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Etude du projet de loi no 121
(Vingt heures dix-sept minutes)
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
Il s'agit de la commission des richesses naturelles qui se réunit
pour étudier, article par article, le projet de loi no 121.
Les membres de la commission pour la présente séance sont
s'il y a des changements, je demanderais de m'en aviser, s'il vous
plaît M. Bérubé (Matane), M. Bordeleau
(Abitibi-Est), M. Brochu (Richmond), M. Forget (Saint-Laurent), M.
Grégoire (Frontenac), M. Laplante (Bourassa), M. Ouellette
(Beauce-Nord), M. Rancourt (Saint-François) et M. Raynauld
(Outremont).
Les intervenants: M. Dubois (Huntingdon), M. Fontaine (Nicolet-Yamaska),
M. Godin (Mercier), M. Landry (Fabre), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), en
remplacement de M. Larivière (Pontiac-Témiscamingue); M.
Léger (Lafontaine), M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata),
M. O'Gallagher (Robert-Baldwin), remplacé par M. Ciaccia (Mont-Royal);
M. Paquette (Rosemont) et M.Samson (Rouyn-Noranda).
Il y aurait lieu, s'il vous plaît, de nommer un rapporteur pour
les travaux de la commission.
M. Grégoire: M. le Président, est-ce que je
pourrais suggérer le député de Beauce-Nord?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce
que cette motion est adoptée?
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le
député de Beauce-Nord, ça va, comme rapporteur de la
commission.
Avant de... A l'ordre, s'il vous plaît!
Avant de commencer les travaux de la commission, j'aimerais vous
préciser que le mandat que nous avons reçu de l'Assemblée
nationale est d'étudier, article par article, le projet de loi no 121,
qui a été adopté en deuxième lecture et vous
rappeler que notre règlement nous interdit, de façon
générale c'est bien sûr que c'est parfois difficile
de respecter ça à la lettre de revenir sur les principes
mêmes du projet de loi en question, mais que notre but, notre devoir est
ici d'étudier, article par article, le projet de loi qui est devant
nous.
A moins que les partis politiques représentés n'aient
chacun une déclaration d'ouverture à faire, j'appellerai
l'article 1 du projet de loi.
M. Bérubé: Non, M. le Président. Nous avons
été mandatés par l'Assemblée nationale pour
étudier le projet de loi article par article et, par conséquent,
je me contenterai simplement d'aborder l'article 1 quand vous l'appellerez.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Saint-Laurent.
Remarques préliminaires
M. Forget: M. le Président, nous abordons l'étude
article par article, comme vient de dire le ministre, d'un projet de loi. Il
est bien évident que nous allons nous conformer à notre
règlement et éviter soigneusement de remettre en question le
principe de ce projet de loi, dont il a été question au niveau de
la deuxième lecture, abondamment du reste. Il est remarquable
qu'à ce niveau, le gouvernement n'ait pas réussi à faire
la preuve de la nécessité de l'introduction d'un tel projet de
loi à ce moment-ci, puisque le gouvernement prétend que la porte
est encore ouverte à des négociations, à des
règlements de gré à gré. Donc, le gouvernement
lui-même est incertain, quant à la nécessité
d'apporter ce projet de loi. Mais son incertitude ne l'empêche pas
d'être impatient de le voir adopter malgré tout.
Nous ne reviendrons pas encore là-dessus; nous ne sommes pas
d'accord qu'il soit nécessaire ni urgent d'adopter ce projet de loi.
Nous ne faisons qu'observer que, jusqu'à maintenant, le débat de
deuxième lecture ne nous a pas permis de nous convaincre du contraire,
n'a pas permis à qui que ce soit, d'ailleurs, de se convaincre du
contraire, le gouvernement ayant soigneusement évité de le faire,
étant encore persuadé qu'il pourra faire durer le suspense
pendant peut-être encore quelques semaines, qui sait, peut-être
encore quelques mois.
Après tout, il y a deux ans et demi que nous avons
commencé ce débat sur l'amiante en décembre 1977
et il pourrait bien se prolonger pendant encore un an ou un an et demi.
Au rythme où vont les choses, il ne faut s'étonner de rien du
côté gouvernemental.
Mais on doit bien laisser ces gens à leur stratégie,
puisque c'est une dimension que, l'Assemblée nationale, comme telle, ne
contrôle pas.
Ce que nous allons essayer de faire, au cours de ce débat article
par article, c'est essentiellement de limiter les dégâts, de
minimiser les risques que comporte le projet de loi dans sa rédaction
actuelle.
C'est un projet de loi qui comporte un pouvoir, très largement
défini, d'expropriation. Il y a, bien sûr, un certain nombre de
procédures qui sont envisagées, quant à la formation d'un
conseil d'arbitrage, quant à l'enregistrement des titres de
propriété, au greffe, chez le protonotaire, des dispositions
administratives de cette nature, mais les articles essentiels du projet de loi
ne comportent aucune disposition de nature à protéger les
intérêts des contribuables dans une adjudication par un tribunal
d'arbitrage. Il n'y a absolument aucune limite, aucune balise fournie dans ce
projet de loi qui serait susceptible de limiter, à l'intérieur
d'un cadre assez bien délimité, les décisions qui
pourraient éventuellement être prises par un conseil
d'arbitrage.
On sait que l'écart qui sépare, jusqu'à preuve du
contraire, encore aujourd'hui les parties est considérable et est
évalué à $60 l'action. Quand
on multiplie ça par 2 500 000 ou 2 600 000 actions, on se rend
compte qu'il s'agit d'une somme très considérable qui
dépasse de loin l'objet de la plupart des mesures législatives
qui sont adoptées à l'Assemblée nationale. Encore une
fois, rien ne nous permet de croire que la décision d'un arbitre ne
serait pas infiniment plus rapprochée des prétentions du vendeur,
de l'exproprié que des prétentions du gouvernement. Il est
remarquable que le gouvernement n'ait pris aucune précaution pour
s'assurer que ce soit plutôt sa thèse qui prévale ou, du
moins, qu'il essaie de rétrécir l'écart, le rendre plus
prévisible.
Ce sera donc notre but au cours de cette discussion article par article
et nous avons l'intention de présenter un certain nombre d'amendements
explicites qui auront pour but non pas de retarder le projet de loi, M. le
Président, parce qu'en dépit des appréhensions du
côté ministériel, on se prépare probablement
à un long siège et même votre présence parmi nous,
M. le Président, est une indication du sérieux avec lequel on
considère ce débat à la présidence de
l'Assemblée nationale.
Malgré toutes ces précautions du côté
ministériel comme du côté de la présidence, je
voudrais vous assurer à savoir que notre but n'est pas de prolonger
indûment le débat, mais de s'assurer que les amendements que nous
allons apporter, qui sont des amendements spécifiques sur quelques
articles limités de ce projet de loi, nous procurent justement cette
sécurité et cette protection des intérêts du
contribuable, auxquelles s'intéresse apparemment fort peu le
gouvernement.
Nous aurons également pour but dans le débat parce
que le débat est censé produire cet effet-là de
favoriser une meilleure connaissance par le public des dimensions de la
décision économique que le gouvernement s'apprête à
prendre au nom de tout le monde. Il y a eu très peu d'information qui a
été rendue disponible par le gouvernement. Il y a eu une
déclaration ministérielle en décembre. Il y a eu des
photocopies d'arrêtés en conseil permettant à la
Société nationale de l'amiante de faire des mises de fonds et de
s'organiser. Il y a eu des documents comme la copie du contrat, par exemple,
qui a été conclu avec Kidder-Peabody il y a déjà
au-delà d'un an, il y a eu une copie de son évaluation, mais sur
la marche des négociations, sur les perspectives d'avenir de l'industrie
et même sur les évaluations qu'avait faites le gouvernement
lui-même avant d'amorcer le processus, on a eu un silence
systématique de la part du gouvernement.
Au départ, lorsque nous avons débattu le projet de loi 70,
le ministre se souviendra qu'il avait délibérément omis de
déposer un chapitre d'une étude que, par ailleurs, il avait
distribuée aux membres de la commission parlementaire des richesses
naturelles. C'était le chapitre qui traitait de l'évaluation
qu'avait faite le gouvernement, une évaluation maison du prix
d'acquisition. Je pense qu'étant donné tout ce qui s'est
passé depuis, cela a d'ailleurs été mentionné au
niveau de la deuxième lecture à l'Assemblée nationale, le
temps serait venu que le gouvernement soit un peu plus candide quant à
ses propres évaluations du prix de cette acquisition.
De toute façon, sur le plan de l'information du public, il y a
énormément de choses qui ont encore besoin d'être dites.
Au-delà de la rhétorique du ministre, il a droit à sa
rhétorique, je ne peux pas le condamner pour ça, mais il reste
qu'il y a des éléments de fait, il y a une analyse
spécifique qui a été retirée, un chapitre, tout le
monde en connaît l'existence, le ministre lui-même en a reconnu
l'existence. C'est un exemple, parmi d'autres, de ce qui pourrait être
rendu public, mais il y a d'autres éléments que nous
mentionnerons en temps et lieu.
Donc, essentiellement, deux objectifs, des amendements précis
pour contenir à l'intérieur d'un cadre un peu plus
prévisible l'envergure des engagements financiers qu'implicitement,
l'Assemblée nationale prend par l'adoption d'un tel projet de loi et de
façon subsidiaire, mais également très importante,
l'alimentation de l'information disponible au public, l'alimentation du
débat, si on veut, la connaissance que le public a, en
général, des implications de cette décision, des
informations qui sont disponibles dans les tiroirs du gouvernement et que le
gouvernement persiste à garder pour d'autres occasions plus
propices.
Je pense que l'occasion est désormais arrivée, au niveau
de cette étude article par article. Je m'en voudrais d'aborder tout de
suite l'étude, article par article, sans mentionner une réserve
sérieuse que nous avons, et je ne voudrais pas que le ministre prenne
ça personnellement: nous abordons cette étude de façon
très détendue, mais sans le condamner personnellement, il demeure
vrai de dire, comme nous l'avons fait au moment de la deuxième lecture,
que ce n'est pas le bon ministre qui défend ce projet de loi. Le
ministre des Richesses naturelles, c'est un fait qui est connu, n'est pas
responsable de l'acquisition de la société Asbestos. Il a
délégué tous ses pouvoirs, pour autant qu'il ait des
pouvoirs dans ce domaine, toutes ses responsabilités du moins, à
son collègue le ministre des Finances, qui a été le
porte-parole du gouvernement durant l'année que nous venons de traverser
à l'Assemblée nationale. Toutes les questions lui étaient
adressées. C'est le ministre des Finances qui a fait une
déclaration ministérielle et c'est à la suite d'un constat
d'échec, dans la négociation faite par le ministre des Finances,
que nous avons ce projet de loi.
Pour répondre à des questions, quant à des articles
précis qui font suite à ce constat d'échec et qui
cherchent à y remédier en prenant un autre moyen pour discuter de
ces articles précis, nous n'avons pas devant nous celui qui pourrait
faire le point, nous dire pourquoi tel ou tel mécanisme. (20 h 30)
Nous avons fait une analyse comparative de cette loi d'expropriation
avec d'autres lois antérieures adoptées par l'Assemblée
nationale, portant sur l'expropriation de certains biens privés, qu'il
s'agisse, par exemple, de la nationalisation qui est à l'origine de
l'Hydro-Québec, dès 1944, ou
d'autres mesures analogues, il reste qu'il y a des différences.
Ces différences, on doit présumer qu'elles ont des raisons et ces
raisons trouvent leur origine dans une négociation et dans les
circonstances particulières à l'industrie en question, aux
positions respectives des parties, aux enjeux sur le plan économique et
financier.
Encore une fois, il s'agit de données sur lesquelles le ministre
des Finances s'est penché puisque c'était lui qui était
responsable de la négociation. Je ne m'explique pas que le leader du
gouvernement nous ait confié aux bons offices du ministère des
Richesses naturelles, sans au moins que le ministre des Richesses naturelles se
fasse accompagner cela s'est vu dans d'autres commissions parlementaires
d'un collègue, de manière que tous les aspects soient
couverts.
Nous n'aurons pas d'autres occasions. Bien sûr, le débat de
deuxième lecture a permis de faire allusion aux grands thèmes,
aux grandes questions. Mais on sait que le débat est assez limité
au niveau de la deuxième lecture. C'est plus une série de
monologues qu'un véritable débat. C'est ici que nous voudrions
voir apparaître le ministre des Finances. Je ne sais pas si, se voyant
déjà dans la ligne directe de succession au trône, à
la suite des acclamations dont il a bénéficié en fin de
semaine, il considère qu'il est en dessous de son prestige et de son
standing social au sein du parti gouvernemental que d'apparaître en
commission parlementaire pour défendre ses positions, un peu à la
façon des chefs de parti qu'on ne voit pas en commission parlementaire.
Ils ne sont pas normalement présents, parce qu'ils sont censés
être un cran plus haut, ils dominent le débat, ils donnent des
directives à leurs subalternes. Je ne sais pas si c'est le rôle
que joue ici le ministre des Richesses naturelles.
Plaisanterie mise à part, M. le Président, tout en tenant
compte de la fatuité naturelle du ministre des Finances, je pense qu'il
pourrait condescendre à venir expliquer un projet de loi dans ses
détails, alors que ce projet de loi représente la première
initiative depuis plusieurs années sur le plan de la participation
gouvernementale dans le secteur économique.
On a eu, bien sûr, des initiatives qui sont parties de zéro
dans le domaine, par exemple, agricole, agro-alimentaire, mais ce sont des
entreprises modestes au départ, qui, essentiellement, partaient de
zéro. Je pense qu'il faut se reporter à plusieurs années
en arrière, peut-être à la création de SIDBEC. Je ne
veux pas faire d'allusion malveillante, M. le Président, mais
peut-être qu'il faut se reporter à la création de SIDBEC
pour voir un investissement qui, dès le départ, se chiffre par
quelques centaines de millions d'une industrie existante. Je pense qu'il n'y a
pas beaucoup de décisions qu'est appelé à prendre le
Conseil des ministres qui ont une pareille répercussion et de pareilles
conséquences pour l'avenir, sur le plan économique et financier
en particulier pour le Québec.
M. le Président, je pense que vous comprendrez que je fais cette
demande informellement au ministre des Richesses naturelles par votre
intermédiaire. Je ne sais pas s'il applaudira ou s'il promettra sa
collaboration. Sincèrement, je pense que cela pourrait aider à la
discussion, que cela pourrait peut-être l'accélérer et, de
toute façon, de rendre plus intelligible d'avoir la participation du
ministre des Finances. S'il nous promettait sa collaboration, je pense qu'on
pourrait, étant donné qu'il n'y a pas eu de préavis au
ministre des Finances, attendre qu'il puisse être parmi nous demain, par
exemple, ou peut-être à la fin de la soirée. Je me
contenterais facilement d'une assurance à cet égard du ministre
des Richesses naturelles. Je ne présume pas du tout qu'il s'opposera
à cette suggestion. Enfin, on verra.
Là, je fais une brève pause, M. le Président, sans
interrompre mon droit de parole, pour demander au ministre des Richesses
naturelles s'il consentirait à s'engager auprès de nous à
voir à ce que son collègue soit présent avec lui en
commission parlementaire pendant les quelques heures dans le fond que va nous
prendre l'étude article par article de ce projet de loi.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est
une suspension du droit de parole pour quelques minutes du député
de Saint-Laurent. M. le ministre.
M. Bérubé: Vous êtes sûr que c'est une
suspension du droit de parole?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est
parce qu'il lui restait cinq minutes et j'ai compris qu'il voulait revenir par
la suite.
M. Grégoire: M. le Président, si le
député de Saint-Laurent est consentant, nous sommes prêts
à accepter peut-être un compromis. Il y a des articles du projet
de loi qui peuvent être directement reliés aux questions que le
député voudrait poser au ministre des Finances ou aux
renseignements qu'il voudrait demander au ministre des Finances. Il y a
d'autres articles, par contre, qui ne toucheraient pas du tout des points sur
lesquels il voudrait demander des renseignements au ministres des Finances. On
pourrait peut-être séparer ces articles. Que le
député de Saint-Laurent nous fasse la liste des articles et nous
pourrons étudier et adopter les autres articles, tout en
réservant ceux-là pour la fin.
Nous allons nous enquérir et même demander au ministre des
Finances s'il ne pourrait pas venir pour une séance. A ce moment, nous
suspendrions les articles sur lesquels le député de Saint-Laurent
a des questions si ce ne sont pas tous les articles, s'il nous arrive avec tous
les articles, peut-être qu'on pourra revenir un peu sur l'idée,
mais si ce sont quelques articles et si c'est une séance, on pourra
adopter les autres et en suspendre certains. Dès demain, on pourra avoir
approché le ministre des Finances et le dire au député de
Saint-Laurent. Il s'agirait d'abord d'étudier les autres articles,
d'adopter les autres articles et de réserver ceux-là; qu'il nous
fasse la liste de ceux
qu'il veut réserver. On va en suspendre l'étude et on
demandera au ministre des Finances de venir pour ceux-là.
M. Forget: Ecoutez, c'est une suggestion très
constructive. Je voudrais bien qu'on se comprenne, cependant. On est prêt
à faire l'exercice. Je ne m'attendais pas à cette suggestion
aussi rapidement. Je n'ai pas devant moi la liste départageant les
articles en deux catégories, mais c'est un exercice auquel on peut se
livrer au cours des prochaines heures. Certainement que pour demain matin, on
pourrait vous donner cela. Je voudrais être bien sûr que si on est
pour faire cet exercice, on ne le fasse pas seulement pour la forme, pour
s'amuser, mais qu'on ait, du côté gouvernemental, une intention
sérieuse de s'engager de ce côté, parce qu'effectivement,
on peut procéder de cette façon. Je n'ai pas d'objection.
M. Grégoire: Evidemment, je ne prends pas un engagement au
nom du ministre des Finances. C'est une suggestion, mais on ne l'a pas
consulté. Nous allons lui demander et essayer d'insister, du moins, je
vais insister pour qu'il puisse venir à une réunion. On ne sait
jamais. On pourrait, dès demain après-midi, donner la
réponse au député de Saint-Laurent.
M. Lalonde: II va trembler, le ministre des Finances.
M. Forget: Cela nous rassurerait si votre collègue de
Matane était aussi coopératif et faisait des pressions dans le
même sens.
M. Bérubé: Le député de Frontenac et
moi-même n'avons qu'une seule voix et, par conséquent, les
démarches...
M. Lalonde: Cela s'améliore... le député de
Frontenac.
M. Bérubé: Les démarches que pourrait
accomplir mon distingué collègue de Frontenac auprès du
ministre des Finances auront évidemment mon entier appui, il ne fait
aucun doute et, d'ailleurs, je pense que vous avez raison de vous attendre
à ce que j'intervienne personnellement auprès du ministre des
Finances. Je pense personnellement que ma conviction auprès du ministre
des Finances sera peut-être directement proportionnelle à la
coopération que l'on découvrira au fur et à mesure que
nous étudierons ensemble un certain nombre d'articles.
M. Forget: Bon!
M. Brochu: M. le Président, est-ce que le
député de Saint-Laurent me permettrait une question?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Un
instant! Il lui restait quelque quatre ou cinq minutes de son droit de
parole.
M. Bérubé: Oui, vous pouvez vous joindre à
la famille.
M. Forget: Oui, allez!
M. Brochu: Une question dans le sens...
M. Forget: ... pas des journalistes.
M. Brochu: ... du désir qu'il exprime et qui semble
être bien reçu de l'autre côté. J'aimerais qu'il nous
dise peut-être le sens de ce qui aurait pu même faire l'objet d'une
motion pour demander au ministre des Finances d'être présent. On
peut sans doute éviter cette motion par entente. Maintenant, est-ce que
ce serait uniquement pour avoir la présence du ministre des Finances sur
certains articles ou si ce serait pour avoir en même temps, par exemple,
le contenu des négociations ou certains comptes rendus sur les
négociations, s'il y a eu des négociations entre Asbestos
Corporation et le gouvernement du Québec ou si c'est plus strictement au
niveau de la technique des autres projets de loi?
M. Forget: C'est une excellente question du député
de Richmond. Il est bien sûr que si on veut le ministre des Finances
parmi nous, ce n'est pas simplement pour le plaisir de sa compagnie, ce qui est
un avantage certain déjà; il reste que nous voulons aussi lui
poser des questions sur des sujets pertinents à l'étude du projet
de loi parmi lesquels on retrouve évidemment une évaluation,
toute subjective quelle soit, de la part du gouvernement sur l'état des
négociations ou des non-négociations.
M. Grégoire: II n'y a pas de problème là,
sous réserve, toutefois, que nos règlements disent que, lorsqu'un
ministre déclare que, telle chose ou telle documentation, il n'est pas
d'intérêt public de la dévoiler ou d'en faire part au
public, sous réserve de ce point de notre règlement qui permet au
ministre...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La
présidence jugera, M. le député de Frontenac.
M. Grégoire: ... de dire, sous réserve de... M.
Lalonde: Cela s'annonce bien.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Frontenac, la présidence jugera.
M. Grégoire: Ce règlement existait dans le temps du
gouvernement libéral et il existe encore aujourd'hui.
Une Voix: Laissez-nous faire notre motion.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Lalonde: Voilà des précautions qui ne rassurent
pas.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il
vous plaît, un à la fois! Un à la fois!
M. Grégoire: Ce règlement existait du temps du
gouvernement libéral et il existe encore aujourd'hui...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Frontenac, s'il vous plaît!
M. Grégoire: ... on s'en est servi depuis 30 ans, 40
ans.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Grégoire: Je crois que c'est normal que ça
continue comme ça.
M. Raynauld: Non, le problème, c'est... M. Lalonde:
On peut le changer...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de
Saint-Laurent...
M. Forget: M. le Président, notre demande est faite de
bonne foi, c'est-à-dire que nous ne cherchons pas par cela à
créer des difficultés artificielles, mais tout le monde sait
très bien, c'est de fait de notoriété publique que c'est
lui qui s'est occupé de cet aspect. C'est normal, c'est essentiellement
une transaction financière. Ce n'est pas une opération
reliée, comme telle, aux Richesses naturelles. Ce n'est pas diminuer le
ministre des Richesses naturelles que de l'affirmer, tout le monde le sait,
mais c'est également très pertinent.
Maintenant, jusqu'à quel point une demande faite de bonne foi de
notre côté est-elle acceptée de bonne foi de l'autre
côté? Si le ministre des Finances a l'intention de venir et de
nous opposer constamment des arguments d'ordre public pour ne pas
répondre, je pense que ce serait aussi bien de nous dire franchement
qu'il ne veut pas venir. Mais je suppose qu'il voudra donner de
véritables réponses au moins plus souvent qu'autrement.
M. Bérubé: Je suis absolument convaincu, cependant,
que les réponses du ministre des Finances ne sauraient absolument pas
satisfaire le député de Saint-Laurent, après l'avoir vu
fonctionner pendant plusieurs mois.
M. Forget: II ne faut présumer de rien, M. le
Président. Il ne faut pas se livrer tout de suite à des
imputations de motifs, ce que je n'ai pas fait, remarquez-le. Non, on pourra
être satisfait. On ne demande pas la lune. On demande simplement des
choses relativement factuelles. De toute manière, on demande aussi de
savoir où le gouvernement se loge quant à un certain nombre de
choix et d'options qu'il prend. Cela, je pense que c'est... On pourra
manifester notre désaccord par rapport à ces options, mais je
pense qu'il est essentiel qu'on puisse poser les questions au moins et avoir
les réponses, quitte à différer d'avis sur leur
interprétation et leur valeur, le moment venu.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
D'ailleurs, je vous incite fortement à vous entendre en ce sens, parce
que vous savez qu'une motion ne peut qu'inviter un ministre à se
présenter. C'est certainement un voeu pieux et, lorsque la
présidence constate qu'il y a une entente de ce genre, elle est
très contente.
Avant de céder la parole au député de l'Union
Nationale, j'aimerais... Je sais que le député de Saint-Laurent a
dit, sur un ton probablement blagueur: "Je ne sais pas si les
ministériels ont des appréhensions", je ne sais pas si les
Oppositions ont des appréhensions, mais ce que je tiens à dire,
c'est que ma présence ici est simplement causée par le fait que
mon employeur, qui est l'Assemblée nationale, m'a désigné
pour être ici. M. le député de Richmond.
M. Brochu: Merci, M. le Président. Simplement quelques
remarques, également, en commençant l'étude de ce projet
de loi. J'écoutais les discussions avec beaucoup d'intérêt
et on se retrouve plusieurs en conviendront un peu dans la
même situation que celle qu'on a vécue lors du projet de loi 70.
Cela nous rappelle ces souvenirs de l'époque et ces discussions presque
épiques à certaines occasions, sauf que, maintenant, nous sommes
rendus à une autre étape dans le processus que s'est donné
le gouvernement, par rapport aux objectifs qu'il s'est lui-même
fixés.
Nous arrivons à l'étape de l'étude article par
article du projet de loi 121, dans une position un peu particulière et
un peu spéciale qu'on ne retrouve pas souvent dans l'étude
article par article de nos projets ds loi, puisque, au même moment
où on demande à la commission parlementaire d'étudier le
projet de loi qui vise à l'expropriation des actifs ou de certains
actifs de l'Asbestos Corporation, il semble que, de l'autre côté,
on continue quand même d'essayer d'en arriver à une entente de
gré à gré. Il semblerait même, par ce qu'on peut
voir par le biais de certaines déclarations de certains ministres, que
le scénario auquel se prête la commission actuellement sert,
d'abord et avant tout, Ce moyen de pression pour continuer les
négociations qui sont en cours et pour permettre au gouvernement, dans
un effort ultime, d'atteindre son but et d'en arriver à une entente de
gré à gré avec l'entreprise, s'il y a moyen.
Je pense que les déclarations qui ont été rendues
publiques par le ministre des Finances récemment à ce sujet ne
sont pas équivoques. Ce qui nous fait dire qu'on se trouve dans une
situation un peu particulière puisque, à toutes fins utiles, on
n'étudie pas nécessairement un projet de loi qui va se traduire,
dans les faits, par une réalité, mais c'est un projet de loi dont
l'étude, ici en commission parlementaire comme à
l'Assemblée nationale, va peut-être donner un poids de
négociation au gouvernement pour en arriver à une entente
de gré à gré. On ne sait même pas d'avance quelle va
être la conclusion finale, le cheminement vers la conclusion finale dans
ce dossier. On se prête au jeu parce que les lois de la démocratie
et les lois de l'Assemblée nationale sont ainsi faites, mais je tenais
à souligner que cette situation ne se présente pas tellement
souvent, puisque, habituellement, lorsqu'on étudie un projet de loi
article par article, devant la commission parlementaire, c'est pour en arriver
finalement, à l'étape d'une troisième lecture, à
une décision finale qui va se traduire dans des actes concrets du
gouvernement, dans la façon et dans la nature même des discussions
qu'il y a eu et des décisions qui ont été prises. Alors
que ce qu'on fait maintenant, c'est simplement pour préparer le terrain
à une entente parallèle qui peut arriver. Si jamais elle
n'arrivait pas, évidemment, le gouvernement pourrait se servir de cette
arme en dernier ressort. (20 h 45)
J'aimerais aussi rappeler, au début des travaux de cette
commission, que nous avons eu l'occasion de poser un certain nombre de
questions, dans le cheminement de ce dossier, auxquelles nous n'avons pas
encore eu de réponses. Je me permets simplement d'y revenir très
brièvement, pour indiquer je pense que ça souligne le
bien-fondé de la présence du ministre des Finances qui
lui-même est négociateur du côté du gouvernement dans
ce dossier que j'ai posé la question à l'Assemblée
nationale pour savoir si vraiment je pose la question
sérieusement il y a eu négociation ou non dans le dossier,
puisque j'ai eu l'occasion de relever de façon concrète dans les
déclarations contradictoires qu'il y avait eu de part et d'autre.
