(Onze
heures trente-trois minutes)
La
Présidente (Mme Chassé) :
Ayant constaté le quorum, je déclare
la séance de la Commission des relations avec les citoyens ouverte. Je vous souhaite la bienvenue et je demande à
toutes les personnes dans la salle de bien fermer leurs appareils
électroniques.
La
commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les
auditions publiques sur le projet de loi n° 9, la Loi visant à accroître
la prospérité socio-économique du Québec et à répondre adéquatement aux besoins
du marché du travail par une intégration réussie des personnes
immigrantes.
Mme la
secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La
Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. Mme Lachance
(Bellechasse) est remplacée par M. Thouin (Rousseau); Mme Lecours (Les Plaines), par
Mme Picard (Soulanges); M. Lévesque (Chauveau), par M. Provençal
(Beauce-Nord); M. Birnbaum
(D'Arcy-McGee), par M. Derraji (Nelligan); Mme Maccarone (Westmount—Saint-Louis), par M. Kelley
(Jacques-Cartier); Mme Sauvé (Fabre), par Mme Anglade (Saint-Henri—Sainte-Anne);
M. LeBel (Rimouski), par Mme Fournier (Marie-Victorin); et
Mme Dorion (Taschereau), par M. Fontecilla (Laurier-Dorion).
Auditions (suite)
La
Présidente (Mme Chassé) : Merci. Ce matin, nous débuterons les
auditions par l'organisme Manufacturiers et exportateurs du Québec, puis
par Me Stéphane Handfield.
Je
comprends qu'il y a eu un consentement qui a été donné en Chambre pour
poursuivre nos travaux au-delà de l'heure prévue, donc vers
13 h 30. Non... c'est ça. Oui, exactement.
Document déposé
Et aussi il y a un
document à déposer. Donc, je dépose un document transmis par la Fédération
québécoise des municipalités. Ce document sera accessible à tous, ici, sur
notre site Web.
Je
souhaite donc la bienvenue aux représentants des Manufacturiers et
exportateurs du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé et que nous
procéderons par la suite à la période d'échange avec les membres de la
commission. À une minute de la fin, je vous ferai un signe. Je vous invite donc
à vous présenter puis à débuter.
Manufacturiers et exportateurs
du Québec (MEQ)
Mme Proulx (Véronique) : Excellent. Alors, bonjour à tous. Mon nom est
Véronique Proulx. Je suis présidente-directrice générale des Manufacturiers et exportateurs du Québec.
Je suis accompagnée de ma collègue Isabelle Limoges, directrice, Affaires
publiques, affaires gouvernementales.
Merci
aux membres de la commission de nous entendre aujourd'hui. On vous a tous
remis le mémoire version papier. Il a
été acheminé il y a quelques instants également à la commission
par courriel. Alors, merci de nous donner cette opportunité aujourd'hui.
Manufacturiers et exportateurs du Québec, on est l'une des quatre grandes associations patronales. On représente 1 100 entreprises
manufacturières à travers le Québec,
des entreprises de toutes tailles, de tous secteurs d'activité, vraiment
à l'image du tissu industriel québécois. Dans un premier temps, on voulait vous
entretenir sur les besoins en termes de main-d'oeuvre
dans le secteur manufacturier, plus particulièrement sur les impacts de la
pénurie de main-d'oeuvre sur le secteur.
Alors,
dans le secteur manufacturier québécois, au troisième trimestre de 2018, il y
avait 18 000 postes vacants. Sur ces 18 000 postes
vacants, 60 % des postes requéraient un niveau secondaire et moindre, donc
des postes peu ou pas spécialisés, 40 %
d'entre eux exigeaient un D.E.P., un D.E.C. ou un diplôme universitaire. Alors,
connaissant le niveau de productivité du manufacturier québécois,
connaissant le faible niveau d'intégration de nouvelles technologies, ce n'est pas étonnant de voir cette proportion-là. Donc,
les entreprises n'ont pas encore pris le virage technologique. Ils ont besoin encore de gens qui ont peu ou pas de
spécialisation. À terme, dans quelques années, on espère que cette tangente
pourra changer.
Présentement,
la pénurie de main-d'oeuvre a un impact très important et concret sur le
secteur manufacturier, et vous en
entendez parler régulièrement aussi. On voit des entreprises qui refusent des
contrats, qui ne peuvent pas se permettre de prendre de nouveaux contrats à l'international. Et même, récemment,
on voyait, à l'émission 24/60, Radio-Canada, Rotobec qui a choisi d'investir aux États-Unis plutôt
qu'au Québec, faute d'avoir la main-d'oeuvre nécessaire. Donc, on est en train
de... on nuit à la compétitivité du secteur et, en plus, on est en train de se
priver de certains projets d'investissement.
Alors, pour
nous, le lien entre la pénurie de main-d'oeuvre et l'immigration est très
simple. L'immigration, pour nous, est
vraiment la voie privilégiée pour pouvoir pallier à la pénurie de main-d'oeuvre
à court, moyen et long terme. Et là, sachant que c'est la
dernière journée de la commission, sachant aussi qu'on a perdu accès à nos
serveurs depuis deux semaines, on est
vraiment allés à l'essentiel, dans le mémoire, sur nos principales
recommandations qui peuvent être pertinentes dans le cadre du projet de
loi. Alors, je vais y aller avec les cinq recommandations en question.
La première
recommandation, c'est de mieux sélectionner nos travailleurs afin de faire un
meilleur arrimage entre les besoins du marché du travail et les
immigrants que l'on fait venir.
Alors, cette
recommandation comporte deux volets. La première, mettre en place le SDI le
plus rapidement possible. On apprécie beaucoup l'effort qui est fait pour mieux
arrimer les besoins du marché du travail avec l'immigration. On comprend que ça ne sera pas parfait, mais au moins
on y tend. Ce qui est important pour nous, par contre, c'est que... Le SDI est en place depuis le mois d'août. Il n'est
pas encore... bien, il est en place, mais il n'est pas en opération, et on
souhaite que ça puisse se faire le plus rapidement possible parce qu'il y a
urgence d'agir. Donc, on ne voudrait pas dire à nos membres : Bonjour, vous allez devoir attendre encore un an,
deux ans avant qu'on puisse commencer à faire venir des gens qui répondent
à vos besoins. Donc, pour nous, c'était essentiel de le souligner à ce
stade-ci.
Deuxième
volet de cette recommandation, le niveau de français exigé. Je vais vous amener
un peu plus tard à l'annexe où on a
recensé dans les dernières semaines des cas d'entreprises manufacturières qui
présentement utilisent le PTET pour faire
venir des soudeurs. Alors, plusieurs de ces soudeurs viennent d'Amérique
latine. On comprend que ces soudeurs-là n'auraient pas pu passer par
l'immigration permanente pour entrer au Québec parce qu'ils n'ont pas le
niveau 7 exigé. Ces gens-là sont en route
vers le Québec ou sont arrivés, et tous leurs employeurs leur ont dit : On
veut qu'éventuellement tu déposes une
demande à l'immigration permanente. Alors, on peut s'attendre qu'au terme de
leur visa, dans deux ans, trois ans, tout dépendant, ils vont parler le
français, mais ils n'auront certainement pas un niveau 7 qui est exigé.
Donc, ce
qu'on demandait ici, ce qu'on recommande, c'est soit de réduire le niveau, de
permettre aux candidats une plus
longue période pour pouvoir atteindre le niveau souhaité ou de revoir la grille
de pointage en conséquence. Si on se limite
à la francophonie pour l'immigration permanente, on va vraiment priver le
secteur manufacturier d'une main-d'oeuvre dont il a besoin et ce sera avec... à terme, la main-d'oeuvre dont ils
auront besoin, ce seront des gens qui ont des compétences techniques, qui auront une grande polyvalence puis
une grande capacité d'apprendre tout au long de leur carrière. Changements technologiques
obligent, les gens vont devoir s'adapter tout comme les employeurs.
• (11 h 40) •
Deuxième recommandation, accélérer les délais de
traitement et augmenter les seuils.
Alors, je
l'ai mentionné, il y a une urgence d'agir dans le secteur. Les délais actuels
et les seuils d'immigration font en sorte
que les employeurs, encore une fois, vont devoir attendre quelques années avant
d'avoir accès à la main-d'oeuvre dont ils
ont besoin. Il est évident que le programme des travailleurs temporaires
étrangers est une alternative qui peut répondre à des besoins à court
terme, et, bien sûr, le PTET devrait être modifié pour répondre aux besoins du
marché du travail.
Je pourrai y
revenir dans nos recommandations, mais il n'en demeure pas moins que, si les
employeurs souhaitent que ces travailleurs puissent faire une demande
d'immigration permanente, je pense aux soudeurs
latino-américains entre autres,
les délais actuels, les seuils et le niveau de francisation demeurent des
barrières importantes pour le secteur manufacturier.
Recommandation n° 3,
favoriser la régionalisation durable des immigrants.
Alors, pour
nous, ça, c'est vraiment essentiel. La grande partie de nos membres qui
sont touchés par la pénurie de main-d'oeuvre sont en région et ils rencontrent plusieurs
défis lorsque vient le temps d'attirer et de retenir les immigrants
en région.
Alors, ici,
on a trois volets. Un, s'assurer d'un
déploiement régional du MIDI adéquat. On comprend que le MIDI va maintenant accompagner les entreprises. C'est
excellent. Les employeurs et les manufacturiers ne sont pas des spécialistes
du recrutement international, de
l'intégration des immigrants. Il faut s'assurer d'être très proactif dans le
déploiement des ressources auprès de ces entreprises-là.
Deuxièmement,
arrimer le déploiement et l'accompagnement du parcours du travailleur avec
celui des entreprises. Donc, on
comprend que, sur le terrain, il y a le MIDI qui accompagnera éventuellement
les travailleurs, dans un plan d'action personnalisé et les employeurs, des ressources différentes. Il y a aussi
le MTESS qui est présent sur le terrain, qui accompagne les deux. Donc, on va devoir s'assurer d'avoir une
coordination efficace pour s'assurer qu'autant le travailleur que l'employeur
puissent être bien accompagnés et aient
accès à toutes les ressources dont il a besoin pour réussir l'intégration en
région.
Troisièmement,
supporter les municipalités dans leurs enjeux d'accueil de nouveaux arrivants.
Ce que nos membres nous disent, puis
je donne un exemple concret, j'ai une entreprise qui est à Knowlton, plus ou
moins 100 postes non spécialisés à
combler : Il n'y a pas d'hébergement abordable, il n'y a pas de transport
collectif, très difficile d'amener des travailleurs dans la région et de
les garder dans la région. Ils ont la volonté de le faire. Ils se retournent
vers la municipalité, et la municipalité n'a
pas les ressources, l'argent. Donc, on soulève le point. Ça mérite vraiment
d'être creusé pour voir comment on peut accompagner les municipalités et
les entreprises en région face à ces défis-là.
Quatrième recommandation, clarifier les attentes
et les obligations des employeurs dans l'intégration.
Alors, on
voit, dans le projet de loi, qu'on ouvre la porte à possiblement donner plus de
responsabilités ou d'obligations aux employeurs dans un contexte
d'intégration des immigrants. Alors, les manufacturiers comprennent très bien
que l'intégration des immigrants, c'est une responsabilité partagée. Ils sont
prêts à faire la leur. Ceci étant dit, si on pense éventuellement ajouter des responsabilités au niveau de la francisation
ou autres, il faut aussi tenir compte des charges qu'ont actuellement
les entreprises.
Alors, je m'explique.
Les entreprises manufacturières sont des entreprises qui exportent, qui font
face à une concurrence internationale
très accrue. Et elles n'ont pas toujours accès aux mêmes conditions, au même
environnement d'affaires que leurs
concurrents. Alors, la francisation, c'est une chose, mais, quand on regarde le
cumul de toutes les mesures ou politiques que le gouvernement peut ou a
déjà en place, cela fait en sorte que ça nuit. Nos entreprises sont moins compétitives,
essentiellement, que leurs concurrents sur les marchés internationaux. Donc, on
demande au gouvernement de garder ça
à l'esprit lorsque viendra le temps d'évaluer quelles seront les obligations
des employeurs et vraiment d'avoir une vue 360 sur le secteur
manufacturier et sur sa compétitivité.
Et
finalement, et non la moindre, la recommandation n° 5,
c'est de traiter en priorité les demandes pour lesquelles les immigrants sont déjà en emploi au Québec. Il y
a beaucoup de choses qui changent dans ce dossier-là présentement, mais néanmoins, pour nous, il était essentiel de
mentionner que les gens qui sont déjà en emploi au Québec, qui parlent
français, devraient avoir un traitement accéléré. Dans un contexte de pénurie de main-d'oeuvre, ça va de soi qu'on veut garder ces
gens-là. Du moins, les employeurs souhaitent les garder.
Alors, en
conclusion, on est favorables, dans les grandes lignes, au projet de loi, mais,
encore une fois, on veut s'assurer que
le projet permette de bien cibler les travailleurs étrangers, d'adapter,
assouplir et accélérer le processus administratif, accélérer les délais
de traitement et favoriser la régionalisation de l'immigration.
Alors,
sachant qu'il me reste 1 min 45 s, je vous amènerais quand même
à l'annexe à la page 7. Je ne passerai pas au travers avec vous,
mais je voulais quand même vous le souligner, ce sont les cas d'entreprises...
La Présidente (Mme Chassé) :
C'est plutôt 1 min 15 s.
Mme Proulx
(Véronique) : 1 min 15 s?
La Présidente (Mme Chassé) :
Oui.
Mme Proulx (Véronique) :
...les cas d'entreprises qu'on a sondées récemment. Vous allez voir que toutes
les entreprises sondées, puis on ne les a
pas nommées, mais on a quand même certains critères, utilisent présentement le
PTET. Pourquoi? Parce que l'immigration économique ne permettait pas de
répondre aux besoins de manufacturiers dans les plus hauts postes spécialisés, c'est tout à fait
normal, alors qu'ils se retournaient vers le PTET ou autres mesures pour pouvoir
y répondre. Et, pour la plupart de ces
entreprises-là qui font venir ou qui sont en voie de faire venir des
travailleurs, ils souhaitent tous que
ces gens-là puissent rester. Mais, encore une fois, ce ne sont pas des gens,
nécessairement, qui sont issus de la francophonie.
Et vous allez voir aussi, dans les souhaits, certaines demandes d'amélioration
au niveau du PTET. Ce n'est pas
nécessairement le sujet aujourd'hui, mais il me fera plaisir d'y revenir avec
vous éventuellement. Alors, merci beaucoup pour votre attention.
La
Présidente (Mme Chassé) : Merci. Merci beaucoup. Je vous remercie
pour votre exposé. Nous allons maintenant débuter la période d'échange.
M. le ministre, la parole est à vous.
M. Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, mesdames. Merci
d'être présentes aujourd'hui en commission parlementaire pour nous
renseigner sur votre opinion du projet de loi n° 9.
Donc, globalement, vous êtes en faveur du projet
de loi n° 9. Vous avez certaines inquiétudes, et je les ai bien entendues, relativement, là... pour les exportateurs,
pour les manufacturiers, il y a une
question de dire : Les gens qui sont en emploi au Québec déjà, on voudrait qu'ils soient traités prioritairement. Ça, je l'ai dit dès le dépôt du projet de loi, je peux
vous rassurer là-dessus, j'ai déposé une motion aujourd'hui à l'Assemblée
nationale pour faire en sorte que, dès l'adoption du projet de loi, ces gens-là
vont être traités prioritairement dans Arrima.
D'ici là, et
je l'ai toujours répété, j'invite, pour les gens qui sont
admissibles, à déposer leurs demandes dans le PEQ. Ça ne s'applique pas à tout le monde à cause des critères, parler français et avoir occupé un emploi
12 mois au cours des 24 derniers mois, mais, pour ceux qui sont
admissibles, bien, eux, ils peuvent avoir une voie rapide présentement. Et il y en a qui avaient appliqué dans le PRTQ à l'époque puis qui n'étaient
pas encore admissibles au PEQ. Et ça, il faut le dire puis il faut le dire aussi à vos membres, aux
différents manufacturiers, aux exportateurs, que ça se peut qu'il y ait des
gens qui travaillent pour eux puis qui pourraient déjà avoir leurs CSQ rapidement.
Premier volet.
Deuxième
volet, on est conscients que les gens qui sont au Québec,
qui occupent un emploi, ils contribuent à la société québécoise, puis
c'est pour ça qu'on va les traiter prioritairement dans Arrima dès la sanction
du projet de loi. Ça fait que là-dessus, je peux vous rassurer.
L'autre élément, tout à l'heure vous avez
dit : On ne veut pas uniquement se limiter à la francophonie. Je suis d'accord avec vous là-dessus aussi, puis c'est
pour ça qu'on veut faire en sorte d'arrimer les besoins du marché du travail
au profil des compétences. Puis, nous, notre travail, au gouvernement du
Québec, puis avec ce qu'on met dans le projet de
loi n° 9, c'est qu'on se donne les outils, justement, avec le parcours
personnalisé, pour faire de l'accompagnement en francisation, en
intégration. Parce que nous, on ne veut pas se priver, là, des talents qu'il y
a dans le monde entier. On veut donner la
même chance à tous de venir au Québec, de venir travailler, puis on prend sur
nous de déployer des ressources pour
intégrer les gens. Et d'ailleurs, même pour les temporaires, là, présentement,
avec le projet de loi n° 9, on va pouvoir leur donner des services,
ce qu'on ne pouvait pas faire auparavant.
Ça m'amène à une question sur la
régionalisation. Avez-vous des propositions sur la régionalisation? Comment
est-ce qu'on fait, là? Moi, j'avais dans la tête d'inviter notamment les gens
qui ont une offre d'emploi validée en région prioritairement, mais est-ce que
vous voyez d'autres avenues pour assurer le fait que les personnes qui
s'établissent en région y demeurent, sont conservées? Avez-vous des idées, une
stratégie pour nous?
Mme
Proulx (Véronique) : Bien,
l'offre d'emploi validée, certainement. Je pense aussi que, lorsqu'on parle de
parcours personnalisé, je comprends que le parcours pourrait débuter avant même
que les gens arrivent. Donc, je pense qu'il y a un travail là à faire, s'ils n'ont pas
eu d'offre d'emploi validée, pour leur faire part de ce qui existe en région
comme opportunités au niveau du marché du travail.
Maintenant,
quand vient le temps de l'intégration, il y a quelques modèles qui ont réussi
au Québec. Et je pense, entre autres,
à Exceldor à Saint-Anselme, qui avait réussi à faire venir, si je ne me trompe
pas, 200 travailleurs qui étaient issus
de l'immigration, qui étaient basés à Montréal. Certains parlaient français,
d'autres non. Ils ont réussi à les intégrer de façon durable dans la région avec leurs familles. Ils ont travaillé
avec les commissions scolaires, la municipalité, les syndicats. Tout le monde a été impliqué pour
s'assurer que l'intégration, sur toutes ces facettes, de l'immigrant puisse être
faite. Je ne peux pas dire que c'est
parfait, mais ça a été un beau succès, et les gens sont restés avec le temps.
Aujourd'hui, on se promène à
Saint-Anselme, on va à l'épicerie, on trouve des produits de différentes
origines. C'est un exemple simple, mais ça parle quand même de soi. Mais
c'est très inégal d'une région à l'autre.
Alors, ça va
prendre un leadership. Ça peut être soit via les MRC, ça peut être soit via les
CRPMT, avec la Commission des partenaires du marché du travail. Il faut
réunir les acteurs pour que chaque région se dote d'un plan d'action pour l'intégration, parce que, présentement, les
entreprises sont vraiment laissées à elles-mêmes, ne savent pas vers quelle
porte se retourner.
M.
Jolin-Barrette : O.K.
Là-dessus, le ministère de l'Immigration a une responsabilité, puis on veut
renforcir le réseau justement pour être présents dans les différentes régions
puis faire en sorte d'avoir un accompagnement à la fois pour la personne
immigrante, mais à la fois aussi pour les acteurs de la société civile, les
employeurs, les MRC, tout ça. Hier, la FQM est venue nous proposer de...
dire : Bien, vous devriez faire peut-être une dévolution de pouvoirs vers
les MRC. C'est quelque chose qui est intéressant. Vous, qu'est-ce que
vous en pensez?
Mme Proulx (Véronique) :
Si on le fait, il faut avoir des obligations, il faut avoir des attentes de
livrables très précises, parce que c'est
très inégal d'une région à l'autre, et c'est ce qu'on voudrait éviter, que,
dans certaines régions... puis on le
voit déjà, que certaines entreprises sont bien accompagnées, et, dans d'autres,
elles sont laissées à elles-mêmes.
M. Jolin-Barrette : Ça fait que ça
prend un plan de match concret puis une standardisation, si je peux dire.
Mme
Proulx (Véronique) :
Absolument, avec des livrables et des attentes très précises pour s'assurer...
Parce que ça prend un leadership. Donc, ça peut être la FQM, ça peut être un
autre partenaire. Puis je comprends que les ressources du MIDI vont y
contribuer, mais ça prend un leadership très fort. Sinon, les projets ne vont
pas avancer.
• (11 h 50) •
M.
Jolin-Barrette : Puis, pour
moi, c'est très clair, puis c'est pour ça qu'on met le rôle de coordination,
dans le projet de loi n° 9, pour le ministère de l'Immigration,
parce que je ne veux plus que ça se passe comme avant, du fait qu'Éducation faisait son bout, Santé faisait son
bout, Emploi et Solidarité sociale aussi faisait son bout, puis Immigration
aussi, puis, bon, il y avait de la collaboration entre les différents
ministères, mais il n'y avait pas de
coordination, il n'y avait comme personne d'imputable au gouvernement du
Québec.
Ça,
c'est ce qu'on change prioritairement, puis la porte d'entrée, ça va
être le ministère de l'Immigration, relativement
à toutes les questions, justement,
de personnes immigrantes, en lien avec francisation, intégration. Emploi, on
travaille de concert avec mon collègue de l'Emploi, ce sont eux qui sont les
spécialistes là-dedans. Mais présentement il y a déjà des gens
qui sont dans les locaux de Services Québec, mais nous, on souhaite en faire plus, puis c'est
pour ça qu'on met le rôle de coordination dans le projet de loi.
Ça fait qu'on progresse. On est conscients que
le ministère de l'Immigration doit retrouver sa place, doit aussi étendre ses
services, mais surtout on veut répondre au rapport de la Vérificatrice générale
de 2017 pour dire : Il n'y a pas de
suivi, il n'y a pas de traçabilité. Alors, on est là-dessus présentement. C'est un des objectifs du projet
de loi n° 9.
Sur la
question de la disposition sur les règlements pour les employeurs, tout à l'heure vous avez dit : On est inquiets, on ne veut pas que ça soit
un fardeau supplémentaire. Je vous entends très bien. On n'a pas l'intention
d'imposer des règlements sans consulter les employeurs, sans prendre en
compte votre point de vue, tout ça. C'est une habilitation législative.
Vous l'avez dit tantôt, tout le monde doit participer. Il faut voir comment est-ce
qu'on peut mettre tout le monde, les employeurs,
les manufacturiers, les personnes immigrantes. Mais l'objectif, là, ce n'est
pas de vous imposer des choses d'une façon
unilatérale, là, je veux être très clair là-dessus. Je suis vraiment en mode
écoute, en mode collaboration. Puis quelle forme ça va prendre, ça pourrait
être de la facilitation au niveau des cours de francisation, des choses comme
ça. Mais je suis conscient que, et la
FCEI est venue nous le dire, il y a beaucoup de PME au Québec, ce n'est
pas des gros employeurs. Je suis conscient de cette flexibilité-là qu'il
doit y avoir aussi.
Mme
Proulx (Véronique) :
Peut-être un point sur la francisation. Ce qu'on voit présentement, on voit que
c'est difficile de le faire. Souvent,
les employeurs nous disent : Bien, on n'a pas des groupes suffisamment
importants pour partir un groupe de
formation en entreprise, les employés n'ont pas nécessairement de voiture pour
se rendre à la formation le soir ou les fins de semaine. Ce n'est pas
adapté. Peut-être penser à de la formation en ligne, regarder les plateformes technologiques, de changer la façon de faire la
francisation, un, pour que ça soit plus accessible et, deux, pour que ça soit
plus arrimé sur le travail qui est fait, donc que le travailleur lui-même soit
plus intéressé à progresser en ce sens.
M.
Jolin-Barrette : Je voyais
dans votre mémoire, là, vous avez 18 000 postes vacants dans le
manufacturier puis, de cela,
60 % requièrent un niveau secondaire V ou moins, puis 40 %
exigent un D.E.P., ou un D.E.C., ou plus. Puis là, actuellement, vos
membres ne trouvent pas de main-d'oeuvre.
Mme Proulx
(Véronique) : Non, exact. Il
y a le PTET qui est de plus en plus utilisé, mais avec ses limites, avec
ses contraintes. Alors, par exemple, j'ai
une entreprise qui a un produit saisonnier, une grande entreprise qui est basée
à Laval, elle exporte à 90 %. Le temps que ses... Elle vend à des grands
détaillants. Quand les grands détaillants lui passent ses commandes, il lui reste peut-être un quatre
mois pour être capable de livrer, de préparer sa livraison. Le temps qu'elle
fasse venir des travailleurs via le PTET,
c'est six mois, 10 mois, 12 mois. L'année dernière, elle n'a pas pu
livrer à temps. Cette année, elle a perdu des commandes, faute d'avoir
eu accès à la main-d'oeuvre nécessaire.
M. Jolin-Barrette : Ça, c'est le permis temporaire fédéral, mais moi... Ça, c'est un
dossier... On va en parler tout de suite après, mais, sur la question du
projet de loi, c'est pour les permanents. Puis, entre autres, pourquoi est-ce
qu'on rembourse les
18 000 dossiers, c'est justement pour répondre aux besoins des
employeurs en lien avec leurs besoins de main-d'oeuvre, parce que ce
qu'on veut faire, là, c'est vraiment s'assurer que, les besoins exprimés par
les différentes régions, par les villes, par
vos membres, les gens qu'on va aller chercher pour venir au Québec
correspondent à ce profil-là. Parce
que ce n'était pas respectueux, là, dans le passé, là, de dire : Bien, on
vous fait venir au Québec, le type d'emploi qu'on a ne correspondent pas
au profil.
Alors,
c'est ça qu'on change dans le système, puis on fait vraiment en sorte de
dire : Bien, il faut qu'il y ait un maillage entre les deux, puis
on s'assure que le degré de formation corresponde aussi, parce que c'est sûr
que, si vous avez une maîtrise ou un
doctorat, puis vous scorez dans la grille de sélection du Québec, puis que, là,
les emplois qu'il y a à offrir, supposons,
c'est un niveau de secondaire V ou moins, ça se peut que la personne
immigrante, elle soit déçue puis elle se dise : Ce n'est pas ça qu'on m'avait dit, là, à l'étranger. Quand
j'ai choisi le Québec, là, ce n'était pas à ça que je m'attendais, là.
Ça fait que c'est ça qu'on change, principalement.
Sur
la question du PTET, présentement, on est en négociation avec le gouvernement
fédéral. Dans les points que vous soulevez, la hausse du plafond de 10 %,
le fait d'avoir plus de flexibilité sur l'étude d'impact puis les visas prolongés
de 12 à 24 mois, on est entièrement au
même endroit. Il faut que le gouvernement fédéral bouge là-dessus, parce que
c'est vraiment criant, là, pour la réalité de vos membres.
Mme Proulx (Véronique) : Tout à fait. Absolument. C'est clair que le PTET permet de répondre à un besoin à court terme, un, dans un contexte de pénurie de main-d'oeuvre, deux, pour des entreprises qui ont des produits
saisonniers ou qui ont de grandes
commandes, de grands contrats. Par exemple, ils ont besoin de 100 employés
additionnels pour une période d'un
an. Dans un contexte de pénurie
de main-d'oeuvre, personne ne va
prendre un contrat d'un an. Ils veulent des emplois permanents, et c'est
normal. Alors, la main-d'oeuvre temporaire peut venir répondre à ces
besoins-là.
M. Jolin-Barrette : Puis comment vous voyez ça... Si les gens viennent,
dans un premier temps, supposons, sur le
PTET, puis nous, comme gouvernement québécois, on dit : Bien, ils
répondent à un besoin de main-d'oeuvre, on leur donne des ressources pour se franciser, s'intégrer, et tout ça, pour les
amener vers la permanentisation, pensez-vous que c'est une bonne idée?
Mme Proulx (Véronique) : Tout à fait, exactement, puis c'est ce que nos
membres nous ont dit, ceux qui font venir notamment des travailleurs en
provenance d'Amérique latine. Ils ont déjà dit aux travailleurs qui
arrivent : On aimerait éventuellement que vous appliquiez pour la
résidence permanente. Donc, pour nous, ça, ça fait plein de sens.
M. Jolin-Barrette : O.K. J'ai quelques collègues qui veulent poser des questions.
Je vous remercie grandement
pour votre mémoire, puis sachez que je
suis très sensible à la réalité des
manufacturiers et des exportateurs au niveau de la prévisibilité, au niveau aussi du fait des gens
qui sont sur le territoire québécois. C'est pour ça que je veux inviter
prioritairement les gens qui sont en
emploi dans le système Arrima, pour m'assurer que ça répond aux besoins du
marché du travail. Donc, vous pouvez rassurer vos membres à ce
niveau-là.
La
Présidente (Mme Chassé) : Merci, M. le ministre. Qui veut
intervenir dans le groupe parlementaire formant le gouvernement? Le
député de Mégantic? Merci. Je vous invite à prendre la parole.
M. Jacques :
Merci, Mme la Présidente. Dans un communiqué de presse daté du 7 février,
vous avez dit que vous étiez en
faveur du projet de loi n° 9. Pouvez-vous m'expliquer un peu, là, les
points que vous aimez le plus dans ce projet de loi et un peu... bien,
«un peu»... Pourquoi vous êtes en faveur, en fait?
Mme Proulx (Véronique) : Bien, en fait, ça permet d'établir un cadre qui
va permettre de mieux arrimer les besoins du marché du travail avec les
travailleurs, notamment via le SDI qui va se mettre en place. L'aspect du
parcours immigrant, pour nous, était
important. Pour moi, l'accompagnement, que ce soit de l'entreprise ou du
travailleur, c'est essentiel si on veut
assurer son intégration avec succès. C'est un élément qui nous avait beaucoup
accrochés aussi, et la question de la régionalisation.
Alors, c'était vraiment le meilleur arrimage, la régionalisation et
l'accompagnement du travailleur immigrant.
M. Jacques :
Au niveau des régions, là, on sait que l'intégration est souvent plus difficile,
entre autres à... en fait, à cause de
la francisation qui est difficile. Vous en avez parlé tantôt. Il y a beaucoup
de... Ça prend des groupes de huit en fait,
là, pour faire la francisation. Dans les petites régions où est-ce qu'il y a
quand même un besoin de main-d'oeuvre, là, de quelle façon vous pensez
qu'on pourrait aider à faire la francisation?
Mme Proulx (Véronique) : Je l'ai mentionné tout à l'heure, je pense qu'il
faut revoir la façon dont on fait les cours de français, un, pour que ça soit plus intéressant pour le travailleur
et, deux, plus accessible aussi, donc plus de flexibilité. Ça peut être
des plateformes en ligne. Ça peut être un volet en ligne et un volet en
entreprise qui est fait.
Je pense
qu'il faut utiliser les différents outils technologiques qui sont disponibles
plutôt que de dire à un travailleur qui
a fait son 40 heures, son 35 heures, qui a une famille : Bien,
va-t'en sur les bancs d'école pour apprendre le français. Ça peut être assez ardu. Ce n'est pas nécessairement
hyperstimulant. Donc, je pense qu'il faut revoir la façon dont les cours sont
livrés, tout simplement.
M. Jacques : Donc, en
entreprise, en ligne?
Mme Proulx
(Véronique) : Oui,
absolument. En entreprise, ils sont là, c'est plus facile. Comme je dis, ils
n'ont pas toujours le bon niveau. Ils
n'ont pas suffisamment de gens pour partir un groupe. Ils ne sont pas tous au
même niveau. Puis moi, j'impliquerais l'employeur aussi pour que son
langage... le langage de l'entreprise, que ça soit au niveau des normes de la
santé et sécurité, d'être capable de faire un maillage pour que ça soit
finalement un apprentissage appliqué.
M. Jacques : Puis l'intégration
sociale et communautaire, qui qui doit la faire? C'est la population? C'est
l'employeur?
Mme
Proulx (Véronique) : Bien,
c'est là où je pense que ça prend un leadership pour déterminer dans chaque
région quelle sera la
meilleure... puis assurer ce leadership-là. Et je vous donne un exemple, puisque
vous êtes à Mégantic, à Sherbrooke, il y a
eu une vague de réfugiés syriens qui sont arrivés, ce n'était pas de
l'immigration économique, mais ce n'est pas grave, l'exemple peut être pris, et
Syriac Orthodox, donc c'est l'église de Sherbrooke, Syriac Orthodox, qui intègre,
qui travaille vraiment à l'intégration à la
communauté, qui trouve les cours de français, qui les aide à trouver des
emplois. Il y en a d'ailleurs qui
prennent l'autobus matin et soir pour aller travailler à Lac-Mégantic. Ce n'est
pas parfait, mais là, au moins, on a une organisation qui est prête à
travailler.
Alors, je
pense que, dans chaque région, ça peut varier, mais ça prend un leadership en
quelque part pour assurer la concertation avec tous les intervenants
aussi.
• (12 heures) •
M. Jacques :
La problématique, en fait, en région, si on prend Mégantic, qu'on connaît bien, c'est qu'il y a beaucoup
de gens qui viennent travailler à Mégantic.
Des gens, ils viennent passer leur semaine là... à Mégantic, en fait, puis les
familles de ces personnes-là sont à
Sherbrooke pour faire la francisation. Donc, l'intégration communautaire et sociale ne se fait pas. Les enfants ne se font pas d'amis, les... en
tout cas, les parents sont divisés aussi, d'une place à l'autre, à la semaine
longue, donc les gens ont plus de facilité à retourner dans la région
centre, qui est Sherbrooke.
Mme Proulx
(Véronique) : Oui. Oui,
effectivement. Puis leur communauté est là, ça fait que ça revient à la question
de la communauté aussi. Puis ça, j'ai
plusieurs de mes membres qui m'ont dit : Quand on fait venir des
travailleurs étrangers, on essaie
d'en faire venir un bassin. On se regroupe entre entreprises — je pense à la Beauce, entre autres — pour avoir une communauté qui s'établit avec leurs familles. Alors, à ce moment-là,
les attaches se créent, ils ont davantage envie de rester dans la région
plutôt que de retourner dans une région centre.
Mais là je reviens à ce que je disais tout à
l'heure, ça passe par la capacité d'accueil au niveau du logement, le transport, les écoles. Est-ce qu'on a l'espace
nécessaire? Comment est-ce qu'on peut travailler avec les écoles pour
travailler avec les parents pour
favoriser l'intégration là aussi? Donc, c'est vraiment les différents acteurs
qui doivent travailler main dans la main pour que ça réussisse. Ça ne
peut pas être juste les employeurs.
M. Jacques : C'est clair. C'est
une histoire de communauté totale.
Mme Proulx
(Véronique) : Absolument. Absolument.
M. Jacques : Merci beaucoup.
Mme Proulx
(Véronique) : Merci à vous.
La Présidente (Mme Chassé) :
Merci. Je cède maintenant la parole au député de Sainte-Rose.
M. Skeete : Merci, Mme la
Présidente. Merci pour votre prestation et merci pour votre présence. J'ai
quelques questions et je voudrais faire du
pouce sur le point du ministre. Tantôt, on a soulevé que 60 % des
requérants... requièrent, plutôt, un
niveau secondaire V et moins, et 40 % un D.E.P. Puis en même temps,
plus loin, vous dites que le marché du travail
se transforme. Donc, ce que je retiens, c'est que les besoins d'aujourd'hui ne
seront pas nécessairement les besoins de demain.
Mme Proulx
(Véronique) : Tout à fait,
tout à fait. Dans un horizon de cinq ans à 10 ans, moi, je m'attends à ce
que la courbe ait inversé, qu'on soit
dans le 40 %, et j'espère moins, non spécialisés et 60 % et plus
spécialisés. Pourquoi? Parce que,
dans le secteur manufacturier, on parle beaucoup du virage 4.0, des
entreprises vont devoir intégrer de toutes nouvelles technologies,
s'automatiser, se robotiser, si elles veulent maintenir leur compétitivité,
sinon elles vont être appelées à disparaître. Donc, ces entreprises-là vont rechercher des compétences
qui sont très différentes de celles d'aujourd'hui. C'est pourquoi, dans le non-spécialisé aujourd'hui, le
PTET pourrait, s'il est adapté, répondre aux besoins. Et, à terme, on va
chercher des compétences qui sont très différentes, dans le manufacturier, qui
vont être retrouvées dans le... qu'on pourra retrouver via l'immigration
permanente. Pardon.
M. Skeete :
Puis l'intention du gouvernement, on le sait, c'est de créer un arrimage entre
les spécialités, là, dès que le candidat
ou la candidate fait la demande, d'arrimer ça à un emploi au Québec. Donc, dans
les deux cas, on serait bien positionné de répondre à... les critères de
ce marché-là qui est changeant.
Mme Proulx (Véronique) : Oui. Et, comme je le disais, je ne pense pas que
c'est parfait, mais au moins on tend à se rapprocher des besoins du
marché du travail, ce qui est excellent.
M. Skeete :
Donc, une modernisation était... est due.
Mme Proulx (Véronique) : Oui. Mais, en fait, le SDI... c'est le SDI qui va
permettre cette modernisation-là, c'est ce que je comprends. Mais effectivement.
M. Skeete : J'aimerais aussi vous relancer sur le rôle des
entreprises qui accueillent pour l'intégration de l'immigrant.
Comment vous voyez ça pour vos membres
d'intégrer un nouveau arrivant dans sa communauté? C'est quoi, le rôle de l'employeur? C'est
quoi, le rôle de la communauté? C'est quoi, le rôle de la personne?
Mme Proulx (Véronique) : Alors, je vais reprendre, dans un premier temps, l'exemple de Knowlton. Encore une fois, il s'agissait de... L'entreprise
venait piger à Montréal dans le bassin de réfugiés qui avaient un permis
de travail. Puis, au départ, elle
partait... elle les faisait venir en autobus. Donc, ils partaient à
4 h 30 de Montréal, prenaient l'autobus pour se rendre sur la Rive-Sud, un autobus pour se
rendre à Knowlton, ils faisaient un quart de travail de 12 heures et ils
revenaient le soir. On comprend que
ça ne peut pas durer longtemps. Donc, éventuellement, elle a travaillé avec la municipalité, à Cowansville spécifiquement, pour être capable de trouver de l'hébergement. La municipalité a accepté de payer, jusqu'à tout
récemment, le transport en... l'autobus, finalement, nolisé, pour les amener.
Et, l'entreprise se retrouvant face à elle-même,
bien là, elle cherche des ressources en francisation, en intégration, formation de ses équipes au niveau de la gestion interculturelle. Donc, présentement, l'entreprise est pas mal la seule à travailler à l'intégration de l'immigrant, à ce jour, ce qui n'est pas idéal, ce qui
n'est pas idéal.
M. Skeete :
Puis est-ce que c'est un rôle qui est de trop ou est-ce que c'est un rôle qui
n'est pas assez?
Mme Proulx (Véronique) : Je pense
que c'est trop dans le sens où ces entreprises-là n'ont pas nécessairement cette expertise ou cette expérience-là.
Encore une fois, ce ne sont pas des spécialistes de l'intégration des immigrants, du recrutement international,
de la francisation. Alors, le temps qu'ils mettent là, ils ne le
mettent pas ailleurs, ils ne le mettent pas à leur «core business», finalement,
et c'est là où je dis que ça nuit à la compétitivité du secteur, et c'est là où
ils ont besoin d'accompagnement.
M. Skeete :
Bien, c'était tout pour moi. Merci beaucoup. Merci, Mme la Présidente.
La
Présidente (Mme Chassé) :
Merci. J'invite maintenant le
député de Rousson... — je
vais y arriver — Rousseau à prendre la parole.
M. Thouin : Bonjour, mesdames. À mon tour de vous remercier
de vous être déplacées ici aujourd'hui. Agréable présentation. Je vous réfère à
mon tour à votre communiqué de presse du 7 février dernier, où vous saluez
aussi le remboursement des
dossiers en inventaire. Pourriez-vous nous indiquer en quoi ceci est une
solution appropriée au contexte actuel?
Mme Proulx (Véronique) : En fait, lorsqu'on a émis le
communiqué, et par ce commentaire-là, ce qu'on souhaitait, c'est qu'on puisse passer au SDI le plus
rapidement possible, alors, qu'on puisse cesser le premier arrivé, premier
servi et pouvoir sélectionner les immigrants en fonction des besoins du marché
du travail. Mais je vous dirais qu'au moment où on a émis le communiqué,
effectivement, on avait peu... c'est quand même complexe, l'immigration, alors
on avait peu de détails sur
l'ensemble de l'oeuvre. Donc, je vous dirais que notre souhait, si j'avais à le
reformuler aujourd'hui, c'est de dire :
Passons le plus rapidement possible au SDI pour être capables de sélectionner
en fonction des besoins du marché du travail. Et, je réitère, comme je l'ai dit aujourd'hui dans le mémoire,
notre souhait, c'est de traiter en priorité les gens qui sont déjà ici
et qui sont en emploi.
M. Thouin :
Merci.
La
Présidente (Mme Chassé) : Merci. Est-ce qu'il y a d'autres
interventions? Mme la députée de Soulanges prend la parole.
Mme Picard : Merci. Dans votre
mémoire déposé dans le cadre des consultations publiques de 2015, Vers une
nouvelle politique québécoise en matière d'immigration, de diversité et
d'inclusion, vous suggérez que le français ait moins d'importance lors de la sélection de
personnes de l'immigration mais devrait être plus défendu dans l'intégration.
