(Quinze
heures quarante-cinq minutes)
<R>17859
Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Bon après-midi. Ayant constaté le quorum, je
déclare la séance de la Commission des institutions ouverte.
La commission est
réunie afin d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 12, Loi
portant sur la réforme du droit de la famille en matière de filiation et visant
la protection des enfants nés à la suite d'une agression sexuelle et des
personnes victimes de cette agression ainsi que les droits des mères porteuses
et des enfants issus d'un projet de grossesse pour autrui.
Avant de débuter, Mme
la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire :
Oui, M. le Président. M. Zanetti (Jean-Lesage) est remplacé par M. Cliche-Rivard (Saint-Henri—Sainte-Anne).
Remarques préliminaires
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup.
Donc, nous allons débuter par les remarques préliminaires. M. le ministre, la
parole est à vous.
M. Simon Jolin-Barrette
M. Jolin-Barrette : Oui. Merci, M. le
Président. Alors, nous entamons aujourd'hui l'étude détaillée du projet
de loi n° 12, qui vise à poursuivre l'importante réforme du droit de la
famille.
Au cours des
dernières semaines se sont tenues les consultations particulières. Une
vingtaine de groupes et intervenants sont venus partager leurs expertises et
leurs expériences en commission parlementaire. Ils nous ont fait part de leurs points de vue sur des éléments
centraux du projet de loi. L'exercice aura permis de rassurer les
intervenants et de clarifier certains points et certaines des positions. Alors,
les questions et les différentes suggestions qui ont été faites permettront assurément de bonifier notre
réflexion pour les travaux à venir. Nous avons été heureux de constater
que le projet de loi dans son ensemble était très bien reçu.
En tant que père, en
tant que mère, comme beau-parent ou comme parent adoptif, peu importe quel rôle
nous nous... dans quel rôle nous nous reconnaissons, nous voulons tous la même
chose, que nos enfants puissent grandir, se développer, s'épanouir dans un
milieu sain et sécuritaire. Comme société et comme gouvernement, nous avons le
devoir de mettre en place toutes les protections nécessaires pour que nos
enfants puissent évoluer de façon équitable, peu importe la façon dont ils
viennent au monde.
C'est dans cet état
d'esprit que le projet de loi n° 12 a été rédigé. Il se décline en trois
grands axes : la protection des mères dont l'enfant est issu d'une
agression sexuelle et la fin de la possibilité, pour un agresseur sexuel, de forcer l'établissement de sa paternité;
l'encadrement des grossesses pour autrui en vue d'assurer la protection
des droits de l'enfant à naître et ceux de la mère porteuse; puis un meilleur
accès à la connaissance des origines pour les enfants nés d'une procréation
assistée, que l'on parle d'un don de gamètes ou d'une grossesse pour autrui.
Nous avons tous été
outrés d'apprendre, à travers l'histoire de celle que l'on connaît sous le
pseudonyme d'Océane, qu'un agresseur peut, dans l'état actuel du droit...
d'établir sa paternité à l'égard d'un enfant issu d'une agression sexuelle.
Avec le projet de loi n° 12, nous nous assurons de colmater cette faille
dans la loi, et ce, sans pénaliser financièrement la mère de l'enfant.
Par ailleurs, chaque
année, des enfants naissent d'une grossesse pour autrui au Québec, un processus
qui n'est pas reconnu par la loi, et peuvent ainsi se retrouver dans une position
de vulnérabilité. C'est pourquoi nous venons encadrer la grossesse pour autrui.
Nous proposons un cadre prévisible, sécuritaire et sécurisant pour tous et nous
nous assurons que les droits de l'enfant à naître et de la mère porteuse seront
protégés quoi qu'il arrive.
Enfin,
comme les experts s'entendent sur le besoin fondamental, pour une personne,
d'avoir accès à la connaissance de ses origines, nous voulons garantir
cet accès aux enfants issus d'une procréation impliquant la contribution d'un
tiers. La connaissance des origines permet à tout individu de construire son
identité et de s'approprier son histoire. Il s'agit d'un besoin intrinsèque et
crucial pour beaucoup d'enfants. L'étude détaillée sera l'occasion d'aborder
chacun de ces aspects en profondeur.
Nous
entamons cette étape avec ouverture et avec la même volonté qui a guidé toutes
nos décisions jusqu'ici : offrir
ce qu'il y a de mieux à nos enfants. La famille est au fondement même de notre
société. Comme nous le savons, les réalités
familiales évoluent, et le droit de la famille doit également s'adapter. La
réforme que nous proposons permettra de mieux répondre aux besoins des
familles d'aujourd'hui et de mieux protéger les enfants.
En
terminant, je tiens à remercier mes collègues de la partie gouvernementale
ainsi que les collègues de la... des différentes oppositions, qui ont jusqu'ici
permis que les travaux se déroulent rondement et dans un esprit de
collaboration. L'étude détaillée sera l'occasion, une fois de plus, de mettre
nos efforts en commun dans l'intérêt des familles québécoises. Et, je le
répète, en tant que gouvernement, nous ne devons rien laisser au hasard quand
vient le temps de protéger l'intérêt de nos enfants. Merci. M. le Président.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup,
M. le ministre. M. le député de l'Acadie, s'il vous plaît.
M. André Albert Morin
M. Morin : Merci,
M. le Président. Alors, comme le mentionnait M. le ministre, on commence
aujourd'hui l'analyse, l'étude article par article des dispositions du projet
de loi n° 12. On aborde le projet de loi avec beaucoup d'ouverture parce
qu'un des éléments importants du projet de loi est de légiférer, réglementer
toutes les conventions de grossesse pour autrui, ce qui est... ce qui,
présentement, n'est pas fait comme... en tant que tel dans le Code civil.
Et ce projet de loi
va apporter aussi différentes modifications importantes en matière de
filiation, tout comme le projet de loi va permettre à un enfant, lorsqu'il est
issu d'une agression sexuelle, de contester sa filiation avec l'agresseur ou de s'opposer à ce qu'une telle
filiation soit établie. Donc, c'est un projet de loi qui doit conjuguer
l'intérêt de l'enfant, la protection des
droits des femmes et également les parents qui voudront se lancer dans un
projet parental lorsqu'on réfère plus spécifiquement à la convention de
grossesse.
• (15 h 50) •
Le projet de loi va
permettre l'obligation de conclure une convention de grossesse pour autrui
avant le début de la grossesse et donc
prévoit aussi l'obligation d'obtenir, après la naissance de l'enfant, le
consentement de la personne qui lui a
donné naissance à ce que le lien de filiation avec l'enfant soit établi
exclusivement à l'égard des parents d'intention. Et ça, nous... j'y
reviendrai, éventuellement.
Il est donc important
de s'assurer que le consentement qui sera donné par tous les intervenants,
toutes les parties au projet, le... soit
fait d'une façon vraiment claire et éclairée et que les différents... en fait,
les parents d'intention, la personne porteuse soient bien au courant de
l'ensemble de leurs droits et des obligations dans le... en vertu desquels ils
vont s'engager dans ce projet.
Donc, c'est un projet
de loi qui est très important, mais qui, à mon avis, et je le dis bien
humblement, est perfectible. Donc, j'étais heureux d'entendre M. le ministre
dire qu'il débutait cet exercice-là avec ouverture, parce que, dans le projet
de loi, il y a un certain manque de précision, et j'y reviendrai.
Il y a toute la
question, également, de la possibilité pour des femmes porteuses de participer
au projet alors qu'elles sont hors Canada. Et là il y a toute une procédure, en
fait, qui est prévue au projet de loi, où le ministre aura à évaluer certains
pays où, évidemment, les droits des personnes porteuses seront semblables à
celles qu'elles auront au Québec. Et ça, quant à moi, je vous le dis d'emblée,
M. le Président, c'est un élément qui est problématique, parce que je comprends
qu'on veuille encadrer la convention, mais il m'apparaît clair que la loi ou
les lois québécoises ne s'appliquent pas en dehors du territoire du Québec.
Donc, comment protéger la femme porteuse? Comment s'assurer que tout va bien
fonctionner? Alors là, il y a énormément de questions qui restent en suspens.
L'autre élément aussi
qui, à mon avis, est problématique avec le projet de loi, c'est toute la
question, au fond, de l'encadrement ou de
l'absence d'encadrement des agences et des tiers. Parce qu'on le sait, ça
existe. On comprend, à la lecture du projet de loi, que la convention de
grossesse sera à titre gratuit, donc la femme porteuse ne sera pas rémunérée.
Qu'en est-il des agences qui peuvent contribuer au projet? Il n'y a pas
d'encadrement, et ça, quant à moi, c'est assez problématique, et je vais y
revenir éventuellement, quand on fera l'analyse article par article.
Tout
ce qui a trait au montant pour aider l'enfant issu d'une agression sexuelle...
Et ça, on en a beaucoup parlé et on a
écouté beaucoup de groupes qui sont venus témoigner en commission
parlementaire, M. le Président, et qui nous ont dit qu'en soi, qu'il y
ait cette reconnaissance, je pense que c'est un pas dans la bonne direction.
L'ennui, c'est que le projet de loi, dans sa forme actuelle, fait en sorte que
tout le fardeau repose sur les épaules de la mère. Et évidemment, dans certains
cas, ça peut être un exercice périlleux, voire onéreux pour que la mère puisse
démontrer, d'une part, l'agression sexuelle
puis qu'en plus le tribunal puisse comptabiliser l'indemnité qui sera
éventuellement versée. Donc là, il
faudra éventuellement y penser. On aura des suggestions pour M. le ministre en
ce qui a trait à ces dispositions-là.
Il
y a également un concept qui est totalement absent du projet de loi et... celui
qui traite de la pluriparentalité. Ça existe
dans d'autres lois, dans d'autres provinces au Canada. Je pense que, si on veut
moderniser, adapter le Code civil à une réalité québécoise telle qu'elle
est aujourd'hui, parce que ça existe, il faudrait également prévoir ce
concept-là dans le projet de loi. On a entendu des groupes qui étaient pour,
d'autres qui étaient contre, mais je pense qu'il faut saisir cette opportunité.
J'aurais également
certains commentaires généraux sur le style de rédaction du projet de loi. Il y
a quelques articles dans le projet de loi, permettez-moi de référer notamment
aux articles 18 et 19, qui, eux, énoncent une série de dispositions les
unes après les autres, avec une numérotation qui... bon, qui n'est pas toujours
évidente. Et il y a même des dispositions ou des articles, dans le projet de
loi, qui ont une numérotation qui, quant à moi, commence à s'apparenter à la Loi sur l'impôt et sur le
revenu. Donc, ça commence à être problématique. Puis je rappelle qu'il
s'agit d'un code civil, donc un document qui
devrait normalement énoncer des grands principes. Puis, quand je vous
parlais, tantôt, des articles un peu particuliers, si vous regardez
l'article 47, là, là, on est rendu à 431.0.2, 431.0.3, etc. C'est loin
d'être simple et ce n'est peut-être pas toujours non plus très élégant comme
façon de faire.
Donc, revenons à
l'essence même du Code civil, qui est un élément essentiel dans la
reconnaissance, évidemment, du Québec et de toute sa spécificité. Et je pense
que le législateur, à ce niveau-là, devrait faire un effort. Je ne suis pas le seul à l'avoir remarqué. Dans
son mémoire, le Barreau du Québec en arrivait à la même... sensiblement,
la même conclusion, et donc il rappelait, finalement, les principes et la façon
dont on devrait harmoniser les dispositions
du Code civil, et je cite : «Un ensemble de règles qui, en toute matière
auxquelles se rapporte la lettre, l'esprit ou l'objet de ces dispositions, établit en termes express ou de façon
implicite le droit commun.» Parce qu'évidemment on parle du droit commun
au Québec, dans ce cas-là. Donc, il y a des éléments qui mériteraient, d'une
façon, je vous dirais, générale, d'être analysés, d'être regardés pour
s'assurer qu'on aura un document dont la facture, la rédaction représentera ou,
véritablement, s'harmonisera avec les autres dispositions du Code civil.
Mais
j'aimerais aussi prendre quelques instants. Quand on parle, évidemment, de
l'encadrement des grossesses pour autrui, il y a des principes qu'il ne
faut pas oublier, qui, quant à moi, sont totalement essentiels et qui doivent
inspirer le législateur dans sa rédaction d'un projet de loi. Je pense
notamment à la prohibition de la marchandisation de l'enfant, la prohibition de
l'exploitation du corps de la femme et de sa commercialisation. Et ça, c'est un
élément sur lequel je veux m'attarder parce que ça m'apparaît essentiel. Et je
vous dirais que je ne suis pas convaincu que le projet de loi, tel qu'il est
maintenant, fait en sorte que le corps de la femme ne pourra pas être
commercialisé ou exploité, j'y faisais
référence tout à l'heure, M. le Président, notamment quand on parle de
conception ou de personne porteuse à l'extérieur du Canada. Et le
législateur doit jongler avec l'intérêt de l'enfant, l'intérêt de la femme puis
aussi le projet que les deux personnes veulent réaliser, finalement, avec la
convention de grossesse.
Donc, il y a des
éléments importants, pendant l'étude article par article, que je vais soulever,
M. le Président. On aura des propositions à faire au gouvernement dans un but
d'apporter, je pense, des solutions, bonifier le projet de loi pour s'assurer
que les droits de tous et de chacun seront effectivement bien respectés.
• (16 heures) •
J'aimerais aussi
souligner, parce que c'est intéressant, on a étudié, dans cette législature,
deux projets de loi en matière de justice, qui, dans les deux cas,
positionnaient, si vous me permettez l'expression, les notaires d'un côté puis
les avocats de l'autre. Et, dans ce projet de loi, pour y avoir bien réfléchi
et puis dans un but, je vous dirais, de simplifier un accès à la justice, je
suis prêt à reconnaître que la convention de grossesse par acte notarié peut représenter
un avantage. Parce que ma compréhension, c'est qu'une fois que vous avez un
document notarié qui est déposé, évidemment, il fait preuve de son contenu.
Puis je pense qu'on a tous à coeur le fait de vouloir désengorger les
tribunaux, au Québec, qui sont déjà pas mal engorgés comme c'est là. Puis ce
n'est pas parce que les officiers de justice ne travaillent pas fort, c'est
parce que, malheureusement, il n'y a pas ni assez d'argent ni assez de monde
pour que ça fonctionne correctement.
Cependant, le projet,
ce projet de vie, ce projet de procréation est tellement important que je vous
dirais qu'il devient essentiel, à ce moment-là, pour les parties d'obtenir un
avis juridique indépendant pour que les gens comprennent bien ce dans quoi ils
s'engagent. Et ça, ça m'apparaît être un élément qui est essentiel, tout comme
il m'apparaît très important de circonscrire tout le rôle des intermédiaires
privés dans le cas des grossesses pour autrui. Et je vous dirai également, et
ça, ce n'est pas comme tel dans le projet de loi, mais c'est quelque chose que
je mets d'emblée, que je partage avec M. le ministre, il faudrait qu'il y ait
une évaluation qui soit faite et que ce soit inséré dans la législation pour
qu'on puisse, après trois ou cinq ans, avoir une analyse pour savoir exactement
où on en est, si ça fonctionne bien, s'il y a des embûches. Parce que tout
projet de loi qui, à un moment donné, devient une loi est toujours perfectible,
et il faut toujours être en mesure de s'adapter à nos différentes réalités sociales.
Donc, à ce stade-ci... et là je regarde mon temps.
Le
Président (M. Bachand) : ...minutes.
M. Morin : D'accord.
C'est bon, mais je pense que ma collègue aimerait peut-être ajouter quelque
chose, alors j'arrêterai ici. Je pense que j'ai mis... j'ai mis la table. Et on
va donc continuer à analyser ce projet de loi article par article avec beaucoup
d'attention. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Bachand) : Merci. J'aurais peut-être dû indiquer que c'est 20 minutes total
par intervention, donc vous avez du
temps amplement pour vous exprimer, mais on fait, bien sûr, un tour de table
des différents groupes parlementaires. M. le député de Sainte-Anne... Saint-Henri—Sainte-Anne,
pardon.
M. Guillaume Cliche-Rivard
M.
Cliche-Rivard : Merci, M. le Président. Je pense que la question...
les questions qui sont traitées dans ce projet de loi sont très importantes.
Les discussions que nous aurons au cours des prochaines semaines toucheront des
sujets sensibles, mèneront à certains
questionnements éthiques, mais ce sont des discussions nécessaires afin
d'arrimer le projet de loi avec les différentes propositions amenées par les
groupes de consultation que nous avons entendus. Il s'agit de droit nouveau,
et, comme il a été mentionné par certains intervenants dans le domaine
juridique, l'intention du législateur doit faire en sorte de fournir à la
magistrature les balises claires et nécessaires afin d'interpréter les
dispositions de la loi, et ce, en tenant compte de la jurisprudence actuelle.
Par exemple, il a été
souligné, dans le cas des enfants issus d'une agression sexuelle, que la
déchéance parentale est une mesure rarement
privilégiée par les juges et que, bien souvent, ces recours peuvent même se
retourner contre la mère, notamment lorsque la DPJ est dans le portrait. Il ne
faut pas sous-estimer les nombreux drapeaux rouges
qui ont été levés à la fois par les groupes de femmes et des juristes. Malgré
les intentions louables du législateur, il ne faudrait pas faire en sorte que les démarches judiciaires dans le but
de rompre la filiation avec l'agresseur puissent, au contraire, faire en sorte que la mère soit accusée
d'aliénation parentale ou, pire, que son enfant soit confié à un
agresseur.
Bref, la question d'avoir
une déchéance parentale, avec ou sans possibilité de retour en arrière en cas
de condamnation criminelle pour les agressions sexuelles, nous semble un
recours qui protégerait à la fois la mère, mais aussi l'intérêt de l'enfant,
car il est toujours possible qu'une femme coincée dans une dynamique de
violence conjugale souhaite maintenir une filiation avec le père agresseur,
alors que ce n'est pas nécessairement dans l'intérêt de son enfant. Il faut
donc donner des choix à cette femme, certes, mais il faut aussi, en tant que
législateur, protéger l'intérêt supérieur de l'enfant.
Bien que nous ayons voté en faveur du principe
du projet de loi n° 12, nous pensons que ce projet de loi aurait eu le potentiel de s'inscrire dans la
modernité en venant explorer la reconnaissance de la pluriparentalité dans
notre cadre légal québécois, comme le font d'autres provinces et d'autres
législations sans problème. C'est une demande de plusieurs groupes et de
plusieurs familles au Québec, et nous pensons que ce projet de loi aurait pu
minimalement ouvrir la réflexion à ce niveau.
En effet, il a été souligné par des intervenants
que des dispositions légales pourraient faciliter la vie des familles
pluriparentales sans nécessairement qu'il y ait trois parents sur l'acte de
naissance. De plus, il aurait été possible d'y aller avec prudence et
d'examiner, par exemple, quels droits parentaux ou quelles dispositions légales
pourraient être appliqués pour un troisième
parent dans certaines circonstances. On ne parle pas de quatrième,
cinquième ou de sixième parent comme le
laissaient entendre certains. Toutefois, nous sommes sensibles aux arguments
évoqués par les avocats et avocates en droit de la famille au niveau de
l'intérêt de l'enfant en cas de séparation. C'est pourquoi il faut en tenir
compte dans un contexte législatif.
Permettez-moi maintenant de soulever quelques
éléments, quelques points qui mériteraient d'être traités, discutés et parfois
amendés dans le cadre de l'étude détaillée. Premièrement, au niveau de la
gestation pour autrui, de la GPA, plusieurs
précisions entourant ce qui devra et surtout ce qui ne devra pas être régi dans
les conventions pourront être étudiées. Des groupes nous ont également
demandé d'ouvrir les mandats de GPA aux avocats et non seulement aux notaires.
C'est une question qui devra être étudiée aussi. Des groupes nous ont suggéré
de ne pas avoir à déposer l'ensemble de la convention de GPA auprès du Directeur
de l'état civil, mais seulement un extrait afin de limiter le partage de
certaines informations non nécessaires ou confidentielles.
Par ailleurs, il a été souligné aussi que le
droit à la connaissance des origines est important pour les enfants issus d'une
GPA et que le législateur pourrait s'inspirer, à cet égard, des nouvelles
dispositions en adoption. Par ailleurs, il faudra prendre en considération que
le droit à la connaissance de ses origines ne veut pas nécessairement dire
qu'il faille briser le droit à la vie privée des femmes porteuses ou des
donneurs. C'est un enjeu qu'il faudra considérer. Nous aurons le devoir, en
tant que législateurs, de permettre un cadre de convention suffisamment souple
pour qu'il puisse être modulable en fonction des différentes situations, mais
suffisamment encadré pour que la vie privée et l'autonomie des femmes porteuses
ne soient pas atteintes.
Au niveau de l'encadrement des GPA pour une
femme porteuse hors Québec, dans la version actuelle du p.l., le législateur
prévoit peu de dispositions dans un contexte où les conditions ne seraient pas
respectées en contexte de GPA transnational. De plus, il nous apparaît clair de
fixer des balises claires concernant les critères de sélection des États qui
seraient admissibles pour un projet parental au moyen d'une GPA. Il est aussi
primordial d'avoir des mécanismes rigoureux pour s'assurer du maintien des
critères par les États concernés. Le principe de précaution devrait
s'appliquer. Pensons notamment à nos voisins du Sud qui ont modifié certaines
dispositions importantes quant aux droits reproductifs des femmes, notamment le
droit à l'avortement. Faudra-t-il sélectionner les États américains à la pièce,
éliminer les États américains où des projets de loi potentiellement
problématiques sont à venir? La question du droit à l'avortement en contexte de
GPA transnational ne nous semble pas assez enchâssée dans le projet de loi
actuel. Certains groupes ont également levé un drapeau rouge concernant la
faiblesse de l'encadrement proposé par ce projet de loi concernant les agences
en GPA. On a également des craintes concernant la capacité du législateur à
assurer les mêmes niveaux d'encadrement, de sécurité et de respect des droits
pour les projets GPA qui concernent une femme porteuse en dehors du Québec.
En matière de
filiation, lorsqu'un enfant est né des suites d'une agression sexuelle, nous
pensons que le projet de loi devrait
tenir compte de l'expertise des groupes de femmes en matière de violence
sexuelle dans un contexte de violence conjugale, notamment sur la
question du contrôle coercitif. Une demande à cet effet, d'inscrire une
définition du contrôle coercitif dans le
Code civil, nous apparaît pertinente, le but étant d'offrir des outils aux
juges pour interpréter le projet de loi lorsqu'il en sera question, de
filiation, à la suite d'une agression sexuelle.
