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Version préliminaire

43rd Legislature, 1st Session
(début : November 29, 2022)

Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.

Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions

Thursday, May 2, 2024 - Vol. 47 N° 70

Special consultations and public hearings on Bill 56, An Act respecting family law reform and establishing the parental union regime


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Journal des débats

11 h (version non révisée)

(Onze heures vingt-huit minutes)

Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! Bonjour, tout le monde! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 56. Loi portant sur la réforme du droit de la famille et instituant le régime d'union parentale. Avant de débuter, M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Boivin Roy, Anjou-Louis-Riel est remplacée par Mme Lecours, Lotbinière-Frontenac et M. Zanetti, Jean Lesage est remplacé par M. Cliche-Rivard, Saint-Henri–Sainte-Anne.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Donc, il nous fait plaisir d'accueillir notre premier groupe. Donc Maître Sylvie Schirm et Maître Marie-Elaine Tremblay. Merci beaucoup d'être avec nous. C'est un grand, grand grand plaisir. On s'excuse un petit peu du retard. Comme vous savez, les travaux au salon bleu ont eu préséance. Alors, je vous laisse... commencer votre présentation de 10 minutes. Après ça, on aura un échange avec les membres de la commission. La parole est à vous. Merci.

Mme Schirm (Sylvie) : Parfait. Alors, je suis Maître Sylvie Schirm, avocate qui pratique exclusivement en droit de la famille, associée chez Schirm et Tremblay, avocats. Je suis accompagnée de mon associée, Maître Marie-Elaine Tremblay. Notre cabinet œuvre exclusivement en droit de la famille.

C'est toujours un honneur de pouvoir être dans cet édifice si important et de participer aux rouages de la démocratie. Une partie de notre travail en tant que plaideuse est d'interpréter la législation existante. En participant à ce processus, nous espérons humblement pouvoir l'influencer avant son existence. Nous tenons à remercier le ministre de la Justice, Maître Simon Jolin-Barrette, pour avoir entamé et déposé le projet de loi n° 56, une législation tant attendue depuis l'arrêt de la Cour suprême dans l'affaire Éric contre Lola, et d'avoir eu le courage de le faire.

Nous sommes très conscientes de la complexité de ce dossier. Les conjoints de fait représentent une vaste diversité au Québec et tenter de remplir toutes les lacunes législatives n'est pas une tâche facile. Nous connaissons également l'assiduité et le dévouement du Dr Roy qui vous accompagne dans cette démarche et nous le saluons. Le seul hic de cette réforme, c'est que mon livre sur les conjoints de fait est devenu désuet. Dans le fond, tant mieux. Alors nous avons pris connaissance avec grand intérêt des commentaires du ministre et nous accueillons...

Mme Schirm (Sylvie) : ...favorablement l'objectif directeur choisi pour le projet de loi no 56, c'est-à-dire assurer une plus grande stabilité aux enfants naissants hors mariage, dont on sait que c'est 65 % au Québec, et ce, en cas de séparation de leurs parents.

• (11 h 30) •

La réforme du droit de la famille est un moment propice et souvent rare pour discuter des problématiques qui touchent les familles québécoises lors de la rupture et d'envisager des solutions. Il a été discuté depuis l'annonce de la réforme qu'une solution pourrait être la possibilité de prévoir le paiement d'une pension alimentaire à titre de mesure compensatoire pour le parent qui a fait des sacrifices durant l'union au bénéfice d'un enfant. Nous comprenons que cela ne fut pas le choix du ministre et soulignons également que cette solution envisageable ne fait pas non plus l'unanimité au sein de notre cabinet, peut-être un écart de génération, mais nous croyons important de soulever tous les points entourant la réforme, car il est important de réfléchir et de discuter de toutes les possibilités envisageables pour les familles québécoises. Vous trouverez les pour et les contre dans notre mémoire. Bref, nous comprenons que cette option ne fut pas retenue par le ministre.

Alors, je voudrais traiter maintenant de la définition d'union parentale. En vertu du projet de loi, l'article 521.20, une union parentale avec un parent marié ne se forme pas tant qu'il n'y a pas de dissolution du mariage ou de l'union civile. Mais il arrive souvent qu'une personne décide de refaire sa vie après sa séparation et même avoir des enfants, le tout en étant encore mariée. On le voit souvent dans nos dossiers. Dans certains cas, la personne n'entreprend pas des procédures de divorce ou, si celles-ci sont contestées, le délai pour terminer les procédures peut s'éterniser, d'autant plus que nous savons que notre système de justice est pas mal débordé de ces temps-ci. Dans de telles circonstances, cela signifie que les protections de l'union parentale ne sont pas offertes à ces familles-là. Nous croyons donc qu'il y a lieu de prévoir que lorsque l'un des conjoints est marié ou en union civile, l'union parentale se formera à compter du dépôt de la demande introductive d'instance en divorce ou en dissolution de l'union civile. Alors, cela permettra, parce que souvent les procédures ne sont pas immédiatement prises pour toutes sortes de motifs et toutes sortes de raisons, mais cela permettra donc que l'union parentale puisse quand même débuter à un moment donné avec le dépôt d'une demande introductive d'instance.

En ce qui a trait au moment d'entrée en vigueur, alors, on constate que les nouvelles dispositions ne s'appliqueront qu'aux personnes qui deviendront pères et mères ou parents d'un même enfant après le 29 juin 2025. Nous croyons qu'étant donné les changements importants apportés par le projet de loi aux droits et obligations des justiciables, il est important de préciser à compter de quelle date et en fonction de quelles circonstances ces modifications entreront en vigueur. Nous sommes très au fait de la polémique existant dans la communauté juridique au sujet de cette décision de ne pas assujettir les enfants déjà nés au projet de loi no 56, ayant pour conséquence d'en exclure les couples non mariés qui sont aujourd'hui déjà parents d'un enfant et, par ricochet, exclure des enfants nés avant le 29 juin 2025. Cette approche diffère de celle choisie par le législateur lors de l'adoption du projet de loi no 146, soit la Loi sur le patrimoine familial.

Nous comprenons ainsi qu'il soit difficile pour la communauté juridique de comprendre la raison d'être de cette... de cette date quant au contenu de l'article 45, lequel crée une catégorie d'enfants distincte, soit ceux qui sont nés avant son entrée en vigueur. Je tiens à souligner que cela ne signifie pas que les enfants ont des droits distincts, mais quand même crée une catégorie différente. Nous comprenons aussi que le législateur a pour désir de respecter les choix exercés par leurs parents quant à leur type d'union. Ceci dit, si le législateur décidait de revoir l'article 45 devant la polémique existant au milieu juridique et d'assujettir les unions existantes avec enfants à ce projet de loi, nous croyons que les effets du projet de loi devront alors remonter à la date de naissance de l'aîné des enfants communs de ces conjoints de fait, par opposition à ne créer des effets qu'à partir de la date d'entrée en vigueur. Nous croyons que soumettre les unions existantes à deux types de...


 
 

11 h 30 (version non révisée)

Mme Schirm (Sylvie) : ...qui se succéderaient dans le temps, un pour l'avant l'entrée en vigueur et l'autre après, serait contre-productif et sans grande utilité. Alors, ce point est effectivement un point de débat dans le milieu juridique. En ayant parlé avec de nombreuses collègues, on avait des points de vue divergents face à ça, mais la réalité est que cela risque de créer un différend entre les enfants.

En ce qui a trait à la... chapitre sur la résidence familiale, qui est l'article 521.24, qui parle que les mesures de protection de la résidence familiale qui sont déjà prévues au Code civil subsistent pendant 30 jours qui suivent la fin de l'union, lorsque celle-ci a pris fin par la manifestation expresse ou tacite de la volonté par l'un ou l'autre des conjoints de mettre fin à l'union. On tient à vous souligner que nous envisageons des défis au niveau de la preuve à faire pour établir la manifestation expresse ou tacite de la volonté d'un des conjoints de mettre fin à l'union. Alors, on voudrait souligner qu'au niveau preuve, il va y avoir une certaine difficulté.

D'autre part, on croit que le délai de 30 jours est fort insuffisant pour protéger les droits des conjoints et leurs enfants suivant la rupture. S'il y a certains dossiers qui se règlent rapidement et dans un délai court, ils ne constituent pas toujours la majorité des dossiers. La rupture engendre un lot de soucis et une période de grands bouleversements. Les négociations peuvent comprendre plusieurs points interreliés entre eux et donc s'étirer sur plusieurs mois. Également, nous entrevoyons des difficultés au niveau de la coexistence du projet de loi... de l'article 521.24 du projet de loi et 521.28, c'est-à-dire un conjoint qui se voit octroyer l'usage de la résidence familiale dont il n'a... ou dont il n'est pas propriétaire, pourrait quand même faire face à la vente de la propriété par l'autre conjoint 30 jours après la rupture. Donc, le... quand il y a une résidence qui est au nom d'un seul des conjoints.

Alors, pour éviter toute ambiguïté et donner aux conjoints un temps convenable pour prendre position suivant la rupture, nous croyons qu'il sera plus approprié que la protection prévue pour la résidence familiale subsiste pendant 120 jours et toute période additionnelle prévue par jugement rendu en vertu de 521.28. Donc, si un juge accorde le droit d'usage de la résidence qui est au nom de l'autre conjoint, la protection va quand même subsister jusque... pour toute période additionnelle prévue par jugement, et qu'on n'appliquera pas seulement les 30 jours qui sont prévus actuellement.

Bon, d'autre part, on parle aussi de l'article 521.27, quand on... les demandes relatives à l'attribution de la propriété qui doivent être faites au plus tard 30 jours après la fin de l'union. Je pense que tout le monde dans le monde juridique a convenu que 30 jours, ce n'est rien, c'est un délai... très, très court et presque impossible et insuffisant pour faire une demande suite à la rupture devant les tribunaux. Alors, d'abord, il faut se rappeler qu'on encourage les parties à négocier à l'amiable avant d'entreprendre des procédures, ce qui peut prendre du temps. Ce délai est très peu réaliste face au délai pour obtenir un rendez-vous à l'aide juridique ou même en médiation. L'institution du patrimoine de l'union parentale entraînera nécessairement des discussions entre les parties suivant la rupture au sujet des biens. Si les parties s'entendent, ils procéderont à un partage à l'amiable et décideront du sort des questions mentionnées à cet article sans recourir au tribunal. Autrement, le tribunal sera saisi par l'un ou l'autre des conjoints. Donc...

Le Président (M. Bachand) :...merci beaucoup, on est déjà rendus à la période d'échange, je m'excuse.

Mme Schirm (Sylvie) : Je m'excuse, alors...

Le Président (M. Bachand) :M. le ministre, pour une période de 14 minutes, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Maître Schirm, Maître Tremblay, merci d'être présentes en commission parlementaire et de venir vous... nous présenter votre mémoire. Vous êtes des praticiennes du droit, vous l'avez dit (Interruption), pardon, vous l'avez dit, vous pratiquez exclusivement en droit de la famille. Donc, vous avez une expertise précise et depuis plusieurs années.

D'entrée de jeu, là, sur la question du 30 jours pour la protection, l'attribution de la résidence familiale, vous nous suggérez 120 jours. Parce qu'en pratique, lorsqu'il y a séparation, le temps que les gens puissent s'orienter, tout ça, ça prend quatre mois, là, selon vous.

Mme Schirm (Sylvie) : Bien, si ce n'est pas quatre mois... mais c'est soit 120 jours ou le jugement qui accorde l'usage, le jugement, parce qu'on trouve qu'il y a une petite... une petite contradiction. C'est-à-dire que, par exemple, un juge ordonne, donne l'usage à un des conjoints, mais, avec l'état actuel, l'autre...l'autre conjoint, il peut vendre la résidence 30 jours...

Mme Schirm (Sylvie) : ...après. Je comprends qu'ils vendent avec un droit d'usage, là. Ce n'est peut-être pas la meilleure vente au monde, mais le fait demeure qu'il y a une certaine contradiction qui s'y trouve.

M. Jolin-Barrette : ...la protection de la résidence familiale et l'attribution plus que 30 jours.

Mme Schirm (Sylvie) : Oui.

Mme Tremblay (Marie-Elaine) : C'est un minimum, en fait, qu'on suggère comme 120 jours. Puis c'est un petit peu aussi dans la même... C'est cohérent avec les modifications qui ont été apportées à la Loi sur les droits de mutation. Maintenant, on permet beaucoup plus de temps avant pour l'exemption, là, pour qu'elle soit en vigueur entre les conjoints de fait parce que la médiation puis les tentatives de règlement, c'est long. Ça peut...

• (11 h 40) •

M. Jolin-Barrette : ...financière sur le fait que quand vous vendez à votre conjoint, vous ne payez pas la taxe de mutation...

Mme Tremblay (Marie-Elaine) : ...bienvenue, là...

M. Jolin-Barrette : ...puis la taxe de bienvenue.

Mme Tremblay (Marie-Elaine) : ...les frais de mutation. Maintenant, depuis 2020, je crois, ça a été modifié. Maintenant, c'est beaucoup plus long. C'est des délais à partir de la fin de la médiation ou à partir du jugement, parce que... Et c'est dans cette ligne-là que nous, on se dit qu'un délai minimum de 120 jours serait plus adéquat.

M. Jolin-Barrette : Je ferais... Je veux faire appel à votre expérience pratique, là. Dans le projet de loi, on a fait en sorte qu'idéalement ça soit le même juge qui puisse suivre les familles. Qu'est-ce que vous pensez de cette proposition-là?

Mme Schirm (Sylvie) : Ça, ça dépend du jugement.

M. Jolin-Barrette : Vous savez que vous n'êtes pas la première à me dire ça en commission parlementaire. Puis je ne vous cacherai pas que ça soulève chez moi certaines inquiétudes parce que, dans notre système de justice, lorsqu'on se présente devant le tribunal, ça devrait être un traitement neutre, peu importe qui est assis sur le banc.

Mme Schirm (Sylvie) : Ça, c'est...

Mme Tremblay (Marie-Elaine) : Mais c'est un...

M. Jolin-Barrette : Non, non, je... Mais c'est parce que... Je vous le dis parce vous n'êtes pas la première à me le dire depuis le début des consultations, là.

Mme Tremblay (Marie-Elaine) : Mais les juges de première instance jouissent d'une très grande discrétion. C'est là, je pense, que les différences peuvent arriver, là. Je pense que c'est...

Mme Schirm (Sylvie) : Mais en réalité, la proposition d'avoir un juge pour des cas peut-être plus complexes, peut-être pas nécessairement pour tous les dossiers, mais pour les dossiers où est-ce qu'on pense qu'on va revenir plus d'une fois. Que ça soit pour la garde, la divulgation financière, le partage des biens, ça, c'est certain, ça fait très longtemps, depuis que je suis en pratique, qu'on le demande. Et pour toutes sortes de raisons, ce n'est pas arrivé. C'est... C'est un bienfait. C'est quelque chose qui peut énormément aider puis aussi faire comprendre aux justiciables, surtout s'il y a un justiciable qui a un comportement un peu plus abusif que l'autre ou qui pense pouvoir utiliser ses ressources financières pour écraser l'autre partie, on peut voir que, dans ce cas-là, il va... il ou elle va savoir qu'ils sont sous surveillance d'un juge qui va suivre le dossier. Alors, ce n'est pas une mauvaise idée du tout, et je n'aurai honnêtement aucune objection à qu'on puisse avoir le même juge dans les dossiers un peu plus complexes.

M. Jolin-Barrette : O.K. Vous en avez un peu parlé, là, vous avez dit quelqu'un qui voudrait peut-être écraser avec ses moyens financiers l'autre partie. On a mis des mesures en matière de violence judiciaire. Qu'est-ce que vous pensez de ça?

Mme Schirm (Sylvie) : Bravo!

Mme Tremblay (Marie-Elaine) : Excellent. Excellent.

Mme Schirm (Sylvie) : Excellent! C'était requis.

M. Jolin-Barrette : Puis pouvez-vous nous illustrer dans le cadre de votre pratique, là, qu'est-ce que vous avez déjà vu par rapport à ça? Tu sais, là, que...

Mme Tremblay (Marie-Elaine) : Bien, les conjoints de fait, par exemple, qui sont à la cour, demandes de prestations compensatoires qui, aujourd'hui, sont un enrichissement injustifié. Donc, la partie vulnérable financièrement a extrêmement de difficulté à financer le recours. Et là il suffit pour l'autre partie d'aller souvent à la cour. On va demander qu'elle soit expulsée de la maison. Puis je dis «elle» parce que c'est encore, malheureusement, la majorité du temps, la femme qui est la plus vulnérable, bien que ça change. Mais donc on va demander qu'elle soit expulsée de la maison. On va l'essayer une fois, deux fois, trois fois. On va aller s'obstiner pour le choix d'école, pour l'empêcher de voyager. Ultimement, le jugement va être rendu, mais ultimement, à chaque fois, c'est des frais. Et ce n'est pas dans tous les cas où on peut demander une provision pour frais, là. À l'heure actuelle, c'est seulement pour les matières alimentaires, et les tribunaux ne vont pas nécessairement avoir le... cette violence-là en termes de... En droit de la famille, elle n'est pas nécessairement perçue alors que, maintenant, le tribunal va avoir l'obligation de le considérer. C'est parfait.

M. Jolin-Barrette : Sur la question de la composition du patrimoine d'union parentale, on a le patrimoine familial qui comprend, bon, les maisons, bien, les résidences, les autos, les meubles, les... les régimes de retraite également, les REER, tout ça. Dans le patrimoine de l'union parentale, il y a la résidence familiale, les automobiles, les meubles, la résidence familiale. On a exclu les régimes de retraite ou les fonds de pension et les REER. Qu'est-ce que vous pensez de cette exclusion-là?

Mme Schirm (Sylvie) : En fait, l'exclusion du fonds de pension et des REER, je peux comprendre pourquoi on a fait ça, dans le sens que ce n'est pas nécessairement un actif qui va être partageable immédiatement. Alors, si je prends un fonds de pension du RREGOP, par exemple, qui sera partageable, ça va aller dans un CRI. Alors, la personne ne peut pas nécessairement, sauf acheter une rente viagère, mais ne peut pas immédiatement avoir accès. Donc, si on tient compte que les gens vont prendre leur retraite à 65 ans, par exemple, c'est sûr que rendu là...

Mme Schirm (Sylvie) : ...ce bien-là n'impacte pas sur la vie des enfants, parce que ces sommes-là ne sont pas disponibles. Le REER, c'est presque la même chose, parce qu'on sait que... c'est un REER, on a un impact fiscal sérieux. Alors, à notre avis, la question des fonds de pension, des REER n'est pas une problématique qu'il ne soit pas exclu. Dans la résidence secondaire, ça, on pourrait essayer de se demander : Est-ce qu'on doit l'inclure ou non? Mais on considère aussi, puis on a eu beaucoup de discussions au cabinet, que c'est... dans le fond, qu'est-ce qu'on cherche, c'est de protéger le quotidien des enfants. C'est quoi? La maison, les voitures, les meubles. Est-ce que la résidence secondaire fait partie du quotidien? Pas nécessairement. Est-ce que c'est possible de demander indirectement une compensation lors de la prestation compensatoire? Oui. Est-ce que c'est encourager les gens de de comprendre c'est quoi, la copropriété? Parce qu'on parle des résidences secondaires qui ne sont pas en copropriété. Alors, je n'ai pas nécessairement une problématique là que c'est la résidence secondaire ne soit pas dans l'union... dans le patrimoine de l'union parentale.

M. Jolin-Barrette : Peut-être une sous-question là-dessus. Hier, ça nous a été soulevé. Supposons une famille a un appartement à Montréal, c'est leur résidence familiale, O.K.? Mais la famille a aussi... Bien, la famille... M., supposons, a un chalet, puis, à chaque fin de semaine, ils sont au chalet. Donc, ils ne sont pas propriétaires de la résidence familiale, mais il y a un chalet. Est-ce que, là, votre réponse...

Mme Tremblay (Marie-Elaine) : Non, elle ne diffère pas, la réponse, parce que l'idée, c'est qu'on dit : Il ne faut pas... Comme vous l'avez bien dit, l'objectif, ce n'est pas de marier de force les Québécois. L'idéal, c'est de protéger l'environnement immédiat de l'enfant en cas de rupture. On le voit, là, Mme qui restait à la maison, qui n'a pas de revenu. Demain matin, elle est sortie de la maison parce qu'elle ne lui appartient pas. C'est ça qui va affecter l'enfant. Le fait qu'il n'ait pas accès au condo en Floride, au chalet, l'enfant va toujours continuer d'y avoir accès avec son autre parent, mais c'est l'immédiat qui est protégé. Et ça... Selon nous, ça met en place les protections nécessaires pour l'enfant, sans brimer la liberté contractuelle et sans forcer un mariage à des Québécois qui n'en voudraient pas.

M. Jolin-Barrette : O.K. Peut-être une dernière question avant de céder la parole à mes collègues. Qu'est-ce que vous pensez du fait qu'on vient insérer une prestation compensatoire dans le cadre du régime d'union parentale et qu'on permet une provision, notamment pour frais en lien avec la prestation compensatoire?

Mme Tremblay (Marie-Elaine) : Bien, la provision pour frais, c'est une merveilleuse idée parce que c'est un recours qui est extrêmement onéreux et c'est malheureusement la partie financièrement vulnérable. Donc, souvent on a un recours où on se dit, à l'heure actuelle, le recours enrichissement injustifié pourrait avoir gain de cause, mais la partie n'est juste pas capable de le financer. Alors, ça, pour pouvoir aller chercher une compensation, c'est merveilleux. On salue vraiment cette disposition-là.

Le... Tout ce qui est la prestation compensatoire qui est prévue, le seul problème qu'on a avec ça, c'est l'absence de la méthode de calcul, en fait. Alors que ce que la Cour d'appel a fait, et ça a été confirmé récemment encore, elle a intégré la façon de calculer la valeur accumulée, là, la co-entreprise familiale. Et ce que nous, on considère, c'est qu'on se dit : Bien, est-ce que véritablement... Parce qu'il faut... il faut se rappeler que la valeur reçue, lorsqu'on compensera avec ce calcul-là, ce sera toujours le moindre de l'enrichissement ou de l'appauvrissement. Donc, j'ai entendu, là, d'autres... en commission particulière, j'ai entendu des commentaires à l'effet que, par exemple, si une ingénieure arrêtait de travailler, on pourra lui compenser son revenu d'ingénieure. Non, parce que, si elle a gardé les enfants, l'enrichissement qui a été reçu, c'est la valeur d'une gardienne ou d'une nanny. Donc, ce n'est pas le salaire de l'ingénieur. Si moi, je gagne 500 000 $ et que j'arrête de travailler pour m'occuper de mon enfant, mais que la nanny aurait eu 30 000 $ par année, le moindre des deux, c'est le 30 000 $ par année. Et ça, en ce sens-là, parce que la valeur accumulée, la co-entreprise familiale, cette méthode de calcul là est importée dans notre droit. dans... en jurisprudence par les tribunaux, ça a été confirmé par la Cour d'appel, bien là, ça, ça représente un certain recul. Et donc il va y avoir des conjoints de fait sans enfant qui vont toujours pouvoir bénéficier d'une plus grande compensation. Évidemment, ça va toujours en lien avec l'enrichissement, là, mais donc et souvent l'intention des parties, si je demeure à la maison pour m'occuper des enfants, bien, ce n'est pas nécessairement juste de me faire compenser parce que je n'ai pas travaillé, c'est souvent une des intentions communes, un projet commun. Donc, le seul bémol qu'on a, c'est ça. Est-ce qu'il n'y a pas une certaine régression au niveau de la compensation financière qui, normalement, règle générale est beaucoup moins importante lorsqu'on calcule avec la valeur reçue que la valeur accumulée.

Mme Schirm (Sylvie) : On tient compte, par exemple, qu'ici il y a patrimoine d'union parentale, par exemple, alors que, dans le cas d'enrichissement injustifié, il n'y a rien, jusqu'à date, les conjoints de fait n'avaient accès à aucun partage de quoi que ce soit. Alors, c'est sûr que c'est considéré. On considère aussi qu'on... on ne partagera pas deux fois le même bien dans ce contexte-là. Cependant, effectivement, c'est un...

Mme Schirm (Sylvie) : ...un certain recul qu'on constate. On comprend que c'est importé du common law, on comprend les principes, mais on comprend aussi dans le... la vie de tous les jours, dans nos dossiers, quel est l'impact que cela peut avoir.

Mme Tremblay (Marie-Elaine) : Parce que même quand on parle de l'union parentale, normalement, c'est à la suite. Le tribunal va constater l'enrichissement, ensuite il va dire : Parfait. Quelle méthode de calcul est ce que j'emploie pour compenser, pour déterminer l'indemnité? Et une fois que l'indemnité est déterminée, là, je vais déduire les bénéfices déjà reçus par la personne qui demande l'indemnité. Donc, c'est là que va entrer en ligne de compte l'union parentale. Si madame, dans mon exemple, a déjà reçu la moitié de la maison, la moitié de la voiture, la moitié des meubles, ça va être déduit. Donc, si déjà on part avec un calcul qui est une valeur reçue, qui devrait être un calcul, déjà une indemnité plus petite, et qu'en plus on déduit l'union parentale, le patrimoine, bien, c'est là que ça nous inquiète.

• (11 h 50) •

Le Président (M. Bachand) :Merci. Le temps file, il reste deux minutes à Mme la députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré.

Mme Bourassa : Bon, je vais devoir choisir dans mes questions. J'avais trop de questions à vous poser. Eh bien, juste d'abord, un petit commentaire. Tu sais, tout à l'heure, vous disiez que, bon, ça va s'appliquer en juin 2025, mais, et c'est mon cas, on a eu la belle discussion avec mon conjoint, on va pouvoir quand même, les couples qui ont eu des enfants avant cette date-là, adhérer à une procédure simplifiée, je pense que c'est important aussi de le mentionner.

Mais rapidement, moi, je constate dans mon entourage qu'il y a peu de gens qui ont des testaments et j'aimerais savoir, selon votre pratique, est-ce que ça porte souvent à des situations problématiques? Et le fait qu'on ajoute avec le... le p.l. la permission d'hériter dans le cas où il n'y aurait pas de testament, qu'est ce que ça peut faire comme différence?

Mme Schirm (Sylvie) : Écoutez, je pense que le problématique qui existe et que ça soit au niveau du testament, ou au niveau du contrat de vie commune, ou au niveau de l'organisation financière du couple, c'est que les Québécois sont des romantiques et ils ne veulent pas parler de rupture. Alors, organiser sa vie en tant que conjoint de fait, financièrement ou légalement, ce n'est pas un réflexe naturel, ce n'est pas quelque chose que les Québécois vont faire automatiquement. Alors, c'est certain que le testament, c'est quelque chose qui est important de faire, je pense qu'on le sait tous. Est-ce que tout le monde le fait? Non. Est-ce que cela fait une certaine protection, au moins pour le conjoint, après... après un an? On n'est pas en désaccord avec cette approche-là, mais on pense aussi que qu'est-ce qui est vraiment important, je ne suis pas la seule à le dire, c'est une campagne de sensibilisation. Puis essayer aussi de faire comprendre aux gens : Vous devez prendre votre vie un peu en main et faire certains choix ou en discuter, même si ce n'est pas ça que les gens veulent faire. C'est ça, le gros défi. Ce n'est pas le fait qu'on ne donne pas d'informations, que ce n'est pas accessible, que ça coûte trop cher, le fait, c'est que les gens ne veulent pas en parler. Ils sont ensemble, ils sont heureux, ils ne veulent pas nécessairement parler de la rupture. C'est ça qui le défi dans tout ça.

Mme Bourassa : Donc, ça fait en sorte que vous, ce que vous avez vu, c'est arrivé quand même souvent qu'il y a des gens qui n'avaient pas de testament, puis là, finalement, le conjoint ne peut pas hériter, là, ça crée de la chicane, j'imagine.

Mme Tremblay (Marie-Elaine) : Ou qui pensait être protégé, qui finalement ne l'était pas. Alors, cette disposition-là, c'est une excellente nouvelle. Oui.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée de Westmount Saint-Louis pour 8 min 49 s.

Mme Maccarone : Merci, M. le Président. Bonjour, maîtres. Merci de votre présence aujourd'hui. Je sais que vous allez nous aider à... à trouver une solution, parce que vous, vous avez dit que vous avez eu beaucoup de débats à l'intérieur de votre cabinet. Puis, comme vous avez constaté, si vous suivez les travaux, on a plusieurs d'opinions.

Moi, je souhaite jaser avec vous par rapport à la catégorie des enfants. Vous l'avez fait un peu une allusion lors de vos remarques. Puis si, par exemple, je... je fais référence à la présentation qu'on a eue de professeures Lavallée, Belleau, eux ils parlent de les mieux protéger des parents mariés, les oubliés, ceux qui sont nés des parents d'unions de fait avant le 31 juin 2025, et évidemment les enfants qui sont nés lors de l'adoption du projet de loi n° 56, si ça reste dans... dans sa forme actuelle. Je souhaite vous entendre là-dessus par rapport à les solutions, parce que j'ai vu aussi dans vos recommandations, vous parlez d'un patrimoine, le patrimoine et pension alimentaire, chose qui n'est pas incluse dans le projet de loi. Puis, à l'intérieur de votre réponse, quand vous... vous allez nous clarifier le sort des femmes aussi à l'intérieur de ceci, parce qu'évidemment on ne peut pas négliger que la situation économique de l'enfant est directement liée avec la situation économique du parent. Ça fait que est-ce que nous sommes en train aussi de créer des catégories de... de parents, de femmes entre autres? Parce qu'on sait que la situation n'est pas nécessairement égalitaire pour les femmes en comparaison avec les hommes. C'est quoi les recommandations? Que devons-nous faire pour s'assurer qu'on protège autant les enfants que les femmes à l'intérieur d'une... des... peut-être des... de bonifications, mais l'adoption de la loi?

