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Version finale

31st Legislature, 2nd Session
(March 8, 1977 au December 22, 1977)

Tuesday, November 15, 1977 - Vol. 19 N° 243

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude du livre blanc sur la consultation populaire au Québec


Journal des débats

 

Etude du livre blanc sur la consultation populaire au Québec

(Dix heures quarante-sept minutes)

Le Président (M. Paquette): A l'ordre, messieurs!

Les membres de cette commission parlementaire sont M. Bertrand (Vanier), M. BisailIon (Sainte-Marie), M. Brochu (Richmond), M. Burns (Maisonneuve), M. Gratton (Gatineau), M. Grenier (Mégantic-Compton), M. Johnson (Anjou) remplacé par M. Gosselin (Sherbrooke), M. Laberge (Jeanne-Mance), M. Lamontagne (Roberval) remplacé par M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Lavoie (Laval), M. Lévesque (Taillon) remplacé par M. Fallu (Terrebonne), M. Mackasey (Notre-Dame-de-Grâce), M. Martel (Richelieu), M. Morin (Louis-Hébert), M. Morin (Sauvé) remplacé par M. Char-bonneau (Verchères), M. Paquette (Rosemont), M. Roy (Beauce-Sud), M. Samson (Rouyn-Noranda) et M. Vaugeois (Trois-Rivières).

Ce matin, nous entendrons quatre mémoires concernant l'étude du livre blanc sur la consultation populaire au Québec. Pour le premier mémoire, je demanderais à M. Réginald Lavertu, président de la Société nationale de l'Est du Québec de se présenter à l'avant avec les gens qui l'accompagnent.

J'inviterais M. Lavertu, président de la Société nationale de l'Est du Québec, à se présenter, à présenter les gens qui l'accompagnent et à présenter le mémoire de son organisme.

Société nationale de l'Est du Québec

M. Lavertu (Réginald): Merci, M. le Président. La Société nationale de l'Est du Québec, autrefois la Société Saint-Jean-Baptiste de Rimouski, regroupe 30 000 membres dans un territoire qui couvre la majeure partie de l'Est du Québec, c'est-à-dire le Bas-Saint-Laurent et une grande partie de la Gaspésie. C'est un organisme qui, historiquement, a toujours été préoccupé de la promotion des intérêts du peuple québécois et qui est très heureux, ce matin, de venir présenter son mémoire sur la consultation populaire.

Permettez-moi de vous présenter d'abord, à ma gauche, Réal Dubé, animateur-organisateur pour la Société nationale de l'Est du Québec, M. Jean Pineau, de la section Amqui de la Société nationale de l'Est du Québec, M. Claude Otis, de Ma-tane, administrateur à la Société nationale de l'Est du Québec. Si je vais à l'extrême droite maintenant, M. Jean-Louis Desrosiers, de la section Mont-Joli; Jocelyne Michaud, secrétaire du conseil d'administration de la Société nationale de l'Est du Québec et M. Bruno Roy, directeur général de la société.

La Société nationale de l'Est du Québec, la SNEQ, se réjouit à l'idée de voir s'ajouter un autre mécanisme à l'appareil démocratique du Québec, le référendum. En ce sens, la SNEQ appuie le mi- nistre responsable de la réforme électorale et parlementaire, l'honorable Robert Burns, et elle veut lui apporter son concours dans cette démarche collective qui aura pour effet de nous doter d'une loi-cadre régissant les consultations populaires.

Comme on peut le remarquer dans l'introduction du livre blanc sur la consultation populaire, l'addition du référendum à nos coutumes politiques aura comme avantage d'associer plus étroitement la population à la prise des grandes décisions politiques. Le référendum aura aussi comme immense bienfait de mettre un terme à la tendance des politiciens modernes qui, pour camoufler leurs lacunes, sont souvent portés à faire des élections-référendums où tout l'enjeu se résume à un seul thème et où on oublie tout le reste.

Il est aussi rassurant de constater, dans ce projet de loi, le souci de tenir compte des expériences des autres. Même si, finalement, on privilégie l'expérience britannique, ce n'est pas sans avoir minutieusement scruté les autres formules et c'est aussi parce que le contexte politique dans lequel nous évoluons s'apparente beaucoup à celui de la Grande-Bretagne. Il est certain que le livre blanc ne répond pas à toutes nos questions, à toutes nos attentes. C'est pourquoi, à travers ce mémoire, nous apporterons sur différents points des commentaires et, à l'occasion, des propositions de modification. Nous essaierons d'éviter l'équivoque ou la confusion qui peut se dresser entre les référendums en général et le référendum auquel tout le monde pense. C'est un danger qui peut amener beaucoup de difficultés au cours de ce débat.

Les référendums consultatifs. Dans le contexte constitutionnel actuel, il serait difficile de donner aux référendums un caractère législatif direct. De toute façon, il ne nous semble pas important d'insister sur ce point. Il nous paraît que la volonté populaire, exprimée clairement, possède en soi une force si contraignante qu'un gouvernement ne serait pas justifié d'ignorer l'avis de la majorité de la population.

Concernant le droit d'initiative, à ce chapitre, la position du ministre Robert Burns nous semble quelque peu ambiguë. En effet, tout en souhaitant que le droit d'initiative soit aussi laissé au peuple, il choisit cependant de le confier au gouvernement parce que, dit-il, une telle tradition n'existe pas au Québec et parce que "l'initiative populaire s'est toujours avérée plus conciliable avec les régimes présidentiels qu'avec les régimes parlementaires".

La première objection pourrait, à notre avis, être nuancée. Il est vrai qu'au Québec il n'y a pas de tradition concernant les référendums et cela, par la force des choses. Cependant, on retrouve dans la plupart des groupes ou des mouvements, par exemple, les municipalités, les syndicats, les coopératives, les sociétés nationales, etc., les mécanismes de participation ou de contestation dont peuvent se servir les citoyens ou les membres à des occasions particulières. Ainsi le droit d'initia-

tive de la base à l'échelle des organismes existe et est utilisé depuis suffisamment longtemps pour penser que les électeurs ne seraient pas pris au dépourvu s'ils avaient à exercer ce droit à l'échelle du Québec.

En second lieu, s'il est vrai que le droit à l'initiative populaire sied mieux au type de régime présidentiel, nous nous demandons pourquoi l'actuel gouvernement semble peu pressé à entreprendre un des points majeurs de son programme qui consistait justement à doter le Québec d'un régime présidentiel. Selon nous, cette opération devrait être un préalable à bien d'autres réformes puisque plusieurs des changements importants envisagés à notre système se heurtent aux contraintes du régime actuel.

D'ailleurs, en juin 1977, lors d'une rencontre avec l'honorable Robert Burns, concernant la réforme parlementaire et électorale, nous avions insisté sur la nécessité d'une réforme en profondeur, réforme qui devrait à notre avis commencer par le changement de régime. Nous avions alors mis le ministre en garde contre une série de réformettes qui ne finiront jamais par constituer en soi une véritable réforme.

Quoi qu'il en soit, en dépit des arguments invoqués par le ministre, nous sommes d'avis qu'il faudrait faire la distinction entre référendum constitutionnel et référendum législatif. Le gouvernement pourrait se réserver le droit d'initiative pour les référendums constitutionnels et partager ce droit avec le peuple pour les référendums législatifs.

De cette façon, le gouvernement aurait l'initiative pour déclencher un référendum en vue d'un changement constitutionnel; mais il serait tenu d'étudier à l'Assemblée nationale toute demande faite par un certain pourcentage des électeurs qui voudraient une consultation populaire sur une question autre que constitutionnelle (par exemple, la peine de mort, la fluoration de l'eau, l'avortement, etc.).

La formulation de la question. Il nous semble que le gouvernement voudrait se dérober de ses responsabilités et partager avec toute l'Assemblée nationale un échec éventuel lors de la tenue d'un référendum. C'est ce qui ressort de la lecture de la proposition contenue dans le livre blanc où l'on veut que l'Assemblée soit appelée à discuter, amender et voter sur une formulation de la question présentée par le gouvernement. Il est évident que le gouvernement, étant majoritaire, n'accepterait jamais de modification substantielle à sa formulation de la question, pourtant, le parti au pouvoir pourrait toujours, au besoin, jouer sur l'ambiguïté venant du fait que tout a été accepté par l'Assemblée nationale.

Selon nous, lorsqu'un gouvernement prendra l'initiative de déclencher un référendum, il devra poser lui-même la question, après avoir consulté le plus de spécialistes sur la matière soumise au référendum par le biais d'une commission ad hoc. La question formulée serait alors présentée à l'Assemblée nationale, à l'instar du message inaugural ou du discours du budget. De la même façon, il pourrait faire l'objet d'un débat d'une durée maximale de 25 heures.

L'Assemblée nationale n'aurait pas à accepter ou à rejeter la formulation proposée par le gouvernement puisque le référendum est tenu sous son initiative. Il devra en prendre lui seul les responsabilités tout comme lorsqu'il déclenche une élection.

Dans le cas d'un référendum dû à l'initiative populaire, la procédure devrait être différente. L'Assemblée nationale, qui se serait prononcée sur l'opportunité de la tenue du référendum, aurait aussi à participer à la formulation de la question.

Un autre point nous apparaît important à souligner, celui de la langue de rédaction de la question. Selon la SNEQ le libellé de tout référendum devra être rédigé dans la langue nationale ou suivant les dispositions de la loi 101.

Les préalables au scrutin. Droit de vote. Nous sommes d'accord pour que la campagne référendaire soit conduite le plus possible selon les procédures d'une élection. Cependant, pour ce qui est du droit de vote, nous demandons que la liste électorale permanente comprenne aussi les Québécois travaillant ou étudiant à l'extérieur du Québec ainsi que leurs électeurs à charge, de sorte qu'au moment d'un référendum tous ceux qui seront inscrits sur la liste électorale permanente aient le droit et la possibilité de voter.

La campagne référendaire. La date du référendum. Nous sommes d'avis que la date de la tenue de tout référendum est un élément qui revêt une grande importance et qu'il ne faudrait pas laisser à la discrétion des politiciens. D'abord, il est toujours facile, pour les stratèges politiques, de trouver une période où les forces de l'Opposition sont désorganisées, un moment où une partie de l'électorat qu'on voudrait éliminer est "déplacée", par exemple le début et la fin de l'année scolaire pour les étudiants-électeurs, ou la période estivale. De plus, la question soumise au référendum n'a pas le caractère d'une urgence nationale. Ainsi, il n'y a pas nécessité de bousculer l'électorat n'importe quand pour une consultation populaire. On peut prévoir assez longtemps à l'avance l'utilisation de cet instrument de la démocratie.

Pour ces raisons, nous croyons que la future loi devrait établir une date fixe pour la tenue de tout référendum. Selon nous, le meilleur moment de consulter le peuple serait en juin, période où les étudiants peuvent être plus facilement rejoints à une résidence précise, période aussi qui n'est pas encore perturbée par les vacances d'été et où les groupes qui participeraient éventuellement à un tel débat sont facilement mobilisables. Donc, les référendums au Québec devraient se tenir en juin, un dimanche, afin de les distinguer de tous les autres scrutins. De plus, les bureaux de scrutin provisoires devraient être ouverts la semaine précédente.

Les participants. L'expérience de la Grande-Bretagne qui consistait à regrouper sous une même organisation les partisans d'une option nous semble très acceptable parce qu'elle enlève à cette forme de consultation l'aspect partisanerie

politique et qu'elle élimine les confusions que pourrait engendrer une multiplicité d'organisations. Cependant, nous insistons sur la nécessité de déterminer une date fixe dans l'année pour le déclenchement de telles consultations afin de ne prendre personne au dépourvu.

La campagne référendaire. Afin d'éviter qu'il y ait disproportion entre les forces en présence au niveau de la publicité, il faudra encadrer les media par des règlements, des codes d'éthique. Il est important que chaque option profite des mêmes possibilités sur le plan de la publicité et de l'information; à cette fin, une loi sur les mouvements d'opinions devrait être mise en place avant de recourir à cette forme de consultation qu'est le référendum.

Néanmoins, il peut survenir des référendums dont l'enjeu dépasserait nos frontières... Il faudra alors beaucoup de vigilance afin d'éviter que nous viennent de l'extérieur des interventions qui échapperaient à tout contrôle.

Le financement des campagnes. La Société nationale de l'Est du Québec croit que tous les citoyens ont le droit de bien connaître chacune des options proposées avant de faire un choix. C'est pourquoi il nous apparaît essentiel d'assurer une équité financière à chacune des options offertes au moment de tout référendum. Pour permettre cette équité financière, il faudrait interdire toute aide pécuniaire venant des partis politiques. Le financement serait assuré par l'Etat seul qui accorderait un montant pouvant atteindre $0.50 par électeur à chacune des organisations. Evidemment, ces mêmes organisations pourront toujours compter sur le bénévolat de leurs membres pour ajouter à la participation de l'Etat.

Le scrutin. A ce chapitre, il nous semble important que le dépouillement du scrutin se fasse au niveau des circonscriptions électorales. En effet, si, selon l'avis des experts, le résultat du référendum ne met pas en jeu la survie du gouvernement, il doit en être ainsi au niveau des députés. Il est même hautement souhaitable que chaque député sache exactement ce que pensent les électeurs de son comté relativement à une question précise.

Voilà donc les principales recommandations qu'une étude malheureusement trop brève, à cause des délais, nous a permis de formuler à la lecture du livre blanc sur la consultation populaire.

Consciente de son devoir de protéger les intérêts politiques de ses quelque 30 000 membres, la SNEQ n'entend pas s'arrêter là. Elle compte, au contraire, suivre de très près ce débat et elle interviendra chaque fois qu'elle le jugera nécessaire. De concert avec tous les éléments actifs du Québec, la Société nationale de l'Est du Québec tient à faire sa part pour que la nation québécoise atteigne le plus rapidement et le plus correctement possible une plus grande maturité politique.

Le Président (M. Paquette): Je remercie les représentants de la Société nationale de l'Est du Québec. Avant de cornmencer les questions, à la demande de l'un des membres de la commission, on me permettra de relire les règles qui régissent le fonctionnement de cette commission.

Cette commission élue se réunit à la suite d'un mandat reçu de l'Assemblée nationale, mandat qui est d'entendre les mémoires relativement au livre blanc sur la consultation populaire au Québec. Son ministre responsable est M. Robert Burns, ministre d'Etat à la réforme électorale et parlementaire.

Pour la bonne marche de nos travaux — là, je parle au nom du président de la commission, M. Claude Vaillancourt, qui est retenu ailleurs ce matin — j'aimerais insister auprès des membres de la commission et des intervenants sur les points suivants: 1- Le livre blanc sur la consultation populaire au Québec et les mécanismes qu'il propose ne sont pas élaborés en fonction d'une consultation populaire spécifique; 2-Cette commission ne doit en aucun cas être considérée comme une tribune pour émettre des positions ou des opinions sur des questions de fond ou sur des sujets pouvant éventuellement faire l'objet d'une consultation populaire; 3- Les discussions et les interventions des membres de la commission et des intervenants devront porter essentiellement sur les mécanismes de consultation populaire proposés par le livre blanc.

Voilà le mandat de cette commission parlementaire, tel que confié par l'Assemblée nationale. Egalement, j'aimerais rappeler aux intervenants et aux participants de la commission qu'aucune limite de temps n'est imposée aux groupes ou individus pour la présentation de leur mémoire et, également, que le premier intervenant de chaque parti s'impose une limite de temps de 30 minutes qu'il peut utiliser en une seule ou en plusieurs interventions; enfin, les autres représentants des partis s'imposent collectivement une limite de temps répartie de la façon suivante: Parti québécois, 30 minutes, Parti libéral, 20 minutes et Union Nationale, 10 minutes. Voilà l'entente qui est intervenue entre les partis, datée du 4 novembre 1977. Je donne la parole au ministre d'Etat à la réforme parlementaire et électorale.

M. Burns: Le député de Beauce-Sud a dix minutes également.

Le Président (M. Paquette): Oui, M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: Quant au partage du temps, je m'aperçois que vous ne m'avez rien réservé.

M. Burns: Non, vous avez dix minutes également.

Le Président (M. Paquette): Le premier intervenant de chaque parti — on ne dit pas parti reconnu — s'impose une limite de temps de 30 minutes. J'espère que vous en aurez assez, M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: Non, je m'excuse; j'avais compris seulement le dernier bout...

M. Burns: Je me demandais si vous vouliez avoir simplement une limite de dix minutes ou si vous vouliez prendre 30 minutes.

Le Président (M. Paquette): M. le ministre.

M. Burns: M. Lavertu — j'adresse mes remarques à tous vos collègues également que vous nous avez désignés tout à l'heure — je vous remercie très sincèrement, au nom du parti ministériel, de nous avoir présenté ce mémoire. C'est tout à fait dans ce ton, comme je l'ai mentionné à quelques autres intervenants la semaine dernière, que nous souhaitions recevoir à cette commission un certain nombre de remarques, c'est-à-dire que vous vous êtes forcés, vous vous êtes limités à parler, d'une part, de l'utilité d'une loi-cadre, opinion que vous partagez avec ce qui est exprimé dans le livre blanc, mais, aussi, vous vous en êtes tenus à cette loi-cadre plutôt que de vous lancer dans un débat, et c'est le voeu de la présidence, d'ailleurs, je pense, qui vient de vous être exprimé par l'opinion que le président vient de nous lire, relativement à un référendum en particulier.

Je prends bonne note de votre acceptation d'une loi-cadre. Si je comprends bien, vous êtes favorables à ce qu'une loi-cadre sur la consultation populaire soit mise sur pied. Là-dessus, je partage entièrement, évidemment, votre opinion. Je l'ai exprimée dans le livre blanc.

Quant à certaines de vos recommandations particulières, il y en a une, évidemment, que vous faites avec beaucoup d'humour et qui rappelle cette rencontre que nous avions eue au cours du printemps dernier, je crois, lorsque vous nous aviez soumis un mémoire au nom de la Société nationale de l'Est du Québec. Je me rappelle très bien que vous nous disiez alors clairement que vous ne vouliez pas de réformette. Vous faites un rappel à cette suggestion en nous disant que peut-être devrions-nous dès maintenant nous lancer dans l'initiative populaire ou, si vous voulez, des référendums qui pourraient peut-être être tenus à la suite d'une initiative populaire et non seulement à l'initiative gouvernementale, comme nous le suggérons.

Je dois vous dire, M. Lavertu, que nous nous sommes penchés très sérieusement sur ce problème lorsque nous avons rédigé le livre blanc. Je dois vous dire que, personnellement, je trouve qu'éventuellement et le plus rapidement possible il faudrait se rendre à cette réforme. Mais, comme on le dit dans le livre blanc et comme vous ne manquez pas de le relever vous-même, nous avons un certain nombre de craintes de partir complètement en l'air sur la possibilité qu'il y ait des référendums à tout bout de champ, à l'initiative populaire et à l'initiative gouvernementale. Nous pensons qu'il serait beaucoup plus sage, tout en admettant qu'il est désirable, éventuellement, d'avoir des référendums à l'initiative populaire, qu'il serait beaucoup plus sage de roder la machine référen- daire — si je peux utiliser l'expression — avant d'ouvrir vraiment cette machine complètement.

C'est la raison pour laquelle le gouvernement, dans son livre blanc, a tendance à dire: Essayons d'abord de mettre en place tous les mécanismes qui vont permettre une consultation populaire à la demande du gouvernement, pour ensuite lui donner plus d'extension, l'élargir à l'initiative populaire. Dans ce sens, il ne faudrait pas interpréter dans le livre blanc la position gouvernementale comme étant un refus de recourir à l'initiative populaire.

Pour ma part, je vous dirais que quant à moi je suis très favorable à élargir éventuellement, et le plus rapidement possible, le recours aux référendums à l'initiative populaire également.

M. Lavertu: Je suis heureux de vous l'entendre dire, M. le ministre. Nous voulions simplement signaler dans notre mémoire que, si c'était le régime parlementaire actuel qui vous empêchait d'aller vers l'initiative populaire, il était peut-être temps de mettre en branle le processus de mise en place d'un régime présidentiel, tel que prévu dans le programme de votre parti.

M. Burns: J'ai bien vu l'allusion, M. Lavertu, mais je dois vous dire que ce n'est pas le régime actuel qui nous empêche de faire cela. C'est une certaine prudence purement et simplement. C'est un nouveau système auquel on est peu habitué au Québec, auquel le régime actuel ne se prête que difficilement, il n'y a pas de doute. Mais comme on sait que le régime actuel ne sera pas changé dans les délais que nous nous sommes imposés — du moins, je ne le pense pas — on se dit: Allons au plus pressé pour répondre à un engagement électoral que nous avons pris, de mettre sur pied, le plus rapidement possible, les mécanismes d'une consultation populaire et en vue d'un certain référendum — on ne se le cache pas — celui sur l'avenir politique du Québec. C'est un engagement électoral. Mais on n'écarte pas la possibilité que vous nous suggérez. Bien au contraire, d'ailleurs je pense que le livre blanc laisse entendre que nous avons considéré cela. J'irais même plus loin que cela, on considère même, éventuellement, la possibilité, lorsque cette machine sera en marche, d'aller aussi loin que d'utiliser la consultation référendaire relativement au rappel des députés. Cela est quelque chose qui va beaucoup plus loin encore. Je n'insiste pas là-dessus, je ne vous dis pas que cela va se faire dans un an, dans six mois ou dans deux ans ou dans quatre ans, mais ce sont tous des éléments qui ont été pris en considération, lorsque nous avons rédigé le livre blanc. Mais, je dirais, par un certain conservatisme normal, lorsqu'on change nos institutions, lorsqu'on amène de nouvelles institutions, il est essentiel d'y aller prudemment.

M. Lavertu: La chose que nous ne faisions pas ressortir peut-être suffisamment dans notre mémoire, c'est que l'institution n'est peut-être pas aussi nouvelle qu'on peut le penser au Québec et

que cette habitude de l'initiative populaire existe dans une multitude d'organismes où les gens peuvent contester.

M. Burns: J'ai pris bonne note des exemples que vous prenez au niveau municipal, au niveau syndical, entre autres; il n'y a pas de doute que ces habitudes existent, mais au niveau national québécois, je pense qu'on est peu habitué à cela. Il y a même beaucoup de gens qui sont réticents à la formule parce qu'ils se disent: On se lance dans quelque chose de nouveau au niveau de l'ensemble du Québec. Comme tel, c'est ce qui nous a indiqué qu'il serait normal, dans un premier temps, d'avoir plus de précautions à l'égard de la mise sur pied de ce système et des mécanismes que cela exige. Tout cela pour vous dire que je prends bonne note de votre suggestion; elle n'est pas tombée dans l'oreille d'un sourd. D'autre part, elle est partagée fondamentalement par le ministre responsable actuellement.

Vous nous faites également des recommandations relativement à la formulation de la question. Là-dessus, j'aimerais avoir des précisions de votre part. Je comprends que vous nous dites que c'est la responsabilité du gouvernement de formuler la question et vous ne voulez pas que le gouvernement se défile devant ses responsabilités; d'autre part, vous acceptez — votre recommandation est un peu ambiguë dans mon esprit — qu'il y ait un débat à l'Assemblée nationale d'une durée de 25 heures. Je me demande en quoi c'est conciliable que le gouvernement arrive avec une question qui, à toutes fins pratiques, ne serait pas amendable même s'il y a un débat de 25 heures. Est-ce bien cela que vous voulez nous dire?

M. Lavertu: Oui, ce serait un peu une période d'information des membres de l'Assemblée nationale, les premiers intéressés, concernant cette question. Le débat de 25 heures, on le voit de la même façon que le débat de 25 heures sur le message inaugural ou le discours du budget.

M. Burns: Mais n'oubliez pas que sur le message inaugural ou sur le discours du budget il peut y avoir des votes de blâme. Si le gouvernement les perdait, dans le système de responsabilité parlementaire que nous vivons, il est placé vis-à-vis d'une démission, purement et simplement. C'est pour cela que je me dis: On a fait le parallèle, relativement aux 25 heures, avec ces débats, celui sur le message inaugural, celui également sur le discours du budget, mais on se dit que même si, au départ, on croit que l'initiative de la formulation de la question doit venir du Conseil des ministres — du gouvernement, quoi — il reste quand même qu'on reconnaît à l'Opposition le droit de formuler des suggestions d'amendement. C'est dans ce sens qu'on croyait que c'était beaucoup plus normal et beaucoup plus dans le cadre des deux autres débats auxquels on fait référence actuellement.

M. Lavertu: On voyait cela aussi un peu comme une élection, comme le déclenchement d'une élection; que le parti au pouvoir décide de déclencher une élection n'importe quand, c'est une décision sur laquelle il n'a de compte à rendre à personne.

M. Burns: Quant au déclenchement, quant à l'initiative elle-même, je partage vos vues. Quant à la formulation de la question, qu'elle provienne du gouvernement, je partage également votre point de vue, comme, d'ailleurs, n'importe quel projet de loi à caractère public qui implique des dépenses pour l'Etat vient d'une initiative gouvernementale, mais, comme pour n'importe quel projet de loi, on pense qu'en cours de route, dans le processus de discussion ou dans le débat, l'Opposition ou même des représentants ministériels pourraient suggérer des modifications à la question telle que présentée, comme on le fait, par exemple, à l'égard d'un projet de loi.

C'est un peu le point de vue qu'il y a derrière cela. Est-ce qu'on se comprend bien dans le sens qu'il y a un parallèle qui pourrait être fait entre l'utilisation du débat, limité, d'accord, à 25 heures, pour faire modifier la question qui est suggérée par le gouvernement, si nécessaire?

M. Desrosiers (Jean-Louis): Je me demande, M. le ministre, si, pour résoudre cette question, on n'a pas les mêmes difficultés présentement que celles que nous avons eues quand nous en avons discuté en comité. On s'est dit: L'objectif est de discuter d'une loi qui aurait pour but de permettre un nouvel usage, un nouveau moyen démocratique de consultation. On a évité de plein gré de parler d'une consultation constitutionnelle et cela peut changer les observations qu'on ferait subsé-quemment.

J'ai cru comprendre tantôt que le ministre Burns nous a confirmé publiquement que, le droit d'initiative, était temporairement réservé à la partie gouvernementale pour pouvoir passer plus tard, dans un deuxième temps, à l'initiative populaire. Dans notre recommandation, nous avons été très clairs; nous pensons que tout ce qui regarde le domaine constitutionnel devrait faire l'objet de l'initiative gouvernementale, mais, que, pour tout ce qui regarde le domaine législatif, le gouvernement devrait accepter l'initiative populaire conjointement.

Dans le cadre de l'initiative populaire conjointement avec le gouvernement, il nous apparaît clair qu'on ne devrait pas s'assujettir à des projets de loi conventionnels. On aimerait, parce que, dans notre esprit, le référendum, ce n'est pas une course contre la montre, que cela soit fait à des dates fixes, dans le mois de juin. Tout le monde le sait à l'avance. Cela permet à tout le monde de s'organiser en temps et lieu et, à l'occasion d'un message inaugural, le gouvernement annonce qu'il tiendra, au mois de juin d'une autre année, un référendum sur tel sujet. On se demande pourquoi il faudrait faire sanctionner par un vote du Parlement une chose de ce genre-là. C'est l'esprit dans lequel, nous, on élaborait notre pensée.

M. Burns: Je comprends très bien votre sug-

gestion et j'en prends note. Ce sont justement toutes ces idées qui nous sont soumises en commission parlementaire qui vont être réexaminées et nous aider à préparer le projet de loi. Là, je comprends très bien votre position. Je vous remercie. Je passe le plus rapidement possible, parce que je sais que nous avons un horaire très chargé aujourd'hui. Ce n'est pas par manque d'intérêt pour votre mémoire, mais parce que je veux aller aux points qui m'apparaissent essentiels.

Une de vos suggestions voudrait que les Québécois qui travaillent ou qui étudient à l'extérieur du Québec puissent éventuellement avoir le droit de vote. Je pense que ce serait relativement facile d'application dans des pays où déjà il y a une délégation générale du Québec. Je pense, par exemple, à la France, à l'Angleterre, à l'Italie, à Bruxelles, à la Belgique et à tous les autres pays où nous avons des délégations générales. Là, déjà, nous avons même, jusqu'à un certain point, une connaissance, sinon un contrôle, parce que je ne pense pas qu'on ait un contrôle.

On a au moins une connaissance de la présence de la plupart des ressortissants québécois qui sont soit à Londres, soit à Paris ou à Bruxelles ou à Milan ou à Rome. Je me demande, dans les faits, s'il serait facile, étant donné que nous n'avons pas comme telles des ambassades, et comme telles des délégations générales un peu partout à travers le monde, s'il serait facile d'appliquer cela lors d'un référendum. C'est la grande question que nous nous posons actuellement. Remarquez que je ne suis pas réfractaire à cette suggestion que vous avez faite. Il faudrait pratiquement, dans les faits, demander à toutes les ambassades canadiennes de nous donner un coup de main quant à la mise en application de cela. Je ne sais pas si c'est souhaitable. Je pose le problème comme tel parce que si on le fait pour les gens qui sont à Haïti, pour les gens qui sont à Londres, à Bruxelles, etc., ou à Dusseldorf, pourquoi ne le ferions-nous pas pour les gens qui sont à Oslo? C'est la question pratique qui se pose.

Encore, à Toronto, il y a une délégation, mais à Vancouver il n'y en a pas. C'est la question pratique qui se pose. Comme on n'a pas au Québec la tradition de faire voter, lors des élections générales, les personnes qui sont à l'extérieur du Québec, cela nous pose de sérieux problèmes parce qu'on n'a jamais été habitué à faire cela. J'en ai, personnellement, parlé avec le directeur général des élections du Québec, M. le juge Drouin, et évidemment, il pense que ce ne serait absolument pas faisable en pratique, sans avoir cette généralisation du droit de vote des ressortissants québécois à l'étranger.

M. Lavertu: Nous avons vu ce problème aussi, lors de nos délibérations sur le livre blanc, mais dans l'optique où ce livre blanc ou la loi sur les référendums s'appliquerait, non pas simplement pour un seul référendum, mais pour l'ensemble des référendums que le Québec pourrait tenir, et dans l'éventualité où le Québec pourrait devenir un pays, je pense que le problème d'avoir des am- bassades ou des délégations un peu partout, un peu plus tard, se poserait de façon différente.

M. Burns: Oui, le Québec ayant des ambassades de façon générale, cela simplifierait énormément les choses, mais au stade actuel, je pense que ce serait difficilement praticable. C'est la seule remarque que je faisais, tout en vous disant que je considère que votre suggestion vient d'un bon motif, c'est-à-dire en permettant à l'ensemble des Québécois de voter, surtout sur des problèmes constitutionnels qui les affecteront, selon la décision qui sera prise et ce qui pourra s'ensuivre.

M. Desrosiers: Je remarque, M. le ministre, qu'on dispose, en commission parlementaire, beaucoup plus facilement de cet article que, nous, on l'a fait lorsqu'on a siégé, parce qu'il nous apparaissait, au point de départ, que le droit de vote, c'était une question fondamentale. Avant de parler d'ambassades à l'étranger, on parle de droit de vote et de qualité d'électeurs. On veut que ce soit retenu à la commission parlementaire. On s'est posé la question: on fait voter qui, on fait voter de quel âge à quel âge, on fait voter où? Il nous apparaît comme principe de base et fondamental que tout électeur québécois qui a sa qualité d'électeur devrait avoir accès au vote dans un référendum. C'est le point important.

Tant qu'on n'a pas d'ambassades parce que le Québec n'est pas un pays souverain, on est quand même à l'intérieur de la confédération canadienne, qu'on emploie les mots qu'on veut, et il y a des ambassades; qu'on s'en serve, Bon Dieu! Je pense que ce qui prime d'abord, premièrement, c'est le droit de vote.

M. Burns: Le problème est beaucoup plus compliqué que cela.

M. Desrosiers: Vous parlez de l'application, nous parlons d'un principe.

M. Burns: Oui, d'accord.

M. Desrosiers: La commission parlementaire nous dit que les gens qui sont Québécois pourront voter à l'occasion d'un référendum; cela nous plaît.

M. Burns: Actuellement, on est obligé de prendre le stade actuel de la législation. Actuellement, cela n'existe pas, la citoyenneté québécoise. Il faut bien se le dire. C'est le problème. Un passeport québécois n'existe pas. Ce qui permet, par exemple, lors d'élections fédérales, au gouvernement fédéral de faire voter les soldats qui sont en poste à l'extérieur, les représentants d'ambassade, les employés d'ambassade.

C'est le fait qu'ils ont une citoyenneté canadienne avec un passeport. Donc, il y a contrôle. Qu'est-ce qui m'assure, par exemple, que M. Romuald Saint-Amours qui demeure actuellement à Moncton est un ressortissant québécois et qu'il a la citoyenneté québécoise? C'est cela la difficulté

qui se pose parce que la Loi électorale exige actuellement une résidence minimum d'un an au Québec pour avoir le droit de vote. C'est le seul contrôle que nous puissions avoir. D'une part, que ce soit un citoyen canadien — et cela se vérifie — deuxièmement, que ce M. Romuald Saint-Amours, demeurant à Moncton, ait déménagé au Québec depuis un an ou quitté le Québec depuis X temps. A quel titre se prétendra-t-il Québécois à ce moment?

M. Grenier: ... s'il est de Moncton, oui.

M. Burns: J'imagine oui. C'est cela la difficulté qui se pose pour nous. Tant et aussi longtemps qu'on ne peut pas vérifier la citoyenneté québécoise, il devient très difficile de faire voter des Québécois à l'étranger.

M. Desrosiers: Pourrait-on comprendre, M. le ministre, que vous nous affirmez — et vous allez le redire après moi si c'est bien votre pensée — que ce que nous voulons vendre par ce paragraphe c'est le droit de vote à tout Québécois quel que soit l'endroit où il est au moment où on fait un référendum? C'est un principe sur lequel on aimerait entendre votre opinion. Je ne l'ai pas entendue. J'ai entendu parler du mécanisme difficile.

M. Burns: Evidemment on discute d'un livre blanc. Mais à certains égards, étant donné qu'on a laissé ouvertes certaines positions, par exemple le décompte du scrutin, selon l'expression que je donnais la semaine dernière, c'est un livre blanc avec des coins verts qui laisse une ouverture à des modifications. Au moment où on se parle, j'aurais très peu tendance à accepter votre recommandation là-dessus pour la raison que je vais vous mentionner. Je ne me sentirais pas en mesure de recommander au gouvernement actuel de faire cela parce que je ne serais pas assuré du fait suivant. Par exemple, prenons le cas de M. Armand Steinberg qui demeure en Floride ou qui est actuellement étudiant à Paris et qui demeure là depuis trois ans; on ne sait pas s'il va revenir éventuellement au Québec. C'est la difficulté qui me permet de vous dire que, tout en reconnaissant le bien-fondé et le bon motif qu'il y a derrière votre recommandation, je la trouve difficilement applicable.

Je vais également vous poser des questions sur un autre sujet qui apparaît dans votre mémoire relativement à l'équité financière entre les diverses options. Vous suggérez qu'elle soit assurée en interdisant aux partis toute aide au comité et en versant, à même les fonds publics, la somme de $0.50 par électeur. Est-ce que cela va jusqu'à dire que même les individus citoyens électeurs ne devraient pas fournir à une option ou à l'une ou l'autre des options s'il y en a plusieurs?

M. Lavertu: L'optique de cette recommandation, c'est d'éviter des déséquilibres trop grands entre deux options, par exemple, lors d'un même référendum.

M. Burns: Vous ne croyez pas, par exemple, que le Parti québécois, favorisant d'une façon générale une option, ne puisse pas, comme parti, verser à cette option un montant qu'il aurait à sa disposition? Ou encore le Parti libéral, favorisant telle autre option, ne puisse pas arriver et dire: J'ai tel montant disponible? Quitte à y mettre un maximum, vous ne croyez pas qu'un parti puisse directement fournir à telle ou telle option?

M. Desrosiers: La réponse est non. M. Burns: Vous n'y croyez pas.

M. Desrosiers: La réponse est non. Mais, encore une fois, parce qu'on ne mélange pas et on répète encore ce qu'on vous a dit: Ce dont on parle, c'est une loi pour des référendums. Je ne vois pas — si on adoptait une loi, éventuellement, si on avait besoin d'une loi de ce genre, sur l'avortement et qu'on avait un référendum à faire — le monde se diviser ainsi: moitié hommes, moitié femmes. J'ai l'impression que cela pourrait se diviser de toutes sortes de manières, et je ne vois pas ce que les partis politiques viennent faire là-dedans; ce n'est même pas l'histoire des hommes, c'est l'histoire des femmes. Cela, c'est une opinion personnelle.

M. Burns: C'est sûr que si jamais on tient un référendum sur l'avortement, on va nous suggérer que seulement les femmes aient le droit de vote.

M. Desrosiers: Ce n'est peut-être pas bête! M. Burns: Ce n'est peut-être pas bête.

M. Desrosiers: Mais à partir de l'idée qu'on aurait des référendums sur des questions qui prendraient naissance... Vous m'avez dit tantôt que, plus tard, l'initiative pourrait être conjuguée avec celle du gouvernement. Toujours dans l'idée que le droit d'initiative est conjugué avec celui du gouvernement, dans des questions qui auraient un caractère législatif, pour des référendums à être tenus toujours à une date fixe dans le mois de juin, qui ont été prévus par un message inaugural sur lequel vous avez fait une commission ad hoc, dont vous avez discuté, apparemment, pendant 25 heures, nous disons: C'est clair, on manque le bateau si on ne donne pas l'égalité des chances, $0.50 par électeur pour les deux options qui sont opposées, oui et non.

M. Burns: Ce qui donnerait, actuellement, à peu près $2 millions par option. D'accord. Je voulais simplement faire préciser votre point de vue là-dessus. Je ne me prononce pas; c'est justement là une des choses auxquelles on va songer. On avait pensé, au départ, utiliser purement et simplement les règles du projet de loi no 2, Loi régissant le financement des partis politiques, en l'appliquant à la consultation référendaire, mais je pense que votre position là-dessus est très précise.

