(Onze heures vingt-cinq minutes)
Le Président (M.
Bachand) : Bonjour à tout le monde. À
l'ordre, s'il vous plaît!
La commission est réunie afin de poursuivre les
auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet
de loi n° 2, Loi portant sur la réforme du droit de
la famille en matière de filiation et modifiant le Code civil en matière de droits
de la personnalité et d'état civil.
Avant de débuter, M. le secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
Le Secrétaire : Oui, M. le
Président. Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce) est remplacée par Mme Maccarone
(Westmount—Saint-Louis,
et M. Zanetti (Jean Lesage) est remplacé par M. Leduc
(Hochelaga-Maisonneuve).
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Merci. Avant de continuer, y a-t-il
consentement pour permettre à la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques de participer
à nos travaux?
Des voix : Consentement.
Auditions (suite)
Le Président (M.
Bachand) : Consentement. Merci beaucoup. Ce matin, nous
entendrons le Mouvement Retrouvailles conjointement avec Les Oubliés-es de la
loi 113.
Mais d'abord, nous commençons avec Florence
Ashley, juriste et biotechnicienne transféminine. Alors, merci beaucoup d'être
avec nous ce matin, c'est très apprécié. Alors, vous connaissez la procédure,
donc, 10 minutes de présentation, après ça un échange avec les membres de
la commission. Donc, la parole est à vous. Encore une fois, merci beaucoup
d'être avec nous ce matin.
Florence Ashley
Ashley (Florence) : Merci. Donc,
cher ministre et membres de la Commission des institutions, je m'affirme être
vraiment en plein accord avec les présentations et les mémoires des organismes
LGBTQ+ et je vais concentrer ma présentation sur les aspects légaux du projet
de loi n° 2.
Donc, lors de ma présentation, je veux vraiment
attirer votre attention sur les problèmes liés à quatre aspects du projet de
loi, soit, premièrement, le système à double mention sexe-genre; deux, la
mention de sexe indéterminé; trois, les restrictions et les objections à la
mention parentale; et, quatre, la mention d'altération. Je n'aurai pas le temps
de vous parler des frais de changement et je vous invite à consulter la
page 9 de mon mémoire à ce sujet.
Je vous invite à me poser des questions au sujet
de ma présentation ou de mon mémoire et ainsi que toutes autres questions
d'ordre juridique ou éthique que vous pourriez avoir
Donc, dans ces quatre aspects, le projet de loi
se démontre incompatible avec les droits de la personne qui est... garantis aux
communautés trans, non binaires et intersexes par la charte québécoise et la
Constitution. Je reconnais l'intention bénéfique derrière le projet de loi n° 2, mais, néanmoins, son opérationnalisation a pour effet
de violer le droit à l'égalité, à la dignité, à la vie privée et à l'intégrité
corporelle de nos communautés. Les droits de la personne, et en particulier le
droit à l'égalité, il faut se le rappeler, ne sont pas formels mais sont bien
basés sur une conception substantive et matérielle de la vie humaine. Il ne
faut donc pas regarder l'intention ou la théorie abstraite, mais avant tout
regarder l'impact tangible des propositions d'une loi sur les communautés. Et,
sur ce plan, nous pouvons aisément voir ses effets néfastes et contraires à la
charte.
De plus, le projet de loi n° 2
est malheureusement incompatible avec le jugement Moore de la Cour supérieure
et en particulier avec son raisonnement, ses conclusions et ses ordonnances.
Je vous dirige maintenant à la page 1 à 3
de mon mémoire, sur le système à double mention. Le système à double mention
sexe/genre est contraire aux droits de la personne, tant par ses critères
médicaux que parce qu'il distingue les personnes trans des personnes qui ne
sont pas trans et donc révèle leur transitude. La jurisprudence canadienne, les
travaux de la Commission des droits de la personne et les principes
internationaux de Jogjakarta confirment que toutes exigences médicales,
qu'elles soient chirurgicales ou non, au changement de mention de sexe sont
contraires à l'intégrité corporelle. Également, tout système qui révèle
directement ou indirectement le fait qu'une personne est trans viole son droit
à la vie privée et à l'égalité, ce qui est fait par le projet de loi avec son
système à double mention.
Le système proposé n'est pas étayé par le
jugement Moore. Les propos du juge Moore sur la distinction en sexe et genre se
veulent un sujet amené et utilisent les termes dans un sens vernaculaire, qui
est en soi partiellement contesté, et non pas dans un
sens légal. Il est absolument crucial de comprendre qu'au Québec, sur le plan
légal, le sexe inclut l'identité de genre, en droit de la personne, depuis 1998
et à l'état civil depuis 2013. Au contraire, le jugement Moore explique
justement que les personnes trans et non binaires ont droit au plein et égal
respect de leur identité de genre, dont dans la mention de sexe, ainsi que le
droit de garder leur transitude privée.
Le juge ordonne au gouvernement de faire deux
choses, soit, premièrement, de créer des mentions de sexe qui reflètent
l'identité de genre des personnes non binaires et, deuxièmement, de préserver
l'option d'avoir des documents sans mention pour toutes personnes qui le
désirent. Pour respecter les droits de nos communautés, le gouvernement devrait
garder une seule mention dite «sexe», mais ajouter des options pour les
personnes non binaires et pour les personnes qui ne veulent pas révéler leur
identité de genre.
• (11 h 30) •
Je passe maintenant aux pages 4 à 5 de mon
mémoire sur la mention indéterminée. Le projet de loi crée une mention de sexe
dite indéterminée pour les nouveau-nés intersexes qui naissent avec des traits
sexués qui n'entrent pas dans le cadre sociomédical binaire homme/femme. Le
projet, de plus, crée une obligation de changer cette mention dès que le sexe devient, entre guillemets, déterminable. Or, le
sexe devient déterminable à cause de traitements chirurgicaux et
hormonaux, généralement en bas âge, et ce, même si ceux-ci sont néfastes,
stérilisants, non urgents et non consentis par l'enfant. Ces chirurgies ne sont
pas nécessaires à la santé, mais visent plutôt à normaliser l'apparence sexuée.
Les communautés intersexes sont, on le comprend bien, fortement opposées à ces
aspects du projet de loi qui violent le droit à l'intégrité corporelle des
jeunes intersexes ainsi que leur droit à l'égalité et à la vie privée. Les parents d'enfants intersexes voudront
éviter cette mention stigmatisante, «indéterminé», ce qui les
encouragera, donc, davantage à consentir à
des interventions qui visent à normaliser l'apparence sexuée. Ces interventions
devraient plutôt être laissées au choix autonome de l'enfant plus tard dans sa
vie.
On parle ici d'un enjeu qui n'est pas théorique,
mais bien concret. Les études démontrent amplement les pressions à consentir
que vivent les parents d'enfants intersexes, et ces interventions ne sont pas
rares au Québec. Entre 2015 et 2020, on a compté plus de 838 chirurgies
sur les enfants intersexes de moins de deux ans et 547 sur les enfants de 3 à
14 ans, et ces chiffres pourraient être plus élevés selon comment ils sont
comptés.
Le projet de loi va clairement à l'encontre de
l'obligation internationale qui se retrouve dans les Principes de Jogjakarta à
ce sujet. Dans les principes, le gouvernement, on a une obligation de prendre
toute mesure possible pour garantir l'absence de telles interventions qui
visent à imposer une identité de genre sans le consentement total, libre et
averti de l'enfant. Or, c'est précisément ce que le projet de loi fera en
pratique même si ce n'en est pas nécessairement l'intention. Cette mention de
sexe indéterminé n'a pas sa place au Québec et, tel que le demande la déclaration
de Malte des communautés intersexes, tout enfant intersexe devrait avoir droit
d'avoir une mention de sexe masculin ou féminin sans procédure médicale
quelconque.
Je passe maintenant aux pages 5 à 7 de mon
mémoire, sur la mention parentale. Le projet de loi n° 2 crée une nouvelle
mention «parent» en plus de celle de «père» et «mère». C'est là une mention
importante et très bénéfique, mais, malheureusement, son application dans le
projet de loi pose problème à deux niveaux. Premièrement, elle est imposée aux
pères et mères trans dont l'enfant rejette l'identité et, deuxièmement, elle
n'est, autrement, une option qui n'est permise qu'aux personnes non binaires.
Le droit de rejet par l'enfant transforme les
mères et pères trans en parents de deuxième classe, parce que, peu importent
les sentiments de l'enfant, les parents qui ne sont pas trans voient leur
identité de genre respectée dans les documents d'état civil, mais, lorsque le
parent est trans, le projet de loi donnerait à un enfant qui pourrait être très
transphobe le droit de rejeter l'identité parentale. Ça revient à dire que les
pères et mères trans méritent moins le respect de leur identité de genre que
les parents qui ne le sont pas, en plus de révéler leur transitude. Le simple
fait que le certificat de naissance est celui de l'enfant n'empêche pas du tout
le changement de la mention parentale puisque, sujet aux droits de la personne,
l'état civil n'est pas un droit de la personne, mais bien de l'État, et c'est
là la source du principe d'indisponibilité de l'état civil.
Question connexe, le fait de limiter la
catégorie «parent» aux seules personnes non binaires est contraire au droit à
la vie privée, qui est reconnu par le jugement Moore, et ce qu'on peut bien
voir par raisonnement analogique. Selon le juge Moore, un acte d'état civil
sans mention de sexe préserve la vie privée des personnes qui désirent
contrôler avec qui elles partagent leur identité de genre. Permettre un acte
sans mention est obligatoire, dans le jugement, et non facultatif, puisqu'il
est contenu dans les ordonnances du juge. Mais, puisque le projet de loi
réserve la mention «parent» seulement aux parents trans et non binaires, il n'y
a donc aucune option analogue qui est offerte justement pour ces parents qui
voudraient garder privée leur identité parentale. Pour respecter les droits de
la personne au Québec, le gouvernement doit permettre à toute personne d'avoir
la mention «parent» ainsi que d'assurer le respect de la mention parentale qui
est désirée par les pères ou mères trans.
Je me tourne pour mon dernier point... Je vous
dirige à la page 8 de mon mémoire, sur la mention de l'altération ou de
modification. Le projet de loi n° 2 crée une nouvelle indication qui
indiquera, donc, si l'état civil a été précédemment changé, par exemple, par un
changement de nom ou une mention de sexe. L'effet sera soit de révéler
directement que la personne est trans, notamment si la nature du changement est
indiquée, ou, dans l'alternative, au moins de révéler indirectement ce fait en
encourageant la curiosité et les examens minutieux envers celle-ci puisqu'il y
aura une marque indiquant un changement. Même si l'ajout peut paraître neutre,
le changement de mention a un lien si puissant avec le fait d'être trans qu'il
est impossible de nier l'impact singulier qu'il aura sur les communautés trans,
qui rentre dans la définition de «discrimination». Et, contrairement à ce que
la demande de la charte canadienne... l'impact n'est ni proportionné ni
restreint, puisqu'on sait bien que les communautés trans sont un des groupes
les plus marginalisés en société, alors que l'absence d'une indication de
changement n'a pas posé problème en plus de 44 ans
de changements de mention de sexe. J'invite donc le gouvernement à simplement
retirer cet ajout proposé au Code civil.
Je vous remercie de
votre attention et j'attends vos questions avec grand intérêt.
Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup de votre présentation. Donc, M. le ministre, vous avez la
parole.
M.
Jolin-Barrette : Bonjour, Florence Ashley. Merci de participer aux
travaux de la commission. On s'était vus dans le cadre du projet de loi
n° 70, également, que vous aviez commenté, sur les thérapies de
conversion. Et d'ailleurs, M. le Président, vous me permettrez de souligner que
le Parlement fédéral a adopté, une année après nous, l'interdiction sur les
thérapies de conversion. Alors, je pense que ça démontre qu'on était des
précurseurs au Québec encore une fois dans
la protection des droits des minorités, et notamment sur cette question-là, qui
est fort importante, au niveau des thérapies de conversion, pour dire
que, nous, dans la société québécoise, c'est complètement inacceptable et
intolérable. Alors, on avait pris les moyens rapidement pour le faire.
Bon, d'entrée de jeu,
vous m'avez sûrement entendu, quand j'ai déposé le projet de loi, on visait à
trouver une voie de passage justement pour faire en sorte de concilier les
recommandations... bien, en fait, les conclusions du jugement Moore. J'ai bien
entendu les membres de la communauté relativement à l'obligation de chirurgie.
J'ai annoncé que j'allais le retirer du projet de loi. Même chose pour la
perception relativement au «coming out» forcé, ça aussi, on va modifier les
dispositions législatives.
Je vais avoir
quelques questions pour vous. Je n'aborderai pas la question du jugement Moore
parce que je n'ai pas la même interprétation que vous relativement aux
impératifs puis à ce qui est dit. Donc, ce que vous dites dans votre mémoire,
je ne partage pas nécessairement votre analyse du jugement puis de certaines
modalités, mais parlons plus du projet de loi n° 2 et de ce qui est
souhaité par les membres de la communauté.
Bon, dans un premier
temps, sur l'identification par le sexe versus l'identification de genre, si je
vous suis bien, ce qui est demandé par la communauté, c'est notamment de ne pas
avoir cette identification de genre là et que l'utilisation
de la rubrique «sexe» soit... dans le fond, l'identification de genre soit
assimilée à l'identité de sexe et que les gens puissent, lorsqu'ils décident
de changer de sexe, dans le fond, sans avoir d'opération, à être identifiés par
«masculin» ou «féminin», et d'inclure une troisième voie pour les personnes non
binaires au niveau du sexe, donc, exemple, permettre d'inscrire «F», «M» ou «X»
sous la rubrique «sexe».
• (11 h 40) •
Ashley
(Florence) : Oui, donc, absolument. Donc, c'est là, vraiment, ce qui
est désiré, au niveau d'avoir... d'étendre les rubriques. Je pense qu'il est
important aussi de comprendre que, dans le contexte québécois, cette distinction
entre sexe et genre n'est pas faite en droit et est aussi, elle-même, en partie
contestée dans le niveau... au niveau, plutôt, par exemple, académique, où on y
voit une division qui est idiosyncrasique, puisque plusieurs personnes
viendraient dire que, par exemple, le sexe d'une femme trans est féminin.
Ce qu'il faut
comprendre, c'est qu'outre la question de nos concepts dans la société, il faut
comprendre que le sexe est interprété comme ça en droit québécois. Les
tribunaux des droits de la personne, en 1998, ont expliqué que, justement, la notion de sexe est une notion
complexe et à plusieurs facettes, qui inclut une perspective
psychosociale, donc, la perspective de l'identité de genre. Et c'est quelque
chose qui est justement répété dans la jurisprudence, mais aussi dans la
possibilité de faire le changement de mention de sexe depuis 2013 au Québec.
Et donc ce n'est pas
là... Donc, il n'y a pas de désir de voir de distinctions faites à ce niveau-là
entre sexe et genre, mais bien d'assurer que, sur le plan concret, il n'y ait
qu'une seule mention qui puisse refléter l'identité de genre de toute personne
au Québec, dont les personnes non binaires, donc, ce qui amènerait à ajouter
des options... avoir une option, par exemple, non binaire, donc un «X», mais
aussi en préservant ce que le gouvernement a offert pendant... il y a... je
crois que ça fait maintenant deux ans, l'option de retirer la mention de sexe
des documents pour les personnes qui voudraient garder cette information
privée, et ça, peu importe si la personne est homme, femme, non binaire ou
s'identifie autrement.
M.
Jolin-Barrette : Une question là-dessus. Vous, je crois que vous êtes
à l'Université de Toronto. Vous faites de la recherche au niveau pancanadien.
Qu'en est-il des autres juridictions canadiennes, des provinces, des
territoires? Est-ce qu'ils font disparaître la mention de sexe des documents de
l'état civil?
Ashley
(Florence) : Donc, il y a plusieurs approches qui sont faites. À
travers le Canada, dans certaines provinces,
dans la... Donc, disons, dans la plupart des provinces, il y a une option «X»
qui est créée pour les personnes non binaires, encore là, assimilées à
la notion de sexe. Donc, il n'y a pas de distinction entre sexe et genre qui
est faite. Et, dans certaines provinces, on a des mouvements vers enlever les
mentions de sexe sur tous les documents. Donc, je pense, notamment, en Ontario,
depuis 2016, les cartes d'assurance maladie ne contiennent aucune mention de
sexe ou genre en Ontario, donc, depuis 2016, n'a pas posé problème.
Il y a aussi les
précédents, à ce niveau-là, aux Pays-Bas, où, en 2020, il y a eu le retrait de
toute mention de sexe et/ou genre au niveau des papiers d'identité. Et la
Belgique considère aussi une option similaire en ce moment. Donc, il y a quand
même certains précédents à ce niveau-là. Il y a aussi un parallèle, au niveau
de la mention parentale, avec des provinces comme la Colombie-Britannique et la
Saskatchewan, qui appellent tout le monde «parent» sur les certificats de naissance,
peu importe le cas. Donc, en Colombie-Britannique, c'est le cas depuis... à la
suite d'un jugement, en 2001, qui visait l'égalité des couples de même sexe.
M.
Jolin-Barrette : Donc, au Canada, ce n'est pas uniforme. Ce n'est pas
toutes les juridictions canadiennes qui permettent d'enlever la notion de sexe
sur les documents d'état civil.
Une question. On a reçu Janik Bastien Charlebois
hier ou avant-hier, je pense — c'est hier — relativement à la
notion des enfants nés intersexes. L'objectif que nous avons avec le projet de
loi, c'est de faire en sorte de ne pas mettre de pression pour que l'enfant
subisse une opération rapidement, pas faire en sorte, supposons, que le corps
médical décide rapidement : Bien, on va conserver les organes féminins,
puis, finalement, l'enfant, c'est un petit garçon en se développant. Et là ce
qu'on voulait faire, c'est de laisser le temps, et c'est le sens de l'article
aussi, pour dire : Écoutez, laissons l'enfant se développer puis lui-même
s'affirmer pour savoir, dans le fond, quelle est son identité. Ça, c'est
l'objectif de la disposition.
Janik Bastien Charlebois, hier, nous a dit, en
gros : On comprend, sauf que ce n'est pas ça que je vous recommande, je
vous recommande, dans le fond, de laisser une assignation temporaire de sexe,
dans le fond, que les parents, avec le corps médical, disent : Bon, bien,
on va assigner un sexe à la naissance, assignation qui sera peut-être ou non
temporaire. Et là, au fur et à mesure que le développement de l'enfant... à ce
moment-là, s'il y a nécessité de changer son identification, de changer de
sexe, alors, on le fera à ce moment-là.
Qu'est-ce que vous pensez de cette approche-là?
Pensez-vous qu'on est mieux de conserver dans le droit le fait d'avoir la
mention «indéterminé» ou, déjà, tout de suite, de dire : Bien, non,
laissons ça comme ça, sur l'assignation temporaire, puis, par la suite, on fera
le changement? Janik Bastien Charlebois nous disait : Écoutez, il y a un
facteur important là-dedans, c'est sur l'acceptation des parents, le
cheminement aussi, tout ça. Qu'est-ce que vous en pensez, vous?
Ashley (Florence) : Donc, je suis en
plein accord avec Janik Bastien Charlebois, qui est vraiment une des plus
grandes expertes dans le domaine au monde entier. On a vraiment beaucoup de
chance, au Québec, d'avoir quelqu'un qui a tant d'expertise sur les enjeux
intersexes et sur les pratiques médicales à ce niveau-là. Je suis en plein
accord avec sa compréhension. Et aussi ce qu'elle dit est vraiment... vraiment,
s'enligne très bien avec les compréhensions en droit, donc, en droit tant à
travers les différents pays et aussi sur le plan international, et je pense notamment aux documents de la déclaration de
Malte, aux Principes de Jogjakarta. Donc, oui, donc, je suis en plein
accord.
Donc, le problème qui... c'est que les parents
vont vivre une pression dès qu'il y a une façon de distinguer, d'une façon ou
d'une autre, sur l'état civil, que l'enfant est intersexe. Donc, en laissant la
liberté, sans aucun critère médical, de mettre «garçon» ou «fille», ça réduit
cette pression-là et permet, donc, justement, de donner plus d'autonomie à ce
niveau-là et plus de capacité à, disons, refuser les pressions que certaines
personnes dans le domaine médical pourraient essayer de faire pour avoir
consentement des parents à ces chirurgies-là. Donc, à ce niveau-là, je suis en
plein accord avec ce que dit Janik.
M. Jolin-Barrette : O.K. Peut-être
une dernière question avant de céder la parole à mes collègues. Vous l'avez
abordé rapidement tout à l'heure, là, sur la question de la modification de
l'acte de naissance de l'enfant dont son parent modifierait son sexe. Dans le
fond, là, on parle d'un document de l'état civil qui appartient à l'enfant,
supposons, de plus de 14 ans, là. Dans ce cas-là, je pense que c'est 73...
la modification 73 qu'on souhaite faire. Donc
là, on a deux documents officiels de l'État. Il y a celui du parent, qui change
son identification. Donc, lui, il n'y a pas d'enjeu. Il va venir
changer, donc, supposons, «masculin» pour «féminin», donc, le fait sur son
propre acte de naissance et certificat de
naissance. L'enfant, l'enfant de 14 ans et plus, lui, ce qu'on prévoit,
c'est qu'à ce moment-là la mention va venir indiquer «parent».
Donc, pour le changement, vous, vous
dites : Écoutez, non, ça ne devrait pas être ça, parce que, vous dites, ça
vient créer une distinction par rapport aux parents. De l'autre côté, l'acte de
naissance appartient à l'enfant aussi. Donc, c'est son document à lui. Comment
est-ce que vous vous réconciliez ça, là, entre les deux? J'aimerais ça vous
entendre là-dessus, parce que ça inclut des personnes distinctes puis, dans le
fond, le changement de l'un impacte le document de l'autre.
• (11 h 50) •
Ashley (Florence) : Absolument.
Donc, sur le premier plan, je remarque que, déjà, le projet de loi, tel que
rédigé actuellement, prévoit un impact sur le certificat de naissance de
l'enfant, dans la mesure où même l'enfant d'en haut de 14 ans aura, s'il y
a refus, un changement de, par exemple, «mère» à «parent». Donc, il y a déjà...
Là, on voit la volonté du gouvernement à faire des changements. Donc, ce n'est
pas, en soi, donc, quelque chose qui peut se poser simplement par volonté de
l'enfant.
Ce qu'il faut comprendre, c'est que l'acte de naissance
n'appartient pas à la personne. L'acte de naissance, bon, oui, le papier est à
la personne, mais la question de l'état civil n'appartient pas à la personne.
C'est un droit de l'État, d'où la notion de ce qu'on appelle l'indisponibilité
de l'état civil, qui dit, en gros, ce principe qui est considéré comme
fondamental, et qu'à la base, s'il n'y a... La volonté elle-même n'est pas
suffisante pour changer l'état civil, sauf s'il y a des principes d'ordre
public ou de droits de la personne. Donc, sujet à l'ordre public et aux droits
de la personne, l'état civil appartient à l'État et non pas à la volonté de la
personne, et c'est ça qui... c'est là, vraiment, la distinction qui est
importante.
Il y a plusieurs changements qui se font sur les
certificats de naissance. Donc, par exemple, des enfants... Par exemple, si les
parents font des changements de nom ou, comme dans le projet de loi n° 2,
s'il y a un refus, il y aura un changement qui est fait à «parent» pour
refléter l'interrelation entre différents documents d'état civil et entre
l'état civil de différentes personnes. Après, il y a, bien sûr, la question
pratique de savoir, bon, s'il y a un document qui n'est pas... Donc, les
personnes qui reviennent avec leurs documents, etc., on comprend que ce n'est
pas un enjeu qui... si c'est un enjeu qui se pose
généralement à l'état civil, parce que, bien qu'il y a une obligation... Par
exemple, une personne qui fait un changement, on lui demande de ramener ses
certificats de naissance, mais, si tu en oublies un dans ton tiroir, bon, ça
veut dire qu'il va exister certains certificats qui ne seront pas tout
absolument concordants, et, en soi, ça ne pose pas nécessairement de problème,
notamment parce que le Code civil prévoit que, lorsqu'il y a changement, tout document
précédent est présumé avoir été fait sous, par exemple, le nouveau nom. Donc,
ça ne pose pas, en soi, de problème sur le plan juridique.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Un
grand merci pour votre présence en commission parlementaire. C'est fort
apprécié.
Le
Président (M. Bachand) : M.
le député de Saint-Jean, pour répondre, d'emblée, à votre question, une
minute.
M. Lemieux : «Oh boy»! Merci, M. le
Président. Bonjour. Le mémoire est passionnant, et la beauté de votre
présentation qui débute notre troisième grosse journée, c'est que ça va dans le
très légal. Alors, permettez-moi de reculer, malgré vos connaissances, hier, on
a eu, avec Séré Beauchesne Lévesque et Daphne Barile, on a eu une conversation
qui a fini par mener à l'idée que peut-être qu'un marqueur de genre, ce n'est
même pas nécessaire, peut-être qu'il ne devrait pas y en avoir, ni de sexe ni
de marqueur de genre, merci, bonsoir. C'est quoi, ça, c'est de la
science-fiction ou c'est un idéal?
Le Président (M.
Bachand) : Rapidement, Florence Ashley, parce que le temps
s'écoule. Merci.
Ashley (Florence) : Oui. Donc, je
crois que, donc, mon avis n'est pas l'avis de toutes les personnes dans les
communautés trans à ce sujet. Personnellement, bien que je sois, sur le plan
personnel, d'accord avec l'idée d'enlever les marqueurs, ce qui est, justement,
considéré en Belgique et aux Pays-Bas, je crois qu'il y a une nécessité d'avoir
des consultations communautaires qui sont spécifiques à ce sujet si on veut
envisager ce changement-là, parce que, notamment, il y a plusieurs enjeux à
considérer, parce qu'il y a, notamment, peu d'éducation sur le droit à
l'inclusion des personnes trans dans la société civile. Et donc avoir ce
marqueur-là peut partiellement servir à, dans le fond, aider une personne à
faire respecter son droit, donc...
M. Lemieux : Je comprends, mais,
malheureusement, le président nous regarde de travers. Alors, je vais céder mon
droit de parole. Merci beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) : Jamais, jamais je ne ferais ça, M. le député de
Saint-Jean, mais le temps va rapidement. Alors, je cède la parole maintenant à
la députée de Westmount—Saint-Louis,
s'il vous plaît.
Mme Maccarone : Merci, M. le
Président. Bonjour, Florence Ashley, un plaisir de vous avoir avec nous
aujourd'hui, encore une fois, en commission pour discuter des enjeux qui auront
un impact sur la communauté LGBT. Je reflète aussi... Je suis très heureuse,
comme le ministre a dit, que, maintenant, le gouvernement fédéral ira vers
l'avant avec une interdiction des pratiques de conversion. Puis, c'est sûr, je
salue évidemment le ministre d'avoir fait suite au dépôt de mon projet de loi,
qui faisait, dans le fond, le premier geste en ce qui concerne l'interdiction
des pratiques de conversion.
Première question pour vous. Vous avez dit dans
vos remarques préliminaires : Au Québec, le sexe inclut l'identité de
genre. Y a-t-il quelque chose dans la loi québécoise qui nous empêcherait
d'avoir un marqueur de sexe non binaire?
Ashley (Florence) : Absolument pas.
Donc, le droit québécois est très bien adapté à cette possibilité-là,
notamment, parce qu'il considère que le sexe inclut la perspective
psychosociale. Il faut comprendre que, lorsque l'identité de genre et
l'expression de genre ont été ajoutées à la charte québécoise, c'était... dans
le fond, le but était de rendre plus explicite le fait que les personnes trans
et non binaires étaient déjà protégées sous la notion de sexe. Donc, on devrait
y voir moins une distinction entre sexe et identité de genre, dans le fond,
qu'une spécification qui nous dit le sexe, incluant l'identité et l'expression
de genre. Donc, il n'y a vraiment rien, en droit québécois, qui empêcherait cela.
Mme Maccarone : Ça soulève la
question... Je pense que, pour beaucoup de gens, ils ont un peu de la misère à
comprendre. Si, mettons, on aurait une mention, on aurait «M», on aurait «F»,
on aurait... On a entendu hier que la mention de «X», ce n'est pas souhaitable.
On devrait avoir peut-être un «N-B», par exemple. N'est-ce pas un «coming out»,
à quelque part, si les gens choisissent le «N-B» comme identification?
Ashley (Florence) : C'est sûr qu'il
y a cet enjeu-là. Et je crois que c'est particulièrement important ici de
mettre l'accent sur le fait que le gouvernement permet et doit permettre à
toute personne de ne pas avoir de mention car plusieurs personnes qui sont non
binaires ne voudraient pas indiquer cette information, par exemple, parce qu'elles
veulent naviguer différents contextes sociaux dans différents rôles de genre
pour, par exemple, se protéger. Et, pour que cette option soit efficace, il
faut qu'elle soit ouverte à toute personne, incluant toutes les personnes qui
ne sont pas trans, parce que, si cette option est réservée aux personnes trans,
ça ne fonctionne plus. Donc, oui, il peut y avoir un enjeu.
Certaines personnes vont
être très confortables avec l'idée d'avoir des documents qui indiquent le fait
qu'elles sont non binaires, mais, d'autres personnes, ça ne sera pas le cas. Il
faut donc avoir des options qui sont adaptées à la diversité à l'intérieur des
communautés trans et non binaires car on ne parle pas ici de communautés
homogènes, mais bien de communautés qui sont très diverses.
Mme Maccarone : Ça me fait penser...
Dans votre réponse, je présume que vous êtes d'avis que la mention de «parent»,
aussi, qui est très restrictive dans le projet de loi n° 2 parce que c'est
réservé uniquement pour les personnes trans, devrait avoir un sens plus large.
Ashley (Florence) : Absolument.
Donc, toute personne devrait pouvoir être parent, et ce, peu importe si la
personne est trans ou non-binaire.
Mme Maccarone : Parfait.
Expliquez-nous votre vision. Quel est le lien... Vous êtes experte. Quel est le
lien entre l'identité de genre et les droits humains? Je pense que c'est une
question qui est très large, mais très pertinente.
Ashley (Florence) : Oui. Donc,
souvent, il y a un peu de mécompréhension dans la société quant au lien entre
le marqueur de genre et le respect des droits de la personne et du droit à
l'égalité, notamment dans l'inclusion dans les espaces genrés. Beaucoup de
personnes semblent croire que les documents d'état civil et le marqueur de
genre est la base du droit d'accès à certains espaces.
Et donc, par exemple, si une personne n'a pas de
«F» sur sa carte d'assurance maladie, elle n'a pas droit à accéder, par
exemple, à certaines toilettes, ou équipes sportives, ou autres. Or, ce n'est
pas le cas du tout, parce que l'accès à ces espaces-là fait partie, dans le
fond, du droit de la personne et non pas du droit d'état civil, et c'est
reconnu. C'est très bien reconnu depuis 1998‑1999, et le Québec était vraiment
en tête de file à ce niveau-là, que l'état civil ne dicte pas l'accès. C'est
l'identité de genre qui dicte l'accès sous le droit à l'égalité.
Mais, malgré ça, et malgré qu'on répète très
souvent dans les médias et on corrige les... plusieurs groupes qui militent
contre les personnes trans, qui continuent de répéter que l'état civil pose des
risques à ce niveau-là, malgré le fait qu'on corrige toujours en disant :
Ça n'a rien à voir avec l'état civil, ça tout à voir avec les droits de la
personne, on continue à avoir des personnes qui ne comprennent pas ça. Et je
crois que ce serait très important pour le gouvernement de faire de l'éducation
du public à ce niveau-là, parce que ça demeure un problème.
Mme Maccarone : Le ministre a dit
qu'il n'était pas de même d'avis que vous selon l'interprétation du jugement du
juge Moore qui a été déposé le 28 janvier. Pouvez-vous nous expliquer un
peu votre vision là-dessus pour qu'on comprenne mieux votre interprétation,
s'il vous plaît?
Ashley (Florence) : Absolument.
Donc, quand on lit le jugement Moore, il faut vraiment... Il faut vraiment
faire attention de distinguer les divers usages des termes. «Sexe» et «genre»
sont utilisés dans le jugement, et je comprends que ça peut devenir un petit
peu difficile à certains points, et, bon, il pourrait y avoir certaines...
parfois, un petit peu plus de clarté terminologique.
Toutefois, lorsqu'on regarde vraiment,
particulièrement, la conclusion, donc, ou le point où il va vraiment nous dire
c'est quoi qui est décidé dans le jugement ainsi que c'est quoi, les
ordonnances, on remarque vraiment qu'il n'y a là aucun désir de créer cette
double mention qui distinguerait l'identité et le sexe des personnes trans. Donc, on regarde au paragraphe 339 où on
déclare l'article 71, paragraphe 1°, invalide. Il nous dit que cette
déclaration est faite parce qu'il ne permet pas aux personnes non binaires de
changer la mention de sexe sur leur acte de naissance pour correspondre à leur
identité de genre. Donc, c'est très clair que c'est en lien avec la mention de
sexe.
Et il y a aussi, bien sûr, une ordonnance qui
est par rapport à l'obligation d'avoir une mention de sexe à toute personne,
puisque, au paragraphe 334, le juge prend acte de l'engagement du
Directeur de l'état civil de délivrer sur demande des certificats d'état civil
qui ne contiennent pas de mention de sexe. Et ce paragraphe-là est
immédiatement précédé par une invalidation de l'article 146 du Code civil
justement parce qu'il exige une mention de sexe sur les certificats d'état
civil.
• (12 heures) •
Mme Maccarone : Le temps file, j'ai
plusieurs questions, il va falloir que je fasse des choix. Vous avez dit dans
vos remarques préliminaires que vous n'aurez pas eu la chance de parler des
frais de changement, peut-être vous pouvez expliquer un peu votre point de vue
là-dessus puis vos recommandations.
Ashley
(Florence) : Oui, donc, il faut comprendre que les frais de
changement existent parce que le gouvernement a créé un régime qui impose une mention de sexe à la naissance. Et, bon,
il y a diverses opinions quant à savoir si c'est nécessaire. Mais ce
qu'il est important de comprendre, c'est que ça demeure... le fait que le prix
que les personnes trans ont à donner au
gouvernement pour faire le changement est imposé justement à cause des politiques
du gouvernement préalables. Et le problème, c'est que ça a donc l'effet
d'agir comme une taxe globale sur toutes les communautés trans. Donc, presque
toute personne trans aura à payer cette taxe-là pour pouvoir avoir le respect
de leur identité.
Donc, en soi, il y a
une question d'égalité globale, justement, parce que c'est en effet une taxe
sur une seule population marginalisée ou, du moins, très disproportionnée sur
cette population marginalisée là. Mais en plus, on sait qu'à cause de la pauvreté
des communautés trans, il y a tellement de personnes trans qui sont immensément
pauvres, on parle de... donc, plus récemment, on parle d'environ le tiers des
personnes trans de plus... de 25 ans et plus au
Québec qui ont un revenu annuel de moins de 15 000 $. Et donc, si on
vit avec moins de 15 000 $, comment est-ce qu'on peut payer un
changement qui est indexé à 144 $? On a de la misère à payer son loyer. Et
il y a plusieurs personnes... et, en fait, je connais plusieurs personnes qui
ont dû attendre plusieurs années avant de pouvoir changer leur certificat
justement par manque de fonds.
Donc, il y a vraiment
un impact très disproportionné à ce niveau-là sur les communautés trans. Et je
note que le projet de loi, justement, reconnaît, par exemple, une exception aux
frais lorsque c'est en lien avec l'identité autochtone de la personne, et je
crois que c'est une idée superbe et qui devrait justement être étendue aux
personnes trans à cause de cette inégalité-là, qui pourrait très bien être
jugée discriminatoire.
Le
Président (M. Bachand) : Il vous reste
50 secondes, Mme la députée de Westmount—Saint-Louis.
Mme
Maccarone : CDPDJ, ils ont dit qu'eux ne sont pas d'accord quand,
mettons, quelqu'un de 14 ans fait une demande de faire un changement, ça
prend le papier, un accompagnement d'un papier du médecin. Êtes-vous d'accord
avec eux? Un professionnel désigné attestant un changement est approprié.
Est-ce que ça, c'est important? Puis devons-nous mettre fin à tout ça? Puis
devons-nous aussi se craindre... On a dit qu'on s'attend, après des
amendements, qu'il n'y aura plus besoin de changement chirurgical pour avoir
accès à un changement de sexe. Mais devons-nous
se craindre des autres choses, mettons, des critères qui seront exigés, comme
la thérapie hormonale, etc.?
Le
Président (M. Bachand) : Quelques
secondes, parce que le temps est écoulé.
Ashley
(Florence) : Oui. Donc, déjà, tout critère médical quelconque est
contraire à la jurisprudence qui existe. Ce n'est pas quelque chose qui est
acceptable et c'est quelque chose qui... il faut enlever toutes les barrières,
tout au contraire, à ce changement-là. Je suis parfaitement d'accord que le
prérequis d'avoir une lettre pour confirmer pour les jeunes de... pour les
jeunes n'est pas... ne devrait pas être demandé simplement par le fait que...
je sais bien, je travaille justement... une de mes spécialités, c'est les soins
pour les jeunes trans. Je suis très... donc, c'est un enjeu duquel je travaille
beaucoup. Et la recherche démontre que les jeunes trans, de un, se connaissent,
mais, plus important, se connaissent mieux
que toute autre personne. Donc, il n'y a vraiment aucune base pour faire ce
jugement-là.
Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques, s'il
vous plaît.
Mme Massé : Oui.
Bonjour, Florence. Contente de vous retrouver. Merci d'être là avec nous. Dans
le fond, je veux être certaine de bien... d'avoir bien entendu. Concernant les
papiers de l'état civil, le papier n'appartient pas à la personne, mais il
appartient à l'État. Donc, par conséquent, ce que vous dites, c'est :
Concernant le changement du marqueur parental, la possibilité pour les enfants
de 14 ans et plus, ça n'a pas de bon sens parce que, dans les faits, ça
n'appartient pas à l'enfant, ça appartient à l'État.
Je vais vous poser
tout de suite ma deuxième question, parce que j'ai juste deux minutes.
Alors, l'autre, c'est... je veux être aussi bien certaine d'avoir compris que,
pour vous, et vous n'êtes pas la seule, la question de la possibilité d'inscrire «parent» ne devrait pas être réservée aux personnes... en
fait, je vais le dire à la positive, devrait être possible pour tout le
monde, même chose pour la case «non binaire», devrait être possible pour tout
le monde, bien, tout le monde qui se
reconnaît comme non binaire, et, finalement, de pouvoir retirer les mentions de
sexe sur les certificats de l'État, et éventuellement ça découle sur les
papiers sociaux, devrait aussi être possible pour tout le monde.
Ashley
(Florence) : Oui. Donc, je confirme qu'au niveau de la deuxième,
slash, troisième question, la mention «parent» et le retrait de toute mention
de sexe devraient être permis pour absolument tout le monde. C'est même là la
base même du principe de préserver la vie privée. Si c'est réservé seulement à
des communautés marginalisées, il y a forcément une indication du fait que la
personne est trans. On ne peut pas avoir ça. Il faut donc ouvrir cette option à
tout le monde.
Par rapport à l'état
civil, bon, je peux faire une petite distinction entre papier d'état civil et
état civil lui-même, parce que, bon, c'est le concept d'état civil qui
appartient... donc, c'est l'état civil de la personne qui appartient à l'État
et non à la personne. Le papier, bon, techniquement, c'est son papier
physiquement, mais ce qui est écrit dessus et le fait que ça correspond à son
état civil, ça appartient à l'État, bon, avec l'addendum très important, sujet
aux droits de la personne et aux politiques d'ordre public, ce qui est
justement la raison pourquoi on doit y avoir un respect de la personne trans
parce que, justement, c'est sujet aux droits de la personne.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de
Joliette, s'il vous plaît.
Mme Hivon :
Oui. Bonjour. Merci de votre présentation. À la page 7 de votre mémoire,
quand vous parlez de la possibilité de
n'avoir aucune mention de sexe, vous dites que c'est une ordonnance du jugement
Moore. Donc, juste pour être très claire, sur la base du droit, vous
estimez que, si on veut suivre le jugement Moore, il faut absolument permettre
la possibilité de ne pas avoir de mention de sexe. Pour vous, il n'y a aucune
ambiguïté par rapport à ça.
Ashley (Florence) : Oui. Donc, c'est très clair dans les termes que le jugement Moore
utilise, particulièrement dans l'ordonnance, donc aux
paragraphes 343 et 344, où il y a justement le fait que l'article 146
du Code civil, parce qu'il exige une mention de sexe sur les certificats d'état
civil, est non valide, et 344 qui prend acte de l'engagement d'offrir des
certificats qui ne contiennent pas de mention de sexe. Donc, oui, c'est très
clair dans le jugement.
Mme
Hivon : O.K. Parfait, merci. À la page 13, vous nous parlez, à la
toute fin, dans le dernier paragraphe, là, qu'il faut «faciliter au maximum la
possibilité de changer la mention de sexe en permettant, donc, aux personnes
intersexes de faire les changements qui leur sont nécessaires si et quand elles
le souhaitent». Dans la réalité, est-ce que ces changements-là peuvent être, je
vous dirais, successifs et fréquents? Et quelles sont les implications de ça?
Qu'est-ce qu'on devrait tenir en compte, là, pour les personnes intersexes,
quand on considère la possibilité d'avoir quelques changements de mention?
Ashley
(Florence) : Oui. Donc, en général, non, ce n'est pas, donc, ce n'est
pas fréquent. Donc, en général, les personnes ne vont pas changer leur
certificat, bon, à... tu sais, un an ci, un an ça. En même temps, il faut aussi
comprendre que plusieurs personnes vivent des réalités très complexes et
naviguent aussi... des systèmes sociaux très complexes, et il ne faut pas,
donc, créer de barrières à des changements, même si ceux-ci seraient fréquents,
parce que ça ne veut pas dire... un changement fréquent ne veut pas dire que ce
n'est pas sérieux, c'est un reflet non pas du manque
de sérieux de la personne, mais de la complexité sociale qui est naviguée à ce
niveau-là par la personne, parce que nos contextes sociaux peuvent
évoluer très rapidement dans différents contextes. Donc, je dirais, non, ce
n'est pas fréquent. Malgré cela, il ne faut pas rendre ça plus difficile, si
c'est le cas.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Alors, sur ce,
Florence Ashley, merci beaucoup d'avoir encore été une fois avec nous ce matin.
