eux. Généralement, il s'agit de leur mère, de leur père, de
leur frère ou de leur soeur, mais les enfants peuvent aussi apprendre à imiter
leurs personnages préférés d'une émission de télévision ou d'un jeu vidéo.
Finalement, les plateformes numériques emploient
souvent des stratégies de récompenses virtuelles. Il peut s'agir d'un coffre à
trésor, d'un... rouge ou d'une récompense pour une utilisation consécutive, et
ces mécanismes pourraient être perturbants pour les systèmes attentionnels et
de la récompense des jeunes enfants.
Mon équipe et moi avons mené une enquête
longitudinale durant la pandémie. Nous avons étudié les habitudes,
l'utilisation des écrans et le développement des enfants lorsqu'ils avaient
trois ans et demi, quatre ans et demi et cinq ans et demi. En voici les
principaux résultats.
Nous avons observé qu'un temps d'écran plus
important durant la petite enfance était associé avec un moins bon
développement global et un risque plus élevé de devenir en surplus de poids.
Nous avons aussi observé qu'une utilisation plus fréquente de la tablette
serait associée avec le développement de moins bonnes capacités de gestion des
émotions. Et, pour terminer, nous avons aussi observé qu'un temps d'écran plus
important serait associé avec le développement d'un moins bon contrôle
volontaire, ce qui fait référence à la capacité d'avoir un autocontrôle sur nos
comportements et de moins bonnes fonctions exécutives. Les fonctions exécutives
sont des compétences cognitives qui nous permettent d'organiser nos pensées, de
planifier et de prendre des décisions.
Le temps d'écran des parents semble aussi être
important. Selon nos recherches, les parents, dans notre échantillon, qui,
eux-mêmes, utilisaient plus fréquemment les écrans avaient des enfants qui
développaient un moins bon... qui avaient un moins bon développement global.
Nous avons aussi observé que certaines stratégies parentales, comme utiliser un
écran pour calmer un enfant, pouvaient avoir un impact négatif sur le
développement de l'autorégulation chez les jeunes enfants. Et, pour terminer
et, possiblement, alimenter certaines pistes de solutions, nous avons observé
que les parents qui mettaient en place des règles et des limites dès l'âge de
trois ans avaient des enfants qui, éventuellement, passaient moins de temps
devant les écrans.
Mon équipe et moi avons aussi étudié
l'utilisation des écrans, le temps passé en ligne et les jeux vidéo chez les
adolescents. Comme vous pouvez voir dans le graphique, en bas, à gauche, les
adolescents passent beaucoup de temps devant les écrans,
beaucoup de leur temps de loisir devant les écrans, et c'est une utilisation qui
varie selon leurs caractéristiques sociodémographiques. C'est important de
regarder ou d'examiner séparément l'utilisation par les adolescents, parce que
leur utilisation est différente de celle des plus jeunes enfants. En
particulier, ils sont moins supervisés et passent plus de temps sur les réseaux
sociaux et à jouer à des jeux vidéo. C'est aussi important de tenir compte des
caractéristiques des adolescents. Donc, ils sont plus impulsifs, plus enclins à
la recherche de sensations fortes et ils
deviennent plus sensibles à l'opinion des pairs. J'aimerais aussi souligner
quelques différences garçons-filles. Donc,
les filles passeraient plus de temps à utiliser les réseaux sociaux et à
clavarder, alors que les garçons passeraient plus de temps à jouer à des
jeux vidéo et à consulter des sites sexuellement explicites.
Donc, à l'aide de l'étude longitudinale des
enfants du Québec, mon équipe et moi avons étudié l'utilisation des écrans chez
les ados et leurs conséquences. Nous avons observé que, pour les filles, passer
plus de temps en ligne serait associé avec une augmentation des symptômes de
dépression majeure et une augmentation au niveau des symptômes d'anxiété
généralisée et sociale. Nous avons aussi observé qu'en début d'adolescence pour
les garçons et les filles passer plus de temps à jouer à des jeux vidéo serait
associé avec une augmentation du risque de développer des symptômes de TDAH, qui sont des symptômes d'inattention,
d'hyperactivité et d'impulsivité. Pour terminer, nous avons observé
qu'un temps d'écran plus important chez les garçons et les filles serait
associé avec une diminution des comportements prosociaux qui sont les
comportements d'entraide et altruistes envers les autres.
Je termine avec quelques recommandations. Étant
donné que le paysage numérique des jeunes évolue rapidement, c'est important
qu'on continue à documenter les multiples effets possibles et qu'on le fasse à
l'aide de devis rigoureux, comme des enquêtes longitudinales. Pour les milieux
de la famille, je pense que c'est important de continuer à sensibiliser les
familles et les parents sur les impacts possibles de l'utilisation des écrans.
Je pense qu'on doit aussi mettre en place des mesures pour accompagner les
parents dans l'établissement de saines habitudes avec le numérique. Et,
troisièmement, si on veut que les enfants et les jeunes passent moins de temps
devant les écrans, on doit s'assurer que les familles ont accès à des loisirs
sans écran abordables dans leur communauté.
Pour terminer, en milieu scolaire, je pense
qu'on doit commencer à plus systématiquement former les élèves et le personnel
enseignant sur les conséquences de l'utilisation du numérique. On peut aussi
travailler avec les écoles pour éviter ou limiter l'utilisation des écrans pour
le loisir dans ces milieux. Et je pense, finalement, que c'est important de
s'assurer que les écoles soient et demeurent des endroits privilégiés pour que
les jeunes bougent et pour qu'ils soient initiés à des loisirs sans écran.
J'aimerais
remercier les jeunes et les familles qui ont participé à mes recherches, mon
équipe et les bailleurs de fonds. Donc, je suis aujourd'hui en compagnie
de la professeure Gabrielle Garon-Carrier, professeure également à l'Université de Sherbrooke, et nous sommes
heureuses, maintenant, de répondre à vos questions et d'échanger avec vous.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
infiniment, Mme Fitzpatrick. On n'a malheureusement pas vu les pages défiler, de la présentation, mais les
membres de la commission ont tous accès, là, via notre site Greffier...
Alors, voilà. Donc, nous sommes prêts à débuter les échanges. M. le député de
Marquette.
M.
Ciccone : Bonjour. Merci beaucoup, Mme Fitzpatrick et
Mme Garon-Carrier, d'être avec nous aujourd'hui. Vous avez fait référence, dans votre présentation, au
contexte familial pour le temps d'écran. Pouvez-vous élaborer un peu
plus le pourquoi de cette différence-là?
Mme Fitzpatrick (Caroline) : Est-ce
vous faites référence à la statistique sur la défavorisation?
M. Ciccone : Exactement, oui, oui.
Mme Fitzpatrick (Caroline) : O.K.
Bien, écoute, c'est des... c'est une situation qu'on essaie encore de
comprendre de manière scientifique, mais on a plusieurs hypothèses. Il y a
l'hypothèse des loisirs abordables. Lorsqu'on est défavorisé, on n'a peut-être
pas accès à d'autres activités sportives, artistiques, créatives qu'on peut
réaliser avec l'enfant, donc l'écran devient une source très immédiate, très
peu coûteuse, comme source de loisir. On sait aussi que les enfants qui
grandissent dans des quartiers, disons, où il y a plus d'espaces verts, où
c'est plus sécuritaire de jouer dehors, les enfants passent plus... dehors.
Mais, lorsqu'on est dans un quartier défavorisé, ceci pourrait empêcher ou
devenir un obstacle à passer du temps dehors. Les parents pourraient aussi
vivre plus de stress, ce qui pourrait interférer avec leur capacité de générer
et d'engager les enfants dans des activités qui seraient plus éducatives. Donc,
ce sont les hypothèses que nous avons.
M. Ciccone : Vous avez fait référence, dans votre... justement, votre
commentaire... quand il y a plus de parcs, il y a plus d'activités, quand il y
a plus d'offre, les jeunes sont plus poussés à aller vers ces activités-là.
Mais avez-vous... avez-vous fait...
avez-vous une donnée à l'effet... à savoir la différence entre les jeunes des
régions où il y a un espace plus vert versus ceux qui sont en ville?
Mme Fitzpatrick (Caroline) : Écoute,
c'est exactement les données que nous sommes en train de recueillir en ce moment au Québec. Les données existantes ont
été recueillies en Australie. Donc, nous sommes en train de regarder
plutôt dans les milieux urbains, mais on va comparer, selon les
caractéristiques des quartiers, à quel point ceci contribue au temps d'écran dans un échantillon d'enfants qui est moitié
défavorisés et moitié de milieux non défavorisés.
• (15 h 50) •
M.
Ciccone : Seriez-vous d'accord pour être
capables de nous transmettre ces données-là d'ici... si jamais vous les recevez
avant la fin mai, avant la fin de cette commission-là? Ce serait très, très
apprécié. Si vous pouvez les faire parvenir à la commission, ce serait
apprécié.
Et, en terminant, là, il y a-tu un bon temps
pour utiliser des écrans, par exemple, pour des jeunes qui ont... difficultés
d'apprentissage, qui ont des plans d'intervention? Est-ce qu'il y a une
exception pour ces jeunes-là?
Mme Fitzpatrick (Caroline) : Donc,
les travaux que j'ai menés sont basés principalement sur l'utilisation des écrans pour le loisir. Ceci, donc, n'enlève
pas le fait qu'il existe certaines applications pédagogiques,
thérapeutiques d'utilisation des écrans, et, selon moi, ce n'est pas ces
utilisations-là qui sont problématiques. C'est les utilisations pour le loisir.
M. Ciccone : Parfait. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Dionne) : D'autres
interventions? Oui, Mme la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme Cadet : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, Pre Fitzpatrick, bonjour à vous deux pour... et merci pour
cette présentation. D'abord, donc, sur la question de mon collègue au niveau
des milieux défavorisés, je pense également... expérience... donc, l'enjeu,
donc, de l'accès à des loisirs abordables, donc, pour pouvoir, donc, avoir, donc, du temps sans écran pour compenser, donc,
l'accès aux écrans semble être une hypothèse. Maintenant, j'aimerais...
En fait, là, j'ai une question peut-être un peu particulière ici. Je me
demandais... parce qu'on... Justement, donc, quand on parle, donc, de ces
enjeux-là... puis plusieurs, donc, autres professeurs sont venus avant vous
puis nous ont parlé aussi, donc, de compenser, donc, par d'autres activités,
puis, manifestement, c'est le cas. J'aimerais savoir c'est quoi, le rôle de
l'ennui dans le développement de l'enfant, donc d'avoir du temps qui n'est pas
nécessairement, donc, organisé, à faire, donc, une autre activité pour
compenser un petit peu ce temps sans écran là.
Mme Fitzpatrick (Caroline) : Je
vais... Je vais répondre en premier et, ensuite, je vais... si elle le désire,
ma collègue Gabrielle Garon-Carrier pourra renchérir sur la réponse. Donc, je
pense qu'il y a un continuum de l'ennui. Un peu d'ennui peut être source de
créativité, peut aider les enfants, justement, à développer leurs fonctions
exécutives, à développer leur contrôle volontaire, peut être une source de
motivation pour créer des jeux. Donc, il peut y avoir des éléments bénéfiques à
l'ennui, un niveau minimum. Mais un niveau d'ennui trop élevé est stressant
pour les enfants, ça devient source de stress, et ça, ce n'est pas une bonne
situation pour les enfants. Donc, on ne veut pas que les enfants aient une
expérience d'ennui intense, mais certains moments d'ennui qui amènent à la
recherche d'activités plus créatives, plus enrichissantes peuvent être
bénéfiques pour le développement.
Mme Cadet : ...Pre Garon-Cartier,
vous vouliez compléter?
Mme Garon-Carrier (Gabrielle) : Bien,
je vais réitérer, en fait, la réponse de ma collègue, là. Tout à fait, ça peut
générer des expériences, ça permet à l'enfant, aussi, éventuellement, de se
réguler lui-même, gérer son émotion négative qu'est l'ennui. Puis ça, c'est un
apprentissage qui est très important chez les jeunes enfants et qui ne se
développe pas devant les écrans, malheureusement.
Mme
Cadet : C'était un peu ma question soulevée ici. Donc, ce
que vous dites, c'est qu'en fait avec les écrans, vu qu'on enlève, donc, toute phase d'ennui dans le
continuum d'activités de la journée d'un enfant, donc, ça devient... Donc, on parlait beaucoup, donc, du coût
d'opportunité de faire d'autres activités, mais c'est aussi un défi à ce
niveau-là, parce qu'en fait on enlève, donc,
cette phase, qui peut être bénéfique, d'ennui avec la présence d'écran dès le
jeune âge...
Ensuite, vous avez fait, donc, des distinctions,
donc, entre les filles et les garçons au niveau, donc, des symptômes qui
peuvent être développés, dépression, anxiété sociale chez les filles, TDAH,
impulsivité chez les garçons, par exemple. Est-ce qu'au niveau des
recommandations, peut-être pas au niveau du temps d'écran, mais... ou... au
niveau, donc, de la relation avec les écrans, est-ce que vous avez, donc, des
recommandations qui seraient différenciées selon le genre?
Mme Fitzpatrick (Caroline) : C'est
vraiment intéressant comme question. Je ne sais pas si j'irais jusque là, parce
que nous autres, on regarde ici des différences garçons-filles. La situation
est probablement un peu plus complexe. On n'a pas pu mesurer des aspects plus
fins, par exemple, du genre. Donc, je pense que ce serait plus prudent de faire
des recommandations générales à cet égard-là, étant donné que certaines filles
pourraient aussi jouer aux jeux vidéo, certains garçons pourraient aussi
utiliser les réseaux sociaux. Bien, je pense que c'est important de...
peut-être pour les campagnes de sensibilisation, de garder ça en tête lorsqu'on
veut rejoindre certains publics, que les garçons et les filles peuvent vivre
des conséquences différentes de l'utilisation des écrans.
Mme Cadet : O.K. Merci. Puis
dernière question de mon côté. Bien, évidemment, on parle beaucoup de majorité
numérique. Vous avez probablement, donc, suivi ces débats-là. Est-ce que vous,
vous faites, donc, une recommandation en ce sens? Donc, comment vous entrevoyez
cette potentielle politique publique?
Mme Fitzpatrick (Caroline) : Je ne
suis pas certaine si je me prononcerais sur la majorité numérique.
Mme Cadet : Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup. J'aurais juste une petite question, moi. Au niveau des études, vous
parliez des études menées par... chez des enfants de quatre ans et demi, cinq
ans et demi. Alors, j'étais juste curieuse de savoir : Pourquoi cet
âge-là?
Mme Fitzpatrick (Caroline) : Le...
Notre rationnel, lorsqu'on a effectué, commencé cette étude-là, c'est qu'on
voulait regarder des enfants d'âge préscolaire et toute la période avant qu'ils
commencent l'école, parce qu'ultimement on voulait comprendre comment
l'utilisation des écrans pouvait influencer le développement global, et leur
ajustement, et leur préparation à l'école.
