Journal des débats (Hansard) of the Committee on Institutions
Version préliminaire
43rd Legislature, 1st Session
(début : November 29, 2022)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.
Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions
Wednesday, October 30, 2024
-
Vol. 47 N° 92
Special consultations and public hearings on Bill 73, an Act to counter non-consensual sharing of intimate images and to improve protection and support in civil matters for persons who are victims of violence
Aller directement au contenu du Journal des débats
11 h (version non révisée)
(Onze heures quinze minutes)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît!
Bonjour, tout le monde. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la
Commission des institutions ouverte.
La Commission est réunie afin d'entreprendre
les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 73,
Loi visant à contrer le partage sans consentement d'images intimes et à
améliorer la protection et le soutien en matière civile des personnes victimes
de violence.
Avant de débuter, Mme la secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
La Secrétaire : Oui, M. le
Président. Mme Bourassa
(Charlevoix—Côte-de-Beaupré) est remplacée par Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) et Mme Maccarone (Westmount—Saint-Louis) est
remplacée par Mme Caron (La Pinière).
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Ce matin, nous avons le
plaisir d'accueillir les représentantes de Juripop, donc Maître Gagnon et
Maître Fortin. Merci beaucoup d'être avec nous. Alors, vous connaissez les
règles, 10 minutes de présentation, après ça, période d'échange avec les
membres. La parole est à vous. Merci beaucoup.
Mme Gagnon (Sophie) : Merci, M.
le Président. M. le ministre, Mesdames et Messieurs les députés. Sophie Gagnon,
je suis avocate et directrice générale de Juripop et je suis accompagnée de ma
collègue Justine Fortin, qui, elle aussi, avocate et directrice des services
juridiques de Juripop.
Juripop est un organisme à but non
lucratif qui a été fondé en 2009, et on se spécialise, entre autres, dans l'accompagnement
juridique des personnes victimes de violences à caractère sexuel, de violence
conjugale, de violence post-séparation et de violence au travail.
Et depuis 2021, on opère ce qu'on appelle
un laboratoire de pratiques innovantes, mandaté et financé...
Mme Gagnon (Sophie) : ...financé
par le ministère de la Justice dont l'objectif est de documenter les obstacles
d'accès à la justice des personnes victimes puis de formuler des
recommandations et développer des meilleures pratiques pour surmonter ces
obstacles. Il y a plusieurs des constats tirés par Juripop qui sont d'ailleurs
à l'origine de certaines propositions du projet de loi n° 73, et donc vous
comprendrez qu'on est excessivement enthousiastes d'être ici aujourd'hui, et
d'entrée de jeu Juripop salue le projet de loi n° 73.
On est venus ici à plusieurs reprises dans
le cadre d'autres réformes, notamment celle qui a donné lieu aux tribunaux
spécialisés, à la réforme du droit de la famille, pour dire que c'était
essentiel de s'attaquer aux obstacles d'accès à la justice des personnes
victimes en matière civile, et c'est exactement ce que propose le projet de
loi. C'est un premier pas qui va faire une différence considérable, à notre
avis, en plus de reconnaître les vécus des personnes qui sont représentées par
Juripop et qui naviguent à travers le système de justice aujourd'hui.
On a néanmoins des recommandations pour
bonifier le projet de loi qu'on va vous présenter par thèmes, en commençant par
le partage non consensuel d'images intimes.
Juripop salue l'édiction de la nouvelle
loi puis l'introduction d'un recours qui sera simple, qui sera efficace et qui
va pouvoir donner des outils concrets aux personnes qui vivent cette forme de
violence à caractère sexuel. On voulait sensibiliser les membres de la
commission que dans notre travail Juripop constate d'autres formes de violence
à caractère sexuel qui ont aussi lieu en ligne, mais qui échappent en grande
partie au droit, que ce soit le droit criminel ou le droit civil. On pense au
harcèlement, aux menaces et à la diffamation, qui peuvent circuler longtemps
avant d'être ciblés par une ordonnance judiciaire. Donc, on vous invite à
réfléchir à l'opportunité d'élargir la portée de la loi pour y inclure d'autres
formes de violence à caractère sexuel en ligne.
Passons maintenant à l'ordonnance de
protection civile, qui est un thème qui suscite énormément de réflexions chez
Juripop. En 2020, notre équipe a obtenu la première ordonnance de protection
civile recensée dans un contexte de violence conjugale et postséparation, et on
a... y a... on y a consacré beaucoup de réflexions depuis. À notre avis,
l'ordonnance de protection civile, c'est un outil qui a le potentiel d'être
complémentaire au 810 et de renforcer le filet de protection des personnes
victimes, en particulier celles qui ne veulent pas ou ne peuvent pas porter
plainte à la police. Depuis 2021, c'est environ le quart des demandes
d'ordonnance de protection civile présentées par Juripop qui ont été
accueillies par les tribunaux, et plusieurs des ordonnances qui ont été
obtenues se sont avérées vaines, parce que faire sanctionner leurs manquements
s'avère un chemin de croix.
Il y a plusieurs des mesures proposées
dans le projet de loi qui répondent aux écueils observés par Juripop, notamment
le fait que l'ordonnance de protection civile se trouvera désormais dans un
chapitre distinct du Code de procédure civile, distinct de l'injonction, ce qui
va permettre d'écarter des critères qui, à notre avis, sont difficilement
conciliables avec la réalité des violences. On salue aussi la simplification du
fardeau de preuve en exigeant que désormais la personne victime doive
simplement démontrer sa crainte subjective plutôt que de faire la preuve d'une
menace objective.
Si on passe à nos recommandations, Juripop
recommande que le projet de loi prévoie de manière expresse qu'une ordonnance
de protection civile puisse être demandée quand une personne craint pour sa
sécurité physique et psychologique. Donc, on recommande que ces termes-là,
«physique et psychologique», soient ajoutés au projet de loi, parce que ce
qu'on constate sur le terrain, c'est que malheureusement les atteintes à la
sécurité psychologique sont encore trop minimisées.
Et on recommande aussi fortement que la
loi prévoie de manière expresse qu'il ne soit pas nécessaire de faire la preuve
de faits nouveaux ou contemporains, de manière à clarifier qu'on puisse obtenir
une ordonnance de protection civile sur la base de faits qui perdurent depuis
longtemps. Puis ça peut sembler un détail, mais c'est essentiel à notre avis,
parce que c'est de la nature même des violences conjugales et postséparation
que la dynamique de violence et de contrôle s'installe et qu'elle empêche par
le fait même la personne d'agir, puis, en date de ce jour, en l'absence de
faits nouveaux ou quand les faits ont l'air insignifiants pris isolément, c'est
une... ça justifie énormément des refus qu'on essuie quand on demande des ordonnances
de protection.
• (11 h 20) •
On invite également le ministère de la
Justice à collaborer étroitement avec les organismes qui oeuvrent auprès des
personnes victimes pour que le formulaire soit efficace et représentatif de
leurs réalités, et on recommande aussi que la demande d'ordonnance de
protection soit couverte par l'aide juridique. Finalement, on considère qu'une
personne ou un organisme qui demanderait une ordonnance de protection en lieu
et en place de la personne victime doive démontrer des motifs sérieux pour
obtenir l'autorisation du tribunal de présenter une telle demande en l'absence
du consentement de la personne qui est visée.
Passons ensuite aux mesures d'aide au
témoignage, qui sont au cœur de la pratique spécialisée de Juripop. Sachez que
lorsqu'elles ne sont pas prévues par la loi, notre équipe les demande
systématiquement, et leur octroi peut faire vraiment...
Mme Gagnon (Sophie) : ...un
monde de différence dans le parcours des personnes victimes, voire contribuer à
réduire le risque homicidaire. Par contre, sachez qu'à l'heure actuelle ces
demandes-là, qui semblent simples, doivent faire l'objet d'une demande au
tribunal. C'est une demande qui est souvent contestée, qui n'est pas toujours
accueillie, ce qui vient engendrer des coûts, de l'incertitude, des délais et
de la revictimisation. On appuie donc l'inclusion, dans le Code de procédure
civile, de plusieurs de ces mesures d'aide au témoignage, dont la
confidentialité des adresses et le témoignage à distance.
On formule aussi des recommandations pour
bonifier ces mesures et en ajouter d'autres qui nous semblent incontournables.
Donc, au niveau de l'ajout, en plus de la confidentialité des adresses et du
témoignage à distance, on vous recommande fortement de prévoir l'anonymat, le
huis clos, la non-divulgation, la non-publication ainsi que la mise sous
scellés.
Et, pour ce qui est du témoignage à
distance, qui fait aussi partie des meilleures pratiques de Juripop, ce qu'on
constate, c'est que cette formulation-là, qui peut sembler claire, bien, on la
voit comme étant interprétée par les juges comme pouvant inclure le témoignage
d'une personne victime dans la salle d'audience avec l'auteur de violence
connecté par Teams. Donc, afin d'assurer que l'interprétation de la loi nouvelle
soit conforme à l'intention du législateur, on recommande que la formulation
soit revue de manière à prévoir expressément que la personne victime puisse
témoigner d'un lieu confidentiel qui se trouve à l'extérieur du palais de
justice.
Concernant ensuite les moyens de preuve,
le projet de loi introduit une présomption de non-pertinence des faits basés
sur des stéréotypes, ce qui constitue à notre avis une des grandes avancées du
projet de loi qu'on appuie vivement. Et on considère que, pour donner de plein
effet à la réforme proposée, on recommande que la personne victime qui est
interrogée au préalable, donc avant le procès, hors la présence d'un juge, elle
soit dispensée de répondre aux questions basées sur des mythes et stéréotypes
jusqu'à ce que les objections aient été tranchées par un juge. À l'heure
actuelle, la personne victime doit répondre aux questions, et les objections
sont tranchées par après, donc ne permettent pas d'éviter la revictimisation,
les atteintes à la dignité puis à la vie privée.
On considère aussi que c'est essentiel que
la liste des mythes et stéréotypes prévus par la loi ne soit pas limitative,
non seulement parce qu'elle ne répertorie pas l'ensemble des mythes et
stéréotypes que, nous, on entend encore dans les salles du palais de justice,
mais aussi parce que les mythes, les stéréotypes sont susceptibles d'évoluer au
fil du temps. On appuie aussi la recommandation qui a été faite par le Barreau
du Québec d'ajouter ces notions-là au Code des professions.
Et finalement on se questionne sur
l'appellation «prétendue victime» qui est prévue au projet de loi parce
qu'ailleurs dans le Code civil du Québec, quand on désigne les victimes de
fautes civiles, on les désigne tout simplement comme victimes. Évidemment, en
tant que juriste, on reconnaît, on réitère qu'en droit une appellation de
victime demeure une allégation jusqu'à ce qu'il y ait un jugement final et que
la partie adverse bénéficie de la présomption d'innocence, si elle est accusée
au criminel, mais on demeure surprises de l'introduction de ce qualificatif
pour les seules victimes de violences à caractère sexuel. Et, si les élus
souhaitent conserver cette notion, on suggère la formulation de «victime
alléguée» plutôt que «prétendue victime».
Et finalement, pour ce qui est de la
formation, vous ne serez pas surpris d'entendre Juripop appuyer sans réserve la
formation des intervenants. On considère que c'est vraiment seulement avec de
la formation qu'on va réellement pouvoir mettre fin au mythe et stéréotypes
puis assurer un accès à la justice sécuritaire aux personnes victimes. En tant
que partenaire du ministère de la Justice, Juripop a élaboré plus de
40 heures de formation, qui est reconnue par le Barreau du Québec, qui est
suivi par des avocats, des notaires, des juges, des intervenants des tribunaux
spécialisés, puis on est pleinement à la disposition du MJQ pour faire partie
de la solution puis contribuer à rebâtir la confiance des personnes victimes et
des survivantes envers le système de justice civile. Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, Maître. Alors,
on passe à la période d'échange du côté gouvernemental pour une période de
17 minutes. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui. Me
Gagnon, Me Fortin, bonjour. C'est un plaisir de vous retrouver. Merci pour le
dépôt de votre mémoire, votre participation aux travaux de la commission puis
je vous dirais également merci pour le travail que vous avez fait avec votre
équipe dans le cadre du laboratoire. Je ne m'en cache pas, il y a beaucoup
d'initiatives que vous nous avez proposées qui se retrouvent dans le projet de
loi. Alors, vous avez fait œuvre utile au bénéfice des personnes victimes, puis
je vous en remercie.
Sur un premier point que je voulais
l'éclaircir sur la question, là, de prétendue victime au niveau de victime
alléguée. C'est à escient qu'on a utilisé ce terme-là, considérant que le...
dans le cadre du... c'est possible que ça ne soit pas une victime partie au
litige qui vienne témoigner, mais plutôt un témoin. Donc, si on veut offrir les
mêmes protections aussi aux témoins, c'est pour ça qu'on a «prétendue victime»
parce que l'alléguée fait référence à des allégués, notamment en matière
civile, au sens des allégations de la procédure. C'est pour ça ce choix de
termes là, mais vous faites bien de le soulever. J'ai posé la même question
également. Alors, l'objectif, c'est de couvrir également les témoins...
M. Jolin-Barrette : ...qui
viennent témoigner dans le cadre de l'instance, qu'ils puissent bénéficier des
outils.
Je voudrais peut-être vous entendre sur...
On met en place, dans le cadre du projet de loi, le fait que, lorsqu'il y a un
jugement en matière criminelle, supposons en matière d'agression sexuelle, là,
désormais, on va pouvoir prendre le jugement en matière criminelle et le verser
en preuve en matière civile, puis ça va avoir... on va éviter d'imposer à la
victime de démontrer la faute par le dépôt du jugement. Ça, qu'est-ce que ça va
changer pour les personnes victimes, supposons, qui entreprennent un... qui
entreprennent un recours en responsabilité civile?
Mme Gagnon (Sophie) : C'est
certain que ça va faciliter l'accès à la justice des personnes victimes.
Notamment, ça va éviter un témoignage, ça va raccourcir le travail qui va
devoir être fait par l'avocat ou l'avocate, réduisant donc la facture
éventuellement par la personne victime. Donc, c'est évidemment une avancée,
mais c'est important, par contre, de prendre en compte qu'il y a quand même
plusieurs personnes victimes qui se tournent vers la justice civile parce
qu'elles ont été soit déçues ou encore n'ont pas eu accès à la justice
criminelle parce que la violence qu'elles ont subie ne constitue pas un crime.
M. Jolin-Barrette : O.K. Et
un des objectifs, c'est d'éviter de retémoigner sur les éléments de la faute,
justement, puisque la personne a déjà raconté son histoire dans le cadre d'une
instance criminelle devant les tribunaux.
Même question également sur la
prescription relativement au jugement. Dans le fond, on vient lever la
prescription pour un jugement. Normalement, c'est valide durant 10 ans. Donc,
en matière violence sexuelle, violence conjugale, pour dommages-intérêts, on
indique désormais : Bien, il va pouvoir être exécutable au-delà de 10 ans.
C'est une mesure qui va favoriser les recours, selon vous?
Mme Gagnon (Sophie) : C'est
certain que c'est une mesure qui est... N'importe quelle mesure qui est de
nature à faciliter l'accès à la compensation, selon nous, est favorable. Dans
notre expérience, les personnes victimes veulent mettre fin le plus rapidement
possible aux procédures judiciaires, mais il y a des cas où un défendeur ne
sera pas solvable dans la première décennie suivant le jugement, et, dans ce
scénario-là, ça peut favoriser la compensation des torts qui ont été subis, là.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Mme Fortin (Justine) : ...c'est
aussi une stratégie utilisée par les auteurs de violence de se rendre
insolvables et d'empêcher les personnes de saisir leurs biens, qu'ils soient
mobiliers et immobiliers, sachant... À la suite de jugements, c'est un obstacle
qu'on rencontre fréquemment, de pouvoir... d'avoir accès à l'exécution des
jugements. Donc, ça répond à un besoin que les personnes victimes ont.
Toutefois, du moment que le tribunal a reconnu qu'elles ont droit à certaines
sommes par exemple, c'est une chose de... que ce soit reconnu, c'est vraiment
une autre chose de les obtenir. Donc, on peut voir vraiment... dans certains
dossiers que j'ai en tête, là, ça pourrait faire une différence immense d'avoir
accès à au-delà d'une dizaine d'années.
M. Jolin-Barrette : O.K. Sur
la question de l'ordonnance civile de protection, la couverture à l'aide
juridique, c'est un service qui est déjà couvert pour les personnes qui sont
admissibles financièrement. Je comprends que, par votre demande, vous
souhaiteriez que l'aide juridique couvre également ce service-là à ceux qui ne
sont pas couverts par l'aide juridique.
Mme Gagnon (Sophie) : Exactement,
au même titre que la modification qui a été faite récemment, qui permet à
l'aide juridique de poser des actes conservatoires urgents pour les personnes
victimes de violence sexuelle, violence conjugale. À notre avis, ça répond aux
mêmes critères que cette modification-là.
M. Jolin-Barrette : Ou comme
l'avocat-écran qu'on a mis dans le cadre du projet de loi n° 2 pour éviter que
l'auteur de la violence contre-interroge sa présumée victime.
Mme Gagnon (Sophie) : Exact.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Pouvez-vous nous raconter, selon votre expérience avec les clientes que vous
avez, toute la question des mythes et stéréotypes, ce à quoi, encore
aujourd'hui, les personnes victimes sont confrontées, là, notamment en matière
civile, là, nous faire un tour de roue, là, sur ce que vous entendez, qu'est-ce
que ça signifie, ça?
Mme Gagnon (Sophie) : On
s'est préparées pour cette question-là. Je vais laisser ma collègue répondre.
• (11 h 30) •
Mme Fortin (Justine) : Bien,
en fait, c'est omniprésent dans notre pratique. Bien sûr, on a l'image que
c'est omniprésent devant les tribunaux, mais c'est omniprésent dans le cadre
des discussions entre avocats, lorsqu'on reçoit des déclarations sous serment.
Bien sûr, ça fait partie de la société, là, le système de justice n'y échappe
pas.
Ce qui est inclus présentement dans le
projet de loi, c'est une avancée importante. Ce qu'on porte à l'attention dans
le cadre de notre mémoire, à la page 17 plus particulièrement, ce sont
l'ensemble des mythes et préjugés qu'on rencontre, qu'ils soient en lien avec
les violences à caractère sexuel ou les violences conjugales et postséparation,
toute la notion qu'un conjoint, qu'un partenaire violent demeure un bon parent,
qu'une personne qui se fait... qui vit des violences à caractère sexuel va
vivre ça de par un inconnu, que ça va arriver dans un contexte où elle... une
sombre ruelle par exemple, tout ce qui a trait à la crédibilité des personnes
lorsqu'elles...
11 h 30 (version non révisée)
Mme Fortin (Justine) : ...l'accès
à ce que nous, comme personnes n'ayant pas nécessairement vécu de traumatisme,
croyons ou percevons comme étant de réelles émotions. Je vous donne un exemple
très criant. Bien, en salle de cours, il nous est... il est arrivé que le
tribunal s'interroge sur la sincérité, la véracité d'un témoignage, parce que,
lorsqu'elle a raconté des violences conjugales et post-séparation, la personne
victime était vraiment dans les émotions, pleurait beaucoup, alors que, lorsqu'elle
a raconté des violences à caractère sexuel, donc l'agression sexuelle qu'elle a
subie, elle était plutôt froide, détachée, semblait à l'extérieur de son corps.
Et on a questionné donc la véracité, la probabilité que soit réellement arrivé
l'agression sexuelle puisque les émotions qu'on s'attend, là, d'une personne
qui aurait vécu ce genre de traumatisme soit plus dans la tristesse, dans la
peine, alors que les connaissances en lien avec les traumatismes liés aux
violences, bien, nous indiquent plutôt que ce sont des réactions tout à fait
normales. Et bien sûr, du moment que ces interrogations-là existent, bien,
elles planent sur le processus judiciaire et vont influencer les questions qui
vont être posées en contre-interrogatoire, par exemple, vont influencer les
plaidoiries aussi par la suite, mais à plus forte raison vont influencer
comment la personne s'est sentie dans le cadre de son processus judiciaire. Et
puis spécifiquement cette personne à qui je pense a été grandement affectée, à
tel point que sur un procès de plusieurs jours, le lendemain, elle ne voulait
plus retourner en salle de cour parce qu'elle avait perdu totalement confiance
en la personne qui devait prendre une décision très importante sur sa vie et
celle de ses enfants.
M. Jolin-Barrette : Vous avez
proposé tout à l'heure de dire... quand c'est des interrogatoires au préalable,
donc pour renseigner les gens, lorsqu'on est en matière civile, c'est possible
de faire des interrogatoires hors cour, donc, au moment où on présente une demande,
donc on peut interroger le demandeur, et par la suite, le défendeur peut se
faire interroger hors la présence du juge.
Donc, essentiellement, ce que vous nous
dites, c'est si l'interrogatoire... avec ce qu'on met dans le projet de loi, si
l'interrogatoire était tenu devant le juge, la question ne serait pas
admissible, puis l'avocat se lèverait, puis il y aurait une objection, puis le
juge devrait trancher la question tout de suite. Puis c'est possible que la
question... bien, en fait, que la demanderesse n'ait pas à répondre à cette
question-là. Donc, ce que vous nous dites, c'est, dans le cadre d'un
interrogatoire au préalable, donc, hors la présence du juge, mais avec
sténographe, on devrait prévoir la même règle. Et donc s'il y a une objection de
l'avocat relativement, supposons, au passé sexuel de la victime : Combien
de conjoints vous avez eus ou pourquoi vous ne l'avez pas laissé alors que vous
vous faisiez agresser sexuellement? Vous dites : Bien, écoutez, vous
devriez déférer ça devant le tribunal, puis que la victime n'ait pas à répondre
à cette question-là à partir du moment où l'objection de l'avocat... C'est-tu
ça?
Mme Gagnon (Sophie) : Bien,
en fait, on... notre proposition très simple, là, c'est de se fonder sur le
mécanisme qui est déjà prévu par l'article 228 du Code de procédure
civile, qui a été introduit dans la dernière réforme de la procédure civile,
qui permet à une personne qui se fait interroger au préalable de ne pas avoir à
répondre aux questions qui concernent des atteintes à des droits fondamentaux
ou des intérêts légitimes importants. Je pense que c'est ça, le texte de la
disposition. Donc, on propose tout simplement d'ajouter à cette énumération-là
les faits qui bénéficient de la présomption de non-pertinence introduite par le
projet de loi. Puis ce que la disposition prévoit, c'est que les objections
sont soulevées pendant l'interrogatoire et sont tranchées par un juge dans les
cinq jours qui suivent l'interrogatoire.
M. Jolin-Barrette : O.K.,
bien, on a bien... on note votre suggestion, on va l'analyser. Sur la question
de la formation, c'est un peu l'objectif, justement, que l'ensemble des acteurs
puissent être formés. Je voudrais vous entendre, là, parce qu'avec le Tribunal
spécialisé on a mis de la formation. Vous participez également là-dedans. Pour
les différents acteurs du système de justice, est-ce qu'il y en a qui ont
besoin d'être mis à niveau davantage?
Mme Fortin (Justine) : En
fait, tous les acteurs ont besoin d'être mis à niveau. D'abord, de... sur une
base générale, qu'est-ce que sont les violences conjugales, les
post-séparations, à quoi ressemblent des violences à caractère sexuel et qu'est-ce
qu'on s'attend d'un professionnel qui aurait une approche sensible envers les
personnes victimes. Et ensuite, il y a une formation continue qui est
nécessaire. Parce que c'est une chose d'avoir appris en 2010 quelle était une
violence conjugale et post-séparation, c'est autre chose en 2024 d'être...
bien, d'une part, de s'en souvenir, d'autre part de comprendre qu'est-ce que ça
signifie dans le contexte social actuel et ensuite d'avoir... de renouveler ses
acquis, ses façons de faire.
En ce moment, ce qu'on voit, c'est que...
sur le terrain, il y a une inégalité dans la pratique auprès des personnes
victimes survivantes. On le voit auprès des professionnels. Je le vois, puis je
le dis en toute bienveillance auprès de mes consoeurs...
Mme Fortin (Justine) : ...mes
confrères, mais on le voit aussi auprès d'autres professionnels qui oeuvrent
auprès des personnes victimes. Pensez aux experts psychosociaux, par exemple,
qui effectuent des expertises psychosociales pour la Cour supérieure. Certains
ont suivi leur formation sur les dynamiques de violence conjugale, par exemple,
il y a plus de 10 ans. Alors qu'aujourd'hui, si on est à la fine pointe de
nos connaissances, on sait que les violences conjugales, ça s'inscrit dans un
schéma de comportement violent. On connaît, on comprend la notion de contrôle
coercitif et on observe, on voit une situation de manière complètement
différente. Et les impacts sur les enfants, les recommandations qui vont y
émaner ne seront pas les mêmes chez une personne dont la formation a eu lieu en
2023-2024 et il y a 10 ans. C'est névralgique, l'aspect de la formation et
on voit l'immense différence chez les personnes qui la suivent.
La semaine dernière, Juripop tenait son
jury rendez-vous sur la question des violences à caractère sexuel et violence
conjugale. J'ai rencontré des avocates du contentieux de la DPJ de Québec qui
m'ont dit : Si je n'avais pas eu cette formation aujourd'hui, il me
manquerait de connaissances pour mieux travailler la semaine prochaine. C'est
ce qu'elles m'ont nommé en toute humilité, puis je me permets de rapporter leur
propos parce que c'était frappant pour moi, c'était parlant. Elles avaient fait
des liens sur les conséquences sur les enfants dans un de leurs dossiers
spécifiques qu'elles n'avaient pas faits avant de faire 1 h 30 de
formation sur les conséquences des violences conjugales et post-séparations sur
les enfants qui en sont... qui en sont victimes. Et puis ça débute pour moi à
l'école du Barreau, à l'université même, puis ça continue jusqu'à la fin d'une
pratique. Et, bien sûr, si ces avocats sont nommés juges, bien, on espère que
ça continue à ce moment-là également.
M. Jolin-Barrette : Je vous
remercie pour votre présence en commission parlementaire, puis votre travail.
Donc, je vais céder la parole à mes collègues pour échanger avec vous.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Alors, il reste
trois minutes 55. M. le député de Saint-Jean.
M. Lemieux : Merci beaucoup,
M. le Président. Mesdames, merci d'être des nôtres. D'ailleurs, on a beaucoup
de monde et c'est très varié. Et je suis content que vous soyez là, Juripop,
parce qu'évidemment le contrôle coercitif et tout ce qui va avec le traitement
et l'aide qu'on essaie d'apporter aux femmes violentées sexuellement,
conjugalement, c'est au cœur de ce projet de loi là, mais ce n'est pas que ça.