C'est très apprécié.
Sur ce, je suspends
les travaux pour accueillir nos prochains invités. Merci beaucoup. À bientôt.
(Suspension de la séance à
12 h 10)
(Reprise à 12 h 13)
Le
Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission
reprend ses travaux.
Alors, il nous fait
plaisir d'accueillir les représentantes du Mouvement Retrouvailles, de même que
Les Oubliés-es de la loi 113. Donc, bienvenue, merci d'être avec
nous. Alors, je vous demanderais peut-être, dans un premier temps, de vous identifier et, après ça, débuter votre exposé.
Comme vous savez, après nous aurons une période d'échange avec les membres de la commission. Donc, encore une fois,
merci d'être avec nous. Alors, je vous cède la parole.
Mouvement Retrouvailles,
Adopté-e-s, non adopté-e-s, parents
Mme Fortin (Caroline) : Alors, bonjour à tous. J'aimerais vous présenter
les personnes qui m'accompagnent. Donc, nous avons Mme Lisette
Gobeil, qui est vice-présidente, Mouvement Retrouvailles, qui est une personne
adoptée qui est à la recherche de son père et de sa fratrie. Et nous avons
Mme Sylvie Carole Picard, qui est représentante du groupe
Les Oubliés-es de la loi 113. Elle est la fille d'un père adopté
décédé. Quant à moi, Caroline Fortin, je suis la présidente et la
coordonnatrice provinciale du Mouvement Retrouvailles. Je suis aussi une
personne adoptée. J'ai retrouvé mes origines maternelles en 1996 et paternelles
en 2019.
Alors, premièrement,
nous aimerions remercier les membres de la commission de nous recevoir
aujourd'hui dans le cadre de ces consultations particulières qui nous
interpellent directement, ainsi que tous ceux et celles qui ont contribué à
l'élaboration du projet de loi n° 2.
En lisant notre
mémoire, vous aurez constaté que nous sommes heureux que le Québec ait enfin
décidé de reconnaître officiellement le droit aux origines pour tous. Le
p.l. n° 2 vient compléter les manques aux
dispositions adoptées à l'unanimité en juin 2017 sous le projet de loi
n° 113. Les recommandations dont nous vous avons fait part au fil des ans
sont finalement introduites dans ce projet de loi. C'est donc qu'elles ont suscité
un grand intérêt au sein du gouvernement. En fait, c'est ce que nous aimons
croire.
Aujourd'hui, nous
sommes ici pour vous faire part de notre grande satisfaction et pour soulever
certains enjeux à considérer. Nous ne reprendrons donc pas l'intégralité de
notre mémoire. Vous aurez compris que nous vous
présenterons notre point de vue en ce qui a trait au droit aux origines
seulement ou majoritairement, devrais-je dire.
Nous constatons que
le Québec est prêt pour une avancée majeure en ce qui a trait aux droits égaux
de tous et chacun. Le fait d'ajouter le droit aux origines à la Charte des
droits et libertés est un très grand pas. La personne adoptée sera enfin
reconnue au même titre que tout être humain.
En ce qui concerne
les nouvelles dispositions proposées, en résumé, il est prévu que l'acte de
naissance indique s'il y a eu une
modification à l'acte d'origine, que le certificat de naissance d'origine et le
jugement d'adoption seront disponibles, que la fratrie soit mise en
contact, que les descendants au premier degré d'une personne adoptée décédée
aient accès aux informations, que le refus sur la divulgation de l'identité du
parent est levé dès que l'adopté atteint 18 ans ou un an après le décès,
seul le refus de contact peut être retenu ou ajouté, que la divulgation de
l'identité de l'adopté est permise lorsqu'il atteint ses 18 ans, qu'un
tiers ne peut pas placer ou retirer un veto pour un bénéficiaire, que les données médicales d'un parent soient accessibles
par le médecin traitant de l'adopté sur consentement, et des informations médicales à jour faciliteront
les diagnostics et traitements médicaux pour l'adopté et ses
descendants, et qu'il y ait plus de services offerts par les CISSS, CIUSSS,
notamment au niveau des services psychosociaux. Nous ne pouvons qu'applaudir
ces modifications. Un plus grand nombre de personnes auront maintenant accès
aux renseignements contenus au dossier d'adoption, donc à leurs origines, leurs
racines, leur vérité. Le droit à l'égalité et à la dignité est un droit pour
tout être humain, qu'il soit adopté ou non.
Alors, actuellement, la
personne concernée par l'adoption a droit, sous certaines conditions très
restrictives, d'avoir son identité et celle de ses parents d'origine s'il y a
un document officiel reconnu par le gouvernement au dossier. Cette dernière
restriction est levée sous le p.l. n° 2, ce qui est
très juste et équitable envers tous. La personne qui recevra l'identité de ses
parents d'origine pourra en faire la vérification elle-même, comme par exemple
via l'ADN, comme plusieurs le font déjà pour obtenir des réponses. L'adopté
saura désormais d'où il vient, qui lui a donné la vie, où sont ses racines,
quels sont ses antécédents médicaux familiaux, qui sont ses frères et soeurs
d'origine. Le casse-tête sera désormais résolu si les modifications suggérées
sont adoptées rapidement.
Jadis, confier un enfant à l'adoption n'était
pas nécessairement un acte intentionnel, mais plutôt un acte pour satisfaire la
religion, la société et la famille. On ne voulait pas ternir l'image avec un
enfant né hors mariage. Aujourd'hui, quoique les raisons pour procéder à une
adoption ne soient pas les mêmes, il n'en demeure pas moins qu'il est très
difficile pour le parent d'origine de vivre une telle séparation, et pour
l'enfant de perdre son lien d'attachement avec celle qui l'a porté neuf mois,
avec ses racines.
Ceci nous mène à penser qu'un mode d'adoption
additionnel au mode déjà existant pourrait être offert à certaines occasions,
soit un type d'adoption complétive, une adoption sans rupture du lien de
filiation. Ceci permettrait de conserver le lien filial entre l'adopté et les
parents d'origine, tout en transférant l'exercice de l'autorité parentale à des
parents adoptifs. Un parent pourrait consentir à ce type d'adoption, conserver
son titre de mère ou de père, mais n'ayant pas les responsabilités légales qui
s'y rattachent. Nous pouvons penser à une telle solution, par exemple, pour un
enfant qui est plus vieux, qui est en famille d'accueil.
Avant que l'adoption ne soit envisagée, il est
donc primordial que le consentement des parents d'origine ait été obtenu en
toute connaissance de cause et lorsqu'ils étaient aptes à en décider ainsi. Il
est également des plus importants que la famille immédiate de l'enfant soit
prise en considération lors d'un tel projet de vie. En effet, le lien qui unit
cet enfant avec ses grands- parents, ses tantes et ses oncles, ses frères, ses
soeurs ou tout autre membre en lien direct avec la famille est un lien
d'origine très important. La décision définitive d'opter pour un type
d'adoption ou un autre devra être prise en considérant ce lien d'appartenance
significatif qui relie l'enfant à ses origines si ceci est dans le meilleur
intérêt de l'enfant, bien naturellement.
Les raisons menant à cette décision n'étant plus
les mêmes que celles d'antan, il faut évoluer avec notre temps et offrir le
meilleur des mondes à nos enfants. Adopter un enfant était, est et sera
toujours un projet de vie tant pour l'adopté que pour l'adoptant. Dans tous les
cas, l'enfant doit être au coeur de la décision. Il doit en être le sujet et
non l'objet. Ses droits et ses intérêts doivent être respectés, ce qui semble
avoir été bien entendu, d'où l'importance d'offrir une plus large palette de
possibilités pour un projet de vie sain et équilibré.
La connaissance de ses origines est un besoin
fondamental de la personnalité humaine. On doit être en mesure de pouvoir
s'identifier pour aller de l'avant. En permettant... (panne de son) ...de la
personne adoptée décédée d'avoir accès aux informations qui les concernent par
filiation, et à la fratrie d'être informée et mise en contact, le Québec fait
preuve d'une très belle et grande ouverture.
• (12 h 20) •
Même si nous sommes en accord avec les
modifications suggérées, nous trouverions intéressant d'ajouter l'accès complet aux documents inclus dans les
dossiers de naissance et d'adoption, ce qui éviterait bien des
interprétations dans plusieurs cas, de
ramener à 18 ans l'âge auquel une personne peut faire une demande
d'antécédents et retrouvailles sans le consentement... sur le
consentement de son parent adoptif.
De plus, comme nous ne connaissons pas les
procédures se rattachant aux diverses modalités énoncées dans le projet de loi,
nous nous permettons de recommander, entre autres, que le budget nécessaire au
bon fonctionnement des services d'adoption, d'antécédents et de retrouvailles
des CISSS et des CIUSSS soit augmenté, que les effectifs nécessaires à un
excellent fonctionnement, efficace et efficient, soient mis en place, que le
personnel rattaché à ces dossiers ait une formation adéquate et une expérience
dans le domaine.
Disons que l'expérience vécue avec la mise en
place de la centrale Info-adoption, en juin 2018, nous a laissé un goût amer.
Plusieurs situations malheureuses ont été relevées. Les délais de traitement de
dossiers étaient interminables, des résultats erronés ont été transmis, des
manques à l'éthique ont été relevés, des interventions très rigides, et nous en
passons. Heureusement, depuis la fermeture de ce service, les demandes ont été
retournées dans les services antécédents-retrouvailles des CISSS et des CIUSSS
concernées, et plusieurs de ces situations ont été corrigées, mais n'empêche
que les délais pour traiter un dossier demeurent encore beaucoup trop longs,
soit entre 18 et 24 mois, voire plus, selon les régions. Les procédures
administratives trop lourdes nuisent au bon déroulement du traitement des
dossiers. N'oublions pas ici que l'on traite avec des gens en quête de réponses
importantes pour eux, parfois fragiles, qui cherchent et espèrent depuis
longtemps. Le côté humain de l'approche est très important.
Les services
d'adoption, d'antécédents et retrouvailles doivent devenir une priorité en
santé et services sociaux afin que
les intervenants et intervenantes puissent exercer leur travail, libres de
barrières administratives, avec compassion et humanisme, ce qui
facilitera leur travail et leurs relations avec les usagers. Le ministère de la
Santé et des Services sociaux doit s'assurer du bon fonctionnement de tous ses
services de façon juste et équitable. Pour ce faire, il est important que les
gens qui travaillent sur le terrain soient écoutés, entendus et respectés. Tous
s'en porteront mieux.
Je me répète, mais, en modifiant les lois
actuelles, le ministre de la Justice donne enfin la vérité à plusieurs personnes
confiées à l'adoption. Il se peut que certaines personnes ne soient pas
entièrement satisfaites des modifications suggérées et qu'il restera des cas
plus délicats ou problématiques, mais il sera possible de gérer le tout de
façon particulière, comme dans tout autre domaine.
À notre avis, le p.l. n° 113
était basé sur des cas d'exception. Les procédures à appliquer pour respecter
les mesures adoptées ne reflétaient pas la teneur originale dudit projet de
loi. Le p.l. n° 2, quant à lui, semble beaucoup plus axé sur la généralité et non sur l'exception, ce qui en
fait un projet de loi des plus respectables en matière de droit aux origines.
Le fait de connaître son statut d'adopté, son
identité et celle des autres membres de sa famille d'origine ne mèneront pas
automatiquement à des retrouvailles. De plus, le fait de se retrouver ne
redonne aucun droit et/ou responsabilité légale aux parties concernées.
Cependant, le fait de restreindre la divulgation d'informations sous prétexte
de conserver le secret du passé ne tient plus en 2021.
Adopter les modifications suggérées est une
façon de mettre un baume sur les erreurs du passé et d'en corriger le tir.
Est-ce que le Québec est enfin prêt? Nous le pensons vraiment. Nous vous
remercions donc de l'attention portée et espérons sincèrement que le
gouvernement du Québec adoptera rapidement les nouvelles mesures suggérées,
lesquelles sont plus adéquates aux valeurs d'aujourd'hui et surtout au respect
du droit à l'identité pour tous et chacun. Voilà. Merci beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup,
Mme Fortin. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Merci, M. le
Président. Mme Fortin, Mme Gobeil, Mme Picard, bonjour. Merci
d'être parmi nous. À votre dernière question, sur la rapidité de l'adoption du
projet de loi, bien, écoutez, ça ne dépend pas juste de moi, ça dépend de mes
collègues autour de la table. Mais, moi, c'est très clair que je souhaite que
ce projet de loi puisse être adopté dans les meilleurs délais.
Écoutez, je tiens à vous remercier et à
remercier le Mouvement Retrouvailles. Depuis 1983, vous accompagnez les
personnes qui ont été confiées à l'adoption, les parents d'origine également.
Vous avez été impliqués notamment sur le projet de loi n° 113. Vous avez suivi,
je me souviens, on était en commission parlementaire, vous avez suivi toutes
les étapes dans la salle de la commission parlementaire. Vous avez présenté des
points qui sont justes et légitimes, et
c'est pour ça qu'on donne suite notamment aux recommandations, bien, à
plusieurs recommandations que vous nous aviez fait part à l'époque.
Puis honnêtement je suis très fier des
dispositions que le gouvernement a décidé de mettre en oeuvre parce que je
crois que les personnes qui ont été confiées à l'adoption ont droit à la
connaissance de leurs origines aussi. Et ça m'apparaît fondamental parce que,
lorsqu'on constate ça, les gens qui naissent dans leur famille biologique,
généralement, ont une connaissance de qui sont leurs parents biologiques, ce
qui n'est pas le cas pour les personnes confiées à l'adoption parfois. Et,
lorsque l'État a ces informations-là, bien, est-ce qu'on peut justement aider
les personnes confiées à l'adoption à connaître leurs origines?
Je vous demanderais... Vous dites dans votre mémoire,
là : «L'enfant est enfin le sujet dans le monde de l'adoption et non
l'objet, comme il l'a été trop longtemps. Ses droits sont reconnus et
respectés.» Pouvez-vous nous dire c'est
quoi, l'importance de ce droit-là? Puis qu'est-ce que vous voulez dire en
parlant que l'enfant, c'était l'objet avant?
Mme Fortin
(Caroline) : Bien, en fait, c'est que, par le passé, je vous
dirais qu'on ne considérait pas l'adoption comme, justement, le meilleur
intérêt... bien, le meilleur intérêt de l'enfant. L'enfant était confié à
l'adoption pour sauver la face au niveau de la religion, de la société, de la
famille, on le confiait à l'adoption, et des parents allaient adopter. Bon,
oui, je ne dis pas que c'est tout le monde, là, qui a fait en sorte que
l'enfant était l'objet de l'adoption, mais, à quelque part, il y en a qui se
sont dit : Bon, bien, tu sais... ils ont fait des promesses à Sainte-Anne
ou Sainte je ne sais pas qui, et ils ont adopté des enfants juste pour la
forme, pour la promesse qui a été faite pour... Bon, mais plusieurs ont adopté
pour leurs besoins à eux, parce qu'ils n'étaient pas capables d'avoir
d'enfants, et tout ça, et aussi étant bien conscients d'offrir un foyer
beaucoup plus adéquat à l'enfant. Sauf que ça n'a pas toujours été, là, dans
toutes les situations, le sujet, donc c'était vraiment un objet. C'est une
image, là, vous allez me dire, mais je pense que c'est important, là, de faire
la différence entre le besoin de l'enfant, qu'il soit le coeur de la décision
et non un objet. Est-ce que ça répond à votre question?
M. Jolin-Barrette : Oui. Pourquoi
c'est important d'inscrire, dans la Charte des droits et libertés de la
personne, le droit à la connaissance de ses origines? Pouvez-vous nous
expliquer, là, la quête identitaire, là, d'une personne qui a été confiée à
l'adoption, pourquoi on doit y répondre?
Mme Fortin
(Caroline) : Bien, en fait, une personne qui a été confiée à l'adoption
ne connaît... bon, connaît ses parents adoptifs, et ça n'enlève rien... Le fait
de vouloir connaître ses origines n'enlève rien aux parents adoptants, ça, je
tiens à le préciser, mais c'est un besoin viscéral de savoir d'où on vient, qui
on est, qui est la personne qui nous a mis au monde, qu'est-ce qu'elle nous a
transmis. Puis je parle de la personne qui nous a mis au monde, mais aussi il y
a un père dans tout ça, là, je veux dire, ça ne s'est pas fait tout seul. Donc,
c'est des informations qu'en tant qu'être humain une personne adoptée n'avait
pas accès. Et ça vient tout au long de la vie, à différents degrés, et selon
les personnes, il ne faut pas mettre tout le monde dans le même panier, mais on
se pose des questions. On a des comportements, des fois, on ne sait pas d'où ça
vient. On a des goûts, on a des... Bon, en tout cas, il y a plein de choses
dans notre vie, c'est viscéral, c'est difficile à expliquer, mais, moi, je le
compare souvent à... Là, les gens vont trouver... les gens vont trouver ça
peut-être drôle, mais je pense que c'est la meilleure image. Lorsqu'on va
adopter ou on va prendre un animal à quelque part, souvent, on a le pedigree
complet. On a une tranche de steak dans notre assiette puis on est capable
d'avoir la traçabilité de ce morceau de viande là. Nous, en tant que personnes
adoptées, il y a encore des restrictions à savoir d'où on vient. Mais on est
des êtres humains. Je veux dire, à quelque part, que, moi, je sois adoptée, que
l'autre personne ne le soit pas, pourquoi il y a une différence à ce niveau-là. Et aussi, bien, naturellement, au niveau des
données médicales, quand on va chez le médecin, c'est des antécédents médicaux
qu'on n'a pas. Le projet de loi n° 2 ouvre encore sur cette... ce bien-là
d'avoir nos données médicales, mais c'est vraiment... Il faut savoir qui on
est, à un moment donné, dans la vie.
Puis j'entends déjà
des gens dire : Ah! bien oui, mais moi, ça ne m'a pas dérangé. Non,
peut-être qu'actuellement, ça ne dérange pas, mais peut-être que dans
10 ans, dans 15 ans, il va arriver des choses puis on ne sait pas
d'où ça vient. Ces gens-là ont des enfants. Qu'est-ce qu'on a transmis à nos
enfants? Ça aussi, c'est important. Donc,
c'est vraiment... On est comme un arbre sans racine, à quelque part, là, tu
sais, on branle au vent, là.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Qu'est-ce que vous pensez justement, là, de la
disposition qui fait qu'on va pouvoir permettre dorénavant au descendant au
premier degré d'un adopté d'accéder, lui aussi, à la connaissance des origines?
Donc, ça ne sera pas uniquement la personne qui a été confiée à l'adoption,
mais également son descendant au premier degré qui, lui, va pouvoir avoir accès
également à la connaissance des origines.
• (12 h 30) •
Mme Fortin (Caroline) :
Bien, je vais laisser Mme Picard répondre à cette question, elle est
elle-même une personne touchée par cette mesure.
Les Oubliés-es de la loi 113
Mme Picard (Sylvie
Carole) : Bonjour, M. le ministre. Merci. En tant que descendante
directe d'une personne qui a été adoptée et qui est décédée en bas âge... À
48 ans, mon père est décédé. Vers la fin de sa vie, il avait amorcé sa
demande, là, sa recherche d'origines. Pendant longtemps, il disait que ce
n'était pas un besoin, puis, vers la fin de la vie, quand il a commencé à être
malade, bien, c'est devenu de plus en plus important pour lui. Il l'a fait, il
aurait aimé avoir la réponse avant de partir. Mais c'était aussi important que
moi, j'aie la réponse pour moi, et mes enfants, et tous les descendants.
Maintenant, je suis
grand-maman. Mon père est décédé jeune, mon frère est malade, mon fils est
malade, et puis, bien, c'est ça, j'aimerais bien savoir si c'est génétique.
Quand moi, quand je réussis à avoir un médecin, on me demande : Bon, vos
parents, vos grands-parents? Bien, moi, j'ai juste un côté de mon arbre
généalogique, c'est le côté de ma mère, parce que mon père a été adopté, puis
on n'a jamais eu de réponse, même si mon père avait signé un document à l'effet
que j'étais au courant de ses démarches, que j'étais avec lui pour
l'accompagner dans ces démarches-là. Je crois qu'il serait vraiment heureux de
savoir qu'aujourd'hui au Québec, en 2020, bien, peut-être qu'on va avoir droit,
en tant que descendants, d'avoir ces informations-là qui sont dans le dossier.
Donc, il y a plein de
gens qui sont décédés ou qui sont en fin de vie, présentement, et qui avaient
peur, avec la loi n° 113, vu que les dossiers, ça
prenait beaucoup de temps avant d'avoir des réponses, ils avaient peur de
décéder avant d'avoir la réponse, parce qu'en tant que descendants on se
faisait fermer la porte à toute information concernant
notre parent qui était adopté, décédé. Donc ça, c'est une grande chose qu'on
ait accès à ces informations-là pour retrouver la famille d'origine,
puis avoir des informations médicales importantes dans nos vies, et de
savoir... bien, de connaître un peu plus, là, les origines. C'est
superimportant, là. Mon père est décédé, ça fait plus de 25 ans, puis ça
reste que j'ai encore besoin, moi, de connaître cette partie-là qui venait de
mon père, tu sais? Donc, je pense que ça va être le même constat pour toutes
les personnes adoptées ou adoptables.
M.
Jolin-Barrette : Bien, je pense que c'est très important, ce que vous
nous dites, parce que vous venez illustrer concrètement ce qu'elle veut faire,
la disposition législative puis pourquoi on le fait. Donc, votre témoignage est
très pertinent à cet effet-là.
Vous avez abordé
également, en même temps, l'aspect médical. Là, on vient modifier l'article
sur... on vient enlever le risque de préjudice pour permettre aux médecins d'y
aller un petit peu plus largement pour vérifier les antécédents. Parce que
l'enjeu avec le risque de préjudice, bien, c'est souvent quand la personne
confiée à l'adoption, elle était rendue dans le bureau du médecin, là, tu sais,
puis là, bien : Je suis malade, là. Donc là, on va en amont pour faire en sorte que, bien, le médecin
pourra accéder à certaines informations du dossier médical, justement,
pour prescrire aux personnes qui ont été confiées à l'adoption : Bien, je
regarde l'historique et donc, bien, peut-être qu'il y a des maladies
héréditaires, peut-être tout ça, pour prévenir, justement.
Parce qu'encore une
fois, bien que le dossier médical soit confidentiel, de tout le monde, au
niveau... dans les familles biologiques puis dans les familles confiées à
l'adoption, bien souvent, dans les familles biologiques, quand vous grandissez
dans votre famille biologique, bien, vous savez que maman, papa, grand-papa,
grand-maman, bien, ils ont eu le cancer, ils ont tel type de maladie, tout ça.
Donc, c'est un peu ça qu'on cherche à faire, justement, en élargissant ça, tout
en préservant la confidentialité. Parce que ça va être dans les mains du
médecin, mais ça donne la possibilité au médecin traitant de le faire. Donc, je
comprends que, ça aussi, vous appuyez ça?
Mme Picard (Sylvie
Carole) : Non, tout à fait, tout à fait, c'est superimportant.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Peut-être pouvez-vous nous décrire comment ça
fonctionne, actuellement, avec les règles du code relativement à la fratrie,
pour retrouver quelqu'un de la fratrie quand quelqu'un a été confié à
l'adoption, le mécanisme, comment ça fonctionne?
Mme Fortin
(Caroline) : Actuellement,
avant... (panne de son). Alors, ça prend ce qu'on appelle une
concordance, donc il faut qu'il y ait une
demande des deux parties. Donc, une personne adoptée qui a, par exemple,
deux... un frère, une soeur aînés qui ont été adoptés,
il faut qu'une ou ces personnes-là fassent également la demande. Alors, si elle
l'ignore, bien, ils ne pourront pas faire la
demande là-dessus. Peut-être que Mme Gobeil pourra parler de
l'importance de tout ça, elle est elle-même à la recherche, là, d'un frère et
d'une soeur qui sont... qui ont été adoptés. Donc, si vous le permettez, je
vais lui laisser la parole.
M. Jolin-Barrette : Bonjour.
Mme Gobeil (Lisette) : Bonjour, M.
le ministre. Moi, c'est ça, j'ai un frère et une soeur qui sont plus âgés que
moi, ça fait qu'avec la... J'ai su qu'eux ont déjà fait des demandes, sauf
qu'eux ils ont fait des demandes dans les années 80, ça fait que dans ce
temps-là, comme on dit, les papiers ne... il n'y avait pas... pour cocher la
fratrie. Ça fait que, vu qu'ils n'ont pas cette coche-là dans le dossier, ça
fait que je ne peux pas avoir... je ne peux pas faire de concordance, je ne
peux pas savoir s'ils sont au courant qu'ils ont eu d'autres enfants, parce que
les premiers... c'est tout en descendant, comme moi, je sais qu'il y en a deux
puis je ne savais pas qu'il y en avait après, ça fait que ça... Puis le
gouvernement... pas le gouvernement, mais les centres jeunesse ne font pas non
plus de mises à jour de leurs dossiers, même si je leur ai offert, là, de les
aider, ils ne font pas de mises à jour. Ça fait que c'est... tant qu'eux ne
modifieront pas leurs papiers dans... pour les centres jeunesse, je ne serai
pas au courant.
Puis ce qui est... avec la loi n° 113, bien, ce qui m'a permis de savoir que j'avais une
autre soeur, c'est parce qu'elle est née après moi, ça fait que, là, on a eu le
droit de faire une concordante. Parce que moi, j'avais coché cette partie-là
pour la fratrie. Ça fait que, ça, j'étais bien contente d'apprendre que j'avais
une soeur, parce que, sinon, s'il n'y aurait pas eu ce projet de loi là pour
modifier ça, je ne l'aurais jamais su.
Ça fait que c'est pour ça qu'avec le p.l. n° 2, ce qui va être intéressant, c'est que les deux plus
vieux que moi, j'ai... je sais qu'ils sont au dossier. Dans mon dossier, je
vais pouvoir les connaître... bien, s'ils veulent, là. Mais, je veux dire, au
moins, ça me permettrait un peu de clore ce dossier-là. Mais aussi, je suis à
la recherche de mon père. Ça non plus, ce n'est pas terminé non plus, là. Mais,
au moins, je me dis : Dans notre vie, là... On ne peut pas passer une
vie... Là, je passe ma vie à chercher, mais, tu sais, je me dis : À l'âge
que je suis rendue... Mon conjoint, il est décédé, mais, dans le temps, il m'a
aidée beaucoup. Lui, malheureusement, il est décédé, ça fait que lui, il ne
saura jamais la suite, mais moi, je ne veux pas que ça m'arrive que je décède
avant de savoir mon dossier. Moi, dans ma vie, je vais avoir toutes mes
réponses que je me demande depuis... Ça fait 40 ans que je cherche, là, ça
fait que, tu sais, j'ai hâte d'avoir des réponses puis être capable... puis je
mets beaucoup de temps là-dedans.
Puis là, ce qui nous aide, nous autres, dans ce
temps-ci, c'est beaucoup l'ADN. C'est comme ça, moi, que j'ai retrouvé ma mère.
Parce que je l'ai retrouvée avant le p.l. n° 113.
Mais je me dis : Il faut donc se battre pour avoir nos antécédents
sociobiologiques puis pour avoir, comme on dit, nos racines. Puis ça fait que
c'est pour ça, moi, je trouve ça vraiment important pour... Puis je pense que
ça va permettre aux adoptés, aussi, d'enlever cette pression qu'on a toujours,
quand on va chez le médecin. C'est quoi, vos antécédents? Bien, je ne peux pas
vous répondre, je ne connais pas mes antécédents sociobiologiques. Ça fait que
ça aussi, ça devient beaucoup pesant sur nos épaules, cette partie-là de notre
dossier qu'on ne connaît pas. Ça fait que je vous remercie de m'avoir écoutée.
M. Jolin-Barrette : Bien, merci pour
votre réponse. Et justement la disposition dans le projet de loi n° 2, ce qu'elle fait, c'est que... pour bien expliquer aux
gens, c'est que, désormais, qu'un seul enfant confié à l'adoption, lui, il va
dire : Bien, moi, je recherche mon frère ou ma soeur, et là, si... La
deuxième personne, le frère, la soeur qui a été confié à l'adoption, avant,
s'il n'avait pas dit qu'il recherchait lui aussi, bien, ça bloquait là.
Désormais, le contact va pouvoir être fait vers la fratrie.
Écoutez, je vous remercie beaucoup pour votre
présentation. Je vais céder la parole à mes collègues. Mais un grand merci pour
votre présence.
Le
Président (M. Bachand) :
55 secondes, M. le député de Chapleau. Mais avant de continuer, j'aurais besoin d'un consentement pour ajouter 5 minutes à la
séance, afin de respecter le droit de parole. M. le député, s'il vous
plaît.
Des voix : ...
M.
Lévesque (Chapleau) : Consentement. Merci beaucoup. Bonjour, mesdames.
On vous le souhaite, madame, que vous puissiez avoir toutes ces
informations-là. Puis le projet de loi va d'ailleurs le permettre. Rapidement,
le veto de contact, le refus de contact, on en a parlé, vous en avez parlé au
début. On a eu une agricultrice, hier, qui est venue nous en parler, son besoin
était davantage informationnel que relationnel. Est-ce que c'est la même chose
pour vous? Et, deuxième question, rapidement, le département de retrouvailles,
dans les CIUSSS et les CISSS, vous avez dit que c'était mieux, ça s'est amélioré.
Il y aurait-tu des points à améliorer également? Donc voilà.
Le Président (M.
Bachand) : Il reste quelques secondes
seulement, s'il vous plaît, désolé.
• (12 h 40) •
Mme Fortin
(Caroline) : O.K. En fait, pour répondre à la première question,
pour le veto de contact, on a toujours été
en accord, parce qu'on peut comprendre qu'on ne peut pas obliger deux
personnages à se rencontrer. Par contre, au niveau de l'identité, c'est très différent, parce que, là, c'est
vraiment nos origines et notre identité. Alors, c'est la différence entre les deux. C'est certain qu'on... s'il n'y a
pas de veto de contact, on va être des plus heureux, mais, si jamais il y
en a un, on comprend très bien. Il y en a déjà un, puis les gens vivent bien
avec ça. Et la deuxième question, c'était...
M. Lévesque
(Chapleau) : Le département de retrouvailles.
Mme Fortin (Caroline) : Oui,
département de retrouvailles, c'est au niveau des CISSS et des CIUSSS,
depuis... bien, ça fonctionnait bien, les délais étaient longs, avec la centrale
info-adoption, qui est venue mettre... excusez-moi le mot, je vais le mettre
entre guillemets, mais le bordel...
Le Président (M.
Bachand) : Parfait.
Mme Fortin (Caroline) : ...ça n'a
pas été...
Le Président (M. Bachand) : Alors, sur ce mot, sur ce mot, Mme Fortin, je dois
céder la parole... il n'y a pas de lien, en passant, là, mais je dois passer la
parole au député de LaFontaine. M. le député de LaFontaine.
Mme Fortin (Caroline) : Mais je
pense qu'il a bien compris.
Le Président (M.
Bachand) : Oui, oui.
M. Tanguay : Mais, faites-vous-en
pas, je ne vais pas vous laisser terminer votre réponse sur ce mot-là, je vais
vous inviter à poursuivre. Mais d'abord, permettez-moi de vous saluer, Mmes Fortin,
Gobeil, Picard. Et, je vous en prie, complétez votre réponse, pour ne pas finir
sur ce mot-là. Comment c'est, aujourd'hui?
Mme Fortin (Caroline) : O.K. Je vais
faire vite. Alors, c'est beaucoup mieux, parce que c'est revenu dans les
services où les gens connaissaient la situation, connaissent les gens avec qui
ils font affaire, connaissent leurs dossiers, ont accès beaucoup plus
rapidement aux informations. Alors, tout ça mis ensemble fait que les services
d'antécédents retrouvailles étaient et sont les mieux placés pour pour répondre
aux mesures qui vont être mises en place. De
grâce, ne revenez pas avec une autre centrale ou un autre mécanisme qui va
faire en sorte d'alourdir le tout.
M. Tanguay : Donc, si je comprends
bien, c'est dorénavant géré au niveau des CISSS et des CIUSSS, c'est ça? Il y a
des personnes responsables? O.K.
Mme Fortin
(Caroline) : Oui, ils ont un service d'adoption antécédents
retrouvailles dans plusieurs CIUSSS.
M. Tanguay : Est-ce que j'ai bien
compris, mais, ceci dit, c'est quand même 18-24 mois, les délais dont on
parle aujourd'hui? Est-ce que c'est toujours ça, les délais? Je pense qu'il y
aurait peut-être lieu de voir si on peut les réduire, parce que c'est les
délais, normalement, pour le gouvernement, de créer une place en service de
garde, là.
Mme Fortin (Caroline) : Bien,
effectivement, c'est très long. Mais ça s'explique parce qu'ils ont eu
énormément de demandes, mais ils ont peu de personnel, il y a peu de fonds qui
ont été attribués à ces services-là, donc ce n'est pas une priorité. Alors,
c'est pourquoi dans mon intervention tout à l'heure je disais qu'il faudrait
vraiment prioriser ces services-là pour activer le tout.
M. Tanguay : Et il y a un aspect
important que vous avez dit, moi, que j'ai noté, le côté humain, important de
parler, compassion, humanisme. Ça, je pense que la première règle, je pense que
vous l'avez dit un peu plus tôt, elle est rencontrée, il y a une personne en
charge de faire le lien. Donc vous n'êtes pas... vous ne sautez pas d'une
personne à l'autre, ça, je pense que, déjà là, c'est un premier facteur. Puis
vous pourrez me confirmer si j'ai bien compris, que, normalement, quand
quelqu'un prend en charge de l'appel, bien, va vous suivre tout au long du processus.
Et vous le rencontrez ça, ce côté-là humain, humaniste?
Mme Fortin (Caroline) : Bien oui,
effectivement. C'est que, lorsque lorsqu'un usager fait une demande et, bon, va
faire affaire avec un intervenant ou une intervenante, c'est important que ce soit
toujours la même personne, là, qui continue le dossier. Je peux comprendre, si
c'est une autre personne qui va faire le sommaire d'antécédents puis qui va
aller chercher les informations. Mais pour l'interaction avec l'usager, c'est
important que ce soit le même... le même ou la même intervenante — parce
que c'est souvent des femmes, là — justement, pour développer cette
relation-là de confiance et de... Il faut comprendre l'autre personne.
Avec la centrale, c'était tout simplement :
on donne des informations, on ne se casse pas la tête, et les informations
venaient de gauche ou de droite, avec des erreurs, avec des délais et, bon,
etc. Donc, le fait de ramener ça comme c'était, ça fonctionne beaucoup mieux.
Et je dois dire que les intervenantes qui sont là aujourd'hui, je ne sais pas
s'il y en a qui nous écoutent, mais je suis certaine qu'elles seront d'accord
avec ce qu'on avance. C'est important qu'elles soient écoutées, qu'elles soient
entendues. C'est ces personnes-là qui travaillent avec les usagers, alors, en
haut, ils doivent savoir ce qui se passe en bas, là. Donc, c'est vraiment
important leur donner tout ce qu'ils peuvent pour améliorer les services, et
tout le monde va être beaucoup plus heureux pour ça.
M.
Tanguay : Et ceci dit, à la page 11 de votre mémoire,
vous recommandez d'élargir les services d'accompagnement. J'aimerais
vous demander... Vous considérez notamment que la direction de la protection de
la jeunesse devrait «s'outiller davantage pour offrir des
services adéquats à toute la clientèle touchée dans ces secteurs fragiles.»
Pensons entre autres aux personnes âgées de moins de 18 ans. Donc, vous
avez eu des témoignages à cet effet là qu'il faudrait étayer l'offre de
services, l'humanisme et le contact pour cette catégorie de demandeurs?
• (12 h 50) •
Mme Fortin (Caroline) : Bien, en
fait, cette catégorie-là, particulièrement, c'est une catégorie qui est très
fragile parce que, souvent, les enfants ont été confiés à l'adoption pour des
raisons qui étaient différentes de celles d'antan, donc pour des problèmes de
violence, des problèmes de drogues, des problèmes de maladie mentale ou, bon,
etc. Alors, c'est certain qu'entre 14 et 18 ans entreprendre une quête
comme... une démarche comme celle-là, ce n'est pas évident. Déjà, même si on
n'est pas adopté, on est en quête d'identité, à cet âge-là, donc ce n'est pas
évident d'en rajouter une couche, là, le fait de ne pas savoir.
Je comprends
que, oui, ils veulent savoir, mais il faut vraiment aider et accompagner
adéquatement ces gens-là sans mettre trop de pression, sans faire trop
vite. Mais je pense qu'il n'y en a pas tant que ça. Puis je crois qu'ils sont
quand même suivis. Mais ce serait important, vraiment, là, qu'il y ait une
emphase là-dessus et aussi sur les services post-retrouvailles. Parce qu'un
coup que les retrouvailles sont en faites, le dossier est fermé, on s'en lave
les mains, allez voir ailleurs. Donc, c'est un peu... ça fait que, ça aussi, il
y a peut-être des gens qui auraient besoin, là, de services post-retrouvailles
que nous, en tant qu'organisme, on ne peut pas offrir, donc...
M. Tanguay : Et ce n'est pas offert
du tout, à l'heure où on se parle, des services post-retrouvailles? Parce
qu'effectivement il y a peut-être un besoin psychologique peut-être, à ce
niveau-là.
Mme Fortin
(Caroline) : Bien, c'est ça,
c'est à ce niveau-là. Nous, en tant qu'organisme, on va les accompagner,
on va les écouter, et tout ça. Mais, quand
on entre dans une situation qui est plus problématique, qui a besoin de
services, notamment en psychologique ou... on n'est pas en mesure de les offrir
parce qu'on n'a pas ces intervenants-là. Mais, dans les services sociaux, je
pense que ce serait bien d'avoir un suivi, dans certains dossiers, après les
retrouvailles...
M. Tanguay : Et à l'heure où on se
parle, ce n'est pas offert...
Mme Fortin (Caroline) : ...ne pas se
faire dire que le dossier est fermé, là.
M. Tanguay : Oui, c'est ça.
Puis, à l'heure où on se parle, ce n'est pas offert par le réseau public, là?
Mme Fortin (Caroline) : Très peu.
M. Tanguay : Très peu? Un peu où?
Mme Fortin
(Caroline) : Bien, je crois qu'il y a des intervenants qui ont
le coeur à la bonne place et qui vont le faire dans certaines situations. Mais c'est vraiment des services, là,
minimes, là, puis ils n'ont pas le temps de le faire, là.
M. Tanguay : O.K. J'ai une question
qui... puis je le sais que ça déborde un peu de ce que vous venez témoigner
aujourd'hui, mais j'ai une question que je trouve intéressante. Vous avez vu
que le projet de loi, également, parle de gestation pour autrui, parle de
connaissance des origines dans un contexte de procréation assistée. Ce que vous
avez vu là, quant à la connaissance des origines, parce que vous venez
témoigner aujourd'hui d'un besoin viscéral de connaître ses origines et ses
racines, dans le contexte... Puis je sais, vous pourriez me dire : Écoutez, on n'a pas lu, on n'a pas fait l'analyse...
pas que vous n'avez pas lu, mais qu'on n'a pas fait l'analyse ou on ne
peut pas commenter là-dessus. Mais que pensez-vous, justement, des niveaux
d'accès à la connaissance des origines quant au régime de procréation assistée
et gestation pour autrui? Je ne sais pas si vous avez une réflexion là-dessus.
Mme Fortin (Caroline) : Bien, en
fait, pour répondre à votre question, oui, j'ai lu le projet de loi de a à z.
M. Tanguay : Oui, oui, je...
je...
Mme Fortin (Caroline) : Je n'en ai
pas fait l'analyse profonde, dans tous les coins, mais, à quelque part, oui, au
niveau de la gestation pour autrui ou procréation assistée, l'enfant qui va
naître, c'est un être humain, donc c'est très important pour lui qu'il ait
accès à ses origines, tout comme nous.
M. Tanguay : O.K. Parfait. À la
page 5, vous parlez d'adoption... complétif... Ah! excusez-moi, oui, oui,
je vous en prie. Je ne vous avais pas vue. Oui.
Mme Picard (Sylvie Carole) : Excusez-moi...
M. Tanguay : Je vous en prie.
Mme Picard (Sylvie
Carole) : Parce que mon petit-fils a été conçu par don de sperme.
Donc, je peux vous dire que c'est sûr que, ma fille, qui est la mère de cet
enfant-là, on est parfaitement d'accord à ce que mon petit-fils ait accès à toute l'information qui le concerne. Parce que,
bon, ils appellent ça un bébé catalogue, là, il y a des pères qui donnent leur
identité puis il y en a d'autres qui ne la donnent pas. Mais nous, c'est sûr
qu'on sait qu'on va obtenir une réponse, par défaut, par l'ADN, mais ça serait
beaucoup mieux s'il pouvait avoir droit à son identité, à ses origines, à
18 ans, puis que ça soit dans la charte, puis qu'il soit égal comme tout
le monde à connaître l'origine de ses parents puis sont origine à lui.
M. Tanguay : Autrement
dit, comme législateurs, vous nous invitez à regarder le régime qui vous est
offert dans le contexte d'adoption puis peut-être de transposer les mêmes accès
dans les régimes de procréation assistée puis de gestation pour autrui, de
s'assurer, comme législateurs, qu'un enfant, justement, qu'il soit né, comme
vous parlez, de votre petite-fille, je pense, vous dites...
Mme Picard (Sylvie
Carole) : Mon petit-fils.