Aussi, en cas de non-condamnation ou
d'acquittement en matière d'agression sexuelle, le fardeau de preuve sera sur la victime, qui devra prouver à un juge
son agression afin d'obtenir la non-reconnaissance de la filiation
envers l'agresseur. Plusieurs pistes de solution ont été amenées pour éviter le
plus possible les contacts entre la victime et son agresseur, de même que les
recours légaux que ceux-ci... que celui-ci pourrait intenter en retour. Il
faudra en tenir compte lors de l'étude détaillée.
Enfin, puisque le projet de loi n° 12
prévoit qu'en cas de condamnation pour agression sexuelle au criminel le
retrait de la filiation parentale serait facilité, nous avons été sensibles à
l'argument selon lequel il faudrait aussi considérer, dans une certaine mesure,
la portée des jugements en matière civile. En effet, il n'est pas rare qu'une
agression sexuelle amène un acquittement au criminel mais une condamnation au
civil.
Concernant, finalement, la question des
indemnités, à la suite du passage en commission de Mme Suzanne Zaccour, il
n'est pas clair, à nos yeux, quel intérêt la nouvelle indemnité aurait par
rapport à un recours normal en droit civil. Selon elle, il semble même que les
indemnités prévues au projet de loi n° 12 pourraient être inférieures à ce
qu'on pourrait obtenir avec un recours en droit commun. En ce sens, il est
difficile de comprendre en quoi la nouvelle indemnité serait préférable à une
demande à l'IVAC.
En
terminant, il pourrait être intéressant de considérer la proposition des CAVAC
de permettre que l'enfant issu d'une agression sexuelle soit aussi considéré
comme une victime, au même titre que sa mère, ce qui permettrait de meilleures
indemnisations et donnerait plus d'options aux mères et aux enfants. Merci.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup.
Mme la députée de Vaudreuil.
Mme Marie-Claude Nichols
Mme Nichols :
Merci. Merci, M. le Président. Projet de loi n° 12,
projet de loi... Je pense, tout le monde en a parlé,
tous les collègues l'ont dit, c'est un projet de loi en droit familial, le
droit familial, c'est souvent un droit qui est très humain. C'est un
droit qui touche... pas nécessairement tout le monde, mais il y a des aspects
qui viennent chercher plusieurs personnes
dans... Là, je vais parler comme députée, là, mais, souvent, les citoyens, on
nous appelle au bureau, on nous soulève... on nous soulève des
problématiques, on les lit aussi dans les journaux. Donc, bien sûr, bien sûr,
il y a des choses qu'on veut régler dans ce projet de loi là.
• (16 h 10) •
Donc, c'est un projet
de loi qui... dont le principe est salué, mais évidemment on a entendu les
groupes puis on comprend qu'il y aura
certaines difficultés en lien avec la mise en application de certains de ces
articles-là. Donc, on... nous
essaierons de démystifier peut-être certains articles ou, en fait, trouver une
façon pour appliquer certains éléments à éclaircir comme, entre autres, comment... comme le disaient précédemment
mes collègues, comment protéger la femme porteuse, comment mieux aussi
encadrer les agences. C'est des points qui ont été soulevés, là, par les
groupes qui sont venus aux auditions particulières.
On
a parlé du concept, qui était absent, de pluriparenté, on dit souvent
«pluriparentalité», mais c'est pluriparenté. Donc, ça a été soulevé
aussi. C'est un concept qui est absent. Est-ce que c'est parce que le ministre
ne veut pas aller là? Mais toutefois on est là, on travaille... on travaille un
projet de loi avec un... du droit un peu... du droit nouveau, des aspects
nouveaux. Donc, pourquoi ne pas le traiter ici?
Et, bien sûr, moi,
j'aurai des questions sur certains articles, particulièrement, là, dans la
section pour les enfants issus du viol, en lien avec l'indemnité. Puis je pense
qu'il y a eu beaucoup de questions qui ont tourné autour de l'indemnité. Évidemment, tu sais, comment
calculer les besoins? Comment calculer les besoins de l'enfant? Quelle part va être assumée par l'agresseur? Mais surtout
comment va être versée l'indemnité? Est-ce que ça va être versé sur une
somme globale? Est-ce que ça va être considéré comme des aliments? Parce que,
bien sûr, ça va avoir des effets, des conséquences, soit directes ou
indirectes, sur la prescription, mais aussi sur, après ça... Parce qu'on sait
qu'il y a des mesures fiscales de reliées à tout ça. Une pension alimentaire,
c'est défiscalisé. Donc, ça va être important, là, de bien définir... de bien
définir tous ces aspects-là.
Alors, voilà, M. le
Président. Donc, c'est donc article par article que j'aurai la possibilité,
comme l'ensemble de mes collègues, de lever ma main pour apporter... pour
apporter mes questions, mais je pense que l'objectif est clair ici, puis je
l'ai compris de l'ensemble... l'ensemble des parlementaires autour de la table,
c'est bonifier, c'est bonifier... bonifier le projet de loi pour que nos
citoyens puissent être être mieux protégés. Merci.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup.
Est-ce qu'il y a d'autres interventions? S'il n'y a pas d'autre intervention,
nous allons passer... Est-ce qu'il y a des motions préliminaires?
Étude détaillée
S'il n'y a pas de
motion préliminaire, nous allons... Est-ce qu'on est prêt pour faire l'étude
article par article? M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui, M. le Président,
avec le consentement des collègues de l'opposition, je vous proposerais
un plan de travail pour qu'on puisse étudier le projet de loi par blocs. Alors,
je crois que vous en avez une copie. Alors, si les collègues sont d'accord, on
procéderait par blocs.
Le
Président (M. Bachand) : Oui.M. le
député de l'Acadie, s'il vous plaît, oui.
M. Morin : ...ici,
on parle bien de la proposition, la... bloc a, mesures concernant d'abord la
grossesse pour autrui; bloc b, mesures
concernant la filiation; c, la connaissance des origines; d, l'enfant issu de
l'agression sexuelle; et e, les
dispositions transitoires. Il n'y a pas de... il n'y a pas de souci, M. le
ministre, on peut travailler... on peut procéder par blocs pour l'étude.
Le
Président (M. Bachand) : Est-ce qu'il y a
d'autres commentaires sur la proposition du ministre? Ça va. Donc, nous allons
procéder par blocs. Tout le monde est d'accord? Parfait. Alors, M. le ministre,
s'il vous plaît.
M. Morin : ...
Le
Président (M. Bachand) : Oui, allez-y, M.
le député de l'Acadie, pardon.
M. Morin : Pour le temps de parole pour
chaque intervention.
Le Président (M. Bachand) : Oui,
écoutez, c'est parce qu'il y a des articles qui vont être étudiés deux fois.
C'est ça que vous voulez soulever? Ah! pour l'article, oui, oui, 245?
M. Morin : Oui,
c'est ça, l'article 245.
Le
Président (M. Bachand) : Parfait. Oui.
Puis, avant d'aller plus loin aussi, il y a des articles qui seront étudiés
deux fois, exemple, l'article 17. Donc, normalement,
c'est 20 minutes par intervenant, mais est-ce que... La secrétaire de
la commission me disait : C'est déjà arrivé dans une autre commission que
les membres ont décidé de se donner plus de
laps de temps. Donc, vu qu'on va deux fois étudier, si la commission est
d'accord, on ferait deux fois 20 minutes pour donner le laps de temps
aux membres de la commission. Si ça va plus vite, ça va plus vite, là, mais au
moins ça va vous donner le temps pour étudier ça. Donc, on va le faire à 17, on
le fait aussi dans d'autres... à 19, mais, si
on s'entend sur le principe, on pourra l'appliquer aux autres articles étudiés
en double. Est-ce que ça va? Consentement? O.K. Donc, M. le ministre,
s'il vous plaît, la parole est à vous.
M.
Jolin-Barrette : O.K. parce que... Oui. Alors, M. le Président, on
irait à l'article 17 du projet de loi pour l'article qui introduit
l'article 541.
M. Morin :
...
Le
Président (M. Bachand) : Oui, allez-y, M.
le député de l'Acadie, allez-y, oui.
M. Morin : ...compte tenu de ce bloc-là, est-ce que ce
serait... puis, compte tenu que l'article 17 et 18 comportent
beaucoup d'autres dispositions, est-ce qu'on pourrait commencer par les
articles 1, 3, 4?
M.
Jolin-Barrette : Bien, écoutez, moi, je n'ai pas vraiment d'enjeu,
simplement les équipes jugeaient que la façon prioritaire, ce serait préférable
d'y aller par 17, 18, 1, 3 et 4.
M. Morin : O.K.
M.
Jolin-Barrette : Mais ce serait préférable de commencer par 17, oui,
parce que ce qu'on me dit, c'est que 3 et 4 est accessoire aux autres articles.
M. Morin : Bon,
alors, on... Donc, ça va, on va commencer par faire 17.
Le
Président (M. Bachand) : Donc, M. le
ministre, pour la lecture de l'article 17, s'il vous plaît.
M.
Jolin-Barrette : Oui. L'article 17 : Les articles 539.1
et 541 de ce code sont abrogés.
Commentaire.
L'article 17 abroge les articles 539.1 et 541 du Code civil du Québec.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Donc,
interventions?
M. Morin : Moi,
je n'ai pas de commentaire à ce stade-ci.
Le Président
(M. Bachand) : S'il n'y a pas
d'intervention, est-ce que l'article 17 est adopté?
M.
Jolin-Barrette : Adopté.
Le
Président (M. Bachand) : Adopté. Merci.
Monsieur... Pardon? On ne peut pas l'adopter. Excusez-moi. Oui, il faut faire
le bloc au complet. Désolé. Alors donc, on va continuer. M. le ministre,
pardon, 18.
M.
Jolin-Barrette : Parce que, là, on suspend parce qu'il se retrouve
aussi dans le bloc b, c'est-tu ça?
Le
Président (M. Bachand) : Exactement,
exactement. Merci beaucoup de votre aide, M. le ministre. Alors donc,
l'article 17 est suspendu. M le ministre, pour 18.
M.
Jolin-Barrette : On dirait qu'on a déjà fait ça, vous et moi, M. le
Président.
Le
Président (M. Bachand) : C'est déjà arrivé
une fois ou deux.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Article 18 : Ce code est modifié par
l'insertion, après l'article 541, de ce qui suit :
«2. Du projet
parental impliquant une grossesse pour autrui.»
«I. Dispositions
générales.»
«541.1. Le projet
parental impliquant une grossesse pour autrui est formé dès lors qu'une
personne seule ou des conjoints domiciliés au Québec ont décidé d'avoir un
enfant, de recourir à une femme ou à une personne qui n'est pas partie au
projet parental pour donner naissance à cet enfant.
«Le
projet parental vise tous les enfants qui en sont issus et ne peut permettre de
les dissocier.
«541.2...» Je lis
tous les... tous les sous-articles, M. le Président, ou on y va...
Le
Président (M. Bachand) : ...complète, puis
après ça on va y aller sous-article par sous-article.
M.
Jolin-Barrette : Parce qu'il y en a quand même beaucoup.
Le
Président (M. Bachand) : À moins... à
moins qu'il y ait consentement, parce que, souvent, ce qui arrive, c'est que... c'est parce que ce qui va arriver,
c'est déjà arrivé, c'est qu'exemple, 549... un article pourrait avoir une
influence sur l'autre aussi. Mais, si vous êtes d'accord de fonctionner comme
ça, il n'y a pas de problème.
M.
Jolin-Barrette : Bien, je peux les lire tous d'une traite.
Le
Président (M. Bachand) : Non, non, mais,
s'il y a consentement, là, on va vous...
Des voix : ...
Le
Président (M. Bachand) : Parfait. Donc,
vous êtes comblé. Merci. Donc, interventions sur 541.1? Est-ce qu'il y a une
intervention? M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne.
M.
Jolin-Barrette : Oui, excusez, excusez, il y avait un commentaire.
Vous m'avez dit que j'étais comblé, là, j'étais un peu sous le choc, là.
Le
Président (M. Bachand) : Donc, le
commentaire. Allez-y.
M.
Jolin-Barrette : Oui, le commentaire. Il est proposé d'introduire au
Code civil une sous-section 2 concernant les projets parentaux impliquant
une grossesse pour autrui, qui comprendrait les articles 541.1 à 541.37.
Le caractère
impératif de l'application des règles québécoises en matière de grossesse pour
autrui a un but particulier, celui de
protéger les droits et les intérêts des enfants et des femmes ou des personnes
qui ont accepté de leur donner naissance. En effet, en raison des droits
et des intérêts en jeu, notamment afin d'éviter que ceux-ci se trouvent dans une position de vulnérabilité, il importe
d'encadrer le recours à la grossesse pour autrui. Conséquemment, seules
les règles relatives à la grossesse pour
autrui prévue dans cette sous-section 2 seront applicables. De plus, ces
règles prévoient que la personne seule ou les conjoints ayant formé le
projet parental qui sont domiciliés au Québec sont les seuls à pouvoir faire
établir la filiation de l'enfant à leur égard.
Il
est également proposé d'ajouter une sous-section I concernant les dispositions
générales, incluant des conditions générales applicables à tout projet
parental impliquant une grossesse pour autrui. Cette sous-section comprendrait
les articles 541.1 à 541.6.
L'article 541.1 prévoit comment se forme un projet parental impliquant une
grossesse pour autrui. Cet article
prévoit aussi qu'un tel projet vise tous les enfants qui en sont issus et qu'il
ne peut permettre de les dissocier.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup.
Donc, interventions sur 541.1? M. le député de l'Acadie, s'il vous plaît.
M. Morin : Oui,
exact. Donc, en fait, et c'est un peu la raison pour laquelle je faisais
référence aux articles 1, 3 et 4, c'est
que dans le projet de loi, puis on le voit en partie ici, à 541.1, c'est qu'on
dit que «[les] conjoints domiciliés au Québec [qui] ont décidé,
[...]d'avoir un enfant, [ou] de recourir à une femme ou à une personne qui
n'est pas partie au projet parental pour donner naissance à cet enfant». Et,
moi, la modification que je voudrais apporter pour avoir un langage qui est
plus inclusif dans l'ensemble du projet de loi, parce que ça revient à gauche
et à droite, ce serait de faire référence à une personne porteuse ou à une
personne qui va faire partie du projet parental.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. M. le
ministre.
M.
Jolin-Barrette : Donc, la proposition du député de l'Acadie, c'est
d'enlever «femme [...] qui n'est pas partie au projet parental»?
M. Morin : C'est
ça. Puis ça, ça a une répercussion sur l'ensemble du projet de loi, ça fait que
peut-être qu'à ce stade-ci, M. le Président, je demanderais une suspension pour
que je sois capable de m'entretenir avec M. le ministre, pour qu'on puisse
délimiter l'ensemble, parce que ça revient partout dans le projet de loi.
M.
Jolin-Barrette : Dans le fond, pour que je comprenne bien, «femme qui
porte l'enfant», vous voudriez l'enlever pour que ce soit juste «personne qui
porte l'enfant».
M. Morin : Exact.
Tout à fait.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Vous pouvez déposer un amendement, mais,
d'entrée de jeu, la partie gouvernementale va voter contre, parce qu'on
tient à ce que les femmes ne soient pas invisibilisées du Code civil du Québec.
Donc, on a prévu une
disposition qui est inclusive à l'effet que ce soit une femme qui porte un
enfant parce que, biologiquement, c'est le cas, hein, les femmes, ce
sont elles qui portent les enfants.
On vit dans une nouvelle réalité aujourd'hui, où
des personnes s'identifient non pas comme des femmes ou des personnes qui sont...
qui sont trans, qui est une nouvelle... en fait, je vous dirais, ce n'est pas
une nouvelle réalité, mais une réalité qui
est plus apparente aujourd'hui. Et donc on vient couvrir ces personnes
également par le libellé qui dit «les personnes qui portent l'enfant».
Donc, on vise les personnes qui se retrouvent dans cette situation-là, mais le gouvernement souhaite maintenir le terme «femme»,
une femme qui porte un enfant. Je crois qu'on est en mesure, dans notre texte législatif, de faire de la place aux
personnes qui sont non binaires, aux personnes qui sont trans, sans
toutefois enlever aux femmes le droit d'être
des femmes puis d'être identifiées comme femmes. Alors, c'est pour ça que, pour
nous, on souhaite que ce soit conservé.
• (16 h 20) •
Le Président (M.
Bachand) : M. le député...
M. Jolin-Barrette : Mais vous pouvez
déposer l'amendement, puis on va en disposer.
M. Morin : Oui, oui, oui. On va
déposer l'amendement, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) : O.K. Donc, est-ce que vous
voulez...
M. Morin : Bien, on va demander une
suspension puis on va travailler l'amendement.
M. Jolin-Barrette : Mais juste...
Le Président (M.
Bachand) : Oui, allez-y, M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : On peut
suspendre. Suspendons.
M. Morin : C'est ce que... Oui,
c'est ça.
Le Président (M.
Bachand) : Parfait. Alors, on va suspendre
quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 22)
(Reprise à 16 h 32)
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui. Alors, M.
le Président, en collaboration avec mes collègues, puisque les collègues souhaitent déposer un amendement qui s'inscrit
dans l'ensemble de la section... bien, ce serait plus simple de
l'insérer à l'article 1. On vous proposerait
de suspendre l'article 18 pour aller à l'article 1, pour que les
collègues puissent faire leur amendement. On va voter l'amendement et,
par la suite, on suspendrait 1 et on reviendrait à 18.
Le Président (M.
Bachand) : Parfait. Est-ce qu'il y a
consentement?
Des voix : Consentement.
Le Président (M.
Bachand) : Consentement. Donc...
M. Morin : ...demandais, M. le
Président, ça fait que c'est parfait. Je consens.
Le
Président (M. Bachand) :
Donc, on... Je suis obligé de
vous le demander pareil, pour être sûr, sûr, sûr et certain.
M. Morin : Je comprends, je
comprends.
Le Président (M.
Bachand) : Donc, on s'en va à
l'article 1 pour la lecture. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Ah! ce n'est pas
mon amendement.
Le Président (M.
Bachand) : Non, non...
M. Jolin-Barrette : Ah oui! C'est
vrai, il faut que je lise l'article. Excusez-moi, M. le Président. Je suis
rouillé, M. le Président. L'article 1 :
L'article 113 du Code
civil du Québec est modifié :
1° par l'insertion, après «mère», de «ou par les
parents»;
2° par l'ajout, à la fin, des alinéas
suivants :
«Lorsqu'un projet parental impliquant une
grossesse pour autrui est mené à terme, la déclaration doit être accompagnée
d'une copie authentique de la convention de grossesse pour autrui notariée et
d'une copie de l'écrit qui fait état du consentement visé à
l'article 541.9. Si la femme ou la personne qui a donné naissance à
l'enfant décède ou devient inapte à
consentir avant d'avoir exprimé sa volonté, la déclaration doit alors être
accompagnée d'un document faisant état du décès ou d'une attestation
concluant à cette inaptitude, selon le cas.
«Lorsque le projet parental n'est pas mené à
terme, la déclaration doit être accompagnée des renseignements déterminés par règlement du gouvernement
concernant le profil de toute partie à la convention de grossesse pour
autrui, autre que la femme ou la personne qui a donné naissance à l'enfant, qui
a fourni son matériel reproductif.»
Commentaire.
L'article 1 modifie l'article 113 du Code civil afin de prévoir des
règles particulières concernant la déclaration de naissance de l'enfant
faite au Directeur de l'état civil par les parents lorsque l'enfant est issu
d'un projet de grossesse pour autrui.
Cet article a également pour objet de rendre
l'article 113 plus inclusif.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Donc,
interventions? M. le député d'Acadie.
M. Morin : Alors donc, l'amendement
que je propose, c'est pour aller même plus loin dans le... tout ce qu'on appelle l'inclusivité, finalement, et de
faire en sorte qu'on réfère à une personne, et non pas femme ou mère,
parce que la... ma compréhension de la convention, c'est qu'une personne va,
donc, d'une certaine façon, donner son corps ou va permettre, dans son corps,
qu'il y ait ait une gestation pour autrui. Et donc, à ce moment-là, c'est la
raison pour laquelle je dépose l'amendement dont on a parlé.
Le Président (M. Bachand) : ...faire la lecture, s'il vous plaît.
M. Morin : Et je peux faire...
Le Président (M.
Bachand) : La lecture, s'il vous plaît,
oui.
M. Morin : ...la lecture de ce qui
est là. Donc, l'article 1 du projet de loi est modifié, dans le deuxième
alinéa du paragraphe 2°, par la suppression des mots «la femme ou» après
le mot «Si». Puis ça nous permettrait de garder le mot «personne».
Le Président (M. Bachand) : Merci
beaucoup. Interventions sur l'amendement du député d'Acadie? M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bien, moi, je
voudrais intervenir. Je suis un peu... Je suis un homme, M. le Président. Je suis un peu surpris que le Parti libéral du Québec
veuille faire disparaître le terme «femme» dans le cadre du Code civil
du Québec. Honnêtement, la façon dont c'est rédigé, actuellement, on prévoit
justement pour faire en sorte d'inclure les personnes qui ne s'identifient pas
comme femmes, les personnes qui sont non binaires, notamment, les personnes
trans, également.
On fait en sorte d'adapter le texte pour qu'ils
puissent se retrouver à l'intérieur du texte législatif, mais ce n'est pas
parce qu'on fait en sorte de rajouter un terme, justement, pour être plus
inclusif, qu'on doit nécessairement exclure
et éliminer les femmes, la notion de femme. Honnêtement, moi, je pense qu'on
doit nommer et on doit conserver le terme «femme» parce que ce sont les
femmes qui portent les enfants. Bien entendu, il y a des personnes qui ne s'identifient pas comme femmes qui portent
également des enfants, sauf que moi, je m'explique mal que le Parti
libéral veut faire en sorte de faire disparaître les femmes des textes
législatifs, particulièrement dans le Code civil du Québec, mais ça, c'est mon
opinion. C'est pour ça qu'on va voter contre la proposition du collègue, mais
je trouve que...
Le Président (M.
Bachand) : Oui, M. le député d'Acadie.
M. Morin : Alors, bien, écoutez,
l'idée, là, ce n'est pas de faire disparaître les femmes du Code civil, ni les
femmes de la société, mais c'est dans le cadre de dispositions particulières du
Code civil où on parle de convention de
grossesse, donc d'avoir une façon, finalement, plus inclusive de le faire. Et
c'est la raison pour laquelle cet amendement-là est proposé.
Le Président (M.
Bachand) : M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne,
s'il vous plaît.
M. Cliche-Rivard : Bien, écoutez, la
proposition, telle qu'amendée, je trouve, elle n'est pas nécessairement plus
inclusive, là, je pense... Moi, j'apprécie bien «la femme ou la personne qui a
donné naissance». Je trouve que, dans les deux cas, on est très inclusif. Donc,
nous, on va probablement voter contre l'amendement.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Autres interventions?
S'il n'y a pas d'autre intervention, est-ce que l'amendement est adopté?