M. Lavertu: Je voudrais vous faire remarquer que c'était un maximum de $0.50 par électeur, et que le bénévolat est toujours permis à l'intérieur de cela.

M. Burns: Oui, d'accord, j'ai bien pris note de cela.

M. Lavertu: C'est quand même l'aspect de déséquilibre financier dans la défense de l'une ou l'autre des options lors d'un référendum qu'on voulait éviter avec cela.

M. Burns: En tout cas, je vous mentionne également — et je vais terminer avec cela — que je trouve intéressante votre suggestion relative à la tenue à date fixe des référendums. Je vous avoue bien humblement qu'on ne s'est pas penché là-dessus. D'ailleurs, il semble que la Société nationale de l'Est du Québec nous fasse toujours des suggestions qui nous surprennent souvent mais que je trouve — comme la dernière fois qu'on s'est rencontré — très positives et très intéressantes.

M. Lavertu: Je pense que c'est important chez nous, cela, M. le ministre.

M. Burns: Oui.

M. Lavertu: Entre autres, on a vu d'autres mémoires qui recommandaient octobre. Or, en octobre, pour nous autres, déjà les tempêtes de neige sont commencées, souvent.

M. Burns: Effectivement, oui. Je pense que vous n'êtes pas le seul groupe qui nous suggère cela, mais je pense que, lors de l'occasion précédente, j'avais dit que je voyais difficile la consultation référendaire en dehors de périodes qui pourraient se résumer de mars à juin, ou de septembre à novembre. Vous insistez sur le fait que même octobre pose des problèmes, et je considère qu'en certains endroits, au Québec, cela pose des problèmes. Si on veut avoir la plus large consultation possible, c'est bien sûr qu'il ne faut pas faire cela durant la période estivale, durant la période où tout le monde est parti à son chalet, ou est parti en vacances ailleurs, ou quoi que ce soit — sur cela, il n'y a pas de doute — ni, non plus, en hiver.

Je retiens votre suggestion. Dans votre cas, pourquoi nous suggérez-vous plus particulièrement un dimanche?

M. Roy (Bruno): C'était pour permettre vraiment que les gens puissent user de leur droit en toute liberté parce qu'il n'est pas sûr, en dépit des lois existantes, que les employeurs favorisent toujours la possibilité du vote. En le plaçant un jour férié où tout le monde est en congé — la grande majorité des gens — chacun peut vraiment disposer de sa liberté pour exercer son droit. C'est une des raisons pour lesquelles...

M. Burns: Mais si les règles applicables aux élections générales, par exemple, l'obligation pour l'employeur de donner trois heures pour aller vo- ter s'appliquaient à une consultation référendaire, ne croyez-vous pas que cela pourrait être tenu un jour de semaine?

M. Desrosiers: II y avait un autre argument, aussi, qu'on peut servir et qui est le suivant: quant aux endroits de scrutin, nous, on prétendait qu'on utiliserait les écoles, alors, on ne dérange pas les enfants. C'est ce genre de pensée qui nous amenait à penser plutôt au dimanche parce qu'on dérange le moins de monde possible.

Vous apportez un argument d'ajustement législatif à partir d'une législation qui nous gouverne présentement. J'ai envie de vous répondre ce que Napoléon Bonaparte disait: Faites fléchir le règlement au bénéfice du bon sens. Si cela coûte $2 millions et qu'on vous économise de l'argent dans les écoles, arrangez-vous avec l'autre problème.

M. Burns: Quant au dépouillement du scrutin au niveau des circonscriptions, je peux vous dire que je prends également très bonne note de votre suggestion. Je ne suis pas au stade où je puis vous dire que je suis entièrement d'accord avec cela, comme je ne peux pas dire que je suis en désaccord avec cela. Ce point est probablement un des points grands ouverts dans le livre blanc. Nous allons être obligés de nous pencher sur cette question à la lumière de toutes les suggestions qui nous sont faites. Mais je suis content que vous m'ayez fait cette suggestion et surtout de la façon précise dont vous le faites.

M. Lavertu: II nous apparaissait important, M. le ministre, de pouvoir analyser les résultats de n'importe quel référendum. A ce moment, un dépouillement par comté facilitait cette analyse. Il y a très peu d'enseignements à tirer de résultats recueillis d'un dépouillement à l'échelle nationale.

M. Burns: D'accord. Il ne me reste que l'agréable devoir de vous remercier pour ce très bon mémoire. On voit que vous vous êtes penchés sur les problèmes essentiels qui sont soulevés par le livre blanc. Je pense que, dès le mois de décembre, vous verrez jusqu'à quel point on a pu suivre ou ne pas suivre vos recommandations, lorsque le projet de loi sera déposé. Je vous remercie justement de cet effort très franc et très honnête de votre part de nous dire ce que vous pensez du livre blanc. Comme je le disais au début, c'est exactement le genre de mémoire qu'on espérait recevoir tout au cours de notre consultation, c'est-à-dire des gens qui nous disaient ce qu'ils en pensaient fondamentalement, sans avoir derrière la tête toutes sortes d'idées relativement à un référendum en particulier, même si je connais vos intérêts relativement à un référendum en particulier.

M. Grenier: Chut!

M. Burns: Je n'ai pas dit lequel. M. Lavertu, M. Dubé, M. Pineau, M. Otis, M. Desrosiers, Mlle Mi-chaud et M. Roy, je tiens à vous dire un grand

merci au nom du parti ministériel, ce qui ne veut pas dire que d'autres de mes collègues n'auront pas des questions à vous poser un peu plus tard au cours de cette séance.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci, M. le ministre.

M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, au nom de l'Opposition officielle, je voudrais souhaiter la bienvenue à nos invités et les remercier aussi pour leur mémoire qui, sans doute, rencontre les directives du président et qui répond au livre blanc du ministre en ce qui concerne la consultation populaire en général, plutôt que de s'arrêter seulement sur un sujet. J'ai trouvé très intéressant le commentaire d'un des invités à savoir que, dans ces discussions avec le ministre, la première étape serait d'avoir une loi sur le référendum et, en second lieu, il y aurait la possibilité ou le droit d'avoir un référendum qui pourrait être initié par la population. Est-ce qu'il y a une raison pour laquelle on ne fait pas tout en même temps et on ne donne pas ce droit?

M. Burns: Comme je le disais tout à l'heure à M. Lavertu, je ne suis pas, comme ministre responsable de ce dossier, contre ce recours à l'initiative populaire, sauf que c'est par une espèce de prudence normale...

M. Ciaccia: Des changements, un petit peu à la fois.

M. Burns: ... qu'au début on va essayer de mettre sur pied les mécanismes en vue d'une consultation populaire, quitte à ce qu'on songe le plus rapidement possible à étendre ce droit à l'initiative populaire elle-même.

M. Ciaccia: Quand vous approuvez une loi-cadre plutôt qu'une loi spécifique, est-ce que vous ne voyez pas la possibilité, par exemple, que certains référendums soient plus importants que d'autres? Peut-être, pour certains référendums, il pourrait y avoir différentes règles, différentes contraintes. Je m'arrête à votre suggestion, par exemple, de faire voter tous les Québécois à un référendum.

Je présume que cette suggestion serait plus importante sur un référendum en particulier, soit le référendum sur l'avenir constitutionnel. Ce ne serait pas important de faire voter tous les Québécois s'il y avait un référendum sur un élément moins important, sur une question nucléaire ou une autre question.

Ne voyez-vous pas que, pour un certain référendum, peut-être que la loi devrait être spécifique, parce que c'est plus important que d'autres questions?

M. Lavertu: La raison pour laquelle nous accordons notre appui à une loi-cadre plutôt qu'à une loi portant sur un seul référendum, c'est pour éviter d'avoir à refaire une loi à chaque fois qu'il y aurait un référendum. Il y aurait peut-être aussi des distinctions à faire, dans le cadre de cette loi, entre des référendums constitutionnels et des référendums législatifs. C'est bien sûr que les deux ne seraient probablement pas traités de la même façon qu'en Suisse où il y a beaucoup de référendums. Il faut l'initiative populaire, lors des référendums législatifs, où on demande que 30 000 personnes signent une requête, alors que pour ces référendums constitutionnels, on demande 50 000 personnes. Ce sont des variations qui peuvent fort bien exister à l'intérieur d'une loi-cadre, mais dans cette loi-cadre s'il est pour être question, d'une part, de référendums constitutionnels et, d'autre part, de référendums législatifs. A notre avis aussi, si l'Etat décide de faire des référendums, je pense que tous ces référendums sont importants.

M. Ciaccia: Si je comprends bien votre position, vous reconnaissez que, s'il y a un référendum spécifique, par exemple, sur la constitution, il serait peut-être nécessaire d'avoir différentes règles, d'élaborer plus en vue de l'importance de cette question plutôt que s'il y avait un référendum sur une autre question. Si je comprends bien, dans votre loi-cadre, vous verriez certaines restrictions ou certaines règles spécifiques sur ce genre de question.

M. Lavertu: II serait possible d'avoir des régies spécifiques s'appliquant aux référendums constitutionnels.

M. Ciaccia: Maintenant, quand vous parlez de référendums...

M. Desrosiers: Me serait-il permis d'ajouter un commentaire sur votre question, s'il vous plaît?

M. Ciaccia: Oui.

M. Desrosiers: II me semble que vous nous entraînez à dire une chose que moi je n'ai pas envie de dire. Je vous spécifie mon point de vue. D'une part, lorsqu'on a fait cette discussion, on a parlé du droit de vote, à qui il appartenait, sans penser à la constitution, en disant que ce qu'on nous propose comme réflexion, c'est une loi sur les référendums. On disait: L'idéal, c'est que tout le monde vote. Le ministre nous a répondu, par Jeux fois parce que cela m'a pris du temps à comprendre, qu'au niveau de l'application, c'était de nature impossible même si, en principe, idéalement, cela aurait de l'allure. Au niveau de la distinction — et on ne nous a pas demandé de réfléchir sur la constitution— vous nous apporterez un argument nouveau en disant: Si on avait un référendum constitutionnel. La seule remarque qu'on a faite était la suivante: C'est réservé au gouvernement de faire un référendum de ce genre. Vous avez posé des questions qui allaient plus loin que notre propre réflexion. Nous, on s'en est tenu aux référendums à caractère législatif sachant bien que, dans les deux cas, il n'y a aucune procédure juridique qui ferait qu'un gouvernement serait

obligé de suivre l'un ou l'autre et l'un et l'autre. C'est simplement à caractère consultatif. Il y aurait une force peut-être morale contraignante pour un gouvernement. Et si la force morale est contraignante, on a demandé qu'au niveau du message inaugural, ce soit annoncé, que ce soit à date fixe. C'est le mécanisme qu'on prévoyait. On voulait que celui qui annonce qu'on va tenir un référendum législatif en porte l'odieux ou le bonheur, selon le cas ou l'autre. C'est dans ce sens qu'on faisait notre argumentation.

M. Ciaccia: Ce n'est pas mon intention de vous mettre en contradiction. La seule chose que je voulais savoir c'est si vous pensiez qu'il y avait certaines questions qui seraient plus importantes que d'autres, dans un référendum, et qu'il devrait avoir certaines règles spécifiques. Dans ce cas, la question du droit de vote de tous les Québécois deviendrait encore plus importante que dans d'autres questions. Je sais que cela n'a pas été précisé dans votre mémoire, mais je crois que le début d'une discussion est inclus et je voulais seulement avoir votre point de vue sur cet aspect de la question.

Maintenant, quand vous parlez de référendums en général — nous n'avons pas le régime présidentiel, nous avons le régime parlementaire — voyez-vous un danger, si on a une loi générale des référendums, qu'à chaque fois que le gouvernement voudra poser une question il pourra utiliser cette loi? Ne voyez-vous pas le danger qu'un gouvernement pourrait se dégager un peu de sa responsabilité? Dans notre régime parlementaire, le gouvernement est responsable pour ses actions à l'Assemblée nationale et il doit y répondre pour ses actions au temps des élections. Il y en a qui soulignent ce danger que ce serait une façon facile pour un gouvernement — je ne parle pas seulement de la question constitutionnelle, je parle d'autres questions — de dire: Je ne prends pas de décision, on va demander au peuple. Ne voyez-vous pas un peu ce danger d'avoir toujours recours au référendum?

M. Lavertu: II peut y avoir des occasions où ce n'est pas considéré comme un abus de retourner au peuple pour lui demander de se prononcer sur une question sur laquelle il n'avait pas eu l'occasion de se prononcer lors d'élections. Je ne sais pas s'il y en a qui voudraient préciser ce point.

M. Ciaccia: Par exemple, à la page 4 de votre mémoire, vous parlez d'un référendum et, en parlant du gouvernement, vous dites: II devrait en prendre, lui seul, les responsabilités comme lorsqu'il déclenche une élection. Voulez-vous dire par cela que si le gouvernement perd le référendum il devrait démissionner? Dans une élection, c'est ce qui arrive. Si on la perd, le gouvernement démissionne. Iriez-vous si loin que cela?

M. Lavertu: Dans ce sens-là, on fait une très grande différence. La différence existe aussi dans les faits entre une élection et un référendum; il est bien évident qu'un référendum ne met pas en jeu le siège des ministres et des députés.

M. Ciaccia: D'après vous...

M. Lavertu: C'est contre l'esprit même d'un référendum de mettre en jeu des individus. Ce sont des idées qui sont proposées à l'électorat au moment d'un référendum.

M. Ciaccia: Alors, cela n'impliquera pas une démission du gouvernement, mais est-ce que le gouvernement devrait s'engager, même avant le référendum, à être lié par le résultat d'une consultation populaire? Comme vous le soulignez, cela ne peut pas être d'un caractère décisif, d'après notre loi constitutionnelle, mais vous dites, à la page 2, que la volonté populaire, exprimée clairement, possède en soi une force si contraignante qu'un gouvernement ne serait pas justifié d'ignorer l'avis de la majorité de la population.

D'après vous, le gouvernement devrait-il être lié par la décision d'un référendum?

M. Lavertu: Par le fait qu'une volonté populaire exprimée clairement possède en soi une force contraignante, le gouvernement n'a pas à se lier dans la loi et il n'a pas à dire, par exemple, si 50% de l'électorat votent en faveur, qu'on doit nécessairement faire une loi là-dessus. Les résultats peuvent être interprétés; dans certains cas, 50% peuvent être suffisants, dans d'autres cas, d'autres pourcentages peuvent être plus valables. C'est dans ce sens que nous avons recommandé le décompte par comté; les résultats pourront être analysés par comté et pourront permettre de dégager un peu plus le sens du vote.

M. Ciaccia: Mais, sans l'inclure dans la loi, est-ce que le gouvernement devrait s'engager à être lié par le vote, par la décision?

M. Pineau (Jean): Si on tient compte de l'exemple de la dernière élection, un parti s'est présenté avec un programme qui était très clair; il proposait effectivement le référendum. Advenant l'éventualité que le référendum soit battu, je ne considère pas personnellement que le parti se sente pour autant battu. Cela répond en partie à la première question que vous posiez tout à l'heure.

Quant à se sentir lié par le résultat du référendum, il y a, ce qu'on pourrait peut-être appeler une liaison morale quand même, mais jusqu'à un prochain scrutin électoral. Un parti qui véhicule une idéologie propose cette idéologie à chacun des scrutins. On a des élections à tous les quatre ans, on peut toujours changer de gouvernement.

M. Ciaccia: Je ne parle pas d'élections là, je parle de référendum. Supposons qu'il y a un référendum...

M. Pineau: Parlons de référendum, M. le représentant de l'Opposition. Je m'excuse, je ne connais pas votre nom. Maintenant, advenant l'éventualité...

M. Ciaccia: Député de Mont-Royal.

M. Pineau: ... qu'un référendum soit battu, je considère qu'un parti peut très bien se représenter, véhiculer la même idéologie à une élection qui suivra et, à ce moment-là, en son âme et conscience, présenter le même sujet comme objet d'un référendum.

M. Ciaccia: Excusez-moi, si je comprends bien, à une autre élection, naturellement, on a tous la liberté de nos pensées politiques, la liberté de notre programme, ce n'est pas ce que je demande. Je demande si, à la suite d'un référendum, par exemple si le référendum était en faveur d'une certaine position, vous pensez que le gouvernement doit suivre la volonté du peuple, à la suite de ce référendum. Je ne parle pas de la question d'une élection subséquente, je parle des actions du gouvernement entre ce référendum et les prochaines élections.

M. Lavertu: Ce que le gouvernement nous propose ici, c'est une loi sur la consultation. Il est bien sûr qu'il s'en va, par un processus comme celui-là, chercher l'opinion de la population, mais cette opinion peut toujours être interprétée.

M. Ciaccia: Alors, quand vous dites que cette opinion peut être interprétée, est-ce que cela veut dire que la question qui serait posée, que ce soit sur n'importe quel sujet, ne devrait pas être claire et précise? Est-ce que vous pouvez nous expliquer, je n'ai pas tout à fait saisi votre remarque?

M. Lavertu: De toute façon, je parle plutôt des résultats. On a déjà donné l'exemple, devant la commission ici, d'un référendum, par exemple, sur le zonage agricole. Si 60% de la population étaient contre le zonage agricole et que ces 60% de population se trouvaient en grande partie dans les zones urbaines, peut-être qu'on devrait interpréter les résultats à la faveur d'un décompte par comté pour voir si les régions rurales, les agriculteurs ne sont pas plutôt pour...

M. Ciaccia: Ce que je peux interpréter par vos remarques si je relie cela à une analyse par comté — j'ai vu cela dans d'autres mémoires, mais je ne sais pas si je saisis bien votre pensée — c'est que si dans certains comtés, disons anglophones, il y a un vote d'une certaine façon et, dans certains comtés francophones, il y a un autre genre de vote, votre interprétation est que vous ne prenez pas le résultat global sur tout le territoire; vous prenez seulement certains comtés. Est-ce cela?

M. Lavertu: Sans prendre simplement l'opinion d'une partie de la population, il est intéressant quand même de savoir, sur certaines questions, qui a voté en faveur de quoi, pas nécessairement par individu mais je veux dire par groupe d'individus.

M. Ciaccia: Mais pourquoi? C'est la question que je me pose. Il y a beaucoup de mémoires qui ont suggéré des votes par région, pas par comté, et pour plusieurs raisons; parce qu'il y a certaines conséquences sociales qui vont arriver, le gouvernement, je crois, devrait être dans l'obligation d'éviter autant que possible des perturbations sociales, les conséquences d'un référendum, alors il y a ceux qui ont suggéré un scrutin par région. Pour quelles raisons voulez-vous analyser le vote comté par comté? Est-ce qu'il y a une raison spécifique?

M. Desrosiers: Cela part, M. le Président, de notre point majeur, de notre première affirmation. Présentement, les Québécois peuvent se sentir sous-représentés ou surreprésentés, selon que politiquement on puisse être dans une formation ou dans l'autre. Moi, je dis que cela ne prouve absolument rien. Il demeure un fait sociologique qui est le suivant.

Malgré tous les mécanismes qu'on a présentement, malgré la représentation que nous avons présentement, les Québécois disent qu'il y aurait peut-être moyen, au niveau de l'utilisation de la démocratie, d'ajouter un mécanisme nouveau qui s'appelle le référendum, pas pour refaire ce qu'on fait déjà en politique, mais pour faire autre chose. Cette autre chose, c'est de savoir au niveau de l'ensemble d'une population quelle est son opinion sur un sujet. On pourrait très bien voir, à l'occasion d'une campagne référendaire, un député de comté et son agent officiel être totalement en désaccord. Cela n'a aucun rapport avec la politique; c'est la base. On pourrait très bien voir des députés ministériels être en faveur d'un oui et d'autres être en faveur d'un non. On pourrait aussi voir l'Opposition se diviser autrement. C'est justement ce nouveau mécanisme, qui doit être traité comme un nouveau mécanisme, qui ne doit pas imposer un cadre juridique obligatoire au niveau gouvernemental. C'est une consultation au niveau de la population, à caractère tout à fait différent, de telle façon que les Québécois puissent dire: Nous avons donné notre opinion; maintenant, les gens au Parlement pourront continuer à en discuter et pourront juger de l'opportunité d'adopter une loi subséquemment.

Ceci étant dit, on trouve important de pouvoir connaître, par comté, l'opinion de nos gens, parce que ce n'est pas une question politique, mais une question sociologique. Après, cela devient une question politique. J'ai l'impression que nous sommes en train de discuter de deux aspects de la question en même temps, et le niveau sociologique et le niveau politique. On n'en est pas sortis lorsqu'on a fait ensemble cette discussion. On s'est dit: Essayons d'établir une ligne de pensée de sorte que, si on établit un nouveau processus démocratique, il soit tellement souple qu'il permette à des gens de la même formation politique d'être d'opinion contraire et de ne pas s'en vouloir pour tout cela, mais que cela ne paralyse pas l'appareil démocratique gouvernemental. Ainsi, quand il connaîtra d'une façon différente l'opinion du peuple québécois il pourra, lui — et lui, c'est le gouvernement — se débattre avec son Opposition, à ce moment-là, pour établir une loi subséquem-

ment à la consultation populaire. C'est dans ce sens qu'on fait notre argumentation.

M. Ciaccia: Ce qui m'inquiétait dans la réponse que j'ai reçue tantôt, quand j'ai demandé: Le gouvernement devrait-il être lié par la réponse du référendum, c'est qu'on a semblé dire: Cela dépend de l'interprétation. Est-ce que cela veut dire que la question ne sera pas claire ou précise? Cela est une question d'interprétation. Si la question est claire et précise, est-ce que vous allez interpréter les différentes régions du Québec par rapport à d'autres ou si vous allez traiter cela comme la volonté populaire, 60%, 70%, 55%? Que voulez-vous dire quand vous dites que cela dépend de l'interprétation qu'on va y donner?

M. Lavertu: Cela ne veut pas dire qu'à notre sens la question devrait être embrouillée ou confuse; au contraire, elle devrait être claire, précise et permettre aux gens d'exprimer très clairement leur choix lors du référendum.

M. Ciaccia: Si 60% disent oui ou disent non.

M. Lavertu: Je prends l'exemple de 50%. Le même pourcentage ne veut pas toujours dire la même chose lors de différents référendums. C'est à peu près ce que je voulais dire quand je parlais d'interprétation tantôt. Si j'ai débordé sur le décompte par comté, on pourrait peut-être ajouter aussi qu'il est souhaitable qu'un député sache exactement ce que les électeurs de son comté pensent d'une question, alors que, lors d'un décompte à l'échelle nationale, il serait impossible pour le député de savoir ce que les électeurs de son comté pensent de la question soumise au référendum.

M. Ciaccia: Vous ne croyez pas que ce serait préférable que le gouvernement dise: Oui, je vais être lié par le résultat. Cela enlèverait toute ambiguïté, l'incertitude et, comme cela, le monde saurait une fois pour toutes ce que le peuple du Québec veut décider sur cette question.

M. Lavertu: Cela ne nous apparaît pas nécessaire...

M. Ciaccia: Ce n'est pas nécessaire que ce soit clair?

M. Lavertu: ... que le gouvernement soit lié, soit à l'intérieur de la loi ou soit qu'il s'engage.

M. Ciaccia: Vous ne voyez pas de dangers de continuer toujours l'incertitude et l'ambiguïté dans ce sens? Vous ne trouvez pas que les gens voudraient savoir une fois pour toutes leur avenir, où ils s'en vont, sans cette continuelle ambiguïté?

M. Lavertu: Je constate que vous me parlez d'un référendum en particulier, lorsqu'on devrait être en train de discuter de l'ensemble des référendums.

M. Ciaccia: Non, je parle du référendum auquel vous vous référez, à la page huit. Je suis pas mal certain, lorsque vous dites que votre société entend intervenir chaque fois qu'elle le jugera nécessaire, que sur un référendum de moindre importance...

M. Lavertu: Nous avons déjà pris position comme société sur d'autres questions que celle-là.

M. Ciaccia: Passons donc à un autre sujet parce qu'on semble vouloir continuer l'ambiguïté. Cela m'étonne un peu. J'ai l'impression que vous n'êtes pas certain du résultat que vous voulez avoir. C'est pour cela que vous voulez vous couvrir.

M. Pineau: Du tout. J'aimerais soulever un point, mon cher monsieur, si vous me le permettez. Dans notre mémoire, ceci est clairement indiqué. Je crois bien que ce sera de nature à répondre aux questions que vous avez posées tout à l'heure: "II nous apparaît que la volonté populaire exprimée clairement possède en soi une force si contraignante qu'un gouvernement ne serait pas justifié d'ignorer l'avis de la majorité de la population." C'est la position de la SNEQ, d'une part. Cela rejoint, d'autre part, l'idée que nous véhiculons, à savoir que ce devrait être le gouvernement qui devrait prendre à lui seul les responsabilités. J'en reviens à ce que j'ai dit lors de ma première intervention. Si un gouvernement ne se croit pas justifié d'ignorer la majorité de la population et, toujours dans notre ligne de pensée, s'il prend à lui seul les responsabilités, il paiera pour, lors d'un prochain scrutin électoral. Ce sera son problème. On est dans un pays démocratique.

M. Ciaccia: En tout cas, il me semble que j'ai eu deux différentes réponses. Je vais prendre une réponse que vous voulez claire, que c'est assez contraignant que le gouvernement ne serait pas justifié d'ignorer l'avis de la majorité de la population.

Vous dites que le libellé de tout référendum devra être rédigé dans la langue nationale, suivant les dispositions de la loi no 101. Je ne veux pas entrer dans un débat linguistique à savoir que le français est la langue de communication au Québec. Pour certaines raisons historiques, il peut y avoir des groupes qui ne sont pas tellement familiers ou assez familiers avec la langue française. Dans un référendum qui peut poser une question assez importante pour l'avenir de chacun de nous, ne voyez-vous pas un danger que, si la question est libellée seulement dans une langue, une grande partie de la population ne pourra pas vraiment s'exprimer? Il se peut qu'elle ne comprenne pas assez profondément la langue officielle pour pouvoir saisir complètement la portée de la question. N'y a-t-il pas un danger d'enlever le droit de vote à un grand secteur de la population qui pourra être de bonne foi et qui se considère Québécois autant que vous et moi? N'y a-t-il pas ce danger?

M. Burns: C'est obsessionnel.

M. Lavertu: Nous ne le croyons pas, M. le dé-

puté. La question aura d'abord été discutée à l'Assemblée nationale et rapportée abondamment dans l'ensemble des journaux. Des personnes auront fait campagne en faveur de l'une ou l'autre des deux options pendant toute la période préréférendaire et pendant la campagne référendaire. A ce moment, surtout si la ou les questions sont courtes, claires et précises, je ne crois pas que cela pose des problèmes et que cela ait pour effet d'empêcher certaines personnes de s'exprimer lors d'un référendum, quel qu'il soit, en passant.

Nous croyons, étant donné que la loi no 101 a été adoptée il y a peu de temps, que ce serait un des endroits où il serait très mauvais de reculer sur une loi qui a été adoptée par l'Assemblée nationale et qui prévoit que la langue nationale, c'est le français.

M. Ciaccia: Ne croyez-vous pas qu'il y aurait un danger de critique contre le gouvernement, à savoir qu'il essaie de restreindre les gens qui pourraient voter dans un tel référendum? Et je crois que cela serait important pour que le gouvernement paraisse prendre toutes les précautions possibles et avoir une largeur d'esprit pour permettre à tous les Québécois de voter. Ne croyez-vous pas que cela serait une critique et que cela serait quelque chose qui pourrait aussi avoir des conséquences sur le résultat d'un tel référendum? La critique ne pourrait pas être faite au gouvernement, après, et dire: Ecoutez, ce n'est pas tout le monde qui a eu le droit de voter, ils n'ont pas compris; alors, ce n'est pas clair. Cela continuerait l'ambiguïté. Mais, si le gouvernement prenait toutes les précautions possibles et permettait à ces gens de s'exprimer dans l'autre langue, cette critique ne pourrait pas être faite contre le gouvernement.

M. Lavertu: Nous ne sommes pas d'accord avec cette interprétation qui veut que le fait de libeller le bulletin simplement en français empêche des gens de s'exprimer.

M. Ciaccia: Pour celui qui ne comprend pas le français, et il y en a beaucoup, je ne dis pas que cela justifie, mais, malheureusement, il y en a beaucoup qui ne le comprennent pas.

M. Lavertu: Mais il y aura quand même une période d'information assez longue auparavant pour que les gens sachent exactement ce que représentent ces deux options.

M. Desrosiers: Je ne sais pas où on peut soulever cette ambiguïté possible. Je comprends, so-ciologiquement, qu'il y a une partie des Québécois qui ne s'expriment pas en français, malheureusement. Mais, avec la loi 101, je pense que dans un avenir très rapproché, et au moment où on adoptera le fameux référendum qui semble toujours planer au-dessus de cette salle, messieurs les anglophones pourront comprendre très bien le libellé français. Peut-être que je m'amuse un peu, mais il faudrait quand même dire ceci: D'une part, on a dit droit de vote, priorité; d'autre part, clarté de la question, concision, et, avec un temps prédéterminé, avec annonce a l'avance qu'un référendum se tiendra, je me fie à messieurs les Anglais pour en faire une bonne traduction. Je ne vois pas d'ambiguïté là, ils vont comprendre correctement.

M. Ciaccia: Vous avez peut-être une perception de messieurs les Anglais qui n'est peut-être pas aussi exacte qu'on peut le croire ou qu'on peut le penser. Parfois, on se fait certaines idées d'une certaine communauté, et c'est tout à fait l'inverse. A la page 6 de votre mémoire, vous parlez — je vais conclure sur cela parce que je vois que mon temps achève — de la campagne référendaire et vous dites qu'il faudra encadrer les media par des règlements, des codes d'éthique. Pouvez-vous détailler un peu quelle sorte de règlement vous voudriez voir?

M. Desrosiers: Cela, lorsqu'on a détaillé ce point, on a été vraiment aux prises avec un problème insoluble, et on voulait attirer l'attention de la commission parlementaire sur cet aspect, et j'exprime plus clairement ma pensée en disant ceci. On veut donner chance égale à chacun des électeurs en mettant la question au clair, en donnant une période précise, en permettant de le savoir à l'avance. En affectant un montant payé par les deniers publics égal des deux côtés des deux options, on se disait ceci: Lorsqu'on va utiliser les media, que ce soit parlés ou écrits, comment allons-nous faire pour contrôler les media, parce que les ondes franchissent les barrières provinciales très facilement? Est-ce qu'on pourrait contrôler une chose comme cela? Cela nous est apparu une difficulté insurmontable. On pourrait quand même être noyé de publicité qui nous vienne des ondes, qui serait contraire à l'objectif qu'on poursuit de donner la chance au Québécois, quelle que soit son option, de pouvoir s'exprimer clairement et d'avoir les mêmes chances de succès.

Or, on disait: II faudrait que la commission parlementaire réfléchisse sur des mécanismes à trouver de telle façon qu'on puisse — soit par une loi-cadre au niveau de la presse, ou encore par différentes formules que nous n'avons pas, mais nous vous faisons confiance pour les trouver, par exemple — restreindre, à un moment donné, ce qui pourrait émarger et être non contrôlable. C'est dans ce sens qu'on fait la recommandation, et pas plus que cela, mais autant que cela.

M. Ciaccia: Mais est-ce que cela ne risque pas d'être perçu comme une contrainte à la liberté de la presse, à la liberté d'expression, pour un journaliste de s'exprimer d'un côté ou de l'autre?

Ne trouvez-vous pas cela un peu dangereux d'essayer d'adopter des règlements pour contrôler ou restreindre les journalistes de dire leur façon de penser?

M. Desrosiers: C'est un bon argument. Je le reçois et nous le recevons, comme groupe. On s'est posé la même question. On se disait: II faudrait — et on vous le demande — essayer de trouver les mécanismes nécessaires de telle façon que

la propagande et la nouvelle journalistique soient bien différenciées. Je pense qu'on ne devrait pas restreindre, à ce moment, le journaliste quand il s'agit de faire ses nouvelles. Mais, au niveau de la propagande organisée par une option ou par l'autre, que celle-là soit bien cadrée. J'admets que ce n'est pas l'idéal, mais ce qu'on vise, c'est d'essayer de vous faire réfléchir sur les moyens à trouver, de telle façon qu'on puisse bien équilibrer les deux options.

M. Ciaccia: Dans nos traditions démocratiques, il est difficile de faire une distinction entre les deux parce qu'un côté va appeler de la propagande, ce que l'autre dit, lui, être de l'information, et vice versa. C'est assez dangereux d'essayer de suggérer des contrôles sur la liberté de la presse, la liberté d'expression.

M. Desrosiers: N'étant pas familiers avec le milieu anglophone, nous, au niveau francophone, on avait cette perception que vous venez d'énoncer. Est-ce que vous nous dites que c'est la même chose au niveau anglophone, qu'on a la même perception? Ce n'est pas facile de distinguer propagande, nouvelle journalistique...

M. Ciaccia: C'est une question d'opinion. Chacun a droit à son opinion.

M. Desrosiers: C'est ce que je pensais.

M. Ciaccia: Je crois que nos traditions, que ce soit anglophones ou francophones, les traditions de ce pays-ci ont toujours donné la plus grande liberté possible à la presse écrite, aux media. Quand il y a eu certaines exceptions, je pense qu'on s'est bien fait entendre et on a été défendu par la majorité du peuple.

M. Lavertu: ... un certain nombre de restrictions ou de lois qui s'appliquent aux campagnes électorales, et s'il y a une loi sur les référendums et sur la consultation populaire au Québec, il y aura une chose nouvelle qui va se produire, c'est qu'il y aura non plus des campagnes électorales, mais des campagnes d'opinions. Je pense qu'il devrait y avoir une législation concernant les campagnes d'opinions, à savoir le temps que chacune des options, par exemple, pourrait se voir consacré dans les différents media, l'argent que chacune des options pourrait consacrer à la promotion de l'une ou l'autre des options, et ainsi de suite.

Ensuite, lorsque nous parlions de code d'éthique, peut-être que la formulation de notre texte n'était pas fidèle tout à fait à nos intentions et au débat que nous avions eu là-dessus. C'est que le code d'éthique serait un code que les journalistes se donneraient eux-mêmes pour en arriver à couvrir des événements de la façon la plus équitable possible.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci, M. le député de Mégantic-Compton.

M. Ciaccia: M. le Président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui.

M. Ciaccia: Avant de terminer, je voudrais vous remercier, j'aurais d'autres questions, mais, malheureusement, le temps est écoulé. Je vous remercie beaucoup pour les réponses que vous m'avez fournies.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord, au nom de notre parti, vous remercier pour la présentation de votre mémoire. Je le fais au nom de l'Union Nationale, que vous avez reconnue, sans doute. Vous avez vraiment un mémoire valable et dans l'esprit de ce qu'on attend à cette commission. Je ne sais pas si vous avez été orientés par des gens près de la commission ou pas, je ne fais pas allusion aux partis politiques, mais vous êtes vraiment dans l'esprit de ce qu'on demande ici. Vous nous fournissez, ce matin, des lumières qu'on n'a peut-être pas eues dans tous les autres mémoires de ceux qui vous ont précédés. Je ne voudrais pas me faire juge pour les autres, mais je peux vous dire que celui-ci cadre bien dans ce qu'on a besoin d'entendre à cette commission.

D'autant plus qu'il se rapproche énormément des positions qui sont celles de notre parti. C'est peut-être pour cela que je le trouve si bien. En dehors de cela, je trouve que c'est absolument opportun ce sur quoi vous vous interrogez. Vous n'allez pas, bien sûr, dans la plomberie d'un référendum, mais vous faites des suggestions qui sont importantes pour la commission. Vous allez même jusqu'à nous proposer une date précise pour les référendums au Québec. A ce moment, vous tenez compte de tous les éléments qui peuvent influencer un référendum au Québec, y compris même la température. Quand on suggère le mois de juin, vous vous rapprochez de dates soumises à des périodes assez régulières par différents partis politiques pour la tenue d'élections générales. Si on le fait pour des élections générales, comme on s'en rapporte à des référendums, c'est pas mal semblable quand il est question pour les gens de se déplacer pour aller voter.

Vous avez un paquet d'excellentes recommandations qui seront sans aucun doute retenues par la commission et qui serviront de références au gouvernement. Je voudrais vous en remercier.

Comme réflexion, à la page 1, vous parlez d'élections-référendums. Je ne sais pas si vous avez à la mémoire l'élection provinciale de 1962. Quand vous avez parlé d'élections-référendums, moi j'ai perçu que cela pouvait être au moins celle-là qui a porté sur un thème majeur. Une société juste, c'en était un. Il est assez rare qu'il n'y a pas un courant qui se dégage d'une élection générale, bien sûr, mais on ne peut pas dire que c'est à chaque élection. Je pense être honnête en disant

qu'une élection générale doit d'abord porter sur l'administration d'un gouvernement sortant. C'est d'abord cela, le thème majeur d'une élection. On ne peut pas dire que cela a été cela en 1962. Cela a peut-être été cela en 1976. On ne peut pas dire que c'était cela en 1962. Je pense que, si on avait eu, à ce moment, en 1962, une loi-cadre des référendums, on s'en serait peut-être servi pour un référendum au lieu d'une élection. Cela aurait peut-être été plus correct.

Cela me rapproche d'une autre question que j'aurais pu me poser et je vous la pose tout de suite. Vous parlez de décompte du vote par secteur, par district électoral. Vous faites une recommandation quant à ce décompte par district. M. Lavertu est peut-être ici depuis le dépôt de plusieurs mémoires, parce que j'ai remarqué qu'il semblait informé sur plusieurs autres mémoires. Ce n'est peut-être pas le cas pour tout le monde, mais j'aime informer les autres représentants qui sont ici que cette question revient à peu près à chaque dépôt de mémoires. Les opinions sont assez diversifiées.