J'ai cité à l'occasion plusieurs déclarations
formelles qui ont été faites soit par l'entreprise ou soit de la
part du gouvernement du Québec, ce qui nous permettait de tirer la
conclusion qu'il n'y avait à peu près pas eu de
négociations puisque les positions étaient diamétralement
opposées, que les déclarations étaient
diamétralement opposées, tant et si bien, par exemple, qu'on
arrivait au fait que General Dynamics ou l'Asbestos Corporation disait de son
côté: II n'y a pas eu de négociations et le gouvernement du
Québec, durant ce temps, suite aux questions qu'on posait à
l'Assemblée nationale, nous disait régulièrement: On est
en négociations. Même le ministre des Finances a lui-même
déclaré, suite à une de mes questions à
l'Assemblée nationale: "Je m'implique directement dans le dossier, j'ai
l'intention de rencontrer l'entreprise, etc." Encore par après, on a pu
voir dans les journaux des déclarations disant qu'il n'y avait pas eu de
négociations. Alors, est-ce qu'il y a un problème de terminologie
entre les deux? Que se passe-t-il exactement dans cette situation? On reste, je
pense, sur notre appétit et nous n'avons pas eu les réponses aux
questions qui ont été posées.
J'ai eu l'occasion en deuxième lecture, de poser ces questions
précises, étayées par des documents, par les
déclarations, d'un côté d'As-bestos Corporation et, de
l'autre, du ministre des Finances, et on ne m'a pas répondu. Le ministre
des Finances non plus dans son discours à l'Assemblée nationale
n'a pas donné réponse à ces questions.
L'Asbestos Corporation avait proposé certaines associations avec
le gouvernement. Là-dessus, je dois être honnête, on a
répondu en partie, le gouvernement a répondu en partie à
certaines affirmations qui avaient été faites par
l'entreprise.
Par ailleurs, au niveau des offres telles quelles, on pourra relever
toute la série des déclarations qui ont été faites.
Le gouvernement du Québec disait avoir fait des offres alors que
l'Asbestos Corporation s'est toujours, d'après les documents qui me sont
disponibles, défendue d'avoir reçu une offre quelconque de la
part du gouvernement, tant et si bien que depuis le début, le
gouvernement et l'Asbestos Corporation sont restés sur les mêmes
positions, ce qui me fait dire qu'il n'y a pas eu de négociations
puisque dans un dossier de négociations, il y a toujours un quelconque
rapprochement quelle qu'en soit la nature ou le degré entre les parties,
à partir d'une position initiale, mais ça n'a pas
été le cas dans le présent dossier, puisque depuis le
début, le gouvernement est resté assis sur une soi-disant
"offre", entre guillemets, alors que General Dynamics n'a jamais bougé
de son côté non plus. Il n'y a donc pas eu, par la
définition même des négociations et d'un rapprochement
à l'intérieur d'une négociation, un quelconque mouvement
qui nous permette de croire qu'effectivement, il y a eu des approches, des
discussions, des offres et des contre-offres et un rapprochement
quelconque.
Encore là, j'ai posé la question de façon bien
précise. Je n'ai reçu de réponse ni de la part du ministre
des Richesses naturelles, ni de la part du ministre des Finances qui aurait pu
prendre certaines opportunités à l'Assemblée nationale
pour répondre à ces questions tout à fait pertinentes dans
le dossier, puisque c'est la porte ouverte à ce projet de loi-là,
c'est l'entrée à ce projet de loi de l'expropriation, à
savoir s'il y a entente ou non, s'il y a eu négociations ou non.
Donc, c'est dans ce climat un peu particulier qu'on entreprend les
travaux de la commission parlementaire, étant sur un terrain
passablement mouvant quant aux négociations, n'ayant pas eu de
réponse réelle. C'est pourquoi j'avais d'ailleurs l'intention
même de le faire sous forme de motion, mais j'accepte l'entente qu'il y a
eu autour de cette table. Je maintiens et je souligne l'importance de la
présence du ministre des Finances afin qu'il puisse justement faire la
lumière sur cette question pour rendre compte, dans les grandes lignes
du moins, de ce qui s'est vraiment passé, s'il s'est passé
quelque chose, pour savoir sur quel terrain nous avons à discuter et sur
quel terrain nous avons à travailler maintenant.
J'ai posé également d'autres questions sur lesquelles on
aura l'occasion de revenir au cours de la discussion article par article du
projet de loi. J'ai demandé, entre autres, au gouvernement, et je
n'ai pas eu de réponse non plus, à savoir de quelle partie
des actifs de l'Asbestos Corporation le gouvernement avait l'intention
d'atrophier son projet puisqu'il semblerait qu'en cours de route, on laisse
tomber possiblement la mine de l'Ungava et ce secteur-là. Je n'ai pas
encore eu de réponse en ce qui concerne cette partie de la question qui
est reliée directement avec les installations, comme on le sait, de
General Dynamics à Nordenham.
J'espère pouvoir obtenir quelque chose de ce côté.
Ce sont des questions que je considère comme fondamentales, puisqu'au
début, le gouvernement se faisait fort de vouloir faire adopter son
projet comme un tout, sans vouloir le morceler d'aucune façon, sans
vouloir en abandonner une partie en cours de route. Mais, maintenant, on le
voit par le libellé du projet de loi, on laisse entendre qu'on peut
laisser tomber certaines parties de l'acquisition de certains des actifs de
l'Asbestos Corporation.
Est-ce qu'il y a eu des changements en cours de route, est-ce qu'on a vu
la non-rentabilité de certains secteurs ou est-ce qu'on a vu
l'impossibilité d'acquérir certains secteurs? Est-ce qu'on a, par
exemple dans le cas de l'Ungava, eu peur d'avoir à reconstruire une
usine pour traiter cette fibre de nature spéciale qu'on extrait
là-bas, si jamais on devait couper les marchés de Nordenham. Ce
sont des questions que j'ai posées, pour lesquelles on n'a pas eu de
réponse. J'espère qu'au cours de la discussion, on pourra avoir
des réponses là-dessus.
Autant le gouvernement s'est fait fort de vouloir faire accepter son
projet comme un tout, autant ça nous surprend aujourd'hui de le voir,
d'un côté, laisser la porte ouverte pour laisser tomber des actifs
aussi importants que ceux de l'Ungava dans son projet initial. Ce sont autant
de questions fondamentales qu'on a lieu de se poser à ce stade-ci, qui
n'ont pas eu de réponse depuis le début de la deuxième
lecture et qui devraient trouver preneur au niveau du ministre des Richesses
naturelles ou du ministre des Finances maintenant, pour donner à la
commission parlementaire la possibilité d'avoir des réponses
claires et nettes avant de se prononcer sur le projet de loi.
On sait, d'une façon générale, que le gouvernement
a fait son lit, sa marque de commerce est clairement établie. En ce qui
concerne l'Union Nationale, on a également fait notre marque de
commerce, on a posé des questions, on a posé des gestes, on a
pris des décisions en fonction des choses auxquelles on croit.
Maintenant, il nous reste, en tant qu'Opposition responsable, à tenter
de bonifier, selon ce qui nous paraît le meilleur, les articles du projet
de loi qui sont devant nous pour discussion.
Je n'ai pas l'intention d'aller plus loin dans mes remarques, simplement
finir par une remarque humoristique au ministre, en disant qu'hier soir, son
exposé était tout à fait au point. Même ses
remarques m'ont frappé, ses connaissances techniques dans le domaine
médical et dans le domaine chirurgical, il n'apprend rien à
personne puisqu'il est spécialisé dans ce domaine. La seule chose
qui m'a frappé, c'est lorsque vous avez indiqué je ne
conteste pas l'étude, je pourrai la lire au passage que
même le président de l'Assemblée nationale, dans son
"jogging" quotidien, aurait peut-être plus de risques d'acquérir
certaines fibres d'amiante au niveau de ses poumons que le travailleur en usine
où les installations sont modernes.
C'est vraiment une déclaration qui peut aller loin, parce
qu'à ce moment-là, on pourrait inviter les populations à
se réfugier dans les usines d'amiante pour se protéger. Le
ministre est allé assez loin.
M. Bérubé: A condition qu'elles ne fassent pas de
"jogging".
M. Brochu: On pourrait les prévenir dans ce sens. M. le
Président, je termine mes remarques là-dessus en indiquant que
j'aurai à revenir, au niveau de l'étude article par article, sur
certaines recommandations et certaines modifications que nous aimerions voir
apporter.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci.
J'appelle l'article 1 et je vous dis immédiatement que, comme l'article
1 comprend plusieurs sous-articles, en vertu de l'article 160, nous allons
étudier chacun de ces articles séparément et chacun des
députés membres de la commission aura droit à vingt
minutes sur chacun, 20, 21, ainsi de suite.
M. Forget: M. le Président, avant que vous n'appeliez
l'article 1 qui serait l'article 20, si je comprends bien...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est
l'article 1 que j'appellerai.
M. Forget: ... ou l'article 1, paragraphe 20, j'aimerais faire
des représentations auprès des membres de la commission
relativement à des renseignements qui, semble-t-il, devraient être
débattus à la commission, de manière que nous sachions
plus précisément de quoi nous parlons. Je pense en particulier
aux évaluations qui ont été faites, de part et d'autre,
par la société Kidder, Peabody, pour le compte du gouvernement,
et par la société Lazard Frères, pour le compte de General
Dynamics.
On est en présence de deux thèses opposées, on est
réuni ici pour déterminer une modalité d'arbitrage de ces
deux thèses opposées, mais les deux thèses en question,
nous les connaissons fort imparfaitement. Bien sûr, le gouvernement a
déposé l'étude qu'il a lui-même commanditée,
mais la compréhension d'une étude comme celle-là, quand on
sait qu'il en existe une autre avec des conclusions tellement
différentes, peut difficilement se faire à moins de disposer
d'une analyse comparative, de pouvoir faire nous-mêmes une analyse
comparative. Il nous semble que pour comprendre véritablement de quoi il
est question, entre quoi et quoi l'arbitre et dans le fond avant
cela l'Assemblée nationale doit trancher, il serait
important de savoir quelles sont les thèses en présence.
Il s'agit essentiellement d'avoir un exposé technique, mais
malgré tout, vulgarisé, pour les membres de la commission, de la
part de chacun des organismes qui ont fait ces études et qui se sont
basés, pour arriver à des conclusions différentes,
sûrement sur soit des faits qui ne sont pas les mêmes, soit des
hypothèses ou des méthodes de calcul qui sont divergentes.
Ce serait intéressant, à la suite de la lecture que nous
aurons faite de ces deux analyses, de poser des questions aux auteurs de l'une
et de l'autre, parce qu'il y a certaines divergences qui sont
mystérieuses. Je comprends que ce sont des experts, mais s'ils
arrivaient à la même conclusion, on pourrait dire: Tout va
très bien dans le meilleur des mondes, fions-nous aux experts, ils vont
régler ce problème, très rapidement. Mais
précisément, ils arrivent à des conclusions très
différentes. On a pu retracer, dans les deux analyses, ce qui semble
être les raisons de ces écarts. Mais ce qu'on n'a pas, ce sont les
raisons des raisons, si vous voulez. Pourquoi, par exemple, adopte-t-on des
méthodes de calcul différentes? Pourquoi et comment justifie-t-on
l'utilisation de taux d'escompte différents? Pourquoi, dans certains
cas, rejette-t-on une méthode de calcul? Quelle est l'argumentation qui
justifie de mettre de côté une méthode de calcul?
Autrement dit, il s'agit d'avoir une certaine compréhension, une
certaine perception du genre d'augmentation qui va inévitablement
être présenté devant le conseil d'arbitrage ou le
comité d'arbitrage, de manière que les différentes
formations politiques de l'Assemblée nationale se forment une opinion.
Où est la balance des probabilités et des improbabilités,
de manière qu'on sache un peu plus où on s'en va, quelle est la
zone d'inconnu, où sont véritablement les risques, qui est
véritablement le plus persuasif dans son argumentation, de
manière qu'on ne se réveille pas, dans six mois, dans neuf mois
ou dans un an, avec un résultat du conseil d'arbitrage qui est
complètement contraire aux attentes et aux espoirs qu'on formule tous,
c'est-à-dire que ce soit un règlement avantageux pour le
Québec.
On aimerait bien pouvoir se faire une idée là-dessus,
pendant qu'il en est encore temps. Il serait utile de questionner ces experts.
On ne leur demande pas, M. le Président, de nous communiquer quoi que ce
soit, de nature confidentielle, parce qu'il s'agit, bien sûr, de comparer
leurs hypothèses de travail, de comparer leur projection de l'avenir. Ce
sont des jugements qu'ils ont dû poser indépendamment de leurs
sources de renseignements. Ce sont des experts. Ils n'ont quand même pas
pris le témoignage des parties en présence à leur face
même. Ils ont dû poser un jugement d'expert et cela, ce n'est pas
confidentiel. Ce sont des gens qui ont une expérience dans ce domaine,
qui vont pouvoir nous justifier les choix qu'ils ont faits, dans leur
méthode de travail, dans leurs hypothèses, dans leur projec- tion
d'avenir, basés sur des renseignements qui sont essentiellement à
caractère public.
Mais on ne peut pas reproduire leur raisonnement. Il faudrait comprendre
comment ils y sont arrivés, mesurer leur crédibilité
respective, en quelque sorte, voir s'il n'est pas possible de trouver le
chaînon manquant, dans tous ces raisonnements, qui permettrait... Mais on
n'ira même pas aussi loin que de supposer qu'on est capable de les
réconcilier. Je pense qu'ils s'y sont essayés et qu'ils n'y sont
pas parvenus. Mais au moins, il serait intéressant pour les membres de
la commission d'avoir ces témoignages.
Je pense que les députés de l'Assemblée nationale,
on peut leur en accorder le crédit, le sujet étant suffisamment
important, vont se pencher sérieusement sur ces questions. Je pense que
des deux côtés de la table, il y a des gens qui sont capables de
comprendre l'argumentation technique qui est présentée, et de
faire, quant à eux-mêmes, l'analyse de ce que ces raisonnements
impliquent. Nous, de notre côté, du moins, on est prêts
à tenter l'effort. Je pense que cela en vaut la peine. Il me semble
qu'une fois qu'on se sera livrés à ce travail, un travail
d'élucidation des hypothèses, on sera beaucoup mieux
placés quand on viendra, un peu plus loin, à différents
articles qui prévoient un rôle pour le comité d'arbitrage,
un rôle pour la détermination des indemnités, la prise en
charge du passif, etc. On saura un peu plus de quoi on parle, parce que, dans
le moment, on a des opinions basées sur l'examen des dossiers
techniques, mais la confrontation n'a pas été possible.
Je pense que c'est de cette confrontation des experts qu'on peut tirer
le maximum de renseignements, parce que j'ai le sentiment, quant à moi,
que, pour certaines objections qu'on pourrait faire à l'une ou l'autre
des séries d'experts, il n'y aurait peut-être pas de
réponses ou il n'y aurait peut-être pas de réponses
très convaincantes.
Dans les rapports, il y a des affirmations. Cela a beau être des
experts, il reste qu'en définitive, à un moment donné, ils
sont obligés de se baser sur un certain nombre d'affirmations non
justifiées dans le corps du rapport lui-même.
Pour ce qui est de l'Opposition libérale, on serait
intéressé à poser des questions sur ces points-là.
Pourquoi dites-vous cela? Pourquoi faites-vous telle affirmation? Pourquoi
prenez-vous telle hypothèse de travail dans vos calculs? Quel effet
avez-vous constaté que cela faisait quand au montant total de
l'évaluation auquel vous arrivez? Je pense que cela serait
extrêmement éclairant. C'est ce qui nous pousserait, M. le
Président je ne sais pas si je tombe sur un terrain où on
peut s'entendre à l'amiable comme tout à l'heure à
faire une motion formelle, mais je vais la lire en se souvenant...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je vous
incite d'ailleurs à le faire, puisque, même si je ne veux pas
être formaliste, je tiens quand même à dire aux membres de
cette commission qu'à partir du moment où leur droit de parole de
vingt
minutes est expiré, si vous ne présentez pas de motion,
vous vous trouvez à avoir parlé sur une motion qui est
inexistante, qui n'existe pas. C'est pour cela que je vous inviterais ou bien
à tâter les membres de la commission, ou bien à
présenter votre motion, puisque...
Motion pour convocation d'experts
M. Forget: Très bien. Je vais la faire, M. le
Président, formellement, de manière qu'on soit très clair
quant au sens de mes remarques. C'est une motion qui se lirait de cette
façon: Que cette commission invite les représentants des firmes
Kidder, Peabody and Company et Lazard Frères à discuter avec les
membres et les intervenants à cette commission de leurs méthodes
respectives d'évaluation de la valeur de la société
Asbestos Ltée, le mardi 12 juin 1979 à 20 heures.
La raison du délai, c'est que, semble-t-il, il s'agit d'une
exigence de notre règlement, quand on convoque des gens en vertu de
l'article 118a, de convoquer des personnes en leur donnant au moins sept jours
avant la réunion où elles se feront entendre. C'est dans cet
esprit-là. Si ces gens pouvaient être ici demain matin, on n'y a
pas d'objection, mais je pense qu'étant donné qu'il s'agit de
deux firmes dont les bureaux principaux sont aux Etats-Unis, il serait
peut-être nécessaire de prévoir quelques jours de
délai et peut-être que, par consentement, ils peuvent être
ici dès vendredi ou dès jeudi, mais, quoi qu'il en soit, dans une
motion, formellement, je pense qu'on est obligé d'au moins respecter les
formes quant aux délais.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je
déclare la motion recevable.
M. Grégoire: M. le Président, je pourrais
peut-être dire un mot sur la recevabilité de la motion.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Vous
avez beau, mais vous n'aurez pas beaucoup de chances de succès.
M. Grégoire: M. le Président, je vais vous dire
qu'un point de vue a peut-être échappé.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Très brièvement.
M. Grégoire: M. le Président, avant, j'aurais une
question de règlement. Peut-être que vous avez raison,
peut-être que vous avez oublié un point, mais je dois vous faire
remarquer que c'est la première fois, en douze ans de vie parlementaire,
avec des orateurs et des présidents de la Chambre des communes aussi
bien cotés que Allan McNaughton, Marcel Lambert, Lamoureux et autres,
que je vois un président...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Vous me
flattez en me comparant...
M. Grégoire:... lorsque quelqu'un demande la parole sur la
question de la recevabilité d'une motion, répondre a priori: Vous
pouvez parler, mais mon idée est faite d'avance. Je n'ai jamais vu cela
en douze ans de vie parlementaire.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est au
moins la deuxième fois que je le fais.
M. Grégoire: M. le Président, si vous avez
décidé...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Frontenac, je ne
voudrais pas...
M. Grégoire: C'est peut-être choquant, mais je
voudrais que vous me le laissiez dire quand même.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Non,
j'ai déclaré la motion recevable. J'ai déclaré de
semblables motions recevables des dizaines de fois depuis deux ans et demi.
Elle est recevable puisque c'est une motion préliminaire qui a pour but,
avant d'entreprendre l'étude du projet de loi, de donner un
éclaircissement supérieur aux membres de la commission. C'est
dans ce sens-là qu'elle est recevable, mais elle ne serait pas recevable
si elle avait pour but de demander à nos invités de venir dire
s'ils sont pour ou contre l'expropriation, parce que cela irait contre le
principe. Je vous rappellerai que ce n'est qu'une invitation, que ce n'est pas
une réquisition, que ce n'est pas un subpoena, que ce n'est pas une
assignation, que c'est une invitation et je la déclare recevable et je
la considère recevable. J'empêcherai tout député de
revenir sur une décision qui est prise, puisque cela vaà
l'encontre d'un article de notre règlement qui dit que les
décisions du président ne sont pas appelables.
M. Grégoire: M. le Président, je ne voudrais pas
intervenir dans votre décision.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Frontenac, je vous rappelerai que pour tout le temps
que je serai ici, je ne m'engage pas à entendre, à chaque fois
qu'une motion sera présentée, des arguments sur la
recevabilité, lorsque personnellement, je serai convaincu qu'ils sont
recevables ou irrecevables, mais il est vrai que je respecterai
généralement ce droit lorsqu'il y aura des doutes dans mon
esprit. Lorsqu'il n'y en a pas, lorsque ce sont des choses qui se passent
couramment, je vais les déclarer recevables.
M. Grégoire: M. le Président, j'invoque l'article
96 pour...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Non, M.
le député de Frontenac, s'il vous plaît!
M. Grégoire: L'article 96, on ne peut pas l'invoquer. On
ne peut pas invoquer un règlement!
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est
parce que vous n'avez pas encore prononcé de discours. Donc, vous ne
pouvez pas vous servir de l'article 96.
M. Grégoire: J'ai parlé tantôt et je crois
avoir été mal interprété. Je voudrais, en vertu de
l'article 96, le spécifier et le clarifier. Si je n'ai pas le droit
d'invoquer le règlement, je me demande où... Est-ce que j'ai le
droit d'invoquer l'article 96?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Non,
parce que cela s'applique à un député qui a pris la parole
et qui a fait un discours. Or, la présidence n'a pas fait de
discours.
M. Grégoire: J'ai parlé tout à l'heure et
j'ai dit que vous avez mal interprété ce que j'ai dit. C'est ce
que je voudrais rectifier. Est-ce que j'ai le droit?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je vous
permets de rectifier très brièvement.
M. Grégoire: M. le Président, tantôt, dans ce
que j'ai déclaré, je n'ai pas dit que la motion était
recevable ou non, je vous laisse le décider. J'ai dit que c'était
la première fois qu'on me permettait de parler sur la
recevabilité d'une motion en me disant: Vous pouvez parler, mais c'est
décidé d'avance. C'est la première fois que j'entends
cela, et c'est ce que je veux spécifier.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Frontenac, je tiens à vous dire que le
président a le droit de faire parler sur la recevabilité, mais
qu'il n'en a pas l'obligation. M. le ministre.
M. Bérubé: M. le Président, nous devrons
rejeter cette demande de l'Opposition sans doute pour plusieurs raisons, mais
une qui est évidente, je pense. D'abord, parce qu'elle està
l'encontre du règlement. En effet, le but du présent projet de
loi est de prévoir un mécanisme d'arbitrage qui va établir
une juste valeur pour l'entreprise en question. Ce n'est donc pas à la
commission de chercher à savoir si l'évaluation de Kidder Peabody
est plus juste que celle de Lazard Frères. Il n'appartient pas à
cette commission de faire cette évaluation. Il appartient à cette
commission de décider du mécanisme en vertu duquel un tel
arbitrage pourrait être réalisé. Par conséquent,
nous devons en revenir au sujet à débattre, c'est-à-dire
essentiellement: Quelle doit être la méthode à utiliser
pour évaluer quel est le juste prix? Soyez certain que je ne crois pas
que l'Opposition libérale soit en mesure de nous indiquer quel doit
être le juste prix. Nous n'avons d'ailleurs pas prévu dans le
mécanisme d'arbitrage une nomination à l'intérieur du
Parti libéral, même s'il devait avoir quelque lumière
particulière lui permettant de pénétrer le secret des
choses et des coeurs.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, j'aurais aimé que le
ministre des Richesses naturelles accepte avec un peu plus de sérieux
cette motion du député de Saint-Laurent. Il a terminé en
faisant des blagues, naturellement partisanes. Je comprends un peu sa position,
étant donné que ce n'est pas lui qui est responsable des
négociations. Il a probablement été laissé dans
l'obscurité la plus totale par son collègue, le ministre des
Finances. Autrement dit, très poliment, il ne sait pas de quoi il parle,
quand on parle de l'évaluation. Le ministre des Finances, d'ailleurs,
son collègue, qui a avec beaucoup d'attention maintenu un mystère
artificiel sur les évaluations qui ont été faites. Il a
même affirmé en Chambre qu'il avait dû signer
imaginez-vous un engagement de confidentialité en ce qui concerne
l'étude de Lazard Frères, étude que le chef de
l'Opposition officielle a obtenue sans signer quelque papier que ce soit. Je ne
sais pas si le ministre des Richesses naturelles est dans l'ignorance la plus
totale qu'a tenté de maintenir le ministre des Finances à
l'égard des autres membres de l'Assemblée nationale sur le
rapport de Lazard Frères. Naturellement, il n'est pas celui qui a
présidé aux pseudo-négociations. Il a rejeté du
revers de la main l'occasion d'éclairer la commission parlementaire.
Là où son jupon dépasse, M. le Président, c'est
qu'il aura beau dire que le principe du projet de loi est adopté, le
principe, c'est le pouvoir d'exproprier et le projet de loi contient des
mécanismes pour en établir la valeur.
Or, on serait absolument malhonnête en ignorant le fait qu'il y a
eu deux études officielles faites, d'un côté, par le
gouvernement, c'est-à-dire pour le gouvernement par Kidder, Peabody,
étude qui a été déposée à
l'Assemblée nationale, et l'autre faite par le propriétaire de la
société Asbestos, ou pour le propriétaire par Lazard
Frères. Cette étude de Lazard Frères, c'est surtout
celle-là, naturellement, qu'on ne connaît pas, le ministre des
Finances ayant refusé de nous la communiquer, lui-même ayant
dû, apparemment, se soumettre à un engagement de
confidentialité, mais officiellement, l'Assemblée nationale ne la
connaît pas, cette étude, la commission parlementaire,
officiellement, ne la connaît pas. C'est une espèce de
mystère entretenu artificiellement par le gouvernement pour tromper les
parlementaires qui sont appelés à voter ce projet de loi. C'est
ça qui est malhonnête, M. le Président.