M.
Jolin-Barrette : Rejeté.
Le Président (M.
Bachand) : Rejeté. Merci. Alors, si je
comprends bien, on serait... il y aurait consentement pour suspendre 1 pour
revenir à 18. Consentement?
Des voix : Consentement.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. Donc, on revient à 18. Interventions... On était à 541.1. Est-ce
qu'il y a d'autres interventions? Mais, en
passant, là, on va y aller de cette façon-là, mais on peut toujours revenir
aussi, là. Alors, je pense... parce que c'est quand même assez complexe, là.
Donc, si vous êtes d'accord, on irait à 541.2. Oui, allez-y, M. le député
d'Acadie.
M. Cliche-Rivard : ...
Le Président (M.
Bachand) : M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne, pardon.
M. Cliche-Rivard : C'est dans
quel... Je comprends que le contexte du dernier alinéa, c'est dans le cas où, finalement,
il y aurait des jumeaux qui seraient, finalement, nés dans... à l'intérieur de
la GPA, qui ne seraient pas prévus initialement, mais ce qui ferait en sorte
que les parents auraient les jumeaux, et ce serait impossible, selon vous, de
les dissocier parce que, finalement, il n'y aurait pas eu de convention avec un
autre couple ou avec d'autres parents d'intention. C'est ça, la logique?
M. Jolin-Barrette : Bien, en fait,
oui, c'est la logique, des jumeaux, des triplés, des...
M. Cliche-Rivard : Oui, oui.
M. Jolin-Barrette : ...des
quintuplés, tout ça. Et c'est pour faire en sorte qu'à partir du moment où vous
avez la convention de grossesse pour autrui avec la mère porteuse, à ce
moment-là, ce n'est pas... puis il y a des jumeaux : J'en prends juste un ou, pire que ça, bien, je
vais en prendre un, puis vous allez vous faire avorter pour l'autre. Donc,
ce qu'on veut, c'est que... Ça fait partie,
comme quand on a de la procréation par voie naturelle... vous ne savez pas
combien vous allez avoir d'enfants, donc. À partir du moment où vous avez des
enfants, bien, ça fait partie des surprises, du bonheur que vous pouvez avoir,
d'avoir plus d'un enfant. Alors, on veut faire en sorte qu'à partir du moment
où les parents d'intention conviennent par voie de convention avec la mère
porteuse... qu'ils vont avoir tous les enfants et qu'ils ne pourront pas
dire : On en prend un versus un autre.
M. Cliche-Rivard : Ça va. Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. M. le député d'Acadie.
M.
Morin : ...M. le Président, quand on... à 541.1, quand on
fait référence aux conjoints domiciliés au Québec, donc, dans la
définition de «conjoints», ça inclut les conjoints mariés, pas mariés,
conjoints de même sexe, donc c'est... tout le monde est inclus dans la
définition de «conjoints», exact?
M. Jolin-Barrette : Effectivement.
M. Morin : Parfait.
M. Jolin-Barrette : Donc, ça couvre
tout le monde.
M. Morin : Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Alors, si on est d'accord, on
irait à 541.2. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui. Ce code est
modifié par l'insertion, après l'article 541, de ce qui suit :
«541.2. La personne seule ou les conjoints ayant
formé le projet parental doivent, avant la grossesse projetée, conclure une
convention de grossesse pour autrui avec la femme ou la personne qui a accepté
de donner naissance à l'enfant. Aucune autre personne ne peut y être partie.
«Cette femme
ou cette personne qui a accepté de donner naissance à l'enfant doit, au moment
de la conclusion de la convention, être âgée de 21 ans ou plus. Si
elle est une soeur, une ascendante ou une descendante de la personne seule ou
de l'un des conjoints ayant formé le projet parental, il ne doit y avoir aucune
combinaison de son matériel reproductif avec celui de sa fratrie, de son
ascendant ou de son descendant.».
• (16 h 40) •
Commentaire.
L'article 541.2 oblige la conclusion, avant la grossesse, d'une convention
de grossesse pour autrui entre la personne
seule ou les conjoints ayant formé un projet parental et la femme ou la
personne qui a accepté de donner naissance à
l'enfant. Il prévoit aussi que cette dernière doit être âgée de 21 ans ou
plus et qu'il ne doit y avoir aucune combinaison de son matériel reproductif
avec celui de sa fratrie, de son ascendant ou de son descendant lorsqu'elle est
une soeur, une ascendante ou une descendante de la personne seule ou des
conjoints ayant formé le projet parental.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup.
Interventions? M. le député d'Acadie.
M. Morin : Merci, M. le Président. Donc, je comprends que la
façon dont vous définissez le matériel reproductif avec la fratrie,
donc, on parle de descendants, d'ascendants. Est-ce que ça se rend, par exemple
aux cousins ou s'ils sont exclus?
M. Jolin-Barrette :
Non, les cousins ne sont pas visés. L'idée, là, c'est de faire en sorte,
là, qu'une mère porteuse ne puisse pas avoir le matériel génétique, supposons,
de son frère avec son propre ovule, supposons, avec la combinaison du matériel
génétique de la fratrie, de l'ascendant ou du descendant. Autre exemple, elle
peut porter un enfant qui provient de l'ovule de sa soeur. Elle peut aussi
porter un enfant qui provient du sperme de son frère si elle n'a pas fourni son
ovule. Ça fait qu'il ne faut pas qu'il y ait combinaison du matériel génétique.
M. Morin :
O.K. Puis... Oui, allez-y.
M. Jolin-Barrette :
Et les cousins germains peuvent se marier.
M. Morin :
O.K. Oui, effectivement.
M. Jolin-Barrette :
Ça n'arrive pas souvent, là.
M. Morin :
Ça n'arrive pas souvent, mais ça peut arriver. O.K.
M. Jolin-Barrette :
On a... C'est déjà arrivé dans certaines familles. Vous savez, l'amour,
hein?
M. Morin :
Ah! effectivement. Maintenant, on a écouté des groupes, en commission
parlementaire, qui sont venus recommander assez fortement que, dans certains
cas, la femme porteuse ait déjà eu une grossesse avant, donc que ça ne soit pas
sa première grossesse, compte tenu de l'impact que ça peut avoir chez la
personne. Donc, je comprends que le projet de loi ne vise pas ça ou n'oblige pas
la personne porteuse à avoir une grossesse avant.
M. Jolin-Barrette :
Effectivement, le projet loi ne l'oblige pas. Ça a fait partie des
réflexions. Cependant, on a décidé de ne pas donner suite parce que, notamment,
on vise l'autonomie de la femme. Et donc on comprend que, pour certains
groupes, c'est une recommandation. Cependant, comme État, on ne veut pas faire
en sorte de limiter la liberté de la mère porteuse d'utiliser son corps comme
elle le souhaite.
Le
Président (M. Bachand) : J'aurais le
député de Saint-Henri—Sainte-Anne,
s'il vous plaît.
M. Cliche-Rivard : Dans le même contexte que votre réponse, M. le ministre, je voudrais
savoir quels travaux, quelles études ont mené au choix de 21 ans
comme âge minimal?
M. Jolin-Barrette :
Bien, en fait, c'est une question notamment de vulnérabilité. L'importance
aussi d'avoir un cadre législatif qui est cohérent aussi avec l'ensemble
canadien. Donc, au niveau de la loi n° 21... au
niveau de la loi fédérale, c'est 21 ans aussi.
M.
Cliche-Rivard : O.K.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la
députée de Robert-Baldwin.
Mme Garceau :
Juste une remarque pour revenir... concernant la grossesse préalable, parce
que, plus tard, on va parler du consentement
clair, libre et clair, éclairé, évidemment, de la femme porteuse, et c'est dans
ce contexte-là, je ne sais pas si...
M. le ministre, si vous avez eu une réflexion. C'est sûr et certain qu'une
jeune femme de 21 ans versus une femme de 35 ans qui a déjà eu
un enfant, lorsqu'on va viser une rencontre avec un professionnel pour faire...
pour regarder l'aspect psychologique d'avoir
un enfant, et tout cet aspect-là, qui est quand même assez important
avant de signer une convention... Dans l'évaluation de donner un consentement
vraiment libre et éclairé, je voulais voir quelle a été votre réflexion au
sujet d'avoir une autre, si je peux dire, condition à la convention.
M. Jolin-Barrette :
Bien, en fait, d'avoir une grossesse préalable?
Mme Garceau :
Oui.
M. Jolin-Barrette :
Oui. Bien, en fait, maintenant, le Conseil du statut de la femme ne
recommande plus le fait d'avoir une
grossesse préalable aussi. Et puis vous soulevez un bon point, parce que chaque
cas est un cas d'espèce en soi. Vous
faites référence, supposons, à une femme qui a 35 ans, qui a eu des
grossesses préalables, versus une femme de 21 ans qui n'a pas eu de grossesse, effectivement, mais, à
l'inverse aussi, cas d'espèce pour cas d'espèce, à 35 ans, les
grossesses peuvent être plus à risque aussi, avec davantage de complications,
fondées sur les données scientifiques aussi. Alors, sur cet aspect-là, je pense
que c'est toujours important de respecter l'autonomie de la femme. Donc, c'est
ce qui a guidé.
L'autre point sur votre question relativement au
consentement, bien, le notaire va s'assurer du consentement libre et éclairé lors d'une séance psychosociale
d'information sur l'enjeu psychosocial, les conséquences aussi
rattachées à la grossesse, les impacts aussi que ça va avoir. Donc, l'objectif
est de faire en sorte que la femme soit le mieux informée possible et qu'elle
puisse donner son consentement d'une façon libre et éclairée, mais, je suis
d'accord avec vous, il y a plusieurs cas
d'espèce, il faut dresser... il faut mettre un cadre et des balises, puis c'est
le cadre qu'on a proposé.
Le Président (M.
Bachand) : Mme la députée de
Robert-Baldwin.
Mme
Garceau : Je vais juste faire un autre commentaire. Ayant eu
des enfants, et je suis certaine que plusieurs ont eu des enfants ici,
dans cette salle, ça vient avec des conséquences. On vit des conséquences,
évidemment, très émotionnelles, et tout, et
c'est sûr et certain que je me mets dans les souliers d'une jeune femme de 21,
22 ans qui n'a jamais eu des
enfants, qui va venir signer un consentement, versus quelqu'un de 28 ans
qui a déjà eu deux enfants, ce n'est pas
la même chose. Lorsqu'on va aller signer une convention, on a déjà passé... on
a... on a une certaine expérience, on connaît les attentes, on sait le
niveau de... qu'est-ce que ça implique, la grossesse, de donner naissance à un
enfant, on comprend parce qu'on l'a vécu. C'est cet aspect-là qui me préoccupe,
surtout avec l'âge de 21 ans. C'est jeune.
M. Jolin-Barrette : M. le Président,
les préoccupations de la députée sont légitimes. Je suis d'accord avec elle. Cependant, il s'agit d'une question
d'équilibre aussi pour faire en sorte de permettre, justement, aux personnes
qui souhaitent faire cette démarche-là de pouvoir le faire. Et on vient s'assurer
aussi que les parents d'intention pourront également offrir une filiation à des
enfants aussi. Peut-être aussi que l'exigence d'une grossesse préalable
pourrait entraîner aussi des... des
questionnements aussi par rapport à la fratrie. La mère porteuse qui décide de
porter un enfant et qui a déjà des
enfants aussi, ça aussi, c'est un aspect qui doit être considéré aussi si on
exige une grossesse préalable aussi.
Ça fait qu'il y a plusieurs enjeux qui... qui...
Votre point est bon sur le fait de dire : Bien, l'expérience d'avoir une
grossesse, on ne percevra peut-être pas ça de la même façon que si je n'ai pas
déjà eu d'enfant. Je peux vous dire que je n'ai pas porté d'enfant puis j'ai
appris beaucoup là-dedans. Alors, voyez-vous, c'est comme... c'est comme un équilibre. On met... on met 21 ans. Il y a
une question d'autonomie, il y a une question du respect du contrôle du
corps de la femme, mais vous amenez des bons
points aussi sur le fait que, peut-être, vous savez davantage dans quoi vous
embarquez lorsque vous avez déjà porté un enfant. Mais prenez le cas d'une
femme qui aurait, je ne sais pas, 33, 34 ans puis qui ne veut pas avoir
d'enfant pour elle-même, mais qui souhaite faire ce geste-là, supposons, pour
sa soeur ou n'importe qui. Alors, on va lui interdire à elle, qui a un âge
avancé... bien, pas avancé, je...
Mme Garceau : Faites attention!
M. Jolin-Barrette : ...qui a un âge
plus avancé... qui a un âge plus avancé... qui a un âge plus avancé que
21 ans, qui est en âge de procréer, mais... Vous comprenez ce que je veux
dire, là.
Mme Garceau : Donc, si je suis cette
logique, est-ce que 21 ans est trop jeune?
M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez,
au fédéral, c'est 21 ans. Dans le reste du Canada, il n'y a pas d'exigence
non plus d'avoir une grossesse préalable, dans les autres États fédérés du
Canada.
• (16 h 50) •
Mme Garceau : Mais là on est au
Québec, donc vous êtes le législateur.
M. Jolin-Barrette : Bien, vous
aussi.
Mme Garceau : Oui, mais on est ici
pour discuter, pour voir tous les enjeux. Est-ce qu'on devrait ou pas? Donc, je
voulais juste avoir cet échange pour avoir votre opinion là-dessus.
M. Jolin-Barrette : Oui, bien, moi,
je vous dirais, M. le Président, les points que la députée de Robert-Baldwin...
sont... sont légitimes, mais il faut tracer une ligne à un certain moment. Ça
nous apparaît être l'équilibre. Il ne faut pas non plus aussi... Plus on va
ajouter des conditions, plus on va fragiliser également le droit de l'enfant à une filiation aussi. Donc, dans le global, je
pense qu'on doit laisser à la femme décider si, oui ou non, elle veut porter
un enfant pour autrui, mais... Bien entendu,
ça peut amener des inconnues, mais, au même titre, quelqu'un qui a déjà eu
des enfants aussi, la prochaine grossesse peut amener des complications aussi,
peut amener... C'est une situation qui est vraiment... qui est vraiment
particulière. Sauf que ce qu'on veut, c'est que la femme puisse décider pour
elle-même.
Le Président (M.
Bachand) : M. le député d'Acadie, s'il
vous plaît.
M.
Morin : ...juste un
commentaire. Quand vous disiez, M. le ministre, que ça pourrait poser peut-être
des problèmes avec la fratrie des autres
enfants... mais je comprends que, dans le projet de loi actuel, pour la
personne porteuse, ce n'est pas
limité à une grossesse, donc la situation pourrait se poser de toute façon si
elle en a trois, quatre, grossesses pour autrui, là.
M. Jolin-Barrette : Ah! tout à fait,
mais... Tout à fait. Vous avez raison.
M.
Morin : O.K.
Le
Président (M. Bachand) :
Autres interventions? On
continue. Alors, 541.3. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui. «541.3. La
contribution au projet parental de la femme ou de la personne qui a accepté de
donner naissance à un enfant doit être à titre gratuit; elle a néanmoins droit,
conformément aux normes prévues par règlement du gouvernement, au remboursement
ou au paiement de certains frais ou à une indemnisation, le cas échéant, pour la perte de revenus de
travail occasionnée par cette contribution. Lorsqu'elle est domiciliée hors
du Québec, elle a aussi droit, selon ce qui
est prévu par la loi de l'État de son domicile, au remboursement ou au
paiement de certains frais et à l'indemnisation pour la perte de revenus de
travail.
«La personne seule ou les conjoints ayant formé
le projet parental ne peuvent réclamer le remboursement des montants qu'ils ont
versés en vertu du premier alinéa du seul fait que le projet n'a pas été mené à
terme.»
Commentaire. L'article 541.3 prévoit que la
contribution au projet parental de la femme ou de la personne qui a accepté de
donner naissance à l'enfant doit être à titre gratuit, sous réserve du droit au
remboursement ou au paiement de certains frais et à l'indemnisation, le cas
échéant, de la perte de revenus de travail occasionnée par cette contribution
conformément aux normes prévues par règlement du gouvernement. Lorsqu'elle est
domiciliée hors du Québec, l'article propose
qu'elle ait droit, selon ce qui est prévu dans la loi de l'État de son
domicile, au remboursement ou au paiement de certains frais et à
l'indemnisation de la perte de revenus de travail.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Interventions?
M. le député d'Acadie.
M.
Morin : Oui. Alors, merci, M. le Président. Comme on en a parlé
et on en a discuté avec les associations et les personnes qui sont venues
témoigner, je comprends que le principe, c'est que la contribution est à titre
gratuit. Cependant, on sait que, notamment avec des agences, il y a différents
remboursements qui sont faits.
Et mon commentaire est plutôt général. Je trouve
que l'article, lui, est très général, il ne prévoit pas d'une façon spécifique ce qui pourrait être remboursé ou
pas à la femme qui va décider de porter l'enfant. On parle de certains
frais, l'indemnisation pour la perte de revenus du travail. Qu'est-ce qui
arrive, par exemple, si elle est malade... et des
journées de maladie? Est-ce que... Alors, moi, je pense que ça devrait être
plus spécifique, ça devrait prévoir d'une façon plus claire ce à quoi
elle va avoir droit.
Et il y a un autre élément dans cet article,
puis ça, ça se retrouve ailleurs dans le projet de loi, mais je vais l'aborder
en partie ici, parce que, là, on le voit. Ça dit : La femme ou la personne
qui a accepté de donner naissance à un enfant pourrait être domiciliée hors du
Québec. Est-ce que je me trompe?
M. Jolin-Barrette : La femme qui
accepte de donner naissance?
M.
Morin : Oui.
M. Jolin-Barrette : Effectivement,
elle pourrait être domiciliée, supposons, en Ontario.
M.
Morin : Mais elle pourrait être aussi domiciliée dans un autre
pays.
M. Jolin-Barrette : Oui, en vertu de
la loi, en vertu du projet de loi. Cependant, ça devra être dans un État désigné. Donc, dans le fond, on vient faire en
sorte qu'on ne pourra reconnaître une grossesse pour autrui à
l'étranger. Supposons, des parents québécois
qui font affaire avec, supposons, un État américain, supposons... fictif, là,
supposons le Vermont, O.K., bien, il faudrait que le Vermont soit désigné par
le ministre de la Santé comme État accrédité.
À ce stade-ci, présentement, il n'y a pas
d'autre État dans le monde qui a des comparables à celui qu'on va mettre en place pour le Québec. Il y aurait
l'Ontario, supposons, mais il n'y aurait pas d'État autre, canadien, qui
pourrait respecter les paramètres, actuellement.
M.
Morin : Je suis d'accord avec vous, on fait la même lecture,
sauf que... Puis j'avais des commentaires aussi
pour 541.28, parce qu'on parle même, à ce moment-là, de la personne qui a donné
naissance à l'enfant, mais hors Canada. Et je me demandais quel est
l'attrait, l'intérêt de vouloir permettre à une femme ou une personne porteuse
d'être domiciliée hors Canada alors qu'au fond on parle... D'abord, le droit, à
l'étranger, va être assez difficile à évaluer, le Code civil ne s'appliquera
pas à l'étranger. Vous aurez beau faire une évaluation, il y a peu d'États,
puis vous l'avez mentionné, à l'étranger qui accordent les mêmes droits aux
femmes.
Donc,
j'essaie de comprendre. Est-ce que c'est pour permettre, par exemple, je ne
sais pas, moi, deux, tu sais... Cas
de figure, là, on parle d'un État autre, la Californie, par exemple. Alors,
vous avez deux supervedettes d'Hollywood, multimillionnaires, qui sont résidents au Québec,
ils ont un chalet au Québec, ils viennent passer du temps au Québec, il
y a...
M. Jolin-Barrette : ...il faut qu'ils
soient domiciliés
M.
Morin : Ou domiciliés. Domiciliés. Ils ont un domicile au
Québec.
M. Jolin-Barrette : Bien, on va être
contents de les avoir au Québec.
M. Morin : Oui.
M. Jolin-Barrette : Ils vont payer
leurs impôts au Québec.
M. Morin : Oui, mais ça veut dire...
M. Jolin-Barrette : C'est bon, ça,
j'aime votre proposition.
M.
Morin : C'est bon, ça, hein, vous aimez ça, hein? Mais ça
veut dire qu'ils pourraient identifier une femme en Californie puis lui
demander de contribuer au projet?
M. Jolin-Barrette : Bien, reprenons
votre... Excusez-moi, M. le Président.
M. Morin : Non, non. Allez-y, oui.
M. Jolin-Barrette : Prenons votre
exemple. Supposons, là, que c'est deux acteurs hollywoodiens fameux qui jouent
dans des blockbusters. Ils viennent s'établir au Québec parce qu'ils aiment ça,
venir skier à Mont-Tremblant, supposons, ou
ils habitent dans l'Acadie, ils habitent dans le beau comté de l'Acadie. Puis
supposons que la Californie, c'est un
État qui serait reconnu, ce qui n'est pas le cas, parce qu'eux, actuellement,
ils permettent la rémunération des mères
porteuses, là, mais faisons... on est dans un cas fictif, mais supposons que
c'est un État désigné puis que la soeur de madame voulait être leur mère porteuse, puis elle, elle habite en
Californie. Bien, dans le fond, les parents d'intention sont domiciliés
au Québec, et la soeur de madame, qui est la mère d'intention, sa soeur à elle
accepte de porter l'enfant pour eux parce qu'elle ne peut pas avoir d'enfant,
supposons, bien, ça, ce serait une situation à l'étranger aussi qui pourrait
s'avérer.
Mais ce qui est important, avec la grossesse
pour autrui à l'étranger, c'est qu'à cause qu'on développe un cadre légal... ça
vise à éviter que ce cadre légal là soit contourné. Supposons... parce que les
parents d'intention... supposons qu'il y a un acte de filiation de l'État
étranger envers monsieur, supposons, parce que c'était son sperme, O.K., bien,
quand il va revenir ici, il va savoir que les règles de filiation, pour être
établies, pour être reconnues, bien, il faut que le contrat, ce soit un
contrat... une convention notariée et que les règles s'appliquent, que ce soit...
ça va être encadré ici.
Ça fait qu'en partant les parties, quand ils
vont vouloir faire un projet de grossesse pour autrui, ils vont devoir quand
même rencontrer, un peu comme le Secrétariat à l'adoption internationale, la
séance de formation, les démarches, tout ça. Ça fait qu'on risque de mieux
encadrer que... versus le cas qui a cours actuellement, où ce n'est pas encadré
et où les parents vont à l'étranger, puis ils reviennent ici, puis ils font
l'adoption sur consentement spécial. Parce
que la pratique, elle se fait déjà présentement, sauf que, vu qu'elle n'est pas
balisée, bien, on se retrouve avec des situations où les droits de
l'enfant ne sont pas nécessairement encadrés, on ne s'assure pas que la
grossesse pour autrui est faite d'une bonne façon, avec des standards
équivalents aux standards québécois qu'on va mettre en application. Donc,
l'objectif est d'éviter de pouvoir contourner un cadre juridique qu'on vient
mettre en application.
