(Quatorze heures cinq minutes)
Le Président (M. Picard) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des relations avec les citoyens
ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir
éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
La commission
est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions
publiques sur les documents intitulés Vers une nouvelle politique
québécoise en matière d'immigration, de diversité et d'inclusion.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire : Oui, M. le
Président. M. Bergeron (Verchères) est remplacé par Mme Maltais (Taschereau);
Mme Lavallée (Repentigny) est remplacée par M. Jolin-Barrette (Borduas).
Documents déposés
Le Président (M. Picard) :
Merci. Dans un premier temps, lors de notre dernière séance de travail, Mme la
ministre s'était engagée à déposer certains documents. Donc, je cède la parole
à Mme la ministre.
Mme Weil :
Oui, M. le Président. Et, je tiens à le dire, c'est vraiment avec un esprit
d'ouverture que je dépose ces
documents : l'engagement de confidentialité, qui est un engagement usuel
dans des gros projets du genre tel qu'une préconsultation sur la nouvelle politique. Donc, c'est quelque chose
qu'on voit au sein du gouvernement, plusieurs
ministères. Mais je tiens à souligner que la vraie consultation, évidemment
c'est ici, au parlement, c'est ici que la
vraie consultation se fait. Et l'autre, c'est des organismes qui ont été
rencontrés pour préparer un document qui est fort complexe et, je note,
fort apprécié par les intervenants qui sont venus témoigner ces derniers jours.
Auditions (suite)
Le
Président (M. Picard) : Merci. Cet après-midi, nous recevons
l'Association des musulmans et des Arabes pour la laïcité au Québec, la Fédération des chambres de commerce du
Québec, la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes, le
Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec, et M.
Alain-G. Gagnon.
J'invite
maintenant le représentant de l'Association des musulmans et des Arabes pour la
laïcité au Québec de se présenter et de faire son exposé. Vous disposez
d'une période de 10 minutes, vont s'ensuivre des échanges avec les
parlementaires.
Association des musulmans et des Arabes
pour la laïcité au Québec (AMAL-Québec)
M. Bouazzi
(Haroun) : M. le Président,
Mme la ministre, Mmes et MM. les députés de l'Assemblée nationale, Mmes
et MM. les auditeurs, au nom de l'Association des musulmans et des Arabes pour
la laïcité au Québec, je vous remercie de nous donner l'occasion d'exprimer
notre point de vue.
Fondée en
2012, AMAL-Québec est une association citoyenne et plurielle. Elle regroupe des
Québécoises et des Québécois d'origine arabe ou musulmane, ou arabe et
musulmane, ou n'appartenant à aucune de ces composantes, des personnes
pratiquantes, non pratiquantes, juives, chrétiennes, agnostiques ou athées.
AMAL-Québec
souhaite contribuer positivement au débat sur les thèmes de la laïcité, de la
discrimination, de la visibilité
religieuse, de la cohabitation interethnique et du vivre-ensemble au Québec. À
travers ses positions, AMAL-Québec souhaite s'affirmer non pas dans la
polarisation, la division ou l'accusation, mais plus que tout en s'imposant comme une association rassembleuse tournée vers le
dialogue. Elle entend mener la lutte à travers la démystification des
confusions et l'élimination des amalgames et des stéréotypes.
D'entrée de jeu, nous tenons à remercier le
ministère de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion pour la qualité du document de synthèse de la
consultation publique qui, à nos yeux, comporte un grand nombre
d'énoncés de principe très pertinents. On y trouve la reconnaissance de l'apport
de l'immigration à notre richesse culturelle et économique et la reconnaissance de la diversité comme un atout pour le
peuple québécois. On y trouve également l'exposé, chiffres à l'appui,
des problèmes d'inégalité systémique dans l'accès à l'emploi pour les personnes
appartenant à des minorités racisées.
Cependant, pour
répondre aux problèmes identifiés, peu de propositions de solution concrète
figurent dans le document. Nous souhaitons
donc aujourd'hui attirer votre attention sur un certain nombre de mesures
concrètes que nous préconisons. Les mesures visent à répondre à deux problèmes
distincts : Comment accélérer l'insertion dans le marché de
l'emploi des nouveaux arrivants? Comment lutter contre la discrimination dans
la société québécoise?
• (14 h 10) •
Nous proposons de
donner un statut légal au certificat de sélection du Québec, le CSQ, qui
permettrait aux requérants d'entamer plus
tôt les procédures d'équivalence de diplômes auprès des ordres professionnels.
Le candidat à l'immigration pourrait ainsi
rassembler les documents requis dans son pays d'origine avant son départ, ce
qui écourterait la période de temps passée ici, sur le marché du
travail, sans reconnaissance de compétences.
Deuxièmement,
à l'image de ce que le Québec a déjà négocié avec la France, nous pensons qu'il faut
entamer sans plus attendre des négociations pour la reconnaissance mutuelle de compétences avec les pays qui sont
les principales sources d'immigration francophone qualifiée. Actuellement,
des accords existent entre le Québec et la France, il en existe entre la France et des pays tels que la
Tunisie ou l'Algérie. Il serait logique que le Québec conclue, à son tour,
des accords avec ces pays. Par exemple, actuellement en France, un ingénieur tunisien peut exercer son
métier et un quart des nouveaux médecins ont été formés à l'étranger, principalement
en Roumanie, en Algérie ou encore en Belgique. Au Québec, pour élargir la
reconnaissance des compétences étrangères, il ne manque que la volonté politique.
Notre
troisième proposition quant aux problèmes d'insertion au
marché du travail est d'offrir des formations ciblées pour les nouveaux arrivants francophones. Ces
immigrantes et immigrants sont pénalisés par le fait qu'ils ne parlent
que le français et que les immigrants anglophones
ont droit à des cours de francisation et deviennent par conséquent
bilingues, ce qui constitue un avantage indéniable sur le marché du travail.
Enfin,
nous tenons à ce que les critères de sélection restent objectifs. Les quotas
par pays, qui sont, par définition, discriminatoires puisque basés sur
les origines, sont inacceptables.
Nous
passons maintenant à la deuxième partie de notre présentation, qui
porte cette fois sur la lutte contre la discrimination et le racisme.
Le
pluralisme est à la fois une richesse de la société québécoise
et un idéal à poursuivre inlassablement. L'actualité récente nous a rappelé la part de défi qui accompagne la
diversité. Les médias et les milieux communautaires ont en effet rapporté une multiplication
d'agressions subies par des minorités ethnoculturelles et religieuses ainsi que
des discours homophobes et misogynes des prédicateurs religieux.
Depuis plus de 20 ans, de nombreuses enquêtes
scientifiques confirment la persistance, au Québec, de comportements
à caractère raciste dans les domaines de
l'emploi, du logement, de la surveillance policière, de l'école, de la santé,
des services sociaux, etc. En 2012, les chiffres rapportés par la commission
des droits de la personne et de la jeunesse illustraient
on ne peut plus clairement les ratés des institutions au chapitre de
l'intégration professionnelle. La commission réaffirmait de fait
l'existence d'une discrimination systémique des Québécois et des Québécoises
appartenant à des minorités ethnoculturelles. Les réponses à ces problèmes sont
de deux ordres : législatifs et éducatifs.
Chartes,
valeurs et laïcité. Le document de consultation aborde la notion de valeur.
Vous n'êtes pas sans savoir que, depuis
le débat sur la charte des valeurs québécoises puis sur la charte de la laïcité, les tensions
sociales se sont exacerbées. Il nous semble important de préciser le
concept de valeur et de clore par un résultat légal le débat sur la laïcité.
Pour nous, la charte
des droits et libertés québécoise représente le pacte citoyen qui définit les
valeurs du vivre-ensemble. Comme la
commission des droits de la personne et de la jeunesse, nous préférons le terme
de «valeurs démocratiques». Pour ce qui a trait à la laïcité, il faut
déposer un projet de loi réaffirmant que la laïcité est un outil démocratique
ayant pour but de favoriser la cohabitation et le vivre-ensemble dans une
société.
La laïcité se base
sur trois fondements principaux : la liberté de conscience et de religion,
la neutralité de l'État, et la séparation
des institutions religieuses et des institutions de l'État, et non pas la
séparation de la religion et de l'État comme il est inscrit dans le
document de consultation.
La neutralité de
l'État se manifeste avant tout dans ses lois et ses politiques. L'État laïque
ne doit ni favoriser ni défavoriser un citoyen sur la base de ses croyances ou
de sa religion. L'État s'interdit de prendre parti en faveur d'une religion aux dépens d'une autre, ni en
faveur ou aux dépens des non-croyants. Pour donner un exemple concret,
dans un État laïque, un enseignant qui porte
une kippa doit pouvoir exercer son métier comme n'importe quel autre
enseignant.
Lutte contre la
haine. Dans son rapport sur l'intimidation, la commission des droits de la
personne et de la jeunesse recommandait
l'ajout d'une disposition à la charte qui interdirait les propos ou les
actes qui exposent les personnes à la haine pour un motif de
discrimination interdit. Dans une société où il existe des discours haineux
contre les homosexuels, contre les femmes, les musulmans ou les Juifs, cette disposition
nous apparaît essentielle pour protéger les groupes vulnérables.
En parallèle à ces
efforts législatifs, il faut mettre en place des politiques publiques
d'éducation et de lutte contre la discrimination. Nous pensons qu'il faut
enseigner les principes de la charte québécoise des droits et libertés à
l'école secondaire, en insistant sur la lutte contre le racisme et la
discrimination. À cet effet, le programme scolaire d'éthique et culture
religieuse serait un cadre idéal. Les moyens d'une formation ou d'une
sensibilisation des personnels de l'État, notamment des enseignantes et des
enseignants, sur ces questions doivent être mis en place. Enfin, une campagne
de sensibilisation nationale pour valoriser la diversité au Québec devrait être
organisée. À titre d'exemple, le gouvernement pourrait faire distribuer dans la
boîte aux lettres de chaque citoyenne et citoyen un dépliant qui affirme que la lutte contre la discrimination est une
valeur québécoise et que la diversité est une richesse.
Nous vous remercions
pour l'attention que vous nous avez accordée et sommes à votre disposition pour
répondre à toute question.
Le
Président (M. Picard) : Merci, M. Bouazzi. Dans un premier
temps, avant d'entreprendre nos discussions, nous avons la chance d'avoir le député de Mercier ici. Donc, nous devons
déterminer si nous acceptons qu'il participe aux travaux. Est-ce que
j'ai consentement?
Une voix :
...
Le Président (M. Picard) : Il
est là, oui.
Une voix : ...
Le
Président (M. Picard) : Et consentement? Et pour la durée? J'ai
besoin de savoir le nombre de minutes que nous lui accordons et qui
donne les... quel groupe lui cède les minutes.
Une voix : ...
Le Président (M. Picard) :
Mme la ministre offre trois minutes. C'est correct comme ça?
Une voix : ...
Le
Président (M. Picard) : Une minute? Donc, M. le député de
Mercier, quatre minutes. Mme la ministre, c'est à vous pour
14 min 30 s.
Mme Weil :
Oui. Alors, bonjour, M Bouazzi. Merci beaucoup, beaucoup de participer à cette
importante commission, où on veut
vraiment mettre tout sur la table. Je pense que c'est une occasion unique de
revoir notre politique d'immigration mais en même temps cette autre
fonction de la société... bien, du gouvernement et de la société en général, c'est de contrer les préjugés, de
promouvoir l'inclusion. Le nom, auparavant, c'était le «ministère de
l'Immigration et des Communautés
culturelles», et ce bout, «communautés culturelles», n'était pas très bien
défini. Alors, avec le nouveau nom
vient un nouveau mandat, ce que j'appelle souvent un appel à l'action, et je
vois que, dans vos propos, c'est vraiment un appel à l'action, qu'on
puisse se dire franchement... Il y a des choses qui vont très bien, évidemment,
on le sait. Je pense que vous partagez peut-être mon point de vue que la
société québécoise est quand même une société ouverte et inclusive, mais il
reste des problématiques.
Juste pour vous dire et vous rassurer : Il
n'y a pas question de revenir sur les quotas. Ça, je l'avais éliminé en 2011, lorsque j'ai fait la consultation. Le mot
«quota», ce n'était pas vraiment avec un objectif de discrimination,
mais c'était un mot qui était utilisé pour
dire qu'on voulait s'assurer d'une diversité de bassins, mais, lors des
consultations, j'avais perçu vraiment que le sens qui était donné à ce mot
était un sens discriminatoire. Alors, on l'a remplacé par «une orientation de
diversité», qui veut dire que le fardeau repose, si on veut, sur l'État, de
faire la promotion un peu partout dans le
monde. Donc, il n'y aura pas de... On ne revient pas là-dessus. Il y a eu une
certaine confusion dans les journaux, mais c'est vraiment la diversité...
Donc, la consultation qui viendra plus tard, c'est sur le volume et la composition, composition dans le sens de
travailleurs qualifiés, qu'est-ce qu'on recherche comme travailleurs
qualifiés, les réfugiés, regroupement familial, c'est vraiment tout ça qui
forme l'immigration, avec des obligations associées, évidemment, à chaque
catégorie. Donc, je tiens à rassurer tout le monde, ce n'était pas du tout
l'intention.
J'aimerais vous amener... Parce que beaucoup de
ce que vous dites va tout à fait dans le sens de ce qu'on a entendu, la commission des droits de la personne,
et c'est très rassurant, on a parlé, justement, de promouvoir les
valeurs démocratiques. Je vous permets,
peut-être, d'élaborer. Parce qu'on a échangé avec M. Frémont, en effet c'est
vraiment ces valeurs-là qui sont des valeurs
dont il faut faire la promotion. Peut-être, si vous voulez... Parce que la
présentation était courte, mais c'est
important. Parce qu'on dit «valeurs communes», il a aussi évoqué «valeurs
communes démocratiques» ou «valeurs démocratiques communes» comme deux
possibilités aussi. Je ne sais pas si vous voulez en dire un peu plus.
• (14 h 20) •
Le Président (M. Picard) : M.
Bouazzi.
M. Bouazzi (Haroun) : Oui. Nous, ce
qu'on pense, c'est qu'il faut absolument rassembler autour des valeurs démocratiques.
Il y a souvent un genre d'amalgame, une pensée que nos problèmes viennent de
l'étranger et qui, des fois, d'ailleurs,
nous empêche de régler des vrais problèmes qu'on a sur le terrain. On pense,
par exemple, qu'il est positif aussi
de faire signer des papiers aux nouveaux arrivants pour qu'ils comprennent sur
quelle base, sur quel pacte citoyen ici on travaille ensemble, mais on
pense aussi qu'il faut rappeler ces mêmes pactes à tous les citoyens québécois.
L'idée, par
exemple, que l'inégalité hommes-femmes serait un problème qui serait importé de
l'étranger, alors qu'ici, au Québec,
des femmes gagnent 70 % des salaires des hommes, qu'on a un véritable
problème de violence faite aux
femmes, qu'on a vu dernièrement toute la campagne concernant les agressions
sexuelles faites aux Québécoises, à travers,
donc, des campagnes sur Twitter, etc., agressions non dénoncées, etc. On
a des problèmes aujourd'hui dans notre société
et, plutôt que de faire... d'appuyer ce fantasme que le problème ne vient que
de l'étranger, on pense que c'est très important
d'appuyer l'idée que, nos problèmes, on va les régler tous ensemble, avec les
personnes des minorités visibles mais
évidemment aussi avec tous les concitoyens, sans égard à leurs origines. Ça
fait que, pour nous, c'est très important que ce travail d'éducation se
fasse à tous les niveaux.
On pense
aussi que chaque groupe est capable de discrimination par rapport à d'autres
groupes et qu'évidemment personne
n'est immunisé contre le racisme, contre l'homophobie ou contre le sexisme,
etc., et donc c'est un travail beaucoup plus citoyen qu'autre chose. Le
problème aussi qu'on a pu voir par rapport aux questions de valeurs
québécoises, c'est qu'évidemment les valeurs
d'égalité hommes-femmes ne sont pas propres au Québec, on peut parler de
valeurs universelles.
Nous, on aime beaucoup le mot
«démocratique» parce que c'est un pacte qu'on a pour interagir entre nous.
On peut voir qu'il y a des limites au
système démocratique, mais on peut aussi très facilement démontrer que tous les
autres systèmes sont bien pires. À cet
égard-là, on aime beaucoup l'idée qu'aujourd'hui, notre démocratie, on a un
socle qui est très fort, qui est le
nôtre au Québec, qui est la charte des droits et libertés québécoise, qui est
une véritable fierté pour nous, qui a été
mise en place avant la charte canadienne, et même une des premières donc, si on
parle en Amérique du Nord, etc. Donc, on pense que c'est un véritable
pacte citoyen qui nous unit, quelles que soient nos origines.
Ce
qu'on a pu voir sur le terrain, et d'ailleurs ce qu'on a pu voir aussi dans le
débat qu'on a eu concernant la charte de
la laïcité l'année dernière, c'est que les concepts de cette charte peuvent ne
pas être maîtrisés par tous nos concitoyens et que non seulement il faut valoriser le vivre-ensemble, mais il faut
aussi, comme vous dites, Mme la ministre, nommer les choses, et il faut
aller plus loin, et, au-delà de valoriser la diversité, il faut parler de
racisme, de discrimination pour pouvoir les contrer.
Et puis vous vous
rappelez très bien, et à juste titre, qu'heureusement, au Québec, on est bien,
au Québec, effectivement on est une société
réellement démocratique, une société où le dialogue est possible. On a vu que,
quelle que soit l'intention, on est capables
d'avoir un véritable dialogue démocratique dans notre société. Et là-dessus on
est capables de construire quelque chose de mieux, et nous, on espère
contribuer au mieux. Voilà.
Mme
Weil : Très bien. Et vous avez raison de souligner que ces
problèmes de discrimination, ce n'est pas juste le problème des nouveaux
arrivants ou des immigrants, on a eu des représentants des communautés noires
qui sont... il y en a une, la communauté
noire historique du Québec, qui parle de façon, comment dire... avec passion
que le problème est encore très, très vivant chez eux. Donc, tout à
fait.
Alors, la Commission des droits a fait deux
recommandations qui encore vont dans le sens de vos recommandations, et
c'est l'éducation, l'importance d'un programme d'éducation, de sensibilisation
à la charte des droits et libertés des droits,
qui peut toucher à toutes sortes d'enjeux, non seulement la diversité, mais évidemment
l'intimidation, l'égalité entre les hommes et les femmes, tous ces
principes. Et beaucoup de groupes sont venus recommander une campagne de
sensibilisation. Donc, vous allez là-dessus aussi, mais je vous dirais que ça
résonne beaucoup, j'aime beaucoup votre idée aussi, peut-être une campagne par
la poste ou autre, mais, en tout cas, c'est quelque chose à retenir.
Si
vous avez d'autre chose à rajouter... mais j'aimerais vous amener sur la
deuxième génération. Quelques groupes, surtout qui représentent les
jeunes, ont une inquiétude par rapport à la deuxième génération. Ils on vu
leurs parents, et souvent évidemment
issus de la diversité, donc deuxième génération issue de l'immigration voulant
dire que... et les parents très qualifiés, scolarisés, qui n'ont pas
trouvé leur place au sein du marché du travail. Et j'ai rencontré des jeunes qui le vivent, ça ne veut pas dire qu'ils
vont virer... mais ils ont une tristesse, et ça peut aller loin cette
tristesse. Je pense que c'était, en fait, la
table du mois de l'histoire des Noirs qui l'ont souligné qu'il faut absolument
s'adresser à cette génération avec des mesures stratégiques
structurantes. Est-ce que vous avez une perspective là-dessus?
M. Bouazzi (Haroun) : Il y a deux points. D'abord, ce qu'on peut voir... D'ailleurs,
toujours, la commission des droits de
la personne et de la jeunesse reste une inspiration pour nous. On lit beaucoup
les différentes publications qu'ils ont faites. On a beaucoup de chance
de l'avoir au Québec, je pense.
Par rapport aux
chiffres, par exemple, qui ont été trouvés dans Statistique Canada, si je ne me
trompe pas, c'est les chiffres de 2011... 2009, je ne sais plus, qui expliquent
qu'en gros un nouvel arrivant, donc, diplômé gagne 20 000 $ de moins que la moyenne des diplômés au Québec et
qu'une personne qui n'est pas des minorités visibles... Donc, la moyenne québécoise est autour de
60 000 $. On parle de 40 000 $, donc 39 000 $ et
quelques pour un nouvel arrivant diplômé membre des minorités visibles,
et puis on parle de 56 000 $, si je ne me trompe pas, pour une
personne aussi immigrante mais n'appartenant
pas à une minorité visible et qui — évidemment, à part le cas des Français
dernièrement, mais ça, c'était avant, donc,
le changement — a aussi
des problèmes de reconnaissance de diplôme et peut-être aussi des
problèmes par rapport à la langue française. Donc, déjà en soi, c'est
inquiétant.
Mais
le plus inquiétant, c'est quand on regarde les chiffres, toujours de
Statistique Canada, où on voit la deuxième génération et on voit que les
enfants, donc la deuxième génération, qui sont aussi diplômés, gagnent juste 1 000 $ de plus que leurs parents et
toujours 19 000 $ de moins que la moyenne nationale. Et, à nos yeux,
c'est très, très, très perturbant,
parce que cette deuxième génération n'a ni problème de reconnaissance de
diplôme ni problème de maîtrise de langue
française. Et donc on a aujourd'hui un problème, clairement, qui est, on peut
le voir dans les chiffres... où on va se retrouver possiblement à créer des classes sociales qui dépendent de la
pigmentation de la peau ou alors, évidemment, des noms de famille, qu'ils soient d'Afrique
subsaharienne, arabe ou d'Amérique latine. Et ça peut vraiment faire
beaucoup de mal à notre tissu social.
Dans notre
association, on a plusieurs personnes de deuxième génération et on a vu
d'ailleurs que le débat de l'année dernière leur a fait très, très mal, et
peut-être plus mal qu'à nous — moi, je suis moi-même immigrant, ça fait déjà 15 ans que je suis ici — mais les deuxièmes générations étaient
vraiment blessées, parce qu'ils ne se sont jamais sentis autre chose que Québécois et ils se sentent aussi...
Évidemment, ils savent qu'ils ont un bagage culturel avec lequel ils sont à l'aise, mais ils se sont toujours très,
très sentis Québécois. Ils sont nés ici. Et puis le débat a fait ressortir des
choses qui ont laissé énormément de
blessures, et on peut voir dans notre société que ces gens-là peuvent garder un
goût amer.
On a rencontré aussi
des jeunes, ils ne sont pas dans notre association, mais des jeunes, des
adolescents, et là c'est encore plus
compliqué, donc, dans un moment où les gens se forment, quand on voit des
débats publics qui peuvent être très
agressifs envers leur religion ou envers leurs origines, on peut voir une
certaine, j'oserais dire, haine, excusez-moi du mot, dans les yeux de
ces personnes-là, parce qu'elles se sentent vraiment démunies devant la
violence qu'il peut y avoir dans les réseaux
sociaux, sur des sites Internet spécialisés islamophobes ou racistes, et ça
nous fait... effectivement, ça nous fait peur.
Nous,
on voudrait participer à rendre espoir aux gens, et, ces gens-là, un certain
nombre aujourd'hui sont dans le désespoir.
Il y a d'ailleurs, malheureusement, à l'intérieur des communautés musulmanes,
des gens qui ne voient que le côté négatif dans notre société, que
l'islamophobie, que le racisme, et qui donnent beaucoup de désespoir aux jeunes
Québécois de deuxième génération. On pense qu'il faut vite sortir de cet
engrenage-là pour maximiser le rendement du
dialogue qu'on peut avoir entre nous. Vous n'êtes pas sans savoir qu'AMAL, le
nom de l'association, veut dire «espoir» en arabe, et c'est une des
choses à laquelle on veut contribuer.
• (14 h 30) •
Mme Weil :
Oui, d'où l'importance de l'éducation par rapport aux droits, aux chartes, mais aussi cette campagne
de sensibilisation, et évidemment d'autres mesures qui seront en développement.
Je vous
remercie pour votre présentation. Et, parce que la question de reconnaissance
des acquis, des compétences est tellement importante et que ma collègue
députée de Jeanne-Mance—Viger
a ce mandat-là, je vais lui permettre de... je lui donne...
Le Président (M. Picard) :
Vous avez 1 min 30 s.
Mme
Rotiroti :
1 min 30 s. Mon Dieu! Alors, on va aller directement à la
question. Merci d'être là. Vous avez dit, dans votre document... vous avez parlé d'un statut légal pour le CSQ, le
certificat de sélection du Québec, et au même moment d'informer
l'immigrant par rapport à... si lui, l'immigrant, souhaite d'être reconnu selon
son métier par son ordre professionnel, d'être capable, à partir de l'étranger,
de ramasser les documents nécessaires et de commencer la procédure. Je voulais
vous rassurer que, suite au mandat que le premier ministre m'a donné, il y a un
comité qui est mis sur place justement pour
étudier cette problématique-là, et on s'en va... on est en train de regarder
justement comment qu'on pourrait faire pour, un, responsabiliser
l'immigrant à partir de l'étranger et de voir avec... et justement d'être capable de commencer cette procédure-là. Je ne
sais pas si vous avez des idées ou des... vous pouvez élaborer un petit
peu plus comment vous, vous voyez ça.
M. Bouazzi (Haroun) : Bien, c'est
sûr que nous avons rencontré plusieurs ingénieurs, par exemple, qui ont été diplômés, des Maghrebins, par exemple, et on
sait qu'un des documents qui est demandé, par exemple, c'est tous les programmes et tous les cours, les descriptifs de
cours, etc., en copie conforme, et c'est des choses qui prennent
beaucoup de temps au niveau des administrations des pays d'origine, surtout
quand on est déjà ici. Donc, on pense qu'éviter... Les procédures peuvent durer largement plus qu'une année, et, si on peut
gagner le six mois, le un an où, arrivés ici, on évite de rentrer dans
un engrenage qui est très difficile... hein, surtout les gens qui arrivent en
famille, où il faut trouver un travail, très
souvent au salaire minimum, totalement en dessous des qualifications, donc les
gens rentrent dans une déprime, ou,
des fois, il y a des gens qui n'arrivent juste pas à commencer à chercher du
travail ou même à finir leurs procédures d'équivalence. On pense qu'il y
a vraiment beaucoup à faire pour améliorer.
Le Président (M. Picard) :
Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de Bourget.
M. Kotto :
Merci, M. le Président. M. Bouazzi, soyez le bienvenu, et merci pour votre
contribution. Je rebondis sur votre
souhait bien senti de combattre la discrimination, le racisme au Québec. Je
suis un immigrant comme vous, je ne sais pas pour vous, mais il y a des termes, chez moi, qui ont une résonnance
antinomique au vivre-ensemble. En l'occurrence, quand on m'attribue une étiquette d'appartenance à une communauté
spécifique, on vient de m'exclure de l'ensemble citoyen. Alors, je ne sais pas si cela a une résonnance chez vous.
Est-ce que ce n'est pas là un autre obstacle, justement, qui nous
empêche, de façon optimale, d'en arriver à bout, du racisme et de la
discrimination?
M. Bouazzi (Haroun) : Je n'ai pas
très bien compris votre question. Vous voulez dire par rapport au fait de
cibler des groupes particuliers?
M. Kotto : Exact.
M. Bouazzi
(Haroun) : Bien, c'est une
très bonne question, effectivement. La réalité qu'on a... Nous, par
exemple, dans notre association, on s'est
beaucoup posé la question : Est-ce qu'on utilise... on n'est pas une
association religieuse, on est une
association citoyenne, est-ce qu'on utilise le mot «musulman» et «arabe» dans
le nom de l'association?, parce qu'on ne sentait pas le besoin, à la
base, d'utiliser les mots.
D'abord, évidemment, par exemple, dans le cas
des femmes, ça ne marche pas. Bon, on s'entend que le combat des femmes au Québec a été mené principalement par des groupes
féministes, et puis c'est normal que ça soit des associations de
personnes concernées qui mènent le combat, évidemment appuyées par toutes les
autres forces vives de la société.
Mais, par rapport aux musulmans, nommons les
choses, par rapport aux musulmans particulièrement, notre point de vue sur le point, c'est que la communauté
musulmane, par exemple, n'existe pas. Et d'ailleurs vous vous êtes sûrement... vous le savez aussi bien que moi que
la communauté noire non plus n'existe pas, bon. Et le problème, c'est qu'elle est créée à l'instant où on l'attaque.
Donc, une fois qu'il y a des racistes... C'est pour ça qu'on parle de
personnes racisées aujourd'hui, parce que la
race n'existe pas, mais le racisme existe, et donc on crée le groupe parce
qu'on s'y attaque. Et donc on crée un
groupe de Noirs, qui en fait n'existe pas, parce qu'on est raciste contre les
Noirs. Et on a créé, l'année dernière,
une communauté musulmane à l'instant où on a décidé de s'y attaquer. Elle
n'existait pas un quart d'heure avant.
Maintenant,
malheureusement, aujourd'hui, dans le débat public, on pense qu'il y a beaucoup
de groupes qui ont intérêt à exister,
à revendiquer. Il y a des groupes qui sont plus ciblés que d'autres, on pense
aux campagnes, par exemple, concernant l'homophobie, on pense que c'est
très important de cibler. Et effectivement, dans un esprit républicain français, par exemple, on pourrait espérer qu'on
est aveugles devant toutes ces différences et qu'on n'a même pas à mener
ce genre de combat ou même à nommer les
choses, étant donné qu'on est tous égaux. Mais, dans le terrain,
évidemment, on ne l'est pas. Et on pense
qu'effectivement on n'a pas le choix de nommer les choses par rapport aux
problèmes. C'est pour ça qu'on a
utilisé le mot «racisées» dans notre... plutôt que «minorités visibles», où le
mot «racisées» définit bien l'existence,
en fait, du racisme plutôt que même la minorité en tant que telle, qui ne veut
plus vraiment rien dire, surtout, bon,
ethoculturelle, etc. Bon. Le vrai problème aujourd'hui... normalement, on
n'aurait pas à traiter de ces problèmes-là, le vrai problème, c'est le
racisme et la discrimination.
