Journal des débats (Hansard) of the Committee on Institutions
Version préliminaire
43rd Legislature, 1st Session
(début : November 29, 2022)
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Wednesday, May 1, 2024
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Vol. 47 N° 69
Special consultations and public hearings on Bill 56, An Act respecting family law reform and establishing the parental union regime
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11 h (version non révisée)
(Onze heures seize minutes)
Le Président (M.
Bachand) :Bonjour, tout le monde. À l'ordre,
s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la
Commission des institutions ouverte. La commission est réunie afin de
poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet
de loi n° 56, Loi portant sur la réforme du droit de la famille et
instituant le régime d'union parentale.
Avant de débuter, M. le secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire : Oui, M. le
Président. Mme Bourassa (Charlevoix—Côte-de-Beaupré)
est remplacée par Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac); et M. Zanetti
(Jean-Lesage) est remplacé par M. Cliche-Rivard (Saint-Henri—Sainte-Anne).
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Ce matin, nous
allons recevoir Me Dominique Goubau, mais nous allons d'abord débuter avec Me
Marie Annick Walsh, médiatrice familiale. Merci beaucoup d'être avec nous ce
matin, c'est très apprécié. Alors, comme vous savez, vous avez 10 minutes de
présentation, après ça, on aura une période d'échange avec les membres de la
commission. Donc, la parole est à vous.
Mme Walsh (Marie Annik) : Bonjour.
Merci de me recevoir. Merci de m'avoir invitée. Je vous avise d'avance, je m'excuse
d'avance de mon inconfort, je n'ai pas tant l'habitude de ces grands... de ces
grands auditoires là, ça fait que je vais essayer d'être la plus concise
possible.
Je vous ai fait parvenir un mémoire hier,
et je pense qu'on peut résumer... Contrairement aux autres intervenants,
probablement, je ne me suis pas lancée dans une grande analyse juridique, mais
plutôt une analyse pratique du projet de loi. Donc, on peut résumer, là, mon
mémoire à peu près en 10 points. Et je me suis également penchée sur la base.
Donc, un des premiers points qui m'interpellait
était vraiment le nouvel article au projet de loi de... 521.20, la définition
du conjoint de fait. De la façon que c'est écrit, actuellement, je comprends qu'on
veut que ça soit d'application générale à tous les parents qui deviennent...
qui deviennent parents dès la mise en vigueur de la loi. Par ailleurs, il me
semble que ça ne devrait pas être ça, le but d exercice, le but de l'exercice
étant... de plutôt protéger les enfants et la constitutionnalité de l'union
parentale dans une orée, dans une perspective à plus long terme.
Donc, ce que je proposais à ce niveau-là,
c'est que la définition de conjoint de fait comporte... plutôt que «sans égard
à la durée de leur vie commune», comporte «une durée de vie commune d'un an»,
ce qui viendrait, également, d'une part, je vous dirais, confirmer un peu la
connaissance du peuple québécois quant à tout...
Mme Walsh (Marie Annik) : ...toutes
sortes de lois, Loi sur l'impôt, Loi sur la Régie des rentes, etc., ou même des
qu'en-dira-t-on par rapport à ça. Et également, parce que la question d'être un
parent, le lendemain, le Code civil le règle. Les obligations alimentaires,
l'autorité parentale, c'est déjà réglé par le Code civil. Là, on essaie de
préserver un autre concept, un nouveau concept d'union parentale.
Mon deuxième point était à l'effet du
délai d'application. Ce que je suggère, dans le fond, c'est quelque chose de
probablement un peu innovateur. Mais, vous savez, au moment de l'implantation
de la Loi sur le patrimoine familial, on avait quand même laissé un délai
d'environ 18 mois à l'époque pour que... pour permettre aux parties d'y
déroger. Le contenu de l'application très imminente de ce projet de loi qui est
quand même dans la prochaine année, ce que je suggérerais, c'est que le temps
d'application ou le moment pour annoncer nous donnerait... donnerait au
conjoint de fait, en fait un an supplémentaire.
Ce qui viendrait dire qu'au moment de
l'application, il y aurait un an, de la mise en vigueur, pour y déroger, aller
voir un notaire, aller voir un avocat, faire des conventions... etc., se
pencher sur la question, y réfléchir une fois pour toutes, et décider ensemble
s'il y a possibilité d'une dérogation ou pas, ou si la décision, c'est d'y
déroger ou pas. Évidemment, j'innove un peu aussi quant à l'ajout des conjoints
de fait qui existent déjà. Alors, ce que... par ce fait-là, bien, ça vient...
Évidemment, c'est un petit peu plus complexe, ça demande probablement une
réflexion supplémentaire, mais ça ne forme pas... le projet de loi ne formerait
pas deux catégories d'enfants ceux qui sont nés avant et ceux qui sont nés
après le 29 juin de l'année prochaine.
• (11 h 20) •
Quant aux mesures de protection de la
résidence familiale, évidemment, je vous suggère simplement pratico-pratique...
des solutions pratico-pratiques par rapport aux délais de 521 et 524. La
réalité de ces... On prévoit, là, au projet de loi, que les mesures de
protection subsisteraient pendant 30 jours. La réalité des dossiers de droit
matrimonial, c'est que, dans 30 jours, on ne fait pas grand-chose. Alors, il
faudrait vraiment que ça, ça soit... ce délai-là soit prolongé de six à 12
mois, là, dépendamment de ce qui se passe, s'il y a une instance judiciaire ou
pas, et de comment les parties refont leur vie, refont... prennent leurs
décisions par rapport au partage des biens... pardon, des biens, etc. Dans le
même esprit, à 521.27, vous demandez... En fait, vous prévoyez qu'on devrait
demander l'usage de la résidence familiale dans les 30 jours de la fin de
l'union, je vous dirais que ce délai est trop court. Il se passe tellement de
choses dans les premières semaines d'une séparation que je ne pense pas que
c'est réaliste de penser que les gens vont se retrouver devant la cour dans les
30 jours, puis également, avec les délais, les délais de rédaction, les délais
de consultation, tout ça, c'est un peu pour.
Par rapport au patrimoine familial,
521.30, ce que je suggérerais là-dedans, c'est d'ajouter à la liste, car la
liste est différente et restreinte, là, à ce qui existe comme un patrimoine
familial pour des gens mariés. Ça fait que, dans l'union parentale, à la liste
restreinte, j'ajouterai, dans les biens du patrimoine, «les biens accumulés par
les parties durant l'union dans la Régie des rentes du Québec», ce qui ferait,
à mon sens, du sens... dans le sens... dans la mesure où, en ce moment, si un
des deux conjoints décède après un an de vie commune, quand les parties ont
des enfants, bien, évidemment, ça nous ramène à... Il y a une possibilité
d'une rente de veuf ou de veuve. En même temps, ça permettrait de vraiment
concrétiser le rôle que les parties ont ensemble dès le mariage. Ça
viendrait... Évidemment, ça ne compenserait pas pour des REER, ou des choses
comme ça plus élaborées, mais, au moins, la Régie des rentes du Québec, ce
n'est pas un décaissement, mais c'est de reconnaître l'union... l'union
parentale et les contributions respectives des parties. Un article qui...
Mme Walsh (Marie Annik) : ...on
souhait et très important, c'est celui du 521.31. Je vous dirais que, quant à
moi, cet article-là, de la façon qu'il est rédigé en ce moment, ça enlève toute
crédibilité au projet de loi. On essaie, par ce projet de loi là, de venir protéger
les familles, protéger les enfants des familles, et si on prévoit une révision
des biens du patrimoine de l'union parentale, je trouve que ça vient
complètement enlever tout ce concept-là. Alors, quant à moi, c'est, une fois le
délai d'un an passé, la renonciation qui n'a pas eu lieu, tout le monde est
dans le même bateau, c'est applicable à tous, et il n'est pas question de
réviser la liste des biens parce que ça met les parties dans... ça met une
pression supplémentaire, je vous dirais, dans les familles, et pour toutes
sortes de raisons, tentatives de persuasion, où un bien devient beaucoup plus
important, au niveau de sa valeur, bien, on essaie de... pour toutes sortes de
raisons, encore une fois, là, de convaincre l'autre d'exclure ce bien-là. Ça
fait que pour moi, ça, c'est... c'est... c'est inacceptable.
Je vous dirais, pour les provisions pour
frais, il y a eu des... il y a un ajout qui est fait au niveau de la prestation
compensatoire. J'ajouterais la possibilité de demander une provision pour frais
dans le cadre de partage du patrimoine... de l'union parentale, pardon,
simplement pour essayer de... d'éviter les iniquités au niveau financier et de
permettre aux deux parties de pouvoir faire valoir leurs droits devant le
tribunal. Évidemment, cette question-là est un peu épineuse, parce que la
tendance jurisprudentielle est... ne nous suit pas là-dedans, dans la mesure où
les provisions pour frais sont d'habitude octroyées lorsqu'il y a des demandes
alimentaires. Et, dans ce cas-là, on parle le partage de l'union parentale.
Au niveau de la prestation compensatoire,
j'ai élaboré beaucoup là-dessus parce que c'est un recours, actuellement, qui
existe, un recours semblable, je vous dirais, en enrichissement justifié, à
l'article du Code civil. Et je vous dirais que cette... ce recours-là est très
fastidieux, très difficile, très coûteux. Donc, pour bien résumer, je crois
que, dans ce que vous avez présenté comme prestation compensatoire, ça vient
bien cerner, ça vient bien définir, c'est... c'est... c'est bien élaboré, sauf
qu'il faudrait peut-être penser d'ajouter le concept de coentreprise à 521.46,
parce que dans certaines situations, pour des couples de longue durée, je ne
pense pas que votre évaluation du quantum va le couvrir, de la manière que
c'est écrit.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, Me Walsh.
Nous... Nous allons commencer, pardon, la période d'échange. M. le ministre,
pour 16 minutes 30 secondes.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Bonjour, M. le Président. Bonjour, Maître Walsh. Merci de participer aux
travaux de la commission parlementaire, de nous avoir transmis votre mémoire et
de nous faire partager votre expérience de praticienne, notamment.
D'entrée de jeu, là, je voudrais vous
référer à la page 11 de votre mémoire, là. Pour l'article 400.9.1 du
Code de procédure civile, le juge en chef privilégie la prise en charge d'un
dossier du tribunal par un seul et même juge. Vous dites que ça vous réjouit
particulièrement, et que cette demande-là avait été faite à plusieurs reprises
par le Barreau du Québec, au fil des années.
Mme Walsh (Marie Annik) : En
fait, j'ai été, là, durant les derniers 20 ans, très impliquée auprès de
l'Association des avocats en droit familial, là, pour y avoir siégé à toutes
sortes de postes, puis c'est quelque chose qu'on a... on a privilégié, qu'on a
demandé via les comités de liaison dans le district de Montréal, il y a... en
fait, sur toutes, à peu près, les tribunes qu'on a essayé de faire, depuis des
années, parce que ça fait très longtemps, là, que j'y siégeais, puis c'était
une préoccupation. Vous comprenez que la préoccupation étant qu'à chaque fois
on refait... on refait l'historique du dossier et on tombe dans les craques
souvent, donc oui, ça a été des demandes qui ont été faites.
M. Jolin-Barrette : Pour
les... Pour les gens qui nous écoutent, là, pouvez-vous définir c'est quoi, un
comité de liaison?
Mme Walsh (Marie Annik) : Un
comité de liaison, c'est un comité... En fait, dans les districts judiciaires,
il y a des comités où siègent des avocats avec la magistrature du district en
question. Et on se réunit...
Mme Walsh (Marie Annik) : ...on
se réunit quatre, cinq fois par année pour adresser, je vous dirais, les
problèmes plus de logistique, ou les dynamiques, ou les délais, des choses
comme ça. Donc, c'est des...
M. Jolin-Barrette : Puis
c'est dans le cadre... c'est dans le cadre, dans le fond, de vos fonctions,
notamment, puis des avocats qui sont membres de l'Association des avocats en
droit de la famille puis dans les différents comités que vous avez fait ces
demandes-là. Puis pourquoi vous faites cette demande-là? Parce que ça serait
plus simple pour les familles, pour les praticiens aussi?
Mme Walsh (Marie Annik) : Bien,
vous comprenez que, pour les praticiens, c'est plus simple parce qu'on n'a pas
à refaire l'historique de tout ça à chaque fois, parce qu'on a quelqu'un qui
nous suit depuis le début. Pour les familles, bien, c'est souvent la première
fois que les familles se rendent devant le tribunal. C'est souvent la première
fois et la dernière, dans le cadre de leur dossier de droit familial. Donc,
s'il y avait quelqu'un qui les connaissait, entre guillemets, depuis le début,
qui avait lu l'historique... Parce qu'on dépose... vous savez, en droit de la
famille, on dépose beaucoup de documentation, on dépose beaucoup de
déclarations assermentées, on dépose des résumés de ce qui se passe, des
documents financiers. Alors, c'est vraiment une... on dépose la vie de ces
gens-là et... en preuve, alors si c'était quelqu'un qui, dès le début, prenait
charge du dossier, pourrait le lire, et même s'ils ont beaucoup de volume, se
rappellerait et se rappellerait aussi des interventions qui sont... au fil...
au fur et à mesure.
Donc, c'est pour ça qu'autant au niveau
personnel... parce que le comité de liaison, c'est soit des associations ou des
avocats qui siègent personnellement. On a demandé à plusieurs reprises que ça,
ça puisse être fonctionnel.
• (11 h 30) •
M. Jolin-Barrette : Puis,
essentiellement, Me Walsh, là, pour que tout le monde comprenne, là, supposons,
quand on pratique en droit familial, là, puis vous avez un couple qui est
marié, supposons, qui a trois enfants, puis là décide de se séparer. Ils
débarquent dans votre bureau, puis là vous, vous faites plusieurs procédures,
là. Un dossier de divorce, supposons que tout le monde ne s'entend pas
parfaitement, là, pas à... pas à haut niveau de litige, là, mais, supposons,
là, un dossier régulier où ce n'est pas copain-copain, mais ce n'est pas
dramatique non plus, mais, quand même, là c'est un dossier familial, ça va
s'étaler généralement sur quelques années. Donc, vous allez faire plusieurs
procédures, des provisoires, des intérimaires. Ensuite, ça peut durer plusieurs
mois, donc, vous repassez quelques fois devant le tribunal.
Mme Walsh (Marie Annik) : Exactement.
Exactement.
M. Jolin-Barrette : Si vous
n'avez pas le même juge, bien là, il faut que le juge relise... le nouveau uge
relise tout, il ne connaît pas l'historique du dossier. Tandis que, si vous
aviez déjà quelqu'un, pour le justiciable, j'imagine, c'est moins long en temps
d'avocat, c'est moins long pour les citoyens, pour le temps juge aussi, là.
Mme Walsh (Marie Annik) : Exactement.
Puis, tu sais, à partir du moment où les gens viennent dans notre bureau, il y
a une rédaction de procédure, il y a évidemment des demandes à la cour, avec
des déclarations assermentées. Ce qui se passe, après, c'est que, rapidement,
quand il y a une urgence puis que les gens ne s'entendent pas, surtout au
début, il y a une première apparition à la cour, il y a une première... il y a
des premières représentations. Donc, on commence par ça, mais, après ça, le
dossier évolue, le dossier peut... peut se retrouver devant le tribunal tout simplement
parce qu'il y a un enfant qui souhaite, par exemple... je vous donne un exemple
concret, l'enfant veut aller habiter avec son père seulement, mettons, donc on
retourne vers la cour, puis c'est... et, après ça, bien, on a des problèmes de
gestion de documentation, on retourne vers la cour. Puis ce n'est pas quelque
chose d'inusité, là. Avant, je vous dirais, un procès, on peut facilement
retourner devant la cour trois, quatre fois, dans un dossier normal.
Évidemment, quand c'est un dossier de «high conflict», là, c'est différent, là,
ça prend des proportions... Mais c'est quand même important que, si c'était la
même personne, il n'aurait effectivement probablement pas besoin de tout lire
puis il connaîtrait l'historique.
M. Jolin-Barrette : Il
connaît déjà le dossier, dans le fond.
Mme Walsh (Marie Annik) : Il
connaît l'historique, mais il connaît aussi, puis ça, c'est important, ce qu'il
a rendu comme jugement puis pourquoi il a rendu ce jugement-là. Ça fait que ça
permet de déceler qui ne collabore pas, qui ne remplit pas ses affaires, qui...
etc. Ça fait que ça devient très... beaucoup plus personnel et particulier.
M. Jolin-Barrette : O.K. Je
veux vous amener sur un autre sujet, là, la question, là, de la prestation
compensatoire qu'on vient insérer par rapport à l'enrichissement injustifié. Le
recours, là, en enrichissement injustifié, qui existe, là, actuellement, là,
c'est quand même un recours qui est difficile à utiliser pour la majorité des
citoyens, tandis que la prestation compensatoire, c'est plus simple.
Mme Walsh (Marie Annik) : Exactement.
Bien...
11 h 30 (version non révisée)
Mme Walsh (Marie Annik) : ...injustifiée,
c'est un dossier, comme je l'ai écrit dans mon mémoire, qui est très, très
fastidieux, très complexe. La raison principale, c'est que ça arrive souvent
quand c'est des couples qui étaient là... qui étaient ensemble, qui vivaient
ensemble depuis des années. Évidemment, il faut faire la preuve, parce que la
façon dont ça fonctionne en ce moment, c'est un... c'est un recours général, ça
fait qu'il faut faire la preuve de tous les gestes, de tous les apports. Il
faut avoir des documents. Souvent, on n'en a pas. Donc, ce n'est pas... et c'est
un... c'est souvent des... je vous dirais, des recours qui sont très longs,
complexes, un peu hybrides entre le droit civil et le droit familial. Les
délais sont longs, les auditions sont souvent très, très longues, parce qu'on
doit faire la preuve de tout. Ça fait que ça s'étale sur plusieurs jours. Ça
fait que c'est... Oui, effectivement, ce n'est pas tout le monde qui s'embarque
là-dedans. Ce n'est pas non plus tout le monde qui a les moyens de le faire.
M. Jolin-Barrette : C'est ça.
C'est un recours qui est coûteux et pas nécessairement accessible. Certains ont
dit que le fait de... d'insérer le recours en prestation compensatoire allait
être discriminatoire, tu sais, plutôt que d'utiliser... dans le fond, plutôt
que d'utiliser le recours en... injustifié, le fait que le législateur vienne
dire : Bien non, ça va être le recours en prestation compensatoire, et que
ça serait moins généreux. J'aimerais ça vous entendre là-dessus.
Mme Walsh (Marie Annik) : Moi,
je vous dirais que, oui, effectivement, la façon que les recours en
enrichissement injustifié fonctionnent, puis je peux... si je peux vraiment
faire un sommaire, c'est qu'on regarde l'ensemble de la vie commune des
parties. Quels sont les apports des... des deux puis de la personne qui demande
l'enrichissement injustifié? Et on établit le quantum en... par rapport à la
valeur des actifs. Combien ces gens-là avaient avant puis combien ils ont
accumulé, puis qu'est-ce qui est maintenant? Donc... et par rapport à ça, il y
a des pourcentages qui sont établis par le tribunal.
La prestation compensatoire, vous l'avez
bien définie à vos articles, à vos propres propositions d'articles. Puis, ce
que je vous dirais, c'est que, si vous ajoutez la notion de coût entreprise qui
est juste un petit peu plus haut qu'une prestation compensatoire, pour les
couples de longue durée, peut-être que ça règle le problème. Je vous dirais que
ce n'est pas parfait, ça mérite quand même d'y réfléchir, mais ça réglerait
probablement le problème pour... au niveau, là, notamment, là, de prouver l'ensemble
de la vie commune. Parce qu'à court terme, une prestation compensatoire, de la
façon que vous l'avez décrite dans le projet de loi, vous semblez vouloir dire
que c'est simplement pour compenser les apports très spécifiques d'un des
conjoints. Moi, je vais plus loin que ça. Il y a des apports dans la vie
commune de conjoints qui sont à long terme, qui ne sont pas nécessairement
spécifiques, mais c'est des apports qui sont prolongés. Par exemple, un
conjoint qui travaille dans l'entreprise de son... de son... de son conjoint,
qui n'est pas rémunéré, mais c'est tout ça, là, que j'essaie d'inclure dans la
co-entreprise.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Peut-être une dernière question avant de céder la parole à mes collègues, là.
Vous, vous dites : Bon, pour le... pour l'union parentale, on devrait non
pas faire en sorte qu'à partir du moment où il y a un enfant qui naît il y a
vie commune des gens, puis que les gens se présentent comme un couple. Vous
dites : Ça devrait s'appliquer à tous les couples qui font vie commune
depuis un an ou un an et demi, puis que, là...
Mme Walsh (Marie Annik) : Un
an.
M. Jolin-Barrette : Un an,
puis durant cette année-là, ils ont leur possibilité de droit de retrait par
rapport au patrimoine. Ce que ça aurait pour effet, par contre, c'est que,
quand vous êtes en couple, supposons, puis vous n'avez pas d'enfants, la
réalité, bien souvent, elle est fort différente d'avec des enfants et pas d'enfants.
Je pense, c'est quand même de connaissances générales où la venue d'enfants
peut amener certaines... je vous dirais, une effervescence dans la vie. Donc,
si jamais on permet... on allait dans votre... dans votre proposition et on
disait : Bien, écoutez, vous pouvez vous retirer avant d'avoir les
enfants, la personne qui se serait retirée du régime avant d'avoir des enfants
ne sait pas quelles sont les conséquences d'avoir des enfants aussi. Vous n'êtes
pas préoccupée par ça, par le fait de dire : Bien, mon...
Mme Walsh (Marie Annik) : Bien,
ce n'est pas ça, ce n'est pas ça que je propose. Ce que je proposais, c'est
que, pour les couples qui ont des enfants... ça fait que probablement que c'est
peut-être mal exprimé, là, mais ce que je... Pour les couples qui ont des
enfants, à partir du moment où ils ont des enfants, le 29 juin 2025, à
partir de ce jour-là, ils ont un an pour se retirer, s'ils veulent faire
partie, ça fait que ce n'est pas... c'est ça, la nuance.
M. Jolin-Barrette : O.K.,
vous mettez délai maximum n couple pas d'enfant.
Mme Walsh (Marie Annik) : ...je
n'en parle pas.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Excellent. Bon, écoutez, Me Walsh, je vous remercie grandement d'être venue en
commission parlementaire. Ça a été fort instructif. Et je cède la parole à mes
collègues. Merci pour votre présence.
Mme Walsh (Marie Annik) : Merci
à vous.
Le Président (M.
Bachand) :Merci, M. le ministre. Mme la
députée de Laval-des-Rapides, s'il vous plaît.
Mme Haytayan : Merci, M. le
Président. Bonjour, Me Walsh. Merci pour votre temps. Que pensez-vous des
mesures pour contrer la violence judiciaire? Si vous pouvez développer sur
l'encadrement de l'abus de procédure.
Mme Walsh (Marie Annik) : Bien,
écoutez, vous savez qu'au niveau de la proposition du projet de loi, il y a une
proposition de faire une provision pour frais, de demander de provision pour
frais. Ça fait qu'à ce moment-là, ça va régler pas mal de problèmes. Au niveau
de l'encadrement des... je voudrais, des quérulents ou des gens qui reviennent
à la cour constamment puis qui essaient de mettre la pression, il me semble que
c'est tout à fait approprié. Ce n'est pas dans toutes les... ce n'est pas dans
tous les dossiers, évidemment, qu'on voit ça, mais c'est certain que les
mesures qui sont proposées me semblent très appropriées.
• (11 h 40) •
Mme Haytayan : O.K., merci.
Le Président (M.
Bachand) :M. le député de Saint-Jean.
M. Lemieux : Combien de
temps?
Le Président (M.
Bachand) :3 min 42 s.
M. Lemieux : 3 min 42 s?
Le Président (M.
Bachand) :Oui.
M. Lemieux : Merci beaucoup.
Bonjour et merci, Me Walsh, de répondre à nos questions. Et je vais... peut
être, je vais décevoir, mais je vais y aller quand même parce que vous êtes
très pratico-pratique, vous restez... voulez rester terrain, mais je vais quand
même vous demander de me suivre pour essayer d'élargir un peu la lorgnette de
votre point de vue qui est beaucoup plus collé sur le sujet que nous pouvons
l'être de toute façon.
Puis je continue dans ma lancée de mes
questions d'hier à d'autres personnes qui sont venues partager leurs opinions
et leurs savoirs avec nous. On fait beaucoup de cas, et c'est normal parce que
c'est le principe dominant du projet de loi, parce que la logique, c'est que
les enfants, on veut les protéger, et donc ce régime d'union parentale là, il
est fait pour eux finalement. Mais on est quand même avec une... On aurait eu,
si on avait voulu, l'opportunité de changer... et c'est le cas à partir du
moment d'avoir des enfants, mais de changer les choses avant qu'ils n'aient des
enfants. Je parle des conjoints de fait. Et effectivement, on vient travailler
un peu le pourtour du portrait pour les conjoints de fait. Même si ça ne change
pratiquement rien, en théorie, on a encore les mains dedans, là.
Qu'est-ce que vous pouvez me dire sur
comment vous voyez la démarche qu'on fait avec le projet de loi, si on aurait
du, pu, s'il aurait fallu, si oui, non, peut être, joué dans les conjoints de
fait sans enfant avant de faire tout ce qu'on a dit et ce qu'on est en train de
décider qu'on va faire pour les enfants et le régime qui l'accompagne et la
réalité qui vient avec?
Mme Walsh (Marie Annik) : Bien,
moi, ce que je vous dirais, c'est qu'il n'y a rien de parfait dans ce genre de
projet de loi là, parce que c'est superimportant puis c'est novateur, c'est
nouveau. C'est un début, c'est un «work in progress» et je ne pense pas que ce
serait facile d'avoir l'accessibilité sociale, d'inclure tout le monde, parce
que, là, vous mariez les gens de force, là, et ces conjoints de fait là qui
n'ont pas d'enfant, qui vivent souvent sans convention de vie commune, bien,
parce qu'ils ont choisi de faire ça, ils sont des majeurs, ils ont pris les
décisions où ils n'en ont pas pris. Donc, oui, ça aurait pu aller loin, mais
pour moi, puis ça, je l'ai dit à plusieurs reprises dans les dernières
semaines, c'est un début, c'est un vecteur. On commence par protéger les
familles les plus vulnérables, les gens qui ont des enfants, que les
conséquences de la séparation viennent impacter directement. Parce qu'en ce
moment, la réalité, c'est que, demain matin, un conjoint de fait qui n'est pas
propriétaire de la résidence familiale, bien, il doit partir dans un... dans
30 jours, dans 60 jours, et la réalité est complètement impactée de
ce conjoint-là et de la famille.
M. Lemieux : Merci de le dire
comme ça. C'est d'ailleurs ce que je pense moi aussi, mais je voulais qu'on en
parle justement pour montrer jusqu'à quel point on peut faire œuvre utile même
si on ne change pas la loi. Maintenant, en abordant la question, en en parlant
et en revenant constamment avec la convention de vie commune qui est encore
sous-utilisée, mais on ne le dira jamais assez, à moins que ce ne soit pas
nécessaire pour la majorité, mais je ne suis pas certain qu'il en soit
conscient, et là il va y avoir ce passage au nouveau régime s'il y a un enfant,
et là ça va impliquer aussi la possibilité de.
Donc, au final, je suis content d'entendre
votre vision du projet de loi et je me fais dire qu'il ne me reste plus de
temps. Alors, plutôt que de vous poser une question, vous mettre dans
l'embarras de répondre en 10 secondes, je vais vous remercier, Me Walsh.
Le Président (M.
Bachand) :Merci, M. le député. M. le
député d'Acadie pour...
Mme Walsh (Marie Annik) : Merci
à vous.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. M. le député de
l'Acadie...
Le Président (M.
Bachand) :...pour 12min 23s, s'il vous
plaît.
M.
Morin :Merci. Merci, M. le Président. Bonjour, Me Walsh. Merci
d'être là avec nous. Merci pour le document que vous nous avez présenté.
Évidemment, vos commentaires, vos opinions sont... c'est précieux parce que
vous avez une grande expérience dans le domaine du droit de la famille.
Dans le projet de loi et à l'article
trois, donc, qui vise, entre autres, 521.20, le ministre ne met pas une période
de temps, alors, mais, dans d'autres lois, dans d'autres provinces, il y a
effectivement une période de temps. Vous l'avez évoqué, dans d'autres lois, qui
ne traitent pas, comme tel, de l'union de fait, mais qui considèrent des
conjoints de fait comme étant des gens mariés, il y a une période de temps.
Hier, on a écouté plusieurs plusieurs
groupes, puis, en tout cas, à moins que j'aie raté quelque chose, mais vous
êtes la première qui prenez position, en fait, puis qui... vous dites :
Moi, je suggérerais une période de temps. J'aimerais savoir pourquoi. Puis quel
est l'enjeu avec la façon dont 521.20 est rédigé présentement?
Mme Walsh (Marie Annik) : Bien,
je vous dirais que, pour des gens, en ce moment, qui ont un enfant puis qui ne
sont pas mariés... et le Code civil règle leur situation, actuellement, là, au
niveau de... évidemment, pas des biens, mais au niveau de l'autorité parentale,
de la garde de la pension alimentaire, tout ça, provisions pour frais, le cas
échéant. Tout réglé, maintenant. Ça fait que, quant à moi, je ne pense pas que
le but de l'exercice était de débuter l'union parentale dès la naissance d'un
enfant puis que... à ce que je pensais aussi, c'était, bien, les gens qui
n'avaient pas l'intention d'avoir un enfant, que c'est un accident, ou les gens
que ce n'était pas prévu tout de suite, qui ne vivent pas ensemble. Puis je
pense que c'est important de développer le concept d'union parentale comme un
projet commun. On vit ensemble, on vit sous le même toit, ça fait que, pour
permettre ça, il ne faut pas que ça soit une semaine, il faut que ça soit un
an. Moi, j'ai proposé un an simplement pour essayer de... pendant cette
période-là, que tout le monde se conscientise, aille voir des conseillers
juridiques, fasse les démarches pour faire une convention de vie commune, parce
que ça serait ça le plus approprié. Et, sinon, bien, oui, ils sont... ils
rentrent dans la définition d'union de fait.
Je suis... je n'étais pas convaincue en le
lisant, ma première lecture, je ne m'en suis même pas aperçu. Puis, après ça,
j'ai relu puis je me suis rendu compte : Oui, bien là, sans égard à la
durée... je pense que c'est important qu'il y ait une durée. On n'est pas en
union parentale le lendemain de la naissance d'un enfant, quant à moi.
M.
Morin :O.K., parfait. Je vous remercie. Maintenant, la loi va
créer, puis on en a parlé, un patrimoine d'union parentale. Le législateur a
fait un choix. Il y a des éléments qui vont être inclus. J'aimerais que vous
puissiez partager avec nous, est-ce que c'est suffisant, est-ce qu'il y a des
éléments qui devraient être ajoutés, est-ce qu'on garde quelque chose?
Puis, hier, tout dépendant des experts qui
venaient nous parler, il y en a qui disaient : Bien, il faut inclure les
fonds de pension, il faut inclure les REER, il ne faut pas les inclure, etc.
Vous, votre position, là-dedans? Parce que vous le voyez, vous avez de
l'expérience, j'imagine, dans votre pratique, vous ne faites pas juste des
divorces, vous devez rencontrer des gens qui sont présentement en union de
fait, là, puis qui se séparent, là. Alors, qu'est-ce... en fait, quels seraient
les... tous les éléments qui devraient être inclus pour s'assurer qu'il y aura
une protection pour les conjoints puis pour les enfants également?
Mme Walsh (Marie Annik) : Bien,
je vous dirais que, comme je l'ai dit souvent, c'est un début, puis, quant à
moi, ce qui est élaboré dans le projet de loi est peut-être... ça n'inclut pas
tout, les items du patrimoine familial, par exemple, mais c'est... on commence,
il faut commencer à quelque part, là. La perfection, là, ça ne fait absolument
rien, ça fait que... Ça protège. Ce qui est dans la loi en ce moment protège
les biens les plus importants. Oui, on pourrait inclure, comme je le proposais,
la Régie des rentes, parce que ce n'est pas nécessairement des échanges de
montants en argent.
L'inclusion des REER et des fonds de
pension, à mon avis, ça va trop loin, simplement parce que c'est exactement la
même chose que les couples mariés, et ce n'est pas nécessairement un choix de
ma part, mais c'est plutôt une réalité que je vois dans ma clientèle, les gens
ne sont pas mariés parce qu'ils ne veulent pas partager ces deux biens-là, les
plus... les deux biens les plus importants. Je ne suis pas certaine qu'on est
rendu là, au Québec, au niveau de...
Mme Walsh (Marie Annik) : ...d'accepter
que ça soit exactement les mêmes biens, tout simplement. Mais oui, si on
voulait la totale et on voulait protéger les gens de la même façon que les
couples mariés, on mettrait exactement la même liste que le patrimoine familial,
qui inclurait évidemment les REER, les fonds de pension. C'est les deux items
les plus importants qu'il manque.
M.
Morin :O.K., parfait. Je vous... Je vous remercie. J'aimerais
attirer votre attention sur l'article 29 du projet de loi. C'est une
modification au Code de procédure civile, l'article 54, entre autres, en
matière familiale, pour permettre au tribunal finalement d'imposer des dommages
et intérêts s'il y a un caractère abusif par les actes de procédure. Je
comprends que cet article-là vient compléter l'article 54. Donc, selon
vous, l'article 54 actuel n'était pas suffisant?
Mme Walsh (Marie Annik) : Bien,
c'est probablement... En fait, l'article 54 est suffisant en soi, mais
c'est l'interprétation jurisprudentielle qui est venue le compléter en matière
familiale. Ça fait que, quant à moi, oui.
En matière familiale, vous savez, la
dynamique est complètement différente et il vaut mieux l'écrire que de laisser
ça à la discrétion judiciaire. Et de la façon que c'est écrit, comme j'ai dit
un petit peu plus tôt à un vos collègues, ça me satisfait parce que ça vient
vraiment protéger les abus. Puis, en matière familiale, compte tenu du haut
degré d'émotion, je vous dirais, c'est assez propice à... peut-être pas le mot
«abus», mais à des gens à retourner devant la cour parce qu'ils ne sont pas
contents. Et il y a une question financière aussi, là. La personne qui a plus
de sous a beaucoup plus le loisir de s'y retrouver, et ce qui constitue
finalement une espèce d'abus au fil du temps dans le dossier judiciaire.
• (11 h 50) •
M.
