(Onze
heures trente-huit minutes)
La Présidente (Mme
Dionne) : Alors, bonjour à tous et à toutes. Ayant constaté le quorum,
je déclare la Commission spéciale sur les impacts des écrans et des réseaux
sociaux chez les jeunes ouverte. Je vous souhaite la bienvenue et je demande à
toute personne dans la... salle, pardon, de fermer son cellulaire. Merci
beaucoup.
Alors, la commission
spéciale est réunie afin de procéder aux consultations particulières et aux
auditions publiques sur les impacts des écrans et des réseaux sociaux sur la
santé et le développement de nos jeunes.
Mme la secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
La
Secrétaire : Non, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme
Dionne) : D'accord. Comme la séance a débuté un peu plus tard, y
a-t-il consentement pour poursuive nos travaux au-delà de l'heure prévue, soit
vers 12 h 15, 12 h 20?
Des voix : Consentement.
Auditions
La Présidente (Mme
Dionne) : Consentement. Donc, je souhaite la bienvenue à ceux et
celles qui casseront la glace avec nous pour ces travaux, donc la Fédération
des comités de parents du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de
10 minutes pour nous faire votre... exposé, pardon, et, par la suite, nous
allons procéder à la période d'échange avec l'ensemble des membres de la
commission. Donc, je vous cède la parole, vous pouvez commencer avec une
présentation pour chaque.
Fédération des comités de parents du Québec (FCPQ)
Mme Laviolette
(Mélanie) : Merci, Mme la Présidente. Bonjour aux membres de la
commission. Merci de nous recevoir. Mon nom est Mélanie Laviolette, présidente
de la Fédération des comités de parents du Québec, parent bénévole depuis
12 ans maintenant, impliquée dans les instances scolaires. Je suis
accompagnée de Jérôme Maltais, vice-président de la fédération, qui est un
membre parent bénévole depuis 14 ans maintenant, de Corinne Payne, directrice générale de la fédération, et de
Stéphanie Rochon, directrice des communications et des affaires
publiques.
• (11 h 40) •
Depuis 50 ans,
notre fédération a pour mission de promouvoir et de défendre les droits et les
intérêts des parents et des élèves qui fréquentent l'école publique québécoise.
La FCPQ soutient ses membres, soit les comités de parents de 90 % des
centres de services scolaires. Des milliers de parents québécois s'impliquent
dans les instances de participation du milieu scolaire telles que le comité de
parents, les conseils d'établissement, le comité consultatif des services aux
élèves ayant des besoins particuliers, et ce, dans un seul but : favoriser
la réussite des élèves.
D'entrée de jeu, je
tiens à vous remercier d'avoir créé cette commission de façon transpartisane et
d'avoir l'intention d'aller visiter des écoles dans plusieurs régions pour
parler aux jeunes. L'impact des écrans et des réseaux sociaux est un sujet qui
intéresse grandement les parents et qui les inquiète à la fois.
Avant la pandémie de
COVID-19, on parlait peu des écrans, à la fédération, et on y pensait
relativement peu en tant que parents également. En mai 2020, plus de
43 000 parents ont participé à un sondage en ligne de la fédération.
La plupart sont préoccupés par le peu d'encadrement qu'ils sont en mesure
d'offrir à leurs enfants dans un contexte d'enseignement à la maison, ne se
sentent pas suffisamment outillés pour comprendre et gérer les outils
nécessaires à cet apprentissage.
À partir de 2021, les
parents nous font part de leurs préoccupations concernant le temps d'écran. Les
parents ont identifié le temps d'écran comme leur principal défi en 2021, 2022,
2023 également dans un sondage réalisé avec la firme Léger pour la FCPQ.
Encore une fois, en
janvier 2024, dans une commission nationale réalisée avec l'Association
des comités de parents anglophones du Québec et Dre Mélissa Généreux, les
résultats de cette enquête démontrent que les jeunes qui passent quatre heures
et plus par jour sur leurs écrans sont deux fois plus enclins à avoir une
faible qualité de vie.
Nous partageons
aujourd'hui les constats et les conclusions des parents tirés des enquêtes
déployées à l'échelle provinciale et des ateliers réalisés à notre conseil
général, où siègent des parents délégués de toutes les régions du Québec. Nous
sommes... nous nous sommes concentrés sur les sujets qui sont dans notre sphère
d'action, comme les décisions prises dans les milieux scolaires, selon notre
expérience de parents engagés.
Vous recevrez plusieurs
scientifiques et experts ici au cours des prochaines semaines, et c'est
extrêmement important car nous entendons de nombreuses opinions concernant les
impacts des écrans et des réseaux sociaux dans l'espace public et dans les
médias, et il est parfois difficile de différencier le vrai du raccourci. Nous
nous fions au consensus scientifique, lorsqu'il existe, et nous nous attendons
à ce que les recommandations formulées à la suite de la commission soient
basées sur la science et soient prises dans le meilleur intérêt des enfants.
D'abord, les parents veulent faire partie de la
solution. Les parents ne veulent pas seulement être informés lorsque la
décision est prise. Ils ne veulent pas être considérés comme des problèmes à
régler. On veut être impliqués. On veut travailler ensemble pour trouver des
mesures qui fonctionnent et qui seront utiles pour aider nos enfants et pour
les protéger des personnes qui leur veulent du mal, mais également des
mégacompagnies qui les voient seulement comme des numéros.
On a beaucoup parlé dans la dernière année de la
responsabilisation des parents, que ce soit par rapport à la discipline, à la
prévention de la violence et de l'intimidation, même des lunchs. Eh bien, quand
les parents sont les bienvenus, sont inclus
et sollicités pour collaborer et prendre des décisions, sont traités en
participants et non en spectateurs, l'adhésion et l'appropriation du
projet sont facilitées. C'est vrai pour les parents, c'est tout aussi vrai pour
les jeunes.
Quand on prend le temps de consulter les
parents, on apprend que des jeunes ayant des besoins particuliers ou des enjeux
de santé se sentent stigmatisés parce qu'ils peuvent utiliser leur ordinateur
pour faire des travaux ou garder leur cellulaire ou leur montre pour suivre
leur glycémie ou la pulsation cardiaque, alors que les autres jeunes n'ont pas droit d'avoir accès à ces outils. C'est
un problème à ne pas prendre à la légère quand une élève pense laisser
sa montre cardiaque dans son casier pour ne pas être pointée du doigt.
Mais parlons d'initiatives ayant eu la
contribution des parents. Une école a décidé, en collaboration avec son conseil
d'établissement, d'interdire les cellulaires sur deux étages, mais de le
permettre sur le premier. Une autre école
secondaire a interdit les cellulaires dans l'école pour les élèves de premier
cycle, mais un téléphone en libre-service est disponible au secrétariat
en cas de besoin. C'est un projet qui a été mis en place parce que l'école a
écouté les préoccupations mais également les propositions des parents.
Le comité de parents des Bois-Francs a exprimé
sa préoccupation auprès de son centre de services scolaire concernant
l'utilisation des écrans récompenses. Cette préoccupation a mené à
l'élaboration d'un guide présentant des pistes d'action et des alternatives à
cette pratique. En conseil général, les délégués de la FCPQ avaient des réactions partagées à la possibilité de
recommander d'interdire les écrans récompenses dans les écoles. Les
discussions se sont plutôt orientées sur la nécessité de les encadrer et éviter
qu'ils soient utilisés de façon exagérée à de nombreux endroits, selon les
parents.
Les écrans récompenses devraient rester
exceptionnels. Les parents souhaitent privilégier d'autres activités lors des
loisirs, comme des activités sportives, artistiques ou des jeux de société. Le
guide du centre de services des Bois-Francs peut être une inspiration, mais
c'est important de laisser chaque milieu jouer son rôle décisionnel.
M. Maltais (Jérôme) : Donc, laisser
chaque milieu jouer son rôle décisionnel et respecter la... subsidiarité,
excusez, c'est une recommandation que la fédération répète depuis plusieurs
années. Les décisions doivent être prises près des élèves parce que chaque
milieu a ses besoins et ses particularités. Les décisions ne devraient pas être
prises de façon mur à mur pour une école de 30 élèves en Gaspésie et une
polyvalente de 2 500 élèves sur l'île de Montréal, que ce soit pour
les écrans et les cellulaires ou pour la discipline et toute autre règle de
conduite.
Nous avons d'ailleurs une instance pour prendre
ces décisions : le conseil d'établissement. La Loi sur l'instruction
publique prévoit l'institution d'un conseil d'établissement dans chaque école
publique. Le conseil d'établissement est composé de parents, de membres du
personnel ainsi que des élèves pour les écoles secondaires. Il détermine les
grandes orientations de l'école et prend des décisions qui ont des impacts
directs sur la vie quotidienne des élèves. Il faut mieux connaître et respecter
son rôle.
De nombreux conseils d'établissement ont déjà
adopté des mesures encadrant les écrans et les cellulaires dans leurs écoles,
basées sur la réalité de leur milieu. Qu'est-ce qu'on leur communique comme
message, si on prend des décisions nationales qui annulent ces décisions
locales? Au-delà des décisions locales ou nationales, les parents privilégient
l'éducation plutôt que l'interdiction. Et, quand on dit éducation, ça ne veut
pas seulement dire à l'école, on parle de l'école, de la maison ainsi que de la
société en général.
Les parents sont les premiers éducateurs de
leurs enfants. Si vous êtes parents, vous le savez tous comme moi. Nous nous
devons d'être informés sur les questions d'éducation numérique pour pouvoir être
des modèles pour nos enfants. Mais les parents ne se sentent pas tous à l'aise
dans ce rôle.
Nous avons demandé aux parents s'ils se
sentaient suffisamment outillés pour discuter des différents enjeux avec leurs
enfants. Le top trois des sujets pour lesquels ils ne se sentent pas
suffisamment outillés sont : prévenir la cyberdépendance, protéger la vie
privée sur les plateformes numériques et encadrer l'utilisation des réseaux
sociaux.
Des parents nous ont dit : C'est difficile
de discuter, contrôler et encadrer quelque chose que je ne connais pas, auquel
je n'ai pas accès. Et même en tant que parent, je me sens dépendante de la
technologie et pressée de répondre. C'est un peu hypocrite de dire aux enfants
de rester loin des écrans.
La prévention, la formation, l'éducation pour
tous est de mise si nous souhaitons que nos enfants apprennent à utiliser les
outils numériques de façon saine et éthique. Nous avons d'ailleurs...
Excusez-moi...
La Présidente (Mme Dionne) : Juste...
Moins d'une minute.
M. Maltais (Jérôme) : Pas de
problème.
La Présidente (Mme
Dionne) : Merci.
M. Maltais (Jérôme) : J'y vais assez
vite. Il faut changer la culture et les discours. Ce qui se passe à l'école entre 7 heures et 15 heures et ce qui se
passe à la maison entre 15 heures et 19 heures, ce n'est pas si
différent. Il faut arrêter de considérer l'école et la maison comme
étant totalement séparées et il faut que tous les adultes travaillent ensemble
dans l'intérêt des enfants.
Mme Laviolette (Mélanie) : En bref,
voici nos quatre grandes conclusions. Les parents et les enfants doivent faire partie de la solution, notamment en
les consultant et en les impliquant dans les décisions pour les milieux
scolaires. En deux, le recours aux écrans récompenses doit être encadré dans
les écoles. En trois, les décisions influençant la vie des élèves doivent
respecter les besoins et les particularités des milieux ainsi que les pouvoirs
des conseils d'établissement. Et, finalement, l'éducation et la sensibilisation
aux écrans, aux réseaux sociaux et leur utilisation saine et éthique doivent
être privilégiées plutôt que l'interdiction. Les écrans sont là pour rester,
éduquons nos enfants et éduquons-nous pour mieux apprendre à les utiliser de
façon positive. Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup pour ces échanges. Donc, nous disposons maintenant de 35 minutes
pour période d'échange, de questions. Je vous rappelle, c'est une commission
qui est transpartisane, donc, ce sera à la discrétion de la présidence. J'ai
déjà la députée de Hull qui m'avait signifié pouvoir poser une question, puis
on ira avec le député de Marquette, et ainsi de suite. Merci.
Alors, Mme la députée, la parole est à vous.
• (11 h 50) •
Mme Tremblay : Bonjour. Alors, je
vous remercie d'être là. Vous êtes le premier groupe qu'on reçoit à cette importante commission, puis je
pense que c'est important
de le souligner. Puis vous l'avez dit vous-même, vous avez un rôle important, puis vous confiez aux écoles,
chaque matin, vos jeunes, vos enfants aux enseignants, aux enseignantes puis à l'ensemble du personnel de l'école. Ça fait
que d'être ici le premier groupe ce matin, je pense, c'est d'autant plus
important, et vous l'avez signifié, vous
voulez collaborer dans tout le processus qu'on met en place à l'heure
actuelle.
Vous dites que, bon, c'est important de
privilégier l'éducation, la sensibilisation aux écrans, ça va aussi... Puis
vous connaissez très bien, hein, la mission de l'école québécoise, hein, qui
est d'instruire, socialiser, qualifier. Alors, et vous avez fait un important
travail de terrain. Et, quand on parle de sensibiliser les jeunes, les parents,
la société à tout ce rôle-là des écrans, puis on va aborder ça plus large...
différent, plus largement, moi, ce que j'aimerais savoir, les parents... Parce
qu'il faut qu'il y ait une cohésion, hein, entre l'école, les parents. Et vous
savez, on envoie beaucoup d'informations aux parents, vous êtes surchargés
d'informations : les politiques de l'école, le code de vie, là, bon, les
règlements, bon, peu importe. Moi, ce que j'aimerais savoir : Comment on
fait pour atteindre les parents, justement, parce que vous êtes des parents
impliqués? Il y a des parents qui sont plus extérieurs, tu sais, qui s'engagent
moins pour différentes raisons. Mais comment on peut travailler... C'est quoi,
vos solutions que vous proposez? Parce que vous êtes impliqués depuis
longtemps, pour justement, quand on prend des décisions... Puis on va prendre des... peut-être, bon, on verra
qu'est-ce qui va en ressortir au final, puis vous voulez être impliqués là-dedans.
Alors, comment on atteint ces parents-là,
faire ensemble que tout le monde... la meilleure façon, finalement, de
divulguer l'information aux parents, de les atteindre?
Et en second lieu, dans ma question, j'aimerais
savoir... Moi, ce que je comprends, c'est qu'on peut avoir des grandes balises, mais vous voulez qu'on laisse le
choix aux écoles, les couleurs, les modalités, finalement,
d'application. C'est ce que je comprends. Merci.
Mme Laviolette (Mélanie) : Merci. En
fait, je crois que le meilleur moyen d'acquérir l'adhésion des parents dans un
projet comme celui-là, c'est de bien faire comprendre les raisons derrière.
Quand on fait juste dire : On ne peut pas, c'est un peu comme avec nos
enfants, on ne peut pas répondre juste : Parce que. Donc, les parents ont
besoin d'avoir les raisons qui motivent cette règle-là. Mieux connaître les
codes de vie, c'est important. Comme vous le disiez, en début d'année scolaire,
on reçoit une quantité astronomique d'informations, peut-être de s'assurer que
ça soit dans un envoi séparé ou un envoi différent, et pas dans une dizaine de
pièces jointes, là, qu'on peut avoir à l'intérieur d'un même courriel. Je
comprends que c'est plus de travail, mais c'est une bonne façon de le
distinguer.
On parlait des conseils d'établissement, les
parents siègent sur ces conseils d'établissement là. De promouvoir les
assemblées générales également auprès de l'ensemble des parents, on sait que la
participation est difficile, mais ça reste un bon moyen de faire passer
l'information, de faire comprendre ce qui se passe dans les milieux scolaires de nos enfants et d'aller
chercher cette adhésion-là également. Puis rappelez-moi juste votre sous-question
parce que je réfléchissais à la première. En fait... Oui, allez-y.
Mme Tremblay : Oui, bien, c'était en
lien, là... Oui, c'est parce que j'ai dit beaucoup d'informations, mais c'était
en lien, ma sous-question, avec les... Vous voulez les grandes balises, hein,
tu sais, mettons, on prend des décisions collectives, là, mais moi, ce que je
comprends, puis vous l'avez dit, en Gaspésie versus une école de Montréal de trois... Ça fait que moi, je veux bien
comprendre votre rôle après, comment... Vous voulez vous laisser des
couleurs, finalement, des modalités d'application, c'est ce que je comprends.
Mme
Laviolette (Mélanie) :
Exactement. Tout à fait, pardon. Alors, les conseils d'établissement sont les
mieux placés pour comprendre la réalité terrain. Il y a des enseignants qui
aiment utiliser les outils électroniques dans un cadre pédagogique où ça peut... ça peut être
intéressant également. On a des réserves au niveau de l'écran récompense
parce qu'on ne comprend pas la valeur pédagogique ou d'enseignement derrière
cela. Cependant, chaque milieu connaît ses
jeunes, et c'est important de parler avec eux également, de parler avec les
parents et de comprendre est-ce qu'il y a des réels enjeux pour eux sur
l'utilisation ou la surutilisation des écrans dans leur vie quotidienne. Et ce
travail-là, en partenariat entre les écoles et les parents, va permettre de
baliser l'ensemble des secteurs où nos jeunes se retrouvent et pas juste
l'école ou pas juste la maison.
Mme Tremblay : Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup. Je cède maintenant la parole à notre vice-président, M. le député de
Marquette.
M. Ciccone :
Merci beaucoup. Merci beaucoup pour votre exposé. Je ressens une fébrilité dans
l'air parce qu'il y a beaucoup de parents ici, là. Puis être parent, ça ne
vient pas avec un manuel, là, d'instructions. Puis là, à un moment donné, en
cours de route, il nous est arrivé une problématique possible, et on le voit
évidemment, là, les écrans, les jeux vidéo, puis là on dirait qu'on tente de
naviguer là-dedans puis on ne sait plus où donner de la tête. Ça fait que pour
moi, cette commission-là, puis je le sens dans vos propos, là, dans votre
exposé, que c'est une bonne chose. C'est une
bonne chose d'avoir cette commission-là. Je vois également que vous voulez vous
impliquer énormément.
Puis ma première question, comme vous dites dans
votre... vous l'avez dit dans votre exposé, mais vous l'avez dit également dans
votre mémoire que vous voulez être impliqués dans les prises de décision
concernant les écrans. Comment vous voulez vous impliquer dans la prise de
décision? À quel niveau?
Parce que vous savez qu'on va émettre un rapport
ici, là, puis on ne sait pas qu'est-ce que ça va donner, ça va peut-être, à un
moment donné, ça va devenir une législation, là, on ne le sait pas, là. Mais
comment êtes-vous capables d'amener de l'eau au moulin, juste par expérience
comme parents ou avez-vous une expertise quelconque pour la prise de décision?
Mme Laviolette (Mélanie) : Notre
expertise, c'est d'être en mesure de rejoindre ces parents-là auxquels vous
vous adressez avec une commission comme celle-ci. On est une riche source
d'informations. Donc, on est en mesure d'aller chercher le pouls des parents
mais le pouls de leurs enfants, qui sont les premiers impliqués, hein, par
cette commission-là, mais toujours dans le but de les protéger. Mais, quand on
parle d'éducation ou de travailler ensemble, c'est beaucoup au niveau de la
sensibilisation aussi. Il y a une certaine immaturité parfois chez nos jeunes qui va faire qu'ils ne vont pas comprendre
nécessairement l'implication des partages sur les réseaux sociaux, ce
qu'ils en font, de la protection de la vie privée, on en parlait également.
Donc, c'est important que les parents comprennent.
Puis nous aussi, on a besoin d'être éduqués, à
quelque part, sur une saine utilisation des réseaux sociaux parce qu'on... ou
même de la technologie en général, parce qu'on a tous ce téléphone-là dans nos
poches, qui nous suit pratiquement 24 heures par jour. Donc, nous, on a,
nous aussi, un examen de conscience à faire par rapport à cette utilisation-là.
Et de travailler en partenariat avec le milieu scolaire, les parents ensemble,
l'adhésion sera plus facile si le message et le langage est le même des deux
côtés, que ce soit à l'école ou à la maison.
M. Ciccone : Une dernière petite question, je vais laisser la chance
aux... à mes autres collègues, là. Vous dites également : Prévoir un moyen
de communication entre les élèves et leurs parents en cas de besoin. Puis là il
y a des générations différentes, là, tu
sais, la mienne, là. Pourquoi, aujourd'hui... À l'époque, là, nous, si on voulait
rejoindre nos parents... J'ai 54 ans.
Je ne vous demanderai pas votre âge, inquiétez-vous pas. Moi, si je voulais
rejoindre nos parents, on était capable de les rejoindre. Pourquoi c'est si
important aujourd'hui, puis là je me fais l'avocat du diable, là, je ne dis pas que je suis d'accord ou non, pourquoi il
faudrait que les jeunes aient un cellulaire? Parce que c'est les parents
qui veulent rejoindre leurs enfants ou c'est le contraire? Pourquoi c'est si
important aujourd'hui, alors qu'à l'époque
on était capable de rejoindre les parents comme on voulait? Pourquoi ça fait
partie de votre mémoire, ça?
Mme Laviolette (Mélanie) : Ça a
effectivement changé avec les années. Je fais partie de cette génération-là où
on avait d'autres moyens de rejoindre les parents aussi, mais je vous dirais
que c'est une préoccupation de certains parents. Peut-être est-ce qu'on protège
mieux nos enfants ou ça nous rassure, nous, comme parents, d'être en mesure de
rejoindre notre enfant. Je vous l'accorde, ça fait partie des préoccupations,
tout à fait, c'est des choses que nous avons entendues.
Mme Payne (Corinne) : ...aussi, il
faut réaliser que notre système d'éducation n'est pas qu'est-ce que c'était à
notre époque.
M. Ciccone : Pardon? N'est pas...
Mme Payne (Corinne) : N'est
pas comme à notre époque. Il y a des bris de service au service de garde, il y
a des bris de service en transport, il y a des bris de service parce qu'il n'y
a pas d'enseignant en classe. Alors, les enfants, on fait quoi avec? Il y a des
inquiétudes. On n'est pas comme aux États-Unis, mais il y a des inquiétudes sur
la sécurité dans les écoles. C'est vraiment triste qu'on est rendus là comme
société, mais c'est la réalité, et il y a cette ligne-là qui a besoin d'être
ouverte.
Puis moi, je ne pense pas
que l'enfant a besoin d'être... Si, dans une classe au Québec, nos enfants ne
sont pas sécures, on doit poser une question comme société. Mais entre les
classes, le transport, le service de garde, le ci puis ça, il y a peut-être
nécessité qu'un parent puis un enfant ont besoin de communiquer. Puis il faut
que, si c'est le cellulaire qui est dans le casier, bien, il y a un autre
moyen... ou il est à la maison, il y a un autre moyen de communiquer avec
parents comme échéance. Alors, je pense...
M. Ciccone : Merci beaucoup pour votre réponse. Merci, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
Je cède maintenant la parole au député d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc : Merci, Mme la Présidente.
Bonjour à vous. Excellent mémoire. Merci de votre contribution. Je veux être
vraiment certain de comprendre votre message, mais j'ai l'impression qu'il est
quand même très clair, vous, là, le mur-à-mur, ça ne vous intéresse pas
vraiment.
• (12 heures) •
Mme Laviolette (Mélanie) : Le
mur-à-mur est difficilement applicable en tenant compte des réalités de chacune
des régions. On en parlait, la réalité de l'Abitibi et de Montréal n'est pas la
même, et l'application qu'on peut en faire
n'est pas la même nécessairement non plus. Je ne suis pas certaine qu'une
interdiction mur à mur apporterait quoi que ce soit au niveau de la
compréhension, de l'éducation au niveau de l'utilisation des outils
technologiques et numériques. Le plus important, c'est de faire comprendre aux
parents, à leurs enfants également, la bonne façon de l'utiliser, le réel outil
que ça peut être, et non pas de s'en servir comme d'une arme ou d'un outil pour
aller acquérir une certaine notoriété, comme
on peut le voir parfois. Il faut simplement s'assurer que nous donnons le bon
message et que nous donnons le bon
exemple également, et ça, ça peut se décider localement, au sein
des conseils d'établissement.
M. Leduc : C'était ça, ma question
de suivi. Donc, si ce n'est pas le Québec qui est la bonne unité de mesure,
mettons, est-ce que c'est quelque chose que... Là, on parle, mettons, de
l'interdiction de cellulaire. Est-ce qu'il faut l'appliquer à l'intérieur du
centre de services scolaire, à l'intérieur d'une école, à l'intérieur d'une
classe? C'est laquelle de ces trois... de ces trois degrés-là... lequel de ces
trois degrés est le bon, selon vous?
Mme Laviolette (Mélanie) : Je
ramènerais ça à la hauteur de l'école.
M. Leduc : À l'école.
Mme
Laviolette (Mélanie) : Je le ramènerais à la hauteur de l'école, parce
que, sur le conseil d'établissement, il y a des parents qui siègent, sur
les écoles secondaires, il y a des élèves également qui siègent, qui viennent
du conseil étudiant, il y a des membres du personnel. Donc, je pense qu'il y a
une bonne représentativité de la clientèle pour être en mesure de déterminer
quelles sont les bonnes pratiques à utiliser dans un milieu, et par la suite,
bien, ça s'applique au reste de l'école.
M. Leduc : Donc là, classe par
classe, ça serait trop pointu, tandis qu'à l'échelle d'une commission
scolaire... Je dis encore «commission scolaire»! Je pense que je vais le dire
jusqu'à ma mort.
Mme Laviolette (Mélanie) : On se
trompe tous.
M. Leduc : Le centre de services
scolaire, là, ça commence à être un peu trop large, des fois, c'est un gros
territoire.
Mme Laviolette (Mélanie) : Exactement.
M. Leduc : O.K. Dernière question
sur... connexe un peu. Il y a des gens qui parlent beaucoup de majorité
numérique. Est-ce que vous voyez des défis d'applicabilité? Puis je peux même
poser la même question de défis d'applicabilité, quand même, pour des
interdictions de cellulaire à l'échelle d'une école, comme on vient d'en
discuter : À quel point on peut peut-être... Est-ce que c'est une chimère
de dire : Oui, oui, on va mettre une majorité de... Comment on va réussir
à l'appliquer? Quelles sont, selon vous, les choses qu'on devrait avoir en tête
dans cette réflexion-là sur l'applicabilité de ces mesures-là?
Mme Laviolette (Mélanie) : On n'a
pas abordé ce sujet spécifiquement avec nos membres, c'est difficile pour moi
d'apporter un peu la vision de la fédération par rapport à ça. Il y a une
limite à ce que nos points de vue... On représente quand même une grande...
90 % des centres de services scolaires de toutes les régions du Québec, ça
représente quand même un vaste territoire, puis les points de vue ne concordent
pas nécessairement tout le temps. C'est difficile d'aller chercher un consensus
par rapport à ça, puis on n'a pas d'expertise scientifique qui nous dirige, non plus, dans notre réflexion. On préfère, pour
l'instant, se fier aux experts pour savoir ce qu'ils en... ce qu'ils en
considèrent.
M. Leduc : Merci beaucoup.
Mme Laviolette
(Mélanie) : Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
M. le député de Matane-Matapédia.
M. Bérubé : Merci. Bienvenue à
l'Assemblée nationale. L'an dernier, à peu près à la même période, il y a eu
cette consigne du ministre sur l'interdiction du cellulaire en classe. Est-ce
que vous étiez en faveur de cette décision?