Alors, dans mythes et stéréotypes, je
voudrais que vous nous aidiez avec d'autres... d'autres clientèles potentielles
pour ce projet de loi là. Puis là, je pense à des jeunes, garçons ou filles,
peu importe, des jeunes qui sont aux prises avec des situations classiques,
qu'on voit de plus en plus maintenant, avec ce qu'on essaie de faire dans le
p.l. 73, c'est-à-dire intercepter des problèmes avant qu'ils ne deviennent trop
grands. Et, là-dedans, il y a la dimension de pouvoir intervenir, retirer
éventuellement, le retrait éventuel. Donc, j'aimerais vous entendre pour le
recours simplifié pour le retrait d'images intimes, en particulier. Est-ce que
c'est un enjeu que vous constatez sur le terrain pour certains qui ne vont pas ou
qui ne veulent pas ou qui n'osent pas aller au criminel? Est-ce que ça, ça leur
offre ce qui manquait?
• (11 h 40) •
Mme Fortin (Justine) : En
fait, donc, chez Juripop, on ne travaille pas directement auprès des jeunes.
Donc, la réponse spécifiquement pour cette population, pour nous, serait
difficile à répondre. Toutefois, l'expérience qu'on a liée au partage intime
de... partage de photos sans consentement, pardon, ce sont l'étendue des
conséquences qui ont lieu si le retrait des images ne se fait pas en temps
opportun. Et il va y avoir, du simple fait de la menace, du contrôle ou du
pouvoir qui est lié au fait d'éventuellement... que ce soit ou non, là, la
simple menace amène son lot de conséquences va être importante, mais la durée
et l'étendue des personnes qui pourront avoir eu accès à ces photos sont
également majeures pour les... Dans le cadre des adolescents, ça va nuire à
leur parcours scolaire, ça peut nuire à leur... au-delà des conséquences qu'on
connaît qui sont plus... auxquelles on peut penser plus facilement, là, choc
post-traumatique, syndrome de dissociation, faible estime de soi, lorsqu'on est
un jeune, un adolescent où on commence l'âge adulte et que déjà notre parcours
scolaire... on vit de... est affecté, on vit de l'intimidation. Et donc on
ne... on ne peut pas grandir au plein potentiel où on le voudrait. C'est
majeur. Donc, le fait de pouvoir cesser plus rapidement, pour nous, dans ce
qu'on voit sur le terrain, des expériences qu'on a, même si ce sont davantage
dans des situations de violence conjugale, les post-séparations ou la menace du
partage de la photo intime est liée au contrôle coercitif... on peut voir, on
peut vraiment faire un parallèle avec comment ça... sans aider, comment ça
amoindrirait les conséquences.
M. Lemieux : Il reste à
peine...
M. Lemieux : ...quelques
secondes, mais vous avez raison, les jeunes, ce n'est pas tut non plus, là. On
s'est fait dire par des témoins, hier, qu'il y avait plus de personnes aînées
qui sont prises dans des affaires de sextorsion et d'autres. Il faut qu'on voie
le 360, dans cette histoire-là, même si ce que vous nous dites par rapport aux
procédures civiles, criminelles, et tout ça, et ce qu'on a dans le projet de
loi, c'est plus que pertinent, parce qu'on imagine ce que ça fait comme tort à
ces femmes-là, surtout dans le contrôle coercitif.
Il y a des bénéfices, dans ce projet de
loi là, qu'il faut absolument donner aux gens qui en ont besoin, que ce soient
des gens qui sont victimes de sextorsion ou des gens qui sont tout simplement
mal pris, dans des situations anodines mais qui prennent des proportions... Le
retrait préventif va faire en sorte que l'on puisse faire quelque chose. Merci
beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) :Merci, M. le député de Saint-Jean.
M. le député de l'Acadie, pour 12 min 25 s, s'il vous plaît.
M. Morin : Merci, M. le
Président. Me Gagnon, Me Fortin, bonjour. Merci d'être là avec nous, en
commission parlementaire, et évidemment partager avec nous l'expérience que vous
avez dans le domaine et dans l'accompagnement des victimes, notamment. Donc,
c'est très... c'est très apprécié.
J'aimerais revenir sur un élément que vous
avez mentionné, et c'est en lien avec la modification dans le projet de loi qui
va être apportée au Code civil du Québec. C'est l'article 13 du projet de loi.
Donc, c'est un ajout, 2858.1, qui ferait en sorte que certaines allégations
seraient jugées non pertinentes dans des affaires qui comportent des
allégations de violence sexuelle ou de violence conjugale. Le fait que le
gouvernement veuille couvrir des allégations de violences sexuelles et... ou de
violence conjugale, est-ce que c'est... pour vous, c'est suffisant? Est-ce
qu'on devrait l'étendre davantage? Est-ce qu'il y a des éléments qui manquent?
Mme Gagnon (Sophie) : Bien,
le premier alinéa nous semble complet, là, quoiqu'ailleurs dans notre mémoire
vous verrez qu'on milite pour une utilisation harmonieuse puis uniforme de la
terminologie à travers toutes les lois, puis on pourrait mettre «violences
conjugales», au pluriel, puis ajouter «contrôle coercitif», mais, si on se
concentre sur l'énumération, à notre avis, ce qui est essentiel, c'est que
l'énumération soit non limitative, parce que notre interprétation de la
formulation actuelle, c'est que la liste est exhaustive. Donc, ça fait en sorte
qu'une personne qui se fait poser une question basée sur un mythe et stéréotype
mais qui n'est pas captée par la liste, ici, je pense à quelqu'un, par exemple,
qui fait de la... de la consommation de drogue, bien, ça, c'est un stéréotype
qui fait l'objet de plusieurs questions en contre-interrogatoire, dans nos
dossiers, bien, la personne ne pourrait pas se prévaloir de la présomption.
Donc, d'une part, on... bien, en fait, pas «d'une part», mais notre
recommandation, c'est que ce soit non limitatif, comme liste.
M. Morin : D'accord.
Excellent. Merci beaucoup. L'autre élément sur lequel je voudrais revenir et
vous entendre davantage, vous y avez fait référence, et c'est toute la question
des interrogatoires au préalable. Parce qu'évidemment l'article va viser...
alors, c'est un ajout dans le Code civil, donc ma compréhension, c'est que ça
va viser l'ensemble des litiges qui pourraient arriver en droit civil. Et donc,
comme on le sait, en droit civil, bien, les interrogatoires au préalable sont
possibles.
Si, évidemment, on a ces éléments-là, puis
quand on est devant le juge, le juge peut trancher séance tenante, bien,
évidemment, ça ne pose pas de problème, mais si on se ramasse, comme vous l'avez
souligné, en interrogatoire au préalable puis que, là, la victime est prise
puis il faut qu'elle réponde, bien, c'est comme... au fond, on ne peut pas
l'affirmer, mais on peut peut-être penser qu'il y en a qui voudront favoriser
des interrogatoires au préalable.
Et donc quelle serait la meilleure
protection qu'on pourrait... vous l'avez évoqué, mais je veux être sûr de bien
comprendre, parce que, vous savez, dans l'opposition officielle, on peut
suggérer des amendements au législateur pour bonifier ses projets de loi,
n'est-ce pas, d'où l'importance du travail en commission. Quel serait, pour
vous, le meilleur libellé pour s'assurer qu'il y aura... si jamais une question
est posée, il y aura effectivement un arbitre impartial, indépendant qui va
trancher, mais que la victime, elle, ne serait pas obligée de répondre
immédiatement?
Mme Gagnon (Sophie) : Oui.
Donc, il y a une recommandation, le travail est tout fait, dans notre mémoire,
ce qu'on recommande, c'est vraiment une modification à l'article du Code de
procédure civile qui permet déjà, dans certaines circonstances, à une personne
de ne pas répondre aux questions et de les faire trancher par un juge. Puis la
raison pour laquelle on y a pensé, c'est parce que, dans un de nos dossiers, on
anticipait que des questions soient posées au préalable et qu'elles véhiculent
des stéréotypes. On a fait une demande pour faire trancher les objections en
amont de...
Mme Gagnon (Sophie) : ...au
préalable, mais la demande a été rejetée par le juge, puis ce que le juge a
conclu, c'est que la personne victime allait devoir répondre aux questions puis
que, s'il y avait des questions qui étaient non pertinentes, mais ce serait au
juge du fond de trancher les objections au procès, parce que les questions non
pertinentes doivent quand même être répondues au préalable.
Donc, pour nous, la modification qui est à
faire, c'est, de mémoire, là, l'article 228 du Code de procédure civile.
M. Morin : Oui, c'est ça, je
l'ai devant moi, là. Donc, il faudrait finalement inclure quelque chose qui
ferait référence à une affaire qui comporte finalement des allégations de
violence sexuelle ou violence conjugale...
Mme Gagnon (Sophie) : Exactement.
M. Morin : ...qui ferait en
sorte que ça devrait être... En fait, la personne n'est pas obligée de
répondre, puis éventuellement ça pourrait être tranché par le juge et. Et
l'article dit, 228 : «Le jugement qui tranche une objection peut être
rendu sur le vu du dossier.» Donc, éventuellement, ça pourrait être envoyé...
envoyé aux juges pour que cette question-là soit tranchée. Je vous remercie,
c'est très, très utile.
J'ai également une question pour vous...
en fait, j'en ai plus qu'une. Dans l'ordonnance urgente de cessation de
prévention du partage d'une image intime, le législateur veut que ce soit un
juge de la Cour du Québec, un juge de paix magistrat qui puisse l'ordonner.
Pensez-vous que ce qui est prévu au projet de loi, c'est suffisant, ce serait
assez simple pour des victimes de faire la demande, si ça serait préférable
d'avoir un accompagnement? Si oui, lequel? Et ça, j'aimerais ça vous entendre
là-dessus, s'il vous plaît.
Mme Fortin (Justine) : Mais,
déjà, c'est un recours qui est nouveau, je pense que c'est la Fédération des
maisons d'hébergement pour femmes du Québec qui disait qu'il faudra évaluer la
faisabilité puis l'impact des différents recours, incluant l'ordonnance civile
de protection. On appuie évidemment cette recommandation-là. Il faudra le vivre
pour voir comment ça se déroule pour les personnes victimes, mais un
accompagnement est assurément... est essentiel d'être proposé. Toutes les
propositions de filet de protection supplémentaire qu'on peut, qu'on peut
amener, auprès des personnes victimes, va leur permettre de se réseauter, là,
donc de savoir à quels services elles ont droit, mais aussi de leur assurer que
le processus judiciaire en soi est peut-être plus doux, accessible, moins
revictimisant, parce que, malgré tout ce qu'on met en place, il sera
revictimisant à certains égards. Et puis, bien, on pense aux ISL, donc, aux
intervenants sociojuridiques de liaison mise en place par les tribunaux
spécialisés qui font déjà à ce qu'on entend, puis évidemment à ce qu'on voit
aussi, un travail exceptionnel. Peut-être qu'on a là une clé... une première,
en fait, une première réponse, nécessairement, il faudra réfléchir à quelles
autres ressources d'accompagnement pourraient être disponibles dans les
différents palais de justice pour l'étendue des nouveaux recours en lien avec
les personnes victimes survivantes.
M. Morin : Puis je comprends
que, probablement, que votre position s'appliquerait aussi aux ordonnances
civiles de protection. Vous, dans votre travail au quotidien, est-ce que vous
aidez des victimes, que ce soit à déposer des plaintes, ou, autrement, vous les
accompagnez?
Mme Fortin (Justine) : Je ne
dis pas qu'on travaille uniquement en matière civile, donc, on les accompagne
en matière familiale, jeunesse, dans leur recours en responsabilité civile
également. Toutefois, on travaille... on a l'opportunité, le privilège, je
dirais, de travailler avec des intervenantes sociojudiciaires qui accompagnent
les avocats et les personnes, nos clients, finalement, dans le processus
judiciaire. Puis, pour nous, ça fait toute la différence, que ce soit pour
accueillir le vécu, le senti, pour vraiment être à l'affût des conséquences,
mais surtout pour assurer qu'il y ait un filet de protection. Quand on parle de
filet de protection, c'est : Est-ce qu'on a pensé à toutes les mesures, à
tout ce qu'il va y avoir sur le chemin du processus judiciaire qui n'est pas le
travail de l'avocat, bien franchement, à réfléchir, mais dont certains sont
devenus spécialisés comme nous, chez Juripop, et qui font une différence.
Parce que les personnes ne savent pas
nécessairement à quelles ressources elles ont accès, et elles ne sont pas
nécessairement non plus rendues dans leur processus, leur processus de
conscientisation puis de guérison à une étape qui les permet d'en avoir
conscience ou qui les permet de remplir une attestation, comme il est prévu
dans le projet de loi, ou un formulaire de la meilleure manière possible, qui
leur permet de faire valoir leurs droits de la meilleure manière possible.
• (11 h 50) •
M. Morin : Exact. Hier,
l'Association québécoise Plaidoyer-Victimes nous a dit qu'ils avaient trouvé ça
très important qu'il y ait des avocates qui puissent représenter des victimes.
Mais ils ont dit que la phase deux de rebâtir ne serait pas financée. Vous,
votre budget, ça a l'air de quoi? Parce que législateur a beau apporter toutes
les plus belles lois qu'il veut adopter si, sur le terrain, il n'y a pas
d'argent, il n'y a pas de budget...
M. Morin : ...ça n'ira pas
nulle part. Donc, j'aimerais vous entendre là-dessus, s'il vous plaît.
Mme Gagnon (Sophie) : C'est
évident que les ressources de première ligne, incluant Juripop, mais aussi,
comme vous le mentionnez, Rebâtir, tous les intervenants que vous avez
rencontrés hier jouent un travail essentiel pour assurer la sécurité, la santé
des personnes victimes, des survivantes, mais aussi pour faciliter leur accès à
la justice.
Nous, chez Juripop, on reçoit du
financement pour financer nos activités en violence sexuelle, violence
conjugale depuis 2020. C'est un financement qui est prévu jusqu'au 31 mars
2025, et, à l'heure actuelle, on n'a pas de confirmation de renouvellement de
ce financement-là.
M. Morin : Donc, vous, vous
n'avez pas eu... à date, on ne vous a pas confirmé que ces budgets-là seraient
reconduits. Puis je comprends que c'est des... c'est un financement qui est
fait par projet ou si c'est dans votre base financière puis que vous pouvez
fonctionner sans problème?
Mme Gagnon (Sophie) : C'est
du financement par projet. Le seul financement à la mission que Juripop reçoit
provient du Barreau du Québec, de la Chambre des notaires. On a tenté de faire
financer nos services en violence sexuelle, violence conjugale par ces
sources-là, ça nous a été refusé. Donc, la seule source de financement pour nos
services en violence sexuelle, violence conjugale, qui est à la base des
représentations qu'on fait ici, vient... provient effectivement, là, du
financement par projet du MJQ.
M. Morin : Puis ça vous a été
refusé par qui?
Mme Gagnon (Sophie) : Bien,
ça n'a pas été refusé, mais le renouvellement n'a pas été confirmé.
M. Morin : O.K. Excellent.
Puis, à ce moment-là, vous faites une demande au ministère de la Justice ou au
Conseil...
Mme Gagnon (Sophie) : Exactement.
M. Morin : Ministère de la
Justice, d'accord. Donc, 31 mars 2025, vous n'avez pas de nouvelles?
Mme Gagnon (Sophie) : Pas à
ce jour, non.
M. Morin : Parfait. Compte
tenu de ce qui est dans le projet de loi, est-ce qu'il est possible d'affirmer
que votre travail auprès des victimes ne va pas diminuer?
Mme Gagnon (Sophie) : Ah!
c'est certain que le travail ne va pas diminuer. Puis il faut savoir qu'il y a
beaucoup de choses dans le projet de loi, mais, dans notre vision, chez
Juripop, des projets de loi comme ça, on pourrait en avoir presque un par année
tellement, des réformes, il y en a à faire.
Puis, notre travail, il faut savoir que ce
n'est pas seulement de représenter les personnes victimes, c'est aussi de
réfléchir à comment est-ce que le droit, les pratiques des avocats, des
avocates peuvent être améliorées pour renforcer l'accès à la justice. Ma
collègue parlait tout à l'heure d'une formation qu'on a donnée à Montréal
vendredi dernier à 150 avocats, avocates. C'est la troisième formation qui était
donnée comme ça par Juripop.
Alors, non seulement est-ce qu'on aide les
personnes qu'on représente, mais on fait des recommandations qui ont l'ambition
de bénéficier à l'ensemble des personnes victimes par des modifications
législatives, mais aussi par la formation des intervenants du système de
justice.
M. Morin : Et donc, compte
tenu de ce que vous savez puis du projet de loi qu'on est en train d'étudier
présentement, j'imagine que vos demandes de subvention vont augmenter
nécessairement si vous voulez être capables de faire votre travail.
Mme Gagnon (Sophie) : Mais
on...
M. Morin : Parce que ce
serait... ce serait quand même dommage, hein, que des femmes, entre autres,
vous demandent de l'aide puis que vous ne puissiez pas leur donner parce que
vous n'avez pas d'argent.
Mme Gagnon (Sophie) : Mais
c'est certain, puis on en refuse déjà quasi quotidiennement. Puis il faut
savoir que c'est des personnes qui se trouvent dans une grande situation de
précarité financière. Il faut savoir que le... les violences financières, c'est
une forme de violence conjugale, de violence postséparation, de contrôle
coercitif. Donc, c'est des personnes qui ont parfois non seulement pas de
revenus, mais pas accès à leurs épargnes. Donc, c'est essentiel qu'il y ait des
ressources de première ligne qui soient offertes de manière gratuite ou à
faible coût, là.
Le Président (M.
Bachand) :Merci.
M. Morin : Parfait. Me
Gagnon, Me Fortin, merci beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée
de Vaudreuil, pour 4 minutes 8 secondes, s'il vous plaît.
Mme Nichols : Oui. Merci, M.
le Président. Merci, Me Gagnon, Me Fortin, d'être parmi nous. Félicitations
pour le bon travail! Juripop, je pense que c'est reconnu dans le milieu. Donc,
merci d'être ici. Continuez votre bon travail.
Question relativement entre autres... bon,
on le sait que Juripop, c'est en matière civile seulement, mais avec justement
cette ordonnance civile de protection, là, j'imagine que vous vous attendez à
avoir une augmentation... une augmentation de votre charge de travail, entre
autres avec le projet de loi n° 73. Vous l'avez envisagé?
Mme Fortin (Justine) : Bien,
en fait, il faut savoir que ces recommandations, ce sont des choses que Juripop
fait depuis plus de quatre ans. On le fait... Donc, pour les ordonnances de
protection en matière civile, on les fait au cœur même de nos procédures en
matière familiale. Parfois, ça a été nécessaire de le faire en matière civile,
même en droit du travail.
Donc, est-ce que la charge de travail va
augmenter? J'ai envie de vous dire non. Si ça fonctionne tel que c'est écrit
sur papier, à certains égards ce sera peut-être même facilité. Bien sûr, il va
falloir le tester. Ça, on n'est sûr de rien. Pour le moment, le processus est
excessivement lourd. On parle de plusieurs demandes différentes à la cour et,
si on veut... bien sûr, si on voulait obtenir un outrage au tribunal, bien là,
on alourdissait le processus encore davantage. Donc, je pense en fait que ça
vient à faciliter notre travail et puis reconnaître qu'il y avait des failles.
Mme Nichols : Oui, ça
facilite le travail, mais ça... tu sais, pour les victimes ou pour... ils
savent qu'aussi c'est un moyen plus facile, plus rapide. Donc, j'imagine que le
nombre de demandes va peut-être augmenter. Puis je pense entre autres... je ne
sais pas si vous en avez eu des dossiers, mais peut-être que c'est des parents
aussi qui pourraient solliciter pour des enfants qui vont être... qui sont...
Mme Nichols : ...victime, ça,
est-ce c'est des dossiers que vous avez déjà à traiter quand c'est les parents
qui se manifestent pour des enfants mineurs?
Mme Fortin (Justine) : Mais
en fait, donc dans le cadre de nos dossiers, puisqu'on est en matière
familiale, on fait des demandes d'OPC, là, d'ordonnance de protection civile
qui vont viser donc la personne, le parent victime qu'on représente, mais
également les enfants. Ce n'était pas nommément écrit comme ça dans la loi,
maintenant c'est beaucoup plus clair que c'est possible de le faire. Donc, je
pense que pour nous ça va demeurer de meilleures pratiques, puis en fait c'est
là où la formation va entrer en ligne de compte. On va pouvoir dire à beaucoup
plus de gens que... plus de consoeurs, confrères que c'est possible, et puis il
pourrait y avoir... Et puis Juripop, ce n'est pas notre champ d'expertise, mais
de la sensibilisation aussi pour les personnes victimes, pour leur... pour
leur... pour les aviser que ce recours-là est accessible et beaucoup plus
accessible pour elles, et quelles en sont les mesures et les limites.
Mme Nichols : Oui, bien sûr.
On a parlé de... puis les autres groupes avant vous aussi parlaient beaucoup de
plus de formation, plus d'accompagnement, puis on a parlé des différents
groupes aussi qui peuvent aider dans l'accompagnement, la formation que vous
faites aussi à des juristes.
Le formulaire, on en a parlé. Il y avait
une remarque aussi en lien avec le formulaire. Bien sûr, le formulaire qui sera
inclus dans le formulaire, c'est évidemment le ministère de la Justice qui va
le... qui va le déterminer. Mais est-ce qu'il y avait des recommandations? Vous
en avez fait une, entre autres dans votre mémoire. Mais est-ce qu'il y avait
d'autres recommandations que vous pourriez apporter ou souligner ici à
l'ensemble des parlementaires?
Mme Fortin (Justine) : Bien
en fait, notre mémoire est assez détaillé en ce sens qu'on est... on considère
que c'est un formulaire, ce sont des attestations qui doivent être
co-construites, d'une part, pour refléter la réalité des organismes sur le
terrain qui auront à travailler avec ces formulaires-là et, d'autre part, pour
vraiment aider au mieux les personnes victimes à faire valoir leur exposé
sommaire des faits. Puis on avait une recommandation dont on n'a pas parlé
spécifiquement, mais en lien avec les formulaires, qu'il puisse... qu'on
réfléchisse aux mesures d'accessibilité liées à l'obtention de ces formulaires-à,
peut-être par moyen technologique, parce que le simple fait de se rendre
physiquement dans une ressource aide peut être un obstacle extrêmement
important pour une personne victime. Et puis, là, si on pense aux organismes
qui sont en région éloignée, bien, on augmente les barrières d'accessibilité
considérablement.
Mme Nichols : Oui, très bien.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Me Fortin, Me
Gagnon, merci infiniment d'avoir été avec nous. Ça a été très, très apprécié.
Sur ce, la commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures. Merci, à
tantôt.
(Suspension de la séance à 11 h 59
)
15 h (version non révisée)
(Reprise à 15 h 02)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! Bon
après-midi à tout le monde. La Commission des institutions reprend ses travaux.
On poursuit donc les consultations particulières et auditions publiques sur le
projet de loi no 73, Loi visant à contrer le partage sans consentement d'images
intimes et à améliorer la protection et le soutien en matière civile des
personnes victimes de violence.
Cet après-midi, nous entendrons les
personnes et organismes suivants : Mme Mélanie Lemay, l'Association du
Barreau canadien, division Québec, l'Union étudiante du Québec. Mais d'abord,
nous allons procéder avec l'Association québécoise des avocats et avocates de
la défense. Donc, Maître Boulet, Maître Cardin, merci infiniment d'être avec
nous. Alors, vous avez la parole pour votre présentation pendant 10 minutes.
Après ça, on aura une période d'échange avec les membres de la commission. La
parole est à vous.
Mme Boulet (Marie-Pier) : Bonjour
à tous. Merci. Alors, je me présente, Marie-Pier Boulet, présidente de l'AQAAD,
le diminutif, pour éviter de reprendre l'exposé au complet de l'association. Je
suis accompagnée de Me Geneviève Cardin qui est représentante du district de
Bedford à l'AQAAD et elle siège également au comité projet de loi.
L'AQAAD remercie la Commission des
institutions pour invitation. Je serai celle qui va s'adresser à la commission,
et Me Cardin pourra intervenir lors de la période de questions. Nos
représentations se concentrent aujourd'hui sur le titre deux du projet de loi,
intitulé Autres mesures de protection, le chapitre un, précisément, ordonnances
civiles de protection. Considérant la mission de l'AQAAD, nous ne nous sommes
pas penchés sur les autres portions du projet de loi qui ont une incidence,
selon nous, en matière strictement civile. À l'inverse, la partie deux entraîne
l'application du Code criminel en cas de non-respect de l'ordonnance de
protection.
En fait, il s'agit du premier point que
nous souhaitons éclaircir. Puisque la référence à l'outrage au tribunal est
réitérée... est retirée, pardon, de l'article 509 du Code de procédure
civile, il s'agit de l'article trois du titre deux du projet de loi, selon
nous, c'est donc le paragraphe 127.1 du Code criminel qui trouve
application. C'est le paragraphe qui prévoit la désobéissance à une ordonnance
du tribunal, lequel est passible d'une période d'emprisonnement maximale de
deux ans ou de l'infraction... d'une infraction punissable par voie sommaire. Alors,
il s'agit du premier questionnement, à savoir si c'est bel et bien le sens du
projet de loi, considérant le retrait de la référence à l'outrage au tribunal.
Nous avons par ailleurs aussi des
questionnements sur certaines portions de la mécanique de ce que nous appelons
dans notre jargon un 810 civil, ce qui s'appelle dans le projet de loi une
ordonnance civile de protection. En fait, notre expérience pratique en matière
d'application de l'article 810 du Code criminel nous apparaît pertinente
pour le bon fonctionnement du projet de loi. Ceci étant dit, la mécanique de l'article 509
du Code de procédure civile était en soi peu connue des criminalistes, et nous
nous sommes penchés sur le critère qui était prévu. Ce qui était prévu, pour ne
citer qu'un passage de l'alinéa deux, était la vie, la santé ou la sécurité qui
est menacée.
Nous sommes les criminalistes, encore une
fois, habitués avec la mécanique de l'article 810 qui prévoit, lui, le
critère suivant : «La personne qui craint pour des motifs raisonnables qu'une
autre personne ne lui cause un préjudice ou ne commette l'infraction visée à
162.1.» L'infraction prévue à 162.1 est celle de la publication d'images
intimes. Donc, pour reprendre, succinctement, 509 prévoyait une menace, 810
prévoit... du Code criminel prévoit une crainte pour des motifs raisonnables.
La jurisprudence qui s'est développée autour de 810 est venue clarifier le
critère pour qu'il soit question de crainte raisonnable, réelle et actuelle.
Maintenant, fort de ces éléments, en regardant
l'article 515.1 qui serait ajouté au Code de procédure civile par le
nouveau projet de loi, il est question d'une crainte pour la vie, santé,
sécurité, que ceux-ci soient menacés, notamment en raison d'un contexte de
violence conjugale basé sur honneur, violence familiale, etc. Ce qui manque au
projet de loi, selon nous, est le caractère raisonnable de la crainte. Parce qu'encore
une fois on parle d'une crainte pour la vie, santé, sécurité menacée, une
crainte pure. Il nous apparaît que le libellé actuel donne à penser qu'une
personne qui dit craindre, ce serait suffisant. Un caractère raisonnable de la
crainte ou encore un critère objectif serait de nature à rendre le tout
davantage prévisible pour les justiciables. Et il s'agit d'un élément évidemment
important dans le cadre des travaux de la...