M. Kotto :
O.K. Plusieurs Québécois d'adoption sont, disons, exclus du marché du travail,
beaucoup sont frappés par un taux de chômage élevé, notamment ceux qui
arrivent du Maghreb. Ce qui est étonnant, c'est qu'ils maîtrisent le français, langue officielle du Québec, langue
publique commune du Québec, langue de travail, mais néanmoins on en trouve...
on en évalue à peu près, tous confondus, 27 % en marge du travail à
Montréal, et le même, parlant français à Toronto, nous donne un pourcentage de
14 %. Comment expliquez-vous cela?
M. Bouazzi (Haroun) : Moi, je veux
me permettre de jeter un pavé dans la mare.
M. Kotto : Allez-y.
M. Bouazzi
(Haroun) : Je suis très
content que vous me posiez la question. Un des problèmes, justement,
des Maghrébins particulièrement, c'est qu'ils sont, étonnamment, et francophones et diplômés. Donc,
pour être concret, un ingénieur, aujourd'hui, qui veut travailler chez Bombardier ou chez CGI, parce qu'il est francophone, et pas
anglophone, et pas bilingue, il n'a à peu
près aucune chance d'être accepté pour un travail, au-delà des questions de
discrimination. Or, un anglophone qui
arrive ici a droit à des cours de francisation qui lui permettraient justement
d'être fonctionnel. Parce qu'en gros toutes ces compagnies-là sont
plutôt bilingues qu'anglophones, on s'entend, là. À CGI — moi,
je connais bien le côté informatique — on parle beaucoup, beaucoup français, là,
mais on a affaire avec des consultants étrangers qui viennent d'Afrique du Sud comme des États-Unis ou
de Toronto, et donc il y a beaucoup de réunions aussi qui se passent en anglais. Et donc le fait de ne pas maîtriser
l'anglais fait en sorte que ces gens-là sont exclus. Parce qu'ils sont
diplômés. Donc, ils seraient dans le domaine
de la construction ou d'un autre domaine où on n'a pas besoin des
qualifications aussi hautes, ils
seraient en fait... ils seraient favorisés du fait qu'ils sont francophones.
Donc, on a un problème aujourd'hui.
Et puis je comprends que les politiciens peuvent
avoir du mal à aborder... étant donné le côté très «touchy», si je peux me permettre un anglicisme, de la
question, où, à nos yeux, pour des diplômes bien particuliers, il va
falloir oser offrir aussi des formations
ciblées en anglais. Ça ne veut pas dire, évidemment, que ces personnes-là vont
abandonner le français, mais ça voudra dire
qu'on ne va pas les pénaliser parce qu'ils sont francophones, parce qu'ils sont
francophones et diplômés, et, en fin de compte, notre marché du travail n'est
pas capable de les absorber, pour les compagnies qui pourraient le faire.
Le Président (M. Picard) :
Merci. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Merci. Merci. Bonjour. Je suis très heureuse
d'être ici aujourd'hui pour vous entendre. J'aime aussi beaucoup
qu'on ait eu cette petite discussion sur les mots «communauté noire».
J'écoutais la ministre utiliser encore ces mots-là, «communauté noire»,
mais je pense qu'on peut s'entendre autour que... C'est comme le disait mon
collègue, si je lui dis : Es-tu dans la
communauté?, il dit : Non, ce n'est pas le terme qu'on utilise exactement.
Alors, on va essayer d'être plus précis, effectivement, dans nos termes.
Vous dites,
dans votre mémoire : «...il faut déposer un projet de loi réaffirmant que la
laïcité est un outil démocratique — et vous dites — ayant
pour but de favoriser la cohabitation et le vivre-ensemble dans une société.»
J'aimerais ça que vous me disiez un peu quel
serait l'impact d'une loi qui affirme que l'État québécois est laïque, peu
importe le contenu, je ne veux pas
entrer sur les modalités d'application, mais quel est, pour vous, l'impact, pour votre
association, les gens qui la composent, les gens que vous représentez, d'une
telle loi.
• (14 h 40) •
M. Bouazzi
(Haroun) : Je vais me
permettre juste de réagir sur les mots de «communauté». On se permet des
fois d'utiliser le mot «communauté» au
pluriel, tant quand il y a en beaucoup, ce n'est pas si mal, hein, mais effectivement
le concept reste flou.
La question de laïcité pour nous est très importante,
ça a été un outil pour inclure. Bon, c'est un concept qui est très français et qui, au début, servait, dans un premier temps, à inclure les protestants dans l'Église... au
temps de l'Église, et puis, ensuite, à inclure les Juifs, et qui, malheureusement,
sur le dernier demi-siècle, s'est transformé en outil de discrimination contre les musulmans en France.
Bon. Nous, on considère que c'est un outil très utile pour la
démocratie, que c'est un outil qui doit
rester fidèle à ce que c'est, qui est que tous les citoyens, sans égard à leurs
religions, ne doivent être ni favorisés
ni défavorisés. Et donc, à ce
moment-là, il va falloir inclure tous
les gens et les juger non pas sur leurs religions, mais sur leurs actes, sur leurs paroles, et, à ce
titre-là, nous pensons que, si on ne falsifie pas le concept, il restera un
outil formidable d'inclusion dans notre société. Et on va s'assurer que toutes
les forces, quelles que soient leurs religions, vont pouvoir contribuer
positivement à la construction de notre nation.
Il
y a trois concepts à nos yeux, et c'est ce qu'on dit dans notre document, il y
a trois concepts principaux, et je vais peut-être
avoir le temps, du coup, de les élaborer. Le premier, évidemment,
est la liberté de conscience, qui est un véritable joyau dans une
démocratie. Ce n'est pas quelque chose d'acquis partout ailleurs dans le monde.
Donc, pour donner un exemple concret, s'il y
a une femme qui décide d'enlever son voile, une musulmane, et qu'il y a
quelqu'un ou une institution qui veut l'obliger à garder son voile sur la tête,
l'État laïque se doit de protéger cette femme dans sa liberté de conscience et donc se doit de la protéger dans son droit à
enlever son voile. De la même manière, si une femme fait le choix de
mettre un voile sur la tête, se cacher les cheveux, l'État laïque doit la
protéger contre toute personne ou toute institution qui voudrait lui enlever
son voile sur la tête. Donc, ça, c'est pour la liberté de conscience.
Ensuite, il y a la
question de neutralité, et puis c'est un point qui a été... il y a eu beaucoup
de tergiversations, malheureusement, des fois... bon. La neutralité, pour nous, c'est
un concept clair, c'est qu'un État neutre ne favorise pas ou ne
défavorise pas les citoyens en fonction de leurs religions. Dès qu'il favorise
ou défavorise des gens en fonction de leurs
croyances, il arrête d'être neutre. Or, par définition, si on décide de mettre
en place une politique qui met à la porte un médecin parce qu'il
a une kippa sur la tête, on vient de défavoriser, par définition, une partie de
nos Juifs dans l'accès au travail dans la fonction publique, et donc on pense
que ce genre de propositions qu'on a pu entendre, par définition, enlèvent la
neutralité de l'État et donc sont contre un des principes fondamentaux de la
laïcité.
Le
dernier point, c'est la question de séparation de l'Église et de l'État ou,
plus communément, des institutions religieuses
des institutions de l'État, ce qui est, à nos yeux, un acquis, mais on peut toujours
le développer, qui veut dire qu'et les institutions religieuses sont
protégées que l'État s'immisce dans leurs affaires et, de la même manière,
l'État est protégé des institutions religieuses, qui n'ont pas le droit de
s'immiscer dans les affaires de l'État.
Le Président (M.
Picard) : Merci, monsieur.
Mme
Maltais :
Est-ce que vous croyez que...
Le Président (M.
Picard) : Non, Mme la députée, le temps est écoulé.
Mme
Maltais :
Ah! dommage. Merci.
Le
Président (M. Picard) : J'ai même excédé d'une minute pour
permettre à M. Bouazzi de terminer. M. le député de Borduas, c'est à
vous.
M.
Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. À mon tour de vous saluer, M.
Bouazzi. Merci de votre contribution.
Sur
le même sujet, selon votre définition de la neutralité de l'État, le fait que
l'État prenne position en faveur de la laïcité, ce n'est pas, en soi,
une contravention au concept de neutralité de l'État? Parce que vous avancez le
fait qu'un État laïque, un État neutre,
c'est un État qui ne favorise pas une religion au détriment de l'autre, dans un
sens positif, dans un sens... ou de ne pas permettre. Mais le choix de
l'État, à partir du moment où il choisit la laïcité, bien, il contrevient
également à sa neutralité.
M. Bouazzi (Haroun) : Je ne comprends pas très bien comment il peut contrevenir à... Nous, on
est partisans du fait qu'il faut
absolument apporter une loi. D'ailleurs, je vais me permettre de ne pas être
d'accord avec le gouvernement en place
qui, aujourd'hui, attend longtemps. Je vais peut-être vous faire plaisir, mais
on pense qu'il faut fermer ce débat-là et il faut absolument affirmer le
côté laïque de l'État.
Maintenant, la
question qui se pose, c'est : Quelle laïcité? Bon, quelle laïcité, si la
laïcité veut dire qu'on a le droit de mettre
à la porte un médecin qui a une kippa sur la tête, nous, c'est un non
catégorique, et on va se battre jusqu'au bout pour que ça ne soit pas ça. On pense qu'au contraire affirmer la
laïcité et la neutralité de l'État est un atout. On peut se le permettre aujourd'hui, il y a un momentum
politique, et évidemment ça passe par la neutralité comme on l'a
définie, et non pas comme un outil de
discrimination contre des minorités religieuses, qu'elles soient sikhes, juives
ou musulmanes.
M.
Jolin-Barrette : Vous avez abordé tout à l'heure la question des
quotas par pays, en invoquant le caractère discriminatoire. À la page 40 du document de consultation, à
l'avant-dernier paragraphe, le libellé du cahier de consultation est le suivant : «Par ailleurs, le récent
rehaussement des exigences de connaissance du français peut paraître
difficilement conciliable avec la réponse à d'autres besoins importants de la société
québécoise, notamment le recrutement de candidates
et de candidats dont la formation et les compétences sont recherchées sur le marché du travail et la diversification des
bassins d'immigration.» J'aimerais connaître... C'est le document
gouvernemental qui a été déposé, puis ça va un peu à
l'encontre de votre positionnement puis de la réponse, tout à l'heure, de la ministre,
à moins que j'aie mal compris.
M. Bouazzi
(Haroun) : Alors, pour nous, c'est clair qu'une des choses qu'on
combat, c'est les questions de discrimination. Et on pense qu'une des discriminations,
c'est les discriminations basées sur les origines. On ne juge pas des gens sur
leurs origines. Bon. Mme la ministre a été rassurante sur ce point. Et on dit
ça, et, jusqu'à présent, il y a des pays, donc principalement des pays
d'Afrique de l'Ouest, par exemple, ou des pays d'Afrique du Nord, où les
temps de... les délais de traitement sont tellement
longs qu'on peut toujours dire qu'on accepte des gens de partout, etc., en fin de compte on se retrouve avec des
délais de trois ans, de quatre ans, de cinq ans avant de pouvoir immigrer au
Québec, alors que d'autres pays on peut
attendre même moins qu'une année. Donc, on pense qu'en soi ce genre de délai
est, en soi, aussi discriminatoire.
M.
Jolin-Barrette : Vous voulez dire que ces délais-là seraient
institutionnalisés à l'intérieur du ministère?
M. Bouazzi
(Haroun) : On se retrouve...
Voilà. On sait qu'une énorme partie du problème est quand même au niveau fédéral. Pour en avoir parlé à M. Kenney,
j'ai été très étonné de la réponse, et je ne pense pas que ça soit le
moment d'en parler ici, mais une des
solutions, ça a été de dire :
Bien, le problème, c'est qu'il
y a une grosse file d'attente,
donc la solution, c'est d'arrêter de prendre
des demandes. Ça a été, donc : on arrête le problème en arrêtant l'immigration de ces pays-là, et puis, pour
lui, il a réglé le problème. Bon. On pense que ce n'est pas très sérieux.
Il y a un problème de délai de traitement clair.
Je sais qu'il y a une modification qui va être apportée dans la manière de prioriser ces demandes-là, et, nous, ce
qu'on veut, c'est que, dans cette priorité, dans cette manière de
prioriser, l'origine ne soit pas prise en
compte mais plutôt des caractères objectifs comme la maîtrise du français,
comme le diplôme qui est attendu au niveau du marché du travail, et pas
du tout, évidemment, ni la religion ni l'origine des requérants.
M. Jolin-Barrette : La facilitation
de la reconnaissance des diplômes, vous avez abordé la question d'une entente
globale sur la reconnaissance des compétences de la main-d'oeuvre, un peu à
l'image que ce que le Québec a signé avec la
France il y a quelques années. D'ailleurs, ça a été un processus assez long
pour réussir à mener cette entente. Est-ce
que vous avez une autre suggestion, plutôt que d'avoir des ententes-cadres,
pour faciliter d'une façon qui serait plus rapide, plus souple?
M. Bouazzi (Haroun) : Bien,
aujourd'hui, ce qu'on peut voir, c'est que, pour les Français, maintenant que ces ententes-là sont là, ça facilite énormément le
mouvement des immigrants. Évidemment, il faut aussi ouvrir un débat avec les ordres, qui, aujourd'hui, ont une grande
force politique et puis qui se permettent possiblement de nous priver de
forces vives au Québec, que ce soit chez les
ingénieurs ou chez les médecins, par exemple, où on voit bien qu'on peut
avoir des manques et on se retrouve avec des
médecins très compétents qui viennent
de l'étranger et qui ne peuvent pas nous soigner aujourd'hui au Québec.
M.
Jolin-Barrette : Vous avez
abordé la question de l'égalité entre les hommes et les femmes. Le
corpus législatif comprend déjà, à l'intérieur des chartes, cette
égalité de fait là. Comment voyez-vous une atteinte de ce concept-là
concrètement dans la société, en lien avec les nouveaux arrivants mais aussi
avec la société d'accueil? Quelles sont les actions concrètes que le gouvernement
devrait prendre?
• (14 h 50) •
M. Bouazzi
(Haroun) : Bien, nous, on
pense qu'il y a un gros
volet éducatif à faire, et ce que les... Et «éducatif» touche aussi l'égalité entre les hommes et les
femmes mais touche tout type d'inégalités qu'on peut avoir. Aujourd'hui,
on voit bien qu'il y a aussi d'autres types
d'inégalités, par rapport aux communautés noires, par exemple, ou par
rapport aux personnes qui ont des noms à consonance musulmane. On pense qu'il y
a un travail à faire dès le plus jeune âge. Il faut parier sur la prochaine
génération.
C'est des
problèmes compliqués, on n'est pas les seuls à les avoir. Il va falloir parier
sur le long terme, ça ne peut pas se régler très vite. Aujourd'hui,
notre meilleure solution est au niveau de l'éducation, il faut utiliser les
réseaux de l'éducation que nous avons, à nos
yeux. Et puis, à court terme, il faut, comme je l'ai déjà dit, démarrer des
campagnes de sensibilisation et puis il faut
affronter les problèmes. Quand on sait qu'une femme gagne 70 %, en
moyenne, du salaire d'un homme, là on
a un vrai problème de société, étant donné que ça, en fait, institutionnalise
un moyen de domination basé sur le sexe, étant donné que l'émancipation
passe évidemment par l'émancipation financière.
Donc, il y a
beaucoup à faire. Et il y a les questions de violence aussi faite aux femmes,
où on voit bien que les chiffres sont
assez alarmants. À toutes les semaines, il y a des femmes qui meurent parce
qu'elles sont dans des cas de violence
conjugale. On pense qu'il y a aussi un gros volet de prévention à faire pour
éviter des catastrophes comme celles-là.
Le Président (M. Picard) :
Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de Mercier.
M. Khadir : Merci, M. le Président. Je remercie encore une fois mes collègues pour
le temps qu'on m'alloue, parce que c'est vraiment une gracieuseté de mes
collègues de la commission.
Donc, M.
Bouazzi, comme les collègues ici, alentour de la table, et nos collaborateurs,
collaboratrices, vous êtes Québécois. Mais, si je comprends bien, vous
êtes né à l'extérieur du Québec. Comme moi — je suis né à l'extérieur, je
pense qu'on est quelques-uns — vous êtes né à l'extérieur du Québec?
M. Bouazzi (Haroun) : Oui.
M. Khadir : D'après ce que j'en sais... Parce que je me souviens que nous avons été
sollicités il y a quatre ans par des gens issus de l'immigration
d'Afrique du Nord, notamment de la Tunisie, pour appuyer le soulèvement du printemps arabe, qui a commencé en Tunisie, vous
étiez un de ceux-là qui s'étaient adressés. Donc, je le rappelle ici
parce que je crois que vous êtes un de ceux,
donc, qui ont combattu une dictature justement pour défendre des valeurs
démocratiques, du vivre-ensemble dans un contexte démocratique.
Mais je me souviens également qu'il y a quelques...
il n'y a pas très longtemps, on vous a entendu beaucoup militer en faveur des
groupes démocratiques qui étaient en élection contre le parti islamiste qui
était au pouvoir en Tunisie, qui avait un
petit peu profité de la révolution pour prendre les pouvoirs, et ils voulaient
imposer le dogme religieux fondamentaliste sur la tête des Tunisiens.
Vous avez combattu ça également, n'est-ce pas?
M. Bouazzi
(Haroun) : Oui.
M. Khadir : Bon. Alors, je le
rappelle parce que je pense qu'on a là un interlocuteur qui a milité contre le fondamentalisme islamique, ce n'est pas juste des
prétentions, il l'a combattu. Et il a défendu aussi le... Bon. Mais vous
nous avez dit, par le même biais, que, si un État doit être laïque... l'État a
des responsabilités par rapport aux individus de la société qui font face soit... par exemple, vous avez nommé le cas de
la femme musulmane qui voudrait enlever son voile et que quelques-uns, sa famille, la mosquée ou des...
voudraient l'en... ou l'inverse. Est-ce que vous pourriez élaborer un
peu là-dessus?
M. Bouazzi
(Haroun) : Oui. Je tiens à
dire effectivement que je suis Québécois, et la seule condition pour
entrer dans notre association, c'est d'être Québécois, et ce n'est vraiment pas
à titre de mes activités sur les droits de la personne en Tunisie que je suis
ici.
Il nous
semble très important, justement, de comprendre pourquoi est-ce qu'on se bat
pour cette démocratie. Vous savez, on
a vu, par exemple, le cas de l'imam à Hochelaga, et je me permets de ne pas
répéter ce que j'ai dit tout à l'heure, donc l'imam à Hochelaga qui a des propos extraordinairement sexistes et
homophobes et qui voulait ouvrir une mosquée, et je pense qu'il faut se rappeler pourquoi est-ce qu'on est une
démocratie. On est une démocratie parce qu'on ne juge pas les gens sur leurs croyances. Et puis il y a justement
des systèmes religieux, qu'on peut trouver à l'étranger, qui jugent les
gens sur leurs croyances. Nous, on pense qu'il faut absolument juger les gens
sur leurs actes et qu'il faut être fidèles à nos libertés fondamentales, il
faut être fidèles à nos principes en tant que Québécois, et ne pas glisser, et
en fin de compte subir ce que ces gens-là
voudraient nous imposer, qui est une atteinte à nos libertés
fondamentales. Et donc, entre autres choses,
il va falloir respecter les libertés de tout le monde et appliquer la loi. Ces
gens-là ne sont pas au-dessus des lois, c'est très important, mais ils
ne sont pas en dessous des lois non plus. Et c'est vraiment le concept
démocratique où on ne juge pas les gens sur leurs croyances, quel que soit ce
qu'on peut penser de leurs croyances, qui fait en sorte que notre laïcité est
vraiment quelque chose de constructif, et malheureusement ça comprend aussi des gens qui sont très désagréables à entendre et
possiblement ça comprend aussi de mettre en place d'autres limites qui
ne sont pas des questions religieuses mais des questions d'appel à la haine,
donc des choses concrètes qui permettraient de contrer des choses qui se
passent dans notre société.
Maintenant,
effectivement, moi, je ne suis pas un militant pour aucune religion. On est
vraiment... On ne milite pas, même pas pour une vision de l'islam. On
milite pour une vision de la citoyenneté, et puis on militera comme ça tant et
aussi longtemps qu'on a du temps accordé.
Le Président (M. Picard) :
Merci, monsieur. Ça termine votre présentation.
Je suspends les travaux quelques instants afin
de permettre à la Fédération des chambres de commerce du Québec de prendre
place.
(Suspension de la séance à 14 h 55)
(Reprise à 14 h 57)
Le
Président (M. Picard) :
Nous reprenons en recevant la Fédération des chambres de commerce du
Québec. Mme Bertrand, bienvenue. Je vais vous demander de présenter les gens
qui vous accompagnent, et vous avez 10 minutes pour faire votre
présentation. Allez-y.
Fédération des chambres
de commerce du Québec (FCCQ)
Mme
Bertrand (Françoise) : Merci.
Alors, bonjour, M. le Président, Mme la
ministre, MM. et Mmes les
députés. Je suis Françoise Bertrand, présidente-directrice générale de la Fédération
des chambres de commerce du Québec. À ma
droite, Stéphane Forget, vice-président Stratégie et affaires économiques à la
fédération, et, à ma gauche, M. Michel Cournoyer,
qui est conseiller et consultant à la fédération, et qui est à la fois éditeur
d'un blogue qui s'appelle Job Market Monitor. Alors, nous sommes
très heureux de se présenter devant vous.
La
fédération, je le répète toujours, représente 140 chambres de commerce locales,
ce qui veut dire 60 000 entreprises
à travers tout le Québec, dans tous les
secteurs d'activité. Et c'est avec grand intérêt que nous participons à votre
commission parlementaire aujourd'hui. Pour
nous, ce qui motive grandement notre présence, c'est évidemment le constat
indubitable du vieillissement de la main-d'oeuvre, pas juste le mien mais de la
population en général. Ce n'est plus une perspective éloignée, puis on le voit bien par le graphique 1 de notre mémoire,
que le revirement démographique, là, ce n'est plus quelque chose à
venir, ce n'est pas virtuel, nous y sommes.
À plus long
terme, les perspectives, donc, du marché du travail sont tout à fait
claires : le taux de chômage sera en baisse constante. Puis il ne faut pas s'en réjouir, ce sera en baisse
constante parce qu'il n'y aura plus la même disponibilité de travailleurs pour le marché de l'emploi. Et,
selon Emploi-Québec, le chômage atteindra 6,2 % en 2017 et 5,7 % en
2022, soit le taux le plus bas connu depuis 1968.
Pour les 15-64 ans, le taux devrait passer sous la barre des 5 %.
L'abondance, donc, de la main-d'oeuvre ne pourra plus servir d'assise à l'élan
de prospérité que nous avons connu par le passé.
Alors que les besoins de main-d'oeuvre sont en
croissance, il est paradoxal qu'en même temps de nombreux nouveaux arrivants
connaissent un chômage prolongé.
Les résultats en matière d'intégration
des immigrants sont tributaires de la performance économique globale, au
Québec comme ailleurs. Ainsi, le premier facteur
expliquant les résultats décevants en matière d'insertion
professionnelle demeure la création
d'emplois insuffisante, en particulier depuis janvier 2011. Et le
graphique 3 du mémoire démontre bien que c'est partout au Québec,
comme d'ailleurs dans le reste du Canada, mais évidemment, ici, on s'inquiète
de la situation chez nous.
• (15 heures) •
Le Québec détient des
leviers importants pour agir, notamment grâce aux arrangements en place en
matière d'immigration. La fédération croit
que des opportunités se dressent devant le Québec et qu'il n'en tient qu'à nous
pour les saisir en faisant de bons choix,
des choix rationnels, basés avant tout sur l'objectif de servir la croissance
économique et la création de richesse à partager.
L'immigration peut
atténuer le choc démographique que vivent déjà les marchés du travail régionaux
au Québec dans la mesure où elle répond aux
besoins économiques et que les nouveaux arrivants sont prêts à participer
rapidement et activement au marché du
travail. Parmi les régions qui connaissent déjà une baisse démographique
chez les 20-64 ans, certaines s'en tirent bien, comme l'Estrie et le Centre-du-Québec. Mais le nombre de personnes immigrantes qui projettent de
s'établir dans la région de la Gaspésie, les Îles-de-la-Madeleine, dans le Bas-Saint-Laurent,
sur la Côte-Nord et au Saguenay—Lac-Saint-Jean demeure largement insuffisant. Il est possible de faire mieux dans ces
régions en identifiant et en empruntant les
meilleures pratiques chez celles qui réussissent à tirer leur épingle du jeu et
en renforçant l'arrimage avec les besoins économiques.
Le
taux de rétention pour la catégorie des travailleurs qualifiés a récemment
chuté et il demeure dramatiquement faible pour la catégorie des gens
d'affaires, alors qu'il a atteint le plancher historique de 17,5 % en
2012.
Le réseautage dans la
communauté d'accueil constitue, aux yeux de la FCCQ, l'un des moyens efficaces
de favoriser l'établissement permanent au
Québec des immigrants entrepreneurs. Les chambres de commerce du Québec offrent
déjà des services d'intégration à la communauté d'affaires locale. Une
promotion accrue de ces services contribuerait à mieux faire connaître ces
services et favoriserait l'établissement au Québec et dans ses régions.
L'immigration
économique, soit celle qui est sélectionnée en vertu de la grille, est
fortement scolarisée avec près de 40 %
des immigrants ayant au moins 17 ans d'études. Cela comporte des risques,
étant donné que les besoins du marché
du travail, pour lesquels les problèmes de recrutement se font sentir par les
employeurs à ce moment précis, se situent surtout aux niveaux
professionnel et technique, voire au niveau des travailleurs peu qualifiés dans
certains secteurs d'activité où les
conditions de travail sont difficiles. La qualité de l'éducation est variable
et la surscolarisation s'ajoute aux obstacles à l'insertion
professionnelle, et on l'assimile souvent à une surqualification. Pour nous, le
VG soulignait déjà le 9 % de personnes qui avaient été ciblées dans... qui
étaient capables de travailler, parce qu'on avait trop d'universitaires et que ce n'était pas là qu'était le besoin des
employeurs. On nous dit, au ministère, et on a tout pour croire le ministère, que c'est beaucoup mieux
aujourd'hui, mais ça reste certainement encore trop loin de notre but,
et il serait important de partager les informations, d'ailleurs, à cet égard.
La diversité de
l'immigration est à la baisse, avant même que se manifestent pleinement les
effets de la hausse des exigences à l'égard
de la connaissance de la langue française. Pourtant, la crise mondiale des
talents continue... et que, là, on
observe une volonté de plus en plus grande de travailler à l'étranger parmi les
personnes à la recherche de nouvelles
occasions d'emploi. Doit-on, dès lors, livrer bataille sur un terrain plus
étroit? La fédération croit qu'au contraire l'on devrait poursuivre
l'objectif d'accroître la diversité d'origine de l'immigration économique.
Depuis
août 2013, les exigences en matière de la connaissance du français ont été
rehaussées. Les candidats à l'immigration
doivent maintenant démontrer qu'ils ont une connaissance du français au moins
de niveau intermédiaire avancé, à
défaut de quoi, ils n'obtiennent aucun point à la grille de sélection, ce qui
en fait un critère éliminatoire pour des candidats compétents.
Compte
tenu du peu de données soutenant cette modification, il aurait, selon nous, été
plus prudent de l'introduire progressivement pour en mesurer les effets,
en évitant d'en faire un critère éliminatoire. La FCCQ propose que soit revu le
Règlement sur la sélection des ressortissants étrangers afin de rétablir le
pointage original obtenu à partir du niveau 6 et d'octroyer plutôt des points
bonis supplémentaires aux candidats obtenant des niveaux supérieurs.
L'arrimage entre les
chercheurs d'emploi et les employeurs est devenu plus difficile dans la plupart
des pays industrialisés. Le chômage persiste
ou fléchit peu, alors que le nombre de postes vacants augmente. Deux facteurs
sont en jeu : l'application des TI et des carences dans l'adéquation
emploi-formation.
S'adapter
à ce nouveau contexte de recrutement n'est pas simple et facile, en particulier
pour les PME. Les coûts de recrutement
des entreprises pourraient exploser. Ainsi, la FCCQ considère que le
recrutement constitue une fonction de gestion
des ressources humaines où l'aide gouvernementale est attendue et pourrait
faire une différence et que cette aide ne devrait pas se limiter au
recrutement des personnes immigrantes pour être efficace.
Le document de
consultation reste muet sur l'arrimage des procédures de sélection et
d'admission entre les gouvernements du
Québec et du Canada alors qu'entrent en vigueur au Canada des changements
majeurs, tant en matière d'immigration permanente que temporaire. Nous y
voyons une situation d'urgence. Et, bien que nous sachions qu'il y a un
dialogue depuis plusieurs mois, même années, avec Mme Maltais à l'époque où elle était
ministre, je pense qu'il est extrêmement important qu'on continue ce
dialogue pour arrimer le plus possible les mesures et les approches.
Le Président (M.
Picard) : Merci, Mme Bertrand.
Mme Bertrand
(Françoise) : Alors, nous sommes prêts à répondre aux questions, M. le
Président.
