(Onze heures quarante-cinq minutes)
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Bon
matin. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des
institutions ouverte.
La commission est réunie afin de poursuivre les
auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet
de loi n° 2, Loi portant sur la réforme du droit de
la famille en matière de filiation et modifiant le Code civil en matière de
droits de la personnalité et d'état civil.
Avant de débuter, Mme la secrétaire, y a-t-il
des remplacements?
La Secrétaire : Oui, M. le
Président. Mme Weil, Notre-Dame-de-Grâce, est remplacée par Mme Maccarone (Westmount—Saint-Louis) et M. Zannetti (Jean-Lesage) est remplacé par Mme Massé (Sainte-Marie—Saint-Jacques).
Auditions (suite)
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Ce matin, nous
entendrons la professeure Annie Pullen Sansfaçon de l'École de travail social
de l'Université de Montréal. Mais, d'abord, nous allons commencer avec les gens
de l'Aide aux trans du Québec.
Merci beaucoup d'être avec nous aujourd'hui.
Alors, je vous inviterais d'abord à vous présenter, à faire votre exposé de
10 minutes, et après ça nous aurons un échange avec les membres de la
commission. Alors, merci beaucoup d'être encore ici avec nous ce matin. Merci.
Aide aux trans du Québec (ATQ)
Mme Grenier (Marie-Michelle) : Merci
M. le Président de l'assemblée. Alors, je veux juste vous dire que, si jamais
je vous appelle M. le juge ou Votre Honneur, ne prenez pas ça mal. Je suis un
petit peu habitué, ça arrive fréquemment qu'on change de cour. Alors, bien
entendu, bonjour, M. le ministre de la Justice. Merci pour votre accueil ce
matin. Mme Massé, Mme Maccarone, on s'est vues à quelques reprises,
c'est un plaisir de vous revoir ici ce matin. Alors, bonjour à vous tous, là, à
cette belle assemblée.
D'abord, un gros merci de donner l'opportunité,
là, à l'Aide aux trans du Québec de pouvoir s'adresser à vous ce matin. Alors,
mon nom, moi, je m'appelle Marie-Michelle Grenier, je suis avocate aussi et je
vous donnerai plus de détails là-dessus.
Mais je suis Mme Marie-Michelle Grenier depuis le 10 avril 2020, soit, là,
je vous dirais, là, quelques jours,
là, après ma chirurgie. Je vais y revenir parce que je pense que c'est un
sujet, là, qui n'a pas été traité par les autres membres, là, qui sont passés devant vous. Il y aura peut-être des
petites choses qui pourraient être dites là-dessus.
Alors, comme je l'ai mentionné, là, je suis
présidente de l'ATQ depuis le 2 août 2020. C'est un... ça m'a été remis, je vous dirais, là, par l'ancien président,
en me disant, là, que ça n'allait pas être trop, trop compliqué, que
j'allais avoir une période d'apprentissage un peu plus longue. Alors, merci,
M. Barrette, vous m'avez aidée à aller un petit peu plus vite dans mon
apprentissage. Mais je vous dirais que les remerciements s'arrêtent là parce
que je vous dirais que le projet de loi, bien entendu, a causé, là, beaucoup
d'émoi, là, dans notre communauté.
Alors, juste pour vous donner une petite idée de
qui je suis, alors je suis une avocate membre du tableau de l'ordre du Barreau
depuis 1995, mais je m'amuse à dire que je suis avocate... avocate du Barreau
depuis 2020. Un petit merci, là, au Barreau du Québec. Je pense qu'il a été
entendu, déjà, par la commission. Le changement de nom, pour moi, et de la
mention du sexe, au Barreau du Québec, s'est fait gratuitement et dans l'espace
d'une trentaine de minutes. Alors, j'ai beaucoup de reconnaissance, là, pour ce
que ma corporation professionnelle a fait pour moi.
Alors, moi, de mon côté, je pratique
essentiellement en droit criminel et pénal, alors je suis un petit peu limitée
quant au droit. Vous allez voir, il y a d'autres organismes communautaires qui
sont passés devant moi qui vous ont parlé des droits. Ce n'est pas notre
intention ce matin. Alors, je travaille essentiellement avec les autochtones
cris du Nord et je demeure à Amos, même si je suis originaire de Québec. Alors,
présentement, vous avez... Et c'est bien reçu, c'est bien reçu par la
communauté juridique du Nord. Je ne m'y attendais pas. Je croyais devoir
partir, mais, fort heureusement, là, à Amos, il y a une madame transgenre
avocate, à Amos, qui travaille, et c'est
très bien reçu. Ça a été bien reçu aussi par la magistrature et aussi... aussi
par vos... par les substituts du Procureur général, là, du DPCP aussi,
là, qui m'ont accueillie avec beaucoup de gentillesse, et je peux travailler
avec sérénité.
Je suis accompagnée aujourd'hui avec M. Julien
Leroux-Richardson. Julien est avec l'ATQ depuis 7 ans. Il est intervenant
psychosocial. C'est un répondant de première ligne puis en situation d'urgence.
Il fait ça depuis sept années. Alors, Julien va être capable de vous... il est
aussi un ancien président, va être capable, là, de vous répondre. Il a, lui,
l'équivalent de 12 000 interventions actives, là, avec l'ATQ. Ça arrive
à n'importe quelle heure de la journée. Julien est un gars de terrain, comme on
peut dire.
Un
petit mot sur l'organisme. L'Aide aux trans du Québec, c'est un organisme
communautaire qui soutient le développement personnel, professionnel et
psychologique avant, pendant et après les parcours transitoires à des personnes
issues des communautés de la pluralité de genre. C'est un organisme qui
fonctionne depuis 1980, et alors ça fait
déjà plus de 41 ans, là, qu'il y a des personnes, là, qui sont dans le milieu
communautaire, dans notre organisme, qui aident les personnes trans, là,
comme je vous dirais, sur le plancher.
Alors on possède, là,
une ligne d'écoute, d'intervention, ligne de référence pour les professionnels
en milieu de santé et de l'éducation. Puis ces personnes-là, là, qui souhaitent
obtenir des renseignements supplémentaires, Julien va vous en parler plus
longuement, peuvent communiquer, là, avec notre organisme, ils vont recevoir,
là, des renseignements, là, 24 heures sur 24. On offre des formations
aussi, là, et le but étant, bien évidemment, là, de sensibiliser et d'éduquer
la population en général.
• (11 h 50) •
On a aussi un
organisme... un programme d'aide, là, d'urgence et de distribution d'aide
alimentaire. On aide aussi les personnes qui sont les moins bien nanties de
notre communauté, là, en les aidant financièrement avec... et tout ça, je vous
dirais, là, vient des dons, là, du public. Notamment, là, pour les demandes de
changement de nom et de la mention du sexe, on intervient énormément, là, de ce
côté-là.
Alors, comme vous le
savez, là, tous les organismes communautaires... les organismes communautaires,
l'ATQ, là, qui est déjà sous financée, je vous dirais, à beaucoup de niveaux,
souffre beaucoup, là, depuis l'annonce, là, du projet n° 2.
Julien, va aussi vous en parler davantage. Présentement, il y a une bonne
partie de nos ressources financières qui sont détournées pour contester,
justement, les mesures, là, qui sont présentement en vigueur. Je vous dirais
que nos travailleurs permanents, là, qui oeuvrent sur le terrain sont
présentement, là, actuellement, à faire d'autres tâches, puis notamment, là,
intervenir, là, suite aux répercussions, certaines répercussions néfastes, là,
dues au projet de loi, suite au dépôt du projet de loi n° 2.
On a quelques employés, là, sur le terrain qui sont aussi, là, je vous dirais,
là, sous-payés, beaucoup plus que la majorité des gens.
Alors, on vous dit
immédiatement qu'on n'a pas l'intention, là, d'intervenir sur les droits. L'ATQ
a la même position, là, que la majorité, là, des personnes qui ont passé devant
vous, là. On souhaite, là, le retrait, là, des modifications de l'article... en
fait, de l'article 71, là, pour qu'on le maintienne comme il était
auparavant, le retrait de l'article 70.001, l'article 73,
l'alinéa trois de l'article 111, l'article 137, ça a déjà été
discuté, les articles 140.1 à 140.6. Alors, on maintient, là... on a la
même position, là, que les autres organismes à ce sujet-là.
Alors, nous, on vous
soumet, là, qu'il est possible, là, je pense, d'appliquer le jugement Moore
sans causer de recul aux droits des membres de la communauté trans qui ont par
le passé requis de longues luttes et litiges avant d'arriver à un point où le
changement de la mention du sexe n'est plus un processus onéreux pour eux.
Alors, on espère sincèrement, là, qu'en mettant l'accent sur des moyens plus
inclusifs d'appliquer le jugement Moore nous pourrions contribuer à faire du
Québec une société plus progressiste.
De mon côté, comme je
vous l'ai mentionné, je vais vous parler un petit peu de ma situation à moi,
puis évidemment, là, je ne serai pas trop longue, là. Alors, moi, je suis en
transition, je suis une madame trans. Normalement, on ne demande pas l'âge
d'une dame, mais je vais vous la dire ici aujourd'hui. Alors, j'ai 57 ans.
J'ai entrepris ma transition, moi, j'en avais 55. Évidemment, j'ai pris cette
décision-là, là, ce n'était pas le fruit d'une lubie, là, ça remontait à mon
adolescence. Puis pourtant, pendant mon adolescence, j'étais loin, là, de
m'identifier comme une petite fille. J'ai eu l'opportunité, là, même, de faire
du sport, là, à un niveau relativement élevé.
Mais, à mon
adolescence, c'était excessivement criant. Alors, quand mes parents, moi, m'ont
pris, là, en surprise, à cette époque-là, j'étais vue comme étant une personne
qui était malade mentale. Alors, c'est comme ça. Et aujourd'hui, et quand je
vois le projet de loi, c'est un petit peu comme ça que je me sens, j'ai
l'impression qu'on retourne à ces années-là. C'est ça, là, moi, qui vient un
peu me toucher. Alors, si on n'a pas de chirurgie, finalement, on n'est pas
normal. Et c'est la vision que j'ai, c'est la vision de plusieurs personnes
trans de mon âge qui ont l'impression, effectivement, de faire un retour en arrière.
Alors, qu'est ce
qu'on dit, peut-être, aux plus jeunes personnes trans aujourd'hui : Bien,
si vous n'avez pas votre chirurgie, est-ce qu'effectivement vous êtes normal?
Est-ce qu'on ne dit pas nécessairement à leurs parents aussi : Si votre
enfant n'a pas la chirurgie, bien, est-ce que vous êtes, peut-être, normal?
Alors, bien évidemment, quant à moi, j'ai l'impression qu'on a un retour en
arrière important relativement avec ça, alors ce qui peut amener, bien
évidemment, des opérations précipitées et des dévoilements ou des
«disclosures», là, excusez le terme anglais, là, je travaille beaucoup en
anglais, là, mais des coming out, là, qui sont un peu forcés.
Quand j'ai consulté
le psychologue, moi, par la suite, bien évidemment, je leur ai demandé de...
bon, écoutez, j'ai été capable de vivre pendant plusieurs années, remettez-moi
droit. Alors, je cherchais une thérapie de conversion. Bien heureusement, le
projet de loi n° 70 a réglé ça. Le gouvernement
canadien aussi l'a réglé. On a une petite crainte de penser peut-être que le
fait qu'on oblige des chirurgies et qu'on puisse revenir vers des demandes plus
pressantes de personnes vers des thérapies de conversion cherchant peut-être à
redevenir des personnes normales, bien, ça semble être bien. Et évidemment on
salue, là, le projet de loi, là, n° 70, qui est en
vigueur. Je pense qu'il a été traité à peu près à pareille date l'année
dernière.
Alors, j'ai
rencontré, moi, une psychologue bienveillante, là, qui m'a dit : Bien là,
écoutez, ça ne marche pas comme ça, là, on peut... Moi, je voulais me faire
remettre droite, là. Elle a dit : Non, non, on ne prend pas une personne
homosexuelle qui a un problème... qui n'a pas un problème, mais qui est
homosexuelle pour la remettre straight, on ne prend pas plus une personne qui a
une dysphorie de genre pour la remettre straight. Je vous dis ça parce
qu'évidemment quand je suis sortie de là on m'a expliqué que je n'aurais plus
besoin de passer une année comme dame et que je pourrais avoir à ce moment-là
le changement de nom et ma mention du sexe, je vous dirais, presque immédiatement, là, au fur et à mesure, là,
dès que je pouvais me sentir... en fin de compte, en suivant mon rythme.
