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Version finale

32nd Legislature, 4th Session
(March 23, 1983 au June 20, 1984)

Thursday, June 9, 1983 - Vol. 27 N° 98

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition de la Société générale de financement sur le projet de loi 10 - Loi modifiant la Loi sur la Société générale de financement du Québec


Journal des débats

 

(Onze heures vingt-trois minutes)

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît;

La commission permanente de l'industrie, du commerce et du tourisme se réunit ce matin aux fins d'entendre la Société générale de financement en regard du projet de loi 10, Loi modifiant la Loi sur la Société générale de financement du Québec.

Sont invités, pour la Société générale de financement du Québec, M. Jean-Claude Lebel, président et chef de la direction, M. Michel Plessis-Bélair, vice-président exécutif, M. Jacques-À. Lefebvre, vice-président principal au développement et à la planification, M. Louis-Gilles Gagnon, vice-président des affaires juridiques, et M. Michel Branchaud, directeur du projet de l'aluminerie de Bécancour.

Les membres de cette commission sont: MM. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue) qui est remplacé par M. Beaumier (Nicolet), Biron (Lotbinière), Ciaccia (Mont-Royal), Dubois (Huntingdon), Dussault (Châteauguay), Mme Harel (Maisonneuve), MM. Lavigne (Beauharnois), Lincoln (Nelligan), Maciocia (Viger), qui est remplacé par M. Fortier (Outremont), Paré (Shefford), et Payne (Vachon).

Les intervenants sont: MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Blais (Terrebonne), Champagne (Mille-Îles), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), MM. Grégoire (Frontenac), Mailloux (Charlevoix), Rocheleau (Hull) et Tremblay (Chambly).

Je demanderais qu'on propose un rapporteur de cette commission?

M. Biron: M. Beaumier.

Le Président (M. Gagnon): M. Beaumier (Nicolet).

M. le ministre, est-ce que vous avez des remarques préliminaires?

Remarques préliminaires M. Rodrigue Biron

M. Biron: J'aurais des remarques préliminaires assez brèves. Je veux simplement remercier d'abord les dirigeants de la Société générale de financement du Québec d'être ici pour la présentation de ce projet de loi et le contenu de leur présentation. On sait que la Société générale de financement du Québec est une société d'État qui oeuvre dans le secteur industriel. C'est une des sociétés les plus importantes au Québec dans ce domaine. C'est un levier déclencheur de projets importants au Québec. C'est aussi et surtout, comme l'a voulu M. Lesage, qui était alors premier ministre du Québec, à l'époque, lorsque la Société générale de financement du Québec a été fondée, un moyen d'assurer une présence québécoise dans le secteur vital des grandes entreprises et c'est un outil aussi pour réorienter la structure économique du Québec vers des secteurs solides d'avenir et des secteurs prometteurs. La Société générale de financement du Québec oeuvre actuellement dans des secteurs stratégiques comme les pâtes et papiers avec des papeteries à Saint-Félicien, Amos, Clermont et ailleurs au Québec à travers ses intérêts dans la société Domtar et dans la Donohue. La Société générale de financement oeuvre aussi dans les secteurs énergétiques avec Marine Industrie et BG Checo, Cegelec et Volcano. Des consortiums sont en voie de réalisation avec ces grandes entreprises, oeuvrant dans le secteur de la construction avec Domtar en plus des pâtes et papiers et, dans l'industrie lourde, dans la construction navale, de plates-formes de forage, de wagons de chemins de fer et, au cours de la dernière année, aussi dans le domaine de la biotechnologie, qui est un secteur d'avenir. On s'est d'ailleurs déjà rencontré en commission parlementaire pour étudier l'orientation de la SGF dans la biotechnologie.

Aujourd'hui, nous demandons à la Société générale de financement d'oeuvrer dans un autre secteur d'avenir, un autre secteur important pour le Québec, le secteur des alumineries. Ce projet de loi permettra à la Société générale de financement de devenir partenaire avec la Société Pechiney si les ententes peuvent se finaliser pour investir au Québec, à Bécancour, une somme d'argent qui serait d'environ 1 500 000 000 $ dans la transformation, la fabrication et la production de l'aluminium.

C'est un nouveau secteur pour la Société générale de financement. On a cru qu'il fallait à la fois un projet de loi pour augmenter le fonds social de la société en même temps que pour inscrire d'une façon formelle dans la loi, et non pas par une directive du ministre, le secteur des

alumineries comme devenant un secteur prioritaire pour la Société générale de financement.

Or, le projet de loi et la présentation de la Société générale de financement, aujourd'hui, sont en vue de se préparer, lorsque les contrats seront terminés, à ne pas perdre de temps et à procéder très rapidement à cet investissement majeur pour le Québec. Par ce projet de loi, je ne veux pas annoncer aujourd'hui officiellement que tout est coulé dans le ciment et que tout se fera à Bécancour. Il reste encore des choses à négocier, des conditions de financement et à terminer certaines études de marché là-dessus, mais il faut absolument que la Société générale de financement ait la marge de manoeuvre nécessaire pour, dès que les décisions seront prises, procéder au cours de l'été à cet investissement d'importance.

Nous avons même décidé avec Pechiney d'aller de l'avant pour certains travaux de préparation de terrain qui ont été annoncés il y a une semaine ou deux et qui étaient essentiels si nous voulions être en mesure de produire en 1986 ou 1987 avec l'aluminerie; sinon, nous perdrions un an. Dans ce sens, un effort important a été fait jusqu'à maintenant. Il y a beaucoup de négociations en cours, parce que c'est un projet complexe et important. Il y a une volonté du gouvernement du Québec, au lieu d'exporter notre énergie, de transformer l'énergie ici pour en faire des produits finis; il y a une volonté du gouvernement du Québec aussi d'avoir une présence québécoise encore accrue dans le secteur de l'aluminium. Je peux dire que ce secteur sera un mégaprojet qui se réalisera au Québec d'autant plus qu'on s'aperçoit, grâce à toutes les statistiques que nous avons, que le Québec est un leader dans le domaine de l'aluminium à cause de l'énergie hydroélectrique qu'il produit à très bas prix. Il faut se servir davantage de cette énergie pour créer davantage d'emplois au Québec.

C'est dans ce sens, M. le Président, qu'aujourd'hui la Société générale de financement répondra aux questions des membres de l'Assemblée nationale et aux membres de cette commission parlementaire sur le projet précis de l'investissement possible et futur, à Bécancour, dans l'aluminerie Pechiney.

Deuxièmement, si les membres de la commission parlementaire ont des questions à poser aux représentants de la Société générale de financement concernant les autres sociétés qui relèvent de sa gestion, on permettra que ces questions puissent être posées. J'avise mes collègues de cette commission parlementaire que je m'attends, à la fin de cette année ou au début de l'an prochain, de convoquer la commission parlementaire, encore une fois, pour étudier à fond le plan quinquennal de la Société générale de financement. Aujourd'hui, on n'a pas encore complété ce plan quinquennal d'investissements et de développement, mais, à la fin de l'année ou, au plus tard, au début de l'hiver 1984, nous pourrons nous réunir en commission parlementaire pour étudier le plan quinquennal de la Société générale de financement.

Cela étant dit, cela n'empêche quand même pas les dirigeants de la SGF de répondre à des questions concernant la gestion actuelle et la performance de la Société générale de financement pour les années passées ou même pour cette année.

J'assure tous les membres de cette commission de mon ouverture d'esprit, voulant faire en sorte que le Québec, la Société générale de financement et les hommes et les femmes du Québec, surtout les petites et moyennes entreprises de la grande région de la Mauricie, profitent au maximum de la présence au Québec de la Société générale de financement et qu'ils profitent au maximum de ce futur investissement, qui, nous croyons, se fera dans la région de Bécancour.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le député de Mont-Royal.

M. John Ciaccia

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Quelques brèves remarques préliminaires. Il n'y a aucun doute que le but principal que nous recherchons aujourd'hui est d'obtenir des renseignements et des détails des membres de la Société générale de financement sur tous les aspects de ce projet.

Le ministre nous a invités à poser ou a suggéré que nous pourrions peut-être aussi poser d'autres questions sur les activités d'autres sociétés relevant de la SGF. Mon principal intérêt, aujourd'hui, est d'examiner le projet de l'aluminerie à Bécancour. Il se peut que, subsidiairement, on puisse poser quelques autres petites questions sur d'autres activités de la SGF, mais je pense qu'on pourra y revenir à un autre moment et faire la lumière là-dessus lors d'une autre commission parlementaire.

En ce qui concerne le projet de l'aluminerie à Bécancour, nous sommes entièrement favorables au développement de cette industrie au Québec et à tout investissement qu'on peut faire au Québec et qui peut créer des emplois. Vous pouvez être assuré que nous y serons favorables et que nous n'allons pas y mettre d'obstacle. Nous allons même faire notre possible pour encourager ce genre d'investissement. Nous ne voulons pas retarder le projet à Bécancour. Je sais que le ministre ou d'autres membres du gouvernement l'avaient déjà annoncé à plusieurs reprises. On répète les annonces. J'ai remarqué que le ministre avait souligné que les ententes n'étaient pas

complétées. Cependant, nous voulons examiner précisément sur quelles bases le projet va se réaliser. Quelles seront les obligations du Québec? Quel sera le rôle joué par la SGF ainsi que tous les autres aspects d'un investissement de cette envergure? Nous allons collaborer et coopérer. Nous voulons vraiment avoir autant de renseignements que possible. J'espère que le ministre va mettre à notre disposition et qu'il va aussi demander à la SGF de mettre à notre disposition toute la documentation et tous les renseignements nécessaires avant d'étudier ou de prendre les décisions finales sur ce projet de loi.

Le Président (M. Gagnon): Vous avez terminé. Merci, M. le député de Mont-Royal. Toujours aux remarques préliminaires, M. le député de Nicolet. C'est bien cela.

M. Yves Beaumier

M. Beaumier: Merci, M. le Président. Vous savez sans doute, M. le Président, comme président régional, toute l'attention et tout l'intérêt que je porte à ce projet et à ce dossier. Ce que je dirai ici, M. le Président, est certainement sans aucune prétention. C'est ce qu'il y a de plus conforme à ce que pense et à ce que vit la population de la région, et plus particulièrement de mon comté et du secteur de Bécancour. C'est pour cette implication que je remercie notre adjoint parlementaire, le député de Châteauguay, qui me laisse, au fond, son droit de parole, étant donné qu'il sait lui aussi l'importance que j'accorde à ce projet.

Je suis heureux, comme membre de cette commission, de recevoir et d'entendre les représentants de la Société générale de financement du Québec. Chacun sait le rôle grandissant, important et presque essentiel que joue cette société dans le développement économique du Québec, particulièrement dans un des volets principaux de ses missions, ce volet qui a été énoncé dans la loi de 1978 et je lis: "...qui consiste à assumer la gestion d'un groupe industriel dans le but d'exploiter des entreprises de taille significative, et ce, dans certains secteurs jugés prioritaires pour le développement économique du Québec."

À ce moment, les secteurs prioritaires de la SGF étaient notamment les produits forestiers, les équipements énergétiques, la pétrochimie, etc. Si ma mémoire est bonne, le projet de loi que nous avons devant nous consiste, au fond, à ajouter une cinquième corde à cet arc et de permettre à la SGF d'oeuvrer dans un nouveau secteur qui est extrêmement prometteur, un secteur d'avenir, et où les avantages comparatifs du Québec sont bien connus dans le monde et sont aussi - du moins nous l'espérons - déterminants.

En effet, ce projet de loi, pour l'essentiel, se réfère à une modification de la Loi sur la Société générale de financement du Québec afin d'autoriser cette dernière à investir dans le secteur de l'aluminium et dans les champs d'activité commerciale directement reliés à ce secteur. Cela permettrait d'assurer aussi la participation de cette société à l'établissement et au financement d'une aluminerie dans la région de Bécancour.

Ce n'est pas un hasard si nous nous retrouvons avec un projet qui, comme disait le ministre, s'il n'est pas complété, démontre au moins que le gouvernement a pris nettement position par rapport à ce projet. Bien sûr, j'aurais beaucoup de choses à dire sur ces efforts multiples du gouvernement actuel pour rendre possible et, en un sens, irrésistible l'implantation au Québec d'entreprises du style de ce projet d'aluminerie à Bécancour.

Pour fins de mémoire et de rappel, souvenons-nous du Bâtir le Québec, phase 1, qui a été l'expression de la volonté gouvernementale en 1979, en ce qui concerne le développement économique. Il y avait là tout un secteur concernant l'utilisation de nos ressources hydroélectriques. Dans le document-synthèse "Orientation et moyens d'action" de Bâtir le Québec, je me permettrai de lire ce qu'était la position gouvernementale à ce moment-là. C'est qu'on partait d'un constat: ...à partir de 1981, des quantités substantielles d'électricité seront disponibles. Il se dégagera donc des quantités excédentaires importantes à la condition que le rythme d'expansion et d'implantation industrielle ne soit pas accéléré...

Il apparaît donc important de mettre en oeuvre une nouvelle politique permettant à la fois de susciter un développement accéléré des industries cibles visées, d'optimiser le rendement économique de notre capital énergétique et, surtout, d'éviter l'exportation de projets industriels pouvant être avantageusement réalisés sur notre territoire. Comme moyens d'action conséquents à cette prise de position, on a envisagé la mise au point d'une politique d'évaluation des conditions pour la fourniture d'électricité et pour que, dorénavant, une attention spéciale soit accordée à la fourniture d'électricité de grande puissance, pour accroître les retombées économiques et enrichir au maximum les projets.

C'est donc depuis au moins 1978-1979 que le gouvernement du Québec a établi ce premier volet qui s'appelle la politique d'électricité pour des tarifs réduits ou des tarifs acceptables pour des industries à grande puissance.

Cela s'est également traduit, le 25 avril 1982, par une entente dans le secteur de l'aluminerie, par un contrat, plus précisément, entre Hydro-Québec et Pechiney. Je me rappelle, M. le Président, que c'était lors de la visite du premier

ministre de France, M. Mauroy, que cette entente avait été signée. J'ai un certain chauvinisme à dire que cela s'était fait dans un restaurant de mon comté, que je ne nommerai pas, pour ne pas faire de publicité. C'était donc le 25 avril 1982.

Comme on le signalait dans le journal des Débats, à la suite d'une question que je posais au ministre de l'Énergie et des Ressources, M. le ministre Duhaime, le 27 avril 1982, en Chambre, il répondait: "Je suis très heureux de pouvoir confirmer à l'Assemblée nationale et en particulier devant toute la population de la Mauricie, du coeur du Québec, qu'il n'y a pas de possibilité d'implantation d'une aluminerie de cette taille sans que, au préalable, un contrat d'énergie ne soit signé." Ce contrat est donc signé et porte essentiellement sur un bloc de 400 mégawatts devant, dans un premier temps, alimenter deux lignes de production, c'est-à-dire une capacité annuelle de 200 000 tonnes métriques et également une option pour l'ajout d'une troisième ligne pour porter la capacité totale du projet à 330 000 tonnes, c'est-à-dire un contrat d'énergie qui pourrait aller jusqu'à 600 mégawatts.

Le contrat - sans entrer dans les détails, M. le Président - porte sur des clauses garantissant également la non-escalade pour une partie de sa durée et ensuite des clauses passablement techniques et complexes se rapportant à l'évolution du tarif de l'indice des prix à la consommation, pour une part, et au prix moyen de l'aluminium, par ailleurs.

Ce qu'il est essentiel de retenir, c'est que cette politique énergétique du gouvernement du Québec s'est traduite concrètement par un contrat entre Pechiney et Hydro-Québec le 25 avril 1982. À ceci s'est ajoutée également une autre dimension, c'est-à-dire la possibilité, pour les années 1986 à 1990, de demi-tarifs. C'est la même offre qui avait été faite, d'ailleurs, dans le secteur de Baie-Comeau pour la Reynolds et qui est, celle-ci, déjà complétée.

Il y a également - toujours dans cette démonstration de la volonté gouvernementale d'y aller de l'avant - la décision du Conseil des ministres, le 23 avril 1983, par laquelle la Société générale de financement se voyait confirmée comme chef de file de la participation québécoise dans ce projet qu'auront à nous présenter plus explicitement les responsables de la Société générale de financement.

Finalement, le dernier budget de M. Parizeau a aussi confirmé et reconfirmé que, s'il y avait décision presque immédiate, le plus rapidement possible, de lancer ce projet, le gouvernement reconfirmait sa volonté de réduire, pour un certain nombre d'années, à un demi-tarif les coûts de l'électricité. Donc, ce n'est pas un hasard si ce projet est sur la table et si ce projet a des chances de se réaliser.

J'aimerais également parler des raisons pour lesquelles ce projet d'aluminerie à Bécancour a des chances sérieuses de se réaliser, même si ce n'est pas encore irréversible. Il y a quand même un certain nombre de facteurs qui sont objectifs et qui permettent d'espérer la poursuite et la terminaison de ce dossier. (11 h 45)

D'abord, il s'agirait, bien sûr, comme dans toute production, de s'informer et de s'interroger sur la demande à moyen terme et à long terme. J'ai un tableau concernant la consommation d'aluminium dans les pays occidentaux, aux États-Unis également et au Japon. On voit très bien que, dans les prévisions de 1970 à 1990, uniquement aux États-Unis, les besoins de consommation en aluminium sont passés de 3 488 000 tonnes, en 1970, à 5 291 000 tonnes, en 1990. C'est également le cas pour le Canada où vont également doubler ce besoin, cette consommation. C'est vrai également pour le Japon, dont la consommation va passer de 930 000 tonnes à 3 000 000 de tonnes, c'est plus que trois fois plus. C'est également le cas pour l'Europe et un peu partout dans le monde, pour ce métal de plus en plus considéré comme métal d'avenir, à cause de sa grande légèreté et en raison d'un certain nombre d'autres caractéristiques. On connaît sa légèreté: il est trois fois plus léger que l'acier, M. le Président, je ne sais pas si vous le saviez, mais je l'ai appris. L'aluminium présente également d'autres caractéristiques dans la mesure où il est ajouté à de faibles quantités d'autres métaux à très haute résistance mécanique. Ce métal ne rouille pas, il résiste à la corrosion et a une conductibilité électrique meilleure que celle du cuivre à poids égal. Il a également la capacité de protéger à la fois contre la chaleur, le froid, et l'humidité. Autrement dit, c'est un beau métal.

C'est pour cette raison-ci que la demande, comme les prévisions le démontrent, est forte à moyen terme comme à long terme. Ce tableau de la progression dans la demande de consommation comporte aussi un autre élément assez important, car cela pourrait se traduire, bien sûr, par des exigences de nouvelles industries de production d'aluminium.

Il y a une autre chose tout aussi importante, c'est que, même s'il n'y avait pas autant de propention pour la demande ou la consommation, il reste que nous assistons actuellement, sur le plan mondial, a un redéploiement de la production de l'aluminium, étant donné que les coûts énergitiques sont, pour une bonne part, importants dans la production de ce métal. Ce qui fait que, même si la demande n'était pas aussi croissante que celle prévue, le

redéploiement de cette production, à lui seul fera qu'il y aura des déplacements de la production de certains pays qui ne peuvent se permettre des tarifs d'énergie aussi peu élevés que les nôtres. Et que devront aller ailleurs pour faire de la production d'aluminium.

Pour ce faire, on n'aurait qu'à comparer si on regarde, les coûts d'exploitation d'une aluminerie, on remarque, au niveau de la répartition des coûts d'exploitation d'une aluminerie qu'on pourrait appeler une aluminerie type, que l'alumine représente à peu près de 25% à 30% des coûts d'exploitation et que l'énergie électrique en représente 19% à 26%. Ce qui veut dire que, pour l'essentiel, le coût de l'alumine et celui de l'énergie électrique sont de loin les plus importants en ce qui concerne leur impact sur les coûts d'exploitation. Je parle d'une aluminerie type.

Si on appliquait concrètement au Québec cette répartition des coûts, on pourrait en arriver, compte tenu de nos avantages en électricité, à un coût de l'électricité aussi bas que 10%. Cela veut dire qu'on reviendrait peut-être de 19% à 26%, dans une aluminerie type, à aussi peu que 10%, rendant le projet davantage concurrentiel par le fait que les prix de revient deviendront de beaucoup plus compétitifs.

Si on calcule aussi les tarifs d'électricité à partir du tableau sur la comparaison de la tarification industrielle en général présenté par la Société générale de financement, et en prenant comme indice que le tarif d'électricité d'Hydro-Québec est 100%, on remarque qu'en Australie c'est autour de 149%, qu'en France, c'est 164%, qu'au Japon, c'est 246%, qu'aux États-Unis, c'est 232%. Cela va même jusqu'à 407%. Ce qui veut dire que les tarifs d'électricité fixés par Hydro-Québec sont et seront toujours plus bas.

Il y a aussi l'évolution du prix comme tel de l'aluminium; je pense que c'est aussi un point important. Ce sur quoi les experts s'entendent, c'est sur une certaine stabilité que nous retrouverons à moyen terme ou à long terme et qui est évaluée en tenant compte que la croissance annuelle du prix de l'aluminium ne devrait pas normalement dépasser de 1% l'inflation. Pour autant que la demande se maintienne et progresse normalement, ce sera donc un facteur d'équilibre ou de stabilisation par rapport au prix de l'aluminium. Donc, ce sera toujours un métal accessible par son coût.

Si on regarde aussi ce que propose -c'est un autre avantage - la technique Pechiney, il reste que c'est l'un des procédés des plus efficaces et c'est l'un des procédés aussi qui, par tonne d'aluminium, exige le moins en termes de kilowattheures. Il y a également un autre facteur fort déterminant...

M. le Président, vous me demandez de terminer mon intervention. Vous comprenez que c'est ma passion et mon intérêt qui jouent. J'aimerais en guise de directive savoir de combien de temps je dispose.

Le Président (M. Gagnon): Vous avez 20 minutes à votre disposition et vous achevez.

M. Beaumier: J'achève mes 20 minutes. Alors, je vous informe tout de suite que je vais terminer par la question de rentabilité. J'informe tout de suite la présidence que, cet après-midi, j'aurai bon nombre de questions à poser sur l'impact et les retombées économiques, tant au niveau de l'emploi qu'en ce qui concerne l'utilisation des ressources locales au point de vue de la sous-traitance, etc. Je vous informe déjà que j'aurai beaucoup de questions à poser. Auparavant, je terminerais, M. le Président, sur la question de la rentabilité du projet. Il est inutile de mettre quelque chose sur pied si on n'en a pas étudié la rentabilité. Or les études, les modèles utilisés et les hypothèses émises démontrent que, fonction bien sûr du projet d'entente entre les partenaires, des modalités de financement, d'échéancier des dépenses, de la structure des coûts d'exploitation, du prix de l'aluminium - on en a parlé - la Société générale de financement - on le voyait d'ailleurs dans le Devoir de ce matin - s'attend à un rendement de 17,4% dans l'aluminerie de Bécancour, ce qui se traduirait normalement par des bénéfices nets annuels de 25 000 000 $. Ce qui veut dire, M. le Président, sans tenir pour acquis ce projet, une chose est certaine, c'est que cela aurait - et si j'avais le temps, je pourrais l'expliciter davantage - comme effet d'apporter dans la région 04 et plus particulièrement dans mon comté et à Bécancour, tout un renouvellement, un renforcement de la structure économique et je puis vous assurer que mes concitoyens et mes concitoyennes suivent avec intérêt et passion - et c'est ce que j'ai essayé de traduire ici - le développement de ce projet. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député de Nicolet. Je prends bonne note que vous aurez d'autres questions à poser. J'espère que vous en poserez au nom du député de Champlain; il est juste en face de Bécancour et cela l'intéresse aussi.

M. le député d'Outremont.

M. Pierre-C. Fortier

M. Fortier: M. le Président, je crois que nous avons devant nous un projet à la fois extrêmement intéressant et extrêmement complexe. Ce n'est pas tous les jours qu'on a

à discuter du mécanisme qui pourrait nous amener éventuellement à voir le jour d'un investissement de 1 500 000 000 $, mais, plus la somme est énorme et plus le projet est complexe, plus les risques sont élevés.

J'aimerais, à ce moment-ci, m'associer aux propos de mon collègue de Mont-Royal, le porte-parole de notre formation politique dans le domaine de l'industrie et du commerce, et nous nous réjouissons du fait que le Québec est une région qui pourrait se voir favorisée, une région qui serait favorisée si les négociations sont menées à terme. J'aimerais dire à mon collègue qui vient de s'exprimer - et depuis que je suis en politique, M. le Président, vous le savez, j'ai essayé de faire oublier le fait que je venais du nucléaire, mais, étant donné la région de Bécancour et compte tenu du fait que les gens de cette région n'ont pas les préjugés défavorables au nucléaire que les autres régions du Québec pourraient avoir - que, dans mes anciennes fonctions, lorsque j'étais président de Canatom et de Canatom Mow-Max, j'ai eu à oeuvrer de très près au développement économique de sa région, que j'ai eu à prendre des décisions qui ont toujours eu pour but de favoriser au maximum le développement économique de cette région. Je sais que notre société, en particulier, a toujours été très bien vue de tous les citoyens de la région de Bécancour. Je voudrais donc lui dire que je m'associe au climat de réjouissance qui peut exister dans cette région. Dans une certaine mesure, dans le passé, j'y ai été impliqué, d'une part, dans l'ingénerie et, par la suite, dans la gestion de Gentilly 1 et de Gentilly 2 ainsi que dans l'usine de La Prade qui, malheureusement, n'a pu être continuée. C'est donc dire que je me réjouis du fait qu'une région et que le Québec, en particulier, pourraient se voir favorisés par le développement économique.

Cependant, M. le Président, vous comprendrez que nous poserons des questions, mon collègue de Mont-Royal l'a aussi indiqué. Il y a dans ce projet plusieurs implications complexes qui vont amener des engagements pour une longue période. Il ne s'agit pas de décider si on va investir ou si la SGF va investir 1 000 000 $ dans une usine de biotechnologie. C'était important sur le plan du développement technologique. C'était important par les sommes en jeu. Compte tenu de l'importance du projet et des engagements à long terme qui seront pris par le gouvernement, dans ce secteur, vous comprendrez que nous ayons plusieurs questions à poser puisque l'importance du projet dépasse de beaucoup, je crois, tout projet de la SGF et du gouvernement que nous ayons eu à discuter, du moins ces dernières années.

On peut prévoir et on pourrait examiner certaines étapes de ce genre d'investissement. Il aurait pu y avoir ce que j'appellerais un investissement normal, c'est-à-dire qu'une société étrangère dise qu'elle veut investir 1 500 000 000 $ au Québec. À ce moment-là, le gouvernement du Québec intervient comme il le fait normalement à l'aide de subventions, à l'aide d'encouragements pour voir à ce que le projet s'implante ici et qu'il se réalise entièrement. C'est donc dire que, dans une première étape, cela aurait pu être ce que j'aurais appelé un investissement normal, c'est-à-dire un investissement où les deux paliers de gouvernement collaborent pour s'assurer que le projet se réalise dans les meilleures conditions possible. Cela aurait été une première étape.

Le gouvernement est allé plus loin que cela. Il a dit: Nous allons négocier des tarifs d'électricité préférentiels. Bien sûr, dans un premier ou dans un deuxième temps, le gouvernement a ajouté que, jusqu'en 1990, il y aurait des tarifs bien meilleurs et beaucoup plus privilégiés durant la période où il y aurait des surplus. Je ne sais pas si on doit exagérer cette contribution puisque le projet est encore retardé de quelques mois et que, la période durant laquelle il y aura des surplus d'énergie devrait se terminer en 1990, tout délai à réaliser le projet fait que ces surplus d'énergie électrique à rabais ne pourront pas être utilisés.

En ce qui concerne le tarif d'électricité à long terme, il s'agit là d'une subvention indirecte extrêmement importante et, malgré ce qu'en a dit mon collègue, différente de ce qui avait été écrit dans Bâtir le Québec, puisque, dans Bâtir le Québec, on ne parlait surtout pas de tarifs privilégiés. On y disait que, compte tenu des tarifs qui existaient au Québec et de la quantité d'énergie qui y existait, on pouvait attirer des usines de transformation et d'aluminium en particulier. On s'aperçoit que, là-dessus, le gouvernement a changé son fusil d'épaule. J'aurai l'occasion d'en parler certainement en deuxième lecture et j'aurai aussi l'occasion d'en parler lorsque nous discuterons du projet de loi touchant Hydro-Québec où nous aurons, à ce sujet-là, une commission parlementaire.

À titre d'information préliminaire, j'aimerais indiquer ceci. J'ai voulu, sur ce tableau, M. le Président - je m'excuse, si vous ne le voyez pas, je vais le placer comme ceci - indiquer tout simplement l'importance du tarif privilégié d'un maximum de 10% par année qui a été consenti à Pechiney. Si l'année de base avait été, disons, l'année 1975. (12 heures)

Le tarif grande puissance a augmenté, depuis 1975 et 1976, comme vous le voyez ici, c'est-à-dire que, vers 1975 ou 1976, il était à un niveau de 100 et il se trouve maintenant à un niveau supérieur à 300. Étant donné la clause qui dit que le tarif d'électricité ne peut pas augmenter de plus

que 10% par année, j'ai indiqué par une ligne jaune l'augmentation maximale qui aurait eu lieu si l'année de référence avait été 1975. Bien sûr, on ne peut pas prédire l'avenir. Des gens diront: Dans l'avenir, l'inflation va jouer beaucoup moins; dans l'avenir, HydroQuébec aura moins d'investissements, mais, lorsqu'on s'engage sur une période de 25 à 30 ans, on ne peut sûrement pas prédire l'avenir. Tout ce qu'on peut faire, c'est de regarder le passé et de dire qu'il se pourrait peut-être qu'une situation semblable se répercute. On s'aperçoit que si l'année de référence avait été 1975 ou 1976, sept ans plus tard, en 1983, la différence entre le tarif officiel d'Hydro-Québec et le tarif qui aurait été consenti à Pechiney aurait été de 30 ou 40 points sur une base de 300. C'est donc dire que c'est une concession substantielle puisqu'une telle différence sur une période de 25 à 30 ans peut devenir extrêmement importante et qu'il ne faut pas négliger la subvention indirecte que tous les contribuables et que tous ceux qui utilisent l'électricité au Québec devront payer puisque le manque à gagner d'Hydro-Québec se répercutera soit dans les taxes des contribuables, soit dans le tarif diminué ou dans le tarif plus élevé qu'Hydro-Québec devra fixer aux contribuables du Québec.

Bien sûr, je sais qu'il y a une clause de renégociation après 25 ans, mais, à ce moment, je crois qu'il faut constater que, même dans les cas où il devait y avoir une négociation... Un bon exemple, c'est CIL de Bécancour avec un tarif privilégié de 1975 à 1980 ou 1981 et qui, cette année, devrait normalement voir son tarif rejoindre le tarif normal d'Hydro-Québec, ce qui signifierait cette année une augmentation de 42%. Ces gens ont toutes les raisons du monde pour se retourner vers Hydro-Québec et vers le gouvernement et dire: Écoutez, nous voulons un ajustement à ce tarif d'électricité.

C'est donc dire que, avec la différence du tarif consenti à Pechiney sur une base de 25 ou 30 ans, et alors même que le contrat dit que, dans 25 ou 30 ans, il y aura un rattrapage, on peut se demander si ce rattrapage se fera jamais puisque, compte tenu de l'implication du gouvernement dans ce projet. Je suis certain que, dans 25 ou 30 ans, plusieurs des parlementaires qui sont ici ne seront plus autour de la table pour en discuter. Mais on peut certainement comprendre que Pechiney ou qui que ce soit qui sera dans la même situation se retrouvera dans une situation tout à fait avantagée pour rediscuter de tarifs d'électricité avec le gouvernement du Québec.

La concession qui est faite à Pechiney sur le tarif d'électricité est donc une subvention extrêmement importante de l'État du Québec et de ses contribuables et il ne faut pas la négliger. J'ai commencé par dire que cela aurait pu être un projet normal avec des subventions. Maintenant c'est un projet normal avec des subventions, et je suis certain que le ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme interviendra d'une façon normale, comme il le fait toujours, et que, en plus de cela, il y a le tarif d'électricité.

Dans un quatrième temps, cela aurait pu être une participation financière de l'État sous forme d'équité. D'ailleurs, en Australie, mes informations sont que Pechiney a des usines là-bas et que des compagnies d'assurances australiennes participent en tant que "silent partners" dans l'équité de Pechiney-Australie. Vous comprendrez que ce qu'on nous propose est tout à fait différent et va encore un pas plus loin.

Je vais continuer la liste des implications financières et des garanties que nous devons discuter aujourd'hui. Bien sûr, ce qu'on nous propose, c'est non seulement un projet avec subventions et des tarifs d'électricité privilégiés, avec une participation d'équité, mais avec des garanties et, en plus de cela, avec des engagements pour accepter une partie de la production de cette usine.

Les questions que cela soulève en ce qui concerne la SGF - je suis certain qu'aujourd'hui, avec M. Lebel, le président de la SGF, nous aurons l'occasion d'en parler -ce changement en est un très substantiel dans l'orientation de la SGF proprement dite. On peut se demander si l'implantation de Pechiney était nécessaire pour demander à la SGF de s'intéresser au domaine de l'aluminium. Je ne le crois pas, M. le Président. Il est bien certain que si la SGF avait voulu participer à l'organisation ou à l'implantation d'usines de transformation de l'aluminium, elle pourrait le faire sans aucune implantation de Pechiney puisqu'elle aurait pu acheter l'aluminium de l'Alcan et favoriser un certain développement économique à partir de l'aluminium déjà produit ici même au Québec.

J'aimerais que le président de la SGF nous instruise là-dessus, car je crois que, à l'origine, la mission principale de la SGF était de modifier la structure industrielle du Québec et de favoriser une restructuration de l'industrie québécoise pour qu'on puisse finalement avoir de la grande industrie au Québec dans des domaines qui nous tiennent à coeur, soit parce que nous avons des ressources naturelles - parlons des pâtes et papiers - soit parce que nous avons d'autres ressources comme l'électricité, qui permettent l'implantation de ce genre d'industrie.

À ma connaissance, M. le Président, le Québec est déjà très fortement implanté dans le domaine de l'aluminium, et une des questions que j'aurais à poser au président de la SGF est de savoir comment il peut

concilier le fait que l'industrie du Québec soit déjà très fortement implantée dans le domaine de l'aluminium et expliquer que l'État doive intervenir puisque cette transformation a déjà été faite dans le passé et que, de ce point de vue, il n'est peut-être pas nécessaire pour le gouvernement d'intervenir puisque la structure industrielle du Québec, en ce qui concerne l'Alcan, existe déjà, que l'Alcan est déjà très active au Québec dans le domaine de la production et de la transformation d'aluminium et que, en ce faisant, les montants d'argent qui seront investis ici, compte tenu des limites de financement du gouvernement québécois, sont autant de montants que la SGF n'aura pas pour d'autres genres d'investissements dans les autres secteurs prioritaires de la SGF.

Finalement, M. le Président, nous aurons des questions à poser sur les prévisions. Je voyais mon collègue citer ses chiffres de rendement comme s'ils étaient la bible. Il faudrait bien se souvenir que, dans le passé, d'autres gouvernements, y inclus les gouvernements libéraux, avaient fait des prévisions à l'aide d'économistes et croyaient que toutes ces prévisions étaient très solides et que les gens étaient voués à un avenir prometteur dans le domaine du fer. Aujourd'hui, on va nous dire exactement la même chose. J'espère, M. le Président, que les questions que nous poserons à ce sujet ne seront pas mal vues. Pour toute personne qui a un peu l'expérience des prévisions dans le domaine de l'économie et surtout dans le domaine du rendement que peut donner un certain capital investi, ces questions sont tout à fait pertinentes puisqu'on ne peut jamais être assuré que la réalisation des prévisions se fera exactement de la façon prévue.

M. le Président, ces quelques remarques préliminaires indiquent les implications très nombreuses de l'État québécois dans ce projet et ajoutent aux implications que l'État possède déjà puisqu'avec la Caisse de dépôt, dans le cas de l'Alcan, le gouvernement est déjà impliqué indirectement dans le domaine de l'aluminium. Compte tenu de l'importance du sujet, nous aurons des questions, moi et mes autres collègues, et je suis sûr que nos amis d'en face poseront aussi plusieurs questions pour nous permettre d'évaluer l'ensemble du problème dans toute sa plénitude. Je vous remercie.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député d'Outremont. M. le député de Châteauguay.

M. Roland Dussault

M. Dussault: Merci, M. le Président. Je serai bref parce que je voudrais qu'on permette aux représentants de la SGF de se faire entendre avant le dîner. Je voudrais aussi leur souhaiter la bienvenue à cette commission, surtout à l'occasion du débat sur le projet de loi 10 qui contient des perspectives extraordinaires sur le plan de développement de l'aluminium au Québec. La SGF est un de nos plus beaux fleurons et je pense que cela rend encore plus agréable le fait de recevoir aujourd'hui nos invités.

Je voudrais annoncer immédiatement que j'aurai en cours d'après-midi - j'espère qu'on me laissera au moins dix minutes pour le faire - à intervenir évidemment sur le cas Pechiney et plus spécifiquement avec les questions sur le secteur des équipements énergétiques et sur Pétromont. J'aurais quelques questions à poser à nos invités qui prendraient sans doute, en termes de réponse, une allure de rapport d'étape, si on peut dire, sur certaines de ces questions. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon); Merci. Nous allons maintenant entendre nos invités. Je demanderais au président, M. Lebel, de se présenter et de présenter les gens qui l'accompagnent.

Mémoire de la SGF

M. Lebel (Jean-Claude): Merci, M. le Président. Les représentants de la SGF devant cette commission permanente sont, si je commence par ma gauche, M. Claude Hélie, vice-président aux finances, M. Michel Plessis-Bélair, vice-président exécutif de la SGF. À ma droite immédiate, M. Jacques-À. Lefebvre, vice-président principal au développement, et M. Louis-Gilles Gagnon, vice-président aux affaires juridiques. Je suis également accompagné de M. Michel Branchaud, directeur du projet de l'aluminerie. M. Branchaud n'est pas permanent à la SGF, il est chez nous à temps plein depuis que nous travaillons à ce projet. Ensuite viennent M. Jacques Nepveu, directeur de la planification, M. Alain Desfossé, secrétaire de la SGF et adjoint au président. Dans la salle, il y a un conseiller juridique qui conseille la SGF depuis quelques mois sur le projet de l'aluminerie de Bécancour, il s'agit de M. Coulombe.

Si vous me le permettez, M. le Président, dans le cadre de mon exposé, j'aurais besoin de me référer à certains tableaux. Nous avons préparé certains tableaux 3 sur 4. Cela pose un petit problème de communication, mais, avec votre permission, je suggérerais que M. Jacques Nepveu puisse aller en avant pour se servir du chevalet et, quand j'aurai à me référer à des tableaux, il pourra indiquer ce à quoi je me réfère.

M. Fortier: Cela serait mieux si...

M. Lebel: Nous avons remis aux membres de la commission deux documents. L'un s'intitule Le Groupe SGF, plan de développement 1980-1985, phase I, rapport d'étape. C'est un document en date du 15 novembre 1982. L'autre est intitulé Projet d'aluminerie à Bécancour, Présentation du Groupe SGF à la commission permanente de l'industrie, du commerce et du tourisme; ce document est beaucoup plus récent.

J'aimerais, avez votre permission...

Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, je ne veux que m'assurer si tout le monde les a.

M. Fortier: Oui, oui.

Le Président (M. Gagnon): Bon, cela va.

M. Lebel: J'aimerais, avec votre permission, M. le Président, dans un premier temps, me référer à ce rapport d'étape du Groupe SGF. En effet, il est sans doute bon de situer le contexte général dans lequel la SGF se présente devant la commission parlementaire. La SGF est venue en commission parlementaire en 1978 et, à ce moment-là, il a été principalement question de la relance de Marine Industrie. Elle est revenue en 1980 pour demander une augmentation de son fonds social et elle présentait, à ce moment-là, un plan de développement dont la phase I s'est terminée avec l'année 1983. On y est revenu très rapidement, l'automne dernier, pour parler de notre implication à l'intérieur d'un nouveau secteur de développement, le secteur de la biotechnologie.

Il est peut-être bon de garder en tête l'évolution récente de la SGF afin de situer cette implication dans un nouveau grand secteur économique au Québec, de la situer par rapport à ce cadre de référence. Pour ce faire et pour ceux qui ont le document, j'aimerais d'abord attaquer la partie rapport 1980-1983 de la SGF et pour ceux qui ont le document, je vais lire tout en faisant quelques corrections à compter de la page 5.

La conjoncture économique depuis 1980 et plus particulièrement la forte récession qui sévit depuis l'automne 1981 n'a pas manqué d'affecter le comportement et la performance de plusieurs des entreprises du groupe. Une part importante des projets d'investissement prévus en phase I du plan de développement 1980-1985 ont été entrepris, voire réalisés. Toutefois, quelques-uns ont dû être reportés ou encore étalés sur une période plus longue. De plus, quelques investissements prévus en phase II, soit durant la période 1983-1985, devront aussi être reconsidérés quant à leur ampleur ou à leur échéancier. (12 h 15)

Au total, en phase I de son plan de développement, la SGF a participé à des investissements de 456 000 000 $, alors qu'on en prévoyait 570 000 000 $ en commission parlementaire de 1980. Toutefois, la participation directe en équité de la SGF a été à ces projets plus élevée que prévue, atteignant 137 000 000 $ en comparaison des 125 000 000 $ prévus, ce qui a entraîné des répercussions sur les opérations de trésorerie et la composition du portefeuille de la SGF.

Par ailleurs, certains événements qui sont survenus durant ces dernières années ont permis de concrétiser les grands objectifs de développement du groupe et de réviser l'orientation stratégique de certains secteurs. Ce sont: . l'acquisition d'une participation de 22% du capital-actions de Domtar Ltée, une entreprise diversifiée de grande taille spécialisée, entre autres dans la production des pâtes et papiers; . la création avec la Caisse de dépôt et placement du Québec d'une nouvelle filiale, Dofor Inc., dans laquelle la SGF, qui détient 85% des actions votantes, a transféré ses placements dans Domtar et dans Donohue; . la vente d'une participation de 35% du capital-actions de Marine Industrie Ltée au groupe français Alsthom-Atlantique; . la relance de Cegelec Industrie Inc., grâce à un support financier de l'ordre de 6 000 000 $ de la part des actionnaires, la SGF et Alsthom-Atlantique; . la vente des participations dans Sogefor Inc. et dans Tricot LaSalle Ltée.

La situation actuelle dans chacun des grands secteurs d'activité du groupe peut se présenter comme suit:

D'abord les produits forestiers. Le Groupe SGF, par le biais de sa filiale Dofor, détient maintenant deux placements importants dans des entreprises du secteur des produits forestiers: la SGF détient 55% de Donohue Inc. et de ses filiales qui fabriquent du papier-journal, de la pâte kraft et du bois de sciage. De plus, l'investissement stratégique prévu au plan de développement de 1980 s'est concrétisé par l'acquisition de 22% du capital-actions de Domtar, une entreprise diversifiée dont 60% des actifs se situent dans les domaines des pâtes et papiers et des emballages. Les ventes conjointes de Donohue et de Domtar en 1980 ont atteint 1 500 000 000 $ dans les secteurs des pâtes et papiers et des emballages. En 1982, le chiffre des ventes des deux entreprises dans ces secteurs a effectivement été de 2 000 000 000 $.

Par ailleurs, en janvier 1982, la SGF a vendu le placement qu'elle détenait dans Sogefor, un fabricant de panneaux de particules. Elle l'a vendu à son associé d'alors, la compagnie McLaren. La SGF renonçait alors à sa participation à un projet

d'une nouvelle usine de panneaux-fibres dont le coût était estimé, au plan de 1980-1985, à 70 000 000 $, et qui était prévu en phase I de ce plan.

Donohue a enregistré des bénéfices sans précédent en 1980 et en 1981. En 1982 -vous me permettrez de corriger les chiffres - les bénéfices de Donohue ont diminué de 25 000 000 $ qu'ils étaient en 1981 à 16 500 000 $ en 1982. Les ventes de la filiale Donohue sont passées, dans cette année, grâce à la mise en marche du moulin d'Amos, de 290 000 000 $ à 315 000 000 $.

Des trois projets d'investissement prévus au plan de développement de 1980, deux ont été réalisés par Donohue à ce jour: l'usine de papier-journal d'Amos et l'installation d'une turbine à vapeur à Saint-Félicien. Le coût global de l'usine d'Amos a été de 210 000 000 $, soit 20 000 000 $ de plus que prévu, alors que la turbine a coûté 8 000 000 $, soit 1 000 000 $ de moins qu'anticipé. Donohue Saint-Félicien a en outre fait l'acquisition des actifs et des droits de coupe de la scierie de Notre-Dame-de-la-Doré au Lac-Saint-Jean au coût de 8 500 000 $ afin de réduire sa dépendance du bois d'achat. Quant au projet de modernisation de l'usine de Clermont, dont le coût de la première phase était estimé dans le temps à 59 000 000 $, a dû être reporté à la phase II du plan 1980-1985, mais ce projet est à l'examen au moment où on se parle à la SGF et à la Donohue, et il y aurait possibilité de l'entreprendre à la fin de 1983.

L'investissement de la SGF dans Domtar en août 1981 fut de 146 000 000 $, alors que le projet d'expansion majeure prévu au plan de développement supposait un investissement de 80 000 000 $. En février 1982, la SGF transférait toutefois son placement dans Domtar ainsi que celui dans Donohue à sa nouvelle filiale Dofor Inc. En contrepartie, la SGF détenait 168 000 000 $ en capital-actions ordinaires de Dofor se composant des 93 000 000 $ équivalant à la valeur du placement dans Donohue ainsi que d'un investissement additionnel de 75 000 000 $, le tout représentant 85% des actions votantes. Par ailleurs, la Caisse de dépôt et placement du Québec investissait, elle aussi, 71 000 000 $ dans Dofor, soit 30 000 000 $ correspondant à 15% des actions votantes et 41 000 000 $ en actions privilégiées. Enfin, Dofor remboursait la totalité de l'emprunt initial de 146 000 000 $ contracté par la SGF.

La participation de la SGF dans Domtar, couplée à celle de la Caisse de dépôt et placement du Québec, fait en sorte qu'ensemble les deux partenaires détiennent environ 45% des actions ordinaires de Domtar. Il en a résulté des changements importants au conseil d'administration de même qu'au comité exécutif de l'entreprise, permettant une plus grande implication dans les orientations fondamentales et la gestion de l'entreprise.

En 1981, le chiffre d'affaires de Domtar était de 1 800 000 000 $. Ce chiffre d'affaires, malgré la conjoncture de 1982, s'est maintenu. Mais les bénéfices qui étaient de 64 000 000 $ en 1981, sont tombés, à toutes fins utiles, au niveau d'un "break even". Il faut réaliser à cet égard que Domtar est très active dans les matériaux de construction entre autres, secteur qui a été particulièrement touché par la récession économique que nous venons de vivre; les résultats d'ensemble de la société devaient s'en ressentir. En outre, il y a eu, dans le secteur des emballages, qui est un autre secteur important d'activité pour Domtar, une grève qui a duré six mois.

