(Douze heures
treize minutes)
Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission... Ayant constaté le quorum,
je déclare ouverte la séance de la Commission des institutions.
La commission est
réunie afin de procéder à des auditions publiques dans le cadre des
consultations particulières sur le projet de loi n° 24, Loi modifiant la
Loi sur le système correctionnel du Québec afin d'y prévoir le pouvoir d'exiger
qu'une personne contrevenante soit liée à un dispositif permettant de savoir où
elle se trouve.
Avant de débuter, Mme
la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire :
Oui, M. le Président. M. Lévesque (Chapleau) est remplacé par Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac); M. Barrette (La Pinière) est remplacé par Mme Melançon
(Verdun); et M. Zanetti (Jean-Lesage) est remplacé par M. Fontecilla
(Laurier-Dorion).
Auditions (suite)
Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Aujourd'hui, il nous fait plaisir d'accueillir les
représentantes du Regroupement des maisons pour femmes victimes de
violence conjugale.
Alors,
mesdames, merci beaucoup d'être avec nous. Comme vous le savez, vous avez
10 minutes de présentation, et après ça on procédera à la période
d'échange. Donc, la parole est à vous. Merci.
Regroupement des maisons pour femmes victimes
de violence conjugale (RMFVVC)
Mme Arseneault (Chantal) : Alors,
bonjour. Je vous remercie, d'entrée de jeu, de nous entendre aujourd'hui.
Donc, le regroupement, vous le savez, c'est un vaste réseau de maisons d'aide
et d'hébergement. On est 44 maisons réparties à travers le Québec. Nos
intervenantes spécialisées en matière de violence conjugale accompagnent les
femmes à fuir la violence. Donc, c'est vraiment ce que nos maisons font.
Dans
l'année 2021, on a hébergé quelque 2 250 femmes et
1 900 enfants, on a accompagné, dans des services à l'externe,
17 900 personnes et, finalement, on a répondu à plus de
94 950 demandes de proches de victimes, mais aussi de professionnels.
Je vais laisser la parole à ma collègue.
Mme Riendeau
(Louise) : Bonjour. Écoutez, comme vous le savez, le regroupement a
salué les différents moyens qui ont été mis
en place dernièrement pour mettre un filet de sécurité autour des victimes de
violence conjugale, femmes et
enfants. Pour nous, l'introduction des bracelets antirapprochement constitue un
outil de plus pour y participer.
Le
projet de loi n° 24 prévoit les circonstances où les services
correctionnels ou la Commission des libérations conditionnelles vont
pouvoir imposer le port d'un bracelet antirapprochement. On pense que ce
dispositif-là va pouvoir amener un sentiment de sécurité à certaines victimes
qui, à l'heure actuelle, constatent que leur conjoint peut continuer de les
harceler, de les menacer en toute impunité.
On voit, on constate
sur le terrain chaque jour qu'il est très difficile pour des femmes d'arriver à
porter plainte quand il y a un bris de
condition, malgré des interdits de contact, à différentes étapes, là, du processus
judiciaire. Souvent, les policiers n'enregistrent pas ces plaintes, et
les femmes se sentent très menacées. On sait que plusieurs ex-conjoints tentent
de maintenir leur emprise sur leur ex-partenaire et que c'est d'ailleurs au
moment de la séparation ou autour de ce
moment-là que les risques de létalité pour les femmes, pour les enfants sont
les plus grands. Ces situations-là nous montrent la nécessité de
dissuader les conjoints de contrevenir aux conditions qui leur sont imposées
et, s'ils le font, de collecter la preuve pour être capable de les traduire
devant les tribunaux.
Donc, ces deux
éléments-là, pour nous, militent en faveur de l'utilisation des bracelets
antirapprochement. Comme on l'a dit, on y voit vraiment un outil supplémentaire
pour assurer la sécurité des femmes.
Le
regroupement est satisfait des modalités qui ont été proposées, c'est-à-dire,
d'une part, que les frais de l'utilisation du bracelet soient assumés par le
gouvernement, ce qui évite des impacts financiers pour les victimes. On pense
aussi que c'est une excellente idée, que c'était nécessaire, même, que
la victime soit volontaire pour qu'il soit utilisé.
Le choix d'imposer un
double périmètre nous semble des plus judicieux dans la mesure où un
contrevenant qui sera averti qu'il rentre dans le premier périmètre pourra
décider de rebrousser chemin et que la victime ne sera pas inquiétée, à moins
qu'il entre dans le deuxième périmètre où, là, la police devrait aller la
protéger.
Cela
étant dit, l'utilisation des bracelets soulève un certain nombre de questions
pour lesquelles on n'a pas encore de réponse. Dans plusieurs régions du
Québec, la desserte cellulaire est déficiente. Alors, on se demande :
Est-ce que les victimes partout au Québec pourront se prévaloir de ce mécanisme-là?
On sait aussi que, dans
certains territoires ruraux, le nombre de policiers... les effectifs policiers
sont limités. Et on s'inquiète donc à
savoir : Est-ce que les policiers pourront intervenir assez rapidement si
un conjoint rentre dans le deuxième périmètre et devient menaçant?
Autre
question pour nous, c'est : Est-ce que les centrales qui vont être
chargées de s'assurer du bon fonctionnement de tout ça agiront avec
diligence pour informer le service de police dès qu'un contrevenant entre dans
le deuxième périmètre?
Autre
question : Comment on va gérer les situations où une victime, on pense à
des milieux plus ruraux, où une victime
pourrait s'approcher du lieu où se trouve le contrevenant, lieu qu'elle ignore
probablement, sans que ça mette nécessairement monsieur en bris de
condition et sans qu'on restreigne la liberté de mouvement de la victime?
Enfin, quels seront les moyens qui vont être mis
en place pour détecter des situations où un contrevenant déciderait d'altérer
le dispositif, de l'enlever, de ne pas le recharger et donc de le rendre
inopérant? Dans quels délais pourra-t-on intervenir à ce moment-là?