Alors, ce que Julien va
vous dire tout à l'heure, c'est qu'on pense que ça va changer beaucoup la façon
de faire pour les personnes qui interviennent auprès des personnes trans. On
parle des médecins, des sexologues, des psychologues, toutes les personnes qui
interviennent auprès des personnes trans.
J'ai l'impression aussi que, pour certaines
personnes, mais pour tout le monde, on devra faire une demande de changement de
nom, on devra faire aussi une demande de changement de la mention du sexe, mais
cette demande de mention du sexe là devra se faire aussi pendant la période de
convalescence de ces personnes-là. Je peux vous parler en tant que dame parce
que je suis passée, effectivement, par là, la chirurgie; c'est compliqué, ce
n'est pas si simple. C'est deux jours d'hospitalisation, sept jours à
l'Asclépiade. Ce n'est pas nécessairement... ce n'est pas une période facile de
notre vie. Bien entendu, on est heureuse de la faire, puis ça nous rend mieux.
Par la suite, c'est un retour à la maison. Le premier mois, c'est l'équivalent
de six heures de traitement par jour. Alors, on demanderait à ces personnes-là
de faire une deuxième demande de la mention du sexe alors qu'ils sont en
convalescence.
Julien, je pense, tu pourrais nous parler
immédiatement, c'est encore pire sur le côté des hommes trans...
Le
Président (M. Bachand) :
Me Grenier, Me Grenier, je
m'excuse. Déjà... Le temps va très, très rapidement, on est rendus déjà
à la période d'échange avec les membres de la commission. Juste vous rappeler,
sans être trop formaliste, qu'on s'adresse aux membres de la commission par le
titre. Alors donc, je sais que vous vous connaissez, de s'appeler par nos
prénoms, nos noms de famille... Mais normalement les règles de l'Assemblée
nationale, c'est par le titre, sans être trop formaliste. Alors, M. le
ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui. Me Grenier,
M. Leroux-Richardson, bonjour. Merci d'être là aujourd'hui puis de
partager votre expérience, votre témoignage. Premier élément, vous avez
dit : Le fait d'être normal. C'est très clair que le projet de loi... ce
n'est pas à l'État à dire qui est normal, qui n'est pas normal. Tout le monde
est normal. Moi, dans mon esprit, dans l'esprit du gouvernement, chaque
personne, chaque être humain a le droit d'être qui il est, qui il veut, puis
d'être bien, puis d'être heureux dans la vie. Alors, première chose.
Deuxième chose, relativement aux modifications,
aux modifications du projet de loi, l'objectif était de répondre, notamment, au
jugement Moore. J'ai bien entendu les critiques relativement... On essayait de
trouver une solution, une voie de passage. Puis, vous savez, les enjeux, la
façon de rédiger puis la façon d'arriver à la solution pour, justement,
concilier tout ça, pour faire en sorte que tout le monde puisse trouver sa
place, là, notamment à l'intérieur, pour les personnes non binaires, tout ça,
on incluait l'identité de genre, mais j'ai bien entendu puis j'ai dit déjà
qu'on allait retirer ces dispositions-là pour faire en sorte qu'il n'allait pas
y avoir d'obligation de chirurgie rattachée, relativement au changement de
sexe. Donc, ça va être le statu quo relativement à ça, et ça fait en sorte que
les personnes vont pouvoir s'identifier de sexe masculin, de sexe féminin sans
avoir d'opération. Même chose au niveau du coming out forcé, de la façon dont
c'était perçu, je conviens que ça pouvait être perçu de la façon... comme si ça
amenait un dévoilement, puis ce n'est aucunement l'intention de faire en sorte.
La question que j'ai posée aux autres groupes
qui sont venus nous voir, dans le fond, de ce que je comprends, ce qui est
souhaité, c'est que l'identité de genre soit assimilée à la notion de sexe en
gros pour faire en sorte que, justement, la personne, bien, qui exprime un
genre différent, bien, dans le fond, ça va s'exprimer par le sexe et non pas en
termes biologiques, mais vraiment en termes de mode d'expression aussi. Et là
ma sous-question, c'est pour les personnes non binaires, dans le fond : Le
fédéral, avec le passeport, ce qu'il fait, il indique, «masculin», «féminin» ou
«X» pour les non binaires. C'est un peu ça que vous recherchez, vous aussi?
Mme
Grenier (Marie-Michelle) : Je vais laisser mon collègue prendre la parole
aussi, là, si vous le permettez, M. le ministre.
• (12 heures) •
M. Leroux-Richardson (Julien) : Bonjour,
M. le ministre. Bonjour à tous. Pour répondre à votre question, effectivement, on va exactement dans le même sens
que nos collègues chez TransEstrie et chez l'ASTTEQ. Un M puis un F, ce
n'est pas assez, premièrement, pour pouvoir... que chaque personne de la
population québécoise issue de la pluralité de genres puisse autodéterminer son
genre sans être obligée de choisir un genre qui ne leur convient pas, parce
qu'on n'a qu'un M ou un F de proposés actuellement. Proposer une option X, ça
ne convient pas à tout le monde. Comme mes collègues à TransEstrie, on va dans
le même sens : non binaire. Le but, ce n'est pas juste de mettre un X,
comme si quelqu'un serait analphabète et aurait juste un X à signer pour
dire : Voici mon nom, voici ce que je suis. Ce n'est pas ça, le but, là.
Non binaire, on vient mettre un mot, une définition sur l'identité de genre de
quelqu'un. On vient non banaliser et non invalider ce que cette personne est et
comment elle s'autodéfinit en société et comment elle va être reconnue par ses
pairs sociétaires. Et il y a d'autres personnes qui désirent ne pas en mettre,
de mention de sexe ou d'identité de genre. Est-ce que c'est possible pour le
gouvernement? C'est la question qu'on pose, de permettre ces quatre
possibilités-là.
M. Jolin-Barrette : Donc, vous, vous
en êtes notamment sur le vocable, vous voulez qu'il soit inscrit nommément «non
binaire», notamment dans une des propositions que vous faites, là.
M. Leroux-Richardson (Julien) : Effectivement, parce que, bon, si on y va au
niveau de la science médicale, la généticienne suisse Ariane Giacobino
disait que tous les humains sur la planète passaient un test d'ADN demain
matin, jusqu'à 40 % des humains ne seraient déclarés ni homme ni femme,
selon leurs chromosomes et selon leur ADN.
Alors, qui sommes-nous, nous, en tant que société, nous, en tant que
gouvernement, pour venir demander à des personnes
de choisir un M pour un F, sans même savoir ce qu'elles sont réellement au
niveau génétique de la médecine? Et peut-être que même 40 %, jusqu'à
40 % des gens ici aujourd'hui qui passeraient un test d'ADN ne pourraient,
si on y va selon cette analyse de cette généticienne suisse, pouvoir
correspondre à un M ou F sur leur papier identitaire.
Alors là, est-ce que
c'est possible, pour les personnes qui sont dans ce spectre, parce qu'on
s'entend, hein, le genre comme le sexe assigné à la naissance est un spectrum
entre les pôles masculin et féminin, et qu'il y a quand même 40 % de la
population mondiale, selon cette généticienne suisse, qui se trouve entre ces
deux pôles-là, est-ce qu'on peut leur permettre d'écrire «non binaire» ou juste
de retirer complètement ces informations de leur pièce d'identité, qui risquent
probablement de leur causer de la discrimination, de la dysphorie, encore plus
augmenter leur détresse psychologique? Ce n'est pas plus compliqué, là.
M.
Jolin-Barrette : Juste revenir, là, sur ce que vous venez de dire
quand vous dites, là : La population ne peut pas être identifiée comme
masculin, féminin. Qu'est-ce que vous voulez dire, avec la personne à laquelle
vous faites référence, à l'effet que ce
n'est pas clair que les gens sont des hommes ou des femmes ou de laisser la
possibilité aux gens de s'identifier comme non binaire?
M.
Leroux-Richardson (Julien) : Je vous explique. Selon cette
généticienne suisse là, qui a fait des analyses, si tous les humains
passeraient un test ADN, jusqu'à 40 % de la population mondiale serait à
l'intérieur du spectrum qui ne correspondrait pas ni au masculin ni au féminin.
Ça, c'est au niveau scientifique, médical, autant pour les personnes
intersexes, c'est la même chose. On vient forcer de choisir une détermination,
alors qu'on n'a aucune idée de comment que l'enfant va se ressentir ni de quels
sont réellement ses analyses chromosomiques, et c'est la même chose pour nous,
les personnes trans, je veux dire. Et, pour vous, les personnes cisgenres,
c'est la même chose. Si nous, on a une identité de genre ressentie, vous
ressentez votre identité cisgenre et vous avez autant le droit que nous, que
les personnes intersexes et que tout humain en société québécoise, à travers le
monde, de pouvoir choisir et de dire : Voici, sur ma pièce d'identité, si
moi, je veux un M, bien, je veux l'avoir, mon M puis je n'ai pas besoin que quelqu'un
d'autre autre que moi... Qui que moi est le mieux placé pour dire comment je me
sens envers les autres en société? Et c'est la même chose pour une personne non
binaire si cette personne est neutre de genre, ne veut pas avoir un M ou un F,
ou même un non binaire sur sa carte.
M.
Jolin-Barrette : Donc, ça, ça revient à ce qu'on disait tout à
l'heure, au début de l'intervention, c'est d'assimiler l'identité de genre, une
assignation de sexe, mais comme sexe, comme étant un outil d'affirmation et non
pas comme un outil, un processus identificatoire biologique.
M.
Leroux-Richardson (Julien) : Effectivement.
M.
Jolin-Barrette : Une question, vous l'avez abordée, sur les personnes
intersexes. L'objectif du projet de loi avec la disposition, c'est justement
d'éviter de faire en sorte qu'un enfant qui naît avec des organes génitaux
masculins et féminins, que les parents soient obligés de prendre la décision
rapidement, rapidement, rapidement, et que de permettre à l'enfant justement de
pouvoir voir son développement et de faire en sorte de voir comment il est,
comment il est dans son corps, comment il s'associe. Janik Bastien Charlebois
est venu mardi, je crois, et elle nous a indiqué que c'était préférable
d'enlever cette disposition-là du projet de loi et de laisser, dans le fond,
une assignation du sexe, elle a utilisé le mot «assignation temporaire» pour
dire : Bien, écoutez, c'est préférable, notamment pour les parents qui
vivent cette réalité. Ça va venir les sécuriser, notamment dans le processus,
tout ça. Puis là elle dit : Bien,
écoutez, en gros, là, laissez ça comme ça puis continuez de permettre, dans le
fond, le changement d'identification plus tard. Vous êtes à l'aise avec
cette proposition-là?
M.
Leroux-Richardson (Julien) : Tout à fait.
M.
Jolin-Barrette : O.K.
M.
Leroux-Richardson (Julien) : Tout à fait.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Tout à l'heure, vous avez un peu parlé des
traitements médicaux rattachés aux opérations.
Vous avez commencé à dire, c'est une opération qui est quand même éprouvante.
Vous avez dit : Six heures de soins par jour. Après ça, votre
convalescence, combien de temps ça dure?
Mme Grenier (Marie-Michelle) : En
fait, pour ce qui est du côté féminin, c'est, comme je vous dit, deux
jours d'hôpital, sept jours à l'Asclépiade,
où est-ce qu'on est très bien traités. Le premier mois, c'est l'équivalent de
quatre dilatations par jour, ce qui est six heures de temps, si on le
fait, là, comme il le faut, là, pour être sûr que tout est bien stérilisé. Les
mois qui suivent, les deux mois qui suivent, c'est trois par jour, alors on
diminue ça, là, à quatre heures et demie, là, de traitement. Et, pour l'année
qui suit, alors, c'est deux traitements par jour. Ce qui nous donne environ
trois ans. Là, on commence à être un petit plus habitué à ce moment-là, puis
tout est bien organisé, mais c'est effectivement, là... c'est un traitement
éprouvant, là.
M.
Jolin-Barrette : Et il y a beaucoup de gens qui nous ont dit :
Écoutez, la disponibilité, justement, des traitements médicaux associés à ça,
ce n'est pas si disponible que ça non plus pour les gens qui voulaient avoir
l'opération. Est-ce que ça a été difficile?
Mme Grenier (Marie-Michelle) : En
fait, moi, j'ai le bonheur, mais je fais partie des privilégiés, d'avoir une
grande amie, là, qui est partie justement de Québec — moi,
je viens de Québec — qui
est montée me voir à Amos, mais je sais que c'est une grosse problématique, là.
D'ailleurs, l'ATQ, là, on a un service, là, qu'on souhaite mettre en place, là,
pour avoir justement des soins à domicile pour ces personnes-là qui peuvent les
accompagner.