Le secteur des équipements énergétiques regroupe les activités de Cegelec Industrie, de BG Checo, de Volcano et des divisions hydroélectrique et industrielle de Marine Industrie. Les ventes de ce secteur ont été de 400 000 000 $ en 1982 et le chiffre des bénéfices pour ces quatre filiales de la SGF a été de 6 600 000 $ en 1982.

Globalement, le volume d'affaires de ces entreprises a continué de s'accroître depuis 1980, malgré une baisse de la croissance de la demande d'énergie, tandis que les bénéfices de ces entreprises sont demeurés relativement stables.

Nous sommes particulièrement fiers de répéter à toutes les occasions que nous avons que Marine Industrie, entre autres, fait des profits à tous les ans depuis trois ans.

Les projets de la nouvelle usine de Volcano et de la restructuration financière de Cegelec Industrie, tous deux prévus dans le plan de 1980, ont été complétés. Quant aux investissements des divisions concernées de Marine Industrie, ils ont été de 12 000 000 $ en comparaison des 25 000 000 $ prévus au plan en raison surtout de la faible demande pour les équipements qu'elles fabriquent.

Quoiqu'elles opèrent de façon autonome et isolée, ces entreprises offrent une gamme de produits et de services complémentaires qui sont en majorité destinés aux entreprises d'utilités publiques. Ensemble, elles représenteraient en importance le troisième manufacturier canadien du secteur du matériel électrique et industriel. Leur développement dans ce secteur a toutefois été orienté presque exclusivement en fonction des besoins d'Hydro-Québec dont elles sont le plus gros fournisseur et auprès de laquelle elles réalisent près des deux tiers de leur chiffre d'affaires total. Dans le domaine des chaudières, vaisseaux sous pression et autres équipements industriels, le marché est présentement affecté par la

mauvaise conjoncture, mais la demande de ces équipements est appelée à croître de nouveau à l'avenir avec la reprise économique et la relance des grands projets énergétiques.

Au cours des prochaines années, Hydro-Québec prévoit cependant un rythme de croissance beaucoup plus faible de la demande de l'électricité et, par conséquent, une diminution importante de ses besoins en équipement. C'est donc dire qu'une part importante du marché traditionnel des entreprises du secteur des équipements énergétiques est appelée à chuter sensiblement. Celles-ci devront donc se tourner vers l'extérieur où leurs efforts accrus des dernières années demeurent insuffisants, compte tenu de l'ampleur du marché à remplacer.

C'est pourquoi nous avons mis sur pied, en collaboration avec les filiales concernées, au début de 1983, une société de commercialisation pour s'occuper de la commercialisation internationale des produits de Marine Industrie, de Cegelec Industrie et de BG Checo. La société de commercialisation en question n'a pas encore de nom. Elle a un nom de code et elle s'appelle SOCOM. Elle est en organisation au moment où on se parle.

Enfin les dépenses en recherche et développement des entreprises de ce secteur sont en croissance mais restent relativement faibles par rapport à la moyenne générale de l'industrie.

La pétrochimie. La SGF est présente dans ce secteur depuis octobre 1980 grâce au consortium Pétromont auquel elle participe maintenant à parts égales avec les sociétés Gulf et Union Carbide.

L'industrie pétrochimique, tout le monde le sait, traverse présentement une période difficile et ce, à l'échelle mondiale, alors que la demande d'éthylène et son prix ont diminué et que de nombreuses usines doivent fermer leurs portes. Pétromont n'échappe pas à cette situation et doit en outre faire face à un coût plus élevé des charges d'alimentation au Canada par suite du programme énergétique national. Ce dernier fait en sorte que l'industrie pétrochimique est avantagée dans l'Ouest puisqu'elle s'approvisionne en matières premières provenant du gaz naturel dont le prix est arbitrairement fixé à 65% du prix du pétrole brut, tandis qu'elle est désavantagée, peut-être même en péril dans l'Est, où elle utilise des dérivés du pétrole.

Il y a des corrections à apporter dans le reste du texte. La SGF et Pétromont ont été très actives au cours de la dernière année. À toutes fins utiles, avec ses partenaires dans Pétromont, Gulf et Union Carbide, la SGF a essayé de sauver cette entreprise. Vous êtes au courant que ces diverses démarches ont abouti à une aide gouvernementale qui pourrait se faire sous forme d'un prêt non remboursable de 50 000 000 $, 25 000 000 $ en 1983 et 25 000 000 $ en 1984, prêt qui pourrait être remboursé dans la mesure où l'entreprise réaliserait ultérieurement des profits.

Cette intervention des deux niveaux de gouvernement accorde à Pétromont, à la SGF et à ses partenaires dans Pétromont le répit dont ils avaient besoin pour repenser leur propre situation et le répit nécessaire pour que la politique nationale de l'énergie soit révisée et pour qu'on puisse savoir enfin s'il y aura une place aussi avantageuse pour la pétrochimie dans l'Est du Canada qu'on l'espérait en 1980 au moment où on est entré dans le consortium Pétromont.

Bien sûr, au moment où nous nous parlons, nous ne pouvons pas dire si le projet d'expansion pourra se faire ou ne pourra pas se faire. Pour autant que nous sommes concernés à la SGF, à Pétromont et grâce à un appui très actif de nos partenaires, nous essayons de tout faire en sorte pour que Montréal demeure, malgré les changements dans la conjoncture énergétique, un centre important de pétrochimie.

Dans le plan de développement de 1980, la SGF s'est fixé l'objectif d'investir une proportion importante de ses fonds dans le domaine de l'innovation. Deux types d'investissement étaient alors idendifiés: d'une part, des prises de participation dans des entreprises offrant un fort potentiel de croissance dans des industries de pointe, et, d'autre part, des projets visant le développement de nouveaux produits ou de nouvelles technologies, que ce soit dans les entreprises existantes du groupe ou dans le cadre de la création d'un nouveau secteur.

Dans le premier cas, la SGF a pris des participations avec d'autres partenaires dans deux nouvelles entreprises: Nouveler, qui vise le développement de produits et procédés pour l'économie d'énergie de même que la mise en valeur de nouvelles sources d'énergie, et Novacap, une société de capital de risque.

Depuis deux ans, ces entreprises ont procédé à un certain nombre d'investissements: Nouveler a investi dans ses filiales Econoler, Canair, Les Entreprises PSC, plus récemment dans Convecter et dans quelques licences pour fabriquer des pompes à chaleur à haute température et Les Contrôles PSC qui oeuvrent dans le domaine des économies d'énergie et des nouvelles sources d'énergie renouvelable, et Biosyn, qui étudie de son côté un projet expérimental de production d'éthanol. (12 h 30)

Novacap, après avoir étudié plusieurs projets, a investi pour le moment dans Les Produits Ficomat, qui fabrique des plaques de fibre de verre, Les Contrôles PSC, avec Nouveler, et Les Cheminées Sécurité, un

fabricant de foyers et de cheminées isolés. La SGF a versé des mises de fonds de 2 750 000 $ à ces deux entreprises, soit 1 750 000 $ à Nouveler et 1 000 000 $ à Novacap, à la fin de 1982. Elle s'est aussi engagée à verser 1 000 000 $ additionnels à Novacap.

Dans le second cas, un projet de mise sur pied d'un laboratoire de recherche hydraulique chez Marine, qui était prévu en phase I du plan de développement, a dû être reporté. De plus, le groupe s'était fixé l'objectif de consacrer au moins 1% des revenus des entreprises à la recherche et au développement. Cet objectif, trop ambitieux pour certains secteurs, notamment celui des pâtes et papiers, où il se fait de toute manière par le biais des entreprises une contribution assez importante à la recherche et au développement, n'a pas été atteint et ce, d'autant plus que la conjoncture forçait les entreprises à comprimer leurs dépenses à court terme. Cet objectif sera maintenu dans le cas du secteur des équipements énergétiques, mais révisé à la baisse pour l'ensemble du groupe. Il n'en reste pas moins qu'un rattrapage important doit être amorcé par les entreprises du groupe dans le domaine de la recherche et du développement.

Enfin, la SGF, plus récemment, a mis sur pied la Société Bio-Méga dans le but d'être présente dans un nouveau secteur, celui de la biotechnologie. Elle s'est présentée en commission parlementaire l'automne dernier pour justifier l'achat de Bio-Endo et elle administre maintenant cette société qui s'est associée à Biocel en matière de recherche.

Quant aux autres activités, en plus de ses secteurs prioritaires et du domaine de l'innovation, la SGF a aussi des activités dans certains autres secteurs, soit les équipements et mobiliers de bureau chez Artopex, la construction navale, les wagons de chemin de fer et les équipements industriels chez Marine, les produits métalliques, les équipements agricoles et les équipements de foresterie chez Forano et Industries Tanguay, les équipements de traitement des eaux chez John Meunier Inc.

Individuellement, ces activités ne sont pas assez importantes pour constituer un secteur prioritaire mais, ensemble, elles n'en représentaient pas moins quelque 26% du chiffre d'affaires consolidé du groupe en 1981. Parmi ces activités, celles du groupe Forano et de la division navale de Marine Industrie ont fait l'objet d'une attention particulière de la SGF depuis 1980.

Dans le contexte actuel de récession économique, Forano, une entreprise peu modernisée, tant au niveau de ses installations et équipements de production qu'au niveau de ses méthodes et instruments de gestion, s'est retrouvée dans une situation précaire. Le chiffre d'affaires consolidé de Forano et de Tanguay, qui était de 68 000 000 $ en 1980, a été de quelque 44 000 000 $ en 1982. En termes de bénéfices nets, les deux entreprises ont perdu ensemble près de 1 000 000 $ en 1980, 4 300 000 $ en 1981 et des pertes de 10 800 000 $ ont été réalisées pour l'exercice 1982. Depuis 1980, la SGF a dû investir 10 200 000 $, dont 8 800 000 $ en 1982 pour relancer Forano et Tanguay.

Quant à la division navale de Marine Industrie, elle maintient un niveau d'activité en progression depuis deux ans grâce à la réalisation d'un contrat de cale sèche et elle entreprend présentement la construction d'un navire séismique pour le compte de Pétro-Canada. Le navire séismique est plus avancé dans sa construction que le texte du mois de novembre ne l'indique ici. Elle a donc démontré sa capacité de demeurer dynamique et opérationnelle, ce qui a d'ailleurs été confirmé récemment lorsque le conseil d'administration de l'entreprise l'a autorisée à se présenter comme chantier de tête auprès du groupe SCAN Marine pour la réalisation du programme canadien de frégates et, plus tard, comme second chantier pour le groupe des Maritimes.

Malgré tout, le niveau d'activité de la division navale a été insuffisant jusqu'ici pour lui permettre d'atteindre le seuil de rentabilité. Marine s'est intéressée, au cours de la dernière année, au marché des plates-formes semi-submersibles et autres équipements de type "off-shore", ce qui lui permettrait éventuellement de rentabiliser la division navale. Un projet d'investissement est considéré, des études de faisabilité ont été réalisées et Marine serait prête à s'engager dans cette nouvelle activité. Toutefois, la conjoncture énergétique a fait en sorte de reporter, au moins pour quelques années, la mise en marche des grandes projets d'exploitation "off-shore" au Canada.

M. le Président, cela termine la présentation que je voulais faire en guise de rapport sur les activités de la SGF de 1980 à 1983. Je passerai maintenant à la présentation du document sur le projet d'aluminerie.

Pour la présentation de ce document, je veux vous proposer de vous guider dans une manière de lecture en survol du document. C'est dans cette optique qu'en ce qui concerne le chapitre le plus long du document, le chapitre 2, qui traite du secteur de l'aluminium, j'aimerais vous présenter les principales conclusions qui se dégagent de ce chapitre. Les principales conclusions qui se dégagent de ce chapitre sont, premièrement, que le marché de l'aluminium apparaît d'abord et avant tout comme un marché mondial, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de lien entre la quantité qu'un pays, qu'une province ou qu'une région

produit en aluminium et la quantité qu'on consomme. Par exemple, M. Jacques Nepveu vous indiquera au tableau que le Canada produit 10% de la production mondiale d'aluminium. La part du Québec là-dedans est des trois quarts. Nous n'en consommons que 3% et, par contre, nous faisons au Canada 22% des exportations totales d'aluminium dans le monde.

M. Nepveu (Jacques): Ici, on a la consommation mondiale d'aluminium, qui est d'environ 11 000 000 de tonnes en 1982. On voit ici en rouge que le Canada représente 3% de la consommation mondiale en 1982 tandis qu'ici, sur ce tableau-ci, on voit qu'il produisait 10% de la production mondiale d'aluminium. Comme l'expliquait M. Lebel, le Canada, qui consomme seulement 3%, produit quand même une part importante de ce qui se produit dans le monde. C'est ce qui se reflète dans ce tableau-ci où on voit que, quant aux exportations totales d'aluminium dans le monde, le Canada, faible consommateur, en exporte tout de même 22%.

M. Lebel: II y a aussi les utilisations de l'aluminium qu'il est peut-être utile de mentionner.

M. Nepveu: À titre indicatif, on a montré les livraisons d'aluminium de 1982 aux États-Unis, qui se répartissent de la façon suivante: 19% au secteur de la construction et du bâtiment; 17% au secteur du transport; 32% pour le marché de l'emballage et des contenants; 11% pour les industries d'équipement électrique et 21% dans toutes sortes d'autres industries.

M. Lebel: La deuxième conclusion qui se dégage du chapitre 2 de ce document est que l'aluminium se produit soit là où il y a de la bauxite, soit là où il y a de l'électricité à bon compte, ou soit là où il y a les deux en même temps. Nous verrons par certains chiffres que l'Australie serait probablement l'endroit où les deux facteurs se retrouvent avec le plus d'importance, suivi probablement par le Brésil. C'est l'avantage essentiellement en matière d'électricité qui fait du Québec une terre de prédilection pour produire de l'aluminium. Cette affirmation a été démontrée depuis longtemps par l'Alcan qui, elle, a en outre l'avantage de ne pas avoir à disposer d'un contrat d'approvisionnement en électricité à long terme pour fabriquer son aluminium mais produit elle-même l'énergie électrique nécessaire à la fabrication de son aluminium.

J'attire votre attention au tableau de la page 37 de votre document où nous présentons une comparaison de la tarification industrielle entre Hydro-Québec et divers pays pour certains facteurs de charge, 40% et 80%. Ce que ce tableau indique, c'est qu'en Australie, pour un facteur de charge de 80%, l'électricité coûte 35% plus cher qu'au Québec. Elle coûte 81% plus cher qu'au Québec en France, 121% plus cher qu'au Québec en Grèce; 207% au Japon; 212% sur la côte du Pacifique aux États-Unis, et 327% pour Con Edison.

Bien sûr, la différence est importante. On pourrait s'attendre à une différence supérieure mais il faut ajouter, pour la compréhension de tout le monde, que ce sont des tarifs moyens et qu'au Québec, en particulier, comme dans plusieurs pays au monde, il y a ce qu'on appelle le tarif grande puissance, qui est négocié dans des contrats industriels avec les entreprises qui se qualifient pour ce tarif grande puissance. Les taux réels peuvent encore être plus avantageux au Québec que nous l'avons vu dans ce tableau. La différence, par exemple, entre le Québec et la France pourrait facilement être portée de 1% à 2,5% ou de 1% à 3% comme importance.

Troisième conclusion, que, je pense, ce chapitre permet de tirer, c'est que l'aluminium est un marché en croissance. De 1970 à 1979, le marché total de l'aluminium a crû, en terme réel, de 5,2% par année, ce qui correspond, à toutes fins utiles, à la croissance du PNB réel dans les pays développés au cours de cette période. On estime que cette croissance, pour la décennie dans laquelle nous nous situons, de 1980 à 1990, sera de l'ordre de 3,4% par année, ce qui correspond aussi à peu près aux prévisions de la croissance économique réelle pour les pays développés.

En somme, les experts, les spécialistes font une relation entre la croissance du produit national brut en termes réels et la croissance de la consommation de l'aluminium. C'est donc un excellent marché puisque c'est un marché sur une longue période, bien sûr, c'est un marché en croissance.

Quatrième conclusion sur laquelle j'aimerais attirer votre attention, c'est que les prix de l'aluminium sont bons. Historiquement, les prix de l'aluminium ont crû. Historiquement, cela veut dire, entre 1970 et 1980, que les prix de l'aluminium ont crû à 3% plus haut que l'inflation. Nous prévoyons, et tout le monde semble s'accorder sur cette prévision, que les prix de l'aluminium, au cours de la décennie de 1980-1990, croîtront d'environ 1% plus haut que l'inflation. Essentiellement, nous en sommes aux prix, il y a deux types de prix, le prix de liste et les divers prix du marché. Le prix de liste reflète l'évolution des prix des consommateurs et les prix du marché, en pratique, reflètent la demande. Quand la demande est basse, ces prix du marché ont tendance à baisser, et parfois, de façon assez draconienne. Quand la demande est

haute, ces prix du marché ont même tendance à être meilleurs que les prix de liste.

M. Jacques Nepveu peut vous expliquer rapidement ce que représente le graphique qu'il vous montre présentement.

M. Nepveu: Sur ce graphique, on a l'évolution d'un certain nombre de prix de l'aluminium, depuis 1970 jusqu'à aujourd'hui, ce qui reflète un peu ce que M. Lebel a expliqué, à savoir que les prix de l'aluminium connaissent une croissance qui s'apparente, au moins au niveau des tendances, à celle de l'inflation en général dans l'économie. En rouge, on a le prix de liste, qui est le prix du producteur, qui reflète l'évolution de ses coûts de production. En bleu et en jaune, on a des prix de marché, de même d'ailleurs qu'en vert, qui fluctuent autour de ce prix de liste qui reflète l'évolution des prix, du coût des matières premières qu'utilisent les producteurs d'aluminium.

Sur ce tableau-ci, on a peut-être une meilleure illustration sur une période un peu plus courte, de ce qu'expliquait M. Lebel, à savoir, en rouge, toujours le prix des producteurs, c'est-à-dire le prix de liste, en bleu et en jaune, des prix de marché. En bleu, le prix de l'aluminium sur le London Metal Exchange et, en jaune, un prix de marché sur les marchés américains. (12 h 45)

Lorsque, comme cela a été le cas en 1970 et une partie de 1980, la demande d'aluminium est forte et en croissance, les prix de marché reflètent ce phénomène et ont tendance à se situer au-dessus des niveaux de prix de liste.

Par contre, lorsque la demande est plus faible, ce qui s'est passé durant les années 1981 et 1982, alors que la récession s'est amorcée, les prix de marché, qui reflètent l'évolution de la demande, ont tendance à baisser et à se situer à un degré inférieur au prix de liste qui reflète toujours les coûts de production des producteurs.

M. Lebel: Une cinquième conclusion. Vous aurez sans doute noté que nous sommes à un début de reprise en ce qui concerne les prix et que c'est un début de reprise non seulement en ce qui concerne les prix mais en ce qui concerne la capacité. Il y a effectivement une sorte de surcapacité apparente de production dans le monde observable principalement depuis 1980, de 1980 à 1982. Ceci répond essentiellement à deux phénomènes. Le premier, c'est que la crise économique mondiale a affecté le secteur de l'aluminium comme elle a affecté la plupart des secteurs de production liés aux matières premières, aux richesses naturelles. Le deuxième phénomène très important, c'est l'addition de capacité plus efficace pour remplacer de la capacité qui existe et qui a été fermée ou qui sera éventuellement fermée parce qu'inefficace. La raison pour laquelle cette capacité installée est inefficace n'est pas nécessairement parce que ce sont des vieilles usines, mais c'est essentiellement lié aux coûts, aux prix d'approvisionnement en électricité. Dans la nouvelle capacité que nous connaissons plus près de nous, il y a Grande-Baie, qui s'est faite durant cette période, il y a Reynolds et il y a eu évidemment en contrepartie des fermetures pour incapacité un peu partout dans le monde, en particulier au Japon, où la capacité totale était de 2 000 000 de tonnes et qui a été ramenée à une capacité de 400 000 tonnes en 1982-1983. Au Canada, malgré la récession, malgré les transformations structurelles à l'intérieur du secteur industriel, la capacité a été très fortement utilisée même en période de récession et elle continue à être très fortement utilisée. Le graphique que M. Jacques Nepveu vous présente illustre cette réalité. La courbe rouge qui fait un bond vers le bas en 1979 s'explique tout simplement par la grève à l'Alcan, qui a contribué à réduire la capacité utilisée au cours de cette période.

Finalement, une dernière conclusion. Le projet sur lequel nous travaillons présentement et sur lequel nous sommes en négociation, le projet de Bécancour, est un projet particulièrement efficace. Les tableaux que M. Jacques Nepveu va vous présenter, à mon point de vue, parlent très bien en ce sens.

M. Nepveu: Sur ce tableau-ci, on a le coût direct d'exploitation à la tonne d'aluminium en dollars constants américains en 1980 et en 1990. Ce qu'on constate sur le premier tableau qui représente toute la situation de 1980, c'est qu'on a ici sur la ligne du bas, la répartition de la capacité de production dans le monde, les premiers 25%, 50%, 75%, et 100%. D'un coût minimal très efficace de 850 $ la tonne, on va jusqu'à un maximum pour les alumineries les moins efficaces de 2190 $ la tonne. On constate que Bécancour, ici, à 950 $ la tonne, est donc une aluminerie très efficace, se situant dans les premiers 25% de la capacité mondiale.

Par ailleurs, la situation dans dix ans, en 1990, toujours en dollars constants de 1982, donc en termes réels, nous permet de voir qu'à nouveau, alors que le coût de Bécancour sera de l'ordre de 1050 $ la tonne, se situe toujours dans les premiers 25% de capacité dans le monde. C'est donc une aluminerie très efficace et concurrentielle.

M. Lebel: Le chapitre 3, à la page 40, décrit physiquement le projet de Bécancour. Nous avons un tableau que M. Jacques

Nepveu va mettre sur le chevalet et qui résume les données essentielles physiques du projet. Nous n'aurions pas à faire la lecture de ce chapitre. Et, comme je n'ai pas une vision suffisante pour me permettre de voir le tableau, je suggère que M. Jacques Nepveu fasse la présentation de la description physique du projet.

M. Nepveu: Alors, voici les caractéristiques fondamentales du projet. On a une aluminerie qui, dans une première phase, est en mesure de produire 230 000 tonnes d'aluminium de première fusion par année. Il y a une expansion possible qui pourrait venir, dans le futur, à 115 000 tonnes. Le coût total du projet est estimé à 1 500 000 000 $ en dollars canadiens courants; la participation du groupe québécois à ce projet serait estimée possiblement à un tiers, ce qui représenterait 500 000 000 $ canadiens. Le site sur lequel serait située l'aluminerie, le Parc industriel de Bécancour, jouit d'un certain nombre d'avantages: un port en eau profonde, un réseau ferroviaire qui permet d'accéder à des réseaux ferroviaires des États-Unis - donc possibilité d'accès au marché américain - de même qu'une main-d'oeuvre qualifiée dans la région.

Au niveau de l'exploitation, on prévoit que la mise en service de l'aluminerie va se faire en 1987. Au niveau technique, les caractéristiques sont qu'on utilise le projet Pechiney, qui a l'avantage d'être très efficace au niveau de la consommation d'énergie électrique. Or, en moyenne, une aluminerie normale consomme quelque 15 000 kilowattheures à la tonne de production. Le procédé Pechiney prévoit 13 500 kilowattheures à la tonne de production d'aluminium. L'usine devrait comprendre, sur le site, 845 emplois directs. L'aluminium produit à Bécancour va se vendre sur des marchés mondiaux, un peu partout dans le monde. Au niveau des retombées économiques, évidemment, à l'intérieur du projet même on va tenter de favoriser le plus gros contenu québécois possible. Or, on pense qu'un contenu québécois probable pourrait être de l'ordre de 85% par rapport au coût total du projet. La construction va entraîner la création de 9200 emplois directs et indirects, dont 2000 sur le site même au chantier pour construire l'usine.

L'exploitation de l'aluminerie devrait entraîner la création de 2000 emplois directs et indirects dont 845, comme je l'ai indiqué, à l'aluminerie même.

Évidemment les emplois créés au niveau de la construction sont les emplois qui seront créés sur la période de construction, c'est-à-dire à partir de 1984 jusqu'à ce que l'aluminerie fonctionne, en 1987, tandis que les emplois d'exploitation sont des emplois qui sont créés de façon permanente.

M. Lebel: Les retombées économiques font l'objet du chapitre 4 de notre présentation. J'attire votre attention sur les tableaux que nous retrouvons aux pages 51 et 52. Ces tableaux expriment les principales retombées économiques du projet. D'abord, durant la période de construction, les effets totaux seraient la création de 9180 emplois ou personnes-année. Les salaires seraient de 210 000 000 $, les autres revenus bruts avant impôts seraient de 209 000 000 $ pour une valeur ajoutée de 419 000 000 $. Les impôts payés au gouvernement du Québec seraient de 45 000 000 $ et les revenus d'impôts du gouvernement fédéral seraient de 65 000 000 $ au cours de la période de construction.

Le tableau 15, lui, présente ces effets, cet impact économique. Au cours de la période d'exploitation, le projet créerait 2030 emplois au total et il aurait une valeur ajoutée de 247 000 000 $ en dollars de 1982 sur une base annuelle et les revenus d'impôts du gouvernement du Québec et du gouvernement fédéral respectivement seraient de 13 000 000 $ et de 9 000 000 $.

On peut peut-être mettre au tableau les principaux intrants.

M. Nepveu: Alors les principaux...

M. Lebel: Non.

M. Nepveu: Pardon?

M. Lebel: C'est bien le tableau des intrants?

M. Nepveu: Oui, oui. À titre indicatif, comment se rend-on jusqu'à l'aluminium de première fusion? La principale matière première requise est l'énergie électrique. Le projet, pour les 230 000 tonnes de capacité d'aluminium, devrait consommer 3,1 térawattheures d'électricité. On a besoin ensuite de coke de pétrole, 94 000 tonnes; on a besoin d'alumine, pour produire 230 000 tonnes il en faut 450 000 tonnes. Il y a donc une relation du simple au double entre l'alumine et l'aluminium. Il nous faut du brai, 25 000 tonnes; il faut également du fluorure d'aluminium, 4100 tonnes pour 230 000 tonnes; des anodes précuites, 119 000 tonnes; de la cryolithe, 6900 tonnes, ce qui nous amène à la cellule de réduction d'alumine qui permet de produire 230 000 tonnes d'aluminium de première fusion. Cet aluminium va être distribué sous forme de lingots d'aluminium à 99,5 de contenu, donc très pur, sous forme de billettes, de lingots d'alliage et sous forme de plaques.

M. Lebel: Le chapitre 5 parle de l'intervention de la SGF et de l'intervention du gouvernement. C'est à la page 53, je vous suggère de faire la lecture des quatre pages

qui traitent de ce sujet.

En avril 1982, le gouvernement du Québec, par le biais d'Hydro-Québec, concluait une entente de fourniture d'électricité avec la société française Pechiney Ugine Kuhlmann en vue de l'exploitation d'une aluminerie à Bécancour. Par ce geste, le gouvernement confirmait sa volonté de collaborer avec Pechiney à la réalisation, au Québec, d'un projet de développement industriel de taille mondiale, grâce aux avantages comparatifs de ses ressources hydroélectriques.

Ce projet est estimé à 1 500 000 000 $ canadiens courants sur la période de 1983 à 1987. Il s'agirait du plus gros investissement industriel entrepris au Québec. Il apparaît donc primordial de le réaliser étant donné son impact économique, énergétique et industriel. Comme on l'a déjà vu, compte tenu de l'importance des revenus engendrés et des emplois créés, tant par la construction que par l'exploitation de l'usine, le projet devrait entraîner des retombées économiques qui sont loin d'être négligeables pour la région de Bécancour comme pour le Québec dans son ensemble.

Au niveau énergétique, la conjoncture des dernières années a fait en sorte que le Québec pourra disposer, au cours de la présente décennie, d'importants surplus d'électricité. En répondant à la demande de l'aluminerie de Bécancour, Hydro-Québec augmenterait le niveau d'utilisation de ses équipements et récupérerait ainsi des revenus qui autrement auraient pu être perdus.

Enfin, l'industrie de l'aluminium est déjà bien implantée au Québec et son développement a contribué de façon importante à l'essor économique de la province. Dans la mesure où le marché mondial reprendra sa croissance traditionnelle, il est normal que d'autres projets d'aluminerie se réalisent au Québec, étant donné les avantages dont le secteur y dispose.

En prenant la décision d'y investir directement en équité, le gouvernement ferait en sorte que le projet démarre et qu'il puisse se réaliser à un moment où le Québec en a le plus grand besoin pour assurer sa reprise économique. D'ailleurs, le ministre des Finances du Québec a fait ressortir dans son discours sur le budget du 10 mai dernier l'importance d'accélérer certains investissements manufacturiers pour stimuler la croissance de l'économie. Dans le domaine de l'aluminium, cette politique a déjà contribué à faire démarrer immédiatement l'agrandissement de l'usine Reynolds à Baie-Comeau tandis que le projet de Bécancour pourrait être entrepris sous peu.

Son avantage comparatif en électricité et sa proximité des grands marchés sont deux facteurs qui devraient permettre au Québec de devenir un centre mondial de l'aluminium. L'aluminerie de Bécancour viendrait s'ajouter à la capacité de production déjà en place et il faut certes envisager la réalisation d'autres projets de ce genre dans l'avenir.

La SGF, société d'État à part entière, est devenue un des groupes industriels les plus importants au Canada avec un chiffre d'affaires consolidé de 830 000 000 $ en 1982 et un actif total de près de 1 000 000 000 $. Elle gère un portefeuille d'une quinzaine de filiales et sociétés affiliées dont certaines constituent des entreprises de grande taille appelées à jouer un rôle prépondérant dans leur secteur.

Forte de l'expérience qu'elle a acquise en mettant sur pied, en finançant et en réalisant des projets d'envergure dans ses principaux secteurs prioritaires, la SGF possède, croyons-nous, toutes les caractéristiques pour devenir le véhicule d'intervention de son actionnaire, le gouvernement du Québec, dans le projet d'aluminerie de Bécancour. (13 heures)

La SGF s'est donc intéressée à ce projet et, après en avoir discuté avec des représentants du gouvernement, elle acceptait, sur approbation de son conseil d'administration, de devenir le chef de file de la participation québécoise. Le 23 avril 1983, elle se voyait confirmée dans ce rôle par une décision du Conseil des ministres. Selon sa mission fondamentale, telle que définie dans sa charte et reprise dans son plan de développement, la SGF doit gérer un groupe industriel réunissant des entreprises de taille significative dans des secteurs jugés prioritaires pour le développement économique du Québec. L'industrie de l'aluminium constitue, il va sans dire, un secteur prioritaire et le gouvernement l'identifiait d'ailleurs comme tel dans son éconcé de politique économique de 1979, Bâtir le Québec. On y présentait, en effet, l'aluminium comme offrant probablement les plus grandes perspectives de développement au Québec.

En participant au projet de l'aluminerie, la SGF ajouterait à son portefeuille une entreprise de grande taille. De plus, elle prendrait pied dans un secteur déjà bien implanté au Québec où elle pourrait être amenée à jouer un rôle actif, notamment, en ce qui concerne les activités de transformation de l'aluminium en aval. Par ailleurs, ce projet s'inscrirait également dans la poursuite des objectifs corporatifs et financiers que s'est fixée la SGF dans son plan de développement quinquennal, à savoir: de réaliser un rendement satisfaisant sur son capital afin d'assurer la stabilité de ses revenus, la rendre moins vulnérable aux fluctuations conjoncturelles et lui fournir un levier important en vue d'investissements ultérieurs;

d'ajouter plus de stabilité à la croissance du groupe tant en termes de chiffres d'affaires que de ressources humaines pour augmenter sa taille et son influenc; d'être d'abord et avant tout un "holding" manufacturier ayant 80% de ses activités dans des domaines de fabrication; de développer une expertise nouvelle au niveau de la technologie et de la gestion dans de nouveaux secteurs.

Enfin, étant donné l'intérêt du gouvernement pour le projet et ses particularités au niveau financier et fiscal, la SGF s'avérerait être un instrument privilégié pour y assurer la participation et la coordination des intérêts québécois.

En investissant dans l'aluminerie de Bécancour, la SGF diversifierait son portefeuille, y ajoutant un cinquième secteur prioritaire, celui de l'aluminium. Si le projet était complété et que la SGF y participait pour un tiers, elle pourrait ajouter quelque 500 000 000 $ à ses actifs totaux consolidés. L'aluminerie fonctionnant à pleine capacité et produisant 230 000 tonnes d'aluminium par année, la SGF serait en mesure d'augmenter son chiffre d'affaires consolidé de quelque 220 000 000 $ et ses profits nets d'environ 25 000 000 $.

Après avoir accepté d'être chef de file, la SGF a entrepris l'étude du projet en vue d'en établir la structure, d'en préciser les modalités de financement et de délimiter les paramètres d'un accord cadre à intervenir avec le groupe français. Même si le projet n'a pas encore atteint un stade irréversible, la SGF et Pechiney ont signé un énoncé d'intentions pour permettre, le cas échéant, le début des travaux de réalisation en 1984.

Les prochaines étapes cruciales à franchir pour assurer la concrétisation du projet sont les suivantes: amendements à la loi la SGF, signature d'un accord avec SGF et Pechiney, signature de l'accord-cadre à l'automne et, finalement, le financement de la dette.

M. le Président, j'aimerais avoir votre directive. Il me resterait 15 à 20 minutes de présentation.

Le Président (M. Gagnon): 15 à 20 minutes, la commission est d'accord. Allez-y, M. Lebel.

M. Lebel: Le chapitre 6 présente la structure juridique et financière du projet. Je n'ai pas envie de lire ce document, qui est long. Je veux attirer votre attention sur deux particularités, j'oserais même dire particulières, de la structure dont nous avons discuté et entrepris de négocier avec le groupe Pechiney. Cette particularité vient essentiellement du fait que le projet veut utiliser l'indivision et une autre caractéristique juridique: la société en commandite pour regrouper les intérêts québécois. Évidemment, mis sur un tableau, cela donne le tableau que vous avez devant les yeux. Je vais essayer de vous expliquer en quelques mots, les plus simples possible, ce que veut dire l'indivision. Cela veut dire essentiellement que deux, trois ou quatre partenaires - cela n'a pas d'importance -décident de bâtir une usine sur laquelle ils auront chacun une part théorique, et non une part physique, une usine qu'on ne divisera pas, une usine qu'on ne pourra pas vendre en morceaux ou en pièces détachées, une usine à l'égard de laquelle personne ne pourra dire: "Les deux premiers pots m'appartiennent" ou: À l'égard de laquelle "Le premier étage des bureaux m'appartient" ou: "L'usine qui prépare les alliages de carbone m'appartient". L'ensemble est indivisé et indivisible. Ce dont conviennent les partenaires en indivision, c'est de bâtir le projet et de le faire servir à une fin explicite. La fin explicite, c'est évidemment de produire 230 000 tonnes d'aluminium à compter de 1987.

À cette fin, chaque partenaire fournira à cette usine l'alumine nécessaire à la production de l'aluminium. Au bout de la chaîne, chaque partenaire reprendra son aluminium et le vendra. Avec cette réserve, nous nous sommes assurés de pouvoir, par contrat, vendre notre aluminium à Pechiney contre une rémunération de vente, bien sûr.

Cela donne comme résultat un certain nombre de structures compliquées. Je vais vous donner les avantages que semble représenter l'indivision. Incidemment, nous avons déà convenu avec Pechiney que nous étions d'accord pour aller de l'avant avec un projet en indivision. Dans l'indivision, si on la compare à une compagnie à responsabilité limitée, d'abord, les biens du projet n'appartiennent pas à une entité juridique. Ils sont la propriété directe des participants qui sont en arrière, tandis que, dans la société à responsabilité limitée, les biens du projet appartiennent à la compagnie qui a son patrimoine propre.

La deuxième caractéristique est la transparence fiscale. En indivision, les résultats financiers et fiscaux de l'exploitation remontent à chacun des participants et ils sont leur résultat propre. Le participant en est directement comptable pour fins fiscales. On maintient l'exonération fiscale des participants qui sont non imposables et les participants imposables ont le bénéfice direct des avantages fiscaux reliés au projet.

Dans une société ordinaire, les résultats financiers et fiscaux de l'exploitation sont ceux de la compagnie et elle est la seule à en être comptable pour fins fiscales. Les actionnaires non imposables perdent leur exonération fiscale dans la compagnie dès que les actions de la compagnie sont

possédées par plus d'un actionnaire.

L'indivision permet aussi l'indépendance fiscale. Chaque participant peut avoir sa propre politique fiscale. Le meilleur exemple est en matière d'amortissement. Dans le cas d'une compagnie ordinaire, la compagnie établit sa politique fiscale indépendamment des intérêts des actionnaires.

Le quatrième avantage de l'indivision est l'indépendance financière. C'est un très grand avantage. Chaque participant se finance en effet comme il l'entend. Il décide seul de l'identité des banquiers, du ratio dette-équité qu'il va adopter, des taux d'intérêt fixes ou flottants, des échéances, de la monnaie dans laquelle il va emprunter et la responsabilité financière de chaque participant est limitée à son propre financement. Elle ne porte pas sur l'ensemble de la société comme cela pourrait être le cas autrement.

La société en commandite est la formule à l'intérieur de laquelle la SGF aurait l'intention de regrouper les intervenants québécois. La SGF a en effet pour objectif d'attirer à l'intérieur de sa part québécoise d'autres intervenants privés et publics, si le cas se présente. Les avantages de la formule de la société en commandite sont que c'est d'abord une société à responsabilité limitée; dans ce sens, c'est la même chose qu'une compagnie à responsabilité limitée. Chaque associé commanditaire est responsable des dettes de la société seulement jusqu'à concurrence de sa contribution au fonds social. Chaque associé commandité est responsable de toutes les dettes de la société. Lorsqu'un associé commandité est lui-même une compagnie à responsabilité limitée, sa responsabilité est limitée à ses propres actifs, qui peuvent cependant être maintenus à un niveau très bas.

La deuxième caractéristique est qu'elle permet également la transparence fiscale. La société comme telle ne paie pas d'impôt. Les revenus et les pertes sont ceux de la société, mais pour fins fiscales, elle remonte directement aux associés ou aux partenaires que la SGF aurait à l'intérieur de la société en commandite. Les associés sont donc des entreprises qui sont des entreprises imposables et qui peuvent bénéficier directement des déductions de perte, des crédits d'impôt à l'investissement et de l'épuisement gagné relié au projet. Il y a là matière à attirer certains partenaires du privé qui pourraient par exemple profiter de certaines exonérations fiscales et cela maintient l'exonération fiscale des associés non imposable.

Ce que cela va donner, si cela se fait de façon finale, c'est une structure aussi complexe que celle que vous voyez sur le tableau. Je vous indique par exemple que cela a l'air peut-être plus compliqué que ce ne l'est en réalité. Il y a là-dedans des sociétés de papier, il y a des sociétés opérationnelles. Nous n'avons aucune objection à vous expliquer tout cela avec plus de détails et à préciser tous les rôles de chaque intervenant dans cette structure complexe au cours de la période de questions qui suivra.

Quant au financement, j'aimerais lire le texte qu'on retrouve aux pages 67 et 68. J'aimerais terminer ma présentation de toute manière en vous lisant le reste du texte. Je suis à la page 65, financement de l'intervention québécoise.

Selon les hypothèses actuelles, la société en commandite investirait jusqu'à 150 000 000 $ en fonds propres, représentant 30% de sa mise de fonds totale dans le projet. Quant au solde de 350 00 000 $, il proviendrait d'emprunts effectués par l'intermédiaire d'un syndicat bancaire sur les marchés financiers canadiens et internationaux.

La stratégie de financement considérée est du type "financement en recours limité", en vertu duquel les partenaires investisseurs doivent garantir le financement du projet durant la période de construction jusqu'à ce que certaines conditions de parachèvement aient été satisfaites, après quoi le projet se garantit lui-même, par ses actifs et sa rentabilité.

Dans ce contexte, puisque le gouvernement du Québec propose de garantir le service de la dette de la compagnie financière durant la construction, le financement de l'intervention québécoise pourrait se faire selon un rapport dette/équité de l'ordre de 70/30. Avec l'avancement du projet, le rapport dette/équité tendrait vers 50/50, ce qui pourrait être atteint d'autant plus rapidement que des partenaires se joindraient au projet. Lorsque cela serait le cas et que les travaux seraient parachevés, c'est-à-dire que l'usine serait complétée et répondrait à certains tests de parachèvement, la garantie gouvernementale pourrait tomber et la dette deviendrait garantie par la seule viabilité financière du projet.

Afin d'assurer la réalisation du projet dans le cadre de la structure juridique et financière décrite ci-dessus et d'optimiser l'intervention québécoise, quelques amendements à la charte de la SGF sont requis.

Il convient tout d'abord de préciser dans la charte de la SGF que cette dernière peut investir dans le secteur industriel de l'aluminium et dans les champs d'activité commerciale directement reliés à ce secteur.

En effet, l'importance de l'investissement de même que la nécessité de rassurer les partenaires et les bailleurs de fonds du projet rendent souhaitable que l'intervention de la SGF soit expressément

autorisée dans le cadre de la loi constitutive.

Quant au fonds social, il convient ensuite d'augmenter le fonds autorisé de la SGF et d'autoriser le ministre des Finances à souscrire en actions ordinaires de la société le montant de cette augmentation.

On notera que les fonds provenant de cette augmentation du fonds social sont spécifiquement destinés, de par le texte même de la loi, à un projet d'aluminerie à Bécancour.

La charte de la SGF ne contient pas de dispositions générales permettant au gouvernement de garantir les engagements financiers de la SGF.

Il convient donc d'apporter un amendement à la loi de manière à permettre spécifiquement au gouvernement de garantir les engagements financiers contractés par la SGF, ou par une filiale dont elle détient plus de 50% des actions, pour l'établissement ou le financement de l'aluminerie dans la région de Bécancour.

Bien que le Code civil contienne une disposition traitant de l'indivision, il apparaît nécessaire de prévoir avec plus de clarté et de précision qu'un projet industriel de l'ampleur de l'aluminerie envisagée pourrait appartenir par indivision à plusieurs propriétaires.

L'amendement législatif vise particulièrement à préciser que le fait que les copropriétaires indivis passeraient entre eux des conventions pour régir leurs droits dans l'indivision n'aurait pas pour effet de transformer cette indivision en société.

De plus, on prévoit spécifiquement que les copropriétaires indivis pourraient reporter pour une période déterminée n'excédant pas 30 ans, avec renouvellement, le partage des actifs indivis. Sans cette précision, le financement du projet serait à toutes fins utiles irréalisable. (13 h 15)

Le dernier chapitre, enfin traite de la rentabilité du projet. Il met en exergue, d'abord à la page 71, une ventilation des coûts de construction du projet et c'est la première fois que vous allez voir apparaître un chiffre plus précis que 1 500 000 000 $. Nous estimons en effet pouvoir réaliser le projet à 1 410 000 000 $ en dollars canadiens courants, ce qui représenterait pour le groupe québécois une part réelle, si elle devait être du tiers, de 470 000 000 $. La ventilation de ces coûts est, en terrains et bâtiments de 300 000 000 $; en équipements et technologie, de 730 000 000 $; en démarrage, de 70 000 000 $; en intérêts durant la période de construction, 150 000 000 $; en fonds de roulement initial, 160 000 000 $. J'imagine que la discussion de cet après-midi permettra de préciser les hypothèses sur lesquelles l'étude de rentabilité qui est présentée à ce chapitre 7 ont été fondées.

Je me contente, en terminant, d'attirer votre attention sur les deux conclusions très simples de cette étude de rentabilité. C'est que le projet aurait un taux de rendement interne de 17,4%, un taux de rendement sur l'équité de 22,1%. Nous voyons, à compter de la page 73 ou à la page 74, certaines études de sensibilité que nous avons fait subir au projet. Dans le tableau de la page 16, vous retrouverez notre cas de base, qu'on appelle le "gars" de base, qui donne un taux de rendement interne de 17,4% et un taux de rendement sur l'équité de 22,1%.

Si nous faisions l'hypothèse... Par exemple, ce qu'on trouve dans le scénario À, que l'inflation pourrait être... Si la croissance des prix de l'aluminium, au lieu d'être de 1% au-dessus de l'inflation, elle était à 2% au-dessus de l'inflation au cours de cette période, le taux de rendement interne deviendrait de 21% et le taux de rendement sur l'équité de 28,7%. Mais, par contre, si le prix de l'aluminium tombait à l'inflation, le taux de rendement interne tomberait, lui, à 13,2% et le rendement sur l'équité à 15,2%. Ces études de sensibilité indiquent ceci, à toutes fins utiles, et c'est le dernier paragraphe du document: L'analyse de sensibilité fait ressortir que la rentabilité du projet est particulièrement sensible à l'évolution du prix de l'aluminium et à l'inflation. Elle l'est moins aux variations du taux de change, mais, comme il fallait s'y attendre, elle réagit évidemment très fortement et proportionnellement à l'augmentation des coûts du projet et à des délais de construction. Le cas extrême que nous avons étudié, en effet, est un cas où les coûts de construction seraient de 20% supérieurs à ce qui est prévu présentement et que nous devrions ajouter un délai d'un an à la période de construction, ce qui ferait que nous commencerions la production en 1988, au lieu de commencer en 1987.

M. le Président, je vous remercie de votre attention et je vous assure de la disponibilité des représentants de la SGF à répondre à toutes les questions que la commission voudra lui poser, dans la mesure, bien sûr, où nous avons les réponses aux questions qui nous seront posées. Merci.

Le Président (M. Paré): Merci beaucoup, M. Lebel, pour votre présentation. Je crois que vous allez avoir à répondre aux questions des membres de la commission à compter de 15 heures. Donc, la commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 19)

(Reprise de la séance à 15 h 13)

Le Président (M. Paré): À l'ordre, mesdames et messieurs. La commission élue

permanente de l'industrie, du commerce et du tourisme reprend ses travaux dans le but d'entendre la Société générale de financement en regard du projet de loi no 10, Loi modifiant la Loi sur la Société générale de financement du Québec. À la suspension de nos travaux ce matin, nous avions entendu M. Lebel faire son exposé. Nous sommes maintenant prêts pour la période des questions. La parole est à vous, M. le ministre.