Mme Boulet (Marie-Pier) : ...nous
ne sommes pas contre la vertu, j'ai envie de le souligner, mais il faudrait
évidemment que ce soit clair et, autrement, la personne n'aurait qu'à mettre,
dans son formulaire ou dans sa demande, le terme «craindre»... le terme
«crainte», pardon, et ce serait suffisant.
Deuxième point, quel est le fardeau de
preuve? Le niveau de preuve n'est pas précisé à l'article 515.3. Est-ce qu'il
s'agit d'un fardeau de présentation ou de persuasion? Y a-t-il un renversement?
Les règles en matière civile prévoient, de manière générale, la prépondérance.
Alors, nous avons pris pour acquis que c'est ce qui s'applique. Mais d'autres
questions sont quand même importantes, c'est-à-dire le fardeau en est-il un de
persuasion, de présentation ou le renversement de fardeau?
Troisième point, les règles de preuve
applicables ne sont pas précisées à 515.3. Je m'explique. Est-ce que le
ouï-dire est admissible? Est-ce qu'il y a un droit contre- interrogatoire?
Est-ce qu'il y aura communication des pièces au soutien de la demande
d'ordonnance? Ce sont trois sous-éléments manifestement pertinents, d'autant
plus, la procédure peut se passer en cabinet, donc, strictement sur papier,
considérant l'article 4 du projet de loi, donc, qui réfère à l'article 69 du
Code de procédure civile et qui elle-même réfère, là, dans le projet de loi, à
un formulaire.
Quatrième élément. 515.3, encore une fois,
à l'alinéa deux, il est question d'une durée maximale de trois ans et aux
conditions déterminées par le tribunal, ladite ordonnance pouvant être
renouvelée, prolongée ou prononcée à nouveau... de nouveau. Relativement à la
durée de l'ordonnance, je vous dirais que même le Code criminel devrait être
modifié, peut-être, pour pouvoir prévoir une période plus longue,
puisqu'actuellement on prévoit une année seulement. Ici, la durée maximale de
trois ans nous apparaît pertinente, d'autant plus qu'une ordonnance de
probation en matière criminelle ne pourrait pas dépasser trois ans.
L'ordonnance de protection civile est quand même un équivalent d'une ordonnance
de probation et elle constitue une privation de liberté, d'autant plus que, je
le disais d'entrée de jeu, qu'elle entraîne des conséquences criminelles en cas
de non-respect.
Maintenant, donc, pour ce qui est de la
période, il nous apparaît que la durée maximale de trois ans est tout à fait
appropriée. Ce qui nous amène à pointer davantage la question du renouvellement
de la prolongation et d'un nouveau prononcé. Quel est le processus qui doit
être suivi? Quel est le fardeau de preuve? Est-ce que la procédure est
simplifiée? Est-ce que ce doit être basé sur des faits nouveaux, auquel cas on
considère que, s'il y avait des faits nouveaux, il faudrait prendre pour acquis
qu'il y avait eu un bris de l'ordonnance? Ce sont d'autant de questions qui,
selon nous, nous amènent à penser que le libellé ne couvre pas l'ensemble des
situations, d'autant plus qu'une prolongation, si elle devait avoir un
caractère automatique comme son renouvellement, entraînerait, selon nous, une
possibilité excessive de privation de liberté sans accès à une audition. Alors,
il manque peut-être simplement certaines références ou certains détails,
évidemment, bien humblement...
Encore une fois, nos représentations sont
basées sur notre expérience pratique, parce que toute la mécanique qui entoure
ce qui est en place dans le projet de loi ressemble presque copier-coller à ce
qui est déjà en place au niveau criminel et avec lequel nous sommes habitués de
conjuguer sur une base quasi quotidienne.
Alors, dans l'espoir que nos commentaires
servent à évacuer le risque d'ambiguïté et... Nous vous remercions encore une
fois pour votre attention.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, maître. Donc,
je me tourne vers le gouvernement pour une période d'échange de 17 minutes. M.
le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Merci, M.
le Président. Me Boulet, Me Cardin, bonjour. Merci de participer aux travaux de
la commission pour l'Association québécoise des avocats et des avocates de la
défense. Dans un premier temps, je comprends que vous étiez sur sur les
critères, notamment, sur l'ordonnance de protection, mais, dans l'ensemble du
projet de loi, comment... comment l'association reçoit le projet de loi
relativement au fait d'incorporer des règles qui... en matière criminelle,
notamment, pour le tribunal spécialisé, aussi, qu'on l'amène vers la justice
civile, donc, au niveau de la procédure civile, que ce soit dans le Code civil
ou dans le Code de procédure civile, ainsi... incluant en matière familiale.
• (15 h 10) •
Mme Boulet (Marie-Pier) : Je
vous dirais que c'est déjà de bon augure le fait que je vous ai dit que je
n'avais pas de commentaire sur les autres sections. Alors, un peu, pour
reprendre ce que j'ai dit plus tôt, c'est-à-dire qu'on ne peut pas être contre
la vertu, s'il y avait eu des commentaires sur l'application de ces mesures de
protection, j'ai envie de vous dire, on ne se serait pas gêné de les faire.
Alors, je vous dirais que c'est davantage dans la mécanique d'application que
dans l'objectif qui est visé, que nous avons des commentaires à faire.
M. Jolin-Barrette : O.K. Mais
peut-être faire référence à votre expérience, là, sur...
M. Jolin-Barrette : ...vous
êtes une spécialiste, là, en droit criminel, là, l'évolution, là, des mythes et
des stéréotypes, là, ça serait quoi votre... votre état de la situation, puis
ce à quoi certaines personnes, certaines victimes ont été confrontées, là, qui
a amené dans le fond des décisions des tribunaux? C'est quoi le portrait de la
situation que vous vivez dans les palais de justice, là, en matière criminelle
relativement à cela?
Mme Boulet (Marie-Pier) : Bien,
relativement aux mythes et stéréotypes, je veux dire, il y a des règles de
droit qui depuis longtemps l'interdisait. Je vous dirais que la question tout à
l'heure, quand je parlais d'ambiguïté du projet de loi, bien, c'est la même
chose pour les mythes et stéréotypes. Je pense que la jurisprudence a été
amenée à les préciser, à bien les encadrer, à bien les définir, à les dénoncer,
ce qui nous permet d'avoir donc un... d'avoir un guide pratique, là, comme
praticiens, à savoir quelle est justement la limite à ne pas franchir. Je vous
dirais que ça reste un principe qui n'est ni noir ni blanc a toujours des zones
grises, là. Il y a quand même des sujets sur lesquels on peut y aller. Tout
dépend de l'utilisation que le tribunal devra en faire ultimement. Un fait
reste un fait. Maintenant, qu'est-ce qu'on tire comme inférence de ce fait-là?
C'est là que ça devient important. Et je pense que je vous dirais que l'état
d'esprit sur les lieux, c'est qu'on fait... on redouble de prudence, on se pose
les bonnes questions et on s'assure évidemment que parfois il y a peut être la
preuve qui sera... ou finalement... final... au final, pardon, un mythe et
stéréotype, mais qu'elle n'aura pas d'impact dans la décision, parce qu'on peut
faire des erreurs, on reste des humains. Il reste qu'il y a des questions à poser,
et on s'assure également que les plaignants, que les témoins comprennent que
certaines questions peuvent être posées, mais qui, au final, si elles
constituent un mythe et stéréotype, on va s'assurer de ne pas en tenir compte
pour la décision finale à être rendue. Peut-être que Me Cardin a plus à
ajouter, mais je suis certaine qu'à Bedford c'est la même chose.
Mme Cardin (Geneviève) : Effectivement,
on a été un des premiers districts à avoir, là, la division spécialisée, là, de
la nouvelle mouture, là, du tribunal spécialisé, et effectivement je pense que
tout le monde apprend de ça. On apprend avec ces nouvelles limites là, et Me
Boulet l'a mentionné, là, dans son mot d'ouverture : On ne peut pas être
contre la vertu, on ne cherche que la clarté pour pour la justiciable qui sera
confrontée à que ce soit l'ordonnance du projet de loi ou des poursuites en
matière criminelle qui est un peu plus notre expertise.
M. Jolin-Barrette : O.K. Mais
juste sur le fait qu'on vient incorporer, là, notamment une présomption de
non-pertinence sur les mythes et stéréotypes qu'on a listés, est-ce que vous
êtes en accord avec ça? Parce que tout à l'heure, on a eu Juripop pas qui nous
disait : Bien, écoutez, vous ne devriez pas les mettre uniquement de façon
exhaustive, mais laisser la porte ouverte à d'autres types de mythes et
stéréotypes. Alors, c'est quoi votre opinion par rapport à ça? Est-ce que vous
trouvez qu'on doit les nommer comme nous avons fait ou laisser ça plus large
comme le propose Juripop?
Mme Boulet (Marie-Pier) : Bien,
vous voulez dire que vous avez nommé exhaustivement les mythes et stéréotypes,
là? Je n'ai pas... ce n'est pas ce qui m'est apparu parce que même la Cour
suprême ne l'a pas encore fait, là. On y va pas mal au compte gouttes parce qu'il
va y en avoir des nouveaux. Ça évolue avec la société. Ce qui a été fait dans
le projet de loi, j'ai vu, c'est qu'on dit qu'un mythe et stéréotype, c'est
inadmissible, mais c'est déjà une règle de droit, là. Je vous dirais que c'est
bien de l'avoir incorporé. Le texte de loi rend la chose plus claire. Mais pour
nous, je vous dirais que les praticiens, c'est déjà évident que c'est une règle
qui est bien incorporée dans les us et coutumes, les pratiques, puis quand on
est en matière criminelle, ça fait partie de la common law, alors on n'a pas
besoin de l'avoir écrit. Là, on est en matière évidemment civile, on... On va
mettre l'écrit de l'avant.
M. Jolin-Barrette : Oui,
bien, c'est ça. Mais il y avait nécessité de l'inclure clairement dans le Code
civil, parce que, bien entendu, il y a des décisions des tribunaux en matière
criminelle relativement aux types de questions qui peuvent être posées ou pas
posées. On vient modifier... on vient insérer un nouvel article 2858.1 dans le
Code civil. Donc, on fait référence à la réputation de la personne prétendue
victime de la violence, tout fait relié au comportement sexuel de cette
personne autre qu'un fait de l'instance qui est invoqué pour attaquer sa
crédibilité. Le fait qu'une personne n'ait pas demandé que le comportement
cesse, le fait qu'une personne n'ait pas porté plainte ni exercé aucun recours
relativement à cette violence ou tout fait en lien avec le délit a dénoncé la
violence alléguée, et le fait que cette personne soit demeurant en relation avec
l'auteur allégué de cette violence. Donc, bien entendu, en matière criminelle,
c'est un... c'est un peu différent relativement au fardeau de preuve. Mais
vous, vous ne voyez pas d'enjeu à ce qu'on vienne nommer ces éléments-là en
matière civile dans le cadre d'un recours supposons en dommages et intérêts ou
dans...
Mme Boulet (Marie-Pier) : En
fait... En fait non. C'est pour ça qu'on vous a dit, tout à l'heure, que dans
notre expertise en matière civile, elle est bien limitée. Mais ce qu'on dit en
fait peut être un peu avec... puisque vous avez référé aux commentaires de
Juripop sur le sujet, c'est qu'effectivement la notion de mythe et stéréotype,
ce n'est pas... c'est pour ça que je vous disais, vous l'avez listée, mais je
ne l'ai même pas vue comme étant exhaustive, là. En fait, peut-être que c'est
mon interprétation qui est erronée, mais la notion de mythe et stéréotype va
être amenée à évoluer grandement, là. Vous savez, l'orientation sexuelle...
Mme Boulet (Marie-Pier) : ...toutes
sortes de choses qui peuvent évoluer dans le temps et qui vont faire en sorte
que la liste pourrait devenir très, très longue. Alors, peut-être
qu'effectivement de strictement référer à la notion de mythes et stéréotypes au
sens large et de laisser le tout ouvert, c'est plus prudent et ça permet la
pérennité, là, de... du projet de loi, des changements législatifs.
M. Jolin-Barrette : Peut-être
nous parler également de votre expérience, là. Parce que, là, on vient inclure
une formation en matière civile, notamment pour sensibiliser les acteurs du
milieu de la justice en matière civile à la fois aux violences sexuelles,
violences conjugales. On a fait la même chose au niveau du tribunal spécialisé.
Les avocats de la défense participent. Est-ce que... Est-ce que ça s'est passé
d'une façon positive, le fait d'offrir cette formation-là à la fois à
l'ensemble des acteurs du milieu de la justice en matière criminelle et pénale?
Mme Boulet (Marie-Pier) : La
formation sur les mythes et stéréotypes?
M. Jolin-Barrette : Non, la
formation en général sur les violences sexuelles, violences conjugales dans le
système de justice, à la fois au personnel de justice, aux avocats de la
couronne, aux avocats de la défense également. Le fait d'offrir des formations supplémentaires
dans le système de justice, comment ça a été reçu par vos membres, par les
criminalistes, le fait qu'il y ait de la formation offerte en matière de
comment agir, supposons, avec des personnes victimes de violence sexuelle, de
violence conjugale? Ça s'est bien passé?
Mme Boulet (Marie-Pier) : Oui.
Bien, écoutez, la formation, effectivement... Là, vous dites : comment
agir avec des... Je ne suis pas certaine que c'était exactement ça, le sens de
la formation qui nous a été dispensée. On s'est davantage intéressé...
effectivement, on nous a présenté la réalité des personnes, là, victimes, des
plaignants, donc cette réalité-là. C'était davantage un volet informationnel,
très instructif, sur cette réalité-là, sur les enjeux qu'ils peuvent vivre.
Et, de notre côté, forts de ces
enseignements-là, effectivement, il y a des pratiques qui ont été adaptées,
notamment avec le Barreau du Québec. Il y a un guide des meilleures pratiques
de... du contre-interrogatoire qui avait été élaboré. Au niveau de l'AQAAD
directement, on avait dispensé la formation, justement en matière sexuelle,
dans le cadre de notre colloque annuel. Donc, on s'est assurés que
l'information soit répandue. Et je vous dirais qu'outre l'information de base,
dans le travail quotidien à la cour, effectivement, je pense qu'il y a
maintenant ce que je vais qualifier d'une hypersensibilité à ce niveau-là, là.
On est plus prudent que prudent maintenant.
Je vais vous donner un exemple, là. Moi,
de manière systématique, avant de procéder au contre-interrogatoire d'une
personne plaignante, je me présente et je lui explique que ce que je m'apprête
à faire, ce ne sera pas particulièrement plaisant, dans le sens où je vais
parler de faits qui sont douloureux, je vais même parfois être répétitive parce
que je vais poser des questions sur des sujets qu'elle a déjà parlé en
interrogatoire. Et on me rapporte, du côté de la poursuite, que la plaignante
apprécie ce préambule-là parce qu'ils se disent : O.K. Bon, bien, on
dirait que j'ai compris puis on m'a expliqué c'était quoi le travail. Alors, on
s'est tous mis, je vous dirais, en mode... en mode : on ne prendra pas
pour acquis que les gens comprennent ce qu'on a à faire.
Et c'est la même chose, comme... vous
référiez aux formations, eh bien, on n'a pas pris pour acquis qu'on savait
c'était quoi être une victime ou qu'on savait c'était quoi devoir témoigner à
procès. On s'est tous mis dans le bain de ça. On va appeler ça un électrochoc.
Et puis, oui, c'est accueilli favorablement. On veut tous bien faire les
choses. Au final, ce qu'on veut, évidemment, c'est que les gens soient entendus
et qu'il y ait une décision qui soit prise.
M. Jolin-Barrette : Peut-être
une dernière question avant de vous laisser avec mes collègues. Sur
l'ordonnance civile de protection, là, on a prévu une durée — bien,
dans le fond, on ne change pas la durée — de trois ans, donc validité
d'une ordonnance civile de protection. Il y a plusieurs groupes qui sont venus
nous voir depuis hier pour nous dire : Bien, écoutez, vous devriez soit
l'allonger jusqu'à cinq ans ou même ne pas mettre de délai du tout. Exemple, le
Barreau du Québec nous a dit : pas de délai du tout. Qu'est-ce que vous
pensez de cette proposition-là?
• (15 h 20) •
Mme Boulet (Marie-Pier) : Alors,
moi, si vous avez bien entendu mon commentaire, c'était que la durée trois ans,
pour moi, m'apparaissait suffisante, m'apparaissait une durée maximale qui
était cohérente, considérant que les conséquences sont... en cas de
non-respect, là, ce sont des conséquences de nature criminelle. Quelqu'un qui a
une probation criminelle n'aura pas une probation pour plus que trois ans.
Alors là, on veut créer une privation de liberté supérieure à trois ans parce
qu'elle ressort du Code de procédure civile. Pour moi, ça, ça sonne incohérent.
Et je vous dirais qu'en plus ça vient résonner avec la question de la privation
de liberté.
C'est pour ça que je vous disais aussi
dans le texte que la question du renouvellement ou... évidemment, on ne peut
pas empêcher qu'il y aurait des faits nouveaux ou qu'il y aurait une crainte
qui serait actualisée par une situation qui serait persistante. Donc, le
renouvellement m'apparaît plus approprié que de laisser une latitude plus
grande qu'à trois ans.
M. Jolin-Barrette : O.K. Puis
une vraie dernière question. Sur la question qu'on n'aura plus besoin, en
matière civile, supposons en recours en dommages et intérêts...
M. Jolin-Barrette : ...s'il y
a eu une condamnation en criminel, de prouver la faute pour la victime, le
dépôt du jugement va faire en sorte que la faute va être établie. Comment vous
recevez ça?
Mme Boulet (Marie-Pier) : Bien,
comme je vous disais, je n'ai pas fait de poursuites civiles en cette matière,
alors je serais mal avisée de vous donner mon opinion là-dessus. Évidemment, à
la base, là, je vais simplement vous dire que le fardeau de preuve en matière
criminelle, c'est hors de tout doute, et l'autre, c'est en prépondérance.
Alors, il n'y a pas d'incohérence dans cet aspect-là. Et je n'avais pas plus de
commentaires.
M. Jolin-Barrette : Excellent.
Mais je vous remercie à vous deux d'être venues en commission parlementaire,
puis je vous laisse avec mes collègues. Merci beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Merci beaucoup, M. le
ministre. Interventions du côté gouvernemental? Mme la députée de
Laval-des-Rapides, s'il vous plaît.
Mme Haytayan : Mais... merci,
M. le Président. Bonjour. Merci pour votre temps. Une question par rapport à un
cas de défendeur qui fait l'objet d'un 810, un code 810. Est-ce que, selon
votre expérience sur le terrain en matière criminelle... est-ce qu'il arrive
souvent que ce type de demande est refusé? Donc, c'est-à-dire une demande de
témoigner à distance pour la personne victime.
Mme Boulet (Marie-Pier) : Dans
le cadre d'une audition 810? En fait, j'ai envie de vous dire, c'est rare
qu'il y a des auditions 810. Alors, bien souvent, là, l'expérience
pratique, c'est que lorsque la somation est prise, puis que c'est
l'article 810 directement qui fait... qui fait l'objet de la somation, je
vous dirais que c'est rare qu'il y a des auditions qui se tiennent. Et pour ce
qui est de la visio, je vous dirais que ça, c'est plutôt difficile à répondre,
parce que tout dépend des motifs qui sont allégués. Donc, évidemment, là, du
moment que les motifs sont minimalement sérieux, mais la distance n'est souvent
pas un enjeu, là, si on demande un 810, parce qu'il y a une proximité
d'habitude. Alors, j'essaie d'imaginer. Ce n'est pas quelque chose qui est commun.
Et évidemment, les mécanismes, là, de protection pour le témoignage ou de
soutien aux témoignages, ça, je vous dirais qu'autant en matière de 810 que
dans les autres matières, à moins que la demande paraisse totalement infondée,
là, c'est plutôt également rare que c'est contesté.
Mme Haytayan : O.K., parfait.
Vous avez répondu à ma prochaine question également par le fait même. Merci
beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, Mme la députée
de Laval-des-Rapides. M. le député de l'Acadie, s'il vous plaît.
M. Morin : Oui, merci, M. le
Président. Alors, bonjour, Maître Boulet, Maître Cardin. Merci d'être là avec
nous. J'aurais... j'aurais quelques questions pour vous, notamment en ce qui a
trait à l'aide au témoignage. Bon, là, évidemment, ici on parle en matière
civile. Je comprends que ça existe en matière criminelle. Il y a différentes...
il y a différents moyens qui sont... qui sont suggérés, témoignage à...
l'instance peut témoigner à distance, être accompagnée d'une personne. On parle
aussi d'un chien.
Pour vous, est-ce que... quand vous avez
lu le projet de loi, est-ce que, pour vous, c'étaient... en fait, des aides qui
pouvaient être cumulatives ou une n'exclut pas l'autre? Puis, en matière
criminelle, est-ce que vous avez vécu ces situations-là où une victime a été
accompagnée? Puis comment... comment ça se passe?
Mme Boulet (Marie-Pier) : Me
Cardin, je vous laisse...
Mme Cardin (Geneviève) : En
fait, c'est quelque chose qu'on est constamment confronté lorsqu'on est dans le
cadre de poursuites en matière de violence conjugale ou de crimes à caractère
sexuel. Donc, les témoignages dans des salles de télétémoignage, on peut voir
également des témoignages des plaignants victimes directement dans la salle de
cour et voir des accusés qui sont dans la salle de télétémoignage pour entendre
le témoignage, de la présence de chiens de soutien. Donc, c'est quelque chose
qu'on est confronté... pas confronté, mais qu'on voit d'une commune mesure.
Donc, lorsqu'on voit ça dans le projet de loi, c'est quelque chose qu'on voit
régulièrement dans nos salles. Oui.
M. Morin : D'accord. Donc, au
fond, c'est une forme ou une sorte de transposition de ce qui se fait déjà en
matière criminelle vers la procédure civile, compte tenu évidemment qu'on parle
de témoignages de personnes... de personnes victimes. Bien. M. le ministre a
posé des questions tout à l'heure en ce qui a trait aux dispositions qui vont
faire en sorte que certains mythes ou stéréotypes ne pourront plus faire
l'objet... ou, en fait, seront présumés non pertinents. C'est l'article 13
du projet de loi.
Présentement, en matière criminelle,
corrigez-moi si je fais erreur, mais il y a déjà des dispositions qui
empêchent, par exemple, le contre-interrogatoire de la victime en ce qui a
trait aux comportements sexuels du plaignant, sauf si, dans certaines
circonstances, un accusé peut démontrer à l'aide d'une requête et convaincre un
juge que ça pourrait être pertinent. Même chose au niveau...
M. Morin : ...de l'accès à
des dossiers de la victime. Comment vous voyez ça, l'article 13? Est-ce
que ça va assez loin? Est-ce que vous pensez que ça va protéger les victimes,
que ça va aider finalement le tribunal? Trouvez-vous que les critères du Code
criminel sont plus explicites? Bref, j'aimerais ça vous entendre là-dessus,
parce que vous êtes à même de nous aider, évidemment, avec une comparaison.
Mme Boulet (Marie-Pier) : En
fait, la mécanique est quand même différente, parce qu'évidemment le terme qui est
utilisé dans le projet de loi, on dit «sont présumés non pertinents». Donc,
rien n'empêche de plaider leur pertinence et de la cadrer dans le cadre du
litige avec des faits particuliers. Dans le cadre du Code criminel, je vous
dirais que je n'aurais pas tendance à m'en inspirer, parce que c'est encore
plus compliqué à comprendre, la mécanique de ces articles-là. Et je vais vous
dire que de source sûre, c'est amené à être amendé, parce qu'il y a une
réforme, évidemment, qui est envisagée de ces articles-là. La procédure, en ce
moment, elle est complexe et elle engendre des délais. M. le ministre n'aimera
pas entendre ça, mais ça fait partie des choses qui engendrent des délais en
matière criminelle, parce que ces requêtes-là, elles sont complexes. Il y a toute
une mécanique à mettre en place, des délais à respecter. Bref, je n'aurais pas
tendance à m'inspirer de ce qu'il y a dans le Code criminel. Je trouve, au
contraire, que là on est allé dans le plus simple, c'est-à-dire c'est présumé
non pertinent, sauf si on fait la preuve. Et le critère de la pertinence, c'est
un critère qui est bien connu en droit puis c'est un critère qui donne toute la
latitude aux juges de faire des exceptions dans les cas appropriés. Évidemment,
les mythes et stéréotypes que vous avez nommés, c'est difficile de voir quand
est-ce qu'ils deviendraient pertinents. Je vais vous dire, là, par exemple,
«tout fait relatif à la réputation», je veux dire, je vois mal comment un fait
deviendrait minimalement pertinent dans un dossier, là. La réputation, c'est
quelque chose qui est superflu, là, ce n'est pas... c'est superfétatoire et ça
ne sert à rien dans un litige. C'est déjà non pertinent sur la base de la
pertinence. Alors, même si ce n'est pas un mythe et stéréotype, ça ne sert à
rien.
Le comportement sexuel antérieur, là, ou
ce qu'on est habitués de voir en matière sexuelle... en matière criminelle,
pardon. C'est qu'il arrive qu'il y a des comportements sexuels où ce sera
important de parler de comportements antérieurs parce qu'ils sont interreliés.
Je vais vous donner l'exemple de pratiques sexuelles particulières. Ça pourrait
être étonnant, là, je veux dire, ça va vous paraître grossier, là, mais des
gens qui utilisent des objets, là, puis on se dit : Mon Dieu, le juge,
est-ce qu'il est prêt à entendre un procès où on va parler d'objets sexuels
puis d'aliments ou... Écoutez, je vous passe les exemples que j'aurais à vous
donner dans les dossiers qu'on voit. Bien, on se dit : On ne peut pas
arriver aux juges... à lui expliquer qu'ils ont eu telle pratique sexuelle non
consensuelle ce soir-là, si on n'explique pas que c'est arrivé avant et que
c'était une pratique commune des parties. C'est comme ça qu'ils ont leurs
rapports sexuels, eux. Je veux dire, jugez-les ou ne les jugez pas, ce n'est
pas ça qui est pertinent. La question c'est de savoir s'il y a eu un
consentement ou pas. Alors, là je fais référence... je vous donne un exemple
pratique, là.
Donc, le libellé actuel du projet de loi
le permettrait ça parce qu'on dit : C'est présumé non pertinent. Bien, la
présomption de non-pertinence n'est pas irréfutable. Donc, on pourrait dire
dans certains cas : Je comprends que le comportement sexuel de cette
personne-là est un mythe et stéréotype, mais je veux simplement ramener une
pratique sexuelle, appelons-la comme ça... bien, ça rentre dans la catégorie
«comportement sexuel antérieur», parce que ça va nous aider à comprendre,
disons, la trame factuelle et le contexte de la situation.