La
Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup. Alors, je cède maintenant la
parole à Mme la députée d'Iberville.
Mme Bogemans : Comme vos études
portent justement sur les enfants en bas âge, est-ce que vous auriez des
recommandations en ce qui a trait à l'école primaire? Je sais que cinq ans,
c'est pas mal la maternelle, là, mais, au niveau de l'école primaire,
idéalement, comment on pourrait bien encadrer nos jeunes?
Mme Fitzpatrick (Caroline) : Bien,
je dirais qu'il y a certaines pratiques qui sont... Encore une fois, je suis
plutôt spécialiste des utilisations d'écrans pour le loisir et je comprends
qu'il y a des bienfaits... des technologies pédagogiques qui peuvent apporter
des bienfaits. Cependant, l'utilisation des écrans pour le loisir, regarder des
émissions de télévision, regarder des films, c'est des pratiques courantes à la
maternelle, c'est des pratiques courantes, aussi, dans les milieux de garde.
Donc, je pense qu'on peut travailler avec les écoles pour éviter ce genre
d'utilisation là. Il y a également récemment eu un parent qui a écrit... je
pense que c'était au Devoir ou à La Presse, qui était très fâché
que son école utilise des écrans comme récompense. Donc, les utilisations
pendant les repas, les utilisations comme récompense, les utilisations pour le
loisir sont des choses qu'on pourrait commencer à limiter et à, même, éliminer,
je pense, pour les tout-petits à l'école.
Mme Bogemans : Tout à l'heure, vous
avez dit que, chez les enfants avec une structure familiale où l'écran est
vraiment encadré, donc, à partir de trois ans, vous pouviez déjà voir
l'évolution jusqu'à l'âge de cinq ans et demi, finalement, que le temps d'écran
était moindre chez... ces enfants-là, pardon. Comment... Avez-vous des exemples
de cet encadrement-là? Puis, si on va avec des recommandations en ce sens-là,
est-ce que ce serait plutôt en termes de santé publique, en termes de
recommandations de l'ordre des pédiatres ou des choses comme ça qu'on pourrait
renforcer ces bonnes habitudes là?
Mme
Fitzpatrick (Caroline) : Donc, oui. Donc, c'est des... Les pratiques
parentales qu'on a étudiées s'appellent...
ça s'appelle, dans la littérature scientifique, les pratiques restrictives. Ce
n'est pas un beau nom, mais ce que ça inclut, très concrètement, c'est
mettre en place des limites par rapport au temps d'écran, mais aussi les
contenus qui vont... qu'on va éviter, les contenus
qu'on va favoriser et les moments qui vont... où est-ce qu'on veut aussi
interdire les utilisations. Donc, c'est aussi ce que recommande, par exemple,
l'Académie américaine de pédiatrie, la Société canadienne de pédiatrie. C'est
essentiellement l'établissement d'un plan familial qui devrait être mis en
place le plus tôt possible, idéalement avant que les enfants commencent à
utiliser les écrans, et ce plan-là peut venir, justement, spécifier c'est quoi,
les limites de temps pour chaque membre de la famille, mais aussi quels sont
les moments où est-ce qu'on veut ne pas utiliser d'écran et quels sont les
contenus à éviter et à favoriser.
Mme Bogemans : Merci.
• (16 heures) •
La Présidente (Mme Dionne) : Il y a
plusieurs spécialistes, experts, qui, eux, recommandent, 0-3 ans, aucun temps
d'écran. Vous en pensez quoi?
Mme Fitzpatrick (Caroline) : C'est...
Oui, je pense que c'est les recommandations, justement, de John Hutton. Je
pense que le principe de précaution est important à tenir en... à garder en
tête. Il y a très, très peu de recherches qui montrent des bienfaits de
l'exposition précoce aux écrans. S'ils en ont, c'est dans des circonstances
très spécifiques et précises. Généralement, les enfants apprennent, en
utilisant les écrans, si le parent est présent et si le contenu est éducatif.
Donc, il y a très peu de bienfaits documentés. Et on trouve, au contraire,
plusieurs études qui montrent des risques. Donc, par principe de précaution, je
pense qu'on risque très peu en demandant aux parents d'éviter les écrans, avec
les enfants, jusqu'à l'âge... avant l'âge de deux ans, et de limiter et de
surveiller de près les utilisations à partir de l'âge... entre les âges de deux
et trois ans.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
Je passe maintenant la parole à Mme la députée de Hull.
Mme Tremblay : ...bonjour. Alors,
moi, je reviens... Parce que vous avez étudié beaucoup, là, la petite enfance, alors comment... comment on va... on
parle de prévention, mais comment on va faire pour atteindre vraiment
les parents puis que ça s'implante dans les
familles? Parce que je me promenais encore en fin de semaine puis, tu sais, je
voyais des enfants avec... dans la
poussette, pendant que le parent faisait l'épicerie, ils regardaient les
réseaux, puis là ce n'est pas une exception, là. Si on regarde partout autour de
nous, là, les enfants, là, sont sur des écrans en bas âge dans les
milieux publics puis, probablement, chez eux aussi, là.
Donc, nous, comme... Vous voyez, on a une
commission. En tant qu'État, on réfléchit à la question. Donc, nous, ça va être quoi, notre rôle, finalement? Et
comment on va faire pour atteindre vraiment les parents, là, donc? Parce
que, vous le dites, là, c'est délétère pour la régulation émotionnelle, ça a un
impact qui est majeur. Puis vous n'êtes pas les seuls à le dire, d'autres recherches
l'ont démontré, d'autres intervenants ici aujourd'hui. Donc, on fait quoi,
comme État, pour atteindre les parents, pour les conscientiser? Est-ce que
c'est une campagne publicitaire ou on va encore plus loin? Donc, qu'est-ce
qu'on doit faire? Quel est notre rôle à nous?
Mme
Fitzpatrick (Caroline) : C'est certain que, pour un problème complexe de
société comme la surutilisation des écrans, ça prend des interventions à
multiniveaux. C'est insuffisant et peut-être injuste de simplement demander aux parents de changer leurs habitudes. Donc,
c'est un... Je pense qu'il faut utiliser une approche collective. Certains... certaines interventions sont en train
d'être pilotées, par exemple en Australie, où est-ce qu'on fait des
visites à domicile, où est-ce qu'on incorpore l'éducation, la sensibilisation
au numérique dans des visites à domicile. Donc, c'est une stratégie qu'on peut utiliser pour rejoindre les
familles. Encore, on peut continuer avec des campagnes de
sensibilisation. Je pense aussi que les
écoles peuvent avoir un rôle à jouer pour faire de la sensibilisation sur
l'effet, l'impact du numérique sur les jeunes. On enseigne l'hygiène de
vie à l'école, donc on peut faire la même chose pour l'utilisation des écrans.
Mme Tremblay : Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup, Mme la députée. M. le député de Jonquière.
M.
Gagnon : ...bonjour, Mme l'enseignante. J'ai manqué
quelques minutes de la présentation, alors, si jamais je vous fais répéter, vous pouvez me ramener à
l'ordre, il n'y a aucun problème. On a parlé beaucoup... C'était fort
intéressant, là, avec mes collègues, au niveau de l'angle parent, puis c'est
vraiment intéressant, dans vos recommandations, vous êtes en mode sensibiliser.
J'aime aussi, là, quand on... On commence à l'entendre un petit peu, l'offre de
services abordables, qui peut... qui peut permettre, là, de mettre son
cellulaire de côté.
Je veux vous amener du côté scolaire, au niveau,
peut-être, de la responsabilité de l'État, là, peut-être davantage. Vous
mentionnez, au niveau scolaire, de former les enseignants. On a entendu
quelques... On a entendu des gens qui nous disaient que peut-être que la
formation ou la réglementation devrait être unique par école, devait être
divisée par centre de services scolaires, par région, peut-être au niveau
national, tout dépendamment de l'indice de défavorisation aussi de l'école.
Et je voulais vous entendre, si on réfléchit,
est-ce qu'on doit se mettre tous au même diapason d'une stratégie nationale de
formation ou on doit y aller et le décortiquer peut-être en lien avec la
géographie, en lien avec l'état du quartier,
l'état de l'école, le conseil d'établissement? C'est un petit peu là-dessus que
je voulais centraliser ma question.
Mme Fitzpatrick (Caroline) : Bien,
je dirais que, bon, présentement, les enseignants ou dans le curriculum de la formation enseignante, il existe des modules
sur l'utilisation saine des écrans. Et je ne suis pas spécialiste de
leur formation, mais ce que je peux dire, c'est que je rencontre beaucoup
d'enseignants, je fais beaucoup de conférences pour les commissions scolaires,
je fais beaucoup de conférences pour les spécialistes et les intervenants en
milieu scolaire, et tous sont surpris lorsque je leur présente les conséquences
négatives de l'utilisation des écrans par les jeunes enfants et même par les
adolescents.
Donc, ce que ça indique, selon moi, c'est que,
dès la formation enseignante, on doit prendre au sérieux comment on aborde l'impact possible de
l'utilisation des écrans pour le loisir. On sait que les enseignants sont au
courant que ce que les jeunes font avec les écrans à la maison a un impact sur
leur comportement. On l'a vu en Ontario avec la «class action» qui poursuit les
compagnies de plateformes de réseaux sociaux. Donc, je n'ai pas la réponse
exacte que vous cherchez, mais c'est mon expérience que je partage avec vous.
M. Gagnon : Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : M. le
député de Gaspé.
M.
Sainte-Croix : Merci, Mme la Présidente. Vous avez parlé,
Mme Fitzpatrick, de la question thérapeutique. J'aimerais que vous
développiez un petit peu là-dessus parce qu'honnêtement de ces... c'est notre
deuxième journée, je crois, d'audiences, puis on n'a pas vraiment abordé le
sujet thérapeutique rattaché au numérique. Donc, j'aimerais vous entendre
là-dessus.
Mme Fitzpatrick (Caroline) : Bon,
encore, ce n'est pas mon domaine d'expertise, mais je peux dire que certains
cliniciens utilisent des thérapies par réalité virtuelle, par exemple, pour
traiter... ça peut être des blessures, mais
ça peut aussi être certaines conditions psychiatriques. Il y a aussi des
applications spéciales qui sont développées pour aider les jeunes qui
ont des troubles d'apprentissage ou qui ont un trouble de spectre... du spectre
de l'autisme. Donc, ça, ce sont des outils très spécifiques qui n'ont pas...
qui ne sont pas conçus pour le loisir, n'emploient pas des stratégies de
renforcement virtuel, ne sont pas créés pour des gains commerciaux qui peuvent
être incorporés, utilisés par les jeunes pour certains bienfaits.
M. Sainte-Croix :
Si vous me permettez, Mme la Présidente. Donc, je comprends bien que le modèle
d'affaires qu'on nous a expliqué, là, dans les... à travers nos auditions est
complètement différent, et ça, la science va dans le sens que vous amenez là.
On a de la preuve de ça, de l'aspect thérapeutique de certaines applications.
Mme Fitzpatrick (Caroline) : Bien,
encore là, ce n'est pas mon milieu d'expertise, mais, oui, je pense que
certaines... il y a certaines applications discrètes qui ont été développées et
évaluées, oui.
M. Sainte-Croix : Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : M. le
député de Marquette.
M. Ciccone :
Oui. Merci beaucoup. Je vous écoutais parler, professeure, puis vous avez...
tantôt, suite à une question de Mme la présidente quand elle faisait référence
aux recherches du Dr Hutton, de 0-3 ans, ne pas... les jeunes ne
devaient pas être exposés aux écrans. Vous avez dit : Bien, de 2 à
3 ans, ils devraient être... on devrait peut-être les limiter. Pourquoi on
dit... Pourquoi vous dites limiter? C'est-tu parce qu'à quelque part, avec tout
ce qu'on voit, on est presque résignés à dire : Bien, on est aussi bien de
contrôler que d'empêcher?
Mme Fitzpatrick (Caroline) : Mais je
pense qu'il y a certains enfants, c'est aussi pour ne pas créer une panique.
Donc, un enfant de deux ans qui utilise une tablette pour avoir un FaceTime
avec d'autres membres de la famille, ce genre d'utilisation là ne va
probablement pas créer des effets néfastes chez l'enfant et pourrait même
favoriser des liens familiaux.
L'utilisation... Un parent qui travaille des
longues heures, et maman a besoin de 20 minutes pour préparer le souper,
ce n'est pas dramatique si un enfant passe de temps en temps 20 minutes à
regarder une émission. Donc, je pense que c'est aussi pour nuancer un petit peu
qu'une utilisation occasionnelle peut être acceptable.
M. Ciccone : Merci beaucoup d'avoir précisé, professeure. Également,
j'aimerais peut-être rentrer sur un plancher un peu glissant, là. Je veux vous
entendre là-dessus parce qu'on parle beaucoup des jeunes, on parle beaucoup de
la majorité numérique, on parle de la problématique chez les jeunes, on ne
parle pas des parents. On ne parle pas des parents qui, souvent, là, sont les
premiers à mettre un écran devant un jeune. Moi, je ne peux pas parler pour
la... je peux vous parler de la génération de mes parents. C'était plus facile,
il n'y avait pas d'écran. Les premiers jeux vidéo Atari et Coleco, qui sont
plus vieux que vous, professeure, c'est... on a commencé avec ça, puis moi,
j'ai connu ça. Mais tout ce qui était écran, là, on n'y faisait pas face. Puis
nos parents n'étaient pas... n'avaient pas de décisions à prendre à ce
niveau-là, on jouait dehors. Aujourd'hui, la nouvelle génération de parents,
là, depuis l'installation des écrans, on voit qu'il y a une augmentation de
temps d'écran. Est-ce que nos parents, la nouvelle génération, entrent dans la
facilité? Est-ce que ce n'est pas eux, le problème?
• (16 h 10) •
Mme Fitzpatrick (Caroline) : Bien,
c'est sûr qu'il y a une culture numérique qui est différente avec les parents
qui ont grandi eux-mêmes avec beaucoup de technologie, avec les cellulaires,
avec les tablettes. On sait aussi que l'utilisation des écrans par les parents
est un déterminant de la quantité de temps que les enfants vont passer
devant... eux-mêmes devant les écrans. Donc, je pense qu'encore là c'est... ça
prend... Et ce n'est pas parce que les parents veulent mal faire. Il y a des
parents qui pensent que ou qui croient que l'utilisation de la technologie, que
ce soit une tablette ou autre, est bénéfique pour le développement des enfants
parce que ça les initie à la technologie. C'est une croyance parentale qui
existe. Donc, pour moi, ça renforce l'idée qu'on a besoin de continuer à
sensibiliser et accompagner les parents dans les prises de décisions dans
l'établissement de saines routines avec les écrans.
M. Ciccone : Plusieurs nous ont dit que la recherche n'allait pas assez
vite, qu'on n'avait pas assez de données, on se faisait dépasser par tout ce
qui était numérique. Êtes-vous d'accord avec ça?