M. Biron: M. le Président, il y aurait seulement un point particulier sur lequel je voudrais revenir afin d'éclairer cette commission parlementaire. Ensuite, je permettrai à mon collègue de Mont-Royal de poser ses questions. Je voudrais que vous nous parliez un peu plus des capacités de production qui ont fermé au cours des deux dernières années, c'est-à-dire depuis la crise économique dans le monde. On avait une capacité de 16 000 000 de tonnes environ de disponibles, il y a deux ans, peut-être 14 000 000. Vous avez les chiffres quelque part dans votre mémoire. Il y en a à la fois au Japon et dans le sud des États-Unis, de ces alumineries qui ont fermé et qui ne rouvriront pas. En même temps, cela vous permettrait de nous parler un peu plus de la possibilité du marché au cours des prochaines années - vous en avez, d'ailleurs, traité dans votre intervention avant le repas - ainsi que des capacités de production qui sont occupées au Québec ou au Canada, mais le Canada c'est surtout le Québec, car c'est 75% de la production canadienne. Est-ce que vous pourriez nous parler un peu plus de ce sujet?

Le Président (M. Paré): M. Lebel.

M. Lebel: Oui, M. le Président. Le tableau 4 de la page 22 donne une répartition de la capacité de production d'aluminium des pays non communistes en pourcentage de la capacité totale. En bas de ligne, sous le total, nous avons les capacités mondiales pour 1977, 1980, 1982 et 1990: 12 995,000 tonnes en 1977; 13 294 000 tonnes en 1980; 14 059 000 tonnes en 1982; en 1990, la capacité mondiale serait de l'ordre de 16 143 000 tonnes dans les pays non communistes. Il n'existe pas de statistiques pour les pays communistes.

On voit dans la répartition en pourcentage sur ce tableau que, dans une première phase, c'est-à-dire de 1950 à 1977, les capacités se sont principalement installées dans les pays industrialisés. On observe depuis ce temps une certaine transformation structurelle des capacités. Ce qui en ressort, c'est que le Canada maintiendrait sa position selon les prévisions actuelles; cela diminuerait légèrement aux États-Unis. Le Japon fait une chute considérable des capacités n'ayant pas d'alumine et ayant une énergie électrique à des taux très élevés. D'ailleurs, le mouvement de fermeture est amorcé aux États-Unis. En Europe, cela se maintiendrait avec une légère baisse et il y aurait l'arrivée de nouveaux producteurs. L'Australie prend de l'importance, passant de 2 000 000 de tonnes en 1977 à 7 000 000 de tonnes en 1990, certains autres projets, comme Tomago, pouvant se réaliser dans la période de 1982 à 1990. Il y a un bloc "autres pays", dans lequel on retrouve le Brésil, l'Indonésie et la Guinée, qui connaîtraient les plus fortes augmentations jusqu'en 1990.

Ce tableau illustre assez bien la transformation structurelle qui s'est implantée dans ce secteur d'activité économique mondiale. Les diminutions de capacité les plus dramatiques qui sont connues au moment où on se parle sont, évidemment, celles du Japon où il y a eu la fermeture et la mise en veilleuse de grandes alumineries. Il y en a eu d'autres un peu partout dans le monde et il y en a sur la côte ouest des États-Unis.

Le Président (M. Paré): M. le ministre.

M. Biron: Est-ce qu'on sait exactement quelle importance ont eue les fermetures au Japon et aux États-Unis en milliers de tonnes?

Une voix: Oui.

M. Biron: M. Lefebvre?

M. Lefebvre (Jacques): Au Japon, la capacité était de 2 000 000 de tonnes et il y a présentement 1 500 000 tonnes fermées. Sur le marché mondial, la capacité est d'environ 14 000 000 de tonnes et il y avait presque 4 000 000 de tonnes de capacité de fermées à la fin de 1982, début 1983. Dans le milieu des alumineries, on croit que plus de 1 000 000 de tonnes seront définitivement fermées.

M. Biron: Dans les chiffres que vous nous présentez, vous tenez compte des fermetures et des réouvertures ailleurs.

M. Lefebvre: Oui.

M. Lebel: Le tableau 6 à la page 24, M. le Président, illustre assez bien ce qui se passe. C'est le tableau des capacités utilisées de 1977 à 1987. À cause des facteurs de localisation - c'est uniquement cela, car l'aluminium se vend à peu près le même prix partout au monde; il se vend en dollars américains et, lorsque les monnaies baissent, il y a réajustement; c'est vraiment une commodité internationale - on voit que la

capacité des installations canadiennes a été très fortement utilisée malgré la récession récente: 92% en 1977, 99% en 1978; en 1979, c'est la grève de l'Alcan qui explique la chute de l'utilisation de capacité; 100% en 1980; 100% en 1981, 88% en 1982, alors que la moyenne mondiale est à 75% d'utilisation de la capacité. Nous repassons dès 1983 à 90% d'utilisation de la capacité alors que la moyenne mondiale traîne un peu la patte à 79%. Nous pensons - et nous ne sommes pas les seuls à penser cela - que, pour la période 1983, 1984, 1985, nous obtiendrons des utilisations de capacité d'environ 97% ou 98%, ce qui est une utilisation de la pleine capacité de production.

Ce tableau illustre les difficultés que d'autres producteurs, à cause des coûts d'énergie, à cause d'une mauvaise localisation, encourent et fait comprendre le phénomène qui se passe, soit le phénomène de fermeture de capacité à certains endroits au profit de l'ouverture de capacité plus efficace dans des pays plus avantagés, notamment au Québec à cause de l'avantage de l'électricité.

M. Biron: Vous dites donc que le coût d'exploitation est responsable des baisses de production ailleurs, du fait que ces gens-là doivent payer leur électricité plus cher qu'au Québec, à cause des avantages certains qu'à la fois Reynolds et Alcan ont présentement et possiblement Pechiney-SGF, si cela se concrétise. Cela veut dire que l'électricité est un facteur important, très important dans la capacité de production employée.

M. Lebel: L'électricité est un facteur très important dans la capacité de production. On peut le souligner d'une autre manière aussi, c'est que le prix de l'alumine, un autre intrant très important dans le coût d'une tonne d'aluminium, peut représenter entre 25% et 30% du coût total d'une tonne d'aluminium. Cet intrant-là fluctue en fonction du prix de vente de l'aluminium. La plupart des contrats d'approvisionnement en alumine sont basés sur le prix de vente de l'aluminium. C'est plus qu'une tendance; la réalité est que l'alumine coûte ordinairement entre 13% et 14% du prix de vente de l'aluminium. Ce prix fluctue aussi rapidement que fluctue le prix de vente de l'aluminium, de sorte que cela illustre davantage l'autre facteur important, l'autre facteur clé qui a un poids considérable sur le résultat final des alumineries. Il est facile de comprendre qu'il se produit à ce moment-là un phénomène de fermeture. Nous avons vu ce matin, dans un graphique que nous avons exposé à l'avant, qu'en comparant les alumineries dans le monde sur la base des dollars de 1982 à l'année 1980, ils se situent sur une courbe qui va de 850 $ la tonne, coût de fabrication, à 2100 $ la tonne. Ce sont les coûts de fabrication, on n'a pas encore fait d'allocation pour le coût en capital. On n'a pas payé les frais d'intérêt sur la dette de l'aluminerie.

Évidemment, quand les prix de vente de l'aluminium se situent au prix de liste ou sur le "spot" à 1500 $ ou 1600 $ la tonne, toutes les alumineries qui ont des coûts -c'est au moins 25%, cela peut être 30% - de production supérieurs à 1500 $ la tonne perdent de l'argent chaque fois qu'elles produisent une livre additionnelle d'aluminium. Il y en a, surtout dans une conjoncture aussi basse que celle qu'on a connue en 1982, qui ne sont absolument pas capables de résister. Il faudrait pomper de l'argent toutes les fois qu'on produit une livre additionnelle d'aluminium. Il y en a qui ferment. Comme les perspectives à moyen et à long terme ne permettent pas de penser que cela va se rétablir à un point tel que des alumineries pourraient être rentables avec des coûts de production qui dépassent 1400 $ la tonne, par exemple, il est tout à fait compréhensible qu'il y ait des entreprises qui décident de fermer définitivement et de changer leur stratégie d'approvisionnement en aluminium.

Certains pays peuvent le faire plus facilement parce que les véritables effets en aval de l'industrie de l'aluminium, on les trouve dans des industries qui conviennent très bien à de très grandes économies industrialisées. L'industrie de l'automobile, l'industrie de l'avionnerie, l'industrie des produits ménagers, etc., utilisent beaucoup d'aluminium. Dans la mesure où vous avez affaire à une économie très fortement industrialisée comme celle des États-Unis et celle du Japon, vous pouvez peut-être penser à fermer des capacités d'aluminerie et de fusion, importer votre aluminium et, tout compte fait, être dans une bonne position au point de vue du commerce international. Vous achetez des lingots d'aluminium et vous exportez des automobiles, ou des produits ménagers, ou des avions. C'est le contexte général dans lequel cette dimension de la capacité des alumineries se situe. Il indique essentiellement que les pays profitant d'un avantage énergétique et, donc, de la possibilité d'offrir des approvisionnements en électricité à long terme, à des bons coûts, ont une place très importante et sûre à l'intérieur du secteur de la transformation ou de la fusion de l'aluminium.

M. Biron: M. le Président, j'aurais d'autres questions, mais je veux permettre à mon collègue de Mont-Royal de poser ses questions.

Le Président (M. Paré): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président.

D'abord, je ne blâme pas la Société générale de financement pour la situation actuelle, mais on nous demande de tenir cette commission parlementaire pour étudier le mémoire de la SGF sur un projet de 1 500 000 000 $. Si je comprends bien, vous appelez la deuxième lecture demain. Je voudrais souligner au ministre que ce n'est pas une façon responsable de procéder. Il est 15 h 30 et on ne pourra pas examiner à fond ce mémoire, on n'en aura pas le temps. Si le gouvernement avait appelé le projet de loi la semaine prochaine, cela nous aurait donné plus de temps pour interroger les membres de la SGF et étudier le mémoire qu'il nous ont présenté ce matin. Mon collègue d'Outremont me souligne que, demain matin, la commission parlementaire sur Hydro-Québec siégera. Alors, j'inviterais le ministre à y réfléchir et à réagir à notre demande.

En premier lieu, je voudrais faire un survol de certaines questions sur lesquelles je voudrais avoir certaines informations précises parce que, si on a la deuxième lecture demain, on n'aura pas la possibilité d'y revenir pour examiner tous les différents aspects du mémoire. Après, on pourra revenir sur les différentes parties du mémoire telles qu'elles ont été expliquées par M. Lebel ce matin.

Premièrement, avez-vous une étude de faisabilité sur le projet et qui l'a faite? (15 h 30)

M. Lebel: II y a une étude de faisabilité sur le projet. Elle a été réalisée au cours des deux dernières années par Pechiney. Cette étude de faisabilité nous a servi d'étude de base pour la plupart de nos travaux. Elle est présente, bien sûr, dans les projections que nous vous présentons. Par exemple, les variables comme les coûts de production et de construction de l'usine viennent de cette étude de faisabilité.

M. Ciaccia: Est-ce que c'est possible d'en obtenir une copie? Je sais qu'on ne peut pas la déposer en commission parlementaire, mais, si vous en avez une copie, on pourrait en prendre connaissance.

M. Lebel: L'étude à proprement parler, au moment où on se parle, ne nous appartient pas, mais nous y avons eu accès. Je n'aurais aucune objection à la mettre à la disposition des membres de la commission pour qu'elle puisse être consultée. Il s'agit d'organiser cela. Il n'y a rien à cacher là-dedans. Il s'agit seulement de l'utilisation d'un document qui ne nous appartient pas nécessairement. Cela pourrait être gênant de le déposer comme s'il nous appartenait.

M. Ciaccia: Mais vous avez une copie du document?

M. Lebel: Nous en avons une copie. Je dis, en plus, que cela a quand même influencé assez considérablement l'étude que nous vous avons présentée, parce que la partie coûts de construction, par exemple, vient de cette étude de rentabilité. Je peux ajouter que nous avons - sans refaire une étude de faisabilité - ajouté à cette étude de faisabilité nos propres intrants. Nous avons un spécialiste de l'aluminium qui travaille pour nous à la SGF depuis que nous sommes impliqués dans le projet. Il s'agit de M. Bruce Allen, qui est l'ex-président de la division aluminium de Noranda. C'est la personne qui a été, à toutes fins utiles, responsable de mettre sur pied la division de l'aluminium pour Noranda. C'est lui qui est notre conseiller en matière d'aluminium et c'est lui qui, avec nos services, est passé à travers l'étude de faisabilité dont nous avons pu disposer. Ces examens, les nôtres comme ceux de notre spécialiste, confirment qu'il s'agit d'une étude de faisabilité réaliste.

M. Ciaccia: M. le Président, je ne sais pas si je devrais adresser cette question au président de la SGF, M. Lebel, ou bien au ministre, mais on nous dit qu'il y a une étude de faisabilité, on nous dit que la SGF en a une copie, mais on nous dit qu'on ne peut pas nous transmettre une copie parce que ce n'est pas censé être la propriété de la SGF. Cela soulève toute la question du rôle des sociétés d'État. Comment voulez-vous qu'on puisse vraiment examiner ce projet de loi, examiner le mémoire, si on ne peut étudier le document de base qui est l'étude de faisabilité? Il me semble que le ministre pourrait nous en obtenir une copie avant la deuxième lecture demain matin afin qu'on puisse en prendre connaissance, spécialement si la SGF l'a déjà en sa possession, et elle l'a.

Le Président (M. Paré): M. le ministre.

M. Biron: M. le Président, on revient un peu à une discussion que nous avions, le député de Mont-Royal et moi, à l'occasion de la commission parlementaire sur SIDBEC, alors qu'on discutait de certains documents qui étaient la propriété de SIDBEC-Normines, donc, d'autres partenaires du secteur privé. Dans ces documents, c'est une société d'État qui intervient - exemple, la SGF dans ce cas particulier - mais en association avec des entreprises privées qui, en temps normal et selon une bonne conduite des affaires dans ce domaine, ne publient pas ces documents de travail ou ces études de faisabilité pour le grand public. C'est un peu dans ce sens-là, je crois, que le président de la SGF a répondu à la question du député de Mont-Royal tout à l'heure en disant: On n'a pas d'objection à ce que les membres de la commission parlementaire prennent

connaissance de notre étude de faisabilité.

Mais plus que cela, c'est difficile et c'est même impossible dans certains cas de prendre un document qui appartient à une entreprise privée et de le rendre public de sorte que des compétiteurs de cette entreprise privée, finalement, auront en main toutes les études de faisabilité ou d'autres genres d'études ou de documents qui sont toujours, habituellement, la propriété exclusive d'entreprises. Alors, la Société générale de financement veut se comporter, dans ce cas-là, comme une bonne entreprise privée qui a des relations avec une autre entreprise privée. Mais, en même temps, elle doit se présenter devant la commission parlementaire pour répondre à des représentants, à des actionnaires qui sont la population du Québec.

À ce sujet, je voudrais ajouter, avant de terminer sur cette question, à l'intention du député de Mont-Royal, qu'il y a plusieurs années, alors que j'étais dans l'Opposition, j'avais suggéré qu'on forme une commission parlementaire spéciale qui étudierait des rapports de sociétés d'État, mais une commission parlementaire qui se déroulerait à huis clos. Au cours des travaux de cette commission parlementaire, autant les députés de l'Opposition que ceux du gouvernement pourraient interroger les gens des sociétés d'État, mais, toujours, encore une fois, sous le sceau du huis clos afin qu'on puisse protéger les données qui sont confidentielles dans ce domaine économique, particulièrement lorsqu'on fait affaires avec de grandes entreprises. Or, à l'époque, le Parti libéral, je pense, s'était opposé à ce qu'on puisse procéder à huis clos et, finalement, cela n'a débouché nulle part. On n'a pas repris la discussion au cours des dernières années. Je veux faire part de cela au député de Mont-Royal. Il y aurait peut-être lieu, un jour, que l'Assemblée nationale ou qu'une commission spéciale se penche sur ce problème et qu'on puisse déboucher sur des travaux au cours desquels on pourrait informer tous les députés de l'Assemblée nationale, donc ceux de l'Opposition, mais en faisant en sorte aussi de protéger les données confidentielles des entreprises.

M. Ciaccia: M. le Président, je ne peux pas accepter le principe qu'une étude qui est faite pour engager des fonds publics de l'ordre de 5Q0 000 000 $ n'appartienne pas à la Société générale de financement ou au gouvernement du Québec qui avancera les 500 000 000 $. On me dit que cela appartient à Pechiney et que c'est un document privé. Pechiney vient chercher des fonds publics. On est appelé, nous, à prendre une décision: oui ou non, est-ce que nous allons approuver une dépense de 500 000 000 $ ou plus et nous faire dire que les documents sur lesquels on se basera pour prendre cette décision ne nous appartiennent pas? Je pense que cela faussera le débat. Je ne pense pas qu'on puisse accepter cela comme principe de base. Si Pechiney vient chercher des fonds publics, je pense qu'il faut qu'elle soit assujettie aux règles. Il faut que la documentation soit regardée et examinée. C'est pour cela que je l'ai dit au début de mon intervention, dans mes remarques préliminaires: II faudra que les administrateurs s'assujettissent à un examen de ces documents par les représentants de la population.

M. Biron: M. le Président, là-dessus, mon attitude est plus ouverte que celle de tous mes prédécesseurs sans exception, incluant les ministres libéraux qui sont passés à la tête du ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. On dit aux députés de l'Opposition: II y a des documents que vous pouvez consulter. Autrefois, je le sais, j'ai vécu dans l'Opposition, on ne pouvait pas consulter ces documents-là. Maintenant, je dis que ce sont des documents que vous pouvez consulter, mais ce sont des documents qui appartiennent conjointement à la fois à la Société générale de financement et à Pechiney. Si ces documents étaient publiés et tombaient entre les mains de compétiteurs de Pechiney et de la SGF, cela pourrait nuire au développement, à la profitabilité et à la production normale d'une entreprise.

M. Ciaccia: Je m'excuse de vous interrompre. Vous venez de dire que le document appartient conjointement à la SGF et à Pechiney. Autrement dit, le document appartient maintenant à la SGF aussi.

M. Biron: C'est-à-dire que ce sont des documents qui, au départ, ont été faits par Pechiney. C'est sûr que, lorsqu'on parle d'association entre les deux entreprises, il y a un certain climat de confiance qui doit exister. Il y a donc certains documents qui ont été la propriété de Pechiney qui ont été en quelque sorte mis entre les mains des gens de la Société générale de financement, mais toujours en s'assurant que ces documents ne passeraient pas, demain matin, dans les mains de compétiteurs. À ce point de vue, si on rend les documents publics -d'ailleurs, cela a été ma position pour d'autres sociétés d'État; c'est encore la même pour celle-là - qu'on fasse en sorte d'informer le mieux possible les membres de la commission parlementaire, donc les membres de l'Opposition autant que les membres du gouvernement, mais qu'on protège la confidentialité de données précises qui appartiennent à des entreprises qui doivent oeuvrer selon les règles normales de la compétition.

M. Ciaccia: M. le Président, je ne veux pas faire un débat, un "filibuster" là-dessus, mais je veux souligner le point suivant. C'est trop facile de dire: Écoutez, l'étude de faisabilité contient des informations que Pechiney ne veut pas dévoiler à ses compétiteurs, et d'utiliser cela comme excuse pour qu'on n'examine pas un document de base. Je pense que c'est élémentaire pour nous de voir ce document. Vous nous dites qu'il n'est pas disponible pour nous et qu'on ne peut pas le voir avant l'étude en deuxième lecture du projet de loi. Est-ce exact?

M. Biron: Je vous dis que vous pourriez le consulter dans les mains des gens de la Société générale de financement.

M. Ciaccia: Mais, on ne peut pas obtenir une copie du document.

M. Biron: Non.

M. Ciaccia: On va revenir sur cela, si on en a le temps, avant que la commission parlementaire termine ses travaux. M. Lebel, quelles ententes écrites avez-vous avec Pechiney? Quelles ententes écrites existent avec Pechiney?

M. Lebel: Nous avons échangé avec Pechiney, à ce jour, un énoncé d'intention. Il s'agit d'une lettre de M. Besse, le président de Pechiney, à laquelle j'ai répondu. L'essentiel de ce document, de cette lettre, porte sur les trois questions suivantes: 1-Nous avons échangé un certain nombre d'informations et, sur la base des informations échangées, nous serions disposés à aller de l'avant dans la réalisation d'un projet d'aluminerie à Bécancour d'une capacité de 230 000 tonnes, etc, etc. 2-Nous reconnaissons dans cet échange de lettres que le mode de l'indivision serait une formule que nous accepterions pour réaliser le projet avec Pechiney. 3- Nous convenions, dans le but de respecter un échéancier serré de réalisations - il faut bien réaliser ici que, si on commençait le projet une année plus tard sur l'échéancier, nous perdrions une année de bénéfice de réduction des tarifs d'électricité - d'autoriser, chacun pour notre part, une dépense totale de 5 000 000 $ en travaux préliminaires sur le site et en travaux d'ingénierie.

M. Ciaccia: Est-ce qu'il serait possible d'avoir une copie de cette lettre? Est-ce une lettre d'intention?

M. Lebel: C'est une lettre. On l'appelle un énoncé d'intention. On a ici des copies de cette lettre. Je n'ai pas d'objection.

M. Ciaccia: Est-ce qu'on pourrait en avoir une copie, s'il vous plaît? M. Lebel: Oui.

M. Ciaccia: Alors, pendant qu'on distribue les copies, je pourrais procéder à une autre question: le coût de construction. Qui est arrivé à ce coût de construction? Qui a fait cette estimation?

M. Lebel: Le coût de construction de l'usine, du projet, est effectivement une donnée de l'étude de "factibilité", dans le langage de Pechiney, dont on parlait tout à l'heure. Nous n'avons pas eu le temps, nous, de procéder à une étude de "factibilité". Il faut bien réaliser que Pechiney a eu au-delà d'un an pour mettre au point cette étude de "factibilité" qui date de 1982. Nous avons procédé à certaines vérifications que nous pouvions faire de l'étude de "factibilité" qu'on nous a permis de consulter et dont nous pouvons nous servir. (15 h 45)

Comme je le disais tout à l'heure, les examens auxquels nous avons pu procéder jusqu'ici, examens que nous allons poursuivre parallèlement à la négociation que nous poursuivons avec Pechiney, nous indiquent que les coûts du projet sont dans l'ordre des coûts de l'étude de "factibilité".

M. Ciaccia: Naturellement, il n'y a aucune garantie par Pechiney ou autres que le coût de construction de l'usine ne dépassera pas 1 500 000 000 $.

M. Lebel: On me suggère que je pourrais ajouter que l'étude a été faite en partie par un ingénieur canadien, de la firme SNC, qui a de l'expérience dans la construction des alumineries. Cela donne une garantie additionnelle que l'étude a été faite sur des bases réalistes.

M. Ciaccia: Mais, pour le moment, c'est strictement une estimation qui est incluse dans votre étude de faisabilité.

M. Lefebvre: Si vous me le permettez, M. le Président, on a eu l'occasion de vérifier la ventilation des coûts du projet de Tomago par rapport aux coûts pour d'autres alumineries qui ont été construites récemment en Amérique du Nord. De plus, Pechiney termine une aluminerie semblable, celle de Tomago, qui est exactement une copie de l'usine qui sera construite à Bécancour. Donc, nous sommes très confiants que l'estimation est réaliste.

M. Ciaccia: Est-ce que Pechiney est prête à vous garantir que le coût n'excédera pas un montant fixe?

M. Lebel: Non.

M. Ciaccia: Où en êtes-vous rendu avec le financement du projet?

M. Lebel: À l'étape où nous en sommes en ce qui concerne le financement, nous sommes à préparer un document qui, dans les semaines à venir, serait soumis à un certain nombre de banques. C'est sur la base de ce document que nous saurions, vers la fin de l'été ou au début de l'automne, soit en septembre ou en octobre, si le projet est finançable ou non aux conditions que nous mettons de l'avant dans ce document. De plus, nous avons procédé à certains sondages, comme il se doit, que nous allons poursuivre au cours de l'été. Ces sondages nous indiquent, au moment où on se parle, que le projet serait assez facilement finançable. J'entends la part du groupe québécois, soit les 500 000 000 $ ou les 350 000 000 $ de dette du groupe québécois.

En matière de financement, nous avons procédé également à certaines démarches préliminaires auprès d'entreprises ou de groupes qui pourraient être intéressés comme investisseurs. Ces démarches vont se poursuivre au cours de l'été et devraient donner des résultats. Nous devrions savoir, vers le début de l'automne, s'il y a des chances d'obtenir, en plus d'un financement bancaire, une participation d'autres investisseurs ou d'autres producteurs.

M. Ciaccia: Alors, si je comprends bien, aujourd'hui, il est trop tôt pour dire que vous avez un engagement, soit d'une banque ou d'un groupe de banques, pour financer à X montant d'argent la partie du gouvernement du Québec.

M. Lebel: II est trop tôt pour le dire, mais votre question me permet de faire une remarque générale à cet égard. On ne peut pas considérer que ce projet a atteint un stade irréversible. Il pourrait arriver, au cours de l'été ou au cours de l'automne prochain, principalement sur des questions relatives au contrat, à l'accord-cadre à signer avec Pechiney, que les conditions soient telles que nous devrions juger qu'il n'est pas opportun d'aller de l'avant et, donc, le projet pourrait tomber ou pourrait être remis à plus tard.

Le deuxième facteur qui pourrait compromettre une réalisation du projet est le financement. Il pourrait s'avérer que le financement soit plus dur à trouver qu'il n'apparaît au moment où l'on se parle. Je dis cela pour le groupe que nous représenterions si jamais nous allions de l'avant, mais les mêmes difficultés pourraient se poser de la part des partenaires qui nous ont invités à nous associer avec eux dans la réalisation de ce projet. Comme c'est une projet en indivision et que chaque partenaire doit aller chercher son propre financement, quand nous travaillons sur du financement pour la part québécoise, eh bien, le groupe Pechiney, lui, travaille sur du financement pour sa part. Il pourrait arriver aussi de ce côté que le financement - c'est peu probable au moment où l'on se parle - ne soit pas réalisable et cela pourrait compromettre le projet. Même chose, Pechiney pourrait trouver que, dans nos exigences dans l'accord-cadre, il y a des choses qu'ils ne peuvent pas accepter et cela pourrait compromettre le projet. Alors, je pense que, dans toutes nos discussions, il faut, même si on ne le fait pas tout le temps, parler au conditionnel. C'est un projet qui, dans une certaine mesure, dans sa conception, a un certain degré d'avancement, mais qui pourrait encore ne pas recevoir le feu vert.

M. Ciaccia: Si je comprends bien, la part de financement du Québec, de la SGF, vous vous engagez pour 150 000 000 $ sur la partie de 500 000 000 $ qui sera le tiers pour lequel le gouvernement du Québec sera responsable. Il reste 1 000 000 000 $ pour Pechiney. Est-ce que vous avez un engagement de Pechiney qu'ils vont investir 300 000 000 $ de leurs fonds et ne financer que 700 000 000 $ sur leur portion du projet?

M. Lebel: À la signature de l'accord-cadre, ils vont devoir être capables de répondre à cette question et, s'ils n'en sont pas capables ou si nous ne sommes pas capables d'y répondre, il n'y aura pas d'accord-cadre. On se souvient qu'en indivision chaque partie est responsable de trouver son financement, mais à un moment donné, pour donner le feu vert au projet et engager des dépenses beaucoup plus substantielles, il faut être capable de dire: Oui, j'ai le financement et ce, de part et d'autre.

M. Ciaccia: Oui, mais quand vous dites que dans une partie indivise chaque partie doit trouver son financement, est-ce que vous voulez suggérer que ce serait possible que Pechiney finance la totalité de sa part sans investir des fonds? Si tel est le cas, cela va affecter le rendement de l'opération parce que le Québec aura investi 150 000 000 $.

M. Lebel: Cela va affecter le rendement de Pechiney si jamais ils procédaient de cette façon. Souvenons-nous qu'en indivision les résultats ne sont pas ceux de l'usine qui fabrique l'aluminium, mais ceux du groupe qui s'est engagé financièrement, qui fournit de l'alumine et qui, à l'autre bout, prend l'aluminium. Votre hypothèse affecterait les résultats de Pechiney.

M. Ciaccia: Cela affecterait aussi le risque parce que, si le gouvernement du Québec est prêt à mettre 150 000 000 $ et que Pechiney dit: Non, je suis prêt à ne rien mettre, je vais financer la totalité, le risque est un peu différent. Alors, est-ce que vous me dites aujourd'hui qu'il n'y a pas d'engagement de la part de Pechiney d'investir au moins 300 000 000 $ si sa partie du projet coûte 1 000 000 000 $? Est-ce qu'il y a un tel engagement ou non?

M. Lebel: II y a des indications que Pechiney va au moins mettre les 30% d'équité nécessaires. C'est un minimum d'équité nécessaire pour réaliser son projet et pour obtenir le financement. Ce serait surprenant, mais c'est théoriquement possible, Pechiney étant une grande entreprise internationale, qu'elle obtienne ce genre de financement. Pour moi, c'est théorique. Je ne pense pas qu'un consortium bancaire lui prêterait, même avec la garantie de Pechiney, 70% de sa part à elle. Elle devra avoir de l'équité. On n'a pas à prendre un engagement tout de suite de part et d'autre à cet égard, je le répète. On va le prendre au moment de compléter les choses dans un accord-cadre. C'est à ce moment qu'on devra dire si on est capable d'allonger le financement nécessaire pour réaliser le projet.

M. Ciaccia: Dans cette entente-cadre -vous nous dites qu'elle n'est pas signée, qu'elle n'est pas complétée, il reste encore beaucoup de négociations - allez-vous insister, lors de vos négociations, de la même façon que le Québec s'engage à mettre 150 000 000 $ pour sa partie de l'investissement, pour que Pechiney investisse au moins 300 000 000 $ pour sa partie?

M. Lebel: Théoriquement, nous n'aurions pas à le faire. Ce sont les banquiers qui vont leur dire cela. Ce sont les banquiers finançant le groupe Pechiney qui jugeront si les conditions de financement que Pechiney leur propose pour 1 000 000 000 $ sont acceptables ou non. Je maintiens que, théoriquement, ils pourraient avoir un financement à 100%, mais cela m'apparaît improbable et particulièrement impossible.

M. Ciaccia: Je ne le sais pas, je vous pose la question: Est-ce la SGF qui négociera ou le ministre des Finances ou peut-être le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme? C'est la SGF. Alors, allez-vous insister pour que Pechiney investisse au moins 30% de ses coûts dans le projet?

M. Lebel: Je pense que notre incompréhension vient de l'incompréhension de la formule dont nous parlons. C'est un projet en recours limité. Si le groupe

Pechiney veut aller de l'avant dans le projet qu'on pense pouvoir faire ensemble au moment où on se parle, il n'aura pas le choix - il va le faire à ses banquiers avant de nous le faire à nous - de garantir qu'il va mettre l'équité nécessaire à la réalisation du projet. Il sera pris dans le même processus que nous. Il va demander 600 000 000 $ ou 700 000 000 $ aux banquiers. Les banquiers vont lui dire: Oui, vous aurez 700 000 000 $ dans la mesure où vous mettrez un minimum de 30% d'équité.

M. Ciaccia: II ne s'agit pas d'un contre-interrogatoire auquel je veux vous soumettre, mais...

Une voix: II faudrait prêter serment.

M. Ciaccia: ...si je demande à un autre investisseur de s'associer à moi, si je suis prêt à investir 30% et que cela représente 150 000 000 $ de fonds publics du Québec, j'exigerais que mon associé - soit par indivision ou autrement, parce que ce sont eux qui ont exigé l'indivision dans le document - investisse le même pourcentage. La question que je vous pose - je ne veux pas savoir ce que les banques veulent faire ou ce que Pechiney a fait ailleurs - c'est ceci: Vous comme représentant de la SGF, des fonds publics du Québec, allez-vous insister dans votre document-cadre pour que Pechiney investisse au moins 30% pour sa partie du projet?

M. Lebel: Est-ce que je peux passer la parole à mon collègue?

M. Gagnon (Louis-Gilles): M. Ciaccia, nous sommes en présence, à cause du facteur d'indivision, de ce qu'on pourrait peut-être appeler deux projets par rapport à la question que vous posez. M. Lebel a énoncé tout à l'heure, dans sa présentation préliminaire, que l'un des attributs de l'indivision est l'indépendance financière. C'est ce qu'on recherche effectivement. Chaque participant se finance entièrement comme il l'entend, sans référence à l'autre partenaire ou à quelqu'un d'autre.

M. Ciaccia: J'ai compris cela. Vous me dites que, si Pechiney n'investit aucun argent, vous accepterez cela. S'ils n'investissent pas de fonds, vous accepterez cela. (16 heures)

M. Gagnon (Louis-Gilles): Si nous allons dans la structure de l'indivision, c'est entendu a priori que nous allons accepter cela.

M. Ciaccia: La partie indivision, c'est un projet. Je comprends que la SGF sera responsable seulement pour ses 30%, mais,

advenant le cas où quelque chose arriverait au projet, vous ne pouvez pas diviser vos 30% et vous en aller avec. Les autres 70% vont être là. Si l'autre côté est financé à 70%, cela va augmenter le risque éventuel pour la SGF si elle est prise avec le projet. Vous n'auriez pas les fonds de l'investisseur; vous auriez strictement le financement.

M. Lebel: Cela n'augmente pas le risque de la SGF. L'usine reste là. et nous devenons à ce moment-là partenaire des banquiers qui ont prêté jusqu'à 100% d'un projet. Je vous dis que c'est peu probable que cela se fasse comme cela, mais cela ne compromet pas le projet...

M. Ciaccia: Mais vous n'insisterez pas.

M. Lebel: ...et cela n'augmente pas les coûts du projet. Si un des indivisaires décidait qu'il peut tout financer cela en emprunt, cela n'augmente pas les coûts du projet, nous n'avons pas de pénalité et j'ajoute que nous sommes en recours limité. À mon point de vue, avec un recours limité, personne ne pourra aller chercher un financement sans mettre au minimum, au départ, 30%. Le projet va s'autosuffire à partir du moment où nous atteindrons, de part et d'autre, un ratio d'équité qui sera de l'ordre de 50-50. Je le dis bien, par impossible, si on nous arrivait avec une structure de financement de l'autre côté qui, semble-t-il, permet de faire à peu près n'importe quoi au point de vue du financement, bien sûr, nous nous poserions des questions et nous poserions des questions à notre interlocuteur. Mais je ne crois pas que des banques comme la Banque de Montréal, ou la Banque de Nouvelle-Écosse ou quelque grande banque américaine ou quelque grande banque française, parce que c'est de cela dont on parle, arriveraient avec un "deal" comme celui-là. C'est elles qui prendraient, pas nous, le risque financier du milliard de Pechiney.

M. Ciaccia: Seulement, pour être exact, vous n'avez pas exigé cet investissement de la part de Pechiney comme condition essentielle à votre entente.

M. Lebel: Si on accepte l'indivision, la réponse à votre question est non. En acceptant l'indivision, on ne peut pas l'exiger. Le principe même de l'indivision, c'est que chacun est responsable d'amener son propre financement, étant entendu que ses difficultés financières ne compromettent pas le projet.

M. Ciaccia: Si dans l'indivision vous n'exigez pas cela de Pechiney, pourquoi dans le projet de loi actuel il y a l'obligation du Québec de mettre de ses propres fonds 150 000 000 $? Pourquoi ne laisse-t-on pas cela ouvert en disant: On va financer cela de la même façon si Pechiney peut le faire? Vous voulez laisser la marge de manoeuvre à Pechiney; pourquoi ne laissez-vous pas la même marge de manoeuvre à la SGF?

M. Lebel: Ce n'est pas une exigence de Pechiney. Pas plus nous n'allons exiger de Pechiney une structure de financement, pas plus elle ne peut exiger de nous une structure de financement. Pourquoi avons-nous suggéré que notre capital-actions soit augmenté de 150 000 000 $ pour nous permettre de réaliser le projet? C'est que nous pensons - et nos sondages, d'ailleurs, l'indiquent - devoir mettre un minimum d'équité pour obtenir le financement des 350 000 000 $ qui restent.

M. Ciaccia: À la page 8 de votre document où vous parlez de financement en recours limité, vous dites que la garantie gouvernementale tomberait et que la dette deviendrait garantie par la seule viabilité financière du projet. Nous dites-vous que le gouvernement du Québec ne garantirait pas l'emprunt que la SGF prendrait à long terme sur le projet?

M. Lebel: Le gouvernement garantirait l'emprunt de 350 000 000 $ nécessaire pour réaliser le projet. La garantie du gouvernement tomberait, cependant, à partir du moment où, premièrement, le projet serait parachevé et, deuxièmement - cela fait partie des conditions, de toute manière, que nous allons proposer aux financiers - à partir du moment où le ratio dette-équité à l'intérieur du groupe québécois aura atteint 50-50. Selon les prévisions que nous avons à l'heure actuelle, ce moment pourrait se produire quelque part en 1990, 1991?

Une voix: 1992.

M. Lebel: En 1992. C'est-à-dire qu'en 1992, selon nos projections actuelles, d'abord, le projet aura été accepté. Normalement, il devrait l'être dans l'année au cours de laquelle il aura commencé à produire. Ce sont des tests plutôt techniques. Il s'agit de savoir si l'usine est capable de produire - ce pourquoi elle a été construite - 230 000 tonnes d'aluminium par an. Une fois que ces tests seraient accomplis, au fur et à mesure que la dette initiale serait remboursée, le rapport dette-équité monterait et, selon une simulation que nous avons, en 1992, il serait de 50-50. À ce moment-là, la garantie gouvernementale sur le projet tomberait. Le projet ne serait plus garanti que par sa propre capacité. Il volerait de ses propres ailes. Ce moment pourrait arriver antérieurement dans la mesure, évidemment, où nous obtenons une réponse plus favorable

de la part de partenaires à l'intérieur du groupe québécois. Dès que nous aurons atteint 50-50 en équité et dès que les tests de parachèvement seront passés, le projet se supporterait lui-même. Autrement dit, la garantie gouvernementale pourrait tomber en 1989.

M. Ciaccia: Est-ce que vous avez étudié d'autres structures juridiques que l'indivision qui a été exigée par Pechiney?

M. Lebel: Nous n'avons pas étudié d'autres structures juridiques que l'indivision qui était demandée. La question de l'indivision s'est posée dès notre première rencontre avec le groupe Pechiney. On nous a fait une présentation de l'étude de "factibilité". Un des sujets de la présentation qu'on nous a faite à ce moment-là était le fonctionnement de l'indivision et pourquoi c'était important.

L'examen auquel nous avons procédé a, d'abord, été de comprendre de quoi il s'agissait, parce que ce n'est pas très commun au Canada. C'est plus commun ailleurs dans le monde pour ce type de projet, mais ce n'est pas commun au Canada. Alors, la question que nous nous sommes posée était à savoir si c'était une structure à l'intérieur de laquelle on peut vivre, si c'est une structure qui offre des avantages à Pechiney qu'elle n'offrirait pas au groupe québécois et si c'est une structure qui offre des avantages au groupe québécois.

Notre conclusion de cet examen ou de cette analyse était que l'indivision n'est pas si bête que cela. Cela permet, justement, de s'associer dans un genre de "joint venture" pour réaliser un projet de cette envergure. Cela offre autant d'avantages au groupe québécois qu'au groupe Pechiney. Je les ai mentionnés ce matin, les avantages de l'indivision. Ils nous apparaissent aussi avantageux pour la SGF et ses partenaires éventuels dans le groupe québécois que pour Pechiney. La conclusion de cela est - c'est examen qui a duré environ un mois, six semaines - que l'indivision que nous proposait Pechiney, parce qu'ils y voyaient des avantages dans son organisation, nous était acceptable et nous était même favorable.

M. Ciaccia: Avec l'indivision, avec le projet tel que vous le décrivez dans votre mémoire, qui va être responsable de la vente du produit de l'usine?

M. Lebel: II y a deux possibilités. La première, c'est que Pechiney soit responsable de vendre ses deux tiers - si c'est toujours deux tiers, un tiers - et que nous soyons responsables de vendre notre tiers. Ce seraient les conséquences naturelles de l'indivision. Et, si, à la place de la SGF, Pechiney s'était associée avec un producteur d'aluminium qui est déjà sur le marché mondial, vendeur ou utilisateur d'aluminium, c'est probablement ce qui se serait produit. Pechiney aurait vendu ses deux tiers, le groupe X aurait vendu son tiers et cela n'aurait pas été plus compliqué que cela. Or, il arrive que nous, nous ne sommes pas des producteurs d'aluminium, que nous n'avons pas de réseau international de vente d'aluminium. Nous sommes assez réalistes pour nous dire dès le départ que probablement cela ne s'acquiert pas du jour au lendemain seulement parce que nous avons décidé d'entrer dans le jeu.

Il y a donc une deuxième possibilité qui nous est offerte et qui sera éventuellement prise, c'est que Pechiney s'engage par contrat à acheter notre production et à l'écouler contre, évidemment, une rémunération qu'on retrouverait dans le prix qu'on nous paierait pour notre aluminium. Cette possibilité nous est offerte, elle n'est pas retirable. Et le jour où elle serait retirée, avant ou au moment de la signature de l'accord-cadre, cela pourrait être une raison pour ne pas aller de l'avant dans le projet.

Parallèlement à cela, bien sûr, nous avons fait - et nous allons continuer, parce qu'il nous reste, quand même, deux ou trois mois avant de geler cela dans le béton avec nos partenaires - certains sondages pour savoir si nous pourrions trouver des producteurs d'aluminium qui seraient intéressés, par exemple, à écouler notre production. Nous avons besoin de ces démarches, entre autres, pour savoir si le contrat que nous offre Pechiney est acceptable.

Il pourrait se présenter aussi - et là, je suis dans le domaine de l'hypothétique - qu'à l'intérieur du groupe québécois nous réussissions à attirer un producteur, que ce producteur pourrait être intéressé, lui, non pas au tiers de la production de Bécancour, mais à une partie de cette production. Contractuellement, nous pourrions aussi nous engager avec ce producteur qui serait notre partenaire. Ce sont des possibilités que nous envisageons, que nous étudions présentement, ayant comme position de repli et de prudence que, de toute manière, nous pourrions vendre toute notre production à Pechiney pour un prix conctractuel pour lequel nous avons déjà une offre déposée et qui est à l'étude chez nous.

M. Ciaccia: Essentiellement, est-ce que je dois comprendre que la production de votre tiers de l'usine appartient à la SGF? Vous êtes les propriétaires...

M. Lebel: Nous sommes les propriétaires. ■

M. Ciaccia: ...et les risques de vendre

cette production appartiennent à la SGF aussi?

M. Lebel: Si nous ne signons pas le contrat dont je vous ai parlé avec Pechiney, cela pourrait être cela. (16 h 15)

M. Ciaccia: Avant de signer ce contrat, vous êtes les propriétaires et le risque de vente appartient à la SGF, est-ce exact?

M. Lebel: Avant de signer ce contrat, nous sommes les propriétaires et le risque de vente appartient à la SGF.

M. Ciaccia: Est-ce qu'une des conditions du contrat serait que le risque de perte possible - parce qu'il va y avoir des fluctuations dans le marché - doit appartenir à Pechiney ou appartenir à la SGF? Autrement dit, quand vous allez signer le contrat avec Pechiney pour un tel nombre d'années, est-ce qu'elle va vous garantir que vous allez toujours avoir au moins le coût de votre production plus un profit?

M. Lebel: Elle va nous garantir qu'elle va écouler toute notre production...

M. Ciaccia: À quel prix?

M. Lebel: ...contre un prix qui est basé sur l'indice prix indépendant Pechiney, l'indice PIP, qui est un de ces prix contractuels qu'on retrouve sur le marché. Les travaux que nous faisons présentement consistent à vérifier comment ce prix se situe par rapport aux autres prix que nous connaissons et qui sont publiés. Ce sont ces prix qui fluctuent moins que le prix "spot", parce que ce sont des prix contractuels. Mais, en période de basse conjoncture, ils baissent; en période de haute conjoncture, ils montent.

M. Ciaccia: Est-ce que cette formule du prix PIP, à laquelle vous référez, donne une garantie que vous allez toujours être remboursés pour au moins le coût de votre production plus un profit?

M. Lebel: II n'y a pas cette garantie. On pourrait y arriver...

M. Ciaccia: Alors, c'est possible. Je donne l'exemple qu'on a à SIDBEC-Normines: à un moment donné, il y avait un prix, il y a le "Lake Erie price" et il y a le prix mondial. SIDBEC doit acheter la production au prix que cela coûte, mais, si le prix mondial est moins élevé, elle perd. Alors, si je comprends bien, on est dans la même situation ici. L'indivision a évité le contrat d'achat parce que vous êtes propriétaires. Au lieu d'avoir le contrat d'achat, vous êtes propriétaires de la production. Alors, on élimine le contrat d'achat comme dans SIDBEC-Normines. Mais, d'autre part, vous avez le même risque dans la vente du produit. C'est compréhensible, parce que je ne pense pas que quelqu'un va pouvoir vous garantir aujourd'hui que vous allez toujours faire un profit sur votre production. Alors, vous êtes dans la situation où le risque, essentiellement... C'est cela que je veux savoir: Est-ce que le risque pour la vente du produit appartient à la SGF?

M. Lebel: On n'a pas le risque d'être obligé de se stocker. Dans l'hypothèse où on passe un contrat avec Pechiney, notre production est écoulée. On a le risque du prix qui, lui, pourrait théoriquement devenir plus bas que nos coûts de fabrication, comme n'importe quel producteur.

M. Ciaccia: Mais c'est plus que théoriquement, parce que, si je regarde le tableau que vous nous avez démontré ici, le graphique 1 - je ne sais pas si vous pouvez le voir...

M. Lebel: Oui, je l'ai ici.

M. Ciaccia: ... - depuis 1980 le coût, le prix LME - corrigez-moi si j'ai mal compris - le prix US producer - cela, c'est le coût -est resté à un certain niveau, mais, pour les ventes, le prix LME a été en bas du coût de production.

M. Lebel: En effet, vous avez raison. Le prix LME a atteint en 1982 un point autour de 900 $ qui serait très près de notre "break even" si nous étions en production présentement. Une telle situation se reproduisant dans le futur, la question se poserait à savoir si on continue à produire ou si on arrête. Une telle situation créerait la difficulté qu'ont connue les producteurs d'aluminium en 1982.

M. Ciaccia: Si vous arrêtez de produire, combien allez-vous perdre par année? Parce que vous avez votre investissement, vous avez l'usine, vous avez vos coûts de refinancement, il va y avoir certaines opérations minimales qu'il va falloir continuer. Alors, si vous arrêtez de produire, combien cela peut-il vous coûter en perte, tous les ans?

M. Lebel: Comme n'importe quelle entreprise qui est obligée de fermer ses portes dans un mauvaise conjoncture, nous devrions assumer les coûts fixes. Les coûts fixes, en 1988, si nous devions passer l'année 1988 sans produire, seraient de 45 300 000 $ et, en 1989, si nous devions arrêter de produire toute l'année, cela coûterait 44 700 000 $.