Vous indiquez aussi que les entreprises
participent directement au processus de francisation des employés. Selon vous,
quelles conditions vous apparaissent
justifiées pour que les employeurs s'engagent davantage dans la francisation et
l'intégration, sans compromettre la
productivité? Comment on pourrait encore... et vous l'avez mentionné tantôt,
là, mais comment... en ligne, et tout, mais...
Mme
Proulx (Véronique) : Oui,
bien, en fait, je vous dirais, dépendamment de la taille des entreprises,
certaines ont la capacité et... Deux
choses : la taille de l'entreprise et aussi l'impact de la pénurie de
main-d'oeuvre sur l'entreprise. Une
entreprise qui est vraiment touchée, qui manque beaucoup d'employés, bon, c'est
difficile de lui dire : Bien, peux-tu dégager tes gens une journée-semaine pour faire de la francisation?
C'est beaucoup demander. Dans certaines industries, c'est possible de le faire,
puis on voit certains employeurs qui le font déjà, mais d'autres pour qui c'est
plus difficile.
Ça fait que
je pense que ça prend une flexibilité, là aussi, en fonction de la réalité de
l'entreprise, de la taille de l'entreprise, de le faire, d'avoir la
possibilité de le faire pendant les heures, à l'extérieur des heures, mais, en
entreprise, d'avoir les facilités pour
pouvoir le faire sur place parce que ça devient plus facile pour l'employé.
Encore une fois, il n'a pas à se
déplacer. Donc, c'est vraiment au niveau de l'organisation du travail. Mais je
donnerais la flexibilité aux employeurs dans un certain cadre.
Mme Picard : Merci.
La
Présidente (Mme Chassé) : Oui... Pardon. Merci. Je cède maintenant la
parole à la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme Anglade : Parfait. Merci. Alors,
merci, Mme Limoges, Mme Proulx. Contente de vous revoir. Écoutez, il n'y a pas
de doute dans mon esprit qu'on veut avoir une meilleure intégration, un
meilleur arrimage, une meilleure coordination.
D'ailleurs, donner plus de rôles pour la coordination, pour le ministère, à mon
avis, est une bonne chose. Et donc, tous ces volets-là, je pense qu'on
va tous s'entendre de manière générale là-dessus.
Il y a des enjeux, par contre, de pénurie de
main-d'oeuvre qui sont réels. Depuis deux ans, ce que l'on constate, c'est
qu'il y a une accélération de la problématique de pénurie de main-d'oeuvre
partout. Alors, on disait qu'il y avait quelques
pénuries de main-d'oeuvre, 10 000, 20 000, on est rendus maintenant à
120 000. Donc, chaque jour qui passe, le problème s'accentue. Et vous avez spécifiquement dit : Il y a des
projets qui ne se réalisent pas aujourd'hui, il y a des projets qui n'avancent pas aujourd'hui. Lorsque vous
mettez ça en juxtaposition avec l'optique de réduire le nombre d'immigrants, comment
est-ce que vous réagissez à ça?
Mme
Proulx (Véronique) : Bien,
je reviens à ce que je disais dans le mémoire, pour nous, il faut accélérer les
délais mais rehausser les seuils
aussi. C'est clair qu'on ne pourra pas pallier à la pénurie de main-d'oeuvre, à
terme, si on n'est pas en mesure
d'accepter et d'accueillir davantage d'immigrants, toujours en lien avec les
besoins du marché du travail. Ça, c'est très clair.
Mme
Anglade : ...contre l'idée de réduire les seuils, vous aimeriez
même... Est-ce que vous les auriez rehaussés au même niveau qu'ils
étaient avant ou bien...
Mme
Proulx (Véronique) : Ça,
c'est une excellente question. Alors, on n'a pas fait d'analyse spécifique sur
quel serait le seuil idéal pour le
secteur manufacturier, mais je vais me référer à une analyse que mes collègues
de la Fédération des chambres de commerce avaient faite, et puis je suis
certaine qu'elle a été faite avec beaucoup de rigueur, alors ils évaluaient le
seuil à 60 000. Alors, il faudrait voir à l'intérieur de ça, pour le
manufacturier, qu'est-ce qui est pertinent, mais c'est clair que c'était
soit de maintenir ou de rehausser...
Mme
Anglade : ...passablement loin présentement. Si on regarde le taux
de... Un des éléments qui fait dire, d'ailleurs, au ministre... un des éléments qui fait dire que ça ne fonctionne pas,
l'immigration, c'est le fait, par exemple, qu'il y a un taux de chômage hyperélevé pour les immigrants
0-5 ans, le taux de chômage qui serait du simple au double. Ce que l'on
constate dans les dernières statistiques,
c'est qu'il y a une chute vraiment marquée et drastique, dans les derniers six
mois, marquée, qui montre qu'en fait le taux de chômage pour les personnes
0-5 ans est tombé maintenant... au mois de janvier, le dernier chiffre, 7,9 %, ce qui veut dire qu'on
n'a jamais vu ça dans l'histoire du Québec. Et c'est bien meilleur que ce
qui se fait présentement en Ontario.
Alors,
quand on écoute ça, est-ce que vous seriez
davantage favorables à ce que, par exemple, dans les 18 000 dossiers...
il y en a qui seront rejetés, mais, dans les 18 000 dossiers, à
accélérer le processus aujourd'hui, pas dans trois mois, pas dans six mois,
mais accélérer le processus d'acceptation des personnes qui font partie justement
des 18 000 dossiers?
• (12 h 10) •
Mme
Proulx (Véronique) : Oui,
mais dans la mesure où ils répondent aux besoins du marché du travail. Alors, d'un point de vue technique, légal, je ne sais pas si on peut les transférer dans le SDI,
les traiter avec les nouveaux critères... ou les évaluer, plutôt, avec
les nouveaux critères. Le cas échéant, oui.
Mme
Anglade : Quand vous
dites : «Les nouveaux critères», c'est que ce soit de plus en plus
aligné avec les besoins du marché du travail?
Mme
Proulx (Véronique) : Oui, oui.
Mme
Anglade : Lorsque l'on
regarde les résultats, présentement, environ 85 % des gens répondent aux besoins
du marché du travail, pour ceux qui ont déjà été
accordés, là, pour ceux qui sont déjà passés à travers le moulin, 85 %. Puis c'est
d'ailleurs la raison pour laquelle on voit aussi une chute drastique du taux de
chômage par rapport à la situation.
Mon message,
ici, en fait, c'est de dire : Il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du
bain. On veut plus de coordination, plus d'intégration, mais il faut également
prendre en compte que les décisions qu'on prend aujourd'hui ont des
incidences à long terme d'un point de vue économique.
Je vais vous
amener sur la question de la résidence permanente. Avez-vous une opinion si une
résidence permanente devait être
conditionnelle à une condition quelconque, là, mobilité, localisation? Est-ce que
vous avez une perspective par
rapport à ça? Parce qu'on en a peu parlé ici.
Mme
Proulx (Véronique) : Non,
effectivement. Bien, écoutez, je pense que la résidence permanente doit être...
les conditions doivent être les mêmes pour tous les citoyens, donc, en termes
de mobilité, en termes de... Je ne sais pas, je ne suis pas certaine de
comprendre à quels critères vous faites référence, mais la mobilité,
certainement...
Mme
Anglade : Est-ce qu'une résidence permanente peut être conditionnelle
à un lieu que vous habitez? Normalement,
la résidence permanente n'est pas conditionnelle à quoi que ce soit : vous
avez une résidence permanente, vous pouvez aller où bon vous semble.
Mme Proulx (Véronique) :
Oui, je ne pense pas qu'on peut avoir deux catégories de citoyens. Donc, non.
Mme
Anglade : Non. O.K. Très bien. Est-ce que, lorsque vous entendez
aujourd'hui... Parce que ça, c'est un des enjeux aussi que l'on a par rapport à l'immigration temporaire. Vous
regardez les besoins de main-d'oeuvre aujourd'hui puis vous dites vous-même qu'ils vont se
transformer — ça
rejoint la question de mon collègue en face — ce qui veut donc dire qu'il faut qu'on prête particulièrement
attention au type de personne qu'on veut avoir. Parce que, si on ne prend que
des personnes en fonction des besoins
actuels, lorsque va venir le moment de changer de secteur ou qu'ils vont devoir
changer d'emploi, bien, ça peut avoir une incidence sur la capacité
d'adapter ces personnes-là.
Mme
Proulx (Véronique) : Si on
regarde les données qui ont été publiées par Emploi-Québec, on voit les postes
vacants actuels, et il y a une précision qui nous dit : Ces postes-là ne
seront pas nécessairement... ne peuvent pas nécessairement être utilisés pour dire quels seront les
besoins dans cinq ans, 10 ans, et là il y a une liste des
professions d'avenir et des métiers à venir ou qui pourraient être
considérés dans le cadre des critères pour la sélection des immigrants.
Mais je reviens
au secteur manufacturier, on parlait de compétences techniques, mais on parle
aussi de gens qui ont envie de
travailler dans le manufacturier, qui ont une capacité d'apprendre et qui sont
polyvalents. Comment est-ce qu'on le mesure? Ce n'est pas évident. Mais c'est
clair qu'il faut se tourner vers les métiers d'avenir pour voir, dans deux ans,
cinq ans, 10 ans, qui seront les gens qu'on va faire venir.
Mme Anglade : Dans les critères de
sélection qu'on va avoir, à terme, pour les personnes qui viennent, oui, c'est
adapté aux besoins du marché du travail, mais il ne devrait pas y avoir un
critère, justement, sur la capacité d'adaptation de ces gens à étudier et,
justement, évoluer dans leur travail?
Mme Proulx (Véronique) :
Oui, absolument.
Mme Anglade : Excellent. Je vais
céder la parole tout de suite à ma collègue de... Bourassa-Sauvé?
La Présidente (Mme Chassé) : Alors,
je cède la parole à Mme la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme Robitaille : Dites-moi, Mme la
Présidente, on a combien de temps?
La Présidente (Mme Chassé) : Il vous
reste 9 min 30 s.
Mme
Robitaille : Alors, oui, donc, chez les manufacturiers, il y a de
toute évidence urgence. Il y a une pénurie de main-d'oeuvre que vous
voyez, qui est criante, c'est bien ça?
Mme Proulx (Véronique) :
Exact.
Mme
Robitaille : Et donc ces 18 000 dossiers qui sont en
attente et que le gouvernement voulait suspendre, si on les analyse, dans ce lot de gens là, il y a des
gens qui peuvent répondre à cette pénurie de main-d'oeuvre, qui peuvent trouver
des emplois si on respecte la grille de sélection, les nouvelles grilles de
sélection?
Mme
Proulx (Véronique) : Alors,
il y en a certainement, mais ça ne sera pas la grande majorité. Pourquoi? Parce
que l'immigration économique, dans le passé, donnait un très haut niveau de
pointage aux gens qui sont très scolarisés. Or, les manufacturiers, présentement, 60 % des besoins sont dans le
non-spécialisé. Alors, je ne suis pas capable de vous dire, dans le 18 000, combien répondent aux besoins du
secteur manufacturier, mais je ne pense pas que ce soit une grande proportion.
Alors, c'est pour ça que je reviens à ce que je
disais tout à l'heure, pour nous, c'est important que ces gens-là idéalement puissent être évalués en fonction...
avec le SDI pour s'assurer d'un meilleur arrimage. Et je ne suis pas en train
de dire qu'il faut prendre juste des gens pas spécialisés, il y a un 40 %
quand même qui sont des gens qui doivent avoir des compétences techniques, mais de s'assurer que ce
lien-là se fasse, parce que, par le passé, ces gens-là rentraient peu par
l'immigration permanente.
Mme
Robitaille : Maintenant, pour l'employeur... ma collègue parlait de
conditions à la résidence permanente. Pour l'employeur, c'est important... On ne peut pas juste fonctionner avec
des PTET? On veut aller chercher des immigrants... on veut avoir une immigration permanente, on veut
avoir des gens qui vont s'établir, qui vont avoir des résidences permanentes.
Pourquoi c'est important?
Mme
Proulx (Véronique) : Parce
que, lorsqu'on fait venir des gens via le PTET, dans le non-spécialisé, on a un
visa de travail d'un an. Donc, après
un an, l'entreprise doit recommencer les processus avec le IMT, doit débourser
des frais. Si elle a perdu le
candidat, elle a perdu la formation, ce qu'elle a investi dans le candidat.
Souvent, elle va utiliser des agences
parce que les gens ne sont pas des spécialistes du recrutement international.
Et on sait que, lorsqu'on utilise une agence,
les frais varient de 3 000 $ à 12 000 $ par employé. Donc,
c'est beaucoup de temps, beaucoup de coûts pour les entreprises. Ça, c'est les visas non spécialisés.
Les spécialisés vont aller jusqu'à 24 mois ou 36 mois. Alors, les
entreprises, une fois qu'elles ont
trouvé un candidat intéressé, intéressant, souhaiteraient le garder, ils vont
investir, ils vont le former, ils vont espérer le garder en région. C'est
rentable pour l'entreprise, mais c'est bénéfique pour l'ensemble de la société
et pour le travailleur aussi s'il souhaite rester.
Mme
Robitaille : Oui, c'est ça. Donc, ça coûte moins cher et puis, pour
l'entreprise, bien, c'est plus rassurant parce que, justement, ils
peuvent construire là-dessus.
Mme
Proulx (Véronique) : Oui. Je
pense que, pour le travailleur qui vient, qui est intéressé à rester, ça lui
donne une perspective complètement
différente. Il n'a pas à chaque année à se préoccuper si son visa va être
renouvelé ou non. Si c'est ce qu'il souhaite, bien sûr.
Mme
Robitaille : Et ces conditions-là qu'on veut accoler à la résidence
permanente, je veux mieux le comprendre, là, pour vous, test de français
au bout de trois ans pour ces gens-là ou qu'on les oblige à rester à un
endroit, ça serait contre-productif selon vous?
Mme
Proulx (Véronique) : ...certainement.
Puis je pense qu'au terme du PTET, si les gens ont accès à la résidence permanente... Je pense que, si les gens rentrent
par le PTET, je pense à mes soudeurs colombiens qui s'en vont en région,
après trois ans dans la région, normalement, si on a bien travaillé au niveau
de l'intégration, ils vont avoir envie de poursuivre
parce qu'ils vont être établis, idéalement avec leurs familles. Alors, les
conditions de localisation ne seront pas nécessaires si le travail de
régionalisation est bien fait.
Mme Robitaille : Mais je parle du
projet de loi, là. Il y a l'article 9 qui parle d'insérer, justement, une
condition à la résidence permanente.
Mme
Proulx (Véronique) : Oui,
mais c'est pour ça, je fais le lien parce que, souvent dans le secteur
manufacturier, les gens arrivent par le PTET. S'ils ont accès au PEQ, CSQ pour
ensuite aller vers l'immigration permanente, je ne pense pas qu'on devrait les obliger à rester dans une
région une fois qu'ils ont la résidence permanente. Je pense que, si l'intégration
se fait bien avec ces travailleurs temporaires là, ils vont vouloir rester, et
ça va permettre de répondre aux objectifs de régionalisation.
Mme
Robitaille : ...si je comprends bien, un PTET, ensuite, si on tombe
dans les programmes du PEQ et si on veut avoir un CSQ, on doit faire un
test de français, on doit être évalué au niveau de son français. C'est bien ça?
Mme
Proulx (Véronique) : Oui.
Mais je reviens au niveau des conditions et je réitère ce que j'ai dit tout à
l'heure, je ne pense pas qu'on veut avoir deux types de... deux
catégories de citoyens.
Mme
Robitaille : Deux types de... Oui. O.K. La responsabilité de
l'employeur, quelle est sa part dans l'intégration, dans la
francisation, selon vous, d'un nouvel arrivant?
Mme
Proulx (Véronique) : Alors,
encore une fois, je pense que ce qu'il est important de garder en tête, c'est
vraiment la notion de flexibilité. On
ne peut pas avoir un «one-size-fits-all» dans la francisation puis dans
l'intégration, il faut tenir compte
de la réalité des employeurs, de leur taille, de leur secteur d'activité et où
ils sont situés également en région. Alors, de fixer des objectifs, c'est une chose, de déterminer les moyens, ça en
est une autre. On peut peut-être donner accès à un panier de moyens à
l'employeur, dans lequel il peut piger en fonction de sa réalité, mais la
notion de flexibilité est très, très, très importante.
Mme
Robitaille : Cet engagement-là de l'employeur, il a ses limites. C'est
ce que vous dites?
Mme
Proulx (Véronique) : Exactement. Il faut respecter sa capacité
à le faire.
Mme
Robitaille : Et qu'est-ce que vous souhaiteriez en région pour,
justement, accompagner l'entreprise qui accueille
des nouveaux arrivants? Est-ce qu'en ce moment il y a... De toute évidence, en
ce moment, dans plusieurs régions du Québec, il n'y a pas les
infrastructures nécessaires, mais qu'est-ce que vous souhaiteriez?
• (12 h 20) •
Mme Proulx (Véronique) : En fait, ça prend un guichet unique, ça prend une
porte d'entrée vers laquelle l'employeur ou l'entreprise va pouvoir se retourner pour toutes ses questions de
main-d'oeuvre, d'immigration. Alors, que ce soit le MTESS, Emploi Québec, que ça soit l'Immigration,
ça prend une porte d'entrée où l'entreprise va pouvoir s'asseoir avec
quelqu'un, dire : Voici mes enjeux, mes problématiques; qu'est-ce qui
existe?, comment tu peux m'aider? Et ça, c'est vraiment la notion
d'accompagnement. Donc, en francisation, voici ce qui existe, voici les
ressources.
En
termes de... Les gens nous posaient la question : Qui est-ce que vous
connaissez qui pourrait venir former mes chefs d'équipe au niveau de la gestion interculturelle? On ne sait pas à
qui s'adresser. Donc, parfois, c'est des détails très techniques, ils ne
savent pas vers qui se retourner. L'accompagnement du ministère doit prendre
cette forme-là, doit mettre à profit, à
contribution le réseau, l'expertise, les ressources qui existent pour aider
l'entreprise dans ses enjeux, pour ne
pas qu'elle perde beaucoup de temps... de toute façon, elle n'a pas le temps, là,
mais pour ne pas qu'elle perde beaucoup de temps à chercher des
informations et à ne pas arriver à une solution qui soit pertinente pour elle,
là.
Mme Robitaille :
Donc, vous comptez vraiment sur le gouvernement provincial pour, justement,
montrer la voie dans chaque région. S'il y avait, par exemple, un bureau
du MIDI dans chaque région, ça serait idéal à ce niveau-là?
Mme Proulx
(Véronique) : Oui, tout à fait. Tout à fait. Puis il y a les
bureaux d'Emploi-Québec ou de Services Québec
qui sont présents en région. Et on a vu que, pour la prochaine année, on en est
très satisfaits, les cibles au niveau de l'accompagnement de l'entreprise ont été rehaussées. Alors, ces gens-là,
historiquement, accompagnaient beaucoup les employés, les travailleurs, et ça demeure important, mais il faut aussi
offrir de l'accompagnement aux entreprises dans un contexte de pénurie de main-d'oeuvre. Et
je reviens à ce que je disais dans le mémoire, il doit y avoir une concertation
puis une collaboration sur le terrain entre ces deux ministères-là.
Mme Robitaille :
Merci. Je laisse la parole à mon collègue.
La
Présidente (Mme Chassé) : Oui. Il vous reste
2 min 30 s. J'invite le député de Jacques-Cartier à prendre la
parole.
M. Kelley :
Merci, Mme la Présidente. Je vais être très, très rapide. C'est encore sur la
question de la main-d'oeuvre. Juste pour vos entreprises puis vos clients,
est-ce que vous pouvez juste élaborer un petit peu plus sur leur capacité
de vraiment penser l'avenir? Ils sont en
situation très difficile maintenant, mais aussi, dans trois ans, pour une
entreprise qui veut accroître, ils vont dire : Bien, première
chose, je n'ai pas des emplois puis des gens qui travaillent pour moi pour, maintenant, demander pour un plus grand salaire,
parce qu'ils sont un petit peu des agents libres, dans le sens qu'une autre entreprise va payer plus. Alors, est-ce que vous
pouvez juste parler un petit peu plus des réalités des gens, de vos clients
dans ce sens-là?
Mme Proulx
(Véronique) : Dans un contexte de pénurie de main-d'oeuvre?
M. Kelley :
Oui.
Mme Proulx (Véronique) : Alors, il y a deux distinctions à faire : la
PME et la grande entreprise. La grande entreprise a vu arriver la pénurie de main-d'oeuvre, a davantage de ressources, de compétences, davantage de
moyens aussi, donc peut être beaucoup plus attractive. Elle est touchée,
mais elle est moins touchée que la PME. La PME est vraiment démunie. Un, elle ne l'a pas nécessairement vu
venir. L'entrepreneur moyen, là, généralement, a des idées, des projets, il a
de l'ambition, mais il manque de temps et il manque de ressources, alors il
manque de ressources pour son développement, sa croissance. Mais également, pour être capables de voir venir la pénurie de main-d'oeuvre, c'est clair qu'ils n'étaient pas là. Alors, ces
entreprises-là se retrouvent effectivement au dépourvu.
Et
ce que ça fait... et c'est très au quotidien, là : Je n'ai pas de
soudeurs, comment est-ce que tu peux m'aider? J'ai un bris d'équipement, vers qui je me retourne? Alors,
ces entreprises-là ont vraiment besoin d'être prises par la main pour être
accompagnées, encore une fois, et pour être mises en... pour qu'on puisse les
mettre en relation avec les bonnes ressources. Mais, encore là, ça va
avoir ses limites si on n'a pas suffisamment de travailleurs.
La Présidente
(Mme Chassé) : Il vous reste moins d'une minute.
Mme Proulx
(Véronique) : Ça va avoir ses limites si on n'a pas
suffisamment de travailleurs au Québec pour répondre à leurs demandes.
M. Kelley : Et
présentement, entre vos clients, est-ce qu'il y a des gens qui perdent des
contrats maintenant parce que, bien, des
personnes qui ont besoin d'une machine vont dire : Bien, est-ce que vous
êtes capables de livrer ça là, et la réponse, c'est non? Et ça, ça a un impact,
j'imagine, pour la suite des choses aussi. Parce que, si cette compagnie-là n'est
pas capable de livrer, ils vont chercher une autre compagnie aux États-Unis ou...
Mme Proulx
(Véronique) : Exactement. Je
prends mon exemple de l'entreprise de Laval. Quand des grands détaillants américains, comme Walmart, Home Depot,
lui passent des commandes, et elle ne livre pas à temps, l'année d'après
ils vont chercher d'autres fournisseurs. Tout à fait.
La Présidente (Mme Chassé) :
Merci. Je cède maintenant la parole à la députée de Marie-Victorin.
Mme Fournier :
Merci, Mme la Présidente. Merci, Mme Proulx, pour la présentation. En ce
qui a trait à la pénurie de main-d'oeuvre qui affecte particulièrement votre
secteur d'activité, vous dites qu'il y a quelque 16 000 postes
à pourvoir. Est-ce que vous avez la statistique à savoir quel pourcentage de
ces postes à pourvoir se trouve en région?
Mme Proulx
(Véronique) : Je ne l'ai pas avec moi aujourd'hui, mais
certainement il y a un... j'ai juste un anglicisme,
là, un «breakdown», il y a une séparation régionale qui est faite. Mais c'est
en grande proportion en région, hors Montréal.
Mme Fournier : En grande
majorité?
Mme Proulx
(Véronique) : Absolument.
Mme Fournier : O.K.
Super.
Mme Proulx
(Véronique) : Mais je pourrais vous revenir avec la donnée
spécifique.
Mme Fournier :
O.K. Merci. Puis, justement, concernant la régionalisation, bien, tantôt la
députée de Bourassa-Sauvé faisait
référence aux bureaux régionaux du MIDI. On sait que c'est des entités qui
existaient avant, qu'elles ont été abolies au courant du dernier mandat gouvernemental, mais que, dans la dernière
année, là, on a annoncé que ces bureaux allaient être remis sur pied. Est-ce que, pour vous, les bureaux du MIDI
pourraient être une bonne façon d'avoir accès à ce guichet de services
unique, là, dont vous parliez tout à l'heure?
Mme Proulx
(Véronique) : Oui, dans la
mesure où on met les bonnes personnes dans les bons postes. Alors, c'est souvent l'enjeu lorsqu'on travaille avec le MTESS,
le MEIE ou autres, les conseillers en région qui sont là doivent vraiment
être proactifs. C'est très inégal, comme
partout ailleurs, mais quand même, je tiens à le souligner, ça prend des gens
qui ont une approche entrepreneuriale, qui sont proactifs, qui sont capables de
faire le lien rapidement avec l'entrepreneur pour pouvoir le guider.
Mme Fournier : Puis
diriez-vous qu'il y a beaucoup de besoins en matière de médiation interculturelle?
Mme Proulx (Véronique) :
Je dirais plus en termes de sensibilisation, de formation plutôt qu'une
médiation, vraiment. Je n'ai pas entendu
de besoins au niveau de la médiation, mais des gens qui disent : O.K., on
a des gens de différentes cultures qui arrivent dans notre entreprise, à
quoi est-ce qu'on doit penser, comment on forme nos chefs d'équipe? Et d'ailleurs
je reviens à ce que je disais tout à
l'heure pour Exceldor, un de ses
facteurs de succès, c'est qu'il a formé ses gens à l'interne pour être
capable de gérer la diversité.
Mme
Fournier : Est-ce qu'il a eu accès à des ressources gouvernementales pour ce faire ou ça a été une initiative
de l'employeur?
Mme
Proulx (Véronique) : C'est
une initiative de l'employeur. Mais lui, c'est un grand employeur, on s'entend
qu'il a pu investir temps et argent. Certainement qu'il a bénéficié de subventions pour la formation, là, mais c'est lui-même qui a trouvé les ressources nécessaires.
Mme Fournier : Donc, ça peut
être plus difficile pour les petits employeurs.
Mme Proulx (Véronique) : Absolument. Absolument. Exactement.
Mme
Fournier : Parfait.
Merci. Vous disiez également qu'il y
a quand même 40 % de la main-d'oeuvre que vous attendez qui est quand même de la main-d'oeuvre
spécialisée. Est-ce que vous diriez qu'au niveau du secteur manufacturier il y
a aussi une difficulté de reconnaître les formations acquises à l'étranger?
Parce qu'on sait que c'est le cas pour plusieurs métiers, mais est-ce
que ça touche aussi votre secteur d'activité?
Mme
Proulx (Véronique) : Dans
les métiers techniques, moins. Je reviens à mes soudeurs, là, puis, en fait, ce
sont tous des cas de soudeurs, j'ai
l'impression que ce sont tous des gens qui se sont parlé puis qui ont pigé dans
les mêmes bassins, dans les mêmes
pays. Mais, au niveau de la soudure... au niveau de la mécanique, souvent on va
être capable... on n'a pas besoin d'avoir une reconnaissance formelle. Les gens arrivent avec une
formation, on les évalue et on peaufine la formation en entreprise, au même titre que, quand quelqu'un
sort un D.E.P. ou un D.E.C., souvent il y a une formation additionnelle qui est
offerte en entreprise pour que ce soit plus appliqué à la réalité de
l'entreprise. Donc, ça ne semble pas être majeur.
La Présidente (Mme
Chassé) : Il vous reste 45 secondes.
Mme
Fournier : Puis finalement vous parliez de la compétitivité des
entreprises. Donc, outre ce guichet de services, qu'est-ce que le
gouvernement pourrait faire pour améliorer au point de vue de l'immigration?
Mme
Proulx (Véronique) : La compétitivité?
Mme Fournier :
Oui.
Mme Proulx (Véronique) : Bien, en fait, rendre ça le plus simple possible.
Les gens perdent énormément de temps à chercher de la main-d'oeuvre, à
chercher la francisation, à trouver les ressources, à comprendre le IMT...
Mme Fournier :
...connues. C'est ça?
Mme
Proulx (Véronique) : Exactement. Exactement.
Mme Fournier :
O.K. Parfait. Merci.
La Présidente (Mme
Chassé) : Merci. Je cède maintenant la parole au député de
Laurier-Dorion.
M.
Fontecilla : Bonjour, madame. Vous avez dit tantôt que la réduction de
cibles d'immigration n'était pas une bonne
nouvelle. On a appris cette semaine, là, qu'Arrima ne va traiter que
400 dossiers cette année, en 2019. Est-ce que vous pensez que
400 dossiers est en mesure de contribuer à réabsorber la rareté de
main-d'oeuvre au Québec?
Mme
Proulx (Véronique) : Bien sûr que non, ce n'est pas suffisant,
c'est sûr.
M.
Fontecilla : Et j'étais très intéressé par votre pensée sur la
question des... non seulement sur les liens d'emploi, mais la question d'offrir
du logement, du transport, etc. Vous avez abondé dans ce sens-là. Donc, est-ce
que vous pensez que soit les
municipalités, soit l'État, soit un ministère devraient non pas se concentrer
seulement sur la création d'un lien d'emploi,
mais tout ce qui va autour, là, au-delà de l'interculturel, même du logement,
du transport, etc., là? Est-ce que ça prend un investissement beaucoup
plus substantiel et complet?
Mme Proulx (Véronique) : Ça prend un investissement plus substantiel et ça
prend des gens qui vont être prêts à mettre du temps puis, encore une
fois, de faire la concertation avec les différents intervenants sur le terrain.
La première chose, c'est le logement,
l'hébergement et le transport, mais par la suite il y a toutes les autres
facettes de l'intégration qui doivent être comprises dans le projet de
la municipalité et de la région.
M.
Fontecilla : Tout à fait. Vous avez dit aussi que la francisation,
c'est un fardeau pour l'employeur. On peut le comprendre, c'est une tâche supplémentaire. Et en même temps vous avez
dit qu'une formule gagnante, c'était l'apprentissage appliqué. Et on a
entendu les organismes communautaires qui nous disent que la meilleure formule,
c'est la francisation professionnelle, si
l'on veut dire, en utilisant les termes, etc., là. Est-ce que vous pensez qu'il
y a une façon d'aider de façon considérable les employeurs pour que la
francisation se fasse en entreprise?
Mme Proulx (Véronique) : Bien, en fait, oui, oui, les plateformes
technologiques, des modules adaptés, du contenu adapté que les entreprises pourront utiliser au sein de leur entreprise,
deux, d'être capables de supporter financièrement — mais c'est fait présentement — de poursuivre en ce sens-là, autant les
frais de développement de contenus de formation que les salaires des employés qui sont affectés à la
formation. Alors, du côté financier, je pense que c'est très bien fait pour
l'instant. Là, ce qui reste, c'est peut-être d'arrimer les contenus et
les évaluations avec l'application en entreprise.
• (12 h 30) •
M.
Fontecilla : Un dernier élément. On entend beaucoup d'opinions du
milieu économique sur les grilles de sélection, soit favoriser les grilles pour des travailleurs peu qualifiés ou
plus qualifiés, etc. Est-ce que vous pensez que... Parce que, là, je vois 40-60.
C'est quand même... il y a une division, il y a autant d'un côté
comme de l'autre, pas tout à fait, là. Mais est-ce que vous pensez qu'il doit y
avoir une formule unique, là, en termes des grilles de sélection, là, pour
sélectionner juste... favoriser juste les moins qualifiés ou seulement
les plus qualifiés?
Mme Proulx (Véronique) : Non, je pense que ça prend une formule hybride.
Ça prend une formule qui est à l'image des besoins du marché du travail.
Là, je vous parle du manufacturier.
La Présidente (Mme
Chassé) : Il vous reste moins d'une minute.
Mme Proulx (Véronique) : Mais, dans le service, on le sait, on a entendu
la FCEI, ce sont beaucoup des postes peu spécialisés. Je pense qu'il faut être capable de s'adapter en
fonction des besoins que l'on a, des besoins que l'on aura dans les
prochaines années, pas nécessairement immédiats parce que l'immigration prend
plusieurs années aussi.
M.
Fontecilla : Par le p.l. n° 9, le ministre se
donne le pouvoir d'imposer des tests linguistiques et des valeurs, même.
Est-ce que c'est une bonne façon, selon vous, de retenir la main-d'oeuvre?
Mme Proulx (Véronique) :
Je vous dirais que, pour le secteur manufacturier, le test des valeurs ou le
test de français pour assurer... ce n'est pas un facteur qui est très
primordial pour eux. Ils ne sont pas là. Ils ne sont pas là.
La Présidente (Mme Chassé) : Merci.
Je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la commission. J'invite
les membres de la commission à demeurer sur les lieux, par efficacité.
Je suspends
les travaux pour quelques instants afin de permettre au prochain représentant
de prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 32)
(Reprise à 12 h 33)
La
Présidente (Mme Chassé) : ...la bienvenue à Me Stéphane Handfield. Je
vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé,
puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission.
À une minute de la fin, je vous ferai un
signe. Je vous invite donc à vous présenter, puis à débuter... et à vous offrir
de l'eau.
M.
Stéphane Handfield
M. Handfield (Stéphane) : Oui, bien,
s'il y avait un pichet d'eau, ça serait apprécié.
La Présidente (Mme Chassé) : Ça s'en
vient, ça s'en vient. Allez-y.
M. Handfield (Stéphane) : Merci.
Alors, bonjour, Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, ex-collègues, merci beaucoup de l'invitation, même
si celle-ci, disons, n'était pas des plus spontanées. Alors, ça me fait
plaisir d'être ici aujourd'hui.
Alors, je me
présente. Je suis membre du Barreau du Québec depuis 1992. J'ai été commissaire
à la Commission de l'immigration et
du statut de réfugié pendant 11 ans. J'ai également été chargé de cours au
cégep Saint-Laurent en droit de
l'immigration. Je suis membre de l'Association québécoise des avocats et
avocates en droit de l'immigration, membre de l'Association des avocats de la défense de Montréal, membre du Comité
consultatif sur l'immigration et la citoyenneté du Barreau du Québec. Je suis également inspecteur au service de
l'inspection professionnelle du Barreau du Québec. Et évidemment je
pratique en droit de l'immigration, à mon compte.
Alors, je
n'ai pas l'intention aujourd'hui de vous lire mon mémoire. J'ose espérer que
vous l'avez tous lu. J'aimerais cependant attirer votre attention sur
trois points qui m'apparaissent importants : le premier, la langue, le
deuxième, les 18 000 dossiers et, le troisième point, la résidence
permanente, que je qualifierais de conditionnelle.
Alors, au
niveau de la langue, au niveau des tests de français et des tests des valeurs
québécoises, malheureusement, dans le
contexte actuel du droit, il serait impossible pour le gouvernement d'imposer à
un résident permanent ces tests de valeurs québécoises ou ces tests de
français. Le droit actuel ne permettrait pas au gouvernement du Québec
d'imposer ces tests-là à un résident permanent du Canada, évidemment.
Cependant,
est-ce que le gouvernement du Québec aurait compétence pour imposer ces
critères dans la sélection de son
immigration? Effectivement. Au niveau des critères de sélection, le
gouvernement a compétence pour imposer les conditions qu'il veut. Alors, s'il souhaite imposer des tests de
français ou un test de valeurs québécoises, il pourrait évidemment le faire, mais avant l'émission, évidemment, du
certificat de sélection du Québec. Et, contrairement à ce qu'on peut penser,
je ne suis pas contre des tests de valeurs
québécoises. D'ailleurs, le gouvernement fédéral, pour l'obtention de la
citoyenneté canadienne, impose des
tests des valeurs canadiennes et impose des tests de langue. Alors, je ne
verrais pas pourquoi le gouvernement du Québec ne pourrait pas, dans le
cadre de sa sélection de son immigration, imposer de tels tests.
À mon avis, il est important cependant de mettre
l'accent sur la connaissance du français pour la sélection des nouveaux
immigrants. On sait tous que, pour la préservation et la protection du
français, on ne doit pas compter sur le gouvernement
fédéral et encore moins sur le ministère de l'Immigration du Canada. Encore
aujourd'hui, en 2019, il est difficile d'obtenir des services en français.
D'ailleurs, pas plus tard que la semaine dernière, dans une procédure où toute
la documentation a été soumise en français
au ministère, nous avons reçu une décision uniquement en anglais. Alors, j'ose
espérer que le gouvernement du Québec mettra l'accent sur le français et je
pense qu'il relève du gouvernement du Québec de préserver le français surtout au Québec. Et il m'apparaît important
également d'envoyer un message aux nouveaux arrivants qu'au Québec,
bien, c'est en français que ça se passe.
Mon deuxième point, évidemment, c'est les
18 000 dossiers, 18 000 dossiers qui seront jetés à la
poubelle. Dans ces
18 000 dossiers, on parle de personnes, hein, ce n'est pas juste des
dossiers, on parle de femmes, des couples, des enfants, des familles. On parle d'environ 45 000 personnes,
des gens qui ont investi temps et argent afin d'immigrer au Québec. Jamais le ministère de l'Immigration n'a
laissé sous-entendre à ces candidats à l'immigration qu'un jour, si les délais devaient
s'accumuler, on retournerait tout simplement leurs demandes. Il n'est pas
question ici de retourner un dossier parce
que la personne ne rencontre pas les critères de sélection. C'est tout
simplement parce qu'on n'a pas été en mesure de traiter son dossier dans
un délai raisonnable.
Ce sont des
gens pour la plupart, hein, on parle de 3 700, 3 800 dossiers,
donc environ 5 000 à 6 000 personnes, qui travaillent déjà au Québec, qui occupent un
emploi. Dans certains cas, les gens ont investi dans l'achat d'une maison. Ils ont des enfants, et les enfants sont
scolarisés. Ce sont des gens bien intégrés à la société québécoise. On
souhaite répondre à une pénurie de main-d'oeuvre, bien, ces gens-là travaillent déjà au Québec.
Alors, il m'apparaît important que, si on souhaite aller de l'avant par l'adoption du projet de loi
n° 9, on priorise évidemment ces dossiers. Il serait un peu absurde que,
des gens qui occupent déjà des
emplois au Québec, parce que les délais se seraient accumulés, le gouvernement
fédéral refuserait de renouveler
leurs titres de séjour temporaires. Parce qu'il faut comprendre que, si les
gens sont ici présentement, au Québec, c'est
qu'ils ont un statut de résidence temporaire leur permettant de rester au
Québec, soit travailler, soit étudier. Ce n'est pas éternel, et il est possible que, si les délais s'accumulent, ces
gens-là devront quitter le Québec et abandonner leurs emplois.
Le dernier
point, qui est la résidence permanente conditionnelle... Encore une fois,
compte tenu de l'état du droit actuel, il est impossible d'imposer cette
condition. Québec n'a pas compétence en matière de résidence permanente. D'expérience, et certains d'entre vous pourront me
corriger, Québec a détenu dans le passé un pouvoir en matière de conditions
au niveau de la résidence permanente. Mais,
si je me souviens bien, c'était pour des investisseurs ou des entrepreneurs,
mais ce n'était certainement pas pour des... Les deux? Non? Le deuxième,
les investisseurs?
M. Jolin-Barrette : ...
• (12 h 40) •
M.
Handfield (Stéphane) : Les
entrepreneurs, merci, M. le ministre. Mais jamais Québec n'a eu la compétence d'imposer des conditions au niveau de la résidence
permanente au niveau géographique. Et l'article 6 de la Charte canadienne
des droits et libertés est clair : un résident permanent a le droit à la
mobilité, a le droit de s'établir partout sur le territoire québécois et partout sur le territoire canadien,
et il a le droit de gagner sa vie partout au Canada. Alors, même si on
souhaitait obtenir ce pouvoir-là, je
doute fortement que le gouvernement
fédéral acquiesce à la demande du gouvernement du Québec parce que donner ce pouvoir-là irait à
l'encontre de la Charte canadienne des droits et libertés.
Alors, en conclusion, j'aimerais poser la question
suivante : A-t-on vraiment besoin d'en prendre moins pour en
prendre soin? Merci.
La
Présidente (Mme Chassé) : Merci pour votre exposé. Nous allons
maintenant débuter la période des échanges. M. le ministre, la parole
est à vous.
M.
Jolin-Barrette : Merci, Mme
la Présidente. M. Handfield, bonjour, merci d'être parmi nous pour contribuer
aux travaux de la commission.
Bien, si vous
voulez, on va reprendre les points que vous avez abordés. Vous dites :
Dans l'état actuel du droit, on ne peut pas imposer des conditions grevant la
résidence permanente. Là-dessus, je suis d'accord avec vous, dans l'état
actuel du droit, parce qu'il manque un bout
au fédéral. Est-ce que vous êtes d'accord avec moi que, présentement dans la loi fédérale, c'est prévu, il y a une disposition
législative qui est prévue, qui permet aux provinces de faire en sorte qu'elles
puissent imposer des conditions grevant la résidence permanente, qu'il y a un
pouvoir habilitant, là, du gouvernement fédéral
qui dit aux provinces : Vous pouvez le faire; si vous décidez de le faire,
moi, gouvernement fédéral, je dois adopter la réglementation qui va en conséquence, une réglementation miroir avec
celle de la province, en l'occurrence le Québec, qui se dote de ce
pouvoir-là, puis que lui aussi adopte un règlement? Est-ce que vous êtes
d'accord avec ça?
M. Handfield (Stéphane) : Je suis
d'accord avec vous.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Et
qu'entre 1993 et 2016 cette disposition-là était en vigueur dans la loi
fédérale puis qu'en plus il y avait
un règlement du gouvernement fédéral, je pense, à partir de 2004, pour les
immigrants entrepreneurs, qui
permettait au gouvernement du Québec d'imposer des conditions grevant la
résidence permanente dans le cadre du Programme immigrants
entrepreneurs?
M.
Handfield (Stéphane) : Au
niveau des dates, je ne peux pas les confirmer, mais, sur le reste de votre
affirmation, je suis d'accord avec vous.
M. Jolin-Barrette : O.K. Ça fait que
ça a déjà existé, puis c'est déjà dans la loi fédérale actuellement?
M.
Handfield (Stéphane) : Oui.