Mme Fitzpatrick (Caroline) : C'est
vrai que la technologie évolue rapidement. Par contre, ce que je dis parfois,
c'est que, qu'on regarde TikTok ou qu'on prenne Facebook, même si l'interface
avec la plateforme change, les stratégies de renforcement virtuel demeurent
essentiellement les mêmes. Donc, oui, la technologie avance rapidement, on va bientôt voir l'émergence de
réalité virtuelle pour le loisir, cependant, il y a aussi certaines
constantes dans les plateformes qui sont particulièrement divertissantes, mais
en même temps aussi problématiques.
M. Ciccone : Merci beaucoup. Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : Il y a
des experts aussi qui nous ont parlé... bien, on parle d'encadrement,
justement, puis de mettre en place, là, des saines habitudes à la maison. On
pense... Il y a des experts aussi qui nous ont mentionné, bon, le fait
peut-être qu'il y a des parents, des fois, qui l'interdisent durant la semaine
mais qui le permettent durant la fin de semaine, qu'on assiste à des
comportements un peu boulimiques de la part des enfants. Vous en pensez quoi de
ça?
Mme Fitzpatrick (Caroline) : Bien,
en fait, nous n'avons pas étudié nécessairement cette question-là des utilisations pendant la semaine et des
utilisations pendant la fin de semaine. Je sais que, selon des études
épidémiologiques, la fin de semaine, c'est un temps où
est-ce que les jeunes passent plus de temps avec les écrans, mais c'est aussi
l'opportunité de rattraper l'activité physique, d'être exposés à d'autres
activités. Donc, je pense que ça vient renforcer l'idée qu'on doit offrir des
activités variées aux jeunes.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
Je passe maintenant la parole à Mme la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme Cadet : Merci. Donc, à nouveau,
merci, mesdames. Vous avez parlé de l'utilisation par les plateformes des stratégies de renforcement virtuel, donc tout
ce qui garde, donc, l'utilisateur, donc, sur les plateformes. J'aimerais
voir, donc, vous entendre, donc, sur,
évidemment, donc, le lien de corrélation et de causalité entre ces
mécanismes-là et les différents
effets quant à la gestion et l'autorégulation des émotions, ici l'absence de
ces mécanismes-là ou une moindre prévalence de ces mécanismes-là, si ça
peut devenir un levier d'intervention pour l'État ou pour un régulateur.
Mme Fitzpatrick (Caroline) : Donc,
je vais dire des recherches qui sont directement allées mesurer l'impact de ces mécanismes-là, par exemple sur les
récepteurs de dopamine, sont très peu fréquentes chez les tout-petits.
Mais on sait que, chez les adultes, on peut observer des décharges de dopamine
lorsqu'on joue à des jeux vidéo qui sont similaires
à les décharges observées par des utilisateurs d'amphétamines. Donc, ce sont
des mécanismes qui sont puissants. Encore une fois, ces études-là sont
assez rares chez les adolescents et chez les jeunes.
Je pense absolument que ça peut être un levier
pour encadrer l'industrie. Par exemple, on peut faire en sorte qu'au lieu
d'être obligé de manuellement aller éteindre toutes les notifications sur notre
plateforme, les produits pourraient arriver sans notifications, et
l'utilisateur choisit de les allumer. Les notifications sont, en particulier, dans
les éléments problématiques, dans les éléments les plus communs et courants de
renforcement virtuel. Donc, offrir du «opt-in» au lieu du «opt-out».
Mme Cadet : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Dionne) : Pour
poursuivre sur le commentaire de ma collègue, quel pouvoir on a là-dessus et
comment convaincre les géants du Web?
Mme Fitzpatrick (Caroline) : Ce
n'est malheureusement pas mon expertise. Je peux partager les connaissances du
mieux que je peux. Je sais qu'une stratégie, peut-être, et ça ne répond
peut-être pas exactement à la question, mais il y a une initiative, en
Angleterre, du Child Rights by Design. C'est un... Ils ont... C'est un groupe qui a développé une série de principes basés sur
les droits fondamentaux des enfants, et leur ambition, c'est qu'on
demande aux concepteurs d'applications de
respecter ces principes-là, qui sont développés justement pour protéger, là,
le... les enfants et répondre à leurs besoins. Donc, c'est une chose
qu'on peut commencer à utiliser pour dépister des solutions.
En Australie, on a également créé des corps
indépendants pour évaluer la qualité éducative et les âges minimums pour les
contenus destinés aux enfants. Donc, vous savez probablement que c'est...
présentement, c'est l'industrie qui détermine si leur contenu est valeur
éducative, ou valeur de loisir, ou valeur de divertissement, et c'est eux qui
déterminent c'est quoi, les âges appropriés pour leurs contenus.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
Ça mérite de pousser la réflexion plus loin. D'autres interventions de mes
collègues? Alors, je vous remercie infiniment, mesdames, pour votre
contribution à ces travaux.
Alors, pour ma part, je vais suspendre les
travaux quelques instants pour accueillir nos prochains invités. Merci beaucoup.
Mme Fitzpatrick (Caroline) : C'est
un plaisir, un immense plaisir.
Mme Garon-Carrier (Gabrielle) :
Merci. Au revoir.
(Suspension de la séance à 16 h 16)
(Reprise à 16 h 30)
La Présidente (Mme Dionne) : Alors,
la commission reprend maintenant ses travaux.
Alors, je souhaite maintenant la bienvenue à
Mme Sara Eve Levac, avocate et analyste chez Option Consommateurs. Donc,
bonjour, Mme Levac. Merci de contribuer à nos travaux.
Alors, je vous souligne que vous avez
10 minutes pour nous présenter votre exposé, et, suite à cela, nous
procéderons à une période d'échange et de questions avec les membres de la
commission. Donc, la parole est à vous.
Option Consommateurs
(OC)
Mme Levac (Sara Eve) : Merci.
Bonjour, Mme la Présidente. Bonjour, Mmes et MM. les membres de la commission.
Alors, je vous remercie de l'invitation et de nous offrir l'occasion de vous
présenter nos observations aujourd'hui. Je m'appelle Sara Eve Levac. Je suis
avocate et analyste chez Option Consommateurs.
Créée en 1983, Option
Consommateurs est une association à but non lucratif qui a pour mission d'aider
les consommateurs et de défendre leurs droits. Notre travail s'intéresse
notamment aux pratiques commerciales des entreprises dans l'univers numérique.
Au cours des dernières années, nous sommes fréquemment intervenus sur des
questions de vie privée, notamment en publiant des rapports de recherche et en
participant à des consultations sur des projets de loi en matière de protection
des renseignements personnels. Nous avons également initié des actions
collectives d'envergure qui se fondent notamment sur la protection de la vie
privée. Alors, c'est sur la base de notre expertise
acquise sur le terrain et dans nos recherches que nous vous présentons nos
commentaires devant cette commission.
J'utiliserai
le temps qui nous est imparti pour vous présenter cinq recommandations
d'Option Consommateurs sur les sujets qui intéressent la commission
spéciale : d'abord, mieux encadrer les pratiques dans l'univers numérique
en reconnaissant l'intérêt supérieur de l'enfant dans la loi; interdire
l'utilisation commerciale des renseignements personnels des enfants; créer un
comité consultatif d'enfants et de jeunes; prévoir des obligations de
divulgation de contenu publicitaire en ligne; et adapter l'information sur le
traitement des renseignements personnels aux jeunes.
Donc, d'abord, nous considérons que la loi doit
offrir des protections plus solides aux enfants dans l'environnement numérique.
Nous recommandons donc que le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant soit
intégré à la Loi sur la protection des
renseignements personnels dans le secteur privé, aussi connue sous le nom de la
loi n° 25.
Donc, plusieurs techniques persuasives peuvent
être utilisées pour retenir l'attention des enfants et des jeunes en utilisant
leurs renseignements personnels, comme, par exemple, le défilement infini et la
lecture automatique de vidéos, qui vont leur proposer toujours une vidéo de
plus à visionner ou une publication de plus être consultée selon leurs
intérêts, offrir des cadeaux quotidiens sur une application mobile afin de les
inciter à retourner au jeu grâce aux données sur leur dernière connexion ou
encore l'envoi de notifications les avisant d'une nouvelle publication d'une
personne qu'ils suivent pour encourager leur engagement sur une plateforme de
réseau social.
Donc, l'inclusion du principe de l'intérêt
supérieur de l'enfant permettrait de faire en sorte que, de la conception
jusqu'à la mise en marché, en passant par les fonctionnalités des services ou
produits numériques, les décisions soient prises en considérant à ce qui
favorise le développement global de l'enfant, quelle que soit la façon dont
l'entreprise considère traiter les renseignements personnels.
Prenons, par exemple, un jeu mobile qui envoie
des notifications à l'enfant s'il ne s'y est pas connecté depuis plusieurs
heures afin de l'inciter à y retourner. En ajoutant une obligation de prendre
en considération l'intérêt supérieur de l'enfant, le développeur de ce jeu aura
l'obligation d'évaluer si le traitement de ces renseignements personnels
favorise son développement global, donc son développement psychologique,
cognitif, social, affectif, etc. Et une telle analyse pourrait ainsi conclure
que cette utilisation est inacceptable, considérant que ces jeux peuvent créer
une dépendance chez les jeunes.
Mettre
l'intérêt supérieur de l'enfant à l'avant-plan en matière de vie privée, c'est
d'ailleurs une recommandation des commissaires fédéral, provinciaux et
territoriaux à la protection de la vie privée, incluant la Commission d'accès à
l'information du Québec.
Ensuite, nous proposons l'utilisation des
renseignements... l'interdiction de l'utilisation des renseignements personnels des enfants à des fins commerciales,
pardon. Il y a maintenant plus de 40 ans, le Québec a été à l'avant-garde
à l'échelle internationale en interdisant la publicité ciblant les enfants de
moins de 13 ans. Comme la publicité peut avoir
un impact sur les choix de consommation des enfants, pensons à la malbouffe,
par exemple, le Québec a voulu les protéger de l'influence publicitaire.
Pourtant, aujourd'hui, les entreprises comme les plateformes de médias sociaux
peuvent utiliser les renseignements personnels des enfants à des fins
commerciales. Elles vont, par exemple, dresser des profils des enfants dès un
jeune âge afin de leur proposer du contenu ou des produits qui pourraient leur
plaire et les encourager à demeurer sur leurs plateformes. Par exemple, un jeu
vidéo qui détecterait qu'un jeune aurait de la difficulté à progresser pourrait
lui proposer des microtransactions pour favoriser cette progression ou encore
des vêtements virtuels selon ses champs d'intérêt.
À ce sujet, le Comité des droits de l'enfant, un
organisme des Nations unies, recommande d'interdire par la loi le profilage ou
le ciblage d'enfants de tout âge à des fins commerciales fondé sur
l'enregistrement numérique de leurs caractéristiques réelles ou déduites. Un
rapport de la Commission d'accès à l'information, en 2022, sur la protection
des renseignements personnels des mineurs à l'ère numérique recommandait
également d'interdire le traitement des renseignements personnels de mineurs
dans le but de faire de la publicité ou de la prospection commerciale. Nous
considérons que le Québec devrait suivre ces recommandations.
Ailleurs dans le monde, d'ailleurs, d'autres
juridictions prévoient certaines protections contre l'utilisation des
renseignements personnels de mineurs à des fins commerciales. En Californie,
par exemple, où de nombreuses entreprises de l'univers numérique sont établies,
la loi interdit d'obliger un enfant de moins de 13 ans à divulguer des renseignements personnels qui ne soient pas
raisonnablement nécessaires à la participation à un jeu ou à une activité en
ligne.
Notre troisième recommandation est d'écouter les
enfants et les jeunes par le biais d'un comité consultatif qui leur permettrait de s'exprimer sur les enjeux
qui intéressent cette commission. Les enjeux qui intéressent la
commission spéciale concernent les enfants et les jeunes. D'ailleurs, dans le
cadre d'une consultation menée par le compte du Comité des droits de l'enfant,
bien, les enfants ont souligné l'importance de la technologie dans l'exercice de
leur droit au loisir et au jeu. Consulter les enfants permettrait de favoriser
leur adhésion aux mesures qui pourraient être mises en place suivant cette
commission. D'ailleurs, d'autres organismes vous ont déjà encouragés à
consulter les jeunes dans le cadre de vos travaux.
De plus, en 1991, avant même que le Canada ne la
ratifie, le Québec s'est déclaré à la Convention relative aux droits de
l'enfant, un traité international parmi les plus ratifiés au monde qui prévoit
des droits des enfants. La convention
prévoit, entre autres, le droit des enfants d'exprimer leur opinion sur toutes
les questions qui les concernent.
Et
le recours à des comités consultatifs de jeunes afin d'informer les... les
décideurs, pardon, de leurs opinions sur des enjeux qui les intéressent est une
pratique qui existe ailleurs. En Alberta, par exemple, un comité de jeunes
informe le travail de l'Office of the Child and Youth Advocate. Les membres de
ce comité rencontrent notamment les ministres pour leur présenter leurs points de
vue sur des enjeux qui les concernent. Au Québec, le projet de loi n° 37,
qui prévoit que le nouveau commissaire au bien-être et aux droits des enfants
aura notamment comme fonction de former des comités consultatifs d'enfants et
de jeunes afin d'obtenir leur avis sur toute question relevant de ses
fonctions...
Quatrièmement, le
Québec devrait prévoir des obligations de divulgation de contenu publicitaire
en ligne. Les enfants et les jeunes d'aujourd'hui consomment du divertissement
sur différentes sources en ligne. Par exemple, sur une plateforme de partage de
vidéos, les influenceurs peuvent promouvoir des produits et des services à
travers le contenu qu'ils diffusent. Un influenceur peut, par exemple, déballer
une console de jeu vidéo reçue gratuitement ou bien recommander un produit
cosmétique dans le cadre d'un tutoriel de beauté après avoir reçu une
compensation d'une entreprise pour le faire. Cette publicité non traditionnelle
peut se mêler au contenu habituel de l'influenceur, et il peut être difficile pour les jeunes de reconnaître ces publications
comme étant du contenu publicitaire. Une recherche que nous avions menée
en 2021 sur le marketing d'influence nous a d'ailleurs permis de le constater.
À l'instar de la
France, le Québec pourrait prévoir dans la Loi sur la protection du
consommateur qu'un contenu publicitaire en ligne doit être identifié comme tel.
Il serait également possible de réglementer les mots-clics à utiliser afin de
divulguer clairement la présence de contenu publicitaire, comme c'est le cas en
Allemagne.
Enfin,
la loi devrait prévoir que les informations données aux jeunes quant au
traitement de leurs renseignements personnels soient adaptées à eux. Les
politiques de confidentialité informant les consommateurs du traitement de leurs
renseignements personnels peuvent être difficiles à comprendre, même pour les
adultes. Une communication adaptée permettrait aux jeunes de 14 ans et
plus qui sont appelés à donner leur consentement à la collecte de renseignements personnels de le faire de façon
plus éclairée. En Europe, d'ailleurs, toute information donnée au mineur
sur le traitement de ses renseignements personnels doit être rédigée en termes
simples et clairs afin qu'il puisse facilement saisir l'information.