M. Ciaccia: Si, théoriquement, parce que, parfois, on a envisagé cette situation pour un autre cas, il y avait une situation très désastreuse, soit qu'il y ait une surproduction ou qu'on ouvre d'autres usines au Brésil ou ailleurs dans le monde et si vous êtes obligés d'interrompre vos activités, ce coût d'environ 40 000 000 $ par année se répartira sur combien d'années?

M. Lebel: Ce serait la base, j'imagine, avec une légère indexation. Non, ce serait la base pour toutes les années au cours desquelles on ne serait pas en production. Maintenant, votre question se pose dans le contexte où il y aurait 75% à 80% des usines de production d'aluminium dans le monde qui seraient dans une position pire que la nôtre. Il y en aurait un nombre assez considérable qui devraient interrompre leur production avant nous. Vous vous souvenez du même graphique où nous nous comparons, comme producteurs, aux autres usines dans le monde. À ce moment-là, il faut bien réaliser qu'il y aurait des usines qui produiraient, elles, à 1900 $ ou à 1950 $ la tonne et qui, pour chaque tonne d'aluminium produite, perdraient 1000 $. Alors, il y a des chances que cette partie de la courbe arrête de produire avant que l'usine de Bécancour devienne en difficulté.

M. Ciaccia: Mais ce sont encore des estimations et des indications basées sur ces estimations, de la même façon que pour d'autres industries qui ont fait les mêmes prévisions dans le passé. Cela peut augmenter ou cela peut diminuer. Le seul point que je voulais établir était que le risque...

M. Lebel: C'est exact.

M. Ciaccia: ...appartient à la SGF, non seulement le risque de la construction, évidemment, et de son prix, mais aussi le risque d'écouler la production.

M. Lebel: Si vous le permettez, non pas le risque d'écouler la production, mais le risque...

M. Ciaccia: De la vendre.

M. Lebel: ...du prix. Ce n'est pas tout à fait la même chose. On peut arrêter de produire.

M. Ciaccia: Si vous arrêtez de produire, oui, exactement.

M. Lebel: Par rapport à l'image que vous avez évoquée, c'est une différence essentielle en ce sens qu'on n'a pas à donner de garantie que nous allons produire et que nous allons stocker si les conditions sont telles qu'il n'y a pas avantage à produire ou à stocker.

M. Ciaccia: Oui, mais que vous perdiez de l'argent en vendant de l'aluminium en bas du prix du marché ou en bas du prix de production ou que vous subissiez des pertes parce que vous ne produisez pas, ce sont des pertes quand même.

M. Lebel: Ce sont des pertes.

M. Ciaccia: Si le coût de construction est plus que 1 500 000 000 $ - parce que c'est une estimation et il y a eu plusieurs usines qui ont été estimées à 300 000 000 $ ou 400 000 000 $ dont le prix a doublé -qu'arrivera-t-il pour l'excédent? Qui sera responsable et dans quelle proportion?

M. Lebel: Dans le contrat de financement, il va y avoir une marge prévue pour dépassement de coût de construction. Nous avons, par ailleurs, dans notre étude de sensibilité, étudié une hypothèse dramatique où le coût de construction dépasserait de 20% et où, en plus de cela, il y aurait des retards dans la construction et où nous commencerions à produire une année plus tard. C'est à l'avant-dernière page, je pense, à la page 74. Cette hypothèse pessimiste ne compromet pas le projet et nous avons toujours un rendement interne de 13,9% et un rendement sur l'équité de 16,4%.

Évidemment, cela rend le projet moins attrayant, mais cela ne crée pas une situation désastreuse pour le projet. La question de savoir s'il devrait y avoir de l'équité additionnelle dans le projet advenant une situation comme celle-là - j'imagine que c'est celle-là que vous avez derrière la tête - elle se pose dans le contexte suivant. Si nous avons toujours eu le minimum d'équité, c'est-à-dire les 30% d'équité, il est possible qu'une situation comme celle-là exige de l'équité additionnelle. Il est possible aussi -cela dépend toujours de la possibilité d'attirer des partenaires à l'intérieur du projet - que notre ratio dette-équité soit tel qu'on n'ait pas besoin de financement additionnel.

M. Ciaccia: Mais quelles exigences -vous ne le savez pas aujourd'hui et je pense que personne ne peut dire le coût exact -allez-vous imposer à Pechiney si le coût dépasse 1 500 000 000 $? Allez-vous exiger que les partenaires fournissent le financement additionnel par équité ou qu'ils s'obligent à obtenir le financement additionnel? Quelles seront les conditions de l'entente?

M. Lebel: Est-ce que je peux passer la parole à M. Louis-Gilles Gagnon qui s'est lié à la négociation de l'accord-cadre avec

Pechiney? Certaines parties de l'accord-cadre couvriraient une telle éventualité.

M. Gagnon (Louis-Gilles): II n'y a, évidemment, aucune négociation finale sur cet aspect, mais nous avons quand même eu l'occasion d'échanger des idées à cet égard. Il est bien évident qu'avant de commencer le projet nous aurons un prix plafond qui sera agréé par les deux parties, qui se rapprochera probablement des estimations que nous avons actuellement. Au-delà de cela, il faudra traiter des dépassements de coûts éventuels. Nous irons, encore une fois, négocier ce qui fera l'affaire des deux parties, à savoir que, s'il y a des dépassements qui excèdent de 10%, de 20% -je n'ai aucune idée du pourcentage - peut-être qu'une partie pourra décider de se laisser diluer si l'autre partie veut continuer. Peut-être qu'il y aura un engagement réciproque de rencontrer le prorata qui existe déjà dans les participations et, par la suite, excédant ce plafond ultime, effectivement, ce sera à chaque partie de décider si on continue le projet ou si on l'abandonne. S'il y en a une qui veut continuer, ce sera la dilution de l'autre partie.

M. Ciaccia: Mais, habituellement, ce qui se produit, c'est que vous ne savez pas nécessairement d'avance que le prix de construction va excéder 1 500 000 000 $. En toute bonne foi, vous pouvez commencer un projet et, au fur et à mesure que vous procédez à la construction, vous allez vous apercevoir que votre estimation et même que certains contrats que vous aviez ne reviendront pas à 1 500 000 000 $ et que cela peut augmenter. Est-ce que vous nous dites aujourd'hui que vous ne pouvez nous dire quelles conditions vous allez imposer à des associés, advenant le cas où le coût de construction excède l'estimation de 1 500 000 000 $?

M. Lebel: Il y a des conditions à poser, mais il y a des conditions qu'on va devoir se poser mutuellement, c'est-à-dire qu'il y a des scénarios dramatiques qu'il va falloir envisager et qu'il va falloir couvrir dans l'entente-cadre. Mais il y a une chose certaine au départ - le risque que vous soulignez est là et nous n'essayons pas de le cacher - nous ne pensons pas pouvoir avoir un financement où, par exemple, advenant des dépassements de coûts faramineux, les banquiers vont tout simplement pomper l'argent à notre groupe et où nous n'aurons pas à mettre de l'équité additionnelle. S'il survenait une situation où ces dépassements de coûts sont tels que cela exige plus que 150 000 000 $ de la part de la SGF, si nous voulions continuer nous n'aurions pas d'autre choix que de revenir devant notre actionnaire et de demander de l'argent pour maintenir le ratio dette-équité minimal dont nous aurions convenu avec les banquiers. (16 h 30)

M. Ciaccia: Les banquiers ne prendront pas le risque. Les banquiers vont vous prêter 350 000 000 $, le Québec mettra 150 000 000 $ et le gouvernement du Québec garantira les 350 000 000 $. Quand vous arrivez au bout de vos 350 000 000 $, le banquier reste là et il a la garantie du gouvernement. Si vous avez besoin de X centaines de millions, qu'arrivera-t-il? Est-ce que vous pouvez exiger aujourd'hui que chaque partenaire investisse au prorata de ses 30% et obtenir le financement? Exigerez-vous ce minimum de protection?

M. Lebel: C'est ce qui sera couvert dans l'accord-cadre. Ce qu'on vous indiquait tout à l'heure, c'est qu'il va y avoir diverses possibilités selon qu'on dépasse soit de 10%, soit de 15%, soit de 20% les coûts de construction. Une première possibilité, c'est que nous nous engagions à mettre notre part jusqu'à un certain niveau de dépassement; après quoi, nous pourrions avoir l'option d'être dilués ou de diluer l'autre si l'un ou l'autre n'est pas en mesure de poursuivre. Il pourrait - et c'est la situation catastrophique - arriver une situation telle qu'il pourrait s'avérer que c'est mieux de prendre la perte - le risque du gouvernement, à ce moment-là, est de 500 000 000 $; vous l'avez souligné et je pense que c'est normal qu'on le souligne - et d'arrêter tout cela, d'arrêter les frais.

M. Ciaccia: Un instant, j'essaie de comprendre. On n'a pas commencé et on prend le risque de prendre une perte de 500 000 000 $. J'essaie de comprendre votre scénario. Vous avez la construction d'une usine qui doit coûter 1 500 000 000 $. Tout le monde est de bonne foi, on a des ententes. Vous allez placer 500 000 000 $ du Québec et 350 000 000 $ de financement. J'ignore à ce moment-ci ce que fera Pechiney. Peut-être financera-t-elle la totalité de sa partie.

M. Lebel: Vous pouvez considérer qu'elle mettra 300 000 000 $ et qu'elle va emprunter 700 000 000 $.

M. Ciaccia: Vous le considérez mais vous n'êtes pas prêt à me dire aujourd'hui que vous allez exiger cela de Pechiney. Vous n'êtes pas prêt. Êtes-vous prêt à exiger cela de Pechiney? M. Lefebvre me dit non. Alors, vous n'exigez pas cela de Pechiney. Théoriquement, Pechiney peut trouver le financement. Vers la fin - et c'est comme cela que ces projets-là se produisent - vous êtes rendus à 2 000 000 000 $, pas à 1 500 000 000 $; qu'arrivera-t-il aux

500 000 000 $ additionnels? Quelles conditions additionnelles poserez-vous dans le contrat à Pechiney pour couvrir cette éventualité? Vous me dites que vous diluerez. Ce n'est pas une protection pour le Québec parce que diluer la part de Pechiney, cela veut dire que le Québec vienne seul avec les 500 000 000 $. Au lieu de nous dire aujourd'hui que vous avez un investissement de 500 000 000 $, vous aurez un investissement de 1 000 000 000 $. On veut éviter les catastrophes du passé et on cherche à avoir des indications. Quelle protection allez-vous exiger de Pechiney ou de vos associés pour que ces situations ne se produisent pas? Si les situations, par hasard, par accident ou autrement se produisaient -il peut y avoir de l'inflation et tous les autres risques - quelles garanties allez-vous demander à vos associés pour que votre risque n'augmente pas plus qu'il ne l'est maintenant?

M. Lebel: Nous allons...

Le Président (M. Champagne): M. le ministre aurait peut-être une réponse, si vous n'avez pas d'objection.

M. Biron: Quand on parle d'un investissement dans un domaine comme celui de l'aluminium, bien sûr, il y a certains risques, mais il n'y a pas de domaine aussi peu risqué pour le Québec que le domaine de l'aluminium. Une très grande partie du coût, ce sera l'électricité que le Québec produit et a en excédent.

M. Ciaccia: Excusez-moi, est-ce que je peux interrompre?

M. Biron: M. le député de Mont-Royal, il y a toujours certains risques.

M. Ciaccia: Je ne parle pas de l'opération.

M. Biron: Vous ne pouvez pas faire un investissement de 500 000 000 $ en disant: D'autres vont nous garantir qu'il n'y aura aucun risque pour nous. La Société générale de financement est une entreprise industrielle qui fait de la transformation de la matière, comme n'importe quelle entreprise industrielle, comme l'Alcan...

M. Ciaccia: M. le Président, question de règlement. Est-ce que je pourrais faire une question de règlement?

M. Biron: Non, mais...

M. Ciaccia: Je ne veux pas interrompre le ministre, mais il ne nous reste pas beaucoup de temps. Je ne parle pas des risques de l'opération. Je sais qu'il y a des risques. On a passé à travers cela; je parle du coût de construction. Je demande: Quelle garantie allons-nous avoir dans le coût de construction? On a une usine à SIDBEC-Normines qui devait coûté 300 000 000 $, elle a coûté 650 000 000 $.

M. Biron: Sous les libéraux.

M. Ciaccia: Vous voulez faire de la petite politique, faites-la.

M. Biron: Non, ce n'est pas cela.

M. Ciaccia: Si c'est le rôle que vous voulez jouer cet après-midi, allez-y. Quand vous aurez le droit de parole, vous ferez toute la petite politique que vous voulez. J'essaie d'éviter les erreurs du passé et je suggère à la SGF des mesures. Je demande: Quelles mesures vont-ils prendre advenant le cas où il y aurait des excédents dans le coût de construction? Je ne parle pas du risque d'exploiter l'aluminerie. Je le sais que c'est un risque, on en a discuté et on en discutera encore. Je parle pas de la première étape, du coût de construction. Quelle sera la protection pour la SGF? Elle ne peut pas avoir de garantie que cela coûtera seulement 1 500 000 000 $, je le sais, on l'a admis, mais advenant le cas où cela coûterait plus, que va-t-il arriver? C'est la seule question que je pose.

M. Biron: M. le Président, là-dessus, c'est sûr que, lorsqu'on décide d'investir 1 500 000 000 $, cela peut coûter un peu moins comme cela peut coûter un peu plus. C'est sûr que si on dit: Cela va se faire dans dix ans, les risques sont plus grands parce que c'est difficile de voir dans une boule de cristal dans dix ans. Mais on a dit que l'aluminerie serait construite à la fin de 1986. Donc, cela donne, en fait, la moitié de l'année 1983, les années 1984, 1985 et 1986. C'est dans un avenir, quand même, assez rapproché. Avec les méthodes d'aujourd'hui, avec les coûts de construction d'autres alumineries, en particulier au Québec avec Reynolds présentement, avec l'usine La Baie par l'Alcan qui s'est faite en plein dans les budgets prévus même, on peut prévoir passablement bien un coût de construction tout près des sommes budgétisées. Bien sûr qu'au lieu de se situer à 1 500 000 000 $ cela peut s'établir 1 400 000 000 $ comme cela peut monter à 1 600 000 000 $. Là-dessus, on dit qu'on est responsables pour le tiers de 100 000 000 $ de plus, c'est-à-dire 33 000 000 $. Si on est responsables pour 200 000 000 $ de plus - c'est à peu près tout ce que peut être le dépassement - on serait responsable pour 66 000 000 $ d'excédent. Bien sûr qu'il y a un risque à prendre, mais, si on veut créer des emplois au Québec, il faut prendre certains risques

avec la Société générale de financement.

M. Ciaccia: M. le Président, le ministre vient de me dire - je voudrais peut-être que la SGF le confirme - que si cela coûte plus que 1 500 000 000 $, le Québec sera responsable seulement d'un tiers de l'excédent. Est-ce que cela sera une des conditions du contrat avec Pechiney que, si le coût de construction est plus que 1 500 000 000 $, le Québec sera responsable seulement d'un tiers et que, dans ce tiers, il puisera 30% dans les fonds publics et le reste sera financé? Allez-vous exiger les mêmes conditions de Pechiney?

M. Lebel: On exigera les mêmes conditions de Pechiney. C'est un chapitre de l'accord-cadre en négociation et en préparation. Pechiney exigera la même chose de nous parce qu'eux aussi courent le même risque. Alors, cette partie concernant la façon dont nous allons traiter les coûts excédentaires de construction, s'il y en a, fait partie de l'accord-cadre en négociation avec Pechiney.

M. Ciaccia: Excusez-moi. Vous dites que cela en fait partie. Je voudrais avoir des précisions. Je sais que ce n'est pas négocié et que ce n'est pas complété. La question que je pose est: Allez-vous exiger comme condition de votre entente-cadre, que si le coût de construction excède 1 500 000 000 $, Pechiney sera obligée de payer 70%...

M. Lebel: Les deux tiers.

M. Ciaccia: ...que vous allez payer 30% et que, dans ces 70% et 30%, le Québec investira un autre tiers; autrement dit, le gouvernement financera deux tiers et investira de ses propres fonds un tiers? Allez-vous exiger la même condition de Pechiney pour l'excédent?

M. Lebel: Formulée comme vous venez de le faire, la réponse à la question, c'est oui. Cela fera partie de l'accord-cadre.

M. Ciaccia: Alors, si vous faites cela pour l'excédent, pourquoi ne le faites-vous pas pour la partie principale?

M. Lebel: C'est-à-dire faire assumer tout dépassement du coût de construction...

M. Ciaccia: Non. Vous venez de me dire que, dans l'excédent, vous allez exiger de Pechiney qu'elle investisse un tiers et qu'elle finance les deux tiers. Pourquoi n'exigez-vous pas cela pour le coût de construction de l'usine de 1 500 000 000 $ à Pechiney?

Le Président (M. Champagne): Oui, M. le ministre.

M. Biron: Je pense que M. Lebel et M. Gagnon ont été très clairs sur la partie qui relève de Pechiney, tout à l'heure, et sur le 1 000 000 000 $ que Pechiney devra trouver, en disant: C'est théoriquement possible d'emprunter 1 000 000 000 $ sans mettre un sou d'équité dans l'entreprise. Il n'y a pas une banque qui voudra faire cela. Finalement, je pense que le député de Mont-Royal a aussi assez d'expérience pour savoir que les banques exigeront une mise de fonds quelconque de la part de Pechiney, de la même façon que les banques exigent une mise de fonds quelconque de la part de la SGF. Il semble que la mise de fonds qu'elles exigent de la part de la SGF est de 30%. Bien sûr, ce sera dans les mêmes conditions s'il y avait un excédent.

Je dis aussi au député de Mont-Royal que, dans le mémoire qui nous a été présenté ce matin par la Société générale de financement, les coûts estimés sont de 1 410 000 000 $. C'est possible qu'il y ait un dépassement de coût et qu'on se rende à 1 500 000 000 $. Mais 1 500 000 000 $, ce sont exactement les sommes dont on parle présentement.

M. Ciaccia: C'est possible que cela coûte 1 410 000 000 $. J'espère certainement que cela ne dépassera pas cela et j'espère même que cela coûtera moins. Mais je ne pense pas que le ministre puisse nous dire aujourd'hui que cela ne dépassera pas de plus de 100 000 000 $ ou 200 000 000 $. Si, dans le passé, certains projets ont dépassé de beaucoup, c'est aussi possible pour celui-ci. La seule chose que je cherche à savoir, c'est ce qui arrivera si cette situation se produit.

Quant aux mises de fonds, vous dites: Les banques vont nous protéger. Je préférerais, au lieu de me fier sur une tierce partie qui imposera peut-être certaines conditions à Pechiney, puisque c'est la SGF qui signe avec Pechiney, que ce soit la SGF qui impose les exigences. Je ne demande pas plus d'exigences de Pechiney que la SGF ne s'en impose à elle-même. La seule chose, c'est que cela semble assez difficile de trouver les conditions qui sont...

M. Lebel: Pechiney n'a pas d'exigence, non plus, sur notre financement. La seule exigence que Pechiney aura à l'égard de notre financement, c'est qu'on l'ait et qu'on puisse lui donner les garanties qu'on l'a. Si nous avions pensé qu'il fût possible de réaliser ce projet à 15% d'équité et à 85% de dette, Pechiney n'aurait rien eu à dire sur notre financement. Il s'agissait de lui assurer que nous aurions, soit en équité, soit en dette, les 500 000 000 $ nécessaires pour

assumer notre part du projet.

M. Ciaccia: C'est vrai que ce ne sont pas des exigences. Excusez-moi, je vais nuancer mes propos. Mais on demande à l'Assemblée nationale, demain, en deuxième lecture, d'adopter un projet de loi par lequel le Québec investira 150 000 000 $, soit 30%. Moi, comme membre de l'Assemblée nationale, je voudrais que les mêmes conditions qu'on demande à la population du Québec, au gouvernement, soient imposées à notre associé pour qu'il n'ait pas des conditions plus avantageuses que les nôtres.

Quand vous parlez de Pechiney, vous le savez, je n'ai pas besoin de vous le dire, elle a des problèmes financiers. Ella a perdu 500 000 000 $ l'année dernière. Je pense que c'est important pour nous d'essayer de savoir quelle sorte de garantie vous allez exiger dans l'entente-cadre, parce que, si elle a perdu 500 000 000 $, il n'y a aucune garantie qu'elle en perdra moins cette année.

Je ne voudrais pas qu'on se réveille un matin avec des obligations plus onéreuses que celles de nos associés qui ne sont pas capables de remplir leurs obligations ou que nos conditions soient beaucoup plus avantageuses pour eux que pour la SGF. Je pense que, si on est en mesure, aujourd'hui, de faire le projet, on devrait être en mesure, aujourd'hui, non pas d'imposer des conditions impossibles, mais au moins d'exiger que nos associés aient les mêmes obligations que nous avons. C'est la seule chose que j'essaie de dire. (16 h 45)

J'essaie aussi d'obtenir des informations sur le contenu de l'entente-cadre, parce qu'on nous demande de donner demain presque un chèque en blanc au gouvernement, et la seule entente qu'on a, c'est une lettre de deux pages, une lettre d'intention. Cela nous place, nous, dans une position assez difficile d'engager des fonds publics sans avoir toutes les informations. C'est pour cela que je demande des informations additionnelles.

Le ministre mentionne qu'il y a des risques, mais que tout va bien aller, que les prévisions - sont telles, etc. Même vous, M. Lebel, vous prévoyez que les coûts, le prix de vente et la capacité de production, tout va bien aller dans cette industrie. Je n'ai pas besoin de vous dire qu'en 1975 on disait la même chose de l'acier. Les prévisions pour l'acier en 1975 étaient tellement roses que tous les pays se sont lancés dans des aciéries, incluant le gouvernement du Québec à cette époque-là. D'après toutes les études, ils ne pouvaient pas perdre, et, cinq années plus tard, cela a été un désastre complet.

Je ne dis pas que cela va être un désastre. J'espère que non. Cela va se replacer. La seule chose que je pense qu'on doit faire pour accomplir notre devoir, c'est exiger le minimun de protection dans les contrats que vous allez négocier. Maintenant, on a cette opportunité parce qu'ils ne sont pas complétés.. C'est seulement une lettre d'entente. C'est pour cela qu'on voudrait avoir des engagements précis sur les conditions que vous allez demander à Pechiney.

Le Président (M. Champagne): M. le ministre.

M. Biron: Je veux seulement soulever un point pour dire que c'est un peu différent de l'acier. À la fin de 1973, au début de 1974, on a décidé d'aller dans le minerai de fer en sachant très bien qu'il y avait du minerai de fer meilleur marché et de meilleure qualité à l'extérieur, en particulier au Brésil. On avait décidé, quand même, d'investir au Québec. Je ne critique pas la décision, mais en 1975 on savait déjà - on aurait pu arrêter la décision en 1975 - au gouvernement du Québec que les coûts de fonctionnement seraient beaucoup plus élevés. Et on savait aussi qu'on pouvait se procurer du minerai meilleur marché ailleurs. Tandis que, dans le domaine de l'aluminium, on sait que le Québec est vraiment le leader mondial dans la production d'hydroélectricité. Et c'est cela qui est important dans le coût de fonctionnement à l'heure actuelle. On a bien établi qu'avec la technologie et l'électricité, le coût qu'on paie, Pechiney serait à Bécancour parmi les 25% des meilleures alumineries au point de vue du coût de production à travers le monde. Alors, ce n'est pas tout à fait pareil.

M. Ciaccia: Oui, je pense que la situation est absolument analogue parce que, même si c'est vrai que le minerai était moins cher au Brésil, les usines n'existaient pas au Brésil. On pensait qu'avec la demande, les prévisions de demandes, même s'il y avait eu des usines construites au Brésil, la demande était tellement forte qu'on aurait pu, par nos coûts de construction, satisfaire à la demande et faire un profit. Si vous vous en souvenez, il y avait deux prix: le "Lake Erie Price" et le prix mondial. Aujourd'hui, la situation est absolument identique. Si ce n'est pas le minerai qui est moins cher au Brésil, vous ne pouvez pas me dire que le coût de l'électricité est plus cher au Brésil qu'il ne l'est ici. On fait face à la même situation que le Brésil qui a un coût de production d'électricité moins cher que n'importe quel pays au monde. S'il commence à se lancer dans les alumineries, comme il s'est lancé dans la production de boulettes, on va faire face au même genre de concurrence. Et si jamais il y avait une baisse de la demande, comme cela s'est produit dans l'acier, comme cela s'est produit aussi dans

l'aluminium... On avait 12 000 000 de demande en 1980 et cela a baissé à 10 000 000. Alors, toutes ces choses se ressemblent. Vous pouvez changer le nom, mais, pour les conditions essentielles, c'est exactement la même situation.

Je ne vous dis pas de ne pas inviter Pechiney ici, de ne pas réaliser ce projet. Ce n'est pas ce que je dis. Mais je dis que vous avez une occasion en or d'imposer des conditions minimales pour nous protéger. C'est la seule chose. Je ne veux pas que mes propos soient interprétés dans le sens qu'on ne veut pas que Pechiney construise à Bécancour, loin de là. Je pense que mon collègue d'Outremont va en parler dans les questions qu'il va poser. On a le contrat avec Hydro-Québec et on peut donner des avantages que d'autres endroits ne peuvent pas donner, mais ne laissons pas notre chemise là. Mettons des conditions et mettons-les maintenant, parce qu'après il va être trop tard. Une fois que l'entente-cadre sera signée, vous n'allez pas la modifier. Ce sont des conditions, je pense, assez normales, quant aux coûts de construction, quant aux exigences des investissements de Pechiney, quant à tous les autres éléments que nous avons soulevés dans une entente qui n'existe pas encore.

M. le Président, j'ai pris pas mal de temps pour les questions et je voudrais donner l'occasion à mes autres collègues d'en poser parce que je sais qu'on doit terminer nos travaux ce soir. Alors, si on a le temps, plus tard, j'aimerais revenir.

M. Biron: Juste pour l'ordre des travaux, je croyais qu'on pourrait peut-être dépasser un peu 18 heures si on en avait besoin. Mais, apparemment, on nous annonce qu'il y a un caucus ici à 18 heures. Si on n'a pas terminé à 18 heures, il faudra revenir à 20 heures.

M. Ciaccia: Juste une question. Les obligations de la SGF, au début, de 350 000 000 $ vont être garanties par le gouvernement du Québec. Est-ce que vous allez exiger, dans votre entente, que le gouvernement français garantisse les obligations de Pechiney quant au financement?

M. Lebel: Nous ne l'exigerons pas. Les banquiers pourraient, théoriquement, exiger la garantie du gouvernement français ou la garantie du groupe Pechiney, si elle est suffisante, pour les investissements du groupe français.

M. Ciaccia: Alors, vous, la SGF, n'allez pas exiger la garantie du gouvernement français même si vous savez que le gouvernement du Québec va être obligé de garantir les obligations d'emprunt de la SGF.

M. Lebel: Une grande partie de cette discussion tourne toujours autour de la même notion. Nous n'avons pas à l'exiger. Ce que nous avons à exiger de Pechiney, c'est qu'elle soit capable d'allonger son 1 000 000 000 $. Cela, c'est bien important. Cela entre dans l'appel à la prudence que vous nous avez fait, qu'elle sera capable, le cas échéant, d'assumer certains dépassements de coûts. Ce n'est pas une exigence de Pechiney si nous nous présentons devant la commission parlementaire et que nous demandons de pouvoir bénéficier de la garantie gouvernementale. Ce sont des exigences de nos financiers. Ce n'est pas du tout la même chose. Nous ne croyons pas être capables de boucler le financement des 500 000 000 $ québécois sans pouvoir bénéficier de cette garantie gouvernementale au cours de la période de la construction. Pechiney, cela ne lui fait absolument rien qu'il y ait une garantie gouvernementale ou non, dans la mesure où nous, nous pourrons respecter, quelque part à l'automne, notre part de l'engagement, c'est-à-dire assurer à Pechiney que nous sommes capables de disposer des 500 000 000 $ nécessaires pour payer notre part du projet et que nous sommes capables, nous aussi, de traiter des excédants de coûts si jamais la situation devait se produire.

M. Biron: M. le Président, c'est la même chose aussi de la part de Pechiney. À l'automne, il faudrait qu'elle nous assure être capable de fournir son 1 000 000 000 $ comme partie à la construction de l'aluminerie. Alors, une fois qu'on a ces garanties - que les garanties viennent d'un consortium bancaire, du gouvernement français ou de Pechiney, pourvu que les garanties soient solides - qu'on a l'argent sur la table, on va être capables de réaliser l'opération.

M. Ciaccia: Voulez-vous me dire, M. le ministre - on est ici le 9 juin, il n'y a rien de négocié, il n'y a rien de complété, on discute encore - ce que le premier ministre va aller faire à la fin du mois? Qu'est-ce qu'il va aller signer avec Pechiney à la fin du mois? On présente un projet de loi, on nous demande d'approuver 150 000 000 $. J'avais l'impression qu'on était pour nous présenter des conditions ou quelque chose sur quoi on pourrait prendre des décisions. Qu'est-ce que le premier ministre va faire à la fin de juin, en France?

M. Biron: M. le député de Mont-Royal, le gouvernement n'a jamais dit que tout était final et que la décision était prise, quitte à être annoncée officiellement lors de la visite du premier ministre. On a toujours dit qu'il restait encore des choses à négocier avec notre partenaire français.

M. Ciaccia: Des choses?

M. Biron: Alors, ces choses...

M. Ciaccia: II reste tout à négocier, vous n'avez rien négocié.

M. Biron: ...c'est à travers des volontés gouvernementales parce que Pechiney est maintenant une société d'État française comme la SGF est une société d'État québécoise.

M. Ciaccia: Voyez-vous cela, 1 500 000 000 $ sur deux petits papiers comme cela! Il n'y a rien de négocié.

M. Biron: M. le député de Mont-Royal...

M. Ciaccia: Vous nous convoquez pour l'étude du projet de loi que vous voulez adopter demain. Ne trouvez-vous pas que c'est un peu prématuré, votre projet de loi?

M. Biron: M. le député de Mont-Royal, il ne faudrait pas faire du charriage, non plus. Vous savez qu'il y a un paquet de documents qui vous ont été remis qui explicitent le dossier, en plus de tous les documents que nous avons à la Société générale de financement sur ce point.

M. Ciaccia: J'aurais seulement une dernière remarque. Le gouvernement du Québec garantira l'emprunt de 350 000 000 $, mais vous n'exigez pas de garantie du gouvernement français. Si je comprends bien, vous allez laisser cela aux banquiers. Pourquoi ne pas imposer cette exigence, pas nécessairement pour obtenir le financement - si le financement n'est pas obtenu, naturellement, vous ne procéderez pas - mais parce qu'il peut y avoir des obligations en cours de route? Si le gouvernement du Québec s'engage - la SGF est une société d'État québécoise; Pechiney est une société d'État française - vous ne trouvez pas que ce serait prudent de demander l'engagement du gouvernement français?

M. Biron: M. le député de Mont-Royal, ce qu'il nous faut, dans le fond, ce sont des garanties suffisantes qui vont faire en sorte que, si les ententes viennent à se terminer, nous puissions être assurés d'avoir la partie de Pechiney, soit 1 000 000 000 $. Si Pechiney, théoriquement, pouvait obtenir des garanties du gouvernement canadien pour sa partie, pourquoi refuserait-on de telles garanties si elles sont bonnes, que ce soit du gouvernement américain ou de n'importe quel gouvernement ou de n'importe quelle banque, la Banque Royale, la Banque de Montréal ou d'autres banques?

Finalement, en fait, ce qui nous intéresse, c'est de savoir si notre partenaire nous fournira les garanties nécessaires pour déposer son 1 000 000 000 $ lorsqu'on en aura besoin. Notre partenaire, Pechiney, veut s'assurer que la Société générale de-financement, comme maître d'oeuvre des intérêts québécois, ait les garanties nécessaires pour déposer ses 500 000 000 $. Une fois qu'on a ces garanties, qu'elles nous viennent de la Banque Royale, du gouvernement canadien ou du gouvernement français, si on a les garanties, on a l'argent sur la table, on est capables de fonctionner et de construire l'usine.

M. Ciaccia: Vous n'avez pas de garantie sur les prix. Il y a une foule de choses sur lesquelles vous n'avez pas de garantie. En tout cas, on reviendra sur ces sujets.

Le Président (M. Champagne): La parole, maintenant, est au député de Nicolet.

M. Beaumier: Merci, M. le Président. Toujours dans l'hypothèse de l'éventuelle implantation d'une aluminerie à Bécancour, on voit qu'il y a encore des fils, comme on dit, qu'il reste à attacher. Je pense que tout le monde s'entend. Il y a des négociations en cours, bien sûr. Ma préoccupation, c'est de prévenir plutôt que de guérir. Je voudrais vous demander un certain nombre de renseignements et, si vous me le permettez, passer un certain nombre de messages, s'il y a lieu.

Cela concerne deux points principaux: la politique d'achat et également la politique d'emploi. On voit, à la page 48 de votre présentation, qu'il est de l'intention et de la volonté de la Société générale de financement "de maximiser le contenu local des dépenses effectuées". Dans cette optique, au tableau 13, on voit bien qu'en ce qui concerne spéciquement ce projet, en ce qui concerne les biens et services, du moins, 100% du contenu québécois serait assuré dans le cadre des services de génie civil et de montage. Également, il y aurait 70% de contenu québécois en équipements et services Au total, on devrait normalement s'attendre à un contenu québécois de 85%.

M. le Président, si vous le jugez bon, j'aimerais que vous explicitiez davantage en quoi consistent les équipements et les services. (17 heures)

M. Lebel: Mon Dieu! C'est tout l'équipement qui entre dans une aluminerie, des cuves aux ponts roulants, au matériel de manutention. C'est tout l'équipement qui entre dans les divers bâtiments annexes à l'aluminerie. Il y a des cuves, il y a de l'équipement de traitement des émanations des cuves, il y a tout ce qui est annexe aux rangées de cuves. Il y a l'usine de préparation des anodes. Il y a des fournaises

pour cuire des anodes. Il y a - je m'excuse, je suis en train de lire à partir d'un document en anglais; je fais la traduction au fur et à mesure et il m'arrive de manquer d'inspiration - toute une série d'équipements électriques, hydrauliques. Il y en a des pages et des pages.

Nous avons examiné, dans l'optique de maximiser les retombées au Québec de cet investissement, la possibilité de fabrication de ces équipements au Québec. Il y en a, bien sûr, qui à première vue ne sont pas réalisables au Québec. C'est ainsi, par exemple, qu'il y a un système de ponts roulants français qui est utilisé dans toutes les alumineries au monde, aussi bien à l'Alcan ici que chez Reynolds, chez Alumax aux États-Unis, à l'Alcoa, n'importe où au monde. Il y a certains équipements de cette nature qu'on ne peut pas fabriquer. Il y a d'autres équipements qui peuvent être fabriqués au Québec sous licence. C'est tout ce domaine que nous regardons très attentivement avec l'objectif de s'assurer que les retombées au Québec soient maximisées. Bien sûr, pour bâtir les usines, bâtir les édifices, c'est relativement simple d'assurer un contenu québécois. C'est quand nous arrivons aux équipements plus complexes que le problème se soulève. Mais je peux vous assurer qu'il se fait un travail intense sur cette question de la maximisation des retombées au Québec de l'investissement à Bécancour.

D'ailleurs, en intention, ce ne sont pas seulement les effets de retombées au Québec que nous voulons maximiser. Vous avez vu, en parcourant le document de la SGF, que nous allons être attentifs à favoriser, dans toute la mesure du possible, ce qui peut avoir des effets locaux. C'est ainsi, par exemple, qu'en ce qui concerne la main-d'oeuvre, en ce qui concerne certains types de travaux, il y a un contrat préliminaire qui est en cours et qui a été donné à un entrepreneur de la région. Toute cette question des retombées et de leur répartition est l'objet d'un travail constant, fait partie des contraintes que nous tentons d'imposer à nos partenaires et c'est suivi avec une très grande attention.

M. Beaumier: Merci. En fait, vous m'avez devancé par votre information, vous avez même fait le message que je voulais faire, c'est-à-dire de s'assurer, dans la mesure du possible, que cela ait des retombées au plan régional comme tel. Je sais qu'il y a déjà un premier pas qui a été fait dans ce sens. Dans la même optique, est-ce qu'il y aura une politique d'information auprès des entreprises de la région qui seraient susceptibles de se prévaloir de contrats de sous-traitance ou autres, toujours en respectant les critères de qualité, de coût et les exigences de l'échéancier? Est-ce qu'il y aura une politique d'information auprès des entreprises existantes et qui assurerait davantage ce contenu, j'allais dire, régional des retombées?

M. Lebel: J'aimerais demander à M. Jacques Lefebvre de répondre à cette question, si vous êtes d'accord.

M. Lefebvre: D'abord, je dois vous dire qu'on est en train de négocier la politique d'achat avec Pechiney et d'établir les règles à suivre pour s'assurer, effectivement, qu'on aura un maximum de retombées économiques au Québec et aussi, lorsque cela sera possible, dans la région de Trois-Rivières. Dans le processus qui est assez complexe, tout de même, il y a la période d'information. Il faut sortir la liste d'équipement, complète et détaillée. Ensuite, lorsqu'on a cette liste, il faut identifier les fournisseurs possibles; après, on leur envoie l'information requise à savoir s'ils peuvent soumissionner. Dans le processus, on doit aussi qualifier les fournisseurs. Ce n'est pas toujours évident qu'une pièce d'équipement n'est pas fabricable par une compagnie quelconque. Il est sûr que l'ingénieur-conseil, à certains moments, ne voudra pas se diriger vers une industrie inconnue. Nous, ce qu'on exige, c'est que les ingénieurs aillent visiter ces usines et, dans la mesure du possible, les qualifient. Il y a aussi l'aspect des licences, du transfert de technologies. On veut inciter la firme d'ingénieurs-conseils, ainsi que nos partenaires à aller chercher la licence de technologie à l'extérieur du pays, lorsqu'on n'a pas de fabricants locaux. C'est ce qui touche l'ensemble de notre politique d'achat.

Maintenant, cela ne suffit pas d'avoir une politique d'achat, il faut aussi avoir des moyens de contrôle. À cet effet, on est en train de s'assurer que sur le chantier on a la main-d'oeuvre requise, la main-d'oeuvre québécoise, les représentants de la SGF, pour s'assurer que les retombées économiques qu'on a mentionnées soient dans la région de Trois-Rivières ou au Québec. C'est un processus qui est assez long parce qu'il faut suivre la valeur ajoutée à tous les différents stades de la fabrication. C'est un aperçu. Il y aura un sous-comité du comité de direction qui s'assurera que la politique, qu'on a bien négociée, soit appliquée.

M. Beaumier: Je parlais des sous-contrats. J'ai cru voir qu'il y avait une partie dans votre présentation sur une évaluation de la qualité et de la nature de la main-d'oeuvre en région. Est-ce que vous êtes en mesure de nous indiquer un ordre de grandeur à savoir si on pourra trouver ou, du moins, former à temps bon nombre des travailleurs dont on aura besoin, autant pour ce qui concerne la période de la construction que la période de fonctionnement?

M. Lefebvre: Je ne suis pas en mesure de vous donner des pourcentages. Je peux vous dire que la préférence ira définitivement aux gens qui entourent le projet, qui sont localisés autour du projet. Par contre, je peux vous dire, quant aux cadres, qu'un certain nombre d'entre eux doivent nous être fournis par Pechiney étant donné que c'est leur technologie et qu'on a avantage à retirer le maximum d'expérience de Pechiney. Maintenant, à l'intérieur de la structure, il y aura des cadres qui représenteront la SGF et aussi, si possible, des ingénieurs de la région de Trois-Rivières-Bécancour.

M. Beaumier: Merci beaucoup.

Le Président (M. Champagne: M. le député d'Outremont.

M. Fortier: M. le Président, je remercie la SGF pour l'information qu'elle nous a donnée. Bien sûr, dans le cahier qu'elle nous a fourni, il y a beaucoup d'informations générales. C'est la raison pour laquelle, avec des questions, on cherche à obtenir des réponses plus spécifiques. J'aimerais revenir sur le coût du projet. L'an dernier, lorsque Pechiney avait signé l'entente avec HydroQuébec, on avait parlé d'un coût en dollars américains. À ce moment-là, je crois que l'usine avait été chiffrée en dollars américains à 1 200 000 000 $ US, ce qui donne environ 1 400 000 000 $, 1 500 000 000 $. C'était en dollars de l'an dernier. Cette année, vous nous arrivez avec des chiffres de 1 400 000 000 $. Je crois que vous nous avez dit que c'était les chiffres apparaissant dans l'étude de faisabilité. Vous nous avez également dit qu'un ingénieur local qu'on connaît bien y avait participé. Pourriez-vous nous dire quelle était l'étendue du travail qui a été fait pour cela? Tout le monde sait qu'au niveau d'une étude de faisabilité l'exactitude d'une estimation est beaucoup moins précise que lorsque les plans et devis sont commencés et même très avancés. Est-ce que les ingénieurs qui ont participé à cette évaluation des coûts ont indiqué une précision - ce qui est tout à fait normal, d'ailleurs - sur l'exactitude de l'estimation qui a été faite au niveau de l'étude de faisabilité?

M. Lebel: Oui. Les ingénieurs, aussi bien ceux de Pechiney que ceux des firmes canadiennes qui ont été associées à l'étude de faisabilité, assurent que ces coûts représentent une certaine exactitude. Il n'y a, d'ailleurs, pas de gros changements par rapport à l'an dernier. On peut faire circuler toutes sortes de chiffres; nous avons préféré faire circuler des chiffres en dollars courants canadiens. Il a donc circulé des chiffres en dollars américains courants, il a aussi circulé des chiffres en dollars américains constants. Là, il y a une variation assez considérable.

Par exemple, si je prends les coûts, que nous estimons en dollars canadiens constants, pour le terrain, la technologie, les bâtisses, la machinerie, les équipements et le démarrage, j'arriverais à un chiffre de 804 800 000 $ en septembre 1981. Je n'aurais pas, cependant, à ce moment-là, le financement intérimaire et je n'aurais pas le fonds de roulement à l'intérieur de cela. Mais les chiffres n'ont pas varié de façon considérable; ils nous sont garantis par les ingénieurs qui ont participé aux études comme étant des chiffres assez sûrs. Ils comportent une certaine marge pour l'imprévu. Il y a 8% de marge d'imprévu à l'intérieur du chiffre de 1 410 000 000 $ que nous vous avons donné ce matin.

Par ailleurs, nous avons fait évaluer par nos propres experts, en particulier M. Allen, cette étude de faisabilité et cela nous indique que les coûts en question sont sur la cible. Une indication, par exemple, en est que les dernières alumineries construites au monde se construisent entre 2500 $ et 3500 $ la tonne, le tout dépendant des installations qu'on place près de l'aluminerie. Si c'est une aluminerie complètement neuve, à partir d'un champ nu, le coût sera plus élevé. Nous sommes autour de 3000 $ la tonne dans les estimations que nous avons présentement.

Par ailleurs, d'autres personnes, qui ont bâti des alumineries et qui connaissent le domaine, qui connaissent le marché, qui sont des ingénieurs, ont procédé à une vérification et nous disent que ces coûts se tiennent. Le sentiment général - je ne dis pas cela pour rassurer tout le monde - qui se dégage de tout cela est que la marge de manoeuvre à l'intérieur des coûts serait assez prudente.

M. Fortier: Je me demandais quelle était l'indication parce que, normalement, au niveau d'une étude de faisabilité, un bureau de génie-conseil va indiquer que l'exactitude est plus ou moins 25%. Lorsque des plans et devis sont rendus à 25% de réalisation, on peut s'engager sur une précision de plus ou moins 10%, ce qui m'amène à vous poser une autre question. Est-ce que l'ingénieur-conseil qui va réaliser les plans et devis détaillés est choisi présentement?

M. Lebel: Le choix définitif, à ma connaissance, n'est pas arrêté au moment où on se parle. Il y a, cependant, une firme qui est au dossier à l'heure actuelle et qui fait du travail de plans et devis, qui est rendue au niveau du travail des plans et devis. Cela fait partie de l'engagement conjoint que nous avons pris avec Pechiney pour certaines dépenses préliminaires dans le but de respecter l'échéancier, mais le choix final

des experts devrait se faire dans les jours qui viennent. (17 h 15)

M. Fortier: Mais le travail qui est fait présentement par l'ingénieur se situe au niveau de certaines dépenses que vous avez indiquées. Ce n'est pas au niveau des plans et devis de l'ensemble du projet.

M. Lebel: Non.

M. Fortier: Vous n'avez pas indiqué ici un cheminement critique. Vous n'avez pas indiqué quelles sont les grandes lignes du cheminement qui assurerait la réalisation dans un temps record ou dans un temps bien précis. Quelles sont les étapes les plus importantes? Dans ce projet comme dans d'autres, est-ce que le cheminement le plus critique passe par la passation de commandes d'équipement de longue durée? Est-ce que c'est cela réellement, le cheminement critique?

M. Lebel: La préparation du terrain était importante, parce que, si la préparation du terrain ne se réalisait pas cette année, cela aurait eu un effet de décalage sur l'échéancier. En deuxième lieu, sans doute, la passation des commandes pour certaines grosses unités d'équipement.

M. Fortier: Si c'est la passation des commandes de grosses unités d'équipement de longue livraison alors que l'ingénieur n'est pas encore choisi, j'ai de la difficulté à comprendre comment l'aménagement du terrain peut venir sur le cheminement critique. Indépendamment du fait qu'on ait aménagé le terrain ou que ce sera l'an prochain, il me semble que le cheminement critique va toujours être la passation des commandes de longue livraison.

M. Lebel: Les échéanciers que nous avons pu consulter nous indiquent que, si nous pouvons nous entendre, quelque temps en septembre, de façon définitive - mais nous ne pouvons pas nous engager à l'heure actuelle - nous pouvons entrer en production en 1987. Cela tient compte de tous les délais, de tous les "bottle-neck" importants auxquels on peut avoir à faire face dans un échéancier critique.

M. Fortier: Mais j'imagine que la passation des commandes les plus importantes, y compris la manufacture d'équipements et le choix de l'ingénieur-conseil qui assurera l'ensemble de la gestion du projet, ne se feront qu'une fois qu'il y aura entente sur le fond du problème dont on vient de discuter, à moins qu'il n'y ait une convention spéciale afin d'engager des fonds quand même assez considérables pour permettre à l'ingénieur-conseil de procéder bien avant que l'entente soit signée d'une façon définitive, ce qui pourrait être au mois de septembre ou au mois d'octobre. Est-ce que vous avez une convention spéciale avec Pechiney qui vous permettrait non seulement de choisir l'ingénieur-conseil, mais de lui permettre d'engager des fonds considérables?