Un point qui n'a pas été soumis. On semble vouloir répondre à plusieurs questions. On voudrait analyser les référendums. On voudrait savoir ce que telle partie de la population peut penser sur telle question. Je pense, par exemple, au référendum sur le zonage des terres agricoles. Il serait peut-être intéressant de savoir ce que Montréal pense de cela. Il serait peut-être intéressant de savoir ce que la région de Lotbinière pense de cela, la région du Bas-du-Fleuve, des choses comme cela. On n'a peut-être pas besoin de le savoir par circonscription. Il y a, bien sûr, un danger que vous soupçonnez, mais que vous n'avez pas dit dans votre mémoire, au décompte par district. Il y a également un manque d'information si on ne le donne pas. Je pense que les media d'information voudront analyser la tenue d'un référendum. Il y aurait peut-être lieu de s'interroger et que, pour fournir à tout le monde un point de repère, on fasse, par exemple — je vous le dis comme cela; on pourra revenir ensuite sur le décompte par district — quatre décomptes bien précis dans la province sur un référendum en particulier, qui pourrait être fait pour plusieurs référendums aussi.

On pourrait bien faire un décompte dans Mont-Royal qui est un comté à caractère anglophone, en faire un dans Sainte-Marie qui est dans Montréal, qui est un comté majoritairement francophone, en faire un à Rouyn qui est une ville dans le Québec qui ressemble à la vôtre, soit celle de Rimouski, mais pour une autre raison que vous connaissez, et Lotbinière aussi qui est un comté qui ne compte pas un seul "poll" urbain. Vous avez quatre points dans le Québec qui pourraient faire l'objet d'une analyse bien spécifique. Je nomme ceux-là; on pourrait en nommer d'autres. Vous avez là-dedans quatre partis qui sont représentés. On ne cause pas de préjudice aux partis politiques, parce que tout ce qui sous-tend cela, c'est peut-être l'avantage ou le désavantage politique.

Je ne vous cache pas que je serais un peu malheureux pour le député de Rimouski qui va être pour un référendum qui dirait, par exemple: Etes-vous pour la souveraineté du Québec? Il irait se battre pour la souveraineté du Québec et d'autres gens se battraient contre. S'il se faisait battre à trois contre un dans son comté et qu'une élection devait suivre dans les deux mois du référendum, je ne suis pas sûr qu'un député de ce genre... Je pourrais prendre mon comté, si cela peut blesser quelqu'un. Je prends mon comté, puis je décide que je suis pour un référendum qui demande la souveraineté pour le Québec, en parlant d'un référendum en particulier. Je me fais battre à trois contre un. Je ne suis pas sûr que les électeurs ne se rappelleront pas cela deux mois après. Je ne suis pas sûr que cela n'influencera pas le vote considérablement dans mon comté au point qu'ils peuvent se passer d'un excellent député à Québec. Je ne vous cache pas que cela pourrait être le cas de plusieurs députés aussi.

Tenant compte de ça, j'aimerais que vous vous penchiez davantage sur cette proposition que vous faites. Pour l'analyse dont vous avez besoin, cela pourrait se faire, des points dans la province pour analyser les votes et ne pas désavantager les partis politiques, en prendre dans chacun des partis; on répondrait là à votre question. Pour les référendums, ce n'est pas si utile que ça de savoir que tel député était en faveur ou contre, on n'a pas besoin de savoir ça. On n'a pas besoin de démolir une formation politique non plus pour ça. Je prends un exemple. S'il arrivait que dans un référendum qu'on a à l'esprit, qui viendrait, la question suivante se pose. Je la pose farfelue au possible: Etes-vous pour plus de pouvoirs dans la province de Québec? C'est défendu par le gouvernement et l'Opposition serait contre là-dedans; si on gagnait à trois pour un, vous voyez un gouvernement mis en difficulté lors d'une élection générale qui pourrait suivre deux mois après. C'est farfelu, d'accord, mais prenez le contraire. C'est un danger pour l'Opposition. On ne serait pas plus heureux de ne pas avoir d'Opposition à Québec, on l'a déjà vécu et cela n'a pas été bien bon. Cela a duré quatre ans, sans Opposition, à Québec ou avec une Opposition de six ou huit députés, à ce moment-là. Ce n'était pas assez dans la Chambre, l'Opposition se faisait dans la rue, vous vous en souvenez. On faisait l'impossible dans la Chambre, mais on sentait que l'Opposition n'était pas suffisamment représentée en Chambre.

On n'a pas le droit, par des référendums, de supprimer la carrière politique de certains députés. Je vois cela dans un référendum d'envergure, pas dans tous les référendums. Si on devait faire un référendum demain sur l'urgence ou la nécessité de la fin du monde, je ne suis pas sûr qu'on ferait battre des députés, mais il y a des sortes de référendums qui pourraient le faire quand ce sont des référendums qui touchent tous les citoyens. Les référendums, en général, devraient toucher tous les citoyens, on ne devrait pas avoir de référendums qui portent sur un secteur ou une partie de la population ou une partie de la province seulement, ce n'est pas là-dessus que devront porter les référendums.

J'aimerais vous voir vous interroger là-dessus

puisque vous y allez d'une proposition assez claire, vous autres. C'est peut-être la seule avec laquelle je ne suis pas entièrement d'accord dans tout votre mémoire.

M. Lavertu: M. Grenier, nous nous sommes interrogés assez longuement là-dessus et ces interrogations nous sont venues aussi du même type que celles que vous venez de nous soumettre. Notre point de vue s'est plutôt attaché à examiner ça du point de vue de la population plutôt que de celui du député. Ce serait déplorable qu'un député subisse un sort terrible lors d'une élection deux mois après un référendum, mais cela nous paraît assez peu vraisemblable, de toute façon. Ce qui remporterait...

M. Grenier: Cela vous paraît assez invraisemblable, avez-vous dit?

M. Lavertu: Oui, c'est ça.

M. Grenier: J'aimerais vous donner un exemple, j'ai été battu, déjà. J'ai été battu sur une question bien précise, parce que j'ai défendu le gouvernement sur une question qui n'était pas la mienne, cela s'appelait le bill 63. Une bonne partie de ma défaite est due à cette question. Je peux vous dire tout de suite que je n'étais pas syndiqué et j'ai perdu mon "job". Je peux vous dire que je n'ai pas trouvé cela drôle. Je n'aimerais pas qu'à cause d'un référendum on se prive de députés valables d'un bord ou de l'autre de la Chambre. Un référendum, ce n'est pas nécessairement une loi et ce n'est pas nécessairement tout le monde qui le veut. Il y a certains référendums qui voudront qu'il y ait des partis qui défendent les positions du gouvernement; remarquez bien que je ne serais pas surpris lors du prochain référendum, celui qu'on a à l'esprit — à moins qu'il en vienne un sur la loi de Mme Payette — que des positions changent. Je ne voudrais pas présumer, mais l'Opposition changera peut-être sur un côté et le gouvernement sur l'autre. A cause de cela, on pourra peut-être avoir une élection qui suivra pas longtemps après et se priver de bons hommes.

M. Lavertu: J'ai un peu de mal à comprendre vos objections. Pour mettre fin à vos inquiétudes, il faudrait que les députés ne prennent pas parti pendant la bataille référendaire.

M. Grenier: Non, non, je veux qu'ils prennent parti.

M. Lavertu: Si un député prend parti pour une option qui est battue au référendum, il peut se faire battre à l'élection suivante.

M. Grenier: Pas nécessairement. Un référendum, ce n'est pas une loi. On ne doit pas intégrer une loi à un référendum, ce n'est pas pareil. Le gouvernement qui défend sa loi, il a à payer pour. On a payé pour notre loi 63, nous autres, en 1970. En tout cas, moi, j'ai payé! En 1976, d'autres ont payé pour la loi 22 et peut-être bien qu'en 1980 il y en a d'autres qui paieront pour la loi 101, on ne le sait pas, les années vont nous montrer cela. C'est une loi et je pense qu'on ne doit pas faire la même chose avec un référendum. En tout cas, je laisse ce point à votre interrogation.

M. Lavertu: On se posera peut-être des questions aussi sur l'établissement de vos comtés baromètres.

M. Grenier: Oui, vous savez, j'ai donné ceux-là au pif.

M. Lavertu: Cela pourrait s'avérer très difficile.

M. Grenier: C'est au pifomètre que j'ai trouvé ceux-là. Je ne voudrais pas qu'on trouve que ce sont les vrais comtés. Mais c'est peut-être une région, où il faudrait enquêter. Il faudrait enquêter sur une région en particulier; je le donne juste pour illustrer mon exemple.

Vous parlez également, à la page 3, du régime présidentiel. Je vous rappelle un fait là-dessus, c'est assez étrange, le régime présidentiel avait été préconisé par notre parti à l'élection de 1973, vous vous en souvenez? C'était dans le programme de notre parti, c'était un aspect important de notre programme. Il est réapparu en 1976 dans une autre formation politique, tout simplement parce qu'on n'a pas réussi à le vendre en 1973. On était le parti qui passait pour être assis entre deux chaises.

Vous dites que le gouvernement devrait l'envisager. D'autres ont réussi à passer cette opinion et la personne qui avait proposé dans notre parti ce régime présidentiel est actuellement un député du parti ministériel, mais les ventes ne se sont pas faites de la même façon; les gens n'étaient peut-être pas mûrs pour une question comme celle-là et cela revient actuellement.

Je pense que ce n'est pas un reproche que vous faites, mais vous signalez avec beaucoup d'à-propos, je pense, qu'un régime présidentiel permettrait qu'une initiative vienne de la base et non pas du gouvernement, comme cela se fait aux Etats-Unis d'une façon particulière comme on l'a vécu, M. le Président, en Californie. C'est l'Etat le plus démocratique peut-être; dans certains coins on trouve qu'ils le sont trop puisqu'ils en sont rendus à élire le chef de police. C'est là-dessus qu'on a vu que ces questions pouvaient être soulevées par la population. C'est certainement une faiblesse; encore là ce n'est pas un reproche qu'on fait, on ne peut pas tout régler dans un an. Même si on célèbre aujourd'hui un anniversaire, on ne peut pas tout régler. C'est peut-être une question qui viendra, et ce n'est pas le même anniversaire auquel tout le monde peut penser. Je célèbre aujourd'hui l'arrivée, le retour au pouvoir de l'Union Nationale, c'est-à-dire comme parti politique. C'est notre journée aujourd'hui. D'autres célèbrent d'autres choses, à chacun sa satisfaction.

M. Burns: II y en a qui se satisfont de peu.

M. Grenier: De pas mal. Quand on a oeuvré tant d'années, je peux vous dire que les satisfactions sont grandes. Vous le rappelez avec beaucoup d'à-propos, ce régime présidentiel, c'est peut-être une chose qui viendra corriger pas mal de lacunes.

M. Lavertu: II est encore au programme?

M. Grenier: Oui. Ah oui, puis cela reviendra, je pense bien que je peux vous l'assurer aujourd'hui. Les formes seront peut-être différentes, mais je pense que là-dessus on ne pourra pas se chicaner bien fort, parce que...

M. Ciaccia: Comment allez-vous le mettre en vigueur dans notre constitution actuelle, votre régime présidentiel?

M. Grenier: C'est-à-dire qu'il y aura peut-être des modifications de base qu'on pourra faire. On discutera de cela en temps et lieu. A la page 4, vous revenez avec une commission ad hoc; remarquez bien qu'elle prend des dénominations différentes selon chaque groupe qui vient ici. Vous n'êtes pas sans savoir qu'on parle d'un conseil de référendum depuis longtemps; est-ce que cela pourrait s'apparenter à ce qu'on appelle un conseil de référendum? M. Lavertu, vous avez vu passer d'autres mémoires, j'imagine?

M. Lavertu: Oui, on parlait de comité de sages à un moment donné aussi. Evidemment c'était dans l'optique où le gouvernement gardait l'entière responsabilité de la question. A ce moment-là on se disait: Le gouvernement devrait, pour pouvoir formuler une question vraiment claire, précise et très éclairée, justement, aller chercher, sur la question qui va être en cause lors de l'un ou l'autre des référendums, les individus, les personnes, les ressources qui pourraient l'éclairer de la façon la plus adéquate. Mais cela n'enlève pas finalement...

M. Grenier: Vu le fait qu'on n'est pas en régime présidentiel, le fait qu'il est difficile en dehors d'un régime présidentiel de permettre à la base de faire des suggestions, vous suggérez qu'il devrait y avoir, aux côtés des oppositions et du gouvernement, une espèce de comité ad hoc ou conseil de sages ou conseil de référendum pour faire au gouvernement des propositions dépolitisées, si vous voulez.

M. Lavertu: Cela nous semblerait souhaitable.

M. Grenier: Le ministre retient cela sûrement, je suis sûr que cela le frappe, je ne manque pas de le lui suggérer à chaque mémoire. Je voudrais bien qu'il la retienne parce que c'est une de nos volontés chères et que le ministre semble retenir de plus en plus parce qu'il est "ouvert"; comme diraient les Anglais, il est "open", je ne l'ai jamais tant vu.

Il y a des mémoires qui nous ont proposé, et cela m'intéresserait de connaître votre proposi- tion, vous n'en faites pas mention je pense, d'abaisser l'âge à seize ans pour le vote référendaire.

Est-ce que vous aviez retenu des suggestions?

M. Lavertu: C'était une proposition, entre autres, du Mouvement national des Québécois, organisme qui est la fédération des sociétés nationales. Nous en faisons partie.

M. Grenier: La maison mère.

M. Lavertu: Nous souscrivons à une transformation de la loi électorale en permanence pour permettre d'abaisser le vote à 16 ans, mais ce qui nous a retenus de le placer dans notre mémoire, ce sont des considérations pratiques qu'on pourrait peut-être qualifier de stratégiques de la part d'un gouvernement qui voudrait faire voter les électeurs sur une question, dans le sens que cela apparaît comme voulant fausser les règles du jeu au départ. Cela nous apparaîtrait souhaitable d'abaisser l'âge à 16 ans, mais on a peur que le fait de procéder à cette opération de baisser l'âge...

M. Grenier: Soit onéreuse à défendre...

M. Lavertu: ... oui... amène une interprétation des résultats...

M. Grenier: J'aurais dû vous poser la question au départ. J'avais un monsieur devant moi une fois et je lui avais demandé combien de personnes il représentait. Il m'avait dit: 6 millions. Je lui avais demandé sa recette parce qu'on avait besoin de recruter des membres dans notre parti et il avait l'air d'aller bien. C'étaient les Fils du Québec. Vous dites que vous représentez environ 30 000 personnes, et je vois que votre mémoire, je ne vous le cache pas, a l'air de correspondre à plusieurs questions qu'on se pose. J'aimerais savoir comment vous avez procédé, brièvement. Cela pourrait être une question d'une demi-heure, mais j'aimerais que vous preniez sur mon temps et que vous nous disiez brièvement comment vous avez procédé pour avoir autant d'éléments qui correspondent à autant de réalités.

M. Burns: C'est parce qu'ils sont représentatifs.

M. Grenier: Je n'en doute pas parce que je lis le mémoire et je le sens.

M. Desrosiers: Je pense qu'on peut donner une réponse courte, si vous permettez. On s'est tellement engueulés ensemble parce qu'on représentait des opinions divergentes, mais pour produire le document que vous avez dans les mains, il a fallu se mettre tous d'accord. C'est aussi simple que cela. On n'a pas choisi des gens qui partaient avec la même opinion au point de départ. On en a choisi qui avaient des opinions contraires. Quand on est arrivé aux faits, à l'écriture, comme, par exemple, la question que vous venez de poser sur

le fait de baisser l'âge à 16 ans, on a dit: Oui, cela peut avoir du sens, mais au niveau de la concordance légale, quand on fera des élections... On a dit: D'abord, qualité d'électeurs, deuxièmement, message inaugural, troisièmement, date fixe. On a voulu vraiment répondre au peuple, à ce moment, dans ce qu'il y avait de plus fondamental. Toujours pour s'assurer que les gens qui sont habitués au parlementarisme britannique, à notre façon de procéder, s'habituent à un nouveau mode de consultation populaire, on a dit: Gardons les mêmes formes; les mêmes électeurs qui votaient avant vont voter encore demain. C'est dans ce sens qu'on est arrivé aussi facilement.

M. Grenier: Avez-vous, après d'autres mémoires qui nous ont proposé de retirer le droit ou de le donner, frappé quelqu'un d'incapacité de voter, comme le sont les juges et les prisonniers?

M. Lavertu: Notre position là-dessus c'est de conserver les mêmes règles d'application de la loi électorale actuelle.

M. Desrosiers: On ne peut pas concevoir comment on pourrait récompenser quelqu'un qui est prisonnier, qui a été privé de certaines libertés fondamentales pour des raisons x, comment on pourrait lui donner une autre liberté qu'on considère fondamentale, la liberté de s'exprimer. S'il a perdu une liberté, il a aussi perdu celle-là. Tant pis pour lui. C'est raide, mais c'est cela.

M. Grenier: Même si c'est momentané, même si c'est, comme disait le ministre dans le temps, pour ne pas avoir payé son permis.

M. Desrosiers: Mais le hasard de sa peine, grâce au juge, pourrait être raccourci de telle façon qu'il pourra voter au référendum parce que le juge saura d'avance quand le référendum aura lieu. Votre objection tombe.

M. Grenier: J'aimerais que vous détailliez un peu plus sur la campagne de financement à $0.50 par électeur. Vous êtes au courant de l'organisme parapluie qu'il pourrait y avoir. Est-ce que ce serait avant ou après le vote que vous pourriez déterminer le montant? Est-ce que vous avez étudié cela à l'intérieur de votre commission?

M. Otis (Claude): C'est un montant qui va jusqu'à $0.50. Cela pourrait être celui qui déclenche le référendum ou encore l'Assemblée nationale qui le fixerait, selon l'importance de la question, à savoir qu'on irait disons à $0.25, $0.35 ou $0.50 par électeur.

M. Grenier: Montant qui ensuite serait partagé entre les différentes formations mises en branle pour le référendum, mais qui ferait...

M. Otis: Egalement.

M. Grenier: ... un total de $0.50 incluant, comme vous le disiez tout à l'heure, votre bénévolat.

M. Desrosiers: Jusqu'à $0.50. Il faudrait comprendre quand même plus loin que cela. C'est toujours la même genèse qui préside à cette question. Nous avons dit que ce sera clair. Ce sera une question qui ne liera pas le gouvernement de façon juridique. Tout à l'heure, lorsque vous avez parlé de la délimitation de comtés pour le décompte du vote, vous avez quand même eu l'habileté de la relier à la vocation et la carrière politique du député. Je vous ai trouvé habile, mais je ne suis pas du tout d'accord avec vous. Je suis encore convaincu qu'il faut l'avoir comté par comté, parce que dans un comté, dans une question à caractère consultatif, si le député ne veut pas s'en mêler, il ne s'en mêlera pas, mais il ne perd pas son droit de vote. S'il veut s'en mêler pour une option, indépendamment de sa formation politique, il pourra s'en mêler. Comme vous avez si bien dit qu'on juge un gouvernement à la compétence qu'il a au niveau de l'application des règles et de l'art de gouverner en soi, je pense que c'est sur cette question qu'on jugera les députés, comme on a les jugés dans le passé. Je ne crois pas, même si vous l'avez affirmé et que vous semblez en être convaincu — j'aimerais vous convaincre du contraire — qu'on puisse faire ombrage à un député qui, sur la fluoration de l'eau, pourrait être en désaccord avec le fait de la fluorer, alors que ses électeurs dans son comté pourraient être d'opinion contraire. Je ne vois pas comment sa carrière politique pourrait être mise en jeu. Lorsque vous nous servez des arguments, vous avez toujours à l'esprit le référendum constitutionnel sur lequel on n'a pas demandé d'exprimer nos opinions.

M. Grenier: S'il est un parti qui est dégagé de tout cela et qui voudrait parler de tous les référendums, c'est bien le nôtre. Notre parti est pour une loi-cadre, exactement dans votre esprit. Je continue de maintenir mes positions, parce que je suis en politique depuis onze ans, et je dis qu'on peut facilement battre un député sur la fluoration de l'eau ou sur le drainage d'une rivière dans une région importante de son comté, aussi bien que sur la question de l'avenir constitutionnel de la province. C'est aussi pire que cela.

M. Desrosiers: Si le député est battu, c'est parce que sa population dans sa circonscription électorale voudra connaître son opinion et voudra savoir de quel côté le député se range. C'est dans ce sens que le référendum deviendra une force contraignante autant pour...

M. Grenier: Vous n'avez jamais fait partie d'un parti politique comme député? Vous n'avez jamais été obligé de défendre les couleurs d'un parti politique?

M. Desrosiers: J'ai été heureux. C'est cela qu'on veut éviter dans le référendum, que le membre d'une formation politique soit aux prises justement avec cette contrainte.

M. Grenier: On essaiera de demander que le vote soit libre quand on arrivera au référendum. J'avais une autre question avant de terminer et avant que le président me fasse signe que mon temps est épuisé.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II n'est pas épuisé, mais cela achève.

M. Grenier: Cela va bien. Cela tire sur la fin. M. Burns: II s'épuise. Le député ou le temps? M. Grenier: Les deux.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II vous reste trois ou quatre minutes, M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: J'entendais tout à l'heure le député de Mont-Royal parler de la possibilité que la question soit bilingue ou pas. Vous étiez d'opinion que, si la question est brève et claire, elle n'a pas à être dans les deux langues. Ce n'est pas sur cet aspect que je veux revenir. L'aspect que je veux relever de cela, c'est que vous êtes pour une question claire, une question à laquelle on répondrait par un oui ou par un non. Vous avez vu la question qui a été posée par le Parti libéral fédéral à l'occasion d'un plébiscite qu'il y avait eu autour de 1900. Est-ce que c'est possible de trouver une question plus embrouillée que cela? Pensez-vous que le gouvernement peut en trouver une moins claire que cela?

M. Desrosiers: J'espère que c'est à cause de cette question qu'ils ont été battus à un moment donné.

M. Grenier: Cela n'a peut-être pas nui. Il me reste du temps comme représentant officiel de mon parti. Je reviendrai, s'il y a lieu, avant la fin de votre mémoire. Sinon, je veux vous remercier et vous encourager à faire de même si jamais on fait appel à vos services. Vous avez l'air d'avoir ce qu'il faut pour présenter des mémoires qui éclairent une commission. Vous avez l'air de vous enligner immédiatement dans la bonne voie; s'il y a un sujet, vous vous en tenez au sujet et vous tâchez d'apporter à cette commission qui a besoin d'éclairage ce qu'on attend de vous. Je veux vous remercier au nom de notre parti. Soyez assurés que le document que vous nous laissez ici tombe dans de la bonne terre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci. M. le député de Matapédia, avec le consentement des membres de la commission.

M. Burns: M. le Président, le député de Matapédia n'est pas membre de la commission, mais la commission serait d'accord pour lui donner le droit de parole.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Matapédia.

M. Marquis: Je vous remercie, M. le Président, ainsi que les membres des deux Oppositions. Je voudrais d'abord saluer avec plaisir la présence de gens de l'Est du Québec, en particulier plusieurs sont de mon comté, des comtés de Rimouski et de Matane également. Comme représentant des gens de l'Est du Québec et des autres députés de l'Est du Québec, j'aurais quelques brèves questions à poser.

Evidemment, je ne reprendrai pas toutes les argumentations de mon collègue, le député de Maisonneuve, ni ceux de l'Opposition. Je pense que le mémoire a été passablement épluché jusqu'à maintenant. C'est pour cela que mes questions seront brèves, et aussi pour permettre à ceux qui sont venus présenter le mémoire de peut-être se reposer tantôt, parce qu'ils sont partis, je pense, vers cinq ou six heures du matin. Ce qui prouve que les gens de l'Est du Québec, quand ils décident de se prononcer, de faire un travail efficace sur un sujet, ils sont capables de le faire, et je suis assuré qu'à l'avenir cela va continuer comme cela.

Evidemment, j'ai d'excellents amis, dans le groupe qui est là, qui ne sont pas nécessairement tous de mon avis, mais j'ai quand même d'excellents amis. Je voudrais revenir d'abord sur la question d'une date fixe. Vous avez mentionné le mois de juin en parlant, entre autres, des étudiants, et, aussi, en vous basant sur le fait que jusqu'au 24 juin, jusqu'à la fête nationale des Québécois, les enfants sont encore à l'école, les parents, les familles n'ont pas commencé à déménager, à prendre le chemin des vacances dans les chalets, etc. Cependant, lors de vos discussions, pour vous arrêter d'une façon aussi précise sur le mois de juin, avez-vous tenu compte des étudiants des CEGEP et des universités? Pourquoi n'êtes-vous pas allés au mois de septembre où, d'après mon humble opinion, cela aurait peut-être été un peu plus favorable?

M. Lavertu: II semble que cette période de septembre soit un peu perturbée par le retour en classe, le retour au travail actif des gens qui ont pris des vacances pendant l'été, la reprise des activités dans la plupart des organismes et des mouvements dans les régions. Il nous a semblé que le mois de juin n'était pas un empêchement pour les étudiants de CEGEP et d'université parce que ces étudiants ont terminé depuis le mois d'avril ou le début de mai, et ils sont installés quelque part pour l'été, soit chez leurs parents ou à l'endroit où ils vont travailler pendant l'été.

Vraiment, cette conclusion de juin — et même on avait parlé du début de juin — à laquelle nous sommes arrivés, après des discussions assez longues et après avoir exclu la plupart des autres mois de l'année...

M. Marquis: Donc, en fait, vous visez le début de juin très clairement. Un autre point. Je vais revenir sur le scrutin et sur le dépouillement du scrutin. Pour arriver à vous prononcer d'une façon aussi catégorique, également, êtes-vous partis de précédents, soit dans d'autres pays, à part, évi-

demment, le plébiscite sur la conscription, parce que je pense, d'après mes renseignements, qu'il y avait eu un dépouillement par comté. Je me souviens de les avoir vus, les résultats, par circonscriptions électorales. Mais êtes-vous partis d'exemples concrets ailleurs pour suggérer le dépouillement par circonscriptions électorales?

M. Dubé (Réal): On peut dire que non, nous ne sommes pas partis d'exemples concrets. Cependant, parce que nous disons qu'un référendum, c'est d'abord et avant tout une vaste consultation, il faut être en mesure de l'analyser, cette consultation. Et dans la mesure où on fait une analyse, sur le plan national, cela ne nous dit pas grand-chose, cette analyse.

C'est strictement par secteur ou rigueur de l'analyse qu'on s'est dit qu'il faudrait la faire au plan des circonscriptions électorales. De plus, j'en profite pour revenir sur ce que disait un peu M. Grenier tantôt. Nous voyons un référendum comme étant une consultation sur une idée, alors que l'élection d'un député, c'est bien différent. Cela se fait à partir d'un paquet de considérations, cela se fait à partir du programme d'un parti politique, cela se fait à partir de la valeur d'un individu et un paquet d'autres éléments. Un référendum, c'est strictement une consultation sur une idée. On se dit à ce moment: Les gens de la circonscription doivent être en mesure de juger de la valeur d'un député, et non seulement à partir de l'opinion qu'il a émise sur une idée. Si importante que puisse être cette consultation — on peut parler du référendum constitutionnel, justement — les gens d'un comté ne doivent pas juger de la valeur de l'individu strictement en fonction de l'opinion qu'il peut avoir sur une idée.

Pour répondre au député Marquis de façon précise, on n'est pas parti d'un cas concret.

M. Roy (Bruno): M. Marquis, M. le député... M. Marquis: Oui, allez-donc.

M. Roy (Bruno): Pourrais-je ajouter ici, M. le député, que notre préoccupation qui voulait qu'on ne s'éloigne pas trop des lois électorales actuelles nous faisait aussi adopter un mode de dénombrement par comté? Cela s'inscrivait dans le cadre général de notre mémoire, où on ne voulait pas trop changer les règles établies de façon à ne pas embrouiller la population avec des règles nouvelles.

M. Marquis: Une dernière et brève question encore. Vous avez parlé du dimanche. Vous suggérez le dimanche comme étant la journée la plus favorable à la tenue, non seulement d'un référendum, mais je pense que vous êtes prêts à aller dans la même idée s'il s'agit d'une élection. Vous avez parlé des écoles. Cela a peut-être moins rapport avec votre déposition aujourd'hui, mais cela pourrait m'aider dans des suggestions que nous aurons à faire au ministre d'Etat à la réforme parlementaire et électorale. Est-ce que vous êtes favorables à la disparition des bureaux de scrutin en milieu rural dans les maisons privées pour arriver à centraliser cela dans les écoles ou un autre édifice public tel qu'un hôtel de ville, etc.? J'avoue que je m'éloigne du sujet.

M. Lavertu: J'avoue que nous n'avons pas réfléchi à la question.

M. Desrosiers: Mais la réflexion ne sera pas longue. Si vous pouvez le faire chez vous, pourquoi ne le faites-vous pas chez vous? Les écoles appartiennent à la province de Québec, appartiennent à tous les contribuables. Cela ne veut pas dire qu'on est contre les maisons privées mais, si on peut en sortir, pourquoi n'en sortirions-nous pas? C'est le gros bon sens.

M. Grenier: Sur le tapis de ma tante Rose-Anna, elle n'aime pas cela.

M. Burns: Je m'excuse auprès du député de Matapédia, même si ce n'est pas directement le sujet de notre commission. Je tiens à vous dire que j'ai de plus en plus de représentations de milieux ruraux qui me disent, et de la part de présidents locaux d'élection, que cela devient de plus en plus difficile de trouver des résidences où on peut tenir normalement et régulièrement des élections. Il n'y a pas de doute qu'au niveau du ministre d'Etat à la réforme parlementaire cette recommandation est très bien reçue.

M. Marquis: Je dois dire que cela cause des problèmes aux différents candidats qui doivent parcourir les rangs le jour du scrutin pour saluer les électeurs et les membres, les gens. Là-dessus, comme j'ai des collègues qui ont probablement quelques dernières questions à vous poser, je vous remercie encore une fois. Nous espérons avoir le plaisir de vous entendre sur d'autres sujets importants que nous aurons à soumettre en commission parlementaire dans les années à venir. Merci.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci, M. le député de Matapédia. Y aurait-il d'autres interventions?

M. Burns: M. le Président, il me reste encore une fois des remerciements à adresser à M. Lavertu et à son groupe de la Société nationale de l'Est du Québec. Merci pour ce très bon mémoire qui va nous faire réfléchir, qui va nous faire réfléchir, qui va nous faire réexaminer un certain nombre de choses avant la présentation de la loi.

M. Lavertu: On remercie la commission d'avoir bien voulu nous entendre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci beaucoup au nom des membres pour votre collaboration à cette commission parlementaire.

M. Burns: M. le Président, nous avions la possibilité d'entendre la Société nationale du Centre du Québec. Je ne sais pas s'il y a des représentants qui sont là actuellement.

M. Blanchard (René): Oui.

M. Burns: Je ne sais pas si cela vous causerait d'énormes problèmes, étant donné qu'il est 12 h 50 et que normalement nos travaux cessent à 13 heures, de revenir après la période de questions, cet après-midi. Je trouve que ce serait un peu injuste à votre endroit de vous faire commencer la présentation de votre mémoire pour suspendre à 13 heures et vous dire ensuite: On recommence vers 16 h 15 ou 16 h 30. Est-ce qu'il y a quelqu'un au nom de la Société nationale du Centre du Québec qui pourrait...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Etes-vous d'accord sur la solution proposée?

M. Blanchard (René): Oui, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Vous êtes d'accord? Y a-t-il consentement unanime?

M. Burns: II y a consentement de la commission, je présume.

M. Ciaccia: Consentement. M. Grenier: Oui.

M. Burns: M. le Président, je propose l'ajournement de nos travaux sine die tout en disant que nous reviendrons après la période de questions, cet après-midi.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Les travaux de la commission sont ajournés sine die.

(Fin de la séance à 12 h 50)

Reprise de la séance à 17 h 6

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, messieurs!

Les membres de la commission pour la présente séance sont: M. Bertrand (Vanier), M. Bisaillon (Sainte-Marie) remplacé par M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes); M. Brochu (Richmond), M. Burns (Maisonneuve), M. Gratton (Gatineau), M. Grenier (Mégantic-Compton), M. Fallu (Terrebonne) en remplacement de M. Johnson (Anjou); M. Laberge (Jeanne-Mance), M. Ciaccia (Mont-Royal) en remplacement de M. Lamontagne (Roberval); M. La-voie (Laval), M. Marcoux (Rimouski) en remplacement de M. Lévesque (Taillon); M. Mackasey (Notre-Dame-de-Grâce), M. Martel (Richelieu), M. Gosselin (Sherbrooke) en remplacement de M. Morin (Louis-Hébert); M. Morin (Sauvé), M. Paquette (Rosemont), M. Roy (Beauce-Sud), M. Samson (Rouyn-Noranda) et M. Vaugeois (Trois-Rivières).

Société nationale des Québécois du centre du Québec

J'inviterais maintenant la Société nationale des Québécois du centre du Québec et ses porte-parole à bien vouloir présenter leur mémoire de même qu'à se présenter eux-mêmes, s'il vous plaît!

M. Blanchard (René): Très bien. Merci, M. le Président. M. le ministre, MM. les députés, mon nom est René Blanchard. Je suis membre du conseil d'administration de la Société nationale des Québécois du centre du Québec. Je suis délégué au comité de travail sur le référendum.

Permettez-moi de vous présenter les personnes qui m'accompagnent. A ma gauche, Mme Louise Langlois; à ma droite, Mme Lucille Lefeb-vre, et, à mon extrême droite, M. Georges Dumaine, qui sont tous membres du comité de travail sur le référendum.

Voici comment nous aimerions procéder, parce qu'il y a quelques corrections à apporter au premier texte que nous avons fait parvenir. Nous avons tenu par la suite deux assemblées et quelques amendements ont été apportés à ce texte. Si vous nous en donnez la permission, nous allons faire lecture du texte. Cela ne va prendre, je pense, que dix minutes. Les corrections se feront automatiquement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Auparavant, M. Blanchard, j'aimerais vous dire quelque chose que j'ai, au préalable, dit à tous les autres organismes qui se sont présentés devant cette commission. Cette commission ne doit pas devenir une tribune pour émettre des opinions de fond sur des objets ou des sujets pouvant éventuellement faire l'objet d'une consultation populaire au Québec.

Cette directive dite, je vous laisse la parole.

M. Blanchard: Merci beaucoup! Présentation de la société. La Société Saint-Jean-Baptiste vit le

jour dès 1895 dans notre région. La première manifestation importante eut lieu à Drummondville le 19 juin 1902 et concernait l'organisation d'une Fête de la Saint-Jean.

En 1944, il y eut un regroupement de quelques sections de Drummondville, de Victoriaville et de la région de Nicolet. Ce regroupement fut à la base de la fondation de la Société Saint-Jean-Baptiste du diocèse de Nicolet. Les objectifs poursuivis alors étaient la mise sur pied de structures organisationnelles en vue d'une action plus efficace pour la défense des intérêts des Canadiens français. Sur les plans national, local et régional, la Société Saint-Jean-Baptiste participait à toutes les grandes luttes pour l'émancipation des Canadiens français.

Les transformations sociales engendrées par la révolution tranquille des années soixante touchèrent aussi la société. Elle devait, désormais, faire face à de nouveaux défis. De ce fait, au congrès annuel de 1969, une résolution fut adoptée concernant l'orientation idéologique de la Société Saint-Jean-Baptiste du diocèse de Nicolet. Elle reconnaissait au peuple québécois sont droit à la souveraineté. A partir de ce nouvel engagement de la Société face à l'avenir du Québec, il était de mise de changer le nom de la Société Saint-Jean-Baptiste pour celui de Société nationale des Québécois; ce qui fut fait officiellement le 16 juin 1970.

Aujourd'hui, la Société nationale des Québécois du centre du Québec compte 20 000 membres et recouvre le territoire comprenant les comtés d'Arthabaska, de Drummond, de Nicolet et de Yamaska. La Société nationale du centre du Québec appuie l'idée de démocratisation des institutions politiques telle que prônée dans le livre blanc. Nous croyons qu'il revient au peuple de décider par voie de référendum de l'orientation et de l'organisation de sa vie collective. Nous croyons que le modèle de procédure référendaire utilisé en Grande-Bretagne, lors de la consultation sur le maintien de son adhésion au marché commun en 1975, convient plus équitablement à nos institutions politiques que celles existant en France, en Italie et en Suisse.

Le contenu du mémoire: La méthodologie du mémoire que nous vous présentons sera la suivante: Premièrement, l'ordre dans lequel nous commenterons les sujets élaborés sera le même que celui du livre blanc. Deuxièmement, on retrouvera les recommandations que notre société croit pertinentes en vue de l'élaboration du futur projet de loi qui régira les référendums au Québec. Finalement, nous nous permettrons de vous livrer quelques brèves réflexions sur un référendum, en particulier, celui qui mettra en jeu l'avenir constitutionnel du Québec.

Le caractère consultatif: Nous croyons que dans la situation actuelle du Québec, au sein de la Fédération canadienne, il serait inutile de mener une bataille constitutionnelle sur la validité d'un référendum délibératif. Si nous nous référons à l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, il est clair qu'à cause de l'article 92.1, le lieutenant-gouverneur n'a pas le pouvoir de sanctionner un vote direct exprimé par le peuple sur une loi ou une constitution quelconque. Nous concevons donc que d'ici l'accession du Québec à sa souveraineté politique, les référendums qui se tiendront auront un caractère consultatif. Nous espérons que lors des campagnes référendaires, le gouvernement s'engagera à respecter les résultats du scrutin, comme cela s'est produit en Angleterre en 1975.