Mme Laviolette (Mélanie) : On était
en faveur de cette décision parce que notre priorité principale était d'enlever
les perturbateurs dans la classe, qu'est-ce qui peut empêcher notre enfant de
se concentrer, toujours dans une optique d'améliorer ses capacités
d'apprentissage. Donc, ça enlevait la distraction.
M.
Bérubé : D'accord.
Mme Payne (Corinne) : Mais, je vais
ajouter que qu'est-ce qui n'a été pas respecté, dans la directive de la
ministre, c'est que les conseils d'établissements, dans tous les milieux,
n'étaient pas consultés ou parties de la prise de la décision, puis ça, c'est vraiment triste. Puis, comme on a répété,
c'est important que chaque conseil d'établissement, dans chaque école du
Québec, joue son rôle décisionnel pour prendre qu'est-ce qui est le meilleur
intérêt des élèves dans son école.
M. Bérubé : D'accord. C'est une
décision nationale du ministre; moi, je l'ai acceptée. Elle s'applique partout
au Québec. J'ajouterais qu'il n'y a plus d'élu, hein? Vous êtes là, les élèves
sont là, mais il n'y a plus d'élu. Alors, ça change la dynamique, pour un
député, en tout cas, on n'a pas accès à vous si facilement. Même les listes des
parents ne sont pas si facilement accessibles pour les élus. Le gouvernement a
déjà fait ça pour les lieux de prière aussi, une consigne nationale qui a été
appliquée, qui n'a pas vraiment fait trop de problème.
Donc, pour la suite, je comprends que, si le
fruit des recommandations devenait des politiques, ou des consignes, ou des
indications claires du ministre, vous voulez vraiment que ça ne soit pas
national, que ce soit par centres scolaires ou par écoles. Alors, vous
comprenez que, dans un même quartier, il pourrait y avoir une application
différente. On pourrait même avoir des gens qui choisissent leur école en
fonction des politiques applicables. Êtes-vous conscientes de ça? Si l'enfant,
lui, il veut avoir son cellulaire... Je vais aller à l'autre école.
Mme Payne (Corinne) : Bien, je vais
utiliser un exemple que j'ai rencontré, une enseignante, l'année passée, quand
cette directive-là est tombée, puis elle a dit : Moi, dans mon cours de
sciences, j'utilise le téléphone cellulaire comme un outil pédagogique, parce
que, quand un enfant me pose une question, aujourd'hui, je ne sais pas toujours
la réponse parce qu'il y en a tellement, d'informations. Je vais leur
dire : Cherchez, vous tous, sur votre téléphone, puis on va comparer.
Est-ce que votre source est bonne? Est-ce que l'information est bonne? Est-ce
que c'est fidèle? Puis on peut discuter ensemble. Puis ça, c'est un exemple
concret comment on peut utiliser un outil pour éduquer nos enfants comment
utiliser l'outil éthiquement. Alors, voilà.
M. Bérubé : O.K. Avez-vous
l'impression que c'est plutôt l'exception? Quand je suis allé remplacer, dans
une école secondaire, on donnait le choix — une école secondaire de
Matane — certains
pouvaient le permettre, les enseignants, dans la classe, d'autres non. Dans
certains cas, ils me disaient : Si je ne le permets pas, je vais avoir des
cas de discipline à gérer, ça fait que j'aime mieux les laisser faire. Ça
existe. Et ce n'était pas pour des applications scientifiques, c'était pour
TikTok, pour Instagram, pour différentes applications qui n'ont rien à voir
avec l'école. Donc, ces cas-là, ils sont fabuleux, celui que vous évoquez, j'ai
l'impression qu'ils sont très minoritaires.
Mme Payne (Corinne) : Bien,
qu'est-ce qui arrive, c'est... cette enseignante-là, qu'est-ce qu'elle m'a dit,
c'est : elle n'était même pas dans la discussion de direction, ou je ne
sais pas qui a décidé ça va être comme ça, puis on ne peut... je ne peux même
pas utiliser cet outil-là. Alors, oui, c'est une exception, mais dans chaque
milieu, puis, je pense, Mme Laviolette a bien dit, dans chaque milieu, il faut
prendre les décisions pour ce milieu-là.
M. Bérubé : En terminant, je vous
suggère que, par exemple, la politique qui est annoncée par le ministère...
c'est que c'est interdit et qu'il y a le fardeau de dire : Oui, mais il
pourrait y avoir des exceptions qu'on est capables de démontrer. Ça, est-ce que
vous seriez à l'aise avec ça?
Mme Payne (Corinne) : Bien, c'est
comme ça, la directive a été écrite l'année passée, mais le milieu n'était pas
dans la discussion, partout.
M. Bérubé : Oui, mais l'application
n'est pas tout à fait comme ça. Oui, d'accord. Je vous remercie.
La
Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à Mme
la députée de Châteauguay.
Mme Gendron : Merci beaucoup,
mesdames, monsieur, d'être avec nous aujourd'hui, et, en tout cas, un gros
merci pour votre mémoire que vous avez partagé. J'avais des questions. J'ai
bien entendu que vous voulez préconiser l'éducation à l'interdiction, donc je
comprends bien votre point de vue, et puis aussi que les parents ne se sentent
pas outillés face aux réseaux sociaux de leurs enfants,
souvent par méconnaissance, aussi, de ce qui se passe sur les plateformes, et
tout ça. Donc, vous avez mentionné : Éduquons-nous en tant qu'adultes.
J'avais deux volets à ma question : De
quelle façon vous verriez, justement, cette forme d'éducation là pour les adultes et pour les jeunes? Est-ce que... De
quelle façon on pourrait aborder ça? Avez-vous déjà songé ou discuté de
la manière, oui, de rejoindre les parents,
ça, je le comprends, mais de quelle façon ça pourrait être fait auprès des
parents?
Mme Laviolette (Mélanie) : On
utilise souvent, à la fédération, des webinaires où on fait venir des experts
qui vont s'adresser aux parents qui le souhaitent, sur inscription, souvent
gratuit, d'ailleurs, pour leur permettre de comprendre différents enjeux. Ça
peut être... justement, on parlait des conseils d'établissement, pour
comprendre, aux parents, l'importance et l'influence qu'ils peuvent avoir à
s'impliquer dans ces instances-là; mais ça pourrait être des formations qui
sont plutôt ciblées sur ce type d'enjeu là, on rejoint quand même plusieurs,
plusieurs parents de cette façon-là; d'avoir une meilleure diffusion auprès des
écoles également, pour inviter les parents à se joindre à ces formations-là
quand c'est ouvert, parce qu'il n'y a pas de limite, des formations en ligne,
on peut... on peut être le nombre qu'on veut, c'est ça qui est merveilleux; de
rejoindre les parents avec des experts qui connaissent les réseaux sociaux où
se tiennent nos jeunes, parce que ça va très vite. Et les enfants, nos enfants
ne sont pas sur Facebook, le réseau social qu'on connaît le mieux, ils sont
ailleurs. Il faut qu'on les trouve. Mais il faut qu'on comprenne comment ces
réseaux-là fonctionnent, également, pour être en mesure de faire la prévention
qui est nécessaire.
Mme Payne (Corinne) : Puis je pense
que ça prend une place où les parents peuvent aller conseiller, puis avoir
confiance, et les bons conseils, puis avoir la bonne information. Je veux aussi
dire l'exemple Alloprof. Tout le monde ici sait c'est quoi, Alloprof. Est-ce
que ça... Alloprof Parents, aussi. Tu sais, ça prend un Allo aidez-moi avec les
médias sociaux, parce que je ne comprends pas c'est quoi, TikTok puis la
prochaine nouvelle qui va arriver. Mais ça prend une place que les parents
peuvent appeler, comme à Info-Santé. Je ne sais pas, vous autres, mais quand
j'ai accouché le premier enfant, là, je pense que j'avais la ligne directe à
Info-Santé : Le nez coule, si ça... Alors, c'est une place fidèle où on
peut appeler puis avoir des informations justes, pas juste à l'école. Puis, je
pense, ça, c'est important, on ne veut pas que tout le fardeau, ça tombe à
l'école, il faut que ça tombe à toute la société québécoise.
Mme Gendron : C'est intéressant,
parce que vous parlez, justement, d'une application pour... en tout cas, tu
sais, de consulter une application pour, finalement, trouver un moyen de ne pas
utiliser les réseaux sociaux. Mais je comprends très bien votre point de vue,
mais c'est la réalité d'aujourd'hui. C'est ça.
Mme Payne (Corinne) : Les écrans,
ils ne partiront pas demain, hein?
• (12 h 10) •
Mme Gendron : Oui, exactement. Mais
j'ai une autre question par rapport à ça. Vous aviez parlé du conseil d'établissement, puis je comprends, puis je m'en
vais un peu sur la même lignée que mon collègue de Matane. En fait, si vous dites qu'un professeur, lui, dans sa classe,
utilise, justement, des applications, quelque chose, même si le conseil d'établissement fait une réglementation à même
l'école, donc, chaque professeur pourrait avoir sa façon de fonctionner,
donc certains professeurs auraient accès.
Donc, de quelle façon vous pourriez penser que le conseil d'établissement
pourrait vraiment faire une règle? Est-ce que vous pensez que ça peut se faire
et puis si toutes les parties prenantes, parents, enfants, enseignants puis
tous les soutiens, pourraient être d'accord avec la décision du conseil
d'établissement?
Mme Payne (Corinne) : Bien, une
école, c'est une démocratie aussi, hein, c'est un milieu de vie, puis, oui, il
y a des moyens qui peuvent... Et, dans chaque école du Québec, il y a un code,
un code de vie qui dit que vous ne pouvez pas laisser vos sacs à dos dans tel
coin de l'école. J'exagère, là, mais... Aussi, ça peut être instauré dans le
code de vie de l'école. Puis ils peuvent faire un référendum, dans une école,
et faire des élections, dans des écoles secondaires, pour choisir le député de
chaque classe. Alors, ils peuvent demander c'est quoi, puis, si 80 %,
90 %, 75 % veulent telle affaire, bien c'est ça qui va devenir notre
règle.
Puis il faut apprendre... faire apprendre nos
jeunes que la démocratie, ça se met en place. Vous avez votre... vos mots à
dire, on va faire une commission, dans notre école, pour qu'est-ce qu'on veut
puis après on va mettre en place les règles que la majorité de la démocratie
décide qui vont être mises en place. Je pense, ça va être un service à faire à
nos jeunes qui apprennent ça, puis ils prennent acte, puis ils sont
participatifs de qu'est-ce qui se passe dans leur école. Mme Laviolette a
dit : La pire chose que tu peux dire, c'est de présenter quelque chose
quand c'est tout fait puis canné. Vous êtes les premiers, je pense, les
députés, que, si... n'importe qui qui vous présente quelque chose tout canné,
vous allez la critiquer de tous les bords puis tous les côtés. Alors, les
enfants ou des humains sont comme ça, il faut les mettre parties prenantes dans
les décisions, puis il va y avoir plus d'adhésion, je suis sûre.
Mme Gendron : C'est très
intéressant. J'ai sûrement plusieurs autres questions, mais je pense que je
vais laisser la parole à mes collègues. Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci,
Mme la députée. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de
Bourassa-Sauvé.
Mme Cadet : Merci beaucoup, Mme la
Présidente. Bonjour à vous. Donc, effectivement, comme mon collègue le
mentionnait, je pense qu'il y a une belle effervescence, aujourd'hui, alors
qu'on commence les travaux. Donc, je pense que ce n'est
pas anodin que vous soyez le premier groupe qu'on entend aujourd'hui, ce que...
on le sait, donc, les parents, donc, vous êtes, donc, les premiers vecteurs,
donc, de cette éducation.
Ma question, ma première question, s'enlignait,
bien, en fait, dans la même ligne que ma collègue, donc, de Châteauguay, donc,
sur le comment outiller les parents. Je pense que vous avez quand même, bon,
répondu. Dans le fond, donc, vous souhaiteriez, donc, avoir soit, donc, un
organisme ou une institution, donc une ligne, là, à laquelle, donc, vous
pourriez appeler, donc, en laquelle vous auriez confiance, pour être capable,
donc, d'être outillé sur les différents points. Vous classez les enjeux de sentiment
de compétence, donc la cyberdépendance, la vie privée, l'utilisation des
réseaux sociaux, donc, ça, ça semble clair.
Ensuite, j'aimerais peut-être vous entendre sur
la question des écrans récompenses, parce que notre mandat s'est peu penché sur
cette question-ci, quand on le définissait. Mais, dans votre mémoire, vous vous
êtes quand même posé la question puis vous avez sondé vos membres sur cet
enjeu-là. D'abord, vous entendre sur la prévalence de l'enjeu des écrans
récompenses, puis ensuite, quand vous dites que vous ne souhaiteriez pas
nécessairement l'interdire, parce qu'il n'y a pas de consensus là-dessus, mais
l'encadrer, à ce moment-là, donc, comment l'encadrer? Est-ce que ce serait
aussi au niveau des conseils d'établissement avec... ou une directive plus
nationale? Donc, j'aimerais vous entendre là-dessus.
Mme Laviolette (Mélanie) : Je vous
dirais que l'écran récompense était, à une certaine époque, une activité
spéciale. C'était le vendredi, avant qu'on soit... avant le congé de Noël ou
dans la dernière semaine de classe. Ce qu'on entend maintenant,
malheureusement, c'est que ça devient une habitude. C'est les vendredis
après-midi, c'est... il manque un enseignant, c'est... un suppléant va passer
un film, on va regarder des vidéos. Pendant qu'il passe des feuilles, vous
pouvez regarder un vidéo sur votre téléphone. C'est rendu la norme.
Et puis on en discutait ce matin en préparation
de venir vous rencontrer puis on se disait : On n'apprend plus à nos
enfants à se gérer ou à gérer leur temps. C'est comme si on se devait de les
occuper constamment, à temps plein. Puis ça a du bon pour eux de s'ennuyer un
petit peu ou de se trouver une alternative pour s'occuper, au lieu de se
pencher vers l'écran. Puis je le dis en toute humilité, on le fait tous comme
parent, c'est le premier réflexe qu'on a de se pencher la tête, de regarder
notre téléphone, au lieu de discuter, d'échanger, de socialiser, de dialoguer
avec nos pairs. Donc, c'est à ce niveau-là.
L'écran récompense, c'est bien, c'est une
activité spéciale, c'est festif, c'est joyeux. Il ne faut pas que ça remplace
un cursus scolaire, il ne faut pas que ça bouche des trous dans l'apprentissage
de nos enfants. Il y a d'autres moyens de les occuper.
Mme Cadet : Et là, donc, puisque
vous dites que vous souhaitez l'encadrer, donc, ce serait aussi au niveau des
conseils d'établissement que vous préfériez le faire?
Mme Laviolette (Mélanie) : Il
faudrait qu'une directive claire arrive des conseils d'établissement, mais
peut-être que ça doit être un message qui est passé. Est-ce que ça doit être
une interdiction aux écoles de procéder de cette façon-là? À voir. Mais une
sensibilisation claire, officiellement, devrait être faite.
Mme
Cadet : Au niveau du gouvernement du Québec, là, vous avez
vraiment cette ouverture-là pour cet enjeu-ci?
Mme Laviolette (Mélanie) : Oui, il
faut sensibiliser les gens à la surutilisation des écrans quand ce n'est pas
nécessaire.
Mme Payne
(Corinne) : Puis il y a
un guide qui existe, parce que le
comité de parents, avec le centre de services de Bois-Francs, ils ont
déjà fait un guide. Alors, inspirez... utilisez-le comme un gabarit pour aider
les autres. On n'a pas besoin de réinventer la roue 72 fois pour chaque
centre de services, chaque commission scolaire, ni 2 500 fois pour
chacune des écoles, inspirez des bonnes pratiques et des outils qui sont déjà
créés.
Mme Cadet : Merci.
La
Présidente (Mme Dionne) : Merci. Il nous reste six, sept minutes et j'avais
la députée de D'Arcy-McGee et le député de Gaspé. Alors, Mme la députée.
Mme Prass : Merci. Merci de votre
présence, de votre mémoire, présentation. Ma question est un petit peu sur le
même sujet que celle de ma collègue. Donc, si je comprends bien, est-ce que
vous direz que l'idée de l'écran récompense ne devrait juste pas être présente
dans les écoles? Parce que, là, on renforce l'idée que l'ultime récompense,
c'est d'avoir son téléphone. Et c'est comme si on... bien, c'est ça, on
renforce cette idée que, justement, on ne veut pas que nos jeunes aient. Et,
comme vous dites, qu'ils s'ennuient, ou qu'ils sortent à l'extérieur, ou qu'ils
vont à la bibliothèque, peut-être, c'est ça, leur récompense, plutôt que le
téléphone. Donc, est-ce que vous prendrez que ça ne devrait juste pas faire
partie de la réalité dans les écoles?
Mme Laviolette (Mélanie) : Je vais
faire un parallèle avec l'alimentation. C'est de faire comprendre à nos enfants
qu'un yogourt aux fraises, c'est une aussi belle récompense que le suçon. Tu
sais, finalement, il faut juste changer ça un petit peu, changer le focus qu'on
met sur l'écran. Puis c'est moins... Nos enfants sont habitués de l'avoir entre les mains, ils ont les consoles, ils ont la
télévision, ils ont les ordinateurs, ils ont les cellulaires dans leurs poches.
C'est moins... c'est moins une surprise ou c'est moins magique que ça pouvait
l'être à l'époque où ce n'était pas aussi
accessible. Mais il faut juste leur faire comprendre qu'il y a des récompenses
qui sont intéressantes, aussi.
Puis c'est
surtout que ça ne devienne pas une gardienne, un... je vais dire un bouche-trou
ou un bouche-temps, dans le cursus scolaire de nos élèves. Le film est
toujours intéressant, et c'est intéressant parce que ça n'arrive pas souvent.
Quand ça devient... Il y a des enfants qui nous le disent, il y a des jeunes
qui nous le disent, même eux trouvent que c'est trop, parfois, parce qu'ils
aimeraient faire autre chose. Alors, c'est peut-être le temps de les écouter,
aussi, ces enfants-là. On dit souvent que c'est eux, le problème, parce qu'ils
veulent les utiliser. On leur ouvre grand la porte. Mais, si on prend la peine
de les écouter, même eux sont conscients que ça a un impact sur leur
apprentissage et sur leur capacité à socialiser.
Mme Prass : Oui. Puis je vous dirais
même, mon fils vient de commencer à une nouvelle école, puis ça lui est arrivé,
la semaine dernière, il avait une remplaçante... bien, en fait, le prof n'était
pas là, puis ils leur ont dit : Bien, vous avez votre téléphone, ça fait
que vous pouvez passer le cours là-dessus. Puis il m'a dit : Je trouve ça
poche, je ne comprends pas, je suis à l'école, puis on m'a dit que je peux
aller sur mon téléphone, tandis que, tu sais, il y a d'autres choses à faire.
Donc, je pense que... comme j'ai dit, pour moi, renforcer cette idée que la
récompense ultime, c'est le téléphone, on fait le contraire, justement, de ce
qu'on voudrait que nos enfants reconnaissent.
Mme Laviolette (Mélanie) : Ils l'ont
toujours, ils sont... Pour eux, ce n'est pas une récompense, c'est... Nous, on
le voit comme une récompense, mais pour eux ce n'en est pas tant une parce
qu'ils l'ont toujours avec eux, de toute façon. Alors, c'est de trouver une
récompense qui les intéresse et, pour ça, les sonder et leur parler, c'est
important. Ils vont nous le dire, eux, ce qui les intéresse et ce qu'ils ont
envie de faire.
Mme Prass : Merci beaucoup.
Mme Laviolette (Mélanie) : Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
M. le député de Gaspé.
M. Sainte-Croix : Merci, Mme la
Présidente. D'abord vous remercier de votre présence, de participer à
l'exercice. Très intéressant, toujours stimulant, là, d'entendre les gens qui
sont sur le terrain avec nos enjeux.
Si vous le permettez, moi, j'aimerais sortir un
peu de l'école, dans le sens où, vous l'avez dit, hein, nous sommes plusieurs
parents, ici aujourd'hui, donc on a une relation à l'école mais on a aussi une
relation d'école à la maison. Comment vous voyez la responsabilité parentale,
en dehors du circuit de l'école, avec les enfants, sur le sujet des écrans?
Mme Laviolette (Mélanie) : Je vais
faire un parallèle avec l'autre sujet qui nous interpelle beaucoup, qui est la
violence et l'intimidation. C'est important de parler à nos enfants pour leur
expliquer l'impact que ça a, une surutilisation des écrans. Il y a également
l'impact que ça peut avoir sur la diffusion qu'ils font des informations, que
ce soient leurs informations personnelles, mais également des vidéos partagées.
C'est important pour eux de comprendre l'impact que ça peut avoir sur le
collègue à l'école.
C'est à nous aussi, comme parents, de donner
l'exemple. On a le droit de s'accorder une pause de déconnexion des écrans, de
passer du temps avec eux. On le mentionnait, on ne peut pas dire à nos
enfants : Lâche les écrans, pendant que nous, on regarde notre cellulaire.
Ça n'a aucun sens. On se doit, nous aussi, comme société en général, de porter
un regard sur notre surutilisation des écrans et des réseaux sociaux.
Puis il faut qu'on parle à nos enfants. La
priorité est là. On éduque nos enfants sur plein de sujets, on les éduque à ce
niveau-là aussi. Mais, la préoccupation des parents, tu sais... : Je veux
bien le faire, mais je ne sais pas encore comment. Donc, il faut trouver des
outils, des solutions pour les outiller. Ils sont prêts à le faire, ils ne
savent juste pas comment l'aborder.
• (12 h 20) •
Mme Payne (Corinne) : On a trouvé le
moyen comment parler avec nos enfants sur le tabac, sur les drogues, sur les
relations sexuelles, alors, je pense, on peut trouver le moyen aussi, si on est
équipés nous-mêmes... avec, je vais dire,
les bonnes campagnes de sensibilisation de Juste dis non. Je ne sais pas
s'il y avait cette campagne-là, mais, dans mon époque, c'était : Juste
dis non. Alors, je pense, c'est de trouver la façon, pour les parents puis
toute la société, de réaliser qu'est-ce qu'on est en train de faire.
M. Sainte-Croix : Notre réflexion
devrait donc plus largement toucher les parents, aussi, les parents dans le quotidien, et non pas simplement le réseau
scolaire, la dynamique scolaire, la pédagogie, le loisir, la récompense — j'accroche
beaucoup sur la récompense — et
plus largement toucher aussi nos relations comme parents, dans un contexte
familial, et la gestion de cette information-là avec nos enfants. Vous jugez
que c'est important si on veut cheminer?
Mme Laviolette
(Mélanie) : J'ai tendance à être en accord avec vous sur cette
affirmation parce qu'on... l'éducation et l'instruction, c'est deux choses,
mais c'est interrelié. Quand on parle d'éducation, c'est à tous les niveaux. On
doit travailler ensemble, et ça doit se transposer d'un côté à l'autre. On
ramène souvent le message de l'importance de la
communication, que ça soit dans les deux sens, que l'école communique avec le
parent, mais que le parent soit en mesure de communiquer avec l'école aussi. Si
on est concertés, si on travaille ensemble, si on est à l'écoute l'un de
l'autre, c'est sûr qu'il y a de belles choses qui vont sortir de là. Mais oui,
il faut faire la prévention auprès des parents, leur faire comprendre
l'importance que ça a de s'intéresser à l'enjeu des écrans chez leurs enfants et
d'amener le message qu'il faut travailler avec l'école aussi. Ce n'est pas...
Il faut arrêter de travailler en silo, il faut vraiment qu'on s'habitue à
travailler ensemble.
M.
Sainte-Croix : Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : Il
reste 20 secondes. Le mot de la fin? Oui, M. le député de Jonquière,
allez-y.
M. Gagnon : Je
veux juste vous poser une question. J'y vais rapidement. Un conseil
d'établissement connaît son milieu, veut prendre sa propre prise de décision,
on l'a bien entendu. Est-ce qu'il serait intéressant, avant une prise de
décision, qu'on aille de l'avant vers une... du moins pour les conseils
d'établissement, vers une formation nationale, tout de même?
Mme Laviolette
(Mélanie) : Oui. Oui. C'est...
M. Gagnon : Parfait.
Mme Laviolette
(Mélanie) : La réponse ne peut pas être plus claire que ça.
M. Gagnon : Parfait.
Mme Laviolette
(Mélanie) : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme
Dionne) : Merci à tous pour votre contribution.
Donc, la commission
spéciale suspend ses travaux jusqu'à 14 heures. Et j'en profite pour
souhaiter un joyeux anniversaire à notre collègue députée d'Iberville. Alors,
bonne fête, madame. Merci.
(Suspension de la séance à
12 h 23)
(Reprise à 14 h 02)
La Présidente (Mme Dionne) : Donc,
bon après-midi à tous. Nous sommes de retour en Commission spéciale sur les impacts des écrans et des réseaux sociaux
sur la santé et le développement des jeunes. Alors, nous reprenons nos travaux. Je demande à tous ceux et celles qui ont
des portables ou appareils électroniques de bien vouloir éteindre la sonnerie.
Donc, nous
poursuivons les consultations particulières cet après-midi avec... dans le
fond, nous accueillons aujourd'hui le Centre pour l'intelligence émotionnelle
en ligne, l'Association des entreprises pour le développement des technologies
éducatives au Québec et la Confédération des syndicats nationaux.
Donc, je souhaite la
bienvenue à notre représentante du Centre pour l'intelligence émotionnelle en
ligne, Emmanuelle. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour nous
faire votre exposé. Suite à cela, nous disposerons de 35 minutes
d'échange, de questions avec les membres de la commission. Alors, vous pouvez,
d'entrée de jeu, vous présenter et nous transmettre votre exposé.
Centre pour l'intelligence émotionnelle en ligne
(CIEL)
Mme Parent (Emmanuelle) : Oui.
Alors, merci vraiment de me recevoir. Donc, oui, mon nom est Emmanuelle
Parent. Je suis cofondatrice, directrice générale du Centre pour l'intelligence
émotionnelle en ligne. Je suis aussi docteure en communication, en recherche
sur les réseaux sociaux chez les jeunes.
Et puis la mission du
CIEL, donc, c'est le petit surnom du Centre pour l'intelligence émotionnelle en
ligne, c'est de faire de la sensibilisation et de l'éducation sur les enjeux du
numérique qui touchent notre bien-être, puis on le fait particulièrement avec un programme de prévention, d'ateliers
pour prévenir les méfaits des écrans dans les écoles primaires et
secondaires. Donc, on fait ça depuis 2020. Depuis 2020, on a parlé à plus de
28 000 ados entre 12 et 17 ans, et, depuis la dernière année, on
a parlé aussi à plus de 9 000 enfants dans les écoles primaires.
Donc, c'est un honneur pour moi aujourd'hui de pouvoir vous ramener qu'est-ce
qu'on entend dans les classes, qu'est-ce que les jeunes disent de leur relation
avec les jeux vidéo, les réseaux sociaux.