Et enfin,
dernière question qui touche la cohérence entre les décisions des différents
tribunaux, comment va-t-on gérer d'éventuels droits d'accès aux enfants en
présence du bracelet? Est-ce qu'on va demander aux tribunaux d'imposer
la supervision de droit d'accès dans des organismes dont c'est la mission?
• (12 h 20) •
Il y a beaucoup de questions. Il y a aussi des
conditions qui, pour nous, sont essentielles si on veut que le tout fonctionne
bien. On sait que certains contrevenants pourraient contester l'utilisation du
bracelet. Ou on peut penser qu'il y a des
situations où on aurait autrement gardé quelqu'un en détention, mais, avec le
bracelet, on va dire : Peut-être qu'on peut le remettre en liberté.
Nous, on pense qu'il faut absolument, avant de
prendre la décision d'utiliser un bracelet antirapprochement, qu'il y ait une
évaluation des risques spécifiques à la violence conjugale. Il existe des
outils qui ont été validés pour ce faire, plusieurs personnes aux services
correctionnels y ont été formées, mais, pour s'assurer que le bracelet antirapprochement est utilisé dans les bonnes
situations, avec les bonnes personnes, pour nous, c'est essentiel qu'il y ait
une évaluation des risques faite avec des outils spécifiques.
On pense aussi que ça va augmenter le sentiment
de sécurité des femmes, mais on a vu des expériences ailleurs où les femmes
avaient été assez désillusionnées du fonctionnement parce qu'elles n'avaient
peut-être pas bien compris, parce que des risques ont persisté. Donc, on pense
qu'il est nécessaire de réseauter les victimes qui vont bénéficier de ce
mécanisme-là avec des intervenantes spécialisées qui pourront les informer, les
accompagner, faire une évaluation des risques en continu et, au besoin,
signaler la situation aux autorités.
Par ailleurs, si on souhaite que les données de
géolocalisation des contrevenants puissent servir à démontrer les manquements,
pour nous, il est impératif que les données qui concernent les victimes, qui
seront donc détenues par une tierce partie, c'est-à-dire la centrale de système
d'alarme, ne soient pas collectées et ne soient pas transmises. On peut
facilement penser que des compagnies d'assurance pourraient être friandes pour
avoir ce genre d'information là. Donc, pour nous, on a besoin de garanties à ce
niveau-là.
Pour ce qui est du deuxième périmètre, à l'heure
actuelle dans les interdictions de contact, on parle souvent de
500 mètres. Bien, 500 mètres, en terrain dégagé, on voit facilement
une voiture qui nous surveille. Donc, on pense qu'il va falloir adapter le
périmètre autour de la femme.
Et enfin la ministre a indiqué que le bracelet
serait testé à Québec. Nous, on pense qu'il serait aussi important qu'il soit
traité dans une région moins densément peuplée.
Ce qui fait qu'on a huit recommandations.
D'abord, que, dans tous les cas, il y ait une évaluation des risques liés à la
violence conjugale avant de prendre une décision d'utiliser le bracelet.
Ensuite, qu'on poursuive la promotion du service d'évaluation des conjoints
violents au stade de la remise en liberté provisoire dans les cas où des juges pourraient vouloir l'imposer à cette
étape-là. On sait que, pour le moment, cette évaluation-là est volontaire.
Donc, il faut continuer du travail pour que la poursuite et la défense la
demandent. On souhaite aussi que le ministère de
la Justice s'adresse à son homologue fédéral pour qu'on permette justement aux
juges d'imposer ces évaluations-là. Enfin, on recommande, comme on l'a
dit, que les victimes qui vont bénéficier du bracelet soient réseautées avec
des organismes spécialisés en matière de
violence conjugale, qu'aucune donnée personnelle sur les victimes ne soit conservée
par la centrale d'alarme et qu'en aucune situation ces données ne puissent être
transmises à quelque institution que ce soit, sauf évidemment pour prouver un
manquement aux conditions, que le périmètre de sécurité soit adapté à la
géographie des lieux où vit, ou travaille, ou étudie la victime, qu'il y ait un
projet pilote aussi en région moins densément peuplée que Québec et que des
groupes de défense des droits, comme les associations de maisons, fassent
partie du comité d'encadrement et d'évaluation des projets pilotes. Je
laisserais le mot de la fin à notre présidente.
Mme Arseneault (Chantal) : Donc, en
conclusion, vous avez bien compris qu'on est favorables au bracelet
antirapprochement. Ceci étant dit, ça ne remplacera jamais la vigilance et la
digilence importante des intervenants. Il faut absolument que les intervenants,
là on parle de policiers, mais les intervenants de première ligne soient bien
formés à la problématique de la violence conjugale, parce que, si on ne la
dépiste pas puis on ne la détecte pas, on ne pourra pas ni recommander, hein,
le bracelet antirapprochement ni déclencher des cellules de crise, comme on a
vu, qui existent un peu partout maintenant
au Québec, là, grâce à un financement vraiment intéressant. Donc, la formation
est importante.
Et aussi il y a eu un deuxième rapport du Comité
d'examen des décès qui dit que, dans la grande majorité, et les victimes et les
auteurs étaient connus du service de police ou d'autres intervenants. Donc,
nous, on croit vraiment que ça, c'est vraiment une voie de passage au niveau de
la formation, de dépister, et c'est eux qui doivent être aussi formés à l'évaluation des
risques. Ma collègue vous le disait tantôt, pour nous, c'est comme une
condition obligatoire au bracelet antirapprochement au niveau de
l'évaluation des risques.
Et, pour
terminer, un petit dernier mot, la technologie vient ici augmenter nos
possibilités d'assurer une sécurité aux femmes victimes de violence conjugale
et, par ricochet, à leurs enfants. C'est bien utile, mais ça ne remplacera
jamais l'analyse humaine des situations de violence conjugale. Merci beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup de votre
intervention. Mme la ministre, s'il vous plaît. Vous avez la parole.