Le droit d'initiative: Le texte du livre blanc nous paraît un peu ambigu et demanderait des éclaircissements sur les rôles respectifs du gouvernement et de l'Assemblée nationale. Nous reviendrons sur ce point dans les recommandations. On espère bien qu'éventuellement, le droit d'initiative sera élargi et qu'il permettra à la population de demander des référendums quand elle le jugera nécessaire. Pour ce faire, on pourrait étudier les possibilités d'adaptation de la loi suisse des référendums.

Formulation de la question: Nous considérons que le fait de recourir à une motion du gouvernement qui ferait l'objet d'un débat privilégié d'une durée maximale de 25 heures empêche les possibilités de "filibuster" et qu'il en est très bien ainsi. Que le gouvernement soit le proposeur de la formulation finale de la question nous apparaît conséquent avec le fait que celui-ci représente le pouvoir légitime. Des remarques sur la langue à utiliser sur le bulletin de vote et sur les modalités de formulation seront comprises dans les recommandations que nous ferons.

Droit de vote: La société trouve plus démocratique le fait de donner le droit de vote aux personnes qui en sont privées lors des élections, tel que mentionné dans le livre blanc, les juges, le Protecteur du citoyen, les substituts permanents du Procureur général et les prisonniers.

Participants: La mise sur pied des organisations ad hoc permettra de bien identifier les options en jeu et un meilleur contrôle des dépenses encourues lors d'une campagne référendaire. Ces organisations reconnues demanderont une implication plus grande des citoyens qui voudront vraiment se prononcer sur la question en litige.

Mise sur pied des organisations: On déplore le fait qu'au sein du comité provisoire, il n'y ait que des membres de l'Assemblée nationale. Par contre, pour éviter une certaine lourdeur administrative, il en est peut-être mieux ainsi.

Contrôle des dépenses: Nous trouvons très opportun que les agents officiels des organisations contrôlent les dépenses qu'impliqueront les campagnes référendaires. On évitera ainsi les possibilités de déséquilibre entre les organisations et ceci sera très important lors du référendum sur l'avenir constitutionnel du Québec.

Contrôle des revenus: Nous remarquons une imprécision dans le texte du livre blanc en ce qui concerne le transfert des fonds de la part des partis politiques. On devrait spécifier que les sommes venant des partis politiques regroupés au sein d'une même organisation ne devraient pas dépasser $0.25 par électeur.

Si le montant des fonds recueillis par les organisations, suivant les règles établies dans le li-

vre blanc, est supérieur au montant des dépenses, qu'adviendrait-il de cet argent? Cette situation pourrait se produire, entre autre, si un très grand nombre d'électeurs participaient au financement des organisations.

On croit qu'il conviendrait alors de prévoir la création d'une caisse administrée par l'Etat et dont les fonds serviraient uniquement au financement des référendums.

Des mécanismes seraient aussi à prévoir pour inciter les électeurs à participer au financement des organisations comme, par exemple, fournir des rapports des revenus de façon régulière pendant la campagne.

Décompte des suffrages: Après une certaine hésitation, quant au choix des modalités de décompte, il nous apparaît normal qu'on continue à respecter la Loi électorale actuelle, c'est-à-dire qu'on fasse le décompte par circonscriptions électorales. On avait aussi pensé au décompte par régions administratives, mais nous ne croyons pas que celles-ci représentent des particularités régionales suffisamment intéressantes pour être utilisées, du moins telles qu'elles sont divisées actuellement.

Conclusion: Les recommandations du comité: Globalement, nous croyons que le projet de loi qui régira les référendums devra être beaucoup plus élaboré que le livre blanc. La Société nationale des Québécois du centre du Québec propose: Premièrement, que la décision de recourir à la consultation populaire, tout comme le libellé de la question, devrait faire l'objet d'une motion du gouvernement. Les 25 heures prévues pour les débats comprendraient alors les discussions autour de la date de la tenue du référendum et la formulation de la question. La motion permettrait d'éviter un filibuster et aurait sa raison d'être en cas de gouvernement minoritaire.

Deuxièmement: Que, lors d'un référendum, une seule question soit posée permettant une réponse à deux volets, positive et négative. Que la langue officielle du Québec soit généralement utilisée sur le bulletin de vote et sur toute publication ayant trait au référendum et que, dans les comtés où il y a 10% et plus de population anglophone, tous les documents soient disponibles en langue anglaise. Que la formulation de la question soit courte, précise et positive.

Troisièmement: Qu'au niveau des participants à la campagne référendaire, il y ait: premièrement, les électeurs, et, deuxièmement, les groupes légalement constitués et ayant leur siège social au Québec. Qu'ils soient habilités à faire partie d'une organisation. Qu'une réglementation stricte et facilement applicable concernant les modalités de participation soit intégrée au projet de loi sur la consultation populaire, dans le même esprit que les articles traitant du financement des partis politiques (projet de loi no 2).

Quatrièmement: Qu'une limite de temps maximale soit prévue entre la formation du comité provisoire et celle définitive du comité national afin d'éviter les possibilités de sabotage. Nous recommandons un délai de sept jours, ce qui reviendrait à dire que, dix jours après l'émission du bref, tous les mécanismes d'organisation seraient sur pied et que la campagne référendaire, en tant que telle, ait une durée maximale de 30 jours.

Cinquièmement: Que le décompte des suffrages se fasse au niveau des circonscriptions électorales.

Sixièmement: Qu'aucun sondage ne soit permis pendant la campagne référendaire, pour éviter la manipulation de l'opinion des citoyens.

Septièmement: Que le gouvernement précise quels seront les thèmes sur lesquels les référendums pourront être tenus, constitution, revision de la constitution, ratification de textes ayant force législative, problèmes de gestion administrative, et le reste.

Huitièmement: Que le gouvernement, par l'entremise du directeur général des référendums, prenne en charge l'impression d'une brochure et l'expédition de celle-ci à chaque électeur. Cette brochure contiendrait les règlements du projet de loi concernant les électeurs et le libellé de la question. Selon l'article 10 du projet de loi 101, une version anglaise sera imprimée et publiée, laquelle pourra être expédiée aux électeurs qui en feront la demande.

Réflexions. Du fait qu'il n'y ait aucune tradition référendaire au Québec, nous croyons que le gouvernement actuel doit faire preuve de rigueur intellectuelle dans l'élaboration de ce projet de loi. Un des points manquants dans le livre blanc, qui devra absolument être intégré dans la loi sur la consultation populaire, concerne les thèmes qui seront sujets à référendum. On évitera ainsi un abus au recours au vote direct du peuple, et ceci donnera plus de crédibilité au projet de loi en question.

Il va sans dire que des décisions importantes se rapportant à la vie collective d'un peuple ne peuvent se prendre à la légère. Les électeurs devront être bien informés et c'est pourquoi nous avons cru bon de demander dans nos recommandations une certaine prise en charge de ce rôle d'informateur par le gouvernement.

Le fait de rendre les Québécois responsables de leur destin en tant que citoyens d'un pays présente une occasion rêvée d'éducation politique. Si la majorité canadienne-française du Québec a connu depuis 1867 les phénomènes de décultura-tion, d'exploitation et de domination, de la part d'une minorité canadienne-anglaise, elle aura à se prononcer sur le maintien ou le refus de cette situation lors d'un référendum particulier, celui qui se rapportera à l'avenir constitutionnel de son territoire.

Le principe de base qui présida à la prise de position souverainiste de la Société nationale des Québécois en 1969 fut la reconnaissance du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Ce droit peut être exercé à partir de deux concepts de base reconnus par l'ordre international: la possibilité pour toute collectivité ayant une identité nationale de constituer un Etat et la prise en main par le peuple de cet Etat des institutions de droit internes qui lui conviennent. Dans un système démocratique, la procédure la plus appropriée pour ce faire est bien sûr l'utilisation du référendum.

"Le référendum est devenu le rite indispensable des grandes décisions qui affectent la vie d'un peuple. Il est le sacrement démocratique par lequel le peuple assume son propre destin."

Dans la constitution française de 1958, il est écrit: "La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants ou par la voie du référendum." Ce moyen de consultation populaire convient très bien à notre régime démocratique.

Pour terminer, nous ferons une récapitulation des étapes doctrinales et dates historiques qui ont fait entrer le droit à l'autodétermination dans les principes généraux du droit public, tant interne qu'international; affirmation conjointe du principe des nationalités et de la souveraineté nationale par les révolutions américaine et française à la fin du XVIIle siècle; utilisation qui en est faite aussi bien pour l'unification italienne et l'unification allemande que pour la constitution de micro-Etats issus de la décolonisation espagnole au XIXe siècle; solennisation et "juridicisation" dans les 14 points du président Wilson et les traités de 1919, puis de la Charte des Nations-Unies au XXe siècle.

Puisque le droit et le recours à l'autodétermination des peuples font partie d'un processus d'évolution historique, le peuple québécois devra être conscient de l'enjeu du référendum qui lui permettra "de se libérer".

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Blanchard, je cède la parole au ministre.

M. Burns: M. Blanchard, je vous remercie de la présentation de votre mémoire. J'aurais peut-être deux heures de questions à vous poser, mais je vais tenter, et pour les autres intervenants et pour vous-mêmes, de me limiter à quelques minutes seulement; ceci permettra à mes collègues de l'Assemblée nationale et membres de la commission de vous poser également leurs questions.

Je constate d'abord que vous êtes favorables, je pense bien, à une loi-cadre, une loi qui s'appliquerait à n'importe quelle consultation référendaire. C'est bien exact?

M. Blanchard: C'est bien exact.

M. Burns: Est-ce que vous avez des commentaires à formuler là-dessus? Est-ce qu'il y a quelque chose qui vous a menés à cette décision ou si, dans le moment, vous nous soumettez ce point de vue purement et simplement parce que vous croyez que le livre blanc est bien orienté là-dessus?

M. Blanchard: Non, je pense que le principe de ce livre blanc est indiscutable, surtout les points que nous citons à la fin du mémoire, que c'est une excellente méthode d'éducation politique. Nous avons longtemps déploré le fait que cette éducation politique ait difficilement percé dans nos institutions. Nous pensons qu'effectivement, peut-être pour soumettre aux Canadiens français de rattraper "certains retards sur ce plan, le référendum est une excellente méthode. C'est dans l'esprit général des discussions que nous avons eues, nous avons nous-même, longtemps et durant l'histoire de la société nationale, tenu à l'intérieur de notre organisation de nombreuses consultations populaires.

C'est lors de ces consultations populaires sur divers sujets, la souveraineté du Québec, la langue française, même la conscription, que nous avons fait avancer cette éducation populaire, cette éducation démocratique.

C'est à la lumière de cette expérience, historique chez nous, que nous sommes tout à fait d'accord avec l'initiative que vous avez prise.

M. Burns: Dans un deuxième point, M. Blanchard, je vous signale, un peu comme je le disais, ce matin, à la Société nationale de l'Est du Québec, qui nous faisait à peu près la même remarque que vous nous faites, que l'initiative populaire n'est pas mise de côté en ce qui nous concerne, elle est temporairement en veilleuse, si je peux dire. Nous croyons qu'on doit s'habituer à ce régime de consultation référendaire et, par la suite, se retrouver peut-être avec l'initiative populaire.

Mais c'est un peu par prudence que, dans un premier temps, le gouvernement dit: C'est peut-être nécessaire de mettre en marche les rouages, les mécanismes de la consultation, pour, par la suite, les appliquer de façon générale. S'il y a une possibilité de consultation référendaire, à la demande de la population, si les rouages ne sont pas prêts à la recevoir, cela risque de poser un certain nombre de problèmes.

C'est dans ce sens, et uniquement dans ce sens, qu'actuellement, nous mettons un peu en veilleuse, tout en disant que cela figure dans nos projets, celui de les faire fonctionner le plus rapidement possible.

Dans ce sens, nous sommes d'accord avec l'une de vos suggestions, c'est-à-dire que les référendums ne soient pas uniquement à l'initiative gouvernementale, mais aussi à l'initiative populaire, tout en vous disant que, dans un premier temps, dans une première loi que nous soumettrions à l'Assemblée nationale, il n'y aurait pas d'initiative populaire, du moins, pour le moment.

Je ne sais pas si cela répond à la question que vous posez dans votre mémoire?

M. Blanchard: Cela a été un sujet de préoccupation aussi. On s'est demandé quel mécanisme vous alliez prévoir et si on pouvait être assuré, dès l'adoption de ce livre blanc, que les consultations populaires pourraient être éventuellement possibles.

M. Burns: L'idée est là, mais dans une première loi, je ne pense pas que l'idée de la consultation populaire comme telle soit présente dans le projet de loi que nous déposerons probablement vers la mi-décembre.

Je m'arrête à deux autres de vos recommandations, M. Blanchard, celle où vous suggérez une question à deux volets et celle où vous nous dites

que la question devrait être formulée de façon courte, claire et précise.

Quant au deuxième aspect de ces deux remarques, je vous dis que je suis totalement d'accord avec vous; que la question soit claire, courte et précise, je suis entièrement d'accord. Qu'elle soit à deux volets, cela m'intéresse beaucoup d'entendre vos commentaires additionnels. Je pense que vous avez peut-être entendu, la semaine dernière, ma réaction à une telle suggestion. Je disais qu'en ce qui me concerne — cela ne lie pas le gouvernement — je suis porté à croire que la question devrait être unique, avec un oui ou un non comme réponse, mais, évidemment, cela demeure encore une question tout à fait personnelle en ce qui me concerne. Quelle est votre raison de suggérer une seule question? Y a-t-il quelque chose de particulier ou est-ce que c'est relié au deuxième aspect, à la question claire, nette et précise?

M. Blanchard: C'est surtout relié au deuxième aspect. C'est pour empêcher justement que la question ne soit pas claire, précise et concise. Nous sommes préoccupés par ce que le public... Admettons, par exemple, qu'il y ait un problème constitutionnel que l'on veut résoudre à l'aide du référendum. Ces problèmes sont évidemment très complexes. Ce que nous suggérons, dans un même bloc, c'est que le gouvernement lui-même publie un livre, au préalable, et, évidemment, explique bien à tout électeur et à chaque électeur la teneur du problème et fasse aussi mention de la question qui sera posée. On voudrait que, déjà, dans les informations transmises...

M. Burns: En passant, M. Blanchard, je trouve votre suggestion là-dessus très intéressante, non pas seulement là-dessus, il y en a beaucoup que je trouve intéressantes, mais celle-là, je la trouve très intéressante aussi. Je vous pose simplement la question relativement à l'émission d'une certaine publicité qui pourrait provenir du gouvernement, à savoir si vous ne croiriez pas que le gouvernement aurait l'air, à ce moment-là, de s'immiscer de façon très précise et très partisane dans la bataille, quelle que soit la bataille, s'il y en avait une relativement à une question ou à des questions, que ce soit relativement à un référendum ou à plusieurs autres référendums. Je voudrais tout simplement avoir vos commentaires là-dessus, savoir ce que vous en pensez.

M. Blanchard: Je pense que le gouvernement, de toute façon, a décidé de s'immiscer dans cette question et il va devoir continuer. Qu'il le fasse avec des modalités comme on l'a fait dans l'éducation en créant le Conseil supérieur ou que l'on crée un conseil des référendums, c'est peut-être une voie de sortie, d'évitement de ce que vous signalez comme dangers pour le gouvernement ou peut-être aussi que c'est une voie qui permettrait d'éviter certains reproches que l'on pourrait faire au gouvernement de postuler lui-même son référendum avec les moyens du bord, avec les moyens un peu partisans.

C'est dans cette idée que nous retenons peut-être la création d'une structure à laquelle on pourrait confier la publication de ce volume et ensuite l'approche générale de la question.

M. Burns: En somme, cela ne vous surprendrait pas de voir le gouvernement donner à l'ensemble de la population un certain nombre de renseignements relativement à un référendum ou à des référendums, peu importe le sujet qui...

M. Blanchard: On croit que c'est absolument essentiel d'abord, parce qu'on a signalé souvent, et les députés de l'Opposition l'ont mentionné très souvent, que ce n'est pas dans nos moeurs politiques, ce n'est pas l'habitude, ce n'est pas la tradition, je pense, bien qu'on puisse répondre à cela. Nous sommes parfaitement conscients que le référendum est un excellent outil qui permet enfin aux Canadiens français de s'impliquer dans les structures politiques qui les gouvernent. Nous n'avons jamais choisi l'organisation politique, l'organisation gouvernementale. Il est peut-être grand temps de demander aux Canadiens français, en général, de sanctionner des institutions politiques qu'ils n'ont pas été en mesure de choisir dans leur histoire. Nous supposons qu'au départ, il faudrait tout de même le faire au profit de chaque électeur, et non pas au profit de l'organisation qui serait partisane d'une solution ou d'une autre, à l'occasion d'un référendum donné, mais au profit de chaque électeur, préalablement, une excellente information d'approche.

M. Burns: Je vous signale, M. Blanchard, que vous n'êtes pas loin du modèle britannique qui est un peu le modèle que nous suivons dans notre approche. Le modèle britannique prévoyait justement que chaque position, en l'occurrence le comité du oui et le comité du non, distribuerait à l'ensemble des électeurs son point de vue, et le gouvernement, en plus, distribuerait son point de vue également, toujours sur les mêmes fonds. Evidemment, cela peut peut-être, au Québec, mériter un certain nombre de rajustements, mais c'est très près de ce modèle que nous adoptons, même si on nous dit que nous nous en écartons de façon sérieuse.

M. Blanchard: Oui, c'est cela... On est tout à fait d'accord aussi que l'effort ici soit plus poussé que le modèle britannique, parce que justement, on a un retard terrible à rattraper à ce niveau, la sensibilisation des électeurs, des citoyens au gouvernement.

M. Burns: D'accord. Je prends bonne note, M. Blanchard, de votre recommandation de porter le délai de trois jours, sauf erreur, à sept jours, relativement à la formation du comité ad hoc permanent par rapport à la formation du comité provisoire de députés. Je pense que vous n'êtes pas le premier groupe à nous faire cette suggestion. Il y a peut-être lieu de reconsidérer notre position là-dessus. On pensait que, dès que le débat aurait été entamé à l'Assemblée nationale, déjà il y aurait

beaucoup de gens — passez-moi l'expression — qui seraient branchés, relativement à une position ou à une autre. Dans ce sens, on se disait que peut-être trois jours, c'était suffisant. C'était le délai qui avait d'ailleurs été utilisé en Grande-Bretagne. Si un certain nombre de groupes nous suggèrent de changer cela et de l'allonger, je pense bien qu'il n'y a pas de difficulté là-dessus. Il y a moyen de réexaminer cela et de voir comment on peut y arriver. Evidemment, le livre blanc surtout est d'accord avec votre recommandation, à savoir que les sommes venant des partis soient limitées à $0.25 par électeur. Je pense bien que, là-dessus, on est d'accord.

Le décompte des suffrages au niveau des circonscriptions. Cela m'intéresse beaucoup de vous entendre là-dessus. Quelle est la raison qui vous a fait... Là-dessus, le livre blanc est ouvert. Il dit: Au niveau national, au niveau régional ou au niveau des circonscriptions...

M. Blanchard: C'est une question qui nous a retenus assez longtemps. On s'est demandé, par exemple...

M. Burns: Oui, j'imagine. Nous aussi, d'ailleurs. Je peux vous dire que...

M. Blanchard: Oui, comme cela a été pendant une longue session d'étude... On s'est dit: Effectivement, il existe au Québec une Loi électorale qui a été souvent amendée, qui est, je pense, assez parfaite pour qu'on cesse, pendant un moment, de la tripoter. Qu'on s'en serve effectivement et qu'on n'y déroge pas lors des consultations populaires. Pourquoi? Parce que les gens s'habituent à un mécanisme et ils sont bien plus à l'aise quand ce mécanisme connu est requis, chaque fois qu'une consultation est déclenchée. Or, ça nous semble tout à fait normal, économique et rationnel d'utiliser la Loi électorale, les agents en place, le président des élections, tout ce mécanisme bien connu et qui, à mon avis, donne un excellent résultat au Québec à l'heure présente.

M. Burns: Dernière question, M. Blanchard. L'une de vos recommandations veut qu'aucun sondage ne soit permis pendant la période référendaire. Vous êtes-vous penchés, de façon précise, sur le contrôle qui peut être exercé par le gouvernement du Québec dans l'état actuel de la législation et de la compétence du Québec sur cette possibilité? Par exemple, si Radio-Canada, qui est sous le contrôle du CRTC, qui est de juridiction fédérale, décidait de faire un sondage et de le publier, est-ce que vous croyez qu'on pourrait, dans l'état actuel, avoir un certain contrôle sur la prohibition qu'on pourrait mettre dans la loi relative à des sondages d'opinion quant à un référendum en particulier ou pas?

M. Blanchard: Quelle que soit la question, je pense qu'il faut tout de même s'arrêter aujourd'hui sur, justement, le sondage, sur ce qu'implique le sondage, sur l'utilisation qu'on en fait, sur, évidemment, l'intérêt qu'ont certains groupes à le dévier. Les dernières expériences vécues nous amènent à dire, surtout la dernière... On voyait, par exemple, qu'un sondage comparé à un autre, donnait des résultats tout à fait opposés ou, du moins, que ces sondages partaient de prémisses différentes. C'est peut-être pour ça qu'on est arrivé à des résultats qui ne correspondaient pas. Alors, au lieu de mêler les gens avec des sondages, au lieu, évidemment, d'inciter les gens qui ne possèdent pas la maturité nécessaire, qui ne se renseignent pas, qui ont tendance à aller du côté où des chiffres plus significatifs pourraient les entraîner, ce qui n'est pas tellement démocratique, on a pensé que ce serait normal, à l'heure actuelle, connaissant la possibilité des media, la puissance de certaines publicités, on a pensé qu'il valait mieux que l'Etat, déjà, à ce moment-ci, et peut-être à l'occasion de cette question particulière, statue sur le tripotage de l'opinion publique par les sondages.

M. Burns: Je vous remercie, M. Blanchard, pour la présentation de votre mémoire. Je remercie également Mme Langlois et Mme Lefebvre qui vous accompagnent. Peut-être ai-je oublié un de vos collaborateurs qui est là?

M. Blanchard: M. Dumaine.

M. Burns: M. Dumaine, je vous remercie également de votre présentation. Je pense que votre mémoire est très positif; il tient compte du fait que nous cherchons ensemble, sans les imposer à qui que ce soit, des normes qui déplairaient, nous cherchons ensemble à trouver ce qui va assurer une certaine impartialité, une certaine efficacité éventuellement a la tenue de quelque référendum que ce soit. Je pense que votre mémoire tient compte de ces préoccupations et je vous en remercie.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci, M. le ministre. M. le député de Laval.

M. Lavoie: Bonjour, M. Blanchard, je crois que cela me rappelle certains souvenirs. N'étions-nous pas confrères sur des bancs de collège, quelque part, il y a de très nombreux mois?

Une Voix: II a bien tourné, lui!

M. Lavoie: Je ne m'attarderai pas aux propos du député, l'humour existe de notre côté, vous savez!

M. Blanchard: Je voudrais signaler, Me Lavoie, qu'on avait organisé déjà la visite de M. Maurice Duplessis, lorsqu'on était à l'Université de Montréal.

M. Lavoie: Nous étions parmi les premiers contestataires.

M. Blanchard: Vous avez raison.

M. Marcoux: Vous étiez autonomiste dans ce temps-là?

M. Burns: Cela a bien changé!

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre!

M. Lavoie: Non, je ne suis pas devenu gamin comme vous.

M. Marcoux: Vous ne l'êtes pas devenu, vous l'êtes toujours.

M. Lavoie: M. Blanchard, je voudrais que vous puissiez élaborer votre pensée quelque peu; vous nous dites, dans votre mémoire — qui est d'ailleurs très bien fait et dont je tiens à vous féliciter — la concordance que vous voyez dans la philosophie du livre blanc avec l'expérience anglaise de 1975. Pourriez-vous nous établir les points de concordance que vous trouvez entre cette expérience de 1975 et celle que nous envisageons, ici, actuellement au Québec?

M. Blanchard: II y a une concordance de mécanismes, parce que nous avons trouvé que, chez les Anglais, la consultation populaire, pour des raisons qui commencent en 1215, à la Grande Charte, et qui se poursuivent en 1710, avec le Bill des droits, tout ce contexte anglophone a peut-être permis aux Anglais d'avoir, au point de vue des mécanismes de consultation populaire, ce qui est peut-être le mieux réussi, actuellement, dans l'histoire de la démocratie. La différence que nous y trouvons, c'est que la question que l'on posait aux Britanniques était une question très précise. On leur demandait s'ils voulaient maintenir leur adhésion ou la rejeter. Evidemment, en arrière de cette question très précise, il y a tout un contexte historique qui bouleversait complètement toute l'histoire de l'Angleterre, une histoire qui, comme on le sait, est l'insularité et celle-ci était pour eux presque un dogme; c'était en fait aussi la pierre philo-sophale de leur style de commerce et peut-être de démocratie, de présence militaire. Or, il nous est apparu, justement à cause de l'enjeu, que les Anglais avaient soigneusement mis à point, avaient pris toutes les précautions voulues pour que le référendum soit assez parfait pour qu'il ne puisse pas être entaché d'interventions gouvernementales ou autres.

Cela nous est apparu comme un chef-d'oeuvre, pour le moment. Les chefs-d'oeuvre changent, selon le temps, mais pour la science des référendums, ils nous sont apparus, à cause de l'enjeu qui était le leur, comme un achèvement. On a préféré cela au modèle suisse en particulier, parce que le modèle suisse est un modèle par cantons. Il y a des référendums régionaux, etc. Comme la tradition ici, qu'on nous a imposée, qu'on a choisie parfois à bon escient, ce qui nous a dérangés aussi, parce que la façon de manipuler le parlementarisme britannique, il faut dire que c'est pour nous assez original, mais il reste quand même que c'est peut-être la forme de parlementarisme à laquelle, traditionnellement, on est attaché et qui, avec quelques améliorations, et surtout peut-être un changement de climat parfois à l'As- semblée nationale, nous va comme un gant, du moins qui nous permet d'assez bien fonctionner, surtout avec les "refactures" que les présidents d'Assemblée ont pu réaménager quant à la conduite des débats. Je pense qu'on est assez bien dans ce parlementarisme pour continuer à le faire fonctionner en utilisant ce qui ailleurs a été adossé à ce parlementarisme et qui est dans le même esprit, soit la loi anglaise sur les référendums. Je ne sais pas si cela peut vous expliquer l'esprit dans lequel on a évolué.

M. Lavoie: M. Blanchard, quels sont vos commentaires sur le fait qu'en Angleterre, au lieu de présenter, étant donné les comparaisons qu'on peut faire entre les deux, entre les institutions britanniques et les institutions du Québec, institutions politiques et moyens de fonctionner pour le Parlement et le gouvernement, comment trouvez-vous la différence suivante, entre autres, que les Anglais aient jugé à propos de faire une loi spéciale pour un référendum en particulier, peut-être du fait, comme nous, qu'ils n'étaient pas habitués à cette tradition de démocratie directe... quelle est votre considération, dis-je, sur le fait que, là-bas, ils aient opté pour une loi spéciale sur un sujet bien précis, qui était un problème avec beaucoup d'acuité, celui de demander à la population si elle décidait de maintenir l'appartenance au marché commun ou de s'en sortir, alors qu'ici également, comme la plupart de tous nos témoins, des groupes qui sont venus ici, même si on a un livre blanc sur les consultations populaires, je pense que tout le monde privilégie, tout le monde porte son attention d'une manière particulière sur un référendum en particulier, celui de l'avenir constitutionnel du Québec? Quelle est votre réaction du fait qu'en Angleterre, on ait décidé de voter une loi spéciale, mais qu'ici on vote une loi-cadre sur une multitude de possibilités de référendums? Est-ce que vous ne voyez pas là une certaine différence?

M. Blanchard: II y a une différence et c'est un peu ce que nous soulignions tout à l'heure. Les Anglais possèdent un instrument qu'ils ont eux-mêmes développé traditionnellement, qui est une émanation naturelle de leur concept de démocratie, tandis qu'au Québec, c'est une institution parlementaire britannique qu'on nous a tout de même imposée lors de la conquête. On est parti avec cela et il faut dire que parfois on l'a rnanoeu-vrée assez mal et peut-être qu'on n'a pas su s'en servir au mieux. On se retrouvait peut-être moins bien dans cette institution que si elle avait émané, tranquillement comme pour les Anglais, d'une lente expérience historique. Ce qui nous apparaît actuellement acceptable, surtout dans le cas d'une loi-cadre, c'est que cette loi-cadre va peut-être permettre au gouvernement de consulter plus souvent et plus efficacement la population sur les questions qui engagent son destin et qui sont en fait des questions, comme la question constitutionnelle, extrêmement graves. C'est une question qui est peut-être plus grave que celle qu'on trouvait en Angleterre, malgré l'importance du maintien dans le Marché commun.

Personnellement, je suppose qu'une loi-cadre permettrait, à prime abord, au gouvernement, de roder l'expérience sur une question moins importante que celle-là pour que la consultation soit plus démocratique et plus valable.

M. La voie: Vous référez peut-être à ce que le ministre responsable du dossier a appelé, une fois, un "dry run", cela se dit sur les chantiers, une pratique quoi.

Quand même, vous reconnaissez, au départ, une distinction entre le processus britannique et le processus qu'entreprend le Québec; au lieu d'adopter une loi spécifique, on adopte une loi-cadre. Il y a quand même une première différence.

M. Blanchard: Oui, certainement.

M. Lavoie: Quels seraient vos commentaires sur, je dirais, la deuxième différence, sur le fait qu'en Angleterre, avant de publier le livre blanc, le gouvernement là-bas, qui était le gouvernement travailliste, ait jugé à propos de consulter, entre autres, tous les partis qui siégeraient au Parlement, non pas seulement les politiciens, mais également les groupes existants, avant la publication du livre blanc. Est-ce que vous croyez que cela aurait été préférable qu'il y ait eu une consultation? Surtout sur un sujet où on a besoin, comme le ministre l'a dit, de l'apport de tout le monde, sur une expérience de la sorte, est-ce que cela n'aurait pas été souhaitable qu'il y ait eu plus de concertation ou de consultation avant de se lancer dans quelque chose où, au départ, il y a un danger de se séparer? Séparer dans le sens législatif seulement.

M. Blanchard: Je pense que c'est une question de choix. Les deux interprétations sont acceptables. Je pense que les personnes qui ont manifesté un intérêt à faire connaître leur opinion comme notre groupement, on se trouve ici cet après-midi, et je crois que c'est valable. Aller demander à des chambres de commerce qui ne voulaient pas se prononcer ou qui n'étaient pas intéressés à étudier au préalable la question, dans un autre mécanisme, de se prononcer sur une semblable loi, cela aurait peut-être été beaucoup de temps perdu et beaucoup de deniers de l'Etat; l'acheminement d'une commission itinérante qui se serait promenée à travers le Québec... Je ne sais pas.

Quant à nous, nous sommes satisfaits de ce projet qui nous demande de venir vous rencontrer ici.

M. Lavoie: Quels seraient vos commentaires sur le fait qu'en Angleterre, en 1975, les gens aient jugé à propos, dans le livre blanc, de formuler au départ la question? Est-ce qu'il n'aurait pas été souhaitable, ici également, que la question ait pu être formulée dans le livre blanc.

M. Blanchard: La question, en Angleterre, était déjà connue depuis longtemps et on avait annoncé, depuis six ans ou sept ans, qu'on en arriverait à poser cette question au peuple; les gou- vernements travaillistes, surtout, ont eu assez de peine à se faire admettre et même à être élus pour ne pas courir le risque de faire autrement.

Dans le cas qui nous préoccupe, je pense bien que ça nous va tout de même; on n'a pas trouvé que les partis d'Opposition pouvaient être lésés puisque la discussion, surtout la répartition du temps, les questions, l'acheminement, nous semblent parfaitement démocratiques et on peut répondre, au mieux de notre connaissance, aux interventions autant du parti au pouvoir que de l'Opposition.

M. Lavoie: Lorsque vous dites que vous êtes d'accord sur la nette concordance entre la philosophie du livre blanc britannique sur la consultation populaire et celle du Québec, j'aimerais que vous élaboriez peut-être sur les comités ad hoc, ou les comités d'organisation qui existaient effectivement en Angleterre et qui vont exister ici, peut-être pas selon le même mécanisme, si vous voulez. Mais pourriez-vous nous faire le parallèle? Préféreriez-vous qu'on se colle plus sur l'exemple britannique que sur ce qui est proposé dans le livre blanc actuellement, sur l'organisation des comités ad hoc des différentes options?

M. Blanchard: II y a un problème qui n'existe pas en Angleterre. Je ne sais pas si on a assez insisté là-dessus, mais ici il y a évidemment des partisans d'une autre forme de gouvernement qui vont intervenir par certaines organisations, qui vont devoir entrer dans ces comités ad hoc, c'est-à-dire que chacun devra choisir son orientation pour participer à la campagne référendaire.

Je pense que c'est tenir compte d'un contexte très particulier dans lequel une question comme la question de la souveraineté du Québec pourrait être débattue. L'intervention des personnes de l'extérieur du Québec, l'intervention des personnes à l'intérieur de structures corporatives, pourrait fausser le débat si on n'avait pas créé ces comités qui vont intégrer les partisans des deux options.

Qu'on ait poussé plus loin la similitude avec ce qui existe en Angleterre... Je me demande si l'auteur du livre blanc n'a pas tenu compte de la différence qu'il y avait entre les deux expériences, celle qui a été vécue en Angleterre dernièrement et celle que nous sommes appelés à vivre dans un contexte un peu différent, quoique cela s'approche terriblement. Il n'y a pas de grosse...

M. Lavoie: Vous me répondrez si cela s'approche. Vous savez qu'en Angleterre, dans la loi spécifique qu'ils ont passée pour le référendum, il n'y avait pas de problème; la question était bien claire: Est-ce que vous désirez le maintien de l'appartenance de la Grande-Bretagne au Marché commun, etc.? Oui ou non?

Là-bas, vous êtes au courant sans doute, il y avait deux comités qui étaient obligatoires. C'étaient des comités qui avaient de l'aide de l'Etat dans la campagne référendaire. Même si l'aide était assez minime, c'était 125 000 livres sterling que l'Etat donnait à chaque option, à chaque camp. 250 000 dollars pour une population de

50 millions, cela veut dire que la contribution de l'Etat était plutôt minime, comparée à ce que le gouvernement ici propose, $0.25 par électeur. En proportion, c'est peut-être 50 fois plus que la contribution britannique.

Mais, êtes-yous au courant qu'en Angleterre ceux qui désiraient participer à la campagne référendaire, en dehors de ces deux blocs qui avaient l'aide de l'aide de l'Etat, avaient toute la latitude et la liberté voulue pour participer à la campagne référendaire?

M. Blanchard: C'est un problème typiquement anglais où les interventions extérieures n'étaient pas à craindre.

M. Lavoie: Comment voyez-vous cela ici? Ne croyez-vous pas qu'il pourrait y avoir, en forçant les gens de tout acabit à se joindre à deux groupes ou à six groupes — parce que, s'il y a trois questions, cela fera six groupes. Il y aura deux possibilités à chaque question de les forcer à joindre ces camps — des atteintes à une charte — je ne sais pas si vous croyez... j'espère que vous croyez en la Charte des droits et libertés de la personne, loi qui a été votée à l'unanimité du Parlement, il y a à peine deux ou trois ans — dans laquelle on reconnaît une liberté, des libertés fondamentales d'opinion, d'expression, d'association? Ne croyez-vous pas qu'en ayant des contraintes très sévères on puisse brimer des droits fondamentaux qui appartiennent à chacun des citoyens du Québec?

M. Blanchard: Cela peut arriver. Il existe aussi, de l'autre côté, le même danger. Si vous permettez à des groupes très puissants de financer, avec les moyens d'information, les media, la publicité, d'influencer le vote, il se peut fort bien que vous fassiez courir à l'ensemble de la population le même danger.

M. Lavoie: Vous n'avez pas confiance en l'intelligence de la population. Vous croyez que la population va se faire acheter.

M. Blanchard: On a confiance en son intelligence, mais on a aussi un regard sur l'histoire. On sait comment, par exemple, les consultations populaires peuvent être influencées par une trop forte insistance, de mises de fonds, surtout grâce aux media.

Que l'expérience anglaise se soit permis ce libéralisme, je pense bien que tous les gens en Angleterre étaient essentiellement intéressés au sort de l'Angleterre, au sort de l'ethnie anglaise.

Ici, je pense qu'en faisant confiance à l'intelligence de tout le monde, il se peut, si on ouvre trop larges les portes des associations qui peuvent venir de tout bord, tout côté, même de pays étrangers intéressés, par exemple, à ce que le Québec garde sa place et sa place tranquillement, qu'on fasse aussi envers les Québécois une opération qui ne soit pas tellement favorable à la démocratie.

On s'est posé la question. On en a discuté as- sez longuement et on s'est dit: Entre les deux possibilités qui s'offrent, on choisit effectivement celle qui limite. $0.25, cela nous paraissait déjà exorbitant. On a été surpris, ce matin, de voir que des gens préconisaient $0.50.

Cela nous semble un montant parfaitement suffisant, pour le moment, compte tenu des campagnes électorales que nous connaissons. Il nous est paru aussi que la façon dont on forçait les groupes à se diviser... Remarquez bien que nous, à ce moment, on s'est posé aussi la question: Est-ce que cela ne fait pas partie de l'option de certains gouvernements qui obligent au bipartisme à l'intérieur des cadres de partis? Ici, on permet évidemment à des partis de naître, de tomber, et certains s'en trouvent bien. Seulement, il n'y a peut-être pas aussi plus de dérogation à la mesure que veut prendre le gouvernement qu'à une autre mesure où, dans certains pays, on oblige les gens à s'inscrire dans deux partis.

M. Lavoie: II y a des référendums dans certains pays, il y en a eu deux ou trois en Suède sur une période d'une cinquantaine d'années, il y en a eu en Nouvelle-Zélande, il y en a eu en Italie, à Terre-Neuve, quelques-uns en France. Pouvez-vous me donner un exemple dans le monde, spécialement en France ou ailleurs, où on a trouvé une formule pour restreindre les orgies de publicité ou le tapage publicitaire...