Morin :Parfait. Je vous remercie. Maintenant, relativement à
l'article 33, et vous en avez parlé avec M. le ministre, c'est cette
disposition-là où le juge en chef privilégie la prise en charge d'un dossier du
tribunal par un seul et même juge. Je vous ai très bien écoutée, j'ai compris
votre point de vue. Maintenant, dans certains grands districts, évidemment,
s'il y a plusieurs juges, c'est facile d'avoir une équipe de juges qui va
suivre tel ou tel dossier. Dans des plus petits districts, est-ce que vous
voyez que ça peut être un enjeu, entre autres à cause des délais, si vous avez
des juges qui doivent siéger dans plusieurs chambres de la même cour ou même
dans différents districts judiciaires? Je voudrais juste avoir votre expérience
là-dessus, parce que je comprends très bien ce que vous avez dit, on ne veut
pas que les parties répètent toujours la même chose. Par contre, s'il y a un
juge qui n'est pas disponible puis que ça entraîne des délais dans une matière
en droit familial, ça peut être aussi problématique. Donc, j'aimerais ça que
vous puissiez nous éclairer là-dessus.
Mme Walsh (Marie Annik) : En
fait, c'est probablement l'inverse. Dans les plus petits districts judiciaires,
en pratique, c'est souvent les mêmes juges qui reviennent. C'est souvent le
juge coordonnateur puis un autre juge qui reviennent et qui sont ce qu'on
appelle, là... qui siègent en pratique, donc qui entendent ce genre de demandes
là à la cour, qui sont des demandes intérimaires, des demandes de sauvegarde.
Ça fait que, pour moi, dans les petits
districts judiciaires, oui, effectivement, ça pourrait être problématique s'il
n'y a pas de disponibilité de la cour. Mais, en même temps, la réalité, c'est
que c'est souvent les mêmes juges dans ces... dans ces petits districts là. Le
problème avec les grands districts judiciaires, c'est qu'il y a une rotation et
pas nécessairement une assignation des juges permanente.
M.
Morin :O.K., parfait. Je vous remercie. Hier, on a écouté
Maître Tétreault, qui disait qu'un des éléments qu'il manquait dans le projet
de loi pour assurer une meilleure protection, c'était toute la question des
aliments. Effectivement, on n'en... on n'en parle pas. Quel est votre point de
vue là-dessus?
Mme Walsh (Marie Annik) : ...je
vous dirais que c'est un peu le même... quant à la constitution des biens, là,
de l'union parentale, c'est que je n'ai pas l'impression que vous avez une
acceptabilité sociale par rapport aux aliments. Encore une fois, si le projet
de loi voulait traiter l'union de fait ou les conjoints de fait comme des
personnes mariées et leur donner des obligations à... d'un à l'autre, si on
voulait que ça soit parfait, on ajouterait, oui, effectivement, qu'il y aurait
des aliments ou la possibilité d'aliments pour le conjoint le plus vulnérable
financièrement. Mais j'ai l'impression que ce n'est pas... c'est quelque chose
qui va être très difficile au niveau de l'acceptabilité sociale, alors...
Quand j'ai fait mes réflexions là-dessus...
Mme Walsh (Marie Annik) : ...je
me suis dit : Bien, il vaut mieux... puis je sais que je reviens là-dessus
souvent, mais il vaut mieux commencer à quelque part que d'avoir un projet
parfait. Puis, en ce moment, c'est souvent... la problématique, c'est souvent
la résidence familiale, les biens communs, etc., puis, par le biais de la
prestation compensatoire, on vient un peu... on viendrait un peu compenser la
question, je vous dirais, d'ordre financier ou d'ordre alimentaire. Mais jamais
comme une pension alimentaire, effectivement, mais ce serait dans un monde
parfait, où... Mais je vous dirais que ce serait vraiment comme si vous mariiez
les gens encore une fois, puis je ne suis pas certaine que le Québec est rendu
là.
M.
Morin :Parce que c'est sûr que... Bon, évidemment, il faut
commencer quelque part, là, mais, d'un autre côté, là, on a une opportunité de
faire ce qui est mieux...
Mme Walsh (Marie Annik) : Tant
qu'à faire.
M.
Morin :...alors, tu sais, je me dis, des fois, hein... Comme
vous l'avez dit, tant qu'à faire, pourquoi est-ce qu'on ne le ferait pas? Donc,
d'après vous, dans votre... Puis j'ai très bien compris ce que vous avez dit
tout à l'heure, à propos, par exemple, des REER, de l'acceptabilité sociale.
J'imagine que, dans votre pratique, quand vous rencontrez des couples qui sont
en union de fait, vous l'avez souligné vous-même, un des éléments qu'ils
mentionnent, c'est plutôt : On n'est pas mariés parce qu'on ne peut pas
partager les fonds de pension, des REER, ou autres. Je le conçois. Mais si, par
exemple, pour toutes sortes de raisons, il y a un conjoint qui, parce qu'il
s'est occupé d'enfants ou, même, d'un parent, n'a pas pu avoir certaines
promotions ou pas les mêmes revenus, est-ce que vous ne pensez pas que la
question, par exemple, des aliments d'une pension alimentaire pourrait venir
corriger... Parce que là, je comprends qu'il y a une prestation compensatoire,
mais ça, ça implique, évidemment, d'en faire la preuve, ça implique des
litiges, ça implique du temps. Qu'est-ce que vous pensez de ça? Il reste 23
secondes à peu près.
Mme Walsh (Marie Annik) : Bien,
je vous dirais qu'autant les gens qui ne veulent pas partager leur REER puis
leur fonds de pension ils ne veulent pas payer de pension alimentaire, là. Ça
fait que, dans mes 23 secondes, je vous dirais que ça va être difficile à faire
accepter aux gens. Même dans les conventions de vie commune, c'est très rare
qu'on prévoie là, des dispositions alimentaires. Ça fait partie de l'espèce de
liberté, là, des conjoints de fait.
M.
Morin :Merci. Merci, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, merci. M. le
député de Saint-Henri—Sainte-Anne, 4 min 8 s.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup. Merci pour votre présentation. C'est juste pour bien comprendre aussi
votre position, là. Pour ceux qui ont déjà des enfants, vous parlez d'un délai,
là, d'un an de dérogation, si je comprends bien, un «opt-out», et, sans quoi,
après un an, là, le régime va être d'application automatique à eux, si... C'est
ça votre position, finalement, je la comprends bien?
Mme Walsh (Marie Annik) : Oui.
Oui, oui, tout à fait.
M. Cliche-Rivard : Parfait.
Puis ceux qui ont des enfants après juin 2025, est-ce que vous leur
octroyez, ou vous pensez qu'ils devraient avoir un délai maximum pour
«opt-out», ou vous pensez que, du moment où c'est fait de consentement, des
deux côtés, ils pourraient «opt-out» à tout moment?
Mme Walsh (Marie Annik) : Bien,
je pense que le délai d'un an est important, mais, effectivement, s'il y a des
enfants qui ont des... des parents qui ont des enfants après juin, et qu'il y a
une mise en vigueur de la loi, bien c'est... tout le monde rentre dans le même
mode.
M. Cliche-Rivard : Et là,
auquel cas, eux peuvent décider, de commun accord, de s'en retirer.
Mme Walsh (Marie Annik) : Exactement.
M. Cliche-Rivard : O.K. Donc,
on pourrait prévoir aussi la même chose... Puis là je pose la question a
posteriori, là : Pour ceux qui ont eu des enfants, donc, avant, une fois
qu'ils ont «opt-in» ou, en fait, qu'ils n'ont pas déclaré le renoncement, comme
vous le proposez, là, post-entrée en vigueur de la loi, j'imagine que vous leur
permettriez aussi d'«opt-out», de consentement, par la suite, si c'est ça
qu'ils décident ensemble?
Mme Walsh (Marie Annik) : Exact,
si c'est ce qu'ils décident ensemble, oui.
M. Cliche-Rivard : O.K. Donc,
vous leur donnez une option en amont, vous leur dites : Manifestez votre
«opt-out» tout de suite, sinon, c'est l'application. Le cas échéant, une fois
que c'est appliqué à vous, de facto, vous avez les mêmes droits ou les mêmes
possibilités que les autres de s'en retirer. J'ai bien résumé votre propos,
c'est ça?
Mme Walsh (Marie Annik) : Oui,
exactement.
M. Cliche-Rivard : Parfait.
Vous dites : On ne devrait pas pouvoir réviser la liste des biens, si je
comprends bien, ou on ne devrait pas pouvoir la modifier. Pourquoi vous pensez
que, de consentement, on ne devrait pas offrir ça si, de toute façon, on
offrirait un «opt-out», de consentement, par la suite?
Mme Walsh (Marie Annik) : Moi,
je trouve que de réviser la liste des biens, c'est comme changer la liste des
biens en cours de route, là. Quand je dis «en cours de route», en cours
d'union. C'est comme changer les règles en cours d'union. Si on a décidé que ça
s'appliquait à nous, on ne peut pas changer les règles en cours d'union, ou,
sinon, ça permet aux gens... Ah! bien là, notre maison, maintenant, là, elle
vaut tant, puis c'est moi qui ai tout payé, parce que la réalité, depuis le
début de notre relation, ce n'était pas équivalent, ça fait que j'aimerais ça
retirer la résidence familiale. Vous comprenez?
Ça fait que moi, je pense que, pour donner
toutes...
Mme Walsh (Marie Annik) : ...crédibilité
à ce pouvoir-là d'entrer... de protéger certains biens, une fois que c'est
fait, c'est immuable. On ne peut pas décider, «pick and choose», qu'est-ce qui
est bon, qu'est-ce qui n'est pas bon pour nous, puis je vous dirais également
que ça permet beaucoup de pression dans le couple. Vous savez, la pensée
magique, là, dans les couples, là, et puis les mots juridiques, là, c'est... il
y en a plein en ce moment, là. Il faut essayer de cadrer ça au minimal.
M. Cliche-Rivard : Je
pense... C'est un bon argument que vous apportez là, parce que, là, bon, moi...
Mais la question que je me posais, c'est : Si on leur permet d'«opt out»
de toute façon le consentement, je ne vois pas pourquoi on ne leur permettrait
pas de modifier la liste, de consentement. Mais là, ce que vous dites, c'est
que là il y a une distinction entre l'«opt out» de fin de relation, finalement,
ou... ou la violence intraconjugale, c'est un petit peu ça que vous dites, ou
ça pourrait être institutionnalisé à l'intérieur, ou on viendrait mettre des
pressions alors que la relation continue. Il y a quand même là un...
Mme Walsh (Marie Annik) : Exactement.
M. Cliche-Rivard : ...un
élément important que je comprends.
Vous avez parlé, en terminant, dans votre
mémoire d'une vaste campagne publicitaire, parce que vous pensez que les gens,
finalement, ils ne sont pas tant au courant, ou ils ne seront pas tant au
courant de leurs droits, là?
Mme Walsh (Marie Annik) : Ils
ne le sont pas tant. Il y a beaucoup de qu'en-dira-t-on, il y a... tout le
monde pense qu'ils connaissent leurs droits. Même aujourd'hui, les conjoints de
fait pensent qu'ils doivent partager la résidence... Sans que tout ça existe,
là, avant, ils pensent qu'il y a des choses qu'on doit partager. Alors, c'est...
ça serait superimportant... Si j'ai un message dans tout ça qui passe puis qui
peut être répété, c'est de lancer sur toutes les tribunes que les gens, il faut
qu'ils s'informent, qu'ils aillent voir les conseillers juridiques, qu'ils
signent des conventions de vie commune, ça... En ce moment, là, le vide
juridique est tellement vaste, et l'impact est tellement néfaste sur ces
familles-là... Alors, je vous dirais, là, que oui, c'est... ça serait une
mission de ce projet de loi là.
Le Président (M.
Bachand) :Merci, merci beaucoup. Me
Walsh, merci beaucoup d'avoir été avec nous, c'est très... ça a été très
apprécié.
Cela dit, je suspends les travaux quelques
instants pour accueillir notre prochain invité. Merci beaucoup.
Mme Walsh (Marie Annik) : Merci
à vous.
(Suspension de la séance à 12 heures)
(Reprise à 12 h 01)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux. Il me fait plaisir d'accueillir Me Dominique
Goubau, professeur associé, Faculté de droit de l'Université Laval. Merci
beaucoup d'être avec nous aujourd'hui. Vous connaissez les règles : un
petit 10 minutes de présentation, après ça une période d'échange avec les
membres de la commission. Alors, maître, la parole est à vous. Merci.
M. Goubau (Dominique) : Merci,
M. le Président, et merci à M. le ministre, Mmes, MM. les députés, pour cette
invitation. C'est toujours... Enfin, j'ai toujours ressenti comme un privilège
de pouvoir participer aux travaux des commissions parlementaires, même si c'est
à midi et que parfois c'est plus difficile d'avoir l'attention des gens à midi.
Mais je n'ai pas non plus fait de mémoire, je n'étais pas en position de le
faire, donc en situation de vous présenter un mémoire, mais j'espère tout de même
que les quelques explications verbales que je pourrai vous donner pourront vous
être utiles.
Je n'ai pas la prétention de penser que
tout le monde me connaît, et donc, si vous permettez, je commencerais par
quelques tout petits mots de présentation pour vous dire ce qui me rattache à
l'objet de ce projet de loi.
Ça fait maintenant presque 40 ans que le
droit de la famille est au centre de mes occupations et préoccupations, de mes
activités professionnelles comme avocat d'abord, comme avocat praticien il y a
plusieurs années, particulièrement comme avocat de l'Aide juridique dans un
bureau civil qui pratiquait en droit de la famille et puis comme professeur
pendant plus de 30 ans, et donc comme chercheur et enseignant. J'ai
également été pendant presque 20 ans président du Comité permanent du
Barreau du Québec en droit de la famille et, pendant plusieurs années aussi,
vice-président de l'Association internationale de droit de la famille. J'ai eu
le privilège d'être un des membres de la commission... ou du comité, plutôt, de
réflexion sur la... une éventuelle réforme du droit de la famille. Voici que
cette réforme est en train de se réaliser devant nos yeux, et donc je suis
heureux de pouvoir participer à ces travaux aujourd'hui avec vous.
Je voudrais, si vous voulez, commencer mon
bref exposé par une remise en perspective historique. En réalité...
12 h (version non révisée)
M. Goubau (Dominique) : ...vous
êtes, en quelque sorte, les dépositaires d'un débat qui a lieu depuis 50 ans,
et même plus de 50 ans, au Québec. La question du statut des conjoints de fait
revient de façon récurrente, et, en tout cas, à chaque réforme, certainement,
du droit de la famille. La question se pose toujours : Faut-il intervenir
ou faut-il s'abstenir d'intervenir? Et il y a eu une longue conversation
sociale, parlementaire autour de cette question très importante, et qui devient
de plus en plus importante. Vous êtes donc ceux qui poursuivez ce débat. C'est
pour vous, je pense, un grand privilège, mais c'est aussi une responsabilité.
Et, déjà, dans le courant des années 70 et
80, le Québec a... et il était précurseur, si on se compare à la plupart des
autres pays occidentaux, et si on se compare aux autres provinces canadiennes.
Le droit québécois a reconnu, progressivement, la réalité des conjoints de
fait, en droit public, en droit social, en droit fiscal, d'abord, pour ce qui
est des conjoints hétérosexuels, et puis, très rapidement... là aussi, le
Québec était précurseur... à la fin des années 90, début des années 2000, l'union
entre personnes de même sexe non mariées.
Mais la question qui reste, la question
récurrente qui revient, celle que tout le monde trouve très délicate, toujours,
est celle : Qu'est-ce qu'on fait du droit privé de la famille? Est-ce qu'il
faut intervenir, aussi, là, comme on l'a fait en droit public, comme on l'a
fait en droit fiscal, ou en droit social, ou faut-il, au contraire, s'abstenir
dans ce cadre précis du droit, alors qu'on intervient partout ailleurs? Cette
question est au cœur des débats aujourd'hui, mais je vous prie de croire qu'elle
était exactement la même depuis 40 ans.
Le rapport de l'Office de révision du Code
civil, en 1977, le rapport de l'ORCC sur le droit de la famille et le droit des
personnes proposait déjà tout un cadre pour les conjoints de fait, avec,
notamment, un droit alimentaire entre conjoints de fait et des droits
successoraux, qui étaient, à peu près, l'équivalent des droits successoraux et
des droits alimentaires des personnes mariées, mais ce rapport a été mis de
côté, sur cet aspect-là, lors de la grande réforme de 1980, dont tout le monde
parle aujourd'hui, en disant... C'est la dernière grande réforme du droit de la
famille, il y a 40 ans, alors qu'en fait il y en a eu bien d'autres après.
Mais, en 1980, on a mis de côté cette proposition de l'ORCC. Pourquoi? Parce qu'on
disait : Il faut, finalement, respecter le libre choix des personnes et
accepter que cette nouvelle réalité des conjoints de fait... dans les années
80, il y en avait de plus en plus, début 80... eh bien, c'est une nouvelle
réalité qu'il faut... dont il faut prendre acte, et une façon d'en prendre
acte, c'est de respecter le choix des personnes de ne pas se marier. Et donc,
en 1980, on s'est abstenus de donner suite au rapport de l'ORCC.
En 1989... il y a eu d'autres petites
réformes, mais, en 1989, autre grande réforme du droit de la famille, par l'introduction
du patrimoine familial. Et il faut se rappeler que plusieurs intervenants, à l'époque,
avaient proposé de ne pas nécessairement imposer le patrimoine familial aux
couples... à tous les couples, à tous les couples mariés, mais, par exemple, de
l'étendre aux conjoints non mariés dès lors qu'il y avait des enfants. Et donc
cette idée d'une... cette idée, que moi, je qualifie d'assez moderne, de tenir
compte de la présence des enfants pour enclencher des protections, ou, en tout
cas, des mesures d'équité — c'est comme ça qu'il faut les qualifier — au
sein des couples, cette idée est ancienne. Elle existait déjà en 1989. Et,
cette fois-ci, on... Et cette idée a eu énormément d'opposition,
particulièrement de la Chambre des notaires, à l'époque, qui était,
probablement, l'institution, au Québec, qui était la plus farouchement opposée
à cette idée de mettre de côté la liberté contractuelle et de voir imposer aux
gens mariés cette espèce de régime matrimonial obligatoire, avec ce partage de
biens, et les notaires étaient tout à fait contre cette idée.
Or, aujourd'hui, je pense bien que tous
les observateurs sages de la pratique judiciaire, et notamment la pratique de
médiation, au Québec, reconnaissent aujourd'hui que le patrimoine familial a
été et est encore aujourd'hui un facteur de règlement des conflits
extrajudiciaires, comme, d'ailleurs, l'a été aussi l'introduction des barèmes
de fixation de pension alimentaire pour enfants. Ce sont des règles qui sont
prévisibles, qui sont claires et qui poussent les gens à ne pas se battre
devant les tribunaux, mais plutôt à régler de façon consensuelle.
La réponse, en 1989, du gouvernement de l'époque,
lorsqu'on a suggéré qu'on pourrait peut-être étendre le patrimoine familial aux
conjoints non mariés, c'était... ce n'était pas tellement l'idée du respect de
la liberté. C'était plutôt... et ça a été la réponse...
M. Goubau (Dominique) : ...la
ministre responsable du dossier à l'époque, c'était plutôt la suivante :
On ne connaît pas encore assez bien la réalité des conjoints de fait, on n'est
pas encore assez documenté sur combien et comment ils vont, qu'est-ce qu'ils
font, comment ça fonctionne. Et donc il est difficile d'intervenir
législativement à l'égard d'une réalité qui est insuffisamment documentée.
En 2024, aujourd'hui, les choses ont bien
changé. D'abord, on est très documenté, et je pense que vous avez commencé à
l'entendre avec les intervenants, on est très documenté sur la réalité des
conjoints de fait, qui est devenue, disons-le comme ça, pour faire court, le
modèle dominant lorsqu'il s'agit des couples avec enfants. Là, vous avez
certainement entendu les chiffres la majorité des enfants aujourd'hui naissent
hors mariage. On sait... aussi aujourd'hui ce qu'on ne savait pas en... on
soupçonnait, mais qu'on ne savait pas vraiment en 1980, c'est qu'il y a, et je
reprends ici les mots de la Cour suprême du Canada, des similarités
fonctionnelles entre les couples mariés et les couples non mariés. C'est une très
mauvaise traduction de l'anglais pour dire simplement que les couples non
mariés avec enfant fonctionnent exactement de la même façon que les couples
avec enfant et que les conséquences d'une séparation pour un couple avec enfant
et un couple sans enfant, qu'ils soient mariés ou pas mariés, c'est exactement
les mêmes conséquences. Je veux dire, les couples avec enfant, qu'ils sont
mariés ou non mariés, similarité fonctionnelle.
• (12 h 10) •
On sait aussi aujourd'hui ce qu'on ne
savait pas à l'époque, et vous avez eu les chiffres, que ce n'est qu'une toute
petite minorité de gens qui font des ententes de vie commune et qui donc se
donnent des protections là où la loi s'abstient de leur en donner. On sait
également, c'est très documenté par toutes nos recherches et celles de mes
collègues, que les précarités, au moment de la séparation, les fragilités sont
encore d'actualité. Et, même si, évidemment, et c'est une bonne chose, les
femmes ont investi le marché du travail, il reste des inégalités, il reste des
précarités auxquelles le droit doit répondre.
Et dernière chose qu'on sait aujourd'hui,
qu'on ne savait pas dans les années 80, c'est que les gens non mariés se
pensent protégés, alors qu'en réalité ils ne sont pas protégés. Et ceux qui se
protègent sont ceux qui savent qu'ils ne sont pas protégés, mais c'est une
minorité de gens. Je pense qu'il y a donc là une responsabilité publique
d'intervenir par la mise en place de protections lorsqu'elles sont nécessaires.
On sait aujourd'hui aussi, par rapport aux
débats des années 80, on sait en 2024... et quand j'ai vu la liste de vos
invités dire, j'imagine que vous en avez déjà entendu parler, mais que l'idée
de liberté absolue des conventions en matière matrimoniale, c'est un grand...
c'est en grande partie un mythe. Je veux simplement citer deux phrases de deux
décisions de la Cour suprême du Canada, une première dans l'affaire Lacroix
concernant la prestation compensatoire entre gens mariés, et la Cour suprême
dit ceci : Jugement unanime, la prestation, la prestation compensatoire,
qui est une mesure d'équité, «vise, je cite, manifestement à pallier les
injustices engendrées à l'occasion de la réalisation du régime matrimonial
librement consenti». En d'autres mots, la Cour suprême dit : Les gens choisissent
des régimes matrimoniaux en séparation de biens librement, en réalité, ils ne
savent pas ce qu'ils font, et...
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, Maître. On est
déjà rendus à la période d'échange. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Merci, M. le Président. Maître Goubau, bonjour. Merci de participer aux travaux
de la commission. Toujours un plaisir de vous recevoir. Vous avez participé au
comité consultatif sur le droit de la famille, notamment. Le projet de loi
qu'on fait vise principalement... bien, en fait, prend comme assise le fait que
la venue d'un enfant amène des changements dans les familles, notamment. Et là,
c'est le choix qu'on a fait de dire : Bien, la vie change, à partir du
moment où vous avez un enfant, et donc il doit y avoir un patrimoine d'union
parentale. Est-ce que vous êtes d'accord avec cette prémisse-là du fait que le
législateur choisisse du fait que, puisqu'il y a des enfants, bien, ça entraîne
la création d'un patrimoine d'union parentale?
M. Goubau (Dominique) : Non
seulement je suis d'accord, mais j'ai écrit cela, ça fait 25 ans. J'ai...
Je soutiens l'idée selon laquelle les mesures de protection, disons,
coercitives, si je n'aime pas le mot, devraient... ne devraient pas être
tributaires du statut matrimonial, mais plutôt de la présence des enfants. J'ai
cosigné la partie du rapport dont vous avez fait état et qui dit notamment
ceci : La principale source d'interdépendance conjugale et familiale
réside dans la naissance ou la présence...
M. Goubau (Dominique) : ...la
présence d'enfants, d'un enfant qui exige la mobilisation de ressources
additionnelles. Je pense que tous les chercheurs, aujourd'hui, sont d'accord et
tous les praticiens du milieu sont d'accord pour dire que, lorsqu'il y a des
enfants dans un couple, la donne change. Et, par conséquent, l'idée de faire
dépendre une protection matérielle, je ne suis pas d'accord avec son contenu,
mais une mesure de protection de la présence des enfants plutôt que du statut des
enfants, je trouve que c'est précurseur et c'est une excellente idée.
M. Jolin-Barrette : Et donc
je retiens de votre propos que le fait qu'on ne couvre pas les... les conjoints
sans enfant, donc des conjoints de fait... Supposons qu'ils vivent ensemble
cinq ou 10 ans, on leur laisse la liberté contractuelle à eux de convenir
quelles sont les modalités de protection, et j'aime votre mot que vous avez
utilisé, de protection coercitive rattachée à leur union.
M. Goubau (Dominique) : Je
trouve que c'est un excellent compromis. Il n'y a pas de solution idéale, mais
je pense qu'il faut trouver un compromis, et vous le connaissez, entre eux,
la... le respect de la liberté individuelle qui, comme l'a dit la Cour suprême
en matière familiale, est désormais une valeur fondamentale dans notre société,
c'est vrai, et, d'autre part, l'impératif de protéger les personnes qui ont
besoin de protection, particulièrement au moment de la séparation, que ce soit
un conjoint ou que ce soit les enfants. Je pense que l'idée qui est celle de
dire : Eh bien, on peut trouver un équilibre entre ces deux impératifs en
disant, et ce n'est peut-être pas parfait, mais je pense que c'est un bon
équilibre, en disant : Eh bien, dès lors qu'il n'y a pas d'enfant, il faut
appuyer sur la liberté individuelle, lorsqu'il y a des enfants, il faut appuyer
sur l'idée de protection... il y a plusieurs arguments qui militent en faveur
d'une telle solution.
D'abord, le principe du respect de la
liberté individuelle est un argument qui n'a aucun sens lorsqu'il s'agit de
l'impact de ces décisions sur les enfants puisque les enfants n'ont pas
participé au choix. Donc, si les parents font des choix dont on sait
aujourd'hui qu'ils peuvent avoir des impacts néfastes au moment de la
séparation sur les enfants directement ou indirectement, alors je trouve qu'il
est normal d'imposer. Mais il ne faut pas oublier non plus, il faut être
logique, que... Alors, s'il n'y a pas d'enfant, si on appuie sur l'idée de
liberté, alors il faut aller plus loin que le projet de loi et il faut, par
exemple, prévoir que le patrimoine familial, s'il n'y a pas d'enfant, eh bien,
les parents devraient pouvoir... bien, pas les parents, les conjoints mariés
aussi devraient pouvoir s'en extraire. Il y a... Donc, cette idée, il y aurait
un changement de paradigme. Ce n'est pas le statut matrimonial qui dicterait
les règles et... mais c'est plutôt la présence des enfants. Mais c'est aussi,
si vous permettez, la raison pour laquelle je pense qu'il y a un problème
structurel au projet de loi, c'est que, si on est d'accord avec cette idée que
c'est la prise en charge d'enfants, et j'ajouterais, peut importe le lien de
filiation, mais si c'est la prise en charge effective d'enfants qui doit nous
amener à mettre en place des protections, alors il n'y a aucune raison
d'apporter des protections différentes aux enfants dont les parents sont mariés
et aux parents... et aux enfants dont les parents ne sont pas mariés. C'est une
erreur de logique.
Le projet... Le projet de loi reconnaît, et
c'est sa nouveauté, qu'il y a un impact économique matériel à la prise en
charge d'enfants, à l'arrivée d'enfants dans un couple. Si c'est vrai, et je
pense que tout le monde est, à peu près, ici... est d'accord avec ça, si c'est
vrai, alors il faut protéger. Mais il n'y a aucune logique à protéger
différemment dès lors qu'on a accepté comme point de départ qu'il y a un
impact. Et donc je pense que c'est là, le problème du projet de loi, qui par
ailleurs a de très bons points aussi, mais je pense que c'est ça, son son vice
fondamental, c'est de ne pas suivre la logique de cette affirmation selon
laquelle la prise en charge des enfants a un impact qui nécessite des
protections.
M. Jolin-Barrette : Donc, si
je résume votre intervention, vous, vous seriez du tenant que le législateur
intervienne dans le mariage pour dire aux gens qui sont mariés, qui n'ont pas
d'enfants qu'ils pourraient se soustraire aux règles du patrimoine familial,
mais que ça devrait être les mêmes règles pour les conjoints qui sont mariés ou
qui ne sont pas mariés à partir du moment où ils ont des enfants.
M. Goubau (Dominique) : Exactement.
Comme compromis.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Comme compromis.
M. Goubau (Dominique) : Oui,
parce que je ne pense pas que c'est une solution idéale non plus, elle n'existe
pas.
M. Jolin-Barrette : O.K. Dans
les autres mesures du projet de loi, notamment sur la question de la violence
judiciaire qu'on vient introduire, qu'est-ce que vous en pensez?
M. Goubau (Dominique) : Bien,
moi, je trouve que c'est très bien. Je ne pense pas que c'est une grande
innovation, mais c'est toujours bien de dire les choses. La... la... la
violence judiciaire, elle est... elle est déjà... c'est déjà une réalité sur
laquelle des juges ont une emprise par le pouvoir des juges...
M. Goubau (Dominique) : ...en
matière de quérulence. Par ailleurs, depuis quelques années maintenant, et à
juste titre, les législateurs, que ce soit fédéral ou provinciaux, peu importe,
insistent beaucoup sur l'importance de tenir compte des situations de violence
familiale. Et on s'entend tous pour dire que cela inclut la violence
psychologique. Moi, j'ai toujours pensé que la quérulence faisait partie de la
définition de la violence psychologique, donc ça n'ajoute rien, mais c'est bien
de le dire. C'est encore plus clair et c'est un signal intéressant à envoyer.
Donc, oui, je suis d'accord avec ça.
M. Jolin-Barrette : O.K. De
votre expérience, notamment de chercheur et de praticien, là, le fait que, dans
la mesure du possible, ça soit un juge, le même juge qui suive la famille,
est-ce que c'est approprié?
M. Goubau (Dominique) : Oui.
À une époque, j'étais moins d'accord avec ça, mais c'était l'époque où je
plaidais devant certains juges que je n'aimais pas trop, mais... je pense que,
oui, c'est une... c'est une bonne idée et probablement faudrait-il rattacher à
cela, alors, une une espèce d'obligation de spécialisation des juges,
voyez-vous, de formation des juges à cette réalité-là et/ou s'assurer à tout le
moins que les juges qui sont ces juges... finalement, une espèce de chambre de
la famille de facto, soient des juges intéressés par les sujets. Parce qu'on le
sait tous, il y a certains juges qui ne sont pas du tout intéressés par ces
sujets-là, et donc ça ne fait pas des bons juges en droit de la famille, comme
d'autres juges ne sont pas intéressés par le droit fiscal, et ça ne fait pas
des bons juges en droit fiscal.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Dans... dans les propos que vous avez tenus publiquement suite au dépôt du
projet de loi, notamment, vous dites : «Dans sa forme actuelle, le projet
de loi serait susceptible de contestations, notamment, qui... et puis vous me
corrigerez, là, notamment... notamment qui pourraient être discriminatoires.» Pouvez-vous
élaborer sur cette question-là, votre opinion sur cette question-là, eu égard
du fait que la Cour suprême a quand même validé le régime actuel dans lequel
nous vivons.
• (12 h 20) •
M. Goubau (Dominique) : Bien,
j'adore cette question-là, qui demanderait évidemment des développements assez
longs, et le temps est compté, mais, oui, la Cour suprême s'est prononcée, en
2013, dans le cadre de... du Code civil, tel qu'il existait au moment où la
Cour suprême a été saisie de la question, ou, en tout cas, de la Cour
supérieure, dans un premier temps, a été saisi de cette question.
Or, ici, nous avons une modification très
importante de code civil si le projet de loi est adopté tel quel, parce que ce
projet de loi reconnaît ce que le code ne faisait pas avant. Le... le projet de
loi reconnaît qu'il y a des conséquences économiques pour les enfants et pour
les conjoints de la simple présence des enfants et indépendamment du statut
matrimonial. C'est... c'est donc une réalité législative juridique complètement
différente de celle dont été saisie la Cour suprême en 2013. Et, par
conséquent, un recours, à mon avis, est susceptible d'être pris, puisque, tout
en affirmant, comme j'ai dit tout à l'heure, qu'il y a un impact reconnu de la
présence d'enfants, la prise en charge de l'enfant sur les droits des
individus, or, en réponse, la loi vient distinguer les individus en fonction de
l'état civil et du statut matrimonial. Il y a donc là un nouveau contexte
législatif qui rend à mon avis très fragile les distinctions qui sont
introduites par ce projet de loi. Et... et donc, moi, je vais vous dire, je
pense qu'il y a une solution tellement simple et tellement utile, c'est tout
simplement... Vous savez, j'ai déjà... Lors d'une conversation que nous avons
eue, j'ai déjà fait ce geste, les... on a cru dans les années 80 qu'il
fallait protéger les enfants et les conjoints mariés qui se séparaient, qui
divorçaient, etc. On leur a mis des protections à ce niveau-là. Aujourd'hui, on
dit : Mais quand il y a des enfants, qu'ils soient mariés, qu'ils ne
soient pas mariés, il faut les protéger. Alors, on va mettre en place des
protections et on s'arrête ici. Et j'ai dit : C'est ça, le problème, c'est
ça, la distinction qui pourrait bien être discriminatoire, si on... si on veut
être logiques avec le principe qu'on affirme nous-mêmes, alors il faut monter
jusqu'ici.
Et il y a une mesure qui m'apparaît la
plus simple, contrairement à la prestation compensatoire qui est proposée, et
qui est, je vais dire, un cadeau aux avocats, je propose que la pension
alimentaire, l'obligation alimentaire, qui ne s'applique pas à tout le monde,
qui ne s'applique que lorsqu'il y a des besoins démontrés et surtout qui tient
compte de la fluctuation des moyens de le payer et des besoins , qui peut se
faire aussi sous forme de somme globale, est une réponse totalement adéquate et
qui permet...
M. Goubau (Dominique) : ...aussi
d'échapper à la critique de statuts distincts et donc éventuellement de
discrimination. C'est la solution qui a été adoptée par toutes les provinces.
Je sais bien qu'il ne faut pas faire toujours comme les autres, et que nous
sommes distincts en droit civil, mais... mais tout de même, ça vaut la peine
d'y penser. Et je crois que cette... cette méthode permet de répondre à toutes
les difficultés que représente la définition d'un patrimoine familial
différent, la prestation compensatoire qui est une nique procès. Là, on aurait
un outil qui pousse à la négociation. Pourquoi? Parce que, comme on fait dans
les autres provinces, on pourrait ajouter à cette obligation alimentaire des
barèmes, comme on l'a fait en... à l'égard des obligations alimentaires pour
les enfants, ce qui fait que ça deviendrait tellement facile et prévisible que
là vous auriez un outil et de protection et de déjudiciarisation. C'est simple.
Et à mon avis... j'ai suivi de très près les recherches qui ont été faites par
des collègues d'autres universités, et c'est une solution qui semble recevoir
un accueil assez favorable au sein même de la population québécoise. Dès lors
qu'il y a des enfants, la... la majorité des gens qui sont sondés, j'ai fait
moi-même des recherches en ce sens là, sont d'accord pour dire que la donne
change complètement et que... et que les protections équivalentes à celles du
mariage, s'il y a des enfants, oui, ça, ça va, mais pas s'il n'y a pas
d'enfants, là, il faut respecter la liberté. Je trouve que tout ça est assez
logique. Je crains que le projet de loi manque de logique et tombe dans un
champ où il risque effectivement d'être attaqué pour cause de distinction
discriminatoire.