Mme Guilbault : Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, mesdames. Très
heureuse de vous retrouver aujourd'hui ici
pour une autre occasion constructive dans le combat qu'on mène tous ensemble,
toutes ensemble, mais tous ensemble contre la violence qui est faite aux
femmes. Merci beaucoup de prendre le temps de nous rencontrer aujourd'hui.
J'ai lu votre
document, votre mémoire, vos recommandations. C'est très bien fait, comme
d'habitude, c'est pertinent. On voit que vous savez de quoi vous parlez.
C'est normal, vous êtes des expertes. Hier, on avait d'ailleurs Mme Fedida
avec sa directrice aussi des maisons d'hébergement de 2e étape qui sont
venues nous dire ce qu'elles pensaient du bracelet. Puis, en fait, j'ai envie
de commencer par la même question que j'ai posée hier à Mme Fedida parce que vous, vous traitez avec tellement de
femmes, tu sais, nous, on parle à des femmes dans le cadre de nos travaux
de législateurs, comme ministre, mais vous, vous avez parlé à d'innombrables
victimes de violence conjugale, vous côtoyez leurs enfants aussi. Et la raison
pour laquelle on fait ça, ce qu'on fait, le bracelet... qu'on fait tout ce
qu'on fait, d'ailleurs, mais le bracelet,
notamment... Parce que moi, je suis très fière, je trouve que ça nous place à
l'avant-garde. Je trouve que, tu sais, on va être la septième nation,
septième juridiction dans le monde à faire ça, donc... mais il faut le faire comme il faut, mais je pense qu'on est
rendus là, mais on le fait pour que les femmes retrouvent la paix d'esprit.
Je parle souvent de ça, la paix d'esprit des
femmes. C'est quelque chose qu'elles perdent, irréversiblement dans plusieurs
cas, malheureusement, mais qu'on a peut-être une chance de leur redonner, en
partie, du moins, avec cet outil-là, avec quelque chose de technologique, comme
vous dites, qui ne remplacera jamais la vigilance humaine, l'empathie, la
nécessité de faire une évaluation puis de prendre en compte des choses qu'une
technologie ne pourra jamais prendre en compte, mais qui, néanmoins, est très efficace.
Tu sais, c'est de la géolocalisation.
Ça fait que, sur la base de ce que vous savez
des femmes que vous côtoyez, est-ce que vous pensez qu'effectivement un nombre important de ces femmes-là pourraient être
soulagées et fonder de l'espoir sur la possibilité d'avoir accès à ce
bracelet-là?
Mme
Arseneault (Chantal) : Je vais y aller, Louise, c'est correct? Donc, en
fait, je pense que oui, certainement. Je ne sais pas si... Vous n'avez
probablement pas eu l'occasion d'écouter Pas une de plus, hier, là,
c'était la cellule de crise, et, entre autres, on parlait des bracelets plus
électroniques plutôt qu'antirapprochement. Mais, je vous dirais, pour l'avoir
vécu avec une femme dernièrement, il reste qu'elle, son souhait, avec le niveau
de dangerosité que cet homme-là
représentait, la solution idéale aurait été quand même qu'il soit détenu. Donc,
oui, certes, mais, présentement, elle n'a pas la paix d'esprit complète
parce qu'à ce qu'on connaît encore aujourd'hui, c'est qu'il y a des délais dans
la réponse, le temps que l'appel... que le signal soit envoyé à la centrale,
que la centrale rejoigne les policiers, que les policiers aient l'information
pour aller rejoindre les victimes. Il y a quand même un délai.
Et c'est une de nos questions, en fait, à quel
point le délai va être important. Présentement, ça peut aller jusqu'à
20 minutes. Ça fait qu'on ose croire qu'avec la nouvelle centrale ou
l'organisation qui sera choisie, les délais vont être moindres que ça, parce
que, 20 minutes, il y a beaucoup de choses qui ont le temps d'arriver en
20 minutes.
Donc, oui, je pense que ça peut apporter un
sentiment de sécurité, mais il faut s'assurer d'avoir tout mis en oeuvre pour
que ce soit un réel sentiment de sécurité. En fait, c'est un peu ma réponse.
Mme Riendeau (Louise) : Puis
j'ajouterais qu'il faut vraiment qu'on ait une vision globale. Dans la
situation dont parle Chantal, c'est un homme qui est influent dans sa
communauté. C'est un homme qui est capable de mobiliser d'autres personnes pour
continuer d'envoyer des messages à la victime et de la harceler. Ça fait que,
oui, certes, peut-être qu'elle aura une sécurité physique face à lui, mais
peut-être que sa paix d'esprit ne sera pas complète. Ça fait qu'on doit
vraiment avoir des visions puis des analyses globales des situations à risque
pour être capable d'avoir un filet de sécurité dont les mailles sont les plus
serrées possible.
• (12 h 30) •
Mme Guilbault : Oui, bien, c'est vrai, puis ça, je ne l'ai pas dit, mais je
l'ai dit hier avec un autre groupe, là, il n'y a personne qui pense que ça va
être miraculeux, puis que ça va tout régler, puis que, tu sais, ça va régler
tous les problèmes. Puis, de toute façon, on parle bien ici de gens qui sont
judiciarisés pour avoir le bracelet. Ça fait qu'il y a encore tout le bassin
des gens qui... pour qui on ne porte pas plainte, pour toutes sortes de
raisons, qui est un autre défi auquel on doit s'attaquer par d'autres moyens.
Mais au moins, pour ceux qui sont judiciarisés, qu'ils soient détenus ou non,
parce qu'on peut l'avoir quand même au stade de la mise en liberté provisoire...