Le pouvoir, oui, mais encore faut-il que le gouvernement fédéral, par règlement, accepte de changer les règles du jeu, et ce qui revient à dire qu'au
niveau de la région géographique, compte
tenu de la charte, je doute
fort qu'on aille de l'avant.
M.
Jolin-Barrette : Attendons
avant d'aller là, mais revenons sur l'habilitation législative. Donc, le
fédéral, l'état du droit, c'est que
le gouvernement fédéral, dans sa législation, permet aux provinces de le faire. Il manque
un règlement.
En 2016,
quand l'Assemblée nationale a modifié la Loi sur l'Assemblée... excusez, a
modifié la Loi sur l'immigration avec
le projet de loi n° 77, on a retiré le pouvoir que je réintroduis par
l'article 21.1. Le libellé qui se retrouve dans le projet de loi n° 9 est pratiquement le même que celui qui existait
jusqu'en 2016, on a rajouté la compétence linguistique. Alors, moi, ce que je fais dans le projet de loi,
c'est que je me redonne le pouvoir que l'Assemblée nationale avait déjà. Est-ce
qu'on est d'accord là-dessus?
M.
Handfield (Stéphane) : Oui,
mais encore faut-il voir les conditions qu'on veut imposer. Il est là, le
problème. Ce n'est pas tant le
pouvoir de Québec d'imposer des conditions à la résidence permanente. Vous
l'avez bien dit, on l'a dit, dans le
passé, on l'a eu. Cependant, le gouvernement fédéral est très pointilleux, et
on l'a vu aussi, sur les conditions à la
résidence permanente. Le précédent gouvernement conservateur avait imposé
justement, au niveau de la catégorie des réunifications familiales, donc, l'engagement de trois ans. Les gens
devaient obligatoirement cohabiter ensemble pendant 24 mois, sous peine de perdre la résidence
permanente. Le gouvernement actuel a aboli ces conditions-là. Donc, au niveau des conditions qu'on pourrait imposer à la
résidence permanente, on ne semble pas être très chaud à l'idée de pouvoir
aller... de vouloir aller de l'avant sur ce point-là.
M. Jolin-Barrette : Mais,
juridiquement, c'est quelque chose qui est possible d'être fait?
M. Handfield
(Stéphane) : Juridiquement,
si Ottawa veut bien changer les règles du jeu, c'est possible de le faire.
M. Jolin-Barrette : O.K., et c'est
légal de le faire si Ottawa veut le faire?
M. Handfield (Stéphane) :
Absolument.
M. Jolin-Barrette : O.K. Donc là, ça
relève de la sphère politique?
M. Handfield (Stéphane) :
Absolument.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Donc,
moi, comme ministre du gouvernement du Québec, je peux insérer cet article-là,
21.1, dans le projet de loi n° 9, donner les pouvoirs au gouvernement du Québec d'imposer les
conditions grevant la résidence permanente.
Là, j'arrive à la question de la mobilité, où je
vous rejoins. Il est vrai qu'à partir du moment où quelqu'un a sa résidence permanente on ne peut pas l'obliger
d'assurer une mobilité... de ne pas avoir de mobilité sur le territoire québécois,
sur le territoire canadien, je suis d'accord
avec vous, puis le sens de l'article, ce n'est pas ça, ce n'est pas d'obliger
quelqu'un qui est résident permanent à être dans une région. Ça n'a
jamais été le cas. Par contre...
La Présidente (Mme Chassé) : M. le
ministre, je vais vous interrompre parce que...
Une voix : ...
La
Présidente (Mme Chassé) : C'est ça, exactement. Tout d'abord, est-ce
qu'il y a consentement pour poursuivre les travaux par la suite afin de
reprendre le temps de suspension?
Des voix : Consentement.
La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Étant
donné que nous devons suspendre les travaux de la commission, puisque nous
sommes appelés pour un vote en Chambre, je compte sur votre diligence pour
revenir rapidement.
M. Handfield (Stéphane) : Je ne dois
pas le prendre personnel, c'est ce que je comprends.
La Présidente (Mme Chassé) :
Prenez-le pas personnel.
Des voix : ...
La Présidente (Mme Chassé) : Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 45)
(Reprise à 13 h 3)
La
Présidente (Mme Chassé) : À l'ordre, s'il vous plaît! Merci. M.
le ministre, je vous invite à
poursuivre. Je crois que c'était vous qui étiez... qui avez votre droit
de parole.
M. Jolin-Barrette : Alors, désolé
pour la suspension, les travaux de la Chambre requéraient qu'on aille voter.
On parlait de
la résidence permanente puis les conditions grevant à la résidence permanente.
Ce qu'on disait, c'est que, dans l'état actuel du droit, il fallait que le
fédéral adopte un règlement mais que la législation fédérale le permettait,
de donner ce pouvoir-là aux provinces. Alors, avez-vous écouté l'audition du
Barreau quand ils sont venus ici?
M.
Handfield (Stéphane) : Non.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Le Barreau nous a dit que ça ne se faisait pas.
Alors, je comprends que vous êtes en désaccord avec le Barreau.
M. Handfield (Stéphane) : Bien, la question n'est pas être en désaccord ou
à être en accord. Vous savez, vous êtes membre du Barreau, on va assire six avocats autour d'une table, on va
poser une question puis on risque d'avoir six réponses différentes. Alors, évidemment, mes collègues du
Barreau ont leur position, j'ai ma position, et chaque position, à mon avis,
se défend.
M. Jolin-Barrette : Au niveau, là, du français, vous êtes d'accord pour le fait qu'on
puisse imposer des conditions en matière de connaissance du français.
Vous dites, par contre...
M. Handfield
(Stéphane) : ...
M. Jolin-Barrette : Avant l'émission du CSQ, parce que, pour la société québécoise, c'est
important que les gens puissent être intégrés, parler en français,
travailler en français. C'est important pour vous.
M. Handfield
(Stéphane) : Absolument. Ça l'a toujours été.
M. Jolin-Barrette : O.K. Dans l'éventualité où le fédéral ferait en sorte d'imposer des
conditions grevant, comme on le souhaite... en fait, comme je réintroduis
l'article, je ne présume pas de ce que l'Assemblée va décider, mais supposons
que l'article est adopté puis que le fédéral adoptait une réglementation miroir
pour nous permettre de faire en sorte d'imposer une évaluation du français puis d'en faire une condition à la résidence
permanente, ça, on pourrait faire ça, si le fédéral est d'accord.
M. Handfield
(Stéphane) : Si le fédéral est d'accord, oui.
M. Jolin-Barrette : O.K. Donc, ça requiert que le fédéral accepte notre proposition de
faire en sorte que la résidence permanente
qui est accordée par le fédéral suite à l'obtention d'un CSQ, pour le
gouvernement du Québec, ce soit conditionnel à la connaissance du
français, ça, on pourrait le faire.
M. Handfield (Stéphane) : À mon avis, il n'y a rien qui pourrait l'empêcher. Maintenant, ça demeure politique.
M.
Jolin-Barrette : Ça demeure politique.
M. Handfield
(Stéphane) : Ça, bien, c'est sur une autre patinoire que la mienne.
M. Jolin-Barrette : Je suis d'accord avec vous. C'est la même chose pour l'évaluation
de connaissance des valeurs québécoises aussi.
M. Handfield
(Stéphane) : C'est la même chose.
M. Jolin-Barrette : Donc, si le fédéral est d'accord, on pourrait mettre en place une évaluation de connaissance des valeurs québécoises, et il faut qu'ils modifient leur réglementation pour permettre au Québec, dans le
cadre, dans le fond, des... en fait, des résidents permanents pour que la
condition grevant la résidence permanente, suite à l'émission du CSQ,
puisse être faite.
M. Handfield (Stéphane) : Oui, à la... Évidemment, et là je fais une
parenthèse ici, M. le ministre, si vous permettez, il faudrait que tout
ça soit évidemment conforme aux droits garantis par la Charte canadienne des
droits et libertés. Alors, si évidemment on
considère qu'il y a une atteinte aux droits garantis par la charte, alors je
vois mal comment, d'une part, on pourrait aller de l'avant avec cette
disposition et comment le fédéral pourrait permettre cette disposition-là.
Ceci
étant dit, je pense qu'il faut aller aussi un peu plus loin, parce que,
lorsqu'on veut imposer des conditions, il faut voir les conséquences si,
évidemment, les conditions ne sont pas respectées. Je vois mal comment on
pourrait arriver à expulser des gens, parce que, si, effectivement,
l'objectif du gouvernement est d'imposer des conditions à la résidence
permanente... Si on ne rencontre pas les conditions, c'est qu'on perd la
résidence permanente. Et donc il y a une mesure d'expulsion qui est prise, et on est expulsé. J'ai de la difficulté à
penser que le gouvernement accepterait de faire en sorte que des gens qui n'ont
pas réussi un test de langue ou un test de valeurs québécoises deviendraient
des sans-statut et qu'ils devraient être expulsés du Canada ou du
Québec.
Dans
ma déclaration initiale, je vous mentionnais que le gouvernement canadien
impose des tests de langue et des tests de valeurs canadiennes pour
l'obtention de la citoyenneté canadienne. Si la personne, le candidat à la
citoyenneté canadienne échoue ces tests, il
ne perd pas de statut, il n'en gagne tout simplement pas un. Il ne devient pas
citoyen canadien, mais il demeure
résident permanent. Donc, il n'y a pas d'expulsion possible. Je pense que c'est
important de faire la parenthèse.
M.
Jolin-Barrette : Je suis d'accord avec vous sur cette nuance-là. Puis,
pour l'examen de citoyenneté, c'est connaissance français, anglais, en plus de
l'examen de connaissance des valeurs canadiennes. O.K.
Dans votre expérience, là, en droit de
l'immigration, là, ça arrive que le fédéral lui-même retire la résidence
permanente à certaines personnes qui ont commis un crime ou qui sont à
l'étranger pendant x nombres d'années.
M.
Handfield (Stéphane) : Non,
ce n'est pas le fédéral qui retire le statut. En fait, on parle d'une perte de
résidence permanente, et c'est fait
par le tribunal. C'est la Commission de l'immigration et du statut de réfugié
qui, après audition, peut déterminer
qu'il y a perte de résidence permanente pour quelqu'un, effectivement, qui a
commis une infraction criminelle soit
au Canada, soit à l'étranger, qu'une personne n'a pas rempli les conditions de
la résidence permanente, c'est-à-dire de
demeurer sur le territoire canadien pendant une période quinquennale, donc de
deux ans sur une période de cinq ans, ou
pour fausse déclaration. Tout comme pour un réfugié, hein? Une personne qui a
été reconnue comme réfugié, si on veut lui
faire perdre ce statut, donc pas le lui retirer mais qu'il y ait une perte du
statut, c'est le tribunal aussi qui a compétence pour trancher cette
question-là, ce n'est pas le gouvernement fédéral.
M.
Jolin-Barrette : C'est le
tribunal qui a compétence, je suis d'accord avec vous. Cela étant dit, le
tribunal a compétence sur la perte de statut lorsqu'il statue qu'il y a une
perte... en fait, les conditions de la loi qui a été votée par le Parlement fédéral ne sont pas remplies. Donc, ce
n'est pas le gouvernement qui dit : Je retire le statut de résident
permanent. C'est le tribunal, on s'entend, mais le tribunal le fait en
vertu de la loi qui a été votée par le Parlement fédéral.
M.
Handfield (Stéphane) : Des
dispositions, entre autres, quand on parle de perte de résidence pour
criminalité. Si on parle d'un
résident permanent, évidemment, c'est l'article 36 de la loi qui
s'applique, c'est grande criminalité, et il faut avoir été reconnu coupable, évidemment, d'une infraction, au Canada
ou à l'étranger, qui est punissable d'une peine d'emprisonnement maximale d'au moins 10 ans ou pour laquelle on a
reçu une sentence d'emprisonnement de six mois et plus.
Alors, si on
constate, si le tribunal constate qu'effectivement la personne n'est pas
citoyenne canadienne et a été déclarée coupable pour une telle infraction, le
tribunal va effectivement conclure qu'il y a perte de la résidence, et mesure
d'expulsion sera prononcée. Dans certains cas, le résident permanent aura un droit
d'appel devant la Section d'appel de l'immigration, où il pourra
invoquer les motifs d'ordre humanitaire.
M.
Jolin-Barrette : Il y a tout
le processus judiciaire qui suit son cours, même chose pour la personne qui n'a
pas été présente sur le territoire canadien pendant un certain temps...
M. Handfield (Stéphane) : ...devant
la Section d'appel de l'immigration.
• (13 h 10) •
M. Jolin-Barrette : Il y a un droit
d'appel, mais ultimement il peut y avoir une perte de statut. Alors, le fédéral
lui-même, dans sa législation, prévoit qu'il
est possible de perdre sa résidence permanente sous certaines conditions qui sont évaluées par le tribunal en
fonction de la loi qui a été validement adoptée par le Parlement fédéral. O.K.
Sur les 3 700 dossiers, les gens qui
ont fait leurs demandes ici, alors qu'ils étaient physiquement sur le territoire
québécois, à ce jour, on ne peut pas identifier précisément le nombre de
personnes qui sont sur le territoire québécois. On sait
qu'il y a environ
3 700 demandeurs principaux qui ont fait leurs demandes, ils étaient
sur le territoire québécois à l'époque. Ça peut représenter jusqu'à
5 500 personnes qui sont sur le territoire québécois.
Moi, ce que
je dis, c'est qu'on souhaite que... Ces gens-là qui sont sur le territoire
québécois, on les invite en priorité dans
le système Arrima parce que, s'ils occupent un emploi, ils répondent aux
besoins du marché du travail, ils sont présents. Parce qu'eux, quand ils ont
fait leurs demandes, puis encore aujourd'hui, ils sont avec un statut
temporaire, un permis de travail, généralement, ou un permis d'étude qui
a été délivré par le gouvernement fédéral.
Est-ce que
vous êtes d'accord avec le fait qu'on travaille à faire en sorte qu'ils soient
invités prioritairement à demeurer au Québec, ces gens-là?
M. Handfield (Stéphane) : Pas
invités, traités.
M. Jolin-Barrette : Traités?
M. Handfield (Stéphane) : Leur
dossier a été déposé. Je crois que ce serait inacceptable de leur demander de recommencer à neuf. Je pense qu'ils devraient
justement recevoir un traitement de faveur, à la limite, mais on doit les prioriser,
mais pas les inviter. On ne doit pas fermer
leur dossier et leur demander de recommencer à zéro. Si on leur demande de
recommencer à zéro pour l'obtention du
certificat de sélection du Québec, vous savez, par la suite, ils devront
soumettre leur demande à Sydney,
hein, pour obtenir la résidence permanente, et on connaît les délais du côté du
fédéral. Alors, je pense, ces gens-là ont assez attendu.
M. Jolin-Barrette : Donc, une
priorité pour ces candidats-là.
M. Handfield (Stéphane) :
Absolument.
M. Jolin-Barrette : Dans votre mémoire, vous dites : Ces
personnes-là ont acheté des maisons; dans certains cas, les enfants sont à l'école, tout ça. Je suis très
sensible à cette situation-là, surtout s'ils sont en emploi aussi,
présentement, qu'ils
répondent à un besoin du marché du travail, parce que ce qu'on fait avec le
projet de loi n° 9, justement... On veut réformer pour faire en sorte que maintenant il y ait une adéquation
entre le profil du candidat puis les offres d'emploi qu'on a de
disponibles, pour qu'il y ait un maillage entre les deux.
M. Handfield
(Stéphane) : Et je ne suis
pas contre. Vous l'avez vu dans mon mémoire, je ne suis pas contre, non
plus, ce principe-là.
M. Jolin-Barrette : Les gens, là, qui étaient dans cette
situation-là, les 3 700, là... On enlève le projet de loi n° 9. Je ne
l'ai jamais déposé, supposons. Ça ne veut pas dire que toutes ces personnes-là
seraient demeurées au Québec, parce que,
s'ils ne répondaient pas au Programme régulier des travailleurs qualifiés,
s'ils ne passaient pas dans la grille de sélection, il y a certains
dossiers qui auraient été rejetés.
M. Handfield
(Stéphane) : C'est sûr qu'on
peut... À partir du moment où on n'a pas évalué les dossiers, comme pour
l'ensemble des 18 000, le même raisonnement s'applique. Ce n'est pas parce
qu'on soumet une demande qu'automatiquement cette demande-là va été
acceptée.
Toutefois,
d'expérience, parce que, bon, ça fait quand même bientôt 27 ans que je
travaille dans le domaine, lorsqu'on soumet
une demande, lorsqu'on soumet un dossier, bien, il y a une évaluation
préliminaire qui est faite. Alors, si j'invite un candidat à soumettre une demande dans la catégorie
du travailleur qualifié pour le Québec, c'est que j'ai bon espoir qu'il remplit les critères et qu'il va être accepté.
S'il est en deçà du seuil minimal de pointage, je ne l'invite pas. S'il y a une
problématique au niveau de ses compétences en français, je ne l'invite pas à
soumettre une demande. Ça ne veut pas dire qu'il n'en soumettra pas une par
lui-même, mais j'ose espérer que, si on a soumis une demande, c'est qu'on
considère qu'on va remplir les conditions.
Maintenant,
est-ce que ces gens-là aujourd'hui, après x nombres d'années, ont changé leur
plan? Peut-être. Il y en a probablement
qui ont décidé de soumettre une demande dans une autre province canadienne.
Peut-être que certains ont décidé de
soumettre une demande d'immigration pour un autre pays. C'est possible, mais,
tant qu'on n'a pas évalué ces dossiers-là, on ne peut pas le savoir.
M. Jolin-Barrette : O.K. Mais ce n'est pas tout le monde qui a déposé
une demande qui est allé voir un avocat ou un consultant en immigration
avant de déposer une demande.
M. Handfield
(Stéphane) : C'est sûr.
M. Jolin-Barrette : Puis, même encore là, même s'il consulte un membre
du Barreau ou un consultant en immigration, le ministère traite sa demande puis
parfois... Ce n'est pas parce qu'on a le O.K. de quelqu'un que c'est nécessairement le traitement qui va être fait par
le ministère de l'Immigration. Il y a la grille, puis tout ça, puis chaque
dossier est analysé individuellement, puis on se retrouve avec une
analyse objective qui est faite du dossier.
M. Handfield
(Stéphane) : C'est sûr que
ce n'est pas parce qu'un avocat vous conseille quelque chose qu'inévitablement
ça va tenir la route. On l'a vu récemment avec l'injonction à la Cour
supérieure.
M. Jolin-Barrette : Je comprends, et d'ailleurs c'est une injonction
interlocutoire provisoire. Et je vous ai entendu dire aussi, au début de votre intervention : Vous mettez six
membres du Barreau autour de la même table, vous allez avoir six
réponses différentes.
M. Handfield (Stéphane) : Je
maintiens cette déclaration.
M. Jolin-Barrette : O.K. Je vous dirais que je pourrais la seconder,
parfois. Vous nous invitez, à la fin
de votre mémoire, à rapatrier toutes les compétences en matière
d'immigration pour le gouvernement du Québec.
M. Handfield (Stéphane) :
Absolument.
M.
Jolin-Barrette : Moi, je
vous dirais, je suis très en accord avec ça, notamment on est en
négociation avec le gouvernement fédéral pour rapatrier le regroupement familial.
Pourquoi, pour vous, c'est important que le Québec puisse
sélectionner la totalité de son immigration?
M.
Handfield (Stéphane) : Bien,
on le voit, on a un bel exemple avec votre projet de loi n° 9,
plusieurs pans du projet de loi ne pourront pas être appliqués justement
parce que le Québec n'a pas compétence sur ces questions-là. Alors,
si on veut pouvoir adopter des projets de loi en matière d'immigration, on doit
avoir compétence.
J'ai beaucoup
de difficultés à concevoir qu'on ne peut pas aller de l'avant sur plein de
domaines qui touchent le droit de
l'immigration. Par exemple, on a vécu au Québec, hein, une entrée massive de
demandeurs d'asile, et c'était un phénomène typiquement québécois. Là,
je comprends que je sors un peu du projet de loi, mais c'est pour vous mettre dans le contexte. C'est un phénomène typiquement
québécois. Les quatre premiers mois de l'année 2018, on a reçu, par le chemin Roxham, plus de 7 000 nouveaux
demandeurs d'asile, comparativement à 153 pour la Colombie-Britannique ou
152 pour l'Alberta. J'ai de la difficulté à comprendre pourquoi que le gouvernement
du Québec n'avait pas compétence pour émettre des permis de travail rapidement à ces
gens-là pour qu'ils puissent travailler au Québec. C'est le fédéral qui devait
les délivrer, et vous vous rappelez qu'au début ça pouvait prendre jusqu'à six
mois, dans certains cas jusqu'à 12 mois, avant que les gens puissent
obtenir le fameux permis de travail. Mais, pendant ce temps-là, les gens,
qu'est-ce qu'ils doivent faire? Ils doivent subvenir à leurs besoins.
Ils font quoi? Ils se retournent vers l'aide sociale.
Alors, c'est
un bel exemple, à mon avis... vous poseriez la question à mes collègues, puis
ils ne seraient pas d'accord, mais je pense que c'est un exemple où il serait important que le Québec
puisse avoir compétence sur ces questions-là, oui.
M.
Jolin-Barrette : Donc, vous
nous supportez dans notre démarche notamment d'aller chercher le regroupement familial
puis que ce soit de compétence québécoise.
M.
Handfield (Stéphane) : Il
faudrait que je voie exactement où vous voulez en venir, mais... Je
ne signe pas de chèque en blanc, mais, si l'objectif est de
rapatrier des compétences en matière d'immigration, absolument.
M.
Jolin-Barrette : Et donc,
dans cette perspective-là, sur la question des conditions grevant la résidence
permanente, dans l'état actuel du
droit, je suis d'accord avec vous qu'il y a certaines réserves, le gouvernement
fédéral doit modifier sa réglementation.
Mais par contre c'est légitime pour la société québécoise de vouloir faire en
sorte que les immigrants qu'elle accueille puissent parler français.
M.
Handfield (Stéphane) :
Attendez. C'est parce que, là, vous parlez de conditions à la résidence
permanente et de parler français.
Est-ce que je suis en faveur que le Québec sélectionne l'immigration qui
maîtrise le français? Absolument.
M.
Jolin-Barrette : Bien, en
fait, qu'on puisse faire en sorte d'avoir une évaluation pour pouvoir obtenir
sa résidence permanente, que la
condition associée à la résidence permanente, ce soit de connaître le français,
qu'on puisse imposer une évaluation de la connaissance de la langue
française.
M. Handfield (Stéphane) : Je ne sais
pas, là. Je ne vous suis pas. Je suis désolé.
M.
Jolin-Barrette :
L'article 21.1, on dote le Québec du pouvoir de grever la résidence
permanente de certaines conditions. Trouvez-vous ça légitime qu'on puisse
imposer... Supposons que le fédéral accepte, là, l'article 21.1,
adopte une réglementation qui nous permet
que la résidence permanente soit délivrée conditionnellement à la connaissance
d'un certain niveau de français.
Trouvez-vous ça légitime pour la nation québécoise de faire en sorte que les
gens apprennent le français?
M.
Handfield (Stéphane) : J'ai
compris. J'ai un peu de difficultés parce qu'on viendrait faire en sorte que
des gens qui sont déjà ici, qu'on a sélectionnés, n'obtiennent pas la résidence
ou perdent la résidence parce qu'ils ne maîtrisent pas le français, alors que
je pense que, pour éviter une situation comme celle-là et des déchirements...
Une expulsion du Québec, ce n'est
jamais drôle. Je ne sais pas si vous en avez vécu dans le passé dans votre
pratique, mais des femmes... des enfants qui sont séparés de leur père, de leur mère, c'est déchirant. Donc, on
ne veut pas en arriver là, parce que ces gens-là, s'ils sont ici, bien, pourraient avoir des enfants qui
sont, eux, canadiens, d'où l'importance, à mon avis, que, si on veut imposer
de telles conditions, bien, c'est avant la sélection. Ça, c'est mon opinion.
• (13 h 20) •
M.
Jolin-Barrette : Mais, dans
le cadre du Programme de l'expérience québécoise, là, le gouvernement québécois,
c'est ce qu'il fait déjà. Il impose un
niveau de connaissance du français pour avoir le CSQ puis ultimement avoir la
résidence permanente. Ça dépend de quelle façon on le prend.
Nous, ce
qu'on disait, c'est : On veut faire venir les gens beaucoup plus
rapidement au Québec puis on ne veut pas limiter la possibilité des gens
de venir au Québec, basée sur la connaissance préalable de la langue française.
Puis c'est un peu ça, le projet de loi n° 9, entre autres avec le parcours
personnalisé, pour faire en sorte que l'État... tu sais? Parce qu'il y a une grande responsabilité du ministère
de l'Immigration, de l'État québécois de dire : Il faut déployer les
ressources, il faut faire de l'accompagnement personnalisé, pour dire,
dès l'étranger, au niveau de l'intégration, au niveau de la francisation : Il faut accompagner les gens.
C'est notre responsabilité comme société d'accueil, et aussi de répondre aux
besoins de main-d'oeuvre des différentes
entreprises pour dire : On est en pénurie de main-d'oeuvre, puis il faut
que le profil des gens corresponde aux besoins en matière de marché du
travail.
Les délais sont extrêmement longs. Moi, je me
ramasse dans une situation où il y a un inventaire de dossiers non traités, les 18 000 dossiers
notamment. J'ai un autre inventaire, au gouvernement fédéral, aussi de
40 000 personnes, que des
CSQ ont été délivrés basé... parce qu'il n'y a pas eu de gestion de la demande
adéquate puis en fonction des seuils aussi
d'immigration... bien, c'est comme l'entonnoir aussi. Alors, on se retrouve
dans une situation où, pour nous, on souhaite que les gens puissent apprendre
le français, puissent parler français et qu'on puisse imposer cette
condition-là, éventuellement, avec la résidence permanente.
M.
Handfield (Stéphane) : Mais,
dans l'état actuel du droit, vous ne pourrez pas. Et moi, je vous le dis, j'ai
de la difficulté à faire en sorte qu'on
ferait que des gens deviennent des sans-statut sur la base du fait qu'ils n'ont
pas réussi un test de français ou n'ont pas réussi un test de valeurs.
Je reviens à ma comparaison. Le fédéral l'a
fait, mais on ne leur fait pas perdre un statut. Il n'y a pas d'expulsion possible. Ce que vous souhaitez faire, c'est de
faire en sorte que des familles vont être séparées. Oui au français, mais, avant,
évitons de faire en
sorte que les gens se retrouvent dans une situation insoutenable. Trop souvent,
on le vit au quotidien. C'est épouvantable. Alors, ne faisons pas ce
qu'on reproche au fédéral de faire.
La Présidente (Mme
Chassé) : Il vous reste moins d'une minute.
M.
Jolin-Barrette : Au niveau des permis de travail temporaires, une des
réalités, c'est que, les gens, lorsqu'ils viennent
au Québec ou au Canada avec un permis de travail temporaire, la situation, elle
est temporaire. Donc, nous, notre objectif,
c'est de donner des services aussi à ces gens-là en intégration et en
francisation pour pouvoir les garder le plus longtemps possible au
Québec. Est-ce que vous accueillez favorablement cela, le fait que maintenant
le ministère de l'Immigration va pouvoir leur donner des services?
M. Handfield
(Stéphane) : En francisation?
M.
Jolin-Barrette : En francisation, en intégration, en emploi.
M. Handfield (Stéphane) : Bien, absolument. En fait, tout individu qui se
trouve sur le sol québécois, que ce soit un travailleur, un étudiant, un
demandeur d'asile ou même un résident permanent qui a obtenu la résidence par
le biais du regroupement familial, le
parrainage, qu'il puisse obtenir des services de francisation, d'intégration et
d'accompagnement, je ne suis que favorable à ça.
La Présidente (Mme
Chassé) : Merci. Merci, M. le ministre. Maintenant, je cède la parole
à la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme
Anglade : Merci. Alors, merci de l'opportunité d'échanger avec vous.
Nous avons eu beaucoup d'échanges, lors
de votre présentation, sur les aspects juridiques de la question de la
résidence permanente, est-ce qu'il est possible d'avoir... de négocier avec le
fédéral des conditions par rapport à la résidence permanente. Mais je pense que
la question fondamentale qu'on doit
se poser, au-delà d'est-ce que c'est possible, c'est : Est-ce que c'est
souhaitable? Et c'est là que j'aimerais vous entendre.
Je
pense que, dans la manière dont vous avez exposé la chose... Vous avez parlé
de... avant qu'ils arrivent, si on était
capables d'imposer des conditions, c'est une chose. Mais, une fois qu'ils sont
là, ce n'est pas souhaitable, indépendamment du fait que ce soit le gouvernement fédéral ou le gouvernement du Québec
qui soit en charge de cette décision-là. Alors, j'aimerais vous entendre
sur le fait que... si c'est souhaitable ou pas.
M. Handfield (Stéphane) : Bien, c'est parce que, si on le faisait, hein,
d'imposer des conditions pour la résidence permanente au Québec... ce
qui viendrait dire qu'au Canada on aurait deux types de résidence permanente.
On aurait un résident permanent avec une
épée de Damoclès au-dessus de la tête, qui demeure au Québec, et on aurait les
autres qui demeurent ailleurs, dans une autre province canadienne. Et la
condition géographique, encore là, ça va carrément à l'encontre de la Charte canadienne des droits et libertés. Alors, je ne
peux pas être d'accord avec l'imposition d'une condition qui va
à l'encontre des droits garantis par la charte.
Et
je pense et je maintiens que, si on veut imposer des conditions au niveau de la
langue, c'est avant l'arrivée du candidat
au Québec qu'on doit le faire, et non pas faire en sorte qu'une personne
devient un sans-statut parce qu'elle n'a pas réussi à remplir, compléter
un test de français.
Mme
Anglade : Vous avez dit à maintes reprises que vous pensez que le
gouvernement fédéral n'était pas... n'allait pas être en accord, de toute
façon, avec les modifications qui sont proposées par le projet de loi. On sent,
du côté du gouvernement, la volonté de voir de quelle manière ils vont
pouvoir aller négocier ces éléments-là. Combien d'énergie pensez-vous qu'on devrait dépenser là-dedans par
rapport à l'impact réel que ça peut avoir sur notre capacité d'intégration
de nos immigrants?
M. Handfield (Stéphane) : Excellente question. L'énergie déployée pour
aller chercher, disons, cet accord ou ce changement de procédure du
gouvernement fédéral, bon, c'est une chose, mais par la suite, vous savez, à
partir du moment où on impose des conditions,
encore faut-il avoir les capacités de faire respecter ces conditions-là. Donc, est-ce qu'on aura les ressources supplémentaires?
On
le voit aujourd'hui, les délais explosent, les dossiers s'accumulent.
On parle beaucoup du système Arrima, hein, je pense que c'est de l'heure, mais il faut savoir qu'actuellement il y a plus de 90 000 personnes qui ont soumis une déclaration d'intérêt dans ce système-là. On parle de
45 000 personnes dans les 18 000 dossiers qui traînent
depuis quelques années. On essaie de
trouver une solution pour ces dossiers-là. J'ai une difficulté à savoir comment
est-ce qu'on va pouvoir faire les choses rapidement avec
90 000 personnes.
Ceci
étant dit, ça prend des ressources pour suivre les gens à qui on impose des
conditions. Donc, est-ce que c'est vraiment avantageux pour la société
québécoise de mettre autant de ressources et d'énergie pour s'assurer est-ce
qu'une personne a rempli ou non une
condition à la résidence permanente, pour faire en sorte qu'elle perde cette
résidence puis qu'elle devienne un
sans-statut? Et la question que je me pose... parce que, bon, évidemment, c'est
embryonnaire, on discute, mais il
arrive quoi avec cette personne-là si, en cours de route, elle décide de
déménager dans une autre province canadienne? Est-ce que les conditions
qu'on lui aura imposées pourront suivre du côté de l'Ontario, ou du Manitoba,
ou l'Alberta? Je n'en ai aucune idée.
Mme Anglade :
Je lis votre enthousiasme par rapport à ça.
Question
pour vous. Le 29 janvier dernier, le premier ministre du Québec a dit
qu'il allait procéder au traitement des
18 000 dossiers dans l'ancien système. Le gouvernement est revenu sur
sa parole et a donc décidé de ne pas traiter, ce qui a mené évidemment au recours juridique que l'on connaît aujourd'hui.
Comment réagissez-vous à cette situation-là?
Et,
sachant que, par exemple, l'année dernière, 20 000 dossiers ont été
traités au sein même du ministère, sachant que d'anciens fonctionnaires ont dit qu'ils étaient en mesure de traiter
les dossiers relativement rapidement, si les efforts étaient mis, dans
les prochains six mois, comment réagissez-vous à cette situation-là plus
particulièrement?
M. Handfield (Stéphane) : Bien, dans un premier temps, j'ai pris
connaissance, probablement comme vous, des statistiques à l'effet que le ministère, en 2018, dans une période de
huit mois, a été en mesure de traiter environ 5 000 dossiers.
Donc, s'il y a une volonté de vouloir traiter les dossiers, je pense qu'il est
possible de le faire.
On
parle de rembourser les candidats à l'immigration, les
18 000 dossiers, des frais de traitement. On parle d'environ 19 millions de dollars. Si on prenait une
partie de cette somme-là pour investir dans les ressources humaines et matérielles
du ministère dans le but d'étudier les 18 000 dossiers, je pense que
c'est faisable.
D'autre
part, la prémisse de votre question, comment je réagis à la déclaration du
premier ministre, bien, lorsque, le
29 janvier, le premier ministre du Québec a déclaré que les
18 000 dossiers allaient être traités en fonction des anciens critères et que, par la suite, on allait mettre de
l'avant le nouveau système, évidemment j'étais réjoui par cette déclaration-là,
parce que c'est le souhait que la
plupart de mes collègues souhaitent également, c'est-à-dire qu'on traite ces
dossiers-là. Comment expliquer qu'une
semaine plus tard on dépose un projet de loi qui va carrément à l'encontre de
cette déclaration-là? Comme citoyen,
je ne parle pas comme avocat, mais comme citoyen, je trouve ça préoccupant.
D'une part, est-ce que le premier
ministre était au courant de la teneur du projet de loi lorsqu'il a fait cette
déclaration le 29 janvier? Si oui, eh bien, il a menti à la
population québécoise, si non, c'est préoccupant.
Mme Anglade :
Très bien. Lorsque l'on parle, donc, des 18 000 dossiers, votre
commentaire par rapport aux 18 000 dossiers,
c'est qu'ils devraient être traités de manière urgente dans l'ancien système,
surtout que l'on sait qu'il y a quand même 90 000, déjà, demandes dans le
nouveau système et que, selon le sous-ministre du ministère de l'Immigration,
c'est 400 dossiers qui seraient traités
dans Arrima, seulement, en 2019. Alors, évidemment, pour ces personnes-là,
j'imagine que vous dites... ça
renforce l'idée qu'il faudrait traiter les 18 000 dossiers le plus
rapidement possible dans l'ancien système.
• (13 h 30) •
M. Handfield
(Stéphane) : Dans un premier temps, ceux qui sont déjà au Québec, les
3 700, 3 800, c'est un incontournable.
C'est une priorité. Par la suite, bien, je pense qu'il ne faut pas laisser
tomber non plus les 14 000 autres dossiers, hein? Il y a des gens, comme je vous dis, qui ont
mis sur la glace des projets d'avenir, des gens qui se sont dit : Oui,
j'ai un projet; non, je mets tous mes
oeufs dans une migration vers le Québec, et qui se font dire, et je pense que
c'est important, hein, ils se font
dire aujourd'hui : Désolé, vous avez attendu trois, quatre, cinq ans, repartez
à zéro, non pas parce que vous ne
rencontrez pas les critères de sélection, c'est tout simplement qu'on n'a pas
été en mesure de traiter votre dossier dans un délai raisonnable.
Les
comparaisons sont souvent boiteuses, mais vous me permettrez d'en faire une. En
matière criminelle et pénale, la Cour
suprême a dit qu'une personne qui est accusée d'un meurtre doit être jugée dans
un délai raisonnable, et c'est 30 mois. Et là on dit à ces gens-là : Bien, désolé, à cause du délai,
recommencez à zéro. Bien, non, c'est l'inverse qu'on devrait faire. On veut mettre en branle un nouveau système de
non-priorité à ces dossiers-là pour ensuite aller de l'avant avec le nouveau
système.
Mme
Anglade : Dans la question du remboursement, à supposer que le gouvernement
persiste et signe, puis on va voir,
parce que, là, les tribunaux ont statué, là, le tribunal a statué, pour
l'instant ils sont obligés de traiter les 18 000 dossiers,
mais à supposer qu'on décide de rembourser les gens, des gens qui sont venus
ici nous ont dit qu'on s'expose à des poursuites
additionnelles parce que, si c'était simplement le remboursement du
1 000 $, on ne prend pas en considération les frais de
certification, de notaires, les frais d'avocats, etc., et que, dans le fond, on
devrait considérer un minimum supplémentaire
de 1 000 $ à 2 000 $, sinon on pourrait s'exposer encore à
davantage de poursuites. Est-ce que vous êtes en accord avec ça? Est-ce
que vous avez une opinion sur cette question?
M. Handfield (Stéphane) : Depuis le dépôt du projet de loi, j'ai cessé de
compter le nombre de courriels et de messages
que j'ai reçus de gens, au Québec et à l'extérieur du Québec, qui ont
l'intention de se joindre à un recours collectif éventuel ou, à tout le moins, d'entreprendre des procédures judiciaires
si le projet de loi n° 9 est adopté tel quel. Ça se compte par centaines. Alors, oui, j'imagine que le
gouvernement s'expose à des poursuites si évidemment on adopte tel quel le
projet de loi. Et je ne crois pas que les
gens vont intenter des recours si on parle d'un test de français, d'un test de
valeurs. Je crois que ce qui fait
problème, c'est les 18 000 dossiers qu'on veut tout simplement fermer
et demander aux gens de repartir à neuf.
Mme
Anglade : Nous avons entendu également cette préoccupation-là, parce
que, comme je vous dis, ça ne fait pas
trois semaines qu'on est déjà devant les tribunaux, et on a clairement eu le
message des gens qu'il y avait des risques importants de poursuites... mais c'est dur de quantifier, je veux dire,
je ne suis pas juriste non plus, mais qu'il y avait un risque certainement de poursuites, notamment si on
persistait dans le remboursement qui n'était pas équitable, là, par rapport
aux personnes.
M. Handfield (Stéphane) : Si vous me permettez, au-delà du remboursement,
le fait de fermer un dossier dans les conditions...
dans les circonstances, je trouve que ce n'est pas équitable et c'est injuste,
et on cause déjà un préjudice. Je comprends qu'on va rembourser certains
frais, mais, au-delà des frais, c'est un projet d'avenir qu'on leur fait
perdre.
Mme
Anglade : Dernière question. On ne prend pas de recul, on est dans une
situation de pénurie de main-d'oeuvre, pénurie
de main-d'oeuvre, les taux de chômage de la population immigrante, de manière
générale mais particulièrement du 0-5 ans,
sont en chute drastique, ce qui montre bien qu'ils arrivent à s'intégrer même
si l'intégration a besoin d'être améliorée, a besoin d'être renforcée, d'où la nécessité de ce qui est proposé par
le ministre en termes de coordination, et ça, je l'assume, je le
reconnais pleinement.
La réduction des
seuils, la réduction des seuils aujourd'hui, comment vous la qualifieriez?
M. Handfield (Stéphane) : Vous m'emmenez sur un sujet qui... Les seuils
d'immigration... Je pense qu'on ne peut pas juste balancer des chiffres à la
légère, et je l'ai déjà dit et je le répète. Est-ce que c'est 30 000,
est-ce que c'est 40 000, est-ce
que c'est 60 000? On ne le sait pas. Pourquoi? Parce qu'on n'a jamais fait
d'études approfondies, à savoir : C'est quoi, les besoins réels du Québec
au niveau du vieillissement de la population, au niveau justement de la pénurie
de main-d'oeuvre? Il est possible,
hein, il est possible... C'est parce que chacun, hein, au gré du vent, balance
son chiffre, mais il est possible que
c'est 20 000 qu'on a de besoin, il est possible que, dans deux ans, ce
sera 40 000. Alors, j'ai de la difficulté à juste me prononcer sur un seuil
d'immigration à la hausse, à la baisse, au maintien sans vraiment se pencher
d'une façon rigoureuse... Et c'est la
raison pour laquelle j'avais déjà déclaré que je pense que la Vérificatrice
générale serait probablement la personne la mieux habilitée, si
évidemment on souhaitait le faire, pour qu'elle puisse... — je
vois M. le ministre qui... ça le fait sourire — qui serait le mieux
habilitée, à mon avis, pour trancher cette question.
Mme
Anglade : Le ministre sourit parce que ça va réjouir les personnes qui
sont à ma gauche présentement, c'est certainement pour ça qu'il sourit
dans le commentaire.
Mais,
au-delà de ça, il y a deux choses à regarder dans la réduction des
seuils : il y a la capacité d'intégration ou d'adaptation, d'absorption dans une société, et il
y a les besoins de la société. Je pense, en tout respect, que, dans les besoins,
il y a plusieurs organisations qui se sont
positionnées, qui ont fait des études de fond pour évaluer les besoins. En
aucun cas ces organismes n'ont parlé
de réduction de main-d'oeuvre. Pas une fois ces organismes ne sont venus pour
dire : Il faudrait réduire.
Donc, on peut se questionner sur la capacité d'absorption, là. Peut-être qu'il
n'y a pas eu d'étude, mais il y a quand même plusieurs organes qui se sont
positionnés sur la question du maintien, à tout le moins, sinon de
l'augmentation.
Écoutez, je ne sais
pas combien de temps il nous reste. Il nous reste trois minutes?
La Présidente (Mme
Chassé) : Oui.
Mme Anglade :
Est-ce que je peux céder la parole...
M. Handfield
(Stéphane) : ...d'apporter...
Mme Anglade :
Oui, je vous en prie.