Donc, merci. Il va me
faire plaisir de répondre à vos questions et de discuter avec vous.
La Présidente (Mme
Dionne) : Merci beaucoup, Mme Levac. Alors, nous allons débuter
ces échanges avec la députée de Bourassa-Sauvé.
• (16 h 40) •
Mme Cadet : Merci, Mme la Présidente. Bonjour. Merci d'être
avec nous aujourd'hui. Merci pour vos recommandations.
Je vais... avec la
première, donc, mieux encadrer les pratiques dans l'univers numérique en
reconnaissant l'intérêt supérieur de l'enfant dans la loi. Plusieurs des intervenants
qui sont passés avant vous, si vous avez entendu, nous ont, sous une forme ou
une autre, donc, exprimé leurs réserves, donc, quant aux mécanismes de
renforcement numérique ou de renforcement virtuel. Vous les avez nommés dans
votre présentation, vous les avez explicités. Maintenant, donc, j'aimerais
peut-être vous entendre de façon plus étayée sur le comment.
On nous a, par
exemple, parlé d'exemples de... on nous a donc parlé de l'exemple du
Royaume-Uni, qui, bon, travaille sur une législation de Child Rights by Design,
donc d'imposer, donc, aux plateformes, dès la conception de leurs outils et
applications, donc, la prévention, donc, de l'inclusion de ces mécanismes-là.
On nous a aussi parlé, donc, de l'exemple
du... de l'Australie, qui indique ou qui travaille, donc, à indiquer la mention
du caractère nocif d'une application, comme un système de
classification, comme on a, donc, dans... pour les films.
Donc,
peut-être vous entendre, donc, sur le comment, qu'est-ce que vous pensez de,
notamment, ces deux propositions-là, qui se font ailleurs, et, si...
comment est-ce que vous voyez, donc, le Québec emboîter le pas pour mieux
réguler la façon, les mécanismes, là, qui sont employés par les plateformes
pour capter l'attention de l'utilisateur en ligne.
Mme Levac (Sara
Eve) : Bon, bien, l'intégration de l'intérêt supérieur de l'enfant, ça
permet, si je peux me permettre, une protection parapluie. Donc, au lieu de se
demander à chaque nouvelle technique est-ce qu'on devrait interdire, par
exemple, le défilement infini, la lecture automatique de vidéos, les interfaces
truquées, la question devient à chaque fois, dès la conception d'un produit,
d'un service : Est-ce que ce que je fais est dans l'intérêt supérieur de
l'enfant? Et, si le mécanisme a pour but ou risque de créer une dépendance, tu
sais, des effets négatifs sur la santé mentale, par exemple, ça devient... la
réponse devient rapidement non, ce n'est pas dans l'intérêt supérieur de
l'enfant. Donc, ça permet donc, dans le fond, d'avoir une protection en tout
temps sur toutes les pratiques qui pourraient être mises en place sur l'intérêt
supérieur de l'enfant.
Ça évite aussi à ce
qu'on ait à modifier la loi pour intégrer, par exemple, une nouvelle pratique
qui se développerait dans un environnement numérique, parce que l'intérêt
supérieur de l'enfant serait déjà prévu, là, dans la loi pour protéger les
renseignements personnels et tout le traitement qui est relié à ça pour les
enfants.
Mme Cadet : D'accord. Merci. On nous a aussi parlé... Bon, en
fait, donc, on entend parler, donc, d'autorégulation de l'industrie.
Est-ce que vous pensez que l'industrie, donc, a la capacité, donc, de
s'autoréguler pour prévenir l'inclusion de ces mécanismes-là dans la conception
de leurs applications et plateformes?
Mme Levac (Sara Eve) : Bien, en
fait, nous, on considère... bon, les codes volontaires peuvent fonctionner
jusqu'à une certaine limite, mais nous, on considère qu'une intégration claire
dans la loi, ça permettrait de faire en sorte que les
entreprises doivent prendre en considération l'intérêt supérieur de l'enfant
dans toutes les étapes, de la mise en oeuvre, de la conception, etc., de tous
les produits, là, dans l'univers numérique.
Mme Cadet : Merci. Ensuite, votre
deuxième recommandation indique : «Interdire l'utilisation commerciale des
renseignements personnels des enfants.» Je pense que vous avez bien décrit ce
que vous voulez dire par là. Ça me fait tout de même penser, donc, à tout...
bien, en fait, à tout l'enjeu, donc, de la majorité numérique. Vous n'êtes pas
sans savoir, donc, que ça fait partie, donc, des délibérations, donc, de
savoir, donc, s'il serait à propos, donc, d'imposer un certain âge minimum, un
seuil minimum pour que les jeunes aient accès, donc, aux plateformes de réseaux sociaux. C'est une proposition qui fait
jaser, mais surtout, évidemment, donc, la question de l'applicabilité
s'impose. Puis, quand on se pose cette
question-là, bien, c'est surtout au niveau, donc, du traitement, donc, des
données personnelles.
Donc, j'aimerais savoir si vous, vous avez une
opinion sur la majorité numérique et, le cas échéant, comment est-ce que vous
voyez le traitement des données personnelles des enfants, s'il fallait, donc, y
aller avec un mécanisme, là,
d'identification du jeune pour nous assurer que cette mesure-là, donc, est
véritablement mise en place.
Mme Levac
(Sara Eve) : Oui. Je vais vous répondre par quelques
considérations sur la majorité numérique, en fait.
Ce que je dirais, la première chose,
c'est : Comment on définit la majorité numérique? Est-ce qu'on définit un
peu comme en France, où c'est interdit pour un mineur de moins de 15 ans
d'ouvrir un compte, par exemple, sur les réseaux sociaux, à moins que le parent
donne l'autorisation? Déjà là, s'il n'y a pas une interdiction complète, on
ressemble déjà au système, un peu, comme au Québec, où, en bas de 14 ans,
c'est le parent tuteur qui va gérer les renseignements personnels. Donc, est-ce
que c'est ça, la majorité numérique ou c'est une interdiction complète? Donc,
la première question, c'est comment on la définit.
Ensuite, il faut faire la balance. On sait que
les réseaux sociaux, les plateformes numériques peuvent avoir des effets
négatifs sur la santé mentale. Je suis sûre qu'il y a des experts qui sont déjà
venus vous expliquer tout ça, mais aussi des jeunes qui disent que c'est
important pour eux l'accès aux réseaux sociaux. Le CIEL est venu vous dire, la
semaine dernière, que, pour eux, c'était important pour rester en contact avec
leurs amis. Il y a des études aussi qui démontrent ça. Donc, il faut faire la
balance avec la considération.
La troisième chose dont vous parlez, c'est la
vérification de l'âge. Effectivement, il n'y a pas, en ce moment, de solution
miracle sur comment on fait une vérification de l'âge de l'enfant pour arriver
sur les plateformes numériques. Il y a des
enjeux de vie privée à considérer si on met une vérification d'âge obligatoire.
Malheureusement pour vous, je n'ai pas de solution miracle.
Parce qu'il y a plein de pays qui se posent, en
ce moment, la question. Il faut évaluer, dans le fond, quelles méthodes
protègent la vie privée et arrivent aussi à nos buts de protéger les enfants en
ligne. Parce qu'il y a plusieurs techniques, et chacune d'elles peut avoir des
enjeux de vie privée. Je sais qu'en Californie, par exemple, il y a des
entreprises qui demandent une carte d'identité avec une photo à la caméra. Donc
là, on vérifie si c'est bien la personne qui veut s'inscrire.
Après ça, par contre, il faut s'assurer que ces
informations-là... est-ce qu'elles sont stockées dans un endroit, est-ce
qu'elles sont bien sécurisées? Souvent, c'est des services tiers qui vont faire
ces vérifications-là à l'entreprise, donc il faut s'assurer qu'il y a des
protections mises en place. Il faut considérer qu'il peut y avoir des enjeux de
vol d'identité, du respect de la vie privée,
sur le fait que ces informations-là se promènent. Donc, malheureusement, je
n'ai pas de solution miracle. Je sais que
l'Australie se pose la même question en ce moment — ils viennent d'écrire... de sortir un
rapport, là, récemment, sur, justement, la vérification d'âge — que
le Royaume-Uni se pose les mêmes questions. Donc, il n'y a pas de solution
miracle. Il faut vraiment faire la balance, là, dans les techniques qu'on va
utiliser.
Mme Cadet : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Dionne) : M. le
député d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc : Merci, Mme la Présidente.
Bonjour, maître.
Vous parlez de l'intérêt supérieur de l'enfant,
un concept qu'on pourrait introduire dans une loi. Avez-vous précisé laquelle
loi?
Mme Levac (Sara Eve) : Dans la Loi
sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé.
M. Leduc : Parfait. Et ce serait
donc... Parce que je me demande qui va trancher ça. Ce serait donc le... Il y a
comme une commission, hein, des renseignements personnels?
Mme Levac (Sara Eve) : Oui. La Commission
d'accès à l'information du Québec. Oui.
M. Leduc : C'est eux qui seraient
appelés à trancher sur x ou y dossiers. Qui serait menée par qui, donc? Si,
mettons, il y a une nouvelle application qu'on n'aime pas, c'est un particulier
qui peut faire une plainte? Comment ça fonctionnerait?
Mme Levac (Sara
Eve) : Oui. Donc, un particulier peut faire une plainte à la
Commission d'accès à l'information, faire une demande d'enquête si elle
considère qu'une entreprise ne respecte pas ses obligations en vertu de la loi. Mais la Loi sur la protection des
renseignements personnels dans le secteur privé, c'est aussi une loi qu'on peut
évoquer devant les tribunaux de droit commun, donc, par exemple, à la Cour du
Québec. Mais effectivement, là, un particulier qui voudrait faire une plainte
contre une entreprise s'adresserait à la Commission d'accès à l'information.
M. Leduc : Mettons
qu'on aime le concept puis qu'on dit que, pour le futur... parce qu'on ne sait
jamais de quoi le futur est fait, il y aura certainement d'autres nouveaux
réseaux sociaux, d'autres applications, peut-être à même des réseaux sociaux
qu'on connaît, pour le futur, disons que c'est un concept intéressant.
Pour ce qui nous
intéresse, c'est-à-dire ce qui est devant nous en ce moment, vous avez même
parlé de, tu sais, les applications avec le défilement infini, les départs
automatiques de vidéos, les algorithmes, les boutons J'aime — tout
ça sont apparus, hein, les réseaux sociaux, à l'origine, ce n'étaient pas ça,
c'est apparu par la suite, la présentation de Mme Parent nous en bien parlé — on
pourrait adopter des lois qui interdit ces fonctions-là dans les réseaux
sociaux. Ça serait possible?
Mme Levac (Sara
Eve) : Oui, oui. Comme je disais, l'avantage, c'est que l'intérêt
supérieur de l'enfant pourrait permettre de
protéger contre toutes ces techniques-là qui seraient négatives peut-être pour l'enfant.
Mais il y a des... il y a des juridictions qui ont commencé à interdire
des choses comme les interfaces truquées, donc toutes les interfaces qui, dans
le fond, affectent la décision lorsqu'on traite de nos renseignements
personnels. Comme, si vous allez sur un site Web, puis on vous demande
d'accepter les témoins de connexion, puis il y a une option qui est en surbrillance, qui est plus claire que l'autre,
bon, ça, c'est une interface truquée. Il y a d'autres façons aussi. En
France, on considère de désactiver les notifications par défaut. Donc, oui, il
y a des juridictions qui commencent... Ah! et également en Belgique et aux
Pays-Bas, on interdit les «loot boxes», les coffres à butin dans les jeux vidéo. Donc, oui,
il y a des juridictions qui interdisent des techniques précises, mais, encore
une fois, si on interdit des techniques précises, et il y en a des
nouvelles, il faut changer la loi ou la réglementation. Donc, il faut prendre
ça en considération. Puis l'intérêt supérieur serait déjà là comme une
protection parapluie pour toutes ces techniques-là.
M. Leduc : Mais
donc, si on faisait ça, qu'on ajoutait l'intérêt supérieur de l'enfant dans la
loi, à partir du moment où ça entre en application, n'importe qui pourrait
dire : Moi, je voudrais faire abolir les boutons J'aime sur Facebook, par
exemple, et là j'écrirais une plainte à la commission, qui, dans un délai x,
devrait trancher sur, oui ou non, est-ce que
la plainte est fondée. Et, si oui, ça se transforme en directive? C'est un jugement?
C'est... Comment ça... Facebook... Meta recevrait une petite
lettre : Bonjour, nous sommes la commission, nous avons déclaré qu'à
partir de maintenant le bouton J'aime est illégal au Québec. Ça fonctionnerait
comme ça?
• (16 h 50) •
Mme Levac (Sara
Eve) : Bien, en fait, la personne ferait une plainte. La commission
pourrait... Il y a... Il y a un mécanisme de médiation aussi, là, à l'extérieur
d'une décision officielle, à ma compréhension. La commission, ultimement,
pourrait, oui, émettre une décision pour ce cas particulier là. Et, si elle
disait, par exemple : Nous considérons que les boutons J'aime ne sont pas
adéquats, bien là l'entreprise aurait sa décision pour ce cas particulier là.
Mais, après ça, on pourrait, dans le fond, comprendre que le bouton J'aime
n'est pas quelque chose qui est dans l'intérêt de l'enfant et qui doit... qui
ne peut pas être utilisé, là, au Québec.
M. Leduc : Mais ce serait la commission qui trancherait. Il
n'y aura pas de loi ou de règlement, nécessairement, à adopter ici, au
Parlement, en conséquence.
Mme Levac (Sara
Eve) : Non. À moins de vouloir expliciter une interprétation de
l'intérêt supérieur de l'enfant en donnant un exemple, par exemple, dans la
réglementation ou dans la loi. L'important, ce serait que la liste ne soit pas
exhaustive, parce que l'intérêt supérieur de l'enfant doit être interprété
selon les circonstances, et donc doit pouvoir être... pas figé, là, mais, dans
le fond, être à géométrie variable, là, selon les circonstances, pour pouvoir l'appliquer
à chaque cas d'espèce.
M. Leduc : C'est
intéressant parce que, sauf erreur, les commissaires de cette instance-là sont
nommés aux deux tiers, hein, de la Chambre ou à simple majorité. Ils sont
nommés par la Chambre, en tout cas. Ils ne sont pas décrétés par le bureau du
premier ministre. On vote... On vote en Chambre pour ça? On vérifiera.
Et vous dites
«enfant», c'est l'intérêt supérieur de l'enfant. Puis est-ce que... Ça va
jusqu'à quel âge, votre définition de l'enfant dans ces situations-là?
Mme Levac (Sara
Eve) : Oui. Bien, c'est ça, l'intérêt supérieur de l'enfant, si on
prend le concept qui vient de la Convention relative aux droits de l'enfant, la
convention dit «en bas de 18 ans.» Donc, tous les mineurs en bas
18 ans ont le droit à ce que l'intérêt supérieur... leur intérêt supérieur
soit une considération primordiale dans les décisions qui les concernent.
