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Version finale

42nd Legislature, 1st Session
(November 27, 2018 au October 13, 2021)

Tuesday, March 30, 2021 - Vol. 45 N° 73

Special consultations and public hearings on Bill 79, An Act to authorize the communication of personal information to the families of Indigenous children who went missing or died after being admitted to an institution


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Table des matières

Remarques préliminaires

M. Ian Lafrenière

M. Gregory Kelley

Mme Manon Massé

M. Martin Ouellet

Auditions

Mmes Michèle Audette, Geneviève Motard et Véronique Breton

Regroupement des familles Awacak

Nation naskapie de Kawawachikamach

Conseil de la nation atikamekw (CNA)

Autres intervenants

Mme Sylvie D'Amours, présidente

Mme Nancy Guillemette

M. Denis Lamothe

Mme Marilyne Picard

*          Mme Françoise Ruperthouse, Regroupement des familles Awacak

*          M. Alain Arsenault, idem

*          Mme Caroline Einish, Nation naskapie de Kawawachikamach

*          Mme Noat Einish, idem

*          M. Constant Awashish, CNA

*          M. Sipi Flamand, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures trente et une minutes)

La Présidente (Mme D'Amours) : Bonjour. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des relations avec les citoyens ouverte.

La commission est réunie virtuellement afin de procéder aux consultations particulières et aux auditions publiques sur le projet de loi n° 79, Loi autorisant la communication de renseignements personnels aux familles d'enfants autochtones disparus ou décédés à la suite d'une admission en établissement.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. M. Poulin (Beauce-Sud) est remplacé par M. Lamothe (Ungava); Mme Samson (Iberville) est remplacée par Mme Guillemette (Roberval); Mme St-Pierre (Acadie) est remplacée par M. Kelley (Jacques-Cartier); Mme Dorion (Taschereau) est remplacée par Mme Massé (Sainte-Marie—Saint-Jacques); et Mme Perry Mélançon (Gaspé) est remplacée par M. Ouellet (René-Lévesque).

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Ce matin, nous débuterons par les remarques préliminaires, puis nous entendrons par visioconférence les groupes suivants : Mme Michèle Audette, commissaire du rapport d'enquête nationale sur les femmes et filles autochtones disparues ou assassinées, et le Regroupement des familles Awacak.

Remarques préliminaires

J'invite maintenant le ministre responsable des Affaires autochtones à faire ses remarques préliminaires. M. le ministre, vous disposez de six minutes.

M. Ian Lafrenière

M. Lafrenière : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, je voudrais tout d'abord saluer mon équipe qui m'accompagne aujourd'hui. Vous savez, on est de façon virtuelle, mais ici il y a présence de mes équipes. Heureux de vous retrouver, chers collègues, collègues des oppositions qui vont être présents avec nous toute la journée aujourd'hui.

Je suis heureux d'entamer ce processus de consultation. Il s'agit de mon premier projet de loi, et je tiens d'ailleurs à saluer le travail de ma prédécesseure, la députée de Mirabel et présidente de cette commission, puisque c'est sous son leadership que le projet de loi a été amorcé.

Comme vous le savez tous déjà, il s'agit d'un projet de loi absolument essentiel et sans précédent, et je suis persuadé qu'il saura tous nous rallier autour de la nécessité et de l'urgence d'agir dans l'intérêt des familles endeuillées.

Je vais vous demander de vous imaginer un instant que vous habitez une communauté éloignée de la Basse-Côte-Nord, pour ne pas nommer Pakuashipi. Vous êtes dans les années 50, 60. Votre jeune enfant tombe malade, on vous apprend qu'on doit absolument le transférer vers un hôpital, donc à distance, mais vous ne pouvez pas l'accompagner. Et plus tard, quelques semaines plus tard, vous avez un membre de la communauté qui revient de cet hôpital et qui vous annonce que votre enfant est décédé. Votre enfant est décédé, vous ne l'avez jamais vu, vous n'avez pas eu de détails sur ce qui était arrivé, et c'est ce qui serait arrivé à environ 200 enfants. Pas de détails, les parents n'ont jamais vu le corps, aucune information. Les dépouilles ont été enterrées, parfois très loin des parents. Dans certains cas, on apprend même que des enfants auraient été remis à l'adoption sans consentement parental. Comment des parents peuvent vivre sans savoir, sans avoir cette information-là? Comme père de deux jeunes filles de 11 ans, 13 ans, je ne peux même pas me l'imaginer un instant, Mme la Présidente.

Concrètement, aujourd'hui, le projet de loi n° 79 vise à soutenir les familles autochtones dans leurs recherches de renseignements auprès d'un établissement de santé et de services sociaux, d'un organisme ou d'une congrégation religieuse sur les circonstances ayant entouré la disparition ou le décès d'enfants à la suite de leur admission en établissement de santé et de services sociaux avant 1989.

Le projet de loi constitue une réponse à deux appels à la justice du rapport complémentaire, spécifique au Québec, de l'enquête ENFFADA. L'appel n° 20 qui demande au gouvernement de remettre aux familles toutes les informations dont il dispose concernant les enfants qui leur ont été enlevés à la suite d'une admission dans un hôpital ou tout autre centre de santé au Québec. Pour ce faire, il faut pouvoir autoriser certaines dérogations au régime d'accès en place, qui constitue un obstacle à la communication de renseignements aux familles, et c'est ce que nous visons par ce projet.

Nous voulons aussi assister et guider les familles d'enfants autochtones disparus ou décédés dans leurs démarches. À l'adoption du projet de loi, ce sera fait grâce à la mise en place d'une nouvelle direction de soutien aux familles d'enfants autochtones disparus ou décédés. Cette direction tiendra notamment compte des particularités linguistiques et culturelles des familles concernées ainsi que leurs besoins d'accompagnement émotionnel. Le projet de loi prévoit finalement qu'une personne peut porter plainte au ministre en cas d'insatisfaction quant au service reçu lors de ses démarches de renseignements.

L'appel à l'action n° 21 demande la formation d'une commission d'enquête sur les enfants enlevés aux familles autochtones au Québec. L'une des mesures du projet de loi répond précisément à cet appel en donnant au ministre responsable des Affaires autochtones le pouvoir de faire enquête lorsque des éléments laissent croire que des informations susceptibles de faire connaître les circonstances de la disparition ou du décès d'un enfant existent. Il s'agit bien d'éclaircir les circonstances des disparitions, pas les causes. Les pouvoirs d'enquête octroyés dans le cadre du projet de loi sont ceux prévus par la Loi sur les commissions d'enquête, comme dans celui d'une commission d'enquête. Les principes de droit applicables restent les mêmes, incluant le fait de ne pas nuire à une éventuelle enquête policière.

Bien que ce projet de loi, Mme la Présidente, n'ait pas pour objectif d'identifier les responsables ou de faire des enquêtes criminelles, nous n'hésiterons jamais à transmettre l'information au Bureau du coroner ou à la Sûreté du Québec si on a des informations qui nous laissent croire, justement, qu'il y a une faute qui a été commise. Nous souhaitons donner des réponses individuelles aux familles parce que nous croyons que c'est la priorité pour elles. La disparition d'un enfant laisse des blessures profondes, et la seule possibilité de s'engager sur la voie de la guérison, de pouvoir vivre le deuil, c'est de savoir ce qui est arrivé à notre enfant, et c'est ce que ce projet de loi va faciliter.

Ce qui nous a guidés, ce sont les témoignages des familles et de l'ensemble des constats formulés dans le cadre de l'ENFFADA, des échanges avec des chefs de nation concernés, certaines recommandations de l'APNQL et du Protecteur du citoyen dans le cadre des travaux du projet de loi n° 31. Et je nous rappelle collectivement que des articles avaient été inclus dans le projet de loi n° 31 afin d'aller rapidement, car, vous le savez, le temps compte. Il y a des familles, il y a des parents qui nous quittent sans avoir eu réponse à leurs questions. On voulait aller rapidement là-dedans. Nous avons entendu les demandes des familles, et c'est pour ça qu'aujourd'hui on vous présente un projet de loi qui est bien unique et seul.

Nous sommes, bien sûr, aussi conscients que c'est un processus émotionnellement chargé pour les familles. Même si elles attendent de pouvoir faire ces démarches depuis longtemps, le processus ne sera pas facile pour autant. Certains voudront s'engager dans le processus plus rapidement. Les résultats positifs obtenus pour les familles qui se lanceront tout prochainement dans le processus vont sûrement en encourager d'autres à s'engager là-dedans. Et c'est pour ça qu'on a prévu une période de cinq ans, Mme la Présidente, cinq ans pour l'application de la loi. Étant donné que nous dérogeons, avec le projet de loi, à certaines lois et règlements, on doit vraiment le circonscrire dans le temps, mais on peut le renouveler pour une période d'un an et de façon indéfinie.

Alors, Mme la Présidente, en terminant, je veux nous rappeler pourquoi nous sommes ici aujourd'hui. Nous sommes ici pour donner les moyens à des familles de faire la lumière sur ce qui a pu arriver, et, justement, j'en parlais à mes collègues tout à l'heure, des associations de familles nous ont transmis des petits souvenirs pour se rappeler pour qui et surtout pourquoi nous faisons toutes ces démarches aujourd'hui, pour donner réponse à ces familles, qui ont attendu depuis bien trop longtemps. Alors, je vous remercie. Merci, et très heureux d'être en consultations avec vous aujourd'hui.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci, M. le ministre. J'invite maintenant le porte-parole de l'opposition officielle et député de Jacques-Cartier à faire ses remarques préliminaires pour une durée maximale de quatre minutes.

M. Gregory Kelley

M. Kelley : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je veux aussi juste saluer tous mes collègues qui sont avec nous aujourd'hui. Aujourd'hui, on commence un processus de faire face à notre histoire, qui est un moment très sombre dans notre histoire commune. C'est juste une première étape et une étape dans le processus de la réconciliation. Mais l'histoire que le ministre vient de raconter à nous, d'un enfant enlevé d'une communauté, si quelque chose comme ça arrivait dans un autre pays, c'est sûr que le Canada a des mots très durs pour dire envers ce pays-là. Alors, c'est important pour nous de faire face à notre histoire.

Et, oui, aujourd'hui, on commence un processus pour donner des moyens à des familles d'avoir plus d'information, mais j'espère qu'ensemble on va trouver la façon de mettre un langage, qu'on donne des moyens à des familles à avoir la vérité sur qu'est-ce qu'il s'est passé à eux autres.

It's really important also to just keep in mind that this was a long history that took place. It happened to communities all across Québec and Canada. And I know everyone here is here to work in collaboration to try to give all the proper means to the families that they deserve, to find truth, to find justice. And again, I'm... You know, after reviewing not just the «projet de loi», but reading some of the memoirs that have been deposed, it was a good reminder to us all of what happened in the past and of our duty, as legislators, to work together to try at least to correct some of those wrongs together.

Alors, je souhaite vraiment qu'on va être capables de travailler ensemble, pas juste pendant les consultations, mais aussi dans l'étude détaillée de ce projet de loi. Alors, merci beaucoup, Mme la Présidente.

• (9 h 40) •

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. J'invite maintenant la porte-parole du deuxième groupe d'opposition et députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques à faire ses remarques préliminaires pour une durée maximale d'une minute.

Mme Manon Massé

Mme Massé : Bonjour, tout le monde. Écoutez, en une minute, je vais aller au coeur... Je pense que ce que nous vivons... nous débutons aujourd'hui, comme travail, est un travail essentiel, que les gouvernements du Québec ont trop tardé à faire, donc je suis très heureuse d'être parmi vous pour faire ce travail-là. Je m'étais engagée personnellement, Mme la Présidente, comme bien d'autres autour de cette table, à faire en sorte que les enfants disparus dans de telles circonstances soient redonnés à leurs familles et, dans ce sens-là, je vais faire tout mon possible pour que ce projet de loi là soit le plus fidèle aux besoins identifiés par nos frères et soeurs autochtones, et soit le plus complet, et s'adopte, bien sûr, le plus rapidement, parce qu'effectivement le temps compte. Déjà, beaucoup trop de temps est passé. Alors, heureuse d'être avec vous pour travailler sur ce projet de loi.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. J'invite maintenant le porte-parole du troisième groupe d'opposition et député de René-Lévesque à faire ses remarques préliminaires pour une durée maximale d'une minute.

M. Martin Ouellet

M. Ouellet : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Donc, à mon tour de vous saluer, et d'ailleurs de vous saluer tous, parce qu'on s'est entendus pour changer de commission. On devait entendre ce projet de loi là dans la Commission des institutions, il y avait congestion, il y avait plusieurs projets de loi, et on s'est entendus pour faire ça dans une autre commission, question d'aller vite, d'aller bien, mais surtout de saisir l'occasion de donner des réponses aux nombreuses questions que les communautés ont par rapport à la situation.

Évidemment, cette commission sera chargée d'émotion. Je serai porté par le coeur plus que la raison en étudiant ce projet de loi là. Mais assurément, Mme la Présidente, on devra faire vite, mais surtout faire bien. Et le fait qu'on ait un projet de loi exclusivement dédié à cet enjeu démontre toute l'importance que le gouvernement du Québec doit apporter aux réponses que ces familles cherchent depuis tant d'années. Alors, Mme la Présidente, c'est avec beaucoup d'enthousiasme et avec le coeur que je suis prêt à commencer.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci pour ces remarques préliminaires.

Auditions

Nous allons maintenant débuter les auditions. Donc, je souhaite la bienvenue à Mme Michèle Audette, qui est accompagnée de Mme Geneviève Motard. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, après quoi, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter puis à commencer votre exposé.

Mmes Michèle Audette, Geneviève Motard et Véronique Breton

Mme Audette (Michèle) : (S'exprime dans une langue autochtone) les familles et les survivantes. Je tiens aussi à saluer toutes les nations qui nous accueillent en ce moment sur le territoire qu'on appelle Québec. Et, en ce moment, je caresse le territoire des Wendat, des Attikameks, des Malécites, des Innus et des Abénaquis, et alors je vais essayer d'honorer du mieux que je peux, aussi, la mémoire de tous ceux et celles qui ont osé parler de leurs êtres chers, de leur vérité. Et merci à vous aussi de faire un petit bout, là, dans ce portage rempli d'émotion et très difficile. Merci aux membres de la commission. Je vous sais et je vous connais très humains et humaines et très, très, très touchés, là, par ces injustices.

Tout d'abord, merci d'avoir fait passer ou fait bouger tous ces enjeux-là dans ce projet de loi là, qui va permettre, évidemment, la mise sur pied, là, d'un régime distinct, quelque chose qu'on n'a jamais vu avant, là, pour aider les familles qui ont perdu un être cher, pour aider les familles qui cherchent des réponses suite à une disparition ou à un décès de leur enfant.

Rappelons-nous aussi que, pour plusieurs familles, on ne parle pas juste d'un enfant, mais de plusieurs enfants, de plusieurs êtres chers. Alors, ça, c'est important aussi de voir, une fois qu'on est admis dans un établissement de santé, de services sociaux ou d'une congrégation religieuse, on a été touchés par ça, et par des centaines et des centaines de familles. Alors, on parle d'un passé, mais qui est encore trop récent. Les familles, aujourd'hui, veulent des réponses, connaître la vérité et, surtout, entamer un processus de guérison.

Alors, avec les minutes précieuses que nous avons, nous allons nous partager le temps, avec Geneviève, évidemment, (s'exprime dans une langue autochtone), et, de façon virtuelle, une collègue, (s'exprime dans une langue autochtone), Véronique, qui nous écoute.

Ma première recommandation pour vous, c'est l'importance de connaître pourquoi et comment ça se fait, donc d'avoir un préambule, afin de faire en sorte que le gouvernement et les institutions qui vont appliquer et qui vont interpréter ce projet de loi là, on puisse comprendre pourquoi il y a eu des disparitions et pourquoi il y a eu des décès de telles sortes. Alors, ça, c'est important de l'indiquer. Et la reconnaissance de ces faits par le législateur, la personne qui va légiférer va constituer, en soi, un élément réparateur. Ça va guider aussi les personnes qui vont, dans leur pratique, jouer un rôle d'interpréter et d'appliquer la loi. Ça, c'est très, très, très important. D'ailleurs, dans le préambule, de rappeler aussi les appels à la justice de l'ENFFADA Québec, nos 20 et 21, puis d'apporter aussi l'objectif en regard de la réconciliation entre la couronne provinciale, les Premières Nations et les Inuits.

Alors, je vais laisser maintenant ma collègue Geneviève Motard prendre la parole.

La Présidente (Mme D'Amours) : C'est à votre tour de prendre la parole. Merci.

Mme Motard (Geneviève) : Merci, Mme la Présidente. M. le ministre, Mmes et MM. les députés, Michèle Audette et les familles, «kwe», bonjour. Je suis donc Geneviève Motard, professeure à la Faculté de droit de l'Université Laval.

Je tiens à vous remercier de nous entendre aujourd'hui, hein? C'est évidemment un privilège pour moi d'être ici et de pouvoir discuter avec vous du projet de loi n° 79. D'emblée, je salue la venue de ce projet de loi. Dans le mémoire, qui a été préparé par Mme Véronique Breton, qui est doctorante à la Faculté de droit de l'Université Laval, Mme Audette et moi-même, vous trouverez certaines propositions pour améliorer le projet de loi. Je me propose de vous en faire une brève synthèse, là, dans les prochaines minutes.

D'abord, comme cela vient d'être évoqué, il nous semble nécessaire, là, d'ajouter un préambule au projet de loi, qui fera référence au contexte particulier qui a mené à la préparation de ce projet de loi. Donc, le préambule, comme cela vient aussi d'être indiqué, hein, va être important parce qu'il, donc, va faire en sorte de reconnaître, hein, ce contexte particulier, mais également parce qu'il va guider ceux qui vont appliquer et vont interpréter la loi. Nous pensons aussi que l'objectif du projet de loi devrait être revu de manière à mettre l'accent sur son véritable objectif, hein, son véritable but, c'est-à-dire de permettre aux familles de connaître la vérité. Actuellement, le projet de loi met de l'avant un moyen, hein, c'est-à-dire soutenir les familles, plutôt qu'un objectif, hein, qui est, finalement, de connaître la vérité sur ces disparitions et ces décès d'enfants.

Également, le projet de loi n° 79 limite la portée de la loi à la recherche d'information, comme vous le savez, hein, concernant les circonstances des décès et des disparitions d'enfants. Nous recommandons d'élargir la portée de la loi aux causes et circonstances des décès et disparitions d'enfants de manière à véritablement connaître la vérité, là, sur ce qui s'est passé. Les familles veulent comprendre, hein, comment leurs enfants ont disparu ou sont décédés, mais elles veulent également savoir pourquoi, elles veulent connaître, hein, les raisons des décès et des disparitions. Donc, ce sont là, il faut bien le voir, là, deux aspects du droit de savoir, hein, du droit à la vérité, que nous retrouvons aussi, là, dans plusieurs instruments du droit international.

Nous recommandons que le projet de loi n° 79 précise aussi les moyens qui seront mis à la disposition des familles et qui leur donnent plus de garanties. Le projet de loi n° 79 prévoit, comme vous le savez, là, que son objectif, hein, est de soutenir les familles, mais les moyens qui sont prévus pour ce soutien demeurent indéterminés. Je vous donne quelques exemples, là. Est-ce que le soutien se traduira concrètement par du financement pérein, par du soutien technique, par du soutien par la voie d'expertises, par exemple, par de la traduction? Bref, il serait important que ces moyens soient précisés, de manière à ce que les mécanismes qui seront mis en place soient effectifs, efficaces, eu égard aux droits des familles de connaître la vérité. Ces moyens doivent aussi être respectueux des familles, des traumas, hein, ils doivent respecter, donc, la dignité des familles.

La mise en place d'un processus d'accès à l'information qui ne serait pas sensible, par exemple, au contexte sociohistorique des familles ne serait pas, à notre avis, respectueux, là, de la profondeur de la tragédie vécue par ces familles et des responsabilités correspondantes du Québec. Mme Audette l'a déjà mentionné, hein, les familles doivent être au coeur du projet de loi n° 79.

• (9 h 50) •

Nous recommandons aussi que le projet de loi n° 79 donne davantage de garanties aux familles pour que celles-ci soient vraiment au coeur des processus et que leur droit à la vérité ait préséance. Actuellement, encore une fois, plusieurs questions restent en suspens. Est-ce que l'administration soutiendra les familles lorsque les archives se trouvent hors des frontières du Québec ou dans les institutions fédérales, hein? On peut penser à ce qui était, avant, là, le Département des affaires indiennes. Est-ce que les familles devront multiplier les démarches auprès des différents établissements? Est-ce que les familles pourront suspendre leurs démarches et les reprendre ultérieurement? Le projet de loi n° 79, là, est silencieux sur ces questions.