Dernière chose, je rappelle tout de même
que dans l'affaire Lola, la Cour suprême, cinq jours sur neuf... cinq juges sur
neuf ont dit que l'absence d'obligations alimentaires en droit québécois est discriminatoire,
mais sauvegardée par l'article 1 avec un seul juge. Et c'est d'ailleurs
pour ça qu'on a eu ce comité consultatif, parce que la Cour suprême a mis le
doigt sur ce qui est, il faut bien l'avouer, un problème dans notre Code civil
aujourd'hui. Vous avez l'occasion de rectifier le tir.
M. Jolin-Barrette : Merci, Me
Goubau, pour votre passage en commission parlementaire. Je vais céder la parole
à... à ma collègue. Merci beaucoup pour votre contribution.
M. Goubau (Dominique) : Merci
à vous.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Mme la députée de
Laval-des-Rapides.
Mme Haytayan : Merci, M. le
Président. Me Goubau, merci. Merci, Pr Goubau, d'être ici parmi nous, prendre
le temps. Pouvez-vous développer sur l'importance de permettre aux conjoints de
fait en union parentale d'hériter même sans testament, d'hériter même en
l'absence de testament?
M. Goubau (Dominique) : Lorsqu'il
y a des enfants?
Mme Haytayan : Oui, avec
enfants.
M. Goubau (Dominique) : Vous
aurez compris...
Mme Haytayan : En union
parentale.
M. Goubau (Dominique) : Vous
aurez compris de mon exposé que mon idée, c'est que, dès lors qu'il y a des
enfants, on ne devrait plus faire des distinctions entre les gens mariés, les
gens non mariés. Et que, par conséquent, l'extension des droits successoraux,
dès lors qu'il y ait eu charge d'enfants, me paraît tout à fait logique avec
cette position.
J'ajouterais peut-être ceci, c'est que
l'union parentale telle que prévue dans... dans le projet est tout de même une
union parentale qui se... qui se limite à une union fondée sur l'idée de la
filiation et qui distingue donc les enfants. Et là encore je vois un, comment
dire, une contradiction avec le principe même du projet de loi qui reconnaît
que la prise en charge d'enfants doit générer des mesures de protection. Si on
est d'accord avec ce principe, c'est le principe même de la loi, alors il n'y a
aucune raison de restreindre la définition d'union parentale à la parenté où il
y a un lien juridique de filiation. Il y a des prises en charge effectives dans
les familles recomposées où il n'y a pas de lien de filiation et pourtant où
l'effet économique est exactement le même. Donc, si on veut poursuivre dans
cette logique de l'impact de la prise en charge des enfants, alors je pense
qu'il faudrait élargir l'idée d'union parentale aux unions qui incluraient
également les recompositions familiales.
Mme Haytayan : Parfait.
Merci.
Le Président (M.
Bachand) :M. le député de Saint-Jean, une
minute pour question et réponse.
M. Lemieux : Autre chose avec
ça? Me Goubau, j'allais essayer de répondre à la question logique ou du
problème logique que vous aviez. On aura luncher après, puis qu'on vous a volé
votre heure du dîner vous aussi.
La longue conversation sociale,
c'est : Est-ce que c'est un phénomène qui nous... aujourd'hui nous dit que
vous aviez raison il y a 25 ans, mais c'est aujourd'hui qu'on vous suit?
Il y aura toujours un décalage dans la société, à mois qu'il y ait un mouvement
de masse énorme dans l'opinion publique, là.
M. Goubau (Dominique) : Oui,
alors vous avez tout à fait raison, les sociologues du droit de la famille, les
sociologues de la famille ont toujours mis le doigt sur le fait que le droit de
la famille, contrairement peut-être à d'autres secteurs du droit, est toujours
un droit en retard, mais... mais je pense que vous avez l'occasion de le mettre
à jour et de ne pas être de trop en retard.
M. Lemieux : Merci, Maître.
Le Président (M.
Bachand) :...député de l'Acadie, s'il
vous plaît.
M. Morin : Oui. Merci...
M. Morin : ...merci, M. le
Président. Bonjour, Pr Goubau. Merci, merci d'être là avec nous. Ma première
question est la suivante : Quand M. le ministre a déposé son projet de
loi, il a souligné l'importance pour lui de vouloir mettre en place un
encadrement juridique qui allait apporter une certaine égalité, une protection
quand, dans un couple en union de fait, il y a des enfants. C'est, je pense,
la... un peu la pierre angulaire de son projet de loi.
Et là vous nous avez dit, et j'ai noté, et
corrigez-moi si j'ai fait erreur en notant : Il y a un problème structurel
au projet de loi, notamment en ce qui a trait à la protection qui sont
accordées aux enfants, quand on les compare à un couple marié et à un couple en
union de fait. La beauté... La beauté du Québec, c'est, vous l'avez
mentionné... on a un code civil, donc le législateur peut agir. Quelle serait
la meilleure façon pour vous d'éviter un problème structurel? Tu sais, ça fait
40 ans qu'on en parle, vous en avez parlé vous-même, là, là, on a la
chance de faire quelque chose. Alors, quels seraient les meilleurs éléments
qu'on devrait inclure dans ce projet de loi pour, évidemment, être capable de
conserver un équilibre entre des personnes en union de fait qui n'ont pas
d'enfant et qui ne veulent pas se marier? On ne peut pas les forcer à se
marier, mais, si la présence d'enfants apporte un changement, je pense que ça,
c'est assez évident pour l'ensemble de la population, quels seraient les
meilleurs éléments qu'on devrait inclure dans le projet de loi pour éviter tout
problème structurel et être cohérent avec la pensée du ministre?
• (12 h 30) •
M. Goubau (Dominique) : Moi,
je... je... M. le député, je pense, je suis persuadé que l'idée selon laquelle
la présence d'enfants, la prise en charge des enfants doit désormais, en droit
de la famille québécois, être le critère déclencheur des protections plutôt que
le statut. C'est complètement avant-gardiste. C'est... Ça remettrait,
d'ailleurs, le Québec sur la map des juridictions qui sont à l'avant-garde,
comme nous l'avons été au début des années 80 en matière familiale. C'est
en tout cas comme ça que le reste du Canada nous voyait et même la plupart des
pays européens. Et... Mais la façon d'être logique et de régler ce problème
structurel du projet de loi, c'est d'en tirer la conséquence logique,
c'est-à-dire que, si ce n'est plus le statut matrimonial, mais bien la prise en
charge, alors il faut ou bien baisser les protections des gens mariés ou alors
monter les gens qui ne sont pas mariés et qui ont des enfants au même niveau
que les personnes mariées. C'est... je veux dire, c'est la logique élémentaire.
Et, à moins d'accepter l'idée... mais je pense qu'il est juridiquement fragile
d'instaurer des statuts différents qui... qui seront, à mon avis, testés devant
les tribunaux.
M. Morin : Et, comme vous
l'avez souligné, et la Cour suprême y faisait référence dans l'affaire Lola, on
parlait déjà à l'époque... on constatait qu'il y avait une discrimination.
M. Goubau (Dominique) : Pour
ce qui est de l'obligation alimentaire. Mais, pour faire... pour faire tout de
même justice au projet de loi, je dirais... et je sais de quoi je parle parce
que j'étais un des avocats dans l'affaire Lola, je représentais un des avocats
de l'équipe de... qui représentait la Fédération des associations des familles
monoparentales et reconstituées du Québec en Cour suprême, et nous avions, nous,
comme... comme fédération, soulevé le problème de l'inconstitutionnalité de
l'article 4, c'est-à-dire le pouvoir d'un tribunal d'attribuer un droit
d'habitation pour le bénéfice des enfants aux conjoints non propriétaires, mais
qui est gardien des enfants, et la Cour suprême ne s'est pas prononcée
là-dessus, en fait, n'a pas pris le temps d'expliquer. Et je pense que le
projet de loi n° 56 règle cette question-là, et c'est... À mon avis,
c'est... c'est le meilleur coup du projet de loi, c'est l'extension des
protections de la résidence familiale et particulièrement l'article 410
qui est le plus utile.
M.
Morin :D'accord. Je vous... Je vous remercie. Maintenant, quant
à la constitution du patrimoine d'union parentale, si je vous comprends bien,
donc, il ne devrait pas y avoir de distinction quant au patrimoine familial
entre un couple marié et un couple en union de fait qui a des enfants. Est-ce
que je vous suis correctement?
M. Goubau (Dominique) : Oui.
Et, vous savez, le projet de loi... Évidemment, je veux rester dans ma logique
qui consiste à dire qu'il faut monter les protections, mais j'ajouterais qu'il
y a dans le projet de loi des différences qui pourront paraître très
surprenantes pour les gens mariés parce que le calcul des valeurs partageables
du patrimoine d'union parentale prévoit, par exemple, que, pour calculer les
valeurs, le propriétaire d'un bien pourra...
12 h 30 (version non révisée)
M. Goubau (Dominique) : ...déduire
des montants qui proviennent de ces actifs qu'il détenait avant l'union
parentale, ce qui est impossible en patrimoine familial pour les gens mariés.
Si vous êtes... si vous vous mariez et que vous avez des économies d'avant le
mariage et que vous les injectez dans votre résidence familiale qui fait
partie, patrimoine familial, vous ne pourrez pas récupérer ces montants. C'est
d'ailleurs une des règles qui est assez critiquée aujourd'hui à l'égard du
patrimoine familial dans le cadre du mariage. Mais voilà qu'on vient donner
à... si vous les... si vous voulez, au débiteur au moment de la dissolution, au
débiteur en matière d'union parentale, un avantage très grand sur les gens
mariés. Ce qui est donc, si vous voulez, une distinction, mais un petit peu à l'envers,
là.
M. Morin : Oui, d'accord,
je... je vous suis. Je vous remercie. D'après vous... Parce qu'évidemment le
patrimoine d'union familiale, bon, l'union parentale arrive quand il y a un
enfant, puis après ça, bien, ça va s'appliquer après juin 2025. Est-ce que vous
pensez que, dans sa forme actuelle, le projet de loi crée différentes
catégories d'enfants qui auront des droits différents, tout dépendant du moment
où ils viennent au monde?
M. Goubau (Dominique) : Oui,
je suis tout à fait d'accord avec la position de mon collègue Robert Leckey, le
doyen de la Faculté de droit de McGill, qui l'a exposé, qui, je pense, viendra
vous l'exposer aussi. La première discrimination, c'est celle sur l'effet... l'entrée
en vigueur de la loi. C'est sûr que la... on a beaucoup entendu parler dans les
journaux, dans les médias, que, la loi, il ne fallait pas qu'elle soit
rétroactive, mais il n'est pas question ici de rétroactivité, il est question d'effet
immédiat. Si on ne change pas ça, bien, j'imagine que vous pourrez le changer,
mais, si on ne change pas ça, à ma connaissance, ce serait la première fois
dans l'histoire législative du Québec qu'une règle, qu'une mesure de protection
des enfants ne soit pas d'application immédiate. Donc, je pense que ça, c'est
quelque chose qui devrait être changé dans le projet de loi, et dire qu'évidemment
on ne va pas... on ne va pas exclure tous les enfants actuels, les centaines et
centaines de milliers d'enfants du bénéfice de ces mesures dont la loi dit
elle-même que c'est des mesures qui visent à protéger les enfants.
M. Morin : Donc, ce serait en
fait une autre incohérence du projet de loi.
M. Goubau (Dominique) : Bien,
c'est... c'est... Je ne sais pas si on pourrait appeler la cohérence, mais c'est
l'introduction d'une... d'une distinction, en 2024, alors que, depuis 1980, on
est tous d'accord au moins sur une chose, et je pense que vous en avez déjà
entendu parlé, c'est que tous les enfants, quelles que soient les circonstances
de leur naissance, ont les mêmes droits, les mêmes obligations, en tout cas, le
même statut. On n'est plus à l'époque où on distingue des enfants légitimes,
illégitimes, adultérins, adoptifs. Ils ont tous les mêmes droits. Alors, ça
fait... ça fait bizarre de venir... Non seulement ça fait bizarre, mais ça
pourrait être considéré comme discriminatoire que de venir avec un projet de
loi qui réintroduit des différentes catégories d'enfants pour ce qui est des
droits civils. C'est... c'est... honnêtement, pour un enseignant en droit de la
famille, c'est un non-sens.
M. Morin : D'accord. Je vous
remercie. Vous avez parlé aussi de, évidemment, la prestation compensatoire et
de l'obligation alimentaire. Certains experts nous ont dit qu'au niveau de l'obligation
alimentaire, on n'était peut-être pas rendus là, au Québec, il n'y avait
peut-être pas d'acceptabilité sociale. Vous avez souligné également que vous,
vous avez fait des... un sondage ou, en fait, vous avez sondé des gens. Alors,
d'après vous, est-ce qu'on est... Est-ce qu'on est rendus là? Est-ce qu'il y a
véritablement un problème d'acceptabilité sociale si on propose une obligation
alimentaire ou pas? Est-ce que le Québec est rendu là ou pas, quand un couple,
évidemment, a des enfants?
M. Goubau (Dominique) : Oui,
oui. Nous avons, au sein d'une équipe multidisciplinaire, fait des sondages. Et
puis, dans le cadre d'une vaste étude longitudinale, nous avons interviewé des
gens et soumis des questionnaires aux gens dans lesquels on a notamment demandé
leur opinion. Donc, c'est des gens séparés, avec des enfants mineurs, donc qui
avaient connu une séparation. Et 90 % de ces gens n'étaient pas mariés. Et
ça, c'est le hasard qui nous montre donc que la réalité aujourd'hui, c'est ça.
Et, quand on leur demande : Est-ce qu'on devrait étendre la protection...
de patrimoine familial, etc., aux conjoints non mariés... excusez, c'est ça,
non mariés et qui n'ont pas d'enfants? Les opinions sont partagées. Et donc c'est
plutôt une légère majorité des gens qui vont dire : Non, il faut, il ne
faut pas... il ne faut pas imposer ça. Et, quand on leur demande : Est-ce
que votre réponse serait la même s'il y a des enfants? Et alors ça change. Et
une majorité des gens disent : Bien là, il n'y a pas de raison de
distinguer. La situation devrait être la même lorsque des enfants sont là et
sont présents.
M. Morin : Et, votre avis,
parce qu'on a aussi posé plusieurs questions, sur toute la question des fonds
de retraite, des REER, etc., puis là aussi certains nous ont répondu...
M. Morin : ...il n'y a pas
d'acceptabilité sociale. Si les gens restent en union de fait, c'est parce que,
justement, ils ne veulent pas partager, etc. C'est quoi votre opinion là-dessus
quand il y a des enfants?
M. Goubau (Dominique) : Bien,
mon opinion, c'est que, d'abord, je comprends que des gens ne veuillent pas
partager. Parfois, le fait de ne pas partager signifie créer des injustices au
moment de la séparation. La Cour suprême l'a rappelé constamment, qu'il fallait
rectifier ces injustices. L'Assemblée nationale du Québec l'a reconnu en créant
la prestation compensatoire, en créant le patrimoine familial. Il y a, au
moment de la séparation, une zone de danger dans laquelle une... j'allais dire
à un conjoint, mais généralement une conjointe et des enfants risquent de subir
des conséquences néfastes. Et par conséquent, il faut intervenir. Et là, je
vous dis ça et j'ai oublié la question.
M. Morin : Bien, en fait, je
vous disais, au niveau des REER, là, certains disent : Oui, il faudrait
les inclure, d'autres non. Alors...
M. Goubau (Dominique) : En
deux mots, en deux mots, encore dans ma logique, il faut conclure puisqu'on les
met sur le même pied. Mais regardez bien le patrimoine d'union parentale aujourd'hui.
Honnêtement, quand on... sur papier, ça fait un statut, ça fait un patrimoine,
mais dans la réalité des choses, vous savez, la plupart de... la grande
majorité des gens qui sont en union de fait avec des enfants, lorsqu'ils ont la
chance d'être propriétaires, ils sont copropriétaires. Donc, déjà là, ce
patrimoine n'aura aucun impact puisqu'ils sont déjà protégés par la règle de la
copropriété.
• (12 h 40) •
Les meubles, bon, les meubles, ce n'est
pas une grosse, grosse valeur. Et puis il reste une auto, généralement, ils
sont copropriétaires ou ils sont locataires, ou ils sont chacun propriétaires.
Donc, il n'y a pas une grosse différence. En d'autres mots, le patrimoine tel
qu'il est là, à mon avis, je ne vais pas dire que c'est une coquille vide,
mais, franchement, ce n'est pas lourd. Là où ça devient vraiment lourd, c'est
quand on prend la valeur des régimes de retraite et des économies pour fin de
retraite, mais...
Et peut-être dernière chose sur... puisque
ça touche un peu à ça aussi, la prestation compensatoire. Vous savez que la
majorité des gens, et certainement ceux que j'ai représentés quand j'étais à
l'aide juridique, ils ne sont pas dans une situation financière où il y a le
capital, les actifs pour payer une prestation compensatoire, alors qu'ils
seraient dans une situation où ils peuvent peut-être soutenir par voie d'une
obligation alimentaire fluctuante, temporaire, qui tiennent compte de leurs
besoins.
M. Morin : Merci. Merci
beaucoup. Merci, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) :M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Merci beaucoup.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup pour votre présentation puis vos explications. C'est très apprécié.
Dans le paradigme dans lequel vous êtes, là, où le régime est basé sur
l'enfant, sur la protection envers l'enfant, c'est ce que vous nous suggérez,
quelle place on laisse à ça, à la vie commune, puis au fait d'avoir une union
de fait, finalement, d'habiter en situation de conjoints de fait pour... bon,
il y a différents modèles parentaux aujourd'hui, il y a des couples qui ont des
enfants qui ne vivent pas ensemble, dans cette conception-là, comment ça peut
s'opérer?
M. Goubau (Dominique) : C'est
très difficile et je comprends qu'il faut faire des choix. Même la définition
de «conjugalité», la Cour suprême elle-même a dit que c'était un exercice à peu
près impossible. Et donc il faut trouver des compromis et je pense que le
compromis, qui est d'ailleurs celui qu'a fait l'Assemblée nationale dans la
rédaction de l'article 61.1 de la loi de l'interprétation, qui définit
l'union de fait, qui définit les conjoints de fait, le projet de loi fait à peu
près la même définition, bien, je pense que c'est un bon compromis de tenir
compte de la cohabitation. D'autres vont dire : Oui, mais il peut y avoir
des enfants sans cohabitation. Oui, c'est vrai, mais c'est quand même assez
marginal.
M. Cliche-Rivard : Parce
que... notamment, parce que vous... Bien, vous avez raison de dire que c'est
marginal, mais vous étiez à nous expliquer une non-distinction d'enfant, qu'on
a eu cette distinction d'enfant, vous étiez à dire ceux hors mariage, ceux dans
le mariage. Là, on aura ceux qui habitent avec des parents qui ont une union de
fait puis ceux qui habitent avec des parents qui n'habitent pas ensemble. Bref,
je vous soumets dans cette lecture-là. Puis dans votre paradigme, est-ce qu'il
n'y a pas là un enjeu ou un dualisme?
M. Goubau (Dominique) : Il y
en a un, c'est sûr, et il y a... mais vous êtes en politique, vous savez mieux
que moi que tout est question de compromis.
M. Cliche-Rivard : Tout à
fait.
M. Goubau (Dominique) : Mais
moi, le compromis que je propose est un compromis qui englobe la grande
majorité des gens, alors que ce problème là reste un problème assez marginal,
qui est probablement le prix à payer parce qu'on doit faire un compromis.
Comprenez-vous?
M. Cliche-Rivard : Vous étiez
nous parler aussi d'application immédiate avec possibilité de s'en retirer
immédiatement ou vous pensez que non?
M. Goubau (Dominique) : Bien
non. Je veux dire, si c'est un droit de l'enfant, si c'est une mesure de
protection des enfants, alors l'idée d'un retrait est illogique. Comment
peut-on penser protéger un enfant, mais permettre aux parents de se retirer de
ces mesures de protection là? Franchement, ce n'est pas logique.
M. Cliche-Rivard : Et pour
l'ensemble des protections?
M. Goubau (Dominique) : Pardon?
M. Cliche-Rivard : Votre
propos, il est pour l'ensemble des protections...
M. Goubau (Dominique) : C'est
ça.
M. Cliche-Rivard : Pas
simplement pour la résidence principale ou pas simplement pour... pour
l'ensemble du régime. Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup...
Le Président (M.
Bachand) :...je vous remercie beaucoup
d'avoir été avec nous, et puis vous avez... vous avez laissé un appétit, alors
on va sûrement prendre le temps de réfléchir à tout ça.
Et, sur ce, je suspends les travaux
jusqu'à 15 heures cet après-midi. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 12 h 44)
14 h 30 (version non révisée)
(Reprise à 15 h 02)
Le Président (M.
Bachand) :Bonjour, tout le monde. À l'ordre,
s'il vous plaît? La Commission des institutions reprend ses travaux, puis on
poursuit donc les consultations particulières et auditions publiques sur le
projet de loi n° 56, Loi portant sur la réforme du
droit de la famille instituant le régime d'union parentale.
Cet après-midi, nous aurons le plaisir d'accueillir
le Groupe des 13, le Conseil sur la femme, la Fédération des associations des
familles monoparentales et recomposées du Québec, mais d'abord, il nous fait
plaisir d'accueillir Me Kevin Houle et Me Brown de l'Association
professionnelle des notaires du Québec. Merci beaucoup d'être avec nous cet
après-midi. Alors, comme vous savez, vous avez 10 minutes de présentation,
puis après ça on aura un échange avec les membres de la commission. Donc, la
parole est à vous. Merci.
M. Houle (Kevin) : Merci.
Donc, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés et membres de la
commission, bonjour. Je tiens d'abord à vous remercier de nous avoir invités à
témoigner et à présenter nos recommandations dans le cadre des auditions
publiques sur le projet de loi n° 56. Donc, je me
présente, Kevin Houle, je suis notaire et président de l'Association
professionnelle des notaires du Québec, l'APNQ, et je suis accompagné de Me Marie-Ève
Brown, notaire émérite et médiatrice familiale. Je tiens à préciser également
que Me Brown fut l'ancienne présidente de l'Association des médiateurs
familiaux du Québec, l'AMFQ.
Bien que nous ayons certaines
recommandations à vous soumettre dans le cadre du projet de loi. Nous tenons
surtout à souligner que...
15 h (version non révisée)
M. Houle (Kevin) : ...nous
sommes heureux et enthousiastes de participer à cette importante consultation.
D'abord, au niveau des éléments à saluer,
tout en protégeant davantage certaines familles issues des... de conjoints non
mariés, le régime proposé par le projet de loi n° 56 offre la possibilité
aux couples auxquels ces protections ne conviennent pas d'en modifier la portée
ou de s'en soustraire.
Ensuite, il donne d'une certaine manière,
suite au jugement de l'affaire Éric contre Lola. Et aussi le législateur
démontre qu'il a tenu compte des appréhensions vécues par certains qui
craignaient de se faire marier de force par la loi.
Le projet de loi n° 56 cible ainsi un
juste milieu entre l'équité conjugale et la liberté contractuelle des
individus. Au travers de cette pièce législative, le gouvernement, notamment en
considérant le professionnalisme des notaires québécois, offrira aux citoyens
le contexte adéquat pour s'ajuster ou se soustraire du régime d'union parentale
de façon libre et éclairée. Le public et l'administration de la justice en
sortiront gagnants.
...ceci étant dit, pardon, nous avons
quelques recommandations à vous soumettre, au sujet desquelles vous trouverez
plus de détails dans notre mémoire, bien évidemment.
D'abord, au niveau des personnes visées
par le régime, en ce qui concerne ces personnes là, à la lecture des articles 521.20
et 521.22 tels que proposés par le projet de loi, plusieurs questions ont été
soulevées.
Jusqu'à quel âge est-on considéré comme un
enfant pour l'application des dispositions régissant l'union parentale? Par
exemple, si deux personnes sont en union de fait et donnent naissance à un
enfant, demeurent-ils en union parentale, alors même que leurs enfants ou leur
enfant est devenu majeur et a quitté le nid familial?
Ensuite, en ce qui concerne les conjoints,
le commencement de l'union parentale est établi de façon claire s'il est
provoqué, par exemple, par la naissance de l'enfant ou la dissolution du
mariage de l'un des conjoints avec son partenaire intérieur.
En effet, dans ces cas, une date fixe
constatée par des documents officiels marqués... marquent le point de départ,
pardon, de départ, donc, de l'union parentale.
Qu'en est-il cependant des cas où l'union
parentale se forme lorsque des... les parents d'un même enfant entament
postérieurement leur vie commune? La détermination des dates peut s'avérer
nébuleuse.
Dans le même ordre d'idée, il existe des
scénarios où la fin de l'union parentale est non équivoque. Passons entre
autres au décès de l'un des conjoints, au mariage de ceux-ci ou au mariage de l'un
d'entre eux avec un tiers. Dans de tels scénarios, établir la date précise de
fin de l'union ne poserait aucun problème. Toutefois, en cas de manifestation
dite tacite de la volonté de l'un des conjoints de mettre fin à l'union, les
choses peuvent se révéler plus complexes qu'il n'y paraît. Ici, la difficulté
est la notion de manifeste... voyons, pardon, manifestation tacite. Voilà.
L'APNQ n'est pas défavorable à l'idée
proposée, mais se questionne fortement sur la façon dont elle sera appliquée.
Nous craignons également que la notion de manifestation tacite puisse
potentiellement entraîner une intervention accrue des tribunaux pour trancher
cette question. Nous nous demandons ainsi si le remplacement du mot «tacite»
par «non équivoque» pourrait rendre la preuve de la fin de l'union parentale
plus simple et déterminante.
En ce qui a trait aux résidences de la
famille, l'APNQ est favorable au contenu de l'article 521.30, alinéa 1,
du code... Cependant, nous nous demandons pourquoi la notion de résidences de
la famille au pluriel, telle que prévu dans la notion de patrimoine familial, n'a
pas été reproduite pour le patrimoine d'union parentale.
Au fil des années, la cour s'est prononcée
à maintes reprises sur la notion de résidence la famille au sens de l'article 415
du Code civil pour le partage du patrimoine familial. Le fait de reproduire le
libellé exact pour le patrimoine d'union parentale et d'inclure dans le
patrimoine d'union parentale toutes les résidences de famille permettrait d'appliquer
les principes de la jurisprudence applicable au patrimoine familial. Il ne faut
pas oublier que la liberté contractuelle des conjoints est tout de même
toujours protégée par l'article 521.31 qui permet aux conjoints que le
désirent de modifier la composition du patrimoine d'union parentale et d'exclure
des biens contenus dans les articles... dans l'article 521.30, alinéa 1,
au moyen de l'acte notarié en minutes.
Nous recommanderions donc de calquer, pour
le patrimoine d'union parentale, le libellé de l'article 415 du code en
excluant la portion relative aux régimes de retraite.
Au niveau maintenant de la protection de
la résidence familiale, l'APNQ se réjouit de constater que le projet de loi
rendrait applicables aux conjoints de l'union parentale les mesures de
protection de la résidence familiale des conjoints mariés. Il sera donc établi
que le notaire recevra un acte d'aliénation ou de vente, par exemple, de la
résidence familiale devra obtenir le consentement du conjoint non-propriétaire.
Or, à l'heure actuelle, s'assurer de l'état civil d'une personne demeure une
question de déclaration lorsque celle-ci est célibataire, avec ou sans conjoint
de fait. Dans plusieurs des dossiers, le notaire vérifie l'état civil de l'individu
non marié, ou divorcé, ou uni civilement au moyen de sa... de sa déclaration,
ce qui pourra s'avérer complexe vu la difficulté qu'il y aura, dans certains
cas, de démontrer le début ou la fin de l'union parentale avec la notion dont...
dont je parlais de manifestation tacite et en plus l'absence d'un nouveau
registre de conjoints d'union parentale.
Le projet de loi prévoit, à son article 521.27,
un délai maximal de 30 jours après la fin de l'union parentale pour
présenter les demandes relatives notamment à l'attribution de la propriété ou d'un
droit d'usage de la résidence familiale. Le délai de 30 jours nous semble
trop court. Un délai... délai, pardon, minimal de 80 jours serait plus
approprié dans le contexte d'une séparation. Cela permettra au citoyen d'avoir
le temps de consulter un conseiller juridique et exercer les droits qui lui
sont conférés par le...
M. Houle (Kevin) : ...par le
projet de loi. Au niveau de la prestation compensatoire, l'APNQ salue
l'initiative du législateur de vouloir compenser l'iniquité qui serait créée
suivant un apport particulier d'un des deux conjoints parental qui crée un
enrichissement en faveur de l'un des deux conjoints. Nous considérons toutefois
qu'il serait requis de prévoir une habilitation réglementaire à l'article
521.46, qui permettrait au législateur, donc, d'encadrer de façon claire les
calculs d'octroi d'une prestation compensatoire et d'y prévoir, s'il y a lieu,
des présomptions pour une application uniforme de cette prestation. Ces mesures
réduiraient donc le nombre de recours potentiels qui devront, à défaut, être
tranchés devant les tribunaux. Il n'engorgerait pas ainsi des tribunaux. De
plus, ceci donnerait un outil fort nécessaire aux médiateurs familiaux et
permettrait aux notaires en droit de la famille de cerner davantage les
expectatives pour les justiciables.
Maintenant, au niveau de la vocation
successorale du conjoint de l'union parentale, le régime proposé par le projet
de loi fera en sorte que le conjoint de fait en union parentale aura vocation à
recueillir un tiers de la succession, les deux autres tiers étant dévolus aux
enfants du défunt. À ce jour, la seule preuve officielle de l'état civil d'une
personne décédée demeure la mention inscrite sur la copie de l'acte de décès
délivrée par le directeur de l'état civil.
Considérant toutefois que l'union
parentale ne sera pas consignée au registre de l'état civil, l'APNQ se
questionne quant à la façon dont le notaire pourra s'assurer, autrement que par
la déclaration du conjoint ou de proches, amis du défunt, que ce dernier était
ou n'était pas en union parentale. Nous appréhendons une augmentation de la
judiciarisation des successions en raison de ce flou. L'application risque
d'être très problématique à certains niveaux.
• (15 h 10) •
Afin d'éviter aussi qu'une tendance
judiciaire ne s'installe en droit successoral au Québec, ce qui n'est pas le
cas actuellement, notamment par le rôle du notaire et de l'acte authentique, il
est primordial d'encadrer davantage, en amont dans la loi, la qualification du
conjoint survivant en union parentale. Rappelons-le, au Québec, avec les
testaments notariés, la déclaration d'hérédité notariée, on limite à sa plus
simple expression le recours duu tribunal. Ainsi, il serait possible d'inclure
au projet de loi davantage de présomptions permettant de qualifier efficacement
une personne au titre de conjoint en union parentale dans le contexte d'un
décès. (Interruption) Pardon.
Il pourrait y avoir aussi une difficulté à
expliquer les règles aux justiciables, en sachant que la dévolution au conjoint
de fait est possible uniquement si ce conjoint se qualifie comme étant en union
parentale, sans y avoir mis fin tacitement en plus. Après analyse, eh bien, la
question se pose : Pourquoi donc seulement les conjoints de fait avec
enfants ont-ils le droit à la vocation successorale?
Eh bien, l'APNQ croit que cette question
devrait faire l'objet d'une étude plus approfondie dans le cadre d'une réforme
du droit des successions.
Au niveau maintenant de «l'opting in» par
acte noratié, eh bien, l'APNQ ne peut, d'abord, évidemment, se réjouir du choix
du législateur de privilégier l'Acte notarié en minute pour la convention de
modification du patrimoine d'union parentale, la convention de retrait de
certaines dispositions ainsi que pour l'acte de renonciation au partage du
patrimoine parental.
D'abord, l'APNQ salue le choix du
législateur d'offrir aux conjoints, nécessairement, la possibilité de modifier
le contenu du patrimoine d'union parentale. Ainsi, la modification du
patrimoine d'union parentale, tout comme c'est le cas pour le contrat de
mariage, la modification de celui-ci doit être constatée par acte notarié en
minute.
Dans le même ordre d'idées, l'APNQ
accueille favorablement le choix du législateur d'exiger la forme notariée pour
renoncer au partage du patrimoine parental. Ce prérequis s'inscrit en
continuité des règles du Code civil prévoyant la forme notariée des
renonciations en matière familiale et successorale.
Face au caractère sensible que peuvent
revêtir ces renonciations, le législateur fait du notaire son principal allié
pour contrer les abus et la manipulation à l'égard des conjoints qui seraient à
risque de consentir à des actes sans en saisir la portée, tout en limitant la
multiplication de professionnels et des coûts et honoraires en découlant.
Une fois de plus le législateur mise sur
le notaire et sur l'acte notarié pour leurs nombreux avantages qui sont
détaillés dans notre mémoire.
L'APNQ est d'avis que l'adhésion volontaire
au régime devrait se faire également sous la forme notariée en minute. Il faut
rappeler que ce nouveau régime emportera plusieurs droits et obligations, dont
celui d'hériter du conjoint de fait décédé. Nous jugeons alors important que
cette adhésion se fasse sans équivoque, avec une date certaine. Mais, bien sûr,
l'acte notarié est le meilleur véhicule pour ce faire. De cette manière, cette
avenue aurait pour effet d'éviter de judiciariser la question d'adhésion ou non
à ce régime.
Ainsi, tel qu'abordé précédemment, le
législateur respecte, en conclusion, le principal fondamental... de principe,
pardon, fondamental de liberté contractuelle, et voit en l'acte notarié
l'instrument qui garantira le consentement... pardon, le consentement libre et
éclairé des citoyens. Ainsi, nous connaissons... reconnaissons que législateur
québécois assume pleinement ses responsabilités afin de garantir une paix
juridique aux Québécois et Québécoises.
Je vous remercie d'avoir écouté... de
m'avoir écouté et je suis évidemment disponible avec ma collègue Me Brown pour
répondre à toutes vos questions.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Me Houle. M. le
ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Merci, M.
le Président. Me Brown, Me Houle, merci beaucoup d'être présents aujourd'hui
pour l'Association professionnelle des notaires du Québec. Vous représentez
plusieurs milliers de notaires, je crois, au Québec. Combien de...
M. Houle (Kevin) : Tout près
de 1 900 à peu près...
M. Jolin-Barrette : On
ferait... on va faire un chiffre rond, près de 2 000 notaires. À la fin de
l'année, votre membership va peut-être avoir augmenté...
M. Houle (Kevin) : Effectivement.
M. Jolin-Barrette : ...suite
à votre passage en commission parlementaire. Écoutez, merci beaucoup pour le
mémoire. Je comprends que vous dites...