M. Handfield (Stéphane) : Oui? Peut-être qu'on devrait se poser également
la question : on a peut-être moins besoin de travailleurs qualifiés et plus de travailleurs moins qualifiés. On ne
s'est jamais vraiment posé cette question-là. Parce que j'écoutais les gens qui ont passé juste avant
moi, et c'est ce qu'ils soulevaient, hein, la difficulté de combler certains
types d'emploi parce que, bon, ce
sont... lorsqu'on parle beaucoup de seuil, c'est beaucoup de... on parle de
travailleurs qualifiés. Alors, je pense qu'on devrait aussi se poser
cette question-là.
Mme
Anglade : À cette question, qui est fort pertinente, de voir qu'il y a
environ deux tiers des emplois qui ont besoin d'être comblés qui ne nécessitent pas de formation passé le
secondaire V, mettons, les gens nous disent : Ah! bien, oui, il faut une meilleure adéquation. Mais en même
temps les mêmes personnes nous disent : L'économie se transforme, ces emplois-là vont probablement, ultimement,
s'automatiser, se robotiser, etc. Donc, il va falloir que les personnes qui occupent ces fonctions-là puissent migrer vers
d'autres fonctions également, d'où l'équilibre à maintenir entre les personnes qui sont qualifiées et les personnes qui le sont
moins. Il y a un meilleur arrimage à faire, mais il faut faire attention dans
ce meilleur arrimage là également.
M. Handfield
(Stéphane) : Absolument.
Mme Anglade :
Il me reste...
La Présidente (Mme
Chassé) : Deux minutes.
Mme Anglade :
Il me reste deux minutes. Est-ce que tu...
Mme
Robitaille : Oui. En fait, peut-être pour clore. Écoutez...
La Présidente (Mme Chassé) :
...députée de Bourassa-Sauvé à prendre la parole.
Mme Robitaille : Oui, Mme
la Présidente. Alors, bien, donc, si le projet de loi était adopté comme il est
là, là, on ne change pas les
libellés, comme il est là, on s'en va où avec ça? Parce que je pense aux
conditions, là, qu'on veut accoler à la résidence permanente, les
problèmes avec la charte, l'article 20, ça va où, ça?
M. Handfield (Stéphane) : Dans le mur. Beaucoup de dispositions ne sont pas
applicables parce que le gouvernement du
Québec n'a pas cette compétence de les appliquer. Donc, on pourrait les
adopter, mais elles ne pourraient être opérantes tant et aussi longtemps que le fédéral ne bouge pas. Et, d'autre part,
on va investir combien dans les poursuites judiciaires? Parce que c'est clair que, s'il n'y a pas de modification
à ce projet de loi là, c'est là qu'on s'en va. Je vous le dis. J'entends
mes collègues parler, on a des discussions,
et c'est là qu'on s'en va. Les armes se préparent. Je vous le dis, M. le
ministre, on se prépare.
Mme
Robitaille : Donc, on fonce dans le mur.
M. Handfield
(Stéphane) : Absolument.
Mme
Robitaille : Merci.
La Présidente (Mme
Chassé) : Je cède maintenant la parole à la députée de Marie-Victorin.
Merci.
Mme
Fournier : Merci, Mme la Présidente. Bienvenue, Me Handfield. On est bien contents que vous soyez là
et que vous puissiez vous faire entendre aujourd'hui en commission.
D'abord,
sur la question des 18 000 dossiers annulés, je vous ai
bien entendu tout à l'heure, vous, vous dites qu'on doit prioriser les dossiers des gens qui sont déjà au Québec,
qui travaillent déjà ici, qui parlent
déjà français, question de faire en sorte qu'ils n'aient pas à redéposer
une demande dans le nouveau système Arrima. C'est bien ça?
M. Handfield
(Stéphane) : Exact.
Mme
Fournier : Donc, vous êtes d'accord avec moi pour dire que, par
exemple, la motion qu'a déposée aujourd'hui le ministre de l'Immigration, qui
invite une nouvelle fois, au final, ce qu'il dit depuis le dépôt du projet de
loi n° 9, à ce que les nouveaux... à ce que les demandeurs puissent
déposer leurs dossiers dans Arrima, ça ne change strictement rien.
M. Handfield
(Stéphane) : Bien, c'est ce que j'ai compris, mais évidemment je
n'étais pas présent à cette déclaration-là,
mais ça ne change rien pour moi. Moi, je pense qu'on devrait revenir à la
déclaration du premier ministre du 29 janvier, où il a clairement... où il
a été clair : les 18 000 dossiers doivent être traités en
fonction de l'ancien système, des anciens
critères, et par la suite on mettra de l'avant le nouveau système. On doit les
traiter, évidemment, traiter en priorité les 3 700 ou
3 800 dossiers qui... dont les gens se trouvent déjà au Québec.
• (13 h 40) •
Mme
Fournier : Parfait. Merci beaucoup. Sur la question de la langue, vous
avez dit que c'était évidemment très préférable que les gens puissent connaître
au final les conditions avant de venir. Donc, on pourrait imposer certains
critères de sélection plutôt que de
faire venir les gens ici puis, après, qu'ils puissent y avoir une espèce d'épée
de Damoclès, là, qui leur repose au-dessus de la tête, à savoir s'ils
vont pouvoir conserver leur résidence permanente.
Vous
savez, on entend beaucoup dans le discours public : si on impose, par
exemple, un certain niveau de connaissance du français avant d'arriver au Québec, eh bien, on se limiterait
seulement au bassin de la francophonie. Mais est-ce que vous êtes d'accord pour dire que ça serait tout à
fait possible, aussi, d'aller recruter des gens dans des pays qui ne sont pas
francophones grâce à la présence des alliances françaises, un peu partout sur
la planète, et de faire en sorte que les gens puissent
commencer à apprendre le français avant même d'arriver? Parce qu'on s'entend
que, même si on réduit les délais d'admission,
il va toujours en demeurer et que c'est tout à fait possible pour les candidats
à l'immigration d'acquérir un certain niveau de français avant d'arriver
au Québec.
M. Handfield (Stéphane) : Bien, vous savez que déjà, actuellement, bien là, on... L'ancien système faisait en
sorte que les gens devaient évidemment justifier une
certaine connaissance du français. J'ai eu l'expérience où des gens ne faisaient
pas du tout partie de la francophonie, ils ont appris le français, ils ont passé les tests de français, ils ont réussi les tests de français et, par
la suite, ils ont soumis leurs demandes de résidence... en fait, de certificat
de sélection du Québec pour finalement soumettre leurs demandes de résidence permanente.
Alors, oui, c'est possible.
Mme Fournier : Puis est-ce
que vous savez si ça se fait effectivement dans d'autres pays, donc que c'est possible de faire aussi au Québec?
M. Handfield (Stéphane) : Absolument. Ah! ça se fait absolument. Ça se fait, donc,
de sélectionner des gens à l'extérieur de la francophonie, des gens qui vont effectivement apprendre le français,
qui sont en mesure de le faire et puis qui soumettent leurs demandes et que c'est des beaux... Vous savez, il y a quand même
des belles réussites au niveau de
l'immigration, hein? Là, on essaie de
changer les choses, mais il y a quand même des belles choses qui se sont faites
et il y a des beaux cas.
La
Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste 30 secondes.
Mme Fournier : Donc, j'en comprends que, sur la question
des seuils d'immigration, vous êtes en effet d'accord pour
que ça soit la Vérificatrice générale qui puisse donner une indication aux parlementaires basée sur les faits rigoureux
plutôt que tirer un chiffre du chapeau.
M. Handfield
(Stéphane) : Je pense que ça serait un choix judicieux, effectivement.
Mme Fournier :
Merci.
La Présidente
(Mme Chassé) : Merci. Je cède maintenant la parole au député de
Laurier-Dorion.
M. Fontecilla :
Bonjour. Le ministre invite les détenteurs de 3 700 dossiers, sur les
18 000 qui supposément restent au
Québec, là, à postuler à Arrima, avec d'autres critères, et etc., dont la
question de l'âge qui a changé, il y a des gens qui ont vieilli, comme
ça arrive, là, de temps en temps.
M. Handfield (Stéphane) : Des enfants qui deviendront peut-être plus... qui
ne seront peut-être plus des enfants à charge aussi.
M. Fontecilla :
Voilà, tout à fait. Est-ce que vous pensez que... D'ailleurs, ce système-là, on
l'a appris, ne va admettre que 400... ne va émettre que 400 CSQ, là, à la fin
de l'année, là, donc on est loin du compte, là. Mais est-ce que
vous pensez que cette façon de faire diminue les possibilités de
poursuites judiciaires contre le gouvernement, là?
M. Handfield (Stéphane) : Absolument pas. À
partir du moment où on va demander
aux gens de recommencer à neuf, donc de soumettre une nouvelle demande,
on ne se met pas à l'abri de poursuites, vraiment pas.
M. Fontecilla : O.K. Et, dites-moi, dans son plan d'immigration, les informations qu'on a, c'est que le MIDI va réduire les seuils de connaissance du français, là, de 44 % à 41 % pour 2019, ce qui
nous paraît faible, est-ce que vous pensez qu'on devrait augmenter ce seuil-là?
M. Handfield (Stéphane) : Bien, ma position est claire sur la connaissance du français, ce n'est pas nouveau, je suis d'opinion qu'on devrait effectivement augmenter la connaissance du français. Je l'ai dit et je le répète, si le gouvernement du Québec n'est pas le gouvernement qui va faire...
qui va prioriser le français, qui va défendre le fait français?
Je ne vois pas quel gouvernement au Canada va le faire à sa place. Ce
n'est certainement pas le gouvernement fédéral.
M. Fontecilla :
Je vous repose une question qui revient souvent, là : Si on obtient tous
les pouvoirs, bref, si on devient indépendants, là, je ne pense pas que
le gouvernement va aller jusque-là, bon...
M. Handfield
(Stéphane) : On ne sait jamais.
M. Fontecilla :
... — on ne
sait jamais, si vous êtes optimiste — en tout cas, tous les pouvoirs en
immigration, là, seriez-vous d'accord d'imposer des conditions de
résidence territoriale, linguistiques ou... dans l'absolu, là?
M. Handfield (Stéphane) : Absolument pas. Absolument pas. Je l'ai dit, on
ferait en sorte qu'on aurait deux types de résident permanent au Canada, ceux du Québec, qui seraient
désavantagés parce qu'ils vivraient avec une épée de Damoclès au-dessus de leur tête, et ceux du reste du
Canada. Faire en sorte que des gens soient obligés de demeurer dans une région
pour combler, par exemple, une pénurie de main-d'oeuvre irait carrément à l'encontre de la Charte canadienne des
droits et libertés. Alors, même si le
gouvernement fédéral acquiesçait à cette demande, je vois mal comment il
pourrait le faire sur cette question-là parce que ça irait carrément à
l'encontre de sa propre charte.
Au niveau d'imposer des conditions, je l'ai dit plus tôt, au niveau de la connaissance du français et charte de... test des valeurs québécoises, je
pense que, si on veut le faire, c'est
avant, justement, d'émettre les certificats de sélection du Québec,
et non pas une fois que les gens sont résidents permanents. Ça serait complètement absurde de faire en sorte que des gens deviennent des sans-statut parce qu'ils ont échoué un test de français et de faire
en sorte qu'on aurait l'odieux de
séparer des familles.
La Présidente
(Mme Chassé) : Il vous reste 30 secondes.
M. Fontecilla :
...
La Présidente (Mme
Chassé) : Merci. Je vous remercie pour votre contribution aux travaux.
La commission suspend
les siens jusqu'à 15 heures. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à
13 h 45)
(Reprise à 15 heures)
La Présidente
(Mme Chassé) : À l'ordre! Je
vous invite à prendre vos places. La Commission
des relations avec les citoyens
reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle, bien sûr,
de fermer ses appareils électroniques.
Nous
poursuivons les consultations
particulières et les auditions
publiques sur le projet de loi
n° 9 visant à accroître la prospérité socio-économique
du Québec et à accroître adéquatement... à répondre, pardon, adéquatement aux
besoins du marché du travail par une intégration réussie des personnes
immigrantes.
Je comprends qu'il y a consentement que le
député de Rimouski, qui arrivera bientôt, remplace la députée de Marie-Victorin
cet après-midi.
Une voix : ...
La
Présidente (Mme Chassé) : Ah! O.K. Je pensais que tu m'avais expliqué
que je ne posais pas la question parce que
je disais que je comprends qu'il y a consentement. Je vais y arriver. Je suis
tout en train d'introduire... d'intégrer ça.
Cet
après-midi, nous entendrons les organismes suivants : la Chambre de
commerce du Montréal métropolitain, la Chambre de commerce et
d'industrie de Québec et la Commission des droits de la personne et des droits
de la jeunesse.
Je souhaite
donc la bienvenue aux représentants de la Chambre de commerce du Montréal
métropolitain. Je vous rappelle que
vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, nous
procéderons à la période des échanges. Je vous ferai signe à une minute
de la fin. Je vous invite donc à vous présenter et à débuter votre exposé.
Merci.
Chambre
de commerce du Montréal métropolitain (CCMM)
M.
Leblanc (Michel) : Alors,
bonjour. Mon nom est Michel Leblanc. Je suis le président et chef de la
direction de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. Merci de
nous accueillir aujourd'hui sur ce dossier.
Je vais
présenter brièvement la chambre. Pour certains d'entre vous, c'est peut-être un
premier contact. La Chambre de
commerce du Montréal métropolitain va fêter ses 200 ans d'histoire en
2022, dans quelques années. C'est une des plus anciennes institutions non religieuses au Québec. La chambre représente
7 000 membres de la communauté d'affaires. C'est une organisation qui
a comme mission d'être la voix du milieu des affaires de la métropole et d'agir
aussi sur le terrain, dans l'intérêt de la base d'affaires.
Sur le
dossier de l'immigration, la chambre a pris acte et position sur ce dossier
depuis maintenant plus de 10 ans. Nous
avons non seulement pris des positions publiques, mais nous avons aussi lancé
des programmes concrets. Je vais les présenter brièvement parce qu'ils
sont importants et qu'ils donnent de bons résultats.
Le premier
programme, soutenu par le gouvernement du Québec, s'appelle Interconnexion.
C'est un programme terrain qui vise à
trouver des emplois à des immigrants qualifiés qui n'ont jamais eu d'emploi
dans leur domaine de compétence. Donc, traditionnellement, ça peut être
l'Algérien ou l'Algérienne qu'on a accueilli ici avec un diplôme d'ingénieur et
qui a envoyé des C.V., qui n'a jamais reçu de réponse et qui est devenu, par la
force des choses, devant gagner sa vie,
chauffeur de taxi, ou travaillant à nettoyer des édifices le soir. Et ce
programme-là, donc, a pour mission de travailler, avec des organismes
terrain, avec ces immigrants qualifiés, travailler avec les entreprises sur
leurs besoins non comblés, de les mettre en
relation, et le taux de réintégration est de 70 %. C'est un taux élevé,
c'est un taux qui aussi couvre de la petite entreprise, pas que de la
grande.
Le deuxième
programme qu'on a, maintenant, s'appelle le jumelage linguistique. C'est un
programme qui vise à aider à la
francisation des commerçants sur rue dans les quartiers et sur les artères
montréalaises, là où il y a peut-être des enjeux de francisation. C'est
un programme qui met en relation des commerçants sur rue avec des étudiants de
facultés universitaires pertinentes. Ces
étudiants-là vont dans le commerce durant les heures d'ouverture, à chaque
semaine, pendant trois mois, donner
des cours sur du français approprié au type de commerce. Donc, c'est le
nettoyeur avec un immigrant qui ne
sait pas ce qu'un ourlet est, ou bien faire un bord, et qui finalement
l'apprend. Et, à travers ces apprentissages de français, on peut mesurer
la progression.
Et,
deuxièmement, c'est une campagne aussi dans les quartiers, où il y a des
écussons, il y a de la documentation qui dit : J'apprends le français,
encouragez-moi. Et c'est pour conscientiser la population que l'apprentissage
du français, ça exige aussi qu'on
aide cet immigrant qui apprend le français, soit en parlant plus lentement, en
lui enseignant un nouveau mot par
jour, et surtout pas en basculant dans la langue anglaise, si on avait
l'habitude de le faire. J'en parle pour dire que, sur le terrain, nous
sommes très actifs auprès des populations immigrantes.
Je venais ici
en me disant, et je pense que je vais vous dire à peu près des lieux communs
que vous connaissez, mais ça vaut la peine peut-être de les répéter : nous
sommes aux prises avec une prise de conscience nouvelle pour les Québécois qui est
une double réalité. La première, on l'anticipait, mais le choc démographique
est bien réel, le vieillissement de la population, le resserrement sur le marché du travail est réel. Ça fait en sorte que, de toute façon, nous aurions
connu, à ce moment-ci,
un resserrement du taux... un resserrement démographique avec une baisse du taux de chômage. C'est normal. C'est un constat collectif qui est à faire tout
simplement parce que, même si on l'a vu venir, ses impacts sont nouveaux.
Mais la
deuxième prise de conscience, on n'est pas habitués, économiquement nous
surperformons. Nous n'avions pas vu
ça venir, et on en est très heureux, mais il se crée beaucoup d'emplois, il y a
beaucoup de projets qui mèneraient à de la création d'emplois, il y a beaucoup
d'investissements qui sont considérés qui mèneraient à des créations d'emploi.
Ça accentue cet effet de pénurie.
Dans la région de Montréal, à peu près tous les secteurs connaissent des
pénuries d'emploi. Ça ne veut pas
dire qu'il n'y a pas des gens au chômage, mais ça veut dire qu'il y a un enjeu
parfois d'adéquation entre ce que ces gens-là peuvent offrir et le
besoin des entreprises.
Deuxièmement, dans la région
métropolitaine, ce qu'on s'aperçoit, c'est que progressivement les bassins de
travailleurs potentiels commencent à se tarir. Donc, on le voit, le taux de
chômage chez les immigrants tend à baisser rapidement, les écarts entre les natifs du Québec et les immigrants
tendent à diminuer, et ce qu'on présume, on n'est pas dans les régions, on voit les statistiques, on
voit les manchettes, c'est que c'est un phénomène panquébécois. Ce qui nous
amène à dire que, d'un point de vue autant
des leaders de la communauté que, nous pensons, des élus et du gouvernement,
il y a un devoir de lucidité, voir ce qui se
passe, et un devoir de leadership, expliquer, conscientiser les gens non
seulement à la réalité de ce qui se passe, mais aux solutions qui
doivent être mises de l'avant.
La
position de la chambre est la même depuis plusieurs années. D'abord,
bien réussir la sélection, et nous avons appuyé entièrement le processus qui a été proposé, d'y aller par déclaration d'intérêt. Ça présuppose, selon notre compréhension, d'abord
que l'immigrant présente très clairement son projet d'immigration, ce qu'il peut apporter
à la société, ce qu'il propose, et ça sélectionne que... ça
implique que nous sachions clairement quels sont nos besoins. Et, dans cette proposition de système à déclaration
d'intérêt, il y avait une promesse qui a été faite, et je pense qu'elle reste
en partie à remplir, et c'est d'être
capable de bien détecter, relativement en temps réel, les besoins qui existent,
la deuxième composante, qui est les besoins à venir, parce qu'évidemment
il pourrait y avoir de la myopie sur les besoins immédiats, mais, on sait, les
changements technologiques et les nouvelles réalités vont changer les besoins
après un certain temps.
Deuxième,
évidemment, élément de la stratégie, pour nous, qui est très clair, c'est de
réussir l'intégration. Et réussir l'intégration,
dans notre perception à nous, ce n'est surtout pas de dire à l'immigrant :
C'est à toi de trouver ta route, mais c'est
à la société d'accueil de l'aider, de l'accompagner. Nous le faisons avec des
immigrants qualifiés déjà sur le territoire. Nous avons, et je vais y revenir, des propositions qui nous permettraient
d'étendre ce qu'on fait à des nouveaux cas d'immigrants, et ça permettrait d'utiliser des ressources compétentes
que nous avons pour répondre à ce besoin des nouveaux immigrants
d'accompagnement vers les bons emplois.
Nous
avons aussi dit, à travers notre programme Interconnexion et à travers toutes
nos propositions, que nous serions très
disposés à contribuer à la régionalisation de l'immigration. Et donc, par le
biais de passerelles, nous qui trouvons des emplois pour des immigrants
qualifiés dans la région de Montréal, nous serions très à même d'aider dans les
régions, lorsqu'il y a identification de
besoins en travailleurs qualifiés, de transmettre les dossiers et
éventuellement de faire en sorte que
des autobus d'immigrants qualifiés puissent aller dans les régions. On l'a
proposé. Ça avait déjà été envisagé dans le cadre d'un budget antérieur qui avait été déposé par le ministre des
Finances de l'époque, Raymond Bachand, et, dans les régions, les
organismes qui avaient été identifiés à ce moment-là n'avaient pas répondu.
Donc, nous étions ouverts. Je pense qu'on
peut faire plus, mais ça prend un interlocuteur, dans les régions, qui peut
aider à détecter les besoins, et nous, de par notre programme, on
pourrait identifier des immigrants qualifiés qui iraient vers ces régions.
• (15 h 10) •
La dernière position
que nous avons toujours défendue, qui n'est pas neuve, c'est dire qu'on peut
marcher et mâcher de la gomme en même temps
et donc qu'on peut réussir l'intégration tout en admettant qu'on en a besoin de
davantage. Notre position, qui n'a
pas changé, c'est que le Québec devrait se diriger vers un nombre d'immigrants
qui correspondrait à son poids dans
le Canada, pour être dans le poids de l'immigration canadienne, qui
correspondrait à environ 60 000 personnes.
On
a pris acte de la décision du gouvernement de réduire à 40 000. On a
surtout pris acte du mot «temporairement» qui a été assigné à cet objectif, et, pour nous, c'est fondamental, si
nous devions devant nous avoir une dynamique où les seuils d'immigration sont plus faibles, je nous le
dis, on s'appauvrirait collectivement, on mettrait en péril des investissements
pour le Québec, et des sociétés québécoises présentement envisageraient
d'investir ailleurs plutôt qu'au
Québec, étant inquiètes sur la disponibilité de main-d'oeuvre.
Finalement,
des recommandations qui sont dans le mémoire sont assez simples et vont
refléter ce que je viens de dire. D'abord, en ce qui a trait à la
sélection, aux critères de sélection, comme je le disais, le système par
déclaration d'intérêt présuppose qu'on sache clairement quel genre de compétences
on aimerait accueillir ici, quel genre de besoins on a. Et ce mécanisme-là de consultation, pour nous, n'est pas clair. Et, s'il
n'est pas clair pour la chambre de commerce, je peux vous dire que les entreprises ne savent pas
comment communiquer au gouvernement les besoins qu'elles auraient en termes
d'immigrants, immédiats ou dans le futur. Et je pense que, cette solution-là,
on doit la clarifier, on doit la mettre en oeuvre, et la chambre de
commerce est prête à aider.
La Présidente
(Mme Chassé) : Il vous reste une minute.
M. Leblanc (Michel) : Une minute. Je vais aborder un sujet
rapide : la mesure de transition. C'est clair que, dans notre
esprit, les...
La Présidente
(Mme Chassé) : Le ministre vous offre ses minutes.
M. Leblanc
(Michel) : Je vous remercie, M. le ministre, c'est généreux.
C'est
clair dans notre esprit que, dans le cas des fameux 18 000 dossiers,
on ne devrait se priver de personne qui est au Québec, qui est compétent et qui
désire être ici. Et donc, dans notre esprit, on accueille extrêmement
favorablement ce que nous avons
compris que le premier ministre a annoncé ce matin, qui est de dire : Pour
ceux qui sont ici, on va s'arranger pour
que ça se passe vite. S'il y a besoin de faire une déclaration d'intérêt de
leur part, ça va se faire immédiatement, et on va les traiter rapidement, ces dossiers-là. Pour nous, c'est une
évidence. Je vous dis, des entreprises, à Montréal, qui auraient des travailleurs qui seraient dans leurs bureaux
et qui seraient soumis à une inquiétude sur leur statut, ça va juste créer de
la frustration immense.
Je pense que,
d'un point de vue de conscience... et je ne sais pas si l'État a le droit
d'avoir une conscience et une morale,
mais les candidats à l'étranger qui se sont soumis à ce processus-là devraient
être invités, à tout le moins, à déposer rapidement et facilement une déclaration
d'intérêt, et on devrait tenir compte du fait que ces gens-là, à travers le
temps, avaient déjà signalé leur désir de venir. Ça serait de l'ordre, à
notre avis, d'un contrat moral à respecter avec eux.
Une fois que
j'ai dit ça, deux autres propositions qui sont faites. La première, c'est que
notre programme Interconnexion, par
lequel on travaille avec des travailleurs qualifiés étrangers, pourrait être
étendu à des étudiants qui sont dans
nos universités. Et, dans le même rappel où on appelle des entreprises pour
savoir s'ils seraient ouverts à accueillir un travailleur stratégique ou un travailleur qualifié immigré, on
pourrait vérifier s'ils ont besoin de stagiaires qui seraient des
étudiants étrangers, et on ferait ça en collaboration avec Montréal
International, qui travaille déjà avec des étudiants étrangers. On pourrait le faire aussi pour les conjoints des
travailleurs temporaires, et donc, dans le cas où il y a des travailleurs
temporaires qui viennent ici avec leurs conjoints, hommes ou femmes, on
pourrait contribuer à ce que rapidement ce travailleur
temporaire puisse être intégré, et ça accentuerait, à ce moment-là, les chances
qu'à la fin les deux décident de rester.
Dernier
point — et
merci, M. le ministre, encore, pour votre temps — je pense que l'approche du gouvernement à
travers la mise en oeuvre de cette loi
devrait se faire avec des organismes actifs sur le terrain. Je l'ai souvent
dit, pourquoi Interconnexion
fonctionne en partie, c'est que c'est plus facile pour quelqu'un des ressources
humaines d'une petite entreprise de nous révéler son inconfort face à un
travailleur immigrant ou face aux immigrants, parce que nous ne sommes pas du gouvernement. Et ça crée un échange où ça
nous permet de converger vers la possibilité qu'il reçoive ces C.V., qu'il
s'aperçoive que la ressource dont il a
besoin est un immigrant et qu'il l'embauche. Et je dis donc que, là où le
gouvernement peut faire parfois... parfois, en faisant faire par
d'autres, ça donne de meilleurs résultats. Je vous remercie.
La
Présidente (Mme Chassé) : Merci pour votre exposé. Nous allons
maintenant débuter la période d'échange. M. le ministre, la parole est à
vous.
M. Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. M. Leblanc,
bonjour. Merci d'être présent parmi nous aujourd'hui.
Commençons
tout d'abord par les personnes qui ont déposé leurs dossiers dans le Programme
régulier des travailleurs qualifiés,
les 3 700 demandeurs principaux qui, au moment, étaient présents sur
le territoire québécois. Aujourd'hui, on ne sait pas combien de personnes sont toujours présentes. Ce matin, j'ai
réaffirmé la volonté du gouvernement de les traiter en priorité, de déposer une demande de déclaration
d'intérêt dans le système Arrima, et qu'ils seraient invités prioritairement,
et qu'on analyserait leurs dossiers
prioritairement. Ça, on vous entend bien, je pense qu'on se rejoint là-dessus.
Cela étant dit, d'ici le projet de loi,
on a annoncé aussi que les dossiers allaient être traités... d'ici l'adoption
du projet de loi, les dossiers vont
être traités comme c'était le cas avant le dépôt du projet de loi. Lundi, il
est arrivé un événement à la cour. Alors, on a annoncé très certainement
que nous allions continuer le traitement, et donc... et, en ce sens-là, je vous
rejoins.
Pour les
14 000 autres dossiers, on invite les gens déjà à déposer dans Arrima
parce qu'on veut utiliser le nouveau système
basé sur la déclaration d'intérêt. Et ce que je note dans votre mémoire, c'est
que vous êtes en accord avec le fait que
maintenant on arrime les besoins du marché du travail avec le profil des candidats. Ça
fait que là-dessus
j'espère vous rassurer avec le message gouvernemental qu'on va livrer.
La question
de la régionalisation, tout à
l'heure, ça m'intéresse, ce que vous
avez dit par rapport au fait que vous disiez que vous aviez une entente avec certains organismes,
finalement ça n'a pas marché, pour amener des travailleurs dans les différentes régions. Pourquoi ça n'a pas marché, puis
pouvez-vous nous en dire davantage là-dessus?
M. Leblanc (Michel) :
C'est le genre de réponse qui ne me fait pas des amis. La réalité, c'est que, lorsque
le programme Interconnexion a grossi... Toute la logique de ce programme, c'est
qu'il y a des organismes terrain qui détectent,
sur le terrain, des immigrants
qualifiés qui sont sous-utilisés et qui sont surqualifiés. La chambre n'a pas
des chapitres dans la communauté
portugaise ou ici et là pour les
détecter. Nous travaillons avec les
entreprises, et là on trouve, chez les entreprises, des besoins non comblés. On
met ça en relation, on est des marieurs.
À l'époque,
Raymond Bachand avait dit : Michel, peux-tu faire ça avec des chambres de commerce? En fait, moi, j'avais proposé qu'on le fasse, mais je n'avais
pas identifié que ce seraient les chambres de commerce. Et lui est arrivé,
donc, avec la proposition, dans le budget c'est écrit que nous allions travailler avec la chambre de commerce de
Trois-Rivières, de Québec, de Hull,
de Sherbrooke. Et, à mon avis, la petite erreur, c'est que ce n'est pas clair
que les chambres de commerce, à
l'extérieur de Montréal, sont toujours le meilleur agent pour livrer ça. J'en
prends pour... À l'époque, c'était clair dans notre esprit que Québec
International, par opposition à la Chambre de commerce de Québec, aurait été
plus apte, à ce moment-là, à livrer cette passerelle.
Le deuxième
élément, c'est que souvent, quand le gouvernement nous a interpelés sur
Interconnexion, ce qu'il voulait, c'est
créer des interconnexions à l'extérieur de Montréal. Or, qui dit interconnexion
dit qu'il y a des bassins d'immigrants qualifiés
qui ne trouvent pas de job à Sherbrooke ou à Trois-Rivières, ce qui n'est pas
la logique de ce qu'on proposait. Le bassin,
86 % des immigrants sont dans la région de Montréal. Donc,
c'était dire : On va contribuer à identifier dans la région de Montréal, via des organismes, des immigrants
qualifiés et là trouvons en région l'intégrateur des besoins d'entreprises.
Et nous, on était prêts à communiquer. Et,
derrière ça, ce qu'il y a comme message qui est important, c'est que la base
d'affaires à Montréal nous
disait : Michel, on ne va pas essayer de garder nos immigrants. Si, sur le
territoire du Québec, il y a une job
qui est plus appropriée pour certains immigrants, tant mieux, qu'ils y aillent.
Et, derrière ça, il y avait une volonté, puis on peut convenir que c'est encore
un défi, c'est que tout le monde, à travers le Québec, voit l'immigration comme
une solution. Et, si on garde les
immigrants dans la région de Montréal, dans les régions, c'est plus lent, le
processus de voir l'immigration comme étant une solution.
M. Jolin-Barrette : Dans le cadre du nouveau système, on veut donner
la priorité, entre autres, à la régionalisation, notamment par le fait
de dire : Bien, on pourrait prioriser ceux qui ont une offre d'emploi
validée en région davantage. Il y a toujours la difficulté de s'assurer que la personne demeure dans
la région et ne migre pas nécessairement vers Montréal. Montréal est très attractive pour les populations
immigrantes. La ville de Montréal est venue, hier, nous dire : Bien,
écoutez, nous aussi, on a des grands
besoins dans nos différentes entreprises. Comment est-ce qu'on réconcilie ça,
là, pour s'assurer que...
M. Leblanc
(Michel) : Bien, la
prémisse, au départ, elle égratigne. La prémisse qui serait de dire : On
va, à travers un bassin fermé
d'immigrants, en choisir pour les régions, ça veut dire qu'on présuppose qu'on
en choisit moins pour les besoins des entreprises de la région de
Montréal. Ça égratigne tout le monde.
Qu'on se dise
qu'on veut augmenter en se disant qu'on va identifier une catégorie
d'immigrants qui va rentrer par un programme de régionalisation... Donc, il y
aurait la possibilité, dans un premier bassin, de venir à Montréal, dans un
deuxième bassin qui s'ajoute, d'aller directement dans les régions. Je ne pense
pas que moi, j'aurais énormément de réticences
dans la communauté d'affaires si et seulement si les besoins des entreprises de
la région de Montréal peuvent être comblés par l'immigration.
Après ça,
quant à la rétention en région, moi, j'ai l'impression qu'il y a un énorme
effort à faire de comprendre les besoins
des immigrants et qu'à partir du moment où les besoins des immigrants sont
compris, autant pour des Québécois ça peut être agréable de vivre à
Chicoutimi ou de vivre à Rimouski, autant pour des immigrants ça va être
agréable de vivre à Chicoutimi ou Rimouski.
Mais l'idée, c'est qu'il faut qu'on soit sensibles aux réalités de l'immigrant
à Chicoutimi et à Rimouski, ce qui
est de facto le fait à Montréal, dans des quartiers. C'est ça qui fait
l'attraction à Montréal. Les immigrants restent à Montréal parce qu'il y a des emplois, mais souvent le meilleur
emploi n'est pas nécessairement là, mais le quartier, la boucherie
hallal, etc., ça a une valeur pour l'immigrant.
• (15 h 20) •
M. Jolin-Barrette : Je suis d'accord avec vous là-dessus. Entre
autres, c'est pour ça que, dans le projet de loi n° 9, on va mettre un parcours personnalisé pour
accompagner en matière d'intégration et de francisation, et ce, dès l'étranger.
Et on veut étendre aussi les services qui
sont donnés aux travailleurs temporaires, parce qu'actuellement ils ne sont pas
admissibles, et là on vient étendre les services à eux aussi.
Tout à
l'heure, je vous entendais dire : Les conjoints, c'est important aussi.
C'est un facteur d'intégration extrêmement important, puis on veut offrir des services de francisation
et d'intégration aussi aux conjoints. L'État a un rôle à jouer, les
communautés aussi, mais le ministère de l'Immigration a aussi un rôle à jouer à
ce niveau-là.
On déborde un
peu, là. Les travailleurs étrangers temporaires, nous, notre désir, c'est de
s'assurer que, s'ils répondent aux
besoins du marché du travail, on puisse les permanentiser. Pour vos membres,
là, chez vous, au niveau de la flexibilité du Programme des travailleurs étrangers temporaires, j'imagine que vous
voulez davantage de flexibilité à ce niveau-là.
M. Leblanc
(Michel) : Oui. En fait,
c'est comme si le «mindset» qu'on doit avoir, là, c'est : quiconque veut
venir chez nous, est compétent et
qu'il peut répondre à un besoin, là, on devrait dire oui. Puis, si on peut les
rentrer parce qu'ils sont temporaires au début, tant mieux, et là on fait tout
pour les convaincre de rester. Donc, ça va avec le conjoint, la famille,
la fluidité du processus vers devenir permanent.
On est dans
une situation où on est en pénurie,
et ça affecte nos volontés d'investir. Et en même temps le Canada, dans sa réputation planétaire,
trône dans la stratosphère. Alors, si nous, on est perçus comme étant plus
refermés, ils vont vouloir venir et
ils vont aller encore plus à Toronto puis encore plus à Vancouver. Donc, on est
vraiment dans accueillir les travailleurs
temporaires, leur donner de la flexibilité, faire en sorte qu'on les garde. Et,
si ce n'est pas dans l'employeur initial, ce n'est pas grave, on en a
besoin.
M. Jolin-Barrette : Je reviens à l'immigration permanente.
Certains disent qu'on devrait accueillir uniquement des candidats francophones à l'entrée. Moi, j'ai
plutôt tendance à dire : Il faut donner les opportunités à tout le monde,
dans le monde entier, basé sur leur
profil de compétence puis que, par la suite, l'État québécois déploie les
ressources pour amener
la francisation, amener une intégration. De quelle école la chambre est...
M. Leblanc
(Michel) : Écoutez, je vais
vous prendre l'exemple extrême. Si on impose la connaissance du français,
il n'y a pas de supergrappe en intelligence
artificielle à Montréal et il n'y a pas de trajectoire phénoménale qui s'en
vient en intelligence artificielle au
Québec, et pas juste à Montréal. C'est clair que, présentement, là, il y a un
phénomène planétaire, la langue
internationale, c'est l'anglais, et les gens vont connaître souvent leur langue
d'origine peut-être et l'anglais, si ce n'était pas l'anglais.
À mon avis, notre
défi, c'est de les convaincre, une fois que ça se passe ici, que le français,
c'est une langue facile à apprendre, on leur facilite la vie, que c'est la
langue commune. Et ça passe beaucoup par les enfants, et on le sait, les
enfants des immigrants, c'est une réussite, ils apprennent le français. Donc, à
mon avis, on se priverait énormément de ressources
stratégiques si on imposait la connaissance du français, et, du point de vue de
la communauté d'affaires de Montréal, je vous dirais, il y aurait énormément
de levées de boucliers.
M. Jolin-Barrette : Sur les travailleurs étrangers temporaires, vous
nous recommandez d'augmenter le nombre. Présentement, on est en négociation avec le gouvernement fédéral. Nous,
on souhaite des assouplissements au Programme des travailleurs étrangers temporaires, le déplafonnement du 10 %,
que le Québec soit le seul à faire l'étude d'impact sur le marché du
travail de façon à réduire les délais, de s'assurer aussi que la durée du
permis de travail soit plus longue.
Donc, très
certainement, on accueille favorablement vos commentaires et puis on invite le
gouvernement fédéral à comprendre le
marché du travail québécois, la région montréalaise notamment, de façon à faire
en sorte de répondre aux besoins de main-d'oeuvre dans les différentes régions,
particulièrement à Montréal aussi. Parce que moi, je pense que c'est fondamental, à partir du
moment où nous, comme gouvernement du Québec, on dit : Écoutez, oui, on
veut des travailleurs temporaires,
ils vont s'intégrer, on va déployer les ressources pour les intégrer et pour
les franciser, il n'y a pas de raisons pour que le fédéral dise :
Non, on laisse la rigidité du programme.
M. Leblanc (Michel) :
On est votre allié dans ces représentations. On fait aussi des représentations
auprès du gouvernement du Québec pour qu'on augmente le nombre d'immigrants
permanents.
M. Jolin-Barrette : Oui. J'ai bien saisi aussi, et, tel que je l'ai
annoncé au moment de l'annonce de la baisse du seuil pour
l'année 2019, il s'agit d'une baisse temporaire qui fait suite notamment à
un engagement lors de la campagne électorale.
Un des
objectifs au niveau de la baisse du seuil, c'est de s'assurer, un, dans un
premier temps, de réformer le système d'immigration, de revoir la façon dont
nos ressources en matière de francisation et d'intégration sont déployées pour
mieux faire les choses, et on aura
une commission parlementaire en 2019, avant le 1er novembre, parce qu'on
doit déposer le plan pluriannuel pour
le 1er novembre, et, à cette occasion-là, les volumes pour les années
subséquentes seront établis. Puis je vous invite aussi... et j'imagine
qu'on va se voir en commission parlementaire à ce moment-là.
M. Leblanc (Michel) :
On va venir, si vous nous invitez, avec plaisir.
M. Jolin-Barrette : Bien, certainement. Alors, écoutez, je vous
remercie grandement d'être venu ici. Je pense que mes collègues ont des
questions à vous poser aussi. Merci.
La
Présidente (Mme Chassé) : Est-ce qu'il y a des collègues du
groupe formant le gouvernement qui désirent faire une intervention? Personne ne s'est signifié, M.
le ministre. Alors, je vous invite à poursuivre, à moins... Ah! encore une
fois, le député de Mégantic, allez-y.
M. Jacques : Merci, Mme la
Présidente. Bon, quand on parle des entreprises, est-ce que vous croyez que ces
entreprises-là doivent s'impliquer dans la
façon d'intégrer les immigrants au Québec, autant au niveau social, francisation
et compagnie?
M. Leblanc (Michel) :
Oui. La réponse, c'est oui, et clairement, pour nous, les entreprises ont des
rôles à jouer à plusieurs niveaux. Le
premier sur bien s'équiper pour évaluer les C.V. des immigrants, et c'est un
défi pour les PME. Souvent, on accuse
les PME d'être fermées à l'immigration. Je pense que, dans bien des cas, c'est
que des PME sont confrontées pour la première fois à un C.V. d'un immigrant qui
a étudié à l'étranger et aussi qui a une expertise ou une expérience qui était acquise uniquement à l'étranger. Et, pour des PME,
entre un candidat où je sais où il a étudié, je sais ce qu'il a appris puis je sais même l'entreprise dans laquelle il a déjà
travaillé... même s'il est moins qualifié, ce candidat local, souvent
l'entreprise, par réflexe, va aller vers lui. Alors donc, à notre avis, un des
premiers défis qu'on a, c'est d'amener les PME à bien comprendre les
C.V. des immigrants, à bien détecter le potentiel des immigrants.
Deuxième,
après l'intégration, appelons-la périphérique sociale, donc s'assurer que...
l'intégration des conjoints, bien
comprendre les activités de l'organisation, si c'est en région, bien comprendre
comment les activités sociales en région fonctionnent, de façon à ce que
les immigrants et leurs familles se sentent bien intégrés.
Le dernier
point qu'on a soulevé à travers une étude qu'on a faite, et, à notre avis,
c'était la seule à ce moment-là, c'était
sur le parcours des immigrants à l'intérieur des entreprises, vers des postes
de cadre. Et ce qu'on s'est aperçu, c'est que des entreprises sous-investissaient dans certains apprentissages que
les immigrants doivent faire, notamment sur le français. Des immigrants
connaissant le français suffisamment pour obtenir un poste ne connaissent pas
nécessairement la nuance requise pour
obtenir des postes de cadre, et des entreprises ont souvent le réflexe de
donner des compléments de formation à
leurs employés sur plein d'angles et pas nécessairement sous l'angle de la
francisation en vue d'obtenir un poste de cadre et d'autres besoins de
formation additionnelle qu'il pourrait y avoir.