Donc, en termes très résumés, je pense que
de présumer de la non-pertinence, c'est conforme à l'état du droit et que le
libellé actuel que vous proposez permet toute la latitude nécessaire sans
toutes les requêtes et la mécanique du Code criminel qui rallongent les
procédures.
M. Morin : Parfait. Je vous
remercie. Merci beaucoup, maître. Le projet de loi, avec des allégations qui
seraient présumées non pertinentes, vise également d'autres lois, Code du
travail, Loi sur la fonction publique, Loi sur la justice administrative, mais
le législateur n'a pas inclus le Code des professions qui, dans le cadre de
recours, par exemple, disciplinaires, des dispositions semblables pourraient
s'appliquer s'il y a des accusations ou, en fait, des allégations puis des
reproches au niveau disciplinaire de conduites déontologiques non conformes au
code. Le Barreau le suggérait. Est-ce que vous avez réfléchi là-dessus? Est-ce
que vous faites des fois, en défense, du droit disciplinaire?
• (15 h 30) •
Mme Boulet (Marie-Pier) : Je
fais parfois en défense du droit disciplinaire. Je pense que Me Cardin...
considérant qu'elle travaille à la commission... pas à la commission, mais au
service d'aide juridique, donc... mais ça ne nous permet pas quand même... mon
expérience ne me permettrait pas de répondre à votre question puisque je ne me
suis pas penchée...
15 h 30 (version non révisée)
Mme Boulet (Marie-Pier) : ...suffisamment
sur le sujet.
M. Morin : Parfait. Je vous
remercie. Ça complète mes questions. Merci, M. le Président. Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, M. le député de
l'Acadie. Merci infiniment. Mme la députée de Vaudreuil, s'il vous plaît.
Mme Nichols : Oui. Merci, M.
le Président. Bonjour, mesdames. Merci d'être en commission. J'ai deux petites
questions, rien de, je présume, très complexe, là.
Vous avez fait référence à l'article 515.3.
Évidemment, là, on parle de la durée maximale de trois ans. Il semblait y avoir
une problématique quand on parlait du renouvellement. Pouvez-vous juste m'expliquer
c'est quoi, l'enjeu ou, en fait, me préciser qu'est-ce qui n'était pas clair au
niveau du renouvellement? Je n'ai pas pris de notes.
Mme Boulet (Marie-Pier) : En
fait, renouveler, c'est... Premièrement, c'est la procédure. Est-ce que c'est
la même mécanique que la demande initiale qui s'applique? Hein, comment on fait
ça, renouveler? Est-ce qu'on fait simplement dire : Bien, je veux que ce
soit renouvelé pour trois ans, un an, j'ai encore une crainte?
Ça fait beaucoup appel à ce que je vous
disais d'entrée de jeu, c'est-à-dire le critère est tellement subjectif dans la
loi, hein : Je crains. Je crains, pas : Je crains pour des raisons...
pour des motifs raisonnables, pas : J'ai des motifs raisonnables de
craindre, pas : Je crains... Ma crainte est objective. Il n'y a rien, c'est
juste : Je crains. Puis qu'est-ce que le juge aurait à dire, dans le fond?
Madame craint, alors... ou monsieur craint, qu'est-ce que je peux... qu'est-ce
que je peux, moi, y faire?
Bref, pour revenir au renouvellement,
donc, est-ce que la personne pourrait juste dire : J'ai envie que ce soit
renouvelé? C'est quoi, les critères? Est-ce que ça doit être basé sur des faits
nouveaux? Est-ce que le juge va avoir déjà prévu que ça peut être renouvelé si
la personne craint encore? Mais vous comprenez que, si la personne craint
encore, c'est purement subjectif, là. On ne peut pas... Selon moi, on ne peut
pas répondre à des craintes purement subjectives si elles ne se fondent sur
aucun fait.
Et 810, la mécanique, là, je l'ai souligné
tantôt, mais la question qui se pose, c'est : Est-ce que cette crainte-là,
elle est réelle et est-ce qu'elle est actualisée? Parce que moi, là, je veux
dire, je peux bien craindre les araignées, mais... je vais les craindre toute
ma vie, évidemment, parce que je les crains, mais est-ce que c'est actualisé?
Vous comprenez? Est-ce que... Est-ce qu'il y a quelque chose qui nous fait
craindre ou on a juste peur d'avoir peur? C'est un peu une expression qu'on
utilise.
Alors, le renouvellement, je pense que c'est
dans la mécanique, mais c'est aussi dans les faits au soutien d'un
renouvellement, de quoi il doit en retourner.
Mme Nichols : Et donc pas un
renouvellement automatique en disant : On va juste le renouveler, mais...
bien, à moins qu'il y ait des faits nouveaux, de soulever les faits nouveaux,
mais de, sinon, documenter le... documenter le renouvellement?
Mme Boulet (Marie-Pier) : Oui.
Mme Nichols : Parfait.
Parfait. Puis petite question, juste au niveau de... Je me demandais :
Est-ce que vous voyez un enjeu ou est-ce que vous prévoyez une différence au
niveau des incidences sur le volume... le volume de dossiers que vous pourriez
avoir au niveau criminel étant donné, là, qu'il va y avoir, on va dire, là, l'accès
à une procédure civile plus facile, plus rapide? Vous, de votre côté, est-ce
que vous pensez que ceux qui vont s'en aller... qui vont utiliser la procédure
civile auront moins d'intérêt, peut-être, à aller au criminel ou... En fait,
comment vous voyez ça?
Mme Boulet (Marie-Pier) : Bien,
en fait, la perception que vous partagez, je ne me l'étais pas posée, mais je
trouve que ça fait beaucoup de sens. Spontanément comme ça, on n'y a pas pensé,
mais, oui, je pense qu'il y a des gens qui ne cherchent pas nécessairement la
voie criminelle et que parfois la ligne est mince entre les deux et qu'ils
vont, j'espère, privilégier cette procédure-là qui, comme vous le dites, est
accélérée et simplifiée par rapport au 810 criminel. Parce que, le 810, en
matière criminelle, il est plutôt rare que la procédure est initiée avec un
810. C'est plutôt une manière de terminer les procédures, le 810 en criminel.
Alors, pour moi, est-ce que ça va les évacuer ou ça va plutôt... On va... Ça va
être difficile à quantifier parce que ça va être vraiment dans la tête des gens
et dans l'information qui va leur être transmise, à savoir quelle décision ils
vont prendre. Mais certainement que c'est un outil de plus qui va en tout cas
ne pas encombrer davantage le système judiciaire criminel. Pour moi, je ne vois
pas pourquoi ça devrait augmenter le nombre de dossiers. Le seul effet
potentiel, c'est de les réduire.
Mme Nichols : Oui, en effet,
moi aussi... Bien, en fait, je vous donne presque mon opinion, là, mais je me
disais... je ne pense pas que ça va avoir... il va y avoir une incidence sur
les volumes, peut-être, au civil, mais moins au criminel ou, en fait, ils
pourront quand même utiliser les deux, mais... Ou des fois je me dis :
Peut-être que la victime, tu sais, ce qu'elle ne veut pas, c'est que son image
circule ou elle ne veut pas que... Ça fait que peut-être qu'ils vont utiliser
juste le civil puis ils vont se dire : Bien, on n'ira pas du côté
criminel, on va rester juste au niveau civil. Ça fait que c'est pour ça que je
me demandais si vous aviez envisagé une incidence, si vous aviez envisagé quelque
chose au niveau criminel.
Mme Boulet (Marie-Pier) : Bien,
je vous dirais que, dans notre pratique... dans notre pratique, par contre, là,
même si je représente des gens qui sont accusés à la base comme criminaliste,
il n'est pas rare que ces gens-là peuvent être même à la fois victime, là. Vous
savez, les plaintes croisées, c'est quelque chose qui se passe. Plainte
croisée, un porte plainte contre l'autre et...
Mme Boulet (Marie-Pier) : ...et
vice et versa, puis la violence conjugale des fois c'est... on qualifie ça de
relation toxique, là. On n'est pas bons l'un et l'autre pour l'autre. C'est
vraiment tout un phénomène. Et donc des fois les gens, effectivement, le
810 criminel, là, on peut le faire de manière privée. Je pourrais initier
une procédure 810, moi, comme avocate pour un client, mais sincèrement,
là, je n'ai aucune idée comment le faire.
Mme Nichols : O.K.
Mme Boulet (Marie-Pier) : Dans
le sens de dire, c'est quand même complexe. La mécanique que vous proposez
m'apparaît beaucoup plus claire et accélérée.
Mme Nichols : Merci beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Me Boulet et Me Cardin, merci
beaucoup d'avoir été avec nous. Alors, on suspend quelques instants pour
accueillir le représentant... représentante de l'Union étudiante du Québec.
Donc, on se revoit dans quelques instants. Merci beaucoup.
Des voix : Merci.
(Suspension de la séance à 15 h 37
)
(Reprise à 15 h 39
)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux. Alors, c'est un grand plaisir que nous
accueillons les représentants et représentantes de l'Union étudiante du Québec,
donc Mme Andrée... Audrey Fortin et M. Étienne Paré, président. Merci beaucoup
d'être avec nous. Vous connaissez les règles, 10 minutes de présentation,
une période d'échange avec les membres. Donc, la parole est à vous. Merci
beaucoup, encore une fois, d'être avec nous.
M. Paré (Etienne) : Bien,
merci beaucoup. M. le Président. Merci, chers membres de la commission, de nous
accueillir aujourd'hui. On est vraiment contents que vous avez pris le temps,
là, de considérer notre mémoire, notre soumission. On va pouvoir faire une
petite présentation, mais avant, je voulais m'introduire, là, je m'appelle
Étienne Paré, je suis président de l'Union étudiante du Québec. Je suis
accompagné aujourd'hui de ma collègue Audrey. Je te laisserais peut-être...
Mme Fortin (Audrey) : Oui.
Bonjour, tout le monde! Mon nom est Audrey Fortin. Je suis coordonnatrice à la
mobilisation et aux relations associatives de l'Union étudiante du Québec. Je
suis également infirmière et étudiante au baccalauréat en sciences infirmières
à l'UQAR, campus de Lévis.
M. Paré (Etienne) : Donc,
avant d'entrer dans le vif de notre mémoire, là, je voulais simplement faire
peut-être une petite mise en contexte, là, pour les membres de la commission,
notamment qui nous sommes, l'Union étudiante du Québec. On est une association
étudiante nationale qui représente plus de 103 000 personnes étudiantes à
travers 13 associations membres. Nos membres sont répartis un peu partout
à travers le Québec, là, de l'Abitibi-Témiscamingue à Sherbrooke, en passant
par Chicoutimi, Drummondville, Lennoxville, Lévis et Montréal.
La mission de l'Union étudiante du Québec,
c'est de travailler à l'amélioration des conditions de vie et d'études de la
population étudiante universitaire tout en défendant les droits et les intérêts
de celle-ci. Nos champs d'action sont très variés. Là, on travaille sur des dossiers
tels que l'aide financière aux études, financement des universités, les
différentes populations spécifiques, là, telle que la population étudiante
internationale, ou les parents aux études, ou encore la lutte et la prévention
des violences à caractère sexuel sur les campus universitaires.
C'est d'ailleurs en travaillant sur cet
enjeu spécifique de la vie universitaire que l'UEQ est venue à développer un
intérêt particulier pour tous les projets touchant de près ou de loin aux
violences à caractère sexuel. On a été partie prenante, là, de plusieurs
avancées en la matière, notamment l'adoption de la Loi visant à prévenir et
combattre les violences à caractère sexuel dans les établissements
d'enseignement supérieur.
• (15 h 40) •
On a également milité depuis plusieurs
années pour l'exclusion des violences à caractère sexuel des clauses d'amnistie
des conventions collectives dans les établissements d'enseignement supérieur,
un enjeu qui s'est réglé par l'adoption de la Loi visant à prévenir et combattre
le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel en milieu de
travail l'an dernier. Ça fait que je pourrais me permettre de remercier tous
les parlementaires ici qui ont contribué à l'adoption de cette loi-là l'an
dernier...
M. Paré (Etienne) : ...c'est
quelque chose que... apprécié à ce moment-là. L'objectif de cette mise en
contexte, là, c'était de vous informer un peu par rapport à l'intérêt qu'on
porte pour ce projet de loi là, là, qui vise à contrer le partage sans
consentement d'images intimes. Étant des représentants élus d'un groupe d'âge
qui est probablement le plus affecté par les conséquences de ces actes-là, on
trouvait que c'était important de venir travailler à bonifier le projet de loi.
On salue énormément l'initiative du ministre de la Justice, puis on est bien
heureux de voir le gouvernement puis l'Assemblée nationale du Québec se pencher
sur cet enjeu. Ça fait que c'est donc dans cet état d'esprit d'ouverture et de
collaboration, là, qu'on est présents aujourd'hui pour souligner les bons coups
puis proposer des pistes d'amélioration.
On tenait d'ailleurs d'entrée de jeu à
souligner certains aspects du projet de loi. On salue que le projet de loi
explicite la notion de consentement entourant le partage d'images intimes et
qu'un partage fait sans consentement représente bel et bien une violence à
caractère sexuel. On pense que c'est un ajout, là, qui est très... très
judicieux. On souligne également la volonté de faciliter le processus de
témoignage pour les personnes victimes dans le cadre de ce projet de loi ci.
L'UEQ considère que c'est important de soutenir autant que possible les
personnes victimes qui souhaitent porter plainte, là, surtout lorsqu'on
considère tous les éléments de méfiance historique, là, à l'égard du système
judiciaire. On salue vraiment, là, la mise en place de ces mesures-là.
Mais toutefois, il y a un aspect qu'on
aurait aimé voir le projet de loi aborder plus spécifiquement, et plus
frontalement, plus directement, je vous dirais, et c'est ce qui nous semble
être le problème des prochaines années, de la prochaine génération, c'est au
niveau de l'intelligence artificielle générative. Puis je vais donc laisser
Audrey, là, nous présenter nos demandes pour ce volet-là.
Mme Fortin (Audrey) : Oui.
Donc, en fait, là, pour l'Union étudiante du Québec, c'est essentiel d'inclure
et de nommer clairement la notion d'hypertrucage, ainsi que l'utilisation de
l'intelligence artificielle dans le projet de loi présentement à l'étude. Pour
faire un petit rappel, l'hypertrucage consiste à utiliser le visage d'une
personne pour générer des images intimes sans son consentement. Pourtant, ce
projet de loi ne mentionne pas explicitement l'interdiction de cette notion.
C'est pourquoi, dans le mémoire que nous vous présentons aujourd'hui, l'UEQ
recommande d'intégrer explicitement l'intelligence artificielle dans la
définition d'images intimes, notamment à l'article deux du projet de loi. En
effet, cela permettrait de préciser que toute création, modification ou
génération d'images intimes via des technologies en d'intelligence artificielle
est considérée comme problématique et doit être sévie par la loi.
L'UEQ craint de voir l'utilisation
croissante de l'intelligence artificielle pour produire du contenu
pornographique, et ce, sans consentement. Pour nous, l'hypertrucage pose une
double problématique, non seulement les images peuvent circuler sans le
consentement des personnes concernées, mais elles sont également créées sans
volonté de la part des personnes concernées. Ce n'est pas seulement une image
qui circule dans un cercle plus grand que celui désiré, c'est la création sans
la participation et/ou le consentement du sujet de l'image pornographique, ce
qui nuit à la dignité des personnes victimes.
En effet, imaginer voir circuler sur les
réseaux sociaux ou sur les sites de pornographie votre visage ou celui de vos
enfants sur le corps d'une autre personne. Cela nous permet également de nous
poser une question, à savoir jusqu'où cela peut aller. C'est facile d'accès, ça
ne requiert qu'une maîtrise minimale des outils de génération d'images. C'est
une situation qui est terrifiante auquel nulle personne ne devrait être
confrontée.
Un article de Radio-Canada en 2023
mentionnait avoir fait le test de prendre l'image d'une jeune femme créée par
l'intelligence artificielle à la plage, portant une robe d'été, une photo que
plusieurs personnes publieraient sur les réseaux sociaux. Ils ont ensuite
téléversé la photo sur un site, puis en quelques minutes, l'algorithme avait
déjà analysé et retiré les vêtements pour exposer un corps nu. Un autre exemple
tragique est celui de... un père dont la fille a été assassinée il y a
18 ans. Récemment, son image est réapparue sur les réseaux sociaux,
permettant aux gens d'interagir avec une représentation de celle-ci sous forme
de chatbot comme si elle était encore en vie. Cette commercialisation nuit non
seulement à la mémoire de la victime, mais provoque aussi d'intenses
répercussions psychologiques pour la famille en remuant les souvenirs du passé.
C'est un exemple important, car nous pouvons facilement nous imaginer une
situation pornographique d'un chatbot bottes qui effectue par exemple des
faveurs sexuelles avec le visage d'une autre personne qui n'a pas donné son
consentement.
Sujet dont l'UEQ voudrait couvrir par le
projet de loi visant à contrer le partage sans consentement d'images intimes.
Nous croyons qu'il est important d'expliciter l'utilisation de l'intelligence
artificielle et de l'hypertrucage dans le projet de loi pour prévenir ces
utilisations et s'assurer de la facilité des recours des victimes de ces
utilisations malveillantes de cette technologie. L'été dernier, la voix de
plusieurs journalistes, notamment celle d'Anne-Marie Dusseau, a été utilisée
pour inciter les gens à télécharger une application de jeu de hasard,
prétendant qu'elle pouvait leur faire gagner des millions de dollars. Certes,
il était possible de discerner le vrai du faux, mais cette technologie évolue
rapidement et deviendra de plus en plus difficile à déceler.
En poussant la réflexion un petit peu plus
loin, c'est un exemple de désinformation qui pourrait par exemple être utilisée
pour inciter les gens à effectuer des actes sexuels...
Mme Fortin (Audrey) : ...avec
l'intelligence artificielle, il n'y a pas de limite. Il s'agit d'une base de
données sans fin. Et ça, c'est inquiétant.
Les techniques... Les technologies
évoluent extrêmement rapidement. Et nous croyons qu'on a le rôle commun
d'anticiper les conséquences de l'hypertrucage. Il faut donc prévenir ces abus
avant que davantage de vies ne soient détruites. L'UEQ est convaincue que le
droit doit être bonifié pour interdire la création et la diffusion de contenus
d'hypertrucage d'images ou de vidéos produites par l'intelligence artificielle
à caractère sexuel sans consentement.
M. Paré (Etienne) : C'est
ce qui mettrait fin à ce qu'on amène dans le cadre de ce mémoire, là, mais nos
demandes sont assez simples. On pense que c'est important de bien l'expliciter
dans la loi, là, pour s'assurer que le travail est fait de ce volet-là. Encore
une fois, on salue l'initiative, on salue le projet de loi no 73. On y est
très favorables. Mais nous, ce qu'on souhaite vraiment, là, c'est de s'attaquer
aux enjeux du futur puis de, je pourrais vous dire, là, de... Il vaut mieux
prévenir que guérir, là, dans ce domaine-ci. Ça fait qu'on serait maintenant
prêts, là, à prendre vos questions puis à échanger avec vous.
Le Président
(M. Bachand) :Merci beaucoup, encore
une fois, d'être avec nous. C'est un grand privilège. M. le ministre, s'il vous
plaît.
M. Jolin-Barrette : Merci,
M. le Président, M. Paré, Mme Fortin. Bonjour. Merci de participer
aux travaux de la commission pour l'Union étudiante du Québec. Écoutez, vos
propos sont pertinents relativement à ce que l'intelligence artificielle, ça va
être soit bénéfique ou même un mal des années à venir. Donc, c'est important de
l'encadrer puis de le couvrir. Mais déjà le projet de loi vient le couvrir.
Donc, ce n'est pas indiqué, l'hypertrucage, mais la définition qu'on a mise à
l'article 2 du projet de loi, justement, vient le couvrir pour faire en
sorte que la définition ne soit pas rigide et qu'elle puisse s'adapter parce
qu'on ne sait pas... Aujourd'hui, on sait ce qu'est l'hypertrucage, mais il
faut la définir en termes qui sont assez larges pour venir couvrir des
situations avec l'intelligence artificielle, supposons, qui vont pouvoir avoir
une résultante du produit fini qu'on veut empêcher.
Donc, quand on voit l'article 2,
là : «Constitue une image intime, toute image modifiée ou non,
représentant ou semblant représenter une personne soit nue ou partiellement
nue, exposant ses seins, ses organes génitaux, sa région anale ou ses fesses,
soit se livrant à une activité sexuelle explicite lorsqu'elle pouvait
s'attendre de façon raisonnable à ce que sa vie soit protégée, que ce soit dans
les circonstances de la création, de la captation ou de l'enregistrement de
cette image ou, le cas échéant, celles où elle est partagée». Donc la
définition d'image intime est... en termes larges, indiquant ainsi qu'elle
comprend déjà les images modifiées ou créées par l'intelligence artificielle,
où l'utilisation des termes «modifiée ou non» et «semblant représenter» permet
d'inclure les images modifiées, les fausses images incluant les hypertrucages.
Et le verbe «sembler» signifie représenter l'apparence de, ou de donner
l'impression de quelque chose ou de quelqu'un.
Donc, on utilise des termes neutres
technologiquement. C'est pour ça que c'est rédigé de cette façon-là. Ça fait
que je partage avec vous votre objectif que l'intelligence artificielle, les
hypertrucages soient visés. Et d'ailleurs, le professeur Trudel, hier, de
l'Université de Montréal, soulignait le fait qu'on venait couvrir les
hypertrucages de l'intelligence artificielle aussi avec le projet de loi. Donc,
je partage l'objectif que vous avez. Puis c'est pour ça qu'on vient le couvrir
dans la loi. Mais je comprends que votre demande, c'est d'écrire «intelligence
artificielle» et «hypertrucage».
M. Paré (Etienne) : Oui.
Bien, en fait, on entend ce que vous nous mentionnez. Puis nous, la raison
justement pour laquelle on amène cette demande-là, c'est qu'on veut s'assurer
que ce soit bien clair, notamment dans une optique où les gens qui subissent ce
genre de violence là doivent être en mesure de savoir qu'elles ont des recours.
Je pense que c'est important de l'expliciter parce que, quand on parle, par
exemple, d'une image intime modifiée, on n'a pas nécessairement la... Tu sais,
la personne peut l'interpréter comme une image déjà existante, et non pas
quelque chose qui a été créé de toute pièce. Nous, le volet qui vient nous
inquiéter avec l'intelligence artificielle, c'est qu'à ce moment-ci on peut
prendre des images sur les réseaux sociaux de quelqu'un, un simple visage, le
mettre sur le corps de n'importe qui, n'importe quoi, n'importe comment puis
créer des vidéos également. On aimerait que le projet de loi soit un peu plus
explicite pour aller un peu plus loin, juste pour s'assurer d'avoir une bonne
compréhension.
• (15 h 50) •
Puis je reprendrais un peu, là, ce qui a
été mentionné dans le mémoire du Barreau du Québec à ce niveau-là, c'est aussi
l'enjeu de si les gens qui ne sont pas juristes le lisent puis ne le
comprennent pas, bien, il faut qu'on soit en mesure de faire connaître leurs
droits à ce moment-là, puis je pense que c'est un aspect qui est intéressant,
en venant l'expliciter davantage dans la loi, ça permettrait de répondre à cet
enjeu-là parce que ni moi ni Audrey ne sommes juristes, puis nous, notre
interprétation, ce n'était pas que c'était inclus dans le projet de loi sous la
mouture actuelle.
M. Jolin-Barrette : Je
comprends votre commentaire. Sur la question du délai, là, pour faire retirer,
là, vous, vous souhaiteriez un délai de temps, un délai maximal. Nous, on dit
que la demande d'ordonnance est instruite est jugée d'urgence. Donc, ça veut
dire le plus...
M. Jolin-Barrette : ...rapidement
possible. Je comprends que vous, vous voudriez un délai fixe dans la loi, c'est
ça?
M. Paré (Etienne) : Bien, en
fait, on s'inspirait de ce qu'on connaît, donc la Loi sur... pour la protection
sur les campus, qui met un délai de traitement maximal de la plainte de
80 jours. Là, je ne vous mentirai pas que, nous, le plus rapidement
possible, c'est ce qui nous semble bon. On a juste une certaine inquiétude que
si on garde ce flou, s'il y a une avalanche de plaintes qui surviendrait, là,
suite à l'adoption de la loi, puis qu'on ne soit pas en mesure de les traiter
dans des délais raisonnables, là, par les procédures administratives, on aurait
peut-être aimé avoir un délai maximal d'inscrit dans la loi, mais après ça, à
ce niveau-là, c'est vraiment... c'est une supposition de notre part, là, basée
sur ce qu'on connaît bien.
M. Jolin-Barrette : Bien,
parce qu'il y a 90 jours est loin, là, nous, là, c'est d'une façon
urgente. Ça fait qu'une façon urgente, c'est comme... vous savez, il y a des
juges de garde à tous les jours, là, donc, c'est vraiment très, très
rapidement. On ne peut pas dire aux juges quand siéger, quand entendre
l'affaire, parce que ça relève l'indépendance judiciaire. Les législateurs
indiquent quand même que c'est urgent puis que c'est entendu très rapidement.
Globalement, là, je comprends que vous
recevez bien le projet de loi. Pouvez-vous nous parler de ce fléau-là? Parce
que, bon, l'union étudiante, vous représentez des gens qui sont à l'université,
donc théoriquement entre 19 et 100 ans, là.
M. Paré (Etienne) : Ça peut
être très vieux, hein?
M. Jolin-Barrette : Et plus
de 100 ans, là, s'ils font un postdoctorat, là. Mais c'est quoi la réalité
sur le partage d'images intimes qui, supposons, qui vous est rapportée par vos
membres, ou la réalité, là, à l'université, là?
M. Paré (Etienne) : Bien, nous,
ce qu'on entend sur les campus, là, puis on peut peut-être le prendre en deux
points, là, le volet images intimes puis le volet intelligence artificielle, ce
n'est pas très différent de ce que vous avez entendu des autres groupes
d'intervenants, là, depuis le début de la consultation. C'est souvent dans une
histoire de violence, souvent dans une question relationnelle, c'est des enjeux
qui ne sont rapportés de temps en temps à l'égard, justement, là, de vengeance
qui pourrait être faite à l'égard de quelqu'un, par exemple, suite à une
séparation, là, dans un contexte un peu plus de violence conjugale, là, c'est
vraiment quelque chose qu'on peut observer sur les campus. On n'est pas à
l'abri de ça, surtout considérant qu'on est... on fait partie de la génération
qui a appris au fur et à mesure à utiliser ces appareils-là, si je peux me
permettre, là. Moi, j'ai 26 ans puis j'ai vu l'apparition du cellulaire à
l'école, l'apparition de Snapchat, Instagram, ces applications qui nous
permettent de partager assez rapidement les images, qui est un enjeu qui
n'était probablement pas présent avant l'apparition de ces technologies-là.