Là où le bât blesse, c'est que le projet de loi dit
que quelqu'un devra déterminer le prix. Quand j'ai dit en
deuxième lecture que ce gouvernement, le Parti québécois,
est en train de voter aveuglément pour un prix qu'il ne connaît
pas en votant hier soir, ou ce matin, pour ce projet de loi, les
députés péquistes de l'autre côté ont
voté pour n'importe quel prix, parce que ce ne sont pas eux qui vont
déterminer le prix si le projet de loi reste tel quel. C'est une tierce
personne, à qui on n'a pas donné de coordonnées, ni de
critères, sauf très généraux et c'est
réellement malhonnête intellectuellement de la part des
députés péquistes de se fermer les yeux et d'ignorer qu'il
y a deux études dont une dit que c'est $42 l'action, alors que l'autre
dit que c'est $100 l'action.
Le ministre des Richesses naturelles, qui préside à la
représentation du gouvernement ici, ne l'a peut-être pas vue,
cette étude. On va attendre ce qu'il va en dire. Peut-être que le
ministre des Finances a signé son engagement de confidentalité en
se proposant de ne pas la montrer au ministre des Richesses naturelles, mais il
reste qu'on ne peut ignorer... C'est important. On est des législateurs
ici. On représente la population et de notre vote va dépendre si
le gouvernement, donc la population, va payer $40 l'action ou $100 l'action ou
quelque chose entre les deux. C'est malhonnête actuellement, M. le
Président, de la part du gouvernement de refuser à cette
commission parlementaire le loisir de prendre connaissance de l'étude,
d'interroger ceux qui ont fait les deux évaluations pour savoir sur
quels critères ils se sont fondés, quelles sont les normes qu'ils
ont adoptées pour arriver à des chiffres aussi disparates, aussi
différents que $42, d'une part, et $100, d'autre part.
C'est là que, inconsciemment, peut-être, mais
bêtement sûrement, le gouvernement est en train d'autoriser l'achat
de l'Asbestos Corporation à n'importe quel prix.
Le gouvernement a fait son lit. Il a décidé d'exproprier.
Le principe est adopté. On n'a pas le droit d'y revenir, mais il y a une
chose, par exemple, qu'on doit faire comme législateurs, c'est de
s'assurer que le Québécois, lui, le contribuable ne paiera pas
n'importe quel prix pour ça. A ce moment-là, c'est au niveau de
l'étude article par article qu'on doit injecter dans le projet de loi
des critères, des balises, des normes qu'on ne peut connaître
qu'en examinant les deux évaluations, en interrogeant les deux
évaluateurs pour savoir comment il se fait que l'un arrive à $42
l'action, alors que l'autre arrive à $100. Le gouvernement sait
très bien, par exemple qu'en vertu de son attentisme dont il a fait
preuve depuis deux ans sur ce dossier, c'est seulement après le
référendum que le prix va être déterminé
éventuellement par une tierce partie, pas élue, qui ne
répondra pas à la population. (21 h 15)
C'est là encore un degré additionnel de
malhonnêteté, de la part du gouvernement, qui sait très
bien que c'est après le référendum que le prix va
être connu. A ce moment, ce sera peut-être $70 l'action; trop cher,
il n'y a pas un député de l'autre bord de la table qui s'est
levé pour dire qu'il est prêt à payer $100 l'action. Hier
soir, j'ai posé la question à l'Assemblée nationale
à deux députés, dont un ministre: tous les deux m'ont dit
qu'ils n'étaient pas prêts à payer $100 l'action. Pourtant,
en votant pour, ils ont donné un chèque en blanc au gouvernement
de payer n'importe quel prix pour Asbestos Corporation. Ce qu'on veut
éviter, ici, c'est justement ça et c'est la chance qu'on donne au
ministre, actuellement, en invitant les deux évaluateurs à
répondre à nos questions pour nous dire comment ils en sont
arrivés à ces prix, pour faire la comparaison entre les deux
études, entre les normes, entre les critères, les
coordonnées qu'ils ont pris pour arriver à leur conclusion.
Il me semble qu'il n'y a pas un ministre responsable, ici, à
cette Assemblée nationale, il n'y a pas un député
responsable qui devrait refuser d'être éclairé
là-dessus. En fait, ça participe de l'entêtement le plus
partisan que j'aie jamais vu, parce que, au fond, une fois que le principe est
adopté, on ne peut plus dire: On refuse le pouvoir d'exproprier; c'est
adopté par l'Assemblée nationale, on est lié par
ça. Mais, à l'intérieur de ce cadre très restreint,
de ce corridor très étroit d'expropriation, il y a une chose
qu'on peut faire, c'est rendre service aux Québécois pour dire
à l'arbitre: Vous allez prendre telle, telle et telle norme, vous
n'allez pas payer plus cher que tant.
Quand j'ai dit que le Parti québécois est en train de
faire un cadeau à General Dynamics, à ce moment-là, c'est
vrai, et ce n'est même pas inconsciemment, M. le Président, c'est
par pure bêtise, parce qu'il ne veut pas voir la vérité, il
ne veut pas voir quelle est la voie qu'on doit adopter comme parlementaires,
ici, à cette Assemblée nationale, à cette commission dont
les pouvoirs sont quand même limités. Il s'agit simplement
d'inviter les gens au bout de la table et de leur dire comment il se fait que
vous arrivez à $100 l'action. Qu'avez-vous évalué qui
vaille si cher que ça? Quel taux d'escompte avez-vous adopté?
13%, 11%, 10% ou 15%? Qu'est-ce que vous avez escompté de si
élevé dans les profits à venir? Pourquoi? Est-ce que
ça n'a pas de bon sens? Quelles sont les normes
généralement acceptées dans l'industrie? Ce sont toutes
des questions qu'on doit se poser actuellement, et il me semble que le ministre
et les députés ministériels ne sont pas plus bêtes
que les autres. Naturellement, je suis très optimiste, mais, quand
même, ils peuvent parler de ces critères et, en toute
honnêteté, dire: Ecoutez, c'est vrai, on ne devrait
peut-être pas aller plus qu'un tel taux d'escompte pour tel titre, tel
chapitre du bilan. A ce moment, l'inclure dans la loi, de sorte que l'arbitre
sera lié, dans une certaine mesure, à ne pas faire payer
n'importe quel prix aux Québécois pour une folie du gouvernement.
C'est déjà une folie; ça, on l'a dit nous, mais ça,
c'est fini, le débat est terminé, le principe est adopté.
Mais, une fois que le principe est adopté, le minimum qu'on puisse
faire, comme député, il me semble... Je fais appel au
député de Frontenac, il connaît ça les affaires lui,
il sait qu'il va l'avoir, son Asbestos, il va planter son drapeau. Il va le
planter son drapeau, mais à quel prix voulez-vous faire payer aux
Québécois votre drapeau que vous allez planter sur l'Asbestos
Corporation le 24 juin? Quel prix? N'importe quel prix? $100 l'action? Est-ce
que le député de Frontenac peut me répondre maintenant?
Est-il prêt à faire payer $100 l'action?
Il fait signe que non, M. le Président, il n'est pas prêt,
mais pourtant, en votant et en refusant actuellement la motion, c'est ce qu'il
fait. Il affirme, par son vote d'hier soir, il affirme, par son refus d'adopter
la motion du député de Saint-Laurent, qu'il est prêt
à faire payer n'importe quel prix pour l'Asbestos Corporation, alors que
ce sont les Québécois qui vont payer pour ça.
M. Grégoire: M. le Président. Est-ce que je
pourrais poser une question?
M. Lalonde: Oui.
M. Grégoire: Je crois que le député de
Marguerite-Bourgeoys a dit, tout à l'heure, que le chef de l'Opposition
avait une copie du rapport de la firme Lazard Frères qui avait
été demandé par General Dynamics. J'ai bien compris le
député de Marguerite-Bourgeoys?
M. Lalonde: Le chef de l'Opposition, dans son discours de
deuxième lecture, hier soir, a affirmé avoir eu communication du
rapport de Lazard Frères.
M. Grégoire: Est-ce que le député de
Marguerite-Bourgeoys peut nous dire de qui il a reçu cette copie du
rapport?
M. Lalonde: Je l'ignore, M. le Président, il ne l'a
sûrement pas eue du laitier ni du ministre.
M. Grégoire: Du ministre...
M. Lalonde: Non. Cela veut dire que c'est facile à avoir
et que si on invitait Lazard Frères ici actuellement dans une semaine ou
moins il serait au bout de la table avec le rapport et les
députés présents autour de la table pourraient être
éclairés, les députés qui vont décider par
leur vote à savoir...
M. Ouellette: Pas du prix...
M. Lalonde: On ne peut peut-être pas décider du
prix, mais décider des critères qui vont être
adoptés. Comment se fait-il qu'on arrive à $42 d'une part par un
expert qui s'appelle Kidder, Peabody et $100 d'une autre part? Parce que des
experts évaluateurs ont adopté des normes, des critères
différents, mais il me semble qu'on devrait connaître ça
nous autres. On devrait savoir comment il se fait qu'il y a un écart si
grand, surtout que la loi que le gouvernement est en train de nous "bulldozer"
actuellement nous empêche de déterminer un prix, au moins un
plafond.
Si le gouvernement veut absolument acheter l'Asbestos Corporation, s'il
veut absolument couvrir d'un grand chapeau l'amiante du Québec, il me
semble qu'une fois que c'est décidé, même si on n'est pas
d'accord, on devrait avoir comme première préoccupation que
ça coûte le moins cher possible, que ce ne soit pas un cadeau
qu'on va faire à General Dynamics et un cadeau qui va être
décidé non pas par vous, là, l'autre bord de la table.
C'est vous qui menez actuellement, mais ce ne sera pas vous qui allez
mener une fois que vous aurez adopté ça en troisième
lecture si vous ne changez pas la loi. Ce sera quelqu'un d'autre, un tiers qui
va être tenté, sans présumer, sans préjuger de sa
décision, de couper la poire en deux. Entre $40 et $100, il y a $60.
Prenez la moitié, ça fait $30. Est-ce que le député
de Frontenac est prêt à payer $70 l'action pour l'Asbestos
Corporation?
M. Grégoire: Non, je ne serais pas prêt à
vous nommer arbitre.
M. Lalonde: Bon, il n'est pas prêt...
M. Grégoire: Si vous décidez avant le temps en
coupant la poire en deux, je ne vous nommerai pas arbitre. Je ne serais pas
prêt à ça.
M. Lalonde: Est-ce que vous êtes prêts à payer
$70 l'action? Est-ce que le député de Frontenac est prêt
à payer les $70, à faire en sorte que les Québécois
paient $70 l'action pour acheter l'Asbestos Corporation? C'est ma question au
député de Frontenac.
M. Grégoire: Je vais répondre au
député de Marguerite-Bourgeoys qu'en expropriant l'Asbestos
Corporation on n'achète pas les actions, on achète l'actif et non
pas les actions.
M. Lalonde: Oui, mais, c'est l'actif naturellement qui fait
déterminer le montant des actions. Je ne suis quand même pas pour
apprendre à faire des grimaces au député de Frontenac. Il
connaît les affaires. Il sait très bien que s'il achète une
maison, ce n'est pas la brique qu'il achète, c'est tout ce qu'il y a
à l'intérieur. C'est le rendement, ce sont les profits qu'on va
pouvoir espérer faire en fonction d'un marché, en fonction d'une
force de production, en fonction du "cash flow" II sait ce que c'est
naturellement en fonction de la trésorerie.
M. Grégoire: Les citoyens vont garder leurs actions.
M. Laplante: L'achèteriez-vous, M. le député
de Marguerite-Bourgeoys?
M. Lalonde: J'entends du bruit du côté de Bourassa,
mais...
M. Laplante: Mais l'achèteriez-vous à $70?
M. Bérubé: On entend du bruit de l'autre
côté, mais c'est du bruit continu et informe.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Lalonde: Non, il n'est pas informe. Est-ce que le
député de Frontenac est prêt à payer
l'équivalent pour les actifs à acheter, l'équivalent de
$70 l'action pour l'Asbestos Corporation?
M. Grégoire: M. le Président...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je
voudrais quand même dire au député de Marguerite-Bourgeoys
qu'à chaque fois qu'il pose des
questions au député de Frontenac, et qu'il répond,
ça va sur son temps.
M. Lalonde: Mon temps n'est pas important.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
D'accord. Vous le saviez?
M. Lalonde: Ce qui est important, M. le Président, ce
n'est pas tellement mon temps.
M. Bérubé: Le député de Frontenac
voudrait répondre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Frontenac.
M. Bérubé: Combien reste-t-il de temps au
député de Marguerite-Bourgeoys?
M. Grégoire: Je vais vous dire ceci. Le
député de Marguerite-Bourgeoys me demande si je suis prêt
à payer $70 l'action. Voici, il y a un tribunal d'arbitrage qui sera
nommé avec des experts, et à ce moment-là...
M. Lalonde: M. le Président, je reprends la parole parce
qu'il est en train de me faire un chapitre pour essayer d'éviter la
réponse. Il ne veut pas répondre parce qu'il sait très
bien que c'est trop cher $70 l'action de toute façon.
M. Grégoire: Alors, on le dira au conseil d'arbitrage. On
le dira au tribunal d'arbitrage que c'est trop cher...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Lalonde: C'est ça. Il veut se laver les mains comme
Pilate a fait et on sait ce que cela a donné.
M. Bérubé: Question de règlement, j'aimerais
savoir qui a le droit de parole présentement. S'agit-il du
député de Frontenac qui répond à une question du
député de Marguerite-Bourgeoys ou le député de
Marguerite-Bourgeoys qui l'a interrompu?
M. Lalonde: C'est moi qui ai le droit de parole; c'est sur mon
temps. Sa réponse est terminée, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Lalonde: II n'a pas voulu répondre, tant pis pour
lui.
M. Grégoire: On ne m'a pas laissé
répondre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre! Vous savez tous combien il y a eu d'expériences récentes
qui nous ont démontré que lorsque personne ne veut obéir
au règlement, la présidence n'y peut rien. Je vous incite a le
respecter. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Je reprends mon droit de parole. M. le
Président, j'ai essayé d'avoir un oui ou un non de la part du
député de Frontenac, à savoir s'il est prêt à
payer $70 l'action, je présume qu'il n'est pas prêt à le
payer, quand son gouvernement, son ministre des Finances, ses ministres autour
de lui, qui l'entourent très bien, qui lui donnent des coups de coude de
temps en temps pour ne pas qu'il réponde longuement, disent qu'ils ne
veulent pas payer plus que $42, le premier ministre l'a dit lui-même, $42
ou autour de $42. S'il refuse la motion du député de
Saint-Laurent, le député de Frontenac vient de dire aux
électeurs de Frontenac qu'il est prêt à leur faire payer
n'importe quel prix. C'est ça qu'il vient de dire, oui, c'est
ça.
Même s'il le nie douze fois, toute la nuit, c'est ça que
son vote voulait dire, hier soir et c'est ça que son vote va vouloir
dire tout à l'heure. S'il ne veut pas que dans la loi, M. le
Président...
M. Grégoire: Est-ce que je pourrais soulever une question
de règlement?
M. Lalonde: ... on injecte, on imprime les critères qui
vont permettre une évaluation juste et non pas une évaluation en
fonction de normes absolument inacceptables, c'est lui qui sera responsable et
lorsque le jugement du tribunal d'arbitrage sortira et qu'il ne sera pas
conforme à ce que la politique de son gouvernement lui dicte, $42
l'action, à ce moment-là, j'irai le voir et j'irai voir ses
électeurs aussi, M. le Président.
M. Grégoire: Bienvenue.
M. Lalonde: Probablement qu'il ne sera plus député,
mais ça ne fait rien, il sera responsable, par son incurie et sa
négligence importante, parce que ça va être des dizaines de
millions de dollars que son refus va coûter aux Québécois.
C'est ça. Mais rentrez-vous ça dans la tête, de l'autre
côté. Ecoutez, il s'agit de dizaines de millions de dollars que
vous refusez d'empêcher les Québécois de payer en trop. Si
vous dites oui à notre motion, on va avoir des gens au bout de la table
qui vont nous dire pourquoi c'est $100. On va peut-être dire oui, on va
peut-être dire non, on agira en connaissance de cause.
Actuellement, vous vous abriez dans le drapeau de l'amiante, simplement
pour des fins politiques, des fins partisanes et ça va coûter
beaucoup plus cher aux Québécois et vous en serez
responsables.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci.
M. le député de Beauce-Nord.
M. Ouellette: Merci, M. le Président. Je suis
étonné de la motion présentée par le
député de Saint-Laurent. Je ne la trouve pas irrecevable et je
pense que je serais assez malvenu de prétendre le contraire, mais je la
trouve hors de propos, non pas impertinente, mais non pertinente à tout
le moins.
Les notes explicatives du projet de loi sont claires, on dit que ce
projet de loi vise à donner au gouvernement le droit d'exproprier, au
nom de la Société nationale de l'amiante des biens de la
société Asbestos Limitée et de prévoir un
mécanisme d'arbitrage afin d'établir un coût le plus juste
possible, j'imagine, de ces installations.
La motion du député de Saint-Laurent, si je
l'interprète correctement, viserait à permettre à
l'Assemblée nationale de fixer elle-même le coût de ces
installations puisqu'en faisant venir devant nous les techniciens
spécialistes de Lazard Frères et de Kidder, Peabody, on viserait
sans doute à faite des députés qui entendraient ces
intervenants des gens un peu plus compétents dans l'art d'évaluer
ce que l'on veut exproprier.
Mais le projet de loi ne dit pas du tout qu'on a l'intention de ramener
cette décision sur le parquet de l'Assemblée nationale. Elle dit
tout simplement que le gouvernement pourra créer un conseil d'arbitrage
formé de gens compétents, capables de faire ce travail à
notre place. Je pense que le gouvernement, ce faisant, démontre qu'il
respecte grandement la société, la multinationale
détentrice des actions de l'Asbestos Corporation, puisqu'un des membres
de cette commission ou de ce conseil d'arbitrage sera désigné par
General Dynamics, un autre par la Société nationale de l'amiante
et un troisième par le gouvernement, mais en accord avec les deux, ce
qui veut dire qu'agissant ainsi, je pense qu'on intervient pas du tout de
façon négative à l'endroit de la société
dont on a l'intention d'exproprier les actifs.
Une chose m'étonne toutefois dans ce qui a été dit,
je pense par le député de Marguerite-Bourgeoys et le ministre en
a fait allusion tout à l'heure, de même que le
député de Frontenac, si je suis bien informé, il y aurait
eu un accord de confidentialité entre General Dynamics et le
gouvernement du Québec, à savoir qu'on ne dévoilerait pas
certaines choses, notamment les rapports produits par les deux
sociétés expertes qui ont fait des études, de part et
d'autre. (21 h 30)
Et pourtant, les gens de l'Opposition, du Parti libéral, disent
être en possession... Et c'est leur chef hier soir, à
l'Assemblée nationale qui, sans ambiguïté, pour une fois, a
révélé cette réalité. Je me demande... je
pense qu'honnêtement, je vais corriger mon "pour une fois". C'est la
deuxième fois, la première étant lorsqu'il a jugé
le Parti québécois; dans certains éditoriaux, on a vu
qu'il pouvait avoir un esprit très clair et très lucide.
Aujourd'hui, il le regrette toutefois.
Mais je suis un peu étonné que le Parti libéral se
dise en possession de documents qui ont fait l'objet d'un traité de
confidentialité entre les deux intervenants. C'est donc dire qu'il y a
eu des fuites. Et on a admis tout à l'heure, je pense, sans ambages, que
cette information ne pouvait pas venir du ministre. Donc, d'où
vient-elle? C'est un point d'interrogation. Et je m'arrête
là-dessus en rappelant que je suis toujours étonné de voir
une telle motion qui ne vise absolument pas le but visé par le projet de
loi lui-même.
M. Forget:... une compagnie qui communique des informations au
gouvernement ne les communiquerait pas à l'Opposition?
M. Ouellette: Je m'excuse, je n'ai pu entendre votre
question.
M. Forget: En quel honneur une compagnie qui communique des
renseignements au gouvernement ne les communiquerait pas à
l'Opposition?
M. Ouellette: Le gouvernement, à ma connaissance, est
partenaire dans cette discussion, alors que l'Opposition ne l'est pas. Vous
êtes assez adulte, M. le député, pour savoir qu'il y a
quand même une nuance entre le gouvernement et le Parlement.
M. Forget: II faut se rendre compte que le gouvernement n'a pas
intérêt à rendre les chiffres publics.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Saint-Laurent, à l'ordre!
M. Ouellette: C'est tout, M. le Président.
M. Forget: Vous embobinez tout le monde beaucoup plus
facilement.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît! M. le député d'Outremont.
M. Raynauld: Merci, M. le Président. Je pense qu'il s'agit
d'abord d'un projet de loi et d'un article 1 qui, comme le ministre des
Richesses naturelles l'a dit tout à l'heure, portent sur les
modalités d'expropriation éventuelle.
Or, la motion qui nous est soumise par le député de
Saint-Laurent porte justement sur ce problème, porte justement sur les
mécanismes d'expropriation. Et parmi les mécanismes
d'expropriation, je pense que le premier, c'est la façon dont on va
déterminer les prix. S'il s'agit d'un projet de loi portant sur des
modalités d'application, sur des mécanismes, la motion qui nous
est présentée est justement faite pour examiner ces
mécanismes.
On sait tous maintenant qu'il y a au moins deux estimations
différentes et qui sont très largement différentes. Je
pense qu'il serait utile, sinon nécessaire, que la commission
parlementaire, si elle veut se prononcer sur ce projet de loi, en toute
connaissance de cause, je pense qu'il va de soi qu'on devrait pouvoir
interroger les gens qui ont préparé ces études, qu'on
devrait pouvoir leur demander des éclaircissements sur les jugements
qu'ils ont portés...
M. Grégoire: Question de règlement sur la
pertinence du débat. Je crois que la motion en discussion, c'est le
dépôt du rapport et non pas de le présenter, d'interroger
les personnes...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Non.
S'il vous plaît! M. le député de Frontenac. Je vais relire
la motion. La motion n'a aucunement rapport...
M. Grégoire: C'est correct. Je l'admets.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Comme
vous le savez, la présidence n'a pas toujours tort. M. le
député d'Outremont.
M. Raynauld: M. le Président, c'est une interruption
absolument inutile comme souvent il arrive au député de Frontenac
de le faire. Il s'agit donc d'une motion qui a pour objet d'inviter les gens
à venir devant la commission parlementaire répondre à des
interrogations que nous avons, à des questions que nous voulons leur
poser.
La raison de cela, c'est que les différences qui existent,
à l'heure actuelle, dans les estimations, n'ont pas trait seulement
à des questions purement techniques et purement arithmétiques.
Nous savons que la principale source de différences dans les estimations
provient de ce que l'on pense que l'amiante vaudra sur le marché
international au cours des 15, 20 ou 25 prochaines années.
Il s'agit là de questions de jugement.
M. Bérubé: Et votre étude est fiable. M.
Raynauld: Je n'ai pas d'étude.
M. Bérubé: Oui, vous avez dit que vous avez votre
étude.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il
vous plaît!
M. Bérubé: L'étude de votre compagnie. M.
Raynauld: Ce n'est pas notre compagnie.
M. Bérubé: Ce n'est pas votre compagnie? Ah!
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre!
M. Raynauld: II existe deux études. Et vous avez
payé $500 000 pour en avoir une, vous devriez le savoir.
M. Bérubé: Pardon?
M. Raynauld: Vous avez payé $500 000 pour l'avoir.
M. Grégoire: On l'a déposée.
M. Raynauld: Vous l'avez déposée. Les membres d'une
commission parlementaire auraient peut-être le droit, pour $500 000 de
fonds publics, d'interroger les gens qui ont fait l'étude. Je pense que
c'est parfaitement recevable, c'est parfaitement raisonnable et normal que la
commission parlementaire puisse se rendre compte par elle-même des
estimations qui sont présentées, des jugements que les experts
ont posés, de la probabilité qu'il y a, suivent les
considérations qu'ils ont eux-mêmes utilisées pour arriver
à ce jugement-là, et que nous soyons capables d'examiner et de
nous faire une opinion nous-mêmes, comme le gouvernement aurait dû
se faire une opinion, sur la probabilité qu'il y a que les conditions de
marché de l'amiante pour les vingt prochaines années soient d'une
augmentation des prix absolument nulle, comme dans le cas d'une des
études, ou qu'elle augmente en termes réels de 2,5% à 3%
par an. Je pense que c'est tout à fait normal et raisonnable de la part
d'une commission parlementaire que de demander aux experts qui ont
préparé ces études de venir nous dire dans quelle mesure
ces estimations sont fermes, dans quelle mesure ces estimations sont assujettis
à un pourcentage d'erreur plus ou moins élevé.
Pour ce qui concerne ensuite la deuxième source principale des
différences dans les estimations, il s'agit du taux d'escompte,
là encore ce ne sont pas des formules mathématiques qui
règlent le choix d'un taux d'escompte, on a aussi la possibilité,
on devrait aussi avoir la possibilité d'interroger des experts sur les
raisons pour lesquelles ils ont utilisé un taux d'escompte plutôt
qu'un autre, pourquoi la firme qui a travaillé pour le gouvernement du
Québec a utilisé un taux d'escompte inférieur, faisant
à ce moment-là que la valeur des actifs de l'Asbestos Ltée
était le plus élevée dans le cas de l'étude de la
General Dynamics et une valeur présente plus faible dans le cas de
Kidder, Peabody. Ces choix de taux d'escompte, encore une fois, reposent
essentiellement sur des jugements qui sont faits. Là encore, il ne
s'agit pas de choses tellement techniques qu'on doive accepter les
résultats sans discussion. Ces deux raisons que je viens de donner sont
plus que suffisantes à mon avis pour justifier l'adoption de la motion
qui nous est présentée.
En troisième lieu, je pense que c'est également le devoir
du gouvernement d'informer la population. Mon collègue de
Marguerite-Bourgeoys y a fait allusion. Il s'agit ici d'une décision que
le gouvernement prend et à laquelle il attache un prix d'environ $112
millions, soit $40 l'action. Il dit à la population que cette
décision qu'il prend va coûter $112 millions environ à la
population.
Or, les estimations alternatives qui sont présentées,
estimations qui peuvent être discutables, mais estimations qui sont
également préparées par des experts dans le domaine,
établissent que le prix pourrait monter à $280 millions. Je ne
sais pas si vous vous rendez compte. Dans un cas, une estimation dit $112
millions, dans l'autre cas, $280 millions. C'est cela que veulent dire les $40
par action et les $100 par action, donc une différence de $168 millions.
On voudrait nous faire croire que la commission parlementaire n'aurait pas de
raisons particulières de s'interroger sur un sujet comme
celui-là. Le gouvernement, cela fait bien son affaire de ne pas en
parler, parce qu'il dit
à la population que cela va coûter $112 millions, mais,
lorsque la décision sera finalement prise et je reviendrai tout
à l'heure sur la "mécanique" de cette prise de décision
s'il arrivait que le prix n'était pas de $112 millions, mais de
$280 millions ou de quelque chose entre les deux, le gouvernement, que
dirait-il à ce moment-là à la population? Il dirait: Nous
sommes trop avancés, nous sommes devant un fait accompli. Nous ne
voulions pas payer plus que $40 par action. Nous ne voulions pas payer $112
millions, mais on nous impose en quelque sorte de payer jusqu'à $280
millions, jusqu'à concurrence de $280 millions.