Effectivement, bien, en fait, on était rendus,
nous, à ces combats-là, là, pas nécessairement essayer de rattraper un peu
qu'est-ce qui avait été fait dans le passé. Je vous dis ça bien humblement, là.
Mais ça, ça fait partie, évidemment, des projets, là, qu'on a pour le futur,
notamment à l'ATQ, d'avoir justement des personnes qui puissent accompagner,
parce que ça coûte quand même des sous puis...
M. Leroux-Richardson (Julien) : À
vrai dire, pour continuer sur cette envolée-là...
Mme Grenier (Marie-Michelle) : ...
M. Leroux-Richardson (Julien) : ...il
faut considérer que, selon l'étude Trans PULSE canadienne 2020, c'est 45 %
de nos communautés qui sont diplômées postsecondaire, donc collégial et
universitaire, et, à cause de leur identité de genre, n'arrivent pas à avoir un
emploi selon leurs compétences diplomatiques, de leurs diplômes. Ils ne gagnent
que 15 000 $ brut par année. J'aimerais vous rappeler que le seuil de
pauvreté au Québec est évalué à 23 000 $. Alors, comment voulez-vous
que nos communautés qui sont diplômées, collégiale et universitaire, puissent
se payer des psychothérapeutes au privé, des sexologues au privé pour peut-être
pouvoir un jour aller en chirurgie?
Alors, est ce qu'on vient nous dire : Ah!
on va vous faciliter ça? Ce n'est pas vous qui répondez au téléphone lorsqu'un jeune de nos communautés s'automutile
parce que les parents ne sont pas d'accord, parce qu'ils ne peuvent pas
se payer une lettre de psychothérapeute pour pouvoir changer son nom sans
mention de genre. C'est nous autres qui fait le job. C'est ça, la réalité
plancher en ce moment. Puis, depuis la sortie du p.l. n° 2,
M. le ministre de la Justice, juste pour vous aviser que, comparé à la même
période l'année dernière, on a eu une augmentation de 240 demandes d'aide
d'urgence parce que le monde sont en panique, le monde sont angoissés.
On a des jeunes qui s'automutilent. On a du
monde qui se font sacrer dehors encore plus vite que d'habitude de leur emploi.
Puis j'ai des parents qui m'appellent pour me dire que leurs enfants, les
élèves se font «kicker out», excusez-moi pour l'anglicisme, mais se font
«kicker out» de l'école.
D'ailleurs, si vous voulez demander à votre
collègue, au ministre de la Justice, sa secrétaire, maintenant, quand j'appelle
à son bureau pour pouvoir rejoindre... pour pouvoir «fighter» parce que des
directions d'école sont non inclusives ici,
au Québec, c'est rendu que la secrétaire de M. le ministre de l'Éducation me
répond : Ah! bonjour, M. Leroux. C'est quelle l'école, ce mois
ci, qu'il faut qu'on aille claquer les doigts?
Est-ce que c'est normal? Ce n'est pas normal. Ce
n'est pas normal que des intervenants psychosociaux comme moi et tous mes
collègues que vous avez vus jusqu'à date font des semaines de 70 heures
par semaine, pas payés, pour répondre au travail de première ligne. Parce qu'on
va s'entendre, là, la réalité, c'est que les CIUSSS ne sont pas formés à nos
réalités. Les médecins dans les urgences ne sont pas formés à nos réalités.
Les pharmaciens, on n'en parlera même pas. J'ai
travaillé sept ans en pharmacie. C'est moi qui gérais, comme technicien, les
prescriptions pour les gens de nos communautés parce que les pharmaciens, ils
ne savent pas que c'est normal comme prescription ou pas. On est en 2021. Puis,
si vous me dites qu'on n'a pas de discrimination systémique de transphobie au
Québec, bien, je vais juste vous dire une réalité : le 19 mai 2021
dernier, j'ai accompagné l'un de nos usagers, que je suis depuis sept ans, qui
n'avait plus de famille, âgé de 53 ans, à cause de son identité de genre,
au CHUM, à Montréal, sur son lit de mort, aide médicale à mourir, et, pendant
qu'on lui injectait : Madame, ça va bien aller. On mégenre un patient, on
le discrimine, on a ri de lui pendant six semaines d'hospitalisation à cause de
son identité de genre au lieu de la traiter convenablement sur son lit de mort.
On est en 2021. C'est inacceptable, inacceptable.
Et le projet de loi, qu'est ce que ça vient
dire? Ça vient seulement confirmer à ces professionnels de la santé qu'on a en
ce moment au Québec, qui sont déjà transphobes et discriminant, de continuer le
petit syndrome du bras cassé, comme qu'on appelle dans nos communautés,
de : Ah! excuse-moi, tu as un bras cassé puis tu viens à l'urgence, mais
tu es trans, on ne peut pas te soigner, parce qu'on ne sait pas quoi faire avec
ton bras cassé parce que tu es trans. C'est
ça qu'on se fait dire. C'est ça qu'on se fait dire à tous les jours. Et ce que
le projet de loi vient faire en disant... même si vous nous dites :
Ah! il va y avoir des amendements, excusez-moi de vous le dire, puis ce n'est
pas par manque de politesse, mais nous, tant qu'on les verra pas écrits, ces
amendements-là, nous, tant qu'on ne le voit pas, on ne le croit pas.
Là, on travaille avec le projet de loi tel qu'il
est actuellement, puis ce que ça fait, c'est qu'en ce moment, si je vous
rappelle juste au niveau de la loi des services de santé et services sociaux,
le régime des services de santé et services sociaux, à l'article 1,
stipule qu'ils sont institués par la présente loi... a pour le but de
maintenir... «...et l'amélioration de la capacité physique, [...]psychologique
et sociale des personnes d'agir dans leur milieu et d'accomplir les rôles
qu'elles entendent assumer d'une manière acceptable pour elles-mêmes et pour
les groupes dont elles font partie.»
• (12 h 10) •
Le
Président (M. Bachand) : Je m'excuse, mais
je ne veux pas vous interrompre, mais c'est parce que le temps file, puis le
ministre doit intervenir, puis il reste 1 min 25 s au temps du
ministre. Désolé. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez,
M. Leroux-Richardson, j'entends bien ce que vous nous dites, puis vous exprimez
de la colère et de la frustration en fonction de ce que vous vivez sur le
terrain. Puis je suis conscient également du travail que vous faites sur le
terrain, justement, pour accompagner ces personnes-là qui sont en quête aussi
et qui veulent être reconnues. Puis notre objectif, notamment aussi, c'est du
fait qu'elles puissent être reconnues. Alors, il ne faut pas méprendre le
projet de loi n° 2 sur ses intentions.
Et l'objectif également est de pouvoir tenir la
consultation et justement de pouvoir vous entendre. C'est d'être bien sûr
également qu'avec les modifications que je vais proposer au projet de loi ça
réponde adéquatement à vos commentaires aujourd'hui. Alors, il aurait été
prématuré de déposer des amendements qui feraient en sorte de dire : Bien,
avant de vous avoir entendus... et surtout pour bien cerner l'intention et
d'entendre les différents groupes. Alors, c'est pour ça que je n'ai pas déposé
des amendements, justement pour qu'on fasse le portrait global. Puis vous
apportez des points intéressants, puis ça va participer à notre réflexion pour
voir comment est-ce qu'on va faire la modification législative.
Mais, d'entrée de jeu, vous pouvez rassurer les
membres de la communauté qui vous appellent aussi relativement à l'absence
d'opérations, pour le sexe, relativement aux dispositions pour éviter un coming
out forcé, et j'entends bien également, vous aussi, vous l'avez souligné dans
votre mémoire, notamment relativement à la notion de parent aussi. Mais je
tiens vraiment à vous rassurer puis à vous dire que, nous, notre objectif,
c'est vraiment justement de faire de la place aux différentes communautés. On
modifie plus de 30 lois dans le projet de loi pour avoir un vocabulaire
qui est plus inclusif, qui va répondre aux besoins de la communauté. Alors il
ne faut pas voir là quoi que ce soit en termes de mauvaise foi ou de tenter
d'inquiéter qui que ce soit.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée
de Westmount—Saint-Louis,
s'il vous plaît.
Mme Maccarone : Merci, M. le
Président. Bon matin à vous, vraiment contente de vous avoir avec nous. Puis,
premièrement, merci. Merci pour le travail que vous faites. Merci d'amener de
la lumière sur une cause que je pense que très peu de personnes comprennent.
Vous parlez avec un... vous parlez de vos vies personnelles. C'est très intime,
et je vous remercie pour votre candeur puis votre ouverture. Je pense que ça va
vraiment nous aider dans notre réflexion.
Je veux renchérir un peu sur l'échange que vous
venez d'avoir avec le ministre. Comme vous, je vais le croire quand je vais le
voir. Ça fait que je comprends votre détresse. Puis je comprends votre
inquiétude. Qu'est-ce que ça vous prend? Qu'est-ce que la communauté a besoin
d'avoir? Jusqu'à tant que les amendements qui ne sont toujours pas déposés, on
est en fin de session... Que voulez-vous entendre du ministre pour rassurer la
communauté en ce qui concerne ce qu'il vient de dire? Je comprends qu'il l'a
dit au micro, là, mais la nécessité d'avoir une chirurgie pour avoir accès à un
changement de mention de genre, ce n'est plus nécessaire.
M. Leroux-Richardson (Julien) : Effectivement,
ce que la communauté demande, en gros, ce n'est pas d'obligation de chirurgie
ni d'hormonothérapie, la gratuité, à l'état civil, pour changer et la mention
de genre et le changement de prénom. Aussi, pour les jeunes, ce n'est pas
normal qu'on demande une lettre d'un psychothérapeute. Comment voulez-vous qu'ils paient ça? C'est impossible, c'est impossible
pour un jeune de pouvoir payer ces frais-là au privé. Donc, ça, ce
serait déjà merveilleux si on pourrait avoir ça immédiatement, vu que nos
communautés sont en situation financière précaire.
Nous, à chaque année, à l'ATQ, on donne au moins
12 000 $ en programmes d'aide d'urgence pour que les gens puissent se
loger, se nourrir et payer leurs médicaments. Et ça, c'est des gens qui
travaillent et autant d'autres qui ne
travaillent pas, qui sont diplômés ou non. Donc, ça, c'est déjà fondamental,
les besoins de base de nos communautés. Juste pouvoir se loger, se
nourrir, se vêtir et payer leurs médicaments pour faire leur parcours
transitoire, et les frais de l'état civil,
c'est nous qui les payons. Quand les gens n'ont pas d'argent, c'est nous qui
prenons les fonds pour payer.
Mme Maccarone : Je vous entends.
Mais je vais reposer la question : Qu'est-ce que vous avez besoin
aujourd'hui? C'est louable, tout à fait, je suis d'accord avec vos demandes.
Mais aujourd'hui que voulez-vous de notre ministre pour rassurer la communauté?
Campagne de publicité? Une déclaration solennelle au salon bleu? Que
voulez-vous pour rassurer la communauté?
M. Leroux-Richardson (Julien) :
Qu'il y ait une consultation avec toute la coalition des groupes trans, qu'on
travaille tous ensemble afin de pouvoir réécrire les amendements de manière
convenable, respectueuse et sécuritaire, parce que... Si vous me permettez,
madame.
Mme Maccarone : Oui, allez-y.
M. Leroux-Richardson (Julien) : Qui
connaît ce guide? Ce guide se nomme S'outiller pour mieux intervenir auprès
des personnes trans, non-binaires ou en questionnement de leur identité de
genre. Ce guide a été financé par le ministère de la Justice. Ce guide se
retrouve au Bureau de lutte contre l'homophobie et transphobie, sur lequel...
M. le ministre de la Justice en est responsable. Dans ce guide, qui est une
bible 101... On aurait pu sauver tout le temps de
toutes les commissions de tout ce projet de loi là si, dès le départ, ce guide
aurait été lu par le ministre de la Justice et aurait déjà posé toutes les
questions au sein de nos communautés.
Le Président (M.
Bachand) : Juste... Le dossier était important, puis je pense
qu'on a un respect mutuel. On parle de respect depuis... entre les différents
groupes, et je pense qu'on peut le faire ici. Ça va bien. C'est important, ce
que vous dites, c'est important, ce que vous faites, mais je pense qu'il faut
garder le respect, puis il ne faut pas penser que le ministre l'a lu ou ne l'a
pas lu. On ne peut pas prêter d'intentions, donc. Alors, je vous laisse
continuer, par exemple, M. Leroux-Richardson. Mme la députée.