M. Tanguay : Votre
petit-fils, c'est ça, ou vous, dans des contextes différents, bien que,
justement, il n'y ait pas une iniquité, parce qu'un enfant qui naît doit avoir
les mêmes droits qu'un autre.
Mme Picard (Sylvie
Carole) : Tout à fait. Puis moi, en tant que descendante, là, je veux
dire, de ne pas connaître son identité, d'avoir le droit à ses origines, c'est
une souffrance qui est transmise de génération en génération. Donc, moi, j'ai
connu ça beaucoup à cause de mon père, mes enfants, bon, beaucoup parce qu'on
ne savait pas, sur le côté de mon père. Puis là, bien, mon petit-fils, il a été
conçu comme un bébé catalogue, bien, lui aussi, il va avoir... vivre cette
souffrance-là, à un moment donné, à l'adolescence ou à 18 ans, qu'il va
rechercher ses origines. C'est important qu'il le sache, sinon ça amène comme
d'autres problèmes, cette souffrance-là, là.
M. Tanguay :
Et puis corrigez-moi si j'ai mal analysé, mais, semble-t-il... Que pensez-vous
de l'obligation d'attendre que l'adopté soit décédé avant que le descendant au
premier degré puisse faire des démarches?
Mme Picard (Sylvie
Carole) : Bien, qu'il soit décédé, je trouve ça un peu malheureux.
Parce qu'il y a des personnes adoptées qui ne veulent pas savoir. Pour eux,
c'est comme plus ou moins important. Beaucoup d'hommes se retrouvent dans cette
catégorie-là, parce qu'ils ne veulent pas continuer leurs démarches pour
avoir... parce qu'ils ont peur d'être
rejetés une deuxième fois. Mais souvent ces hommes-là, ces personnes adoptées
là ont eu des enfants qui, eux,
veulent le savoir. Quand je vais chez le médecin, je me fais poser des
questions puis je ne les ai pas, les réponses. Donc, c'est important
qu'on sache... Et d'attendre que la personne adoptée ou adoptante soit décédée,
bien, écoutez, si on n'a pas le choix, c'est mieux que rien, mais c'est sûr
que, si on avait la possibilité à ce que même un descendant au premier degré,
direct, fasse la demande, que la personne adoptée soit décédée ou non, ça
serait un plus, c'est sûr.
Le
Président (M. Bachand) : 20 secondes.
M. Tanguay :
20 secondes. Adoption, complétif, c'est important. Pourquoi?
Mme Fortin
(Caroline) : Bien, en fait, c'est que la... ça viendrait ouvrir... ça
viendrait donner une opportunité, un choix additionnel aux parents pour un
autre type d'adoption. Actuellement, on a juste l'adoption plénière et on a,
bon, l'adoption avec maintien des liens, ce qui est quand même différent, et la
tutelle supplétive. En ajoutant ce type d'adoption là, bien, je crois qu'il y a
plusieurs enfants plus âgés qui sont en... par exemple, en famille d'accueil et
qui font de cette famille d'accueil là leurs parents, leur maman d'accueil,
leur papa d'accueil. Alors, ça pourrait permettre, autant pour le parent
adoptant que pour le parent biologique, de faciliter l'adoption en tant que
telle. Alors, je pense que...
Le Président (M. Bachand) : Merci. Merci Beaucoup. M. le député
d'Hochelaga-Maisonneuve, s'il vous plaît.
M. Leduc :
Merci, M. le Président. Bonjour. Bonjour à vous trois. Peut-être, d'abord, sur
la question de l'adoption rapide du projet de loi, vous pouvez évidemment
compter sur la collaboration, je pense, des différents partis d'opposition.
C'est certain que
c'est une grosse pièce, hein, plus de 300 quelque chose articles. Vous
avez vu, peut-être, les autres groupes qui vous ont précédés. Il y a des enjeux
plus délicats, moins consensuels, toute la question trans, intersexe, la
question GPA, aussi, gestation pour autrui, ce n'est pas simple. Des
amendements ont été annoncés par le ministre, il y aura certainement des
amendements aussi du côté des différentes oppositions. Mais je pense qu'au
final, même si c'est un peu tard dans la législature, il nous reste quand même,
quoi, quatre ou cinq mois de travaux devant nous avant la fin de la
législature, en juin prochain, moi, je pense qu'on est capables de traverser à
temps avant que ça se termine ici, avant les élections.
Ma question, elle va
être assez large, ouverte, puis elle va porter sur l'avenir. Parce que ce que
je comprends de votre mémoire, même s'il y a des ajustements que vous nous
suggérez, ce que je comprends, c'est que vous êtes, grosso modo, assez
satisfaites de ce que contient le projet de loi. Ça fait que j'ai envie de vous
poser la question : C'est quoi,
l'avenir de vos mouvements respectifs, si, finalement, on rencontre la plupart
de vos revendications peut-être historiques, que je pourrais dire? C'est
quoi, la suite pour vos mouvements, une fois que ça va être adopté, ce projet
de loi là? Qu'est-ce qu'il va rester à faire? Qu'est-ce qu'il va rester à
accomplir?
Mme
Fortin (Caroline) : En fait, j'ai envie de vous dire, comme dans un
des commerciaux : Le but du Mouvement Retrouvailles, c'est de fermer un jour,
quand tout le monde va avoir retrouvé. Mais actuellement c'est sûr qu'on en a
encore pour plusieurs années parce que les adoptions du passé ne sont pas
toutes réglées. Les adoptions récentes ou actuelles et futures, c'est sûr qu'il
va toujours continuer d'en avoir. Mais éventuellement, écoutez, j'espère qu'un
jour on pourra dire : Bien, mission accomplie sur toute la ligne, et les
gens n'auront plus besoin de ce service-là, ce qui me surprendrait, là, soyons
sincères. Mais ce n'est pas à court ni à moyen terme, là, qu'on voit la fin
d'un organisme comme le nôtre, là, parce que les gens auront toujours besoin
d'accompagnement, que ce soit avant, pendant
ou après, des gens pour... Parce que, nous, le Mouvement Retrouvailles, ce sont
des bénévoles et des bénévoles qui sont concernés, donc des personnes
adoptées, des personnes... des parents biologiques, on a aussi des parents
adoptants. Et les gens qui viennent nous voir ont besoin de parler à des gens
pour se reconnaître. Alors, je pense que ce n'est pas demain qu'on va fermer.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup.
M. Leduc :
Merci beaucoup.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Mme la
députée de Joliette, s'il vous plaît.
Mme Hivon :
Oui. Bonjour à vous trois. Heureuse de vous revoir, de retrouver le Mouvement
Retrouvailles. Donc, j'aimerais ça savoir, après quelques années d'entrée en
vigueur du projet de loi n° 113, pour ce qui est
de la question des antécédents médicaux, si ça fonctionne bien. Et puis la
question que j'avais, c'est : Si le parent biologique est toujours vivant
et qu'il y a des changements dans sa condition médicale, on découvre des
nouvelles réalités, comment les enfants ont cette information-là? Est-ce que...
comment vous êtes comme tenus au courant de l'évolution de la réalité médicale
du parent biologique?
Mme Fortin
(Caroline) : En fait, je vais être franche avec vous, au Mouvement
Retrouvailles, en tout cas, moi, personnellement, je n'ai eu aucune personne
qui m'a dit qu'il avait fait une demande au niveau médical. En fait, j'en ai...
il y en a qui ont fait des demandes auprès des médecins, et les médecins leur
ont répondu : Ah! tu sais, il y a trop de procédures, ou : Bon, on va
procéder autrement. Donc, je pense que ça... C'est super d'enlever... bon, un,
d'avoir enlevé le préjudice grave, pour devenir un préjudice puis là d'enlever
carrément le préjudice. Mais ma question, je l'ai mise dans mon mémoire, puis
elle est sincère : Est-ce que, vraiment, des médecins vont vouloir
s'embarquer dans une telle procédure? Elle est là, mon interrogation. Mais
parce que... c'est ça. Mais sinon les gens qui
ont eu la joie de rencontrer soit la fratrie soit les parents, peu importe,
bon, ils ont eu leurs antécédents médicaux de vive voix de la famille,
mais au niveau des médecins, je ne suis pas certaine que, d'emblée, ils vont
participer à ça.
Mme Hivon :
Donc, quand il y a un veto de contact, dans les faits, parce qu'il n'y a
pas de rencontre comme telle ou il n'y a pas de divulgation, je dirais, en
temps réel avec les personnes... Est-ce que, dans les faits, vous diriez
qu'avoir accès à tout le bagage médical c'est un peu une vue de l'esprit?
Mme Fortin
(Caroline) : Non, je ne dirais pas ça comme ça. Je dirais que c'est un
plus puis c'est une très, très belle possibilité, O.K., et il faudrait
faciliter la tâche aux médecins pour avoir accès aux informations.
Mme Hivon :
O.K. Puis justement, sur le veto de contact, certaines personnes disent
qu'à l'ère des réseaux sociaux puis de toute l'information qui circule
librement, qu'une fois qu'on a, dans le fond, l'information, le veto de contact
peut être difficile à respecter. Quelle est l'expérience, à cet égard-là, des
dernières années?
Le
Président (M. Bachand) : Très rapidement,
parce que le temps est dévolu.
Mme Fortin
(Caroline) : O.K. Bien, je vous dirais qu'effectivement ceux qui
passent par, bon... par le mouvement, on est très, très respectueux de tout ça.
Par contre, on ne peut pas empêcher une personne de passer, justement, par les
réseaux sociaux, et il y en a qui arrivent avec leurs gros sabots, et la
démarche n'est pas géniale. Mais les cas où j'ai eu connaissance qu'il y a des
personnes qui se sont adressées à quelqu'un, même avec un véto de contacts, il
n'y a pas eu de dégâts, là. Je n'ai pas...
Le
Président (M. Bachand) : Sur ce,
Mme Fortin, Mme Gobeil, Mme Picard, merci infiniment d'avoir été
avec nous aujourd'hui. C'est très apprécié, très constructif.
Sur ce, la commission
suspend ses travaux jusqu'à 15 heures. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à
12 h 59)
(Reprise à 15 h 03)
Le
Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Bon
après-midi. La Commission des institutions reprend ses travaux. Nous
poursuivons les auditions publiques dans le cadre des consultations
particulières sur le projet de loi n° 2,
Loi portant sur la réforme du droit de la famille en matière de filiation et
modifiant le Code civil en matière de droits de la personnalité et d'état
civil.
Cet après-midi, nous
entendrons la Fédération des associations de familles monoparentales et
recomposées du Québec, Me Sylvie Schirm, mais d'abord nous commençons avec
les représentants de l'Association des avocats et avocates en droit familial.
Merci beaucoup d'être avec nous. C'est très apprécié.
Donc,
d'emblée, je vous demanderais de vous présenter officiellement, débuter votre
exposé de 10 minutes, après ça
nous aurons une période d'échange avec les membres de la commission. Donc, la
parole est à vous. Merci d'être ici.
Association des avocats et
avocates en
droit familial du Québec (AAADFQ)
Mme Battaglia
(Maria Rita) : Merci. Bonjour à tous et à toutes. Je me présente, je
suis Me Maria Battaglia. Je suis devant vous aujourd'hui en tant que présidente
de l'Association des avocats et avocates en droit de la famille. Et je suis
accompagnée par Me Marie Christine Kirouack, qui est également membre du C.A.
de notre association, ainsi que l'ancienne... une de nos anciennes présidentes.
Je prends cette opportunité pour vous dire que, de ma part, de la part de Me
Kirouack, nous avons une connaissance approfondie du droit matrimonial et du
droit de la famille. Alors, c'est avec beaucoup de plaisir que nous sommes avec
vous aujourd'hui et on vous remercie pour l'invitation.
L'Association des
avocats et avocates en droit de la famille est un organisme à but sans
lucratif, non subventionné par le gouvernement, qui regroupe près de
500 avocats et avocates du Québec. Nous sommes les spécialistes du droit
de la famille et nous avons l'expérience de première ligne en matière
familiale. Il n'y a aucune autre corporation professionnelle qui possède les
mêmes formations et connaissances que nous avons dans le champ de cette
pratique qui est très complexe et des fois très, très difficile. Notre
association a pour but d'informer ses membres des derniers développements
jurisprudentiels, d'offrir de la formation continue, d'intervenir devant les tribunaux pour faire valoir les intérêts généraux
des avocats qui oeuvrent en droit de la famille, et même, dans certains
cas, pas souvent, mais de défendre les intérêts des justiciables sur des
questions qui affectent l'ensemble de la population.
Finalement, comme c'est le cas en l'espèce, elle a également comme rôle de
soumettre aux différents ministères des mémoires sur les politiques
avant le projet de loi et projet de loi qui touche le droit de la famille.
Je suis très ravie
aujourd'hui de vous déposer, au nom de l'association, notre mémoire. Je vous
souligne que vous avez, en annexe 3, un tableau comparatif du Code civil,
du projet de loi et du Code civil tel qu'il serait amendé, et c'est quelque chose
qui peut vraiment vous aider pour comparer les différences, et ça va également
vous aider dans notre présentation. Vous avez également un extrait d'un article
de droit comparé sur les droits successoraux des enfants conçus post mortem.
Alors, vu l'ampleur
de la réforme proposée et vu le temps restreint que nous avons, nous avons
l'intention de vous présenter en bref le résumé, c'est important, et la
position de notre association. Nous vous demandons, par contre, à vous, les
membres de la commission, de bien vouloir prendre connaissance de l'ensemble de
notre mémoire pour que vous ayez une vision complète de notre position. À ce
moment, je vais céder la parole à Me Kirouack pour qu'on puisse commencer notre
présentation.
Mme Kirouack
(Marie Christine) : Alors, écoutez, dans un premier temps, et pas
nécessairement en ordre d'importance, mais l'association félicite le
législateur pour son inclusion de la notion de violence familiale dans les
facteurs à être soupesés à l'article 33, de même qu'à l'article 606
en matière de déchéance d'autorité parentale, sous réserve des petits
commentaires, là, quant à la rédaction de 606, que vous trouverez dans notre
mémoire.
Ceci étant, nous
sommes d'opinion que le législateur devrait aller encore plus loin, et qu'on devrait
s'inspirer fortement des articles 2 et
de l'article 16.1 de la récente réforme de la Loi sur le divorce.
L'article 2, notamment, comporte une définition extrêmement étoffée
de ce que constitue la violence familiale, y compris le fait pour un enfant d'être
exposé à celle-ci, bien que, par ailleurs, il n'ait pas subi lui-même de
sévices corporels ou de sévices psychologiques.
Deuxième commentaire,
l'Association est profondément surprise de trouver, à l'article 34.1, une
définition selon laquelle, pour être conçu, l'enfant, n'est-ce pas, doit...
effectivement sa mère, O.K., ou la personne qui lui donnera naissance doit être
enceinte de cet enfant. Je dois vous dire qu'on a été profondément inquiétés
parce que, d'une part, cet article-là se retrouverait au chapitre du respect
des droits de l'enfant, et, avec égard, on pense que c'est un grand risque de
remettre Morgentaler et l'arrêt Daigle contre Tremblay en question. Si par
ailleurs l'objectif poursuivi par le législateur est qu'il y ait une question de
certitudes en termes de qualité d'héritier ou de légataire des enfants qui
naissent de procréation assistée post mortem de l'un de leurs parents, bien, à
ce moment-là, il nous semble et on vous
suggère qu'il serait plus simple de modifier l'article 617 pour pouvoir y
prévoir soit une prescription ou, en tout cas, un choix du législateur
par rapport à ça. Et c'est une des raisons, en termes de droit comparé des
différentes commissions qui ont réfléchi sur cette question, qu'on vous a
inclus l'annexe 1.
Troisième sujet, la
modification de mention de sexe à l'acte de naissance. Vous comprendrez que l'Association est opposée de façon véhémente au
nouveau libellé de l'article 71, qui rendrait effectivement
obligatoire les chirurgies et autres traitements médicaux de même nature avant
qu'une personne puisse modifier la mention de son sexe à son acte de naissance, d'autant que cela aurait pour effet de
faire disparaître la garantie qu'on trouve présentement au deuxième
alinéa de l'article 71 au Code civil, qui est une modification qui existe
depuis 2013 et, effectivement, qui indique que les modifications à l'acte de
naissance ne peuvent en aucun cas être subordonnées à l'exigence que la
personne ait subi quelque traitement médical ou intervention chirurgicale que ce
soit. Nous comprenons par ailleurs des déclarations du 9 novembre dernier
du ministre de la Justice que celui-ci entendait faire marche arrière sur cette
question, et c'est notre espérance que tel sera effectivement le cas.
Dans la même ligne d'idée,
l'association a été profondément interrogée de la modification de
l'article 145 et 146 — vous
retrouverez ça à l'article 42 du projet de loi — qui
fait en sorte que désormais, tant l'acte de naissance que le certificat d'état
civil devraient faire état de toutes modifications qui y ont été apportées.
Nous pensons que c'est étiqueter les personnes qui ne sont pas cisgenres, qui
seront prises, quand elles ont à exhiber leur acte de naissance, d'avoir à
dévoiler une partie de leur vie privée. Il en est de même pour ce qui est par
exemple des gens qui ont eu un changement de nom, et j'avoue qu'on s'interroge
sur l'objectif poursuivi par cette modification. En outre, et si je puis me
permettre, une telle modification ferait que, dans certains pays, on mettrait en
péril la sécurité des personnes, effectivement, qui ont eu une modification à
la mention de leur sexe à l'acte de naissance.
• (15 h 10) •
Quant aux règles d'établissement de la
filiation, écoutez, avec égard puis le plus grand respect, là, mais... il est
faux de dire qu'on ne peut pas établir la possession constante d'état dans le
cas où elle est exercée par plus d'une personne simultanément, et je vous
réfère spécifiquement à 524, alinéa 2 tel qu'il serait modifié. Les
tribunaux font ça en tout temps, et, notamment, si on regarde dans les
périodes, qu'on soit du 16 au 24 mois, qui est le... je vous dirais, le critère jurisprudentiel actuel, qui
serait modifié à 24 mois, ou qu'on serait a posteriori, la question de
possession d'état est une question que nos tribunaux évaluent en tout temps.
La gestation pour autrui. Écoutez, d'entrée de
jeu, l'association pense que les mères porteuses ne seront pas assez protégées.
Vous pourrez voir au mémoire la question des statistiques, en termes de... Les
taux de mortalité périnatale chez les femmes, les personnes qui accouchent, est
en hausse au Canada et est incompressible. Non seulement il n'a pas baissé
depuis une vingtaine d'années, mais il augmente légèrement. On parle d'à peu
près 8,3, 8,5 femmes sur 100 000 accouchements qui vont décéder.
Si vous regardez les statistiques qu'on a aussi
dans notre mémoire en regard du taux de dépression, du taux de psychoses et du
taux de problèmes de santé — vous
savez, être mère porteuse, ce n'est pas comme être donneur de sperme — elles
sont dans le fond les seules qui doivent assumer les risques liés à la natalité
et à la périnatalité, et on pense que, par rapport à ça, il y a un déséquilibre
flagrant au niveau des parties respectives au contrat. Je pense qu'à titre
d'exemple, il devrait y avoir une obligation qu'il y ait une assurance-vie,
puis ce qui est par ailleurs prévu à la loi
fédérale, O.K. Et que se passe-t-il si, effectivement, suite à l'accouchement,
la mère porteuse, O.K., devient invalide pour une période de temps, soit temporaire, soit de façon plus longue?
Et, si on regarde que ces contrats-là doivent être à titre gratuit, sauf
en regard du remboursement des dépenses, on pense que les mères porteuses sont
peu protégées.
Le Président (M.
Bachand) : Excusez-moi, Me Kirouack, le 10 minutes est
déjà passé, ça va extrêmement vite. Mais je
regarde du côté du ministre. Si peut-être vous voulez conclure, O.K., bien,
peut-être conclure rapidement, s'il vous plaît. Oui.
Mme Kirouack (Marie Christine) :
O.K. Alors, l'association est aussi contre que la convention soit faite en
forme notariée et qu'elle soit en forme... en langue française obligatoirement,
sauf possibilité, mais surtout, je dois vous dire, au chapitre de la mère
porteuse, de ce qu'on a compris, M. le ministre, c'est que l'objectif du
législateur était que la mère porteuse était seule à décider, elle peut mettre
fin unilatéralement au contrat, O.K., mais il y a une incongruité, c'est-à-dire
que 541.4 indique clairement que le tribunal, effectivement, pourra décréter
une filiation différente dans les cas où elle ne consentira pas au le fait que
son lien filial, rétroactivement, soit présumé ne jamais avoir existé, et on
pourra en parler peut-être un peu plus longuement. Alors, je vais clore
là-dessus.
Le Président (M.
Bachand) : Oui. Si vous êtes d'accord, Me Kirouack, on va
débuter...
Mme Kirouack (Marie Christine) :
Non, non, non, je clos! Je clos.
Le Président (M.
Bachand) : ...je vais débuter la période d'échange avec le...
La parole est au ministre, s'il vous plaît. Merci. Désolé.
M. Jolin-Barrette : Merci, M. le
Président. Me Battaglia, Me Kirouack, bonjour, merci de participer
aux travaux de la commission parlementaire.
Revenons tout d'abord sur la question, là, de
l'avortement, là. Je veux juste être très, très clair, là, il n'est pas
question, en aucun temps, jamais, de remettre en question l'arrêt Morgentaler
ou Daigle contre Tremblay, qui a eu lieu au Québec fin 80. Ce n'est pas
que ça fait, là, la disposition à 34.1, là. 34.1 fait référence au fait qu'on
vient amener une disposition pour prévoir, dans le cas de décès, pour préserver
les droits de l'enfant né vivant est viable. Il n'est aucunement question de
ça. Puis vous, vous le dites, je pense. À la page 20, 21 de votre mémoire,
vous dites : «Le Code civil ne reconnaît généralement pas au foetus la
personnalité juridique. Celui-ci n'est traité comme une personne que dans les
cas où il est nécessaire de le faire pour protéger ses intérêts après sa
naissance.» Nous, on ne va pas là du tout. C'est la même chose qui est prévue
dans le Code civil, là, avec différents articles, là, où il y a le même
concept, dans le fond, où...
Mme Kirouack (Marie-Christine) : En
matière successorale...
M. Jolin-Barrette : ...oui, soit
l'enfant conçu non né. Donc, ce concept -là, il est déjà retrouvé aux articles 192, 617, 1814, 2373, 2374, 2447 du
Code civil du Québec. Donc, je tiens à vous rassurer. Dans le fond,
l'objectif est de faire en sorte que cet enfant-là, s'il
naît vivant et viable, puisse protéger ses droits successoraux. Mais il n'est
aucunement question...
Mme Kirouack (Marie Christine) :
Avec égard, M. le ministre, je comprends ça, et c'est pour ça qu'on est
intervenu de cette façon-là. Mais à partir du moment où vous voulez insérer cet
article-là au chapitre du respect des droits de l'enfant par rapport à,
effectivement, un foetus qui n'a pas de personnalité juridique au code, on
trouve ça terriblement dangereux. Si vous voulez l'insérer, allez le mettre
ailleurs dans le code, mais pas sous ce titre-là.
M. Jolin-Barrette : Je comprends
votre suggestion. Je comprends votre suggestion. On va l'analyser, mais, à la
base, même s'il se retrouve à un autre endroit du code, ce n'est pas une
réouverture de l'avortement. Il faut être très, très clair. Ça fait référence
au...
Mme Kirouack (Marie Christine) : On
avait compris ça, M. le ministre. On veut juste s'assurer que ça ne donne pas
des idées à certaines personnes à cause du chapitre où il est.
M. Jolin-Barrette : O.K. Peut-être
une question, Me Kirouack, là. Le 17 octobre dernier, vous avez collaboré
à un article relativement à la pluriparentalité. C'est quoi votre opinion
relativement à la pluriparentalité?
Mme Kirouack (Marie Christine) : Le
17 octobre? Non...
M. Jolin-Barrette : Oui, qui a été
publié.
Mme Kirouack (Marie Christine) :
Non. Je m'excuse, j'ai déjà effectivement commis des articles sur la
pluriparentalité, mais pas le 17 octobre.
M. Jolin-Barrette : Pas le
17 octobre, je n'ai pas la bonne date ici.
Mme Kirouack (Marie Christine) :
Non, parce que je n'ai rien fait cette année là-dessus. Je suis désolée, là,
mais...
M. Jolin-Barrette : O.K. Bien, c'est
quoi votre opinion sur la pluriparentalité?
Mme Kirouack (Marie Christine) : Sur
la pluriparentalité, je vais vous dire, puis quand je l'enseigne à mes étudiants, c'est comme : Quant à moi, la
parentalité devrait demeurer biparentales, O.K.? Si on en rajoute trois,
pourquoi on n'en rajoute pas huit? Où est-ce
qu'on s'arrête, M. le ministre, à partir du moment où on fait sauter ce
paradigme-là? Puis, vous savez, quand
ils sont deux, et la jurisprudence et les études sont vraiment, je vous dirais,
constantes là-dessus, quand la chicane est prise, ça ne va vraiment pas
bien pour les enfants. Ça fait qu'est-ce qui est vraiment nécessaire qu'en matière d'autorité parentale, on en ait
trois, on en ait quatre, on en ait cinq? Puis l'autre question que ça sous-tend,
c'est qu'à partir du moment où on reconnaîtrait, comme législateur, la
pluriparentalité, qu'est-ce qui fait qu'à ce moment-là, on peut encore soutenir
qu'il ne devrait pas y avoir de bigamie?
M. Jolin-Barrette : De... Pardon, je
n'ai pas entendu?
Mme Kirouack (Marie Christine) : De
bigamie.
M. Jolin-Barrette : De bigamie. O.K.
Ça fait que vous vous dites : Ça ouvre la porte à toutes sortes de
situations. Juste une question praticopratique, là. Vous, votre association
vous représentez notamment des avocats praticiens, là, donc qui sont à tous les
jours au palais, dans les salles de cour, qui conseillent des justiciables,
tout ça. Donc, je comprends que de votre
commentaire, le fait d'ouvrir à plus de deux parents, vous êtes dans les salles
de cour, vous voyez les chicanes, puis tout ça, vous dites : Feu
rouge, attention, ça peut amener des conséquences, puis même vers la bigamie.
Mme Kirouack (Marie Christine) :
Définitivement.
Mme
Battaglia (Maria Rita) :
Imaginez-vous, M. le ministre, d'avoir une question de garde avec six...
parents qui se chicanent, qui va avoir la garde des enfants? Déjà, c'est
difficile quand nous en avons deux.
M. Jolin-Barrette : Puis là-dessus,
là, un des objectifs qu'on a avec la réforme du droit de la famille, notamment
en modifiant l'intérêt de l'enfant, en ajoutant la violence familiale aussi,
c'est de faire en sorte vraiment de placer l'enfant au centre du processus.
Puis c'est ce que mon collègue Carmant... pardon, le ministre délégué à la Santé et Services sociaux, avec son projet loi sur
la DPJ, on souhaite placer l'enfant vraiment au centre, tout ça. Parlons
de la question de la violence familiale
qu'on vient insérer à 33. Vous avez dit tantôt : Nous, on aime mieux la
définition du Code criminel. Le Code criminel...
• (15 h 20) •
Mme Kirouack
(Marie-Christine) : Non, ce n'est pas ce qu'on a dit. Je m'excuse.
Donc, la récente réforme de la Loi sur le divorce, qui, à l'article 2...
M. Jolin-Barrette : Le divorce.
Excusez. Divorce, la Loi sur le divorce. Cette rédaction-là, c'est plus une
rédaction de type common law. Nous, on a l'approche civiliste, le faire dans le
Code civil, puis violence familiale, ça inclut notamment violences conjugales
et les différents types de violences. Et on veut que ça soit interprété
largement. À partir du moment où je vous dis ça, qu'est-ce que vous en pensez?
Mme Kirouack (Marie Christine) : Ce
que j'en pense, c'est que... Parce que j'ai 29 ans de pratique, M. le
ministre, si vous saviez le nombre de fois où j'ai été confrontée au tribunal,
qui m'a dit : Monsieur est peut-être un conjoint brutal, mais que je
sache, vous n'avez pas de preuve qu'il a tapé sur les enfants. O.K.? La réforme
de la Loi sur le divorce, entre autres, reconnaît l'impact, et je peux vous
dire, pour avoir commis un article là-dessus, O.K., que le fait pour des
enfants d'être confrontés à de la violence familiale, même si eux n'ont pas été
l'objet de sévices, ça amène jusqu'à des modifications épigénétiques. Donc,
oui.
Et par ailleurs, je vais vous dire, au Québec,
nos tribunaux commencent à dire : Bien, écoutez, là, moi, j'ai des enfants puis je vais avoir un dossier 12,
qui est un dossier de juridiction de la Loi sur le divorce, et un 04 dans
une heure et je suis supposé appliquer deux critères. Et nos tribunaux
commencent déjà, je vous dirais, par assimilation, à appliquer les critères de
la Loi sur le divorce, bien que, au sens strict, ça ne s'applique pas, parce
que pour nos tribunaux au Québec, ça prend une espèce d'uniformité de ce que
constitue le critère du meilleur enfant. Il faut comprendre que, juste avant la
réforme de la Loi sur le divorce, si vous regardiez le critère du meilleur
intérêt de l'enfant au Québec, que ça soit dans un 12 ou un 04, c'était
interprété de la même façon.
Mme Battaglia (Maria Rita) : M. le
ministre, je ne suis pas d'accord avec vous que c'est vraiment du common law
qu'est-ce qui ressort des modifications de la Loi sur le divorce. C'est
vraiment détaillé. Chose qui, pour moi, est très nécessaire pour que les juges
savent qu'il faut qu'on réalise qu'il y a toutes sortes de types de violence
puis qu'on ne peut pas juste le limiter en le laissant large. C'est mieux qu'on
définit les différents types et qu'on reconnaît les types de violence qui sont
possibles dans des familles. Alors je pense que c'est important que vous
regardiez ça pour vérifier si, effectivement, ça a plus de bon sens qu'on soit
constant avec la Loi sur le divorce et notre Code civil.
M. Jolin-Barrette : Mais, avec
égards, c'est exactement l'argument que je vous fais, c'est exactement l'argument que, dans la Loi sur le divorce, la
technique légistique employée, c'est la technique en matière de common
law, où on vient nommément prévoir chacune des situations. Dans le fond, ça,
c'est l'approche de common law.
Mme Battaglia (Maria Rita) : Non.
M. Jolin-Barrette : Bien oui.
Mme Battaglia (Maria Rita) : Avec
respect, je ne suis pas d'accord...
M. Jolin-Barrette : En matière civile,
dans le Code civil, vous n'avez pas le détail de chacune des modalités. C'est
un principe général qui couvre les situations. Alors, à ce moment-là, la
violence familiale vient couvrir ce qui est déjà énoncé, supposons, dans les
types de violences, parce qu'on veut faire en sorte que ça puisse être évolutif
également dans le Code civil. Donc, si ce n'est pas mentionné spécifiquement,
on veut que ça puisse être évolutif dans le temps et que la violence familiale
soit plus large. Mais bref, là-dessus, j'ai bien pris note de vos commentaires.
Vous souhaiteriez qu'on incorpore la définition de la Loi sur le divorce. On va
réfléchir à tout ça dans le cadre de l'étude détaillée qu'on va avoir.
Bon, sur la question des victimes de violences,
le fait que, désormais, le contre-interrogatoire, il y a un avocat qui va
pouvoir être assigné, les enfants également, DPJ, ça, vous êtes à l'aise avec
ça, vous êtes d'accord?
Mme Kirouack (Marie Christine) :
Bien, si vous regardez dans notre mémoire, d'ailleurs on félicite le
législateur, là, sur cette modification-là au Code de procédure civile.
M. Jolin-Barrette : O.K. La
connaissance des origines, le fait, là, qu'on vienne élargir ça, là, dans la
pratique en droit familial, là, est-ce que... Parce que, là, sur la question
des mères porteuses, de la gestation pour autrui,
on vient ouvrir cela pour faire en sorte que l'enfant puisse avoir accès à
leurs origines. Première question là-dessus : Qu'est-ce que vous en
pensez? Puis ensuite, j'aimerais ça qu'on discute, là, de la convention
notariée, parce que tout à l'heure vous émettiez certaines réserves.
Mme Kirouack (Marie Christine) :
Dans l'ordre et dans le désordre, O.K., d'une part sur la question de... On
comprend que c'est la volonté ferme du législateur que ça devienne presque un
droit enchâssé, là, le droit à la connaissance de notre origine. Et comme on
vous l'a écrit dans le mémoire, une des questions qu'on se pose, c'est la
sagesse de permettre à compter de 14 ans, alors qu'on est en pleine crise
d'adolescence. Est-ce qu'il ne serait pas plus
sage d'attendre 18 ans? Où est l'urgence? C'est un premier commentaire
général, là. À un âge où, effectivement, les enfants
sont souvent, parce qu'ils sont en crise d'adolescence, en conflit avec leurs
parents, ce n'est peut-être pas le meilleur moment, je vous dirais. Et je ne
suis pas sûre que ça ne serait pas plus sage d'attendre qu'ils aient
18 ans sur cette question-là.
Sur l'autre question, je comprends que pour ce
qui est des donneurs, en matière de procréation, ce qu'on appelle présentement,
au code, la procréation assistée, bien, la disposition transitoire fait que ça
serait valide juste pour le futur. C'est sûr qu'une des questions qui se
posent, c'est : Est-ce qu'on va avoir une baisse significative du nombre
de donneurs? C'est une chose d'être donneur, c'en est une autre de savoir que
le code prévoit qu'à 14 ans ou à 18 ans on va vous appeler en
disant : Je veux vous rencontrer parce que vous êtes mon parent génétique.
Écoutez, tout ça bouge très vite à travers le monde, donc ça demeure des
questions...
M. Jolin-Barrette : Sur la question
de la convention notariée, la convention de gestation pour autrui, ça, vous
avez certaines réserves.
Mme Kirouack (Marie Christine) :
Bien oui. Écoutez, ça fait 20 ans que je rédige des conventions en cette
matière-là. Me Brown, qui est une des plus connues au Québec et au Canada,
hein, la première qu'elle a rédigée, c'était en 84. Alors, on a déjà
l'expertise. Je ne vois pas pourquoi ça devrait être un acte notarié. Et, si
c'est la question de la date, avec égard, on a juste à s'inscrire en faux, on
l'a fait au moment de l'article 42. Et l'application des dispositions
transitoires en vertu de l'article 42 pour les renonciations au patrimoine
familial, je l'ai fait, moi, pour mettre de côté des régimes matrimoniaux qui
avaient été signés des contrats de mariage avant qu'on puisse modifier les
conventions ou signer une convention de mariage après, a posteriori des noces.
Puis je veux dire, effectivement, les conventions sont tombées sur une question
de dates parce que ça pouvait se faire pour un contrat de mariage juste avant
la célébration du mariage à une certaine époque.
Je ne vois pas où est la valeur ajoutée, M. le
ministre. Et je trouve que, ce faisant, le Code civil déclarait qu'alors que
c'est notre champ de compétence depuis plus que deux décennies, tout à coup, en
vertu de quoi est-ce qu'on ne serait plus compétents?
M. Jolin-Barrette : Donc, vous, vous
en avez sur le fait que ça soit confié uniquement aux notaires.
Mme Kirouack (Marie Christine) :
Absolument.
Mme Battaglia (Maria Rita) : Puis
c'est nous qui avons la connaissance juridique. C'est nous qui allons devant la
cour pour les plaider. C'est nous, jusqu'à aujourd'hui, qui avons préparé ces
contrats. Ça change vraiment la pratique ici, au Québec. Et je n'ai pas d'autre
chose à ajouter, parce que Me Kirouack vous l'a déjà dit, et, dans notre
mémoire, on expose les raisons.
M.
Jolin-Barrette : O.K.
Question. Vous dites : On en faisait beaucoup, de contrats là-dedans, là.
C'était fréquent, d'avoir des conventions de gestation pour autrui,
présentement, supposons, au cours des 20 dernières années?
Mme Kirouack (Marie Christine) :
Non, non, non. Ce qui était fréquent, M. le ministre, c'était les dons de
gamètes. N'oubliez pas, là, 540, nul de nullité absolue, donc, mais ce qu'on
faisait beaucoup, c'était des dons de gamètes, avec toutes les discussions
préliminaires que ça implique, O.K., parce que vous avez A et B dans le champ gauche, les parents prospectifs, qui vous avez un
donneur dans le champ droit ou deux donneurs. Bien, à ce moment-là,
effectivement, ça implique toute une série de discussions avec les parties, et
que les gens soient... effectivement comprennent, là.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Une
autre question : Qu'est-ce que vous faites des recommandations du rapport
sur le Comité consultatif sur la
réforme du droit de la famille qui, eux, recommandaient qu'on aille par
convention notariée?
Mme Kirouack (Marie Christine) : Je
ne suis pas d'accord. L'association n'est pas d'accord.
Mme Battaglia (Maria Rita) : On
n'est pas d'accord.
M. Jolin-Barrette : Ça a le mérite
d'être clair, ça a le mérite d'être clair.
Mme Kirouack (Marie Christine) :
C'est ça.
M. Jolin-Barrette : Autre élément.
Bon, vous êtes les premiers à nous apporter, là, la limite sur le prénom usuel,
bien, sur le nombre de prénoms puis le prénom usuel. J'aimerais vous entendre
là-dessus.
Mme Kirouack
(Marie Christine) : Écoutez, sur la question du nouveau régime de
prénoms usuels, avec respect, là, M. le ministre, un, j'essaie de voir c'est
quoi, le problème qu'on essaye de régler. Deux, je trouve que c'est une réforme
qui va être particulièrement coûteuse pour les parties. Trois, ça veut dire
que... Et je vais me prendre comme exemple, O.K.? Mon prénom usuel, au sens de
si je regarde le code actuel, O.K., ça doit être Christine, O.K.? Et, en
première année, alors que ma mère à la maison m'appelait toujours Marie, j'ai
dit à ma professeure, ce n'est pas ça, mon nom, c'est
Marie Christine, et depuis ce temps-là que moi, j'agis effectivement sous Marie
Christine. Bien, si je regarde, là, ça veut dire qu'il faudrait aller
effectivement faire une demande au directeur de l'état civil, payer le tarif et
tout ça pour régler je ne suis pas certaine quel problème, M. le ministre.
Mme Battaglia
(Maria Rita) : Même chose avec moi, M. le ministre. J'ai deux noms et,
depuis que je suis avocate, ça fait plus de 30 ans, je ne n'utilise pas le
Maria Rita, j'utilise le Maria avec le R comme initiale. Est-ce que ça vaut la peine d'aller dépenser des sous
pour changer quoi que ce soit? Ce n'est pas nécessaire, quant à nous. Il
y a d'autres choses à régler, ce n'est pas quelque chose qu'il faut qu'on
fasse, c'est...
Mme Kirouack
(Marie Christine) : Non. Si je peux me permettre, M. le ministre, tu
sais, on a beaucoup, beaucoup d'enfants nés
durant les années 90 qui ont ce qu'une de mes amies appelle des noms à
pentures, c'est-à-dire un nom de famille composé de deux noms, O.K.?
Moi, la majorité de ceux que je...
M.
Jolin-Barrette : Je connais ça, je connais ça.
• (15 h 30) •
Mme
Kirouack (Marie Christine) :
Oui, mais la majorité que moi, je connais en ont laissé tomber un des
deux...
M.
Jolin-Barrette : Oui, bien, écoutez, moi...
Mme Kirouack
(Marie Christine) : ...autour de 22, 23, 24...
M.
Jolin-Barrette : ...ma mère puis mon père seraient bien fâchés que je
laisse tomber l'un ou l'autre, là.
Mme Kirouack
(Marie Christine) : Oui, mais ça, regardez, ça, c'est une question
plus intrafamiliale.
M.
Jolin-Barrette : J'aurais un conflit de loyauté. J'aurais un conflit
de loyauté. Bien, écoutez, je vous remercie grandement pour votre passage en
commission.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup.
Je cède la parole maintenant au député de Lafontaine, s'il vous plaît.
M. Tanguay :
Oui. Merci beaucoup, Me Battaglia et Me Kirouack, merci beaucoup pour le
temps excessivement considérable que vous avez dû investir pour remettre
le mémoire qui nous a été acheminé hier. Puis ce n'est pas un reproche, là,
vous m'entendez bien, là, ce n'est pas un reproche à vous, mémoire
excessivement étoffé qui participe de votre expertise. 85 , si j'ajoute
les annexes, et vous avez fait de superbes tableaux de compréhension,
321 pages. Alors, je n'aurai pas la prétention de vous dire qu'en
24 heures, avec les auditions hier qui ont fini à 22 heures, puis je
ne suis pas en train de me plaindre, puis je ne suis pas en train de vouloir
blâmer, je n'aurai pas la prétention de vous dire : Bien, j'ai six
questions dans mon 10 minutes. Je vous donne mon 10 minutes, je m'engage
à vous lire durant le temps des Fêtes, et je suis certain qu'à la fin, là, vous
allez dire, de l'audition : Ah! on n'a pas parlé de ça, on n'a pas parlé
de ça. Parlez-nous de ce que vous ne voulez pas qu'on manque. Je vous écoute.
Mme Kirouack (Marie
Christine) : Écoutez, un, je peux juste me permettre un commentaire
liminaire, puis ce n'est pas envers le gouvernement actuel et ce n'est pas
envers le ministre de la Justice, mais, de mon expérience en 25 ans, on
reçoit toujours l'appel ou le courriel, quand on est chanceux, six jours avant,
ce qui fait... ce qui fut le cas, O.K.? Donc, j'ai rédigé en quatre jours,
16 heures par jour, O.K., ce qui implique qu'on n'a pas pu vous l'envoyer
plus vite que ça.
M. Tanguay : Puis
ce n'était pas un reproche. Vous m'avez compris, hein?