Là, on voudrait nous placer, non pas seulement la population, qui
aurait peut-être le droit de savoir combien une décision comme
celle-là va lui coûter, mais on voudrait même nous imposer
cela à nous, les membres de la commission parlementaire. Nous non plus,
nous n'aurions pas le droit de poser des questions. Nous non plus, nous
n'aurions pas le droit d'interroger des experts pour que nous nous fassions une
idée du prix réel que le gouvernement devra payer pour exproprier
l'Asbestos Corporation. Quand on en arrive ensuite à la mécanique
de la prise de décision, mon collègue de Marguerite-Bourgeoys a
entièrement raison d'affirmer devant la commission parlementaire et
devant la population du Québec, il a entièrement raison de dire
que la mécanique est telle que cette décision ne sera pas prise
par le gouvernement du Québec, qu'elle sera prise éventuellement
par un conseil d'arbitrage dont il aura nommé les membres suivant les
formules qui sont proposées dans le projet de loi. La décision
finale va appartenir à un conseil d'arbitrage.
Ce n'est donc pas le gouvernement qui va décider si cela va
être $280 millions ou $112 millions. Il aura beau jeu, le gouvernement,
à ce moment, de dire: Ah! Ce n'est pas nous qui avons
décidé cela. Nous avons simplement établi une
mécanique, établi une procédure. Nous nous lavons les
mains de l'engagement de fonds publics qui peut aller jusqu'à $168
millions, la différence entre les deux estimations à l'heure
actuelle. Qu'est-ce qu'on dirait aujourd'hui si on prenait une décision
comme celle-là en toute connaissance de cause? Il faudrait dire à
la population que cette expropriation pourra coûter jusqu'à $280
millions, puisqu'il existe une estimation qui donne ce montant. Il n'y a
même rien qui empêche le conseil d'arbitrage, entre maintenant et
le moment où il va prendre sa décision, d'en arriver à une
décision où le prix sera encore supérieur à
celui-là. Il n'y a rien.
Dans la loi, à l'heure actuelle, on dit que le conseil
d'arbitrage devra se fonder sur une notion de juste valeur marchande.
Justement, la juste valeur marchande! Il y a eu deux entreprises d'experts qui
se sont penchés sur le problème pour justement arriver à
évaluer quelle était la juste valeur marchande et leur estimation
passe de $112 millions à $280 millions. C'est plus que le double. C'est
le simple au double et demi. Comme différence d'estimation, c'est
quelque chose! On va nous dire que la juste valeur marchande, c'est un
critère suffisant à donner à un conseil d'arbitrage,
éventuellement, pour établir le prix.
Je dis que le gouvernement se plaît à faire cela, parce que
c'est la meilleure façon qu'il a de cacher à la population les
conséquences du geste qu'il veut poser. Il veut le cacher. Il veut aussi
s'abriter derrière l'existence d'un conseil d'arbitrage comme
celui-là pour éventuellement refuser d'endosser la
responsabilité de payer un certain prix pour l'expropriation de
l'entreprise.
Je dis donc qu'il est non seulement souhaitable, mais je pense qu'il est
même nécessaire... Si on veut être franc et honnête
vis-à-vis de la population, il est nécessaire que cette
commission parlementaire, si le gouvernement ne veut pas prendre ses
responsabilités, qu'au moins, la commission prenne ses
responsabilités. Qu'on fasse venir ici les experts, qu'on puisse les
interroger et qu'on en arrive à la fin, idéalement, à se
faire une idée de la probabilité qu'il y a que la juste valeur
marchande se situe à un certain niveau. C'est cela qu'il faudrait dire
à la population. Si nous faisons nos travaux sérieusement, nous
devrons dire à la population que, selon nous, le prix ne sera pas $42
l'action, ne sera peut-être $100 l'action, cela pourra peut-être
être $90, cela pourra peut-être être $80. C'est cela qu'il
faut dire à la population.
A l'heure actuelle, le gouvernement, non seulement se cache
derrière la confidentialité des études, non seulement il
fait cela, mais il n'a jamais dit à la population qu'en confiant
à un conseil d'arbitrage la détermination du prix, ce prix,
basé sur ce que nous savons à l'heure actuelle, basé sur
ce que le gouvernement sait à l'heure actuelle, pourrait monter et
impliquer des sommes qui sont plus de deux fois celle que le gouvernement
lui-même dit avoir choisie comme interprétation et comme montant.
(21 h 45)
Je pense que ce gouvernement a établi justement le
mécanisme qu'il lui fallait de façon à ne pas avoir
à rendre des comptes quand c'est le moment, c'est-à-dire avant
que la décision soit prise et ensuite, il nous dira: Nous n'y pouvons
rien. Cela a été fait par des experts. Cela a été
fait par un juge de la cour chargée des expropriations au Québec.
Nous avons choisi les meilleures personnes pour faire un tel jugement. On ne
peut pas nous accuser, à ce moment-là, d'être
biaisés en faveur de l'une ou de l'autre des parties. On dira aux
Etats-Unis aussi: Ce n'est pas le gouvernement du Parti québécois
qui a décidé. Mais non, c'est un conseil d'arbitrage et sur la
base de quelle directive, de quelle orientation la juste valeur marchande des
actifs de l'entreprise...
Or, il existe déjà deux estimations et ces deux
estimations ont été faites par des experts, ces deux estimations
se défendent et, par conséquent, il n'y a pas, à l'heure
actuelle, de raison de déclarer, de façon péremptoire, que
le gouvernement s'engage dans une opération qui n'engagera pas les fonds
de la province de Québec pour plus de $112 millions. Il n'a aucun
fondement pour dire une chose comme celle-là, étant donné
le mécanisme d'arbitrage qu'il a prévu dans le projet de
loi. Il faudrait donc que ce gouvernement, s'il était
honnête, dise à la population du Québec: Cela peut aller
jusqu'à $112 millions. Cela peut aller aussi jusqu'à $280
millions et peut-être même au-delà puisque, encore une fois,
il n'y a pas de limite et que cette décision est prise par une tierce
partie. La seule façon que nous ayons, nous, d'exercer notre travail
convenablement, c'est précisément d'adopter la motion du
député de Saint-Laurent et de faire venir ici les experts qui ont
préparé ces études pour qu'au moins nous soyons en mesure
d'évaluer nous-mêmes, en tant que membres de la commission
parlementaire, quelles sont les chances qui existent que le coût de cette
expropriation puisse être, soit plus proche de $112 millions ou plus
proche des $280 millions.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci,
M. le député d'Outremont. M. le député de
Bourassa.
M. Laplante: M. le Président, sans perdre mon tour, si M.
le ministre veut avoir le droit de répondre tout de suite aux...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci.
Il y a eu quelque chose de semblable qui s'est passé en Chambre l'autre
jour, lorsque le député de Drummond a cédé son
droit de parole au premier ministre et il perdait son tour; je devrai le
reconnaître plus tard.
M. Lalonde: Consentement, peut-être pas pour le tour,
mais...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II y a
consentement selon lequel vous donnez...
M. Laplante: Non, c'est...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): ...
votre droit de parole au ministre pour revenir immédiatement
après et, par la suite, le député de Mont-Royal.
M. Laplante: Merci, M. le Président. M. Lalonde:
Excellent, c'est bon.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
ministre.
M. Lalonde: On va être éclairé.
M. Bérubé: Merci, M. le Président.
M. Ouellette: C'est un cas de jurisprudence.
M. Bérubé: Je dois dire que c'est avec beaucoup de
tristesse que j'ai écouté l'intervention du député
de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Bravo!
M. Bérubé: Beaucoup de tristesse, parce
qu'évidemment, parfois, on s'envoie certaines pe- tites accusations de
part et d'autre. Evidemment, elles ne sont pas toujours sérieuses. Elles
font partie du décorum de l'Assemblée nationale et constituent un
élément piquant du débat qu'il faut évidemment
excuser, sachant que, de toute façon, elles fusent de part et
d'autre.
Il faut néanmoins un thème que nous avons, il faut
reconnaître, exploité au lendemain des révélations
de la commission Malouf et qui portait sur l'association traditionnelle entre
les grandes multinationales et le Parti libéral et plusieurs...
M. Raynauld: La pertinence du débat, M. le
Président.
M. Bérubé: Je serai pertinent, puisque je parlerai
spécifiquement de l'intervention. Donc, nous avions
développé ce thème en nous interrogeant. Or, à ma
surprise le député de Marguerite-Bourgeoys vient de nous indiquer
qu'effectivement, le Parti libéral détient l'étude de
Lazard. Evidemment, il a...
M. Forget: Vous aussi. M. Lalonde: ...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Bérubé: II a également souligné
qu'il ne l'a pas obtenue du ministre des Finances, ce qui m'eût
étonné dans la mesure où le ministre des Finances a bel et
bien signé un accord de confidentialité...
M. Lalonde: ...
M. Bérubé: ... et nous a confirmé qu'il va
la déposer demain à l'Assemblée nationale, ce qui
permettra à tous et chacun de bien voir cet accord de
confidentialité rédigé par la société
General Dynamics et dont la société a exigé signature du
ministre des Finances, ce qui explique pourquoi nous n'avons jamais pu
déposer des études techniques qui reposaient sur de l'information
privilégiée que l'entreprise avait mise à notre
disposition.
Donc, ce n'est certainement pas le ministre des Finances qui a fourni
cette information et, de toute évidence, si ce n'est pas le ministre des
Finances, il y a une autre partie.
Notez que, lors du débat sur la loi 70, à un moment
donné, dans une intervention où j'avais peut-être
souligné la collusion potentielle entre l'Opposition et la
société General Dynamics, le député d'Outremont
s'était levé, furieux, pour ne pas dire furax, et il devait dire:
Je n'ai que du mépris pour le ministre des Richesses naturelles qui
insinue des choses absolument inadmissibles.
M. Raynauld: Je n'ai pas changé d'idée, M. le
Président.
M. Bérubé: II devait donc quitter cette commission
et, effectivement, disons que j'allais à la
pêche. Cependant, l'hameçon vibrait puisque, à un
autre moment, lors d'une autre partie du débat, le député
de Mont-Royal devait souligner que la société Asbestos payait $8
millions en Allemagne. Or, comme la société ne publie que des
états consolidés, le ministre des Richesses naturelles le sait,
puisqu'il doit percevoir les impôts, et le ministre des Finances le sait
également ou toute autre personne qui a accès à tous les
chiffres confidentiels de l'entreprise, entreprise qui refuse de divulguer
cette information à tort et à travers.
Par conséquent, déjà on sentait se dessiner ce lien
très étroit entre cette grande multinationale, assez semblable
à ITT finalement. On a connu ITT, à de nombreuses reprises, pour
ses interventions politiques dans le monde, au Chili ou ailleurs. General
Dynamics, un marchand de canons, a sans doute également des liens avec
la plupart des partis politiques qui ont besoin de financement de temps
à autre. Par conséquent, on pouvait se douter de ce lien
très étroit entre le Parti libéral et les multinationales.
Le député de Marguerite-Bourgeoys, malheureusement, vient de nous
souligner que, de fait, ils sont en lien tellement étroit avec la
société General Dynamics qu'ils obtiennent de cette
société tous les renseignements nécessaires.
Mais, M. le Président...
M. Lalonde: En voulez-vous d'autres?
M. Bérubé:... qu'il dépose les
études. En fait, la population sera renseignée, puisque nous
avons pu déposer tout ce que la société nous permettait de
déposer; quant à vous, à moins que vous n'ayez
été liés par un accord de confidentialité ce
qui serait tout à fait possible, puisque...
M. Lalonde: On ne se serait pas soumis à ça,
nous!
M. Bérubé: ... les accords de
confidentialité sont connus de longue date, vous n'avez jamais
divulgué vos sources de financement; il faut généralement
des enquêtes publiques pour nous permettre de savoir où vous vous
financiez dans le passé. Vous aviez donc des accords de
confidentialité avec ces compagnies, nous le savions dans le
passé.
Mais vous venez, finalement, de révéler ce que tout le
monde savait au Québec, mais que vous avez le culot maintenant de dire
publiquement, ce n'est certainement pas à votre honneur.
M. Lalonde: Article 96, M. le Président. M.
Grégoire: Le chat est sorti du sac!
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce
que vous avez... Un instant, à l'ordre, s'il vous plaît!
Est-ce que vous avez terminé votre intervention, M. le
ministre?
M. Bérubé: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Alors,
très brièvement sur l'article 96.
M. Raynauld: Vous n'avez pas parlé du projet de loi ou de
la motion.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): On n'est
pas sur le projet de loi, mais sur une motion. A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Lalonde: Oui, parce qu'à l'article...
M. Raynauld: II n'a pas parlé de la motion.
M. Lalonde: M. le Président, je veux faire une
correction...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Très brièvement, sur l'article 96.
M. Lalonde: ... je n'ai pas révélé, comme le
ministre semble d'ailleurs surpris de l'entendre, que le Parti libéral
avait eu communication de l'étude Lazard Frères. Le chef de
l'Opposition officielle, député d'Argenteuil, hier, dans une
intervention officielle, à la télévision, en Chambre dans
son discours de deuxième lecture du projet de loi piloté, par
personne interposée, par le ministre des Richesses naturelles, a dit
qu'il avait eu communication, qu'il avait obtenu le document et que, lui, il
n'avait pas été obligé de se plier en quatre pour signer
un accord de confidentialité. Il a refusé l'accord de
confidentialité et il a eu l'étude aussi.
M. Grégoire: ...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Grégoire: De qui?
M. Lalonde: D'accord? Il a eu l'étude.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, M. le député de Marguerite-Bourgeoys...
M. Lalonde: Qu'est-ce que c'est votre problème? Vous
êtes donc suspicieux, vous êtes donc pessimistes! On ne fait pas de
séparatisme ici.
M. Grégoire: De qui? Vous ne voulez pas
répondre!
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Messieurs, s'il vous plaît, à l'ordre!
M. Lalonde: Je ne le sais pas, mais j'ai écouté et
je l'ai entendu.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Marguerite-Bourgeoys, à l'ordre!
M. Bérubé: Déposez-la! Cela va d'ailleurs
permettre à nos députés de la lire.
M. Lalonde: Je suis sûr que le ministre aimerait en avoir
communication parce que le ministre des Finances ne l'a sûrement pas tenu
au courant. On voit qu'il est en pleine ignorance.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Bourassa,
à vous la parole.
M. Laplante: Lorsqu'on lit cette motion: Que cette commission
invite les représentants de la firme Kidder, Peabody et de la compagnie
Lazard Frères à discuter avec les membres et les intervenants de
cette commission de leurs méthodes respectives d'évaluation de la
valeur de la société Asbestos Corporation, le mardi 12 juin 1979,
à 20 heures; je me demande, ce sur quoi la commission a
été invitée, par l'Assemblée nationale, à
étudier, sinon le projet de loi 121 article par article.
Dans la déclaration que le ministre faisait tout à
l'heure, je trouve drôle moi-même que le Parti libéral ait
pu obtenir de Lazard Frères ou d'autres qu'ils n'ont pas nommés
l'étude de cette maison, soit de General Dynamics ou d'autres, mais
à cause de l'accord de confidentialité, le ministre ne peut
renier sa signature parce que c'est une signature officielle du gouvernement.
Peut-être je me pose la question que General Dynamics avait
mis cette signature là-dedans. On se demande qui peut être traitre
à ce moment-ci à cause justement de ces signatures.
Lorsqu'on entend le député de Marguerite-Bourgeoys dire
qu'on veut les avoir en avant de nous autres pour négocier ce prix,
parce qu'en somme c'est ce qu'il voudrait faire, je me demande la
capacité de compréhension du député de
Marguerite-Bourgeoys. On se souvient très bien qu'il faisait partie
aussi du comité olympique, où il n'a jamais été
capable de savoir c'est lui-même qui l'a déclaré
à la commission Malouf comment coûteraient les Jeux
olympiques. Et, aujourd'hui, il va se mêler de projets comme ça?
Je trouve ça drôle, d'autant plus...
M. Forget: C'est ça, votre façon de
procéder.
M. Laplante:... qu'il faisait partie de ce gouvernement aussi,
lorsque les prévisions de la baie James sont sorti et que, comme
gouvernement, nous depuis ce moment on a même baissé le coût
de la baie James, malgré une inflation, depuis 1976 de $1,2
milliard...
M. Forget: Vous en faites moins aussi.
Le Président M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Laplante: Comment voulez-vous que ces gens soient capables de
discuter avec ces deux firmes avec Kidder, Peabody et Lazard Frères? Je
me pose de drôles de questions sur le sérieux de leur motion. Il
me semble qu'il aurait pu prendre des moyens comme le ministre du Travail et de
la Main-d'Oeuvre pour convoquer Commonwealth
Plywood. A ce moment-là, c'était justement une commission
pour questionner Commonwealth Plywood et tous les intéressés.
Aujourd'hui, on arrive avec l'étude article par article et on
découvre tout d'un coup qu'il faudrait parler à ces gens. Jamais
on n'a demandé une commission parlementaire pour étudier ces deux
rapports. Pour des gens qui sont des habitués de la haute finance, avec
la rue Saint-Jacques, je ne vous trouve pas sérieux non plus de vouloir
faire venir ces deux firmes ici devant nous pour commencer à parler de
prix, de modalités techniques, pour savoir comment il se fait qu'un tel
est arrivé avec un tel prix. Vous savez tous, comme je peux le savoir,
qu'il y a des actions en Bourse, qu'il y a eu une fluctuation d'actions en
Bourse, qui sont parties d'environ $20, qui sont montées à $50 et
sont revenues à un peu plus bas...
M. Ciaccia: C'était causé par qui, causé par
quoi?
M. Laplante:... je serais même tenté de croire
aussi, vu l'insistance tout à l'heure du député de
Marguerite-Bourgeoys, que lui-même serait déjà prêt
à donner $70 l'action. Je ne trouve pas ça responsable pour un
ancien ministre de la Justice, un ancien ministre des Affaires sociales, des
gens responsables d'un autre gouvernement, de venir à cette table
aujourd'hui pour l'étude de ce projet de loi et de poser les questions
que vous posez. Cela ne dénote pas une responsabilité
d'administration publique. Si c'est comme ça que vous avez
administré le gouvernement de 1970 à 1976, on n'a plus de
question à se poser aujourd'hui sur la défaite que vous avez
subie. Si on regarde dans ces années tout l'argent qui s'est
écoulé au Québec avec le peu d'intérêt que
cela a pu donner aux travailleurs du Québec, ce n'est pas surprenant que
vous arriviez à ça. Tout ce que je demande, M. le
Président, c'est d'être sérieux une fois pour toutes et de
commencer l'étude de ce projet. Qu'ils soient contre, c'est leur droit,
je ne le nie pas, mais de là à poser ce qu'on apporte comme
motion aujourd'hui, ça ne fait pas sérieux. J'aimerais que cette
motion soit présentée d'une façon claire à la
presse et dire pourquoi, dire le sérieux que l'Opposition met
actuellement dans un tel projet de loi, lorsqu'on engage des millions au nom
des Québécois. (22 heures)
L'Opposition a un rôle à jouer que personne ne peut nier,
le rôle de chien de garde du pouvoir. Si on se fie à la
façon dont vous êtes le chien de garde du pouvoir actuellement, la
population peut être inquiète. Je le serais, parce que ce n'est
pas sérieux ce que vous faites actuellement. Il faudrait revenir
à du sérieux, ouvrir le projet de loi. Vous avez des amendements
que vous avez annoncés dès le début de la commission, il
faudrait dire: Oui, on a quelques amendements à faire qui feraient
peut-être notre affaire si vous vouliez les accepter. Mais pourquoi ne
les présente-t-on pas, ces amendements, article par article, pour voir
avec quel sérieux vous êtes capables d'étudier un projet de
loi?
Sur ce, M. le Président, je demande la coopération de
l'Opposition pour qu'on puisse commencer l'étude de ce projet de loi
article par article. Merci.
M. Lalonde: Article 96, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Article
96, très brièvement, comme le dit l'article.
M. Lalonde: Oui, très brièvement. Les propos du
député de Bourassa m'obligent à faire une rectification.
Il a dit que j'ai déclaré que j'étais prêt à
ce que le gouvernement paie $70 l'action; c'est complètement faux, je
n'ai jamais dit ça, au contraire. J'ai dit que c'était le minimum
possible et ça donne à peu près la mesure des propos du
député de Bourassa et de sa contribution à la commission
parlementaire, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II y a
eu quatre ou cinq interventions jusqu'à maintenant sur la motion...
M. Lalonde: Question de règlement.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît.
M. Lalonde: Le député de...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde:... est-ce que le député de Frontenac
vient de dire que je l'ai déjà dit? Non? Quand ça?
M. Grégoire: Quand vous avez dit...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît; à l'ordre; tous les deux, à
l'ordre!
M. Lalonde: Jamais, M. le Président, au contraire, c'est
le minimum.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre. Vous êtes en train d'enlever le droit de parole au
député de Mont-Royal à qui j'allais le donner. Je voudrais
vous dire ceci: Actuellement, nous avons une motion qui invite des gens
à venir devant nous. Tous les membres sont libres de voter pour ou
contre, mais je ne voudrais pas que, dans vos interventions, que quelque membre
que ce soit, de quelque côté que ce soit, laisse supposer que
cette motion était irrecevable; elle était recevable. Vous pouvez
voter pour, vous pouvez votre contre, mais, en ce qui concerne la
recevabilité, elle est déclarée recevable et on a le droit
de la débattre. J'aimerais que les membres de la commission je
sais que c'est difficile essaient de dire: Nous sommes pour qu'ils
soient invités, nous sommes contre, et les raisons qui militent en
faveur de leur décision de voter pour ou contre.
M. le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, j'aurais bien aimé
entendre ces remarques à la suite de la motion du député
de Saint-Laurent, parce que je suis entièrement d'accord avec vous. Il y
a une motion devant nous et on devrait donner les raisons pour ou contre, mais,
parmi tous les intervenants je veux porter ça à votre
attention du côté ministériel, il n'y en a pas un
qui a parlé sur le fond de la motion. Ce qu'ils ont fait...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): ...
M. Ciaccia: J'en fais, M. le Président, et je vais
répondre à quelques-uns des propos qui ont été
soulevés par le côté ministériel. Ils se sont
contentés de tourner cela en ridicule, de parler à
côté de la motion, même le ministre; je l'inviterais, en
toute sincérité... On est au début de la discussion sur le
projet de loi 121 et vous semblez prendre toutes les suggestions, toutes les
motions, toutes les discussions à la légère. Vous ne
donnez pas de sérieux à ces discussions; on parle d'un projet de
loi, de l'expropriation d'une société qui peut entraîner
$280 millions. Cela mérite un peu que vous preniez ça au
sérieux. Quand le député de Saint-Laurent a fait la motion
d'inviter les représentants de Kidder, Peabody et Lazard Frères,
la réaction que vous avez eue a été le rejet du revers de
la main, ce n'était pas nécessaire.
Pas une fois vous n'avez donné une réponse à une
question sur le fond, pourquoi ils devraient être invités ou non.
Vous vous êtes contenté de faire le lien entre les multinationales
et le Parti libéral; je ne trouve pas ça sérieux. Le
document de confidentialité que votre gouvernement a signé par
rapport au rapport de Lazard Frères, à qui ça va
bénéficier, cette affaire de confidentialité? Ce n'est pas
au public que ça va bénéficier; ça peut
bénéficier à General Dynamics ou au gouvernement. Si on
veut rendre publiques certaines informations, ce n'est pour protéger
General Dynamics, c'est pour donner l'information au public. Quand le ministre
des Richesses naturelles a eu le front de dire qu'au projet de loi 70, j'ai
dévoilé que le profit d'Asbestos Corporation, de ses
opérations du Québec n'étaient pas de $20 millions, mais
qu'il y avait $8 millions payables en Allemagne. A qui cela a-t-il
bénéficié? Cela n'a pas bénéficié
à General Dynamics. Cela n'a pas bénéficié à
Asbestos Corporation. Cela réduit la valeur de la compagnie, de la
société. Les chiffres du ministre augmentaient General
Dynamics.
Ne commencez pas à nous accuser d'avoir des liens avec les
multinationales. Même si vous ne vous en apercevez pas, cela peut
être par pure incompétence, cela peut être strictement pour
des raisons de politique partisane, d'essayer d'accuser le Parti
libéral. Mais vos démarches ont l'effet d'aider seulement les
sociétés que vous prétendez vouloir exproprier. Elles
n'aident pas le public. Et le but de cette motion, c'est d'inviter ces
gens-là à venir ici. S'il y a une question de
confidentialité, Lazard Frères et Kidder, Peabody ont simplement
besoin de ne pas venir, si vraiment, ils prétendent qu'il y a
confidentialité. C'est une invitation. Ce n'est pas une obligation. Et
ce n'est pas une
demande de rendre public le rapport. Il s'agit de les inviter pour qu'on
puisse les interroger sur leur méthode d'évaluation et d'autres
informations que nous considérons pertinentes.
La question que je pourrais poser au parti ministériel est la
suivante: Quel intérêt cachez-vous? Pour quelles raisons
refusez-vous d'inviter Kidder, Peabody ou Lazard Frères, afin qu'on
puisse obtenir les informations, qu'on puisse les interroger pour
démontrer les mécanismes, pour démontrer certains chiffres
qui vont faire bénéficier la population? Quel
intérêt avez-vous à ne pas les inviter ici? Vous avez
quelque chose à cacher? Est-ce que vous avez des objectifs à
cacher?
C'est seulement une invitation. Et si vous ne les invitez pas, la seule
conclusion qu'on peut en tirer, c'est que certainement, vous avez d'autres
objectifs, vous avez quelque chose à cacher.
Vous dites que le but du projet de loi est pour établir des
mécanismes. Ecoutez. Le but de la motion du député de
Saint-Laurent est afin de nous aider à obtenir les informations pour que
les mécanismes qui sont très vagues dans votre projet de loi
puissent être adaptés à une expropriation de $280 millions.
Est-ce que c'est clair?
Ce n'est pas un lopin de terrain à Laval, que vous expropriez,
où vous pouvez avoir un conseil d'arbitrage formé de trois
personnes, le président, qui va être nommé par la Cour
provinciale. Vous parlez de $280 millions. Vous parlez d'une valeur marchande.
Qu'est-ce c'est la valeur marchande? Quand il y a un écart de $42
à $100, peut-être qu'on a besoin de restreindre et d'avoir des
critères sur cette valeur marchande. C'est pour cette raison qu'on veut
interroger, non seulement Lazard Frères ou Kidder, Peabody, pour voir
pourquoi cet écart entre $42 et $100. Et si on a cette information, cela
va nous permettre de bonifier votre projet de loi. On sait que le principe
d'expropriation a été accepté par le gouvernement. Mais on
a une responsabilité envers la population. On ne peut pas laisser les
définitions, les termes de votre projet de loi, aussi vagues qu'ils le
sont. C'est un chèque en blanc. Comprenez-vous? C'est un chèque
en blanc. Il faut poser des restrictions pour que des termes comme "valeur
marchande" puissent être définis.