Puis c'est... vraiment, c'est ce qu'on entend sur les campus, là, c'est que ça
arrive assez fréquemment, puis il n'y a pas nécessairement de recours.
C'est sûr que, bon, je peux aussi parler
de mon double chapeau, mais je suis enseignant au secondaire de formation,
c'est sûr, c'est un enjeu qu'on voit peut-être plus souvent chez les plus
jeunes, parce qu'il y a moins de sensibilisation, moins d'éducation à cet
âge-là que nous, à cette heure, à l'université, avec les formations, puis tout
ça, je pense qu'il y a quand même du chemin qui a été fait à ce volet-là.
Puis c'est pour ça que j'ai fait le pont
vers l'intelligence artificielle, puis c'est ça qui nous inquiète
significativement, parce qu'au niveau de l'intelligence artificielle, ce n'est
même plus... tu sais, avant, bon, l'image intime qui est partagée sans
consentement, elle a possiblement été produite avec consentement. Donc, il y a
au moins cet aspect-là qui rentre en ligne de compte. Quand on parle de
l'intelligence artificielle, c'est le visage de n'importe qui qu'on peut mettre
n'importe où. Puis c'est vraiment ça qui vient créer cette nouvelle
inquiétude-là par rapport à cette technologie-là, notamment parce que les plus
jeunes générations semblent avoir une certaine aptitude à utiliser assez
facilement ces plateformes-là. Là, on vous parle seulement de ce qui est
accessible à tous, mais, tu sais, si on va fouiller un peu sur Internet,
j'imagine qu'il y a des applications beaucoup plus poussées qui peuvent faire
des trucs beaucoup plus inquiétants que ce que nous, on peut voir en ce moment.
On n'a pas eu tant de situations propres
au Québec pour le moment concernant l'intelligence artificielle générative, par
contre, on en entend beaucoup parler en provenance des États-Unis puis de
l'Europe. Puis c'est beaucoup nos membres qui nous ramènent ces situations-là,
qui nous partagent des articles de : Aïe, on a vu qui se passe telle
affaire aux États-Unis, est-ce que le Québec a l'intention de légiférer bientôt
sur ça. On a peur que ça arrive sur nos campus à nous ici à ce moment-là. Ça
fait que je vous dirais que, pour ce volet-là, c'est vraiment plus là qu'on en
est. Puis c'est pour ça, quand on a vu le dépôt de ce projet de loi là, on
s'est dit : Ah, bien, voici une occasion d'avoir une conversation, d'avoir
un débat sur l'utilisation de cette intelligence artificielle là, qui est
encore, évidemment, là, très peu encadrée, que ce soit en enseignement
supérieur ou dans tous les domaines, là.
M. Jolin-Barrette : Mais
peut-être une dernière question avant de céder la parole à mes collègues, là.
Vous avez abordé la question de c'est beaucoup dans le cadre de relations
intimes, supposons, de violence, tout ça, qu'en est-il des cas de sextorsion?
Donc, est-ce que vos membres vous rapportent ça également?
Mme Fortin (Audrey) : Bien,
c'est sûr que la sextorsion, c'est quand même un enjeu aussi. Puis, dans notre
mémoire, on parle, puis qu'est-ce que vous avez mentionné aussi que, dans les
dernières années, c'est 300 % qui a augmenté, là, de cas de sextorsion.
Puis, tu sais, selon moi...
Mme Fortin (Audrey) : ...c'est
sûr que le fait d'utiliser l'intelligence artificielle puis le fait
d'hypertrucages, bien, c'est aussi en cohésion, en fait, avec la sextorsion,
parce qu'une image peut être fausse puis être quand même utilisée comme cas de
sextorsion, ça fait que d'où l'importance justement de mettre un encadrement
plus clair dans la loi concernant l'hypertrucage puis l'intelligence
artificielle.
M. Jolin-Barrette : Excellent.
Je vous remercie grandement d'être venue en commission parlementaire
aujourd'hui pour l'Union étudiante du Québec.
Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, M. le ministre. M. le député de
Vanier-Les-Rivières, s'il vous plaît.
M. Asselin : Merci, M.
le Président. Combien de temps je dispose?
Le Président
(M. Bachand) :Ah! le temps que vous
voulez. Non, mais sept minutes. Sept minutes.
M. Asselin : Tabarouette!
Écoutez, je suis très heureux de pouvoir parler puis de vous accueillir à
l'Assemblée nationale, M. Paré et Mme Fortin. Les témoignages
d'étudiants en particulier aux commissions parlementaires, on est toujours ravi
de pouvoir vous recevoir.
Je voudrais vous poser une question. Dans
votre mémoire, vous saluez le fait que des personnes victimes pourraient
dorénavant témoigner à distance ou être accompagnées entre autres. Est-ce que
vous avez déjà entendu parler de, dans votre population étudiante, de gens qui
auraient, disons, refusé de témoigner parce qu'ils... ou d'intenter des
procédures parce qu'ils seraient confrontés à leur agresseur entre guillemets,
là? Est-ce que c'est des cas dont vous avez déjà entendu parler?
Mme Fortin (Audrey) : Bien,
je ne pense pas qu'il y ait nécessairement de cas spécifiques qu'on a entendu
parler, mais c'est sûr que quand on parle de violences à caractère sexuel, on
s'entend que c'est toujours difficile d'en parler ouvertement dans un grand
public. Puis ça, bien, ce n'est pas nécessairement tout le monde qui est ouvert
non plus à être face à face vis-à-vis son agresseur. Mais je pense que c'est
important. Puis on salue également dans le projet de loi qu'il y ait des ressources
et qu'il y a un soutien qui soit offert aux personnes victimes dans des cas
comme ça.
M. Asselin : Merci.
Le Président
(M. Bachand) :Mme la députée de
Laval-des-Rapides.
Mme Haytayan : Merci, M.
le Président. Bonjour. Merci pour votre temps. Est-ce que... Est-ce que vous
pensez que les sanctions pénales qui seront imposées vont permettre de prévenir
ce genre de partage d'images intimes? Est-ce que sur le terrain, vous en
entendez parler? Est-ce que vous sentez que ça va faire une différence, que ça
va envoyer un message comme quoi que, tu sais, c'est grave, c'est sérieux,
c'est inacceptable?
M. Paré (Etienne) : Bien,
c'est certain que... Tu sais, on n'est pas juriste non plus, là, puis je vais
être transparent sur ce volet-là. Ceci étant dit, on pense que déjà d'avoir des
sanctions, c'est un premier pas. Après ça, je pense qu'il faudra les faire
connaître aussi. Je pense qu'un des enjeux qui va y avoir, une fois que cette
loi-là va avoir être adoptée, c'est peut-être de faire une campagne
d'information, puis peut-être utiliser des mécanismes... Il y a des
organisations comme Juripop ou Éducaloi pour faire circuler cette
information-là, mais je pense qu'il y a vraiment un enjeu de faire connaître
ces sanctions-là.
Parce que j'ai l'impression, puis je parle
de mon vécu, tu sais, ça ne fait pas si longtemps que ça que j'ai été
adolescent puis que j'ai découvert ces affaires-là, j'ai été dans des classes
comme adulte, comme enseignant. Je pense qu'il y a un aspect de manque de connaissance.
Je pense qu'il y a beaucoup de ces jeunes hommes là, parce que c'est
principalement les jeunes hommes qui commettent ce genre d'action là, qui ne
sont probablement même pas conscients de ce qu'ils font.
Après ça, bon, au niveau universitaire, rendu
à notre âge, je pense que ce n'est plus une excuse qu'on peut utiliser, ceci
étant dit, là, mais je pense que c'est vraiment, là, ça va être un premier
aspect à considérer. Après ça, je pense que d'avoir des sanctions sévères, là,
on va toujours être favorable à ça parce qu'on pense que c'est des gestes qui
sont... qui ne sont pas pardonnables, notamment parce que dans le cas de
l'intelligence artificielle, ils pourraient y avoir, là, tu sais, facilement,
une fausse croyance que parce que ce n'est pas une vraie image, donc, ça fait
moins de tort, donc, que ce que j'ai fait, ce n'est pas grave. Ça fait que
d'avoir des sanctions claires qui permettent de faire de ces gens-là des
exemples, je pense que c'est une bonne chose.
Mme Haytayan : Parfait.
Merci.
• (16 heures) •
Le Président
(M. Bachand) :Autres interventions
du côté gouvernemental? Mme la députée...
Une voix : ...
Le Président
(M. Bachand) :Il reste quatre
minutes. Mme la députée de Lotbinière-Frontenac.
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Merci. Merci d'être là. Moi, je voudrais
savoir, et vous l'avez dit dans votre mémoire, l'étape du témoignage peut être
revictimisante pour une personne victime. C'est pourquoi on prévoit seulement,
tu sais, le dépôt de jugement de culpabilité en matière criminelle qui va
suffire à prouver la faute. Est-ce que vous croyez que cette mesure-là va
favoriser les actions en dommages-intérêts?
M. Paré (Etienne) : C'est
une bonne question. Je serais porté à croire que oui puis à espérer, à tout le
moins. Tu sais, nous, la plupart des mesures qu'on a vu être proposées dans le
projet de loi, ça semble être une manière de venir supporter les gens dans le
processus...
16 h (version non révisée)
M. Paré (Etienne) : ...de
plaintes puis de rendre tout ça plus facile. Après ça, tu sais, je pense que
chaque situation est particulière, puis, tu sais, je me verrais bien mal m'avancer.
Tu sais, je ne suis pas... je ne suis pas autant un expert que les autres
groupes que vous avez pu entendre sur la question, donc je me garderais d'être
trop précis dans ma réponse, là.
Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) :
Parfait. Puis j'avais une autre question concernant l'hypertrucage. Je vous
en avais parlé tout à l'heure. Selon vous, est-ce que vous considérez que l'impact
puis les conséquences sur les personnes victimes est le même qu'une vraie
image?
Mme Fortin (Audrey) : Bien, c'est
sûr que c'est difficile à dire, parce que je pense que, quand qu'on parle de
violence à caractère sexuel, ça n'a pas nécessairement le... c'est un gros
impact, peu importe, là. Mais, tu sais, le fait qu'il y ait une image, un
visage... en fait, que ton visage est associé à un corps qui n'est pas le tien,
veux veux pas, il y a quand même... c'est encore plus qu'un manque de
confiance, en fait, qui est fait, là, d'où l'importance, encore une fois, d'expliciter
clairement dans la loi. Parce que, tu sais, je veux dire, si tu n'as même pas
de contrôle non plus sur la diffusion que ça va avoir puis l'impact, là... Tu
sais, on le sait, les réseaux sociaux, ça va vite, ça va extrêmement
rapidement, puis de voir ton visage sur le corps d'une autre personne qui n'est
pas le tien... Puis, tu sais, la technologie, ça avance vite aussi, ça fait que
ça va devenir de plus en plus difficile à déceler, le vrai du faux, ça fait
que...
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée
de La Pinière, s'il vous plaît.
Mme Caron : Merci, M. le
Président. Alors, merci beaucoup à vous d'être venus en commission
parlementaire et d'avoir déposé votre mémoire. Je dirais que je vous félicite
parce que vous êtes d'avant-garde. Vous voyez... Vous êtes à même de voir ce
qui se passe et ce qui... peut-être qui est plus prévalant, comme vous l'avez
dit, dans d'autres pays, mais qui va nous rattraper parce qu'on ne vit pas en
vase clos au Québec. Alors, merci pour ça, de nous jeter cet éclairage-là.
Ce que je comprends, ce que je crois
comprendre de votre demande d'inclure explicitement l'hypertrucage ou l'intelligence
artificielle dans... peut-être dans l'article 2 ou, en tout cas, dans le
projet de loi, pour reprendre les mots que monsieur utilisait tout à l'heure, c'est
que non seulement vous voulez qu'on parle d'une image intime, modifiée ou non,
mais qui est créée de toute pièce par hypertrucages ou par des logiciels, des
outils d'intelligence artificielle, c'est ce que j'ai compris. C'est bien ça? Et
donc... Parce que, quand vous parlez d'images, le visage d'une personne peut
être mis sur le corps d'une autre qui... d'une autre personne, ça peut être
difficile... parfois, ça peut être assez évident de voir que c'est du trucage,
mais quand l'idée est de vouloir faire passer ça pour la réalité, c'est sûr que
va être moins évident de le voir. Et, à ce moment-là, est-ce que la personne
qui fait l'objet... dont le visage fait l'objet de l'hypertrucage, est-ce que
cette personne-là aura aussi une voie rapide pour faire cesser la diffusion de
ces images-là? Je pense que c'est une des inquiétudes, une des préoccupations
que vous avez, c'est ce que je comprends dans votre demande de faire inclure
ces mots-là spécifiquement.
Vous nous avez donné deux exemples qui m'ont
assez interpellé quand vous avez dit que la victime, par exemple, d'un acte
criminel décédé il y a 18 ans, son visage a été repris sur le corps de
quelqu'un d'autre, si on ne parle pas spécifiquement d'hypertrucage, est-ce que
les proches, par exemple, de cette victime-là auraient le réflexe de dire :
Je vais invoquer cette loi-là pour que ça cesse? Est-ce que cette personne-là
aura la voie rapide aussi pour que ça cesse? Question...
Mme Fortin (Audrey) : Oui,
bien, justement, c'est... je trouve ça hyperpertinent, ce que vous mentionnez,
parce que, justement, ça peut servir aussi pour la famille puis les proches,
puis je pense que c'est une certaine méthode aussi de... je n'aime pas utiliser
ces mots-là, mais passer à travers ces certaines épreuves-là. Puis, tu sais, on
s'entend que l'exemple que vous avez cité, tu sais, la jeune femme, elle a été
assassinée il y a 18 ans, puis ça... il y a des répercussions encore
aujourd'hui. Ça fait que je trouve ça hyperpertinent de le mentionner, puis d'où
l'importance de, justement, le mettre explicitement dans la loi et offrir aux
familles également ce soutien-là.
Mme Caron : Puis un autre
exemple que vous nous avez apporté, une photo d'une personne sur la plage qui
est habillée, mais, en deux temps trois mouvements, avec un logiciel, on peut
aussi la déshabiller. À ce moment-là, c'est aussi un cas... Est-ce que cette
personne sera couverte par l'article de loi telle quel...
Mme Caron : ...ou est-ce
qu'il vaut mieux aller plus loin dans la précision? Même si peut-être que
l'intention du législateur est, oui, de couvrir ça, bien, que ce soit... que ce
soit plus clair. C'est ce que... C'est ce que vous demandez?
Mme Fortin (Audrey) : Oui, exactement.
On demande à ce que ça soit plus explicitement dit dans la... le projet de loi.
Mme Caron : Est-ce que...
Dans l'éventualité où l'article ne serait pas modifié... l'article 2 ne
serait pas modifié en fonction de ce que vous demandez, hypertrucage ou
intelligence artificielle, ou tout ça, est-ce que vous craignez que le fait
qu'on... Si je lis l'article : «Constitue une image intime toute image,
modifiée ou non, représentant ou semblant représenter une personne soit nue ou
partiellement nue, exposant ses seins, ses organes génitaux, sa région anale ou
ses fesses, soit se livrant à une activité sexuelle explicite lorsqu'elle
pouvait s'attendre de façon raisonnable à ce que sa vie privée soit protégée»,
etc. On fait... On fait référence aux parties du corps de cette personne... de
cette personne-là, sauf que, si on voit son visage mais que les parties du
corps ne sont pas son corps parce que c'est de l'hypertrucage, est-ce que vous
craignez que cette personne-là n'aura pas de recours en justice parce que
quelqu'un pourrait dire : Bien, ce n'est pas son corps, elle ne l'a pas...
ça ne répond pas à ça.
M. Paré (Etienne) : Bien,
effectivement, que c'est une des craintes qu'on avait. Puis là après ça, tu
sais, on n'est pas juristes puis on n'est pas des experts d'interprétation des
articles de loi, mais c'est une des craintes qu'on avait à la lecture du
document. Notamment, tu sais, on le voit aussi un peu plus loin, là, quand
qu'on parlait de l'ordonnance, je pense, c'est à l'article neuf, tu sais,
«qu'elle est la personne représentée sur une image intime...» Tu sais, pour
obtenir l'ordonnance, il faut qu'elle démontre que la personne... Si c'est
seulement son visage puis pas son corps, est-ce qu'il pourrait y avoir
quelqu'un qui l'interprète, un juge qui décide de l'interpréter d'une autre
manière, parce que ce n'est pas la personne, c'est seulement le visage? Tu
sais, on ne veut... on ne veut pas être plates aujourd'hui, là, mais on n'a pas
toujours nécessairement confiance en le jugement de ces personnes-là, surtout
en matière de violences à caractère sexuel... va prendre la bonne décision.
C'est pour ça qu'on aurait aimé que le projet de loi soit un peu plus explicite
à ce volet-là, notamment parce que, en ce moment, on parle, tu sais, d'intelligence
générative. On parle d'images intimes, mais on n'a même pas encore vraiment
touché le gros de ce que ça peut être, là, tu sais, ça peut aller très loin, ça
peut être des vidéos. On a parlé de gens qui étaient décédés. On pourrait
parler de jeunes enfants aussi. On pourrait parler de pédopornographie, là. Tu
sais, c'est le genre de choses qui peuvent être assez immondes qu'on pourrait
voir dans le cas de ces genres de violences à caractère sexuel là, puis on veut
simplement s'assurer qu'on prévient au lieu de guérir, là, dans ces cas-là,
aujourd'hui, là. C'est vraiment juste ça l'objectif.
Mme Caron : Puis vous amenez
un point intéressant en disant : Ça pourrait être sur des enfants. À ce
moment-là, est-ce que les parents pourront emprunter la voie rapide pour
dénoncer l'utilisation d'images de leur enfant, par exemple, ou de... une image
hypertruquée, mais avec le visage d'un enfant. On voit tellement de visages qui
sont sur Facebook. On voit des vies complètes qui sont étalées sur Facebook par...
Puis souvent c'est parce que les parents sont très fiers, puis ils adorent
leurs enfants, puis ils veulent partager, là, mais il y a quand même un risque
d'utiliser... que ces images soient utilisées.
• (16 h 10) •
M. Paré (Etienne) : Oui,
c'est une crainte majeure. Je ne mentirai pas qu'en travaillant sur ce projet
de loi là, je suis devenu un peu parano moi-même à cet égard-là sur les images,
mais, effectivement... Puis, tu sais, ça revient un peu à ce que je mentionnais
plus tôt par rapport à, tu sais, faire de l'information, faire des campagnes
d'information, faire connaître ces ressources-là pour que les gens sachent que
dorénavant ces recours-là vont exister. Ça va être vraiment essentiel parce que
je pense qu'il va y avoir beaucoup de gens qui vont être un peu pris au
dépourvu par rapport à tout ça, qui ne sauront pas comment réagir. Puis quand
qu'on prend l'exemple de la jeune femme qui était décédée voilà 18 ans, tu
sais, son père est tombé sur ce cas-là. Un beau hasard parce qu'il y avait une recherche
Google associée au nom de famille. Il a reçu un courriel, lui disant : Ah!
le nom a été utilisé pour telle chose, puis il est tombé là-dessus... à tout
hasard. Tu sais, ce n'est pas nécessairement quelqu'un proche de la famille. Ce
n'était pas quelqu'un qui connaissait qui a fait ça. ...en tout cas, tu sais,
ça démontre à quel point ça peut aller loin puis ça peut être grave. Puis c'est
pour ça que de faire connaître autant que possible les recours puis d'être
autant... le plus clair possible qu'en matière d'intelligence artificielle
générative, la loi est claire puis elle intervient. On pense que ça serait la
meilleure solution à entreprendre.
Mme Caron : Oui. Donc, je
comprends, de faire connaître les recours. Vous avez parlé tout à l'heure que
la communauté étudiante universitaire était... commençait à être sensibilisée
quand même à ce genre de pratiques indésirables par les formations qui sont
données sur les... ce qu'est le harcèlement, et tout ça. Bien, vous avez aussi
dit que les plus jeunes peut-être au secondaire... cégep utilisent ces... les
outils de plus en plus, parce qu'ils apprennent à les utiliser comme vous de
votre génération vous avait appris à utiliser d'autres...
Mme Caron : ...d'outils avant.
Alors, est-ce que vous iriez jusqu'à dire qu'il y aurait besoin de
sensibilisation plus tôt chez les jeunes par rapport à ces éléments-là?
M. Paré (Etienne) : Bien, je
pense qu'il y a une question d'éducation qu'il faut qu'on se pose, évidemment,
en matière de technologie en général, notamment l'intelligence artificielle. Je
pense que ce qu'on a comme opportunité ici, c'est d'envoyer un message clair
par rapport à l'intelligence artificielle générative, parce que, tu sais, je
mentionnais que les étudiants universitaires commencent à être un peu plus
sensibilisés sur la notion de violence à caractère sexuel, mais avant ce projet
de loi là, la création de ces images-là n'était pas considérée comme une
violence à caractère sexuel, ces gens là ne faisaient, techniquement, rien d'illégal.
Donc, c'est vraiment pour ça que c'est important de légiférer très clairement.
Je pense qu'on est un peu à l'avant de la courbe en ce moment. Je pense qu'on a
la chance de gérer ce problème-là avant d'avoir un vrai cas scandaleux au
Québec. Ça fait que je pense que c'est le bon moment d'intervenir, parce qu'on
en a vu en Europe, on en a vu aux États-Unis, c'est une question de temps avant
que ça arrive, là.
Mme Caron : Effectivement.
Donc, vous invitez le législateur à être d'avant-garde et puis à s'assurer que
ces actes-là soient criminels, en fait, soient répréhensibles, ils le sont
répréhensibles, mais qu'on les sanctionne finalement. Et puis alors merci
beaucoup pour... encore une fois pour votre participation.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, Mme la députée
de La Pinière. Mme la députée de Vaudreuil, s'il vous plaît.
Mme Nichols : Merci, M. le
Président. Merci de votre présence, merci de votre mémoire et merci de votre
intérêt pour le sujet. C'est important. Je trouve ça intéressant d'avoir, tu
sais, la vision de l'union, de votre union. Puis j'ai aimé aussi votre chapeau
en tant qu'enseignant, ça nous a apporté... ça nous apporte un peu
d'information aussi, mais, en même temps, de préoccupation, parce qu'on a vu
que vous aviez une préoccupation aussi à cet effet là pour les jeunes, pour les
jeunes du secondaire.
Deux petites questions. La première, vous
parlez, là, du... le traitement de la demande, puis vous faites une
comparaison, entre autres, avec... parce que, dans une de vos recommandations,
là, vous dites qu'on devrait, là, donner un délai, là, pour le traitement de la
demande, puis vous, vous faites une comparaison quand une plainte est traitée,
entre autres, dans les établissements d'enseignement supérieur, puis c'est
90 jours, là. 90 jours, vous trouvez ça long ou pas assez long pour
traiter?
M. Paré (Etienne) : On trouve
ça long, mais comme on n'est pas des experts du système judiciaire, on s'était
dit : Si on a établi en 2017 que 90 jours c'est un délai qui était
raisonnable pour les établissements universitaires, on s'est dit : Pour
comme maximum, ça pourrait le faire. Ceci étant dit, si on est capables de nous
informer que c'est encore plus rapide que ça, on veut que ce soit traité le
plus rapidement possible, là. Soyez... soyons clairs sur ce point-là, là.
Mme Nichols : Puis là je n'ai
aucune idée, mais est ce que vous avez accès aux conclusions, souvent, quand
elles sont traitées, quand il y a des plaintes, justement, en lien avec... tu
sais, en lien, quand il y a une plainte dans un enseignement... un
établissement d'enseignement supérieur en lien, là, avec les violences à
caractère sexuel, est ce que vous, vous avez... Tu sais, parce que je me
dis : Le 90 jours est ce que ça arrive que l'établissement
dise : Bien, on n'a pas eu le temps de traiter la plainte dans le
90 jours, on va en prendre un peu plus? Est-ce que vous, vous êtes au
courant de tout ça? Est-ce que c'est porté à votre attention?
M. Paré (Etienne) : Bien,
normalement, ma compréhension, c'est qu'à la fin du processus, il serait
possible pour la personne victime de faire une demande pour obtenir
l'information, mais comme c'est des dossiers disciplinaires puis ce n'est
pas... tu sais, c'est géré à l'interne par l'université, là, il y a des enjeux
de confidentialité, notamment au niveau syndical, et tout ça, là. Mais dans ce
cas-ci, j'imagine, ce n'est pas la même conversation qu'on a exactement, là.
Mme Nichols : C'est sûr, mais
je comprends. Tu sais, c'est parce que j'essayais de trouver, tu sais, un
temps, là, pour le... tu sais, s'il y avait eu une demande de prolongation
après le 90 jours pour rendre une, tu sais, rendre une conclusion à ça.
Est-ce que... Puis, tu sais, je comprends tout le caractère confidentiel, là,
justement, quand il y a des... quand il y a des plaintes, là, en lien avec des
violences à caractère sexuel dans les établissements d'enseignement supérieur,
mais est ce que... tu sais, est ce que... puis j'essaie de faire un projet
aussi... un parallèle avec le projet de loi, est-ce que vous pensez que le
projet de loi couvre, tu sais, à peu près les aspects des différentes plaintes
ou les aspects... ou est-ce qu'il y a un vide, ou est-ce qu'à part, là,
l'hypertrucage ou l'intelligence artificielle, est-ce que vous pensez que ça
couvre pas mal tout ce que vous voyez, entre autres, dans les universités ou
même peut-être même au secondaire ou... Tu sais, ou les cas, vous les savez,
vous les voyez, vous les... ça fait que quand vous avez vu ce projet de loi
là...
Mme Nichols : ...dire :
Ah! C'est une bonne affaire, tu sais, c'est un bon avancement, c'est un bon...
Mais est-ce que, selon vous, ça couvre tout ou il y a des choses qu'en parlant
l'intelligence artificielle qui vont...
M. Paré (Etienne) : Bien,
je serais porté à dire que ça couvre quand même beaucoup de choses. Après ça,
tu sais, on est une association étudiante, on n'est pas non plus des experts de
toutes les formes de violence puis tout ça, là. Je pense que les autres intervenants
que vous avez vus étaient probablement mieux qualifiés que nous, là, pour vous
spécifier ce genre de subtilité là. Ceci étant dit, en consultants, tu sais,
les étudiants, en consultant les assos de membres chez nous puis tout ça, on
n'a pas été en mesure d'identifier des trucs supplémentaires que ce qui était
déjà proposé. Et c'est d'ailleurs pour ça qu'on est venus saluer plusieurs
aspects, là, notamment pour faciliter soit le témoignage puis tout ça, là,
qu'on jugeait très important. Donc, rapidement comme ça, je vous dirais que je
n'en ai pas à vous proposer, là.