Donc, pour
nous, la responsabilité des entreprises n'est pas seulement au niveau de
l'intégration initiale, mais au niveau
de l'accompagnement des immigrants à l'intérieur des entreprises, pour qu'il y
ait des cheminements à la hauteur de leur potentiel. Donc, oui, il y a
une responsabilité des entreprises.
M. Jacques : Parfait. Merci.
La
Présidente (Mme Chassé) : Y a-t-il d'autres interventions de la part
du groupe formant le gouvernement? Le député de Sainte-Rose. Prenez la
parole.
M.
Skeete : Je vais tenter ma chance. Merci beaucoup pour votre
présentation. Merci beaucoup pour votre présence. Est-ce que vous avez
une idée c'est quoi, le profil typique de l'immigrant dont Montréal a besoin?
M.
Leblanc (Michel) :
Présentement, la réponse, c'est : à peu près dans tous les profils. Il y a
des restaurants qui vont fermer.
L'Épicier, pour ceux qui le connaissent, c'est un restaurant qui allait très
bien, a fermé parce que le propriétaire trouve que ça ne finit plus d'essayer
de trouver des personnes à remplacer dans soit la cuisine soit la plonge. Les
hôteliers, Montréal et le Québec...
mais Montréal connaît une période touristique extrêmement faste, et donc toutes
les industries qui tournent autour du tourisme sont en manque de
candidats.
Alors là, on est dans des travailleurs
qui ont des compétences, je dirais, moins pointues, mais allez dans tout ce
qui s'appelle les entreprises de
technologie, des entreprises de pointe, et là on parle de travailleurs
stratégiques très qualifiés, les
besoins sont énormes. Il y a des besoins de travailleurs dans les écoles, dans
les garderies. C'est clair qu'on le voit. Il y a beaucoup d'immigrantes
qui travaillent dans les garderies parce qu'il y a des besoins.
Alors,
le profil type, je dirais, c'est quelqu'un qui rêve de s'intégrer dans la
société québécoise. L'immigrant, c'est un
entrepreneur personnel en soi qui est prêt à changer sa vie. Et à ce moment-ci,
sur tout le territoire de Montréal, il y a des pénuries de main-d'oeuvre
dans à peu près tous les secteurs.
M. Skeete :
Donc, si j'entends bien, qu'il y ait des critères de sélection ou pas, ce n'est
pas important.
• (15 h 30) •
M. Leblanc (Michel) : Non, ça va être important, parce que les critères
de sélection vont servir d'abord à identifier ceux qui ont une formation,
qu'elle soit technique ou pas. On a eu une période où on embauchait des
universitaires parce qu'on pensait
que c'est ça dont on avait besoin. Là, ce qu'on s'aperçoit, c'est que, dans des
domaines techniques, il y a des besoins particuliers.
La
deuxième, c'est qu'il peut y avoir des emplois qui vont être fortement touchés
par l'automatisation, la numérisation, éventuellement l'intelligence
artificielle, et là on peut avoir des pénuries temporaires, mais qui vont
éventuellement disparaître. Et là moi, je
pense que le gouvernement devra faire du travail, de voir venir, penser aux
compétences du futur. Parce que le
défi, c'est que les entreprises vont investir dans l'éventualité où, dans cinq
ans ou dans 10 ans, la main-d'oeuvre va être là. Moi, je
pense qu'on a besoin clairement d'identifier les compétences dont on a besoin
puis que les entreprises ont besoin. C'est dans tous les secteurs, mais
c'est des compétences spécifiques dans chacun de ces secteurs.
M. Skeete :
Merci.
La
Présidente (Mme Chassé) : Est-ce qu'il y a d'autres interventions de
la part... Oui? J'invite le député de Rousseau à prendre la parole.
M.
Thouin : Bonjour, M. Leblanc. Selon vous, c'est quoi, les
conditions qui vous apparaissent justifiées pour que les employeurs s'engagent
davantage, bien sûr dans l'intégration mais plus particulièrement dans la
francisation, sans, bien sûr, compromettre leur productivité, là, la
productivité de leurs entreprises?
M. Leblanc (Michel) : Bien, pour ce qui est des PME, c'est carrément de
leur faciliter la vie. On le voit à travers notre programme de jumelage linguistique, les commerces de détail n'ont
pas de redondance. De dire : Ton employé, en après-midi, devrait aller apprendre le français,
là, c'est mettre la PME dans une situation très difficile. Et, dans bien des
cas, ces gens-là travaillent des longues
heures, et de penser que, le soir, ils vont prendre sur leur temps de famille
d'aller apprendre le français, c'est
exigeant. Donc, leur faciliter la vie avec le plus possible des mesures
d'enseignement de l'apprentissage du français sur les lieux de travail.
Ça, c'est pour la PME. Donc, ça peut être le propriétaire qui... c'est lui-même
ou ça peut être quelques employés dans le petit commerce.
Pour
ce qui est des entreprises qui sont de taille plus importante, ce qui donne, à
mon avis, le meilleur résultat, c'est d'informer le plus facilement possible,
le plus fluidement possible ces entreprises-là sur les ressources qui sont
disponibles, soit en entreprise, soit
à proximité. On a eu d'autres programmes à la chambre où on rendait cette
information disponible. On
travaillait, à ce moment-là, entre autres, dans le cadre d'un comité avec des
représentants des syndicats. Et je pense que, dans cette mobilisation de tous les partenaires, il y a la clé du succès
pour que ça ait lieu en entreprise. Mais je reviens... Puis c'est exactement, je pense, le point que vous
aviez, c'est : plus c'est simple, plus les entreprises vont le faire. Ça
ne veut pas dire que ça doit être
gratuit, mais ça doit être simple. Et là, à ce moment-là, c'est de s'ajuster
aux besoins de l'entreprise, parfois sur les lieux, à proximité des
lieux, sur des horaires qui font l'affaire des entreprises, et elles vont le
faire.
La Présidente (Mme
Chassé) : ...au groupe formant le gouvernement. Est-ce qu'il y a
d'autres interventions? M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Je reviens parce que je veux éclaircir un point, les acteurs terrain.
Bon, premièrement, acteurs terrain, on parle des organismes
communautaires, chambres de commerce...
M. Leblanc (Michel) : Je vais vous donner un exemple de ce qui a été
frictionnel il y a quatre ans. Ça nous a pris un an pour ramener le
gouvernement dans le droit chemin, selon nous. Le programme Interconnexion
fonctionne avec des organismes
terrain qui travaillent souvent dans des domaines d'employabilité de
l'immigrant, donc identifient des immigrants qui ont des besoins, des
immigrants qui sont déjà arrivés, ils sont dans les communautés.
Nous,
notre programme trouve auprès d'entreprises des besoins non comblés puis fait
le match. Pendant un certain temps, le gouvernement a décrété qu'il ne pouvait
pas y avoir de double... appelons-le financement pour le même individu.
Donc, ça a été de dire à l'organisme terrain : La seconde où l'immigrant
que tu as identifié bascule dans le programme Interconnexion,
tu ne reçois plus de financement. Nous, on a dit au gouvernement : Si vous
faites ça, ce qui va se produire, c'est
que l'organisme terrain va garder ses dossiers le plus longtemps possible,
puis, quand ils ne seront plus admissibles, là, vous nous les transférerez. Les fonctionnaires ont dit : Ça ne
se passera pas comme ça. On a perdu 92 % de nos référencements des
organismes terrain. Ça s'est passé exactement comme ça. Et c'est...
M. Jolin-Barrette : Dans le fond,
les organismes disaient : Moi, je ne veux pas perdre mon financement...
M. Leblanc (Michel) : Je ne veux pas perdre mon... Exactement ça. Je ne veux pas perdre mon
financement, je travaille avec ces gens-là puis j'en ai de besoin dans
mes frais généraux, puis tout ça. Alors, le gouvernement, au bout d'un an et demi, a dit : Effectivement, ça
défait ce qui fonctionnait bien. Le coût du dédoublement, c'est entre
300 $ et 600 $ par personne
qui, à un moment donné, est dans les deux programmes. Je vous dirais, on a des
chiffres sur le nombre de gens qui
arrivaient de l'aide sociale, qui arrivaient de l'assurance chômage ou qui
basculaient dans un emploi beaucoup plus
payant, et donc qui payaient plus d'impôt. Bref, le gouvernement recouvrait
très rapidement les frais du dédoublement. C'est là où je dis que travailler avec les organismes terrain... si
c'est bien réalisé, qu'il y ait des organismes qui travaillent avec ces gens-là au quotidien, qui identifient
clairement les besoins qui les accompagnent. Il y en a d'autres comme nous
qui travaillons avec les entreprises et qui font en sorte que, si c'est bien
matché, c'est très fluide.
Moi, je pense que le rôle du gouvernement à ce
moment-là, c'est de s'assurer qu'il n'y a pas des dédoublements à l'infini, il n'y a pas de multiplication inutile
d'organismes, mais que cette fluidité-là de la relation fonctionne bien. Et,
si on fait ça avec des indicateurs de résultat, on peut identifier des
meilleures pratiques, obtenir les résultats qu'on veut.
M. Jolin-Barrette : Tantôt, vous
avez dit...
La Présidente (Mme Chassé) : Il vous
reste une minute.
M.
Jolin-Barrette : ... — oui, rapidement : Il faut avoir le portrait
des emplois disponibles rapidement. Mon collègue du Travail est en train de faire une grande corvée,
identifier tout ça. En lien, là, avec le système d'immigration qu'on met
en place sur Arrima, là... Bon, on se dirige vers un portail employeurs pour
que les employeurs aient accès directement. Est-ce
qu'il y a d'autres façons qu'on pourrait faciliter la vie des employeurs pour
identifier leurs besoins par rapport à l'immigration?
M.
Leblanc (Michel) : Moi, j'ai
l'impression, de travailler avec les employeurs via le portail, c'est une bonne
partie de la solution. Je pense que je demanderais aux organismes comme le
nôtre de travailler en levant un petit peu plus le regard sur l'horizon. Les employeurs vont avoir le
réflexe de parler de besoins immédiats. Il faut regarder un petit peu plus
loin, puis, je pense, le gouvernement
pourrait lui-même dire, à certains moments, via des mandats à des
chercheurs : Regardons ce qui vient dans cinq ans, dans 10 ans
pour que notre sélection immédiate, elle ne soit pas juste en fonction des
besoins immédiats, et là on serait, à ce moment-là, à mon avis, sur une
trajectoire très solide à long terme.
M. Jolin-Barrette : Je vous
remercie.
La
Présidente (Mme Chassé) : Merci. Je cède maintenant la parole à la
députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme
Anglade : Alors, ça fait un peu particulier de se voir à Québec, donc,
contente de pouvoir échanger avec vous.
Alors,
M. Leblanc, un des mots que vous avez mentionnés tantôt, c'est le «devoir
de lucidité», et je pense que ça m'a beaucoup
marquée, ce devoir de lucidité là. Lorsque vous voyez la transformation qui
s'opère au niveau économique, j'en ai parlé plus tôt, aujourd'hui, il y
a véritablement une accélération des problèmes de pénurie de main-d'oeuvre et
une accélération de cet enjeu. On l'a vu
dans les deux dernières années, puis, chaque jour qui passe, on dirait qu'on a
une couche qui s'ajoute. Moi,
j'aimerais vous entendre sur cette accélération-là que l'on sent, et est-ce que
vous sentez, tout comme moi, que, là, on va arriver à un moment donné où on va
vraiment arriver à un point de bascule si on n'est pas encore plus
agressif aujourd'hui?
M.
Leblanc (Michel) : Moi, j'ai
confiance en nous, les Québécois. Ce que je pense, c'est qu'on est pris un peu
de court par cette accélération-là, mais
elle est réelle. Ce que vous décrivez là, moi, je le pense, c'est que, de mois
en mois, les signaux qu'on reçoit des
entreprises sont des signaux de plus en plus inquiets sur les difficultés
qu'ils ont de recruter. Je parle de
Montréal International qui a annoncé ses résultats aujourd'hui, mais qui, dans
la dernière année, je pense, a fait
14 missions à l'étranger pour recruter des talents dits très qualifiés, et
ça, ça répond à des entreprises qui ont des besoins et qui cherchent par
tous les moyens à les trouver, les compétences dont elles ont besoin, ces
entreprises-là.
C'est clair
qu'à mon avis les Québécois dans les régions, dans les entreprises, vont
réaliser que ce n'est pas juste les
emplois des immigrants ou les emplois futurs qui sont à combler, mais c'est
qu'éventuellement on va avoir besoin que les entreprises réinvestissent pour préserver les emplois existants. Et
les entreprises ne vont réinvestir que si elles savent que, dans quelques années, elles vont avoir les
ressources dont elles ont besoin. Donc, le problème ou l'enjeu, il est immédiat.
On doit trouver des façons de rassurer les
entreprises que les travailleurs vont être présents en grand nombre, disponibles,
bien qualifiés, et l'immigration est un des éléments de la solution.
Mme Anglade : Et est-ce qu'envoyer
le message qu'on réduit le nombre d'immigrants est un message négatif, à ce
moment-là, perçu par les entreprises présentement?
M.
Leblanc (Michel) : Bien, les
entreprises m'ont toutes dit : Michel, peut-on s'assurer que c'est
temporaire? Puis, si c'est
temporaire, ça veut dire peu de temps, ce n'est pas la fin du monde. Donc,
c'est vraiment un message qu'on dit. Si
la question, c'est de dire : On est en transition sur l'espace d'un an, on
veut s'assurer que les processus sont mieux enlignés, et ce qu'on dit à tout le monde, c'est :
Rapidement on va réexaminer le seuil, ce que j'ai des entreprises, c'est :
Bon, on va vivre avec ça.
L'inquiétude des entreprises, il y a
deux choses. Le premier, ce serait tout ce qui dirait : Dorénavant, on en
veut peu, ou bien un message qui dirait : L'immigration, c'est un problème
et non pas la solution. Et ce que j'entends maintenant, c'est qu'on est
tous en train de reconnaître qu'avec des bons processus l'immigration fait
partie de la solution.
Mme
Anglade : Tout à l'heure, vous avez dit : Il y a... On ne peut
pas se passer de talents, hein? Un talent en moins, c'est un talent qu'on perd.
Dans les 18 000 dossiers dont on parlait, je sais bien que le premier
ministre a annoncé plus tôt qu'il
voulait traiter de manière prioritaire les gens dans le nouveau système Arrima.
Mais la réalité, c'est que les mêmes gens savent très bien que c'est compliqué de... On a eu beaucoup de personnes
qui nous ont dit à quel point c'était compliqué de fermer une demande, de recommencer. Et le
gouvernement s'expose à des poursuites comme on est présentement, dans le
cas qui nous occupe, où il y a effectivement
une poursuite, puis on nous a appris qu'il pourrait y en avoir d'autres. Dans
ce contexte-là, est-ce que vous verriez que, de toute façon, la solution, c'est
que, le plus rapidement possible, dans les six prochains mois, on soit en
mesure de traiter les 18 000 dossiers d'une manière ou d'une autre,
peu importe la...
• (15 h 40) •
M. Leblanc (Michel) : C'est ce qu'on a dit depuis le début. Dès que
l'annonce avait été faite, à l'effet qu'on n'allait pas traiter ces 18 000, la réponse que moi,
j'ai reçue du milieu des affaires, c'est : Si on ne les traite pas selon
l'ancien système, on peut-u s'assurer qu'ils embarquent immédiatement dans le
nouveau système? Pourrions-nous même reconnaître au moins ceux qui sont ici, dans le nouveau système, et
faire en sorte qu'on regarde tout de suite leurs déclarations d'intérêt? Et la perception du milieu des affaires, c'est qu'on va
s'apercevoir que, dans la très grande totalité de ceux qui sont déjà ici, on
veut les garder. Et, dans ceux qui étaient à
l'étranger, dans bien des cas, ils ont fait des investissements dans leur
connaissance du français, dans leur préparation à venir, et, encore là,
possiblement que, là-dedans, il y a des très bons candidats.
Donc,
l'idée, effectivement... Moi, je n'arrive pas avec la solution sur est-ce
qu'Arrima permet de mettre un astérisque puis qu'on sache que, cette personne-là, il faut la traiter rapidement.
Je ne le sais pas. Mais on devrait se fixer comme objectif que ces
gens-là ont un accès extrêmement rapide et qu'on va être très efficace à traiter
leurs dossiers.
Mme Anglade :
«Efficace», dans votre esprit, M. Leblanc, ça veut dire quoi? Ça veut dire
que, dans six mois, c'est traité,
l'ensemble de ces dossiers-là, dans une méthode ou une autre ou... C'est quoi,
«très efficace»? Est-ce que, dans un an, c'est correct? Est-ce que, dans
deux... C'est quoi, «efficace»?
M. Leblanc (Michel) : «Très efficace», c'est que ça les rassure. Moi,
je vais vous dire, hier j'ai parlé à... La chambre de commerce, comme
nous avons le programme Interconnexion, on détecte, nous, des immigrants très
qualifiés, qu'on embauche. On a un taux, à
la chambre, qui frise les 50 % d'immigrants dans nos équipes. Et moi, j'ai
une candidate, avec qui j'échangeais hier, qui est ici depuis six ans,
qui était sur la base d'un permis de travailleur temporaire ouvert et qui, il y a quelques mois, s'est fait dire que
maintenant ça serait fermé, donc ça veut dire que c'est seulement si elle garde
son emploi à la chambre, et qui, là,
vient d'apprendre que possiblement que ça va être retardé de nouveau. Et ce que
je discutais avec elle, c'est qu'elle
dit... Cette incertitude qui se prolonge est très dérangeante, très dérangeante
dans sa vie de couple puis dans sa
vie professionnelle. Et, moi, c'est ça que j'ai... Le six mois n'est pas si
important si ces gens-là sont confiants qu'on va traiter ça rapidement.
Que ça prenne quatre mois, six mois, mais on ne doit pas les laisser dans
l'incertitude.
Mme Anglade :
Il faudrait à ce moment-là qu'on soit capable de leur garantir qu'ils vont
avoir une réponse, peu importe. En fait, c'est ça que vous dites, qu'on soit
capable de dire aux gens qu'il faut qu'il y ait une échéance avec une
réponse au bout du compte.
M. Leblanc
(Michel) : Dans un monde idéal, très clairement. Et, à ce
moment-là, ce serait bon pour leur moral, peut-être
pour leur productivité, et, dans certains cas, qu'ils investissent ici puis que
ça soit clair pour eux que ça risque d'être ici.
Mme Anglade :
Aujourd'hui, là, vous êtes... On sait qu'il y a des pénuries de main-d'oeuvre. Aujourd'hui, vous êtes en lien avec le milieu des affaires, vous devez entendre
quotidiennement qu'il y a des projets qui ne se font pas ou qui sont
retardés à cause des enjeux de pénurie de main-d'oeuvre.
Je ne me trompe pas quand je dis ça.
M. Leblanc (Michel) : Ça ne vient pas de commencer, là. Ça fait
quelques années. Et je le dis, les entreprises qui doivent investir regardent à la... C'est des
investissements qui vont être amortis sur plusieurs années, qui vont requérir
des équipes sur plusieurs années. Et,
quand on demandait aux entreprises : Quelle est la grande force de la
région métropolitaine?, les
entreprises nous disaient : Sa main-d'oeuvre compétente, relativement bon
marché, en abondance suffisante. Et, quand on leur disait : Quelle est la principale inquiétude qui ferait que
vous n'investiriez pas à Montréal?, ils nous répondaient : La main-d'oeuvre, parce qu'on n'est pas sûr si
elle va être au rendez-vous dans cinq ans ou dans 10 ans en quantité
suffisante. Alors, notre force, si on ne fait pas attention, pourrait
devenir un frein.
Mme Anglade :
Est-ce qu'on peut revenir rapidement sur le programme Interconnexion, parce que
j'ai vu... j'ai pris connaissance de
votre mémoire. On parle du nombre de personnes qui ont été impliquées, mais, en
termes de résultats...
M. Leblanc
(Michel) : C'est 8 000 personnes.
Mme Anglade :
C'est 8 000 nouveaux arrivants, 1 300...
M. Leblanc (Michel) : 8 000 personnes à travers le temps.
Cette année, notre... Avant, notre objectif était en termes de nombre de dossiers et d'un pourcentage qui
était réintégré. Réintégré, ça voulait dire qu'il avait un emploi ou qu'il
allait chercher un cours complémentaire. L'immigrant, souvent, qui a
envoyé son C.V. n'a pas reçu de réponse quand il n'a pas été dans les trois, quatre premiers. Donc, il ne sait même pas
pourquoi il ne se qualifiait pas. Et là, Interconnexion, on leur
trouvait des mentors, des coachs. Ils recevaient une première réponse en
disant : Écoutez, si tu allais chercher ce cours-là, tu augmenterais considérablement tes chances. Donc, le
70 %, historiquement, c'était 70 % de réintégration sur des volumes qui étaient autour de
1 000 participants, donc 700 par année. Là, maintenant, on est à
1 000 emplois par année. Donc,
l'objectif, maintenant, que nous demande le gouvernement, c'est de prendre des
immigrants qualifiés et, pour 1 000 d'entre eux, leur trouver un emploi. On estime qu'on va traiter
2 000 dossiers pour arriver à ce 1 000 là. Ça ne veut pas
dire que, sur les 1 000 autres,
ils ne vont pas réintégrer des cheminements menant vers ces secteurs-là, mais
c'est 1 000 immigrants qualifiés qui vont enfin, pour la
première fois, avoir un emploi dans leur domaine de qualification.
Quand on fait
ça, on appelle des entreprises. Et c'est pour ça que je dis : Si on
s'occupait des étudiants étrangers et des
conjoints de travailleurs temporaires, c'est le même téléphone qu'on ferait. Et
j'invite souvent le gouvernement à être attentif, parce qu'il y a beaucoup d'initiatives. Les départements de RH,
ils reçoivent sept téléphones de sept organismes différents sur sept demandes de besoins non comblés. Ça crée beaucoup de
confusion. Moi, je dis : Dans un monde idéal, on aurait un certain
regroupement des possibilités. Donc, on appellerait ces entreprises et on
dirait : On a un bassin de travailleurs
immigrants qualifiés. On a un bassin d'étudiants. Ce n'est pas les mêmes types
d'emploi. Ça peut être des stages, ou
des emplois d'été, ou des emplois durant les études. Puis on a des conjoints de
travailleurs temporaires qui sont disponibles. Et on pourrait le faire pour les entreprises de la région métropolitaine
ou, avec des organismes à l'extérieur, dans les régions, trouver ces
passerelles-là.
Et donc, à ce moment-ci, notre objectif, c'est
1 000 par année. On pense qu'on va le livrer.
Mme Anglade : Puis est-ce qu'après
ça il y a des suivis sur ce qu'ils deviennent par la suite, après les...
M.
Leblanc (Michel) : Alors,
non. Et, encore là, il y a quelques années, les fonctionnaires ont refusé de
nous financer, à travers le programme
Interconnexion, un budget de suivi. Donc, on savait dans les deux premiers mois
parce qu'on prenait contact, mais
après, six mois après, on n'était pas capables de le savoir. Là, maintenant, on
a le droit de faire un suivi dans les six mois parce que nos résultats
admissibles sont dans les six mois à partir du moment où ils sont rentrés dans
le programme. Donc, pendant six mois, moi,
je peux vous dire qu'est-ce qui arrive à cet immigrant-là. Un an après, je n'ai
pas de budget pour, normalement,
refaire des appels puis aller monter des bases pour savoir est-ce qu'ils
restent dans l'emploi, est-ce qu'ils ont une progression, quel est leur
cheminement. Pour l'instant, je ne peux pas le savoir.
Mme
Anglade : D'accord, très bien. Je pense qu'en fait c'est des choses
qu'il faut renforcer, la question du suivi, de voir comment est-ce qu'on les finance. On a tendance à considérer ça comme
étant secondaire, alors que, souvent, c'est ce qui nous permet de nous
améliorer par la suite.
Peut-être une dernière question, et le
sous-ministre me corrigera, à un moment donné, si je me trompe, mais est-ce que... Depuis le 1er octobre, je pense
qu'on n'a traité aucun nouveau CSQ dans le programme régulier. Parmi les
18 000 dossiers, il n'y a pas de
CSQ qui a été émis. Aujourd'hui, on reprend l'étude des
18 000 dossiers. On espère qu'ils vont passer à travers la moulinette du système. Est-ce qu'à un moment
donné... Si, cette année, mettons, on ne traitait que
3 000 dossiers, quel genre de message que ça enverrait au milieu
d'affaires, de manière générale?
M.
Leblanc (Michel) : Moi, je
rêve qu'on lance un message au milieu des affaires que la fonction publique ou
les fonctionnaires sont incroyablement efficaces et performants. Ce que je
pense, c'est que, devant nous, on a un grand défi collectif d'amélioration de
la performance de nos processus. Ça vaut pour les entreprises. On a des
indicateurs de productivité qui ne sont pas
nécessairement à la hauteur. Je pense que, pour le milieu gouvernemental, sur
les immigrants... La question des 18 000, ça nous révèle qu'on a pris du
retard, historiquement, qu'on ne devrait jamais prendre. Et là, à ce moment-ci, s'il faut revoir à la fois les
processus, les individus, les façons de faire, faisons-le, parce que le danger,
c'est qu'on focusse sur les 18 000 qui sont là mais
qu'éventuellement on ait d'autres retards qui vont se générer.
Alors, à la
question : Qu'est-ce que le milieu des affaires va voir?, c'est un
message. Est-ce que la fonction publique est capable de livrer quand il
y a une priorité et de s'accorder avec des processus efficaces?
Mme Anglade : Merci.
La Présidente (Mme Chassé) : Il
reste 3 min 30 s. J'invite la députée de Bourassa-Sauvé à
prendre la parole. Allez-y.
Mme
Robitaille : Oui, merci. Merci, monsieur, d'être là. Écoutez, il y a,
dans le nouveau projet de... Dans ce projet de loi là, on veut grever une condition à la résidence permanente. On
veut grever des conditions à la résidence permanente. L'article 9 du projet de loi, on veut insérer
un article qui s'appellerait 21.1. Vous parliez tout à l'heure... Vous nous
disiez : Il faut faire attention à l'image parce que, si on donne
l'impression qu'on est fermés, on perd des bons talents, on perd des immigrants pour le Québec. Durant les derniers
jours, on a entendu beaucoup d'organismes communautaires qui nous ont dit que
grever une condition à la résidence permanente, ce n'était pas une bonne idée,
qu'il faudrait peut-être utiliser la carotte
plus que le bâton. Mettre un test de français au bout de trois ans, ce n'est
pas nécessairement une bonne idée. Obliger un travailleur à rester en région, puis il perd sa résidence permanente
parce qu'il n'a pas pu rester en région, ce n'est pas une bonne idée. On a eu des juristes qui sont
venus ici puis qui nous ont dit : Grever des conditions à la résidence
permanente, c'est aussi une grave
erreur. Ça va à l'encontre des chartes, et puis, en plus, bien, le fédéral ne
serait pas très, très enclin à aller
de l'avant avec ça. Puis ce serait un mécanisme bancal, qui ne fonctionnerait
pas parce que ce serait au fédéral de voir
à ce que ces conditions-là soient appliquées, puis, si elles ne sont pas
appliquées, c'est à eux de mettre le monde dehors et de leur retirer
leur résidence permanente. Donc, ça ne fonctionnerait pas.
Vous,
qu'est-ce que vous pensez de ça? Qu'est-ce que vous pensez de l'idée de grever
une condition à la résidence permanente, pour ce qui est d'un test de
langue, d'un test de valeurs ou d'un lieu où la personne devrait...
• (15 h 50) •
M. Leblanc (Michel) : Notre signal, le signal qu'on préfère, nous, c'est un signal de
société d'accueil, qui va accompagner l'immigrant
puis qui va y consacrer des ressources pour l'aider. Qu'à travers un processus qui serait sur une déclaration d'intérêt on accorde de la valeur à
l'immigrant qui est ouvert à aller vivre en région, à l'immigrant qui vient de l'étranger puis qui vivait déjà en région et
qui signale que son attrait pour les grandes métropoles n'est pas un attrait
tel que c'est sûr qu'il va se
retrouver à Montréal, je pense que ça serait tout à fait correct. Donc, qu'on y
aille vers de l'intelligence au
niveau de la sélection, qu'ils reconnaissent les probabilités qu'un immigrant
désire s'installer dans une ville à l'extérieur de Montréal ou carrément
dans les milieux ruraux, moi, je pense que c'est très correct.
Ce qui est
fatigant pour le milieu des affaires, c'est d'accueillir des immigrants qui
seraient heureux d'être ici, qui répondraient à des besoins ici et à qui on
dirait : Dans trois ans, on va te tester, si tu ne réponds pas bien au
test, on va dire : On n'a pas
besoin de toi. Si c'est sur cette rigidité-là qu'on s'en va, moi, j'ai
l'impression qu'on va avoir des entreprises qui vont être déçues et peut-être être vocales dans le fait qu'il y a des
gens qui font très bien l'affaire, qui s'intègrent bien du point de vue de l'entreprise, et il n'y a pas de
raison qu'on leur signale qu'ils ne sont pas les bienvenus après un certain
temps. Ça, j'ai l'impression que le milieu
des affaires va être très mal à l'aise. Qu'on y mette des ressources, qu'on
insiste sur le fait que c'est
important, qu'on sélectionne en fonction de leurs aptitudes ou de leur volonté
à aller dans les régions, aller dans certains secteurs, moi, je pense
que le milieu des affaires va être très ouvert à ça.
La Présidente (Mme Chassé) : On est
près de la fin.
Mme
Robitaille : ...O.K., oui, donc, qu'on les encourage, qu'on mette tous
les moyens pour qu'ils apprennent le français rapidement, et tout ça,
ça, c'est...
La Présidente (Mme Chassé) : Merci.
Je dois céder la parole au député de Rimouski. Merci.
M.
LeBel : Bonjour, bonjour. Je vous confirme, c'est très intéressant de
vivre à Rimouski. Vraiment, je vous le confirme, c'est très bon.
Chez nous
aussi, il y a un problème de main-d'oeuvre majeur qui est lié beaucoup au
vieillissement de la population. C'est
beaucoup des emplois de remplacement qu'il faut aller... Ça fait qu'on a besoin
de l'immigration, mais l'expérience nous
dit, chez nous, que, quand ça passe par Montréal, quand les immigrants arrivent
à Montréal puis ils viennent en région, ils ne restent pas en région. On n'est pas capables de les... Il faut
qu'ils arrivent en région. C'est pour ça que je suis un peu d'accord avec l'idée de mettre en priorité dans
des grilles d'analyse, je ne sais pas... s'il y a un emploi qui est collé en
région, faire en sorte que la personne arrive en région. C'est
l'expérience qu'on a, c'est ce que les gens nous disent, que les expériences qu'on a faites d'un déplacement de
Montréal, de convaincre des immigrants qui sont à Montréal de venir s'installer
en région, ça ne fonctionnait pas. J'aimerais ça vous entendre là-dessus.
Puis, selon
votre expérience que vous avez eue avec le programme que vous nous parliez
tantôt, c'est quoi, ça, la formule gagnante? C'est quoi, le portrait du
meilleur porteur qu'on devrait avoir en région, puis c'est quoi, la formule
gagnante? Puis je pense aussi à la culture, l'éducation, la vie communautaire. J'aimerais
ça vous entendre là-dessus.
M.
Leblanc (Michel) : O.K.
Pour ce qui est du premier, sur «passer par Montréal pour aller en région,
ça augmente le risque qu'ils
reviennent sur Montréal», moi, je dis souvent bien candidement : Convaincre des Montréalais
d'aller vivre en région, là, des
Montréalais de souche, là, ce n'est pas si simple que ça. Il y a quand même des
attraits à vivre en ville. Et j'ai l'impression qu'une partie de la réponse à
votre question n'est pas tellement est-ce qu'ils aboutissent en région,
parce que quelqu'un qui vivrait, dans le pays d'origine, dans une grande
métropole, qui risque de se ramasser à Rimouski, peut-être qu'il va être superheureux d'être à Rimouski, mais peut-être
qu'il y a des réalités de grande métropole auxquelles il est habitué qu'il va vouloir retrouver. Moi,
j'ai l'impression qu'une partie de la réponse, c'est de regarder dans quelle
mesure les immigrants qu'on va
sélectionner viennent de villes de taille de Rimouski, viennent de ce genre
d'écosystème. Ça, c'est le premier.
Donc, ce n'est pas tellement d'arriver à Rimouski, mais c'est d'où on part,
qu'est-ce qu'on aime au départ. Ça, je pense que c'est un facteur
important.
Le deuxième
élément, qui est : Quel est le porteur de ballon local qui serait le plus
approprié pour faire des passerelles avec
notre programme Interconnexion?, c'est l'organisme local qui est le plus
susceptible d'être capable de détecter les besoins des entreprises. C'est-u une chambre de commerce, c'est-u un
autre véhicule? Mais c'est l'organisme local qui dirait : Moi, là, voici, j'ai 18 ou j'ai 204 entreprises où il
y a des besoins non comblés, puis moi, j'aurais quelqu'un de chez moi qui dirait : O.K., envoie-moi ça, puis
c'est comme mes entreprises à moi quand je vois des besoins non comblés, je vais
essayer de trouver des C.V. qui correspondent.
Et là il
faudrait trouver, dans le cadre du financement public, une solution pour les
amener chez vous. Parce que, moi,
c'est facile, dans ma région, de dire : Va voir telle entreprise. De l'envoyer
à Rimouski ou d'en envoyer 10 à Rimouski, ils doivent se transporter,
peut-être qu'ils doivent rester là, dormir là.
Parce
que ça m'amène à votre autre point, qui est de dire : par la suite, il y a
un exercice de séduction, et je pense que,
de mieux en mieux, c'est fait. Il y a des immigrants qui descendent à Rimouski
pour remplir des postes, qu'est-ce que vous leur montrez? Qu'est-ce que c'est,
la vie de Rimouski? Alors là, on est dans La grande séduction, là, mais
qu'est-ce qui fait en sorte qu'eux, pour eux, soudainement ils
reviennent à la maison puis ils disent : O.K., mon projet de vie, il pourrait avoir lieu à Rimouski? Et moi, du point
de vue du milieu des affaires, si c'est la solution qu'à travers le Québec on
voit les immigrants arriver, on intègre les
immigrants, que collectivement on voit tous à quel point ça peut bien se passer
et qu'on a moins de craintes face à l'immigration, ça bénéficie à mes
entreprises, ça bénéficie à Montréal également.
La Présidente (Mme Chassé) : Il vous
reste 30 secondes.
M.
LeBel : Je suis aussi bien d'être bon. Il y a la Commission des
partenaires du marché du travail qui... Comment vous voyez leur rôle
là-dessus, pour coller l'immigration à nos réalités?
M.
Leblanc (Michel) : Je pense
qu'ils ont un rôle très, très clair à jouer. Je pense que ça pourrait être un
véhicule, comme je disais tantôt,
pour essayer d'identifier, entre autres, des besoins à plus long terme, même
les besoins à long terme. Dans la
région métropolitaine, nous avons aussi un conseil Emploi Métropole qui vise à
créer une dynamique métropolitaine sur l'emploi, et c'est des véhicules,
à mon avis, utiles.
La
Présidente (Mme Chassé) : Je vous remercie. Je dois céder la parole.
Merci, M. Leblanc. Je dois céder la parole au député de Laurier-Dorion.
Merci beaucoup.
M.
Fontecilla : Bonjour, monsieur. On a appris cette semaine que le
système Arrima, qui reçoit des dossiers mais qui n'a pas d'appel
d'invitation... mais, bref, qu'il va traiter et délivrer 400 certificats
de sélection du Québec. Dans ce contexte-là
des 18 000 dossiers annulés, etc., là, est-ce que vous pensez que le
système Arrima, pour cette année en tout cas, est en train de livrer la
marchandise?
M. Leblanc (Michel) :
J'aimerais pouvoir vous répondre intelligemment. Je n'ai pas suivi et je ne
suis pas capable de vous répondre sur ce que
permet de faire ou ne permettra pas de faire cette année le système Arrima. Ce
que je sais, c'est que l'idée
derrière le système Arrima et le fonctionnement d'un système par déclaration
d'intérêt, nous l'appuyons complètement.
Est-ce que l'outil lui-même est approprié? Là, je n'ai pas l'expertise. Et, si
l'outil ne permet pas de livrer, bien, il faudrait le revoir. Mais c'est
clair dans notre esprit que, par opposition au système passé, où on recevait
des déclarations... pas des déclarations,
des demandes premier arrivé, premier servi, ça n'était pas optimal, et une
partie de ce qu'on a eu comme difficulté d'intégration, c'est qu'on avait des
besoins non comblés, puis on avait des immigrants qui arrivaient, puis il y
avait un «misfit», en partie, puis il y avait des difficultés aussi avec la
société d'accueil qui s'organisait mal, puis peut-être un petit peu de
résistance en entreprise.
Là, on est en train de corriger ces morceaux-là.
Le système de déclaration d'intérêt va permettre, à mon avis, à notre avis, des meilleurs résultats. Maintenant,
Arrima, comme tel, je vais laisser les spécialistes répondre sur les capacités
ou non du système cette année.
M.
Fontecilla : Et on a beaucoup parlé dans le passé, et ça a disparu un
peu du décor, de la question de la reconnaissance des compétences, des diplômes. Ça fait partie d'un
processus d'intégration, en tout cas intégration en emploi, à tout le moins, là,
réussi. Qu'est-ce que vous avez à dire?
M.
Leblanc (Michel) : Nous
sommes sortis à plusieurs reprises de façon très critique, des ordres
professionnels, à la demande du milieu des affaires, à une époque où on
sentait qu'il y avait une non-reconnaissance du problème, non-reconnaissance du
problème de reconnaissance des diplômes.
Maintenant,
j'ai une approche qui est beaucoup plus positive et je dis à tout le
monde : Regardons ce que fait l'Ordre des ingénieurs du Québec, qui a
mis en place un système par lequel ils se sont engagés à traiter 75 % des
demandes de reconnaissance à
l'intérieur de neuf mois. Nous, quand on voulait que ça s'améliore, on
demandait à l'intérieur d'un an. Je
sais que l'Ordre des comptables agréés aussi a grandement amélioré ses
capacités de traitement des demandes d'équivalence et moi, j'invite le gouvernement à identifier les
meilleures pratiques que ces deux organismes-là viennent de définir, et à
regarder tous les autres organismes, et à leur demander d'implanter d'ici un an
des processus qui vont donner des résultats équivalents.
Ce que
l'Ordre des ingénieurs a montré, c'est que, quand on prend ce dossier-là, qui
est la reconnaissance des diplômes, et
qu'on dit qu'on va régler le problème, c'est possible au Québec et ça s'est
très bien fait. Alors, on a un exemple de meilleures pratiques,
construisons sur cet exemple-là.
La Présidente (Mme Chassé) : Il vous
reste une minute.
M.
Fontecilla : Concernant les programmes J'apprends le français, là,
parlez-nous-en un petit peu plus, là. Ça apparaît dans votre...
M. Leblanc (Michel) : L'idée, c'est qu'on va sur des rues commerçantes.
La première a été Côte-des-Neiges. On est dans six arrondissements à Montréal,
plus une antenne sur la rive sud, et à Laval, et à Sherbrooke aussi. On va dans
des commerces
où le commerçant ne parle pas le français et là on lui propose de lui
jumeler... jumelage linguistique. Souvent, c'est un étudiant de maîtrise à l'université dans un domaine...
traduction, enseignement du français, etc., qui va venir sur les heures du commerce, à chaque semaine, discuter
pendant qu'il travaille et lui apprendre le français lié à sa tâche, lié à
son travail, trois mois. Il y a une
évaluation qui est faite au jour 1. Les universitaires ont des moyens de
mesurer la progression, puis, à la
fin des trois mois, on est capables de voir la progression et de la mesurer.
Dans bien des cas, ils partent de tellement loin qu'il va peut-être y
avoir besoin d'un autre trois mois additionnel...
La Présidente (Mme
Chassé) : M. Leblanc...
M.
Leblanc (Michel) : ...mais ça donne des résultats, ça fonctionne.
La Présidente
(Mme Chassé) : Je vous remercie pour votre contribution aux
travaux de la commission.
Je suspends les
travaux quelques instants afin de permettre au prochain groupe de prendre
place.
(Suspension de la séance à
16 heures)
(Reprise à 16 h 2)
La
Présidente (Mme Chassé) :
Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de la Chambre de
commerce et d'industrie de Québec. Je vous rappelle que vous disposez de
10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la
commission. Je vous invite donc à
vous présenter puis à commencer votre exposé.
Chambre de commerce et d'industrie de Québec (CCIQ)
M. Paradis (Michel) : Parfait. Est-ce
que vous m'entendez bien? Oui? Ça va?
Je vais essayer de m'avancer un petit
peu plus, bon, et je lèverai le ton,
si jamais il y a un problème.
Donc,
de un, je tiens à vous remercier de nous recevoir aujourd'hui. Pour ceux et celles qui ont peut-être eu l'opportunité
de prendre connaissance du mémoire,
volontairement nous nous sommes circonscrits à deux articles du projet de loi, l'article 3.5° et l'article 8. Mais, avant toute chose, peut-être
pour ceux et celles qui ne connaissent peut-être pas la Chambre de commerce et d'industrie
de Québec, peut-être simplement rappeler que le poids économique de la chambre d'industrie
et de commerce de Québec se décline comme suit : nous sommes la deuxième
plus importante chambre de commerce au
Québec avec 4 700 membres, dont un conseil d'administration composé
d'entreprises qui totalisent un chiffre d'affaires de 14 milliards
de dollars et qui représentent plus de 30 000 entreprises dans toute
la grande région de la Capitale-Nationale.
Je
sais qu'après avoir pris connaissance de certaines autres personnes qui ont
comparu devant vous je prends déjà conscience
que les propositions que j'ai à vous faire ont forcément déjà été présentées.