Bon, j'ai huit leçons
pour vous aujourd'hui, mais on va commencer avec une très importante. On
entend : Les jeunes sont tout le temps sur leur cellulaire, les jeunes,
ils veulent tout le temps aller vers les écrans, ça ne se parle plus, ça ne se
voit plus en face à face. Durant cette commission, on voit qu'on va mettre nos
jugements de côté, en fait, pour une première leçon qui est : Les écrans
sont un problème d'adultes, pas juste sur... une responsabilité sur les épaules
des enfants. Puis on doit assumer, donc, en tant qu'adultes, la responsabilité
d'avoir incité, encouragé, offert ces outils technologiques là aux enfants puis
de les avoir aussi punis et maintenant jugés pour ce qu'on a accompli. Donc, je
vais avoir l'air de vous chicaner un peu, mais ça va finir positif, promis.
Donc, ce que je veux dire
par là, c'est que ce sont... Quand tu dis que c'est un problème d'adultes, c'est
que ce sont des adultes qui ont développé un modèle d'affaires qui est basé sur
la collecte de données, qui capitalise sur l'attention des jeunes. C'est aussi
des adultes qui n'ont pas régulé, hein, ce milieu-là et qui fait qu'on appelle
ça des fois le Far West des grandes technologies. C'est aussi des adultes qui
achètent le premier téléphone intelligent aux enfants. C'est des adultes qui
décident si on donne des iPad ou des Chromebook dans les écoles. C'est aussi
des adultes, dans les milieux de travail, qui demandent à d'autres adultes de
regarder leurs courriels le soir puis des adultes qui, à l'heure du souper,
sortent leur téléphone sous les yeux des enfants, qui nous en parlent dans les
classes. C'est des adultes qui emploient des enfants... bien, des enfants, non,
mais des ados, des jeunes, et qui les textent, qui essaient de les contacter
sur les heures scolaires.
Puis nous, on enseigne aux enfants puis aux ados
que c'est important de se réunir en face à face, mais c'est aussi des adultes
qui se plaignent que les jeunes jouent au hockey dans la rue, puis des
municipalités qui envisagent d'enfreindre ça, ces jeux-là. C'est aussi des
adultes, dans les lieux publics, qui jugent que les enfants sont bruyants, mais
qui jugent aussi les enfants quand ils ont la tête dans leurs écrans. C'est des
adultes... Tu sais, nous, on enseigne aux enfants que c'est important, une
heure d'activité physique par jour, mais c'est aussi des adultes qui décident
de baliser ce nombre d'activités physiques par jour là dans le système
scolaire. Puis, quand nous, on enseigne aux jeunes
d'aller chercher de l'aide, c'est nous, en tant qu'adultes, qui sommes
responsables du système de santé, qui leur répond : Peut-être une liste d'attente de six mois avant qu'on
puisse répondre à... puis donner des soins psychologiques.
Comme j'ai
dit, je ne dis pas ça pour vous chicaner. Le but, ce n'est pas de culpabiliser,
c'est de se responsabiliser. On a un pouvoir énorme sur l'utilisation du
numérique chez les jeunes puis on est capables, de façon transversale, en ne parlant pas juste d'écrans, mais aussi de santé
physique, de santé psychologique, de vie privée, de faire un changement
dans leur vie. On part avec les... On part avec les leçons. Je vais vous donner
des témoignages d'enfants puis d'ados pour chacune de celles-là.
N° 1, les jeunes voient les adultes. Ce qu'on entend le plus chez les
enfants, quand on leur demande : Qu'est-ce que vous voulez qu'on
dise aux décideurs, aux parents, c'est : Oui, oui, oui — la
petite main dans les airs — dites
à mes parents de lâcher leurs téléphones, dites à mes parents de ne pas prendre
leurs téléphones quand je leur parle en même temps. Chez les ados, on ne voit
pas cette candeur de vouloir l'attention des adultes, on se justifie, on
dit : Bien, si les parents sont devant la télé, si les parents jouent à
Candy Crush, sont sur leur cell, sur Facebook, ce réseau social de vieux,
n'est-ce pas, eh bien, nous aussi, on va l'être, sur les écrans. Donc, les
études le montrent aussi, que le temps d'écran, en fait, chez les parents, peut
être un prédicteur de plus haut temps d'écran chez les jeunes. Bonne nouvelle, cependant, c'est que, selon un dernier
sondage de PAUSE, mené par Léger en 2024, il y a 90 % des parents
qui sont prêts à réduire leur temps d'écran, mais il faut les aider. 37 %
d'entre eux disent que ça va être pas mal difficile.
Leçon n° 2, les jeunes
reconnaissent que l'utilisation des plateformes, bien, oui, c'est difficile à
réguler. Ils vont nous dire : Quand tu entres dans TikTok, tu ne sors pas
de TikTok ou... Ça, c'est un jeune au secondaire ou un jeune au primaire qui me
dit : Bien, ma Xbox est dans ma chambre, je regardais des vidéos dessus
avant de me coucher, bien, puis, même si j'étais fatigué, je voulais vraiment
savoir c'était quoi, la prochaine. Donc, c'est difficile de se réguler, et les
jeunes, ils le savent, que c'est difficile de lâcher Fortnite, de lâcher son
cell, de lâcher TikTok, les «reels», les «shorts», YouTube. On les nomme tous,
puis ils sont irrités par cette perte de contrôle. On les fait regarder leur
temps d'écran dans les classes. Ils ont honte. Parfois, ils ne veulent pas nous
communiquer le temps qu'ils passent sur leurs téléphones. Ils sentent qu'il y a
un jugement des adultes.
Même si je viens dire que c'est difficile à
réguler, leçon n° 3, les jeunes ne sont quand même
pas des utilisateurs passifs des écrans. Ils mettent en place des stratégies
pour s'aider. Donc, il y a des jeunes qui nous disent : Bien, moi, en
période d'examen, je supprime mes réseaux sociaux. Il y en a qui disent :
Moi, je n'ai pas du tout TikTok, c'est trop addictif, d'autres qui
disent : Je me suis mis une limite d'une heure sur mon application, sur
Instagram, pour essayer de passer moins de temps là-dessus. Et, chez les enfants,
pour faire plaisir aux parents, quand on leur demande c'est quoi, leur truc,
ils vont nommer leurs parents, ils disent : Je n'ai pas le goût de passer
toute la soirée devant mon jeu vidéo ou devant les écrans, ça fait que mes
parents, ils m'aident vraiment à dire : O.K., là, c'est assez, ou O.K., on
s'en va faire autre chose.
Leçon n° 4, les jeunes
veulent être sur les écrans pour être en contact avec leurs amis. Quand on leur
demande : Pourquoi tu as téléchargé les réseaux sociaux?, ils nous
nomment : Pour parler avec mes amis. Quand on veut les séparer de leur
téléphone, ce qui les inquiète, ce n'est pas nécessairement : Ah non! je
n'ai plus cet appareil technologique, c'est : Ah non! je ne pourrai plus
être en contact tout le temps avec mes amis, se parler. Et ils se parlent sur
Snapchat, un peu sur Instagram, un peu sur Messenger. Le but, c'est justement
de continuer cette socialisation-là qui est tellement importante quand on est
en plein développement de notre autonomie relationnelle, quand on se définit de
plus en plus par nos amitiés, tu sais, à l'âge scolaire.
Puis j'aimerais aussi apporter votre attention
sur deux citations où les jeunes vont vraiment chercher du soutien. Donc, ce
n'est pas juste de la socialisation, du soutien en ligne. Un jeune de secondaire
I nous dit : La situation familiale de mon ami est difficile en ce moment,
puis, quand on se connecte pour jouer, c'est son moment pour nous parler, on l'écoute puis après on se change les idées. Donc,
quand ils jouent en ligne, les jeunes, ils ne font pas juste dire :
O.K., tasse-toi, il y en a un qui arrive. Ils se parlent aussi de leurs
problèmes et ils permettent de s'ouvrir.
Celle-là est un peu plus difficile. Il y a un
jeune de 16 ans qui nous dit : J'ai reçu des menaces de mort sur Instagram
à cause que je fais des dessins de manga. Il vit de l'intimidation, il
dit : Je l'ai dit à mes profs, on m'a suggéré de retirer les réseaux
sociaux, mais je veux rester sur Instagram parce que c'est la seule place où on
ne me niaise pas, j'ai une communauté qui m'encourage dans ce que je fais puis
qui m'inspire. Donc, pour des jeunes qui ont des intérêts, qui seraient
marginalisés ou qui sont marginalisés, donc, je pense aux femmes, je pense aux
jeunes racisés, aux jeunes de la communauté LGBT, les
réseaux sociaux, les communautés en ligne deviennent vraiment un soutien que
peut-être qu'ils n'ont pas dans la vie en face à face parce qu'ils vivent
certaines discriminations.
• (14 h 10) •
Leçon n° 5, donc, oui,
elle, elle est longue, mais les autres sont plus courtes, les jeunes ont besoin
d'outils de signalement plus efficaces que ceux qui sont déjà en place. Les
jeunes veulent plus de contrôle dans les plateformes. Celle aussi... Celle-là
aussi est «tough», un jeune du primaire qui est venu voir une de nos
animatrices pour lui dire : Madame, comment je fais pour ne plus voir de
vidéos de fusillades dans les écoles aux États-Unis sur mon TikTok, comment je
fais pour ne pas voir de photos, de vidéos de guerre en Ukraine, en Palestine?
Eux, ils vont là-dessus pour se distraire,
puis ils n'arrivent pas à contrôler le contenu, puis les parents, même bien
intentionnés, ils n'arriveront pas contrôler ce contenu-là non plus. Une
autre ado dit : Je suis tannée de me faire proposer des pubs de diète, je
ne veux pas maigrir, je me suis abonnée à des bons comptes, mais c'est ça qui
s'offre à moi dans les publicités. Puis les jeunes
disent aussi : Si tu publies sur les réseaux sociaux, assume que tu peux
avoir de la haine. Ça, ça nous fait de la peine parce que, bien, c'est
très normalisé, donc, en ligne.
Puis, maintenant, plus sur les jeux vidéo, des
ados de secondaire I, II nous disent : Bien, je me fais régulièrement
demander mon Insta et mon numéro de téléphone quand je game, quand on entend
que j'ai une voix de fille. Puis même des garçons de secondaire II
m'avaient raconté qu'ils avaient changé leur avatar de garçon à fille, donc,
leur personnage s'affichait comme féminin, puis il a dit : Aïe! Je ne
ferai plus jamais ça, je recevais bien trop de messages d'étrangers, d'adultes
sur... pendant que je joue. Donc, les jeunes apprennent à naviguer là-dedans, à
contourner ça, mais ils veulent plus de contrôle.
Leçon 6,
les jeunes détournent les contrôles parentaux. Ils disent qu'ils écoutent des
vidéos YouTube pour savoir comment
réactiver le wifi, comment amener un téléphone à l'école qui n'est pas le leur
pour le mettre dans la pochette.
Leçon n° 7, les jeunes
se sentent... ne veulent pas se sentir jugés au moment d'aller chercher de
l'aide. Donc, ils disent : Je n'ai pas dit à mes parents que j'avais
publié sur TikTok par accident parce que je ne voulais pas me faire chicaner — là,
ils sont allés vers une autre personne de confiance — ou :
Mes profs vont dire : Ah! encore une affaire de réseaux sociaux. Donc, je ne
dis pas que les profs vont juger, pas du tout. Je pense qu'ils accueilleraient
bien ces problématiques-là, mais les jeunes se sentent jugés puis ça les
effraie d'aller consulter puis d'aller chercher de l'aide pour ça.
Puis, huitième leçon, les jeunes sont prêts à
aborder la question du numérique, mais avec nuance et bienveillance. Si on
arrive avec un ton paternaliste et moralisateur, ils vont probablement être sur
la défensive puis vous nommer tous les bienfaits des réseaux sociaux, alors
que, si on arrive avec une écoute ouverte, ça va.
Trois recommandations à l'issue de ces leçons...
La Présidente (Mme Dionne) : ...mais
je... voulez-vous poursuivre?
Mme Parent (Emmanuelle) : Vous
pouvez me le poser en question.
La Présidente (Mme Dionne) : ...mais
on va vous laisser terminer, hein? C'est très intéressant. D'accord, allez-y,
continuez.
Mme Parent (Emmanuelle) : Merci pour
ces secondes supplémentaires.
Donc, la recommandation n° 1,
l'éducation et la sensibilisation. Les jeunes, je dis qu'ils ont des outils,
mais ils n'en ont pas tous. Ils n'ont pas tous des connaissances sur leur... la
vie privée, c'est quoi, les signalements qu'ils peuvent faire, etc. Donc,
vraiment les informer, informer aussi les adultes autour d'eux qui peuvent les
aider, les parents, le personnel scolaire, etc.
Deuxièmement, deuxième recommandation, bien,
parler de bien-être associé au numérique chez les jeunes, c'est parler de
bien-être global. Ça fait que, quand on développe des parcs puis on met des
parcs dans les villes, ça diminue le temps d'écran des tout-petits. Quand on a
des activités abordables, accessibles autour de chez eux, ça leur offre des
alternatives aux écrans.
Puis la troisième recommandation, c'est que...
Tu sais, je vous ai dit que les jeunes, ils avaient honte, des fois, de nous
dire leur temps d'écran. Bien, c'est que la honte, là, là, il faut qu'elle
change de temps... il faut qu'elle change de camp. Ce n'est plus les enfants
puis les ados, là, qui doivent avoir honte de venir vers nous quand ils ont des
difficultés, mais c'est plus ceux et celles qui exploitent les vulnérabilités
psychologiques, les vulnérabilités des jeunes pour faire des profits, qui, eux,
devraient avoir honte.
En ce moment, les plateformes comme Meta et
Alphabet, qui ont Google, Snap Inc., ByteDance, ils se vantent, là, à coups de
communiqués de presse, de toutes les initiatives qu'ils font pour le bien-être
des enfants, mais on le sait, qu'il faut qu'ils répondent à des incitatifs
financiers. Je, eh oui, moi, Emmanuelle... mais est-ce qu'on leur fait vraiment
confiance pour prendre en charge le bien-être des enfants? Bien non. Ça fait
qu'on est mieux de réguler les plateformes numériques et l'industrie du jeu
vidéo.
Donc, voilà, c'est tout. Ça fait que, chaque
adulte, prenons responsabilité, avec empathie, pour les jeunes, mais aussi avec
beaucoup, beaucoup de courage pour aller cogner aux portes des grandes
entreprises. Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup, Emmanuelle, pour ces partages de jeunes qui sont nos... notre
clientèle première de cette commission. Alors, je donnerais la patronne
maintenant à la députée d'Iberville... de, oui, Iberville, oui, tout à fait,
allez.
Mme
Bogemans : Merci. Avez-vous des exemples précis? Le dernier
point que vous avez nommé, justement, être capable de mieux réguler les
plateformes, les jeux vidéo, des mesures concrètes, ça serait quoi?
Mme Parent (Emmanuelle) : Absolument,
je vais prendre un exemple d'un projet... Il y a plusieurs projets de loi
actuellement, que ce soit... surtout au Royaume-Uni, en Europe, aux États-Unis
ou en Australie. C'est les quatre qu'on nomme le plus souvent, dont on peut
s'inspirer. Celui aux États-Unis, par exemple, qui est le Kids Online Safety
Act, puis il y a aussi un Privacy... bon, pour la vie privée, va aller dans
différents points.
Un premier, c'est d'implémenter des
fonctionnalités davantage. Tu sais, pour réguler les plateformes, ils ont
demandé de mettre plus de fonctionnalités pour des signalements pour prévenir
les problèmes associés à la haine, à l'exploitation sexuelle, pour que les
jeunes puissent appeler à l'aide, pour, tu sais, direct, signaler si quelqu'un
leur semble louche, puis que ce n'est pas le
réseau social qui leur répond : Non, non, cette personne, qui s'appelle
X823, ne contrevient pas aux règles
de la communauté même si elle vous a dit salut, tu sais. Donc, des meilleures
fonctionnalités...
Deuxièmement, c'est des fonctionnalités par
défaut pour les mineurs. Donc, toute personne qui a sous 18 ans ou sous
16 ans, elle aurait des communications restrictives. Donc, il y a moins
d'inconnus qui peuvent entrer en contact avec toi. Ils n'ont aucun accès,
disons, à tes données personnelles. Il y a possibilité de supprimer ton compte
et les données qui y sont associées sur le réseau social.
Puis un troisième point, c'est plus d'outils
pour les parents aussi lorsqu'une personne mineure crée un compte, que ce soit
sur les jeux vidéo, là, en ligne ou réseaux sociaux, que ça permette aux
parents de pouvoir plus gérer la vie privée, réduire les achats qui peuvent
être faits, qu'il y ait des mécanismes de signalement aussi pour les parents
qui s'inquiètent.
Puis le dernier point, c'est des rapports de
transparence. Donc, combien de comptes ont été retirés? Combien d'adultes, là, ont été signalés pour parler... tu
sais, des inconnus qui parlent à des enfants? Puis est-ce que les
données peuvent être transmises à la recherche pour qu'on puisse mieux
comprendre à quoi ça ressemble, une utilisation problématique, tu sais,
concrètement, là?
Donc, ça,
c'est des lois qui... un projet de loi qui est mis en place. Puis, au
Royaume-Uni, justement, je donne ce petit exemple-là puis je vais
prendre une autre question, là, mais, récemment, ils ont... ça a justement fait
reculer une nouvelle fonctionnalité de TikTok qui visait à ce que les utilisateurs,
même mineurs, cumulent des points. Donc, moi, si j'ai 14 ans, j'ai
13 ans, je suis sur TikTok, à chaque fois que je like quelque chose, que
je regarde des contenus, que je commente,
j'accumulerais des points, puis là ces points-là peuvent être transférables en
points Amazon, ou transférables sur PayPal, ou des des points TikTok.
Donc, vous voyez le... Tu sais, donc, c'est une mécanique marketing, mais là,
donc, le fait qu'il y a un projet de loi qui ressemble à ce que je viens
d'énumérer a fait que ça n'a pas passé puis, en ce moment, ça a été retiré.
Mme Bogemans : La meilleure façon
d'aiguiser le sens critique des jeunes par rapport à ce que vous venez de
nommer, ce serait quoi?
Mme Parent (Emmanuelle) : Une
première étape, je pense, ça commence par une introspection, très important.
C'est un problème complexe, puis il n'y a pas deux jeunes qui sont pareils. Il
y en a qui sont plus des gamers. Il y en a qui sont plus sur les réseaux
sociaux. Même parmi ceux qui sont sur les réseaux sociaux, il y en a qui
adorent regarder des vidéos, tandis qu'il y en a d'autres que c'est plus un
stress associé à écrire à leurs amis ou à vivre justement de la haine en ligne.
Donc, c'est vraiment de commencer avec du cas par cas puis d'amener les jeunes à
se poser des questions sur leur propre utilisation parce, tu sais, ils sont nés
là-dedans. Ça fait que, souvent, ils le prennent pour acquis.
La Présidente (Mme Dionne) : Mme la
députée de Hull avait une question, ensuite le député de Marquette.
Mme Tremblay : Oui, toujours dans la
même ligne de ce que vous venez de mentionner, ça a un lien, bien, tout dans la
régulation, là, au niveau de... Tu sais, tantôt, vous avez parlé... hein, ils
reçoivent des images, des vidéos ou du contenu qui s'adresse à eux, mais qu'ils
ne souhaitent pas nécessairement voir. Donc, est-ce que ça va... Est-ce que ça
serait une autre façon de réguler les plateformes? Est-ce que ça aussi, ça se
fait ailleurs dans le monde?
Mme Parent (Emmanuelle) : 10 sur 10,
oui.
Mme Tremblay : Ça se fait aussi.
Vous ne l'avez pas nommé, mais...
Mme Parent
(Emmanuelle) : Ça se fait. Non, je ne l'ai pas nommé, en effet, puis
c'est une bonne façon... En fait, justement, avec le projet de loi au
Royaume-Uni, entre 2017-2024, là, il y a plus de 120 fonctionnalités comme
ça, là, qui ont été retirées ou qui ont été mises à jour, tu sais, que... puis
une d'entre elles, c'est justement ce que vous venez de nommer, de dire qu'il y
a des inconnus qui ne peuvent pas nous envoyer de photos, ou, sur Snapchat, par
exemple, un inconnu ne peut pas m'ajouter à moins qu'on ait un grand nombre
d'amis en commun, donc, là, pour faciliter que quelqu'un dans ma classe peut
m'ajouter, mais quelqu'un qui ne me connaît pas du tout ne puisse pas m'ajouter,
parce que ça, c'est une des stratégies que les jeunes nous ont rapportées, des
adultes qui leur disent : Ah! mais je connais... je connais ton ami. Puis
il y a des données personnelles même sur les enfants, là, qui... donc, on peut
savoir, bon, ils vont à quelle école, ils sont dans l'équipe de soccer. Donc,
ça sème un doute pour les jeunes, ça. Donc, quand il y a
des fonctionnalités comme ça, où c'est nécessaire, tu sais, de le suivre
d'avance ou d'avoir des amis en commun, bien, ça devrait prévenir normalement
ce genre d'interaction là.
Mme
Tremblay : Puis, même chose pour le contenu, il faudrait mieux
contrôler ce qu'ils voient aussi. Et l'âge numérique, parce que, vous savez,
c'est déjà... Bon, certaines plateformes disent : Pas avant tel âge. Et là
on voit... Bon, est-ce que c'est vraiment respecté? Bon, pas tout le temps. On
le voit fréquemment, vous l'avez... sûrement que les jeunes vous l'ont nommé
dans les écoles également. Donc, on se questionne là-dessus aussi. Est-ce qu'on
doit imposer un âge numérique? Et comment on peut obliger les plateformes,
justement, à... le respect de cet âge-là numérique, là, qui est là, là, mais
qui n'est totalement pas respecté?
• (14 h 20) •
Mme Parent
(Emmanuelle) : Oui, parce que, présentement, vous le nommez, ce n'est
pas respecté. On le voit dans les classes, là, tu sais, sur... On est en
quatrième année puis on demande : Qui ici a Tiktok? Puis il y a plein de
mains qui se sont levées. Puis on demande aux jeunes : Savez-vous c'est
quoi, l'âge minimum pour ça? Puis là c'est comme : 16, 15, 13, 12. Tu
sais, ils ne savent pas nécessairement. Puis, quand on se crée un compte, on
nous demande notre âge, mais il n'y a pas de vérification. Dès qu'on tombe dans
la vérification, puis là je ne serai pas la seule experte à vous dire ça dans
les prochaines semaines, c'est qu'on tombe en enjeu de vie privée, donc, c'est
de dire : Bien, comment est-ce qu'on fait pour vérifier l'âge? Est-ce
qu'il faut mettre une preuve, je ne sais pas, de notre âge? Est-ce qu'il faut que
les parents partagent une vérification quelconque, etc.? Ça, c'est les
questions que l'Australie, la France, et tout, se posent actuellement, parce
que c'est vraiment le défi avec l'âge minimal. Ça fait que ça, c'est le côté
technique de l'applicabilité.
Un autre côté de
l'applicabilité, c'est... je vous l'ai dit, c'était ma leçon numéro, attendez,
six, les jeunes sont très bons pour contourner les contrôles. Tu sais, en Corée
du Sud, ils avaient mis un couvre-feu la nuit, de minuit à six heures du matin,
puis ils l'ont retiré parce que, finalement, les jeunes qui veulent vraiment
jouer, ils trouvent une manière de jouer. Tu sais, c'est très difficile. Je ne
dis pas que c'est impossible, mais c'est très difficile, puis, voilà, les
jeunes, tu es brillant à 16 ans, là, vraiment, même à 14, 13, les jeunes,
là, sont impressionnants. Donc, c'est ça.
Maintenant, ça, c'est
le côté technique, le côté, bon... Puis, finalement, c'est que, si on met,
disons... Tu sais, la question de l'âge, elle est importante. Je la trouve
difficile, mais, si on met, disons, une interdiction de réseaux sociaux avant
16 ans, bien, tu sais, quand j'ai parlé, là... ma leçon sept, là, les
jeunes ne veulent pas se sentir jugés, c'est sûr que, si c'est interdit, pour
toi, d'aller sur les réseaux sociaux puis que, là, tu te fais parler par un
inconnu où que tu as joint un groupe quelconque, que tu as des doutes... bien,
c'est sûr que ça peut être plus difficile à aller chercher de l'aide à ce
moment-là, puis il y a aussi que ce n'est pas nécessairement reconnaître
l'autonomie des jeunes dans leur capacité
quand même à avoir un équilibre puis à profiter des bienfaits des réseaux
sociaux. Tu sais, ce qu'ils veulent,
ce n'est pas nécessairement pas avoir TikTok, c'est juste que ça soit moins addictif,
puis qu'ils puissent contrôler plus
le contenu puis plus les personnes qui rentrent en contact avec eux. Donc,
est-ce que ça répond à votre question?
Mme Tremblay :
Ça répond très bien à ma
question. Je vais passer maintenant la parole à une autre personne.
La Présidente (Mme
Dionne) : Merci beaucoup, Mme la députée. M. le député de Marquette.
M.
Ciccone : Merci beaucoup. Merci d'être là,
Dre Parent. Hier, on s'est parlé. On en aurait pris pas mal plus, mais merci d'être là encore aujourd'hui. On
a beaucoup de questions, puis là on va aller dans tous les... toutes les
sphères puis dans tous les lieux, là, mais, à la base, là, pour régler un
problème, selon moi, là... Puis corrigez-moi si j'ai tort, là, mais il faut vraiment aller à la base pour régler un
problème, puis êtes-vous d'accord pour dire que le problème, là, ça commence par les adultes puis ce n'est pas
les jeunes, là, c'est les adultes? Est-ce que je me trompe quand je dis
ça?
Mme Parent
(Emmanuelle) : Je suis tellement d'accord. C'est le titre de notre
mémoire. Je suis vraiment d'accord. Est-ce que votre question était plus
adressée, mettons, aux parents ou au personnel scolaire? Parce que, disons, ce
qui aide... mais ces adultes-là qui gravitent dans la vie des enfants, c'est
qu'eux aussi, ils ne connaissent pas
nécessairement le numérique, là. Donc, d'avoir des campagnes de
sensibilisation... On les informe. On commence à avoir, tu sais, des
connaissances scientifiques. Quand même, là, je disais : Bon, quand les
parents ne sont pas sur les écrans, ça aide, etc. Donc, il faut leur
transmettre... Donc, pour des personnes dans la recherche comme moi, ça devient
frustrant, parce qu'on ne veut pas que ce soit hermétique. On veut transmettre
les bonnes pratiques au milieu scolaire, au milieu de la santé, pour qu'ils
puissent au moins avoir la capacité de les mettre en application.
M.
Ciccone : Avez-vous, lors de vos
recherches, justement, tenté cette expérience-là avec une famille, par exemple, dire : Bien, pour les prochains
mois, les parents, on laisse les écrans de côté, téléphones, puis on va
évaluer, voir le temps d'écran des jeunes? Si, comme modèles, ils vous
regardent puis ils voient que vous n'avez pas votre téléphone dans les mains ou
vous faites d'autres activités, le temps d'écran va descendre. Avez-vous tenté
cette expérience-là?
Mme Parent
(Emmanuelle) : Vous allez recevoir...
M.
Ciccone : Avez-vous des chiffres
là-dessus? Oui?