M. Burns: Oui, en Angleterre. M. Lavoie: Un instant! M. Burns: En Angleterre.

M. Lavoie: M. le Président, je n'ai pas interrompu le ministre. Il sait que ce qu'il dit là, c'est faux, parce qu'en Angleterre, on a laissé la liberté aux gens en dehors des deux camps. Voulez-vous être honnête et me laisser parler, s'il vous plaît?

M. Burns: Oui, mais...

M. Lavoie: Je ne vous ai pas interrompu une seconde durant vos questions.

M. Burns: C'est pour vous aider que je dis cela.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Allez, M. le député de Laval.

M. Lavoie: Ce que vous dites est faux, d'ailleurs, parce qu'en Angleterre, on n'a pas trouvé la formule pour brimer les gens dans deux camps bétonnés, si vous voulez. Voulez-vous me donner un autre exemple où on a trouvé une formule? On la cherche peut-être. On est un peu comme Dio-gène. Pour trouver une formule, il faut mettre un frein à des dépenses exagérées de fonds privés ou de fonds publics. Si vous en avez, est-ce que vous avez un exemple, en France, en Suisse, en Italie, en Suède, en Australie, en Nouvelle-Zélande ou en Norvège, où on a trouvé une formule, tout en lais-

sant la liberté des droits fondamentaux aux gens et en mettant des freins à des orgies de dépenses publicitaires ou autres?

M. Blanchard: Non, je ne pense pas qu'il y ait de formule absolument parfaite. Elle est, comme vous le dites, toujours perfectible et on la recherche encore.

M. Lavoie: Même en Angleterre, d'ailleurs.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Voici, il est 18 heures. Normalement, je serais censé suspendre nos travaux jusqu'à 20 heures. M. le député de Laval, il vous reste dix minutes. M. le député de Mégantic-Compton m'informe qu'il en aurait pour...

M. Grenier: Pour une demi-heure.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Vous en avez pour une demi-heure?

M. Grenier: C'est-à-dire que le règlement me donne une demi-heure.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): D'accord. Il m'informe qu'il en aurait pour cinq minutes. Alors, les travaux de la commission sont suspendus jusqu'à 20 heures. Vous allez pouvoir être ici à 20 heures?

M. Blanchard: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Les travaux de la commission sont suspendus jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 heures)

Reprise de la séance à 20 h 14

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

Il s'agit de la continuation de la séance qui avait commencé cet après-midi et la parole était, lors de la suspension à 18 heures, au député de Laval. M. le député de Laval.

M. Lavoie: M. Blanchard, avant le dîner, nous avions relevé quelques distinctions entre le fonctionnement référendaire britannique en 1975 et celui que nous prévoyons avoir ici au Québec, notamment en ce qui concerne la loi spéciale par rapport à une loi-cadre. La question figurait là-bas dans le livre blanc et dans la loi et, ici, du fait qu'on propose une loi spéciale, il est sûr que la question ne peut pas être incluse dans la loi. Nous étions sur les organisations obligatoires ad hoc et nous nous demandions quelle formule trouver pour qu'il y ait justice pour un peu tout le monde dans cette obligation de s'intégrer à des organisations ad hoc.

Le dilemme, c'est que nous avons, d'un côté, une réglementation qui forcerait les citoyens qui désirent participer à cette opération référendaire dans un sens ou dans l'autre à s'intégrer à des organismes bien définis et, de l'autre côté, certaines contraintes que nous avons par des statuts, par des lois sur des droits fondamentaux. Ne croyez-vous pas, s'il y a un choix à faire entre les deux, qu'on devra, quand même, le mieux qu'on peut, privilégier les droits fondamentaux des citoyens, droit d'expression, d'association et d'opinion? Où faire la démarcation? Ce n'est pas facile.

M. Blanchard: C'est bien sûr, M. le député de Laval, qu'entre l'exercice de droits fondamentaux, des droits personnels et des droits collectifs, il y a toujours une certaine marge qui, particulièrement, et à ce moment-ci de l'histoire du Québec, crée des tensions. Si on prend, par exemple, la question des référendums ailleurs, on sait très bien que ce phénomène, par exemple, où il y a deux groupes nationaux qui vont être appelés à se prononcer sur une question nationale impliquant une majorité à l'intérieur d'une province et une autre majorité dont une partie est à l'intérieur de la province et une autre partie est à l'extérieur.

M. Lavoie: Qu'est-ce qui vous fait dire que cette majorité ne pourrait pas être également dans la même province? Vous n'avez pas le droit de présupposer qu'il y a nécessairement majorité dans une province.

M. Blanchard: Non, mais c'est un état de fait dont il faut tenir compte lorsqu'on prévoit, par exemple, les mécanismes. Par exemple, si l'on dit, comme on est en droit peut-être, dans certains cas, de le prétendre, que la question des Canadiens français québécois va se régler par les Canadiens français québécois.

M. Lavoie: ... prioritaire.

M. Blanchard: Comment prévoir, par exemple que l'autre groupe national, les anglophones du Québec, va se prononcer à l'intérieur même d'une question qui ne concernerait à priori qu'un groupe national majoritaire? Je pense que dans un comité comme le nôtre, nous n'avons ni l'éclairage ni probablement la compétence politique pour trouver le meilleur cheminement. Mais je pense que l'on peut faire confiance à l'Assemblée nationale, le débat est bien lancé et on va certainement trouver les mécanismes qu'il faut pour que le droit personnel et le droit collectif puissent se côtoyer honorablement dans une loi.

M. Lavoie: II ne faudrait pas oublier qu'en Angleterre ils ont déclaré qu'ils n'ont pas trouvé la formule d'une application. Ce qui est facilement applicable, en vertu de la loi 2 ou de notre Loi électorale pour la limite des dépenses, autant c'est facile d'application si on trouve un délinquant. Il y a une peine de disqualification s'il dépense plus que prévu par la loi pour son élection. C'est quand même de la juridiction, de la compétence provinciale d'élire ces représentants du peuple. D'ailleurs, on vit cette loi depuis 1964, on dit que dans tel comté on a le droit à tant. On peut vérifier, on peut prouver si quelqu'un ne respecte pas la loi. Il y a des sanctions. Mais vous voyez le problème, dans une question idéologique, sur une question référendaire? Comment trouver la formule sans brimer quand même les droits fondamentaux des gens? Je ne parle pas des anglophones, les droits fondamentaux de tous les Québécois, francophones, anglophones ou autres.

M. Blanchard: Moi, je crois qu'on va s'acheminer vers un projet pilote qui va même éclairer le droit international. Il pourrait même, par ricochet, servir à l'Angleterre, si elle voulait, par exemple, discuter avec les Irlandais, dans un même référendum, l'insertion des Irlandais dans une nouvelle constitution.

M. Lavoie: Je vais vous donner l'hypothèse suivante: votre groupement, la Société nationale des Québécois du centre du Québec, est sans doute un groupe dynamique et tout. Comme d'autres groupes, vous avez le droit à vos opinions, vous avez le droit de les exercer, vous avez le droit de les défendre, vous avez le droit de les faire valoir, vous avez le droit de faire du prosélytisme.

Bon, prenons l'hypothèse suivante, qu'il y ait un référendum sur l'exemple qui nous concerne d'une manière toute particulière, sur l'avenir constitutionnel du Québec. La question, décidée par le gouvernement, est soumise à la majorité parlementaire gouvernementale, majorité — on ne peut s'en cacher — partisane d'un gouvernement qui va avoir le dernier mot sur la formulation de la question. Disons que pour une raison ou une autre cette question ne va pas assez loin à votre goût et qu'il y ait, de la majorité ministérielle, un comité ad hoc pour une option et un comité ad hoc contre cette option. Il peut arriver que votre société ne soit pas acceptée dans un groupe parce que vous êtes trop d'avant-garde. Le groupe qui va contrôler l'option gouvernementale dit: Non, vous êtes trop avant-gardistes, on ne veut pas vous avoir dans notre campagne référendaire. On dit: Non, vous n'avez pas le droit.

Qu'est-ce que va faire votre groupement, la Société nationale du centre du Québec, ou d'autres qui ne seront pas acceptés parce que trop d'avant-garde? Est-ce que cela voudra dire que vous devrez rester muets pendant la campagne référendaire et que vos membres n'auront pas le droit de tenir de réunion, etc.? Autant l'hypothèse tient d'un côté, autant elle tient de l'autre aussi. Seriez-vous consentant, comme groupe représentant quelques milliers de Québécois, à rester chez vous pendant toute la campagne référendaire?

M. Blanchard: Non, le mécanisme que nous préconisons ne permet pas de rejeter un groupe. On admet que la formation des groupes se fasse, par exemple, par les partis politiques pour une part, qui vont souscrire chacun $0.25 par électeur, ils auront le droit. Mais, de la façon dont on prévoit le mécanisme, cela va provenir d'une motion, là où s'exerce le pouvoir légitime, c'est le gouvernement qui va lancer le débat. Il va y avoir trois jours pour la formation du comité provisoire.

M. Lavoie: C'est court un peu.

M. Blanchard: Tout le monde est assez bien sensibilisé; autrement, on perdrait du temps. Ensuite, il y aura sept jours pour que les organisations se branchent.

M. Lavoie: Se greffent à cela.

M. Blanchard: C'est ça. A partir de là, il y a 30 jours pour la campagne, mais personne ne peut nous empêcher, quelque avant-gardistes que nous soyons, de nous greffer à l'un des groupes ad hoc, pas plus, par exemple, que certains partis politiques en démocratie n'ont le droit d'écarter a priori les maoïstes parce qu'ils sont maoïstes ou autres.

M. Lavoie: Attention, ils ont le droit en vertu du livre blanc, en vertu de la philosophie mise sur papier actuellement. Prenons par hypothèse qu'un des groupes hypothétiquement est majoritairement contrôlé par le Parti libéral puis, qu'il arrive que le Parti communiste ou léniniste-marxiste, maoïste ou quoi que ce soit, est favorable, dans l'hypothèse d'un référendum, à l'appartenance au Canada. On aurait le droit de refuser les communistes, maoïstes ou marxistes dans notre groupe et c'est cela la philosophie. De l'autre côté, cela s'applique de la même façon. S'il y a un camp formé par le gouvernement qui serait hypothétiquement contrôlé par des modérés, il pourrait refuser des radicaux dans ce groupe. C'est ce qui est dans le livre blanc et c'est cela qui...

M. Blanchard: Nous ne sommes pas d'accord si c'est ce qui est dans le livre blanc.

M. Lavoie: C'est ce que je voulais vous entendre dire.

M. Blanchard: Un libéralisme le plus grand et le plus honnête possible devrait être permis à ce moment-là, c'est-à-dire que tous les groupes devraient s'inscrire dans un des deux camps.

M. Lavoie: Une autre question. M. Blanchard, dans cette nouvelle expérience que nous acceptons, nous, nous ne sommes pas contre une loi-cadre référendaire. Par contre, nous doutons de la répétition ou de l'utilité fréquente et continuelle de recours à la démocratie populaire. D'ailleurs, l'expérience qu'il y a eu dans les autres pays, la plupart des pays qu'on connaît, sauf la Suisse où on vote quasiment sur la place publique à toutes les fins de semaine, la Suède, la Nouvelle-Zélande, l'Australie, l'Italie, l'Irlande, sur des périodes de 50 ou de 60 ans, c'est qu'on a eu à peine deux ou trois référendums.

En France, il y a eu l'époque gaullienne où il y en a eu un peu plus. Mais on a des doutes sur la répétition. Je pense que notre système, nos institutions, en passant, que vous avez un peu, pas critiquées, loin de là, mais sur lesquelles vous avez fait certaines remarques... Il faudrait dire en passant qu'on n'a pas accepté peut-être librement 1791 lors de notre première Chambre d'assemblée. Il faudrait relire peut-être nos représentants de l'époque, l'élément nationaliste de l'époque, pour ne citer que Panais, Papineau ou Bédard, le Parti canadien. Vous savez qu'ils ont été les grands... Ils ont vanté, de 1793 jusqu'à 1834, nos institutions de l'époque, et cela faisait une transition fort radicale pour eux, les témoins du temps, avec ce qu'ils avaient connu avant 1760.

Evidemment, ils ont respiré la démocratie pendant très longtemps. On va relire les discours de Papineau même jusqu'en 1834.

Si on demande aux Québécois actuellement qu'est-ce que cela veut dire, référendum, je pense que tous ont à l'esprit — vous également, comme la plupart de ceux qui sont venus devant cette commission — un certain référendum qui a été promis, d'ailleurs, par le gouvernement actuel avant l'élection. Ne croyez-vous pas qu'on ne devrait pas mêler toute l'opération référendaire, en somme qu'il faudrait donner une valeur accrue à ce référendum constitutionnel par rapport à une multitude d'autres référendums? Dans certains pays, il y a eu des référendums sur la prohibition, sur les heures d'ouverture des bars ou des débits de boissons, même sur le divorce en Italie, sur la conscription aussi. Il y a eu un référendum sur la religion catholique en Irlande. Ne croyez-vous pas qu'on devrait privilégier l'aspect constitutionnel ou le changement constitutionnel par référendum par rapport à toutes les autres possibilités de consultation directe, de démocratie directe?

Je m'explique. On sait que le référendum, d'abord, dans notre constitution actuelle, n'est que consultatif. C'est un grand sondage, en somme. C'est sûr qu'un sondage sur l'euthanasie, où il y aurait. une participation de 40% ou de 35% de la population pourrait être valable, parce que c'est déjà beaucoup que 35% ou 40% de la population se prononcent sur l'euthanasie ou sur l'avortement. Mais, lorsqu'il y a une question réfé- rendaire sur une constitution qui change quand même la régie interne et externe d'un pays, il faudrait sans doute une participation plus prononcée. Ne trouvez-vous pas qu'on devrait privilégier davantage un référendum au point de vue constitutionnel par rapport à toute autre sorte de référendum par lequel la population pourrait se prononcer?

M. Blanchard: Nous nous sommes arrêtés longuement sur cela et justement les arguments que vous nous apportez nous incitent à dire qu'on ne devrait pas privilégier un référendum sur la constitution, parce que c'est un nouveau mécanisme qu'on n'a pas expérimenté et qui demande certainement, comme vous le disiez un peu avant le dîner, un rôdage, une expérience, une expertise, pour habituer la population.

Nous croyons, effectivement, que pour intégrer ce mécanisme à nos institutions, il faudrait le faire sans tout à coup arriver avec ce que j'appelle la plus grosse partie à jouer où tous les gens n'auront peut-être pas l'occasion de se sensibiliser suffisamment au mécanisme, de recevoir l'information, de s'inquiéter des incidences de cette question. On devrait peut-être faire un test avec une autre question avant de passer à celle-là.

M. Lavoie: N'oubliez pas que cela coûte $8 millions à $10 millions un référendum. Attention, une élection coûte $8 millions à $10 millions au Québec.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît. M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Merci, M. le Président. J'ai fait des remarques à un groupe qui est venu ici. Il s'appelait Québec Canada. Je leur ai dit que je n'étais pas trop heureux de leur mémoire. J'aimerais vous dire qu'on est porté à faire des comparaisons entre le mémoire qui nous a été présenté ce matin et le vôtre puisque c'était quand même des groupes assez semblables dans leur philosophie. Je me sens obligé de signaler que vous semblez défendre une loi-cadre des référendums. Par contre, je vois votre mémoire teinté d'opinions qui ne devraient pas faire l'objet d'un mémoire qui est présenté ici.

Je vous signale des propos que vous avez tenus en dehors de la lecture de votre mémoire. Je vous signale également un court texte figurant à la page trois de même qu'à la page douze. J'aurais aimé — je ne vous le cache pas — vous voir dégager un peu plus cette opinion afin de nous informer un peu plus.

A la page trois, pour introduire le caractère consultatif vous nous dites: "Nous concevons donc que d'ici l'accession du Québec à sa souveraineté politique", et à la page douze vous terminez en disant: "Le peuple québécois devra être conscient de l'enjeu du référendum qui lui permettra de se libérer." Je ne vous cache pas, M. Blanchard, les reproches que j'adressais l'autre jour à Québec Canada qui venait ici pour dire qu'il n'avait à peu près aucune confiance dans le gou-

vernement. Sur un mémoire d'une douzaine de pages, il prenait neuf pages pour dire que le gouvernement qui était là n'était pas fiable. Autant je leur ai reproché que ce n'était pas cela qu'on voulait entendre, autant j'aurais aimé que le mémoire de votre groupe, qui, pour moi, est fort représentatif, ne soit pas teinté d'opinions comme celles-là. Au début de votre allocution, en réponse à des questions, des précisions que vous avez données, vous avez dit qu'il était peut-être temps que les Canadiens français du Québec décident de s'immiscer ou de s'intégrer dans l'administration politique. J'aurais aimé mieux vous entendre dire, comme on le dit à cette commission et comme on l'a dit dans d'autres commissions, que c'est à peu près le temps que les Québécois prennent en main leurs affaires et s'immiscent dans les directives politiques.

Si c'était un mémoire qui n'avait pas de valeur pour moi, je ne le signalerais même pas, mais je sais que vous êtes un groupe de qualité, et j'aurais aimé que votre mémoire se tienne dans la ligne, comme on en a reçu un cet avant-midi. Je ne sais si vous pourriez m'expliquer pourquoi cette expression à la toute fin...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mégantic-Compton, puis-je me permettre de souligner qu'au groupe qui est devant nous, comme à d'autres, la présidence a laissé passer quelques remarques qui étaient peut-être à l'extérieur du cadre de notre mandat? Les députés, à cette commission, ne se sont pas embarqués sur ces sujets. Je vous demanderais, en autant que possible, de ne pas poser des questions sur le fond, puisqu'il est extrêmement difficile pour tous les intervenants — on s'en rend compte, c'est pour cela que la présidence fait preuve de souplesse — pour tous les groupes, quels qu'ils soient, parfois de ne pas lire un passage d'un mémoire qui a été préparé, bien souvent, il y a 30 ou 50 jours. Mais je demande, en autant que possible, aux députés — et cela a été respecté intégralement depuis une dizaine de jours — de ne pas relever ces passages qui sont en dehors des cadres de notre mandat.

M. Grenier: M. le Président, je veux bien, je pense, me soumettre à votre directive. Cependant, si M. Blanchard se sent un peu malheureux ou mal à l'aise de ce que j'ai dit là, s'il avait des explications à fournir, je voudrais lui laisser le choix; si vous jugez que cela n'est pas opportun, je suis bien prêt à procéder à des questions, à moins que M. Blanchard veuille expliquer certains termes qui sont au mémoire.

M. Blanchard: Non. M. le Président, je voudrais un peu expliquer ce passage, peut-être que la rédaction est un peu ambiguë. Je voudrais bien souligner que notre mouvement, en 1969, s'est prononcé carrément sur la souveraineté, que ce soit souveraineté politique, association...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est la crainte que j'avais en avertissant le député de Mégantic-Compton; alors, j'arrête immédiatement ce débat.

M. Grenier: M. Blanchard, vous parlez du droit de vote, à la page 4 de votre mémoire. Remarquez bien que, si je signale ces points, je ne voudrais pas que vous pensiez que je dévalorise votre mémoire; vous avez d'excellentes propositions, qu'on n'a pas perçues dans d'autres, et je pense que vous donnez encore là des lumières dont on a besoin. Vous parlez du droit de vote, ici, et je cite: "La société trouve plus démocratique le fait de donner le droit de vote aux personnes qui en sont privées..."

Vous avez été témoin, je pense, cet avant-midi, de l'autre mémoire qui disait qu'eux ne voyaient pas de raison de donner le droit de vote aux juges, aux personnes qui en sont privées actuellement. Est-ce que vous pourriez donner une brève explication là-dessus?

M. Blanchard: Oui, il nous semble qu'une élection n'a pas la même portée qu'un référendum sur la constitution qui modifie considérablement le statut politique des personnes. Alors, il nous est apparu que le fait d'être juge, cela n'était pas, à mon avis, un poste qui pouvait écarter une personne fort intelligente et en mesure de voter sciemment d'un référendum. La même chose pour des prisonniers qui, par exemple, seraient à Par-thenais, qui auraient normalement droit de se prononcer sur ces questions référendaires.

Il nous a semblé que c'était en fait pousser un peu loin que d'exclure ces personnes d'un vote à l'occasion d'un référendum. Par exemple, sur la peine de mort, je ne vois pas comment des prisonniers détenus à Parthenais n'auraient pas le droit de se prononcer.

M. Grenier: Egalement, à la même page 4, vous parlez des participants aux comités d'organisation et vous suggérez des comités ad hoc. Est-ce que vous aviez présent à l'esprit vous aussi un conseil du référendum, un comité de sages ou un comité qui serait apolitique pour proposer au gouvernement, je m'excuse, aux parlementaires, par exemple, des formes de questions, des dates, et des choses comme cela pour des référendums fixes comme on l'a déjà signalé? Est-ce que vous faites allusion à un comité qui pourrait être mis en place?

M. Blanchard: Supposons qu'énormément de difficultés seraient aplanies s'il y avait un comité apolitique qui serait chargé du mécanisme d'un référendum ou des référendums.

M. Grenier: A la page 6, vous parlez du décompte des votes et je pense que vous proposez qu'il soit fait par circonscription, si je ne fais erreur. Vous faites allusion aux régions administratives qui existent actuellement dans la province. D'après vous, qu'est-ce qui compte dans un référendum? Est-ce que c'est l'analyse qu'on doit en faire ou c'est le résultat lui-même?

M. Blanchard: Je crois que les deux...

M. Grenier: Tenant compte de l'ensemble des référendums, je veux dire.

M. Blanchard: ... sont importants. Je pense bien qu'il est normal que l'on prenne le pouls d'une population, mais qu'effectivement, pour des raisons d'information, des buts informatifs, le gouvernement possède des résultats et le public possède des résultats. Quant à penser à des régions administratives, nous savons fort bien qu'elles ne reflètent pas la plupart du temps les mentalités qui sont mieux intégrées à des découpures électorales. Par exemple, nous, à Drummondville, nous sommes dans le CRD-4 pour l'économique, nous sommes dans le CRD-5 pour les soins hospitaliers et nous ne sommes nulle part pratiquement pour l'éducation, une partie à Sorel, une partie à Saint-Hyacinthe. On voit bien que cette dimension, cette structure ne correspond pas aussi fidèlement aux mentalités qui se sont développées le long d'une rivière, dans un axe commercial, etc.

Pour des raisons d'ordre pratique, on préférerait que l'on conserve ce que définit la Loi électorale.

M. Grenier: Les circonscriptions actuelles. Vous parlez des sondages également, d'enlever la période de sondage pendant le parcours ou le temps parcouru pendant la période référendaire. Vous dites de ne pas manipuler la population, d'éviter la manipulation de l'opinion des citoyens. D'après vous, est-ce que les sondages... Certains nous ont affirmé devant la commission qu'ils seraient heureux d'avoir des sondages puisque cela donne un éclairage aux citoyens ayant de voter, et vous nous dites, vous affirmez qu'il y a du danger de manipuler l'opinion de l'électeur. Est-ce que vous pourriez donner un peu plus d'explications?

M. Blanchard: C'est bien sûr que pour les groupes très silencieux, les groupes qui ne sont pas portés à suivre la politique et qui, à un moment donné, s'en vont vers presque une provocation du nombre de votants pour une option, ces gens, il faut tout de même les préserver un peu et les forcer personnellement à s'éduquer politiquement, à se renseigner, à s'informer plutôt que de leur laisser l'hypothèse tout à coup d'être charriés par un mouvement plus fort dans un sens ou dans l'autre.

Il nous semble que les sondages, surtout avec les moyens que l'on possède aujourd'hui, les moyens électroniques et tous ces moyens visuels, sont effectivement devenus les outils d'orientation peut-être de l'opinion publique. Je ne pense pas que ce soit tellement souhaitable.

M. Grenier: Une toute dernière question. Vous avez une chose à la page 9 qui m'intéresse. Vous dites que le gouvernement devrait choisir les thèmes sur lesquels devraient porter les référendums. Il y a des thèmes qui s'excluent d'eux-mêmes, c'est bien évident, mais vous êtes-vous arrêtés suffisamment longtemps sur cela pour pouvoir nous émettre quelques thèmes généraux? Je sais qu'on a dit autour de cette table qu'une loi-cadre des référendums n'était pas de toute urgence. De fait, comme cela ne s'est pas fait au Québec depuis toujours, on ne voyait pas l'urgence d'avoir une loi-cadre. Peut-être, comme on l'a dit cet après-midi, si on avait eu une loi-cadre en 1962, qu'on n'aurait pas eu d'élections générales, puisqu'on aurait parlé de l'étatisation de l'électricité. Mais vous êtes-vous penchés suffisamment longtemps sur cela pour être capables de nous énumérer quelques thèmes que le gouvernement devrait retenir sur lesquels on pourrait faire des référendums?

M. Blanchard: La remarque que vous faites justement nous est venue à l'esprit lorsqu'on a parlé des référendums. On s'est dit que les référendums auraient dû exister; cela nous aurait évité, justement, ce cas de l'électricité. Cela aurait évité aussi que peut-être des députés, à un moment donné, sur la question de la loi 63, se voient dans l'obligation de naviguer difficilement et orageusement lors de campagnes électorales où ces questions, à mon avis, étaient des questions su-praélectorales. On aurait peut-être pu avec avantage conserver de fort bons députés, comme vous l'avez signalé, n'eussent été ces aventures électorales qu'on a poursuivies sur des questions qui, normalement, étaient des questions référendaires. C'est ce qui nous a frappés aussi.

Le fait de prévoir dans la loi la hauteur des questions que l'on devrait mettre en cause lors d'un référendum, à notre avis, c'est essentiel pour éviter ce que le député de Laval disait tout à l'heure, qu'à tout bout de champ on lance $10 millions pour percevoir le pouls de la population, alors que l'Assemblée nationale, sur bien des cas, est parfaitement capable de déterminer le bien commun.

M. Grenier: Moi, je suis d'accord avec vous, en disant que l'Assemblée nationale peut décider en grande partie. Il serait honteux, que le gouvernement décide à tout propos de faire un référendum sur des questions qui n'en valent pas la peine. Simplement, je pensais que vous auriez pu vous asseoir et avoir peut-être des bribes d'information à nous fournir. Je pense que c'est un thème qui est tellement vrai, à le voir seulement, qu'on ne peut pas se permettre, je pense bien, de lancer des référendums à tout propos.

M. Blanchard: Pour éclairer ce débat, j'aimerais vous dire qu'on s'est arrêté sur des grandes questions, par exemple: l'avortement, la peine de mort, le changement d'allégeance politique comme à Terre-Neuve. Ou on s'accroche au Canada ou on en sort. Evidemment, si on a la possibilité d'y entrer, cela suppose qu'on ait aussi, dans le même cadre législatif, la possibilité d'en sortir. Ce sont des choses qu'on peut soumettre à la population et qu'on peut déterminer.

M. Grenier: Si vous me le permettez, je reviens sur une question que je vous ai posée tout à

l'heure. Votre réponse ne m'a pas suffi et j'aimerais vous entendre l'expliciter davantage. Eliminons la possibilité du référendum que tout le monde a à l'esprit, que plusieurs personnes ont à l'esprit, et parlons des référendums en général.

Quand vous parlez du vote par circonscription électorale. Prenez un cas bien précis; par exemple, si je vous mentionne un référendum sur la nécessité de zoner les terres arables au Québec, cela doit intéresser le milieu urbain aussi, bien sûr, de plus loin que le milieu rural qui est impliqué, mais voyez-vous l'urgence d'un référendum de ce genre qui serait dépouillé par circonscription électorale?

M. Blanchard: Non. On pourrait utiliser la méthode italienne ou la méthode suisse, à ce moment-là, ce sont des choses régionales. On pourrait procéder par région, consulter une région comme celle de Mirabel, disons, et demander à la population de Mirabel de se prononcer. Peut-être qu'on en viendra à des gouvernements régionaux; ce serait parfaitement logique, peut-être, dans certains cas, de consulter des populations régionales sur des politiques qui les concernent d'une façon majoritaire ou principale. Dans ces questions du zonage des terres arables, du zonage agricole, la population de Montréal ne se sentirait pas tellement impliquée. Il vaudrait mieux peut-être que l'Assemblée nationale légifère sur cette question en consultant des experts et en ayant peut-être aussi à l'idée sa grande vocation de préserver le bien commun, de préserver le territoire, le patrimoine. Ce sont effectivement nos députés qui sont probablement les plus qualifiés à ce niveau.

M. Grenier: M. Blanchard, j'ai peut-être mal choisi mon exemple. J'en prends un des vôtres, cette fois. Sur l'avortement, verriez-vous la nécessité de faire un décompte comté par comté, par circonscription électorale?

M. Blanchard: Dans notre comité, il y avait des femmes qui prétendaient que seules les femmes devraient voter sur une telle question.

M. Grenier: Oui, mais vous ne répondez pas à ma question. Vous feriez peut-être un bon politicien aussi. Pour répondre à ma question, qu'est-ce que vous me diriez?

M. Blanchard: Sur une question semblable et chaque fois, d'ailleurs, qu'il y aurait un référendum, l'Assemblée nationale devrait, au préalable, examiner la question et découvrir les mécanismes les plus appropriés.

M. Grenier: Vous êtes bon! Vous êtes allé à l'école avec le député de...

M. Lavoie: C'est une loi spéciale à chaque référendum, dans ce cas-là.

M. Grenier: Pas nécessairement.

M. Blanchard: A l'intérieur d'une loi-cadre.

M. Grenier: Vous êtes allés à la même école, mais vous n'avez pas continué dans les mêmes opinions.

M. Blanchard, je vous remercie, ainsi que votre groupe, pour ce magnifique travail que vous nous soumettez ce soir.

M. Blanchard: Merci, M. Grenier.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Y a-t-il d'autres députés qui voudraient intervenir? M. le député de Notre-Dame-de-Grâce et après M. le député de Rosemont.

M. Mackasey: Peut-être est-ce le tour de...

M. Burns: Je pense que le député de Rosemont avait demandé la parole avant.

M. Mackasey: Oui, allez-y. Cela ne presse pas.

M. Paquette: Ce serait peut-être mieux d'alterner.

M. Mackasey: Sérieusement, allez-y.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je n'ai pas entendu "M. le Président" et je l'avais reconnu en premier. En tout cas, M. le député de Rosemont.

M. Paquette: Je note toute une série de recommandations fort intéressantes que vous nous faites. Il y en a une qui est nouvelle, je pense que vous êtes le premier groupe, à ma connaissance, à proposer cela. Vous aimeriez que des rapports des revenus des différentes organisations soient fournis régulièrement pendant la campagne, pour quelle raison?

M. Blanchard: D'abord, on propose qu'il y ait des limites aux mises de fonds venant des électeurs, des partis politiques et des corporations légalement constituées, mais incorporées au Québec. Nous voudrions être en mesure de voir le rythme de progression des fonds, si on permet aux associations de concourir à un tonds sans limite; on voudrait connaître la progression pour savoir effectivement comment, par exemple, certains groupes vont peut-être privilégier une option plutôt qu'une autre.

On a peur que le gouvernement ne détermine pas à l'avance les montants, comme on l'a signalé dans le cas de l'Angleterre, $250 000 d'un côté et $250 000 de l'autre.

S'il fallait que les fonds entrent subrepticement sans que l'on connaisse leur provenance, on risquerait fort de déséquilibrer les forces en opposition.

M. Paquette: Contrairement à une élection, on ne pourra pas disqualifier l'option une fois que le référendum va être terminé, alors que dans une élection on peut toujours obtenir la disqualification du candidat. C'est un peu une mesure préventive que vous proposez.

M. Blanchard: Une mesure préventive, pour assurer davantage la démocratie de la consultation.

M. Paquette: Oui, d'accord. Maintenant, sur la formulation de la question, vous dites que vous privilégiez une seule question permettant une réponse à deux volets. Est-ce que vous voudriez voir inscrire ceci dans la loi-cadre? Autrement dit, est-ce que dans tout référendum, quel que soit le sujet, quel que soit l'état de l'opinion, vous voudriez exiger qu'on ait toujours une seule question, avec réponse à deux volets? On pourrait également prétendre que, dépendant de l'opinion publique, il peut y avoir à un certain moment dans la société, non pas deux courants très forts mais trois courants très forts.

Par exemple, lors du maintien de la Grande-Bretagne dans le Marché commun européen, il y aurait pu, ce n'était pas le cas, mais il aurait pu y avoir trois courants d'opinions; un voulant le maintien, l'autre le retrait puis une autre une certaine forme d'association au Marché commun avec un statut particulier ou je ne sais. Autrement dit, est-ce que vous voulez qu'on inscrive cela dans la loi-cadre?

M. Blanchard: C'est une question qui est assez embêtante, parce qu'on se dit qu'un référendum constitutionnel cela a droit à une question précise, un oui ou un non, claire, aucune ambiguïté. Par exemple, si on dit aux gens: N'est-il pas vrai que vous souhaiteriez...? Evidemment, à ce moment-là, on tombe dans le dubitatif, dans l'hypothèse et il faut absolument écarter cela. Nous disions tout à l'heure que dans certains cas, selon le référendum que l'on veut organiser sur une question particulière, il y a lieu peut-être, grâce au consentement de l'Assemblée, de déroger — parce que c'est toujours le Parlement qui va formuler la question — à cette chose-là. Puisque c'est une motion du gouvernement qui introduit le référendum, on peut, d'accord avec l'Opposition, essayer de trouver la meilleure formule, la meilleure question, mais c'est dangereux parce qu'à l'intérieur d'une loi-cadre il est fort probable qu'une question constitutionnelle peut venir. A ce moment-là on pense qu'il faut une question très claire.

M. Paquette: Je pense au référendum qui a eu lieu à Terre-Neuve pour l'entrée de Terre-Neuve dans la Confédération; cela s'est fait en deux tours. Dans un premier temps, il y eut trois options de soumises à la population et ensuite on a éliminé celle qui avait recueilli le moins de suffrages pour finalement en retenir deux, puis c'était une question constitutionnelle.

M. Blanchard: C'était une question constitutionnelle, mais ils ont reconnu qu'ils ont pratiquement erré lors de la première consultation. Elle n'a rien donné effectivement. Ils ont décidé de se reprendre en éliminant la tierce voie. On parlait des partis, c'est comme aux Etats-Unis. Pourquoi arrive-t-on au bipartisme? C'est parce que, par un mécanisme préalable, on élimine des choix secondaires. On pourrait peut-être prévoir une modalité semblable.

M. Paquette: Maintenant, une dernière question. Vous souhaitez que le gouvernement s'engage à respecter les résultats du scrutin. Je pense que cela va de soi, mais le problème qui se pose, c'est à partir de quel pourcentage? Il y en a qui soutiennent qu'on devrait exiger les deux tiers. Qu'est-ce que vous en pensez, est-ce que selon vous cela dépend de la nature de la question?

Encore une fois, est-ce qu'on devrait mettre telle chose qu'un pourcentage dans la loi-cadre ou simplement laisser le gouvernement s'engager sur le pourcentage qu'il voudra à chaque question d'après le sujet du référendum?

M. Blanchard: Je pense que dans nos traditions, si on veut copier ce qu'on a toujours fait dans les assemblées délibérantes à l'intérieur même des corporations que nous avons évidemment accrochées au code Morin, par exemple, il faudrait tout de même obtenir les deux tiers; qu'au moins les deux tiers des citoyens se prononcent pour vraiment engager le gouvernement. Cela me semble tout à fait normal puisque effectivement si on arrive, comme aux élections municipales, à 40% des gens qui votent, on n'est pas tellement sûr que la représentation est assurée et que le gouvernement, à partir de là, peut vraiment se prononcer et imposer des mesures.

M. Paquette: Alors, ce que vous dites c'est qu'en bas des deux tiers le gouvernement n'a pas à se sentir lié par...

M. Blanchard: Cela a été un des points que nous avons discuté et on s'est dit: II faudrait peut-être se rallier à une longue tradition qui permet, dans une corporation, au conseil d'administration de n'être engagé que par les deux tiers, par exemple, dans certains cas qui touchent à l'orientation majeure d'une compagnie ou dans une assemblée, par exemple, selon la loi délibérante, à une question majeure.

M. Paquette: Est-ce que vous souhaitez qu'on inscrive cette chose-là au niveau de la loi-cadre, que ce soit une règle générale?

M. Blanchard: Nous vous laissons cette réponse.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Monsieur le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Mackasey: Merci beaucoup. M. Blanchard, je vous félicite pour votre mémoire, il y a beaucoup de clauses, beaucoup de choses que je partage avec vous.

Le député de Rosemont vient justement de parler de quelques sections à la page 7. Comme vous le dites, lors du référendum, une seule question doit être posée permettant une réponse à

deux volets, positive ou négative; plus tard, vous dites aussi que la formulation de la question doit être courte, précise et positive. Pensez-vous que c'est possible dans un cas aussi complexe que le référendum qui relève de la constitution?

M. Blanchard: C'est certainement possible si d'abord on informe les électeurs. Cet après-midi on a préconisé que le gouvernement ou, disons, le conseil ou le comité apolitique chargé de la conduite du référendum fasse parvenir à chaque électeur au préalable une brochure explicative dans laquelle on pourrait retrouver la question et évidemment tous les sous-entendus à la question. Or il est possible, probablement, en éclairant bien l'électorat, de poser une question bien claire, bien précise, bien positive.

M. Mackasey: Je sais, M. Blanchard, que plus loin vous avez dit — j'aimerais citer exactement vos paroles — par exemple, à la page 9, à la recommandation no 8 que vous venez de citer, je pense, que c'est important que le gouvernement, par l'entremise du directeur du référendum, prenne en charge l'impression d'une brochure et l'expédition de celle-ci à chaque électeur. Cette brochure contiendrait les règlements du projet de loi concernant les électeurs — aussi important ici — et le libellé de la question. Pensez-vous que vraiment tout le monde va laisser, sans exception, ce pouvoir dans la main du gouvernement par l'entremise du directeur général?