Mme Maccarone : Oui, on va parler de
l'impact. Vous avez parlé un peu de l'impact sur votre organisme, Aide aux
Trans Québec. Qu'est-ce que c'était, l'impact? Peut-être que vous pouvez aller
un petit peu plus en profondeur? J'ai lu votre mémoire. Je comprends qu'il y a
un impact financier, il y a un impact des appels, il y a aussi les craintes...
Mais peut-être que vous pouvez partager un peu ça avec nous?
M. Leroux-Richardson (Julien) :
Juste au niveau des professionnels, que ce soit nous, en intervention
psychosociale, que ce soit au niveau des travailleurs sociaux, des sexologues,
des médecins, nous, on a des codes d'éthique. On se doit de respecter le fait
qu'on doit respecter les usagers, la clientèle. Comment est-ce qu'on fait notre
pratique professionnelle quand on a des identités de genre qui, en ce moment,
ne correspondent pas déjà, avec la loi actuelle, aux besoins des ressentis des
gens? Parce que les gens ne peuvent pas financer leur demande de changement de
nom et de mention de genre.
Donc, des personnes arrivent à l'urgence, se
font mégenrer et sont déjà en détresse psychologique, hein? Donc, la dysphorie amène beaucoup de dépressions,
amène des idées des fois, parfois, malheureusement, suicidaires, hein, on s'entend. Selon le Trans PULSE, l'étude
canadienne que j'ai citée tantôt, il y a 70 % de notre communauté qui
ont déjà fait des tentatives de suicide
parce qu'elles sont victimes, en société, de discrimination, de harcèlement, et
autres.
Donc, nous, on fait comment notre travail? Parce
qu'on s'entend, on n'a pas juste notre Code civil ici, au Québec, au niveau...
en matière de santé et de services sociaux, à respecter. Pour tout ce qui est
les soins de santé concernant les communautés de pluralité de genres, on doit
suivre l'organisme international en soins de santé, qui est la WPATH, la World
Professional Association for Transgender Health. Et ici, au Canada, on se doit
de suivre la CPATH, qui est exactement la même chose, mais au niveau canadien,
et reconnue à travers le monde. On se doit de suivre ces critères-là.
Ce que le projet de loi propose en ce moment,
c'est de nous ramener 15 ans en arrière, mais de ne pas suivre, en même
temps, ce qu'elle a, ce que la loi, au niveau médical, nous oblige à faire pour
le bon respect de nos patients puis de nos usagers. Donc, ça, ça a un impact
majeur.
• (12 h 20) •
Mme Maccarone : C'est beaucoup le
sujet de votre mémoire, en passant, hein? Vous faites beaucoup le parallèle
dans le réseau de santé puis les lois en ce qui concerne santé et services
sociaux.
Peut-être vous pouvez parler un peu de... le
phénomène du... le bras cassé. Je l'ai lu, mais ce n'est pas tout le monde qui
est au courant de qu'est-ce que ça veut dire.
M. Leroux-Richardson (Julien) :
Effectivement, merci beaucoup de le mentionner. Quand on parle du phénomène du
bras cassé dans nos communautés, c'est lorsque quelqu'un de notre communauté se
présente, par exemple, à l'urgence avec peut-être une dépression majeure parce
que la personne, elle a perdu son logement, son emploi, sa famille, peut elle-même
se faire refuser le droit à l'éducation à cause de son identité de genre, elle
se présente à l'urgence en dépression. Elle
a besoin d'être au département de psychologie. Au lieu de l'accueillir là-dedans,
malheureusement, et c'est la réalité dans nos hôpitaux, ici, au Québec, qu'est
ce qu'on fait, qu'est ce que font les professionnels qui ne sont pas formés?
Bien, écoute, tu as un petit peu couru après le trouble, là, tu sais, tu fais
un parcours transitoire, on ne peut pas
vraiment te soigner, parce que tu prends une hormonothérapie, mais, tu sais, de
toute façon, as-tu vraiment besoin d'une hormonothérapie pour aller bien? Ça
fait qu'on se retrouve qu'on se faire retirer notre hormonothérapie. On
s'entend, pas d'hormonothérapie après des chirurgies de réassignation de genre,
notre corps ne peut pas survivre, là, à long terme, on va mourir. C'est
quasiment nous dire : Vous ne méritez pas de vivre.
Mme Maccarone : Le
titre de section B de votre mémoire : Impact négatif du projet de loi
n° 2 sur la pratique des professionnels. Pourquoi? C'est
quoi, l'impact?
M. Leroux-Richardson
(Julien) : Bien, l'impact,
c'est que, déjà, comme que j'ai nommé, il y a déjà beaucoup de
professionnels dans le réseau de la santé et services sociaux qui sont déjà
transphobes et discriminants envers les personnes de nos communautés. Là, en
plus, on vient leur dire que vous ne suivez pas les critères de la WPATH, vous
ne suivez pas... de la CPATH, les critères en matière de soins de santé qui
sont reconnus par l'OSM et l'ONU. Donc, on se retrouve un peu comme entre deux
chaises, là, c'est : Qu'est ce qu'on suit? Et est-ce qu'on doit suivre ce
qu'on nous demande au niveau provincial ou est-ce qu'on suit les critères de
santé mondiaux? C'est ça que ça impacte pour nous en ce moment.
Puis ça, c'est pour les professionnels qui
travaillent, qui sont alliés à nos communautés, on se retrouve entre deux
chaises. Mais, pour ceux qui ne respectent pas nos communautés, et, j'ai le
regret de vous dire, c'est la majorité des professionnels en ce moment au
Québec, ça vient juste leur dire encore plus d'«invaliditer» nos réalités au niveau médical. Donc, nous,
les professionnels, qu'on travaille de manière alliée avec nos communautés, il
faut qu'on gère encore plus de travail pour récupérer ces gens qui
viennent de subir de la transphobie et de la discrimination dans ces
milieux-là. C'est parce que 70 heures de travail par semaine, là c'est
trop, là.
Mme Grenier (Marie-Michelle) : Je
vous dirais aussi, si vous me permettez, prenez, là, toutes les corporations
professionnelles, que ce soient, là, les sexologues, les psychologues, et tout
ça, alors il faudrait reformer à peu près
toutes ces personnes-là qui fonctionnent déjà bien dans le système actuel pour
leur dire : Voici, maintenant, on devra fonctionner de telle façon,
telle façon, telle façon, alors que ça fonctionne déjà relativement bien.
Alors, pour ceux qui sont déjà friendly, ça pose même problème, selon moi, là,
à mon humble avis, ça pose des problèmes pour ces mêmes personnes là parce qu'on
va devoir les reformer, on va même devoir reformer à peu près tous les travailleurs sociaux sur le terrain, à peu près
tous les organismes communautaires pour, finalement, là, une
modification à la loi qui semble peut être... qui sera peut être modifiée. Mais
il y a quand même, là, des impacts importants pour toutes les personnes qui
sont impliquées, là, que ce soient les médecins ou les travailleurs sociaux,
les sociologues, psychologues. C'est comme ça que je le vois un peu de mon
côté.
Mme Maccarone : Je
sais, M. Leroux-Richardson, vous êtes un amateur de statistiques. Combien
de personnes trans avons-nous au
Québec? Puis combien de ces personnes de cette communauté décident de
poursuivre avec une chirurgie?
M. Leroux-Richardson (Julien) :
Tout dépend. On ne peut pas nommer un chiffre précis, parce que ça dépend
vraiment de chaque individu, de son besoin ressenti. Certaines personnes vont
avoir besoin seulement de faire un parcours transitoire social avec ses pairs
sociétaires, d'autres auront besoin d'un parcours légal, donc changement de nom
et mention, enfin d'une reconnaissance légale en sociétaire, et d'autres auront
besoin d'un parcours médical, donc hormonothérapie, chirurgie. Et, encore là,
ça ne sera pas toutes les chirurgies.
Mme Maccarone : Ça fait que
d'où l'importance d'avoir de la souplesse dans la loi.
M. Leroux-Richardson (Julien) : Tout
à fait.
Mme Maccarone : Oui. Je
comprends. Merci beaucoup.
M. Leroux-Richardson (Julien) : Merci
à vous
Le Président (M.
Bachand) : La parole est à la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
Je veux juste rappeler que la période qui lui est allouée est très courte, donc
c'est 2 min 43 s, donc au niveau, peut-être, d'avoir un échange, là, d'avoir les questions et surtout les
réponses, peut-être un peu plus concises. Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques, s'il vous plaît.
Mme Massé : Oui. Bien,
plusieurs des questions ont déjà été posées. En fait, moi, j'ai envie de
dire : Sur quoi vous n'avez pas appuyé?
Parce que votre mémoire parle de plein d'autres choses. Qu'est-ce que vous ne
nous avez pas présenté que vous croyez que ça serait important pour que
tous les députés qui soient là puissent être au fait?
M. Leroux-Richardson (Julien) : On
a une grosse problématique au niveau de l'accès au logement, au niveau de
l'employabilité. Au début de l'année, La Presse et Le Devoir
indiquaient, selon une étude, que 31 % des employeurs montréalais
n'embaucheraient pas aucune personne de nos communautés. Donc, on est heureux
d'avoir, dans les droits et libertés de la
personne, la reconnaissance, pour motif de harcèlement... que l'identité de
genre a été mise, mais il n'y a pas
d'application. C'est ça qu'on veut vraiment, qu'une application... qu'on puisse
avoir justement, lorsqu'il y a
harcèlement ou discrimination, qu'il y ait des sanctions qui soient prises. Les
gens sont dans des parcours transitoires, qu'ils sont déjà en
dépression, et c'est difficile, pour eux, d'aller porter plainte, hein? Moi,
quand que je vais sur le terrain parce qu'une femme trans vient d'être violée
puis que le SPVM ou la Sûreté du Québec ne veut pas prendre son rapport
d'agression parce que c'est une femme trans, bien, c'est moi qui dois l'emmener
à l'hôpital pour subir un examen pour voir si elle a eu des ITSS de transmises
et c'est l'hôpital qui doit trouver des agents de la Sûreté, de la police, qui
sont prêts à prendre son rapport parce que c'est une femme trans. Donc, d'avoir
des services en société, dans toutes les sphères sociétaires qui reconnaissent
qu'on est des humains, ça, là, ça serait «top notch».
Mme Massé : Il y a donc un travail à
faire au niveau de l'éducation, vous l'avez nommée, de la déconstruction de
préjugés.
M. Leroux-Richardson (Julien) : Tout
à fait.
Mme Massé : Je peux vous dire que
vous êtes en train de le faire présentement, comme vous le faites si bien à
tous les jours. Mais, ceci étant dit, ce que vous revendiquez, c'est que vos
droits soient reconnus puisqu'ils sont inscrits dans la Charte des droits et libertés.
M. Leroux-Richardson (Julien) : Tout
à fait.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup.
Mme la députée de Joliette, s'il vous plaît.
Mme Hivon : Bonjour. Merci à vous
deux pour vos témoignages que je qualifierais de coups de poing, mais ça fait du bien parce qu'il faut entendre les
vraies choses aussi. Donc très éloquent, très personnel et puis très, très
réel.
Vous avez dit quelque chose qui m'a beaucoup
troublée. Je suis porte-parole aussi en éducation. Vous avez dit, en fait,
qu'on voit, toutes les semaines, des élèves qui se font expulser à cause du
fait qu'ils sont trans ou en processus. Est-ce que c'est un phénomène qui... On
aurait espoir, avec la conscience plus grande, avec l'éducation plus grande,
que ces phénomènes-là soient en baisse. Ce n'est pas le signal que je semble
avoir.
Même chose en emploi. Vous avez dit quelque
chose de très troublant, que des gens qui vous appelaient constamment parce
qu'ils perdaient leur emploi. Donc, est-ce que vous voyez une petite lueur
d'espoir ou vous dites : Non, avec la réalité qu'on voit, on n'est pas en
train d'avancer?
M.
Leroux-Richardson (Julien) :
En ce moment, je dirais que, comparé aux années 70, 80, on a déjà
beaucoup plus de place de liberté. C'est sûr, ce n'est pas parfait, hein? Vous
venez de reprendre exactement les termes que j'ai nommés, et il y a des grosses
problématiques. Et, juste au niveau de l'éducation, vous représentez l'éducation,
on est censés être protégés, d'avoir... On s'entend, la loi à l'éducation
publique et privée stipule que c'est la responsabilité de l'établissement
scolaire d'offrir un milieu sain et sécuritaire afin de promouvoir
l'épanouissement scolaire, mais ce n'est pas ça qui se passe en ce moment. Il
n'y a pas un mois que je ne dois pas appeler à votre ministère. Puis ça, c'est
juste notre organisme.