Le Président (M. Picard) : Je
cède maintenant la parole à Mme la ministre.
Mme Weil : Oui. Alors, bienvenue. Bonjour, Mme Bertrand, M.
Forget, M. Cournoyer. Beaucoup de nouvelles idées ici aussi. Je vois dans votre mémoire, le mémoire de la Fédération
des chambres de commerce, beaucoup de constats. On est vraiment ici pour
écouter les constats. Parce que c'est sûr que, dans le passé, nous, il y a... Évidemment,
au ministère de l'Immigration, on voit des progrès, mais c'est vraiment...
l'important, c'est de regarder maintenant, en 2015, où en sommes-nous? Où est-ce
qu'il y a des problèmes, des obstacles? Qu'est-ce qu'on peut faire pour aller
plus loin? Vous mentionnez une loi qui a besoin d'être dépoussiérée, ça, ça
viendra à la fin de l'année.
J'aimerais
aller sur quelques questions
précises. Ces questions de recrutement, vous êtes le premier groupe à en
parler, je pense qu'il n'y en aura pas
d'autres qui vont en parler, cette problématique, et que, finalement, c'est
devenu très, très difficile, très coûteux,
et peut-être que les PME sont vraiment prises avec un problème, ils ne savent
pas comment s'y prendre, donc
peut-être nous en parler. Puis, dans une perspective où on va amener la
déclaration d'intérêt, est-ce qu'il y a un mariage qui pourrait être
fait entre ces deux phénomènes? Parce que, derrière la déclaration d'intérêt,
il y a cette notion aussi d'amener les entreprises plus en amont du processus
de sélection. Les régions aussi, ça fait partie de la vision qui s'en vient. J'aimerais vous entendre sur ça. Comment on
pourrait rendre le processus plus dynamique avec la déclaration
d'intérêt?
Mme Bertrand (Françoise) : Alors, merci, Mme la ministre, de la question.
Je vais m'en référer à notre
conseiller consultant, qui connaît bien
mieux que nous encore les détails des choses et qui va pouvoir vous éclairer. M
Cournoyer.
M. Cournoyer
(Michel) : Bonjour. Quand on interroge actuellement les employeurs,
autant au Québec qu'à l'étranger, parce que
c'est pratiquement universel, la plupart des employeurs vont hisser les problèmes
de recrutement parmi leurs premières préoccupations, même parmi les préoccupations de développement de marché. Partout, je dirais, dans les pays industrialisés, on observe des difficultés croissantes de
trouver, d'identifier, de sélectionner les bons talents. Ça s'explique en général par au moins trois facteurs,
et le premier, certainement, vous savez tous : le monde du
placement, le monde de la recherche d'emploi
a évolué énormément depuis 15 ans, et ce sont, avant tout, les
téléphones intelligents, les tablettes
qui ont tout changé. Aujourd'hui, on juge... J'ai rencontré quelqu'un
du CEFRIO, là, le CEFRIO au Québec
n'a pas de données exactes, là, mais, dans
certains pays, comme au Royaume-Uni, on juge qu'au-delà de 80 % de l'activité de recherche d'emploi, des individus qui se cherchent
des emplois, se fait par téléphone intelligent. Donc, c'est dire l'importance
d'Internet dans tout ça, c'est énorme.
Que fait un employeur lorsqu'il veut recruter?
Bien, ils ont plusieurs choix : Monster, Workopolis, Jobboom — je m'excuse des noms anglais — il y
a Placement en ligne...
Une voix :LinkedIn.
• (15 h 10) •
M. Cournoyer (Michel) : Il y a LinkedIn,
oui, LinkedIn. Et la première question qu'ils se posent, c'est celle
que je me pose : Quel est mon mot de passe? Non. Bien, enfin, c'est une
boutade, mais c'est tellement complexe, chaque logiciel a ses propres configurations, les mises à jour se font
régulièrement. Et donc on considère que, partout dans le monde, ces nouvelles technologies là, même si
elles ont facilité le recrutement, ont aussi complexifié. La personne-orchestre
dans l'entreprise, qui a à faire le recrutement, doit d'elle-même connaître ces
logiciels-là, les opérer et donc se débrouiller.
On
ajoute à cela un fait important aussi, c'est que, voilà une quinzaine d'années,
envoyer un C.V., bien, il fallait faire une photocopie, il fallait payer
le timbre-poste ou même aller le porter soi-même. Aujourd'hui, envoyer un C.V., un résumé, ça coûte une fraction d'un sou,
ça se fait par Internet. En fait, ça ne coûte plus rien. Et donc ce que
ça a fait, c'est que, dans les banques de données où les employeurs vont
recruter, on a multiplié les candidatures, et donc c'est souvent des logiciels
qui vont faire le tri dans les candidats, et ces logiciels-là, ce n'est pas
nous, ce n'est pas vous, là, ils comportent
des biais. Et puis les recherches démontrent qu'effectivement ces logiciels-là
excluent d'emblée, là, des personnes
qui sont compétentes, du fait de leur
programmation ou du fait qu'on y
entre par mégarde des mots clés qui ne sont
pas les bons ou que des personnes qui ont appris la langue d'une autre façon
ailleurs n'utilisent pas dans son résumé mais qu'on va utiliser, nous,
en utilisant ces logiciels-là. Donc, c'est des méthodes, ils ne sont pas
nécessairement discriminatoires, mais,
compte tenu de l'évolution des technologies, disons que ça devient très
compliqué pour un employeur.
Le
deuxième élément, certainement, là, c'est que, partout dans le monde, on
observe une problématique de ce qu'on
pourrait appeler l'employabilité des diplômés, tu sais, dans le sens :
l'adéquation entre la formation et les exigences du marché du travail. D'ailleurs, il y a une grande firme de consultants
qui a parlé de «mondes parallèles» en
disant que les étudiants, les
enseignants et les recruteurs vivent dans des mondes parallèles. Les étudiants
souhaitent que la formation soit la
moins utilitaire possible et la plus... la moins utilitariste possible et la
plus générale, alors que les employeurs souhaitent que la formation réponde aux besoins du marché du travail immédiats, alors que les
éducateurs, généralement, vont dire qu'ils
forment la meilleure main-d'oeuvre. Tout ça fait qu'il est très difficile de s'y retrouver et de vraiment identifier, sélectionner la bonne
compétence au bon moment.
Ensuite, je dirais
aussi : Il y a des pratiques, tout simplement, qui existent dans chacune
des entreprises pour faire le recrutement.
Comme par exemple, qu'est-ce qu'un employeur fait pour recruter une
main-d'oeuvre? La première chose qu'il va faire, c'est qu'il va
téléphoner à son réseau de contacts. Or, dans une région où on compte très peu
de personnes issues des communautés, il va
être très difficile pour l'employeur d'entrer en contact avec des personnes
qui sont issues de ces communautés-là par le fait même que la première méthode
de recrutement, c'est le contact de bouche à oreille et c'est le contact des
personnes qui oeuvrent déjà dans l'entreprise. Donc, ces pratiques-là, qui ne
sont pas discriminatoires en soi, rendent très difficile, comment dire, la
pleine utilisation du potentiel de la main-d'oeuvre.
Mme Weil : J'ai combien de
temps, M. le Président?
Le Président (M.
Picard) : Sept minutes.
Mme Weil : O.K. Parce que
j'ai deux collègues après moi qui ont des questions. Donc, j'aimerais aller sur
la question d'arrimage et la question
d'urgence. À la page 15, vous dites : «...au-delà des TI, le document
reste muet sur l'arrimage des
procédures de sélection et d'admission», des deux gouvernements, le Canada, le
Québec, et vous parlez de travailleurs
permanents, temporaires. J'aimerais que vous m'expliquiez un peu le problème
que vous voyez au niveau de l'arrimage.
Mais aussi est-ce que vous avez un commentaire à faire sur les procédures,
surtout je parlerais des travailleurs temporaires,
les procédures du Québec, les procédures du Canada? Moi, j'entends souvent ça,
les employeurs qui disent : C'est
trop lourd, c'est trop long. Si vous avez des échos à cet égard... Comment on
pourrait rendre les procédures plus rapides, fluides et rapides?
Mme
Bertrand (Françoise) : Mais
plus elle sera... Woups! Pardon. Plus elle sera numérique, et plus elle
sera harmonisée, et plus ce sera facile.
Parce que, si la démarche est beaucoup trop longue, forcément... comme on parle
de travailleurs temporaires, ça peut être
une bonne solution, mais, comme disait un de mes anciens collègues,
l'opération a été un succès, mais le patient
est mort, d'une certaine façon. Alors, il faut faire très attention. Plus on
aura une harmonisation et plus ce
sera un système qui soit numérisé, plus il y aura un traitement qui soit
sérieux, avec des critères, et exigeant, mais qui soit plus allège.
Mme Weil :
Pour rester dans les perspectives d'avenir dans les nouvelles façons de faire,
comme vous savez, le Programme de
l'expérience québécoise, qui est un programme très intéressant, on le... je
l'ai mentionné ici la semaine dernière.
Pour la Nouvelle-Zélande, 85 % de leur immigration permanente découle de
l'immigration temporaire. Donc, c'est intéressant, c'est des gens déjà
intégrés avec un emploi, bon.
Les étudiants
étrangers, est-ce que vous, vous avez déjà réfléchi comment les entreprises
peuvent avoir un contact avec les étudiants étrangers? C'est un
programme qui connaît, depuis 2010, une croissance intéressante. On pense qu'il y a plus à faire pour les intéresser, mais
même peut-être presque en amont, alors qu'ils choisissent les
formations, alors qu'ils choisissent leur
formation, formation après diplôme, etc. Parce qu'en 20 jours ils ont leur
diplôme. Est-ce que vous avez réfléchi à cette question-là?
Mme
Bertrand (Françoise) : Oui,
nous avons réfléchi à cette question-là, parce que nous étions de ceux,
avec plusieurs autres intervenants, à
l'époque qui pressaient le gouvernement à entrer dans une démarche de
simplification pour les étudiants étrangers. Parce qu'ils ont déjà,
souvent, des copains, ils sont déjà immergés, au fond, dans la culture québécoise
et souvent ont déjà des amours québécoises. Donc, il y a souvent de l'intérêt.
On
s'aperçoit, si on veut regarder les bonnes pratiques, qu'il y a peut-être
l'Australie, mais il y a l'Estrie qui a fait beaucoup pour s'assurer
qu'entre les entreprises et l'université il y avait un dialogue constant, du
speed dating, et qui faisait en sorte que
les besoins... D'ailleurs, les entreprises, quand elles ont des besoins en
main-d'oeuvre, elles vont recruter dans
les universités, et, le jour où c'est facilité pour un étudiant étranger, bien,
forcément, il ne devient pas exclu pour être un candidat fort
intéressant. Alors, je pense que l'exemple de l'Estrie, à bien des égards...
D'abord, une chose qu'il faut dire, ils
connaissent leurs besoins en main-d'oeuvre, ce qu'on appelle la fameuse
information sur le marché du travail est
très bien défini et déterminé en Estrie. Et tout découle de cela, parce que, si
vous ne connaissez pas les besoins de demain et que vous ne connaissez que ceux du passé, bien, inutile de vous dire
que vous chercherez dans les mauvaises talles.
Mme Weil : Bon, là, parce
qu'on n'a pas plus de temps pour parler des nouvelles stratégies qu'on pourrait
adopter, j'aimerais revenir sur le talent qui est déjà ici. On a beaucoup de
groupes qui parlent de ça, la responsabilité partagée
de toute la société, incluant les entreprises, des constats, autant par la
Commission des droits de la personne que d'autres, d'une fermeture, on va de méconnaissance jusqu'à
discrimination, préjugé. Et nous, on vient de créer un... les Français
appellent ça un label, une certification d'employeur remarquable pour la
diversité ethnoculturelle. Vous, vous avez
aussi une reconnaissance, un prix pour l'entreprise qui se démarque à ce
chapitre-là. Avez-vous des constats, des
idées comment la Fédération des chambres de commerce pourrait nous aider, aider
la société civile pour faire en sorte que
les entreprises s'ouvrent à cette diversité, qui est déjà ici, des gens
talentueux, capables de mettre l'épaule à la roue?
Mme Bertrand (Françoise) : Bien, écoutez,
je pense qu'il y a, à l'intérieur du bassin qui est Montréal, la métropole...
Et on me faisait remarquer comment il y avait un congrès dernièrement sur les
questions de travailleurs immigrants, et
c'est alentour des métropoles, c'est partout dans le monde. Donc, il faut
regarder à Montréal qu'est-ce qui fait... ou le Grand Montréal,
qu'est-ce qui fait qu'un immigrant qui est qualifié n'arrive pas à se placer.
Donc, il y a
une responsabilité de l'entreprise à ouvrir ses portes, il faut qu'elle ait le
besoin, et puis la fameuse régionalisation de l'immigration reste
absolument problématique. Il faut penser à des solutions quasi de groupe, parce qu'un immigrant qui a déjà créé un peu de
racines ici, qui s'est trouvé un groupe d'association ici, il ne sera
pas très tenté de partir pour
l'Abitibi — même
moi, là, j'hésiterais, pas parce que je n'aime pas l'Abitibi. Donc, il faut
vraiment que ce soit l'emploi, l'emploi pour
sa conjointe, la facilité d'avoir des rapports avec autrui, donc la communauté
d'accueil a un travail à faire. Les chambres
de commerce ont, souvent par le CAMO, eu des initiatives à cet égard-là, puis
je pense bien que, quand les besoins sont marqués, elles se mettent en
marche, mais, quand c'est isolé, c'est plus difficile.
L'autre chose, c'est
la reconnaissance des compétences. On en parlait tout à l'heure avec
l'intervenant précédent : Est-ce que
les gens ont vraiment les qualifications qu'ils disent avoir au sens québécois
des choses? Et qu'est-ce qu'on fait pour que la passerelle soit la plus
rapide possible? Parce qu'on le sait, c'est vrai aussi pour des Québécois qui sont nés ici :
plus on est écarté du marché du travail, plus on reste écarté du marché du
travail. Donc, il faut mettre le pied
à l'étrier le plus rapidement possible. Et, pour un immigrant qui a déjà des
diplômes, il faut savoir l'intégrer le plus rapidement possible, avec
des passerelles qui soient adaptées et non pas faire refaire toute la roue, qui
décourage la personne, qui nous découragerait, nous aussi.
Alors, oui,
l'entreprise a des choses à faire, il faut qu'elle ouvre, mais, vous savez,
plus il va nous manquer d'employés, plus on
va être ouverts, la nécessité est la mère de tous les besoins, c'est sûr, et de
toutes les solutions. Mais nous, je
peux vous dire que la Fédération des chambres de commerce du Québec, on est
prêt à vous aider, au gouvernement, pour pousser les entreprises à être
plus accueillantes et, les chambres de commerce, les aider dans l'accueil
familial, si on veut.
Le Président (M.
Picard) : Merci. Je cède...
Mme Weil :
Merci beaucoup.
Le Président (M.
Picard) : Oui. Je cède maintenant la parole à M. le député de
Bourget.
• (15 h 20) •
M.
Kotto : Merci, M. le Président. Mme Bertrand, M. Forget, M. Cournoyer, soyez les bienvenus. Merci
pour votre contribution.
Votre fédération,
longue d'expérience, dispose certainement d'un budget de fonctionnement. Quel
est-il?
Mme Bertrand
(Françoise) : La Fédération des chambres de commerce?
M. Kotto :
Oui.
Mme Bertrand
(Françoise) : 4 millions et des poussières.
M. Kotto :
O.K. Et est-ce qu'il dispose également d'un budget de recherche?
Mme Bertrand
(Françoise) : Oui, bien sûr. C'est le budget le plus important à la
fédération, le portefeuille de mon collègue
ici, stratégie et affaires économiques, bien sûr. Plus beaucoup
de bénévolat, dois-je dire, de la part de beaucoup d'entreprises. On a
plus de 400 entreprises qui oeuvrent dans nos 20 comités. Alors, il y a beaucoup
de bénévolat au-delà des sous dépensés.
M. Kotto :
O.K. Mais vous allez garder le montant du budget secret? Le budget de
recherche, j'entends.
Mme Bertrand
(Françoise) : Bien, ce n'est pas secret. Le budget de recherche, les
salaires, c'est au moins... Plus de la
moitié des argents de la fédération sont engagés dans la recherche, la gestion
des comités et puis les contenus que nous moussons, bien sûr.
M. Kotto :
O.K., mais un chiffre derrière ça.
Mme Bertrand
(Françoise) : Bien, si je dis 4 millions, donc c'est au moins 2 millions,
peut-être 2,5, 2,6.
M.
Kotto : 2 millions, O.K.
Je
comprends votre préoccupation relativement aux drapeaux rouges que vous agitez par
rapport aux besoins du marché et en termes
de main-d'oeuvre adaptée de façon tangible à ces besoins. Vous
dénoncez la surqualification — je résume — des
profils qui ne sont pas toujours en phase avec les besoins réels du marché.
Avez-vous, dans votre cercle, travaillé
à énoncer ou à désigner les entreprises, région par région, avec les profils
d'emploi en demande spécifiquement?
Mme Bertrand
(Françoise) : Non, ce n'est pas notre travail. Et, comme on participe de
façon très active à la Commission des partenaires du marché du travail, c'est beaucoup
par cette information-là et ce travail qui est fait. Il est question présentement, la Commission des partenaires du marché du travail, de raffiner...
non, même pas peaufiner, mais raffiner de beaucoup cette situation-là
pour être capable, justement, d'avoir beaucoup plus de cibles précises, et à ça
la Fédération des chambres de commerce est
prête à apporter son apport, parce
que, par le réseau des chambres, on
pourrait, dans le membership de chacune des
chambres locales, être capable de certainement mieux cerner... comme, d'ailleurs,
j'évoquais la réalité de l'Estrie. On sait que la Chambre de commerce de Sherbrooke
a été très active à travailler avec différents intervenants locaux, économiques
et communautaires à identifier ces besoins-là. Donc, ça se fait ailleurs. C'est
possible, c'est certain.
M. Kotto :
O.K. En 2007, de mémoire, au moment de porter les seuils d'immigration à 50 000 immigrants
par année, on projetait un besoin de main-d'oeuvre à hauteur de 700 000.
Et, dans une perspective de 2019... Ça, c'était
pour 2014, 700 000. Pour 2019, c'était 1 400 000. Mais, pour
2014, ce besoin ne s'est pas manifesté concrètement. Sur quoi se
basait-on?
Mme
Bertrand (Françoise) : Bien, j'ai
l'impression qu'on supposait les choses égales, par ailleurs, comme trop
souvent les économistes peuvent faire, à
savoir qu'il y avait une perspective où les gens prendraient leur retraite, le
fameux Liberté 55. Je pense qu'on
s'aperçoit, par certains d'entre nous qui avons les cheveux gris, même s'ils
sont teints — je parle
des miens, évidemment — que Liberté 55 ne s'est pas manifesté comme on l'anticipait.
C'est ce que je peux supposer, tout simplement, hein?
M. Kotto :
O.K. Alors, je reviens sur le besoin d'une immigration massive pour combler les
besoins d'emploi. Ce besoin se fait
de nouveau sentir, plusieurs personnes qui vous ont précédé ici l'ont exprimé,
ce besoin. Par contre, les pays
riches, à l'instar du Japon ou de la Corée du Sud, ont une courbe vertigineuse
de dépeuplement, dis-je, mais ils s'en sortent
dans tous les domaines économiques de façon admirable, sans avoir besoin d'une immigration massive. Pourquoi
nous nous inscrivons, à ce chapitre-là, avec des seuils aussi élevés en termes
d'immigration?
Mme
Bertrand (Françoise) : Bien,
écoutez, je ne crois pas que le Japon ait le même territoire que nous
ayons. Je pense que c'est une autre culture,
et leur situation économique n'est pas si enviable, puisqu'ils font face
présentement à une déflation assez importante.
Des voix : ...
Mme Bertrand (Françoise) : Oui. Alors,
écoutez, je pense qu'aussi le Japon vit en Asie. Nous sommes en Amérique du Nord avec des voisins très
compétitifs. On veut prendre notre place, et les entreprises, on le sait, ne
peuvent vraiment se déployer que dans la mesure où elles demeurent
compétitives, où elles développent des marchés. Et le regard que nous posons est un regard où ce que nous avons comme besoins
aujourd'hui, c'est certes maintenir un niveau universitaire de la main-d'oeuvre mais aussi des besoins techniques et
spécialisés, et on sait que, dans ces métiers-là, de plus en plus, que ce soit à 55, à 60 ou à 62, à un
moment donné, les baby-boomers prennent leur retraite, et nous aurons
besoin de les remplacer. Et donc c'est une question démographique, strictement.
M. Kotto : O.K. Et vous
prenez l'exemple du Japon, mais que diriez-vous de la Corée du Sud aussi?
Mme
Bertrand (Françoise) : Bien,
c'est dans la même Asie. Je veux dire, c'est une autre réalité.
Franchement, je ne suis pas assez compétente au plan des comparaisons à cet
égard-là.
M. Kotto : Soyez assurée, je
fais juste l'avocat du diable, parce que...
Mme Bertrand (Françoise) : Je vois ça, je
vois ça.
M. Kotto :
...j'ai besoin d'information, bien, besoin d'information pour raffermir notre
propre réflexion relativement à ces enjeux-là.
Dans votre
mémoire, il apparaît que les exigences linguistiques bloquent l'entrée...
Comment dire? Vous remettez, en fait, en question les exigences du
français.
Mme Bertrand (Françoise) : C'est
l'exigence absolue d'une maîtrise plus pointue. C'est le niveau 6 versus le niveau 7. On dit : Du moment que nous
sommes avec un appétit pour le français, que je me débrouille déjà... Puis
on l'a vu chez les Latino-Américains, par exemple, qui ont été capables de
faire le passage assez bien. Et peut-être, le 7, ce critère-là, ils ne le passeraient pas. Alors, nous, on dit :
Attention. Ça a été quand même une immigration intéressante que cette immigration-là. Et ne faisons pas du parlant
français plus littéraire, si on veut, la marque nécessaire pour immigrer
au Québec.
M. Kotto : O.K. Bien, vous
êtes au fait que près de 40 % d'immigrants qui arrivent, qui mettent leur
pied au Québec pour la première fois ne
parlent pas un mot de français et que cela vient contribuer... compte tenu de
la mauvaise performance de la francisation, vient gonfler le rang de...
M. Cournoyer (Michel) : Je n'ai pas
connaissance de cette statistique-là. Ce n'est pas en éliminant des candidatures compétentes qui connaissent le
français à un niveau qu'on a accepté pendant des décades qu'on va régler
le problème du 40 % qui ne parle pas le français.
M. Kotto :
Non, mais ça ajoute au problème du recul du français à Montréal, notamment, où
80 % d'immigrants atterrissent, et les régions en paient le prix
quelque part. Si d'aventure les régions pouvaient attirer cette immigration, et encore faudrait-il qu'il y ait une demande
concrète, tangible d'emploi, on serait peut-être sur une autre
configuration de la place du français au Québec.
Mme Bertrand (Françoise) : Bien, écoutez,
notre point n'est pas de dire qu'il ne faut pas faire du français... D'abord, ce n'est pas de remettre en question le
français au Québec, pas du tout. Tout ce qu'on dit, c'est le niveau.
Entre un français complètement maîtrisé puis
un français où je m'y intéresse, j'ai déjà les rudiments, nous pensons que,
lorsque cette démonstration est faite, on peut bâtir avec ces personnes-là de
façon fructueuse.
M.
Kotto : Merci.
Le Président (M.
Picard) : Et je cède maintenant la parole à M. le député de
Borduas.
• (15 h 30) •
M.
Jolin-Barrette : Oui, merci, M. le Président. Bonjour, Mme Bertrand,
M. Forget, M. Cournoyer. Bon après-midi.
Vous avez parlé de
régionalisation de l'immigration, l'importance de faire une adéquation entre
les besoins du marché du travail et les immigrants
en région. Actuellement, on sait que près de 75 % des immigrants
s'établissent dans la grande région de
Montréal. Il y a une difficulté au niveau de la régionalisation. Il y a des
responsabilités partagées au niveau de la société d'accueil. Il y a
certains intervenants qui sont venus nous voir qui ont abordé la question d'une
obligation, à l'immigration, par le biais d'un contrat, d'aller s'établir en
région. Qu'est-ce que vous pensez de cette situation... de cette proposition?
Mme Bertrand (Françoise)
: Nous ne l'avons pas retenue comme solution. Puis on n'est pas là pour... Franchement, pour nous, on pense que la porte, la
clé de voûte, c'est l'emploi, dans la
mesure où il y a
un réel emploi qui soit porteur,
rémunérateur, avec l'accueil qui veut autre chose que de dire : On vous
invite au souper du dimanche, mais tenter
de trouver le bon travail pour le conjoint ou la conjointe, selon. Et puis
aussi, vraiment, une capacité d'accueil de la communauté,
nous pensons que c'est le meilleur contrat qui puisse exister. Ça ne peut pas
être juste le lien avec la personne qui arrive, il faut que ce soit le
lien de la communauté d'accueil, justement. Alors, le contrat ne nous apparaît
pas, à ce moment-ci... là, on n'est pas...
M.
Jolin-Barrette : Vous
abordez le concept de capacité d'accueil. Actuellement, les taux de chômage sont plus élevés chez les
immigrants de cinq ans de résidence et moins. D'un autre côté, vous
dites : Bien, pour répondre au marché du travail, nous devons augmenter les seuils pour pouvoir combler cette main-d'oeuvre. Mais actuellement on n'est même pas capables de réussir à harmoniser... de créer des liens entre les
immigrants qui sont disponibles, prêts au travail, et les offres d'emploi disponibles. Comment vous
réconciliez ça avec votre approche d'augmenter... pour répondre notamment
à la question démographique? Et, en
sous-affirmation, si je peux dire aussi, il y a certaines études aussi
qui démontrent que l'immigration ne changera pas, ou d'une façon
négligeable, l'impact sur la démographie québécoise.
Mme Bertrand
(Françoise) : Je laisse notre conseiller...
M. Cournoyer (Michel) : Ce qu'on peut répondre à ça, c'est de dire que, même si,
du point de vue conjoncturel,
la création d'emplois au Québec a
ralenti — le
graphique est assez éloquent, là, dans le mémoire — il reste que la majeure partie du besoin de main-d'oeuvre au Québec
est due au fait... aux besoins liés au remplacement, et ce remplacement-là n'est pas conjoncturel, là, ce remplacement-là, c'est un besoin permanent, qui arrive quotidiennement et qui se manifeste, là, d'une manière continue.
Donc, ce besoin-là,
on le voit, on l'observe, il est mesurable... On voit, hein, il y a des
régions, là, qui sont actuellement en baisse de population 20-65 ans de 7 %. Ça, c'est des besoins de remplacement qui
sont là actuellement, présents. Paradoxalement, on a des immigrants qui
connaissent le chômage. Ça veut dire quoi? Ça veut dire que les personnes qui sont disponibles ne correspondent
pas et ne sont... Ils ne sont certainement pas au bon endroit, parce que
là on parle... Par exemple, le 7 %, c'est la Gaspésie, les
Îles-de-la-Madeleine. Mais c'est certainement du fait que ces personnes-là ne
répondent pas aux besoins qui sont manifestes dans ces besoins de remplacement
de population là.
Mme Bertrand (Françoise) : Et que nous, nous ne sommes pas prêts, toujours, à donner la formation
appropriée. Je me rappelle très bien d'une
situation en Abitibi, mais ça ne concernait pas les immigrants, mais ce serait la
même chose. Les travailleurs de la forêt perdent leurs emplois, parce
qu'évidemment on sait qu'il y a eu une chute importante de l'activité de la
forêt. Les mines étaient en montée. Et il y avait des ouvriers qui avaient de
la grosse machinerie en forêt qui auraient
pu très bien faire le transfert du côté des mines, mais ils avaient besoin de
la transition. On avait besoin que l'école secondaire ou le cégep se
mettent ensemble, donnent une formation d'appoint. Alors, nous nous sommes mis ensemble. Il y avait les chambres de commerce
concernées, il y avait le ministère de l'Emploi, le ministère de
l'Immigration n'était pas là, mais il aurait
pu, s'il avait été... et avec l'Éducation, et on a trouvé une solution, et on
pu, donc, aider ces travailleurs-là à retrouver des emplois de valeur.
Alors, chez les
immigrants, c'est la même chose. Il faut, si la possibilité de la
reconnaissance exacte de leurs compétences ne se fait pas facilement, bien,
peut-être les aider à transiter vers un travail rémunérateur, valorisant et qui
corresponde aux besoins du marché du travail tels qu'on les connaît pour les
prochaines années.
M.
Jolin-Barrette : À la page 18 de votre mémoire, au troisième
paragraphe, vous indiquez que vous remarquez que «l'immigration est de
moins en moins diversifiée alors que la crise mondiale des talents continue de
s'aggraver». Pouvez-vous définir cette affirmation-là?
Mme Bertrand
(Françoise) : Bien, écoutez... Michel, oui, c'est...
M. Cournoyer (Michel) : La crise mondiale des talents, ce n'est pas une
invention locale, là, ça vient des analyses des grandes institutions
internationales qui constatent qu'à l'échelle des pays industrialisés, à tout
le moins, il y a une compétition féroce pour le recrutement des compétences à
travers le monde.
M.
Jolin-Barrette : Diversification?
M.
Cournoyer (Michel) : Au niveau de la diversification, le graphique traite strictement, là, des données
qu'on retrouve dans le recueil, et ce qu'on
a fait, c'est qu'on a additionné, pour la période précédente et la période la
plus récente, la part des cinq pays les plus importants dans l'immigration
au Québec, et puis on s'est aperçu que cette part-là était grandissante. Donc, les cinq premiers pays
accaparent une partie de plus en plus importante de l'immigration, et, si on le fait à une plus grande échelle, les 15 principaux pays accaparent une partie plus grande de l'immigration. En
d'autres termes, on concentre l'immigration vers un plus petit nombre de
pays selon cette manière-là de voir les choses.