Mme Kirouack
(Marie Christine) : O.K. Mais, non, je vais vous dire, moi, une des
grandes inquiétudes qu'on a à l'association, c'est 541.20, en matière de
gestation pour autrui, où il semble clair que jusqu'au jour de la naissance, si je regarde le régime qui est
proposé, O.K., la mère porteuse, O.K., ou la personne, là, qui est
effectivement partie peut changer d'idée en
tout temps, O.K., et sans avoir à se justifier. Elle a juste à notifier,
O.K. : Unilatéralement, je mets fin. Mais, à partir du moment où,
effectivement, l'accouchement a lieu et qu'on demande qu'elle signe le
consentement à ce que son lien d'origine filial n'ait jamais été établi, bien,
dans les cas où elle ne le signe pas, quand on regarde 541.20, le tribunal
aurait le pouvoir de passer outre, O.K., et sur la base de : Pourquoi
refusez-vous?, et du meilleur intérêt de l'enfant.
Si
je fais un parallèle avec... en matière d'adoption, O.K., je suis désolée, là,
mais quelqu'un qui effectivement va signer
un consentement général à l'adoption de son enfant peut même changer d'idée a
posteriori. Or, ici, de ce qu'on comprend, c'est qu'en autant qu'elle a
envoyé l'avis la veille de l'accouchement, tout va bien pour elle. On respecte
son choix. La minute qu'elle a accouché, si vous regardez 541.20, qui ne peut
s'appliquer, d'ailleurs, qu'à un seul cas, je me permets, O.K., 541.20, O.K.,
ne s'applique pas. On n'est pas dans un cas où elle est décédée, on n'est pas
dans un cas où elle a disparu, O.K., on n'est pas non plus dans le cas de son
incapacité. Donc, il n'en reste qu'un seul, c'est qu'elle refuse. Elle ne veut
pas consentir. Et, dans ces cas-là, si vous regardez, bien, à ce moment-là, le
tribunal peut modifier la filiation selon ce qu'il jugera opportun, selon son
évaluation de l'intérêt de l'enfant.
Et je vous rappelle que,
désormais, si, effectivement, les dispositions en matière de la personne qui
accouche est présumée, effectivement, le parent de cet enfant-là, c'est-à-dire
même mettre ça de côté, ça nous semble très problématique. On ose espérer que
ce n'était pas le désir du législateur, O.K., parce qu'il reste que c'est une
très grosse réforme, là, O.K., mais on pense que c'est plus qu'une incongruité,
là. Ça devrait être modifié.
M. Tanguay :
O.K. Noté. Avez-vous d'autres
éléments, je vous en prie?
Mme Kirouack (Marie Christine) : Écoutez,
toute la question de la procréation assistée à l'égard d'une personne, O.K., ou
d'une mère porteuse, au sens classique du terme, qui n'est pas domiciliée au
Québec, on comprend la logique, O.K., de rédaction du législateur. Notre
difficulté, parce qu'on s'est vraiment copié-collé sur les dispositions en matière d'adoption internationale, O.K., la
convention, O.K., de La Haye, la loi habilitante
québécoise, la difficulté, c'est qu'en matière de gestation pour autrui il n'y
a pas de convention internationale, O.K., il n'y a pas d'autorité centrale, de
sorte que ce sont les règles habituelles en matière de droit privé
international qui s'appliquent. Le Québec n'a pas une juridiction
extraterritoriale pour ce qui est d'un contrat qui est complètement conclu à
l'étranger, si vous regardez les dispositions puis la section au mémoire, O.K.,
et il ne peut pas non plus... Puis c'est forcer les gens qui vont revenir à les
faire, n'est-ce pas, certifier l'acte de naissance de l'enfant devant les
tribunaux, d'une part, puis c'est dit le
plus gentiment possible. Je vois mal comment on va pouvoir trouver des actes de
naissance des enfants qui sont nés de
gestation pour autrui étrangers, là. C'est un acte semi-authentique, O.K., qui
indique, tu sais : Nous avons parent A et parent B et un enfant. Il
n'y a pas une annotation : Ceci est suite à une gestation pour autrui.
Donc, dans les cas où, effectivement, on a une
gestation pour autrui qui était légale à l'étranger, qui a été concrétisée,
O.K., auquel on a donné effet, et donc l'acte de naissance a été émis, on voit
mal, à partir du moment où il n'y a pas des conventions, comme en matière
d'adoption internationale, où chacune des juridictions parties à la convention,
dans le fond, décline compétences selon certains scénarios factuels pour faire
en sorte que toutes les situations peuvent être prises soit dans l'une, soit
dans l'autre. Je vous dirais, avec respect, c'est comme si cette section-là
était comme 20 ans trop vite.
M. Tanguay : Donc, pour le...
Détrompez-moi. Deux choses. La première, c'est qu'il n'y a pas exigence, lorsque la mère porteuse est à l'étranger, il n'y
a pas exigence qu'il y ait une convention préalable. Est-ce qu'il y a
exigence?
Mme Kirouack (Marie Christine) : Bien,
non. Non. En fait, le projet de loi dit que ça en prend une. Moi, ce que je
vous dis, c'est qu'à partir du moment où elle est domiciliée puis quand on
regarde le droit privé international en matière contractuelle, c'est la loi de
cet endroit-là qui s'applique, ce n'est pas la nôtre.
M. Tanguay : Tout à fait. Et donc je
crois que c'est par règlement que le gouvernement pourra déterminer les États
avec lesquels il reconnaîtra la possibilité de le faire pour les mères
porteuses qui y résideraient, dans ces États-là. Alors, vous jugez que, dans le
contexte d'un règlement qui dirait tel État, tel État, tel État, puis on parle
des États souverains, et les États américains, puis les autres provinces, là,
c'est nettement insuffisant. Ça ne pourra jamais répondre à votre appréhension.
Mme Kirouack (Marie Christine) : En
fait, ça ne règle pas le problème, vous comprenez?
M. Tanguay : Non. C'est ça.
Mme Kirouack (Marie Christine) :
Même si le Québec décrète... Par exemple, on va prendre n'importe quel pays, ce
n'est pas important, ne me citez pas, O.K., la France, O.K.? Bien, à moins que
la France signe une convention avec le Québec comme quoi... similaire en
matière d'adoption, les tribunaux français vont dire : Mais je suis désolé, là, mais nous avons compétence, ça
s'est passé sur notre territoire, ce sont, tu sais, là, nos conventions,
nos ordonnances. C'est là qu'est le problème, là. Parce que je comprends qu'on
veuille empêcher le tourisme procréatif, ça, je comprends tout à fait, mais je
ne pense pas que c'est la façon d'y arriver.
M. Tanguay : O.K. Bien, bien noté.
D'autres éléments?
Mme Kirouack (Marie Christine) : Les
informations personnelles. On est vraiment... Écoutez, si on regarde en matière
de... le nouveau titre, là, en tout cas, l'équivalent de ce qu'on appelle la
procréation assistée, présentement, et en matière de gestation, les
informations seront au ministère de l'Emploi et de la Solidarité, au ministère
de la Santé, au Directeur de l'état civil. On a des craintes, parce que c'est
des informations extrêmement sensibles, des informations qui sont aussi confidentielles,
et on a des craintes, effectivement, qu'à se promener d'un endroit à l'autre,
qu'à un moment donné... Est-ce nécessaire?
Et, par rapport à ça, je vais vous dire, je vais
aller plus loin, pourquoi est-ce que la convention de gestation pour autrui
doit être versée au Directeur de l'état civil, d'autant qu'on demande qu'il y
ait des informations personnelles à la personne qui va se trouver à accoucher?
On saura juste, par règlement, jusqu'où iront ces informations-là, mais je vois
mal en vertu de quoi... surtout qu'il y aura la signature d'un consentement qui
attestera qu'il y a eu une convention et qu'il y a renonciation de la part de
la mère porteuse à son lien filial, je ne vois pas pourquoi ces informations
très personnelles, en termes de ses antécédents médicaux, seraient là.
M. Tanguay :
Deux questions rapides. Tarif, j'aimerais ça, que vous m'en parliez — «pas
le bar ouvert» — j'aimerais
ça, vous entendre là-dessus, de un, et de deux, l'importance de ne pas exiger
l'usage unique du français.
Mme Kirouack (Marie Christine) : Ah!
je vais le prendre dans l'autre sens. Écoutez, on est quand même dans un pays
où il y a deux langues officielles, le français et l'anglais, et je comprends
d'autant moins que, dans les cas où les parties, parce qu'elles le sont, elles
seraient autorisées, en vertu de la réforme, de le faire rédiger, par exemple,
en anglais, elles devraient d'abord, effectivement, déclarer et avoir pris
connaissance d'une version française. Un, on parle d'accès à la justice depuis
20 ans. Deux, on va se trouver dans les dossiers où, par exemple, les
parties sont anglophones, elles vont devoir payer pour la rédaction de deux
contrats. Un, ça crée des problèmes importants en matière d'interprétation
subséquente, s'il y a une chicane. Deux, je vais vous dire, on était comme un
peu surpris, O.K.? N'oubliez pas, là, qu'en matière de contrat un consentement
éclairé, ça implique qu'on a compris, effectivement, les termes de ce à quoi on
s'engage. C'est important que les parties puissent choisir la langue, surtout
dans ces matières-là.
M. Tanguay : Parfait. Et, dans la
minute qui reste ou à peu près, les tarifs?
Mme Battaglia (Maria Rita) : Oui,
pour qu'ils puissent donner un consentement éclairé.
• (15 h 40) •
M. Tanguay : Oui, consentement
éclairé.
Mme Battaglia (Maria Rita) : Oui, un
consentement éclairé pour qu'ils comprennent que c'est... on ne peut pas le
faire quand on a deux consentements qu'il faut font qu'on passe en deux langues
différentes. Et souvent les anglophones ne comprennent pas le français, et vice
versa. Alors, c'est sûr que c'est très important que la personne ait le choix
de langue, comme on l'a toujours fait.
M. Tanguay : Parfait. Et contre
certains tarifs également? Page 12.
Mme Kirouack (Marie Christine) : Ah!
bien, écoutez, notamment, la question qu'on s'est posée... puis je vais vous
dire, là, sur la question des personnes autochtones, quant à nous, là, le tarif
devrait être suspendu pour toujours et non
pas pour une période de cinq ans. C'est la moindre des choses qu'on leur doit.
Ça, comme association, là, on a une position très claire là-dessus.
Pourquoi cinq ans? On comprend que, par le passé, il y a eu des dispositions
transitoires, l'article 140, entre autres, quand la réforme de 2002 est
rentrée en vigueur, il y avait comme une période tampon. Vu le lourd héritage
des gestes qui ont été posés envers les peuples autochtones, moi, je pense
qu'il devrait... Ça ne devrait jamais rien coûter. Le tarif devrait être
suspendu de façon permanente.
M. Tanguay : Merci à vous deux.
Merci beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, M. le député de
LaFontaine.
Mme Kirouack (Marie Christine) :
Merci.
Le Président (M.
Bachand) : M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve, s'il vous
plaît.
M. Leduc : Merci, M. le Président.
Tantôt, vous avez... Bonjour à vous deux.
Mme Kirouack (Marie Christine) :
Bonjour.
M. Leduc : Tantôt, vous avez utilisé
un terme, là, on parlait... vous parliez de la gestation pour autrui, vous avez
dit c'est 20 ans trop vite. Voulez-vous expliciter un peu?
Mme Kirouack (Marie Christine) : O.K.
Ce que je veux dire par là, c'est que je m'attends à ce que, dans 10 ans,
ou dans 15 ans, ou dans 20 ans, il va y avoir une convention
internationale en matière de gestation pour autrui et qu'à ce moment-là,
effectivement, chaque État va désigner une autorité centrale qui va s'occuper
d'appliquer la convention internationale de la même façon qu'on en a une en
matière d'adoption internationale. C'était ça, l'objet de notre propos.
C'est juste que, présentement, ce n'est pas ça.
Et en matière scientifique et en matière de procréation assistée, c'est un peu
le far west à travers le monde, là.
M. Leduc : Mais,
avant que se détermine une convention internationale, il faut nécessairement
que ça ait commencé en quelque part, j'imagine, avant que les gens qui
ont déjà quelque chose s'assoient puis en fassent une convention?
Mme Kirouack (Marie Christine) : Bien,
c'est parce que, des fois, ce que vous avez, c'est que vous allez avoir des
conventions entre deux pays, par exemple, O.K., qui, des fois, se trouvent à
comme faire, je dirais, les débuts de racines de ce qui
devient subséquemment la convention. Des fois, c'est dans l'autre sens aussi.
Vous savez, La Haye, la convention, des fois, on en a qui sont juste... ont
fait un constat qu'il y a un problème important à travers le monde et qu'il
faut le régler.
M. Leduc : Puis dites-moi si
j'interprète mal vos propos, mais vous dites : En attendant une convention
internationale, il faudrait garder la loi actuelle, c'est-à-dire la nullité
absolue dans le Code civil?
Mme Kirouack (Marie Christine) : Je
ne sais pas... Ce n'est pas ça qu'on a...
M. Leduc : Non? O.K. J'ai mal...
Mme Kirouack (Marie Christine) : Ce
n'est pas ça que j'ai dit, ça fait que je me suis peut-être mal exprimée. Moi,
ce que je dis...
M. Leduc : Voulez-vous clarifier?
Mme Kirouack (Marie Christine) : Oui,
je vais clarifier le propos. Ce que je dis, c'est qu'en matière de gestation
pour autrui, O.K., la réforme propose, dans le fond, je vous dirais, deux
grands chapitres, O.K.? Lorsque les parties sont ici, sont au Québec, elles
sont soumises au droit québécois, et lorsqu'effectivement la mère porteuse est
domiciliée à l'étranger, ce qui implique aussi que son enfant, en vertu des
dispositions de droit privé à... de droit privé international, je m'excuse,
O.K., son acte de naissance est régi par le lieu de son domicile à sa
naissance. Notre code est clair par rapport à ça. Ce qu'on dit, c'est qu'en
matière... la section sur la gestation pour autrui à l'étranger, elle est très
problématique parce qu'on tente de donner une portée extraterritoriale à la loi
québécoise, puis on n'est pas certaines que c'est possible.
M. Leduc : Je comprends. Merci
beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Mme la députée de Joliette.
Mme Hivon : Oui. Bonjour. Merci
énormément pour tout le travail que vous avez fait à un compte de
16 heures par jour. Donc, merci, c'est très apprécié. Moi aussi, je vais
digérer chaque article et je vais regarder tout le travail que vous avez fait.
Hier, une intervenante nous a dit qu'elle
restait dubitative face à la possibilité de vraiment pouvoir encadrer
correctement la gestation pour autrui, c'est-à-dire, que va-t-il arriver, dans
la mesure où ce qu'on veut toujours, c'est protéger
l'enfant, si, par exemple, on ne respecte pas les règles, que ce soit dans la
gestation pour autrui transfrontalière, vous venez de parler des problèmes, mais même ici? Mettons qu'on met
21 ans. La femme qui porte l'enfant aurait 19 ans. On dit
qu'il ne doit pas avoir rétribution. On découvre qu'il y a eu rétribution.
Quelles peuvent être les conséquences de ça dans une société où, de toute
façon, on va toujours vouloir protéger l'enfant? Est-ce que vous voyez le type
de sanctions? Comment tout ça peut atterrir concrètement sur le plancher?
Mme Kirouack (Marie Christine) :
O.K. Dans l'ordre et dans le désordre, en matière de ce que je vais vous
appeler les «parents prospectifs», O.K., c'est-à-dire ceux qui contractent
pour obtenir une gestation pour autrui, vous verrez au mémoire que, dans le cas
où ces personnes-là, elles décident qu'elles ne donnent pas suite, et on a des
exemples, là, au Québec, O.K., où, tout à coup, c'est, tu sais, bon... parce
que... parce que... je pense à un cas où madame, dans le couple, effectivement,
qui avait contracté avec une mère porteuse, s'est retrouvée, quatre semaines
après la conception des enfants, en vertu du contrat de gestation pour autrui,
enceinte de jumeaux, puis là on a fait : Bien,
non, merci. O.K. De la même façon que je peux penser à des scénarios où... si
l'enfant naît, par exemple, souffrant de spina-bifida, les parents
prospectifs fassent : Savez-vous, on va oublier ça. Dans... La position de
l'association par rapport à ça, puis vous regarderez au mémoire, c'est qu'il
devrait y avoir des dispositions pénales, des dispositions de... Si les parents
prospectifs décident qu'ils ne donnent pas suite, effectivement, bien, qu'à ce
moment-là ils soient redevables de toutes les sommes que l'État pourrait payer
pour cet enfant-là, qu'il puisse y avoir des dommages punitifs dans ces
situations-là.
Mme Hivon : O.K.
Le Président (M.
Bachand) : ...
Mme
Hivon : Oui. J'ai
tellement de questions. Et puis, si c'était l'encadrement, je dirais, général,
là, par exemple, l'âge n'est pas respecté,
il y a eu rétribution, on n'a pas respecté la convention, c'est quoi, la suite
des choses?
Mme Kirouack (Marie Christine) : Bien,
en fait, je vais vous dire, je pense que vous mettez le doigt, là, sur le noeud
gordien. Parce que, si on veut être totalement limpides et transparents, là,
vous avez juste à aller regarder sur Internet, sur Facebook et autrement, hein,
il y a présentement un marché de mères porteuses, il y a présentement un marché de vente d'ovules, O.K.? Et ça, je peux
vous dire que c'est parce que, moi, j'ai eu des dossiers a posteriori, O.K., que j'ai comme... Donc, je peux vous dire qu'une mère
porteuse, c'est 35 000 $ à 40 000 $, dans ce que moi, j'ai
vu, O.K., et qu'un ovule, ça tourne autour de 10 000 $,
15 000 $. Allez voir.
D'ailleurs, il y avait un article dans... un
éditorial ou quelque chose dans La Presse dans la dernière
semaine, là, là-dessus. Donc... O.K. Mais qu'est-ce qu'on fait? C'est
effectivement... c'est un grave problème. Et il va falloir prévoir,
effectivement, des dispositions sur cette question-là, à savoir, bien :
Est-ce que... puis je suis d'accord avec vous, Mme Hivon, dans les cas,
par exemple, O.K., où vous avez une convention et la mère aurait 20 ans,
est-ce qu'on va décider qu'on n'y fait pas droit? Le problème, c'est que ou on
a une approche très stricte, O.K., parce qu'on va considérer que c'est des
règles publiques et qui visent à protéger, O.K., la mère porteuse, mais parce
que, tu sais, une fois qu'on décide qu'on ouvre la barrière, bien, est-ce que
17 ans, c'est correct? Est-ce que 16, c'est correct? Où est-ce qu'on
s'arrête?
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. C'est tout le
temps qu'on a.
Mme Hivon : Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, encore une
fois, d'avoir été avec nous. C'est très, très, très apprécié. On se dit à
bientôt.
Et je suspends les travaux quelques instants
afin d'accueillir notre prochain invité. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 15 h 48)
(Reprise à 15 h 55)
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux. Merci. Alors, il nous fait plaisir... d'accueillir,
pardon, Me Sylvie Schirm et Me Marie-Elaine Tremblay aux travaux de la commission. Merci beaucoup d'être avec nous
aujourd'hui, surtout en présentiel, d'ailleurs, c'est très agréable. Alors, vous
connaissez les règles, 10 minutes de présentation puis, après ça, une
période d'échange. La parole est à vous. Merci, encore une fois, d'être ici
avec nous.
Mmes Sylvie Schirm et
Marie-Elaine Tremblay
Mme Schirm (Sylvie) : Merci. Alors, M.
le ministre, les membres de la commission, je veux d'abord vous remercier d'avoir tenu votre promesse de procéder
avec la réforme du droit de la famille si longtemps attendue, et nous
sommes vraiment honorées d'être ici aujourd'hui et nous vous remercions pour
l'invitation. Nous sommes également très conscientes que c'est dans cette
bâtisse que les lois se forgent et se forment, et qu'on finit par en accoucher.
Schirm & Tremblay Avocats est un cabinet
composé de spécialistes chevronnés qui pratiquent uniquement en droit de la
famille. Je pratique depuis 33 ans dans ce domaine, Me Tremblay pratique
depuis 14 ans, et depuis 10 ans en droit de la famille. Nous avons
une expertise dans tous les domaines qui touchent le droit de la famille. Notre
mémoire s'intitule Dans le meilleur intérêt de nos enfants, et c'est
dans ce contexte, et toujours étant guidé par ce principe, que nous soumettons
nos commentaires concernant le projet de loi n° 2.
Notre mémoire met de l'avant nos commentaires
sur les sujets suivants qui sont contenus dans le projet de loi, et nous
n'avons pas de commentaires sur les autres aspects de la réforme. En résumé, on
discute de la mère porteuse, le retrait du consentement de la mère porteuse, la
consultation juridique, le remboursement des frais. Nous avons soulevé aussi la
nécessité d'incorporer la définition de la violence familiale de la Loi sur le
divorce dans notre Code civil du Québec pour des raisons que nous expliquerons
et nous avons également soutenu la position du gouvernement de ne pas
reconnaître la pluriparenté pour les raisons que nous allons vous expliquer.
En ce qui a trait au consentement de la mère
porteuse, nous considérons qu'il n'est pas dans l'intérêt de l'enfant de
permettre à la mère porteuse de retirer son consentement à quelque moment que
ce soit. En cas de refus de la mère porteuse de renoncer à sa filiation
maternelle, l'enfant aura donc la mère porteuse comme mère, peu importe la
provenance des ovules et l'autre parent d'intention à l'égard duquel allait
être établi le lien paternel ou le second lien parental. Il est donc à parier
que le père ou le parent d'intention qui est sur le certificat de naissance va
vouloir exercer ses droits parentaux et avoir accès à cet enfant tant attendu
et si désiré, et avec qui il ou elle peut avoir un lien biologique. «Il», dans
le cas de «il», si son sperme a été utilisé pour la fécondation. L'exercice de
ses droits parentaux permettra à sa conjointe ou son conjoint, c'est-à-dire
l'autre parent d'intention qui est déchu face à cette situation-là, de jouer un
rôle dans la vie de l'enfant, mais il ou elle demeurera également un tiers à
son égard, même si, par exemple, les ovules ont été utilisés pour sa création.
Il est à prévoir, donc, que cette personne sera intervenant ou mise en cause
dans une procédure de garde d'enfant.
Voilà donc un litige de garde d'enfant qui va
débuter entre deux personnes qui ne sont pas partenaires, qui n'ont jamais
planifié être parents ensemble, au contraire, et dont un vit une énorme
déception pouvant donner lieu à une guérilla judiciaire. Donc, nous croyons
qu'il est dans l'intérêt de l'enfant de ne pas donner à la mère porteuse...
l'opportunité, pardon, de retirer son consentement.
En ce qui a trait à
la consultation juridique, nous ne pouvons pas assez insister pour la nécessité
d'avoir une consultation juridique
indépendante par avocat pour toutes les parties à la convention de GPA. On a
déjà vu qu'est-ce qui est arrivé avec la loi sur
le patrimoine familial, qui ne prévoyait pas de consultations juridiques
indépendantes, et plusieurs des renonciations furent annulées par les tribunaux
par manque de consentement, surtout parce que l'épouse, dans ce cas-là, n'avait
pas consulté un conseiller indépendant. Et le notaire, en 1990, avait le même
rôle qu'aujourd'hui. De plus, dans un contexte si délicat comme une convention
de GPA, il n'est pas toujours évident qu'une partie oserait poser certaines
questions en présence de l'autre.
• (16 heures) •
Cette possibilité de
consultation indépendante fermera également la porte à toute prétention de la
mère porteuse à l'effet qu'elle n'a pas compris les conséquences de ses gestes
dans la convention de GPA. Vous direz peut-être que je prêche pour ma paroisse.
C'est vrai, mais ce n'est pas sans fondement, car les avocats qui pratiquent le
droit de la famille sont sur le terrain. Nous connaissons les embûches. Nous
sommes devant les tribunaux. Notre rôle est justement d'évaluer les risques et
de conseiller le client ou la cliente en lui faisant voir qu'est-ce qui est le
pire scénario. Notre pratique sur le terrain nous permet de donner des conseils
judicieux et selon les besoins spécifiques de la situation. Le notaire, lui,
qui rédige le contrat n'a pas ce rôle ni peut-il jouer ce rôle, car il
conseille les deux parties. De plus, le
notaire n'a pas l'expérience de litige des avocats de terrain pratiquant le
droit de la famille, qui connaissent bien le système judiciaire et ses
exigences en litige familial et qui peuvent aussi prévoir le litige et la
prévention de celui-ci.
Les parties à une
convention de GPA doivent comprendre les règles juridiques applicables et les
implications particulières pour chacune d'elles, et leurs droits et obligations
doivent leur être expliqués dans un contexte de possibles litiges éventuels et
en toute confidentialité dans un endroit spécifiquement établi pour eux, dont
le bureau d'un avocat ou cette personne est seule et peut poser toutes les
questions. Il faut s'imaginer que peut-être, on n'osera pas poser certaines
questions en présence de la mère porteuse et les parents d'intention. Alors,
ceci permettra aux parties de vraiment
pouvoir avoir toutes les informations nécessaires. Nous croyons que parler des
possibilités de litige constitue un moyen de prévenir que ces litiges
surviennent et que des questions peuvent être posées sans crainte de la
réaction de l'autre partie.
En ce qui a trait à
la question de la violence familiale, nous comprenons... vous avez constaté que
la loi sur le divorce a récemment été modifiée pour inclure des dispositions
pour protéger l'enfant vivant cette violence. De plus, une définition détaillée
fut incorporée dans la loi, forçant les tribunaux d'analyser tous les aspects
de la vie de l'enfant et également les impacts sur lui de cette violence. On
croit que cette définition ainsi que l'analyse que les juges doivent faire de la
violence familiale devraient être incluse dans le Code civil du Québec. Les
valeurs d'une société sont inscrites dans sa législation. Cette valeur,
protéger les enfants de la violence familiale, doit absolument s'y trouver par
le biais de cette définition détaillée ainsi que l'obligation des juges de
faire l'analyse de tous ces facteurs qui doivent être considérés. Nous ne
devons pas permettre qu'un juge analysant un dossier de violence familiale ait
plus d'outils à sa disposition, quand les parents sont mariés, que ceux dont
les parents sont conjoints de fait, ce qui représente d'ailleurs, comme vous le
savez, la majorité des couples au Québec. Le traitement égal de tous par la loi
est un droit fondamental et surtout pour les enfants.
Maintenant, en ce qui
a trait à la triparenté ou pluriparenté, la seule fois où je me suis exprimée
sur la pluriparenté, en disant que je n'étais pas d'accord avec ce principe, on
m'avait dit que j'avais une façon hétéronormative de penser. J'ai dû consulter
un dictionnaire pour comprendre ce mot et je ne savais pas, à ce moment-là, que
je me faisais insulter. Parce qu'hétéronormatif est un adjectif qui qualifie
une personne qui pense que l'hétérosexualité est la seule et unique orientation
sexuelle possible. En d'autres termes, une personne hétéronormative est
convaincue qu'une femme ne peut vivre une relation amoureuse qu'avec un homme
et vice versa. Croyez-moi que ce n'est pas du tout mon cas ni non plus celle du
cabinet. Je n'ai pas honte ni crainte d'exprimer
notre point de vue en tant que praticien en droit de la famille. Il faut cesser
de croire que la pluriparentalité est gage de succès. Il est illusoire
et utopique de penser que, si plus de deux personnes décident de participer
ensemble à l'élaboration d'un projet parental, elles seront nécessairement
immunisées à la possibilité de rupture, la survenance d'un conflit ou d'un
litige qui impliquerait cet enfant. Une rupture et un litige concernant un
enfant peuvent survenir, peu importe qu'on ait eu deux, trois ou quatre parents.
Peu importe que les parents sont hétérosexuels ou issus de la communauté LGBTQ,
peu importe qu'ils aient conçu l'enfant par relation sexuelle ou ils aient eu
recours à l'adoption ou la procréation assistée, il n'y a aucun litige plus
blessant, plus difficile, plus pénible et plus laid qu'un procès pour la garde
d'un enfant. Voilà qu'avec trois ou quatre parents le litige sera encore plus
difficile, plus long, plus pénible pour les parties, le système judiciaire,
mais surtout pour l'enfant. Et l'enfant, avec trois parents, on fait quoi? On
les divise en combien? Combien de jours de la semaine, il faut partager cet
enfant-là, deux, trois, quatre? Que faire
lorsqu'il y a une prise de décision pour l'école, les sports, le vaccin de la
COVID? Quel effet est-ce que cela aura
sur la prise de décision en général, alors que l'enfant sera mis, malgré lui,
au milieu d'un conflit important? Comment gérer, du point de vue de
l'enfant, les trois ou quatre parents en conflit qui se présentent en même
temps chez le dentiste, à l'école ou aux
activités sportives? Qui va prendre les décisions importantes dans la vie de
cet enfant, deux parents contre un? Un juge de la Cour supérieure? Ces
situations, alors que seulement deux parents sont présents, sont déjà souvent
problématiques et anxiogènes pour l'enfant. Il est difficile d'imaginer qu'un
tel scénario serait dans le meilleur intérêt de l'enfant. En effet, nous
croyons qu'un tel scénario reviendrait plutôt à faire prévaloir l'intérêt des
parents au détriment de l'intérêt de l'enfant. C'est pour cette raison que nous
croyons que la pluriparenté n'est pas dans l'intérêt des enfants québécois.
Merci.
Le
Président (M. Bachand) : Merci pour votre présentation, maître.
M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette :
Me Schirm, Me Tremblay, merci beaucoup d'être présentes à Québec, ici, pour
nous livrer vos commentaires sur le projet de loi. Je dois comprendre que vous
accueillez tout de même favorablement le projet de loi.
On va commencer par la fin de votre intervention
relativement à la pluriparentalité. Nous, on a fait le choix de demeurer à deux
parents. C'est le choix du gouvernement. Je voudrais juste qu'on élabore un
petit peu plus cette question-là, parce que vous avez donné des exemples quand
même précis sur le fait de quelles pourraient être les conséquences
potentielles, et ça, vous nous illustrez ces conséquences-là par le fait de
votre vécu, actuellement, comme avocate praticienne. Alors, ça me fait penser
également pour les lieux de résidence. Quand les enfants sont séparés, souvent
quand il y a des gardes partagées, bien, ça arrive parfois que les parents
conservent une résidence puis que c'est les parents qui changent, qui vont
habiter dans la résidence, puis les enfants restent là. Mais vous me corrigez,
je pense que c'est une minorité...
Mme Schirm (Sylvie) : C'est une
minorité et c'est pour de très courtes périodes de temps. Ça, c'est le
«nesting» qu'on appelle. Donc, c'est les parents qui changent de maison, mais
c'est toujours fait pour une très courte période de temps.
Mme Tremblay (Marie-Elaine) : Bien,
en fait, dans les dossiers litigieux, là.
Mme Schirm (Sylvie) : C'est ça.
Mme Tremblay (Marie-Elaine) : Parce
que sans doute qu'il y a des gens qui s'arrangent comme ça sans que ce soit
litigieux, mais le «nesting», c'est temporaire, c'est souvent durant
l'instance.
M. Jolin-Barrette : O.K. Et puis,
c'est quoi l'impact de la garde partagée sur les enfants? Tu sais, les enfants,
quand ils ont des parents séparés, qui doivent changer de résidence, tout ça,
avec votre longue expérience, là, je suis sûr que dans certains cas, ça se
passe très bien, mais, quand même, l'enfant qui se retrouve avec deux maisons, deux chambres, deux kits de vêtements,
des jouets différents, tout le kit, là, dans votre expérience comment ça
se passe? Puis là, dans le fond, la pluriparenté, ce que ça fait, c'est que ça
pourrait nous amener à avoir trois maisons, quatre maisons, cinq maisons pour
l'enfant. Là, c'est sûr que de ce que je comprends, quand tout va bien, il n'y
en a pas, de problème, mais ça arrive que les couples au Québec, ils se
séparent plus souvent que dans le temps, mettons.
Mme Schirm (Sylvie) : 50 %, un
sur deux. Ça, c'est encore les statistiques qui sont là. La garde partagée peut
fonctionner très bien, comme peut-être très difficile pour les enfants. On
demande beaucoup à nos enfants quand on fait une garde partagée. Puis la
réalité est qu'on demande de s'ajuster justement à deux milieux, parfois avec
des valeurs différentes, avec des règles différentes, avec les nouvelles ou
nouveaux conjoints, avec la famille recomposée, avec les enfants du nouveau ou
nouvelle conjointe. Alors, on leur demande énormément déjà dans le contexte de
la garde partagée, toujours dans principe aussi que c'est important pour les
enfants d'avoir accès à leurs deux parents, parce que c'est vraiment ça,
cette... Ça, c'est une valeur importante, qu'ils puissent avoir accès aux deux
parents. Mais, quand on regarde qu'est-ce qu'on demande aux enfants qui vivent
la garde partagée et surtout si on ajoute à ça un conflit parental, c'est
certain que qu'est-ce qui est le plus dommageable pour les enfants, ce n'est
même pas le une semaine sur deux, c'est le conflit. Alors, quand on a un
conflit entre trois parents, par exemple, on a vu la cause devant la Cour
d'appel en 2019 où c'était un couple de lesbiennes qui ont recours à un homme
pour avoir une fécondation. Ils ont signé un contrat, tout le monde était très
bien, contrat pour faire venir un enfant au monde. Tout le monde était de bonne
foi. Alors, à un moment donné, un du couple des femmes change de sexe. Ils se
divorcent par la suite. Et là, le parent, le père biologique, est maintenu à
l'extérieur de cette démarche-là. Il réclame d'être reconnu sur le certificat
de naissance. Il y a un immense litige qui s'en va jusqu'à la Cour d'appel.
Alors ça, c'était trois personnes qui voulaient élever un enfant ensemble,
qu'ils ont réglé cet aspect-là entre eux avec une entente de bonne foi, et
voilà qu'est-ce qui est arrivé. Alors, on peut très bien imaginer comment... Et
cette enfant-là, elle a maintenant... elle voit son père biologique qui n'est
pas sur le certificat de naissance, mais vous pouvez imaginer qu'elle est
déchirée entre trois personnes qui sont en conflit.
Alors ça, c'est qu'est-ce que nous craignons.
Comment on va faire ça? Imaginez vous, on va être quoi, trois, quatre avocats à
la cour en train de débattre une garde d'enfant. Et je crois que si ça
fonctionne bien, la triparenté, si ça marche, pour quoi est-ce qu'on a besoin
d'être reconnu, si ça fonctionne? Ça, c'est une exigence d'une adulte et ce
n'est pas l'exigence... ce n'est pas le meilleur intérêt de l'enfant qui est vu
dans ce contexte-là, c'est l'adulte qui veut être reconnu. Reconnu pourquoi?
Parce qu'il veut exercer des droits. Et l'exercice des droits, ça va être
quand? Quand il va y avoir un conflit de garde. Alors, nous croyons que, sur le
terrain de notre vie quotidienne, je peux vous dire, qu'un procès de garde,
c'est la pire expérience que quelqu'un peut vivre et c'est très difficile pour
les procureurs aussi et encore plus pour le
juge qui doit trancher. Alors, on va le soumettre encore dans cette démarche-là.
• (16 h 10) •
M.
Jolin-Barrette : Donc, vous, ce que vous dites, quand c'est
revendiqué, la pluriparentalité, c'est plus l'adulte qui, lui, souhaite avoir
ses droits plutôt que du point de vue de l'enfant. Nous, on a construit le
projet de loi, que ce soit pour la gestation
pour autrui — puis
j'aurais une question là-dessus aussi sur une question de vocabulaire,
après — on
a construit le projet de loi centrer l'intérêt de l'enfant puis que ça soit
vraiment clair que ça soit ça. Je vais revenir sur la question de vocabulaire,
mais avant ça, dans votre mémoire, vous ne parliez pas des modifications à l'article 611 relativement aux beaux-parents. On
vient permettre de maintenir des liens avec l'ex-beau-parent, si on veut, si
jamais c'est dans l'intérêt de l'enfant. Qu'est-ce que vous pensez de ça?
Mme Schirm
(Sylvie) : Ça, c'est, à mon avis, excellent. Je n'ai pas... Parce que
c'est des contacts, ce n'est pas dans le contexte d'une garde, ce n'est pas
dans le contexte de diviser l'enfant en quatre morceaux, mais c'est de
permettre à l'enfant de maintenir un lien qui sera probablement le lien qu'on
peut voir dans certains cas où est-ce que des tiers qui ont obtenu des accès,
que ça a été des contacts, ça été pour des courtes périodes, ce n'était pas une
fin de semaine sur deux, ce n'était pas une semaine sur deux, ce n'était pas
deux semaines à Noël, alors... mais c'est quand même pour permettre le contact.
Alors, nous n'avons pas d'objection à ça parce que c'est un lien qui est
important à l'enfant, qu'il a établi avec cette personne-là. Alors, à mon avis,
ça, ça pourrait... c'est très bien. C'est pour ça que vous n'avez pas de
commentaire dans notre mémoire.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Me Tremblay.
Mme Tremblay
(Marie-Elaine) : La distinction, je pense, qui est importante ici,
c'est aussi l'autorité parentale, parce que la triparenté, c'est ça aussi.
Puis, pour un peu reprendre ce que Me Schirm disait tout à l'heure, ce qu'on
voit, nous, quand il y a des expertises psycholégales, c'est des différentes
modalités de garde, il n'y a aucun problème
tant que tout le monde est d'accord. Où ça commence à être problématique avec
des répercussions sérieuses pour l'enfant, c'est quand il y a un conflit.
Alors, bien évidemment, nous, on pense... on prévoit le conflit, puis on
dit : Si trop de parties peuvent... ont leur mot à dire, c'est trop
d'intervenants pour l'enfant.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Sur le même article, mais le libellé actuel, là,
par rapport... c'est un article qui touche principalement les grands-parents
actuellement. Dans votre pratique, là, les droits d'accès aux grands-parents,
si vous aviez un portrait à nous faire, est-ce que c'est un enjeu? Parce que de
ce qu'on m'explique notamment, c'est que, parfois, ça crée des conflits
intrafamiliaux, les grands-parents donnent un accès, la façon que c'est
interprété, c'est en faveur des grands-parents notamment. Comment c'est vécu,
sur le terrain, là, l'utilisation de cet article-là?
Mme Schirm (Sylvie) : Je peux vous dire que les juges sont extrêmement généreux envers les
grands-parents et je peux vous dire que mon analyse à moi, selon la
jurisprudence, c'est qu'à moins qu'il y a une altercation physique, physique, qu'on arrive aux coups entre
les grands-parents et les parents en présence de l'enfant, on va tout
faire pour permettre aux grands-parents d'avoir un contact. Et le conflit entre
le grand-parent et son enfant qui est l'adulte, évidemment, là, qui est le parent de l'enfant, du petit-fils ou
petite-fille, est mis de côté. Il faut que le conflit soit vraiment
intense et, comme je vous dis, très, très axé, là, sur un sérieux problème
psychologique suite à une expertise, etc.
Les tribunaux sont
très généreux envers les grands-parents et tient compte que c'est important
pour les enfants d'avoir un contact. Ça fait que même quand il y a un... parce
que c'est sûr que ces cas-là, il y a un conflit, hein, parce qu'il y a
quelqu'un qui refuse aux grands-parents d'avoir accès à leurs petits-enfants.
Alors, c'est évident qu'il y a un conflit
familial, mais le conflit doit être extrêmement sérieux pour que le tribunal
décide de ne pas accorder aux grands-parents ou de ne pas permettre aux
enfants de voir leurs grands-parents.
M.
Jolin-Barrette : Et, selon vous, vous dites : Bon, l'approche,
elle est extrêmement généreuse de la part des tribunaux. Est-ce que c'est une
bonne approche ou...
Mme Schirm
(Sylvie) : Moi, je trouve que, oui, je trouve que oui.
M.
Jolin-Barrette : Parfait.
Mme Tremblay (Marie-Elaine) : Puis on voit même... en fait, c'est souvent dans
une situation où il peut y avoir des
conflits, où un parent est décédé, et là le grand-parent du parent décédé veut
avoir accès, il y a eu un conflit familial, dans ces cas-là, même les
accès vont être un petit peu plus généreux pour permettre à l'enfant d'avoir le
côté maternel ou paternel qui, malheureusement, n'est plus dans sa vie, là.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Présomption de paternité, en faveur d'un
conjoint de fait?
Mme Schirm
(Sylvie) : Pas de problème. Pas de problème avec ça, au contraire.
M.
Jolin-Barrette : L'autorité parentale qui s'exerce sans violence
aucune.
Mme Schirm
(Sylvie) : Ça, on est entièrement d'accord avec ce principe-là. Le
fait de pouvoir faire une déchéance pour
violence familiale, là, comme on a vu les jugements qui ont été rendus
récemment, 100 % d'accord avec ça.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Bon, sur la gestation pour autrui. Tout à
l'heure, on a eu Me Kirouack, qui disait : Bien, ça ne devrait pas être
juste confié aux notaires. Vous, votre position par rapport à ça, là?
Mme Schirm (Sylvie) : Écoutez, notre
position, ce n'est pas la question de qui fait le contrat, vraiment, c'est la
question de la consultation juridique. Et c'est ça qui nous inquiète parce
qu'on le voit dans nos bureaux, qu'est-ce qui arrive. La question, là, du patrimoine
familial, quand on voit le nombre de causes, ils sont cités dans notre
mémoire, qui ont renversé... les juges ont renversé ces renonciations-là.
On peut juste imaginer combien de femmes
n'avaient pas les moyens financiers de pouvoir aller de l'avant et faire une
telle demande. Et combien de femmes aussi... Parce qu'il faut quand même...