Puis d'ailleurs je vais en profiter pour insérer...
parce que c'était un de vos points aussi, de s'assurer d'avoir le service d'évaluation au stade de la mise en
liberté provisoire. Vous savez probablement qu'on a étendu ce service-là
à la grandeur des régions du Québec maintenant, et hier on l'a dit ici aussi,
là, dans un autre groupe, mais on a augmenté
l'utilisation de 700 % depuis un an, à peu près, un an et demi. Ça fait
que ça, c'est une excellente nouvelle, là, parce que ça éclaire les juges. Puis on pourrait penser que ça pourrait
favoriser l'imposition d'un bracelet. Évidemment, personne
ne peut se substituer aux décisions d'un juge, ce sont eux qui décideront, mais
je pense que plus on utilise ce service-là d'évaluation, plus on a de chances
de sensibiliser puis d'éclairer les juges, puis de les convaincre d'utiliser le
bracelet.
Même chose,
d'ailleurs, pour votre recommandation n° 1 :
avoir une évaluation du risque avec un outil spécifique à la violence
conjugale, ça aussi, on est en train de le faire, puis c'est exactement ce qui
va se produire. Il existe déjà une grille d'analyse, de toute façon, tant pour
les agents de services correctionnels que pour les agents de probation qui font
cette évaluation-là. Mais on aurait effectivement cet outil-là, spécifique.
Puis, là-dessus...
C'est parce que vos recommandations sont vraiment bonnes. Je suis supposée vous
poser des questions, mais j'ai plus envie de renforcer ce que vous nous dites
parce que... Là, c'est la 1 et la 2 que je viens d'aborder, de mémoire, là.
C'est ça. Mais donc la n° 3, là, le fédéral, c'est
très important, ça aussi, parce que ce qu'on fait ici... Nous, on a juste
juridiction sur les peines de deux ans moins un jour. C'est déjà un bon début,
mais il y a des peines importantes qui se donnent au fédéral, et là, nous, il
faut, je pense, multiplier les voix, là, auprès du gouvernement fédéral pour
les convaincre d'essayer de faire la même... pas d'essayer, mais...
c'est-à-dire essayer de les convaincre de faire la même chose à leur niveau. Ça
fait que, si vous voulez ajouter votre voix à la nôtre... Et j'invite mes
collègues des oppositions aussi à le faire. Je sais que l'opposition officielle
est assez proche du parti qui forme actuellement le gouvernement au fédéral, ça
fait que peut-être utiliser ces liens-là, privilégiés, pour les convaincre
d'emboîter le pas au Québec, parce que c'est sûr que, là, bon, c'est une partie
des peines, mais ce n'est pas tout, mais c'est un excellent début.
Et il y a d'autres
recommandations... En tout cas, je ne veux pas faire le tour pour ne pas
prendre trop de temps parce que j'aurais une autre question, qui est peut-être
un angle un peu bizarre, puis sentez-vous bien à l'aise de ne pas répondre,
mais, en même temps, vous voyez tellement passer de gens, vous êtes là-dedans
depuis tellement longtemps que... Quand on regarde ce qui s'est fait dans les
autres pays, un des avantages qui a découlé, quand je regarde le rapport des
chercheurs, c'est la réduction de la récidive puis la réduction du nombre de
bris de conditions par les auteurs de violence conjugale. Ça fait que je sais
que vous ne traitez pas directement avec les contrevenants, mais, si ça a bien fonctionné dans d'autres pays,
moi, je me dis aussi ici... parce que vous dites : Ça prend un périmètre
adapté, des fois, il peut y avoir des délais, et tout ça, mais moi, je fonde
aussi de l'espoir sur le fait que... sachant qu'il risque d'avoir un bracelet,
puis après ça, au moment où il s'est fait effectivement imposer le bracelet,
l'homme lui-même va peut-être moins oser commettre le geste. Est-ce que vous
pensez qu'il est raisonnable de croire que ça pourrait se produire ici aussi
comme ça s'est produit ailleurs? Compte tenu de ce que vous savez, parce que,
c'est sûr, vous, vous avez les récits, là, personnels de chaque femme, l'homme
qui revient tout le temps, puis tout ça, qui les pourchasse, pensez-vous que ça
peut fonctionner puis que ça peut en dissuader, des hommes?
Mme Riendeau
(Louise) : Je peux commencer, puis tu pourras y aller, Chantal. Bien,
écoutez, c'est l'espoir qu'on fonde, nous
aussi. Mais, quand on travaille en évaluation des risques, là, il y a... comme
on l'a dit, il y a différents modèles au Québec. Un des facteurs de
risque qu'on évalue, c'est : Est-ce que ce contrevenant-là a, jusqu'à
maintenant, respecté les interdictions qui ont pu lui être imposées par la
conjointe, mais aussi par les tribunaux? Et évidemment un certain nombre
d'entre eux ne les ont pas respectées, et ça fait souvent d'eux des conjoints
qui sont plus dangereux qu'un autre conjoint. Donc, il faudra voir comment le
mécanisme... quel effet il a.
Il faut voir que dans
d'autres pays où on a eu des beaux succès avec les bracelets
antirapprochements, ce n'est pas la seule mesure. Si on regarde en Espagne,
chaque victime, et je ne pense pas qu'on aille vers ça ici, là, mais chaque
victime qui bénéficie de ce mécanisme de protection là est pairée avec un
policier qui la connaît bien, qui sait s'il y a des changements dans sa vie qui
peuvent augmenter les risques, un nouveau conjoint, si le conjoint lui-même vit
des changements qui pourraient augmenter les risques. Donc, cette personne-là
peut exercer aussi une vigilance en plus de la technologie et proposer d'autres
moyens de protection.
Donc, il faudra voir
si le bracelet lui-même nous amènera le succès qu'on espère ou s'il faudra,
avec les cellules d'intervention rapide et avec d'autres mécanismes, ajouter
des moyens. Je ne sais pas si, Chantal, tu veux ajouter autre chose.