M. Jolin-Barrette : ...c'est
un juste milieu, le projet de loi. Je voulais vous amener dans un premier temps
sur le rôle du notaire et sur l'évaluation du consentement libre et éclairé.
Parce que vous n'êtes pas sans savoir que le projet de loi est sujet à
certaines critiques. Certains disent qu'on ne devrait pas permettre le fait
d'avoir une disposition de retrait du patrimoine d'union parentale, parce que
le notaire n'est pas nécessairement en mesure d'évaluer si la personne consent
librement.
J'aimerais ça que vous nous disiez comment
ça se passe en pratique. Quelle est la position des notaires là-dessus? Parce
que, puisqu'on permet aux gens de venir dire, à partir du moment où il y a un
enfant, bien, vous allez pouvoir vous... allez vous retirer, mais par acte
notarié, soit en totalité ou soit certains biens.
M. Houle (Kevin) : Je vais
répondre à votre question, puis je pourrai laisser ma collègue Me Brown
terminer, mais d'abord, il ne faut pas se... il faut se rappeler que le notaire
est un officier public, oui, mais aussi un conseiller juridique. Donc, à partir
de là, le notaire n'est pas simplement qu'un simple commissaire à
l'assermentation, n'est pas un professionnel qui ne fait que recevoir la
signature d'une personne sans aucune explication. Il faut regarder ce débat ou
cette question-là en ayant en tête la déontologie, la loi qui régit la
profession notariale. Au niveau déontologique et légal, le notaire se doit
obligatoirement, quand il agit comme officier public impartial, et c'est la loi
qui le dit, donner des conseils, un devoir de conseil très large et très
important. Donc, c'est reconnu, c'est clair. Donc, à partir de là, le notaire,
conseiller juridique, est le seul conseiller juridique au Québec en mesure de
donner du conseil juridique à plus d'une partie, nécessairement, qui peuvent
avoir aussi des intérêts divergents. Donc, à ce niveau-là, je n'ai aucun
problème. Et les notaires ont prouvé, depuis les centaines... les dernières
années, la capacité, le professionnalisme qu'ils ont d'être en mesure de donner
les conseils, les effets d'une renonciation, dans ce cas-ci, les droits et
obligations qui résulteraient normalement si on n'a peut-être pas hâte de ce
régime-là, par exemple. Donc, quels seraient les effets? À quoi vous renoncez
exactement? Et qu'est-ce qui va arriver après coup?
Donc, il n'y a aucun problème considérant
que le notaire, encore une fois, le seul conseiller juridique au Québec en
mesure de le faire, eh bien, est habilité et formé pour être en mesure de
pouvoir donner du conseil juridique à plus qu'une partie, et d'autant plus que
la population a confiance au notaire et apprécie le conseil que le notaire
donne. Puis je voulais terminer également, peut-être pour faire un petit
aparté, parce que ma collègue pourrait terminer, en ce qui concerne la
différence entre le notaire, mais aussi il faut penser entre les devoirs du
médiateur aussi, je pense, ce sont deux choses distinctes. Je ne sais pas si on
pourrait se permettre d'en permettre déjà.
M. Jolin-Barrette : Allez-y,
allez-y.
Mme Brown (Marie-Eve) : Je
vais peut-être juste commencer en disant : Je suis un peu surprise, vous
me voyez surprise quand j'entends les gens dire qu'un notaire ne pourra pas
donner un conseil juridique adéquat quand il y a des parties qui ont des
intérêts opposés, parce que c'est le travail qu'on fait à la journée longue,
c'est un travail qu'on fait déjà. Donc, moi, dans notre étude, on fait un grand
nombre de modifications de régimes matrimoniaux. Donc, les gens qui sont
mariés, en société d'acquêts, puis qui décident de commencer à être en
séparation de biens à partir d'une certaine date, ils ont des intérêts opposés.
Le notaire va les rencontrer, va leur donner chacun un conseil, et puis va les
assister dans la rédaction de leurs contrats... leurs contrats de mariage. La
même chose pour les contrats de mariage, les demandes conjointes en divorce.
M. Jolin-Barrette : Est-ce
que... Est-ce que vous les rencontrez séparément?
Mme Brown (Marie-Eve) : Si
c'est nécessaire. Donc, effectivement, si un notaire a un doute, veut vérifier
la capacité, le consentement libre, c'est fréquent qu'on va rencontrer nos
clients seul à seul. Donc, on appelle ça des caucus, ce n'est pas la même chose
que vos caucus. C'est où est-ce qu'on va prendre une partie avec nous, seul à
seul, pour un petit entretien, et ensuite on va prendre l'autre partie seul à
seul. Ça peut arriver aussi que le notaire, qui a encore un doute sur le
consentement, va demander que les clients aillent chercher un conseiller
juridique indépendant. Donc, moi dans ma pratique, ça arrive des fois, surtout
dans des demandes conjointes en divorce. Ils conviennent d'un accord, je vais
leur dire : Ce serait une bonne idée d'aller consulter. On leur donne un
projet, ils vont consulter s'ils ressentent le besoin, puis ils reviennent
devant moi pour conclure l'horaire.
M. Houle (Kevin) : Bien,
souvent, cette option-là, si vous me permettez, ça va être dans un contexte où
nécessairement le notaire peut sentir qu'il y a peut-être des éléments
sous-jacents, des éléments non dits, des éléments qui sont externes à la
situation qui se trouve devant lui, là, par exemple.
M. Jolin-Barrette : Et donc
ça ne vous inquiète pas? Parce qu'il y a certains commentaires qui ont été
formulés à la commission, à l'époque du patrimoine familial, où il y avait la
possibilité de s'exclure, en 1989, où il serait survenu des... des
consentements qui auraient été viciés. Donc, le fait d'avoir une disposition de
retrait, vous, vous êtes à l'aise avec ça, vous considérez que les notaires
sont outillés pour donner un consentement libre et éclairé, et surtout pour
l'évaluer? Ça, vous êtes...
M. Houle (Kevin) : Puis je
tiens à dire qu'il n'y a personne de parfait, mais législateur tente d'aller
avec la meilleure protection possible. Et, au Québec, c'est un acte notarié, la
meilleure protection possible.
M. Jolin-Barrette : O.K...
M. Jolin-Barrette : ...toujours
sur l'acte notarié, pourquoi vous souhaitez que l'adhésion au régime... Parce
que, dans le fond, le régime débute à partir du moment où, après le
30 juin 2025, les gens qui vont avoir un enfant, le régime va s'ouvrir
d'office par la loi. Ceux qui auraient des enfants, supposons, actuellement et
qui voudraient être assujettis au régime d'union parentale, vous dites :
Bien, écoutez, nous on trouve que ça devrait être fait par acte notarié.
Pourquoi?
M. Houle (Kevin) : Bien,
d'abord, il faut savoir qu'avec les droits et obligations qui vont découler de
ce nouveau régime-là, comme praticiens, là, bien, on se dit que, veux veux pas,
il va arriver un moment donné un contexte où le document tel qu'il soit sera
peut-être perdu, signé par une des deux parties ou, nécessairement, maintenant,
il va falloir qu'on règle le partage ou bien la succession. Et là on va se
questionner à l'effet que l'élément qui a déclenché le processus n'était
lui-même pas si clair ou si béton, assuré. Il y a même le consentement. Donc,
la personne a-t-elle signé volontairement ou non? Là, évidemment, on ne parle
pas de l'«opting out», c'est peut-être moins, là, dommageable d'y rentrer,
entre guillemets, mais il ne demeure pas moins que c'étaient tous les effets
qui en découlent à cette union-là. Mais on se dit qu'il faut que le point de
départ soit le plus solide possible aussi, là.
M. Jolin-Barrette : O.K. Sur
la question du 30 jours, là, le fait qu'on permet de demander au tribunal
l'attribution de la résidence familiale, vous, vous nous suggérez d'aller
jusqu'à 90 jours. C'est bien ça?
• (15 h 20) •
M. Houle (Kevin) : Effectivement.
M. Jolin-Barrette : Pourquoi?
Mme Brown (Marie-Eve) : Dans
mon étude, on fait beaucoup de séparations, puis les gens, à l'intérieur de
30 jours, quand il y a une annonce de la rupture, qu'est ce qu'on va faire
avec les enfants, comment qu'on va organiser l'école, ils sont tellement pris
avec 5 millions de décisions que l'instinct d'aller voir : Bon, bien,
on va aller devant les tribunaux pour se permettre la protection de la
résidence familiale, ça ne sera pas instinctif, immédiat. Donc, on veut
permettre aux conjoints d'avoir un plus grand délai pour s'adresser aux
tribunaux.
M. Jolin-Barrette : O.K. Sur
la question des successions du testament, en matière successorale, le projet de
loi vient faire en sorte que les conjoints qui sont en union parentale pourront
désormais, en l'absence de testament, hériter comme les gens mariés,
c'est-à-dire le tiers de la succession, le deux tiers aux enfants. Dans le
cadre de la pratique de vos membres, là, c'est quoi, la proportion des gens que
vous voyez qui n'ont pas de testament?
M. Houle (Kevin) : D'abord,
je dois dire qu'on n'a quand même pas de statistiques officielles sur cet
élément-là, puis je vais laisser peut-être Me Brown... puis je pourrai
compléter par la suite.
Mme Brown (Marie-Eve) : C'est
certain que dans ma pratique, c'est peut être biaisé parce que je suis connu
comme étant la notaire qui prend des dossiers que les autres notaires ne
veulent pas, donc j'ai une auto de clientèle qui n'ont pas de testament, puis,
généralement, c'est des successions qui sont un peu plus contentieuses, un peu
plus difficile. Donc, je dirais que j'ai probablement à peu près 40 % à
50 % de mes successions qui sont sans testament.
M. Houle (Kevin) : Et en ce
qui me concerne, moi, je fais du droit des affaires principalement, mais il ne
demeure pas moins que je fais aussi quelques fois du résidentiel, donc je parle
à M. et Mme tout le monde, la clientèle. La personne en affaires demeure quand
même une personne qui a des enfants, un couple. Donc, quand on leur parle, je
vous dirais que de mon niveau, facilement, j'ai envie de dire 50 %, mais
c'est peut-être complètement faux. Ce que je veux dire, c'est que,
nécessairement, quand tu parles à quelqu'un qui vient d'avoir des enfants, peut
être que pour ce jeune couple là, effectivement, ils se disent : Bien, moi
ça fait peut être un an, deux ans que je suis avec ma blonde, on a des enfants,
on a acheté une maison, bien, je trouve ça normal que ma blonde, elle hérite,
tu sais, nécessairement. Mais tu vas parler à d'autres personnes qui n'ont pas
encore d'enfants, ça fait deux ans qu'ils sont ensemble sans enfants, puis eux
autres, ça les satisfait peut être que la blonde ou le chum n'hérite pas non
plus. Donc, il ne faut pas présumer non plus que, nécessairement, tout le monde
n'a pas de testament parce que nécessairement ils sont négligents. Ça se peut
qu'ils soient satisfaits de ce que la loi prévoit actuellement. Ce n'est pas
officiel ce que je dis là, par contre, je dois l'avouer, mais chacun a ses
raisons.
M. Jolin-Barrette : Mais là,
le fait que désormais les parents avec enfants, après le 30 juin 2025 vont
être assujettis, dans le fond, en l'absence de testament, j'imagine que ça
vient tout de même corriger une situation où, quand on est conjoint de fait,
trois enfants, ça fait 25 ans qu'on habite avec quelqu'un, on décède
subitement, le conjoint n'hérite de rien. J'imagine que vous en voyez des cas
comme ça.
M. Houle (Kevin) : Oui, c'est
ça, effectivement. Puis j'ai même vu des cas où effectivement les enfants
étaient majeurs, puis Mme a dû racheter la part de la maison aux enfants, là.
C'était ainsi. Mais il n'en demeure pas moins qu'on était d'accord avec l'idée,
mais la notion de sortir de ce régime-là de manière tacite, de l'Union, je veux
dire, là, c'est ce qui nous mettait, là... ce qui nous causait problème comme
notaires praticiens, parce que, clairement, les notaires, nos collègues vont
arriver, puis ils vont dire : Bon, là, Mme, on dit qu'ils avaient cessé de
faire... ils vivaient encore sous le même toit, mais ils ne dormaient dans le
même lit depuis un mois, là. Donc, est ce qu'ils étaient encore des...
M. Houle (Kevin) : ...tu sais,
c'est tout ça qui va arriver nécessairement.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Peut-être une dernière question avant de céder la parole à mes collègues. Vous
dites, là : On devrait remplacer le terme «manifestation tacite» par
«manifestation non équivoque». Que voulez-vous dire par manifestation non
équivoque?
M. Houle (Kevin) : Bien,
aucune ambiguïté, claire, assurer que... confirmer, donc que ce soit clair, cet
élément-là. Ce qu'on se disait, c'est... Il peut y avoir différentes
procédures, méthodes. On renverrait la balle peut-être au législateur. Mais ce
que je veux dire, par exemple, c'est peut-être non officiel, mais ça peut être
un élément où, après un certain temps, si Mme, par exemple, ou M., prenons
l'exemple de Mme, décide de sortir de l'union et qu'il n'y a pas d'entente pour
signer un document qui confirme mutuellement avec les deux, est-ce que ça peut
être... ou elle signe un document peut-être notarié, et, après coup, on peut
même jusqu'à dire qu'une fois qu'on l'envoie par huissier, mais l'autre
ex-conjoint reconnaît la date... Vous comprenez, il y a plein d'éléments. Ce
n'est pas officiel, ce que je vous dis là, mais je me dis que le législateur,
après cette commission, pourra peut-être réfléchir sur la méthode de...
s'assurer que cette expression «tacite»... expression «non équivoque», se fasse
d'une quelconque manière, mais pas tacitement.
M. Jolin-Barrette : Vous
voulez que ça soit clair, là?
M. Houle (Kevin) : Oui,
considérant les effets de ce projet... de cette union-là.
M. Jolin-Barrette : Mon
amour, je t'informe que je te laisse.
M. Houle (Kevin) : Oui, mais,
si c'est : Mon amour, je t'informe que je ne suis pas certain que je
t'aime encore, O.K., est-ce qu'on est encore ensemble ou non, finalement?
M. Jolin-Barrette : Bien là,
le statut c'est : C'est compliqué.
M. Houle (Kevin) : C'est ça.
Bien, ça, c'est un statut qu'on peut mettre sur les réseaux sociaux, mais, au
plan légal, ça... on voyait... on voyait beaucoup de problèmes au niveau des
notaires que nous sommes, là, qui allons régler ces successions.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Bien, écoutez, merci beaucoup pour votre passage en commission.
Le Président (M. Bachand) :Merci. M. le député de Saint-Jean, pour quatre minutes
15 secondes, s'il vous plaît.
M. Lemieux : On n'a même plus
besoin de vous poser la question. Merci, M. le Présidnt. Me Houle, Me Brown,
bonjour. Le déclencheur de l'union parentale, c'est la partie parentale de
l'affaire. Ça veut dire qu'il y a des choses qui ne changent pas pour des
conjoints de fait puis qui vont changer en cours de route si enfant il y a. On
va voir la première étape : conjoints de fait, pas d'enfant. Il y a-tu quelque
chose qu'il faut qu'on change là-dedans, là, comme c'est écrit? Parce qu'il y
en a qui pensent qu'on ne va pas assez loin, d'autres pas trop loin, juste sur
ce bout-là, là.
M. Houle (Kevin) : Conjoint
de fait, pas d'enfant, en ce qui nous concerne, on s'est... le comité s'est
penché sur l'étude du projet de loi tel quel, on va laisser d'autres
intervenants peut-être se pencher sur les questions plus globales de la
protection ou non des conjoints de fait sans enfants.
M. Lemieux : Mais globalement?
Mais globalement?
M. Houle (Kevin) : Qu'est-ce
que vous voulez dire?
M. Lemieux : Bien, je veux
parler pointu, là, je veux juste... Globalement, vous avez regardé ça, vous
vous êtes dit : O.K., c'est beau, ou vous avez plein de réserves, plein
de...
M. Houle (Kevin) : Bien,
considérant que le projet de loi ne vise pas du tout une réforme complète de la
notion de conjugalité en termes de conjoints de fait, sans enfant, globalement,
nous n'avons pas fait cette étude globale.
M. Lemieux : O.K. On arrive
aux enfants. Donc, le... le... le régime s'applique pour ceux... l'enfant après
le 25. Est-ce que le principe est clair? Je veux dire, on va... on va étudier
ça je ne sais pas pendant combien d'heures, là, article par article, il y a
sûrement un article ici, un article là qu'on va jouer, là, mais le principe et
la hauteur, parce qu'il y a des gens qui nous ont fait des signes pour nous
expliquer que ça pourrait être jusque là, mais là ça va jusque là, la hauteur
de ce qui va se passer si c'est adopté tel que tel.
M. Houle (Kevin) : Mais la
hauteur de ce qui va se passer, incessamment, on ne peut pas être contre la
protection des enfants, l'intérêt de l'enfant, et ça va de soi. Puis on est conscients
qu'il y a... il y a bien souvent, dans quelques cas, un conjoint qui pourrait,
suite à une relation de fait, là, un conjoint qui va peut-être, après une
séparation, se retrouver, là, défavorisé et que l'enfant va vivre ces
effets-là. Donc, on ne peut pas être contre le projet. C'est ce qu'on disait
d'entrée de jeu, c'est un entre deux, entre la protection de l'enfant et
justement ce que vous me disiez tantôt, l'aspect, là : Doit-on légiférer
la notion de conjoints de fait largement sans conjoint de fait... sans enfant?
M. Lemieux : Votre... bien,
pas votre spécialité à vous parce que vous faites du droit... vous faites du
notariat d'affaires et vous... Mais on imagine toujours, les gens qui ne vont
pas voir souvent le notaire, que la première raison pour laquelle on irait,
c'est pour un testament ou pour une maison. Un cliché, vous allez me dire, mais
c'est probablement le cas, en tout cas, pour le testament, il y en a qui
devraient y aller puis ils n'y vont pas, puis c'est là que je veux aller. Vous
en avez parlé tout à l'heure, mais je veux que ce soit clair, on protège les
enfants avec la mesure par rapport au testament, donc, si on... si on... si on
disparaît sans testament, il y a une protection de base pour les enfants, mais
ça simplifie l'affaire beaucoup aussi pour le conjoint.
Mme Brown (Marie-Eve) : Effectivement.
Donc, si le parent conjoint reçoit une part d'héritage, ça va enlever plusieurs
des successions tragiques qu'on a...
Mme Brown (Marie-Eve) : ...ou
l'immeuble est au nom uniquement de la conjointe. Elle décède, ne laisse pas de
testament, et là c'est les enfants mineurs qui héritent. Le conjoint est
incapable d'aller obtenir un prêt, il faut qu'il rachète la part des enfants
mineurs. Il faut qu'on fasse un conseil de tutelle. Puis là je le compare
toujours... j'ai l'impression, quand je rencontre ces clients-là qui sont en
deuil, et puis là : Ma conjointe est décédée, qu'est-ce qu'il faut que je
fasse, notaire? La maison est à son nom. On a deux enfants en bas âge. Là, non
seulement il vient de devenir monoparental, j'ai l'impression d'empiler sans
cesse le stress sur ses épaules en lui disant : Bien là, la maison appartient
aux enfants, non, tu ne peux pas l'hypothéquer comme tu veux, il faut qu'on
crée un conseil de tutelle pour protéger l'actif des enfants mineurs. Ça
devient beaucoup plus complexe et beaucoup plus lourd. Donc, c'est une
protection qui est très intéressante pour les conjoints avec enfants.
M. Lemieux : Et, du point de
vue des notaires que vous êtes, c'est un ajout important, là. Il ne faut pas
jouer avec ça, là.
Mme Brown (Marie-Eve) : C'est
un ajout très important. C'est une belle avancée.
M. Lemieux : Merci beaucoup.
Merci, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) :...député de l'Acadie, s'il
vous plaît.
Mme Brown (Marie-Eve) : Merci.
M. Morin : Merci, M. le
Président. Alors, bon après-midi. Bonjour, Me Houle, Maître Brown, merci d'être
avec nous cet après-midi. Quelques... quelques questions, quelques échanges
avec vous. Il y a des experts plus tôt aujourd'hui qui nous ont suggéré que ce
serait peut-être bien que l'union parentale, en fait, se forme après un certain
nombre de temps, un an ou deux ans. Ce n'est pas ce qui a retenu le législateur
à 521.20. Est-ce que vous y voyez un avantage ou si le fait de laisser ça comme
c'est là, ça va suffisamment protéger les conjoints?
• (15 h 30) •
Mme Brown (Marie-Eve) : Je
pense que la... c'est la naissance de l'enfant, étant donné qu'on... que ce
projet de loi là vous mettre le... tout l'élément central, c'est l'enfant,
c'est normal que ça soit la naissance de l'enfant qui crée les droits et non
pas une union de fait pendant un an comme on pourrait voir pour les cas... pour
les déclarations fiscales, par exemple, on est considéré comme en union de fait
à partir d'un an, mais ce n'est pas la vie commune, ce n'est pas la
cohabitation qui crée un droit. Dans ce projet de loi là, on met l'enfant au
cœur, et donc c'est normal que ce soit à la naissance de l'enfant que les
droits sont créés.
M. Morin : Je vous remercie.
Maintenant, compte tenu du fait de la définition de l'union parentale, père et
mère, naissance de l'enfant, est-ce que vous croyez que ce projet de loi crée
différentes catégories d'enfants qui seront traités différemment, tout
dépendant du moment de leur naissance?
Mme Brown (Marie-Eve) : On
a... je l'ai entendu souvent, là, j'ai écouté hier, puis la notion de
catégories d'enfant, je ne suis pas certaine de comprendre en quoi ça crée
différentes catégories d'enfants. Est-ce qu'on a déjà des catégories d'enfants
différents du fait qu'on a des gens qui sont mariés en société d'acquêts, des
gens qui sont mariés en séparation de biens, qu'on a des gens qui sont mariés
sous des régimes étrangers, on a des gens qui ne sont même pas en couple, qui
ont des enfants ensemble, mais qui ont des projets parentaux? Donc, je ne vois
pas en quoi ce projet de loi là crée des différentes catégories d'enfants. Si
on prend cette pensée-là, mais ça voudrait dire qu'on en a déjà, des
différentes catégories d'enfants, auquel cas on devrait obliger tout le monde à
se marier en société d'acquêts pour que tous les enfants... avant d'avoir des
enfants.
M. Morin : Oui, sauf que, quand
je lis le projet de loi... puis peut-être que ma lecture n'est pas correcte,
mais à 521.20, on parle de l'union parentale qui se forme dès que les conjoints
de fait deviennent les pères et mères et les parents d'un même enfant. Et, un
peu plus loin, bien, on parle de la résidence familiale puis on parle, après
ça, du patrimoine de l'union parentale qui s'applique. Mais, s'il y a des
enfants qui sont nés avant, d'après vous, est-ce que le projet de loi va aussi
leur permettre, si jamais il y a... il y a une désunion, de bénéficier des
mêmes éléments du partage du patrimoine de l'union parental?
Mme Brown (Marie-Eve) : Dans
le fond, il faut tirer la ligne en quelque part. Puis je comprends le sens de
votre question, c'est là, les parents qui ont un enfant, au mois de mai 2025,
pourquoi eux ça ne s'applique pas à eux? Et puis ou les parents qui ont des
enfants maintenant. C'est certain qu'il faut qu'on tire une ligne en quelque
part, puis, si on la tire, puis on dit : C'est à partir de l'adoption.
Tous les enfants qui sont nés à partir de l'adoption de la loi, toutes les
protections vont s'appliquer, mais là on va avoir des gens qui vont dire :
Mais nous autres, quand on a projeté avoir un enfant, on a une grossesse qui
est en cours, ce n'est pas juste, ce n'étaient pas les règles qui
s'appliquaient à nous. Si on décide, on l'applique à tout le monde qui a déjà
des enfants ou des enfants mineurs, comme j'ai entendu hier, on a des gens qui
vont dire : Mais nous on a décidé d'avoir des enfants sous un certain
régime, puis là vous nous obligez à un autre régime. Puis, si on fait ce qui a
été décidé par le législateur, c'est-à-dire, bien, on tire la ligne en 2025
pour permettre aux gens qui décident d'avoir des enfants de savoir dans quel
régime ils embarquent, bien, ça crée l'autre injustice...
15 h 30 (version non révisée)
Mme Brown (Marie-Eve) : ...où
est-ce qu'on dit : Oui, mais ceux qui en ont déjà, pourquoi que ça ne peut
pas s'appliquer à eux? Puis il faut tirer en quelque part la ligne, puis, je
pense, le législateur le fait. Est-ce qu'il y aurait un moyen d'avoir une
position mitoyenne puis d'offrir, par exemple, la protection de la résidence
familiale à tous les couples avec enfants, même s'ils sont nés avant 2025?
Bien, peut-être qu'il y aurait une façon de trouver une position plus
mitoyenne.
M. Morin : Parce qu'en fait,
ma compréhension, quand M. le ministre a déposé son projet de loi, c'est que l'élément
déclencheur, au fond, c'est la naissance d'un enfant, donc c'est pour protéger
des enfants. Alors, je me dis, bien, si on est pour protéger des enfants, puis
que, de toute façon, on va changer le régime qui s'applique aux couples en
union de fait, pourquoi attendre à 2025? Si on veut protéger, pourquoi ne pas
le faire dès l'adoption de la loi puis son entrée en vigueur?
Mme Brown (Marie-Eve) : On
comprend, mais comme je vous dis, c'est juste... peu importe où on va tirer la
ligne, il va y avoir des mécontents.
M. Morin : D'accord, on va
essayer d'en faire le moins possible. 521.22, il y a plusieurs groupes,
personnes, experts qui nous en ont parlé, ne vous l'avez souligné également, la
fameuse manifestation expresse ou tacite qui n'est peut-être pas si expresse
que ça. On nous a suggéré le concept qui se retrouve déjà dans le Code civil
puis qui s'appelle la cessation de vie commune. Est-ce que pour vous ça serait
plus clair? Est-ce que ça permettrait d'établir plus facilement ce qui arrive
ou pas?
Mme Brown (Marie-Eve) : L'avantage
de la cessation de vie commune, c'est qu'on a déjà un bon lot de jurisprudence
là-dessus. Donc, c'est certain qu'introduire une nouvelle notion comme une
manifestation tacite, on va attendre des années avant de vraiment comprendre
que les tribunaux puissent interpréter : Bien, c'est quoi une
manifestation tacite? Est-ce que je t'ai trompé puis on s'est chicané ce soir-là,
puis je décède, est-ce que c'est une manifestation tacite? Donc, avant que les
tribunaux nous donnent des lignes, ça va être long. Donc, évidemment, si on
prenait une notion qui est déjà connue, comme la fin de vie commune, ça
pourrait faciliter la fin de cette union parentale là. Sachez par contre qu'en
médiation familiale, quand on doit décréter une fin de vie commune, une date de
fin de vie commune, je vous dis, j'ai des dossiers où est-ce qu'on passe deux
ou trois rencontres à décider c'est quoi qu'on considère comme étant notre date
fin de vie commune. Ça fait que ce n'est pas nécessairement très, très clair
non plus?
M. Morin : Oui, je comprends
que, dans certaines circonstances, ça peut être un peu plus difficile.
Maintenant, vous avez quand même la jurisprudence actuelle qui peut vous aider
pour l'expliquer aux gens qui cessent de faire une vie commune plutôt que d'attendre
d'autres jurisprudences éventuellement qui nous interpréteront ce que c'est qu'une
manifestation tacite de la volonté des conjoints. Merci.
Autre élément, et puis là aussi, bon, les
experts, les groupes, on a eu, en fait, différents points de vue. Toute la
question des aliments pour les conjoints, vous en pensez quoi?
Mme Brown (Marie-Eve) : Donc,
si vous me permettez, il y a vraiment deux régimes différents qui ont des
protections différentes. Quand on est mariés, donc le régime du mariage vient
protéger le conjoint, vient protéger le conjoint avec le patrimoine familial,
le régime, la pension alimentaire, donc tout ce qu'on connaît du mariage. Et c'est
donc logique en mariage qu'on ait une pension alimentaire pour conjoint parce
que ce n'est pas dépendant qu'on ait des enfants ou non. En se mariant, on crée
un régime dans lequel on veut se protéger l'un et l'autre. C'est aussi la
logique pour laquelle on inclut les régimes de retraite. Donc, ce que je dis à
mes clients, c'est que quand tu mets 20 000 $ de côté dans tes REER
puis tu es marié, tu le mets de côté pour la retraite du couple.
Le deuxième régime, c'est pour la
protection de l'enfant. Et étant donné que le régime d'union parentale, ce
n'est pas pour protéger le conjoint, mais bien pour protéger les enfants, il
est donc logique qu'il n'y ait pas deux régimes de retraite et qu'il n'y ait
pas de pension alimentaire pour conjoints, parce que si les gens veulent cette
protection-là, ils ont juste à se marier. Et puis les notaires vont leur
faire... vont se faire un Plaisir de marier les gens en leur donnant un très
bon conseil juridique en plus, ce qui est un point positif que de se marier à l'église.
Se marier devant le notaire, tu as tous les conseils que tu as besoin.
M. Morin : D'accord.
Maintenant, le projet de loi parle aussi de prestation compensatoire. Et on
nous a dit qu'effectivement ça peut être un moyen de compenser un conjoint,
sauf que ça ne se fait pas, évidemment, sans preuve, ça prend du temps, il faut
aller à la cour, c'est le tribunal, ce n'est pas...
M. Morin : ...pas évident, là.
Pensez-vous que c'est un mécanisme qui est utile, ou si on ne pourrait pas
penser à un autre mécanisme qui éviterait, par exemple, une judiciarisation
puis qui permettrait d'arriver à des fins semblables plus rapidement?
Mme Brown (Marie-Eve) : Ça
fait partie des recommandations dans notre mémoire, on est d'accord avec la
prestation compensatoire qui est une notion vraiment de droit civil, mais ce
qu'on a demandé dans la mémoire, c'est d'avoir une habilitation réglementaire,
ou un autre mécanisme, là, que le législateur trouvera bon, afin de nous
permettre d'avoir un barème, peut-être, des présomptions qui vont faire que les
gens peuvent facilement calculer la prestation compensatoire. Puis quand je dis
«de présomption», mais s'il y a un des deux conjoints qui a travaillé 50 %
du temps pendant deux ans pour s'occuper des enfants, qu'on ait une façon
facile de faire un calcul avec peut-être une fourchette de prestation
compensatoire, ce qui viendrait déjudiciariser.
M. Morin : Parfait. Merci.
Puis finalement, à 521.30, dans le patrimoine d'union parentale, il y a une
énumération des biens qui rentrent dedans, encore là, on a eu plusieurs...
plusieurs suggestions, on y inclut la résidence familiale, mais pas, par
exemple, des résidences secondaires où la famille peuvent vivre. Il y a... on
nous a dit qu'il y a des gens qui ont des résidences secondaires, finalement,
qui sont plus importantes que la résidence familiale, ça échapperait. Si c'est
pour protéger les enfants, puis on ne veut pas que des enfants, après la
désunion, se ramassent dans une situation qui est défavorable, est-ce qu'on ne
devrait pas inclure plus de biens?
• (15 h 40) •
Mme Brown (Marie-Eve) : Ça
fait partie de nos recommandations. Donc, pour moi, pour nous, pour l'APNQ,
pour les notaires, c'est un non-sens qu'il y ait une seule résidence qui fasse
partie du patrimoine d'union parentale. Les résidences de la famille, telles
que décrites à l'article 415, font l'objet de beaucoup de jurisprudence.
On sait c'est quoi une résidence de la famille ou les droits qui en confèrent
l'usage. Donc, fais partie de nos recommandations de calquer l'article sur
l'article 415 tout en enlevant la portion des régimes de retraite. Il ne
faut pas oublier qu'on a des gens... moi, ça m'arrive dans mon bureau, j'ai des
gens que j'ai un conjoint qui a une... un condo à Montréal, l'autre conjoint a
une maison dans les Laurentides, on est en union de fait, on voyage d'une
résidence à l'autre, mais on peut imaginer, quand ils se séparent, ça va être
laquelle des deux propriétés qui va être la résidence qu'on se partage? Ça va
créer une iniquité dans le couple. Donc, si moi, le condo en ville, je
dis : Non, non, c'est notre résidence secondaire, je peux la garder, mais
on va partager la propriété dans les Laurentides. Ça... ça n'a aucun sens. Puis
j'ai entendu hier que ça devrait être les résidences principales et
secondaires. Ce que l'APNQ propose, c'est vraiment de le calquer au 415, donc
les résidences de la famille et les droits qui en confèrent l'usage.
M. Houle (Kevin) : Mais il ne
faut pas oublier que, par rapport à la protection de la résidence familiale, ce
n'est pas la même notion, là. On comprend qu'on protège la résidence, mais,
pour le fait du calcul, ce sont les résidences qu'on voudrait.
M. Morin : Parfait. Je vous remercie.
Merci, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, M. le député de
l'Acadie. M. le député de Saint-Henri Sainte-Anne.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup. Merci pour votre excellente présentation. Il y a une question que
vous avez abordée, là, qui va se poser dans 18 ans, peut-être 19 ans,
qu'est ce qui se passe quand l'enfant devient majeur dans l'union parentale,
aviez-vous la réponse, vous? Vous la posez, mais...
M. Houle (Kevin) : ...
Mme Brown (Marie-Eve) : C'est
une question qui nous a été posée par des membres qui nous ont dit : Mais
là qu'est ce qui arrive aux couples qui ont eu des enfants en juin 2025? Là,
ils ont eu des triplets en juin 2025, 50 ans plus tard, 40 ans plus
tard, les enfants sont partis du nid, ils ont leurs propres enfants, est-ce
qu'ils sont encore en union parentale? Puis on a discuté longuement de la
question et donc, étant donné qu'on n'avait pas la réponse, on l'a mise dans
notre mémoire.
M. Houle (Kevin) : Mais on...
nécessairement, on n'a pas vu que c'était une cause, la majorité, de
dissolution du... Bien, on comprend, mais, ce que je dis, c'est : Est-ce
que c'est vraiment, donc, l'intention du législateur de faire en sorte que le
conjoint, une fois que les enfants ont 31 et 37 ans, que le conjoint
hérite aussi? Alors que là, nécessairement, la protection des enfants fait...
ça fait que c'est... C'était un point où on voulait vraiment s'assurer que
l'intention, c'était bel et bien ça.
M. Cliche-Rivard : Bien, on
s'assurera d'en faire mention dans nos travaux, là. Je vois M. le ministre qui
hoche de la tête. Donc, on s'assurera d'avoir sa réponse formelle, là, sur le
procès-verbal au moment des travaux, mais il semble que oui. Il me semble que,
l'idée, c'est que, passé la majorité, la réponse, c'est oui.
Deuxième point. Vous aviez un volet sur,
bon, la déclaration de l'union au Directeur de l'état civil, mais vous aviez
aussi l'autre volet sur le volet testamentaire, sur la déclaration fiscale.