Écoutez, la loi s'applique pour l'égalité économique des époux, c'était ça, le
but de l'exercice. Et, malheureusement, il y a de nombreuses épouses, c'est sûr
qu'on est dans les années... fin des années... début 90, où la situation
économique des femmes n'était pas pareille qu'aujourd'hui. Et ils étaient en
séparation de biens puis ils s'en vont chez le notaire pour renoncer à la maison, les REER, les meubles, etc.,
chose qu'aujourd'hui est inconcevable, on ne peut même pas imaginer ça,
mais c'est ça qui est arrivé. Et pourquoi? Parce que, malheureusement, le
notaire avait un rôle qui n'était pas nécessairement le rôle du conseiller
indépendant ou que cette femme-là n'osait pas poser des questions en présence
de son conjoint, c'était ça, aussi, la réalité, et n'osait pas dire :
Bien, c'est quoi? Est-ce que... Ça veut dire quoi? S'il me laisse demain matin,
qu'est-ce qui arrive? Alors, tout ça... Et les tribunaux, qu'est-ce qu'ils ont
fait quand ils ont annulé ces renonciations-là? Ils l'ont annulé à cause du
fait qu'il manquait un conseil juridique indépendant, c'était la raison
principale.
Alors, nous, qu'est-ce qu'on suggère... puis je
sais que ça alourdit le processus, je comprends, parce qu'il y a déjà la
question psychosociale, mais c'est trop important. C'est trop important. Là, ce
n'est pas juste un contrat hypothécaire qu'on signe, là, c'est la vie d'un
enfant qui est en jeu. Alors, je pense qu'une consultation pour les deux, indépendante, une, ça va donner
l'information à tout le monde, un genre d'attestation qu'ils ont eu la
consultation, et le notaire va peut-être
aussi être rassuré en sachant que tout le monde a posé leurs propres questions
de cette façon-là.
Mme Tremblay (Marie-Elaine) : Ce
n'est pas seulement non plus... juste pour renchérir sur le point de Me Schirm,
ce n'est pas juste le patrimoine familial à l'époque où ça a été instauré. On
le voit encore aujourd'hui, des gens qui signent des contrats de mariage... Je
ne le savais pas que j'étais en séparation de biens, je pensais que c'était
pour protéger la maison s'il y avait une faillite, je pensais que tout était...
Les gens... Et ce n'est pas la faute du notaire,
là, les gens... Le notaire, son travail, c'est : Bon, bien, parfait, tout
le monde est d'accord, on signe. Puis c'est vrai dans une réalité de
mariage où les gens n'osent pas poser ces questions-là. C'est difficile d'avoir
ces conversations-là dans un couple, là.
M.
Jolin-Barrette : Mais le
notaire a quand même la responsabilité d'informer adéquatement les deux
parties sur l'état de ce qu'ils signent.
Mme Schirm (Sylvie) : Oui. Ce n'est
pas la même chose qu'une consultation où nous, on dirait à la personne :
O.K., réalisez-vous... voici les conséquences de qu'est-ce que vous faites,
voici le scénario, le pire qui peut arriver, voici toutes les étapes, voici sur
quoi vous vous engagez, réalisez-vous que... C'est ça, notre travail. Alors...
Et la personne, après, prend sa décision. Mais elle va peut-être aussi poser
les questions, que ça soit à la mère porteuse ou les parents d'intention, poser
les questions qu'ils n'oseront pas parce que je suis parent d'intention, je
veux que cette femme-là accouche d'un enfant, donc finalement je vais en avoir,
et est-ce que je vais oser poser certaines questions en sa présence? Peut-être
pas. Mère porteuse, la même chose.
M. Jolin-Barrette : O.K. Je vais
céder la parole à mes collègues. Dernière question. Pour la gestation pour autrui, on met une obligation d'une séance
d'information préalable. Certains nous disent : Ça devrait être une
séance... bien, une évaluation des parents d'intention,
de la mère porteuse, comme ça se fait, supposons, en matière d'adoption.
Votre opinion là-dessus?
Mme Schirm (Sylvie) : Des fois, je
me demande si ce n'est pas tous les parents qui devront subir ça avant d'avoir
un enfant. Et ça, c'est à cause de qu'est-ce que je vois dans mon bureau.
Alors, une licence... Non, mais parfois on
se le demande. Mais je vous dirais que probablement, ça ne sera pas une
mauvaise idée à cause de qu'est-ce que cela représente. L'adoption, il y
a déjà un enfant qui est venu au monde. Ici, là, ce n'est pas le même
processus...
M. Jolin-Barrette : Mais, pour bien
comprendre, seulement séance d'information ou évaluation?
Mme Schirm (Sylvie) : Évaluation. Je
crois que je ne dirai pas non à une évaluation. Je pense que ça ne sera pas un
tort étant donné la façon que tout cela se fait et la délicatesse de cette
situation-là. Puis c'est certain qu'il n'y a rien parfait, hein, dans...
essayer de protéger tout le monde, là, dans un cas de gestation pour autrui,
c'est déjà difficile. Est-ce que l'évaluation sera une autre étape à faire?
Moi, personnellement ou en tant qu'avocat, je ne dirai pas non à ça, parce que ça sera une preuve de plus, une étape de plus
pour franchir, là... Mais on ne s'est pas nécessairement prononcé sur la
nécessité non plus de cette évaluation.
Le Président (M.
Bachand) : M. le député de Chapleau, moins de deux minutes,
questions, réponses.
• (16 h 20) •
M. Lévesque (Chapleau) : Merci
beaucoup. Merci, M. le Président. Bonjour, Me Schirm, Me Tremblay,
vraiment un plaisir de vous voir en vrai cette fois-ci, vraiment.
J'aimerais revenir sur la pluriparenté, dont
vous avez fait mention, notamment les enjeux de garde partagée, l'autorité
parentale, mais sous l'angle d'autres provinces canadiennes. J'imagine que vous
avez certains contacts avec des confrères, consoeurs
où... dans certaines provinces où il y a cette possibilité-là. Comment ça
fonctionne avec tous ces enjeux-là?
Mme Schirm (Sylvie) : Il y a
d'autres... Je ne suis pas une spécialiste sur qu'est-ce qui s'est passé dans
les autres provinces, mais je sais qu'il y a au moins deux, trois provinces qui
ont établi la législation. Je vais vous donner l'exemple, par exemple, de
qu'est-ce qui se passe, puis ça aussi, c'est un autre argument pour la
consultation juridique. Il y a un jugement en Colombie-Britannique où les
parents d'intention et la mère porteuse ont signé un contrat et ils ont convenu
dans le contrat, et ça, c'est une autre question que je sais qu'on n'a pas
touchée ici, que la mère porteuse peut avoir des contacts avec l'enfant, parce
que ça, c'est l'autre réalité. Il y a des gens qui vont vouloir quand même
maintenir un certain contact. Alors elle va avoir des contacts avec l'enfant. À
un moment donné, les parents d'intention ne sont plus contents pour toutes
sortes de raisons et coupent le contact avec l'enfant. Alors, elle, elle est
devant les tribunaux parce qu'elle demande, un, d'être reconnue parent, parce
que la triparenté existe en Colombie-Britannique, et, deuxièmement, elle
demande des droits d'accès à l'enfant.
M. Lévesque (Chapleau) : L'enfant a
quatre ans, c'est bien ça? C'est... Oui, on a eu...
Mme Schirm (Sylvie) : Bon, voilà.
Mais ça... puis là il y a un procès de 14 jours, 14 jours en
janvier... Alors, vous voyez, ça, c'est un exemple typique de qu'est-ce qui
peut arriver. Et ça, c'est aussi une raison pour la consultation juridique.
Parce que si les parents d'intention et la mère porteuse décident d'inclure...
M. Lévesque (Chapleau) : Puis, dans
ce cas-là, il n'y a même pas de droits pour la mère porteuse, alors que s'il y
avait des droits, ça pourrait créer d'autres enjeux beaucoup plus importants.
Mme Schirm (Sylvie) : Définitivement.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci. Merci beaucoup. Et on
continue avec le député de Lafontaine, s'il vous plaît.
M. Tanguay : Merci beaucoup. Merci,
Me Schirm, Me Tremblay. Merci d'être... J'aimerais ça repartir de ce que vous
venez de dire. Dans le projet de loi, il y a — évidemment, si ça ne
fonctionne pas, si on n'a pas respecté les conditions, tant lorsque toutes les
parties sont domiciliées au Québec ou dans le contexte où il y a mère porteuse
à l'étranger — il
y a l'établissement judiciaire de la filiation. Trouvez vous que ça, qui est un
peu la voie de secours si jamais ça ne fonctionne pas, trouvez vous que, par
rapport à l'accès à la justice, parce que vous l'avez dit, vous le voyez, là,
de tels procès, de telles auditions, c'est ardu émotivement, financièrement
puis les délais, puis il y a un enfant au
milieu de ça, trouvez-vous que cette voie-là que le législateur dit : Bon,
bien, si, si, si... s'il y a un problème, il y aura établissement
judiciaire dans le tribunal, là, de la filiation, trouvez-vous qu'il y aurait
lieu d'encadrer ça, je ne sais pas, par l'aide juridique, ou avoir une mesure
facilitatrice, ou accélérer, ou... Peut-être, plus globalement, accès à la
justice, là?
Mme Schirm (Sylvie) : Écoutez, en
théorie, toutes les procédures en droit de la famille doivent être entendues
d'urgence. Ça, c'est écrit.
M. Tanguay : En théorie.
Mme Schirm (Sylvie) : En théorie. Ça
s'est écrit notre Code de procédure civile, O.K.? Alors, en tout cas, la notion
d'urgence, là, est toujours... est souvent relative. Puis c'est sûr que...
est-ce qu'on peut créer une «fast track», si vous voulez, ou un moyen plus
rapide? Je vous dirais que non. Je pense que toutes les questions de filiation
sont urgentes. Toutes les questions reliées au droit de la famille sont,
quelque part, urgentes. La médiation existe. Il n'y a rien qui empêche aux gens
de se rendre à la médiation. Les moyens alternatifs aussi. Les négociations
entre avocats existent. Alors, habituellement, quand on est devant le tribunal,
c'est parce qu'on a tout évacué ces possibilités-là, on a tout tenté et puis on
est rendus là parce qu'il n'y a pas d'autre choix. Alors, je ne crois pas qu'on
pourrait vraiment, pour ces raisons-là, faire un accès plus rapide. Mais il y a
des délais, par exemple, la question du délai, par exemple, dans... on doit
saisir le tribunal dans les 60 jours. Alors, c'est sûr que ça va être un
peu comme l'injonction de nos jours ou les mesures de sauvegarde en droit de la
famille, où il y a une salle d'urgence, là, qui va tenter d'aller de l'avant.
Mais je ne vois pas pourquoi on créerait un autre moyen de qu'est-ce qui existe
déjà dans notre loi.
M. Tanguay : Et dans... Puis,
précisément, je suis un peu à côté du projet de loi, mais précisément par
rapport à ce qui existe déjà quant à l'accès à la justice en matière familiale,
les consultations, le cinq heures, et tout ça, en séparation, est-ce qu'il y a
un tour de roue à donner là-dessus? Il y a-tu des petits ajustements qu'on
pourrait faire — parce que la loi est ouverte devant nous — ou
vous dites : Non, ça va bien, on va laisser continuer les choses?
Mme Schirm (Sylvie) : Bien,
écoutez, le problème, ce n'est pas dans la loi, le problème, c'est dans
l'administration de la justice :
le nombre de juges, la quantité de juges qui sont disponibles, les délais qu'on
a devant les tribunaux, le manque de
personnel. Alors, les délais, dans mon livre à moi, ce n'est pas au niveau de
la loi, si vous voulez. Les problématiques qui existent, par exemple
pour attendre pour une audition de deux jours à Montréal, on doit être rendus,
quoi, à quatre, cinq mois facilement. Et donc, qu'est-ce
qu'on fait? Bien, c'est comme un peu le système de santé, on se ramasse à
l'urgence. Alors, on fait une demande de sauvegarde parce qu'on ne peut pas
attendre quatre, cinq mois pour un incident. Puis là c'est un peu comme ça
qu'on fonctionne.
M. Tanguay : O.K.
J'ai bien compris. Donc, vous, plein droit pour la mère porteuse de son corps,
de ses décisions, au moment où elle accouche
de facto il y aurait établissement, elle n'aurait pas le droit de l'«opting
out», là...
Mme Schirm
(Sylvie) : Exactement, ni avant ni dans les 7 jours parce qu'elle
peut retirer... sauf pour la question de l'avortement.
M. Tanguay : Oui,
tout à fait.
Mme Schirm
(Sylvie) : Ça, on ne conteste pas ça, son droit de mettre fin à la
grossesse.
M. Tanguay : O.K.,
et dans l'intérêt de l'enfant. Vous ne faites pas dans votre logique une
distinction si la mère porteuse apporte ou pas son ovule?
Mme Tremblay
(Marie-Elaine) : On y a pensé. On a discuté beaucoup. En fait, nous,
on le voyait un peu en deux étapes, on pense
que la convention de GPA devrait aussi prévoir un peu comme une donation
d'ovules, puis ensuite, le transfert de la filiation, là, tu sais. On
devrait le traiter en deux. Mais non, on ne fait pas de distinction,
finalement.
M. Tanguay : Ça fait que... Mais il faudrait, par contre, qu'au
départ, si c'est le contexte qu'elle donne l'ovule, à ce moment-là, le
fait de le traduire dans un document juridique aurait impliqué, puis je reviens
sur votre consultation, qu'il y aurait eu une consultation là-dessus.
Une voix :
Bien, absolument. Exactement. Oui, définitivement.
M. Tanguay : Vous
savez, madame, là, il y a des mères porteuses qui n'apportent aucun bagage
génétique. Vous, vous apportez un bagage génétique. La rencontre va durer une
heure de plus, peut-être, parce qu'on va vous expliquer... Et la rencontre
psychosociale aussi, parce qu'on parle des actes notariés, rencontre avec des
avocates et avocats, psychosociale aussi, il y aurait peut-être... — distinction
que la loi ne fait pas, que la mère porteuse apporte ou pas son bagage
génétique.
Mme Schirm
(Sylvie) : Non, il n'y a pas de distinction...
Mme Tremblay
(Marie-Elaine) : Mais essentiellement on ne la fait pas non plus.
M. Tanguay : Non,
c'est ça.
Mme Tremblay
(Marie-Elaine) : Mais évidemment, il faut qu'elle soit informée.
M. Tanguay : Dans
la convention, vous en feriez écho.
Mme Tremblay
(Marie-Elaine) : Ou on prévoit qu'il y a une espèce de grille de
sujets à toucher avec la mère porteuse lors de la rencontre juridique. Puis, il
faut que ce soit abordé avec elle, à savoir est-ce que c'est son ovule ou non
parce qu'effectivement, son matériel génétique, elle doit savoir la différence.
Elle doit connaître les possibilités. Mais je ne pense pas... on ne pense pas
qu'il devrait y avoir de distinction aux yeux de la loi.
M. Tanguay : Donc,
vous ne remettez pas en question le fait que ça se fasse par acte notarié?
Mme Tremblay
(Marie-Elaine) : Non.
M. Tanguay : Non.
Dans la séquence, quelle serait donc la séquence idéale, là?
Mme Schirm
(Sylvie) : C'est-à-dire en même temps que la rencontre psychosociale,
peut-être dans ce timing-là, on devra avoir la rencontre avec l'avocat et, sans
violer notre secret professionnel, on est d'accord pour émettre une attestation
en disant : Nous avons couvert tous les sujets concernant la loi, etc. Et
permettre de donner au notaire, par exemple, l'attestation...
Mme Tremblay
(Marie-Elaine) : Et, en fait, que le notaire ne puisse pas recevoir la
convention, à moins d'avoir ces attestations-là.
Mme Schirm
(Sylvie) : Voilà.
M. Tanguay : Ces deux
attestations-là.
Mme Schirm
(Sylvie) : C'est ça.
M. Tanguay : O.K. Qui paie à ce
moment-là? C'est les parents d'intention?
Mme Tremblay (Marie-Elaine) : Parents
d'intention.
Mme Schirm (Sylvie) : Ça pourrait
être les parents d'intention. Écoutez, une consultation, là, ce n'est pas si
cher que ça. C'est un investissement, mais... et puis ça dépend évidemment des
années de pratique des avocats, là. Mais ça pourrait être les parents
d'intention qui assument ce frais-là.
Mme Tremblay (Marie-Elaine) : Et
c'est pour ça, peut-être... parce qu'on n'en a pas parlé, mais c'est pour ça qu'on dit : Si jamais le projet de loi
n'est pas modifié et que la mère porteuse peut toujours retirer son
consentement, bien, alors, elle devrait assumer les frais que les parents
d'intention ont déboursés parce que là l'intention de tout le monde change.
M. Tanguay : O.K. Justement à la
page 4, on parle de remboursement, vous parlez du remboursement des frais,
au bas, à la page 4. Je vous donne un commentaire, là, c'est un
commentaire, je ne veux pas être désinvolte, mais vous dites : «Le
remboursement des frais est un incitatif, entre autres, au respect de la
convention.» Autrement dit, vous dites... Bien, je vous dis, quand c'est rendu
là, ce n'est pas un gros... Comprenez-vous, là?
Mme Schirm (Sylvie) : Non, je suis
d'accord, mais je trouve que dans le contexte, là, de réaliser c'est quoi, nos
obligations, il y a un risque. Si vous ne respectez pas votre obligation, votre
consentement, votre convention, le contrat que vous avez signé ou la
convention, à ce moment-là, vous allez avoir un impact financier aussi parce
que...
Mme Tremblay (Marie-Elaine) : C'est
plus un incitatif au début, là, avant de s'engager dans le processus.
M. Tanguay : À y réfléchir, oui.
Mme Tremblay (Marie-Elaine) : On ne
fait pas ça en disant : On change d'idée. C'est plus dans ce sens-là.
M. Tanguay : Et ce serait donc le
remboursement de tous les frais, même ceux qui auraient été encourus... Donc
tout, tout, tout...
Mme Schirm (Sylvie) : Tous les frais
assumés par les parents d'intention, oui. Et ça, ça peut être prévu évidemment
dans la loi, mais ça peut être aussi prévu dans la convention.
M. Tanguay : O.K. Parfait. Est-ce
qu'il y a d'autres aspects sur lesquels... parce que vous êtes des
praticiennes, vous rencontrez des clients, clientes, vous plaidez, vous
voyez... puis ça me touche, ce que vous dites, parce que vous êtes des
professionnelles, des avocates, mais il y a de l'humain là-dedans, hein, puis
je vois le drapeau rouge que vous levez. Attention! Puis de tels litiges, vous
le voyez dans des contextes qui ne sont pas des contextes... c'est très, très,
très particuliers, c'est de droit nouveau, là, selon ce qu'on va, puis
j'imagine... puis j'aimerais vous laisser les quelques minutes qui restent
pour... j'aimerais vous entendre là-dessus. Si on va de l'avant,
essentiellement, tel que rédigé, je pense que ça va prendre des retours, là,
des retours d'application. Ça va prendre des analyses. On a vu des chercheurs,
chercheuses qui nous ont dit... bien, qui nous ont aidés à comprendre, comme
législateurs, quelles sont, par exemple, les intentions des mères porteuses.
Les intentions sont multiples au départ. Des fois il y a de l'altruisme,
beaucoup, puis ainsi de suite, qui se valorisent par la grossesse, et les
parents d'intention, le sérieux... Alors, je pense que ça va prendre, je pense,
des retours sur comment ce sera vécu, ça, sur le terrain parce que vous, vous
allez être... j'allais dire sur la ligne de front. Vous allez être aux
premières lignes, là.
• (16 h 30) •
Mme Schirm (Sylvie) : Oui, oui. Et
puis on ne s'ennuie jamais en droit de la famille parce qu'il y a toujours
quelque chose de nouveau qui arrive, mais c'est certain que c'est un défi, puis
c'est un défi parce qu'il n'y a rien de parfait là-dedans. C'est difficile, là,
d'être... d'avoir une législation qui va être parfaite, qui va protéger tout le
monde au même niveau, mais je pense qu'il ne faut pas perdre la notion du
meilleur intérêt de l'enfant.
Puis je voudrais juste, à la fin, revenir sur
une autre question, qui est la notion de la violence familiale. Et je sais, je
vous ai entendu, M. le ministre, les échanges que vous avez eus avec Me
Kirouack par rapport au common law, mais je veux juste vous dire qu'est-ce qui
se passe dans la vraie vie. Et les juges qui entendent les causes, évidemment,
ils entendent des gens qui sont mariés, qui sont en instance de divorce, puis
ils entendent des conjoints de fait. Alors, une des juges de la Cour supérieure
avait fait le commentaire suivant, a dit : Quand je prends un
dossier «12» — «12»,
c'est un divorce — versus
un «04» — puis
ça, c'est partout au Québec, c'est les deux chiffres, là, qu'on sait que c'est
un divorce ou c'est un conjoint de fait — je ne peux pas, moi, prendre
le «12», analyser la violence familiale en vertu de la Loi sur le divorce et
appliquer les critères tels que prévus dans la Loi sur le divorce, là, la cause
suivante, je mets ça de côté, je prends un «04», puis là je ne fais plus ça.
Alors, qu'est-ce qu'ils font présentement? La
jurisprudence qui est sortie, qui a commencé à sortir, sur la notion de la
violence familiale puis de l'analyse qui doit être faite, a été justement
exprimée par les juges, que, dans le fond, peu importe, là, peu importe, marié ou pas, ce n'est pas les
enfants qui vont être discriminés, ils appliquent les mêmes critères. Mais ce que je pense, c'est qu'on
devrait quand même l'inclure et non pas juste laisser «violence
familiale».
Puis je vais vous dire encore quelque chose de
plus important. Depuis le tout début de ma pratique, j'ai représenté, au tout
début, surtout des femmes victimes de violence conjugale. Puis les réactions du
juge, à l'époque, puis là je vous parle de fin années 80, début 90,
c'était : Est-ce qu'il a frappé l'enfant? Puis, si la réponse est non, on
n'en parlait plus. On a évolué, normalement, hein, puis on réalise maintenant
que l'enfant n'a pas besoin d'être présent pour avoir un impact à cause de la
violence familiale. Il n'a pas besoin d'être le témoin de la violence physique
pour savoir qu'il y en a. Mais le fait que, dans la Loi sur le divorce, on
pousse les magistrats à analyser ça, on les
force à le faire... Parce que ce n'est pas facile non plus, c'est sûr que...
Est-ce qu'on veut entendre ça? Est-ce que, comme êtres humains, on veut
entendre cette violence-là? Pas nécessairement.
Alors, le fait que la Loi sur le divorce les
oblige à le faire fait en sorte que, maintenant, un, les avocats, on doit faire notre preuve sur ces sujets-là. On doit
être plus vigilants qu'on a mis de l'avant la preuve. Et, deuxièmement,
les juges aussi sont forcés de faire une analyse, et c'est ça qui est tellement
important, et non pas de l'écarter parce qu'on pense que l'enfant ne l'a pas
vécu ou parce que, mon Dieu! c'est horrible d'entendre ça.
Alors, je pense qu'on devrait quand même trouver
un mécanisme dans le code... Puis toute la question du contre-interrogatoire,
c'est fantastique. Ça, c'est un gros problème qu'on avait dans nos dossiers en
droit de la famille, et encore moins dans
les autres dossiers, mais je pense que vraiment... Je trouve qu'on devra
vraiment le mettre beaucoup plus
clair dans le Code civil pour obliger tout le monde à ramer dans le même sens
et dans tous les dossiers.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Et je cède maintenant la parole au député
d'Hochelaga-Maisonneuve. Je vous rappelle que vous avez
2 min 43 s, c'est très court, pour questions-réponses.
M. Leduc : Les trois secondes de la
fin sont très importantes. Merci.
Mme Schirm (Sylvie) :
2 min 43 s, vous êtes précis.
M. Leduc : Merci beaucoup. Le débat
sur la pluriparentalité est intéressant, puis c'est intéressant parce qu'il
n'est pas dans le projet de loi, mais tout le monde en parle quand même. Vous
avez évoqué le fait que vous aviez comme des craintes à savoir que ça pourrait
peut-être générer davantage de litiges ou c'étaient des situations qui
pouvaient être litigieuses. Mais j'essaie toujours de prendre un pas de recul
puis de me dire : Bien... Puis vous l'avez un peu évoqué vous-même, les
couples réguliers ont déjà un bon lot de litiges en soi. Est-ce que c'est
vraiment le risque du litige qui est un problème? Est-ce que ce n'est pas...
Mme Schirm (Sylvie) : Ce n'est pas
le risque du litige, c'est le fait qu'il y a combien de personnes dans le
litige. C'est-à-dire, un litige de garde d'enfant, qu'un parent veut la garde
et l'autre veut la garde partagée, je vous donne cet exemple-là, ou que
quelqu'un a déjà une garde partagée puis ça ne marche pas parce que les enfants
ne fonctionnent pas d'une maison à l'autre, c'est déjà difficile. C'est déjà
difficile, c'est onéreux, c'est long. Et les parents s'accusent de toutes
sortes de choses, et l'enfant est pris dans ce conflit-là parce qu'il le vit.
Même s'il n'est pas à la cour, là, il va le vivre, ce conflit-là. Alors, on
ajoute maintenant deux, trois autres joueurs. C'est ça qui est...
M.
Leduc : Je comprends puis je
ne veux pas remettre en question les craintes que vous basez sur votre
pratique.
Mme Schirm (Sylvie) : Non, je
comprends.
M. Leduc : J'essaie juste de prendre
un pas de recul et je me dis : Est-ce que, dans les autres législations, à
votre connaissance, qui ont appliqué ou qui ont ouvert un peu à la
pluriparentalité, ils ont observé statistiquement, en quelque sorte...
Mme Schirm (Sylvie) : Ça ne fait pas
assez longtemps.
M. Leduc : Ça ne fait pas assez
longtemps?
Mme Schirm (Sylvie) : Ça ne fait pas
assez longtemps. Comme le dossier qu'on vient de parler, de la
Colombie-Britannique, c'est là, là... Alors, quand la législation... Ça prend,
là, facilement quatre, cinq ans avant qu'on aille un corpus de jurisprudence,
là.
M. Leduc : Bien, je vous renverse la
question. Alors, si, dans quelques années, l'Ontario, par exemple, fait un
bilan puis dit : Bien, finalement, oui, il y a des problèmes, mais pas
vraiment plus ou moins qu'avec les couples réguliers, est-ce que, devant cet
état de fait là, vous modifieriez votre approche?
Mme Schirm (Sylvie) : Moi, là,
je n'aime pas comparer le Québec aux autres provinces, et on est vraiment...
Regardez au niveau des conjoints de fait, O.K., on est vraiment une société
distincte. Alors, la common law... Je vous donne un exemple. En Ontario, les
gens, avant de se marier, ils s'en vont voir un avocat chacun pour signer un...
avant de signer un contrat de mariage. Ils consultent et négocient un contrat
de mariage. Je vous mets au défi de trouver deux Québécois qui vont aller faire ça,
O.K.? Alors, pourquoi? Parce qu'on a des valeurs différentes. On a une
autre approche. En tout cas, ça, c'est tout le débat de conjoints de fait que
j'espère qu'on va faire l'année prochaine, alors, que j'attends impatiemment,
alors, mais c'est pour ça que... Puis la législation n'est pas rédigée de la
même façon. Les approches sont différentes. Alors, j'hésite quand je veux
comparer, mais ce qu'on peut dire, c'est que la jurisprudence n'est pas à ce
niveau-là non plus.
M. Leduc : Merci beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) : Mme la députée de Joliette, aussi pour
2 min 43 s.
Mme Hivon : Oui, merci
beaucoup. J'aurais des tonnes de questions. Je vais revenir sur la question de
la violence familiale et conjugale. J'ai entendu votre argument sur la
définition. Je vais peut-être y revenir. Beaucoup de groupes nous ont dit qu'il faudrait, au-delà de la question de la
définition, inscrire «violence familiale et conjugale» pour être
certain... Vous ne vous êtes pas prononcée. Donc, j'aimerais vous entendre
là-dessus.
Mme Schirm
(Sylvie) : Bon, ça, je suis
un peu déchirée avec ça, parce que, violence conjugale, je comprends, je
comprends le débat. Je suis au courant de ce débat-là, mais le problème qu'on a
eu devant les tribunaux, c'est que, quand on
utilise les termes «violence conjugale», dans la tête d'un juge, souvent, c'est
le couple, ça, c'est le problème... La violence conjugale, c'est le
problème du couple. Ce n'est pas le problème du couple, c'est un problème de la
famille, et, justement, avec la notion de violence familiale, on vient
d'élargir ça, on vient de forcer, là, à analyser le fait que ce n'est pas juste
le couple qui est le problème. Ce n'est pas juste monsieur et madame qui ont le
problème, c'est que, là, ça s'étend à tout le monde dans cette famille-là.
Mme Hivon : Mais leur argument,
justement, que je trouve assez intéressant, c'est de dire : Pour être
certain que les juges vont considérer que la violence conjugale, ça a un impact
sur l'enfant, on devrait le dire, parce que certains pourraient interpréter
«violence familiale» comme quelque chose qui doit être présent dans l'ensemble
de la famille et toucher directement
l'enfant. C'est comme s'ils le prennent un peu a contrario en
disant : Si on met nommément que la violence conjugale a un impact
sur l'enfant, il n'y aura pas d'ambiguïté. Donc, les juges ne pourront pas
dire : C'est conjugal, ça ne touche pas l'enfant. Ce qui touche l'enfant,
c'est quand on appelle ça «familial», où il y a une réalité qui serait
différente, alors que ce qu'on veut dire, c'est qu'importe que ça soit vu comme
conjugal, entre les conjoints, ça a un impact sur l'enfant.
Mme Schirm (Sylvie) : Oui. Moi,
je pense qu'au-delà de cette terminologie, moi, je suis plus inquiète par la
définition et par l'application, l'analyse, que les critères du meilleur
intérêt de l'enfant, honnêtement. Et «familial», pour moi, ça force le juge à
voir que ça a un impact sur tout le monde et non pas juste sur, par exemple, le
cas typique, juste sur madame.
Mme Hivon : Puis je vais juste
me faire... Oui?
Mme Schirm (Sylvie) : Mais je
comprends le débat aussi, par exemple, là.
Mme Hivon : Puis, pour me faire
l'avocate du diable, parce que vous venez de faire un très beau plaidoyer pour
dire que le Québec avait son Code civil, c'était différent, nos valeurs étaient
différentes, et c'est ce qui fait en sorte que c'est si difficile d'importer
une définition de la Loi sur le divorce dans la common law... de la common law
dans le Code civil, moi, j'ai une solution pour ça, c'est de rapatrier tous ces
pouvoirs-là au Québec. Mais c'est un autre débat, mais vous comprenez l'enjeu.
Notre Code civil n'est pas bâti d'une manière à... Donc, comment on compose
avec ça, avec l'économie du Code civil, une définition qui vient de la Loi sur
le divorce?
Mme Schirm (Sylvie) : À mon
avis, on peut très bien l'adapter. On peut inclure que le juge... comme quand
le juge doit tenir compte du meilleur intérêt de l'enfant, quand on l'indique
dans notre code, bien, voici les critères détaillés de ça. Je ne vois pas
quelle est la difficulté de le faire. Je comprends que peut-être qu'on ne veut
pas... Puis, si on utilise le mot «notamment», qui est le mot préféré de tous
les avocats parce qu'on peut mettre n'importe quoi dans «notamment», à mon avis, ça va régler le problème. Mais je pense
que, d'une façon quelconque, il faut aller au-delà de qu'est-ce qui est
dans le projet de loi et vraiment travailler cet aspect-là.
• (16 h 40) •
Mme Tremblay (Marie-Elaine) :
Peut-être pour revenir...
Le Président (M.
Bachand) : En terminant, Mme Tremblay.
Mme Tremblay (Marie-Elaine) :
Oui, très, très rapidement. Le juge est toujours confronté à deux
versions : oui, il y a eu violence,
non, il n'y en a pas. Alors, l'absence de critères, vraiment, à évaluer, c'est
ça qui est problématique. C'est ça qui fait que les tribunaux, même
s'ils sont très sensibles à cette réalité-là, des fois, ils ont de la misère à
convenir que, oui, parfait, il y en a eu, de la violence, puis on va agir en
conséquence. Difficile à prouver, de la violence conjugale, là.
Le Président (M. Bachand) : Sur ce, merci
beaucoup d'avoir été avec nous. Ça a été très agréable et très constructif.
Alors, merci beaucoup.
Je suspends les travaux
quelques instants pour accueillir les prochains invités. Merci.
(Suspension de la séance à
16 h 41)
(Reprise à 16 h 46)
Le
Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il
vous plaît! La Commission reprend ses travaux. Il nous fait plaisir d'accueillir
les représentants de la Fédération des associations de familles monoparentales
et recomposées du Québec. Donc, Mme Sylvie Lévesque, qui est directrice
générale, et Mme Lorraine Desjardins, agente de recherche et de
communication, merci d'être avec nous. Alors, vous connaissez la procédure,
10 minutes de présentation et période d'échange. Donc, la parole est à
vous. Merci.
Fédération des associations de
familles monoparentales
et recomposées du Québec (FAFMRQ)
Mme Lévesque
(Sylvie) : Merci beaucoup, M. le Président. Donc vous nous avez déjà
nommées. Alors, je vais éviter... pour gagner du temps, je ne répéterai pas.
Donc, je m'appelle Sylvie Lévesque, directrice générale.
D'abord, la
fédération aimerait remercier les membres de la Commission des institutions de
nous permettre d'être entendus dans le cadre de la présente consultation.
Cependant, nous déplorons les délais extrêmement courts, délais qui ne nous ont pas permis de nous
approprier l'ensemble des éléments contenus dans le projet de loi n° 2
autant que nous l'aurions voulu.
La
fédération déplore également le fait que les volets qui touchent la
parentalité, la conjugalité de la réforme du droit de la famille ne
fassent pas partie de la présente consultation. Bien que nous comprenions que
les enjeux soient nombreux, complexes, il
n'en demeure pas moins urgent de corriger les iniquités actuelles, notamment en
ce qui concerne les droits des
conjoints de fait et des enfants nés hors mariage. Cette réforme est d'autant
plus urgente puisque plus du tiers des couples québécois sont en union
libre et 60 % des enfants naissent hors mariage. Rappelons que la position principale de la fédération est d'étendre
les protections actuelles du mariage aux couples avec enfants, qu'ils soient
mariés ou non, incluant l'obligation alimentaire entre conjoints, le partage du
patrimoine familial et la protection de la résidence familiale.
Toutefois, le projet
de loi n° 2 introduit plusieurs avancées importantes. En ce qui concerne
les pratiques en matière de filiation et d'adoption, la fédération s'était déjà
prononcée en faveur d'une adoption sans rupture de lien préadoptif en 2009,
dans le cadre de l'avant-projet de loi sur la réforme de l'adoption. Nous
saluons donc la volonté de permettre le maintien d'échanges et de relations
avec la famille d'origine pour les enfants adoptés. Les avantages sont évidents
pour les enfants, mais également pour les parents biologiques. Dans le cas
d'une mère qui, pour toutes sortes de raisons, aura dû donner son enfant en
adoption, cette partie importante de son vécu personnel, la grossesse et
l'accouchement, demeure inscrite dans son histoire de vie. Rompre radicalement
avec toute trace de cette histoire revient à nier une réalité pourtant
fondamentale et toujours déchirante dans l'histoire de la vie de ces femmes.
La fédération
recommande cependant que les nouvelles règles permettant à un enfant adopté de
maintenir des relations et des échanges avec sa famille d'origine prévoient
également des services d'accompagnement tant pour l'enfant lui-même que pour
les membres de sa famille d'origine et de sa famille adoptive.
La
prise en compte de la violence exercée dans un contexte familial, dans les
décisions qui concernent l'enfant, représente
une avancée majeure pour la fédération. D'une part, cette mesure vient faire
écho aux nouvelles dispositions de la Loi sur le divorce qui incluent
l'existence de violence familiale comme un facteur important pour déterminer
l'intérêt de l'enfant. Cependant, comme la Loi sur le divorce ne touche que les
enfants nés de parents mariés, il est nécessaire
d'inscrire cette réalité dans le Code civil du Québec de façon à mieux protéger
des enfants nés hors mariage.
Toutefois, il sera
très important d'inclure dans le Code civil du Québec une définition claire de
ce qu'on entend par violence exercée dans un contexte familial. À ce titre, la
fédération appuie la définition proposée par le Regroupement des maisons pour
femmes victimes de violence conjugale. Cette nouvelle obligation de considérer
la violence familiale doit aussi être accompagnée de moyens concrets pour
qu'elle soit identifiée et reconnue.
Or, la violence
conjugale est souvent confondue à tort avec les conflits sévères de séparation
par certains intervenants, ce qui empêche d'assurer une véritable sécurité aux
femmes victimes et à leurs enfants, et, même lorsqu'elle est reconnue, la
violence conjugale est parfois banalisée par les tribunaux. Il faut questionner
la prémisse qui veut qu'il est toujours dans l'intérêt de l'enfant d'avoir
accès à ses deux parents après une rupture.
On doit aussi se
demander dans quelle mesure un père qui a violenté la mère de son enfant peut
encore être considéré comme un bon père et obtenir la garde de son enfant. Le
recours trop fréquent à de fausses accusations d'aliénation parentale par
certains parents violents nous apparaît également très préoccupant.
Aussi, la fédération
recommande que l'ensemble des professionnels juridiques et psychosociaux
appelés à intervenir en matière familiale reçoivent une formation de niveau
avancé afin d'être mieux outillés pour identifier et comprendre la violence
conjugale, notamment dans un contexte postséparation. Cette formation devrait
également inclure un volet permettant d'identifier les dérives possibles
concernant l'aliénation parentale et comment ce concept peut être
instrumentalisé par un ex-conjoint violent.
Lorraine, c'est à ton tour.
Mme Desjardins
(Lorraine) : Merci. Alors, présentement, comme on le disait, certains
auteurs de violence conjugale se voient encore octroyer des droits d'accès et
de garde par les tribunaux. Or, il existe présentement trop peu de ressources
visant à encadrer de façon sécuritaire les droits de visite et les échanges de
garde pour les familles dont l'un des parents a été reconnu coupable de
victime... de violence conjugale.
Dans certains
cas, ces échanges doivent se faire sans supervision dans un lieu public, comme
un stationnement, par exemple, et ce, même lorsque les violences sont
avérées et que l'auteur a fait l'objet d'une ordonnance visant à limiter les
contacts avec son ex-conjointe et ses enfants. Il est inacceptable que les
femmes et des enfants continuent à être exposés à de tels dangers. Il faut donc
s'assurer qu'il existe des ressources de supervision des droits d'accès en quantité
suffisante et dans toutes les régions du Québec.
• (16 h 50) •
La possibilité qu'un parent puisse, sans
l'accord de l'autre parent, prendre certaines décisions relatives aux soins et
à l'accompagnement d'un enfant victime de violence sexuelle ou familiale est
également une grande avancée. Il faut aussi que cette disposition s'étende aux
enfants qui ont été témoins de violence conjugale entre leurs deux parents
puisqu'ils sont également des victimes et en gardent des séquelles importantes.
Nous saluons également la possibilité pour le
tribunal d'empêcher qu'un auteur de violence familiale ou sexuelle qui se représente seul puisse interroger
ou contre-interroger l'autre partie ou un enfant dans le cadre d'un
procès pour la garde ou en matière de protection de la jeunesse.
La fédération accueille aussi très favorablement
la possibilité pour un conjoint de fait décédé pendant la grossesse de sa
conjointe d'être reconnu comme parent sans nécessiter d'obtenir un jugement du
tribunal au même titre qu'un conjoint marié.
Malheureusement, cette modification au Code civil ne permettrait pas de régler
l'ensemble des iniquités auxquelles sont
exposés les enfants nés hors mariage. Au risque de nous répéter, la façon la
plus sûre de mettre fin à ces iniquités est d'étendre l'ensemble des
protections actuelles du mariage aux conjoints de fait avec enfants.
L'accès facilité aux comptes conjoints pour le
parent survivant en cas de décès de l'autre parent est également une
amélioration importante. Le fait de perdre un proche est déjà bien assez
éprouvant sans que de lourdes procédures soient exigées pour avoir accès à des
revenus qui sont pourtant vitaux pour fonctionner au quotidien.
L'admissibilité
universelle à l'aide juridique pour tous les enfants qui font l'objet d'une
intervention en protection de la jeunesse est une mesure véritablement
essentielle. Pour la fédération, il est primordial que la parole des enfants
puisse véritablement être entendue et défendue, notamment en présence de
violence familiale et conjugale.
Enfin, nous saluons l'introduction, à
l'article 611 du Code civil, de la possibilité pour un enfant de maintenir
des relations avec l'ex-conjoint de son
parent quand cela est dans son intérêt. En effet, pour certains enfants qui
auront vécu plusieurs années avec un beau-parent, il est parfois difficile de
voir ce lien rompu définitivement suite à une rupture de couple entre les
adultes.
À ce titre, la fédération recommande qu'un
accompagnement soit disponible pour les familles recomposées qui vivent une
rupture afin de favoriser le maintien de relations entre l'enfant et son
beau-parent si cela est dans son intérêt. En cas de désaccord entre les
adultes, il faut que la parole de l'enfant, peu importe son âge, soit
véritablement prise en compte et qu'il puisse recevoir le soutien dont il a
besoin.
En terminant, la fédération tient à appuyer
certaines des positions de la Coalition des familles LGBT+, notamment en ce qui
concerne la reconnaissance de la filiation des enfants nés d'une gestation pour
autrui, un meilleur accès au Régime québécois d'assurance parentale pour la
gestatrice et les parents d'intention, l'accès aux origines pour les enfants
issus de la procréation assistée ou de la gestation pour autrui et l'adaptation
des textes législatifs pour mieux refléter la diversité familiale.
En ce qui concerne les enjeux entourant la
pluriparentalité, bien que nous n'ayons pas encore eu le temps de compléter
notre réflexion, nous sommes d'avis que la société ne peut plus nier cette
réalité qui est de plus en plus répandue et qu'il faut réfléchir à des moyens
de mieux encadrer ces nouveaux types de familles.