Mme Arseneault
(Chantal) : Bien, effectivement, je pense qu'une mesure seule, c'est
bon, mais ce n'est pas excellent. Puis je pense qu'en matière de violence
conjugale il faut viser l'excellence parce que c'est la sécurité des femmes et des enfants qui sont en jeu. Donc,
effectivement, le bracelet, c'est important. C'est important de réseauter
les femmes. Ça a un effet certainement dissuasif, moi, ça, j'y crois, là, sur
les auteurs.
En même temps, ce
n'est pas la seule voie. On a des situations de femmes où les conjoints sont
très fortunés, hein — la
violence conjugale n'a pas de préjugé par rapport à la pauvreté — et
qui paient d'autres personnes pour aller faire les actes criminels ou atteindre
à la sécurité de la femme. Donc, il faut avoir une vision plus large. Mais
est-ce que ce serait un effet dissuasif? Moi, j'en suis certaine.
Mme
Guilbault : Puis... Oui, puis vous dites... vous donnez
l'exemple où ils sont pairés avec des policiers. Nous, ce qu'on se propose de
faire ici, c'est d'avoir vraiment cet accompagnement-là, des victimes, par nos
services correctionnels. L'argent qu'on a annoncé quand on a fait l'annonce, le
41 millions, ça sert, entre autres, à embaucher 27 personnes aux
services correctionnels, dont 24 agents de probation, puis ces gens-là
vont avoir, entre autres, le mandat,
évidemment... coordonner, puis déployer, puis mettre en oeuvre l'implantation
du bracelet, mais, entre autres, d'accompagner les victimes.
Puis ça amène le point de la formation que vous
avez soulevé, qui est très pertinent, tu sais. Puis on est en train d'installer
ça ici, ça fait que ça va être nouveau pour tout le monde. Ça va être nouveau
pour la magistrature, ça va être nouveau pour la
commission des libérations, ça va être nouveau pour les services
correctionnels, ça va être nouveau pour les établissements de détention, ça
fait que ça va être une formation qui va être nécessaire. Puis on est en train,
en ce moment — je
vous dis ça parce que ça répond aussi à des points que vous avez soulevés — d'élaborer
les protocoles entre tous ces intervenants-là pour s'assurer, justement, qu'on
soutient adéquatement les victimes, que tout
le monde comprend, évidemment, comment ça fonctionne, qu'est-ce qu'il y a à
faire, et tout ça, que tout le monde... que les gens sont capables de rassurer
puis d'expliquer adéquatement aux victimes comment ça va fonctionner,
quels sont leurs recours, puis toute la question de la couverture policière, les
délais d'intervention.
Là, on est en
appel d'offres pour le choix du fournisseur. C'est sûr que, quand le
fournisseur va être déterminé, on aura des réponses aux questions plus
d'intendance que vous avez soulevées, là, sur qui va appeler puis comment ça va
fonctionner. Donc, ça, on aura ces réponses-là. Mais tout ça est en train de
s'élaborer, de s'arrimer. Et d'ailleurs vous allez être consultées
éventuellement, là, le moment venu, quand on va être à fixer ces protocoles-là,
parce que vous avez une expertise,
assurément. On avait Femmes autochtones du Québec hier aussi, puis c'est
certain qu'on va les consulter, parce que... évidemment pour les communautés
autochtones. Donc, ça, très intéressant, sur la formation.
Est-ce que vous considérez... Puis vous avez
parlé des cellules d'intervention rapide. Ça, c'est très, très important aussi,
là. On avait fait une annonce sur les cellules d'intervention rapide l'an
dernier. On a ajouté de l'argent pour en avoir dans plus de régions parce qu'on
en avait juste huit. Là, je ne sais pas si on... Ma collègue... C'est ma
collègue de la Condition féminine. Mais... Je ne sais pas on est rendus à
combien, mais ça, ça fonctionne très bien. Est-ce que, justement, si on prend
une région où on a une cellule d'intervention rapide fonctionnelle, où on a...
Puis on a mis de l'argent aussi pour avoir des ressources dédiées dans nos
corps de police.
Ça fait que prenons Québec. Justement, ça va
commencer à Québec, tu sais. Avec une cellule, avec des projets en violence
conjugale dans notre corps de police, avec nos services correctionnels qui vont
être adéquatement formés, et tout ça, est-ce que vous pensez que les conditions
gagnantes, du moins en théorie, dans notre planification, nous semblent réunies pour que ça fonctionne, notamment
en termes de soutien des victimes puis d'accompagnement adéquat des
victimes?
Mme Riendeau (Louise) : Moi, je vous
dirais que ce qu'il faut qu'on regarde, si on veut que ça marche, c'est
effectivement de former les gens. Et c'est un défi dans le système judiciaire
et correctionnel parce qu'on travaille d'habitude avec des événements, avec des
actes criminels. En violence conjugale, on peut avoir des conjoints qui sont
très dangereux et qui n'ont jamais commis d'acte criminel. Donc, il faut dépister
ces situations-là. Il faut avoir les yeux grands ouverts pour être capable de
dire : Ah! il y a toutes sortes de tactiques de contrôle dans cette
situation-là. Il n'y a peut-être pas matière à porter plainte, mais il peut y
avoir du danger. Parce que si personne ne les signale, ces situations-là, bien,
les cellules d'intervention rapide, elles ne servent à rien. Ça se met en
branle quand un intervenant a levé la main
et a dit : Eh! ici, j'ai une situation qui est dangereuse, je n'arriverai
pas à sécuriser la situation tout seul. Pouvons-nous se mettre ensemble
pour le faire? Ça fait que ça, je pense que c'est important.