Mme Nichols : Parfait.
Bien, je me disais peut-être justement avec votre chapeau d'enseignant au
secondaire, il y a peut-être des choses qu'on n'a pas vues, nous les
législateurs, puis qu'on pourrait peut-être rajouter ou, tu sais, notre
attention pourrait être apportée sur... Merci. Ça répond à mes questions. Merci
beaucoup.
Le Président
(M. Bachand) :Merci beaucoup, Mme la
députée de Vaudreuil. Mme Fortin, M. Paré, merci beaucoup d'avoir été
avec nous aujourd'hui puis merci beaucoup de vous intéresser, dans le bon sens
du terme, à la chose parlementaire. Vous serez toujours les bienvenus. Puis on
vous dit : À la prochaine.
Cela dit, je suspends les travaux quelques
instants pour accueillir le prochain groupe. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 18)
(Reprise à 16 h 21)
Le Président
(M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous
plaît. Il me fait grand plaisir d'accueillir les représentants de l'Association
du Barreau canadien, division du Québec. Me Jonathan Pierre-Etienne, président,
et Me Jérémy Boulanger-Bonnelly. Merci beaucoup d'être avec nous. Alors, M. le
président, vous connaissez les règles, bien sûr, 10 minutes de
présentation. Après ça, on aura une période d'échange avec les membres de la
commission. Merci infiniment d'être avec nous aujourd'hui.
M. Pierre-Étienne
(Jonathan) : Je vous remercie, M. le Président. M. le ministre, Mmes,
MM. les députés, tout d'abord, nous tenons à vous remercier sincèrement de nous
avoir invités devant la commission pour présenter nos commentaires et le
mémoire de l'ABC division Québec. On est honorés de pouvoir partager et
contribuer au processus législatif en partageant le point de vue de nos membres
sur cette question cruciale. Donc, je me présente à nouveau, Jonathan
Pierre-Étienne, président de l'ABC. Et je suis privilégié d'être accompagné par
le Pr Boulanger-Bonnelly de l'Université McGill et président de la section
Législation et réforme du droit de l'ABC. L'ABC est une association nationale
regroupant plus de 40 000 juristes incluant des avocats, notaires,
professeurs, étudiants et juges...
M. Pierre-Étienne (Jonathan) : ...à
travers le Canada. Nos principaux objectifs figurent parmi l'amélioration du
droit, la mission de la justice qui constitue les fondements de notre
engagement envers la société. L'ABC collabore activement à la vie juridique de
notre province et participe aux travaux des comités nationaux de l'ABC à
travers cette implication. L'ABC est reconnue comme la voix impartiale et
éclairée des questions juridiques d'importance.
M. le ministre, l'ABC-Québec est
généralement d'accord avec les objectifs du projet de loi n° 73,
ainsi que les moyens proposés pour l'atteindre. Nous réitérons plus
particulièrement que notre engagement envers l'accès à la justice... l'accès à
la justice et... désolé, l'engagement envers la justice est le concept qui
signifie non seulement de rendre le système de justice plus rapide, accessible
financièrement, mais aussi le rendre plus accueillant pour les justiciables,
notamment par les personnes vulnérables qui doivent y cheminer.
On parle souvent d'accès à la justice avec
raison. Cette expression est attachée à des questions qui peuvent être un peu
plus techniques concernant les coûts, les délais du système de justice, mais
elle ne s'y limite pas. Une action à la justice... une vision d'accès à la
justice centrée sur la personne exige aussi qu'on s'assure que le parcours du
justiciable ne soit pas revictimisant ou encore traumatisant, mais plutôt une
occasion de guérison.
Ceci étant dit, nous mettons de l'avant
quelques propositions dans notre mémoire visant à clarifier et à renforcer
certains aspects dans la deuxième partie du projet de loi, qui apporte
certaines modifications aux règles de preuve et procédures. L'ABC n'a aucun
commentaire précis à formuler concernant le titre I du projet de loi, sinon de
saluer l'initiative du législateur et d'apporter son soutien à la loi proposée.
Cependant, nous notons... nous soulevons quelques questions... proposons aux
amendements mineurs de la partie II du projet de loi, principalement à
viser la cohérence envers d'autres régimes juridiques avec lesquels il
interagira... Pr Boulanger et moi-même, nous vous entretiendrons.
Cela dit, nous mettons de l'avant quelques
propositions dans le mémoire, et le Pr Boulanger-Bonnelly, à qui je passe la
parole, vous présentera les trois premiers.
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Bonjour.
Donc, premièrement, on tient vraiment à saluer la volonté d'élargir et de
rendre plus accessible l'ordonnance de protection qui, comme vous l'avez
entendu de la part de plusieurs intervenants dans les deux derniers jours,
n'est pas suffisamment utilisée, trop difficile à obtenir. Cependant, en
déplaçant l'ordonnance de protection en dehors de l'article relatif aux
injonctions, le projet de loi retire aussi la mention qui s'y trouvait à
l'effet que l'ordonnance de protection est une ordonnance de la Cour
supérieure. Donc, les injonctions, habituellement, c'est une ordonnance de la
Cour supérieure, et là on retire cette mention-là. On comprend de ce
changement-là que le législateur souhaite permettre, non seulement à la Cour
supérieure, mais aussi à la Cour du Québec, d'émettre des ordonnances de
protection. Par contre, l'article 33 du Code de procédure civile prévoit
que la Cour supérieure a compétence exclusive en matière d'injonction, et cet
article-là pourrait être interprété de façon à inclure les ordonnances de
protection qui sont un recours de nature injonctive.
Donc, pour éviter toute confusion et
s'assurer que l'ordonnance puisse être obtenue ailleurs que devant la Cour
supérieure, si c'est le souhait du législateur, il y aurait lieu, selon nous,
de clarifier l'article 515.1 proposé ou encore les articles relatifs à la
compétence de la Cour du Québec.
Deuxièmement, il faut aussi saluer
vivement la volonté d'assouplir le critère applicable aux ordonnances de
protection dans le but de faciliter leur obtention. Il ne sera plus requis que
la victime prouve que sa vie, sa santé ou sa sécurité sont menacées, mais
simplement qu'elle craint que sa vie, sa santé ou sa sécurité ne soit menacée.
Et c'est là une avancée majeure selon nous. Cependant, l'article ne précise pas
expressément s'il s'agit là d'une crainte subjective ou si un certain degré
d'objectivité est requis.
On comprend du reste de l'article,
notamment la partie qui demande un exposé sommaire des faits allégués au
soutien de la demande, que la crainte doit être objective dans une certaine
mesure, en ce sens que la victime doit présenter les circonstances qui
entourent sa situation. Et donc pour éviter toute confusion, on croit qu'il
serait utile de préciser directement dans l'article qu'il s'agit d'une crainte
objective, sans pour autant revenir aux critères beaucoup trop restrictifs qui
existent actuellement.
Troisièmement, le projet de loi prévoit
que le dépôt du jugement de culpabilité au criminel dans l'instance civile va
faire preuve de la faute. Cette présomption est aussi une avancée majeure qu'on
salue parce qu'elle va éviter à la victime d'avoir à témoigner de nouveau, à
être justement traumatisée de nouveau devant le processus judiciaire. Par
contre, l'article ne précise pas si la présomption qui est ainsi créée est
réfragable ou irréfragable, et donc, selon nous, ce serait un point à clarifier
dans l'article. À notre avis, ce devrait être une présomption réfragable, parce
qu'un jugement de culpabilité, ça peut être obtenu à la suite d'un procès
complet, mais ça peut aussi être obtenu à la suite d'un plaidoyer de
culpabilité qui est obtenu dans diverses circonstances, notamment, par exemple,
parce que l'accusé manque de ressources...
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : ...et
donc, selon nous, le jugement, oui, devrait faire preuve de la faute, mais le
tribunal devrait pouvoir considérer les circonstances qui entourent le prononcé
du jugement lorsqu'il détermine sa force probante.
M. Pierre-Étienne (Jonathan) : Le
point 4, c'est plusieurs articles du projet de loi qui visent à limiter les
débats en prévoyant un huis clos automatique dans plusieurs circonstances. Il
faut juste se rappeler que le huis clos... que la publicité des débats est un
principe fondamental de notre système de justice, et qui doit assurer que la
justice est transparable... transparente et redevable à la situation. Il y a
des bonnes raisons de limiter cette publicité dans certains dossiers visés par
le projet de loi, mais on invite les parlementaires à avoir une réflexion
concernant ces limites. À notre avis, il faut envisager d'autres solutions,
comme des ordonnances de non-publication, qui pourraient... protéger, à tout le
moins sans porter atteinte à ces limites-là.
Enfin, le projet de loi prévoit que les
droits résultant d'un jugement seront imprescriptibles. Nous, on suggère de
retirer cet article-là. Il convient de distinguer les enjeux différents. D'une
part, le législateur a aboli, avec raison, les délais de prescription pour
faire une réclamation en matière de violence sexuelle, parce que la science et
l'expérience nous démontrent que les victimes ont besoin de temps pour
dénoncer, ce qui est louable. Et... Mais, sur une mesure... la situation, quand
la victime a dénoncé, et qu'elle a passé à travers le processus judiciaire et
obtenu jugement, l'état de la chose, c'est qu'elle a 10 ans pour... pour
exécuter son jugement.
Cela dit, le débiteur qui serait
insolvable ou qui aurait des tentatives d'exécuter son jugement, le cadran
repart, de toute façon, de 10 ans sur l'exécution du jugement, donc. Et, en
plus de ça, selon la... l'insolvabilité... la loi sur l'insolvabilité, il n'y
aurait pas de... cette personne-là ne pourrait pas être libérée de cette
dette-là, selon la LFI. Donc, ça nous semble suffisant pour protéger le droit
des victimes. Puis, à l'inverse, l'imprescriptibilité viendrait... qu'une
personne pourrait faire exécuter après des décennies ferait en sorte que certains
créanciers tiers auraient une très grande incertitude par rapport à ces... à
cette... à ces créances-là, quelqu'un qui n'aurait pas exécuté pendant
plusieurs années et décide de réexécuter, et donc sur la collocation de ses...
de ses droits. Donc, on invite le législateur à réviser cet article là pour...
pour garder une stabilité dans notre ordre juridique.
Donc, en somme, cinq recommandations qui
visent des aspects ciblés du projet, mais on tient, encore une fois, à saluer
l'initiative, M. le ministre, qui est très importante, et espérons vivement que
les victimes seront aidées et seront appuyées, dans le parcours judiciaire, par
cette réforme. Et, M. le Président, évidemment, monsieur... le Pr Bonnelly et
moi-même restons disponibles pour les questions.
Le Président (M.
Bachand) :Merci infiniment. M. le
ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui,
merci, M. le Président. Me Pierre-Étienne, président de l'Association du
Barreau canadien, division Québec, Me Boulanger-Bonnelly, président du Comité
Législation et réforme du droit du... de l'Association du Barreau canadien,
division Québec, merci de participer aux travaux de la commission, et d'avoir
déposé un mémoire également, et de nous entretenir aujourd'hui. Le premier
volet sur lequel je souhaiterais qu'on échange c'est le forum de l'ordonnance
civile de protection. Est-ce que vous croyez qu'on devrait consacrer ce
pouvoir-là à la Cour du Québec?
• (16 h 30) •
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : En
fait, c'est vraiment au choix du législateur. Il y a, potentiellement, des
enjeux constitutionnels qui pourraient se soulever si vous le... si vous le
faisiez. Mais je note qu'en Colombie-Britannique les tribunaux, donc la cour
provinciale et la cour supérieure de cette province-là ont le pouvoir
d'ordonner des ordonnances de protection, donc ce ne serait pas sans précédent
de le permettre.
Évidemment, ça donnerait ouverture à
davantage de juges. On a entendu des préoccupations, dans les deux derniers
jours, au niveau de la rapidité pour octroyer ces ordonnances-là, en raison des
délais qu'on connaît dans le système de justice. Donc, peut-être
qu'effectivement, ce serait une solution pour donner accès à un plus grand
éventail de juges pour rendre ces ordonnances. Puis, évidemment, je pense que
vous aurez des... des points, peut-être, à étudier sur cette question-là. Puis
on n'était pas tout à fait certains, en fait, si l'intention, c'était d'étendre
l'ordonnance ou seulement de la laisser en Cour supérieure, mais, peu importe
ce que vous choisissez, je crois que l'important, c'est de clarifier le forum
qui est accessible aux justiciables.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Mais, pour vous, vous ne voyez pas négativement cela si le législateur décidait
que ce soit la Cour du Québec qui rende les ordonnances civiles de protection?
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Pas
du tout, non. Puis, comme je le disais, c'est le cas en Colombie-Britannique,
ça donne accès à un plus grand éventail de forums. Donc, dans une perspective
d'accès à la justice, pour... à laquelle on tient beaucoup, c'est une solution
qui pourrait être envisagée.
M. Jolin-Barrette : O.K. Sur
la question de la prescription des jugements, dans le fond, que le jugement,
bon, est valide pour 10 ans, là, vous nous dites : Bien, écoutez, en
raison de la stabilité du droit...
16 h 30 (version non révisée)
M. Jolin-Barrette : ...puis
notamment pour des créanciers futurs, on devrait maintenir la règle à 10 ans
puis de ne pas suspendre la prescription associée au jugement, donc la fin de
la validité du jugement. C'est bien ça?
M. Pierre-Étienne (Jonathan) : Exactement.
Dans un sens, si je me permets, c'est que, si une victime a surmonté son
traumatisme, et c'est louable, là, et a passé à travers et un jugement, il y a
quand même 10 ans pour exécuter son jugement. Si la... Une personne, comme dans
tout... Toute personne qui est tributaire d'un jugement doit entretenir son
jugement. Et d'entretenir son jugement, ce n'est pas nécessairement de mandater
un huissier qui va coûter de l'argent pour pouvoir exécuter, mais c'est de
seulement faire des tentatives, si c'est le cas échéant. La tentative n'est...
pas besoin d'être faite personnellement par la personne, elle peut être faite
aussi par le... par un tiers impliqué dans cette... dans cette vision-là. Donc,
de ce côté-là, le cadran repart de 10 ans en 10 ans. Mais...
M. Jolin-Barrette : Mais
nécessairement, avec ce que vous dites, il risque d'y avoir des coûts pour la
personne dans le fond de tenter, supposons, d'exécuter le jugement, et... et
sachant, supposons, que la personne, elle l'est, insolvable, donc on va mettre
le fardeau sur la personne qui a obtenu le jugement, donc la victime, de dire :
Bien, tentez de réexécuter votre jugement si vous voulez être certain de ne pas
perdre votre droit à la... bien, aux dommages-intérêts que vous avez obtenus
par le tribunal. Vous ne trouvez pas que ça amène une... encore une fois, une
lourdeur, tandis qu'on sait que, un, la personne a été reconnue responsable des
gestes qu'elle a causés en matière soit de violence conjugale, de violence
sexuelle? On a modifié la loi en 2019 sur le délai de prescription pour
introduire des... une action en réparation en matière de violence sexuelle,
violence conjugale, violence subie pendant l'enfance. Dans le fond, on a levé
la prescription. Nous, on trouvait logique de dire : Bien, le jugement
obtenu notamment de cette action-là devient imprescriptible. Mais je comprends
que vous me dites : Il y a déjà des mécanismes qui existent qui pourraient
faire en sorte de réactiver le jugement.
M. Pierre-Étienne (Jonathan) : Exactement.
Comme je vous dis, M. le ministre, c'est qu'il n'y a pas nécessairement de
coûts. Oui, si la personne ne veut pas le faire elle-même, mais de... l'exécution
du jugement ne passe pas nécessairement par les mains du huissier, donc ça peut
être une tentative par la personne même. Si on ne retrouve plus la personne,
peut-être, là je peux comprendre votre... votre commentaire, M. le ministre, si
on ne retrouve plus la personne puis on n'est même plus capable d'exécuter,
mais un dépôt au greffe d'une tentative d'exécution vient repartir le délai
après 10 ans.
M. Jolin-Barrette : Sauf que
pour la victime, sachant supposons que la personne est insolvable, il faut
quand même qu'elle fasse des démarches aussi... Dans le fond, les démarches sont
sur elle, là.
M. Pierre-Étienne (Jonathan) : Si
la personne est insolvable et demande la protection de la... la Loi sur
l'insolvabilité, elle n'est pas libérée non plus de ce... de ce jugement-là.
M. Jolin-Barrette : Oui,
mais... Ou sachant qu'elle ne peut pas l'exécuter parce que la personne n'a pas
de biens. Parce que... Je donne un exemple. Le Barreau, hier, est venu, il nous
a dit : Bien, écoutez, nous, on est à l'aise avec ça.
Peut-être sur un autre sujet, là, sur la
question du partage des images intimes, donc on vient couvrir à la fois les
images en hypertrucage, les images qui sont partagées. Donc, ce phénomène-là,
là, est-ce que vous croyez que pour les victimes ça va simplifier leur vie
d'avoir un recours civil de cette nature-là, avec une ordonnance rapide? Et,
sous-question, pensez-vous que les amendes sont suffisamment élevées pour avoir
un comportement dissuasif, avec ce recours-là?
M. Pierre-Étienne (Jonathan) : Ce
n'est pas une question que l'ABC s'est prononcée dans le mémoire, mais on était
tout à fait d'accord, M. le ministre, avec... avec la prémisse qui a été
annoncée dans le premier... dans le projet de loi, là.
M. Jolin-Barrette : O.K.
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Si
je peux peut-être ajouter...
M. Jolin-Barrette : Allez-y.
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : ...là-dessus,
en matière d'accès à la justice, je pense que ce que le législateur veut faire
ici, c'est très intéressant. D'avoir une voie rapide électronique,
potentiellement, étant donné que le partage d'images intimes se fait souvent
par voie électronique, permettre cette même voie-là pour avoir un recours, je
pense que c'est très novateur, c'est très positif et ça risque d'améliorer
l'accès à la justice. Comme dans bien des choses, c'est les détails qui vont
compter, donc comment tout ça va être mis en œuvre, le détail de la procédure,
comment les juges vont être saisis. On a entendu les intervenants, par exemple,
dire : Si ça doit passer par le greffe, on peut s'attendre à ce qu'il y
ait des délais, à moins qu'il y ait une voie rapide qui soit créée. Donc, je
vous encourage non seulement dans le cadre du projet de loi, mais lorsque ce
sera mis en œuvre, de penser aux façons de rendre ça très rapide, très
accessible.
M. Jolin-Barrette : O.K. On a
mis également dans le projet de loi le fait que, lorsque quelqu'un est condamné
en matière criminelle, donc, que le simple dépôt du jugement va faire en sorte
que la faute va être présumée...
M. Jolin-Barrette : ...établi
pour éviter le plus possible à la personne victime souvent d'agression sexuelle
qu'elle ait à retémoigner avec les mêmes faits dans un forum à nouveau
judiciaire. Qu'est-ce que vous en pensez de ça?
M. Boulanger-Bonnelly
(Jérémy) : On pense que c'est une très bonne mesure. Par contre,
l'article ne précise pas si la présomption est réfragable ou irréfragable. Et
c'est là qu'on croit qu'il faudrait préciser, à tout le moins, ce que le
législateur souhaite introduire comme présomption. Selon nous, ça devrait être
une présomption réfragable. On aime bien le principe que le jugement vaut et on
enlève l'obligation de témoigner, là, pour la victime. Mais par contre, il y a
des circonstances qui pourraient se présenter où le tribunal pourrait vouloir
accorder une force probante différente selon les circonstances dans lesquelles
le jugement criminel a été obtenu.
M. Pierre-Étienne
(Jonathan) : Ça va quand même permettre de recadrer aussi le spectre
du... de l'audition, de l'enquête et audition devant le juge parce que ce point
de vue là va être très précis par rapport au témoignage de la victime. Déjà que
le projet de loi prévoit d'autres aspects qu'on ne pourra pas retenir sur la
victime. Le témoignage va être circonscrit, encadré. Donc, moins de temps de
juge, mais plus d'accès à la justice. Merci.
M. Jolin-Barrette : Peut-être
juste pour les gens qui nous écoutent, là, réfragable, irréfragable?
M. Boulanger-Bonnelly
(Jérémy) : Alors, une présomption, et là je mets mon chapeau de
professeur, une présomption réfragable, c'est une présomption qui peut être
renversée. Donc, finalement, ça opère une sorte de changement de fardeau de
preuve, c'est-à-dire que l'autre partie va devoir prouver le contraire. Tandis
qu'une présomption irréfragable, c'est dans ce cas-ci, par exemple, si on
déposait le jugement et il n'y aurait aucun moyen de faire aucune preuve pour
contredire ce jugement-là. Donc, voilà la différence.
M. Jolin-Barrette : Parfait.
Peut-être une dernière question avant de céder la parole à mes collègues.
Quelle est l'importance pour tous les acteurs du système de justice d'avoir de
la formation? On l'a mis pour le tribunal spécialisé. Tous les acteurs qui vont
au Tribunal spécialisé en matière de violence sexuelle et de violence conjugale
doivent l'avoir. Là, on vient élargir également en matière civile, en matière
pénale, le ministère de la Justice va offrir de la formation. Quelle est
l'importance pour les acteurs, tous les acteurs du système de justice, de
suivre la formation?
M. Pierre-Étienne
(Jonathan) : Évidemment, quelqu'un qui est plus informé va être
capable de rendre soit de meilleurs jugements ou accompagner les victimes de
meilleur... de la meilleure façon possible. Un meilleur accompagnement amène
une pression diminuée. Et dans ce sens-là, si les fonds sont disponibles pour
le faire, M. le ministre, alors, ça peut faire en sorte qu'il y a une certaine
pression qui peut diminuer aussi sur la durée qui peut être mise en place sur
quelqu'un qui n'est pas accompagné ou qui a une moins bonne compréhension dans
un environnement judiciaire comme une personne qui peut être là une ou deux
fois dans sa vie au gros maximum. Surtout dans les conditions que cette
personne est amenée, je parle de la victime, ça va... ça va assouplir, ça va
faire en sorte que les gens auront plus d'empathie. Et donc plus d'empathie,
meilleure compréhension et meilleure connexion avec cette personne.
M. Boulanger-Bonnelly
(Jérémy) : Et je crois que ce que le législateur tente d'accomplir
ici, c'est non seulement une réforme procédurale, mais c'est aussi un
changement de culture dans une certaine mesure. Puis on peut faire toutes les
réformes procédurales qu'on souhaite faire, mais pour faire un changement de
culture, il faut avoir ces discussions-là, ces formations-là, cet
accompagnement en dehors des règles et du code précis du Code de procédure
civile. On l'a vu avec la réforme du Code de procédure civile en 2016, il y
avait de très bonnes mesures qui ont pris beaucoup de temps à être appliquées
véritablement parce qu'il n'y avait pas un changement de culture qui
accompagnait cette réforme-là. Donc, dans ce sens-là, la formation, je crois,
peut favoriser ce changement de culture.
• (16 h 40) •
M. Jolin-Barrette : Excellent.
Merci beaucoup pour votre présence en commission parlementaire.
M. Pierre-Étienne
(Jonathan) : Juste pour dire que l'ABC peut être un partenaire dans
cette aventure-là aussi pour la formation.
M. Jolin-Barrette : C'est
bien noté. Merci beaucoup.
Le Président
(M. Bachand) :Merci. Donc,
interventions du coté... Mme la députée de Laval-des-Rapides, s'il vous plaît.
Mme Haytayan : Merci, M.
le Président. Bonjour. Merci pour votre temps cet après-midi. Un peu dans le
même ordre d'idées, est-ce que vous croyez qu'il est nécessaire de ne pas
rendre accessible, de garder confidentielle l'adresse de la victime ou au
défendeur en termes de confidentialité dans un contexte de violence conjugale,
sexuelle?
M. Pierre-Étienne
(Jonathan) : Je crois que c'est une mesure qui est très intéressante
aussi, Mme la députée, mais où est-ce que, nous, on amenait notre différence,
c'est sur les huis clos. Donc, le huis clos automatique qu'on pourrait amener
pourrait empêcher certains problèmes. Par exemple, je donne exemple, des chercheurs
qui veulent se présenter pour faire une recherche par rapport à... par rapport
à un dossier précis ou un type de dossier précis. Le huis clos les
empêcherait... Déjà que c'est difficile pour les journalistes dans certains cas
d'avoir... d'avoir accès, même s'ils l'ont, donc ça peut compliquer le travail
de plusieurs personnes qui entourent le système juridique. Donc les mesures,
comme vous dites, d'anonymisation, ou encore d'élire domicile chez son avocat
ou au greffe, évidemment, pourrait être contrebalancé avec un juge qui... le
juge qui... ou un ordre, une demande de faire revérifier cette procédure-là
dans le cas qui pourrait être, bien, être utile ou non. Mais dans tous les cas,
oui. Pour répondre à votre question, oui, c'est... c'est, je crois...
M. Pierre-Étienne (Jonathan) : ...que
c'est une mesure... l'ABC croit que c'est une mesure qui est très intéressante
pour la protection des victimes. Bien, au niveau du huis clos, il faudrait
regarder pour donner peut-être la balance du huis clos au juge pour vérifier
si, dans certains cas, ça pourrait s'appliquer ou non, puis s'il y a d'autres
mesures qui seraient moins contraignables, soit avec l'accord de la victime ou
de fait, là, de facto, par le juge ou le tribunal qui est saisi de l'affaire.
Mme Haytayan : O.K. Une autre
question. On le sait, actuellement, les personnes visées par ce type
d'ordonnance ne font pas l'objet d'un suivi policier, donc par les policiers.
Est-ce que c'est problématique cela, selon vous?
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Ce
n'est pas un point sur lequel on s'est... on s'est prononcé, là, parce que je
pense qu'il y a d'autres intervenants, qui sont passés devant vous, ont
beaucoup plus l'expérience terrain pour... pardon, pour en témoigner. Par
contre, c'est sûr que ça enlève un fardeau sur les victimes de faire les
démarches judiciaires qui sont longues, qui sont coûteuses, qui peuvent être
très difficiles psychologiquement.
Donc, en donnant ça entre les mains des
policiers, c'est sûr que ça vient apporter le soutien de l'État à ces
victimes-là pour faire valoir leurs droits plus facilement. Donc, dans cette
mesure-là, c'est vraiment... c'est une bonne mesure, à notre avis.
Mme Haytayan : O.K. Merci.
C'étaient les questions que j'avais.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée
de Vimont.
Mme Schmaltz : Merci. Merci,
messieurs. Merci de votre présence. C'est toujours agréable de pouvoir
accueillir des gens en présentiel. J'aimerais vous entendre concernant la
formation des intervenants pour accompagner... pour accompagner les personnes
victimes. Est-ce que c'est important? Est-ce que c'est une formation qui doit
être plus pointue? Comment vous la... Comment vous percevez?