Mme Schirm (Sylvie) : Mais je pense qu'il faut aussi être conscient de la... du changement de notre société qui évolue à une vitesse fulgurante à tous les niveaux. Mais quand je regarde la situation en 1989, et je suis assez vieille pour m'en rappeler, là, c'est... je me souviens très bien que toutes les renonciations au patrimoine familial, le débat sur le patrimoine familial avait été fait, c'étaient dans des mariages traditionnels. C'était des femmes qui, à l'époque, restaient à la maison...

Mme Schirm (Sylvie) : ...la maison avec les enfants, M. travaillait. Mme n'était même pas sur le... sur le marché du travail. On s'entend que les Québécoises, là, ils sont sur le marché du travail. Ils... Cela a énormément modifié, et les femmes ne sont plus dans cet état. Puis je ne dis pas que c'est... c'est parfait, mais je ne crois pas qu'on a cet état de vulnérabilité qu'on avait en 1989, comparé à aujourd'hui. Alors, je peux comprendre pourquoi... En même temps, à cause du fait que... du refus des Québécois de se marier pour toutes sortes de raisons, parce qu'on peut en parler longtemps sur les raisons, mais cela fait en sorte que les gens ont fait d'autres choix. Et donc il faut quand même permettre, quelque part dans tout ça, cette liberté contractuelle. On n'est pas contre ça. On n'est pas contre le fait qu'on ne pense pas que toutes les femmes sont vulnérables, ce n'est pas nécessairement le cas. Et on voit dans notre pratique de plus en plus de dossiers où Mme gagne plus de sous que monsieur. Alors, il faut quand même mettre tout ça dans le contexte.

Donc la pension alimentaire, c'était une suggestion de... de... que moi et d'autres on a comme pensé au lieu d'un patrimoine d'union parentale et au lieu d'une prestation compensatoire. Parce que selon... selon moi et pas selon mon associée...

Mme Tremblay (Marie-Elaine) : Ce... Ce n'est pas mon avis.

Mme Schirm (Sylvie) : C'est ça. ...c'est plus simple. C'est plus simple, on connaît... C'est plus vite. C'est plus... C'est une façon plus efficace, mais on comprend que ce n'est pas le choix du législateur et on ne veut pas non plus empêcher de quelque façon que ce soit l'avancement de ce projet de loi là ni le fait d'avoir une protection quelconque pour les conjoints de fait.

Mme Maccarone : La liberté contractuelle, on a aussi entendu parler beaucoup, pleinement, par des gens qui passent une audition. La majorité des Québécois ne savent pas sur quel régime ils sont mariés. Ils ne savent pas leurs droits ou la différence entre je suis mariée ou je suis conjoint de fait, puis ils pensent qu'ils ont accès à les mêmes droits puis les mêmes protections. Puis on a aussi entendu qu'il y a seulement 4 % des Québécois qui ont eu recours à des contrats de vie commune.

Alors, que devons-nous faire pour s'assurer, si, mettons... Parce que vous aussi que vous parlez d'opting out, par exemple, comme une mesure qui pourrait être mise en place. Comment allons-nous s'assurer que les Québécois sont informés, puis, quand on parle de la liberté contractuelle, bien, que vraiment que ça s'applique?

Mme Schirm (Sylvie) :  Mais la solution, c'est la consultation juridique. Alors, ici, dans le projet de loi, on parle d'un retrait par acte notarié. Nous, qu'est-ce qu'on propose, et c'est dans notre mémoire, c'est qu'il y ait forcément une consultation juridique individuelle du couple, de chacun séparément, avant de faire quelque retrait que ce soit, ou de quelque renonciation que ce soit du patrimoine de l'union parentale. Et nous croyons que ce... ça, cela va forcer les gens aussi à connaître leurs droits, parce qu'il n'y a rien comme une consultation juridique pour qu'on puisse faire le tour de la question sur mesure de cette personne-là, parce que pas toutes les familles sont pareilles, pas toutes les situations sont pareilles. Et cela va leur donner les informations dont ils ont besoin pour ensuite faire les choix. Je peux décider de renoncer à tout, mais au moins j'ai eu l'information et le conseil, je l'ai fait en connaissance de cause. On a vu les renonciations du patrimoine familial en étant annulé à cause du fait... par des juges, là, par des jugements, à cause du fait qu'un... parce que la personne n'avait pas eu une consultation juridique, ne connaissait pas ses droits. Alors, c'est pour ça que c'est important qu'on puisse avoir cette consultation-là dans le contexte du projet de loi qui existe.

Mme Maccarone : Mais l'accessibilité de ceci?

Mme Schirm (Sylvie) : Aujourd'hui, il y a l'aide juridique... il y a... il y a... il y a différentes façons de rendre ça accessible, une consultation n'est... est souvent un très bon investissement.

Mme Maccarone : Je souhaite vous entendre par rapport à le 30 jours d'attribution de la résidence familiale. Je sais que vous avez fait un peu référence. Vous parlez de 120 jours. Il y a autres personnes qui ont dit qu'on ne devrait pas avoir... Me Kirouac, par exemple, zéro date. Je connais plein de familles qui sont séparées et puis ils n'ont pas choisi une date... ou à cause de le sort de l'enfant ou leur situation familiale, ils partagent la maison une semaine, une semaine pour éviter de déplacer les enfants. Pourquoi 120 jours? Pourquoi pas...

Mme Schirm (Sylvie) : Ça, c'est pour la résidence, pour la protection de la résidence familiale, mais pour le... l'autre article, là, qui prévoit le... Je ne veux juste pas dire n'importe quoi, là. Les mesures de protection... attendez, c'est pour le... c'est ça, 27, les demandes relatives à l'attribution de la propriété, du bail, le droit d'usage, on demande 30 jours. Ça, c'est énormément, c'est passé... c'est 30 jours, ce n'est rien. Et c'est ce... ce délai de 521.27 que nous, on demande d'annuler, qu'il n'y a aucun délai, comme c'est le cas actuellement. Les gens ne sont pas forcés de prendre une demande de divorce, ils ne sont pas forcés de faire une demande de garde ou de pension alimentaire.

Mme Maccarone : J'ai du temps peut-être pour une dernière question. Il n'y a personne à date qui parle de...

Mme Maccarone : ...pour des enfants en situation de handicap suite à une rupture pour des conjoints de fait, qui sont peut-être majeurs. Devons-nous prévoir quelque chose? Je sais que ça ne fait pas partie de ce que vous avez constaté dans votre mémoire, mais moi, je souhaite être alimentée là-dessus. Qu'est-ce que nous devons faire pour protéger le conjoint et les enfants?

Mme Schirm (Sylvie) : L'enfant majeur handicapé a droit à une pension alimentaire...

Mme Maccarone : Même si...

Mme Schirm (Sylvie) : ...à l'heure actuelle, à l'heure actuelle.

Mme Maccarone : Même si c'est des conjoints de fait.

Mme Schirm (Sylvie) : Oui, aucun changement.

• (12 heures) •

Mme Tremblay (Marie-Elaine) : Parce que, quand vous parlez des différentes catégories d'enfant, il faut comprendre que ce n'est pas vrai, ça ne crée pas des différentes catégories d'enfants. Les enfants ont tous les mêmes droits. Si le traitement aux parents est différent, selon le régime juridique qu'ils... auquel ils ont décidé de s'assujettir ou non. Donc, moi, je ne suis pas d'accord à l'effet que ça crée des catégories d'enfant différentes, je pense que, juridiquement, ce n'est pas vrai. Mais, dans les faits, est-ce qu'un parent qui a un enfant handicapé... Là, il y a plein de situations, on en voit plein nous-mêmes. On en a, des clients, dans ces situations-là. Il y a beaucoup de subventions qui sont obtenues en fonction de la garde. Il y a... il y a plusieurs modalités qui peuvent être mises en place. Puis tous les frais additionnels, ce sont considérés un petit peu comme des frais particuliers qui sont partagés entre les parents. Donc, si le parent qui n'a pas la garde, entre guillemets, parce qu'il est majeur, la garde de ce parent-là est très fortuné, bien, il va avoir des recours pour pouvoir avoir accès à ces argents-là quand même. Donc, le projet de loi ne change rien à cette situation-là.

Mme Maccarone : Et si le diagnostic se passe, mettons, quand l'enfant a 17 ans, par exemple, est-ce que c'est les mêmes...

Mme Tremblay (Marie-Elaine) : C'est les mêmes règles, ça ne change rien. L'enfant devient indépendant financièrement lorsqu'il atteint la majorité, à moins qu'il ait une raison de ne pas l'être. Il est encore à l'école à temps plein, il a un problème de santé mentale, un problème de santé physique, etc., auquel cas il demeure un enfant dépendant.

Mme Maccarone : Votre opinion sur le statut de conjoint de fait dans l'absence d'un enfant.

Mme Tremblay (Marie-Elaine) : Moi je comprends... Je suis une une grande défenderesse... défendeuse... défenseuse du droit cvil, de la liberté contractuelle et j'adhère au principe de ne pas forcer le mariage entre des gens qui ne veulent pas se marier. Donc...

Le Président (M. Bachand) :Merci, merci. Je dois céder la parole au député de Saint-Henri-Sainte-Anne pour 2 minutes, 56. 

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup pour vos excellentes présentations, pour votre mémoire. J'ai une petite question, un petit volet qui m'a attiré l'attention quand même sur les déductions admises au patrimoine de l'union parentale. Vous en parlez dans votre mémoire, si je ne m'abuse, là, sur le volet de la contestation constitutionnelle possible. Pouvez-vous nous en glisser un mot?

Mme Schirm (Sylvie) : Bien, s'il y a... en tout cas, ça, c'est les rêves des plaideuses, hein, on pense à tous les litiges possibles, toutes les affaires qu'on peut plaider à la cour. Alors, est-ce que... La question, c'est : Quand on est marié avec les règles du patrimoine familial actuel, si on a des épargnes qui sont utilisées pour l'achat d'un bien du patrimoine, on ne le récupère pas, hein? Alors, on ne le récupère pas parce que ce n'est pas bien du patrimoine. Et ça a été plaidé, tout le monde... tout le monde trouve ça injuste, mais peu importe, ça ne marche pas. La loi est là, la cour d'appel a tranché là-dessus, on vit avec.

Alors, présentement, dans le projet de loi, les conjoints de fai peuvent... Ces sommes-là sont exclues. Donc, si j'utilise 100 000 $ de mes épargnes pour acheter la résidence, bien, je vais la récupérer. Alors, est-ce qu'il y a une certaine, puis on n'est pas des constitutionnalistes, loin de là, mais est-ce qu'il y a une certaine discrimination? Est-ce qu'un couple... Est-ce que quelqu'un qui se divorce peut venir dire : Bien, moi, je souffre de ça... alors que les conjoints de fait en bénéficient6 C'est possible.

Mme Tremblay (Marie-Elaine) : On est d'accord avec le fait de permettre les épargnes comme déductions. C'est juste qu'il faudrait arrimer le patrimoine familial.

Mme Tremblay (Marie-Elaine) : Je comprends qu'il n'y a pas de changement au niveau des gens mariés, ni de «opting out» du patrimoine, ni rien qui a été discuté dans le projet de loi. Alors, on n'est pas allé plus loin que ça, mais on a soulevé : Est-ce que c'est une possibilité? Peut-être.

M. Cliche-Rivard : Ça fait que quelqu'un pourrait avoir un avantage de ne pas se marier puis de rester dans l'union... dans l'union parentale, dans ce contexte-là. C'est ce que vous...

Mme Tremblay (Marie-Elaine) : Uniquement par rapport...

Mme Schirm (Sylvie) : Par rapport à ça, c'est certainement un avantage, oui.

M. Cliche-Rivard : Exactement. Puis là vous dites que maintenir la dualité ou la double existence pourrait constituer une discrimination sur l'état matrimonial. C'est ce que vous soumettez. 

Mme Tremblay (Marie-Elaine) : Peut-être, mais on voit  un canevas où les gens pourront...

Mme Schirm (Sylvie) : On n'a pas fait de recherches là-dessus. On n'est pas des avocats en droit constitutionnel, c'est quelque chose à regarder. Mais est -e que c'est possible, parce qu'il y a.... c'est quand même un écart entre les gens... les conjoints de fait puis les gens mariés. 

M. Cliche-Rivard : Il y a l'affaire de votre 90 jours pour le «opt out». Vous dites que, dans l'année qui suit la naissance de l'enfant, vous...

Mme Tremblay (Marie-Elaine) : On dit que 90 jours, c'est trop court, la mère vient d'accoucher. C'est un moment assez instable, assez vulnérable. On propose que ce soit fait dans les 12 mois. Puis on propose aussi que cet article-là précise, parce que c'est permis de soustraire une partie d'un bien, on propose que ça aussi, ce soit clair que ce soi... que ça doit être fait par acte notarié.

M. Cliche-Rivard : Puis ça doit être fait, selon vous...

Mme Tremblay (Marie-Elaine) : Parce qu'à l'heure actuelle, la façon que nous, on lit l'article, c'est seulement si on veut retirer le bien au complet...

M. Cliche-Rivard : Au complet qu'il y a l'acte notarié...

Mme Tremblay (Marie-Elaine) : ...mais si on voulait prévoir autrement, par exemple, ce ne sera pas 50-50, la maison, ce sera 70-30. La lecture actuelle ne nous permet pas... 


 
 

12 h (version non révisée)

Mme Tremblay (Marie-Elaine) : ...conclure que ça prend un acte notarié. Alors, on pense que c'est important de le préciser.

M. Cliche-Rivard : Merci bien.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de Jean-Talon, pour 2 min 14 s, s'il vous plaît.

M. Paradis : Merci beaucoup pour votre mémoire bien ciselé et les réponses que vous nous donnez aujourd'hui, qui précisent un peu votre pensée. Et moi, je vais être un petit peu dans cette optique-là. J'ai bien noté que, sur le moment d'entrée en vigueur du projet de loi et son application, vous parlez d'un certain nombre d'hypothèses, avec une illustration, mais vous ne semblez pas prendre position. Vous nous suggérez : Si le ministre changeait d'avis, il devrait remonter à la date de naissance de l'aîné des enfants communs déjà nés d'unions de conjoints de fait. Est-ce que vous pouvez préciser un peu ce que vous pensez du moment d'entrée en vigueur de la loi?

Mme Schirm (Sylvie) : Mais c'est parce que c'est... C'est... La difficulté qu'on a, c'est le fait de dire : Si on l'applique... C'est parce qu'on comprend les deux arguments. Et, peut-être, c'est notre déformation professionnelle, là, mais de... c'est notre travail, quand on prend un dossier, de penser qu'est-ce que l'autre partie va venir nous dire. Alors, on voit les deux côtés.

Donc, est-ce que, d'un côté, on ne veut pas imposer ce régime-là à des gens qui ont déjà des enfants, parce que c'est une nouveauté? Et est-ce qu'on ne veut pas imposer ça parce qu'on veut leur donner peut-être aussi le temps de s'organiser? Ça, c'est un argument qui est valable. Est-ce que, d'autre part, on veut permettre à... Parce que je comprends que l'exemple que nous avons donné, c'est en effet une problématique avec deux enfants du même... des mêmes parents, mais à différents moments.

M. Paradis : Puis, si vous préférez ne pas vous prononcer, là...

Mme Schirm (Sylvie) : Non, non, c'est correct, mais...

M. Paradis : ...il n'y a pas de problème. Mais c'est parce que je trouvais très intéressant la perspective que vous ameniez... très intéressante, puis là j'ai bien entendu une des dernières réponses de votre collègue, qui disait : Bien, on est en faveur de la liberté contractuelle, de la préservation du droit civil, et vous mentionnez bien que c'est une approche différente de celle, à l'époque, de la loi n° 146. Donc, est-ce que vous préférez l'approche adoptée dans le projet de loi ou l'approche de 146?

Mme Schirm (Sylvie) : Je pense que ce n'est même pas là la... avec respect, c'est même... c'est... La question n'est pas là. La question, c'est : Quelles sont les problématiques qui vont surgir?

Mme Tremblay (Marie-Elaine) : C'est comme ça qu'on l'a regardé, nous.

Mme Schirm (Sylvie) : C'est comme ça qu'on le regarde.

Mme Tremblay (Marie-Elaine) : En pratique, qu'est-ce qu'il pourrait y avoir comme problèmes?

Mme Schirm (Sylvie) : En pratique, quelqu'un vient nous voir, c'est quoi qui va arriver? Alors, l'exemple qu'on a donné dans le cas de figure, là, c'est justement ça. Quelqu'un qui a deux enfants nés dans deux... à deux périodes différentes, est-ce qu'ils vont avoir le même... Si la réponse, c'est que les enfants n'ont pas exactement accès aux mêmes droits, alors on a un problème.

Le Président (M. Bachand) :Sur ce, merci beaucoup d'avoir été avec nous, ça a été un grand privilège.

Et je suspends les travaux quelques instants. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 07)

(Reprise à 12 h 10)

Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Ça me fait plaisir d'accueillir nos prochains invités, non... invités... pardon, dont Me Suzanne Pringle. Merci beaucoup d'être ici. Alors, comme vous savez, vous avez 10 minutes de présentation. Après ça, on aura une période d'échange avec les membres. Mais je vous inviterais d'abord à présenter les gens qui vous accompagnent, s'il vous plaît.

Mme Pringle (Suzanne H.) :  C'est ce que j'allais faire. Alors, M. le ministre Jolin-Barrette est-il... oui, est-il ici? Oui. M. le Président, membres de la commission, je vous présente tout d'abord Me Stéphane Pouliot, qui est mon associé, et Me Aurélie Ouellette, qui est une avocate chez Pringle et Associés, et je voulais que vous ayez trois générations d'avocats. Je ne vous dis pas qui est qui.

Alors, je... Lors de la dernière grande réforme en droit de la famille, en 1980, j'étais en première année de droit à l'Université de Montréal. Je suis présentement dans ma 41 ᵉ année de pratique. Le 5 février 2002, il y a 22 ans, les procédures familiales et constitutionnelles du dossier que les médias ont appelé Éric et Lola, dans lequel j'évolue depuis le début, étaient déposées. Le jugement de la Cour suprême du Canada sur l'aspect constitutionnel a été rendu en janvier 2013. Plusieurs promesses de divers politiciens ont été faites par la suite, mais elles sont malheureusement restées lettre morte.

Je souligne votre courage, M. le ministre, pour le troisième volet de la réforme du droit de la famille, puisque, bien que nécessaires, les projets de loi de société comme celui-ci dérangent. Je suis honorée d'avoir été convoquée pour vous transmettre mes commentaires sur le projet de loi n° 56. Je prends cette responsabilité très au sérieux.

Je salue tout d'abord les nouvelles dispositions très positives de ce projet de loi, soient la protection de la résidence familiale des conjoints de fait vivant en union parentale durant l'union et suite à la rupture, la création d'un patrimoine d'union parentale, le choix de pouvoir s'exclure de ce patrimoine d'union parentale ou d'en modifier le contenu, la possibilité de réclamer une prestation compensatoire pour des conjoints de fait vivant en union parentale s'étant appauvri et surtout, à cet égard aussi, la possibilité de pouvoir réclamer une provision pour frais pour pouvoir exercer ce recours, et enfin l'octroi de dommages-intérêts en cas de violence judiciaire et finalement, je fais un lien entre ces deux-là, la recommandation que la juge en chef privilégie, la prise en charge d'un dossier par un juge unique pour litiges... les litiges en droit de la famille.

Le projet de loi n° 56 navigue entre deux récifs, celui de protéger l'intérêt des enfants et celui de vouloir respecter la liberté de choix et l'autonomie de la volonté de ceux qui sont déjà conjoints de fait et ont choisi de ne pas être encadrés par les règles du mariage. Nous comprenons que le projet législatif est de protéger l'intérêt des enfants par la constitution d'un patrimoine d'union parentale ciblé et une protection de la résidence familiale, auxquels s'ajoute une possibilité de compensation pour le conjoint qui s'est appauvri durant l'union parentale en cas de rupture.

Je me suis attardée sur la possibilité d'atteindre ces objectifs législatifs en analysant les articles du projet de loi, tels que rédigés. En lien avec le projet de loi... pardon, avec le projet législatif choisi, je pense que certaines dispositions doivent être améliorées. En voici quelques-unes : l'inclusion de toutes les résidences de la famille dans la composition du patrimoine familial. Pour moi, il est clair que la stabilité des enfants passe par tout leur milieu de vie, ceux où ils sont normalement, où sont normalement leurs amis, leur milieu, leur sécurité, donc la résidence familiale et les résidences secondaires.

Ensuite, la modification du délai de prescription des droits de protection de la résidence familiale qui devrait être allongé. Je sais qu'il y a eu beaucoup de discussions sur cette question, mais nous avons écrit, dans notre mémoire, que ce devrait être un minimum de six mois plutôt que 30 jours de la fin de l'union. La loi prévoit que les protections accordées, selon 401 à 407 du Code civil, subsistent durant 30 jours. Avec respect, c'est extrêmement court.

Aussi, le délai obligatoire de 30 jours pour présenter les demandes relatives à l'attribution d'un droit relatif à la protection de la résidence familiale devrait, à notre avis, être révisé puisqu'en pratique ce délai...

Mme Pringle (Suzanne H.) : ...est irréaliste et fera nécessairement perdre des droits. On a mis un petit tableau intéressant, enfin, moi, je le trouve intéressant, qui vous explique pourquoi il faut pratiquement compter le nombre d'heures pour être capable de présenter une demande en 30 jours. À cet égard aussi, vous l'avez déjà entendu, on devrait rendre plus claire la... l'expression «la manifestation expresse ou tacite de la volonté par l'un ou l'autre des conjoints, de mettre fin à l'union». Je veux juste vous dire que j'ai déjà fait un procès de trois jours sur la notion de fin de l'union. Il faut que ce soit clair parce qu'il y a des gens assez créatifs.

Et, sur le fond, je pense qu'il doit y avoir une modification fondamentale quant au seul mode de calcul de la prestation compensatoire prévue à l'article 521.46. Je m'explique. Présentement, le recours pour réclamer une prestation compensatoire n'est ouvert qu'aux gens, aux conjoints mariés. Le conjoint de fait, qui alléguait avoir enrichi... Les conjoints de fait qui alléguaient avoir enrichi leur conjoint, utilisaient jusqu'à maintenant les recours en enrichissement injustifié pour obtenir une indemnité. Vous en avez entendu parler, je suis presque la dernière, vous en avez entendu parler beaucoup. La jurisprudence a grandement évolué au Québec, quant au recours en enrichissement injustifié, mais une chose est maintenant acquise et certaine, et c'est que tant la Cour suprême du Canada que la Cour d'appel du Québec s'entendent sur le fait qu'il existe maintenant deux modes de calcul de cette indemnité.

Et voici comment ça fonctionne. Je vous parle d'un côté pratique parce que c'est ce qu'on fait. Le tribunal entend tout d'abord la preuve et décide s'il y a lieu à une indemnité en fonction de la preuve devant lui. Et, toujours en fonction de cette preuve-là, il peut tout d'abord choisir entre l'indemnité calculée en fonction de la valeur des services rendus, celle qu'on appelait autrefois le quantum meruit, travail, par exemple, de comptabilité pour une entreprise, ça vaut combien de l'heure, c'est facile à calculer. La deuxième méthode est celle de la valeur accumulée. Elle vise une situation où les conjoints ont fait la preuve d'avoir vécu dans une situation qui se qualifie de coentreprise familiale à laquelle ils ont tous les deux contribué. Alors, le juge peut établir la contribution proportionnelle du conjoint à la richesse accumulée durant l'union grâce aux efforts conjugués des deux conjoints. Et ça se... ça se qualifie en termes de pourcentage de cette valeur-là. Ces situations-là visent souvent le cas où un des conjoints, souvent la mère, occupe... s'occupe surtout des enfants, de tout ce qui est domestique, dans le but de donner plus de temps au père pour développer une entreprise. Ils contribuent, chacun à leur façon, à l'atteinte d'un projet commun, et souvent, à la rupture, le conjoint enrichi se trouve à conserver une part disproportionnée de cette richesse, ce qui devient inéquitable.

Sur cette question, je vous soumets respectueusement que le projet de loi n° 56... l'objectif visé par le projet de loi n° 56 n'est pas atteint... n'a pas atteint l'objectif qui est visé, donc, pour compenser les situations de coentreprise familiale. Sur cette question, le projet de loi n° 56 est pour moi un recul préjudiciable aux conjoints de fait. C'était la plus grande avancée en matière de droits des conjoints de fait à la rupture, et le projet de loi vient l'amputer.

Je donne un exemple clair, qui est dans notre mémoire, que je reprends rapidement. Dans le dossier droit de la famille 20-18-78, que j'ai plaidé à la Cour d'appel du Québec, le juge Mongeon, confirmé par la Cour d'appel en 2020, reconnaît le droit de notre cliente à une indemnité et reconnaît que les conjoints ont vécu dans une situation de coentreprise. Il juge que l'appauvrissement de notre cliente équivaut à la contribution proportionnelle apportée à la richesse de son conjoint de 20 % de la valeur accumulée de 17 millions, ce qui donne une indemnité de, nette, on n'ira pas dans les détails, de 2.4 millions. S'il n'avait pas eu recours à cette deuxième méthode de calcul de la valeur accumulée, on aurait dû reprendre tout ce que notre cliente a fait pour la famille, de prouver combien chaque service rendu... de les décrire, de les démontrer, c'est l'ensemble des travaux domestiques, s'occuper des enfants, des repas, de l'entretien de la maison, du voiturage, des activités, des médecins, des écoles, des sports, et prouver combien ça vaut, avec des experts, avec, évidemment...

Mme Pringle (Suzanne H.) : ...la preuve que ça requiert, on revient des années-lumière en arrière, alors que les conjoints eux-mêmes avaient décidé de vivre différemment. Il est... Il faut, à notre avis, définir la question, cette notion d'appauvrissement et rétablir la méthode de la valeur accumulée comme mode de calcul, parce qu'une mère appauvrie, c'est un enfant appauvri. L'appauvrissement, dans cette situation, pour notre cliente, c'est l'ensemble des efforts fournis à accumuler la richesse d'un... pardon, de son conjoint et... Alors, il me semble juste, équitable que l'indemnité qui servira à compenser l'appauvrissement devrait s'arrimer à la valeur de la richesse en proportion de la contribution fournie par cette personne-là.

• (12 h 20) •

Le Président (M. Bachand) :Merci, Me Pringle... On est rendu à la période d'échange. M. le ministre, s'il vous plaît. 

Mme Pringle (Suzanne H.) : D'accord.

M. Jolin-Barrette : Oui. Me Pringle, Me Pouliot, Me Ouellet, merci d'être avec nous pour participer aux travaux de cette commission parlementaire là. Dans un premier temps, j'ai cru déceler de votre mémoire que, dans un monde idéal, vous êtes d'accord avec le fait que ce soit le même juge qui suit le dossier pour les justiciables.

Mme Pringle (Suzanne H.) : Je suis tout à fait d'accord avec ça, puisque la notion de violence judiciaire, premièrement, quand les gens commencent à parler de quelque chose, c'est parce que, nous autres, on le voit depuis un moment, n'est-ce pas? Et il y en a beaucoup, il y en a énormément. Et la seule chose que je vous dirai, puis mon collègue va pouvoir ajouter quelque chose d'intéressant, je pense, là-dessus, c'est que les ressources judiciaires sont telles que c'est tellement difficile. Je comprends que la juge en chef se voit suggérer ça, mais j'ai de la difficulté à voir que ça puisse se faire avec les ressources. Mais, Stéphane, je pense que tu avais quelque chose.

M. Pouliot (Stéphane) : Et c'est un point important pour moi à vous communiquer aujourd'hui, c'est que, dans le projet de loi, le grand oublié est la protection de la jeunesse. Et la violence judiciaire n'est pas seulement l'apanage à la Cour supérieure, mais à la Cour du Québec également. Et il serait important, à notre avis, d'ajouter également que ces dispositions-là s'appliquent en matière de protection de la jeunesse, et évidemment qu'un seul juge puisse suivre le dossier du début jusqu'à la fin.

M. Jolin-Barrette : Bien, maître Pouliot, je note votre proposition. On va l'étudier parce que je trouve que c'est une bonne proposition. Sur la question, justement, de la violence judiciaire, là, pouvez-vous nous expliquer, dans le cadre de votre pratique, ce que vous avez déjà constaté, vécu, observé, comment ça se manifeste?