L'autre chose, vous parlez de la formation des
agents de probation, c'est aussi essentiel. Le meilleur filet de sécurité, le
meilleur scénario de protection pour une femme, c'est celui avec lequel elle
est confortable. On peut faire toutes sortes de magnifiques plans, si la femme
n'est pas prête à les mettre en application, on n'aura pas de succès. Donc, ces éléments-là, je pense, au niveau de la
formation, d'une meilleure connaissance de la dynamique de la violence
conjugale, d'une meilleure connaissance des impacts que la violence a eus sur
les femmes au fil du temps — on
sait que ça s'étire sur longtemps dans le temps, que c'est plusieurs événements
qui amènent les femmes à douter d'elles-mêmes, à se sentir responsables — donc,
tout ça, il faut que les intervenants en soient conscients.
• (12 h 40) •
Le Président (M.
Bachand) : Une minute, Mme la ministre.
Mme Guilbault :
Il me reste une minute? Bien, je vais aborder un dernier point que vous avez
dit aussi : les intervenants pourraient contester le bracelet... les
contrevenants, enfin, les gens qui se le font imposer pourraient contester le
bracelet. Bien, simplement pour répondre à ça, c'est exactement pour ça qu'on a
le projet de loi, le microprojet de loi
qu'on a en ce moment, les trois articles, pour venir prévoir expressément qu'on
a le droit d'imposer des bracelets aux gens. Donc, s'il y a des gens qui nous
écoutent, qui se demandent encore pourquoi on fait ce projet de loi là, on en a besoin pour diminuer les risques
de contestation puis avoir les coudées parfaitement franches pour enfin
pouvoir imposer le bracelet aux auteurs de violence conjugale. Jamais aux
victimes, évidemment. Ça va toujours prendre le consentement. Merci beaucoup,
mesdames. Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de
Vimont, s'il vous plaît.
M. Rousselle : Bonjour. Merci
beaucoup, mesdames, d'être là. Merci. D'ailleurs, j'ai lu votre mémoire, puis merci de la rapidité, parce qu'on ne vous a pas
laissé beaucoup de temps non plus. Donc, merci de votre... Vous avez...
Vous êtes vraiment opérationnelles.
Je vous écoutais tantôt, vous parlez de vision
globale, justement, puis d'excellence. Effectivement, je pense que c'est ça
qu'il faut viser si on veut que ça fonctionne.
Je remarque aussi que le bracelet
antirapprochement, c'est la 84e recommandation de Rebâtir la confiance.
Et, quand que je regarde ça, toutes les
autres avant, je me pose la question, puis c'est... vous allez me répondre. Une
femme qui va porter plainte, qui va aller vous voir, donc, je veux dire,
il y a un cheminement, parce que ça fait peut-être deux,
cinq ans et même 10 ans qu'elle vit dans la violence. On s'entend, elle
est brisée, elle a été contrôlée par quelqu'un, totalement, donc il faut
vraiment lui donner un soutien, un support. Il faut vraiment lui donner
quelqu'un.
Dites-moi donc :
Est ce que vous avez les... Puis j'aimerais ça que vous me donniez les services
qu'ils ont. Est-ce qu'ils ont un service au niveau d'aide psychologique? Est-ce
qu'il y a un service au niveau d'aide... au niveau familial? Parce que vous
l'avez mentionné, je l'ai vu dans votre rapport, d'ailleurs, qu'il y a des
enfants là-dedans. J'aimerais ça, parce que... entre la plainte, que ça a pris
du temps pour le faire, parce que le courage qu'elle a pris... et le moment
qu'elle va passer à la cour, il se passe quoi là-dedans? Parce que, bien
souvent, il faut qu'ils sortent de la maison. C'est eux... Remarquez bien, aïe!
c'est eux autres, les victimes, puis il faut qu'elles sortent de la maison. Tu
sais, c'est comme incompréhensible, mais «anyway». J'aimerais ça, vous entendre
là-dessus, voir, ces femmes-là, elles ont quoi comme soutien, elles ont quoi
comme support pour justement... Parce qu'on veut toujours qu'elles s'en aillent
vers la cour puis qu'elles s'en aillent vers... pour le bracelet. Moi, pour
arriver au bracelet, je pense qu'il y a bien des étapes avant. Donc, je
voudrais vous entendre là-dessus.
Mme Arseneault
(Chantal) : Bien, en fait, je peux peut-être y aller avec les
services. Quand les femmes nous appellent... puis, bon, effectivement que
certaines ont porté plainte, d'autres pas, mais nous, on offre des services à
toutes les femmes, bien, effectivement, il y a de l'accompagnement dans toutes
les démarches. On prépare les femmes à porter plainte. On les accompagne. C'est
générateur de beaucoup de stress. C'est de l'imprévu. C'est de l'inconnu. Donc,
on y va avec elles pas à pas là-dedans. On a des intervenants tant en
hébergement que sans hébergement. Donc, même si une femme n'a pas besoin
d'hébergement et qu'elle veut être accompagnée comme ça, on va le faire aussi.
Comme vous le dites,
effectivement, là, il y a un moment entre les deux où, s'il elle quitte le
conjoint violent, effectivement, elle a besoin de se relocaliser aussi, donc il
y a toutes les démarches de logement. Nous, on voit les femmes dans leur
globalité, donc on les accompagne aussi au tribunal de la famille, les
divorces, les séparations, garde d'enfant. Si la DPJ est dans leur vie, les
mamans et les enfants, on les accompagne aussi, on les informe. Donc... Puis on
a une intervention vraiment tout adaptée pour les enfants à l'intérieur de nos
maisons, que ce soit dans les maisons ou en service externe. Ça fait qu'on la
prend, on la prend par la main, puis on l'accompagne jusqu'à la toute fin de l'ensemble des procédures. Donc,
on l'accompagne aussi au moment des rencontres avec les procureurs. Des
fois, on ne rentre pas avec les procureurs, mais on est là, alentour d'elle. On
la prépare à ces rencontres-là. On lui
explique comment ça se passe à la cour aussi, et on facilite aussi les liens
avec les différents acteurs, là, les policiers, les procureurs du DPCP,
et tout ça. Donc...