Enfin, nous recommandons que le délai de cinq ans soit supprimé et qu'aucun délai ne soit indiqué, de manière à reconnaître le droit imprescriptible des familles de connaître la vérité et d'avoir accès aux archives. Dans le même esprit, nous pensons que la date du 31 décembre 1989, qui est indiquée au projet de loi, soit retirée. Des filles autochtones, hein, donc des mineures, qui ont continué à disparaître, là... ont continué à disparaître à la suite de cette date. Le dernier pensionnat a fermé ses portes au Québec en 1991, et, jusqu'à tout récemment, on envoyait encore les enfants autochtones en avion, seuls, pour obtenir des soins dans les institutions hospitalières, par exemple, des centres urbains.

Je terminerais ici en rappelant que ce projet de loi, vous le savez, là, est important pour les familles, pour les communautés, les Premières Nations et Inuits au Québec, hein, qui demandent vérité et justice. J'ajouterai que ce projet de loi, il est aussi important pour les Québécois dans leur ensemble, qui ont aussi le droit de savoir ce qui s'est passé, dans les institutions québécoises, avec tous ces enfants, et qu'un mécanisme de réparation efficace devrait être mis en oeuvre. Donc, le projet de loi n° 79, hein, c'est une étape importante, c'est une première étape, donc une première étape qui est importante, mais, à notre avis, il doit absolument être bonifié pour que le Québec soit à la hauteur du drame de ces familles, mais aussi à la hauteur des standards internationaux.

Je conclurais simplement en disant que ces familles ont le droit à la vérité, et les Premières Nations et Inuits ont aussi le droit au rapatriement de leurs restes humains. Le Québec a l'obligation, quant à lui, de prévoir des mesures de réparation efficaces. Merci, «miguech».

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci pour votre exposé. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous, vous disposez de 16 min 30 s.

M. Lafrenière : Merci beaucoup, Mme la Présidente. «Kwe», bonjour à nos invités, très heureux de vous retrouver aujourd'hui, moment très, très important, et merci de nous partager votre connaissance, votre savoir pour nous aider aujourd'hui, parce que le but ultime — et j'ai bien aimé les remarques de mes collègues tout à l'heure — c'est de trouver ensemble la meilleure loi, le meilleur projet de loi pour répondre aux attentes des familles, et, en ce sens-là, vous nous aidez beaucoup aujourd'hui.

Avant de passer à ma question, j'ai peut-être un petit point important à mentionner au niveau de la direction de soutien aux familles, parce que vous avez amené tellement de points importants, quand on dit : Comment on va soutenir ces familles-là?, je vais vous dire ce que ce n'est pas aussi. Ce ne sera pas une boîte de référencement, ce ne sera pas une boîte qui va vous dire : Monsieur, madame, faites votre demande, revenez nous voir dans deux semaines, voici un numéro de téléphone. Je pense que c'est important de dire ce que ce ne sera pas. Ce n'est pas la vision qu'on a, mais pas du tout, quand on parle de sécurisation culturelle, quand on parle de respect des familles, de respect du traumatisme qui a été vécu, mais c'est de les soutenir là-dedans, et ça peut aller jusqu'à remplir la demande avec eux, pour eux. Alors, ça, c'est très, très clair. Mais vous avez amené des bons points quant aux détails qui devraient être inclus.

Mme Audette, compte tenu de votre rôle que vous avez joué à l'ENFFADA, je commencerais avec une première question pour vous. Est-ce qu'on fait le lien direct entre notre projet de loi et des appels qui ont été formulés, l'appel 20 et l'appel 21? Et je sais que, dans votre travail, vous avez dû, justement, vous enquérir d'aller chercher de l'information dans les admissions... au niveau des établissements de santé, pardon, et j'aimerais savoir quels ont été vos plus grands défis que vous avez vécus à l'époque. Et je vous demande ça parce que je veux qu'on se prépare, je veux qu'on soit bien outillés pour ce qui s'en vient face à nous. Vous avez joué un rôle qui était hyperimportant, vous avez connu cette réalité-là, et j'aimerais avoir votre information là-dessus, c'est-à-dire comment vous l'avez vécu. Quels ont été les plus grands défis, qu'on puisse s'ajuster à ça?

Mme Audette (Michèle) : Évidemment... Merci beaucoup, M. le ministre. La commission d'enquête avait des pouvoirs particuliers, un pouvoir de contraintes et d'exiger, là, des documents et des archives. Je vous dirais que ça a été difficile d'avoir une collaboration à 100 %, et ce, à tous les niveaux, à travers le Canada, notamment le Québec. Donc, si on parle ici, au Québec, juste d'avoir accès à des documents, la complexité, aussi, au niveau des archives, parce que certaines institutions n'existent plus, alors, ça, de naviguer là-dedans, une chance qu'on avait des équipes, là, qui ne comptaient pas leur temps, là, pour assurer de trouver les informations. Ça, ça a été des difficultés, je vous dirais, qui sont à considérer dans votre travail.

Par la suite, le fait aussi qu'on va retracer des documents, des archives difficiles de lire parce que c'est des photocopies, de vieilles photocopies, écrites à la main, donc comment on va interpréter ça, et que les familles n'ont pas l'expertise de comprendre ce qu'était un dossier médical, à l'époque, ou juridique, ou de placement, ou de services sociaux. Lorsqu'on appelait à certaines organisations, qui sont, aujourd'hui, dûment constituées et organisées, et que ça datait de très, très longtemps, là aussi, les gens ne savaient pas comment réagir au bout du fil. Donc, le manque de formation, et d'information, et de préparation sur le terrain, ça a été pas évident.

La nature, aussi, je vous dirais, de l'anglais au français, pour des nations qui parlent anglais comme seconde langue, alors que les documents sont en français. Ou le fait que des familles vont déposer leur déclaration à la police ou dans une instance qui va prendre leur vérité en langue atikamekw, en langue innue ou naskapie, mais que personne ne veut financer la traduction et que, six mois plus tard, on va apprendre, une fois la commission terminée : Ah! en passant, mon témoignage a été traduit. Ça a pris six mois, on parle d'une personne. Alors, si on commence à multiplier sur un grand territoire, ici, au Québec, français, anglais et toutes les langues des premiers peuples, alors ces équipes-là, c'est important.

La méfiance qu'on a comme institution, à une certaine époque. L'enquête nationale, je veux dire, on a été varlopés aussi, où on représentait une institution. Donc, comment établir cette confiance-là avec des familles? C'est du temps, c'est des gens, ce sont des experts et des expertes qu'on a dû aller chercher. Et, je vous dirais, si on avait la capacité que vous avez, M. le ministre et le gouvernement, le groupe, le regroupement des familles, de le mettre au centre, de les outiller, en termes de ressources humaines et financières, pour qu'elles puissent marcher avec vous pendant ce processus-là, je pense que, moi, c'est quelque chose que je vous souhaite et je nous souhaite. Et évidemment les institutions, il y a du racisme, il y a eu des comportements pour ralentir ou prendre plus de temps lorsqu'on demandait des documents. Ça, c'est un domaine qui n'était pas mon expertise, mais ça m'a frappée. Donc, ça aussi, des fois, par des biais inconscients ou très conscients, va nous amener, aussi, des barrières... et des délais, pardon.

M. Lafrenière : Je vous remercie. Mme la Présidente, je laisserais l'occasion à un ou une de mes collègues de la banquette ministérielle de poser une question, parce que je veux vraiment que ça se fasse dans la collégialité puis que tout le monde ait la chance d'intervenir avec nos invités. Je vais me permettre une note, à la fin, pour conclure.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Alors, qui de vos collègues voudrait prendre la parole?

Mme Guillemette : Je peux bien y aller.

La Présidente (Mme D'Amours) : Alors, allez-y, Mme la députée.

Mme Guillemette : Merci. Nancy Guillemette, je suis la députée de Roberval. Très contente d'être ici aujourd'hui pour ce processus qui va nous mener, on l'espère, vers la connaissance de vos familles, de ce qui s'est passé à l'époque.

Je prenais tout à l'heure le témoignage de Mme Motard, et elle disait : Ça va prendre des moyens pour les familles. Quels moyens on pourrait mettre en place pour les soutenir encore plus, pour être là pour elles, et que ce processus-là se fasse dans... et malgré qu'on le sait, qu'il y aura de la douleur et que ce sera émotif, mais pour que ça se passe le mieux possible?

Mme Audette (Michèle) : Si vous me permettez, dans le rapport ENFFADA Québec, les familles nous on proposé, dans les appels à la justice, d'avoir des personnes dans chaque communauté ou par région pour les nations, en termes de langue aussi, et de territoire, d'avoir cette relation-là et cette expertise-là qui feraient le lien avec les familles et les survivantes et la direction ou la... bien, je ne veux pas dire la boîte, excusez, là, mais l'espace que vous voulez mettre sur pied, là, comme gouvernement, là, pour accompagner les familles dans la recherche de vérité et de processus de guérison. Ça, c'est un moyen parmi d'autres.

Vous allez avoir la chance d'écouter les familles, et, je vous dirais, si on était en mesure... Oui, Femmes autochtones du Québec, l'Assemblée des chefs, moi, comme ex-commissaire, on a une responsabilité morale, éthique et sociale, mais c'est aux familles, en les finançant, en les soutenant et en collaborant avec elles, que je pense que vous allez avoir beaucoup, beaucoup de lumière et de guérison en travaillant de la sorte.

• (10 heures) •

Mme Guillemette : Merci. Est-ce que j'ai d'autres collègues qui ont des questions? Sinon, j'aurais peut-être une dernière question. Vous dites que ce serait important de donner des garanties aux familles. Qu'est-ce que vous entendez par «donner des garanties aux familles»?

Mme Audette (Michèle) : Mme Motard, si vous voulez commencer.

Mme Motard (Geneviève) : Bonjour. Merci. En fait, c'est que, dans le projet de loi actuel, il y a... je n'appellerais pas ça des trous, mais il y a cette insuffisance de garantie sur, par exemple, le contrôle que les familles peuvent avoir sur le processus. Bon, actuellement, une famille, par exemple, qui souhaiterait entamer des démarches et suspendre ces démarches, les reprendre ultérieurement, actuellement, il y a une limite de cinq ans pour faire l'ensemble de ce processus, hein, de recherche, qui peut être excessivement lourd. Et donc est-ce que les familles auraient le droit, justement, d'avoir ce contrôle sur ce processus de recherche, finalement? Donc, ça, c'est ce à quoi on réfère quand on parle de manque de garantie, là, par exemple.

Bon, il y a d'autres questions, là, qui restent en suspens. Là, j'ai évoqué l'exemple de la multiplicité des démarches. Est-ce qu'une famille dont l'enfant a transféré d'un établissement à l'autre devra faire des demandes dans plusieurs établissements pour être en mesure, hein, finalement d'avoir une réponse complète, là, sur la situation qui a été vécue par son enfant? Le projet de loi, encore une fois, il est silencieux sur cette question-là. Est-ce qu'il serait possible de prévoir un mécanisme, hein, où une seule demande... Si on conserve le modèle de l'accès à l'information, est-ce qu'une seule demande ne pourrait pas donner accès, finalement, à l'ensemble de l'information plutôt que d'imposer, finalement, aux familles, là, le fardeau de multiplier les demandes à divers établissements à travers le temps, là?

Ça fait que, donc, ça, ce sont deux exemples. Peut-être, Michèle, tu veux compléter, là. Mais, de mon point de vue, là, je ne sais pas, ça illustre peut-être, là, ce qu'on voulait dire. Mais vous avez d'autres exemples dans le mémoire qu'on a déposé, là.

Mme Audette (Michèle) : Brièvement, je dirais, toute la stratégie de communication... Pardon, Mme la députée. La stratégie de communication pour qu'on puisse vulgariser, que les gens comprennent que, ah! ce qui est proposé, ça me concerne moi, comme individu ou comme famille. Ça, c'est superimportant. Vulgariser, c'est superimportant, faire connaître.

Mais aussi la reddition de comptes. On sait que M. le ministre va devoir de façon annuelle déposer un rapport. Alors, de trouver une façon que les gens, les familles comprennent c'est quoi, le rapport, pour faire en sorte qu'on puisse contribuer lors du dépôt du rapport avec plus d'information, je vous dirais, pour qu'on comprenne que c'est déjà important ce qui se passe, pour démontrer aussi qu'à la fin de l'exercice la commission d'enquête va être nécessaire.

M. Lamothe : Mme la Présidente, est-ce que j'ai le temps pour une question?

La Présidente (Mme D'Amours) : Allez-y, M. le député.

M. Lamothe : Mme Motard, vous mentionnez que les familles aient le contrôle sur le processus de recherche. C'est assez large, ça, je veux dire, que les familles soient au courant du processus ou au courant des recherches qui se font, oui, mais le contrôle du processus, ça, c'est un petit peu fort, non?

La Présidente (Mme D'Amours) : Mme Audette.

Mme Audette (Michèle) : La question était à Geneviève, mais, je vous dirais, les familles ont le droit de savoir, et on a le devoir de leur dire. Le contrôle, je vous dirais, s'il y a une collaboration étroite avec le regroupement et les organisations en seconde étape, qui sont ceux et celles qui vont être devant vous... si ce n'est pas «contrôle», on peut changer pour dire : Au moins, on est transparent, au moins, on informe. Parce que c'est un processus de guérison, ça, savoir la vérité ou savoir où on en est dans un processus.

M. Lamothe : On est d'accord. Que les familles soient au courant, que le processus soit transparent, oui, mais que les familles contrôlent le processus, comme Mme Motard l'a apporté, je pense que c'est un petit peu fort.

La Présidente (Mme D'Amours) : Mme Motard... (panne de son) ...intervenir? Oui. Allez-y, Mme Motard.

Mme Motard (Geneviève) : En fait, on peut être en désaccord sur les termes, mais actuellement, les familles, ce qu'on leur propose essentiellement, c'est une ouverture du système d'accès à l'information. Et donc la capacité qu'elles ont, hein, justement, de maîtriser...

Prenons simplement le rythme, hein, auquel ces demandes-là peuvent être faites. Bien, ça, ça doit appartenir aux familles. Une famille peut être prête à recevoir certaines informations, peut ne pas être prête aussi à recevoir d'autres types d'informations. Et c'est en ce sens-là que, par exemple, on peut parler de s'assurer que les familles sont en contrôle, hein, de ce processus-là. Qu'on pense simplement au rythme.

Bon. Mais, pour le reste, vous allez entendre les familles. Les familles vont très certainement être en meilleure position que moi, là, pour vous donner des exemples à ce... sur la portée de ce contrôle qu'elles souhaitent et le soutien que le gouvernement peut apporter aux familles, là, dans la recherche de vérité.

M. Lamothe : O.K. Mais, comme je vous dis, contrôler le processus de recherche, c'est fort. Mais par contre, si je comprends ce que vous voulez dire, c'est de contrôler jusqu'à un certain point l'information qu'ils peuvent recevoir.

Mme Motard (Geneviève) : Bien, entre autres. L'important... Je pense que l'idée, c'est de s'assurer que le projet de loi mette les familles au coeur du processus et que le projet de loi soit... réponde aux besoins des familles. Je pense que c'est ça, l'essentiel qu'il faut retenir ici.

M. Lamothe : On est d'accord.

Mme D'Amours : Merci. M. le ministre, il vous reste 2 min 20 s.

M. Lafrenière : Bien, merci. Merci à mes collègues pour les questions. Puis je terminerais en faisant un petit résumé de ce que vous nous avez présenté aujourd'hui avec des points importants. Puis ça va nous aider beaucoup dans nos travaux pour le futur.

Vous avez parlé du pouvoir de contrainte, puis je trouvais ça important, c'est pour ça qu'on l'a mis dans le projet de loi. Parce que, oui, au tout début, il y la prévention. Vous avez parlé aussi de la difficulté que vous avez avec certains organismes. On va avoir du travail à faire. La direction de soutien aux familles, c'est un de ses mandats, c'est d'aller voir les organismes, de faire de la sensibilisation. Il ne faut pas être obligés d'aller jusqu'au pouvoir de contrainte. Ça fait que ça, c'est un point que vous avez mentionné qui est très important.

Traduction, important, puis interprétation. J'aimerais nous envoyer un message très positif, il y a plusieurs personnes qui ont levé la main, des médecins, des policiers, des ex qui nous on dit qu'ils étaient disponibles pour adapter les documents. Parce qu'on doit comprendre que d'avoir accès à un document, si on ne comprend pas ce qui est écrit dessus, ça nous amène à la case départ. Alors, il y a plusieurs personnes qui se sont portées volontaires pour nous aider là-dedans. Très bon point.

Reddition de comptes, important.

Pour le délai de cinq ans, comme on contrevient à plusieurs lois et règlements, on devait le cibler dans le temps, mais vous comprenez très bien aussi qu'on s'est donné le pouvoir de le prolonger d'une année de façon indéfinie. Alors, tantôt, vous avez amené un cas d'espèce d'une famille qui n'aurait pas fini ses démarches après quatre ans. Étant donné que le but est de donner réponse à ces familles-là, on peut le prolonger de façon indéfinie. C'est vraiment un enjeu légal qu'on va pouvoir discuter ensemble, là, dans l'article par article, mais on devait le définir dans le temps, étant donné qu'on contrevient à certaines lois et règlements.

Et là un point super important que vous avez apporté, de dire : Est-ce que, les familles, c'est à elles de savoir qu'elles doivent faire des demandes à six organismes? Est-ce que, en bon français, ça devrait être compliqué pour les familles? Et la réponse, c'est non. Ça va être la job de la direction de soutien aux familles vraiment de les recevoir, de les aider, de les guider. Puis je vous le dis, pour moi, des fois c'est difficile d'expliquer clairement ce que ça va être, mais je vais vous dire clairement ce que ça ne sera pas : ça ne sera pas une boîte de référencement. Ça ne sera pas un endroit qu'ils vont vous donner des adresses courriel, des numéros de téléphone en disant : Faites vos démarches puis revenez-nous plus tard. Ce n'est pas ce qu'on veut faire. On disait souvent ici quand on parlait du projet de loi : On veut mettre les familles dans de la ouate, on veut les enrober, on veut prendre soin d'elles parce que c'est un processus qui va être lourd, mais tellement important pour apporter des réponses à ces familles-là.

Alors, merci beaucoup, l'ensemble de vos recommandations, aujourd'hui, vont nous aider beaucoup, là, dans nos travaux. «Meegwetch.» Merci beaucoup.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci, M. le ministre. Maintenant, je cède la parole au député de Jacques-Cartier. Vous disposez de 11 minutes.

M. Kelley : Merci, Mme la Présidente. «Kwei», Mme Audette, Mme Motard puis Mme Lachance. Merci d'être ici avec nous aujourd'hui.

J'ai juste une question pour Mme Audette. En 2019, vous avez demandé que le gouvernement lance sans délai une enquête publique sur les enfants autochtones disparus. Selon vous, est-ce que ce projet de loi répond à cette demande de faire une enquête globale sur les enfants autochtones disparus?

• (10 h 10) •

Mme Audette (Michèle) : C'est sûr que, la question, la façon qu'elle est posée, chers députés et collègues, c'est non. C'est un début de ramasser ou d'avoir de l'information et des preuves, et de là l'importance, comme ancienne commissaire, et pourquoi on a proposé ces deux appels-là tellement importants, d'avoir l'information, de comprendre les causes et les circonstances, et si le projet de loi ne veut pas parler ou aller dans le volet des causes... c'est pourquoi j'ai réitéré l'importance d'avoir cette commission.

Alors, dans une deuxième étape, je nous le souhaite, si ce n'est pas une commission... en autant que ça soit un mécanisme dans lequel on va comprendre comment ça se fait que des enfants de Pakuashipi, et on ne parle pas juste un, mais plusieurs, vont embarquer dans des avions-ambulances sans la présence des parents, et, plus tard, on essaie de comprendre ce qui s'est passé, on ne le sait pas et finalement, 40 ans plus tard, à cause d'une journaliste, on comprend que, ah! ça a été ça, le décès, mais on n'est pas sûr. Donc... puis qu'on peut faire un parallèle avec une famille québécoise, pardon, pour leçon, avec une famille québécoise dans cette région-là, ou plusieurs familles québécoises dans cette même période là, elles ont été en mesure d'assister aux dernières secondes de leur enfant et de le ramener dans leur communauté ou dans leur village pour avoir une cérémonie de deuil, alors que des centaines et des centaines de familles au Québec n'ont pas eu ce droit-là.