Des directions d'école que, malgré que les
centres de services scolaires leur disent : Vous devez respecter ces
élèves-là et leur donner des mesures d'inclusion pour qu'ils se sentent bien à
l'école et en sécurité, on a des directions qui nous répondent : Ah! bien,
c'est trop compliqué puis ce n'est pas notre problème. Ça ne fait pas des
adultes fonctionnels, ça, plus tard, là. Ça fait des adultes dysfonctionnels
qui, probablement, ne travailleront pas, qui ne pourront pas participer
activement en société au niveau des finances sociétaires et autant de prendre
part à l'économie sociétaire et être responsable en société. Donc, nous, on
fait quoi avec ça? Ça, c'est notre grosse problématique. Puis c'est des jeunes,
ils ont en bas de 18 ans. Ils ont encore moins...
Le Président (M.
Bachand) : Il reste quelques secondes pour la députée de
Joliette, quelques secondes. Mme la députée.
Mme Hivon : Oui, bien, j'en aurais
plein, de questions. Mais il n'y a aucun jumelage qui existe avec les services
sociaux, par exemple, dans les milieux scolaires, pour essayer de faire de
l'accompagnement puis de la sensibilisation?
M. Leroux-Richardson (Julien) : Dans
certaines mesures, oui, mais je vous dirais qu'à 90 %, à la louche, ce
n'est pas le cas parce que les travailleurs sociaux qui sont jumelés, souvent,
ne sont pas formés où sont transphobes, puis les jeunes sont laissés entre deux
bancs.
Le
Président (M. Bachand) : Sur
ce, Me Grenier, M. Leroux-Richardson, merci beaucoup d'avoir été avec
nous.
Sur ce, je suspends les travaux quelques
instants pour accueillir nos prochains invités. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 12 h 30)
(Reprise à 12 h 34)
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend
ses travaux. Merci beaucoup. Avant d'aller plus loin, j'aurais besoin d'un
consentement pour qu'on puisse continuer... poursuivre les travaux au-delà de
l'heure prévue.
Des voix : Consentement.
Le Président (M.
Bachand) : Consentement. Merci beaucoup. Donc, il nous fait
plaisir d'accueillir la Pre Annie Pullen Sansfaçon, de l'École de travail
social, de même que Maël Ste-Marie Raymond. Alors, merci beaucoup d'être
avec nous aujourd'hui, c'est très apprécié. Donc, comme vous savez, vous avez
10 minutes de présentation. Après ça, on a un échange avec les membres.
Alors, professeure, la parole est à vous.
Mmes Annie Pullen Sansfaçon et Maël Ste-Marie Raymond
Pullen Sansfaçon (Annie) : Parfait.
Merci beaucoup. Bonjour, tout le monde. Je vais m'en tenir à mon texte, parce
que je suis habituée de parler longtemps, si on veut vraiment rester à
10 minutes. Donc, je suis professeure titulaire à l'École de travail
social, je suis aussi chercheure régulière au Centre de recherche en santé
publique et à l'Institut universitaire Jeunes en difficulté. Je suis titulaire
de la Chaire de recherche du Canada sur les enfants transgenres et leurs
familles et la directrice scientifique aussi de l'équipe de recherche sur les
jeunes trans et leurs familles, qui compose... on est
18 chercheurs réguliers, plus des partenaires et un comité de consultation
dont Maël fait partie, et, aujourd'hui, m'accompagne pour parler un peu de la
voix des jeunes.
Donc, peut-être en guise d'introduction, je
voudrais souligner que les enfants et les jeunes trans sont particulièrement
vulnérabilisés et vivent régulièrement des situations de rejet, discrimination
et d'exclusion sociale à l'école, dans leur voisinage, mais aussi parfois au
sein de leur famille. En effet, le soutien parental de ces jeunes-là est
souvent défaillant. Selon une étude qu'on a conclue il n'y a pas longtemps au
Québec, en fait, on s'est rendu compte que 80 % des participants avaient
un soutien qui était soit neutre ou soit absent. Donc, on se rend compte,
finalement, que la plupart n'ont pas le soutien parental qui est requis.
Ces jeunes-là vivent aussi dans des situations,
des conditions socioéconomiques précaires. Par exemple, une enquête, là,
récente, encore une fois, 2020, nous a permis de constater que 29 % des
jeunes allaient se coucher le ventre vide parfois, tandis que 5 % le font
souvent et 1 % le font toujours. Donc, c'est vraiment un indicateur de
précarité économique grave chez nos jeunes.
Devant les nombreuses situations d'exclusion
vécues, il n'est pas surprenant de constater que ces jeunes-là sont plus à
risque de suicide, de dépression, d'anxiété que leurs pairs cisgenres, donc non
trans. En fait, le résultat encore d'une enquête canadienne nous a montré que,
spécifiquement au Québec, 78 % des jeunes trans et non binaires indiquent
avoir un trouble de santé mentale chronique tel que la dépression et l'anxiété.
Et plus de la moitié ont aussi rapporté un
problème de santé physique chronique. On parle de 14 à 25 ans. C'est
énorme pour ces jeunes-là. Cela dit, les difficultés sont et peuvent
être grandement contrebalancées en laissant la possibilité de vivre dans leur
genre et en créant des environnements, en fait, qui sont inclusifs, sans
discrimination ou violence. Parce que c'est vraiment la non-reconnaissance des
identités trans qui cause le problème ici.
J'aimerais ça maintenant discuter de quatre
dispositions du projet de loi qui sont, selon nous... en fait, risquent
d'augmenter le niveau de détresse de ces jeunes-là, qui est déjà très
important, mais aussi des familles et des communautés d'appartenance de ces
jeunes. M. le ministre, je sais que vous avez déjà mentionné que vous alliez
réfléchir sur la question des chirurgies, mais je veux quand même commenter
parce que c'est un point qui est très important, d'après moi. Premièrement, en
fait, cette mesure-là, elle est, selon nous, discriminatoire, parce qu'elle
va... elle ne traite pas les citoyens de la même façon. Et ça va aussi amener
certaines personnes à se faire stériliser sans répondre nécessairement à un
besoin.
Maël va maintenant nous présenter un petit peu
son point de vue sur la chirurgie.
Ste-Marie Raymond (Maël) : Je suis
heureux de savoir que le ministre revient sur sa décision d'imposer des
chirurgies génitales afin d'obtenir un marqueur de genre différent de celui
attribué à la naissance. Lorsque je parle du
marqueur de genre, je parle ici du M qui est présent sur mes documents. Parce
que ma vision de mention de genre suit
celle de la loi actuelle, qui ne sépare pas le sexe du genre.
L'autodétermination est ce qui vient de mon parcours de transition, parcours de transition qui est propre
à ma personne. Je ne veux pas de ces chirurgies. Elles ne m'intéressent
tout simplement pas. Et je suis loin d'être le seul. Elles forcent mon corps
dans un moule binaire et excluent mon identité qui est en dehors du spectre homme-femme. De toute façon, dans mon
parcours, le premier acte que j'ai posé a été de faire une transition
sociale en demandant à ce que mon identité soit reconnue au niveau de
l'administration de mon école, puis j'ai
demandé un changement de marqueur de genre à l'état civil. Étant donné que je
n'avais pas 18 ans, il y a eu des
délais, car j'avais besoin de papiers signés d'un thérapeute trans affirmatif
reconnu par le gouvernement. Bonne chance! C'est une démarche très longue et très coûteuse. Il n'y a aucun
psychologue, sexologue ou travailleur social qualifié qui dessert les
personnes trans et non binaires, dans ma région, à moins d'une heure de route,
ni au public ni au privé.
Mon autodétermination et mon intégrité physique
ne doivent jamais être compromises par un parcours de transition obligatoire
afin d'obtenir le respect de mes droits. J'ai le droit de vivre dans un corps
qui me correspond, avec des papiers qui reconnaissent mon identité et qui
reflètent cette identité, et ce, dans la sécurité, sans crainte de me faire
heurter à chaque fois que je présente mes documents légaux. J'ai le droit
d'être qui je suis sans compromis et sans être mis en danger. J'ai droit à ma
dignité.
• (12 h 40) •
Pullen Sansfaçon (Annie) : Merci,
Maël, pour ce témoignage. Donc, si les personnes majeures peuvent décider
qu'elles veulent avoir une chirurgie, c'est bien, mais ce n'est pas le cas pour
les enfants, en fait, parce que les mineurs ne peuvent pas avoir ces chirurgies
présentement. Ce n'est pas recommandé par l'association mondiale des
professionnels en santé trans, et c'est, en fait, non... c'est non remboursé
par la RAMQ. Donc, ici, ce qui se passe avec une réintroduction de la
chirurgie, c'est que ça va créer une discrimination additionnelle sur la base
de l'âge. Donc, on ne parle plus seulement qu'une discrimination entre les
citoyens, mais aussi on ajoute une nouvelle discrimination sur la base de
l'âge.
Par ailleurs, un projet de recherche en cours...
qu'on a recueilli des témoignages, de jeunes personnes ont fait un projet sur
la détransition qui va peut-être vous intéresser. Et on a recueilli des
témoignages, en fait, un, d'une jeune personne qui, au moment où... sa
transition de genre, elle a dû subir une hystérectomie parce que, dans son
pays, on lui demandait d'avoir des chirurgies pour pouvoir changer sa mention
de sexe. Dans son entrevue, elle nous a raconté comment, aujourd'hui, elle le
regrette. Elle ne voulait pas avoir d'hystérectomie. Elle l'a fait seulement
pour avoir son changement de la mention de sexe. Donc, je pense que c'est
quelque chose à considérer. Les constats les plus récents en matière
d'intervention auprès des jeunes trans et non binaires montrent qu'il est
important de suivre leur rythme, et de les
soutenir, et de soutenir l'accès à différentes formes de transition, incluant
la transition légale.
Concernant l'ajout de la mention de l'identité
de genre à l'acte de naissance, cette mesure n'est pas souhaitable non plus,
quant à nous, car elle risque de créer des situations de discrimination, et ce,
même, on vous a entendu, si les deux ne se retrouvent pas
sur l'acte de naissance. Nous pensons en effet qu'il est possible d'imaginer
que seules les personnes trans et non binaires vont se retrouver avec un
marqueur de genre sur leur acte de naissance. Donc, ça va créer, en fait, des
situations d'exclusion et de discrimination.
Indirectement, ces dispositions pourraient
également augmenter le stress vécu chez les familles qui soutiennent leurs
jeunes et avoir des répercussions importantes sur eux. Nous croyons que
certains parents pourraient même devenir plus réticents à soutenir leurs jeunes
dans les processus de transition légale, surtout au début des parcours, parce
que les recherches nous montrent, en fait, que les parents sont souvent très
préoccupés par la sécurité de leurs enfants et peuvent se sentir impuissants,
jugés socialement ou isolés. Donc, en donnant seulement une option d'ajout de
la mention de genre, les parents, qui, rappelons-le, doivent donner le
consentement, hein, pour les moins de 14 ans, pourraient juste empêcher,
en fait, le changement de la mention de genre, ce qui n'est pas bon pour la santé
mentale de ces jeunes. Maël va nous parler un petit peu de son expérience de
changement.
Ste-Marie Raymond (Maël) : Pour moi,
obtenir une mention de genre qui correspondait le mieux à mon identité a été
libérateur. Pourquoi j'ai fait un changement de marqueur de genre est difficile
pour moi à expliquer. J'en avais besoin, c'est tout. Je me sentais
inconfortable et malade quand les médecins et autres professionnels de la santé
me mégenraient, car la case F était cochée sur leurs documents. Je me sentais
mal dans ma peau parce que je n'étais pas reconnu dans mon identité. J'avais
peur de la réaction des autres lorsque je présentais des documents qui
comportaient une mention de genre parce que mon apparence ne correspondait pas
au papier. Comment allaient-ils réagir? Je l'ignorais, et ça me faisait peur.
Lorsqu'on a reçu la confirmation que mes papiers avaient été modifiés, ça a été
une célébration. Je me sentais libéré. Ça a réduit une partie des
discriminations que je vivais. Je n'avais plus à craindre de me faire «outer» à
mes médecins et aux autres professionnels qui travaillaient avec moi. Je me
suis senti reconnu, et ça a été très important.
Pullen
Sansfaçon (Annie) : Merci, Maël. Donc, respecter l'identité de genre
des jeunes est très, très important. Autre disposition, c'est le besoin
d'obtenir le consentement des deux parents pour le changement du prénom usuel.
Ça, ça risque aussi de créer une importante barrière aux jeunes non binaires.
Comme on l'a déjà vu, plusieurs jeunes au Québec ne bénéficient pas d'un
soutien parental. Nous questionnons donc l'obligation d'aviser les deux parents
pour le changement du prénom usuel, sachant que plusieurs jeunes vivent des
ruptures avec leur famille et souvent parce qu'ils ont été rejetés ou exclus de
ces familles-là.