M. Jolin-Barrette : Et quelle est la
position de la fédération à cet égard?
M. Cournoyer (Michel) : Lorsqu'on a
une compétition accrue, d'une part, et que, par ailleurs, on a aussi des personnes à l'étranger qui souhaitent... et sont
de plus en plus mobiles, il me semble que ça va de soi qu'on élargit son
bassin de recrutement.
Mme
Bertrand (Françoise) : Ce
qui veut dire qu'il faut faire des efforts de rejoindre ces clientèles-là,
c'est sûr, mais toujours en gardant l'importance de notre spécificité,
il va sans dire.
Le Président (M. Picard) :
Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de Mercier.
M. Khadir : Merci. Messieurs, madame,
bienvenue. Mme Bertrand, à ma connaissance, vous êtes la première à avoir la candeur de reconnaître que l'amour
pouvait avoir un rôle dans l'immigration. Donc, en fait, on pourrait peut-être
penser à engager Cupidon comme agent d'immigration, ou quelque chose comme ça.
Mais, pour revenir à des choses plus sérieuses,
vous avez dit d'emblée, et je pense que c'est un élément aussi important de votre mémoire, que le succès de
l'intégration va venir du succès économique, l'emploi, bon, etc., la
croissance. Or, tout récemment, on a eu
quand même des données très importantes sur les États-Unis et l'Europe. Aux
États-Unis, où le président Obama a
pratiqué une politique de relance de l'emploi, d'investissements majeurs dans
plusieurs secteurs, par l'État, l'économie va mieux, l'emploi est en
croissance, le chômage est à la baisse.
Mme Bertrand (Françoise) : ...les
gaz de shale aussi.
M. Khadir : Oui, mais c'est un... Il n'y a
aucun observateur sérieux qui y a fait allusion. Là, les gaz de shale et
tout ça, c'est un facteur incident, mais personne de sérieux, personne de
sérieux n'a mentionné ça comme élément.
Par contre, en Europe, ça fait déjà depuis
longtemps... mais depuis la crise de 2007, les politiques de rigueur budgétaire et les politiques d'austérité sont
pratiquées de manière presque religieuse, avec des conséquences
catastrophiques sur des économies qui sont
en stagnation, en récession, d'énormes problèmes de chômage, avec l'aggravation
de tous les problèmes d'intégration de
l'immigration qui sont flagrants en Europe. Donc, je me demande très
candidement : Est-ce que, conséquemment
à votre analyse, vous ne devriez pas appeler les gouvernements du Canada et du Québec à abandonner les politiques de rigueur budgétaire
et d'austérité et de penser à l'investissement et au soutien à l'emploi?
Mme
Bertrand (Françoise) :
Alors, je vais m'abstenir du commentaire
politique, mais je vais dire, M. le député...
M. Khadir : Non, mais non, ce
n'est pas politique...
Mme Bertrand (Françoise) : Non, non.
M. Khadir : ...c'est tout à
fait logique.
Mme Bertrand (Françoise) : Mais,
pour nous, il est important de redresser les finances publiques, puis on appuie
les gouvernements qui, un à la suite de l'autre, recherchent la lutte contre le
déficit budgétaire. Ça, on est d'accord. Maintenant...
M. Khadir : Ça pourrait être
par une contribution plus grande des entreprises.
Mme Bertrand (Françoise) : Oui,
voilà.
M. Khadir : Plus d'impôt des
entreprises.
Mme
Bertrand (Françoise) : Mais
on se tourne vers les entreprises, et il faut qu'il y ait des investissements,
du côté de l'entreprise privée, qui soient vers une recherche de meilleure
productivité, meilleure compétitivité...
M. Khadir : Ou plus d'impôt à
l'État.
Mme Bertrand (Françoise) : ...et
avec des emplois supérieurs.
M.
Khadir : Bien oui,
bien oui. Non, non, mais vous demandez à l'État de franciser mieux,
d'accompagner mieux, de régionaliser.
Tout ça, ça coûte de l'argent. Vous dites : Éducation, transition. Ça
coûte de l'argent. Là, l'État dit : Je n'ai pas d'argent. La classe moyenne est déjà étranglée, les moyennes et
petites entreprises sont étranglées par l'impôt. Et les grandes entreprises encaissent d'énormes
économies, il y en a pour 600 milliards, dans leurs coffres, qu'ils
n'investissent pas. Alors, peut-être que les chambres de commerce pourraient
nous accompagner pour...
Mme Bertrand (Françoise) : M. le
député, nous sommes d'accord sur une chose : il y a des capitaux, et l'entreprise privée doit investir davantage. Et un
contexte économique avec des finances publiques saines permettra, nous l'espérons, puis c'est à ça que nous travaillons,
de relancer l'investissement dans le secteur privé. C'est absolument important.
• (15 h 40) •
M. Khadir : L'intervenant précédent a mentionné le problème particulier rencontré par les immigrants maghrébins qui ont de hauts niveaux de diplomation, possèdent
le français, mais, quand ils cognent à la porte des grandes entreprises,
comme les grandes entreprises ont besoin que
les gens soient bilingues — puis je suis capable de le reconnaître — bien,
ils sont discriminés à l'emploi, bien, malgré le français, malgré les diplômes.
Est-ce que les entreprises, les grandes, ne pourraient
pas faire quelque chose, au lieu que ce soit tout le temps l'État, là? On dit,
hein : Il faut encourager l'initiative privée. Alors, pourquoi les grandes entreprises n'aident pas en les
anglicisant, en investissant dans l'anglicisation de ses meilleures
compétences, des gens bien diplômés?
Mme Bertrand (Françoise) : C'est une
bonne suggestion, M. le député.
M. Khadir : O.K., ça va se
retrouver...
Le Président (M. Picard) :
Merci, Mme Bertrand, M. Forget et M. Cournoyer.
Et je suspends quelques instants pour permettre
au prochain groupe de prendre place.
(Suspension de la séance à 15 h 41)
(Reprise à 15 h 44)
Le
Président (M. Picard) :
Nous reprenons nos travaux en recevant les représentants de la Table de
concertation des organismes au service des
personnes réfugiées et immigrantes. Vous disposez de 10 minutes. Je vous
demanderais de présenter les gens, et après ça il va y avoir un échange avec
les parlementaires. Donc, allez-y.
Table de concertation
des organismes au service des
personnes réfugiées et immigrantes (TCRI)
M.
Reichhold(Stephan) :
Merci, M. le Président. Mme la
ministre, MM. et Mmes les députés. Merci beaucoup pour cette invitation.
Ça nous fait plaisir d'être ici.
Alors, je présente, sur ma gauche, Marie-Claire
Rufagari, qui est membre du C.A. de la TCRI; Eva Lopez, également membre du C.A.; et José Maria Ramirez. Donc, moi-même, je
m'appelle Stephan Reichhold. Je suis le directeur de la Table de concertation des organismes au
service des personnes réfugiées et immigrantes, qui regroupe une centaine
d'organismes communautaires qui oeuvrent auprès des personnes réfugiées,
immigrantes et sans statut au Québec.
Alors, avant
d'entrer dans le vif du sujet, soit les grands principes énoncés dans la
proposition, nous souhaitons souligner
deux éléments qui n'ont pas vraiment encore été abordés, débattus pour
l'instant à la commission : la question du rôle et de la
reconnaissance des organismes communautaires du secteur de l'immigration et de
l'intégration — et
d'ailleurs nous soulignons aussi l'absence... qu'il n'y ait aucun organisme
d'accueil de Montréal, de la grande région de
Montréal, qui ait été invité à la commission nous questionne beaucoup — et, deuxièmement, le cadre financier
dans lequel se joue l'intégration et la francisation au Québec, qui, pour nous,
est important aussi.
Alors, les
organismes communautaires sont des importants joueurs à l'égard de l'accueil,
et de l'accompagnement, et de l'intégration socioéconomique des nouveaux
arrivants. Les organismes de la TCRI sont également le principal partenaire du ministère de l'Immigration en termes
de déploiement de services directs en intégration et en francisation.
Des dizaines de milliers de nouveaux
arrivants s'adressent quotidiennement... enfin pas quotidiennement, en fait
durant l'année, aux organismes de notre réseau pour obtenir des
services. D'ailleurs, on souligne que le taux de fréquentation est d'ailleurs en hausse année après année.
Actuellement, on évalue... à peu près 50 000 personnes qui fréquentent,
par année, le réseau des organismes,
ce qui fait quand même beaucoup de monde, et c'est des personnes, donc, qui
viennent chercher du soutien et de l'accompagnement.
Nous
constatons cependant, dans... le document de consultation fait très peu mention
de cette réalité du rôle des organismes communautaires dans les efforts
et l'expertise déployés pour l'intégration des nouveaux arrivants, alors que tout porte à croire, selon ce qu'on entend et
nos discussions avec nos vis-à-vis, que le gouvernement prévoit
poursuivre cette voie et préconise le modèle
de l'intervention des organismes communautaires en première ligne. Je ne pense
pas que ce soit remis en cause, sauf si vous
l'annoncez aujourd'hui, et donc nous, nous sommes plutôt optimistes par rapport
à ça.
Pour le cadre financier, je reviens à
septembre 2011. Lorsque nous étions ici avec vous, Mme la ministre, vous vous souviendrez probablement, les niveaux
d'immigration en 2011, on était beaucoup plus nombreux à l'époque à cette commission, mais nous tenions plus ou moins les mêmes
propos qu'aujourd'hui. Comment les choses ont-elles évolué depuis 2011, donc depuis quatre ans? Le budget du ministère de
l'Immigration a été amputé de 7 millions de dollars, le budget dédié du ministère à l'action
communautaire a perdu environ 2 millions de dollars, sur 18 millions,
alors que la compensation fédérale
pour l'intégration et la francisation est passée de 283 millions à
320 millions, c'est-à-dire, depuis 2011, il y a 37 millions de
plus quelque part qu'on n'a jamais vus.
Alors, nous
nous questionnons bien sûr sur le cadre financier qui accompagnera le nouvel
énoncé de politique et le plan
d'action et de mesures. Donc, sur ça, nous recommandons vraiment vivement que
l'énoncé et le plan d'action soient accompagnés
d'une refonte du cadre financier, notamment les ententes avec les autres
ministères qui, pour nous... tout le travail
interministériel, pour nous, est la clé, je pense, de toutes les discussions
qui se font ici au niveau de l'intégration.
Sur ça, je passe la parole, parce qu'on a juste
10 minutes. Il reste six minutes, à peu près? Cinq minutes?
Le Président (M. Picard) : Il
reste six minutes.
M. Reichhold
(Stephan) : Oui, c'est bon. Alors,
Marie-Claire.
• (15 h 50) •
Mme Rufagari (Marie-Claire) : Nous
sommes très heureux d'être ici, et en plus de parler de l'inclusion, et de parler aussi de responsabilité partagée. Moi,
je travaille beaucoup au niveau du terrain, au niveau des pratiques et
de la formation, et un des défis qu'on
entend sur le terrain, que ce soient des intervenants du communautaire et des
autres milieux institutionnels, c'est
le peu et le manque de préparation de la société d'accueil face aux changements
qu'apportent les nouvelles réalités.
Et un des constats, c'est que tous les milieux qui n'ont pas adapté leurs
pratiques, malheureusement, excluent. Sans adaptation des pratiques, il
est très difficile de parler réellement d'accessibilité de ressources.
Alors, au
niveau de l'inclusion, ça veut dire qu'une des recommandations essentielles,
c'est que la question de la diversité, de l'immigration, du refuge et de
l'interculturel se retrouve dans nos politiques, dans nos programmes, dans nos équipes, dans nos organisations. Parce
qu'en fait, si je regarde les questionnements qui viennent du terrain,
nous tous qui sommes ici, nous sommes des
citoyens avant d'être au niveau professionnel. Et c'est intéressant de voir que
les citoyens ont beaucoup de questions sur l'immigration qu'ils n'ont
jamais l'opportunité de poser, et les immigrants ont beaucoup de questions sur le Québec et les Québécois qu'ils
aimeraient poser mais qu'ils n'ont pas l'occasion de poser. Et, pour un
souci d'efficacité, nous avons eu des projets qui ont fait leurs preuves. Le jumelage
interculturel, qui a été financé à l'époque
et qui a cessé d'être financé, est une réponse incroyable. Et je pense que ce
serait intéressant aussi que tout ce qui a été fait soit documenté et
partagé avec d'autres milieux. Alors, la question des... l'approche
interculturelle — qu'on
reviendra peut-être au niveau des questions — fait
ses preuves sur le terrain et gagnerait à être partagée dans d'autres milieux.
Je laisserai ma collègue parler de la question
de l'emploi.
Mme Lopez (Eva) : Bonjour à tous.
Et, bon, je suis très contente de vous annoncer des bonnes nouvelles concernant nos réseaux à la TCRI, parce qu'on entend parler comme s'il n'y aurait
rien qui se fait en régionalisation de l'immigration ou rien qui se fait
pour accompagner les immigrants en employabilité avec une approche spécifique à
leur situation, et la bonne nouvelle, c'est qu'on a deux réseaux, au Québec,
qui travaillent dans ce champ d'activité : premièrement, la régionalisation de l'immigration et, deuxièmement, l'employabilité
adaptée pour la réalité des immigrants. Alors, pour ne rien perdre, je
vais vous lire un court texte, et ouvrez bien vos oreilles, s'il vous plaît.
Bon. Alors,
commençons par le Réseau des organismes de régionalisation de l'immigration du
Québec, que nous allons nommer le
RORIQ. Depuis 17 ans, le Québec s'est doté d'un ensemble d'organismes pour
faciliter la régionalisation de
l'immigration : 19 organismes représentant 11 régions du Québec
et quatre organismes à Montréal comme porte d'entrée pour la régionalisation. Avec le temps, ces
23 organismes se sont regroupés, formant ainsi le RORIQ. Plusieurs
organismes RORIQ sont impliqués en régionalisation depuis 1998, soit depuis le
début. Ces organismes travaillent de concert à l'atteinte d'un objectif clair : faciliter les projets de vie et
l'emploi des personnes immigrantes dans les régions du Québec.
Étant des pionniers de la régionalisation de
l'immigration, l'expertise développée par nos organismes est concluante et a fait ses preuves. Le RORIQ
s'appuie sur des intervenants expérimentés travaillant en réseau pour
installer durablement près de
1 200 personnes immigrantes par année dans les territoires concernés.
Au cours des cinq dernières années, la mission et les pratiques du RORIQ
ont porté fruit. Nous avons fait le démarchage de 31 536 immigrants
et organisé 11 092 séjours de
prospection. Nous permettons ainsi l'établissement de
6 000 immigrants et 3 254 emplois, avec des
retombées économiques de plus de 114 millions de dollars pour toutes nos
régions concernées. Nos organismes ciblent
une régionalisation responsable et durable pour les familles immigrantes. Parmi
nos actions communes, le RORIQ organise un pavillon de régionalisation
depuis quatre ans à Montréal sous le thème Un emploi, un projet de vie.
Et maintenant, en parlant d'emploi, le Réseau
national des organismes spécialisés dans l'intégration en emploi des nouveaux
immigrants, le ROSINI, un deuxième volet de la TCRI, regroupe une vingtaine
d'organismes partageant une approche spécifique à visée systémique et offrant
des services spécialisés en emploi spécifiquement conçus pour les immigrants, et ce, depuis 20 ans. Le ROSINI vise à
faire reconnaître la spécificité de la situation et des besoins des immigrants. Il fait la promotion de ce
bassin de main-d'oeuvre auprès des employeurs et partenaires sociaux.
L'approche
ROSINI est issue de réflexions, recherches et actions en employabilité qui
permettent le perfectionnement et le
renouvellement des méthodes d'intervention efficaces. Le ROSINI a développé une
intervention spécifique basée sur l'approche
interculturelle adaptée au contexte de l'intégration en emploi. Cette
spécificité repose sur la compréhension du processus migratoire, des chocs identitaires et de la complexité des
situations auxquelles doivent faire face les intervenants en employabilité. L'approche interculturelle ne
focalise pas son action uniquement sur l'immigrant, mais elle reconnaît
la subjectivité de l'intervenant aussi. C'est tout.
Le
Président (M. Picard) : Je cède maintenant la parole à Mme la
ministre.
Mme Weil :
Oui. Bonjour, M. Reichhold et Mme Lopez, M. Ramirez et Mme Rufagari. Bienvenue.
Je pense que c'est
cinq ou six organismes membres de la TCRI qu'on a entendus la semaine dernière,
autant de modèles extraordinaires, beaucoup en région, très dynamiques, des
approches innovantes, et on avait vraiment l'impression
que chaque organisme était adapté à son milieu, avait créé des partenariats.
Donc, beaucoup de matières
qu'on a trouvées... en tout cas, moi, j'ai trouvé beaucoup de matières pour
réflexion.
Et
ce que moi, j'ai apprécié, ce n'est pas nécessairement, comment dire...
C'est sur mesure, c'est des approches, on dirait... puis j'aimerais vous
entendre là-dessus, c'est des approches sur mesure, dépendant des défis,
dépendant des partenaires dans chaque
région, donc une certaine innovation, certains... je pense
à SITO, l'innovation dans l'accompagnement à l'emploi. Et évidemment,
j'imagine, souvent c'est par rapport aux forces vives, les municipalités, le
rôle que jouent les municipalités.
Donc,
ce serait intéressant d'avoir votre perspective là-dessus,
par rapport à l'approche interculturelle, parce qu'une des questions que je pose,
c'est concernant ce modèle unique d'accueil et d'intégration, la question
est : Est-ce qu'il faut aller plus loin, mieux le définir, le formaliser?,
et votre expérience très, très concrète par rapport à ce modèle.
Et
on l'a beaucoup entendu mais sans que ce soit nommé en tant que tel, mais dans
la description de leur façon d'amener
les gens à intégrer la communauté, et, en faisant ça, j'aimerais aussi savoir
comment va le programme premières démarches
d'intégration depuis que vous l'avez assumé, comment vous voyez ça dans la
continuité que vous avez avec la personne immigrante.
Mme Rufagari (Marie-Claire) : Alors, au niveau de l'approche interculturelle,
c'est une approche qui, dès le départ,
met l'accent sur l'interaction. C'est pour ça que la responsabilité partagée,
nous, nous parle énormément. Ça veut dire,
en fait, et c'est un de nos chercheurs et formateurs qui l'a nommé : dans
le processus migratoire, l'immigrant a à s'adapter, mais la société qui l'accueille a à l'intégrer. Quelque part,
en fait, on tient compte des acteurs en présence, des contextes, et de
faciliter l'interaction.
Le
rôle de facilitateur, quand il n'est pas joué, pour du monde qui n'ont pas les
mêmes repères, on se retrouve avec des
défis au niveau des collaborations, au niveau d'intégration et au niveau de
participation. Alors, ce qui est intéressant, c'est qu'aujourd'hui, le
milieu de l'éducation, la collaboration avec le milieu communautaire a donné
lieu à des facilitateurs et des médiateurs.
Je parlais récemment avec des gestionnaires qui nous disaient comment les défis
dans le milieu scolaire sont en train d'être résolus grâce à la
collaboration et la participation, et ils ne jurent que par ça.
Non
seulement ça, ce qu'on remarque, en fait, c'est que, qu'on soit en santé, qu'on
soit en emploi, qu'on soit en éducation ou qu'on soit dans d'autres
réseaux communautaires qui ne touchent pas les questions d'immigration, les nouveaux paramètres, si on n'en tient pas compte,
on se retrouve avec des défis au niveau de nos évaluations et au niveau
des plans d'intervention. Donc, ça veut dire que, d'une certaine manière...
Vous avez parlé de l'innovation, et là c'est intéressant. Toutes les pratiques
adaptées nous renseignent sur une chose : est-ce que ça va permettre aux
cadres en présence, donc le contexte dans
lequel les interactions se passent, d'élargir, donc de toucher à la question de
l'exclusion, et on nous dit que même les pratiques adaptées deviennent des
réponses pour les Québécois qui sont en situation de vulnérabilité ou de pauvreté. Donc, quelque part, adapter n'est pas
seulement une réponse pour ceux qui arrivent, mais aussi pour ceux qui
accueillent, et c'est un rendez-vous pour des innovations, effectivement,
incroyables.
Mais
le défi qu'on a, et c'est ça qui est important à voir, c'est que beaucoup de
pratiques novatrices sur le terrain ne sont
pas nécessairement toutes documentées. On gagnerait à les documenter et à les
partager, sinon on est condamnés à refaire
la roue. Comme disait Stephan, il y a des choses, je pense, qui existent depuis
35 ans, à peu près, et qui quelque part se perdent parce qu'on ne
les a pas documentées ni partagées.
Tout
à l'heure, j'entendais nos prédécesseurs parler de l'emploi — je laisserai ma collègue en parler — moi, j'ai eu l'occasion d'être sur un même panel avec un consultant qui, lui,
travaille beaucoup au niveau de l'employabilité, il nous disait que le premier employeur au Québec, ce sont
nos PME, et elles n'ont pas été préparées face à la diversité. Donc, il y a un
bassin incroyable prêt à travailler et... Le Québec n'a jamais accueilli autant
de francophones, et très scolarisés, on peut se poser la question au niveau des défis, au niveau de les intégrer. Et
je pense que les employeurs se retrouvent exactement dans la même
situation que les autres acteurs.
Comme
citoyen, si la préparation est déficitaire, on se retrouve avec un terreau
fertile au niveau des préjugés et des
stéréotypes et qui est exponentiel au niveau de la xénophobie, au niveau de
l'islamophobie et de la discrimination. Et je pense qu'en termes... l'approche interculturelle est une approche qui
nous permet de travailler sur ces différentes dimensions.
• (16 heures) •
M. Reichhold
(Stephan) : Pour une première démarche d'intégration, je peux dire
que, globalement, ça va assez bien. Je pense
que c'est un grand succès, je pense qu'il y a eu une croissance depuis trois
ans maintenant, et c'est, comme on le dit, la porte
d'entrée pour beaucoup de nouveaux arrivants. Ce qu'on constate, malheureusement,
ce qu'il y a un peu... tout le système
de référence est un peu défaillant. En fait, on échappe quand même
beaucoup de monde. Et aussi, tout l'arrimage entre
la première démarche d'immigration et objectif intégration, là, qui sont censés...
aussi il y a des problèmes d'arrimage. Ça arrive assez fréquemment que les gens
débarquent objectif intégration, alors qu'ils n'ont pas participé à PDI, parce qu'on ne les a pas référés. Donc, ça fait
quelques mois qu'on demande au ministère de pouvoir s'asseoir pour pouvoir discuter de ça. Bon, pour l'instant, on
attend toujours d'avoir une rencontre pour pouvoir, disons, arrimer les
choses, mais globalement je pense que ça apporte beaucoup de gains. En fait,
cette mesure-là aide énormément, oui.
Mme
Weil : C'est ça, j'aimerais parler vraiment dans l'objectif
politique, comme orientation politique. Parce qu'à l'époque il y avait un débat là-dessus :
Est-ce que c'est l'État qui devrait maintenir cette fonction? Mais l'autre
vision, c'était un peu plus comme on voit
ailleurs, dans d'autres pays, où c'est plus la collectivité par l'entremise des
organismes communautaires qui travaillent
sur le terrain, qui sont capables de faire le suivi. Donc, c'était de voir
votre perspective plus... Ce n'est
pas philosophique, là, mais, dans la pratique, est-ce que c'est une meilleure
pratique parce qu'il y a cette continuité avec tous les autres acteurs
dans cette collectivité?
M. Reichhold (Stephan) : C'est sûr
que c'est un outil de plus dans la boîte à outils des organismes. Donc, la plupart des organismes qui offrent le PDI,
premières démarches d'intégration, en fait, offrent l'ensemble des
services. Donc, ils passent d'un service,
ensuite, à l'autre. Donc, ils évoluent dans les différentes étapes, jusqu'à
l'accompagnement au niveau de l'emploi, ou s'il faut renforcer la francisation,
ou s'il y a des difficultés avec les enfants à l'école, ou s'il y a besoin d'une halte-garderie pour pouvoir
participer à des activités. Donc, tout ça est dans l'organisme. Donc,
c'est sûr que c'est beaucoup plus efficace que précédemment.
Mme Weil :
D'accord, très bien. J'ai participé à la conférence, où j'ai fait l'allocution
d'ouverture, Voies vers la prospérité — certains d'entre vous, je
pense, étaient là — où
vous partagez les meilleures pratiques, hein, je pense, à travers le Canada.
Est-ce qu'il y a des idées intéressantes qui ont surgi lors de cette
conférence? Est-ce qu'il y a des différences
dans l'approche? Est-ce qu'il y a des... Je sais que le Québec fait bonne
figure, c'est ce que j'ai compris, comparé à des organismes ailleurs,
c'est ce que j'avais compris. Mais peut-être nous en parler, cette comparaison.
Parce qu'on cherche évidemment, dans cette nouvelle politique, de nouvelles
actions.
Mme Lopez
(Eva) : Je dirais que nous,
en tant que province d'accueil, de régionalisation... Parce que, dans
cette conférence, la préoccupation majeure,
au niveau canadien, c'est vraiment l'occupation du territoire, comment attirer
les immigrants vers des centres plus... des
petits milieux, au lieu de les concentrer directement dans les grands centres.
Partout au Canada, c'est la même
problématique. Et je crois qu'on doit se féliciter, au Québec, d'avoir des
pratiques vraiment avant-gardistes par rapport à la régionalisation de
l'immigration, et, en effet, le Québec sert d'inspiration à plusieurs initiatives qui voient le jour dans différentes
régions éloignées des grands centres. Alors, on a de quoi être fiers,
effectivement, et dire qu'il y a un réseau d'organismes de régionalisation de
l'immigration qui fait un peu l'envie de d'autres réseaux partout au Canada.
Mais c'est
une préoccupation globale. Tout le monde veut avoir des immigrants et des
nouveaux employés pour leurs régions
respectives, mais le défi est grand. Je dirais qu'on a beaucoup d'avance par
rapport à d'autres régions au Canada,
et c'est de là l'importance d'enrichir cette expertise et de la préserver.
Parce que les réseaux d'organismes de régionalisation du Québec sont
dotés de l'expertise nécessaire pour accompagner les employeurs et les
communautés différentes, les différents
milieux, pour que la régionalisation de l'immigration, pour que l'immigration
est possible partout, dans le territoire québécois, où il y a un terrain
fertile à les accueillir.
Mme Weil :
Le nouveau système, éventuel, de déclaration
d'intérêt, on en parle beaucoup, et d'ailleurs
avec la Fédération des chambres de
commerce, des acteurs économiques. Évidemment, ça prend de l'emploi dans une région, ça prend du développement
économique, et j'ai l'impression que,
lorsque... Depuis des années, on parle de régionalisation de
l'immigration comme quelque chose d'assez abstrait, finalement, qui n'est pas
très connecté à la réalité, qu'il faut qu'il
y ait des pénuries et des besoins, et que les entreprises s'ouvrent à la
diversité, et qu'on fasse un genre de... On a parlé de speed dating, bon, c'est ça qu'il faut faire, mais que souvent
les compétences, comment dire... la formation n'est pas là si l'immigrant a besoin d'une formation
additionnelle, donc les cégeps, les universités, tout le rôle de ce milieu-là.
Vous, comment vous voyez ça avec ce nouveau système, éventuellement, de
déclaration d'intérêt? On aura l'occasion de voir
comment il va se faire au niveau du Canada, mais d'autres sociétés qui l'ont,
pour avoir un meilleur arrimage plus rapide entre le candidat à
l'immigration et les entreprises. Comment vous voyez ça?
Mme Lopez
(Eva) : Personnellement, je crois qu'une déclaration d'intérêt doit être attachée à quelque chose de très intéressant. Si on parle de régionalisation de l'immigration,
ce n'est pas un secret que c'est l'emploi le moteur mobilisateur pour la régionalisation. S'il n'y a pas d'emploi,
on perd notre temps. Et le rôle de nos organismes RORIQ, c'est vraiment préparer le terrain, et on les prépare très bien.
Pour arriver à placer 1 200 personnes par année, c'est parce qu'on
fonctionne adéquatement. Malheureusement, on
n'a pas les milieux... bien, la réponse directe au complet de la part des
employeurs qui ne sont pas préparés. Mais un grand nombre d'employeurs se préparent
vraiment à accepter l'immigration comme une avenue qui résout leurs problèmes
démographiques et leur manque d'employés.
Alors, une déclaration d'intérêt qui est
attachée aux vrais besoins des entreprises des régions et qui s'ajuste aux intérêts des personnes immigrantes, je crois
qu'elle devrait être travaillée, mais toujours en respectant l'intérêt et
les capacités de la personne immigrante à
répondre aux besoins qui sont représentés un peu partout sur le territoire
québécois. Cependant, il faut ne pas négliger l'aspect accompagnement. Parce
que les organismes RORIQ non seulement vont aller
recruter la personne immigrante à Montréal ou vont l'accueillir directement de
son pays, mais on va préparer le milieu,
et on travaille étroitement avec les différents acteurs dans chaque localité
pour favoriser l'accueil, l'intégration d'immigrants.
Mme Weil : Mais je vous
remercie, parce que je pense que le temps est écoulé.
Le Président (M. Picard) : Il
reste une minute.