M. Kelley : Merci beaucoup. Juste la raison, parce que... pourquoi j'ai posé la question, c'était suite un petit peu à la discussion que vous avez eue avec mes collègues du gouvernement, qu'on mette un petit peu le fardeau toujours sur le dos des familles autochtones, et je reviens un petit peu sur la rafale des années 60, où on a vu, avec le gouvernement fédéral... et je sais que les deux situations sont un petit peu différentes, mais les fonctionnaires du gouvernement fédéral n'ont pas nécessairement aidé les gens qui ont demandé de faire un «claim» avec le gouvernement fédéral, d'être compensés de la poursuite qui a été lancée contre le gouvernement fédéral. Mais, bref, il y a eu des blocages des fois, et on a entendu un petit peu, sur le terrain, que ce n'était pas facile toujours travailler avec le gouvernement fédéral. Et je sais que le bureau des avocats qui a représenté des peuples autochtones a mis ça dans les médias, que ça prend beaucoup de temps parce que le gouvernement fédéral n'est pas toujours prêt à travailler nécessairement avec des peuples autochtones.

Encore, on n'est pas pareils, mais je veux juste savoir l'importance de la formation. Parce qu'on parle un petit peu les moyens pour les familles, mais aussi la formation des gens qui vont travailler pour le SAA pour aider des familles. Quels sont les éléments de s'assurer que ce n'est pas... Eh oui, j'ai confiance en le ministre quand il a dit : Ça ne va pas juste être un numéro, on reçoit les appels, puis tout est beau. Il y a un processus après ça. Mais peut-être des suggestions pour nous sur la formation pour les gens qui travaillent au sein du gouvernement, pour s'assurer que les peuples autochtones sont bien respectés dans tout ce processus.

Mme Audette (Michèle) : Une question importante. Je vous dirais, humaniser l'approche, il faut absolument humaniser l'approche. On le sent dans vos propos, là, M. le ministre, et vous, M. Kelley, et, je suis convaincue, avec les autres collègues, et pour avoir entendu Mme D'Amours à plusieurs reprises, là, on parle d'êtres humains, d'êtres chers, des bébés, des enfants. Donc, il faut absolument humaniser l'approche.

Le volet juridique, légal et de justice est important. Mais de se mettre à un niveau... pas parce qu'on est plus bas, mais un niveau où je vais me sentir en confiance qu'on va redonner ma dignité et celle de mon être cher qui n'est jamais revenu à la maison.

Et, à travers les formations, il y a des experts et des expertes qui sont là, et les premières sont les familles. On a des leaders incroyables dans les familles qui, même moi, vont m'avoir mentorée tout le long de la commission d'enquête. Tout le long, ils vont nous avoir obligés et demandé d'avoir un filet de sécurité avant, et pendant, et après le processus de recherche de vérité ou de partage de vérité, dans une approche qui va être culturellement aussi propre aux Innus, aux Attikameks, aux Anishnabes, aux Mohawks, et ainsi de suite, aux nations, donc de ne pas avoir une approche juste panquébécoise, là, je dirais, je ne sais pas ça serait quoi, l'expression.

Et, au niveau du SAA, la formation, vous avez des gens qui sont là depuis longtemps. Vous avez des gens, des relations autour qui pourraient contribuer à former, informer, former et informer. Comme en communication, il faut répéter 20 fois un message pour qu'on finisse par adhérer à ça, bien, la même affaire. Ce n'est pas quelques heures de formation, mais sur une continuité tout le long du projet, tout le long de la durée du projet de loi.

M. Kelley : Et, selon vous, Mme Audette, comment on peut briser un petit peu ce manque de confiance? Parce que, quand même, ça va être un service gouvernemental qui arrive. Et c'est vrai, le gouvernement du Québec et la fonction publique ont souvent des solutions «try to fit a square into a round peg», ça arrive souvent. Alors, comment on peut s'assurer que les gens peuvent avoir confiance dans le processus? Parce qu'une crainte que présentement j'avais, c'est... les gens vont dire : O.K., on a passé ce projet de loi, mais pourquoi faire tout ce processus quand je pense que les églises vont quand même cacher l'information? Comment le gouvernement peut bien communiquer ça au peuple autochtone pour s'assurer que les gens veulent parler avec les fonctionnaires publics? Ça, c'est arrivé à moi.

Mme Audette (Michèle) : Écoutez, la méfiance, pour l'avoir vue avec les familles qui avaient... comme je l'ai dit dans la présentation un peu plus tôt, pendant l'enquête, les gens nous ont donné l'étiquette d'une institution fédérale, c'est normal. Mais, une fois que la confiance est établie et que les gens comprennent le processus, quand je parlais de vulgarisation, c'est tellement fondamental, qu'on peut associer aussi des visages rassurants où on sait que, dans cette direction-là... qui sait, pourquoi il n'y aurait pas un cercle de sages dans lequel nos organisations ou nos experts et expertes vont contribuer tout le long du processus comme sages ou comme intervenants pour accompagner tous ces gens qui vont travailler pour les familles?

Ensuite, dites-vous une chose, une fois qu'on explique aux familles... moi, je l'ai remarqué à travers le Canada et au Québec, et au Québec avec la SQ ou des corps policiers en milieu autochtone, une fois qu'on a expliqué quels est le mandat, la capacité, ce qu'on peut ou on ne peut pas faire, les gens sont superintelligents, une intelligence émotionnelle incroyable, autodidactes ou superformés, vont comprendre. Donc, de là pourquoi je reviens tout le temps sur l'explication et la reddition de compte, la transparence.

Vous avez la Protectrice du citoyen qui, elle-même, va pouvoir vous accompagner aussi dans ce processus-là, et d'autres institutions québécoises. Mais, l'expertise autochtone, moi, je tends ma main, je suis prête, comme bien d'autres gens, je suis sûre, à vous accompagner là-dedans.

M. Kelley : Merci beaucoup. Peut-être, juste une question pour Mme Motard, c'était sur la page n° 5, le mémoire. Vous avez parlé du projet de loi n° 79 qui semblait être en décalage avec les normes internationales. Puis, dans les références, d'une part, puisque le Canada a ratifié plus de conventions internationales visant la protection des droits de la personne, qui... (panne de son) ...le Québec, et, dans ça, vous citez deux exemples. Mais je veux juste bien comprendre ces normes internationales, mais aussi, Mme Motard, ou, quand même, Mme Audette, des autres juridictions au Canada. Est-ce qu'ils ont essayé de commencer de traiter cette question des enfants disparus aussi? Est-ce qu'il y a des bonnes pratiques que peut-être on peut regarder?

La Présidente (Mme D'Amours) : Mme Motard.

Mme Motard (Geneviève) : Oui. Bien, écoutez, sur les normes internationales, bon, évidemment, il y a une panoplie de normes internationales, bon, les conventions de droits de l'enfant, conventions contre la discrimination, de toutes les formes de discrimination, à l'égard des femmes. Bon, toutes ces conventions-là qui protègent les droits fondamentaux ont été ratifiées par le Canada et sont applicables au Québec, là, comme vous le savez. Et donc la responsabilité du Québec, essentiellement, c'est de mettre en oeuvre ces normes internationales.

Maintenant, nous, on a tenté d'aller du côté du droit à la vérité, là, pour vraiment comprendre comment le projet de loi s'inscrivait, là, dans le cadre de ce qui se passe à l'échelle internationale, et là vous avez, bon, plusieurs conventions, qu'on parle du PIDESC ou encore le... donc les pactes, là, relatifs aux droits civils et politiques, qui vont... qui appuient ce droit à la vérité, et c'est en ce sens-là, essentiellement, qu'on est allées rechercher les standards internationaux.

Du point de vue de l'expertise comparative, Québec, là, je ne suis pas certaine, là. Évidemment, il y a la Commission vérité et réconciliation, là, qui portait davantage sur le système des pensionnats. Maintenant, sur les enfants disparus et décédés, là, dans les institutions, je ne suis pas certaine, là. Peut-être que, Michèle, tu as davantage d'informations là-dessus, mais moi, je n'ai pas fait cette recherche-là pour l'instant, puis ça me fera plaisir, là, de vous communiquer l'information par la suite, là, si vous en avez besoin. J'espère... je ne sais pas si ça répond à votre question.

• (10 h 20) •

M. Kelley : Oui. Non, ça répond à la question. Puis je ne sais pas combien de temps qu'il reste, Mme la Présidente, juste... Ah! vous êtes sur «mute». Juste une dernière chose, rapidement...

La Présidente (Mme D'Amours) : Il vous reste sept secondes, M. le député.

M. Kelley : Ah! bien, c'est terminé. Bref, merci beaucoup, Mme Audette, Mme Motard, puis madame... pour votre témoignage aujourd'hui. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Je cède maintenant la parole à la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques. Vous disposez de 2 min 45 s.

Mme Massé : Merci, Mme la Présidente. Allons droit au but. Donc, bonjour, mesdames. Merci vraiment pour votre rapport.

Je commencerai peut-être avec vous, Mme Motard. Vous avez dit, dans votre présentation, que le droit à la vérité est un droit imprescriptible, ou j'ai mal compris. Alors, j'aimerais que vous me confirmiez ça. Et vous dites... vous avez dit aussi que, considérant le projet de loi tel qu'il est libellé présentement, on ne se préoccupe que des circonstances et non des causes. Alors, j'aimerais vous entendre brièvement, parce que le... j'ai d'autres questions, j'aimerais vous entendre là-dessus.

Mme Motard (Geneviève) : Oui. Bien, écoutez, sur causes et circonstances, le projet de loi fait, à mon sens, clairement une distinction, là, en limitant aux circonstances des décès. On peut simplement comparer, là, avec la Loi sur le coroner, hein, qui fait cette nuance-là. Et donc la crainte qu'on a avec le projet de loi, c'est qu'il ne permette pas, justement, d'aller au fond des choses puis de comprendre, là, l'ensemble non seulement des circonstances, mais aussi des raisons qui ont causé soit les décès ou encore les disparitions, là.

Donc, il y a plusieurs manières, là, de pallier cette lacune. Si on peut, par exemple, définir l'expression «circonstances» dans les définitions, là, d'un projet de loi, de manière à faire en sorte que ça comprend les causes, de manière large, hein, et que l'objectif, c'est vraiment d'aller au fond des choses, donc ça serait une manière de le faire. Ou, encore, ça serait d'ajouter le mot «causes», hein, «causes et circonstances», par exemple, à l'article 1, là, si je me souviens bien.

Mme Massé : Et concernant la dimension imprescriptible?

Mme Motard (Geneviève) : Ah! Oui, excusez-moi. Donc, effectivement, le droit à la vérité à l'échelle internationale, c'est un droit qui, donc, est imprescriptible, hein? Ça veut dire qu'il ne doit pas y avoir, finalement, de délai, hein, ou d'atteinte dans la durée, là, donc, temporelle qui empêcherait, finalement, les familles de connaître la vérité. Donc, c'est essentiellement ce que ça veut dire, puis, actuellement dans le projet de loi, bien il y a deux limites temporelles. Il y a le délai de cinq ans, là, je comprends les enjeux juridiques mais quand même il faudrait peut-être que ce droit à la vérité soit présenté comme étant un droit qui, lui, n'est pas prescriptible, même si, bon, il y a des enjeux juridiques qui doivent être attachés, là. Donc, ce délai de cinq ans est problématique, puisqu'il peut avoir pour effet...

La Présidente (Mme D'Amours) : En terminant.

Mme Motard (Geneviève) : ...pardon, puisqu'il peut avoir pour effet de porter atteinte à la recherche de la vérité.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Je cède maintenant la parole au député de René-Lévesque. Vous disposez de 2 min 45 s.

M. Ouellet : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Donc, à mon tour de vous saluer, mesdames. Peut-être continuer sur les délais imprescriptibles, le ministre nous a dit qu'on doit fonctionner ainsi parce qu'on déroge à certaines lois, puis il est important de le circonscrire dans le temps. Cinq ans semble trop court pour vous, et même inadéquat. Mais est-ce qu'on pourrait l'élargir à 10, peut-être 15 ans, pour donner plus de temps? Est-ce que ça, ça serait une avenue qui serait mitoyenne entre le cinq ans et la non-prescriptibilité?

Mme Motard (Geneviève) : Bien, écoutez, je pense que l'important, c'est que les familles puissent connaître la vérité, hein? Et ça, c'est l'objectif fondamental du projet de loi. On peut parler d'un cinq ans, d'un 10 ans, mais, si les familles, avec des recherches... il faut comprendre, hein, que le contexte, là, de recherche qui va être mis en place va être excessivement lourd, là. On parle d'aller dans des archives médicales, historiques des années 50, avec des codes. Des fois, les archives se trouvent au fédéral, à l'extérieur du Québec. Il y a des enfants qui sont sortis du Québec, qui sont peut-être même aux États-Unis ou ailleurs. Bref, la démarche de recherches, elle est excessivement lourde.

Bon, je vous dirais que, si on impose un délai de 10 ans pour faire ces recherches-là ou pour faire ces demandes-là, évidemment que c'est mieux qu'un délai de cinq ans, hein? Mais le droit de connaître, lui, en soi, il est imprescriptible. Et les délais qu'on va imposer seront considérés comme étant des atteintes à ce droit à la vérité.

M. Ouellet : L'autre précision aussi, on écarte les demandes visant les enfants qui auront pu être admis dans les établissements après le 31 décembre 1989. Donc, ça aussi, vous voulez voir ça sauter, excusez-moi l'expression, et qu'on puisse regarder l'ensemble des situations. Est-ce que ça, c'est fondamental aussi comme amendement qu'on devrait adopter dans le projet de loi?

Mme Motard (Geneviève) : À mon sens, oui. C'est encore une fois une limite temporelle. Puis, bien honnêtement, je comprends mal comment cette date de décembre 1989 a été identifiée, là. Bon, je vous donnais l'exemple des enfants autochtones qui, jusqu'à tout récemment, allaient dans les hôpitaux en avion sans être accompagnés. Donc, il y a très, très probablement des situations post-1989 qui sont survenues, et je ne comprends pas essentiellement pourquoi cette date de 1989 a été identifiée. Et donc moi, tout simplement, je supprimerais cette... je recommanderais de supprimer cette date.

M. Ouellet : Parfait.

La Présidente (Mme D'Amours) : Alors, merci...

M. Ouellet : Combien de temps, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme D'Amours) : Bien, deux secondes. Alors...

M. Ouellet : Merci.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci infiniment. Donc, mesdames, Michèle Audette, commissaire du rapport d'enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues ou assassinées, Mme Geneviève Motard, professeure titulaire, Faculté de droit, Université Laval et directrice du Centre interuniversitaire d'études et de recherches autochtones, merci pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends les travaux quelques instants afin que l'on puisse accueillir, par visioconférence, le prochain groupe.

(Suspension de la séance à 10 h 27)

(Reprise à 10 h 38)

La Présidente (Mme D'Amours) : Je souhaite donc la bienvenue aux représentants du regroupement des familles Awacak. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, après quoi nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter, puis à commencer votre exposé. Nous commençons avec Mme Ruperthouse.

Regroupement des familles Awacak

Mme Ruperthouse (Françoise) : Oui, allo!

La Présidente (Mme D'Amours) : Bonjour.

Mme Ruperthouse (Françoise) : Bonjour. Bonjour, tout le monde. Mon nom est Françoise Ruperthouse. Je fais partie des familles qui ont perdu des membres, des enfants à l'enfance. Je viens pour ma mère, mon père, mes parents. Donc, on a perdu une soeur et un frère. On les a retrouvés mais avec beaucoup, beaucoup de... ce n'est pas clair.

Donc, le projet de loi n° 79, je débute comme ça, est un bon début, mais les familles autochtones méritent encore mieux. Donc, on s'attend à avoir un peu plus de qu'est-ce que la loi n° 79 nous donne.

Le mémoire, moi, je vais faire la lecture parce que je le lis pour un groupe de familles, je ne lis pas seulement pour moi, c'est vraiment pour tout un groupe de familles, le mémoire Awacak qui veut dire «petits êtres de lumière», à la Commission des relations aujourd'hui.

Le projet de loi fait suite au rapport québécois de l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Ça, ça vient compléter... Nous, quand on s'est aperçus que ma mère avait perdu deux enfants... dans le fond, c'est une femme, puis on avait été dénoncer que ma mère, elle avait perdu un enfant... ses deux enfants pendant plus de 30 ans.

Awacak — Petits Êtres de lumière a été fondé par des familles de nations atikamekw, anishinabe et innue ayant des enfants disparus ou décédés lors d'interventions de différentes institutions. Awacak regroupe plus de 30 familles autochtones qui ont perdu au total 45 enfants, disparus ou décédés.

• (10 h 40) •

Awacak désire, par ses actions, redonner de la dignité à nos enfants disparus, mes frères et soeurs, ou décédés ainsi qu'à leurs familles et faire reconnaître les droits de nos enfants et de nos familles. Le droit fondamental à l'autodétermination commence par le fait de nous permettre de prendre nos propres décisions. Je m'excuse, je suis un peu... je deviens très émotive quand je suis dedans, puis c'est quelque chose qui est normal, je pense, puis ça fait des années que je vis dans ces émotions-là. Cela nécessite, entre autres, un accès complet à l'information pour fonder nos propres conclusions et de prendre en compte notre avis, nos avis, je dirais, pour une situation, ou des situations, qui est particulière à notre vécu.

Awacak désire souligner certains aspects positifs de ce projet de loi : l'obligation faite à diverses institutions publiques et aux congrégations religieuses de remettre aux familles autochtones toutes les informations concernant un enfant autochtone disparu ou décédé, ça, c'est bon, c'est vrai que c'est correct; la disposition de l'article 19 du projet de loi qui permet au ministre ou à son délégué de comprendre et d'améliorer les pratiques notamment par la sensibilisation des personnes concernées aux réalités autochtones; le quatrième paragraphe de l'article 5 qui permet à la famille élargie d'un enfant disparu ou décédé d'entreprendre des recherches que cette loi... qui permet... Comme moi, moi, ma mère, elle est à veille de mourir, puis je voudrais continuer. Ça, c'est bien aussi.

Cependant, Awacak souhaite également souligner certaines lacunes de ce projet de loi. En effet, le projet de loi restreint de beaucoup la recherche de la vérité pour les familles, les familles autochtones, en limitant cette recherche aux circonstances ayant entouré la disparition et le décès de ces enfants. Voir l'article premier du projet de loi.

Pour nos familles, il est essentiel de connaître les circonstances. C'est très important pour nous autres de connaître qu'est-ce qui est arrivé, les circonstances, mais également les causes et les raisons. Pourquoi les institutions, à travers les différentes époques, ont-elles traité nos enfants d'une telle façon — je dis nos enfants, je dis aussi mes frères et nos soeurs — de telle façon que personne n'a pu savoir pendant des décennies s'ils étaient vivants, disparus ou décédés? C'est des sentiments... c'est un sentiment qui est très difficile à porter, de ne pas savoir où ils sont, nos enfants, pendant plusieurs années.

Dans le cas de décès, pourquoi nos enfants n'ont-ils pas connu... pourquoi nos familles n'ont-elles pas connu le lieu de leur inhumation? On a été laissés dans l'indifférence. Dans les cas de décès, pourquoi nos familles n'ont-elles pas connu le lieu? Je le répète encore une autre fois : À quoi est dû ce manque de transparence, cette absence de réponses qui perdura pendant des dizaines d'années et des trentaines d'années, je pourrais dire? Voilà des questions importantes pour nos familles.

Se limiter aux circonstances des décès ou de discrimination sans essayer de comprendre les causes des décès et des disparitions ainsi que le traitement qu'ont subi nos familles pendant des dizaines d'années, pendant plusieurs années de la part des différentes institutions ne peut permettre aux familles autochtones de connaître le pourquoi, le comment et le qui de la disparition de ces petits êtres de lumière et ainsi de pouvoir véritablement guérir. Ce n'est pas sûr qu'on guérit, mais au moins avoir une certaine paix.

Ainsi, le projet de loi propose un mandat trop restreint, d'autant plus que nous voyons également des problèmes avec le fonctionnement de l'accès à l'information. En effet, le projet de loi ne propose qu'un processus d'accès à l'information par l'entremise de plusieurs articles, dont articles 2, 4, 7, 8, 9, 10 et 11. Or, pour les familles, cette orientation... (panne de son) ...cheminement qu'il propose sont lourds, et bureaucratiques, et difficiles d'accès, même avec l'appui du ministre responsable des Affaires autochtones sous forme d'assistance et de guide des familles autochtones.