M. Pouliot (Stéphane) : Ça se manifeste dans un dossier où on est rendu à la cour presque à chaque deux semaines, parce qu'une semaine on doit aller à la cour pour avoir le choix d'un psychologue, parce que l'un des parents a fait une plainte à l'Ordre des psychologues parce qu'il n'était pas d'accord avec le choix du psychologue. Quand ce n'est pas le psychologue, c'est le dentiste. On veut aller en voyage, c'est un feu roulant, on veut aller en voyage. On dit que le Mexique, c'est dangereux. Cuba, c'est dangereux. Tous les pays sont dangereux. Toutes les destinations sont dangereuses.

Et l'autre chose aussi, c'est que la violence judiciaire, qu'est-ce qui est important de comprendre dans les exemples, c'est qu'on demande plusieurs documents. Donc, on revient souvent à la cour, on fait des interrogatoires. On nous livre des documents, des centaines de pages. On nous livre des documents qui ne sont pas numérotés, qui sont dans le désordre. Et ça, ça prend un juge attitré au dossier, parce qu'à chaque semaine, quand on va se présenter en salle de pratique, c'est un nouveau visage, c'est un nouveau juge, et le juge ne peut pas, qui est là, il est en urgence. Imaginez une salle d'urgence dans un centre hospitalier, on règle les urgences. On met un plasteur sur un problème. Donc, le juge qui est là, en salle de pratique, ne peut pas arriver et prendre des décisions éclairées.

Mme Pringle (Suzanne H.) : Et il ne connaît pas l'étendue de ce qui s'est fait.

M. Jolin-Barrette : Donc, que ce soit en matière... lorsqu'il y a violence judiciaire, mais même pour des dossiers réguliers, je vous le dis dans la mesure du possible aussi en fonction des ressources disponibles, c'est un principe qu'on devrait tenter d'intégrer dans notre droit familial ou en matière de protection de la jeunesse. Je sais qu'en matière de protection de la jeunesse, ils essaient de le faire. Mais pour le justiciable, c'est une bonne chose.

Mme Pringle (Suzanne H.) : Moi, je suis tout à fait d'accord. Des fois, on n'est pas chanceux, mais c'est comme ça.

M. Jolin-Barrette : Mais là, vous savez, vous êtes peut-être la sixième ou la septième intervenante...

M. Jolin-Barrette : ...nous dire : Quand on se présente à la cour, on n'a pas toujours le même traitement. Donc, je...

Mme Pringle (Suzanne H.) : Ce n'est pas ça que j'ai dit. J'ai dit : Des fois, on n'est pas chanceux. Et ce que je veux dire par là, c'est, les gens étant des gens, des... l'homme étant... j'utilise «homme», bon... il y a des gens qui ont beaucoup de connaissances en droit de la famille, puis il y en a qui en ont moins, puis il y en a qui le développent en arrivant, puis ils trouvent que c'est vraiment intéressant, d'autres, moins.

J'ai déjà parlé... vous allez penser que je suis un perroquet, là, mais j'ai déjà parlé souvent d'un tribunal unifié. J'y reviens. Ce n'est pas dans mon mémoire, mais, je le dis tout le temps, il me semble que ce serait quelque chose de tellement approprié, dans l'intérêt non seulement des enfants, mais des justiciables et des avocats, des avocats qui pratiquent dans ce domaine-là, et qui veulent que ça fonctionne, et que leurs clients obtiennent satisfaction, obtiennent justice rapidement.

M. Jolin-Barrette : Avant d'arriver au tribunal unifié en droit de la famille, vous dites : Écoutez, des fois, on n'est pas chanceux. Est-ce que vous trouvez qu'il y ait... il devrait y avoir davantage de formation, pour la magistrature, sur la question du droit de la famille?

Mme Pringle (Suzanne H.) : Je vais vous répondre par ce qui suit. C'est le pain et le beurre des juges, le droit de la famille, parce que plus de 50 % des dossiers qui sont ouverts dans les districts le sont en matière familiale. Et je pense, honnêtement, qu'il y a certains juges en charge de la formation et ils y voient, en général. Je n'ai pas été juge, et ça n'arrivera pas, et ceux que je connais qui le sont, sont formés. Mais je pense qu'ils y voient, mais je ne sais pas à quelle étendue. Mais il y a des notions, par exemple, disons, comme, certaines notions, on doit les expliquer, comme la valeur accumulée. Ça a pris beaucoup, beaucoup de ressources personnelles.

M. Pouliot (Stéphane) : Si vous me permettez, je voudrais vous dire... Parce que vous nous parlez de la formation des juges, mais vous avez les juges de la Cour du Québec en Chambre de la jeunesse — tu sais, je veux dire, c'est les mêmes personnes, là, qu'on parle — puis vous avez les juges en Cour supérieure. Donc, quand on parle de formation, il faudrait peut-être que ces deux équipes de juges là puissent se parler. Parce qu'en protection de la jeunesse, si on vient à parler que l'autre parent ne paie pas la pension alimentaire, et que, moi, je considère que c'est de la violence conjugale de ne pas payer sa pension alimentaire, mais qu'on me dise en Cour du Québec, que ce n'est pas quelque chose qu'on va parler et traiter en Chambre de la jeunesse, que c'est du ressort de la Cour supérieure, je trouve qu'on se lance la balle, et ce sont les enfants qui en subissent les contrecoups. Donc, une formation, oui, mais, encore, un tribunal unifié, et il me semble qu'il y avait des budgets, à Ottawa, pour ces tribunaux-là unifiés.

M. Jolin-Barrette : Excellent. Sur la question de la composition du régime d'union parentale, résidence familiale, je comprends, là, votre propos, que vous dites : On devrait inclure toutes les résidences de la famille. Première sous-question : Pourquoi? Et, également, êtes-vous à l'aise avec le fait que les régimes de retraite, REER, fonds de pension, ne soient pas dans le régime d'union parentale?

Mme Ouellet (Aurélie) : Oui, donc, selon nous, toutes les résidences à l'usage de la famille, que ce soient la résidence principale et les résidences secondaires, doivent être incluses. On comprend, là, que le régime d'union... le patrimoine d'union parentale ne comporte pas tous les mêmes biens que celui du patrimoine familial. On comprend aussi les objectifs, là, qui sont visés, que ce soit, là, d'éviter que les enfants issus de conjoints de fait subissent des contrecoups de la rupture de leurs parents, puis leur assurer une stabilité, là, en cas de rupture. Selon nous, on ne comprend juste pas l'exclusion des résidences familiales, parce que, selon nous, c'est des biens qui sont à l'usage de la famille, c'est des biens qui vont assurer une stabilité des enfants, là, en matière de rupture.

Si je peux répondre à votre deuxième sous-question, là, par rapport aux fonds de retraite, ça, c'est une exclusion que nous, on s'explique bien. Les fonds de retraite, là, ce n'est pas des biens qui sont communément à l'usage de la famille, là, en soi, c'est des biens qui sont plus propres aux époux. Par ailleurs, du moment que ces biens vont être utilisés, là, bien souvent, les enfants vont être rendus autonomes, vont être... vont avoir quitté la résidence. Donc, on est totalement en accord, là. On comprend, avec... à la lumière des objectifs qui sont...

Mme Ouellet (Aurélie) : ...avec le projet de loi, on comprend l'exclusion, là, des fonds de retraite, mais c'est là que l'exclusion des résidences secondaires, on se l'explique un peu moins, surtout quand on voit les objectifs, là, qui sont visés par le projet de loi.

• (12 h 30) •

M. Jolin-Barrette : O.K. Peut-être une dernière question, pour ma part, avant de céder la parole à mes collègues parce que je sais que le député de Saint-Jean a des questions. Sur la question de l'attribution et de la protection de la résidence familiale, vous dites, le délai de 30 jours, il est trop court. Vous militez... je crois avoir vu dans votre mémoire six mois pour la protection et l'attribution. C'est ça?

Mme Ouellet (Aurélie) : Oui, exactement, là. Selon nous, le délai de 30 jours, d'une part, pour... On comprend, là, que les mesures de protection de la résidence familiale ne peuvent pas subsister de manière, là, indéfiniment, par contre, selon nous, le délai de 30 jours est court et ne permet pas, selon nous, de... d'atteindre l'objectif pleinement, qui est visé par la disposition. On comprend la disposition mais 30 jours est un délai très court pour que ces protections-là subsistent. Selon nous, un délai de six mois, là, serait plus raisonnable.

Puis je parlerais aussi du second délai de 30 jours, là, qui est prévu pour la présentation de la demande, là. Comme on dit, on a fait un tableau, puis avec les règles de pratique puis les délais de présentation de la demande, c'est impossible. Puis, selon nous, ça va créer des iniquités entre les justiciables, même, tout dépendamment de est-ce que tu représenté par l'aide juridique, un cabinet privé, les personnes qui se représentent seules, c'est tous des délais, là, qu'il faudrait prendre en compte. On a même soulevé des iniquités en fonction des différents districts judiciaires, tout dépendamment de quand la Cour siège en différents districts. À Montréal, par exemple, il y a de la Cour à tous les jours, on peut présenter une demande beaucoup plus facilement que dans d'autres districts judiciaires, où ça va être présentable une semaine sur deux. Donc, selon nous, le délai de 30 jours, là, favorise les iniquités entre les justiciables. Puis, selon nous, de... d'avoir un délai plus grand, là, donc de six mois, va permettre que ces protections-là soient adéquatement respectées, puis que le projet de loi puis les objectifs, là, qui sont visés par le projet de loi soient atteints.

M. Jolin-Barrette : Excellent. Je vous remercie pour votre présence en commission parlementaire.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Alors, pour 3 min 25 s, M. le député de Saint-Jean.

M. Lemieux : Merci beaucoup, M. le Président. Maître Pringle et les deux autres générations, merci pour votre conviction et votre passion et surtout pour votre manière directe puis à la hauteur de votre réputation, qui vous précède, évidemment. Ça fait du bien, en commission parlementaire, de...

Et au risque de vous déplaire ou de vous gêner, au lieu d'aller dans les articles et les détails légaux du projet de loi, je veux vous parler de contexte. Parce que, je vous cite, puis je ne m'en allais pas du tout, mais c'est quand vous l'avez dit que ça m'est revenu : «Quand on commence à en parler, à parler de quelque chose, c'est parce que ça fait longtemps que ça dure.» Et quelqu'un hier, j'oublie son nom, m'a dit : Vous savez, en droit, on est toujours en retard dans les lois qu'on fait par rapport à la réalité, puis en plus, dans le droit familial, c'est encore plus long. Et, vous l'avez vous-même dit au début, votre perspective est particulière à cause d'Éric et Lola, et tout le battage médiatique qui est venu avec, que vous avez subi puis vécu puis compris. Puis je me demandais jusqu'à quel point vous pourriez nous parler du fait que, puis ça fait un bout de temps déjà, vous l'avez sûrement... ça a décanté, l'évolution de l'opinion publique. Éric et Lola ont fait énormément pour faire discuter de et donc faire avancer les idées là-dessus. Ça arrive périodiquement, mais on ne décide pas quand ça arrive. C'est... Il y a des affaires comme ça qui s'emparent du monde. On est rendus où, là-dedans, l'évolution de l'opinion publique, puis en parallèle, forcément, du droit? Parce que c'est... une fois que l'opinion publique... Si j'ai bien compris le principe, le droit est en retard parce que, quand vous commencez à en parler, ça fait longtemps que ça dure.

Mme Pringle (Suzanne H.) : Oui. Mais il y a comme des hoquets. En 2008... Non, en 2002, quand les procédures ont été déposées, on a... il y avait eu comme deux pages dans un journal, et on a obtenu, et c'était épouvantable, il y a trois enfants là-dedans, on a obtenu que le dossier soit scellé, etc. Ça a été au... par mesure de protection. Les gens en ont parlé, mais c'était juste de savoir c'est qui, lui, c'est qui, elle, bon, ça. Mais, en 2008, quand on l'a plaidée à la Cour supérieure, ça... il y a quand comme eu un petit hoquet. Puis là, les gens se parlaient, mais pas tant que ça. Après la Cour suprême, ça s'est mis à parler un peu plus. Mais, ce qui a le plus changé, ce sont les gens, pas l'opinion des gens. Là, les femmes plus particulièrement ne sont en général pas dans la même situation qu'on était en 2002, quand ces procédures-là ont été déposées, en 2008 puis en 2013, puis surtout pas en 2024. J'ai des... On a fait des réunions, on a fait des vrais remue-méninges de bureau où les jeunes avocates, pas mal plus jeunes que moi, c'est-à-dire le tiers de mon âge, me disent des choses comme : Aïe! J'y pense, là, ça me fait réfléchir...


 
 

12 h 30 (version non révisée)

Mme Pringle (Suzanne H.) : ...mais moi, là, je travaille puis je... je vais... tu sais. Puis mes chums qui ont des fonds de pension, etc., on ne veut pas toucher à ça. Puis je ne veux pas genrer le débat, mais le débat n'est pas pour régler---puis ce n'est pas un jugement, là--- n'est pas pour régler les difficultés du passé, les difficultés de 2002, 2004, 2008. Là, c'est pour ce qui s'en vient pour les conjoints de demain et les femmes de demain. Et j'entends beaucoup plus parler, puis j'ai fait des vérifications, de... du niveau de scolarisation des femmes qui s'augmente. Ça, c'est lié au ministère de l'Éducation, peut-être. Mais... et celui des jeunes hommes qui diminue. Et en même temps, ça va avoir un effet un jour, tout ça, là, mais les femmes... j'ai été arrêtée à l'aéroport le lendemain de Tout le monde en parle, le 1ᵉʳ avril dernier, puis il y a quelqu'un... il y a une femme qui m'a dit : Moi, je vous ai vue, madame, puis je n'ai aucune idée c'est quoi mon régime matrimonial. Où je trouve ça?

Le Président (M. Bachand) :Merci... M. le député, s'il vous plaît, pour 9 min 8 s.

M. Morin : En fait, M. le Président, je céderais la parole à ma collègue la députée de Westmount—Saint-Louis.

Le Président (M. Bachand) :O.K. Excusez, Mme la députée de Westmount—Saint-Louis. Mme la députée.

Mme Maccarone : Merci. Merci beaucoup pour votre présentation puis pour votre mémoire. Je souhaite continuer sur le même angle parce que l'on a aussi entendu des... beaucoup de professeurs qui nous partagent de la recherche qu'ils ont faite comme Pr Lavallée, Pr Belleau, qui nous disent que 70 % des Québécois, quand même, souhaitent avoir les mêmes protections, que ce soit des conjoints de... des conjoints de fait, que...

Mme Pringle (Suzanne H.) : Ce n'est pas ça que, moi, j'ai entendu...

Mme Maccarone : C'est bizarre parce qu'eux, ils ont quand même du data qu'ils ont partagé avec nous. Ça fait que moi, ce que je souhaite savoir peut être pour nous aider à comprendre.

Mme Pringle (Suzanne H.) : Oui.

Mme Maccarone : Parce que moi je comprends aussi que ça se peut que c'est un mythe que les femmes sont rendues à parts égalitaires en termes de salaire, de la façon de vivre, même scolarité. Ça s'en vient, j'assure... j'en suis, ça s'en vient, mais on n'est pas rendus là encore. Est-ce que nous devons prévoir des mesures de protection pour des femmes, mettons en congé de maternité, ont fait une dépression post-partum. Cette femme peut être pénalisée, par exemple, puis la pension alimentaire, elle n'est pas prévue dans le projet de loi. Devons-nous mettre un type de mesures de protection? Puis, dans votre réponse, pendant que vous entraîne... vous êtes en train de réfléchir, que devons-nous faire pour des conjoints de fait dans une situation où on n'a pas d'enfant? Est-ce que nous devons aussi prévoir des mesures de protection pour les couples, les deux bords? Ça peut être les deux bords, mais majoritairement, c'est des femmes qui sont pénalisées.

Mme Pringle (Suzanne H.) : IL y a plusieurs volets ici.

Mme Maccarone : Oui.

Mme Pringle (Suzanne H.) : Disons. Ceux qui n'ont pas d'enfant, je ne sais pas si... Bien, vous avez vu mes deux collègues qui étaient ici tantôt, qui viennent d'obtenir un jugement, il n'y a pas un an, en matière d'enrichissement injustifié de deux personnes de même sexe qui... et je l'ai cité dans mon mémoire, là, où ils ont obtenu une compensation de 1,7 million presque entre gens où il n'y a pas d'enfant. O.K.?

Moi... moi, je... je pense que l'angle qui... Moi, je me suis arrêtée au projet, au projet législatif tel que présenté, et on n'a pas choisi de voir les conjoints de fait comme des gens en union économique, même pas avec des enfants, complète au niveau de la... ce n'est pas non plus une union qui... sous l'angle de la solidarité. Moi, je suis honnêtement, c'est personnel, c'est... On en a beaucoup parlé au bureau, tu sais, ça donne du remue-méninges, là. Je... je respecte la liberté, la liberté d'action et la liberté de vivre selon des règles ou sans règles. Et les gens non mariés généralement sont présumés avoir voulu ne pas se marier. S'il y a de l'appauvrissement créé par une situation qui enrichit l'autre, ils peuvent être compensés, n'est-ce pas? Et il y a aussi la possibilité de faire des contrats de vie commune.

Mme Maccarone : Sauf qu'on a compris que c'est à peu près 4 % des Québécois qui ont recours.

Mme Pringle (Suzanne H.) : Ça, ça, je le sais. Mais ce que je vous dirais est ceci : Moi, je suis tellement fervente d'une campagne, d'une campagne d'information continue là-dessus, mais pas juste ça. Puis peut-être c'est ma génération, mais enfin, je pense, qu'il devrait être obligatoire en secondaire V, de suivre un cours sur ses droits et obligations. Vous savez, j'ai même un petit un petit-fils dans mon environnement qui parle de ses droits, des fois ses droits, ses droits, c'est toi. Je lui dis : Connais-tu, toi là, le mot «obligation» qui vient avec un droit? Ça te dit-tu quelque chose...

Mme Pringle (Suzanne H.) : ...tu sais, c'est-tu un concept que tu as déjà entendu, ça, mettons, tu sais? Qu'est-ce que tu veux dire?, qu'il dit. Bien, c'est ça. Tu sais, l'idée que... bien oui, tu sais, si tu as un enfant, que... Bien, ce n'est pas ça que je voulais! Bien, c'est dommage. Voici les conséquences : il y a des droits, il y a des obligations.

• (12 h 40) •

Mme Maccarone : Je suis d'accord sur... Puis on parle aussi de comment le mettre à l'oeuvre pour informer la population...

Mme Pringle (Suzanne H.) : Totalement, totalement.

Mme Maccarone : ...parce qu'on sait que la majorité de la population ne savent pas sous quel régime ils sont mariés, puis ils pensent qu'ils ont accès aux mêmes droits s'ils sont... union de fait ou mariés. Ça fait que c'est une grande surprise quand ils se séparent.

Oui, allez-y. Il me reste très peu de temps. J'ai autres questions pour vous.

M. Pouliot (Stéphane) : Oui. Mais, si vous me permettez, premièrement, je pense que le projet de loi regarde par... de l'avant, l'avenir. Donc, au lieu de parler de père et de mère, c'est qu'il y a des personnes de même sexe qui ont des enfants. Donc, ce que le projet de loi veut protéger, c'est les enfants, donc, et les questions de savoir l'historique du passé, de protéger un sexe plus que l'autre... il faut... Je pense que la réflexion qui a été faite par le projet de loi, c'est de protéger l'enfant pour qu'il puisse bénéficier...

Donc, moi, j'ai... personnellement, j'ai de la difficulté avec ce débat-là de... je... C'est l'enfant qu'on doit protéger. Et les gens... Je comprends qu'il y a des campagnes d'information, mais il y a une obligation. On nous enseigne souvent : Nul n'est censé ignorer la loi. Il y a une... Donc, c'est un choix politique qui doit être fait. Vous nous posez des questions, mais il y a un choix politique qui doit être fait, à savoir : Est-ce que la société a besoin d'être protégée avec ces dispositions-là?

Mme Maccarone : Je suis d'accord.

M. Pouliot (Stéphane) : On peut vous parler de qu'est-ce qui se passe, mais...

Le Président (M. Bachand) :Mme la députée de Westmount-Saint-Louis, oui.

Mme Maccarone : Oui. Je suis d'accord, il y a un désaccord à quelque part...

M. Pouliot (Stéphane) : Oui.

Mme Maccarone : ...parce que, oui, on devrait parler des parents, et non seulement les pères et les mères. Mais, vous l'avez dit aussi, vous, dans vos remarques, que la situation économique de l'enfant est directement liée aussi à la situation économique de l'enfant. Puis ça fait 40 ans depuis qu'on n'a pas eu une réforme, puis ça se peut qu'on va avoir un autre 40 ans depuis qu'on ne voie pas une autre réforme. Alors, tu sais, on espère qu'on ne manque pas notre coup, puis, si on écoute le Groupe de Treize puis le Conseil du statut de la femme, on a des accords.

Oui... je cède la parole.

Le Président (M. Bachand) :M. le député de l'Acadie, 2 min 45 s

M. Morin : Merci, M. le Président. Alors, bonjour. Merci, merci d'être là. Je vais continuer avec ce que vous venez de dire, le projet de loi protège les enfants. Et je sais que vous avez traité cet aspect-là dans votre mémoire, mais j'aimerais vous entendre davantage. Le législateur a fait un choix avec le patrimoine d'union parentale.

Mme Pringle (Suzanne H.) : Oui.

M. Morin : Puis, si on veut véritablement protéger les enfants, personnellement, je comprends mal le choix qui a été fait. Est-ce que vous pourriez... 

Mme Pringle (Suzanne H.) : À quel niveau?

M. Morin : Bien, c'est parce qu'on semble définir, inclure certains biens, pas d'autres.

Mme Pringle (Suzanne H.) : Bien, à notre... Nous, les résidences, c'est évident, parce qu'on se retrouve dans une drôle de situation où les résidences secondaires ne sont pas incluses, mais tous les véhicules automobiles qui servent à l'usage de la famille, dont les... tu sais, les... tous les jouets, là, que je ne connais pas, là, qui sont au chalet, etc., sont là-dedans, sont... même si c'est des résidences secondaires, mais les résidences secondaires ne le sont pas.

Je comprends de votre question, si c'est bien ça, que les... Pourquoi les REER et les fonds de retraite ne sont pas inclus? Est-ce que c'est ça?

M. Morin : Bien, en fait, pas uniquement ça, mais, tu sais, c'est que...

Mme Pringle (Suzanne H.) : Comme...

M. Morin : ...au niveau du patrimoine d'union parentale, le législateur nous dit : La résidence familiale... La résidence familiale... Bien, il y en a peut-être plus qu'une, je ne sais pas. Il y a peut-être des résidences secondaires où la famille vit aussi.

Mme Pringle (Suzanne H.) : C'est ce que j'ai dit.

M. Morin : Il y a peut-être des résidences familiales...

Mme Pringle (Suzanne H.) : Il y a juste une résidence familiale, puis...

M. Morin : Oui. Puis là, après ça, on parle uniquement des véhicules automobiles. Mais il peut y avoir plein d'autres biens qui sont utilisés par la famille, puis ça ne semble pas... on semble le restreindre aux véhicules automobiles.

Donc moi, ce que je vous demande...

Mme Pringle (Suzanne H.) : Bien, qui servent à l'usage de la famille, il me semble, de mémoire.

M. Morin : Oui, exact. Oui, c'est ça, les véhicules automobiles utilisés pour les déplacements de la famille, c'est ça. Mais la famille, si on parle des enfants, peut-être que les enfants, dans une famille, utilisent aussi avec la famille d'autres biens qui ne semblent pas être couverts par l'union parentale. Alors, ce que je...

Mme Pringle (Suzanne H.) : Mais ce sont les... La description que vous voyez là au niveau... si on parle juste de la résidence, et des meubles meublants, et des effets de décoration qui les ornent, c'est exactement la même... j'y vais de mémoire, là, mais c'est exactement, il me semble, la même définition, et les véhicules de la famille... les véhicules automobiles qui servent à l'usage de la famille...

Mme Pringle (Suzanne H.) : ...aussi, tu sais, vous pouvez avoir un bateau de 150 pieds là-dedans, là, vous pouvez avoir un avion, vous pouvez avoir un hélicoptère.

M. Morin : Oui, mais pour prendre votre bateau de 150 pieds, est-ce qu'il serait inclus dans le patrimoine d'union parentale?

Mme Pringle (Suzanne H.) : Dans... Quand c'est décrit comme ça, en matière de patrimoine familial, c'est inclus.

M. Morin : Merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de Saint-Henri-Sainte-Anne, pour trois minutes trois secondes, s'il vous plaît.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup. On a eu des grandes discussions avec les notaires qui nous ont dit qu'eux étaient très bien capables de faire la part des choses et nous dire qu'ils n'avaient pas besoin d'aller chez les avocats chercher deux avis juridiques indépendants. Pouvez-vous expliquer pourquoi vous, vous pensez que...

Mme Pringle (Suzanne H.) : Alors, moi, j'ai... Le 30 mars dernier, j'étais à un rendez-vous. Je sors, je suis dans ma voiture, et j'entends le témoignage, que, je ne sais plus à quelle page il est ici, et donc c'était trois jours après avoir lu pour la première fois le projet de loi, et j'entends un notaire. Puis moi, j'ai absolument... Je ne défends pas les notaires, les avocats, là, je suis... je vous présente ma position. J'entends ce notaire qui dit : Ah! je vais vous conter une anecdote, moi, j'avais des gens devant moi au niveau du... quand c'était le temps du patrimoine familial, d'y renoncer, et là j'ai les deux devant moi, et là ils me disent : Bien là, qu'est-ce qu'on fait? Bien, il dit : je leur dis un petit peu qu'est-ce que c'est, le patrimoine familial. Je paraphrase, évidemment. Et il dit : et là ils disent : Bien, qu'est-ce qu'on fait? Bien, il dit à Mme : Bien, vous, vous ne devriez pas vous retirer de ça, voyons donc. Il dit, tu sais : c'est bon pour vous. Puis il dit : J'ai dit à M. : bien, vous, aïe, regarde... Excuse-moi, l'inverse, il dit... il dit à Mme : Retirez... Non, c'est ça : retirez-vous pas de ça. Puis il dit à M. : aïe! Vous, vous devriez vous retirer de ça. Il dit : Moi, je suis impartial. Il dit : Là, je vous dis ce que c'est, vous prenez votre décision. Allô!

Une voix : ...

Mme Pringle (Suzanne H.) : Je trouve que ça ne marche pas. Lumière rouge! Ça n'a pas de bon sens. Et je pense qu'on peut éviter les erreurs du passé, cette fois-là, en créant quelque chose où on a un avis indépendant. Par exemple, c'est quoi l'inventaire des biens. Puis, si vous êtes jeune puis vous n'êtes pas trop certain, bien, décrivez-les, les biens. Il faudrait que ce soit impératif qu'il y ait quelque chose d'écrit dire : Ça comprend ceci, ceci, ceci, puis, en bout de ligne, vous renoncez à la valeur de ça, plus tard, ça, puis je l'ajoute pour faire un peu plus de... En fait, je suis d'accord pour que ça se fasse aussi en patrimoine familial. Les choses ont évolué, là. Les gens sont... J'ai des dossiers en deuxième, troisième, quatrième union, vous avez sûrement déjà entendu parler de ça, là?

M. Cliche-Rivard : Ça existe, oui.

Mme Pringle (Suzanne H.) : N'est-ce pas? Il y a juste moi qui reste stable, ça fait que...

M. Cliche-Rivard : Très, très intéressant. Puis on va continuer de suivre ça. Mais vous dites qu'on le validerait comment, là? Tu sais, dans le sens où on demanderait... le notaire verrait l'avis ou se satisferait de la...

Mme Pringle (Suzanne H.) : Soit qu'on prévoit qu'il doit y avoir un avis indépendant qui soit fourni par des avocats. Moi, je dis qu'il faut que ça soit des avocats spécialisés, accrédités, je ne sais pas quoi.

M. Cliche-Rivard : En droit familial.

Mme Pringle (Suzanne H.) : En droit de la famille, ou que le formulaire, l'obligation, j'ai mis des exemples de jugements où on explique ce qui n'a pas été expliqué, prévoit un contenu obligatoire. Je ne sais pas comment, je n'ai jamais été notaire, mais on n'a pas le choix que d'expliquer clairement, et honnêtement, de faire ça directement devant son conjoint. On vient de nous dire que le monde ne veulent pas parler d'argent. On voit ce qui est écrit dans le jugement que j'ai mis dans le mémoire. Puis M. dit : Aïe! C'est moi qui a travaillé, là, si tu penses que tu vas toucher à ça. Il faut... Il faut... Je suis d'accord avec la façon de le faire, mais il y a une façon de le faire qui peut rejoindre l'obligation d'information et de compréhension de ce qu'on signe. C'est ce que je pense.

Le Président (M. Bachand) :Merci. M. le député de Jean-Talon, pour 2 min 19 s, s'il vous plaît.

M. Paradis : Deux minutes 19 s. On a des mémoires, des intervenants qui nous ont dit : le patrimoine parental et la prestation compensatoire, grave recul par rapport à la situation actuelle. On en a d'autres qui nous ont dit : bien non, parce qu'en réalité le recours en prestation compensatoire puis l'enrichissement justifié, ça se ressemble pas mal avec des décisions qui ont été citées. Vous, vous nous dites... Bien, c'est ça, je voudrais bien comprendre ce que vous nous dites. Vous dites : oui, c'est la méthode de calcul, je pense, de la prestation compensatoire qui fait défaut.