M. Leduc : Parfait.
Merci beaucoup.
La Présidente (Mme
Dionne) : Merci, M. le député. M. le député de Marquette.
M. Ciccone : Oui,
merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, maître. Content de vous entendre.
On est ici pour
prendre des propositions, d'entendre des spécialistes. Sans nécessairement
vouloir déroger à ma fonction, là, je pense que je pourrais dire que je suis
d'accord avec vos positions, avec vos observations. Cependant, la question qui
revient toujours, puis je fais du bond avec... sur ce que... je fais un bond
avec... sur ce que mon collègue d'Hochelaga-Maisonneuve a dit, tout ça est
beau, là... Puis vous avez parlé aussi de la Californie où il y avait une
législation au niveau des corporations, développeurs qui sont là-bas, Silicon
Valley. Ils sont là. C'est facile pour un État de dire : Bien, vous êtes
sur notre territoire, voici la loi, les règlements, et vous devez les suivre.
Ici, au Québec, on est capables de dire, par exemple, à Saputo, avec ses petits
gâteaux Vachon, par exemple : Vous ne pouvez pas faire de la publicité
pour aller chercher les jeunes. Ça, on peut le dire, c'est dans la loi.
Maintenant, ce que
vous amenez au niveau de la publicité, les notifications, c'est correct, il y a
un processus que vous venez d'expliquer. Mais comment est-ce qu'on fait pour
l'appliquer? Si on dit : Non, vous n'avez pas le droit, Facebook, de... ou
Meta, de faire ça, TikTok, vous n'avez pas le droit de faire ça, voici la
décision qu'on a prise ici, ou même peut-être sous forme de législation,
qu'est-ce qui va empêcher Meta, qu'est-ce qui va empêcher TikTok de continuer à
le faire?
Mme Levac (Sara
Eve) : Bien, premièrement, la loi comme la Loi sur la protection du
consommateur ou la Loi sur la protection des renseignements personnels. Dès
qu'une entreprise fait affaire au Québec, elle doit respecter la loi
québécoise.
Là, pour ce qui est
de faire respecter la publicité en ligne, effectivement, l'environnement
numérique, c'est un énorme carré de sable, là. Premièrement, ce que je dirais,
ce serait un... c'est plusieurs facteurs, dans le fond, dans la mise en oeuvre. C'est sûr que ce serait
important d'augmenter le budget de l'Office
de la protection du consommateur, qui est chargé de surveiller
l'application de la loi, parce que, comme je disais, l'environnement numérique,
c'est un grand carré de sable.
C'est important aussi
de faire de la sensibilisation auprès des jeunes et des parents. Nous, ce qu'on
a constaté dans notre recherche sur le marketing d'influence, c'est que les
jeunes et les parents avaient de la difficulté à reconnaître les publicités qui
étaient incluses dans les... dans les publications des influenceurs.
Et l'autre chose, ça
pourrait être également d'augmenter les sanctions dans les cas de publicité
ciblant les enfants. Donc, on parle de... on parle de sanctions, là, qui sont
prévues par la loi, qui vont de 2 000 $ à 100 000 $ pour une personne morale. Pour un géant du
numérique, 2 000 $, ce n'est pas très dissuasif. Donc, ça pourrait
être une façon également, en
augmentant les sanctions, d'augmenter le respect, par exemple, à la loi. Dans
d'autres juridictions, en Europe, en
Californie, on a renforcé les protections des renseignements personnels des
enfants, et il y a eu des poursuites qui sont... qui ont suivi avec ça.
Donc, se donner les pouvoirs et avec les sanctions qui vont avec pour
renforcer, dans le fond, pour encourager le respect, là, de la protection des
renseignements personnels ou l'interdiction de la publicité, là, ciblant les
jeunes.
M.
Ciccone : Ce que j'entends, maître, c'est
que, justement, on mettrait des normes en place ici, au Québec. Il y aurait des
sanctions, mais, en même temps, ça amènerait le Québec à toujours être obligé
de poursuivre. Parce que, je veux dire, moi,
je ne vois pas Mark Zuckerberg envoyer un chèque à Québec, là. Je ne vois pas
Mark Zuckerberg envoyer... enlever les petits onglets de J'aime en
dessous... sur sa page Facebook au Québec. Je comprends que, dans certains pays
communistes, là, on va contrôler ce qui rentre par le Web, là, chez nous, là,
mais ici on ne commencera pas à faire ça, là, du moins, je l'espère, là. Mais, encore
une fois, c'est très noble, ce que vous amenez, mais, pour l'appliquer puis
avoir un résultat, je veux dire, je pense qu'on a encore du travail à faire
pour avoir le résultat escompté, là. Parce que c'est beau, ce qu'on dit, c'est
beau, ce qu'on espère, mais de dire à TikTok qu'est-ce qu'ils peuvent mettre
puis que les notifications, ils n'ont pas le droit de le faire puis ils vont se
faire poursuivre, qui qui va poursuivre TikTok au Québec? Qui qui va poursuivre
Meta au Québec? Il n'y a pas grand monde qui peuvent faire ça, là. Vous
comprenez ce que je veux dire. Je ne veux pas être pessimiste, là, mais vous
comprenez que c'est... ce serait difficile d'appliquer, ce que vous nous
recommandez.
Mme Levac (Sara
Eve) : Bien, si je peux me permettre, en Californie, qui est l'endroit
où les... beaucoup d'entreprises numériques sont établies, bien là on commence
à intégrer l'intérêt supérieur de l'enfant puis interdire la prise en bas de
13 ans sans l'accord des parents. Il y a eu des poursuites contre les
géants du Web qui n'avaient pas respecté ces obligations-là en Californie, là,
par exemple.
M.
Ciccone : Je comprends que c'est quand
même... Silicon Valley, c'est la juridiction de la Californie. C'est plus facile, contrôler un développeur ou une
corporation qui est sur ton territoire, là. Mais... Bien, merci
beaucoup. Merci beaucoup de votre intervention. Merci.
La Présidente (Mme
Dionne) : Merci. Entre-temps, on a fait des vérifications, puis,
effectivement, les membres de la commission sont nommés sur proposition du
premier ministre, là, par l'Assemblée nationale, au moins aux deux tiers de ses
membres.
Donc, on poursuit
avec Mme la députée de Châteauguay.
Mme Gendron :
Oui. Bonjour, Me Levac. Un grand merci d'être avec nous aujourd'hui.
Pour encore aller
gratter plus loin en lien avec l'intérieur... pardon, l'intérêt supérieur de
l'enfant, je voudrais savoir de quelle façon vous pouvez voir ça du côté
législatif. On a besoin de données ou, en fait, des rapports pour pouvoir quantifier ou bien qualifier un changement. Si on
met justement des dispositions législatives, une obligation, quel outil on
pourrait penser prendre justement pour quantifier puis avoir des données
robustes en lien avec ça?
Mme Levac (Sara
Eve) : Je ne suis pas certaine de bien saisir, là. Ce qu'on proposait,
c'était d'inclure, dans la Loi sur les renseignements personnels dans le
secteur privé, que les décisions doivent être prises en considération de
l'intérêt supérieur de l'enfant. Est-ce que vous me parlez de mesures de mise
en oeuvre, de lignes directrices sur l'application de la... de cette
obligation-là?
Mme Gendron :
Oui, exactement. Tu sais, de quelle façon on pourrait avoir un impact chez
nos jeunes? Puis il faudrait des rapports pour expliquer un peu l'avantage des
mesures prises, et tout ça, là.
Mme Levac (Sara
Eve) : Oui. J'imagine que, si on le met dans la Loi sur la protection
des renseignements personnels, c'est la Commission d'accès à l'information qui
va surveiller la mise en oeuvre. Elle pourrait émettre des lignes directrices
sur l'application de cette obligation-là, un peu comme elle l'a fait sur
l'interprétation du consentement déjà dans la loi.
Autrement, ça
pourrait être possible de penser avoir des rapports périodiques justement sur
le respect de cette obligation-là. Je ne sais pas si c'est dans le sens de
votre question, là. Je sais que la tendance, là, au niveau de plusieurs
juridictions, c'est de commencer à recommander d'intégrer cette obligation-là
dans la loi. Donc, je pense qu'il est encore trop tôt aussi pour savoir ce qui
est fait dans d'autres juridictions pour surveiller l'application, alors que
c'est quand même récent, là, qu'on l'a inclus, par exemple, en Californie ou en
Grande-Bretagne.
Mme Gendron :
O.K., je comprends, mais... O.K. Bien, je vais m'arrêter ici, mais merci
beaucoup pour votre temps. C'est très apprécié.
La Présidente (Mme
Dionne) : D'autres interventions? Donc, on a... Ah! oui. Mme la
députée d'Iberville.
• (17 heures) •
Mme
Bogemans : Moi, c'était dans la lignée des influenceurs, comment
protéger le contenu publicitaire. Mais les enfants sont exposés, entre autres
par YouTube, là, par du contenu qui vient d'absolument partout. Tu sais, tantôt, mon collègue nommait les outils et les
fonctionnalités. Mais, tu sais, concrètement, dans le contenu auquel il
est exposé, est-ce que vous parlez de réglementer sur les influenceurs qui font
du contenu québécois exclusivement, par exemple, ou de manière... l'exposition
aux jeunes du Québec à ce qui se passe à l'international? Parce que c'est un
peu ça, YouTube.
Mme Levac (Sara
Eve) : Oui. Bien, c'est ça, encore une fois, dès qu'on est au Québec,
on fait affaire au Québec, la loi va s'appliquer, même si c'est un influenceur
de l'extérieur du Québec, par exemple. Il y a des plateformes qui vont déjà
faire... prévoir dans leurs conditions qu'il faut inscrire s'il y a du contenu
promotionnel, donc, dans une vidéo, parce que, oui, les enfants peuvent être
exposés à, par exemple, du placement de produit qui est dans le vidéo lui-même
et alors que l'influenceur a reçu une compensation pour faire la promotion de
produit.
Donc, ce qu'on dit,
c'est, un peu comme en France, on pourrait obliger qu'un contenu publicitaire
soit indiqué comme tel pour pouvoir le reconnaître, hein? Si on regarde la
télé, on voit clairement la coupure, on passe à la publicité, mais, si on
regarde la vidéo d'un influenceur, ça a l'air d'être un ami qui nous fait des
recommandations, donc c'est plus difficile de voir que la personne a des
intérêts à nous... dans le fond, nous recommander un produit, nous parler d'un
produit ou d'un service.
Puis l'autre chose,
c'est que, pour que ce soit clair, on pourrait réglementer pour que cette
information-là soit présentée de façon uniforme. Selon les plateformes, il y en
a qui proposent des mots-clics particuliers, mais, dans notre recherche, ce
qu'on voyait, c'est que des mots-clics comme «collab», ou «partner» ou «ad»,
c'était parfois mal compris. Puis, en Allemagne, bien, ils ont juste décidé de
réglementer pour qu'on mette le mot «publicité» pour que ce soit clair, là,
qu'on est à... on est en face d'une publicité, là, dans un contenu d'un vidéo.
Mme
Bogemans : D'accord. Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : D'autres
interventions? Je pense que ça a bien répondu à nos questionnements.
Alors, bien, si vous voulez donner le mot de la fin, Mme Levac, je vous
cède la parole.
Mme Levac (Sara
Eve) : Oui. Qu'est-ce que je peux rajouter? Bien, en fait, comme on
vous suggérait, là, pour l'intérêt supérieur de l'enfant, qui est une
protection qui peut protéger, dans le fond, dans plusieurs situations, c'est
une... voyons, un ajout qui est recommandé par les commissaires de la
protection de la vie privée. Il y a le Age appropriate
design code, en Grande-Bretagne et en Californie, qui commence à l'intégrer.
C'est aussi une recommandation de la CNIL, qui est le pendant de la
Commission d'accès à l'information au Québec, qui le recommande. Donc, ce qu'on
voit, c'est une tendance, là, à intégrer ce principe-là dans les lois de
protection des renseignements personnels pour
protéger les jeunes, en fait, de techniques qui pourraient être négatives, là,
qui pourraient les affecter négativement dans l'environnement numérique,
et leur assurer une certaine protection, puis protéger leur développement puis
leur bien-être, là, s'ils utilisent des outils numériques.
La
Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup. C'est bien résumé. On va
certainement pousser cette réflexion plus loin. Alors, merci beaucoup pour
votre contribution à ces travaux.
Et, pour ma part, je
vais suspendre les travaux pour accueillir nos prochains invités.
Merci beaucoup, Mme
Levac.
Mme Levac (Sara
Eve) : Merci.
(Suspension de la séance à
17 h 03)
(Reprise à 17 h 09)
La Présidente (Mme
Dionne) : La commission reprend maintenant ses travaux. Alors, nous
avons le bonheur d'accueillir, en cette fin de travaux aujourd'hui, la
Fédération des centres de services scolaires du Québec. Bonjour et bienvenue à
cette commission spéciale.
• (17 h 10) •
Donc, je vous
rappelle que vous avez 10 minutes pour nous faire part de votre exposé.
Par la suite, nous aurons une période d'échange et de questions avec les
membres de la commission. Donc, je vous laisse, d'entrée, vous présenter.
Fédération des centres de services scolaires du Québec
(FCSSQ)
Mme Dupré
(Caroline) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Mmes et MM. les
députés, nous vous remercions également d'avoir institué cette Commission
spéciale sur les impacts des écrans et des réseaux sociaux sur la santé et le
développement des jeunes. C'est un sujet qui préoccupe grandement le réseau
scolaire. Alors, nous sommes heureux d'être avec vous aujourd'hui afin d'en
discuter.
Je suis Caroline
Dupré, présidente-directrice générale de la Fédération des centres de services
scolaires du Québec. Je ferais peut-être une
petite parenthèse pour vous dire que la fédération représente les
61 centres de services francophones... centres de services
scolaires francophones au Québec. Je suis accompagnée de Dominique Robert,
président-directeur général adjoint.
Alors, dans le cadre
de ces consultations, vous avez eu et aurez l'occasion d'échanger avec de
nombreux spécialistes. Les impacts du numérique sont bien documentés. Afin de
mitiger les effets négatifs, la fédération prône une approche résolument éducative axée sur l'apprentissage et le
développement d'un rapport plus sain au numérique.
Pour que cette vision
ambitieuse puisse se réaliser, toute la société doit se mobiliser. Certes,
l'école joue un rôle essentiel, mais elle n'est qu'un maillon dans la chaîne de
nos actions collectives. L'utilisation du numérique étant un phénomène social
aux multiples ramifications, tout ce qui est inculqué et vécu à l'école doit
être inculqué et vécu à l'extérieur de l'école. C'est pourquoi nous souhaitons
voir naître une stratégie globale et intégrée pour l'ensemble de la population
québécoise, fondée sur une responsabilité partagée, de façon à développer un
rapport sain et équilibré au numérique.