M. Lebel: II n'y a pas d'autre entente que celle à laquelle nous avons référé antérieurement, entente en vertu de laquelle nous acceptons de dépenser jusqu'à 5 000 000 $ en travaux préparatoires et en travaux d'ingénierie. Le contrat avec les ingénieurs-conseils tiendra compte de la limite de cet engagement pour le moment. Ce n'est pas, non plus, notre intention - en tout cas, cela n'a pas été discuté chez nous - de nous engager davantage financièrement avant d'avoir complété l'accord-cadre et avant d'avoir une assurance de la part des banquiers que le projet peut obtenir le financement.

M. Fortier: Les coûts qui apparaissent d'une façon très sommaire, à la page 71, doivent inclure les frais de génie et pas seulement l'équipement. Est-ce que vous pourriez me dire, étant donné qu'il s'agit d'une technologie Pechiney, si cette dernière va exiger un "know-how" à la réalisation de cette usine? Est-ce que des droits d'exploitation vont être payés par le consortium qui va réaliser ce projet à Bécancour?

M. Lebel: La question du "know-how" et des droits d'exploitation est en négociation avec Pechiney présentement. Elle se présente en deux parties. Il y a une demande de la part de Pechiney pour qu'on achète la technologie de base, c'est-à-dire les plans généraux de base de l'usine de Pechiney comme cela se fait, d'ailleurs, dans tous les projets. Il y a une valeur de fixée par Pechiney à cette fourniture de technologie et nous avons une position, nous, de négociation sur cette valeur fixée par Pechiney. C'est donc en négociation au moment où on se parle. Le deuxième aspect de la technologie, c'est qu'il y a de la part de Pechiney une demande pour des "royautés", une forme de "royautés" pendant une période d'exploitation donnée. C'est en négociation aussi; c'est contesté par nous. Nous espérons arriver à une formule en vertu de laquelle nous ne paierons pas de "royautés" sur la production de l'usine de Bécancour. Cela pourra prendre des formes complexes, mais c'est notre position. À votre question, il y a une demande de la part de Pechiney.

M. Fortier: On parlait tout à l'heure d'une usine semblable qui aurait été faite. Pouvez-vous préciser le pays exactement et la capacité? Est-ce qu'il s'agit d'une

capacité semblable?

M. Lebel: C'est Tomago, en Australie. Jacques Lefebvre peut répondre.

M. Lefebvre: C'est essentiellement la même usine. C'est 220 000 tonnes. Elle sera terminée en septembre cette année.

M. Fortier: S'il s'agit de la même usine, les plans et devis vont servir dans une certaine dimension d'adaptation au système électrique ou aux conditions climatiques canadiennes. Quels seraient les facteurs qui pourraient modifier l'échéancier ou les coûts? Est-ce que le fait que certains équipements, à la demande des Québécois, soient faits ici au Québec pourrait avoir une influence sur les coûts et sur les échéanciers vu qu'on permettra, éventuellement, à des firmes québécoises de soumissionner et qu'on arrangera un transfert de technologies, comme vous l'avez mentionné? Est-ce qu'il s'agit du facteur le plus considérable ou s'il s'agit d'un dédoublement à 100%?

M. Lebel: II ne s'agit sûrement pas d'un dédoublement à 100%, quoiqu'il s'agisse de deux entreprises de technologie Pechiney. Par ailleurs, pour un autre aspect de votre question, il n'est pas de notre intention de donner des primes au contenu québécois. Nous pensons pouvoir réaliser notre objectif de retombées sans augmenter les coûts du projet.

M. Fortier: En Australie, d'après ce que j'en sais, Pechiney est installée là d'une façon assez considérable avec des usines d'alumine, des usines d'aluminium pour l'électrolyse de l'alumine. Ils sont sur une base assez intégrée, si on peut l'appeler ainsi. Cela doit, bien sûr, les amener à pouvoir produire de l'aluminium à des prix très concurrentiels sur le plan mondial, j'imagine, puisque les prix de l'électricité australienne, dépendamment de l'État où on est, peuvent être également très concurrentiels. Comment cette usine va-t-elle se comparer à celle du Québec? J'imagine que vous n'avez pas accès aux données privilégiées de Pechiney. Est-ce que vous avez une idée, quand même, de la compétitivité des usines Pechiney en Australie par rapport à l'usine Pechiney qui pourrait être construite à Bécancour?

M. Lebel: J'aimerais passer cette question à Jacques Lefebvre qui en sait sans doute plus que moi là-dessus.

M. Lefebvre: Sur Tomago, d'abord ce sont des informations qui ne nous ont pas été données directement par Pechiney. Ce qu'on en sait, c'est qu'essentiellement l'usine est construite à l'intérieur des délais prévus, qu'elle est construite à l'intérieur des budgets établis aussi. En ce qui concerne les coûts de production, ce qu'on en sait, c'est que le Québec est concurrentiel avec l'Australie.

Il y a un point que j'aimerais souligner ici parce qu'il est très important. Lorsqu'on regarde la question du prix de l'aluminium, il faut constater qu'à peu près 40% du coût de production de l'aluminium - cela peut varier - provient du coût de l'alumine. La façon dont l'alumine se vend sur le marché présentement nous donne une certaine sécurité. L'alumine, on la vend à un prix qui est un pourcentage du prix de l'aluminium. Donc, vous avez l'avantage, si vous avez les bons taux d'électricité au départ dans une basse conjoncture, d'avoir des prix d'alumine très bas et, lorsque les prix sont élevés, vos prix d'alumine augmentent en proportion, mais vos marges augmentent considérablement. Pour cela, on n'a aucune inquiétude à s'établir au Québec. De même, Pechiney n'a aucune inquiétude. Il y a présentement des approvisionnements de bauxite connus pour 300 ans à venir. Donc, la bauxite et l'alumine ne sont assurément pas un problème pour nous et on peut être concurrentiels avec l'Australie.

M. Fortier: Vous venez de dire que l'alumine se vend à un pourcentage de l'aluminium et on sait, par ailleurs, que Pechiney n'a pas l'intention de construire d'usine d'alumine ici. Donc, il ne s'agit que de l'électrolyse de l'aluminium. L'alumine viendra d'autres pays. Pouvez-vous nous indiquer de quels pays? L'alumine, en particulier, viendra-t-elle d'Australie ou de France? De quels pays viendra-elle? Si vous dites que l'alumine est vendue à un prix proportionnel au prix de l'aluminium, si cela vient de France ou d'autres pays où le prix de l'électricité est plus élevé, c'est donc dire que l'alumine, comme intrant dans l'usine de Pechiney, va être à un prix relativement plus élevé que l'alumine, par exemple, du Québec.

M. Lefebvre: Non, c'est le marché mondial qu'on regarde ici. Pour répondre à votre question sur la source de l'alumine, présentement, on considère qu'il faudrait au moins deux sources pour avoir une certaine sécurité et on ne peut pas vous dire, au moment où on se parle, d'où viendra l'alumine et qui nous fournira l'alumine. Ce n'est pas nécessairement Pechiney qui va fournir l'alumine. Il est possible que le projet, par une société, aille conjointement s'approvisionner en alumine, soit en Jamaïque, en Guinée, en Australie ou en Irlande. D'ailleurs, il y en a un peu partout.

M. Fortier: Quand vous dites "nous", parlez-vous de la Société générale de

financement, parce qu'en ce qui concerne... M. Lefebvre: Cela peut être...

M. Fortier: ...Pechiney elle va s'approvisionner là où bon lui semblera?

M. Lefebvre: Non, non. On peut s'approvisionner indépendamment, c'est-à-dire que la SGF pourrait avoir un contrat avec l'Alcan et l'Alcan pourrait nous fournir de l'alumine à partir d'une usine...

M. Fortier: Oui.

M. Lefebvre: ...à l'extérieur du Québec ou les deux parties, soit Pechiney et la SGF pourraient conjointement former une société d'achat d'alumine. Il n'est pas prévu ou il n'est pas nécessaire que cette alumine vienne du réseau de Pechiney comme tel. Il est possible qu'on l'achète en Jamaïque d'un concurrent.

M. Fortier: Mais je pense que c'est dans votre cahier ici que j'ai lu qu'étant donné que vous êtes en propriété - comment appelez-vous cela? -

M. Lefebvre: Indivise.

M. Fortier: ...indivise, chacun est responsable de ses intrants et chacun est responsable de la production.

M. Lefebvre: Oui.

M. Fortier: Si cela fait l'affaire de Pechiney de s'approvisionner là où elle le voudra sans vous le dire, elle va le faire et c'est votre responsabilité de vous approvisionner également. Ce que vous me dites, dans le fond, c'est que le problème en amont est le même problème en aval. En aval, mon collègue de Mont-Royal parlait de la façon de disposer de la production dont vous serez propriétaire à la sortie de l'usine et là, vous avez dit: On ne connaît pas le marché international, mais il y a peut-être moyen de signer une entente avec Pechiney. Ce que vous nous dites pour l'amont, c'est la même chose. Vous avez une responsabilité que vous devez assumer légalement, mais que vous ne pourrez peut-être pas assumer et là, vous allez signer une autre entente avec Pechiney pour l'aval.

M. Lefebvre: Non.

M. Fortier: À ce moment-là, j'ai de la difficulté à comprendre l'ensemble du système.

M. Lefebvre: Je peux être plus explicite, peut-être. Si, hypothétiquement, l'Alcan avait de l'alumine à vendre à la SGF et non au groupe Pechiney et que l'Alcan nous offrait un contrat qui est beaucoup plus avantageux que la SGF et Pechiney ensemble comme projet pourraient avoir avec un autre fournisseur d'alumine, à ce moment-là, il n'y a rien qui empêche la SGF de signer une entente avec l'Alcan, mais ce sera à la SGF de décider si elle veut, conjointement avec Pechiney, aller chercher son alumine ou l'acheter indépendamment.

M. Fortier: Je crois que vous dites ici que l'Alcan, au Québec, ne produit pas assez d'alumine pour ses propres activités. (17 h 30)

M. Lefebvre: Non, mais elle a des usines ailleurs.

M. Fortier: Elle a des usines à l'étranger.

M. Lefebvre: Oui, au Brésil, par exemple.

M. Fortier: C'est une possibilité, comme c'est une possibilité que vous puissez vous approvisionner n'importe où.

M. Lefebvre: Effectivement. Le point important à retenir sur l'alumine, c'est qu'il n'en manque pas, il y en a beaucoup. Il y a des compagnies qui sont fermées à l'heure actuelle. C'est donc un marché d'acheteurs qui favorise autant le Québec présentement qu'il pourrait favoriser l'Australie. Cela nous place dans une position concurrentielle.

M. Fortier: J'aimerais revenir au transfert technologique. Quelques-uns ont dit qu'étant donné que Pechiney viendrait ici il y aurait un transfert technologique vers le Québec. Je dois vous dire que j'ai de la difficulté à visualiser cela. Je comprends qu'il y a un procédé Pechiney. Je comprends également que la recherche et le développement de Pechiney se fait ailleurs qu'au Québec. Vous n'avez pas dit que Pechiney était pour ouvrir un bureau de recherche et de développement ici précisément pour l'usine qui serait construite à Bécancour. Donc, la technologie existera à Paris, chez Pechiney en France et dans ses filiales du monde entier.

Ici, au Québec, il y a une usine qui sera construite, basée sur cette technologie pour la conception de l'usine. Il n'y aura pas de recherche et de développement qui se feront au Québec même. Dans le fond, il s'agit d'une usine ou d'une technologie qui sera tout à fait dépendante de Pechiney. Si c'était une usine de l'Alcan, elle aurait été dépendante d'une autre technologie, mais elle sera toujours dépendante de la technologie Pechiney. Dans un sens - excusez l'expression - c'est un peu comme si Pechiney avait décidé d'aller au Congo belge. Je ne vois pas

le transfert technologique qu'on aura grâce à cette usine à Bécancour, mais si vous voulez me l'expliquer, je suis prêt à écouter.

M. Lebel: On peut faire quelques commentaires sur cette question. Le premier commentaire, c'est qu'il existe une technologie Pechiney. Certains éléments de cette technologie concernent, en particulier, la fabrication des anodes et l'autre partie concerne le fonctionnement des cuves de fusion. Cette technologie se traduit par une économie de 1500 kilowattheures pour produire une tonne d'aluminium par rapport à une moyenne mondiale de 15 000 kilowattheures la tonne d'aluminium. Il existe donc une technologie Pechiney.

Le deuxième commentaire: contrairement à certaines autres grandes alu-mineries - Pechiney est la 4e au monde -Pechiney a décidé, dans le passé, d'investir dans le développement de sa propre technologie. On rencontrait hier un représentant de l'Alcan qui nous confirmait ce qu'on nous avait dit sur l'Alcan. L'Alcan n'a pas développé sa propre technologie de l'aluminium. Quand elle bâtit une usine, elle achète trois, quatre ou cinq grandes technologies dans le monde. Elle achète de la technologie Alcoa, de la technologie Pechiney, de la technologie de je ne sais où. On nous a mentionné hier cinq technologies différentes à l'usine de Grande-Baie. Quand Alcan achète, elle paie cette technologie.

Le troisième et dernier commentaire: il ne faudrait pas pousser non plus et, là-dessus, nous sommes d'accord avec vous. Il faut savoir ce qu'on achète exactement et il faut savoir ce que cela vaut. J'ai indiqué dans une remarque antérieure que c'était pour nous un point de négociation assez serré. Avec Pechiney, nous sommes prêts à faire, comme partenaire, ce que les autres producteurs d'aluminium semblent faire dans le monde. Nous avons travaillé sur cette question, en particulier avec M. Bruce Allen, pour savoir ce qui se fait ailleurs et ce qu'il est normal de payer pour acquérir une technologie. Nous avons une position de négociation assez ferme sur cette question. Mon Dieu! Si nous passons au travers, je ne pense pas que nous puissions nous comparer au Congo belge.

M. Fortier: Cette technologie que vous allez posséder vous permettrait quoi? Est-ce qu'elle vous permettrait d'entrer en "partnership" avec Pechiney pour la construction de l'usine? Est-ce que ça vous permettrait éventuellement de construire des usines basées sur cette technologie? Que va vous apporter l'achat de la technologie? Cela va vous permettre d'être en "partnership" sur ce projet en particulier, point final.

M. Lebel: C'est ça. Si nous devions bâtir une autre aluminerie quelque part au Québec, avec Pechiney ou quelqu'un d'autre, nous aurions le même problème que Reynolds a quand elle bâtit une aluminerie ou que l'Alcan a quand elle bâtit une aluminerie. Nous devrions décider quelle technologie nous adoptons et, à ce moment-là, il y aurait encore des coûts de technologie. Je peux vous assurer que tous les producteurs d'aluminium au monde, à l'exclusion de Pechiney et d'Alcoa qui ont développé leur propre technologie, patent de la technologie au moment où ils font une expansion ou bâtissent une nouvelle usine.

M. Fortier: D'ailleurs, je crois que l'usine de l'Alcan à La Baie était basée sur une technologie de l'Alcoa, justement, qui avait été achetée.

M. Lebel: En partie de l'Alcoa, en partie de Pechiney et en partie de quelqu'un d'autre, si je me souviens bien de ma conversation d'hier.

M. Fortier: Le transfert de technologies, on en parle beaucoup et Pechiney a développé, j'imagine, plusieurs technologies dont celle de l'électrolyse de l'aluminium. Elle a peut-être développé d'autres technologies que je ne connais pas personnellement. Dans le domaine de l'alumine, dans la transformation de l'aluminium, dans la façon de faire des profilés, dans tout ça, ce que vous nous dites, c'est que la seule technologie que vous allez acheter espérez-vous pour 1 $ et autres considérations, c'est celle qui va permettre de faire la conception de l'usine et de la faire fonctionner.

M. Lebel: C'est ça.

M. Fortier: Cela ne vous donne pas accès à la technologie complète de Pechiney Ugine Kuhlmann.

M. Lebel: Non.

M. Fortier: Bon. Un point où on arrive maintenant - on en a parlé tout à l'heure et je pense qu'il est extrêmement important -c'est le contrat d'électricité. Vous y faites allusion dans votre mémoire à la page 44, en disant: C'est un point déterminant. D'ailleurs, un peu avant cela, à la page 37, vous faites des comparaisons. Si je prends le tableau de la page 37 - vous avez préparé le document - est-ce qu'il s'agit d'une évaluation que vous avez faite vous-même ou si vous avez mis cette information générale dans votre mémoire? Est-ce que vous l'avez évaluée vous-même? Est-ce que c'est juste à titre d'illustration ou si c'est une étude fouillée de la situation qui vous a permis de conclure en ce qui concerne l'électricité?

M. Lebel: Le tableau de la page 37? M. Fortier: Oui.

M. Lebel: Ce sont des informations qui viennent d'Hydro-Québec qui amasse des statistiques pour se comparer aux autres producteurs d'électricité dans le monde. Ce que nous avons fait ici, c'est juste un choix que nous considérons comme représentatif de situations pour les comparer à la situation québécoise. Il pourrait arriver que certains producteurs d'électricité, on me dit des producteurs d'électricité de petite taille, puissent fournir de l'approvisionnement d'électricité aux États-Unis, par exemple, à des tarifs qui se situeraient mieux par rapport aux tarifs d'Hydro-Québec, mais ce n'est sûrement pas la généralité. Dans plusieurs des cas où on observerait une tarification inférieure, les producteurs d'électricité en question ne pourraient pas nécessairement s'engager dans la fourniture à long terme comme Hydro-Québec peut le faire à l'égard d'un projet comme celui de Pechiney et comme celui de Reynolds.

M. Fortier: Je voyais dans votre tableau que vous notez la côte ouest des États-Unis, mais on n'a pas mis l'électricité produite dans l'État de Washington, en particulier, qui est moins chère que celle d'Hydro-Québec, je ne sais pas pour quelle raison. De toute évidence, lorsqu'on met 100 pour Hydro-Québec, on parle du tarif normal. Est-ce qu'on parle du tarif normal ou du tarif privilégié?

M. Lebel: Le tarif grande puissance. M. Fortier: Le tarif grande puissance.

M. Lebel: Ce qu'on compare ici, ce sont les tarifs qui sont facturés à quelque 100 entreprises au Québec. Ce qu'on compare ailleurs, c'est l'équivalent des tarifs grande puissance.

M. Fortier: J'ai retenu certains chiffres d'Hydro-Québec; j'y ai fait allusion à l'Assemblée nationale à quelques reprises. Si on se compare avec l'Ontario, on s'aperçoit que la différence est beaucoup moindre qu'avec les pays auxquels vous faites allusion ici. En moyenne, en 1983, on est rendu à 12,5%. En tout cas, il est, quand même, vrai qu'il y a un avantage ici. J'aimerais savoir d'une façon plus précise, puisque c'est certainement une donnée extrêmement importante de. la rentabilité du projet, quel est le sens de l'entente qui existe entre Hydro-Québec et Pechiney et qui deviendra, à ce moment-là, Pechiney-SGF. Pourriez-vous nous donner des précisions là-dessus?

À la page 44, on nous parle d'une garantie d'approvisionnement de 400 mégawatts pour une première phase de production et de 600 mégawatts pour une seconde phase. Vous nous parlez de la construction de deux lignes de transport de 230 kV. Cela veut dire que, normalement, ce serait l'entreprise qui paierait pour cela. Dans ce cas-ci, c'est Hydro-Québec qui va payer pour la construction de ces deux lignes de transport. On parle aussi du renforcement de la ligne de transport de la centrale de Gentilly, au poste de Nicolet et d'un coût avantageux pour l'électricité. Ce que nous en savons, c'est qu'il y avait une base, qui était le tarif de 1981, et qu'elle serait majorée au maximum de 10% par année. Est-ce que vous pourriez expliquer l'entente qui existe avec Pechiney, dont vous allez vous-même profiter, du moins dans les grandes lignes?

M. Lebel: Oui. Avant de répondre à votre question, on me transmet une petite note dans laquelle on me dit que TVA serait probablement, dans l'Est des États-Unis, le seul producteur d'électricité d'une taille suffisante pour fournir des approvisionnements à la hauteur de la demande exigée et que les prix de TVA seraient sans doute plus près des prix d'Hydro-Québec que des prix qu'on observe sur la côte ouest des États-Unis. Il faut, cependant, se souvenir que TVA connaît de grandes difficultés. Je ne sais pas si ses tarifs d'électricité reflètent les difficultés financières dans lesquelles se trouve TVA. Vous savez que TVA exploite des centrales hydroélectriques et des centrales nucléaires et qu'elle a dû fermer des centrales nucléaires. Il y a dix mois ou un an - je ne m'en souviens plus - TVA, cette grande entreprise d'électricité aux Etats-Unis, était techniquement en faillite. On parlait d'un déficit considérable, dans les milliards de dollars. C'est la réponse à la première question.

Quant à la deuxième, le principe du contrat entre Hydro-Québec et Pechiney est le suivant. Il s'agit, d'abord, de s'engager à fournir, sur une longue période, 400 mégawatts d'électricité qui pourraient être portés à 600 mégawatts si le projet de Bécancour est prolongé. La base du contrat est le tarif grande puissance d'Hydro-Québec. Le deuxième élément important du contrat est qu'il comporte, des maxima relativement, à la croissance de ces tarifs d'ici 1990 et de 1990 à 2006. Le troisième élément du contrat est qu'il comporte, en fin de contrat - et cela a été évoqué par M. Ciaccia ce matin - une période de rattrapage de cinq ans au cours de laquelle tout cela se remettra sur les tarifs normaux imposés aux entreprises bénéficiant de contrats dits de grande puissance. (17 h 45)

Pour le reste, il y a sans doute toute une série de modalités à l'intérieur de ces

contrats. J'en ai personnellement discuté avec des représentants d'Hydro-Québec. On me dit que les contrats d'électricité passés avec les firmes qui ont le tarif grande puissance sont tous des contrats individuels, qu'ils comportent, pour la plupart, des clauses spécifiques et qu'il serait difficile de comparer les avantages de l'un à l'égard des avantages de l'autre. Ce qui est connu, révélé, c'est que le contrat comporte cette limite à l'accroissement annuel du tarif de l'électricité.

Évidemment, une quatrième dimension qui a été apportée ce matin, ce n'est pas le contrat d'Hydro-Québec, mais il est convenu, en plus, que le projet de Bécancour pourra bénéficier d'un rabais des coûts d'électricité au cours de la période des surplus d'électricité, conformément à la politique gouvernementale sur les rabais des coûts d'électricité.

M. Fortier: Cela pourra jouer pour combien d'années? Jusqu'en 1990?

M. Lebel: Cela va jouer jusqu'à la fin de 1990 sur les deux lignes. Cet avantage conféré à Pechiney, qui est le même que celui qui a été conféré à Reynolds, représente, à l'intérieur du projet, en dollars courants, une économie de coûts de production, au cours de cette période, de 200 000 000 $. Ce n'est pas négligeable comme avantage. C'est vu - et je pense qu'il y a une certaine logique à le voir de cette manière - aussi en contrepartie comme un profit net de 200 000 000 $ pour Hydro au cours de la même période parce qu'il est assumé que, dans cette période de surplus d'électricité, ce serait de l'eau qui, autrement, passerait par-dessus les barrages. C'est, à mon point de vue, le principal et de loin le plus fort avantage du contrat d'énergie, avantage qui est disponible aux autres fabricants d'aluminium. Il est disponible à Reynolds et il pourrait être disponible à d'autres fabricants d'aluminium qui pourraient venir s'installer au Québec et à d'autres entreprises qui pourraient démarrer des projets au Québec dans cette période de surplus d'électricité.

M. Fortier: Vous avez dit quelque chose qui m'a frappé. J'aurai l'occasion de vérifier cela avec Hydro-Québec. Vous avez dit: Les contrats à grande puissance sont tous négociés individuellement. Ce que vous me dites, c'est qu'il n'existe pas de tarif grande puissance.

M. Lebel: II existe un tarif de base grande puissance à partir duquel Hydro-Québec s'assoit avec le client, et c'est faisable, d'après ce que j'ai compris, parce qu'il s'agit de 125, 130 ou 150 contrats à partir desquels Hydro-Québec s'assoit avec le client et négocie les autres termes et conditions du contrat, la puissance fournie, la demande, etc. Mais j'avoue que je ne suis pas un spécialiste en la matière.

M. Fortier: D'accord. En ce qui concerne les augmentations de tarifs, la seule clause que vous avez indiquée est celle d'une augmentation de 10%. Cette clause va valoir indépendamment de ce qui peut arriver aux augmentations de tarifs d'Hydro-Québec dans son ensemble. C'est ce que j'ai compris. Autrement dit, c'est une augmentation maximale. Si, comme cette année, l'augmentation est de 8%, le tarif applicable augmentera de 8%; si l'augmentation du tarif d'Hydro-Québec est de 13%, l'augmentation maximale pour cette année sera de 10%, basé sur 1981. Est-ce que c'est bien le sens de l'entente?

M. Lebel: Je pense que vous avez une bonne interprétation. Le seul commentaire que j'aimerais ajouter à votre précision est le suivant: Nous ne croyons pas - il y en a plusieurs qui sont de notre avis là-dessus -qu'au cours de la période où les 10% s'appliqueraient les tarifs montent effectivement de 10%. Dans nos études de rentabilité, nous avons adopté une croissance des tarifs de l'électricité pour cette période qui ne rejoint pas ce cap qui s'appliquerait si jamais cela dépassait cela. Et cela semble être partagé...

M. Fortier: Cette hypothèse est basée sur quoi? Vous faites l'hypothèse qu'Hydro-Québec n'aura pas de grands programmes de construction de centrales?

M. Lebel: Sur la baisse des taux d'inflation au cours de cette période, sur le report de certains grands projets d'équipement, sur l'existence de surplus d'électricité, sur la nécessité pour Hydro-Québec d'être de plus en plus concurrentielle, etc. J'avoue que j'entre dans un domaine dont vous allez pouvoir parler beaucoup plus à l'aise dans une autre salle.

M. Fortier: Quoi qu'il arrive au tarif grande puissance pour les autres clients, dans le cas de Pechiney, l'augmentation est de 10% au maximum par année.

M. Lebel: D'ici 1990.

M. Fortier: D'ici 1990. Non, non, pour 25 ans.

M. Lebel: D'ici 1990.

M. Fortier: Écoutez, on n'a pas encore commencé à construire l'usine. Disons que vous la commencez à l'automne, elle sera en exploitation en 1987.

M. Lebel: II y a quatre ans de production qui sont protégés.

M. Fortier: Oui, alors vous êtes rendus à 1990 avec le tarif coupé de moitié par le fait qu'il y a de l'énergie excédentaire. Est-ce que vous me dites qu'après 1990 vous rejoignez le tarif normal, le tarif grande puissance ou si l'augmentation de 10% par année continue à s'appliquer?

M. Lebel: Ce plafond s'applique jusqu'en 1990 sur la première ligne - c'est ce que j'avais en tête tout à l'heure, les 200 premiers mégawatts - et il s'appliquerait jusqu'en 1992 sur la deuxième ligne, la seconde tranche de 200 mégawatts du début des opérations au 30 juin.

M. Fortier: II y a quelque chose que je ne comprends pas, parce qu'il y a une contradiction par rapport à l'information que le ministre nous a donnée dans le passé. J'avais compris dans le passé que si l'entente est de 25 ans, l'augmentation maximale était de 10% par année et que, durant les cinq dernières années, il y avait un rattrapage qui se faisait. C'est la confirmation que je voulais avoir de vous, parce que je n'ai pas eu l'occasion d'étudier la question. Le tarif 1981 s'applique et ce tarif-là est augmenté de 10% par année. Si on oublie les années où il y a un surplus d'énergie, ce tarif-là augmente de 10% au maximum par année indépendamment de ce qui peut arriver au-delà de cela pendant 25 ans et, durant les cinq dernières années, il y a un rattrapage qui se fait. Est-ce qu'en gros c'est juste?

M. Lebel: II y a un rattrapage qui se fait. Pour être plus exact - c'est probablement de là que vient le conflit d'information - dans la période 1991 à 2006 pour la première ligne et la période 1992 à 2007 pour la deuxième ligne, il y a une autre notion de plafond qui s'applique.

M. Fortier: Je pense qu'à ce moment-là on faisait référence à un plafond qui était le prix de l'aluminium combiné...

M. Lebel: Cela a été mentionné ce matin, d'ailleurs, à la commission. Les 10% ne s'appliquent que sur la première ligne jusqu'en 1990 et en 1992 sur la deuxième ligne.

M. Fortier: Autrement dit, le point capital de l'entente, c'est qu'il y a un plafond de 10% sur le tarif grande puissance de 1981 et, après cela, il y a un autre plafond qui se réfère au coût de l'aluminium proprement dit sur une base nord-américaine. C'est donc dire qu'en ce qui concerne le coût de l'électricité Pechiney a obtenu à l'intérieur de certaines balises des garanties pendant 25 ans.

M. Lebel: Un contrat de 25 ans.

M. Fortier: C'est cela. Et indépendamment de ce qui peut arriver. Vous m'avez dit: On a fait des hypothèses selon lesquelles le tarif n'augmenterait pas plus que cela. Le président du conseil d'Hydro-Québec a indiqué que, si jamais Hydro-Québec perdait en Cour suprême, Terre-Neuve pourrait nous augmenter de 25%. Pechiney est donc à l'abri de toutes ces intempéries qui pourraient survenir dans l'avenir. Je crois que dans votre mémoire vous indiquez l'importance du tarif de l'électricité, comme on vient d'en discuter brièvement. Vous en parlez en ce qui concerne le pourcentage du coût de l'électricité dans les coûts de production. Pourriez-vous préciser la page où on trouve cela?

M. Gagnon (Louis-Gilles): Page 30.

M. Fortier: Page 30, merci. Alors, ce tableau-ci n'est pas l'information spécifique pour Pechiney. J'imagine que vous ne voulez certainement pas dévoiler une information aussi spécifique. Mais vous avez indiqué tout à l'heure, je crois, sur un autre graphique, que l'ensemble des coûts de production privilégierait l'usine de Bécancour d'une façon telle qu'elle serait dans les 15% ou 20%...

M. Lebel: 20%.

M. Fortier: ...des centrales mondiales.

M. Lebel: Sûrement en bas de 20%.

M. Fortier: Autrement dit, peut-on conclure que cette entente avec Hydro-Québec est un facteur déterminant dans le choix pour Pechiney de venir au Québec, pour obtenir un coût d'électricité intéressant sur une longue période et, surtout, une source d'énergie stable? Vous avez également fait référence au fait que la capacité de production était telle que c'était une garantie d'être approvisionné par une société qui avait une grande capacité de production comme Hydro-Québec, laquelle est autour de 15 000 à 20 000 mégawatts. Est-ce que c'était le facteur ou un facteur très important dans le choix pour Pechiney de venir au Québec?

M. Lebel: Je pense que le contrat d'électricité a été l'élément déterminant de la venue de Pechiney au Québec. Le dossier Pechiney est un vieux dossier au gouvernement. Il a refait surface à diverses reprises. Il a été repris en particulier en 1981 au ministère de l'Industrie, du

Commerce et du Tourisme et ultérieurement au ministère de l'Énergie et des Ressources. C'est un peu à cause de la conjoncture mondiale - et la nôtre - de l'énergie à ce moment-là que le projet Pechiney a été rendu possible.

Plusieurs se souviennent sans doute de visites antérieures du groupe Pechiney. Chaque fois qu'il était question pour Pechiney de bâtir une aluminerie, il était question d'obtenir un contrat d'approvisionnement à long terme offrant certains avantages. Tant que cette possibilité n'a pas été ouverte, le projet Pechiney n'a pas été plus loin que des discussions plus ou moins chaudes, plus ou moins animées, pendant des périodes de trois semaines, un mois ou un mois et demi. Il est clair que, sans ce contrat, le groupe Pechiney ne se serait pas intéressé au Québec.

Je me permets d'ajouter qu'il est aussi clair que, sans la possibilité du rabais et sans la possibilité de s'associer avec un groupe québécois, le projet n'aurait pas démarré dans une période où il serait aussi favorable qu'il démarre pour profiter au maximum des retombées économiques. Alors, dans la venue de Pechiney au Québec, il y a le contrat d'approvisionnement en électricité. Les deux dimensions: c'est un contrat qui protège et qui assure une fourniture à long terme - cela, c'est clair, Hydro-Québec peut le donner - qui assure une croissance des coûts raisonnables, c'est une première condition; la seconde, c'est qu'on soit capable avec Pechiney d'investir dans un projet d'aluminerie de la taille de celui qu'on se propose de réaliser.

M. Fortier: Brièvement, parce que je pense qu'on va suspendre. Il y a une autre réunion qui commencera à 18 heures. J'imagine que Pechiney a chiffré ce contrat d'électricité avec Hydro-Québec. Est-ce que cela peut s'exprimer en millions de dollars par rapport à d'autres sites que Pechiney a considérés dans le monde?

M. Lebel: Je n'ai pas de chiffres là-dessus. Nous ne l'avons pas fait. Si Pechiney l'a fait, nous ne connaissons pas ces chiffres. J'ai mentionné tout à l'heure, cependant, que le rabais durant la période de surplus d'électricité représentait pour l'entreprise 200 000 000 $ et cela m'apparaît important.

Le Président (M. Champagne): Merci. Alors, est-ce qu'on acceptera de laisser la parole au député de Châteauguay au retour, à 20 heures?

M. Fortier: On peut bien laisser la parole à M. le député de Chêteauguay. J'ai d'autres questions et je reviendrai.

Le Président (M. Champagne): D'accord.

Alors, la commission élue permanente de l'industrie, du commerce et du tourisme suspend ses travaux jusqu'à ce soir, 20 heures. Merci, messieurs.

(Suspension de la séance à 18 heures)

(Reprise de la séance à 20 h 27)

Le Président (M. Desbiens): À l'ordre: La commission élue permanente de l'industrie, du commerce et du tourisme reprend ses travaux dont l'objectif est d'entendre la Société générale de financement en regard du projet de loi 10, Loi modifiant la Loi sur la Société générale de financement du Québec. La parole était au député de Châteauguay.

M. Dussault: Merci, M. le Président. Je vais poser une courte question au président de la SGF sur le dossier Pechiney et je passerai ensuite aux deux questions que j'ai annoncées ce matin, en le faisant le plus brièvement possible.

À la page 63 de votre document, Projet d'aluminerie à Bécancour, présentation du groupe SGF à la commission permanente de l'industrie, du commerce et du tourisme, vous parlez des avantages de la société en commandite. À la page 64 plus précisément, vous dites: "Mais elle lui permettrait d'attirer d'autres commanditaires dans le projet." Pourriez-vous expliciter davantage ce point-là?

M. Lebel: Elle offre, pensons-nous, un avantage pour attirer des partenaires, justement, parce qu'à l'intérieur de la société en commandite ce partenaire peut, avec les résultats de sa part de l'exploitation de l'aluminerie, appliquer sa propre politique fiscale. C'est ainsi qu'une entreprise faisant affaires dans le domaine des richesses naturelles, ayant donc droit à des déductions importantes aux fins d'impôt, pourrait voir des avantages à entrer dans ce groupe-là. Elle pourrait prendre, par exemple, très rapidement, contre ses profits réalisés ailleurs, la dépréciation à laquelle elle a droit et les autres avantages fiscaux qui découlent de la construction d'une entreprise. Cela pourrait constituer une façon d'attirer des intervenants à l'intérieur du groupe québécois.

Il en va de même pour des particuliers et on n'écarte pas la possibilité, en 1984 et 1985 par exemple, au moment où les déductions pour fins fiscales seront les plus importantes, qu'une part du financement soit offerte à des particuliers à l'intérieur de la société en commandite, soit des parts de 2000 $ ou de 3000 $ ou de 10 000 $. Au cours de la période de la construction, les acheteurs de ces parts pourraient bénéficier,

pour les fins de leurs propres déclarations d'impôt, des déductions fiscales que comporte la construction d'une entreprise comme celle-là.

C'est pourquoi nous disons que c'est un avantage, dans le sens que cela permettrait probablement d'offrir des avantages fiscaux à des groupes ou à un groupe industriel ou à un groupe financier qui, de toute manière, fait des profits ou aux individus. Cela permet d'offrir un avantage que d'autres types de placements n'offrent pas, qu'un placement dans des actions d'une société ne permet pas, par exemple.

M. Dussault: Est-ce que vous avez établi des contacts auprès de gens susceptibles d'être intéressés? Est-ce que vous avez déjà des signes d'intérêt, s'il y a eu des contacts?

M. Lebel: De façon préliminaire, nous avons fait des contacts. Nous ne renonçons pas, pour le moment, à attirer un investisseur privé, une entreprise à l'intérieur du groupe québécois. Nous ne renonçons pas à attirer un groupe financier à l'intérieur du groupe québécois. La possibilité d'émettre non pas des actions, mais des parts de la société en commandite dans le public semble avoir du sens. Il est possible que nous recourions à ces moyens.

M. Dussault: Merci, pour ce qui est de cette partie-là. Je vais aborder maintenant, comme je le disais ce matin, le secteur des équipements énergétiques. Le secteur des équipements énergétiques de la SGF, vous l'avez dit vous-même ce matin, M. le Président, regroupe les activités de Cegelec Industrie, BG Checo International, Volcano et Marine Industrie. Face au ralentissement des travaux dans le secteur de la production électrique, du côté d'Hydro-Québec, évidemment, ainsi que de la Baie-James, en vue d'améliorer leur position auprès d'Hydro-Québec, de développer de nouveaux produits et surtout d'accroître de façon significative leur présence à l'étranger, ce qui est une façon de contrer les effets du ralentissement dans la production électrique, donc, de s'ouvrir sur un marché plus large et intéressant, comme vous l'avez explicité, ce matin, on a évoqué le projet de regroupement des filiales que j'ai nommées en une société d'exportation commune, que vous avez appelée SOCOM. Je m'apprêtais à vous poser la question à savoir si le projet tient toujours. On le sait maintenant. Vous nous l'avez dit, ce matin. Est-ce que vous pourriez expliquer davantage cette question? Je voudrais savoir, dans la mesure où c'est très avancé, si on peut déjà évaluer les sommes d'argent qu'on devrait investir pour la réalisation d'une telle société.

M. Lebel: M. le Président, je vais passer la parole à M. Michel Plessis-Bélair qui va répondre à cette question.

M. Plessis-Bélair (Michel): M. le Président, la raison d'être de cette société, dont vous avez évoqué la création, vient de la constatation du fait que Marine Industrie, BG Checo et Cegelec Industrie constituent trois sociétés du groupe qui, prises globalement, représentent la troisième plus grosse entreprise de fabrication et de services dans le domaine des équipements électriques au Canada. C'est un fait qui est peu connu, mais, lorsqu'on regarde l'activité de ces trois entreprises à l'échelle canadienne, on se rend compte que c'est là un groupe très puissant et très fort dans la fabrication et dans les services dans le domaine des équipements électriques. C'est la première constatation qui nous a forcés à réfléchir un peu plus et à regarder ce qu'on pouvait faire avec cet outil.

La deuxième constatation a été que, historiquement, au cours des dix dernières années, le marché a été essentiellement québécois et canadien. Il y avait des percées à l'exportation, mais c'était de façon tout à fait ponctuelle et ce n'était pas systématisé. Alors, avec le ralentissement des dépenses en immobilisations d'Hydro-Québec et également d'autres entreprises de services publics au Canada, le besoin s'est fait sentir d'ouvrir nos horizons pour essayer de percer les marchés internationaux. La façon qui nous est apparue la plus efficace de le faire, c'est de créer cette société dont la mission est essentiellement de faire la promotion et la prospection des marchés internationaux de façon à regrouper l'expertise qui existe dans chacune des entreprises et également de mieux coordonner les efforts de chacune de ces entreprises.

Jusqu'ici, ces efforts se faisaient individuellement et sans vraiment essayer de voir la synergie qui pouvait exister. Nous essayons de capitaliser sur la complémentarité des entreprises. Entre autres, Marine Industrie fabrique ce qu'on pourrait appeler de l'équipement de production d'électricité, des turbines, des alternateurs. Cegelec Industrie fabrique de l'équipement de transport et également de contrôle du transport de l'énergie et BG Checo, finalement, est un monteur et un entrepreneur dans le domaine de l'installation des équipements et des lignes de transport. Alors, il y a une complémentarité qui existe et il fallait trouver un outil pour faire valoir cette complémentarité sur les marchés extérieurs.

Après réflexion et après en avoir parlé avec les trois entreprises, on en est venu à la conclusion que le meilleur outil était la création de cette société de

commercialisation. Elle a été créée; on vient tout juste de recruter son président qui prendra ses charges au tout début d'août, à la première semaine d'août; il s'agit de M. Patrick Martin, qui est un vice-président senior chez Lavalin International. C'est un type qui a déjà dix ans d'expérience dans ce secteur et qui, pensons-nous, va contribuer beaucoup à la mise sur pied et à l'essor de cette nouvelle aventure.

Pour ce qui est de la propriété de la société, comme on ne veut pas que ce soit une organisation qui soit déconnectée de l'action, c'est plutôt Marine Industrie, Cegelec Industrie et BG Checo qui vont en avoir la propriété. Ce sera donc une filiale commune de ces trois compagnies opérantes, la SGF et le groupe français n'étant là qu'à titre de contrôle et pour montrer qu'on a vraiment un intérêt à son développement. Donc, c'est quelque chose qu'on veut rendre opérationnel dans les plus brefs délais et c'est pour cela qu'on a choisi cette relation avec les sociétés opérantes.

Cette société sera financée par les trois entreprises dont j'ai parlé à même les commissions retirées des ventes effectuées à l'International. Il est évident que, dans la première ou peut-être la première année et demie d'activité, les sociétés devront supporter les dépenses. On estime le budget annuel, dans les premières années, à environ 1 000 000 $ par année, ce qui n'est pas une somme extraordinaire, mais il faut penser que déjà les entreprises ont des services et qu'elles vont garder ces services pendant une période de temps intérimaire jusqu'à ce que cette société ait pris son essor complet.

Je peux vous dire que les trois partenaires dans cette société contribuent de façon très active à son lancement. Nous avons déjà un projet, en fait, une série de projet en Colombie que nous poursuivons, le plus gros étant une prise en main de la construction d'une centrale en Colombie, un projet de l'ordre de 200 000 000 $. Nous sommes déjà associés avec Lavalin et HydroQuébec International dans l'analyse et l'étude requises pour faire une présentation et une offre de services au gouvernement colombien. Donc, malgré que c'est une entité qui ne fait que naître, il y a déjà énormément de" choses qui peuvent être intéressantes pour cette entreprise.

Je mentionnerais également que déjà les entreprises impliquées, Marine Industrie, BG Checo et Cegelec Industrie, de par leurs propres activités, ont été très actives au cours des dix, douze derniers mois pour percer sur le marché international. Cela s'est concrétisé de façon précise par l'obtention de contrats par Marine Industrie au Mali et en Inde. Il y a également pour 300 000 000 $ de soumissions qui viennent d'être déposées au cours des quatre ou cinq derniers mois dans les pays à l'étranger dont on n'a pas de nouvelle, mais qu'on poursuit activement. Donc, il y a une effervescence, un intérêt et un effort considérable de dépensé pour les marchés internationaux et nous pensons que ces trois entreprises-là représentent certainement au Québec des entreprises qui peuvent débloquer sur les marchés internationaux et se développer dans ces secteurs.

M. Dussault: M. le Président, je m'attendais à un rapport d'étape, à quelque chose d'embryonnaire, mais je constate que c'est très avancé et très encourageant. Cela couvre la première question que je voulais poser. La deuxième dont j'ai parlé ce matin, c'est Pétromont. Le président, M. Lebel, en a parlé un peu ce matin. Par Pétromont, la SGF est présente dans le secteur de la pétrochimie, secteur identifié comme important dans le développement économique du Québec. Ce secteur est en crise mondialement; la demande d'éthylène est en baisse et son prix, forcément, l'est aussi. Ce problème se double du fait que l'alimentation en matières premières pose aussi des problèmes de coûts découlant directement de la politique énergétique du gouvernement fédéral. Vous l'avez dit ce matin, je pense que c'est une analyse que vous partagez. La pétrochimie de l'Ouest s'en tire mieux parce qu'elle s'alimente du gaz naturel dont le prix est fixé arbitrairement à 65% du prix du pétrole, alors que nous nous alimentons ici, au Québec, donc Pétromont, de dérivés du pétrole. En 1982, on s'attendait à des pertes de 11 000 000 $, mais je pense que vous avez été très spécifique, vous avez donné le chiffre des pertes ce matin.

M. Lebel: 12 000 000 $ de pertes en 1982.

M. Dussault: 12 000 000 $ de pertes en 1982. Il fallait donc compter sur l'aide des gouvernements. Vous avez évoqué qu'il y a eu une aide du gouvernement du Québec et du gouvernement fédéral. Ce que vous avez dit m'apparaît nettement insuffisant de la part du gouvernement fédéral. Si on cherche des indications de l'ordre de ce que cela aurait pu être, on n'a peut-être qu'à comparer le déficit du Québec et le déficit du gouvernement fédéral pour constater que les disponibilités sont beaucoup plus grandes de ce côté-là. On aurait donc pu s'attendre à mieux que cela.

Si Pétromont tombe, ce qui m'apparaît encore un danger, si j'ai bien compris vos propos ce matin, c'est la pétrochimie qui tombe au Québec et, avec elle, des milliers d'emplois. Sur cette question, donc, j'aimerais que M. Lebel fasse le point et qu'il m'indique s'il a quelque chose à ajouter sur cette question. Je voudrais poser des questions plus spécifiques. Je voudrais

connaître l'ordre de la participation de SGF dans Pétromont.

M. Lebel: La SGF est au tiers dans Pétromont depuis qu'elle a fait sa dernière souscription de 8 000 000 $. Les 34 000 000 $ que la SGF devait investir dans Pétromont pour acquérir son tiers de participation ont maintenant été investis. Alors, nous sommes à un tiers, Gulf, un tiers et Union Carbide, un tiers.

M. Dussault: Malgré cette participation, malgré l'aide du gouvernement fédéral, on pense encore que Pétromont risque de tomber.

M. Lebel: L'aide fédérale peut sûrement permettre à Pétromont de survivre au cours de la période où l'examen de la politique nationale de l'énergie se poursuivra. L'aide accordée par les deux gouvernements peut sûrement permettre à Pétromont de survivre pour l'année 1983 et l'année 1984, deux années pour lesquelles de l'aide a été consentie. Après cette date, si Pétromont devait rester sans aide financière ou si la politique nationale de l'énergie n'était pas modifiée d'une certaine façon pour faciliter les choses à la pétrochimie dans l'Est, Pétromont ne serait probablement pas viable. À ce moment, il faudrait probablement mettre fin au consortium. (20 h 45)

M. Dussault: Donc, c'est dans deux ans que le problème risque de se poser encore. Vous comptez beaucoup sur des changements dans la politique énergétique du Canada. Est-ce que vous avez des indications, jusqu'à maintenant, que des changements se préparent de ce côté ou si cela a l'air d'être mort et qu'on sera encore obligé, à la dernière minute, dans deux ans, de se chercher des cataplasmes?