Mme Weil : Une minute. Bien, vous parlez de contrer
l'intolérance, les préjugés, la discrimination. C'est important dans votre mémoire. On a beaucoup parlé de ça aussi. Que pensez-vous? Souvent, là,
on répète : Bon, l'éducation
quant à la Charte des droits et libertés. La
Commission des droits de la personne
en parle. Beaucoup de groupes disent : Ça prend une meilleure
éducation des droits et aussi une campagne de sensibilisation pour valoriser la
diversité puis que les gens... démystifier autant pour les entreprises mais que
tous les acteurs de la société civile. Et on parle aussi de l'importance des
milieux scolaires. Avez-vous un commentaire?
M. Ramirez (José
Maria) : Oui. M. le Président, c'est très intéressant, la question, et
je trouve que c'est très important, ce qu'on
fait en ce moment, parce que c'est l'occasion de pouvoir améliorer ce qui a été
déjà fait. Et je pense que, si ce qui
a été déjà fait, ça aurait marché comme il faut, aujourd'hui, au lieu d'y
réfléchir, à comment est-ce qu'on fait, on serait en train de fêter ce
qu'on a bien fait.
Alors,
le problème de dénatalité et de déficit démographique, c'est un problème
social. Mais l'angle pour lequel on veut attaquer, c'est presque
économique tout le temps, on parle d'emploi, on parle de problèmes économiques,
mais, quand on fait venir un immigrant, on
fait venir un nouveau citoyen qui seulement... Oui, il a besoin de travailler,
mais il a d'autres besoins sociaux aussi, et
on ne prépare pas la société d'accueil à le recevoir. Le nouvel immigrant
n'arrive pas dans un désert à tout bâtir tout seul. Mais la grande
responsabilité d'intégration, quand on voit tous les programmes, c'est porté seulement sur les épaules de la personne
immigrante. Malheureusement, la société québécoise, la société
d'accueil, a été exclue de ce travail
d'intégration depuis 2003, quand on a éliminé le programme de jumelage
interculturel. Je ne sais pas si vous
savez c'est quoi, ce programme-là, ce programme permettait à une personne
québécoise de se jumeler pendant une année avec un nouvel immigrant pour
l'accompagner dans toute son intégration, à tous les niveaux : emploi,
société, études, les milieux...
• (16 h 10) •
Le Président (M.
Picard) : M. Ramirez, je dois céder la parole à M. le député de
Bourget.
M. Kotto :
Merci, M. le Président. Mesdames messieurs, soyez les bienvenus.
M. Khadir :
...est-ce que je peux offrir une partie de mon temps à M. Ramirez pour qu'il
complète...
Le Président (M.
Picard) : Il n'y a pas de problème, M. le député de Mercier.
M. Khadir :
...pour qu'il complète son... avec la permission...
Le Président (M.
Picard) : Est-ce que je peux passer à la réponse, puis on va...
M. Kotto :
Il y a consentement, pour nous.
M.
Ramirez (José Maria) :
Alors, j'aimerais juste conclure en disant qu'on a besoin d'inclure la société d'accueil dans cette responsabilité
d'intégration des nouveaux immigrants, parce qu'un nouvel immigrant, ce n'est
pas juste un acteur économique, c'est un
acteur social, c'est un nouveau citoyen qu'il faut qu'il développe un sentiment
d'appartenance. Malheureusement, on ne fait absolument rien pour que le nouvel
immigrant développe un sentiment d'appartenance à cette société.
Tantôt, on a fait une petite blague, si les
exigences, au niveau du français, à mon époque seraient celles d'aujourd'hui,
aujourd'hui le siège où je suis serait vide.
Le Président (M.
Picard) : Merci, M. Ramirez. Je cède maintenant la parole à M.
le député de Mercier.
M. Kotto :
De Bourget.
Le Président (M.
Picard) : De Bourget.
M.
Kotto : Merci. Merci, M. le Président. C'est intéressant, ce que vous disiez. Soyez les bienvenus, d'abord,
et merci pour votre contribution. On est dans le concret, là, on est dans le tangible et dans ce qui
fait sens, relativement à l'immigration, de l'autre perspective. Parce
que, quand — sans
pointer qui que ce soit — on
pose un regard purement utilitariste de l'immigration, on déleste
celle-ci de sa dimension humaine, ce qui n'est pas toujours très valorisant.
Parlant de concret, de
vécu, Portes ouvertes sur le lac, dans son communiqué, disait qu'elle cessait
un certain nombre d'activités — je
pense que vous êtes en lien avec cet organisme-là. Il y a
eu de nombreuses coupures budgétaires qui
ont affecté l'organisation avec les commissions
scolaires, Emploi-Québec, le ministère de
l'Immigration, Diversité,
Inclusion. Conférences régionales des élus, leur budget est passé de 750 000 $
à 450 000 $, si d'aventure les ententes initiales étaient reconduites
pour 2015, donc c'est sous réserve. Donc, on manque de liquidités actuellement.
Il n'y a personne, il n'y a aucun
interlocuteur régional de l'immigration depuis le 19 décembre. Là aussi,
on se sent un peu démunis.
Nous
discutons, certes, d'une politique, on est... on se situe dans l'ordre du
théorique pour l'instant, mais ça, c'est le concret, c'est le pratique.
Est-ce que ce sont des exemples que nous devons voir dans les mois, les années
à venir relativement aux défis que nous lance la nouvelle immigration?
M. Reichhold (Stephan) : Bien, au
niveau des problèmes
structuraux, là, qu'on a, il y en a effectivement
dans plusieurs régions. Dans les Basses-Laurentides aussi, il y a un organisme
qui a arrêté ses activités de régionalisation, Lanaudière aussi, Saguenay. C'est surtout dû à tout un chamboulement de
réorganisation du ministère de
l'Immigration qui... et avec Emploi-Québec, et, comment dire, des problèmes
d'arrimage entre... Parce que, souvent, ce qu'il faut comprendre, c'est qu'en région, les projets, les organismes qui travaillent en régionalisation, c'est les montages
financiers, ce n'est pas une subvention qui subventionne une activité, mais
l'organisme... Alors, s'il y a un des partenaires qui se retraite, le montage,
il tombe. C'est ce qui est arrivé à Portes ouvertes sur le lac. C'est ce qui
est arrivé en Chaudière-Appalaches, un
organisme que je ne nommerai pas. Et donc c'est ça, là, il n'y a pas de...
C'est de six mois à six mois, c'est
comme... Il n'y a pas de vision, on est actuellement... On ne sait pas où
est-ce qu'on s'en va dans ce dossier-là, ça, c'est un problème.
Mme Lopez
(Eva) : Je voudrais continuer par rapport à ça. C'est la fragilité de
la régionalisation, une régionalisation qui
existe, qui est concrète et concluante, mais qui est financée de façon
très difficile dernièrement. On a signé
les ententes annuelles avec six mois de retard, les chèques sont arrivés six
mois plus tard. Il y a des organismes qui ne sont pas capables
d'attendre, et il faut congédier le personnel, et c'est l'expertise qui part
avec ces personnes-là.
Et
c'est dommage parce qu'on parle... on
entend des cris, des demandes d'aide de la part des employeurs, de la
part des communautés, et il y a un réseau de
régionalisation de l'immigration qui fonctionne et qui pourrait être encore
plus performant s'il serait subventionné de
façon triennale, avec une stabilité budgétaire qui lui permettrait d'évoluer
davantage.
Parce
que, vous savez, la régionalisation, elle se situe dans une période de moyen et
long terme. Ce n'est pas vrai que
j'ai été à Montréal faire la promotion de ma région et que, demain matin, il y
a 500 familles qui arrivent. Impossible. Il faut aller au rythme des familles, il faut aller au rythme de la
communauté, des employeurs, et ça prend un investissement sérieux, récurrent, qui permet de protéger cette
expertise. Le réseau est là. Il ne faut pas faire semblant qu'il n'existe
pas, parce qu'il est là, il existe. Il place
1 200 personnes par année. Il accueille, dans les six dernières
années, 6 000 personnes. Alors, c'est important de reconnaître
qu'il y a un réseau, et spécialisé en régionalisation, qui doit être soutenu.
M. Kotto :
O.K. Dire que l'emploi est un vecteur indubitable pour l'intégration, j'en
suis, mais, compte tenu de la situation
linguistique et culturelle, identitaire au sens plus large, du Québec, on est
2 % de parlant français en Amérique du Nord, une goutte d'eau dans cet océan — je disais à des personnes qui vous ont
précédés ici tout à l'heure qu'il y a à peu près 40 % d'immigrants qui arrivent au Québec sans connaître un
seul mot de français — comment expliquez-vous que les transferts qui sont dédiés à
cet effet, là, les transferts fédéraux, qui sont passés de 283 millions à
320 millions, ne soient pas entièrement affectés à cet objectif-là de
francisation de façon optimale?
M. Reichhold
(Stephan) : Oui. Je pense qu'il faut plus parler de l'optimisation de
ces montants d'argent, qui sont quand même
considérables, 320 millions par année, c'est 1 milliard sur trois ans,
qui sont dédiés à l'intégration et à la francisation. Puis je pense qu'on devrait bien performer avec un montant
d'argent de cet ordre, ce qui n'est pas vraiment le cas, malheureusement. La difficulté, c'est qu'il
faut, bon, soit... Bon, c'est vrai que, la francisation, on regarde, il y a eu
quand même, ces dernières années, des
améliorations certaines, mais ça reste quand même un secteur très,
comment dire, complexe, là, parce qu'il y a
trois joueurs : il y a le ministère de l'Immigration, il y a le ministère
de l'Éducation, il y a le ministère
de l'Emploi. Chacun a ses programmes de francisation, dépense de l'argent, gère
des structures. Bon, on peut se questionner : Est-ce que c'est la
manière la plus efficace de fonctionner, d'avoir tous ces différents joueurs,
et après sous-diviser dans les commissions
scolaires, puis aucune coordination? C'est vrai que c'est... on peut être plus
efficaces à ce niveau-là.
Mais
en même temps il faut nuancer aussi, bon. Si vous nous voyez, tous les quatre,
nous, dans les statistiques, on est
tous les quatre des allophones, je veux dire, dans les statistiques
québécoises. Donc, il faut faire attention quand on parle de
francophones, non francophones, et tout ça.
Mme Lopez (Eva) : Je voudrais rajouter quelque chose aussi. Je trouve très préoccupant
qu'on mise beaucoup sur l'immigration des strictement francophones pour
épargner des frais dans la francisation ou parce qu'on pense qu'ils vont s'intégrer plus rapidement, et tout. Je crois
qu'on gagnerait beaucoup à bien investir dans la francisation des gens
qui ne parlent pas la langue à l'origine
mais qui vont pouvoir l'apprendre. Une langue, n'importe qui peut l'apprendre.
Il va se prendre un an ou deux ans,
et la personne va être fonctionnelle, mais, en attendant, il va pouvoir faire
d'autres choses aussi.
Alors,
c'est important de voir que le succès n'est pas nécessairement... Ça veut
dire : Parler français, ce n'est pas un synonyme d'intégration sociale ni d'intégration en emploi. C'est
quelque chose de très précieux qu'on doit préserver, mais il faut
nuancer quand on mise exclusivement sur une francisation... sur une immigration
qui est strictement francophone.
M. Kotto :
D'où la pertinence...
Mme Rufagari
(Marie-Claire) : ...
M. Kotto :
Pardon! Excusez-moi. Oui?
Mme Rufagari (Marie-Claire) : C'est que, comme je disais tout à l'heure, au
niveau de l'immigration sélectionnée et choisie, on a beaucoup de
francophones, très scolarisés, les francophones. Comment on fait en sorte pour
que ces personnes-là puissent être comprises dans les enjeux du français?
L'autre élément aussi, sur le terrain,
l'emploi est reconstruit quand un réseau social arrive de façon ex aequo.
Donc, ça veut dire que, quelque part, même
pour ceux qui apprennent le français,
qui ne peuvent pas le pratiquer, n'importe qui d'entre nous qui apprend
le français, qui ne peut pas le pratiquer, ça ne fonctionne pas. Donc, il y a
un intérêt à miser sur les deux, sur
investir dans recréer un réseau social, en même temps pour ceux qui
apprennent le français, mais pour ceux qui maîtrisent le français et qui
ne sont pas en emploi... On a entendu tout à l'heure des chiffres, quand des nouveaux arrivants scolarisés, qui maîtrisent le
français ne sont pas en emploi à cause des obstacles systémiques, c'est
un ingrédient — isolement, manque d'emploi — pour
des problèmes de santé mentale. Donc, ça veut dire que, quelque part, si on investissait réellement
au niveau du réseau social et au niveau de l'emploi, je vous dirais que, même au
niveau du français, on aurait une amélioration incroyable. Parce que, pour des francophones, c'est assez... c'est un
paradoxe, de voir qu'ils maîtrisent
le français en arrivant, et qu'ils sont scolarisés, et que, pour les deux...
les deux forces deviennent des faiblesses en arrivant.
• (16 h 20) •
Le Président (M.
Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de
Borduas.
M.
Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Mesdames messieurs, bonjour. Pour poursuivre sur l'aspect
financier des 320 millions, à la
page 19 et 20 de votre mémoire, vous abordez la question de l'utilisation des sommes du transfert fédéral
en lien avec... mais en fait d'adapter véritablement
en lien avec les besoins, donc notamment par le ROSINI. Pouvez-vous définir concrètement, là, l'adaptation
véritable, pour vous, des sommes du transfert vers les services aux
immigrants en matière de francisation, d'intégration? Comment ça se traduirait?
Au bas de la page 19, début de...
M. Reichhold (Stephan) : Bien, c'est une des difficultés que je
mentionnais au début, c'est que les... Bon, vous savez comment ça... le
principe, là, que l'argent est partagé dans différents ministères, dont le
ministère de l'Emploi et Solidarité sociale.
Donc, le ministère de l'Emploi et Solidarité sociale reçoit annuellement
environ 80 millions pour offrir des
services aux nouveaux arrivants, c'est-à-dire aux immigrants de moins de cinq
ans, les services reliés à l'emploi et aux services solidarité sociale. Bon, c'est surtout l'emploi. Si on regarde,
bon, en bout de ligne, ce que fait Emploi-Québec, bon, on le décrit un peu dans le mémoire, ça reste
principalement des mesures universelles non adaptées pour les
immigrants. Beaucoup de mesures
d'Emploi-Québec demandent qu'on soit sur l'aide sociale ou déjà dans un
programme pour y avoir accès, ce qui
n'est pas le cas pour les nouveaux arrivants. Donc, quand on parle de barrières
systémiques, il y a énormément de barrières
dans les mesures d'Emploi-Québec. Ce qui fait, malheureusement, qu'on pense
que, oui, l'argent est dépensé dans ces mesures-là, mais elle ne donne
pas vraiment des résultats, et il y aurait lieu, vraiment, de regarder pour une
adaptation.
M.
Jolin-Barrette : Ce que vous nous dites, c'est que, parfois, dans
certains programmes d'Emploi-Québec, dont l'argent provient du MIDI, bien, par le biais du transfert, les
immigrants ne sont même pas admissibles à ces programmes-là qui sont
offerts.
M. Reichhold (Stephan) : Oui,
effectivement.
M.
Jolin-Barrette : O.K.
Mme Lopez (Eva) : Il y a un aspect à souligner par rapport au ROSINI, c'est que le ROSINI
a développé une approche spécifique à
visée systémique qui englobe, qui touche la globalité de la personne immigrante
pour l'employabilité. Et
effectivement on entend parler : Ce n'est pas juste de l'emploi, c'est
prendre le contexte qui l'entoure pour pouvoir réussir cette intégration en emploi et une intégration sociale efficace.
Malheureusement, le réseau ROSINI n'a la reconnaissance nécessaire de la part d'Emploi-Québec, et c'est
très regrettable, parce que le réseau a développé une approche qui
favorise un meilleur maintien à l'emploi et qui sensibilise directement les
employeurs par rapport à la gestion de la diversité, par rapport aux
différentes cultures qui vont être référées par les organismes membres du
ROSINI.
Et
ça, on trouve ça déplorable, parce qu'il y a beaucoup de mesures qui sont de
très bonne qualité mais qui ne sont pas adaptées aux cas spécifiques qui
sont dans l'immigration. L'immigration, on ne peut pas la traiter comme on traite tout le monde. Sans favoritisme, il faut
reconnaître les spécificités. Les immigrants n'ont pas nécessairement
les mêmes points de repère. Si scolarisés soient-ils, ils vont avoir toujours
des décalages, des choses qui sont difficiles à comprendre et à saisir. Et,
pendant 20 ans, les 20 dernières années, le réseau ROSINI a développé
une expertise en accompagnement de la personne immigrante, avec une approche
globale, et un accompagnement et promotion vraiment très pertinente pour les employeurs.
M.
Jolin-Barrette : Tout à l'heure, vous avez abordé, Mme Lopez, la question des délais pour
obtenir les chèques pour que le réseau de partenaires soit financé. On
sait que l'approche, le mode de fonctionnement du ministère de l'Immigration est de faire appel à un réseau de partenaires, donc de déléguer une
partie des responsabilités de l'État à un réseau de partenaires communautaires
qui visent à franciser, à intégrer les immigrants et qui, par ailleurs, font un
travail exceptionnel.
Concrètement,
vous avez dit : Bien, il y a des employés qui ont dû être licenciés
temporairement parce qu'on n'était pas capables de les payer. Donc, concrètement,
ça fait en sorte que le service aux immigrants... durant le temps où le chèque
est retenu ou le chèque est dans la malle,
bien, ça veut dire qu'il n'y a pas de service sur le terrain pour les
immigrants.
Mme Lopez (Eva) :
Ça veut dire que, malheureusement, on doit amputer l'organisme de services qui
sont financés par un programme
x. Avec le ministère de l'Immigration, on a toujours entretenu de très bonnes relations, on avait des comités, on était capables de se parler,
d'échanger, de négocier, de proposer, d'être entendus. Dernièrement, c'est
un bloc, on n'a pas accès, c'est très compliqué, on ne sait pas qu'est-ce qui
va se passer avec la régionalisation, notamment.
Aucune idée. Ça a pris six mois avant qu'on réussisse à signer une entente, six
mois avant qu'on touche le premier
chèque. Et, on se comprend bien, dans nos organismes, on ne roule pas sur
l'argent, alors c'est nécessairement un trou qui occasionne une coupure de service qui est très regrettable,
parce que ces personnes qu'on a congédiées, ils ne vont pas revenir, ils
ont trouvé emploi ailleurs. Et ça, c'est une faiblesse majeure dans la
régionalisation de l'immigration.
Il faut continuer à subventionner les organismes
et à ne pas s'attarder dans des mesures administratives qui pénalisent
directement la personne immigrante. Parce qu'on comprend bien que la source de
nos réseaux, de notre organisation, c'est la
personne immigrante. On veut la servir de façon efficace. S'il y a un trou dans
le budget, on met la clé à la porte,
l'expertise disparaît, et on perd les immigrants. Alors, c'est ça, la situation
réelle. On a un déficit de ce côté-là, on a un problème. Et il y a de
nos organismes qui, malheureusement, n'ont pas tenu, et c'est menaçant. Et,
dans ces moments... Aujourd'hui, on a nulle
idée de qu'est-ce qui nous attend à partir du 1er juillet ou à partir du
1er avril, ou peu importe. C'est totalement silence et c'est
problématique.
Le Président (M. Picard) :
30 secondes, M. le député.
M.
Jolin-Barrette : Oui. Donc, je comprends que ce n'est pas optimal pour
la planification de vos organismes. Lorsqu'on
parle, dans le cahier de propositions, qu'on met l'accent sur la
régionalisation de l'immigration, trouvez-vous que ça envoie un message contradictoire, les actions
du gouvernement, avec ce qui est proposé dans le cahier de consultation,
qui favorise la régionalisation?
Mme Lopez
(Eva) : Ce n'est peut-être
pas contradictoire, mais pas trop près de la réalité, hein? C'est
quelque chose qu'on veut faire, mais... Une
chose qui nous affecte, nous dérange profondément, c'est de faire comme s'il
n'y avait pas déjà quelque chose qui
se fait en régionalisation de l'immigration. Et il y a des choses qui se font
en régionalisation de l'immigration,
alors il ne faut pas essayer d'inventer autre chose mais plutôt d'investir dans
cette expertise et de la laisser se développer
davantage, parce que les employeurs ont besoin, parce que nos milieux ont
besoin. Nos régions ont besoin, et ça crie énormément à l'aide.
Alors...
Le Président (M. Picard) :
Merci, Mme Lopez.
Mme Lopez (Eva) : ...ce n'est pas
normal ne pas pouvoir régionaliser l'immigration au Québec.
Le
Président (M. Picard) :
Merci, Mme Lopez. Je cède la parole maintenant à M. le député de Mercier,
3 min 20 s.
M. Khadir : Très rapidement,
M. le Président. D'abord, merci de vous être déplacés. En 2008, je n'étais pas encore à l'Assemblée nationale, mais, comme
porte-parole de Québec solidaire, je m'étais insurgé devant le fait que,
des centaines de médecins qui avaient passé
tous les obstacles, avaient fait reconnaître leurs diplômes, les cours de
français, et tout ça, on avait barré la route à ces médecins-là pour occuper
des postes de résidence pourtant laissés vacants.
Celui qui occupe le poste de premier ministre
actuellement m'avait candidement avoué — il était ministre de la Santé à l'époque — que, dans la reconnaissance des diplômes,
dans les trois années qui précédaient, 105 millions de dollars, juste pour la reconnaissance des diplômes
ou l'harmonisation des formations, avaient été transférés du fédéral au Québec et que, sauf 5 millions, le reste
avait été renvoyé dans le fonds consolidé du Québec, autrement dit, n'avait
pas été utilisé pour ce... bon.
Là, vous nous dites qu'on est rendu à
320 millions de dollars par année, à peu près...
M. Reichhold (Stephan) : ...garantis
à long terme, oui.
• (16 h 30) •
M. Khadir : Quel pourcentage de ça réellement,
quel pourcentage de ça réellement, de manière spécifique, est utilisé,
quel que soit le ministère, à votre évaluation, pour l'intégration des immigrants,
à l'emploi ou ailleurs?
M. Reichhold (Stephan) : C'est très
difficile à évaluer parce qu'on a très peu d'information. D'ailleurs, le Vérificateur général, 2010, posait des questions, là, disait :
C'est quoi, le résultat de ces investissements? On n'a jamais eu de réponse.
M. Khadir : Mais est-ce que
ça se peut que 300 millions vraiment soient dépensés et qu'on soit
devant...
M. Reichhold (Stephan) : Non, ils
sont dépensés, là, je veux dire, c'est...
M. Khadir : Mais
spécifiquement pour les immigrants?
M. Reichhold (Stephan) : ...mais ils
vont dans le fonds consolidé, après ils retournent dans... ils financent les
structures...
M.
Khadir : Oui, vous avez dit...
M. Reichhold (Stephan) : Par exemple, le ministère de l'Éducation, bon,
dépense 19,5 millions en alphabétisation, de ce...
M. Khadir :
Oui, mais ça, c'est des choses que...
M. Reichhold (Stephan) : ...pour
10 000 personnes.
M. Khadir :
Regardez...
M. Reichhold
(Stephan) : Mais je ne peux pas croire qu'il y ait...
M. Khadir :
L'alphabétisation...
M. Reichhold
(Stephan) : Non, mais...
M. Khadir :
S'il n'y avait pas d'immigrants, il y aurait des budgets qui seraient alloués
de toute façon.
M. Reichhold
(Stephan) : C'est ça, ce n'est pas...
M. Khadir :
Donc, si on le met là-dedans, ça veut dire...
M. Reichhold (Stephan) : Je ne peux pas croire qu'il y a
10 000 analphabètes immigrants qui arrivent à chaque année et
qu'il faut alphabétiser. Bon, c'est 20 millions qui sont dépensés
là-dedans. Donc, il y a quelque chose qui ne va pas, là.
M. Khadir :
Ça veut dire qu'on ne sait pas, puis il est possible qu'il y ait une grande
partie de ça qui ne soit pas utilisée pour les fins pour lesquels c'est
transféré au Québec.
Puis
vous dites par ailleurs qu'il y a des programmes de régionalisation qui
fonctionnent très bien mais que vous n'êtes pas capables de mener plus
loin, parce que c'est annuel plutôt que d'être pluriannuel.
M. Reichhold
(Stephan) : De six mois en six mois.
M. Khadir :
Constamment déstabilisés. Alors, en fait, je ne peux pas poser la question...
M. le Président, est-ce que je peux poser la question à la partie
ministérielle?
Le Président (M.
Picard) : Non. Posez la question au témoin, s'il vous plaît, M.
le député.
M. Khadir :
Bon, très bien.
Le Président (M.
Picard) : Il vous reste 40 secondes.
M. Khadir :
De manière très spécifique, qu'est-ce qu'il faut que le ministère fasse
aujourd'hui pour ROSINI et pour le RORIQ?
M. Reichhold (Stephan) : Bien, il faut qu'ils acceptent de s'asseoir avec
nous pour pouvoir discuter, de tout mettre sur la table, parce que, là, depuis des mois et des mois, il n'y a plus
moyen de s'asseoir. Tous les comités conjoints ont été annulés. Il n'y a
plus de communication réelle entre le ministère comme on le pratiquait les
années précédentes, et on nous dit :
Ah! on est en transformation. Attendez, attendez, on n'est pas prêts. Ça fait
12 mois que ça dure, et, je veux dire, on attend, on attend qu'on
nous appelle.
Le
Président (M. Picard) : Merci. Je vais suspendre quelques
instants pour permettre au prochain groupe, qui est le Syndicat de la
fonction publique et parapublique du Québec...
Une voix :
...
Le Président (M.
Picard) : Oui. M. le député de Borduas.
M.
Jolin-Barrette : Oui. Si vous permettez, M. le Président, en lien avec
le dépôt de l'engagement de confidentialité,
si vous permettez, j'aimerais avoir une information de la part de la ministre,
si elle accepte, bien entendu.
Le Président (M.
Picard) : Mme la ministre.
Mme Weil : Oui.
M.
Jolin-Barrette : Le document qui a été déposé énonce que l'engagement
de confidentialité vaut jusqu'au dévoilement
officiel de la politique, qui devrait avoir lieu probablement au mois d'avril
ou dans ces zones-là, peut-être mars,
un peu plus tôt, également au niveau de la planification pluriannuelle qui va
venir par la suite. Donc, je comprends qu'on va entendre certains
groupes qui ont été consultés en préconsultation, mais ces groupes-là,
concrètement, ne peuvent pas, lorsqu'ils
viennent témoigner à la commission publique présentement, vraiment avoir la
pleine liberté de dire l'ensemble de
leurs points de vue. Parce qu'il y a peut-être des arguments qui vont avoir été
énoncés. En fait, ma question est la
suivante : Est-ce que c'est véritablement une cueillette d'information que
le ministère a faite avec ces partenaires-là que vous avez consultés ou
c'est de l'information bidirectionnelle?
Le Président (M.
Picard) : Je vais suspendre quelques instants.
(Suspension
de la séance à 16 h 34)
(Reprise à 16 h 37)
Le
Président (M. Picard) :
Nous reprenons nos travaux. Mme la
ministre, si vous voulez répondre à
la question du député de Borduas.
Mme
Weil : Oui. Ce qu'on
m'explique, c'est que c'est vraiment très simple, c'est surtout que des morceaux
de document du ministère auraient été donnés avant. Puis ils veulent avoir des
commentaires, des orientations, mais évidemment tout ce que les groupes ou ceux
qui ont été consultés... Ils peuvent dire ce qu'ils veulent, il n'y a pas de secret par rapport à leurs opinions. Parce que, de
toute façon, le document est public maintenant. C'est juste en attendant
que le document soit déposé, si je comprends bien. Alors, c'est des échanges
pour... parce que c'est des sujets bien complexes,
il y a des recherches aussi sur des données. Alors, pour que le ministère
puisse avoir des orientations claires, c'est
d'échanger avec toutes sortes de personnes qui ont des expertises différentes.
Mais ils sont tout à fait libres d'exprimer leurs opinions, par ailleurs. C'est vraiment, je dirais, une
confidentialité qui s'adressait à la période avant le dépôt du document.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Donc, c'est vraiment l'engagement de bonne foi,
et, à partir de ce moment-ci, dans le fond,
il n'y a pas... Il n'y a pas de façon non plus, en cas de bris de l'engagement
quelconque... il n'y a pas de menace quelconque...
Mme Weil :
Non, non, ils peuvent dire tout à fait...
M.
Jolin-Barrette : Tout ce qu'ils veulent...
Mme Weil :
Absolument.
M.
Jolin-Barrette : Parfait. Mais j'en profite également pour vous
dire : À partir du moment où la consultation sera terminée et que vous serez de retour à la
table de travail pour élaborer la nouvelle politique en matière
d'immigration, je crois que ça serait
pertinent que l'ensemble des groupes parlementaires y participe et que ça ne
soit pas uniquement une initiative
gouvernementale. Et je pense qu'autant mon collègue de Bourget pourrait
apporter des points importants que nous, en tant que deuxième groupe d'opposition, également, et je suis
convaincu aussi que mon collègue de la formation de Québec solidaire aussi. Donc, concrètement, je
pense qu'on gagnerait tous à travailler sur ce projet-là et à développer
tous ensemble les idées qui vont mener la nouvelle politique en matière
d'immigration.
• (16 h 40) •
Le Président (M.
Picard) : ...député.
Mme Weil :
C'est noté.
M.
Jolin-Barrette : Merci.
Le Président (M.
Picard) : Merci. Nous continuons notre consultation en recevant
le Syndicat de la fonction publique et
parapublique du Québec. Nous accueillons Mme Lucie Martineau et Mme Nadia
Lévesque. Vous disposez de 10 minutes.