Mme Parent (Emmanuelle) : Oui, vous
allez recevoir des experts qui ont fait exactement ces études-là, qui vont
pouvoir mieux répondre à vos questions que moi. Moi, par contre, ce que je peux
vous nommer, c'est vraiment l'inconfort des jeunes, là, qui est unanime, là, mais, quand je dis
unanime, le feu pogne, là, dans les classes au moment où on parle de l'utilisation des écrans. Ça fait
qu'au-delà des chiffres, au-delà des pourcentages de jeunes, au-delà...
dans chaque classe qu'on visite, les jeunes
mentionnent qu'ils veulent l'attention de leurs parents. Donc, c'est vraiment
flagrant, là.
M. Ciccone : Dernière question pour moi. Dans vos conclusions puis vos
recommandations, là, vous dites : «Favoriser le bien-être numérique en
déployant des activités alternatives.» Vous avez dit, dans votre énoncé
initial... Vous avez parlé d'une heure d'activité physique par jour. Ça, pour
moi, c'est de la musique à mes oreilles. Il y a le dicton qui dit : Ça
prend un village pour élever un enfant, là. Est-ce que ça prend l'aide de tous
les ministères, par exemple, puis ne pas avoir comme complice... Puis là je
vous... une sous-question, là, quand vous voyez des écoles qui vont offrir des
programmes de e-sport dans les écoles, puis, quand, je vous dis, là, c'est des
tactiques Fortnite, parce qu'éventuellement il y a les jeux olympiques de jeux
vidéo qui s'en viennent, il faut préparer les jeunes, est-ce que notre réseau
scolaire... puis, même, à plusieurs égards, privé, là... ne sont pas des
complices de la problématique avec ces offres de programmes là?
Mme Parent (Emmanuelle) : Vous avez
raison, c'est une grosse sous-question. Donc, je vais les aborder, les deux,
séparément.
Premièrement, au sujet des activités
alternatives comme facteur de protection de... Tu sais, quand je dis que les
jeunes perdent le... disent perdre le contrôle, parfois, quand ils posent leurs
téléphones, ce qui les aide, c'est de savoir qu'ils ont quelque chose d'autre à
faire. Je parlais à une adolescente qui me dit : Samedi passé, j'ai
supprimé TikTok, plus capable de passer du temps là-dessus, cinq minutes plus
tard, je l'ai retéléchargé. J'étais comme : Bien, pourquoi? Elle
dit : Bien, je ne savais pas quoi faire.
Donc, oui, que ce soit de l'activité physique...
La phrase que vous nommez, ça prend un village pour élever un enfant... C'est
clair que c'est des facteurs protecteurs. Puis même les experts de
cyberdépendance que vous allez, encore une fois, recevoir dans les prochaines
semaines misent sur la diversité d'activités, puis, on l'entend, les jeunes qui
ont plusieurs activités, bien, les écrans en font partie, limite, les
encouragent. Ils aiment le soccer, ils regardent des vidéos sur le soccer. Ça
les incite à faire des activités en vrai. Décidément, ça a un impact.
Après, pour le e-sport, c'est... Dans les
écoles, encore une fois, il va y avoir plus des experts de e-sport que moi qui
vont venir parler ici, mais je peux nommer quand même que, quand c'est dans...
encadré dans le milieu scolaire, habituellement, les jeunes reçoivent aussi des
cours sur les saines habitudes de vie. Donc, c'est très encadré, justement, parce qu'ils connaissent tous les
problèmes de cyberdépendance. Donc, c'est ça, je ne m'avancerais pas
trop là-dessus, mais, de mon expérience,
quand je suis allée dans des écoles qui avaient des programmes d'e-sport,
c'étaient les premiers à recevoir nos
ateliers parce que, tu sais, justement, on ne veut pas qu'il y ait de... c'est
ça, que ça vire mal.
M. Ciccone : Mais on n'augmente pas le nombre d'heures sur les écrans,
justement, tu sais, un élément qui est potentiellement dépendant, dans les
écoles, parce qu'on serait naïfs de dire : Bien là, on l'encadre à
l'école. Quand ils retournent à la maison, ils vont retourner quand même sur
leurs jeux vidéo, là. On n'ajoute pas des heures?
Mme Parent (Emmanuelle) : Oui, c'est
possible.
M. Ciccone : Ce n'est pas la mission de notre système d'éducation, ça,
non?
Mme Parent (Emmanuelle) : Là, ce
n'est pas à moi de dire c'est quoi, la mission de notre système d'éducation,
mais, quand même, les jeunes, qu'est-ce qu'ils vont chercher dans le jeu vidéo,
parfois, ce n'est pas juste une fuite, là, tu sais, des fois, tu sais, parce
qu'on... Ce n'est pas juste une fuite, c'est de la coopération, de la
valorisation, du travail d'équipe. Dans l'e-sport, les jeunes travaillent en
groupe. Donc, ils vont s'encourager. Ils sont suivis par un coach. Donc, ça
devient plus... C'est sûr qu'il n'y a pas la partie physique, là, de bouger,
mais ça devient vraiment compétitif comme un sport, ce qui est très, très
valorisant, puis j'imagine que vous le savez, ça, là. Mais, quand même, ça vaut
la peine de se pencher là-dessus, puis il y a d'autres personnes qui vont
pouvoir peut-être vous en parler dans d'autres termes que moi.
M. Ciccone : Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc : Merci, Mme la Présidente.
Bonjour de nouveau. Je reviens un peu sur la question de la majorité numérique.
Considérant les défis d'applicabilité que vous avez bien résumés, est-ce que
c'est souhaitable de faire ça?
Mme Parent (Emmanuelle) : Je vais
dire que, si c'est la seule initiative, c'est insuffisant. Vraiment, je ne
pense pas que c'est souhaitable pour les jeunes qui veulent aller chercher de
l'aide puis qui vont se sentir jugés peut-être par cette interdiction, qui ne
voudront pas mal faire, pas du tout. Je ne pense pas que c'est souhaitable non
plus pour les jeunes qui vont chercher beaucoup de soutien social sur les
réseaux sociaux, dans les communautés en ligne. Je ne pense pas que ça va
régler les problèmes de cyberintimidation non plus.
Je veux dire, les personnes qui travaillent dans
les écoles le savent, là, les insultes, ça peut très bien être sur Teams ou par
texto, là. Ça n'a pas juste lieu sur Snapchat puis Instagram. Puis je ne pense
pas non plus que ça peut régler le problème de... perdre
le contrôle en regardant des vidéos parce que, bon, disons que les réseaux
sociaux, on définit ça comme TikTok, Instagram, Snapchat, bien, que fait-on de
Disney+ et Netflix, qui emboîtent le pas aussi avec des vidéos au format court?
Donc, il y a des défis, vraiment, de définition à ça.
Puis, voilà, donc, je ne pense pas
nécessairement qu'en ce sens-là c'est souhaitable puis... Donc, si on décide
que la majorité numérique est à 16 ans, bien, moi, je vais revenir ici puis je
vais quand même être inquiète des jeunes de 16 ans qui arrivent sur ces
plateformes-là qu'on n'a pas régulées, où est-ce qu'ils voient encore des pubs
de diète, des pubs qui peuvent leur... bien, du contenu qui peuvent leur parler
de troubles de comportements alimentaires. Donc, ça ne règle pas nécessairement
le problème à sa source.
M. Leduc : Est-ce qu'on peut dire
alors que c'est une fausse bonne idée?
Mme Parent (Emmanuelle) : Ça peut donner
un faux sentiment de sécurité, oui.
• (14 h 30) •
M. Leduc : O.K. Toujours dans
l'applicabilité, moi, je reste marqué par la bataille entre le gouvernement
fédéral et Facebook, notamment, sur la présence des médias. Il n'est toujours
pas possible de faire référence à des articles sur ce réseau social là. C'est
quoi, la capacité réelle d'un État de droit comme le Québec, par rapport à des
exemples que vous avez vus ailleurs, de faire plier une multinationale comme
Facebook? Mais là on parle de Snapchat, et autres, c'est quoi, notre réel
rapport de force qu'on a avec eux?
Mme Parent (Emmanuelle) : C'est
que... Je pense que c'est qu'ils soient tous dans les mêmes règles. Parce que
les personnes qui... Tu sais, mettons, je suis bienveillante, O.K.? Les
personnes qui travaillent chez Meta, ils ne veulent pas que les enfants se
fassent contacter, là, par l'exploitation sexuelle, ils ne veulent pas que les
ados se mettent à voir du contenu qui est vraiment inapproprié. Donc, si je
crois en la... Si on croit en la... quand même, la bienveillance de ces compagnies-là, bien, c'est tout à leur avantage de
jouer dans les mêmes règles de jeu. Parce que si, demain matin, TikTok décide de décourager tout
le... de recommandations de contenu qui suscite beaucoup d'engagement,
mais que les autres plateformes ne le font pas, bien, ils vont peut-être moins
avoir l'attention des consommateurs, moins
avoir l'attention des gens sur les réseaux sociaux, donc ça les rend moins
compétitifs. Tandis que si... L'avantage pour les plateformes, c'est de
dire : Bon, bien, on joue tous dans les mêmes règles de compétition en ce
moment.
M. Leduc : Ça, je comprends que
c'est comme... entre elles, elles peuvent se dire ça, mais l'État, lui, il peut
appliquer des lois, puis, dans votre expérience, ce que vous avez vu, ça
fonctionne bien, les plateformes se plient aux nouvelles directives qui peuvent
être adoptées par différents États?
Mme Parent (Emmanuelle) : Bien,
dans les exemples que j'ai nommés, là, avec le Online Safety Act, le Kids
Online Safety Act, etc., les plateformes ont collaboré.
M. Leduc : O.K. Donc, on ne
risque pas de revoir ce qu'on est en train de vivre depuis un peu plus d'un an
maintenant avec Facebook et les médias.
Mme Parent (Emmanuelle) : Bien,
je n'ai pas de boule de cristal, mais, en même temps, quel autre choix sinon?
On va se dire : On n'est pas capable? Ah non! Les jeunes... Aïe! Quand tu
verras une vidéo de fusillade, tu viendras m'en parler?
M. Leduc : Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
Mme la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme Cadet : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, Dre Parent. C'est toujours très fascinant de vous
entendre. Merci beaucoup pour votre expertise puis merci de nous la partager.
Je vous écoute depuis tantôt, puis, bon, il y a quelques-unes de mes questions
qui ont été répondues ici, notamment sur la majorité numérique. Mais, si on
avait à faire un continuum, là, au niveau de vos recommandations, ce que
j'entends, c'est qu'au niveau de l'individu, au niveau du jeune, notre rôle, le
cadre que vous, vous recommandez, c'est un cadre de sensibilisation, c'est un
cadre de responsabilisation du jeune, s'assurer, donc, de développer son sens
critique et de l'aiguiser. Ensuite, c'est de voir comment est-ce qu'on peut,
donc, développer, donc, des politiques publiques qui encadrent, donc, les
adultes autour de ça. Ce que vous dites dans votre mémoire, bien, les écrans,
c'est aussi un problème d'adulte.
Et là où est-ce qu'on est plus dans la coercition
ou l'interdiction, ce n'est pas, donc, au niveau du jeune. Donc, on a dit, la majorité numérique peut être
une fausse bonne idée, mais beaucoup plus au niveau des plateformes.
Est-ce que c'est un continuum qui reflète bien vos propos?
Mme Parent (Emmanuelle) : Oui,
je trouve que vous avez bien résumé ça. Je trouve que vous avez bien résumé ça.
Le petit aspect qui manque peut-être, c'est cette notion de... Le numérique,
c'est transversal, c'est vraiment de dire... Comme tantôt vous parliez
de : Est-ce qu'il va falloir qu'on soit plusieurs ministères là-dessus?
C'est qu'en effet, si tu as des activités abordables dans ta ville, que tu as
des alternatives d'activités, ça aussi, ça fait une différence dans les écrans.
Parce que même si on dit demain matin : O.K., Instagram, TikTok, vous êtes
obligés d'être en noir et blanc, vous êtes obligés de
mettre un certain nombre de temps pour les jeunes, bien, on leur enlève quelque
chose qui répondait à un besoin de socialisation, on leur enlève quelque chose
qui répondait à un besoin de distraction. Puis par quoi est-ce qu'on le
remplace? Donc là, c'est là que c'est intéressant de dire : Bien, O.K., on
va peut-être investir ou, en tout cas, dans les écoles, O.K., on se dit :
Peut-être moins téléphone, mais en même temps on va être plus là pour eux.
Donc, c'est peut-être ça qui complète le continuum, là, si je peux ajouter.
Mme Cadet : Merci. Ensuite,
bien, plus tôt, vous parliez, donc, de... bien, en fait, que c'est important
pour le jeune de se poser des questions sur son utilisation. Puis vous avez
quand même fait, donc, la part des choses entre une utilisation dite positive
ou jugée positive puis une autre, donc, qui serait peut-être, donc, plus
néfaste, donc, quant au contenu. Donc, j'aimerais ça, donc, vous entendre,
peut-être pour le bénéfice de tous, sur la qualité de ce que... bien, en fait,
de l'information qu'on reçoit, donc le contenu, donc, qui est présenté aux
jeunes, puis la quantité d'heures. Parce qu'en fait, quand vous... En fait,
vous nous parliez hier, donc vous nous disiez, donc, oui, c'est bien beau
d'avoir des lignes directrices sur la quantité de temps passé sur les écrans,
parce qu'on se pose beaucoup ces questions-là sur le temps passé sur les
écrans, c'est beaucoup d'heures, beaucoup d'heures, mais, quand on décortique
le temps passé sur les écrans pour chaque jeune, l'expérience est différente,
puis il y a ce sens critique là à développer, oui, pour les jeunes, mais aussi
pour l'adulte. Donc, j'aimerais vous entendre là-dessus.
Mme Parent (Emmanuelle) : Oui.
En fait, pour réfléchir au-delà du temps d'écran... parce que les jeunes vont
vous le dire, deux jeunes qui passent trois heures, disons, sur les écrans pour
le loisir par jour ne feront pas nécessairement les mêmes activités, hein? Des
fois, ils nous disent : Bien, j'ai lu un livre sur ma tablette, après j'ai
écouté des vidéos, etc. Puis ce n'est pas toutes les utilisations qui vont
avoir le même impact sur le bien-être. Donc, oui, on veut regarder le temps.
C'est clair que ça, c'est indicateur de quelque chose, parce que si un jeune
passe 12 heures par jour sur les écrans, on se dit : O.K., bien là,
qu'en est-il du sommeil, de l'école, des relations, de l'hygiène, de l'activité
physique, etc.? Donc, oui, le temps, c'est important.
Deuxième chose sur quatre : le contenu.
Donc, le contenu, comme je disais, peut-être que ça a pris une seconde, là, ou
quelques-unes pour qu'un jeune voie, quand il ouvre YouTube... puis ça, c'est
une vraie histoire, le jeune a dit : Je n'aime pas ça, ces temps-ci, il y
a une bande-annonce de film d'horreur, ça me fait peur, je n'aime pas ça, là,
c'est La Nonne, elle me fait peur, et tout. Donc, l'enfant me
raconte ça. Ça fait qu'il n'a même pas écouté une vidéo, ça fait peur. Donc, le
contenu compte. Des initiatives comme Passe-Partout, ici, bon, on voit que... Est-ce
que, pour des contenus éducatifs, il y a des fois des comportements prosociaux,
donc, chez les jeunes, parce qu'ils ont appris ça devant un écran?
Troisièmement, il y a le contexte. Donc, c'est
quoi, le contexte? Est-ce que tu es seul quand tu regardes du contenu ou
bien... ou est-ce que c'est une activité sociale? Parce que, si c'est une
activité sociale, ça va être bon pour nos relations, bon pour la socialisation.
Ça se trouve, on écoute Grey's Anatomy... Il y a une adolescente qui me
disait qu'elle écoutait Grey's Anatomy avec sa mère. J'étais
comme : Wow! C'est parce que vous en avez pour 20 saisons, là,
d'histoires, de moments ensemble. Tu sais, je me disais : C'est bon, ça.
Et finalement c'est la vulnérabilité de... du
jeune lui-même. Puis là je donnais l'exemple hier de... dans le cadre de ma
thèse, j'ai parlé à deux adolescentes, individuellement et anonymement, qui
sont amies. Et les deux me parlaient qu'elles suivent une influenceuse à succès
qui vend des costumes de bain, elles en parlent à l'école avec leurs copines,
c'est leur Stat, c'est leur référent culturel, elles en parlent. Il y en
a une, elle m'en parle en disant : Ça l'inspire. Elle veut poursuivre ses
études aux HEC, elle aussi, elle veut être entrepreneure. La seconde me
dit : Je ne veux pas arrêter de les suivre parce qu'on en parle à l'école,
puis c'est le fun, mais chaque fois que je tombe sur le profil, eh! je me
trouve moche puis je trouve que la personne est plus belle que moi. Puis cette
jeune-là se compare négativement. Donc, dans ce cas-ci, c'est embêtant, hein,
parce qu'on a le même temps d'écran, le même contenu, le même contexte, mais
l'impact est vraiment plus difficile pour une que pour l'autre.
Mme Cadet : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
M. le député de Jonquière.
M. Gagnon : Oui. Bonjour,
Dre Parent. Hier, vous avez dit quelque chose, quand même, qui fait un
petit peu de peine, c'est-à-dire on a une spécialiste comme vous au Québec,
puis quand vous rentrez dans une école, avec votre titre, les jeunes
disent : Ah non, on va se faire chicaner. Hier, ça m'a marqué. Puis, quand
je lisais votre mémoire, puis je l'ai relu une deuxième fois, vous faites part
d'un outil qui... moi, j'y crois énormément, c'est la réduction des méfaits. Et
vous l'expliquez bien dans votre rapport. La question est en lien avec la
réduction des méfaits, c'est-à-dire : Bien, si on veut amener le jeune à
réduire son geste qui... ou à réduire le méfait, est-ce que vous pensez que
c'est plus le parent, l'école qui doit venir baliser, réglementer pour
l'apporter à réduire, à réduire son geste, sa consommation, ou c'est plus une
formation directe aux jeunes, qui va l'amener à prendre conscience lui-même de
l'outil, du nombre d'heures, du contenu?
Mme Parent (Emmanuelle) : Je trouve
que c'est deux très belles avenues, ce que vous venez de nommer. Puis la
manière dont elles vont s'articuler, ça dépend beaucoup de l'âge de l'enfant.
Donc, vous allez peut-être entendre parler de l'approche évolutive. Quand on
parle de rapport aux écrans, évidemment, on ne parle pas du même temps d'écran chez un enfant de
deux ans, de huit ans, de 12 ou de 17. Donc, les parents, l'école
jouent vraiment un beau rôle, d'alliés surtout.
Moi, je vous parle de ce que j'entends des enfants. Les enfants nous parlent
beaucoup de leurs parents et de l'école dans les quatrièmes, cinquièmes et
sixièmes années, ça les aide, en train de travailler leur autonomie, en train de se dire : O.K., là, il faudrait
peut-être que j'aille me coucher. Donc, ils apprennent ça, ils ont besoin... Même si, moi, je vais faire un atelier,
genre, toutes les semaines avec un enfant, puis je leur dis : Il faut que
tu fasses dodo à telle heure puis que tu
lâches les écrans une heure avant d'aller te coucher, bien, peut-être qu'il va
trouver ça difficile parce qu'il n'est pas
là dans son développement encore. Donc, les parents, l'école sont vraiment
importants.
Mais c'est clair que
chez les 16-17 ans qui connaissent peut-être plus leur utilisation, qui
sont plus autonomes, bien là, leur donner
des outils, c'est plus réaliste que dire : Bien, tes parents vont aller
voir dans tes messages vérifier que personne ne te parle. Donc, ça
dépend beaucoup de l'âge, mais les deux, c'est deux bonnes idées qui amènent un
changement d'habitudes. En fait, c'est ça qu'on cherche, là, en réduction de
méfaits aussi. Pour prévenir une utilisation qui est excessive, c'est que,
quand je commence à voir que ça déborde un peu, bien, je prends des nouvelles
habitudes pour essayer de diminuer puis d'avoir plus un équilibre.
M. Gagnon : Merci.
• (14 h 40) •
La Présidente (Mme
Dionne) : La beauté d'une commission spéciale, je me permets une
question. Alors, moi, je m'intéresse depuis
beaucoup d'années, justement, à la gestion des émotions, à l'intelligence
émotionnelle chez les enfants. Il y a des spécialistes, même, qui nous
recommandent peut-être d'intégrer éventuellement dans... à l'école la... des
cours en gestion des émotions, en santé mentale. Je me questionne à savoir est-ce
que l'arrivée des réseaux sociaux, des écrans, et tout ça, a un impact
quelconque sur la gestion des émotions chez les enfants. Bon, on parle des jeux
vidéo qui peut-être, là, augmentent un peu l'aspect colérique des enfants, là,
quand ils jouent. Mais c'est quoi, votre avis, là-dessus?
Mme Parent
(Emmanuelle) : Oui, vous avez, encore une fois, une superspécialiste
qui vient de publier un article là-dessus. Je vais la laisser en parler. Je
vais prendre l'angle de ce que les jeunes nous racontent, O.K.? L'action, là,
beaucoup, on la voit, nous, en secondaire I, II, avec les 13 ans, et
tout. C'est à ce moment-là, plus, qu'ils vont jouer à Fortnite, des jeux comme
ça, FIFA, etc. Puis ils vont nous parler beaucoup. On leur dit : Est-ce
que vous ragez? Puis ils disent : Oui, on rage. Est-ce qu'il y en a ici
qui ont déjà brisé des manettes? Il y en a quelques-uns : Oui, j'ai déjà
lancé ma manette. Oui, j'ai déjà, moi... Puis on leur demande : O.K.,
c'est quoi, vos... c'est quoi, ces émotions-là, que vous vivez? Puis les
raisons qu'ils nous nomment, c'est associé beaucoup à la compétition : Il
y a quelqu'un qui trichait, madame, ça m'a fâché. Je le comprends, tu sais, on
peut tout comprendre ça. Ça fait des heures que tu pratiques, quelqu'un triche,
ça ruine tes statistiques que tu essaies de monter. Mon équipe... Je n'étais
pas bon, cette journée-là, ça allait... c'était plus difficile. Bon. L'autre
équipe était meilleure ou on... ça ne marchait pas, notre travail d'équipe,
cette journée-là, ça n'allait pas. Donc, il y a plein de raisons pour
lesquelles ça peut susciter des émotions, jouer à des jeux vidéo.
Après, ça dépend
comment on régule ces émotions-là. Quand on demande aux enfants... bien, aux
enfants, aux ados, préados, comment est-ce qu'ils font, ils vont nommer :
Bien là, j'ai crié dans un coussin. Moi, j'ai fait des tours dans mon salon.
Moi, je vais en parler avec mes parents. Ça fait que c'est pour ça, moi,
j'imagine les parents qui cuisinent, puis là, tout d'un coup : Il s'est
passé telle affaire, puis là, ta, ta, ta... Donc, les enfants nous racontent
que ça, c'est leur méthode. Mais avec eux, on travaille à leur nommer :
Bien, quand tu ressens de la rage comme ça, il est peut-être temps de prendre
une pause puis d'aller justement vers ces outils-là que tu as développés, qui
sont sains, pour ne pas qu'il y ait des conséquences durables, négatives,
genre, briser sa manette, ça coûte des sous, genre, briser les plantes de ses parents, tout ça — c'est des vrais exemples — quand
tu es fâché. Donc, oui, il y a des émotions qui ressortent beaucoup,
beaucoup de ça, et, bien, il faut... on essaie d'aider les jeunes pour leur
donner des bons moyens d'intervenir.
La Présidente (Mme
Dionne) : Merci. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de D'Arcy-McGee.
Mme Prass : Merci.
Merci de votre présence encore aujourd'hui. Moi, j'ai deux questions. Vous avez
parlé de l'aspect positif de la présence sur
les écrans, alors trouver une communauté, socialisation, etc., mais on sait
qu'il y a aussi beaucoup d'enjeux de
cyberintimidation. Puis justement, ça peut vite changer, que... on est entre
amis, tout va bien, puis là on dit
quelque chose, les gens ne trouvent pas que c'est correct, poche, quoi que ce
soit, puis les gens tournent... se tournent
envers nous, puis ça devient... ce n'est plus positif, ça devient négatif.
Comment... Puis vous n'avez pas vraiment beaucoup touché sur ça ni hier
soir ni aujourd'hui, donc je voudrais juste vous entendre un petit peu
là-dessus.
Mme Parent
(Emmanuelle) : Oui. Merci de poser cette question-là, c'est vrai, et
puis je vais me fier à une étude qui a été faite par HabiloMédias sur les
méchancetés en ligne, les insultes, et tout, puis eux, ils en venaient à la
conclusion que, chez les préadolescents canadiens, canadiennes, il y a
environ... c'est dans les 30 %, là, un jeune, environ, sur trois qui a reçu des méchancetés en ligne, O.K.? Lorsqu'on
demande à ces jeunes-là : Où est-ce que vous avez reçu les
méchancetés, en premier, c'est sur les jeux vidéo, quand on se parle en ligne
avec les micros. Donc, ça, c'est vraiment cohérent avec qu'est-ce qu'on entend,
nous, dans les classes. S'insulter, ça fait partie du plaisir, parce qu'on
teste les limites, on a le sentiment d'être protégé derrière notre casque
d'écoute. Et là je parle plus de... tu sais, secondaire I, II, fin
primaire, là. À 17 ans, ce n'est pas vraiment ce qu'on entend, là, bon,
ils ont passé comme à autre chose, on dirait, là, peut-être pas tous, mais, en
tout cas, donc c'est surtout quelque chose qu'on voit dans ces âges-là.
Ensuite, c'est dans les
messages personnels, donc ce n'est pas dans les commentaires, le lieu où ils
reçoivent des méchancetés. Et ça, bien, les écoles vont pouvoir témoigner que,
dans les Teams de l'école, des fois, c'est là que ça se déroule. Puis avec les
enfants, on travaille à reconnaître qu'est-ce qui est de la violence. Ce
commentaire-là que tu t'es fait envoyer, en effet, c'était une méchanceté, puis
ce n'est pas parce que c'est virtuel que ce n'est pas vrai.
Donc, vous me permettez de faire un point
important, la vie réelle et la vie virtuelle, on ne parle plus en ces termes-là
parce que c'est comme dire que ce qui se passe sur le virtuel est moins grave,
alors que, si un jeune reçoit des insultes en ligne, c'est grave, tu sais, on
veut qu'il en parle à un adulte puis qu'il y ait une intervention.
Puis le troisième lieu où il y a des
méchancetés, c'est dans les commentaires, donc, sur les réseaux sociaux. Donc,
ce qu'on amène, ce qu'on dit aux jeunes, dans ce temps-là, c'est d'en parler
avec un adulte pour qu'il y ait une intervention. Il y a des protocoles, dans
les écoles, il y a des personnes enseignantes qui font un supertravail, mais
c'est sûr que là où des jeunes entrent en liens sociaux, bien, il peut y avoir
des situations comme ça, conflictuelles.