Le conseil d'arbitrage, de la façon que vous l'avez nommé,
vous laissez à une personne, soit le président, le soin de
prendre la décision. Peut-être que pour une société
qui n'est pas aussi complexe, une industrie aussi complexe qu'Asbestos
Corporation... On parle d'un montant de $280 millions. Ce n'est pas le
mécanisme. Ce n'est pas juste. Ce n'est pas la façon de
constituer un conseil d'arbitrage.
Les rapports parlent de certains montants qui sont alloués pour
se conformer aux normes de salubrité. Il y a des différences dans
ces montants. Pourquoi doit-il y avoir une différence? Ce devrait
être quelque chose qui devrait être établi à
l'avance, assez objectivement. On veut interroger ceux qui ont fait le rapport.
Un rapport requiert certaines normes du gouvernement, certains
règlements, plus, en considération d'autres, peut-être que
ce ne sont pas les mêmes règlements. Il pourrait y avoir une
série de questions et grâce aux renseignements obtenus on pourra
discuter du projet de loi, article par article, de façon plus
intelligente, mieux informés, non seulement pour nous, mais pour la
population.
Il semble que le côté ministériel... Ce n'est pas
nous qui ne sommes pas sérieux, M. le député de Bourassa,
c'est vous qui passez à côté des questions. C'est votre
ministre qui ne veut pas répondre sur le fond des motions, qui veut
passer à côté. Vous passez votre temps à insulter le
Parti libéral, mais je vais vous dire une chose: Ce n'est pas en
insultant le Parti libéral ou l'Union Nationale ou d'autres que vous
allez prendre les intérêts de la population dans ce projet de loi
121. Après toutes les insultes que vous aurez lancées aux partis,
aux individus, quand le conseil d'arbitrage ou quand les évaluations
vont monter à $100 millions, $150 millions ou même $280 millions,
c'est la population qui va payer la note et vous devrez vous en rendre compte.
Vous devrez avoir un peu plus le sens des responsabilités que vous n'en
avez maintenant. Je crois que c'est même honteux, la façon dont
vous traitez des questions qu'on soulève.
Vous avez le droit de dire: Non, on ne veut pas inviter Kidder, Peabody
et Lazard Frères. C'est votre droit, vous êtes plus nombreux que
nous, mais vous avez l'obligation de nous dire pourquoi vous ne voulez pas les
inviter ici, non pas seulement en insultant les députés qui ont
obtenu certaines informations. Vous ne savez même pas comment on les a
obtenues. Les informations que nous avons obtenues n'ont pas été
utilisées de façon favorable aux sociétés, elles
ont été utilisées contre elles. Ce sont vos
démarches à vous, durant les débats du projet de loi 70,
qui ont fait monter les actions de $22 à $42. On vous disait: La
compagnie, cela ne vaut pas cela. On vous donnait toutes les raisons pour
lesquelles vous ne deviez pas acheter cette mine. Le ministre a passé
six mois à dire à la population et à General Dynamics
comment elle était bonne, cette compagnie-là.
Sur les marchés financiers, qu'est-ce que vous pensez est
arrivé? Si le ministre, celui qui va acheter la compagnie c'est
une façon de négocier cela passe six mois à vanter
les bénéfices, les avantages, la valeur de cette compagnie, c'est
bien certain que le prix va monter. Ce n'est pas par accident que cela a
monté de $22 à $42 dans l'espace de temps où vous avez
discuté du projet de loi 70. Apprenez donc par vos erreurs. Vous avez
commis cette erreur dans ce temps-là, durant les débats sur le
projet de loi 70. Au moins, ayez la responsabilité, maintenant qu'on
étudie le projet de loi 121, de nous donner les informations et de ne
pas laisser la porte ouverte à une autre spéculation ou à
la possibilité encore que la population, le contribuable paie des prix
exorbitants pour une compagnie, pour une société. Si les
précautions étaient prises maintenant, si l'information
était donnée maintenant, on pourrait éviter et on pourrait
réduire ce montant-là considérablement
peut-être.
Je pense, M. le Président, qu'il faudrait établir l'esprit
dans lequel nous allons discuter de ce projet de loi. On ne veut plus que
chaque fois qu'on
fait une suggestion, que ce soit en proposant un amendement ou une
motion, on procède par des insultes, en prenant cela à la
légère et en ridiculisant tout ce qui est dit ici.
Ce sont des suggestions positives. Je voudrais encore que... Il y en a
parmi vous qui n'ont pas parlé, ayez donc le courage de nous dire
pourquoi Kidder, Peabody et Lazard Frères ne devraient pas être
invitées ici. Merci.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci.
M. le député de Richmond.
M. Brochu: Merci, M. le Président. J'aimerais d'abord, au
début de mes propos, indiquer pourquoi, dans le fond, on se trouve ici,
en commission parlementaire, à étudier ce projet de loi sur
l'expropriation éventuelle des actifs de l'Asbestos Corporation. C'est
d'abord parce qu'il n'y a, à toutes fins utiles, pas eu entente
jusqu'à maintenant entre le gouvernement du Québec et l'Asbestos
Corporation. Sur quoi n'y a-t-il pas eu entente? Il n'y a pas eu entente sur
les prix, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, au point de
départ. Il y a eu une évaluation qui a été faite
à $42 par une firme à l'emploi du gouvernement et il y a eu une
évaluation qui a été faite à $99.75 l'action, je
pense, par une firme engagée par Asbestos Corporation. Même
à l'intérieur de cela, comme je l'ai indiqué aussi, on
n'est pas sûr s'il y a eu vraiment négociation, parce que rien n'a
avancé, tout est resté gelé comme au tout début du
processus de cette approche du gouvernement envers la société en
question.
C'est pour cela essentiellement qu'on se trouve ici, parce qu'il n'y a
pas eu jusqu'à maintenant, entente et parce qu'on est resté assis
sur les prix de départ, sur les prix qui ont été
fixés par les deux firmes chargées, de part et d'autre, de fixer
l'évaluation des actions de l'entreprise en question, soit l'Asbestos
Corporation. (22 h 15)
Pourtant, je tiens à le souligner aussi, de toute façon,
c'est quelque chose de public, ce sont deux firmes sérieuses, deux
firmes dont la renommée n'est pas à faire. Ce ne sont pas des
débutantes dans le domaine de l'évaluation, ni l'une ni l'autre.
Ce sont des firmes reconnues. Pourtant, on arrive à un écart
aussi considérable que celui qui est devant nous actuellement, qui a
été rendu public, soit $42 d'un côté, et $99.75 de
l'autre côté. Un écart aussi considérable de deux
firmes différentes, aussi sérieuses qu'elles le sont, c'est
là un sujet sur lequel on peut se poser des questions fondamentales, en
particulier au niveau des méthodes d'évaluation, des
critères d'évaluation, ce sur quoi on s'est basé, de
quelle façon on a approché le problème pour en arriver
à des résultats semblables. Si l'une des firmes avait
été reconnue, dont la notoriété n'était plus
à faire, mais que l'autre firme était douteuse, on pourrait dire,
à ce moment: II y a des raisons qui peuvent expliquer
théoriquement un écart aussi grand entre les évaluations,
mais tel n'est pas le cas. Donc, il y a eu quelque chose dans l'approche qui a
été différent. Il y a eu quelque chose dans les
critères de base qui a été différent. Il y a eu
quelque chose dans la méthode d'évaluation qui a
été foncièrement différent. C'est ce qu'on ne sait
pas fondamentalement, à ce stade de nos discussions. C'est ce qu'on
ignore complètement. Tout ce qu'on sait, c'est qu'il y a eu une offre de
départ faite par le gouvernement à $42, qu'il y a eu une
évaluation faite par l'entreprise de l'Asbestos Corporation à
environ $100. C'est tout ce qu'on sait, et qu'à partir de ce moment,
malgré les mois qui se sont écoulés, malgré les
tentatives de négociation, il n'y a rien qui a bougé en partant
de ce fait.
On se retrouve donc, comme j'ai eu l'occasion de l'indiquer à
d'autres occasions, dans une situation passablement floue dans laquelle on a
très peu d'indications valables il faut employer l'expression
dans un tel contexte sur lesquelles on peut s'appuyer avec certitude
pour prendre une décision sérieuse en ce qui concerne ce projet
de loi qui est assis sur le fait qu'il n'y a pas entente et qu'il y a un
écart aussi grand. On n'a pas de données valables sur lesquelles
on peut vraiment sérieusement, faire une analyse en profondeur,
établir les comparaisons qui s'imposent et tirer les conclusions
logiques de données factuelles. Ce n'est pas du tout le cas de la
situation dans laquelle on se trouve actuellement. Au contraire, on ne sait
même pas si, fondamentalement, il y a eu des négociations.
J'espère qu'on aura des réponses à ce sujet. On ne sait
pas tout à fait ce que sont encore, dans l'ensemble, les intentions du
gouvernement. On ne sait même pas fondamentalement les critères
sur lesquels on s'est basé pour arriver à des
interprétations ou à des évaluations aussi
diamétralement éloignées l'une de l'autre que celles qui
sont devant nous actuellement.
C'est ce qui nous fait encore souligner que tout le projet du
gouvernement n'est pas autre chose fondamentalement qu'une aventure
financière non fondée, non réaliste, non appuyée
sur des données factuelles sur lesquelles on peut être en mesure
de s'asseoir pour prendre une décision raisonnable et raisonnée,
qui produise à ce moment les effets désirés. Si on ne
contrôle pas les facteurs de début, dans une démarche comme
celle qu'on entreprend actuellement, comme celle que le gouvernement du
Québec entreprend actuellement, comment peut-on prétendre
espérer contrôler une quelconque atteinte des objectifs, alors que
les facteurs même essentiels au point de départ ne sont même
pas contrôlés et qu'on n'en connaît même pas
l'ampleur?
Je pense que c'est l'essentiel, c'est le squelette ou le corps principal
du débat actuellement, ce qui me fait dire que la motion qui est
présentée actuellement par le député de
Saint-Laurent est tout à fait justifiable. Non seulement elle doit
être, comme elle l'a été, jugée recevable, mais
jugée recevable au niveau de son contenu même et adoptée
par les membres de cette commission, si
on veut faire un travail sérieux et amorcer la discussion sur des
données vraiment factuelles alors qu'au niveau de la méthode pour
évaluer les prix, on ne sait vraiment pas ce qui en est d'un
côté comme de l'autre.
Pour bien situer mon intervention, j'aimerais me référer
aussi a un article de la Presse que j'ai eu l'occasion de lire en attendant les
opinants qui m'ont précédé sur cette question, qui est un
article de collaboration spéciale, sous la plume de Marie-Josée
Drouin,, dans la Presse du 10 mai 1979, chapeauté par le titre suivant:
"L'expropriation de la société Asbestos. ' Les
préoccupations de la personne qui signe cet article vont exactement dans
le sens de cette motion qui est devant nous actuellement, à savoir
d'avoir plus de renseignements sur les méthodes d'évaluation et
les critères sur lesquels on s'est appuyé, sur le secteur, en
fait, toute la zone grise qui est devant nous actuellement à cause du
fait qu'on n'a pas ces données fondamentales qui expliquent
l'écart aussi considérable qui existe entre l'évaluation
de Lazard Frères et celle de Kidder, Peabody.
J'aimerais, pour bien situer mon intervention, M. le Président,
citer une partie de cet article du journal La Presse. On dit ceci: "Du point de
vue économique, par ailleurs, c'est la confusion générale.
Le gouvernement provincial se fonde sur une étude faite par la firme
new-yorkaise Kidder, Peabody, laquelle évalue à $42 la valeur
d'une action de la Société Asbestos. Toutefois, l'étude
d'environ 300 pages est gardée bien jalousement par le gouvernement, qui
n'en a publié qu'une version expurgée. Pour sa part, la General
Dynamics refuse de rendre publique l'étude faite par une autre firme
new-yorkaise, Lazard Frères. Selon Lazard Frères, les actions de
la société, comme je l'ai dit tout à l'heure, vaudraient
$99.75. Pourquoi cet écart? C'est ça, le noeud du
problème. Comment deux firmes aussi réputées ont-elles pu
tirer des conclusions aussi différentes?" C'est la question qui est
posée dans cet article et je pense que c'est fondamental dans le noeud
de la motion qui est en discussion devant nous actuellement.
M. Bérubé: Dans la chronique des lecteurs de quel
journal?
M. Brochu: Non, le ministre a toute liberté de faire
l'humour qu'il veut avec les articles de journaux qu'on peut citer. J'aimerais
lui rappeler, pour sa bonne information, qu'il s'agit d'une collaboration
spéciale au journal La Presse, qui est sous la plume...
M. Bérubé: Ah! de Marie-Josée Drouin.
M. Brochu: ... de Marie-Josée Drouin. Je pense que le
ministre en a peut-être déjà pris connaissance. Le ministre
pourra retourner à sa discussion ou à sa lecture, comme il le
faisait depuis quelques minutes. On doit quand même poser cette question,
parce que la réponse, on ne l'a pas eue et je doute même, M. le
Président, en voyant l'attitude du ministre actuellement, qu'on puisse
avoir cette réponse au cours des débats de cette commission
parlementaire qui est chargée d'étudier, article par article, ce
projet de loi.
Pourtant, on sait que ça implique des fonds considérables
qui devront être défrayés par nos concitoyens de la
province de Québec; pourtant, quand même, au même moment, on
va refuser, c'est clair par l'attitude des ministériels qui sont en
face, de permettre à cette commission parlementaire, qui est ici pour
faire un travail sérieux, de pouvoir, même au point de
départ, avoir une vue d'ensemble sur les méthodes
d'évaluation qui ont été employées pour arriver
à un écart aussi considérable. Cela, c'est l'aspect
démocratique, peut-être, de la question. On pourrait se
référer... Je ne le ferai pas, mais on pourrait retourner
à la transparence, à ce moment-là, M. le Président,
qui a été invoquée à plusieurs reprises par le
parti d'en face, par le gouvernement, en ce qui concerne son administration,
qui n'avait rien à cacher, que c'était vraiment ouvert et qui
pouvait s'asseoir sur des bases solides, mais, maintenant, on se rend compte
que les questions qu'on pose, lorsqu'elles sont fondamentales comme
celle-là, demeurent sans réponse. Tout ce qu'on reçoit,
à toutes fins utiles, c'est simplement un trait d'humour qui permet un
aparté dans une conversation que le ministre peut continuer à
entretenir avec le président de la Société nationale de
l'amiante.
M. le Président, je reviens donc à cet article que le
ministre a eu l'occasion de lire...
M. Bérubé: Je vous écoute d'une oreille.
M. Brochu: Je m'aperçois que le ministre a remis en
activité sa demi-oreille de la commission qui a étudié le
projet de loi no 70.
M. Bérubé: C'est ça.
M. Brochu: II a une bonne mémoire. On doit lui
reconnaître cet aspect.
M. le Président, je reviens donc à la citation de cet
article et à la question fondamentale qui était posée ici.
Mme Drouin dit ceci: "Comment deux firmes aussi réputées
ont-elles pu tirer des conclusions aussi différentes? N'ayant aucun
accès aux études dans leur version intégrale,
l'observateur n'a pas la tâche facile. Toutefois, divers indices servent
à expliquer l'écart dans une certaine mesure."
Alors, si, M. le Président, dans l'ensemble, même pour
l'observateur, on ne peut tirer de conclusions en ce qui concerne les raisons
fondamentales qui motivent un écart aussi grand entre les deux
évaluations, de la même façon, la commission parlementaire
est tout à fait mal placée pour être capable
d'évaluer, sans avoir les données fondamentales
nécessaires, de faire une évaluation normale pour arriver
à des conclusions logiques, normales, lorsqu'elle n'a pas les outils
fondamentaux pour le faire et, en l'occurrence, l'ouverture, si vous voulez,
pour nous indiquer quelles ont été vraiment les méthodes
d'évaluation dont on s'est servi, de part et d'autre, pour être
capable
de faire la comparaison avec les éléments essentiels que
ça comprend, pour être capable de faire la comparaison entre les
deux et de tirer les conclusions qu'on doit tirer dans une telle
circonstance.
Je continue un peu plus loin. Vers le milieu de cet article, la personne
en question continue en disant ceci: "Dans la partie de l'étude rendue
publique par le gouvernement du Québec ' donc, l'étude n'a
pas été publiée, même dans son ensemble. Elle a
été peinturée, elle a été un peu
triturée et présentée d'une autre façon. Le
gouvernement a sûrement ses raisons pour le faire, mais j'aimerais
également le savoir. Je continue la citation. "Dans la partie de
l'étude rendue publique par le gouvernement du Québec, on ne fait
qu'esquisser la méthode de calcul utilisée. On ne va pas en
profondeur pour indiquer vraiment tous les paramètres dont on s'est
servi, quelle a été vraiment la méthode complète
qui a été utilisé pour qu'on puisse effectuer des
comparaisons en profondeur.
Pourquoi le gouvernement, qui se prétend ouvert et transparent,
a-t-il choisi de garder secrets ces chapitres de l'étude? Autre
interrogation: L'étude du gouvernement du Québec tient-elle
compte des fonds de roulement? A l'heure actuelle les actifs, à court
terme, de la société Asbestos dépassent les passifs. Le
niveau des inventaires est très élevé. On évalue
à près de $20 l'action la valeur du fonds de roulement. Cela
porterait-il le calcul du gouvernement à $62 l'action, par exemple,
plutôt qu'à $42? Se rapprocherait-on d'une solution de compromis
dans ce cas?
On continue et je termine là-dessus: "Le débat sur le
projet d'expropriation devrait également nous éclairer quant
à une foule de questions plutôt ésotériques comme le
calcul des dépenses en capital, le taux de croissance de l'offre et de
la demande, etc."
C'est donc dire, M. le Président, qu'on a posé, dans cet
article, comme j'ai voulu le faire le plus honnêtement et le plus
simplement possible, des questions fondamentales auxquelles on n'a absolument
aucune réponse actuellement. La personne qui a signé cet article
pose également la question: "Le débat sur l'expropriation devrait
nous éclairer..." Mais si on considère l'attitude première
du gouvernement, en ce qui concerne cette première motion, j'ai
l'impression que l'éclairage va être assez faible. J'ose
espérer qu'il y aura une réévaluation de l'approche
gouvernementale dans ce sens, pour qu'on puisse accepter cette motion, qu'on
puisse recevoir, de la part des deux firmes, les indications
générales dont on a besoin pour être capable de tirer des
conclusions sur un écart aussi considérable entre les
évaluations et nous faire tirer, peut-être, une autre forme de
conclusion générale dans le projet d'ensemble du gouvernement que
celui d'être une aventure financière non fondée dont on
cherche, actuellement, à cacher même les méthodes
d'évaluation premières dont on a besoin pour être capable
de procéder à la deuxième étape, soit
l'étude article par article du projet de loi.
C'est donc avec plaisir et avec intérêt que je vais appuyer
cette motion présentée par le député de
Saint-Laurent, parce qu'elle est tout à fait justifiée et qu'elle
permettrait tout simplement à la commission parlementaire de jouer son
rôle de façon responsable, de façon efficace et ensuite
d'arriver aux conclusions qui s'imposent, tout en informant, évidemment,
comme c'est le rôle de la commission parlementaire le
public dans quoi on est en train de l'engager par ce projet de loi du
gouvernement dont des zones majeures restent tout à fait obscures, parce
que, justement, on ne fait pas la lumière complète sur ce qu'on
demande actuellement.
Le Président (M. Bordeleau): A l'ordre, s'il vous
plaît! M. le député de Frontenac.
M. Grégoire: M. le Président, pour en venir au
sujet de la motion: Pourquoi ne pas inviter les représentants des firmes
Kidder, Peabody et Lazard Frères? On nous dit surtout que cette
invitation consisterait à leur demander leurs méthodes
d'évaluation, puisque leur évaluation arrive à des
résultats différents.
J'ai, ici, M. le Président, le rapport de la firme Kidder,
Peabody. J'imagine que les députés de Saint-Laurent, de Richmond
et de Marguerite-Bourgeoys ont dû lire le rapport; ils ont dû y
voir, décrites très clairement et très nettement, les
méthodes d'évaluation de cette firme, concernant l'Asbestos
Corporation. Ils ont dû y voir, entre autres, qu'on se sert de la
méthode d'analyse des investissements de General Dynamics dans
l'Asbestos Corporation et c'est très bien décrit.
On a également la méthode basée sur les primes
offertes pour obtenir le contrôle de la compagnie, la méthode
d'évaluation basée sur les primes offertes ou à offrir
pour obtenir le contrôle de la compagnie. On y voit les méthodes
d'évaluation basées sur l'évaluation de
l'équité de la compagnie. On y voit les méthodes
d'évaluation basées sur les prix par rapport aux profits
d'Asbestos Corporation. On y voit les méthodes basées sur le
"cash flow" et toutes ces méthodes sont très bien
expliquées dans l'étude de Kidder, Peabody. Je suis convaincu que
les députés de Marguerite-Bourgeoys et de Richmond ont dû
lire cette étude.
Alors, quand ils veulent savoir sur quelles méthodes s'est
basée la firme Kidder, Peabody, ils les ont clairement ici. (22 h
30)
Reste le rapport de la firme Lazard. Le ministre des Finances en a une
copie. Il l'a clairement expliqué lui-même à
l'Assemblée nationale lors du débat en deuxième lecture de
ce projet de loi, lorsqu'il a dit que cela avait pris pas mal de temps avant
que General Dynamics accepte de fournir le rapport préparé par la
firme Lazard Frères. General Dynamics ne voulait pas fournir ce
rapport-là. Le ministre des Finances ne l'aurait pas eu, il aurait
dû se contenter de s'entendre dire: L'action vaut $100, sans savoir sur
quoi General Dynamics se basait. On a retardé à le remettre au
ministre des Finances, celui-ci a insisté, alors General
Dynamics a dit: Très bien. En utilisant leur en-tête
à papier, les représentants de General Dynamics ont
préparé un accord de confidentialité disant: Voici, vous
voulez l'étude, savoir sur quoi on se base, dites-nous que vous allez
maintenir ce document secret et on va vous le remettre, mais signez comme quoi
vous vous engagez à le garder secret.
On nous demandait tout à l'heure pourquoi le ministre des
Finances a signé ça? Parce que, justement, General Dynamics ne
voulait pas remettre le rapport de sa firme Lazard Frères sans
être assurée de la confidentialité du rapport et ça
se comprend très bien de la part d'une firme comme General Dynamics, qui
est en concurrence avec d'autres compagnies d'amiante et qui n'a pas à
étaler sur la place publique, et surtout devant les autres compagnies
minières comme Johns-Manvil-le ou Lake Asbestos ou Bell Asbestos ou
Canadian Carey, ses rapports d'évaluation, ses profits, ses
équités, ses "cash flows" et le reste. Le ministre des Finances a
dû signer cet accord de confidentialité. Il l'a observé et
il l'a maintenu parce qu'il l'avait signé.
Nous apprenions hier, M. le Président, de la bouche même du
chef de l'Opposition, qu'il l'a, lui, le rapport. Le député de
Marguerite-Bourgeoys nous dit: Nous avons, nous, le rapport. General Dynamics
avait insisté, avant de remettre le document, pour faire signer le
ministre des Finances, sans quoi elle ne le lui remettait pas. Elle a
retardé pour le remettre au ministre des Finances plusieurs mois parce
que c'était confidentiel. Voilà que l'Opposition l'a en main.
Très bien, elle l'a en main.
M. Bérubé: Déposez-le.
M. Grégoire: Oui, on peut dire: Déposez-le. On peut
se dire aussi: Si vous demandez de faire comparaître les gars de Lazard
Frères, c'est que leur étude n'est pas claire; parce que celle de
Kidder, Peabody, sur les méthodes d'évaluation de l'Asbestos
Corporation, est claire et le gouvernement n'a pas hésité
à la publier. Si l'autre n'est pas publiée, que General Dynamics
ne veut pas la publier, mais que vous, vous l'avez et que vous demandez que ce
soit rendu public, c'est donc que ce n'est pas clair, si vous voulez les faire
comparaître pour demander des renseignements. Si ce n'est pas clair,
c'est fort probablement, à n'en pas douter, parce que cette
étude-là n'a pas été faite sérieusement et
que la compagnie General Dynamics est arrivée en disant: Ça vaut
$100 et, pour ne pas faire un chiffre rond, on dit à peu près
$99. On dit que ça vaut ça. Et vous ne trouvez pas claires leurs
méthodes d'évaluation.
Il y a ceci de surprenant dans leurs méthodes
d'évaluation, c'est que, du jour au lendemain, immédiatement
après l'annonce du premier ministre que le gouvernement du Québec
était prêt à acquérir l'Asbestos Corporation, les
réserves de fibres d'amiante dans le sous-sol des terrains appartenant
à l'Asbestos Corporation ont doublé en valeur. Jusque là,
on les maintenait basses parce que la dépréciation qu'on prenait
à chaque année étant encore plus élevée,
puisque la mine était supposée fermer plus vite, on payait moins
d'impôt. Cependant, dès qu'on sait qu'on est pour être
acheté, on double les évaluations de réserves du jour au
lendemain.
Mais vous l'avez vous autres et vous trouvez que le rapport n'est pas
clair, le rapport Lazard Frères...
M. Forget: Ni l'un ni l'autre.
M. Grégoire: Celui de Kidder, Peabody vous ne l'avez pas
lu parce qu'il est très clair. Il est clair et il est lumineux
même. Il est frappant et il est très bien fait. Vous avez l'autre
et vous ne le trouvez pas clair.
C'est pourquoi tantôt vous n'avez pas hésité...
M. Lalonde: Vous aimeriez le voir? Alors invitez-les.
M. Laplante: J'aimerais le voir.
Le Président (M. Bordeleau): A l'ordre!
M. Ciaccia: Qu'on invite Lazard Frères.
M. Lalonde: Demandez cela au ministre des Finances.
M. Laplante: Passez-nous votre copie.
M. Grégoire: Et, en ramassant toutes ces données,
je vais vous dire pourquoi vous voulez les faire comparaître.
Les méthodes d'évaluation sur lesquelles vous voulez avoir
des renseignements sont ici, très claires dans l'étude Kidder,
Peabody. L'étude de Lazard, vous l'avez: claire ou pas claire, vous
l'avez. Tout-à-coup, vous dites encore, malgré tout ça,
malgré que vous ayez les deux études: On veut avoir des
renseignements. Eh bien, la raison pour laquelle vous voulez les faire
parvenir, ça découle clairement de tout ce qui a
été dit, elle est simple, il s'agit de se demander quel est le
lien qui existe entre General Dynamics, c'est ce que vous allez nous dire, et
l'Opposition actuelle. Quel est le lien? Comment se fait-il que vous refusiez
de dire comment vous avez eu un rapport que General Dynamics a
considéré comme tellement confidentiel qu'il n'a pas voulu en
remettre des copies, si ce n'est quelques mois plus tard, en faisant signer le
ministre des Finances au nom du gouvernement?