Donc, je comprends que c'est deux régimes différents puis que, d'un côté, ça va
être l'enregistrement pour la résidence, de l'autre côté, mais je me demandais
qu'est-ce qui faisait en sorte que, d'un côté, vous... vous aviez privilégié
une solution où on enregistrait l'union parentale au Directeur de l'état civil,
mais, de l'autre côté, vous disiez : Ah, mais en même temps la déclaration
d'impôt pourrait suffire pour le régime.
M. Houle (Kevin) : ...j'imagine,
là.
M. Cliche-Rivard : Dans vos
recommandations...
Mme Brown (Marie-Eve) : Donc,
c'est... La recommandation, bon, pour les... pour la succession, ce qu'on
vous...
Mme Brown (Marie-Eve) : ...comme
praticien, donc les notaires règlent la majorité des successions au Québec,
c'est : Qu'est-ce qu'on va faire avec le cas où j'ai un conjoint qui se
dit en union parentale. L'autre, les membres de la famille disent : Non,
non, tu ne l'es pas. Ce qu'on aurait aimé, ce qu'on suggérerait, c'est qu'on
ait une présomption, qui pourra être réfutée s'il y a lieu. Donc, par exemple,
on avait utilisé l'exemple qu'un conjoint qui a eu un enfant avec le défunt et
qui s'est déclaré en union de fait dans la dernière déclaration d'impôt avant
le décès serait présumé être en union parentale au moment du décès, ce qui
pourrait simplifier le règlement des successions.
M. Houle (Kevin) : Parce
qu'il ne faut pas oublier que, ça, c'est une question de présomption pour fin
du règlement de la succession, par exemple. Tandis que la question de l'état
civil du registre, c'est simplement où nécessairement tu peux être inscrit
comme étant des conjoints de fait, entre guillemets, là, dans le cadre d'une
union parentale. On revient au fait que, oui, mais si d'ici là, on a cessé
cette union là, bien, le registre ne nous aidera pas plus à court terme s'il y
a un décès, par exemple.
M. Cliche-Rivard : ...ne
fonctionnera pas.
M. Houle (Kevin) : Bien, la
présomption, il faudra peut-être la réfuter rendu là s'il y a des éléments qui
viennent contrecarrer, mais, cous comprenez, c'est un peu tout ça, là. Le
notaire va vivre avec tout ça, là, pour l'instant, là... bien, pas pour
l'instant, mais à venir.
M. Cliche-Rivard : Parfait.
Bien, justement, parce que c'est intéressant, puis vous étiez à le dire quand
mon collègue de Saint-Jean posait la question, parce que vous faites beaucoup
de recommandations d'application de votre expertise. Mais, là aussi, vous
entrez dans certaines applications ou dans certaines recommandations quand même
sur la plus-value, puis sur l'élément plus philosophique ou justice, là.
J'aurais aimé ça... puis il vous reste 30 secondes pour répondre, mais, tu
sais, vous vous situez un petit peu entre les deux quand même dans vos
recommandations. Mais en même temps, vous disiez : Bien là, on n'est pas
là pour dire ce qui n'est pas dans le projet de loi, ça fait que ça
m'intéressait, là. Je vous laisserais peut-être juste me dire où est-ce que
vous, vous tranchez là-dedans.
M. Houle (Kevin) : Bien, en
ce qui me concerne, malgré le fait que ça ne paraisse pas dans le mémoire, ou
qu'on ne se soit pas penché en long et en large sur cette question, je tiens à
rappeler, il n'en demeure pas moins qu'on le dit par contre, et ça, je peux le
dire, on apprécie le fait que le législateur ait gardé et conservé cette
liberté contractuelle. Donc, actuellement, on est là.
M. Cliche-Rivard : Je
comprends. Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci Beaucoup. Alors,
Me Houle, Me Brown, merci beaucoup d'avoir été avec nous cet
après-midi. C'est très, très, très apprécié. Cela dit, je vais suspendre les
travaux quelques instants pour accueillir notre prochain groupe. Merci.
(Suspension de la séance à 15 h 46)
(Reprise à 15 h 48)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux. Alors, il nous fait plaisir d'accueillir les
représentants de la Fédération des Associations des familles monoparentales et
recomposées du Québec. Merci infiniment d'être avec nous cet après-midi.
Donc, vous j'inviterais d'abord vous
présenter et débuter votre exposé, s'il vous plaît. Merci.
Mme Dufour (Mariepier) : Bonjour.
Mariepier Dufour. Je suis la directrice générale à la fédération.
Mme Dauphinais (Chloé) : Donc,
Chloé Dauphinais, je suis responsable des dossiers politiques et de la rédaction.
Mme Riendeau (Marie-Pier) : Marie-Pier
Riendeau, responsable de la vie associative et de l'éducation populaire.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Allez-y, oui.
Mme Dufour (Mariepier) : Bien,
bon après-midi. Tout d'abord, nous aimerions remercier les membres de la
Commission des institutions de nous permettre d'être entendus dans le cadre de
la présente consultation...
Mme Dufour (Mariepier) : ...cependant,
nous déplorons les délais extrêmement courts, délais qui ne nous ont pas permis
d'analyser autant en profondeur qu'on aurait voulu le projet de loi n° 56
et aussi de consulter nos membres. Nous profitons de l'occasion aujourd'hui
pour réitérer la revendication historique de notre fédération, que nous portons
depuis plus de 15 ans et qui demeure toujours d'actualité. Notre position
principale est d'étendre l'ensemble des protections actuelles du mariage aux
couples avec enfants, qu'ils soient mariés ou non, incluant le même partage du
patrimoine familial, les mêmes protections pour la résidence familiale, ainsi
qu'à l'obligation alimentaire entre ex-partenaires.
De plus, bien que la position défendue par
la fédération concerne les unions avec enfants, les principes d'entraide et de
solidarité familiale sur lesquels elle s'appuie peuvent s'appliquer à
l'ensemble des couples. Il est important qu'une réforme du droit de la famille
assure la protection des membres les plus vulnérables du couple. Encore
aujourd'hui, parmi les couples avec enfants, le salaire médian des hommes
équivaut à une fois et demie celui des femmes. Les écarts perdurent dans le
temps et ont un impact sur la capacité d'épargne des femmes. Les inégalités
sociales, dont celles liées au genre, se répercutent dans la vie intime. Ainsi,
il nous semble qu'offrir des protections aux personnes en union libre dépasse
la capacité de choix.
• (15 h 50) •
Depuis la dernière grande réforme du droit
de la famille, en 1980, le nombre d'enfants nés hors mariage n'a cessé
d'augmenter. Aujourd'hui, c'est 65 % des naissances au Québec. Malgré
cette grande popularité, 31 % des personnes en union libre croient avoir
le même statut légal que les couples mariés et 11 % ne savent pas. Si les
gens en union libre connaissent peu leurs droits, on peut alors se demander
quel choix libre et éclairé le législateur veut-il protéger?
La réforme proposée maintient l'importance
de préserver le libre choix des individus de vivre en union libre, sans trop de
contraintes légales. Pourquoi pénaliser les enfants en se basant sur l'état
civil de leurs parents? Adopté tel quel, le projet de loi viendrait à terme
créer des protections variables pour les enfants. Il y aurait toujours les
mieux protégés, qui sont les enfants nés de parents mariés, ensuite, ceux qui
seront protégés grâce au niveau régime d'union parentale, mais aussi les
enfants mis de côté par le projet de loi tel que prévu actuellement. Les
enfants de parents en union libre, mais qui sont nés avant le 30 juin
2025, ainsi que ceux qui se trouvent mis de côté pour d'autres motifs, dont les
enfants des familles recomposées ou ceux dont l'un des parents est toujours
marié. Pour finir, il y aura aussi tous les enfants visés par le régime d'union
parentale, mais dont les parents se seront exclus en utilisant leur droit de
retrait.
Comme on vous l'a déjà affirmé, la
fédération continue de militer pour que ce soit l'ensemble des protections du
mariage qui soient appliquées aux couples en union libre, minimalement ceux
avec enfants. Par contre, si le gouvernement ne souhaite pas modifier en
profondeur sa réforme, nous avons quelques demandes prioritaires qui rendraient
le projet de loi n° 56 plus acceptable à nos yeux.
Que la loi s'applique dès son adoption à
l'ensemble des couples en union libre avec enfant, et donc que le législateur
retire la disposition voulant qu'elle ne s'applique qu'aux personnes qui
deviennent parent d'un enfant commun après le 29 juin 2025. Les enfants
qui vivent actuellement dans des familles où les parents ne sont pas mariés
devraient pouvoir bénéficier de ces protections pour des séparations qui
seraient, elles, dans le futur. Il n'y a rien d'anormal à ce qu'une loi
s'applique au moment de son adoption. En droit familial, au Québec, cela a déjà
eu lieu en 1989, lorsqu'il y a eu l'adoption du patrimoine familial pour les
couples mariés. Celle-ci s'est appliquée à l'ensemble de ces couples avec un
droit de retrait notarié d'un an. Il ne s'agit donc pas d'une rétroactivité,
mais d'un effet immédiat de la loi que de la... (Interruption) pardon, que de
l'appliquer à toutes les unions libres avec enfants.
Que le régime d'union parentale s'applique
minimalement à tous les couples en union libre avec des enfants à charge, et
que, lorsque ce régime ne s'applique pas, que la protection de la résidence familiale
puisse être applicable dès l'arrivée d'un enfant dans un couple. Plusieurs
enfants de familles recomposées se voient exclus des protections du régime
d'union parentale. Prenons d'abord l'exemple d'un couple en union libre, qui
n'a pas d'enfant commun, mais qui vit avec les enfants d'un des deux conjoints.
En cas de rupture, ceux-ci ne pourront pas bénéficier de la protection de la
résidence familiale. Ensuite, prenons l'exemple d'une famille recomposée avec
enfant commun, mais dont l'un des conjoints est toujours marié avec une autre
personne...
Mme Dufour (Mariepier) : ...au
Québec, les divorces ne se règlent pas toujours rapidement. Le projet de loi
vient donc encore une fois exclure plusieurs enfants.
Que le droit de se soustraire au régime d'union
parentale ou d'en modifier la composition nécessite absolument deux avis
juridiques indépendants, soit un avis pour chacune des personnes du couple.
Dans le rapport Roy, le régime d'union parentale impératif, duquel s'inspire le
projet de loi n° 56, ne recommandait pas un droit de retrait lorsqu'un
enfant commun était présent. Nous pensons que ce droit de retrait se doit
d'être davantage balisé si nous voulons nous assurer qu'il respecte la
protection des membres les plus vulnérables de la famille.
Que soit minimalement inclus dans le
patrimoine d'union parentale, les REER et les régimes de retraite. Évidemment,
en raison de la principale revendication de la FAFMRQ pour l'encadrement
juridique des couples avec enfants en union libre, il est évident que le
patrimoine d'union parentale prévu est insuffisant, comme il est
considérablement réduit. Il va sans dire que toute amélioration rapprochant le
patrimoine d'union parental à celui du patrimoine familial prévu par les
protections du mariage serait pour nous positive.
Outre les recommandations liées au projet
de loi n° 56, pour la fédération, il est important de prendre le temps
d'aborder d'autres enjeux. Ainsi, la FAFMRQ demande que le gouvernement
québécois s'engage dans une campagne d'éducation sur le droit de la famille
afin de mieux outiller la population. Le choix libre et éclairé demande des
connaissances importantes au préalable. Cependant, nous pensons tout de même
que la liberté contractuelle est difficilement applicable dans le contexte des
relations affectives.
Par ailleurs, la fédération revendique
qu'une harmonisation des politiques fiscales, des lois sociales et du droit de
la famille soit réalisée pour mieux répondre aux réalités contemporaines des
familles. Pour la FAFMRQ, cela est une... cela est une question de solidarité
sociale.
Finalement, la FAFMRQ est depuis fort
longtemps préoccupée par l'accès à la justice pour les familles monoparentales
et recomposées du Québec. Selon ce que nos membres et nous-mêmes constatons,
l'accessibilité à la justice est un parcours parsemé d'obstacles. Par exemple,
cette situation amène des parents à renoncer à aller ou à retourner en cours
pour obtenir une ordonnance de garde. Les délais parfois déraisonnables pour
être entendus par un juge minent la patience et la confiance des parents envers
le système de justice. Il est indispensable que le ministre de la Justice
continue de se pencher sur des moyens d'améliorer l'accès à la justice. Cela
est d'autant plus primordial que le projet de loi n° 56 risque
potentiellement de créer davantage d'achalandage devant les tribunaux. La
fédération recommande que le gouvernement assure une plus grande accessibilité
à la justice, tant au niveau des délais qu'au niveau financier.
Le projet de loi n° 56 présente un
premier pas vers un droit de la famille plus équitable envers tous les enfants
du Québec. Nous pensons cependant qu'il est nécessaire d'en faire davantage
pour protéger les enfants et les membres les plus vulnérables de la famille.
Bien que le régime d'union parentale soit une avancée intéressante, on espère
que le ministre de la Justice sera à l'écoute et que des amendements seront
réalisés. Il semble qu'on soit aujourd'hui arrivé à un consensus social pour un
encadrement juridique des unions libres équivalent au mariage. Merci de votre
écoute.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, Mme Dufour. M.
le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui,
merci, M. le Président. Mme Dufour, Mme Dauphinais, Mme Riendeau, bonjour. Merci
de participer aux travaux de la commission parlementaire. C'est apprécié. Et
vous venez au nom de la Fédération des associations des familles monoparentales
et recomposées du Québec.
Peut-être une première question
explicative, parce que je lisais, au début de votre mémoire, vous expliquez,
dans le fond, les familles monoparentales, les familles recomposées. Juste de
nous expliquer votre définition de familles monoparentales. Dans le fond,
comment vous le... vous le concevez, la famille monoparentale?
Mme Riendeau (Marie-Pier) : On
prend une définition très large de la monoparentalité, là, donc ça peut aller
d'une garde à... exclusive à une garde de 50-50. Pour nous, il n'y a pas de
différence, là. On considère ces familles-là comme des familles monoparentales.
M. Jolin-Barrette : Donc,
c'est à partir du moment où, supposons, les parents sont séparés, puis
qu'elles... supposons... une garde partagée 50-50, on se retrouve avec,
supposons, les deux...
M. Jolin-Barrette : ...deux
parents chacun de leur côté, qui sont monoparentals chacun de leur côté.
Mme Riendeau (Marie-Pier) : Oui,
c'est ça, je... Statistique Canada a de la misère à compter ces familles-là,
là, parce qu'on compte l'enfant où il est la nuit du recensement, donc on
compte seulement une des deux familles, mais nous, on va compter ces deux
familles-là comme... les deux parents comme des familles... monoparentales.
M. Jolin-Barrette : Ce qui
explique tout de même les chiffres importants que vous mettez au début du
mémoire par rapport au Québec, au nombre de familles monoparentales qui
existent au Québec.
Mme Riendeau (Marie-Pier) : Non,
ça, c'est les chiffres de Statistique Canada.
M. Jolin-Barrette : Ah! ça,
c'est les chiffres de Statistique Canada. O.K. Excellent. Je voudrais vous
entendre sur la question de la violence judiciaire. Qu'est-ce que vous pensez
des dispositions du projet de loi sur la question de la violence judiciaire?
Mme Riendeau (Marie-Pier) : C'est
une intéressante avancée, qu'on le reconnaisse, en espérant que cet ajout-là de
type de violence s'ajoute aussi à la définition du gouvernement sur la violence
conjugale. Nommer les choses, des fois, ça donne une visibilité puis un
sentiment de légitimité quand on le vit. Ensuite, il y a quand même un petit...
Les familles qui viennent chez nous n'ont souvent pas beaucoup de moyens, donc
cette violence-là, elles la vivent, mais elle est souvent à court terme parce
qu'elles n'ont pas les moyens d'aller plusieurs dizaines de fois en cours dans
une même année. Donc, c'est hyperintéressant, mais les familles qui viennent
chez nous la vivre assurément mais de façon beaucoup plus limitée. Donc, est-ce
qu'ils auraient accès à des dommages? C'est les questions qu'on se pose là.
M. Jolin-Barrette : Bien, en
fait, si le... Dans le fond, de la façon dont on l'a écrit, si le juge constate
la présence d'abus en matière familiale, donc de violence judiciaire, il est
obligé de condamner aux dommages et intérêts. Ce n'est pas une possibilité,
c'est une obligation de condamner aux dommages-intérêts pour les frais
d'avocats qui sont déboursés. Puis...
Mme Riendeau (Marie-Pier) : Bien,
ce que je voulais dire, c'est que, comme ces parents-là n'ont pas les moyens de
payer des avocats plusieurs dizaines de fois, souvent, abandonnent le combat.
Donc, on ne se rendra probablement pas jusqu'au juge qui pourra condamner parce
que les parents vont avoir abandonné avant faute de moyens.
• (16 heures) •
M. Jolin-Barrette : Et donc,
dans cette perspective-là, je comprends que vous êtes favorable au fait que ça
soit idéalement le même juge qui suive le dossier pour éviter que, justement,
il y ait... les... vos membres soient obligés de raconter à plusieurs reprises
à des juges différents l'histoire familiale qu'il y a aussi, là.
Mme Riendeau (Marie-Pier) : ...à
fait. Après ça, on partage aussi les craintes des gens qui sont passés avant
nous. Est-ce qu'il va y avoir assez de juges? Est-ce que ça va allonger les
délais? Puis, tant qu'à faire ça, on pourrait aussi se questionner sur un
tribunal unifié de la famille. Là, on aurait tout à la même place, puis ça
simplifierait beaucoup le parcours des familles.
M. Jolin-Barrette : Bien,
écoutez, moi, je suis d'accord avec vous pour le tribunal unifié, je pense que
ça pourrait être une avenue intéressante, mais ce tribunal-là doit se faire à
la Cour du Québec, s'il y a tribunal unifié. Alors, j'ai déjà eu des
discussions avec mon homologue fédéral à ce niveau-là puis je pense que ce
serait intéressant pour le gouvernement fédéral de prendre une entente avec
l'État québécois pour faire en sorte que, justement, les... le droit de la
jeunesse, notamment, et le droit de la famille soient regroupés au sein d'un
même tribunal, justement parce que, si on a une approche en fonction des
besoins des justiciables, en fonction des familles, quand les dossiers se
retrouvent, supposons, en matière de DPJ, en matière familiale, puis parfois il
y a des dossiers judiciarisés, supposons, à la Cour du Québec aussi, où ils
traitent... plus que 99 % des dossiers en matière criminelle lorsqu'il y a
de la... supposons de la violence, le fait que ce soit regroupé à la Cour du
Québec, ça pourrait être une avenue qui est intéressante. On a certains enjeux
pour l'instant constitutionnels, mais je pense qu'il y aurait tout de même une
volonté de l'Assemble nationale dans un terme de... de souci d'efficacité pour
les justiciables, peut-être, de travailler là-dessus ensemble. Alors, je tends
la main à mon collègue de l'Acadie et de Saint-Henri Sainte-Anne. Ça pourrait
être un beau consensus québécois. Alors, mon collègue prend ça sous réserve, en
délibéré.
Une voix : ...
M. Jolin-Barrette : ...
Excellent. Voyez-vous, vous êtes en train de dégager des consensus ici. Alors,
je vous remercie de les amener. Je comprends que, sur les types de protections
qu'on met dans le projet de loi, votre position, c'est : C'est un début,
mais ce n'est pas suffisant.
Mme Dauphinais (Chloé) : ...la
question...
16 h (version non révisée)
Mme Dauphinais (Chloé) : ...oui,
c'est un début, mais on pense que ça devrait aller plus loin, parce que les
gens, quand ils choisissent de ne pas se marier justement, ce n'est pas
nécessairement un choix. Les gens sont souvent confus par rapport aux lois
sociales, aux lois fiscales. Ils pensent qu'ils ont les mêmes droits, les mêmes
protections. Donc, ce n'est pas nécessairement un choix. Donc, nous, on pense
que, pour simplifier le droit, ils devraient avoir les mêmes protections. Puis
vous parlez de droit de retrait dans le projet de loi, donc si vous mettez le
droit de retrait, on ne peut pas parler de mariage de force parce que les gens
vont avoir la possibilité d'émettre un choix éclairé devant un notaire de se
retirer. Donc, pour nous, s'il y a un droit de retrait, ça devrait être les
mêmes protections que le mariage parce qu'en plus vous pouvez les modifier
devant le notaire, vous allez pouvoir avoir les conseils. Puis j'avais un autre
chose que je voulais dire, mais j'ai oublié.
M. Jolin-Barrette : O.K.,
donc vous nous invitez de base à dire : Bien, écoutez, mettez ce qu'il y a
dans le patrimoine familial, dans le patrimoine d'union parentale, et vous
allez respecter votre équilibre, puisque vous aurez le droit de retrait
intégralement. Donc, si jamais les gens veulent, supposons, sortir les REER,
alors qu'ils seraient dedans, ils pourront les sortir, régime de pension, les
maisons, les chalets, tout ça.
Mme Dauphinais (Chloé) : Certainement,
puis ils vont avoir bénéficié de conseils juridiques, idéalement deux
personnes, deux avis juridiques différents pour que la personne soit bien
conseillée.
M. Jolin-Barrette : O.K. Sur
la question de la résidence, la protection associée à l'attribution de la
résidence familiale, vous nous invitez à augmenter le délai ou peut-être ne pas
en avoir, comme en situation de mariage. On doit mettre un délai parce que ce
n'est pas la même chose que le mariage, parce que l'union prend fin à partir du
moment où il y a fin de la vie commune, c'est une des conditions qui est
perdue, contrairement au mariage où le lien juridique subsiste. Quel serait un
délai qui serait approprié, qui est plus de 30 jours selon vous? Parce
que, là, actuellement, dans le projet de loi, c'est 30 jours où est ce qu'on
peut demander à la fois l'attribution de la résidence familiale, mais à la fois
aussi la protection pour pas que la maison soit vendue, ou soit aliénée, ou
louée.
Mme Riendeau (Marie-Pier) : Bien,
je dois vous avouer qu'on n'est pas juristes, donc le nombre de jours et
peut-être... on laissera entre les mains de juristes. Nous, ce qu'on amène, c'est
que, 30 jours, ce n'est pas suffisant. Les parents qui se retrouvent dans
une séparation, je vais répéter ce que la notaire juste avant moi a dit, se
retrouve avec 1 001 affaires à penser, la garde des enfants, l'école,
comment l'annoncer aux enfants. Donc, ce délai là en charge mentale, déjà le 30 jours
est court. Après ça, il faut déposer quand même la demande. Donc, il faut
trouver un avocat ou, tu sais, il faut aller chercher les moyens de déposer
cette demande-là. Puis il y a aussi un jeu avec la manifestation expresse ou
tacite. Est-ce qu'il pourrait y avoir un juge justement avec un conjoint qui
dit : Bien, c'était très clair, on a... puis j'avais dit qu'on n'était
plus ensemble. Donc, 30 jours passés, tu n'as plus la protection de la
résidence familiale. Donc, il y a ça aussi, là, dans le projet de loi qui peut
nous inquiéter. Est-ce que, comme la la manifestation peut être quand même un
peu flou, est-ce qu'on pourrait jouer avec le délai pour qu'une personne perde
son droit?
M. Jolin-Barrette : O.K., je
comprends ce que vous me dites. Tout à l'heure, au début de votre intervention,
là, vous avez dit... vous avez parlé d'un enjeu d'accès à la justice. Vous avez
dit : Les gens chez nous, parfois, dans le fond, ils n'ont pas les moyens
de se payer un avocat pour entamer les procédures judiciaires. Décrivez-nous,
parmi les gens qui sont membres de votre association, là, comment ça se passe,
les séparations, comment vous les accueillez, puis, souvent, quel est le... s'il
y en a un, un portrait type de... avec les enfants, la séparation, la maison.
Comment ça se passe, là, la réalité, là, sur le terrain quand vous accueillez
les gens?
Mme Riendeau (Marie-Pier) : Bien,
c'est nos membres qui accueillent des gens, et les familles qui viennent dans
les associations membres, chez nous, ce n'est pas les familles qui se séparent
super bien, qui achètent un duplex, qui continuent d'aller en vacances tout le
monde ensemble, là. Nous, on a comme le 30 %, là, qui ne va pas super
bien. Donc, évidemment que c'est des séparations beaucoup plus acrimonieuses,
des séparations où il y a des avocats dans le dossier. Beaucoup de gens gagnent
un petit peu plus que le seuil d'admissibilité à l'aide juridique, donc sont
obligés de faire des choix, à savoir qu'est-ce qu'on amène en cour, est-ce
que... des choix stratégiques tout le temps pour essayer d'économiser là. Il y
en a qui ont accès aussi à l'aide juridique, c'est...
Mme Riendeau (Marie-Pier) : ...c'est
super bien. Des fois, il y a un déséquilibre entre un conjoint qui a accès à
l'aide juridique puis un conjoint qui a beaucoup de moyens, qui se paie un
avocat. Et là ce n'est pas une critique des avocats, des avocates à l'aide
juridique, mais, vu le temps qu'ils ont devant eux, un avocat qu'on paie, je ne
sais pas moi, 500 $ de l'heure, a probablement plus de moyens, une plus
grosse équipe pour mettre du temps dans un dossier. Donc, il y a aussi un
déséquilibre là des fois. Il y a certains de nos groupes dans des régions
peut-être un peu plus éloignées, qui disent : Bien, il y a des ex, puis
pas de genre à ces ex-là, qui magasinent les avocats pour être certain de
brûler tous les avocats. Parce qu'une fois que je t'ai consulté une fois. Que
je t'ai raconté un peu mon problème, mais tu ne peux pas prendre mon
ex-partenaire.
Donc, dans des régions où il n'y a pas
beaucoup d'avocats, ça, c'est une réalité dont nos groupes nous parlent
régulièrement, ça devient difficile, parce que quelqu'un qui veut mettre le
trouble peut facilement le mettre. Donc, on se retrouve, évidemment, les
familles qui viennent dans nos organismes, c'est les séparations d'habitude,
là, qui se passent le moins bien.
M. Jolin-Barrette : Puis dernière
question avant de céder la parole à mes collègues. Puis, quand vous accueillez
les enfants, comment ça se passe?
• (16 h 10) •
Mme Riendeau (Marie-Pier) : À
échelle variable? Nos groupes font tout ce qu'ils peuvent pour à la fois
outiller les parents à bien accompagner les enfants dans cette séparation-là.
Puis il y a certains groupes qui ont aussi des ateliers pour enfants pour
discuter de la séparation. Mais si les parents ne vont pas bien, si on est
toujours en train de réfléchir à comment je vais mettre de la nourriture,
comment je vais payer le loyer, bien, même si on a toutes les bonnes intentions
du monde, même si on ne veut pas que la séparation impacte nos enfants, la
séparation va avoir un impact sur les enfants, là.
Mme Dauphinais (Chloé) : Mais
si je peux me permettre aussi, pour rebondir sur ce que ma collègue dit sur la
pauvreté des enfants, tu sais, c'est ça aussi qui arrive avec le législateur en
ce moment. Quand les familles essaient de se recomposer, là ils décident de
faire vie commune. Après 12 mois, il y a des mères qui voient leur chèque
d'allocations familiales coupé. Des fois, c'est dans les besoins de base, après
ça, qu'ils doivent faire des choix, parce que là le nouveau conjoint, il ne
contribue pas nécessairement à hauteur, lui aussi a des enfants. Donc, ça
devient compliqué. Puis cette solidarité-là familiale, elle est dans les
populations moins nanties, le législateur le demande. Mais, après ça, on ne
veut pas offrir des protections, donc il y a comme un...
M. Jolin-Barrette : Ça, puis
j'avais dit, c'était ma dernière question, mais c'est plus une intervention. On
a déjà mis un groupe de travail entre le ministère de la Justice et le
ministère des Finances, justement, pour aborder les questions que vous soulevez
en termes de fiscalité. Ça fait que c'est quelque chose qu'on travaille. Moi,
je vais déposer la réforme le plus rapidement possible pour faire des avancées,
mais c'est quelque chose qu'on travaille actuellement. Donc, je cède la parole
à mes collègues.
Le Président (M.
Bachand) :Alors, du côté gouvernemental,
il reste deux minutes, 20 secondes. M. le député Saint-Jean.
M. Lemieux : Merci beaucoup,
M. le Président. Quand vous parliez... Bonjour, mesdames. Quand vous parlez du
même juge, corrigez-moi si je me trompe, mais c'est parce qu'on a la vision de
comment ça se passe aujourd'hui, là, dans le projet de loi, il est question
d'avoir autant que possible le seul et même juge pour la suite des choses.
Est-ce qu'en ouvrant un petit peu les œillères sur nos habitudes d'aujourd'hui,
on peut imaginer que ce serait plus facile si on y allait en se disant que le
système peut s'adapter à une loi et à nous qui s'adaptons de l'autre côté
aussi, c'est-à-dire que j'essaie de voir si on n'est pas juste en réaction en
disant : Oui, mais là il y a un paquet de problèmes qui vient avec ça,
alors qu'en réalité, si je comprends bien la mesure et l'intention surtout du
ministre dans le projet de loi, c'est justement de favoriser l'accès, un accès
régulier, un accès qui est plus facile et donc plus rapide. Là, vous
dites : Oui, mais il ne va peut-être pas avoir autant de juges. Oui, mais
ça va peut-être être compliqué, il va falloir passer par là. Je vous demande
juste de ne pas faire un saut dans le vide, là... une profession de foi les
yeux fermés, mais il y a-tu moyen de penser que ça pourrait être aussi une
abonne chose?
Mme Riendeau (Marie-Pier) : Ça
pourrait être effectivement une bonne chose. Ce qu'on a dit, c'est : Tant
qu'à aller là, allons plus loin puis pensons à un tribunal unifié de la
famille, qui là, simplifierait énormément la vie des familles, parce que là la
cause au criminel, la cause à la jeunesse et la cause à la famille seraient par
le même juge.
M. Lemieux : Mais vous parlez
à un ministre, mais pas moi, lui qui a déjà fait un tribunal spécial sur les
causes en violence conjugale et sexuelle, qui a fait trois, minimum, projets de
loi pour l'accès à la justice. Je ne sais pas où votre tribunal de la famille
se situe...
M. Lemieux : ...dans ses vœux
pour l'avenir, mais là, il fait déjà un beau pas, il me semble, là.
Mme Riendeau (Marie-Pier) : Oui,
et on l'admet.
M. Lemieux : O.K. Merci
beaucoup, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) :Député de l'Acadie.
M. Morin : Merci, M. le
Président. Bonjour, mesdames Dufour, Dauphinais et Riendeau. Merci d'être avec
nous. Merci beaucoup pour le mémoire que vous avez déposé. Puis, vous voyez, on
est... En fait, moi, comme député de l'opposition, là, on essaie de faire le
mieux qu'on peut, bonifier les projets de loi, mais on voit que, sur certaines
questions, il y a vraiment, là, deux... deux positions qui se dessinent. Le
groupe juste avant vous disait : Ah! non, non, écoutez, il faut garder la
date du 29 juin 2025. J'ai posé la question, vous l'avez entendue, parce
que, là, bien, les gens vont être capables de planifier puis de voir ce qui va
arriver, puis ça va être tout... en toute... en toute connaissance de cause.
Et là vous, vous nous dites : Ah!
non, non, non, il faut que ça s'applique le plus rapidement possible. 2025,
c'est trop tard. Expliquez-moi pourquoi c'est important pour vous que ça
s'applique dès maintenant.
Mme Dauphinais (Chloé) : Oui.
Bien, j'étais... on était ici déjà quand... quand ça a été nommé. Je pense que
ce n'était pas aussi clair non plus, c'était plus : il va y avoir une
ligne de tracée, donc on n'est pas particulièrement contre cette ligne-là, mais
il pourrait y avoir un effet... application immédiate de la loi, là. Et par
rapport à pourquoi nous, c'est important, bien, c'est parce qu'on parle de...
On ne peut pas refaire le passé, mais les séparations qui vont découler des
enfants qui sont aujourd'hui des enfants sont dans le futur, ne sont pas
nécessairement encore... ils n'ont pas nécessairement eu lieu encore. Donc,
c'est pour protéger ces enfants-là dans le futur. Puis, de ce qu'on comprend de
l'objectif du ministre, avec ce projet de loi là, c'est de donner un filet de
sécurité aux enfants, advenant les contrecoups d'une séparation. Donc, on ne
comprend pas pourquoi les enfants, qui sont actuellement des enfants dont les
parents sont en union de fait, eux, ne seront pas protégés, puis ceux nés après
le 29 juin 2025 le seront.
Puis ça fait juste créer une nouvelle
catégorie, une nouvelle disparité entre les enfants. C'est sûr que nous, on
n'est pas juristes, là, c'est le point de vue d'une médiatrice qui a
l'impression que les gens font ces choix-là en toute connaissance de cause.
Moi, personnellement, je ne suis pas dans ces milieux-là où les gens font ces
choix-là en toute connaissance de cause. Les gens pensent avoir les mêmes
droits, parce que la loi, souvent, les traite comme ça, conjoints de fait ou
conjoints mariés, on vous traite de la même façon. Donc, pour la grande
majorité des gens... puis c'est ça, c'est que, souvent, c'est dans des
séparations où les biens, le patrimoine familial qui est en compte n'est pas
nécessairement un gros patrimoine. Les gens n'ont pas les moyens nécessairement
d'aller chez le notaire, puis cet argent-là, pour le parent le plus vulnérable,
est nécessaire. Donc, pour nous, c'est important puis c'est... c'est important
pour...
Mme Riendeau (Marie-Pier) : Puis
juste ajouter aussi que l'effet immédiat de la loi, comme il y a un droit de
retrait, il n'y a pas de graves conséquences à l'appliquer immédiatement. On
disait : Mais les gens qui ont fait des enfants avant, ils ne l'ont pas
fait sous ce régime-là. Bien, comme pour le patrimoine familial en 1989, pourront,
pendant un an, se dire : Bien, nous, ce n'est vraiment pas l'entente qu'on
avait. On sort de là. Il y a déjà un droit de retrait. Donc, l'effet... l'effet
immédiat de la loi devrait être... devrait pouvoir s'appliquer.
M. Morin : En fait, oui,
c'est ça. Donc, je comprends que votre position, c'est de dire : Mais, de
toute façon, l'effet de l'imposition de la loi immédiatement est atténué par le
fait qu'un couple pourrait, de toute façon, se séparer du régime. Et donc, pour
vous, ça devrait s'appliquer aussi... Parce que, là, évidemment, dans le projet
de loi, l'union... l'union parentale, ça s'applique quand les parents ont un
enfant. Mais vous, vous seriez prêts à l'étendre à des familles monoparentales
qui ont déjà présentement un enfant, si je vous comprends bien, puis
qu'éventuellement vivraient en union parentale avec un autre conjoint, puis
que, là, il arriverait un enfant à la suite de l'union, et donc ça
s'appliquerait à tous les enfants, finalement.
Mme Dauphinais (Chloé) : Certainement.