Syndicat de la fonction publique et parapublique
du Québec inc. (SFPQ)
Mme Martineau
(Lucie) : Merci, M. le Président. Alors, MM. et Mmes les
parlementaires, l'immigration est liée
intrinsèquement à notre identité du peuple québécois, qui est métissé
évidemment depuis son origine. Quelle sera la politique au gouvernement du Québec, la politique de demain en
matière d'immigration, d'autant plus que nous nous démarquons sur la
scène mondiale quant au volume de personnes immigrantes que nous accueillons?
Parmi les orientations ou éléments de réflexion
contenus dans les documents gouvernementaux, certaines nous inquiètent un peu. Pour le SFPQ, et tout comme les collègues qui
nous ont précédés, une politique d'immigration, ça
ne doit pas avoir juste comme objectif le recrutement de la main-d'oeuvre ou un
remède miracle à nos problèmes
démographiques. Elle doit rester centrée sur les besoins de la société
québécoise et la pérennité du français au Québec.
L'organisation de nos services d'accueil et
d'intégration depuis les réformes 2003 et 2012. Le SFPQ est bien placé pour vous identifier plusieurs
lacunes et proposer des solutions adéquates.
D'ailleurs, les groupes qui représentent les personnes immigrantes qui nous ont précédés en ont élaboré
quelques-unes. L'État doit retrouver son rôle d'accompagnateur des
nouveaux arrivants dans leur acquisition de la citoyenneté.
L'immigration et le français. Alors, la
citoyenneté, au Québec, ça passe par l'apprentissage du français. On doit arriver à transmettre à la grande majorité
des immigrants notre langue. Malheureusement, jusqu'ici, l'immigration a
été plutôt un facteur d'anglicisation. La
situation est assez complexe pour les nouveaux arrivants, confrontés à deux
discours un peu contradictoires, qui est le
bilinguisme canadien et l'unilinguisme québécois. Des mesures allant dans le
sens d'une immigration favorisant le français sont essentielles dans la
prochaine politique. Présentement, trop d'importance est conférée à la
déclaration de la connaissance de la langue. Beaucoup de ceux qui connaissent
le français connaissent également l'anglais
et malheureusement le choisissent par la suite. Il faut réviser notre grille de
sélection, favoriser les francophones
et ceux qui sont plus susceptibles de vivre en français. Par exemple, la
composition linguistique du lieu de résidence,
avoir un conjoint francophone, être de langue maternelle francotrope sont des
impacts importants sur la tendance de vivre en français par la suite.
Alors, on a
des propositions dont établir des objectifs spécifiques sur la composition
linguistique du Québec et l'impact de
l'immigration sur celle-ci; établir un barème minimal de francophones ou de
personnes de langue maternelle francotrope
admises chaque année; si le gouvernement décide d'aller de l'avant dans la
procédure de déclaration d'intérêt, prendre
en compte des objectifs de maîtrise du français; octroyer suffisamment de
ressources financières et humaines pour assurer une étude rigoureuse des
dossiers.
Les objectifs
de francisation sont trop bas. D'ailleurs, le collègue... bien, la personne
avant, monsieur l'a dit que, s'il y
avait eu les mêmes objectifs quand il est arrivé au Québec, il n'aurait pas été
assis ici. Donc, plusieurs organismes sont impliqués dans la francisation, et ça aussi, les gens qui représentent
ces personnes l'ont dit, il est difficile de s'y retrouver pour les
immigrants. Alors, on a des propositions d'objectif de francisation
intermédiaire ou avancé pour l'ensemble des
immigrants n'ayant pas la connaissance du français, et que le ministère de
l'Immigration redevienne et devienne un réseau de guichets d'accès aux
services de francisation présent sur tout le territoire du Québec, établir
également des montants réalistes prévus par individu pour que chaque personne
puisse apprendre le français.
Et que dire
du français comme langue au sein de l'appareil gouvernemental? Ce n'est pas la
première fois que nous venons en commission parlementaire pour le dire,
le gouvernement du Québec doit s'assurer que ses propres institutions encouragent l'utilisation du
français. Parler français, avoir accès aux services publics, quand on est
obligé d'avoir ça, ça rend le français légitime, nécessaire pour les nouveaux
arrivants.
Malheureusement,
ce n'est pas toujours le cas, et les pratiques, dans les ministères et
organismes, diffèrent selon leurs missions. Le devoir de servir dans
leur langue les membres de la communauté anglophone historique n'est pas encadré, donc ça crée une pression véhiculée par
plusieurs gestionnaires et ça oblige à servir en anglais sur demande.
Les personnes font ça dans les ministères et organismes. Une politique stricte
d'unilinguisme, c'est évidemment avec des exceptions pour la communauté
anglophone historique, éviterait aux agents de l'État d'être les arbitres de la
langue.
Alors, on a deux propositions, soit que la
langue de l'administration soit le français et revenir au principe du français, la loi 101 à l'origine, établir
également un mécanisme permettant aux fonctionnaires de bien identifier les
membres provenant de la communauté anglophone historique.
La fonction publique et l'accueil des
immigrants. Dans notre mémoire, on y parle des réformes qu'il y a eu en 2003, 2012 et de la poursuite de la
déresponsabilisation de l'État vis-à-vis les nouveaux arrivants. Le
gouvernement a fermé plusieurs bureaux, dont
ses bureaux régionaux, a sous-traité ses responsabilités vers les organismes
communautaires, mais il est assez
incohérent, dans tout le processus d'intégration dans une autre société, que ce
n'est pas les représentants de l'État eux-mêmes qui accueillent les
nouveaux et les nouvelles arrivants. On a subi beaucoup de coupures, donc les
moyens mis à la disposition des organismes qui sont censés être complémentaires
à l'État sont insuffisants — on
l'a bien démontré — pour éviter un décrochage social à des
personnes qui n'arrivent pas à s'insérer dans la société d'accueil. Ainsi, le transfert de responsabilités fait perdre
également le contrôle de la qualité des informations transmises. Et il
faut exiger un processus d'imputabilité, ce qui n'est pas toujours le cas. Mais
ce qui est le cas quand même quand ce sont des agents de l'État qui doivent le
faire.
Sur le contenu, les premières démarches
d'intégration... La formation qui s'appelle les premières démarches d'intégration est essentielle aux nouveaux et
nouvelles arrivants pour obtenir toutes les démarches possibles au point
de vue administratif. Le contenu, par
contre, est beaucoup trop volumineux, et la durée, beaucoup trop minime.
Présentement, on a 1 h 30 min consacrée aux démarches
administratives, 1 h 30 min à l'insertion professionnelle. Pour
les allophones ou les anglophones, ça devient encore plus bousculant.
Alors, on a
des propositions : de faire des ateliers de premières démarches
d'intégration en tandem, c'est-à-dire l'agent du ministère avec les organismes
qui sont identifiés pour l'intégration, pour s'assurer, un, de la présence
de l'État, deux, pourrait valider la certification de l'organisme assez
rapidement et s'assurer que les interventions se fassent en français également; doubler la durée des séances
également. Deux segments, trois heures, le matin pour les démarches
administratives et l'après-midi pour un plan d'action spécialisé en recherche
d'emploi et de francisation. Et aussi on pourrait
demander également l'évaluation des diplômes directement sur place, ce qui
viserait à réduire les délais aussi. Pour les non-francophones, une
heure supplémentaire devrait être consacrée pour l'inscription à la francisation.
On a parlé également, nous, dans notre mémoire,
des centres de contact avec la clientèle immigrante. Et je n'aime pas le mot «clientèle» dans les services
publics, parce que, là, les arrivants, là, ce n'est pas des clients, là,
oubliez ça, alors c'est
des futurs citoyens québécois. Donc, toute l'information passe par ces
centres-là. Le nombre de fonctionnaires ne permet pas actuellement de
répondre à la demande. Il y a régulièrement 30 à 40 appels en attente. Les
organismes partenaires du MIDI, du ministère de l'Immigration, ont besoin d'un
contact direct pour avoir des réponses à leurs questions. On croit qu'ils osent
peu appeler de peur d'être perçus comme étant mal outillés ou incompétents.
Alors, on a
des propositions d'ajouter du personnel suffisant pour répondre aux demandes,
mais d'offrir également une ligne
directe aux organismes partenaires du MIDI. Quand je dis «du MIDI», là, c'est
le ministère de l'Immigration.
J'ai un petit
bout sur les réfugiés et les demandeurs d'asile. Depuis la réforme de 2012,
cette catégorie de réfugiés est peu
prise en compte dans l'organisation des services, pourtant ce sont des
immigrants les plus vulnérables et confrontés à de plus grands nombres de démarches administratives pouvant être très
déterminantes pour leur avenir. Depuis 2012, ce sont les YMCA qui
s'occupent de l'accueil, ce qui peut également engendrer... pas que les YMCA ne
sont pas bons, mais engendrer une méfiance
de la personne par rapport à l'autorité, étant perçu comme une distance de
l'État, de la société où on veut être accueilli, parce qu'il n'est pas
le représentant officiel de l'État.
Alors, compte
tenu du nombre peu nombreux dans cette catégorie-là, nous sommes d'avis que
l'accompagnement personnalisé devrait être
fait par les employés du ministère, ce qui était fait avant, hein, ce qui était
fait avant les réformes.
On termine notre mémoire en parlant du programme
d'accès à l'égalité pour la fonction publique. L'État a un rôle d'exemple dans l'embauche des personnes
issues des communautés culturelles, et le Syndicat de la fonction publique
et parapublique est d'accord avec de telles mesures favorisant la diversité
dans la fonction publique. Par contre, les cibles
d'embauche ne sont pas régionalisées, alors — on en a parlé tantôt — ce qui fait que la concentration des
personnes immigrantes... sont situées à
Montréal et dans ses alentours, donnant ainsi une pression sur les postes
permanents dans ces régions-là.
Depuis de nombreuses négociations, nous demandons à l'employeur, gouvernement du
Québec, de régionaliser les cibles d'embauche, permettant ainsi de
favoriser l'ensemble du territoire pour ces personnes-là. Alors, ça fait...
Le Président (M. Picard) :
Merci, Mme Martineau. Merci. Vous pourrez poursuivre lors des échanges
avec les parlementaires.
Mme Weil : Bonjour,
Mme Martineau, et est-ce que c'est Mme Lévesque?
Mme Lévesque (Nadia) : Oui.
• (16 h 50) •
Mme Weil :
Oui? Bonjour. Alors, merci de participer à cette importante commission. Et
j'aurai certaines questions, parce que vous avez quand même beaucoup
d'expériences en la matière au sein de la fonction publique, la diversité, les
programmes d'accès à l'égalité, etc., des questions sur la langue.
Peut-être
juste, d'entrée de jeu, les demandeurs d'asile. Comme vous le savez... Et c'est
vraiment un sujet très difficile
parfois, hein? Mais ils ne sont pas... c'est-à-dire, des services ne sont pas
identifiés aux demandeurs d'asile en vertu de l'accord Canada-Québec. Ce ne sont pas des ressortissants étrangers
reconnus envers l'accord Canada-Québec. Donc, la responsabilité de ces
personnes incombe à toute la société, le ministère de l'Éducation, le ministère
de la Santé.
Vous vous
rappelez, en 2012, lorsque le gouvernement fédéral a annoncé la fin du
programme fédéral de santé intérimaire,
le Québec était la première province à dire : Non, on va continuer à
offrir des services. D'ailleurs, on a été remerciés pour cette intervention, et par la suite d'autres provinces
ont suivi. Et je pense... je souligne, comment dire, cet engagement que vous avez aussi de la société
québécoise envers tous ceux qui sont sur notre territoire. Et donc c'est
là où il faut s'assurer que tous les... Mais
ce n'est pas la responsabilité du ministère, c'est vraiment tous les
ministères, mais peut-être les plus importants évidemment : l'Aide
sociale, et la Santé, et l'Éducation.
J'aimerais vous amener sur l'importante question
du fait français, comme on le dit dans l'énoncé de politique — on
parlait de pérennité du fait français à l'époque — qui continue d'être un
enjeu majeur. Je dirais qu'il y a vraiment un consensus là-dessus, il n'y a pas
de remise en question que l'immigration peut contribuer à... doit contribuer,
en fait. Mais on a beaucoup de discussions sur est-ce que la personne... Il y a
les travailleurs qualifiés, le regroupement
familial et les réfugiés. Les réfugiés, évidemment, personne n'insiste qu'ils
parlent français, parce qu'ils... Donc, il faut offrir rapidement — et
c'est ce qu'on fait — des
cours de français immédiatement, et donc ça, c'est bien couvert.
Le
regroupement familial, ce n'est pas le gouvernement du Québec qui détermine,
évidemment, les volumes ou la sélection, mais on a remarqué avec le
temps que le regroupement familial est maintenant le reflet des personnes qui ont été choisies, travailleurs qualifiés, avant.
Donc, en une génération, le nombre de personnes qui parlent français
dans le regroupement familial est en hausse.
Donc, c'est le reflet de l'immigration sélectionnée au fil des années, mais
évidemment je pense que c'est une clientèle dont vous évoquez l'importance de
rejoindre, certainement, les épouses ou les époux, souvent... moins les parents, moins les parents. Des fois, c'est les
grands-parents du petit, bon. Les enfants... Un sur cinq des immigrants
qui viennent, c'est un enfant. Ça, c'est un chiffre que peu de gens savent.
Donc, c'est un enfant qui va être francisé dans nos écoles.
Pour ce qui
est... Donc, je pense que tous les services de francisation, évidemment,
orientés vers ces personnes, c'est...
Quand on arrive sur les travailleurs qualifiés, j'aimerais avoir votre opinion.
Parce qu'il y a comme deux points de vue
qui semblent s'exprimer ici. Le niveau maintenant exigé, c'est un
niveau 7, un niveau intermédiaire avancé, dans la sélection, et ça
va prendre encore quelques années avant qu'on le voie reflété dans les
admissions, hein, parce que ça prend trois ans avant que la personne arrive.
Alors, on le verra dans les admissions peut-être dans un an ou deux ans.
Mais il y a
des gens qui soulignent que des pays francotropes ou des personnes avec des
capacités... — on
parle souvent de l'Amérique latine — ont des capacités aussi d'apprendre le
français. J'aimerais avoir votre point de vue sur l'équilibre
entre tout ça, pour les travailleurs qualifiés en particulier, sachant que le
travailleur qualifié, c'est cette personne-là
mais qui vient avec ses enfants et l'épouse ou l'époux. Donc, en nombre, c'est
peut-être 16 000 sur les 50 000.
Mme
Martineau (Lucie) : Ah!
bien, en fait, ce qu'on dit : Ce n'est pas juste un critère. C'est, oui, à
l'entrée, de favoriser les gens qui
sont soit d'un pays qui fait partie de la communauté internationale de la
francophonie ou d'un pays francotrope.
Bon, ça, c'est quelque chose. Bon, on dit également que, si la personne a un
conjoint qui parle français, ça va favoriser que les gens vont continuer
à utiliser le français ou l'apprendre et le parler couramment.
Si on prend
l'administration publique, qui n'est pas déconnectée de ça, et que... Si tu
appelles à l'administration publique,
et on te sert en anglais, tu n'auras pas l'objectif... Même si tu as un
objectif dans ta déclaration d'intérêt,
c'est tellement plus facile, on me répond en anglais dès que je dis «hello»,
alors il y a ça aussi. Alors, c'est une multitude de facteurs.
Alors, à l'entrée, vous avez la formation qui
est importante. Vous savez, anciennement, il y avait les COFI. Il n'y a plus ça, là, les COFI. Bon, alors, la formation
est importante mais aussi la culture de la société.
Dans les ministères et organismes,
là, on parle... il n'y a personne qui sait comment identifier la communauté
historique anglophone, qui est de 8 %. Bien, c'est automatique, si ton
gestionnaire te dit de répondre en anglais, tu vas répondre en anglais. Puis
ça, c'est dans tous les ministères et
organismes, et il y a des politiques linguistiques qui sont différentes d'un
ministère à l'autre. Alors, ça, ça n'aide pas pour la continuité, peu...
Et les gens l'ont dit avant moi : Tu peux
l'avoir appris, le français, mais, si tu n'as plus d'occasion de le pratiquer — surtout, je pense que c'est encore plus
compliqué que l'anglais — alors tu vas le perdre assez rapidement. Alors, c'est sûr que ce n'est pas juste un
facteur, c'est un ensemble de facteurs qu'il faut tenir en compte. Pour nous,
là, c'est vraiment un ensemble.
Mme Weil :
Maintenant, on a aussi parlé de ce paradoxe : de plus en plus — et les deux groupes ou quelques groupes ce matin qui l'ont souligné — de plus en plus, les pays de provenance sont
des pays francophones, les gens parlent un français impeccable, qui viennent, les travailleurs qualifiés, mais
il y a des obstacles de reconnaissance des acquis, des compétences, des préjugés. Hein, on a beaucoup
parlé de ça, ces derniers jours, de préjugés, toutes sortes de... la
commission des droits des la personne qui a fait des études.
Vous, c'est
quoi, votre réflexion, parce que vous avez eu une expérience au sein de la
fonction publique, comment ça se vit,
la diversité au sein de la fonction publique? Qu'est-ce que... Comment vous
voyez... Au ministère de l'Immigration, c'est quand même assez élevé, je pense qu'on est dans les 32 % de
diversité. 32 % au ministère de l'Immigration, ce qui est très
bien. Mais, vous, généralement, les programmes d'accès à l'égalité, comment ça
fonctionne, l'appréciation, l'intégration
des personnes issues de la diversité? Et qu'est-ce que vous dites par rapport à
ce paradoxe d'exclusion, alors que c'est des gens qui sont francophones?
Mme
Martineau (Lucie) : Bon.
Chez nous, on n'a pas regardé le fait que les gens qui sont entrés dans la
fonction publique étaient soit francophones
ou ont appris le français. De toute façon, pour rentrer dans la fonction
publique, il fallait qu'ils aient un
niveau de français assez élevé. Ce qu'on a constaté... J'ai des gens qui sont...
ça dépend des ministères et organismes
qui ont un taux... oui, puis je parle... Le MIDI a un taux assez élevé,
également, de diversité, ce qui est correct. Ce qu'on a constaté, nous,
comme effet pervers, c'est la politique de non-renouvellement des effectifs
mêlée avec les objectifs de recrutement, ce
qui fait en sorte qu'un Québécois de souche, à Montréal, n'aura jamais de poste
permanent, parce qu'on n'a pas régionalisé
les cibles. Et ça, il a fallu éduquer nos membres, je dirais même, à
dire : Écoutez, ce n'est pas le
programme d'accès qui est un problème, c'est qu'il n'y a vraiment plus de poste
à combler, donc, les seuls qu'on comble, il faut combler nos demandes en
fonction des cibles d'accès et ça se concentre où les gens, ils sont... Bon, il
y en a un peu plus, je dirais, de gens qui
vont dans les régions, mais, si on diminue les ressources et on diminue les
budgets, je pense que ce qui a été fait ne va pas continuer. C'est ça, la
problématique, aussi.
Ce qu'on a
constaté, ce n'est pas... Les gens, ensemble, ils vivent bien dans les milieux
de travail. Ce qui est un peu... qui
a heurté beaucoup, c'est que, bon, quelqu'un, un occasionnel ancien de
10 ans, bien, si c'est un Québécois de souche... la personne qui
vient d'arriver, elle, elle va avoir le poste permanent. C'est ça qui a heurté
dans nos milieux de travail. Et nous, pour
contrer ça... bien, c'est-à-dire pas pour contrer, pour essayer de faire une
justice partout sur le territoire, on demandait au Conseil du trésor de
régionaliser les cibles. Ce qui n'a jamais été fait.
• (17 heures) •
Mme Weil :
Maintenant, j'aimerais vous amener sur Premières démarches d'installation et ce
que vous proposez à la page 17. Bon. Et puis, en plus, vous parlez
de... pour ceux qui ne parlent pas français, ils ne comprennent pas le français puis ils peuvent manquer des informations
importantes, donc on est mieux de faire une séance en anglais. Je
pense que même auparavant il y avait d'autres langues aussi, parfois, qu'on
utilisait, hein?
Mme Martineau (Lucie) : Oui. C'était
en anglais ou avec un traducteur de sa langue. Oui, oui. Oui.
Mme Weil : Votre premier
point, «faire donner l'atelier PDI par un duo d'intervenants : un agent
d'aide socioéconomique du ministère et un intervenant provenant d'un OBNL accrédité»,
pourriez-vous expliquer votre vision, ici, pour que les gens puissent
comprendre?
Mme
Martineau (Lucie) : Bien,
nous, on a... Et ce n'est pas tous les organismes, là. On dit que l'État
doit devenir complémentaire avec les
organismes, mais on a constaté qu'il
y avait des cours qui se donnaient
dans une autre langue que le français, qu'il
y avait des séances d'information. Et il y a aussi que l'organisme doit être certifié par le ministère aussi. Et, en faisant ça, la
démarche en duo, bien, on pourrait faire tout ça en même temps, s'assurer que
la même information est donnée.
Parce que
c'est vraiment très différent, et on veut prendre des... On a eu
des appels chez nous pour dire : D'une région à l'autre, ça diffère, d'un organisme à l'autre, ça diffère. Oui,
on peut faire un programme gouvernemental. Ça ne veut
pas dire qu'il va être appliqué partout, sur l'ensemble du territoire, puis qu'il va être donné de
la même façon et, dans
certains cas, dans la même langue.
Alors, ce qu'on fait, c'est de dire : En
duo comme ça, bien, on peut certifier l'organisme, on peut s'assurer que toutes les informations sont données,
sont uniformes partout, qu'il n'y a pas de... Puis, en plus, en étant plus,
deux, là, ça nous assure qu'on n'en échappe
pas, parce qu'il y a vraiment... Ce n'est pas facile, rentrer en immigration dans un pays, là.
Mme Weil : Donc, l'objectif
d'uniformiser beaucoup, de s'assurer qu'on a les meilleures pratiques partout
sur le territoire.
Mme Martineau (Lucie) : Et on
pourrait faire la certification en même temps.
Mme Weil : O.K. Je vous
remercie beaucoup.
Mme Lévesque (Nadia) : J'ajouterais
un petit point, si vous permettez. Dans les premières démarches d'intégration, on a fait des «focus groups», lors
de la réforme de 2012, avec nos gens pour voir qu'est-ce qui émergeait du terrain
comme problématique, et la reconnaissance des diplômes, là, le fameux
acte 1, de faire reconnaître son diplôme, entre guillemets... Si on part mal le processus, la bureaucratie qui est
inhérente à ça, de faire reconnaître ton diplôme, si la personne n'a, par exemple, pas envoyé un original
parce qu'elle se dit : Une photocopie, ça fait pareil, une fois que
tu es mal parti, tu restes mal parti, et les
délais s'accumulent. Et il y a beaucoup, beaucoup d'appels qui rentrent au
centre d'appels, en réalité, qui sont
des appels pour essayer de rectifier quelque chose qui est mal parti et
savoir : Bien, mon dossier, il en est rendu où?, parce qu'ils n'ont
pas de feed-back.
Donc, l'idée
du PDI, c'est aussi de leur annoncer les couleurs de ce qui va s'en venir pour
que les gens sachent mieux ce qui va
s'en venir, quelles sont les étapes, quel ministère va les contacter, de
s'attendre à ça, puis d'annoncer à peu
près les délais, ce qui permettrait d'arrêter d'avoir tout un flot d'appels de
gens qui disent : Bien là, ça fait six mois que j'ai envoyé mes choses, puis je n'ai pas de
nouvelles. Est-ce que c'est normal? Avez-vous perdu mes papiers? Ça ne
se peut pas, six mois. Bien,
malheureusement, pour certains diplômes, dans certains pays où l'évaluation de
certaines écoles est problématique,
oui, c'est fort probable, six mois. Mais, pour le commun des mortels, même vous
comme moi, quand on entend ça, en premier, six mois, ça nous semble
sonner une cloche d'alarme.
Donc, c'est
vraiment... L'idée, c'est que le PDI aide à... en s'allongeant puis en ayant un
représentant de l'État qui est
capable de parler au nom de l'État, ce que l'organisme n'est pas capable de
faire, d'annoncer des couleurs, ce qui, entre guillemets, est une forme d'engagement de l'État pour annoncer qu'est-ce
qui s'en vient pour cette personne-là, ce qui, d'après... Nos gens qui ont travaillé au ministère pendant des années disent :
Ce qu'ils ont le plus besoin quand ils arrivent, c'est d'être sécurisés, savoir ce qui les attend, comprendre dans quelle
démarche ils s'inscrivent. Et vous savez comme moi que, la liste des
choses à comprendre entre la RAMQ, le droit du logement, les études, les études
pour les enfants, la commission scolaire, où
demander l'école, alouette, des démarches, il y en a pour en perdre son latin.
Donc, c'est ça, l'idée.
Le Président (M. Picard) :
Merci, Mme Lévesque. Je cède maintenant la parole à M. le député de Bourget.
M. Kotto :
Merci, M. le Président. Mme Martineau, Mme Lévesque, merci d'être là. Merci
pour ce mémoire très étoffé et très inspirant également, qui va droit au
but.
Vous relevez,
dans ce mémoire, que les deux premiers grands défis proposés dans le document
de consultation, soit le redressement démographique et la prospérité
économique, prennent le pas sur les deux derniers, en l'occurrence la pérennité du français et l'ouverture au
monde. Par ailleurs, vous dites que l'immigration ne permettra pas
de juguler les conséquences du vieillissement de la population québécoise ni sur le plan démographique ni sur le plan
économique, ce qui fait dire que le
glissement s'opère vers une politique d'immigration conçue comme un outil de recrutement de main-d'oeuvre
pour les entreprises, tout cela se tient.
Est-ce que, forte de votre expérience, c'est la
première fois que vous établissez cette équation?
Mme
Martineau (Lucie) : On est
venus souvent en commission
parlementaire depuis les 10 dernières
années, si ce n'est pas sur le français, c'est sur... oui, on est venus sur l'immigration aussi. Qu'on ait fait cet... je ne suis pas
certaine, mais, du fait français,
par exemple, ça doit faire au moins quatre, cinq fois que je
suis venue en commission
parlementaire, et d'avoir indiqué toutes les
coupures qu'il y a eu dans ce ministère-là, des bureaux
régionaux, on a coupé les COFI, quand on a fait le virage, je dirais, organismes, organismes partenaires, peut-être
qu'on ne s'est pas assez assurés que le ministère restait le pivot
central, et de ne pas assurer une complémentarité.
M. Kotto :
O.K. Vous le savez mieux que tout le monde, il y a eu un changement de nom du ministère,
c'est MIDI maintenant, le ministère de l'Immigration, de la Diversité et de
l'Inclusion, l'Intégration a pris le bord. Est-ce à dire qu'on doit, dès maintenant,
anticiper les problèmes de conciliation entre la culture publique commune et la
perspective de l'interculturalisme affectée à l'inclusion versus l'intégration?
Est-ce que nous allons là — je
suis dans l'anticipation — au-devant de résolution de problème avec la
diversité? Par quel biais allons-nous gérer le lien entre la diversité
et cette nouvelle avenue? Est-ce que c'est par le biais des accommodements?
Est-ce que c'est par le biais de la médiation? C'est par quoi, selon vous?
Mme Martineau (Lucie) : Bien, dans notre mémoire, premièrement, on demande de doubler le temps de cette formation-là, le PDI, qu'ils
appellent, là. Mais, vous savez, si je commence avec les noms des ministères,
je vous ferais rire pas mal pendant
au moins 10 minutes, hein, je viens du ministère d'Emploi et Solidarité sociale, qui a changé de nom à tous les
ans pendant 10 ans. Mais le nom, ce n'est pas ça qui est important,
mais vraiment le temps qu'on prend avec les gens et la
qualité de ce qu'on va leur... et surtout — et Nadia l'a très bien dit — sécuriser
les personnes, leur faire prendre conscience
du fait français, c'est ce qu'on recherche, tout le monde, autant que
l'organisme partenaire que le représentant de l'État, et qu'on soit cohérent après. Quand la personne aura affaire
avec un organisme public, bien, qu'on ne lui parle pas en anglais tout
de suite, là, hein, qu'on réitère... Et, si chacun des ministères et organismes
qui donnent des services aux citoyens agissent de la même façon, bien, on va
retrouver qu'au Québec c'est une priorité de garder notre français, de
préserver notre langue.
• (17 h 10) •
M.
Kotto : O.K. Dans vos recommandations relativement... la
proposition concernant le nombre de personnes immigrantes admises et la
grille de sélection, vous parlez d'un barème minimal de personnes immigrantes
accueillies ayant atteint un très haut niveau de connaissance du français.
Est-ce que voulez préciser ce que vous entendez par «très haut niveau», c'est
relativement à qui, à quoi?
Mme Martineau (Lucie) : Je
pense qu'on accueille des gens qui
connaissent le français. Il y a plusieurs
facteurs : je connais le français,
je parle le français, je vais étudier le français.
Si j'arrive dans ma communauté sociale, et on ne parle qu'anglais, je
vais perdre le français. Alors, c'est pour ça qu'on indique que c'est un
amalgame de plusieurs choses, que ce n'est
pas seulement qu'économique non plus, qu'il ne faut pas non plus penser que
ça va tout résoudre nos problèmes démographiques.
Il faut également... Puis le monsieur l'a très bien
dit : La personne qu'on accueille, c'est un futur citoyen. Ce n'est
pas juste un futur travailleur, puis ce n'est pas juste un futur payeur
d'impôt, c'est quelqu'un qui faut qu'il participe
à la société. Puis, si on encourage que de participer à la société,
c'est de le faire en français, bien, on risque d'avoir beaucoup plus de
résultats.
M.
Kotto : Donc, j'ai
peu de temps, je vais aller dans une autre proposition que vous faites, à
l'effet d'octroyer suffisamment de ressources...