Mme Pringle (Suzanne H.) : Oui.

M. Paradis : Vous nous dites : il faudrait reconnaître la méthode de calcul du quantum meruit, donc la valeur accumulée, la possibilité. Vous dites : il faudrait codifier l'appauvrissement en matière de prestation compensatoire puis codifier des présomptions. Est-ce que j'ai... Est-ce que j'ai bien... 

Mme Pringle (Suzanne H.) : Ça ressemble à ça, mais le petit début est juste... Il y a... Présentement, les conjoints de fait qui ont un jugement en enrichissement injustifié ou une demande d'indemnité ont deux méthodes de calcul possible : quantum meruit, valeur accumulée. Le projet de loi enlève la valeur accumulée. Et, pour moi, puisque l'angle du projet de loi, le projet législatif, était de compenser un conjoint qui...

Mme Pringle (Suzanne H.) : ...appauvri, on vient couper une série de situations qui visent, justement, des familles qui vivent encore en co-entreprise familiale.

• (12 h 50) •

M. Paradis :  Est-ce que je comprends bien que, si on fait, dans le projet de loi, ces ajustements-là, vous pensez quand même que la constitution du patrimoine parental...

Mme Pringle (Suzanne H.) : Que les deux, additionnés...

M. Paradis : ...avec la prestation, ça pourrait être...

Mme Pringle (Suzanne H.) : Les deux, additionnés, rejoignent ce que je vois qui est l'objectif recherché par le législateur, avec ce projet de loi.

M. Paradis : O.K., donc...

Mme Pringle (Suzanne H.) : C'est au moins ça.

M. Paradis : ...bon véhicule, approprié, mais avec des ajustements, qui sont ceux que vous proposez.

Mme Pringle (Suzanne H.) : Ah oui! Ah oui! Définir l'appauvrissement, là... Vous n'avez pas idée de ce qu'on va se faire plaider. Moi, je me suis fait plaider en 2020... Je finis rapidement, M. le Président, je vous vois compter, en 2020, je me suis fait plaider : Bien là, elle s'occupait du ménage, de la maison, des repas, mais son rôle, comme mère, elle devrait en faire au moins moitié, on va... il faudrait... M. le juge, ce n'est pas de la valeur accumulée, je ne suis pas d'accord. Mais quand on va... en plus, quand on va calculer le quantum meruit, c'est juste l'extra qui devrait être compensé, alors que le deal, l'ensemble. L'intention réelle de ces gens-là, c'était : tu t'occupes de la famille au complet pendant que je m'occupe de faire fructifier mon entreprise, de la mettre sur pied, d'avoir vraiment un projet commun, et, plus tard, on va en bénéficier tous les deux. Là, on était rendu à traiter de nourrice notre conjointe puis savoir combien elle valait, comme nanny. Il faut le faire.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Sur ce Me Ouellette, Me Pouliot et, bien sûr, Me Pringle, merci infiniment d'avoir été avec nous. C'est très apprécié.

Cela dit, la commission suspend ses travaux jusqu'à 14 heures. Merci. À tantôt.

(Suspension de la séance à 12 h 52)


 
 

14 h (version non révisée)

(Reprise à 14 h 03)

Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît. Bon après-midi. La Commission des institutions reprend ses travaux. On poursuit donc les consultations particulières et auditions publiques du projet de loi n° 56, Loi portant sur la réforme du droit de la famille et instituant le régime d'union parentale.

Alors, il nous fait plaisir d'accueillir notre premier groupe, alors c'est les gens de l'Action des nouvelles conjointes et des nouveaux conjoints du Québec, avec sa présidente, Mme Lise Bilodeau. Alors, bienvenue. Et je vous... avant de débuter votre présentation, peut-être présenter les gens qui sont avec vous. Et comme vous savez, vous avez 10 minutes, et, après ça, on aura une période d'échange avec les membres. Merci beaucoup d'être avec nous aujourd'hui.

Mme Bilodeau (Lise) : Merci, M. le Président. Alors, je vous présente à ma gauche Mathieu Santerre et à ma droite, bien sûr, Louis Gabriel Thibault, qui vous rendra un petit témoignage tout à l'heure. Alors je me présente, je suis la fondatrice et la directrice de l'Action des nouvelles conjointes et nouveaux conjoints du Québec. L'ANCQ est un organisme qui se préoccupe de la discrimination et des conditions de vie médiocres de couples qui sont formés, le plus souvent d'hommes divorcés et unième nouvelle conjointe. Nous soutenons près de 2 000 membres grâce à des services d'écoute, d'aide et de références. Depuis sa création, l'ANCQ oeuvre pour que les effets des pensions alimentaires perpétuelles... soient atténués et amoindris. Leurs conséquences sur les nouveaux conjoints sont trop souvent disproportionnées et nuisibles.

Dans un premier temps, nous tenons à remercier les membres de la Commission des institutions. Nous sommes très heureux de pouvoir aujourd'hui vous présenter nos observations et nos recommandations concernant le projet de loi n° 56. Nous sommes directement interpellés par ce projet de loi qui instaurera un régime d'union parentale et des règles quant à la séparation des conjoints de fait qui sont parents d'un même enfant.

Avant de plonger dans le vif du sujet, peut-être permettez-moi de faire un portrait des problématiques actuelles que rencontrent nombre d'hommes et de papas après une séparation. Comme vous le savez, le Code civil du Québec, sur la base de la Loi sur le divorce fédéral, prévoit une obligation alimentaire entre époux et conjoints unis civilement. Il devient ainsi possible pour des époux ou des conjoints unis civilement de demander le versement d'une pension alimentaire pour ex-conjoints lors d'une séparation ou d'un divorce. Le tribunal décidera de la durée selon les facteurs prévus au code. Mais notons que la tendance...

Mme Bilodeau (Lise) : ...que la tendance de la jurisprudence est actuellement de favoriser largement l'imposition de pensions alimentaires pour une durée indéterminée. Pardonnez-moi.

De manière générale, nous estimons que ces dispositions législatives permettent de faire payer à l'homme, la plupart du temps, un mauvais karma qui n'en finit plus. En effet, les pensions alimentaires à perpétuité engendrent très souvent de la détresse masculine, et cette situation financière peut pousser certains hommes à la dépression et même au suicide. L'ANCQ, nous ne comptons plus le nombre de courriels reçus ainsi que les appels à l'aide au téléphone. Certains payeurs de pension alimentaire ont même perdu leur emploi, mais doivent tout de même continuer à s'acquitter de leurs obligations alimentaires. Ils vivent un véritable enfer. Des milliers d'aînés se retrouvent d'ailleurs aussi dans cette position. Selon des données inédites obtenues du Revenu Québec, 3 941 payeurs de pension alimentaire étaient âgés de 65 ans et plus en date du 23 mars 2023 — pardonnez-moi que je me retrouve dans mes feuilles, du loup, c'est ça.

De manière générale — c'est ça ici — de manière générale, nous estimons que ces dispositions législatives permettent de faire payer à l'homme, la plupart du temps, un mauvais karma qui n'en finit plus. Du lot, 98... du lot 98 % sont des hommes, le déséquilibre est réel. Cela témoigne de manière éloquente à quel point les hommes sont trop souvent désavantagés par les pensions alimentaires à durée indéfinie. Concrètement, cela se traduit par des conditions de vie difficiles imposées aux nouveaux couples formés après une séparation du patrimoine.

Pour les 65 ans et plus, le portrait est bien plus sombre, les pensions alimentaires sans terme reviennent à payer deux fois pour financer la retraite de son ancien conjoint, ce qu'on appelle quotidiennement avec l'arrêt de Boston versus Boston, qui est un arrêt de la Cour suprême, la double indemnité. Cette situation injuste pousse plusieurs citoyens dans la pauvreté, avec toutes ses conséquences possibles sur le plan de la santé physique et mentale.

C'est dans cette perspective que je vais m'adresser à vous aujourd'hui. Le projet de loi n° 56 pourrait exacerber la problématique que vivent beaucoup d'hommes. La prestation compensatoire prévue en cas de séparation des adhérents au régime d'union parentale doit être mieux encadrée pour éviter l'iniquité et la précarité accrue des ex-conjoints. Bon nombre d'ex-conjoints divorcés sont déjà aux prises avec des paiements de pension alimentaire sans terme. En cas de nouvelle séparation sous le régime d'union parentale, l'ajout d'une prestation compensatoire pourrait être un coup dur pour eux. Cela risquerait de mettre certains prestataires de pension alimentaire dans une situation insoutenable de double indemnisation. On impose donc des mesures contraignantes financièrement à des ex-conjoints qui n'ont pourtant pas fait le choix de se marier. Nous comprenons que la prestation compensatoire prend la forme d'un paiement forfaitaire en un versement. Reste que, comme son objectif vise une indemnisation pour la durée de la relation, on peut s'attendre à ce que le tribunal accorde un montant notable. Un ex-époux qui peine déjà à arriver puisqu'il verse une pension alimentaire se retrouvera dans une situation financière intenable. On vient donc compromettre la réussite de sa vie future au profit de créanciers alimentaires et prestataires. Il est donc nécessaire de mieux encadrer cette mesure pour qu'elle ne mène pas à une généralisation de la détresse chez les ex-époux ou les ex-conjoints.

Avant de vous présenter nos recommandations, permettez-moi de souligner ce qui apparaît à nos yeux comme de bons coups du projet de loi n° 56. D'abord, nous sommes satisfaits de la proposition voulant favoriser la prise en charge d'un dossier par un seul juge de la Cour du Québec. Cela permettra une uniformité dans le traitement des demandes. Puis nous soulignons l'imposition au juge... au juge de l'obligation d'accorder des dommages-intérêts en cas de violence judiciaire. À nos yeux, cela permettra d'éviter des abus de procédure.

Enfin, la proposition législative voulant que le juge a l'obligation de tenir compte de l'historique des procédures entre les parties, l'impact de la nature répétitive et litigieuse sur l'ex-conjoint et l'équilibre des forces en présence est tout à fait louable. Selon nous, cette mesure favorisera un usage juste du système judiciaire et découragera ceux qui souhaitent utiliser les tribunaux comme un outil à leur avantage pour épuiser et affaiblir l'autre partie.

• (14 h 10) •

Nous venons donc de vous présenter nos observations et constats. Nous souhaitons maintenant vous partager nos recommandations à l'égard du projet de loi n° 56 et quelques-unes de nos natures... de nature, dis-je plus générales...

Mme Bilodeau (Lise) : ...celles-ci s'inscrivent dans une perspective d'équité entre les conjoints, dans l'administration de la justice. Elles visent à bonifier la proposition législative actuelle pour qu'elle tienne davantage compte de la réalité des payeurs de pension... des payeurs de pension alimentaire à perpétuité.

Et je termine. Recommandations. Concernant le projet de loi no 56, précisément, nous recommandons l'ajout d'un... d'un alinéa, qui ne se dit pas facilement, qui stipulerait qu'il doit être considéré que le versement d'une prestation compensatoire peut avoir des effets économiques notables sur le débiteur et l'entraîner dans une situation d'iniquité et de précarité. Nous recommandons essentiellement une prestation compensatoire allégée lorsque la situation financière du débiteur est précaire et que les conséquences de l'allocation d'une pleine prestation seraient déraisonnables à l'égard de sa situation. Cette possibilité se doit d'être enchâssée dans la loi pour que les tribunaux puissent en tenir compte.

Nous recommandons aussi que le gouvernement profite de sa réforme du droit de la famille pour apporter une modification dans le mode de calcul des pensions alimentaires et de la prestation compensatoire pour qu'elles soient basées sur le revenu disponible de chaque parent, après prise en compte, évidemment, de l'allocation familiale, et en tenant compte... de tous les enfants, ou bien qu'elles soient... Pardonnez-moi.

De manière générale, nous recommandons que le Code civil du Québec soit modifié afin que la durée maximale de la pension soit fixée à l'ex-époux d'avance, sauf circonstances particulières, et que cette durée maximale ne dépasse pas l'âge de la retraite, encore une fois, sauf circonstances particulières.

Nous recommandons également au gouvernement de mettre fin aux pensions alimentaires sans terme dans son projet de loi prévu sur le sujet. Et puis je glisse un tout petit mot concernant la possibilité que vous vouliez considérer de faire... tout simplement, mettre un holà sur le permis de conduire, sur les payeurs de pension alimentaire récalcitrants. Il faudrait penser que ces gens-là, ceux sur lesquels on mettrait une saisie sur le permis de conduire... dites-vous bien que, généralement, ces gens-là vivent de leur permis de conduire, et là on leur créerait davantage un préjudice, plutôt que de les aider, tout simplement... tout simplement à payer leur pension alimentaire.

Alors, sur ce, je vous remercie et j'en profiterais pour vous présenter M. Louis-Gabriel pour faire son petit témoignage.

Le Président (M. Bachand) :À moins de... Il reste une petite minute, M. Thibault.

M. Thibault (Louis-Gabriel) : J'ai quatre phrases, il n'y a pas de problème.

Le Président (M. Bachand) :Allez-y.

M. Thibault (Louis-Gabriel) : Oui. Alors, j'ai vécu la violence psychologique dans une relation, j'ai eu recours aux services de la NCQ. Dans la vie, quand je rencontre un ange, je reste collé dessus puis je la supporte. Ça fait qu'à ce titre, je suis président de l'association depuis quelques années et je trouve ça important de donner une voix à ceux qui n'en ont pas. Ça fait que ceux qui sont dans la rue puis qui ont de la misère, bien, il faut que leurs droits soient défendus. Voilà. C'est tout.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Alors donc, on est à la période d'échange avec les membres de la commission. M. le ministre, pour 14 min 30 s.

M. Jolin-Barrette : Oui. Merci, M. le Président. Mme Bilodeau, M. Santerre, M. Thibault, bonjour, bienvenue à l'Assemble nationale. Merci de témoigner devant la Commission des institutions.

D'entrée de jeu, peut-être un commentaire, qui est plus une précision, dans le fond. Le projet de loi no 56 ne vise pas à enlever des permis de conduire. Donc, ce n'est pas dans le cadre du projet de loi no 56 que cette mesure-là, elle est prévue. Je sais que cela était annoncé dans les mesures du budget, par contre, par mon collègue des Finances.

Mme Bilodeau, tout à l'heure, j'ai entendu dire que vous appuyez la mesure relativement au fait que, dans l'idéal, ça soit le même juge qui suive les dossiers à la cour. Pourquoi est-ce que vous appuyez cette mesure?

Mme Bilodeau (Lise) : M. le ministre de la Justice, vous savez, ça fait 25 ans que je suis sur le terrain. Moi, mon travail consiste à recevoir ces gens-là. Je ne vous ai pas mentionné tout à l'heure que nous avons deux avocats qui travaillent pour nous. Nous en avons... deux civilistes et un criminaliste, on a un médecin puis on a un thérapeute. Et pourquoi? Tout simplement, j'y tiens parce que j'ai trop lu de jugements où, passez-moi l'expression, la guerre est prise, et on se sert trop souvent, oui, je dis bien trop souvent, du système juridique, du système judiciaire pour pénaliser l'autre quand ça ne fait pas notre affaire. Alors, moi, je trouve que ce serait extraordinaire parce que, vous savez, les procureurs, j'en ai qui travaillent avec moi puis qui me le disent : Vous savez, Lise, quand on arrive devant un juge qui ne connaît rien, ça fait la deuxième fois que je me présente, je recommence à zéro.

Moi, je trouve que vous avez eu une idée géniale, M. le ministre de la Justice, parce que le même juge va toujours être dans le dossier. Il va toujours être en mesure de savoir où elles sont rendues, les procédures, qu'est-ce qui se passe, qu'est-ce qui arrive? Autrement, on refait toujours la cause en passant de juge en juge. Alors, ça, je vous dis, là-dessus, vous avez été absolument génial de penser à avoir un seul...

Mme Bilodeau (Lise) : ...le juge pour juger une cause.

M. Jolin-Barrette : Je comprends aussi que vous êtes en accord avec les mesures pour contrer la violence judiciaire. De votre expérience, là, comment est-ce que ça se produit, là, à travers l'expérience que vous avez? C'est quoi... Avez-vous des cas, des cas vécus, supposons, d'abus en matière familiale à la cour?

Mme Bilodeau (Lise) : Quand vous parlez des cas, comment ça se produit au niveau des perceptions de pension alimentaire?

M. Jolin-Barrette : Bien, en fait, en général, en fonction de votre expérience de la violence judiciaire, en avez-vous déjà constaté...

Mme Bilodeau (Lise) : Oui, oui, effectivement.

M. Jolin-Barrette : ...de la violence judiciaire, parmi les gens que vous accompagnez?

Mme Bilodeau (Lise) : Bon, écoutez, je ne nommerai aucun avocat, ça va de soi, vous comprenez bien pourquoi. Mais, souvent, après 25 ans, je suis obligée de vous dire que j'en ai vu passer une puis un autre. Vous savez, le jeu est dans les reports, vous êtes un avocat, vous savez ce que c'est, on reporte, on reporte. Souvent, ce qui est terrible, c'est que quand la dame, malheureusement, c'est ça, quand la dame reçoit l'aide juridique, moi, mon client à côté «rush», passez-moi l'anglicisme, parce que lui, il n'arrive plus à fournir. Vous savez, quand un avocat se présente à la cour, c'est tout simplement des sous, puis il faut le comprendre aussi. Alors, naturellement, c'est mon client qui doit payer tout ça, ça devient extrêmement difficile. Et, souvent, c'est les guéguerres qui n'en finissent plus sur, vous le savez, c'est sur la garde des enfants. Pourquoi? Pas parce qu'on les aime, parce que ça rapporte. On va se disputer sur les jours qu'on va les avoir. Alors, plus on a de jours, plus on a de pensions alimentaires, ça va de soi, alors... Et ça n'en finit plus, c'est reporté, c'est reporté pour toutes sortes de raisons.

Alors, après 25 ans, je peux vous témoigner que c'est pour ça que je reviens encore en vous disant : Vous avez été extraordinaires à penser de souhaiter qu'il n'y ait qu'un juge à cette cause-là et non pas trois ou quatre qui recommencent toujours le dossier d'une fois à l'autre.

M. Jolin-Barrette : O.K. L'objectif du projet de loi est vraiment de mettre l'enfant au centre du processus, notamment, supposons, pour les mesures de violence judiciaire, parce que c'est les enfants qui sont pris souvent dans les chicanes entre les parents puis qui subissent ça. Le patrimoine d'union parentale également, c'est pour assurer une stabilité aussi financière à l'enfant. Les pensions alimentaires demeurent pour les enfants, il n'y en a pas pour les anciens conjoints de fait en union parentale.

À la lecture de votre mémoire, vous critiquez beaucoup les pensions alimentaires qui sont...qui sont versées. Je comprends qu'ils n'ont pas de date de fin. C'est bien ça? Quel est l'enjeu que vous nous soulevez par rapport aux pensions alimentaires?

Mme Bilodeau (Lise) : Oui. Ce qui arrive, c'est que, quand vous avez des enfants, bien sûr, il y a la table de fixation de pension alimentaire et les montants sont calculés en fonction de la table de pension... de fixation de pension alimentaire. Et, assez souvent, ça ne se limite pas dans le temps, c'est que bon, on laisse aller les gens puis, bon, les enfants grandissent. Ce n'est pas ici que je vais vous parler de ce qui arrive avec les papas qui sont pris avec des... qui se multiplient et qui paient des pensions alimentaires jusqu'à tant que le jeune homme a 28 ans. Je n'ai pas juste un cas, j'en ai eu plusieurs. Mais ça nécessite quoi pour arrêter la pension alimentaire? Ce n'est pas écrit nulle part dans le jugement. Si le juge disait : Après ton cégep, tu dois avoir l'obligation de résultat, tu dois faire ceci, tu dois faire cela, ce n'est jamais écrit. Alors, pour que le papa ait un feeling de ce qui se passe au cégep ou à l'université pour savoir s'il paie pour quelque chose ou s'il paie pour rien, il faut retourner en cour puis il faut demander au juge d'inscrire ces choses-là sur le jugement. Et puis, des fois, il faut retourner en cour pour demander la fin des pensions alimentaires aux grands enfants.

Et encore, vous le savez, monsieur, que c'est très dispendieux, ça varie toujours entre les 8 000 et les 10 000 $. Et les papas, après avoir payé jusqu'à l'âge de 28 ans pour des pensions alimentaires à deux jeunes filles, 26 et 28, l'argent, il n'y en a plus, mais ça continue. Ça prend absolument le jugement d'un juge pour que ça s'arrête là dans le temps.

M. Jolin-Barrette : Mais je comprends qu'il peut y arriver certains cas d'exception, comme vous le relatez, supposons, à l'âge adulte, mais notre droit est quand même... fait en sorte que, quand on a des enfants, l'obligation, tant pour le père, que la mère, c'est d'accompagner les enfants, puis l'obligation du parent de faire en sorte que leurs enfants puissent s'épanouir, de pouvoir leur permettre de poursuivre des études, de les amener dans la vie, de leur donner, dans le fond, un peu le meilleur... de leur offrir le meilleur aussi. Je comprends que, parfois ça peut être difficile avec des avec les enfants dans certaines familles, ou tout ça, mais un des objectifs aussi, c'est que, quand on a des enfants, on a des obligations envers nos enfants. La pension alimentaire, essentiellement, elle est là pour ça, là.

Mais je comprends, vous, ce que vous dites, c'est que la problématique à ça, c'est, quand l'enfant est majeur, il ne faudrait pas avoir besoin de retourner devant le tribunal. Supposons qu'il a fini, il a fini l'école, il a fini... supposons, il fait une technique au cégep, il travaille, il a un emploi à temps plein, puis il n'est plus aux études, puis il est autonome...

Mme Bilodeau (Lise) : Tout à fait.

M. Jolin-Barrette : ...vous dites : Il ne faudrait pas avoir besoin de retourner devant le tribunal pour mettre fin à la pension.

• (14 h 20) •

Mme Bilodeau (Lise) : Vous avez raison. Et, comme je vous disais, si le juge...

Mme Bilodeau (Lise) : ...dans son jugement de première instance, à l'effet que, si tu vas au cégep, tu auras une obligation de résultat, il faudra transmettre les notes à ton père, etc., parce que c'est toujours au père que ça se passe. Alors, moi, je pense qu'on allégerait énormément la situation. C'est que le jugement est rendu. Oui, il y a une pension alimentaire, mais ça s'arrête là. Alors là, les papas, laissez-moi vous dire qu'ils en patinent un coup parce que les enfants grandissent et puis ils n'ont pas cette obligation de résultat.

M. Jolin-Barrette : Mais il n'y a pas juste les pères qui paient des pensions alimentaires, il y a...

Mme Bilodeau (Lise) : Je n'ai pas sorti les statistiques concernant les mamans, mais M. Santerre pourra peut-être vous glisser un mot là-dessus. Est-ce qu'il y a autant de mamans qui paient des pensions alimentaires pour enfants?

M. Santerre (Mathieu) : Mon Dieu!

Mme Bilodeau (Lise) : On pourrait vous revenir là-dessus.

M. Santerre (Mathieu) : Tout à fait. Tout à fait.

M. Jolin-Barrette : Mais c'est ça, mais moi, je vous confirme qu'il y a beaucoup de femmes qui paient beaucoup de pensions alimentaires. Et, dans le fond, je comprends qu'historiquement il y avait peut-être davantage d'hommes qui en payaient, mais aujourd'hui, il y a beaucoup, beaucoup de femmes qui paient des pensions alimentaires.

Alors, je crois comprendre que vous êtes en accord avec le fait que, les conjoints de fait en union parentale, les pensions alimentaires ne soient pas incluses. Qu'est-ce que vous pensez aussi du fait qu'on permet aux gens de se retirer du régime d'union parentale?

Mme Bilodeau (Lise) : Pardonnez-moi, j'ai mal entendu votre question.

M. Jolin-Barrette : Je voulais dire : Que pensez-vous de l'autonomie de la volonté que l'on maintient pour permettre aux gens de décider, s'ils ne souhaitent pas que le régime d'union parentale s'applique à eux, de pouvoir aller chez le notaire pour se soustraire?

Mme Bilodeau (Lise) : Je suis totalement d'accord avec vous. Si les gens ne le veulent pas... Vous savez qu'on est encore dans un Québec... je vais employer le mot, dans un Québec très libre. Alors, moi, je pense qu'on devrait tout simplement aller dans ce sens-là. S'ils ne veulent pas se soumettre à ce nouveau régime, vous l'avez déjà évoqué d'ailleurs, on peut tout simplement aller chez le notaire et remplir les documents en conséquence.

M. Jolin-Barrette : Oui. Peut-être avant céder de la parole à mes collègues, je voulais juste vous dire également que, sur le site du ministère de la Justice notamment, on a un guide interactif pour outiller les gens et les renseigner sur comment mettre fin à la pension alimentaire de votre enfant majeur ensemble. Donc, il y a des mécanismes, puis il y a un guide interactif, puis il y a les gabarits, les demandes d'annulation, tout ça. Donc, ce n'est pas toujours nécessaire d'engager un avocat, d'aller à la cour, et tout le tralala.

Mme Bilodeau (Lise) : Il y a le SARPA, oui, effectivement.

M. Jolin-Barrette : C'est ça, effectivement. Donc, il y a des moyens déjudiciarisés, à partir du moment où l'enfant a atteint sa pleine autonomie, de le faire pour faire en sorte de... d'actualiser la situation où ils sont rendus dans la vie. Donc, il y a des outils qui existent.

Mme Bilodeau (Lise) : Vous avez raison, M. le ministre de la Justice, sauf que, les cas que je rencontre, moi, j'en ai toujours un qui ne veut pas. C'est... C'est là ma complication. Si l'enfant ne veut pas signer le document à l'effet qu'il n'en veut plus, de la pension de papa, ou si la dame s'objecte à l'effet que, non, il n'en est pas question, veux veux pas, le monsieur est obligé d'aller chercher le jugement du juge.

M. Jolin-Barrette : Effectivement. Mais là on se retrouve dans une situation où peut-être que les besoins sont toujours présents pour l'enfant et qu'il n'a pas atteint sa pleine autonomie encore.

Mme Bilodeau (Lise) : Ça se plaide. Ça... Ça, c'est des choses qui se disent mieux entre avocats et devant un juge qu'un papa, une maman que ça fait 15 ans qu'ils ne se sont pas parlé et que l'enfant a plus ou moins connu le papa. Alors, ça devient compliqué.

M. Jolin-Barrette : Sauf que... Puis j'arrête là-dessus, puis je cède la parole par la suite, là. Sauf que, peu importe notre degré d'implication avec l'enfant, à partir du moment où vous avez un enfant, vous en êtes responsable jusqu'à tant qu'il soit... qu'il soit grand, qu'il soit autonome, là.

Mme Bilodeau (Lise) : Tout à fait. Mais, encore là, il faut chercher l'équité, et c'est ce que je cherche dans les cas que je rencontre.

M. Jolin-Barrette : Je comprends. Mais c'est important que l'enfant soit bien outillé pour...

Mme Bilodeau (Lise) : Absolument. Je n'ai aucune objection sur ça. Soyez assuré.

M. Jolin-Barrette : O.K. Bien, écoutez, je vous remercie grandement pour votre passage en commission parlementaire.

Mme Bilodeau (Lise) : Merci.

M. Jolin-Barrette : Puis je vais passer la parole à mes collègues.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Mme la députée de Laval-des-Rapides, s'il vous plaît.

Mme Haytayan : Merci, M. le Président. Bonjour.

Mme Bilodeau (Lise) : Bonjour.

Mme Haytayan : Merci de prendre le temps avec nous aujourd'hui. Mme Bilodeau, j'ai une question à vous poser de la part de notre collègue, M. Mario Asselin, député de Vanier-Les Rivières, qui est également votre député de l'ANCQ, qui souhaitait que je vous demande d'élaborer un peu plus sur les pensions alimentaires éternelles que vous évoquez puis sur lequel vous... sur lesquelles vous développez à la page 12 de votre mémoire. M. le ministre... En répondant à M. le ministre, vous l'avez évoqué un peu, mais est-ce que vous pouvez élaborer davantage?

Mme Bilodeau (Lise) : Mais, rapidement, je peux vous dire que la pension alimentaire à vie... J'ai donné naissance à l'association avec ceci, les pensions alimentaires à vie. Je sais que les gens qui sont avocats ici autour de la table vont me dire que c'est une loi qui est fédérale, mais je le sais aussi. Je sais aussi que la pension alimentaire à vie vient tout simplement pénaliser énormément la personne qui la...

Mme Bilodeau (Lise) : ...bon. On en a 3000, on a vérifié, à Québec, 3000 quelque monsieurs qui ont dépassé 65 ans et qui paient encore une pension alimentaire. Et quand on dit «à vie», c'est que c'est 78 ans aussi, parce que j'en ai eu un qui avait 78 ans, cette année, qui payait une pension alimentaire. Alors, j'ai insisté, tantôt, j'ai fait vite en vous disant : Je me suis toujours appuyée sur l'arrêt de la Cour suprême, Boston versus Boston, qui dit qu'une pension alimentaire, qu'on la paie après l'âge de 65 ans, après qu'on ait divorcé, c'est de la double indemnité.