Par ailleurs, en cas de conflit de séparation
entre les parents, les parcours d'affirmation du jeune pourraient se retrouver
au coeur des litiges qui concernent les adultes. Étant donné que les jeunes de
14 ans et plus sont considérés capables
d'autonomie... et prendre des décisions comme décision médicale, signer un
bail, prendre un prêt, plein de
décisions, nous croyons que c'est déraisonnable, en fait, de demander le
consentement parental des deux parents ici.
Finalement, nous voulons commenter la clause
d'exemption du paiement des droits relatifs au changement de mention de nom et
de sexe. Le projet de loi propose déjà l'exemption du paiement pour certaines
catégories de personnes. Donc, sachant que les jeunes sont dans des situations
de précarité importante, nous croyons que ça devrait être aussi appliqué.
Donc, nous émettons cinq recommandations à la
commission. Nous recommandons de retirer l'obligation de chirurgie pour pouvoir changer le marqueur de
sexe. Le changement de la mention de sexe doit être facilité et non
soumis à des obligations de chirurgie ou
médicales de quelque sorte. Nous recommandons de ne pas ajouter un marqueur de
genre sur l'acte de naissance, car cela va
forcer le dévoilement du statut trans, les exposant à des discriminations et
compromettant la sécurité. Nous aussi, nous
recommandons de retirer la mention du sexe de l'acte de naissance. Cette
stratégie, qui a d'ailleurs été
soutenue cette semaine en commission... par la Commission des droits de la
personne et droits de la jeunesse, permet
l'auto-identification de toutes et tous non pas sur la base du sexe assigné à
la naissance, mais bien de l'identité de genre, sans pour autant
stigmatiser ce groupe-là en particulier. Et, en fait, cette manière de faire pourrait
réduire la stigmatisation des personnes
trans et non binaires et aussi faciliter la vie des jeunes en pouvant...
excusez-moi, en enlevant des
barrières, comme, par exemple, le consentement parental, qui est encore de
mise, mais aussi les lettres professionnelles. Finalement, nous recommandons de retirer l'obligation d'informer les
parents pour un changement à l'acte de naissance, donc tout changement à
l'acte de naissance à partir de 14 ans, comme c'est déjà le cas pour
d'autres sphères décisionnelles des jeunes. Et nous recommandons d'inclure les
jeunes personnes trans et non binaires à l'exemption du paiement des droits
relatifs au changement de la mention de sexe et du prénom. J'ai fait mes
10 minutes?
Le Président (M.
Bachand) : Professeure, Maël, vous êtes
exactement «on target», comme on dit. Bravo!
Pullen Sansfaçon (Annie) : Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Alors, maintenant, la parole
est au ministre. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui. Annie
Pullen Sansfaçon, Maël Ste-Marie Raymond, bonjour. Merci de venir
témoigner à la commission parlementaire. Je vous écoutais, on parle beaucoup de
marqueurs de genre, donc, dans le processus d'identification. Et donc le
marqueur de genre... Et, avec vos recommandations, on comprend bien que c'est
en ligne directe avec les autres groupes qu'on a entendus cette semaine
relativement au fait qu'on devrait laisser, comme marqueur de genre, le sexe,
donc d'avoir la possibilité d'indiquer, sans opération, le sexe indiqué, donc
d'assimiler la notion d'identité de genre à la notion de sexe.
Pullen Sansfaçon
(Annie) : Pour les papiers d'identité, oui. Dans la recherche, la
science nous montre que c'est deux choses qui sont différentes, mais les
papiers d'identité n'ont pas besoin de montrer ça. Parce qu'en fait le sexe
assigné à la naissance sur le papier d'identité, la seule chose que ça fait,
c'est de dire ce qu'on a dans notre pantalon, et donc ce n'est pas nécessaire
de tout identifier sur l'acte de naissance. Mais, dans la recherche, c'est
écrit que l'identité de genre, c'est différent du sexe assigné à la naissance,
mais ce n'est pas utile de faire ça sur l'acte de naissance, parce qu'en fait
ça identifie, ça exclut des groupes de personnes. Et on sait que les personnes,
quand qu'elles sont exclues, elles ne vont pas bien.
M. Jolin-Barrette : Oui, mais
revenons en arrière, là, parce que, dans le fond, ça, c'est l'argumentaire
pourquoi... Dans le fond, vous, votre position, c'est de dire: Bien,
l'identification «sexe» sur les papiers de l'état civil devrait complètement
disparaître.
Pullen Sansfaçon (Annie) : Ça
pourrait être une bonne solution.
M. Jolin-Barrette : Bien,
globalement, c'est la position que vous présentez. Mais, en ce qui concerne
l'identité de genre, dans le fond, le marqueur de genre, c'est l'équivalent de
l'identité de genre, en terme global, là, sauf que le choix... Bien, en fait,
la proposition que vous nous faites, c'est que, si le sexe demeure sur les
documents de l'état civil, non pas le sexe biologique mais la rubrique «sexe»,
dans le fond, vous nous dites : On veut faire notre marqueur de genre sous
cette rubrique-là. Vous ne souhaitez pas une rubrique qui soit indiquée
«identité de genre», malgré le fait que ça soit un marqueur de genre.
Pullen Sansfaçon (Annie) : Non, si
vous, absolument, voulez garder une mention quelconque sur l'acte de naissance, s'il faut en garder une, il faut que ce
soit la même pour tout le monde. Il ne faut pas avoir... commencer à
avoir des dispositions qui vont affecter
juste les personnes trans. Parce que nos recherches, elles vont toutes dans le
même sens, ce qui rend les jeunes...
puis probablement les adultes, mais ce n'est pas mon champ de compétence, là,
mais ce qui rend les jeunes anxieux, dépressifs, suicidaires,
automutilation, c'est le stigma social, c'est la victimisation, c'est la
discrimination, la violence qu'ils
vivent. Ce n'est pas parce que... ça n'a rien à voir avec leur identité de
genre, ça a à voir avec les conditions externes de ces jeunes-là. Donc,
il faut absolument qu'on réduise, en tant que société, les stigmas possibles.
M. Jolin-Barrette : Oui, mais
revenons sur le pratico-pratique, là, pour illustrer votre propos, là. Dans le
fond, ce que vous dites, vous ne voulez pas que, pour les personnes trans, au
lieu qu'il soit écrit «sexe» sur le certificat de naissance, ça soit écrit
«identité de genre», tu sais, puis vous voulez que ça soit la même chose pour
tout le monde ou qu'il n'y ait rien du tout.
Pullen Sansfaçon (Annie) : Oui.
M. Jolin-Barrette : Exactement. Dans
l'optique d'avoir, supposons, sur le certificat de naissance ou sur le document
d'état civil... s'il y avait les deux marqueurs, donc le sexe, dans la
rubrique, là, «sexe/identité de genre», ça, ça ne permet pas d'identifier si
c'est dans la même rubrique. Bien, j'essaie d'explorer avec vous, là, les
différentes options, là.
Pullen Sansfaçon (Annie) : Oui, oui,
on jase. Non, non, on se pose des questions. Mais pourquoi est-ce si important
d'avoir une mention de sexe sur l'acte de naissance ou pourquoi c'est important
d'avoir ça aujourd'hui, en 2021, quand on a tellement d'autres façons
d'identifier les gens?
M. Jolin-Barrette : Mais, vous,
votre point, c'est que ça serait préférable que ça disparaisse.
Pullen Sansfaçon (Annie) : Moi, oui.
En fait, je vais vous dire franchement, c'est une suggestion que je fais à la
lumière des recherches, de ce que j'ai lu, de comment essayer de réduire le
stigma. Ça va être bien important de consulter les personnes trans, les
communautés de personnes trans. Moi, je suis une personne cis. Mais la question
se pose, sachant que le marqueur de sexe, ça pose vraiment des problèmes. Maël
nous l'a montré. Les recherches sont claires. C'est vraiment... il y a vraiment
des recherches qui nous montrent que de ne pas avoir des papiers cohérents à
notre identité de genre, ça pose des problèmes non seulement de stigma,
d'exclusion, mais aussi de violence réelle. Alors, sachant que ce marqueur de
sexe là pose tant de problèmes, pourquoi on veut le garder?
M. Jolin-Barrette : O.K. Mais je
reviens avec la proposition relativement au fait où il n'y a pas d'opération,
il n'y a pas de dévoilement forcé ou de coming out. Ça, ça évite d'avoir
une situation qui est incohérente par rapport à l'apparence physique, par
rapport aux documents officiels.
Pullen Sansfaçon (Annie) : Bien, il
faut absolument que ce soit impossible, sur le document, de savoir qui a changé
son marqueur de genre, qui ne l'a pas changé. Si vous trouvez une façon de
faire ça, moi, dans le sens où on veut réduire le stigma social, ça me semble
être correct. Mais il ne faut absolument pas qu'une personne trans, un jeune
trans puisse être identifié ainsi parce qu'il y a eu quelque chose qui se
passe, soit que les personnes trans ont «identité
de genre» ou les personnes cis ont «sexe», vous comprenez, il faut que ce soit
la même chose pour tout le monde.
M.
Jolin-Barrette : Mais, dans le cadre de vos recherches, j'étais
curieux de savoir, parce que vous suivez des enfants, puis vos recherches
portent sur ce sujet-là, à partir du moment où il y a un choix qui est
effectué, il y a une transition qui est effectuée, est-ce que la transition
demeure permanente ou il y a parfois certains retours en arrière? Parce qu'hier
on a eu, je pense que c'était TransEstrie, la personne qui est venue nous...
elle nous disait : Bien, écoutez, moi, je veux pouvoir changer le nombre
de fois possible. C'est quoi, l'état de vos études là-dessus?
• (12 h 50) •
Pullen Sansfaçon
(Annie) : O.K. Je vais faire ça en, genre, une minute, parce qu'on n'a
pas beaucoup de temps. Mais, en fait, l'identité de genre, c'est seulement la
personne qui peut la définir, O.K.? C'est impossible de prédire avec certitude
qu'est-ce qui va se passer dans le futur. Il y a des personnes qui vont avoir
beaucoup, beaucoup de fluidité dans leur identité de genre et il y a des gens
qui vont avoir une identité de genre un petit peu plus fixe. Donc, c'est
possible... une chose est possible, l'autre chose est possible aussi.
Ce qu'il faut savoir,
c'est qu'il y a des jeunes qui vont discontinuer leur transition, qui vont
arrêter, qui vont décider de ne pas poursuivre avec la transition parce qu'ils
ont commencé puis, finalement, ils se rendent compte que, savez-vous quoi, ça
ne convient pas, c'est... Ils sont allés jusqu'au bout de ce qu'ils pensaient
qui était bien pour eux, puis finalement ils disent : Bah! Mais, dans ces
jeunes-là, et je mène une recherche sur ce sujet-là actuellement au Québec, sur
les jeunes qui détransitionnent, ce qu'on se rend compte, c'est que ces
jeunes-là ne vont pas nécessairement de a à b à a, hein? On a tendance à
penser, des transitions, on retourne en arrière à un... Ce qu'on se rend
compte, c'est qu'il y a plein de jeunes, en fait, qui vont de a à b à c, donc
l'identité de genre ici, elle est fluide. Donc, il faut comprendre que seule la
personne peut le définir. Il faut accompagner ces jeunes-là.
M.
Jolin-Barrette : Juste une sous-question. Quand vous dites : A à
b à a ou a à b à c, c étant, dans votre schéma, non binaire, supposons, ou...
Pullen Sansfaçon
(Annie) : Ça peut être... Ça dépend. On a rencontré 20 jeunes. On
a encore beaucoup de travail sur cette
recherche-là à faire, ça fait que je ne peux pas vous en dire tellement, mais,
sur ces 20 jeunes là, il y a plein, plein de jeunes qui ne
retournent pas comme... par exemple, s'ils étaient assignés fille à la
naissance, ont fait une transition, par exemple, vers garçon, ils ne retournent
pas nécessairement à fille cisgenre. Ils ne s'identifient pas comme ça
nécessairement. Il y a toutes sortes de façons de s'identifier. Et il y en a
qui n'ont pas changé leur mention de sexe, qui ne veulent pas retourner avec un
F, par exemple.
M. Jolin-Barrette : Mais, à titre d'exemple, là, donnez-nous des exemples, là, dans le
cadre de ces recherches-là que vous faites, là, quel devient le
processus d'identification de ces personnes-là. À quoi s'identifient-elles?
Est-ce qu'elles peuvent le nommer ou elles ne le nomment pas?
Pullen Sansfaçon
(Annie) : Elles le nomment dans leurs mots. C'est très varié. Je
pourrais vous envoyer des documents là-dessus.