Puis je pense que ce
qui est important qu'on ait à la vue d'un bracelet électronique
antirapprochement dans les conditions qui seront imposées, c'est justement de
ne jamais oublier de réseauter les femmes avec nos maisons d'aide et
d'hébergement, parce que de porter un dispositif aussi sur elle peut générer
une certaine hypervigilance, surtout au
début. Donc, plus elle va être réseautée, accompagnée, entendue, écoutée, on
est des services 24/7, donc plus, je pense, elle va sentir la paix
d'esprit, effectivement.
Mme Riendeau
(Louise) : J'ajouterais... Vous avez parlé de Rebâtir la confiance,
qui a donné lieu, justement, à l'adoption du
projet de loi n° 92 qui va créer le tribunal spécialisé. Et nous, on pense que
c'est l'occasion pour encore plus réseauter les victimes avec des
ressources comme les nôtres, qui sont là, comme Chantal l'a dit, 24 heures
par jour, sept jours par semaine, qui peuvent accueillir les femmes à n'importe
quel moment, qui peuvent aussi utiliser le
fait qu'on voit beaucoup de femmes, et, entre elles, ces femmes-là peuvent
s'aider. Ça leur permet de voir qu'elles ne sont pas seules à avoir vécu
ça et qu'elles ne sont pas responsables de la violence qu'elles ont vécue.
Le
Président (M. Bachand) : M. le député de Vimont.
M.
Rousselle : Merci.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée de
Verdun, s'il vous plaît.
Mme
Melançon : Merci beaucoup, M. le Président. Mme Riendeau,
Mme Arseneault, ça me fait plaisir de vous
revoir. Vous posez d'excellentes questions à l'intérieur du mémoire, et c'est
le genre de questions et de réponses qu'on va tenter d'obtenir, bien
sûr, lorsqu'on sera rendus dans l'article par article.
Il
y a deux choses qui m'ont frappée. Mme Arseneault, vous avez dit tout à
l'heure : Les policiers n'enregistrent pas toujours toutes les
plaintes, des plaintes qui peuvent être déposées préalablement avant la
judiciarisation, donc, de l'individu.
Pouvez-vous nous en parler juste un peu plus? Parce que, moi, la... Puis vous
le savez, là, quand on a travaillé ensemble
sur Rebâtir la confiance, notamment, on a parlé beaucoup, beaucoup de la
formation, formation des policiers qui va être nécessaire, et d'autant
plus nécessaire dans ce cadre-là.
Et
je fais une parenthèse à ma propre question, M. le Président, à ce moment-ci.
Moi, j'ai habité sur la Côte-Nord.
Je
le sais, à quel point le territoire est vaste, il est grand, et c'est la Sûreté du Québec qui dessert le territoire. Et, à partir du moment où il y a un
véhicule autopatrouille sur un très, très grand territoire, la journée où ça va
sonner, la femme, il ne faut pas,
justement... Vous parlez du faux sentiment de sécurité, là. Moi, ça, je le
partage avec vous. Puis je trouve ça intéressant que nous puissions mettre...
que votre demande de dire : On doit tester ça aussi sur des territoires
où il y a de grands territoires qui sont
vastes et où la couverture policière n'est pas toujours... n'est pas toujours
en grand nombre, là, en fait de
voitures. Alors, je veux juste que vous puissiez m'éclairer,
Mme Arseneault, sur les policiers qui n'enregistrent pas toujours
les plaintes, s'il vous plaît.
Mme Arseneault
(Chantal) : Bien, en fait, ce que je mentionnais, c'est pour... la
violence conjugale, ce n'est pas si simple.
On peut mélanger ça avec des conflits, des chicanes, et tout ça. Donc, pour
bien savoir... Les policiers arrivent dans des situations où c'est... où il y a
une... Je m'excuse, c'est qu'il y a beaucoup d'échos en arrière de moi.
Ah! merci. Je m'entendais difficilement. Désolée.
C'est ça, les policiers, quand ils arrivent sur
une situation de violence conjugale, c'est souvent une situation où c'est
critique. On sait, les conjoints, les auteurs de violences ont aussi beaucoup
de stratégies pour maintenir le contrôle et souvent bien paraître auprès des
policiers. Donc, c'est des fois difficile pour les policiers de bien cibler qui
est l'agresseur, qui est la victime avec tous les propos qui lui sont soutenus,
d'où l'importance de bien être capable de distinguer c'est quoi, une chicane de
couple, puis c'est quoi, de la violence conjugale. Il y a des critères qu'on a
établis dans les maisons d'aide et d'hébergement, qu'on peut former les
policiers. C'est assez simple, mais... Et c'est de là, je pense, que vient la
base de la difficulté, des fois au niveau des femmes, à porter plainte.
Il y a aussi... Tu sais, on parle beaucoup de
contrôle coercitif. Il y a beaucoup de choses qui sont du contrôle qui ne sont
pas matière à acte criminel. Mais, quand je faisais appel, tantôt, à la
vigilance des intervenants, même s'il n'y a pas acte criminel, je pense qu'il ne
faut jamais oublier qu'il faut réseauter ces femmes-là, parce que ça ne veut
pas dire que le niveau de danger n'est pas important, que le niveau de risque
n'est pas important. Donc, c'est pour ça qu'effectivement la formation est très
importante.
• (12 h 50) •
Mme
Melançon : Et le bracelet, vous le disiez tout à l'heure, là,
ne doit pas remplacer, justement, la vigilance des professionnels, mais elle ne
doit pas remplacer non plus la détention, hein, qui demeure, je pense, le
meilleur outil pour la femme à pouvoir se déposer un peu la nuit pour
pouvoir dormir un peu, là, après des gestes violents.