En conclusion, comme en témoignent les
modifications apportées par le projet de loi n° 2, les modèles familiaux
sont de plus en plus diversifiés au Québec. Si ce premier volet de la réforme
vient corriger une partie des iniquités ou des incohérences entre le droit de
la famille et la réalité, il reste encore un grand pan du droit familial qu'il
faut urgemment mettre à jour. La fédération réitère l'extrême importance de
s'attaquer dans les meilleurs délais au volet parentalité et conjugalité de la
réforme du droit de la famille. Il est plus qu'urgent de corriger les iniquités
actuelles, notamment en ce qui concerne les conjoints de fait et les enfants nés
hors mariage. Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup de votre présentation. Je cède
maintenant la parole à M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Merci, M. le
Président. Mme Lévesque, Mme Desjardins, bonjour. Merci pour votre
présence ici. Écoutez, on sait à quel point vous avez un intérêt pour le droit
de la famille. Vous avez participé notamment aux consultations citoyennes en
2019. Je tiens à vous remercier pour votre apport aujourd'hui.
Bien entendu,
il y aura une phase II à la réforme du droit de la famille, au niveau de
la conjugalité. On a décidé de segmenter le tout parce que... pour être
en mesure, déjà, d'avancer. Alors, on touche filiation, gestation pour autrui, connaissance des origines et, déjà, on apporte
certaines... Également, on vient diminuer les différences entre les
enfants qui sont nés en mariage et hors mariage, notamment sur l'établissement
de la filiation, dans le cadre de ce projet loi là, la possibilité également de
faire reconnaître le conjoint de fait décédé, donc, la filiation avec le
conjoint de fait décédé.
Ça, on a, je crois, une dizaine ou une vingtaine
de cas par année de femmes qui sont enceintes, qui... que monsieur décède
pendant la grossesse, puis qui n'était pas marié. Là, à ce moment-là, bien,
madame ne pouvait pas déclarer la naissance de l'enfant
de facto, devait prendre la procédure judiciaire. Puis, moi, mon plus grand
enjeu avec ça, c'était le fait que, si jamais ce n'était pas fait, bien, pour
l'enfant, ça vient le pénaliser, parce que, quand on parle de rente de
conjoint... de rente d'orphelin ou, supposons, avec les fonds de pension, puis
ça, c'est extrêmement nécessaire d'avoir une voie simplifiée, donc, la
présomption de paternité va s'appliquer désormais.
Écoutez, bon, vous représentez les familles
monoparentales recomposées. Sur la question du fait qu'on vient désormais
permettre à un conjoint, en matière de violence familiale, de consentir à des
soins pour l'enfant d'une façon unilatérale, ça, je pense que vous considérez
ça comme une bonne chose. J'imagine, vous le vivez, là, dans votre association
avec les familles, où est-ce qu'il doit y avoir parfois des difficultés.
Mme Desjardins (Lorraine) : Tout à
fait. Tout à fait, c'est quelque chose qu'on a déjà vu sur le terrain. Comme on
l'a dit abondamment dans notre mémoire, la violence conjugale est parfois, même
si elle est avérée, est parfois un peu traitée... banalisée par certains
tribunaux. C'est-à-dire que, notamment, ça fait en sorte qu'il y a des pères
violents qui ont la garde de leurs enfants, mais aussi il y a des soins...
Par exemple, quand on se retrouve devant un père
qui va faire appel à l'aliénation parentale pour maintenir son emprise, puis
utiliser les tribunaux, et tout ça, puis qu'il y a des enfants qui sont... qui
ont peur de leur père, qui disent qu'ils ont peur de leur père, qui ne veulent
pas le voir, puis qui ont besoin d'être accompagnés, mettons, dans... Ils ont
été témoins de scènes assez violentes, là. On peut imaginer, mettons, une mère qui
se fait tirer par les cheveux sur le plancher, que l'enfant ait été témoin de
ça. Il a besoin d'aide puis il a besoin d'être pris en charge par des services
psychosociaux, et, si madame veut offrir ça à son enfant, mais que monsieur s'y
oppose, bien, ce n'est pas possible.
Alors, dans le cas où, là, on peut avoir
l'autorisation de seulement un des deux parents, c'est vraiment très, très...
une grande avancée, là, c'est vraiment quelque chose de très, très bien.
Mme Lévesque (Sylvie) : Si je peux
me permettre...
M. Jolin-Barrette : Oui?
Mme Lévesque (Sylvie) : ...aussi, ce
qu'on voit souvent, c'est justement que les... En tout cas, la tendance lourde
des dernières années, bien qu'il n'y a pas nécessairement de garde partagée
automatique, on a vu que, bien, même dans des cas comme ceux-là, souvent, les
tribunaux disent : Bien, c'est important, voir leur père, etc. Donc, ça
fait en sorte qu'effectivement, comme dit Lorraine, ça cause des situations...
Puis il y a des jugements, des fois, qu'on voit aussi sur terrain, que nos
couples nous disent que le père peut quand même continuer à avoir des enfants.
Donc, on a beaucoup tendance à dire : Il faut absolument que les enfants
aient deux parents, peu importe la condition, peu importe la situation, ce qui
fait que, pour les enfants, bien, ça a des effets, quand même, à long terme très importants. Donc, je pense, c'est important,
effectivement, ce que vous proposez, actuellement, dans le projet de
loi.
M. Jolin-Barrette : O.K. Peut-être
une question sur l'article 111, là, qu'on vient modifier pour maintenir
des contacts avec l'ancien conjoint qui n'est pas le parent de l'enfant.
Qu'est-ce que vous pensez de ça, qu'on vienne pouvoir introduire des contacts,
si c'est dans l'intérêt de l'enfant, avec l'ex-conjoint?
• (17 heures) •
Mme Lévesque (Sylvie) : Bien, nous,
dans le contexte de la réforme, lors de la consultation, on avait dit qu'on
trouvait ça intéressant. C'est toujours... En même temps, il faut toujours
voir... C'est sûr que c'est dans l'intérêt
de l'enfant, là, mais, en même temps, il faut voir... je pense qu'il faudrait
aussi baliser la chose, dans le sens... Parce que, sinon, ça fait en sorte que la mère doit... puis,
en tout cas, on le sait, avec les enfants, doit quand même continuer à
avoir des liens avec l'ex-conjoint ou, en
tout cas, le nouveau beau-parent. Donc, ça fait... des fois, ce n'est pas
toujours heureux.
Donc, je
pense que, dépendamment... De toute façon, ça se fait dans le quotidien,
actuellement, sans nécessairement que les gens... que ça soit écrit dans
un projet de loi, il y a des liens qui se font de plus en plus avec les
beaux-parents ou les belles-mères, parce que les gens se recomposent de plus en
plus rapidement, de toute façon. Donc, il y en a déjà, des liens, donc c'est intéressant de pouvoir le permettre. Mais
effectivement il faudra voir comment ça peut... sans que ça soit une
obligation, mais que ça puisse, effectivement, le permettre. Parce que, pour
des enfants, des fois, ça peut être plus significatif, un beau-parent, que son
père biologique, aussi. Ça fait que c'est important de continuer des relations
à ce moment-là.
Mme Desjardins (Lorraine) : Oui,
justement, j'allais dire que, dans le cas... c'est d'autant plus important dans
le cas où il y a un des deux parents qui est soit décédé ou carrément pas
engagé, là, auprès de l'enfant. Donc, le rôle du beau-parent est vraiment
central dans sa vie, à cet enfant-là. C'est sûr qu'il y a toutes sortes de cas
de figure, là, c'est... Quelqu'un qui a été en couple pendant seulement une
année ou deux, ce n'est pas la même chose qu'un engagement, mettons, qu'un
beau-parent qui a été là de l'âge de 2 ans à l'âge de 14 ans, par
exemple, là, c'est sûr. Mais on trouvait ça quand même intéressant que ça soit
dans la loi, que ça puisse apparaître dans la loi, là.
M.
Jolin-Barrette : O.K.
Peut-être une dernière question avant de céder la parole à mes collègues sur... — excusez-moi,
là, j'ai perdu mon idée — oui,
sur la question de l'aliénation parentale. Bon, qu'est-ce que vous pensez de
ça, bon, familles recomposées, familles monoparentales? Puis ça se peut qu'il y
ait eu des litiges chez des gens séparés puis
que par la suite ils se sont remis en couple, là. Quelle est votre opinion, là,
de l'aliénation parentale? Parce qu'on a mis
«violence familiale» dans le projet loi pour que ça soit pris en considération,
pour éviter... que les gens n'hésitent pas à dire qu'il y a présence de
violence familiale quand vient le temps de parler de la garde d'enfants. On me
parle beaucoup d'aliénation parentale aussi pour dire : Ah! ça, c'est de
l'aliénation parentale, si c'est allégué, ça. C'est quoi, votre vision, là, par
rapport à tout ça?
Mme Desjardins (Lorraine) : Bien, en
fait, ce n'est pas tant notre vision à nous. Comme, il y a plusieurs chercheurs
qui remettent beaucoup, beaucoup en doute et en cause ce concept-là, le concept
du syndrome d'aliénation parentale. L'origine, là, les fondements scientifiques
de ça sont très, très discutables, selon plusieurs chercheurs, en ce moment. Ce
qui est... on doit préférablement parler de comportements aliénants.
C'est sûr qu'il y a des parents qui vont avoir
des comportements plus ou moins corrects envers l'autre parent. Mais, quand on réfère systématiquement à de
l'aliénation parentale, il faut vraiment faire attention. C'est sûr que
l'aliénation parentale a... fait beaucoup
parler d'elle en ce moment, là, puis on a aussi des intervenants psychosociaux
qui y réfèrent un petit peu trop facilement. On a eu des mères, on a eu
des cas de mères qui se ramassaient à la DPJ suite à, justement, de la violence
conjugale, des cas de violence conjugale, et qui reçoivent une espèce de double
injonction de protéger leur enfant d'un ex-conjoint violent, de leur père
violent, mais que, quand ils essaient de le protéger, en même temps, ils
reçoivent aussi le mandat de conserver les liens de leur enfant avec ce
parent-là.
Alors, quand tu as un enfant qui dit : Je
ne veux pas voir mon père parce que j'en ai peur, puis que ça, c'est interprété
par soit les intervenants de la DPJ soit par les tribunaux comme de
l'aliénation parentale, bien là, il y a un problème. En situation de violence
conjugale, je pense qu'il faut vraiment y aller très, très... de façon plus
éclairée, là, ne pas avoir recours à ça, là.
Écoutez, il y a plein d'écrits, là, qui existent là-dessus qui sont de plus en
plus étoffés, qui mettent en cause le recours à ce concept-là, là, qui
est dangereux, en fait, parce qu'on se retrouve avec des parents violents qui
continuent à avoir une emprise et qui utilisent les tribunaux pour conserver
leur emprise, là.
M.
Jolin-Barrette : Bien,
écoutez, je vous remercie beaucoup pour votre passage en commission
parlementaire. Je vais céder la parole à mes collègues. Un grand merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, M. le ministre. M. le député de
Saint-Jean, pour 6 min 30 s.
M. Lemieux : Merci, M. le Président.
Je pense que le député de Chapleau va avoir des questions aussi, mais je vais
commencer. Bonjour, mesdames.
Des voix : Bonjour.
M.
Lemieux : Je note au
passage, d'entrée de jeu, que ça fait deux fois en moins d'une demi-heure qu'on
parle de ce qui s'en vient, parentalité et conjugalité, dans une autre étape.
Je le souligne, d'abord, parce que ça met de la pression sur le ministre, mais
je le souligne surtout pour parler de la vastitude, si je peux m'exprimer
ainsi, de ce qu'on a devant nous.
Le projet de loi n° 2
n'est quand même pas simple, déjà, là, de là la sagesse d'avoir divisé en deux,
mais on a intégré aussi une autre partie. Et, si je vous en parle, c'est parce
que, dans les consultations, quand il y a presque deux thèmes à un projet de loi, comme c'est le cas du projet de loi n° 2, vieux journaliste, moi, je suis toujours curieux de voir ce
que les gens très impliqués dans une partie pensent de l'autre, même si ce
n'est pas leur sphère d'expertise ou si ce n'est pas leur intérêt premier.
Vous me voyez
venir, mais je vous donne le temps d'y penser. Parce que vous, vous représentez
la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées
du Québec, mais, pour tout le reste de ce qui n'est pas votre sphère
d'expertise, je suis quand même intéressé de prendre une petite minute pour
voir ce que vous pensez du reste du projet de loi. Parce que nous, ici, on est
bombardés d'un groupe à l'autre, à passer de l'avis et de l'état civil des
trans à des questions plus proches de vos intérêts. Curieux, j'ai le
droit : Vous en pensez quoi, vous, du reste de ce qui n'est pas dans votre
mémoire?
Mme Desjardins (Lorraine) : Bien,
premièrement, comme les délais étaient archicourts, on n'a pas eu le temps de
se faire une tête, parce qu'on s'entend, là, c'était très court, comme délai,
d'autant plus qu'on venait, nous, de présenter un mémoire sur les services de
garde. Ça fait coup sur... paf, paf, là, en deux semaines. On n'a pas eu le
temps de tout s'approprier ça. Et on a par ailleurs, comme on disait... on a
parmi nos membres la Coalition des familles LGBT+ qui a des positions. On
appuie certaines de leurs positions, mais on n'a pas pu... on ne peut pas
être... On est généralistes, hein, on a beau être familles monoparentales et
recomposées, on est quand même ouvertes à ces préoccupations-là, mais on n'a
pas eu le temps de se faire une tête ou d'avoir une position démocratique de
groupe là-dessus, sur ces sujets-là.
Mme Lévesque (Sylvie) : Bien,
écoutez, c'est des débats sociaux, hein, c'est un débat social, ces choses-là,
c'est dans le sens qu'effectivement c'est des sujets qu'on parle depuis
longtemps, mais, en même temps, il faut, comment je dirais... C'est un peu un
projet de loi où on peut prendre à la carte, finalement, les sujets, à laquelle
on peut... Puis, en même temps, nous, on est une fédération, on regroupe des
gens, donc il faut prendre le temps aussi de faire des débats puis des débats
sociaux. Puis nos membres font aussi partie de la population, ils ne sont pas
désincarnés. Donc, on voulait juste aller dans les valeurs sûres. Puis, en même
temps, je pense que, dans l'ensemble, le projet de loi,
nous, à la fédération, on n'est pas totalement en désaccord non plus sur
l'ensemble. Mais, en même temps, c'est assez gros comme morceau, aussi, à
ramasser, là.
M. Lemieux : C'est parfait,
mesdames, ne vous en faites pas. Comme mon ancien boss disait : C'est
toujours l'invité qui a raison, pas l'intervieweur. Alors, on a le droit à une
mauvaise question par jour.
Je veux revenir au droit... pas au droit des
beaux-parents, mais à ce dont vous discutiez avec le ministre, un peu plus tôt,
sur le lien que les enfants peuvent maintenir avec leurs anciens beaux-parents.
Et j'ai déjà été confronté à ça. Inquiétez-vous pas, je ne vous raconterai pas
ma vie, là, mais ça m'a interpellé, à l'époque, et là, maintenant qu'on en
parle, ça m'interpelle encore plus. Parce que, dans le fond, on ne parle pas du
droit du beau-parent, on parle du droit et du besoin de l'enfant, ensuite... et
j'ai bien compris votre nuance quand vous parliez de la mère ou du père, et
ensuite le beau-parent. On se fout pas mal, dans le fond, de ce qu'il peut
vouloir, rendu là, c'est s'il peut être utile, dans le fond, là?
• (17 h 10) •
Mme Lévesque (Sylvie) : Bien, ce
n'est pas : On s'en fout, dans le sens qu'on le sait qu'aujourd'hui, comme
je le disais tantôt, que les gens ne restent pas longtemps monoparental, les
gens se recomposent assez rapidement. Donc, il y a quand même, dans la vie des
enfants, aujourd'hui... Un enfant de 10 ans va connaître énormément, tu
sais, de recompositions, donc il va y avoir beaucoup d'adultes dans sa vie.
Donc, en quelque part, ce n'est pas anodin. Et il peut y avoir des relations,
effectivement, très significatives qui se développent avec un beau-parent, des
fois, encore plus qu'un parent, comme je disais, de base. Donc, dans ce
sens-là, on dit : Il ne faut pas nier la réalité.
Et à ce moment-là, par contre, effectivement,
c'est tout à fait juste, ce que vous dites, ce n'est pas nécessairement des
droits juridiques, mais, en même temps, ça permet aussi à l'enfant, des fois,
de se confier aussi à un beau-parent. Peut-être qu'il ne se confierait pas non
plus à son parent d'origine, biologique. Donc, dans ce sens-là, on dit :
C'est important, un peu comme un grand-parent, finalement, donc, d'avoir la
possibilité aussi de développer des relations. Mais encore faut-il, comme je le
disais tantôt, que l'enfant le veuille aussi, mais qu'aussi ça soit harmonieux,
là, que ça soit une situation qui ne soit pas conflictuelle non plus, puis que
ça permet aussi à la mère de ne pas être obligée toujours d'avoir des
relations, non plus, avec son ex à laquelle elle s'est séparée aussi, là, parce
que... à cause des enfants. Donc, c'est pour ça qu'on dit : Il faut
baliser.
En même temps, une relation significative, ça
veut dire quoi? Est-ce que c'est après un an, est-ce que c'est après deux ans,
presque deux, trois ans? En même temps, un enfant peut avoir une relation
significative avec un beau-parent, six mois, puis ça peut être plus
significatif qu'une vie entière. Donc, tout est relatif. On parle de relations
ici, hein, ça fait que ce n'est comme pas évident de baliser ça non plus dans
les projets de loi.
Mme Desjardins (Lorraine) : En
même temps, dans notre mémoire, on insiste aussi sur la parole de l'enfant dans
cette situation-là, c'est-à-dire que c'est lui, finalement, qui a le fin mot de
l'histoire. Si, lui, il a envie de conserver des liens avec l'ex-conjoint de
son parent, parce que les liens sont significatifs puis que c'est bon pour lui
aussi de le faire, bon, ça peut être intéressant, là.
M. Lemieux : Merci, mesdames.
Et M. le Président, j'en dois une au député de Chapleau.
Le Président (M.
Bachand) : Mais malheureusement il n'y a
plus de temps.
M. Lemieux : Mais c'est ça, je
lui en dois une.
Le Président (M.
Bachand) : Alors, vous en devez... Vous
lui devez six minutes, M. le député de St-Jean. Blagues à part, la parole est
maintenant à la députée de Westmount—Saint-Louis.
Mme Maccarone : Merci beaucoup,
M. le Président. Bonsoir, mesdames. Bonsoir, bon après-midi, je ne sais pas, on
est dans un sous-sol, chez nous, ici, ça fait que je ne sais pas c'est quoi,
l'heure.
Mme Lévesque (Sylvie) : Bien,
il fait noir, il fait noir partout.
Mme Maccarone : Il fait noir,
c'est ça.
Mme Desjardins (Lorraine) : Nous,
à Montréal, il fait noir en tout cas.
Mme Maccarone : Merci beaucoup
pour votre témoignage. Merci beaucoup aussi pour votre mémoire, qui est fort
intéressant, puis merci beaucoup aussi pour ce que vous faites auprès de nos
familles monoparentales et recomposées. Je pense que c'est très important.
Alors, merci en leur nom.
Je veux revenir sur la violence familiale,
violence conjugale. Devons-nous se méfier que violence familiale va faire de
l'ombre à la violence conjugale?
Mme Lévesque (Sylvie) : C'est
une des inquiétudes, une des inquiétudes qu'on a eues, par exemple, quand on a
vu débarquer la loi fédérale sur le divorce, où on parlait de violences
familiales, violences familiales dans le sens où... C'est sûr que nous, on
préfère parler de violences conjugales, mais, en même temps, la violence
familiale est plus large, elle englobe plus de choses. Et
ce qui est important, le point vraiment central de l'argument, puis on ne sera
pas les seuls à le dire, je suis sûre... Je ne sais pas si le regroupement des
maisons d'hébergement est déjà passé devant la commission, mais vous avez vu à quel
point c'est important de définir. Dans la Loi sur le divorce, il y a une
définition claire de ce que ça veut dire, «violence familiale». Dans le Code
civil, il faut qu'il y ait une définition claire. D'ailleurs, on propose de
prendre celle que le regroupement vous a proposée, puis le regroupement, de
toute façon, s'inspirait beaucoup aussi de celle qui est dans la Loi sur le
divorce.
Donc, si c'est clairement défini, ce qu'on
entend par violence familiale, ça devrait, bien... ça devrait... il ne devrait
pas y avoir de problème. C'est sûr que nous, au quotidien, quand on parle entre
nous, on préfère parler de violence conjugale.
Mme Maccarone : Étant donné que
la violence est un indicateur archi-important dans toute la détermination
devant le magistrat, etc. On a entendu Me Schirm et Me Tremblay, qui viennent
de passer juste avant vous, puis eux, ce qu'ils ont fait dans leur exposé,
c'est de parler un peu de l'absence de violence mais dans la preuve. Parce que,
souvent, c'est difficile de faire preuve de la violence, puis la violence,
c'est un sens large, ce n'est pas tout le temps ce qu'on pense, physique, ça
peut être psychique, ça peut être un impact sur l'enfant. Que pensez-vous que
nous devrons prendre en considération pour s'assurer que les parents qui
passent peut-être devant un juge puissent témoigner pour s'assurer que le juge
comprend puis que le juge prend en considération leur réalité? Un genre de
formation? Je ne sais pas, j'aimerais vous entendre là-dessus.
Mme Lévesque (Sylvie) : Oui,
c'est ça. C'est une de nos recommandations, d'ailleurs, dans notre mémoire, que
l'ensemble des intervenants psychosociaux et juridiques reçoivent une
formation, mais vraiment une formation avancée en violence conjugale, et que
cette formation-là aussi porte sur l'aliénation parentale ou, en tout cas, les
allégations d'aliénation parentale.
Présentement, on l'a vu, il y a... une recherche
a été faite par la Fédération des maisons d'hébergement sur... qui ont épluché
250 jugements de la cour, des jugements de garde, et il y avait vraiment
des extraits, des fois, là, un juge qui dit : Bon, monsieur est violent
envers son ex-conjointe, il a vraiment eu des comportements inacceptables, mais
c'est quand même... il n'a jamais été violent envers son enfant, donc on pense
qu'il peut avoir la garde de son enfant. Nous, ce qu'on dit, c'est :
Est-ce qu'un père violent, qui a été violent devant ses enfants avec la mère de
ses enfants, peut être considéré comme un bon père? D'autant plus que, ce que
vous dites aussi, ce n'est pas toujours de la violence physique. On parle de
contrôle coercitif, aussi. Le contrôle coercitif est quelque chose
d'extrêmement violent, même si ce n'est pas physique. Donc, ça aussi, ça a des
effets et ça a des...
Puis on
parle, là... quand je parle de banalisation par les tribunaux, on parle de
violence avérée, là, de gens qui, aujourd'hui,
auraient à porter le bracelet, là, le fameux bracelet qui a été annoncé hier.
Mais ils ont quand même la garde de leurs enfants, donc ça veut dire
qu'ils sont obligés... la mère est obligée de garder des contacts avec cet
homme-là. Donc, il faut vraiment une formation en profondeur des intervenants
juridiques, psychosociaux, de la DPJ, et tout ça.
Il y a vraiment... il y avait un article de
Mylène Moisan, récemment, dans le... des articles de Mylène Moisan, récemment,
dans La Presse, qui... dans Le Soleil, pardon, qui mettaient
très, très bien en lumière, justement, les... deux intervenantes de la DPJ qui
intervenaient complètement différemment : une qui croyait ce que la mère
et l'enfant lui racontaient puis une qui ne croyait pas. Puis pourtant, c'est
la même histoire, là.
Mme Maccarone : C'est qui, qui
devrait donner cette formation? Et vous, est-ce que vous devez faire partie de
la liste des personnes qui offrent cette formation?
Mme Desjardins (Lorraine) : Non,
parce que nous, on n'est pas des spécialistes. Je pense que la Fédération des
maisons d'hébergement, l'alliance des maisons de deuxième étape, le
regroupement des maisons d'hébergement, les
groupes qui interviennent directement en violence conjugale et familiale
devraient faire partie de ces personnes-là. Nous, c'est sûr, nos
associations... d'ailleurs, on a fait un récent sondage auprès de nos
associations et on se rend compte que nos associations accueillent de plus en
plus de familles qui ont des problématiques de violence conjugale
post-séparation, bien sûr, parce qu'ils sont monoparentales. Donc, c'est ça,
c'est présent. On n'est pas des intervenantes, on ne fait pas d'hébergement, mais
on fait partie... nos associations font partie du filet préventif et du filet
de sécurité qu'on veut offrir à ces familles-là.
Mme Maccarone : Parlez-nous un peu
de... Dans votre mémoire, vous parlez d'un double standard : «En plus de se faire imposer des demandes
contradictoires, les mères sont désavantagées par les doubles standards qui
sont appliqués dans les procédures en matière de garde des enfants et de
protection de la jeunesse.» Pouvez-vous parler un peu de ça, s'il vous plaît?
Mme Desjardins (Lorraine) : Bien, on
donne des exemples qui avaient été donnés par des chercheurs qui ont épluché
17 études de cas. On demande, par exemple, aux mères des comportements
sans tache, puis le père, finalement, on lui dit : Bien, tu as juste à
être sincère dans ce que tu fais. Je n'ai pas... évidemment, je n'ai pas en
mémoire toutes les citations que je vous ai données, mais effectivement il y
avait plusieurs critères, puis c'était clairement ça qui ressortait, c'est
qu'on était beaucoup moins exigeant envers les pères qu'envers les mères. Puis
ça, c'est vraiment flagrant, là, quand on regarde cette étude-là, c'est
vraiment très, très flagrant. Vous irez faire un tour, d'ailleurs, on a mis
toutes nos références en bas de page, là, vous irez voir ces études-là, c'est
vraiment...
Mme Maccarone :
Tout à fait. Le but, c'est de vous donner une occasion de mettre en évidence
les cas qui sont très importants. Aussi, dans votre mémoire, vous parlez de la
supervision des droits d'accès. Ça fait partie de votre témoignage ce matin...
cet après-midi. Pouvez-vous aussi expliquer ce que devons-nous faire de mieux
pour s'assurer que ce processus s'améliore?
• (17 h 20) •
Mme Lévesque (Sylvie) : Ce qu'on dit
depuis plusieurs années, c'est que le problème des services de supervision de
droits d'accès, il n'y en a pas dans toutes les régions du Québec. C'est des
ressources dédiées qui sont financées en partie en entente de services par le
ministère Santé et Services sociaux, par les CISSS et les CIUSSS dans les régions, et c'est beaucoup par des
organismes communautaires. C'est correct que ça soit aussi par des
groupes communautaires, sauf que c'est des
groupes... Évidemment, vous savez comme moi que les organismes
communautaires sont sous-financés par
rapport à ce qu'on fait comme travail. De plus en plus, les exigences sont
importantes, de plus en plus, on
demande au communautaire de faire beaucoup de choses, au niveau du filet
social, pour les familles, la prévention, et tout ça, et ça fait en
sorte que ces organismes-là font ce qu'ils peuvent avec les ressources qu'ils
ont. Donc, ce qu'on dit, c'est que c'est quand même... c'est quasiment un
travail qui devrait être fait par le réseau public, d'une certaine façon, en
tout cas... parce que c'est des situations conflictuelles. C'est des parents
qui ont des difficultés puis des conflits sévères, et, à ce moment-là, bien, il
faut avoir des lieux sécuritaire pour que ces parents-là puissent... puis les
enfants puissent voir leurs parents dans des conditions sécuritaires.
Et on a vu des situations... C'est sûr que ça
s'est amélioré avec les années, sauf que ce qu'on dit, c'est qu'il faut,
évidemment, augmenter le financement, la formation et aussi qu'il y en ait dans
toutes les régions du Québec. Parce que les familles habitent dans toutes les
régions du Québec, et à ce moment-là, ça fait en sorte que, si tu n'as pas de
ressources, bien, à proximité de chez vous... Nous autres, on a entendu parler
des situations où il y a un père qui part d'une région en autobus, parce qu'il
n'a pas de voiture, pour aller visiter son enfant dans une autre région. Il
prend quasiment une journée complète ou deux jours pour pouvoir le faire, pour
voir son enfant une heure, donc, parce qu'il n'y a pas de ressources dans sa
région. Donc, ce qui fait que ça...
Donc, c'est ça, la réalité qui se passe
actuellement, au niveau des ressources de supervision de droits d'accès, et on
pense qu'il faudrait que ça soit, comment dire, plus considéré. C'est comme si
c'étaient des dossiers qui sont comme moins prioritaires, sauf que c'est un
travail quand même important de prévention et aussi qui permet aux enfants,
justement, de mieux... en tout cas, d'avoir de meilleures conditions de vie,
là, et qu'il devrait y avoir des ressources beaucoup plus substantielles et
beaucoup plus importantes. On devrait le considérer davantage, ce dossier-là
qui date de plus de 20 ans mais qui n'est jamais sur le dessus de la pile,
comme on dit, à moins de catastrophe qui s'est déjà passée, là. Il y a des
situations où des enfants ou des mères ont vécu vraiment de la violence mais
aussi, même, des morts, déjà, dans des situations. Donc, on attend souvent dans
des cas comme ça pour réagir, malheureusement.
Mme Desjardins (Lorraine) : Oui,
puis il faudrait aussi questionner, justement, le bien-fondé pour un enfant de
continuer à voir un père qui est à ce point-là violent, qui a été à ce point-là
violent envers sa mère.
Le Président (M.
Bachand) : Merci...
Mme
Desjardins (Lorraine) : Puis on parle d'enfants... on parle de femmes
victimes de violences conjugales, mais on parle d'enfants victimes de
violences conjugales parce qu'ils en ont été témoins. Le père n'a peut-être
jamais frappé leur enfant, mais leur enfant l'a vu. Ça fait qu'ils ont été
victimisés.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. M. le député
d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc : Merci, M. le Président.
Bonjour, bonjour à vous deux. Pour avoir déjà été, dans mon ancienne vie,
responsable d'écrire les mémoires dans un service de recherche syndical, je
réalise tout le défi que ça constitue d'écrire quelque chose de substantiel,
d'intelligible, de pertinent en si peu de temps. Mais bravo! Moi, je pense que
vous l'avez relevé, le défi, haut la main. Donc, tout à fait solidaire avec la situation
dans laquelle vous étiez.
J'aimerais vous entendre, puis, encore une fois,
je sais que vous n'avez pas eu le temps de l'étudier en fond et en comble, ce
vaste projet de loi, mais tout le débat alentour de la pluriparentalité, qui
n'est pas dans le projet de loi, mais qui est un débat entourant le projet de
loi, qu'on a quand même beaucoup, aussi. Je ne sais pas si vous avez entendu
les intervenantes, les deux avocates qui vous ont précédées, là, qui étaient
plutôt inquiètes, plutôt en défaveur d'aborder
ce sujet-là. Si j'ai bien compris votre introduction, vous, vous auriez été
plutôt, à l'inverse, ouvertes à ce qu'on explore la pluriparentalité.
Voulez-vous m'en dire davantage à ce sujet?
Mme Lévesque (Sylvie) : Bien, en
fait, ce qu'on disait...
Mme Desjardins (Lorraine) : Bien, en
fait...
Mme Lévesque (Sylvie) : Bien, en
fait, c'est... en fait, ce qu'on... oui, dans le sens que ce qu'on dit, c'est que, finalement, ça existe, ça fait qu'on ne peut
pas se mettre la tête dans le sable puis dire : Ça n'existe pas. Donc,
nous, ce qu'on... Puis comme on disait, on n'a pas eu le temps de faire les
débats, dans notre organisme, parce que, comme je vous disais, à cause des
délais, bien, des fois, on y va dans les valeurs sûres, puis je pense que c'est
quelque chose... C'est
pour ça qu'on dit, dans notre mémoire : Il faudrait peut-être revenir
là-dessus, quand on va discuter de la réforme sur la parentalité et la
conjugalité, parce que peut-être que ce serait... ça devrait rentrer aussi,
peut-être, dans ces sujets-là.
Et donc, comme ça existe déjà puis ça existe
aussi dans d'autres provinces du Canada, il faudrait voir les balises, tout ça,
on se dit : Bien, il faudrait peut-être au moins réfléchir là-dessus,
est-ce c'est quelque chose... Oui, c'est vrai que ça peut ne pas être évident,
déjà, d'avoir... quand il y a des séparations, il y a déjà deux parents, puis,
bon, il y a déjà bien du monde dedans, puis, bon, qui a le droit, qui n'a pas
le droit. C'est parce que, si on donne des droits,
il faut aussi donner des responsabilités. Est-ce que ces parents-là,
éventuellement, sûrement que les avocates en ont parlé... est-ce
qu'aussi ils vont être obligés de payer une pension alimentaire, si
éventuellement ils sont reconnus comme... Bon, c'est un peu tout...
En même temps, pas parce que ça, ça existe qu'il
ne faut pas être ouverts à cette réalité-là. Donc, c'est pour ça qu'on n'a pas
nécessairement une position tranchée là-dessus. On pense qu'il faut faire un
débat social à ce niveau-là. Je pense qu'on pourrait le mettre au jeu, aussi, à
la population, ça pourrait être intéressant, puis voir éventuellement... puis laisser aussi le temps à tout le monde de
réfléchir qu'est-ce qui serait le mieux, dans ce sens-là, et pour les enfants et pour les familles. Donc,
c'est pour ça qu'on n'a pas nécessairement de position précise là-dessus, mais en même temps, on n'est pas
complètement fermés non plus à cette réalité-là qui existe déjà.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Joliette.
Mme Hivon : Mme Lévesque,
Mme Desjardins, bonjour. Heureuse de vous entendre. Moi, je veux aller
sur... il y a beaucoup de choses qui ont été couvertes, je voudrais vous
entendre sur votre recommandation 5 sur l'offre de soutien. Vous parlez
notamment, là, des situations où il pourrait y avoir une difficulté avec un
conflit avec l'ex-beau-parent, pour l'enfant qui est pris au coeur de tout ça.
Puis là vous nous dites : Ce serait bien qu'on entende vraiment la parole
de l'enfant puis qu'il puisse recevoir le soutien dont il a besoin. Je veux
comprendre concrètement ce que vous avez en tête comme type de soutien et,
deuxièmement, comme type de situation. Parce que, là, vous avez l'air de nous
l'amener dans le contexte d'une séparation avec le beau-parent, mais, si c'est
un couple qui se sépare, est-ce que c'est la même logique? Est-ce que c'est
différent? Donc, je veux comprendre un peu plus en détail.
Mme Desjardins (Lorraine) : Bien,
écoutez, honnêtement, on était plus sur le... cette recommandation-là
s'adressait plus à l'article 611, au fait des parents. Parce que c'est une
situation un peu particulière, qui n'est pas encadrée
légalement mais qui, comme on l'a dit tantôt... qui est réelle. C'est-à-dire
qu'il y a des familles recomposées qui se décomposent, qui se séparent,
et, après qu'il y a eu une période assez longue de plusieurs années de
contacts, et l'ex-conjoint du... le conjoint
du parent a joué un rôle de beau-parent, a joué un rôle central, bien, je pense
que le type accompagnement auquel on
pensait... pas, je pense, là, le type d'accompagnement auquel on pensait,
c'était justement d'avoir... que
l'enfant soit entendu, qu'il y ait une espèce... je ne sais pas, ça peut être
des intervenants psychosociaux, ça peut
être de la médiation familiale, je ne sais pas, mais pour que la parole de
l'enfant soit entendue dans ce contexte-là.
En fait, en même temps, c'est un sujet un peu
particulier parce que, comme disait Sylvie tout à l'heure, il peut arriver,
mettons, que le parent de l'enfant n'a pas nécessairement envie de garder
contact avec son ex-conjoint, même s'il a joué un rôle de beau-parent. À ce
moment-là, c'est ça, c'est les adultes, le point de vue des adultes contre
celui des enfants. Donc, évidemment, c'est pour ça que l'aspect intérêt de
l'enfant est important là-dedans. Mais on n'avait pas...
Mme
Hivon : O.K. Excusez-moi.
Vous voudriez qu'on consacre une plus grande place, dans cette
recomposition-là où ce changement de situation là, à l'enfant...
Mme Desjardins (Lorraine) :
Exactement.
Mme Hivon : ...plutôt que de juste
le voir comme une relation d'ex-conjoints, là, avec des droits potentiels. O.K.
Parfait. Puis, rapidement, vous avez dit, au début, là, rapidement, vous aussi,
que l'adoption sans rupture du lien de filiation, vous estimiez qu'on devait le
considérer à nouveau. Vous jugez que l'adoption qui permet le maintien de
contacts et avec entente de communication, ce n'est pas suffisant?
Le Président (M.
Bachand) : Le temps est écoulé, alors je vous demanderai de
répondre en quelques secondes. Je suis désolé. Allez-y.
Mme Desjardins (Lorraine) : Bien,
écoutez, c'est juste qu'en 2009 on trouvait que c'était intéressant, comme
avenue, d'avoir cette possibilité d'une adoption sans rupture de lien. C'est
quand même bien qu'il y ait cette possibilité-là de garder des contacts, là.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Merci, Mme Lévesque,
Mme Desjardins, merci infiniment d'avoir été avec nous aujourd'hui, c'est
très apprécié.
Sur ce, je suspends les travaux jusqu'à
19 h 30. Merci. Bon appétit.
(Suspension de la séance à 17 h 30)
(Reprise à 19 h 31)
Le
Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Bonsoir à tout le monde. La Commission
des institutions reprend ses travaux. Nous poursuivons donc les
auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet
de loi n° 2, Loi portant sur la réforme du droit de
la famille en matière de filiation et modifiant le Code civil en matière de
droits de la personnalité et d'état civil.
Ce soir, nous entendrons le Barreau du Québec,
la Coalition des familles LGBT+ conjointement avec le Conseil québécois LGBT.
Mais d'abord nous avons le plaisir d'accueillir
Me Dominique Goubau, professeur titulaire à la Faculté de droit de l'Université
Laval. Merci beaucoup d'être ici ce soir, surtout à présentiel. C'est très
apprécié. Donc, vous connaissez les règles, un 10 minutes de présentation,
et, par après, on aura un échange avec les membres de la commission. Donc, la
parole est à vous. Merci beaucoup, maître.
M. Dominique Goubau
M. Goubau (Dominique) : Alors,
merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes, MM. les députés. D'abord,
évidemment, je vous remercie infiniment de m'avoir invité à participer à vos
travaux. C'est un honneur. Je vous remercie donc infiniment. Je m'excuse. Je
sais que la norme, la coutume veut qu'on présente un mémoire. Je n'ai présenté
qu'une lettre de trois pages parce que j'ai été pris au dépourvu. Je n'ai pas
eu le temps de préparer un mémoire. J'espère que les échanges qu'on va pouvoir
avoir aujourd'hui vont pouvoir pallier le fait que je n'ai pas pu faire ce
texte-là.
Je ne sais pas si j'ai besoin de faire deux mots
de présentation. Donc, je suis professeur à l'Université Laval. J'enseigne et
je fais de la recherche en droit de la famille depuis presque 40 ans. J'ai
été vice-président de l'Association internationale de droit de la famille et,
pendant une vingtaine d'années, président du comité permanent du droit de la
famille du Barreau du Québec. Voilà. Ceci pour vous dire que je suis un
observateur très attentif du droit de la famille et de son évolution depuis
35 ans, et même un petit peu plus, alors je suis donc très, très honoré de
pouvoir participer avec vous à vos réflexions.
La première
chose que je voudrais vous dire, c'est que j'entends, depuis quelque temps,
plusieurs intervenants souligner le fait que ça fait 40 ans qu'on n'a
pas réformé le droit de la famille, et plus particulièrement ce qui nous occupe
aujourd'hui, le droit de la filiation, les effets de la filiation, et qu'il est
donc grand temps et qu'il faut donc absolument changer les choses, puisque ça
fait si longtemps. Je pense que, quand on fait l'étude d'un chapitre du Code
civil aussi important, il est nécessaire de faire une toute petite mise au
point là-dessus. Le Québec est en fait un État qui, depuis plusieurs décennies,
procède très régulièrement à la réforme de son droit de la filiation et des
effets de la filiation. On parle de 1980, évidemment, ça, ça fait 40 ans,
mais, 1991, on a réécrit la disposition très importante, l'article 33 sur
l'intérêt de l'enfant que le projet de loi bonifie encore; en 1997, certains
s'en souviennent, l'importante réforme des règles de fixation aux pensions alimentaires
pour enfant, donc un effet de la filiation encore; et puis surtout, en 2002,
cette réforme fondamentale des droits de la filiation par laquelle le Code
civil reconnaît la possibilité pour des personnes de même sexe d'être parent
d'un enfant et introduit des mécanismes qui étaient, à l'époque, tout à fait
révolutionnaires et tout à fait uniques, je dirais, au monde. Par exemple, la
présomption de comaternité : je peux vous dire qu'ailleurs on a regardé ça
avec beaucoup d'intérêt, et de nombreuses juridictions ont imité le Québec
depuis, donc ceci pour vous dire que le Québec a longtemps — et il
n'y a pas si longtemps, au fond — été à l'avant-garde en matière de droit
de la filiation et des effets de la filiation. 2004, on a introduit les effets
de la convention, les règles de la convention internationale en matière
d'adoption internationale dans une loi particulière ici mais également dans le Code
civil, et finalement, en 2017, ça, c'est hier, c'est avant-hier, l'adoption de
la tutelle supplétive, on en reparle encore dans le projet de loi aussi, le
projet de loi n° 2, l'adoption coutumière qui
est reconnue depuis 2017 dans le Code civil, de même que l'adoption avec la
reconnaissance de la préexistence d'un lien de filiation, et donc cette idée
d'ouverture en matière d'adoption qui est très présente dans le Code civil.
Donc, ceci pour rectifier cette idée selon laquelle il n'y a pas eu, pendant
40 ans, de réforme. Je pense qu'aujourd'hui les travaux que vous faites s'inscrivent dans la continuité d'un
processus de réforme, donc, qui est très réel au Québec.