M.
Jolin-Barrette : Puis quels sont leurs mots?
Pullen Sansfaçon
(Annie) : Bien, il y a des gens qui... bien, ça dépend du sexe assigné
à la naissance, dans un premier temps. Ça fait que quelqu'un qui est assigné
homme à la naissance va avoir peut-être une différente façon de s'identifier. Donc, les identifications sont
différentes, mais il y a des gens qui vont s'identifier comme femme. Il y
a des gens qui vont s'identifier comme
agenre. Il y a des gens qui vont s'identifier comme même avec des termes
d'orientation sexuelle, comme «butch». Il y a des gens qui vont s'identifier
comme femme cisgenre. Il y a des gens qui vont s'identifier comme homme, mais
qui ne veulent plus continuer avec les traitements médicaux. Il y a tellement
de parcours qui sont possibles que je ne peux pas vous... Je peux vous donner
des exemples, mais ce n'est pas... En fait, même une recherche quantitative qui
a été publiée il y a deux semaines montrait que... puis là je pourrais
retourner dans les citations, là, mais environ peut-être 60 % des jeunes
qui détransitionnent vont retourner avec une certaine identité assignée à la
naissance, mais les autres non. Ça fait que même ceux qui discontinuent une
transition ne retourneront pas nécessairement vers un genre assigné à la
naissance. De là l'importance, je pense, de faciliter
plutôt que de compliquer l'autodétermination et l'auto-identification de tout
le monde. Est-ce que ça fait sens?
M. Jolin-Barrette :
Ça fait sens. Je vous remercie beaucoup. Je vais céder la parole à mes
collègues. Un grand merci pour vos témoignages aujourd'hui en commission.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M.
le député de Chapleau, s'il vous plaît.
M. Lévesque
(Chapleau) : Oui, je pourrais prendre une question, là, peut-être que
la collègue de Mirabel en aurait une par la suite. Donc, Pre Sansfaçon,
Maël, bonjour. Peut-être, pour un peu continuer dans la logique du ministre,
j'aimerais peut-être vous parler de la question de mère, père, parent. Vous
permettez, donc, de... Vous proposez que les gens puissent s'identifier en tant
que parents. Donc, peut-être nous éclairer sur cette vision-là. Puis j'aurai
d'autres questions par la suite.
Pullen Sansfaçon
(Annie) : En fait, moi, je n'étudie pas les adultes, donc je n'ai pas,
dans mes échantillons, de parents, j'ai
juste des jeunes. Donc, c'est vraiment en dehors de mes champs de compétence,
et je ne lis pas tellement ces recherches-là, je
ne pourrai pas répondre. Mais, de façon générale, je vous dirais que la science
nous montre que c'est important d'aller vers l'auto-identification. Ça fait que
j'imagine que ça s'applique pour les adultes aussi.
M. Lévesque (Chapleau) : Ce serait la même chose. O.K. Excellent. Moi, ça
compléterait. Peut-être que madame...
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée de
Mirabel, s'il vous plaît.
Mme
D'Amours : Bonjour. Merci beaucoup d'être à la commission. Moi,
j'aurais une question pour Maël, puis ça a rapport avec la vie en général — merci,
M. le député — ça
a rapport avec la vie en général. Est-ce que tu vois des changements depuis quelques années avec le comportement des
gens qui t'entourent à l'école, qui t'entourent dans la société? Est-ce
que tu vois des changements? Est-ce que tu vois que c'est positif, ce que tu
vis?
Ste-Marie Raymond (Maël) : Je
suis malheureusement dans une région qui est très restreinte côté
population, tout ça, je suis dans une très petite ville, mais, du côté général,
je dirais que, oui, j'observe des changements, et la majorité d'entre eux étant
positifs. Malheureusement, lorsqu'on parle d'institutions, lorsqu'on parle de
culture générale, les changements sont très, très lents, et la majorité d'entre
eux sont imperceptibles, parce que je comprends très bien que les organisations
gouvernementales sont des monstres et que tout ce qui est cheminement pour
faire des modifications prend beaucoup de temps. Donc, malheureusement, de ce
côté-là, les changements sont très, très lents, et donc ça garde beaucoup de
discrimination, ce qui rend la vie de tous les jours assez difficile à naviguer
en tant que personne trans qui ne s'identifie pas de manière binaire.
Donc, oui, il y a des
changements, oui, ils sont positifs. Malheureusement, la lenteur des procédés
fait que ces changements-là ne s'appliqueront très probablement pas à moi, et
donc rendent la vie des personnes trans de mon âge et plus vieux extrêmement
difficile à vivre.
Mme
D'Amours : Je suis heureuse d'entendre que c'est positif pour toi.
Tout à l'heure, tu sais, on a eu Me Grenier, qui nous parlait de son
parcours et qui nous disait aussi où est-ce qu'elle était rendue, tu sais, dans
une ville, Amos. Moi, je suis native de l'Abitibi. J'étais fière d'entendre
Me Grenier nous dire qu'elle avait eu un bel accueil, que le Barreau
l'avait aidée, avait simplifié les choses pour elle, et qu'elle faisait son
travail, puis que les gens d'Amos avaient une très grande ouverture. On avait
ce discours-là avec Me Grenier puis on avait le discours avec
M. Leroux-Richardson, qui, lui, avait plutôt un discours plutôt négatif,
là, envers la société, bon, les institutions, puis tout ça. Ça fait qu'il y
avait comme un équilibre.
Moi, c'est sûr, ce
qui est important, c'est de savoir comment toi, tu te sens avec tes papiers,
mais c'est aussi pour tous les parlementaires, c'est de savoir aussi comment la
société en général se conduit avec des personnes trans. Je pense que, dans
chacune des familles, on a des personnes trans, des personnes de la communauté
gaie qui sont nos cousins, cousines, frères, soeurs, enfants dans cette
communauté-là, puis on veut tous le bien de chacun. Donc, bien, merci beaucoup
pour ce témoignage. Merci infiniment.
Le
Président (M. Bachand) : M. le député de LaFontaine,
s'il vous plaît.
M. Tanguay :
Oui, merci beaucoup. À mon tour de vous saluer et de vous remercier pour votre
passage. Pre Pullen Sansfaçon, merci. Maël, merci beaucoup.
Moi, là, vous avez
dit : On jase; on va jaser. J'attends encore la raison pour laquelle...
puis je regardais, là, je suis allé voir, là, la carte-soleil, le permis de
conduire, pourquoi on doit marquer «féminin», «masculin». J'attends encore la
raison. S'il y a eu une enquête policière, qu'est-ce qui était marqué?
J'attends encore la raison. Puis souvent, quand on est législateur, on se fait
dire : Bien, on a toujours fait ça de même. Puis ça, c'est le genre de choses
qu'on entend rapidement quand on est législateur : On a toujours fait ça
de même. Ah! donc, puis là j'y vais par
déduction, j'attends encore la raison pourquoi, sur les cartes d'identité, ça
doit être marqué «féminin» ou «masculin». Il y en a sûrement une, mais
donnez-la rapidement, de un.
S'il
n'y en a pas, «masculin», «féminin», pourquoi devrions-nous donc remplacer ça
par «madame», «monsieur», «non binaire»? S'il n'y en a pas pour le sexe,
est-ce qu'on en veut une pour ajouter et remplacer? Parce que, si le sexe prend
le bord, «madame», «monsieur», «non binaire» devraient prendre le bord. Je ne
suis pas en train de plaider quoi que ce soit, je pose juste la question comme
vous. Est-ce que les questions ainsi posées sont bien posées, d'abord, avec
vous?
Pullen Sansfaçon
(Annie) : Bien, je ne sais pas si tu veux répondre, Maël. Je ne
répondrai pas à base de recherches, là, je
vais répondre juste avec mon idée ici. Mais, en fait, s'il n'y a pas de
marqueur de sexe sur la carte-soleil, ça n'empêche personne d'utiliser
«madame», «monsieur» ou «mixte». Tout le monde peut s'auto-identifier ainsi. Donc, en fait, ce genre de solution là, et comme
je le dis, je dois le répéter, vous devez consulter avec les
communautés. J'y vais vraiment de mon crû ici, mais il me semble que
l'auto-identification devrait être prônée pour tout le monde, pas juste pour
les personnes trans.
Moi, s'il n'y a plus
de F sur ma carte-soleil, je suis une personne cis, je suis capable de le
dire : Vous pouvez vous adresser à moi comme madame. Moi, j'aime ça,
«madame». Appelez-moi madame. Mais je n'ai pas besoin d'avoir un F sur ma carte
d'identité pour ça.
M.
Tanguay : Et
j'aimerais aussi entendre Maël là-dessus, et est ce que nous devrions donc
aussi, administrativement... si on enlève «féminin», «masculin», est-ce
qu'on devrait aussi permettre d'inscrire sur la carte «monsieur», «madame»,
«non binaire» ou qu'on n'a pas besoin de permettre, administrativement, que ce
soit inscrit puis que la personne se présentera comme elle le voudra?
Ste-Marie Raymond (Maël) : En ce
moment, avec les dispositions qu'on a, donc, on a un marqueur de genre sur nos
cartes d'identité, sur notre certificat de naissance. C'est extrêmement
important de permettre aux personnes de s'identifier en tant que non binaire, à
l'extérieur de masculin ou féminin. C'est très important, parce qu'en ce moment
c'est ça que la politique conserve et c'est ça que le p.l. n° 2, en fait,
propose de... pas le p.l. n° 2, le jugement Moore demande d'ajouter une case
«non binaire» pour que les personnes puissent se représenter. Dans un monde où on enlève ce marqueur de genre là sur
tous les papiers qui l'ont en ce moment, sur tous les documents qui
l'ont en ce moment, le besoin ne serait pas
présent parce que l'auto-identification prônerait sur le genre assigné à la
naissance.
M. Tanguay : Je revire ça de bord.
Est-ce qu'il y aurait lieu de permettre aux citoyens qui le désireraient
d'affirmer, en le voyant écrit sur les cartes, qu'ils le veulent : Bien,
moi, je veux que ce soit «madame», moi, je veux que ce soit «monsieur» puis
moi, je veux que ce soit «non binaire», parce que c'est l'expression aussi de
ce que nous sommes. Est-ce qu'on devrait aussi se réserver cette
opportunité-là, puis j'en suis sur l'aspect administratif, quand vous allez
sortir votre carte, de ce qui est marqué dessus ou pas et de l'option que vous
avez ou pas de faire marquer ça? Parce qu'il y a une affirmation là aussi, je
revire l'enjeu de bord.
Pullen Sansfaçon (Annie) : Est-ce
que je peux répondre?
• (13 heures) •
M. Tanguay : Bien, je vous en prie.
Pullen Sansfaçon (Annie) : Bien, en
fait, ça n'a pas besoin d'être sur la carte. Vous pourriez... Moi, je pourrais
me présenter au CLSC, au CIUSSS et dire : Bien, moi, c'est madame,
pouvez-vous mettre «madame» dans mon dossier? Ça n'a pas besoin d'être un F sur
ma carte. On peut continuer à avoir des identifications respectant les
identités de genre de tout le monde, mais ça n'a pas besoin d'être identifié
sur la carte. Parce que c'est l'incongruence entre les pièces d'identité et
l'identité de genre qui cause des problèmes dans toutes les sphères.
Les enfants qui vont à l'école, c'est très, très
difficile pour eux parce qu'ils sont constamment mégenrés, même chose quand
qu'ils commencent à travailler en emploi. Il y a toutes sortes d'espaces où
est-ce que ces personnes-là sont mégenrées parce qu'il y a une lettre sur la
carte. Donc, si on enlève cette lettre-là puis qu'on dit à tout le monde, là, en arrivant : O.K., vous,
vous êtes madame, je ne sais pas moi, Mme Smith ou... Non, bien, je n'ai
même pas bien fait ça en termes de pratique
transaffirmative, j'ai dit «madame». Mais vous, vous êtes... votre nom, c'est
Johanne Smith, quel marqueur vous voulez? Quelle salutation vous voulez?
Madame? Parfait. Madame, O.K. Mme Smith.
Vous
comprenez? Ça n'a pas besoin d'être sur la carte comme un F, ou un M, ou un NB.
On a juste à demander aux gens. Ça peut être dans tous les dossiers
administratifs.
M. Tanguay : Maël?
Ste-Marie Raymond (Maël) : Dans le
fond, Mme Sansfaçon l'a très bien résumé, on n'a pas besoin... Dans le
monde où on n'a pas un marqueur de genre de manière permanente sur nos papiers,
ce qui est important, ce n'est pas nécessairement de donner la permission
d'ajouter un marqueur de genre sur nos papiers, mais bien de donner la
permission aux personnes qui souhaitent... qui souhaitent affirmer, il faut
demander, il faut demander aux gens quel marqueur de genre iels préfèrent dans
un monde où on l'emploie sur nos papiers. Et ça va se faire de manière
naturelle, parce qu'on n'aime pas se faire mégenrer, qu'on soit une personne
cis ou une personne trans. Se faire mégenrer est extrêmement inconfortable.