Donc, je tenterai de pouvoir y apporter une couleur pour tenter d'au
moins donner une perspective qui va être davantage, je vous dirais, en fonction
du profil d'entreprise qui compose nos
chambres de commerce. Ici, à Québec, je vous dirais que, tant au niveau de la
région de la Capitale-Nationale que
celle de la ville de Québec, nos membres, c'est des chefs d'entreprise, hommes
et femmes, qui ont 25 employés
et moins. Ce qui veut dire donc que ces gens, ces personnes vivent des
particularités que d'autres entreprises de plus grande dimension n'ont
pas à vivre ou des enjeux qui leur sont différents.
Dans
ce contexte-là, comme vous pouvez l'imaginer, ce sont des hommes et des femmes
qui sont des chefs d'entreprise,
hommes et femmes-orchestres, qui font tout, ils n'ont pas nécessairement de
fonctions RH, qui s'occupent de la
comptabilité, de la gestion, du management. Bref, elles font tout. Donc, ce qui
veut donc dire que, face à un enjeu ou à une situation qui peut paraître...
Lorsqu'elles reçoivent de l'information, quand même, qui peut générer un
impact, bien, vous comprendrez que les réactions sont quelquefois
épidermiques, parce qu'on vit un enjeu de perception.
Donc, dans le
contexte qui nous occupe, il est évident que les informations qui ont été
émises concernant certaines initiatives qui
avaient été mises en place par nos chefs d'entreprise avec des personnes
immigrantes qui avaient déjà été
identifiées, bien, c'est évident que la réaction... en tout cas, les
commentaires que l'on a reçus étaient quand même un tant soit peu négatifs, des craintes, des remises en question. Parce qu'il
faut bien comprendre que, pour ces
chefs d'entreprise, la question du travailleur étranger ou travailleur permanent,
c'est une réponse, pour ces entrepreneurs, pour leur pénurie de main-d'oeuvre, non pas pour la pénurie
de main-d'oeuvre, mais pour leur réalité à eux et à elles.
Donc,
bien évidemment, dans ce contexte, on souhaite que le gouvernement puisse avoir à l'esprit cette ouverture face à ces situations en tenant compte véritablement de, peut-être,
ces incompréhensions ou un message qui se rend plus ou moins adéquatement.
Donc, bien, heureusement, notre compréhension actuelle, et je pense
peut-être qu'il évolue, est à la fois que le projet tout
de même ne toucherait pas aux immigrants ayant un emploi confirmé. C'est du
moins notre compréhension, on pourra me corriger.
Maintenant,
notre compréhension de l'objectif du gouvernement et des approches qui sont suggérées, bien, je
vous dirais qu'on ne vous cachera pas
que, nous, comme chambre de commerce, la finalité quand même
nous apparaît être positive. On lit à
l'article 3, notamment, la promotion de l'immigration, prospection,
recrutement des ressortissants étrangers, de parcours d'accompagnement personnalisé,
de la volonté de l'intégration. Et, selon nous, bien évidemment, bien,
l'article 3 et l'article 8 du projet de loi semblent pouvoir
tendre vers cette finalité.
Maintenant,
si je m'attarde maintenant à l'article 3, alinéa 5°, où on comprend
qu'il y a cette volonté de contribuer notamment
aux besoins du marché du travail, alors vous comprendrez encore que, pour nos
membres, qui sont des chefs d'entreprise, de
pouvoir percevoir que cet élément-là va être un élément qui va être au coeur de
la réforme, eh bien... c'est même, comment dire, un commentaire, un concept qui
a été maintes fois repris par la Chambre de commerce et d'industrie de Québec, qui a dit qu'au niveau de l'immigration
l'importance de faire l'arrimage entre les besoins des postes disponibles au sein de nos PME en adéquation avec
les compétences des personnes qui sont disponibles pour les occuper rejoint parfaitement notre philosophie. Et, en
fait, je vous dirais qu'avec un taux de chômage de 3,8 % dans la région de
la Capitale-Nationale on se plaît à
dire que, possiblement, la région de la Capitale-Nationale est possiblement le
meilleur endroit pour faciliter
l'intégration, car, plusieurs experts le disent, l'emploi est assurément un des
meilleurs moyens pour intégrer une personne immigrante dans sa
communauté.
Mais,
en revanche, je vous dirais qu'il est quand même toujours intéressant de
pouvoir regarder un tant soit peu ce qui
peut se faire ailleurs, où est-ce qu'on peut trouver des options ou des avenues
qui nous permettent de voir que, dans un
programme qui vise l'intégration pour les personnes immigrantes... que
l'entreprise puisse être, en amont, comment dire, la cible qui est
visée. Et, en ce sens-là, je pense qu'on vous a déjà abordés sur ce point-là,
donc vous me permettrez de peut-être faire
un peu de redondance, mais il n'en demeure pas moins qu'on a, nous, de notre
côté, été impressionnés ou, du moins,
touchés par le Programme pilote d'immigration au Canada atlantique. Que vise ce
programme? Bien, possiblement qu'on vous l'a expliqué, mais donc il aide
les employeurs à embaucher des candidats qui ne sont ni citoyen ni résident
permanent au Canada, des postes qui ne peuvent être occupés par des Canadiens,
et l'entreprise et les candidats doivent respecter certains critères, et les
candidats peuvent ensuite obtenir, éventuellement, le statut de résident
permanent.
Tout
de suite, d'entrée de jeu, je vous le dis, là, on est très conscients que ça ne
peut pas être, entre guillemets, là, une application complète de ce qui
se fait en Atlantique au Québec. On comprend très bien qu'ici c'est à
compétences partagées, et tout ça. Mais ce
que je veux vous... retenir, c'est : Mettez-vous à la place du chef
d'entreprise qui prend connaissance
du fait qu'il existe un programme, quelque part, où est-ce que, finalement, il
est au coeur de l'enjeu. C'est ce principe-là que je fais... de vous
partager aujourd'hui. En quoi il est distinctif? C'est que, normalement, bien,
un programme débute quand une personne
immigrante veut venir au Canada, alors qu'ici le programme se déclenche ou
prend forme du moment que l'employeur
souhaite embaucher une personne immigrante suite à sa propre démarche de
prospection et qu'il a identifié le candidat ou la candidate.
• (16 h 10) •
Donc,
on comprend que le programme du Canada atlantique n'a pas pour objet de faire
un maillage. Il a pour objet de
pouvoir faciliter l'embauche d'une personne qui, au préalable, a déjà été
identifiée. Donc, bien évidemment, la demande nécessite que l'employeur
puisse avoir été désigné ou qualifié au sein de ce programme-là et est en
mesure ensuite de pouvoir demander à ce que
la personne qui a été identifiée et qui correspond en termes de qualification
puisse devenir un employé bel et bien
reconnu au sein de l'entreprise, nécessite, bien évidemment, l'accord de la
province pour valider le lien d'emploi.
Et,
bien évidemment, l'entreprise a aussi des obligations. L'entreprise a notamment
le devoir de s'assurer de proposer au gestionnaire du programme ce qu'on
appelle un plan d'implantation, plan d'implantation, donc, qui a pour objet de
dire de quelle manière je vais
m'assurer que le nouvel employé va
bien s'intégrer au sein de mon entreprise, avec aussi cette garantie d'une durée
d'emploi minimum.
Donc,
il y a une autre conséquence, relativement à ce programme-là, qui, pour nous, nous rejoint, parce qu'à Québec je vous dirais que, lorsqu'on
regarde la proportion de personnes immigrantes en proportion de la population
que l'on représente au Québec... Vous
comprendrez que, lorsque ça bifurque vers la question de l'attractivité et de
la rétention, bien, de voir
finalement la possibilité de mettre en place un plan d'intégration ou
d'implantation, ça nous rejoint, parce que ça, bien, il est évident que toutes les démarches qu'on veut faire, c'est
qu'on veut que les gens demeurent dans la communauté, travaillent au sein de l'entreprise, parce que ces
gens-là, pour nos PME, et je parle toujours des employés... de
25 employés et moins, des
entreprises de 25 employés et moins, cette personne-là peut répondre à des
perspectives de croissance, de développement économique, de réalisation
de projet. Donc, ce n'est pas sans importance pour nous.
Ce
qu'il y a d'intéressant aussi, c'est que, dans ce cadre-ci, l'entreprise n'a
pas à effectuer l'examen d'impact sur le
marché du travail. Donc, au niveau administratif, ça rejoint un autre
corollaire, qui est celui de la lourdeur administrative. J'aurais pu
vous parler pendant les 10 minutes ne serait-ce que de ce point-là, là,
parce que c'est le plus récurrent.
La Présidente (Mme
Chassé) : Il vous reste une minute.
M. Paradis (Michel) : C'est long, c'est compliqué, je ne sais pas où est-ce que
je m'en vais, etc. Le 10 minutes est atteint, c'est ce que je
comprends?
La Présidente (Mme
Chassé) : Le ministre vous offre ses minutes. Vous pouvez poursuivre.
M. Paradis (Michel) : Ah bon! Parfait. Donc, bien, moi, ce que je veux
que vous reteniez vraiment, c'est l'esprit du programme, parce qu'on ne se prétend pas des spécialistes en
architecture de programmes, vraiment pas, mais c'est l'esprit, c'est le fond, c'est l'objectif.
Et, simplement pour terminer sur ce point-là, il y a quand même
trois indicateurs qui permettent justement de justifier si ce programme-là va durer par la suite, à savoir qu'il faut s'assurer qu'à la fin de ce projet pilote là on a constaté qu'il a aidé à attirer et retenir une main-d'oeuvre
qualifiée pour répondre aux besoins du marché du travail — comme
chambre de commerce, c'est de la musique à nos oreilles — qu'on a constaté que l'accent sur la rétention
à long terme a été mesuré, quantifié et
qu'on le constate, donc que l'employé est demeuré au sein de l'entreprise, et
finalement, ultimement, bien, faciliter la croissance économique de la
région.
Et, en ce qui nous concerne, nous, je vous
dirais que — je
fais peut-être un petit peu de coq-à-l'âne, mais pas tant que ça — ce
dernier point là m'amène directement à l'article 8. Je pourrais
pratiquement vous le... pratiquement, à savoir que, lorsqu'on parle de faciliter la
croissance économique de la région, vous savez que la région de la
Capitale-Nationale se caractérise
notamment par un secteur touristique, restauration, hôtellerie, qui est
excessivement important et qui ne cesse de croître. Les dernières données nous
le démontrent hors de tout doute. Et le premier questionnement que nos chefs,
que nos leaders d'entreprise de ce
secteur-là nous disent : Écoute, Michel, notre enjeu, là, c'est que,
lorsqu'on est rendu qu'on est obligé
de fermer temporairement des restaurants ou lorsqu'on est obligé de fermer
définitivement un établissement, ça nous
pose un problème. Est-ce qu'il y a moyen de pouvoir accélérer le processus? Et,
en ce sens-là, vous me permettrez d'aller directement à l'article 8 — je sais que je saute quelques bouts, mais on
pourra échanger par la suite — l'article 8, qu'on trouve aussi
fort intéressant, parce qu'il nous semble laisser entrevoir qu'il y a une
volonté du gouvernement de pouvoir s'attarder
justement à l'examen d'impact sur le marché du travail, donc, et à savoir si la
réponse peut être positive ou non.
Je tiens à
saluer... puis j'ai regardé le document de 2017 par rapport à 2018, en ce qui a
trait au processus simplifié, où on identifie les postes qui peuvent permettre
de bénéficier de ce programme-là. Si je compare 2017 à 2018, déjà, il y a une
étape... Parce qu'on l'a comme régionalisé. Je vois Bas-Saint-Laurent, la
Capitale-Nationale, etc. Moi, je dis bravo, donc, et j'encourage d'aller plus en ce sens-là, et le plus loin se décline
comme suit, c'est qu'il faut aller davantage vers de la modulation.
Et la
modulation, pour moi, ça se décline comment? Encore une fois, je reviens au
niveau de la Capitale-Nationale. Nous, les emplois qui sont essentiels
actuellement, là, ça peut être des personnes qui travaillent dans le domaine de
la restauration, pas nécessairement des
chefs, dans le domaine de l'hôtellerie, dans le domaine du tourisme dans son
sens large, parce que, selon la
réalité économique dans laquelle on vit en 2019, ce qui est névralgique chez
nous actuellement, c'est ce
secteur-là. Ce qui fait que, si je m'attarde au point, à l'élément qui concerne
le processus simplifié, notre recommandation, c'est tendre à élargir le nombre de postes qui peuvent bénéficier
de ce processus-là. Non pas que ce qui a déjà été fait est mauvais, non, on ne remettra ça jamais en
question, ce n'est pas ça, mais il y a des moments sporadiques, au plan économique,
au plan régional, qui font que la réalité de
Québec est forcément différente de ce qui se passe en Gaspésie et aux Îles, de
mon ancienne région, d'où je suis
originaire, le Bas-Saint-Laurent, ou la région de Montréal, ou peu importe.
Chaque région a son propre ADN, chaque région a ses propres
particularités.
Donc, d'avoir
cette ouverture vers la modalité... la modulation, c'est-à-dire, excusez-moi, modulation,
pour nous, ce serait peut-être
l'élément clé qu'on aimerait qui puisse être perçu et retenu par les membres de
la commission. Donc, c'est un survol des principaux éléments qu'on
tenait à vous transposer. Je réitère de nouveau que notre approche se veut excessivement constructive, et elle provient
vraiment de commentaires qui émanent des membres, ce qui fait que ça nous a
amenés à circonscrire notre témoignage sur ces deux articles. Merci.
La
Présidente (Mme Chassé) : Je vous remercie pour votre exposé.
Nous allons maintenant débuter la période... continuer la période
d'échange... la débuter, plutôt, la poursuivre en même temps. M. le ministre,
la parole est à vous.
M. Jolin-Barrette : Merci, Mme
la Présidente. M. Paradis, bonjour, merci d'être présent ici aujourd'hui.
Effectivement,
la région de Québec est extrêmement dynamique. Ce matin, j'étais au premier
rendez-vous des gens d'affaires.
Malheureusement... bien, heureusement, malheureusement, je ne pouvais pas
rester toute la journée parce que j'avais la chance d'être avec mes
collègues, ici, pour travailler sur le projet de loi n° 9. Mais, je pense,
c'est une belle initiative de la ville de
Québec. Je pense, vous y participiez également aujourd'hui, l'ensemble des
partenaires économiques.
Le projet de
loi n° 9, ça reflète vraiment bien ce que vous avez dit. Ça vise notamment
à arrimer les besoins du marché du
travail, mais aussi dans une approche, là, de répondre aux besoins de
main-d'oeuvre des différentes entreprises, de faciliter et de s'assurer que la pénurie de main-d'oeuvre puisse être
comblée notamment par l'immigration. On est vraiment dans cette
logique-là.
La question
de la flexibilité, je suis très sensible à ce que vous dites, la question de la
lourdeur administrative aussi. L'objectif
du projet de loi n° 9, c'est que ça fonctionne, que ça aille plus
rapidement puis qu'on réussisse à faire en sorte que les gens qui choisissent le Québec puissent venir beaucoup plus
rapidement puis que, lorsqu'on a une offre d'emploi, lorsqu'on a besoin
de monde dans une entreprise, ce n'est pas dans trois ans, c'est maintenant,
souvent, qu'on en a... Alors, je vous
rejoins entièrement. Le projet de loi n° 9 va nous aider à faire ça, puis
ça va nous aider aussi à faire en sorte que les candidats qu'on
sélectionne vont répondre au profil des emplois.
Vous parlez de Canada atlantique, c'est un
programme qui est intéressant. Je l'ai dit à vos prédécesseurs tout à l'heure, là, on est en négociation avec le
gouvernement fédéral sur le Programme des travailleurs étrangers temporaires.
Les délais sont longs présentement, très
longs, beaucoup trop longs. J'invite le gouvernement fédéral à agir, à mettre
des ressources pour traiter rapidement le dossier.
Je suis
d'accord avec vous, les études d'impact sur le marché du travail, là,
actuellement, il y a des dédoublements. Nous, on demande que ce soit uniquement le Québec. Est-ce que c'est
nécessaire tout le temps d'en faire? Je ne pense pas. Les règles
entourant ça, c'est très lourd, puis c'est des règles qui datent d'une époque
où on n'était pas en pénurie de main-d'oeuvre.
Ce n'est pas adapté, il faut moderniser les façons de faire. Nous, on a un
enjeu avec le fédéral parce qu'on veut que ça fonctionne. Je pense qu'on
peut vous compter comme collaborateurs là-dedans pour faire pression sur le
gouvernement fédéral, pour leur exposer la réalité des entreprises.
Outre cela,
au niveau des difficultés administratives, lourdeurs administratives, qu'est-ce
qui pourrait être simplifié de la
part du gouvernement du Québec dans le processus, pour vos différents membres,
lorsqu'ils souhaitent accueillir des personnes immigrantes?
• (16 h 20) •
M. Paradis (Michel) : Vous me permettrez de nouveau de volontairement
circonscrire mon intervention pour... non pas que les 26 employés
et plus dans les entreprises ne représentent pas d'intérêt, mais ceux qui nous
transmettent davantage
d'informations, c'est vraiment ces entreprises-là de 25 employés et moins.
Et, encore une fois, c'est 80 % des entreprises et plus de la
région de la Capitale-Nationale.
Je
vous dirais que ça tourne vraiment... Écoutez, c'est des questions qui sont
très simples : Qui, quoi, où, comment? Vous comprenez ce que ça veut dire, hein? Ça veut dire, donc : Je
débute un processus, mais je m'adresse à qui? Je fais ça comment? Est-ce
qu'il y a un point de chute? De quelle manière je peux débuter mon processus?
Parce que, bien sûr, lorsqu'une entreprise a
déjà fait le processus une fois, ce n'est pas eux qui vont nous contacter, mais
vous seriez surpris, en revanche, du
nombre d'entreprises qui nous appellent et qui nous disent : Bon, écoute,
j'essaie de me retrouver quelque part, là. Donc, il y a cette...
Lorsqu'on
parle de complexité, ça ne se limite pas, malheureusement, à l'architecture du
programme, où est-ce que... Même pour
une personne qui oeuvre un peu là-dedans, bon, il faut quand même se faire une
tête. Donc, imaginez une personne
pour qui, là... elle est rendue à cette première étape où elle se dit : Je
suis rendu à ça. C'est de se retrouver et de savoir auprès de qui
s'adresser. Donc, vous me permettrez d'utiliser un langage d'affaires, là, mais
il y a un enjeu de commercialisation. Il y a un enjeu de commercialisation pour
s'assurer que nos PME savent qui fait quoi.
On a fait une
activité dernièrement où, pour plusieurs PME, c'était une surprise de savoir ce
que pouvait faire Emploi-Québec, c'était une surprise de savoir ce que pouvait
faire Service Canada. Alors,
voyez-vous, pour... Écoutez... Et ce
n'est pas une mauvaise volonté de nos chefs d'entreprise, mais possiblement
plusieurs autour de vous ont été en affaires ou ont accompagné des gens qui étaient en affaires, vous savez c'est
quoi, leur rythme de vie, là. Ça se lève à cinq heures, le matin, ça va sur le
chantier, ça gère les problèmes des employés. Ensuite, le soir, c'est la
comptabilité, puis, bon, ils sont
rendus à 10 heures, bien, ils se couchent puis ils dorment. Je m'excuse,
mais je l'ai fait même en partie, donc je le sais, là, je l'ai vécu, là. Alors, ce n'est pas dans l'ADN du matin de
se dire : Bon, bien, c'est maintenant le temps de m'assurer de
trouver qui peut commencer à m'aider et auprès de quel ministère. Non. Où
est-ce qu'on débute?
Alors,
il y a ce besoin de simplification là, comme entité gouvernementale, pour qu'on
puisse le plus possible — ce que j'appelle la proximité — rejoindre les gens. Et, respectueusement,
j'ai bien aimé un commentaire de mon
prédécesseur, M. Leblanc : N'ayez pas peur de faire usage... eh oui,
je vais parler pour ma paroisse, O.K., je le dis tout de suite, je suis partisan de ce côté-là : Faites usage des
chambres de commerce. Moi, chez nous, là, j'ai 4 700 membres qui paient leur cotisation. Si vous saviez le
nombre d'appels qu'ils me font, là, durant les semaines. Ils le savent, qu'ils
se doivent de m'appeler, parce qu'ils
paient quelque chose, ils paient une adhésion. Donc, n'ayez pas peur de pouvoir
faire usage de ce que j'appellerais les réseaux parallèles.
Ce
qui se fait actuellement, c'est extraordinaire, c'est très bien, et jamais je
ne remettrai ça en question, bien au contraire.
Les résultats sont là pour le démontrer. Mais il existe d'autres organisations
qui ont une proximité naturelle avec les
PME comme il y a des organisations qui ont une proximité naturelle avec les
personnes immigrantes, et nous, nous faisons partie de ce rôle-là. Lorsqu'on
fait, par exemple, nos cohortes, au niveau des ressources humaines, d'appeler,
par exemple, nos chefs d'entreprise à
avoir un savoir-être pour faire des affaires avec le milieu européen ou autres,
inévitablement, je vous dis... Cette
année, en 2019, l'enjeu de la pénurie de main-d'oeuvre, c'est un dossier sur
lequel on va s'attarder de toute façon.
Mais nous savons qu'il va y avoir une réceptivité parce que les gens nous
appellent. Donc, ils savent qu'on existe parce qu'il y a cette... Quand
je vous parle de commercialisation, c'est qu'ils font cette démarche de
dire : J'adhère à.
Donc, je pense que
tout tourne autour de cet élément-là, de quelle manière on peut simplifier les
choses pour s'assurer qu'il y a un canal de
communication auquel nos gens d'affaires savent que «j'appelle à cet endroit-là
et, par la suite, je pourrais être référé».
M. Jolin-Barrette : O.K. Un des objectifs du projet de loi n° 9,
c'est d'assurer une coordination maintenant, donc de faire en sorte que
le ministère de l'Immigration coordonne tout ce qu'il y a en lien avec les
personnes immigrantes, notamment santé, éducation, emploi et solidarité
sociale.
Ce
que je saisis de votre message aussi, c'est que ça prend un guichet unique.
Bon, au-delà du guichet unique... Parce que, là, Immigration travaille
avec Emploi puis le ministère du Travail, on est dans les centres de Services
Québec. Qu'est-ce que vous pensez qu'on doit
faire de plus dans cette optique-là de guichet unique? Parce que, quand on va
avoir le nouveau système Arrima, à
terme, on va avoir un portail employeurs, on va permettre aux employeurs de
regarder les candidats à
l'immigration pour leur offrir des offres d'emploi. Pour les autres services,
comment vous voyez ça? Il faut que ce
soit le ministère de l'Immigration qui coordonne le tout, que l'employeur
appelle directement, ou c'est préférable de faire affaire avec vous puis qu'on soit en lien ensemble? Parce
qu'exemple, tout à l'heure, la Chambre de commerce de Montréal disait : Bien, faites confiance aux
partenaires. Moi, je suis d'accord de travailler en collaboration, mais, de façon
opérationnelle, là, comment vous voyez ça?
M. Paradis (Michel) : Bien, écoutez, moi, je vais vous répondre sur la
façon dont on procède actuellement dans d'autres dossiers. On s'est toujours positionné comme étant un
partenaire qui est apte à pouvoir effectuer la diffusion. Et, encore une fois,
nous, je réitère, on a un marché cible, là, on a 4 700 membres.
D'avoir une organisation qui, à portée de main, est en mesure d'être un partenaire pour diffuser des informations
pertinentes auprès de 4 700 membres d'une chambre de commerce,
en tout respect, vous ne trouverez pas ça facilement, là.
Donc, oui, de faire
confiance aux partenaires, et des partenaires en fonction du marché ou de la
clientèle qu'ils desservent. Donc, quand je
parle de guichet unique, moi, je pense que, dans une perspective
d'efficacité... et là je m'avance un
peu au-delà, là, du mémoire, mais, en termes opérationnels, si vous voulez
travailler avec des partenaires, travaillez avec des partenaires qui
sont en lien avec le public cible que vous voulez rejoindre. Un guichet unique
mais qui est là pour l'ensemble de l'oeuvre, peut-être qu'à un moment donné il
va y avoir de la confusion.
Donc,
c'est d'avoir vraiment un plan de commercialisation qui est bien établi, bien
ciblé, et toujours en évitant le dédoublement.
Ça, c'est très, très, très important. Moi, ce serait la réponse que je vous
ferais immédiatement, mais, comme on fait avec d'autres partenaires, on
est toujours ouverts par la suite à élaborer pour la suite des choses, là.
M. Jolin-Barrette : Et puis vous êtes d'accord avec le fait qu'on
modifie le système d'immigration pour passer vers un système de déclaration d'intérêt, et qu'on
réponde aux besoins des différentes entreprises en fonction des offres d'emploi
disponibles, puis qu'on arrime le profil du candidat avec les besoins de
main-d'oeuvre?
M. Paradis
(Michel) : Écoutez, si on
revient avec l'exemple que l'on vous a exposé et que possiblement d'autres
vous ont explosé, à savoir... «Explosé»?
Exposé, pardon. Quoique c'est un sujet qui peut être explosif parfois. Mais
non... Oui, en fait, là, nous, ce
qu'on apprécie énormément de l'initiative faite en Atlantique, c'est qu'on a
comme transposé une variable qui est
importante, c'est : Le programme s'adresse à qui au départ? En fonction
des besoins de qui? Et, volontairement, le programme prend l'initiative de dire : Bien, écoutez, on va
écouter, finalement, ce que l'employeur a fait et a à offrir. Et on
comprend que c'est... Puis, encore une fois, c'est...
Moi, ce qu'on
trouve intéressant, c'est que ce n'est pas un programme qui semble être lourd,
parce qu'il n'a pas pour objet de
faire du maillage, là. Le travail a été fait en amont par l'entreprise. La
personne a été identifiée. Le programme, lui, a pour effet de faciliter le processus qui permet d'officialiser le
lien d'emploi. Donc, dans un contexte comme ça, vous comprenez que ça répond à plusieurs inquiétudes ou
revendications de nos membres, à savoir, donc : bien, si c'est moins
compliqué, si c'est moins complexe,
moi-même, comme chef d'entreprise, j'ai peut-être des chances de mieux m'y
retrouver. Parfait. Et en plus, si
c'est plus simple et que, là, moi, j'ai un enjeu pour combler un poste... parce
que cette personne-là peut me
permettre d'atteindre mes objectifs de vente, de pénétrer un marché, de
répondre à un enjeu d'innovation, ou même pour mon restaurant qui, finalement, est tellement unique que, là, il me
manque une main-d'oeuvre pour vraiment m'assurer que je vais répondre à
la clientèle, pour nous, là, c'est merveilleux.
Et, en ce
sens-là, je tiens à vous dire quand même que, pour nous, ça ne remet pas en
question le juste équilibre aussi des
moyens et des ressources qui doivent être nécessaires et accordés pour que
cette personne immigrante là qui va occuper le poste puisse aussi vivre ce processus-là de manière la plus
harmonieuse possible en termes d'intégration. Et c'est un des éléments qui est intéressant, c'est lorsqu'on
parle que l'entreprise se doit quand même de proposer une durée raisonnable
pour le lien d'emploi. Et c'est aussi bon
pour l'entreprise que pour la personne immigrante, parce que, pour cette
entreprise-là, bien, elle est capable
de commencer à faire une planification. On peut parler de planification
stratégique, on peut avoir des objectifs,
alors que, là, bon, bien, lorsque ce n'est pas aussi clairement exprimé, bien,
écoutez, c'est un casse-tête aussi pour l'entreprise, là.
M. Jolin-Barrette : O.K. Je vous remercie. Je pense que mes collègues
ont des questions à aborder, mais merci beaucoup.
La Présidente (Mme Chassé) :
Oui. Je reconnais le député de Rousseau. À vous la parole.
M. Thouin :
Oui. Bonjour, M. Paradis. Merci d'être là, bien sûr. Avant de parler du
système de déclaration d'intérêt, là,
avant ça, aujourd'hui, il y en a un, système qui fonctionne. Selon vous, là,
est-ce que le système actuel est suffisamment arrimé aux besoins du
marché du travail?
M. Paradis
(Michel) : Bien, écoutez, je
vais vous répondre en fonction de ce que je sais, O.K.? Parce que, bon, moi,
je me suis quand même volontairement circonscrit aux éléments qui sont dans le
mémoire.
Pour la
déclaration d'intérêt, moi, l'enjeu que j'ai derrière ça, c'est beaucoup plus
le nombre de postes qui peuvent bénéficier
de cette déclaration-là. Ce qui veut donc dire que ma compréhension, c'est que,
pour que tout puisse être effectif... Moi,
je fais surtout le lien, et volontairement, avec tout ce qu'on appelle le
processus simplifié. Je réitère qu'en ce qui nous concerne... et peut-être que je ne répondrai pas à
votre question en disant ça comme ça, parce que, bon, c'est un élément que je n'ai pas, clairement, exploré, mais, du côté
québécois, moi, le commentaire que l'on reçoit, c'est que, oui, d'avoir mis un
processus simplifié pour des postes afin
que, finalement, en termes administratifs, la réponse puisse être obtenue le
plus rapidement possible, c'est très
bien. Nous, ce qu'on dit en fonction de ce point-là, c'est : S'il vous
plaît, ayez l'ouverture d'élargir les postes qui peuvent être admissibles à ce
processus-là. Moi, c'est ce que simplement... C'est ça, mon message. Le certificat simplifié regarde, on ne se fera pas
d'histoire, là, je m'y connais plus ou moins bien, là. Je n'ai pas été aussi
en profondeur sur ce point-là.
M. Thouin : Ça me va.
La
Présidente (Mme Chassé) : C'est bon? Parfait. Merci. J'invite le
député de Sainte-Rose à prendre la parole.
M. Skeete :
Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup pour votre présentation. Écoutez, j'ai le mémoire du maire de Québec, qui a mis la cible de 10 % pour
recueillir des immigrants dans la région de la Capitale-Nationale. C'est une
ambition importante, je pense, qui peut
beaucoup régler la pénurie de main-d'oeuvre qui existe, à part... Mais je me
demande, puisque vous êtes, en fait, en compétition avec Montréal à ce
niveau-là, les gens ont tendance à choisir Montréal : Comment on
fait pour les attirer à Québec? Comment on fait pour les inciter à venir? C'est
quoi, votre plan pour ça?
• (16 h 30) •
M. Paradis (Michel) : Bien, écoutez, nous, comme tel, on est un
partenaire avec Québec International et avec la ville de Québec. Je vous dirais que le plan qui nous apparaît être le
plus probant, et on le constate par les types de personnes et les immigrants qui viennent s'installer à
Québec, c'est que c'est très souvent que Québec est perçu comme un lieu pour
élever une famille. Donc, l'aspect qualité
de vie... Parce qu'en termes de postes à combler, l'enjeu n'est pas là.
Écoutez, on a 12 000 postes à combler actuellement, là, et ça
va aller de manière exponentielle, là. Bon.
Alors, c'est beaucoup
plus de pouvoir vraiment mettre de l'avant ce que sont les avantages qu'une
personne immigrante peut trouver à Québec.
Et très souvent, contrairement aux grands centres, Montréal, Toronto et autres,
c'est cette capacité d'avoir à Québec
tout, mais de vivre aussi comme si nous étions dans un milieu beaucoup plus
propice à la qualité de vie, élever
les familles. Parce qu'il faut bien comprendre que, pour les personnes
immigrantes, pour ceux que je connais
personnellement, le milieu dans lequel ils ont vécu auparavant, ce n'est pas
simplement une question d'améliorer son
sort économique, là. C'est des personnes qui ont des conjoints, des conjointes,
des enfants. Donc, ils font ces démarches-là non pas seulement pour eux
personnellement, mais le font aussi pour leurs familles.
Et le positionnement de Québec, tant en termes
d'opportunités d'emploi et d'emplois de qualité... Elle se démarque aussi par
la qualité de vie qu'elle peut offrir. Et ça, c'est un élément qui se doit
d'être davantage promulgué, mis de l'avant, parce que c'est intimement lié à la rétention. Si je ne fais
que proposer l'approche d'un emploi qui peut être très, très intéressant, mais
que par la suite... Bon, qu'est-ce que je fais par la suite? Après mon travail,
j'ai une vie, par la suite. Donc, cet élément-là est très, très, très important. Je vous dirais même
aussi important, sinon plus que l'emploi uniquement. Donc, il y a une
convergence de ces deux axes-là. Et même, ce matin, justement,
au rendez-vous d'affaires concernant ce point-là, c'est un élément qui a
ressorti.
Autre
élément qui est intéressant, lorsqu'on parle aussi des avantages de la petite
entreprise de 25 employés et moins, M. Léger est venu exposer son indice du bonheur, et les employés de
25 entreprises et moins l'emportent sur toute la ligne, sauf sur un seul enjeu, celui du salaire. Mais on
sait que les gens ne viennent pas nécessairement, uniquement pour le salaire. Ils viennent pour un environnement. Alors, je vous
dirais que, dans un contexte comme ça, lorsqu'on prend ces éléments-là et
on les additionne, je vous dirais que... là,
je vais prendre mon ancien chapeau, là, mais, en termes de commercialisation,
là, il y a des heures de plaisir devant nous, très sincèrement.
M.
Skeete : Donc, tout ce que le gouvernement peut faire pour aider un
immigrant à s'établir dans la région, en plus de ce que vous faites déjà
pour les attirer, serait le bienvenu.
M. Paradis (Michel) : Serait très bienvenu. Et vous me permettrez
ensuite juste un petit aparté. Vous savez, je représente inévitablement des gens d'affaires, donc le secteur privé. Ce
n'est pas une recommandation, là, qui est dans le document, mais je vous le partage, puis c'est à
votre réflexion : N'occultez pas immédiatement ou facilement l'expertise
que le privé peut apporter à ces enjeux-là.
Je
vous donne un cas de figure. Il y a trois semaines, il y a deux personnes de la
Tunisie qui sont venues me rencontrer à mon bureau, des personnes qui sont des
techniciens en TI, là, puis vraiment «topnotch» dans le privé, puis c'est vraiment,
là, une référence, là. Ces gens-là sont connectés auprès des universités de la
Tunisie qui, eux, en termes de formation,
sont immédiatement reconnues en France. Et même les Français vont chercher
cette main-d'oeuvre-là de grande qualité
pour venir travailler dans leur pays. Ils viennent me voir, ils me
disent : Écoute, nous, on serait prêts, là. On est même accompagnés avec un cabinet d'avocats qui, au
niveau des enjeux légaux, est prêt à nous accompagner. Mais là qu'est-ce
que je peux faire? Oui, c'est une bonne question. Qu'est-ce que je peux faire?
C'est
simplement pour vous dire qu'il y a des organisations qui font un travail
extraordinaire, et mon propos n'est absolument pas de les remettre en
question, au contraire. Moi, je suis dans l'école de pensée qu'on additionne
sans dédoubler, ce qui fait que ça fait un
éventail très intéressant. Mais n'oubliez pas que... Comment intégrer l'apport
de l'expertise du secteur privé à cette
démarche-là? Je vous dis, c'est des ressources, c'est des réseaux en soi qu'on
ne peut pas se permettre d'occulter.
C'est simplement un petit commentaire, là, qui me vient à l'esprit comme ça,
suite à un échange, justement, ce matin.
M.
Skeete : Puis dernière petite question, là, pour faire du pouce sur ce
que vous venez de dire. D'abord, l'intégration d'un immigrant passe par deux vecteurs :
l'implication de la personne qui veut immigrer et de la société d'accueil qui
veut l'accueillir?
M.
Paradis (Michel) : Oui, tout à fait.
M. Skeete :
Parfait. Merci beaucoup.
La
Présidente (Mme Chassé) : Merci. Il reste à peine 30 secondes au
groupe formant le gouvernement. 30 secondes.
M. Provençal :
Écoutez, la réussite, ça va passer par un engagement partagé de tous les
acteurs et particulièrement des
employeurs. Quelles conditions vous apparaissent justifiées pour que les
employeurs s'engagent davantage dans la francisation et l'intégration
sans compromettre la productivité de leurs entreprises?
M. Paradis (Michel) : Encore une fois, je reviens volontairement à mes
25 employés et moins. C'est ma radote, mais vous me pardonnerez. Et,
encore une fois, M. Leblanc avait fait un très bon point en disant que, ces
gens qui sont excessivement occupés,
on ne peut pas... ce n'est pas la même réalité que la grande entreprise. Mais,
pour avoir vécu en région... Oui?
La Présidente (Mme
Chassé) : Merci. Je dois céder la parole à l'opposition officielle. J'invite
le député de Jacques-Cartier à prendre la parole.
M. Kelley : Merci, Mme la Présidente. Merci pour votre présentation.
J'ai juste une question. Entre, environ, 2008 puis 2017, on a vu que le taux de chômage des immigrants a vraiment
diminué, dans ces années-là. Selon vous, quels facteurs expliquent ça? Est-ce
que c'est des actions ou des politiques gouvernementales qui ont vraiment aidé
des immigrants de trouver des emplois dans le gouvernement...
excusez-moi, dans... trouver un emploi?
M. Paradis (Michel) : Vous me posez une grande question. Je pourrais
dire, comme l'adage dit, merci pour votre question. Je pense qu'il y a différents axes qui l'expliquent puis, on
ne se le cachera pas, là, ce que j'appelle, moi, le phénomène de la nécessité,
si vous me permettez ce terme, à savoir qu'à un moment donné, face à une
pénurie de main-d'oeuvre évidente, certaines
entreprises n'ont certainement pas eu d'autre choix que de s'ouvrir. Donc, ça,
c'est le premier point. C'est ce que j'appelle la nécessité.
Mais,
chose certaine, on ne se cachera pas qu'il y a un pourcentage certainement non
négligeable de chefs d'entreprise qui,
en étant sensibilisés, en discutant, en étant... Je vous dirais, je parle des
chambres de commerce, c'est un sujet qui a été abordé, là, à maintes reprises, là, à savoir : oui, soyez ouverts.
Et je pense qu'en plus des initiatives gouvernementales il ne faut pas
sous-estimer le travail fait par, justement, des organismes tels que le nôtre,
parce que, dans les chambres de commerce, je
vous dis, il y a des personnes qui ont de très, très grandes visions d'avenir,
se projettent facilement dans l'avenir, et même dans les... Moi, je suis en poste depuis un an maintenant, puis
c'est un discours d'ouverture qui est omniprésent, là. Et donc,
inévitablement, d'en parler dans des groupes...
L'enjeu, aussi, de
témoignages... Moi, j'ai été estomaqué de l'impact de témoignages, donc de cas
vécus, d'une personne qui a réussi à avoir
une intégration positive d'une personne immigrante et la richesse que cette
personne-là a apportée au sein de l'entreprise, une ouverture d'esprit.
Je vous dirais même qu'il y a un projet que l'on tente de vouloir élaborer graduellement,
c'est celui des ambassadeurs au sein des entreprises. Parce qu'on a beau avoir
une volonté en amont, donc à la direction, de pouvoir finalement aller davantage
vers l'intégration des personnes immigrantes, mais ça ne peut pas simplement
partir du haut de la pyramide. Il faut aussi qu'à la base les employés puissent
aussi partager cette même réceptivité là.
Puis une initiative qu'on a à l'esprit, c'est que
certaines entreprises puissent identifier ce qu'on appelle un ambassadeur ou
une ambassadrice qui aura pour objet, finalement, de jouer le rôle
d'intégration, d'amener cette personne à... aussi bêtement, de dire : Bien, tiens, viens manger
avec nous ce midi. C'est des petits gestes concrets, parce qu'ultimement tout
est humain derrière ça, là. On aura beau
établir la plus grande théorie qui soit, il n'en demeure pas moins que c'est
une personne humaine par rapport à
une autre personne humaine, et c'est les échanges, l'ouverture, la discussion
sur des sujets bien, bien anodins qui font que, finalement, les liens
d'amitié prennent forme. Il faut en arriver à ça.
Et
donc c'est des gestes beaucoup plus simples, concrets, de cette manière-là,
qui, pour nous, semblent être porteurs. Et c'est une déformation parce que
chaque initiative que nous, on fait à la chambre, c'est pour les membres, par
les membres et avec les membres, et
ce n'est pas tellement théorique, c'est toujours pratique. Donc, c'est des axes
comme ça, appliqués en entreprise,
qui nous, nous apparaissent, par le passé, avoir été porteurs, et, en ce qui
nous concerne, c'est vers là qu'on va pousser davantage. Merci.
• (16 h 40) •
La Présidente (Mme
Chassé) : Merci. J'invite la députée de Bourassa-Sauvé à prendre la
parole.
Mme
Robitaille : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, monsieur. Merci d'être
ici.
Écoutez, j'aimerais
savoir, pour une entreprise, là, qui cherche des... qui a besoin de main-d'oeuvre,
quel est l'avantage d'avoir quelqu'un de... Parce que maintenant vous pouvez avoir... c'est plus facile de faire
venir du monde avec des visas
temporaires, hein? On se comprend, oui. Et quel est l'avantage d'aller chercher
du monde et puis de leur donner un visa plus permanent, une résidence
permanente?
M. Paradis (Michel) : Écoutez, je vous dirais que, là, chaque cas est
un cas d'espèce parce que les besoins d'une entreprise par rapport à l'autre peuvent changer, et ça, ça dépend des
secteurs d'activité. Si je fais abstraction de ce premier constat là et
que toutes choses étant égales par ailleurs, bien, c'est évident que d'avoir la
perspective d'une personne immigrante qui
pourrait savoir qu'elle peut obtenir une éventuelle résidence permanente, bien,
ça peut avoir deux effets et, à prime abord, deux effets positifs.
Le
premier, pour l'entrepreneur, si, bien
sûr, ça répond à son besoin, on
s'entend, bien, en termes de planification, en termes même de projection vers l'avenir, c'est évident que c'est un
avantage parce qu'on élimine une
incertitude. Bien sûr, si c'est son besoin, je le réitère, là, parce qu'il y a
des secteurs d'activité où ce n'est pas nécessairement une réponse à son besoin. En ce qui a trait à la personne qui
a une résidence permanente, bien, je pense que le simple fait de savoir que finalement elle va être ici à demeure, bien, écoutez,
tout ce qui s'appelle anxiété, nervosité... la planification au plan familial,
bien, peut être définitivement un avantage.