M. Morin : Sauf que comment vous
allez faire si la personne qui est dans l'État étranger ne respecte pas la convention puis qu'elle reste dans l'État
étranger? Qu'est-ce que vous allez faire? Je veux dire, il n'y a pas moyen
de...
M. Jolin-Barrette : Vous voulez dire
qu'elle ne redonne pas l'enfant, supposons?
M. Morin : Elle ne redonne pas
l'enfant, ou il y a des termes dans la convention de grossesse, elle ne les
respecte pas, ou, je ne sais pas, moi, elle développe une maladie ou des
complications. À ce moment-là, comment vous allez faire pour faire appliquer le
droit québécois ou la convention à l'étranger?
• (17 heures) •
M.
Jolin-Barrette : Bien, on ne peut pas faire appliquer le droit
québécois à l'étranger, mais ce qu'on est capable de régir, par contre, c'est
les parents d'intention — ils
sont au Québec — donc
ce qu'on dit, c'est que, si vous décidez de faire... d'avoir recours à une
grossesse pour autrui, vous allez le faire selon les règles, les valeurs et les
lois québécoises. Donc, sachez que vous, couples ou parents d'intention, vous
allez à l'étranger, voici le cadre que vous devez respecter pour assurer les
droits de l'enfant et, par conséquent, aussi les droits de la mère porteuse.
Donc, ne pensez pas aller dans une usine à bébés, en Inde, supposons, pour
aller avoir un enfant par le biais d'une mère porteuse. Le cadre légal au
Québec ne vous permettrait pas ça. Puis, dans le fond, si vous faites ça, votre
projet parental ici ne sera pas sanctionné, vous ne
pourrez pas obtenir les documents pour faire en sorte de régulariser votre
situation ici.
M. Morin : Et
si l'enfant revient au Québec, il ne sera jamais régularisé, sa situation?
M.
Jolin-Barrette : Bien, en fait, il va se retrouver dans une situation
tout dépendant est-ce que le certificat de l'État étranger, relativement à la
filiation là-bas, comprend le matériel génétique d'un ou deux parents.
Je vous donne un
exemple, là. Supposons que c'est juste le sperme de monsieur, puis c'est
monsieur qui est sur le certificat de naissance dans l'État étranger, à ce
moment-là, madame, qui est la mère d'intention ici, elle, ne pourrait jamais se
retrouver sur le certificat de naissance de l'enfant au Québec. Donc, ça place
les parents d'intention dans une situation où on leur dit clairement dès le
départ : Voici les paramètres, voici, là... Écoutez, vous voulez faire ça,
faites-le de la bonne façon, et, voici, il y a un cadre pour le faire.
Un peu comme
l'adoption internationale aussi. L'adoption internationale, il y a le Secrétariat
à l'adoption internationale, il y a des balises, il y a des règles claires.
Donc, l'autre point, c'est qu'on ne veut pas contourner l'adoption internationale non plus en mettant une voie
pour... Il y a l'adoption internationale puis, de l'autre côté, il y a la
grossesse pour autrui. Et voici, c'est deux
chemins différents. Mais on ne veut pas contourner l'adoption internationale
comme ça aussi.
M. Morin : L'enfant
qui naîtrait, parce que l'enfant pourrait naître à l'étranger, aurait aussi la
citoyenneté du pays étranger?
M.
Jolin-Barrette : Bien, sous réserve des règles associées à l'État
étranger. Ce n'est pas dans... Ce n'est pas tous les États que la nationalité
s'acquiert par le sol.
M. Morin : Mais
il y en a plusieurs.
M.
Jolin-Barrette : Ah! bien oui, il y en a plusieurs, mais...
M. Morin : Exact.
Ce n'est pas exhaustif, là.
M.
Jolin-Barrette : C'est ça.
M. Morin : Puis
là il va revenir ici?
M.
Jolin-Barrette : Oui.
M. Morin : O.K.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée de
Robert-Baldwin.
Mme Garceau :
Mais la convention signée ici ne sera pas exécutoire à l'étranger. Donc, la
mère porteuse qui est à l'extérieur du Québec, admettons aux États-Unis, décide
de garder l'enfant. Le contrat, la convention n'est pas exécutoire.
M.
Jolin-Barrette : Mais la convention est signée là-bas. Mais, dans tous
les cas, elle a le droit de garder l'enfant. Ici aussi, une mère porteuse a le
droit de garder l'enfant.
Mme Garceau :
Ça, on va en rediscuter, je pense, plus tard.
M.
Jolin-Barrette : Bien, dans l'état actuel du projet de loi...
Mme Garceau :
Plus tard.
M.
Jolin-Barrette : Dans l'état actuel du projet de loi...
Mme Garceau :
Plus tard.
M. Jolin-Barrette :
Vous me dévoilez vos intentions, là, un peu, là. C'est bon. C'est des
scoops.
M. Morin : C'est parce qu'on essaie de faire un tout avec le
projet de loi. Mais, à l'étranger, là, si la personne qui porte
l'enfant, comme je disais tantôt, ne respecte pas la convention, vous ne pouvez
pas faire exécuter la convention à
l'étranger, ça fait que vous allez vous ramasser ou les parents vont se
ramasser... les parents d'intention vont se ramasser dans une
situation... ou bien ça va créer un conflit de droit international privé, ils
vont avoir recours aux tribunaux, puis ça devient hypercompliqué.
Alors, je
comprends votre exemple de tantôt, mais je me demandais pourquoi vous ne voulez
pas vous concentrer puis permettre ça au Canada seulement.
M.
Jolin-Barrette : Bien, on a les mêmes enjeux au Canada aussi. Dans le
fond, là, c'est du droit québécois, c'est du droit international privé aussi.
M. Morin : Oui,
sauf que, si vous avez un problème, par exemple, avec la femme porteuse en
Ontario, qui a des complications de grossesse, qu'elle doit aller à l'hôpital,
je veux dire, il y a quand même des ententes entre les provinces, là, au niveau, par exemple, du paiement des frais médicaux,
du remboursement, etc. À l'étranger, les parents d'intention vont faire
quoi?
M.
Jolin-Barrette : Oui, mais, là, vous me parlez, supposons, des soins,
là. Vous ne me parlez pas du fond sur la reconnaissance, là, l'enjeu. Parce
que, supposons, la mère... Dans le fond, là, on ne peut pas faire plus exécuter
votre convention en Ontario qu'ici, là, ou que dans un autre État, là.
M. Morin : Sauf qu'au niveau... Si on revient, par exemple,
au niveau des frais, bien, il y a des ententes entre les provinces.
Si ça se met à aller mal, puis que la femme qui porte l'enfant a des
complications dans un État aux États-Unis, puis c'est là qu'elle est,
bien, qui va payer? Tout va être prévu dans la convention avant? Ils vont mettre
des sommes en fidéicommis pour couvrir ça au cas? Parce qu'il peut y avoir des
complications pendant la grossesse.
M.
Jolin-Barrette : Bien, dans le fond, la convention va être signée
là-bas avec la mère porteuse dans l'État du domicile. Mais, bien entendu, la
mère porteuse se retrouve dans une situation où elle convient, avec les parents
d'intention, les modalités de la convention.
Mais, comme je vous
dis, actuellement, il n'y a pas d'États qui ont les mêmes standards que nous.
Donc, actuellement, la liste des États étrangers serait à zéro.
M. Morin : Bien,
c'est ça. Mais ça, c'est... ça, c'est l'autre élément. Parce que si vous
regardez, par exemple, ne serait-ce, je ne sais pas, ne serait-ce qu'au niveau, par exemple, de l'interruption volontaire
de grossesse, au Québec présentement,
il n'y a pas... législativement parlant, il n'y a pas de limite, alors qu'à peu
près dans tous les pays, y compris les pays du monde occidental, il y en
a. Donc, si vous voulez accorder les mêmes droits à la femme qui porte
l'enfant, vous ne trouverez jamais un État qui va rentrer dans votre liste,
parce qu'elle n'aura pas les mêmes droits à l'étranger. Donc, ça donne quoi?
M.
Jolin-Barrette : Bien, en fait, selon les standards qui vont être mis
en place en fonction de l'État désigné.
M. Morin : Oui,
mais vous voulez une réciprocité.
M.
Jolin-Barrette : Bien non, mais ce que... Non, mais, dans le fond, le
ministre de la Santé, là, va établir la liste des États qui ont des normes équivalentes
aux nôtres. Donc, les États ne seront pas reconnus. Mais, tu sais, dans «États
étrangers», ça comprend les États fédérés du Canada aussi. En termes de droit
international, là...
M. Morin : O.K.,
vous rentrez ça dans un État étranger. D'accord.
M. Jolin-Barrette : Certainement. C'est un
État étranger. En fonction du Code civil, les règles qui s'appliquent,
c'est comme un État étranger. Puis le droit québécois, bien que vous le
souhaiteriez comme moi, qu'il s'applique d'un océan à l'autre, bien, il
s'applique d'une rivière à l'autre.
M. Morin :
À l'autre. O.K.
Le
Président (M. Bachand) : D'autres
interventions? Ça va? Alors, on continue.
Des voix :
...
Le
Président (M. Bachand) : Oui.
M.
Cliche-Rivard : Il y a quand même des groupes qui... je sais que vous
avez prévu que ça sera par règlement, là, mais il y a quand même plusieurs
groupes qui ont parlé de, tu sais, quel type de frais, à quel moment la
fréquence du paiement, comment ce serait administré. Bien que ce soit dans le
contexte de... que ce sera défini par le règlement, j'aimerais vous entendre
sur ce que vous avez comme idée.
M.
Jolin-Barrette : Bien, dans le fond, ça va être par voie
réglementaire, mais, exemple, ça va notamment respecter
le cadre fédéral aussi. Mais on pourrait penser aux frais de déplacement, frais
de transport, stationnement, repas, hébergement, frais pour prestations
aux soins de personnes à charge, les frais de service de consultation, les
frais de service juridique, les débours, les
remboursements d'indemnité pour avoir manqué des journées de travail,
supposons, pour aller à un rendez-vous médical, les frais relatifs à
l'accouchement, les frais relativement aux vêtements, tout ça.
Ce qui est important
de comprendre, c'est que ce n'est pas permis de rémunérer la personne pour être
une mère porteuse. Par contre, les dépenses associées à la grossesse vont
pouvoir être couvertes, puis ça va être par voie réglementaire, un peu avec les
exemples que je viens de vous donner.
M.
Cliche-Rivard : Puis vous allez définir comme une marge, genre entre
100 $ et 400 $ pour telle affaire, ou il va y avoir un... tu sais,
avec un reçu ou... C'est quoi, la logique?
M. Jolin-Barrette : Dans
le fond, on va le voir plus loin, là, c'est le notaire qui va administrer, dans
le fond. Les parents d'intention vont
placer l'argent en fidéicommis, puis c'est le notaire qui va administrer les
dépenses sur remboursement.
M.
Cliche-Rivard : Puis ça, on l'aura défini, la fréquence, dans la
convention?
• (17 h 10) •
M.
Jolin-Barrette : Par la convention, effectivement. Donc, les parties
vont pouvoir convenir des modalités de remboursement entre ceux-ci, mais c'est
le notaire qui va débourser.
M.
Cliche-Rivard : Puis des groupes nous ont parlé de la possibilité, là,
de prévoir un mécanisme de règlement de différends ou... Si jamais il y a
une... tu sais, il y a une mésentente sur quel fonds est remboursé, pas
remboursé, qu'est-ce que vous aviez comme idée là-dessus?
M.
Jolin-Barrette : Bien, en fait, c'est le notaire, eu égard à la
convention, qui va prendre la décision de rembourser.
Mais, comment je pourrais dire, la convention va être claire relativement aux
dépenses qui sont couvertes et qui ne sont pas couvertes.
M.
Cliche-Rivard : Je vous entends. Merci.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée de
Vaudreuil.
Mme Nichols :
Bien, les dépenses ne seront pas encadrées, là, c'est-à-dire, vous n'allez
pas venir dire que c'est en fait balisé, là, que telle dépense, ça vaut entre
tant et tant, sinon ça peut être contesté, là. Il n'y a pas de...
M.
Jolin-Barrette : Non.
Mme Nichols :
Ça n'ira pas jusque-là.
M.
Jolin-Barrette : Non.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. M. le député de l'Acadie. Oui,
M. le ministre.
M. Morin :
Oui, oui. Continuez, oui.
M.
Jolin-Barrette : Bien, j'allais juste dire, les parties entre elles
peuvent convenir de ce qu'ils veulent, là, mais ce n'est pas le gouvernement
qui va dire : Vous avez juste... Je ne sais pas, là. Les vêtements de maternité,
vous avez un budget de 100 $. Hein, on sait que ce n'est pas réaliste.
Mais, ce que je veux dire, ça ne sera pas dans le règlement. C'est ça que je
veux dire. Ce qui va être...
Mme Nichols :
Non, mais c'était ça, ma question. Je voulais savoir, mettons, la
massothérapie pour femme enceinte, maximum 1 000 $. Tu sais, je ne
veux pas que... Il faut...
M.
Jolin-Barrette : C'est les parties qui vont convenir.
Mme Nichols :
Les parties vont convenir, là, d'un montant, soit maximum... Parfait.
M.
Jolin-Barrette : Nous, ce qu'on va... ce qu'on va mettre dans le
règlement, par contre, c'est que...
Mme Nichols :
L'énumération.
M.
Jolin-Barrette : ...les soins de services corporels peuvent être
remboursés.
Mme Nichols :
Puis les parties s'entendront entre elles sur les définitions de «services
corporels».
M.
Jolin-Barrette : Exactement.
Mme Nichols :
Très bien.
Le
Président (M. Bachand) : ...
M. Morin : Oui,
brièvement. Je reviens encore avec la personne qui est à l'étranger. Donc,
l'idée, ce n'est pas de l'amener au Québec
pour qu'elle signe la convention au Québec, mais c'est... la convention va être
signée dans l'État de son domicile?
M. Jolin-Barrette :
Exactement.
M. Morin : O.K. Donc, on va avoir un
acte, une convention notariée en partie au Québec puis... Parce que, là, si
elle signe dans l'État de son domicile...
M. Jolin-Barrette : Pour l'étranger,
ce n'est pas notarié. C'est une convention entre les parties qui n'est pas
notariée. C'est en fonction des règles qui... par le Secrétariat à l'adoption
internationale. Donc, comme c'est le cas, supposons, en adoption, dans le fond,
entre les États, il conclut des conventions ou quoi que ce soit, bien, le
notaire... il n'y a pas de notaire instrumentant dans le cadre d'une grossesse
pour autrui à l'étranger.
M. Morin : O.K. Puis, dans la
convention, parce que, là, je comprends que les parties vont pouvoir décider entre
eux puis d'inscrire différents aspects, mais, au niveau, par exemple, certaines
indemnités, des congés de... que ce soit de maladie ou autres, ou du fait qu'on
peut prévoir, par exemple, une assurance si la femme porteuse est malade, ou
etc., bon, ça, vous laissez ça aux parties qui vont décider ce qu'ils vont
mettre dans la convention. Vous ne voulez pas légiférer là-dessus pour
dire : La convention doit au moins comporter tel, tel, tel éléments.
M. Jolin-Barrette : À l'étranger ou
ici?
M. Morin : Ici.
M. Jolin-Barrette : Bien là, il va y
avoir des règles impératives dans la convention, mais, exemple, pour
l'assurance vie, puis ça nous a été suggéré, mais on ne comptait pas l'obliger.
Dans le fond, ça revient à la discrétion des parties.
M. Morin : Mais vous n'avez pas peur
que, compte tenu des parties en présence, il n'y aurait pas une
instrumentalisation ou... du corps de la femme ou qu'elle ne se retrouverait
pas dans un... en fait, dans un état ou une situation qui serait défavorisée,
tout dépendant des gens qui veulent rentrer dans la convention de grossesse?
M. Jolin-Barrette : Vous voulez dire
par le... par l'assurance vie ou...
M.
Morin : L'assurance vie, des journées d'assurance maladie,
des trucs comme ça qui pourraient être prévus puis qui s'appliqueraient à tout le monde, finalement, alors que, là,
vous laissez ça à l'intérêt des parties. Donc, d'une femme porteuse à
l'autre, ça peut varier.
M.
Jolin-Barrette : Effectivement. C'est... Dans le fond, c'est les
parties qui conviennent des modalités associées à ça.
Je vous donne un exemple. Il y en a qui vont le
faire par altruisme aussi. Exemple, ils pourraient se retrouver... la soeur d'une mère d'intention décide de le faire complètement...
d'une façon altruiste, sans même demander quoi que ce soit aussi. Ils
pourraient convenir de ça. Donc, il y a un cadre impératif au niveau de la
convention, le fait d'avoir 21 ans, c'est par acte notarié, tout ça, mais,
pour ce qui est des modalités de remboursement ou d'indemnités, ça, c'est les
parties qui le déterminent. Même chose, si jamais ils veulent avoir une
assurance vie, si la mère porteuse veut avoir une assurance vie, bien, elle va
le convenir avec les parents d'intention.
Parce qu'il faut comprendre aussi que les
parents d'intention sont à la recherche de mères porteuses aussi. Donc, la mère
porteuse aussi a les... comment je pourrais dire, les moyens d'imposer ses
conditions.
Le
Président (M. Bachand) :
D'autres interventions pour
l'instant? Alors, on pourra toujours revenir, bien sûr.
Donc, M. le ministre, 541.4, s'il vous plaît.
M.
Jolin-Barrette : Oui. «Pour que soit mené à terme le projet
parental impliquant une grossesse pour autrui,
la femme ou la personne qui a donné naissance à l'enfant doit, après la
naissance de celui-ci, consentir à ce que la filiation de l'enfant soit établie exclusivement à l'égard
de la personne seule ou des deux conjoints ayant formé le projet
parental.»
Commentaire. L'article 541.4 prévoit que,
pour que soit mené à terme le projet parental, la femme ou la personne qui a
accepté de donner naissance à l'enfant doit, après la naissance de l'enfant,
consentir à ce que sa filiation soit établie exclusivement à l'égard de la
personne seule ou des conjoints ayant formé le projet parental.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. Interventions?
Est-ce qu'il y a des interventions pour l'instant?
M. Morin : Non, pas pour l'instant.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Donc, 541.5, M. le
ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : «Est sans effet
la renonciation de la femme ou de la personne qui a accepté de donner naissance
à l'enfant à son droit d'exprimer, après la naissance de l'enfant, sa volonté quant
à l'établissement de la filiation de celui-ci.
«Est aussi sans effet la
clause tendant à empêcher la femme ou la personne qui a accepté de donner
naissance à un enfant d'exprimer de façon libre et éclairée son consentement
après la naissance de l'enfant. L'est également la clause pénale visant le même
but.»
Commentaire. L'article 541.5 prévoit qu'une
renonciation par la femme ou la personne qui a accepté de donner naissance à
l'enfant à l'obligation de donner son consentement après la naissance de l'enfant
est sans effet.
Cet article prévoit qu'est également sans effet
la clause tendant à empêcher celle-ci d'exprimer de façon libre et éclairée son
consentement après la naissance de l'enfant ou la clause pénale visant le même
but.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Interventions? M. le
député de l'Acadie, oui, allez-y.
M. Morin : En fait, si je comprends
bien, à 541.5, la femme qui donne naissance à l'enfant ne pourrait pas
renoncer, après la naissance, à sa volonté quant à l'établissement de la
filiation de celui-ci?
M. Jolin-Barrette : Dans le cadre de
la convention. Supposons, la clause qui ferait en sorte qu'elle ne pourrait pas exprimer son consentement, elle est
nulle, dans le fond. En tout temps, on vient s'assurer, dans la
convention, que la femme qui a donné
naissance à l'enfant va pouvoir dire : Je conserve l'enfant. Elle va
pouvoir toujours consentir, même après l'accouchement. Dans le fond,
elle ne peut pas dire : C'est sûr que je vais renoncer à l'avance. Dans le
fond, c'est comme le patrimoine familial. Dans le fond, vous ne pouvez pas
dire : Je suis en amour, tout va bien, je ne te demanderai rien. Non. La
renonciation s'exécute après la séparation.
M. Morin : Oui, sauf que...
M. Cliche-Rivard : ...
M. Jolin-Barrette : Comme quoi?
M. Cliche-Rivard : Dans le délai que
vous avez prévu, entre sept et 30 jours.
M. Jolin-Barrette : C'est ça. C'est
ça.
M. Morin : Sauf que, dans le cas du
patrimoine familial, bien, les gens qui décident de vivre ensemble ou qui sont
mariés, forcément, normalement, devraient vivre ensemble un petit peu, un petit
bout de temps, donc ils vont accroître un patrimoine familial. Ça va exister
forcément.
Ici, la différence que je vois, c'est que l'idée,
l'objet même du contrat, c'est que des parents d'intention qui ne peuvent pas
avoir d'enfant ont recours à une femme porteuse. Puis le but, bien, évidemment,
c'est qu'elle mette au monde un enfant pour qu'ils puissent, après ça, avoir
l'enfant. Donc, elle ne pourrait pas renoncer à l'avance à la filiation de
l'enfant.
M. Jolin-Barrette : Exactement. Dans
le fond, là, on conserve l'entière autonomie de la femme tout au long du
processus jusqu'à l'accouchement.
C'est le même principe que pour l'interruption
volontaire de grossesse. On ne pourrait pas prévoir dans la convention :
Vous ne pouvez pas vous faire avorter.
M. Morin : Exact.
M. Jolin-Barrette : Peu importe ce
qui arrive, vous ne pouvez pas vous faire avorter. Non, ça, ce n'est pas permis
dans la convention.
Même chose au niveau... dans la convention de
grossesse pour autrui, à partir du moment où les parents d'intention... Bien, en fait, les parents sont
informés qu'il pourrait y arriver que la mère porteuse décide de conserver
l'enfant après l'accouchement, puis, tout au
long de la grossesse, elle peut manifester le fait qu'elle va conserver
l'enfant également.
Donc, dans le fond, la disposition est pour
faire en sorte qu'elle ne puisse pas s'engager à dire : Je mène à terme ma
grossesse et je m'engage à le donner, peu importe ce qui arrive.
• (17 h 20) •
Le Président (M.
Bachand) : Ça va pour l'instant? Merci. M.
le ministre, 541.6.