Évidemment, c'est une très bonne chose de
continuer, et il y a, dans le projet de loi, que j'applaudis, un certain nombre
de principes que je trouve excellents et qu'il faut effectivement introduire
dans le Code civil. Je pense, en particulier, à un encadrement plus resserré de
ce qui existe, mais qui est mal encadré, c'est-à-dire de la gestation pour
autrui, et surtout, ce qui va avoir une incidence très importante, peut-être
plus qu'on pense, c'est la reconnaissance, dans la charte québécoise, du droit
aux origines.
Personnellement, j'aurais mis également une
disposition au chapitre du Code civil concernant les droits de la personnalité,
car c'est, ni plus ni moins, un nouveau droit de la personnalité. Est-ce que
c'est un droit qu'on peut rattacher à la vie privée? Peut-être. Est-ce que
c'est un droit autonome qui mériterait sa place dans le Code civil, puisque
c'est notre loi fondamentale? Donc, je pense que, dans la charte, bien sûr.
Mais, comme la plupart des droits de la personnalité sont dans la charte, ils
sont aussi dans le Code civil, ce serait, je pense, une bonne idée de
l'inscrire également dans le Code civil.
Alors, évidemment, ce projet s'inscrit dans le
cadre d'une plus vaste réforme du droit de la famille. Je ne peux pas
m'empêcher de souligner que l'urgence nationale, en termes de réforme du droit
de la famille, ce n'est pas dans le chapitre de la filiation, ce n'est pas dans
le chapitre des effets de la filiation aujourd'hui. Bien sûr, il y a des choses
à modifier, à parfaire, à... mais l'urgence nationale à modifier le Droit de
la famille, c'est évidemment le deuxième volet de
cette réforme, que tout le monde attend, c'est sur le plan de la conjugalité.
Le Code civil du Québec, aujourd'hui, pour quelqu'un qui le lit pour la
première fois, il ne reconnaît pas la famille québécoise. On n'y parle
pas de monoparentalité, on n'y parle pas de reconstitution familiale. On ne
tient pas compte du fait non plus que près de 70 % des enfants en 2021
naissent hors mariage. Or, le modèle, évidemment, dominant dans le Code civil,
c'est celui en mariage.
Il y a un symbole de ce décalage entre ce qu'on
lit dans le Code civil et les familles au quotidien, dans la vraie vie, et
c'est la toute première disposition du livre sur la famille. Vous savez, chaque
livre du Code civil commence par une disposition qui est vraiment le principe
de base, l'article premier aux droits des personnes : Tout être humain a
la personnalité juridique, et tout le monde exerce et a la capacité pour
exercer ses droits. C'est le grand principe qui fonde aussi l'égalité entre les
personnes dans le cadre du Code civil.
Si on prend le chapitre des obligations,
l'article 1371, qui est le premier article de ce grand chapitre sur les obligations, qui commence en disant : Il est
de l'essence des obligations qu'il y ait deux parties, un objet, une cause»,
etc., voilà, posés au premier article, les principes les plus importants du
droit et obligations.
En droit de la famille, la première disposition,
celle qu'on lit en premier quand on veut savoir ce que dit le Code civil,
c'est : Le mariage doit être célébré par un célébrant compétent.
Aujourd'hui, pour la plupart des gens, c'est insignifiant comme entrée en matière du Code civil. C'est en décalage
complet avec ce que les gens vivent au quotidien.
Or, il y a une disposition qui est citée dans le
projet de loi n° 2, et qui est l'article 522,
qui ouvre le chapitre de la filiation et qui dit : «Tous les enfants dont
la filiation est établie ont les mêmes droits et les mêmes obligations, quelles
que soient les circonstances de leur naissance.» En d'autres mots, cette
disposition, elle existe, elle n'est pas modifiée par le projet de loi, mais
elle exprime, à mon avis, très, très bien l'esprit de la réforme,
c'est-à-dire : tous les enfants sont égaux, et on reconnaît la diversité
des familles. C'est ça que dit l'article 522. Je suggère que cette disposition
devrait désormais être l'article d'entrée du livre II de la famille, et
que lorsqu'un citoyen ouvre le Code civil au chapitre de la famille, la
première chose qu'on lui dit, c'est que les enfants vivent dans des familles
très différentes, mais ils ont tous les mêmes droits, ils ont tous les mêmes
obligations. On reconnaît le principe d'égalité, on reconnaît le principe de la
diversité. Il me semble que ce serait une façon assez solennelle et juste
d'entamer le livre II du droit de la famille.
Alors, cet article 522 exprime donc l'idée
d'égalité. Et je constate avec plaisir que le projet de loi tend à instaurer
plus d'égalité entre les enfants, et donc à appliquer concrètement ce principe
d'égalité, quelles que soient les circonstances de la naissance. Par exemple,
je vois qu'on tente d'harmoniser les règles concernant le droit de connaître
ses origines et qui est déjà, depuis de nombreuses années, accordé aux enfants
adoptés. Eh bien, on fait le parallèle avec les enfants issus de la procréation
assistée pour leur permettre également ce droit de retrouver, éventuellement,
les personnes dont ils sont issus.
• (19 h 40) •
Alors, un autre exemple que je salue aussi et
qui est une conséquence de ce principe d'égalité, c'est l'élargissement de la
présomption de paternité en dehors du cadre du mariage. C'est un peu
symbolique, mais c'est important. On
reconnaît, comme d'ailleurs c'est le cas dans toutes les provinces canadiennes
sauf au Québec, on reconnaît que
cette présomption de paternité en mariage, eh bien, ça doit s'appliquer aussi
hors mariage. C'est tout à fait bienvenu. J'applaudis cette réforme
puisque, comme je vous ai dit, la plupart des enfants, maintenant, naissent
hors mariage, et ils échappaient au bénéfice de cette règle. Désormais, ils
vont l'avoir.
Ceci dit, c'est plutôt symbolique parce que la
présomption de paternité n'a évidemment plus du tout la même force et la même
utilité qu'elle avait avant 1980. La présomption de paternité a beaucoup moins
d'impact, en termes d'établissement de la filiation ou de preuve de la
filiation. C'est devenu un mode très accessoire, mais bon, sur le plan
symbolique, c'est peut-être important de le souligner.
Ceci dit, et c'est peut-être l'utilité... M. le
Président, vous allez m'interrompre. Je n'ai pas regardé l'heure, donc je ne
sais pas... mais il y a, je pense, des dispositions dans le code qui seraient
tellement faciles à modifier et qui vont directement dans le sens de ce
principe d'égalité des enfants. J'en cite un, l'article 410. Je sais qu'il est
dans le chapitre de la conjugalité, mais il ne devrait pas se retrouver dans le
chapitre de la conjugalité. C'est une disposition qui dit que lorsque les
parents se séparent — les
parents mariés, parce que c'est en mariage — eh bien, le parent qui a la
garde des enfants, il peut bénéficier d'un droit d'usage de la résidence
familiale où les enfants habitent, et résidence familiale qui est la propriété
de l'autre parent, c'est-à-dire du non-gardien. Eh bien, quand j'explique aux
étudiants que cette règle, dans une société où 70 % des enfants naissent
hors mariage, ne s'applique pas hors mariage, les étudiants sont absolument
abasourdis, ils ne comprennent pas.
Le Président (M.
Bachand) : Merci, maître. Vous aviez malheureusement raison, je
dois vous interrompre parce qu'on passe à la période d'échange. Alors, M. le
ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Merci, M. le
Président. Me Goubau, bonjour.
M. Goubau (Dominique) : Bonjour.
M. Jolin-Barrette : Merci beaucoup
d'être avec nous ce soir. Je devrais dire bonsoir. Écoutez, bien, dans un
premier temps, je tiens à souligner que vous avez contribué au rapport du
comité consultatif sur la réforme du droit de
la famille qui a été paru en 2015. On s'est beaucoup inspirés du rapport,
notamment. Puis vous disiez : Bien, écoutez, ce n'est pas vrai que,
depuis 40 ans, il n'y a pas eu de réforme. Je suis d'accord avec vous. Il
y a des éléments, il y a des jalons qui ont été apportés, mais d'une façon aussi substantielle,
je pense qu'il était temps que l'on bouge. On y va en deux volets. Je
comprends que vous avez un intérêt marqué aussi pour la conjugalité, mais ça va
s'en venir au cours des prochains mois. Donc, on y va par bouchées, comme on
dit, pour démarrer.
Une question. Vous n'avez pas abordé la question
de l'article 611 dans votre allocution préliminaire, relativement... On
vient le transformer un peu, donc on... relativement aux droits des
grands-parents. On vient inclure le beau-parent, les beaux-parents, donc, dans
le fond, dans l'intérêt de l'enfant, l'accès aux beaux-parents. Et, sur la
question des grands-parents, vous êtes moins à l'aise là-dessus. Pouvez-vous
nous expliquer votre point de vue?
M. Goubau (Dominique) : Oui. Alors,
oui. Et puis même je suis un petit peu en conflit d'intérêts parce que je suis
un sextuple grand-père et donc j'ai un intérêt particulier que je dois
dénoncer. Mais, non, je pense que cet article
constitue un recul par rapport à la disposition qu'on a aujourd'hui. D'abord,
ce n'est pas un droit des grands-parents, c'est un droit des enfants,
des petits-enfants de maintenir des relations personnelles, particulièrement
dans des contextes de séparation ou de décès, avec leurs grands-parents.
La spécificité de cette disposition, lorsqu'elle
a été adoptée dans le Code civil, c'est qu'on a reconnu la place tout à fait
particulière des grands-parents dans la famille québécoise et dans le Code
civil. Et il y a toutes sortes de personnes, aujourd'hui, qui gravitent autour
des enfants, particulièrement dans des contextes de transitions familiales et
de recomposition familiale. Alors, le nouvel article 611 désigne le
beau-parent, qui, en cas de nouvelle séparation, pourrait, via cette disposition,
maintenir contact. Ça ne change pas grand-chose. Les tribunaux reconnaissent
déjà ce droit. Et, si un beau-parent peut faire la preuve que c'est dans
l'intérêt des enfants et qu'il constitue, qu'il représente une personne
significative pour cet enfant, il n'y aura aucun juge qui va refuser de
permettre le maintien d'une forme de relation. Mais la particularité de
l'article 611 jusqu'à aujourd'hui, c'est que, pour les grands-parents, il
y a une présomption et qu'ils n'ont pas à faire la preuve. C'est aux autres à
faire la preuve que ce ne serait pas dans l'intérêt de l'enfant de maintenir ces relations. Et les parents ne peuvent faire
obstacle à ce lien tout à fait privilégié que s'il y a des motifs
sérieux de le faire.
Et donc le droit reconnaissait que, parmi toutes
les personnes qui gravitent autour des enfants — je trouve que c'est
assez sympathique comme approche — les grands-parents ont une place
particulière. Et aujourd'hui la reformulation
dans le projet de loi d'aujourd'hui, au fond, ramène les grands-parents sur le
même pied que le beau-parent. Ils ne peuvent demander le maintien d'une
relation personnelle, voire même, peut-être, éventuellement d'un droit de
contact que s'ils peuvent faire la démonstration que c'est dans l'intérêt de
l'enfant. On comprend aussi qu'une des conditions, désormais, c'est qu'il soit
déjà une personne significative. Or, aujourd'hui, ce n'est pas nécessaire. Si
vous avez, par exemple, un couple qui se sépare à la naissance de l'enfant et
que la mère quitte avec les enfants, avec l'enfant qui est encore très jeune et
avec lequel les beaux-parents, donc les grands-parents paternels, n'ont pas de
contact, dans la nouvelle mouture de 611, ils ne se qualifient pas, alors
qu'aujourd'hui ils ont cette présomption.
M. Jolin-Barrette : Oui. Juste une
question là-dessus, parce que c'était une des recommandations du comité
consultatif de reformuler, hein, il était recommandé «de reformuler la
présomption de l'article 611 dont bénéficient actuellement les
grands-parents de manière à en faire un droit de l'enfant subordonné au
principe de l'intérêt de l'enfant». Alors,
actuellement, dans le code actuel, vous le dites bien, il y a
la présomption en faveur des grands-parents, mais cette présomption-là
ne rentre en conflit avec le critère principal qui devrait être au niveau de
l'intérêt de l'enfant? Parce que...
Puis, tout à l'heure, on a eu la discussion avec
d'autres intervenants qui disaient : Mais, écoutez, parfois, c'est le droit des parents, on regarde comment
c'était construit, c'est le droit des parents ou le droit des tierces
parties, dans ce cas-ci, les grands-parents, qui semblait primer un peu sur le
droit de l'enfant aussi. C'est sûr qu'en matière de grands-parents c'est un
contexte particulier, sauf que ça peut arriver aussi parfois que ce n'était pas
nécessairement dans l'intérêt de l'enfant d'avoir le lien avec les
grands-parents. Puis il y a toutes sortes d'histoires aussi qui se retrouvent à
la cour, tout ça, mais c'était une des recommandations de reformuler.
M. Goubau (Dominique) : Alors, deux
choses là-dessus. D'abord, je ne serais pas trop inquiet. Aujourd'hui, quand on
regarde la jurisprudence concernant les relations personnelles entre
grands-parents et les petits-enfants, les tribunaux rappellent constamment que
c'est un droit de l'enfant. Et la notion d'intérêt de l'enfant n'est pas exclue
du processus décisionnel. Les tribunaux l'ont bien compris et appliquent
l'article 33. Quand il s'agit de décider de maintenir ou non ou de créer
une forme de relation, de permettre à des grands-parents d'avoir l'occasion de
connaître leur petit-enfant, ils vont aussi appliquer l'article 33 et se
demander si c'est, dans ce cas particulier, dans l'intérêt de l'enfant. Donc,
c'est déjà le cas. Ça, c'est la première chose.
Deuxième chose, sur le fait, et vous avez raison
de me rappeler le rapport du comité consultatif, et je regarde le président de
ce comité-là en arrière de vous, j'ai été dissident sur une très importante
question, celle de la conjugalité et de l'encadrement de la conjugalité hors
mariage dans ses effets patrimoniaux. Je ne pouvais pas être dissident sur
tout, hein? Et donc il fallait être efficace.
M. Jolin-Barrette : Est-ce que
c'était votre souhait d'être dissident sur tout?
M. Goubau (Dominique) : Non, non.
M. Jolin-Barrette : O.K. Mais, en
matière de filiation, vous étiez d'accord avec le rapport?
M.
Goubau (Dominique) : Oui,
oui, tout à fait, tout à fait. Mais il y a beaucoup dans ce rapport.
Évidemment, quand on est dans un petit groupe de 10 personnes, on ne fait
pas la guerre sur tous les points.
Le Président (M.
Bachand) : Est-ce que c'est une leçon pour
la commission?
M. Goubau (Dominique) : Comme on
dit : À bon entendeur, salut!
Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Une autre
question. Bon, dans le rapport sur le comité consultatif qui recommandait également de limiter à deux parents et de ne pas
élargir, êtes-vous toujours d'accord avec ça, le fait de limiter à deux parents?
M. Goubau (Dominique) : Sur la
question de la... est-ce qu'on devrait permettre deux parents, trois parents,
quatre parents, cinq parents, mon opinion personnelle...
M. Jolin-Barrette : Six?
M. Goubau (Dominique) : ...elle n'a
pas plus de poids, je pense, que l'opinion de n'importe qui. C'est une
question, à la limite, très personnelle, très, bon, sociale. Certainement pas
une question juridique. Mais ce que je peux vous dire, c'est que, dans le
projet de loi tel qu'il est, je vois et je comprends qu'on s'en tient à deux
parents, maximum, mais je vois tout de même une disposition qui ouvre la porte
à la reconnaissance de la multiparenté. Et je parle
bien la multiparenté. Pas la multiparentalité. J'imagine que plusieurs
intervenants ont dû vous faire la distinction entre les deux, multiparentalité qui traite du rôle parental. Un
beau-parent peut jouer un rôle à l'égard des enfants, on dira qu'il assume un rôle de parentalité, il est dans
le registre de la parentalité. Quand on parle de la parenté, on vise la
filiation.
C'est bien ce que réclament plusieurs groupes,
hein, qui, regardant ce qui se passe en Ontario, en Colombie-Britannique, en
Alberta... on constate que, lorsqu'on commence à encadrer la gestation pour
autrui ou la procréation assistée, qu'elle soit médicalement assistée ou non,
eh bien, la suite logique, c'est de reconnaître que trois, quatre, cinq, six
personnes peuvent être impliquées et que, dès lors, il faut les reconnaître au
registre de la filiation. Le comité consultatif
a estimé qu'il n'y avait pas assez de demandes actuellement dans la société
québécoise, que, peut-être, un jour, ça arriverait, mais nous avons
conclu que ce n'était pas quelque chose qu'on voulait recommander.
• (19 h 50) •
Ceci dit, je vois dans le projet de loi une
disposition qui est la réécriture de la notion de possession constante d'état. Ça peut paraître un petit peu technique.
En réalité, cette notion de possession constante d'état, elle est
fondamentale en droit de la filiation. C'est une... Pour faire très bref, c'est
une... c'est le deuxième mode d'établissement de la filiation. Lorsque le nom
du père — c'est
généralement le père — n'est
pas à l'acte de naissance, la filiation peut être également établie en faisant
la démonstration que, dans l'entourage, cette personne est généralement
considérée comme le père d'un enfant. Et le
droit actuel dit : C'est une... Il faut un certain nombre de faits qui
démontrent qu'il y a un comportement parental mais également qu'il y a
un lien entre cet enfant et la personne dont on le dit issu. En d'autres mots,
il faut que l'entourage soit convaincu — généralement, il peut y avoir
des exceptions, généralement convaincu — que
ce père qui se comporte à l'égard de cet enfant comme un père, qu'en réalité
c'est son père, sous-entendu biologique. C'est ça, la possession
constante d'état.
Or, aujourd'hui, on redéfinit, dans le projet de
loi, la notion de possession constante d'état en disant : Désormais, la
possession constante d'état, c'est quoi? C'est un... Ce sont des faits qui
permettent de constater qu'une personne a agi comme père ou comme mère à
l'égard d'un enfant. On passe donc du registre de la parentalité, et du rôle
parental, et la... comment dire, l'image que l'entourage a d'une personne qui
joue un rôle parental, on passe de ce registre-là à celui de la filiation en
disant : Si vous avez un comportement parental depuis la naissance et
pendant 24 mois, la jurisprudence a dit quelque part entre 18 et
24 mois, le projet de loi retient 24 mois, eh bien, vous êtes
considéré comme le père de l'enfant.
M. Jolin-Barrette : Mais cela, c'est
le verrou de filiation.
M. Goubau (Dominique) : Pardon?
M. Jolin-Barrette : C'est le verrou
de filiation.
M. Goubau (Dominique) : Je n'ai pas
entendu.
M. Jolin-Barrette : C'est le verrou
de filiation qui vient être inséré. Mais par contre, si jamais ce n'était pas
lui, le père biologique, il y a un mécanisme de sortie aussi. Mais c'est
toujours dans un contexte de deux parents.
Mais, si je
reviens à la pluriparentalité, là, par rapport à la gestation pour autrui, là,
supposons que la porte était ouverte
à ça, là, on se retrouve avec potentiellement la mère porteuse, le conjoint de
la mère porteuse, parent 1 d'intention, parent 2 d'intention, donneur de sperme, donneur d'ovules, ça fait
que, là, on est rendus à 6, minimum, puis ça pourrait être ça. Moi, avec ce que j'ai entendu, je trouve qu'on
est dans une situation où, dans l'intérêt des enfants, c'est préférable
d'avoir deux parents et du potentiel associé à tous les impacts et les
conséquences juridiques qu'il peut y avoir.
M. Goubau
(Dominique) : Personnellement, je vous suis là-dessus. Mais, quand
vous dites : C'est limiter la possession
constante d'état à deux personnes, et le projet de loi inscrit un principe
jurisprudentiel... La Cour d'appel
a dit, il n'y a pas longtemps, qu'il ne peut
pas y avoir de possession constante d'état à l'égard de deux pères
simultanément, et vous l'inscrivez très
justement dans la loi, sauf que la Cour
d'appel a dit ça pourquoi? Parce que
la possession constante d'état, c'est le lien entre un enfant et un
adulte dont on le dit issu. Et, par conséquent, de façon très logique, la Cour
d'appel a dit : Il ne peut pas y en avoir deux, ça ne se peut pas que tu
aies deux pères. Donc, c'est la raison pour laquelle la Cour d'appel a
dit : Il ne peut pas y avoir de possession constante d'état simultanée.
Mais là, ce que vous faites, enfin, ce que fait
le projet de loi n° 2, on vient dire : La
possession constante d'État, c'est le comportement parental. Or, il peut y
avoir plusieurs personnes qui ont un comportement parental. Et je peux vous
dire ceci : Si j'étais, demain matin... si cette définition passe dans la
loi et que j'étais consulté, je ne vous dis pas que c'est bien ou pas bien,
mais, si j'étais consulté par un trio dans le cadre d'un contrat de mère
porteuse, dont, depuis le début de la naissance, les deux pères se sont
comportés comme des pères, et sont connus dans l'entourage comme des personnes
qui se comportent comme des pères, et que la mère est dans le décor aussi, donc, et qu'il y a une revendication de
triparenté, je n'aurais pas beaucoup d'hésitation à défendre, devant un
tribunal, que les deux se qualifient
au sens de la possession constante d'état, qui est désormais un mécanisme qui
réfère au comportement parental, et
que la seule raison pour laquelle le deuxième père ne peut pas être inscrit à
l'acte de naissance, c'est parce qu'il y a cette interdiction, dans les dispositions
sur l'acte d'état civil, dans les règles d'état civil. Et donc je pense que
cette disposition est fragile en termes de respect de l'article 15 de la
charte canadienne et le principe d'égalité.
M. Jolin-Barrette : O.K., mais... Je
vous remercie beaucoup pour votre témoignage. Je vais céder la parole à mes
collègues. Mais je tiens à dire que ce n'est pas l'intention du législateur, et
on va apporter des clarifications, relativement, pour que ça ne soit pas cette
interprétation-là qui soit retenue et que vous n'ayez pas à faire une opinion
juridique en ce sens-là.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de
Chapleau, s'il vous plaît.
M. Lévesque (Chapleau) : Merci
beaucoup, M. le Président. Pr Goubau, merci. Donc, un débat sur la
constitutionnalité ce soir, ça serait quand même intéressant, mais j'aimerais
vous ramener sur le droit aux origines. Vous avez mentionné ça d'entrée de jeu,
vous avez mentionné la connaissance des origines. Vous avez également parlé de
l'inscription à la charte, mais aussi au Code civil, puis je voulais savoir un
peu, là, votre position par rapport à ça.
Donc, vous êtes, j'imagine, favorable à ce qui est présenté par rapport au
projet de loi. Puis peut-être nous parler de l'inscription puis de la
façon dont vous voyez ça, là, autant à la charte qu'au Code civil.
M. Goubau (Dominique) : Alors moi,
je suis tout à fait favorable à l'inscription dans la charte et même, au
chapitre des droits de la personnalité, du droit de tout individu de connaître
ses origines, dans le respect des dispositions de la loi, dans les conditions
prévues dans la loi. Mais je veux indiquer que le projet de loi n° 2
apporte tout de même certaines différences selon la situation dans laquelle
l'enfant se trouve. Un exemple : en matière d'adoption, il peut y avoir un
droit de veto non seulement sur le contact, mais également sur l'identité,
alors que lorsqu'on parle de procréation assistée, le projet de loi n° 2 met en place un système de veto, donc, sur le contact,
mais pas sur l'identité. Et donc je m'interroge sur le traitement différent du
droit de connaître ses origines de l'enfant issu de la procréation assistée et
de l'enfant adopté. Je pense qu'il faut... s'il y a un droit de veto... s'il
n'y a pas de droit de veto pour l'enfant en procréation assistée pour ce qui
est de l'identité, alors il ne devrait pas y avoir de droit de veto en droit d'adoption. On affirme le
principe de l'égalité des enfants, il faut en tirer les conclusions, et,
lorsqu'on organise ce principe excellent du
droit aux origines, il faut l'appliquer également, quelles que soient les
circonstances de la naissance de l'enfant, et ne pas faire des distinctions
là-dessus.
Il y a un autre élément qui est en lien indirect
avec la question que vous posez, c'est la difficulté que certains enfants
pourraient avoir en procréation assistée à retrouver la personne dont ils sont
issus. Et, lorsqu'on parle de GPA, le projet de loi, et je pense c'est une très
bonne chose, organise de façon très détaillée le formalisme autour de l'entente
à plusieurs étapes. Il y a donc une trace, non seulement une trace, mais une
trace notariée. Donc, il n'est pas très compliqué pour un enfant qui veut
retrouver ses origines de faire appel au registre et au greffe...
M. Lévesque (Chapleau) : Mais vous,
vous questionnez même les formalités qui entourent la procréation assistée.
Mais êtes-vous en faveur des formalités ou non? Pas nécessairement?
M. Goubau (Dominique) : Non, je
pense que c'est une très bonne idée en GPA. Mais je m'étonne que, pour la
gestation... pas pour la gestation, pour la procréation assistée dite
artisanale ou par relations sexuelles, qu'il n'y ait aucune formalité. Déjà,
dans le droit actuel, c'est un problème. Aujourd'hui, vous savez, quand deux
personnes ont un projet parental avec
l'apport... ou une personne seule, avec l'apport des forces génétiques d'un
tiers, il peut y avoir une discussion, à mon avis, insignifiante, devant
les tribunaux pour savoir : Est-ce que, oui ou non, ça s'est fait par
procréation assistée? Est-ce que, oui ou non, il y a eu projet parental au sens
de l'article 538?
Le Président (M.
Bachand) : Merci...
M. Goubau (Dominique) : Il n'y
aurait plus de discussion possible.
M. Lévesque
(Chapleau) : Merci.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci, maître. Je dois passer de la parole au député de Lafontaine, s'il vous
plaît.
M. Tanguay : Merci beaucoup. Bonne
soirée. Merci beaucoup d'être avec nous, Pr Goubau. Je pense que je vous
ai eu comme professeur en 1997...
M. Goubau (Dominique) : Merci de me
rajeunir.
M. Tanguay : ...à l'Université Laval.
Alors, ça ne se veut pas un coup bas, non, mais merci beaucoup. Puis vous avez
gardé cette passion, cet intérêt. Et je me rappelle du cours Droit de la
famille. C'était... C'était très, très enrichissant et très dynamique, la façon
dont vous enseigniez. Alors je le retrouve, ça, ce soir. Puis souvent les cours
étaient de soir également, alors c'est comme un retour vers l'arrière. Puis je
ne sais pas quand sera l'examen, mais je vais bien travailler.
Écoutez,
j'aimerais vous entendre. Vous avez parlé beaucoup de l'article 611, il
semble donc aussi s'y ajouter, mais peut-être que vous allez me dire que
ça, ça s'est développé avec les années, avec la jurisprudence, la possibilité
pour l'enfant âgé de 10 ans et plus d'y consentir. Ça, j'imagine que ça
s'est créé? C'est un... On récupère ce qui s'est développé dans la
jurisprudence, ici?
M. Goubau (Dominique) : Non. Je
trouve que c'est une très bonne chose de l'ajouter, même si ça rejoint la
jurisprudence qui, depuis plusieurs années maintenant, a déterminé que,
normalement, lorsqu'un enfant donne son avis, à partir de 10 ans, ça
devient pas mal le critère déterminant, pas seulement pour les grands-parents,
mais aussi en matière de garde. Lorsqu'un enfant refuse de voir un parent ou
veut être en garde partagée, la Cour d'appel, au Québec, est vraiment très claire là-dessus, à partir de 10 ans,
c'est un élément extrêmement important, à partir de 12 ans, c'est
quasiment le critère déterminant. Donc, le nouvel article 611 reprend
cette règle-là, et je trouve que c'est une très bonne chose.
• (20 heures) •
M. Tanguay : Et vous avez mis en
garde le législateur un peu plus tôt lorsque vous avez dit : Bien, dans le
cas des parents, le fait d'ajouter le critère d'avoir une relation
significative pour pouvoir prétendre avoir un lien ou pouvoir faire reconnaître
un lien, évidemment, si l'enfant avant 10 ans n'a pas de lien significatif
et qu'à 10 ans, il peut dire :
Est-ce que j'ai l'intention d'avoir une relation avec les beaux-parents, s'il
n'y a pas eu de lien significatif? La réponse risque d'être, à 99,9 %
des cas, non, j'imagine.
M. Goubau (Dominique) : C'est
ça.
M. Tanguay : Alors, c'est comme si,
couplés ensemble, ces deux critères-là viennent, sur votre point, encore plus
diminuer l'accès des grands-parents, le cas échéant, à l'enfant.
M. Goubau (Dominique) : Oui,
c'est surtout que l'article 611 tel qu'il est proposé ici vient mettre et organiser un obstacle à l'organisation de relations
personnelles entre des grands-parents et leurs petits-enfants, particulièrement dans des contextes où il y aurait
une séparation précoce qui n'aurait pas permis, dans ce cas particulier,
aux grands-parents, de faire la preuve d'un lien significatif avec l'enfant.
Jusqu'à présent la loi prévoyait que, même s'il n'y a pas encore de contacts,
ça vaut la peine de préserver ce potentiel de contacts parce que les
grands-parents représentent des personnes particulières dans la vie de chacun.
M. Tanguay : Dans le document que
vous avez envoyé, vous parlez... entre autres, le lien... vous vouliez aborder le lien entre le droit de la preuve en
matière de filiation et le fait de la naissance comme mode
d'établissement de la filiation maternelle.
Est-ce que vous avez développé... Voulez-vous développer davantage là-dessus,
s'il vous plaît?
M. Goubau (Dominique) : Oui. En
fait, il faut faire le lien entre cet article 523 qui dit, dans le projet
de loi, hein... enfin, ce qui deviendrait l'article 523 du Code civil qui
dirait que c'est la naissance qui établit la maternité et c'est la déclaration
au Directeur de l'état civil qui établirait la paternité, et
l'article 114, au chapitre de l'état civil, le nouvel article 114,
tel que modifie le projet de loi, dirait : Le père a l'obligation de
déclarer. C'est ce que dit le nouvel article 114 dans le projet de loi.
J'ai mis à côté... Ah! excusez, la mère a l'obligation de déclarer, puisque sa
maternité est établie par la naissance. Elle a donc l'obligation de déclarer
cette naissance. J'ai mis à côté de cette disposition-là : Et pourquoi pas
le père? La mère aurait l'obligation de déclarer; le père n'aurait pas cette
obligation.
Moi, je soutiens que, s'il est acceptable que
c'est la maternité qui établit... que c'est l'accouchement qui établit le lien
de maternité, je pense que ce qui établit au fond la paternité, c'est le lien
génétique, et que les deux ont une obligation de déclaration. Et, par
conséquent, à mon avis, l'article 523 devrait être formulé de manière à
refléter ce principe selon lequel, effectivement, l'accouchement établit la
maternité, mais le lien génétique établit la paternité, et les deux ont donc
l'obligation de déclarer. C'est tellement vrai que c'est le lien génétique qui
établit la paternité que, même si un père déclare sa paternité au Directeur de
l'état civil, et donc, selon le projet de loi, sa paternité serait établie pas
seulement prouvée, mais établie par cette déclaration. Eh bien, s'il n'y a pas
possession constante d'état conforme à cette déclaration, sa paternité peut
être contestée. Par qui? Par celui qui vient avec un test génétique. C'est donc bien la preuve que ce
qui fonde la paternité, c'est la génétique et ce n'est pas la
déclaration. De même que ce qui fonde la maternité, c'est l'accouchement de la
mère et non pas sa déclaration.
La déclaration au Directeur de l'état civil,
dans cette logique, deviendrait une obligation pour qu'on constitue une preuve,
à l'égard de tous, de qui est la mère et qui est le père, c'est-à-dire une
déclaration permettant d'établir l'acte de naissance qui constitue la preuve, à
l'égard de tous, de la paternité et de la maternité.
Ce serait beaucoup plus logique parce que ça
éviterait d'arriver avec un double standard, c'est-à-dire que, pour la mère,
c'est le fait biologique qui établit la maternité, alors que, pour le père,
lui, il n'a même pas l'obligation de déclarer. Ce qui établit sa paternité,
c'est sa volonté de déclarer, son geste de déclarer. Ce sont deux, comment
dire, traitements complètement différents que je trouve illogiques. Et voilà.
M. Tanguay : Au chapitre de
l'article 96 du projet de loi, donc tout le chapitre sur la gestation pour
autrui, quel drapeau rouge ou jaune vous voudriez, de façon plus spécifique,
nous agiter quant à cette... Parce que c'est un régime en soi, là. Il y a 38 articles
qui vont s'ajouter du jour au lendemain, à la mise en vigueur, dans le Code
civil. C'est un régime en soi. Et il y a une logique interne, il y a des choix
qui sont faits, et, des fois, on ne pense pas toujours aux conséquences.
J'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Goubau (Dominique) : Quand je
l'ai lu, je n'ai pas tout compris. J'ai dû le lire quelquefois et je me suis
dit : C'est écrit comme une loi ontarienne où on veut tout prévoir et tout
mettre dans la loi. C'est une loi... c'est une façon de faire à qui manque le
génie du droit civil. Et je pense qu'il y a moyen de dire les choses de façon
beaucoup plus simple avec les mêmes garanties, quitte à donner du détail dans
une loi particulière. Ça c'est déjà fait. On l'a fait en adoption, on l'a fait...
Ça se fait. Et l'adoption internationale, tout n'est pas dans le Code civil, il
y a une loi sur l'adoption internationale. Même chose pour l'enlèvement. Et
donc, ça, ça a été ma première réaction. Ensuite, j'ai tout lu et je me suis réjoui de voir qu'il y a un véritable souci
d'éviter l'écueil le plus dangereux, c'est-à-dire l'exploitation des
femmes et le trafic d'enfants, l'enfant objet d'un contrat. Et donc, ça, c'est
la bonne nouvelle, mais je trouve que, dans la forme, c'est trop compliqué.
Et puis, il y a une dernière chose que je
voudrais dire, c'est que ce n'est pas conforme non plus à la tradition du droit
civil. Le Code civil veut donner, dans son livre II, une image de la
famille du Québec. Là, vous avez un certain
nombre de dispositions, mais qui sont écrasées par la multitude de dispositions
concernant un mode de filiation, qui est important, mais qui, on
s'entend, ne concerne pas des millions de personnes. Et donc, ça prend
formellement, géographiquement, j'allais dire, une place qui ne répond pas à la
réalité de la vie.
Et c'est pour ça que ça me dérange de voir
autant de détails, autant d'explications sur une forme. Si vous donnez ce texte tel qu'il est à quelqu'un à
l'étranger, et qui lit ça, il dit : Tiens, au Québec, c'est incroyable,
vraiment, la gestation pour autrui, ça marche. Et ce n'est pas juste, ce n'est
pas exact, hein? Et ça ne veut pas dire que ce n'est pas important comme sujet,
mais peut-être qu'il pourrait être traité soit de façon plus simple, soit alors
dans un texte parallèle. On pourrait garder le principe dans le code et
dire : Voici les grands principes de la gestation pour autrui. Si vous
voulez le détail, vous regardez la petite loi sur la gestation pour autrui. Ce
serait plus élégant, à mon avis.
M. Tanguay : Est-ce que...
Trouvez-vous que dans ces dispositions là, dans les 38 articles, on
protège suffisamment l'intérêt de l'enfant? Trouvez-vous qu'il est suffisamment
au centre du début à la fin? Et y voyez-vous peut-être des écueils qui
pourraient survenir quant à la protection de l'intérêt de l'enfant?
Le Président (M.
Bachand) : En 1 min 20 s.
M. Goubau (Dominique) : Oui. Je
pense que c'est un effort louable, mais je ne suis pas très rassuré.
M. Tanguay : Ah non? Pourquoi?
M. Goubau (Dominique) : Bien, c'est
à dire, pas par le texte, mais j'entends évidemment ici et là des gens
expliquer que la gestation pour autrui, finalement, ça se passe très bien et
que c'est un projet commun de trois, quatre personnes. Et je suis sûr que ça
existe, mais je suis tout aussi persuadé, et je n'ai pas une connaissance par
la recherche que j'en ai faite, mais par les décisions que j'en ai lu et j'en
ai lu énormément. Les tribunaux nous ramènent
des scénarios dans le champ de l'adoption qui nous racontent des histoires
qu'on veut à tout prix éviter, et je pense
que ce ne sont pas les dispositions, telles que prévues dans le projet de loi,
qui vont complètement régler ces questions- là.
Je pense que le fédéral a son rôle à jouer et
qu'il faut rendre la Loi sur la procréation assistée au fédéral plus effective
dans son application, et que lorsqu'il y a des infractions, eh bien, ça
s'appelle des infractions pénales. Il doit y
avoir des poursuites. Et quand on... Il n'y en a pas actuellement. À toutes fins
pratiques, cette loi n'est pas appliquée. Et là, ce n'est pas la
responsabilité du Québec.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. M. le député
d'Hochelaga-Maisonneuve. Et je vous rappelle que pour les deux prochains
intervenants, le temps de questions et de réponses est assez court. Donc, M. le
député d'Hochelaga-Maisonneuve, 2 min 43 s, s'il vous plaît.
M. Leduc :
Merci, M. le Président. Bonsoir, Me Goubau. Hier, votre collègue Me Louise
Langevin, à la même heure, était ici devant nous et elle tenait les propos
suivants quant aux concepts qu'on entend parfois du droit à l'enfant,
et non pas le droit de l'homme, mais le droit à l'enfant, puis elle
disait : Ça n'existe pas, le droit à l'enfant. Il ne faut pas le mélanger
avec le désir d'avoir un enfant, un désir de l'enfant. Est-ce que vous...
Comment vous vous situez, vous, par rapport à cette affirmation?
M. Goubau
(Dominique) : Bien, je pense que c'est une évidence quand on dit qu'il
n'y a pas de droit à l'enfant. C'est une façon d'exprimer l'idée selon laquelle
les règles de la filiation doivent être au service des enfants et non pas des
adultes. On a vu dans l'histoire, par exemple, de l'adoption au Québec, comme
partout au monde, que, bien souvent, ce mécanisme de filiation est au service
d'adultes et non pas au service des enfants. Et donc, il faut rappeler
régulièrement qu'il n'y a pas ce droit aux enfants et qu'il faut que... les
règles de filiation sont là pour donner un lien de filiation à un enfant dont
il est le bénéficiaire. Et donc, voilà. Donc... Et je pense que c'est ce que tente de faire le projet de loi n° 2 en
encadrant une activité qui, aujourd'hui, souffre d'une absence totale
d'encadrement, pratiquement oui, vraiment, puisque l'entente elle-même est
considérée comme nulle. Aujourd'hui, au moins, elle bénéficiera de cet
encadrement-là
M. Leduc :
Et ça ne remet pas en question le concept qu'il n'existerait pas de droit à
l'enfant?
• (20 h 10) •
M. Goubau
(Dominique) : Alors, vous faites bien de poser la question. Il ne
s'agit pas d'un contrat dont l'enfant est l'objet. C'est une entente sur un
projet de filiation et de parenté. Alors, certains vont dire : Oui, ce
sont des nuances de juriste, mais c'est quand même très important comme nuance.
On n'est pas dans le chapitre sur droits et obligations. L'enfant n'est pas un
objet de cette entente, de ce contrat. Les règles sont là pour encadrer une
entente entre des adultes, mais dans l'intérêt des enfants et dans un cadre
juridique qui essaie, et j'espère qu'il y arrivera, d'éviter les écueils.
M. Leduc :
Merci beaucoup.
M. Goubau
(Dominique) : Vous savez, sur les écueils, juste une dernière chose...
Le
Président (M. Bachand) : Oui, allez-y.
M. Goubau
(Dominique) : On dit : On ne peut pas rémunérer, mais on peut
compenser. Bien, regardez ce qui se passe en
matière de recherche pharmaceutique. On a la même règle. Moi, j'ai plusieurs
étudiants qui ont financé leurs
études en acceptant d'être cobayes, alors qu'ils ne l'auraient pas fait, n'eût
été de leurs besoins financiers. Donc, je pense que le même problème se
pose en matière de GPA.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée de Joliette,
s'il vous plaît.
Mme Hivon : Oui, merci. Bonsoir, M. Goubau. Vous dites, un des éléments, là,
dans votre lettre : «Les formalités entourant la procréation
assistée. Est-il logique de traiter différemment la GPA et les autres modes de
procréation assistée?» Tantôt, vous l'avez effleuré, mais là ça a bifurqué.
Qu'est-ce que vous voulez dire précisément?
M. Goubau
(Dominique) : Je voulais essentiellement indiquer que la GPA hors
procréation médicalement assistée, où, évidemment, il y a un dossier médical,
il y a des traces, et hors GPA, eh bien, il n'y a pas de formalisme qui permet
d'écarter tout débat sur l'existence ou non du projet parental. Et je pense que
ce ne serait pas très compliqué d'exiger... ça ne doit pas être notarié, mais
d'exiger un document dans lequel l'accord des parties est acté. D'autant plus
que le projet de loi insiste, et je pense qu'il a raison de le faire, sur le
fait que tout le monde doit être bien au courant. La cour... c'est la Cour
d'appel qui a établi qu'il ne peut pas y avoir de projet parental au sens de
l'article 538 si toutes les parties ne sont pas au courant préalablement.
Alors, comment le prouver? La meilleure preuve, c'est l'écrit. Donc, je pense
que pour éviter ça, ce serait du bon droit, hein, "good law", éviter
les conflits, eh bien, ce serait très intéressant de prévoir dans le projet de
loi qu'une entente écrite doit être faite entre le donneur, celui qui apporte
ses fonds génétiques, et ceux qui sont dans le projet parental.
Ceci dit, il y a
juste une petite, petite anomalie dans cette réécriture de l'article 538,
que je peux peut-être signaler en passant, si je peux la trouver, y aller...