Vous l'avez demandé, vous l'avez obtenu...
M. Forget: Vous ne vous en êtes pas rendu compte.
M. Lalonde: Vous ne l'avez pas vu, vous êtes jaloux.
M. Ciaccia: On l'a.
M. Grégoire: ... vous ne voulez pas dire à qui vous
l'avez demandé et de qui vous l'avez obtenu...
M. Lalonde: Vous êtes jaloux qu'on l'ait
demandé.
M. Grégoire: Vous ne voulez pas dire de qui vous l'avez
obtenu.
M. Lalonde: On ne l'a pas demandé au laitier, vous
savez.
M. Grégoire: Vous ne voulez pas dire de qui vous l'avez
obtenu. Si General Dynamics était si jalouse d'en garder la
confidentialité et qu'elle vous en a remis une copie, aussi vite que
ça, quel est le lien qui existe entre les deux?
M. Bérubé: Ils ont deux négociateurs, Lazard
et eux autres.
M. Grégoire: On se demande à ce
moment-là...
M. Forget: ... le ministre des Richesses naturelles.
M. Lalonde: ... le ministre des Finances.
Le Président (M. Bordeleau): A l'ordre, à l'ordrel
La parole est toujours au député de Frontenac!
M. Grégoire: Je pense que je touche le point sensible de
l'Opposition. On se demande alors quel est le lien. Je dis que ce lien est
directement rattaché à votre désir de faire
comparaître ces firmes, alors que l'un a un rapport très clair,
que l'autre n'est pas si clair, puisque vous voulez poser davantage de
questions.
M. Forget: Le ministre de l'amiante, est-ce qu'il l'a vu?
M. Grégoire: Vous l'avez vu, vous ne l'avez pas
trouvé si clair et c'est pourquoi vous voulez les faire
comparaître. L'autre est clair. Je me dis à ce moment-là
que le seul objectif que vous poursuivez, considérant les liens qui vous
rattachent à General Dynamics, c'est d'obtenir encore des délais
de trois mois, de six mois et d'un mois, pour continuer dans la lignée
d'Alexandre Taschereau qui disait, il y a 50 ans: Profitez-en pendant que c'est
le temps, parce qu'avant longtemps, vous serez nationalisés.
Profitez-en...
M. Forget: II s'est trompé, cela a pris 50 ans.
M. Grégoire: ... Ils en ont profité, vous voulez
qu'ils en profitent encore. Pour pouvoir en profiter, cette grosse
multinationale vient justement trouver l'Opposition, pour essayer d'obtenir des
délais et l'Opposition joue ce jeu, l'Opposition tombe dans ce
piège et se fait ni plus ni moins que la valetaille d'une compagnie
multinationale qui, après avoir profité pendant une
décennie de nos richesses naturelles, veut continuer à en
profiter.
M. Lalonde: Et vous allez le payer à gros prix!
M. Grégoire: M. le Président, le
député de Marguerite-Bourgeoys dit que nous allons payer le gros
prix tantôt il l'a dit, et ça me surprend de la part d'un
éminent avocat, compétent, comme je connais le
député de Marguerite-Bourgeoys. M. le Président, vous qui
êtes aussi avocat, vous allez trouver que le député de
Marguerite-Bourgeoys a certainement erré lorsqu'il a dit: Quand un juge
arbitre reçoit d'un côté une offre de $40 et, de l'autre
côté, une demande de $100, évidemment, il coupe la poire en
deux et donne $70. C'est à ce moment-là que le
député de Marguerite-Bourgeoys a dit: ça va être
$70.
M. Forget: Cela s'est vu souvent.
M. Grégoire: Oui.
M. Forget: C'est ça...
M. Lalonde: A la Salomon.
M. Grégoire: Cela s'est peut-être vu, mais bien
souvent, ça ne s'est pas vu non plus. Je comprends mal... Une Voix:
C'est là le danger. M. Lalonde: Vous comprenez mal,
d'accord.
M. Grégoire: M. le Président, je comprends
maintenant quand je vois la manière dont le député de
Marguerite-Bourgeoys veut continuer à faire peur à la population,
toujours dans la même ligne, faire peur, ça va coûter $70,
le juge va couper la poire en deux.
Mais, quand on considère et j'espère que vous
l'avez lu le rapport Kidder, Peabody, j'espère que vous l'avez
lu... J'ai demandé au député de Saint-Laurent et au
député de Marguerite-Bourgeoys, et aucun d'eux n'a voulu
répondre qu'il l'avait lu. Et je voudrais leur demander
réellement... Vous qui voulez juger des évaluations, avez-vous lu
le rapport Kidder, Peabody, M. le député de Saint-Laurent?
L'avez-vous lu? Le député de Marguerite-Bourgeoys l'a-t-il
lu?
M. Forget: J'ai lu les deux rapports.
M. Grégoire: Et celui de Kidder, Peabody
également?
M. Forget: Les deux. Et j'ai des questions à poser,
contrairement à vous.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Lalonde: Vous êtes jaloux, vous aimeriez ça les
avoir lus tous les deux!
M. Grégoire: S'il l'avait lu, M. le Président, il
ne serait pas ici à demander qu'on fasse compa-
raître ces gens pour nous donner leur méthode
d'évaluation. Tout est indiqué Ici et presque le tiers du rapport
sert justement à indiquer leur méthode d'évaluation.
M. Forget: Heureux les crédules.
M. Grégoire: Ceci est la preuve que vous ne l'avez pas lu.
Vous avez peut-être lu l'autre parce que cela faisait votre affaire.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Grégoire: M. le Président, je pense bien que,
lorsque le député de Saint-Laurent a parlé, au
début, je ne l'ai pas interrompu; je l'ai peut-être fait un peu au
député de Marguerite-Bourgeoys, parce que j'aime cela le
taquiner. Mais pas le député de Saint-Laurent.
M. Forget: C'est le piquant qui stimule nos conversations.
M. Grégoire: Je lui demanderais de me rendre la même
politesse. S'il veut commencer toute la discussion en commission parlementaire
avec ce style, on pourra peut-être continuer aussi et l'interrompre, si
c'est permis.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Lalonde: Parlez donc à votre ministre, en parlant de
style.
M. Grégoire: M. le Président, je termine en disant
ceci: Vouloir continuer à retarder inutilement, pour essayer de
favoriser encore davantage une multinationale comme la General Dynamics aux
dépens des Québécois, vouloir continuer à retarder
encore continuellement ce projet de loi, remettre au 12 juin l'audition de
témoins, après quoi on nous arrivera en disant: On veut encore
d'autres auditions, je crois que cela montre que l'Opposition est à
court d'arguments, qu'elle n'a qu'un seul but, celui de retarder inutilement le
développement du Québec, de retarder inutilement la prise en main
par les Québécois du développement de leurs richesses
naturelles.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Beauce-Nord.
M. Ouellette: Merci, M. le Président. Depuis quand
même assez longtemps, j'écoute les interventions des
députés de l'Opposition. Je vous avoue que leurs propos ne m'ont
pas encore convaincu du bien-fondé de cette motion, quoique
l'intervenant de l'Union Nationale, qui faisait la lecture d'un extrait de
presse, lui, au moins, situe le problème au niveau où le
proposeur de la motion aurait dû le situer. C'est-à-dire qu'il
nous a fait savoir qu'il souhaiterait entendre des représentants des
deux compagnies d'experts qui ont fait le travail, d'une part, pour le
gouvernement et, d'autre part, pour General Dynamics, afin de connaître
le contenu d'un des deux rapports qui lui a échappé.
Je ne reviendrai pas sur la démonstration que vient de faire le
député de Frontenac, à savoir que les membres du Parti
libéral sont en possession des deux rapports, et le député
de Saint-Laurent vient d'ailleurs de l'affirmer sans ambages, puisqu'il
déclare avoir lu les deux rapports.
Je pense que cette déclaration enlève à peu
près tout le bien-fondé de cette motion, puisqu'il nous
déclare qu'il est intéressé à entendre les
représentants de ces deux compagnies d'experts, dans le but de leur
poser des questions.
Compte tenu de ce que le ministre a révélé tout
à l'heure, à savoir qu'il y avait eu un protocole de
confidentialité entre General Dynamics et le gouvernement et que le
Parti libéral avait réussi, malgré cette entente
signée de part et d'autre, à obtenir une copie de ce document,
j'imagine que ce lien très étroit qui peut exister entre la
multinationale et le Parti libéral devrait au moins lui servir à
trouver le numéro de téléphone dont il aurait besoin pour
prendre les informations qu'il aimerait entendre devant cette commission.
Il y a une question que je me pose et c'est celle-ci. Je la pose au
député de Saint-Laurent qui pourra y donner réponse tout
à l'heure, lors d'une autre intervention. C'est celle-ci: Y a-t-il une
seule chose que vous pourriez apprendre au cours de la venue, du dialogue qu'on
engagerait devant ces deux intervenants, ces deux firmes d'experts, que vous ne
pourriez pas apprendre lors des auditions, que j'imagine publiques, que le
conseil d'arbitrage tiendra?
Autrement dit, est-ce que vous êtes certain d'apprendre des choses
devant cette commission que vous ne pourrez pas apprendre au cours des
délibérations du conseil d'arbitrage?
M. Forget: Est-ce que je peux répondre? M. Ouellette:
Je vous le permets.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
C'est-à-dire que cela prend...
M. Ouellette: Remarquez, M. le Président, que les
consensus du côté ministériel sont faciles à
obtenir.
M. Grégoire: Vous allez consentir à le prendre sur
votre temps?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II ne
reste plus de temps, justement. C'est pour cela que je demandais le
consentement. Il y a consentement. Très brièvement, M. le
député de Saint-Laurent, vous pouvez répondre.
M. Ouellette: Très brièvement, s'il vous
plaît! (22 h 45)
M. Forget: M. le Président, c'est bien simple, c'est que
je ne peux pas, en fait, personne ne peut
présumer de la façon dont le conseil ou le tribunal
d'arbitrage va conduire son enquête, quelles sont les questions qui
seront posées. Il est bien sûr qu'on ne pourra assister, à
supposer que ce soit public, qu'à titre de spectateur. Il n'y a donc
aucune assurance que les questions précises que soulèvent les
deux rapports... Dans l'esprit de n'importe quel lecteur impartial, il y a des
différences qui sont inexplicables. Ni l'un ni l'autre ne me satisfont
complètement, et c'est seulement en posant des questions très
spécifiques que je pourrai être satisfait ou non des
réponses. Je n'en sais rien, mais je serai au moins satisfait des
questions, parce que je pourrai les poser. Je les ai mentionnées tout
à l'heure. Ma réponse serait trop longue, mais j'y reviendrai, si
vous le voulez, un peu plus tard.
Il y a une deuxième raison, c'est qu'au moment du conseil
d'arbitrage, il sera trop tard pour connaître véritablement les
implications financières de la décision qu'on aura
déjà prise, parce qu'à ce moment-là, la loi sera
déjà adoptée. Ce que nous voulons essentiellement à
travers les questions posées aux deux experts, c'est obtenir des
engagements de la part du gouvernement qu'il ne paiera pas plus qu'un certain
prix. Or, nous avons été jusqu'à maintenant dans
l'incapacité d'obtenir des engagements. C'est une roulette russe. On
sait que cela ne coûtera pas moins que $42 l'action, mais on ne sait pas
combien cela peut coûter de plus. Quand on regarde les deux rapports, il
y a au moins une probabilité, malheureusement, une probabilité,
parce que ce ne sont pas des fous. Les deux rapports sont quand même
très vendables et persuasifs par certains aspects. Il y a une
probabilité qui est supérieure à zéro. Il y a une
probabilité réelle, positive, que le prix sera jugé plus
haut, adjugé plus haut par un tribunal d'arbitrage, que $42,
malheureusement.
Si le gouvernement nous disait: Non, ce n'est absolument pas possible,
et pouvait en faire la démonstration, on dirait: Bravo! Mais c'est une
démonstration que le ministre a évitée depuis le
début. Le ministre des Finances de même que le premier ministre
ont dit: Cela va coûter au moins $42. C'est cela le problème qui
est devant nous et, on se dit: II faut faire la lumière justement
là-dessus. Il faut nous donner les raisons, et on va peut-être
trouver les façons de restreindre les risques. C'est un jeu de roulette
russe dans lequel on s'engage.
M. Ouellette: M. le Président, je regrette d'interrompre
le député de Saint-Laurent, mais la brièveté de sa
réponse me paraît étirée quelque peu.
M. Forget: Oui.
M. Ouellette: Sans doute qu'il sera l'auteur de l'art
d'être bref en 45 volumes. Si j'étais le moindrement
méchant, je dirais ceci:
M. Lalonde: Comme vous ne l'êtes pas, vous ne le direz
pas.
M. Ouellette: Je vais faire comme le député de
Saint-Laurent, je vais l'insinuer. Personne, je pense, du côté
ministériel, enfin personne de cette table n'a mis en doute tout
à l'heure la recevabilité de cette motion, mais quand
j'écoute la deuxième raison que donne le député de
Saint-Laurent, je me demande si lui, dans ses intentions, n'aurait pas dû
la juger irrecevable, parce qu'il conteste le fait qu'un conseil d'arbitrage
puisse avoir la compétence nécessaire pour établir un
juste prix, n'est-ce pas?
M. Forget: Oui.
M. Ouellette: Pourtant, l'objet de ce projet de loi, c'est
justement de remettre à un conseil d'arbitrage la responsabilité
d'établir ce juste prix. Si vous souhaitez faire intervenir des
représentants des deux maisons spécialisées dans
l'établissement de ce juste prix, c'est que vous reconnaissez que le
projet de loi n'atteindra pas son objectif et vous le contestez, ce qui revient
à dire que votre motion vise à contester un des principes
fondamentaux du projet de loi qu'on a devant nous, mais de toute façon,
on ne reviendra pas là-dessus.
Je voulais simplement insister sur le fait que le gouvernement a choisi
une méthode d'acquisition de la compagnie Asbestos Corporation en
confiant à une firme d'experts le soin d'évaluer ce qu'il voulait
acheter, laissant également le soin, aux propriétaires de cette
compagnie, d'en faire autant.
Le gouvernement a souhaité que des négociations s'engagent
entre les deux firmes d'experts et qu'une entente intervienne sans qu'on soit
pour autant, nous du gouvernement, obligés de trancher la question et
d'exproprier littéralement cette entreprise-là.
L'expérience nous démontre qu'après
négociation entre les deux firmes d'experts, il n'a pu y avoir
d'entente, et qu'un écart fort important demeure. Le gouvernement a donc
décidé de trancher la question en créant, via le projet de
loi 121, un conseil d'arbitrage et ce conseil d'arbitrage, nous lui faisons
confiance à l'avance, ce que ne fait pas, justement, l'Opposition.
M. Forget: C'est là le problème.
M. Ouellette: On aurait pu procéder comme l'a fait le
Parti libéral en 1963, c'est-à-dire donner mandat à
l'Assemblée nationale tout simplement de fixer elle-même le prix,
ce qui aurait eu pour effet, je pense, de provoquer du mécontentement du
côté des propriétaires actuels en disant: On remet à
des gens qui ne sont pas parfaitement compétents c'est normal
le soin d'établir ce prix, ou encore, en confiant à une
seule firme d'experts mandatée par le gouvernement le soin
d'établir ce prix. Vous auriez été probablement,
malgré votre expérience de 1963, les premiers à crier
à l'injustice face à une multinationale. Le gouvernement a choisi
une autre méthode beau-
coup plus démocratique, beaucoup plus juste qui consiste à
créer un conseil d'arbitrage formé de gens compétents, qui
devront, au cours de délibérations publiques, fixer ce prix. Je
ne vois pas pourquoi on exigerait que préalablement, l'Assemblée
nationale soit une espèce de "préjuge" dans une décision
qui devra être rendue par un conseil d'arbitrage créé par
la loi qui est actuellement devant l'Assemblée nationale.
C'étaient là mes remarques, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci.
M. le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, il est évident que du
côté ministériel, ils n'ont pas compris. Avec le projet de
loi 121, vous n'expropriez rien avec cela. Vous vous donnez le droit
d'exproprier. C'est cela le problème, parce qu'en donnant le droit
d'exproprier, vous ne fixez pas de prix, vous êtes vagues sur la
façon dont le prix va être fixé. Il n'y a pas de
critère. Le conseil d'arbitrage est-il suffisant? Votre
définition de juste valeur marchande... On nous accuse de vouloir
attendre, de vouloir reporter. On ne veut pas faire attendre. Ce ne sont pas
des délais, le 12 juin. L'attente, c'est venu du gouvernement. Le
premier ministre a déclaré le 22 janvier 1977 qu'il était
pour nationaliser et il n'a rien fait. Ce n'est pas nous qui l'avons fait
attendre, ce n'est pas nous qui l'avons empêché de négocier
ou de déposer le projet de loi. Quand vous avez créé votre
Société nationale de l'amiante par le projet de loi 70, vous
n'avez pas fait de l'expropriation. Ce n'est pas nous qui vous avons fait
attendre. Ne tournez pas à côté du problème en
disant qu'on veut vous faire attendre. Ce n'est pas l'objectif de cette motion
du député de Saint-Laurent.
Quand le député de Frontenac dit: Vous avez les rapports,
les deux, lisez-les. Avec un tel raisonnement, M. le Président, vous
êtes avocat, vous savez comme nous qu'on n'aura pas besoin de faire des
causes. On déposerait un rapport en cour et on ne poserait pas de
question. Ce n'est pas assez de faire un rapport. Il y a des questions qui sont
soulevées par ce rapport. C'est pour cela qu'on veut inviter ceux qui
l'ont écrit. Je vais vous donner un petit exemple. Quant aux montants
fixés dans les deux rapports, pour rétablir la norme de
salubrité, dans un rapport, c'est $22 millions, et dans l'autre $15
millions. On ne sait pas pourquoi il y a cette différence. Cela fait $7
millions de différence seulement sur cet aspect. Si vous capitalisez
cela, cela peut faire une grande différence dans le prix d'achat.
D'après vous, c'est clair. Vous ne comprenez pas le rapport, si c'est ce
que vous dites. Vous lisez, mais vous ne comprenez rien. Quand on lit un
rapport, qu'on est deux et qu'on voit des différences, il y a des
questions qui sont soulevées et ces questions vont nous permettre de
fixer des critères, non seulement pour donner l'information à la
population, mais des critères sur la façon de procéder
à l'évaluation. C'est cet écart entre $42 et $100, des
questions là-dessus qu'il est absolument essentiel de poser à
ceux qui ont préparé les rapports. Qu'on ne nous donne pas
l'excuse de la "confidentialité". Je ne pense pas que vous comprenez la
question de la "confidentialité"; vous ne la comprenez pas du tout. Vous
ne comprenez pas qui cela protège, parce que l'invitation qui est
faite... Les deux compagnies peuvent refuser de venir s'il y a vraiment une
"confidentialité".
M. le Président, parce qu'on veut essayer de fixer, essayer de ne
pas donner un chèque en blanc... Le conseil d'arbitrage et la
façon de fixer la valeur marchande, c'est absolument trop vague. Par la
question que le député de Beauce-Sud a posée au
député de Saint-Laurent, cela explique tout.
Une Voix: Beauce-Nord.
M. Ciaccia: Beauce-Nord, excusez-moi. Quelle différence y
aura-t-il d'attendre le conseil d'arbitrage? Vous allez obtenir les
renseignements, mais à ce moment, il va être beaucoup trop
tard.
M. Ouellette: Vous avez des lignes directes. Une Voix:
Voyons donc!
M. Ciaccia: M. le Président, je voudrais proposer un
amendement à la motion du député de Saint-Laurent. "Que la
motion en discussion soif amendée en remplaçant, dans la
quatrième ligne, le mot "de" par les mots "et des écarts
considérables concernant". La motion se lirait comme suit: "Que cette
commission invite les représentants des firmes Kidder, Peabody and
Company et Lazard Frères à discuter avec les membres et
intervenants de cette commission de leur méthode respective
d'évaluation et des écarts considérables concernant la
valeur de la Société Asbestos Limitée le mardi 12 juin
1979, à 20 heures."
M. Lalonde: Est-ce que vous voulez entendre les...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui,
pour faire plaisir au député de Frontenac.
M. Lalonde: M. le Président...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Un
instant!
Une Voix: Vous voulez nous entendre sur la
recevabilité?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui,
mais un représentant par parti et pas plus.
M. Lalonde: M. le Président?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui?
Est-ce que je pourrais avoir la motion telle qu'amendée, s'il vous
plaît?
M. Lalonde: M. le Président, c'est l'article 70, je pense,
qui doit nous guider dans la décision, à
savoir si cette motion d'amendement est recevable. Cet article se lit
comme suit: "Un amendement doit se rapporter directement au sujet de la motion
proposée"... Il me semble que la motion d'amendement du
député de Mont-Royal se rapporte directement à l'objet de
la motion proposée par le député de Saint-Laurent. Quand
elle dit: "... et des écarts considérables", elle fait
référence au rapport et à l'invitation des deux firmes,
Kidder, Peabody et Lazard Frères.
L'article 70 continue: Un amendement "ne peut avoir que les objets
suivants: retrancher, ajouter des mots ou les remplacer par d'autres". On
remplace le mot "de" par d'autres. On continue à l'article 70, on dit:
"II est irrecevable si son effet est d'écarter la question principale
sur laquelle il a été proposé et il en est de même
d'un sous-amendement"... Bon!
Alors, on n'écarte pas la question principale. On y ajoute une
précision qui, d'après le député de Mont-Royal, est
importante parce que ce sont les écarts, justement, entre les deux
évaluations qui semblent être le point que le député
de Mont-Royal veut soumettre à l'attention de cette commission.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Richmond? M. le député de Bourassa?
M. Laplante: M. le Président, j'aurais beaucoup de
difficulté à la juger recevable pour la considération
suivante: la motion d'amendement qu'on présente a la même valeur
exactement que la motion principale.
Lorsque vous lisiez la motion principale, à savoir que cette
commission invite les représentants de la firme Kidder, Peabody and
Company et Lazard Frères à discuter avec les membres et
intervenants de cette commission de leurs méthodes respectives
d'évaluation et de la valeur de la société, le mot
"valeur" avait la signification, M. le Président, à savoir qu'il
y avait déjà un écart qui existait au moment de la demande
de cette motion. Ce n'est pas pour rien que la première motion est
venue, parce qu'on considérait déjà qu'il y avait
là deux critères, à savoir discuter des méthodes et
discuter de la valeur, parce qu'il y avait déjà une
différence. Le règlement ne nous permet pas de poser, de formuler
deux motions qui veulent dire la même chose. Il faudrait, à ce
moment-ci, M. le Président, voter sur la première motion afin
qu'on puisse présenter une autre motion qui dise autre chose que ce
qu'elle dit. C'est la même motion, à mon avis.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Monsieur... D'accord?
Une Voix: Oui.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Richmond, vous ne voulez pas intervenir?
M. Brochu: Cela va.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Bourassa, je tiens à vous dire tout d'abord que
je trouve original et subtile votre façon de voir les choses.
Effectivement, cela aurait pu être le cas. Si je regarde la motion
principale "de leurs méthodes respectives d'évaluation de la
valeur", le mot "valeur" veut dire pour moi relativement à
l'établissement de la valeur de... Mais cela n'implique pas
nécessairement, tel que stipulé dans la motion principale, qu'il
y avait des écarts considérables, de telle sorte que la motion
d'amendement ne vient pas contrecarrer la motion principale. Elle vient ajouter
quelque chose et elle n'est pas identique à la motion principale, de
telle sorte que je la déclare recevable. (23 heures)
M. Grégoire: Pourriez-vous la relire? On n'en a pas eu de
copie.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Elle se
lirait comme suit, si elle était adoptée: "Que cette commission
invite les représentants des firmes Kidder, Peabody & Co. et Lazard
Frères à discuter avec les membres et intervenants à cette
commission de leurs méthodes respectives d'évaluation et des
écarts considérables concernant la valeur de la
société Asbestos Ltée le mardi 12 juin 1979 à 20
heures."
M. Grégoire: Pourrions-nous en avoir une copie?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui, on
va faire notre possible, M. le député de Frontenac.
M. Forget: Désirez-vous suspendre la séance en
attendant la copie?
M. Bérubé: Non, quant à perdre notre temps,
on va le faire en vous écoutant.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Non?
Alors, sur la motion d'amendement, M. le ministre.
M. Grégoire: J'aurais une demande de directive.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui.
M. Grégoire: Est-ce qu'on pourrait demander une
explication sur la motion? On dit: "... de leurs méthodes respectives
d'évaluation..."; évaluation de quoi? Elle n'est peut-être
pas en français compréhensible.
M. Ciaccia: Pas en italien.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): "...et
des écarts considérables concernant la valeur
de la société Asbestos Ltée." On va essayer de
faire photocopier l'amendement.
Vous comprendrez que, même si elle n'est pas identique, elle
ajoute quelque chose à la motion principale. Ça va être
très difficile d'empêcher les membres de ne pas parler de
l'amendement et de ne parler que du sous-amendement, de telle sorte que je vous
demanderais, à tout le moins, de rester à l'intérieur et
de la motion principale et de la motion d'amendement, et de ne pas sortir de
ces deux sujets.
M. le ministre.
M. Bérubé: M. le Président, c'est avec
étonnement que nous prenons connaissance de cette motion d'amendement
puisque, de fait, cette motion d'amendement ne change à peu près
pas la motion principale, elle ne fait que l'expliciter, elle est dans la ligne
de toutes les interventions que nous avons pu entendre de la part de
l'Opposition au cours de la dernière heure et demie. Par
conséquent, elle pouvait le présenter dès le début.
Elle ne l'a pas fait. Néanmoins, vous remarquerez que le
député de Saint-Laurent a bien dit que ce n'était pas son
intention de retarder indûment les débats. On reconnaît bien
là sa bonne foi classique et cou-tumière, d'ailleurs, à
laquelle nous nous sommes habitués depuis bon nombre
d'années.
M. Forget: Vous n'aviez qu'à accepter notre
proposition.
M. Ciaccia: Votez oui.
M. Bérubé: En d'autres termes, il a tout le temps
eu l'intention de présenter amendement sur amendement; tantôt il
va ajouter une virgule... il pourrait mettre la virgule à la bonne place
dès le début, mais non, il va attendre encore cinq minutes avant
de mettre la virgule de manière à pouvoir à nouveau
entreprendre un débat de 20 minutes, à savoir si on doit, oui ou
non, déplacer la virgule ou s'il a fait, oui ou non, une faute de
français en la rédigeant. Evidemment...