M. Jolin-Barrette : Oui. «L'enfant
ne peut réclamer une filiation à l'égard de la femme ou de la personne qui lui
a donné naissance dans le cadre d'un projet parental impliquant une grossesse
pour autrui auquel elle a contribué. Pareillement, celle-ci ne peut, une fois
que son consentement à ce que la filiation de l'enfant soit établie
exclusivement à l'égard de la personne seule ou des deux conjoints ayant formé
le projet parental a été donné ou est réputé avoir été donné, réclamer le lien
de filiation à l'égard de l'enfant.»
Commentaire. L'article 541.6 prévoit que l'enfant
ne peut réclamer une filiation à l'égard de la femme ou de la personne qui lui
a donné naissance. Il prévoit aussi que celle-ci ne peut réclamer un lien de
filiation à l'égard de l'enfant une fois que
son consentement à ce que la filiation de l'enfant soit établie exclusivement à
l'égard de la personne seule ou des conjoints ayant formé le projet
parental a été donné ou est réputé avoir été donné.
Le Président (M. Bachand) : Merci
beaucoup. Interventions?
S'il n'y a pas
d'intervention, nous allons continuer. 541.7, s'il vous plaît.
M.
Jolin-Barrette : «La personne seule ou les conjoints ayant formé le
projet parental ainsi que la femme ou la personne qui a accepté de donner
naissance à l'enfant doivent être domiciliés au Québec depuis au moins un an
lors de la conclusion de la convention de grossesse pour autrui pour que les
règles permettant l'établissement légal ou judiciaire de la filiation de
l'enfant puissent s'appliquer au projet parental impliquant une grossesse pour
autrui.»
Commentaire. Il est
proposé d'introduire la sous-section II, qui réunit les dispositions
concernant les enfants issus d'un projet parental dans le cadre duquel les
parties à la convention sont domiciliées au Québec, qui comprendrait les
articles 541.7 à 541.25.
Il est proposé
d'introduire, dans la sous-section II, la sous-section 1 comprenant
des dispositions générales, incluant
certaines conditions générales, applicables pour l'établissement légal ou
judiciaire de la filiation. Cette sous-section comprendrait les
articles 541.7 à 541.10.
L'article 541.7
prévoit que l'établissement légal ou judiciaire de la filiation ne peut se
faire que si la personne seule ou les conjoints ayant formé le projet parental
et la femme ou la personne qui a accepté de donner naissance à l'enfant sont
domiciliés au Québec depuis au moins un an lors de la conclusion de la
convention.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. M. le
député de l'Acadie.
M. Morin : Oui.
Alors, pourquoi un délai d'un an plutôt que six mois, ou 18 mois, ou...
M. Jolin-Barrette : En fait, c'est pour
assurer que le domicile soit véritablement le domicile des conjoints ou
de la personne qui fait le projet parental. Donc, il y a un critère de
stabilité et de présence sur le territoire québécois.
M. Morin :
O.K. Puis ils doivent être domiciliés au Québec, mais ils ne sont pas
nécessairement... être obligés d'être citoyens canadiens.
M.
Jolin-Barrette : Non. Ils doivent être domiciliés.
Le
Président (M. Bachand) : Est-ce qu'il y a... Mme la députée de
Robert-Baldwin, oui, allez-y. Non? S'il y a quelque chose... Est-ce que ça va
pour l'instant? M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne, oui, allez-y, oui.
M. Cliche-Rivard : À 541.1, on a déjà
l'obligation de «domiciliés au Québec», et là, à 541.7, on a «domiciliés au Québec [plus] un an». Je me demandais juste, dans une lecture de
cohésion, si on ne voulait pas mettre là soit «domiciliées» une fois ou
soit «un an» deux fois, ou si c'étaient des régimes distincts que je ne
saisissais pas la distinction, dans les conditions générales.
M.
Jolin-Barrette : Dans le fond, à 541.1, ce que l'on me glisse à
l'oreille, c'est que ça couvre la GPA au Québec, mais ça couvre la GPA à
l'étranger aussi. Tandis que la 541.7, ça couvre la GPA au Québec précisément.
C'est la région.
M.
Cliche-Rivard : Seul, spécifiquement?
M.
Jolin-Barrette : Oui.
M.
Cliche-Rivard : Je comprends. Merci.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Autres
interventions?
Alors, on continue.
541.8, M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Oui. Et l'élément d'information supplémentaire en
complément, le un an, c'est en complémentarité des articles 59 et 71 du Code
civil.
«Seule la femme ou la
personne qui a accepté de donner naissance à un enfant dans le cadre d'un
projet parental impliquant une grossesse
pour autrui peut, en tout temps avant la [grossesse] — pardon, avant la naissance — de
l'enfant, mettre fin unilatéralement à la convention de grossesse pour autrui;
elle doit alors le faire par écrit et en notifier copie à la personne seule ou
aux conjoints ayant formé le projet parental. Dans ce dernier cas, la
notification à l'un des conjoints est réputée faite à l'égard de l'autre.
«En
cas d'interruption de la grossesse, il est mis fin à la convention de grossesse
pour autrui sans autre formalité.»
Commentaire.
L'article 541.8 prévoit que seule la femme ou la personne qui a accepté de
donner naissance à l'enfant peut, en tout temps avant la naissance de l'enfant
et par écrit notifié à la personne seule ou aux conjoints ayant formé le projet
parental, mettre fin unilatéralement à la convention de grossesse pour autrui.
Cet
article prévoit aussi qu'en cas d'interruption de grossesse il est mis fin à la
convention sans autre formalité.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. M. le député de
l'Acadie, ça va? Donc, est-ce qu'il y a interventions?
Ça va. On va
continuer. M. le ministre, 541.9... Oui, pardon. M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne, allez-y.
M. Cliche-Rivard :
Dans les commentaires, ça dit : «...en tout temps avant la naissance
de l'enfant...» Donc, après la naissance, dans... ça doit être fait autrement.
M. Jolin-Barrette : Dans le fond...
M. Cliche-Rivard : Si elle refuse de
donner son consentement.
M. Jolin-Barrette : Bien, en fait,
madame accouche. Pour une période de sept jours, elle ne peut donner son
consentement. Ensuite, à partir du septième jour, du huitième jour jusqu'au
30e jour, elle doit donner son consentement pour entériner la
convention...
M. Cliche-Rivard : Donc, le geste
positif.
M.
Jolin-Barrette : C'est un geste positif. Si, au 30e jour, elle ne
l'a pas donné, elle est présumée ne pas le donner.
M. Cliche-Rivard : Parfait.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Donc, M. le ministre,
541.9.
M. Jolin-Barrette : «541.9. Pour
donner son consentement, la femme ou la personne qui a donné naissance à
l'enfant doit consentir expressément à ce que son lien de filiation à l'égard
de l'enfant soit réputé n'avoir jamais existé et à ce qu'un lien de filiation
soit établi à l'égard de la personne seule ou des deux conjoints ayant formé le
projet parental.
«Le consentement doit être donné par acte
notarié en minute ou par acte sous seing privé en présence de deux témoins qui
n'ont pas d'intérêt au projet de grossesse pour autrui. Dans ce cas, son auteur
et les témoins le signent et y indiquent la date et le lieu où il est donné. Le
consentement peut aussi être donné par une déclaration judiciaire dans le cadre
d'une instance ayant trait à la filiation de l'enfant. Le refus de consentir
n'est, pour sa part, soumis à aucune forme particulière.
«Si le consentement est donné dans une autre
langue que le français, il doit être accompagné d'une traduction vidimée au
Québec.
«Un règlement du gouvernement peut déterminer
d'autres éléments sur lesquels le consentement doit porter ainsi que le contenu
du document qui en fait état.»
L'article 541.9 détermine la forme que doit
prendre le consentement de la femme ou de la personne qui a accepté de donner naissance à l'enfant à ce que
son lien de filiation à l'égard de l'enfant soit réputé n'avoir jamais
existé et qu'un lien de filiation soit établi à l'égard de la personne seule ou
des conjoints ayant formé le projet parental.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de
l'Acadie.
M. Morin : Oui. Merci, M. le
Président. Donc, je comprends, M. le ministre, qu'à 541.9 on est dans le
scénario où la femme porteuse ou la personne qui a donné naissance à l'enfant
va décider... va donner son consentement pour savoir si elle va remettre ou
garder l'enfant.
M. Jolin-Barrette : Oui.
M. Morin : Exact? C'est ce cas de
figure là?
M. Jolin-Barrette : Bien, dans le
fond, c'est... Pouvez-vous répéter votre question?
M. Morin : Oui. À 541.9, quand on
parle du consentement pour la femme ou la personne qui a décidé de porter l'enfant, le consentement dont on parle
ici, c'est celui par lequel elle va décider de remettre ou de garder
l'enfant?
M. Jolin-Barrette : C'est ça, en
grossesse pour autrui ici, au Québec. C'est ça.
M. Morin : Exact. Si elle est à l'étranger,
qu'est ce qu'on fait?
M. Jolin-Barrette : Ça va être un
autre article.
M. Morin : C'est un autre article?
O.K. Alors, on va parler de l'autre article plus tard.
Maintenant, la convention de grossesse doit être
faite par acte notarié, mais le consentement, lui, pour remettre ou pas
l'enfant, peut être fait par acte notarié ou par un acte sous seing privé.
Puis...
M.
Jolin-Barrette : Donc, quand qu'ils concluent la convention
notariée, ça se fait par acte notarié devant le notaire.
M. Morin : Exact.
M.
Jolin-Barrette : Le consentement à la remise de l'enfant...
M. Morin : Ou de le garder.
M. Jolin-Barrette : ...ou de le
garder, ça ne se fait pas par acte notarié.
M. Morin : Donc, le consentement
doit être donné par acte notarié en minute. Ce n'est pas par acte notarié?
Une voix : ...
M. Morin : Oui, oui. Oui, oui. C'est
un ou l'autre, mais ça peut être fait par acte notarié.
M. Jolin-Barrette : C'est ça.
M. Morin : C'est ce que je dis.
C'est ça, mon point. Mais ça peut être fait par acte notarié.
M. Jolin-Barrette : Oui, oui, c'est
ça.
M. Morin : Alors...
M. Jolin-Barrette : C'est soit par
acte notarié ou acte sous seing privé, mais devant deux témoins.
M. Morin : Exact. Qui ne sont pas...
bien, qui ne sont pas d'intérêt... qui n'ont pas d'intérêt dans le projet,
évidemment...
M. Jolin-Barrette : Exactement.
M. Morin : ...pour qu'ils soient
totalement indépendants. Alors...
M. Jolin-Barrette : Donc, ça va
devenir un choix pour la mère porteuse de donner son consentement de la forme
qu'elle le souhaite.
• (17 h 30) •
M. Morin : Exact. Puis pourquoi vous
ne demandez pas que le consentement soit donné par acte notarié seulement? Parce que, si, dans la convention de
grossesse... notamment ce que la Chambre des notaires nous ont expliqué,
c'est que l'avantage d'un acte notarié,
c'est un acte authentique. Ils nous ont dit que ça n'avait pas besoin d'être
exemplifié par le tribunal après. Ça dégage les tribunaux, puis, bon, on s'en
va comme ça.
Pour éviter des litiges puis sauver du temps, si
elle donne son consentement... Puis c'est quand même assez assez important, là.
Il est possible que les parents d'intention disent : Bien là, la mère
porteuse, elle veut garder l'enfant, mais nous, on veut avoir l'enfant. Puis
finalement son consentement sous seing privé, il n'est pas valable, on va la
poursuivre, etc. Donc, ça va créer des litiges.
Alors, pourquoi ne pas... que ça ne soit pas
fait uniquement par acte notarié? Donc, ça simplifierait puis ça dégagerait les
tribunaux à nouveau.
M. Jolin-Barrette : En fait, si elle
ne consent pas, il n'y a pas de formalité associée à ça. Elle a simplement à le
notifier. Donc, elle n'a pas besoin de le faire devant témoin ou de le faire
par acte notarié. Lorsqu'elle consent, là, à
ce moment-là, il faut qu'elle le fasse par acte notarié ou qu'elle le fasse
devant deux témoins, c'est ça, la distinction, parce qu'on veut... Dans
le fond, si jamais la mère porteuse, là, elle y met fin, il n'y a pas de
formalisme associé à ça pour l'acceptation
de la remise de l'enfant... pas la remise de l'enfant, mais son consentement à
la filiation à l'hôpital, supposons, elle pourrait le faire après sept
jours. À ce moment-là, c'est devant deux témoins ou ils peuvent aller devant...
chez le notaire, mais on...
Dans le fond, pour... parce qu'on se retrouve
dans une situation où la mère porteuse crée, avec les parents d'intention, au départ, la convention. Donc,
l'acte le créant, le caractère formel se retrouve au début de la
convention. Donc, tout au long de la grossesse, la mère porteuse décide que,
oui, elle va donner l'enfant. On se retrouve à la fin, elle accouche, tout ça,
on lui dit : Tu n'as pas besoin de repasser devant le notaire, mais, quand
tu vas donner ton consentement, tu peux le faire devant deux personnes, mais,
si vous voulez passer devant le notaire, vous pouvez le faire quand même. Donc,
ça amène une plus grande souplesse.
M. Morin : Puis si elle décide de
garder l'enfant?
M. Jolin-Barrette : Là, à ce
moment-là, c'est uniquement de notifier aux parties. Supposons, dans le cadre de la grossesse, on dit... supposons, à huit mois,
elle dit : Finalement, je le garde, bien, elle doit simplement notifier
aux parties qu'elle garde l'enfant.
M. Morin : O.K. Donc, vous avez...
M.
Jolin-Barrette : Donc, c'est simplement transmettre l'information aux
parents d'intention.
M. Morin : Donc...
puis je vous écoute très attentivement, mais la femme porteuse, elle a vraiment
beaucoup de droits ou d'avantages. Elle peut décider de le garder. Les parents
d'intention, eux autres, elle fait juste leur notifier : Je le garde,
bonjour. Alors, eux, ils vont être complètement dévastés, mais il n'y a pas
d'autre... Il n'y a pas d'autre mécanisme, c'est par simple notification. Donc,
son consentement n'est pas non plus, tu sais, comment dirais-je, évalué ou
considéré par un acte notarié ou autre, c'est juste une notification puis
bonjour.
M.
Jolin-Barrette : Bien, dans le fond, on a construit, dans le fond,
tout le processus de cette façon-là parce que...
et ça fait partie des choix que nous avons faits, de faire en sorte que la mère
porteuse peut se retirer à tout moment. Donc, dans certains États, la convention, elle est exécutoire, vous
signez... vous êtes une mère porteuse, vous signez au début, là, bien, vous êtes obligée, comme une
marchandise, de livrer le produit, produit étant le bébé, vous êtes
obligée de le faire. Nous, on n'a pas choisi ça. On a choisi de dire :
Écoutez, on permet... on encadre la grossesse pour autrui. Cependant, en tout temps, la femme contrôle et
conserve l'entière autonomie de son corps et elle peut changer d'idée.
Donc,
le contrat, il est exécutoire, la convention est exécutoire d'une façon
unidirectionnelle, donc, de la mère porteuse... en fait, des parents
d'intention vers la mère porteuse, qui, eux, sont obligés d'honorer le contrat.
À partir du moment où ils concluent le
contrat, eux sont obligés d'honorer le contrat. La mère porteuse n'est pas
obligée d'honorer le contrat parce
qu'elle peut changer d'avis à tout moment. Si elle change d'avis en cours de
processus, bien, effectivement, on veut la plus grande souplesse pour la
mère porteuse, donc elle n'a qu'à notifier les parties à la convention, donc le
parent d'intention. Et même chose après, lors de l'accouchement, bien, si elle
décide de remettre l'enfant, bien, à ce moment-là, ça se fait par... soit par
acte notarié soit par consentement par déclaration devant deux témoins.
M. Morin : Si
elle le remet.
M.
Jolin-Barrette : Oui.
M. Morin : O.K.
M.
Jolin-Barrette : Bien, en fait, si elle consent à la filiation.
M. Morin : À
la filiation pour les parents d'intention.
M.
Jolin-Barrette : Parce que, dans les faits, là, dans les faits,
l'enfant, à la naissance, dans le cadre d'une convention, va être remis aux
parents d'intention, puis là on va avoir... ils vont avoir l'autorité parentale
pendant cette période-là, tu sais, au départ ou selon ce qui est convenu. Tu
sais, les parties pourraient décider... La mère porteuse pourrait décider de
dire... Dans la convention, ça pourrait être convenu que, le premier
24 heures, l'enfant, il le passe avec la mère porteuse, tu sais, ils
pourraient convenir ça, puis ensuite elle remet l'enfant, mais, si jamais elle
ne consent pas entre sept et 30 jours, à ce moment-là, elle est présumée
ne pas consentir.
Le
Président (M. Bachand) : J'aurais le
député de Saint-Henri—Sainte-Anne.
M.
Cliche-Rivard : Bien, je pose la suggestion : Est-ce qu'elle
pourrait ne pas seulement notifier? Pas que j'y tienne nécessairement, mais
dans le sens... avant la naissance, elle notifie quand même qu'elle est...
qu'elle retire son consentement.
M.
Jolin-Barrette : Qu'elle le garde, c'est ça.
M.
Cliche-Rivard : Postnaissance, là, tout simplement le fait de ne pas
consentir dans le 7-30 jours fait que la convention devient nulle,
finalement?
M.
Jolin-Barrette : Bien, en fait, elle est présumée conserver l'enfant.
M.
Cliche-Rivard : Elle est présumée conserver l'enfant. Ne pourrait-elle
pas notifier... Là, je pose la question, là. Je ne sais pas si c'est ma
position, mais...
M.
Jolin-Barrette : Bien, en fait, là, c'est parce que c'est un geste
positif, dans le fond...
M.
Cliche-Rivard : Je comprends.
M.
Jolin-Barrette : ...le consentement à la filiation. Ça fait qu'il
y a quand même un formalisme un petit peu plus grand pour faire en sorte que,
oui, je consens à avoir rupture du lien de filiation.
M.
Cliche-Rivard : Pourriez-vous définir «qui n'ont pas d'intérêt [dans
le] projet»? C'est la soeur? L'amie?
Le Président (M.
Bachand) : M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Bien, en fait, c'est vraiment quelqu'un qui n'a pas
d'intérêt, qui n'a pas de lien avec l'enfant. Exemple, si c'est vous qui avez donné
le sperme puis que vous voudriez être dans... exercer dans le cadre des droits
parentaux suite au projet parental, vous ne pourriez pas être un des témoins.
M. Cliche-Rivard : Et la future tante ou
parrain, je ne sais pas, tu sais, à quel point il faut vraiment qu'il y
ait une absence d'intérêt ou est-ce que le
personnel médical seulement... Faut-il vraiment quelqu'un qui soit absent
d'intérêt? Je pose la question.
M.
Jolin-Barrette : Bien, écoutez, c'est «pas d'intérêt».
M. Cliche-Rivard :
«Pas d'intérêt».
M.
Jolin-Barrette : «Pas d'intérêt». Il faut éviter qu'il y ait une
pression sur la mère porteuse, là. Ça fait qu'il faut vraiment que ce soient
des gens qui n'ont pas d'intérêt dans le projet parental.
M. Cliche-Rivard : Il y avait discussion sur
une forme sous serment, là, au lieu de «sous seing privé». Est-ce que
vous aviez étudié cette possibilité-là ou vous voulez que ce soit le plus
simple possible pour la femme?
M.
Jolin-Barrette : Bien, ce qu'on souhaitait, c'est que ça soit le plus
simple possible pour la femme.
M.
Cliche-Rivard : J'en conviens aussi.
M.
Jolin-Barrette : Il y a des commissaires à l'assermentation à toutes
les caisses populaires, là, mais on souhaite que ça soit simple quand même.
M.
Cliche-Rivard : Ça me va. Merci.
Le
Président (M. Bachand) : M. le député de
l'Acadie.
M. Morin : Dans
le même article, à la fin, on dit : «Un règlement du gouvernement peut
déterminer d'autres éléments sur lesquels le consentement doit porter ainsi que
le contenu du document qui est en fait état.» Ça me semble être excessivement
large. Alors, qu'est-ce que vous avez en tête? Qu'est-ce que ça comporte ou
qu'est-ce que ça peut comporter?
M. Jolin-Barrette :
Je vais vous dire ça.
Le
Président (M. Bachand) : Oui, allez-y,
pour maître...
M.
Jolin-Barrette : Me Allaire.
Le
Président (M. Bachand) : Est-ce qu'il y
aurait consentement pour autoriser Me Allaire à prendre la parole? Consentement.
Donc, Me Allaire, s'il vous plaît.
Mme Allaire
(Nancy) : Oui. En fait, l'idée ici, c'est de s'assurer que le
consentement soit complet pour ne pas...
pour éviter, par exemple, qu'une mère signerait simplement un document qui
dirait : J'accepte que le projet soit mené à terme. Donc, on veut que ça soit vraiment... qu'elle reconnaisse
qu'elle est la mère à la naissance, que la filiation, elle est à son
égard, mais qu'elle reconnaît aussi qu'elle renonce à cette filiation-là pour
qu'elle soit établie à l'égard des parents d'intention. C'est vraiment de
s'assurer que ça soit aussi uniforme en termes de consentement pour ne pas
laisser à tout et chacun de décider d'écrire ce qu'il veut dans un consentement
puis qu'il... On se retrouverait à devoir se demander : C'est-tu un
consentement valable? C'est-tu un consentement qui n'est pas valable? Donc, on
veut encadrer ce qu'il doit contenir.
M. Morin : Puis
ce consentement-là, c'est le consentement qui peut être donné par acte notarié
en minutes.
• (17 h 40) •
Mme Allaire
(Nancy) : Ou sous seing privé, là. Dans le fond, le règlement, le
contenu, c'est peu importe la forme qu'il va prendre, là.
M. Morin : Mais
c'est là que j'ai de la difficulté à comprendre, parce que, si le consentement
doit être donné par acte notarié en minutes,
puis, personnellement, je pense que ça devrait être juste ça, les notaires nous
ont tellement expliqué que c'étaient des officiers de justice
impartiaux, que tout était parfait, alors pourquoi vous voulez en plus un
règlement qui va prévoir ou qui va déterminer des éléments sur lesquels le
consentement peut être donné?
M. Jolin-Barrette : Supposons que c'est un
consentement qui est fait sous seing privé, là, devant deux personnes
sous seing privé, devant témoin, là, dans le fond, on veut que ça respecte un
cadre applicable aussi. Tu sais, dans le fond, je consens... Il faut savoir...
Il faut qu'il y ait une...
Une voix : ...
M. Jolin-Barrette : ...c'est ça,
comme la députée de Vaudreuil dit, une certaine formule pour dire : Bien, voici ce à quoi on consent, là. Ce n'est pas tout
le monde qui... Dans le fond, ça permet au gouvernement de développer un règlement, en fait, une formule, un formulaire
pour dire : Je consens à la remise de l'enfant X, Y, Z avec les
conditions. Dans le fond, c'est comme une sorte de modèle qu'on va développer,
qui va être disponible.