Nous avons également des demandes concernant la reconnaissance de cette partie de notre histoire. Pour les familles autochtones, il est important que cette partie de notre histoire soit connue et racontée à l'ensemble de la population du Québec. Pourquoi? Parce qu'on vit de la discrimination, puis on la vit encore et encore, on l'a toujours vécue. Il est donc nécessaire de mettre sur pied un mécanisme afin de rendre publics les résultats de ces recherches, il en va de la volonté de la réconciliation maintes fois annoncée par les différents paliers gouvernementaux, des gouvernements.

Enfin, les moyens offerts aux familles autochtones, selon l'article 3, sont imprécis et ne prennent pas en compte la réalité autochtone. En effet, nos familles endeuillées ont besoin d'une aide basée sur la roue de la médecine autochtone, qui englobe les besoins physiques, mentaux, émotionnels et spirituels. En plus, nous avons également des besoins juridiques spécifiques reliés à la situation particulière des enfants autochtones disparus ou décédés.

La Présidente (Mme D'Amours) : Mme Ruperthouse...

Mme Ruperthouse (Françoise) : Oui.

La Présidente (Mme D'Amours) : ...je suis... J'ai le coeur déchiré, mais je dois intervenir. Votre 10 minutes est terminée. Donc, nous passons... nous passerions à la période de questions.

Mme Ruperthouse (Françoise) : C'est bon.

La Présidente (Mme D'Amours) : Mais je vous remercie de votre exposé. Maintenant, les échanges peuvent commencer. M. le premier... En premier, ce serait M. le ministre. La parole est à vous. Vous disposez de 16 min 30 s.

M. Lafrenière : Mme la Présidente, avec le consentement, on peut faire bien des choses dans la vie. J'aimerais le consentement de mes collègues pour laisser tout le temps à Mme Ruperthouse parce que ce qui est le plus important aujourd'hui, ce n'est pas nous, c'est les victimes. Alors, avec consentement, j'aimerais qu'elle ait tout le temps, s'il vous plaît.

La Présidente (Mme D'Amours) : Est-ce que j'ai le consentement de tout le monde pour que Mme Ruperthouse puisse continuer et terminer son allocution? Merci. Alors, la parole est à vous, madame.

Mme Ruperthouse (Françoise) : Je vous remercie, ça me touche beaucoup. Puis, sapristi! il ne reste pas grand-chose à dire, mais je dois le dire.

On a besoin de guérison, c'est sûr. Le projet de loi propose un mandat de recherche trop restreint, qui ne prend pas en compte le contexte dans lequel ces disparitions et décès ont eu lieu et qui impose une lourde bureaucratie. Nous devons, de plus, profiter de cette opportunité pour favoriser la réconciliation entre les peuples.

Awacak désire entamer, par cette commission parlementaire avec le ministre responsable des Affaires autochtones, des discussions pour améliorer le projet de loi. Ça, c'est la demande de toutes les familles.

Ce n'est pas quelque chose qui est facile quand on lit des choses... c'est difficile de venir lire ça parce que je suis touchée personnellement. Mais merci de m'avoir laissé finir mon mémoire.

• (10 h 50) •

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci, madame. Donc, nous allons débuter les échanges. M. le ministre, il vous reste 15 minutes. Votre micro, M. le ministre.

M. Lafrenière : Ah! ça commençait bien. Je suis vraiment désolé. «Meegwetch», Mme Ruperthouse. Merci pour votre témoignage. Puis je l'ai dit tout à l'heure, avec le consentement, on peut faire bien des choses. Puis ce qui vient de se passer avec mes collègues des oppositions, ça démontre que, justement, ce qu'on veut faire, c'est travailler pour vous, vous êtes les personnes les plus importantes. Et j'ai les petits mocassins en main depuis tout à l'heure et je les garde dans mes mains en vous entendant, puis mes collègues vont avoir aussi les petits souvenirs qui vont nous faire penser à ces petits êtres de lumières pour qui on veut faire la lumière justement aujourd'hui, pour qui on veut essayer d'avoir le meilleur projet de loi.

Vous avez évoqué plusieurs points vraiment, vraiment importants, et vous avez parlé du soutien aux familles, le type de soutien que les familles auraient besoin, et moi, j'aimerais vous entendre aujourd'hui, Mme Ruperthouse, à savoir votre vision. Quand on parle de soutien aux familles, comment ça se matérialiserait? Comment vous voyez ça au quotidien? C'est quoi, le soutien que les familles auraient besoin? Parce qu'encore une fois, comme les familles sont au centre de ce qu'on a comme projet de loi aujourd'hui, j'aimerais vous entendre là-dessus, s'il vous plaît.

Mme Ruperthouse (Françoise) : Le soutien, c'est sûr qu'on a besoin d'aide pour... un, c'est pour guérir, on a besoin de guérir de ça puis, pour guérir, on doit faire le... je pense qu'on doit avoir la vérité, on doit connaître toute la vérité et qu'est-ce qui s'est passé pour qu'on soit rendu là où on est maintenant.

La guérison, ce n'est pas seulement de retrouver, c'est toute la souffrance qui nous est... qu'on vit à l'intérieur. Ça se passe à l'intérieur, ça se passe à l'extérieur. L'extérieur, ça veut dire : c'est mon frère et ma soeur qui sont disparus et toutes les personnes, les bébés qui ont disparu à partir des hôpitaux, à partir de plusieurs places. Ça dit souvent qu'il n'y en a pas, de discrimination. Eh bien, oui, nous autres, on l'a vécue, cette discrimination-là, nos parents l'ont vécue.

Et, dans le temps, pour être capables de guérir, on doit nous redonner nos... Comment je vais dire ça? On doit connaître qu'est-ce qui s'est passé, pourquoi ça s'est passé, surtout pourquoi, pourquoi mes parents n'ont pas eu la chance de connaître la vérité, pourquoi les enfants ont disparu à partir des hôpitaux. On a besoin... Il y a beaucoup de travail à faire pour guérir. Le soutien pour faire des recherches... Me Arsenault va aussi parler plus. Moi, je suis plus émotive, lui, il est plus... il est capable de bien formuler les... Le soutien, c'est bien, qu'est-ce qu'on nous donne, mais il nous manque vraiment... il faut qu'on sache, il faut qu'on sache c'est quoi qui est arrivé. Pour être capable de passer à d'autres choses, on doit connaître la vérité, sinon la souffrance va toujours rester là.

Le soutien, qui va nous le donner? Je pense qu'entre nous, les autochtones, on est capables d'avoir des... Ils l'ont dit ici, au tout début... pas au tout début mais à un moment donné, ils le disent qu'on a besoin de guérir avec le physique, le mental, la spiritualité, puis nous autres, on est très fort dans la spiritualité. C'est une des raisons pourquoi on est encore debout. C'était vraiment la spiritualité qui nous a gardés, qui nous tient debout. On croit en quelque chose de très, très fort puis on a besoin de... mais par contre on a besoin de connaître les raisons des disparitions de tous ces enfants-là.

Je parle du racisme qui se passe dans nos institutions gouvernementales, dans les hôpitaux. Vous savez, mes parents, nos parents, nos familles, ils n'ont même pas eu le droit à de l'aide juridique, parce que, dans le temps, ils n'avaient pas le droit... ils n'avaient pas le droit d'avoir d'argent dans leurs poches, ils n'avaient pas le droit d'avoir un avocat pour aller chercher de l'aide. Ils n'avaient pas le droit d'avoir un compte de banque, il fallait qu'ils aillent faire leur épicerie avec un bon de commande. Est-ce que, tout le monde, c'était comme ça? Non, ce n'était pas tout le monde qui était comme ça. C'est vraiment nos familles qui étaient comme ça. C'est les autochtones qui ont été traités comme ça, qui n'avaient pas le droit d'avoir d'argent puis ni d'aide des avocats. Une des raisons pourquoi ça a traîné tellement longtemps : mes parents n'ont pas été capables d'avoir d'aide. Toutes les familles autochtones n'avaient pas le droit d'avoir d'aide parce qu'on n'avait pas le droit à cette aide juridique là.

Donc, aujourd'hui, on n'est plus en 1950, on est rendu en 2021, et ça se passe encore que les autochtones vivent encore de la discrimination. On va en vivre combien de temps encore avant que ce soit réglé? Je ne le sais pas. Mais on essaie de faire des changements avec vous, on veut être des partenaires avec tout le monde. Moi, je veux aller au magasin, je veux aller à l'hôpital, je veux aller à des places sans me faire regarder puis dire : Regarde, elle encore. Ça se passe encore aujourd'hui. On parle des bébés disparus, mais ça continue, on le ressent encore, la discrimination. Je voudrais que Me Arsenault continue avec ses réponses.

La Présidente (Mme D'Amours) : Me Arsenault.

M. Arsenault (Alain) : Oui, merci beaucoup, Mme Ruperthouse. La question concernant c'est quoi, les moyens que les familles ont besoin, oui, il y a des besoins de santé, parce qu'une tempête s'en vient, hein, il faut prévenir. Pour les familles, ça ne sera pas facile, la tempête s'en vient, mais il y a des moyens.

D'autre part, en termes de moyens, c'est qu'il faut mettre les familles comme étant des personnes importantes qui doivent contrôler le processus. C'est les familles qui doivent voir — je vous donne juste un exemple — à engager peut-être des étudiants autochtones pour faire la tournée de chacune des communautés pour dire : Avez-vous perdu un enfant? Avez-vous... Est-ce qu'un enfant a disparu? Est-ce qu'on peut aller chercher de l'information?

Mais il ne faut pas que ça soit fait par l'État. L'État a un problème de crédibilité, soyons honnêtes, en ces matières, et, deuxièmement, c'est l'État qui est remis en cause dans ça, donc ça prend une certaine distance. Et les familles doivent contrôler tout ce processus d'enquête là. Quand je dis «contrôler», il faut faire attention, je vais revenir à une question du député d'Ungava, «contrôler» ça ne veut pas dire tout décider et faire ce qu'on veut. C'est contrôler le processus en collaboration avec, et pour nous c'est notre hypothèse, une commission d'enquête, pas une commission d'enquête comme on en a déjà vu, qui durent des années, mais pas du tout. Il peut y avoir des choses, des commissions d'enquête relativement simples, mais qui ont des pouvoirs importants et qui ont l'obligation de rendre compte publiquement des causes et des circonstances. Voilà ce que les familles ont besoin. Et je vous dis ça pour avoir eu plusieurs rencontres avec les familles, avec Mme Ruperthouse, avec beaucoup d'autres membres des familles, avoir été impliqué dans des dossiers depuis longtemps. C'est juste ça, pour reprendre le contrôle de leurs propres affaires. Merci.

M. Lafrenière : Merci, maître. Si vous me permettez, Mme la Présidente, je laisserais la parole à mon collègue d'Ungava, qui avait une question rapide pour Mme Ruperthouse.

La Présidente (Mme D'Amours) : M. le député.

M. Lamothe : Merci. Merci, Mme Ruperhouse... Ruperthouse, je m'en excuse. M. Arsenault, moi, peut-être curiosité professionnelle, là, à partir du moment, si on remonte dans le temps, que les disparitions étaient rapportées aux instances, c'était quoi, le processus de recherche? C'est un bout que j'aimerais savoir. Là, je veux dire, il y avait sûrement un processus, dans le temps, qui faisait en sorte... Ce n'est pas juste la discrimination, j'imagine qu'il n'y avait pas de retour. Il y avait-u une enquête qui était faite? Comment ça marchait?

M. Arsenault (Alain) : Mais c'est : rien, rien.

M. Lamothe : Pardon?

• (11 heures) •

M. Arsenault (Alain) : Il y a des gens... il n'y avait rien, il n'y avait pas de processus d'enquête. Il y a des gens qui ont été voir : Mon enfant n'est pas revenu de l'hôpital, qu'est-ce qui arrive? Je ne sais pas. Pouvez-vous vous renseigner? Je ne sais pas. On n'a pas considéré, c'est regrettable à dire, les autochtones, pères et mères de famille, comme des personnes qui recherchaient leurs enfants et qui posaient des questions.

Je me souviendrai toujours de Mme Mary Poker, que j'ai rencontrée, en 2014 à Pakuashipi, qui a perdu deux enfants. Dans une période de deux ans, une petite communauté d'à peu près 200 personnes, en moins de deux ans, a perdu neuf enfants. Et j'ai demandé, en 2014, à Mme Poker : Pourquoi ça s'est arrêté? Elle m'a répondu : Parce qu'ils voulaient emmener un troisième de mes enfants, et j'ai dit : Il n'embarquera pas dans l'avion si je n'embarque pas. Puis, à partir de ce moment-là, ça a changé. J'ai dit : Mais, pour vos deux premiers, qu'est-ce que vous en savez? Et elle a répondu : Tout qu'est-ce que j'en sais, malgré les demandes de mon mari et mes demandes, c'est ce que j'ai vu à la télévision, à l'émission Enquête en 2014. Et c'étaient des disparitions au début des années 70, 1970-1972. Elle a posé des questions, il y a des gens qui ont eu ses questions, et elle n'a eu aucune réponse. Elle a su que ses enfants étaient décédés en 2014.

À peu près à la même époque, il avait été question qu'il y avait quelqu'un qui était d'origine innue, de Pakuashipi, mais qui vivait à Terre-Neuve, juste en face de Blanc-Sablon. Elle a posé des questions à ce moment-là, pas plus de réponses, pas de réponse. Il n'y a aucune ambiguïté, les familles ont fait des démarches, et on n'a pas répondu.

M. Lamothe : Ça fait qu'il n'y avait rien qui se faisait...

M. Arsenault (Alain) : ...on n'a pas dit : On va vous... Pardon?

M. Lamothe : Il n'y a rien qui se faisait? Autant au niveau de l'information, de la recherche, au niveau hospitalier, clergé, policier, il n'y a rien qui se faisait?

M. Arsenault (Alain) : Il n'y a rien qui se faisait, absolument rien. Et ça, c'est généralisé, là. Moi, à chaque fois que j'ai discuté, c'était : Ah! j'ai posé des questions, j'ai posé des questions au curé, à l'agent, à ci, à la police, j'ai posé des questions. On va vous répondre... Il n'y avait pas de réponse. À un point tel que, pour certains... On parle beaucoup d'enfants décédés, mais, pour certains, on a su que des enfants étaient vivants, qu'ils étaient dans les institutions. On a également su qu'il y avait des enfants vivants qui étaient rendus aux États-Unis, qui, dans les faits, avaient été donnés en adoption. Par qui? On ne le sait pas. C'est le noir total, c'est ça qu'il faut comprendre.

M. Lamothe : O.K. Merci, M. Arsenault et Mme Ruperthouse, merci beaucoup.

La Présidente (Mme D'Amours) : M. le ministre, votre micro.

M. Lafrenière : Ça fait deux fois aujourd'hui, je m'excuse. Mme la Présidente, s'il nous reste du temps, j'ai ma collègue de Soulanges qui avait une question.

La Présidente (Mme D'Amours) : 2 min 30 s.

Mme Picard : Merci. Bonjour à vous deux. J'aimerais savoir comment vous voyez la reconnaissance qu'on pourrait faire à vos familles. Vous parlez que vous aimeriez une reconnaissance. Avez-vous des idées de ce qu'on pourrait faire pour alléger votre coeur?

Mme Ruperthouse (Françoise) : La question se pose à moi ou à monsieur...

Mme Picard : Oui, à vous. Bien, à vous, je crois que... oui.

Mme Ruperthouse (Françoise) : La reconnaissance, c'est sûr... La première chose pour alléger nos coeurs, c'est vraiment de savoir la vérité, qu'est-ce qui s'est passé, où est-ce qu'ils ont amené... pourquoi ils ont amené les enfants. Je vais toujours revenir avec ma mère et mon père, qui ont amené leurs enfants à l'hôpital, puis, quand ils ont retourné, il n'y n'avait plus d'enfants, ils ne savaient plus où est-ce qu'ils étaient. Ils ont essayé de trouver, mais, comme j'ai dit tantôt, il n'y avait pas d'aide, à ce moment-là, à ce temps-là, il n'y avait aucun droit d'avoir... droit à la justice.

Donc, pour alléger ça, c'est juste la vérité, on a besoin de connaître la vérité, on a besoin de faire notre deuil en sachant la vérité, pour être capables de lâcher prise et que tout le monde parte en paix. Bien, c'est ça qu'on a besoin. Qu'est-ce qui s'est passé, qui a donné l'autorisation d'enlever les enfants ou... Est-ce que c'est une bonne chose dire «enlever»? Pour nous, c'est «enlever». Peut-être, pour d'autres personnes, elles vont dire : Bien non, on les a amenés dans un autre hôpital ou dans une autre place, mais sans le consentement des parents, sans le consentement de la famille. Donc, on a besoin de savoir qu'est-ce qui va.... qu'est-ce qui s'est passé, qui a donné l'autorisation.

Ma mère, quand elle m'a demandé d'aller dénoncer qu'est-ce qui était arrivé, elle a dit : La première personne... dis-moi c'est qui qui va... qui est le responsable d'avoir enlevé mes deux enfants, qui sont partis à l'autre bout du monde, qu'on ne sait pas où. Elle a dit : Je veux que tu lui donnes ça. Ça, ça veut... Elle a 87 ans, ma mère, puis elle a besoin... elle est malade, elle a besoin d'avoir une vérité. Il y a d'autres familles qui sont devenues... toute leur vie, ont porté ça. Il y a quelqu'un, il y a... M. le ministre m'avait dit : On s'excuse d'ouvrir des plaies comme ça. J'ai dit : Non, hein, les plaies ne sont pas ouvertes, ne sont pas rouvertes, elles sont ouvertes depuis toujours. Elles n'ont jamais été fermées.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole au député de Jacques-Cartier. Vous disposez de 11 minutes.

M. Kelley : Merci beaucoup. Bonjour, Mme Ruperthouse. Je veux juste commencer par présenter mes excuses. Je suis tellement désolé qu'est-ce vous avez vécu, et votre famille, dans une institution du Québec. Je pense qu'on est tous ici, comme, les élus, pour essayer d'au minimum donner des moyens à des familles d'avoir un petit peu de vérité et justice.

Mais je veux juste continuer un petit peu sur la question que ma collègue a posée. Quand même si on donne des moyens aux familles, avez-vous des réserves et des préoccupations concernant des institutions qui vont faire... ils vont prendre les moyens de, peut-être, cacher certaines données, ou c'est déjà fait?

Mme Ruperthouse (Françoise) : Je veux réentendre votre question...

M. Kelley : Oui. La question, c'est sur juste comme sur les institutions religieuses, si on prend ça pour exemple. C'est le moment où vous avez des moyens de faire ou le ministère a les moyens de faire une enquête. Est-ce que vous avez des préoccupations que les données ne sont plus là, et comment on peut... après ça, si c'est déjà supprimé, et j'utilise juste un exemple, c'est quoi, les prochaines étapes pour donner la vérité aux familles?

Mme Ruperthouse (Françoise) : Si les choses sont... Si les dossiers — mettons, on va dire, des dossiers médicaux — sont déjà supprimés... Moi, j'ai retrouvé beaucoup de... le dossier médical puis je pense qu'il y a plusieurs familles qui ont... C'est sûr qu'ils ne nous ont pas tout donné. Est-ce que c'est déjà supprimé? Nous autres, on ne peut pas le savoir parce qu'on ne connaît pas les dossiers, donc on ne sait pas s'ils sont supprimés, ou s'ils sont cachés, ou... on ne peut pas le savoir. C'est à eux autres à donner... mettons que c'étaient les religieuses, c'est à eux autres d'être conscients de dire : Bon, bien, on est obligées. Écoutez, c'est des... elles travaillent pour le Créateur, ça fait que, normalement, elles devraient donner ces dossiers-là, ça ne devrait pas être caché. Et, s'il n'y a rien à cacher, pourquoi le cacher, pourquoi le détruire, tu sais?

Mais, pour être capables... Le soutien qu'on aurait besoin c'est aussi qu'on ait besoin des... que les docteurs viennent nous dire : Bien, regarde, ça, là, Françoise, c'est tout... J'ai les dossiers médicaux à mon frère et ma soeur, peut-être qu'ils ne sont pas tous là, je ne le sais pas, mais il en manque, je sais qu'il manque un bout. Un docteur pourrait... il serait capable de tout décortiquer tout qu'est-ce qui se dit là-dedans. Il y a des termes, là-dedans, que moi, je ne suis pas capable de lire, et je pense qu'un docteur, il serait capable de lire ça. Ce serait... Ça, c'est le soutien, tantôt, qu'on me pose la question.