Alors, c'est là-dessus qu'on s'appuie pour demander au gouvernement du Québec de nous aider fort, fort fort, de nous aider énormément, même, pour faire... arriver à faire changer, bien sûr, cette loi au niveau fédéral. Tout seuls, on n'y parvient pas, oubliez ça, mais je pense que, si Québec nous tend la main, nous épaule, M. le ministre de la Justice peut nous donner un sérieux coup de main... Je ne vous dis pas qu'on va réussir demain, mais, moi, ça fait 25 ans que je le demande, parce que ça fait 25 ans que j'entends des choses atroces et que j'ai entendu et non seulement entendu, mais vu des choses atroces.

Alors, c'est pour ça que je vous dis : Cette loi-là, il faut qu'elle soit changée, carrément. On est en 2024, ne l'oublions pas. Et qu'est-ce qui va se passer dans cinq ans? Dans cinq ans d'ici, il y aura des dames qui paieront aussi ces pensions alimentaires à vie. C'est ce qui s'en vient, là. Alors, il faut qu'il y ait une équité puis il faut que ça cesse. Alors, pension alimentaire à vie, ça ne devrait même plus exister en 2024.

Mme Haytayan : Merci. Merci au nom de notre collègue, M. Asselin. Merci.

Le Président (M. Bachand) :Mme la députée de Vimont.

Mme Schmaltz : Il me reste combien de temps?

Le Président (M. Bachand) :Trois minutes.

Mme Schmaltz : Ah! D'accord. Parfait. Bonjour. Merci de votre présence à tous les trois. Le projet de loi propose notamment d'étendre les mesures de protection des résidences familiales. Est-ce que vous pensez que c'est une mesure essentielle pour assurer la stabilité des enfants en cas, naturellement, de séparation de leurs parents?

Mme Bilodeau (Lise) : J'ai perdu vos premiers mots, voulez-vous me les répéter s'il vous plaît?

Mme Schmaltz : J'ai dit que le projet de loi proposait d'étendre des mesures de protection de résidences familiales, et ensuite, je vous demandais...

Mme Bilodeau (Lise) : Alors, le projet de loi, vous me dites que le projet de loi propose des mesures pour étendre les protections au niveau des enfants. C'est ça, votre question? M. Santerre, je vous laisse répondre.

M. Santerre (Mathieu) : Parfait. Oui. Bien, écoutez, de la même manière que... L'association est tout à fait confortable avec le principe du projet de loi, je pense que, de manière générale, le point de vue est plutôt positif de ce côté-là. Sauf que ce qu'on dit aussi, c'est de faire attention dans le contexte où il existe déjà plusieurs situations de pension sans termes, même si ce n'est pas tous les cas, bien sûr. Mais il faut faire attention aussi à l'interrelation avec la prestation compensatoire qui pourrait s'en venir avec le projet de loi, parce que, dans certains cas, ça pourrait aggraver des situations problématiques.

Mme Schmaltz : Lesquelles?

M. Santerre (Mathieu) : Bien, une personne qui est déjà sans le sou, là je te laisserais peut-être élaborer. 

Mme Bilodeau (Lise) : Bien, écoutez, j'ai un cas, là, je peux vous le dire sans donner son nom. C'est un premier... C'est un conjoint de fait qui a déjà eu deux enfants avec une première dame. Bon, puis vous savez que les gens tombent en amour, j'aime bien l'expression «fall in love». Et, avec la deuxième dame, bien, il vient d'avoir un deuxième enfant. Alors, avec... Puis probablement qu'il est très jeune, mais il y aura probablement une troisième dame avec lequel il aura un enfant. Alors là, ça en fait, des enfants, là, ça en fait cinq, là.

Alors, c'est sûr que, comme je le disais tout à l'heure à M. le ministre, la Justice, il ne faudrait pas oublier aussi les enfants antérieurs dans les relations antérieures. Parce que dans votre nouveau projet de loi, on devient, naturellement, de ce projet de loi là, du moment qu'on a fait un enfant, on devient tributaire, on n'a pas le choix. Mais il faudrait, quand on dira qu'il y aura une pension à payer pour cet enfant-là puis qu'il y aura une compensation à donner, il faudra penser qu'antérieurement le monsieur a butiné puis qu'il a eu des enfants, puis il ne faut pas les ignorer, ces enfants-là.

Mme Schmaltz : Bien, c'est un choix personnel aussi à la personne. On ne peut pas non plus... On ne peut pas être responsable de ces choix...

Mme Bilodeau (Lise) : Oui, je suis d'accord. Le gouvernement ne peut pas embrasser tout le monde. Ça, je suis bien d'accord avec vous. Mais Il n'en demeure pas moins que souvent on me reproche, dans mon association, qu'on ignore toujours les enfants du premier lit. Alors, je suis consciente de ce que vous dites aussi. Alors, il faut... Oui, s'il y a quelqu'un qui pense aux enfants, c'est bien moi. Alors, c'est pour ça que je me dis qu'il faut pour être juste avec tous les enfants qui sont là.

Le Président (M. Bachand) :Il reste 20 secondes, Mme la députée de Vimont.

Mme Schmaltz : Non. Ça va aller. Je vous remercie.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de l'Acadie pour 20 minutes, 24, s'il vous plaît.

• (14 h 30) •

M. Morin : Merci, M. le Président. Alors, bon après-midi, Mme Bilodeau, M. Santerre et M. Thibault. J'ai quelques questions, bien sûr, directement en lien avec le projet de loi, parce qu'il y a d'autres groupes qui nous ont donné évidemment leurs opinions. J'attire votre attention sur l'article 521.22 du projet de loi, qui parle évidemment de la fin de l'union parentale, et le législateur a utilisé les mots «par la manifestation express ou tacite de la volonté». Certains groupes nous ont dit que, bien, évidemment, c'était difficile de définir une... en fait, une fin...


 
 

14 h 30 (version non révisée)

M. Morin : ...tacite. Donc, quelle est... quelle est votre opinion là-dessus?

Mme Bilodeau (Lise) : Sur la fin de l'union parentale?

M. Morin : Oui.

Mme Bilodeau (Lise) : Bien, la fin en soi, ça dépend ce que vous voulez me faire dire. Est-ce que vous voulez dire que le couple, après x années de vie commune, décide de se laisser? Est-ce que c'est de cette question-là que vous me posez?

M. Morin : En partie, oui. En fait, ce que je dis, c'est que le législateur souligne que cette union-là, elle va prendre fin par la manifestation expresse ou tacite de la volonté des conjoints ou de l'un des deux, et ça semble être une expression, en fait, innovante de la part du législateur, ce qui pourrait entraîner éventuellement des contestations judiciaires. Donc, je voulais savoir si vous avez réfléchi à ça. Et quelle est votre opinion là-dessus?

Mme Bilodeau (Lise) : Je pourrais toujours vous donner une opinion par écrit si vous le souhaitez, mais verbalement, moi, je pense que... Vous le savez, nécessairement, que, si l'union parentale se termine, il y aura... ça ne se fera pas. Je n'y crois pas. Rarement ça va se terminer dans les bonnes grâces. Il y aura toujours conflit, ça, c'est sûr et certain, et on va nécessairement aboutir devant les juges.

M. Morin : D'accord. Je vous... Je vous remercie. Le législateur souligne aussi, à 521.27, que, dans le cas de la fin de l'union parentale, en ce qui a trait, entre autres, à la résidence, bien, les conjoints auraient 30 jours pour déposer une requête au tribunal. Est-ce que vous trouvez que c'est trop court, 30 jours, dans votre expérience?

Mme Bilodeau (Lise) : Pour déposer une requête au tribunal pour demander?

M. Morin : Pour la fin de l'union parentale en ce qui a trait au droit d'usage de la résidence familiale.

Mme Bilodeau (Lise) : C'est... C'est compliqué ça aussi. J'aimerais peut-être vous donner une réponse par écrit...

M. Morin : Par écrit.

Mme Bilodeau (Lise) : ...mais 30 jours... Laissez-moi vous dire, quand vous dites à quelqu'un : Tu ramasses tes sacs et tu sors, 30 jours pour te retourner de bord, c'est beaucoup. Je trouve que ce n'est pas suffisamment de temps, monsieur.

M. Morin : D'accord. Donc, ça ne serait pas suffisamment.

Mme Bilodeau (Lise) : D'accord?

M. Morin : O.K., très bien. Je vous... Je vous remercie. Dans la composition du patrimoine d'union parentale, le projet de loi énonce certains biens, dont la résidence familiale, c'est à l'article 521.30, les meubles à l'usage du ménage, les véhicules automobiles utilisés pour les déplacements de la famille. Plusieurs groupes nous ont dit que ce n'était pas suffisant puis que ça ne protégeait pas nécessairement assez les enfants. Est-ce que vous avez une opinion là-dessus? Est-ce que vous trouvez que c'est suffisant ou pas assez suffisant ou s'il y a d'autres biens qui devraient être inclus?

Mme Bilodeau (Lise) : Vous allez peut-être me trouver un peu spéciale, mais moi, je trouve que c'est suffisant.

M. Morin : C'est suffisant?

Mme Bilodeau (Lise) : Oui.

M. Morin : O.K.

Mme Bilodeau (Lise) : Parce que moi, je les vis, les drames, à tous les jours, et souvent les papas, parce que c'est les papas que je représente et les nouvelles conjointes, repartent à zéro. Que ce soit avec cette nouvelle loi là, que ce soient les conjoints de fait ou que ce soient les gens mariés, quand il y a rupture, avec les temps qui courent, on repart à zéro. Alors, quand vous me posez la question tout à l'heure, 30 jours pour se tourner de bord, monsieur, ce n'est pas beaucoup. Alors, moi, j'espérais un peu plus large, qu'on donne un peu plus de temps à la personne à se retourner. Et la même chose pour cette réponse-là que je vous fais. Je voudrais qu'on soit...

M. Morin : Donc, ce serait... pour ce qui constitue le patrimoine...

Mme Bilodeau (Lise) : C'est suffisant.

M. Morin : ...ça serait suffisant.

Mme Bilodeau (Lise) : Oui.

M. Morin : D'accord. C'est bien. Le projet de loi permet aussi, à 521.33, aux conjoints en cours d'union de se retirer d'un commun accord de l'application des dispositions du présent chapitre, donc du patrimoine de l'union parentale. Il y a... Il y a des... Il y a des notaires qui nous ont dit : Bon, par acte notarié, c'est... c'est excellent, évidemment, c'est un acte authentique, mais un notaire peut très bien conseiller les deux parties. Il n'y a pas de... Il n'y a pas de conflit, il n'y a pas de souci. Il y a aussi des avocats qui nous ont dit : Non, non, il faudrait absolument qu'il y ait deux conseillers juridiques indépendants qui conseillent les parties.

Vous, dans votre expérience avec les gens que vous rencontrez dans votre pratique, ça serait quoi, pour vous, la meilleure façon de procéder pour obtenir un consentement libre et éclairé si un des... un des conjoints se retire?

Mme Bilodeau (Lise) : Mais moi, je pense que l'idée de garder le notariat, garder les notaires est parfaite. Pourquoi rajouter une couche concernant les avocats, déjà là qu'on est en train de vous dire que c'est difficile, les ruptures, parce qu'on doit faire intervenir les procureurs? Il faudrait aller rechercher les procureurs pour tout simplement nous conseiller. C'est encore des sous. Et naturellement il faudra... Ce n'est pas juste s'entendre comme ça. Il faudra peut-être entériner cette entente-là. Alors, pourquoi ne pas aller carrément chez un notaire qui pourrait faire, passez-moi l'expression... anglicisme, faire la job? Pourquoi pas?

M. Morin : D'accord. Je vous... Je vous remercie. Tout à l'heure, vous avez souligné... vous avez parlé de la prestation compensatoire qui est prévue dans le projet de loi, mais vous avez fait référence à une prestation compensatoire allégée. Est-ce que vous pouvez nous en dire plus sur votre concept de prestation compensatoire allégée?

Mme Bilodeau (Lise) : Bien, écoutez, j'ai songé, comme tout le monde autour de la table, qu'il arrive une rupture. Si M. le juge décide que, je ne sais pas, moi, l'individu ou la dame a vécu 10 ans avec et elle a besoin d'une prestation compensatoire, je n'ai pas d'objection...

Mme Bilodeau (Lise) : ...ce qui m'inquiète, c'est que le juge décidera. Alors, si le juge décide que ça coûte 150 000 $, je me suis posé la question : Il va répartir ça comment? Il va dire : En trois versements pendant un an. Mais l'individu qui se fait dire, du jour au lendemain : Tu dois 150 000 $, puis souvent ils ne sont pas très, très forts au niveau du crédit, bien, il va payer ça comment? Alors, c'est là qu'arrive... c'est là que je vous disais qui arrivent les drames que les hommes, tout simplement, font des dépressions puis qu'ils commettent des choses pas très catholiques. Alors, il faut... c'est là-dessus que j'insiste, il faut être attentif. Comment... comment on va répartir les sommes? Et ces sommes-là, comment... comment elles vont être... Est-ce que c'est une seule somme à payer en un seul coup ou bien c'est une somme qui pourra tout simplement être répertoriée mensuellement? Vous n'en parlez pas et on ne le sait pas. Alors, c'est la question que je vous posais, voilà.

M. Morin : Donc... donc, au fond, votre... votre prestation compensatoire allégée, ce serait en lien avec la façon dont...

Mme Bilodeau (Lise) : La personne peut payer.

M. Morin : ...un débiteur peut éventuellement payer ou défrayer le montant qui a été alloué. D'accord. Il y a aussi des... des présomptions dans le projet de loi qui aident, évidemment, à... Bien sûr, c'est l'essence même d'une présomption. Est-ce que vous avez réfléchi à ça? Est-ce que vous pensez que c'est suffisant, ce n'est pas suffisant, qu'on devrait les enlever?

Mme Bilodeau (Lise) : Voulez -vous me répéter? Parce que j'entends mal avec... Ce n'est pas vous, c'est plutôt... ces micros. C'est le début de votre phrase que je perds tout le temps.

M. Morin : O.K. Non, bien, c'est ça, c'est que le projet de loi, le législateur amène aussi certaines présomptions pour établir certains éléments. Qu'est-ce que vous pensez des présomptions qui sont dans le projet de loi?

M. Santerre (Mathieu) : Je m'excuse, M. le député, vous parlez spécifiquement de quelle section ou quel article?

M. Morin : Bien, en fait, il y a, entre autres, dans le partage du patrimoine d'union parentale. Et, ce matin, il y a aussi un groupe qui nous a parlé de ça, entre autres à 521.41, «un conjoint peut, à compter de la fin de l'union, renoncer en tout ou en partie au partage du patrimoine de l'union parental. Il ne peut y renoncer que par acte notarié. La renonciation doit être inscrite au registre. À défaut d'inscription dans un délai d'un an à compter du jour de la fin de l'Union, le conjoint renonçant est réputé avoir accepté.» Donc, avez-vous réfléchi à ça?

M. Santerre (Mathieu) : Malheureusement, on n'a pas entendu la présentation à laquelle vous faites référence, mais on vous promet de vous revenir avec une réponse sur lesdites présomptions, M. le député.

M. Morin : Merci. Merci beaucoup. Ça termine mes questions, m. le Président. Je vous remercie.

Le Président (M. Bachand) :M. le député de Saint-Henri–Sainte-Anne pour 3 min 28 s, s'il vous plaît.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup. Bon, vous nous avez parlé de la pension alimentaire à durée indéterminée, là. Vous avez dit... sans date butoir. Vous dites : Sauf exception, vous parlez de l'âge de la retraite, là. J'aimerais ça vous entendre sur le genre d'exceptions que vous verriez comme utiles, est-ce que...

Mme Bilodeau (Lise) : Concernant les pensions alimentaires indéterminées.

M. Cliche-Rivard : Exact.

Mme Bilodeau (Lise) : Sauf exception.

M. Cliche-Rivard : Vous dites : À perpétuité, je pense.

Mme Bilodeau (Lise) : Quand on met ça, c'est sûr qu'on suscite beaucoup d'interrogations. Il peut arriver des cas dans cette vie-ci, pour des raisons x, y, z que, bon, vous avez affaire à un mariage... à un mariage traditionnel, que ça fait 30 ans que les couples sont ensemble, qu'il y a une rupture, que la dame est handicapée, que la dame est malade, je n'ai pas objection à ce qu'on lui paie une pension alimentaire. Maintenant, quand je dis : Avec exception, c'est certain que je serais plutôt de celles qui... j'aime bien mon terme, qui allégeraient à partir de l'âge de la retraite, du monsieur de 65 ans... qui pourrait alléger cette pension alimentaire là pour lui donner, lui, la chance de vivre un peu. Alors, c'est un peu dans ce sens-là que je vous disais ça, parce qu'il y a des cas d'exception dans toute chose.

M. Cliche-Rivard : Mais vous l'avez bien dit, là, c'était votre terme que j'utilisais, ce n'est pas le mien. Je voulais juste être clair là-dessus. Il y a un volet aussi sur la violence judiciaire, l'octroi de dommages-intérêts. Est-ce que vous avez une position sur cette proposition-là?

Mme Bilodeau (Lise) : Bien, écoutez, moi, j'ai été tellement contente quand j'ai lu que, franchement, on décidait de faire quelque chose là-dessus. Vous savez, après 25 ans de travail sur le terrain, j'en ai lu des jugements, j'en ai reçu des gens et j'en ai vu des choses, j'en ai entendu. Je vous ai dit que je ne nommerai aucun avocat, mais je suis de celles qui peuvent vous dire que ça existe vraiment. Ce n'est pas tout simplement un conte de fées. Et le fait que M. le ministre de la Justice ait décidé de cadrer les situations, les situations, bien sûr, de rupture, je trouve que c'est un plus dans ma société. Soyez assurés de ça. Et je ne parle pas à travers mon chapeau.

M. Cliche-Rivard : Et de votre connaissance, là, est-ce que, bon, les victimes ou ceux qui se rendent responsables de violences judiciaires...

Mme Bilodeau (Lise) : Qui seront éventuellement poursuivis...

M. Cliche-Rivard : Ce sont plus des hommes, ce sont plus des femmes, selon votre connaissance?

Mme Bilodeau (Lise) : Je n'aimerais pas me poser sur le sexe, mais je devrais vous dire qu'on devrait faire un suivi attentif sur ça. Parce qu'autrement, il n'y a pas d'équité, il n'y a pas de justice.

• (14 h 40) •

M. Cliche-Rivard : Finalement, sur le volet de l'application de la loi, je ne sais pas si vous étiez...

M. Cliche-Rivard : ...s'est positionné là-dessus, à savoir, là, on parle de juin 2025. Donc il y a une période quand même d'un an avant que ça ne rentre en vigueur. Aviez-vous fait ou étudié la possibilité, là, pour les enfants qui sont nés maintenant, pour les enfants qui naîtront après, pour le changement, est-ce que vous avez une position sur...

Mme Bilodeau (Lise) : ...je n'ai pas porté tellement attention sur ça, monsieur.

M. Cliche-Rivard : O.K. Vous, vous... Avez-vous une position sur le fait que, bon, idéalement, il faudrait que ça soit un programme ou disons une application la plus globale possible avec le moins de régime transitoire possible, avec le plus d'application...

Mme Bilodeau (Lise) : Tout à fait. Effectivement, c'est quelque chose qui viendrait tout englober sans qu'on crée de précédent, soit d'un côté ou de l'autre.

M. Cliche-Rivard : Et bon, vous avez parlé, puis M. le ministre en a fait mention, que ce n'était pas du tout dans ce projet de loi qu'on traitait du permis de conduire, mais vous aviez quand même un message à passer, si je ne m'abuse, là.

Mme Bilodeau (Lise) : Oui, parce que la majorité des gens qui sont réfractaires à la pension alimentaire, ce ne sont pas parce qu'ils sont mauvais payeurs. Hein, avec le temps, j'ai l'expérience, souvent, c'est le manque, le manque d'éducation. Un manque d'éducation m'amène à faire des petites jobines, passez-moi l'expression. Puis nécessairement, j'ai un petit salaire. Puis il arrive ce qui arrive. On roule, on roule. On a... Une année, on a une job, l'année suivante on en a une autre. À travers tout ça, il faut s'ajuster parce qu'il y a des retards dans la pension alimentaire. À un moment donné, le gars est sur l'assurance chômage pendant six semaines, sept semaines, huit semaines, et il y a encore un trou. Alors, il n'y arrive pas. Alors si, justement, on va saisir le permis de conduire de ces gens-là, vous les mettez dans la bouette jusqu'aux oreilles, c'est aussi simple que ça.

M. Cliche-Rivard : Dans un cas où ce serait démontré, là, qu'il y a de la mauvaise foi

Mme Bilodeau (Lise) : Absolument.

M. Cliche-Rivard : Là, vous n'avez pas d'enjeu.

Mme Bilodeau (Lise) : Bien, écoutez, j'en reçois trop de monsieurs qui sont tous à bout de souffle. Ils ne peuvent plus payer la pension alimentaire. Puis le ministère du Revenu, lui, des excuses, il n'en veut pas. Il veut la pension alimentaire. Vous venez saisir le permis de conduire parce que ça fait six mois qu'il ne paie pas. On fait quoi? Il va retourner travailler comment? Mais la majorité, je vous l'ai dit, ils gagnent leur vie avec leur permis de conduire. C'est pour ça que je suis un peu plus cadré là-dessus.

M. Cliche-Rivard : Mais ça... Ça, je l'entends, mais on peut imaginer d'autres situations où il y a évidemment de la mauvaise foi à ne pas payer sa pension alimentaire.

Mme Bilodeau (Lise) : Je voudrais vous dire, M., qu'il y a de la mauvaise foi, mais avec les statistiques qu'on a été chercher, sur mon 9 % de bonhommes, excusez l'expression, qui sont réfractaires à la pension alimentaire, est-ce que j'en ai... est-ce que j'en ai 5 % qui pensent vraiment : Je ne la paie pas?

M. Cliche-Rivard : O.K. Pensez-vous que...

Mme Bilodeau (Lise) : C'est parce que j'ai été chercher les statistiques.

M. Cliche-Rivard : Mais pour ces gens-là vous seriez disposée à ce qu'il y ait...

Mme Bilodeau (Lise) : Écoutez, je suis genre très humain, hein? Alors, je trouverais peut-être le moyen de les faire travailler dans la société pour essayer de combler quelque chose comme ça, des travaux communautaires. Enfin, bref, c'est plein de solutions, mais je...

M. Cliche-Rivard : O.K. Ça fait que vous êtes prête à quelque chose mais vous pensez que le permis de conduire, ce n'est pas le moyen. Mais vous êtes prête à un malus là. Vous êtes prête à faire quelque chose.

Mme Bilodeau (Lise) : Vous avez tout compris.

M. Cliche-Rivard : Parfait! Merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de Jean-Talon, en 2 min 38 s, s'il vous plaît.

M. Paradis : Bonjour. Donc, je comprends bien qu'au centre de ce que vous nous dites aujourd'hui, c'est un ex-conjoint qui paie une pension à vie, se sépare de son nouveau, sa nouvelle conjointe, puis là doit payer une prestation alimentaire... prestation compensatoire, c'est trop. Il faudrait une prestation compensatoire allégée. Je peux comprendre que vous le voyez un petit peu.... C'est ça que vous nous dites, là, une compensation allégée ou moins contraignante. Ça, c'est la perspective de l'ex-conjoint. Mais la nouvelle conjointe, elle, qui regarde ça puis qui dirait : Bien, moi, j'ai... j'ai droit, selon les critères établis par la jurisprudence, à une prestation compensatoire x. Puis là, on dirait : oui, mais parce que M. avait une autre relation avant, elle va être allégée. Comment vous réconciliez ça? Parce que moi, je suis très sensible à ce que vous nous dites. Mais, s'il faut faire attention de ne pas corriger l'inégalité dont vous nous parlez par une nouvelle inégalité, comment vous conciliez ça, de la perspective de la nouvelle conjointe?

M. Santerre (Mathieu) : Simplement un petit point. Ce qui est recommandé, puis on ne pourra pas vous le transmettre par écrit également, là, mais c'est qu'on tienne compte de l'ensemble des enfants dans l'établissement de la prestation compensatoire, donc qu'on tienne compte de la situation financière objective. Il ne s'agit surtout pas d'en désavantager un autre ou d'aller chercher un autre effet pervers, là. Donc...

M. Paradis : ...cette prestation compensatoire allégée, comment elle fonctionnerait pour que ça soit équitable de ce côté-là mais équitable de ce côté-là aussi?

Mme Bilodeau (Lise) : Tu me permets? Il faudrait tenir compte, bien sûr, je pense qu'on l'a dit dans le document... il faudrait tenir compte, bien sûr, du salaire du monsieur. À un moment donné, on n'a pas le choix, là, parce que c'est sur son salaire qu'on va aller chercher les sous. Alors, il faudrait tenir compte de sa situation financière, c'est le mot que je voulais vous dire. En tenant compte de sa situation financière, il y a moyen d'être équitable. Vous vivez avec une personne pendant quatre, cinq ans, vous savez très bien c'est quoi, sa situation financière. Alors, si moi, je suis votre conjointe et que je décide de vous laisser, et puis c'est bien de valeur, moi, je demande, je ne sais pas, moi, 200 000 $, 300 000 $, puis quand je sais que l'autre à côté, c'est un petit journalier, vous comprendrez bien que la balance, là... Ce n'est pas parce que j'en veux aux femmes, loin de là... de moi, là, mais comprenez-moi bien, ce que je veux, moi, c'est une équité. Alors, allons voir ce qui se passe dans le portefeuille de M., allons voir si c'est raisonnable, qu'il paie cette pension-là, puis, si c'est raisonnable, go, allons-y! Mais, si on sait qu'en bout de piste il n'y arrivera pas puis que...

Mme Bilodeau (Lise) : ...ça va être saisie après saisie, saisie après saisie, est-ce que... Justement, est-ce qu'on est en train d'aider la justice? Non. Alors, c'est un peu ce que j'essaie de vous dire, on... vous devriez tout simplement porter davantage attention à ce que gagne la personne qui va, je dis bien «la personne», là, parce que ça peut être une dame aussi... qui va payer cette prestation compensatoire. C'est quoi, son portefeuille financier? Mais je pense qu'il faut aller jusque là.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. M. Santerre, M. Thibault, Mme Bilodeau, merci beaucoup, merci infiniment d'avoir été avec nous.

Je suspends les travaux quelques instants pour inviter notre prochain témoin. Merci.

(Suspension de la séance à 14 h 46)

(Reprise à 14 h 48)

Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Il nous fait plaisir d'accueillir Me Robert Leckey, titulaire de la Chaire Samuel Gale, de la Faculté de droit de l'Université McGill. Merci infiniment d'être avec nous aujourd'hui. Alors, comme vous savez, vous avez 10 minutes de présentation, après, on aura une période d'échange avec les membres de la commission. Alors, maître, la parole est à vous.

M. Leckey (Robert) : Merci de m'avoir invité à vous adresser la parole. Permettez-moi de commencer par un peu d'histoire. On parle souvent de l'autonomie et du choix comme des idées centrales du droit familial. Ce sont des valeurs importantes, mais elles doivent aussi s'inscrire dans la tradition québécoise de favoriser la solidarité familiale et la protection des personnes vulnérables. Par exemple, il est prétendu que les protections matrimoniales robustes sont réservées aux couples qui choisissent le mariage.

• (14 h 50) •

Or, lorsque le législateur a renforcé le droit matrimonial durant les années 80, une forte pression sociale incitait la vaste majorité des couples à se marier sur une petite minorité d'enfants... naissaient de parents non mariés. À l'époque, en créant le régime de la résidence familiale et ensuite le patrimoine familial, le législateur agissait donc au profit de presque tous les enfants. Mais la société... évolué depuis, à un tel point que la majorité des enfants québécois ne bénéficient pas entièrement du cadre protecteur du droit familial en raison du choix de leurs parents. Cette situation aurait paru aberrante...

M. Leckey (Robert) : ...à vos prédécesseurs. L'État a pour rôle et responsabilité de mettre en place un droit familial qui n'exclut pas la majorité des enfants.

Je commence avec deux recommandations qui... l'orientation générale du régime d'union parentale proposé dans le projet de loi no 56. Première recommandation, le régime doit s'appliquer immédiatement aux familles composées de conjoints de fait qui sont parents du même enfant. Toutefois, dans sa mouture actuelle, le projet de loi propose une application prospective. Ce choix n'est pourtant pas justifié. La prémisse de la réforme est que la prise en charge de l'enfant commun par des conjoints de fait représente un engagement sérieux. La réforme reconnaît que l'éducation de tels enfants engendre souvent un déséquilibre économique. Si le patrimoine d'union parentale vise à rectifier ce déséquilibre, pourquoi laisser de côté les familles existantes? Pourquoi le souci de stabiliser la résidence familiale des enfants ne bénéficierait-il pas à ceux qui sont déjà nés?