Mme Prass : Puis ma prochaine
question, c'est... le groupe qui a témoigné avant vous, ils ont parlé de... du
phénomène des écrans récompenses dans les écoles. Et moi, je me posais la
question si, justement, ce n'est pas le contraire qu'on devrait faire, parce
qu'en faisant ça, c'est comme... ça devient la récompense ultime plutôt que
d'aller à la bibliothèque, ou faire du sport, ou quoi que ce soit, puis je
voulais juste savoir si vous aviez une opinion là-dessus puis dans le sens de
est-ce que ça devrait être interdit à l'école. Bien, est-ce que les écoles ne
devraient pas offrir les écrans comme récompense, parce que ça renforce cette
idée auprès des jeunes?
La Présidente (Mme Dionne) : En cinq
secondes.
Mme Parent (Emmanuelle) : Oui. En
30 secondes?
La Présidente (Mme Dionne) : Cinq.
Mme Parent (Emmanuelle) : Cinq? Ce
n'est pas une opinion, c'est des études scientifiques qui démontrent ce que
vous venez de nommer. Vous l'avez très bien expliqué, je ne vais pas le redire,
mais c'est vrai que ça met les écrans sur un piédestal lorsqu'on les met dans
des récompenses ou des punitions. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est des études
publiées à ce sujet-là.
Mme Prass : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup, Emmanuelle, merci à tous pour ces échanges.
Donc, je suspends les travaux quelques instants
pour accueillir notre prochain groupe.
(Suspension de la séance à 14 h 46)
(Reprise à 14 h 51)
La Présidente (Mme Dionne) : Alors,
membres de la commission, nous allons reprendre nos travaux. Donc, je souhaite maintenant la bienvenue à
l'Association des entreprises pour le développement des technologies éducatives
du Québec.
Donc, je vous rappelle que vous avez
10 minutes pour nous faire part de votre exposé. Je vous demanderais
d'entrée de jeu de vous présenter et nous faire part, par la suite, de vos
commentaires. Et nous procéderons par la suite à une... période d'échange,
pardon, avec les membres de la commission. Alors, la parole est à vous.
Association des
entreprises pour le développement des
technologies éducatives au Québec (EDTEQ)
M. Young (Shawn) : Excellent. Bien,
je me présente, Shawn Young. Merci de nous accueillir, membres de la
commission. On est très heureux d'être là aujourd'hui. Je me présente
aujourd'hui en tant que président de l'Association EDTEQ, mais je travaille
dans le numérique depuis 20 ans, éducatif. Je suis aujourd'hui
vice-président sénior au développement d'expériences pédagogiques numériques
pour HMH. On sert 55 millions d'élèves avec des solutions numériques. Je
suis aussi vice-président de l'École branchée, qui est la référence en formation
continue aux enseignants à l'ère du
numérique. Je suis aussi membre du comité aviseur TeachAI, qui regroupe des
gouvernements, des OBNL, des compagnies, dont l'UNICEF, pour créer des
politiques et des pratiques en utilisation de l'intelligence artificielle à
l'école. Ça fait cinq ans que je suis chargé de cours invité à la maîtrise en
Éducation à Harvard. Je suis ambassadeur de la Faculté d'éducation de
l'Université de Sherbrooke. J'ai été coprésident du groupe de travail UNESCO
sur le développement des compétences socioémotionnelles par le biais d'outils
numériques. Donc, c'est vraiment... c'est long, là, je ne veux pas trop me
vanter, mais c'est pour vous dire que ça fait longtemps qu'on réfléchit à la
question dans le contexte scolaire.
On a entendu beaucoup de commentaires qui ont
été fort pertinents avant nous. Nous, on s'intéresse vraiment à la question
dans les écoles. Puis l'Association EDTEQ, je présente ça, puis après ça je
cède la parole à ma collègue, on regroupe une centaine
d'organisations dédiées à l'intégration des technologies numériques dans le
domaine de l'éducation. Vous avez peut-être entendu parler d'Antidote,
Alloprof, membres de notre organisation. Ça fait plusieurs années qu'on
travaille dans les écoles avec des enseignants, des élèves pour développer et
soutenir des solutions technologiques qui enrichissent l'enseignement et
l'apprentissage. Notre vision repose sur l'importance d'encadrer l'utilisation
des outils numériques pour maximiser leur potentiel pédagogique, tout en assurant
un usage responsable.
Donc, je cède la parole à ma collègue,
Anny Gagné.
Mme Gagné (Anny) : Donc, bonjour,
Mme la Présidente, les gens de la commission. Donc, ça fait bientôt 15 ans que je suis dans le milieu éducatif à
titre d'enseignante, de conseillère pédagogique, de conceptrice de
formations en ligne. Et j'ai aussi baigné dans les start-ups en technologies
éducatives à titre de vice-présidente aux opérations. Mais aujourd'hui je suis
ici à titre de directrice générale de l'Association EDTEQ. Donc, vous voyez,
mon introduction est un peu plus courte que celle de Shawn, là, je vous
épargne.
Donc, je suis
ici aujourd'hui pour présenter notre position. Donc, cette position-là, elle
est très claire : les outils numériques sont des leviers indispensables
pour enrichir l'expérience d'apprentissage des élèves et personnaliser l'enseignement selon leurs besoins. Lorsqu'elles
sont bien encadrées, les technologies apportent des solutions concrètes
aux défis actuels de l'éducation. Elles permettent de différencier
l'enseignement, de créer des parcours personnalisés et d'offrir un soutien
ciblé, particulièrement pour les élèves en difficulté.
Par exemple, des outils comme la reconnaissance
vocale et la lecture assistée sont non seulement bénéfiques pour les élèves
ayant des besoins particuliers, mais profitent également à tous les élèves,
rendant ainsi l'éducation plus inclusive. Les outils numériques offrent une
opportunité sans précédent pour renforcer l'autonomie des élèves tout en
permettant aux enseignants de recueillir des données en temps réel pour adapter
leur pédagogie de manière plus efficace.
Les technologies de l'information permettent de
suivre le progrès des élèves, d'offrir des retours immédiats et d'ajuster les
stratégies pédagogiques pour maximiser les apprentissages. Les recherches
démontrent d'ailleurs que l'intégration de technologies dans les classes
favorise une participation accrue des élèves et améliore leurs résultats scolaires. L'accès à des ressources pédagogiques
variées, la possibilité de participer à des projets collaboratifs à
distance et la richesse des contenus en ligne font partie des avantages que
nous devons reconnaître et encourager.
La pandémie de la COVID-19 nous a bien démontré
l'importance cruciale de ces technologies pour garantir la continuité et l'accès à l'éducation. Pendant cette période, ces
outils numériques ont permis aux élèves de rester connectés à leurs
enseignants mais aussi à leurs pairs, et ce, malgré les contraintes
géographiques. C'est un atout majeur pour assurer un accès équitable à une
éducation de qualité, particulièrement pour les élèves en région éloignée.
Nous reconnaissons toutefois que nous devons
encadrer l'usage des écrans et favoriser un usage pédagogique. Contrairement à
l'usage récréatif des écrans, l'utilisation des outils numériques en classe est
contrôlée et dirigée par des enseignants formés. C'est dans ce cadre structuré
que les jeunes apprendront à utiliser les technologies de manière responsable.
Nous croyons fermement que l'école est l'endroit
idéal pour enseigner aux jeunes des habitudes numériques saines afin de ne pas
laisser toute cette charge et cette responsabilité de gérer l'utilisation des
écrans aux parents.
Nous reconnaissons l'importance de maintenir un
équilibre entre l'innovation technologique et la protection des jeunes. C'est
pourquoi nous formulons quatre grandes recommandations, et je cède la parole à
M. Young pour vous les présenter.
M. Young
(Shawn) : Merci, Anny. Donc,
premièrement, notre point de vue, c'est que l'école, c'est un... c'est le lieu
idéal pour bien former nos jeunes, bien encadrer ça, utiliser le numérique à
bon escient. Puis pour faire ça, évidemment, il faut encourager la formation
continue des enseignants. Une des raisons que les enseignants peuvent utiliser
le numérique à mauvais escient, on a parlé de récompense tantôt, c'est qu'ils
sont mal formés, ils ne savent pas c'est quoi, des bons usages du numérique,
ils ne savent pas c'est quoi, la vision d'un bon citoyen numérique, ils ne
savent pas quels outils proposer aux enfants pour pouvoir justement faire ce
genre de bon usage là. Donc, on a besoin de former nos enseignants, de les
appuyer par rapport à ça.
Deuxièmement, l'éducation numérique aux élèves
et aux parents. Donc, évidemment, tu sais, à l'instar d'un guide alimentaire
pour la malbouffe, bien, c'est la même chose pour le numérique. Actuellement,
les parents sont sans... ils n'ont pas de barèmes, ils se comparent entre eux,
ils essaient de trouver c'est quoi, des bonnes solutions, chacun fait sa propre
affaire. Est-ce qu'on ne peut pas guider les parents, les aider, poursuivre la
mission d'éducation qu'on a, mais d'outiller les parents pour faire ça, donner
des recommandations, par exemple?
On pense aussi que c'est quand même de la
responsabilité des écoles. Donc, la mise en place, par exemple, à l'instar des
politiques que les écoles ont pour la lutte à l'intimidation, ça fait plusieurs
années que je siège sur un conseil d'établissement, bien, on... à chaque année,
on entérine et on signe des politiques par rapport à... un exemple, il y en a
plusieurs, là, mais un exemple, c'est la lutte à l'intimidation. Les écoles
devraient se doter d'une politique par rapport au bon usage, dans leur
établissement, par rapport au numérique. C'est une question de communauté et de
société. Donc, les conseils d'établissement sont créés pour ça.
Puis finalement on propose aussi de
l'encouragement de solutions numériques à valeur ajoutée. Évidemment, tout
n'est pas égal dans le temps d'écran, puis vous allez nous entendre, dans les
questions, dire : Bon, bien, écoutez, le temps d'écran comme métrique,
c'est un peu une drôle de métrique, parce que la personne avant nous en a
parlé, ça dépend vraiment de ce que tu fais. Mais il y a plein d'outils qui
sont conçus pour l'école au Québec pour favoriser le développement des jeunes.
Il y a plein de recherches qui montrent qu'ils sont efficaces. Est-ce qu'on ne
peut pas favoriser la mise en application de ces
outils-là dans les écoles pour favoriser le développement des jeunes, faciliter
la vie des enseignants puis évidemment soutenir les besoins des enfants à
besoins spécialisés?
Donc, c'est ce qu'on
vous propose aujourd'hui. L'intégration des technologies dans les salles de
classe, c'est non seulement nécessaire, mais c'est dans la mission de l'école
d'éduquer les jeunes à la société dans laquelle ils vont évoluer, puis ça,
c'est une société numérique, donc, on doit favoriser ça, mais ça doit être
réalisé de manière réfléchie, de manière responsable. Puis c'est un débat,
comme on disait juste tantôt, là, ça fait des années qu'EDTEQ on réclame qu'on
parle de ça de façon pas réactionnaire mais de façon réfléchie, qu'on fasse nos
devoirs, qu'on ait un débat de société comme on le fait aujourd'hui. Donc, on
salue le travail de la commission. Merci.
La Présidente (Mme
Dionne) : Merci beaucoup. Donc, nous allons débuter les échanges avec
M. le député de Joliette.
• (15 heures) •
M. St-Louis :
Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci pour votre exposé, très intéressant.
Assurément, avec la formation qu'on a reçue hier du Dr Parent, on comprend
bien que vous êtes du bon côté de la force. Mais je pense que ce qui nous inquiète tous comme parents, c'est le mauvais côté
de la force, justement. On a des algorithmes qui reconnaissent qui on
est, on se demande pourquoi il n'y a pas d'algorithmes qui reconnaissent que
c'est un enfant qui a la tablette ou le téléphone dans les mains, justement,
pour protéger cet enfant-là.
Je nommais hier que,
pour moi, le danger de la centralisation d'un téléphone intelligent, c'est...
bon, c'est ma photothèque, c'est mes souvenirs de vacances, c'est toute ma
musique, c'est mes communications courriels, donc écrites. Tout est là, tout
est là. Puis de dire que, bon, bien là, je passe une heure à apprendre sur mon
téléphone, c'est parfait, mais, en même temps, j'ai toujours la tentation,
peut-être, du réseau social, ou de la plateforme, ou du jeu, qui est à même le
même appareil. Donc, à problèmes numériques, est-ce que vous avez des solutions
numériques?
M. Young
(Shawn) : Bien, il y a plusieurs solutions. C'est sûr qu'on peut
réfléchir... Tu sais, nous, c'est sûr qu'on réfléchit toujours dans le contexte
scolaire en premier. Donc, c'est sûr qu'il y a des appareils qui sont fournis
par les écoles, qui sont configurés par les écoles, sur lesquels... les
logiciels qui sont dans ces appareils-là sont contrôlés puis qui sont décidés
par les écoles, tant pour leurs bienfaits pédagogiques que, tu sais, par les
protections, par exemple, des données des
enfants via l'application de la loi n° 25. C'est toutes des
choses qui sont beaucoup plus faciles à
faire, si on accepte le fait numérique dans l'école, puis qu'on l'encadre, puis
qu'on le structure. Après ça, tu sais, dans les écoles, on est capables
aussi de contrôler l'accès à des sites Internet, etc. Donc, tout n'est pas rose
sur Internet.
Ceci dit, il y a
plein de bonnes ressources qui méritent d'être bien encadrées, bien utilisées.
Puis on est capables de faire ça à l'école. Justement, il y a des solutions
numériques, dans un... dans une approche par laquelle on prend le taureau par
les cornes puis on dit... Plutôt que de dire : On va laisser rentrer, par
exemple, n'importe quel appareil, bien, l'école va les fournir, puis on va
gérer ça comme il faut, là.
Mme Gagné (Anny) : Je pense que ce n'est pas
juste une question, aussi, de restreindre, là. Je pense qu'il y a aussi
une question d'éduquer qui est importante, là. Si on veut que les choses
évoluent puis que les élèves soient en mesure de prendre des bonnes décisions,
ça doit beaucoup passer par l'éducation de l'utilisation de ces écrans-là.
M. St-Louis :
Naturellement. Je comprends qu'une des solutions proposées serait que le
contrôle se fasse par des appareils qui sont vraiment contrôlés par le centre
de services ou l'école elle-même et le professeur titulaire et non l'appareil
fourni par papa et maman.
M. Young
(Shawn) : C'est une approche. Parce qu'évidemment, tu sais, beaucoup
des enjeux qu'on... dont le docteur qui était avant nous a discuté, c'est lié à
l'accès aux réseaux sociaux, c'est lié à l'accès, par exemple, à des jeux
«freemium». Tu sais, on pourra parler de jeux vidéo, si vous voulez, mais ils
ne sont pas tous égaux non plus. L'enjeu, c'est les approches mercantiles liées
aux plateformes gratuites qui... leur seul intérêt c'est qu'on revienne et
qu'on passe du temps là. Après ça, si on est dans un contexte où est-ce que ce n'est
pas ça, le modèle d'affaires, bien là, l'utilisation des outils devient
moins... le modèle commercial qui est derrière, il n'est pas du tout lié à ça,
là.
Je vous donne un
exemple : Antidote. Bien, tu achètes Antidote, tu l'achètes une fois,
Antidote ne va pas essayer que tu l'utilises le plus souvent possible puis
créer des mécaniques addictives pour que tu utilises Antidote. Bien, c'est
un... Mais, mais ce n'est pas ça, le modèle d'affaires de, par exemple,
Fortnite ou Roblox. Puis c'est la même chose avec Mario Bros., par exemple.
Bien, un coup qu'ils t'ont vendu Mario Bros., bien, ce n'est pas grave, pour
Nintendo, si tu ne rejoues ou pas, ils te l'ont... ils l'ont fait, leur argent.
Les jeux en ligne qui sont conçus pour garder l'attention, bien là, il y a une
approche mercantile qui est derrière ça, puis c'est ça... c'est ça qui crée
l'addiction, ultimement, là. Puis c'est la même chose avec les médias sociaux.
Ça fait que, oui, effectivement, le contrôle des appareils dans les écoles
pourrait faire partie d'une solution éventuelle à ce problème-là.
Mais comme disait ma
collègue, ce n'est pas assez. C'est sûr que, si on passe seulement par une
solution, je vais dire «hardware», bien là, on passe à côté de plein de choses
comme une méchante bonne opportunité d'éduquer les enfants sur c'est quoi, des
habitudes saines. Si on fait ça, on n'est pas en train nécessairement de
développer leur esprit critique par rapport à comment déceler de la... par
exemple, de la mauvaise information sur Internet, on n'est pas non plus en
train de discuter avec eux d'habitudes saines de vie, on n'est pas non plus en
train de discuter avec eux de comment développer des habitudes numériques,
des... Tu sais, par exemple, apprendre à utiliser une suite de bureautique, c'est
peut-être pertinent, ça... Peut-être ça vaut la peine de prendre du temps
là-dessus, parce que c'est quelque chose qu'ils vont avoir besoin de faire dans
leur profil de sortie de l'école.
Ça fait qu'il faut se
questionner aussi sur qu'est-ce qu'on veut que l'école nous donne comme profil
de sortie d'enfants, à la sortie, puis par rapport au numérique, puis comment
est-ce qu'on peut créer des programmes, des approches, des recommandations pour
nous mener vers ce profil-là, là.
M. St-Louis : Bon, bien, donc, je
retiens qu'au-delà du côté académique il faut faire... il faut éduquer et faire
confiance à nos enfants. Donc, je vous remercie. Je cède la parole.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci,
M. le député. M. le député de Gaspé.
M. Sainte-Croix : Merci, Mme la
Présidente. Monsieur, madame, bonjour. Très heureux d'être avec vous
aujourd'hui pour écouter votre propos drôlement pertinent. Je suis de ceux qui
pensent que l'école de demain, c'est aujourd'hui.
Et l'école d'aujourd'hui ne peut pas, quant à moi, ne pas concevoir l'aspect
numérique en termes de pédagogie.
Ce matin
ou... oui, ce matin, nous avions un regroupement de comités de parents qui
disaient, dans la dynamique de gouvernance de nos écoles, que ce serait
compliqué d'avoir une vision d'ensemble de l'ensemble du réseau et que nous devrions faire confiance aux conseils
d'établissement et laisser la gouvernance, à savoir, tantôt, on est
favorables, tantôt, on ne l'est pas,
dépendamment des écoles, à une utilisation du numérique principalement par la
voie du téléphone.
Vous n'êtes
pas sans savoir que l'utilisation du numérique en termes pédagogiques ne fait
pas nécessairement consensus, tant ici, chez nous, qu'ailleurs dans le
monde. Comment on fait ça? Avec qui on fait ça? Dans l'optique où je pense
qu'on ne peut pas avoir un système d'éducation, dans notre province, qui tantôt
dit oui, tantôt laisse faire, tantôt dit non. Donc, je pense qu'il faut arriver
avec une politique publique qui se tient, qui favorise, quant à moi,
l'utilisation du numérique en termes pédagogiques. Parce que la société
d'aujourd'hui et de demain ne fera pas abstraction
de l'utilisation du numérique. Donc, on veut former des citoyens, à l'école,
des gens avec un sens critique, et je pense aussi que ça passe par nous,
d'une certaine façon.
Comment on fait ça? Avec qui on fait ça? Puis
dans quelle perspective on amène ce changement-là? Parce que je pense que c'en
est un majeur. Tu sais, on parle de nos problématiques de pénurie de
main-d'oeuvre, de formation, hein, des enseignants puis, quelque part, qu'un
jeune grandit de plus en plus vite, dans le sens où la jeunesse n'est plus ce
qu'elle était à mon âge. J'aimerais vous entendre là-dessus.
Mme Gagné (Anny) : Bien, en fait,
juste ajuster un peu le propos, là, je pense que les jeunes ne grandissent pas
plus vite, là, ils grandissent au même rythme, je vous rassure. Peut-être que
le monde, par exemple, de l'éducation, a complètement changé par rapport à ce
qu'on a vécu, nous. Au lieu d'être un regroupement au parc et parler pendant
des heures avec son ami au téléphone, ils sont plus en train de texter, hein,
c'est comme ça qu'eux ils créent leurs
relations avec leurs pairs. La technologie, elle est là dans nos écoles, elle
est là dans nos vies, elle ne va pas disparaître.
Alors, oui, effectivement, il faut apprendre à les éduquer puis à les utiliser
de façon adéquate à ces élèves-là.
Comment est-ce qu'on fait ça? Telle est la question,
hein? Donc, oui, je pense qu'une politique serait une bonne approche, d'avoir
une politique au niveau de l'utilisation du numérique. Par contre, oui, il y a
quand même des nuances à avoir au niveau de chaque école et chaque... centre de
services — je
m'en allais dire «commission scolaire», ça
trahit mon âge... mais centre de services. Donc, je pense qu'il y a quand même
toujours à avoir des nuances. Tu sais, c'est impossible d'arriver avec
une solution qui va fonctionner pour tous. Ils ont des réalités différentes,
selon les régions dans lesquelles ils sont, et ça, je pense qu'on ne peut pas
passer à côté. Par contre, une politique serait, je crois, une bonne solution.
• (15 h 10) •
M. Young (Shawn) : C'est sûr qu'on
peut baliser comment les écoles peuvent faire ces politiques-là comme, par
exemple, on a pour les politiques d'intimidation. Ceci dit, tu sais, il faut
effectivement qu'il y ait de la latitude, dans ces balises-là, pour que les
écoles puissent adapter ça à leurs propres réalités.
C'est sûr que, quand on pense aussi à la loi sur
l'enseignement public, il y a beaucoup de ces choix-là qui reviennent aux
enseignants, par la loi, quels outils numériques ils vont... quels outils ils
vont utiliser pour enseigner, c'est quoi, leurs stratégies pédagogiques, etc.
C'est des choix de l'enseignant, au Québec. On pourrait regarder ailleurs, ce n'est pas nécessairement le cas, mais
ici c'est ça. Donc, on a besoin de faire des politiques qui vont guider
les enseignants, qui vont faire qu'ils vont
faire des choix... des bons choix. Mais il demeure néanmoins qu'ils ont des
choix à faire puis que ça revient aux
enseignants, aussi, d'exercer leur jugement professionnel puis de pouvoir
prendre ces décisions-là.
Mais après ça, il faut qu'on puisse les outiller
pour les prendre puis il faut qu'on leur donne des ressources pour qu'ils puissent avoir des choix. Souvent, les
enseignants, ils n'ont pas de ressources numériques, ça fait qu'ils se rabattent sur des plateformes gratuites, des
plateformes américaines, des plateformes en anglais. On voit des... tu
sais, je peux vous en nommer tout plein qui
sont dans nos écoles, aujourd'hui, qui n'ont pas été conçues pour l'école
québécoise, qui n'ont pas nécessairement été conçues pour l'école tout court.
Puis après ça on applique ça dans nos écoles parce que, bon, bien, c'est ça
qu'on a gratuitement. C'est sûr qu'on est dans un contexte numérique, dans
l'école, qui n'est pas nécessairement très financé. Bien, dans ce contexte-là,
les enseignants, ils travaillent avec ce qu'ils peuvent, là.
M. Sainte-Croix : Plus ou moins
balisé...
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup. Alors, je...
M. Sainte-Croix : Oui?
La
Présidente (Mme Dionne) : Oh! Pardon, pardon, M. le député.
M. Sainte-Croix :
Je vais faire ça vite. Plus ou moins balisé aussi, donc, d'une certaine
façon. Tu sais, est-ce que vous jugez que le profil d'un enseignant qui sort de
son cheminement universitaire, aujourd'hui... a la capacité, les compétences
pour faire ce travail-là de façon professionnelle et efficiente?
M. Young
(Shawn) : Bien, écoutez, sur le conseil facultaire de l'Université de
Sherbrooke, à la Faculté d'éducation, on se
pose justement ces questions-là sur comment est-ce qu'on doit adapter nos programmes
de formation d'enseignants pour les outiller, justement, par rapport au
numérique. Il n'y a pas tant de temps de formation, dans un bac en éducation, beaucoup de choses à apprendre.
De plus en plus, ça prend de la place. Le danger avec ça, par contre, c'est de former sur des outils. Les outils
changent, les pratiques changent. Ça fait que ce qu'on veut faire, c'est
donner... former des enseignants.
Tu sais, il y a
12 compétences professionnelles, dans le numérique, pour les enseignants.
Ces compétences-là sont par rapport à pouvoir apprendre à utiliser le
numérique, pouvoir, par exemple, utiliser l'intelligence artificielle, donc
moins utiliser certains outils, mais plutôt avoir les compétences pour faire
ces choix-là. Puis ça, ça commence de plus en plus à faire partie des
programmes de formation. Mais, tu sais, il y a toujours un délai. On forme un
jeune enseignant, enseignante qui a 19 ans aujourd'hui, bien, avant
qu'elle enseigne à temps plein, dans une commission scolaire, à nos enfants,
bien, c'est dans 10 ans. Donc, il y a quand même... Oui, ça fait partie de
la solution, mais il faut quand même travailler sur le terrain aujourd'hui, là.
M.
Sainte-Croix : Le centre de services?
M. Young
(Shawn) : Oui.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup. Je vais passer la parole au député de Marquette. Alors, il y a
beaucoup de questions de la part de nos membres.
M.
Ciccone : Oui. Merci beaucoup. Bonjour à
vous deux. M. Young, avec tous vos titres, j'ai quasiment le goût de vous
demander : Avez-vous le temps de dormir?
M. Young
(Shawn) : Aïe! Je suis rendu que je dors six heures par nuit, là, ce
n'est pas pire...
M.
Ciccone : Formidable.
M. Young
(Shawn) : ...mais, pendant longtemps c'était quatre heures et demie.
M.
Ciccone : Good. O.K. C'est des habitudes
de vie...
M. Young
(Shawn) : ...
M.
Ciccone : ...c'est des habitudes de vie,
n'oubliez pas ça.
M. Young
(Shawn) : Oui, exactement.
M.
Ciccone : On va revenir au sérieux. Vous
parlez des plateformes numériques d'apprentissage qui sont indispensables, je
pense qu'on a tous quelqu'un dans notre entourage, un petit bonhomme ou une
jeune fille, qui a eu un plan d'intervention, là. Puis c'était... je veux dire,
c'est indispensable pour eux. Mais cependant, dans votre... Parce que là je
veux essayer de comprendre. Vous parlez dans votre mémoire d'un temps d'écran
encadré. Comment est-ce qu'on fait pour
séparer les deux? Parce qu'à l'école, ces jeunes-là qui ont peut-être des
difficultés d'apprentissage, ils ont les yeux sur un écran. Est-ce qu'on
peut calculer le temps d'écran, quand ils reviennent à la maison, quand ils
prennent leur téléphone, les outils numériques à la maison, jeux vidéo? Est-ce
que vous séparez les deux? Parce que le temps d'écran, pour vous... c'est quoi,
le temps, justement, que vous mentionnez ici?
M. Young (Shawn) : Bien, justement, là, de notre
point de vue, c'est que c'est un peu une mesure galvaudée, le temps d'écran, là. La question du numérique est
importante. Un enfant qui est en train de travailler un texte sur
Antidote puis qui apprend à écrire, qui apprend à corriger, qui est dyslexique,
puis ça l'aide, peut-être qu'il va être en train de travailler pendant une
heure de façon concentrée. Si on dit : Ah! bien, il y a une heure de temps
d'écran dans la journée, on s'entend que
faire ça puis «scroller» sur TikTok pendant une heure, ce n'est aucunement la
même affaire, là.