Et, en même temps, vous qui dites : Bien, peut-être qu'il y a des choses de déchiquetées, comment on va faire pour passer à travers ça?, bien, si on ne le sait pas, on ne pourra probablement jamais savoir, mais il y a quelque chose, c'est sûr, qu'on va devoir faire pour notre guérison. On parle aussi de la guérison, de nos guérisons à nous. Puis, s'ils ne veulent pas nous donner ces dossiers-là, moi, je pense que c'était... la responsabilité ne m'appartient pas. C'est sûr que je peux faire une crise. Même si je fais une crise, puis ils ne me le donnent pas, ça donne quoi, tu sais? Mais peut-être que Me Alain Arsenault peut dire quelque chose aussi là-dessus. Mais, si c'est déchiqueté...

• (11 h 10) •

M. Kelley : Et juste une question de suivi, comme, présentement, quand vos familles demandent à une institution pour l'information, est-ce que la réponse est toujours : Ah! à cause des lois qui existent, on ne peut pas donner l'information à du monde? Il n'y a comme aucune volonté d'aucune institution de travailler avec les familles pour avoir la vérité? C'est juste de mettre ça un petit peu en contexte, parce que... C'est sûr que vous avez parlé avec une institution, alors je veux juste bien comprendre comment, présentement, ça marche.

Mme Ruperthouse (Françoise) : On a...

M. Arsenault (Alain) : Si...

Mme Ruperthouse (Françoise) : Oui, vas-y, Alain.

M. Arsenault (Alain) : Si vous permettez, je peux répondre à partir de cas concrets, et entre autres à partir du cas de Pakuashipi. Il y a eu, dans le travail de Radio-Canada, un contact avec l'hôpital de Blanc-Sablon. Ça a été long, ça a été pénible, etc., et, à un moment donné, ça s'est terminé. Trouvez-nous des gens qui peuvent signer une autorisation. Donc, recherches à n'en plus finir. Et, à un certain moment donné, il y avait un des enfants qui n'avait plus ses parents, ça fait que... Est-ce que son frère, sa soeur, etc.? Non, non, non. C'était extrêmement ardu, extrêmement difficile. Et là-dessus, la loi sur l'accès à l'information ne sera pas vraiment utile. C'est vraiment les pouvoirs d'un commissaire enquêteur qui peuvent être utiles là-dessus, pour solutionner l'accès aux documents, qui est la première étape à faire.

M. Kelley : Merci, M. Arsenault, parce que... Vous avez soulevé Blanc-Sablon, mais moi, je pensais aussi, la question, parce que vous avez aussi cité l'exemple des États-Unis, à comment on peut aussi s'assurer que des familles... c'est difficile pour eux, mais l'accès aussi à des données à l'extérieur du Québec, parce qu'on sait, comme pour les Cris, des fois, des écoles résidentielles étaient en Ontario, et on peut voir les communautés sur la Côte-Nord... peut-être, des fois, envoyées à Terre-Neuve. Alors, bref, juste vos commentaires. Je sais que nous sommes limités, dans un certain sens, mais vos pensées sur cet enjeu, que c'est possible qu'il y a des réponses aussi à l'extérieur de nos frontières.

M. Arsenault (Alain) : C'est certain qu'il y a des réponses à l'extérieur. Dans le cas de Blanc-Sablon, ils transféraient des dossiers à Terre-Neuve, des communautés religieuses ont transféré leurs archives aux États-Unis, etc., c'est certain. Mais, à partir du moment où il y a une volonté, par une commission d'enquête, qui est un organisme parajudiciaire, qui a une certaine prestance, avec l'appui du gouvernement du Québec... qui demande à un autre gouvernement, une autre institution paragouvernementale, ça met un certain poids. On ne peut pas avoir la garantie que ça va être une réponse positive, mais c'est sûr qu'on va prendre ça avec beaucoup plus de respect, et les possibilités pourront être plus poussées. Le premier élément, ça va être le gouvernement fédéral, évidemment.

M. Kelley : Et juste une question, puis, j'imagine, je n'ai pas beaucoup de temps qui reste, dans le mémoire, vous avez dit et mentionné qu'il y a des besoins juridiques spécifiques, je veux savoir c'est quoi, les besoins spécifiques. Est-ce que vous pouvez juste, peut-être... Donnez-nous des exemples.

Mme Ruperthouse (Françoise) : ...

M. Arsenault (Alain) : C'est vraiment accompagner...

Mme Ruperthouse (Françoise) : Vas-y, vas-y.

M. Arsenault (Alain) : ...c'est de mettre à leur disposition des avocats engagés par eux, qui est leur avocat, pour expliquer la situation et, évidemment, faire des représentations, aider les gens à aller chercher des documents, etc., là. C'est vraiment qu'il se sentent en confiance. Parce que ce n'est pas le gouvernement, qui ne les respecte pas depuis x temps, qui continue le processus, c'est des avocats. Ils ont droit à leurs propres avocats pour faire leur propre cheminement.

M. Kelley : Et je ne sais pas, Mme Ruperthouse, si vous avez quelque chose à ajouter?

Mme Ruperthouse (Françoise) : Bien, je pense que Me Arsenault a dit un peu... Nous autres, on parlait d'accompagnement... tantôt, je l'ai dit, le soutien financier pour les déplacements, pour tout. On a un avocat qu'on doit... qu'on aimerait qu'il nous accompagne. C'est le soutien, aussi, spirituel, par des personnes de notre choix, parce que c'est quand même nous qui souffrons, c'est nous qu'on a... on a besoin de soutien avec les gens en qui on a le plus confiance. Ce n'est pas chez les soeurs et les Oblats. Si on retrouverait, mettons, des enfants qui sont disparus, qui sont partis depuis longtemps, il y a aussi des choses à faire, il va y avoir beaucoup de travail à faire à ce niveau-là.

Donc, on a vraiment besoin de soutien, de spirituel, que nous, on pense avoir. Chez les autochtones, on a ça, déjà, qu'on fait par nous-mêmes. Mais on va avoir besoin de beaucoup d'aide financière, c'est sûr, mais le soutien... C'est ça, c'est vraiment le soutien. Entre nous, on est capables de le faire, mais Me Arsenault l'a bien dit tantôt que, pour le reste...

M. Kelley : D'accord. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. M. le député, il vous restait 1 min 20 s. C'est bon? Donc, je cède maintenant la parole à la députée de... madame... la députée Sainte-Marie—Saint-Jacques. Vous disposez de 2 min 45 s.

Mme Massé : Peut-être trois minutes, considérant que mon collègue de Jacques-Cartier n'a pas tout pris. Bonjour, Mme Ruperthouse, bonjour, Françoise. Bonjour, Me Arsenault. Contente de vous voir là. En fait, contente de savoir qu'on passe à une autre étape, vous l'avez bien nommé.

J'ai trois minutes, donc deux questions. Une première. Mme Ruperthouse, vous avez dit être... la nécessité que les familles, dont vous représentez, avec Awacak, le coeur battant d'une organisation qui va représenter les familles... vous avez dit la nécessité d'être au coeur de cette démarche-là, et être au coeur d'une démarche lorsqu'on est tant meurtris, lorsqu'on est blessés, lorsqu'on a une plaie ouverte qui ne s'est jamais fermée, ça nécessite des moyens.

Ce que je comprends — et là vous venez de faire une énumération, et c'était le sens de ma question, mais je veux surtout bien saisir — oui, ça prend de l'argent, il faut que votre organisation soit soutenue, parce que vous allez être au coeur du processus, si on veut que ça marche, hein, c'est toujours ça, l'objectif, et moi, j'ai senti ici, de la part du ministre et de tout le monde, que l'objectif, c'est que ça fonctionne. Alors, que ce soient des jeunes à embaucher, qui vont faire le tour des communautés pour parler, dans leur langue, et dire aux gens : Savez-vous, ça existe, est-ce que vous avez des enfants, est-ce que vous connaissez des gens? Je vous ai entendue, des besoins à ce niveau-là, des besoins au niveau des avocats, des médecins, qui vont vous aider à interpréter les trucs, du soutien psychologique, les déplacements. Est-ce que j'entends que ça, là, il faut que ce soit au rendez-vous pour être certains de faire ensemble ce pas-là, Mme Ruperthouse? Et ensuite j'aurais une question pour M. Arsenault.

Mme Ruperthouse (Françoise) : C'est garanti qu'on a besoin de ça. Écoutez, ça fait 30 ans, plus de 30 ans que je suis dans ce dossier-là, j'ai commencé vraiment avec ma famille et mon père, ma mère, dont mon frère et ma soeur qui sont disparus puis qu'on ne savait pas où ils étaient. J'ai voyagé de tous bords tous côtés, j'ai cherché, j'ai cherché. C'est à Québec qu'on a fini par le trouver, mais, quand même, je pense que ça prend beaucoup de déplacements pour être capable de faire ça.

Puis, en plus, je n'ai pas... je ne suis pas une professionnelle. Aller faire des recherches, ce n'est pas moi. Les professionnels sont dans les universités, dont les étudiants qui sont capables de faire des... d'aller faire des recherches. Moi, j'ai perdu 30 ans... je n'ai pas perdu 30 ans, mais, je veux dire, j'ai travaillé, j'ai fait des recherches pendant plusieurs années avant d'être capable d'avoir des réponses pour la famille. Et, encore, la famille...

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.

Mme Ruperthouse (Françoise) : Pardon?

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci beaucoup. Le temps étant écoulé, je cède maintenant la parole au député de René-Lévesque. Vous disposez de 2 min 45 s.

• (11 h 20) •

M. Ouellet : Donc, à mon tour de vous saluer, Mme Ruperthouse, Me Arsenault. On a eu l'occasion de se parler en préparation du projet de loi, et je veux dire aux membres de cette commission qu'il y a quelque chose qui m'a frappé lorsqu'on a échangé ensemble dans la préparation de cette consultation. Parce que je trouvais un peu particulier que des parlementaires, aujourd'hui, doivent écrire une loi pour donner de l'espace, et de l'espoir, et de la réconciliation pour ce qui est arrivé dans le passé. Moi, je n'étais pas là, et je suis convaincu que tous les collègues partagent aussi tout le désarroi et toute la tristesse d'avoir vécu ces situations-là.

Mais il y a un mot que Pierre-Paul Niquay, qui vous accompagne et qui... qui m'a touché beaucoup, il m'a dit : Martin, ne vivez pas de culpabilité, ne vivez pas... n'ayez pas honte de ce qui s'est passé, réparez ce qui est réparable et pardonnez ce qui est pardonnable. Donc, ce que vous nous dites : Faites-en le maximum, allez le plus loin possible. On ne veut pas juste des moyens, on veut aussi comprendre pourquoi, dans quelles circonstances. Donc, c'est à ça que je vais m'accrocher, Mme Ruperthouse, sur le travail que votre regroupement fait.

J'aurais une question, parce qu'on en a parlé ensemble, puis j'aimerais donner ces indications-là au ministre. Vous dites que, dans l'article 6, il faudrait mieux définir l'autorité familiale. Pourquoi, pour vous, c'est fondamental que, dans cette pièce législative, l'autorité familiale soit mieux définie?

Mme Ruperthouse (Françoise) : Moi, j'aimerais mieux que ce soit Alain qui voie... qui réponde à ça.

M. Ouellet : Il n'y a pas de problème.

La Présidente (Mme D'Amours) : ...M. Arsenault... Me Arsenault.

M. Arsenault (Alain) : Oui, oui. Sur cette question-là, c'est l'élargissement de la définition de la famille en milieu autochtone à comparer en milieu non autochtone. La famille, c'est un tout, c'est une communauté. Moi, une première fois que j'ai été dans une communauté autochtone, il y a 40 quelques années, c'est ça qui m'a frappé. Tout le monde, je dis bien tout le monde, est préoccupé par l'éducation de tous les enfants, les grands-parents, le plus souvent, mais aussi le voisin, et j'ai l'impression que ce projet de loi reconnaît ça, et c'est ça qui est intéressant. Mais il faut le pousser, il faut aller plus loin. Mais c'est un point positif.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci infiniment. Je vous remercie pour votre contribution à nos travaux.

Compte tenu de l'heure, la commission suspend ses travaux jusqu'après les affaires courantes.

(Suspension de la séance à 11 h 22)

(Reprise à 15 h 38)

La Présidente (Mme D'Amours) : Bienvenue à la Commission des relations avec les citoyens. La commission est réunie virtuellement afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques du projet de loi n° 79, Loi autorisant la communication de renseignements personnels aux familles d'enfants autochtones disparus ou décédés à la suite d'une admission en établissement.

Cet après-midi, nous entendrons les groupes suivants : la Nation naskapie de Kawawachikamach et le Conseil de la nation atikamekw.

Nous faisons une première aujourd'hui sur l'expérience d'interprétation simultanée en commission virtuelle qui est accessible par téléphone pour nos membres et le groupe entendu. Je souhaite donc la bienvenue aux représentants de la Nation naskapie : Mme Caroline... Einish, pardon, à la mobilisation communautaire et à la promotion de la participation citoyenne et des saines habitudes de vie, et l'aînée, Mme Noat Einish. Je vous rappelle que vous disposez, mesdames, de 10 minutes pour votre exposé, après quoi nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter puis à commencer votre exposé.

Nation naskapie de Kawawachikamach

Mme Einish (Caroline) : Bonjour. Mon nom, c'est Caroline Einish, je suis de la Nation naskapie.

Moi, je voudrais parler des personnes qu'on... Nous autres, on vient dans le Nord-du-Québec. I forget to talk in English for my sister.

Une voix : (S'exprime dans une langue autochtone).

Mme Einish (Caroline) : It's O.K. So, we're from northern communities. Our people stopped nomadic life in the middle of 1950s, and many did not speak English nor French, and sometimes they had to go to the cities to find... for medical help. There was... Sometimes, people passed away and did not have any resources, or what to do, or how to locate the people that didn't come back. Example, there was a woman that she died during childbirth, but we... that community never knew where the child is. And there was a woman here, her name was Kathleen Tooma, and she had a daughter she never...

• (15 h 40) •

Mme Einish (Noat) : A son.

Mme Einish (Caroline) : ...a son, she never found her... found him. But before she passed away, she thought that...

Mme Einish (Noat) : Still alive.

Mme Einish (Caroline) : She said that she thought he was still alive.

Mme Einish (Noat) : OK. We had a lot of situations like this, like the families that died in Québec City, the hospitals, they never brought back the bodies, and the families here, they don't know where the location is, the graves. They never found the graves, and there's no information at all, and they need closure.

Mme Einish (Caroline) : Another thing is we don't know where the graves are, but, also, most of these places where in the hospitals in Québec City and most of the people like my parents, they can't say the names of the hospitals. And there are other stories we don't know about. We just know that many passed away and they were never... they were... we just thought the persons passed away, and nobody could find, locate the children that... who also passed away. So, we don't know the names of these children, we just know... we just have... we know the names of the parents because we knew the parents, and... (s'exprime dans une langue autochtone). I don't know the story.

Mme Einish (Noat) : Well, the story is... his story was her sister went to Québec and gave birth. Her sister died there, and they never... they don't know... they never knew where the child is.

Mme Einish (Caroline) : But there was this person in... from... that said that he met a woman that was from Rimouski, and she claimed she was Naskapi. So, this is the only information we find, just hearsay. So, we don't really know how to look for information even... or why this person passed away, like the mother that gave childbirth, why she passed away. So, it would be good for the families to have access to the files.

Mme Einish (Noat) : (S'exprime dans une langue autochtone).

Mme Einish (Caroline) : So, this is very important for us to locate and at least find out where these people are, like what happened, like where are the graves. But some believed they seemed to know which hospitals... where the graves should be. But most of the elders passed away, that had this knowledge and these stories. So, like we just know about these stories from what the people say from... like the stories have just passed down.

Mme Einish (Noat) : Nobody never looked or searched for this information, in Naskapi Nation, for these people. I know other places, other communities, they are doing research, they are doing search for the people they lost and the people they are looking for. (S'exprime dans une langue autochtone).

Mme Einish (Caroline) : There was a family, there was this man that had children with a Native woman, and he was from Russia, and he gathered the children, except one that was a baby.

Mme Einish (Noat) : (S'exprime dans une langue autochtone).

Mme Einish (Caroline) : And they hid the baby, but he left, he didn't have time to look for her, but she became an old woman, and she must have relatives, her sisters, in Russia.

Mme Einish (Noat) : (S'exprime dans une langue autochtone).

Mme Einish (Caroline) : OK. So, this old woman, she has grandchildren and great-grandchildren, so they were just... don't know how to go about... So, this is where we're blocked because we can't move further. Like this man that lost his sister, he's still looking, and I think he went to commission Viens, I think he told his story.

Mme Einish (Noat) : (S'exprime dans une langue autochtone).

Mme Einish (Caroline) : OK., only one person went... I don't know... (S'exprime dans une langue autochtone).

Mme Einish (Noat) : Only one person went to tell a story about his aunt, I think, aunt, and still he hadn't received any information yet. I think they're still searching.

Mme Einish (Caroline) : Yes, they just gather stories, and then that's it, we don't know what goes on with these stories. It seems to be ongoing. It's like we just tell, but nothing happens. So, it's important that the Native people have access of the files of the deceased. I think it's logical too, like, why withhold information? It's not like our medical files, like we're alive, you know, we want to keep some things private. But after, when we die, and the family wants to know why, I think it's important that the Native people have access to these files. We've just named a few stories, but there are many more, like these are stories we know.

Mme Einish (Noat) : Maybe we need somebody here to come and hear our stories in our community, because our community is very isolated here. We only have access to get out here by plane or train.

La Présidente (Mme D'Amours) : J'aimerais vous remercier pour le témoignage que vous nous faites aujourd'hui. Le temps est écoulé pour votre 10 minutes. Et nous allons passer à la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous. Vous disposez de 16 min 30 s.

M. Lafrenière : Merci beaucoup, Mme la Présidente. «Wachiya.» Mme Caroline Einish, «tshinashkumitin», Mme Noat Einish, «tshinashkumitin». Thank you so much for sharing with us those horrible stories that you've been through.

I've got numerous questions for you, hearing what you said, and this morning we start up talking about the timeline, when those events happened. And the first question I got for you... and I'm not looking for a date. I just want to know approximately what period you're reffering to, because that could be helping us a lot.

Mme Einish (Noat) : 1950.

Mme Einish (Caroline) : OK. in the 1950s...

Mme Einish (Noat) : (S'exprime dans une langue autochtone).

Mme Einish (Caroline) : OK. I wasn't part of a nomadic time. She was born during the nomadic times.

Mme Einish (Noat) : My parents, they travelled by canoe to get to Schefferville in 1956, and that's... In that time, that's when the people got really, really sick. They started to have tuberculosis, they have new homes, new houses they never been before, and my grandmother says: «These are going to kill us, people are sick.» And, in 1956, people are here in Schefferville, and they started taking people to the hospitals, transferring to Québec, Montréal, Mont-Joli — I heard the name Mont-Joli — and sometimes with their children, and they would never come back. Some would never come back. And I think that's the time... then the residential schools came... just started a new civilization, different, starting to understand the world, and they took me to residential school, and I was eight or seven, and some children never came back. There's... a lot of traumas went on in 1950s.

Mme Einish (Caroline) : Me, I was born in 1960, and they already had settled in the village of John Lake and the houses were just shacks. There was no plumbing, no... we just had common light bulbs. And the town of Shefferville had been built, there were... the houses were... had cement foundations, they had electricity, they had plumbing and...

Mme Einish (Noat) : ...not even electricity when you were born.

Mme Einish (Caroline) : OK. Apparently, I didn't have electricity when I was born. She remembers when I was born. And so, they were just shacks like... we have pictures of that. When she's talking about «la famine», the «famine» and the illnesses, the sicknesses, there was an estimate of about... around 400 Naskapis... Naskaspis, apparently, were always a small group. So, they were about 150 Naskapis left when the tuberculosis killed the families. My father lost his first family there around the 1950s, so my mom was his second wife. So, this is where they lost many, many, many...

Mme Einish (Noat) : People.

Mme Einish (Caroline) : ...people, yes. I mean, I just know about the story... so when they started to do the commission Viens, I just... stories here and there, so that's how far my knowledge is, but it's still...

M. Lafrenière : That helped a lot. Thank you so much. I know a colleague of mine, she's got a question for you, but before sharing my time with her, you've been touching base on this aspect as well how to reach out to different families, because you're sharing your knowledge. But again, I'm sure there are other families that got touched by those horrible stories. So, I just want to make sure that I heard you loud and clear. Your recommendation will be to be present within the community to make sure to reach out with different families. Is that what you said?