J'ai beaucoup aimé votre recommandation 8
aussi, que vous puissiez faire partie de l'évaluation projet pilote. Moi, j'ai un souci avec les projets pilotes. Vous
m'avez déjà entendue sur le sujet, notamment avec les tribunaux spécialisés,
à savoir... parce que, malheureusement, il y a beaucoup de projets pilotes,
actuellement, avec l'actuel gouvernement. Je
ne suis pas toujours contre, au contraire, mais, à partir du moment où il y
aura des projets pilotes pour les tribunaux spécialisés et il y aura des projets pilotes pour l'insertion du
bracelet, je trouve que les victimes de violence conjugale, selon là où
elles sont agressées, n'auront pas le droit au même accompagnement, au même
support, à la même paix d'esprit, je vais
aller jusque-là. J'aimerais vous entendre là-dessus et j'aimerais vous entendre
sur le fait qu'il n'y aura que 500 bracelets mis en circulation.
Mme Riendeau (Louise) : Bien, écoutez,
sur la question du projet pilote, nous, notre souci est toujours de... Il faut
faire des choses, certes, mais il faut les faire bien pour atteindre les
objectifs qu'on a. Donc, des fois, à vouloir aller trop vite, on escamote des
problèmes et on escamote des besoins des victimes. Alors, ça ne veut pas dire
que ça prend des projets pilotes qui durent
cinq ans, mais il faut se donner les moyens d'évaluer ce qu'on fait, de
voir : Est-ce qu'il y a des
angles morts? Est-ce qu'il faut faire les choses différemment? Alors, c'est
pour ça que nous, on disait : Il faut... Tu sais, là, ça commence à
Québec. C'est une région urbaine. Il y a toutes sortes de conditions gagnantes
qui sont là. Est-ce que ces conditions-là sont là ailleurs aussi? Et sinon, que
faut-il faire pour que toutes les citoyennes du Québec aient la même
protection?
Alors, c'est dans ce sens-là où on en est puis
c'est la même logique qu'on avait par rapport au tribunal spécialisé. Bon, je
pense qu'on a trouvé un moyen terme, les projets pilotes ne vont pas s'étirer
dans le temps. Et moi, je vous dirais qu'à
l'heure actuelle, pour être au comité, à la table nationale, pour la mise en
place des projets pilotes, ça va vite, et, des fois, on a l'impression
que ça va trop vite. Alors, il faut s'assurer, vraiment, qu'on fait les choses
bien. On joue avec la vie des gens dans des situations de violence conjugale.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de
Laurier-Dorion, s'il vous plaît.
M. Fontecilla : Merci beaucoup, M.
le Président. Bonjour, mesdames. On sait qu'il y a plusieurs victimes de violence conjugale qui peuvent être réticentes,
pour différentes raisons, à tort ou à raison, pour l'utilisation des bracelets
antirapprochement, là. Comment pourriez-vous... Quelle stratégie pourrait-on
utiliser pour favoriser le consentement des victimes, là, pour l'utilisation du
bracelet antirapprochement?
Mme Arseneault (Chantal) : Bien, je
pense qu'il faut procéder avec les femmes victimes comme... leur permettre d'avoir
toutes les informations en main. Elles ne savent pas c'est quoi, hein? Puis
même nous, des fois, on se questionne puis on... Pour l'avoir vécu à Laval, on
a posé beaucoup de questions à l'organisation qui déployait... c'était un
bracelet électronique. Mais la victime, elle, il n'y a pas personne qui l'a
appelée pour lui dire : Voici c'est quoi, voici comment ça va se passer,
voici ce qu'on te donne comme possibilité. Puis moi, je me dis : À partir
du moment où on donne toutes les informations à la femme, bien, c'est elle qui
est la mieux placée, au bout de la ligne, pour faire son choix.
Donc, effectivement, si elle ne va pas en ce
sens-là, qu'est-ce qu'on peut faire avec elle autrement pour trouver d'autres
scénarios de sécurité et toujours continuer de l'accompagner? Si on
l'accompagne toujours puis qu'il y a des récidives de l'auteur de violence,
peut-être qu'à la prochaine étape, si on ne l'a pas échappée, elle l'acceptera,
le bracelet antirapprochement.
Donc, l'important, c'est d'accompagner les
victimes et de ne pas les contraindre à des mesures, tout en restant présentes
pour assurer le plus de sécurité possible. Si elle ne fait pas partie de la
solution, si ce n'est pas elle qui choisit, bien, je pense qu'on fait
sincèrement fausse route.
M. Fontecilla : Vous
mentionnez et vous mettez beaucoup d'emphase sur l'utilisation d'outils
d'évaluation spécifique à la violence conjugale, là. Est-ce que vous croyez que
la parole des victimes est bien représentée, est bien utilisée dans ces évaluations-là?
Le Président (M.
Bachand) : Mme Riendeau ou Mme Arseneault?
Mme Riendeau (Louise) : Je peux y
aller. Je peux y aller. Écoutez, oui, c'est essentiel. En fait, l'expérience qu'on a dans les maisons d'hébergement, c'est
souvent par les victimes qu'on va apprendre les informations nécessaires pour
vérifier les indicateurs de risque. On le sait, les contrevenants ne vont pas
nécessairement dévoiler tout ce qu'ils ont fait, dans quel état d'esprit
ils sont, mais la victime peut nous en apprendre beaucoup. Et donc c'est pour
ça que c'est essentiel que des intervenants qui travaillent avec les victimes
puissent être entendus, puissent aider les femmes à se faire entendre dans ces
processus-là pour que les évaluations soient justes et tiennent compte de
l'ensemble de l'histoire. Parce que ce qui est important en violence conjugale,
c'est de regarder l'histoire de violence dans ce couple-là. On ne peut pas
s'arrêter à un événement ou à deux événements.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Mme Riendeau,
Mme Arseneault, merci beaucoup d'avoir été avec nous. On se dit à la
prochaine, et vous faites un travail exceptionnel. Merci beaucoup.
Sur ce, la commission, ayant accompli son
mandat, ajourne ses travaux sine die. Merci beaucoup. À bientôt.
(Fin de la séance à 12 h 56)