Puis c'est pour ça
que de tout mettre ensemble dans une métrique simple comme ça, c'est pour ça
qu'on parle de temps encadré, de temps de qualité, de temps dans lequel on
utilise le numérique à bon escient. Il faut faire la part des choses entre
qualité et quantité, là. Puis, tu sais, c'est comme, par exemple, si on
comptait les calories. Bien oui, O.K., il y a des calories, etc., mais ça ne
veut pas dire que tous les aliments sont également nutritifs, juste parce qu'un
aliment est bas en calories, ça ne veut pas dire qu'il est bon pour la santé,
là. On peut penser, par exemple, des liqueurs à zéro
sucre, il n'y a pas de calorie, mais ce n'est pas super pour la santé non plus,
là. Ça fait que d'avoir une métrique simple comme ça, bon, bien, ça nous
permet, tu sais, de simplifier le débat. Mais, d'un autre côté, on parle de la
nuance, là.
Mme Gagné
(Anny) : Je ne pense pas que c'est une question de quantité de temps,
mais de qualité de temps d'écran. Quand on essaie de simplifier ça, on va
mettre une heure maximum par jour, on passe à côté de : À quoi ça sert, cet
écran-là? Tu sais, si, au niveau pédagogique, cet enfant-là en a besoin de
trois, si on le limite à un, c'est quoi, les conséquences? Tu sais, il y a
quand même des conséquences aussi, là, tu sais? Il faut penser pas juste au
nombre d'heures d'écran, mais à quoi il sert, cet écran-là, puis ça va être
quoi, les conséquences si on le limite, aussi. Parce qu'il y a du positif, pas
juste du négatif, dans le temps d'écran, là.
M.
Ciccone : Dernière question. Vous avez
parlé, tantôt, des plateformes éducatives gratuites. Avez-vous une mise en
garde pour les parents qui veulent utiliser une plateforme gratuite sur
Internet? Est-ce qu'il y a un danger là? Est-ce que certaines plateformes
gratuites pourraient utiliser les mêmes stratagèmes, par exemple, que les
réseaux sociaux pour attirer, accrocher les jeunes? Avez-vous une mise en
garde, là-dessus, de faire attention ou...
M. Young (Shawn) : Bien oui, bien là,
c'est... Vous parlez précisément des plateformes éducatives gratuites,
oui?
M. Ciccone : Oui, exactement, gratuites, là.
M. Young
(Shawn) : Bien, c'est intéressant, parce que, quand on regarde le
marché du numérique éducatif, il y a deux clients possibles. Il y a les écoles
et les enseignants, puis il y a les parents. Tu sais, beaucoup des plateformes
qu'on va retrouver dans les écoles sont conçues pour des milieux scolaires dans
des contextes scolaires. Il y a tout un marché d'outils, de plateformes que
moi, comme parent, je pourrais vouloir acheter pour, par exemple, que mon enfant
apprenne à coder ou que je pourrais... Un autre exemple, Duolingo, par exemple.
Tu sais, qui n'aime pas Duolingo? Crime!
C'est cool, c'est le fun, j'apprends une nouvelle langue, na, na, na. Mais, en
arrière de ça, il y a des mécanismes d'addiction pour vendre la
souscription, l'abonnement premium, là.
Puis on revient à
cette notion là de... Moi, je pense qu'il y a une éducation à faire,
sociétairement, à reconnaître les modèles d'affaires sous-jacents. On n'est pas
très nécessairement exposés à ça, on ne réfléchit pas nécessairement à ça,
comme citoyen, mais, ultimement, la façon que l'application fait de l'argent va
changer la façon qu'elle interagit avec l'utilisateur, de façon assez
dramatique, là. Puis je suis un grand fan de Duolingo, c'est cool, je n'ai pas
de problème avec ça, mais je suis critique par rapport à ça. J'ai un fils de
10 ans qui tripe là-dessus, mais je suis,
comme : Regarde, là, pourquoi tu as des vies dans Duolingo? Tu sais, tu as
trois vies, puis là, si tu fais trois erreurs, tu ne peux plus jouer pour le reste de la journée, là. Je suis,
comme : S'il voulait vraiment que tu apprennes l'espagnol, il ne t'empêcherait pas, là. Pourquoi tu as des vies? Ça
fait que c'est des conversations qu'on a besoin d'avoir avec nos jeunes.
Mon jeune, il a
commencé à jouer à Fortnite. On a beaucoup de discussions par rapport à
ça : Aïe! papa, là, il faut absolument que j'achète tel équipement, il va
disparaître du magasin aujourd'hui. Bien, voyons! Pourquoi il va disparaître du
magasin aujourd'hui? C'est juste pour te contrôler. Ça fait que des
conversations au niveau des faux sentiments
de rareté, des... Regarde où est-ce qu'ils essaient de te faire revenir,
pourquoi est-ce qu'il y a des notifications
qui, à chaque jour, apparaissent dans ta tablette, pour que tu retournes jouer.
On a besoin de se sensibiliser à ça, mais aussi les parents. Tu sais,
tout ça, c'est vrai pour les adultes, quand on est exposé à plein de
plateformes qui ont exactement la même stratégie, là. Puis, dans certains cas,
ils vendent des abonnements; dans d'autres cas, c'est de la publicité, là. Puis les médias sociaux, c'est des
beaux exemples de ça, c'est des machines à publicités. Est-ce que ce
genre de machine à publicités là devrait être dans nos écoles? Probablement pas.
Est-ce que ça veut dire qu'on devrait limiter
le temps d'écran dans les écoles ou empêcher le numérique dans les écoles? Pas
nécessairement non plus. C'est ça.
M.
Ciccone : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme
Dionne) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme Cadet : Merci,
Mme la Présidente. M. Young, Mme Gagné, merci beaucoup pour votre
exposé. Ma première question est, en fait, un peu dans la lignée de mon
prédécesseur. Puis, en fait, moi, je me demandais, parce que je vous ai écoutés
puis je me dis : Est-ce que c'est une erreur de comptabiliser le temps
d'écran à des fins pédagogiques avec le temps d'écran à des fins récréatives?
Est-ce que vous... Vous nous mentionnez, bon, le temps d'écran. Il n'y a pas
juste ça, mais, dans le fond... On va pouvoir parler de la qualité, là, mais,
si je vous entends bien, vous autres, il
faudrait qu'on... en fait, qu'on arrête, un peu, ou qu'on émette quelques
nuances, tu sais, face au concept de temps d'écran, qui est beaucoup la
première ligne, là, quand on s'intéresse à ce sujet-là. La première chose qui
nous vient, ce sont les directives en matière de temps d'écran, puis ensuite on
creuse puis on voit qu'il y a de la recherche sur bien d'autres thématiques.
Mais ce que vous nous dites, c'est que la première ligne qu'on a comme source
d'information, comme parent, comme élu, comme citoyen, sur le temps d'écran,
là-dessus, il faudrait qu'on puisse émettre des nuances puis qu'on ne le pense
pas en termes de comptabilisation de temps, tout simplement.
M. Young
(Shawn) : Tout à fait.
Mme
Gagné (Anny) : Bien oui. En fait, je crois que c'est un peu passer à
côté du fond du problème, qui n'est pas le temps d'écran en soi, mais d'avoir
un jugement critique face à cette utilisation-là de l'écran. C'est plus là que
le bobo saigne, là, je crois, et non pas en termes d'utilisation de temps.
Puis, de toute façon, même s'il y a un côté récréatif et pédagogique, c'est
clair qu'on va mettre de l'avant que le pédagogique est la solution qu'on
devrait aller de l'avant. Par contre, ça ne veut pas dire que c'est mal, aussi,
d'avoir du temps d'écran récréatif. C'est d'avoir cet équilibre-là, comme dans toutes sphères de la vie, mais il faut
apprendre à le trouver, cet équilibre-là. Comment est-ce qu'on y arrive? Pour ça, il faut qu'ils soient
éduqués sur les conséquences d'avoir trop de temps d'écran, les
conséquences d'utiliser telle source plutôt que telle autre source. Et, en ce
moment, je pense que c'est plus ça qui est manquant.
• (15 h 20) •
M. Young (Shawn) : Puis la façon qu'on en...
tu sais... puis même si on va dans le... puis, tu sais, effectivement,
100 % ça. Je donne un exemple de ma jeune. Moi, j'ai grandi avec les jeux
vidéo, je joue encore à des jeux vidéo, je l'avoue, je l'avoue.
Mme Gagné (Anny) :
Ce n'est pas des saines habitudes de vie...
M. Young
(Shawn) : Non. Oui, c'est ça, donnez-moi pas en exemple. Mais moi,
quand j'étais jeune, on n'avait pas le droit de jouer, la semaine, puis c'était
ça, la règle, mais la fin de semaine, on ne contrôlait pas ça. Mais là on avait
un comportement totalement boulimique par rapport à ça, là. On ne jouait pas la
semaine, mais là, la fin de semaine, 12 heures de suite de Mario Bros.,
là. Ça fait qu'il y a aussi cette idée-là de dire : Bon, bien, c'est quoi...
c'est quoi, une notion équilibrée par rapport à ça, là? Parce qu'on peut le
dire, on peut réduire ça au maximum, mais là tu crées un sentiment de rareté.
Tu n'as pas le droit de manger de bonbons. Bien, qu'est-ce que ça fait, un
enfant, dans ce temps-là? Ça fait juste penser à des bonbons, là. Ça fait que
comment est-ce qu'on peut proposer ça? La prédécesseure parlait de proposer des
activités alternatives, justement, là. Après ça, nous, on a le rôle, comme
parents, comme adultes dans la pièce, de dire : Ce n'est pas tout mauvais,
je vais t'aider à voir ce qui est bon et mauvais là-dedans, mais je veux aussi
que tu fasses d'autres choses puis je vais te proposer des choses à faire, là.
Mme Cadet : Ça
fait que, même quand vous dites, sur le temps d'écran à des fins récréatives...
Je veux dire, ce n'est pas nécessairement mauvais en tant que tel, il faut...
je pense qu'il y a aussi... Et j'aimerais vous entendre aussi sur l'aspect... Parce que, quand on entend ces recommandations-là,
on a l'impression, bon, si on est entre deux et cinq ans, puis que
c'est, je pense, bon, deux heures par jour, disons, s'il passe deux heures et
une minute... ah mon Dieu! J'ai brûlé un neurone à mon enfant, que... Ce n'est
pas nécessairement ça, mais c'est aussi la comptabilisation du coût d'opportunité,
donc de qu'est-ce que l'enfant pourrait faire d'autre, dans ce temps-là, puis
que, manifestement, le... s'il dépasse les recommandations visées, c'est parce
qu'il est en train de ne pas réaliser une autre tâche qui pourrait être plus
productive ou qui pourrait être plus bénéfique pour ses saines habitudes de
vie. Donc, ce coût d'opportunité là, il est là-dedans.
M. Young
(Shawn) : Oui, bien, bénéfique pour les habitudes de vie, oui, là, il
faut faire attention à... C'est un jugement de valeur de dire que c'est
productif ou pas, là, tu sais? Je vous donne un exemple. J'étais avec le
gouvernement du Bhoutan, justement, sur cette question-là, puis l'exemple que
j'ai sorti, c'est... Tu sais, eux, leur grosse
question, c'est : Les jeux vidéo, ça rend sédentaire. On pourrait
dire : Ah oui! mais, crime, il a été assis là pendant trois
heures... Moi, je suis un grand lecteur, je lis plus que 100 livres par
année, depuis que je suis au secondaire, mais je passe plein de temps
sédentaire à lire des livres, là. Je passe quatre heures assis à lire un livre.
Est-ce que, là, on pourrait dire : Bien, crime! C'est donc bien
sédentaire, quelle mauvaise habitude de vie? Mais on ne dit pas ça à un jeune
qui lit, qui se clenche la moitié d'un Harry Potter. On va dire : Aïe!
C'est le fun, ce jeune-là, il aime lire, c'est super. S'il fait la même affaire
dans un jeu vidéo, là, on va dire : Ah! c'est donc bien mauvais, etc.
Puis ça, ça fait
partie... parce qu'on n'est pas dans une optique de qu'est-ce qu'on apprend, tu
sais? Tantôt, notre prédécesseure, elle a parlé de qu'est-ce que les jeunes
apprennent en jouant à des jeux vidéo : la collaboration, le sentiment de persévérance, la notion
d'autocompétence, que, si je mets des efforts, je peux réussir, la
collaboration. Tout ça, c'est des apprentissages qui peuvent venir par le jeu,
mais dans lesquels... On ne le fait pas, comme parent, on ne s'assoit pas avec
nos jeunes pour dire : Eh! regarde, tu as travaillé fort, tu as réussi,
etc., qu'est-ce que tu as appris en jouant à ça? On s'en sert pour se départir
de nos responsabilités, peut-être, parfois, d'éducateur.
Ça fait que je veux
juste... tu sais, cette notion-là de productivité, il faut faire attention, là.
Est-ce qu'un jeune doit être productif? À quel âge on s'attend à ce qu'un
enfant devienne productif? C'est un peu... Ça fait que... Excusez, je réagis
fortement à ce terme-là, mais ça fait partie des jugements de valeur qu'on a
par rapport au numérique, que c'est une perte de temps, alors que la plupart de
ce que les enfants font, c'est une perte de temps, là, ils jouent, ils vont
dehors, ils ne sont pas en train de travailler, là, justement, là.
Mme Gagné
(Anny) : Puis ce n'est pas nécessairement sédentaire non plus, hein,
même quand on parle de jeux vidéo, là. Il peut y avoir des interactions, ils
peuvent se parler ensemble en ligne, ils peuvent aller dans une quête ensemble,
développer des stratégies ensemble. Et, contrairement à la vie réelle, là, si
on peut dire ça, là, tu sais, quand ils vivent un échec, c'est beaucoup moins
difficile à intégrer, parce que tu n'as pas tout le monde qui juge alentour.
Donc, tu peux apprendre aussi à vivre avec cet échec-là, là, qui est peut-être
moins difficile. Donc, il y a quand même aussi des bons côtés, là, ce n'est pas
juste sédentaire, zombie devant un écran, là.
Mme Cadet : Merci. J'ai-tu droit à
une autre question ou je...
La Présidente (Mme
Dionne) : Oui, allez-y.
Mme
Cadet : Oui? Merci. Juste plus tôt... parce qu'on parlait
d'encadrement d'usage des outils pédagogiques. Comment est-ce qu'on
encadre, donc, l'usage périphérique des outils, là? On parlait, plus tôt, donc,
d'utiliser, donc, les appareils, bon, donc, de l'école pour ne pas avoir accès
à d'autres sites Internet. Mais, par exemple, les espaces de clavardage, là,
qui peuvent être intégrés, donc, sur des appareils, donc, de l'école, comment
est-ce qu'on encadrerait ça pour ne pas qu'il y ait cet usage périphérique qui
pourrait, lui, être néfaste, donc, sur...
M. Young (Shawn) : C'est une bonne
question. On en parlait justement, tantôt, tu sais, une des premières places où
est-ce qu'il y a de l'intimidation numérique, c'est dans les chats de Google
Docs, là, où carrément, là, là, il y a des écoles qui sont capables
d'enlever... Tu sais, tu peux chatter dans le côté, tu peux enlever ça. Mais le
Google Docs lui-même, c'est un espace de
chat, là. Tu peux écrire des choses, l'autre le voit en temps réel, tu peux y
répondre puis tu peux... Toute la classe peut être en train de dire :
Shawn, c'est un maudit niaiseux, puis moi, je ne le sais pas, puis... Puis
c'est des dynamiques qui sont possibles, mais c'est des dynamiques qui seraient
possibles sans le numérique aussi, là. Ça fait qu'il faut faire attention de
dire : Bon, bien, c'est à cause de l'outil que ça, ça se passe. En fait,
des jeunes qui chuchotent, tout le monde sur l'autre jeune, ça se peut.
Après ça, encore une fois, on parle d'éduquer
les jeunes à bien se comporter, le respect de l'autre, de... Ça fait que là, tu sais, on est dans comment est-ce
qu'on fait pour contrôler ça. Ça, c'est une chose. Mais comment est-ce
qu'on fait pour éduquer les jeunes à ce qu'ils ne fassent pas ce genre de trucs
là? Puis là, là on parle vraiment de développer des compétences
socioémotionnelles, on parle d'avoir une approche bienveillante à l'école, on
parle de renforcement positif, de mettre des
attentes claires, positives puis faire du renforcement positif par rapport à
ça. Donc, toutes ces approches-là dans lesquelles on veut former les
jeunes à du savoir-être, bien, ça s'applique aussi dans le monde du numérique,
parce que c'est là qu'ils évoluent aussi, là.
Mme Cadet : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
Moi, je vais vous ramener à l'équilibre. On entend encore... Je vais vous
amener au niveau des jeunes aux études supérieures. On entend encore
aujourd'hui, même après la pandémie, des programmes universitaires qui sont
100 % en ligne. J'ai une jeune, dans mon entourage, qui vient de commencer
dans un centre de formation professionnelle, et son cours est en technique du
bâtiment, et c'est 100 % en ligne. Oui, le numérique, mais j'aimerais
avoir votre position là-dessus, votre opinion. Parce qu'il y a beaucoup de
spécialistes qui nous disent : Bien, ça ne devrait pas être la première
façon de... pédagogique d'enseigner aux jeunes. Maintenant, comment on arrive à
cet équilibre-là, quand on a encore des cours qui sont quand même 100 % en
ligne? J'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Young (Shawn) : Bien, j'ai une
opinion là-dessus, c'est sûr.
Mme Gagné (Anny) : Bien, vas-y, dans
ce cas-là.
M. Young (Shawn) : Bien, évidemment,
qui dit en ligne... ce n'est pas tout égal, là. Encore une fois, on revient à
la notion de qualité. Tu peux suivre un cours en ligne, qui est... Tu sais, par
exemple, là, la maîtrise en éducation à Harvard, il y a une grosse partie qui
est en ligne. Mais ce que tu fais en ligne, c'est... Tu sais, c'est sûr que, si ton cours en ligne, c'est : je
partage mon écran sur des PowerPoint et je parle de ça. Ce n'est pas super.
Mais ça, ce n'est pas non plus super en vrai, là. On a tous été à des
cours en présentiel, que c'était ça, puis on se dit : Crime! Pourquoi je suis là? Je pourrais juste avoir les
diapos puis je vais venir à l'examen. Ça fait que c'est sûr que, si tu as
une pédagogie qui laisse à désirer, bien, ça
va autant laisser à désirer dans un espace virtuel que dans un espace
présentiel.
Après ça, c'est sûr que, bon, c'est plus facile,
par exemple, de créer des liens entre les étudiants, quand ils sont en
présentiel, par exemple, de leur faire travailler en équipe, etc. Mais il y a
des opportunités superintéressantes que tu peux avoir, par exemple, dans des
cours 100 % à distance comme ça, par exemple par rapport à des activités interactives que tu pourrais faire, par exemple à
l'accès, tu sais, il y a tout un enjeu d'accès qui est superimportant là-dedans.
On pense aux régions, mais on pense aussi aux gens qui sont en... qui
travaillent déjà, etc. Moi, j'ai fait une maîtrise en éducation 100 % virtuel,
puis ça a complètement changé ma façon... J'étais enseignant pendant neuf ans
puis, pendant que j'étais enseignant, je suivais cette maîtrise-là, puis au
jour le jour j'appliquais ce que je voyais, tu sais, dans ma maîtrise en ligne,
dans ma pratique.
Ça fait qu'il y a moyen, avec ce genre de cours
là, de faire un jumelage entre la pratique... Parce que tu n'es pas
nécessairement, physiquement, à des cours, tu peux te pratiquer dans la vraie
vie à faire ces choses-là. Ça fait qu'il y a
moyen de structurer ça. Mais je suis d'accord avec vous que, très souvent, on
n'a pas innové, pédagogiquement, dans ces cours-là. Puis effectivement,
bien, il y a une perte, là, quand... quand c'est le cas, là.
• (15 h 30) •
Mme Gagné (Anny) : Je ne pense pas
que... tant l'outil, mais, encore une fois, comment qu'on l'utilise. Puis je
pense qu'ici c'est plus une question que l'enseignant, dans ce cas-ci
peut-être, au niveau pédagogique, n'utilisait pas
les meilleures approches. Parce que, pour avoir moi-même enseigné dans une
classe à moitié à distance et à moitié physiquement dans la classe, je
ne pense pas que ceux à distance se sentaient exclus et moins parts de la
classe. C'est une question d'utiliser des stratégies pédagogiques pour les
inclure. Je comprends que ça pose plus de limitations, plus de
défis, définitivement, mais je pense qu'on peut donner tout un aussi bon cours
à distance qu'en personne comme on peut donner un cours en personne
complètement désastreux, là.
M. Young (Shawn) : C'est toute la
notion de l'asynchrone. Tu sais, dans des cours en présentiel, c'est
nécessairement synchrone. On est... On ne maximise pas l'usage d'outils puis
d'approches asynchrones. Ça, c'est intéressant, parce que tu peux apprendre à
ton propre rythme quand c'est asynchrone, puis c'est beaucoup plus facile de
faire ça dans des cours virtuels, là. Ça fait qu'il y a des pour et des contre,
là.
La Présidente (Mme Dionne) : Encore
faut-il que les jeunes n'aient pas de troubles d'attention, des choses comme
ça. Je pense que ça peut peut-être devenir plus difficile dans des cas comme
ça.
M. Young (Shawn) : Bien, c'est
certain, c'est certain, mais ça, c'est comme tous les choix éducatifs qu'on
fait pour soi-même ou pour nos enfants. Il faut aller vers des solutions qui
sont propres à nos besoins, tu sais. Un élève qui a des difficultés
d'apprentissage, mais qu'on veut à tout prix qu'il aille au privé, dans lequel
il n'y a aucune ressource d'orthopédagogie, par exemple, bien, c'est-tu
vraiment le meilleur milieu pour lui? Oui, mais je veux vraiment qu'il aille au
privé, alors que ces ressources-là existent dans le système public. Tu sais,
c'est ce genre de questionnement là qu'on doit faire.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup. Alors, je laisse la parole à mes collègues. Mme la députée de
D'Arcy-McGee.
Mme Prass : Merci. J'allais vous
poser une question dans le même sens parce que je connais des gens qui ont commencé, par exemple, au cégep ou à
l'université durant la pandémie. Tous les cours étaient en ligne, et il y
avait très peu d'interactions entre les étudiants et les profs. Il y avait une
certaine hésitation de poser une question. Puis j'imagine que c'est aussi vrai
aujourd'hui pour les cours en ligne. Tu sais, tu as des gens que, bien, pendant
que le cours... pendant le cours, ils vont aller, tu sais, faire quelque chose
d'autre en ligne. Ils vont être distraits. Ils ne vont pas faire attention. Ils
ne développent pas de relation avec les autres élèves. Ils ne développent pas
de relation avec le prof. Comme j'ai dit, il y a une certaine hésitation pour
parler.
Moi, mon fils qui est au... bien, il était au
primaire à ce moment-là, lui, quand ils ont fait l'école de façon virtuelle,
c'étaient 32 enfants avec un prof pendant une heure, puis c'était le
chaos, puis il y avait des élèves qui n'arrêtaient pas de parler, mais la
majorité ne parlait pas parce qu'il y en avait qui n'arrêtaient pas de parler,
puis c'était... Moi, j'ai trouvé ça très chaotique, puis lui aussi a trouvé ça
chaotique.
Donc, est-ce qu'il y a une façon... Parce que,
là, vous vous dites que ça dépend comment le prof va présenter le cours, etc.,
mais, encore une fois, est-ce qu'il y a des formations ou des balises qu'on
peut offrir au prof pour dire : Si ça va être en ligne, bien, voici
comment assurer l'interaction et l'intérêt des élèves et des étudiants?
M. Young (Shawn) : Je vais vous
dire, la meilleure façon de rater des cours en ligne, c'est de prendre toute
une société, puis, du jour au lendemain, vous donnez des cours en ligne sans
aucune formation ni outil, là.
Mme Gagné (Anny) : ...du temps de
préparation, là.
M. Young (Shawn) : C'est sûr que, si
on regarde ce qui s'est passé dans la COVID, tout le monde... nos yeux
saignaient, là, c'était comme... mais c'était de l'improvisation, là. C'est
certain que, si tu dis : Bon, bien là attends,
là, je vais prendre le temps de me dire comment je pourrais donner le meilleur
cours possible en ligne... que les établissements, après ça,
disent : O.K., on va te donner des outils, on va donner de la formation
pour le faire, on va avoir un autre niveau de qualité, là.
Après ça, tu sais, là, on parle des études
supérieures, c'est une chose. L'école primaire... L'école secondaire a un rôle
de socialisation qui fait partie de sa mission, là, ça fait que... Est-ce qu'on
devrait... Tu sais, je travaille beaucoup aux États-Unis. Aux États-Unis,
croyez-le ou non, il y a des écoles virtuelles qui partent de la maternelle
puis qui vont jusqu'à la fin du secondaire. Un petit bout de maternelle tout
seuls chez eux, à faire des cours en ligne, ça fait pitié. Oui, c'est ça...
Ça fait que... Est-ce que... Tu sais, ce qu'on
dit là, tu sais, ça s'applique à certains groupes d'âge. Il faut faire une
nuance. Je ne suis pas en train de dire que ça pourrait être une bonne
approche, par exemple, pour nos enfants d'âge primaire, au début du secondaire.
Au contraire, une des missions principales de l'école, c'est de former à la
socialisation, puis le rôle de l'école... Pourquoi est-ce qu'on... Tu sais,
pourquoi est-ce qu'on a des bâtiments physiques auxquels on envoie les enfants?
Bien, premièrement, on a besoin d'aller travailler puis il faut les mettre à
quelque part. Mais la raison éducative, c'est ça, là, c'est de les mettre en
contact avec d'autres jeunes, puis qu'ils apprennent à socialiser, puis
évidemment c'est perdu dans des cours en ligne. Ça fait que ça ne devrait pas
être quelque chose qu'on favorise de façon générale pour les enfants.
Mme Gagné (Anny) : Idéalement, quand
on donne un cours en ligne, on est formés pour donner un cours en ligne. Là,
les enseignants étaient pris du jour au lendemain à donner une formation en
ligne sans outil. C'est sûr que les résultats n'étaient pas là. Par contre,
comme je disais tout à l'heure, il y a des façons pédagogiques d'amener les
élèves à participer même si on est en ligne. Ça se fait, des sous-groupes. Tu
peux les avoir dans des sous-groupes qui communiquent
ensemble. Ils ont des tableaux interactifs où ils peuvent communiquer des
dessins. Tu sais, je veux dire, l'interaction est toujours possible en ligne.
C'est juste un manque de savoir des gens qui...
La Présidente (Mme Dionne) : C'est
malheureusement tout le temps qu'on a. Merci beaucoup pour ces échanges à cette
commission.
Donc, je suspends les travaux quelques instants
pour accueillir notre prochain groupe.
(Suspension de la séance à 15 h 35)
(Reprise à 15 h 40)
La Présidente (Mme Dionne) : Nous
reprenons maintenant les travaux. Donc, je souhaite maintenant la bienvenue à la Confédération des syndicats
nationaux. Alors, je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour
nous transmettre votre exposé. Suite à cela,
il y aura une période d'échange et de questions avec les membres de la
commission. Donc, peut-être vous présenter au début et nous faire part de vos
commentaires. Merci. Je vous laisse la parole.