Donc, si l'ensemble de tous les postes disponibles
était sujet à ce qu'il y ait un besoin permanent, bien, écoutez, ça, c'est juste une question de logique. De tendre vers ça
pourrait être une avenue qui serait intéressante, mais je ne pense pas que
c'est le cas de l'ensemble des
secteurs d'activité. En tout cas, du moins, là, moi, les réponses que j'ai de
mes membres, ce n'est pas
nécessairement, là, un besoin qui est partagé par tous. Mais, pour les cas où
est-ce que ce serait le cas, évidemment que c'est un autre scénario.
Mme
Robitaille : Quand l'entrepreneur a besoin d'une main-d'oeuvre
ponctuelle, il va demander des visas de travail, il va demander un visa temporaire, j'imagine. C'est ça? Et, quand il
planifie à long terme, il va demander le package deal avec une résidence
permanente.
M. Paradis (Michel) : ...que dans son choix de la personne immigrante, si cette dernière est
dans cette voie-là, à ce moment-là, oui, ça va influer sur son choix.
Mme
Robitaille : Dans le projet de loi n° 9, à l'article 9, justement, on veut insérer l'article 21.1, où on
accolerait, on grèverait une condition à la résidence permanente, une
condition où... Si la personne en question doit passer un test de français
pour vraiment permaniser sa résidence, si je puis dire, un test
de français, un test de valeurs, ou l'obliger, par exemple, à rester à un endroit en
particulier, vous, qu'est-ce que vous pensez de ça? Est-ce que
c'est une bonne idée de grever une condition à la résidence permanente
qu'on connaît actuellement?
M.
Paradis (Michel) : Écoutez,
ce n'est pas par manque de respect à votre question, bien au contraire, elle
est très fortement intéressante, mais
je reviens en amont de l'objet de ma démarche, qui est celle de représenter mes
membres, et, en fonction de mes membres, je vous dirais que c'est les
deux articles qui vous sont ici déposés sur lesquels on nous a demandé de pouvoir consacrer le temps. Ce qui veut
donc dire que non pas que le sujet n'est pas intéressant, non pas que moi, comme personne, je n'ai pas une opinion, mais
ce n'est pas Michel Paradis qui est important aujourd'hui, c'est bien
évidemment la Chambre de commerce et d'industrie de Québec.
Mme Robitaille : Vous ne voulez pas
vous avancer là-dessus, là. C'est terrain glissant.
M. Paradis (Michel) :
J'ai bien circonscrit mon rôle.
Mme
Robitaille : O.K. Mais quel est le rôle, selon vous, de l'entreprise
pour franciser... Dans toute la démarche de franciser un nouvel
arrivant, d'intégrer un nouvel arrivant, est-ce que l'entreprise peut
prendre...
M. Paradis (Michel) :
...la question de monsieur...
Mme Robitaille : Oui.
M.
Paradis (Michel) : Oui, bon,
écoutez, je vais faire un comparable avec d'autres secteurs d'activité dans
lesquels j'ai accompagné des PME et qui semblaient être les plus intéressants,
c'est la formation en entreprise. La formation en entreprise, quand on parle de formation
professionnelle, que j'ai vu applicable dans d'autres secteurs : l'atelier
de soudure, lorsque j'étais plus dans
l'Est du Québec, et les gens... et ça répondait à un enjeu, à savoir que la
personne pouvait demeurer au sein de
son entreprise, n'avait pas à quitter. La formation pouvait se faire sur
l'heure du dîner, et par la suite, eh bien, là, la formation était terminée, puis après ça, bon, on poursuit. Parce
qu'il faut faire attention, hein,
pour une entreprise de 25 employés
et moins, elle n'a pas nécessairement la capacité de s'assurer qu'un de ses membres de
son personnel va consacrer son après-midi à une formation linguistique,
là. Ça, c'est le premier point.
L'autre point
qui avait été abordé lors d'autres rencontres auxquelles j'ai participé, c'est
aussi de faire une adaptation, une formation
qui est adaptée à la réalité de l'entreprise. Je m'explique. Comment dire, si on parle de la
qualité du français, bon, la qualité
du français dans un établissement d'enseignement, par
exemple, on va tous être d'accord qu'il y a
peut-être un
certain nombre de vocabulaires qui vont être un peu moins complexes ou utiles
si je suis dans... excusez-moi
l'anglicisme, mais une «machine
shop», parce que, finalement, bien, je sais ce que j'ai à faire, puis mon
français va être utilisé en fonction des besoins de mon travail.
Mais, en
fait, lorsque... Mais, dans les deux cas de figure, l'apprentissage du français
dans... Surtout lorsqu'on parle d'une
région comme Québec ou à l'extérieur de Montréal... Moi, je peux vous dire, je
connais une entreprise à Rivière-du-Loup où est-ce que, finalement, les gens apprennent le français lorsqu'ils
sortent du bureau, vivent ensemble, vont prendre un verre à... je me rappelle
un bar à Rivière-du-Loup, et autres, là, pour ne pas le nommer. Ils vivent
ensemble, ils vivent en communauté, et il y a un apprentissage de la
langue qui se fait de cette manière-là, qui est tout à fait extraordinaire.
Mais, en
contrepartie, moi, je ne dis pas qu'il faut, en contrepartie, dire que, là,
l'effort pour la francisation de manière plus normée, avec véritablement un accompagnement sérieux, doit être mis
de côté. Ce n'est pas ça. Mais, encore une fois, modulation, modulation, et, encore une fois, l'emploi demeure le
meilleur moyen pour intégrer une personne immigrante, on ne s'en sortira jamais, par la suite
accompagnée par une formation en français qui va lui permettre de vivre en
français dans sa collectivité. Et je peux vous assurer que, par
expérience, son vocabulaire va augmenter de manière tout à fait extraordinaire.
Donc, adapter
à la réalité du terrain, encore une fois, pour les 25 entreprises et
moins. Je ne me prononcerai jamais pour les entreprises d'autres
dimensions.
La Présidente (Mme Chassé) : Merci.
J'invite la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne à prendre la parole.
Mme Anglade : Il me reste combien de
temps?
La Présidente (Mme Chassé) : Cinq
minutes.
Mme Anglade : Alors, merci de votre
exposé. Une question que je me pose par rapport à toute la question de l'intégration des immigrants, c'est la capacité
pour les entreprises, bien, de reconnaître... d'embaucher ces personnes. Puis
on sait toujours qu'il y a des barrières à
l'entrée, des gens qui ne reconnaissent pas nécessairement la différence. Puis
comment est-ce
qu'on est capables de sensibiliser les entreprises quand la majorité de nos PME
n'ont pas les ressources humaines qui coordonnent
ce genre de situations là? Est-ce qu'il y avait des initiatives que vous
recommanderiez pour que les entreprises soient davantage ouvertes,
également, à cette différence?
M.
Paradis (Michel) : Dans mon
expérience passée, je vous dirais que ce qui a été le plus probant, et là,
encore une fois, ce n'est pas au
niveau linguistique ou autres, là, c'est dans d'autres secteurs d'activité,
c'est lorsqu'une personne est prête à se déplacer, et à aller en entreprise, et
s'adapter à la réalité de l'entreprise, s'adapter à l'horaire de l'entreprise
pour que, finalement, il puisse y
avoir ce qu'on appelle nos séances de sensibilisation. Et puis ce n'est pas
seulement à Québec qu'il y a des
organismes tels des chambres de commerce, il y en a partout. Et, encore une
fois, moi, je vous réitère, je vous encourage,
faites usage de ce réseau qui est en proximité optimale avec les chefs
d'entreprise. Et, pour qu'il puisse y avoir, de manière, après ça, plus large une sensibilisation qui peut être davantage
répandue, il ne suffit pas d'avoir 100 personnes dans une salle, dans une communauté comme... peu
importe laquelle, c'est simplement d'avoir les bonnes personnes qui, elles,
sont déjà sensibilisées, qui, après, lorsqu'elles vont sortir, elles vont parler
entre elles. L'effet multiplicateur va être là.
Mme
Anglade : Mais, quand vous dites : Il faut qu'il y ait une
personne qui suive les horaires de l'entreprise, etc., qu'elle aille sur
le terrain, cette personne-là, elle relève de qui? Je veux juste bien
comprendre.
M. Paradis (Michel) :
Ça peut être... Écoutez, là, je peux vous laisser libre cours, au choix du
ministère, mais, lorsqu'on est en région,
par exemple, bien, très souvent, on a... On avait, à l'époque, un centre local
de développement, on avait Emploi-Québec, qui sont des bureaux très bien
répartis sur l'ensemble du territoire. Et c'est des pouvoirs dédiés, à ce
moment-là... Écoutez, juste... Puis, au niveau de l'immigration, j'ai compris
que, par exemple, Emploi-Québec a maintenant
une division où... des demandes de personnels qui vont s'attarder davantage à
la personne immigrante, là. Et je dois même rencontrer une personne à cet
effet-là prochainement, il doit venir me rencontrer à la chambre des commerces.
Donc, il est possible de faire des amalgames, de pouvoir adapter le tout, là.
• (16 h 50) •
Mme Anglade : Une question que je me
pose, par contre... Parce que, dans votre discours, quand même, vous mentionnez à quel point c'est important de se
concentrer puis de miser sur des organismes qui sont déjà existants, puis là, dans ce que vous venez de me dire, là, vous parlez
de personnes qui relèvent du gouvernement. Est-ce que c'est vraiment le
rôle du gouvernement que de faire ce genre de choses là ou bien ne voyez-vous
pas à l'intérieur des entreprises des campagnes
de sensibilisation qui seraient plutôt menées par des gens qui connaissent bien
le milieu des affaires, comme les chambres de commerce, pour
sensibiliser les gens?
M.
Paradis (Michel) : Oui,
mais, écoutez, l'un n'exclut pas l'autre, et je pense qu'il y a... Puis il faut
tenir compte aussi qu'il y a des
chambres de commerce, pour avoir vécu un petit peu ailleurs au Québec, qui ont
quand même des capacités qui sont moindres que certaines organisations
gouvernementales aussi, là. Une chambre de commerce qui est composée de deux,
trois personnes, ce n'est pas la même chose qu'une chambre de commerce qui est
composée d'une équipe de 20 personnes. Vous comprenez?
Donc, en
termes de capacité de livraison du message, puis de la logistique, et de tout
ce que ça implique, quand même, on
parle, là, de... il y a un enjeu de capacité. Donc, je veux simplement que
ce... Tu sais, j'aime à dire que le GBS, à ce moment-là, peut être un
bon «guideline» pour s'assurer de qui pourrait jouer un rôle proactif sur le
terrain. Et, encore une fois, je réitérerais
aussi un élément, c'est que chaque région a son propre ADN. Donc, il y a
certaines régions qui sont plus
adaptées et sont plus en lien avec certains organismes du milieu. Nous, comme à
Québec, bien, écoutez, avec la masse critique
que l'on a, ce ne serait absolument pas une surprise de voir que la chambre de
commerce pourrait jouer un rôle proactif et positif avec vous tous pour
atteindre cet objectif-là.
Donc, il faut
vraiment quand même tenir compte de la réalité régionale dans laquelle cet
élément de sensibilisation serait à
faire. Moi, c'est ma recommandation, parce que, finalement... parce que je ne crois
pas qu'un vecteur unique va être uniforme
partout. Une approche à Québec ou à Montréal risque peut-être un peu d'être un
peu différente de si vous le faites en
Gaspésie et aux Îles ou, par exemple, au Saguenay—Lac-Saint-Jean, avec tout le dynamisme que je
reconnais à mes collègues de ces chambres de commerce. C'est une simple
question au plan opérationnel, là, point à la ligne, là.
La Présidente (Mme Chassé) : Il vous
reste une trentaine de secondes.
Mme Anglade : Je pense qu'on peut...
Je peux les donner à mon collègue de Rimouski.
La Présidente (Mme Chassé) : Merci.
La parole est dorénavant au député de Rimouski.
M.
LeBel : Merci. Bonjour. Effectivement, vous semblez connaître un peu
ce qui se passe à Rivière-du-Loup, mais c'est vrai, le CLD là-bas a pris un grand leadership, puis c'est la même
chose aussi à Rimouski avec la SOPER, et ça fonctionne.
Ma question,
c'est... L'enjeu pour nous autres, c'est, bon, d'amener les immigrants en
région, mais faire en sorte qu'ils
s'installent en permanence, qu'ils restent en région. Ça fait que c'est l'enjeu
aussi pour les entreprises. Les propriétaires d'entreprise essaient de... font ce qu'ils peuvent, mais est-ce... Il y
a plein de partenaires dans la communauté, là. Comment vous voyez ça? C'est quoi, la formule gagnante,
là, de... Si je parle du monde de l'éducation, de la culture, les gens du
milieu, comment on peut arriver à
concerter tout ce monde-là pour qu'ils travaillent avec les entreprises pour
faire en sorte que les immigrants demeurent en région?
M. Paradis (Michel) : Si je reviens un peu avec l'approche qui émane du
projet de loi Canada atlantique, pour
aller juste un peu plus en profondeur
de ce point-là, puis peut-être que ça peut donner des idées, je ne vous dis pas
que c'est une formule gagnante, là,
mais ça peut permettre, là, de faire un cheminement, là, l'entreprise doit
présenter un plan d'intégration, mais
avec les gestionnaires du programme, O.K., et, en principe, le gestionnaire du
programme est déjà en amont des différents enjeux et des difficultés
qu'aurait à vivre éventuellement la personne immigrante qui va s'intégrer dans
la communauté.
Donc,
les deux parties doivent donc travailler de concert pour élaborer... pas
quelque chose de fixe, mais quelque chose
qui peut être malléable, mais au moins les conditions gagnantes qui vont
faciliter l'intégration de la personne immigrante. Et c'est évident donc que l'organisme en question
ou la personne qui est gestionnaire du programme aura à faire un travail
avec la personne immigrante pour connaître un peu c'est quoi, ses aspirations,
c'est quoi, ses conditions, ses enjeux familiaux,
etc., les besoins en éducation, bref, tout pour s'assurer que... est-ce qu'il y
a un arrimage qui peut être fait, et là je parle ici, là, avec
l'entreprise.
Par
contre, dans ce même projet pilote là, pour les régions plus éloignées, c'est
la communauté qui serait appelée à
jouer ce rôle-là. Alors, sans faire du copier-coller... Là, encore une fois, ce
n'est pas la chambre, là, on fait tout simplement jaser, vous et moi, là, O.K. On s'entend, là, je
vais beaucoup plus loin, là, de... Là, c'est juste moi qui parle. Il n'y a rien
qui empêcherait qu'il puisse y avoir une convergence entre l'entreprise qui a
besoin de cette personne immigrante là et... Sachant qu'elle a un besoin, je ne vois pas pourquoi elle n'aurait pas
une ouverture à collaborer avec certains organismes du milieu pour dire : Bien, moi, je peux
faire ça, ça, ça, mais toi, qu'est-ce que tu peux faire ensuite pour tenter de
répondre à tel, tel, tel enjeu?
Parce
que le besoin ne peut pas être strictement bilatéral. Je ne pense pas que ça
puisse être uniquement bilatéral. Il doit
y avoir quand même une convergence avec d'autres intervenants qui vont être
complémentaires. Parce que nous, à la chambre... et
ça, c'est une radote, mais finalement qui fait notre différence, là, vraiment,
depuis que je suis en poste, c'est qu'il faut avoir une vision 360 des enjeux. Moi, j'ai un axe. J'ai
un axe chambre de commerce en fonction des besoins de mes membres. Ce n'est pas que je n'ai pas un
intérêt pour la personne humaine qui est la personne immigrante, mais, moi,
ma mission, ce n'est pas ça. Vous voyez?
Alors, si on veut avoir une convergence de vue complète, moi, je pense qu'en
région, Bas-Saint-Laurent—Gaspésie,
c'est d'avoir... de faire usage de l'ensemble des ressources qui sont présentes,
mais qui sont rassemblées envers un objectif
qui est commun. Et, à partir de là, les actions sont beaucoup plus faciles à
décliner, et c'est à ce moment-là qu'une rétention pourrait être faite.
La Présidente
(Mme Chassé) : Il vous reste une minute, oui.
M. Paradis
(Michel) : Je m'excuse d'abuser de votre temps.
M.
LeBel : Non, non, non. C'est correct. C'est correct. Ma question,
c'est un autre aspect, c'est le rôle des universités ou des cégeps en région qui accueillent des
étudiants étrangers. Souvent, ils s'installent en région. Ici, à l'Université
Laval, c'est majeur, là. Il y a
beaucoup d'étudiants étrangers. Comment vous voyez le rôle? Est-ce qu'il y a un
rôle qu'on peut donner aux universités et aux cégeps en région pour
attirer des immigrants?
M. Paradis
(Michel) : Encore une fois, là, vous m'amenez hors de mon...
J'avais travaillé sur un autre dossier auparavant
pour un genre de grappe qu'on voulait faire au plan régional, dans une région
x, et ce point-là avait été abordé. Et
je ne sais pas si c'est faisable, mais, si on peut faire des adéquations entre
des formations offertes dans certains cégeps et qui sont...
La Présidente
(Mme Chassé) : Pardon. Est-ce qu'il y a consentement pour le
laisser terminer sa réponse?
Une voix :
Consentement.
La Présidente
(Mme Chassé) : Merci.
M. Paradis
(Michel) : Je vais essayer de faire très court, je vous assure,
là. Je vais essayer de faire ça en 10 secondes.
La Présidente
(Mme Chassé) : On compte.
M. Paradis (Michel) : Convergence cégeps, spécialisation dans les
cégeps, corrélation avec intérêts des personnes immigrantes à vouloir combler leur formation dans ces spécialités-là.
Conséquemment, il risque fort d'avoir ce qu'on appelle les entreprises
qui vont aussi oeuvrer dans le secteur spécialisé qui est offert par le cégep,
et c'est ce qu'on appelle un écosystème. Donc, voilà. Alors, 10 secondes.
Voilà.
La
Présidente (Mme Chassé) : Merci beaucoup. Je remercie la Chambre
de commerce et d'industrie de Québec pour sa contribution aux travaux de la
commission.
Je
suspends les travaux quelques instants afin de permettre au prochain groupe de
prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à
16 h 58)
(Reprise à 17 heures)
La
Présidente (Mme Chassé) : Je
souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Je vous rappelle que vous
disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les
membres de la commission. Je vous ferai un signe à une minute de la fin de
votre exposé. Je vous invite donc à vous présenter et à débuter. Merci.
Commission
des droits de la personne et
des droits de la jeunesse (CDPDJ)
M. Tessier (Philippe-André) : Mme la
Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, je m'appelle Philippe-André Tessier, je suis président de la
Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Je tiens
d'abord à souligner le fait que c'est ma
première comparution en commission parlementaire depuis ma nomination toute récente de ce matin. Alors, je voulais simplement
le souligner et remercier les parlementaires présents pour leur confiance. Je
suis accompagné par Me Geneviève St-Laurent,
conseillère juridique, et Mme Amina Triki-Yamani, et M. Jean-Sébastien
Imbeault, chercheurs à la commission.
Nous tenons
d'abord à vous remercier, évidemment, de l'invitation faite à la commission de
présenter ses observations et ses
commentaires sur le projet de loi n° 9, Loi visant à accroître la
prospérité socio-économique du Québec et à répondre adéquatement aux besoins du marché du travail par
une intégration réussie des personnes immigrantes. La commission se doit néanmoins de déplorer le court délai alloué
pour participer aux consultations particulières et aux auditions publiques
sur le projet de loi n° 9. Nous le disons en tout respect, mais, comme la
commission l'a rappelé par le passé, il est idéal d'avoir un certain nombre de temps pour permettre à des enjeux
importants d'être débattus et traités, notamment par la commission. Cela
dit, compte tenu des importances des enjeux soulevés par ce projet, la
commission a mis les bouchées doubles pour
vous présenter les commentaires qui suivent, et vous venez d'ailleurs de
recevoir à l'instant copie de notre mémoire.
La commission
est instituée, comme vous le savez, en vertu de la Charte des droits et
libertés de la personne. Elle assure
le respect et la promotion des principes qui y sont énoncés. Elle assure aussi
la protection de l'intérêt de l'enfant reconnu par la Loi sur la
protection de la jeunesse et, enfin, elle veille à l'application de la Loi sur
l'accès à l'égalité en emploi.
C'est dans le
cadre du mandat que lui confère la charte que la commission a procédé à l'étude
du projet de loi n° 9. Le
mémoire que nous vous présentons soulève d'importantes préoccupations quant à
l'impact de certaines dispositions de ce
projet de loi sur les droits et libertés protégés par la charte, notamment le
droit à l'égalité et à la non-discrimination. Au terme de son analyse, nous
avons formulé sept recommandations portant sur quatre thèmes :
premièrement, l'intégration socioéconomique
des immigrants en toute égalité; deuxièmement, l'introduction des conditions
liées au statut de résident permanent; troisièmement, le refus de traitement
des demandes présentées avant le 2 août 2018; quatrièmement,
la référence aux valeurs québécoises exprimées par la charte.
Dans un
premier temps, la commission constate que le projet de loi n° 9 pose la
question de l'intégration socioéconomique
des personnes immigrantes principalement en termes d'arrimage entre le profil
professionnel de celles-ci et les besoins du marché du travail. Cette
approche omet cependant de prendre en compte la discrimination systémique fondée sur les motifs de race, couleur et origine
ethnique ou nationale qui perdure tant dans l'accès à l'emploi que dans la
progression en emploi. En bref, elle omet la
dimension humaine qui est nécessaire à une meilleure intégration à la société
québécoise.
Plus encore, l'article 6 du projet de loi
n° 9 propose de modifier l'objet de la Loi sur l'immigration au Québec,
modification qui aurait pour effet de supprimer la référence au droit à
l'égalité qui avait été ajoutée suite à une recommandation
formulée en 2016 par la commission. Or, inscrire le droit à l'égalité dans la
loi est une façon de souligner les
garanties offertes par la société d'accueil aux candidats à l'immigration et
ainsi d'assurer leur intégration socioéconomique.
À ce sujet,
la commission recommande d'amender l'article 6 du projet de loi n° 9
afin que l'article 1 de la loi réfère de manière explicite aux droits et libertés protégés par la charte, et
particulièrement au droit à l'égalité réelle, notamment en ce qui
concerne la pleine participation des personnes immigrantes à la vie collective.
À ce sujet,
il faut d'ailleurs mettre davantage l'accent sur les responsabilités de la
société d'accueil et de l'État en matière de lutte contre la
discrimination systémique, particulièrement contre les obstacles rencontrés par
les personnes immigrantes dans le domaine de l'emploi. Un rééquilibrage à cet
égard est nécessaire.
La commission recommande, à cet effet, que le
gouvernement axe ses interventions sur l'approche de l'accès à l'égalité en
emploi. Elle réitère la nécessité de mieux appliquer les programmes d'accès à
l'égalité dans la fonction publique provinciale et d'étendre ces programmes au
secteur privé.
La commission
recommande en outre que le gouvernement lève les obstacles discriminatoires de
nature systémique entravant la
reconnaissance des diplômes et l'expérience professionnelle acquise dans le
pays d'origine ou de provenance de l'immigrant.
Dans un
deuxième temps, la commission s'inquiète des effets des dispositions en vertu
desquelles le gouvernement pourrait
imposer des conditions relatives à la résidence permanente conférée par la loi
fédérale. Au-delà de sérieuses questions de constitutionnalité que posent ces dispositions, la commission
constate qu'elles risquent de porter atteinte aux droits garantis par la
charte, principalement le droit à l'égalité. La commission s'inquiète par
ailleurs du fait que l'introduction de ces conditions ne soit pas davantage
balisée dans la loi et qu'elles soient introduites uniquement par voie
réglementaire.
À cet effet, nous recommandons de modifier le
projet de loi n° 9, tout comme nous l'avions fait pour le projet de loi
n° 77 de 2016, que la prépublication des règlements soit conservée,
contrairement à ce qui est prévu aux articles 8 et 10 de la loi. En vertu des compétences qui
lui sont dévolues, la commission se réservera néanmoins le droit d'analyser
la conformité à la charte des projets de règlement publiés en vertu des dispositions
qui seraient introduites suivant les articles
8 et 10 du projet de loi, tout comme elle l'a fait suite à l'adoption du projet
de loi n° 77 en 2016. La commission tient à souligner qu'elle analysera également tout projet de loi qui serait
publié en vertu de l'article 21.1 que l'article 9 du projet de loi
propose d'introduire à la loi.
Dans
un troisième temps, la commission s'inquiète du respect des droits des
personnes visées par l'article 20 du projet de loi n° 9. En vertu de cette disposition, les demandes
soumises dans le cadre du Programme régulier des travailleurs qualifiés avant le 2 août 2018 qui
n'auraient pas fait l'objet d'une décision en date de la présentation du projet
de loi ne seraient pas traitées. Le
refus de traiter ces dossiers affecte directement des milliers de personnes,
3 800 demandeurs et leurs familles, qui travaillent ou étudient au
Québec. On se doute que, d'ailleurs, plusieurs d'entre elles ont déjà en bonne
partie accompli leur intégration à la
société. Ces personnes se voient aujourd'hui plongées dans une grande
insécurité qui risque d'affecter
l'exercice de plusieurs de leurs droits garantis par la charte, notamment le
droit à la sauvegarde, à la dignité, à
leur capacité à faire des choix relevant de leur sphère d'autonomie personnelle
tel que protégée par les droits et libertés et à la vie privée.
On
peut imaginer, par exemple, que ces personnes vont devoir mettre de côté leur
projet de fonder une famille ou s'établir
durablement. Or, la liberté doit favoriser la pleine réalisation de chacun, le
respect des choix personnels de chaque individu et le droit de prendre
des décisions fondamentales qui touchent intimement la vie privée.
En
outre, l'exigence de détenir un CSQ étant généralement essentielle à
l'inscription à la RAMQ, plusieurs de ces résidents actifs du Québec risquent de voir leur droit à la vie, à la
sûreté et à l'intégrité de leur personne... L'attente accrue et inattendue de ce refus de traiter leurs
demandes de sélection risque, en effet, de compromettre l'exercice de ce droit
qui est pourtant protégé par l'article 1 de la charte. D'ailleurs,
advenant la fin de leur permis de séjour temporaire avant la réception de leurs CSQ, elles pourront demander
une prolongation de ce permis aux autorités fédérales en attendant qu'une décision soit prise par les autorités québécoises.
Cependant, ce statut implicite leur privera de la liberté de quitter le
territoire, y compris dans les cas d'urgence familiale.
La commission
recommande donc d'amender le projet de loi n° 9 afin
de retirer l'article 20 de celui-ci.
Quatrièmement,
la commission s'est attardée aux trois dispositions du projet de loi n° 9
qui visent à modifier la Loi sur
l'immigration du Québec et la Loi sur le ministère de l'Immigration afin
d'associer la notion de valeurs québécoises exprimées par la charte à
celle de valeurs démocratiques qui s'y trouve déjà.
Soulignons
d'emblée que l'objet de la charte est d'affirmer et de mieux protéger les
droits et libertés de la personne. Certes,
les valeurs fondamentales sont au coeur des droits et libertés de la personne
et encore plus précisément de la charte. Il serait toutefois préoccupant de
voir celle-ci associée à l'édification d'un corpus de valeurs auxquelles il
faut adhérer sous peine d'exclusion.
Au
chapitre des valeurs démocratiques se trouvent notamment le respect de la
dignité inhérente de l'être humain, la
promotion de la justice et l'égalité sociale, l'acceptation d'une grande
diversité de croyances, le respect de chaque culture et de chaque groupe et la foi dans les
institutions sociales et politiques qui favorisent la participation des
particuliers et des groupes dans la
société. Les droits fondamentaux recèlent, dans leur essence, une intention de
reconnaissance de valeurs plurielles.
La
commission tient à rappeler qu'il importe d'être vigilant par rapport à
l'articulation qui est faite entre les droits promus par la charte et les valeurs démocratiques qui la sous-tendent.
Une mauvaise articulation des droits et valeurs risque de mener à une
hiérarchisation des droits et libertés protégés par la charte, voire de
restreindre la portée de ceux-ci.
Aussi,
recourir à un ensemble de valeurs dont le contenu ne correspond pas
complètement aux valeurs promues par la charte ou qui vise à restreindre les
droits qu'elle protège comporte un risque. Il pourrait créer une pression à la
conformité et des exclusions des
personnes dont les valeurs seraient jugées éloignées de celles du groupe
majoritaire. Ceci pourrait, en définitive,
affecter plus particulièrement les personnes issues de l'immigration et nuire à
leur intégration, surtout qu'il est documenté que les valeurs ne sont
pas une bonne prédiction de comportement.
La commission
recommande ainsi d'amender le projet de loi n° 9 de façon à supprimer les
termes «valeurs québécoises» où ils sont
cités et que de ne référer qu'aux valeurs démocratiques telles qu'interprétées
au sens de la charte, tout comme la commission l'avait recommandé dans
son mémoire sur le projet de loi n° 77.
La
commission s'interroge en outre sur une modification qui serait apportée à
l'article 4 de la Loi sur le MIDI. Pour rappel, le cinquième paragraphe qui serait introduit à cet article
établirait que la sélection des ressortissants étrangers doit contribuer ou répondre aux besoins et aux choix du
Québec en fonction de différents facteurs, dont la réalité socioculturelle.
Ce critère, en plus d'être large...
La Présidente (Mme
Chassé) : Il vous reste une minute.
M. Tessier
(Philippe-André) : Ça tombe bien, j'ai presque fini.
La Présidente (Mme
Chassé) : Mais le ministre vous offre davantage de temps.
• (17 h 10) •
M.
Tessier (Philippe-André) : Ah! bien, merci, M. le ministre. Ce
critère, en plus d'être large, est difficilement mesurable, risque de créer une
distinction entre un immigrant désirable et un immigrant indésirable et, à
terme, nuire à l'intégration de ces personnes immigrantes.
La
commission recommande donc d'amender l'article 3 du projet de loi
n° 9 afin de retirer la référence à la réalité socioculturelle dans le paragraphe 4°, 5°
entre parenthèses, qu'il envisage d'introduire à la Loi sur le ministère de
l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion.
Et
enfin, et c'est un élément qui est fort important pour nous, j'ai entendu les
parlementaires discuter avec l'intervenant précédent, la commission tient à réitérer l'importance de mettre de
l'avant l'éducation aux droits et libertés pour les personnes immigrantes, mais également pour l'ensemble de la
population québécoise. De l'avis de la commission, l'éducation aux droits et libertés demeure un outil privilégié
pour lutter contre les préjugés et la discrimination et assurer l'édification
d'une société plus inclusive, telle que souhaitée par l'ensemble des
citoyens québécois. Merci, Mme la Présidente.
La
Présidente (Mme Chassé) : Merci à vous pour votre exposé. Nous
allons maintenant débuter la période des échanges. M. le ministre, la
parole est à vous.
M. Jolin-Barrette : Oui. Merci, Mme la Présidente. Me Tessier, Me
St-Laurent, M. Imbeault, Mme Triki-Yamani, bonjour. Merci d'être présents à la commission.
Félicitations, Me Tessier, pour votre nomination à titre de président permanent,
si je peux dire, de la Commission des droits
de la personne aujourd'hui. La motion a été présentée par le premier ministre et
appuyée par pratiquement toute la Chambre.
Écoutez, on
vient de recevoir votre mémoire séance tenante. Vous comprendrez qu'on ne l'a
pas lu, mais, quand même, votre invitation... Vous étiez dans la première
version de l'invitation, le 19 février, je crois. Alors, le Parlement a
fait ses invitations. Cela dit, je
vous ai écouté. Est-ce que vous trouvez qu'il y a quelque chose de positif dans
le projet de loi n° 9?
M. Tessier
(Philippe-André) : Écoutez, l'approche de la commission, évidemment,
en vertu de la charte, c'est de faire des recommandations au gouvernement eu
égard aux éléments des projets de loi qui peuvent porter atteinte aux droits
reconnus par celle-ci. Alors, évidemment, lorsque c'est le cas, nous avons
l'obligation et le devoir de le faire en vertu du texte de la charte, et c'est pour ça qu'on se
présente devant vous. Et je respecte le fait que vous avez placé la commission à
la toute dernière case de l'horaire
disponible et je l'apprécie. Je vous signifie simplement le fait qu'il y a
aussi une question humaine de préparer un mémoire et sur des enjeux qui ne sont
pas nécessairement très simples. Les enjeux en immigration, comme vous le savez, sont éminemment complexes,
avec deux niveaux de gouvernement. Donc, c'est sûr et certain que, nous, notre
travail ici, c'est de venir vous présenter les éléments qui, pour la
commission, devraient être sujets d'attention de la part des
parlementaires lors de leurs délibérations et de leur étude détaillée.
M. Jolin-Barrette : Donc, revenons sur les conditions grevant la
résidence permanente. Vous nous indiquez qu'on ne devrait pas imposer
des conditions grevant la résidence permanente. Moi, ce qui m'intéresse, c'est
le cadre juridique applicable. Donc, vous indiquez qu'il y a des risques
constitutionnels à cela.
Je voudrais
savoir, selon vous, est-ce que c'est possible pour le gouvernement fédéral
de... Bien, dans un premier temps, est-ce que vous pensez que je peux
introduire, par le biais de l'article 9, l'article 21.1 dans la loi,
qui habilite le Québec à imposer des conditions à la résidence permanente?
Est-ce que l'Assemblée nationale peut faire ça?
M. Tessier
(Philippe-André) : Évidemment, il est clair, puis je le rappelle aux
parlementaires, que le mandat de la commission
n'est pas de donner des opinions de constitutionnalité de loi au sens du
partage des compétences fédératives.
Cela dit, il
est important pour nous, nous pensons, de vous rappeler les atteintes possibles
au droit à l'égalité et aussi le
souligner au passage qu'il y a des éléments là-dedans où, par une norme
d'apparence neutre, il pourrait y avoir un effet préjudiciable et attentatoire contre le droit à l'égalité des personnes
visées. Ça, c'est l'élément qui est contenu dans notre mémoire et c'est l'élément sur lequel on attire
votre attention. Mais l'élément le plus fondamental pour nous, et on vous le dit, on l'a dit à la commission sur le projet de
loi n° 77, et on le répète, c'est que dispenser le gouvernement de
l'obligation de publication des
règlements fait perdre au gouvernement, parce que, dans ce cas-ci, c'est un
règlement, l'éclairage de la commission eu égard à certaines mesures
mises en place.
Et il faut le
rappeler, tout comme on le disait sur 77, on répète la même chose aujourd'hui,
il y a énormément de pouvoirs qui sont délégués par règlement au
gouvernement ainsi, et ça fait en sorte que c'est un petit peu difficile pour nous d'anticiper et de nous prononcer à l'avance
sur le contenu du corpus réglementaire. Mais on vous sensibilise au fait
qu'il y a des risques eu égard au droit à l'égalité sur ces questions.
M. Jolin-Barrette : Je comprends. Dans toutes les lois, il y a des
dispositions habilitant le gouvernement à adopter des règlements. Ça, ce n'est pas nouveau. Mais je
vous réfère à la page 14 de votre mémoire, la note de bas de page 55.
Donc, vous-même, vous abordez...
«Au-delà des sérieuses questions de constitutionnalité que pose cette
disposition, la commission souhaite faire part de ses préoccupations
quant à l'imposition de telles conditions au regard des droits protégés par la charte québécoise.» Puis, dans la note de bas de
page 55, vous dites : «L'Accord Canada-Québec relatif à l'immigration
et à l'admission temporaire des
aubains, 1991, établit, à son
article 12, que le Québec est responsable de la sélection des personnes
immigrantes à destination de son territoire. Cependant, la question de l'admission
des ressortissants étrangers et l'octroi du statut de résident permanent est confiée à l'administration fédérale.
Sur le plan administratif, cela signifie qu'une fois le certificat de sélection du Québec émis, le
gouvernement fédéral applique sa procédure d'admission, qui inclut une enquête
sur l'état de santé du ressortissant
étranger et ses antécédents criminels, notamment. Seul le fédéral peut accorder
le statut de résident permanent ou le révoquer.»
Donc, vous
l'abordez vous-mêmes dans votre mémoire, donc vous me permettrez de vous poser
la question sur ce point-là, en ce qui concerne la constitutionnalité.
Est-ce que
la Commission des droits de la
personne est d'avis que l'Assemblée nationale du Québec peut adopter l'article 21.1 et que, dans le cadre
constitutionnel applicable, c'est possible de faire vivre cet article-là,
considérant que le fédéral, dans sa loi, actuellement, prévoit déjà une
disposition habilitante?
M.
Tessier (Philippe-André) : Je respecte votre question, puis vous faites
bien d'attirer l'attention des parlementaires à cet extrait du mémoire. Comme je vous le dis, la commission ne formule
pas de recommandation spécifique. Si vous regardez dans la liste des recommandations qui se
retrouvent à la fin, sur cet élément-là, ce qu'on fait, c'est qu'on vous fait
part d'une préoccupation. On
sensibilise — je pense
que nous ne sommes pas le seul organisme qui le fait, d'ailleurs — sur la possible difficulté que
pourrait rencontrer une telle disposition.
Cela dit,
puis je pèse mes mots, comme je ne suis pas un organisme qui vient ici pour
vous plaider le partage des compétences
fédératif, je vais réserver mes commentaires à ce sujet-là et je vais laisser
la commission parlementaire faire son
travail en étude détaillée, en tenant compte de la préoccupation qu'on vous
soulève, qui en est une, c'est une préoccupation, mais on vous la
soulève et on vous laisse en disposer.
M. Jolin-Barrette : O.K. À la
page 17 du mémoire, la commission dit : L'introduction de
conditions relatives à l'embauche d'un
résident permanent. «La
commission souhaite...» C'est le deuxième paragraphe, la fin du premier, là, le
point 2.2, dans le fond. «La commission souhaite également faire part de
ses préoccupations relatives à l'article 10 du projet de loi n° 9
qui vise à remplacer l'article 29 de la Loi sur l'immigration au Québec.
Dans sa nouvelle formulation, le premier
aliéna de l'article 29 prévoit que le gouvernement pourrait, par
règlement, déterminer des conditions qui doivent être respectées par un
employeur qui souhaite embaucher un résident permanent. D'évidence, cette
disposition soulève d'importantes questions
constitutionnelles — et là on
réfère à 63, qu'on dit : "La Charte canadienne des droits et libertés
garantit, à son article 6, la libre
circulation des résidents permanents et le droit de gagner leur vie dans
[toutes les provinces]. Toute restriction sur le lieu d'établissement
d'un résident permanent semble ainsi soulever de sérieuses questions en conformité avec cette disposition", mais la
Commission s'interroge aussi sur la conformité de celle-ci à la charte
québécoise.»
Bon, à 29,
l'obligation qu'on met, c'est sur l'employeur, ce n'est pas sur le résident
permanent. Dans le fond, dans le projet de loi n° 9, on impose... on
pourrait imposer certaines conditions à l'employeur, notamment, supposons,
d'offrir des locaux pour des cours de
français ou d'offrir de la francisation en milieu de travail ou certaines
facilités. Il n'est pas question de limiter la circulation ou
l'établissement d'un résident permanent. Ce n'est pas ce que l'article dit.
Donc,
j'aimerais ça vous entendre sur la question de l'employeur. L'objectif, c'est
de faire en sorte que le gouvernement
ait certains outils pour travailler en collaboration avec les employeurs, pas
pour pénaliser quelconque résident permanent que ce soit.
M. Tessier
(Philippe-André) : Je vous entends bien, M. le ministre. Je vous
répète, le rôle que l'on se donne aujourd'hui devant vous et que nous avons en
vertu de la charte, c'est celui de vous sensibiliser et de vous faire part de
cette préoccupation-là, préoccupation
qui est de l'ordre... de nature constitutionnelle, au sens et au regard de la
charte canadienne, je le précise. Vous avez un élément là-dessus.
Cela dit, si
on regarde les objectifs de la loi... puis là vous me donnez un exemple
concret, on pourrait s'amuser à en accumuler un après l'autre. Nous, notre
travail, c'est de venir en commission parlementaire et c'est de vous
dire : Lorsque vous adoptez une loi et que vous avez des
règlements, par la suite, à adopter, dont vous ne prépubliez pas le texte pour commentaires, il faudra être vigilant eu égard à
la question des partages de compétences, eu égard à la question possible de
conformité à la charte québécoise, droit à l'égalité, droit à la circulation.
Donc, nous,
on vous dit : Là, présentement, on n'est pas ici pour commenter sur les
règlements de mise en application. C'est
très difficile pour nous de nous prononcer sur des cas hypothétiques de
règlement potentiel avec des situations factuelles données. Mais notre
travail, c'est de venir vous mettre en garde sur ces éléments-là. Vous semblez
bien au fait de ces éléments-là... Excusez-moi, Mme la Présidente. Le ministre
semble bien au fait de ces éléments-là.
• (17 h 20) •
M.
Jolin-Barrette : Je vous
entends bien, là. Je comprends, là, le rôle de la commission, mais, dans le mémoire, là, vous nous dites quand même, là :
«D'évidence, cette disposition soulève d'importantes questions
constitutionnelles, mais la commission s'interroge sur la conformité de
celle-ci à la charte québécoise.»
Alors,
décortiquons-le, là. Sur la question de la conformité de celle-ci à la charte
québécoise, si on mettait en place un
règlement, là... Puis effectivement il n'est pas publié, il n'est même pas
écrit, le règlement, encore, là. Et, comme dans des centaines de lois qui sont adoptées au Québec, des fois, il y a des
règlements qui sont adoptés, des fois, d'autres, pas, puis ce n'est pas tout
qui se retrouve dans les lois. Mais en quoi la disposition pourrait contrevenir
à la charte québécoise si on vise l'employeur?