Puis, comme le ministre le relevait tantôt, avec les statistiques, c'est de
plus en plus de familles qui sont... qui vivent des séparations, des
recompositions. Puis, oui, il y a une certaine... un certain temps, un délai,
peut-être une stabilité d'union avant d'imposer une solidarité, mais on peut
penser à des critères comme trois ans de vie commune, comme c'est déjà dans
certaines lois sociales ou dans d'autres provinces canadiennes. Puis, oui,
nous, ça serait important pour nous que ça s'applique à tous les couples avec
enfants, avec peut-être un critère, là, pour harmoniser avec les lois sociales
puis fiscales. Puis aussi on... bien, je crois que c'est l'avocat Dominique
Goubau qui en parlait plus tôt, mais, dans le projet de loi, c'est l'idée de la
prise en charge d'un enfant qui...
Mme Dauphinais (Chloé) : ...c'est
par l'interdépendance économique des conjoints. Donc, que ce soit ton enfant
biologique ou pas, c'est bien possible que dans ton arrangement familial tu
fasses des sacrifices pour l'enfant. Donc, le rôle des beaux-parents, c'est
aussi un rôle aussi qui est important. Donc, pour nous, si on veut protéger les
enfants, ce serait l'étendre à tous les couples avec enfants, là, que ce soit
enfants en commun ou pas.
M. Morin : Merci. Puis est-ce
que je vous comprends bien quand vous dites que, dans votre réalité,
finalement, au Québec, les enfants qui naissent dans des couples en union de
fait, c'est comme la majorité, c'est devenu comme la norme?
Mme Dauphinais (Chloé) : C'est
devenu la norme, c'est 65 %. Puis si on regarde dans certaines régions du
Québec, c'est encore plus, là, parce que les gens se marient. À Montréal,
Québec, un peu, mais dans certaines régions, c'est la réalité de très peu de
gens, là. Donc, oui.
M. Morin : O.K. Les gens qui
sont en union, en couple que vous accompagnez, est-ce que c'est souvent des
gens qui sont très fortunés ou moins fortunés, ou ça varie totalement?
Mme Riendeau (Marie-Pier) : Bien,
on ne peut pas dire que c'est que des gens moins fortunés, mais,
majoritairement, on n'a pas de Éric et Lola, là, dans nos organismes. Donc,
c'est plus des gens qui comptent leurs sous à la fin du mois, là.
• (16 h 20) •
M. Morin : Et puis, pour eux,
est-ce que l'accès à la justice puis l'accès à l'aide juridique, c'est un
enjeu?
Mme Riendeau (Marie-Pier) : C'est
un enjeu et un enjeu majeur. Il y a ceux qui y ont droit puis on a augmenté les
seuils d'admissibilité. Donc, ça, c'est bien, mais il y a quand même toute
cette classe moyenne, là, qui est un peu au-dessus des seuils, mais pas encore
assez pour débourser des 2 000 $, des 3 000 $ d'acompte
pour avoir un avocat ou une avocate. Donc, l'accès à la justice reste une
réalité importante pour les parents qui viennent dans nos organismes membres.
M. Morin : D'accord. On nous
a dit un peu plus tôt... parce qu'encore là on a entendu des avocats, des
notaires, je n'ai pas des statistiques officielles, mais souvent les notaires,
en fait, ce que je me rappelle, ils nous ont dit, écoutez un notaire, quelqu'un
qui est impartial, pas besoin de conseiller juridique, il peut prendre une
décision, conseiller les deux parties. Il y a des avocats qui nous ont dit
juste l'inverse. Vous, dans votre réalité, qu'est-ce que vous recommandez?
Qu'est-ce que vous voyez qui peut être problématique pour s'assurer que les
gens sont bien informés?
Mme Dufour (Mariepier) : Bien,
en fait, j'ai entendu le commentaire de la notaire tout à l'heure disant, là,
qu'ils sont totalement impartiaux. Je me suis fait la réflexion : Est-ce
que ces gens-là sont formés, par exemple, pour détecter la violence conjugale?
Est-ce qu'ils sont formés pour détecter le contrôle coercitif? Donc, j'ai
beaucoup de difficulté à... même s'ils pratiquent dans le meilleur intérêt
qu'ils croient, je ne pense pas que le même notaire peut outiller le couple. Ça
prend, selon nous, absolument deux avis distincts.
M. Morin : C'est un point...
c'est un point important, à mon avis, que vous soulevez. On peut peut-être
penser que si... Parce que le contrôle coercitif, là, ça existe, c'est clair,
là.
M. Dufour (Mariepier) : C'est
insidieux, ça ne se voit pas facilement.
M. Morin : Exactement, ça se
manifeste de différentes façons. S'il y a un couple qui vit seul, ils sont devant
une seule personne qui va décider des deux, on s'entend que peut être que ce
n'est pas évident. D'accord, je vous remercie. Puis évidemment, ce qu'on veut,
c'est qu'ils soient informés, bien informés, bien éclairés.
D'ailleurs, à ce niveau-là, vous en parlez
d'ailleurs dans vos documents, mais vous suggérez qu'il faudrait absolument
qu'il y ait plus d'information qui soit faite. Parce que je comprends que, dans
votre réalité, vous devez aussi rencontrer plein de gens en union de fait qui
pensent qu'ils ont un paquet de droits, puis, finalement, quand ils se
séparent, ils n'en ont pas. J'imagine, c'est aussi votre réalité.
Mme Riendeau (Marie-Pier) : Exactement.
Les gens ne comprennent pas. Tu sais, puis les statistiques... puis même les
notaires avant nous l'ont dit, là, ça arrive dans notre étude, ils ne savaient
pas qu'ils n'héritaient pas automatiquement, donc il y a vraiment une
méconnaissance. Puis même si l'affaire Éric contre Lola a créé beaucoup
d'actualité, on en a parlé, les gens aujourd'hui ne comprennent pas parce que
les lois fiscales, les lois sociales leur envoient un autre message.
M. Morin : Exact. Dans le
projet de loi, on parle de la prestation compensatoire. Pensez-vous que c'est
un mécanisme, avec les gens que vous rencontrez, qui va être vraiment utile?
Mme Dauphinais (Chloé) : Non,
pas avec les gens qu'on rencontre. On n'est pas contre la vertu, dans le sens
qu'on n'est pas contre qu'il soit dans le projet de loi, mais nous, on pense
que les pensions alimentaires pour ex-conjoints seraient une mesure plus...
Mme Dauphinais (Chloé) : ...simple
et efficace et qui couvrirait aussi plus les gens que nous, on côtoie. Puis
c'est ça, parce qu'une prestation compensatoire, ça demande d'avoir un certain
capital, donc, pour les personnes moins nanties, puis c'est plus adapté aussi
aux besoins des personnes. Donc, la pension alimentaire pour ex-conjoint serait
une meilleure mesure, selon nous.
M. Morin : O.K. Puis donc je
comprends qu'évidemment, bien sûr, quand on parle de pension alimentaire, on
parle de pension alimentaire pour ex-conjoint. Les enfants ont déjà dans la loi
actuelle des provisions, des dispositions qui leur donnent des montants. Donc,
au fond... En fait, est-ce que je vous résume bien si... Vous demandez que le
régime d'union de fait, en fait, ne soit à peu près... pas identique mais
presque identique au régime qu'on les couples mariés, est-ce que je me trompe
ou est-ce que je résume trop?
Mme Dauphinais (Chloé) : On
pense qu'il devrait être identique... bien, mis à part le droit de retrait.
Mais sinon, s'il y a un droit de retrait, donnons les mêmes droits, puis les
gens pourront le modifier s'ils veulent, mais donnons cette même protection-là
à tout... tous les parents, les enfants.
M. Morin : O.K. Il y a... Il
y a des gens, plutôt, qui nous ont dit : Oui, mais, au Québec, on a la
liberté de... contractuelle. Donc, s'il y a des gens qui sont en union de fait,
justement, c'est parce qu'ils ne veulent pas ou ils n'ont pas de contrat. Donc,
vous répondez quoi à cet argument-là?
Mme Dauphinais (Chloé) : Qui
pourront se retirer avec le droit de retrait si eux, ils tiennent à avoir... à
se dédouaner du soutien mutuel et de la solidarité familiale, qui, je pense,
devrait... bien, on pense, la fédération devrait être davantage... les valeurs
mises de l'avant par le droit familial.
M. Morin : Puis le droit de
retrait, donc, devrait exister toujours, je comprends bien, ou c'est... ou il y
a une date après laquelle les gens peuvent se retirer? Qu'est-ce que vous
suggérez?
Mme Dauphinais (Chloé) : Bien,
nous, on proposait un an, mais on n'est pas juristes, là. C'était notre
proposition, là
M. Morin : O.K. Donc, après
un an. O.K.
Le Président (M.
Bachand) :20 secondes, M. le député.
M. Morin : Oui. Merci, M. le
Président. Au niveau des règles de succession, est-ce que vous avez des
commentaires pour nous vis-à-vis le projet de loi?
Mme Riendeau (Marie-Pier) : Bien,
hyperintéressant, là, que la conjointe ou le conjoint puissent hériter
automatiquement. On se questionne sur le délai d'un an. Si la protection rentre
en vigueur au... Si l'union parentale rentre en vigueur au moment de la
naissance de l'enfant, pourquoi rajouter un an de plus pour pouvoir hériter?
C'est la question, en fait, qu'on avait sur... sur le...
M. Morin : Merci beaucoup, M.
le Président.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne,
s'il vous plaît.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup puis merci beaucoup pour votre excellente présentation, votre mémoire.
Je voulais juste être sûr de bien vous comprendre. Là, vous parlez de
l'application de la loi dès son adoption, donc pas en juin 25, mais vous le...
vous en parlez pour tout le monde, là, donc là, vous vous dites avec, sans
enfant, et, ceux qui ont déjà des enfants avant, évidemment, il y a
l'implication directe. C'est ce que vous dites?
Mme Dauphinais (Chloé) : Bien,
la position de la fédération, c'est les couples avec enfants. Mais on a
toujours été solidaires aussi des autres causes, dont... pas l'enrichissement,
mais l'appauvrissement que certains... certaines femmes, par exemple, peuvent
vivre. Donc, d'emblée, on est solidaires à l'élargissement de l'union de...
voyons, excusez-moi.
M. Cliche-Rivard : ...
Mme Dauphinais (Chloé) : Mais
notre position, officiellement, c'est les couples avec enfants, mais pas
nécessairement enfants communs.
M. Cliche-Rivard : Puis vous
leur... O.K., pas nécessairement enfants communs. Puis vous voulez leur donner
un an de «opt out» de l'application de la loi, ou de la mise en vigueur de la
loi, ou de la naissance de l'enfant, ou ça dépend si c'est l'enfant avant puis
l'enfant après? C'est quoi, votre position sur...
Mme Dauphinais (Chloé) : Bien,
je pense, c'est... exactement, ça dépend, un an après l'application de la loi
puis un an après la naissance de l'enfant. Puis là, s'il y a des gens qui se
retrouvent...
M. Cliche-Rivard : O.K. Donc,
la personne qui a l'enfant avant, elle est «in», mais elle a un an
postapplication de la loi pour s'en retirer. L'enfant... La personne qui a un
enfant après, elle a un an de la naissance de l'enfant pour s'en retirer.
Mme Dauphinais (Chloé) : Exact.
M. Cliche-Rivard : O.K. Et
retrait de tout, incluant la protection de la résidence principale, ou s'il y a
une limite à la capacité de retrait dans ce que vous prévoyez?
Mme Riendeau (Marie-Pier) : La
résidence familiale, pour nous, elle devrait être automatique à la naissance
d'un enfant. D'ailleurs, les enfants qui ne seront pas couverts, par exemple,
parce qu'un des deux conjoints est toujours marié, on devrait pouvoir sortir
la... la protection de la résidence familiale, même de l'union parentale. À
partir du moment où il y a un enfant, il y a une protection de la résidence
familiale.
M. Cliche-Rivard : Et jamais
il pourrait «opt out», même de consentement, penser de cette protection
minimale-là. Est-ce que vous en faites comme une condition de droit public en
disant : On ne pourra jamais déroger à ça, là, la maison, c'est la maison.
Est-ce que je vous comprends bien ou?
Mme Dauphinais (Chloé) : Oui.
M. Cliche-Rivard : Oui. Ça
fait que, le reste, on pourrait convenir, là. Dans le régime complet, vous
dites : REER, O.K., maison secondaire, je ne sais pas, O.K., les biens,
na, na, na, mais...
M. Cliche-Rivard : ...Ça,
c'est sine qua non, c'est votre condition. Vous dites : Ça, c'est
immuable, ça, c'est le droit public, la résidence principale.
Mme Dauphinais (Chloé) : Exact.
Puis comme ma collègue le disait, même pour des parents qui ne seraient pas en
union parentale, par exemple, parce que quelqu'un n'aurait pas réglé son
divorce, il devrait aussi y avoir la protection de la résidence familiale pour
cet enfant-là, qui vient avec...
M. Cliche-Rivard : Ça fait
que, que ça soit le plus généreux et global, dans une perspective où l'enfant
va demeurer protégé, qu'importe le statut puis l'évolution du statut civil du
père?
Mme Riendeau (Marie-Pier) : Oui,
parce que c'est l'enfant qu'on veut protéger. Puis dans... advenant le cas d'un
des deux parents qui n'est pas divorcé, probablement que tout est réglé, là, tu
sais, la... de la résidence familiale, il n'habite déjà plus avec... Tu sais,
ça a déjà été réglé, le patrimoine familial a été réglé, ça fait qu'on ne voit
pas pourquoi on ne pourrait pas minimalement protéger la résidence familiale
pour ces enfants-là.
M. Cliche-Rivard : Les
notaires nous disaient eux se sentent capables de faire un avis clair,
indépendant, précis, en disant : Mme, voici tes droits, M., voici tes
droits. J'imagine, ça va quand même très vite aussi, là, dans la mesure où il y
a une capacité d'évaluer ou pas. Vous pensez que c'est sine qua non, qu'on doit
vraiment aller chercher deux avis juridiques?
Mme Riendeau (Marie-Pier) : Absolument.
Mais ce n'est pas les... Tu sais, on n'est pas...
M. Cliche-Rivard : Pas contre
les notaires. Ah!
Mme Riendeau (Marie-Pier) : ...contre...
contre la compétence des notaires, mais il me semble que, si je ne suis pas à
l'aise avec le partage du patrimoine familial ou de... le retrait de l'union
parentale, j'aurais plus de place de le dire si je suis toute seule avec un
notaire que si mon conjoint est là.
• (16 h 30) •
M. Cliche-Rivard : O.K. Mais
eux nous expliquaient qu'ils pouvaient faire un genre de caucus où ils parlent
à madame, puis ensuite, parlaient à monsieur.
Mme Riendeau (Marie-Pier) : Mais
ça n'avait pas l'air d'être une pratique automatique.
M. Cliche-Rivard : O.K. Ça
fait qu'il y aurait peut-être quelque chose à encadrer dans la pratique ou dans
le comment on va le faire dans les meilleures pratiques. Mais vous dites, «at
the end of the day», là, ce que vous dites comme recommandation, c'est :
allez chercher deux avis juridiques indépendants. Je me pose juste la question
sur l'accès à la justice puis cette capacité de faire ça fondamentalement, mais
ça, c'est peut-être une autre question.
Mme Riendeau (Marie-Pier) : Mais
on ne veut pas nécessairement que les gens sortent du régime donc est-ce qu'il
faut favoriser l'accès au «opting out»?
M. Cliche-Rivard : Non, mais
l'accès à l'information juridique indépendante?
Une voix : Oui.
M. Cliche-Rivard : Merci, M.
le Président.
Le Président (M.
Bachand) :Mme Riendeau, Dauphinais,
Dufour, merci beaucoup d'avoir été avec nous cet après-midi.
Je suspends les travaux quelques instants.
Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 16 h 31)
16 h 30 (version non révisée)
(Reprise à 16 h 35)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux. Alors, il nous fait plaisir de recevoir les
représentantes du Conseil du statut de la femme. Merci beaucoup d'être avec
nous. Je vous invite à vous présenter officiellement puis à débuter votre
présentation. Merci beaucoup.
Mme Cordeau (Louise) :Merci. Bonjour aux membres de la commission. Alors, Louise
Cordeau, présidente du Conseil du statut de la femme. Je suis accompagnée de Mme Mélanie
Julien qui est directrice de la recherche et de l'analyse au Conseil du statut
de la femme.
Alors, vous savez qu'à titre de conseiller
du gouvernement du Québec en matière d'égalité entre les femmes et les hommes,
le Conseil du statut de la femme, qui vient d'ailleurs de célébrer en 2023 ses
50 ans d'existence, est vivement interpellé par cette réforme tant
attendue du droit de la famille qui doit impérativement répondre à la réalité
des couples d'aujourd'hui. Dans une société où l'égalité entre les sexes n'est
pas encore atteinte, que les femmes sont souvent injustement désavantagées à la
fin d'une union, vous comprendrez que nous sommes préoccupées par les
dispositions législatives proposées pour les couples vivant en union de fait.
D'entrée de jeu, le conseil salue l'intention
du législateur de reconnaître des droits et des obligations mutuelles à des
personnes vivant en union de fait, union qui caractérise aujourd'hui plus de
40 % des couples québécois. Le projet de loi n° 56
répond ainsi, bien qu'en partie seulement, à la recommandation que le conseil
avait faite au gouvernement du Québec en 2014 d'appliquer l'obligation
alimentaire et les règles de partage du patrimoine à toutes les personnes
vivant en union de fait de la même façon qu'aux personnes mariées. 10 ans
plus tard, le conseil maintient cette position.
Ainsi, le conseil regrette que le projet
de loi n° 56 se limite à reconnaître des droits et
des obligations aux personnes vivant en union de fait qui ont un enfant commun.
Il comprend que le législateur centre son attention sur l'intérêt de l'enfant.
Le conseil est toutefois convaincu que l'intérêt de l'enfant peut et doit aller
de pair avec l'intérêt des conjointes et des conjoints, y compris ceux qui ne sont
pas parents. Ce point de vue repose sur une réalité tangible. Il existe une
interdépendance économique dans les couples, qu'ils aient ou non un enfant
commun. Bien sûr, l'arrivée d'un enfant transforme la dynamique d'un couple et
les conditions de vie des femmes. Leur revenu à long terme en est affecté. C'est
ce qu'on appelle la pénalité à la maternité. Il est ainsi justifié que des
dispositions législatives soient adoptées pour les personnes vivant en union de
fait qui ont un enfant commun.
Mais force est d'admettre qu'une
interdépendance économique s'observe aussi dans les couples qui n'ont pas d'enfant
commun. S'il fallait retenir qu'un chiffre, ce serait 76 000, plus de 76 000 couples
sans enfant au Québec comptaient en 2023 sur un seul revenu. C'est donc dire
que plus de 76 000 personnes âgées de 25 à 54 ans qui n'ont pas
d'enfant étaient susceptibles de dépendre de leur partenaire pour leur
subsistance.
Plusieurs situations autres que l'arrivée
d'un enfant entraînent une interdépendance économique entre deux partenaires de
vie et exigent donc une solidarité économique à la fin de l'union. C'est par
exemple le cas lorsqu'une femme se retire du marché du travail pour prendre
soin d'un parent en perte d'autonomie. L'interdépendance économique dans le
couple, avec ou sans enfant, est d'ailleurs reconnue dans plusieurs lois
québécoises. Le conseil en appelle ainsi à la cohérence du législateur. Nous
savons...
Mme Cordeau
(Louise) :...nous savons aussi que
l'interdépendance entre conjointe et conjoint, avec ou sans enfant commun, est
susceptible d'entraîner un déséquilibre économique entre les deux parties à la
fin de l'union. Et ce sont plus souvent des femmes qui s'en trouvent
désavantagées. Pourquoi? Parce qu'elles consacrent davantage de temps aux soins
des enfants, à la proche aidance, aux tâches domestiques. Nous le savons, ce
sont des activités réalisées gratuitement qui ont une immense valeur économique
pour la société québécoise. Elles sont aussi moins actives sur le marché du
travail. Elles occupent plus souvent un emploi à temps partiel. Elles gagnent
un salaire moindre. Elles ont une capacité d'épargne, un patrimoine personnel
et des revenus de retraite moindres et tendent à assumer davantage les dépenses
volatiles ou variables plutôt que les dépenses dites fixes.
Par ailleurs, le conseil déplore que les
droits et obligations qui seraient dévolus aux personnes vivant en union de
fait soient moindres et distincts que ceux qui s'appliquent aux couples mariés.
Deux éléments retiennent particulièrement notre attention. Le premier concerne
la composition du patrimoine. Comment justifier que le patrimoine commun des
couples vivant en union de fait soit considéré différemment de celui des
couples mariés? L'exclusion des fonds de retraite, des REER, des résidences
secondaires, du patrimoine commun de ces couples aura pour conséquence de
diminuer considérablement la valeur dudit patrimoine lors d'une rupture et donc
d'aller à l'encontre du principe d'égalité entre les conjoints. Le conseil
s'inquiète particulièrement de l'exclusion des fonds de retraite et des REER,
sachant que les revenus de retraite et de placements détenus par les femmes
sont moindres que ceux des hommes, et ce, en raison des inégalités entre les
sexes qui existent en amont sur le marché du travail.
• (16 h 40) •
Le deuxième élément qui retient notre
attention est la pension alimentaire. Le projet de loi n° 56 propose des
mesures pour la personne qui est désavantagée à la fin d'une union de fait,
notamment l'accès au recours en prestation compensatoire. Cette mesure demeure
toutefois largement insuffisante pour pallier les déséquilibres économiques
observés entre les partenaires lors de la rupture et permettre à celui ou à
celle qui se trouve dans une situation de vulnérabilité de reprendre son
autonomie financière, que ce soit, par exemple, après avoir diminué son nombre
d'heures de travail ou après s'être retiré du marché du travail pour prendre
soin d'un enfant ou d'un parent en perte d'autonomie.
Bref, le conseil s'étonne qu'il ne soit
pas prévu que les personnes vivant en union de fait puissent demander une
pension alimentaire pour elles-mêmes, tout en respectant les principes qui
justifient un tel recours pour les couples mariés. Le conseil interpelle donc
les membres de cette commission à ne pas rater l'occasion unique qui leur est
offerte de reconnaître à toutes les personnes vivant en union de fait les mêmes
droits et les mêmes obligations que les personnes mariées. Nous pensons
particulièrement au patrimoine familial et au recours à une pension
alimentaire.
Quant à la préoccupation de ne pas marier
les Québécoises et les Québécois de force, nous y avons réfléchi et nous y
répondons par trois arguments. Premièrement, il est prévu que les couples en
union de fait puissent modifier la composition de leur patrimoine partageable,
voire se retirer des dispositions en la matière, ce qui n'est pas possible pour
les couples mariés. Deuxièmement, la notion de libre choix, dont disposent
actuellement les personnes vivant en union de fait, demeure... limitée. C'est
ce qu'on appelle la liberté contractuelle. Vous conviendrez avec moi qu'il faut
être deux pour se marier. Certaines personnes sont forcées de ne pas se marier,
parce que leur partenaire, le plus souvent l'homme, le refuse. Il faut aussi
être deux pour convenir d'une entente de vie commune.
Finalement, la recherche nous indique que
les Québécoises et les Québécois vivant en union de fait pensent qu'ils
bénéficient déjà des mêmes protections juridiques que les couples mariés. Ce
mythe du mariage automatique est nourri par le fait que plusieurs de nos lois
considèrent indifféremment les couples mariés et non mariés. En quelque sorte,
ces lois marient déjà de force les couples québécois. C'est pourquoi,
d'ailleurs, la majorité des couples ne voient pas l'utilité de se doter d'une
entente de vie commune ni même d'un testament. Or, nous savons que de mauvaises
surprises surviennent en cas de rupture ou de décès. En fonction de ces
réalités et parfois de ces contraintes, nous sommes d'avis que l'État québécois
doit établir un encadrement juridique qui reconnaisse l'interdépendance
économique dans le couple et soutienne la solidarité entre conjoints et
conjoints à la fin...
Mme Cordeau
(Louise) :...de leur union.
En conclusion, le Conseil souhaite que les
membres de la Commission des institutions procèdent à une révision
substantielle du projet de loi n° 56. Nous considérons qu'il est du devoir
de l'État québécois d'être un acteur significatif de changement afin de reconnaître
des droits et des obligations qui sont équivalents pour toutes les personnes
vivant en couple, qu'ils soient mariés ou non, avec ou sans enfants, et ce, par
principe d'équité, de justice sociale et en respectant la valeur d'égalité
entre les femmes et les hommes portée par la société québécoise. Je vous
remercie.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, Me Cordeau. M.
le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Merci, M.
le Président. Me Cordeau, Mme Julien, Bonjour. Un plaisir de vous retrouver.
Merci pour votre présentation puis le dépôt du mémoire à la... à la commission.
Donc, si on y va sur le fond de la chose,
le Conseil dit : on ne devrait pas faire de distinction, que vous ayez des
enfants ou non, à partir du moment où on est en couple, après un certain nombre
d'années, ça devrait être les protections du mariage qui s'appliquent également
aux conjoints de fait, peu importe... bien, après un certain nombre d'années
là. Après, je pense, vous dites un an?
Mme Cordeau
(Louise) :On n'a pas établi le... de
délai. On ne s'est pas penchées sur le délai. On... En 2014, on suggérait deux
ans, mais là-dessus, on n'a pas de position ferme, là, quant au délai de vie
commune.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Essentiellement, la position du conseil, ça serait, en quelque sorte, et je
reprends cette expression-là qui peut être caricaturale, là, mais de marier
tout le monde. Tout le monde, après deux ans, au Québec, dans le fond, de vie
commune, de vie de couple, que vous ayez des enfants ou non, on vous marie puis
on vous impose des obligations, les mêmes obligations qu'au mariage.
Mme Cordeau
(Louise) :En fait, on ne les marie pas.
Les personnes mariées ne peuvent pas se retirer du patrimoine familial, qui est
d'ordre public, alors que les conjoints de fait pourraient se retirer de ce
partage de patrimoine, qui serait équivalent effectivement à celui que... qui a
été déterminé législativement pour les conjoints mariés.
M. Jolin-Barrette : Donc,
vous iriez avec une disposition de retrait?
Mme Cordeau
(Louise) :Pardon, j'ai mal compris.
M. Jolin-Barrette : Vous
iriez avec une disposition de retrait pour les conjoints de fait?
Mme Cordeau
(Louise) :Oui, tout à fait, tout à fait.
M. Jolin-Barrette : C'est ça.
O.K. Il y a tout de même un choix dans le mariage. Donc, lorsqu'on décide de se
marier, c'est un choix positif. Vous, vous dites : les gens qui ne se
marient pas, ce n'est pas un véritable choix, parce que souvent, même s'ils
voudraient se marier, l'autre conjoint ou conjointe ne veut pas, donc ce n'est
pas un choix, ma... dans le fond, ma volonté unique n'est pas suffisante, et
donc ce n'est pas un choix.
Mme Cordeau
(Louise) :Bien, il faut être deux, il
faut être deux pour contracter, ça, on le sait. Et nous, du point de vue du
Conseil du statut de la femme et du point de vue de... des enjeux d'égalité, et
comme l'égalité n'est pas encore atteinte, on est obligés, force est de
constater que les femmes sont encore de grande perdante au niveau économique
lors de la rupture d'une union. Et, M. le ministre, ça fait 40 ans qu'on attend
une réforme en droit de la famille. Nous y sommes. Vous avez fait un grand pas.
Ce qu'on souhaite, c'est un pas un peu plus grand pour regarder la nouvelle réalité
des conjoints de fait au Québec, non pas que la réalité du mariage, mais la
réalité vécue par l'ensemble de la population québécoise qui choisit de vivre
en couple et qui vit majoritairement à titre de conjoints de fait. Et nous, ce
qu'on regarde, ce sont les conséquences de ces ruptures-là pour les femmes qui
vivent sans avoir aucun... aucune protection ou sans avoir... on n'aime pas
beaucoup le mot «protection», au conseil, mais sans avoir aucune disposition ou
sans avoir aucun droit qui entoure la fin de la vie commune.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Est-ce que c'est... Parce que l'approche que nous, on a prise, c'est notamment
l'approche qui vient du rapport du Comité consultatif en droit de la famille
sur le fait que c'est souvent la venue d'un enfant qui amène des changements
dans la vie conjugale. Donc là, vous, vous ne prenez pas cette approche-là.
Vous dites : qu'il y ait des enfants ou qu'il n'y ait pas d'enfants, ce
n'est pas ce facteur déterminant là qui amène un changement. Parce que je vous
donne un exemple. Tu sais, supposons, deux jeunes professionnels qui décident
de ne pas avoir des enfants puis qui mènent leur carrière séparément...
M. Jolin-Barrette : ...tout
ça. Là, vous, vous voulez leur imposer les mêmes règles que le... que le
mariage, même s'ils n'ont pas d'enfants?
Mme Cordeau
(Louise) :On convient que l'arrivée
d'enfants, et c'est ce que je disais tantôt, que l'arrivée d'un enfant a un
très grand impact dans la vie d'un couple, puis un impact... un impact souvent
plus grand pour les femmes qui ont à renoncer, parfois, à une période de vie
professionnelle active ou à autre chose. Les couples, comme vous le mentionnez,
M. le ministre, qui n'ont pas d'enfants ont nécessairement, ou presque tout le
temps, une interdépendance économique dans le couple. Ces couples-là pourraient
se retirer de ce régime. Actuellement, ce qu'on dit aux couples, c'est :
adhérez à un régime ou à une convention commune. Et nous, ce qu'on dit :
Bien, c'est la règle de base, vous pouvez décider d'y renoncer en tout ou en
partie. Alors, c'est...
M. Jolin-Barrette : Puis
vous, votre proposition, c'est notarié?
Mme Cordeau
(Louise) :On n'a pas de... Bien, c'est
notarié, c'est-à-dire que ça doit être un acte officiel. On n'a pas eu de... Le
conseil n'a pas fait de recommandation formelle sur qui devrait le faire,
est-ce que ça devrait être par une ou deux personnes ou... Ce qu'il faut, ce
qu'il faut retenir, c'est qu'il faut nécessairement que les personnes disposent
d'informations et aient un consentement libre et éclairé. Alors, le Conseil, en
2014, recommandait deux parties distinctes pour accompagner les couples ou
accompagner chacun des conjoints, deux professionnels distincts, mais le
Conseil n'a pas fait de recommandation spécifique sur ce sujet-là.
• (16 h 50) •
M. Jolin-Barrette : O.K.
Qu'est-ce que vous pensez des mesures en matière de violence judiciaire qu'on
est venu intégrer dans le projet de loi?
Mme Cordeau
(Louise) :Tout à fait d'accord. Il y a
plusieurs éléments du projet de loi que le Conseil salue d'ailleurs, c'est bien
inscrit dans le mémoire. Malheureusement, le temps qui nous est imparti dans
les 10 minutes, on ne pouvait pas le souligner. Mais toute la question...
toute la question de ces dispositions-là, toute la question de la protection de
la résidence familiale aussi, de la... d'une façon de faciliter l'octroi de
pension alimentaire de façon administrative, toutes les questions, comme vous
le dites, de violence judiciaire, on les salue. C'est... C'est important. C'est
un pas très important en droit de la famille qui est contenu dans ce projet de
loi là.
M. Jolin-Barrette : O.K. Sur
la question de la prise en charge, idéalement, d'un dossier judiciaire par un
même juge en matière familiale, qu'est-ce que... qu'est-ce que vous en pensez?
Est-ce que ça aiderait les familles? Supposons, quand qu'il y a plusieurs... il
y a des provisoires, il y a des intérimaires, des interlocutoires, qu'est-ce
que vous pensez de tout ça, dans la mesure du possible?
Mme Cordeau
(Louise) :Si on enlève la notion de juge
dans tous les dossiers en matière familiale, moins il y a d'intervenants, plus
les personnes qui vivent ces réalités difficiles sont entourées par les mêmes
professionnels, que ce soit en matière de rupture, en matière de violence, on y
gagne beaucoup. Donc, que ce soit idéalement le même juge qui entende
l'ensemble des éléments relatifs à un dossier de rupture entre conjoints, ça me
semble optimal. Comment pourrait-on le réaliser? C'est une autre question.
M. Jolin-Barrette : Mais ça
bénéficie aux justiciables.
Mme Cordeau
(Louise) :Tout à fait.
M. Jolin-Barrette : Le fait
de ne pas de devoir raconter son histoire à plusieurs reprises, puis que les
faits soient repris, puis il faut raconter, puis tout ça. Mais je comprends que
c'est une... c'est une question pour vous de faisabilité.
Mme Cordeau
(Louise) :Tout à fait.
M. Jolin-Barrette : O.K. Sur
la question de la prescription, l'abolition de la prescription entre conjoints,
quelle est votre opinion à...
Mme Cordeau
(Louise) :Le conseil ne s'est pas
prononcé, là, sur cet élément-là de façon spécifique.
M. Jolin-Barrette : O.K. La
protection de la résidence familiale, la...
Mme Cordeau
(Louise) :Tout à fait. D'ordre public. On
ne peut pas y renoncer. On ne devrait pas pouvoir y renoncer.
M. Jolin-Barrette : On a eu
quelques commentaires à l'effet que le délai de 30 jours, parce que le
régime, de la façon dont il est constitué, là, c'est qu'il prend fin au moment
de la... de la... de la fin de la vie commune. Donc, contrairement au mariage,
il prend fin immédiatement. Le mariage, le lien juridique subsiste. Là, dans le
projet de loi, on a un délai de 30 jours qui est prévu. On a eu certains groupes
qui nous ont recommandé d'allonger le délai. Est-ce que vous trouvez qu'on
devrait allonger le délai à la fois pour l'attribution de la résidence
familiale et à la fois pour la protection de la résidence familiale? Et
sous-question, si oui, ça serait quoi, un délai acceptable pour vous?
Mme Cordeau
(Louise) :On ne s'est pas non plus
prononcées sur le délai. Si je comprends bien, c'est 30 jours pour
demande, faire la demande.
M. Jolin-Barrette : Exactement...
Mme Cordeau
(Louise) :...j'ai pratiqué un droit
matrimonial pendant plusieurs années, 30 jours, c'est... c'est une opinion
personnelle, il me semble, court, considérant la réorganisation qui doit être
vécue lorsqu'une rupture survient, mais le conseil ne s'est pas prononcé formellement
sur le délai.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Peut-être, avant de céder la parole, là, à mes collègues, là, sur la question
du... du... le fait, là... on vient faire en sorte de pouvoir fixer la pension
alimentaire quand les conjoints sont d'accord, là, bien entendu. Qu'est-ce que
vous pensez de cette mesure-là?
Mme Cordeau
(Louise) : C'est une très belle mesure. C'est une mesure qui
va... qui va faciliter, d'abord, je dirais, les discussions entre les
conjoints, parce que ça ne sera pas... ce ne sera pas devant un tribunal, et
c'est aussi une mesure, je pense, qui va éviter de dépenser des sommes
importantes pour l'attribution d'une pension alimentaire pour les enfants.
M. Jolin-Barrette : Excellent.
Merci beaucoup de votre présence, au Conseil du statut de la femme aussi. Je
vais céder la parole à mes collègues...