M. Pierre-Étienne (Jonathan) : Sur
ce volet-là, je pourrais vous dire qu'il faut... il n'y a jamais trop de
formation. Donc, ce qu'il faut, c'est plus de cibler pour voir les besoins,
soit au niveau des magistrats, des avocats même, des avocats en défense, de la
façon qu'on contre interroge, ça peut être au barreau aussi pour donner
certaines formations obligatoires à ce niveau-là. Bien, ce n'est pas... on ne
peut pas... on ne peut pas être contre la vertu puis on ne peut pas être contre
le nombre de formations, soit même de les rendre obligatoires à certains niveaux,
ou même... au niveau des avocats, un certain nombre d'heures. Si les avocats...
Évidemment, un avocat en corporatif n'aurait... peut-être moins d'intérêt, là,
évidemment. Bien, ça reste quand même que... comme qu'on... professeur Bonnelly
parlait de changement de culture, bien, ça passe par des actions comme ça.
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Et
puis, si je peux rajouter, la formation, je crois qu'elle est d'autant plus
puissante quand on établit la formation en partenariat à la fois avec des organismes
terrain, qui sont venus témoigner devant vous, qui ont l'expertise du terrain
que, je crois, les avocats, les juges auraient un grand bénéfice à entendre
directement dans les formations, puis aussi un partenariat avec les juges, avec
les organisations qui représentent les juristes. Parce que ces groupes-là
savent comment bien intégrer cette formation-là pour qu'elle ait un réel impact
dans la façon dont ils travaillent au quotidien.
Mme Schmaltz : Donc, il n'y a
pas une seule formation. Il peut y avoir plusieurs types de formations, selon
la victime. C'est ça?
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Et
selon le rôle de chaque personne dans le système de justice aussi pour que ce
soit une formation qui ait véritablement un impact sur leur pratique et non
seulement une formation qui parle de principes généraux ou qui fait simplement
sensibiliser sur des grandes questions. Je crois qu'on est à un stade où il
faut avoir de la formation qui est vraiment adaptée, là, à la situation de
chaque personne.
Mme Schmaltz : Est-ce qu'on
a... Est-ce qu'on a du temps encore? Il y a du temps?
Une voix : Une minute.
Mme Schmaltz : Ah! une
minute. O.K. Parfait. Je m'excuse. Je ne sais pas si on a posé la question. Je
m'excuse à l'avance, là, mais il y a des groupes précédents qui ont mentionné
que souvent les juges avaient une certaine difficulté peut-être à reconnaître
les formes de violence. Et puis est-ce que vous avez encore là des solutions à
proposer? Est-ce que la formation rentre justement dans ces... dans ces
mesures, ou, je ne sais pas, là, ces... Est-ce que c'est quelque chose qu'on
pourrait... qu'on pourrait voir? Je ne sais pas si vous...
M. Pierre-Étienne (Jonathan) : Effectivement,
ça serait dans la formation, puis sur comment les juges... peuvent voir ou
avoir un aspect selon les victimes. Bien, évidemment, la sensibilité passe par
la formation, puis évidemment, comment qu'un juge aurait pu traiter une
victime. Il y a les tribunaux de la... des cours supérieures aussi qui peuvent
relater ça aussi, mais ça passe par...
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Merci beaucoup. Mme la
députée de La Pinière, s'il vous plaît.
Mme Caron : Merci, M. le
Président. Alors, bonjour à vous deux. Merci pour votre présence et votre mémoire.
La première question que j'aimerais vous poser, c'est l'une de vos
recommandations à propos de l'article 6 du projet de loi entre la notion
de subjective ou objective. Et vous faites... vous indiquez qu'il serait
préférable de le préciser et qu'il y a un critère objectif... un tel critère
objectif serait similaire à celui qui existe en Colombie-Britannique. Est-ce
que vous pourriez nous... peut-être nous préciser davantage...
Mme Caron : ...et puis nous
donner les avantages, le cas échéant, de ce qui existe en Colombie-Britannique,
qui pourrait être utile ici.
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Oui.
Bien, en fait, l'idée, c'est vraiment de préciser le critère, là. Si le
législateur souhaite que ce soit un critère subjectif, fort bien, mais il faudrait
que ce soit précisé. Selon nous, par contre, c'est plus efficace d'avoir un
critère objectif. L'important, c'est de ne pas imposer un fardeau trop grand
sur les victimes. Donc, ça, c'est le premier principe qui devrait guider votre
action à notre avis. Mais, par contre, on voit dans le projet de loi qu'il y a
certains articles qui demandent quand même à la victime de parler des
circonstances de sa situation, de ce qu'elle a vécu, ce genre de choses là, et
donc ça montre qu'il y a un aspect un peu objectif aussi, on demande quand même
de corroborer la crainte que la victime subit en fonction des circonstances qui
entourent sa situation. Donc, c'est dans cette mesure là que, sans
nécessairement adopter le critère précis de Colombie-Britannique, on citait cet
exemple-là simplement pour dire qu'à notre avis un critère objectif serait
utile, mais un critère objectif qui n'impose pas un fardeau aussi grand aux
victimes que le fardeau qui existe actuellement.
Mme Caron : D'accord. Merci.
Puis, hier, il y a un groupe qui est venu nous parler de la pratique en
Australie, où c'est un organe à part et ça ne passe pas par un juge pour... la
voie rapide, disons, ne passe pas par un juge, mais est-ce que vous connaissez
cette pratique-là? Ou qu'est-ce que vous en pensez, est-ce que ça pourrait être
intéressant de l'explorer?
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Je
ne la connais pas personnellement, mais j'en ai entendu parler hier également.
Je pense que ce qui est intéressant aussi, c'est par exemple dans d'autres
domaines. En Colombie-Britannique, le BCCRT, le civil resolution tribunal, qui
est un tribunal administratif, mais qui fonctionne complètement en ligne, qui
s'occupe de résoudre certains types de différends beaucoup plus rapidement que
les tribunaux judiciaires. Puis je pense que cette solution là, dans un autre
domaine, s'inscrit dans la même lignée que l'initiative que vous mentionnez des
solutions plus administratives qui font en sorte que c'est beaucoup plus rapide
que la voie judiciaire. Donc, ce serait quelque chose à considérer, mais il
faut aussi considérer les conséquences que ça a sur l'application de ces
ordonnances-là ensuite, il faut quand même les déposer en Cour supérieure pour
qu'elles puissent être exécutées, ce genre de choses là. Donc, ça introduit
aussi une complexité. Donc, je n'ai pas de réponse précise pour vous, mais ça
pourrait être quelque chose qui est considéré. Cela dit, je pense que la
solution que le projet de loi propose est excellente, comme un premier pas vers
l'avant.
Mme Caron : Merci. Vous étiez
présent dans la salle tout à l'heure, lorsque l'Union étudiante est venue
présenter son mémoire et, justement, nous suggérait à l'article... de modifier
l'article 2 pour parler explicitement d'hypertrucages ou d'intelligence
artificielle, de création de toute pièce d'une image, quel est votre point de
vue de juriste là-dessus?
M. Pierre-Étienne (Jonathan) : On
ne s'est pas penché directement là-dessus, mais pour avoir entendu, je pourrais
vous dire que les termes généraux, pour l'instant, devraient être suffisants
jusqu'à tant que demeure... on voit ce qu'un avocat pourrait en débattre, là,
le cas échéant. Mais pour l'instant, l'avancée est faite, et on verra comment
on peut le stabiliser si nécessaire.
Mme Caron : Donc, pour
vous... Oui, allez-y.
• (16 h 50) •
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : J'allais
juste dire que si vous l'ajouter dans l'article, je pense que c'est quand même
important de garder effectivement des termes généraux à côté de ce terme là plus
spécifique pour s'assurer qu'on couvre des situations qu'on n'anticipe en ce
moment, mais qui pourraient survenir dans cinq, 10 ans sans nécessairement
avoir besoin de modifier la loi. Donc, garder les termes généraux, je suis
d'accord avec mon collègue, c'est quand même important.
Mme Caron : D'accord. Alors,
si quelqu'un s'adressait... utilisait la voie rapide dans un cas
d'hypertrucage, selon vous, le libellé actuel de l'article 2 permettrait
de traiter la demande? Est-ce que c'est ce que je comprends?
M. Pierre-Étienne (Jonathan) : On
ne vous donnera pas un avis juridique, mais on pourrait vous dire cependant
que, pour l'instant, les termes généraux devraient couvrir cet aspect-là.
Mme Caron : D'accord. Puis,
est-ce que vous pensez que la portée du projet de loi permettrait de traiter un
cas et de donner satisfaction à la victime si, par exemple, l'image était
hypertruquée aux États-Unis ou bien dans un autre pays?
M. Pierre-Étienne (Jonathan) : Dans
une autre juridiction? Évidemment, c'est toujours le lieu du dommage où que ça
a causé, donc, techniquement, oui, ça... il ne devrait pas y avoir de problème.
Là, il va rester la question, là, comment le collecter ou de faire cesser
l'atteinte dans un autre état, et là ça devient des règles de droit
international.
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Mais
il y a de la jurisprudence quand même intéressante de la Cour suprême en
Colombie-Britannique, encore une fois, je mentionne souvent cette province-là,
mais ça se trouve que c'est dans cette province là, où des parties souhaitaient
faire désindexer certains liens et ils poursuivaient Google pour obtenir une
injonction pour faire ça. Et ils ont réussi à le faire. Et les tribunaux
canadiens ont dit : On peut obtenir cette injonction-là ici, mais faire
désindexer mondialement le lien. Donc, ce précédent-là pourrait être utile dans
des circonstances comme ça, pour faire désindexer l'image par les grands
conglomérats de ce monde qui gouverne l'Internet. Ça pourrait être un
recours...
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : ...qui
est envisageable.
Mme Caron : Merci. Puis vous
apportiez tantôt quelque chose que je trouvais intéressant, la possibilité de
soumettre le dossier en ligne, parce que les images sont en ligne, sinon ça
peut être difficile. Alors, est-ce que vous avez des recommandations à cet
égard là dans le général ou dans le plus spécifique sur comment mettre tout ça
en place?
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : On
ne s'est pas penché sur la question spécifiquement, donc on n'a pas de
commentaire particulier. Mais selon la rédaction actuelle du projet de loi, je
pense qu'il y a de la place pour qu'administrativement la solution soit
électronique, que tout ça se fasse en ligne. Mais je crois que ce sera
davantage dans la mise en œuvre du projet de loi que dans la rédaction du
projet de loi lui-même, là.
Mme Caron : Merci.
Maintenant, j'irais peut-être à l'article 18 du projet de loi qui vient
ajouter, après l'article 35 de la Loi instituant le Tribunal administratif
du travail, une... le 35.1, avec plusieurs alinéas où on dit, bon : «Malgré
toute règle de preuve, lorsqu'une affaire comporte des allégations de violence
à caractère sexuel ou de violence conjugale, sont présumés non
pertinents :
1° tout fait relatif à la réputation de la
personne prétendue victime de la violence;
2° tout fait relié au comportement sexuel
de cette personne autre qu'un fait de l'instance et qui a été invoquée pour
attaquer sa crédibilité;
3° tout fait en lien avec l'absence de
demande de faire cesser les gestes pratiques, paroles, comportements ou
attitudes à connotation sexuelle allégués;
4° tout fait en lien avec le dépôt ou
l'absence de dépôt d'une plainte en vertu du Code criminel relativement à la
violence alléguée;
5° tout fait en lien avec le délai à
dénoncer la violence alléguée, sauf pour démontrer l'existence ou l'absence de
motifs raisonnables pour prolonger un délai ou pour relever ou non une personne
des conséquences de son défaut de le respecter;
6° le fait que cette personne soit
demeurée en relation avec l'auteur allégué de cette violence.»
À votre avis, est-ce que c'est nécessaire
de nommer tous ces cas de figure, je dirais? Est-ce que c'est assez exhaustif,
trop exhaustif?
M. Pierre-Étienne (Jonathan) : Quand
on parlait de changement de culture, bien, c'en est un, exemple. Si la culture
n'était pas à ce niveau-là, on n'aurait pas besoin de les nommer, ça en ferait
déjà partie. On salue cette proposition-là dans le projet de loi et on pourrait
même déplorer le fait qu'on est obligé d'en avoir.
Mme Caron : Donc, c'est
nécessaire?
M. Pierre-Étienne (Jonathan) : C'est
nécessaire à ce stade.
Mme Caron : Mais dans un
monde idéal, ça ne serait pas nécessaire, mais dans un... Mais je n'ai pas...
M. Pierre-Étienne (Jonathan) : Exactement,
dans un monde idéal, il y a beaucoup de choses qui ne seraient pas nécessaires
dans les projets de loi, mais, dans ce cas-ci, d'un rappel pour venir dire
comment qu'on doit se conformer dans des reproches qu'on doit faire à la
personne, ces reproches-là ne peuvent pas en être, surtout pas dans un contexte
de violence.
Mme Caron : Et puis vous
voyez donc la présence de ces précisions-là comme contribuant à un changement
de culture? Est-ce que vous parlez du changement de culture dans les tribunaux.
M. Pierre-Étienne (Jonathan) :
Dans les tribunaux ou dans les relations humaines aussi, là, ou dans ce qu'on
pourrait voir dans le tribunal public, qu'on pourrait dire, là, qui est dans
les les messages Internet ou autres qui pourraient se propager. Mais ici, on
l'a ici, dans le projet de loi, mais ça va faire un changement de culture dans
la façon que les justiciables se comportent ou les citoyens se comportent aussi
par rapport à certaines mœurs qu'on croyait ou qu'on croit encore pertinentes.
Mme Caron : O.K. Et j'irais
dans... Ça m'amène à aller dans le... excusez-moi, dans la question de huis
clos contre lequel... j'ai bien compris, vous n'étiez pas à l'aise avec la
question de huis clos. Et est-ce qu'il y a là aussi un changement de culture ou
pas?
M. Pierre-Étienne (Jonathan) : Bien,
c'est que le huis clos empêche, comme je l'ai mentionné dans l'exemple, qu'un
chercheur qui voudrait faire un projet de recherche peut se faire refuser en
raison du huis clos et qu'il n'est pas un avocat d'être présent dans cette
salle, tout comme on peut voir des journalistes qui peuvent avoir de certains
problèmes. Et aussi, le huis clos n'empêche pas nécessairement... du débat
aussi, et puis il y a peut-être d'autres mesures qui peuvent être prises,
peut-être soit en collaboration entre... dans une demande que la victime peut
faire et pourrait être au choix de la victime dans certaines circonstances.
Mais de l'ordonner de facto, je crois qu'on va peut-être un peu trop loin dans
la publicité des débats, qui est une...
M. Pierre-Étienne (Jonathan) : ...qui
est un aspect primordial de notre société.
Mme Caron : Donc, dans...
Alors, vous voulez dire que, si je comprends bien, le... le huis clos vient
restreindre la transparence des débats finalement?
M. Pierre-Étienne (Jonathan) : Exactement,
parce que si on peut voir... Par exemple, on a mentionné que la victime peut
établir domicile chez son procureur. On pourrait anonymiser par des lettres A,
B, son nom. Mais, en faisant le huis clos, on vient aussi donner... si on veut
protéger la victime et aussi donner, on s'entend, moins... pas moins de place
possible, mais que la... que l'auteur, si on prend le parallèle avec le... le
volet criminel où l'auteur du crime ou la personne accusée n'a pas ce
bénéfice-là, c'est comme si on vient lui donner, soit immédiatement ou
10 ans après, une anonymisation ou une anonymisation de ses gestes si...
le cas... le cas échéant, qu'il n'aurait pas eu ou qu'il... dans un dossier
criminel.
Le Président (M.
Bachand) :40 secondes, Mme la
députée.
Mme Caron : Ça va.
Le Président (M.
Bachand) :Ça va?
Mme Caron : Bien, je vous
remercie. Je vais terminer ici. Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Vous êtes gentille. Merci
beaucoup, Mme la députée de La Pinière. Mme la députée de Vaudreuil, s'il vous
plaît!
Mme Nichols : Merci, M. le
Président. Bien, je n'ai pas grand temps, mais je voulais juste continuer sur
le huis clos. Je voulais juste faire du pouce un peu. Si je ne me trompe pas,
en Cour supérieure, dans les dossiers en familiale, c'est déjà du huis clos qui
s'applique. Donc, si on fait un parallèle, ça serait à peu près les mêmes
règles, là, je présume, bien... puis le ministre pourra nous nous le préciser,
mais ça serait à peu près les mêmes règles qui s'appliqueraient.
M. Pierre-Étienne (Jonathan) : Oui,
c'est l'article 15.2, là. Je vais laisser...
Mme Nichols : Oui,
l'article 15
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Oui.
Effectivement, puis dans bien des dossiers, là, qui font l'objet du projet de
loi, effectivement, le huis clos est probablement approprié. Mais, par exemple,
si on prend l'article 18, là, que votre collègue mentionnait, à la fin, on
prévoit le huis clos, mais il n'y a pas de soupape où le juge pourrait déclarer
que c'est public, par exemple, en raison des circonstances du dossier. Puis
comme le Barreau le mentionnait, peut-être que les victimes voudraient que ce
soit public dans certains cas. Donc, c'est juste d'être conscient de la
complexité de cette question-là, de l'importance de la publicité des débats
puis de s'assurer qu'on puisse faire les aménagements requis au cas par cas.
Mme Nichols : O.K. Ou sinon,
à la discrétion du juge de pouvoir... ou sur une demande, parce que les
avocats, par exemple, peuvent assister dans un huis clos, dans un dossier
familial.
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Oui.
Mme Nichols : Ou sinon sur
discrétion du juge.
M. Pierre-Étienne (Jonathan) : Et
de toujours regarder la victime aussi dans ce cas- là aussi, selon son...
Mme Nichols : Oui, bien sûr.
M. Pierre-Étienne (Jonathan) : ...la
discrétion du juge en regard de la limite de la victime, mais sans
nécessairement prioriser le huis clos.
Mme Nichols : Oui, parfait.
Très bien, merci. J'ai entendu votre position, même si vous n'êtes pas
nécessairement... Ce n'est pas par écrit dans votre mémoire, là, en lien avec
la formation. Évidemment, là, personne n'est contre plus de formations, hein,
plus de mises à jour, l'accompagnement aussi. Là, j'ai compris que vous avez
écouté les groupes de toute façon qui sont venus précédemment, puis
l'accompagnement, c'est un gros plus. Vous avez parlé aussi du partenariat,
partenariat avec différents organismes qui est aussi un gros plus.
Au niveau de la l'applicabilité, là, vous
l'avez écouté hier, là, ce n'est pas un enjeu, mais on essaie de prévoir puis
on a tous des doutes au niveau de l'application. Comment ça... tu sais, comment
ça va... Dans le milieu, là, comment ça va? Je ne veux pas... pas se
matérialiser, là, mais, tu sais, l'impact, là, dans le... dans le monde
juridique, comment... comment ça va arriver? Parce que ça semble difficile, la
réaction des tribunaux. Tu sais, même si on dit que ça va être facile, il va y
avoir des juges stand-by où, tu sais, il va... On le sait qu'il va quand même
avoir une période d'ajustement, puis tout, puis vous avez parlé, entre autres,
là, des détails importants pour la mise en œuvre. Est-ce que... Quand vous avez
parlé des détails importants, est-ce que vous en auriez à soumettre à notre
attention des détails importants qu'il ne faut surtout pas négliger, entre
autres, pour la mise en œuvre?
• (17 heures) •
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Bien,
c'est tout le processus administratif. Mais au-delà de ça, vous mentionnez le
fait que, bon, peut-être que ça ne fonctionnera pas. Je pense que toute réforme
doit être mise en œuvre en premier, puis c'est important de l'étudier,
d'évaluer ses succès et ses problèmes, puis ensuite de prendre un processus
itératif où on peut l'améliorer au fil du temps. Donc, je pense qu'on ne
devrait pas avoir la perspective de régler ce problème-là une fois pour toutes,
à 100 %, avec ce projet de loi-là, mais d'être à l'écoute du terrain, de
s'assurer de faire les évaluations requises pour pouvoir l'améliorer au fil du
temps également. C'est ce que je dirais.
Mme Nichols : Ça fait qu'au
niveau... au niveau des détails, c'est...
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Bien,
les formulaires, par exemple, qui vont être mis en place, il faut que ce
soit...
Mme Nichols : Administratif.
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Exactement.
Là, tout ce qui est administratif, comment techniquement, soumettre la demande,
comment on informe les gens sur l'existence de ce recours-là aussi? Donc, tout
le processus des victimes de A à Z, il faut y penser au pas à pas finalement,
pour s'assurer que les victimes et un parcours le plus facile possible.
Mme Nichols : C'est là, entre
autres, où les partenariats aussi avec les organismes au niveau du formulaire
vont être... vont être...
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : C'est
crucial.
Mme Nichols : Oui, ils vont
être crucial, ils vont être importants. Puis j'ai entendu aussi... je trouvais
ça intéressant quand vous avez parlé de la voie rapide électronique, de
l'ajouter... tu sais, de l'ajouter, de prévoir... de prévoir cette mesure-là.
Donc, c'est noté. Merci beaucoup. Merci de votre présence.
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) :
Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci...
17 h (version non révisée)
Le Président (M. Bachand) :...députée de Vaudreuil, Me Boulanger-Bonnelly, Me
Pierre-Étienne, merci infiniment d'avoir été avec nous. C'est un grand
privilège.
La commission suspend ses travaux quelques
instants afin d'accueillir la prochaine invitée. Merci beaucoup. À bientôt.
(Suspension de la séance à 17 h 02)
(Reprise à 17 h 06)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux. Il nous fait plaisir d'accueillir Mme Mélanie
Lemay...
Des voix : ...
Le Président (M.
Bachand) :S'il vous plaît! S'il vous
plaît! Je vais faire comme la présidente de l'Assemblée nationale : Hum!
Hum! Alors, s'il vous plaît... Mme Lemay, cofondatrice Mouvement Québec contre
les violences sexuelles, merci infiniment d'être avec nous aujourd'hui, c'est
très apprécié. Donc, les règles, vous les connaissez, 10 minutes de
présentation, après ça, une période d'échange avec les membres de la
commission. Donc, la parole est à vous. Merci beaucoup d'être avec nous, encore
une fois.
Mme Lemay (Mélanie) : Merci
pour l'invitation. Alors, bien, aujourd'hui, c'est un grand honneur et un grand
privilège de pouvoir m'adresse à la commission, notamment en raison d'un sujet
aussi important que la protection de nos jeunes.
Tout d'abord, en fait, je tiens à
mentionner deux choses. La première, c'est que je m'adresse à vous à titre de
sociologue en herbe, étant donné que je suis candidate au doctorat à l'UQAM,
mais aussi à titre de cofondatrice de Québec contre les violences sexuelles,
co-coordonnatrice de La voix des jeunes compte, mais surtout et avant tout en
tant que victime et survivante du sujet que l'on traite aujourd'hui. Donc, je
vais essayer de faire...
Mme Lemay (Mélanie) : ...bref,
considérant qu'avec mes obligations professionnelles, ma vie et... sachant
aussi que je n'ai pas été mise dans la... quand le beau projet de loi a été
annoncé sur les réseaux sociaux du ministre de la Justice, bien, en fait, je
n'ai pas eu la capacité, en fait, d'étudier en profondeur l'ensemble du projet
de loi. Mais sachez que je vais vous faire parvenir, sans faute, un mémoire
avec des recommandations très éclairées. Donc, je vais y aller tout simplement
avec mon parcours.
Donc, ce qu'il faut savoir, c'est que, de
mon côté, bien, écoutez, je suis fille du Nord et du Sud, parce que ma mère est
colombienne, mon père est québécois, canadien, donc, nécessairement, ça fait de
moi une entre-deux, entre deux cultures. Je suis aussi un enfant de la réforme.
Donc, j'étais aux premières loges de toutes les ratées et répercussions un peu
de la réforme de l'éducation, du chantier que ça avait représenté dans les
années 1990-2000. Alors, voilà sous quels titre et chapeau je m'adresse à vous
aujourd'hui.
Donc, tout d'abord, ce que je tiens à
mentionner, c'est que votre projet de loi est un projet de loi qui est
ambitieux, qui est rempli de bonnes intentions, qui est très honorable, je
pense que c'est un chemin qui va dans la bonne direction. Mais, en même temps,
je pense que c'est un projet de loi qui aurait dû être voté il y a 25, 30 ans,
peut-être, pour la simple et bonne raison que je suis aussi une jeune qui a
grandi avec l'Internet.
Donc, ce que je veux dire en disant cela,
c'est que, très tôt dans ma vie, j'ai été identifiée... je vous parle...
l'école primaire, par un coach de l'équipe de hockey. Tu sais, c'était des
Pee-Wee ou des tout-petits, là, qui commençaient tout juste à patiner. Moi, de
mon côté, je faisais du patinage artistique et le coach de l'équipe en question
avait dit aux gars dans la chambre de hockey : Écoutez, ce jeune-là,
elle, je n'y ferais pas mal si j'étais à votre place. Tu sais, si j'avais votre
âge, j'irais vers elle. Il a eu des propos aussi très particuliers, à mon égard,
quand il a vu que mes seins commençaient à pointer, que la puberté a débuté. En
parallèle de cela, j'ai aussi eu une orthopédagogue qui est venue à ma
rescousse, parce qu'étant aussi hispanophone...
C'est ma première langue, parce qu'à la
maison, ma mère, elle me parlait uniquement en espagnol, mon père me parlait en
français. La maison était un peu comme une zone, pour moi, où il n'y avait pas
de distinction entre les nations, entre les peuples. Parce que, de toute façon,
si on est une famille reconstituée, donc, on est aussi une famille métissée. On
a de toutes les générations, j'ai grandi avec ma grand-mère. Donc, bref, je
vous explique pourquoi, pour moi, c'était chaotique d'aller à l'école et de
savoir que mon frère n'était pas mon vrai frère, parce qu'on ne partageait pas
la même couleur de peau. «Naranja», ce n'était pas une vraie couleur, parce
que, nécessairement, quand je... de l'orange, et avec le nom que j'avais
Mélanie Lemay, je ne pouvais pas nécessairement avoir un bagage culturel. Donc,
ça a nécessité que je sois supervisée très tôt parce que je mélangeais les V et
les B, les S et les V, ou, en tout cas, toutes sortes de choses comme celles-là
au niveau linguistique.
• (17 h 10) •
Et même si, au départ, c'était quelque
chose qui a été bénéfique pour mon développement, mon orthopédagogue, elle m'a
ciblée très tôt, elle avait des plans pour moi. Aussitôt que je suis devenue
adolescente, elle a orchestré un plan machiavélique avec sa fille. Je me suis
retrouvée dans la même classe qu'elle, et elles m'ont contrainte à produire de
la pornographie juvénile qui a été distribuée, entre autres, entre les mains
des joueurs junior majeur du Québec de la ville hockey dans laquelle j'habitais
à l'époque. Et ce contenu-là — ils savaient que j'étais mineure — dans
le fond, ça s'est retourné contre moi. J'ai été extorquée. Sachant que j'étais
d'un bagage culturel religieux différent de la majorité de mes camarades de
classe, ça a été instrumentalisé contre moi pour me silencier et créer un écart
aussi entre les valeurs familiales. Et, finalement, ça m'a emmurée dans une
espèce de silence. Aussitôt que ma mère soupçonnait que quelque chose n'allait
pas bien avec sa fille, j'étais à cran, j'étais à vif. Je ne répondais pas.