Mme Martineau
(Lucie) : Oui, on a dit : Financières et puis humaines.
M.
Kotto : ...humaines,
et pour assurer une étude rigoureuse des dossiers. Est-ce qu'au moment où on se parle vous
concevez que cette étude de dossiers n'est pas rigoureuse?
Mme Martineau (Lucie) : Au moment où on se parle, l'ensemble des
ministères et organismes vivent l'austérité.
M. Kotto :
O.K. J'ai compris. Merci.
Le Président (M.
Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de
Borduas.
M.
Jolin-Barrette : Oui, bonjour, mesdames. Vous avez abordé un point,
tout à l'heure, relativement au fait que, dans la région de Montréal, dans la fonction publique québécoise, les
gens issus de l'immigration avaient priorité sur les emplois permanents dans les différents ministères,
si j'ai bien compris, en raison du fait que le ministère se dote de
cibles au niveau, j'imagine, de la diversité à l'intérieur de ses propres
institutions et qu'il n'y a pas eu de régionalisation de ces cibles-là. Autrement dit, ça veut dire que c'est
une cible qui est nationale, panquébécoise, et que le ministère ne dit
pas : Bien, dans la région de l'Estrie,
on va mettre une cible de 10 % pour la direction régionale de l'Estrie;
sur la Côte-Nord, ça va être 5 %;
en Abitibi, ça va être 15 %; à Québec, c'est 40 %, parce que, je ne
sais pas, Québec est la deuxième plus grande ville du Québec. Est-ce que
c'est dans ce sens-là?
Mme Martineau
(Lucie) : Oui, c'est dans ce sens-là.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Chez vos membres, vous disiez qu'il y avait une
certaine frustration en lien avec...
Mme Martineau
(Lucie) : À l'époque, quand il y a eu... on a doublé l'immigration, et
puis le ministère... le gouvernement du
Québec a également haussé ses cibles. Ça, c'est combiné avec la politique de non-renouvellement
des effectifs. S'il y a moins d'embauches,
bien, les seules embauches pour remplir tes cibles, c'est ceux-là que tu vas
faire. C'est mathématique, là.
M.
Jolin-Barrette : Donc, les embauches occasionnelles, ce sont...
Mme Martineau (Lucie) : Non, ils ne
comptaient pas les embauches occasionnelles dans les cibles, c'est l'embauche
permanente.
M.
Jolin-Barrette : Et là actuellement puisqu'il y a un gel?
Mme Martineau (Lucie) : Bien, il y a un gel, oui, il y a un gel. Puis la
politique, elle vit encore, là, il n'y a pas juste un gel chez nous.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Donc, concrètement, la diversité, supposons sur
l'île de Montréal, à l'intérieur des ministères, va s'exprimer d'une façon
différente.
Mme Martineau (Lucie) : Oui, à l'époque. On a fait... Nadia, elle a dit
des «focus groups» puis on a également rencontré... Quand on fait nos
instances syndicales, on se l'est fait dire, là, que, si je suis un Québécois
de souche, à Montréal, je n'aurai pas de
poste permanent. C'est pour ça qu'on a arrivé à la table de négociation en
disant : Régionalisez les cibles, comme ça... Bien, on n'est pas
contre les cibles, là, mais pas du tout, hein? Nous, on est pour ça, là, les programmes d'accès à l'égalité puis la diversité.
Mais c'est parce que, là, c'était concentré, et ce que ça faisait...
Imaginez le milieu de travail, de
dire : Ça fait 10 ans que je suis occasionnel, j'attends un poste, à
un moment donné, qui va s'ouvrir comme
étant permanent, mais la personne que ça fait un an, six mois qu'elle est
rentrée va passer avant moi parce qu'elle a le critère essentiel pour avoir... atteindre les cibles
gouvernementales. C'est ça que ça créait. C'est ça qu'il a fallu
rectifier.
Mais
c'est sûr que, si on n'avait pas eu de politique de non-renouvellement des
effectifs, tu sais, ça n'aurait pas... moins fait sentir également, là.
C'est évident.
M.
Jolin-Barrette : Je comprends. À la page 21 de votre mémoire,
vous indiquez que l'État doit être présent à toutes les étapes du parcours du nouvel arrivant. Concrètement, je
comprends que vous souhaitez que l'État prenne en charge véritablement la mission de l'intégration,
la mission de la francisation et que ça soit davantage occupé par l'État
et non pas par le réseau de partenaires,
dans le fond, le réseau de partenaires devrait être plus en soutien à la
mission de l'État, mais que ça doit
quand même provenir des instances gouvernementales ou du réseau gouvernemental.
Est-ce que c'est dans ce sens-là?
Mme Martineau
(Lucie) : C'est-à-dire que l'État doit avoir la responsabilité, mais
ça ne veut pas dire que l'organisme n'est
pas complémentaire à l'État, donc
d'où l'importance... Et, quand on arrive à sa première formation, avec tout le stress que ça doit comporter également
pour une personne qui arrive puis qui veut être admise en immigration,
bien, d'avoir le représentant de l'État,
l'organisme d'accueil, qui est peut-être même dans ta même communauté, donc
c'est rassurant. Tu as le représentant de l'État où tu y vas et tu as ton
représentant de ta communauté aussi.
Ensuite,
bien, on ne dit pas que les organismes, là, n'ont rien à faire, mais sauf qu'il
faut que l'État garde, comment je vous dirais bien ça, une
responsabilité à chacune des étapes. Alors, j'accueille, j'accueille ensemble.
Bon, ensuite, il peut y avoir des choses
faites par différents organismes qui existent et qui font du travail sur le
terrain également, mais il doit y
avoir une reddition de comptes également, puis on doit s'assurer que le message
est donné, bien, uniformément au moins,
que les gens ont les bonnes informations partout, qu'on n'échappe pas, puis
qu'il y a des choses... C'est vrai que c'est anodin, de ne pas avoir
envoyé un diplôme original puis d'attendre, tout ça, mais, si ce n'est pas dit,
ça amène encore beaucoup plus de délais, et la facture aussi va venir avec, là,
la facture sociale aussi.
M.
Jolin-Barrette : O.K.
Vous disiez tout à l'heure que les services doivent être donnés en français,
en priorité en français. Vous dites qu'à l'intérieur des ministères
il n'y a pas de cible pour... ou de paramètre pour identifier, dans le fond, le 8 % des membres issus
de la communauté historique anglophone. Quels outils pourrait-on mettre en
place pour réussir sur cet aspect-là? Et, si je comprends, votre propos, c'est
de dire : Bien, lorsqu'on prend... lorsqu'un agent du gouvernement prend le téléphone, il devrait
uniquement répondre en français, et qu'il y ait un volet différent ou un
numéro de téléphone différent pour les gens de la communauté anglophone.
Concrètement, là, comment on peut...
Mme Martineau
(Lucie) : Bien, pas un numéro... Non, mais ce n'est pas...
M.
Jolin-Barrette : Bien, ce que vous voulez dire, dans le fond, c'est
qu'on change... l'accessibilité à l'anglais, dans les services
gouvernementaux, est trop facile pour les gens qui s'expriment...
Mme Martineau (Lucie) : Mais chaque ministère a une politique, puis elle
est différente, O.K.? Ça, c'est depuis à peu près trois ou quatre années, là, à peu près. La communauté... Quand
on arrive dans un ministère et organisme, là, on ne lui pose pas la question, là, s'il est de
communauté historique anglophone. S'il parle anglais, on va lui parler anglais.
Ce n'est pas compliqué, c'est ça. Parce
qu'il n'y a pas la grille... puis ce serait facile à mettre, là, une grille, de
savoir est-ce que la personne est...
Mais nous, là, on a
vu des aberrations, là, là-dessus, ça n'a aucun bon sens. Quelqu'un qui a
appris le français et qui va voir... je
pense que ça s'est passé à la Régie de l'assurance maladie, il va voir l'agent
puis il dit : Moi, là, vous allez m'enlever mon code, là, vous
pouvez m'envoyer la documentation en français, j'ai appris le français, puis
qu'il se fait dire : Bien, non, je ne
peux pas, on ne peut pas, on ne peut pas vous enlever votre code, vous, là, là.
Écoutez, on en a dénoncé, là, ça a fait les journaux depuis les
10 dernières années. Je ne les ai pas toutes amenées, là, mais même la ministre Courchesne, elle est intervenue à un
moment donné à l'État civil. La personne disait : Écoutez, ça fait trois
fois que je demande à avoir mes documents en
français, là, je l'ai appris, le français. Mais ça n'a pas... ça n'a aucun
bon sens!
Le
Président (M. Picard) : Merci, Mme Martineau. Il y a eu une
certaine confusion dans le temps alloué à l'opposition
officielle. J'aurais besoin d'un consentement, Mme la ministre, tous les
députés, pour permettre à Mme la députée de Taschereau d'intervenir pour
une période de 2 min 15 s. Consentement? Allez-y, Mme la
députée.
Mme
Maltais : Merci. Il nous restait deux minutes, puis on ne
s'est pas compris. Bonjour, bonjour. Une question que je me pose : Avez-vous réfléchi à
l'incidence sur la langue française de l'arrivée des nouvelles technologies à
l'époque? Je me demande si on n'en paie pas
encore le prix. Parce que, par exemple, quand les gens interviennent puis ils
veulent faire affaire à nos fonctionnaires
de l'État, la première chose qu'on nous dit au téléphone, parce qu'on utilise
maintenant beaucoup les codes, c'est :
Si vous voulez parler en anglais, appuyez sur le 2, ce qui fait qu'on vous
met immédiatement en contact non pas
avec quelqu'un qui vous parle en français, mais en contact avec, à votre
demande, quelqu'un qui parle en anglais.
Est-ce qu'il y a des études là-dessus? Est-ce qu'il n'y a pas... Parce que moi,
je pense que ça peut avoir eu un impact sur l'intégration et sur la
façon dont l'État travaille avec ses communautés.
• (17 h 20) •
Mme Martineau (Lucie) : Bien, effectivement, Mme Maltais, vous avez
raison. Et on a travaillé, nous, avec le Mouvement Québec français, à demander à chacun des ministères et
organismes de ne pas mettre le message
enregistré... parce que ça fait longtemps qu'il n'y a plus de
téléphoniste-réceptionniste, là, mais de dire : Si vous désirez parler en
anglais, «press 9» immédiatement, le message, là, c'était... même avant de
donner un message, là, on disait également : Tout de suite, tout de suite. C'est pour ça qu'on... C'est pour ça que la personne, là, la facilité, là... J'ai beau avoir
appris le français, mais, si ma
langue maternelle, c'est l'anglais, je vais «presser 9» immédiatement,
immédiatement. Bien, c'est sûr. Oui, oui.
Mme
Maltais :
Non, c'était vraiment ma question que je me posais. C'est tout.
Le Président (M.
Picard) : Merci. M. le député de Mercier.
M. Khadir :
Bonsoir, mesdames, merci d'être là. Vous avez, je pense, à juste titre, fait le
lien entre différents éléments, des facteurs
complexes qui peuvent expliquer pourquoi on réussit mal à franciser d'une
manière adéquate et ensuite à intégrer à l'emploi d'une manière adéquate
aussi, dans la fonction publique, les nouveaux arrivants.
Vous
avez fait mention des COFI comme si c'était un modèle qui fonctionnait bien et
qui pourrait éventuellement être, disons... dont on pourrait s'inspirer
à nouveau, un modèle qu'on a déjà pratiqué. Est-ce que c'est le cas, j'ai bien
compris, les COFI? Parce que vous avancez...
Mme Martineau (Lucie) : Oui, oui. Puis je suis bien à l'aise de vous le
dire, là, ce n'est pas moi qui les représentais.
M. Khadir :
Non?
Mme Martineau
(Lucie) : C'étaient les professeurs de l'État.
M. Khadir :
Très bien. Mais non, mais c'est parce que moi, comme mes parents ont appris le
français via les COFI, et comme nombre des immigrants que j'ai connus à
l'époque où ils étaient en processus d'intégration, parce que je fréquentais ces familles, j'étais moi-même nouveau
immigrant, je sais très bien que ça fonctionnait bien. Et ça a rencontré
votre objectif de dire... de mettre en
relation directement les nouveaux arrivants avec l'État plutôt qu'avec une
multitude d'organismes, souvent desquels sont issus parfois les nouveaux
arrivants eux-mêmes, qui donnent l'impression que, dans le fond, quand on arrive ici, le moyen le plus facile de
s'intégrer, c'est de rentrer dans un certain ghetto communautaire.
Pourquoi alors est-ce que ça a été coupé? La justification?
Mme Martineau (Lucie) : Bien, écoutez, la justification à l'époque, c'est
la même chose que toute l'impartition de l'État ou la création d'une
fonction publique parallèle. Les premières coupures se sont faites...
M. Khadir :
En 2000.
Mme Martineau
(Lucie) : Oui.
M. Khadir :
2000.
Mme Martineau
(Lucie) : Oui, c'est ça, oui. Puis ensuite il y en a eu d'autres,
parce que...
M. Khadir :
Je ne veux accabler personne, parce que tout à l'heure on a vu que différents
gouvernements ont coupé à différents
niveaux. Mais le COFI représentait un bon modèle intégré où on soutenait les
immigrants dans leur processus de francisation,
sauf que ça demande de reconnaître ceux qui travaillent là-dedans et de le
financer adéquatement. Et c'est sûr que ce n'est pas soluble dans une
vision de l'État où il faut couper partout et tout ce qu'il faut faire pour
balancer le déficit public, c'est de couper partout au lieu de s'assurer que
ceux qui doivent contribuer contribuent adéquatement.
Donc, maintenant, je voudrais vous ramener à une
chose. Est-ce que le vrai problème, c'est qu'on recrute des immigrants qui ne parlent pas au départ le
français, ou le vrai problème... Parce que, parfois, on recrute des
immigrants qui parlent le français au départ, puis on les
perd, comme vous l'avez dit, ou qui ne se trouvent même pas d'emploi. Donc, est-ce que le problème ne serait pas par
ici? En fait, le problème, ce n'est pas des immigrants qui arrivent,
comme l'intervenant préalable, qui ne
maîtrisent pas encore le français. Donc, exiger la maîtrise du français au
départ, au départ du pays puis à
l'arrivée, ce n'est peut-être pas aussi nécessaire qu'investir adéquatement
pour une meilleure francisation. Est-ce que je me trompe, de votre point
de vue?
Mme
Martineau (Lucie) : Bien, de
notre point de vue, oui, c'est justement ce qu'on dit dans notre mémoire.
On a accueilli beaucoup de personnes qui
maîtrisaient le français, mais, et on le dit dans le mémoire, probablement
qu'elles maîtrisaient l'anglais aussi et, une fois arrivées, elles vont
probablement choisir l'anglais. Alors, c'est ça, on les perd à un moment donné.
Donc, si on
regarde le dossier correctement puis on a des objectifs de maîtrise de la
langue, combinés à une bonne formation
puis une intégration à l'accueil, et puis un développement pour éventuellement
intégrer également, bien, on va... On risque plus de faire en sorte
qu'ils s'intègrent à la société québécoise en étant certains que la société
québécoise favorise le fait français.
Elles ne sont
pas certaines, là. Si on dit : Dans le ministère et l'organisme, bon, tout
de suite, si vous voulez un service
en anglais, «press 9», bien là, c'est sûr que moi, je me dis : Est-ce
que c'est vrai que l'État où je suis, la société où je suis, elle
favorise le français? Non, elle me donne le choix automatiquement, même avant
de me parler.
Le Président (M. Picard) :
Merci, Mme Martineau.
Mme Martineau (Lucie) : Je pense que
Nadia aimerait rajouter quelque chose.
Mme
Lévesque (Nadia) : ...une
minute. L'autre élément, c'est que, si la personne est en processus de
francisation, et, à tout bout de champ, on
lui offre de «switcher» — excusez
le terme — en
anglais, la pression de l'apprendre, le français, n'est pas là. Et, dans la fonction publique, notamment dans les centres contacts avec la clientèle, il y a
un temps précis pour faire les choses. Alors, quand un appel s'étire parce
qu'on le fait en français et que la personne a peut-être certaines limitations dans son apprentissage, elle est en
processus, bien, ça prend du temps, ça, et, comme on minute tout, et
qu'on norme tout, et qu'on se fait
interpeller lorsqu'on dépasse les barèmes prévus pour un appel, bien, ça n'aide
pas non plus à la francisation. Ça
fait que ce n'est pas juste un truc de grille et tout ça, c'est également une
question de culture. Est-ce qu'on laisse
le temps à l'immigrant de se franciser quand il est en relation avec l'État? Et
ça, bien, il n'y a pas de programme puis il n'y a pas de norme, c'est un
mode de gestion.
Le Président (M. Picard) :
Merci, Mme Lévesque.
Je vais suspendre quelques instants afin de
permettre à M. Alain-G. Gagnon de prendre place.
(Suspension de la séance à 17 h 26)
(Reprise à 17 h 29)
Le
Président (M. Picard) : Nous reprenons nos travaux en recevant
M. Alain-G. Gagnon, directeur du Centre de recherche interdisciplinaire
sur la diversité et la démocratie. M. Gagnon, vous disposez d'une période de
10 minutes.
M. Alain-G. Gagnon
M. Gagnon (Alain-G.) : Merci beaucoup.
Le
Président (M. Picard) : Un instant, M. Gagnon. J'oubliais, j'ai
besoin du consentement pour excéder l'horaire, on était supposés
terminer à 17 h 45. Consentement par tous? Ça va? Allez-y, M. Gagnon.
• (17 h 30) •
M. Gagnon
(Alain-G.) : Merci beaucoup,
M. le Président Picard. Mme la ministre Weil, messieurs, mesdames, membres de la commission, c'est un plaisir,
naturellement, de me retrouver devant vous aujourd'hui, et je vais
intervenir, par ailleurs, à titre personnel,
puisque... Même si je suis directeur du centre de recherche sur la diversité et
la démocratie et du Groupe de
recherche sur les sociétés plurinationales, c'est à mon titre... c'est en tant
qu'individu que je me présente devant vous aujourd'hui.
Je pense que nous sommes dans un moment clé pour
penser à la fois l'intégration, on en a parlé tout à l'heure avec M. Maka Kotto, parlé de diversité, parlé
d'inclusion. Je pense que c'est tout à fait fondamental de réfléchir à
ces grands enjeux là. Je pense être assez
bien placé pour discuter de ces rapports à maints égards, parce que je
m'intéresse beaucoup à la question de la diversité à la fois entre les
nations, entre les communautés de différents types, des communautés culturelles ou les groupes majoritaires, les
groupes minoritaires, les régions. Je viens du Bas-Saint-Laurent—Gaspésie,
donc j'ai une sensibilité aux régions, et à
la façon dont les immigrants s'installent en région, et comment ils s'adaptent
très bien en région, sauf que les supports ne sont peut-être pas encore suffisants.
J'ai lu avec beaucoup d'intérêt le cahier de
consultation. J'ai constaté que le cahier reprenait et étoffait des
propositions que la ministre Courcy, à l'époque, avait avancées dans le projet
de loi n° 71, en particulier les éléments qui traitent du marché du travail, le soutien à
apporter à la francisation. J'ai aussi noté que plusieurs des
recommandations que mes collègues Micheline
Milot, Leslie Seidle, qui est venu devant votre groupe, devant votre commission
la semaine dernière, et mon collègue
François Boucher, qui est aujourd'hui à l'Université de Montréal... ont été
aussi reprises de façon très utile et très marquée. Donc, ce
document-là, il est disponible en ligne, il est sur le site du MIDI. Alors,
pour ceux qui voudraient le consulter, avoir une meilleure idée de ce qu'il en
retourne, je pense que ça serait très important de le faire éventuellement. Ça
a été déposé le 23 octobre dernier. Et on y pense la diversité, on y pense
le pluralisme, on y pense l'intégration.
Alors,
aujourd'hui, je ne peux pas faire tout le tour de ce document sur lequel mes
collègues et moi nous nous sommes
entendus. Je vais par ailleurs mettre l'accent sur trois éléments qui me sont,
à moi, très importants si on veut penser la diversité et le pluralisme au Québec. Je les évoque rapidement.
Premièrement, pour moi, il importe de doter le Québec d'une politique officielle prônant
l'interculturalisme dans le but de fournir aux Québécois et aux Québécoises un
repère solide et durable favorisant le
vivre-ensemble. L'autre jour, j'écoutais M. Maka Kotto, il nous a parlé
d'une citoyenneté authentiquement québécoise. Bon, à travers
l'interculturalisme, je pense que nous aurions accès à cette citoyenneté authentiquement québécoise. Deuxièmement, il faut
raviver auprès des Québécois et des Québécoises le lien de confiance, qui m'a semblé être fragilisé au cours de la
dernière décennie. Troisièmement, il faut que le gouvernement favorise
la participation de tous les citoyens et facilite le rapprochement
intercommunautaire dans le but de faire advenir ici une société encore plus
accueillante et surtout plus solidaire.
Dans la
conjoncture actuelle, où il est beaucoup question d'austérité, selon les uns,
et de rigueur budgétaire, selon les
autres, il faudra éviter de fragiliser les programmes d'insertion sur le marché
du travail de même que les programmes de francisation des nouvelles cohortes de Québécois et de Québécoises. J'y
reviendrai sûrement à la période des questions.
Premier
élément — donc je
reviens, j'essaie de prendre mes points les uns après les autres, les trois
principaux points, puis je vais voir ce que
je peux développer dans les 10 minutes qui m'ont été allouées — donc doter le Québec d'une politique
officielle misant sur l'interculturalisme à la fois comme outil de solidarité
et d'édification nationales. Ici, le Québec
et le Canada ont en partage le principe du pluralisme, qui s'exprime d'abord du
côté juridique avec la cohabitation de la tradition civiliste et de la
common law, mais aussi, depuis quelques années, avec la prise en compte des
droits coutumiers autochtones par nos cours
de justice. Donc, le pluralisme, c'est très étendu, et il faut donc en prendre
conscience et l'insérer dans nos politiques publiques. Ce pluralisme se
manifeste aussi au chapitre des idéologies — on en a la preuve autour de
cette table — et
des projets politiques qui se font concurrence. En outre, ce pluralisme
s'exprime au niveau sociétal en partie grâce à la cohabitation de nombreuses
collectivités qui sont venues se greffer à la société québécoise à la faveur de
diverses vagues d'immigration.
Eu égard au pluralisme identitaire, il existe au
Québec un inconfort certain avec la politique canadienne du multiculturalisme adoptée par Pierre Trudeau à
l'automne 1971. Cette politique, on le sait, est en porte-à-faux avec
les recommandations de la commission
Laurendeau-Dunton sur le bilinguisme et le biculturalisme en ce que le multiculturalisme canadien cherche à dissocier la langue de la culture. L'ancien premier ministre Robert Bourassa, peut-être, quant
à moi, le premier porteur du projet
interculturalisme pour le Québec, il avait souligné, dans une lettre envoyée le
11 novembre 1971 à son homologue
fédéral, que la langue et la culture font partie d'un tout. Dans cette missive,
l'ancien premier ministre du Québec
indique son étonnement face au fait, et je cite, que «le document
déposé à la Chambre des communes dissocie la culture de la langue. C'est là une assertion qui me paraît discutable
pour fonder une politique.» Et il précise, plus loin dans sa lettre,
que la notion de multiculturalisme «paraît difficilement compatible avec la
réalité québécoise, où il y a une présence
dominante d'une population de langue et de culture française,
en plus d'une minorité importante de langue et de culture anglaise, ainsi que de [nombreuses minorités d'autres langues et
d'autres cultures]». Ce texte pose, selon moi, les premiers jalons d'une
politique favorisant l'interculturalisme pour le Québec.
Viendront
subséquemment se greffer deux énoncés de politique majeurs, respectivement sous le gouvernement de René Lévesque, Autant de façons d'être
Québécois, en 1981, où il était beaucoup question de convergence
culturelle, et, en 1990, sous le
gouvernement de Robert Bourassa, Au Québec pour vivre ensemble, où on
parlait surtout d'interaction intercommunautaire.
Et, pour moi, c'est le document essentiel aujourd'hui, celui qui n'a pas encore
été dépassé et qu'il nous faut collectivement trouver le moyen de
surpasser. Ces deux énoncés ont contribué à enraciner les grands principes
sous-tendant l'interculturalisme québécois, qu'il s'agisse, un, de la
reconnaissance des nations autochtones et des collectivités
historiques, qu'il s'agisse, deux, de la participation de tous à la vie
publique, trois, d'une invitation à se rallier autour du fait français
et de la consolidation d'une culture sociétale unique, de l'apport des
multiples composantes de la société québécoise à l'avancement des pratiques et
des valeurs démocratiques, du rapprochement et de la solidarité intercommunautaire
ou encore de la continuité historique de la nation minoritaire québécoise au
Canada. Tous ces éléments-là, on les
retrouve dans les deux grands énoncés politiques précédents. Il était aussi
question, dans ces documents, de
l'engagement de tous les citoyens et des échanges intercommunautaires dans la
construction d'un régime de citoyenneté propre au Québec.
Deuxième
point, revitaliser le lien de confiance. Souhaitée par plusieurs intervenants,
l'adoption d'un nouvel énoncé de
politique en matière d'immigration, de diversité et d'inclusion arrive à un
moment où les tensions entre les collectivités se sont résorbées quelque
peu, peut-être pas suffisamment, mais au moins nous sommes dans un territoire
où on peut aujourd'hui se parler. D'emblée,
soulignons que, bien que le gouvernement du Québec ne se soit pas encore doté
de sa propre politique d'interculturalisme, cela n'a pas empêché divers
ministères de poser des gestes concrets en mettant en valeur les pratiques
interculturelles. Cela contribue, quant à moi, à étoffer à la fois le lien de
confiance et à faire avancer l'intégration.
À titre
d'exemple, soulignons l'existence de trois documents gouvernementaux, le
premier, le cadre de référence du ministère
de l'Éducation, du Loisir et des Sports portant sur l'accueil et l'intégration
des élèves issus de l'immigration, qui a été déposé en 2014; le programme de français
pour les personnes immigrantes adultes au Québec, développé par le ministère de l'Immigration et des Communautés
culturelles, qui remonte à 2011, on a donc des documents très clairs qui
nous permettent de faire... d'avaliser
éventuellement une politique claire de l'interculturalisme, troisième document,
qui remonte à 1998, la Politique
d'intégration scolaire et d'éducation interculturelle. Donc, on a des éléments très clairs qui
nous permettent d'essayer d'élaborer davantage une politique qui soit concrète.
Je tiens à
souligner qu'il y a longtemps que les représentants de la société
civile demandent à ce que le gouvernement du Québec
adopte une politique officielle de l'interculturalisme. Cette politique
devra offrir à la fois une réponse claire à la politique canadienne du
multiculturalisme et faire du Québec un modèle porteur pour les sociétés
traversées par la diversité profonde dans le
contexte des démocraties libérales les plus avancées. D'autres régions
s'inspirent des pratiques interculturelles
du Québec en cours, je pense ici au Conseil de
l'Europe, je pense à la Catalogne et même au gouvernement canadien qui imite les politiques
interculturelles du Québec. Donc, celui qui imite qui? C'est le gouvernement canadien
qui, aujourd'hui, imite les politiques interculturelles du Québec. On en
reviendra sûrement à la période de questions.
L'implantation d'une telle politique, exigée, entre
autres, par bon nombre d'intervenants
devant la commission Larose, recommandée même par...
Le Président (M. Picard) : En
terminant, M. Gagnon.
• (17 h 40) •
M. Gagnon
(Alain-G.) : ...la commission
Bouchard-Taylor, aura comme répercussion, d'une part, de donner un caractère formel à plusieurs pratiques gouvernementales adoptées au cours des dernières décennies et, d'autre part,
de raviver le lien de confiance entre toutes les composantes de la société
québécoise...
Le Président (M. Picard) :
Merci, M. Gagnon. Votre temps... Oui, M. le député de Bourget.
M. Gagnon (Alain-G.) : Je finis ma
phrase, si je peux?
M. Kotto : Est-ce que je peux...
Le Président (M. Picard) :
Avec plaisir.
M. Kotto : ...délester
quelques minutes pour que M. Gagnon termine?
Le Président (M. Picard) :
Allez-y, M. Gagnon.
M. Gagnon (Alain-G.) : Merci
beaucoup. Et, d'autre part, de raviver le lien de confiance entre toutes les
composantes de la société québécoise dont les relations ont pu être mises à mal
ces dernières années. L'adoption d'une
politique d'interculturalisme ne constitue toutefois pas une panacée aux défis
que le Québec doit relever en tant que société
d'accueil, mais elle constitue une avancée qu'il faudra épauler par des actions
concrètes. J'en mentionnerai deux ici.
On a beau parler de laïcité ces dernières
années dans le but d'instaurer une société plus juste et même de permettre à tous de réaliser leur plein potentiel,
je croyais que la mise en place de ce principe au cours des
40 dernières années avait probablement donné tous ses fruits. Ce qui me
semble manquer se situe davantage au chapitre de l'avènement d'une citoyenneté
québécoise active et de la mise en place de mesures concrètes permettant à tous
les Québécois et à toutes les Québécoises de
s'inscrire pleinement dans l'édification d'une nation inclusive. Pour ce
faire, il faudrait réviser à la hausse le train de mesures que souhaite faire adopter
le gouvernement. Le gouvernement ne peut, ne doit pas se dérober à ses propres
obligations.
La question du lien de confiance exigera aussi
que le gouvernement du Québec fasse un pas de plus et qu'il adopte des mesures plus contraignantes avant de
pouvoir modifier la charte québécoise des droits et libertés, laquelle a
perdu une partie de sa valeur symbolique auprès des collectivités minoritaires
lors des débats entourant la charte des valeurs.