M. Tessier
(Philippe-André) : Ça va être l'effet discriminatoire, Mme la
Présidente. Et j'attire l'attention, au niveau parlementaire et dans la
commission, au paragraphe suivant, hein? C'est : «L'introduction de
conditions relatives à l'embauche des
résidents permanents», parce qu'on parle bien de leur embauche. On peut viser
les employeurs, mais c'est quand même bien de l'embauche de résidents
permanents dont on parle. On parle d'employeurs, mais on ne peut pas
faire indirectement ce qu'on ne peut pas
faire directement aussi. Il faut faire attention dans la façon qu'on va venir
faire ça, dans la façon qu'on va
venir jouer là-dedans, parce qu'une norme d'apparence neutre peut avoir un
effet discriminatoire, et donc c'est
ce qu'on vous rappelle ici. Même si une norme peut paraître neutre d'apparence,
elle peut avoir un effet discriminatoire. C'est ce que cette section du
mémoire vous rappelle.
Et c'est pour
ça que la recommandation de la commission, qui est la recommandation n° 4 du mémoire, est de vous inciter
fortement à faire attention que les... pardon, la recommandation n° 4 fait référence justement à ça ici, les conditions additionnelles,
parce que les libellés dans le projet de loi sont en termes très larges, et ce
qui fait en sorte que c'est, encore là...
puis j'ai l'impression de me répéter, là, je m'en excuse, mais c'est difficile
pour nous de nous prononcer à ce moment-ci et c'est pour ça qu'il est
important...
Tout
comme la recommandation n° 4 le mentionne, l'obligation de publication donne
la chance aux acteurs comme la commission, mais l'ensemble de la société, et
puis évidemment les acteurs oeuvrant auprès des personnes immigrantes aussi,
donc, de venir commenter et informer le gouvernement avant l'adoption formelle
du projet de règlement. C'est ce qu'on
vous dit, c'est la recommandation de cette section-là, si vous la regardez.
Elle est à la page 18 et 19, mais c'est la même, je vous le dis, Mme la Présidente. Je le souligne à l'ensemble des
parlementaires, c'est la même chose qu'on avait dit sur 77. Il y avait
cette préoccupation-là à l'égard de 77 également.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Mais,
si on met des conditions favorisant l'embauche des personnes immigrantes,
favorisant le fait que l'ensemble des acteurs de la société québécoise se
mobilise pour l'embauche des personnes immigrantes, visant leur intégration, visant leur francisation, ce
n'est pas des motifs de discrimination. On dit aux partenaires de la
société : Tout le monde doit faire sa part.
L'intégration,
là, d'une personne immigrante qui quitte son pays d'origine, ce n'est pas
l'unique responsabilité de la personne immigrante. C'est terminé, ça, là, le
fait de faire reposer toute l'obligation, la lourdeur de faire les démarches
sur la personne immigrante. Nous, on est
dans une logique, avec le projet de loi n° 9, de dire :
C'est notre responsabilité à tout le monde. C'est la responsabilité de la société
québécoise, c'est la responsabilité des villes, c'est la responsabilité des
villages, c'est la responsabilité des employeurs dans toutes les régions, de la
communauté. C'est la responsabilité des Chevaliers de Colomb de...
Je ne l'ai pas mis dans la loi, là, mais vous
comprenez où je m'en vais, dans le sens où... de dire : Si la société
d'accueil vous accueille bien, vous prend en
charge... Vous quittez votre pays d'origine, vous ne connaissez personne, vous
arrivez dans un milieu, chez nous, à Beloeil,
supposons, là, vous arrivez sur Saint-Jean-Baptiste, vous ne connaissez personne.
Ça va être toffe au début, là. J'imagine,
là, je ne l'ai pas vécu, là, mais, même quand vous déménagez d'une ville à
l'autre au Québec puis vous êtes natif du Québec, c'est toffe parce
qu'il faut refaire votre réseau, tout ça.
Nous, avec le
projet de loi n° 9, ce qu'on dit, c'est que l'État québécois, le
MIDI, le ministère de l'Immigration, prend ses responsabilités. On
dit : c'est assez, là, il faut investir, il faut s'assurer que, dès
l'étranger, on déploie des ressources. Puis
on dit, là : Écoutez, là, nous, on veut, là, que le processus, là, ça se
déroule très bien. Puis notre objectif, c'est que vous soyez heureux au Québec, que vous occupiez un
emploi à la hauteur de votre compétence, que vous viviez ici avec votre
famille, et, pour ça, on se dote des moyens dans le projet de loi pour faire
ça.
Là, je comprends, vous me dites : On ne
voit pas le règlement, ça pourrait être potentiellement discriminatoire. Mais
je pense que la commission voit une problématique qui, nous, quand qu'on a
construit l'article de loi, visait plutôt à accompagner puis plutôt à donner
des moyens pour la personne immigrante. Et c'est pour ça qu'on ne dit
pas : Le résident permanent doit rester
dans telle région ou est captif, tout ça. Ce n'est pas ça du tout où on est,
là. On est vraiment dans une approche positive de donner des
outils, là.
M. Tessier
(Philippe-André) : Bien, Mme la Présidente, si, peut-être, je peux donner un élément de réponse au ministre,
c'est en attirant l'attention des membres de la commission aux recommandations
de la première section de notre mémoire. Et il
faut comprendre que le projet de loi, tel que rédigé présentement... Puis on parlait de 8 et 10 présentement, la rédaction laisse place à l'imagination. Vous présentez des scénarios,
mais on peut présenter d'autres scénarios également. Alors, c'est ce
qu'on vous dit, c'est que l'obligation de publication, dans un contexte comme ça, devient
encore plus importante, parce que l'article laisse beaucoup de
possibles, et ces possibles-là peuvent être bons comme moins bons.
Mais, si vous
regardez la partie n° 1 de notre mémoire et la recommandation n° 1, un des indices qu'on voit dans le projet de loi et sur lequel on vous interpelle, on interpelle le gouvernement, Mme la ministre, c'est le fait qu'on retire de la loi actuelle un
des indices qui allait dans le sens que le ministre semble indiquer en
disant vouloir respecter la charte, vouloir
se conformer aux droits et libertés. Bien, ce n'est pas en retirant le principe
de l'égalité, en retirant des mots qui ont
été ajoutés suite à des recommandations de la commission sur 77 en 2016
qu'on va dans ce sens-là. On donne un indice contraire à la population, puis le législateur, quand il parle, il n'est pas censé parler
pour ne rien dire. S'il enlève des mots, ça donne un sens.
Alors, c'est
pour ça que, nous, ce qu'on vous recommande, c'est de reconnaître
explicitement... de référer de façon explicite au droit à l'égalité réelle et
aux droits et libertés protégés par la charte, tout comme on l'avait recommandé
sur 77, qui avait mené à un amendement
en étude détaillée et l'ajout d'éléments qui ne se retrouvent plus dans le projet de loi n° 9. Ça, c'est un
premier élément de réponse.
Le deuxième
élément de réponse que je peux vous donner, et ça, ça touche à l'accès à
l'égalité en emploi, puis c'est les recommandations suivantes... Alors, il
y a des leviers dont le gouvernement dispose pour mettre en place des actions porteuses pour permettre une pleine intégration, un accès en pleine égalité aux emplois et pour lutter contre la
discrimination systémique dont sont
victimes les personnes racisées. C'est les programmes d'accès à l'emploi, c'est
de faire en sorte que la
fonction publique soit assujettie, que le privé soit assujetti, que les
minorités racisées constituent un groupe cible distinct et spécifique des programmes d'accès à l'égalité
du gouvernement, de la fonction publique. Et donc, ça, c'est des
éléments, c'est des outils que le gouvernement peut mettre en place pour véritablement atteindre ces fins-là d'une pleine intégration des personnes immigrantes à
l'emploi.
Et la
dernière chose, puis c'est la recommandation n° 3, c'est : on vous recommande de lever les
obstacles systémiques aux effets
discriminatoires, qui sont là, qui existent, qui sont documentés, quant à la reconnaissance des diplômes et la reconnaissance de l'expérience professionnelle acquis dans les pays d'origine ou de
provenance des personnes immigrantes. Ça, c'est des véritables barrières
concrètes, qui existent au quotidien, pour des gens qui viennent ici,
qualifiés, dans le programme dont on parle, et qui se butent à des refus
systématiques parce que ce sont des personnes racisées, qui, de façon
générale, proviennent d'Afrique du Nord ou d'Afrique subsaharienne. Et ce sont
des personnes qui parlent français.
Et ça, c'est un véritable problème. La commission, nous recevons des plaintes de ces personnes, qui
se plaignent de discrimination à l'embauche. Pourtant, la charte dit, à l'article 18.1,
très clairement : On ne peut pas demander à quelqu'un d'où il vient dans un processus
d'embauche. Et, à tous les jours, on reçoit des plaintes à la commission,
processus d'entrevue... Pourquoi on pose cette question-là?
Quelle finalité est-ce que ça sert de savoir, la personne,
elle vient d'où, si on a besoin d'un
manoeuvre, si on a besoin d'une secrétaire médicale? Mais ces questions-là sont
posées au quotidien, au Québec, par des employeurs.
Et c'est ce
qu'on vous dit, Mme la Présidente, c'est ce qu'on dit au gouvernement, il y a des gestes... j'entends le ministre, il y a des gestes très clairs et très concrets qui
peuvent être posés pour aider les personnes immigrantes, majoritairement des personnes racisées ici, qui se
butent à des problématiques d'accès à l'emploi. Pardonnez-moi la longue
réponse.
• (17 h 30) •
M. Jolin-Barrette : Donc, dans
les mesures qu'on peut prendre, parce que... Séparons le fait des personnes immigrantes et le fait des personnes racisées.
Prenons le cas des personnes racisées. Parce que les deux ne sont pas
équivalents, là?
M. Tessier (Philippe-André) :
Effectivement.
M. Jolin-Barrette : Qu'est-ce qu'on
devrait pour... faire comme moyen d'action, selon la commission?
M. Tessier
(Philippe-André) : Bien, les deux sont étroitement liés, dans la
mesure où, nous, ce qu'on documente, et
ce que les études documentent, c'est que c'est les personnes racisées qui ont
plus de problèmes, on se comprend. Donc, c'est pour ça que...
M. Jolin-Barrette : Non, mais ce que
je veux dire, ce n'est pas parce que vous êtes...
M. Tessier (Philippe-André) : Je ne
veux pas jouer sur les mots, là.
M.
Jolin-Barrette : ...ce n'est
pas parce que vous êtes une personne immigrante que vous êtes une personne
racisée.
M. Tessier
(Philippe-André) :
Effectivement. Puis ça, dans notre mémoire, c'est très clair, les personnes
racisées natives ont des
problématiques semblables. Donc, c'est pour ça que vous avez raison de faire la
distinction. Mais évidemment, dans
les personnes immigrantes, il y a aussi des personnes racisées. C'est pour ça
je ne veux pas faire le... je ne veux pas finasser sur le sens des mots,
là, mais il y a une très grosse majorité.
M.
Jolin-Barrette : Qu'est-ce
que vous nous suggérez de faire comme moyen d'action pour éviter que ce genre
de situation là, déplorable, se produise?
M. Tessier
(Philippe-André) : Bien, première chose, comme on vous le dit, puis
c'est un peu le sens de notre propos, c'est
de ne pas retirer des mots qui avaient été mis dans la Loi sur l'immigration en
2016 pour venir inscrire une intention législative,
d'assurer en pleine égalité... c'est de renforcer ces textes-là, renforcer les
programmes d'accès à l'égalité, les appliquer.
L'État devrait
être un employeur exemplaire. Et l'État québécois, pour ce qui est de la
représentativité, malheureusement, ne
l'est pas encore. Et on est plusieurs années après, ça fait plus de 30 ans
que les programmes d'accès à l'égalité ont été prévus à la charte, on
n'a pas encore atteint une vitesse de croisière au niveau de la fonction
publique de l'État. Alors, ça, c'est une
revendication historique de la commission. Je ne suis pas le premier président
qui se présente en commission
parlementaire qui le dit à des parlementaires. Alors, je vous le répète. Ça,
c'est une bonne mesure. L'étendre au
secteur privé, aussi. Les programmes d'accès à l'égalité, présentement, ne sont
pas... le secteur privé n'est pas couvert par les programmes d'accès à
l'égalité. Ça aussi, vous avez une piste là. Mme la Présidente, le ministre a
une piste là, peut-être, s'il en cherche.
Et, comme je vous le dis, l'expérience professionnelle, les diplômes, il y a
des idées comme ça qui... et c'est une recommandation, il y a des idées comme
ça qui ont circulé dans la société civile, c'est de mettre fin aux
barrières et aux blocages qui existent.
Puis je
termine aussi en vous disant que, lorsque — la recommandation n° 7,
la toute dernière — on fait
référence à la réalité socioculturelle, c'est un autre indice qui s'éloigne de
cet objectif d'égalité réelle. Parce que, quand on parle de patrimoine socioculturel, on vient de mettre
une norme un peu de conformité et non pas de reconnaissance de la diversité.
Alors, encore
une fois, le législateur doit être prudent dans ses mots. Et c'est pour ça que
la commission, on se présente devant vous, puis on vous dit : Soyez
prudents dans l'utilisation de ce genre de vocabulaire là. Soyez prudents quand
vous parlez de valeurs québécoises. Les valeurs
démocratiques sont prévues à la charte présentement. Elles sont prévues
dans le texte de la loi. Et ce qu'on vous recommande, c'est de prévoir «valeurs
démocratiques telles que reconnues par la
charte» et non pas «valeurs québécoises» parce que ça, ce sont des indices que
le législateur envoie quand il adopte ce genre de loi là, pas juste aux
personnes immigrantes, mais à l'ensemble de la société. Parce que, et ça je
vous l'ai dit tout à l'heure, l'enjeu, c'est
un enjeu qui n'implique pas uniquement les personnes immigrantes, mais
l'ensemble de la société. Il y a
encore malheureusement, je vous le dis, des plaintes, mais pas juste des
plaintes, des incidents malheureux, au
Québec, qui se produisent, que la commission dénonce. On n'a pas encore, malheureusement,
atteint une société qui fait en sorte qu'il y a... Des comportements racistes
ouverts, flagrants se produisent, encore cette semaine. Tout le monde
l'a dénoncé. Je n'ai pas dit que personne... mais, ça s'est produit quand même.
Alors, ce travail d'éducation aux droits, ce travail d'égalité réelle,
il n'est pas juste sur les épaules de la personne immigrante...
La Présidente (Mme Chassé) : Il
reste 30 secondes.
M. Tessier
(Philippe-André) : ...il est sur la société d'accueil aussi, qui,
elle, doit élever le niveau de son jeu un peu.
M.
Jolin-Barrette :
Pratico-pratique, là, je vous entends, là, sur l'égalité puis le texte, là,
mais, pratico-pratique, c'est quoi,
les actions que le gouvernement du Québec peut poser? Enlevons, là, le texte
législatif, parce que, malgré le fait,
là, que, dans la charte, c'est prévu qu'on ne peut pas discriminer, vous me
dites qu'il y a de la discrimination, pratico-pratique, c'est quoi, vos
recommandations sur les gestes à poser?
M. Tessier
(Philippe-André) : Bien, la recommandation n° 1 :
maintenir le texte et faire référence à l'égalité au sens de la charte,
d'enlever les mots «socioculturel» de votre...
M.
Jolin-Barrette : Je le sais,
mais c'est déjà discriminatoire. Ce n'est pas des actions concrètes. C'est
législatif, ce n'est pas des recommandations pratiques.
M. Tessier
(Philippe-André) : Des actions, les programmes d'accès à l'égalité,
les étendre au réseau privé, les mettre... Assujettir la Loi sur la
fonction publique, les...
La Présidente (Mme Chassé) : Je dois
vous interrompre...
M. Tessier (Philippe-André) : Oui.
Pardon.
La Présidente (Mme Chassé) : ...et
céder la parole à la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne. Merci.
Mme
Anglade : D'accord, je vais commencer. Bien, justement, je vais
reprendre là où on vient de quitter. Merci de votre présentation, et merci à toutes les personnes d'être présentes
avec nous, heure un peu tardive, il est vrai, un jeudi, alors c'est
d'autant plus apprécié.
J'aimerais
donc revenir sur la question de valeurs démocratiques versus les valeurs
québécoises. J'aimerais bien saisir les nuances que vous amenez en introduisant
la notion de valeurs québécoises,
vous dites qu'on ouvre, en fait, une espèce
de boîte de Pandore, si je comprends
bien, parce qu'on vient amener des
questionnements qui sont plus... enfin, amener des enjeux. Ça ouvre des... ça soulève des questionnements. Puis je veux
bien comprendre la nuance entre valeurs démocratiques et valeurs québécoises et pourquoi vous l'amenez de cette manière-ci. Et j'ai lu
votre document, donc, j'ai besoin de vous entendre davantage là-dessus.
M. Tessier (Philippe-André) : Avec beaucoup
de respect, je vais passer la parole à mon collègue M. Imbeault.
Mme Anglade : Très bien.
La Présidente (Mme Chassé) : M.
Imbeault, à vous la parole.
M.
Imbeault (Jean-Sébastien) :
Oui. Donc, comme on essaie... comme on l'explique dans le mémoire, l'objet de
la charte, c'est de promouvoir des
droits et des libertés. On y prévoit les valeurs démocratiques, elles sont
énoncées. Mais, comme on essaie de
démontrer dans le mémoire, il y a eu, au fil des ans dans la politique,
si on se réfère à la politique de 1991,
où étaient énoncées les valeurs démocratiques... Puis, dans le mémoire, on cite, là, celles auxquelles on référait,
l'égalité des sexes, la
non-discrimination, la protection des enfants, par exemple. Il y a eu depuis,
disons, les 10 dernières années, au Québec, une forme de
décentrement. On l'a observé surtout avec tout le débat qu'on a eu sur les
accommodements raisonnables, où les valeurs
communes, les valeurs québécoises ont été mises de l'avant pour tenter de
réduire l'expression de certains particularismes. Puis, durant cette
consultation-là puis avant même la consultation, c'étaient beaucoup les
immigrants qui étaient visés par les propos, le malaise qu'on entendait dans la
population.
Suite à ça,
il y a eu également... on a vu la déclaration des valeurs qui a été mise en
place en 2008 comme première réponse
au rapport Bouchard-Taylor, puis on est avec ce discours des valeurs
québécoises, des valeurs communes qu'on met de l'avant d'une certaine façon, comme j'essaie de l'expliquer, pour
réduire l'expression de certains droits. Donc, ce qu'on dit,
c'est : Faites attention, les valeurs, ce n'est pas un bon prédicteur pour
l'action des individus.
Puis je
référais à la politique, l'énoncé de politique de 1991, tout à l'heure, qui
reconnaissait les valeurs démocratiques mais qui reconnaissait également les valeurs personnelles que tout un
chacun, là, pouvait adopter, puis il y avait une marge de manoeuvre, une marge d'autonomie dans
l'exercice de ces valeurs-là, puis il n'y avait pas une espèce de désir de
fusion, là, entre les deux ordres de valeurs.
Mme
Anglade : Au-delà du terme qui est utilisé, «valeurs québécoises»,
est-ce que c'est davantage l'application que vous en avez vu dans les dernières années qui vous amène à conclure
ça ou l'interprétation que les gens ont bien voulu en donner dans les
dernières années qui vous amène à conclure ça, plutôt que le terme lui-même, en
fait?
M. Imbeault (Jean-Sébastien) : Le terme est important, mais il y a aussi la
question de l'application puis ce que ça induit, parce que les valeurs
démocratiques, en fait, elles doivent s'appliquer à tous les individus, sans
égard au statut des personnes, de leur origine, elles sont immigrantes
ou pas immigrantes.
Donc, la
déclaration des valeurs, puis on cite un extrait qui était, à notre sens, assez
juste, là, de la table de concertation des
personnes immigrantes, en 2008, au moment de l'adoption de la mise en place de
cette déclaration des valeurs, ce n'est pas tant le contenu que ce que
ça induit comme perception, comme quoi que les personnes qui rejoignent le
Québec à l'intérieur d'un projet migratoire
ne partageraient pas les valeurs, tandis que la société québécoise, elle,
partagerait de façon homogène ces mêmes valeurs là. Donc, il y a un
risque de... ça rend suspicieux par rapport à l'immigrant, c'est un discours qui rend suspicieux. Puis c'est un
discours qui peut être aussi catégorisant, donc il y a eux, il y a nous, puis
il y a une différence fondamentale
qui est irréductible, puis c'est ça, on réduit les gens, finalement, à certains
particularismes, alors que, dans les faits, les gens s'intègrent, ils
vivent bien au Québec.
• (17 h 40) •
Mme
Anglade : O.K., très bien, je vous remercie de la clarification. Je
vous amène à votre recommandation n° 5, qui est
celle où la commission recommande de modifier le projet de loi n° 9 afin
de retirer l'article 20 de celui-ci. Si l'article 20 n'est pas retiré, quelles pourraient
être les conséquences de ça, premièrement, et, deuxièmement, qu'avez-vous vu,
dans les dernières semaines, les trois
dernières semaines, qui vous laisse craindre... et vous force à recommander
cette recommandation n° 5? Vous pouvez vous partager le droit de
réponse.
M. Tessier
(Philippe-André) : Oui,
c'est ça, c'est ce qu'on est en train
de convenir. Ma collègue
pourra compléter au besoin. Écoutez,
pour ce qui est de l'article 20, il faut se rappeler une chose, c'est que
la charte s'applique, évidemment,
aux gens qui sont ici, hein? Et donc,
lorsque l'on pense à des personnes qui, en vertu des critères... Le simple écoulement
du temps a des conséquences, des effets
pratiques. Alors, je vous parlais tantôt de norme d'apparence neutre qui peut
avoir un effet. Bien, le fait d'avoir moins de 35 ans, tu as des points,
tes enfants sont en bas de tel âge, tu as des points, l'écoulement du temps fait en sorte que la remise du compteur à
zéro fait en sorte que cette personne-là, tout d'un coup, avait un bon dossier
et en a un moins bon. Alors, c'est ce genre de risque là auquel la société québécoise
s'expose et le gouvernement s'expose
lorsqu'il adopte une norme d'apparence neutre. Mais, dans son effet, il peut y
avoir un effet préjudiciable sur certaines catégories de personnes. Et
puis peut-être que ma collègue peut compléter.
La Présidente (Mme Chassé) : Oui,
Mme St-Laurent.
Mme
St-Laurent (Geneviève)
: Il y a aussi l'élément où, au-delà d'atteintes potentielles au droit à
l'égalité ou à... L'insécurité dans laquelle les gens se trouvent plongés par
l'effet de cette disposition-là, dès maintenant d'ailleurs, peut avoir pour effet... va avoir pour effet de
repousser le projet d'avoir un enfant, par exemple. Ils ne savent pas quand ils
vont avoir un CSQ, quand leur statut va être régularisé.
Des gens qui
sont au Québec à l'heure actuelle, qui travaillent, qui paient des impôts, qui
se retrouvent dans une situation où
leur choix, qui relève de leur sphère d'autonomie personnelle, ce qui est
couvert par le droit à la liberté, protégé par l'article n° 1
de la charte québécoise, bien, ces droits-là se retrouvent en péril, donc, il y
a plein de projets de vie... choisir... bien, là, on allait peut-être
acheter une maison à tel endroit, on allait... tout ça est en suspens.
Donc, il y a
aussi le fait que, dans l'attente d'un CSQ, il y a un impact important sur le
droit de quitter le territoire. S'il
y a un parent malade à l'étranger, bien, peut-être que, si on va le visiter, on
a le risque, si notre CSQ n'est toujours pas arrivé, qu'on est en statut implicite parce que notre permis n'est pas
encore renouvelé, on peut se retrouver à ne pas pouvoir aller visiter notre famille ou, si on le fait, ne
pas pouvoir revenir au Canada. Donc, c'est une insécurité, un impact
considérable sur la vie personnelle
puis sur la sphère d'autonomie personnelle de ces personnes-là qui vivent
actuellement au Québec.
Mme
Anglade : Avez-vous reçu dans les dernières semaines des plaintes, ou
des commentaires, ou de l'information qui
viendraient confirmer ce que vous dites ou est-ce que c'est basé plus sur
l'interprétation que vous faites du projet de loi?
M. Tessier
(Philippe-André) : Non, on n'a pas d'information sur des plaintes à
vous communiquer aujourd'hui. C'est basé sur l'interprétation du projet
de loi. Vous aurez compris que le projet de loi a été déposé il y a trois
semaines aujourd'hui, puis, entre-temps, il
y a eu certaines péripéties, donc ça fait en sorte que, non, on n'a pas
d'information à cet effet-là à communiquer aux parlementaires.
Mme
Anglade : Je vais céder tout de suite la parole. Je ne sais pas
combien de temps il reste, mais c'est parce qu'elle a plusieurs
questions à poser.
La Présidente (Mme Chassé) : Oui?
Non? Oui? Est-ce que...
Mme Robitaille : Oui, j'en ai. J'en
ai, oui, oui, oui.
La Présidente (Mme Chassé) : La
collègue de Bourassa-Sauvé a plusieurs questions pour vous.
Mme
Robitaille : Merci. Oui, je voudrais revenir sur toute cette question
de condition à la résidence permanente. Vous n'êtes pas les seuls, évidemment,
à avoir relevé ce problème-là, à avoir une crainte à l'endroit de cette idée de
rendre conditionnelle la résidence
permanente. Les différents organismes communautaires qui sont venus nous voir
aujourd'hui et durant
la semaine ont convenu que rendre conditionnelle cette résidence permanente là
allait à l'encontre de l'idée même d'un
projet de vie, d'un nouveau chapitre entamé en terre canadienne. Et on a tous
les groupes de juristes qui sont venus ici qui vont dans le même sens que vous. On avait même Me Handfield, ce
matin, qui nous disait que, si le projet de loi était adopté comme il est là,
avec le même libellé, on allait dans un mur, que c'était une bataille
juridique. Et là, bon, vous dites la même chose.
En
fait, si je comprends bien, la problématique aussi, c'est qu'on aurait un
système à deux vitesses. Ici, au Québec, on aurait une résidence permanente conditionnelle, mais, dans le reste
du Canada, bien, ça serait très différent. L'applicabilité aussi de ça est un peu difficile à envisager, est
un peu bancale parce qu'il faudrait que le fédéral s'en mêle. Dans le mémoire
du Barreau canadien, qu'on a ici, je voulais juste vous lire un petit bout
parce que ça rejoint ce que vous dites : «L'application d'un test des valeurs ou d'un test de langue après
l'obtention de la résidence permanente est également inconstitutionnelle.
Qui sera visé? Qu'adviendra-t-il des immigrants qui quittent la province, de
ceux qui arrivent après avoir fait leur établissement
dans une autre province, des familles dont un membre ne rencontre pas les conditions, des personnes affectées
par un handicap ou une incapacité? Il est
utopique de penser pouvoir imposer de telles conditions avec des conséquences
qui affecteraient le statut octroyé par le
gouvernement fédéral. De telles dispositions seraient clairement inconstitutionnelles.
Le ministre peut imposer des conditions pour
l'obtention d'une sélection. Toutefois, une fois la sélection confirmée et la
résidence permanente approuvée, il n'est plus du ressort du gouvernement
provincial d'intervenir.»
Mais, dans le cadre
de la charte, selon vous... Pouvez-vous aller un petit peu plus loin que ce que
vous avez dit aujourd'hui, nous expliquer
vraiment ce qui va à l'encontre des... ce qui fait en sorte que, finalement, ça
ne fonctionne pas?
M.
Tessier (Philippe-André) :
Comme je l'ai dit préalablement, Mme
la Présidente, au ministre, en
réponse, il est évident que nous
avons aussi des responsabilités et que d'autres intervenants qui viennent en commission parlementaire, eux, ont d'autres
regards et nourrissent la réflexion de la commission parlementaire. Il est
évident que, l'aspect de la constitutionnalité,
au sens des partages des compétences, on s'éloigne de cette... Et c'est pour ça
qu'on est prudents. Parce qu'il y a
d'autres acteurs qui sont venus très éloquemment, comme vous le parlez, là, du
Barreau canadien, vous expliquer ces éléments-là. Nous, on s'en tient à
une mise en garde au gouvernement, eu égard à ces questions-là.
Vous
faites référence à certains autres acteurs du milieu du droit. Mais évidemment
moi, je vous dirais que, pour nous, ce
qui est important, puis je le répète, c'est quelles vont être les façons de
mettre en oeuvre et opérationnaliser ce vocabulaire-là et quels sont les
autres indices législatifs qui vont être contenus au projet de loi qui vont
permettre, advenant une éventuelle
contestation, de venir l'interpréter de façon conforme ou moins attentatoire,
par exemple, à la charte ou, de l'autre côté de la clôture, en
disant : Non, ici, il s'agit de droits à la charte qui ont été violés.
Alors,
nous, notre rôle, c'est de venir mettre en garde et vous dire : Soyez très
prudents lorsque vous prenez ce sentier-là
et aussi donnez-nous la chance à nous, Commission des droits, d'exercer notre
mandat en vertu de 71, de venir vous dire... et de venir recommander au
gouvernement certains éléments lorsqu'il y aura, si et lorsqu'il y aura — j'ai
compris qu'il y avait un «si» aussi — si et lorsqu'il y aura des
projets de règlement qui seront soumis pour publication.
Mme
Robitaille : Donc, la commission, comme telle... Bon, l'article, comme
tel, ne vous dérange pas. C'est vraiment la réglementation qui suivra,
c'est ça?
M. Tessier
(Philippe-André) : Je vais laisser ma collègue...
La Présidente (Mme
Chassé) : Mme St-Laurent.
Mme
St-Laurent
(Geneviève)
: Oui. Bonjour. Par rapport à
la charte québécoise, ce qu'on soulève comme préoccupation,
c'est que, dans la formulation actuelle du projet de loi... Ce qu'on dit, c'est
que les objectifs qui sont fixés pour
d'éventuels et potentiels règlements, ils sont très flous. Et on se
dit : Dans la rédaction actuelle du projet de loi, le risque, c'est qu'on se retrouve avec des
règlements qui pourront avoir un effet discriminatoire, qui vont créer des
catégories de résidents permanents.
Donc, on va se trouver avec différentes catégories de résidents
permanents : ceux qui répondent aux
conditions, ceux qui n'y répondent pas. Et ça pourrait être lié à des motifs de
discrimination quand on parle d'objectifs poursuivis, qui sont, par
exemple, le critère de l'intégration sociale. Donc, les règlements pourraient
viser ça.
Ça peut paraître
neutre, mais, l'intégration sociale, on peut se demander... c'est très large.
Donc, est-ce que ça pourrait avoir pour
effet de... Je suis à la page 15 du mémoire, dans l'avant-dernier paragraphe.
On soulève... C'est une question
hypothétique, hein, puisqu'il y a toujours... il n'y a pas de règlement,
évidemment, mais on se dit : Est-ce que ça pourrait avoir pour effet de priver de statut certaines personnes en
raison de pratiques culturelles qui seraient, par exemple, liées à leur
origine ethnique ou à leurs pratiques religieuses, et qui seraient considérées
comme des indices de mauvaise intégration? Donc, à l'heure actuelle, on ne le
sait pas.
Donc,
c'est pour ça qu'on insiste sur le fait que, tel que rédigé à l'heure actuelle,
le projet de loi n° 9 ouvre la porte à une grande incertitude et possiblement à l'adoption de règlements dont
on s'inquiète de l'effet potentiel, tout simplement.
La Présidente (Mme
Chassé) : Il vous reste une minute.
Mme
Robitaille : Oui. Donc, idéalement, il faudrait... on pourrait
proposer l'étude des règlements en même temps que le projet de loi.
Bien, idéalement, c'est ce que vous aimeriez.
• (17 h 50) •
M. Tessier
(Philippe-André) : Oui, bien là, à l'impossible nul n'est tenu, là,
mais c'est sûr que, de notre côté, nous, à tout le moins, c'est notre recommandation : publiez les règles,
prépubliez. Comme ça, on a la chance de les regarder, les analyser et de vous faire
part de nos commentaires pour justement éviter ça. Parce que je prends la
parole du ministre, là, tout à
l'heure, je comprends que ce n'est pas son intention. Maintenant, nous, on est
ici pour vous mettre en garde, on est ici
pour rappeler aux parlementaires, là, un cadre et voici certaines frontières
auxquelles soyez très prudents lorsque vous vous en approchez ou vous
tentez de les franchir.
La Présidente (Mme Chassé) : Merci.
Je reconnais le député de Rimouski.
M.
LeBel : Merci, Mme la Présidente. Bien, d'abord, félicitations pour
votre parcours puis la nomination d'aujourd'hui!
Deux
questions, je vais vite. La loi est là pour mieux arrimer l'intégration
d'immigrants, l'intégration au monde du travail, marché du travail. Mais
il n'y a rien pour faciliter l'accès à l'emploi aux immigrants déjà installés.
Vous avez commencé un peu à répondre tantôt.
Nous, on a proposé un C.V. anonyme, des stages de première expérience.
J'aimerais ça vous entendre encore un peu là-dessus.
Ma deuxième
question, c'est que, bon, il y a une réalité, c'est qu'il y a des employeurs
qui exigent maintenant une connaissance de l'anglais pour des emplois où ce
n'est pas nécessaire. Ça fait que ça fait un frein beaucoup à des immigrants,
il faut qu'ils apprennent le français puis
qu'ils apprennent aussi l'anglais. Nous, on proposait d'ajouter à la charte
québécoise des droits et libertés le
droit de vivre et de travailler en français. On pense que ça pourrait être une
solution. J'aimerais ça savoir ce que vous en pensez ou si vous avez une
autre solution. Merci.
M. Tessier
(Philippe-André) : Alors, c'est sûr et certain que, pour ce qui est de
certaines mesures par rapport à... Puis j'attire votre attention sur notre
recommandation, puis je m'excuse, là, je la cherche, mais c'est notre recommandation
qui fait égard à... pas au C.V., mais à la
reconnaissance d'expérience à l'étranger. Vous parlez de C.V., mais il y a aussi
la reconnaissance de l'expérience, donc de
ne pas simplement dire : Ah! bien, tu as été urbaniste dans tel autre
pays, bien, tu sais, tu ne comprends
rien à l'urbanisme au Québec. Donc, il y a ce genre de choses là, puis pas
juste pour... évidemment, pas pour
nécessairement les professions réglementées, là, ça peut être pour toutes
catégories d'emploi. Donc, ça, c'est une des mesures. Peut-être que ma
collègue peut en ajouter sur la question.
Mme
Triki-Yamani
(Amina) : Oui, je peux vous répondre sur les C.V. anonymes.
Il y a plusieurs recherches qui disent
que ça n'arrange rien à la discrimination fondée sur la race, l'origine
ethnique ou nationale et sur la couleur, d'autant plus que, lorsqu'on dit où on a obtenu son
diplôme, c'est très facile de voir si la personne qui est candidate s'appelle
Unetelle ou Unetelle. Donc, c'est
vraiment... par les chercheurs, ce n'est pas recommandé, le C.V. anonyme. Ça a
été testé dans plusieurs pays, notamment dans des pays européens et en
France, et ça n'a absolument rien résolu.
Sur l'anglais
en tant qu'exigence professionnelle justifiée, je vais peut-être laisser
compléter ma collègue, mais c'est exactement
ce qui se passe pour les milliers d'Africains qui proviennent soit d'Afrique du
Nord soit d'Afrique subsaharienne, qui
maîtrisent très bien le français et qui, en plus, viennent... qui ont été
sélectionnés sur la base de leurs qualifications. Bon, alors là le problème, c'est quand ils arrivent en
emploi, on leur dit : Avez-vous l'anglais? Et c'est là-dessus... pas pour
tout le monde, parce que la Commission des droits de la personne considère
qu'il y a beaucoup de biais discriminatoires à l'embauche, mais c'est entre autres à cause de l'anglais que certaines
personnes racisées immigrantes ne vont pas obtenir un emploi. Je vais
laisser compléter peut-être Me St-Laurent sur l'exigence.
La Présidente (Mme Chassé) :
Allez-y.
Mme
St-Laurent (Geneviève)
: La particularité d'exiger l'anglais, là, c'est... on a quelques
dossiers à la commission là-dessus. Exiger l'anglais dans le cadre d'un
emploi, ça peut être possible et ça peut être... En fait, a priori, c'est discriminatoire, O.K.? C'est ce qu'on appelle la
discrimination prima facie. Donc, a priori, ça peut être quelque chose de discriminatoire, mais il y a quand même une
possibilité pour l'employeur, par l'article 20 de la charte, de venir
démontrer que c'est une exigence professionnelle justifiée pour le poste. Donc,
c'est quelque chose qui est déjà encadré, je vous dirais, auquel la charte
répond déjà par les jeux de l'article 10, 16 et 20. Puis je pense qu'on
s'est déjà positionné par ailleurs, là, dans d'autres projets de loi
là-dessus, là, mais...
La Présidente (Mme Chassé) : Je vous
remercie. La parole est dorénavant au député de Laurier-Dorion.
M.
Fontecilla : Merci. Bonjour. Écoutez, l'article 20, vous
recommandez l'abrogation de ce... Donc, pour vous, si je comprends bien, c'est
l'étude des 18 000 dossiers, 18 139, en fait, selon les critères
de l'ancien programme... selon l'ancien programme. C'est ce qu'on doit
comprendre?
Mme
St-Laurent (Geneviève)
: Oui, en demandant le retrait de l'article 20, effectivement, c'est
ce qu'on demande, c'est ce que la commission demande.
M.
Fontecilla : C'est parfait. Et considérez-vous que le projet de loi n° 9 fait trop de place... en fait, ne fait que de la place aux impératifs
économiques, là, au détriment des droits fondamentaux?
M. Tessier
(Philippe-André) : Bien, c'est sûr que, sur cette question-là, puis je pense que c'est un des
éléments qui est important, qu'il
faut dire, nous ne sommes pas les seuls à venir en parler en commission parlementaire. Évidemment que le travail, c'est quelque
chose de fondamental pour l'être humain, hein, qu'il soit immigrant ou natif,
peu importe. Mais on
ne peut pas réduire un être humain à uniquement sa capacité de travail, à son
travail. La personne qui vient ou qui choisit... qui se déplace le fait pour
toutes sortes de raisons. Puis même les travailleurs qualifiés, parce que je comprends
qu'on parle d'un programme de travailleurs
qualifiés, mais même les travailleurs qualifiés vont avoir toutes sortes de
rêves et d'aspirations qui dépassent
le simple cadre de leur travail. Ils vont avoir des aspirations pour leurs
enfants, qu'ils aient une vie meilleure qu'eux ont eu, et donc ils sont
prêts des fois à consentir des sacrifices personnels pour permettre aux
générations futures d'arriver à un meilleur futur.
Donc, il faut
toujours faire attention de réduire l'angle uniquement à une question d'emploi.
Puis l'autre bonne raison pour ça,
c'est que, tant mieux, nous sommes en période où l'emploi, l'économie est
bonne, mais, quand l'emploi, et l'économie,
va moins bien, l'immigrant devient-il indésirable, moins intéressant, moins
important? Parce que, bien, là, on n'a
plus besoin de lui comme travailleur qualifié, mais on a besoin de lui comme
citoyen pour d'autres raisons. Donc, il faut faire attention à cette logique-là de trop arrimer «immigration
égale travail», point. L'être humain est beaucoup plus complexe que...
et ne peut se réduire qu'au travail. C'est un peu le sens du propos de la commission.
M.
Fontecilla : J'aimerais vous
entendre davantage sur la question des indicateurs, là, dont vous faites
mention, là, d'adhésion à des valeurs québécoises, etc., là, comment... Est-ce
que ça existe? Est-ce qu'on peut les créer? Est-ce que c'est justifié?
M. Tessier (Philippe-André) : Je
m'excuse, j'ai mal compris. Je n'ai pas compris votre...
M.
Fontecilla : Parce qu'on
sent que la question de l'adhésion à des valeurs québécoises, etc., là... bien,
il faut être en mesure de les mesurer, n'est-ce pas? Est-ce que c'est
possible?
M. Tessier
(Philippe-André) : Bien,
c'est un peu ça, la difficulté, là. Je comprends votre question. C'est un peu ça,
la difficulté, de mesurer une valeur, hein? Mon collègue, tout à l'heure, vous
le mentionnait...
La Présidente (Mme Chassé) : Il
reste une minute.
M. Tessier
(Philippe-André) : Oui. Les
valeurs, c'est un mauvais indicateur d'une intégration réussie. Les valeurs
sont plurielles dans une société démocratique comme la nôtre, même parmi des
personnes natives... Et utilisez le vocabulaire que vous voulez, il y a différentes valeurs au sein même de notre
société. On peut utiliser certaines valeurs, mon collègue y faisait référence tout à l'heure, l'égalité
hommes-femmes, puis on peut lui donner des regards différents. Alors, il faut faire
attention à cet exercice-là abstrait.
Il est beaucoup plus utile et intéressant
d'avoir une approche... Si on a à questionner, ça va être de s'assurer de connaissances générales telles qu'on peut voir au
fédéral lorsqu'on devient citoyen canadien, on pose certaines questions de connaissances générales. Mais il s'agit bien
ici d'éléments factuels, hein, donc l'emblème, l'hymne national, des choses
très factuelles, et non pas quelque chose de
flou et d'abstrait comme des valeurs ou, à tout le moins, de très changeant
selon à qui on parle au Québec et de quelle région on vient.
La
Présidente (Mme Chassé) : Je vous remercie pour votre contribution aux
travaux. Je vous souhaite la meilleure des chances, le meilleur dans vos
nouvelles fonctions.
Mémoires
déposés
Avant de conclure les auditions...
Une voix : ...
La Présidente
(Mme Chassé) : ... — ça me fait vraiment plaisir — je procède au dépôt des mémoires des organismes
qui n'ont pas été entendus lors des auditions publiques.
Ayant accompli son mandat, la commission ajourne
ses travaux sine die. Bonne soirée à tous.
(Fin de la séance à 17 h 59)