Confédération des
syndicats nationaux (CSN)
Mme
Lelièvre (Katia) : Merci beaucoup. Donc, bonjour. Moi, je m'appelle
Katia Lelièvre. Je suis vice-présidente de la CSN, entre autres,
responsable du dossier de l'éducation, là, puis de l'enseignement supérieur. La
CSN, c'est une centrale syndicale qui représente près de 1 600 syndicats, 330 000 membres de tous les
secteurs d'activité, sur l'ensemble du territoire québécois. On compte trois
fédérations plus spécifiquement dans le domaine de l'éducation et de
l'enseignement supérieur.
Et je suis accompagnée par des représentants de deux
des trois fédérations, donc, M. Frédéric Brun, qui est président de la
fédération des employés de services publics, ainsi que Léandre Lapointe, qui
est vice-président de la FNEEQ, la fédération nationale des enseignants,
enseignantes du Québec, CSN tous les deux, évidemment. Il y a aussi la
Fédération des professionnèles qui représente des professeurs d'université et
plusieurs professionnels en enseignement supérieur. Aujourd'hui m'accompagne
aussi Julie Audet, qui est conseillère au service de recherche et de condition
féminine pour la CSN, spécialisée en éducation et en enseignement supérieur.
Donc, on souhaite vous remercier de nous avoir
invités à partager notre opinion à la commission. On accueille aussi favorablement la création d'une commission spéciale sur
les impacts des écrans et des réseaux sociaux sur la santé des jeunes et
leur développement. On croit que l'approche transpartisane, ça devrait
favoriser l'identification des pistes d'action qui vont être consensuelles.
C'est nécessaire, considérant, puis on l'a entendu depuis tantôt, là, les
préoccupations sociétales qui entourent la présence des technologies numériques
qui se fait, elle, de plus en plus grande auprès de nos jeunes sans qu'un
encadrement légal et adéquat n'ait été mis en place de quelconque façon.
Pour cette consultation, on a ciblé trois
questions qui touchent directement les lieux d'éducation et d'enseignement
supérieur. Donc, les trois questions sont les suivantes. À quelles fins
recourir aux technologies numériques dans les classes? Comment encadrer
l'utilisation des technologies numériques et le temps d'écran en milieu
scolaire? Comment bien outiller les jeunes et le personnel scolaire pour qu'ils
développent les compétences et un regard critique nécessaires à une utilisation
éclairée des technologies numériques?
Pour la CSN, la réussite éducative et
l'accessibilité à un enseignement de qualité à tous les niveaux doivent être
les bases sur lesquelles prendront assises les balises qui encadreront le
recours aux technologies numériques en classe. Selon nous, cette réflexion
devrait s'inscrire dans la poursuite de deux grands objectifs, soit soutenir
les apprentissages et la réussite éducative et améliorer le fonctionnement des
établissements d'enseignement.
L'innovation n'est pas nécessairement un gage de
succès, et, jusqu'à présent, les preuves de résultats concrets positifs sur
l'apprentissage des enfants et des jeunes restent encore à faire, alors qu'on a
une pléiade de risques qui ont été démontrés, tant sur leur santé que sur leur
développement. Considérant les incertitudes, nous préconisons que toute prise
de décision concernant l'utilisation ou non de ce type d'outil fasse... soit
faite selon un principe de précaution.
Le deuxième thème, il aborde l'encadrement du
temps-écran et s'inscrit dans un contexte plus large de baliser le recours à
ces technologies numériques et à la formation à distance. On croit que c'est
important et pressant de concevoir un cadre de référence à l'intention des
milieux éducatifs afin de baliser l'utilisation des écrans.
Enfin, le troisième volet de notre réflexion
concerne les moyens d'acquérir une meilleure compréhension des technologies
numériques, et ce, tant pour les élèves que pour le personnel scolaire.
Actuellement, on observe des inégalités numériques, c'est-à-dire des
différences au niveau du plan de la familiarité, de l'habileté ou de l'accès.
Le milieu scolaire a donc un rôle important à jouer pour réduire ces disparités
et former des citoyennes et citoyens éclairés, capables d'avoir une pensée
critique.
Je vais donc céder la parole à mes collègues
parce qu'ils travaillent avec ces gens-là qui oeuvrent sur le terrain auprès de
nos jeunes et ils vont donc pouvoir nous parler de ce qui se passe avec nos
jeunes et comment on devrait implanter des
balises et gérer les technologies numériques dans nos classes et dans nos
milieux d'apprentissage.
M. Lapointe (Léandre) : Oui. Alors,
bien, bonjour, tout le monde. Donc, à la Fédération nationale des enseignantes
et des enseignants du Québec, on représente 40 000 enseignants, ça,
c'est du préscolaire jusqu'à l'université, donc, principalement, là, au
collégial, les chargés de cours à l'université, mais surtout 47 syndicats d'établissements d'enseignement privés, qui ont été quand
même particulièrement impliqués dans l'utilisation des technologies dans les
classes dès le début. Je pense que la tenue, là, puis Katia l'a bien dit, de
cette commission parlementaire là, elle est importante parce qu'il est le temps
d'identifier les dérives, d'encadrer l'utilisation des technologies pour le
bien-être des jeunes, dans l'objectif ultime d'assurer la réussite éducative de
nos jeunes.
Les dérives, elles existent en éducation. Les
écrans sont de plus en plus présents dans les classes et le temps d'utilisation croît avec l'usage, notamment dans
les établissements d'enseignement privés, où plusieurs établissements
ont mis de l'avant les technologies, hein, pour se présenter une façade
d'innovation, dans des réseaux où la compétition entre les établissements, elle
est grande, et ce souci-là, d'attirer de la clientèle, comme ils disent,
mettant de côté, malheureusement, des approches pédagogiques signifiantes à
certains égards.
Une fois que la technologie est implantée dans
l'école, bien, les enseignantes et les enseignants reçoivent de la pression de
toutes parts, des directions, des parents, des élèves mêmes, qui souhaitent
avoir une plus grande utilisation de ces écrans-là, souhaitent multiplier les
activités. On a des parents qui souhaitent rentabiliser l'achat qu'ils ont
fait, et ça, souvent, malheureusement sans égard aux apprentissages, aux bonnes
activités pédagogiques ou à l'utilité de la technologie et à l'autonomie
professionnelle de l'enseignante et de l'enseignant, qui sait discréditer la
bonne de la moins bonne utilisation en pédagogie des technologies.
Puis, si on regarde en enseignement supérieur,
c'est la même chose, la multiplication de l'enseignement à distance, hein,
qui... par exemple, pour compenser le manque d'espace, le manque de locaux, pour
compenser le manque de financement et pour élargir ce qu'ils appellent, les
établissements d'enseignement supérieur, le marché étudiant, au détriment, là,
d'une relation pédagogique humaine. C'est d'ailleurs les orientations de la
stratégie québécoise sur l'utilisation des écrans où, dans l'analyse des
recommandations par l'INSPQ... qui nous dit que les écrans devraient servir
dans l'objectif unique pédagogique, devraient être utilisés seulement
lorsqu'ils améliorent l'enseignement et les apprentissages.
Les impacts sur la santé, ils existent. Vous
allez en entendre parler par les divers experts que vous allez rencontrer. Ce qu'on sait maintenant, et ça, c'est
important de le dire, c'est que toutes les utilisations doivent
s'additionner. Que l'utilisation de la technologie soit bonne pour le
divertissement... ou la mauvaise utilisation, on doit maintenant faire la somme
de toutes ces heures-là et non pas soustraire celles de la bonne utilisation.
L'OCDE l'a dit également, une plus grande utilisation des technologies ne se
traduit pas automatiquement par des meilleurs résultats scolaires.
On a souhaité, nous, être positifs, amener des
solutions, et vous allez le retrouver dans notre mémoire, là, à la page 13
et 14, où on vous a présenté un tableau des... je cherche mes mots ici, des
principes directeurs sur l'encadrement. Ce qu'on souhaite faire, puis vous
allez le voir, c'est qu'on souhaite replacer l'être humain au centre de la
relation pédagogique. On souhaite valoriser cette approche-là, que l'outil soit
utilisé par l'humain, que les acteurs soient au centre des décisions et adopter
un principe de précaution dans le seul et unique but d'assurer le bien-être de
nos jeunes et leur réussite éducative.
M. Brun (Frédéric) : Bonjour à vous.
Je représente la Fédération des employées et employés de services publics.
Donc, on représente plusieurs secteurs, mais dont le personnel de soutien, le
personnel de soutien scolaire, quand on parle... dans les centres de services
scolaires, dans les commissions scolaires anglophones, le personnel de soutien
dans les collèges et le personnel de soutien dans les universités. On parle ici
d'environ 45 000 travailleurs et travailleuses, là, qui travaillent
en soutien aux étudiants de différents âges.
Léandre l'a placé d'entrée de jeu par rapport à
la... les écoles privées, le fait... l'accès à la technologie, l'utilisation
grandissante. On n'est pas nécessairement à la même place quand on parle...
dans le réseau public puis dépendamment où est-ce qu'on se retrouve dans le réseau
public. Donc, c'est sûr qu'aujourd'hui on veut amener aussi la réflexion, de
dire... les chances égales de pouvoir se servir de ces différents médias là, de
ces différents écrans là, on l'a vécu.
Tantôt, j'entendais, plus tôt, là, parler de la
période de COVID, de l'intégration, comment ça s'est fait d'un coup, tout ça.
On a des régions au Québec où est-ce que ces jeunes-là n'avaient pas accès à
Internet, qu'on a été obligés de donner des puces pour qu'ils réussissent à
avoir du réseau, qui n'avaient pas nécessairement les bons outils à ce
moment-là. Ça existe. Ça existe, puis pas juste en temps de pandémie. Ça existe
de manière générale, où est-ce que ce n'est pas chaque foyer au Québec qui a
les aménagements pour être capable de se servir des écrans comme ça, d'avoir
les bons écrans puis d'être capable de se servir à ce moment-là de tous les
services qui viennent avec. Donc, on parle ici de chances égales, hein, peu
importe le milieu d'où on vient.
Puis la commission va servir aussi à réfléchir
vers quoi on peut s'en aller, puis quelle est l'utilité, puis pour le bien-être
de tout le monde. Quand on parle de technologies numériques supportées par les
écrans, oui, on parle de temps d'écran, mais il faut départager le temps
d'écran. Il y a certains élèves pour qui ce temps d'écran là est nécessaire à
leur réussite. Quand on parle d'élèves qui ont des problèmes de dyslexie,
dysorthographie, qui ont le droit du tiers
de temps de plus pour faire des examens, tout ça, on doit le compter. C'est du
temps d'écran. Par contre, ce temps-là ne sert pas à la même chose, sert
à la réussite, hein? On est vraiment là où est-ce qu'on en a de besoin.
• (15 h 50) •
La
Présidente (Mme Dionne) : Désolé, oui, je faisais des simagrées. Désolé, le
temps est terminé, mais est-ce qu'il y a consentement pour laisser
terminer monsieur? Allez-y, continuez, concluez.
M. Brun (Frédéric) : Donc, c'est ça,
ça fait que, tout en respectant le besoin des élèves puis de se servir des bons
outils, hein, pour faire le... pour le cheminement scolaire de chacun des
élèves... Quand on parle de... aussi des... on vient toucher l'intelligence
artificielle, il y a certains systèmes qui servent présentement un peu, Vigo,
on le voit, intégrés dans les écoles, avec des
questionnements pour les élèves. Il faut garder en tête, Léandre l'a placé, là,
la relation avec l'humain, la prévention, l'observation, l'orientation de ces
élèves-là, pour travailler autant des comportements que de faire de la
prévention pour les amener un petit peu plus loin.
Je vais m'arrêter là.
Je vais laisser les questions... puis je pourrai continuer.
La Présidente (Mme
Dionne) : Merci beaucoup pour ces informations. Donc, nous allons
débuter la période d'échange avec le député de Marquette.
M. Ciccone : Bonjour à vous quatre. Merci beaucoup d'être là. Je vais
citer une partie de votre mémoire : «Actuellement, des pressions sont
exercées pour accélérer le recours aux nouvelles technologies dans les écoles
et pour devenir des leaders numériques, une impulsion selon laquelle
l'innovation est un gage de succès.» Vous l'avez dit tantôt, et j'avais une
question. Est-ce que ça met de la pression sur vos membres? Vous avez dit oui.
Cependant, est-ce que vos membres, bien outillés, sont ouverts à cette nouvelle
technologie pédagogique là?
M. Lapointe
(Léandre) : Oui, bien, notre position, nous, c'est qu'on n'est pas
technophiles, mais on n'est pas technophobes non plus. Donc, on est
technocritiques. C'est-à-dire que les enseignants sont à même de connaître la bonne utilisation de la technologie. Il y a des
technologies qui aident en éducation, qui accélèrent les apprentissages
et qui les rendent signifiants, c'est-à-dire qu'ils vont rester.
Je vais vous donner
des exemples, l'écriture collaborative. Des fois, les enseignants vont vouloir
faire écrire un texte à plusieurs, tu sais, pour apprendre le sujet amené,
sujet divisé. On va placer... Anciennement, on plaçait trois élèves, quatre
élèves autour d'une feuille puis, avec un crayon, ça n'écrivait pas facilement.
Maintenant, on peut, avec les plateformes, être à plusieurs à écrire un texte.
Chacun a son curseur, et on peut construire, coconstruire un texte, et c'est
ça, une bonne utilisation de la technologie, où, à la sortie de cette
activité-là, le jeune va avoir mieux appris puis il va ressortir une meilleure
compréhension d'une structure de texte.
Il va y avoir
d'autres technologies, je vous dis, il y en a plusieurs, là, mais qui sont des
moins bonnes utilisations... Météormath où, dans le fond, on fait des
additions, puis là il y a des feux d'artifice, des explosions, où qu'il n'y a
pas de plus-value à utiliser la technologie. Donc, on est en train d'activer un
facteur motivationnel, un intérêt qui ne perdure pas dans le temps. Ça, c'est
important de le savoir. Donc, qu'est-ce qu'on gagne à utiliser... Donc, on
vient d'ajouter du temps d'écran pourquoi, dans le fond?
Alors, c'est ça qu'il
faut faire à chaque fois, se dire : Ça, c'est une bonne utilisation, une
moins bonne. C'est pour ça qu'on s'en remet aux acteurs des milieux de
l'éducation à faire justement ces choix stratégiques pertinents, parce qu'on
sait que la somme des heures, elle est comptée. Donc, c'est encore plus
pertinent de bien les utiliser.
M.
Ciccone : Est-ce que vous sentez que ou
est-ce que vous entendez de la part de vos membres qu'ils sont bien formés pour
la nouvelle technologie pédagogique dans les écoles?
M. Lapointe
(Léandre) : Je vais y aller. Bien, de plus en plus. Malheureusement,
on est formés à utiliser les outils. On nous apprend les nouvelles plateformes,
les nouvelles applications, les nouveaux... puis, bon, ces plateformes-là, même
quand on les conçoit et même quand on les utilise, elles évoluent dans le
temps. À un moment donné, tu vois des icônes apparaître dans des applications
que tu utilises depuis longtemps, mais on n'apprend jamais les effets sur la santé, qu'est-ce que ça peut
avoir comme effets négatifs? Je n'ai eu... Moi, ça fait 21 ans que
j'enseigne au secondaire, en troisième secondaire, en sciences. Je n'ai jamais
eu une rencontre, dans une journée pédagogique, où on m'a dit : Faites
attention avec les écrans, si on les utilise trop, ça va avoir ça comme
conséquence. Jamais, mais on me parle de ce que ça aide, qu'est-ce que ça fait,
par exemple.
Donc, on a un
discours qui n'est pas tempéré sur les technologies. Donc, on doit former nos
directions d'école, et nos enseignantes, et
nos enseignants à tout ça, parce qu'il y a des impacts, puis on vient tout
juste d'apprendre... puis, moi, ça fait 10 ans que j'utilise les
technologies dans ma classe, puis on vient tout juste de se faire expliquer que les technologies pourraient avoir des impacts.
Alors, je pense qu'il y a un rattrapage important à faire de ce côté-là.
M.
Ciccone : Dernière question, Mme la
Présidente. Vous avez parlé... Encore sur les outils pédagogiques, là, vous avez dit qu'il n'y a pas de meilleur
résultat scolaire avec les outils pédagogiques. Est-ce que j'ai bien
compris?
M. Lapointe
(Léandre) : Avec les technologies... La science le démontre, hein, au
primaire, on nous dit que l'enseignement à
distance et l'utilisation des technologies peuvent nuire à l'apprentissage. On
nous a dit que la lecture à l'écran
peut nuire à la compréhension d'un texte puis on nous dit que la prise de notes
à l'écran n'a aucun avantage. Donc, oui...
M.
Ciccone : O.K., mais ça n'inclut pas, ça,
les jeunes qui sont en difficultés d'apprentissage, avec des plans
d'intervention, avec les outils pédagogiques, Antidote et autres. Vous ne
parlez pas de ça, là.
M. Lapointe (Léandre) : Non, c'est... vous avez
raison, il y a des outils spécialisés pour certaines problématiques qui
sont très efficaces, ça, tout à fait.
M.
Ciccone : Parfait. Merci beaucoup.
M. Brun
(Frédéric) : ...si je peux me permettre de revenir... Quand on parle
de formation, là, quand on parle du personnel de soutien en éducation, on parle
des services en adaptation scolaire, les milieux... en services de garde dans
le milieu scolaire. La formation, ça évolue vite. Quelqu'un qui n'est pas
habitué de se servir de cette technologie-là... Il y a un manque de formation,
puis cette formation-là... Plus tôt, là, j'entendais l'avant-dernière personne
qui intervenait dire : Bien, tout ce qui est de la prévention, de savoir
qu'est-ce qui en est, comment s'en servir puis comment mettre des balises au
travers de ça... Je pense qu'il faut aussi équiper les travailleurs puis les
travailleuses qui interviennent avec ces jeunes-là, puis pas juste à
l'intérieur de la classe, parce que, quand on sort à l'extérieur de la classe,
là, on tombe avec tous les réseaux sociaux, ces choses-là.
À la commission scolaire de Montréal, il y a une
intervenante que son travail, c'est vraiment d'être avec les jeunes, de faire
de la prévention et de voir aux réseaux sociaux, qu'est-ce qui se passe, pour
faire un suivi avec les élèves, et son travail... elle dit : Je ne peux
pas me déconnecter à 16 h 30 parce que ça continue, les murs de
l'école ne sont pas étanches, ça continue en dehors des heures d'école. Donc,
il faut le garder en tête. Puis ces formations-là sont nécessaires pour tout le
monde, puis on est capables de dire comment ça a évolué, là. J'ai fin
quarantaine, il n'y avait rien, mes filles en avaient plus. Puis, aujourd'hui,
quand on regarde un enfant qui a cinq, six ans, il prend ton téléphone, puis il
t'a vu faire, puis il... Donc, c'est cette évolution-là... qu'il faut former
les gens, parce que ça évolue trop vite, là, par exemple.
M. Ciccone : Merci beaucoup, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup. Je passe maintenant la parole à la députée de Hull.
Mme Tremblay : Bonjour. Vous avez
parlé du personnel de soutien. Ça inclut aussi, si je ne me trompe pas, les
éducateurs spécialisés, TTS. Ça en fait partie. Je vais me concentrer beaucoup
sur eux dans ma prochaine question parce qu'ils sont des intervenants
importants dans une école. C'est eux, souvent, qui vont recevoir les jeunes,
notamment, qui pourraient avoir peut-être de la dépendance, souvent, quand ça
ne fonctionne pas dans la classe, notamment, parce qu'ils ont utilisé trop leur
téléphone, puis que c'est répétitif. Tu sais, c'est eux qui vont se... tu sais,
qui vont souvent agir derrière l'enseignant puis l'enseignante. Leur rôle est
tellement important.
Moi, j'aimerais ça voir, dans l'expérience que
vous avez, parce que vous les représentez, dans une école, eux, c'est quoi,
leur vision? Est-ce qu'ils ont mis des bons mécanismes de prévention, de
sensibilisation? C'est quoi, leur position?
Puis, quand on prend des décisions... Par exemple, vous savez, là, dans la
classe, on le sait, maintenant, l'utilisation
du cellulaire n'est plus autorisée. Ça a quoi comme impact, pour eux, sur leur
charge de travail, mais aussi dans leur... pas juste dans leur charge,
mais dans leur travail auprès des jeunes? Ça fait que je veux voir un peu la position de ce personnel-là qui est un... qui ont
un rôle très... qui sont un des premiers intervenants auprès des jeunes
aussi.
M. Brun (Frédéric) : Je vais essayer
de reprendre... parce qu'il y a beaucoup, beaucoup d'éléments dans ce que vous
amenez, là.
Mme Tremblay : Je vais vite, hein?
M. Brun (Frédéric) : On va parler de
prévention. Puis là vous nous amenez aussi sur le fait que, bon, il y a une règle qui est descendue, là, depuis le
printemps dernier, de plus d'utilisation dans les écoles. Il y a des équipes-écoles
qui ont une expertise, à savoir c'est quoi,
l'utilisation qui devrait être faite puis comment qu'elle devrait être faite.
Il y a une règle générale, mais chaque milieu est différent, là.
J'entendais plus tôt la même chose. Il n'y a pas un milieu qui est identique.
Donc, il faut
le garder en tête, de faire de la prévention, de dire qu'il y a des règles,
puis d'appliquer ces règles-là, si... Il y a des écoles, présentement,
cette année, qui ont interdit d'emblée le cellulaire à l'école. Je veux dire,
tout le monde est au courant. Il y a des élèves qui ont été orientés dans ces
écoles-là et qui l'ont appris le matin même. Ces élèves-là... Sûrement que ça a
été dit, mais, comme plusieurs élèves, sûrement plusieurs parents, qui sont
pressés, puis j'ai été de ceux-là, on a écouté à moitié, puis c'est correct.
C'est une rentrée scolaire un peu comme les autres. Il y a des... Ça génère des
réactions chez ces jeunes-là. Donc, il faut faire de la prévention puis il faut
être capable de faire le travail sur le terrain.
• (16 heures) •
Puis, vous l'avez dit, si les heures de
l'équipe, hein, qui est là, qui est complémentaire, parce que le personnel de
soutien, le personnel enseignant, le personnel professionnel sont
complémentaires un envers les autres... Il faut qu'ils aient le temps de
pouvoir faire ce travail-là. Donc, il faut leur donner le temps de peut-être
expliquer, faire la prévention, être en support dans la classe. Puis peut-être
qu'il y a certains élèves, étudiants, étudiantes, pour qui c'est plus
difficile, que leur réalité personnelle, que leurs défis personnels font en
sorte que... de se faire dire : Tu ne peux pas entrer à l'école avec un
cellulaire ou tu ne peux pas l'avoir en classe. Parce qu'il ne faut pas se
cacher, là, ça fait longtemps que de...
certains regroupements... C'est un moyen pour certains élèves de se calmer, de
se recentrer, que ce soit pour écouter de la musique, que ce soit un jeu
de patience.
De formation, je suis éducateur spécialisé, là.
J'ai travaillé dans des classes avec des jeunes avec des problèmes en
psychopathologie, bien, ça faisait partie. Tantôt... Quand on entend... les
écrans faisaient partie de quelque chose qui était calmant, il faut savoir à
quoi ça sert exactement, puis leur donner le temps d'intervenir, puis de faire
des groupes avec ces élèves-là. Peut-être que ces éducatrices spécialisées là,
ces techniciennes en travail social là doivent avoir du
temps pour rencontrer ces élèves-là en dehors de la classe, faire des groupes.
Puis il y a peut-être, pour certains élèves, qu'il faut mettre en place
d'autres moyens pour faire en sorte que l'adaptation se fasse puis qu'on puisse
faire un travail avec eux, et non pas juste être, je vais dire, dans la
répression, de dire : Bien, il n'y a plus de cellulaire à l'école où il
n'y en a plus en classe. C'est plus compliqué que ça.
Mme Tremblay : Merci. J'aurais une
dernière question. Vous avez parlé, bon, de la technologie, des outils
pédagogiques, il faut que ça apporte un plus à l'enseignement. Donc, tu sais,
on n'est pas dans les feux d'artifice, là, vous l'avez bien nommé, là, ce n'est
pas ça, par rapport au contexte d'écriture que vous avez nommé, qui était très
pertinent pour nous faire comprendre qu'est-ce qu'il en est. Donc... Puis, bon,
l'INSPQ va dans le même sens, hein? Ça ne doit pas être des méthodes
d'enseignement par défaut. Il y a également, là, même l'UNESCO, là, qui a dit
qu'il y a peu de preuves de valeur ajoutée de la technologie en éducation, tu
sais. Puis c'est des réflexions récentes, hein? Ça avance très, très vite.
Puis là vous venez avec un cadre de référence.
Vous dites : Bien, écoute, ça serait bien qu'il y ait des balises. Ce
matin, on a reçu, là, des parents, le comité de parents. Eux aussi
disaient : Oui, tu sais, des balises, des grandes lignes, mais, en même temps,
ils nous mentionnaient que c'était important de laisser, après ça, à chaque
école, à partir de ces balises-là, de
discuter des modalités parce que chaque milieu est différent. Il y a des
milieux ruraux, il y a des milieux plus au centre-ville, il y a des
écoles de 3 000 élèves. Donc, tu sais, il y a... bon, ça peut être
très différent.
Vous, vous en pensez quoi, donc? Oui, pour le
cadre de référence, j'ai compris que vous êtes en accord, mais après ça, de
permettre, justement, une marge de manoeuvre dans chacune des écoles? Comment
vous voyez ça?
Mme Lelièvre (Katia) : Bien, je vais
laisser Léandre continuer mon bout, là, mais je vais commencer en disant que,
pour nous, c'est évident que chaque école est différente. Puis les enseignants,
ils ont des classes, aussi, différentes, des matières différentes, ça fait que
ça va même au-delà de la classe. On n'enseigne pas le français de la même façon
qu'on enseigne, par exemple, l'histoire, ou la géographie, ou les
mathématiques. Donc, au-delà... C'est plus que le milieu, c'est même de...
chacun des professeurs devrait avoir la liberté puis la latitude de regarder,
mais selon des balises qui sont établies.
M. Lapointe (Léandre) : Bien,
exactement. On est tout à fait d'accord avec ça. C'est que chaque école, chaque
milieu, chaque équipe-école doit, à partir de principes d'encadrement, établir
quelle sera la politique locale, je pense.
Parce que ce n'est pas vrai que les enjeux en Gaspésie, ou au Lac-Saint-Jean, ou dans Rosemont—Petite-Patrie,
ce seront les mêmes enjeux, dans l'utilisation de l'écran, les problématiques
que ces écrans-là vont créer chez leurs jeunes. Donc, c'est à eux, qui seront à
même d'identifier quelles sont nos problématiques, qu'est-ce qu'on fait ici,
quel sera le type d'utilisation. Ça fait qu'on est tout à fait en accord avec
ça.
Mme Tremblay : Merci.