Donc, dans la société de tous les jours, où on a des formules de politesse, où
on utilise des adjectifs très genrés, ça va se faire de manière naturelle. Et
donc l'ajout d'une mention de genre, si elle n'est pas existante sur nos
papiers, ne sera donc pas nécessaire.
M. Tanguay : Et, quand on parle
d'une pièce d'identité, la RAMQ, la carte-soleil, le permis de conduire,
enlever le sexe, là, ils vont savoir qui je suis, hein, puis, s'ils ont un
ticket à me donner ou s'ils ont un soin à me donner, ça va être la bonne personne,
là, je veux dire, ils ne se tromperont pas. Ils ont déjà... l'État a déjà assez
d'informations sur nous, là, inquiétez-vous pas, si j'ai brûlé mon stop, je
vais l'avoir, mon ticket.
Vous avez utilisé, Pre Pullen Sansfaçon, à plus
d'une reprise, le qualificatif «délétère» quant à l'impact du projet de loi. Je
suis allé voir des synonymes : «nuisible», «nocif», «malsain», «toxique».
Maël, depuis le dépôt du projet de loi n° 2, est-ce
que vous corroborez que ça a eu un impact, ça a envoyé un mauvais signal?
Ste-Marie Raymond (Maël) : Ça a
envoyé un très mauvais signal. Je vais vous raconter, en fait, mon expérience
personnelle. J'ai appris la sortie du projet de loi n° 2,
comme pas mal tout le monde, par les médias, tout ça. Et c'est certain que les
organismes avec lesquels je travaille, les chaires de recherche dont je fais
partie se sont immédiatement mis au travail. Mais le stress a été tellement
intense, la détresse a été tellement intense que j'ai été physiquement malade
et j'ai dû me retirer de l'école pour une journée. C'est ça, l'impact que le
p.l. n° 2 a eu sur moi. Je n'imagine même pas
l'impact que ça a eu sur les organismes, sur les personnes de la diversité de
genre qui sont en situation précaire si moi, qui a eu mes
changements au niveau administratif, si moi, qui est dans une famille qui me
supporte, qui est dans un endroit sécuritaire, a été malade physiquement et dû
me retirer de mes obligations.
M. Tanguay : Les amendements, on ne
les a pas vus. On nous dit : Ça va changer. On a vu, puis vous en
témoignez, Maël et Pre Sansfaçon, ça a eu des impacts tangibles sur le terrain
depuis le dépôt du projet de loi. Les amendements, on va peut-être les avoir
juste en janvier, février, quand on sera rendus.... peut-être même juste quand
on sera rendus à ces articles. Qu'est-ce que ça prendrait aujourd'hui, là, pour
envoyer le bon signal? Parce que ce n'est pas tout le monde qui nous écoute,
là, à 13 h 07, là, au moment où on se parle, là. Mais, dans la
communauté, au Québec, qu'est-ce que ça prendrait, là, pour rectifier le tir?
Parce que ce que vous avez vécu, Maël, c'est très tangible puis ce n'est
clairement pas un cas isolé. On en a, des témoignages. Ça prendrait quoi
aujourd'hui? Une campagne de publicité? Renforcer le message qu'oubliez ça on
va reculer, le gouvernement? Ça prendrait quoi, là?
Pullen
Sansfaçon (Annie) : Consultez les communautés. Elles ont une expertise
tellement, tellement précieuse. Et même à la chaire, on produit de la
recherche puis on consulte tout le temps. On a un comité de consultation
permanent où on propose des choses. On leur dit : Est-ce que tu trouves
que c'est bien présenté? Est-ce que tu trouves que ces résultats sont parlants?
Consultez les communautés, et elles vont vous le dire, qu'est-ce qu'elles ont
besoin. Mais moi, je pourrais vous dire que, selon ce que je vois dans les
évidences empiriques, il faut absolument favoriser l'autodétermination des
personnes et il faut absolument qu'on s'assure qu'on ne crée pas des situations
d'exclusion ou des situations qui vont stigmatiser davantage. Parce que ces
personnes-là, déjà, je vous le garantis, elles sont dans des... une des
populations les plus marginalisées que je connaisse.
M. Tanguay : Et ça, ça amène,
page 5 de votre mémoire : surreprésentation en situation
d'itinérance, surreprésentation, protection de la jeunesse. Le fameux frais de
138 $, là, il y en a bien qui ne sont pas capables de le payer pour
changer la mention de sexe. Alors, quand on a dit ça, ça vient ajouter et ça
illustre bien votre propos qu'il y a déjà une stigmatisation, et là on rajoute
une couche.
Pullen Sansfaçon (Annie) : Et, si je
peux vraiment me permettre, en une seconde, on parle de précarité économique,
on parle de statut socioéconomique, on parle de genre, mais il ne faut pas
oublier aussi qu'il y a des personnes qui
sont racisées, qui vont aussi vivre de la discrimination raciale. Il y a toutes
sortes d'autres discriminations qui vont s'ajouter à ça, et ça, on l'a
vu clairement dans les recherches comment, en ajoutant une couche handicap...
comment les situations s'empirent. Donc, je veux juste qu'on se souvienne de
ça.
M. Tanguay : Merci beaucoup, Maël.
Merci, professeure.
• (13 h 10) •
Le Président (M. Bachand) : Merci,
M. le député de LaFontaine. Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques, s'il vous plaît.
Mme
Massé : Oui, merci. Bonjour à vous deux. Donc, si je
comprends... bien, en fait, je comprends plusieurs choses. Premièrement, que l'identité de genre, ça
appartient à la personne. Donc, il n'y a personne qui peut déterminer
notre identité de genre. Ça, c'est exactement ce que vous avez plaidé lorsqu'on
a fait le projet de loi sur les enfants trans,
c'est exactement ça, la même affaire. Alors, vous avez de la cohérence, mais
peut-être qu'on à la mémoire courte.
L'autre élément qui me vient en vous entendant,
c'est un des articles, dans le projet de loi, qui parle qu'au niveau de l'état
civil il devrait y avoir une mention d'altération, hein, pour être capable de
suivre les changements à l'état civil. J'ai peut-être lu rapidement votre
mémoire, je n'ai pas vu ça, mais qu'est ce que vous pensez de cette idée-là? Je
ne veux pas l'interpréter, là, mais...
Pullen Sansfaçon (Annie) : L'interprétation
est difficile dans le sens où je ne pense pas qu'il devrait y avoir une mention
d'altération. En fait, ça irait contre le principe de garder l'identité de tous
et de toutes confidentielle. Donc, il ne faut pas que ça reste. Tu sais, vous
pouvez, état civil, document administratif dans les archives, très, très, très
loin, garder tout ce que vous voulez sur les changements des personnes, ce
n'est pas arrêter de faire ces suivis-là. Mais ça ne doit pas se retrouver sur
les pièces, sur les endroits où les gens utilisent chaque jour. C'est ça qui pose
problème. Donc, non, je ne serais pas pour ça, je pense que ça serait très
nuisible.
Mme Massé : Parfait. Je voulais
juste être certaine. Et donc... parce qu'il y a des gens des communautés trans
qui sont venus nous dire que, pour eux et elles, le marqueur de genre, c'était
important sur les papiers sociaux parce que ça pouvait être, justement, une
façon de pouvoir affirmer des choses. Vous, vous dites : Bien, on n'en
aurait peut-être pas besoin. Est-ce que l'idée que les personnes pourraient choisir,
s'ils le veulent ou non, inscrire, mettons, sur son permis de conduire un
marqueur de genre, donc éliminer l'obligation comme à la RAMQ, mais... comme le
code permanent, par exemple, on est encore là, en 2021. Est-ce que l'idée de
pouvoir choisir, ça pourrait aussi être recevable, pour vous, mettons, Maël?
Oui?
Ste-Marie Raymond (Maël) : Je pense
que c'est une solution qui est très appropriée en ce moment. Dans une société
qui a grandi autour de stéréotypes de genre et qui a grandi autour de marqueurs
de genre sur la majorité de nos papiers légaux, je pense que ces associations
très... c'est la solution très appropriée, le temps qu'on fasse, en tant que société, une transition vers l'annulation complète
de marque... de pose de marqueurs de genre sur nos papiers légaux.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée
de Joliette, s'il vous plaît.
Mme Hivon : Oui. Sur le même sujet — merci
beaucoup, hein, vraiment intéressant — c'est ça, on a lancé cette
question-là à un premier groupe, puis ils nous ont dit : Mon Dieu! On ne
pensait jamais que vous pourriez penser à ça. Ça fait que, des fois, je pense,
les gens sous-estiment les élus, je ne sais pas, comme si on ne pouvait pas
évoluer. Mais, bref, c'est une question qui nous habite quand même. Donc,
j'entends ce que vous dites.
L'autre chose que je me disais, c'est que c'est
quand même un référent tellement ancré, donc, la mention de sexe. Est-ce
qu'aussi une option, ce serait à dire : Bien, sur le certificat de
naissance, c'est inscrit, mais ça ne veut pas dire que ça a besoin d'être
inscrit sur les pièces d'identité? Ça, est-ce que c'est quelque chose... Parce
que même les personnes intersexes, dans le projet de loi, le ministre proposait
que ça puisse être indéterminé, et on a eu un consensus qu'il nous a dit :
Non, non, non, c'est beaucoup mieux d'assigner quand même un genre, à la
lumière, là, des expertises, des études, et tout ça, de ce qu'on peut avoir
comme anticipation. Donc, ça marquait quand même l'importance de ça. Donc, ça,
c'est une première question que j'avais.
Puis, pour ceux qui disent que c'est un
phénomène, je veux dire, ceux qui sont comme... qui ne comprennent pas trop,
là, pourquoi il y a une telle mobilisation puis qui disent : Mais c'est
quand même un phénomène encore marginal, est-ce que vous pourriez les éclairer
et dire il y a combien de personnes, par exemple, au Québec, qui sont en
transition chaque année?
Pullen Sansfaçon (Annie) : O.K. Je
vais répondre... je peux répondre. Ce n'est pas marginal du tout, là. En fait, tu sais, pour être capable de se nommer, il
faut être capable de se reconnaître, hein? Donc, plus on est visible,
plus on va avoir des gens qui vont être capables de se reconnaître dans ces
modèles de différentes façons de vivre son genre.
La recherche la plus récente pour les jeunes
trans, c'est une étude systématique. On a étudié plusieurs études et on les a
mises ensemble, on parle de 2,7 % des jeunes qui s'identifient comme trans
et jusqu'à 8,4 % qui sont divers dans le genre ou qui sont en
questionnement. Ça fait que c'est quand même une population qui est importante au Québec. Tu sais, si on s'intéresse à notre
jeunesse, là, il commence à y avoir une bonne proportion de ces jeunes-là.
Je dirais peut-être aussi... Est-ce que ça répond à votre question, ça?
Mme Hivon : Oui, tout à fait.
Pullen Sansfaçon (Annie) : Oui. Je
pense que le principe qu'il ne faut vraiment pas oublier, c'est le principe
d'autodétermination du genre. Ça fait que, peu importe ce que... Puis je suis
certaine que vous allez trouver des bonnes solutions, mais il faut juste
s'assurer que, un, ça respecte le principe d'autodétermination, que les
personnes cis, que les personnes trans, que les personnes en questionnement,
que les personnes non binaires soient capables de s'autodéterminer avec une
mention qui leur convienne et aussi être capables, justement, d'avoir... de
garder cette confidentialité-là, si on veut le faire, parce que pas tout le
monde ne veut s'afficher comme ça. Alors, je pense que, si on est capables de
respecter ces principes-là, d'après moi, on va être capables de... de réduire,
en fait, le stigma que ces personnes-là vivent et faciliter leur vie dans
toutes les sphères, à l'école, dans le milieu de travail, dans le voisinage,
peu importe les milieux que ces jeunes-là fréquentent.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Pre Sansfaçon,
Maël, merci beaucoup d'avoir été avec nous. Très, très, très apprécié.
Mémoires déposés
Avant de terminer, je dépose les mémoires des
personnes et organismes qui n'ont pas été entendus.
La commission, ayant accompli son mandat,
ajourne ses travaux au mardi 7 décembre, à 10 heures, où elle va
entreprendre un nouveau mandat. Merci beaucoup et bon week-end.
(Fin de la séance à 13 h 15)