Ce travail passe nécessairement par une meilleure connaissance de la charte
québécoise et par sa revalorisation auprès de toutes les collectivités.
J'arrive
presque à la fin. L'adoption, troisièmement, d'une politique établissant
l'interculturalisme passe donc par des
actions concrètes. Premièrement, favoriser la pleine participation des membres
des communautés ethnoculturelles dans toutes ses dimensions à la vie
québécoise. Deuxièmement, réaffirmer le rôle et l'importance de la charte
québécoise des droits et libertés de la personne. Nous sommes quelques mois
avant de célébrer son 40e anniversaire, donc le 27 juin prochain, ce sera le 40e anniversaire de la charte
québécoise, et beaucoup de Québécois ne la connaissent pas encore.
Troisièmement, favoriser la représentation de tous les groupes ethnoculturels,
notamment des minorités visibles, au sein
des corps élus et des administrations publiques. Quatrièmement, favoriser les
interactions et les échanges interculturels dans un cadre qui respecte
et reconnaît le droit à la différence. Ici, naturellement, l'école joue un rôle
déterminant. Sixièmement, lutter activement
contre le racisme, les préjugés et les stéréotypes. Et, septièmement,
reconnaître formellement la responsabilité du gouvernement du Québec
dans la promotion d'une vision inclusive de la diversité ethnoculturelle de la
société québécoise.
Je me réjouis naturellement que chacun de ces
éléments se retrouve, en tout ou en partie, aujourd'hui dans le présent document de consultation qui a été soumis
à l'examen des acteurs sociaux, culturels, politiques et des diverses
collectivités à l'échelle du Québec. L'implantation de chacune de ces mesures
contribuera à tonifier la citoyenneté québécoise. Merci, M. le Président.
Le
Président (M. Picard) : Merci, M. Gagnon. Je cède la parole à
Mme la ministre.
Mme
Weil : Oui. Bonjour, M. Gagnon. Fort intéressant, et je pense
que je vais vous permettre d'élaborer en vous posant des questions, parce qu'évidemment il y a beaucoup de profondeur
dans ce que vous dites. Et, pour élaborer une politique sur
l'interculturalisme, et la conjoncture qui fait en sorte que le moment est
arrivé pour le faire, donc je vais peut-être...
Dans un premier temps, on va parler d'interculturalisme et la compréhension,
parce qu'il y a un travail aussi, peut-être, de pédagogie. Et vous avez
évoqué quelque chose d'intéressant, vous avez dit : Le modèle... Parce
qu'on a souvent des commentaires sur le
multiculturalisme canadien. Mais vous dites que, finalement, c'est peut-être ce
modèle qui est peut-être en train de transiter vers notre modèle. Et vous
connaissez les études PISA où justement on fait ce commentaire — c'est
une étude internationale — et on parle des écoles canadiennes. Mais les chercheurs qui ont
alimenté ces recherches m'ont dit que
beaucoup de recherches des données venaient du Québec, et ils ont souligné que,
je pense, le Canada était en deuxième
position dans les pays qui sont comparés, évalués, puis ils parlent de l'approche
interculturelle de nos écoles mais à l'échelle du pays. J'ai trouvé ça
intéressant. Il n'y a pas beaucoup de gens qui s'y connaissent en la matière.
Pouvez-vous
expliquer en quoi et, dans la vraie vie, qu'est-ce que ça veut dire, que ça
soit à l'école, que ça soit dans nos rapports entre citoyens, que ça
soit dans le réseau de la santé, très concrètement... Parce que beaucoup de
gens ont de la misère à comprendre ce
modèle. Les commentaires qu'on a eus... D'abord, je vous dirais qu'ici il y a
un consensus. Les groupes à qui j'ai posé la question, tout le monde
dit : Oui, c'est le temps de mieux définir, formaliser. Et c'est des groupes qui ont l'expérience de ce dialogue
interculturel, c'est des initiés. Mais, pour que tous les Québécois
puissent s'approprier ce modèle... Et il y a
aussi la question de la langue qui semble être beaucoup au coeur, peut-être,
des origines de ce modèle qui se
devait peut-être d'être plus proactif pour engager l'autre dans une relation de
confiance. C'est l'occasion peut-être de vous entendre, parce qu'on n'a
pas eu beaucoup de personnes qui connaissent, d'un point de vue plus
intellectuel, académique... Je vous laisse aller sur ça.
M. Gagnon
(Alain-G.) : Merci beaucoup, Mme la ministre. Naturellement, quand on
évoque, au Québec, la notion de multiculturalisme, ça pose habituellement un problème.
On pense beaucoup à la juxtaposition des groupes, la non-convergence, les
aspects moins communautaires. Or, la position québécoise, je pense, et la
plupart des partis politiques ont adhéré à ce projet-là, c'est le projet à la
fois du fait français comme un fait qu'il soit le fait prédominant au Québec.
Par ailleurs, il faut constater que l'anglais est là, qu'il y a une communauté
historique d'Anglo-Québécois, et il faut composer avec cette minorité-là d'une
façon la plus constructive possible. Nous sommes le pendant l'un de l'autre.
D'une certaine façon, cette dynamique-là, elle est essentielle à entretenir de
façon très respectueuse.
Maintenant, dans le
projet interculturel, naturellement j'ai mentionné le fait français, il est un
fait essentiel, un fait prédominant. Il y a aussi le fait qu'on se retrouve
dans l'idée où il doit y avoir une obligation de participation de la part de
tous les citoyens. Donc, l'interculturalisme, c'est très exigeant comme
formule. On oblige moralement l'ensemble des
gens qui vivent sur le territoire québécois, peu importe sa langue, sa culture,
son origine, à prendre part au débat
public, à devenir un plein citoyen. Donc, on est ici dans la citoyenneté
active, et ça, c'est exigeant. Et ça, ça invite à la fois à la lutte contre toute forme... tout
stéréotype, toute lutte... il faut lutter contre tous les stéréotypes qui
peuvent exister. Donc, il y a une obligation d'être drôlement actif au
sein de cette société.
Il
y a aussi... À l'intérieur du projet interculturel, je dirais qu'il y a la
préséance des droits communautaires sur les droits individuels. Non pas
qu'on néglige les droits individuels, mais il y a une préséance des droits
communautaires sur les droits individuels, alors que, dans le multiculturalisme
à la canadienne, c'est le contraire, ce sont les droits individuels quoi qu'il arrive. Et la diversité, elle... on pense la
diversité mais plus sur une base privée. Donc, la place du multiculturel, c'est une place qu'on va réserver au
privé, et, dans le vécu de tous les jours, je dois avouer que le multiculturalisme n'est pas si présent que ça,
alors que, dans le projet interculturel québécois, il y a la place des
droits communautaires des... un choix, comment on pourrait appeler ça... un
contexte de choix qu'on doit alimenter. Donc, les
gens qui viennent s'installer au Québec, il y a une raison pourquoi ils
viennent s'installer au Québec. À la fois, il y a une communauté historique québécoise francophone, il y
a une communauté historique anglo-québécoise, donc il y a des gens qui viennent ici pour ces deux raisons-là. Il y a
des gens qui viennent ici aussi pour regroupement ou réunification des familles. Donc, ces éléments-là, c'est des
éléments qui sont essentiels à l'avenir du Québec. Donc, à la fois ces
réunifications familiales, la continuité de la communauté historique
anglo-québécoise, la continuité de la communauté historique québécoise
francophone, ce sont des raisons qui peuvent porter le projet interculturel.
• (17 h 50) •
Bon.
Tout le monde n'est pas d'accord avec la politique de l'interculturalisme. Il y
a des collègues à l'UQAM, par exemple,
ou à l'Université de Montréal qui, pour eux, voient l'interculturalisme et le
multiculturalisme comme étant du pareil
au même. Et, pour moi, ce n'est pas du tout du pareil au même, il y a vraiment
une différence qui est fondamentale dans
l'échange intercommunautaire, dans l'accueil de l'autre, la place pour
l'hospitalité, une philosophie de l'hospitalité, s'assurer que celui qui
vient s'installer, celui ou celle qui vient s'installer au Québec y trouve une
terre d'accueil où on pourra le ou la recevoir de façon très généreuse aussi.
Et
il y a une dimension qui nous échappe
mais qui ne porte pas sur l'interculturalisme, mais qui porte plus sur l'immigration, le fait que nous choisissions les
éléments les plus intéressants de d'autres pays, les gens les mieux
formés, les plus instruits, pour s'enrichir,
effectivement, je pense que, là, on a un problème moral mais
qui n'a pas encore été abordé devant
cette commission : Comment faire pour compenser les sociétés, la
société maghrébine par exemple, à partir de laquelle nous nous alimentons abondamment? Comment se fait-il que nous
ne faisons pas beaucoup en retour? Il devrait y avoir des compensations à ces pays à partir
desquels nous allons enrichir nos propres communautés. Donc, là-dessus, il
y a une question, je pense, morale qui est drôlement importante.
Alors,
un modèle québécois qui est drôlement porteur, comme je le disais tout à l'heure, les Canadiens s'en sont servi
beaucoup, de ce modèle québécois. Au Canada
anglais, on parle beaucoup du «citizen engagement», donc, mais ça, ce «citizen engagement», c'est la politique
interculturelle québécoise. Alors, qu'on ne nous fasse pas accroire aujourd'hui
que le multiculturalisme et
l'interculturalisme, c'est la même chose, c'est-à-dire que les
Canadiens, à Ottawa en particulier, ont décidé de prendre notre modèle et d'essayer de nous enlever un
élément qui nous différenciait. Ils se l'ont approprié et aujourd'hui
ils le présentent comme étant le modèle par excellence au Canada. Or, c'est le
modèle québécois.
C'est le même
phénomène avec les garderies, si on veut. On veut, aujourd'hui, reprendre le modèle des garderies à l'extérieur du Québec. Parfait. Je trouve ça très intéressant, c'est-à-dire que le modèle québécois en matière de garderie, en matière de droits de scolarité, en matière
d'accueil de l'autre, c'est un modèle qui est drôlement porteur. Pourquoi ne
pas continuer dans ce sens de l'ouverture à
l'autre, du pluralisme, de l'accueil, de l'hospitalité et de la modération? Je
pense que c'est là-dessus qu'on peut faire des progrès extraordinairement importants.
Mon collègue
Gérard Bouchard, dans le rapport avec Charles Taylor et dans son ouvrage, nous
parle beaucoup de l'interculturalisme.
Il insiste, lui aussi, sur la place du français, sur le pluralisme au niveau
des valeurs. Il parle beaucoup de la
continuité du noyau historique francophone, mais attention!, avec les autres
communautés avec lesquelles ce noyau francophone doit évoluer, il doit
fonctionner. Il nous parle aussi des pratiques de l'interaction. Donc,
là-dessus, je pense converger passablement avec mon collègue Gérard Bouchard.
Le Président (M. Picard) : Mme
la ministre.
Mme Weil : Combien de
minutes?
Le Président (M. Picard) : Cinq
minutes.
Mme Weil :
O.K. Excellent. Vous parlez aussi de l'importance de la charte des droits et
libertés du Québec et dont il faut réaffirmer le rôle, la Commission des
droits de la personne est venue nous en parler, puis l'importance d'éduquer,
que, même, ça fasse partie du programme pédagogique dans nos écoles. Bien qu'on
voie que les sondages montrent que les
jeunes, au fil des années, sont très attachés aux chartes, avec un «s», qu'il y
a eu une sensibilisation par rapport à l'importance des chartes, parce
qu'on en parle beaucoup, surtout des décisions de la Cour suprême, donc les
jeunes ont beaucoup assumé, mais il n'y a peut-être pas une compréhension de ce
que ça veut dire.
Donc, les notions d'égalité peut-être, pour en
venir avec votre... Un autre axe que vous soulignez qui est très important, c'est la participation, donc l'égalité
et la participation. Et la Commission des droits de la personne aussi...
puis vous aussi, vous en parlez beaucoup,
comment lutter contre le racisme, les préjugés, les stéréotypes. Tout ça, ça
fait un tout, donc, qui va prendre...
exiger des actions gouvernementales mais, vous dites, en partenariat aussi avec
d'autres acteurs de la société. Donc,
qui sont ces autres acteurs? Pouvez-vous nous parler, donc, de l'importance...
le rôle de la Commission des droits de la personne aussi comme un acteur
important dans la société, la charte, pour nous amener vers cette société
inclusive où tout le monde a une obligation, mais l'État aussi, évidemment?
M. Gagnon (Alain-G.) : Est-ce que je
vais répondre à tous les éléments de votre question? Je vais faire de mon
mieux.
Mme Weil : ...finalement, du
document.
M. Gagnon
(Alain-G.) : C'est-à-dire
que nous avons essentiellement deux chartes, la Charte canadienne des
droits et libertés et la charte québécoise
des droits et libertés de la personne. La charte canadienne, pour un ensemble
de raisons, elle semble faire
l'unanimité. La charte québécoise, un peu moins, et c'est là-dessus qu'il faut
travailler aujourd'hui. Je pense
qu'aujourd'hui il faut travailler... rendre la charte québécoise des droits et
libertés de la personne comme étant le
repère, la référence de la construction d'une citoyenneté québécoise. C'est une loi organique mais qu'on ne peut pas
changer comme on voudrait. C'est-à-dire, l'image qu'on en a eue, entre
autres pendant le débat sur la charte
des valeurs — surtout
les membres des groupes minoritaires au Québec, qu'on doit défendre quoi qu'il
arrive — a
conduit plusieurs de ces personnes à
s'inquiéter, à dire : Ah! voici! Si on devait modifier la charte, parce que
nous avons une position majoritaire à l'Assemblée nationale... Les groupes minoritaires, ça les inquiète d'entendre ces types de
propos là. Je pense que là-dessus
il faudrait que l'Assemblée nationale s'entende pour dire que ça a été négocié,
ça doit être négocié et ce n'est pas...
On ne peut pas jouer avec cette charte. Elle
doit être la référence par excellence pour tous les citoyens qui s'installent et qui vivent au Québec. Et c'est peut-être
là où la charte canadienne s'en tire mieux. Et, lorsqu'on a évoqué l'idée que peut-être qu'on va trouver une
façon de contourner la charte, bien là, ça a eu une conséquence importante.
Et moi, je pense que là-dessus probablement que tous les députés seraient
d'accord pour dire que, si on devait toucher à la charte, on pourrait le faire, mais il faudrait qu'on ait une
supermajorité, non pas simplement avec le parti gouvernemental, mais aussi la première et la deuxième opposition,
pour parler dans les termes qu'on utilise en cette Chambre aujourd'hui.
Donc, il faut
trouver une autre façon de penser, je pense, notre rapport à l'autre mais
s'assurer que les lois organiques qui
sont les nôtres... Et, parmi ces lois organiques là, il y a la Charte de la
langue française, qui est une loi organique
majeure, qui fait partie d'une constitution québécoise dans le sens britannique
de la chose, donc une charte non écrite. Mais des lois organiques qui sont
significatives, une charte des droits et libertés de la personne, qui est le
premier élément, le deuxième élément étant la Charte de la
langue française, ça, ce sont des éléments... ce sont des piliers
extraordinairement importants à partir desquels on peut construire cette
citoyenneté québécoise ou ce régime de citoyenneté au Québec.
Pour
le reste, c'est sûr que, bon, chacun va essayer d'imaginer sa façon de penser
le pluralisme, mais je pense que nous
devons le penser de façon très généreuse et toujours en essayant de protéger
les minoritaires, les communautés des plus
faibles. Alors, au sein de la fédération canadienne, il y a des groupes qui
sont plus forts que d'autres. Assez rapidement, on va constater que les nations autochtones sont probablement les
groupes les plus faibles. Donc, on a une obligation morale de défendre ces groupes-là. Au Québec,
probablement aussi, ce sont les nations autochtones qui sont les groupes les
plus faibles. Donc, il faut protéger, défendre et trouver des façons de raviver
notre rapport à l'autre.
Le Président (M. Picard) :
Merci, M. Gagnon. Je cède la parole à M. le député de Bourget pour
6 min 30 s.
M. Kotto : Merci, M. le
Président. M. Gagnon, bonjour, merci d'être là, merci pour votre contribution.
J'irai,
d'emblée, à la question qui me titille depuis le début de votre exposé :
Si nous étions un régime républicain, la
question de la diversité et de la pluralité se gérerait comment, à la lumière
de ce qui se passe ailleurs à travers le monde?
M. Gagnon (Alain-G.) : Bon, d'abord,
nous ne sommes pas une république...
M. Kotto : Si, hypothèse.
M. Gagnon
(Alain-G.) : C'est-à-dire,
moi, je ne suis pas très républicain. Presque heureusement que ce n'est
pas une république. Il y a des traditions britanniques pour lesquelles, moi,
j'ai beaucoup d'estime et qui nous permettent d'avoir
ce type de délibérations qui s'appuient sur une constitution qui est en
évolution, non écrite, qu'on doit renégocier dans l'idée de
l'interculturalisme sur une base quotidienne et qui s'appuient sur des facteurs
majeurs, qui s'appuient sur trois grands
principes, qui s'appuient sur la continuité historique — je pense que c'est le principe le plus
important du constitutionnalisme — qui s'appuient sur la réciprocité, donc
notre rapport à l'autre, notre rapport aux autres communautés, notre rapport aux autres citoyens, notre rapport
hommes-femmes, ce sont tous des rapports qui s'appuient sur cet héritage
que nous avons du constitutionnalisme, et le
troisième, c'est la question du consentement, dans quelle mesure
sommes-nous, comme communauté, comme individu, consentants à transformer les
rapports de force, les rapports de pouvoir, comment on peut renégocier les
choses de façon correcte.
Donc, à
travers le républicanisme, pour revenir à votre question, je ne pense pas...
Malheureusement, je regarde la France
aujourd'hui, et hier, et la semaine dernière, et je ne vois pas la solution en
France. Cette république, quant à moi, elle a déçu beaucoup. Elle a déçu
en ne permettant pas l'inclusion, en créant ses ghettos, en gardant des gens à
l'extérieur des centres urbains. Ça, là-dessus, on a un travail, nous, à
faire et à montrer comment le modèle québécois est beaucoup plus accueillant et
beaucoup plus inclusif que le modèle français.
• (18 heures) •
M. Kotto :
Sur le modèle français, certes, il y a un constat d'échec, que même le premier
ministre Valls admet. Mais il faut
revenir un peu en arrière, dans les années 80, avec la génération
Mitterrand qui apportait des réponses à ces problématiques en banlieue, problématiques qui ont été, disons,
délaissées par la suite, après son départ. Donc, on ne peut pas
condamner, dans l'absolu, la démarche monoculturelle de la république.
D'un autre côté, on sait que Mme Merkel et M.
Cameron, le premier ministre britannique et la chancelière allemande, ont fait
le constat de l'échec du multiculturalisme. Ce qui nous amène, nous, à notre
propre laboratoire, l'interculturalisme, qui n'a jamais été défini de façon
tangible, de façon spécifique, dans les détails. On défend sans arrêt notre héritage collectif. Au plan des
valeurs, on dit oui, à condition qu'on respecte les valeurs, oui, à condition
qu'on... mais, parallèlement à cela, nous
sommes en compétition avec le modèle multiculturaliste canadien, quand bien
même il aurait des tendances à s'inspirer du
nôtre, qui, encore une fois, demeure très abstrait. Et d'ailleurs je me demande
les raisons pour lesquelles cette
assertion est défendue, comme quoi le multiculturalisme canadien s'inspire de
l'interculturalisme québécois, qui est mal défini, on le reconnaît dans le
document de consultation.
Cela dit, nous sommes dans un laboratoire, et,
ce laboratoire, est-ce que, dans la définition des travaux qui doivent y avoir lieu, nous ne devons pas ouvrir
davantage le débat que nous avons ici aujourd'hui? Au lieu de le tenir à
l'intérieur de deux semaines, est-ce que ça ne doit pas être un débat que la
population tout entière doit s'approprier, parce qu'il est quand même, ici,
question de l'avenir d'une nation?
M. Gagnon
(Alain-G.) : Je suis le
premier à être d'accord avec vous pour dire que le Québec constitue une
nation, qu'on souhaite la plus inclusive
possible. Je suis d'accord avec vous pour dire que le fait français au Québec
doit avoir préséance et doit donner des orientations dans le
vivre-ensemble. Je suis d'accord pour dire que nous devons nous faire les
défenseurs de la diversité et du pluralisme. Nous sommes, nous vivons dans des
sociétés démocratiques et pluralistes.
Lorsque M. Cameron et Mme Merkel remettent en question le multiculturalisme, ce
qu'ils remettent en question, c'est
le phénomène de ghettoïsation. Le projet interculturel n'est pas un projet de
ghettoïsation. Le projet interculturel, c'est l'invitation à prendre part à et à devenir pleinement citoyen. Et moi,
comme membre du groupe majoritaire, je ne peux qu'être ouvert à l'idée
d'accueillir l'autre qui me fait confiance en venant s'établir et vivre au
Québec.
Donc, on a
une obligation morale à accueillir, à se faire hospitalier et être le plus
pluriel possible. Ça, ça a été la force
du modèle québécois des 40 dernières années. Est-ce qu'on veut tourner la
page là-dessus? Est-ce que le Québec de René Lévesque, ouvert, pluriel,
déterminé à ce rapprochement interculturel, est-ce qu'on va abandonner ça pour
dire que le multiculturalisme, c'est un échec?
On n'est pas
dans le multiculturalisme ici, on est dans l'interculturalisme, dans cette
convergence intercommunautaire, avec le fait français comme étant le
fait, l'élément de ralliement. Après, on a des débats politiques. Est-ce qu'on
veut être dans la fédération, à l'extérieur de la
fédération? Est-ce qu'on est pour une société plus asymétrique, moins
asymétrique? Là, on est dans les outils pour réaliser ce projet-là.
Mais le
projet, c'est vraiment le projet du vivre-ensemble à travers des échanges
intercommunautaires, qui peuvent être corsés parfois. Et, au Québec, on
débat de qui nous sommes depuis quand même pas mal longtemps, et là cette politique-ci, c'est une politique qui, moi, m'apparaît à la fois
porter sur l'intégration à travers l'interculturalisme... On ne parle
pas d'intégration dans le libellé du MIDI, mais, quand on parle d'interculturalisme,
je pense que la principale opposition à l'Assemblée nationale devrait
dire : Bien, nous embarquons dans ce projet-là, nous...
Le Président (M. Picard) :
Merci, M. Gagnon. Je cède maintenant la parole à M. le député de Borduas.
M.
Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Gagnon. Pour
continuer sur le thème de la relation entre le multiculturalisme et
l'interculturalisme, vous me permettrez de vous référer à l'ouvrage que vous
avez écrit en 2011, L'âge des incertitudes. Je vais simplement vous
citer un paragraphe, puis ensuite j'aimerais que vous spécifiiez votre pensée à
cet égard-là.
«L'un des
grands enjeux sur lequel il faut s'attarder est le fait que la Constitution
canadienne ne reconnaît toujours pas le modèle interculturel qui s'est
graduellement implanté au Québec depuis la fin de la Révolution tranquille, alors qu'elle reconnaît et constitutionnalise le
multiculturalisme, les droits inhérents des Premières Nations, et les
droits des minorités d'expression française au Canada hors Québec, ainsi que
ceux de la minorité d'expression anglaise au Québec.
Cette façon de faire a contribué à miner les fondements même du principal pôle
identitaire au Québec, en d'autres mots,
le fait français comme lieu de convergence et de confluence des préoccupations
culturelles, économiques, politiques et
sociales des Québécois. La réponse à cette inadéquation réside dans l'avènement
d'un véritable fédéralisme multinational permettant aux deux principales
communautés nationales du Canada d'implanter sur leur territoire respectif des
modèles respectueux de la diversité profonde.»
En ce sens, lorsque vous parlez d'un fédéralisme
multinational, qu'est-ce que vous voulez dire?
M. Gagnon
(Alain-G.) : J'aime beaucoup
la question. Je vous en remercie. Naturellement, ce modèle multinational,
donc, il s'appuie à la fois sur l'existence,
au Québec, de nations historiques, donc des nations autochtones, d'une
minorité nationale historique, les
Anglo-Québécois, et de la communauté nationale québécoise. Donc, on a ici
plusieurs nations, mais il y a une
nation qui est une nation québécoise qui fait la fusion de l'ensemble de ces
éléments-là. Alors, à l'échelle du Canada,
pour moi, je vois la nation acadienne, la nation québécoise, la nation
canadienne-anglaise et les nations autochtones comme étant des nations
qui doivent avoir voix au chapitre.
Maintenant,
il faut trouver des accommodements, les plus raisonnables possible, et ça, ça
se fait au niveau des enjeux, des
débats qu'on a. Il y a des gens ici, à l'Assemblée nationale, par exemple, qui
suggèrent, qui proposent, qui défendent,
depuis 40 ans maintenant, le droit du Québec de faire sécession et de
s'émanciper. Donc, il y a un projet là. Et ce sont des projets
démocratiques.
Alors, pour
moi, la vision que j'ai de la fédération canadienne, si elle doit être... si
elle doit pleinement donner sa mesure,
elle devra se faire de plus en plus multinationale pour reconnaître la nation
québécoise dans sa diversité, pas dans ce qu'elle a d'unique et d'ethnocentrique, si on veut, mais ce qu'elle a de
pluriel. Donc, le pluralisme que je vois dans la nation canadienne, la
multination canadienne, je le vois aussi à l'échelle de la nation québécoise.
Donc, il n'y
a pas de compromis facile là-dedans. C'est-à-dire que, ce projet-là, aussi, je
l'imagine... J'ai écrit beaucoup pour les collègues en Espagne, leur
proposant, hein, une fédération multinationale, pour l'Espagne, qui
s'appuierait sur les nations historiques, même chose... Et là on sait qu'il y a
un rapport de force qui existe entre les Castillans,
et les Galiciens, et les Basques et les Catalans. Donc, cette fédération
multinationale, elle est essentielle aussi dans le cas de l'Espagne, elle est essentielle dans le cas du
Royaume-Uni. Le Royaume-Uni, eux, ils y adhèrent. On constate la présence d'une nation écossaise, on constate la
présence d'une nation galloise, bon. Mais nous, au Canada, on est encore
un petit peu froid par rapport à ça.
Et, pour moi,
le projet doit être un projet. Si on veut continuer de vivre ensemble, dans le
long terme, de façon très correcte et respectueuse, dans toute la
dignité possible, il faut se déplacer vers la multination. Et, bon, on peut
poursuivre, si vous voulez.
M. Jolin-Barrette : Oui, mais
peut-être sur un autre registre. Vous avez abordé la question de la
constitution québécoise au sens britannique du terme, donc, qui, en quelque
sorte, est une fiction, en ce sens où ce n'est pas un document écrit, papier,
comme au sens de la Constitution canadienne. Ce que vous proposez notamment,
vous dites, bon : La constitution
québécoise est composée, entre autres choses, de la Charte de la langue
française, est composée de la Charte
des droits et libertés de la personne québécoise. Est-ce que vous proposez à
l'État québécois d'adopter une véritable constitution par le biais d'un
document écrit, avec ses lois fondatrices, un peu à l'image de ce que l'ancien
député de Mercier avait proposé, Daniel Turp, il y a quelques années?
• (18 h 10) •
M. Gagnon (Alain-G.) : Il y a
quelques années, j'aurais dit oui à ce projet d'avoir une constitution écrite, entérinée, validée, mais je dois avouer que les
dernières années m'ont suggéré davantage d'aller vers une... de garder cette constitution non écrite, où on a plutôt
une citoyenneté québécoise active. Parce
que, le jour où on a des chartes, le
jour où on a des constitutions, on a
l'impression d'être super bien protégé et là on se désengage de la vie
publique, on se désengage des vrais
débats de société. Or, pour moi, la constitution, elle doit nous
permettre de nous faire avancer et de nous forcer dans le rapport à
l'autre. Et, pour qu'il y ait un rapport à l'autre, il faut que l'autre
s'implique, s'engage, se commette. Donc, je suis beaucoup
plus à l'aise avec une constitution non écrite, qui s'appuie sur des lois
organiques. Alors, les lois organiques, on
les connaît : la charte québécoise des droits et libertés de la personne, on peut
penser à la Charte de la langue française, ce sont des lois organiques
qui sont essentielles.
Je sais que le temps s'écoule assez rapidement,
alors je veux en profiter pour... je veux passer devant cette commission et
indiquer qu'il serait extraordinairement important aussi, au-delà du débat
qu'on a présentement, si on pouvait... si on avait assez d'imagination pour
reconduire les chaires de recherche du Québec sur la diversité, sur la démocratie, sur l'inclusion, sur la démographie,
la solidarité, les droits de la personne, les droits humains, l'interculturalisme,
les Premières Nations, si on pouvait créer
10 chaires de recherche du Québec. On a contourné récemment les
fameuses chaires de recherche qui devaient
porter sur l'identité. Profitons maintenant de cette commission et essayons de
mobiliser des ressources pour créer 15 chaires de recherche sur les enjeux
qui sous-tendent la politique que nous sommes en train d'essayer d'élaborer collectivement, et je pense que c'est ces
enjeux-là, dont... la démographie, on en a parlé plus tôt, aujourd'hui,
la citoyenneté, si on pouvait arrêter ces 10 enjeux là, et on serait
d'autant mieux... bien équipés pour débattre, et de faire venir des gens de
l'international pour discuter collectivement de nos enjeux de société, et
d'être un modèle à nouveau au niveau international.
Le
Président (M. Picard) : Merci, M. Gagnon. Ça met fin à nos
travaux.
La commission
ajourne ses travaux au mardi 3 février 2015, à
9 h 30, à la salle Louis-Hippolyte-La Fontaine afin de
poursuivre son mandat.
(Fin de la séance à 18 h 12)