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Mme la députée de
Vimont, s'il vous plaît.
Mme Schmaltz : Merci, M. le
Président. Bonjour, Mesdames. Merci beaucoup d'être... d'être ici présentes,
parce que c'est important, votre voix est importante aussi, hein? Je veux dire,
c'est... le conseil du statut de la femme, c'est extrêmement important. Alors,
merci, encore une fois, d'être... d'être présentes cet après-midi.
Tantôt, vous avez mentionné... vous avez
demandé au ministre de ne pas rater l'occasion, justement, à la toute fin, là,
de votre présentation, de ne pas rater cette occasion. En fait, vous savez,
moi, je suis convaincue qu'on ne ratera... on ne va pas rater cette occasion
justement de défendre les droits des enfants. C'est important. On est... Je
pense que vous le voyez avec le ministre, depuis les débuts, tout ce qui est
mis en place, mon collègue l'a mentionné tantôt, avec les projets de loi, je
pense qu'on est... On fait des bonds assez importants au Québec, et je pense
qu'on peut être fiers là-dessus. Toujours matière d'amélioration, hein, ça,
c'est sûr, mais, je pense, à la base, là, on peut être fiers. Puis ce qu'on
amène aujourd'hui, c'est vraiment quelque chose... c'est un pas de géant, puis
je pense qu'on ne doit pas l'oublier.
Puis, ceci étant dit, en préambule,
tantôt, j'ai noté quelque chose qui m'a intriguée, puis j'aimerais ça que vous
développiez là-dessus, parce que je ne suis pas entièrement certaine d'avoir
bien, bien compris ce que vous vouliez dire. Vous aviez dit, vous aviez
mentionné que l'intérêt de l'enfant... je pense, je vais mettre mes lunettes,
là, parce que je ne vois rien. Bon, l'intérêt de l'enfant doit aller de pair
avec les intérêts des parents. Moi, ça m'a... Je voudrais comprendre. Qu'est-ce
que vous voulez dire par ça?
Mme Julien (Mélanie) : En
fait, ce n'est pas exactement ça. C'est l'intérêt des enfants va de pair avec
l'intérêt des conjoints, des conjointes. La vision, actuellement, qui est
défendue avec le projet de loi, c'est avant tout... c'est l'intérêt est centré
sur celui des enfants. Et nous, ce qu'on dit, c'est qu'on peut à la fois
considérer l'intérêt des enfants et considérer celui des conjoints, des conjointes
qui se trouvent dans une situation vulnérable à la fin d'une... à la fin d'une
union. Alors, d'où... d'où l'intérêt de revoir les couples qui sont assujettis
aux droits et obligations qui sont mis sur la table. Alors, ce qu'on souhaite,
c'est que ce soient tous les... toutes les personnes qui vivent en union de
fait, comme les couples mariés, qui puissent bénéficier de droits et
d'obligations au moment de la fin d'une union.
Mme Schmaltz : Mais c'est ce
qu'on propose, là?
Mme Julien (Mélanie) : Non,
ce que vous... ce que le projet loi propose, c'est uniquement les couples en
union de... les couples en union de fait qui ont un enfant commun, alors que,
nous, c'est toutes les personnes qui vivent en union de fait.
Mme Schmaltz : O.K., parfait.
Bon, au moins, c'est un petit peu plus clair. Parfait. C'est ça, on parlait
aussi... J'ai-tu un peu le temps encore? Oui. O.K. On parlait tantôt des
mariages forcés. Puis vous avez mentionné que, souvent, ça prend deux personnes
pour se marier. Puis, dans la plupart du temps, c'est les hommes qui ne sont
pas en accord avec... avec le mariage. Je pense que c'est huit sur 10, hein, ou
quelque chose comme ça? Mais, en tout cas, peu importe.
Selon vous, pourquoi? Qu'est-ce qui fait
que les hommes sont réfractaires à la notion du mariage? Est-ce que c'est le
fait justement d'avoir à partager des biens ou c'est simplement parce que...
Qu'est-ce que... La réflexion que vous faites autour de ça, c'est quoi,
exactement? Parce qu'il y a toutes sortes de raisons pour quoi on peut refuser
le mariage. Mais j'ai senti tantôt un petit peu un... oui, mais ce sont les
hommes qui refusent. Je ne veux pas dire qu'on les pointe méchamment,
là-dedans, parce que ce n'est pas... Il y a probablement des femmes aussi, là, hein?
Une voix : ...
Mme Schmaltz : Non, non,
c'est sûr, il y a des femmes aussi qui refusent, là, ce n'est pas juste les
hommes, mais pourquoi, comme ça, un peu les pointer... les hommes, un peu
réfractaires, là?
Mme Julien (Mélanie) : Ce que
la recherche en général nous démontre, ce que... c'est que les gens qui se
marient ne le font pas forcément pour les protections juridiques. Les Québécois
et les Québécoises, en général, n'ont pas ça dans leur esprit au moment de
demander à son partenaire à se marier. Alors, ce n'est pas du tout dans cet...
pour ces raisons-là que les couples se marient ou ne se marient pas...
Mme Schmaltz : O.K...
vraiment par amour.
Mme Julien (Mélanie) : Alors,
pour nous, ça ne fait pas partie du radar. Par amour, par conviction, par
religion. Alors, il y a toutes sortes de raisons qui peuvent être évoquées,
mais rarement les protections juridiques.
Mme Schmaltz : O.K. Merci...
Mme Schmaltz : ...je vais
laisser la parole à ma collègue.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Il reste deux minutes du
côté gouvernemental.
M. Lemieux : ...
Le Président (M.
Bachand) :M. le député de Saint-Jean,
allez-y.
M. Lemieux : Merci beaucoup.
On va continuer sur... pour faire du pouce sur ma collègue, parce qu'on s'est
fait dire que... dans les témoignages précédents, qu'effectivement la société a
beaucoup changé depuis 20 ans, particulièrement au chapitre du mariage. Et
ça explique les chiffres auxquels on est confrontés, pas seulement des couples,
mais des enfants issus de ces couples-là, hors mariage. Est-ce qu'une loi comme
celle qu'on est en train de faire doit régler tout ça? Puis je viens vous
rejoindre, là, sur la partie avant les enfants. Est-ce qu'on est prêts pour ça?
Plein de monde aujourd'hui puis hier qui m'ont dit : Vous savez, la loi
sur la famille, c'est pas mal tout le temps en retard, mais en même temps, ça
prend... Et j'en veux pour preuve le fait que les couples non mariés ne sont
vraiment pas au courant de ce qui les attend, s'ils ont un problème, l'un ou
l'autre décède, et tout le reste des problèmes qui viennent avec. Je comprends
le militantisme, je comprends la volonté de faire avancer, je comprends de
faire plus qu'un pas. Mais est-ce qu'on est prêts pour ça?
• (17 heures) •
Mme Julien (Mélanie) : En
fait, à la question de savoir si on est prêts, les Québécois et les Québécoises
pensent qu'on est déjà rendus là.
M. Lemieux : Bien oui.
Mme Julien (Mélanie) : Alors,
poser la question, c'est y répondre.
M. Lemieux : Oui, mais ça,
c'est... c'est une impression. Ce n'est pas un fait puis ce n'est surtout pas
une loi, là.
Mme Julien (Mélanie) : Alors,
est-ce qu'on est prêts? Dans la mesure où on pense qu'on est déjà rendus là,
que c'est déjà reconnu, et qu'ils... et que les Québécois et les Québécoises
souhaitent avoir des protections, des droits équivalents, alors bien sûr que
nous y sommes rendus. Et...
M. Lemieux : Mais quand vous
dites qu'ils sont déja rendus là, c'est de la mauvaise information. C'est
d'abord, et ça avant tout, une mauvaise impression, là.
Mme Julien (Mélanie) : Oui,
mais pour eux, ça va de soi que l'ensemble des couples, qu'ils soient mariés ou
non, bénéficient des mêmes droits et obligations. Alors, en ce sens-là, ils
sont favorables à ce que les protections soient équivalentes.
M. Lemieux : Je voudrais bien
voir le gouvernement qui va leur dire qu'ils sont rendus là avant de l'être.
Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Mme la députée de Westmount—Saint-Louis.
Mme Maccarone : Merci, M. le
Président. Bonjour, Maître Cordeau, Mme Julien. Un plaisir de vous avoir avec
nous aujourd'hui. Merci pour votre mémoire puis aussi pour votre présentation.
Évidemment, je souhaite parler des femmes.
Puis je ne sais pas si vous avez vu passer le témoignage de les professeurs
Langevin, Belleau, Lavallée, ils nous ont beaucoup éclaircis en ce qui concerne
la condition féminine, une cause que je sais qu'on partage. Puis ils ont parlé
de... on est en train de créer des catégories des femmes. Je souhaite avoir
votre opinion là-dessus parce que je sais que vous avez quand même élaboré un
peu là-dessus. Mais, si le projet de loi est adopté dans sa forme actuelle, que
sera l'impact des femmes aujourd'hui? Est-ce que c'est vrai qu'on va avoir des
catégories des femmes suite à l'adoption du projet de loi n° 56, dans sa
forme sans modification?
Mme Cordeau
(Louise) :Il est évident que le projet de
loi est d'abord axé sur l'intérêt de l'enfant, et que des dispositions sont
prises pour favoriser la sécurité des enfants lors d'une rupture. Alors, est-ce
qu'il y aurait des différences entre les femmes? Bien sûr, c'est... ça me
semble évident. Les femmes qui vivent en union de fait, qui n'ont pas d'enfant
commun avec un conjoint, mais qui peuvent vivre en union de fait avec des
enfants, des unions recomposées, on en voit, qui prennent en charge des enfants
de leur conjoint, qui peuvent faire des choix de famille, parce que c'est une
famille recomposée, n'auraient pas de droits et d'obligations. C'est un seul
exemple qui me vient en tête mais je pense qu'il est assez éloquent.
Mme Maccarone : D'abord, je
présume que vous partagez. On a reçu Me Tétreault, qui a passé en commission
hier, puis il utilise à peu près les mêmes exemples que vous. On parle de la
pénalité à la maternité. Il n'a pas qualifié d'exactement la même façon, mais
il a quand même peinturé un portrait. Mais il a aussi dit quelque chose que
j'ai trouvé fort intéressant parce qu'il a dit : la situation économique
des enfants est directement liée à la situation économique des femmes. Alors,
encore une fois, je souhaite vous entendre un peu là-dessus, de l'impact sur
les enfants. Parce que, l'autre chose que peut-être vous pourriez aussi nous
clarifier votre position, on a aussi entendu plusieurs groupes, puis là, il y a
plusieurs opinions, là, je ne suis pas avocate, mais il y a plusieurs opinions,
on a des catégories des enfants, on a des catégories des femmes. Alors, quand
vous parlez un peu de la situation économique de l'enfant qui est directement
en lien avec la situation économique des parents, ça peut être la femme ou
l'homme ou le parent en question, est-ce qu'on a aussi... est-ce que nous
sommes en train de faire ceci avec ce projet de loi? Et est-ce qu'on est en
train de créer des catégories des enfants?...
17 h (version non révisée)
Mme Cordeau
(Louise) :...nous, ce sur quoi on veut
surtout axer notre argumentaire, ce sont pour les conjoints de fait qui n'ont
pas d'enfant, parce qu'on considère que le projet de loi qui est devant nous
prévoit des dispositions quant aux droits qui seraient afférents aux couples
qui ont des enfants communs. Quant aux couples qui n'ont pas d'enfant commun et
qui vivent en union de fait, pour différentes raisons, les femmes sont
désavantagées à la fin de leur union, j'en ai... j'en ai nommé quelques-unes de
ces raisons. Donc, la maternité n'est pas le seul élément qui fait en sorte que
les femmes, à la fin d'une union, sont moins avantagées que les hommes ou...
puis là je fais femmes et hommes, mais on peut regarder d'autres, d'autres
types de couple aussi.
Mais ce qu'il faut retenir, c'est que ces
femmes peuvent ne pas avoir d'enfant commun avec leur conjoint, mais la proche
aidance, on en parle de plus en plus, prendre charge de parent malade, ce n'est
pas un enfant commun. Et n'oublions pas, et ça, je l'ai répété tantôt, l'interdépendance
économique des conjoints, nonobstant qu'ils aient des enfants ou non, existe
dans presque tous les couples.
Mme Julien (Mélanie) : Si
vous me permettez, j'ajouterais que toutes les autres juridictions canadiennes
reconnaissent le droit des personnes qui vivent en union de fait de demander
une pension alimentaire pour soi-même à la fin de l'union. Et il n'y a aucune
juridiction canadienne qui exige, qui limite ce droit-là aux personnes qui
vivent en union de fait, qui ont un enfant commun. C'est... Ce n'est pas un
critère qui est exigé ailleurs au Canada. Alors, si le projet de loi n° 56
était adopté tel quel, ce serait une singularité du Québec par rapport à l'ensemble
des autres juridictions canadiennes.
Mme Maccarone : C'est bon de
savoir. Merci. On a aussi entendu, par contre, que les contrats de vie de
commun, ça peut être une panacée, c'est une solution. Est-ce que c'est une
solution? Est-ce que vous, vous connaissez beaucoup de gens qui connaissent c'est
quoi, un contrat de vie commune, et c'est utilisé? Vous avez beaucoup de
statistiques, merci pour ça, dans votre document.
Mme Julien (Mélanie) : Moins
de 8 % des personnes, des personnes qui vivent en union de fait, ont
convenu d'une entente de vie commune. Alors, effectivement, c'est très peu.
Mme Maccarone : Mais quand on
parle d'un «opting in/opting out», là, comment allons-nous... Si, mettons, on
sait quelque chose, puis la loi est adoptée, comment allons-nous informer la
population si on dit que... Parce que je comprends, on parle beaucoup de
mariage de force, on souhaite avoir une équité pour toutes les femmes, peu
importe leur situation, qui sont conjoints de fait, qui sont mariées, qui ont
enfants, sans enfant. Mais comment en informer la population que ça, ça existe,
mettons, s'il y a un «opting out», qui sera mis en place? Comment ça
fonctionnerait selon vous?
Mme Cordeau
(Louise) :C'est un très grand défi. Si on
regarde... si on considère que la dernière réforme date de plus de 40 ans et
que si on parle du partage du patrimoine familial aujourd'hui à plusieurs
couples, je ne suis pas certaine que l'information précise existe des couples
mariés. Alors, la question de l'information, peu importe l'ensemble des
dispositions qui seraient retenues dans ce projet de loi, l'information est au
cœur, au cœur de ce qui doit être fait quant aux couples qui vivent en union de
fait au Québec.
Mme Julien (Mélanie) : Mais,
du moins, avec la proposition du conseil, c'est que les droits et les
obligations de base, l'ensemble, seraient reconnus à l'ensemble des personnes.
Alors, l'information, ce serait pour... y renoncer. Alors, c'est a contrario
que la liberté contractuelle va se faire, va s'exercer. Alors qu'actuellement
les gens qui veulent bénéficier de ces droits, de ces protections-là, doivent
être informés pour aller chercher une entente de vie commune. Alors, nous, on
dit : Donnons-leur un ensemble de base, des droits... Reconnaissons-leur
des droits, des obligations de base. Et, si ça ne convient pas à leur mode de
fonctionnement, ils auront la liberté contractuelle d'y renoncer.
Mme Maccarone : Mais il
faudra les informer.
Mme Julien (Mélanie) : Absolument,
avec avis juridique, absolument.
Mme Maccarone : Parce qu'on a
aussi entendu... Il y a du monde qui dit qu'on devrait avoir accès à un
conseiller juridique indépendant. On a discuté un peu de ça avec les notaires,
avec le regroupement des personnes qui représentent des familles
monoparentales, recomposées aussi. Puis il y a des doutes que ça fonctionne. Un
milite qui dit : Oui, on sait, on fait ça au quotidien, mais il y a
plus... Moi, je connais plein, plein plein... surtout des femmes qui n'ont pas
accès. Que devons-nous faire pour aider à...
Mme Maccarone : ...que, si on
dit qu'on doit informer la population, la loi va changer, on veut donner un
accès aux droits, je n'ai aucune idée, ça va avoir l'air de quoi, le projet de
loi, à la fin du processus de l'étude détaillée. J'espère qu'on va avoir des
modifications pour bonifier la loi. Mais comment allons-nous faire pour
s'assurer que tout le monde a accès à un conseiller juridique indépendant?
Mme Cordeau
(Louise) :Je n'ai pas la réponse, je n'ai
pas la réponse. Mais ce qui est clair, c'est qu'à partir du moment, comme l'a
dit Mme Julien, où l'ensemble des couples vivant en union de fait ont des
droits et des obligations qui sont communs, et je pense particulièrement aux
droits et obligations qu'auraient les femmes, il y aurait un minimum qui serait
acquis pour les femmes qui vivent en union de fait.
Mme Maccarone : Je commence à
avoir l'impression que ça va être plate à avoir une relation de couple puis
plate, avoir des enfants parce que ça commence à être très compliqué.
On parle beaucoup des dates dans ce projet
de loi. L'application de la loi, ça va être un an après, si, mettons, c'est le
cas, puis, exemple, en 2025, puis on parle aussi, mettons, de 30 jours
d'attribution de la résidence familiale, après qu'on... quand on est en union
de fait. Puis le ministre dit souvent qu'on n'a pas le choix, il faut faire ça.
On a entendu autre avocat dire que ce n'est pas le cas, on n'a pas besoin
d'avoir une date du tout. Moi, je connais des familles, enfants et sans
enfants, qui ont décidé de partager la maison pendant une période d'un an et
demi. Votre opinion là-dessus? Que devons-nous faire en termes de ce type de
date à l'intérieur du projet de loi?
• (17 h 10) •
Mme Cordeau
(Louise) :Le conseil ne s'est pas
prononcé, n'a pas fait de recommandation sur les dates. Je pense qu'il faut
revenir aussi à l'essence de la nature de la protection de la résidence
familiale, pourquoi ça existe en cas de rupture. Alors, je pense que c'est dans
des situations où des gestes... des gestes rapides doivent être posés pour la
protection... la protection des enfants et de la personne qui resterait dans la
résidence familiale. Alors, je pense qu'il ne faut pas perdre de vue l'objet et
le sens de la protection de la résidence familiale.
Mme Maccarone : Ça fait que,
dans le fond, moi, ce que j'entends, c'est : on a besoin d'avoir quelque
chose qui est plus sur mesure et non du mur-à-mur. Est-ce que c'est un...
Mme Cordeau
(Louise) :Là-dessus, le conseil ne s'est
pas prononcé.
Mme Maccarone : O.K., je
comprends. Selon vous, est-ce que le projet de loi reconnaît le travail non
rémunéré? Vous l'avez évoqué un peu dans vos remarques.
Mme Julien (Mélanie) : Il
reconnaît la pénalité à la maternité, dans une certaine mesure, parce qu'il
accorde des droits et des obligations aux personnes qui vivent en union de fait
qui ont un enfant commun mais ne reconnaît pas le travail non rémunéré qui
concerne les personnes vivant en union de fait qui n'ont pas d'enfant commun.
Alors, comme Me Cordeau le disait, des personnes proches aidantes, par exemple,
il y a un certain nombre de personnes sans enfants communs qui vont prendre
soin d'un parent vieillissant, même d'un beau-parent, alors qui s'investit dans
la... dans une perspective de solidarité familiale, met en... sur pause ses
activités professionnelles pour prendre soin de cette personne-là, arrive la
fin d'une union, et vit un désavantage économique flagrant vis-à-vis son
ex-partenaire. Il n'est pas en mesure... n'est pas en mesure de demander une pension
pour soi-même pour recouvrer son autonomie financière à la fin de l'union.
Alors effectivement, le projet de loi ne reconnaît pas ce type de situation là.
Mme Maccarone : Bon. Ça fait
le tout pour moi, mesdames. Merci beaucoup. Ça a été fort intéressant
d'échanger avec vous, surtout, comme j'ai mentionné par avant, qu'on a
plusieurs d'opinions. Ce qui est clair, c'est qu'il y a plusieurs opinions,
puis il n'y a pas un chemin à prendre. Mais j'espère qu'on va pouvoir compter
sur toutes les collègues féminines de porter la voix des femmes lors de l'étude
détaillée de ce projet de loi pour s'assurer qu'on protège les droits des
femmes, qu'on protège les droits de toutes les familles qui sont concernées par
ce projet de loi. Merci beaucoup pour votre passage en commission. C'est
grandement apprécié.
Le Président (M.
Bachand) :À mon tour de vous dire merci,
Mme Julien et Me Cordeau, d'avoir été à la commission.
Et puis je vais suspendre les travaux
quelques instants pour accueillir le prochain groupe. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 17 h 13)
(Reprise à 17 h 18)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux. Il me fait plaisir d'accueillir les
représentantes du groupe des Treize, alors je vous invite à vous présenter,
après ça, à débuter votre présentation pour 10 minutes. Merci beaucoup.
Mme Bélanger (Annie-Pierre) : Annie-Pierre
Bélanger, coordonnatrice du groupe des 13.
Mme Arsenault (Sara) : Sarah
Arsenault, responsable des dossiers politiques à la Fédération des femmes du
Québec.
Mme Lapointe (Marianne) : Marianne
Lapointe, au Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail, le
CIAFT.
Le Président (M.
Bachand) :Merci, allez-y.
Mme Bélanger (Annie-Pierre) : M.
le Président de la commission, M. le ministre de la Justice, mesdames et
Messieurs membres de la commission, on vous remercie…
Mme Bélanger (Annie-Pierre) : ...de
nous recevoir dans les cadres... dans le cadre de la consultation sur le projet
de loi n° 56. Nous représentons le Groupe des treize, une coalition
féministe qui existe depuis près de 40 ans et qui regroupe
23 organisations féministes nationales à travers le Québec. Bien que nous
reconnaissons le bien-fondé du projet de loi n° 56, aujourd'hui, on va
vous présenter une analyse du point de vue des femmes et des personnes
marginalisées. Compte tenu du temps alloué, on va aller directement aux recommandations
principales et on vous transmettra un mémoire plus complet d'ici le 7 mai.
Pour notre première recommandation, nous
demandons que le gouvernement respecte ses engagements en matière d'égalité
énoncés dans la stratégie égalité 2022-2027 et qu'il réalise une analyse
différenciée selon les sexes dans une perspective intersectionnelle, ADS+, du
projet de loi. Qu'il la rende publique en toute transparence et qu'il effectue
au besoin les correctifs nécessaires. Cette analyse devrait être construite
dans une perspective intersectionnelle, comme stipulé dans le cadre de
référence pour les projets pilotes en ADS+ déposé en 2023 par le Secrétariat à
la condition féminine. Cette démarche est essentielle pour assurer le respect
des droits fondamentaux.
Notre deuxième recommandation, qui est
primordiale pour nous en regard du projet de loi à l'étude, soit que les mêmes
protections s'appliquent aux conjoints de fait qu'aux couples en union civile.
Plus concrètement, nous demandons que l'on modifie le Code civil afin
d'accorder aux conjointes et conjoints de fait les mêmes droits que les couples
en union civile, c'est-à-dire que nous souhaitons leur rendre applicables les
articles 521.6 à 521.19 et 585 à 596.1 du Code civil, avec les adaptations
nécessaires, ainsi que les droits et obligations en matière de successions et
aliments.
• (17 h 20) •
Cette recommandation s'appuie sur notre
ADS+ de la situation des conjoints de fait dont voici quelques éléments :
la persistance des inégalités de revenus, les taux d'union libre qui sont plus
élevés dans des régions où les hommes gagnent près du double du revenu médian
des femmes, 41 % des enfants de conjoints de fait qui n'ont pas le même
niveau de vie chez leurs parents après une séparation. Le Québec est un des endroits
du monde où il y a le plus d'unions libres, mais aucun encadrement,
contrairement à d'autres provinces canadiennes.
Par ailleurs, bien que le Québec veuille
respecter le libre choix, ce choix n'est ni libre ni éclairé, puisque seulement
8 % des couples en union libre ont rédigé une convention de vie commune.
Pire, selon des données de 2022, 50 % des personnes en union libre pensent
que la loi les traite de la même manière que les couples en union civile. Une
personne sur quatre en union de fait voulait se marier, mais l'autre non.
Enfin, selon une étude récente, plus de 70 % des Québécois et Québécoises
sont favorables à un traitement juridique similaire des couples mariés et en
union libre. C'est pourquoi nous recommandons, en troisième point, que l'on définisse
les conjointes, conjoints de fait comme étant deux personnes, quels que soient
leur sexe ou leur identité de genre, qui répondent à l'un des critères
suivants, soit qu'ils font vie commune et qu'ils se présentent publiquement
comme un couple et qu'ils sont tous les deux parents d'un même enfant, sans
égard à leur durée de vie commune, qui font vie commune et qui se présentent
publiquement comme un couple depuis au moins trois ans, qui ont signé un
contrat de vie commune notarié et qui l'ont enregistré auprès du directeur de
l'état civil.
Cette recommandation vise à simplifier le
droit et à harmoniser la définition avec d'autres lois sociales. En ce sens,
notre quatrième recommandation est donc que la loi s'applique aux conjoints de
fait répondant aux critères de notre recommandation trois, et cela dès l'entrée
en vigueur de la loi. Que les couples jouissent d'un délai d'un an après
l'adoption de la loi pour se soustraire de son application par acte notarié, et
que le ou la notaire qui enregistre la décision ait l'obligation de s'assurer
que chaque conjoint ait bénéficié d'un conseil juridique indépendant au
préalable comme condition à la validité de la convention. Le but de cette
recommandation est d'avoir un effet immédiat, comme ce fut le cas pour
l'instauration du patrimoine familial en 1989 et d'inscrire la liberté
contractuelle dans une culture du consentement libre et éclairé.
Comme nous l'avons dit précédemment, les
couples en union libre sont confus par rapport à leurs droits, confusion qui
vient en partie de la fiscalité et des lois sociales qui les traitent comme
interdépendants. Notre cinquième recommandation est donc dans tous les cas que
le gouvernement réalise une campagne d'envergure pour informer la population de
ses droits en matière de droit de la famille à la lumière des modifications
adoptées par le projet de loi n° 56.
Mme Lapointe (Marianne) : Nous
venons de vous présenter nos recommandations primordiales. Si, toutefois, le
législateur décidait de ne pas les retenir en entier, voici nos amendements
prioritaires. Nous recommandons, en sixième point, que le PL 56 soit
immédiatement effectif afin qu'il couvre tous les enfants des conjointes et
conjoints de fait qui... qui sont déjà nés, en commun ou non, parce que le PL 56
instaure une nouvelle discrimination envers les enfants en fonction du statut
matrimonial des parents. Sur le droit de retrait, tel que présenté dans le
PL 56, nous recommandons...
Mme Lapointe (Marianne) : ...en
septième point, que dans tous les cas où les conjoints de fait ou en union
parentale prennent une décision concernant l'inclusion, le «opting in», ou
l'exclusion, le «opting out», des dispositions du patrimoine, que le notaire
qui enregistre la décision ait l'obligation de s'assurer que chaque conjoint
ait bénéficié d'un conseil juridique indépendant au préalable comme condition à
la validité de la convention. Le but de cette recommandation est de prôner une
culture de consentement libre et éclairé pour les raisons évoquées précédemment
mais aussi pour les conflits d'intérêts entre les deux personnes du couple.
Notre huitième recommandation est que soit
inclus dans les dispositions concernant le patrimoine d'une union parentale ou
d'une union de fait l'ensemble des éléments qui sont inclus dans le patrimoine
familial, en particulier tous les actifs accumulés pour la retraite provenant
de l'ensemble des outils d'épargne-retraite en vigueur, les droits accumulés
dans le régime des rentes du Québec, les régimes complémentaires de retraite,
les REER, les CELI, et autres instruments d'épargne-retraite. Ces actifs
représentent une part importante des avoirs des ménages, et les femmes y
contribuent par leur travail rémunéré mais aussi par leur travail non rémunéré
ou invisible. Aujourd'hui, il demeure des écarts de revenus importants entre
les femmes et les hommes. Ces écarts se reflètent dans la capacité d'épargne
tout au long de la vie et donc dans les revenus à la retraite. Pour les femmes,
l'écart se situe à moins de 30 % évidemment inférieur à celui des hommes.
Les femmes sont... ont effectué
61.1 % du total des heures de travail non rémunéré entre 2015 et 2018. Par
ce travail de soins, en tant que mères, conjointes et proches aidantes, ces
femmes contribuent à la santé de la famille et de la société, ce qui produit
une valeur. En 2018, la valeur de ce travail se situait entre 25,5 % et
37.3 % du PIB, selon la méthode utilisée. En contrepartie, elles sont
moins disponibles pour le travail rémunéré et cumulent un retard important dans
le revenu et les épargnes-retraite.
Sur d'autres sujets, nous avons constaté
que certains articles du PL 56 limitent les protections accordées. Nos
deux prochaines recommandations seront deux exemples.
Premièrement, le PL 56 instaure un
délai de 30 jours pour les protections provisoires liées à la résidence
familiale. Nous sommes en désaccord : ce délai n'existe pas pour les
couples en union civile, le délai de 30 jours ne respecte pas les délais
actuels pour obtenir l'aide juridique et intenter un recours, ce délai n'est pas
réaliste parce que, dans les premiers temps d'une séparation, il y a beaucoup
de chamboulements, dont la garde des enfants qui est somme toute prioritaire,
et que les dates de fin d'union ne sont pas toujours claires.
Pour toutes ces raisons, notre neuvième
recommandation est que le délai de 30 jours prévu à l'article 521.27
du projet de loi soit supprimé, et que toutes les protections liées à la
résidence familiale énumérées dans les articles 401 à 413 et 3062 du Code
civil s'appliquent aux conjoints en union parentale et aux conjoints de fait et
qu'elles restent en vigueur jusqu'à ce qu'un jugement final sur la dissolution
de l'union soit rendu.
Deuxièmement, au sujet de la prestation
compensatoire, nous pensons que les articles 427 à 430 du Code civil
devraient s'appliquer tels quels, c'est-à-dire que notre
10e recommandation est de retirer l'article 521.46, limitant le
calcul de la prestation compensatoire à la valeur marchande dans le PL 56.
La raison est que la jurisprudence a tendance à fixer la prestation
compensatoire à la valeur accumulée plutôt qu'à la valeur marchande. Donc, cet
article du PL 56 constitue, en fait, une perte par rapport à la situation
actuelle des conjoints de fait.
En conclusion, nous réitérons notre
position d'accorder les mêmes dispositions aux conjoints en union libre qu'aux
conjointes en union civile, après trois ans de vie commune ou un enfant commun,
et ce, dès l'application de la loi, avec un droit de retrait libre et éclairé
la première année et une large campagne d'information. Il en va du respect des
engagements du Gouvernement en matière d'égalité entre les femmes et les
hommes, de non-discrimination des femmes et des enfants et de solidarité,
toutes des valeurs chères à la société québécoise et promues par la CAQ. Si le
législateur restreint les protections aux conjoints de fait ayant un enfant en
commun, nous recommandons prioritairement d'encadrer l'effet immédiat de la
loi, le droit de retrait libre et éclairé d'inclure les régimes de retraite, de
retirer le libellé qui limite à 30 jours le délai pour protéger la
résidence familiale et celui limitant le calcul de la prestation...
Mme Lapointe (Marianne) : ...compensatoire.
Le Président (M.
Bachand) :Merci infiniment. M. le
ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui,
merci, M. le Président. Mme Bélanger, Mme Arsenault, Mme Lapointe, merci d'être
présentes à l'Assemble nationale et de présenter votre mémoire, de participer
aux consultations du projet de loi n° 56. D'entrée de jeu, je... vous avez
10 recommandations, on va les aborder plus en détail. Mais, sur la
question du projet de loi lui-même, là, je comprends que vous, vous
dites : Il n'est pas parfait, il faut aller plus loin, mais vous
reconnaissez que c'est déjà une avancée par rapport à ce qu'on a actuellement.
Mme Arsenault (Sara) : Oui,
en effet, c'est sûr qu'on aimerait souligner quand même le courage que ça prend
d'apporter ce sujet-là à l'Assemblée nationale, d'ouvrir le débat de société.
Évidemment, on est ouvertes avec le concept d'union parentale. Pour nous, on va
parler plutôt du patrimoine d'union de fait ou d'union de fait puisque c'est
notre... notre recommandation principale. C'est sûr, évidemment, aussi, par
rapport aux violences judiciaires, c'est quelque chose qui est vraiment très
intéressant, donc, ce que vous proposez. Plus principalement, on sait, comme Me
Kirouack l'avait nommé en... lors de son intervention hier, il y a un concept
de chose jugé par rapport... qui ne s'applique pas par rapport aux gardes et
aux aliments. Donc, il y a effectivement des dérives parfois au niveau des
violences judiciaires. Donc, c'est vraiment une avancée par rapport à cela.
Ensuite, on pourra discuter aussi, là, d'autres mesures que vous proposez dans
le projet de loi.
• (17 h 30) •
M. Jolin-Barrette : Peut-être
en lien avec la violence judiciaire, là, qu'on insère, là. On propose également
aussi, lorsque c'est possible de le faire, qu'un dossier en matière familiale
soit suivi par le même juge dans la mesure du possible. Qu'est-ce que vous
pensez de cette proposition-là?
Mme Arsenault (Sara) : C'est
une proposition qui est intéressante dans un monde parallèle, je vais
m'expliquer, dans le sens où il y a plusieurs limites quand même dans le
concret de la pratique. Dans notre époque, je pratiquais en droit familial. Il
y a plusieurs choses à prendre en considération : engorgement des
tribunaux, le manque de juges en Cour supérieure, le fait que d'avoir un même
juge attribué puisse apporter des enjeux au niveau de la disponibilité et donc
des délais. On sait que les... les demandes provisoires en garde... en droit
familial sont des demandes qui doivent être entendues d'urgence. Donc, c'est
important, qu'il y ait une disponibilité des fonds et des ressources qui soient
proportionnels à la mesure, là, qui est proposée.
M. Jolin-Barrette : Mais là,
on est sur la mécanique davantage, là, le...
Mme Arsenault (Sara) : Absolument.
M. Jolin-Barrette : ...sur le
principe, là, le...
Mme Arsenault (Sara) : Sur le
principe, c'est un principe, comme on vous dit, qui est... qui est très
intéressant. Ensuite, on ne peut pas non plus faire fi de la réalité, là, parce
qu'on sait que ça va être des femmes, des enfants et des familles qui vont en
payer le prix. Donc, il faut faire attention quand même avec ce type de mesures
là, d'avoir les ressources qui sont appropriées.
M. Jolin-Barrette : Donc, si
l'utilisation et le mode de gestion est revu, en tout respect de l'indépendance
judiciaire... Parce que ce n'est pas moi qui assigne les juges de la Cour
supérieure, ce n'est pas moi qui les nomme non plus, c'est le fédéral puis ce
n'est pas moi qui attribue le nombre de postes. D'ailleurs, dans le projet de
loi n° 54, on est venus prévoir sept postes supplémentaires de juges de la
Cour supérieure. Donc, nous, on fournit les bureaux, les adjointes, avec le
soutien à la magistrature, donc... puis on fait des démarches auprès du
gouvernement fédéral pour avoir davantage de juges. Mais cela étant, je
comprends que c'est plus simple pour les justiciables si c'est le même juge qui
suit leur dossier, puis, dans la mesure où ils sont disponibles, ils sont
pratiques, donc on... on comprend. O.K.