M. Ouellette: II y en a une!
M. Bérubé: II y a une faute de français?
Bon, alors, il faudra sans doute l'amender. Néanmoins, ne l'amendons pas
tout de suite, puisqu'il faut quand même permettre à l'Opposition
de représenter tantôt un amendement sur le déplacement de
la virgule, ce qui va lui permettre de parler 20 minutes.
Une Voix: Une erreur sur le fond. M. Ciaccia: Toujours sur
le fond! M. Grégoire: Elle n'est pas française.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Bérubé: Donc, M. le Président,
essentiellement, on parle de problèmes d'écarts, alors que nous
affirmons qu'il nous faut discuter ici de méthodes pour décider
du prix juste à payer. Voilà ce que nous devons discuter ici: A
quelle méthode doit-on faire appel pour décider du montant que
l'Etat doit payer pour la mine.
Je comprends que, pour l'Opposition, c'est clair. J'écoutais le
député de Mont-Royal, il y a quelques instants, alors qu'il nous
disait: Vous allez payer $280 millions pour cette mine; il l'a
répété à plusieurs reprises et, de fait, c'est
clair dans l'esprit de l'Opposition, parce que l'Opposition libérale se
dit: II y a 2 800 000 actions, comme ça vaut $100, donc il va en
coûter $280 millions. C'est le raisonnement que fait l'Opposition. A
noter que, implicitement, elle indique à nouveau son appui total et
entier à la position prise par General Dynamics, puisque c'est General
Dynamics qui parle de $100 l'action. C'est donc la position défendue par
les libéraux, puisque, continuellement, ils nous parlent de $280
millions, ce qui indique, dans leur esprit, qu'ils ont carrément
décidé de défendre le point de vue de General Dynamics.
C'est leur droit et je pense que c'est indéniable; il faut simplement
leur rappeler de temps en temps qu'ils sont en fait les défenseurs de
cette pauvre petite compagnie misérable, opprimée par ce puissant
Etat du Québec qui est en train d'écraser ce marchand de
canons.
Essayons de voir comment on peut déterminer la valeur d'une
société minière. Je me réfère par exemple
à la loi créant la corporation de développement de la
potasse de la Saskatchewan pour tenter de comprendre quelle approche a
été suivie. A l'article 45 de cette loi on dit: "Subject to this
section, the fair market value vous noterez les termes, il s'agit
essentiellement de la même approche adoptée par le gouvernement du
Québec of the assets expropriated is the amount that would have
been paid for the assets if, at the time of expropriation, the assets had been
sold free and clear of all encumbrances, lands, etc." Sur un marché
ouvert...
M. Ciaccia: La loi ne dit pas ça.
M. Lalonde: Votre projet de loi ne dit pas ça.
M. Bérubé: Certainement.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il
vous plaît!
M. Bérubé: C'est la juste valeur marchande.
Donc...
Une Voix: In so many words.
M. Lalonde: C'est épouvantable, mentir comme
ça.
M. Bérubé: ... c'est exactement la même
définition. Donc, la loi de la Saskatchewan... Oui, mais certainement,
M. le Président. Puis-je demander à l'honorable
député de Marguerite-Bourgeoys de retirer ses paroles puisqu'il
m'a traité de menteur?
M. Lalonde: M. le Président, je ne l'ai pas traité
de menteur. J'ai dit: "C'est épouvantable de mentir comme ça". Si
ça...
M. Bérubé:... subtile, M. le Président.
M. Lalonde: Je voudrais savoir quels mots il veut que je retire?
Les mots "comme ça" ou "épouvantable"...
M. Bérubé: Epouvantable...
M. Lalonde: Le mot "épouvantable" alors je vais dire
"effrayant", M. le Président.
M. Ouellette: II confond parlementaire et "par-lementeur"...
M. Bérubé: Effectivement, dans le cas de la
Saskatchewan, on ne définit pas le montant, on définit un
principe et de façon même, je dirais, moins précise que
notre étude. Nous pourrions, par exemple, décider que c'est la
valeur de remplacement que nous allons payer. A titre d'exemple, un gisement
d'Abitibi, par exemple, est évalué à peu près
à $400 millions et c'est un gisement capable de produire à peu
près 250 000 tonnes-année. Sur la base de la valeur de
remplacement, donc pour un gisement nouveau à développer, les
mines de la société Asbestos qui produisent environ 300 000
tonnes-année vaudraient $480 millions. Ceci serait la valeur de
remplacement pour une nouvelle installation. Il va de soi que nous avons bien
clairement prévu dans la loi que le juge ne peut pas utiliser cette
méthode d'évaluation. Nous lui imposons un principe, celui de la
juste valeur marchande. C'est d'ailleurs beaucoup plus clair que la loi
d'expropriation. La loi générale d'expropriation au Québec
dit: "L'indemnité est fixée d'après la valeur du bien
exproprié ". Elle ne parle pas de la juste valeur marchande sur un
marché libre. Donc la loi d'expropriation est déjà
beaucoup plus ouverte, beaucoup plus dangereuse pour l'Etat, mais,
néanmoins, c'est la loi en vigueur au Québec dans tous les cas
d'expropriation. On voit donc que dans le présent projet de loi, nous
avons défini un certain nombre de balises. Il va de soi que nous ne
pouvons pas commencer à fixer des taux d'actualisation que nous ne
pouvons pas commencer à fixer, des paramètres qui servent aux
calculs en ce cas, ce serait exactement l'équivalent de fixer
carrément le prix. Nous pouvons fixer la méthode de calcul. C'est
là tout ce que nous pouvons fixer. Donc, nous avons choisi une
méthode et, c'est la méthode que vous retrouvez dans le
présent projet de loi. Donc, dire que le gouvernement peut être
appelé à payer n'importe quoi, c'est faux. Le gouvernement va
devoir payer la juste valeur marchande de l'entreprise si elle se vendait sur
le marché libre.
Le député de Richmond s'est interrogé à
juste titre sur les causes de l'écart. Le ministre des Finances y est
allé de certaines explications je le conçois
générales, dans la mesure où il est lié par le
secret de confidentialité, il ne pouvait pas entrer dans les
détails.
Je suis convaincu d'ailleurs que le député de
Saint-Laurent, je suppose que son maître lui a passé
l'étude en question, que son maître n'était pas lié
par une promesse de "confidentialité" et que son maître lui a
permis, j'imagine, de déposer cette étude, ce qui serait
très avantageux, ça permettrait à tous les
députés, y compris les députés de notre formation,
d'avoir le point de vue de Lazard Frères. Comme nous avons
déposé l'étude de Kidder, Peabody, cela nous permettrait
évidemment d'entrer dans les détails d'une discussion. Ce serait
intéressant. Je vous suggérerais de téléphoner
à votre patron, je pense que c'est à San Francisco qu'il est
installé. Si vous voulez le numéro de téléphone,
nous pourrions certainement vous aider.
M. Forget: Vous le connaissez, nous ne le connaissons pas.
M. Bérubé: Ils l'ont déjà, bon. Vous
pourrez donc communiquer avec votre patron, M. Fiske ou un autre, je ne sais
pas lequel, vous ne devez sans doute pas dépendre du président,
mais peut-être du troisième vice-président ou
peut-être même d'un balayeur de General Dynamics, cela ne
m'étonnerait pas particulièrement. Vous pourriez peut-être
demander l'autorisation de déposer cette étude.
Mais de fait, le ministre des Finances a indiqué des sources de
différence. Par exemple, Kidder, Peabody utilise un taux
d'actualisation, du "cash flow" qui est essentiellement de l'ordre de 15%, je
pense que ceci est public. Est-ce que celui de Lazard est public? Je l'ignore,
je ne prendrai pas de chance. Quant à celui de Lazard, disons tout au
plus qu'il est inférieur. Lorsque nous demandons 15%, ça veut
dire, en pratique, que nous demandons pour l'argent que nous investissons 15%
de rendement en dollars constants; si on veut l'avoir en dollars courants, il
faut ajouter l'inflation, c'est donc dire que nous demandons un rendement sur
notre investissement de l'ordre de 21%, en dollars courants,
essentiellement.
En d'autres termes, le ministre des Finances emprunte à 10% et il
demande du 21%, compte tenu du risque. Vous vous doutez sans doute que celui
qui cherche à vendre va dire: Mais non, ce n'est pas risqué
l'amiante, il n'y a pas de raison d'aller chercher un taux de rendement sur
votre investissement du double de ce que vous payez quand vous empruntez de
l'argent. La vérité est sans doute quelque part entre les deux,
sachant la très grande sécurité d'une obligation du
Québec, on se rend bien compte qu'il y a probablement moyen de
négocier. C'est ce que le ministre des Finances a dit dès le
début, qu'il y avait possibilité de chercher à
négocier un terrain d'entente à cet égard.
Mais le taux de 15% est cependant une valeur extrêmement fiable.
En effet, pour quiconque travaille dans l'industrie minière, ces taux
d'actualisation sont des taux connus, d'ailleurs, dans l'in-
dustrie forestière aussi. Lorsque le gouvernement a
décidé de subventionner le démarrage de l'usine de
Donohue-Saint-Félicien au Lac Saint-Jean, on a ajusté la
subvention de manière que le taux de rendement sur l'investissement soit
de 15%. C'est un taux couramment en vigueur. De fait, dans l'industrie
minière, c'est le taux normal utilisé chaque fois qu'on doit
prendre une décision d'investissement, le taux minimal. Très
souvent, on va plus loin que ça. Par exemple, dans de nouvelles mines,
on peut même aller jusqu'à 30%, compte tenu du risque encore plus
élevé.
Donc, le taux de 15%, on le retrouve, en littérature, à
peu près partout; il est couramment utilisé. Par
conséquent, nous estimons que le jugement qui pourrait être rendu
va être très près de 15%. Il aurait pu être plus
élevé que 15% et abaisser encore le prix. Notre consultant nous a
dit que 15% paraissait une moyenne juste, compte tenu de la très grande
expérience qu'ils avaient acquise dans le secteur et du très
grand nombre de cas qu'ils avaient à leur disposition, qu'ils avaient pu
analyser.
Nous acceptons 15%, c'est un point de différence. Nous
reconnaissons que le taux de rendement interne proposé par Lazard, je
suis convaincu d'ailleurs que nos "cireux" de bottes de General Dynamics
pourraient peut-être nous présenter le taux utilisé par
Lazard, ça éviterait cette discussion en l'air, puisque ça
vous permettrait de dire: Ecoutez, Lazard a utilité tel taux, nous le
savons, ils nous l'ont dit.
Deuxième élément de différence: l'escalade
des prix. La société General Dynamics estime que les prix vont
monter très rapidement, beaucoup plus vite que l'inflation. Evidemment,
ils ne tiennent pas compte de la substitution, mais, néanmoins, c'est
une hypothèse. Ils la postulent, parce qu'ils disent: Nous nous
dirigeons vers une pénurie d'amiante. D'ailleurs, on peut se demander
d'où vient cette pénurie d'amiante dans la conception de General
Dynamics. (23 h 15)
Je pense que, sans vouloir entrer dans le détail de cette
analyse, on a un certain nombre de faits qui nous permettent d'imaginer la
stratégie corporative de General Dynamics quant à son usine de
Thetford Mines.
En effet, lorsque la mine de King Beaver est passée au feu, on
n'a pas reconstruit. Beaucoup de mineurs se demandent comment il se fait que la
compagnie n'a pas reconstruit. Peut-être qu'on ne veut pas
réinvestir.
Lorsqu'on a décidé de dépoussiérer l'usine,
il est à peu près uniformément admis dans l'industrie
et nous en avons abondamment discuté lors du débat de la
loi 70 qu'il est difficile de dépoussiérer une usine, sans
d'abord moderniser les installations. C'est ce que la société
Johns-Manville a fait. C'est ce que la société Lake Asbestos a
fait. C'est ce que la société Bell Asbestos a fait.
En d'autres termes, il est préférable de moderniser
l'équipement d'abord, pour avoir une plus grande productivité,
pour avoir des caractéristiques de fonctionnement, des niveaux de
dégage- ment de poussières plus faibles. A ce moment-là,
on ajoute un système de dépoussiérage.
N'est-il pas intrigant que la seule compagnie en désaccord avec
cette approche, soit Asbestos Corporation, qui prétend simplement
installer des systèmes de dépoussiérage, sans modifier
l'équipement, pour atteindre les normes du Québec. En d'autres
termes, la société estime qu'elle ne devrait peut-être pas
trop investir.
Là, on comprend. Lorsque l'intention d'une entreprise est de
vider rapidement un gisement, en investissant le moins possible, et de
maximiser son profit, évidemment, elle peut parler d'une pénurie
de fibre, puisqu'elle sera la cause de cette pénurie de fibre. Elle n'a
pas l'intention de faire de développement. Voilà une
stratégie corporative intéressante. Il serait intrigant de savoir
sur quelle base la compagnie Lazard Frères a fait ses études. Je
serais curieux de le savoir.
Une Voix: On le sait.
M. Bérubé: Mais, comme vous les avez en main, vous
n'avez pas besoin de présenter de motion, vous n'avez qu'à
déposer cette étude.
M. Forget: Vous aussi, vous les avez en main et vous êtes
curieux.
M. Lalonde: Le député de Frontenac, je ne le sais
pas.
M. Bérubé: On aimerait le savoir.
M. Ciaccia: Ce sont des questions quand même.
M. Bérubé: On aimerait savoir dans quelle mesure
cette compagnie je suis convaincu que les membres du Parti
québécois, je suis convaincu que le représentant de
l'Union Nationale, aimeraient connaître cette stratégie
corporative de développement, il n'est pas du tout impossible que
l'idée de General Dynamics soit de siphonner le plus rapidement possible
les teneurs les plus élevées du gisement, d'extraire le plus
rapidement possible les réserves les plus attrayantes et de nous laisser
avec les trous, la poussière et les résidus. Notez bien que,
grâce au génie inventif de la Société nationale de
l'amiante, demain, les gisements pourraient valoir beaucoup plus cher que
l'amiante. Néanmoins, c'est un calcul qu'elle ne pouvait pas
prévoir. D'ailleurs, je m'inquiète. J'ai demandé à
la Société nationale de l'amiante de cesser le
développement trop rapide des résidus d'amiante parce que,
demain, elle va actualiser la valeur des résidus, cela pourrait nous
coûter énormément cher. Je lui ai demandé de
ralentir le développement, de manière qu'on ne paie pas trop
cher, trop rapidement.
M. Lalonde: C'est une belle acrobatie. M. Forget: Ah! pour
l'effort.
M. Bérubé: Je dois dire que l'humour du
député de Saint-Laurent égaie certainement les travaux de
cette commission et je l'encourage à continuer.
Ceci pour dire, M. le Président, que, parmi les causes des
écarts de prix, il y aura la pénurie de fibre, pénurie de
fibre à laquelle General Dynamics compte bien participer, en
s'organisant pour ne pas produire, à long terme, de la fibre et donc
provoquer une rareté. Je dois souligner d'ailleurs que les partenaires
de la société Asbestos se demandent présentement quelle
est la stratégie de mise en marché de la société
Asbestos. On a beaucoup de points d'interrogation quant à cette
stratégie. Elle est contraire, présentement à tout ce qui
pourrait s'appeler les règles de l'art dans le domaine.
Et on peut se demander si ce n'est pas la poursuite du même
objectif. En d'autres termes, la société General Dynamics
pourrait avoir comme intention non pas d'approvisionner une industrie de
transformation à elle sur la base d'un rendement continu mais de vider
rapidement les réserves d'amiante les plus riches, de les vendre au plus
haut prix possible, grâce à une rareté créée
artificiellement, de manière à maximiser le retour sans investir
un cent dans ces installations, ce qui me faisait dire, lorsqu'on disait que
l'achat d'As-bestos ne créait aucun emploi: Si cela ne crée pas
d'emplois aujourd'hui, cela risque d'en protéger un joli nombre pendant
longtemps, alors que la stratégie de la General Dynamics pourrait
être justement, rapidement, de réduire le niveau de ses
activités. C'est un élément dont on ne tient pas compte,
mais qui est capital et qui explique les différences potentielles entre
les deux études, mais nous disons bien dans notre approche que c'est
basé sur "a growing concern" dans notre projet de loi. En d'autes
termes, le siphonage des réserves du Québec n'est pas jugé
acceptable pour le gouvernement du Québec comme méthode
d'évaluation de l'entreprise.
Voilà des raisons des différences entre les deux
évaluations. Elles sont, je pense, capitales, mais l'objectif de cette
commission n'est pas d'essayer de savoir si c'est $100, comme le proposent les
libéraux, ce qu'ils demandent au gouvernement de payer, ou $30 ou $40,
ce que pourraient être d'autres études telles que celles de la
société Kidder, Peabody a publiées. Ce n'est pas là
le but de cette commission. Cette commission doit présentement
définir une méthode d'évaluation et c'est le but de cette
commission.
Par conséquent, les motions que nous avons à discuter
présentement sont purement et simplement des motions dilatoires,
amendées, sous-amendées, avec des déplacements de
virgules, en avant, en arrière, avec la danse des virgules que nous
connaissons, mais, néanmoins, elles ne changent rien au fond du
problème. Nous sommes ici pour discuter de la méthode et non de
l'écart entre les deux évaluations.
M. Ciaccia: Article 96, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Très brièvement.
M. Ciaccia: Oui. Au début de son intervention, le ministre
m'a imputé des propos concernant les $100 payables, d'après
l'étude de Lazard Frères. Il a prétendu que j'avais dit
que c'est le chiffre que le gouvernement devrait payer et qu'apparemment,
j'aurais appuyé totalement et entièrement la position de la
General Dynamics. C'est absolument faux, M. le Président, je n'ai pas
dit cela du tout. Ce que j'ai dit au gouvernement, c'est que, s'il
procédait de cette façon, il courait le risque de payer les
$100.
Une Voix: C'est cela.
M. Ciaccia: Mais les suggestions que j'ai faites, les suggestions
que l'Opposition officielle a faites visent à éviter ce
risque-là. Ce n'est pas pour appuyer la General Dynamics, c'est pour
protéger la population, les contribuables qui seront appelés
à payer la note.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci.
M. le député de Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, étant donné que
passablement d'eau ou de paroles ont coulé sous les ponts depuis ma
dernière intervention, j'aimerais revenir brièvement à un
point qui a paru étonner les ministériels, c'est-à-dire la
façon dont l'étude de Lazard Frères vous est parvenue.
J'ai indiqué tout à l'heure au député de Frontenac
que tout ceci s'était déroulé sous ses yeux, lorsqu'au
début du discours de deuxième lecture, j'ai personnellement
blâmé la société General Dynamics de n'avoir pas
été suffisamment sensible à la dimension politique d'un
débat qui l'oppose au gouvernement.
Il est clair que, du point de vue d'une société
privée, on peut s'imaginer, on peut croire que le débat politique
n'a aucune importance et que, finalement, ce sont les rapports des experts et
éventuellement les cours de justice ou le tribunal d'arbitrage qui va
faire foi de tout. Il reste qu'il y a une dimension politique évidente
dans un projet comme celui-là. Même en tenant pour acquis le fait,
consacré d'ailleurs par la loi 70, la création de la
Société nationale de l'amiante, que le gouvernement allait
décider d'acquérir d'une façon ou d'une autre la
société Asbestos, même en tenant compte de cela, la
question politique suprême qui demeure pertinente, qui demeure centrale,
c'est de savoir jusqu'à quel point il est possible d'obtenir,
relativement au prix de cette acquisition, les engagements gouvernementaux,
dans le sens que cela ne dépassera pas un certain niveau.
Actuellement, on a une situation paradoxale, c'est qu'on a une garantie
gouvernementale que cela va coûter au moins $42 l'action. Cela va
coûter au moins $100 millions. Le genre de garantie qu'on cherche, ce
n'est pas une garantie de plancher, c'est une garantie de plafond. On dit:
Donnez-nous des assurances que cela na coûtera pas plus cher qu'un
chiffre donné. Mentionnez n'importe quel chiffre, mais autant que
possible un chiffre qui ne soit pas le double ou le triple de celui que vous
mentionnez comme un minimum. C'est là la question politique centrale de
ce débat. Nous voulons nous assurer que le gouvernement du Québec
n'entraîne pas derrière lui la population dans un investissement
qui, s'il était très modique, pourrait être
justifié, mais qui, s'il se fait à un prix
inconsidéré, à un prix maximum, ne va certainement pas
jouer à l'avantage du Québec, mais à l'avantage du
propriétaire actuel. Il est bien évident qu'il ne faut pas
prendre au pied de la lettre l'affirmation de General Dynamics, à savoir
qu'elle n'est pas intéressée à céder la
société Asbestos. Comme on sait, dans le secteur privé, on
ne fait pas beaucoup d'idéologie là-dessus. On est prêt
à vendre n'importe quoi pourvu qu'on ait le bon prix. Il est
évident que le gouvernement, dans toute sa démarche
jusqu'à maintenant, n'a pas pris la précaution de s'assurer que
ce ne serait pas aux conditions en quelque sorte dictées par General
Dynamics que l'acquisition se ferait, mais que se serait à des
conditions qui soient justes, acceptables, raisonnables, compte tenu de ce
qu'on peut en retirer comme avantage, nous, au Québec.
Voilà le débat politique. On est dans le coeur du
débat politique. Est-ce qu'il est possible d'avoir de ce gouvernement un
engagement quelconque quant au montant maximum qu'il s'engage à ne pas
dépasser? C'est bien joli qu'il nous dise: On va payer au moins $42,
mais ce n'est pas vraiment là qu'est la pression. Personne n'essaie du
côté de General Dynamics de lui faire payer seulement $30. On sait
très bien qu'il n'a pas à résister à une pression
à la baisse. La pression à laquelle il doit résister de la
part de General Dynamics, c'est une pression à la hausse. Très
curieusement, à travers tout ce dialogue qui dure depuis des mois, dans
le fond, d'une façon ou d'une autre, jamais le gouvernement ne s'est
compromis, de manière à dire: Ecoutez, on va faire cette
acquisition, mais rassurez-vous, on est sûr que cela n'atteindra pas le
niveau de $99.75. Vous savez, on a deux rapports d'experts. Qui sait si devant
le comité d'arbitrage, on ne produira pas un troisième rapport
d'experts avec un prix de $125? Tout est permis. Il n'y a aucune espèce
de limite supérieure. Il n'y a pas de plafond. On est dans une cuvette.
On sait qu'il y a un fond, mais il n'y a certainement pas de couvercle. Il n'y
a pas de limite supérieure. Le ministre encore aujourd'hui refuse de
s'engager.
M. Grégoire: Ce n'est pas le stade olympique. Ce n'est que
l'Asbestos Corporation.
M. Forget: C'est l'équivalent du stade olympique dans des
conditions qui ne le justifient pas...
M. Bérubé: ... on ne demandera pas au
député de Marguerite-Bourgeoys de contrôler les
coûts.
M. Grégoire: Ce n'est pas le stade olympique.
M. Forget: ... parce qu'on n'est pas dans un contexte qui oblige
à travailler selon un échéancier serré. Le
gouvernement y met tout son temps. Il met deux ans et demi pour aller des
premières intentions au début même d'une
réalisation. Il y met tout son temps. Il n'a pas
d'échéancier serré. En vertu de quoi ne nous
engagerions-nous pas dans cette aventure avec un minimum de garanties du
côté gouvernemental qu'on ne fera pas de folies? Justement,
n'avez-vous rien appris, à partir d'expériences
antérieures où un gouvernement s'engage sans mesurer suffisamment
l'étendue de ses engagements possibles?
Nous avons du côté du ministre l'affirmation ce
n'est qu'une affirmation... M. le Président, est-ce qu'on peut obtenir
un peu de décorum à cette commission? Nous avons
écouté, de façon religieuse, le ministre. Je pense qu'il
peut le...
M. Bérubé: ... le Parti libéral depuis
quelque temps. Je me demande pourquoi, d'ailleurs.
M. Grégoire: M. le Président, le
député...
M. Forget: Je demanderais la même considération.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Grégoire: Le député de Saint-Laurent sait
qu'il m'a interrompu continuellement.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Frontenac.
M. Grégoire: Tout ce que je disais, c'est que ce
n'était pas le stade olympique.
M. Forget: Le député de Frontenac a une juste base
pour se plaindre, mais il a aussi, à l'occasion, interrompu... Dans le
cas du ministre, on a été absolument...
M. Bérubé: Je vois, d'ailleurs, l'auréole de
sainteté autour de votre tête, M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Nous n'en demandons pas tant, M. le ministre. Nous
n'avons, contrairement à vous, aucune espèce de prétention
à la sainteté ou à l'omniscience.
M. Bérubé: C'est vrai?
M. Forget: II demeure que nous avons posé des
questions.
M. Bérubé: Intéressant désaveu de
votre chef.
M. Forget: II demeure que nous avons posé des questions.
Le ministre nous a fait l'affirma-
tion... Je ne sais pas si on doit demander au ministre un minimum de
savoir-vivre ou de politesse. Je pense que l'on tolère assez largement
ses sautes d'humeur, son esprit qui n'en est pas, d'ailleurs, mais au moins, il
pourrait avoir un minimum de savoir-vivre. On ne lui demande pas grand-chose.
On lui en demande beaucoup sur le fond, mais sur la forme... (23 h 30)
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Forget: ...on ne lui demande pas grand-chose. Mais je pense,
M. le Président, qu'on pourrait demander ça.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II est
23 h 30 et il faudrait que ça continue comme c'est parti...
M. Forget: M. le Président... Une Voix:
Jusqu'à 2 heures?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Jusqu'à minuit, en vertu du règlement.
M. Forget: Oui.
M. Grégoire: ... consentement jusqu'à 6 heures.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Forget: Alors, M. le Président, on a posé une
question. Le ministre nous a fait une affirmation au départ. Il a dit:
Ce que l'on veut déterminer par la loi, c'est une méthode de
détermination des prix. Là-dessus, déjà on n'est
pas d'accord. Ce n'est pas une méthode, c'est une procédure qu'il
y a dans le projet de loi. C'est une procédure. La méthode,
ça fait référence à des méthodes de calcul,
à savoir si, par exemple, la valeur de remplacement est une
méthode appropriée pour déterminer la juste valeur
marchande. On sait que ce sont des hypothèses qui sont examinées
dans le rapport Kidder, Peabody, cette méthode, celle du "price-earnings
ratio", etc.; laquelle des méthodes? Il n'y a pas de choix dans la loi,
on détermine une procédure.
Or, c'est justement sur le terrain des méthodes que nous
voudrions engager le gouvernement, parce que c'est de ce
côté-là que le gouvernement peut s'engager, peut limiter
les dégâts possibles. De ce côté-là, il nous
dit: II y a un certain nombre de possibilités. Il fait, d'ailleurs,
d'une façon très intéressante, allusion à deux des
causes principales des écarts de prix. Ceci est de
notoriété publique. Il y a, d'une part, le taux d'escompte, qu'il
a mentionné; il y a, d'autre part, la question des évaluations
quant aux prix futurs, l'évolution des prix futurs de l'amiante.