Le fardeau ne peut
reposer que sur les individus et les institutions. Ainsi, l'adoption
d'encadrements fondés sur les connaissances issues de la recherche saura
contribuer à une meilleure hygiène de vie numérique. Nous croyons que cet
ensemble de mesures universelles favorisera un changement durable. Soyez
d'ailleurs assurés que tout le réseau scolaire participera activement à ce
nouveau vaste mouvement social.
Maintenant, vous
pouvez certainement vous demander où l'école se situe-t-elle dans la stratégie
globale du numérique. À cet égard, nous
tenons à souligner qu'il est dans la nature même de l'école d'éduquer plutôt
que de proscrire. Il en va ainsi pour
toute utilisation du numérique, dont celle du cellulaire. Selon nous, toute
approche prohibitive ne peut à elle
seule régler tous les maux du numérique. La cyberintimidation et la
cyberviolence témoignent bien de l'importance d'adopter des mesures
porteuses qui concernent non seulement les jeunes, mais aussi l'ensemble de la
population.
Si le réseau scolaire
peut déployer des initiatives préventives et offrir des services
d'accompagnement pour les élèves, son champ d'action se limite au moment où les
élèves sont à l'école. Or, la cyberintimidation et la cyberviolence ne
connaissent ni limite de temps ni limite de lieu.
Une même approche
éducative s'applique aussi aux effets du numérique sur la socialisation. Une
interdiction complète du cellulaire dans les écoles à l'échelle nationale
n'entraînera pas automatiquement des changements de comportements. Nous le
réitérons, l'école est le lieu par excellence pour profiter d'une vie pleine et
enrichissante et pour apprendre à socialiser, même avec un appareil
électronique à portée de main.
Je cède maintenant la
parole à mon collègue Dominique Robert.
M. Robert
(Dominique) : Le rôle que peut jouer l'école s'inscrit en étroite
cohérence avec sa mission tripartite d'instruire, de socialiser et de
qualifier. Ces trois mandats sont transversaux en matière d'éducation au
numérique. Par exemple, les apprentissages vont de la maîtrise des compétences
de base jusqu'au développement de la pensée critique pour ultimement agir en
citoyen éthique.
Puisqu'il faut
nécessairement pratiquer pour devenir meilleur, l'école ne saurait être un
sanctuaire analogique dépourvu d'écrans. Pour une intégration harmonieuse,
plusieurs possibilités existent en fonction du niveau scolaire et des réalités
locales. Néanmoins, le critère fondamental de sélection des outils
technologiques doit demeurer l'appui aux apprentissages, à l'éducation
numérique et à la citoyenneté numérique.
L'école ne forme pas
seulement les adultes de demain. Déjà, avant même de savoir lire, la majorité
des élèves est initiée à certaines facettes du numérique. Or, chaque jeune
n'arrive pas à l'école avec le même bagage. De nombreuses recherches démontrent d'ailleurs que les inégalités
numériques sont corrélées aux inégalités socioéconomiques. Pour que chaque jeune ait une chance égale de
développer ses compétences, l'école doit combler les écarts d'appropriation.
Bien que nous
puissions parfois être étonnés par l'aisance des jeunes devant le numérique,
leur utilisation se limite bien souvent à des activités ludiques ou
relationnelles. Les habiletés productives, participatives et cognitives restent à développer.
Néanmoins, nous constatons, à l'instar de la commission française sur les
écrans, que l'éducation numérique est trop...
trop fragmentée, pardon, et insuffisante en termes de contenu et de temps. Un
premier pas pour mieux situer la place du
numérique à l'école serait de former un tout cohérent afin de tracer clairement
la voie à suivre pour tous les intervenants.
Le numérique ne peut être considéré comme un
ensemble homogène. Ses impacts varient en fonction de chaque appareil, de
chaque application et de chaque contexte d'utilisation. Plusieurs chercheurs
distinguent d'ailleurs un usage passif d'un usage actif, qui, lui, a sa place à
l'école.
Or, plusieurs défis se posent en matière
d'utilisation pédagogique. À l'heure actuelle, les études portant sur les
impacts du numérique ne permettent pas de dégager un consensus clair. Mais, si
nous devions en nommer qu'un seul, nous vous dirions : Ça dépend. En
effet, le portrait se complexifie par la diversité des fonctions pédagogiques,
du niveau scolaire et des aptitudes préalables des élèves et du personnel.
Alors que la prudence est de mise, nous ne pouvons faire l'impasse sur
l'éducation numérique en classe.
Dans ce contexte, le réseau scolaire entend
appuyer ses pratiques sur les connaissances issues de la recherche. Nous
souhaitons donc voir les études se multiplier au cours des prochaines années. À
ce titre, l'Institut national d'excellence en éducation pourrait proposer en
continu des balises en matière d'utilisation du numérique et pourra compter sur
la riche expertise développée par le réseau scolaire.
Mme Dupré (Caroline) : En
conclusion, la fédération recommande de mettre en place une stratégie globale
et intégrée du rapport des jeunes au numérique fondée sur une responsabilité
partagée. Ce vaste chantier commande de modifier des habitudes bien enracinées
dans toute la population. En somme, le rôle de l'école est double :
apprendre à éviter les pièges et les écueils du numérique tout en enseignant
comment en tirer profit.
Nous sommes persuadés que cette grande réflexion
collective nous permettra de poser les jalons d'un rapport plus sain au
numérique. L'école doit faire montre d'exemplarité afin de former des jeunes
vigilants, réfléchis et critiques. C'est avec enthousiasme que les écoles du
Québec vous accueilleront afin de poursuivre vos discussions directement auprès
des jeunes.
Mon collègue et moi tenons à vous remercier de
votre invitation à participer à cet exercice de réflexion et sommes prêts à
échanger avec vous.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
infiniment à vous deux. Alors, on va débuter cette période d'échange avec la
députée de Hull. La parole est à vous.
Mme Tremblay : Oui, bonjour.
Contente de vous recevoir en commission. Alors, d'abord, je voulais... Vous
parlez, au début de votre mémoire ici, bon, d'une grande stratégie nationale,
effectivement, qu'on soit tous et toutes impliqués,
l'ensemble de la communauté. Là, vous dites que «le réseau scolaire puisse
s'appuyer sur des balises concrètes». Il y a d'autres intervenants du
milieu scolaire qui sont venus nous rencontrer, là, depuis le début de la
commission, et notamment... comités de
parents, mais d'autres aussi disaient : Bon, mais il faut quand même
laisser de l'espace à l'école pour
gérer, oui, des grandes balises, des grandes lignes, des directions. Mais, si
on prend ces décisions-là, on veut quand même avoir une liberté d'agir puis des modalités, finalement, propres à
chaque milieu, parce que chaque milieu est différent, que ce soit le milieu socioéconomique, que ce soit
la grandeur de l'école, peu importe. Ça fait que vous en pensez quoi?
Mme Dupré (Caroline) : ...oui, on
est tout à fait d'accord avec le fait que dans un principe de subsidiarité,
l'école est la mieux placée pour savoir, en fonction des enjeux qui lui sont
propres, quels sont les meilleurs moyens de mettre en action les balises,
cependant, que vous pourriez nous donner à travers les constats que vous ferez
de toute cette vaste consultation à laquelle vous nous conviez.
De fait, les conseils d'établissement,
annuellement, révisent le code de vie, donc des règles de bien vivre ensemble
dans les écoles. Et d'ailleurs la plupart des conseils d'établissement avaient
déjà choisi, depuis plusieurs années, de baliser l'utilisation du cellulaire en
classe, de le restreindre, par exemple, à certains lieux dans l'école, mais votre
directive est venue appuyer et lancer un message encore plus vaste que juste
aux parents de l'école et aux membres du personnel de l'école. Je pense que,
par la décision que vous avez prise, bien, c'est sorti des murs de l'école, et
tous les gens ont fait le constat que, de fait, possiblement que nos jeunes
étaient surexposés aux écrans puis aux médias sociaux, d'où votre intérêt aussi
de lancer cette commission particulière.
• (17 h 20) •
Mme Tremblay : Donc, vous avez bien
reçu cette mesure-là.
Mme Dupré (Caroline) : Absolument.
Mme Tremblay : Et puis, si ça va
plus largement dans l'interdiction totale de l'utilisation du cellulaire dans
l'école, de votre côté, vous en pensez quoi? Il y a d'autres intervenants qui
sont venus puis ils ont dit non. Vous, vous en pensez quoi?
Mme Dupré
(Caroline) : Pour nous, l'important, c'est d'éduquer le jeune, parce
qu'on pense que, quand on interdit, nos jeunes trouvent toujours une façon, de
toute façon, de trouver un moyen de consulter quand même les appareils. Ce
qu'on veut, c'est former des citoyens aguerris, avisés, conscients puis qui
savent faire une utilisation éthique des appareils électroniques.
M. Robert
(Dominique) : Peut-être en complément, l'école est un des
maillons dans la chaîne du numérique. Donc, l'objectif, c'est que
l'ensemble des acteurs, donc, évidemment, l'école, mais en continuité, parce
que, par la suite, la vie continue à la maison, avec les amis, à l'extérieur,
dans la vie sociale... Donc, c'est l'ensemble des intervenants qui doivent
effectivement être éduqués, mais on souhaite qu'évidemment les décisions se
prennent dans chacun des milieux, en
fonction des décisions et des réalités locales qui sont propres à chacune des
écoles, notamment par les... que ce soient les inégalités sociales,
socioéconomiques ou autres.
Mme Dupré (Caroline) : Puis il y a
une recherche qui dit d'ailleurs que, si on restreignait les élèves durant toute la journée, bien, probablement que nos
jeunes se retrouveraient à surutiliser les écrans le soir,
malheureusement, même... et c'est déjà le cas, parfois, bien malheureusement,
la nuit. Donc, on ne souhaite pas déplacer le problème non plus ailleurs, on
souhaite vraiment éduquer les jeunes dans l'utilisation.
Mme
Tremblay : J'ai une dernière question. Donc, vous recommandez
d'«établir comme critère fondamental d'utilisation du numérique en
classe l'appui aux apprentissages». Donc, comme je dis, il y a plusieurs
intervenants, là, qui viennent dire, puis même l'INSPQ vient dire : Ça ne
doit pas être la méthode d'enseignement par défaut, donc il faut être prudent.
On a l'UNESCO qui s'est prononcée aussi, qui a dit qu'il y a peu de preuves
solides de la valeur ajoutée de la technologie en éducation. Et plusieurs
intervenants sont venus dire : Il faut être excessivement prudent, ça ne
doit pas être un outil qui devienne un outil qu'on utilise de façon régulière,
mais bien quand il y a vraiment un plus
ajouté, qu'on ne pourrait pas faire autrement. Alors, vous ne trouvez pas qu'un
peu... votre recommandation 4 va un petit peu trop loin?
Mme Dupré (Caroline) : Bien, en
fait, on s'appuyait notamment sur la Politique d'évaluation des apprentissages
où on parle d'égalité des chances. Et on sait qu'on a des élèves HDAA, entre
autres, pour qui les outils numériques, c'est essentiel à leur réussite, si on
pense à des élèves qui ont une déficience visuelle, déficience auditive, des problèmes langagiers, de la
dyslexie. Donc, pour nous, de ne pas avoir du tout recours aux outils
numériques, c'est impensable en termes d'égalité des chances. Donc, c'était
vraiment dans ce contexte-là qu'on appuyait notre recommandation.
Mme
Tremblay : Donc, ça touche vraiment le volet EHDAA, et pas
nécessairement, cette recommandation-là, l'ensemble des élèves de la
classe. Vous distinguez les deux.
Mme Dupré (Caroline) : Bien, en même
temps, je vous dirais, il y a quelques années, vous le savez, nos classes ont
été équipées de tableaux numériques interactifs. Puis je suis heureuse, et nous
sommes heureux... quand on a appris que vous alliez aller visiter les écoles,
on était bien heureux de ça parce que vous allez avoir l'occasion d'apprécier
la façon aussi dont sont utilisés les outils technologiques au profit de
l'apprentissage, notamment le tableau blanc interactif... numérique interactif.
Donc, par exemple, pour guider les enfants dans une recherche sur Wikipédia,
bien, que l'enseignant puisse le modéliser sur son tableau numérique, c'est
aussi une belle façon, je pense, de modéliser une utilisation responsable et
éthiquement correcte pour les jeunes puis aussi d'amener nos jeunes...
Je pense que notre grand défi, c'est beaucoup de travailler sur notre... une de
nos compétences transversales, qui est celle
de développer le jugement critique. Donc, si je modélise puis je fais moi-même,
comme enseignant, des recherches, j'utilise mon tableau numérique
interactif ou mes outils numériques pour guider mon jeune, bien, en même temps,
j'ai une belle occasion de modéliser ou de l'amener à réfléchir ou même de
lancer un débat entre les élèves : Est-ce que cette information-là, elle
est vraie? Comment je peux voir... Comment je peux me valider? Comment je peux
savoir qu'il y a un piège derrière ça? Donc, pour nous, le contexte
d'apprentissage peut être très intéressant aussi dans le développement de la
compétence transversale.
Mme Tremblay : Parfait.
M. Robert (Dominique) : L'objectif,
c'est de s'assurer que le numérique soit au service de la mission, donc
instruire, socialiser, qualifier, et la cohérence de tout ce qui peut déjà
exister, ma collègue faisait référence au... à la Politique d'évaluation des
apprentissages, il y a également le cadre de référence qui a été publié, le
Cadre de référence de la compétence numérique qui existe, il y a le Programme
de formation de l'école québécoise, donc la cohérence
de ces trois documents-là. Et d'ailleurs ça permettrait... notamment le Cadre
de référence de la compétence numérique, qui est utile pour le milieu
scolaire, aurait tout intérêt à être, je dirais, diffusé plus largement,
justement pour outiller les autres acteurs
sur les propres... leurs propres compétences. Que l'on soit parent, que l'on
soit citoyen, que l'on soit collègue ou autre, il y a plusieurs
éléments, là, à tenir compte. Donc, on a tout intérêt... Et c'est la cohérence
des documents, c'est l'équilibre, dans tout ça, qui est visé.
Mme Tremblay : Merci.
La
Présidente (Mme Dionne) : Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député
d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc : Bonjour. Je reviens un
peu sur la question des interdictions pour bien comprendre les différents
degrés. Alors, si je saisis bien, vous êtes à l'aise avec la directive actuelle
de l'interdire dans la classe, qui est une directive nationale, mais après ça
tout ce qui est en haut, donc interdire dans l'école, interdire dans une...
dans un centre de services scolaire ou interdire au Québec au complet, ça, vous
êtes moins à l'aise?
Mme Dupré (Caroline) : En fait,
nous, on appuie le principe de subsidiarité. C'est-à-dire que, si l'école vit
des enjeux particuliers puis décide de resserrer un peu plus pour différentes
raisons parce qu'il s'est passé quelque chose dans l'école, on pense que les
acteurs de l'école sont les mieux placés.