Mme Einish (Caroline) : Yes.

Mme Einish (Noat) : Yes.

(15 h 50)

Mme Einish (Caroline) : And there was another story. There were two little girls, they were... Their parents passed away, and the little girls didn't have nobody to rely on. (S'exprime dans une langue autochtone)... maybe, I think, maybe 11-years-old, 10-years-old, and she had a little baby sister. (S'exprime dans une langue autochtone). And this little girl, she saved her little sister by finding nipple and a bottle.

This was an era, we already had planes, and trains, and cities. Because we were like... I heard the word «the last nomadic people of North America».

M. Lafrenière : Thank you. Mme Presidente, I know a colleague of mine got a question.

Une voix : OK.

La Présidente (Mme D'Amours) : La personne... Parfait. La députée de Vaudreuil aurait une question.

Mme Picard : De Soulanges, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme D'Amours) : De Soulanges, pardon, pardon, Soulanges.

Mme Picard : I will try my English, sorry for that. But you said that you want the families could have access to the hospitals' files. Could we do more for helping families in our search? You mentioned the transportation. Do you have another idea or something to recognize the families to helping us... you?

Mme Einish (Noat) : I think they should go where the hospitals are to search. Maybe they still have records of 50 years ago or 60 years ago, what happened.

Mme Einish (Caroline) : Les archives.

Mme Einish (Noat) : They probably have...

Mme Einish (Caroline) : By name, by family name.

Mme Einish (Noat) : The records like Mont-Joli, Québec, Montréal.

Mme Picard : And the family, it's all the big family, hein? It's just... What is the expansion that you want? What do you mean about «family» for... in your language, in your community?

Mme Einish (Caroline) : Family? Pourrais-tu le dire en français?

Mme Picard : Je vais essayer, oui. En fait, le mot «famille» peut être très... on peut le discuter longtemps, mais, vous, pour vous, vos familles, ce n'est pas les familles immédiates. Comment on pourrait, à l'intérieur de la loi, en mentionnant le mot «famille», inclure toutes les personnes de votre famille, que vous considérez de votre famille?

Mme Einish (Caroline) : O.K. Tu veux dire : C'est quoi, notre définition? Notre définition de «famille», c'est vaste, nous autres.

Mme Picard : ...

Mme Einish (Caroline) : C'est vaste, nous autres. Exemple, je suis famille d'accueil, j'ai gardé l'arrière-petit garçon de mon cousin, et puis je le prends comme mon propre arrière-petit garçon, vu que c'était mon petit frère, comme... C'est mon cousin, mais nous autres, on dit «frère», O.K.? C'est, comme, il y avait mon père, son père, mon père puis le père de... son frère, le père de mon frère, mon père...

Mme Einish (Noat) : My uncle, my...

Mme Einish (Caroline) : «Anyway.» Là, il y a eu moi, il y a eu mon cousin Matthew. J'ai eu des enfants, il a eu des enfants. J'ai des petits-enfants, puis lui aussi a eu des petits-enfants. Ça fait que ça se trouve être son arrière-petit garçon. Ça fait que moi, je suis comme sa grand-mère. C'est ça, l'extension.

Et puis les Naskapis, ils n'ont pas comme 50 noms de famille, on peut faire une liste. Comme là, on a une Jakuush qui vit encore. C'est notre famille, c'est ma tante. Elle a marié le frère de mon père, c'est mon oncle puis ma tante. C'est la dernière personne qui s'appelle Jakuusk qui est vivante, puis ses enfants, c'est Einish, parce que, nous autres, c'est le père qui appartient à ses enfants.

Et puis on a des... (s'exprime dans une langue autochtone) Wepeni?

Mme Einish (Noat) : Wepien.

Mme Einish (Caroline) : Wepien. Ça, c'est un autre, il n'y en a plus. On n'en a plus, de ça, il n'y a plus de personne qui s'appelle avec ce nom-là. C'était une grand-mère, ça fait plusieurs années qu'elle est décédée.

Mme Einish (Noat) : (S'exprime dans une langue autochtone).

Mme Einish (Caroline) : Il n'y en a plus. Ça fait qu'on n'a pas beaucoup de familles... Comment je peux te le dire? On a desChescappio, on a des Nattawappio, on a des Sandy, des Guanish...

Mme Einish (Noat) : Einish.

Mme Einish (Caroline) : Einish, Chemaganish.

Mme Einish (Noat) : Shecanapish.

Mme Einish (Caroline) : Shecanapish.

Mme Einish (Noat) : Mameanskum.

Mme Einish (Caroline) : Mameanskum.

Mme Einish (Noat) : Pien.

Mme Einish (Caroline) : Pien, (S'exprime dans une langue autochtone), Nattawappio, je l'ai dit. Bon, tu vois, j'ai comme... Ça fait que ce ne sera pas dur à trouver... à moins que s'il y a des noms qui existaient qu'on ne sait pas.

Mme Einish (Noat) : At the reserves, they say : We are related to you.

• (16 heures) •

Mme Einish (Caroline) : Et puis on est... il y a des communautés qui disent qu'elles sont apparentées avec nous. Exemple, ma mère s'appelle Guanish, c'est son nom de famille, parce que leur père a été adopté. Dans le fond, dans la réalité, c'est des Sandy, on est apparentés avec des Sandy-Whapmagoostui. On a des oncles à Chisasibi. Mon père... Du côté de mon père aussi, c'est des Kawapit de Whapmagoostui, Grande-Baleine, puis on a un peu de parenté avec les Tooma. Puis mon père, il dit, sa mère s'appelait Jean-Pierre. Ça fait qu'on est apparentés avec des Jean-Pierre. Ça fait que ce ne sera pas trop dur à trouver.

Mme Einish (Noat) : The thing is my grandmother... In 1940s, they said we didn't have second names, we had clans. And I told her : What was your maiden name before you were married? And she said : You're crazy. We never had... My name is Whapmagoostui or Matimekosh...

Mme Einish (Caroline) : ...

Mme Einish (Noat) : They only had one name, their birth name, and they never had, like, family names, they had clans. And she said : This is all broken, it's broken now. This is stupid. Everybody is Einish. Everybody is Mameanskum. Everybody is Pien.

Mme Einish (Caroline) : Like name sharing

Mme Einish (Noat) : She didn't look at it like that, you know.

Une voix : ...

Mme Einish (Noat) : He said : When they told us... The priests came out of the woods, and they started baptizing us, they didn't even know if he's Catholic or Anglican. When my grandfather died, he had been always Anglican, and, when he was dying, the Catholic priest came and anointed him with oil, and I said : What are you doing? And he said : He's Catholic. All his life, he never knew he was Catholic.

Mme Einish (Caroline) : Yes. C'est vrai, oui.

Mme Einish (Noat) : The missionaries were rushing everywhere, looking for people to baptize and giving second names.

Mme Einish (Caroline) : You know, when there's a language barrier, it's hard to understand what the person is doing.

Mme Einish (Noat) : He said: One time, two people came, the Government... My aunt was telling me this. She was young. She said : Two people came out of the forest and talked to the elders, and they said... they asked them : What are your names and your ages? And they don't know their ages. And these people say : Why? So, you can get old security pension, you are going to get money. And the people : Wow! We won't have to go hunting anymore, we are going to receive money. And they asked them their ages, and they didn't know their ages. And they say : O.K., let's throw any kind of year. They never knew their ages.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Merci beaucoup. Merci, Mme la députée. M. le ministre.

M. Lafrenière : Well, thank you so much for the history, because that's helpful, and, believe me, it's going to help us a lot in terms of trying to identify families. With what you said about clans, that just put the focus on how we should adapt ourselves to your reality, and not the opposite. And this morning, on our discussion, we've been mentioning that, not trying to force people to adapt theirselves to the system, and that's the purpose of that bill, it's to give all the support to families to go through that very tough process.

That having been said, a question, local question : Who do you see as a local group that will be credible to accompany, to help us out during the process? With the band council, will it be another credible group within your region that could play a role in that, that you rely on? Because, again, what is important is that the families will trust these people to be helping us out in terms of, you know, referring, sharing the info, doing the... kind of the promotion of the bill and the intention of it. But who do you see as credible to help us out in that?

Mme Einish (Caroline) : We have several organizations here. We have the wellness team. We have a committee, it's called Organizing Committee. Like all the committees could play a role in this because it touches everybody. And there's also the CLSC that touches «la santé». The Wellness Team, eux autres, c'est composé de «mental health worker, Native worker, family, and youth, and elders».

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Merci beaucoup.

M. Lafrenière : «Chiniskumitin.»

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci, M. le ministre. Maintenant, je cède la parole au député de Jacques-Cartier. Monsieur, vous avez 11 minutes.

M. Kelley : Merci beaucoup, Mme la Présidente.

Thank you very much for your presentation, your... sharing your knowledge with us and your oral history. I would love to, one day, come and visit. I know you're asking that maybe somebody more official from the Government comes to hear all the stories, but it would be very nice to visit you one day. Maybe we could make a trip with the Minister together. But it would also be nice to hear the oral stories of living the nomadic lifestyle you did have beforehand, because I think that it is an important history that we need to make sure is documented and well-known, and, you know, I think that's just... Again, I was very pleased to hear you just sort of share that story that you've experienced, and also having ministers and priests walk out of the forest, and the language barrier. So, thank you again for sharing all that.

I just want to continue on the question of those groups you were speaking about, that will do some of the work to help families. Do you need additional financial support to make sure those groups can accomplish their work? And what are some of the biggest things that you would say you need right now to really help accompany families to going towards the system to begin the process of trying to find the information, once this bill is passed?

Mme Einish (Caroline) : I'll let you talk first, let your ideas...

Mme Einish (Noat) : We have a wellness team, but I am retired right now, and I've been working with these groups for a long time. I used to work as a mental health worker. Now, I'm looking for a place where we can teach and tell stories. We need a lodge here, I need a lodge here so I can do my workshops. And I am aware of the elders, of their stories. Even my father and my parents, they gave me a lot of knowledge to work with our traditions and culture, and it would be better, because I want them to feel comfortable to talk in a healthy environment. What I mean is a healthy environment where I can work in my lodge, access good medicine to drink, you know, like...

Mme Einish (Caroline) : Traditional medicine.

Mme Einish (Noat) : ...like we used to. I still have those kind of traditional medicines, I still use it to my grandchildren.

So, this is what I want, a big lodge where I can do my workshops with youth and elders in my community, and this is my vision. And that's... Whenever they go to the woods or camp, they feel comfortable, they don't have any worries. And this what I want, a big lodge near the lake here, in Kawawachikamach, yes.

• (16 h 10) •

Mme Einish (Caroline) : O.K. That would be one funding program that would help people, where she could gather stories and help people through their healing journeys and come to closures.

And, from my opinion, on the economy level, to do this type of work, it's very, very vast, because there are divisions in this community on the political arena, so... And we know where the division is. So, to be able to work with this, people would need to be hired to work within the divisions, like she said, clans. There is, like, two clans, you know: if one clan wants to do something, the other clan is going to close up, it won't want to participate. Example: as a community mobilization coordinator, I was taking charge of doing a survey on the recomposition of the council, because we are almost now 1 500 Naskapis, and many did not participate... Can you hear me? It's like you froze.

La Présidente (Mme D'Amours) : On vous entend bien.

M. Kelley : ...

Mme Einish (Caroline) : D'accord. Ça fait que, pour faire ça, il y en a juste un peu qui ont répondu à mon sondage, mais l'autre... il y a un groupe qui n'a pas participé. Donc, c'est important. Pour être capable d'aller chercher tout le monde, il faudrait prendre des personnes pour... leur donner un salaire pour qu'ils puissent être motivés, puis ça pourrait créer des emplois aussi, puis peut-être aussi créer une atmosphère d'appartenance, comme quoi ils travaillent tous ensemble. Ce serait sain, une affaire qui serait... qui créerait un environnement sain pour la communauté. Ça fait que ça aussi, ça serait une affaire... avoir assez de fonds pour être capable de faire les sondages, même, si on peut engager plusieurs personnes pour le faire.

M. Kelley : And you are doing a very good job as a translator right now. But is that also one thing... Because you mentioned hospitals, Mont-Joli, Québec City. So, also in this process too or in the past, has there been some experiences where that language barrier was an issue to trying to see if more information could be provided? And would you need some translation assistance in the process of going... Sorry. In going through the process of trying to get information from some of these institutions, is that something that would maybe be helpful for you?

Mme Einish (Caroline) : Absolutely, yes. We are... Naskapi's education is mostly English for my generation.

Bien sûr, j'ai appris à parler français. Maintenant, aujourd'hui, peut-être dans 25 ans, on va avoir les enfants qui vont... les tout petits bouts qui vont parler les quatre langues, par rapport... Il y en a qui... Les Naskapis et les Montagnais se marient, et puis les enfants qui sont à Matimekosh, ils partent, ils vont à l'école ici, ça fait qu'ils apprennent aussi l'anglais puis le Naskapi, puis, à Matimekosh, c'est Montagnais et français, puis il y en a déjà beaucoup qui parlent les quatre langues.

Mme Einish (Noat) : The youth.

Mme Einish (Caroline) : Les jeunes.

Mme Einish (Noat) : Like, my grandchildren, they speak four languages.

Mme Einish (Caroline) : So, we have many that speak four languages. But, at this time, we don't have a lot of people that understand French.

M. Kelley : Oh! yes, yes. And I was going to say... It's great to hear there are now some people in your community that speak four languages, that's quite impressive. But I was just also going to wonder, in the stories that you have, is it... at any time, were children taken outside of the province of Québec and never came back? Because we're also trying to ascertain, too, if all the cases are just here, in Québec, or do we have to think about ways that maybe we can look to find information that could maybe be in jurisdictions outside of Québec.

Mme Einish (Caroline) : We cannot know where they were taken.

M. Kelley : O.K. I just, also, want to know... I mean, let's just say that, if you end up going through the process, you arrive at, say... through, you know, a residential school, for example, and there is no information what happened to somebody who... you know, a child that went missing. How are some other ways that maybe the Government could provide some more truth to you? If those... that information was thrown out, the school burnt down, I mean, who knows, what are some other ways maybe the Government of Québec could provide some, you know, truth to your community?

Mme Einish (Caroline) : Well, it would probably be to reach out to other communities, if they know names of the people that are missing.

M. Kelley : O.K. And, also, I guess... I just had a few more questions. I know... I think my time is running out, I don't know how much time I do have left here.

La Présidente (Mme D'Amours) : 1 min 40 s, M. Kelley.

M. Kelley : Pas beaucoup de temps qu'il reste.

So, finally, I guess my last question will just be : If you had a chance to look, do you think that the measures in here for your ability to research and find those names, everything is in place? And are you feeling confident that you'll be able to go to the Government of Québec and, you know, have some positive results?

Mme Einish (Caroline) : Could you... It's, like, many questions in one question.

M. Kelley : Yes, just one question, I mean, I guess : Are you confident that, you know, this bill will be able to deliver for your community maybe some justice? I guess I'll put it that way.

Mme Einish (Caroline) : Yes. I'd prefer to say «closure».

M. Kelley : «Closure», yes.

Mme Einish (Caroline) : Yes, for the families. You know, like, O.K., let's say somebody wants to know what happened to her sister, and what if you discover she's alive somewhere, married, happy, you know? We don't know.

M. Kelley : Yes. No, absolutely. Well, thank you both very much for taking the time today and speak with us.

Mme Einish (Caroline) : Welcome.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Je cède maintenant la parole à la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques. Vous disposez de 2 min 45 s.

Mme Massé : Merci, Mme la Présidente. «Wachiya.» Bonjour.

Hi! Thank you to be there with us. I only have two minutes, so I'll jump in the water, in this... I hope, one day, in this wonderful lake you are talking about.

Let's talk about language, because, if I understand well, French, it's a little part of the... French speakers in your community, English, not too bad. But, I think, if I understand well, it's better if people can speak Naskapi with you. Am I right or not?

Mme Einish (Caroline) : Yes.

Mme Massé : Yes. So, that's why you said the importance to bring people up North to sit down with you, take the time to sit down with you and listen to the story, and help you to fill the paper, because the paper will ask which date these people were born, which moment, at what time you lost these children. You know, it's going to be this kind, I'm pretty sure, of questions. So, if I understand well, the better way that we can help you is to bring someone... to hire some Naskapi people, and this guy or woman will help people to fill the form.

Mme Einish (Caroline) : Yes. The situation here, they go to school, the first four years they learn... three years, they learn just Naskapi; after, a second language. But, when they leave the school, they start to speak Naskapi, anywhere they go, it's Naskapi: at the arena, at church, it's Naskapi. So, they go back to school... So, they don't... there is not a lot of practicing of the English language. Like, when we don't speak a language, we don't really reinforce it, and we tend to lose it. Example, when I took Spanish, I did very well, but nobody to speak to, and I don't know what I would be hearing if somebody talked to me. So, this is... And meetings in person are more humanized than Internet. We're like... We're kind of used to it, but the personal contact is not there. So, it would be better... Like, right now, because of this... Like, your minutes are calculated, you know, but if you were here, we wouldn't have that...

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole au député de René-Lévesque. Vous disposez de 2 min 45 s.

Mme Einish (Caroline) : Deux minutes pour lui.

• (16 h 20) •

M. Ouellet : Ce n'est pas beaucoup. Bonjour, mesdames. Je vais vous poser la question en français, donc on aura le temps de faire la traduction en anglais.

Dans le projet de loi en question, on voit que les mesures qui seront proposées ne le seront simplement que pour cinq ans, et on en a parlé avec Mme Audette ce matin, et le Protecteur du citoyen aussi s'en va dans la même veine. Est-ce qu'on devrait faire sauter ces cinq années-là et permettre, peu importe le temps, le temps nécessaire pour vos recherches? Est-ce que c'est quelque chose que vous voudriez voir changer dans le projet de loi pour vous permettre, à votre communauté ou à toute personne dans votre communauté, d'avoir le temps de faire les recherches?

Mme Einish (Caroline) : Oui. Mais, comme c'est là, des fois... On va appeler ça un «pilot project». Bien, ça peut virer en... Ça peut être extensionné, là, parce qu'on ne sait pas comment de temps ça va prendre. Parce que, des fois, même nous autres, on va faire des petits projets de communauté, exemple faire une serre... Là, ça a arrêté à cause de la COVID ou parce que quelqu'un attend quelqu'un pour une cotation pour les équipements, mais la personne, à cause de la COVID, il ne travaille pas au bureau. Ça fait qu'il y a des choses qui prennent du temps. Ça fait qu'on a tout le temps des obstacles quand on travaille comme ça.

M. Ouellet : De quelle façon vous voudriez être accompagnés pour vous aider à faire ces recherches-là?

Mme Einish (Caroline) : Les outils? On a déjà le monde ici. «We have human resources.» C'est sûr, on va trouver du monde pour travailler. Ça nous prendrait des équipements comme des outils, d'avoir des bonnes questions, établir des bonnes questions pour le sondage. C'est quoi qu'on a accès pour faire les recherches? Disons, quelqu'un peut aller dans les hôpitaux, aller dans les archives, faire des recherches, tu sais, ça va prendre des... Ou avoir un contact là qui va chercher pour une personne. Admettons, je fais ça, puis c'est... toi, tu travailles à l'hôpital, dans les archives, on peut communiquer avec toi, établir peut-être un système de communication et faire des bons liens, des bonnes relations avec du monde spécifique.

M. Ouellet : Merci beaucoup, mesdames. Je pense que mon temps est terminé, Mme la Présidente. Alors, merci beaucoup à vous. Bien hâte de voir la suite.

La Présidente (Mme D'Amours) : Je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends les travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 23)

(Reprise à 16 h 29)

La Présidente (Mme D'Amours) : Avant de commencer, j'aurais besoin du consentement pour qu'on puisse finir un peu plus tard, étant donné que nous avons pris un peu de temps avec nos invités, nos derniers invités. Donc, j'ai le consentement de tout le monde? Merci.

Des voix : Consentement.

• (16 h 30) •

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Je souhaite donc la bienvenue aux représentants de la nation attikamek. Nous avons parmi nous le grand chef, Constant Awashish, et le vice-chef de la communauté de Manawan, M. Sipi Flamand. Donc, je vous souhaite la bienvenue. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, après quoi nous procéderons à la période d'échange entre les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et puis commencer votre exposé.