M. Lebel: Nous n'avons pas d'indication sur les conclusions de l'examen auquel on va procéder. D'ailleurs, le comité canadien qui doit examiner cette question vient tout juste d'être formé et d'être mis en marche. Donc, à cet égard, il est un peu trop tôt pour voir dans quelle direction les choses s'orienteront.

Ce qu'on l'on sait, cependant, c'est que c'est une question, un problème qui est pris et considéré de façon très sérieuse par les autorités fédérales. Mon Dieul Tant au Québec, à Montréal qu'à Ottawa, il y a un nombre assez considérable de supporteurs de la pétrochimie dans l'Est et, en particulier, de la pétrochimie à Montréal. Cela nous porte à avoir un certain espoir en l'avenir.

Deuxièmement, la poussière retombera aussi. Il faut bien dire que nous sortons à peine d'une crise mondiale qui, en pétrochimie, a eu ses répercussions. Il est difficile de savoir, pour le moment... Il y a sûrement une part des résultats de Pétromont qui est liée à la mauvaise conjoncture mondiale. La poussière va retomber. Les partenaires étudient les diverses éventualités et nous verrons.

M. Dussault: J'aimerais savoir, si la fermeture devait être envisagée, quel est le nombre d'emplois qui seraient touchés par une telle fermeture. Je parle des emplois directs créés dans ce domaine, à Pétromont comme tel.

M. Lebel: C'est, si cela devait fermer, environ 2000 emplois directs. Mais les multiplicateurs d'emplois en pétrochimie sont très forts et cela pourrait potentiellement priver la région de Montréal, en tout cas, d'environ 15 000 emplois éventuellement, tout effet direct et indirect étant compté. C'est un problème considérable.

M. Dussault: II faut y penser sérieusement. Il faut surtout continuer à faire des pressions sur le fédéral pour que la politique énergétique soit changée au profit de ce secteur. Je vous remercie, M. Lebel.

Le Président (M. Desbiens): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: En parlant de politique énergétique, j'ai posé la question au ministre des Finances, mais il ne veut pas intervenir. Il faudrait donc passer le message au ministre des Finances.

M. le Président, la SGF, tout à l'heure, n'a pas expliqué le tableau qui donne les différentes compagnies et la façon technique dont le financement se fait. Je ne sais pas si ce serait possible de sortir le tableau. J'aimerais, pour ma part, comprendre pourquoi ces différentes sociétés apparaissent sur le tableau.

M. Lebel: C'est tout à fait possible et Louis-Gilles Gagnon va essayer d'expliquer toutes les cases...

M. Fortier: Le spaghetti.

M. Lebel: ... le spaghetti juridique.

M. Gagnon (Louis-Gilles): Comme nous l'avons déjà expliqué, la structure répond essentiellement à des exigences fiscales et financières, effectivement. Tout est basé là-dessus. Tout d'abord, au niveau des biens qui constitueront l'usine elle-même, nous aurons ici l'usine qui sera constituée des terrains, des bâtisses, des équipements, et de tous les biens que l'on désigne comme biens utiles à son exploitation dans le projet de loi. Ce sont ces biens-là qui seront possédés en indivision. Les deux propriétaires, ce sont ceux qu'on a déjà identifiés. Nous avons

parlé de Pechiney dans une proportion projetée de deux tiers...

M. Fortier: Quelle Pechiney?

M. Gagnon (Louis-Gilles): Pardon?

M. Fortier: Pechiney US? Pechiney Canada? Pechiney France?

M. Gagnon (Louis-Gilles): Nous parlons de Pechiney Ugine Kuhlmann.

M. Fortier: De France.

M. Gagnon (Louis-Gilles): De France. Maintenant, quel sera leur véhicule exactement? Ce n'est pas encore décidé de façon finale. L'autre propriétaire indivis va être la société en commandite dont nous avons parlé aussi et qui devrait, selon les prévisions, détenir le tiers de ces biens-là de l'usine en question.

Passons maintenant aux différentes composantes de la société en commandite elle-même. Une société est nécessairement composée d'associés. Dans une société en commandite, la particularité, c'est qu'il y a automatiquement deux types d'associés. Vous avez les associés commanditaires; ce serait une filiale de la SGF dans ce cas-ci et aussi, comme on l'a expliqué tout à l'heure, d'autres associés commanditaires pourraient venir s'y greffer. L'associé commanditaire est essentiellement un bailleur de fonds. C'est lui qui amène les investissements nécessaires pour faire fonctionner la société en commandite. L'autre type d'associé est un associé commandité. Il peut être unique ou il peut y en avoir plusieurs. Son rôle essentiel, à l'associé commandité, c'est de voir à la gestion de la société en commandite pour le compte des commanditaires et pour son compte aussi, puisqu'il est un associé au même titre que les autres.

M. Fortier: Alors, il y a le commanditaire et il y a les autres commanditaires.

M. Gagnon (Louis-Gilles): Vous avez les commanditaires qui sont essentiellement des bailleurs de fonds.

M. Fortier: Ce sont des "partners".

M. Gagnon (Louis-Gilles): Ce sont tous des "partners", parce que ce sont tous des associés, mais avec des rôles différents. Les associés commanditaires versus les associés commandités ont cette particularité que leur responsabilité est limitée à leur contribution dans la société. Ils ont le même statut à cet égard qu'un actionnaire dans une compagnie. L'associé commandité, dont la responsabilité essentielle est de voir à la gestion et aux activités de la société, est en même temps responsable de par la loi de toutes les dettes de la société en commandite. Alors, il a cette responsabilité-là qui n'existe pas pour les commanditaires.

Par contre, par mesure de précaution, le commandité est toujours lui-même dans sa structure propre, une compagnie à responsabilité limitée dont on essaie de limiter les actifs le plus possible, de façon à limiter aussi sa responsabilité le plus possible. Une fois qu'on a ces niveaux d'associés, on peut se demander quelle est l'utilité de la présence des autres intervenants qu'on voit sur le tableau ici. Alors, la SGF, évidemment, comme c'est son habitude dans des projets d'une telle envergure - il n'y en a pas eu plusieurs jusqu'à maintenant - procède toujours par un autre intermédiaire pour faire ses investissements dans les sociétés qui font l'exploitation. Ce commanditaire-là sera aussi une compagnie à responsabilité limitée qui recevra les fonds que la SGF obtiendra elle-même du gouvernement pour faire l'investissement. Donc, les actifs ou le patrimoine de cette société-là seront constitués essentiellement de la mise de fonds de ce commanditaire-là dans la société elle-même. Est-ce que cela va?

M. Fortier: Cela va. Il était question des autres commanditaires.

M. Gagnon (Louis-Gilles): Les autres commanditaires, au moment où on se parle, ne sont pas identifiés.

M. Scowen: À titre d'exemple? M. Fortier: Noranda. M. Scowen: Le public?

M. Gagnon (Louis-Gilles): Ce pourrait être des individus, ce pourrait être des industries. Cela va?

M. Fortier: Cela va.

M. Gagnon (Louis-Gilles): La filiale financière existe dans le but de contracter les emprunts qui seront nécessaires pour financer la part de l'investissement de la société en commandite, soit les 350 000 000 $ dont on a parlé cet après-midi. Sa raison d'être n'est que fiscale, effectivement. Nous voulons que les intérêts que cette filiale financière paierait au prêteur étranger ne soient pas assujettis aux retenues à la source qui seraient normalement payables si le prêt avait été contracté directement par la société en commandite. La loi fédérale des impôts est ainsi faite qu'on peut avoir la dispense de

faire les retenues à la source sur les paiements d'intérêts qui sont faits à des prêteurs étrangers pour autant que ces paiements sont faits par une corporation et non par une société. C'est par une technicité de la loi que nous avons déterminé la nécessité de créer cette filiale qui serait elle-même une corporation possédée par la SGF à 100%, qui irait contracter des emprunts sur le marché international.

Une fois cette étape réalisée, cette filiale reprêterait les mêmes montants à la société en commandite directement. Il y a une chose qui n'est pas indiquée ici, sur le tableau, c'est que les biens possédés en indivision par la société en commandite seraient utilisés comme sûreté pour remonter vers la filiale financière qui, elle-même, les utiliserait pour les mêmes raisons de sûreté vis-à-vis des banques qui seraient les prêteurs.

M. Scowen: Pourquoi ce n'est pas le cas pour le commanditaire?

M. Gagnon (Louis-Gilles): Comme je l'ai dit tout à l'heure, il faut absolument qu'une société en commandite soit composée d'associés. Nécessairement, dans toute société, vous retrouvez au moins deux associés. Mais dans les sociétés en commandite, vous avez deux types d'associés bien différents: le commandité dont je parlais et un ou plusieurs commanditaires. L'investissement doit se faire nécessairement par un associé qui a la qualité d'associé commanditaire.

M. Scowen: Oui, mais pourquoi pas la SGF?

M. Gagnon (Louis-Gilles): Ce serait possible d'avoir la SGF directement qui agirait comme associé commanditaire.

M. Scowen: Pour Donohue, ce n'est pas le cas.

M. Fortier: Pétromont.

M. Gagnon (Louis-Gilles): Dans Pétromont, c'est exactement le cas. Ethylec, dans Pétromont, joue le rôle d'associé commanditaire. La raison est unique et elle est facile à expliquer. Un commanditaire n'a pas le droit de s'immiscer dans la gestion ou l'administration des activités de la société en commandite. Comme je l'expliquais tout à l'heure, c'est le rôle de l'associé commandité de voir à cette fonction. Si l'associé commanditaire s'immisce, il devient responsable des dettes de la société en commandite au même titre que l'associé commandité. Nous ne voulons pas que la SGF soit directement exposée à cette responsabilité hypothétique, mais qui demeure possible. La protection survient par le fait de cet intermédiaire qui aura effectivement la responsabilité du placement de la SGF dans la société en commandite.

M. Fortier: Mais la filiale financière est contrôlée à 100% par la SGF.

M. Gagnon (Louis-Gilles): C'est contrôlé à 100% par la SGF.

M. Fortier: Et la société commanditée est également contrôlée par la filiale financière, donc, par la SGF.

M. Gagnon (Louis-Gilles): II serait possible, si on trouvait des commanditaires qui auraient des apports suffisamment importants et qui pourraient être en mesure d'exiger d'avoir une participation dans cette société, qu'ils puissent participer aussi à la propriété. Mais, au départ, effectivement, ce sera à 100% la SGF. (21 heures)

M. Fortier: À la page 3 du mémoire, vous dites: "Compte tenu de la taille qu'elle a maintenant - vous parlez de la SGF - avec un chiffre d'affaires consolidé de 830 000 000 $ et un actif total de 1 000 000 000 $; compte tenu également de son expérience à mettre sur pied, à financer et à réaliser des projets d'envergure..." Est-ce qu'il y a plusieurs projets où un ensemble de sociétés a été mis sur pied avec un financement de cet ordre dont la SGF a eu l'expérience dans le passé? Vous faites état de votre expérience. Est-ce qu'il y a eu un projet semblable, de cette dimension?

M. Gagnon (Louis-Gilles): Non, il n'y a pas de projet de cette dimension qui comporte des investissements aussi importants. Il y a le projet de Pétromont, dont on vient de parler, qui participe à une structure au niveau de la société en commandite, mais pas au niveau de l'indivision, qui se rapproche de celle-ci.

M. Fortier: II s'agit d'un modèle, compte tenu de toute la question d'indivision.

M. Gagnon (Louis-Gilles): L'indivision, en passant, c'est la première fois que la SGF l'utilise. Je ne veux pas dire que c'est la première fois au Québec qu'on utilise ce type de structure, mais je n'en connais pas d'autres qui l'ont utilisée jusqu'à maintenant.

M. Fortier: Compte tenu du principe de l'indivision et de la complexité financière, c'est tout à fait unique dans l'expérience de la SGF.

M. Gagnon (Louis-Gilles): C'est tout à fait unique dans la mienne, en tout cas.

M. Fortier: J'aimerais vous remercier car je voulais juste une précision sur le financement, ce qui nous fait comprendre la complexité de la chose.

Je vais parler du plan de développement, mais c'est indirect et vous allez voir pour quelle raison. Je vais être assez bref pour laisser la parole à mon collègue qui vient d'arriver. Vous avez fait allusion au fait que - je me souviens fort bien d'en avoir parlé - vous aviez un plan de développement pour susciter l'innovation. Vous deviez mettre sur pied une section recherche et développement à Marine Industrie. Le message que je perçois dans la mise à jour du plan de développement, c'est que la section recherche et développement à Marine Industrie est remise à plus tard. À l'origine, cela me semblait une très bonne idée d'investir dans la recherche et le développement, puisque la technologie n'était pas possédée par Marine Industrie. Vous étiez des licenciés et on se posait même des questions à savoir si vous pouviez exporter votre "know-how".

Dans le domaine de l'innovation, d'une façon générale, je dois dire qu'on a baissé les pourcentages. Le pourcentage va être maintenu dans telle et telle société, mais, d'une façon générale, il n'est pas maintenu pour le groupe. Dans quelle mesure ce manque d'investissements va-t-il handicaper le développement futur des différentes sociétés de la SGF?

M. Lebel: Ce qui a été reporté à une date ultérieure à Marine Industrie, c'est le laboratoire hydraulique. Ce n'est pas la recherche et le développement. Évidemment, le laboratoire hydraulique était sans doute une composante de l'effort de recherche et de développement qui aurait pu être fait à Marine Industrie mais ce n'est pas l'ensemble du programme.

Deuxième aspect, dans le rapport sur la phase 1 du plan 1980-1985, quand nous parlons de l'effort de recherche et de développement et de l'objectif que le plan 1980-1985 s'était fixé, c'est-à-dire de consacrer 1% du chiffre d'affaires du groupe à la recherche et au développement, nous disons qu'il nous est apparu trop élevé non pas pour l'ensemble du groupe, mais pour certaines parties du groupe.

J'ai mentionné ce matin que c'est trop élevé en particulier pour les entreprises du secteur des pâtes et papiers qui font déjà, par le biais de leur association des pâtes et papiers, un effort de recherche et de développement plus considérable que les autres entreprises du groupe.

Il ne serait peut-être pas réaliste de fixer, pour l'ensemble des entreprises du groupe, l'effort de recherche et de développement à 1%. Cependant, nous maintenons cet objectif dans le cas des autres entreprises du groupe. Je pense que nous mentionnons spécifiquement, dans le cas de Marine Industrie, Cegelec, BG Checo et Volcano, que nous maintenons cet objectif. Nous ajoutons, par ailleurs, que, compte tenu de la conjoncture de la dernière année, c'est évident que cet effort de recherche et de développement n'a pas pu être réalisé parce que, comme la plupart des entreprises, nous avons cherché un peu partout les façons de réduire nos coûts d'exploitation. C'était une sorte de problème de survie. Mais, dès que ce sera possible, la SGF va revenir et de façon plus agressive à cet objectif.

M. Fortier: Ceci m'amène à une question plus large. Comme vous le savez -d'ailleurs, vous le rappelez dans votre plan de développement - c'est à l'insistance, je crois, des parlementaires qu'à un moment donné on a dit: II faut que les missions de la SGF soient très précises pour éviter de s'éparpiller à gauche et à droite. Lors du débat sur la survie de Marine Industrie, qui était en difficulté financière très aiguë, dès ce moment on avait précisé, comme vous le rappelez ici, trois champs d'activité bien précis. Certains efforts ont été faits pour que SGF s'articule davantage dans ces trois missions. À la suite de la dernière commission parlementaire, le gouvernement vous a dit: Allez dans la biotechnologie. Là, le gouvernement dit: On aimerait bien que vous alliez dans l'aluminium. L'impression qui se dégage, à tort ou à raison, c'est que chaque fois que le gouvernement a une bonne idée la SGF plonge et dit: On y va. La réflexion qui avait été faite, en 1976-1977 est que ce serait beaucoup plus prudent de ne pas s'éparpiller. Même dans le secteur privé, il y a de grandes entreprises qui décident d'elles-mêmes de ne pas s'éparpiller, justement pour s'assurer d'un succès certain dans des domaines qu'elles connaissent bien, où elles font beaucoup de recherche et de développement. Elles cherchent donc à être les meilleures dans des domaines bien précis.

Ceci m'amène à poser la question: Est-ce que la SGF, indépendamment de Pechiney - c'est complètement séparé - avait déjà pensé à aller dans la transformation de l'aluminium? Est-ce que c'est un sujet qui faisait partie de votre réflexion ou est-ce uniquement à la demande du gouvernement que là vous plongez dans un projet très important, grandiose, qui va devenir une quatrième ou une cinquième priorité à la suite des autres priorités établies dans le temps?

M. Lebel: Si vous le permettez, j'aimerais permettre à Michel Plessis-Bélair de faire un certain nombre de commentaires sur la première partie de votre intervention. Après quoi, je répondrai à la question précise que vous avez posée à la fin de votre

intervention.

M. Plessis-Bélair: M. le Président, vous faites référence à une certaine diversité, pour ne pas parler d'une impression de dispersion de nos investissements, Je pense qu'il s'agit vraiment d'une impression parce que, si on regarde les investissements qu'on a faits depuis les dernières années, on parle, dans notre mémoire, d'investissements de l'ordre de 455 000 000 $. Si on regarde dans quels secteurs ces investissements ont été réalisés, on se rend compte que, sur les 455 000 000 $, il y a 373 000 000 $ qui sont dans le secteur des produits forestiers qui, avant la dernière commission parlementaire sur le plan, c'est-à-dire en 1980, était déjà identifié comme un secteur prioritaire. Donc, 373 000 000 % dans le secteur forestier, à savoir 227 000 000 $ chez Donohue pour le projet d'Amos. Donc, une expansion de notre implication dans ce secteur. Également, 146 000 000 $ pour l'acquisition de 22% de Domtar.

En plus de cela, dans le secteur des équipements énergétiques, il y a 24 000 000 $ qui ont été investis sur ces 455 000 000 $. Finalement, Pétromont, qui avait été également reconnue comme secteur prioritaire, 34 000 000 $. Tout cela pour un total de 431 000 000 $ sur 455 000 000 $ dans les secteurs qui avaient été reconnus comme étant prioritaires. Il reste donc un montant de 24 000 000 $ qui a été utilisé pour d'autres fins. Sur ces 24 000 000 $, 10 000 000 $ ont été injectés dans Forano et dans Tanguay, entreprises dans lesquelles la SGF avait déjà des intérêts.

Finalement, 14 000 000 $ ont été investis dans des secteurs où les activités n'étaient pas traditionnelles. Là-dedans, il y a Nouveler, qui est une entreprise qui, quand même, oeuvre dans le secteur de l'énergie, des énergies nouvelles, des équipements pour l'énergie nouvelle. Il y a également Novacap, qui est un investissement, une participation minoritaire dans une entreprise à capital de risque, ce qui répondait à notre souci de nous intéresser à l'innovation. Finalement, il y a Bio-Endo dont la dernière commission parlementaire concernant la SGF a traité abondamment, dans laquelle on a investi 2 000 000 $. Donc, je pense que c'est plutôt une impression de diversité qui se dégage des actions qui ont été posées par la SGF. Si on regarde les efforts qui ont été consentis en termes de capitaux et en termes de ressources humaines, je pense qu'on a tout simplement accentué l'implication qu'on avait dans les secteurs prioritaires tels qu'ils avaient été définis antérieurement.

M. Lebel: J'ajouterais à cela, M. le Président, qu'il est peut-être moins possible pour une société opérationnelle ou une société de production d'être dans plusieurs domaines. La SGF se présente davantage comme un "holding" que comme une société opérationnelle. C'est d'autant plus vrai, d'ailleurs, qu'elle a maintenant des partenaires dans la plupart des sociétés dans laquelle elle est engagée. Elle a donc exercé un contrôle général des activités de ces entreprises; elle a insisté pour qu'elles aient un bon plan de développement, mais elle ne gère pas directement leurs activités. Elle a comme deuxième préoccupation le développement. Si on se compare à d'autres "holdings", c'est moins surprenant de voir que la SGF pourrait être effectivement engagée dans quatre grands secteurs de base. J'écarte volontairement la biotechnologie comme secteur de base, parce que je l'ai présentée d'ailleurs, en décembre, comme ayant un caractère d'investissement en innovation, ressemblant davantage à l'investissement fait dans Novacap et Nouveler et conforme à cet objectif particulier de susciter l'innovation. Les grands secteurs seraient, à ce moment-là, la pétrochimie, l'aluminium, les produits forestiers et les équipements hydroélectriques.

Une voix: Quatre.

M. Lebel: CP Enterprises, qui n'est pas un si mauvais "holding" et qui produit d'excellents résultats, a regroupé ses activités dans huit secteurs. Cela a l'air gros, de loin, CP Enterprises. C'est un "holding" et le bureau de Calgary est à peu près de la taille de la SGF. Bien sûr, s'ajoute à cela un bureau à Toronto qui gère la finance de tout cela, mais avec des actifs beaucoup plus considérables. Cette entreprise a un personnel d'à peu près la taille du personnel de la SGF. Elle est engagée dans huit secteurs d'activités et dans ce cas, en tout cas, cela semble être efficace. Je ne dis pas qu'on veut imiter demain matin CP Enterprises, mais je pense que votre observation aurait plus de valeur si elle s'adressait à une entreprise manufacturière qui possède tous ses secteurs en division, qui est donc responsable d'un bout à l'autre des activités de l'entreprise.

En ce qui concerne l'intérêt porté à l'aluminium, il est assez récent à la SGF et je ne cache pas - parce que c'est sans doute ce que votre question sous-tend - qu'il y a un certain opportunisme de la part de la SGF en cette matière. La question s'est présentée de la manière suivante: d'abord, en termes de plan de développement, nous en étions à peu près à ce que nous vous avons indiqué ce matin, ayant réalisé, malgré la mauvaise conjoncture, à peu près et assez bien - d'après nous, en tout cas - la première phase du plan de développement 1980-1985. Un des éléments importants de la deuxième phase, qui était mentionné dans les documents d'alors portait, sur la pétrochimie,

phase II. Cette expansion de la pétrochimie à Montréal est sûrement reportée pour quelque temps. Il n'est pas question, au moment où on se parle, de se lancer dans une expansion de la pétrochimie à Montréal. Nous ne saurions pas convaincre nos partenaires et, si nous le proposions, nous serions sans doute irresponsables. (21 h 15)

Le projet d'une aluminerie à Bécancour, dont, évidemment, nous nous sommes tenus au courant de façon plus ou moins éloignée depuis un an, est apparu à ce moment comme quelque chose d'intéressant pour la SGF, c'est-à-dire quelque chose qui arrive à un moment opportun. Ce projet est souhaitable. Ce projet peut se réaliser. Il devra y avoir une intervention en équité de la part d'une entreprise publique. C'est un secteur clé pour le développement du Québec. Une fois que vous avez aligné tout cela, vous arrivez facilement à une conclusion préliminaire: c'est que ce serait peut-être intéressant pour nous. C'est dans cette optique qu'à compter du mois de décembre nous avons commencé à examiner plus à fond la possibilité de nous impliquer là-dedans. Les étapes se sont succédé. D'abord, un examen préliminaire, un certain nombre d'échanges avec le gouvernement pour manifester notre intérêt, une présentation de la question à notre conseil d'administration, une bonne discussion à notre conseil d'administration et, finalement, la décision gouvernementale d'accepter notre proposition, en avril dernier.

M. Fortier: En conclusion, vous dites que la décision du gouvernement date du 23 avril 1983; il vous demandait de vous intéresser activement à cette nouvelle orientation. La loi dit que, lorsque le ministre ou le gouvernement donne une nouvelle orientation, le décret doit être déposé en quinze jours. Comment se fait-il, M. le ministre, que le décret, dans ce cas, n'a pas été déposé à l'Assemblée nationale, comme le veut la loi?

M. Biron: Ce n'est pas un décret. Cela a été tout simplement une acceptation par le gouvernement que la SGF s'implique dans le dossier de l'aluminium, en étant bien conscient que, si la SGF s'impliquait dans le dossier de l'aluminium avec Pechiney, il fallait absolument un projet de loi pour permettre à la SGF de le faire. On aurait pu le faire par le moyen d'une directive du ministre à la SGF, mais on a préféré agir par un projet de loi, d'abord, pour inscrire très officiellement le secteur de l'aluminium comme un secteur prioritaire de développement pour la SGF et, deuxièmement, pour en profiter en même temps pour changer les montants du capital-actions de la SGF et lui permettre d'avoir les fonds nécessaires pour oeuvrer dans ce secteur. C'est parce qu'on prévoyait déposer le projet de loi et permettre aux membres de la commission parlementaire de questionner les dirigeants de la SGF sur ce sujet qu'on a préféré attendre que le projet de loi soit déposé avant d'agir plus avant dans ce domaine.

M. Fortier: Mais, de toute évidence, lorsque les missions avaient été définies il y a quatre ou cinq ans et que cet aspect avait été mis dans la loi, c'était pour permettre aux parlementaires de ne pas apprendre les nouvelles par les journaux. Or, nous avons appris par les journaux que la SGF s'en irait dans ce domaine. S'il y avait eu un décret, la suite des choses aurait été qu'on aurait eu une commission parlementaire plus tôt. Je dois constater, comme mon collègue de Mont-Royal, que le fait que la lettre ou l'intention de la loi n'ait pas été respectée nous amène maintenant à discuter de cela à la toute dernière minute. Je crois que l'on doit blâmer le gouvernement pour la situation dans laquelle nous sommes présentement.

M. Biron: M. le Président, je veux relever ces paroles du député d'Outremont, qui sont complètement fausses. Il n'y a pas eu de décret dans ce sens, au contraire, il y a eu une décision du gouvernement de demander à la SGF de nous préparer un projet de loi et de préparer les documents nécessaires pour pouvoir discuter en commission parlementaire. Cela aurait été complètement irresponsable de la part du ministre et du gouvernement de convoquer la commission parlementaire avant même de permettre aux gens de la SGF de fouiller le dossier, de présenter des dossiers assez étoffés pour que, finalement, les membres de la commission parlementaire aient toutes les informations dont ils avaient besoin pour procéder à une bonne discussion sur ce projet de loi. Si nous avons voulu présenter un projet de loi, c'est pour permettre aux membres de la commission parlementaire d'en discuter. Cela a été très loin de l'idée du gouvernement d'empêcher les membres de la commission d'en discuter ou de cacher quoi que ce soit.

M. Fortier: II n'en reste pas moins que je lis à la page 4 du mémoire que nous a remis la SGF qu'elle "acceptait de devenir le chef de file de la participation québécoise, se voyant confirmée dans ce rôle le 23 avril 1983 par une décision du Conseil des ministres". C'est très clair que le 23 avril une décision a été prise à cet effet.

M. Biron: Bien sûr, il a fallu que le Conseil des ministres prenne une décision pour demander officiellement à la SGF de

préparer un document et de présenter un projet de loi en conséquence à l'Assemblée nationale. Cela aurait été difficile de tout tenir secret et de préparer le projet de loi sans donner aucune information et sans aucune préparation. Il fallait au moins faire une étude attentive du projet, voir si c'était intéressant pour la SGF de s'y impliquer et que le conseil d'administration de la SGF prenne une décision définitive à la suite de la demande du gouvernement de s'impliquer dans ce projet.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: M. le Président, j'aurais voulu poser quelques questions à M. Lebel. Il va de soi que le document clé, ce sera l'accord-cadre entre Pechiney et les autres participants, la SGF et Alumax, si tel est le cas. Est-ce que vous pouvez nous dire si, pour l'accord-cadre, comme dans tous les grands projets de ce genre, il y a des brouillons, des avant-projets, des pro forma que vous avez pu étudier? Est-ce que, de son côté, la SGF a pu préparer son brouillon, son pro forma, un genre d'accord type pour discuter avec Pechiney? Est-ce que nous avons un document quelconque sur lequel nous pouvons nous baser concernant les droits et obligations pour l'avenir ou si on attend toujours que Pechiney présente cela à la dernière minute, en juillet, en septembre ou un autre mois?

M. Lebel: Non, nous avons pris l'initiative en ce domaine et c'est déjà en négociation avec les représentants de Pechiney. Nous connaissons déjà non seulement le format de l'accord-cadre, mais nous avons une position arrêtée sur la majeure partie des questions qu'on retrouvera à l'intérieur de l'accord-cadre. Il y a des échanges, à l'heure actuelle, entre Pechiney et la SGF dans le but de préciser ce que serait cet accord-cadre définitif.

M. Lincoln: D'abord, il y a une possibilité d'un troisième partenaire là-dedans. Il y aura sans doute un troisième propriétaire d'actions indivises, sans doute. Si Alumax devient propriétaire à 25%, vous aurez Pechiney, vous aurez la SGF et vous aurez Alumax. Est-ce que Alumax et Pechiney vont faire bande ensemble?

M. Lebel: Pour le moment, la discussion se fait entre Pechiney et la SGF. Si jamais la possibilité que vous évoquez se matérialise, le troisième partenaire entrera dans les discussions avec le travail qui aura été fait antérieurement.

M. Lincoln: Puisque c'est une possibilité distincte - en fait, Pechiney États-Unis a vendu une certaine partie de ses exploitations à Alumax et il est fortement question qu'Alumax détienne un certain pourcentage, peut-être 25% des actions -est-ce qu'Alumax, à ce stade-ci, ne devrait pas faire partie des négociations sur l'accord-cadre? Qu'arriverait-il si, par exemple, vous et Pechiney étiez d'accord en principe et qu'Alumax arrivait à la dernière minute pour présenter des vues tout à fait différentes sur les garanties? Considérant que ce sont des Américains et des Japonais, il est très possible qu'ils prennent une position très ferme sur ces questions, une position différente.

M. Lebel: Nous verrons dans le temps la nature de leurs exigences. Si elles nous créent des contraintes ou des conditions que nous ne pouvons pas respecter, nous aurons un problème. Si elles ne nous créent pas de contraintes insurmontables, nous réglerons les problèmes. Tout en étant conscients de cette possibilité, nous avons convenu de poursuivre pour le moment la négociation à deux parties et Alumax n'a pas encore demandé à entrer en discussion avec la SGF sur cette question.

M. Lincoln: Est-ce que vous pouvez nous dire quelles sont vos positions minimales sur cette question de l'accord-cadre? Quelles sont les positions sur lesquelles vous allez insister sine qua non dans l'accord-cadre, les positions "irrétranchables"? Si vous entrez en conflit avec les Français sur certaines questions, quelles sont vos positions rigides?

M. Lebel: M. Jacques Lefebvre pourrait peut-être donner quelques exemples des questions clés qui se discutent à l'intérieur de cet accord-cadre et sur lesquelles il pourrait y avoir des blocages. Vous conviendrez, cependant, que, comme ces débats sont publics et que nous sommes en négociation, nous n'avons pas nécessairement toujours avantage à révéler certaines de nos positions. Demain matin, nous rencontrons des gens de Pechiney et nous poursuivons la négociation. Peut-être qu'ils n'auront pas encore les débats de la commission, mais, un jour, ils vont les avoir.

M. Lincoln: Oui, mais, demain matin, nous serons aussi appelés à voter sur une loi accordant 150 000 000 $ de crédits provenant du fonds consolidé du Québec sans savoir ce que l'accord-cadre comporte. Il faudrait, au moins, qu'on soit situé sur ce qu'on attend pour l'avenir.

M. Lefebvre (Jacques): J'aimerais revenir, pour quelques instants, sur la question d'un troisième partenaire. Étant donné la complexité de la structure qu'on met en place, Pechiney et la SGF se sont entendues d'abord pour signer une entente et

un mémoire d'entente préliminaire. Ensuite, si Alumax se montrait intéressée, on pourrait ensemble approcher Alumax.

M. Lincoln: Quand vous parlez du mémoire, est-ce que vous parlez de celui-ci?

M. Lefebvre: Non, non.

M. Lincoln: De l'accord-cadre?

M. Lefebvre: Non, non. Dans l'accord-cadre, il y a environ 20 à 30 points qui sont critiques à négocier. On s'est dit qu'on doit s'entendre, d'abord, sur ces points principaux qui vont faire partie de l'accord-cadre dès maintenant avant d'approcher un troisième partenaire, si un troisième partenaire se montrait intéressé.

Sur les 30 points que nous sommes en train de regarder présentement, il y en a peut-être 25 sur lesquels on s'entend et où il n'y a aucun problème. Il y en a un certain nombre qui nous créent, à ce moment-ci, je ne dirais pas des difficultés, mais sur lesquels on doit négocier assez fermement. Je vais vous énumérer un certain nombre de points, si vous voulez. D'ailleurs, il faut s'entendre sur le genre d'aluminerie qu'on veut à Bécancour. Il faut s'entendre sur la technologie. Il faut s'entendre sur le début des travaux. Il faut s'entendre sur la fin des travaux. Il faut s'entendre sur le montant qu'on veut investir. Il faut s'entendre sur les contrats à transférer, enfin, ceux détenus par Pechiney présentement et qu'elle veut transférer au projet. Il faut s'entendre sur la structure, sur le pourcentage de la participation, sur la possibilité pour chaque participant de faire intervenir un troisième partenaire. Donc, on prévoit cela en négociant notre protocole d'entente.

D'autres points que l'on négocie présentement sont les suivants: la possibilité de rajustement de la part des participants. Si, en cours de route, on veut introduire d'autres partenaires, il faut prévoir dès maintenant les conditions selon lesquelles on laissera intervenir ces gens. Il faut s'entendre sur la durée de l'indivision. Ensuite, il y a toute la question de la société d'exploitation. Quel sera le rôle joué par la SGF dans cette société d'exploitation? Quels seront ses droits de veto? J'en passe. Aussi, il y a la question des approvisionnements et de la commercialisation. Est-ce que Pechiney est intéressée à vendre de l'aluminium? Est-ce que, ensemble, on est intéressé à acheter de l'aluminium?

Si je pense à l'indivision, on a un conseil de direction à mettre en place. Il faut s'entendre sur le nombre de représentants qu'on veut avoir à ce conseil. Encore une fois, quelles seront les décisions sur lesquelles on devra avoir l'unanimité? On a mentionné, ce matin, la question des licences, celle des plans et devis, celle de l'assistance technique et, finalement, il y a le financement, le transfert de participation et le partage des frais. Ce sont des points que nous sommes à discuter. Est-ce que je dois répéter? (21 h 30)

M. Fortier: Certainement.

M. Lefebvre: ...et les dépenses. C'est un autre point qu'on est à discuter. De tous ces points - il y en a une trentaine que je viens de mentionner - on a possiblement un accord sur 25. Il en reste quelques-uns sur lesquels on est en négociation et on s'attend que, dans les prochaines semaines, il y aura un accord mais présentement on est en mauvaise position pour vous décrire le statut des négociations.

M. Lincoln: Oui, mais cela montre que c'est vraiment un stade délicat des négociations parce qu'il y a toujours des points que vous discutez qui sont fondamentaux. Là, peut-être qu'on met un peu la charrue devant les boeufs. On s'en va avec une loi sans savoir ce qui arrivera à la fin. Si je lis votre document du 19 mai, dans la lettre d'entente, on dit: Les droits et les obligations des propriétaires indivis quant à l'exploitation de l'usine seront définis dans les accords à intervenir entre la société et Pechiney Ugine Kuhlmann. C'est-à-dire que tout cela, c'est naturellement un contingent à l'accord.

Je vous pose une question pour bien comprendre l'indivision. L'indivision, on l'a expliquée par rapport au financement, par rapport à la structure fiscale, etc. Cela, je le comprends, mais passons à l'exploitation, passons au roulement de l'usine, aux profits et pertes. Vous avez l'usine qui fonctionne. On a instauré un mécanisme de direction, etc. Là, vous avez des dépenses. Comment ces dépenses sont-elles divisées par rapport aux actionnaires indivis? Par exemple, disons qu'on en a deux, peut-être qu'on en a trois, ou quatre ou cinq mais, pour le moment, on en a deux. Pour revenir à la question que M. Ciaccia vous posait tout à l'heure sur les frais d'intérêt, est-ce que ces frais sont divisés? Est-ce que toutes les dépenses sont divisées au prorata, d'après le pourcentage des actions?

M. Lebel: En ce qui concerne l'usine, elle est payée par les mises de fonds des actionnaires et ce sont les participants qui se chargent, de par leur propre structure, de payer les intérêts. L'usine reçoit de l'alumine. Elle achète les autres intrants: le brai, le carbone, etc. Elle administre le contrat d'électricité, elle engage la main-d'oeuvre et elle fait fonctionner une usine et elle facture aux participants le coût de

fabrication à la sortie, selon la part de chacun. Si j'ai le tiers en indivision, j'ai à prendre livraison du tiers de la production et j'ai à assumer le tiers des coûts de production.

M. Lincoln: Là, je comprends. Ce que vous voulez dire, pour les fins de la discussion, pour poursuivre ce que mon collègue de Mont-Royal disait avant, c'est que si Pechiney va sur le marché des banques, ce sera la même chose, Pechiney devra produire le tiers contre ses emprunts, etc. Mais on se souvient que les banques françaises ont été nationalisées; il y a 36 grandes banques françaises qui ont été complètement nationalisées. Pechiney appartient à l'État français. Il est impossible de penser que l'État français, s'ingérant dans ceci, dise aux banques françaises: Écoutez, financez Pechiney qui est en difficulté financière très conséquente à 100% ou à 90%. Si cela arrivait que Pechiney aille se faire financer par le système bancaire français à 90% ou à 100%, ce que vous voulez dire c'est que le repaiement des intérêts, qui sera tout à fait disproportionné pour Pechiney, ne regarde pas du tout l'exploitation.

M. Lebel: Absolument.

M. Lincoln: Est-ce qu'on peut passer au contrat de vente qui est basé sur le prix indépendant Pechiney, PIP? Vous avez un contrat de vente PIP. Là non plus, on ne sait pas - sans doute que vous avez négocié pro forma un contrat de vente qui est en négociation en ce moment, je présume, mais on n'en connaît pas les détails. Ce que je veux dire, c'est que Pechiney et vous avez des intérêts tout à fait différents. Vous, la SGF, regardez l'intérêt québécois, vous êtes une société d'État québécoise; elle, c'est une multinationale possédée par l'État français qui a des usines un peu partout dans le monde. Est-ce que ce serait possible, dans le contrat de vente de Pechiney, de dire: Nous avons un contrat de vente; nous sommes les fiduciaires de la vente de toute la société Pechiney-Québec ou tout autre nom?

Mais demain matin, vu la demande d'aluminium dans le monde, pour ses besoins Pechiney peut réduire le produit fait au Québec, l'augmenter en Australie, en France ou ailleurs; ils vendent le produit mais en fait ils vendent le produit d'après les besoins de Pechiney International. Est-ce possible d'avoir un contrat de vente? Comment vous protégez-vous contre cela?

M. Lefebvre: Je dois vous dire que ce qu'on a d'abord négocié c'est un indice de prix qui est l'indice prix indépendant Pechiney. On a comparé cet indice au prix des grands producteurs américains, on l'a comparé au London Metal Exchange, on l'a comparé à d'autres indices de prix qu'on avait dans le temps et, à notre meilleure connaissance et avec toute la recherche qu'on a faite avec l'aide des experts en aluminerie, avec l'aide de l'ex-président de Noranda Aluminium, on a pu déterminer que l'indice PIP est une indication fidèle du marché.

Par après, ce que Pechiney offre est un prix de base en 1975. Donc ce qu'ils ont offert c'est le prix qu'on aurait payé en 1975 si on avait existé à ce moment. De 1975 jusqu'à maintenant, on peut appliquer à ce prix de base offert l'indice PIP qui varie à tous les trimestres et cela nous donne la variation de notre prix dans le temps à partir de 1975 jusqu'à aujourd'hui. On compare ce prix avec le marché et le prix des grands producteurs.

Ce que nous avons négocié jusqu'à maintenant c'est l'indice. Pechiney nous a offert un prix et c'est le prix que nous sommes en train de regarder et nous devons éventuellement dire à Pechiney: Oui, on l'accepte ou non, on ne l'accepte pas. Mais l'indice comme tel est un indice qui nous satisfait, qui reflète le marché et sur lequel nous sommes prêts à signer une entente.

Comme je vous le dis, il reste à "finaliser" le prix et, éventuellement, ce prix suivra le marché comme si on vendait notre propre aluminium.

M. Lincoln: D'accord. Par rapport au prix, j'ai compris cela. Il y a une chose que j'ai envie de comprendre parce que je ne suis pas trop sûr. En fait Pechiney est en un certain sens "in the driver seat". Je lisais une citation de M. Lebel dans la Presse du vendredi 6 mai quand il parlait à M. Gilles Gauthier, de la Presse. Il disait: "II est évident que nous n'avons aucun "know-how" dans ce secteur et qu'au début nous serons plus silencieux que bavards pour nous en tenir avant tout au rôle de financier. Mais graduellement, par le biais d'une filiale, la SGF acquerra ce savoir-faire et nous serons alors de moins en moins silencieux." C'est M. Lebel qui dit cela. En fait, en temps de négociation, je me suis demandé comment M. Lebel disait cela parce qu'à ce moment, c'est se mettre un peu dans la gueule du lion mais le fait est que nous nous en allons... On dit qu'on accepte qu'on n'ait pas beaucoup d'expertise dans cette matière à la SGF. En fait cela a été un peu admis ce soir. J'ai pris quelques citations qui disaient: On va demander à Alcan, on va chercher quelle technologie, hier on a parlé à Alcan, etc. Eux, ce sont des experts. Alors ce qu'on fait pour le moment on se fie à eux. Ils sont la majorité. En fait, on fait un contrat de vente avec eux pour le prix mais ensuite est-ce qu'on ne dit pas qu'il y a deux façons de procéder? Je veux être sûr. On est en

propriété indivise, nous avons notre tiers qui est comme notre société, c'est comme si on avait notre propre aluminerie pour un tiers et eux ont les deux tiers. On oublie Alumax pour le moment.

Il y a deux façons de procéder. Ou on prend le produit de l'usine et on va le vendre nous-mêmes ou on dit à Pechiney qu'on fait un contrat avec eux pour vendre cela pour nous. Est-ce que ce n'est pas ce que j'ai compris que vous allez faire?

M. Lefebvre: II y a aussi une troisième possibilité. C'est de vendre une partie de notre production à Pechiney et une autre partie sur le marché nous-mêmes. C'est-à-dire qu'il y a trois possibilités que l'on considère à l'heure actuelle.

M. Lincoln: D'accord, mais ce que je veux vous dire, c'est que lorsque vous considérez votre négociation avec Pechiney, j'essaie de comprendre la relation entre le contrat de vente que vous allez faire avec Pechiney, même que ce soit pour un tiers ou deux tiers de votre production. Est-ce que Pechiney n'est pas un peu dans le sens d'être dans le "driver seat" par rapport à la production? Comparé à ces besoins internationaux...

M. Lefebvre: C'est-à-dire qu'on vend à Pechiney, mais Pechiney ne vend pas pour nous. Il y a une distinction. Pechiney s'engagerait à acheter toute notre production selon le barème que j'ai mentionné tantôt. Le prix PIP est développé de la façon suivante: Pechiney a un certain nombre de clients indépendants en France, en Europe, sur le marché d'exportation. Il est en position de suivre le marché et de déterminer ce que vaut l'aluminium partout au monde présentement, parce qu'il s'adonne à avoir un grand nombre de clients qui achètent leur aluminium pour la transformation. L'indice PIP est basé sur l'historique de ses prix, mais nous allons leur vendre directement l'aluminium. Ils vont l'acheter à un prix qui est basé sur l'indice Pechiney.

M. Lincoln: Excusez-moi, M. Lefebvre, je n'ai pas compris. Il y a une notion qui m'échappe et j'ai envie d'y revenir. Laissons le prix de côté. Je comprends le prix et l'affaire de PIP. Ce que j'aimerais savoir, c'est en termes pratiques, peut-être que je ne m'explique pas bien, mais je vais essayer de m'expliquer parce que c'est quelque chose de nouveau pour moi et j'essaie de comprendre cela. Pechiney a plusieurs usines dans le monde. Prenons par exemple l'usine d'Australie. Elle lance l'usine d'Australie et à un moment donné Pechiney a des besoins internationaux. Elle connaît le marché. Ce sont ces gens les savants du marché, vous êtes les novices. Vous avez un contrat avec cette compagnie. Pechiney décide que demain matin, c'est plus favorable pour elle. Il y a une baisse de production dans le monde. La production n'a pas monté. Elle a un contrat avec la Chine. Pour elle, c'est plus avantageux d'aller vendre le produit australien selon certaines raisons, que d'aller vendre du produit canadien. À ce moment-là, est-ce que votre production va être affectée par les politiques de Pechiney dans votre usine?

M. Lefebvre: Si on décide de vendre notre aluminium à Pechiney, c'est que Pechiney s'engage contractuellement à acheter nos 33% de l'usine, toute notre production.

M. Lincoln: D'accord, mais si la capacité de l'usine est tant de tonnes et qu'il y a une baisse dans le monde, est-ce que Pechiney va être le gros partenaire? En fait, quand vous allez structurer les cadres, etc., est-ce qu'à un moment donné ils peuvent réduire ou augmenter la capacité de production de l'usine parce qu'ils ont un contrat de vente avec vous?

M. Lefebvre: Non. Nous avons un prix basé sur les ventes indépendantes internationales de Pechiney. Pechiney est obligée d'acheter la totalité de notre production. Notre prix est basé sur un prix international et non sur un prix local.

M. Lincoln: Oui, je comprends.

M. Plessis-Bélair: J'ajouterais que si Pechiney décidait de réduire unilatéralement sa quote-part de la production, on prévoit, par entente, que Pechiney devra supporter les frais additionnels encourus par la société d'exploitation, à la suite de cette diminution de sa quote-part de la production.

M. Lincoln: C'est ma dernière question, après, je vais laisser la parole à mon collègue de Mont-Royal. J'aurais voulu poser des questions par rapport à toute cette affaire de garantie du gouvernement français. Là, nous nous en allons dans une participation, que ce soit de la façon indivisible ou, enfin, de la situation que vous avez acceptée et qui a été proprosée, en fait, par Pechiney. Peut-être que si Pechiney ne l'avait pas proposé, ce serait intéressant de vous demander si vous l'auriez proposé. Mais, enfin, Pechiney a proposé ce système. Eux, en fait, ils arrivent comme une société, un coopérant ou un participant tout à fait séparé. Là, vous entrez comme partenaire pour un tiers. Vous, vous êtes une société à part, d'après la constitution, si on peut appeler cela comme cela. (21 h 45)

Vous avez dit vous-même que c'est comme deux sociétés jumelées. Pechiney, qui est le gros partenaire, amène 66%. Il va se financer, disons, beaucoup plus par les banques. Là, on sait que Pechiney est en difficulté financière et qu'elle a perdu, l'année dernière, un montant, en francs français, équivalent à 575 000 000 $. En fait, on dit que si le gouvernement français n'avait pas appuyé Pechiney, elle serait en grande difficulté; que si Mitterrand n'avait pas pris Pechiney en main, elle serait techniquement au bord de la faillite.