En 1989, le législateur a fait le choix de l'application immédiate en instaurant le patrimoine familial. Le patrimoine familial s'imposait ainsi aux mariages existants, sauf si les époux s'entendaient pour y déroger dans les 18 mois suivant la réforme. Le législateur a ainsi équilibré la justice économique et la protection des personnes vulnérables par rapport à l'autonomie. Faute d'entente entre les deux époux, le mariage était sujet au nouveau régime. Après tout, le législateur agissait car il croyait sa réforme juste.

Deuxième recommandation, le patrimoine d'union parentale devrait être identique au patrimoine familial du mariage. Comme vous le savez, la proposition du patrimoine d'union parentale est calquée sur le patrimoine familial des époux. Toutefois, le patrimoine d'union parentale est moins protecteur pour trois raisons: le bassin de biens affectés est plus restreint... Les déductions de la valeur à partager sont plus importantes et les conjoints peuvent s'y soustraire. Du point de vue de l'accès à la justice et de la connaissance du droit, il est indûment complexe d'introduire un deuxième patrimoine dans le droit familial québécois. Un droit simple et prévisible s'impose. De fait, les justiciables ne maîtrisent... pas le droit matrimonial qui est en place depuis des décennies. Je vous conseille donc fortement de favoriser la simplicité en utilisant le patrimoine familial du mariage. Ce choix permettrait d'appliquer sans difficulté la jurisprudence développée depuis 1989, renforçant ainsi la prévisibilité.

De toute manière, sur le fond, le patrimoine familial du mariage est souvent mal compris. Il est parfois qualifié de carcan, et l'on agite l'épouvantail de la peur de marier les couples par force. Il est vrai que les époux ne peuvent y renoncer avant la fin du mariage. Ne perdons toutefois pas de vue la souplesse du patrimoine familial. Ces effets divergent vastement selon les circonstances du couple. Par exemple, pour le couple composé de conjoints âgés, les résidences payées, les régimes de retraite garnis, partager le patrimoine familial n'aurait aucun effet. Il n'aurait pas de grands effets non plus dans le cas d'un couple dit moderne et indépendant, lorsque les conjoints sont copropriétaires des résidences et épargnent chacun pour leur retraite. En revanche, c'est lorsque les conjoints s'enrichissent à deux vitesses durant l'union que le patrimoine familial fait sentir ses effets.

Quant à la proposition d'union parentale dans le projet de loi, cette union survient souvent à la suite de la prise en charge de l'enfant commun. Dès lors que l'union parentale naît d'un tel engagement sérieux, pourquoi donne-t-elle lieu à un patrimoine moins protecteur que celui du mariage pour les conjoints vulnérables économiquement?

Ensuite, je vous fais part d'une autre recommandation, celle-ci plus ambitieuse. Il s'agit de la reconnaissance d'une obligation alimentaire entre...

M. Leckey (Robert) : ...avec tous les conjoints de fait, avec ou sans enfants, durant leur union et sur une base exceptionnelle après la rupture. En formulant cette idée, je ne m'inspire pas des provinces du common law. Au contraire, je fais mienne la proposition émise en 1978 par l'Office de révision du Code civil. L'idée a donc des racines profondes au Québec.

Commençons par les justifications de l'obligation alimentaire au sein de l'union parentale. Une pension alimentaire au profit d'une conjointe peut viser, entre autres, à répartir les conséquences économiques découlant du soin des enfants. Ces contrecoups peuvent survenir tant durant l'union qu'après la rupture.

Commençons par le désavantage financier encouru durant l'union. Même où est-ce que les deux parents s'impliquent dans l'éducation de leurs enfants, l'un, ça désavantage souvent plus que l'autre. Encore aujourd'hui, c'est fréquemment la femme. Ainsi, la mère se retire temporairement du marché du travail afin de se consacrer aux enfants, elle diminue ses heures, elle refuse des promotions ou n'en sollicite pas. Pendant ce temps, les revenus de l'autre augmentent.

L'obligation alimentaire est importante car les mesures proposées dans le projet de loi n° 56 ne peuvent rééquilibrer ces conjoints lors d'une rupture éventuelle. Le patrimoine d'union parentale aiderait seulement si le parent plus fortuné a investi ses revenus supérieurs dans la résidence familiale. La prestation compensatoire, quant à elle, n'aiderait la conjointe appauvrie que si elle peut prouver un lien causal entre ses efforts et un enrichissement durable du patrimoine de l'autre.

Ensuite, rien dans les propositions ne tiennent compte des répercussions économiques qui découleront des fonctions parentales après la rupture. Pourtant, de nombreux conjoints de fait se séparent alors que leurs enfants sont jeunes. Encore une fois, c'est fort probablement la mère qui s'investit dans les tâches parentales à ses frais après la fin de l'union.

Toutes ces raisons appuient ma proposition de doter l'union parentale et, en fait, l'union de fait d'une obligation alimentaire entre les conjoints... excusez-moi, de doter l'union parentale d'une obligation alimentaire, mais cette obligation serait aussi appropriée même dans les cas de conjoints de fait sans enfant commun, pour qui le projet de loi ne propose rien. Après tout, la présence d'un enfant commun n'est pas le seul déclencheur d'une interdépendance, voire un déséquilibre. Le législateur québécois a déjà reconnu cet état de fait en assimilant les conjoints de fait, avec ou sans enfants, aux époux dans les lois sociales et fiscales.

Je vous suggère qu'il est temps que le droit familial s'adapte lui aussi à la réalité sociale des familles québécoises. Il serait aussi prudent d'éviter de multiplier les distinctions entre enfants afin de ne pas contrevenir à la garantie constitutionnelle d'égalité. Je vous remercie.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, Maître, M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui. Merci, M. le Président. M. Leckey, bonjour, merci de participer aux travaux de la commission parlementaire relativement au projet de loi n° 56. D'entrée de jeu, je voudrais vous demander quelles sont les mesures, à votre avis, positives du projet de loi n° 56?

M. Leckey (Robert) : Merci, M. le ministre. Moi, j'ai... de la prise en compte des procédures de caractère abusif. C'est une proposition de modification au Code de procédure civile. Je pense aussi la préférence envers la prise en charge d'un dossier par un seul et même juge, qu'il s'agisse du Code de procédure civile ou de la Loi sur la protection de la jeunesse. Je pense, ces mesures-là promettent fort d'améliorer l'expérience pour les justiciables.

M. Jolin-Barrette : Le fait, là, qu'un juge suive le dossier, là, du... le plus souvent possible, là, qu'est-ce que ça va changer, selon vous, pour les justiciables? Quel est l'avantage de faire ça, que ce soit le même juge qui... qui puisse avoir un lien avec le dossier?

M. Leckey (Robert) : Dans un contexte où la prise de décision doit être extrêmement ancrée dans les faits de chaque famille, ça permet à... au décideur de connaître le bagage de la famille au lieu de recommencer à zéro chaque fois le matin de l'audience, en rencontrant les parties de zéro.

• (15 heures) •

M. Jolin-Barrette : O.K. Sur la question de la violence judiciaire, là, vous dans votre... dans votre expérience de chercheur, là, est-ce que ça a été documenté? Est-ce qu'il y a...


 
 

15 h (version non révisée)

M. Jolin-Barrette : ...la doctrine à ce niveau-là par rapport à nos tribunaux québécois ou au Canada, sur... en matière familiale, sur l'abus de procédure en matière familiale? Parce que c'est relativement un concept qui a été récemment nommé dans un jugement, la violence judiciaire, mais qu'en est-il des auteurs, de la doctrine? C'est quoi... C'est quoi l'état de la réflexion relativement à la violence judiciaire?

M. Leckey (Robert) : En fait, je suis désolé, mais je n'ai pas des choses à partager avec vous sur ce sujet-là.

M. Jolin-Barrette : O.K. Mais vous trouvez que c'est une... c'est une bonne idée de venir renforcer les... bien, en fait, les outils pour les juges afin de faire cesser la violence judiciaire?

M. Leckey (Robert) : La violence judiciaire, il y a déjà des déséquilibres, des rapports de force en situation de litige familial, et parfois, des questions de santé mentale, des déséquilibres financiers, donc c'est sûr que, souvent, une partie est plus en mesure de multiplier les procédures que l'autre. Donc, pour moi, c'est logique que le juge puisse en tenir compte, mais je n'ai pas des recherches scientifiques au bout de mes doigts.

M. Jolin-Barrette : Il y a quelques intervenants qui sont venus, au cours de la semaine, qui nous ont dit : Écoutez, ça dépend devant qui on tombe, dans le fond, à la cour, le résultat va véritablement varier. Il y a eu... Il y a eu beaucoup d'interventions là-dessus, qu'on a entendues. Est-ce que, dans le cadre de l'analyse des jugements en droit de la famille, vous constatez des disparités par rapport aux différents jugements de nos tribunaux, relativement aux cas qui sont soumis devant les tribunaux? Quelle est.... Quelle est votre analyse par rapport à ça, du point de vue des jugements ou des dossiers que vous analysez?

M. Leckey (Robert) : C'est sûr qu'il y a beaucoup de discrétion. Donc, la question, c'est quoi, l'intérêt de l'enfant, dans un certain cas, c'est une question discrétionnaire. La question, c'est quoi, la prestation compensatoire qui serait due à la fin de l'union, c'est beaucoup plus discrétionnaire, par exemple, que si on partageait le patrimoine familial. Donc, il faut être conscients que plus on nage dans la discrétion, dans l'incertitude, plus il y a un risque de variation de la décision, plus, il y a le risque de voir le procès long et coûteux, plus la preuve requise serait volumineuse. Donc, si j'insiste, par exemple, que le patrimoine familial s'impose dans ce contexte, au lieu de miser aussi fort sur la prestation compensatoire, c'est conscient des aléas de la discrétion judiciaire, de l'accès à la justice, de vos besoins. Ce sont... Vous aimeriez diriger les gens, résoudre leurs problèmes peut-être par la médiation, peut-être par d'autres moyens afin de désengorger les tribunaux, mais je trouve, avec l'emphase de la prestation compensatoire dans le projet de loi, on invite tout le monde à se présenter au Palais de justice pour que les juges prennent une décision discrétionnaire concernant l'enrichissement au sein du mariage ou d'une union parentale.

M. Jolin-Barrette : On nous a amenés à quelques reprises l'idée d'un tribunal unifié en droit de la famille. Quelle est votre opinion sur l'idée d'un tribunal unifié en droit de la famille?

M. Leckey (Robert) : Le tribunal unifié semble avoir porté ses fruits dans d'autres provinces, donc ça simplifie déjà les instances où la famille doit se présenter. Donc, c'est sûr que c'est quelque chose qu'on pourrait très bien étudier dans le contexte québécois.

M. Jolin-Barrette : O.K. Parlons justement, là, du patrimoine d'union parentale, là. Moi, je crois comprendre que vous souhaiteriez que dans le patrimoine d'union parentale, ça soit la même chose que dans le patrimoine familial.

M. Leckey (Robert) : Moi, je crois que ce serait beaucoup plus simple. Et je ne vois pas, si on... si vous dites que l'union parentale est quelque chose de sérieux, que les conjoints se sont engagés en décidant ensemble de mener à terme leur projet parental, je ne vois pas pourquoi on leur donnerait un patrimoine plus mince que celui des époux.

M. Jolin-Barrette : Et qu'est-ce que vous pensez de la possibilité de se retirer du patrimoine d'union parentale?

M. Leckey (Robert) : Pour moi, si on peut résumer, tous les conjoints monoparentaux sujets au patrimoine avec la possibilité d'y déroger, je pense que ce serait peut-être un bon compromis puisque ça nécessiterait une prise de décision éclairée. On saurait au moins que chacun, que les deux conjoints se sentent entendus, aidés par un professionnel juridique, idéalement, pas deux. On offrait plus d'assurance qu'ils comprenaient la situation et qu'ils... qu'ils prenaient des choix. À l'instant, on n'a pas l'impression que les gens connaissent leurs droits ni qu'ils prennent beaucoup de décisions éclairées. Mais la possibilité de dérogation, je crois, serait plus solide.

M. Jolin-Barrette : Donc, juste pour être...

M. Jolin-Barrette : ...sûr que j'ai bien saisi, parce qu'au début ça a coupé un petit peu, là, mais dans le fond, vous, vous souhaiteriez qu'on prenne le patrimoine familial pour les conjoints de fait, donc tout le contenu du patrimoine familial, mais vous laisseriez la disposition qui permet de se retirer, de retirer certains biens ou de se retirer complètement du régime. Est-ce que j'ai bien compris?

M. Leckey (Robert) : Je crois que ce serait... ce serait beaucoup meilleur que ce qui est proposé dans le projet de loi n° 56, je crois que ça représenterait un meilleur équilibre des objectifs qui se trouvent franchement parfois en tension : protection, justice économique puis respect de l'autonomie et du choix. Donc, je crois que ça respecterait tout de même le choix des conjoints.

M. Jolin-Barrette : Et pourquoi inclure les REER, les fonds de pension, les régimes de retraite?

M. Leckey (Robert) : Pourquoi les inclure? Pour les époux, parce que c'est souvent en fait la source la plus importante de la richesse du couple, c'est accumulé durant l'union, et, si l'un des conjoints est en mesure de contribuer à son REER, c'est peut-être fort bien ce... que c'est puisque l'autre paie les épiceries, l'autre paie les dépenses liées au ménage, l'autre paie les frais de la garde des enfants. Durant l'union, on ne trouve pas l'argent de nulle part. Donc, si l'argent d'un des conjoints va dans le REER, c'est puisque l'autre, peut-être, contribue. Donc, ce sont des biens au profit de toute la famille.

M. Jolin-Barrette : Mais vous ne trouvez pas que dans, supposons, la contribution, là, au régime de pension, au régime de retraite ou au REER, il y a là un choix aussi qui est individuel? Parce vous n'êtes jamais obligé de contribuer. Vous n'êtes pas obligé de contribuer à votre fonds de pension, vous n'êtes pas obligé de contribuer à votre REER, vous n'êtes pas obligé de contribuer au régime de pension. La seule exception...

M. Leckey (Robert) : On peut s'obliger...

M. Jolin-Barrette : ...c'est la Régie des rentes, où là c'est prélevé automatiquement, vous ne pouvez pas y renoncer, puis, si vous êtes travailleur autonome, dans le fond, vous doublez... bien, pas vous doublez, vous payez la partie de l'employeur aussi... bien, pas tout à fait, là, mais vous mettez davantage d'argent. Mais je veux vous entendre sur ce... Parce que ça n'a pas été beaucoup abordé, chez ceux qui disent qu'on devrait les inclure, là, sur le fait qu'il s'agit tout de même d'un choix de contribuer. Alors, qu'est-ce qu'on fait avec la personne qui refuse de contribuer à son régime de retraite, si on l'inclut? L'autre conjoint pourrait se retrouver désavantagé si elle, elle a choisi de contribuer, alors que, même dans un couple, un des deux partenaires, lui, décide sciemment de ne pas contribuer au régime de retraite. Qu'est-ce qu'on fait avec ça?

M. Leckey (Robert) : Bien, votre question s'applique à tous les biens dans le patrimoine familial. On peut décider de rester locataire toute sa vie au lieu d'acheter une maison, on peut louer des meubles, on peut louer des voitures, on peut ne pas avoir de voiture. On a fait le choix, le législateur, au moins avec le patrimoine familial, que les gens, tant et aussi longtemps qu'ils sont en famille, agissent d'une certaine manière pour le compte de la famille, puis, à la fin de cette entreprise commune, on répartit les fruits de cette union. Et donc toutes ces questions-là... Il n'y a jamais d'obligation d'acheter une maison ni un sofa, mais on dit qu'on va partager néanmoins ces biens accumulés durant l'union.

M. Jolin-Barrette : Vous ne trouvez pas que ce que l'on propose, justement de permettre aux gens de rajouter des biens, que dans le fond c'est un filet de sécurité minimal qu'on met en place, le régime d'union parentale, notamment au bénéfice des enfants, et que les gens conservent et maintiennent leur liberté de choix? Ils ont décidé de se marier. Maintenant, ensuite, ils ont décidé d'avoir des enfants, supposons, sans se marier, mais là il n'y a rien qui les empêche de les ajouter, les autres éléments, les REER, les fonds de pension, tout ça, si les adultes qui décident d'avoir un enfant ensemble décident de les inclure aussi. Vous n'aimez pas ça, cette approche-là de permettre aux gens de décider par eux-mêmes?

M. Leckey (Robert) : Si l'«opting out»... Si l'«opting in» fonctionnait, on aurait un taux de conventions de vie commune beaucoup plus haut que ce qu'on a au Québec actuellement. Donc, la réalité, c'est que les gens ne prennent pas cette étape, soit ils ne connaissent pas le droit, soit ils ne sont pas du même avis, les deux membres du couple. Mais, si vous comme législateurs prenez le choix de société de promouvoir les familles, d'appuyer l'éducation de nos enfants, pour moi, c'est logique que vous présumez, même si c'est sujet à interrogation, que vous présumez que ceux et celles qui ensemble élèvent nos enfants cèdent un peu afin de ne pas laisser l'un pour compte à la fin de l'union au sein de laquelle les enfants ont été éduqués.

M. Jolin-Barrette : Je vous remercie, M. Leckey, pour votre témoignage en commission parlementaire. Je vais céder la parole à mes collègues. Un grand merci pour votre présentation en commission.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée de Laval-des-Rapides, s'il vous plaît.

• (15 h 10) •

Mme Haytayan : Merci, M. le Président. Bonjour, Me Leckey...

Mme Haytayan : ...merci pour votre temps. Merci d'être avec nous cet après-midi. Sur le délai de 30 jours en ce qui concerne les mesures de protection de la résidence familiale, qu'est-ce que vous en pensez? Combien de jours seraient raisonnables, selon vous? Si vous pouvez un peu élaborer sur la question.

M. Leckey (Robert) : Je trouve 30 très court. Évidemment, les choses varient d'une famille à l'autre, mais le moment où la rupture, vraiment, survient où éclate, on n'est pas nécessairement en mesure de prendre des décisions logiques, avisées tout de suite. Donc, 60, 90, je pense, quelque chose comme cela, serait beaucoup plus raisonnable que 30. 30 peut écouler vraiment vite.

Mme Haytayan : Donc, 90 jours serait plus raisonnable, selon vous?

M. Leckey (Robert) : 60 ou 90 jours.

Mme Haytayan : ...ou 90 jours.

M. Leckey (Robert) : ...meilleur que 30.

Mme Haytayan : D'accord, merci. Aussi, pouvez-vous développer sur l'importance de permettre aux conjoints de fait en union parentale d'hériter en l'absence de testament?

M. Leckey (Robert) : C'est sûr, je trouve que c'est une amélioration dans le droit. Est-ce que ça change grand-chose dans la vie des gens? Je ne sais pas. Si déjà la maison est détenue en copropriété entre deux conjoints, peut-être ils ont déjà réglé la maison. Si des gens ont déjà un testament, ils l'auraient fait, donc, mais, dans le cas où quelqu'un décède sans testament, c'est sûr que ça peut offrir une certaine protection au veuf ou à la veuve.

Mme Haytayan : D'accord. Merci. M. le Président, est-ce qu'il nous reste un peu de temps ou...

Le Président (M. Bachand) :Oui. 3min 15s.

Mme Haytayan : Parfait. Je vais continuer, puis Louis... Parfait. Côté prestation compensatoire, est-ce que vous considérez que ça pourrait apporter plus de prévisibilité, de visibilité pour... côté enrichissement injustifié?

M. Leckey (Robert) : De remplacer l'enrichissement injustifié sur le régime des obligations par la prestation compensatoire?

Mme Haytayan : Non, si vous pensez que la prestation compensatoire pourrait apporter plus de prévisibilité que l'enrichissement justifié... injustifié, pardon, pardon, injustifié, excusez-moi.

M. Leckey (Robert) : Oui, oui. Non, puisqu'il y a déjà quand même un corpus de la jurisprudence en enrichissement injustifié qui s'est développé au fil des ans. Il y a aussi une jurisprudence concernant la prestation compensatoire, mais celle-là était développée dans le contexte du mariage, pour les gens qui ont un patrimoine familial, qui sont sujets à la société d'acquêts, qui contribuent aux charges du ménage. Donc, la jurisprudence des époux pour la prestation compensatoire ne serait pas pertinente pour les conjoints d'union parentale. Donc, je crois qu'on repart à zéro, avec de nouvelles règles qui ne sont pas celles du régime du mariage ni celles de l'enrichissement injustifié tel que développé par les tribunaux. Donc, je crois que ça... je ne vois pas la prévisibilité dans ces propositions.

Mme Haytayan : Merci. C'est tout pour moi.

Le Président (M. Bachand) :Oui, il reste 1min 40 secondes, M. le député de Saint-Jean.

M. Lemieux : Merci beaucoup, M. le Président. Me Leckey, je vous écoutais avec le ministre, tout à l'heure, et j'ai bien noté que vous avez... vous avez commencé en disant : C'est déjà une loi, entre guillemets, en parlant du mariage et de la vie commune... que la vie commune était fiscalement et socialement comparable et, à toutes fins utiles, c'était la même chose pour les citoyens, donc pourquoi pas la partie légale, juridique dans laquelle on s'adresse dans le projet de loi no 56?

Je vous ai écouté avec le ministre... parce que vous voudriez la rétroactivité, puis, à la limite, vous voudriez que...

M. Leckey (Robert) : Non, excusez-moi, pas la rétroactivité, l'application immédiate.

M. Lemieux : ...enfants.

M. Leckey (Robert) : Immédiate, donc aujourd'hui, pour l'avenir, mais je ne toucherais pas les choses faites, du passé.

M. Lemieux : Ah! c'est déjà mieux. On s'entend bien, à partir de ce bout-là, c'est déjà plus clair. Mais vous voudriez que l'union parentale soit presque un copié-collé de ce qu'on a maintenant pour des époux qui se séparent, en termes de processus.

Là où je voulais en venir, c'est qu'il y en a qui disent qu'on va trop loin, il y en a qui disent que ça ne va pas assez loin. À quelque part, vous ne pensez pas que tout ce qu'on fait, c'est de s'ajuster à... je ne vais pas parler d'humeur populaire, mais de s'ajuster au seuil de tolérance social québécois par rapport à ces questions-là? Et j'avoue qu'on est en retard, là, ça fait déjà 20 ans qu'on attend pour ce bout-là, là.

Le Président (M. Bachand) :Alors, maître, en quelques secondes.

M. Leckey (Robert) : Moi, je crois qu'on peut appliquer plusieurs morceaux du droit matrimonial en permettant aux conjoints d'union parentale d'y déroger. Et donc ce serait déjà une différence importante, mais les morceaux de base seraient déjà connus, ce serait plus prévisible, côté jurisprudence, plus prévisible, côté du public...

M. Leckey (Robert) : ...et donc ce serait déjà une grande amélioration.

Le Président (M. Bachand) :Merci, Dr Leckey. Merci. M. le député de l'Acadie, s'il vous plaît.

M. Morin : Merci, M. le Président. Bonjour, Pr Leckey, merci d'être avec nous cet après-midi. Selon vous, le projet de loi n° 56, est-ce qu'il crée des catégories d'enfants?

M. Leckey (Robert) : Oui, c'est manifeste.

M. Morin : O.K. Alors...

M. Leckey (Robert) : Entre collègues, on se dispute, s'il s'agit de trois, ou quatre, ou cinq catégories d'enfants, mais, oui, ça en crée ou ça multiplie.

M. Morin : D'accord. Maintenant, quand... Parce qu'on nous dit que son objectif principal, c'est évidemment d'avoir comme point d'ancrage les enfants, améliorer la condition des enfants dans le cadre d'une union... l'union de fait. Donc, au fond, ce que vous suggérez, c'est qu'il n'y en ait pas, de catégories d'enfants. Puis vous avez dit tout à l'heure que, pour vous, la date de 2025, c'était juste trop loin. Donc, qu'il n'y a pas de rétroactivité, mais il devrait y avoir une application immédiate de la loi.

M. Leckey (Robert) : Moi, je crois qu'il faut avoir une application immédiate aux enfants qui sont déjà vivants. On a un temps limité, mais je suis... je me soucie aussi des enfants qui sont éduqués au sein d'une famille recomposée, donc qui ne tomberaient jamais sous la proposition telle qu'elle est formulée. Je pense... Ça m'inquiète aussi, qu'on... également. Ce serait pensable, qu'au moins les protections de la résidence familiale s'appliquent à tous les ménages où les enfants sont présents, ce serait... Si on voulait vraiment protéger les enfants, on commencerait par ça.

M. Morin : Parce que... En fait, vous avez... vous devancez un peu ma question que je voulais vous poser, mais c'est... c'est correct. Mais en fait, ce que je comprends, c'est qu'avec le projet de loi actuel l'union parentale se forme quand il y a des conjoints de fait qui deviennent père et mère d'un même enfant. C'est l'élément qui crée finalement cette union parentale. Avant, bon, il y a... il n'y a pas d'union, les gens peuvent vivre ensemble, ce n'est pas une union parentale. Donc, vous, ce que vous proposez, au fond, c'est que, dès qu'il y a des conjoints qui vivent ensemble, parce qu'ils ont pu avoir des enfants avant, ce serait donc qu'il se crée une union parentale qui a des... qui aurait des impacts pour l'ensemble de leurs enfants.

M. Leckey (Robert) : Ce n'est pas nécessaire, que tout effet juridique découle d'une union parentale. C'est totalement possible simplement d'imposer certains effets juridiques sur la base des faits. Donc, ce n'est pas nécessaire de mettre tout le monde en union parentale afin de... d'aménager certains effets juridiques. On peut déclarer que la présence d'un enfant rattache à sa maison certaines protections.

M. Morin : O.K. Donc, en fait, en fait, vous, indépendamment de comment on peut définir l'union parentale, ce que vous dites, c'est qu'entre la loi... idéalement, quand la loi va devenir en vigueur et qu'il y a des enfants dans un couple, bien, les enfants, s'il y a une rupture, devraient pouvoir bénéficier d'un patrimoine d'union parentale.

M. Leckey (Robert) : Je parle plus des protections de la résidence familiale que du patrimoine. Je pense que c'est là, l'élément de base pour la protection de stabilité de l'enfant et, en fait, c'est l'élément dans le projet de loi actuelle qui n'est pas sujet à la dérogation.

M. Morin : Et est-ce que vous le limitez à la résidence familiale seulement et pas aux autres composantes du patrimoine?

M. Leckey (Robert) : On mélange une chose. Même pour les époux, les protections de la résidence familiale ne se rattachent qu'à la résidence familiale. Là, vous évoquez aussi la question de la répartition de la valeur des résidences secondaires, qui est une autre question.

M. Morin : O.K. Et... Bon, il y a plusieurs personnes ou groupes qui nous ont dit : Écoutez, nous, la question des fonds de pension, des REER, on ne veut pas toucher à ça, il faut que ça reste rattaché à la personne, pas question de mettre ça ensemble. Bon, vous, vous n'êtes pas de cet avis-là.

M. Leckey (Robert) : Moi, je crois que, si les... du couple s'entendent, évidement ils peuvent s'y soustraire. Mais moi, je crois que ce serait plus juste, si on croit vraiment que l'union parentale représente le même sérieux à peu près du mariage, qu'on le traite ainsi.

M. Morin : Puis est-ce que... Tout à l'heure, vous avez parlé d'un «opting in». Est-ce que vous êtes plus préférable à un «opting in» ou à un «opting out»?

• (15 h 20) •

M. Leckey (Robert) : Moi, je crois que la dérogation est beaucoup plus juste puisque, si on... si on y déroge, conseillé par un juriste indépendant, on prend des décisions... Il y a plus de chance qu'on prenne une décision éclairée. Si simplement on n'y pense pas durant 20 ans de vie commune, on n'a jamais nécessairement...

M. Leckey (Robert) : ...ce moment de prise de décision et d'information.

M. Morin : Et est-ce que vous... Parce que le projet de loi parle, évidemment, que ce soit fait par acte notarié. Est-ce... Puis il y en a qui nous ont suggéré... oui, l'acte notarié, c'est bien, c'est un acte authentique, mais on voudrait que, par exemple, les conjoints puissent obtenir des avis juridiques indépendants en plus du notaire. C'est quoi, votre point de vue là-dessus?

M. Leckey (Robert) : C'est délicat dans ce sens que, plus on ajoute des conseils juridiques, plus on augmente les frais. Mais c'est sûr que c'est fort complexe pour une seule... une seule personne notaire à considérer les deux personnes dont les intérêts sont fondamentalement en conflit. Très délicat, ça, en fait. Donc, ce serait mieux côté information, côté... côté prise de décision éclairée si chacun était avisé indépendamment.

M. Morin : Pour qu'évidemment chaque conjoint puisse, avec un conseiller juridique... qui, en fait, pourrait être un autre notaire, ce n'est pas obligé d'être... d'être un avocat, là, en fait, mais d'établir son patrimoine individuel au complet puis voir quelles seraient les conséquences éventuellement.

M. Leckey (Robert) : Oui.

M. Morin : Parfait. Je vous... je vous remercie. Il y a des éléments qui sont inclus dans le patrimoine d'union parentale. C'est à l'article 521.30 du projet de loi. Est-ce que vous pensez que ce qui est inscrit là c'est suffisant ou si on devrait en ajouter? Parce qu'on nous a parlé beaucoup, beaucoup des résidences secondaires ou d'autres biens qui sont... qui ne sont pas là. C'est ma compréhension.