M. Blanchard: M. Mackasey, si vous lisez bien, c'est l'impression. Ce n'est pas la rédaction. On confie au gouvernement l'impression, c'est-à-dire qu'on fait en sorte que le gouvernement fournisse les fonds pour qu'un conseil ou un directeur général rédige et, ensuite, expédie.

M. Mackasey: M. Blanchard, je suis complètement d'accord avec vous que le temps est arrivé d'avoir un référendum. C'est facile à comprendre, on parle du même référendum. Si on lit la fin de votre mémoire, que je respecte naturellement, à la page douze, on sait bien qu'on parle du référendum sur l'avenir du Québec et du Canada. C'est inutile de penser qu'on parle de choux ou de carottes. On accepte cela.

Mais je pense que c'est important de comprendre aussi la question. Là, je pense que nous sommes d'accord. Pour ce référendum, vous avez souligné vous-même que cela devrait être au moins 66% des participants potentiels qui devraient y participer. Ce n'est pas un geste qu'on pose si facilement. Ceux qui croient à l'indépendance du Québec, je les admire si vraiment c'est basé sur la sincérité. Je pense que vous êtes très sincères. Je vous admire pour votre intégrité dans ce sens. Qui va donner la définition des mots "séparation" et "indépendance"?

Qui vraiment va décrire cela ou en faire une définition? Seulement le gouvernement?

M. Blanchard: Je ne sais quels sont les groupes qui s'acharnent à employer le terme sépara- tion. Il n'y a pas effectivement de séparation possible sans aucun cadre constitutionnel.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre. Je vous demanderais de ne pas tomber dans le fond du débat. C'est peut-être la question qui vous a amené à traiter du fond.

M. Mackasey: Le problème, M. Blanchard, c'est que je n'ai pas le droit de vous poser certaines questions, à vous, un homme que je respecte et qui n'a pas peur du mot "séparation", ni moi. Peut-être est-ce finalement la manière d'en arriver à une bonne entente entre le Québec et le reste du Canada. Cela a peut-être un avantage, ce qui s'est passé depuis plusieurs années. Je ne viens ici pour juger vos pensées, ni vous pour juger les miennes. Il y a un respect mutuel ici. J'ai plus de difficulté avec les membres de la commission qu'avec les témoins.

Qui va donner la définition? C'est à la page onze et vous avez raison. Vous essayez d'être très justes dans votre mémoire. Vous êtes le premier groupe à suggérer la nécessité d'expliquer complètement à la population ce que cela veut dire une telle phrase, un tel mot. Qu'est-ce que cela veut dire la séparation? L'indépendance, qu'est-ce que cela veut dire? La question de la souveraineté-association, qu'est-ce que cela veut dire pour la population? Pensez-vous que c'est nécessaire que la population comprenne exactement ce que cela veut dire?

M. Blanchard: L'effort que l'on fait, c'est pour amener, par les voies d'un référendum, une sensibilisation et une connaissance politiques plus élaborées chez les deux éléments. C'est pour cela qu'on a préconisé que, lorsqu'il y a 10% de la population, il y ait nécessairement impression de toute la documentation et même du mécanisme du vote dans les deux langues. Cela montre jusqu'à quel point on est tout de même sensible à ce fait que le but final du référendum, c'est d'augmenter les connaissances politiques et de sensibiliser davantage les gens à leur propre gouvernement. Le "self government" c'est important.

M. Mackasey: M. Blanchard, à la page douze, je ne pense pas que vous parlez de l'avortement quand vous dites: "Puisque le droit et le recours à l'auto-détermination des peuples fait partie d'un processus d'évolution historique, le peuple québécois devra être conscient de l'enjeu du référendum qui lui permettra de se "libérer". Est-ce qu'on parle d'avortement?

M. Blanchard: Non, mais remarquez bien que "libérer", d'une façon bien orthographique, est entre guillemets, parce qu'on peut se libérer de ses fantasmes, on peut évidemment se libérer de son racisme, on peut se libérer de ses craintes. Le référendum est une voie qui permet de se libérer de beaucoup de stress.

M. Mackasey: M. Blanchard, j'ai beaucoup de respect pour vous, cela fait un an que je vous

écoute et vous me semblez intelligent, je pense que vous êtes un homme intègre, aussi. Je vous rends hommage de ce que vous pensez, quand vous parlez de même, ne parlez-vous pas de l'indépendance? Avec raison, si vous voulez, ce n'est pas la fin du monde, mais, certainement, on ne parle pas de l'avortement, on parle de l'avenir du Québec.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Blanchard, n'essayez pas de succomber à la tentation qui vous est offerte.

M. Mackasey: N'ayez pas peur, M. Blanchard, parce que moi, je n'ai aucune crainte du tout. Vous dites, avec raison, que lors d'un référendum, une seule question — je partage vos sentiments — doit être posée permettant une réponse à deux volets: oui ou non. Et cela, par exemple, réglerait pas mal la question de financement parce que le gouvernement va aider chaque organisation qui est pour ou contre une option. S'il n'y a qu'une seule question claire, cela rend la tâche bien plus facile que si, par exemple, on avait quatre questions, trois pour le fédéralisme et une contre le fédéralisme, ou le contraire. Et quand vous dites que la formulation de la question doit être courte et positive, nous sommes d'accord.

Quand vous dites que quelqu'un, au moins, devrait — et je me réfère encore aux brochures — essayer d'expliquer à la population ce que veulent dire les questions, ou la seule question que vous recommandez, nous ne sommes pas nécessairement d'accord, quand vous dites que c'est le gouvernement, par cette entremise, parce que, moi, je n'appuie pas ce gouvernement. Alors, j'aimerais avoir une explication de la définition de souveraineté-association.

M. Blanchard: Non, nous le définissons très bien, au paragraphe 8 de la page 9. Nous disons, effectivement, que le gouvernement, par l'entremise du directeur général des référendums ou d'un conseil des référendums prenne en charge l'impression d'une brochure. Nous ne voulons pas dire que c'est au gouvernement de faire l'école, de sensibiliser le public, d'informer le public sur les notions de référendum, sur les définitions, comme vous en appeliez tout à l'heure. Mais on ne voudrait pas, non plus, qu'on arrive à une loi générale qui spécifierait, par exemple: Etes-vous d'accord que, dans certains cas, la Gendarmerie Royale puisse ouvrir le courrier? Cela, ce ne sont pas des choses...

M. Mackasey: Où le directeur général des référendums va-t-il prendre conseil? Va-t-il en prendre du gouvernement, le directeur général des référendums? Quand il va préparer la brochure, comment va-t-il décider ce que veut aire souveraineté-association?

M. Blanchard: M. Mackasey, je pense que c'est assez facile de...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce...

M. Blanchard:... demander, par exemple, à des universitaires, des hommes chargés de l'application de la justice, l'ombudsman, dans certains cas, c'est absolument apolitique, comme la nomination de nos juges. On peut espérer que, dans un groupe ethnique comme le nôtre, on trouve des gens parfaitement objectifs qui ne soient pas d'un côté ou de l'autre de la barricade.

M. Mackasey: II faudrait peut-être prendre la définition du premier ministre du Québec qu'il a donnée cet après-midi; pour moi, c'est acceptable. C'est un homme intègre et je prends en bien sa définition.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député...

M. Blanchard: Moi, je serais prêt, aussi, à demander à M.Trudeau de nous donner la définition, ce serait faisable.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît, ne succombez pas à la tentation!

M. Mackasey: Ce n'est pas un débat, je respecte M. Blanchard.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):Ne vous laissez pas corrompre, M. Blanchard.

M. Mackasey: M. Blanchard, n'ayez pas peur d'eux, je vois que vous n'avez pas peur de moi, non plus, c'est pour cela que je vous respecte, et, d'autant plus, la peur du mot séparation, peur du mot indépendance, peur du mot souveraineté-association, tout cela veut dire la même chose. Je vous remercie.

M. Burns: C'est un commercial payé...

M. Mackasey: ... payé par quelqu'un qui aime son pays et qui aime le Québec.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre, voulez-vous...

M. Burns: M. le Président, je veux remercier M. Blanchard et ses deux collaboratrices qui l'accompagnent de ce mémoire qu'il nous a présenté. Je tiens à vous dire, comme je l'ai dit, d'ailleurs, aux autres groupes, aujourd'hui, que nous avons rencontrés, qu'effectivement, on va tenir compte, de façon très importante et des suggestions qui apparaissent dans votre mémoire et des réponses que vous avez données aux nombreuses questions qui vous ont été posées au cours des travaux de la commission, aujourd'hui.

Soyez certains que ce ne sera pas inutile que vous soyez venus ici. Merci bien.

M. Lavoie: M. le Président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui.

M. Lavoie:... je pense que je ne peux pas aller aussi loin que le ministre et vous assurer que je vais en tenir compte, parce que je n'ai pas l'autorité et le mandat d'en tenir compte. J'espère que le ministre retiendra ce qu'il y a de meilleur dans votre mémoire.

M. Grenier: Je vous remercie.

M. Blanchard: M. le Président, M. le ministre, messieurs, nous vous remercions de votre courtoisie.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci, M. Blanchard.

M. Mackasey: Thank you very much.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît. J'inviterais maintenant la Société nationale de l'Outaouais et son ou ses porte-parole de bien vouloir venir nous présenter leur mémoire. Ce ne sera pas long, MM. les invités, quelques minutes et nous sommes à vous.

Puis-je demander au porte-parole de bien vouloir se présenter, de même que celui qui l'accompagne, s'il vous plaît?

Société nationale des Québécois de l'Outaouais

M. Savoie (Claude): Oui, je suis Claude Savoie et je suis accompagné de Maurice Boivin. Nous sommes tous les deux membres du conseil d'administration de la Société nationale des Québécois de l'Outaouais.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Monsieur, avant que vous commenciez, puis-je me permettre de vous rappeler, comme à tous les autres — vous souriez, je pense que vous connaissez la directive — que cette tribune ne doit pas devenir une occasion pour les intervenants d'émettre des opinions sur des questions de fond pouvant éventuellement faire l'objet d'un référendum? Merci beaucoup et je vous cède la parole.

M. Savoie: D'ailleurs, le mémoire que nous vous présentons aujourd'hui n'est pas une expertise du problème de la théorie d'un référendum, mais une opinion d'un groupe de citoyens sur le livre blanc sur la consultation populaire au Québec. On s'est donc attaché, dans l'étude de ce livre blanc, beaucoup plus à étudier et à réfléchir sur l'esprit qui l'avait guidé que sur les technicités. En règle générale, on est d'accord avec les principes qui ont guidé le livre blanc. Nous considérons que c'est excessivement important ce processus de démocratisation de nos institutions politiques. C'est ce qu'on remarque de prioritaire et c'est pourquoi, dans le fond, on fait deux principales recommandations à la com- mission. Donc, dans l'esprit de cette démocratisation de nos institutions politiques, on aimerait que le gouvernement tienne compte de deux principales recommandations. La première, c'est d'accorder aux citoyens un temps de réflexion suffisant pour que ce soit vraiment une participation démocratique, efficace et de qualité dans le processus démocratique.

On voudrait aussi, pour la même raison, que les questions qui seraient posées lors de consultations populaires soient des questions le plus larges possible et qu'on ne demande pas à la population de simplement cautionner un choix ou une orientation du gouvernement. On aimerait que, dans la mesure du possible, la population soit appelée à donner son opinion avec le plus de nuances possible. C'est pour cela qu'on suggère qu'il y ait une question avec le plus d'options possible, compte tenu des limites réalistes et compte tenu aussi des opinions qui existent dans la société.

Il y a trois points sur lesquels on s'est particulièrement attaché concernant les technicités contenues dans le livre blanc. Le premier point c'est la portée consultative de la loi sur les référendums. On est évidemment d'accord sur la position du gouvernement puisque dans notre système parlementaire on ne peut pas faire autrement. On se rallie à l'idée aussi que l'initiative populaire soit retardée, mais fondamentalement, on est d'accord pour qu'il y ait le droit à l'initiative populaire en matière de référendum. On comprend que dans un premier temps on ne puisse pas passer directement à cette étape, mais on espère que l'étape va venir le plus rapidement possible.

On se rallie aussi à la position du gouvernement face à une organisation unique par option, mais on y voit beaucoup de zones grises. On n'a pas de conseil à donner à la commission parlementaire ou à l'Assemblée nationale sur cette question. Pour nous, on a beaucoup plus de questions à poser que de réponses à apporter là-dessus. Il nous semble que c'est une question difficile. On voudrait à la fois garantir le droit d'association, le droit d'expression de la population, mais on trouve extrêmement important que les différentes options aient les mêmes possibilités de s'exprimer sans qu'il y ait surcharge pour une ou l'autre des options.

Le troisième point de technicité auquel on a touché, c'est le décompte des votes. Là-dessus, notre société nationale était assez divisée, parce qu'il nous manquait des informations qui nous semblent importantes. Les raisons pour lesquelles on serait favorable à un décompte au niveau national, ce sont des raisons d'unité de conscience nationale. Les raisons qui motiveraient un décompte par comté étant un manque d'information, on se demandait si le fait de faire un décompte national empêcherait l'information au niveau du comté. Si un décompte national n'empêchait pas les citoyens d'être conscients des résultats par comté, on préférerait évidemment un décompte au niveau national.

En fait, on se demandait: Est-ce qu'un décompte national veut dire vider toutes les urnes les unes dans les autres et faire un seul décompte

ou si un décompte national c'était simplement mettre l'accent sur un décompte au niveau national mais évidemment l'information concernant chaque comté et même chaque "poil" restant disponible pour les gens qui veulent connaître ces résultats au niveau des "polls". C'est le mémoire que nous vous présentons. C'est un mémoire, encore une fois, qui n'est pas une expertise de spécialistes mais l'opinion d'un groupe de citoyens.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci beaucoup M. Savoie. M. le ministre.

M. Burns: Je vous remercie également, M. Savoie. J'ai retenu de votre mémoire quatre grands points, pour ne pas revenir sur tous les points qui ont été discutés tout au cours de la journée. Je note qu'à la page 2 de votre mémoire, dans l'ensemble, vous vous dites satisfait du livre blanc en général, quitte à avoir un certain nombre de réticences et de modifications à suggérer au passage. Je prends bonne note de votre affirmation à caractère général à la page 2, que je mentionne.

J'aurais une question à vous poser sur une chose que vous dites à la page 3, sous l'article b), "Un temps de réflexion suffisant." Je vous cite le passage en question: "Nous apprécions le fait, par exemple, que le référendum sur l'avenir constitutionnel promis par l'actuel gouvernement aura laissé au moins deux ans de réflexion à la population avant que cette dernière ait à se prononcer." Vous continuez en disant: "Nous suggérons également que, pour les autres référendums, on nous laisse aussi cette opportunité."

Suggérez-vous que n'importe quel référendum devrait être présenté à la population au moins deux ans avant — ou cet ordre d'importance au point de vue de la durée — que la question soit véritablement posée?

M. Lavoie: En fait, on a considéré que le livre blanc sur la consultation populaire était d'abord destiné à améliorer la participation du citoyen au processus démocratique. A partir de cet éclairage, il nous paraît bien plus important que la population soit appelée à réfléchir sur une question, à échanger des idées, à s'informer que de tout simplement à cautionner ou à se prononcer à un moment donné.

En fait, on souhaite — deux ans, pas nécessairement — qu'il y ait un temps...

M. Burns: A peu près.

M. Savoie: ... de réflexion de façon que les gens ne prennent pas une décision suite à une campagne, mais que les gens prennent une décision suite à une longue période de conscientisa-tion, de réflexion, d'échanges et, évidemment, après, qu'ils se prononcent.

M. Burns: Vous verriez ce délai dans n'importe quel référendum?

M. Savoie: Oui.

M. Burns: Si, par hasard, un peu comme vous le suggérez dans votre mémoire, on avait recours à des référendums sur d'autres sujets, par exemple, si on en avait le pouvoir, sur l'avortement ou encore sur ce dont on parlait la semaine dernière, l'euthanasie, ou encore sur le problème de l'orientation québécoise en matière d'énergie, vous croiriez qu'il serait nécessaire de mettre le problème devant la population au moins deux ans d'avance? Je fais la distinction suivante, M. Savoie; actuellement, le problème de l'avenir politique du Québec, de l'avenir constitutionnel du Québec, bien sûr, est sous-jacent à tout ce problème qu'on se prépare à mettre sur pied une loi plus particulière, même si elle a un caractère général, parce que déjà ce problème est dans l'air.

Une fois que les mécanismes généraux seront mis en place, ne croyez-vous pas que dans un temps normal, c'est-à-dire moins d'une année, peut-être de six mois, il est possible de préparer un référendum, une consultation populaire sans qu'on ait besoin de sasser et de ressasser le problème pendant de nombreux mois?

M. Savoie: Je ne pense pas. Si vous me demandez ce que je pense d'une politique énergétique pour le Québec...

M. Burns: Oui, c'est ce que je vous demande.

M. Savoie: ... je ne pense pas être capable, d'une façon éclairée et intelligente, de vous apporter une réponse dans 60 jours. J'ai besoin d'y penser, d'échanger, d'être informé dans un contexte qui est autre qu'un contexte électoral. Une question comme celle d'une politique énergétique, c'est une question importante. Si vous me posiez une question comme celle-là, j'aurais tendance à faire comme n'importe quel autre citoyen, à regarder la crédibilité des gens qui défendent l'une ou l'autre des options et à faire un choix qui serait électoraliste. J'aimerais bien faire un choix qui...

M. Burns: Qui serait autre qu'électoraliste.

M. Savoie: Si le projet de loi de la consultation populaire est un mécanisme de démocratisation de notre société, il faut que les gens qui vont s'exprimer s'expriment avec le plus de recul possible, avec le plus de dégagement possible et non pas sous l'influence de propagande ou de contexte électoraliste.

M. Burns: Là-dessus, M. Savoie, j'ai simplement une remarque à vous faire, c'est que d'expérience, un peu partout où des référendums se tiennent, les gens veulent que la campagne référendaire dure le moins longtemps possible, parce qu'ils viennent à un stade où ils en ont vraiment soupé d'entendre parler du problème.

M. Savoie: Je ne parlais pas de campagne...

M. Burns: Et c'est pour cela que je me posais la question tout haut, avec vous. Prenons le cas, par exemple, de la discussion qui a eu lieu autour

de la loi 101. Je me rappelle que, vers les mois de juillet et août, il y avait beaucoup de gens qui nous disaient carrément: qu'est-ce que vous attendez pour arrêter de nous parler du phénomène de la langue; adoptez-là la loi, ou mettez-la au panier, faites ce que vous voudrez, mais on est tanné d'en entendre parler.

Et j'ai nettement l'impression que, dans une campagne référendaire, on a exactement la même réaction, du moins un peu partout où se fait une campagne référendaire. C'est...

M. Savoie: En fait, la nuance, c'est... M. Burns: ... ce qu'on nous a dit.

M. Savoie: ... c'est qu'il ne s'agit pas de campagne référendaire qui durerait deux ou trois ans. Il s'agit d'informer la population qu'il y aura éventuellement une campagne référendaire sur telle ou telle question, de façon que les media d'information concentrent plus d'information concernant une question ou une autre, de façon que les gens aient le temps de réfléchir et de mûrir la question. C'est bien sûr que la campagne référendaire qui se déroulerait en 60 jours, on se rallie à cela, mais ne nous sortez pas demain matin un projet de référendum pour dans 60 jours sur les politiques énergétiques. La population ne serait sûrement pas capable d'avoir une opinion intelligente dans 60 jours.

M. Burns: M. Savoie, vous allez admettre ceci, quand même, que le livre blanc propose. Il y a déjà une période de réflexion que vous exigez qui est, à toutes fins pratiques, présente par l'introduction, devant l'Assemblée nationale, de la question et du débat de 25 heures. Ne croyez-vous pas que durant ce débat de 25 heures, quand on sait ce que cela veut dire à l'Assemblée nationale, c'est-à-dire à peu près au moins deux semaines devant l'Assemblée nationale, déjà tous les media sont mis en action et comprennent ce que va être la question, comment elle va se présenter avec tout le pour et le contre qui peut être donné, tant par les députés de l'Opposition que par les députés ministériels relativement à un problème très particulier?

Je ne pense pas en tout cas que le livre blanc dise que nous arrivons avec une question surprise qui va, à l'intérieur d'une période de 35 à 60 jours, être soumise à la population sans auparavant qu'il y ait eu une discussion assez large sur le sujet. Je pense qu'au contraire le livre blanc laisse entendre qu'il y aura eu, avant même la période référendaire, ou la campagne référendaire, une discussion assez large là-dessus?

M. Savoie: C'est ce qu'on veut dire, en fait.

M. Burns: Très bien. Alors, on s'entend bien, parfait. Vous nous suggérez que les référendums ne demandent pas à la population de se prononcer par un oui ou par un non, c'est-à-dire que vous suggérez, donc, je présume, une espèce d'éventail de questions.

M. Savoie: En fait, on a étudié le livre blanc sur la consultation populaire avec les remarques que le président nous faisait tout à l'heure derrière la thèse, c'est-à-dire qu'on s'est efforcé de ne pas parler du référendum auquel tout le monde pense, mais on a pensé vraiment en termes très larges.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Ce que je veux dire, vous pouvez en parler sans émettre d'opinions de fond.

M. Savoie: De toute façon, quand on a étudié le livre blanc...

M. Burns: Non, non, c'est cela, d'ailleurs le président nous a donné une directive qui ne nous empêche pas de parler de ce référendum, mais...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Absolument pas.

M. Burns: ... ce que la présidence ne veut pas, du moins si j'ai bien compris sa directive, c'est de ne plaider pour ou contre une position.

M. Savoie: De toute façon, quand on a étudié le livre blanc, on a étudié un livre blanc qui se rapportait, pour nous...

M. Burns: A l'ensemble.

M. Savoie: ... à un processus de démocratisation. Un processus de démocratisation, cela veut donc dire que les citoyens ont un rôle de plus en plus intelligent à jouer dans le mécanisme gouvernemental. Autant il nous paraît qu'il faut des délais raisonnables pour que les citoyens prennent conscience d'une question, autant il nous semble que, dans un contexte qui n'est pas électo-raliste, où le but n'est pas d'amener les gens à cautionner une position gouvernementale, il est préférable que les gens aient le plus de possibilités de s'exprimer. C'est rare les gens intelligents qui se prononcent par un oui ou un non, sans faire de nuances. On aimerait bien qu'il y ait le plus de nuances possible, tout en étant, évidemment, réaliste.

Logiquement, si on...

M. Burns: Dans le contexte, M. Savoie, qui m'apparaît sous-tendre tout votre mémoire, d'un désir de question claire, de question facile — j'allais faire un anglicisme — mais à laquelle il est facile de répondre, j'allais dire: qu'il est facile de répondre à, mais ce n'est pas ce que je dis, c'est l'Irlandais qui prend le dessus, que voulez-vous? Dans le contexte d'une question à laquelle il est facile de répondre, comme vous le suggérez d'ailleurs — je pense que cela sous-tend les grandes lignes de votre mémoire — n'est-il pas exact qu'une question, d'après vous, à laquelle on répondrait par un oui ou un non serait beaucoup plus claire, beaucoup plus précise, beaucoup plus nette?

M. Savoie: Un gouvernement qui aurait la réponse oui ou non, selon ce qu'il veut avoir comme réponse, cela cautionnerait beaucoup mieux et beaucoup plus facilement sa position. C'est certain que c'est beaucoup plus facile, beaucoup plus clair d'avoir un résultat à un référendum où 70% des gens ont dit: Oui. Il n'y a pas d'hésitation. Mais est-ce que cela reflète vraiment au maximum la participation du citoyen au mécanisme gouvernemental? Nous pensons que non, et qu'il vaut mieux que les citoyens s'expriment avec plus de nuances, même si la réponse s'avère moins claire pour l'interprétation du gouvernement.

M. Burns: Je n'exclus pas la possibilité du recours à plusieurs questions, lors d'un référendum, mais je me demande si, au départ, le gouvernement ne devrait pas se forcer de poser une question à laquelle on répond par un oui ou un non. Si ce n'est pas possible, évidemment, je n'exclus pas le recours à la solution que vous nous suggérez. Je veux que vous me compreniez très bien là-dessus.

Par exemple, dans le cas de l'adhésion de Terre-Neuve à la Confédération canadienne, qu'on appelle encore confédération même si cela n'en est pas une, le premier référendum était formulé en termes de trois questions. De ces trois questions, on a enlevé un certain nombre de points de vue qui ne semblaient pas rallier la population et, dans un deuxième référendum, on est arrivé par un oui ou un non, à cause de cela. C'est simplement pour vous dire ceci: Dans votre mémoire, vous sembliez nous dire qu'il faut absolument qu'il y ait plus d'une question à laquelle on puisse répondre par un oui ou un non.

M. Savoie: En fait, si on situait le problème sur une ligne horizontale, et qu'il y avait, d'un côté, une démarche qui est essentiellement stratégique, pour que le gouvernement fasse cautionner une de ses décisions par la population, à ce moment, on poserait une question à laquelle on répondrait par un oui ou un non.

Vous avez l'autre extrême de la ligne, chose qu'on ne vous propose pas parce que c'est sûrement irréaliste; c'est que les citoyens iraient vous dire leur position face à une grande question qu'ils formuleraient eux-mêmes finalement. Evidemment, ce serait difficile à contrôler et à compter, cela, mais entre ces deux extrêmes on aimerait qu'il y ait le plus de marge possible pour que les citoyens s'expriment tout en étant suffisamment...

M. Burns: Dans le fond, vous nous suggérez une grande souplesse là-dessus. C'est probablement ce que...

M. Savoie: Oui. Une souplesse dans laquelle prévaut la notion de démocratisation des structures politiques davantage qu'une préoccupation de gagner un référendum.

M. Burns: Je passe par-dessus la discussion très intéressante qu'on pourrait avoir relativement à l'initiative populaire. Je pense que vous étiez là, M. Savoie et M. Boivin, cet après-midi lorsque nous avons discuté avec une autre société nationale. Je n'ai pas à répéter à votre endroit le point de vue que j'ai émis à ce moment en tant que ministre et en tant que membre du gouvernement.

Dernière chose, et c'est peut-être le dernier point que j'ai l'intention de soulever avec vous, vous suggérez que le décompte se fasse au niveau des circonscriptions électorales. Voudriez-vous me dire très brièvement ce qui, fondamentalement, vous incite à nous faire cette suggestion?

M. Savoie: C'est un manque d'information. A notre première démarche, on préférait un décompte national.

M. Burns: J'ai vu dans votre mémoire que vous aviez commencé par nous dire cela et dans le reste de votre mémoire vous nous dites le contraire.

M. Savoie: Ensuite on s'est trouvé partagé à peu près également entre des gens qui croyaient — enfin je ne croyais pas à cela, mais il y a des gens qui le croyaient — qu'un décompte national voulait dire vider toutes les boîtes de scrutin dans un grand paquet et faire un décompte. Si c'est cela un décompte national, on est pour le décompte de comté. Si un décompte national, c'est laisser les boîtes de scrutin où elles sont, en faire décompte et additionner les votes au niveau national, on serait plutôt pour un décompte national. Comme on ne savait pas ce que vous vouliez dire par décompte national ou de comté on a...

M. Burns: Le problème auquel nous avons à faire face, c'est celui de savoir si dans chaque section de vote on fait le décompte. Si on fait cela, évidemment c'est clair et net que le décompte va être su et connu au niveau de la circonscription électorale. Il va s'additionner automatiquement parce que vous avez actuellement, du moins au niveau électoral, des organisations qui sont bâties autour de la circonscription électorale. L'autre question était de savoir si on ne prenait pas tous ces votes au niveau de la circonscription, si on ne les versait pas dans un "pool" au niveau régional ou une poule comme dit plus exactement le député des Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Expression sportive.

M. Burns: Oui, c'est tout à fait exact. Il y a cette question qui se pose. Il y a aussi la question de dire à un niveau tout à fait centralisé, au niveau national, au niveau québécois, si le décompte se fait même si l'opération a lieu circonscription par circonscription. Vous avez un décompte qui n'est connu qu'au niveau national. Alors c'est cela dans le fond la question qui se pose.

Vous dites, je ne me souviens pas à quelle page de votre mémoire: On serait favorable à un décompte à caractère régional mais en y pensant on est peut-être plus favorable au décompte au niveau de la circonscription.

M. Boivin: Etant donné que le référendum est une décision collective, cela va être le résultat additionné des votes. Evidemment, on voudrait que ceci ressorte. On n'a pas pu imaginer, parce qu'on n'avait pas les techniques et les connaissances nécessaires pour l'imaginer de quelle façon on pourrait arriver à ceci tout en gardant l'information et la possibilité d'analyser le vote, à la suite d'un référendum. On a les deux pôles, là.

M. Burns: Je pense que l'aspect analyse...

M. Boivin: On a ce volet qui est l'accumulation des renseignements qui amènent à un référendum populaire et, de l'autre côté, la possibilité d'analyser...

M. Burns: C'est peut-être le deuxième ou le troisième mémoire qui nous parle dans les mêmes termes, sans se répéter, évidemment — je ne pense pas qu'il y ait de plagiat; ce n'est pas dans ce sens-là que je le dis — de l'analyse nécessaire à la suite du résultat d'un référendum. Je pense que c'est un élément important dans votre choix du décompte par circonscription. Si je ne me trompe pas, c'est l'élément important.

M. Savoie: C'est l'élément décisif.

M. Boivin: Que ce soit copié sur les comtés ou les régions, etc., cela nous laisse assez indifférents, pour autant que ce n'est pas quelque chose de farfelu totalement. Mais on aimerait bien savoir — et je pense bien, aussi, que les citoyens d'une région donnée aimeraient le savoir — ce qu'il est advenu, par exemple, de sa région et des autres régions, aussi, qu'on connaît bien. Il apparaît important d'avoir cette information.

M. Savoie: C'est-à-dire que, si on protège le droit du public à l'information concernant le résultat de son vote dans son bureau de scrutin, dans sa localité, dans son comté ou dans sa région, on ne s'oppose pas à ce qu'on fasse le décompte au niveau national, pourvu que le droit du public à cette information soit disponible.

M. Burns: D'accord. Je vous remercie de ces renseignements. Je vous remercie de votre mémoire, également, que je trouve très intéressant. Je me restreins à cause de l'heure, parce que j'aurais le goût de vous poser bien d'autres questions et d'utiliser tout le temps qui m'est disponible pour vous en poser.

Non, je n'ai pas utilisé tout mon temps et je m'impose cette discipline de ne pas vous poser d'autres questions, même si j'aurais le goût de vous en poser, parce que je suis convaincu qu'il y a d'autres membres de la commission qui vont vous en poser, qui vont m'éclairer également sur d'autres aspects de votre mémoire. Merci beaucoup, M. Savoie et M. Boivin.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Laval.

M. Lavoie: M. Savoie, je crois remarquer, dans votre mémoire, que vous avez un respect des libertés individuelles, des libertés fondamentales, surtout d'opinion, d'expression, d'association, etc. Je voudrais lire deux paragraphes, dont l'un se trouve dans l'introduction: "Voulant embarquer immédiatement dans le débat que constituera l'étude en commission parlementaire de ce livre blanc, la Société nationale des Québécois de l'Outaouais désire se joindre à toutes les forces progressistes du Québec pour suggérer à cette commission parlementaire des mesures qui permettront de tenir compte à la fois de la saine démocratisation de nos institutions politiques, tout en ne brimant pas les droits de ceux et celles qui pourront éventuellement s'opposer à une législation dans ce domaine."

Je cite également, à la page suivante, le troisième paragraphe: "La réforme proposée par le législateur ne doit pas être seulement quantitative, mais également qualitative. Aussi, est-il préférable, selon nous, de faire en sorte que seulement quelques centaines de milliers de Québécois soient impliqués dans un processus de réflexion sur une question importante que de compter des millions de préjugés, même si ces préjugés étaient favorables à l'idée que nous défendons".

Pourriez-vous détailler ce deuxième paragraphe, s'il vous plaît?

M. Savoie: C'est un peu ce que je disais tout à l'heure: Quand on a étudié ce livre blanc, on l'a pensé en termes d'une réforme de démocratisation de nos structures gouvernementales, donc d'une plus grande participation du citoyen au processus démocratique. Quand on parle, comme moyen pratique, de période de réflexion suffisante, cela veut dire cela. Cela veut dire que le citoyen, on ne va pas le comprimer dans une campagne... Du moins, ce qu'on ne voudrait pas qu'il arrive, c'est qu'on comprime le citoyen dans une campagne de propagande sous pression et lui demander tout de suite de prendre une décision sur un sujet complexe. On aimerait qu'il y ait le plus de temps possible pour décomprimer tout cela, pour permettre aux gens d'avoir des idées, de se faire une idée, de changer d'idée, de réfléchir, d'en parler à d'autres, de changer d'idée deux ou trois fois s'ils le veulent, de façon qu'au moment où ils vont prendre une décision, ce soit une décision avec le plus de qualité possible. C'est cela qu'on veut dire.

M. Lavoie: Maintenant, vous considérez qu'une période de deux ans serait normale pour une question assez complexe pour permettre la bonne intelligence de la population, de ceux qui auront à s'exprimer sur une décision. Vous considérez cette période de deux ans comme normale.

M. Savoie: On n'a pas mis deux ans. On a donné l'exemple d'une période de deux ans dans le cas d'une promesse électorale d'un parti politique. Mais, en fait, un temps de réflexion suffisant, cela peut varier d'une question à l'autre. Il y a des

sujets sur lesquels la population est beaucoup plus sensibilisée. L'idée, tout à l'heure, d'un référendum sur une politique énergétique, je ne vois pas comment on fait cela en six mois. Que les gens puissent se prononcer intelligemment en six mois, cela me paraît court dans un sujet comme cela. Une question comme l'avortement, c'est dans l'air depuis pas mal plus longtemps, dans le fond. Il ne s'agit pas qu'une campagne référendaire dure six mois ou un an ou trois ans. Que la question soit suffisamment dans l'air depuis assez longtemps de sorte que la population sache qu'il va y avoir un référendum sur cette question dans un certain temps et que les gens aient le temps d'y réfléchir.

M. Lavoie: Maintenant, je vais vous poser une question sur un référendum qui fait l'objet des conversations, je dirais, des boulevards et de la rue et même du parlement, actuellement, au Québec, le référendum sur l'avenir constitutionnel du Québec. Est-ce que vous appliqueriez également ce temps de réflexion additionnel d'un autre deux ans avant de tenir un tel référendum?

M. Savoie: Je comprends mal.

M. Lavoie: Le référendum qui doit se tenir au Québec, éventuellement, sur l'avenir constitutionnel, est-ce que vous adapteriez ce moment additionnel de réflexion de deux ans pour la tenue du référendum sur l'avenir constitutionnel du Québec, ou considérez-vous que la population est assez informée, comme on le dit couramment, suffisamment informée après au moins sept ans?

M. Savoie: C'est cela. Je considère que c'est évidemment...

M. Burns: M. le Président, je m'excuse, M. Savoie. Je ne veux pas intervenir dans le débat, mais si j'ai bien compris, M. Savoie, il nous suggère d'utiliser le délai de deux ans qui est à peu près celui qu'on évalue actuellement pour n'importe quel autre référendum.

M. Lavoie: Encore une fois, je ne vous ai pas interrompu.

M. Burns: Non, je ne veux pas vous interrompre, j'essaie de vous éclairer...

M. Lavoie: Laissez donc répondre le témoin. M. Burns: Bon, d'accord.

M. Lavoie: Ecoutez, ce n'est pas de l'apologétique qu'on fait ici.

M. Burns: J'essaie de sauver du temps à la commission.

M. Lavoie: Sauver du temps, en tout cas... Après qu'il a pris 30 minutes pour poser ses questions, personne ne l'a interrompu, il interrompt les autres.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Burns: Je ne vous interromps pas, c'est avec votre permission que j'ai demandé...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre! M. Savoie, vous pouvez répondre.

M. Savoie: Pour répondre à votre question, je pense qu'effectivement on a eu suffisamment de temps pour réfléchir à ce référendum.

M. Lavoie: Qui pourrait se tenir dans les meilleurs délais. Pour les fins du journal des Débats, pourriez-vous répondre, s'il vous plaît?

M. Savoie: Bien, oui.

M. Boivin: On considère que la période de réflexion est valable en soi pour favoriser la participation de l'électeur à la chose publique, et qu'une période de temps suffisante, c'est intéressant ou c'est souhaitable en ce sens que pendant cette période, le citoyen s'intéresse à la question, la débat, et il y a une espèce d'éveil chez l'électeur et le citoyen à la chose publique et aux grandes questions.

M. Lavoie: Je comprends comme vous que si on précipitait un référendum sur l'énergie nucléaire ou quelque chose comme cela, cela pourrait amener une très grande abstention des citoyens qui n'auraient pas le temps de se former une opinion de cela. Maintenant, il y a une chose qui attire mon attention dans votre mémoire, c'est que vous êtes à peu près le seul groupe qui est venu devant notre commission, sur une quinzaine jusqu'à maintenant, qui propose — vous êtes un des rares en tout cas — des questions multiples. La plupart des gens, la grande majorité des organismes qui sont venus demandaient une question claire, précise, par un oui, par un non, sans équivoque, etc.

Tout en étant favorable — je vous le dis, j'annonce mes couleurs — à une question claire et précise, dans un but pragmatique, ne trouvez-vous pas que si sur un problème particulier ou sur un objet particulier il y a trois ou quatre possibilités soumises à la population cela ne mène nulle part? D'abord dans une décision, si on veut respecter l'intelligence de la population, il faut que l'interprétation du résultat soit assez précise. Il faut que cela éclaire le Parlement ou le gouvernement pour apporter une solution à un problème donné qui est soumis à la population et qui amène — je le souhaite — un résultat. Il ne faut pas qu'on soit, après le référendum, encore plus dans les limbes qu'avant.