Qu'est-ce qui arrive si Pechiney entre dans ce projet, que le projet ne va pas bien pour les premières années et que Pechiney subit des dégâts ailleurs dans le monde sans une garantie du gouvernement français? Je pense que c'est la question clef que mon collègue posait. Si Pechiney faillit, est-ce que, à ce moment-là, la SGF ne se retrouve pas automatiquement avec le bébé, parce qu'il y a une grosse usine?

M. Lebel: Je vais essayer d'être clair le plus possible encore une fois sur cette question. Le financement de la part de Pechiney et le financement de la part de la SGF n'ont rien à voir l'un à l'égard de l'autre.

M. Lincoln: Nous sommes d'accord avec cela.

M. Lebel: Si nous proposons le mode de financement que nous proposons, c'est parce que nous pensons que c'est le mode de financement qui nous permettra d'obtenir un financement bancaire. Si Pechiney, une fois que l'usine est construite, que l'usine est en marche, pour quelque raison que ce soit, fait faillite, devient insolvable, n'est plus capable de faire face à ses obligations à l'intérieur de l'entreprise, qu'est-ce qui se passe? Ce sont les gens qui lui ont prêté de l'argent qui reprennent la propriété de l'affaire.

J'avoue qu'une telle situation pourrait être un peu embarrassante si elle se produisait dans les premières années de fonctionnement de l'usine ou dans la période de construction de l'usine, parce que nous perdrions, à ce moment-là, instantanément, la partie qui possède le "know-how" de fonctionnement. Nous serions dans la situtation où un consortium bancaire quelconque viendrait saisir la part de Pechiney et dirait: Allez-vous-en chez vous. Cela nous appartient maintenant, vous êtes devenus insolvables. Que se passerait-il dans une telle situation? Le consortium bancaire nous rencontrerait probablement et nous dirait: Cette affaire ne peut pas mourir, il faut trouver quelqu'un pour prendre la relève. Le consortium bancaire entrerait en communication avec des producteurs d'aluminium. Nous serions avec eux et nous trouverions probablement un remplaçant à Pechiney. J'admets que cette situation de désastre, de catastrophe, pourrait, théoriquement, se produire. Dans ce sens, n'importe quel projet industriel peut être soumis à un désastre quelconque. Les probabilités qu'un désastre comme celui-là se produise sont très minces.

Il reste que, à un moment donné, cet été ou au début de l'automne, Pechiney va devoir être capable de nous dire qu'elle a 1 000 000 000 $. Qu'ils viennent de n'importe où, qu'ils aient été garantis par n'importe qui, cela n'a pas d'importance. Il faudra qu'un document atteste qu'elle a 1 000 000 000 $ à sa disposition pour réaliser le projet. Deuxièmement, il faudra qu'elle nous dise qu'elle est capable d'assumer sa part des coûts additionnels de contruction si jamais il y avait des coûts additionnels. C'est cela la garantie dont nous avons besoin dans un projet de cette nature. De la même manière que Pechiney a besoin de savoir de nous, à un moment donné, si nous sommes effectivement capables d'allonger 500 000 000 $ pour prendre notre part du projet, financer notre part du projet; si nous sommes capables de faire face, dans une certaine proportion, à des coûts excédentaires en matière de construction. Mais c'est bien plus important de savoir qu'elle a 1 000 000 000 $ et que nous avons 500 000 000 $ que de savoir si le gouvernement du Québec nous garantit ou de savoir si le gouvernement français les garantit. Ils vont peut-être avoir besoin de garanties pour ramasser le milliard nécessaire mais ils vont faire comme nous, ils vont aller chercher leurs garanties là où ils peuvent les obtenir.

La clef de tout cela c'est qu'à un moment donné on est capable d'attester, et c'est indubitable, que nous avons 500 000 000 $ et qu'eux ont 1 000 000 000 $ et que nous pouvons donc commencer à construire cette usine à Bécancour.

M. Lincoln: M. Lebel, je m'excuse de ne pas être naïf dans cette affaire et d'être d'accord avec mon collègue, mais franchement il y a quelque chose qui nous échappe. Je comprends tout à fait la logique de dire: Pechiney arrive pour ses deux tiers. Elle a les garanties des banques. Elle produit son milliard. Ce sont toutes des banques de premier ordre. Il y a un consortium et cela ne nous regarde pas de quelle façon elle est allée chercher son argent. Cela a l'air très logique.

C'est surtout notre parti qui avait commencé cela. On a été brûlé par toute l'affaire SIDBEC. On discute cela avec le ministre. Les garanties dont vous parlez ce sont vraiment des prêts de banque à une société.

Ce que nous disons c'est que le gouvernement du Québec s'aventure pour donner des garanties formelles. Il y aura 150 000 $ d'argent plus 350 000 $ de garanties. Pechiney c'est la clef de tout parce qu'elle a une expertise. Vous avez fait le scénario. Si quelque chose arrivait à Pechiney ou pour une raison ou une autre elle se retirait, le consortium bancaire prend l'affaire. Nous savons tous que cela va être le Capharnaüm, la tour de Babel. Si cela arrivait on peut dire que ce sera la catastrophe. En fait ces choses sont arrivées: Rolls Royce a eu des problèmes, Lockhead a eu des problèmes. C'est arrivé déjà à des sociétés - Chrysler a eu des problèmes - des sociétés milliardaires. Pechiney est en difficulté financière.

Ce que nous demandons, c'est pourquoi... Ce genre de protocole n'est pas signé entre Pechiney et vous. C'est M. Parizeau du gouvernement du Québec qui va signer cela avec l'État français, et aussi M. Lévesque. Pourquoi est-ce qu'on ne demanderait pas à l'État français la même chose que nous exigeons du gouvernement québécois. Je trouve cela tout à fait logique, pourquoi ne pas mettre cela dans l'accord-cadre?

M. Lebel: M. le Président, la SGF ne signera jamais un contrat avec Pechiney pour s'engager, puis engager son gouvernement, dans une dépense de 500 000 $ sans avoir, sans savoir de façon absolue que Pechiney a 1 000 000 000 $ pour assumer sa part.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Biron: Je veux juste dire au député de Nelligan que, dans ce genre de projet, de la façon que cela est structuré financièrement, il s'agit pour la SGF de trouver 500 000 000 $: avec des partenaires, seule, appuyée par le gouvernement avec la garantie du gouvernement ou pas, il s'agit pour la SGF d'être capable à un moment donné, au cours de l'année, lorsqu'on va arriver au "closing", de dire: il y a 500 000 000 $ de garantie plus la possibilité d'excédent s'il y en avait pour la construction de l'usine. Pechiney a exactement la même chose à faire.

Comme je l'ai dit cet après-midi à votre collègue de Mont-Royal, il pourrait arriver que ce soit le gouvernement canadien ou le gouvernement américain qui endosse Pechiney. Cela n'a pas besoin d'être nécessairement le gouvernement français. Cela n'est pas de nos affaires de le savoir. Tant et aussi longtemps que Pechiney peut arriver avec son certificat de 1 000 000 000 $, que ce soit garanti par la Banque Royale, la Banque de Montréal, le gouvernement canadien, le gouvernement américain, le gouvernement français, cela ne nous fait rien. Tout ce qui nous importe c'est qu'il y ait 1 000 000 000 $ garantis par quelqu'un ou un organisme ou un gouvernement qui est solvable, plus la possibilité du dépassement des coûts de 1 500 000 000 $.

Dans ce sens-là, ce sont vraiment deux compagnies complètement indépendantes qui ont à s'assurer, le jour où ils échangent leur lettre d'intention et leur signature, que l'autre partie a les garanties nécessaires pour couvrir sa part - 500 000 000 $ pour la SGF, 1 000 000 000 $ pour Pechiney - sans se préoccuper qui va donner les garanties.

Comme le gouvernement français n'a pas à dicter, et Pechiney n'a pas à dicter à la SGF qui va donner les garanties nécessaires à la SGF, c'est la SGF qui doit trouver ses garanties nécessaires. C'est dans ce sens-là que c'est le gouvernement du Québec qui, à cause de la SGF, donne les garanties maintenant. Cela pourrait être un autre gouvernement aussi dans ce cas-là bien précis.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, je suis...

M. Lebel: M. le Président, est-ce que je peux ajouter seulement une petite information? Quand même, nous connaissons le document que Pechiney fait circuler aux banques. La proposition faite par Pechiney est de mettre 30% en équité et que les 70% de dettes soient garanties par la maison mère de Pechiney, donc, par les actifs de Pechiney dans le monde.

Il est fort possible qu'après cette discussion, les banquiers leur disent que, s'ils n'ont pas d'autres garanties, ce n'est pas 30% qu'ils devront payer en équité, c'est 40%. Si vous êtes capables de garantir 40% en équité, nous allons vous prêter 60%. De notre côté, nous pensons, avec la proposition ou le projet de financement que nous avons discuté aujourd'hui, pouvoir passer avec notre 30%-70%, parce que nous avons la garantie gouvernementale sur la dette durant la période de construction. Si Pechiney est obligée de mettre 50% d'équité et 50% de dettes pour aller de l'avant, c'est son problème. Mais à nous, cela prend 1 000 000 000 $ de sa part.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, je suis en désaccord avec la position du ministre en ce sens que, pourvu que Pechiney trouve 1 000 000 000 $, cela suffit. Je vais essayer de vous démontrer que cela ne suffit pas. Ce n'est pas seulement le montant de

1 000 000 000 $, ce sont les garanties qui viendront après. L'usine ne se trouvera pas en France ni en Australie, elle va se trouver au Québec. Si quelque chose arrive à cette usine, le risque ne sera pas Pechiney. Le risque politique, le risque des travailleurs, le risque de garder cette usine ouverte, ce ne sera pas Pechiney et ce ne seront pas les banquiers. Ce sera le gouvernement du Québec, la même chose que pour SIDBEC-Normines. Vous ne pourrez pas vous permettre de dire à 800 personnes de l'usine de Bécancour que vous fermez les portes parce que l'usine est déficitaire. La pression sera celle du gouvernement de garder l'usine en marche.

Si vous avez 1 000 000 000 $ des banquiers, ils n'ont rien à perdre de financer cette usine pour 1 000 000 000 $, sachant que le gouvernement du Québec est impliqué dans l'autre tiers Pechiney est, d'après la revue L'Expansion du 17 mars 1983, au bord de la faillite car elle a perdu 500 000 000 $ l'an passé et, d'après les pronostics, elle va en perdre plus l'an prochain. Les banquiers n'ont rien à perdre. Ils vont garantir, ils vont prêter le montant de 1 000 000 000 $, sachant que le gouvernement du Québec est impliqué avec ses garanties. Si les banquiers ont à reprendre l'usine parce que Pechiney fait défaut, c'est bien facile car la pression ne sera pas sur les banquiers. Eux, ils vont s'asseoir et ils vont demander au gouvernement du Québec ce qu'il va faire. Nous, on arrête la production et on congédie 300, 400, 500 personnes. Sur qui pèsera la pression politique? Elle pèsera sur le gouvernement du Québec. C'est pour cette raison qu'il est important, qu'il est essentiel que le gouvernement du Québec obtienne la garantie du gouvernement français. Le gouvernement du Québec a besoin de deux garanties, de deux exigences. Premièrement, que Pechiney investisse au moins 30% de ses fonds dans l'usine. C'est bien beau de dire dans le prospectus ce que fait Pechiney. Elle investit 30%, mais ce n'est pas une garantie. Moi aussi, si j'étais Pechiney, pour démontrer ma bonne foi, je ferais la même chose. Je démontrerais au Québec que je vais investir 30% et que les 70% seront financés. Si vous êtes si certains que c'est ce qu'elle va faire, insistez pour l'inclure dans votre document.

Deuxièmement, si le gouvernement du Québec doit garantir le prêt de 350 000 000 $, je crois que le gouvernement français devrait être obligé par la SGF de garantir le bilan. Prenons l'exemple de SIDBEC-Normines. Le gouvernement de l'Angleterre n'a pas garanti British Steel. Sur qui est la pression? Elle n'est pas sur British Steel, elle est sur nous. Pourquoi l'usine reste-t-elle ouverte? Parce qu'on ne veut pas congédier tout ce monde. On est minoritaire dans SIDBEC-Normines, On n'est pas majoritaire. C'est la même chose dans la façon que vous proposez Pechiney, on va être minoritaire, mais minoritaire sur le sol québécois, avec les pressions politiques au Québec. La pression sera strictement sur le gouvernement, afin de faire quelque chose. Pechiney n'aura rien à perdre parce que, si elle trouve 1 000 000 000 $ d'emprunt, la pression sera sur vous de maintenir l'exploitation de Pechiney. Qu'est-ce qui empêcherait... (22 heures)

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Biron: M. le Président, je voudrais juste reprendre le député de Mont-Royal sur ce sujet. Lorsqu'il a dit que British Steel n'était pas garantie par le gouvernement anglais, c'est faux. Il y a une garantie du gouvernement anglais sur les investissements de British Steel dans ce sens.

M. Ciaccia: Est-ce que le gouvernement anglais a garanti l'emprunt de SIDBEC-Normines?

M. Biron: II a garanti sa part d'emprunt de SIDBEC-Normines comme...

M. Ciaccia: Le gouvernement anglais...

M. Biron: ...a garanti la part de l'emprunt de British Steel comme...

M. Ciaccia: II n'a pas garanti SIDBEC-Normines.

M. Biron: Comme le gouvernement du Québec a garanti la part de l'emprunt de SIDBEC dans SIDBEC-Normines.

Deuxièmement, le député de Mont-Royal a dit: SIDBEC n'est pas majoritaire dans SIDBEC-Normines. SIDBEC est majoritaire à 50,1% dans SIDBEC-Normines.

Troisièmement, SIDBEC-Normines, ce n'est pas la même chose, M. le député. Dans le fond, SIDBEC-Normines extrait le minerai et ce qui coûte cher à l'heure actuelle, c'est l'extraction du minerai. Si on prenait seulement l'usine de boulettage, si on achetait le minerai à l'extérieur, comme on va acheter l'alumine à l'extérieur, au prix international, si on faisait juste le boulettage pour ensuite revendre les boulettes, on pourrait arriver à faire cela à peu près sans perte. C'est exactement...

M. Ciaccia: ...vous perdrez 20 $ la tonne.

M. Biron: ...ce qu'on veut faire maintenant avec l'usine d'alumine pour produire de l'aluminium et le coût, en plein milieu, est divisé selon le nombre de tonnes d'aluminium produit.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, je dirais que si SIDBEC-Normines continue son exploitation... Sous certains aspects, il semble même y avoir de meilleures protections pour le Québec dans SIDBEC-Normines que vous n'en avez ici, d'après ce que M. Lebel nous dit sur l'exploitation de Pechiney. Dans l'exploitation de Pechiney, je veux demander à M. Lebel qui va déterminer si l'usine doit rester en exploitation ou si elle doit fermer?

M. Lebel: Dans les discussions qu'on a, dans les projets de contrat, nous avons un droit de veto sur cela. C'est-à-dire que Pechiney ne peut pas décider unilatéralement d'arrêter la production, de la recommencer, nous avons un droit de veto sur cela.

M. Ciaccia: Est-ce que Pechiney va avoir un droit de veto sur le droit de la SGF de fermer?

M. Lebel: Pardon?

M. Ciaccia: Est-ce que Pechiney va aussi avoir un droit de veto, si SGF veut 'cesser son exploitation?

M. Lebel: Bien oui, c'est la contrepartie. Nous ne pouvons pas unilatéralement cesser la production dans l'usine.

M. Ciaccia: Pouvez-vous me dire la différence entre cela et SIDBEC-Normines? Vous m'excuserez si je fais toujours une référence à SIDBEC-Normines. Dans SIDBEC-Normines, il y a une obligation d'acheter le produit. Vous venez de me dire que vous ne pouvez pas fermer l'exploitation de Pechiney à moins que celle-ci ne soit d'accord. Alors, si Pechiney n'est pas d'accord, vous devez continuer l'exploitation et vous êtes responsables du produit. Quelle est la différence? Où est la garantie pour la SGF?

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre. À l'ordre, s'il vous plaît. M. le ministre.

M. Biron: Je crois que c'est important que le député de Mont-Royal démêle un peu tout cela. Il y a de l'alumine, d'abord, qu'on ramasse quelque part dans le monde à un prix donné. Le prix de l'alumine est toujours basé sur le prix vendant de l'aluminium. Lorsque le prix de l'aluminium diminue, le prix de l'alumine diminue. C'est la matière première qui sert à peu près à 25%; 25% du coût, c'est l'alumine. Ce prix fluctue en fonction du prix de vente. On est toujours certain qu'on ne perdra pas d'argent sur l'alumine. Si on achète notre alumine de Pechiney, tant mieux; sinon, on peut acheter de l'alumine de n'importe quel producteur au monde.

M. Ciaccia: Vous ne vendez pas de l'alumine, vous vendez des produits.

M. Biron: On commence par acheter de l'alumine.

M. Ciaccia: Ce n'est pas cela, le...

M. Biron: Deuxième chose, l'alumine est apportée à l'usine d'aluminium, l'usine qui va convertir l'alumine en aluminium et, à travers tout cela, il y a un coût d'exploitation, un coût d'exploitation qui sera parmi les 25% des meilleurs coûts d'exploitation au monde à cause de la technologie et à cause des tarifs d'électricité au Québec. Personne ne peut nous enlever cela. On sera toujours parmi les 25% des meilleures usines d'aluminium au monde quant au coût d'exploitation. Une fois qu'on ajoute cela au coût de l'alumine, cela devient exactement le coût de l'aluminium à la sortie de l'usine. À la sortie de l'usine, nous avons la possibilité ou de vendre notre aluminium directement sur le marché mondial avec un coût d'aluminium, alumine plus l'électricité plus le coût de transformation, qui est parmi les 25% des meilleurs coûts au monde - il n'y a donc pas de possibilité de perdre tellement d'argent - ou il y a encore aussi une possibilité de signer un contrat garanti par Pechiney, par lequel Pechiney va acheter notre aluminium au fameux prix PIP, qui est le prix basé un peu sur le prix international du métal. Et le prix international du métal n'est pas contrôlé par Pechiney.

M. Ciaccia: M. le Président.

M. Biron: C'est toute la série d'alumineries au monde qui, finalement, contrôle le prix de l'aluminium au monde. Alors finalement il n'y a presque pas... Bien sûr qu'il y a des risques vis-à-vis d'un investissement comme cela mais il y a beaucoup moins de risques que pour les contrats qui ont été signés pour SIDBEC-Normines où on n'était pas responsable du coût du minerai de fer qui rentre à l'usine de bouletage et au sortir de l'usine de bouletage même si notre usine de bouletage de Port-Cartier est une des plus efficaces au monde. Mais, le coût du minerai de fer qui rentre dans l'usine c'est déjà beaucoup trop élevé. Alors dans ce sens il y a beaucoup moins de risques en transformant de l'aluminium au Québec avec ce qu'il y a de meilleur marché, avec un achat d'alumine comme matière première, qui varie sur le prix de vente international du métal.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, je voudrais revenir aux garanties et au prix de vente. Je pense, M. Lefebvre, que vous avez mentionné que vous pourriez signer une entente avec Pechiney selon laquelle ils vont acheter le produit de l'usine au prix PIP. Pourriez-vous m'indiquer sur le graphique 1, où le coût de production est à un certain niveau, où se situerait le prix PIP? Parce que si je comprends bien, le coût de production est environ 16,54 $ ou un peu plus et les différents prix de vente depuis 1980 ont été en bas du coût de production. Alors où se situerait le prix de Pechiney?

M. Lefebvre: Comme je vous le disais tantôt le prix est encore en négociation mais c'est l'indice PIP avec lequel nous sommes d'accord. Le prix suivrait la courbe du Alcan 10-K, entre autres. En fait, comme vous le voyez, toutes ces lignes se suivent. Ce sont les prix du marché.

M. Ciaccia: Sur le graphique que j'ai, j'ai le LME cash, j'ai le US producer et j'ai le MW US market. Je n'ai pas le prix Alcan sur ce graphique.

M. Lefebvre: Vous avez le US producer. Excusez-moi, je regardais le mauvais graphique.

M. Ciaccia: C'est le graphique 1. D'accord.

M. Lefebvre: L'indice PIP nous permettrait de suivre la courbe de prix du marché.

M. Ciaccia: Alors cela voudrait dire que ce serait moins que le coût de production.

M. Lefebvre: Non, non. Ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit qu'on suivrait la courbe du marché qui est le US producer price ou le 10-K aux États-Unis.

M. Biron: Je pense qu'il y un mélange.

M. Lefebvre: II n'y a pas de coût de production.

M. Ciaccia: Peut-être que...

M. Biron: II y a juste un petit mélange...

M. Lefebvre: II n'y a pas de coût de production ici.

M. Biron: Non. Écoutez, il y a juste un petit mélange, M. le Président, ici. Le US producer n'est pas un coût de production, c'est un prix vendant pour le US producer.

M. Lefebvre: C'est un prix de vente affiché.

M. Biron: C'est un prix de vente affiché et non pas un coût de production.

M. Lefebvre: C'est cela. La...

M. Ciaccia: Sur ce graphique, où serait le coût de production?

M. Lefebvre: D'accord. Je vais reprendre. Le US producer price est le prix affiché. D'accord? Le LME ou le MW, Metal Week US Market sont des prix de marché. Et, si vous regardez le graphique 2, le Alcan 10-K est un prix de marché; le MW US market price est un prix de marché; le US producer price est le prix affiché et le LME est un prix de marché. Je vous dis que le prix PIP suit le prix de marché ou l'indice PIP nous permet de suivre le marché.

M. Biron: M. Lefebvre, dans ce cas bien précis, ce que le député de Mont-Royal voudrait savoir et ce serait intéressant, c'est le coût de production selon la formule que vous nous avez présentée tout à l'heure ou qui est un petit peu plus... Ici dans la comparaison des coûts directs d'une aluminerie, si on extrapolait votre coût de production avec la méthode Pechiney, les tarifs d'électricité comparés aux autres, est-ce que le coût de production serait en haut ou en bas du prix vendant du marché?

M. Lefebvre: Si vous allez en 1982, le prix du marché était de 900 $ environ, notre prix de production serait d'environ 850 $. On serait encore dans une position "cash flow" positif.

M. Ciaccia: C'est d'après les estimations ou le coût, mais il n'y a aucune garantie que le prix du marché... Je pense que je réponds à la question en la posant. Le prix PIP est le prix du marché et il n'y a aucune garantie que le prix du marché sera le coût de production.

M. Lefebvre: Vous avez raison.

M. Ciaccia: Si vous signiez une entente avec Pechiney pour qu'ils achètent toute la production, de quelle durée serait ce contrat?

M. Lefebvre: On pourrait avoir - et c'est ce qu'on pense qui serait préférable si on va dans cette direction - un contrat de cinq ans avec deux options de renouvellement de cinq ans pour une durée de quinze ans, mais qui nous permettrait de sortir après

cinq ans si on voulait sortir.

M. Ciaccia: Si c'est le prix du marché que vous allez obtenir, Pechiney voudra aussi avoir certaines protections. Ils ne voudront pas perdre l'argent. Quel est vraiment l'avantage d'avoir un contrat avec Pechiney pour l'achat...

M. Lefebvre: II y aurait peut-être une correction à apporter à mon commentaire précédent, c'est que le LME qui est le London Market Exchange Price est un prix "spot" et le prix "spot", dans des mauvaises conjonctures, sera plus bas que les prix d'ententes et, dans une bonne conjoncture, sera plus haut que les prix d'ententes. Le prix PIP nous permet de suivre beaucoup plus le prix des "10-K", par exemple, aux États-Unis, ce qui fait que le prix n'est jamais aussi mauvais que le prix "spot" dans une mauvaise conjoncture et, par contre, dans une bonne conjoncture, on obtient un peu moins d'argent.

Maintenant, si vous parlez aux grands producteurs comme l'Alcan ou ALCOA ou à toutes ces compagnies, leur expérience est qu'elles n'obtiennent, dans un bon marché, jamais autant d'argent que sur le London Middle Exchange et, dans une mauvaise conjoncture, elles font toujours mieux.

M. Ciaccia: Je vais revenir un instant aux garanties. Est-ce que vous avez des raisons spéciales pour ne pas exiger deux choses: premièrement, que Pechiney investisse des fonds de Pechiney, autrement dit qu'ils n'empruntent pas les 100% de leur contribution et, deuxièmement, que vous obteniez la garantie du gouvernement français? Est-ce que vous avez des raisons pour ne pas avoir ces deux exigences?

M. Lebel: En ce qui concerne la première question, la réponse serait que je pense que, à partir du moment où nous acceptons le principe de l'indivision, c'est une exigence qui peut toujours se poser, mais qui serait embarrassante, parce que, par principe, dans l'indivision, l'une et l'autre parties n'ont même pas à connaître comment l'autre partie obtient son financement. C'est un financement indépendant. C'est toujours faisable. Remarquez que les chances sont -si vous voulez un avis tout à fait personnel -que Pechiney, de toute manière, devra mettre au minimum 30% d'équité et peut-être 40% d'équité. Tout dépendra du jugement des financiers. Dans des discussions tout à fait informelles que nous avons eues avec eux, ils nous ont indiqué qu'ils s'attendaient d'avoir comme retour de la part des banquiers une demande de porter leur équité à 40%. I'hypothèse que cela pourrait être en bas de 30%, à mon point de vue, n'est pas possible. Dans les documents que Pechiney fait circuler auprès de grandes banques internationales... (22 h 15)

II n'y a pas uniquement des banques françaises dans le financement de Pechiney, incidemment, il y a de grandes banques américaines. Pour ramasser ce milliard, il va falloir un consortium bancaire qui ne sera sûrement pas... Il pourrait y avoir deux "lead banks" dans un consortium comme celui-là, une française et une américaine. Il pourrait y avoir une couple d'autres banques françaises, une banque canadienne, etc. Alors, il va y avoir au moins sept banques dans un consortium comme celui-là. Dans son document, Pechiney propose comme base de mettre 30%. Lui demander comme exigence de mettre au minimum 30%, oui, mais je vous avoue que, compte tenu du principe de l'indivision, ce serait un peu gênant.

Quant à exiger la garantie du gouvernement français, cela n'apparaît pas nécessaire sur le plan du financement.

M. Ciaccia: Pourriez-vous être mis dans la position où vous seriez obligé de devenir propriétaire de toute l'usine, de tout le projet? Vous dites que la décision opérationnelle appartient à chacun. Avec un droit de veto, si la production est réduite, est-ce possible que Pechiney vous place dans la position où la SGF sera obligée de devenir propriétaire de toute l'usine?

M. Lebel: Le projet de contrat comporte dans une partie un système d'offre mutuelle. Comme appelle-t-on cela? Le droit de premier refus, si l'un ou l'autre des partenaires désirait se départir de sa part indivise de l'aluminerie. Cela va probablement faire partie du contrat. Alors, cela ouvre une porte théorique à la possibilité pour la SGF d'acquérir l'ensemble de l'affaire éventuellement.

M. Ciaccia: Vous ne pouvez pas être obligé? C'est strictement...

M. Lebel: Non, on ne peut pas être obligé dans ce cas-là. D'ailleurs, il y a des délais de prévus; il y a un système de prix qui marche, etc., et on a un délai pour donner une réponse, mais on ne peut pas être obligé de prendre l'autre partie.

Votre question soulève la question hypothétique dont on parlait tout à l'heure. En supposant le pire des désastres possibles et impossibles, que Pechiney devient totalement insolvable, les financiers se saisissent de la part de Pechiney et là, on a comme partenaires des banquiers internationaux. Peut-être que le premier groupe, si jamais on est tout seul encore là-dedans, vers lequel on va se tourner, ce sera nous, pour nous dire: Êtes-vous prêts à prendre, à certaines conditions, la totalité de

l'affaire? Si une situation difficilement imaginable comme celle-là se produisait, je crois cependant que la solution résiderait plutôt dans l'intéressement d'un autre participant. Au prix où les banquiers pourraient vendre la part de Pechiney, elle serait peut-être intéressante pour la SGF, remarquez bien. Elle serait sûrement intéressante pour d'autres producteurs mondiaux comme l'Alcoa. On ne met jamais dans les considérations que... Alumax pourrait aussi être un partenaire dès le départ. Ce pourrait être un groupe intéressé, dans une telle situation, à prendre la relève.

M. Ciaccia: Serait-ce exact de dire qu'on s'engage aujourd'hui - quand je dis "on", je parle du gouvernement du Québec et de la SGF - dans un projet de 500 000 000 $, pour un tiers de l'usine, qui pourrait résulter dans une situation où la SGF deviendrait, ou pourrait devenir, avec des fonds additionnels naturellement, propriétaire de la totalité du projet.

M. Lebel: J'étais porté à faire mes premiers commentaires sur le fait qu'on s'engage aujourd'hui. On s'engage aujourd'hui, toujours sous réserve que... Bon, bien sûr, oui, c'est une possibilité éloignée.

M. Ciaccia: C'est une possibilité.

M. Lebel: Mais, si elle le veut. Si elle est capable de payer, etc., etc.

M. Ciaccia: Cela, c'est volontaire. Mais, est-ce que, s'il n'y a pas de garantie adéquate d'un gouvernement, du gouvernement français... Le ministre parle du gouvernement canadien, si vous pouvez aller le chercher, "fine"; si vous pouvez aller chercher l'endossement du gouvernement américain, cela va nous plaire aussi, mais il faut la garantie d'un gouvernement. Ici, c'est plus réaliste de penser au propriétaire de Pechiney, le gouvernement français. S'il n'y a pas cette garantie et si Pechiney est vraiment dans des difficultés financières, est-ce que vous ne pourriez pas être mis dans la situation où vous pourriez être obligé, pour sauver l'entreprise, parce que vous n'avez pas les garanties, de devenir propriétaire de la totalité du projet?

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Biron: M. le Président...

M. Ciaccia: Je demande au...

M. Biron: ...je pense que là-dessus...

M. Ciaccia: Je demande au...

M. Biron: Non, mais je pense qu'il faudrait être clair là-dessus et ne pas jouer, non plus, sur les mots. M. Lebel a dit à plusieurs reprises tout à l'heure que le problème de Pechiney, c'est de trouver 1 000 000 000 $...

M. Ciaccia: Je comprends. M. Biron: ...garantis ou non. M. Ciaccia: Oui, oui.

M. Biron: Mais, il n'y a pas de banquier qui va prêter 1 000 000 000 $ sur un coin de table.

M. Ciaccia: Oui, oui.

M. Biron: II va falloir avoir des garanties quelque part de la part des banquiers. Et on estime, d'après les informations que la Société générale de financement a obtenues - M. Lebel l'a dit tout à l'heure à plusieurs reprises aussi - que c'est fort possible que Pechiney doive mettre 300 000 000 $ comptant là-dedans. Peu importe ce qui arrivera ou ce qui pourrait arriver à Pechiney. Peu importe. Il y aura tellement d'argent comptant et tellement de garanties que la part du 1 000 000 000 $ ne sera jamais 1 000 000 000 $, ce sera toujours moins. Si ce n'est pas la SGF, cela peut être un autre producteur, Alcan au Québec, ou Reynolds, ou d'autres producteurs comme Alcoa, ou d'autres à travers le monde, qui seraient intéressés à acheter la part...

M. Ciaccia: M. le Président.

M. Biron: ...de Pechiney, de 1 000 000 000 $ pour, peut-être 700 000 000 $, peut-être 500 000 000 $ aussi. Une part comme cela, ce sera probablement une excellente affaire à faire dans le temps.

M. Ciaccia: M. le Président, je voulais...

M. Biron: Alors, tout ce que je veux faire comprendre...

M. Ciaccia: M. le Président, question de règlement.

M. Biron: ...au député de Mont-Royal, c'est qu'il ne faudrait pas, non plus, passer la soirée à faire des hypothèses, à penser à des choses qui ne peuvent pas arriver, lorsqu'on sait d'avance... Je pense que le député de Mont-Royal a assez négocié dans les affaires pour savoir qu'il n'y a pas une banque au monde qui va avancer 1 000 000 000 $ sur un coin de table, sans

garantie. Il y aura des garanties quelque part pour au moins que les banques puissent se payer une partie. Et, deuxièmement, que les banquiers se retournent vers des acheteurs possibles, la SGF, à travers d'autres acheteurs, et vendre cette partie-là meilleur marché. Si c'est un bon marché à faire...

M. Ciaccia: M. le Président.

M. Biron: La SGF ne dira probablement pas non. Et, il y a quelqu'un d'autre dans le monde qui sera peut-être intéressé aussi à le faire ce bon marché-là. Alors, j'invite le député de Mont-Royal à prendre des états de faits qui peuvent arriver, mais qu'il cesse d'extrapoler sur des choses qui ne peuvent pas arriver.

M. Ciaccia: M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Je ne voulais pas une réponse politique. Si j'avais voulu une réponse politique, j'aurais posé ma question au ministre. C'est malheureux que le ministre, chaque fois que j'arrive à une question que je trouve assez précise... Je veux l'opinion de M. Lebei. Écoutez, M. Lebel est le président de la SGF, je veux savoir ce qu'il pense de la situation dans laquelle il se trouve. C'est lui qui va devoir répondre, comme président de SGF, pour le fonctionnement de l'aluminerie, si jamais on signe l'entente avec Pechiney. Si le ministre veut faire des interventions par la suite pour expliquer, évidemment, non seulement je ne peux pas l'empêcher mais je l'invite à le faire. Mais, aux questions que je pose sur ces situations-là, j'aimerais avoir les réponses du président de la SGF.

M. Biron: M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre, sur la question du règlement.

M. Biron: Ou le député de Mont-Royal veut faire de la petite politique...

M. Ciaccia: Non, non.

M. Biron: ...ou le député de Mont-Royal est complètement incompétent au point de vue économique.

M. Ciaccia: C'est cela.

M. Biron: Mon attitude n'a pas été une attitude politique, cela a été tout simplement une attitude raisonnable au point de vue économique, en me disant que ce n'est pas possible que le député de Mont-Royal se mette dans la tête...

M. Ciaccia: Cela, c'est votre opinion, ce n'est pas mon opinion.

M. Biron: ...que des banquiers responsables vont avancer 1 000 000 000 $ sur un coin de table. Ce n'est pas vrai. Il va y avoir des garanties quelque part en dessous de cela. Je veux juste dire au député de Mont-Royal que s'il dit que des banquiers sur un coin de table vont avancer 1 000 000 000 $ pour faire peur au monde...

M. Ciaccia: Je n'ai pas dit cela, M. le Président. Voyons donc!

M. Biron: ...le député de Mont-Royal fait de la petite politique. Si le député de Mont-Royal veut, comme il le dit lui-même, faire de l'économique, faisons de l'économique mais au moins faisons de l'économique raisonnable en disant au moins sur des bases d'affaires ce que des banquiers peuvent faire au minimum et au maximum. À travers cela, bien sûr, les gens de la SGF et tout le monde sont bien prêts à répondre à des questions. Mais j'invite le député de Mont-Royal à ne pas faire peur au monde et à essayer de faire de la politique avec un cas bien précis mais tout simplement être raisonnable au point de vue économique et poser des questions raisonnables économiquement. Il va avoir toutes les réponses qu'il veut avoir sur ce sujet.

M. Ciaccia: Si le ministre veut me laisser les poser, je vais le faire. Je ne fais pas de la petite politique. Je réfère à un cas très précis. Je n'ai jamais dit et je ne prétends pas que les banques vont prêter 1 000 000 000 $ sur un coin de table. Ce n'est pas cela du tout. La seule chose que je cherche, c'est d'avoir des protections. Je ne veux pas donner plus d'avantages à Pechiney et je ne veux pas imposer moins d'obligations que le gouvernement du Québec se propose d'imposer dans le projet de loi 10. Plutôt que de dire que les banques ne prêteront pas 1 000 000 000 $ sur un coin de table, je demande pourquoi on ne peut pas exiger que Pechiney investisse, qu'on n'exige pas dans l'entente-cadre qu'elle investisse 30% et qu'au lieu d'avoir 1 000 000 000 $ d'emprunt, on ait 700 000 000 $? Si une banque peut prêter 700 000 000 $, elle peut prêter 1 000 000 000 $. Mais la protection, en fin de compte, les conséquences peuvent être différentes pour la SGF. C'est pour cela que je voulais poser la question: Est-ce que la SGF pourrait être placée dans une situation - je ne demande pas cela au ministre, je demande cela à M. Lebel - que s'il n'y a pas de garanties adéquates, elle sera mise dans une situation où elle sera presque obligée de devenir propriétaire du projet entier?

Le Président (M. Desbiens): M. Lebel.

M. Lebel: Elle ne peut pas être obligée de devenir, elle ne sera pas obligée de devenir propriétaire du projet en entier dans aucune situation.

M. Ciaccia: Si Pechiney ne peut pas... Oui, je l'ai entendu...

M. Dussault: ...l'apocalypse...

M. Ciaccia: ...faire honneur à ses obligations et qu'il n'y a aucune autre garantie, qu'arrivera-t-il à ce moment?

M. Lebel: La part de Pechiney est saisie par ses créanciers. Ses créanciers sont, en l'occurrence, un consortium de grandes banques internationales.

M. Ciaccia: Est-ce que les créanciers vont être obligés d'exploiter l'usine au niveau que la SGF voudrait qu'elle soit exploitée?

M. Lebel: Les créanciers, s'ils veulent exploiter l'usine, vont devoir l'exploiter selon les contrats qui vont nous lier à eux comme nouveaux propriétaires. Il pourrait arriver à ce moment qu'on continue d'exploiter pour arriver dans des situations très hypothétiques qu'on doive cesser d'exploiter.

M. Ciaccia: Serait-il possible que si les créanciers prennent possession de l'usine pour le montant de leurs créances, ils ne seraient pas obligés d'exploiter l'usine? Par exemple, si c'est une question d'indivision, un... (22 h 30)

M. Lebel: Ils prennent possession d'une indivision qui leur confère certaines obligations très précises qu'ils ont à l'égard de nous et nous avons tous les recours à leur égard qu'ils auraient à notre égard si nous ne voulions pas jouer le jeu. Supposez que cela se produise dans cinq, six ou sept ans, je vous avoue que cela ne m'apparaît pas très fatigant. L'équipe est en place, l'usine fonctionne, le changement de propriétaire se fait et cela ne paraît pas tellement. Cela crée des emmerdements, j'en suis sûr, mais cela ne paraît pas tellement.

M. Ciaccia: Non, mais parfois...

M. Lebel: II est peu probable que la situation se présente dans les premières années parce que l'argent pour construire l'usine va être souscrit à l'origine du projet. Alors, il n'y a pas de difficulté qui se pose à ce moment.

Hypothétiquement, cela est possible. Ce serait possible qu'advenant une situation comme celle-là, ce soit une situation embarrassante et qu'on soit obligé de considérer les avantages. Est-ce que c'est plus avantageux d'acheter le reste ou pas? Est-ce qu'on est capable d'acheter le reste ou pas? Est-ce qu'il y a des gens qui peuvent prendre la relève?.

Évidemment, si on est déjà trois, le problème n'est plus tout à fait le même, il est moins compliqué. Il y a des chances que nous soyons trois dès le départ. Il y a aussi des chances que nous ayons un producteur d'aluminium dans le groupe québécois; ce n'est pas assuré, mais ce n'est pas écarté.

Dans une situation hypothétique, le pis qui puisse arriver, c'est que nous soyons seulement Pechiney et nous. À ce moment-là, nous nous ramassons avec des partenaires banquiers. Cela suppose qu'on achète ou qu'on trouve rapidement un remplaçant à Pechiney. À mon point de vue, il y aurait des candidats. Cela reste une situation embarrassante pour le moins.

M. Ciaccia: C'est pour cela que je vous suggérais que ce serait plus prudent d'obtenir des garanties du gouvernement français, de la même façon que le Québec est prêt dans le projet de loi, d'après ce que je vois et d'après votre présentation, à fournir certaines garanties.

Revenons à la question de l'indivision.

M. Lebel: Est-ce que vous me permettez, M. Louis-Gilles Gagnon est en train de me déranger et il voudrait faire une intervention là-dessus. Je suis aussi bien de le laisser faire.

M. Ciaccia: Certainement. Écoutez, la seule chose qu'on veut, c'est d'essayer d'avoir le plus de renseignements possible. Il n'y a pas d'autre objectif dans les questions que je pose.

M. Gagnon (Louis-Gilles): Comme je le disais, M. Ciaccia, ou la période de difficulté de Pechiney, pour reprendre votre exemple, va se produire durant la période de construction, ou elle se produira après la date de démarrage du projet comme tel. Si cela se situait après la date de démarrage, nous serions en présence d'une situation où ici, au Québec, la garantie du gouvernement, de toute façon, n'existerait plus. Alors, si Pechiney n'avait pas eu la garantie du gouvernement français, nous serions dans la même situation.

M. Ciaccia: Pourquoi dites-vous qu'elle n'existerait plus?

M. Gagnon (Louis-Gilles): Pardon?

M. Ciaccia: Pourquoi dites-vous qu'elle n'existerait plus?

M. Gagnon (Louis-Gilles): Parce que c'est dans la constitution même du projet

que la garantie donnée par le gouvernement tombe, de par les termes du recours limité, au moment de la date de démarrage.

M. Ciaccia: Non, peut-être que c'est ce que vous dites, mais ce n'est pas ce que j'ai compris. La garantie va tomber seulement si le ratio devient 50-50, dette-équité. Est-ce que la garantie va tomber automatiquement après le démarrage?

M. Gagnon (Louis-Gilles): Ce sont effectivement les deux conditions.

M. Ciaccia: Ah! oui. Un instant! Si le ratio est de 50-50, je ne suis pas inquiet non plus des garanties du gouvernement français parce que, si la dette est de 1 000 000 000 $ et l'équité de Pechiney de 1 000 000 000 $, pas de problème. C'est advenant le cas où ce ratio n'existe pas. Si ce ratio existe, il n'y aura pas de défaut et Pechiney va continuer à fonctionner. Les banquiers ne prendront pas l'usine si ce ratio d'équité existe. C'est seulement dans le cas où le ratio dette-équité n'est pas de 50-50. À ce moment-là, si je comprends bien, c'est possible que vous soyez mis dans une position de devenir propriétaire de l'ensemble. Ce serait à ce moment que la garantie d'un gouvernement serait utile sur la dette.

M. Biron: M. le Président, pour être très clair, il faudrait s'entendre sur ceci: une fois que le montant de 1 000 000 000 $ est sur la table, de même que les 500 000 000 $ de la part des partenaires québécois, c'est sur la table et cela ne manquera plus car c'est là.

M. Ciaccia: Oui.

M. Biron: On va jusqu'au bout de la construction de l'usine...

M. Ciaccia: Oui.

M. Biron: ...peu importe ce qui arrive avec Pechiney. Le seul point difficile à régler, c'est que notre partenaire qui nous apporte des connaissances technologiques serait peut-être disparu en cours de route et on aurait une usine. Cela peut causer de emmerdements, comme dit M. Lebel, mais il faudrait voir s'il n'y a pas possibilité de passer à travers d'une autre façon. Mais il y aura quand même 1 000 000 000 $ sur la table avec quelques garanties que les banquiers auront à quelque part. Si l'usine était en fonctionnement, au bout d'un an ou deux, les gens ayant appris la technologie il n'y a plus de problème là-dessus. Il y a encore quand même le 1 000 000 000 $ versé par les banques françaises, américaines et suisses.

M. Ciaccia: C'est une dette.

M. Biron: C'est une dette que Pechiney doit et non pas que SGF doit.

M. Ciaccia: Non, c'est l'usine qui la doit.

M. Biron: Non, ce n'est pas l'usine, c'est Pechiney qui doit cela.

M. Ciaccia: La partie de l'usine de Pechiney...

M. Biron: ...qui est en garantie de la dette.

M. Ciaccia: Oui.

M. Biron: Les banquiers prendront la partie de l'usine de Pechiney, cela ne cause pas encore de problème au gouvernement du Québec...

M. Ciaccia: Si elle fonctionne.

M. Biron: ...comme partenaire. Le banquier ne perdra pas ses 500 000 000 $, 600 000 000 $ ou 700 000 000 $ qu'il aura investis là-dedans. Il faut qu'il fonctionne de quelque façon ou qu'il se cherche un acheteur possible. Je ne vois aucun problème de ce côté. Une fois que le 1 000 000 000 $ est sur la table...

M. Ciaccia: Le 1 000 000 000 $, s'il constitue une dette, ce n'est pas la même que si c'était en équité. La seule chose que je voulais que SGF exige, c'est qu'une portion de ce 1 000 000 000 $ soit en équité.

M. Biron: II faut bien comprendre que ce n'est pas l'usine qui doit le 1 000 000 000 $.

M. Ciaccia: La partie...

M. Biron: C'est l'entreprise Pechiney.

M. Ciaccia: Non, c'est la partie de l'usine de...

M. Biron: Non, c'est l'entreprise

Pechiney qui doit le 1 000 000 000 $, garanti par la partie de l'usine. C'est totalement différent.

M. Ciaccia: Oui, c'est garanti par la partie de l'usine.

M. Biron: C'est cela qui est différent, M. le député.

M. Ciaccia: Autrement dit, vous ne pourriez pas prendre la partie de l'usine de

Pechiney sans assumer la dette de 1 000 000 000 $.

M. Biron: Oui, mais ce sont les banquiers qui sont pris avec la dette, avec d'autres garanties que l'usine.

M. Ciaccia: On se comprend.

Quant à l'indivision, M. Lebel, avez-vous l'expérience dans d'autres projets sur cette question? Autrement dit, qu'est-ce que l'indivision peut signifier en termes pratiques? Théoriquement, on peut donner les avantages et les désavantages, mais ce qui me préoccupe, ce n'est pas ce que je connais d'un certain projet, d'une certaine notion ou d'un certain concept, mais ce que je ne connais pas. Est-ce qu'on a assez d'expérience ou assez de connaissances sur les problèmes pratiques de l'indivision? Est-ce qu'on pourra se protéger dans l'entente-cadre sur les différentes éventualités que ces problèmes pourraient nous créer?

M. Lebel: Je n'ai jamais eu personnellement l'expérience de monter un projet en indivision et probablement qu'il n'en existe pas au Québec. On nous dit qu'on n'est pas sûr de cela, il pourrait en exister, mais c'est sûrement une denrée rare et je pense que je dis la vérité. Et pour cause, notre Code civil prévoit l'indivision, mais dans une tout autre situation qu'une situation industrielle. Tout le monde sait sans doute qu'au décès du père son testament peut prévoir que sa terre est donnée en indivision à ses deux fils mineurs pour une période déterminée, après quoi, ils pourraient décider de la diviser. C'est comme cela pour notre culture en indivision. Cela fait partie des droits de succession. Pour le reste, ce que nous avons d'indivise, c'est dans le domaine commercial. Vous savez tous qu'on peut avoir des propriétés communes. La partie la plus proche de l'indivision que j'ai touchée personnellement - ce n'est pas véritablement de l'indivision, mais cela s'en rapprochait -c'est le projet Bell-Banque, du temps que j'étais à la Banque Nationale. C'était un projet en "joint venture", cela n'a pas été fait sur la base d'un projet indivis, mais cela s'en rapproche tellement par d'autres mécaniques. Dans le domaine industriel, il y en a peut-être, mais je n'en connais pas et la SGF n'en a jamais fait. Ailleurs, cependant, au Canada, on me le souligne, dans le droit commun, le "joint venture" ressemble énormément à l'indivision. Cela existe aussi aux États-Unis et c'est utilisé dans ce type de projet à bien des endroits dans le monde. Maintenant, tout ce qu'on a vu à venir jusqu'à maintenant, là-dedans, c'est que cela nous semble faisable, cela nous semble applicable et cela ne semble pas sous réserve que cela prenait un amendement au Code civil pour préciser la disposition sur l'indivision - causer de difficulté considérable.