M. Bérubé: Est-ce que le député de
Saint-Laurent me permettrait une question?
M. Forget: A la fin, si vous permettez, M. le ministre.
Je note cependant que dans le cas de l'exposé du ministre, il a
fait un plaidoyer pour ce que l'on retrouve dans le rapport Kidder, Peabody,
c'est-à-dire, par exemple, un taux d'escompte réel de 15%. Fort
bien! S'il est si sûr que ça que 15% est la limite, est-ce qu'il
est vraiment prêt à prendre un engagement, à savoir qu'il
est inconcevable, plus, qu'il est impossible qu'un comité d'arbitrage
parce qu'il connaît, lui aussi, comme nous la connaissons,
l'étude de Lazard Frères. Il connaît les
précédents qui ont été créés lors
d'autres expropriations d'industries liées à l'exploitation,
à l'extraction de ressources naturelles. Est-ce qu'il peut nous
garantir, au nom du gouvernement, que ce taux d'escompte réel de 15% ou
de 20% si on ajoute l'inflation que, d'ailleurs, les deux parties estiment
également à 6% de toute façon, on ne connaît
pas l'avenir personne; c'est une hypothèse qui en vaut une autre
ne sera pas dépassé dans aucune circonstance,
dépassé par l'autre bord, bien sûr, qu'il n'y aura pas, de
la part d'un conseil d'arbitrage, une décision voulant que ces 14% ou
que ces 12% ou que ces 11% ou que ces 10%, en termes réels on
pense toujours en termes réels c'est un taux de rendement qui est
trois ou quatre fois plus élevé que le rendement moyen de la
plupart des instruments financiers, on le sait, en longues périodes,
compte tenu de l'inflation, c'est donc un taux de rendement fort
élevé. C'est un taux d'escompte fort élevé. Est-ce
qu'il peut nous donner l'assurance qu'un conseil d'arbitrage ne descendra pas
plus bas que 15%, qu'il n'adoptera pas 14%, 13% ou 12%? Il y a des dizaines de
millions d'affectés là-dessus. C'est un engagement qui sera
important!
Est-ce que le ministre peut nous dire, étant donné la
connaissance qu'il a du dossier des expropriations dans le domaine des
ressources naturelles effectuées au Canada depuis dix ans, que,
effectivement, il est absolument impossible qu'un autre taux que 15% soit
retenu? Qu'il nous fasse cette affirmation au nom du gouvernement et,
déjà, nous serons un peu plus satisfaits, un peu plus
rassurés. Relativement à l'évolution des prix, est-ce que
le ministre n'est pas conscient que depuis environ 1974, 1975... D'ailleurs,
dans la revue publiée par son ministère, le numéro de
février, je pense, ou quelque chose du genre, il y a, à deux
reprises dans cette revue, un tableau de l'évolution du prix moyen de la
fibre. Est-ce qu'il n'est pas conscient que ce prix, depuis une période
d'environ quatre ans, s'est multiplié par un facteur qui se situe entre
3% et 3,5%? Ce n'est évidemment pas en dollars constants, mais en
dollars nominaux; de toute façon, l'inflation, tout le monde sait bien
que, même si elle est élevée, on n'a pas eu une inflation
de 300% depuis quatre ans. Il y a donc une augmentation du prix réel
moyen de la fibre fort considérable depuis trois ans. Est-ce qu'on peut
maintenant nous assurer, du côté gouvernemental, que c'est fini,
que ça ne se reproduira plus? Est-ce qu'il peut nier que la plupart des
produits substituts à l'amiante, qui déterminent donc, les
substitutions, qui détermi-
nent la possibilité d'une augmentation du prix réel, sans
qu'il y ait substitution, ont augmenté plus rapidement que l'indice des
prix de gros, que l'indice des prix à la consommation, à plus
forte raison au cours des dix ou vingt dernières années? Est-ce
qu'il peut nier qu'un élément comme celui-là risque
d'être utilisé par un conseil d'arbitrage pour dire: Non,
messieurs du gouvernement, votre hypothèse d'une stabilité
absolue des prix n'est pas justifiée?
Est-ce qu'il peut nier qu'une partie très importante de
l'écart des coûts entre les deux études est due justement
à cela? S'il ne peut pas le nier, s'il ne peut pas nous donner
d'assurance là-dessus, comment peut-il nous donner l'assurance que ce
n'est pas $260 000 000 qu'on devra payer? S'il ne peut pas nous donner
d'assurance là-dessus, pourquoi s'étonner que l'on cherche
justement à poser ces questions-là aux experts, parce que c'est
bien sûr qu'en lisant ces deux rapports il y a un tas
d'incongruités?
Il y a d'abord deux maisons qui ont une réputation
internationale, Lazard Frères, ce n'est pas né d'hier. Ce ne sont
pas des gens qui, parce qu'ils ont un contrat d'une société,
à un moment donné, vont jeter par-dessus bord une, deux ou trois
générations d'expertise dans le domaine financier en disant: Peu
importe, on peut dire n'importe quoi et les gens vont continuer à nous
faire confiance.
Ils ne peuvent pas le faire, donc il y a une certaine
crédibilité, a priori, il y a quand même quelque chose de
sérieux là-dedans et, quand ils font une affirmation qui est
contredite par un autre rapport, est-ce qu'on va nécessairement croire
que c'est Kidder, Peabody? Tant mieux si Kidder, Peabody avait raison, le
contribuable ne s'en trouvera que mieux.
Mais est-ce que le gouvernement peut vraiment nous donner cette
assurance en toute sécurité? Est-ce que le contribuable qui est
devant un tel silence de la part du gouvernement peut dire: Oui, tout va
très bien, le gouvernement a vraiment les choses en main? Il y a des
contradictions entre les maisons d'experts, mais lui nous dit que ses experts
sont les meilleurs.
C'est le fin mot de l'histoire, on va se coucher sur nos deux oreilles
et on est sûr qu'on ne dépensera pas plus que $100 millions. Si le
ministre ne peut pas nous donner ces assurances, comment s'étonner qu'on
demande que nous, nous posions les questions pour essayer de comprendre
où est la faille?
Du côté de l'étude de Lazard, il y a certainement
des choses qui ne me satisfont pas. Je peux même, après une
lecture rapide, dire: II y a des choses qui, à première vue, ne
sont pas justifiées. J'aimerais bien pouvoir poser ces questions.
Dans l'étude de Kidder, Peabody, la même chose, il y a des
choses qu'on écarte du revers de la main, sans vraiment le justifier. On
dit: Telle méthode de calcul, on ne la retient pas. Dans le fond,
peut-être est-ce parce que ça produit un chiffre trop
élevé, mais, de toute façon, la jus- tification ne s'y
trouve pas. Peut-être y a-t-il d'excellentes raisons. Tant mieux s'il y a
d'excellentes raisons, mais, à moins qu'on nous le dise, on ne pourra
jamais le croire à moins de faire un acte de foi et, quand il s'agit de
$150 millions ou $200 millions, les actes de foi, écoutez, laissez-les
pour les autres, parce que, quant à moi, ce n'est pas le genre
d'attitude que je trouve rassurante.
Je ne m'étendrai pas, M. le Président, sur les accusations
de mauvaise foi dont on fait un abondant usage de l'autre côté.
Des accusations de mauvaise foi, on pourrait en faire aussi, de notre
côté, avec une égale facilité. On pourrait s'amuser
à retracer, dans les déclarations que le ministre de Richesses
naturelles a faites, depuis un an et demi, un certain nombre d'affirmations qui
sont, disons pour employer un mot poli, paradoxales, pour ne pas dire
davantage, des affirmations qui sont je m'excuse contredites par
des faits.
Quand il nous a fait en commission parlementaire des affirmations qui
sont contredites par ses propres actions, ce n'est même pas une
prédiction quant à ce que d'autres pourraient faire, ce sont des
prédictions quant à ses propres actions qu'il a contredites
carrément quelques mois plus tard. Ce sont des affirmations qu'il a
faites au moment de la deuxième lecture et qui sont contraires à
la vérité. Nous mettons ça au compte de l'enthousiasme
excessif, de la chaleur et de la vivacité du débat, de tout ce
qu'on voudra.
On n'irait pas l'accuser de mauvaise foi, du désir de tromper la
population ou l'Opposition officielle, non, pas du tout. Nous sommes
prêts à lui donner une certaine marge pour faire des affirmations
qui, parfois, forcent un peu la réalité; c'est, apparemment, une
tournure d'esprit qu'il trouve qui peut probablement nous maintenir en
éveil, nous alerter toujours, on est toujours en train de surveiller ce
qu'il va dire, parce qu'on ne sait jamais si on ne trouvera pas une perle. Cela
peut contribuer, évidemment, à animer nos débats et
peut-être à nous divertir, selon la théorie qu'il exposait
tout à l'heure.
Il reste qu'on ne veut pas lui faire grief de tout ceci, mais il doit
reconnaître que les questions qu'on lui pose, relativement à des
garanties gouvernementales, quant au plafond sur le coût, ce sont des
questions absolument légitimes, ce sont des questions auxquelles le
gouvernement n'a pas fait de réponse jusqu'à maintenant.
Il se lave les mains de la question du coût, il se décharge
de toute cette responsabilité sur un juge de la Cour provinciale. J'ai
énormément de respect pour tous les juges de la Cour provinciale
sans exception et je ne sais pas d'avance lequel de ces illustres juristes sera
choisi pour déterminer le montant qu'on devra payer pour l'acquisition
d'actifs miniers. Je ne sais pas quelle est l'expérience et les
connaissances particulières dont disposera un juge de la Cour
provinciale pour se retrouver et arbitrer de façon vraiment impartiale
entre deux rapports qui sont épais de plusieurs pouces chacun et qui
traitent de questions assez ésotériques à certains
moments, surtout dans la perspective d'un juriste. J'espère que tout
ceci se
fera de la façon la meilleure possible. Il demeure que c'est une
responsabilité énorme qu'on place sur le dos d'un homme; ensuite,
on pourra dire: Ecoutez, c'est une procédure qui a été
retenue par l'Assemblée nationale, on ne savait pas d'avance ce que
ça donnerait, on a pensé en toute candeur, en toute bonne foi que
notre étude était la meilleure, on n'avait pas pensé que
peut-être, effectivement, un précédent serait
invoqué par les avocats très célèbres et
très bien payés qui seront retenus par la société
General Dynamics qui ont découverts, justement, qu'il y avait un pattern
qui s'était établi dans ces questions-là, que ce n'est pas
la première fois qu'il se fait des expropriations et que, finalement,
les hypothèses de Lazard Frères étaient les plus courantes
en Amérique du Nord dans ces questions-là, étaient les
plus appropriées pour l'étude. Malheureusement, ça nous a
coûté $150 millions de plus, mais, que voulez-vous, c'est la
fatalité, c'est la même fatalité que celle dont nous a
parlé souvent le ministre des Finances quand il parle de la
fiscalité. Il nous a dit: Ecoutez, cela fait partie de la
fatalité. Il faut se résigner, il y aura toujours des
impôts; il y aura toujours des pauvres aussi; comme nous dit le ministre
des Affaires sociales. Ce sont les fatalités avec lesquelles l'Etat se
débat.
Mais, à notre avis, ce n'est pas véritablement fatal qu'on
doive payer $270 millions ou $280 millions à la société
General Dynamics parce qu'il y a des jugements à porter. Ce ne sont pas
des jugements purement techniques. La question de savoir quelle est la
méthode appropriée, ça repose essentiellement sur des
jugements qui ne peuvent pas être pris seulement sur une base technique.
Quand on fait une expropriation d'un terrain pour passer une autoroute, on peut
bien comprendre qu'il s'agit de déterminer si, dans la région,
pour des terrains de même qualité, situés à peu
près de la même façon, c'est $0.05 le pied carré ou
$0.45 le pied carré ou quelque chose entre les deux, je n'en sais rien.
A ce moment-là, de toute manière, l'intérêt
supérieur de l'Etat n'est pas en jeu. Il s'agit de savoir si on va payer
$25 000 pour un bout de terre ou si on va en payer $37 000. Ce n'est
véritablement pas majeur; il est tout à fait légitime de
dire: L'Etat n'a pas besoin de prendre parti là-dedans de façon
excessive, qu'il confie à un juge la détermination de ça.
La preuve sera faite par les parties et, même s'il y a une erreur et que
ça nous coûte un peu plus cher, malgré tout, il y a
là une question de transiger avec des parties qui sont dans une
situation de disproportion. Il y a l'Etat d'un côté et il y a un
citoyen. Le processus judiciaire d'arbitrage d'expropriation est tout à
fait approprié. Mais, quand on prend des décisions qui supposent
qu'on porte des jugements sur tout l'avenir d'une industrie, tout l'avenir
d'une ressource naturelle que nous avons au Québec, ce n'est pas
simplement le jugement froid d'un investisseur. Il y a toutes sortes de
suppositions qu'il faut faire et c'est presque impossible d'imaginer que
ça peut se faire par une mécanique d'arbitrage absolument
impartiale, neutre, sans qu'il y ait une implication politique, sans que le
gouvernement se mouille de ce côté-là.
Ce que je trouve le plus curieux, M. le Président, c'est que le
ministre qui nous a vendu le projet de l'amiante en parlant de pénurie,
en parlant de l'immense avantage qu'on avait à contrôler cette
ressource-là, quand il s'agit ensuite, par personne interposée,
par le ministre des Finances, d'évaluer ce que ça vaut, il dit:
Ecoutez, non, ce n'est plus le même tableau...
Est-ce qu'on s'est demandé pour un instant je ne veux pas
me prononcer sur la valeur de l'argumentation du ministre, on l'a fait à
d'autres occasions est-ce qu'on s'est demandé pour un instant ce
qu'il arriverait devant le conseil d'arbitrage si la société
General Dynamics reproduisait de la transcription des débats en
commission parlementaire seulement la partie du témoignage du ministre
des Richesses naturelles, l'an dernier? Il est le meilleur témoin de
General Dynamics, il est la source privilégiée de son information
pour ce qui est de savoir quelles sont les perspectives de cette industrie aux
yeux du gouvernement, on va le citer abondamment. Il va être mis dans une
situation impossible. (23 h 45)
Je pense bien d'ailleurs que c'est pour cette raison qu'il ne
négocie pas, c'est sûrement une des raisons. Il ne veut
certainement pas être mis en contradiction avec lui-même. Vous
pouvez vous attendre que si les avocats qui sont employés par la
société General Dynamics valent la moitié des honoraires
qu'ils vont exiger, ils vont citer abondamment le ministre des Richesses
naturelles qui s'est exprimé là-dessus pendant des heures
entières, en disant que c'est une ressource essentielle à notre
développement qui est promis à un avenir fantastique et que c'est
essentiel de le contrôler, parce qu'il y a une pénurie qui nous
guette. Tout ça vaut de l'argent et il va le payer, parce qu'il ne s'est
pas engagé, comme gouvernement, à limiter les risques.
M. Bérubé: Cela fait baisser les prix.
M. Forget: C'est le but de la motion, M. le Président.
M. Grégoire: On vous a assigné comme
témoin...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît. M. le député de
Saint-François.
M. Rancourt: M. le Président, ça fait presque
quatre heures déjà que j'écoute et comme, personnellement,
je suis pour les méthodes concises et courtes dans mes interventions,
j'ai un point de vue différent là-dessus. Si la firme Lazard
Frères a demandé un accord de confidentialité au ministre
des Finances, je vois mal qu'elle vienne ici pour briser elle-même cet
accord, à la suite d'un voeu de la commission. Depuis le début,
toute parole dite ici est inutile et n'a été dite que dans le but
de retarder l'étude article par article de ce projet de loi.
C'est tout, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, l'introduction de la motion
de sous-amendement du député de Mont-Royal touche à un
point important qui devrait, il me semble, allumer au moins une lumière
jaune, sinon une lumière rouge dans l'esprit des députés
ministériels; c'est l'écart entre les deux, c'est ce qui frappe
l'imagination, c'est ce qui devrait être un signal d'alarme. Il me semble
qu'on est aveugle, plus qu'aveugle même, on se ferme les yeux et on ne
veut pas voir le message qui est transmis par cette situation de fait entre
deux évaluations faites d'une façon qui semble compétente
ou, enfin, par des gens qui ont prouvé leur compétence dans le
passé, qui ont une réputation à soutenir. Je n'ai pas
à défendre ni les uns ni les autres, mais j'aimerais bien avoir
l'occasion de poser des questions aux uns et aux autres.
M. le Président, le député de Bourassa tantôt
et d'autres s'amusaient à parler des Olympiques. On m'a dit
tantôt: Le député de Marguerite-Bourgeoys, qu'est-ce qu'il
a contrôlé dans les Olympiques? On a parlé de la commission
Malouf, vous avez laissé s'exprimer le député de Bourassa
sans invoquer l'article 99, 4e paragraphe, alors vous allez me laisser dire
ceci, M. le Président. Si le député de Bourassa il
a quitté, mais il pourra lire ces propos a suivi attentivement le
déroulement de la commission Malouf, il aura remarqué
qu'après avoir témoigné pendant une journée
complète, en octobre l'an dernier, j'ai été rappelé
au mois de mars pour établir, avec un autre témoignage d'un
permanent du comité dont je faisais partie, qu'en janvier et dans les
premiers mois de 1974, la ville de Montréal était en possession
d'évaluations partielles, mais d'évaluations sur les travaux
à faire sur le Stade olympique et que ces évaluations, dans
certains cas, étaient deux ou trois fois plus élevées que
le budget préliminaire de la ville de Montréal.
Il a été établi aussi que ces évaluations
ont été cachées au comité dont je faisais partie et
que connaissance nous en a été donnée seulement il y a
quelques semaines, lorsque j'ai été appelé à
témoigner.
M. le Président, sans préjuger de ce que la commission
Malouf dira des conséquences de ces gestes pour la ville de
Montréal, il me semble qu'il y a quand même un parallèle
à tirer ici. On a devant nous deux évaluations, dont une est plus
de deux fois plus élevée que l'autre. On a l'occasion de les
voir. On connaît leur existence, contrairement au comité dont je
faisais partie il y a quelques années, qui ne connaissait pas
l'existence de ces évaluations qui auraient pu nous dicter des
décisions importantes, parce que c'était avant le commencement de
la construction, alors qu'on a connu la première évaluation
véritable seulement après le commencement de la construction.
Si on est éclairé, si on tire leçon du passé
et je n'ai pas objection à ce qu'on parle des Olympiques, au
contraire, il me semble que cela nous coûte assez cher pour qu'on en tire
une leçon.
M. Bérubé: C'est vraiment le seul mot juste de la
soirée.
M. Lalonde: A ce moment-là, devant le parallèle
d'une situation où on ne connaissait pas des évaluations, parce
qu'elles avaient été cachées, ici, non seulement elles ne
sont pas cachées, on en connaît l'existence, mais le ministre ne
veut pas les voir.
M. Grégoire: Vous les avez.
M. Lalonde: II ne veut pas permettre à cette commission
parlementaire, qui est appelée à décider du contenu de ce
projet de loi, donc de la loi lorsqu'elle sera adoptée, ce gouvernement
ne veut pas permettre à la commission de s'informer sur le contenu des
évaluations que le ministre connaît, que d'autres
députés connaissent et la commission parlementaire comme telle
n'aura pas l'occasion, à cause du refus du ministre et du gouvernement,
de poser des questions. J'aurais bien aimé connaître les
évaluations de la ville de Montréal en janvier et février
1974, pour avoir l'occasion de demander aux ingénieurs pourquoi
c'était trois fois plus cher. A ce moment-là, on aurait pu faire
de la projection et dire: Cela ne coûtera pas $250 millions, vos
Olympiques, mais $1 milliard. On n'a pas eu cette occasion, mais, ici, on l'a'.
Prenez donc la leçon qu'on paie cher tout le monde. Prenez-la et
donnez-nous l'occasion ici, en commission parlementaire, de poser des questions
à savoir pourquoi c'est plus de deux fois plus cher dans un cas que dans
l'autre. Où est l'erreur? Qui a fait l'erreur? En identifiant le
cheminement de la pensée de chacun des deux évaluateurs, nous
allons pouvoir trouver les méthodes, les normes, les critères
dont se sont servis l'un et l'autre pour décider, mettre dans la loi
quels critères, quelles normes l'arbitre devra suivre, puisque le
gouvernement ne veut pas prendre ses responsabilités et mettre un
plafond, comme le demande le député de Saint-Laurent depuis
tantôt, dans son plaidoyer qui, il me semble, était très
clair.
C'est cela qu'on demande. C'est pour cela que le sous-amendement du
député de Mont-Royal est très utile. Cet écart
entre les deux évaluations, prenez-en la leçon, s'il vous
plaît. Ce n'est pas votre argent, c'est l'argent de la population.
Là, on a la chance d'avoir ces évaluations avant le fait, avant
la décision. Laissez-nous interroger les deux évaluateurs et leur
demander pourquoi. Que ce soit un taux d'actualisation de 15% ou de 10% ou de
quelque part entre les deux, à ce moment-là, on pourra le dire et
inscrire dans la loi les critères qui pourront servir à l'arbitre
pour ne pas dépasser un plafond acceptable. Il y a une
incohérence que le Parti québécois va payer cher
naturellement, M. le Président, mais surtout que les
Québécois vont payer cher, une incohérence dans le geste
des ministériels.
Je posais la question hier je reviens là-dessus, parce que
c'est important à des députés lors du débat
en deuxième lecture: Est-ce que vous êtes prêts à
payer $100 l'action? Non, on n'est pas prêt. Le ministre des Transports
m'a dit:
On n'est pas prêt. Si on était prêt, on ne serait pas
ici avec ce projet de loi. Mais, si vous n'êtes pas prêts, mettez
dans la loi ce qu'il faut pour ne pas payer $100. C'est cela qu'on leur
demande. C'est une cohérence de dire: Nous autres comme le
premier ministre a dit c'est $40 ou $42 ou autour de cela, sinon, cela
ne marche pas, et de présenter un projet de loi qui n'a pas de plafond
et qui ne forcera pas l'arbitre à respecter un plafond, que ce soit un
plafond absolu, en termes de dollars, que ce soit un plafond auquel on devra se
soumettre, auquel l'arbitre devra se soumettre nécessairement en
incluant dans le projet de loi des critères et des normes auxquels
l'arbitre devra se soumettre, parce que l'arbitre n'aura qu'un maître,
vous savez, c'est la loi. Au-delà de la loi, ni les voeux du Parti
québécois, ni les voeux du premier ministre dans ses
réponses, ni les voeux du ministre des Richesses naturelles tantôt
n'auront force de loi. Aucun de ces voeux ne liera l'arbitre, l'arbitre n'aura
devant lui que la loi qui sera son maître, et c'est seulement en vertu de
la loi. Quand vous regardez la loi, la valeur marchande est un concept qui est
quand même très large. Il faut admettre qu'un avocat pourra
facilement témoigner, facilement plaider que la valeur marchande, c'est
$100 ou peut-être même $120, selon les circonstances qui pourront
changer d'ici ce temps-là. Le Parti québécois, comme les
députés d'en face qui veulent et je respecte leur opinion
que le Québec achète cette compagnie je ne partage
pas cette opinion-là, mais je la respecte. Elle a été
exprimée par l'Assemblée nationale, maintenant; c'est le projet
de loi. Enfin, le principe est accepté.
Je respecte maintenant cette décision de l'Assemblée
nationale, même si je ne la partage pas. Votre réveil va
être brutal, vous savez. Si vous avez refusé d'aller
au-delà de $42, donc si vous avez refusé de continuer à
négocier avec General Dynamics pour l'achat de l'Asbestos Corporation
parce que ces gens veulent plus que $42 et que vous vous retrouvez, dans un an,
avec un jugement de tribunal qui dit que c'est... Je ne sais combien, le
ministre de l'énergie avait parlé de $60. Il faudrait savoir,
mais enfin... Ni moi, ni vous, ni personne autour de cette table ne pouvons
dire: Cela va être $40, $42, $60, $80 ou $100 ou plus. C'est seulement la
loi qui peut permettre à un tribunal d'arbitrage de dire: Cela va
être pas plus que tant. C'est tout ce qu'on demande. La façon pour
nous de l'inscrire dans la loi de façon correcte et sûre, c'est
d'inviter ici les gens qui sont les seuls que l'on connaisse qui ont fait une
évaluation... S'il y en a une troisième, qu'on l'invite. La seule
façon, c'est de les inviter et de leur demander pourquoi ils arrivent
avec un écart aussi considérable, quasiment inexplicable. Le
ministre s'est attardé sur la question du taux d'actualisation, du "cash
flow". C'est probablement une des raisons. On sait que, si on prend un taux de
15%, c'est tant. Si on en prend un de 14% ou de 13%, comme disait le
député de Saint-Laurent, ce sont des millions et des dizaines de
millions de différence. C'est peut-être là qu'est le
problème. On aimerait le savoir, et demander: Pourquoi 15%? Pourquoi
11%? Est-ce que 11%, c'est accepté généralement dans
l'industrie? S'ils nous disent: Oui, c'est accepté, 11% ou 10%, je ne
sais combien, à ce moment, il va falloir commencer à y penser.
Cela veut dire que le tribunal d'arbitrage va peut-être pencher vers
cela. Il va falloir mettre un plafond ici, dans la loi. C'est tout ce qu'on
vous demande. Prenez donc les leçons! S'il vous plaît, prenons
donc les leçons qui nous coûtent cher. C'est vrai! C'est un stade
olympique que vous êtes en train de faire, mais pire que l'autre. Vous
avez actuellement les moyens de le contrôler, mais vous ne voulez pas le
faire.
M. Grégoire: ... au moins.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Lalonde: C'est pour cela que je trouve absolument incroyable
l'attitude du ministre qui parle avec ses fonctionnaires, qui se fout
parfaitement de tout ce qui se passe ici, qui attend simplement que minuit
arrive, alors qu'il est en train d'empêcher les élus de la
population de prendre connaissance des véritables problèmes de
l'évaluation au fond, c'est tout ce qui nous reste à
changer dans cette loi, les modalités d'évaluation. Je trouve
incroyable et aberrante l'attitude du ministre actuellement, inacceptable.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui?
M. Forget: J'aurais juste une information à donner,
très brièvement. Le ministre a demandé qu'on identifie les
articles pour lesquels nous aimerions bénéficier de la
présence du ministre des Finances...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
D'accord.
M. Forget: On l'a fait dans le cours de la soirée, et je
pourrais faire l'énumération. Elle est très brève,
d'ailleurs. Ce sont les articles pivot, au point de vue de la décision
et de la détermination de la valeur. Les paragraphes 20, 21, 27, 29, 31,
44, 45, 46 et 48.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce
que vous les avez pris en note? Oui?
M. Bérubé: 20, 21, 27, 29, 31, 44, 45, 46 et 48.
M. Forget: C'est bien ça.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Là-dessus, les travaux de la commission sont ajournés sine
die.
Fin de la séance à 23 h 59