Je vous donne l'hypothèse suivante sur une question de l'avenir constitutionnel, et je ne vais pas au fond de la question. On peut demander à la population: Voulez-vous le statu quo? Voulez-vous un fédéralisme renouvelé? Voulez-vous la souveraineté-association? Voulez-vous l'indépendance du Québec? On pourrait avoir le résultat hypothétique

suivant: 20% pour le statu quo — prenez-le en note mon chervoisin des Deux-Montagnes— le fédéralisme renouvelé, 35% — c'est tout à fait hypothétique — souveraineté-association, 30% et séparation, indépendance ou souveraineté — je veux épargner toutes les susceptibilités — 15%. Dans quelle position serait le gouvernement ou le Parlement pour trouver une solution au problème constitutionnel que nous vivons actuellement, si nous avons un résultat de la sorte, 20%, 35%, 30% et 15%?

M. Savoie: Quand on a étudié ce livre blanc, on s'est justement forcé pour ne pas penser au référendum sur l'avenir constitutionnel.

M. Lavoie: Vous avez fait un effort terrible.

M. Savoie: On a fait un terrible effort, puis on a essayé d'objectiver le référendum comme processus de démocratisation. C'est bien sûr que ce que vous dites, j'aimerais bien mieux cela, un vote bien clair, par un oui ou par un non. Stratégiquement, si j'étais un politicien, je me sentirais bien plus en confiance d'être appuyé par une majorité de la population.

Si on regarde le livre blanc comme un processus de démocratisation, le but n'est pas de faire cautionner un choix du gouvernement, mais d'amener la population à se prononcer sur des options. Plus il y aura d'options, plus la population pourra faire un choix nuancé. Sauf pour le référendum sur l'avenir constitutionnel, la population aurait intérêt à se prononcer d'une façon beaucoup plus nuancée sur des questions comme l'avortement, sur des questions comme la politique énergétique.

M. Lavoie: Un instant, je vous interromps. Comment voulez-vous avoir des questions pour que ce soit nuancé sur l'avortement? Donnez-moi un exemple, pour que ce soit nuancé, il faudrait quasiment qu'il y ait trois questions sur l'avortement.

M. Savoie: Cela pourrait être le cas. Par exemple, vous pouvez demander aux gens si on est d'accord avec l'avortement sur demande, avec l'avortement thérapeutique, avec l'avortement sur demande à la condition que la grossesse soit de moins de six semaines ou quelque chose comme cela — c'est la position de l'Eglise unie, par exemple — ou si les gens sont contre l'avortement.

M. Lavoie: Vous pourriez avoir un résultat de 20% à 25% dans chacune des quatre options. Il ne faut pas oublier que les hommes publics sont là pour prendre des décisions; on n'est pas là pour faire des dissertations, on est là pour apporter des résultats.

M. Savoie: Le livre blanc parle d'une consultation, donc l'Assemblée nationale reste libre de faire des lois. Ce que cela vous donne un référendum sur l'avortement où vous auriez 25% de réponses dans chacune des options, cela vous dit qu'il y a 25% des gens qui sont contre l'avorte- ment, qu'il y en a 25% qui l'accepteraient dans certaines situations; à vous de vous laisser éclairer par ces résultats.

M. Boivin: Je pense que dans le cas d'un référendum qui impliquerait une obligation assez forte de la part du gouvernement à respecter la décision, il faudrait peut-être avoir une question qui simplifie énormément; enfin, la réponse devrait être très simple par un oui, un non, par exemple. A ce moment, il y aurait possibilité d'avoir une action assez précise à la suite de réponses semblables, suivant les pourcentages. Mais nous sommes en face d'une loi-cadre sur la consultation populaire.

A ce moment, le gouvernement doit prendre ses responsabilités vis-à-vis des résultats de cette consultation et la population doit avoir pu exprimer toutes les nuances vis-à-vis des questions ou de la question à plusieurs volets. On souhaite que ce soit le cas et qu'en autant que les volets ou les questions, comme on l'indique dans le mémoire, reflètent l'opinion d'une large partie de la population, au départ, qu'on sache que cela reflète une large partie de l'opinion de la population. On préfère que la population puisse nuancer davantage.

M. Lavoie: Je respecte votre opinion, même si je ne la partage pas. Vous attachez peut-être, et c'est votre droit, plus d'importance aux moyens de démocratisation qu'à la fin, qu'au résultat.

M. Savoie: Oui.

M. Boivin: On ne veut pas substituer...

M. Lavoie: Vous êtes plus académique que moi et je respecte votre position.

M. Boivin: On ne veut pas substituer l'appareil normal de gestion publique qu'est l'Assemblée nationale.

M. Lavoie: Ou plutôt le gouvernement. M. Boivin: Oui, le gouvernement.

M. Lavoie: Par contre, ce que je crains — c'est une dernière remarque que je fais, on s'en plaint d'ailleurs, et c'est une complainte généralisée dans le monde que les gouvernements sont souvent lents à agir, que la machine de l'Etat est lente à prendre des décisions et que le processus est compliqué — avec votre formule, si vous trouvez un moyen, par l'exercice de la démocratie, de compliquer davantage la situation, au sein des caucus de la majorité du gouvernement, c'est que vous allez retarder encore plus, vous allez mettre des freins à l'appareil de l'Etat et il sera encore plus lent à prendre des décisions et à agir si vous lui donnez l'occasion de faire naître une multitude d'hypothèses et des moyens de division. Je respecte votre opinion, mais c'est une crainte que j'ai.

Une dernière question que j'aurais à vous poser; vous avez souvent dit que le processus réfé-

rendalre ne doit pas être mis en place pour cautionner un gouvernement en place quel qu'il soit, le gouvernement actuel ou l'Opposition qui pourrait devenir le gouvernement, etc., dans notre régime d'alternance. Je suis tout à fait d'accord sur ce point avec vous. Est-ce que cela voudrait dire que le gouvernement devrait faire un effort spécial, extraordinaire pour se dégager de l'opération partisane référendaire? En somme, je rejoins une idée émise par l'Union Nationale, qui a été endossée par nous à cet effet. Elle a même été suivie en Angleterre alors qu'on a confié l'étude de l'opération référendaire à un haut fonctionnaire de l'Etat non politisé qui était un M. Jamieson, un ancien sous-ministre de l'Education qui, lui, a préparé avec une équipe non partisane et non politisée l'opération référendaire en Angleterre.

Vous émettez le voeu d'affranchir le gouvernement ou de tenter de le libérer pour qu'il ne soit pas en conflit d'intérêts pour se faire cautionner dans une opération référendaire. Souhaiteriez-vous, en résumé, que l'opération référendaire soit détachée le plus possible, dans l'élaboration du processus, dans la fabrication de la loi, dans la formulation de la question ou dans l'exercice référendaire lui-même, et faite possiblement par un conseil du référendum non partisan et non politique?

M. Savoie: Vous parliez, tout à l'heure, de l'efficacité de l'appareil gouvernemental. En fait, cela ne me semble pas très important que ce soit non partisan, qu'il y ait plusieurs partis, etc. Ce qui est important, c'est que la population puisse s'exprimer avec le plus de liberté possible, avec le moins de pressions possible, avec le moins de manipulations possible. C'est certain qu'on s'attend que le processus référendaire soit le plus dégagé possible de ces manipulations, que le gouvernement se comporte comme ça.

Est-ce que le gouvernement peut, seul, s'au-todiscipliner suffisamment pour apporter des questions qui ne sont pas manipulées?

M. Lavoie: La chair est faible, vous savez.

M. Savoie: De toute façon, il existe des partis d'Opposition et la population est aussi capable d'estimer jusqu'à quel point le gouvernement tente de se faire cautionner malhabilement ou démocratiquement.

M. Lavoie: Très brièvement, je vois au deuxième chapitre que vous avez des craintes, des appréhensions sur l'obligation pour tous les groupes de pression, pour les individus ou pour les tendances de s'intégrer dans des corridors ou dans des groupes très restrictifs qui pourraient porter atteinte à certains droits fondamentaux. Vous pencheriez, d'après la lecture de votre mémoire, vers une tendance plutôt libre et libérale, dans le sens philosophique du mot, pour que les individus ou les groupes au Québec puissent s'exprimer le plus librement possible dans une campagne référendaire.

M. Savoie: En fait, je pense qu'un principe qui nous semble valable, c'est d'égaliser dans la mesure du possible les chances de toutes les tendances. Notre option, c'est d'intervenir le moins possible par des moyens de censure ou des choses comme cela. On voudrait que ce soit le plus égal possible. On ne voudrait pas brimer les droits d'association ou les droits de parole de quelque individu ou association. Maintenant, on voudrait que ce soit suffisamment contrôlé pour que des organismes ne sabotent pas le processus référendaire.

M. Lavoie: M. Savoie, j'ai terminé et je vous remercie de la présentation de votre mémoire.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Bien brièvement, je ne veux pas répéter les questions des autres qui sont ici, parce que vous allez m'accuser de vous faire perdre du temps. Si je les répète, vous pouvez aussi m'accuser de ne pas être intelligent et de ne pas comprendre. Un député ne peut jamais admettre cela publiquement. Vous avez affirmé, à la toute fin du questionnaire du député de Laval, que vous étiez pour une loi-cadre, je pense. Je ne le sens pas dans le mémoire, en tout cas je ne l'ai vu nulle part. Cela se dégage peut-être et je ne l'ai pas suffisamment exploité, mais vous seriez d'accord sur une loi-cadre des référendums?

M. Savoie: On parle de l'ensemble d'un processus de consultation le plus permanent possible; c'est certain que cela doit être une loi-cadre.

M. Grenier: C'est dans cet esprit que vous avez préparé votre mémoire. Vous avez parlé des tendances, tout à l'heure, sur les questions qui pourraient être posées. C'était là une de mes questions. Il y a quelqu'un qui nous a même proposé d'avoir un deuxième référendum, tenu dans l'espace d'une semaine, une fois qu'on aurait réussi à faire une première synthèse des quatre ou cinq questions, un peu comme dans un régime présidentiel, si vous voulez. Il est bien sûr qu'autour de la table ici en tout cas à l'Assemblée nationale, vous avez peut-être plusieurs députés qui ne représentent pas la majorité de leurs électeurs. Cela s'explique pour un député, dans ce sens que le système est comme cela. Cela ne veut pas dire qu'il est parfait. Un régime présidentiel clarifierait peut-être la question de sorte que chaque député pourrait représenter plus que la moitié de ses électeurs, alors qu'il y en a peut-être qui en représentent à peine le tiers ou en bas de la moitié. Mais dégager des tendances, je pense que cela ne peut pas être comme cela pour un référendum. Cela ne peut pas être suffisant avec toutes les difficultés que cela peut causer. Vous n'avez pas apporté cette opinion pour permettre ensuite la tenue d'un autre référendum pour réduire les questions, j'imagine?

M. Savoie: Non.

M. Grenier: Simplement un éclairage au gouvernement.

M. Savoie: C'est cela.

M. Grenier: II tirera de cela ce qui serait bon pour légiférer ensuite.

M. Savoie: C'est que normalement, si on envisage le livre blanc tel qu'il est fait, c'est certain qu'on pense à un référendum en particulier, mais on est allé beaucoup plus loin que cela, puis on a pensé à un processus permanent. Donc, en général, les référendums, ce sera beaucoup moins émotif que celui auquel tout le monde pense. Normalement, pour un référendum sur une politique énergétique, ce n'est pas très important d'avoir un résultat très clair qui va donner un mandat au gouvernement jusqu'à ce qu'on le change.

C'est important de donner un résultat très clair, mais qui peut être très nuancé, c'est-à-dire qu'un gouvernement n'attend pas après cela pour avoir un mandat. Les résultats du référendum vont être une indication au gouvernement pour procéder plus ou moins vite.

M. Grenier: Vous n'en avez pas parlé dans votre mémoire, mais vous avez mentionné une période de peut-être deux ans pour permettre aux gens de discuter sur la place publique d'une idée, d'un référendum qui pourrait venir, par exemple, sur le système nucléaire ou sur l'avortement et vous avez même parlé de l'avenir constitutionnel du Québec.

D'après vous, est-ce qu'il est des questions qui peuvent être réglées, je pense à ces trois exemples que vous avez donnés, vous avez semblé affirmer, à force de sous-questions, qu'il est un référendum qui pourrait être passé immédiatement. Je dois vous dire que moi, personnellement, je ne me sentirais pas prêt à voter sur ce référendum qu'on a à l'esprit demain matin, pour la bonne raison qu'on manque pas mal d'éclairage à plusieurs points de vue. Pensez-vous que là-dessus on n'aurait pas besoin d'une période d'une couple d'années aussi, si on veut arriver à dégager des tendances, être capable d'avoir d'autres propositions?

M. Savoie: C'est rare que, dans une société en évolution, on arrive à avoir un comportement ou une opinion bien tranchée. Normalement, une société évolue. Si on avait demandé un référendum sur, je ne sais quoi, la libération de la pornographie en 1950, cela aurait été battu à 99%. Si on le demandait maintenant, ce serait pas mal plus nuancé, et si on refaisait le même référendum dans dix ans, ce serait peut-être différent. La population change d'idée, finalement; je pense que c'est normal et qu'il faut respecter ces possibilités de la population de changer d'idée.

M. Grenier: Je pense que c'est cela que vous vouliez dire par votre période de deux ans. Plus le problème est important...

M. Savoie: Pas un référendum sur la législation de la pornographie.

M. Grenier: Vous êtes d'accord, je pense, que plus la question est importante et plus le retour pourrait être difficile sur une question par exemple, plus la période de réflexion pourrait être longue pour permettre aux gens de vraiment arriver avec un éclairage presque parfait quand ils auront à se prononcer, parce que le retour peut être compliqué alors qu'une loi sera passée. Je pense bien qu'à ce moment-là on devrait s'en tenir, comme vous le dites, avec le minimum d'une couple d'années pour avoir un éclairage complet.

Vous avez parlé du décompte, et c'était large, évidemment, sans préciser si c'est au niveau du comté, parce que vous n'étiez pas suffisamment au courant, par le livre blanc, de l'opportunité d'avoir un décompte au niveau de ces circonscriptions, et vous ne saviez pas dans quel contexte on pourrait faire un décompte au niveau national. Mais advenant que la plomberie de tout cela ferait en sorte que le décompte pourrait être fait sur un plan régional, en éliminant, par exemple, les régions économiques, mais un plan régional des référendums, trouveriez-vous que cela rendrait plus justice qu'un plan de district électoral ou bien un plan national?

M. Savoie: Notre préoccupation est une préoccupation du droit du public à l'information concernant les résultats du référendum. Si on garantit que le public aura toujours accès à l'information, nous on aurait tendance à privilégier un décompte au niveau national de façon qu'il y ait une solidarité nationale plus grande.

M. Grenier: Vous voyez que je n'insiste pas sur la question puisqu'on a eu le témoignage d'autres personnes, et ce que vous me dites est peut-être assez correct aussi pour me permettre de continuer. Le conseil du référendum, on vous l'a signalé ici, groupe dépolitisé, si vous voulez, la question vous était posée tout à l'heure, mais un conseil qui aurait, par exemple, à éclairer le gouvernement sur la question à poser, sur la date des référendums à venir, les questions à poser, la date des référendums, ne pensez-vous pas qu'on serait plus en sécurité si c'était donné à des gens en dehors de la politique? A nous voir travailler, vous vous demandez si vous êtes en toute sécurité quand vous le donnez à des politiciens ou si ce ne serait pas mieux de le confier à d'autres personnes? Ne pensez-vous pas qu'il y aurait un travail qui pourrait se faire, vraiment plus dépolitisé, dans un groupe qui s'appellerait un conseil que d'être laissé au gouvernement? Je parle du gouvernement qui est tout le monde des deux côtés de la table.

M. Savoie: En fait, quand on a étudié le livre blanc, on a émis l'hypothèse que le gouvernement ne serait pas toujours le gouvernement qu'on désire avoir. Donc, si on est dans l'opposition, comment on va réagir devant une loi qui serait une loi de l'Assemblée nationale? Il ne nous semble

pas que, dans un contexte démocratique, ce soit un bien gros problème qu'il y ait des organismes dépolitisés et des partisans et tout cela. J'ai l'impression qu'on peut faire confiance au gouvernement qu'on a actuellement et à un autre gouvernement. Dans un Etat démocratique, le gouvernement ne peut pas se permettre de fausser les règles du jeu, de poser des questions pièges qui se feraient battre. Je pense que la conscience politique des gens est assez avancée...

M. Grenier: Je veux bien prendre votre parole là-dessus. Vous ne vous souvenez sans doute pas, mais vous avez du le lire ou quelqu'un vous l'a raconté, du vote qui a été pris à Ottawa sur la conscription obligatoire. Si cela avait été à un conseil de référendum, je ne suis pas sûr que la question aurait été aussi mêlée. On avait peut-être avantage à mettre la question pas mal ténébreuse alors qu'on voulait faire voter des gens pour savoir s'ils étaient pour ou contre la conscription. A ce moment on a eu une des questions des plus ténébreuses qu'il m'ait été donné de rencontrer.

M. Boivin: Si on avait affaire à un seul référendum sur une période très longue...

M. Grenier: Si on avait affaire à un seul...

M. Boivin: ... à une seule consultation populaire sur une période assez longue, peut-être qu'on serait tenté d'amener des mesures de ce genre pour protéger, etc. Mais, dans un contexte de consultation populaire qui se régularise, j'ai l'impression qu'il y aurait une espèce d'éveil ou de conscientisation de la population. On n'aurait pas besoin de la surprotéger. Même à la limite, des organismes de surprotection en essayant d'objectiver, etc., feraient perdre à la population ce sens parce qu'on développerait une espèce d'instinct de se fier sur des experts pour régler les problèmes fondamentaux. Evidemment, il faut bien placer notre position dans ce contexte d'une consultation populaire qui se rode et qui devient une espèce d'habitude que l'on crée. A ce moment, il y aurait de moins en moins de possibilités de manipuler. Si jamais une fois on a manipulé la population, une autre fois les gens le sauraient. Ils seraient de plus en plus avisés vis-à-vis de ce genre de manipulation.

M. Grenier: Juste une toute dernière question en terminant. Vous dites à la page quatre de votre texte: Comment concilier la réglementation qui sera apportée par la loi des référendums et le principe de la liberté de parole et d'association? Vous vous interrogez. Généralement quand on s'interroge on a quand même des éléments de solutions. Qu'est-ce que vous proposez là-dessus?

M. Savoie: Rien. On est d'accord avec le principe que chaque option puisse s'exprimer le plus librement possible, avec le plus d'égalité possible. Ceci dit, cela prend des mécanismes de contrôle, des mécanismes qui empêchent des abus d'un côté ou de l'autre, des mécanismes qui essaient d'égaliser les chances. D'autre part, on tient beaucoup au principe du droit d'association et du droit de parole. On aimerait bien qu'on trouve des mécanismes qui censurent le moins possible ces droits.

M. Grenier: M. Savoie et M. Boivin, au nom de notre parti, je vous remercie.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci beaucoup, M. le député de Mégantic-Compton. Au nom de tous les membres de la commission, merci beaucoup pour votre participation et votre collaboration.

J'inviterais maintenant la Société nationale des Québécois de Lanaudière, son ou ses porte-parole à venir présenter leur mémoire, s'il vous plaît.

Société nationale des Québécois de Lanaudière

M. Charette (René): M. le Président, je me nomme. Je suis René Charette, directeur général de la Société nationale des Québécois de Lanaudière. A ma droite c'est le vice-président de la Société nationale des Québécois de Lanaudière, Me Michel Fréchette, et, à ma gauche, M. Evangéliste Saint-Georges, organisateur de la Société nationale des Québécois de Lanaudière.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Alors avant de commencer, êtes-vous au courant de la directive que je donne à tous les intervenants?

M. Charette: Oui.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Alors vous me dispensez de la répéter.

M. Charette: Oui. M. le Président, je voudrais vous indiquer qu'il est 22 heures 10. Nous avons été convoqués pour ce matin à 10 heures précises et nous étions ici à 10 heures. Je trouverais un peu indécent que la Société nationale des Québécois... Elle a fait des consultations dans son milieu, à partir de son comité, de son conseil d'administration et son assemblée générale pour venir vous présenter aujourd'hui un mémoire peut-être pas avec toute la phraséologie qu'on a retrouvée dans certains mémoires, mais une certaine argumentation de discussion qu'on voulait faire avec la commission. C'est dans cet esprit qu'on venait ici, et non nécessairement avec toute la vérité acquise de notre part, pour engager, avec la commission, un dialogue franc et honnête à partir de ce qu'on pensait chez nous. On ne voudrait pas, comme souvent on l'est dans nos régions, être traité comme une sous-région de Montréal.

Je vous dis qu'il est 22 heures 10. Vous avez consacré ce matin, à compter de 10 heures 30 à peu près, en moyenne, une heure et demie à deux heures par mémoire. Je pense que le nôtre apporte des arguments sur certains aspects du livre blanc qui nous paraissent importants, non pas la

vérité toute faite, mais propres à susciter une franche discussion qu'on voudrait avoir avec tous les membres de la commission, notamment sur l'âge du vote, sur une série d'aspects qu'on soulève dans notre mémoire.

Je trouverais cela, en tout cas, un petit peu indécent que ce soir, on vous présente notre mémoire, qui a huit ou neuf pages, pour avoir à peu près une dizaine de minutes de discussion avec vous.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Charette, je pense.

M. Charette: Oui.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Effectivement, vous avez été convoqués à 22 heures et je dois vous dire que vous ne devez pas nécessairement présumer, à cause du fait que vous avez commencé à 22 h 10, que les membres de la commission vont nécessairement terminer l'étude de votre mémoire à 23 heures. S'il arrive que les intervenants ou que les membres de la commission ont des questions supplémentaires à poser, soyez sans aucune crainte que les travaux seront ajournés mais qu'on pourra continuer de vous entendre demain matin. L'autre organisme sera refoulé, comme on dit en langage judiciaire. Vous êtes ici en toute liberté, au pied du rôle, comme on dit, et même s'il était 22 h 35, cela ne vous enlèverait pas votre droit d'être entendus et de continuer demain matin, si les membres de la commission ont d'autres questions à vous poser. D'accord?

M. Charette: D'accord.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): D'ailleurs, je dois vous dire que ce que je viens de vous dire là s'est passé à plusieurs reprises depuis le début des travaux de cette commission. Alors, on vous écoute.

M. Charette: M. le Président, messieurs les membres de la commission, à l'invitation du gouvernement québécois de présenter des mémoires à votre commission relativement à l'étude du livre blanc sur la consultation populaire au Québec, la Société nationale des Québécois de Lanaudière a cru de son devoir de vous communiquer ses remarques et son point de vue général sur la question. Pour votre information, la Société nationale des Québécois de Lanaudière regroupe 15 000 membres répartis sur l'ensemble de son territoire qui couvre 52 villes et municipalités pour une population de 142 000 habitants.

Conscients de l'importance de la future législation en matière de référendum, il nous apparaît que le livre blanc, d'une façon générale, rencontre les objectifs de notre société. Cependant, nous voulons vous livrer quelques observations et recommandations à la suite de l'étude du livre blanc.

Premièrement, des référendums de consultation. Sur ce point, notre société est d'accord avec le contenu du livre blanc, compte tenu du fait que si le référendum avait un caractère législatif, il irait à l'encontre des pouvoirs et fonctions de notre forme actuelle de gouvernement, et qu'il faudrait amender la constitution québécoise, ce qui nous apparaît comme un processus fastidieux, et quand on dit "contraire au régime parlementaire", c'est surtout en termes de caractère législatif. Nous sommes d'accord pour dire que tant et aussi longtemps que le Québec n'aura pas atteint sa pleine souveraineté, il vaut mieux se conformer au processus prévu par le livre blanc sur cette question.

Deuxièmement, le droit d'initiative. A notre avis, deux observations s'imposent à ce chapitre. Tout d'abord, le livre blanc nous dit que le droit d'initiative appartiendra à l'Exécutif et au Parlement, ce avec quoi nous sommes d'accord tout en vous soulignant qu'il faudrait, dès maintenant, étudier les possibilités d'élargir ce droit d'initiative aux groupes et aux citoyens, dans l'avenir. Par ailleurs, quand vous limitez ce droit à l'Exécutif et au Parlement, vous dites et, là, on cite le livre blanc: "Le gouvernement propose que ce soit l'Assemblée nationale qui, à la suite d'une proposition du gouvernement, décide de la formulation finale de la question sur laquelle la population aura à se prononcer". Pour cette raison, nous vous demandons: Que vaudra une question formulée par un gouvernement minoritaire si l'Assemblée nationale, par son opposition majoritaire, peut ou décide d'en changer le sens, le contenu ou la forme? Ne craignez-vous pas que le gouvernement, à ce moment-là, soit à la merci de ceux qui sont en opposition avec lui, à commencer par l'opposition parlementaire elle-même qui serait libre de reformuler la question à son avantage et, par le fait même, contre le gouvernement? Comme exemple, nous vous disons qu'à la dernière élection un gouvernement comme celui du Parti québécois disait, dans ses promesses électorales, qu'il ferait un référendum dans l'optique que le gouvernement du Parti québécois serait élu d'une façon minoritaire, qu'il aurait eu le pouvoir et que la question à formuler aurait été laissée à l'Assemblée nationale. Peut-être que le sens de la question que le gouvernement aurait voulu poser aurait pu avoir un tout autre sens, en fin de compte, que celui qu'il aurait voulu.

La formulation de la question. Quant à la forme de question, nous nous permettons de vous dire que nous souhaitons que la ou les questions posées soient claires et précises afin qu'il n'y ait pas d'ambiguïté possible sur l'interprétation de la volonté des répondants.

A notre avis, la crédibilité du gouvernement serait mise en cause si la formulation des questions n'était pas claire et précise.

Les préalables au scrutin. A ce sujet, notre société se dit d'accord avec le contenu du livre blanc. Cependant, il nous semble que la Loi électorale devrait permettre aux jeunes de seize et dix-sept ans de voter, car beaucoup de lois au Québec et au Canada les considèrent comme des citoyens adultes à l'âge seize ans. Mais qu'on soit bien compris sur cette question: si le législateur maintient l'âge du droit de vote aux élections à 18

ans, nous ne voulons pas qu'il en soit autrement pour le référendum, car nous souhaitons de plus en plus qu'il y ait concordance dans les lois qui font appel au vote du citoyen.

La campagne référendaire. Tout en étant d'accord avec le contenu du livre blanc, sur cette question, notre société voudrait que le gouvernement s'assure, par sa loi ou sa réglementation, que les débats sur la consultation populaire se feront et se discuteront entre Québécois. Le livre blanc ne nous donne pas toutes les garanties nécessaires sur ce point. Ce n'est pas brimer le droit d'expression des citoyens de vouloir, par nos lois et nos règlements, protéger les Québécois contre toute intrusion de l'extérieur qui, dans certains cas, viendrait contrer les objectifs des Québécois et, dans ce cas précis, celui du devenir politique du Québec qui, en somme, ne regarde que les Québécois.

Quant au scrutin, la société pense que le décompte des votes doit être fait sur la base des comtés, tout comme aux élections, si l'on veut respecter les liens de concordance entre les lois. Etant donné la valeur consultative du référendum, il est d'une grande importance de décompter les résultats par comté afin d'avoir en main les données les plus précises possible pour en faire une analyse en profondeur et y attacher une plus grande valeur. Par exemple, lors d'une consultation sur le zonage des terres agricoles, il serait important, comme valeur indicatrice, de connaître le résultat dans les zones agricoles comparativement aux zones urbaines.

Enfin, nous faisons référence à M. Jacques Brossard, professeur titulaire à la faculté de droit de l'Université de Montréal. Après avoir consulté au préalable le livre de M. Jacques Brossard, autorité québécoise en droit constitutionnel et intitulé L'accession à la souveraineté et le cas du Québec, nous sommes d'avis que le gouvernement actuel respectera toutes les normes pour que les futurs référendums, qui seront régis par cette loi, soient parfaitement satisfaisants. M. Brossard spécifie, d'ailleurs, à la page 345 de son volume: En effet, pour qu'il le fût, il faudrait respecter au minimum les normes suivantes: 1.- Les conditions de ce référendum devraient être déterminées par les parlementaires aussi bien que par l'exécutif ce qui n'eut pas été le cas des référendums prévus par le projet québécois de 1968 (page 291); 2.- L'alternative posée devrait être à la fois claire, complète et impartiale et objective; 3.- La campagne préparatoire devrait échapper à l'emprise des partis politiques comme tels, puisqu'il ne s'agirait pas d'appuyer un parti, mais d'approuver ou de rejeter une décision politique ou un projet de constitution. 4.- Elle devrait être absolument honnête et permettre à l'électeur de s'informer de façon objective et suffisante, notamment au niveau des media d'information. 5.- La campagne et le vote ne devraient porter réellement que sur la question posée. On sait que ce ne fut pas le cas, par exemple, du référendum français de 1968 sur la participation et sur la régionalisation, ni celui de 1972 sur l'Europe, qui donnèrent plutôt lieu à des manifestations d'opposition ou d'appuis partisans. 6.- Le droit devrait être reconnu à tous ceux qui sont directement intéressés par la question. "A condition de respecter ces normes, un référendum est sans doute la façon la moins insatisfaisante de vérifier l'état quantitatif de la volonté populaire à un moment donné, pour autant que cette volonté sache s'exprimer réellement. Cela dit, il faut reconnaître qu'aucune des autres voies n'est parfaitement satisfaisante non plus, notamment pour ce qui est de l'information objective et suffisante de l'électeur, ou pour ce qui est de la primauté de l'intérêt public sur les intérêts particuliers".

Conclusion. En somme, comme vous le voyez, nous sommes d'accord en général sur le livre blanc de la consultation populaire au Québec et nous croyons que le gouvernement actuel a été respectueux de son mandat en insistant pour que la future loi sur les référendums se situe dans le cadre juridique et politique du Québec d'aujourd'hui, soit celui réglementé par le droit et la tradition britanniques de nos institutions parlementaires, et aussi en respectant les élus du peuple qui auront en main le droit d'initiative en ce domaine.

Messieurs de la commission parlementaire, nous vous remercions de nous avoir entendus et nous espérons que vous prendrez en sérieuse considération nos remarques et recommandations. Nous sommes à votre disposition pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Paquette): Merci aux représentants de la Société nationale des Québécois de Lanaudière. M. le ministre d'Etat à la réforme parlementaire et électorale.

M. Burns: M. Charette, je vous remercie pour la présentation de votre mémoire qui est très clair. Je me limiterai probablement à une ou deux questions, parce que si je revenais sur un certain nombre de choses, je reviendrais peut-être sur d'autres questions que j'ai posées à d'autres groupes qui sont venus aujourd'hui. Je prends bonne note du fait qu'en général vous êtes d'accord sur le livre blanc, donc, en principe, vous êtes favorable à une loi-cadre plutôt qu'une loi spécifique.

M. Charette: Oui.

M. Burns: Relativement à quelque référendum que ce soit. Là-dessus, vous êtes en bonne compagnie avec le Barreau, avec le Mouvement national des Québécois, avec la Société Saint-Jean-Baptiste, avec les diverses sociétés nationales. Il y a même des groupes fédéralistes qui, la semaine dernière, nous ont dit exactement la même chose. Je pense que, là-dessus, le consensus semble se dégager de plus en plus, relativement à une loi-cadre. J'ai même entendu, à mon grand étonnement, le député de Laval nous dire,

tout à l'heure, qu'il est en train de se ranger vers cette position.

M. Lavoie: Ne me prêtez rien, surtout pas des paroles.

M. Burns: Non, mais écoutez, parce que je vous considère intelligent, je vous vois évoluer, c'est normal. C'est tout à fait normal que vous veniez à cette position.

M. Lavoie: Je préférerais que le gouvernement, dans son ensemble, évolue.

M. Burns: Le gouvernement évolue. D'ailleurs, je n'ai jamais fermé la porte, relativement au livre blanc, sur quoi que ce soit.

M. Lavoie: A propos, vous me permettriez une question?

M. Burns: Bien oui.

M. Lavoie: Cela fait plusieurs fois que vous nous dites, depuis quinze jours trois semaines, que vous souhaiteriez, d'ailleurs comme le groupe qui est devant nous actuellement, que personnellement vous favorisez de tout coeur une question claire, précise, sans équivoque, mais vous avez insisté sur le côté personnel. Vous avez l'occasion, j'imagine, de rencontrer fréquemment vos collègues du cabinet.

M. Burns: Cela m'arrive au moins une fois par semaine.

M. Lavoie: Est-ce que vous pourriez nous dire maintenant si vous avez une réponse du cabinet, depuis deux ou trois semaines que vous exprimez votre désir? Votre voeu personnel est-il endossé par les membres du cabinet sur une question claire, précise, honnête, sans équivoque?

M. Burns: Je vais être très clair et très précis à l'endroit du député de Laval. Je ne crois pas qu'il soit normal de ma part, surtout pas décent à l'endroit des gens que nous invitons à venir nous donner leur point de vue, je ne crois pas que je sois capable actuellement de soumettre un nouveau mémoire au Conseil des ministres pour leur donner mon point de vue là-dessus. Je vais attendre la fin des travaux de la commission pour retourner devant le Conseil des ministres relativement à l'orientation que devra avoir ou se donner la loi éventuelle qui devrait être déposée vers la mi-décembre.

M. Grenier: Vous informez vos collègues que la question claire n'a pas été retenue.

M. Burns: La question claire, je peux le dire bien ouvertement, je suis convaincu que mes collègues du Conseil des ministres sont tout à fait d'accord avec moi sur le fait que la question doit être bien claire, la ou les questions, comme dit le député.

M. Lavoie: Cela devient moins clair, quand ce sont les questions.

M. Burns: Non, mais écoutez. Une Voix: On parle d'une loi-cadre.

M. Burns: C'est une loi-cadre. Il peut y avoir une occasion...

M. Lavoie: Cela se brouille.

M. Burns: Non, il peut y avoir une occasion où on devrait avoir plus d'une question, d'autres occasions où il devrait y avoir une question.

M. Charette: M. le Président, lorsqu'on a mentionné la ou les questions, on s'est situé dans une loi-cadre.

M. Burns: Oui, j'ai compris exactement que c'était dans ce cadre que vous vous placiez.

Donc, je pense bien que je n'insisterai pas sur ce phénomène.

Sur l'aspect que vous soulevez dans votre mémoire quant à élargir la possibilité de recours à la consultation populaire via l'initiative populaire, je pense que cet après-midi j'ai fait mes commentaires. Si je me rappelle bien, vous étiez présent.

M. Charette: On vous a entendu.

M. Burns: Alors, je n'ai pas à répéter, là-dessus, notre point de vue. Je vous dis que je partage vos vues là-dessus.

M. Charette: Mais on espère que cela se fera à brève échéance, parce que...

M. Burns: Le plus rapidement possible, c'est également mon souhait.

M. Charette: ... quand on parle, dans l'exemple, de chez nous, où on vit dans une région à majorité rurale, on imagine qu'un groupe comme l'UPA, par exemple, s'il est un groupe représentatif — du moins, j'imagine qu'il l'est — aurait demandé au gouvernement des questions précises à poser à la population sur des problèmes agricoles. C'est un groupe qui pourrait être considéré comme représentatif en termes de consultation populaire.

M. Burns: J'irais plus loin, M. Charette, je dirais même amorcer de la législation; si on peut en arriver à ce point, cela me paraîtrait un exemple de démocratie en Amérique du Nord.

M. Charette: D'accord.

M. Burns: Je vous dis tout de suite, tenant compte de mes commentaires de cet après-midi et peut-être des jours qui ont précédé, que je partage vos vues là-dessus.

M. Charette: Nous voulons vous dire, M. le ministre, que dans l'exercice du pouvoir, d'une nouvelle forme de pouvoir, parce que c'est quand même nouveau, les référendums au Québec, nous sommes d'accord que dans le livre blanc il y ait un exercice préliminaire de ce nouveau phénomène de consultation populaire. Nous sommes d'accord pour dire qu'au départ on fait confiance à l'initiative de l'exécutif et du pouvoir législatif pour le déterminer; par la suite, à l'exercice de ce pouvoir, je pense que les élus du peuple l'élargiront. On fait confiance à tous les élus, de quelque parti qu'ils soient. On espère qu'ils vont aller plus loin que cela parce que l'exercice du pouvoir se manifeste quand même dans les municipalités, on l'a souligné cet après-midi; on est habitué, dans les municipalités, à aller voter sur des référendums pour des règlements d'emprunt ou des choses comme ça. Les citoyens ne sont quand même pas complètement en dehors de cette question, mais je trouve qu'il est sage de la part du gouvernement actuel qu'on commence par le faire par les élus du peuple, quitte à l'étendre éventuellement. Je pense que c'est ça, l'exercice du pouvoir.

M. Burns: D'accord, je vous remercie beaucoup de cette confiance que vous nous manifestez, M. Charette. Quant au fait que les questions soient claires et précises, je pense bien que, de façon incidente et accessoire, je l'ai dit au début de mon intervention et j'ai eu l'occasion de le dire à de nombreuses reprises depuis le début de nos travaux, il n'y a aucune espèce de doute que le gouvernement tient à une ou des questions claires et précises. La question relativement au référendum sur l'avenir constitutionnel du Québec n'est évidemment pas déterminée. Je ne suis pas en mesure de vous dire, aujourd'hui, s'il y aura une question à laquelle on répondra par un oui ou par non ou plusieurs questions, mais je prends bonne note de cette recommandation et je tiens à vous dire également qu'on partage entièrement votre avis là-dessus au niveau gouvernemental.

M. Charette: Je voudrais bien que vous soyez conscient de cet aspect en termes de clarification au niveau des questions quel que soit le référendum que vous commanderiez parce que dans nos régions...