La
Présidente (Mme Dionne) : Merci. Je passe maintenant la parole à M. le
député de Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc : Merci beaucoup, Mme la
Présidente. Je fais un bout de chemin sur ce que vous venez d'échanger. Donc,
tantôt, j'ai aussi posé la question : C'est quoi, la bonne échelle? Là, je
comprends que vous dites, si on est pour faire des politiques publiques
d'interdiction, par exemple, ce n'est pas tant la classe, ou la commission
scolaire, ou le Québec, mais plutôt l'école qui est le bon dénominateur commun
à choisir?
M. Lapointe (Léandre) : Bien, moi,
je pense qu'il devra y avoir des encadrements à tous les niveaux. Je pense que
l'éducation, par exemple, c'est pour tous, c'est pour tout le monde, dans le
sens que...
Tu sais, je nous entendais discuter tout à
l'heure sur, bien, c'est quoi, le rôle, là, pour limiter les GAFA ou les plateformes.
Qu'est-ce que... C'est quoi, notre... Bien, je pense que, derrière tout ça, il
faut outiller nos jeunes à se protéger, à comprendre puis à manipuler eux-mêmes
les algorithmes qui essaient de les manipuler, se sortir des chambres d'écho de
leurs réseaux sociaux puis devenir intelligents à l'utilisation.
J'entendais, ce matin, une dame dire :
Bien, je ne suis pas capable... une jeune dire : Je ne suis pas capable...
Je veux arrêter de voir des vidéos de guerre. Bien, quelqu'un qui comprend
l'algorithme de TikTok est capable de le manipuler, puis il n'y en aura plus,
de vidéo. C'est très simple. Il s'agit de savoir, puis on manipule l'algorithme
puis on devient maîtres du réseau social. Donc, ça, ça passe par l'éducation.
Donc, une fois que j'ai dit ça, je pense qu'il doit y avoir des règles, là,
générales, mais, ensuite, localement, il doit y avoir une latitude où...
Par exemple, à Montréal-Nord, on souhaiterait
intervenir sur telle utilisation, telle problématique versus une région. Donc
là, je pense que les milieux, les réseaux et les acteurs locaux devront avoir
la latitude de pouvoir aller sur quelque chose de plus pointu qu'une autre
personne. Donc, il y a une espèce d'encadrement qui peut... qui est souple, je
vais utiliser le mot.
M. Leduc : Est-ce que j'en déduis,
donc, que vous n'êtes pas tellement dans l'interdiction, par exemple, le
cellulaire en classe?
M. Lapointe (Léandre) : Bien,
oui, on pense qu'il doit y avoir quand même des règles qui aident certains
milieux, mais tout ça doit passer par l'éducation.
M. Leduc : Je
comprends.
M. Lapointe (Léandre) : Tu sais,
avant d'interdire, on doit expliquer pourquoi on interdit.
M. Leduc : Bien sûr. Mais donc
pas de fermeture non plus à l'interdiction en classe?
M. Lapointe (Léandre) : Bien
sûr que non.
M. Leduc : Puis là, dans...
mettons, l'interdiction totale dans une école, là est-ce que ça va un peu trop
loin? Tantôt, il y avait peut-être une piste de réflexion là-dessus?
M. Brun
(Frédéric) : Non. Bien, ce n'est pas tant l'interdiction
totale, c'est comment on le fait. Puis peut-être que, pour ce milieu-là,
c'était la bonne chose à faire puis c'était le bon choix.
Je ferais le parallèle avec quand on recule de
25 ans. Les écoles n'étaient pas nécessairement dotées d'un plan de lutte
à l'intimidation comme qu'on vit aujourd'hui, hein? Ça a évolué. Aujourd'hui,
systématiquement, chaque école, centre de services scolaire, commission
scolaire développe son plan de lutte. C'est peut-être la même chose qu'il faut
réfléchir par rapport à tout ce qui est... si on prend l'exemple du cellulaire
ou de la tablette, les écrans, de voir où est-ce que c'est accessible, dans
quel moment qu'on peut s'en servir puis à quelle hauteur. Parce qu'on a
tendance à le réfléchir comme on parle de polyvalentes avec des élèves sans
difficulté particulière, mais on peut parler d'écoles où est-ce que c'est des
jeunes avec un trouble du spectre de l'autisme, avec une déficience
intellectuelle, puis l'utilisation qui est faite de ces écrans-là n'est
vraiment pas à la même place que dans une classe régulière avec même un élève
qui fait de la dyslexie ou de la dysorthographie.
Je vais vous donner l'exemple d'avoir été dans
une de ces écoles-là. Ils ont des animaux dans la classe, qu'ils font venir,
des lézards, entre autres. C'est des jeunes que les sensations sont difficiles,
hein, le chaud, le froid, la texture.
L'intervenante prend la tablette, met la tablette en avant du lézard, le jeune
flatte la tablette; enlève la tablette, puis il continue à flatter le
lézard. C'est un outil de travail. Pourtant, durant la journée, il se sert de
cette tablette-là plus qu'une fois. Il est devant un écran. Il regarde, il fait
des actions, il fait des gestes, il évolue au travers de ça, mais c'est un besoin. Dans cette école-là, de
dire : On ne peut pas s'en servir, c'est non mur à mur, ça ne ferait pas
de sens.
M. Leduc : Donc là, je déduis
que vous y allez plus au niveau d'une école. Si un ministre disait : Moi,
j'interdis ça à la grandeur du Québec, on n'irait pas dans la bonne direction,
là.
M. Brun (Frédéric) : Je ne
crois pas.
M. Leduc : O.K. Est-ce qu'il y
aurait encore un peu de temps? Oui?
La Présidente (Mme Dionne) : Allez-y.
Allez-y.
M. Lapointe (Léandre) : Si je
peux ajouter là-dessus...
M. Leduc : Allez-y donc.
M. Lapointe (Léandre) : ...je
pense que les interdictions actuelles, par exemple, il y a quand même... On
dit : Si c'est pour la pédagogie, tu sais... bon, je pense que c'est là...
M. Leduc : Oui, oui, oui. C'est
balisé quand même.
M. Lapointe (Léandre) : Exactement.
M. Leduc : O.K. Mais plus que
ça, on commence à aller peut-être un peu trop loin.
M. Lapointe (Léandre) : Mais ce
qui est important dans tout ça, là, c'est que n'importe quelle interdiction
doit s'accompagner d'une compréhension de l'interdiction. C'est hyperimportant.
Si on veut susciter l'adhésion d'une interdiction, on doit la comprendre. Donc,
si la science est derrière pour nous dire : Voici pourquoi, puis qu'on
place ça aux jeunes... Tu sais, dans nos écoles, on interdit les cellulaires,
mais les enseignants, ils ont un cellulaire sur
leur bureau. Puis là il y a des jeunes qui ne comprennent pas, mais il faut
l'expliquer, ça. Bien, pourquoi? Parce que, s'il y a une urgence, là,
moi, j'ai le 911, là, au bout de mon... Je peux... Si quelqu'un s'évanouit puis
que j'ai besoin d'aide, j'ai besoin de ça. Tu sais, il y a des raisons qui
expliquent. Puis, quand le jeune comprend ça, c'est fini, puis... Ça fait qu'il
faut expliquer l'interdiction pour faire susciter l'adhésion, tout simplement.
Puis, ça, c'est pour tout.
M. Leduc : L'autre débat qui
est sous-jacent à ce thème-là, c'est la majorité numérique. Il y en a qui
disent 16 ans, 14 ans. Il y a des initiatives un peu partout dans le
monde. Avez-vous une position là-dessus?
Une voix : On a...
M. Lapointe
(Léandre) : Bien, nous, on a une expérience empirique, là. Je vous
dirais qu'on s'en remet à la science pour ces réponses-là. Je vous dirais que,
nous, c'est ce qu'on veut. On a besoin de savoir, parce qu'on les voit, les
impacts, puis on les voit, que, pour un... d'un jeune à l'autre, il n'y a pas
le même impact. Ça fait que la science, elle est hyperimportante pour nous
guider dans tout ça, puis on va la suivre.
M. Leduc : Il faut faire
attention à des solutions mur à mur appliquées, là, pour tout le monde. Il faut
de la nuance, il faut des zones grises. Merci.
Mme Lelièvre (Katia) : Puis, si
je peux me permettre, il en va de même aussi avec l'IA, hein? L'IA, le
développement est très, très rapide, puis il n'y a pas d'encadrement. Puis là
ça amène aussi la question de nos jeunes, à qui on essaie de donner un sens
critique, de dire... une capacité de penser par eux autres mêmes, puis de
réflexion, qui sont... Puis là on n'a pas
tant que ça parlé de ça dans notre mémoire parce qu'on s'est cantonnés à
l'école, mais ça amène toute la réflexion. L'école a le rôle de
former des citoyens, des gens qui sont capables de réfléchir. Et, si on ne
balise pas l'ensemble de l'IA, bien, ces
gens-là sont exposés à toutes sortes de faussetés, d'informations qui ne sont
absolument pas vraies et qui remettent en cause la pensée critique puis
possiblement, même, beaucoup plus de choses que ça.
Donc, je voulais juste prendre le temps de dire
qu'il y a la technologie numérique, là, mais, l'IA, il faut trouver une façon
aussi de l'encadrer parce que ça va très, très vite, puis actuellement c'est...
c'est ça, l'encadrement est très limité, malgré que tout le secteur de
l'éducation et de l'enseignement supérieur lève la main depuis deux ans pour
dire : Ça nous prend des balises rapidement, des balises rapidement.
• (16 h 10) •
M. Leduc : Peut-être une petite
dernière, rapide, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Dionne) : Oui,
allez-y.
M. Leduc : Est-ce que l'arrivée des
tablettes, téléphones et autres a eu des impacts sur le droit du travail pour les gens que vous représentez? Il y a-tu des
nouveaux... nouvelles sortes de griefs qui sont déposés ou... Qu'est-ce
que ça peut avoir comme impact? Peut-être qu'il n'y en a pas, là. Je vous pose
la question.
M. Lapointe (Léandre) : Bien oui.
C'est parce qu'on reçoit maintenant... Donc, vous ne serez pas surpris
d'entendre que, dans les conventions collectives, on veut faire rentrer des
principes comme le droit à la déconnexion. Donc, maintenant, avec la
messagerie... Avant, c'étaient les courriels. Maintenant, on a la messagerie
instantanée, où les jeunes peuvent entrer en contact avec leur enseignante et
enseignant un samedi matin, puis tu as une notification, donc... Puis est-ce
que je réponds? Est-ce que je réponds maintenant? Si je ne réponds pas, si je
réponds à un autre, tu sais? Alors, il y a ce principe-là, où est-ce que, bien,
il faut se protéger. Il y a une question de santé et sécurité derrière où
est-ce que, oui, on a besoin aussi de se déconnecter, puis pour l'élève aussi.
Donc, le jeune, là, qui est stressé, un samedi matin, puis qui écrit à son
enseignante pour avoir une réponse immédiatement, là, qu'est-ce qui se passe,
tu sais? Donc, il y a tout ça. Ça fait que, oui, il y a des inquiétudes et des
griefs sur l'hyperconnectivité et l'hypertravail qui est lié à l'entrée massive
des technologies dans notre travail.
M. Brun (Frédéric) : On fait juste
prendre l'évolution dans les 10 dernières années. Quand on regarde,
souvent... Tantôt, on parlait d'intervenants, là, des techniciennes en
éducation spécialisée, techniciennes en travail social qui, voilà environ
10 ans, s'ouvraient un compte Facebook intervenant pour, avec les élèves,
être en contact avec les parents. Il n'y a plus de limite là non plus, à un
moment donné, parce que, s'il est arrivé quelque chose, le jeune arrive à la
maison, le parent écrit le soir, le jeune veut écrire le soir, il va
avoir : Je vis de l'anxiété, j'ai des difficultés. C'est en continu. Donc,
où est-ce que je l'ai vu, ça exerce une pression sur nos membres, sur les
travailleuses puis les travailleurs, de dire : Bien, il m'a écrit, est-ce
que je réponds, je ne réponds pas? On est samedi, on est jeudi soir, qu'est-ce
qu'on en fait, avec ça?
Je pense que ces balises-là... Puis se donner
les bons outils. Puis, les bons outils, il faut aussi faire attention, plutôt
que de se dire, par rapport à l'intelligence artificielle, de ne pas juste se
servir de plateformes d'intelligence artificielle parce qu'on n'est plus
dans... Je l'ai dit au début, là, on n'est plus dans la prévention, dans
l'observation pour faire en sorte d'amener un élève... de le faire cheminer. Il
y a une nuance entre quelqu'un qui voit qu'il a des difficultés, puis je veux
aller me chercher de l'aide, puis là il y a plein de types d'aide qui arrivent,
puis versus l'humain qui observe, qui dit : Cette personne-là a besoin
d'aide, je vais l'approcher, je vais créer un contact, créer une relation de confiance,
puis, à partir de là, être capables d'évoluer.
Donc, il faut garder... Je pense que
l'important, puis Léandre l'a placé, là... mais de garder l'humain au milieu de
ça. Oui, il y a les temps d'écran, le temps qu'on accorde à la technologie,
mais, l'humain, qu'est-ce qu'on fait, les relations sociales? Ces personnes-là,
ces humains-là, là, quand ils vont arriver dans la société, bien, il faut
qu'ils soient capables d'interagir avec les autres. Puis je pense que le milieu
scolaire, le milieu de l'éducation sert à ça, à créer les citoyens de demain,
là.
La
Présidente (Mme Dionne) : Est-ce qu'il y a d'autres questions de la part des
membres? Oui, Mme la députée.
Mme
Prass : Moi, j'aurais deux questions. Dans les suggestions
que vous avez faites, les principes directeurs, vous parlez de mettre en
place un processus d'évaluation. C'est quoi, au juste, que vous voudriez
évaluer? Est-ce que c'est l'aspect positif, par exemple,
des outils, des écrans, etc.? Je voudrais juste savoir c'est sur quoi que vous
voulez vraiment vous concentrer à cet égard-là.
Mme Audet (Julie) : Oui.
Mme Prass : C'est le dernier?
Mme Audet (Julie) : Oui, c'est le
dernier, parce que ça vient un peu... Quand... Lorsqu'on met en place un
processus ou un projet pilote où on utilise... on l'a vu même avec les
tablettes numériques dans les écoles privées, à un moment donné, on s'est rendu
compte que... les écoles privées se rendent compte que ça ne fonctionne plus,
et ils reculent maintenant, il y en a qui ont arrêté de l'utiliser.
Donc, avoir un processus d'évaluation, c'est
dire : On a pris une nouvelle application. Est-ce que ça fonctionne?
Est-ce que ça ne fonctionne pas? Est-ce qu'on l'a bien encadrée? Est-ce qu'on a
donné les outils nécessaires? Donc, le processus d'évaluation doit se faire
pendant la mise en oeuvre, mais aussi après pour voir une rétroaction. Donc,
est-ce qu'on continue, est-ce qu'on améliore ou on arrête parce que ce n'était
pas un bon choix numérique qu'on vient de faire? Donc, c'est ça, l'idée d'avoir
un processus d'évaluation.
Il va se faire aussi selon : Est-ce que ça
s'est fait... le choix s'est fait au niveau de la classe, s'est fait au niveau
de l'école, du centre de services scolaire ou au national? Puis c'était un peu
ça, les principes directeurs, c'est : peu importe où on met nos lignes
directrices, parce je crois qu'il peut... selon l'ampleur, ça peut être au
niveau national... il va y avoir certains enjeux qu'on va vouloir baliser d'une
manière même légale. Des fois, ça peut être des grandes lignes ministérielles
ou de centres de services scolaires, d'autres, des applications qui deviennent
vraiment plus ponctuelles, puis là on se dit : Bien, ces lignes
directrices là, on va les appliquer à l'école. Donc, l'évaluation, elle se fait
à chacun des niveaux.
Mme Prass : Et est-ce que, par
exemple, dans le cas... Vous avez dit : Il y a des écoles qui ont reculé.
Est-ce que c'était, par exemple, qu'on ne voyait pas une progression des notes?
Ma question, c'est plus : Concrètement, qu'est-ce que vous allez regarder
dans le cadre de l'évaluation pour juger si c'est réussi ou non?
Mme Audet (Julie) : Bien, en fait,
l'objectif qu'on disait, lorsqu'on y recourt, c'est le bien-être puis c'est la
réussite éducative. Donc, est-ce qu'on a vu que, les jeunes, ça les aidait?
Puis la réussite éducative, ce n'est pas juste la réussite scolaire, donc ce
n'est pas juste une question de notes, mais c'est aussi un autre impact sur la
socialisation, sur l'anxiété, tout ça. Donc, c'est ce qu'on va évaluer, est-ce
que, vraiment, on voit que, les jeunes dans la classe, ça les aide ou pas, puis
on revient un peu à l'essence, c'était quoi, notre objectif. Si l'objectif, au
début, n'était pas le bon, puis c'était faire de l'argent, bien, peut-être que
ça sera un autre processus d'évaluation, mais ce n'est pas là où on veut aller,
là. Donc, c'est reprendre la base des choses.
Mme Prass : O.K., merci.
M. Lapointe (Léandre) : Peut-être
vous donner un exemple concret. Dans le fond, c'est d'avoir des boucles de
rétroaction, hein, l'évaluation. C'est qu'une technologie on pense qu'elle va
être utile, et elle l'est, puis, à force de l'utiliser, on s'aperçoit qu'elle
amène des dérives qu'on n'avait pas prévues. Donc, ces évaluations le
permettent.
Je vous donne un exemple, l'agenda électronique
qu'il y a dans certaines écoles, où, par exemple, moi, je suis un prof de
sciences puis je donne un devoir à mes élèves. Ils n'ont pas à l'écrire. Je
publie mon devoir dans tous les agendas de tous les jeunes. Ça fait que c'est
magnifique, ça va vite. Il n'y a plus un jeune qui peut me dire : Ah! je
ne l'ai pas écrit dans mon agenda, c'est pour ça que je n'ai pas fait mon
devoir. Ça fait que c'est magnifique. Les gens aiment ça. Ça accélère, on
avance, bon.
On s'aperçoit avec les années que, oh! il y a
des gens qui se désinvestissent, qui planifient moins bien leurs
apprentissages, qui... L'agenda est rendu quelque chose... Ils ne sont plus...
Quand tu planifies, quand tu prends... tu fais le geste d'écrire dans ton
agenda, tu vois ce qui s'en vient, et ça forge la planification des
apprentissages, ce qu'on perd avec l'agenda électronique.
Ça fait que ces évaluations-là, ces boucles de
rétroaction, nous permettent d'ajuster, justement, comme Julie l'a très bien
dit.
Mme Prass : Parfait. Puis mon autre
question... On discutait un petit peu avant avec un autre groupe le concept des
écrans comme récompense, et ma question, c'était : Est-ce que, justement,
on ne renforce pas cette idée que l'écran, c'est l'ultime récompense,
justement, et donc on donne le mauvais exemple? Ça devrait plutôt être aller
au... peut-être dans la gymnastique, au gymnase, aller à l'extérieur, quoi que
ce soit, donc, parce que... Dans les écoles, est-ce que, vous, vous serez
contre l'idée des écrans comme récompense?
M. Lapointe (Léandre) : Bien, nous,
comme la réponse que vous avez eue tantôt, on va s'en remettre à la science.
Mais, maintenant, ce qu'on réfléchit, c'est qu'on se dit : Quand on fait
une récompense, quelle est-elle, cette récompense-là? S'il faut la mettre au
divertissement, bien, il doit y avoir plusieurs sortes de divertissement qui
peut appartenir à un jeune, si c'est de l'activité physique, si c'est des arts.
Peut-être que la tablette peut rentrer là-dedans, mais il va falloir que la
tablette soit... Bien, c'est quoi... combien d'heures il a eu dans la journée?
Est-ce que les... Tu sais, il faudrait que ce soit balisé
si c'est un des divertissements. Mais, si la science nous dit que ça valorise
une utilisation qui devient peut-être... qui projette vers la dépendance ou
vers des... nous, on n'embarquera pas. Ça fait que c'est pour ça que... Voilà.
Mme Prass : O.K. Merci. Allez-y, je
vous en prie.
M. Brun (Frédéric) : Il y a quand
même une... Il y a quand même une évolution, là. Quand on regarde, là, ça a
été... si on revient dans le passé, des locaux d'informatique ouverts à l'heure
du dîner comme activité, ça n'existe plus, hein, des périodes récompenses, ou
cadeaux, ou mérites du vendredi qui étaient les quatre ordinateurs dans la classe à gérer, 12 minutes chaque
pour être sûr que tout le monde a pu aller y toucher, puis tout ça. Ça a
évolué.
Après ça, Léandre l'a placé, là, l'accessibilité
aussi autour à qu'est-ce qu'on donne comme activités, puis tout ça. Est-ce
qu'on a du personnel en loisir qui est là pour l'heure du dîner pour mettre des
activités aussi diverses qu'elles peuvent être pour rejoindre plein de jeunes?
Bien, c'est un peu la même chose quand on arrive... Peut-être que l'évolution
va faire en sorte que la période de récompense ne sera pas pour tout le monde
la dernière période le vendredi parce que le gymnase, il risque de ne pas être
accessible à beaucoup d'élèves. Donc, tu sais, c'est ça aussi, des fois. C'est
de réinventer un peu puis de le réfléchir autrement, là.
Mme Prass : Merci.
M. Brun (Frédéric) : De rien.
La Présidente (Mme Dionne) : Mme la
députée de Bourassa-Sauvé.
Mme Cadet : Merci, Mme la
Présidente. Merci à vous d'être avec nous aujourd'hui. Justement sur la
question d'écrans récompenses, juste pour continuer, est-ce que vous avez une
idée, un peu, donc, de la prévalence du phénomène? Je pense que, ce matin,
donc, le groupe qui est venu nous en parler, donc... donc, semblait dire, donc,
parfois qu'on utilisait, donc, l'écran comme une gardienne ou qu'on n'était
plus dans la notion de récompense comme élément, donc, de... donc plus
ponctuel, mais qu'il y avait une mécanique plus prépondérante. Est-ce que c'est
votre analyse dans le réseau?
• (16 h 20) •
M. Brun (Frédéric) : Ce serait dur,
là, de dire comment c'est... Je reprendrais des mots qu'on a dits tantôt, de
dire : Chaque école a une expertise puis un fonctionnement dans chacune
des écoles, là. Donc, c'est dur de faire un portrait qui est général un petit
peu partout à comment que les écrans sont utilisés en termes de récompense, là,
si on parle de récompense, là.
Puis je
ferais un parallèle avec nos milieux de service de garde scolaire, qu'à
l'époque, c'était commun d'écouter un
film une fois par semaine puis d'avoir accès à ça. C'était une récompense
service de garde. Aujourd'hui, nos milieux de service de garde éducatif, du temps d'ordinateur, du... un film, ça
n'existe peu ou pas, où on va jouer dans des occasions, Noël, Pâques, la fin de l'année, une fête. Donc,
ça serait dur de se prononcer sur vraiment comment que c'est géré, là.
Mme Cadet : Et, dans ce cadre-là,
puisque plus tôt, donc, on nous disait, donc... évidemment, on se disait :
Est-ce que le gouvernement du Québec devrait émettre une directive? Est-ce que
c'est quelque chose qui devrait être déployé et être à la discrétion des conseils
d'établissement? Est-ce que vous avez une opinion sur le rôle que l'État, donc,
devrait jouer dans l'établissement de balises pour les écrans récompenses?
M. Lapointe (Léandre) : Bien, on va
répéter un peu ce qu'on a dit tantôt, on a des balises qui soit... puis qu'on
s'en remet au milieu, je pense, les activités...
Mme Cadet : Au milieu.
M. Lapointe (Léandre) : Au milieu.
Les activités récompense écran, ça a évolué beaucoup, on en voit de moins en
moins, là. Les jeunes, pour eux, ils sont tellement habitués aux écrans... bon.
Ce qu'on voit, c'est des Kahoot!, là, qui vont être faits. Je ne sais pas si
vous êtes... C'est que, dans le fond, c'est comme un sondage, là, puis, bon, on
fait des jeux avec ça des fois un vendredi pour... mais ce n'est pas... le
jeune, lancer... Puis on a eu ça, hein, 2014,
2013, quand les tablettes sont rentrées en classe, là, puis là c'était... quand
c'était permis tous azimuts là, puis on se retrouvait avec des jeunes qui jouaient, sur l'heure du midi, à Angry
Birds puis à des affaires, puis tout de suite les milieux ont réagi.
Puis ça n'existe peu ou pas aujourd'hui. Ça fait que ces dérives-là n'existent
pas, pas celles-là, en tout cas.
Mme Cadet : O.K. Merci. Puis sur...
En fait, dans votre exposé, initialement, donc, vous avez pris la peine, donc,
de souligner qu'à l'inverse, en fait, du groupe précédent, donc, vous disiez
donc : Tout temps d'écran doit être comptabilisé. Donc, il n'y a pas,
donc, de distinction à faire entre du bon temps d'écran ou du mauvais temps
d'écran. J'aimerais que vous élaboriez là-dessus.
M. Lapointe (Léandre) : Oui. Bien,
écoutez, 2016‑2017, hein, quand on se référait aux experts pour connaître la
bonne utilisation, on nous parlait de ça. Quand c'était de la bonne utilisation
en classe, on n'avait pas à compter le nombre d'heures.
Maintenant, aujourd'hui, ce n'est plus ça. On additionne toutes les heures, que
ce soit en classe, pour une bonne utilisation, ou sur... à l'extérieur. Donc,
ça a changé la perspective, ce qui justifie encore plus, je vous dirais, que ce
temps-là doit être bien utilisé, donc qui justifie encore plus le fait que...
bien, qu'on soit informés de ça, puis que, bien, le temps qu'on aura, si les
experts nous disent que ça ne doit pas dépasser de telle heure à... tel nombre
d'heures pour tel groupe d'âge, bien, il va falloir que les équipes-écoles
s'assurent que ce temps-là soit bien utilisé puis à bon escient.
Mme Cadet : Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : 20 secondes.
Alors, si quelqu'un veut conclure ou vous avez d'autres questions, Mme la
députée?
Mme Cadet : Ça va pour moi. Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Dionne) : Est-ce
que vous aimeriez dire le mot de la fin?
Mme Lelièvre (Katia) : Bien, en
fait, quoi que ce soit... quelle que soit la technologie qu'on met dans nos
écoles, il faut se souvenir que ces jeunes-là qui arrivent, ils ont besoin des
humains pour les encadrer. On ne peut pas encadrer l'éducation avec des
tablettes, avec des technologies numériques. Puis, tout à l'heure, ça sera
peut-être des lunettes ou des... On ne sait pas où est-ce qu'on va être rendus.
D'ailleurs, on n'utilisait pas beaucoup le terme «écran» parce que, pour nous,
c'est des technologies numériques. L'écran, ce n'est qu'un support.
Ça fait que
je pense qu'il faut garder l'école à échelle humaine, et l'objectif... Puis il
y a des choses qu'il n'y a que les
humains qui vont comprendre. Jamais une machine ne pourra arriver à donner la
même éducation qu'un être humain.
La Présidente (Mme Dionne) : Vous
avez bien raison. Alors, merci beaucoup pour votre contribution à cette
commission.
Pour notre part, bien, la commission ajourne ces
travaux jusqu'au lundi 16 septembre, 14 heures. Merci à tous et
bonne fin de journée.
(Fin de la séance à 16 h 24)