M. Leckey (Robert) : Moi, j'aurais tendance à suivre exactement la même définition de biens que celle pour le patrimoine familial. Donc, j'y ajouterai la résidence secondaire, le cas échéant, puis le fonds de retraite.

M. Morin : Parfait, merci. On nous a parlé aussi que la fin de l'union parentale par manifestation expresse ou tacite, ce n'était peut-être pas évident. C'est à 521.22. On nous a parlé beaucoup, en fait, de ce qui s'appelle l'association de vie commune, qui est déjà dans le Code civil. Pensez-vous que les législateurs à 521.22 devraient reprendre ce qui existe déjà dans le Code civil ou laisser la rédaction telle qu'elle est là, expresse ou tacite?

M. Leckey (Robert) : Je pense ce serait mieux d'utiliser des concepts déjà développés, déjà connus, c'est plus simple, plus sûr.

M. Morin : Parfait! Je vous remercie. Vous avez aussi répondu à des questions de M. le ministre en ce qui a trait à un tribunal unifié. Quand on parle d'union parentale, on va modifier le Code civil. Quand on parle de la fin ou de la cessation de l'union parentale, on est toujours dans le Code civil. Puis la Cour du Québec a déjà compétence en matière de protection de l'enfant, en protection de la jeunesse. Pour le régime d'union parentale, voyez-vous... voyez-vous un avantage à ce qui est, par exemple, une chambre de la Cour du Québec qui traiterait tous ces dossiers-là? Évidemment, pour le divorce, c'est une loi fédérale, là, c'est un peu différent. Mais quand on parle de l'union parentale, c'est quoi, votre opinion là-dessus? Y avez-vous... avez-vous pensé à ça?

M. Leckey (Robert) : Bien, pour l'instant, la compétence... le chiffre, en fait, des biens en cause. Donc, au-delà d'un certain montant, ça irait à la Cour supérieure, autrement à la Cour du Québec. Pour moi, les questions sont très semblables à celles d'un divorce. Donc, je ne vois pas pourquoi ça irait autrement, mais la question... la grande question : Est-ce que qu'un tribunal unifié en matière familiale s'impose pour tout le monde au Québec? Ça, c'est une autre question.

M. Morin : Oui, exact. Et ça, ça existe dans d'autres provinces.

M. Leckey (Robert) : C'est ça où les... pour lequel les juges sont nommés par le fédéral.

M. Morin : Pardon?

M. Leckey (Robert) : Les juges sont nommés à ces tribunaux par le fédéral.

M. Morin : Oui. C'est ça. Exactement. Alors, c'est ma compréhension. Dans les... unifiés, c'est... il y a une cour qui s'occupe de l'ensemble. Et ils sont de compétence... en fait, ils sont nommés par le fédéral, mais c'est une cour provinciale, en fait, gérée par la province.

M. Leckey (Robert) : Exact.

M. Morin : O.K. Parfait. Je vous remercie. Autre chose... ah! oui... vous nous... oui, il reste 59 secondes, merci, M. le Président. Vous nous avez fait parvenir, je pense que c'est une disposition du Code civil qui avait été préparée par l'Office de révision du Code civil à l'époque.

M. Leckey (Robert) : En 1978.

M. Morin : Oui, c'est ça. Donc, c'est M. Crépeau qui travaillait avec une équipe de juristes à ce sujet-là. Donc, déjà, à l'époque, il y avait une disposition qui traitait des époux de fait. C'est ce que je comprends de...

M. Morin : ...la disposition que vous nous avez envoyée.

M. Leckey (Robert) : On a proposé une obligation alimentaire durant l'union, et sur une base exceptionnelle après celle-ci.

M. Morin : C'est ça, et je comprends que le projet de loi, actuellement, ne reprend pas ça.

M. Leckey (Robert) : On fait beaucoup moins aujourd'hui que ce qui était proposé en 1978.

M. Morin : Parfait. Je vous remercie beaucoup, Pr Leckey. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de Saint-Henri-Sainte-Anne, s'il vous plaît.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup. Merci, Professeur, pour votre présentation, vos articles aussi. Merci pour la contribution au débat, très apprécié. Vous parlez de l'application immédiate, évidemment, on l'a compris, pour ceux qui ont des enfants déjà, donc, vous dites, mais je me demandais si vous étiez quand même en faveur du «opt-out» pour ceux qui ont des enfants, donc, déjà, là, puis au moment de l'application de la loi, puis, si oui, dans quel délai, et si vous prévoyez des obligations minimales d'ordre public auxquelles ils ne pourraient pas «opting-out» pour ceux qui ont déjà des enfants au jour de l'application.

M. Leckey (Robert) : Ah! ça dépend dans quelle mesure vous suivez mes conseils à bonifier le projet de loi, mais, si vous acceptiez tel quel, moi, je l'appliquerais quand même de façon immédiate, avec une période d' «opting-out», par exemple, de 12 mois pour les... ceux et celles qui vivent déjà en union de fait, avec des enfants.

M. Cliche-Rivard : Et est-ce que vous feriez en sorte qu'il y a ait des obligations minimales, par exemple, comme la résidence, pour laquelle on ne pourra pas déroger, là, qui vont rester d'ordre public ou...

M. Leckey (Robert) : Tout à fait. Oui, oui, oui. Si on se soucie des enfants, on doit se soucier des enfants vivants aussi.

M. Cliche-Rivard : Puis j'imagine que, pour les enfants, bon, puis pour les gens qui rentreront dans le régime après l'application de la loi, donc, par exemple, tel quel, après juin 2025.... Dans ce cas-là, est-ce que vous leur octroyez aussi un délai d'«opting-out» ou si c'est un «opting-out» continuel dans le temps, sans maximum de temps?

M. Leckey (Robert) : ...ça s'est déjà produit, dans le projet de loi, la possibilité de déroger, donc ce n'est pas nécessaire d'avoir une période.

M. Cliche-Rivard : Ce n'est pas nécessaire d'avoir une période.

M. Leckey (Robert) : C'est possible de déroger. On peut déroger à tout moment, selon le projet de loi tel qu'il est proposé.

M. Cliche-Rivard : Et vous êtes d'accord, vous êtes d'accord avec cette position-là.

M. Leckey (Robert) : Moi, j'ai choisi mes batailles. Moi, je pense... je peux accepter qu'on bonifie le patrimoine d'union parentale puis... de dérogations. Pour moi, ce serait mieux que de conserver quelque chose de très, très mince, tel qu'on a proposé, actuellement. Situation parentale, peut-être, personnellement, j'opterais pour un patrimoine familial obligatoire, mais je sais que ce serait fort du café pour vous ou pour plusieurs des élus.

M. Cliche-Rivard : Parfait. Dernier point, vous avez dit qu'on oubliait un peu, peut-être, les familles recomposées sans enfant commun, qu'ils étaient un peu oubliés. Pouvez-vous juste préciser votre pensée?

M. Leckey (Robert) : Oui, on dit que l'objectif central du projet de loi, c'est les enfants, mais il y a beaucoup d'enfants qui vivent au Québec avec papa puis la blonde de papa ou avec maman ou le chum de maman. Et ces enfants-là n'auraient jamais des protections proposées par le projet de loi no 56. Donc, moi, je pense qu'il faut trouver une façon de reconnaître que ces familles-là aussi sont des cellules au sein desquelles des futurs Québécois sont éduqués, élevés. On a un intérêt social dans leur stabilité, de faire en sorte que ces parents-là ne soient pas lésés par l'éducation des enfants. Mais, pour l'instant, on...

M. Cliche-Rivard : Et c'est cette protection-là de la résidence familiale, que vous attachez à l'enfant, et non pas à l'union, là, mais c'est ce volet-là ou s'il y a d'autres volets que vous rattachez également?

M. Leckey (Robert) : ...dans mes remarques de tout à l'heure, j'ai proposé une obligation alimentaire pour tous les conjoints de fait. Évidemment, ça s'appliquerait dans le contexte des familles recomposées aussi et ça... La stabilité du parent plus vulnérable économiquement aiderait, évidemment, aux enfants. On ne peut pas séparer totalement les enfants de leurs parents.

M. Cliche-Rivard : Parfait. Merci beaucoup pour votre contribution.

Le Président (M. Bachand) :Merci. M. le député de Jean-Talon, s'il vous plaît.

M. Paradis : Merci. Bonjour. Sur l'application immédiate à tous les enfants, des... on a eu des témoignages et des mémoires qui nous rappellent qu'à l'époque de C-146, ça avait causé du mécontentement et même des épisodes de violence conjugale, que d'y aller avec l'application immédiate. Qu'est-ce que vous... qu'est-ce que vous en pensez?

M. Leckey (Robert) : C'est complexe. Quoi qu'on fasse, il y a des situations de violence familiale, c'est déjà criminel. Donc, moi, je n'ai pas trop tendance à dire : Il ne faut pas faire ce qui est juste et raisonnable pour peur que les gens violent la loi. Je pense... Est-ce qu'on peut bonifier les ressources qu'on offre aux familles où il y a des cas de violence? Sans doute, mais, pour moi, ce ne serait pas un motif pour ne pas procéder... avec une application immédiate.

• (15 h 30) •

M. Paradis : O.K., donc, mais il y avait aussi l'aspect qu'il y avait déjà un projet familial en cours, d'un couple qui disait : Voici, les règles qui s'appliquent à nous, puis là on vient leur imposer des règles en cours de route. Là, j'imagine que vous diriez : Oui, mais là il y a une possibilité de se retirer, à ce moment-là...


 
 

15 h 30 (version non révisée)

M. Paradis : ...c'est ça?

M. Leckey (Robert) : Moi, je ne proposerais pas qu'on puisse se retirer des protections de résidence familiale mais des autres choses. Mais moi, je crois qu'il n'y ait pas d'absence de choix totale dans le fait qu'on se trouve dans une vie commune de 15 ans avec quelqu'un, parent de trois enfants. Il y a des multitudes de choix qui nous amènent aux situations où on se trouve à ce moment.

M. Paradis : Très bien, merci. J'ai compris du premier article, votre premier article d'opinion, là, celui paru dans La Presse, que votre position, en réalité, c'est d'appliquer le régime matrimonial à tous les conjoints, dans le cas des conjoints de fait, en permettant d'y renoncer par consentement. C'est ça votre position?

M. Leckey (Robert) : Moi, je parlais dans La Presse du patrimoine familial. Je n'évoquais pas la société d'accueil. Mais moi, je trouve que, si le patrimoine familial est notre élément de base, je ne vois pas pourquoi on le réduit pour l'union parentale.

M. Paradis : Votre position semble notamment... Vous référez au fait que c'est... C'est que là, on serait en train d'adopter un régime, celui proposé par le ministre, qui serait déjà dépassé par les pratiques. Et là vous citez une étude de 2022, dont on a déjà parlé plus tôt cette semaine. Mais la question qui était posée dans ce sondage-là, sur lequel vous semblez vous baser, c'est : Est-ce que vous voudriez qu'on confère les mêmes protections aux couples en... aux couples qui sont... aux conjoints de fait en permettant un droit de retrait? Est-ce que vous pensez que le résultat aurait été le même si on avait dit : Voulez-vous qu'on impose les mêmes obligations?

M. Leckey (Robert) : Je ne suis pas sociologue. Moi, je ne crois honnêtement pas que les gens choisissent l'union de fait de façon éclairée puisqu'ils évitent les obligations du mariage. Les données sont claires là-dessus. Les gens connaissent... Bien, d'abord, les gens ignorent les détails du régime du mariage, puis la vie se passe, et il n'y a souvent pas de moment clair où on fait des choix, on... Et donc moi, je ne suis pas certain qu'il y aurait des différences selon votre question.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Me Leckey, merci beaucoup d'avoir été avec nous cet après-midi. C'est fort apprécié.

Et, sur ce, je suspends les travaux quelques instants. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 15 h 32)

(Reprise à 15 h 36)

Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux.

Il nous fait plaisir d'accueillir Me Suzanne Zaccour, directrice des affaires juridiques de l'Association nationale Femmes et droit. Merci beaucoup d'être ici. Et, bien sûr, Me Michaël Lessard, professeur de droit à l'Université de Sherbrooke.

Alors, merci beaucoup d'être avec nous cet après-midi. Alors, je vous cède la parole pour un bloc de 10 minutes. Merci.

Mme Zaccour (Suzanne) : Bonjour, je suis Suzanne Zaccour, docteure en droit et directrice des affaires juridiques pour l'Association nationale Femmes et droit.

M. Lessard (Michaël) : Et je suis Michaël Lessard, avocat et professeur en droit à l'Université de Sherbrooke.

D'entrée de jeu, nous saluons la volonté des parlementaires et du ministre de la Justice de s'attaquer à la violence judiciaire et de moderniser le droit de la famille québécois. Et nous vous remercions d'avoir le privilège de vous... d'avoir l'occasion de... d'apporter notre expertise en droit de la famille à l'étude de ce projet de loi.

Mme Zaccour (Suzanne) : Les familles québécoises sont diverses, et, en tant que parlementaires, vous avez la tâche délicate de mettre en place des règles à la fois assez robustes pour venir en aide aux personnes et aux familles vulnérables et à la fois assez souples pour éviter d'imposer des obligations inappropriées aux familles non vulnérables ou qui n'en auraient pas besoin.

Et donc pour vous aider dans cette tâche et pour illustrer l'impact de nos recommandations sur différentes familles québécoises, nous utiliserons trois cas pratiques.

Donc, le premier, notre couple a, composé, disons d'Arnaud et d'Alexandra pour bien s'en rappeler, c'est un couple dit moderne, donc deux professionnels, leur salaire est comparable, leurs finances personnelles sont séparées et les dépenses communes sont partagées moitié-moitié.

On sait déjà que plusieurs groupes et expertes vous recommandent d'élargir le régime proposé afin d'y inclure une obligation alimentaire conjugale. Et face à cette demande, peut-être êtes-vous préoccupés par l'idée d'imposer des obligations financières à des couples qui semblent égalitaires. Mais il faut comprendre une chose, même si Arnaud et Alexandra y ont le droit, les tribunaux ne leur imposeront pas de pension alimentaire. Pourquoi? Parce qu'une pension alimentaire entre conjoint et conjointe n'est jamais automatique.

M. Lessard (Michaël) : Une pension alimentaire ne peut être accordée que s'il existe à la fois un besoin et une capacité de payer. Et, en plus, la pension doit être justifiée par un fondement compensatoire, social ou contractuel.

Le fondement compensatoire, comme son nom l'indique, compense des sacrifices financiers disproportionnés qui sont faits dans la famille. S'il n'y a pas eu de sacrifice ou si les sacrifices sont équivalents, il n'y aura pas de pension alimentaire. C'est le cas pour notre couple égalitaire. Il n'y a rien à compenser. Donc, aucune pension ne serait octroyée.

Pour ce qui est du fondement social, il justifie une pension alimentaire uniquement en cas de précarité financière due à l'échec de l'union. Encore une fois, ce n'est pas le cas pour Arnaud et Alexandra.

Enfin, le fondement contractuel s'applique si un conjoint ou une conjointe s'engageait à payer une pension alimentaire, ce qui n'est pas le cas ici.

Bref, une pension alimentaire ne serait ordonnée... ne serait pas ordonnée pour ce couple égalitaire. Voilà pourquoi il n'y a pas de problème à élargir l'accès à une obligation alimentaire, quitte à inclure certains couples qui n'en ont pas de besoin parce que la pension n'est pas automatique, elle n'est accordée que lorsque cela est nécessaire en cas de sacrifice, de précarité ou d'entente.

• (15 h 40) •

Mme Zaccour (Suzanne) : Et ça, ça peut vous rassurer comme parlementaires, parce que vous pouvez vous concentrer sur comment protéger les familles qui ont besoin de vous sans crainte de pénaliser des couples...

Mme Zaccour (Suzanne) : ...couples dits indépendants. Donc, on peut mettre de côté ce scénario un et parler des familles qui ont le plus besoin de cette réforme. Donc, dans notre scénario B, on a Benoît et Bernadette qui sont un couple dit traditionnel. Donc, c'est Bernadette qui a fait les grands sacrifices, d'abord, lorsqu'elle a déménagé dans une autre ville pour que Benoît accepte une promotion puis lorsqu'elle a cessé de travailler pour s'occuper des enfants pendant une certaine période, et, au moment de la rupture, le couple a des enfants qui ont un et trois ans. Donc, cette situation schématisée, disons, de vulnérabilité, je pense, c'est en quelque sorte la raison d'être de ce projet de loi. Donc, on peut examiner si ce projet de loi va vraiment venir en aide à cette famille.

M. Lessard (Michaël) : Premièrement, le partage du patrimoine parental offre un avantage limité. Contrairement à la croyance populaire, ce n'est pas la valeur totale de la maison qui va être séparée en deux, ce qui est séparé, c'est uniquement la valeur accumulée durant les trois ans depuis la naissance du premier enfant. La maison de Benoît et Bernadette étant fortement hypothéquée, ça offre qu'une faible valeur à partager. On pourrait même supposer qu'ils sont locataires. Dans ce cas, il n'y a aucune valeur habituellement qui serait partagée. Et donc, là, il faudrait démontrer en quoi le projet de loi aide ce couple puisque, j'en suis sûr, l'intention du projet de loi n'est pas uniquement d'aider les couples qui sont propriétaires.

Deuxièmement, une prestation compensatoire est peu probable, et, même si Bernadette pouvait l'obtenir, la prestation compensatoire compenserait que les impacts passés de l'union puisque la prestation compensatoire s'intéresse uniquement au capital déjà accumulé. Or, dans le cas de Bernadette, les désavantages financiers causés par l'union se feront sentir après la... après la séparation. Le retard accumulé dans sa carrière, le soin aux enfants qu'elle continue d'assumer affecteront ses revenus pendant les décennies à venir, mais ni la prestation compensatoire ni le partage du patrimoine parental ne peut rectifier une iniquité dans les revenus futurs, même si cette iniquité est directement causée par la vie commune.

Mme Zaccour (Suzanne) : Donc, un seul mécanisme du droit de la famille permet vraiment d'atténuer les impacts postséparation de la vie commune et c'est l'obligation alimentaire. C'est pourquoi on ne peut pas faire l'économie d'une obligation alimentaire dans un régime moderne d'union parentale ou d'union de fait.

Par ailleurs, quant à nous, le régime devrait s'appliquer aux couples qui ont déjà des enfants. Comme vous l'avez déjà entendu, c'est ce que l'Assemblée nationale avait fait lorsqu'elle avait appliqué le patrimoine familial aux couples déjà mariés lors de son adoption en 1989. Dans le fond, si le régime proposé est injuste, il faut l'ajuster et, s'il est juste, pourquoi est-ce qu'on en exclurait des milliers de familles?

M. Lessard (Michaël) : Maintenant, parlons brièvement des couples sans enfant. Le projet de loi tente de distinguer les couples qui ont besoin d'un régime de protection et les couples qui n'en ont pas besoin sur la base d'un seul et unique critère, avoir ou ne pas avoir d'enfants. Cette distinction-là contient des angles morts. Certes, avoir des enfants peut causer et cause souvent un déséquilibre dans le couple, mais ce n'est pas la seule cause de déséquilibre.

Passons au scénario C, Charlie et Caroline qui ont recours à la fécondation in vitro. Pendant des années, Caroline est à l'hôpital plusieurs fois par mois, subit des interventions douloureuses de retrait d'ovules qui nécessitent des congés de maladie. Elle vit des fausses couches à répétition, donc un projet parental sans succès, mais non sans impact sur sa capacité à occuper certains emplois. Caroline fait des sacrifices pour la famille qui affecte sa situation financière à long terme, mais le régime de l'union parentale ne lui est pas accessible. En cas de séparation, les sacrifices financiers de Caroline pour la famille inégalée par Charlie ne seront pas réparés.

Mme Zaccour (Suzanne) : Cet exemple permet de comprendre que les objectifs de protection et de compensation du projet de loi n° 56 s'appliquent aussi aux unions de fait sans enfant commun et à une panoplie d'autres situations qui peuvent causer un déséquilibre entre les conjoints, conjointes, comme par exemple lorsqu'une conjointe s'occupe des enfants de son conjoint issu d'une autre union, sans les adopter, ou lorsqu'un conjoint exerce du contrôle coercitif pour saboter le développement professionnel de sa conjointe. Donc, il y aurait, encore une fois, un déséquilibre causé par l'union et qui ne serait pas compensé.

Les mécanismes, de façon générale, du droit de la famille s'adaptent à une diversité de situations. Certes, les couples non mariés sont divers, mais les couples mariés le sont aussi. Et, en matière de pension alimentaire en particulier, on peut faire confiance aux tribunaux pour appliquer au cas par cas une justice individualisée plutôt que de présumer que tout couple sans enfant n'a pas besoin d'un régime.

M. Lessard (Michaël) : Pour terminer, je voudrais souligner que mon mémoire aborde trois recommandations importantes, que j'expose brièvement, un, modifier le délai de 30 jours pour bénéficier des protections de la résidence familiale après la séparation, un délai qui semble irréaliste, deux, corriger une injustice en matière de prescription...

M. Lessard (Michaël) : ...des actions en réparation de préjudices causés par la violence conjugale, et trois, traiter l'animal de la famille différemment des autres biens du couple. Sur ce dernier point là, il serait cohérent que le Code civil, qui reconnaît déjà que les animaux ne sont pas des biens mais des êtres doués de sensibilité, permette aux tribunaux d'accorder la garde de l'animal en tenant compte de ses besoins. Et on voit de plus en plus de dossiers devant les tribunaux où des parties demandent justement une considération plus grande lors de la séparation de l'unité familiale.

Mme Zaccour (Suzanne) : En terminant, je prends aussi l'occasion pour souligner qu'en matière de réforme du droit de la famille, ce n'est pas pour vous donner plus de travail, mais il y a plus de 130 organismes féministes québécois qui réclament l'interdiction des accusations d'aliénation parentale. Donc, je vais vous inviter à poursuivre votre série de réformes en donnant suite à cette demande et je serai bien sûr très heureuse d'en discuter davantage avec les membres de cette commission après notre intervention ou à une autre occasion.

Le Président (M. Bachand) :Merci infiniment. M. le ministre de la Justice, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui, merci, M. le Président. Me Zaccour, Me Lessard, merci de participer aux travaux de la commission. On se le disait hors micro, on se voit au minimum une fois par année, au mois d'avril, mai, durant les trois dernières années, puisqu'il s'agit du troisième volet de la réforme.

Vous me permettrez aussi, M. le Président, peut-être de saluer les gens qui sont au fond de la salle. Je crois que c'est des étudiants et des étudiantes. Alors, bonjour et bienvenue à l'Assemblée nationale pour poursuivre les travaux parlementaires du... de la réforme du droit de la famille qui... que ça faisait longtemps qu'on attendait qu'il y ait une telle réforme sur le four, comme on dit.

Alors, écoutez, d'entrée de jeu, vous avez abordé la question rapidement, là, de la violence judiciaire. J'aimerais vous entendre là-dessus parce que ce n'est pas un concept qui a été souvent utilisé par les tribunaux. Ça a été nommé une fois l'automne dernier, notamment. Nous, on a fait le choix, vraiment, de véritablement le... venir le nommer pour donner des outils supplémentaires aux juges pour contrer la violence judiciaire, parce que les tribunaux ne doivent pas servir à cela.

Est-ce que, dans votre expérience, là, de chercheurs notamment, vous avez recensé de... qu'est-ce que constitue la violence judiciaire, là? Qu'est-ce que vous entendez comme... comme spécialistes, là, du droit de la famille?

Mme Zaccour (Suzanne) : Mais... effectivement, et on salue cet aspect du projet de loi, de ne pas seulement condamner les abus de procédure, mais de préciser qu'il y a des situations de violence judiciaire qui peuvent prendre plusieurs formes, notamment le recours répété aux tribunaux. Et c'est pour ça qu'à chaque réforme, on est souvent là pour vous dire : Des règles claires, des barèmes, des choses qui sont faciles à prouver, des choses qui sont automatiques, généralement ça favorise la partie qui a le moins de pouvoir dans le recours. Donc, des recours répétés, des... du marchandage : Si tu... Si tu demandes une pension, je vais demander la garde, ce genre de chose, et bien sûr quelque chose qu'on voit énormément, les accusations d'aliénation parentale pour... ou des menaces de telles accusations, dire : Si jamais tu dénonces à la police, si jamais tu dénonces qu'il y a eu de la violence conjugale, je vais réclamer la garde ou le temps parental avec l'enfant. Donc, ça, c'est certaines des formes de violence judiciaire qu'on peut observer.

M. Jolin-Barrette : On insère également dans le projet de loi une invitation, notamment au juge en chef, de faire en sorte que... lorsque c'est possible, de prévoir que ça va être le même juge qui doit... qui devrait idéalement suivre le dossier d'une famille en matière de droit de la famille. Qu'est-ce que vous pensez de cette proposition-là?

M. Lessard (Michaël) : Bien, ça, ça me semble être une excellente idée. Je sais qu'il y a déjà des juges en chef qui tentent de le faire ou des juges coordonnateurs, coordonnatrices qui tentent de le faire. Donc, le fait que l'invitation soit clairement mise dans la loi me semble favoriser cette pratique-là. Puis, dans le même sens, mettre aussi... lier ça à une préoccupation par rapport à la violence judiciaire, en plus de favoriser cette pratique-là, je pense que ça va aussi donner une sorte d'électrochoc à la pratique où les juges ont quand même quelques outils qui existent déjà, les outils contre les abus de procédure que vous venez préciser existaient déjà, mais parfois on sent que les juges ont une certaine retenue. Donc, le fait de suivre un certain dossier va rendre plus visible la violence judiciaire et le fait de mettre le terme dans la loi va leur donner une certaine légitimité pour utiliser les outils qui existent déjà.

M. Jolin-Barrette : Et quels sont, selon vous, les avantages pour les justiciables? Tu sais, il y a la question d'identifier les abus, mais est-ce qu'il y a d'autres avantages à ce que ça soit le même juge qui suive idéalement le dossier de la famille?

• (15 h 50) •

M. Lessard (Michaël) : C'est ça qui est vraiment intéressant avec ce qu'on voit dans le projet de loi n° 56, c'est que les... bon, il y avait le mécanisme d'abus de procédure dont je viens de parler, mais l'autre mécanisme qui est celui...

M. Lessard (Michaël) : ...de la quérulence visait surtout à protéger l'administration de la justice, la justice en tant qu'institution. Mais là, ici, ce qu'on voit, c'est notamment une obligation, si ma compréhension du projet de loi est bonne, une obligation d'octroyer des dommages et intérêts en cas d'abus de procédure à l'avantage de la victime. Et donc ça, ça vient directement aider les justiciables qui, oui, bénéficient des dommages, mais potentiellement faciliter l'accès à des avocats, avocates qui, sachant qu'il est possible d'être rémunérés au travers de ces dommages-là, seraient plus promptes à prendre ce dossier-là. Parce que ça aussi, c'est un enjeu parfois d'accessibilité pour les justices... les victimes de violence conjugale. C'est d'avoir des gens qui sont prêts à nous représenter. Souvent, quand c'est des victimes qui ont peu de moyens, parfois, ça peut être difficile.

M. Jolin-Barrette : O.K. La base du projet de loi... On s'est notamment inspirés du rapport consultatif en droit de la famille pour faire en sorte que le déclencheur, notamment, je vous dirais... bien, en fait, la création de l'union parentale, ça soit la venue d'un enfant, parce que c'est... Puis vous l'avez dit tout à l'heure, il peut y arriver dans certaines circonstances que des conjoints soient liés ensemble par toutes sortes de circonstances de la vie et qu'ils n'aient pas d'enfant, mais, dans la vaste majorité des cas, un événement marquant pour les couples, c'est notamment la venue d'un enfant. Je comprends que vous n'êtes pas en... bien, vous n'êtes pas en désaccord avec le fait qu'un enfant amène des conséquences, mais vous dites : Bon, bien, il y a autre chose aussi. Comment vous voyez la perspective de l'autonomie, de la volonté des gens par rapport à ça? Parce que... Tu sais, là, on est à la troisième journée des consultations. Il y a des gens qui... qui étaient davantage dans votre lignée, pour dire : Bien non, on devrait imposer, dans le fond, les mêmes règles que les gens mariés ou conjoints de fait, il y en a d'autres qui disent : Attention! C'est un juste équilibre, il y en a d'autres, même, qui nous ont dit : Ça va trop loin, là, ce que vous... ce que vous faites. Donc, je voudrais vous entendre davantage sur la perspective de l'autonomie versus l'imposition par l'État d'un régime des mêmes règles du mariage, supposons.

Mme Zaccour (Suzanne) : Alors, premièrement, je pense que, peut-être, l'éléphant dans la pièce, c'est que, lorsqu'il y a des obligations à l'intérieur d'un couple, il y a toujours une partie qui va être avantagée et une partie qui va être désavantagée à peu près dans 100 % des cas. Donc, c'est sûr que ce n'est pas... ça ne va pas faire plaisir à tout le monde, nécessairement, d'être soumis à ces obligations. Et je ne vais pas insister sur la question empirique, parce que je pense que d'autres ont déjà fait remarquer et que c'est incontestable, que les gens ne choisissent pas leur façon d'organiser leur vie commune en fonction des conséquences juridiques, donc quel choix, est-ce que ce choix existe, est-ce que ce choix est fait. Les gens qui ne se marient plus, ça peut être pour des raisons religieuses, ça peut être pour des raisons culturelles. Donc, parmi la panoplie de choix qu'on pourrait protéger, est-ce que c'est vraiment un choix qui existe? Ce que je dirais peut-être, c'est, encore une fois, quel choix et quand?