M. Burns: Oui, c'est cela.

M. Charette: ... des groupes de pression comme le nôtre et d'autres vont faire valoir auprès de la population le besoin d'avoir des choses précises et claires lorsqu'on lui demandera de répondre à quelque chose dans un référendum.

M. Burns: D'accord.

M. Charette: Je puis vous assurer que, si vous ne suivez pas cette ligne de pensée, on sera directement en opposition avec vous autres.

M. Burns: D'accord, c'est parfaitement votre droit, M. Charette, de le faire. J'apprécierais que si vous n'étiez pas d'accord avec nous, à ce moment-là, vous fassiez valoir vos droits démocratiques en étant en opposition par rapport au gouvernement, même s'il y a un certain nombre de choses qui nous rapprochent.

M. Charette: D'accord.

M. Burns: J'ai également fait mes commentaires relativement au décompte au niveau de la circonscription, de sorte que je n'y reviendrai pas encore une fois. C'est un des éléments que nous retenons et c'est probablement un des éléments que nous allons examiner le plus sérieusement possible parce que c'est un des points que nous avons laissés ouverts dans le livre blanc en se posant la question et en la posant en même temps aux gens qui venaient intervenir devant nous. Là-dessus, vous nous avez donné l'opinion très claire que vous préférez le décompte au niveau de la circonscription. Ce sera examiné de très près et cela va transparaître, je pense bien, dans la loi qui va être déposée, soit dans un sens ou soit dans l'autre.

M. Charette: D'accord.

M. Burns: Je ne vous dis pas d'avance que ce sera un décompte par circonscription, mais il semble que de plus en plus les gens sont favorables au décompte par circonscription.

M. Charette: Ce que je veux dire là-dessus, M. le ministre, M. le Président, c'est que je pense que l'argumentation qu'on peut apporter sur le décompte au niveau des comtés, c'est que c'est d'abord une tradition, une habitude des gens de recevoir les décomptes par comté, en tout cas au niveau des élections, surtout que la loi du référendum, en fin de compte, le livre blanc, se rapproche beaucoup en termes de mécanisme d'application de la Loi électorale.

En tout cas, sur des sujets primordiaux pour la nation québécoise, il nous apparaît très important que ce décompte se fasse par comté. Je ne veux pas mettre en relation l'ethnie anglaise et l'ethnie française, mais je pense qu'il appartiendra quand même au peuple à un moment donné de juger sur des questions fondamentales en termes de constitutionnalité pour le Québec, si on va dans des référendums dans ce sens, de voir jusqu'à quel point les francophones sont d'accord avec un gouvernement qui veut faire tel cheminement par rapport à d'autres qui ne veulent pas y aller. Et cela je pense que c'est important.

M. Burns: D'accord, M. Charette. Tout cela pour vous dire que les quatre points que je viens de vous mentionner sont des points sur lesquels nous nous penchons de façon régulière. Je ne veux pas que vous croyiez qu'à l'intérieur de votre mémoire on a mis de côté ce point de vue-là si je ne vous pose pas de questions là-dessus. Je vais m'arrêter simplement à deux aspects de votre mémoire. Le premier est presque résolu par votre mémoire dans ce sens que vous nous dites que

peut-être que les gens qui ont entre 16 et 18 ans, d'une part, devraient voter; d'autre part vous nous dites que si les règles générales qui s'appliquent aux élections ne sont pas changées, vous n'auriez pas de sérieux problèmes à garder la même règle pour une consultation référendaire tant et aussi longtemps que ce ne sera pas changé.

Dans le cas du référendum sur l'avenir politique du Québec, je pense bien que ce serait très mal vu — je pense que vous allez partager mon opinion là-dessus — que pour un référendum en particulier nous changions les règles qui s'appliquent actuellement à l'ensemble des consultations électorales pour les appliquer à une consultation référendaire. Est-ce que vous partagez mon avis là-dessus?

M. Charette: M. le Président, M. le ministre, là-dessus tout simplement lorsqu'on a dit à 10 h 10 qu'on voulait discuter avec vous, on n'avait pas l'impression d'avoir la pleine vérité quand on arrivait. On nous avait dit que la commission parlementaire, c'est un échange de points de vue entre les intervenants et les membres de la commission. Là-dessus tout ce que je voudrais dire, pour le vote à 16 et 17 ans, c'est qu'il y a des arguments quand même favorables; il y a des gens, quand même, qui ont soulevé cette question. Je pense que ce ne sont pas les sociétés nationales, mais je parle d'un bonhomme, je pense, qui a été respecté par tous les parlementaires, qui s'appelle Jean-Charles Bonenfant, qui disait au congrès du Barreau du Québec, au printemps dernier, que pour le référendum — il le prenait dans une optique bien particulière, celle du devenir politique du Québec — il faudrait la consultation la plus grande possible. Il ajoutait même qu'il n'y avait pas d'inconvénient à ce que les gens de 17 ans votent. Il a dit cela à Québec, lors d'un congrès du Barreau. On pourrait le relever, et je pense que quand on parle de Jean-Charles Bonenfant, on ne parle pas de l'esprit le plus libéral qui puisse avoir existé. Je pense que c'est un homme qui connaissait les institutions parlementaires et qu'il a aidé tout le monde ici au Parlement et les groupes comme le nôtre à nous faire faire des réflexions sur le devenir politique du Québec. Il avait des positions très réfléchies. Alors, lui l'a dit. Il a parlé de 17 ans.

L'UNESCO dit, pas nécessairement en fonction du Québec, mais l'UNESCO dit souvent dans ses mémoires, dans ses expressions publiques, en tout cas au niveau des pays du Tiers-Monde: On est prêt à donner le vote à 16, 17 ans dans ces pays-là, pour qu'il y ait une plus grande légitimité au niveau de l'expression populaire qui s'exprime. Nous c'est dans ce sens, mais remarquez, on revient toujours au même point. Si vous voulez le faire uniquement pour une question de référendum on n'est pas d'accord, mais si vous l'élargissez au niveau du vote, si vous faites appel aux citoyens sur toute question, qu'elle soit électorale ou en termes de référendum, on dit: Vraiment, faites-le, parce que nous sommes d'accord, pour apporter une concordance entre la Loi électorale et l'approche que vous faites avec le livre blanc.

Nous sommes d'accord avec cela. Pour nous, c'est fondamental. Je pense que cela reste dans les mentalités, dans les traditions, dans l'approche que les gens se font quand ils vont voter. Ils savent en fonction de quoi ils votent, ils savent ce qui les régit par rapport au vote.

Nous disons: Ne faites pas une exception pour le référendum, en disant aux gens de 16 et 17 ans: Vous allez avoir le droit de vote pour un référendum et, au niveau de l'élection, vous n'aurez pas le droit de vote. Nous ne sommes pas d'accord sur cela. Si le législateur dit qu'il vaut la peine de le faire, à 16 et 17 ans, pour le vote en général, lors des élections, on vous dit: Transposez-le aussi pour le référendum.

M. Burns: Je pense, M. Charette, que nous sommes sur la même longueur d'onde là-dessus. Je vous remercie de cette précision que vous nous apportez.

M. Charette: D'accord.

M. Burns: La dernière question que j'aurais à vous poser est celle-ci: Dans votre mémoire, vous nous laissez entendre que le gouvernement devrait s'assurer que les débats se feront entre Québécois. Entre autres, je cite un extrait de votre mémoire, qu'on trouve à la page 4; vous nous dites, au chapitre 5, La campagne référendaire: "Tout en étant d'accord avec le contenu du livre blanc sur cette question, notre société voudrait que le gouvernement s'assure, par sa loi ou sa réglementation, que les débats sur la consultation populaire se feront et se discuteront entre Québécois."

J'aimerais simplement avoir vos commentaires sur cela, peut-être de façon un peu plus élargie. Je vous donne le cas qui m'est souvent soulevé lorsque je participe à une ligne ouverte à ce sujet ou encore lorsque je suis dans une assemblée où la question est soulevée. Par exemple, dans le cas d'un référendum plus particulier sur l'avenir politique du Québec — je m'excuse, M. le Président, je le donne à titre d'exemple — selon ce que vous dites, M.Trudeau devrait-il être contrôlé? D'autre part, M. Allan Blakeney, qui est premier ministre du Manitoba...

Une Voix: De la Saskatchewan.

M. Burns: De la Saskatchewan, pardon. C'est parce que cela a changé depuis quelque temps. Ou M. Lyon, qui est premier ministre du Manitoba, vient tout à fait par hasard au Québec et décide de faire une conférence de presse, à un moment donné. Est-ce que cela couvre cela, selon vous?

M. Charette: M. le Président, M. le ministre, MM. les membres, bien sûr, c'est une question qui n'est pas facile à régler. Nous sommes bien conscients de cela et nous n'avons pas proposé de solution en pensant que les gens de la commission pourraient faire une réflexion plus poussée que la nôtre sur cela. Ce que je veux dire,

c'est que je trouverais malheureux, peu importe le type de référendum... Encore une fois, on se situe dans la loi-cadre. On veut bien déterminer cela, même si, dans l'esprit des gens, on peut penser à la question de la souveraineté ; c'est bien sûr que cela en fera partie aussi dans un référendum. Je veux dire qu'on aimerait le plus possible que le gouvernement, dans la mesure de ses pouvoirs législatifs de réglementer les choses, fasse que les débats qui concernent les Québécois, qu'ils portent sur la question agricole, sur la question constitutionnelle ou sur une question linguistique, demeurent entre nous en termes de discussion.

Bien sûr, nous avons des exemples. Ce matin, je lisais le Devoir. Il y a un professeur émérite qui apportait des exemples sur cela. La Cour suprême est à la veille de se prononcer sur une question concernant la loi des consommateurs au Québec. Je trouverais malheureux, sur une question fondamentale pour les Québécois, qu'il se trouve des gens de l'extérieur du Québec qui nous inondent, à un moment donné, de journaux, de messages à la télévision ou à la radio. Bien sûr, on sait qu'en tant que Québécois on ne contrôle pas ce milieu, en fin de compte. Le gouvernement au pouvoir a dit qu'éventuellement il présenterait une loi-cadre sur la question de la presse, la possession, etc., mais ce n'est pas encore fait.

Ce qui m'inquiète le plus, c'est que je ne voudrais pas qu'à la veille d'un référendum au Québec — encore une fois, peu importe sur quel sujet ce sera; ce sera un sujet qui concerne uniquement les Québécois — on voie arriver une tonne de journaux qui entreraient la veille des élections et qui déferaient l'opinion publique par une propagande éhontée de toutes sortes de façons.

Je trouverais cela un peu dégueulasse de ne pas permettre aux Québécois de s'autodéterminer par eux-mêmes et de prendre conscience par eux-mêmes de leurs propres problèmes. Encore une fois, je le situe dans tous les types de consultation que vous pourriez faire demain matin.

M. Burns: Vous reconnaissez, M. Charette, que dans le cadre constitutionnel actuel...

M. Charette: C'est difficile.

M. Burns: ... il y a un certain nombre de difficultés auxquelles nous devrons faire face.

M. Charette: J'espère ne pas blesser les journalistes lorsque je le dis, mais il faudrait peut-être qu'ils adoptent un code d'éthique beaucoup plus poussé que celui qu'ils ont actuellement pour permettre de contrer cette publicité ou cette information qui pourrait nous arriver du jour au lendemain. En tout cas, ce n'est pas facile. Je suis d'accord avec vous. On le soulève parce qu'on voudrait tellement que cela se passe entre Québécois sur des questions québécoises.

M. Burns: Vous avez bien raison. Je vous remercie, M. Charette. Merci beaucoup pour votre mémoire. Merci également pour votre présentation et l'aspect positif que vous avez donné dans votre mémoire.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci, M. le ministre. M. le député de Laval.

M. Lavoie: Je n'ai pas voulu intervenir tout à l'heure lorsque le leader parlementaire du gouvernement me prêtait certaines paroles. Je ne susciterai pas de débat. Du moins je voudrais établir clairement ma position personnelle en ce qui concerne la loi-cadre. Sur le principe même de la consultation populaire, nous n'avons pas d'objection qu'à certaines occasions bien définies, on puisse se servir de ce moyen qui s'apparente à la démocratie directe sur des grandes questions. Je me pose la question justement, avec l'expérience moyenne que j'ai ici au Parlement depuis près de 20 ans, à savoir combien de problèmes auraient pu être soumis à la population québécoise durant les 20 dernières années. Peut-être la nationalisation de l'électricité, en 1962. Je me pose des questions sur l'entreprise de la baie James.

M. Burns: Les jeux olympiques.

M. Lavoie: La loi 101, les jeux olympiques. Je voudrais que mes collègues de la commission...

M. Burns: L'opération 55, la centralisation de l'éducation.

M. Lavoie: ... se posent des questions avec moi. D'ailleurs, c'est mentionné dans le mémoire et c'est tout à fait dans le sujet du mémoire qui est soumis devant nous. C'est dans les propos et les exemples donnés par M. Jacques Brassard, professeur de la faculté de droit de l'Université de Montréal qui se réfère, entre autres, aux expériences référendaires françaises où on sait qu'il est tellement facile de faire dévier, sans fausser, mais de faire bifurquer le résultat référendaire.

En France, on sait que le référendum ne se faisait pas sur la cinquième constitution. Il se faisait sur la régionalisation ou sur des amendements à la constitution, mais il se faisait sur la tête du chef de l'Etat. Il y a toujours un danger. Je me pose des questions, comme parlementaire et comme législateur, entre autres, sur l'à-propos, à l'occasion, et même sur des questions aussi importantes que la peine de mort.

Il y a le danger de l'hypothèse d'avoir un chef d'Etat qui serait de tendance centre-droite un peu et que lui-même serait pour la peine de mort. Il pourrait profiter d'une occasion où l'économie d'un pays, d'un Etat serait favorable, que toute la situation économique serait positive, le chômage à un taux minime, un budget des plus favorables. Il en profiterait pour faire un référendum et faire bifurquer l'opinion des gens vers le maintien de la peine de mort. D'ailleurs, on connaît l'habileté de certains politiciens, c'est cela, et je vous pose encore la question sur l'énergie nucléaire. On va prendre 110 députés, ici, avec tout notre boulot, notre travail; dans une question de politique d'énergie nucléaire, combien, des 110 députés qui

seront appelés à voter directement une telle loi, prendront le temps de s'informer à fond sur les décisions qu'ils auront à prendre? Là, on peut même douter du temps et de l'intention et de la volonté des députés de se pencher sur un sujet aussi complexe que l'énergie nucléaire, mais on se retourne et on confie le problème à 4 millions de gens d'une population. Est-ce qu'elle aura les moyens de porter un jugement vraiment approprié sur une question aussi complexe?

Je donnais, à une séance précédente, la question du cas de la baie James, en 1970 ou en 1971, qui s'avère aujourd'hui une décision des plus valables. Il y a toujours le danger qu'à un certain moment un gouvernement n'ait pas la faveur populaire, la cote d'amour ou d'estime. C'est le cas actuellement, peut-être, pour le gouvernement d'en face, au moment où je vous parle. Cela peut arriver à un autre gouvernement qui pourrait soumettre à la population un cas aussi valable que le projet de la baie James. Il y a le danger que cela se politise et que la population, peut-être par un manque d'information ou par émotivité ou rancoeur contre un gouvernement en place, rejette une position qui, malheureusement, serait peut-être de salut public pour un Etat.

C'est le doute que j'entretiens sur une loi-cadre. Je me dis que les occasions sont assez peu fréquentes que nous serions plus disposés, dans chaque cas d'espèce, qu'il y ait une loi spécifique pour un référendum. On le sait que cela ne viendra pas tous les ans, des référendums. Le Parlement adopte 200 lois par année; qu'on en adopte une loi, actuellement, sur un référendum qui a une certaine portée, une certaine acuité, une certaine urgence, qu'on adopte une loi sur cela. Si, dans deux ou trois ans, il se soulève un autre problème, qu'est-ce qui nous empêche, au Parlement, d'adopter une autre loi spécifique sur un autre sujet? Et, encore là, il est important de distinguer un référendum sur une question constitutionnelle. Même dans le droit des compagnies, pour certaines décisions d'une compagnie, il faut un vote majoritaire de 75%, de 66%, ou de 60% pour changer la constitution d'un groupe donné, d'une corporation donnée ou d'un parti politique donné. C'est même inclus dans nos propres structures. Pour un référendum donné, on pourrait être satisfait peut-être d'une participation moindre que dans un autre référendum.

C'est sûr qu'un référendum sur l'avenir constitutionnel du Québec va amener une participation plus importante que si on soumet à la population le zonage des terres agricoles. Dans les milieux urbains, on ne se dérangera même pas pour aller voter. C'est pour cela que je vous dis: Nous n'avons rien contre une loi-cadre si vous en voulez une. Nous n'avons rien contre une consultation, mais on ne trouve pas l'utilité ni l'avantage d'avoir une loi-cadre pour des décisions qu'on peut soumettre à la population d'une manière tout à fait occasionnelle. Est-ce que c'est assez clair?

M. Burns: Est-ce que le député me permet une question?

M. Lavoie: Oui. C'est l'expérience anglaise. On a adopté une loi spéciale.

M. Charette: M. le Président, M. le leader parlementaire de l'Opposition me permettra une remarque là-dessus. Nous sommes d'accord avec une loi-cadre, on ne l'a pas dit dans le mémoire, mais je peux vous dire quand même la position de notre société là-dessus. Ce que je veux dire, c'est qu'il y a quand même des dimensions de questions, à un moment donné, par rapport à un référendum, qu'on posera à des gens. Quand on dit que cela n'engage pas le gouvernement, que c'est un référendum consultatif, on est d'accord là-dessus. Mais, ce que je veux dire, c'est que si demain matin...

M. Lavoie: C'est un sondage.

M. Charette: C'est plus que cela pour nous en tant qu'organisme. Ce que je veux vous dire, en tant que Société nationale des Québécois de La-naudière, c'est que nous pensons que si, demain matin, le gouvernement va dans une consultation populaire sur un référendum qui demanderait si demain le Québec doit devenir un Etat indépendant ou vivre la souveraineté-association, et qu'il se faisait battre là-dessus, je pense que le gouvernement devrait être conscient qu'il doit déclencher des élections à brève échéance par rapport à cela. Se faire battre sur une question de zonage agricole, c'est différent. Mais sur une question aussi fondamentale que de s'appartenir, à un moment donné, je pense que s'il était renversé là-dessus, il devrait normalement, en tout cas, c'est notre opinion en tant que société nationale, à brève échéance aller déclencher une élection parce que cela engage vraiment la nation, la question qu'il a posée.

M. Grenier: C'est bien proche de la vérité, en tout cas.

M. Charette: En tout cas, c'est notre position là-dessus. Je peux vous dire qu'il y a une nuance — c'est pour cela qu'on est d'accord sur une loi-cadre — mais dans la loi-cadre, bien sûr que dans le type de consultation qu'on va faire, il faudra tenir compte de qui on va consulter. C'est important pour nous.

Une Voix: C'est juste, c'est une bonne question.

M. Lavoie: Je suis, d'ailleurs, d'accord avec un autre point traité dans votre mémoire. Je crois que vous avez mentionné, à un certain endroit, qu'un gouvernement, quel qu'il soit, ne doit pas prendre ce moyen référendaire pour se faire cautionner.

M. Charette: On est d'accord là-dessus.

M. Lavoie: C'est pour cela qu'à la page 3, lorsque vous posez une question dans un cas, dans l'hypothèse d'un gouvernement minoritaire,

je crois justement que dans un temps de gouvernement avec une très faible majorité, ou même minoritaire, cela deviendrait une assurance et une garantie d'objectivité sur la question, parce qu'il serait tenu de consulter les partis de l'Opposition.

M. Charette: Sur cela, je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous.

M. Lavoie: Ce serait beaucoup plus objectif et il y aurait moins de chance d'avoir de la partisane-rie ou de la manipulation politique que lorsque c'est uniquement le gouvernement ou une majorité gouvernementale qui a le dernier mot, d'ailleurs, dans le processus référendaire, dans le déroulement, dans le mécanisme, dans la formulation de la question.

M. Charette: M. Lavoie, je ne vous apprendrai pas le droit britannique et le processus parlementaire. Je pense que vous l'avez vécu, vous l'avez établi d'une certaine façon, vous avez apporté des règles nouvelles au niveau de l'Assemblée nationale et tout cela.

M. Lavoie: Merci beaucoup, monsieur.

M. Charette: II faut le reconnaître, je pense. Quand les choses sont là, il faut les voir comme elles sont. D'ailleurs, je pense que le parti au pouvoir...

M. Burns: Avec l'aide d'un certain nombre de personnes.

M. Charette: Oui, d'accord. Ce que je veux dire...

M. Lavoie: Je le reconnais.

M. Charette: ... c'est que, dans cette tradition britannique de nos institutions que nous vivons actuellement, on reconnaît quand même que le gouvernement doit gouverner, doit établir ses règles et c'est lui qui doit en prendre la responsabilité. C'est pour cela qu'on trouverait un peu malheureux qu'un gouvernement soit mis en minorité à un moment donné en posant une question au peuple. Il doit en prendre la responsabilité, c'est ce que je veux dire.

M. Lavoie: Par contre, il ne faudrait pas que vous créiez trop de contradictions avec les références que vous faites dans votre mémoire à M. Jacques Brassard. Il dit au paragraphe 3 de la citation: "La campagne préparatoire devrait échapper à l'emprise des partis politiques comme tels, puisqu'il ne s'agirait pas d'appuyer un parti, mais d'approuver ou de rejeter une décision politique ou un projet de constitution.

M. Charette: Une fois que la question est po- sée.

M. Lavoie: Que voulez-vous dire par la campagne préparatoire?

M. Charette: Une fois que le gouvernement a établi, en fin de compte, quelle est la question qu'on pose au peuple, on dit: D'accord, les partis politiques, retirez-vous; laissez s'exprimer le peuple.

Je pense que le livre blanc nous donne toutes les preuves là-dessus.

M. Lavoie: II y a également le deuxième paragraphe de la citation de M. Brassard: "L'alternative posée devrait être à la fois claire, complète, impartiale et objective."

M. Charette: On est d'accord là-dessus.

M. Lavoie: C'est d'essayer de se détacher de la partisanerie politique le plus possible.

M. Charette: Je pense que le gouvernement n'a pas démontré le contraire, actuellement, dans son livre blanc.

M. Lavoie: Mais cela fait un mois qu'on veut connaître, d'abord, une certaine date. Deuxièmement, je pense que les Québécois seraient en mesure, après sept ans de débat, de connaître quelle question va être posée.

M. Charette: On ne parle pas de date.

M. Lavoie: Est-ce que c'est une boîte de Pandore, cela?

M. Paquette: Le fait que vous ne connaissiez pas la question, cela ne veut pas dire qu'elle ne sera pas claire. C'est dans le programme du parti depuis cinq ans.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît.

M. Charette: Je pense que le fait de ne pas connaître la question n'enlève rien au fait que "l'alternative posée devrait être à la fois claire, complète, impartiale et objective."

M. Lavoie: En tout cas, j'espère que vous les premiers, vous serez satisfaits et que nous, par la suite, on pourra être satisfaits, quand même, que la question respecte l'intelligence des Québécois au point de vue de la clarté, au point de vue de l'objectivité, au point de vue de l'impartialité. C'est un voeu et on le demande au gouvernement, mais, malheureusement, la réponse tarde à venir.

M. Charette: On leur fait confiance.

M. Lavoie: Tant mieux pour vous si vous avez la foi; moi, je ne l'ai pas encore.

J'aurais une dernière question, très brièvement. Une autre référence; vous dites à la page 7 de votre mémoire. "La campagne et le vote ne devraient porter réellement que sur la question posée (on sait que ce ne fut pas le cas, par exemple, du référendum français de 1968 sur la participation et sur la régionalisation, ni de celui de 1972

sur l'Europe qui donnèrent plutôt lieu à des manifestations d'opposition ou d'appui partisan).

C'est un voeu, d'ailleurs, qui est tout à fait méritoire. Mais comment peut-on s'assurer — c'est relié au doute que j'ai sur des référendums trop fréquents où il est facile de bifurquer — que la campagne ne devrait porter réellement que sur la question posée? Avez-vous une formule pour cela?

M. Charette: Je pars, en fin de compte, de la question formulée par l'Assemblée nationale et je dis, à partir de cette question, que la campagne devrait porter sur cette question.

M. Lavoie: II y a énormément de danger, justement. Dans tous les pays du monde, c'est arrivé. Ne vous en faites pas, c'est arrivé en Allemagne, c'est arrivé en Italie, c'est arrivé partout que la campagne, la plupart du temps, dévie en cours de route. Elle quitte le but précis, le focus de la question posée.

M. Charette: II faudrait peut-être que les partis politiques et les hommes politiques pensent qu'un référendum n'est pas une campagne électorale.

M. Lavoie: Mais tant qu'il y a des hommes, il y a de l'hommerie! Vous savez ça?

M. Charette: Oui, je suis d'accord là-dessus, mais il faudrait avoir la maturité, comme Québécois, de dire qu'un référendum c'est autre chose qu'une élection. Une élection, vous allez en convenir avec moi, porte sur plusieurs sujets à la fois, c'est-à-dire qu'on fait le bilan de l'administration d'un gouvernement, on peut se prononcer sur tel type de législation qu'il a adoptée, qu'on soit d'accord ou pas d'accord. Mais dans un référendum, on pose une question précise et je pense que l'intention du gouvernement est d'être clair et précis dans la formulation de la question qu'il va poser au peuple. Moi, en tout cas, je lui fais confiance, jusqu'à preuve du contraire, là-dessus.

M. Lavoie: Une dernière question. Avez-vous abordé la partie du livre blanc qui traite de certaines restrictions pour l'intégration dans des camps distincts, dans des groupes distincts d'organisation des partisans d'une ou de plusieurs options, les genres de contraintes que tous les gens qui ne seraient pas intégrés forcément dans ces groupes ne pourraient pas participer, qu'ils ne pourraient pas s'exprimer, qu'ils ne pourraient pas jouer un rôle quelconque dans une campagne référendaire?

M. Charette: Remarquez qu'on n'a pas eu le temps, à cause des délais qu'on nous a imposés par rapport à la présentation des mémoires, d'étudier tous les aspects du livre blanc. On a essayé de toucher les aspects qu'on croyait primordiaux; là-dessus, dans la formulation que le livre blanc nous propose, tout le monde peut y trouver son compte et s'intégrer vraiment dans les formes de groupe qu'on nous propose. Je pense qu'il n'y a pas d'inconvénient là-dessus pour nous.

M. Lavoie: Si vous êtes satisfait, je vais arrêter mes questions, je ne changerai pas votre taux de satisfaction.

M. Charette: Merci.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: M. le Président, M. Charette, bien brièvement, puisqu'on est quand même limité un peu par le temps. Vous constatez, pour avoir passé la journée avec nous, que votre mémoire nous rappelle plusieurs autres questions qu'on a posées aujourd'hui sur lesquelles on a demandé les lumières de ceux qui étaient de l'autre côté, et on répéterait peut-être certaines choses. Cela n'enlève pas la valeur au vôtre, c'est simplement parce qu'il a été codifié après celui des autres. S'il était arrivé ce matin, c'est peut-être le vôtre qui aurait pris une heure et trente ou deux heures de la journée.

J'aurais voulu m'informer un peu plus sur le droit d'initiative à la page 3, mais je dois passer. Vous parlez du vote possible à 16 et 17 ans. Vous êtes au courant sans doute qu'un pays, en fin de semaine, après avoir donné le vote à 18 ans se prépare par une loi à le redonner à 19 ans. Vous avez dû lire cela en fin de semaine, cela fait partie de votre mémoire.

M. Charette: Je veux dire que je n'essaie pas de faire de comparaison avec d'autres pays, je me prends pour ce qu'on est ici au Québec.

M. Grenier: J'aimerais avoir l'article ici, c'est un pays démocratique, un pays évolué, un pays qui avait l'air de constater qu'il avait fait une erreur en donnant le vote à 18 ans et la majorité. Il se prépare par une loi à les redonner à 19 ans. Mais cela...

M. Charette: M. Grenier, là-dessus, nous on le soulève, on pense que cela pourrait être étendu à 16 et 17 ans, mais pour nous c'est en termes aussi d'interrogation, c'est une...

M. Grenier: Ce qui m'intéresse là-dedans...

M. Charette: ... réflexion qu'on pose avec vous autres là-dessus.

M. Grenier: ... M. Charette c'est que les sociétés nationales ont à peu près toutes abordé ce problème, en proposant, non pas pour un référendum, mais pour une élection, le vote à 16 et 17 ans.

M. Charette: C'est ce qu'on dit.

M. Grenier: J'aimerais savoir une chose bien précise, si, dans votre organisme, il y a un comité

qui s'est penché de façon particulière ou si cela s'est fait au niveau provincial. Vous arrivez avec une référence qui est à peu près la même dans chacun des mémoires qu'on a étudiés depuis ce matin, pour établir le vote à 16 et 17 ans. Comme moi, vous avez vécu, dans une autre décennie, l'âge de 16 et 17 ans. Vous êtes comme moi sans doute et vous vivez actuellement près de jeunes qui ont 16 et 17 ans. Je ne sais pas si comme moi vous avez vécu dans des institutions où il y a des jeunes de 16 et 17 ans, mais j'aimerais savoir, dans votre organisme, qui a pesé dans la balance pour demander qu'il y ait un vote à 16 et 17 ans. Cela m'intéresse.

M. Charette: Remarquez que notre société, comme celles qui sont passées ce matin, appartient à un mouvement qui s'appelle le Mouvement national des Québécois, qui est une espèce de fédération qui regroupe les seize et dix-sept sociétés régionales. Lors de notre congrès à Chicoutimi, au mois de juin dernier, il y a eu un vote majoritaire proposant que dans les futures lois, en fin de compte, en regard des référendums ou des consultations populaires, on étende le droit de vote à 16 ou 17 ans et aussi au niveau de la loi électorale, pour le vote au niveau électoral. Nous, là-dessus, comme je l'ai dit tout à l'heure, bien sûr qu'on se sent solidaires de cette position-là, mais on apporte aussi une discussion avec vous autres pour pouvoir... On n'arrive pas ex cathedra en disant qu'il faut absolument que ce soit 16 et 17 ans, mais on pose des interrogations pour que la commission réfléchisse sur cette question à partir de certaines argumentations. Vous en soulevez contre, vous; moi je dis que M. Bonenfant en a soulevé pour, je vais le prendre à témoin.

M. Grenier: Je m'interroge, je ne suis pas sûr que je serais contre.

M. Charette: L'UNESCO en a parlé elle aussi. Nous on dit, en termes de légitimité, que peut-être, avec les années qui s'en viennent, la jeunesse va prendre une plus grande maturité au Québec, sur les problèmes politiques qui la concernent. Alors on se pose nous aussi une interrogation là-dessus, on veut en discuter, on vous l'apporte en termes de réflexion, pas en termes de vous dire: II faut absolument que ce soit à 16 ou 17 ans.

M. Grenier: Vous êtes au courant sans doute, pour l'avoir en tout cas entendu dans un congrès à caractère provincial, du fait que si on s'interroge sur le vote a 16 et 17 ans, c'est uniquement fondé sur le taux de scolarité qui est plus élevé qu'il ne l'était au Québec. Il faut en même temps analyser, je pense, si on a été dans des milieux d'éducation, la situation des jeunes qui ne sont plus sur le marché du travail à 16 et 17 ans. On sait que le marché du travail donne un taux de maturité assez important et que plusieurs n'évaluent pas égal au taux de scolarité qu'ils peuvent avoir. L'un ne compense pas pour l'autre; c'est là deux écoles de pensée qui sont fort différentes l'une de l'autre. J'aurais voulu savoir si c'était basé sur un rapport de comité.

M. Charette: Ce qu'on veut dire nous aussi, c'est qu'on va peut-être le ramener à un référendum en particulier, celui que tout le monde pense, sur la question constitutionnelle du Québec. Je pense que c'est important pour les jeunes de 16 et 17 ans, parce que dans ce type de référendum leur avenir est engagé pour un nombre d'années à venir, ce sont les citoyens de demain. Je pense qu'ils sont de plus en plus conscients de ce qui se vit au Québec et du degré de politisation qu'on tente de donner...

M. Grenier: C'est sur cela que j'attire votre attention. Il faut qu'ils soient conscients non pas uniquement en termes de taux de scolarité, mais aussi conscients dans le secteur économique de ce qui se passe au Québec. Quand je vous apporte cette argumentation, je veux savoir de quel comité vous avez tiré cette résolution pour savoir si ce comité s'était penché sur le fait que les jeunes de 16 et 17 ans ne sont plus sur le marché du travail depuis une bonne dizaine d'années. C'était source de maturité pour les jeunes, c'est cela qui est le problème des deux écoles de pensée dans ce secteur.

M. Charette: En tant que société nationale, chez nous dans notre région, je vais être bien honnête avec vous, on n'a pas fait de recherches particulières, on est parti d'une résolution du Mouvement national des Québécois et on a essayé d'apporter une certaine argumentation qu'on a soulevée avec M. Bonenfant, avec l'UNESCO.

M. Grenier: Je vais faire rapidement. Je ne veux pas étirer le débat. Rendu à ces heures de la journée, vous comprenez que tout le monde a une grosse journée de faite et principalement le mardi parce que la plupart des députés sont partis de leur domicile ce matin. Il y en a qui ont plus de 18 heures de faites aujourd'hui. Je suis de ceux-là.

Vous dites, à la page cinq, que cela ne doit regarder que les Québécois. J'ai été un de ceux qui ont fait cette déclaration lorsque le gouvernement central est venu nous annoncer qu'on se mêlerait de lancer un référendum sur la place publique. Il y a certains secteurs où on peut trancher nous-mêmes de toute évidence, mais dans un référendum particulier, si la question devait porter, par exemple — et je ne veux pas entrer sur le fond — sur la souveraineté-association, je ne suis pas sûr qu'on serait seul à pouvoir parler de cela. Il y a une partie qu'on peut traiter tout seul. La deuxième, je n'en suis pas assuré jusqu'à maintenant.

M. Charette: Je vous laisse votre opinion, mais je pense que cela ne regarde que les Québécois.

M. Grenier: Oui, d'accord, mais, si on parle d'association, il va falloir que l'autre partie nous en parle un peu aussi.

M. Charette: Cela dépend de la façon dont la question sera formulée. Ce que je veux dire, c'est qu'au départ les questions qui seront posées au niveau des Québécois regardent le peuple Québécois, dans leur essence, avec toute l'information qu'on peut lui donner. Là-dessus, le livre blanc nous donne des garanties.

M. Grenier: II ne nous donne pas suffisamment de garanties et vous le dites dans votre mémoire.

M. Charette: Suffisamment de garanties par rapport aux gens de l'extérieur qui pourraient venir contrer la volonté des Québécois.

M. Grenier: C'est justement pour cela que le livre blanc ne les donne peut-être pas, parce qu'on ne peut pas préciser dans le livre blanc, cette partie des questions éventuelles.

M. Charette: On est conscient qu'il y a des juridictions qui nous échappent en termes d'information, soit Radio-Canada ou, en fin de compte, des choses comme celle-là. On espère que le gouvernement québécois, par ses députés, par sa commission parlementaire, va trouver des mécanismes pour permettre que le plus possible ce débat et, en fin de compte, tous les débats sur la question référendaire se passent entre les Québécois. C'est dans ce sens.

M. Grenier: D'accord. M. Charette à la page sept — je termine, c'est ma dernière question — vous dites: "Le droit de vote devrait être reconnu à tous ceux qui sont directement intéressés par la question". Pourriez-vous expliciter davantage?

M. Charette: On se réfère à la Loi électorale, parce que le livre blanc nous en parle et qu'on est d'accord avec cela. On part de ce principe.

M. Grenier: C'est à peu près la même recommandation que la Loi électorale. Je vous remercie grandement de votre participation.

M. Charette: Cela me fait plaisir, M. Grenier.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Terrebonne.

M. Fallu: Vous venez tout juste de répondre à la question que j'allais poser. C'était la dernière question du député de Mégantic-Compton. Je vous remercie.

M. Charette: L'exclusion en termes de ce qui s'appelle Québécois, c'est tout le monde qui vit au Québec et à qui, la Loi électorale, confère le droit de vote.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le ministre...

M. Burns: M. le Président, je remercie beaucoup la Société nationale de Lanaudière de la présentation de son mémoire, comme je le disais tout à l'heure. Je vous remercie, aussi, d'avoir été très patients à l'endroit de la commission, parce que vous êtes ici depuis ce matin, et on termine l'audition de votre mémoire à 23 h 10. Je remercie également tous les membres de la commission d'avoir été aussi prêts à collaborer avec le programme que nous nous étions fixés. Je remercie en particulier le député de Notre-Dame-de-Grâce d'avoir été, pour une fois, aujourd'hui, gentil.

M. Mackasey: D'un autre côté, vous m'insultez, là!

M. Burns: Non, je retire ces dernières paroles pour ne pas provoquer un débat inutile. M. le Président, je vous signale que, demain, le 16 novembre, nous aurons à entendre le mémoire présenté par la Northern Quebec Inuit Association, le mémoire no 19M, et c'est le seul qui est prévu pour demain. Si, par malheur pour nos invités de ce soir, on n'avait pas terminé l'audition de leur mémoire, on les aurait invités à revenir demain matin, mais, comme c'est terminé, on pense bien que nous n'aurons, demain matin, qu'un seul mémoire à compter de 10 heures.

Sur ce, M. le Président, je propose l'ajournement de nos travaux sine die.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):

Mes remarques ne seront pas aussi personnelles que celles du ministre, mais je remercie tous les membres de la commission d'avoir respecté les directives de la présidence.

M. Burns: Oui, demain matin, à 10 heures. Je m'excuse d'avoir dit: Sine die. C'est la fatigue, peut-être.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Les travaux de la commission sont ajournés à demain matin, 10 heures, à la salle 81-A.

(Fin de la séance à 23 h 9)

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