Mme Arsenault (Sara) : Oui.
Et j'ajouterais aussi dans la mesure où, ça l'a été quand même mentionné par
d'autres intervenants, intervenantes, bien, qu'il y ait une sensibilité aussi
de ce juge par rapport au droit familial et des enjeux qui sous-tendent
également.
M. Jolin-Barrette : Mais,
dans les faits... bien, en fait, non, pas dans les faits, théoriquement, quand
on se présente devant la cour, on est censés avoir le même traitement, peu
importe qui est sur le banc.
Mme Arsenault (Sara) : C'est
un commentaire que je vous ai entendu faire dans d'autres interventions, là. On
pourrait avoir des discussions quand même parce qu'il y a des réserves quand
même à la mise en application. Là, je pense que les juges sont des êtres humains
qui ont parfois des biais. Il y a des recherches qui remontent... qui
démontrent quand même qu'il y a des biais sexistes qui s'immiscent parfois dans
les jugements en droit familial. Donc, c'est important de... de le prendre en
considération.
M. Jolin-Barrette : Mais je
suis intéressé à vous entendre là-dessus.
Mme Arsenault (Sara) : Moi,
je ne suis pas chercheuse, donc ce n'est pas nécessairement ça qu'on veut
apporter aujourd'hui, mais on pourra vous... vous donner des références ou
des... de la documentation, si vous le souhaitez, après la consultation.
M. Jolin-Barrette : Bien,
certainement, si vous voulez le transmettre au secrétariat de la... de la
commission. Je suis convaincue que les parlementaires seraient intéressés à avoir
ça.
Mme Lapointe (Marianne) : Si
je peux me permettre.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Mme Lapointe (Marianne) : Je
crois qu'il y a des dispositions dans la stratégie égalité à ce propos. Mais,
comme ce n'est pas une question à laquelle je m'attendais, je n'ai pas lu ces
articles-là, mais je vous invite à relire la stratégie en égalité qui
appartient...
17 h 30 (version non révisée)
Mme Lapointe (Marianne) : ...
au gouvernement.
M. Jolin-Barrette : Excellent.
Sur vos recommandations, vous nous proposez, dans le fond, que ce que... que
les conjoints, lorsque ça fait trois ans qu'ils sont ensemble, dans le fond,
ils aient les mêmes obligations que les conjoints qui sont mariés. Dans le
fond, faire en sorte que l'écoulement du temps fasse en sorte, même s'ils n'ont
pas d'enfants, que les règles du mariage s'appliquent à eux. J'ai bien compris?
Mme Bélanger (Annie-Pierre) : Nous,
c'est l'union civile, par contre. Le mariage, il y a certaines dispositions qui
sont différentes puis il y a aussi un aspect souvent religieux. Alors, on
parlait des mêmes dispositions que l'union civile.
M. Jolin-Barrette : Je
comprends, mais le... le régime est similaire, puis, dans le fond, le mariage,
ça peut être célébré dans une église, comme ça peut être célébré par... par un
notaire, par le maire, au palais de justice aussi, là, donc.
Mme Arsenault (Sara) : Oui,
bien, en effet, peut-être pour compléter ma collègue, tu sais, c'est surtout qu'on
entend beaucoup ce discours du mariage forcé. Par contre, il faut faire quand
même attention, parce que nous, par exemple, nos recommandations, ce n'est pas
de retransférer les normes par rapport à la célébration du mariage, par
exemple, ou de demander l'application de la loi sur le divorce dans... dans le
cadre de nos recommandations. Donc, c'est là où est-ce qu'on fait une petite
distinction. Puis également il y a quand même plusieurs retraits ou exclusions
qui sont prévus dans le projet de loi. Donc, pour nous, ce n'est pas
assimilable, dans le fond, au régime du mariage.
M. Jolin-Barrette : Hum-hum.
Bien, en fait, vous voulez les protections associées au mariage ou à l'union
civile...
Mme Arsenault (Sara) : Les
obligations, les droits et les protections, en effet.
M. Jolin-Barrette : C'est ça.
O.K. Tout à l'heure, donc, vous êtes d'accord avec la protection puis l'attribution
de la résidence familiale. Vous dites : Par contre, le délai de 30 jours,
il est trop court. On doit mettre un délai. Alors, vous nous suggérez d'élargir
ce délai-là jusqu'à combien de temps?
Mme Bélanger (Annie-Pierre) : En
fait, notre... bien, ce qu'on remarquait, c'est que, du côté de l'union civile,
le délai est associé à la dissolution, donc... bon, lorsqu'il y a la séparation
des biens, tout ça. Alors, nous, on recommandait que ce soit la même chose qui
s'applique, et toujours dans l'esprit de simplifier, en fait, le droit.
M. Jolin-Barrette : Mais l'enjeu,
c'est qu'on ne peut pas faire ça, parce que la fin de l'union parentale
survient avec la fin de la vie commune, contrairement à l'union civile ou
contrairement au mariage, que le lien perdure. Donc, on n'a pas le choix juridiquement
de mettre un délai, mais 60 jours, 90 jours?
Mme Arsenault (Sara) : En
fait, je pense que c'est important de reprendre, parce que, par rapport à nos
recommandations, effectivement, il y a deux définitions, là. Donc, on veut que
ça soit applicable autant pour les conjoints qui vont avoir un enfant, par
exemple, mais aussi ceux qui vont avoir fait vie commune pendant trois ans sans
nécessairement avoir d'enfant, mais nous, on propose aussi une option d'opting
in. Donc, pour... donc, votre commentaire ne s'appliquerait pas nécessairement
à tous les cas pour lesquels nous, on a la recommandation trois, qui tend à
élargir. Si vous pouvez peut-être juste reformuler votre question, je vais
pouvoir aussi aller plus en détail.
M. Jolin-Barrette : Bien,
dans le fond, c'est parce qu'à la fois pour l'union civile et à la fois pour le
mariage, dans le fond, lorsqu'il y a séparation, le lien de droit demeure jusqu'au
prononcé du jugement.
Mme Arsenault (Sara) : En
effet.
M. Jolin-Barrette : Là, dans
le régime de l'union parental, on n'a pas ça. L'union prend fin à partir du
moment où il y a une des conditions de l'union qui prend fin, puis ça se
termine maintenant. Ça fait que, dans le fond, c'est par une fiction juridique
qu'on maintient la protection associée à la résidence familiale. Dans le fond,
le législateur dit : On ajoute 30 jours. Là, ça fait quelques groupes
qui me disent : Le 30 jours, il est trop restreint, mais ça nous
prend quand même un délai. Ça fait que ma question, c'est : Quel délai
serait approprié pour vous pour permettre... Je comprends que, dans les
commentaires précédents qu'on a eus, on me disait : Bien, 30 jours, c'est
un peu rapide pour se retourner puis présenter une demande à la cour. Donc, c'est
plus là-dessus que... que je veux avoir votre... vos lumières.
Mme Arsenault (Sara) : Oui.
Bien, c'est sûr, évidemment, je pense qu'il va y avoir des amendements,
peut-être, éventuellement sur la définition que vous allez retenir par rapport
aux conjoints, conjointes qui vont être protégés par la loi. Également, ça se
pourrait qu'il y ait aussi des modifications par rapport à la fin de l'union.
Donc, c'est sûr que, dépendamment des choix qui seront faits par le
législateur, il va y avoir des adaptations nécessaires au projet de loi, et
notamment par rapport à cette protection-là. On ne s'est pas prononcé sur un
temps spécifique, mais je vais laisser...
Mme Lapointe (Marianne) : Mais
on a mis dans notre libellé, en fait, que nous, on s'intéresse aux dates de fin
d'union plus claires. Donc, le législateur pourrait effectivement établir une
liste de critères, en fait, où, là, c'est clair que l'union est dissolue. Donc,
par exemple, ne plus faire vie commune dans la même... dans la même résidence
familiale, avoir réglé la garde des enfants, tu sais, avoir amorcé un processus
de... de médiation pour la garde des enfants, etc...
Mme Lapointe (Marianne) : ...donc
il pourrait y avoir une liste d'éléments qui viennent appuyer le fait que la
date est claire.
Mme Bélanger (Annie-Pierre) : Si
je peux ajouter un élément, nous, le Groupe des Treize, on n'est pas des
juristes, mais on... dans le fond, on représente des organisations féministes,
puis on se base sur les faits de la société. Donc, la suggestion pourrait être
d'étudier en fait à quel moment, dans une séparation de fait, les conjoints,
conjointes arrivent à la question légale. Parce que ce qu'on sait, c'est que
déjà dans le projet de loi, il y a la question de la manifestation tacite qui
ne rend quand même pas clair le début ou le délai du 30 jours court. Mais, en
plus, dans cette période-là de séparation, il y a beaucoup de bouleversements.
Là, il faut prendre en compte, en plus, il y a une crise du logement qui fait
en sorte que se relocaliser n'est pas simple. Et, pour les parents, souvent,
c'est la question de la garde des enfants qui va être prioritaire. Donc, on
inviterait plutôt le législateur à se pencher sur comment, actuellement, ça
fonctionne dans la société, puis à ajuster le délai en fonction de l'usage
finalement.
M. Jolin-Barrette : Excellent!
Je vous remercie pour votre présence en commission parlementaire, c'est
apprécié. Donc, je vais céder la parole à mes collègues. Merci pour les
échanges.
• (17 h 40) •
Le Président (M.
Bachand) :Mme la députée de Vimont.
Mme Schmaltz : Merci, M. le
Président. Bonjour, mesdames. Bien contente de vous rencontrer. Je salue aussi
vos collègues en arrière, parce que je les vois hocher de la tête, elles vous
écoutent religieusement, en tout cas. Pour ma part, moi, c'est la première
fois, je ne vous connaissais pas. J'ai regardé tantôt les groupes que vous
représentez. C'est assez...très diversifié, si on peut dire, et puis... Bien,
merci de votre présence.
Alors, j'ai pris connaissance des
recommandations. J'ai bien aimé la numéro 5, d'ailleurs, je l'ai marquée,
j'aime bien, avec la réalisation d'une campagne d'envergure pour informer la
population une fois le projet adopté. Effectivement, je pense que ça s'inscrit
naturellement là-dedans, d'informer la population de ses droits.
Recommandation 4, vous... c'est mentionné
que... Vous suggérez que «les conjoints ou conjointes qui décident de se
soustraire de l'application par acte notarié, donc un an après l'adoption de la
loi, bénéficient d'un conseil juridique indépendant». C'est quoi? Ça serait
composé de qui et pourquoi?
Mme Arsenault (Sara) : C'est
une très bonne question. Je pense qu'il y a plusieurs intervenants,
intervenantes aussi qui ont proposé certaines modalités. Pour nous, si c'est un
acte notarié, donc, définitivement, c'est devant notaire que serait enregistré
le tout. Un conseil juridique, ça peut être fait par un avocat, un notaire, par
exemple. Pour nous, c'est important, ça, parce qu'il y a tout un contexte, comme
ça a été nommé précédemment, de toute façon, de contrôle coercitif, de violence
conjugale qui ne sont pas nécessairement visibles dans une rencontre, par
exemple, avec un notaire. Donc, quand on décide de retirer certaines
protections à son patrimoine ou de se retirer du régime complètement, il faut
que ce consentement-là puisse prendre en mesure, justement, la valeur des biens
qui sont associés à ce patrimoine-là pour que le consentement soit complet, en
fait, qu'on ait toutes les informations en main pour que le consentement soit
libre et éclairé complètement, et surtout parce que les intérêts des conjoints,
conjointes ne sont pas toujours nécessairement alignés.
Donc, il y a certains enjeux qui peuvent
se poser. Et je vais renchérir sur un commentaire de Me Kirouac, qui
mentionnait justement que les médiateurs et médiatrices familiales, par
exemple, ont cette obligation-là, en vertu de l'article 118 du Code de
procédure civile, quand ils voient qu'il y a un différend de demander aux
parties d'avoir un avis juridique indépendant. Donc, pour nous, la logique est
finalement à peu près la même, là, pour des décisions qui sont aussi
importantes que de retirer des protections, mais il faut noter aussi qu'on a
aussi ajouté dans notre «opting in». Donc, pour nous, ça va dans les deux sens,
«opting out/opting in».
Mme Schmaltz : Je m'excuse de
vous couper, juste... Est-ce qu'on parle de rencontre individuelle ou de
couple, ou vous prenez les... bien, les deux personnes à part? C'est ça, hein,
on les prend à part pour ne pas que personne n'influence... soit influencé
par... O.K. Parfait. C'est bon.
Mme Bélanger (Annie-Pierre) : C'est
aussi juste d'être libre, en fait, de considérer ses propres intérêts dans une
relation qui n'est pas fondée. Tu sais, ça a été nommé à plusieurs reprises,
mais la relation intime ou d'union parentale ou d'union, de fait, elle n'est
pas d'abord fondée sur des intérêts économiques. C'est des relations qui sont
intimes, des partenaires qui se choisissent, et donc de pouvoir prendre un
temps séparément pour mesurer... dans le fond, ses intérêts, pour nous, c'est
primordial. C'est sûr qu'on est dans le milieu féministe, on prône une culture
du consentement libre et éclairé, et, pour nous, ce sont les conditions qu'on
met sur la table pour exercer...
Mme Bélanger (Annie-Pierre) : ...ce
consentement-là, libre et éclairé, ça pourrait être d'autres conditions, mais
pour nous, il faut que ça respecte le principe d'un consentement libre et
éclairé.
Mme Schmaltz : Parfait. Je
vous remercie. Merci. Je n'ai plus... Je n'ai pas de question.
Le Président (M.
Bachand) :Une petite minute. Ça va du
côté gouvernemental. Mme la députée de Laval-des-Rapides pour une minute.
Mme Haytayan : Merci. Est-ce
que vous pouvez développer rapidement sur l'importance de permettre aux
conjoints de fait en union parentale d'hériter de l'autre en l'absence de
testament?
Mme Lapointe (Marianne) : Si
vous pouvez me permettre, nous ne sommes aucunement des spécialistes du droit
de... de successions, désolée. Donc, nous, on est vraiment ici aujourd'hui pour
parler de... tu sais, de ce qu'on a préparé. C'est sûr que, dans l'optique où
on est très préoccupés par les inégalités de revenus et les inégalités entre
les hommes et les femmes, on trouverait très, très important que les droits des
conjoints et des conjointes soient vraiment respectés jusqu'au bout, jusque
dans le décès, et qu'en fait les droits des conjoints ou des conjointes... ou,
en fait, des personnes, des compagnons de vie qui ont le moins de revenus dans
le couple soient protégés par le droit à l'accès à... aux sous après la mort
d'un des deux conjoints. Mais nous ne sommes pas des spécialistes du droit de
la succession.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Je me tourne
vers la position officielle. M. le député de l'Acadie. Oui, allez-y.
M. Morin : Oui, merci, M. le
Président. Alors, je vais... je vais commencer comme ça. Alors, désolé...
Bonjour, mesdames. Désolé, je suis arrivé un peu en retard, j'avais une
intervention à faire au salon bleu. C'est terminé. Merci. Merci d'être là.
Merci aussi pour ce que vous nous expliquez et vous nous dites.
Quand M. le ministre a déposé son projet
de loi, il a dit que la pierre angulaire, c'était la protection des enfants. Ce
que j'aimerais savoir de vous, c'est qu'avec le projet de loi est-ce que vous
pensez que tous les enfants sont bien protégés dans le cas de couples qui
vivent en union de fait?
Mme Bélanger (Annie-Pierre) : Non.
Pour nous, il y a une discrimination qui est faite des enfants par rapport au
statut matrimonial de leurs parents. Les enfants ne choisissent pas dans quel
type d'union ils naissent, d'ailleurs, certains sont déjà nés. On a parlé
d'instaurer à partir, bon, de... d'une date en 2025. Par contre, il va y avoir
une séparation en 2010, mais c'est un enfant qui va être né en 2003, il ne sera
pas couvert. Les enfants des personnes mariées, finalement, sont ceux qui ont
les meilleures protections. Et il n'y a pas seulement... Oui, on voit que le
projet de loi a été déposé dans l'intérêt en tout cas de certains enfants, on
va dire, mais pour nous, on parle aussi de la question de la discrimination des
femmes dans la société. Et le projet de loi, finalement, aussi vient centrer son
intérêt sur les femmes qui vont mettre au monde ou adopter un enfant après une
certaine date en 2025. Et on se questionne, à savoir toutes les autres femmes
qui font du travail invisible et non rémunéré, qu'on sait, empiriquement,
toutes les données sont d'accord avec ça, il y a des inégalités qui subsistent,
il y a l'iniquité salariale, ça a des importances tout au long de la vie
jusqu'à la retraite, mais ces femmes-là, leur travail ne sera pas reconnu.
Alors, que la stratégie égalité du gouvernement, il y a un objectif qui dit
clairement qu'on doit reconnaître et valoriser le travail invisible et non
rémunéré des femmes. Mais reconnaître, c'est le mettre en mots, le mettre dans
un projet de loi, le valoriser, c'est lui accorder une valeur. Et donc, au moment
de la séparation, c'est une super opportunité pour enfin reconnaître et
valoriser ce travail-là. Et on pourra le faire dans toutes sortes d'autres
projets de loi, dans toutes sortes d'autres programmes sociaux. Mais là,
aujourd'hui, on est là pour parler du projet de loi n° 56, et c'est ce
qu'on veut. On veut que le gouvernement non seulement ne crée pas de nouvelles
discriminations, s'il vous plaît, ne complexifions pas le droit de la famille,
alors qu'à peu près tout le monde est confus, et ne recréons pas non plus de
discrimination entre les femmes, puis profitons-en pour faire avancer l'égalité
entre les femmes et les hommes.
M. Morin : Merci. On nous a
dit aujourd'hui... plusieurs groupes, personnes nous ont dit : écoutez, le
mariage, c'est un choix, les gens ne sont pas obligés de se marier, ils font un
choix. Puis là, on ne veut pas marier des gens de force au Québec, on nous a
dit ça aussi. Puis là, bien, évidemment, comme porte-parole de l'opposition
officielle, on tente toujours de faire ce qui est de mieux pour la population,
de bonifier éventuellement les projets de loi. Qu'est-ce que vous répondez à
cet argument-là, qui, en fait, va créer une distinction entre des conjoints ou
des conjoints avec ou sans enfants?
Mme Bélanger (Annie-Pierre) : Là,
vous voulez dire sur la question du libre choix, en particulier?...
M. Morin : ...Oui, puis
souvent aussi, la différence qu'on a entre, mettons, le régime primaire, quand
quelqu'un est marié, auquel on ne peut pas... on ne peut pas , et ce qui est
proposé dans le projet de loi n° 56.
Mme Bélanger (Annie-Pierre) : Bien,
sur la question du libre choix, je pense que ça a été nommé par plusieurs
intervenants et intervenantes, que les personnes qui choisissent de se marier
ou qui s'en vont plutôt vers une union civile ou une union de fait ne le font
pas nécessairement par rapport aux droits, obligations ou protections. Donc,
est-ce qu'en partant là, il y a un libre choix? Ensuite, on parle... tu sais,
nous, on propose, à l'instar du Conseil du statut de la femme, d'inverser
simplement le fardeau. Au lieu que le fardeau soit sur les épaules
individuelles des femmes, des hommes, des personnes, de faire un choix et de se
mettre en action, bon, d'aller s'informer, etc., aller signer un contrat, nous
on dit : on met des protections de base, là, pour tout le monde. Nous, ce
qu'on propose, c'est un droit de retrait pour la première année d'application
du projet de loi. Mais pour nous, c'est de cette façon-là que le choix... le
libre choix sera davantage respecté.
Puis on voit aussi, en fait, que les
hommes et les femmes sont à peu près, et de façon équivalente... ignorent leurs
droits de la... le droit de la famille. La seule... bien, «la seule», c'est une
énorme différence, c'est que les hommes qui ignorent le droit de la famille,
généralement, lors d'une séparation, se trouvent avantagés, alors que les
femmes qui ignorent le droit de la famille lors d'une séparation généralement
se trouvent désavantagées. Et nous, c'est à cet endroit-là qu'on pense qu'il
faut agir.
Je ne sais pas si vous voulez compléter.
• (17 h 50) •
Des voix : ...
M. Morin : Merci. Je vais
maintenant céder la parole à ma collègue la députée de Westmount—Saint-Louis.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Alors, Mme la députée de
Westmount—Saint-Louis, s'il vous plaît.
Mme Maccarone : Merci
beaucoup. Bonjour, mesdames Bélanger, Arsenault et Lapointe. Merci beaucoup de
votre passage aujourd'hui.
J'ai envie de poser les mêmes questions
que j'ai posées un peu à le Conseil du statut de la femme. Si le projet de loi
n'est pas bonifié, n'est pas modifié, puis ça reste dans sa mouture actuelle,
est-ce que nous sommes en train de créer des catégories des femmes?
Mme Lapointe (Marianne) : Oui.
Bien, un... on a légèrement la même position que le Conseil du statut de la
femme. Donc, il va y avoir les femmes qui vont avoir eu des enfants à un moment
x et celles qui vont être en union libre et n'auront pas d'enfant, et, etc.,
les femmes mariées. Donc, oui, on est en train de catégoriser les femmes. C'est
une forme de discrimination. Et il ne faut pas oublier que les femmes vivent,
tout au long de leur vie, toutes sortes de formes de discrimination, qui
découlent des écarts de revenus, et qui découlent des écarts de revenus à la
retraite, et qui découlent... plein de... d'autres discriminations. Donc,
souvent, une discrimination en entraîne une autre. Donc, on peut penser aussi,
on n'en a pas parlé dans notre présentation parce qu'à un moment donné, pour 10 minutes,
il faut faire des choix, mais au niveau des écarts de revenus, on peut entre
autres mentionner les femmes immigrantes qui sont arrivées depuis plus de
10 ans au... ici, qui ont un écart de revenus avec les hommes dans la même
situation de moins 14 %. Donc, vous aurez accès à beaucoup de données
statistiques, là, dans notre mémoire, on en a plusieurs qu'on n'a pas nommées
aujourd'hui. Mais la discrimination, elle est flagrante. Et ça ne tient pas
compte aussi du fait que les femmes qui ne bénéficieraient pas de la
protection, vu qu'elles n'auraient pas encore eu d'enfants, elles sont
potentiellement des proches aidantes, elles sont quand même des conjointes qui
contribuent à l'enrichissement de leur cellule familiale et devraient avoir
accès, en fait, aux protections en cas de séparation.
Donc, votre collègue d'en face m'a... a
posé la question tout à l'heure sur les protections lors de la mort, bien oui,
c'est important, lors du décès d'un conjoint ou d'une conjointe. Il y a les
protections pendant qu'on est mère, mais il ne faut pas oublier les protections
entre les deux. Donc, au niveau de la retraite, ces protections-là sont très
importantes aussi parce qu'il y a énormément de femmes qui se ramassent à la
retraite en étant en situation de pauvreté.
Mme Maccarone : Merci de le
soulever. Surtout la situation des femmes immigrantes, proches aidantes, on
n'en parle pas assez. Je pense que... J'ai manqué le début de la commission,
mais je pense que vous êtes les premières à faire la mention, alors c'est
important. Puis j'ai... je vous ai entendues lors de votre témoignage, vous
avez aussi évoqué les mêmes statistiques qu'on a entendues des professeurs
Langevin, Belleau et Lavallée, puis juste avant vous, vous étiez ici dans la
salle, pour le témoignage de le Conseil du statut de la...
Mme Maccarone : ...qui nous
ont fait part de 76 000 et plus couples sans enfant, vivent avec un revenu
qui demande... qui dépend sur un des partenaires. Puis là vous avez dit que
vous n'avez pas eu assez de temps. J'ai beaucoup d'autres questions que je
pourrais vous poser, là. Il me reste trois minutes 30 secondes. Y a-t-il
autres statistiques ou autres informations que vous souhaitez partager avec les
membres de la commission? Je peux vous céder mon temps ou je peux vous poser
des questions, mais c'est tellement important votre passage ici, en commission,
J'ai envie de vous entendre.
Mme Bélanger (Annie-Pierre) : Bien,
c'est très gentil. Peut-être, pendant que mes collègues réfléchissent, bien,
déjà, nous, le groupe des 13, 23 organisations nationales féministes,
quand on a vu le dépôt du projet de loi, nous, pour s'organiser, là, ce n'est
pas qu'on retourne à notre bureau, puis on écrit un mémoire, là, ce n'est
vraiment pas ça. Il faut s'approprier collectivement l'enjeu pour faire une
ADS+ collective. Il faut ensuite aller de l'avant, là, avec notre rédaction,
puis il faut faire approuver, nous autres. Donc, d'être invitées dès le début
de la commission, de ne pas être, en fait, informées rapidement, donc peut-être
à l'avance, une prochaine fois qui se prépare un dossier en lien avec la
condition féminine. Ça, c'est quelque chose qui nous aiderait.
Et d'ailleurs, à travers ça, on a appris,
en rencontrant le conseiller politique de la CAQ, qu'il n'y avait pas
nécessairement eu d'ADS du projet de loi. Et, par la suite, quand on a
rencontré le secrétaire à la Condition féminine, on nous a dit : Oui, oui,
le ministre a sollicité... le ministre de la Justice a sollicité un
accompagnement en ADS. Et là, nous, on a demandé : Bien, peut-on consulter
cet ADS? Parce que ça nous aiderait à nous faire une tête. Puis, pour nous, le
projet de loi était plutôt plus ou moins écrit dans une perspective ADS,
disons-le, et pas ADS+ non plus. Alors, c'est quelque chose qu'on aimerait
aussi, avoir accès, en fait, aux ADS, idéalement ADS+ qui sont réalisées dans
le cadre des projets de loi. Aussi, être convoquées plutôt vers la fin, vu
notre processus démocratique et l'ensemble des membres qu'on représente, puis
aussi être informées autant que possible à l'avance. Donc, là-dessus, je laisse
mes collègues compléter.
Mme Lapointe (Marianne) : Bien,
moi, j'aurais simplement à dire qu'on a l'impression, à la lecture de certains
projets de loi récents et du P.L. 56, qu'il y a un mythe qui... qui perdure
dans l'appareil gouvernemental présentement, que l'égalité entre les hommes et
les femmes est atteinte. Donc, moi, j'aimerais renforcer le fait que ce n'est
pas le cas, que, bien qu'on a une progression du taux d'activité des femmes sur
le marché du travail, il demeure des inégalités flagrantes, entre autres au
niveau du revenu, mais aussi, entre autres, au niveau des métiers occupés,
des... de la discrimination au niveau des conditions de travail. Donc, beaucoup
de femmes sont dans les milieux de travail non syndiqués, à statut précaire,
avec des horaires atypiques, etc. Donc, ça renforce aussi le besoin de
protection, parce que toutes ces femmes-là, qui ont des enjeux de
discrimination et d'écart de conditions de travail et de revenu, vont accumuler
tout ça et, rendues à la fin de leur vie, vont avoir des soucis. Et je trouve
qu'on est bien positionné dans un projet de loi pour la famille de...
Mme Maccarone : De ne pas
manquer le coup. Je comprends.
Mme Arsenault (Sara) : Et si
je peux...
Mme Maccarone : 30 secondes.
Mme Arsenault (Sara) : 30 secondes.
O.K. Je vais vite, super, ça va vous tenir réveillés. Il y a aussi un aspect,
je pense, qui est important, plusieurs ont mentionné, à la suite des lois sociales,
qu'il y a une disparité, par exemple. Tu sais, les critères varient beaucoup.
On parle de période de vie commune, adoption... compris, pas compris. Puis, tu
sais, il y a une réforme, par exemple de l'aide sociale qui a été annoncée. On
sait que, dans la loi sur... bref, que la vie maritale est un des critères qui
va vraiment venir créer une dépendance économique pour les femmes prestataires
de l'aide sociale, etc. Et ce qu'on voit, c'est que, dans plusieurs lois, on
va... on va marier de force, comme on aime le dire, et donc il y a des
désavantages qui ressortent de ces lois-là, mais, d'un autre part, on ne veut
pas apporter les protections, les droits ou les obligations qui en découlent.
Puis pourtant, bien, il y a beaucoup de programmes d'aide... programmes d'aide
sociale, mais pas aide sociale, mais vous comprenez, qui sont réduites, en
fait, si on parle, par exemple...
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Merci beaucoup. Je vais
céder la parole au député de Saint-Henri–Sainte-Anne.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup. Merci pour votre excellente présentation, là, j'en ai manqué une
partie, malheureusement, comme j'étais au salon bleu aussi. Donc, j'espère que
je ne vais pas vous faire répéter trop. Vous dites que le gouvernement réalise
une ADS et au besoin apporte des correctifs nécessaires. Mais là, vous êtes...
vous êtes polies dans le «au besoin», là, vous l'avez faite vous-même,
j'imagine, puis vous faites les constats. Ça fait que vous demandez
nécessairement que ces corrections-là soient faites.
Mme Bélanger (Annie-Pierre) : Oui.
Oui, en fait, l'ADS, quand on regarde c'est quoi, dans la définition même du
gouvernement, c'est un outil d'aide à la décision...
Mme Bélanger (Annie-Pierre) : ...donc,
si on fait seulement une analyse avec un rapport puis on le tablette, nous
n'avons pas fait une ADS. Le gouvernement ne peut pas cocher. C'est un outil
d'aide à la décision, donc cela doit transparaître dans la décision. Et, comme
nous, ça ne transparaissait pas, en tout cas peut-être qu'on n'a pas vu la
première mouture non plus, mais on s'est dit qu'on aurait aimé voir en fait ce
rapport ADS là, ce qui a été réalisé.
M. Cliche-Rivard : Vous
dites : trois ans dans le cas de couples qui n'ont pas d'enfant. Pourquoi
vous vous êtes arrêtées à trois ans de vie commune?
Mme Bélanger (Annie-Pierre) : En...
Bien, certaines lois, programmes sociaux, lois sociales, loi sur l'assurance
adoptent trois ans. Parfois, c'est un, parfois c'est deux. On s'est dit, si on
va dans une optique d'harmoniser, simplifier, trois ans seraient une
proposition intéressante, selon nous. On aurait été ouvertes à deux ans aussi.
M. Cliche-Rivard : O.K.,
deux, mais vous ne descendiez pas un an. Vous étiez dans cette réflexion-là
parce que, «conjoint de fait», bon, on s'initie ou s'enclenche après un an dans
certaines lois aussi, vous venez de le dire.
• (18 heures) •
Mme Bélanger (Annie-Pierre) : Un
an, nous...
M. Cliche-Rivard : Vous étiez
à trois ans.
Mme Bélanger (Annie-Pierre) : C'est
ça.
M. Cliche-Rivard : Qu'est-ce
qui est pour le «opt out», avec un enfant né après juin 25, vous conservez ce
droit-là pendant un an? Vous l'enlevez?
Mme Bélanger (Annie-Pierre) : Si
le projet de loi est adopté sans prendre en compte notre recommandation
primordiale, O.K., donc on est dans un régime d'union parentale, pour nous,
nous, dans le fond, on recommanderait seulement la première année d'application
du projet. Ceci étant dit, si le projet est adopté avec l'idée d'un «opting out»
tout le long, notre recommandation, qui est toujours là d'ailleurs, c'est le...
un avis juridique indépendant pour chacun, chacune des conjoints.
M. Cliche-Rivard : O.K. Donc,
dans l'année, puis après ça, il n'y a pas d'«opt out». Une fois que l'année est
passée, vous, vous n'êtes pas à dire que, de consentement, on pourrait se
retirer finalement du régime?
Mme Arsenault (Sara) : Bien
non. Mais, en fait, pour nous, c'est ça, on veut, avec les adaptations
nécessaires, le régime d'union... d'union civile. Donc, par exemple, le
patrimoine familial, c'est des dispositions d'ordre public. Donc, pour nous, il
y a toujours la possibilité, puis je pense que, des fois, on a tendance à
l'oublier, mais de renoncer à la... à séparation. Donc, il y a quand même un
choix, si on souhaite renoncer, ou, des fois, il y a des situations de partage
inégal, là, donc ce n'est pas... Tu sais, il y a certaines situations quand
même qui peuvent venir changer la donne, mais aussi, bien, c'est que pour nous,
tu sais, tous les aspects aussi de la société d'acquêts qu'on a un peu moins
discutés, ça serait les mêmes dispositions, donc aussi les mêmes particularités
de pouvoir être en séparation de biens, par exemple, etc.
M. Cliche-Rivard : Puis vous
prévoyez donc un... des normes minimales ou un plancher minimal comme la
résidence principale, par exemple, duquel on nd pourrait pas se dissocier,
même... même par consentement?
Mme Arsenault (Sara) : Exact.
Nous, c'est l'article 415 du code civil, tel quel, régime de retraite,
tout.
M. Cliche-Rivard : Ça fait
que... qu'importe l'avis juridique notarié, les avis, ça, c'est fondamental
puis de droit public. Ça ne devrait pas être...
Mme Arsenault (Sara) : Mais
toujours avec la possibilité de renoncer à la séparation.
M. Cliche-Rivard : O.K..
Mme Bélanger (Annie-Pierre) : Au
moment de la séparation.
M. Cliche-Rivard : Au moment
de la séparation.
Mme Bélanger (Annie-Pierre) : C'est
ça qu'on veut dire.
M. Cliche-Rivard : C'est ça,
de consentement entre les deux parties.
Mme Arsenault (Sara) : Oui,
parce que bien souvent on prend des dispositions en début de vie commune
pendant que ça va bien, mais les vrais enjeux, c'est plus tard qu'on... qu'on
peut les voir, donc.
M. Cliche-Rivard : Puis les
dispositions, justement, de modification, pendant la relation... de venir
modifier, là, il y a...
Mme Bélanger (Annie-Pierre) : Nous,
on a préféré se garder une réserve là-dessus. On remet ça entre les mains du
législateur, là. Nous, on a fait la recommandation que le «opt out», là, le
droit de retrait serait la première année d'application du projet de loi
seulement, avec une belle campagne d'information, et tout. Donc...
Mme Lapointe (Marianne) : Et
des conseils juridiques indépendants pour chacun des conjoints.
M. Cliche-Rivard : Accessibles
évidemment.
Mme Lapointe (Marianne) : Accessibles.
Mme Arsenault (Sara) : Oui.
Mme Lapointe (Marianne) : Qui
fassent partie, en fait, d'un programme de soutien à l'accès.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup pour votre temps.
Le Président (M.
Bachand) :Sur ce, mesdames, merci
beaucoup d'avoir été avec nous. Ça a été très apprécié.
Et la commission ajourne ses travaux au
jeudi 2 mai après les avis touchant les travaux des commissions.
Merci.
(Fin de la séance à 18 h 03)