Donc, en ce moment, une femme qui a peu de revenus ou qui n'a pas de revenus pourrait se voir refuser ou diminuer des prestations d'aide sociale ou des prestations d'une certaine assistance de l'État parce que son conjoint de fait fait de l'argent. Donc, elle ne peut pas recevoir de l'aide de l'État pas seulement parce qu'on suppose que son conjoint va l'aider, son... on... c'est une... une présomption irréfragable. Donc, l'État non seulement décide, pour la... pour la femme en union de fait, que les revenus sont partagés et, d'un autre côté, ne le met pas... ne donne au conjoint aucune obligation de partager ses revenus ou aucune obligation alimentaire. Donc, c'est une dépendance financière forcée et c'est une incohérence.

Alors, si vous dites : On va délaisser le choix aux personnes en union de fait d'être indépendantes, dans ce cas, il faut modifier toutes ces lois fiscales et sociales qui traitent... qui ne donnent pas le choix aux personnes en union de fait et qui les forcent à vivre dans une relation qui, aux yeux de l'état, est une union.

Donc, je pense que c'est d'une chose l'autre, on ne peut pas prendre des lois qui pénalisent la partie vulnérable en présumant qu'il y a un partage des revenus et, en même temps, dire : Il ne pourrait... il ne peut pas avoir de partage de revenus, ça irait contre le choix. Donc, je pense que c'est là où il y a un manque de cohérence et... et qui peut être très dommageable lorsqu'il y a une situation de dépendance financière, avec les conséquences qu'on connaît, que ça peut avoir sur, notamment, les situations de violence, de contrôle.

M. Jolin-Barrette : D'un autre côté, je vous dirais, la portée de la loi ne vise pas la même chose. On a des lois à portée sociale, notamment la loi sur l'aide de dernier recours, notamment pour l'aide sociale. Et, oui, il y a des règles et il y a des mécanismes, mais il faut toujours se rappeler dans ces lois-là que c'est l'ensemble de la collectivité qui assume le... l'investissement...

M. Jolin-Barrette : ...financier de solidarité. Tandis que, lorsqu'on est dans un régime comme celui-ci, c'est un... un régime de droit privé qui vient régir les rapports entre deux parties privées. Donc, l'État n'est pas impliqué à ce niveau-là. Donc, c'est sûr que la liberté aussi des choix des gens est importante dans notre régime. Mais je comprends ce que vous me dites, vous me dites : On est un peu incohérents sur le point de vue des lois à portée sociale versus le droit privé qu'on instaure. Vous n'êtes pas les seuls à dire ça, mais il y a une partie aussi qui... qui, je vous dirais, est justifiée à raison des... les choix individuels qui doit être fait, puis c'est un équilibre.

Mme Zaccour (Suzanne) : Bien, les choix individuels, quand il y a un couple de deux personnes qui ont... qui ont peut-être des rapports de force différents, je pense que c'est quelque chose à se demander. Bien sûr, on peut faire des choix, on pourra toujours faire des choix. Et je ne pense pas que personne pense que les gens mariés ne font aucun choix, tous les couples mariés se ressemblent et organisent leurs finances de la même façon. C'est quel choix est-ce que l'État va permettre et quel choix l'État va présumer? Parce que, dans le projet de loi, on ne voit pas de régimes de type opt out pour les unions de fait sans enfant, on ne voit pas un régime de type opt out de partage de revenus ou de société d'acquêts, et dans... Ça pourrait être une façon de respecter leur choix tout en protégeant les gens contre leur optimisme et leur inertie de penser que les couples ne se séparent jamais, qu'il y a pas mal plus d'impact sur les choix des gens que le Code civil, malheureusement.

M. Jolin-Barrette : Je vais céder la parole à mes collègues. Mais un dernier commentaire, mais ça n'empêche pas les gens d'adhérer aux protections qu'ils souhaitent. Il y a toujours ce... cette possibilité-là.

Mme Zaccour (Suzanne) : Ça n'empêche pas les gens d'adhérer... et... et si opt-in et ça n'empêche pas les gens de se retirer, si c'est opt out Et ce qu'on voit, c'est que opt in ou opt out, ça donne des résultats extrêmement différents, dans tous les domaines, pas seulement dans les obligations familiales. Parce que ce qui détermine la situation financière du couple, ce n'est pas tellement le choix, c'est l'inertie, dans bien des cas. Donc, on peut choisir, on va faire une situation où la situation par défaut, c'est une situation qui est bénéfique pour la société, l'égalité des genres et l'équité sociale. Et, si les gens, ils... ils ont vraiment... vraiment, ça les dérange, ils peuvent s'en enlever, ou on peut dire : On va mettre une situation où on donne déjà plus de pouvoirs au conjoint plus riche, et puis si la... le conjoint ou la conjointe plus pauvre veut absolument être protégé, c'est elle, on la part en situation de déséquilibre dans la négociation. Elle n'a aucun droit acquis avec lequel négocier. Et puis c'est à elle de faire toutes ses démarches, comprendre le droit, négocier, convaincre son conjoint plus... plus riche. Donc, je pense que si le... une certaine liberté de choix peut être protégée dans les deux cas, et s'il y a beaucoup de gens qui vont simplement se laisser guider par l'inertie, autant y aller avec la solution qui est plus bénéfique non seulement pour les familles, les conjointes, les victimes de violence et l'État qui aura... qui a peut-être moins à financer des... de l'aide de dernier recours ou des maisons d'hébergement, etc. À moins qu'on... il n'y a pas vraiment de raison, surtout au regard des données empiriques qui disent que ce choix n'est pas communément fait, compris ou fait de façon éclairée. Le prix semble fort à payer lorsqu'il y aurait des... des façons beaucoup moins dramatiques, là, de protéger une liberté de choix.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Mme la députée de Charlevoix–Côte-de-Beaupré. Quatre minutes.

Mme Bourassa : Parfait. Je vais commencer juste par un petit commentaire personnel pour votre exemple de FIV. Je vous confirme que la ponction des hommes est également très douloureuse et nécessite des congés et qu'un homme aussi peut avoir besoin d'un congé à la suite de fausse couche.Question concernant... bien, à ce que je comprends, en gros, vous étiez en défaveur du retrait, là, pour... comme vous dites, le bail out pour l'union parentale, mais le fait d'avoir mis l'obligation que ça soit corroboré par un notaire, une visite chez le notaire, que les gens peuvent faire de manière individuelle, est-ce que ça ne vient pas assurer une certaine... de s'assurer que le consentement est éclairé? Est-ce que, selon vous, ce n'est pas justement une étape de plus qui fait en sorte qu'on est encore plus vigilant?

• (16 heures) •

M. Lessard (Michaël) : Bien, c'est... c'est sûr que les... les notaires, en ce sens-là... puis remplissent un rôle qui est assez important pour éclairer les parties sur leurs différents intérêts, puis il peut... il pourrait y avoir un débat, pour avoir écouté quelques autres des intervenants, intervenantes avant nous, il peut y avoir un débat à savoir si on devrait avoir une expertise indépendante ou non, mais peu importe sur la... disons, la bonne formule ou le bon protocole pour prendre la décision, ce qui nous semble important, c'est vraiment la situation de base, le point de base par défaut qui nous intéresse. Et donc il semble que, si on met en place un régime qui permet une option de retrait, et donc qui a, dans sa structure, une avenue pour respecter la liberté...


 
 

16 h (version non révisée)

M. Lessard (Michaël) : ...contractuel des parties, bien, à ce moment-là, il faut se demander c'est quoi, le point par défaut qu'on veut. Et là, dans le contexte où on fait une réforme du droit de la famille, en fait, le statu quo n'est pas, tout simplement, une donnée inhérente, le statu quo va être un choix, et vous devez faire le choix de savoir c'est quoi, le point par défaut. Est-ce que c'est l'absence de protection dans certaines situations? Là, je pense surtout aux couples sans enfants. Est-ce que c'est le point par défaut ou, le point par défaut, ça va être on met les protections puis on permet aux personnes de se retirer sur la base d'un mécanisme d'option de retrait?

Et donc, moi, il me semble qu'un principe de précaution nous inviterait à mettre comme point par défaut la situation qui met le plus de protection pour les parties vulnérables. Donc, effectivement, je pense que vous avez bien souligné une avenue pour respecter la liberté des gens, qui, pour nous, semble surtout utile dans le contexte où il n'y a pas d'enfant, parce que, dans le contexte où il y a des enfants, comme le professeur Goubau le disait hier, les enfants ne font pas ces choix-là. Donc, la question du respect de la liberté contractuelle quand il y a un enfant est moins convaincante, mais lorsqu'il n'y a pas d'enfant, effectivement, il semble y avoir une avenue intéressante. La question c'est : Quel est le point de défaut? Est-ce que c'est celui qui offre le plus de protection ou non?

Mme Bourassa : Puis vous avez parlé, là, c'est ça... vous dites que l'interdépendance n'est pas nécessairement uniquement avec l'enfant en commun, que, tu sais, il y avait ça avant, mais il y a toujours la possibilité de se marier, également, là, bon. Je sais qu'il faut être deux, pour ça, mais ça reste une possibilité, u sais. Dans le sens que les couples ont ce pouvoir-là. Dans le cas d'un enfant, l'enfant n'a pas son mot à dire dans l'union et dans ce qui va suivre par la suite, mais deux adultes qui se marient ont le pouvoir de décider de leur futur.

Mme Zaccour (Suzanne) : Bien, les gens peuvent faire toutes sortes de choix, mais le problème des unions de fait, qui est un problème rencontré dans à peu près toutes les sociétés qui ne sont pas très, très religieuses, et particulièrement au Québec... les gens ne font pas ce choix. Donc, sachant que beaucoup de gens ne font pas ce choix de se marier, et je ne suis pas sûre que l'État veut leur dire ça : Vous voulez avoir une relation égalitaire, bien, mariez-vous. Mais pourquoi ne pas donner un choix aux gens d'avoir soit le mariage soit l'union de fait? Pour beaucoup de gens, le choix entre le mariage et l'union de fait comme choix religieux, culturel, social est plus important que le choix entre qu'est-ce qui va aller dans le patrimoine familial ou pas, qu'ils ne connaissent pas? Donc, en donnant un régime d'union de fait, les gens... on entend, donc, si l'union de fait copie le mariage, on donne moins de choix aux gens, mais peut-être qu'on donne plus de choix aux gens parce que les gens peuvent choisir d'organiser leurs relations comme ils l'entendent. Et puis ce n'est pas un hasard, on voit qu'au Québec les gens se marient peu ou se marient moins qu'ailleurs, mais, quand même, en s'assurant d'être protégés.

Le Président (M. Bachand) :Merci... d'Acadie.

M. Morin :Oui. Merci. Merci, M. le Président. Alors, bonjour, Pr Lessard, Me Zaccour, merci d'être avec nous. Merci pour vos explications et votre mémoire.

Première question. J'ai lu votre mémoire avec attention, et il y a très peu de groupes ou d'experts qui nous ont parlé des obligations et responsabilités conjugales. Vous le faites, dans votre mémoire, aux pages 12 et suivantes. Il y a Me Tétrault qui en a parlé brièvement, mais vous êtes vraiment... enfin, si on regarde l'ensemble des gens, un peu dans une catégorie à part.

Le ministre disait que son projet de loi vise avant tout à aider des enfants. Bon. Pourquoi, pour vous, c'est important, puis quel serait... si jamais on voulait bonifier le projet de loi, quel serait la meilleure façon, finalement, de le bonifier puis pourquoi c'est si important qu'il y ait des obligations de responsabilité conjugales?

M. Lessard (Michaël) : Bien oui, merci pour cette question que, justement, je n'avais pas eu le temps d'aborder dans la présentation. L'objectif de cette section -à, c'était de révéler qu'en fin de compte les obligations et les responsabilités qui sont inscrites directement dans le Code civil, dans le contexte du mariage et aussi importées dans le contexte de l'union civile, en fait, quand on analyse le projet de loi no 56, viennent vraiment structurer toute la réflexion autour du projet de loi.

Pourquoi est-ce que ça peut devenir utile? Bien, c'est que certains de ces éléments-là viennent établir à un niveau d'abstraction un peu plus élevé, mais très clair, je crois, pour les justiciables, des éléments qu'on tente de faire dans le projet de loi. Pourquoi je dis "clair pour les justiciables"? C'est que, souvent, ces articles-là, on va les lire, par exemple, durant la cérémonie du mariage pour qu'ils frappent l'imaginaire. Pourquoi je dis qu'ils expliquent des éléments qu'on trouve intéressants dans le projet de loi puis dans nos suggestions de bonification? Bien, c'est que certains éléments, comme l'obligation de secours, donc l'aide... l'aide matérielle, mutuelle au sein du couple, c'est vraiment ce qui vient...

M. Lessard (Michaël) : ...pour acquis dans le droit social, comme on l'a expliqué, qu'il y a une aide matérielle, et c'est ce qu'on vous demande de venir concrétiser avec une obligation alimentaire également.

Mais il y a certains éléments comme... oui, Me Tétrault avait parlé, par exemple, de l'obligation de respect, qui nous semble importante à asseoir dans le contexte où on veut... on veut lutter contre la violence conjugale, la violence familiale. Mais il y a aussi certaines obligations... et là ma mémoire m'échappe, mais je crois qu'une intervenante avait soulevé l'obligation de contribuer équitablement aux charges du ménage, et elle, elle liait ça avec le partage du patrimoine d'union parentale. Parce qu'il est possible de demander un partage inégal du patrimoine d'union parentale, comme il est dans le contexte du mariage possible de demander un partage inégal.

Quand est-ce qu'on peut demander un partage inégal? Il y a toute une série de situations dans lesquelles on peut le faire, mais une de celles-là, c'est quand il y a une contribution qui est foncièrement inégale aux charges du ménage, donc quelqu'un qui... par exemple, un conjoint, une conjointe qui n'a aucunement apporté en termes de revenus ou de travail domestique au... de contribution à l'entretien de la maison, à l'entretien de la résidence, par exemple. Elle, elle nous dit... elle nous disait : Si vous ne mettez pas l'obligation clairement, bien là, il va y avoir des débats devant les tribunaux, comme il y a eu, semble-t-il, dans les années 80-90, qui disent : Ah! bien, je demande un partage inégal parce que quelqu'un a payé 70 % de la maison, quelqu'un d'autre, 30 %, etc. Et là les tribunaux ont pu couper court à ces débats-là, donc qui engendrent des frais, qui engendrent de l'incertitude pour les justiciables, couper court à ces débats-là en disant : Non, non, mais vous aviez une obligation de contribuer équitablement aux charges du ménage et donc à la formation ou au maintien du patrimoine. Et, si vous ne l'avez pas fait, bien là, c'est votre responsabilité, mais il y avait une obligation, et donc on peut faire un partage à parts égales dans la mesure où tout le monde a fait une contribution en raison... en proportion de ses propres facultés.

Donc, ça, c'est un des exemples. Il y a d'autres éléments qui... dont on pourrait discuter, mais...

M. Morin :...

M. Lessard (Michaël) : Ah! Oui. Pardon.

M. Morin :Non, mais ça m'aide dans ma réflexion. Il y a un autre élément que vous apportez que, personnellement, je trouve hyperimportant, mais là vous êtes dans une catégorie unique, vous êtes à part, c'est à la page 18, et c'est l'animal de la famille. Le Code civil a été modifié, vous le savez, les animaux ne sont plus des choses, ils sont doués d'une sensibilité, puis on voit malheureusement, là, dans des cas de séparation, tu sais, il y en a qui essaient de se séparer les enfants, mais ils se séparent l'animal de la famille aussi, et ça crée des drames. Ce projet de loi vise à aider les enfants, mais, si l'enfant subit un traumatisme parce que les parents se séparent ou il n'a plus accès à son animal... Donc, ça serait quoi, pour vous, si on veut inclure ça, la meilleure approche? Vous citez la loi de la Colombie-Britannique. Si on veut essayer de faire en sorte que ça fonctionne, comment on devrait faire?

M. Lessard (Michaël) : Oui, c'est vraiment un problème qu'on voit de plus en plus devant les tribunaux, puis il y a différentes approches de solution qui avaient été envisagées. Le professeur Roy, justement, avait suggéré, déjà en 2002, de réinterpréter l'article 410, là, qui vise des protections des biens meubles de la famille, pour permettre donc que l'animal, qui, à cette époque-là, était considéré un meuble au sens... un bien meuble au sens du code, puisse être partagé autrement qu'en référence à son titre de propriété. Malheureusement, ce n'est pas une option qui a été reprise par les tribunaux.

Donc, des avenues de solution, ça pourrait être d'aller modifier l'article 410, par exemple, et de venir directement apporter cette précision-là, 410 qui est dans le contexte du mariage pour le... pour les protections de la résidence familiale, mais que vous importez dans le contexte de l'union parentale aussi avec les protections de la résidence familiale. Par contre, ça exclut beaucoup d'autres types de relations qui ne sont pas incluses dans l'union parentale et qui peuvent impliquer des enfants. Puis, effectivement, des fois, on voit des juges qui sont sensibles et qui voudraient que l'animal suive l'enfant dans sa garde partagée. Il y a effectivement des juges qui font ce lien-là, mais qui sentent... se sentent obligés de donner l'animal plutôt en fonction du titre de propriété. Mais 410 permet déjà de... d'attribuer un bien à quelqu'un autrement que par son titre de propriété. Donc, spécifier 410 ou tout simplement ajouter un article qui pourrait être au début du livre des biens, qui pourrait être au début du livre de la famille, qui explique comment on pourra aménager la garde de l'animal.

• (16 h 10) •

Je sais que la SPCA de Montréal va vous soumettre un mémoire qui fait une recension des différentes formules...

M. Lessard (Michaël) : ...la Colombie-Britannique, qui est fort intéressante, mais aussi, on le voit dans les juridictions de droit civil, comme en Suisse, comme en Espagne, des dispositions qui permettent d'aménager la garde de l'animal en fonction de ses propres besoins, sa propre réalité, plutôt qu'en fonction du titre de propriété.

M. Morin : Et, vous avez raison, on est privilégiés parce qu'on a l'expert québécois dans le domaine avec nous. Je suis certain que M. le ministre aura une oreille attentive aux bonnes suggestions du professeur Roy, parce qu'effectivement ça crée, pour l'avoir vu, là, dans différents dossiers, ça crée effectivement un traumatisme chez... chez l'enfant, bien sûr.

Autre élément, à la page 21, prescription en cas de violence conjugale. Vous l'expliquez mais j'aimerais vous entendre là-dessus, il nous reste deux minutes 22 s, là. Parce que ça, c'est quelque chose qui aussi m'interpelle beaucoup. Alors, quelles... quelles seraient vos recommandations là-dessus?

M. Lessard (Michaël) : Oui. Donc, je peux faire court, ou plus court que ce que j'ai fait jusqu'à maintenant. Donc, essentiellement, l'article 2926.1 rend imprescriptibles les actions en réparation d'un préjudice lorsqu'il s'agit d'une violence sexuelle, une violence conjugale ou une violence subie durant l'enfance. Par contre, il doit s'agir d'un préjudice corporel. Et ça, ce que ça veut dire, un préjudice corporel, c'est essentiellement lorsqu'il y a un contact ou certains types de préjudices psychologiques qui relèvent du choc nerveux, qui sont vraiment un seuil très important. Les autres catégories de préjudices, dans le Code civil, c'est le préjudice moral et le préjudice matériel. Donc là, il y a toute une panoplie de victimes qui ne peuvent pas bénéficier de l'imprescriptibilité du recours, c'est-à-dire de l'absence de délai pour poursuivre, donc c'est le... c'est le délai de base, le délai de trois ans, pour intenter une action en réparation qui est... Et donc des préjudices moraux, ça peut être le harcèlement, l'intimidation, les menaces de mort.

M. Morin : Quand... Je m'excuse, je vous interromps parce qu'il nous reste une minute, là.

M. Lessard (Michaël) : Oui. Je vous en prie.

M. Morin : Non, non, mais je voudrais juste savoir, parce qu'on parle, puis c'est de plus en plus documenté, toute la... toute la notion de contrôle coercitif. Donc, et ça peut être effectivement quelque chose qui est exercé, mais ce n'est pas nécessairement de la violence. Donc, est-ce que le préjudice moral, ça pourrait inclure le contrôle coercitif?

M. Lessard (Michaël) : Ça pourrait l'inclure, mais là, on a un autre problème. À 2926.1, c'est qu'il doit s'agir d'une infraction criminelle, et donc le contrôle coercitif n'étant pas criminalisé, certaines formes sont criminalisées, comme, par exemple, le harcèlement, mais...

M. Morin : Oui, c'est ça, des formes le sont, oui.

M. Lessard (Michaël) : Oui. Mais il y a beaucoup, beaucoup d'angles morts, donc tant que... Et je sais qu'il y a certains projets de loi, au fédéral, qui le proposent, mais tant qu'il n'y a pas de criminalisation du contrôle coercitif, il va rester des angles morts. Donc, à cet égard-là, il peut être possible de retirer l'exigence de l'infraction criminelle aussi, à 2926.1, si on veut inclure toutes les formes de contrôle coercitif.

M. Morin :Parfait. Je vous remercie. Merci beaucoup, M. ministre.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de Saint-Henri-Sainte-Anne, s'il vous plaît.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup à vous deux. Vous faites bien d'en parler, de la criminalisation du contrôle coercitif. Ça, c'est une question qui touche et qui intéresse beaucoup le ministre de la Justice dans ses discussions avec ses homologues. Donc, au plaisir de l'entendre bientôt sur cette question-là.

Est-ce qu'on oublie des familles dans le projet de loi? Donc, des familles, disons, moins classiques, là, pour ne pas utiliser ce terme, mais bon, la triparentalité ou ailleurs, les familles recomposées, bref, est-ce que vous avez des inquiétudes sur ce volet-là? Pour... On parle des enfants, là, je parle de ces enfants-là, principalement.

M. Lessard (Michaël) : Donc, oui, j'ai, dans... lors de d'autres consultations puis de d'autres travaux, j'avais mis de l'avant l'idée de... d'encadrer et de protéger des familles avec plusieurs parents, notamment. Donc effectivement, tout ça semble sortir du projet de loi parce qu'on exige essentiellement qu'il s'agisse d'une union de fait, donc qui se fasse à deux, mais on exige aussi qu'il y ait deux liens de filiation. Donc, il y a toutes sortes de situations de familles recomposées où un enfant connaît seulement deux figures parentales, mais une seule des deux a un lien de filiation avec l'enfant. Donc, pour le bénéfice du temps, je ne voudrais pas donner trop d'exemples, mais le... si on veut s'intéresser...

M. Cliche-Rivard : Allez-y.

M. Lessard (Michaël) : Oui?

M. Cliche-Rivard : Non, non, mais ça m'intéresse vraiment comme question.

M. Lessard (Michaël) : Oui. Ah bien, vas-y.

Mme Zaccour (Suzanne) : Bien, peut-être, je rajouterais aussi qu'on parle beaucoup de l'enfant, et c'est noble, et personne n'est contre la vertu, de protéger les enfants, mais des familles sans enfants, ça reste des familles aussi. Et de se préoccuper de la pauvreté des enfants, c'est essentiel. Et se préoccuper de la pauvreté des femmes, ce n'est pas superflu, ou des... ou des violences conjugales, etc., dans les... dans les familles sans enfants. Donc effectivement, il y a des... je ne sais pas si on oublie des familles ou s'il y a des familles qui sont exclues de ce projet de loi, mais certainement, on fait le choix de traiter des gens qui habitent ensemble depuis 15, 20 ans comme des colocs, de dire ce n'est pas des familles, et ce n'est pas... et les familles recomposées, etc., et ce n'est pas clair que ça... que ça suit vraiment la... les conceptions modernes de c'est quoi, une famille, qui peut prendre toutes sortes de formes recomposées, avec...

Mme Zaccour (Suzanne) : ...ou sans enfant, avec un ou deux liens de filiation. Donc, c'est des familles qui devraient aussi... sont en grand nombre, qui vivent des enjeux et qui c'est peut-être la dernière chance d'une réforme de... de ce type du droit de la famille, il ne faudrait pas laisser passer l'occasion de les protéger également.

M. Lessard (Michaël) : Puis... et puis il faut aussi ajouter que le critère d'être en union de fait oublie certaines familles et parfois il y a des gens qui sont mariés, mais qui ne vont pas nécessairement divorcer. Classiquement, on voudrait que des gens qui sont mariés qui ne divorcent pas aient une séparation de corps, ne serait-ce que pour régler leurs intérêts patrimoniaux. Mais là s'ils sont en séparation de corps, techniquement ils sont encore mariés, donc exclus de la possibilité de l'union parentale, mais il y a toutes sortes de personnes qui ne savent pas que la séparation de corps existe, qui ne vont pas faire ce recours-là. Donc, même chez les familles considérées plus traditionnelles, il y a toutes sortes d'angles morts comme ça, et par l'exigence du lien de filiation, et par l'exigence qu'il y ait une rupture avec les unions antérieures.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup pour votre temps aujourd'hui.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de Jean-Talon, s'il vous plaît.

M. Paradis : Merci beaucoup. Bonjour. J'aimerais continuer dans la foulée de mon collègue de l'Acadie sur l'animal de la famille. C'est une perspective assez unique que vous avez amenée. Je suis allé voir votre papier dans lequel vous rappelez que c'est un sujet délicat. Et je suis allé voir aussi l'article de... du Pr Roy dans lequel il parle de la difficile interaction entre l'article 898.1 et l'article 410 du Code civil et d'une certaine timidité des tribunaux en la matière. C'est pour ça que j'aimerais vous ramener là, parce que vous nous suggérez d'inclure dans ce projet de loi une disposition qui permettrait donc de respecter la sensibilité et à satisfaire les impératifs biologiques de l'animal. J'aimerais que vous en disiez plus un peu, compte tenu de votre expertise et celle du Pr Roy sur mais comment ça va fonctionner à cause de cette timidité des tribunaux à aller là. Puis ce n'est pas une question accessoire, parce que vous l'avez dit, il y a beaucoup de litiges maintenant devant les tribunaux où, à la fin, c'est la garde de Pitou et Minou qui fait problème parce que c'est important pour le noyau familial. Comment ça fonctionne, ça?

M. Lessard (Michaël) : Oui. Donc, effectivement, c'est... on voit de plus en plus ces dossiers-là, et il y a toutes sortes d'outils pour les tribunaux. J'ai l'impression que la timidité qu'on voit présentement, c'est que les tribunaux se sentent vraiment liés par le paradigme de la propriété, mais quand on lit les jugements, on voit déjà que les juges sont sensibles à la réalité des animaux puis à la réalité de la famille, donc ils vont souvent nommer l'animal, reconnaître qu'il est... qu'un des deux conjoints est beaucoup plus attaché à l'animal ou que c'est l'enfant qui est attaché à l'animal. On voit déjà donc que, dans l'évaluation de la preuve, il y a une sensibilité à la réalité familiale, la réalité de l'animal. Mais là ils se sentent piégés par le paradigme de la propriété, ils ne se sentent pas légitimes d'utiliser 898.1 comme on propose de le faire. Donc, c'est là où ça peut être intéressant d'avoir un article qui le permet explicitement. Donc, ça, il serait possible d'avoir une série de... de facteurs qui permet de, et on le voit, ça, en Colombie-Britannique, qui permet d'évaluer comment on répond aux besoins de l'animal. Il y a ces facteurs-là dans la loi de Colombie-Britannique, mais on voit même, au sein du droit québécois, dans la Loi sur le bien-être et la sécurité de l'animal, on explique c'est quoi, les impératifs biologiques et c'est quoi satisfaire aux impératifs biologiques. Qui est capable de nourrir convenablement l'animal, de s'occuper d'avoir un exercice, de s'occuper de la socialisation de l'animal également?

Mme Zaccour (Suzanne) : Et si je peux me permettre d'ajouter quelque chose, ce n'est pas nécessairement seulement au bénéfice de l'animal, parce que le paradigme de la propriété, c'est moi qui ai payé pour l'animal, c'est mon chien, permet aussi à des conjoints violents d'instrumentaliser l'animal pour poursuivre la violence conjugale post-séparation, et je sais que c'est une préoccupation de beaucoup de membres de cette commission, donc c'est au bénéfice de l'animal, de l'enfant et des victimes de violence conjugale d'encore une fois d'arrimer la... la loi à la manière dont la société québécoise perçoit déjà qu'un chien ce n'est pas une chaise et que ce n'est pas juste de l'acheter et c'est tout, ce qui explique la relation, là, avec ce chien-là ou un autre animal.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Me Zaccour, Me Lessard, merci beaucoup d'avoir été avec nous. Et on se dit à la prochaine.

Alors donc, sur ce, la commission ajourne ses travaux au mardi 7 mai à 10 h 05. Merci beaucoup.

(Fin de la séance à 16 h 19)


 
 

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