Conseil de la nation atikamekw (CNA)

M. Awashish (Constant) : Bien, merci. (S'exprime dans une langue autochtone). Bien, merci à tous les membres de la commission, là, distingués membres de la commission, Mme la Présidente... je crois que c'est Mme D'Amours, là, mais je ne vois pas, mais c'est ça, la beauté de la technologie et des nouveaux modes de rencontre. Mais merci de nous recevoir, merci de bien nous entendre, là, en ce qui concerne le projet de loi n° 79.

Pour nous, c'est un projet de loi qui vient nous chercher particulièrement, étant donné qu'il y a beaucoup de familles attikameks qui sont directement liées avec le sujet mentionné dans le projet de loi. On dénombrait, là, 43 cas, chez les Attikameks actuellement, de jeunes enfants qui ont été... bien, qui ont disparu, qui ont été enlevés. C'est 40 familles attikameks qui sont touchées par cette problématique-là. Et, pour nous, bien, c'est important, là, de pouvoir, là, donner notre mot à dire et au nom des familles également.

C'est un sujet qui est troublant, qui vient me chercher profondément. Pour ceux qui sont plus sensibles que les autres, ça peut vraiment un peu bouleverser, là, quand on entend les témoignages et les madames, les grands-mamans, les grands-papas, les papas, les mamans qui partagent leur expérience, souvent sans aucune réponse reçue ou des réponses qui sont floues. Tu sais, encore aujourd'hui, il y a beaucoup de gens qui en tombent presque malades, hein, de ne pas connaître la réalité, de ne pas connaître qu'est-ce qui s'est passé réellement, là, avec leurs enfants. Toute la famille est touchée, toute la famille est bouleversée, et toute la communauté également, les trois communautés attikameks qui sont... Tu sais, c'est... de vivre avec cette pensée-là au quotidien, c'est quelque chose qui n'est pas facile à vivre, puis j'espère que vous aurez la sensibilité de bien vous mettre dans les souliers de ces familles-là pour comprendre leur cri de désespoir, là, leur cri de demande d'aide qui vous est adressée.

Puis, en tout cas, encore une fois, là, c'est... merci beaucoup, là, pour votre disponibilité, votre attention puis tout ce que vous faites présentement, là, pour donner la parole, justement, aux organisations, mais également aux organisations qui sont dédiées, là, à défendre ces... le point de vue de ces familles-là. Je vais laisser maintenant la parole à Sipi pour qu'il puisse se présenter et par la suite je pourrai continuer avec la présentation.

M. Flamand (Sipi) : (S'exprime dans une langue autochtone).

Donc, je vous remercie de cette tribune, de nous permettre de nous exprimer sur nos préoccupations concernant la disparition des enfants... (s'exprime dans une langue autochtone) qui ont été enlevés ou volés. C'est ma famille indirectement touchée à cette situation, et je pense qu'avec tout ce qu'on vit dans la communauté, c'est une nécessité qu'on vit, qu'on reçoit la vérité. C'est d'ailleurs dans cette approche-là que je contribue, avec le Regroupement des familles des enfants disparus Awacak, pour qu'on puisse avoir des informations sur les causes et sur les circonstances des enfants qui sont portés disparus dans le système de la santé publique. Et je pense qu'avec ce projet de loi ça va permettre avoir accès à ces informations-là, mais aussi permettre aussi une ouverture dans la réconciliation de nos nations, mais aussi la guérison pour les familles. Donc, je vous remercie de cette tribune puis je vais laisser la parole au grand chef Constant Awashish.

M. Awashish (Constant) : «Meegwetch», Sipi. Juste d'emblée, d'entrée de jeu, tu sais, on comprend que le projet de loi n° 79 fait suite au projet de loi, là, n° 31, qui avait été proposé il y a de cela un certain temps. D'emblée, je vais vous dire qu'il y a une nette amélioration de la situation, mais que...

(Interruption)

M. Awashish (Constant) : Il y a une nette amélioration, là, dans le projet de loi que vous proposez, mais il y a encore certains éléments qui pourraient avoir un regard, là, plus approfondi, dans lequel nous pourrions améliorer peut-être l'aide que le projet de loi peut donner à ces familles-là. Il y a encore des éléments qui méritent, là, vraiment, là, une attention particulière, je crois, de la part de vous, membres distingués de la commission, pour qu'on puisse améliorer, là, ensemble ce projet de loi.

Je le sais, que, pour nous, c'est... il y a une importance particulière, mais je pense, c'est important également pour tous et chacun, autant pour les familles attikameks que les autres familles des autres nations autochtones. Mais je pense que c'est important également pour les Québécoises et les Québécois de bien connaître, là, l'histoire, de bien connaître la réalité, pour que les gens puissent avoir la réelle information, là, sur qu'est-ce qui s'est passé réellement avec les Premières Nations ici, au Québec. Ça n'a pas toujours été fait de façon, là, mal intentionnée, tu sais, ça n'a pas toujours été fait, là, tu sais, nécessairement, là, avec une préméditation, mais souvent c'était une incompréhension, un mal... de la mauvaise information sur les Premières Nations.

Mais maintenant je pense que tous ensemble, on a l'opportunité, là, de travailler, là, pour amener, là, notre destin commun, là, à bon port, puis je vois aujourd'hui une opportunité, là, de vraiment, là, rajuster le tir, où est-ce qu'on pourra, tous ensemble, grandir et où on pourra, tous ensemble, travailler, là, pour améliorer notre société, mais améliorer également la relation qui existe entre nous, Premières Nations, mais également tous les Québécoises et les Québécois, là, pour qu'on puisse avoir un meilleur avenir pour nos petits-enfants.

Je pense que c'est... juste pour commencer, là, juste les... voyons! les améliorations, pardon, qui ont été notées, là, par rapport au projet de loi n° 31. Et je vous informe également, là, qu'on va vous déposer un mémoire, là, qui sera acheminé demain matin, vous pourrez en prendre connaissance, là. Ça va reprendre un peu ce que je dis aujourd'hui, là, dans mon exposé. La question, là, d'obligation de divulgation, qui est très... qui est une belle avancée pour nous, et c'est une belle avancée également pour les familles, parce qu'il faut remettre... l'obligation faite, là, aux institutions publiques, mais également les congrégations religieuses qui sont visées également par le projet de loi, je pense que le gouvernement a bien écouté, là, les familles, à l'époque, là, du projet de loi n° 31, où est-ce qu'on demandait.... ces familles-là demandaient justement un élargissement, là, de l'application de la loi. C'est un point positif qui a été fait.

Également, l'article 19, là, qui permet d'améliorer les pratiques, là, notamment la sensibilisation des personnes concernées aux réalités autochtones, c'est quelque chose qui est positif, là, de la part des familles, ce que j'ai entendu. Le fait également d'accorder, là, aux familles élargies, là, d'entamer le processus, également, c'est un autre point qui est positif dans ce nouveau projet de loi. C'est des éléments qui ont été notés, là, positivement par les familles, là.

Quelques lacunes, cependant, là, qui sont véhiculées, là, auprès des gens consultés, un projet de loi qui est un peu, là... On veut plus d'implication du gouvernement, tu sais, il y a comme un sentiment, là, de passivité, là, par rapport à ce projet de loi. On veut vraiment que le gouvernement y croie. Également, on veut vraiment que le gouvernement puisse voir l'utilité, là, pour l'avancement de la société, mais l'avancement également des droits de tous et chacun. On ne peut pas toujours mettre en dessous de la couverture des situations qui peuvent être désagréables à entendre. On veut une amélioration, là, au point de vue du support.

Est-ce que ça va seulement être le bureau du ministre qui va être mis à contribution pour, justement, aider ces familles-là dans leurs recherches? C'est des questions qui sont posées par les familles. Tu sais, on veut vraiment que ça soit une implication, excusez mon anglicisme, là, «at large», là, de la part du gouvernement, là. Je pense, tous les ministères devraient être impliqués, là, également, là. Je pense, les ministres devraient être au courant de la démarche pour que tout le monde puisse travailler dans la même direction puis que la démarche soit efficace au niveau des familles. Un autre...

• (16 h 40) •

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci, M. le chef Constant Awashish. Le temps étant terminé, nous allons passer à la période de questions. Vous aurez le loisir de répondre et de terminer votre échange. Nous allons maintenant débuter la période d'échange avec M. le ministre. La parole est à vous. Vous disposez de 16 min 30 s.

M. Lafrenière : «Kwei», vice-chef. «Kwei», grand chef. Je commencerais en vous laissant terminer ce que vous avez commencé, grand chef Awashish. Je vous écoute.

M. Awashish (Constant) : Bien, rapidement, là, il faudrait mentionner dans ce projet de loi, là, quelque chose, là, qui va aider les familles au niveau psychosocial. On sait que ça ouvre des plaies, ça ouvre des mauvais souvenirs. Je pense que ces familles-là auront besoin, là, de support à ce niveau-là. Je pense qu'il faut l'envisager dans ce projet de loi, là, déjà, un support plus grand, là, en ce qui concerne, là, tous les effets, là, au niveau psychologique que seule la démarche peut développer, là, auprès des familles.

Peu de place pour les nations autochtones, j'avais mentionné ça également, j'avais dénoté ça. Oui, c'est beaucoup le gouvernement qui... Tu sais, tantôt, j'ai mentionné qu'il faut, le gouvernement, qu'il soit plus actif par rapport à ça. Mais je pense que le gouvernement doit travailler en collaboration également avec les différentes nations autochtones pour justement aider à mieux rendre à l'aise les familles qui sont touchées par ça, cette problématique-là.

Également, là, c'est d'accorder une plus grande place, là, dans le projet de loi, là, aux familles. Parce que, de la façon que je vois le projet de loi puis les gens voient le projet de loi, c'est vraiment concentré au niveau du bureau du ministre, là. Puis, tu sais, ce n'est pas parce que je crois que vous ne ferez pas un excellent travail, au contraire, je pense que vous faites un excellent travail, mais je pense qu'il faut vraiment faire participer les nations, faire participer également les familles touchées, là, qu'ils puissent être plus près, plus près de vous, plus près de l'appareil gouvernemental pour la recherche, là, de l'information.

Autre question également, c'est la date limite, là, la date limite de cinq ans pour l'application du projet de loi, c'est quelque chose qui stresse beaucoup les familles, c'est quelque chose qui... tu sais, qu'est-ce qui arrive, là, si, au début, on a de la difficulté à démarrer le processus puis on arrive au bout de trois, quatre ans, on voit l'ampleur, tu sais, des recherches, mais il y a beaucoup de travail encore à faire? Tu sais, ça va créer un stress supplémentaire, déjà présent chez ces familles-là, juste le fait... je pense que, tu sais, cette date limite là, ce n'est pas nécessaire. Je pense qu'il y a moyen également, tu sais, de donner plus de latitude, au niveau de la recherche, de la part du gouvernement.

Également, la question du 31 décembre 1989 qui, je pense, est une très bonne amélioration comparativement au projet de loi n° 31. Mais, encore là, pourquoi mettre une date, alors que peut-être qu'il y aurait des choses qui sont arrivées par la suite ou des choses qui pourraient arriver dans le futur? On ne le sait pas. Je pense que, tu sais, en mettant des dates, des délais de cette façon-là, on se prive tout le monde, non seulement les familles, non seulement les nations autochtones, mais le gouvernement également, puis les Québécoises et les Québécois, à avoir les vraies réponses, là, en ce qui concerne toute la recherche qui devra être faite pour découvrir la vérité pour ces familles-là.

Un élément très important, mais c'est une possibilité, là, par la création, là, ou l'ajout, dans le projet de loi, là, de l'implication d'un enquêteur spécial, d'un coroner avec un mandat spécial qui va accompagner ces familles-là, qui va pouvoir les aider à mieux se diriger, hein, tu sais, dans les recherches, mais également à mieux comprendre la documentation, à mieux comprendre également... pour en arriver plus rapidement, hein, à la vérité qu'ils recherchent tous ensemble. Je pense que c'est important, là, que le gouvernement puisse reconsidérer cette approche-là, puis pas tout mettre dans la cour au ministre Lafrenière. Mais c'est de pouvoir permettre, là, d'avoir des experts autour qui puissent guider tout le monde. Hein, c'est tout le monde qui va en bénéficier, pas seulement les familles, mais c'est les nations, mais également les Québécoises et les Québécois qui vont pouvoir bénéficier de cette expertise-là. Ils vont pouvoir bénéficier également de l'efficacité, également, dans les recherches, et tout le monde, au bout de la ligne, on va pouvoir connaître la vérité et on va mieux grandir puis avancer ensemble. C'est tout le temps dans cette optique-là, je pense, qu'il faut travailler, puis j'invite aujourd'hui, là, vous, membres honorables de cette commission-là, à considérer cette question-là de plus en profondeur.

Donc, c'était vraiment ça, les points qui étaient importants, là, pour moi, là, en ce qui concerne le projet de loi n° 79. Je ne sais pas si Sipi aurait d'autres choses à rajouter par rapport à ça, étant donné qu'il a travaillé très, très étroitement avec les familles, là, très directement, puisqu'ils sont... Sipi lui-même avec sa famille sont touchés. Je vais laisser la parole à Sipi, s'il peut compléter quelques éléments également.

M. Flamand (Sipi) : ...dans ce point-ci qu'il est nécessaire d'entreprendre des recherches sérieuses sur la disparition des enfants autochtones par des moyens d'enquête des gouvernements impliqués et par des enquêtes dirigées par les autochtones auprès de toutes ces institutions. Je pense que c'est dans les mêmes orientations que recommande grand chef Awashish.

Et je voudrais aussi parler du sujet concernant certains dossiers que les familles ont reçus à la suite des enquêtes au niveau du bureau de l'état civil, quant à certains qui ont reçu des certificats de décès puis sans avoir été informé auparavant de ces... des décès, et je pense que faudrait qu'on... que les familles aient accès aux informations sur les circonstances, évidemment, mais aussi sur les causes, c'est très important pour les familles qui... pour voir l'importance des causes de ces décès-là.

C'est comme un des cas d'une des familles ici, à Manawan, qui a reçu un certificat de décès avec des dates qui sont différentes, Laureanna Echaquan. Puis je pense qu'il faut que le bureau de l'état civil revoit ces mesures-là, ces... comment donner ces documents-là, puis c'est très important pour les familles qu'elles aient ces informations-là, c'est dans cette manière-là, aussi, qu'ils vont pouvoir guérir à leur manière. Puis je pense aussi que c'est important d'impliquer les aidants naturels attikameks dans ce processus-là, car ils ont un travail qu'ils ont initié avec l'approche culturelle attikamek dans ce processus de guérison, mais ça prend aussi des moyens pour contribuer dans la guérison.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. M. le ministre.

M. Lafrenière : Oui, merci. Merci à vous deux. Puis, écoutez, je vais commencer par un petit point d'information, je pense que ça va être bénéfique, et grand chef, vice-chef, par vos questions vous m'aidez à amener un point. Vous savez quand on présente un projet de loi comme ça, c'est... bon, c'est la base légale, et, entre vous et moi, il manque beaucoup d'éléments qu'on n'est pas capable de sentir quand on regarde le projet de loi, puis je veux vous rassurer parce que vous amenez deux bons points.

La semaine passée, au budget, mon collègue Eric Girard, le ministre en charge, a annoncé, aussi, qu'il y avait un budget qui était pour être attaché à la direction aux familles. Alors, je veux vous rassurer, tous les deux. Oui, c'est vrai que légalement on parle de responsabilité, puis ça revient au bureau du ministre aux Affaires autochtones, mais il est déjà prévu d'avoir une direction de soutien aux familles et d'avoir un groupe d'enquête aussi, donc des gens qui vont avoir le travail... comme travail principal de faire enquête, d'aller au bout des choses.

Et je le disais ce matin à un autre groupe, ce que ce n'est pas. Notre intention, ce n'est pas de référencer, de dire aux familles : Voici où vous devez appeler, voici le site Web à... remplir des documents. Ce n'est pas ça, mais vraiment pas. C'est vraiment d'accompagner les familles avec et pour les familles de A à Z, et ça peut aller jusqu'à compléter les documents avec eux et, oui, la démarche d'enquête. Et tout à l'heure on parlait aussi du fait qu'on pourrait recevoir un document, un document qui date des années 50, signé par un médecin, et, entre vous et moi, je ne serais même pas capable de le lire ou de le déchiffrer. On a déjà des médecins retraités qui ont levé la main, qui se sont offerts comme volontaires pour aider les gens de la communauté, que ce soient des juges, des avocats, des gens qui ont travaillé dans des écoles, qui sont des retraités, qui veulent aider. Alors, ce que vous nous partagez aujourd'hui, je l'entends très, très bien, puis c'est vraiment la volonté en arrière de tout ça.

Puis ça m'amène à une question bien spécifique pour vous. Comme la direction de soutien aux familles, notre but, c'est d'avoir une approche qui est en sécurisation culturelle, puis on veut embarquer aussi les éléments du Principe de Joyce. J'aimerais ça vous entendre, dans cette approche-là... Puis là j'ai compris l'importance de l'implication des membres de la communauté, l'importance d'être adapté, justement, avec chacune des réalités et d'avoir les familles présentes. Mais, devant cette commission aujourd'hui, quels sont les éléments que vous trouvez vraiment essentiels, là, pour nous, pour avoir une approche qui serait vraiment adaptée aux Premières Nations, avec ce que je viens de vous dire, là, au niveau des directions des familles, avec les enquêteurs attitrés? C'est quoi, les éléments que vous nous suggérez, les éléments les plus importants pour avoir une approche qui soit bien adaptée?

• (16 h 50) •

M. Awashish (Constant) : Je vais y aller, Sipi...

M. Flamand (Sipi) : Oui.

M. Awashish (Constant) : Merci. Bien, simplement, pour répondre à votre question, là, qu'est-ce qui serait adapté, là, je pense, souvent les familles qui sont touchées par cette... on va l'appeler... c'est une tragédie, là, historique, là, ici, au Québec, souvent, ces personnes-là, bien, il y avait une barrière de la langue également qui était problématique. Je pense qu'il faudrait envisager, là, tu sais, la contribution, vraiment, tantôt je l'ai mentionné, des différentes nations, là, des organisations proches de ces familles-là, qu'elles puissent être impliquées dans le processus, qu'elles puissent travailler en étroite collaboration avec votre bureau, mais également avec les autres ministères qui peuvent être impliqués par la démarche. Je pense que c'est important de pouvoir leur donner le soutien nécessaire, là, à ce niveau-là, un accompagnateur, autant expert technique, mais autant un accompagnateur qui va pouvoir aider au niveau de la compréhension, là, et de la barrière de la langue. Je pense que c'est... déjà, si on comprend cette avenue-là, je pense qu'on a déjà, là, un bon pas dans la bonne direction, là.

M. Lafrenière : Merci, grand chef. J'ai une question plus technique pour vous, pour les... Parce que vous parlez de la collaboration avec les communautés, puis je lisais justement dans certaines demandes des familles qu'à certains moments ce qui était nécessaire, c'était d'avoir nom, prénom, date de n'aisance qui étaient enregistrés dans les registres des conseils de bande. Et je voulais savoir quelle était la coopération, de quelle façon vous suggérez qu'on travaille ensemble? Parce que, tantôt, on recevait un autre groupe aussi, puis ça nous a rappelé à quel point c'était important d'avoir la bonne information signalétique, là, pour bien commencer ces recherches-là. Et je sais qu'il y a une partie, là, d'archives qui résident aussi dans les conseils de bande. Alors, quel genre d'approche vous nous suggérez pour qu'on travaille tous ensemble là-dedans?

M. Awashish (Constant) : Un élément que j'avais noté également, que j'ai oublié de vous mentionner tantôt, je pense que le projet de loi devrait mentionner, là, l'obligation, là, d'une collaboration avec le gouvernement fédéral, le ministère des Affaires autochtones... anciennement le ministère des Affaires autochtones, qui, eux, détiennent toutes les archives, l'information, là, en ce qui concerne les individus qui peuvent être dans les listes de bande. C'est eux qui administrent les listes de bande des communautés. Oui, dans les communautés, il y a une liste de bande, mais tout ce qui est... les informations les plus précises, je pense qu'on peut le retrouver vraiment au niveau du ministère. Puis je ne vois pas de problème, là... Quand les familles demanderont l'information auprès des communautés, des conseils de bande, je ne vois pas pourquoi et comment les conseils de bande refuseraient de collaborer avec ces familles-là.

M. Lafrenière : Bien reçu. Merci beaucoup pour votre information. Puis vous avez raison qu'il faut travailler avec le fédéral, mais, dans nos projets de loi, on peut difficilement les obliger. Mais ça, c'est notre relation nation à nation. Merci. Je crois qu'il y avait un de mes collègues qui avait une question, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme D'Amours) : Oui, merci, M. le ministre. Je vais laisser la parole au député d'Ungava.