J'étais très dans la colère, tu sais... une crise d'adolescence, laquelle je
commence tout juste à sortir, parce que j'ai vécu l'horreur en fait.
Parce qu'après avoir vécu une ville
hockey, j'ai vécu une ville football, parce que ça m'avait été fortement... En
fait, j'ai vécu de l'extorsion pour que j'aille étudier dans une ville où tout
tournait autour d'un ballon. Malheureusement, j'ai aussi été filmée à mon insu
pendant mes premiers émois sexuels...
Mme Lemay (Mélanie) : ...ça a
été distribué au sein de l'équipe. Ils tenaient des statistiques pour savoir
quel genre de filles faisait quoi. Donc, je vous dirais que ma vie a été un
certain calvaire pendant très longtemps, surtout que... Comment qu'on raconte
ça à sa maman et à son papa? Comment qu'on réussit à dire à Noël pourquoi on ne
s'est pas vus de toute la session? Pourquoi, genre, je n'ai pas été en capacité
de venir à des événements familiaux d'importance? Pourquoi j'ai... manqué
autant d'événements importants, dont des passages importants de la vie de mes
nièces? Tout ça pour quoi? Parce qu'on me retenait malgré moi dans toutes
sortes d'événements, de fêtes. J'ai été identifiée pour être une cheerleader.
J'ai été identifiée pour faire la boss girl, pour faire la barmaid, pour faire
toutes sortes de soirées loufoques, dans lesquelles je me suis retrouvée et qui
a ensuite étaient retenues contre moi. Parce qu'on le sait bien, Mélanie, elle,
c'est une fille de party. C'est une fille qui dit de la marde. C'est une fille
qui dit n'importe quoi. C'est une tête en l'air. C'est une fille qui est un peu
fofolle, qui devrait être humoriste. Elle est vulgaire. Elle n'a pas de filtre,
alors qu'en réalité j'ai été désinhibée et sexualisée trop jeune.
Alors, voilà, c'est... Je ne sais pas si
j'ai fait mon 10 minutes ou non, mais je tenais quand même à expliquer
pourquoi, en fait, selon moi, il y a des éléments qui manquent au projet de
loi, dont notamment la conception même du fait que ce contenu-là, il est
produit et créé non pas pour les jeunes, mais pour le dark web. Et tant et
aussi longtemps que nos équipes, que ce soit au niveau militaire, au niveau
policier, au niveau scolaire, soient capables de comprendre les rouages réels
de comment fonctionne le dark web et la pédocriminalité, je suis désolé, mais
on va mal continuer d'adopter des projets de loi qui vont avoir été efficaces
il y a 30 ans, mais qui, aujourd'hui, restent en décalage avec la réalité
réelle des jeunes. Je pense notamment à... aux IA, qui permettent, en fait, de,
même, prendre une photo d'un jeune et créer des faux contenus pornographiques.
Je pense à toutes sortes de problèmes au niveau entre autres des langues, au
niveau des barrières culturelles, au niveau de l'incapacité des écoles à
adapter aussi leur structure et leur modèle d'éducation à la réalité des
Québécois d'aujourd'hui. On compose plus de la moitié de la population
québécoise. Donc, j'apprécierais sincèrement qu'on puisse se pencher sur toute
la globalité de ce que c'est aujourd'hui être un jeune qui est connecté sur le
monde avec un téléphone? Et ce que je veux dire en disant ça, c'est ce que je
tiens aussi à mentionner que ce n'est pas un hasard si ma vie a été aussi
difficile. C'est que j'ai été dans les premières à avoir été invité à rejoindre
le fameux club social qui était Facebook. J'ai été une des premières amies à
Mark Zuckerberg. Donc, sincèrement, là, ça commence très jeune, puis ce n'est
pas le téléphone en tant que tel, puis ce n'est pas parce qu'on enlève le
téléphone ou l'écran que ça vient protéger les jeunes. Au contraire, ça les
isole davantage. Parce qu'ultimement l'intimidation, l'extorsion, la
sextorsion, peu importe, là, ce qu'on veut faire avec ça, bien, ça reste que
c'est 24 heures sur 24 et ça devient une prison qui est mentale, ce n'est
même plus physique. Et c'est la combinaison de certaines applications qui,
ajoutées les unes aux autres, qui vient créer, en fait, un total accès aux
galeries photos, aux pensées, aux notes, aux réflexions des jeunes, à leur
recherche Google. C'est un système qui est une méta-analyse, qui vend des
données très privées et intimes et qui permet de mieux cibler comment on va
coincer un jeune puis l'enfermer finalement et le radicaliser ou le polariser
d'une façon telle qu'il ne sera même plus capable d'avoir le même langage ou la
même langue avec ses parents. Parce que c'est comme s'il devient initié à
l'école des sorciers, là, pour prendre la métaphore de Poudlard, là. Il se met
à parler une langue que les Moldus ne comprennent pas, que les civils ne
comprennent pas.
Donc, c'est un peu l'essence même de mon
témoignage. C'est de réfléchir un peu à comment on doit regarder plus loin puis
s'adapter, en fait, à comment on doit regarder dans un point de vue global et
intégrer un corridor de services, comme on demande avec La voix des jeunes
compte depuis déjà presque six ou sept ans, là — c'est rendu très
gênant, là, comme délais d'attente — et aussi faire en sorte que...
bien, que la... les prochaines générations de jeunes n'aient pas à subir
l'enfer que moi j'ai vécu et duquel je commence tout juste à sortir.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, Mme Lemay.
Merci infiniment. On va procéder à la période d'échange. M. le ministre, s'il
vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Merci, M.
le Président. Bonjour, Mme Lemay. Merci de participer aux travaux de la
commission. Écoutez, je suis compatissant du...
M. Jolin-Barrette : ...de
votre témoignage, puis de votre vécu, de ce que vous avez vécu, vous relatez
que ça a été très difficile. Puis je pense que l'ensemble des membres de la
commission vous appuie là-dedans et est solidaire des difficultés que vous avez
eues au cours de votre vie. Puis je pense que le fait que vous veniez témoigner
ici en commission parlementaire, bien, ça, ça nous permet d'être conscientisés
à une certaine réalité, dont la vôtre, dont... que vous avez vécue, notamment
sur le partage d'images intimes, vous y avez fait référence un peu.
Et c'est pour ça qu'on vise à faire
adopter ce projet de loi là, notamment pour faire en sorte que les images
intimes qui sont envoyées sans le consentement, on rappelle que c'est une
infraction de nature criminelle, mais on dresse une voie civile avec le projet
de loi pour faire en sorte que, très rapidement, les images puissent être...
cesser d'être partagées, être détruites et être désindexées. Et on vient
couvrir également, dans le cadre du projet de loi, les images générées par
l'intelligence artificielle, mais également les hypertrucages.
Donc, l'objectif est d'avoir une voie
rapide, plus rapidement que le droit criminel, où le fardeau de preuve n'est
pas le même, où le fardeau de preuve est hors de tout doute raisonnable, tandis
qu'en matière civile, l'ordonnance qu'on met en place, c'est une ordonnance qui
pourra être disponible d'une façon... obtenue d'une façon urgente devant un
juge de la Cour du Québec ou devant un juge de paix magistrat qui officie à
l'intérieur de la Cour du Québec avec des pouvoirs. On le verra un peu plus
tard, on va élargir son champ d'application pour sa juridiction, pour la juge
de paix magistrats, pour faire en sorte justement que les personnes victimes
puissent remplir un formulaire soit en ligne ou au greffe directement, et que
le juge soit saisi urgemment de la demande d'ordonnance, et qu'elle puisse être
notifiée directement à l'auteur ou bien, en fait, au détenteur de l'image et
qu'il doive la retirer. Même chose à toutes les personnes qui la diffusent.
Donc... Et ça, ça sera sur le fardeau de la notification de la part du greffier
de la cour.
Donc, on cherche à simplifier le plus
possible les démarches pour les personnes victimes qui se retrouvent dans cette
situation-là, mais également de faire en sorte que si elles ne peuvent pas
présenter elles-mêmes la demande, qu'un proche puisse présenter la demande. Et
on prévoit également que les enfants de plus de 14 ans pourront faire
leurs démarches eux-mêmes s'ils le souhaitent. Donc, c'est véritablement quand
vous...
Une voix : ...
M. Jolin-Barrette : Vous
voulez commenter?
Mme Lemay (Mélanie) : ...une
question de qualification. Pour quelle raison ce n'est pas la CDPDJ, avec la
chambre spécialisée dans la jeunesse qui s'occuperait en fait de ce volet-là?
M. Jolin-Barrette : Bien,
en fait, la commission des droits... des droits de la jeunesse... des droits de
la personne et des droits de la jeunesse ne dispose pas de pouvoir
d'ordonnance. Donc, ce qu'on va créer, c'est vraiment une ordonnance
judiciaire, donc, qui est exécutoire. Et donc la notification se fait par le
greffier. Donc, la CDPDJ ne peut pas ordonner à quelqu'un de faire une... de faire
une chose ou de ne pas faire quelque chose. Dans ce cas-ci, c'est de retirer
l'image ou de la détruire. Donc, c'est pour ça qu'on ça s'en va à la Cour du
Québec et qui auront le pouvoir en matière d'ordonnance et également les
amendes associées à ça. Si jamais la personne, à partir du moment où elle s'est
fait notifier l'ordonnance du juge de la Cour du Québec ou du juge de paix
magistrat, bien, si c'est une personne physique, pardon, et elle ne respecte
pas, ça sera une amende de 5 000... de 500 $ à 5 000 $ par
jour en cas de contravention. Et pour une personne morale, comme une
entreprise, ça sera de 5 000 $ à 50 000 $ par jour. Et même
pour une personne physique, il y a des possibilités d'emprisonnement. Donc, on
a mis des peines assez sévères justement pour envoyer un message dissuasif et,
deux, si jamais il y a une ordonnance, bien ça soit sérieux et que la personne
qui contrevient à l'ordonnance ait des sanctions fortes rattachées à ça parce
qu'on veut véritablement limiter à...
• (17 h 20) •
Mme Lemay (Mélanie) : J'entends
qu'il va avoir des amendes puis des sanctions fortes. Mais ma question c'est de
savoir qu'est-ce que vous faites des gens qui sont issus d'un milieu précaire
ou populaire et qui, eux, en fait, ne sont que des... En fait, c'est juste des
pions du maillon que représente vraiment le trafic de jeunes, tu sais, parce
qu'on s'entend, là, c'est du trafic humain, là, dont on discute aujourd'hui. Ça
fait que j'aimerais savoir, en fait, pour quelle raison on va pénaliser des
enfants qui, eux, se retrouvent souvent dans des contextes de criminalité,
faute d'autre choix et pour des raisons souvent alimentaires?
M. Jolin-Barrette : Bien,
en fait, on ne pénalisera pas des enfants, au contraire justement les personnes
qui en sont victimes. Si l'enfant, supposons, l'adolescent âgé de plus de
14 ans se retrouve dans cette situation-là, un proche pourra faire une
demande à la cour pour faire retirer l'image. Donc, on a prévu que...
M. Jolin-Barrette : ...ça n'a
pas besoin d'être précisément la personne, et donc ça peut être un tiers qui
peut s'adresser à la cour pour faire retirer l'image, parce que, dans ces
contextes-là, on sait à quel point la rapidité de l'information, de la
circulation de la photographie ou du vidéo va rapidement. Donc, on a mis des
mécanismes en place justement pour que ce comportement-là cesse rapidement. Je
ne sais pas si ça répond à votre question.
Mme Lemay (Mélanie) : Bien,
maintenant, ça en éveille une troisième de clarification, là. Est-ce que vous
considérez qu'à l'heure actuelle les effectifs policiers et militaires de notre
État de droit sont en capacité de traiter la rapidité avec laquelle le «dark
Web» transige et vend ce contenu pédopornographique là?
M. Jolin-Barrette : Oui. Bien
là, ce que vous soulevez, on est dans un autre régime, on est en matière
criminelle. Alors, c'est déjà proscrit par le Code criminel. C'est déjà une
infraction criminelle. Dans le fond, tout partage d'images intimes d'un mineur,
ça constitue de la pornographie juvénile. Donc, il y a une infraction
criminelle rattachée à ça.
Également, il y a une infraction
criminelle qui est prévue dans le code pour le partage d'images intimes
notamment de majeurs qui n'ont pas consenti. Alors, ça ne constitue pas de la
pornographie juvénile parce que la personne est âgée de plus de 18 ans.
Cependant, sans le consentement, il s'agit d'une infraction de nature
criminelle.
Donc, il y a déjà des peines associées à
ça. Il y a déjà des ressources. Et là, dans ce cadre-là, lorsqu'il y a dépôt
d'une accusation en matière criminelle, c'est là que la police est interpelée
parce qu'il y a dénonciation à la police, et là il y a l'enquête de la police,
des enquêteurs, et, par la suite, il y a le dépôt du dossier au procureur aux
poursuites criminelles et pénales, qui, lui, décide si, oui ou non... entame
une poursuite à cet égard-là. Et puis il peut y avoir des ordonnances,
notamment de retrait d'images.
Mais, comme je vous dis, le processus en
matière criminelle est plus lourd, il est plus long également. Alors, nous, on
intervient dans le cadre... Puis le droit criminel est de juridiction fédérale.
Donc, c'est le Parlement fédéral qui peut légiférer là-dessus, également sur la
procédure criminelle. Alors, nous, comme Assemblée nationale, on intervient sur
le volet civil, à l'intérieur de nos compétences, pour justement faire en sorte
de développer un outil rapide et simple pour les personnes victimes, qui ne
leur impose pas un fardeau sur leurs épaules pour avoir un retrait.
Et donc les deux recours peuvent coexister
simultanément. Donc, une personne victime peut directement faire la demande
d'ordonnance et, par la suite, à ce moment-là, peut également faire une plainte
à la police pour qu'il y ait une démarche en matière criminelle qui procède.
Mme Lemay (Mélanie) : J'ai
peut-être une autre question de clarification. Est-ce que vous croyez
sincèrement qu'avec le projet de loi que vous déposez aujourd'hui ça aurait
fait une différence dans mon parcours de vie, s'il fallait que vous vous
retrouviez avec une jeune qui vit exactement la même situation que moi encore
en date d'aujourd'hui, chose qui, «by the way», là... je reçois par centaines
comme témoignages depuis des années?
M. Jolin-Barrette : Bien,
écoutez, je le souhaite. Je ne connais pas dans le détail votre situation
personnelle, mais très certainement je peux vous dire, Mme Lemay, que, lorsque
nous développons des projets de loi, notamment que ce soit le tribunal
spécialisé ou la réforme de l'indemnisation des victimes d'actes criminels,
tous les parlementaires ont en tête de faire en sorte de mieux accompagner,
mieux soutenir les personnes victimes. Et je vous dirais qu'il y a une
unanimité de la part de tous les collègues, de toutes les formations politiques
ici, à l'Assemblée nationale, afin de faire une place plus grande aux personnes
victimes, d'être centrés sur leurs besoins et d'adapter, de moderniser,
d'amener un changement de culture dans le système de justice. Et c'est... cette
démarche-là qu'on étudie le projet de loi n° 73 également.
Alors, écoutez, je vous remercie
grandement pour votre présence en commission parlementaire. Si mes collègues
souhaitent échanger avec vous, ça va me faire plaisir, mais merci beaucoup pour
votre présence en commission.
Le Président (M.
Bachand) :Merci, M. le ministre.
Monsieur...
Mme Lemay (Mélanie) : ...
Le Président (M.
Bachand) :M. le député de Saint-Jean,
s'il vous plaît.
M. Lemieux : ...mais je pense
que Mme Lemay venait de dire quelque chose que j'ai manqué.
Mme Lemay (Mélanie) : Oui,
j'apprécierais, si c'est possible, là. En fait, j'apprécie vraiment la grande
vertu dans laquelle tout le monde s'est drapé ici aujourd'hui, là, dans le sens
qu'on ne peut pas être contre la tarte aux pommes. Sincèrement, je fais juste
mentionner qu'à quelque part je ne dis pas qu'il n'y a pas beaucoup d'efforts
ou d'énergie qui a été mis là-dedans. Moi, je pense qu'il y a beaucoup de cœur,
il y a beaucoup de volonté, il y a beaucoup de... tu sais, de vouloir rassurer,
en fait, la population générale sur tout ce qui se passe vraiment dans les
écoles encore en date aujourd'hui. Mais la raison pour laquelle je tenais à
prendre le micro, là, à l'instant, c'est vraiment juste pour mentionner qu'il
existait des lois contre les pimps. Elles venaient d'être votées quand j'étais
jeune. Et, malgré tout, voyez-vous, ils se sont adaptés au code de l'époque
parce que le temps que ça a pris avant que cette loi-là soit adoptée, bien,
finalement, on était déjà rendus ailleurs. Et c'est pour ça que je mentionnais
que votre loi, elle est géniale, mais si on était 20 ans, 30 ans en arrière.
M. Lemieux : Pas de question,
M. le Président. Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée
de La Pinière, s'il vous plaît. Merci.
Mme Caron : Merci, M. le
Président. Merci, Mme Lemay, pour votre témoignage. Je ne doute pas que
c'est... c'est très difficile de s'ouvrir...
Mme Caron : ...comme ça,
publiquement, ça prend beaucoup de courage. Alors, merci. Personnellement, vous
me... vous m'ouvrez, je dirais, un peu, peut-être, les yeux sur des situations
que j'ai eu, je dirais, le bonheur de ne pas connaître, que vous avez eu le
malheur de connaître. Alors, merci beaucoup pour ce témoignage-là, c'est
apprécié.
Vous avez dit au début que vous n'aviez
pas déposé de mémoire, mais que vous comptiez le faire, avec des
recommandations. Alors, je vais vous poser une question, puis, bon, si vous
n'avez pas des recommandations maintenant, elles viendront plus tard. Alors, je
comprends que, bon, il y a des pratiques qui ne sont peut-être pas connues, des
pratiques répréhensibles qui ne sont peut-être pas connues publiquement parce
que ça se fait derrière des portes closes, avec de la peur, là, qui qui fait en
sorte que les victimes ne peuvent pas s'ouvrir de ça, même pas à leurs parents,
parce qu'on met la honte sur eux, alors que ce n'est pas eux qui ont un
comportement honteuse. Donc, peut-être que je comprends votre... votre
affirmation quand vous dites que vous auriez aimé que cette loi-là soit en
place avant, peut-être qu'elle vous aurait été utile et... mais les choses
étant ce qu'elles sont, le projet de loi est devant nous aujourd'hui.
Alors, est-ce que vous, avec votre
expérience, il y a des éléments peut-être plus précis du projet de loi qui vous
chicotent, je dirais, que vous dites : Bien, ça, c'est bien, mais, dans ce
que moi, j'ai vécu, je ne pense pas que ça aurait fonctionné, par contre, si
vous ajoutiez telle chose, ou si vous enleviez telle chose, ou si vous
modifiiez telle chose, peut-être que ça pourrait aider un plus grand nombre de
personnes? Je sais que, comme moi, vous n'êtes pas juriste, vous êtes
sociologue en devenir, mais est-ce qu'à la lecture du projet de loi... est-ce
qu'il y a certaines idées comme ça que vous avez eues, peut-être, que vous
pouvez nous partager maintenant ou bien que vous comptez mettre dans votre
futur mémoire?
Mme Lemay (Mélanie) : Bien,
c'est certain que je vais faire une étude par articles, là, vous pouvez être
assurée de ça, là, dans mon mémoire, là. Ce que je mentionne, en fait, c'est
vraiment l'idée plus globale, qui est l'essence même. Moi, je pense qu'en ce
moment c'est une belle opération de relations publiques pour calmer le fait qu'en
ce moment, il y a comme une panique morale autour du fait que les jeunes
s'échangent des photos, qu'il y a du sexting. Moi je tiens à dire que,
sincèrement, tu sais, c'est un peu comme... tu sais, comme quand on était
petit, là, avant internet, là, avant le téléphone, là, puis qu'il y avait une
curiosité normale de regarder un peu qu'est-ce qu'il y avait en dessous des
culottes de l'autre, tu sais, ça fait partie du développement normal de
l'enfant, là, de se questionner sur : Moi, je fais pipi de telle façon,
l'autre, il fait pipi de quelle autre façon? Je sais que c'est très graphique,
ce que je dis en ce moment puis ce n'est pas nécessairement quelque chose qui
est agréable à visualiser, mais la raison pour laquelle je dis ça, c'est qu'on
ne pourra pas enlever aux enfants le fait que leur développement psychosexuel
normal va aller... dans une direction.
• (17 h 30) •
Aujourd'hui, l'élément qui vient
complexifier cette exploration saine et normale du corps, c'est le fait qu'il y
a des outils technologiques. Malheureusement, ce n'est pas les outils en tant
que tel, l'enjeu, c'est des applications, c'est la façon dont les données sont
collectées, c'est dans les petits caractères qu'on ne lit jamais puis qu'on
accepte dans les mises à jour qui sont mises sur mon téléphone qui sont
inquiétantes.
Ça fait que moi, en fait, j'invite les
parlementaires à se questionner plutôt sur l'impact de Meta, de... l'impact de
certains... Puis je ne suis pas la première à le dire, là, je ne suis pas du
tout l'experte. Il y a des documentaires qu'on peut trouver facilement sur
Netflix. Je ne dis pas ça parce que j'adhère aux théories du complot ni quoi
que ce soit. Factuellement, je peux vous attester que le fait d'avoir eu le
même numéro de téléphone, la même adresse courriel depuis maintenant 20 ans, 30
ans... non, excusez, parce que, là, j'ai 31 ans, là, mais peut-être depuis que
j'ai 11, 12 ans, ça fait que ça me fait à peu près, c'est ça, 15, 20 ans, c'est
ce qui m'a mise en danger, en fait, pendant aussi longtemps. Donc, c'est sûr
que le fait de changer, peut-être, fréquemment de téléphone, de numéro, ça peut
être des choses qui peuvent aider, mais, ultimement, ce n'est pas non plus une
solution sine qua non.
Puis ce que je questionne, c'est
surtout : Est-ce que vous avez les effectifs policiers et militaires pour
enquêter sur le dark Web et essayer d'analyser comment ce contenu-là,
pédocriminel, est organisé? Parce que ce n'est pas une simple question
d'échange de news, c'est vraiment une question de comment on terrorise toute
une génération de jeunes à ne pas parler, en fait, de ce qui se passe vraiment
sur les réseaux sociaux.
Mme Caron : Alors, vous...
17 h 30 (version non révisée)
Mme Caron : ...qu'on ait
une... qu'on se penche sur ces... sur ces questions-là, qui sortent peut-être
du projet de loi, mais c'est un souhait que vous émettez, qu'on se penche sur
des questions comme ça. Est-ce que je comprends...
Mme Lemay (Mélanie) : Bien...
au niveau de la sécurité publique, il me semble que ça fait partie, en fait,
des budgets, là, que vous contrôlez à Québec. Ça fait que moi, je pense que...
d'investir davantage en... personnes qui sont des... au niveau du hawking, au
niveau de retracer rapidement comment s'allument, s'éteignent certains sites
Internet, les mises en enchères qui se font en ligne...
Tu sais, je sais que ça a l'air vraiment
tiré par les cheveux, ce que je vous dis en ce moment, mais c'est... le nerf de
la guerre, parce que c'est la raison même de pourquoi il y a ce genre de
réseaux là. Il n'y a pas un jeune qui va vouloir partager, de façon sincère,
les photos de son crush. Ça va souvent être la situation contraire, où c'est
des jeunes qui, par survie alimentaire ou par contrainte, vont se mettre à
diffuser du contenu parce qu'ils ont été menacés, ou parce qu'ils sont
contraints de le faire par survie ou parce qu'ils ont peur que, s'ils ne le
font pas ça va être un autre membre de leur patrie ou de leur fratrie qui va se
retrouver avec la même position délicate.
Mme Caron : D'accord. Je vous
remercie beaucoup, Mme Lemay.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Mme la députée de
Vaudreuil, s'il vous plaît.
Mme Nichols : Oui, merci, M.
le Président. Merci, Mme Lemay, pour... pour le courage de... de nous parler de
votre passé, là, j'imagine que ce n'est pas... ce n'est pas... ce n'est pas
facile, puis ce n'est pas évident, parce que ça ne l'est pas pour nous de vous
écouter. C'est... c'est difficile, c'est des mots difficiles, puis c'est des
histoires difficiles, donc je vous félicite pour... pour votre courage,
évidemment.
Moi, je n'aurais pas de question, M. le
Président. Je veux simplement... simplement assurer Mme Lemay que l'ensemble des
parlementaires, autour de la table, sont de bonne foi, bien que le projet de...
Oui, je vous assure, là, moi, je ne serais pas ici, je ne serais pas ici,
sinon. Ça fait que je pense qu'il y a une bonne volonté, puis il y a de la
bonne foi de l'ensemble des collègues, et ça, peu importe les... les
allégeances politiques. Je veux... je veux absolument... je veux... je tiens à
vous rassurer, à vous rassurer.
Si on peut bonifier le projet de loi... Tu
sais, le ministre avait une bonne intention en déposant son projet de loi. Les
oppositions, si on peut le bonifier, entre autres, en entendant des expériences
comme la vôtre, en entendant des parties plus juridiques, des organismes, on
est là pour ça puis on va le faire. Puis, bien sûr, on pourra le faire, entre
autres, avec les différents mémoires, parce qu'il y a des mémoires qui seront
déposés de personnes qui ne sont pas nécessairement venues témoigner. Donc, on
attendra votre mémoire, puis, avec votre mémoire, bien, on pourra bonifier le
projet de loi, sans aucun doute. Merci, Mme Lemay, de votre présence.
Mme Lemay (Mélanie) : Je
tiens simplement à mentionner que je ne doute pas du tout, là, que les
parlementaires veulent faire la bonne chose. Je fais juste vous aviser que
cette réalité-là que je vous partage aujourd'hui, elle est vécue par une
majorité de jeunes. Elle n'est pas minoritaire, elle est majoritaire.
Mme Nichols : C'est pris en
note. Merci beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) :Sur ce, Mme Lemay, comme disait
la députée de Vaudreuil, on est très contents de vous avoir entendue et on a
hâte de vous lire. Alors, merci beaucoup d'avoir été avec nous cet après-midi,
c'est très, très, très apprécié.
Et, avant de conclure les auditions, je
procède au dépôt des mémoires des personnes et organismes, comme disait la
députée de Vaudreuil, qui n'ont pas été entendus lors des auditions publiques.
Sur ce, compte tenu de l'heure, la
commission ajourne ses travaux sine die. Merci beaucoup, à bientôt. Merci.
(Fin de la séance à 17 h 35)