M.
Morin : Puis ce modèle-là pourrait être par acte notarié en
minutes avec votre formulaire.
M. Jolin-Barrette : Oui, bien, le
notaire pourrait l'intégrer parce que, c'est sûr, à partir du moment où on se
retrouve avec deux... un consentement devant deux témoins, ce ne sont pas
toutes les mères porteuses qui sont des juristes nécessairement puis qui vont
se mettre à rédiger le consentement.
M.
Morin : Je comprends, sauf que ce consentement-là, il va être
donné après la naissance de l'enfant. Il ne peut pas être donné avant.
M. Jolin-Barrette : Il ne peut pas
être donné avant.
M.
Morin : Exact. Donc, écoutez, est-ce qu'on peut avoir une
suspension, M. le Président?
Le Président (M.
Bachand) : Oui, on va suspendre quelques
instants. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 17 h 42)
(Reprise à 17 h 53)
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux. Donc, d'autres interventions sur 541.9? M. le
député de l'Acadie, s'il vous plaît.
M. Morin : Oui, merci. Merci, M. le
Président. Bien, je comprends, M. le ministre, puis vous l'avez expliqué juste
avant la pause, qu'au fond, dans votre corpus législatif, là, la femme porteuse
peut conserver l'enfant avec son consentement, mais l'objet même du contrat, ce
n'est pas justement qu'elle porte un enfant pour autrui, pour lui... pour redonner l'enfant aux parents d'intention?
Sinon, ça donne quoi? Donc, en fait, je trouve que la façon dont votre
projet de loi est conçu, c'est que ça donne
énormément de droits à la femme porteuse, puis les parents d'intention, eux
autres, qui chérissent, bon, un rêve d'avoir un enfant, peuvent finalement se
ramasser avec des frais puis pas d'enfant.
M. Jolin-Barrette : C'est un risque
qui doit être assumé par les parents d'intention et c'est un choix que nous avons
fait, de faire en sorte, en tout temps, de protéger l'autonomie des femmes et
d'avoir leur plein contrôle sur leur corps parce qu'on est dans une situation
où on ne sait pas comment la mère porteuse va réagir à partir du moment où elle
a un enfant en elle, et on fait un choix de dire : Le contrat n'est
exécutoire que par une seule partie, c'est-à-dire que par la mère porteuse. On
vise à s'assurer qu'une femme qui décide de porter un enfant pour autrui, en tout temps, peut conserver son autonomie décisionnelle
de le conserver. C'est un choix conscient que nous faisons. On est
conscients que, dans d'autres juridictions, ce n'est pas le choix qu'ils ont
fait, mais on veut s'assurer que la mère porteuse a toujours la faculté de
décider.
Par ailleurs, puis ça, c'est un obiter, de la
littérature que j'ai lue ou des recherches que nous avons effectuées, c'est très, très rare que les mères porteuses
décident de conserver l'enfant. Donc, ça, c'est un état de fait, c'est
notamment ce qui est véhiculé. Donc, on veut
quand même, pour les exceptions qui pourraient arriver, faire en sorte que la
mère qui a accouché de l'enfant... lui laisser l'autonomie de choisir.
M. Morin : Parce que je comprends
quand vous parlez de l'autonomie du corps de la femme pendant la grossesse,
mais, une fois que l'enfant est né, bien, ce n'est plus l'autonomie de son
corps, là. Là, il y a un être, là, complètement indépendant, conçu, à côté. Ça
fait que c'est... Alors, c'est là que, je vous dirais, honnêtement, j'ai de la
difficulté parce que c'est comme si, au fond, les parents d'intention signent
un contrat, l'objet du contrat, c'est d'avoir
un enfant au bout, mais, en cours de route, là, ça peut complètement changer,
puis ils peuvent se ramasser pas d'enfant.
Puis, effectivement, comme vous l'avez mentionné, il y en a d'autres,
juridictions, où ils ont accordé plus de droits aux parents d'intention.
Ça fait que j'essaie de... puis je trouve que ça crée un déséquilibre entre les
deux puis ça risque de... Puis je comprends que vous dites, puis ça, on l'a
entendu en commission parlementaire, que, dans la très grande majorité des cas,
les femmes porteuses ne vont pas garder l'enfant. Bien, alors, si c'est un état
de fait au Québec, bien, pourquoi est-ce qu'on ne le reconnaît pas par la
législation une fois que l'enfant est né?
M. Jolin-Barrette : Bien, je vous
dirais que c'est une question de dignité humaine. De forcer une femme à
remettre un enfant qu'elle a porté pendant neuf mois, là, on se retrouve
véritablement dans une situation où la femme ne serait qu'un contenant. Dans le
fond, c'est ça, à partir du moment où vous avez signé la convention, vous devez
me remettre l'enfant obligatoirement. Donc, vous
accouchez, là, et moi, je n'ai jamais accouché, mais j'ai assisté à deux accouchements,
c'est impressionnant puis... Je pense que la députée de Robert-Baldwin veut
intervenir.
Mme Garceau : C'est plus fort que
moi.
M. Jolin-Barrette : Mais allez-y.
Mais je comprends que, du point de vue des parents d'intention, cet état de
choix relativement législatif ne leur est pas favorable, parce que vous allez
me dire : Investissent temps, argent, espoir dans cet enfant-là, peut-être
même du matériel génétique. Bon, pour ce qui est du matériel génétique, il y
aura une filiation si c'est du matériel génétique provenant d'un des parents
d'intention. Cela étant, on fait quand même le choix de dire : La personne...
la femme qui accouche de l'enfant, elle peut conserver son droit à être la mère
de l'enfant. C'est un choix conscient que nous faisons pour assurer que la mère
porteuse, en tout temps, puisse décider pour elle-même. Puis c'est très... Ça
amène des questionnements éthiques de valeurs fondamentales, je vous dirais.
Alors, est-ce qu'on se dit : À partir du moment où une convention est
signée, bien, puis que la mère porteuse accouche de l'enfant, c'est exécutoire,
puis elle est obligée de remettre l'enfant? Nous, ce n'est pas le choix qu'on
fait. Il y a d'autres États qui ont fait ce choix-là.
Le Président (M. Bachand) : Mme
la députée de Robert-Baldwin, puis j'ai le député de Saint-Henri—Sainte-Anne, s'il vous plaît.
Mme Garceau : Il faut avoir la
discussion, c'est trop important, compte tenu du fait que l'objet de ce projet de loi, c'est pour aider les parents qui veulent
avoir des enfants, qui ne peuvent pas avoir d'enfant. C'est ça, l'objet
du projet de loi, ce n'est pas pour que les femmes porteuses puissent garder
des enfants qu'elles ont portés pour autrui.
• (18 heures) •
M. Jolin-Barrette : Je ferais juste
vous interrompre une seconde puis je vous laisse continuer après. L'objet du projet de loi est de venir encadrer la
grossesse pour autrui et de protéger les enfants, parce que, s'ils sont issus
d'un projet de grossesse pour autrui, on veut qu'ils aient les mêmes droits que
les autres enfants, mais aussi faire en sorte que les femmes qui décident
d'être mères porteuses soient protégées aussi puis que leur autonomie
décisionnelle soit protégée. Nous, on l'a pris de ce bout-là, de cette lunette-là.
L'objectif n'est pas de garantir aux parents d'intention d'avoir un enfant. Tu
sais, quand on dit c'est quoi, l'objectif du projet de loi, ce n'est pas ce que
vous dites, c'est plus de la façon dont je vous l'explique.
Mme Garceau : O.K., mais vous
comprendrez que, lorsqu'on parle de l'autonomie de la femme, on fait en sorte
que... Et je reviens à mon point de 21 ans, parce que vous avez fait état
du fait que... comment est-ce qu'elle va se
sentir, et tout ça. Exactement, c'est pour ça qu'au préalable elle ne
devrait... J'avais parlé évidemment d'une grossesse au préalable en raison d'exactement le point
que... dont vous soulevez, mais c'est pour ça qu'il va y avoir une
rencontre avec un psychologue, il va y avoir probablement, peut-être, une
rencontre avec un avocat pour connaître ses droits, et recours, et tout. Il y a
des raisons pour lesquelles il y a des conditions à une convention. La femme
est autonome dans la prise de décision, elle doit donner un consentement libre
et éclairé qu'elle porte un enfant pour autrui pour remettre après la
grossesse, pas pour pouvoir garder l'enfant après.
M. Jolin-Barrette : Oui, mais c'est
biologique, là. À l'intérieur de neuf mois, là, il peut arriver bien des
choses, puis suite à un accouchement aussi. Moi, je ne me sentirais pas à
l'aise de dire à une femme qui accouche d'un
enfant : Tu dois obligatoirement le remettre. Honnêtement, l'objet du
projet de loi n'est pas de favoriser la gestation pour autrui, mais de l'encadrer, parce que ça existe,
puis les personnes vulnérables dans le cadre du contrat de la
convention, c'est l'enfant puis la mère
porteuse. Tu sais, on utilise le corps d'une femme pour avoir un enfant. Donc,
les personnes qui sont en situation
de vulnérabilité, c'est l'enfant issu de ça, du projet, et la femme dont... qui
utilise son corps pour mener à bien
ce projet-là. Puis, bien entendu, puis pour la vaste majorité des cas, puis
c'est les témoignages qu'on a reçus, la mère porteuse va remettre
l'enfant. Mais je pense que, dans une approche prudente, on est mieux d'avoir
des balises comme on a dans le projet de loi
pour protéger la mère porteuse dans le cadre de la grossesse puis suite à
l'accouchement.
Mme Garceau : Sauf que ce n'est pas
une mère porteuse, c'est une femme. Il y a une distinction à faire pour les
parents d'intention.
M. Jolin-Barrette : Bien, du point
de vue des parents d'intention, je comprends que c'est quelqu'un qui prête son
utérus pour livrer un enfant. Frette, net, sec, là, c'est ça, là, hein, c'est
une disposition mécanique. Nous, pour des raisons médicales, pour des raisons
biologiques, on ne peut pas avoir d'enfant, mais on veut avoir un enfant, alors
je vais utiliser le corps d'une autre personne pour avoir un enfant. Comment
est-ce qu'on caractérise cette tierce personne-là qui accepte, il faut le dire,
là, gratuitement, par altruisme, de prêter son corps? Ça se peut bien que cette
personne-là, même si, au départ, là, elle était bien, bien d'accord de
dire : Bien oui, je vais remettre l'enfant... C'est un superbeau projet, puis je suis d'accord. Puis
honnêtement ça prend quand même beaucoup de volonté puis beaucoup
d'altruisme, justement, pour dire : Je vais accompagner un couple
là-dedans ou une personne seule pour remettre un enfant. Mais ça se peut que,
durant ces neuf mois-là, elle vive des situations particulières, des émotions,
tout ça, puis que, psychologiquement, la personne, elle a la vie en elle, puis
qu'elle décide finalement qu'elle veut le conserver ou que, jusqu'à l'accouchement,
elle voulait le donner, l'enfant, mais que, suite à l'accouchement,
pour x, y raisons qui lui appartiennent, elle dise : Bien, en rétrospective, j'y pense,
je souhaite le conserver. Puis nous, on viendrait dire à cette
personne-là, qui a porté un enfant pendant neuf mois, qui l'a accouché :
On enlève le bébé puis on le donne, faisant fi de ton consentement que tu as
donné il y a plus de neuf mois?
Honnêtement,
c'est un choix. Les points que vous apportez sont légitimes. Cependant, nous,
on a une approche où on fait en sorte
que ça soit vraiment l'intérêt premier de l'enfant et de la mère porteuse qui
sont considérés. Puis l'autre point
aussi, en droit civil québécois, ce qui fonde, là, la maternité, c'est
l'accouchement. Donc, la personne qui accouche, c'est la mère porteuse.
En droit civil québécois, ça a toujours été ça, puis on propose que ça le
demeure. Donc, on...
Le Président (M.
Bachand) : M. le député... Oui, allez-y,
en terminant.
M.
Jolin-Barrette : Oui. Je vous dirais qu'on ne révolutionne pas le
concept de maternité. Ce qu'on fait, c'est qu'on instaure une nouvelle
voie pour éviter le consentement par voie spéciale, sur consentement spécial,
pour faire en sorte que les règles soient claires dès le départ. Dans le fond,
ça existe. Le législateur a tardé à venir l'encadrer. On vient l'encadrer au
bénéfice des enfants, au bénéfice de la personne, la mère porteuse qui, elle,
voit son corps utilisé avec son consentement pour remettre un bébé. Mais une
mère porteuse, là, ce n'est pas... ce n'est pas UPS, là, non plus, là. Tu sais,
ce n'est pas parce que tu as un contrat avec une mère porteuse qu'elle livre
ton produit puis... c'est ça aussi. Ça fait que c'est pour ça que je parlais de
l'aspect éthique aussi là-dedans, où ce n'est pas simple, ce n'est pas facile.
Il y a l'intérêt des parents d'intention, mais il y a aussi la contribution
physique de la mère porteuse durant tous ces mois-là, elle est importante.
Le Président (M.
Bachand) : M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne,
s'il vous plaît.
M. Cliche-Rivard : Dans la logique
de simplification pour la femme qui a accouché, là, je me demande c'est quoi,
le rôle, ou le mandat, ou l'utilité des deux témoins. Est-ce qu'elle ne
pourrait pas tout simplement signer son consentement sans qu'il y ait
nécessairement deux témoins ou signature sous seing privé, là, avec deux
témoins? Je pose la question.
M.
Jolin-Barrette : Bien, en fait, c'est important de constater
qu'elle n'est pas sous la contrainte, notamment.
M. Cliche-Rivard : Puis ça, c'est le
rôle des témoins?
M. Jolin-Barrette : Entre autres.
M. Cliche-Rivard : Puis on ne
devrait pas définir le rôle des témoins? Je pose la question.
M.
Jolin-Barrette : Non, mais ça devient une question de preuve. Quand
vous faites le consentement, bien, c'est qu'elle a véritablement donné son consentement aussi, puis que le
consentement n'est pas falsifié, c'est un vrai document.
M. Cliche-Rivard : Merci.
Le Président (M.
Bachand) : M. le député de l'Acadie.
M. Morin : Oui, brièvement, évidemment,
on ne suggère pas que, tu sais, parce que, tantôt, vous faisiez référence à UPS puis à un colis, là, on ne suggère
pas qu'une femme porteuse, c'est un colis, ce n'est pas ça qu'on dit.
M. Jolin-Barrette : Non, non, mais
je l'imagine.
M. Morin : Mais il y a un
débalancement, tu sais, il y a un débalancement dans le projet de loi entre...
Parce qu'on peut penser aussi aux parents d'intention qui, légitimement, ont
aussi un rêve d'avoir un enfant. Ils décident de ne pas adopter pour adopter,
mais ils décident d'utiliser un moyen autre pour avoir un enfant, puis ils
investissent, ils ont de l'espoir, etc., puis, à la dernière minute, bien là la
femme porteuse décide de le garder, puis bonjour. Et c'est pour ça que je me
dis...
Et, quand on parle du consentement, on nous a
tellement parlé de l'importance d'un rôle d'un notaire que, quant à moi, ça
devrait être par acte notarié. Ça fait que, comme ça, on va être bien sûrs.
Parce que je comprends que c'est votre choix, tu
sais, vous avez décidé, en rédigeant le projet de loi, de mettre l'emphase sur
les droits de la femme porteuse. Puis, en fait, toute la discussion qu'on a est
superintéressante, parce que, quand on le lit au départ, je vous dirais, honnêtement,
que c'est... pour moi, ce n'était pas aussi évident, mais, au fur et à mesure
qu'on échange avec vous puis que vous nous donnez des informations, moi, je me
rends compte que, quant à moi, il y a un débalancement entre la femme porteuse
puis les parents d'intention.
Donc, puisqu'on parle du consentement, bien,
assurons-nous donc qu'il soit donné par un acte. Parce que ça ne sera pas bien,
bien, bien plus compliqué, rendu là, là, que ce soit fait par acte notarié puis
qu'on n'ait pas l'option de l'acte sous seing privé. Comme ça, on évite... on
évite toute question de pression, de consentement qui pourrait être vicié,
compte tenu de l'impact. Parce que je comprends qu'à 541.9, corrigez-moi si je
fais erreur, mais c'est là, entre autres, que la femme porteuse pourrait
dire : Je garde l'enfant.
M.
Jolin-Barrette : Bien, en fait, deux choses, là. On ne veut pas mettre
un fardeau supplémentaire sur la mère porteuse qui vient d'accoucher. Donc, ils
peuvent aller chez le notaire, là, ça peut être fait par notaire. Mais
supposons que la mère porteuse ne veut pas aller chez le notaire, ça se fait
par consentement... pas par consentement, par... sous seing privé devant deux
personnes.
Pour
ce qui est de l'enfant, là, à l'accouchement, là, les parents d'intention
savent aussi dans quoi ils s'embarquent parce qu'ils vont être informés,
lors de la rencontre d'information, quels sont les tenants et aboutissants d'un
projet parental. Donc, c'est un choix, c'est un choix avec des risques, mais
ils vont être informés. Ils vont savoir, là, dès le départ, dès jour... avant jour 1, là, la convention, dans quoi ils
s'embarquent, c'est probable, c'est un risque qu'il arrive telle, telle
situation. Ils peuvent se tourner vers l'adoption, vers là, c'est un choix qui est
effectué. Mais, à partir du moment où les risques clairs sont exposés, ça fait
partie du... du paquet-cadeau, si je peux dire. Puis le notaire aussi va
l'expliquer aussi. Mais, pour ce qui est de votre proposition, à la fin, chez
le notaire, bien, c'est déjà prévu. Sauf que,
si on enlève, dans le fond, le «sous seing privé devant deux personnes», ça
fait en sorte que ça ajoute quand même une plus grande lourdeur sur
les... sur la mère porteuse. Puis il y a aussi les frais associés au notaire
aussi, là. Les parents d'intention, il faudrait qu'ils repaient également des
frais.
• (18 h 10) •
M. Morin : Oui,
mais, tant qu'à avoir payé des frais de notaire pour la convention de
grossesse, avoir payé l'ensemble des frais, écoutez, honnêtement, là, je ne
pense pas qu'à la toute fin, là, ce frais-là additionnel va faire en sorte que
quelqu'un va dire : Ah! mais ce frais-là, moi, je ne m'engage pas dans le
projet, c'est trop dispendieux. Je serais... je serais surpris. Puis là, à ce
moment-là, bien, on... Oui?
M.
Jolin-Barrette : Je vous dirais déjà que les parents d'intention,
s'ils font un achat de sperme, un achat d'ovules, les coûts associés à la
grossesse, tout ça, ce n'est pas tout le monde qui a l'opportunité d'avoir des
enfants par la voie naturelle, puis, pour beaucoup de familles, ça peut
représenter des sommes qui sont fort importantes, le fait d'acquérir un ovule,
le fait d'acquérir du sperme également aussi. Ça fait que, tu sais, plus on
rajoute aussi des coûts pour les parents d'intention, eux aussi, là...
M. Morin : Un
consentement sous seing... un consentement par acte notarié dans un formulaire,
bon, qui est notarié, c'est... est-ce qu'on a une idée des coûts?
M.
Jolin-Barrette : Bien, ça n'existe pas présentement, donc les notaires
vont fixer...
M. Morin : Non,
je comprends, mais un document notarié, ça existe, là. Ça fait que, tu sais, ça
ne coûte pas des millions, d'habitude, là. Puis là on ne parle pas d'une
hypothèque ici, là.
M.
Jolin-Barrette : Bien, ça varie, ça varie des notaires. Il n'y a pas
de tarif obligatoire chez les notaires, malgré le fait que c'est dans l'air
depuis une trentaine d'années, là. Mais je ne peux pas vous dire; actuellement,
ça n'existe pas. Peut-être qu'on devrait demander à Me Brown combien elle
charge, par exemple.
Le
Président (M. Bachand) : ...la députée de
Vaudreuil. Allez-y, Mme la députée de Robert-Baldwin, après, Vaudreuil, oui.
Mme Garceau :
Je m'excuse, je pensais que c'était ma collègue.
M.
Jolin-Barrette : Puis peut-être juste un petit parallèle, là, en
matière d'adoption, là, le consentement, il est donné devant deux témoins, puis
la mère biologique peut retirer son consentement dans les 30 jours aussi.
Mme Garceau :
Je veux juste revenir. J'ai rencontré beaucoup de parents ou beaucoup, je
devrais dire, de gens qui ne peuvent pas avoir d'enfants. Et il faut regarder,
il me semble, et on dirait que c'est oublié ici, là, l'objet principal de la
grossesse pour autrui, c'est pour aider des conjoints, des gens à devenir
parents. Il me semble qu'on a oublié l'idée derrière la raison d'être de ce
projet de loi là. C'est pour aider. Qu'est-ce qu'on est en train de dire à tous
les Québécois, les Québécoises qui veulent avoir des enfants, qui ne peuvent
pas, qui ont essayé toutes sortes de méthodes, ça n'a pas fonctionné... Et là
c'est vraiment leur seule option, c'est ça, une grossesse pour autrui, O.K.? Et
qu'il n'y a rien dans ce projet, vraiment,
honnêtement, qui protège les parents d'intension. C'est hautement
préjudiciable aux parents d'intention, et j'essaie de comprendre pourquoi.
Parce qu'ultimement c'est les... les... si je peux dire, les hommes et les
femmes qui veulent avoir des enfants qui vont payer le prix ou qui vont subir
les conséquences de laisser cette porte ouverte, qu'une femme puisse changer
d'idée. J'ai de la difficulté à comprendre cette emphase sur les droits de la femme. Oui, elle a l'autonomie.
L'autonomie de son corps, c'est de prendre des décisions, des décisions
où elle est allée consulter un avocat, elle a rencontré un psychologue,
travailleurs sociaux, tout, elle a parlé à sa famille et elle signe en toute
connaissance de cause, mais on laisse la porte de sortie. J'ai beaucoup de
difficultés.
Et je suis certaine
que, si vous le laissez tel quel, M. le ministre, il va y avoir beaucoup de
parents, de gens qui veulent devenir parents qui vont se poser les mêmes
questions : Comment est-ce que le gouvernement fait valoir mes droits, mes
droits d'avoir un enfant?
M. Jolin-Barrette : Bien, en fait,
je vous dirais que le droit à l'enfant n'existe pas. Puis on ne vient pas, dans
le cadre du projet de loi, faire en sorte de donner à des adultes un droit à
avoir un enfant. Ce n'est pas parce que je veux avoir un
enfant que j'ai le droit d'avoir un enfant. On n'est pas en train de créer ce
droit-là dans le cadre du projet de loi. On est en train d'encadrer une
pratique qui existe, qui s'est développée au cours des années. Mais ce que l'on
vise par le projet de loi, et ce n'est pas d'encourager le recours à la
grossesse pour autrui. Ce que l'on vise, c'est de venir encadrer pour protéger
les enfants qui sont issus de la grossesse pour autrui et également la
personne, la femme qui va porter cet enfant-là pour autrui.