M. Lamothe : M. Awashish, M. Flamand. Juste une question, vous avez soulevé tantôt une lacune. L'implication gouvernementale, vous avez un doute. C'est quoi qui sème le doute, de ce que vous avez vu à date? Pourquoi votre réflexion face à un doute que vous avez sur l'implication gouvernementale?

M. Awashish (Constant) : On veut s'assurer qu'il y ait une meilleure participation, comme je mentionnais, des familles, des nations. On veut vraiment une meilleure collaboration, pas juste laisser à lui-même, tu sais, le bureau du ministre. On veut s'assurer que le bureau du ministre reçoit l'aide nécessaire, la collaboration nécessaire des autres ministères également, mais également que le ministre puisse avoir le feu vert à collaborer avec les Premières Nations pour avoir la vérité la plus juste possible. Simple comme ça.

M. Lamothe : Il y a-tu quelque chose, à date, qui fait en sorte... qui soulève ce doute-là, dans le processus, à date, que vous avez perçu?

M. Awashish (Constant) : Non, mais je pense... en faisant la lecture du projet de loi, là, on voit que... tu sais, beaucoup d'efforts, beaucoup de pouvoirs discrétionnaires qui sont octroyés au ministre Lafrenière ou peut-être ceux qui viendront par la suite dans ce projet de loi là. Je pense qu'il faut, tu sais, un peu, tu sais, donner une plus grande... comment je pourrais dire ça, tu sais, des acquis plus tangibles pour les familles puis les nations autochtones, au lieu de tout donner, comme, au ministre, là, la discrétion de décider dans certains dossiers, là.

M. Lamothe : O.K. Merci beaucoup. Merci.

La Présidente (Mme D'Amours) : M. le ministre.

M. Lafrenière : Oui, merci beaucoup. Merci pour les détails. Puis vous me permettez aussi d'amener un petit point d'information. Dans mon ancienne carrière, j'ai bien aimé les enquêtes, mais ça ne sera pas ma nouvelle carrière. Alors, c'est pour ça qu'il va y avoir vraiment une direction des enquêtes avec des enquêteurs. Quand on fait une loi comme ça, il y a un pouvoir qui est donné à un ministre, mais qui va être remis par la suite à des groupes d'enquête. Comme je vous dis, ça fait partie de mon passé, que j'ai bien aimé, là, mais je ne me suis pas donné une nouvelle job, une nouvelle carrière, là. Il va y avoir des gens, des spécialistes en enquête. Mais c'est un très bon point. Puis effectivement, vous savez, nous, ça fait déjà plusieurs mois qu'on est dans le projet de loi, qu'on est dedans, mais tellement dedans qu'on ne voit plus la forêt, on est rendus avec le nez sur l'arbre, et, peut-être, notre compréhension est rendue tellement pointue qu'on oublie de ramener les grands enjeux comme la direction de soutien aux familles et la direction des enquêtes. Alors, ça, je vous remercie, je vous remercie là-dedans.

L'autre enjeu que je voyais, grand chef, que je voulais vous entendre, et on en a parlé avec d'autres groupes aujourd'hui, c'est que, ce projet de loi là, notre premier défi, ça va être de le faire connaître, de faire en sorte que les familles connaissent le projet, sachent de quelle façon aussi nous rejoindre. Et je veux savoir, comme vous êtes une personne de terrain, de quelle façon on peut travailler. Encore une fois, je crois que les nations, les communautés doivent nous aider, mais j'aimerais ça voir quel rôle vous y voyez, vous, pour la partie communication, pour être capable de rejoindre les familles. Avec les familles aussi, vous avez parlé d'Awacak tout à l'heure, c'est des associations de familles qui doivent travailler avec nous, c'est hyperimportant. Mais comment vous voyez ça? Et là je vous donne le défi d'y répondre, ça a l'air, en quelques secondes. Je crois que j'ai brûlé beaucoup de temps.

M. Awashish (Constant) : Je pense, c'est beaucoup, tu sais, la communication. Nous, on peut travailler avec vous en collaboration pour, justement, communiquer l'information. Il y a déjà l'organisation Awacak qui existe, qui va devenir plus officielle éventuellement, également, qui sont bien organisés. Les familles attikameks sont bien organisées. Elles sont représentées par Mme Ruperthouse, là, qui est une Algonquienne qui a été touchée par, justement, cette problématique-là. Il y a également Sipi avec qui, là, tu sais, les familles travaillent très, très... de façon très étroite, là, qui pourront, tu sais, à ce moment-là, communiquer toute l'information. Mais il s'agit juste de se communiquer, là, entre les organisations. Tu sais, pour nous, le projet de loi touche énormément les Attikameks, puis je pense que c'est important, là, que les Attikameks soient approchés. Puis il n'y aura pas de problème, là, tu sais, ils sont très bien organisés, ils sont très bien... Ils se parlent régulièrement, les familles se parlent régulièrement, puis je pense qu'il n'y aura pas de problème à ce moment-là...

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.

M. Lafrenière : «Meegwetch», merci, «meegwetch».

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci beaucoup. Maintenant, je cède la parole au député de Jacques-Cartier. Vous disposez de 11 minutes.

M. Kelley : Merci beaucoup. Bonjour, grand chef, et bonjour, vice-chef. Merci pour votre présentation. C'est un petit peu dans le même sens... puis je pense que tout le monde ici veut s'assurer que les peuples autochtones du Québec ont vraiment de la confiance dans le processus qu'on veut mettre en place. Alors, ce n'est pas comme... vous avez mentionné un enquêteur spécial peut-être, mais peut-être est-ce que vous avez vraiment des «réservations» présentement que les pouvoirs qui sont donnés dans le projet de loi ne sont pas suffisants pour faire une vraie enquête sur les institutions qui pourraient avoir... comment je peux dire ça sans prêter des intentions, mais, peut-être, veut cacher l'information, ou ils ont déjà détruit certaines informations qui sont pertinentes pour rendre vraiment la vérité à plusieurs familles autochtones du Québec?

M. Awashish (Constant) : Bien, je peux faire un élément de réponse, là. Merci pour votre question. C'est sûr que, pour nous, là, il faut comprendre un peu le contexte historique des Premières Nations ici, au Canada, mais au Québec. Ça n'a pas toujours été une histoire qui... d'amour, hein? Ça n'a pas été toujours une histoire, tu sais, d'une grande collaboration ou d'un grand respect. Je pense, c'est normal pour nous, les Premières Nations, d'avoir une certaine méfiance, puis c'est un peu ce que je ressens, là, de la part des familles, de... tu sais, on veut bien laisser, tu sais, la chance aux coureurs, mais, je pense, d'un autre côté, tu sais, on veut bien s'assurer également que nos arrières sont bien protégés. Puis on demande seulement la collaboration de la commission en place, mais également la collaboration du ministre Lafrenière et de tout le ministère pour, justement, faire la lumière là-dessus.

Comme j'ai mentionné tantôt, ce n'est pas seulement bénéfique pour nous, ça va être bénéfique, je pense, pour la société en général. Si on veut avancer ensemble, guérir ensemble, je pense qu'il ne faut pas avoir peur de dire les vraies choses, mais il faut travailler dans ce sens-là tous ensemble, sinon ça va juste rempirer le sentiment d'injustice puis ça va juste rempirer le mal, là, que la relation a vécu pendant des années. Puis, je pense, tout le monde a le même but que moi, c'est de travailler dans un sens qui... dans le sens du positif, puis je ne pense pas pourquoi, là... je ne vois pas la raison pourquoi le gouvernement ne serait pas réceptif à ces demandes-là qui pourraient rassurer, justement, les familles directement sur le terrain. Je ne sais pas si Sipi aurait d'autres choses à rajouter, là.

M. Flamand (Sipi) : Tu as bien répondu.

M. Awashish (Constant) : «Meegwetch.»

• (17 heures) •

M. Kelley : Une autre question dans le même sens. Ce matin, j'ai posé la question à Mme Audette, qui a dit que c'était peut-être important de lancer une enquête ou une commission publique sur les enfants autochtones disparus au Québec. Est-ce que, selon vous, ce projet de loi répond à cette demande ou est-ce que quelque chose comme ça, c'est peut-être toujours nécessaire pour la province et pour les peuples autochtones du Québec?

M. Awashish (Constant) : Bien, c'est sûr que, tu sais, une commission d'enquête, ça peut amener beaucoup d'éléments de réponse, ça peut donner un certain pouvoir d'enquête à la commission qui pourrait être mise en place, mais, encore là, il faut la mettre en place ou il faut que les gens y adhèrent, il faut que les gens puissent accepter, là, de mettre en place cette commission-là. Il faut monter une équipe, il faut... Tu sais, ça peut prendre un certain temps. Je pense que les familles, eux, tu sais, ont besoin de réponse immédiatement, puis il y a une possibilité, là, de le faire, là, tu sais, à travers une collaboration pleine et entière, là, du gouvernement en place, actuel, et donc on mise beaucoup, là, à accélérer et, également, donner une efficacité, là, à ce projet de loi là. Et je pense qu'il y a une porte d'ouverte présentement, puis on est prêts, là, à utiliser cette approche-là pour les familles. Mais, tu sais, si les éléments ne sont pas tous rassemblés, tu sais, ça peut être envisagé également, là.

Mais, pour nous, le message que nous recevons des familles, c'est qu'elles veulent connaître la vérité, seulement la vérité et rien que la vérité, c'est seulement ça qu'elles veulent. Maintenant, le projet de loi peut donner les moyens d'aller chercher cette vérité-là. Il s'agit juste d'avoir une réelle volonté du gouvernement en place, puis je pense... aujourd'hui, je ressens une certaine sensibilité par rapport à ça, et en espérant que ça puisse se refléter dans le projet de loi qui sera officiel.

M. Kelley : Est-ce que...

M. Flamand (Sipi) : En ce sens, je pense que le projet de loi doit répondre également aux valeurs puis aux principes autochtones quant à... sur la recherche des enfants disparus, puis que le gouvernement agisse de façon responsable de ces enjeux-là, parce que les familles disent qu'elles n'ont jamais eu de communications suite au possible décès de ces enfants-là, puis aujourd'hui peut-être que ces enfants-là sont encore vivants, mais il faut aussi que les familles sachent où vivent ces personnes-là.

On connaît aussi une histoire de... des rafles des années 60, où beaucoup d'enfants ont été amenés, puis je crois que ma mère a été... presque été victime de cette réalité-là, parce qu'elle est allée dans un sanatorium, puis elle a été amenée dans une famille québécoise, puis sans informer les parents, mes grands-parents, cela dit. Donc, le gouvernement doit revoir, là-dessus, ses politiques aussi.

M. Kelley : Merci pour votre réponse. Une autre question, c'est plus pour le vice-chef, juste parce que j'ai vu, dans Le Devoir... après que l'ancien projet de loi a été déposé, bien, c'était mélangé avec un autre projet de loi, vous avez juste mentionné un petit peu le processus, particulièrement, avec les congrégations religieuses. Alors, encore, juste de dire : Est-ce que vous avez déjà pris des démarches avec l'église, dans votre communauté, pour essayer d'avoir plus d'information? Et est-ce qu'eux autres étaient fermés à ça? Alors, c'est juste de bien comprendre aussi les démarches que vous avez déjà prises et des barrières qui étaient vraiment mises en place, et je veux juste bien s'assurer que notre projet de loi enlève ces barrières-là pour vous.

M. Flamand (Sipi) : Par rapport à votre question, les congrégations religieuses, c'est très important qu'ils donnent accès aux informations parce que c'est eux qui avaient la gestion au niveau des centres hospitaliers à une certaine époque. Puis, oui, il y a une ouverture, mais au niveau local, je devrais dire, au niveau local, dans la communauté, l'église est ouverte à donner ces informations-là, mais qu'en est-il des congrégations religieuses à l'extérieur? Ça, il faut qu'on ait ces informations-là.

Puis je réitère aussi l'importance de créer aussi une ouverture avec les archives au niveau national puis au niveau du ministère des Affaires autochtones, au niveau fédéral, parce que, oui, il y a beaucoup d'information que Services aux autochtones Canada détient sur les disparitions. On en a vu avec l'histoire du rapt des années 60.

M. Kelley : Merci. Et une autre question, c'est pour le grand chef ou le vice-chef, mais on travaille sur un projet de loi ici, et le ministre a parlé rapidement de la sécurisation culturelle, mais je veux juste bien s'assurer que ce n'est pas le moment, maintenant, de traiter cet enjeu-là, de ne pas ajouter des amendements pour ajouter les clauses aux différentes lois québécoises pour mettre en place la sécurisation culturelle au Québec. Est-ce que vous préférez que c'est dans un projet de loi à part?

M. Awashish (Constant) : Bien, je pense qu'idéalement là... si on parle de relation, je pense que ça touche beaucoup la relation des Premières Nations, cette question-là. Je pense, réellement, si le gouvernement veut renouveler la relation avec les Premières Nations, ce serait à travers un projet de loi distinct. Et, pour nous, le projet de loi n° 79, c'est le projet de loi pour les familles touchées par les enfants enlevés, les enfants qui ont été volés et pour répondre, tu sais, à leurs besoins, tu sais, immédiats. Je pense que le projet de loi, il faut vraiment qu'il soit concentré sur les besoins des familles. Et actuellement les familles recherchent la vérité, recherchent également toute l'information. Il faut les aider à trouver ces informations-là, il faut les aider à être efficaces dans leurs recherches également, il faut les aider à avoir une meilleure compréhension, également, de l'information qui sera retrouvée, mieux les diriger, les accompagner à travers leur processus, mais également, là, de s'assurer qu'il y a un filet de sécurité, à travers, là, une aide, là, qui pourrait être de nature psychosociale, là, pour s'assurer que... Tu sais, ces gens-là vont... risquent de réouvrir des vieilles plaies qui ont presque guéri mais qui sont toujours présentes.

Pour moi... Peut-être Sipi a une opinion qui pourrait être différente, mais, pour moi, je pense, le projet de loi n° 79 doit vraiment se concentrer sur ce que les familles ont besoin, là, dans l'immédiat, là, tu sais? Il y a des familles... Les gens, je pense... Puis chacun d'entre nous, ici, là, chacun des membres de la commission, on prend de l'âge, mais les familles également, puis les gens veulent connaître la vérité, hein? C'est ce qui est important pour eux.

La Présidente (Mme D'Amours) : M. Flamand, vouliez-vous rajouter quelque chose? Il vous reste une minute.

M. Flamand (Sipi) : Oui. C'est important que... Comme je l'ai dit plus tôt, c'est important d'écouter les aidants naturels dans les communautés. C'est aussi dans cet aspect-là qu'on va pouvoir guérir ensemble dans nos communautés, dans les familles, dans les proches de ces personnes qui... des enfants qui ont été portés disparus. Puis je pense qu'au niveau de la sécurisation culturelle c'est... il faut vraiment travailler dans ce sens-là pour les familles également. Mais, on le sait, le concept «sécurisation culturelle», c'est assez large mais en même temps précis au niveau de la santé, donc on parle, ici, de pratiques psychosociales pour les familles. Donc, c'est important qu'ils soient accompagnés avec... les personnes qui désirent être accompagnées. Je parle, ici, des chefs spirituels, des psychologues, des intervenants qui connaissent bien les valeurs autochtones, comment aider les autochtones dans leur processus de guérison.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Je cède maintenant la parole à la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques. Vous disposez de 2 min 45 s.

Mme Massé : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, grand chef. Bonjour, vice-chef. Heureuse de vous voir là aujourd'hui. Alors, écoutez, allons directement droit au but. Vous avez fait état que ce que les gens, les familles veulent, c'est la vérité, toute l'information, donc qu'il ne soit pas question exclusivement des circonstances, mais des causes aussi qui ont mené à ça. J'aimerais que vous me précisiez si j'ai bien compris.

Et l'autre élément, parce que le temps va nous filer, c'est... M. Flamand, vous avez fait état de... il faut revoir comment on donne l'information aux gens, puisque, des fois — ça peut être l'état civil ou peu importe — ça peut être, bien, inadéquat. Alors donc, comment, lorsque l'information, et toute l'information, est trouvée, comment ça doit descendre auprès des personnes endeuillées, puisque ce qu'on veut, c'est leur permettre de faire leur processus de deuil? Alors, ce seraient mes deux éléments.

• (17 h 10) •

M. Awashish (Constant) : Bien, juste pour votre première question, là, sur la cause et les circonstances, je pense que ça va de soi. Tu sais, s'ils veulent connaître la vérité, comment que tout... qu'est-ce qui entoure l'événement qui aurait pu se produire avec leur enfant, je pense que c'est important de connaître les causes puis les circonstances ou la situation qui pourrait affliger une famille en particulier.

Pour la deuxième question, comme je vous mentionnais tantôt, il y a le regroupement Awacak qui existe, qui va exister, également, officiellement sous peu. Je pense que cette organisation-là va jouer un rôle, là, tu sais, important, là, pour descendre l'information auprès des familles. Mais il n'en reste pas moins que le Conseil de la nation atikamekw, tu sais, va être disponible, là, on va dire qu'on est présents pour ces familles-là, puis on va pouvoir les aider, les soutenir dans leurs besoins, et, également, on va soutenir également l'organisation Awacak, là, dans leurs démarches.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Donc, maintenant, je cède la parole au député de René-Lévesque. Vous disposez de 2 min 45 s.

M. Ouellet : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Donc, à mon tour de vous saluer, M. le chef, M. le vice-chef. Tout le long de la journée, plusieurs groupes nous parlent, effectivement, de cette non-nécessité d'avoir un délai de prescription, donc un cinq ans. Le ministre nous parle qu'on est obligés, quand même, parce qu'on contourne des lois, de mettre une date. Je vous entendais tout à l'heure, vous nous dites, peut-être, de faire sauter ça. Mais il existe peut-être une solution mitoyenne, parce que... même si le projet de loi dit : c'est cinq ans, puis, après ça, à chaque année, on pourrait le renouveler. Est-ce que vous ne voyez pas peut-être l'opportunité de mettre un délai déjà plus grand en commençant, justement, pour permettre aux communautés d'avoir le temps ou de prendre le temps de s'approprier cette nouvelle pièce législative et de faire les démarches?

M. Awashish (Constant) : ...Mme la Présidente, je peux répondre? Merci. Bien, simplement pour répondre à votre question, c'est sûr que ce serait apprécié, là. Je le sais, qu'il y a peut-être des intrants qu'il faut réfléchir, mais, pour nous, là, cinq ans, là, on croit que les familles sont... plutôt, croient que c'est très restreint. Ça donne... Tu sais, ça va se faire à la hâte, ça va se faire... Il risque d'y avoir des erreurs dans les recherches, il risque d'y avoir des erreurs dans le processus. Tu sais, au moins, tu sais, de... s'il faut absolument avoir un délai par la loi, au moins, le doubler ou tripler ce délai-là, qui... pour, au moins, permettre, là, à ces familles-là d'avoir un sentiment de pouvoir mieux respirer. Je pense que ce serait déjà une forme de respect envers ces familles-là.

M. Ouellet : En terminant, bien rapidement, pour aller au fond des choses, le gouvernement va mettre des moyens, il y aura des ressources qui vont accompagner les communautés, mais je comprends bien aussi que vous aimeriez avoir des ressources financières pour que vos propres ressources, les gens qui font déjà les démarches pour les membres des communautés puissent, effectivement, avoir les moyens d'y parvenir. C'est bien ça?

M. Awashish (Constant) : Bien, c'est sûr que, pour eux, les recherches qui ont été faites, ça a tout le temps été fait, là, par leurs propres moyens. Si, tu sais, le gouvernement est impliqué dans le processus, je pense que c'est la moindre des choses, là, de pouvoir faciliter, là, cette recherche-là, mais également, là, de pouvoir permettre l'efficacité, là, dans l'avancement de ces recherches-là. Je pense, certains moyens, là, pourraient, justement, combler un certain fossé, là, qui peut exister quand vient le temps, là, de vraiment mettre tous les efforts, là, dans la recherche.

M. Ouellet : Merci.

La Présidente (Mme D'Amours) : Alors, merci infiniment à M. Constant Awashish, grand chef, et à Sipi Flamand, vice-chef de la communauté de Manawan. Permettez-moi aussi de remercier l'équipe technique pour la solution, là, d'interprétation simultanée, c'était une première. Donc, ils ont travaillé très, très fort, et, bien, je voulais les remercier.

Donc, la commission ajourne ses travaux jusqu'à jeudi 1er avril, après les affaires courantes, où elle poursuivra son mandat. Merci.

(Fin de la séance à 17 h 14)

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