Maintenant... C'est parce qu'on s'est aussi posé
la question : Est-ce que c'est réaliste de penser, pensons à nos jeunes du secondaire, qu'ils n'auront jamais
entre les mains un téléphone intelligent? La réponse, c'est non. Alors,
comment on peut les amener à utiliser cet outil-là de façon responsable?
Puis, pour... Puis nous-mêmes, on utilise parfois
nos cellulaires dans une activité de socialisation. À la blague, on disait tout
à l'heure, avant de s'en venir, que, ce midi, bien, à la cafétéria, on
regardait une vidéo, on discutait de ça, ça a lancé les échanges, des gens ont
fait des recherches pour valider l'information.
Donc, il y a une façon d'amener nos jeunes à
utiliser le numérique pour que ce soit formateur puis que ça soit aussi une
occasion de socialiser. Mais, si, par exemple, dans l'école, on se rend compte
qu'on a plein de jeunes qui mangent seuls à la cafétéria le midi puis qui sont
isolés dans leur coin avec leur cellulaire, bien, l'école a une responsabilité
d'intervenir, d'agir, d'aller voir le jeune, de peut-être l'inciter à
s'inscrire à des activités parascolaires. Alors, on pense que l'école est la
mieux placée pour intervenir, si jamais il y a des situations qui semblent être
plus complexes pour certains élèves.
M. Leduc : Donc, dans une ville
donnée, il pourrait y avoir, dans le même quartier, une école qui l'interdit au
complet sur sa propre base et l'école d'à côté qui ne l'interdit pas parce
que... Ça, vous seriez à l'aise avec ça.
Mme Dupré (Caroline) : Absolument.
M. Leduc : O.K. Donc, donner un
certain pouvoir aux établissements comme tels de pouvoir le faire, donc pas une
directive nationale, mais certains établissements pourraient le faire au
besoin.
Mme Dupré (Caroline) : Absolument.
M. Leduc : C'est intéressant.
M. Robert
(Dominique) : Dans l'établissement de leur code de vie, par
exemple, avec les règles à l'interne, exact.
M. Leduc : Et là qui déciderait ça
dans l'établissement? Le conseil d'établissement?
M. Robert (Dominique) : Oui.
Mme Dupré (Caroline) : Conseil
d'établissement.
M. Leduc : Avec la direction.
Mme Dupré (Caroline) : Oui, parce
qu'annuellement ils révisent les règles de vie puis ils amènent des ajustements
en fonction de la réalité. S'il y a eu des éléments, là, qui ont été plus
complexes à gérer dans une année scolaire, bien, assurément qu'à la fin de
l'année, quand ils vont réviser le code de vie pour l'année suivante, bien, ils
vont peut-être modifier certaines choses, là, c'est révisé annuellement.
M. Leduc : Et ça existe déjà, des
écoles, au Québec, qui l'interdisent.
Mme Dupré
(Caroline) : Oui, absolument. Je pense que vous avez vu
d'ailleurs le cas de l'école secondaire d'Oka.
M. Leduc : Oui, c'est ça. Et est-ce
qu'à votre connaissance il y en a qui l'ont appliquée, l'interdiction, et qui
ont fait marche arrière?
M. Robert (Dominique) : Pas à ma
connaissance.
Mme Dupré (Caroline) : Pas à notre
connaissance.
M. Leduc : O.K. Puis est-ce que vous
faites le pari que ça va se multiplier dans les prochaines années? Si rien ne
bouge, mettons, là, puis qu'on... ça reste tel quel, est-ce que vous pensez que
les écoles vont se multiplier, qui auront des interdictions sur leur propre
base?
M.
Robert (Dominique) : Je veux dire, au départ, c'est difficile à
prévoir, parce qu'évidemment la directive est relativement nouvelle, mais c'est
annuellement que les conseils d'établissement redéfinissent leur code de vie.
Ça va suivre son cours, évidemment.
Récemment, on y a fait référence, là, il y a l'école secondaire d'Oka qui a...
qui a pris la décision de l'interdire. Donc, eux-mêmes, à chaque année,
ils verront, ils vont faire le post-mortem sur la suite, mais c'est en fonction
de leur réalité propre, ils ont choisi d'interdire l'utilisation tout au long
de... sur le terrain de l'école.
• (17 h 30) •
M. Leduc : Dernière
question : Est-ce qu'il y a des... est-ce qu'il y a des données objectives
qui peuvent être utilisées et mesurées d'une année à l'autre pour voir si ça a
un effet réel? Dans le sens où, autrement, ça reste de la subjectivité, puis je
pense que neuf personnes sur 10 vont dire : Oui, je constate que ça va
mieux, depuis qu'il n'y a plus de téléphones à l'école. Mais, concrètement,
est-ce qu'on a des mesurables, à votre connaissance?
M. Robert
(Dominique) : J'imagine qu'il y en aura, mais c'est quand même jeune,
donc les données sont en cours de compilation, hein, c'est dans la dernière
année scolaire que ça a été mis en place, mais, après coup, les chercheurs que
vous avez rencontrés vont certainement être en mesure de dégager certaines
conclusions. L'objectif, c'est de voir quels sont les impacts de la mise en
place de telle, telle, telle mesure selon le degré de gradation, là, qui sera
appliqué selon les codes de vie. Mais actuellement, à ma connaissance, on n'a
pas de données récentes à cet égard-là, parce que c'est assez nouveau comme
directive.
M. Leduc : O.K.
Merci beaucoup.
La Présidente (Mme
Dionne) : Si on continue sur le mesurable, on a des experts qui
viennent même dire que, justement, l'utilisation d'outils numériques à l'école,
on devrait vraiment, là, excusez l'expression anglaise, là, «the less is more», là, donc, même chez les
enfants qui ont des difficultés spécifiques. Est-ce que vous avez des
données là-dessus, mesurables, sur, justement, les taux de réussite ou les
avantages de l'utilisation des outils numériques, surtout chez les enfants qui
ont des problématiques de langage ou autres?
Mme Dupré
(Caroline) : Malheureusement, non, ce n'est pas quelque chose dont on
a eu connaissance que c'était documenté. Mais c'est sûr que, nous, l'école a
comme grand rôle de former nos citoyens de demain. Donc, un des éléments qui
nous préoccupe, c'est aussi d'éduquer nos jeunes et de les former à utiliser
les outils numériques, parce que, quand ils vont arriver sur le marché du
travail ou même aux études supérieures, on ne voudrait pas que ce soit... on
essaie de trouver une façon, là, de le nommer, puis on... le mot qui nous...
les mots qui nous venaient en tête, c'étaient «analphabète numérique». On ne
voudrait pas que l'école ait formé des analphabètes numériques, parce que ce
serait quand même dramatique pour eux après, de se retrouver dans un milieu de
travail puis de ne pas être aussi performants qu'ils auraient pu l'être si on
les avait bien éduqués numériquement.
La Présidente (Mme
Dionne) : Merci.
M. Robert
(Dominique) : Peut-être, en complément à votre question, si je peux me
permettre, la technologie est là et est là pour rester. L'objectif de l'école,
entre autres, c'est de s'assurer de l'utiliser, et d'atténuer les effets
négatifs, et d'utiliser le plus possible, dans le cadre éducatif, les aspects
positifs qui ont été documentés. Je pense qu'au fil du temps on pourra le
documenter encore plus, il y a plusieurs recherches, d'ailleurs, auxquelles on
fait référence dans le mémoire, et les chercheurs que vous avez rencontrés y
font référence, la clé sera certainement l'équilibre. Et ça nous fera plaisir,
évidemment, d'y participer ultérieurement.
La Présidente (Mme
Dionne) : Merci. On poursuit maintenant avec Mme la députée de
Bourassa-Sauvé.
Mme Cadet : Merci,
Mme la Présidente. Bonjour à vous. Merci pour votre exposé. Vous avez bien
répondu, donc, à toutes mes questions, donc, sur l'interdiction du cellulaire à
l'école et le niveau de gouvernance que vous verriez par rapport à ça, donc ce
sera au niveau du conseil d'établissement, du code de vie.
Ma prochaine question,
donc, était, donc, sur la même lancée que celle de Mme la Présidente, donc sur l'utilisation, donc, des technologies numériques à
des fins éducatives à l'école. Donc, je vous entends. En fait, vous, ce que vous dites, c'est que, puisque... en fait,
nonobstant le fait que la recherche, comme on nous l'expliquait plus tôt,
n'a peut-être pas rempli son fardeau de la
preuve quant à... quant aux avantages du numérique, puisque les étudiants
québécois vont être exposés dans... au sein de leurs études supérieures et dans
leur carrière, bon, on ne veut pas former des analphabètes
numériques, donc c'est l'aspect, donc, de valeur ajoutée qu'on y voit à
l'intérieur du milieu de l'éducation.
Donc, deux questions
sur les technologies numériques à des fins éducatives. D'une part, au niveau de
la quantification du temps d'écran, donc, certains spécialistes sont venus nous
dire : Bien, pour nous, donc, quand on parle, donc, de recommandations de
temps d'écran, bon, on le fait vraiment à des fins de divertissement, donc on
différencie les fins de divertissement puis les fins éducatives. D'autres nous
disent : Non, il faut le voir, donc, dans son ensemble. De votre
expérience de ce que vous voyez sur le terrain puis avec ce que vous nous
émettez comme recommandations à cette fin, comment est-ce que vous quantifiez,
donc, le bon temps d'écran et le mauvais temps d'écran quand on parle de fins
éducatives ou d'emplois encadrés à l'école?
Mme Dupré
(Caroline) : Ce qui est important à l'école, c'est l'équilibre.
On voit mal que, toute une journée, un jeune soit exposé à des écrans,
qu'à des fins pédagogiques, comme on l'exposait, dans le cadre d'un travail ou
d'un enseignement que le titulaire de classe est en train
de faire avec les élèves... réfère, par exemple, avec le TNI, à une vidéo qui
vient expliquer la formule chimique à appliquer ou qu'on aille chercher
ensemble une information puis qu'on se pose la question sur le niveau de
véracité de l'information qu'on vient de trouver. Alors, ça, c'est super, c'est
wow! Ça ne peut pas être ça toute la journée. Puis, de toute façon, dans le
cadre d'une journée en classe, toutes les activités ne se prêtent pas
nécessairement à être toujours sur le numérique.
Alors, bon, par exemple, il y a des périodes
d'éducation physique. Il y a des périodes de musique où, quand même, on peut
utiliser, oui, le tableau pour suivre une portée ou un rythme, mais l'idée,
c'est de varier, puis les enseignants sont les mieux placés pour choisir le
meilleur outil d'apprentissage qui va soutenir l'enseignement d'une leçon, mais
je peux vous assurer, puis vous saurez le constater lors de vos visites, qu'il
y a vraiment un équilibre entre le papier, crayon, la tablette, le tableau
numérique, l'activité physique, et, vraiment, là, je suis convaincue que vous
allez pouvoir l'apprécier dans le cadre de vos visites.
Mme Cadet : Merci. Ensuite,
aujourd'hui, on a beaucoup entendu parler, de la part, donc, des expertes qui
sont venues à l'écran, des concepts, donc, de mécanisme de renforcement
virtuel, donc le fait que les différentes applications en ligne, notamment les
réseaux sociaux, donc, peuvent employer, donc, certains mécanismes pour capter
l'attention de l'utilisateur. On sait que certains ludiciels emploient ces
mécanismes-là aussi. Est-ce que c'est quelque chose que vous voyez sur le
terrain, puis est-ce que vous pensez que l'État ou le législateur, donc, a un
certain rôle à jouer pour encadrer le... pour permettre, en fait, à nos
établissements scolaires qui font l'acquisition de ces ludiciels-là de différencier, donc, ceux qui emploient, donc, des
mécanismes qui pourraient être néfastes pour le jeune?
M. Robert (Dominique) : En fait,
tout ce qui vient diluer l'attention, évidemment, puis les chercheurs... puis
la personne qui était ici précédemment l'a mentionné également, toutes les
notifications, etc., l'objectif, c'est de les atténuer, évidemment, ou de les
enlever et de les proscrire complètement, puis il y a des... différents
mécanismes, là, les notifications... La
nouvelle directive, notamment, l'utilisation du cellulaire autre que
pédagogique... En ce moment, là, le cellulaire pendant la classe, en
n'étant pas utilisé, bien, on vient se protéger ou se prémunir de ces
aspects-là. Évidemment, à l'extérieur de la classe, bien là c'est un autre...
c'est un autre phénomène.
Mme Cadet : Peut-être juste préciser
ici, parce que, là, je parle vraiment, donc... Donc, je parle de ludiciels,
donc de logiciels qui sont utilisés, donc, à des fins pédagogiques, donc
d'applications qui pourraient être utilisées à des fins pédagogiques puis qui,
au passage, donc, emploient, donc, des mécanismes de renforcement virtuel.
Donc, par exemple, je pense qu'il y avait un exemple qui nous était donné plus
tôt où une application, donc, qui est utilisée vraiment, donc, de façon
encadrée en classe, donc, pourrait...
Donc, à la fin, une fois qu'on réalise certains
apprentissages, bien, on a droit, donc, à certains mécanismes de récompense à
travers ça. Donc, ça peut être... Parfois, donc, ce n'est pas nécessairement,
donc, à sa face même, là, mais, de façon un peu pernicieuse, donc, ces
mécanismes-là peuvent s'insérer dans certains logiciels, sachant que, bien, tout ce qui... tout ce qui aggrave, là, la
capacité, donc, des jeunes, donc, de se sentir plus interpelés par le
numérique, bien, peut avoir, donc, un effet, donc, à plus long terme sur, bon,
la régulation des émotions, etc. Donc, c'était plus là-dessus, donc, pas sur le
téléphone cellulaire ou d'autres emplois qui sont périphériques.
Mme Dupré (Caroline) : C'est très
préoccupant, effectivement. On n'est pas des spécialistes. On n'a pas porté de
recherche sur le sujet, mais c'est clair qu'à l'école on agit beaucoup, en tout
cas, et on tente de le faire le plus possible en amont, sur les dépendances,
mais le numérique peut être une dépendance. Ce n'est pas que les substances
illicites ou l'alcool, c'est aussi le numérique qui peut devenir... créer un
effet de dépendance, notamment par ce que
vous dites, le fait de vouloir acquérir une nouvelle récompense, remporter des
étoiles, une vie, peu importe. Alors, c'est sûr qu'on est sensibles à
ça, puis, de fait, tout ce qui amène une dépendance, à notre avis, devrait être
étudié sérieusement par les chercheurs.
Mme Cadet : On nous a aussi... Ah!
vous voulez compléter?