Donc, vous avez raison de dire : Qu'est-ce
qu'il y a pour les parents d'intention là-dedans? Bien, il y a un cadre qui est
plus clair qu'actuellement, qui fait en sorte qu'il y a une voie légale, il y a
une voie judiciaire, ça devient balisé avec des impératifs pour les parties.
Mais, quand on a construit le projet de loi, on a vraiment fait en sorte de
dire : Ce n'est pas un droit à l'enfant et c'est pour ça qu'on permet à la
mère porteuse de conserver l'enfant, parce qu'en droit québécois, en droit
civil, la personne qui accouche de l'enfant, c'est elle, la mère de l'enfant,
et là on vient lui permettre de remettre l'enfant aux parents d'intention qui
vont s'occuper... qui ont ce projet parental là.
Je donne l'exemple, là, on fait ce choix-là
parce qu'on ne veut pas que des parents d'intention partent dans la brousse
puis se disent : Nous autres, on se sépare, puis on n'en veut plus, de
l'enfant. C'est vrai que ça devient des obligations légales importantes sur les
parents d'intention parce que les parents d'intention, eux autres, vont
toujours être attachés avec l'enfant. Ils ne peuvent pas se pousser, ils vont
devoir payer une pension alimentaire, ils vont devoir subvenir aux besoins de
l'enfant qu'ils ont décidé de concevoir.
Alors, est-ce que c'est défavorable aux parents
d'intention? La réponse, c'est oui. Est-ce que c'est un choix conscient? La
réponse, c'est oui aussi, parce que, dans l'échelle de la balance, si je peux
dire, on a décidé de prioriser les droits de l'enfant à naître et les droits de
la mère porteuse qui, elle, porte un enfant pendant neuf mois et qui
l'accouche. Donc, l'objet de la loi, ce n'est pas une loi pour légitimer le
recours à la grossesse pour autrui, ce n'est pas une loi pour faire en sorte de
dire : J'ai le droit d'avoir un enfant, c'est plutôt une loi pour protéger
l'intérêt de l'enfant à naître, la mère porteuse aussi.
Par ailleurs, par la bande, bien entendu que ça
va simplifier les choses pour les parents d'intention, mais on ne vient pas
leur donner un droit exécutoire d'avoir un enfant et de recevoir cet enfant-là.
Ça fait que, oui, c'est un cadre juridique qui est contraignant pour les
parents d'intention. Cela étant, on ne vient pas, en droit québécois, créer un
droit à l'enfant.
• (18 h 20) •
Mme Garceau : Je vais juste
mentionner, peut-être que je n'aurais pas dû utiliser le mot «droit», peut-être
l'opportunité d'avoir un enfant, c'est plus ça, mais... Et je comprends que
c'est un choix que vous faites.
M. Jolin-Barrette : Bien, exemple,
en Ontario aussi, la mère porteuse doit consentir à la remise de l'enfant. Dans
les autres juridictions canadiennes aussi, ça l'est, là.
Mme Garceau : Oui, mais c'est très
limité.
M. Jolin-Barrette : Bien, c'est sept
jours aussi en Ontario.
Mme Garceau : C'est... On y arrivera
plus tard.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Mme la députée de
Vaudreuil, s'il vous plaît.
Mme Nichols : Oui. Merci, M. le
Président. Je voulais juste être certaine. Si, à la fin, la femme porteuse ne
donne pas son consentement ou si elle est présumée ne pas donner son
consentement, là, dans les délais, les parents d'intention, ils ne peuvent pas
revenir puis réclamer les frais, même si c'était prévu dans la convention, tu
sais, toutes les dépenses, tous les frais... c'était dans la...
M. Jolin-Barrette : Non, c'est ça,
c'est un risque associé au projet de grossesse pour autrui. Ce qui est
déboursé, ce n'est pas parce que vous ne remettez pas l'enfant que vous avez
une créance à l'endroit de la mère porteuse.
Mme Nichols : Mais ça ne peut pas
être une condition, à la fin, pas de consentement, ce n'est pas...
M. Jolin-Barrette : Non, parce que,
sinon, ça devient une... le consentement de la mère serait lié à des
considérations économiques. Supposons, je...
Mme Nichols : Oui, c'est parce que
ça peut être... tu sais, ça peut avoir l'effet inverse aussi, là.
M. Jolin-Barrette : Mais je veux
garder l'enfant, mais ils m'ont donné... je ne sais pas, ça a coûté
40 000 $, la grossesse, ça fait que je vais devoir débourser
40 000 $, ça fait que je vais donner l'enfant, parce que je n'ai pas
les moyens. Là, vous, vous allez me dire...
Mme Nichols : Oui, bien, c'est ça,
oui.
M. Jolin-Barrette : Oui, mais, dans
le fond, elle se fait payer une grossesse.
Mme
Nichols : Le paquet Purolator.
M.
Jolin-Barrette : Oui, mais je... en tout cas...
Mme Nichols :
Non, je comprends.
M. Jolin-Barrette : C'est une situation qui
pourrait arriver, oui, mais, à partir du moment où vous êtes informé,
que le notaire évalue votre consentement, je doute que...
Mme Nichols :
Mais mon point, c'était plus pour valider que, même si, dans la convention,
il y a quelque chose qui dit que, dans le cas où il n'y aurait pas le
consentement dans les délais prévus dans la loi, qu'il y aurait un
remboursement, c'est non. Ça, c'est nul...
M. Jolin-Barrette :
Ça va être non. C'est une disposition légale de la convention.
Mme Nichols :
Parfait. Très bien.
Le
Président (M. Bachand) : M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne.
M.
Cliche-Rivard : Petite question : Dans le cas où la mère
porteuse, donc, ne donne pas son consentement, qu'est-ce qui arrive avec le
lien de filiation de celui qui a fourni un bagage génétique, donc, par exemple,
le père qui a donné son sperme?
M.
Jolin-Barrette : Oui, ça, c'est la filiation par le sang, donc elle va
s'établir. Donc, le père de l'enfant va être celui qui a fourni le sperme.
M. Cliche-Rivard : Puis là, si la mère a
fourni l'ovule, par contre, il n'y aura pas... Comment ça va
fonctionner? Ça va être la mère porteuse qui va demeurer la mère sur l'acte de
naissance?
M.
Jolin-Barrette : Exactement.
M.
Cliche-Rivard : Et non pas la mère qui a donné son ovule.
M.
Jolin-Barrette : Exactement.
M. Cliche-Rivard :
Et donc le père qui a donné son sperme, lui, va conserver des droits
parentaux, au même titre que n'importe
quelle situation où il y aurait eu un parent. Mais ça, ce n'est pas possible
pour un couple lesbien, par exemple, qui aurait donné un ovule. Là, il
n'y a aucune des deux mères d'intention qui obtient de droits parentaux.
M.
Jolin-Barrette : Exactement.
M.
Cliche-Rivard : Je tenais à... Bien, je pense que c'est utile de le
préciser, là. Je n'étais pas sûr d'avoir bien compris, mais, merci.
M.
Jolin-Barrette : Vous avez très bien compris.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée de
Robert-Baldwin, s'il vous plaît.
Mme Garceau :
Juste pour conclure là-dessus, que la mère porteuse garde l'enfant, et donc
les parents d'intention ont une obligation alimentaire vis-à-vis l'enfant.
M. Jolin-Barrette : Non,
pas... si la mère porteuse conserve l'enfant, il n'y a pas d'obligation
alimentaire, parce qu'il n'y a pas de lien de filiation qui est établi à
l'égard des parents d'intention. Si, par contre, les parents d'intention
partent dans la brousse, O.K., puis
qu'ils ne prennent pas l'enfant, eux... puis que la mère porteuse donne son
consentement à la remise de l'enfant,
eux, ils sont liés, jusqu'à l'autonomie de l'enfant, à l'enfant puis ils
doivent une pension alimentaire à l'enfant.
Mme Garceau :
Mais là, si c'est le sperme d'un parent d'intention?
M.
Jolin-Barrette : Bien là, c'est son père biologique.
Mme Garceau :
Exact, donc il y a une filiation.
M.
Jolin-Barrette : Oui, mais là ça dépend, parce qu'on est sur plusieurs
cas de figure, là. Cas de figure un, il n'y a pas de matériel génétique des
parents d'intention, O.K., les parents d'intention se chicanent, disent :
On se sépare, on n'en veut plus, de l'enfant. Madame est enceinte de huit mois,
trois semaines, elle accouche la semaine prochaine. Les
parents d'intention s'en vont à Cayo Coco, puis l'autre à Sainte-Adèle, puis
ils ne se parlent plus, puis tout ça, mais
eux autres... puis la mère porteuse signe, là, elle dit : Moi, je remets
l'enfant, là, c'était ça, l'entente, puis j'honore mon entente, bien,
les deux parents d'intention, eux, vont devoir des aliments la vie durant de
l'enfant.
Si,
par ailleurs, monsieur avait fourni son matériel génétique, lui, en plus, il a
un lien de filiation avec l'enfant, parce que c'est son père, avec
filiation reconnue par le sang. Ça fait que lui, il va devoir...
Mme Garceau :
Donc, c'est ça. Donc, c'est mon
point que la mère porteuse garde l'enfant, et le père biologique, qui,
maintenant, lui et sa conjointe, on va dire, ou son conjoint ne peuvent pas, ne
pourront pas garder l'enfant, vont devoir des aliments. Il y a une obligation
alimentaire.
M.
Jolin-Barrette : Oui, il y a une obligation alimentaire, s'il y a une
filiation par le sang, si elle n'a pas donné son consentement, toujours dans le
souci de protéger l'enfant.
Le
Président (M. Bachand) : M. le député de
l'Acadie.
M. Morin : Dans
le projet, que la femme porteuse utilise, par exemple, le sperme ou un ovule
d'un des parents d'intention ou que les parents d'intention achètent du
matériel reproductif puis qu'il y a, par exemple, une procréation assistée, le
projet de loi ne fait pas de différence entre les deux cas de figure.
M.
Jolin-Barrette : Vous voulez dire s'il n'y a pas de consentement de la
mère à remettre l'enfant?
M. Morin : Oui.
M.
Jolin-Barrette : Oui, bien, le... En fait, il y a une distinction
parce que... Premier cas d'exemple, il n'y a pas de matériel génétique des
parents d'intention, O.K.? La mère porteuse ne donne pas son consentement, les
parents d'intention sont complètement libérés parce qu'elle n'a pas donné son
consentement à la remise de l'enfant. Elle garde l'enfant, les parents
d'intention ne sont pas liés à elle.
Deuxième cas de
figure, supposons que le monsieur, dans les parents d'intention, a donné son
sperme, il est le père légal de l'enfant. Madame ne donne pas son consentement,
donc il n'y a pas établissement du projet parental, par contre, monsieur est le
père légal de l'enfant et va pouvoir demander des droits de garde. Donc, ça
pourrait être garde partagée entre la... la mère porteuse.
M. Morin : Avec
la... la femme porteuse, en fait.
M.
Jolin-Barrette : Oui, en fonction de ce que le tribunal va décider en
vertu de 33.
M. Morin : Oui. Puis, si les parents d'intention, c'est un
homme et une femme, bien, la femme, dans le couple des parents
d'intention, elle n'a pas de droit.
M. Jolin-Barrette : Elle n'a pas de droit,
non, à moins que ça soit... elle puisse être désignée... bien, une
tutelle pourrait lui être conférée par les parents.
M. Morin : Oui.
Mais ça ne crée pas une espèce de double... ou discrimination à l'égard de la
femme dans... si c'est un couple, tu sais, parents d'intention? Parce qu'elle,
finalement, elle n'a rien, là. Il faut qu'elle demande une tutelle, elle peut
être complètement exclue, elle n'est pas sur le certificat de naissance,
filiation, elle n'est nulle part.
M.
Jolin-Barrette : Effectivement. Mais ça fait partie des risques qui
vont être expliqués au moment de la convention... de la séance d'information sur
la convention. C'est un risque qui est lié au projet.
M. Morin : Mais c'est parce que, là, on en discute depuis
quelques minutes, là, puis moi, je serais le spécialiste du droit qui va conseiller, par exemple, les
parents d'intention puis je leur dirais : Mais c'est quoi, votre avantage?
Vous pouvez ne pas avoir l'enfant, vous
pouvez le perdre, ça va vous coûter cher, tu sais, pourquoi vous allez faire
ça, tant qu'à ça?
M.
Jolin-Barrette : Bien, parce que, présentement, ça se fait, il n'y a
même pas de cadre légal. Puis, dans la très grande majorité des cas, c'est fait
par altruisme, et les mères porteuses remettent l'enfant. Mais c'est un choix
qui est fait par les parents d'intention et c'est un choix avec des risques.
C'est déjà le cas en ce moment, là. Actuellement, là, il n'y a aucune garantie
que la mère porteuse va donner son consentement spécial à l'adoption, là. C'est
encore plus un acte de foi présentement qu'avec l'encadrement. Puis même le
tribunal, actuellement, il a un droit de regard là-dessus. Le tribunal peut
dire non.
Une voix : ...
M.
Jolin-Barrette : Oui, c'est vrai, l'enfant pourrait être mis en
adoption. Ça fait qu'on vient apporter un cadre
beaucoup plus clair, mais, encore une fois, l'orientation qu'on a choisie,
c'est en fonction de l'intérêt de l'enfant puis de la mère porteuse.
M. Morin : Puis
de la femme porteuse.
M. Jolin-Barrette : C'est ça, le
choix qu'on a fait.
Le Président (M.
Bachand) : M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne,
après ça, Mme la députée de Robert-Baldwin.
• (18 h 30) •
M. Cliche-Rivard : Puis, dans ce
contexte-là du... comme on parlait, du préjudice du couple lesbien qui,
finalement, lui, n'aura pas quelconque droit de filiation par le sang, est-ce
qu'il y a eu une évaluation du droit à l'égalité faite par le ministère ou...
M.
Jolin-Barrette : Bien, dans le fond, la filiation, elle est... en
droit civil, elle est établie par l'accouchement, donc c'est une règle
qui est fondamentale dans notre droit civil. Donc, ce qui crée le lien de
filiation avec la mère, c'est l'accouchement, donc on ne vient pas changer ça.
Donc, effectivement, si c'était du matériel génétique d'une des femmes qui
étaient parents d'intention, le lien de filiation, contrairement à celui de
l'homme, par le sang ne peut pas être établi parce que c'est... biologiquement,
c'est la femme qui accouche.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Mme la députée de
Robert-Baldwin.
Mme Garceau : Oui. Mais là on est dans
du droit nouveau, on est dans du droit nouveau. Et on mise beaucoup sur cet
aspect du droit civil de l'accouchement, oui, parce que d'habitude, celle qui
accouche, c'est son ovule, c'est son enfant. Là, on est dans du droit nouveau
et on est en train de créer une discrimination...
M.
Jolin-Barrette : ...juste
apporter un bémol. Parce qu'actuellement, là, en procréation assistée, là,
supposons, une femme, là, qui n'a pas d'ovule, là, puis qui achète des ovules,
mais qui porte l'enfant, qui se fait implanter des ovules, là, bien, ça arrive
que ce n'est pas son matériel génétique à elle. Ça fait que ça existe déjà, là.
Mme Garceau : Mais là je reviens sur
la distinction entre l'homme qui donne son sperme... les droits, là, des deux individus. La femme qui donne son ovule n'a
aucun droit à l'égard de l'enfant si la femme porteuse garde l'enfant
versus l'homme qui donne son sperme, où on va reconnaître sa filiation, et donc
va avoir une possibilité de faire des recours en garde partagée ou droit
d'accès.
M. Jolin-Barrette : Effectivement,
c'est une distinction...
Mme Garceau : Vous êtes correct avec
cette prise de décision?
M. Jolin-Barrette : Oui, tout à
fait. Parce qu'exemple, là, prenez le cas, actuellement, là, de don d'ovules,
là. Parfois, vous avez des dons d'ovules qui sont par le biais d'une banque où
l'identité du donneur n'est pas connue. Mais vous avez également des dons
d'ovules, actuellement, avec donneur connu. Dans le fond, je vous donne un de
mes ovules pour que vous puissiez mener à terme une grossesse, puis ça va être
votre enfant aussi, c'est vous qui allez être la mère. Donc, le fondement même
du droit civil, c'est : la femme qui accouche l'enfant, c'est ce qui est
générateur de droits pour le lien de filiation.
Alors, est-ce qu'il existe une distinction entre
monsieur qui donne son sperme puis madame qui donne un ovule? La réponse est
oui, parce qu'en droit civil québécois, dans le fond, c'est par le biais de
l'accouchement que le lien de filiation... avec la mère qui donne naissance. Ça
revient aussi à des fondements biologiques, où l'enfant est issu de l'utérus de
la mère qui l'a porté. On comprend qu'avec la science on intervient dans le
processus procréationnel, mais les règles... le lien de l'enfant, de son
identité est établi en fonction de la gestation, de la grossesse et de
l'accouchement.
Le Président (M.
Bachand) : M. le député de l'Acadie.
M.
Morin : ...sur
ce sujet-là. Donc, si on a un cas de figure où c'est l'ovule de la femme
porteuse, et les parents d'intention,
mettons que c'est deux hommes ou un homme et une femme, puis que l'homme dans
le couple des parents d'intention
donne son sperme. Donc, dans ce cas de figure là, l'enfant naît de la femme
porteuse, filiation est là, puis...
M. Jolin-Barrette : Mais, dans ce
cas-là, en plus, dans le cas que vous me présentez, la mère porteuse, c'est la
mère biologique de l'enfant aussi.
M.
Morin : Exact, puis l'homme, lui, parce qu'il a donné son
sperme, c'est donc le père biologique, puis il va avoir des droits vis-à-vis
l'enfant.
M. Jolin-Barrette : À cause de la
filiation par le sang.
M.
Morin : Exact, sauf que, si, alors...
M.
Jolin-Barrette : Si la mère porteuse refuse de remettre l'enfant...
M.
Morin : Oui,
exact. Donc, vous avez un couple, homme, femme, puis la femme porteuse...
L'homme, la femme porteuse, si c'est
l'ovule de la femme porteuse puis le sperme de l'homme, va avoir des droits. Si
c'est deux hommes, il y en a un des deux qui va avoir des droits. Mais,
si c'est deux femmes, c'est impossible.
M. Jolin-Barrette : Effectivement.
M.
Morin : Donc, vous discriminez deux femmes parce qu'elles ne
pourront pas avoir ce lien de filiation là d'aucune façon, là
M. Jolin-Barrette : Non,
effectivement, vous avez raison, mais au même titre qu'un couple lesbiennes ont
la capacité généralement plus grande qu'un couple homosexuel d'avoir des
enfants.
M. Morin : Je comprends. S'il y a
un...
M. Jolin-Barrette : Bien non, mais
on vit avec une réalité biologique, aussi, qui existe. Dans le fond, là, la
situation que vous me présentez, elle n'est pas plus, je vous dirais,
équivalente pour un couple hommes homosexuels. L'homme homosexuel qui est dans
un projet parental, qui n'est pas celui qui a implanté son sperme dans l'ovule,
lui, il n'aura pas non plus de lien de filiation avec l'enfant.
M. Morin : Exact, ça, c'est vrai.
Mais, dans le cas d'un couple homosexuel où c'est deux hommes, il y a la
possibilité qu'un des deux hommes donne son sperme et qu'il y ait un lien de
filiation, alors que, pour deux femmes, c'est carrément impossible.
M. Jolin-Barrette : Effectivement.
Mais, d'un autre côté, deux hommes homosexuels ne peuvent pas porter un enfant
non plus. Tandis qu'un couple lesbiennes aussi, il est peut-être probable
qu'une des deux femmes puisse... à même d'être en mesure de porter un enfant.
M. Morin : Oui, mais là, à ce
moment-là, on n'est pas dans le cas qui est sous étude avec une femme porteuse.
C'est le couple qui décide d'avoir un enfant, ce n'est pas pareil.
M. Jolin-Barrette : Oui, vous avez
raison, mais il y a tellement de variations sur un même thème. Ce qu'on vient
faire, c'est encadrer une pratique.
M. Morin : Oui, je comprends...
M. Jolin-Barrette : Actuellement,
c'est... en fait, ce n'est pas encadré, ça fait que l'enfant est placé dans une
situation de vulnérabilité, la mère porteuse aussi. Puis la prévisibilité,
aussi, pour les parents d'intention, elle est beaucoup plus grande avec une
convention notariée puis avec le cadre qu'on met en place.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. M. le député.
M. Cliche-Rivard : Si vous
permettez, M. le ministre, je trouve qu'on est en train de faire la
démonstration du besoin d'entrer sur les questions de pluriparentalité, là, je
veux dire, c'est exactement ça qu'on est en train de faire. Finalement,
c'est : «What about» le troisième parent, là? Je veux dire, c'est un peu
ça, la question, finalement, là. Puis, indirectement, je veux dire, vous avez
admis quand même une certaine sensibilité envers le couple lesbien ou le troisième parent, donc le deuxième donneur,
homme... ou, en fait, dans le couple... dans le couple de deux hommes
homosexuels, du deuxième, de celui qui ne fournit pas son matériel génétique.
Quand même, on est en train de rentrer là-dedans indirectement, même si ce
n'était pas votre intention, là. Bien, je vous sens une sensibilité, quand
même, à moins que je me trompe, là.
M. Jolin-Barrette : Bien, moi, sur
tous les sujets, je suis toujours très sensible. Mais, le critère cardinal, là,
c'est l'intérêt de l'enfant, O.K.? Là, vous me dites, vous me parlez de
triparentalité. Encore une fois, tantôt, on parlait du droit à l'enfant :
j'ai le droit d'avoir un enfant, moi, je suis un adulte, j'ai le droit d'avoir
un enfant, j'ai le droit d'être un parent, aussi. C'est ça, entre autres,
aussi, dans le débat, que vous soulevez aussi. Ce n'est pas en fonction de
l'intérêt de l'enfant qu'on regarde ça. On regarde en fonction de l'intérêt des
adultes à être un parent, à être... à avoir un enfant, aussi. Alors, pour moi,
c'est des sujets distincts. Je comprends que vous faites habilement le lien
entre les deux, mais l'objectif est de faire en sorte d'encadrer la grossesse
pour autrui et que les règles soient claires
puis amènent de la prévisibilité. Mais, bien entendu, en droit civil, puis on
revient à ça, la femme qui accouche d'un enfant, ça signifie quelque
chose, ce n'est pas...
M. Cliche-Rivard : ...son ovule
aussi, là, dans le sens...
• (18 h 40) •
M.