M. Ciaccia: Cela ne vous inquiète pas que vos partenaires vous ont... Est-ce qu'ils ont d'autres projets Pechiney dans l'indivision à votre connaissance?

M. Lebel: Tomago est en indivision. Ils sont partenaires avec un groupe financier.

M. Ciaccia: Cela ne vous inquiète pas trop le fait que vos partenaires vous ont suggéré cela, eux qui ont un peu plus d'expérience dans le concept d'indivision?

M. Lebel: C'est-à-dire que cela nous a inquiétés au début. En tout cas, personnellement, cela m'a inquiété au début. Je me suis demandé quelle sorte de bête que c'est ça. Peut-être comme vous faites aujourd'hui, quelle sorte de bête que c'est ça? On a mis du monde à examiner cela, à voir les implications légales. Ils y ont passé des heures et des heures. Au fur et à mesure de ces examens, on a fini par se convaincre que c'était apparemment surprenant quand on se faisait présenter cette notion pour la première fois, mais qu'on se familiarisait assez rapidement avec la notion. Il semble qu'on puisse éviter les pièges juridiques et les pièges financiers aussi bien là-dedans que dans une société à capital-actions.

M. Ciaccia: Qui va déterminer le niveau de production de l'usine?

M. Lebel: C'est la société d'exploitation, c'est le conseil de direction dans lequel nous allons être représentés. C'est une des questions sur lesquelles nous avons un pouvoir décisionnel.

M. Ciaccia: Vous dites que c'est la seule société d'exploitation qui déterminera le niveau de production.

M. Lefebvre: J'ai une petite correction là-dessus, excusez-moi. C'est le conseil de direction auquel se rapporte la société d'exploitation. Au conseil de direction, pour réduire la production, il faut être unanime.

M. Ciaccia: Pour réduire la production.

M. Lefebvre: Pour réduire la production.

M. Ciaccia: Cela veut dire qu'elle sera établie à un certain niveau.

M. Lebel: 130 000 tonnes par année.

M. Ciaccia: Après cela, pour la réduire, il faut être unanime.

M. Lefebvre: II faut être unanime ou si jamais - il y a deux autres conditions, par exemple, que je dois ajouter immédiatement - on décidait de réduire unilatéralement la production, à ce moment, on doit assumer les coûts additionnels. Maintenant, il y a une autre condition qu'on négocie présentement, c'est la suivante: Si jamais on était pris dans une position prolongée, c'est-à-dire une situation où le "cash flow" était négatif pendant une période prolongée, on aurait le droit d'arrêter la production et, à ce moment, on assumerait les coûts fixes seulement, comme si on était dans une usine et on était propriétaire d'une usine complètement séparée.

M. Ciaccia: Quand vous dites le "cash flow", vous parlez du "cash flow" de toute l'usine ou le "cash flow" SGF et le "cash flow" Pechiney.

M. Lefebvre: Le "cash flow" SGF.

M. Ciaccia: Combien de temps faudrait-il qu'il soit négatif?

M. Lefebvre: Là on est en train de négocier les conditions présentement.

M. Ciaccia: Je présume qu'il va y avoir un certain nombre...

M. Lefebvre: ...de mois, de jours, 90 ou 120 jours...

M. Ciaccia: De temps. À ce moment, vous pouvez arrêter.

M. Lefebvre: On donnera un avis pour peut-être une autre période de 90 jours...

M. Ciaccia: Vous assumez les coûts fixes, les coûts de financement.

M. Lefebvre: C'est cela, comme si c'était notre propre usine.

M. Ciaccia: Je pense que vous m'aviez donné un chiffre...

M. Lefebvre: 43 700 000 $ en 1989. C'est cela. Il y a des gens qui m'amènent des précisions tout le temps. On assumerait nos propres prêts financiers. (22 h 45)

M. Ciaccia: M. le Président, vous dites c'est une indivision. C'est facile à comprendre, l'indivision, sur une terre ou sur un édifice; c'est un concept de droit civil, c'est assez commun. J'essaie de comprendre le concept d'indivision dans une usine qui va produire. Je présume que la production, cela sort comme un tout. Est-ce que vous pouvez diviser la production?

M. Lebel: Non, nous ne pouvons pas diviser la production, elle est indivise.

L'usine reçoit une quantité suffisante d'alumine pour faire 230 000 tonnes, pour travailler à 230 000 tonnes par année. Elle reçoit de l'électricité, elle achète les autres intrants et elle transforme cela à l'intérieur de l'usine puis nous facture les coûts selon notre part.

M. Ciaccia: D'après ce que je comprends, si vous avez un "cash flow" négatif pour une certaine période de temps, allez-vous pouvoir réduire toute la production ou dire: Bien, je ne veux pas produire, toute la production va appartenir à Pechiney?

M. Lebel: On pourrait dire qu'on ne prend plus notre tiers de production, qu'on ne fournit plus notre tiers d'alumine. Et comme on arrête de produire on va supporter nos coûts fixes. Si l'autre groupe voulait continuer à exploiter l'ensemble de l'usine il devrait nous rembourser nos coûts fixes à ce moment.

M. Ciaccia: Est-ce qu'il y a un danger - je crois que mon collègue de Nelligan avait posé cette question - Pechiney ayant d'autres usines, que ses politiques puissent affecter l'exploitation de ...

M. Lebel: II peut y avoir des stratégies différentes. Il pourrait arriver, par exemple, que dans une période de très basse conjoncture, comme nous, nous sommes producteurs dans une seule usine, nous devions nous contenter de notre production dans une seule usine. Mais comme l'autre groupe est producteur dans plusieurs usines il pourrait être intéressé à cesser la production chez nous pour la faire ailleurs, ou, au contraire, à continuer à produire chez nous parce que les coûts sont meilleurs et fermer ailleurs où il produit à 200 $ ou 300 $ la tonne plus cher. Nous devons être très conscients de cette situation. Les mécanismes nous permettant de circonscrire ces inconvénients sont en voie d'être précisés. C'est un danger. Nous sommes très conscients de ces situations hypothétiques possibles.

M. Ciaccia: Est-ce qu'il y a des garanties, des clauses que vous pouvez insérer dans le contrat pour vous protéger contre une telle éventualité?

M. Lebel: Oui.

M. Ciaccia: Pour le financement, est-ce que la Caisse de dépôt est un des organismes dans ...

M. Lebel: C'est un des organismes qui peuvent possiblement participer au

financement. La Caisse de dépôt fait partie des groupes que nous avons déjà contactés. Elle suit le développement du projet avec un certain intérêt, mais il n'y a pas d'engagement formel de la part de la Caisse de dépôt à participer, au moment où on se parle.

M. Ciaccia: Mais il n'y a pas d'engagements d'autres organismes non plus?

M. Lebel: II n'y a pas d'engagements d'autres organismes non plus.

M. Ciaccia: C'est une des institutions avec lesquelles...

M. Lebel: C'est une des institutions avec lesquelles on peut être amené à faire affaires parmi le groupe québécois.

M. Ciaccia: Est-ce qu'il y a des subventions fédérales d'impliquées?

M. Lebel: II n'y a pas de subventions fédérales au projet, à ma connaissance.

M. Ciaccia: À votre connaissance, est-ce qu'il y a eu des demandes de faites au gouvernement fédéral pour des subventions?

M. Lebel: Non, pas à ma connaissance. Il n'y a pas eu de demandes de subventions auprès du gouvernement fédéral.

M. Ciaccia: Est-ce que vous avez l'intention ou Pechiney a-t-elle l'intention de faire des demandes pour des subventions au gouvernement fédéral, à votre connaissance?

M. Lebel: II n'y a pas eu de dossier de présenté au fédéral pour solliciter des subventions. Il serait surprenant qu'il en soit présenté, pour la raison très simple que d'autres alumineries se sont bâties au Québec et ailleurs au Canada sans subvention.

M. Biron: M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Biron: Je voudrais seulement préciser pour le député de Mont-Royal qu'il n'y aura pas de subvention avec d'autres programmes aussi du gouvernement du Québec. Vous avez mentionné cet après-midi les programmes réguliers comme la SDI et tout. Il n'est pas question de donner une subventionner à cela. On croit que les tarifs d'électricité représentent une forme de subvention importante. Il reste quand même qu'il y a certains travaux à faire dans le parc industriel de Bécancour, au quai en particulier, où on a des discussions présentement avec le ministre fédéral de l'Industrie et du Commerce, pour savoir s'il n'y aurait pas lieu d'en venir à une entente auxiliaire Canada-Québec comme pour les autres parcs industriels. Or, il n'y a pas encore de conclusion à nos discussions qui se poursuivent présentement pour étudier s'il ne pouvait y avoir une participation fédérale comme dans n'importe quelle infrastructure industrielle de ce genre.

M. Ciaccia: Quel sera exactement le rôle de la société d'exploitation? Pouvez-vous nous donner le pourcentage de la participation de la SGF dans la société d'exploitation?

M. Lebel: Je vais demander à M. Jacques Lefebvre de répondre à votre question.

M. Lefebvre: Lors de la phase de construction, la société d'exploitation va s'occuper de la construction et lors de l'exploitation d'usine, la société d'exploitation va s'occuper de faire fonctionner l'usine, c'est-à-dire d'engager les cadres, d'acheter les intrants c'est-à-dire les fluors d'alumine, le coke de carbone et tout ce dont on a besoin pour produire de l'aluminium, à l'exclusion de l'alumine.

De plus, en ce qui concerne la part ou la participation de la SGF dans la société d'exploitation, c'est en négociation présentement. Nous avons mis une proposition sur la table qui pourrait laisser la SGF participer jusqu'à 50%. Ce n'est pas finalisé. Et si jamais il y avait un autre partenaire, il est évident que ce partenaire devrait aussi avoir une participation dans la société d'exploitation. Mais la société d'exploitation va fonctionner selon les politiques établies par le conseil de direction auquel siègent les membres de l'indivision.

M. Ciaccia: Au conseil de direction, est-ce que la représentation sera dans la même proportion que la participation des différentes sociétés?

M. Lefebvre: Oui. C'est-à-dire le poids de chacun des participants selon sa participation, sauf que nous voulons nous réserver le droit d'avoir au moins un tiers des membres en tout temps au conseil de direction. Excusez-moi, avec certain droit de veto.

M. Ciaccia: Quant aux questions de production...

M. Lefebvre: Non, cela va plus loin que cela. C'est que dans certains cas nous...

M. Ciaccia: Non? Achat de...

M. Lefebvre: ...disons, par exemple,

qu'au niveau de la politique d'achat, étant donné qu'on est situé au Québec, on aura un droit de veto sur les achats, sur la nomination des conseillers et aussi sur la nomination de certains cadres à l'intérieur de la société d'exploitation.

M. Ciaccia: Quelle est la réception que vous avez eue à votre proposition que ce soit 50-50 sur la société d'exploitation?

M. Lefebvre: Pardon?

M. Ciaccia: Vous avez mis une proposition sur la table, à savoir que la société d'exploitation sera de 50-50 Pechiney et SGF...

M. Lefebvre: On est en discussion présentement, oui. Cela ne veut pas dire que Pechiney va nécessairement l'accepter, mais c'est une position qu'on a prise au départ.

M. Ciaccia: Je vais laisser à mon collègue, le député de Nelligan l'occasion de parler.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: M. Lebel, pour revenir à l'accord-cadre avec les Français, Pechiney, on parle de cet investissement de Pechiney depuis des années. On parle de cela, mais enfin, depuis les dernières années, cela devient plus fréquent et l'année dernière on devait signer. L'année dernière, on annonçait qu'on avait signé et après, cela a été remis. Bref, il y a eu la lettre d'intention du 9 mai. Pouvez-vous nous donner une idée du moment où vous pensez que l'accord-cadre va être négocié entre vous à votre satisfaction? On parle de temps. Est-ce que ce sera une affaire de semaines, de mois, de...

M. Lebel: On parle, pour la signature de l'accord-cadre, du mois d'août ou du mois de septembre.

M. Lincoln: Y a-t-il des négociations quelconques qui vont se situer durant le passage - on en a parlé - de M, Lévesque à Paris où il y aurait des ententes signées? Est-ce que ce seraient des ententes à moyen terme qui vous être signées, des ententes préliminaires suivant celle-ci ou si ce sont purement des conjectures de journaux?

M. Lebel: II pourrait y avoir une entente intermédiaire entre les sociétés qui aurait lieu au cours de cette période.

M. Lincoln: Vous avez parlé d'un moment donné où cela devenait presque irréversible. Pensez-vous qu'on est arrivé à ce point, où le projet va de l'avant de toutes les façons ou s'il y a encore des points majeurs qu'il reste à clarifier?

M. Lebel: II reste des points majeurs à clarifier. Nous n'avons pas encore atteint le stade de l'irréversibilité.

M. Lincoln: De ces points majeurs qu'il reste à clarifier, il y a la question de la société d'exploitation, les différentes propositions que vous avez faites, par exemple, la gestion 50-50. Il y a certains points - cinq, je pense - sur les 30 points -comme vous l'avez dit - sur l'accord-cadre, à peu près. Il y a ensuite la question du financement de Pechiney qui va avoir à dire: Je produis mes 1 000 000 000 $. Est-ce aussi un des points en suspens?

M. Lebel: Oui.

M. Lincoln: Y a-t-il des accrocs de ce point de vue, du côté de Pechiney?

M. Lebel: Pardon?

M. Lincoln: Y a-t-il des retards, des accrocs ou des problèmes de ce point de vue, du côté de Pechiney.

M. Lebel: Pas au moment où on se parle. Cela se déroule comme cela devait se dérouler. Probablement que nous allons savoir si Pechiney a son financement avant que le nôtre soit réalisé, parce qu'elle a commencé avant nous sa sollicitation auprès des membres. Son document financier est en circulation depuis un mois, peut-être un peu plus qu'un mois. Normalement, quelque part au cours de l'été - au mois de juillet ou quelque chose du genre - Pechiney devrait savoir si elle va obtenir son financement. Il y a des chances dans ce sens qu'on sache si c'est réglé d'un point de vue financier du côté de Pechiney avant que nous ayons obtenu une proposition acceptable de financement.

M. Lincoln: Y a-t-il des possibilités, avant que l'accord avec Pechiney soit signé, que la question d'Alumax entre en jeu?

M. Lebel: Oui.

M. Lincoln: La question d'Alumax pourrait-elle retarder la signature de l'accord, parce que n'est-ce pas un troisième partenaire avec qui il faudra négocier toute la question d'actions indivises, du principe même de l'indivision? Les Américains sont-ils prêts à accepter le principe de l'indivision? Ce n'est pas du tout familier aux Américains, en fait.

M. Lebel: En principe, oui, puisque, à

notre connaissance, Alumax est assez intéressée à l'affaire pour avoir - et elle est au courant de la formule - demandé dans ses récentes négociations avec Pechiney une manière d'option.

M. Lincoln: Si je comprends bien, si Alumax entre dans l'affaire, est-ce bien environ 25% qu'Alumax prendrait à ce moment-là? Ce serait 25% pour Alumax?

M. Lebel: C'est le chiffre envisagé.

M. Lincoln: C'est 25% pour Alumax et 33% pour la SGF ou à peu près.

M. Lebel: Non. Dans cette hypothèse, cela pourrait être 25% pour la SGF, 25% pour Alumax et 50% pour Pechiney.

M. Lincoln: Ah bon! Si Alumax entrait dans l'entreprise...

M. Lebel: Cela pourrait changer les proportions des...

M. Lincoln: Cela pourrait changer les proportions?

M. Lebel: Cela pourrait changer les proportions.

M. Lincoln: Parce que c'est une question importante. Si...

M. Lebel: D'ailleurs, je réponds à cela sur le plan d'Alumax, mais hypothétiquement, c'est possible pour un autre producteur qu'Alumax et si la situation se produit... (23 heures)

M. Lincoln: ...oui, d'accord.

M. Lebel: En dernière analyse, il apparaît à la SGF avantageux de favoriser cette solution. Cela fait, d'abord, un engagement un petit peu moins considérable de notre part, 25% au lieu de 33%. Ce n'est pas négligeable quand nous parlons d'un projet de cette envergure. Nous pourrions probablement réaliser quand même tous les objectifs que nous voulons réaliser en nous introduisant dans ce secteur et notre risque total serait moins considérable.

Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'on voit cela de façon plutôt positive. Quant à savoir si cela peut être retardé, cela ne peut pas l'être indéfiniment parce que, si nous retardons et que ces retards ont des effets sur l'échéancier, nous perdons des avantages sérieux et nous perdons une rentabilité au projet. Si cela doit se faire, cela va se faire dans les quelques mois qui viennent; j'allais dire dans les quelques semaines, mais cela a l'air trop près. Cela va se faire au mois de juillet ou vers cette période.

M. Lincoln: Je comprends très bien que vous favorisiez cette solution parce que, comme vous le dites, cela réduit le capital que la SGF doit trouver. En admettant l'hypothèse qu'Alumax en prenne 25%, la SGF 25% et Pechiney 50%, vous avez à trouver environ 375 000 000 $, dont 150 000 000 $ sont fournis par le gouvernement du Québec et le reste en prêt. En admettant cette hypothèse, il faut qu'Alumax entre, elle aussi, dans le cadre de l'accord principal. Je présume donc que l'accord-cadre que vous allez signer avec Pechiney, ce sera sur la même base de négociation qu'avec Alumax parce qu'il faudra que ce soit le principe même de l'accord-cadre. C'est bien cela, n'est-ce pas?

M. Lebel: Mutatis mutandis, ce serait la même base.

M. Lincoln: À ce moment-là, est-ce que cela change aussi toute la question de l'accord de la société d'exploitation et le contrat de vente? Est-ce que c'est aussi affecté?

M. Lebel: Cela ne change pas le contrat de vente, ce n'est pas affecté. Si une société comme celle-là entrait dans le projet, ce serait pour s'occuper elle-même de son aluminium. C'est parce qu'elle a des manières de le placer soit en le vendant, soit en le transportant aux États-Unis pour le transformer dans ses usines de transformation.

Sur la structure, il y a certains ajustements à faire. Il n'y a pas de boîte additionnelle à créer, mais il y a une place à faire à un partenaire qui est assez important pour avoir, par exemple, une voie au sein de la société d'exploitation.

M. Lincoln: Du point de vue du contrat de vente, si Alumax entrait dans l'affaire, est-ce que vous les considériez aussi en vue de faire le contrat de vente avec eux plutôt qu'avec Pechiney, parce qu'il y a des avantages sur le marché américain, etc.? Est-ce que c'est une possibilité?

M. Lebel: Ce n'est pas exclu.

M. Lincoln: Ce n'est pas exclu. Alors, c'est possible.

M. Lebel: Ce n'est pas exclu au moment où on se parle.

M. Lincoln: C'est possible que si Alumax entre dans le projet, il y ait aussi cette dimension qu'on puisse considérer le contrat de vente avec eux plutôt qu'avec Pechiney.

M. Lebel: Ce n'est pas exclu.

M. Lincoln: Pour revenir au gouvernement fédéral, je voulais le situer. Je lisais dans le Devoir du 13 janvier 1983: D'autre part, Pechiney a récemment demandé l'aide financière du gouvernement canadien. Aucun montant précis n'a encore été avancé, indiquait au Devoir le sous-ministre du ministère de l'Expansion économique, M. Claude Huot.

En fait, dans un autre article, je lisais qu'il y avait une possibilité que le fédéral investisse 30 000 000 $ dans l'affaire ou quelque chose comme cela.

Je demande au ministre... Je lis dans le Devoir du 28 ou 29 avril: Finalement, le gouvernement fédéral n'a pas encore répondu à la demande d'aide de Pechiney mais, selon les informations du Devoir, le gouvernement québécois, dans une lettre datée du 17 avril dernier, a invité le gouvernement fédéral à ne pas s'occuper de ce dossier.

Est-ce que vous rejetez les 30 000 000 $, les 50 000 000 $ ou les 100 000 000 $?

M. Biron: M. le député de Nelligan, les 30 000 000 $ représentaient le coût des travaux d'infrastructures - de quai nécessaires qui appartenaient à la Société du parc industriel du centre du Québec. Aux dernières nouvelles jusqu'à présent, c'était de 18 000 000 $ à 20 000 000 $ sous la forme d'une entente auxiliaire possible. Cela veut dire que la participation du fédéral n'est pas de 30 000 000 $; habituellement, lorsque ce sont des ententes auxiliaires, c'est 64% fédéral et 40% Québec. Déjà on descendait à 18 000 000 $. Mais comme les travaux n'atteindront pas 30 000 000 $, ce sera autour de cela pour le moment.

Les dossiers ne sont pas fermés, la seule chose c'est que c'est présentement en discussion avec le ministère de l'Industrie et du Commerce fédéral pour que nous puissions compléter nos montants et savoir exactement ce dont nous avons besoin quitte, après cela, à discuter avec eux pour la participation possible du fédéral. Cela, c'est en ce qui concerne les infrastructures.

Quant à ce qui concerne l'aluminerie elle-même, M. Lebel a répondu à cette question. Étant donné que le fédéral n'a subventionné ni l'une ni l'autre aluminerie où qu'elle soit au Canada, je ne pense pas que, compte tenu surtout des tarifs d'électricité préférentiels que ces alumineries peuvent avoir, le gouvernement fédéral répondrait présent à une telle demande.

M. Lincoln: Je lis cet article. Mis à part les 30 000 000 $, les 18 000 000 $ des installations portuaires, etc., Pechiney a récemment demandé l'aide financière du gouvernement canadien. Aucun montant précis n'a encore été avancé, indiquait le sous-ministre du ministère de l'Expansion économique régionale, M. Claude Huot.

M. Biron: M. le député, sur cette question précise, je ne suis pas au courant que Pechiney ait demandé quelque chose.

M. Lincoln: D'accord, mais je voulais vous poser la question par rapport au second article du 29 avril qui dit: Finalement, le gouvernement fédéral n'a pas encore répondu à la demande d'aide de Pechiney. Selon les informations du Devoir, le gouvernement québécois, dans une lettre datée du 7 avril dernier, invitait le gouvernement fédéral à ne pas s'occuper de ce dossier. C'est une lettre de quel service? Êtes-vous au courant de cette lettre?

M. Biron: Là-dessus, je dois vous dire que les sommes d'argent nécessaires pour faire les travaux d'infrastructures ont changé d'une façon considérable. Au départ, nous parlions de 30 000 000 $. Après cela, cela a changé d'une façon considérable. Il faut véritablement reprendre notre présentation et refaire notre plan complet. Dans ce sens, les 30 000 000 $ du départ étaient sous forme d'entente auxiliaire. Lorsqu'on parle de 20 000 000 $ au lieu de 30 000 000 $, c'est quand même une différence importante. On a voulu revoir exactement nos coûts, notre programme, notre projection avec les gens de Pechiney avant de compléter les discussions.

Je peux vous dire qu'à l'heure actuelle nous sommes encore, nous, du ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, responsables de ces ententes auxiliaires et de l'application. Nous sommes en pourparlers avec le ministère de l'Industrie et du Commerce fédéral.

M. Lincoln: Cette lettre n'avait pas trait à la demande directe de Pechiney? C'est cela que ça a l'air d'indiquer. J'aurais voulu vous référer à cela pour essayer de voir ce dont il s'agissait. Ces articles, je pourrais vous les citer, si j'avais un peu de temps. Je pourrais les retrouver. Le ministre Chrétien, de l'Énergie et des Ressources, je pense, a dit que l'aide du fédéral était une possibilité dans le cas de Pechiney parce qu'il voulait que cela s'implante. Il voulait voir le projet s'implanter à Trois-Rivières. Je pourrais vous le citer, si vous pouvez me donner une minute pour le trouver.

Y a-t-il une possibilité autre que les installations de base, les installations portuaires de Bécancour? Est-ce qu'il y a une autre possibilité pour le projet même? Pechiney n'a pas demandé d'aide pour les installations portuaires, cela ne s'adresse pas à vous. Mais on dit que Pechiney a récemment demandé...

M. Biron: Je ne suis pas au courant de

la demande de Pechiney, M. le député.

M. Lincoln: C'est cela, M. le ministre. Excusez-moi, mais je n'ai pas envie d'insister pour rien, l'article est tellement clair: Finalement, le gouvernement fédéral n'a pas encore répondu à la demande d'aide de Pechiney. Selon les informations du Devoir, le gouvernement québécois, dans une lettre datée du 7 avril, a invité le gouvernement fédéral à ne pas s'occuper de ce dossier.

M. Biron: Ce sont deux choses vraiment différentes. Le même article essaie de traiter deux choses en même temps: une chose, qui est l'aluminerie Pechiney et la deuxième chose, les infrastructures. Il y a des changements majeurs dans notre présentation d'infrastructures. On ne pouvait pas laisser la première lettre dans le dossier alors qu'on apporte des changements aussi importants. Quant à la première partie, je ne suis pas au courant si Pechiney a fait une demande ou pas. Je ne crois pas que le gouvernement du Québec ait écrit au nom de Pechiney. On n'a pas l'habitude d'écrire au nom des sociétés privées.

M. Lincoln: Si je pouvais trouver la référence où M. Chrétien fait la déclaration que le fédéral était intéressé à donner de l'aide; est-ce qu'on ne pourrait pas explorer cette avenue pour voir, indépendamment de la question des installations portuaires, si le fédéral veut s'impliquer dans le projet lui-même? On pourrait avoir d'abord Alumax, et réduire notre participation à 25%, et voir le fédéral s'implanter là-dedans. C'est autant d'argent que le gouvernement du Québec n'aurait pas à investir.

M. Biron: Je n'ai pas l'habitude de refuser de l'argent qui nous vient du gouvernement fédéral parce qu'il ne nous en revient pas assez en regard des taxes qu'on paie. M. le député, vous comprendrez que je ne refuserai rien.

M. Lincoln: M. le ministre, on s'en va encore.

M. Beaumier: 200 000 000 $ pour La Prade.

M. Lincoln: On s'en va encore!

M. Biron: Oui, le député de Nicolet mentionne en passant qu'il y a 200 000 000 $ qui sont sont encore dus pour La Prade.

M. Lincoln: Oui, je l'ai entendu tellement souvent que... C'est encore la vieille rengaine.

M. Biron: M. le député de Nelligan, je m'engage à regarder cela, à étudier cela.

M. Lincoln: Oui, d'accord. Je vais vous faire la citation car je trouve que ces histoires sont si importantes qu'on ne devrait pas faire des petites guerres de clocher. Je vais passer cela à mon collègue de Mont-Royal.

Pardon, M. le député de Nicolet, est-ce que je peux vous demander quelle est votre objection ou votre remarque, s'il vous plaît?

M. Beaumier: Je disais qu'il y avait un contentieux de 200 000 000 $ pour La Prade.

M. Lincoln: M. le Président...

Le Président (M. Desbiens): La parole est au député de Mont-Royal.

M. Lincoln: ...je comprends qu'on est venu ici pour discuter de Pechiney.

Le Président (M. Desbiens): La parole est au député de Mont-Royal.

M. Lincoln: On est venu discuter le cas de Pechiney.

Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. le député de Mont-Royal.

M. Biron: Cela allait bien jusqu'à maintenant.

M. Lincoln: Oui, on revient avec les vielles rengaines.

M. Ciaccia: Dans l'entente-cadre que vous négociez avec Pechiney, avez-vous l'intention ou est-ce que cela fait partie de l'entente d'inclure l'obligation de faire de la seconde transformation au Québec, c'est-à-dire de lingots à autres produits? Est-ce que cela va faire partie des négociations de l'entente-cadre?

M. Lebel: Non. M. Ciaccia: C'est clair. Des voix: Ah! Ah! Ah! M. Ciaccia: D'accord.

M. Lebel: Avez-vous une autre question?

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Ciaccia: Au moins, c'est clair. Je ne dis pas que les autres réponses ne Tétaient pas, mais c'était non seulement clair, mais très ferme.

M. Lebel: C'est que la question était plus simple, M. le député.

M. Ciaccia: Dans le projet de loi, il y a un article à l'effet que le fonds social autorisé de la société est de 415 000 000 $ divisé en 41 500 000 actions ordinaires d'une valeur nominale de 10 $ chacune dont 20 566 502 sont émises et payées... Ici, on dit: insérer la date du dépôt du projet de loi.

M. Lebel: En date du dépôt du projet de loi. C'est une technicité en vertu de la loi existante. Il reste du capital-actions de voté à la SGF en vertu de la loi de 1980: 20 000 000 $ pour l'année courante et 10 000 000 $ pour l'année 1984. En plus, il reste dans cette loi 39 000 000 $ de capital-actions dit discrétionnaire, qui ne peut être octroyé qu'à l'occasion de certains projets particuliers.

La formulation que vous avez devant les yeux ne tient compte que des 20 000 000 $ qui sont versés statutairement à la SGF cette année, 10 000 000 $ sont déjà versés et il reste 10 000 000 $ que le gouvernement versera à la SGF à la fin de l'été ou au début de l'automne prochain. Il s'agissait tout simplement de ne pas perdre les dispositions de l'ancienne loi en consolidant le capital-actions versé à la SGF.

M. Ciaccia: Ces actions ne font pas partie des 150 000 000 $?

M. Lebel: Non.

M. Ciaccia: Cela n'a rien à voir.

M. Lebel: Cela n'a rien à voir avec les 150 000 000 $, c'est en vertu de la loi de 1980.

M. Ciaccia: Normalement, on voit "émis et payé" et on insère la date de l'adoption de la loi. C'est la première fois que je vois "émis et payé" et "insérer la date du dépôt du projet de loi". Peut-être que le ministre peut répondre.

M. Biron: Je peux répondre. C'est une technicité, dans le fond. Entre l'impression du projet de loi et son dépôt, s'il y avait eu un paiement de fait sur une partie des actions qu'il reste à payer au trésor de la société, il aurait fallu changer les chiffres. C'est tout simplement une technicité...

M. Ciaccia: C'est une technicité, ça n'a rien à voir avec les 150 000 000 $. (23 h 15)

M. Biron: ...qu'on va corriger en commission parlementaire, lorsqu'on étudiera la loi article par article.

M. Ciaccia: La valeur nominale est de 10 $ chacune. 20 000 000 $ ça fait 200 000 000 $.

M. Biron: Oui, 205 000 000 $.

M. Ciaccia: Est-ce que les 415 000 000 $ incluent les 150 000 000 $ pour le projet Pechiney?

M. Biron: Oui.

M. Ciaccia: Autrement dit, vous avez déjà les fonds avant l'adoption du projet de loi. Vous avez émis des actions à la date du dépôt du projet de loi.

M. Biron: Non, non. C'est la même loi de la Société générale de financement qui dure depuis longtemps. Jusqu'à présent, sur les 26 500 000 actions, il y en a 20 566 502 qui ont été émises et payées pour d'autres investissements de la SGF, soit Donohue, Forano, Volcano, Marine, etc. En fait, la dernière loi de la Société générale de financement prévoyait qu'il y aurait 26 500 000 actions d'émises et de payées par le gouvernement du Québec. Au moment où on se parle, il y en a 20 566 000. 26 500 000 plus 15 000 000 pour le projet Pechiney, cela donne 41 500 000.

M. Ciaccia: Un instant, M. le Président.

M. Biron: Si vous remarquez, l'ancienne loi se lisait: Le fonds social autorisé de la société est de 265 000 000 $. La nouvelle loi dit: "Le fonds social autorisé de la société est de 415 000 000 $." La différence est pour des actions qui sont émises et non payées encore.

M. Ciaccia: II est dit: "...émises et payées" à la date du dépôt du projet de loi. Cela veut dire qu'elles sont émises et payées. Quand le projet de loi a-t-il été déposé?

M. Biron: C'est cela.

M. Ciaccia: Le projet de loi n'est pas encore adopté et l'argent est là.

M. Biron: Non, il y a 41 500 000 actions ordinaires, d'une valeur nominale de 10 $, ce qui est bon pour 415 000 000 $, dont 20 566 502 sont émises et payées au 18 mai 1983, date du dépôt du projet de loi. En fait, maintenant qu'on connaît la date du dépôt, on devrait lire "le 18 mai 1983" au lieu de "insérer ici la date du dépôt du projet de loi 10." C'est d'ailleurs ce qu'on va faire en commission parlementaire.

M. Ciaccia: Y a-t-il une raison spécifique pour laquelle les actions différées

ont été abolies? Vous n'avez plus d'actions différées.

M. Biron: Oui, je vais vous le dire.

M. Gagnon (Louis-Gilles): M. le Président, je peux répondre à la question.

Le Président (M. Desbiens): Oui, allez- y.

M. Gagnon (Louis-Gilles): Les actions différées étaient convertibles et elles ont toutes été converties.

M. Biron: Elles ont été converties.

M. Ciaccia: M. le Président, je n'ai pas d'autres questions. Je voudrais remercier les représentants de la SGF pour la présentation de leur mémoire et pour la patience dont ils ont fait preuve face aux questions que nous leur avons posées. Je veux vous assurer que les raisons pour lesquelles nous avons posé ces questions, c'est que ce n'est pas tous les jours que nous avons un projet de 1 500 000 000 $. Nous cherchons seulement à faire notre devoir et nous essayons d'avoir le plus de détails possible, de faire le plus de suggestions possible au gouvernement pour éviter les écueils qui sont survenus dans d'autres projets. Parfois, il faut protéger les politiciens contre eux-mêmes. C'est beau d'annoncer des projets qui vont aider à la création d'emplois, mais il faut aussi être prudent et s'assurer que les conditions dans lesquelles on va investir les fonds publics seront idéales afin qu'on soit protégé adéquatement.

Je veux remercier, encore une fois, les représentants de la SGF. C'est malheureux qu'on n'ait pas eu la chance d'étudier plus en détail tous les renseignements que vous nous avez donnés. J'ai demandé au ministre si la deuxième lecture aura lieu demain. Nous allons aller dans nos bureaux examiner cela et préparer notre discours de deuxième lecture pour demain.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre, pour conclure.

M. Biron: M. le Président, je voudrais remercier M. Lebel, le président de la SGF, et les gens de la SGF pour leur présentation et tout le travail qu'ils ont accompli jusqu'à présent dans le dossier Pechiney. C'est vrai que c'est un dossier important. En fait, ce sera l'investissement privé le plus important de toute l'histoire du Québec, si on peut compléter les détails qui restent. C'est sûr que moi aussi, comme le député de Mont-Royal, je veux être prudent dans les actions qui seront posées. Il y a un vieux proverbe qui dit que chat échaudé craint l'eau froide. Le député de Mont-Royal se souvient certainement de l'aventure de SIDBEC-Normines alors que son parti était au pouvoir. Il faut essayer de protéger le mieux possible le gouvernement du Québec. Dans le fond, c'est notre intention à tous d'être très prudents de ce côté.

Je voudrais rappeler au député de Mont-Royal et au député de Nelligan ce que j'ai dit au début de cette commission parlementaire. À la fin de cette année 1983, ou au début de 1984, nous pourrons revoir les dirigeants de la Société générale de financement pour étudier leur plan de développement quinquennal. Le projet sera alors beaucoup plus avancé et cela pourrait permettre, au début de 1985 ou à la fin de 1984, alors que les travaux de terrassement seront faits, mais que la construction de l'édifice ne sera pas encore commencée, selon les prévisions que nous avons jusqu'à maintenant, à une époque où les contrats seront conclus et signés entre les différents partenaires, à la commission parlementaire de l'industrie, du commerce et du tourisme d'avoir les dernières informations de la part des dirigeants de la Société générale de financement et de poser les questions pertinentes à ce stade.

Je voudrais simplement, encore une fois, remercier les gens de la Société générale de financement et tous mes collègues membres de la commission parlementaire pour leur travail d'aujourd'hui et les questions qu'ils ont posées.

M. Ciaccia: Une dernière question, M. Lebel. Vous nous avez dit que l'entente-cadre sera négociée et peut-être complétée en septembre ou en octobre. Pour négocier l'entente-cadre, pour continuer ces négociations, avez-vous besoin du projet de loi no 10?

M. Lebel: Nous avons besoin du projet de loi no 10 pour commencer à prendre des engagements sérieux face à tous nos partenaires. Justement, c'est toujours difficile, cette question - nous étions obligés de venir devant le gouvernement et en commission parlementaire - de savoir quand aller devant la commission parlementaire. Une chose est certaine, si nous avions attendu à l'automne, nous aurions manqué un an de construction.

M. Ciaccia: Qu'est-ce qui vous empêcherait de négocier l'entente-cadre? Il y a eu des négociations jusqu'à maintenant, il y a eu un petit document, une lettre. Il y a eu une entente pour les 5 000 000 $, il y a déjà des contrats pour les infrastructures, pour commencer, et le projet de loi n'a pas encore été adopté. Y a-t-il quelque chose qui vous empêcherait de continuer un peu plus loin vos négociations si vous n'avez pas le projet de loi?

M. Biron: Je voudrais demander au député de Mont-Royal d'être prudent dans ce genre de question. Lors de la dernière commission parlementaire qu'on a tenue, le député de Mont-Royal a contredit complètement son collègue, le député d'Outremont, et il est maintenant en train de contredire le député de Nelligan. Tout à l'heure, le député de Nelligan nous blâmait même d'avoir attendu un mois ou deux pour présenter le projet de la SGF à cette commission parlementaire. Il nous a dit: Vous auriez dû le faire à la fin d'avril. Et voilà que le député de Mont-Royal dit: Non, on devrait retarder. Vous devriez au moins, du côté de l'Opposition, vous consulter de temps à autre avant de parler.

M. Lincoln: M. le ministre, hé! hé!

M. Ciaccia: Un instant! Je pense que le ministre n'a vraiment pas compris le sens de mes propos. Il n'y a aucune contradiction dans ce que j'ai dit. Il est bien facile pour vous de rire, il est 23 h 25. Il n'y a absolument aucune contradiction entre ce que j'ai dit et ce qu'a dit le député de Nelligan.

M. Dussault: C'est parce que nous, on part, des fois,

M. Ciaccia: Oui, vous partez, c'est vrai. J'ai déjà vu qu'à 2 h 30 du matin vous êtes partis et vous nous avez laissés seuls ici. Nous n'avons pu continuer les débats.

M. Dussault: À 2 h 30 le matin, oui, c'était l'heure de dormir.

M. Ciaccia: C'était exactement sur SIDBEC-Normines. J'espère que vous ne ferez pas la même chose pour Pechiney.

M. Lebel: Je peux ajouter simplement...

M. Ciaccia: Je ne veux pas vous poser une question politique. Les questions politiques, je peux les poser au ministre. Je vous le demande en termes de négociations, quand on parle d'aller plus loin.

M. Lebel: Comme nous envisageons rencontrer sérieusement des partenaires le plus tôt possible, c'est-à-dire la semaine prochaine, des banquiers, dans les deux semaines qui vont venir, si nous n'avions pas cette assurance d'avoir notre capital-actions, nous risquerions de n'être pas pris au sérieux au sujet de ce projet. Le fait que le projet de loi soit adopté nous donnera d'abord une force de négociation que nous n'avions pas jusqu'à présent; deuxièmement, il nous donnera aussi, face à des partenaires éventuels, à des banquiers, une maudite assurance, une assurance essentielle à la réalisation du projet. Tout retard - je ne parle pas de 24 heures et je ne crois pas que ce soit le sens de votre question - par exemple, si nous devions reporter cela à l'automne, je pense que cela risquerait de retarder le projet d'un an.

M. Ciaccia: J'apprécie votre loyauté envers votre ministre et envers votre gouvernement. C'est votre opinion, mais qu'est-ce qui empêcherait la poursuite des négociations? Là, on n'a absolument rien. Qu'est-ce qui empêcherait d'aller plus loin dans les négociations sans ce projet de loi? Si vous n'aviez pas le projet de loi, est-ce que cela vous empêcherait d'aller plus loin dans les négociations pour pouvoir revenir avec plus de précisions? Là, on n'a absolument rien, vraiment rien. On a un document d'une page, même pas deux pages, qui ne nous donne aucun renseignement. Vous avez vous-même employé beaucoup de conditionnel: ce n'est pas irréversible, c'est conditionnel, il se peut que le financement n'aille pas, il se peut ceci, cela, les conditions...

Qu'est-ce qui vous empêcherait d'aller un peu plus loin? Je ne dis pas d'attendre que tout soit complété; évidemment, un projet de loi est nécessaire pour compléter le tout.

M. Biron: Je pense que M. Lebel, le président de la Société générale de financement, vient de vous dire que pour être pris au sérieux par des partenaires éventuels et par les institutions financières, les banquiers, il faut plus qu'une simple décision du Conseil des ministres qui va dire à la Société générale de financement: II faudrait vous préparer pour oeuvrer dans le secteur de l'aluminium. Par l'adoption du projet de loi, on donne la marge de manoeuvre nécessaire à la Société générale de financement pour concrétiser ou compléter ces négociations. Une fois que les négociations seront terminées, la Société générale de financement aura le capital-actions nécessaire pour réaliser le plus rapidement possible ce projet. (23 h 30)

M. Ciaccia: C'est la façon dont vous interprétez les choses. Je pourrais vous les exposer d'une autre façon. Je pourrais vous dire que si le projet de loi est adopté la semaine prochaine, les conditions ne sont pas fixées. Pechiney va vous attendre pour les négociations. Elle sait que le projet de loi est adopté et je pense que cela peut plutôt réduire votre marge de manoeuvre dans les négociations. Politiquement, une fois qu'un projet de loi est adopté en donnant carte blanche au gouvernement... Il n'y a aucune indication, aucune condition, on ne peut même pas avoir une copie de l'étude de faisabilité.

Je vous le dis à vous, mais ce sont les

mêmes avertissements qu'on a déjà donnés au ministre qui est maintenant au Conseil du trésor dans le cas de la Société nationale de l'amiante. De la façon dont vous procédez, cela va vous coûter plus cher. Vous vous placez dans une situation de négociations très faible. Vous faites la même chose ici, je vous le dis. Une fois le projet de loi adopté, politiquement, ce sera très difficile pour vous de reculer. Les conditions de l'entente-cadre pourront plus facilement être dictées par Pechiney que par vous.

Si nous n'adoptions pas le projet de loi demain ou cette semaine, vous avanceriez un peu plus dans les négociations, je pense que vous amélioreriez votre position. Là, franchement... Vous venez d'admettre que c'est le plus grand projet, un projet de 1 500 000 000 $, avec l'entreprise privée. On s'est rencontré à 11 heures et on ne peut pas, adéquatement, compléter toute l'étude en commission parlementaire, il ne reste qu'une demi-heure. Il y a douze heures qu'on est ici. Demain matin, en vitesse, on va aller en deuxième lecture.

Je ne voudrais pas utiliser de gros mots, mais ce n'est pas faire preuve d'une gestion responsable. En juin, à part cela. Il y a longtemps qu'on en parle. Il aurait pu être déposé à l'Assemblée nationale bien avant le 1er juin, si vous aviez vraiment eu besoin du projet de loi. Il aurait pu être déposé au mois d'avril ou au mois de mai. On aurait pu l'étudier adéquatement. Là, non seulement on n'a pas le temps d'étudier en commission parlementaire le mémoire de 75 pages, mais la semaine prochaine, il va falloir l'étudier article par article et, demain, en deuxième lecture. Ce n'est pas la façon de procéder la plus responsable pour un projet de 1 500 000 000 $.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Biron: Le député de Mont-Royal dit: Vous auriez pu le déposer au mois de mai. On a déposé le projet de loi le 18 mai. C'est la date du dépôt du projet de loi. Je pense que c'est faire preuve de responsabilité que de donner à la Société générale de financement les instruments nécessaires pour mener à bien sa négociation. Autrement, la Société générale de financement va continuer à faire ce qu'elle a toujours fait depuis que nous lui avons demandé de regarder ce dossier, c'est-à-dire négocier avec des partenaires en disant: Nous attendons d'être autorisés officiellement pour oeuvrer dans le secteur de l'aluminium et nous attendons d'être autorisés officiellement aussi avant d'obtenir les sommes d'argent nécessaires.

Au moins, de la part du Québec, cela ne veut pas encore dire que tout est lié, que tout est scellé, il reste encore des négociations à entreprendre. Là-dessus, la responsabilité est entre les mains des gens de la Société générale de financement. Avant de poser les derniers gestes, bien sûr, le gouvernement aura à se prononcer.

M. Ciaccia: Avant que ce soit entre les mains de la Société générale de financement, c'était le ministre de l'Énergie et des Ressources qui était en charge du dossier. Ce n'était même pas la SGF. Il procédait, lui. C'est lui qui faisait des déclarations.

M. Biron: Je dois dire au député de Mont-Royal que le dossier a été mené conjointement par le MICT et le MER. En ce qui concerne les tarifs d'électricité, bien sûr, cela relève de mon collègue de l'Energie et des Ressources. C'est d'abord et avant tout à cause des tarifs d'électricité qu'on a pu intéresser Pechiney à venir s'établir au Québec, je pense que M. Lebel l'a dit à plusieurs reprises aujourd'hui. C'est tout à fait normal que le premier négociateur dans un tel dossier soit celui qui a l'instrument essentiel pour encourager les gens à prendre des décisions. Une fois les tarifs d'électricité établis, c'est au ministre responsable de la Société générale de financement à continuer le dossier.

M. Ciaccia: De toute façon, ce n'est pas seulement votre gouvernement qui le fait. Peut-être en abusez-vous un peu plus, mais tous les gouvernements ont fait la même chose. On arrive toujours avec des projets de loi en fin de session pour qu'ils puissent être adoptés sans trop de discussion et sans que le public soit au courant de tous les détails et des écueils possibles de ce projet de loi. Je pense que c'est une tactique qui remonte loin, même avant votre gouvernement, mais vous n'y avez pas changé un iota.

M. Biron: Je crois que le député de Mont-Royal est excellent dans l'Opposition, il peut rester là très longtemps.

M. Ciaccia: Comme d'habitude, le ministre fait sa petite politique.

Le Président (M. Desbiens): Je remercie les gens de la SGF de leur participation à nos travaux; je remercie aussi les intervenants à la commission pour leur collaboration.

Je prie le rapporteur désigné de faire rapport à l'Assemblée nationale dans les plus brefs délais.

M. Ciaccia: Je vais changer de parti pour pouvoir aller...

Le Président (M. Desbiens): La commission élue permanente de l'industrie, du commerce et du tourisme ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 23 h 36)

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