M. Robert (Dominique) : Très
rapidement. Tout à l'heure, ce que je voulais juste ajouter, c'est... Pour l'élève notamment qui recevrait ce genre de
notification, ou d'interaction, ou de communication a posteriori, ce qui
est souhaité, c'est de développer la pensée
critique également de l'élève, donc d'être capable de discerner, dans la
mesure où c'est, bon, quelque chose qui
vient... qui est peut-être nuisible. Puis aujourd'hui, dans l'instantanéité de
l'information, nous-mêmes, on est habitués de répondre instantanément à des
courriels, ou à des textos, ou peu importe, mais c'est d'apprendre également. Ça fait partie des éléments de changement
d'habitudes et de développement de la pensée critique, qui est un des aspects, là, qui était... qui s'inscrit dans le
cadre de référence et qui est souvent ramené à l'école.
• (17 h 40) •
Mme Cadet : Merci. Sur les écrans
récompenses, on a entendu parler à quelques reprises, dans le cadre de ces
auditions... on a aussi vu, donc, des lettres ouvertes, donc, de parents qui
nous disent : L'école, donc, ne devrait pas fournir... prévoir ce type
d'activité récompense là ou, du moins, ne pas le faire aussi souvent. Est-ce
que c'est un phénomène que vous voyez? Est-ce que ce phénomène vous préoccupe?
Mme Dupré (Caroline) : Ça nous
préoccupe. Je pense qu'il y a plusieurs années c'était une récompense parce que
les enfants avaient peut-être moins accès qu'ils ont accès maintenant à tous
ces outils puis à tous ces écrans. Mais aujourd'hui on en
entend tellement parler, de la surutilisation des écrans, qu'on devrait trouver
d'autres moyens de vivre des activités de récompense avec les jeunes, notamment
les faire bouger, développer leur culture. Donc, il y a assurément une panoplie
d'activités qu'on peut trouver autres que l'écran.
Mme Cadet : Dernière question, est-ce
que...
La Présidente (Mme Dionne) : Oui,
allez-y.
Mme Cadet : Merci, Mme la
Présidente. Cyberintimidation, on a aussi entendu, donc, des experts ou des
spécialistes qui sont venus, donc, dans le cadre des auditions, donc, nous
dire, donc, parfois, certains des conflits, donc, on sait, donc, qui naissent
en ligne, notamment, oui, donc, sur les différentes applications périphériques,
mais aussi parfois même, donc, sur, donc, des plateformes d'interaction qui
sont utilisées à l'école. Même, on le disait, Google Docs, parfois, il peut y
avoir, donc, des interactions négatives qui commencent là-dessus puis qui se
poursuivent dans le réel à l'école. Comment est-ce que vous voyez le rôle
d'encadrement de ce type d'interaction là dans le cadre de l'enjeu de la
cyberintimidation à l'école?
Mme Dupré (Caroline) : Même si on se
dit que ça se passe à l'extérieur de l'école, vous le savez comme moi, l'école
se retrouve, de toute façon, à devoir le gérer parce que la chicane, souvent,
ou ce que ça va créer comme conflit, bien, ça va se répercuter à l'école, mais
on a entendu les membres du personnel nous dire : On aurait besoin d'être
peut-être mieux outillés pour intervenir parce que c'est quand même difficile
dans un contexte où ce n'est pas l'école qui a acheté... qui a acheté
l'appareil électronique, ce n'est pas l'école qui a permis qu'en dehors le
jeune puisse l'utiliser dans des heures, peut-être, ou ce n'était pas... ça
dépassait le cadre normal d'utilisation des écrans.
Donc, il y a une partie de la... Puis c'est pour
ça qu'on dit que c'est une responsabilité partagée. Donc, on aura besoin de
peut-être mieux outiller nos intervenants scolaires, mais on aura aussi besoin
de travailler en collaboration avec nos comités de parents pour offrir
peut-être aussi aux parents des activités de formation, de sensibilisation,
peut-être même des groupes d'échange, parce que les parents aussi se retrouvent
un peu dépourvus devant l'ampleur de ces situations.
Donc, je pense qu'il faut qu'on soit... On
disait qu'on était un maillon, mais, dans la chaîne, on est tous liés. Donc, on
doit tous travailler ensemble. Puis d'ailleurs je tiens à saluer l'excellent travail
qui se fait avec la sécurité publique, donc, particulièrement dans nos écoles
secondaires. On a des policiers et des policières, parrains, marraines qui
viennent soutenir les équipes-écoles, sensibiliser les jeunes aussi aux
conséquences pénales que peuvent amener les situations de cyberintimidation, de
cyberviolence. Il y a tout un programme, dont vous avez peut-être entendu
parler, qui s'appelle le programme Sexto, aussi, où on fait de la
sensibilisation auprès de nos jeunes.
Mme Cadet : Merci énormément. Merci
pour votre présence.
La Présidente (Mme Dionne) : Bien,
c'est intéressant, ce que vous dites, que, oui, il y a l'école, mais c'est une
prise de conscience sociale et collective. Mais est-ce que ça ne pourra pas
être éventuellement peut-être les parents qui diront à leurs enfants :
Bien, tu t'en vas à l'école, tu n'as pas vraiment besoin de ton cellulaire à
l'école? On se questionne puis on se dit : Oui, l'école peut intervenir,
mais il reste qu'éventuellement aussi... Au niveau de la responsabilisation des
parents qui mettront cet encadrement-là auprès de leurs jeunes, vous en pensez
quoi?
Mme Dupré (Caroline) : C'est certain
qu'il y a quelqu'un qui l'a acheté, le cellulaire, puis ça s'avère que ce n'est
pas l'école. L'école le gère après, mais ce n'est pas l'école qui l'a acheté.
Puis, mon collègue l'a dit tout à l'heure, je pense qu'on a une prise de
conscience collective aussi à faire sur le fait qu'on a souvent l'impression
qu'on doit pouvoir joindre quelqu'un tout le temps, rapidement, quasi dans
l'instantanéité, mais appeler au secrétariat
de l'école pour faire un message aux enfants, là, ça existe encore et ça
devrait exister encore. Quand il n'y avait pas de cellulaire en classe,
nos jeunes recevaient quand même des messages puis... ou un parent qui veut
vérifier quelque chose auprès de son enfant, auprès de l'enseignant, bien,
c'est toujours possible. Puis je pense que ça, il va falloir peut-être qu'on
revienne à ça, là, en se disant : Bien, quand mon jeune est à l'école, il
est à l'école, il est là pour apprendre, pour socialiser, pour se qualifier,
puis, si j'ai des messages à lui passer, bien, je peux demander au secrétariat
de l'école de lui transmettre le message aussi.
La Présidente (Mme Dionne) : Oui,
puis certains enseignants qui m'ont dit que le téléphone sonnait en classe et
que c'étaient souvent les parents. Donc, je cède maintenant la parole à notre
député de Joliette.
M.
St-Louis : ...Mme la Présidente. D'abord, je vous remercie...
je veux vous remercier tous les deux, pardon, de participer aux travaux de la commission, qui sont très importants à mes
yeux. Je vous ai entendu parler, je l'ai déjà nommé, du bon côté de la
force, les vertus de l'outil pédagogique. Je ne doute en rien du contenu utilisé
dans nos écoles, le mauvais contenu étant
peut-être, bon, les algorithmes qu'on retrouve dans les applications de réseaux
sociaux, etc. On a...
Donc, je comprends que vous êtes pour
l'utilisation des plateformes numériques en classe. D'un autre côté, on a des
experts qui nous disent qu'on doit repousser ça le plus loin possible parce
qu'il y a des problèmes de régulation du système nerveux, avec la mélatonine,
la dopamine, bon, les écrans... parce qu'on parle beaucoup du contenu, mais il
y a aussi le médium lui-même, là, l'écran bleu qui vient interférer.
On a parlé en commission
aussi de la possibilité d'une majorité numérique. Vous parlez de l'école de
façon générale. Ça commence où puis ça s'arrête où? Est-ce que ce sera la
prérogative d'un professeur d'utiliser les outils au primaire, au secondaire?
On comprend qu'à partir d'un certain âge on ne veut pas, puis vous l'avez nommé
tantôt, avoir des citoyens de demain qui
seraient des analphabètes numériques, et je suis à la même place que vous là-dessus,
mais est-ce que ce sera de la première année
à la... jusqu'en secondaire V puis ce sera vraiment le choix du
professeur?
Mme Dupré
(Caroline) : Bien, dans le cadre de compétences à développer
chez les enseignants, les 13 compétences puis le référentiel des
compétences des enseignants, il y en a une qui est sur l'utilisation du
numérique. Donc, en principe, nos
enseignants doivent maîtriser l'utilisation du numérique. C'est sûr que nous,
quand on parle du numérique à l'école, on parle du numérique à des fins
pédagogiques. Maintenant, si le travail que vous faites, les recherches qui
sont aussi en cours ou qui se sont réalisées viennent nous dire, par exemple,
que le temps d'utilisation d'un écran devrait être de tant de temps... Puis, en
fait, je fais un... je fais... j'ai une réflexion en tête, qui est peut-être un
peu boiteuse, mais je pense, par exemple, à la consommation d'alcool. Bien, il
y a des recherches qui sont venues nous dire : Tant de verres d'alcool par
jour chez une femme, tant de verres d'alcool par jour chez un homme. Donc, on
connaît une limite puis on connaît aussi les conséquences si on ne respecte pas
la limite.
Donc, si on vient nous dire, par exemple, qu'un
jeune ne devrait pas être exposé plus qu'une heure par jour, disons, à des écrans,
bien, l'école saura le gérer aussi, là. Elle saura s'assurer... L'enseignant
saura s'assurer que, dans la planification de ses... de son enseignement,
l'utilisation des outils numériques ne dépassera pas ce que la recherche vient
nous dire qui serait le plus opportun pour le jeune, mais, pour nous, c'est
quasi inconcevable qu'on n'éduque pas nos jeunes à l'utilisation du numérique.
On prône beaucoup, en éducation, la modélisation. Donc, de modéliser les bons
comportements puis une utilisation éthique du numérique, pour nous, ça nous
apparaît essentiel, que de proscrire à tout prix, parce qu'on sait qu'après ça,
en parallèle, le jeune va aller développer de mauvaises habitudes puis
probablement aussi aller fréquenter des sites qui ne sont pas appropriés pour
lui. Donc, on préfère éduquer, sensibiliser puis intervenir aussi, parce que,
parfois, il faut intervenir puis recadrer. On pense que c'est ça, le rôle de
l'école.
M. St-Louis : Parce qu'il y a une
experte, aujourd'hui, qui nous a dit que le temps par jour devrait être le
total hebdomadaire. Donc, si un enfant passe sept heures sur son écran dans une
journée, bien, ça devrait être ça au maximum pour une semaine. Maintenant, on
sait que les recherches continuent puis que... Mais donc ça limiterait le temps
d'utilisation en classe. C'est un peu ça, mon point. Donc, c'est pour ça que je
voulais savoir si... Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : M. le
député de Marquette.
• (17 h 50) •
M. Ciccone : Merci beaucoup. Bonjour à vous deux. Mes collègues sont
rentrés dans des éléments très, très spécifiques, et moi, j'aimerais regarder
la globalité de notre société. On a entendu des chercheurs, des docteurs qui
sont venus nous interpeler, puis on s'aperçoit que l'avancée technologique a dépassé,
là, la science, là, vraiment, où nos scientifiques n'ont même pas eu le temps
d'aller chercher des données. Même vous, vous venez de le dire, là, puis j'ai
pris votre citation : «Quand la recherche nous dira qu'on ne peut pas
dépasser une heure, on s'ajustera.»
Moi, ce qui m'inquiète, puis c'est pour ça que
je parle dans la globalité, là, est-ce qu'on va trop vite? Est-ce qu'on va trop
vite justement en donnant... Vous avez parlé tantôt du TNI, des différentes
plateformes éducatives. Encore une fois, il y a des chercheurs puis des
docteurs qui nous ont dit : Bien, on ne sait pas si c'est bon, on ne sait
pas si c'est bon à long terme chez l'enfant.
Alors, pourquoi que, si on ne le sait pas, on
prend des chances? Puis je ne dis pas que vous prenez une chance. Je ne veux pas vous mettre responsables,
là, mais pourquoi que le système éducatif, avant d'avoir les données,
avoir toutes les réponses, n'attend pas de... parce que, je veux dire, on va
leur apprendre... Quand on va avoir les données, là, on va leur apprendre, on
va leur donner ce qu'ils ont besoin, puis ils vont être capables de devenir des
citoyens qui vont être capables de se trouver des bons emplois puis ils ne
seront pas des analphabètes numériques. Pourquoi qu'on n'attend pas? Pourquoi
qu'on va trop vite?
M. Robert
(Dominique) : Je veux peut-être tenter une réponse sur la
question peut-être plus large, effectivement, parce que la technologie,
le numérique est là, existe. Les écoles, ce sont des maisons d'enseignement.
Donc, l'objectif, c'est de s'assurer que les enfants qui deviendront les
adultes de demain soient en mesure de bien avancer. Même les adultes
d'aujourd'hui, vous le disiez, ça va trop vite ou ça va très vite.
Donc, tout le monde... Quand on disait que
l'école est un des maillons, la clé passera fort probablement par une campagne
de sensibilisation. On a fait quelques... plusieurs recommandations, là, dans
notre mémoire, dont une qui est une campagne
de sensibilisation, pour s'assurer que, oui, les élèves, les membres du
personnel, mais également les autres
acteurs puissent être vraiment... je vais oser utiliser le terme «éduquer»,
mais mettre en place les bonnes pratiques. Ma collègue faisait référence tantôt... avec le nombre d'heures, le
nombre de... peu importe, là, d'avoir des références fiables. Lorsqu'on
les aura, ça va permettre de mieux se guider.
Une chose est certaine, c'est que la technologie
existe, et il y a quand même des éléments positifs qu'on veut conserver, parce
qu'il y en a, des éléments positifs. Tout à l'heure, je me permets, sur la
question de votre collègue qui nommait le temps d'écran, effectivement, il faut
définir qu'est-ce qu'un temps d'écran. Un temps d'écran sur un iPad, sur un téléphone cellulaire ou sur un TNI
qui est à l'écran, je présume, en tout cas, de ce qu'on a pu lire, qu'il y
a un impact différent.
En
bas âge, il y a une question qui a été posée aussi, préscolaire, de zéro à...
bien, peut-être pas zéro, mais en bas âge, un an, deux ans, trois ans, à
proscrire puis d'y aller de façon... en gradation. En ce moment, la
problématique, c'est que les études ne sont pas concluantes. Et là à votre
question, est-ce qu'on va trop vite, le but, c'est d'avancer ensemble pour
s'éduquer dès qu'on aura les bonnes données. Une chose est certaine, c'est
qu'il y a du bon. Lui, il faut le garder et atténuer ce que l'on connaît déjà
qui doit être réduit.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
Ça fait...
M. Ciccone : C'est terminé?
La Présidente (Mme Dionne) : Oui, le
temps est terminé. Alors, très belle conclusion. Alors, je vous remercie
beaucoup de votre contribution à nos travaux.
Donc, la commission ajourne ses travaux jusqu'au
mardi 17 septembre, à 9 h 45. Donc, bonne fin de journée, tout
le monde.
(Fin de la séance à 17 h 53)