Jolin-Barrette : Mais ce n'est pas qu'un récipient, ce n'est pas qu'un
véhicule. Alors, on se retrouve dans une situation où les risques et les
modalités vont être divulgués lors de la séance d'information. Puis la séance d'information sert à ça. Puis le notaire,
également, va le dire : Voici, en fonction de votre particularité, vous
êtes un cas... un couple femme-femme, vous avez donné un ovule... Ou
peut-être qu'elles ne donneront pas d'ovule puis qu'elles vont avoir recours à un ovule d'une banque X. Puis
peut-être qu'elles vont avoir recours à un ami qui va donner son sperme ou qu'elles vont avoir recours à une banque de
sperme, aussi. Mais la mère porteuse avec qui elles conviennent de le
faire...
Puis, il faut aussi le dire, là, tout ce
processus-là, là, ce n'est pas un processus qui est commercial. C'est un
processus où la mère d'intention accepte, là, d'être enceinte, avec tout le
bonheur et tous les désagréments qu'il peut y avoir dans une grossesse, je n'en
ai pas vécu, mais je présume, puis elle décide d'accoucher. Puis son intention,
au départ, c'est remettre l'enfant, aussi. Ça fait que, tu sais, il faut
toujours... Là, on parle beaucoup des exceptions, de peu de situations, puis,
tu sais, dans la littérature, ou dans les enquêtes qu'il y a, ou dans les
témoignages, donc, ce sont des exceptions à la marge. Donc, on vient prévoir le
cadre, la clarté du cadre, donc...
Mais vous faites bien de le soulever, c'est des
éléments qu'on avait identifiés lorsqu'on a rédigé le projet de loi, mais, à un
moment donné, il faut faire en sorte d'établir le cadre.
M. Cliche-Rivard : ...accorder un
droit pluriparental à la mère... à la femme qui donne l'ovule, sur l'acte de
naissance, par exemple, ça aurait pu être un choix, mais vous faites le choix
de ne pas le faire.
M.
Jolin-Barrette : Je comprends votre suggestion, mais effectivement
ce n'est pas le choix que le gouvernement du Québec a reconnu, parce qu'un enfant a deux personnes qui sont
titulaires de l'autorité parentale, c'est le choix que le législateur
québécois a fait. Vous replacez dans une situation... en Colombie-Britannique,
je pense, c'est six parents. Est-ce que c'est dans...
M. Cliche-Rivard : Oui, mais là
c'est l'autre extrême, là.
M. Jolin-Barrette : Oui, mais
pourquoi trois? Pourquoi pas quatre, pourquoi pas cinq? Non, mais...
M. Cliche-Rivard : Ou pourquoi cinq,
là?
M. Jolin-Barrette : Pourquoi pas
quatre? Plaçons-nous dans l'intérêt de l'enfant, est-ce que... Quel intérêt
regardons-nous?
M. Cliche-Rivard : Mais c'est un
débat à faire, là.
M.
Jolin-Barrette : C'est un débat qui est intéressant. Excusez-moi,
c'est l'Ontario, pas la Colombie-Britannique.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. M. le député de
l'Acadie.
M.
Morin : Oui. Merci, M. le Président. Mais justement, parce que
vous voulez encadrer, puis c'est la discussion qu'on avait, vous et moi, quand
on parlait, par exemple, de parents de même sexe, et donc ça arrive. Donc, si
vous voulez encadrer, bien, pourquoi ne pas profiter de ce projet de loi là
pour encadrer cette réalité?
Puis, pour répondre à votre position ou à votre
questionnement, pourquoi pas quatre, pourquoi pas cinq, pourquoi pas six, bien, c'est parce qu'habituellement, souvent, dans les
cas de figure, c'est qu'il y a deux personnes qui vivent ensemble, puis, s'ils ne sont pas capables
de concevoir un enfant, bien... par exemple, c'est deux femmes, bien là ils vont avoir besoin d'un tiers, d'un homme, pour
être capables de procréer. Mais trois, à ce moment-là, c'est suffisant.
Puis ce cas de figure là, là, il y en a, là, ce
n'est pas un épiphénomène, ça, là, là. Il y en a beaucoup, des conjoints de même sexe qui font appel à une
personne tierce pour créer, pour avoir... pour avoir un enfant
éventuellement, puis ça existe. Puis, au fond, c'est un peu ce que je disais au
début, donc, pourquoi, tant qu'à y être, ne pas encadrer ça maintenant,
puisqu'on parle de conventions de grossesse, de tous ces sujets-là? Puis moi,
je vous inviterais juste à étendre un peu votre cadre et les faire rentrer
dedans.
M.
Jolin-Barrette : Bien, je vous dirais, votre proposition, lorsque
vous affirmez... Vous dites : Bien, écoutez, bien, c'est parce que... Supposons, je traduis,
là, un couple lesbiennes a besoin de sperme pour avoir un enfant, donc ça va être un couple lesbiennes qui vont faire
appel à un ami, supposons, qui va le fournir, ça fait qu'il dit : Ça
devrait être une figure parentale. C'est un
cas d'exemple. On pourrait avoir un cas d'exemple où trois hommes vivent
ensemble. On pourrait avoir un cas où trois femmes vivent ensemble. On
pourrait avoir un cas où quatre hommes vivent ensemble, quatre femmes vivent
ensemble. Il n'y a aucune étude qui
démontre, à ce jour, que c'est dans l'intérêt de l'enfant d'avoir plus de deux
parents.
Alors, nous, on fait le choix clairement qu'au
Québec c'est deux parents qui sont titulaires de l'autorité parentale. Ce qui
ne veut pas dire que, dans les modèles familiaux, il peut y avoir des figures
d'attachement autres que les titulaires de l'autorité parentale. Mais ils ne
seront pas titulaires de l'autorité parentale. Puis la question suivante, c'est : À qui ça sert d'être
titulaire de l'autorité parentale? Est-ce que c'est dans l'intérêt de l'enfant
d'être titulaire de l'autorité parentale ou d'être une figure
significative pour l'enfant? Dans le fond, c'est le parent qui veut être...
J'ai des droits sur cette personne-là, cet enfant-là, pas : Je veux être
une figure significative pour l'enfant.
Et je vous invite aussi à réfléchir à la rupture,
qui...
Le Président (M. Bachand) : Allez-y,
M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : ...en fonction de qui. Puis là je me tourne vers la
députée de Robert-Baldwin, qui, dans sa
pratique, a sûrement vécu des situations de séparation ou de divorce et a
conseillé ses clients. Je lui demande : Est-ce que c'était simple,
à deux parents?
Mme Garceau :
Ça dépend des parents.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée
de... À vous la parole, Mme la députée.
Mme Garceau :
Bien moi, je vais... sur ce sujet, l'intérêt de l'enfant... Et vous êtes...
Je comprends qu'il y a une position ferme au niveau de : c'est dans
l'intérêt des enfants d'avoir deux parents. On est dans une réforme du droit de la famille, on le sait très bien, on en a
eu plusieurs, groupes, qui sont venus ici parler de... on a évolué comme
société. Et pourquoi est-ce que ce serait mal vu et contraire à l'intérêt d'un
enfant d'avoir trois parents? Qu'est-ce qui
fait à ce que... il y a des études qui disent le contraire, que ce n'est pas
dans l'intérêt de l'enfant. Parce qu'on en a eu, des groupes qui
disent : J'ai trois parents qui aiment l'enfant, qui sont là pour pourvoir
aux besoins de l'enfant. Donc, comment est-ce que ça, c'est contraire à son
intérêt? Il me semble qu'il faut regarder la réalité dans notre société
québécoise au niveau des conjoints, des conjoints qui veulent être... oui, qui
veulent être parents, qui veulent donner à
des enfants, et d'élever des enfants, et d'être là pour les enfants. C'est quand
même quelque chose qu'on devrait, il me semble, accueillir et non
rejeter et de limiter à deux parents.
M. Jolin-Barrette : Bien, avec égard, avec
vos interventions précédentes, vous disiez : Bien, le droit à un
enfant...
Mme Garceau :
...j'ai dit «l'opportunité».
M.
Jolin-Barrette : ...l'opportunité, le fait que des parents veulent
s'occuper d'un enfant, tout ça. Moi, je fais le choix de faire un cadre en
fonction de l'intérêt des enfants. Si jamais il y a des études qui démontrent à
quel point c'est fabuleux d'avoir quatre, cinq parents, le législateur pourra
se rasseoir. Mais, dans l'état actuel des choses, il n'y a pas d'étude qui démontre ça. Et il faut penser à l'enfant
là-dedans, aussi. Donc, vous m'avez dit, à ma question : Les
séparations, les divorces, est-ce que c'est simple?, ça dépend des parents.
Plus vous rentrez d'intervenants, plus ça représente un enjeu.
Alors,
je reviens à l'article. Donc, c'est un débat fort intéressant, mais, pour nous,
je pense qu'avec le cadre qu'on met en place c'est vraiment ça qui va
favoriser l'intérêt des enfants et celui de la mère porteuse.
Puis,
juste un dernier élément sur votre intervention, le Code civil prévoit
également les obligations des enfants envers les parents au moment de la
vieillesse, les obligations alimentaires, tout ça. Ça fait que, là, les
parents, eux autres, c'est bien le fun, là, on est quatre, cinq, puis tout va
bien, on s'occupe de l'enfant, tout ça. Quand les quatre, cinq parents, ils
vieillissent, là, ça fait reposer sur un enfant, supposons, unique le fardeau
de la vieillesse, des soins, des obligations alimentaires, des obligations
financières, sur l'enfant qui est rendu grand maintenant. Ça aussi, je
n'entends pas souvent ça dans le discours en fonction de l'intérêt de l'enfant.
On est beaucoup dans une logique de : J'ai le droit à un enfant puis j'ai
le droit d'être celui qui décide pour l'enfant, mais on regarde rarement c'est
quoi, les conséquences pour le futur sujet de droit, enfant à naître, qui, lui,
va vivre sa vie durant.
• (18 h 50) •
Mme Garceau :
On se comprend que ça, c'est hautement exceptionnel, numéro
un, et...
M.
Jolin-Barrette : Bien, au même titre que c'est hautement exceptionnel
que la mère porteuse ne donne pas l'enfant.
Mme Garceau :
Oui, sauf que la façon que... Malheureusement, puis je vais le dire, le
projet de loi ne reflète pas cet aspect, ne reflète pas cette situation-là.
Même, c'est le contraire.
M.
Jolin-Barrette : Moi, je suis ouvert à recevoir un amendement puis à
voter contre.
Mme Garceau :
Je pense que...
M. Morin : ...suspension,
puis on va travailler là-dessus.
Mme Garceau :
On va travailler là-dessus.
M. Jolin-Barrette : Mais, si vous voulez,
puisque le temps avance, on pourrait peut-être continuer, le temps... si
vous ne l'avez pas écrit, puis revenir, à la prochaine séance, sur votre
amendement, puis on continue d'étudier les autres en attendant.
Le Président (M. Bachand) : Parce que, de toute façon, l'article reste ouvert, là, il n'y a pas de
souci là-dessus.
M.
Morin : Oui. Non, je comprends, mais là on en a déjà
rédigé, puis j'aimerais ça, avoir une suspension, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) : Avec plaisir. Alors, on suspend
quelques instants. Merci.
(Suspension de
la séance à 18 h 52)
(Reprise à 19 h 05)
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux.
Des voix : ...
Le Président (M.
Bachand) : S'il vous plaît! Juste vous dire... Bonjour, on a
repris nos travaux. Merci. Alors, M. le député de l'Acadie, s'il vous plaît.
M. Morin : Oui. Alors, merci, merci,
M. le Président. Donc, suite à... suite à toutes nos discussions et à nos échanges pour l'article 541.9, on propose
l'amendement suivant. Et l'idée, c'est un peu d'équilibrer les choses entre
les droits, l'intérêt de la femme porteuse et des parents... des parents
d'intention. Donc, au fond, pour... la convention de grossesse serait présumée
exécutoire lors de la naissance de l'enfant, donc, à ce moment-là, il y a un
contrat qui est déjà notarié.
Ce qu'on comprend du projet de loi, c'est que
toutes les parties se sont fait expliquer leurs obligations, leurs droits, ce en quoi ils s'engagent, et donc ça
vient, finalement, confirmer ça. Puis, par la suite, la femme ou la
personne qui a donné naissance et qui a un lien génétique avec l'enfant doit
consentir expressément à ce que son lien de filiation à l'égard de l'enfant
soit réputé n'avoir jamais existé et à ce qu'un lien de filiation soit établi à
l'égard de la personne seule ou des deux
conjoints ayant formé le projet parental. Puis on le limitait quand on a...
évidemment, quand il y a un lien
génétique avec le... avec ce dernier pour faire une distinction entre le cas de
figure où il n'y a aucun lien génétique.
Et donc ça ferait en sorte que cet amendement-là
permettrait aux parents d'intention d'avoir peut-être une plus grande certitude
que le projet dans lequel ils s'engagent, à la fin, aura pour effet pour eux
d'avoir l'enfant, finalement, qu'ils ont le projet de créer avec une femme ou
une personne porteuse. Et ça donne, évidemment, préséance à la convention de
grossesse. Est-ce que tu veux ajouter quelque chose?
Le Président
(M. Bachand) : ...M. le député de
l'Acadie, si vous pourriez la lire officiellement, s'il vous plaît, lire
l'amendement officiel.
M. Morin : Oui.Ah!
Bien, je... O.K. Ah! bien, je vais le lire à nouveau.
Le Président (M.
Bachand) : Parfait.
M. Morin : L'article 541.9, tel
que proposé par l'article 18 du projet de loi, est modifié par le
remplacement de la... du premier alinéa par les suivants :
«La convention de grossesse est présumée
exécutoire lors de la naissance de l'enfant.
«La femme ou la personne qui a donné naissance
qui a un lien génétique avec ce dernier doit consentir expressément à ce qu'un
lien de filiation à l'égard de l'enfant soit réputé n'avoir jamais existé et à
ce qu'un lien de filiation soit établi à l'égard de la personne seule ou des
deux conjoints ayant formé le projet parental.»
Le Président
(M. Bachand) : Merci beaucoup.
Interventions sur l'amendement du député d'Acadie? M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne.
M. Cliche-Rivard : Je
me pose la question, là : N'est-elle pas exécutoire d'office, là, ou
présumée exécutoire d'office? Je vous pose la question. Vous me
répondrez, mais, à mon humble avis, là, du moment où elle est signée entre les parties... Et puis, dans le deuxième
alinéa, vous... vous dites donc... ça, c'est le cas de figure de la personne
qui a donné un ovule, si je ne me trompe pas.
M. Morin : Ça
peut être une personne, oui, effectivement, qui a donné un ovule ou c'est son
bagage génétique. Et donc, là, il y a un lien génétique avec l'enfant.
M. Cliche-Rivard : Ce
serait quoi l'autre cas qu'ovule pour le bagage génétique? C'est pour bien
comprendre.
M. Morin : Bien,
c'est-à-dire qu'il y a une distinction entre la femme porteuse qui utilise son
bagage génétique puis une qui, par exemple, n'utilise absolument pas le
bagage génétique des parents d'intention.
M. Cliche-Rivard : Donc, c'est
son ovule ou pas son ovule.
M. Morin : Exact.
M. Cliche-Rivard : O.K. Et donc
celle qui... la femme ou la personne qui a donné naissance, qui a un lien
génétique, donc la femme porteuse pour laquelle c'est son ovule... C'est ce que...
c'est ce qu'on comprend dans le premier alinéa?
M. Morin : Oui.
M. Cliche-Rivard : Dans le deuxième,
pardon.
M. Morin : Dans le deuxième,
oui.
M. Cliche-Rivard : La femme
porteuse qui a donné son ovule doit consentir, mais ne le fait-elle pas déjà?
Je pose... Non?
• (19 h 10) •
M. Morin : Bien, à ma
connaissance, non. Non. Et donc ça fait en sorte que, quand il y a un lien
génétique, ça permet évidemment... En fait, ça donne plus de certitude, en
fait, aux parents d'intention.
M. Cliche-Rivard : Ce n'est pas
«qui n'a pas donné naissance», c'est «qui a un lien génétique», c'est ça que
vous voulez dire ou si c'est moi qui ne comprends pas? Donc, la femme ou la
personne qui n'a pas donné naissance, mais qu'il y a un lien génétique avec
l'enfant.
M. Morin : Non. Là, on parle de
la femme porteuse.
M. Cliche-Rivard : O.K. La
femme porteuse, c'est son ovule, le matériel génétique du père...
M. Morin : Du père, oui.
M. Cliche-Rivard : Elle, elle
va devoir donner son consentement, avec le p.l., quand même, déjà, dans les
sept à 30 jours pour donner l'enfant ou je n'ai pas compris. Je le pose
vraiment de bonne foi pour être sûr de comprendre, là.
M. Morin : Non, non, non, je
comprends.
M. Jolin-Barrette : ...
M. Morin : Oui, oui, oui.
M. Jolin-Barrette : ...peut-être
que je peux l'expliquer, là. Dans le fond, là, la convention de grossesse, là,
dès le départ, là, elle est présumée exécutoire. Ça fait que, dans le fond, ça
ne prendrait pas nécessairement de consentement.
On la présume exécutoire, mais là, avec l'alinéa deux, là... «La femme ou la
personne qui a donné naissance [...] qui a un lien génétique avec ce
dernier doit consentir expressément à ce que son lien de filiation à l'égard de
l'enfant soit réputé n'avoir jamais existé»,
ça fait que, si c'est son matériel génétique à elle, elle, elle doit
expressément le dire : Je consens à
remettre l'enfant. Mais, par contre, pour la femme que ce n'est pas son ovule,
là, elle, là, premièrement, elle est présumée donner son consentement,
mais, en fait, même, on n'a même pas besoin de lui demander son consentement.
Ça fait que la femme, dans le fond, avec votre proposition, c'est juste un four
à pain, dans le fond, c'est un utérus. Puis, dans le fond, elle, elle se fait
implanter un ovule, puis, dans le fond, elle livre le bébé, puis elle n'a rien
à dire. C'est un peu ça, là.
M. Morin : Bien, c'est-à-dire que...
M. Jolin-Barrette : Tout ce que
c'est, c'est une femme qui est dans un contrat, puis elle doit absolument
remettre le bébé. Elle n'a rien à dire. Honnêtement, je ne trouve pas ça très
respectueux pour les femmes.
M. Morin : En fait... bien, en fait,
moi, je vous dirais que ce qu'on essaie de faire, c'est de trouver un équilibre. Parce qu'on a parlé de la femme
porteuse, on a parlé des parents d'intention, vous avez pris une décision
claire de privilégier la femme porteuse. Ce qu'on essaie de faire, c'est
d'équilibrer pour que les parents d'intention aient un peu plus de... un peu
plus de garanties, finalement, qu'ils vont pouvoir avoir l'enfant. Alors, c'est
ce qu'on essaie de restreindre. Maintenant,
je ne comparerais pas la femme à un... enfin, comment vous l'avez comparé, là,
puis ce n'est pas l'intention non plus, là, mais...
M. Jolin-Barrette : Bien, le texte
revient à ça, à faire en sorte de dire qu'une femme qui n'a pas de lien
génétique est obligée de donner l'enfant. Puis elle, elle fait juste porter
l'enfant puis elle accouche, puis c'est un véhicule
pour un enfant. Honnêtement, ça m'inquiète un peu, les démarches que j'entends,
depuis le début de l'après-midi, là, pour dire,
là : Dans le fond, on se fonde juste sur les parents d'intention, c'est le
droit à l'enfant, on veut enlever les femmes du projet de loi, du texte du
projet de loi.
M. Morin : En fait, non, ce n'est
pas ça, ce n'est pas ça. Non, ce n'est pas ça du tout. On va recadrer un peu.
Vous parlez de cadre, là.
M. Jolin-Barrette : Bien, M. le
Président, l'amendement, dès le départ, c'était de dire : On exclut les
femmes nommément du texte législatif. Puis là, après ça, le Parti libéral nous
dit : Bien, une femme qui n'a pas mis son ovule, elle, elle n'aura aucun
droit. Puis c'est : un coup qu'elle a l'ovule implanté, elle n'aura plus
rien à dire puis elle doit livrer le bébé. Ça m'inquiète, ça m'inquiète.
M.
Morin : Parce que dans... c'est parce que, dans votre
projet de loi... Bien, en fait, ce qui est aussi inquiétant dans votre
projet de loi, c'est que vous pouvez avoir des parents d'intention qui vont se
ramasser avec rien en bout de piste. Ça fait que ce n'est pas mieux. D'un côté
comme de l'autre, là, ce n'est pas plus respectueux pour personne. Si on veut
aller là, là, bien, moi, c'est ce que je vous répondrais.
M. Jolin-Barrette : Mais l'enjeu, M.
le Président, là, c'est de protéger les parties qui sont en situation de vulnérabilité, puis je l'ai dit dès le départ.
Bien entendu, c'est un risque, un risque assumé pour les parents
d'intention. Effectivement, comme le député
de l'Acadie l'a dit, c'est possible que le parent... les parents d'intention se
retrouvent avec pas d'enfant au bout du processus, au bout de l'accouchement.
Ils auront fondé beaucoup d'espoir sur la venue d'un enfant pour fonder leur
famille, mais ça fait partie des enjeux inhérents rattachés au cadre législatif
qu'on est en train de mettre en place. Puis on en est conscient, là, mais c'est
un choix conscient que nous faisons parce que ce n'est pas possible de
réconcilier une obligation de résultat de livrer l'enfant avec l'intérêt de la
mère porteuse, associé à son corps, puis de conserver son autonomie, parce que,
sinon, ça vient lier la mère porteuse, dans tous les cas, si on adoptait une
approche exécutoire.
M. Morin : C'est-à-dire que, pendant
la grossesse, la mère porteuse est libre de décider de son corps, elle peut
interrompre la grossesse, le projet de loi le prévoit. Ça, on ne change rien
là-dedans. Sauf que, quand on arrive à la finalité... Puis l'idée du projet de
loi, c'est d'encadrer, justement, les conventions de grossesse pour autrui.
L'objet même de l'exercice, c'est ça. Alors, qu'on le veuille ou non,
forcément, il y a une femme qui va porter un enfant pour quelqu'un d'autre.
Puis où, à un moment donné, nos chemins diffèrent, c'est que vous, vous
dites : Moi, j'ai fait le choix conscient que cette femme-là peut garder
l'enfant, puis les parents d'intention, bien, à un moment donné, c'est bien
dommage, mais bye bye...
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Merci beaucoup.
M. Morin : ...puis, moi, ce que je
dis, bien, c'est qu'il y a peut-être un autre chemin.
Le Président (M.
Bachand) : En parlant de bye bye, compte
tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux sine die. Merci. À bientôt.
Bonne soirée.
(Fin de la séance à 19 h 16)