Voilà, 538. On nous dit, à 538.2, alinéa 2, on indique : «Toutefois,
une réclamation de filiation est possible si le tiers qui a fourni son matériel
reproductif par relation sexuelle ou par insémination artisanale n'a pas été
informé au préalable de la nature de son apport à ce projet.» C'est l'arrêt de
la Cour d'appel, mais moi, je soumets que, puisque vous avez justement redéfini
le projet parental à l'article précédent, c'est-à-dire que le projet parental
implique que le donneur des forces génétiques soit au courant, alors cet
article 538.2, alinéa 2, n'a pas de sens, parce qu'il n'y a pas de
projet parental si l'on n'est pas au courant. Donc, 538, alinéa 2, n'a pas
sa raison d'être.
Et, dernière chose,
la distinction dans la loi... dans le projet de loi, entre procréation
médicalement assistée, artisanale ou par relation sexuelle n'a au fond de sens
que sur une question de preuve. C'est parce qu'on doit pouvoir le prouver. Or,
médicalement, on peut le prouver, on a le dossier médical. Pour les autres, on
ne peut pas le prouver. Donc, la loi le distingue en disant : Attention,
si ce n'est pas médical, alors il faut qu'il soit au courant, etc., mais s'il y
a un document, il n'y aura aucun problème.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, c'est tout le temps...
Le temps file très, très, très rapidement. Merci beaucoup d'avoir été avec nous
ce soir, maître.
M. Goubau (Dominique) : C'est
moi qui vous remercie.
Le
Président (M. Bachand) :
Cela dit, je suspends les travaux quelques instants pour accueillir nos
prochaines invitées. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 20 h 15)
(Reprise à 20 h 20)
Le Président (M.
Bachand) : Alors, bonsoir à tout le monde. À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission reprend ses travaux.
Alors, il nous fait plaisir — s'il vous plaît, veuillez prendre siège, merci — alors il nous fait plaisir d'accueillir les
représentantes de la Coalition des familles LGBT+, également du Conseil
québécois LGBT, je fais très attention de bien prononcer. Alors, je vous
invite... Premièrement, bienvenue, très heureux de vous avoir ce soir avec nous. Donc, je vous inviterais à vous
présenter, à débuter l'exposé et, après ça, on aura l'échange avec les
membres de la commission. Et, si vous voulez enlever vos masques durant la
présentation, il n'y a aucun souci. C'est plus confortable. Alors la parole est
à vous. Merci beaucoup.
Conseil québécois LGBT
Mme Marchand-Labelle (Ariane) : Merci.
M. le Président, M. le ministre, vous, les parlementaires, merci beaucoup de votre invitation aujourd'hui. Je suis
directrice au Conseil québécois LGBT, le regroupement des quelque
65 organisations LGBTQ+ au Québec.
Le Québec a, par le passé, été une figure de
proue en matière de respect et d'inclusion concrète des communautés LGBTQIA+. Depuis le dépôt du projet de loi n° 2,
notamment via des lettres ouvertes et des publications sur les réseaux
sociaux, le peuple québécois démontre non seulement son ouverture et sa
compréhension des enjeux, mais aussi son souci de maintenir le climat actuel
d'acceptation et de respect que notre société a travaillé fort à créer.
D'ailleurs, notre mémoire, que vous avez reçu,
est accompagné de plus de 60 lettres d'appui provenant d'organisations
communautaires, d'organisations féministes, de grands syndicats, d'entreprises,
et ce, de partout au Québec. Grâce à une campagne d'information, c'est plus de
35 000 courriels de solidarité envoyés par des citoyens à des députés de l'Assemblée nationale qui ont été
reçus. Et la pétition rédigée par le Centre de lutte contre l'oppression
des genres et soumise par la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques a amassé plus de 12 000 signatures. Nous souhaitons
que le Québec redevienne un leader dans la défense des droits de toute personne
à la vie, à la dignité, à la disposition de son corps et à la vie privée.
Vu le temps restreint que j'ai, je vous invite à
regarder notre mémoire concernant les enjeux touchant les personnes trans et
non binaires. Sur ces enjeux-là, je tiens à réaffirmer, là, notre appui aux
experts que vous avez vus et que vous verrez, là, soit Florence Ashley,
TransEstrie, ASTTEQ, l'ATQ, la Coalition des familles, avec qui je suis. Une
des choses qui pourrait être intéressante de discuter, c'est peut-être la
question de la mention d'altération sur les certificats de naissance. Donc, si
jamais vous voulez m'en parler, ça me ferait plaisir.
Moi, je vais m'attarder un peu sur notre
recommandation concernant les personnes intersexes. Dans le fond, la première revendication des groupes intersexes,
c'est, et depuis de nombreuses années, que cessent les interventions non
consenties que les enfants intersexes subissent. Toute action gouvernementale
qui est faite concernant les personnes intersexes doit partir de ce postulat de
base, de ce besoin essentiel. Ces interventions-là sont irréversibles, sont non
urgentes pour la santé des enfants. Elles sont motivées par un souci cosmétique
de normalisation. Elles peuvent avoir des effets secondaires, des conséquences
dommageables pour la santé physique et mentale. Elles constituent dans tous les
cas une agression puisqu'elles sont faites sans le consentement de la personne
qui les subit.
Au Québec, ces interventions-là ont lieu, elles
sont enseignées dans nos écoles de médecine. D'après l'enquête d'Édith Paré-Roy
parue cette année, entre 2015 et 2020, c'est 1 385 chirurgies qui ont
été pratiquées sur des enfants intersexes de 0 à 14 ans. Ces jeunes-là,
bien, ils ont été privés de la possibilité de pouvoir donner leur consentement
libre et éclairé sur le fait de subir une opération ou non. Pourtant, c'est eux
qui vont vivre avec les conséquences de ces opérations-là, puis pour toute leur
vie. Ces interventions-là sont condamnées par plusieurs institutions à
l'international, à commencer par les Nations unies, le Conseil de l'Europe, et
sont interdites à Malte, au Portugal, en
Allemagne pour motif de violation des droits humains, parce que ce sont des
mutilations vues par plusieurs institutions comme de la torture.
Dans le projet de loi n° 2, il y a trois mesures
qui vont à l'encontre des droits des enfants intersexes à la vie, à la sûreté,
à l'intégrité et à la liberté. D'abord, il y a l'ajout de la mention de sexe
dit indéterminé sur l'acte de naissance, l'exigence de changer cette mention
une fois que le sexe est déterminé et la conditionnalité à des modifications
corporelles pour accéder au changement de mention de sexe, disposition qui...
le ministre nous a déjà annoncé, là, qu'elle serait amendée.
Il faut savoir qu'il y a très peu de parents,
là, qui seraient en mesure d'accepter que la mention du sexe de leur enfant
reste indéterminée, puisque cette mention distingue leur enfant intersexe des
enfants dits normaux. Elle serait visible sur des
documents officiels, ce qui expose à des risques inutiles de discrimination.
Évidemment, bien, il n'y a aucun parent qui souhaite que leur enfant soit
discriminé. Donc, ça pousserait à accepter des interventions dites
normalisantes.
Le statut indéterminé, selon le projet de loi,
est aussi appelé à être corrigé dès que possible. Ça, ça renforce l'idée que
c'est temporaire et qu'en fait, comme la mention, le corps devrait être
corrigé. Il faut savoir que les personnes intersexes sont nombreuses à se
satisfaire de l'attribution de genre... de sexe binaire, soit M ou F, et ce,
peu importe leurs caractéristiques sexuelles. En fait, cette nouvelle mention
là, ce n'est pas une demande des principales personnes concernées.
Je peux rappeler... je voudrais rappeler aussi
que, comme pour les personnes trans et non binaires, pour les personnes
intersexes, avoir recours à des interventions médicales ou à l'hormonothérapie,
c'est vraiment un choix personnel pour son bien-être et non pas un besoin
universel. Bref, dans sa présente mouture, le projet de loi ne répond pas aux
besoins des personnes intersexes, et, malheureusement, il nuit à l'avancée de
leurs droits plutôt que d'y contribuer comme c'était l'intention au départ.
Pour la suite, je vais laisser la parole à ma
collègue, Mona Greenbaum, qui est directrice à la Coalition des familles LGBT
et qui va davantage vous parler des enjeux touchant les familles.
Coalition des familles LGBT+
Mme Greenbaum (Mona) : Merci. Donc,
je vous remercie beaucoup pour votre invitation pour venir présenter nos
mémoires. Je n'ai que cinq minutes pour vous parler de droit de la famille, et
donc je vais parler de certains points clés de notre mémoire, que vous avez
reçu.
En fait, il y a trois éléments principaux dans
le projet de loi qui nous inquiètent. Le premier concerne la gestation pour
autrui. Nous nous réjouissons que l'État propose de mettre en place une
procédure administrative relativement facile afin que les parents d'intention
soient légalement reconnus sans l'obligation d'aller devant les tribunaux. Nous
sommes en accord avec l'essentiel du processus administratif recommandé.
Par contre, nous nous opposons aux articles qui
donnent à la gestatrice la possibilité de devenir le parent légal de l'enfant
dans les 7 à 30 jours suivant la naissance de l'enfant. Nous sommes
évidemment d'accord avec le principe d'autonomie corporelle. Tout au long de la
grossesse, la femme porteuse doit avoir le droit unique et autonome de prendre
ou de refuser des traitements médicaux. Elle doit avoir aussi le droit de
mettre fin à la grossesse. Nous estimons par contre que si la femme porteuse
n'a pas fait des démarches pendant sa grossesse pour terminer le projet de la
GPA, il n'est pas dans l'intérêt de l'enfant qu'elle dispose d'un autre
30 jours après sa naissance pour changer d'idée.
En mettant l'emphase sur la personne qui porte
l'enfant, nous croyons que le projet de loi se fixe sur des notions
essentialistes où la vision d'une femme enceinte est tellement puissante
qu'elle obstrue ce qui est dans le meilleur l'intérêt de l'enfant. Selon nous,
c'est le meilleur intérêt de l'enfant qui doit toujours primer. Il est donc
impensable qu'une personne qui n'avait pas un projet parental et qui, de plus,
n'est souvent même pas liée génétiquement à l'enfant puisse avoir le droit de
décider du futur de ce dernier. Si on pense aux impacts réels de cette
recommandation, on ne peut qu'imaginer le stress immense que les parents
d'intention vont vivre pendant ces 30 jours, moment qui est censé d'être
de joie et d'attachement avec le nouveau-né. Cette période de 30 jours va
aussi, sans aucun doute, créer beaucoup d'anxiété autour de la relation entre
parents et femmes porteuses. Est-ce vraiment dans l'intérêt de l'enfant de
freiner cette harmonie?
Notre deuxième inquiétude concerne la
pluriparenté. Les familles pluriparentales sont déjà légalement reconnues dans
plusieurs provinces canadiennes. Colombie-Britannique, Ontario et la
Saskatchewan reconnaissent les familles pluriparentales comme étant
fonctionnelles, socialement valides et valables et capables de répondre aux besoins
des enfants. Dans la situation actuelle au Québec, un enfant dans une famille
pluriparentale risque de perdre contact avec un de ses parents s'il y a des
problèmes, car un troisième ou quatrième parent n'a aucun droit ni
responsabilité. Est-ce vraiment dans l'intérêt de l'enfant de perdre l'accès à
un parent ou de perdre son soutien? C'est exactement pour cela que
l'encadrement légal est essentiel. Si on met l'enfant au centre de nos
préoccupations, nous croyons que, comme dans les autres provinces canadiennes,
nous devons encadrer toutes les familles qui existent et non seulement les
familles traditionnelles.
La troisième inquiétude concerne les parents
trans et non binaires. Nous avons demandé, tel que prévu dans le jugement de la
Cour supérieure, qu'un troisième rôle parental soit créé, celui de parent, pour
correspondre aux besoins des parents qui ne s'identifiaient pas avec les rôles
traditionnels, mère et père. C'est avec consternation que nous avons constaté
que le gouvernement a décidé de mettre en place la catégorie parent pour
refléter la réalité des parents non binaires, sans toutefois offrir ce choix à
tous les parents québécois. En créant une catégorie distincte, la catégorie
parent, accessible uniquement aux parents non binaires et trans, le
gouvernement nie les droits à la confidentialité, la vie privée et la sécurité,
des droits fondamentaux inscrits dans la charte des droits et libertés du
Québec. La solution est simple. Nous croyons que toute personne, qu'elle soit
trans ou non, pourrait faire bon usage de cette catégorie. Les Québécois et Québécoises
auraient donc la possibilité d'être désignés comme «mère», ou «père», ou
«parent» de leur enfant. Un tel changement permettrait de prendre en
considération la réalité des rôles parentaux contemporains. Merci pour votre
écoute.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup pour votre
présentation. M. le ministre, s'il vous plaît.
• (20 h 30) •
M. Jolin-Barrette : Oui. Merci,
M. le Président. Mme Greenbaum,
Mme Marchand-Labelle, merci
beaucoup pour votre présence ici, en commission parlementaire ce soir.
Si vous voulez,
débutons par la gestation pour autrui, relativement aux mères porteuses. Vous
dites dans votre mémoire que... Bien, en fait, revenons à la base, de la façon
qu'on a construit le projet de loi. Moi, ce qui m'a guidé, en construisant le
projet de loi, c'est de faire en sorte, dans un premier temps, de protéger
l'intérêt de l'enfant à naître. Parce que, bon, ça existe, la gestation pour
autrui au Québec, certains vont en Ontario ou d'autres gens le font ici, au
Québec, mais ce n'est pas encadré, puis l'enfant peut se retrouver dans un flou
juridique, ce qu'on ne veut pas. Puis on veut lui assurer une famille, on veut
assurer une filiation, des obligations alimentaires. C'est engageant, lorsqu'on
décide d'avoir un enfant, puis il faut que l'enfant soit protégé.
Deuxièmement,
également, on voulait s'assurer qu'il n'y ait pas de marchandisation du corps
de la femme, que la mère porteuse, ses droits soient garantis, qu'en tout temps
elle ait toujours l'autonomie sur son corps. Et ce qu'on a fait notamment,
c'est que le contrat, dans le fond, il est exécutoire d'une façon unilatérale,
il est exécutoire uniquement en faveur de la mère porteuse, que ça soit
notamment au niveau du remboursement des frais, que ça soit également au niveau
de la remise de l'enfant.
Là, vous, vous nous
dites : Écoutez, suite à l'accouchement, ça ne devrait pas être permis
pour la mère de revenir sur sa décision dans le cadre du projet parental. Donc,
vous, vous dites : Le contrat, il devrait être exécutoire en faveur des parents d'intention. Donc, à partir
du moment où la mère porteuse accouche, il y a délivrance de l'enfant,
si je peux dire, il y a remise de l'enfant,
si je peux dire ça comme ça, et la mère porteuse n'a plus rien à dire. C'est
bien ça?
Mme Greenbaum
(Mona) : C'est ça, exactement. Nous, on pense que comme... tout au
long du processus, pendant la grossesse, et tout ça, c'est vraiment la femme
porteuse qui a tout le contrat. Puis ça fait sens pour nous qu'elle peut
terminer le contrat, qu'elle peut décider d'avorter, c'est son choix, c'est son
corps. Donc, on est absolument d'accord avec ça. Mais, après l'accouchement,
pour nous, c'est le meilleur intérêt de l'enfant qui doit primer. Donc, c'est
très important que les personnes qui ont eu le projet parental, les personnes
qui ont souvent des liens génétiques aussi avec l'enfant doivent avoir comme
l'accès à la filiation tout de suite.
Puis, en tout cas,
dans les autres provinces canadiennes, rien n'empêche la femme porteuse d'aller
devant les tribunaux si elle veut le faire. Mais pourquoi mettre le fardeau sur
elle puis toute la pression sur les parents dans cette période qui est tellement importante pour l'attachement avec l'enfant,
pour aussi, comme, la création des liens entre les parents d'intention et la gestatrice? Donc, on
trouve que, comme, ça va mettre beaucoup de stress et anxiété dans cette
période. Donc, à ce moment-là, après
l'accouchement, pour nous, c'est les parents d'intention qui doivent avoir le
contrat.
M.
Jolin-Barrette : Une sous-question par rapport à ça : Supposons
que dans l'éventualité où la mère porteuse a
également son propre rapport de force génétique, est-ce que votre réponse, elle
change ou elle ne change pas?
Mme Greenbaum (Mona) : Non, ça ne change pas parce que, pour nous, mais
depuis des années au Québec, si je comprends
bien, comme, ce qui est dans le Code civil, c'est le projet parental qui est le
plus important. Donc, quand on a parlé
de ça en 2002, quand on a parlé des familles homoparentales, le fait que,
comme, ce n'est pas comme... on ne fait pas une distinction, dans un couple lesbien, entre le parent biologique et
puis le parent qui est sa conjointe aussi, mais l'important, c'est que ces personnes ont décidé de fonder une
famille ensemble. Donc, ça, c'est vraiment, pour nous, le plus important.
Mais c'est sûr que la
société met une valeur sur la biologie aussi. Donc, c'est... on pense que,
comme, c'est sûr que, comme, ça peut avoir une influence aussi. Puis souvent,
dans le cas des couples hétéros, le côté génétique vient des deux parents d'intention, donc ça peut être le sperme de
monsieur puis l'ovule de sa conjointe et puis l'embryon qui est implanté
dans la femme porteuse. Donc, cette personne, on ne comprend pas pourquoi, si
c'est le projet parental... et puis de plus,
c'est, comme, dans la grande majorité des cas, elle n'a pas de lien génétique
avec l'enfant. Donc, pourquoi est-ce que ça... C'est, comme, on va
donner tout le pouvoir à cette personne qui a comme tout le temps pendant sa
grossesse de changer d'idée, mais elle ne l'a pas fait. Donc, soudainement,
comme, elle a tout le pouvoir.
M.
Jolin-Barrette : Bien, moi, je n'ai jamais accouché. Mais, lorsqu'une
personne accouche, au moment où elle vit ce moment-là aussi, tu sais, peut-être
que c'était son intention avant de remettre l'enfant, puis elle a fait la
convention notariée, et tout le kit, mais on veut laisser la possibilité aussi
à la personne qui a porté cet enfant-là de déterminer. Puis là, si en plus on
ajoute son bagage génétique, elle-même, là, elle se retrouve tout de même...
Mme Greenbaum
(Mona) : Oui, mais elle n'avait pas de projet parental. Et puis
pendant, comme, elle a été coachée par les intervenantes psychosociales, elle a
signé une entente, elle avait tout le temps pendant la grossesse de changer d'idée. Donc, à ce moment-là, si elle change d'idée soudainement, d'accord, elle peut aller
devant les tribunaux.
M. Jolin-Barrette : Mais donc vous, vous dites : Bien, mettons le fardeau sur la femme
qui vient d'accoucher.
Mme Greenbaum
(Mona) : Oui, exactement, parce que, pour nous, ce n'est pas dans
l'intérêt de l'enfant qu'une personne qui décide spontanément comme ça va avoir
tout le pouvoir. Elle n'avait pas de projet parental, puis c'est ça qui doit
vraiment primer, pour nous.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Juste une question. L'Ontario, eux, ils ont la
même disposition que nous, là, sauf qu'ils ne peuvent pas donner le
consentement avant le septième jour. Selon votre expérience, en Ontario, est-ce
que c'est fréquent que les mères porteuses refusent de donner leur
consentement?
Mme
Greenbaum (Mona) : Mais c'est sûr que, comme, la recherche nous dit
que, comme, ça arrive très, très, très rarement qu'une gestatrice va décider de
garder l'enfant. C'est vraiment, je pense, qu'il y a eu... Il n'y a pas eu des
cas comme ça au Canada. Mais, écoute, on pense que ça va créer beaucoup, comme
j'ai mentionné tantôt, ça va créer de l'anxiété, puis je ne vois pas pourquoi
on doit, comme, mettre cette situation où on encourage la chicane, l'anxiété,
le stress, quand ce n'est pas, comme, quelque chose qui existe dans la vraie
vie, ce n'est pas, comme... on ne voit pas beaucoup de cas comme ça, c'est
vraiment, vraiment rare que les gestatrices vont décider de garder l'enfant.
Donc, pourquoi mettre tout le pouvoir sur une personne qui n'a pas le projet
parental?
M.
Jolin-Barrette : Je voulais juste vous reposer une question là-dessus
parce que c'est vraiment sensible comme sujet : Vous ne trouvez pas que...
Supposons qu'on ne permet pas, là, à la mère porteuse de garder l'enfant, ça
fait vraiment plus une... comme si le corps de la femme n'était vraiment qu'un
véhicule, qu'un incubateur pour l'enfant. Parce que, tu sais, il y a
l'intention, tu sais, du projet parental, au départ, tout ça, il y a le
développement aussi, mais c'est comme si c'était plus une livraison, là, c'est
un peu dans ce sens-là, là, que...
Mme Greenbaum
(Mona) : Mais, moi, je ne le dirais pas comme ça, mais c'est sûr que
c'est une femme qui a décidé d'utiliser son corps pour aider une personne ou un
couple pour fonder une famille.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Sur la question de la rémunération, vous nous
invitez à faire pression sur le gouvernement fédéral pour permettre la
rémunération. Or, vous ne pensez pas que si on permet la rémunération, ça irait
justement à l'encontre de ce qu'on ne souhaite pas, que des personnes utilisent
ça, qui seraient peut-être dans une
situation de vulnérabilité pour dire : Bien, ça va me permettre de tirer
des revenus, puis que ça soit un mode de vie?
Mme Greenbaum
(Mona) : Pardon, je n'ai pas... excusez, je n'ai pas compris votre
question.
M.
Jolin-Barrette : J'ai dit : Si jamais, là, ça devenait rémunéré,
là, vous ne pensez pas que ça ferait en sorte qu'une certaine clientèle
vulnérable pourrait se servir de ça, justement, pour utiliser leur corps pour
tirer des revenus, puis que ça ferait en sorte que ça ne serait pas
nécessairement fait par altruisme?
Mme Greenbaum
(Mona) : Mais c'est... de ce que j'ai compris, en termes de la
recherche, c'est... il y a une combinaison des facteurs ou des motivations pour
les gestatrices. Donc, on n'est pas comme d'emblée complètement contre cette
idée de rémunération, parce qu'en fait il y a beaucoup de personnes dans la
société qui utilisent leur corps pour gagner de l'argent. Donc, tous les
travailleurs de construction utilisent leur corps aussi. Puis, si c'est un
souhait, comme, je ne dis pas que c'est nécessaire. Pour nous, notre position,
c'est que les dépenses de la gestatrice doivent être couvertes, et puis la
gestatrice ne doit pas se trouver dans une position où elle est plus pauvre
qu'elle était, comme, avant le début du projet de GPA.
Donc, on ne veut pas
qu'elle perde l'argent, mais comme si, à un moment, les législateurs au
fédéral, je sais qu'actuellement c'est un
crime, donc dans l'acte criminel, dans le Code criminel, mais si, à un
moment, ils décident que, oui, on peut payer une gestatrice, donc là, si
ça, c'est ce que les gestatrices veulent, donc peut-être ce ne sera pas une mauvaise chose. Je ne sais pas, mais, pour le
moment, comme, on a écouté le témoignage de Mme Picard, il y a un
ou deux jours, puis elle dit : Ce
n'était pas ça qu'elle cherchait, c'était comme : la motivation principale
est un acte altruiste, et puis elle
voulait juste être couverte pour ses dépenses. Donc, je crois que ça, c'est le point
de vue de la majorité des gestatrices.
• (20 h 40) •
M.
Jolin-Barrette : Mais ça, je suis d'accord, mais le projet de loi fait
déjà ça, fait déjà couvrir les dépenses, puis, exemple, le... si jamais il y a
une perte de revenus associée, ça peut être compensé également. Mais, si
c'était ouvert à rémunération, là, il pourrait y avoir des dérapages, puis ce
n'est pas la même chose que de travailler sur la construction, là. Tu sais, je
comprends que vous me dites : C'est l'utilisation du corps, là, puis eux
autres, c'est un marteau, puis c'est des couvreurs, puis...
Mme Greenbaum
(Mona) : Mais, dans certains pays, le travail du sexe est rémunéré, et
puis ça fait partie de leur législation, donc je vois un parallèle là. Mais ce
n'est pas ça qu'on suggère dans notre mémoire. Ce que nous, on a suggéré était
vraiment que, comme, la couverture des dépenses soit élargie, que ça couvre
aussi la période postnatale. Donc, c'est comme si, pour une raison ou une
autre, il y a une maladie ou la personne qui a accouché doit comme cesser de
travailler, donc, ça va être couvert. Parce qu'actuellement, je pense — et je
ne suis pas experte dans ça, mais... — je pense que les ententes
couvrent seulement juste la période jusqu'à l'accouchement, et puis après ça,
s'il y a des problèmes, bien, tant pis pour la personne qui a accouché.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Peut-être une dernière question avant de céder
la parole à mes collègues. Vous, vous êtes en faveur d'une grossesse préalable
avant un projet de gestation pour autrui.
Mme Greenbaum
(Mona) : Oui.
M.
Jolin-Barrette : Pourquoi?
Mme Greenbaum
(Mona) : Mais pour la raison que je pense que c'est comme... c'est
vraiment... une gestatrice entre dans un projet qui est compliqué. Et puis
c'est une chose de penser à qu'est-ce que ça veut dire d'être enceinte, d'accoucher, tout ça, en théorie, mais de vivre
actuellement l'expérience... Comme moi, je sais, comme, j'ai vécu cette
expérience deux fois, oui, je sais que, pour moi, je ne peux jamais être une
gestatrice, mais comme ma belle-soeur, par exemple, elle a eu trois enfants, et
puis elle a dit : Oui, je peux être gestatrice. Donc, elle sait ce que ça
veut dire. Mais une personne qui n'a jamais vécu ça, je ne sais pas, comme, ça
va être trop théorique, et puis la personne peut avoir, comme... ça peut être
trop bouleversant, on croit.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Je vous remercie grandement pour votre présence
en commission.
Le
Président (M. Bachand) : Merci, M. le
ministre. M. le député de Chapleau, pour 3 min 30 s.
M. Lévesque
(Chapleau) : Oui, merci beaucoup, M. le Président. Peut-être M. le
député de Saint-Jean aura peut-être une question par la suite, là. Mais,
Mme Marchand-Labelle, Mme Greenbaum, un plaisir de vous revoir, on
avait eu l'occasion d'échanger, là.
J'aimerais
vous amener sur la question de la pluriparenté, vous en aviez parlé, là. Il y a
plusieurs intervenants, je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de les
écouter, ils nous ont fait part de certaines craintes, certains risques, notamment en lien avec l'intérêt de l'enfant,
notamment s'il y avait de la discorde, puis, bon, il y a trois, quatre
parents qui tirent un peu sur la couverte. J'aimerais peut-être vous entendre. D'abord,
votre position par rapport à ça, puis sur ces enjeux-là spécifiquement, donc,
tout l'enjeu de la garde partagée, l'enjeu de l'exercice de l'autorité
parentale aussi, comment ça se fait, même lorsque ça va bien, il y en a, ça va
moins bien, face au tribunal. On a aussi le cas, là, actuellement, en Colombie-Britannique,
où est-ce qu'il y a une mère porteuse qui n'est même pas reconnue avec des droits, mais qui... l'enfant a actuellement quatre
ans, mais demande d'avoir accès ou d'avoir un certain... certains
droits. Donc, j'aimerais peut-être voir, là, par rapport... où vous vous situez
par rapport à tout ça.
Mme Greenbaum
(Mona) : Oui, elle voulait que sa filiation soit ajoutée après, oui.
M. Lévesque
(Chapleau) : ...pas spécifiquement sur ça, là, mais plus sur les
autres points aussi.
Mme Greenbaum
(Mona) : Oui, mais en général, comme j'ai entendu cet argument qu'il y
aurait trop de chicane, et puis que ça serait trop compliqué aussi... mais la
réalité, c'est que ces familles existent, donc ce n'est pas une
question est-ce qu'on va les permettre ou non. Ces familles sont déjà là.
Je dirais que les
personnes qui ont témoigné, comme, notamment, cet après-midi, c'est des
personnes qui travaillent, je pense, exclusivement avec des familles
biparentales, donc des familles avec deux parents. Donc, leur expérience, c'est
une expérience avec des couples qui se chicanent puis qu'il y a des divorces,
des séparations puis des recompositions. Donc, ça, c'est comme des situations
qui sont vraiment différentes d'une famille pluriparentale.
D'abord, les trois ou
quatre personnes qui sont dans ces familles ne sont pas dans une relation
conjugale, ils sont dans une relation parentale avec l'enfant. Donc, ce n'est
pas, comme, le même niveau émotif de la relation. Et puis, de plus, ces
personnes discutent beaucoup, beaucoup, beaucoup avant de, comme, fonder leur
famille parce qu'ils savent déjà que ça va être compliqué. Mais je sais que cet
après-midi Me Schirm a été posée la question sur, comme : Mais
qu'est-ce qui est arrivé dans les autres provinces? Est-ce qu'il y a des chicanes?
Mais là...
Une voix :
...
Mme Greenbaum
(Mona) : Oui, c'est ça. En Colombie-Britannique, cette loi existe
depuis 2013, donc ça fait comme déjà huit ans. Puis on n'a pas beaucoup de cas
où il y a eu des problèmes avec ces familles-là, beaucoup moins qu'avec les
familles biparentales. Mais la question, comme, de base, c'est vraiment :
Est-ce que ces enfants méritent d'être protégés comme les autres enfants au
Québec ou non? Puis, pour moi, je vois beaucoup de parallèles dans cette
situation qu'avec la situation qu'on a vécue en 2002 avec les familles
homoparentales. En 2002, on a dit : Une famille, c'est une mère et un
père. Et ça, c'est ce qu'on a entendu assez fréquemment dans cette période-là.
Et puis... mais nos familles étaient déjà là, puis là on dit : Là, une
famille, c'est deux parents. Mais ces familles sont là déjà, au Québec, ça
existe. Mais ces enfants, ils risquent de perdre, un enfant, l'accès à un
parent ou le soutien financier d'un parent aussi, donc c'est important que ces
enfants sont protégés. Parce qu'on dit, comme, j'ai entendu : On peut
donner les mêmes genres de droits que des grands-parents qui ont, comme, un
certain accès. Mais imagine que si ce parent est le parent principal dans la
vie de l'enfant, mais qu'il n'est pas légalement reconnu, cet enfant risque de
perdre, comme... on va le voir peut-être une fin de semaine chaque deux
semaines. Ce n'est pas suffisant. C'est important que ces familles soient
protégées. Et puis ça se fait dans d'autres provinces, donc je ne vois pas
pourquoi pas ici aussi. Si on veut...
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup.
Merci. Mme la députée de Westmount—Saint-Louis, s'il vous plaît.
Mme
Maccarone : Merci, M. le Président. Bonsoir, mesdames. Un plaisir de
vous avoir avec nous ce soir. Je veux continuer un peu avec le sujet de
pluriparentalité parce que, Ariane, j'ai aussi des questions pour toi, gêne-toi
pas. On a entendu... Vous l'avez adressé, Mona, un peu, avec Me Schirm qui
est venue, puis elle a dit : Mon Dieu, ça peut être compliqué, ça peut être trois maisons,
quatre maisons. Le ministre a fait un exposé de... ça peut être six
personnes : la femme porteuse, son mari, les parents d'intention et le
donateur de gènes biologiques. C'est-tu trop compliqué, une famille pluriparentale?
Mme Greenbaum
(Mona) : Mais d'abord, ce n'est pas ça qu'on voit sur le terrain, car
moi, je connais plusieurs familles pluriparentales. Ce n'est pas des familles à
six personnes, et puis des... comme un exponentiel nombre de parents, c'est des
familles de trois ou quatre parents, comme on voit dans d'autres provinces
canadiennes. Et c'est sûr que ces familles peuvent vivre des problèmes. C'est
sûr qu'ils pensent beaucoup avant de fonder leur famille, mais ils peuvent
quand même vivre des problèmes, et puis c'est exactement pour cette raison
qu'on doit mettre un encadrement légal autour de ces familles. Ce n'est pas
comme... On dit : Mais c'est compliqué, donc on ne va pas légiférer. C'est
exactement pour ça qu'on a besoin d'un encadrement.
Mme
Maccarone : Ça me fait penser qu'avant le changement des lois, en
2002, les enfants avec les familles homoparentales étaient discriminés. Alors,
n'ayant pas de la filiation avec le deuxième parent, ces enfants, parfois,
perdaient l'accès à leur parent non biologique et aussi le soutien financier de
ces parents dans le cas de séparation et de rupture difficile. Alors, dans la
situation des familles pluriparentales, pensez-vous que la même chose peut
arriver à un enfant? Et est-ce que c'est dans l'intérêt de l'enfant de ne pas
reconnaître légalement les parents concernés?
Mme Greenbaum
(Mona) : Mais, pour nous, évidemment, c'est essentiel que les parents,
les personnes sont reconnues complètement. Parce qu'on ne voit pas beaucoup de
chicanes dans cette communauté-là, parce que, comme j'ai mentionné, il y a
beaucoup de planification, c'est... Il y a énormément de planification avant de
fonder ces familles-là. Mais, quand même, des problèmes peuvent arriver, puis
c'est important, si on veut vraiment considérer l'enfant, c'est superimportant
que les parents soient reconnus.
Mme
Maccarone : Comment est-ce que c'est vu par la communauté, vos
membres, d'entendre le ministre dire que,
pour lui : Moi, ce que je reconnais, c'est les familles... c'est deux
parents, puis c'est ça? C'est vu comment, ça?
Mme Greenbaum
(Mona) : Mais c'est comme... ces familles se sentaient invisibilisées,
c'est sûr. Et puis je me souviens de ce «feeling», en 2002, pour les familles
homoparentales, quand on nous disait qu'une famille avec deux mères ou deux pères, ce n'est pas une
famille. Donc, c'était difficile, parce que c'est complètement
invisibilisant et un peu péjoratif, parce qu'eux autres c'est sûr qu'ils se
considèrent comme familles.
Mme
Maccarone : Ariane, vous avez mentionné un peu dans vos remarques la
notion de parent. Peut-être vous pouvez renchérir un peu, parce qu'on sait que
dans le projet de loi n° 2, actuellement, «parent» est maintenant accessible, mais uniquement pour la communauté des
personnes trans et non binaires. Ça fait que pouvez-vous élaborer un peu
sur l'impact de ceci?
• (20 h 50) •
Mme
Marchand-Labelle (Ariane) : Certainement. Bien, en fait, c'est simple,
là, quand on crée une nouvelle catégorie qui n'est réservée qu'à un type de
population, bien, nécessairement, ça crée un coming out non volontaire.
Donc, pour nous, c'est sûr que c'est... le ministre a déjà dit que ce n'était
pas son intention de faire des coming out, mais garder cette situation-là,
bien, c'est obliger un coming out, au final, parce que tout le monde le
saura très bien que, si ce n'est pas écrit «père» ou «mère», bien, c'est parce
que c'est une personne trans qui l'a demandé, c'est une personne non binaire
qui l'a demandé.
Puis
on pense aussi qu'il y a des personnes qui ne sont pas trans qui voudraient
avoir la mention de «parent», par souci
d'équité dans un couple hétérosexuel, parce
qu'un parent est féministe et trouve que d'être... ou parce qu'une mère trouve
que le titre de mère a une certaine lourdeur dans notre société. Donc, on pense vraiment que le... être parent,
bien, c'est pour tout le monde, ça doit juste être une option. Puis je
ne vois pas non plus de grande complication, là, pour offrir cette option-là.
Si on peut déjà choisir «père», «mère», pourquoi on ne peut pas choisir
«parent»? Puis pourquoi il faudrait qu'il y ait des conditions à ça, en fait?
Mme
Maccarone : Vous mentionnez, dans votre mémoire, le numéro 5, «la
timidité des nouvelles dispositions concernant la reconnaissance des liens de
filiation». Puis je sais qu'on discute... on dispute, dans le fond, beaucoup de
pluriparentalité, mais vous mentionnez aussi les mentions parentales, gestation
pour autrui. Peut-être vous pouvez renchérir un peu là-dessus.
Mme Greenbaum
(Mona) : Mais sur, comme, la timidité de ça?
Mme
Maccarone : C'est dans le mémoire du conseil québécois, c'est le point
n° 5, «la timidité des nouvelles dispositions».
Mme Greenbaum
(Mona) : Parce qu'on a deux mémoires.
Mme
Marchand-Labelle (Ariane) : Oui, c'est ça.
Mme Maccarone :
Oui, tout à fait. Honnêtement, c'était injuste de mettre ces deux groupes
ensemble, ils auraient dû avoir chacun leur temps. On n'a pas assez de temps
entre nous, 10 minutes, cinq chaque, c'est... écoute, c'est impardonnable,
pour vrai.
Mme Marchand-Labelle (Ariane) : Mais
grosso modo, en fait, nous, on pense, puis c'est ça que je disais au début,
qu'on est dans une société, on a une population au Québec ouverte, tolérante
qui veut qu'on soit des leaders puis qui veut qu'on aille de l'avant avec des
idées innovantes dans les dossiers LGBT, puis, à notre avis, c'est très
minimal, tu sais, ce qu'on nous offre. Je pense qu'on peut aller plus loin que
ça. Je pense qu'il n'y a pas d'opposition, en fait, à aller plus loin que ça.
Puis je pense que les populations qu'on représente, dans le fond, elles ont
droit aux mêmes droits que tout le monde, là. Puis je pense que c'est des
valeurs communes au Québec, en fait, là, je ne pense même pas que c'est sujet à
débat, en fait. Puis que ce soit pour la pluriparentalité, ou pour la gestation
pour autrui, ou pour reconnaître les personnes trans, les personnes intersexes,
je veux dire, on n'arrête pas de parler de l'autonomie des femmes qui portent
des enfants. Bien, l'autonomie des personnes trans, l'autonomie des personnes
non binaires, l'autonomie des personnes intersexes aussi, c'est tout aussi
important. Puis je ne comprends pas vraiment pourquoi il y a autant de cerceaux
dans lesquels il faut passer lorsqu'on est une personne trans, une personne non
binaire, une personne intersexe, puisqu'on reconnaît, tout le monde,
l'autonomie au corps de la femme.
Mme Maccarone : Parce qu'il y a déjà
assez de barrières, on le sait...
Mme Marchand-Labelle (Ariane) :
Absolument.
Mme Maccarone : ...pour les gens
dans la communauté. Parlons-nous un peu de l'impact sur vos deux organismes
suite au dépôt du projet de loi n° 2. Parce que je présume que, un, vous
avez... déjà vous avez des défis, puis ils ont dû exploser.
Mme Greenbaum (Mona) : Mais, pour
nous, c'est sûr que tout le côté de l'encadrement légal de la GPA, c'est une
très bonne nouvelle. Donc, on est très, très, très... On attend ça depuis
beaucoup d'années, donc c'est une excellente nouvelle. Et puis, pour nous, on
voit ça comme une opportunité, comme on a mentionné à plusieurs reprises, une
réforme du droit familial, ça ne vient pas fréquemment. Puis moi, je suis
comme... je suis vieille, je suis une vieille militante, j'étais là en 2002,
comme quand on a eu les droits pour les familles homoparentales, et puis à ce
moment-là le Québec était la place la plus avancée au monde pour les familles
LGBT. Puis je vois ici comme une opportunité, puis les membres de mon organisme
voient cette opportunité qu'on peut être plus progressiste que d'autres places
dans le monde et puis qu'on n'est pas comme... on redevient leaders dans ça.
Donc, c'est exactement ça, c'est notre souhait que, comme... oui, comme, il y a
déjà d'autres... Je ne veux pas, comme, comparer tout le temps avec d'autres
provinces, mais il y en a, d'autres provinces, qui font des choses qui sont
plus progressistes, et puis je pense que, ça, c'est notre opportunité, puis
j'espère qu'on peut la prendre.
Mme Maccarone : On a entendu la
CDPDJ en commission, qui a parlé des personnes mineures de 14 ans et plus, puis l'exigence de fournir une lettre d'une
personne appartenant à une profession désignée attestant que le
changement était approprié, puis ils
dénoncent ceci parce que... Maintenant, la loi est ouverte, alors devons-nous enlever
ce critère?
Mme Marchand-Labelle (Ariane) :
Selon nous, oui. On pense que les enfants du même âge qui ne sont pas des
personnes trans, qui font d'autres choix, hein, pour leur santé, on leur donne
cette possibilité-là de le faire sans le consentement parental, ou d'autres
choix, là, médicaux, et tout ça, prendre la pilule, des choses comme ça. Donc,
nous, on ne comprend pas pourquoi c'est bon pour les autres enfants, mais les
personnes trans, elles, on remet en doute leur propre jugement sur elles-mêmes.
Donc, finalement, on les infantilise ou on considère qu'elles n'ont pas de
libre arbitre comme les autres. Est-ce que c'est positif de pouvoir compter...
Bien sûr, encore faut-il qu'elles soient disponibles, ce qui n'est pas le cas
partout au Québec. C'est très difficile d'avoir accès à des soins avec des
personnes qui connaissent ces enjeux-là, c'est vraiment difficile, surtout si
on n'est pas à Montréal, là, c'est vraiment compliqué. Et, je pense, Séré vous
en a parlé hier, mais c'est vrai dans toutes les régions du Québec.
Mme Maccarone : On a entendu Janik
Bastien Charlebois aussi en commission, elle a parlé de beaucoup de discussions
en ce qui concerne les personnes intersexes. Puis elle, elle a dit que son
souhait sur, mettons, les pièces d'identité ou l'acte de naissance, c'est que
les parents choisissent un sexe, parce que la mention «d'indéterminé», ce n'est
pas ça qu'il faut. Êtes-vous d'avis que c'est une bonne recommandation? Vous
supportez cette décision de dire aux parents de faire un choix? Puis est-ce que
c'est aux parents de faire ce choix de M ou F, jusqu'à tant que l'enfant est à
l'âge où on peut déterminer un sexe qui est plus approprié?
Mme Marchand-Labelle (Ariane) : Oui,
tout à fait. Je pense que c'est aux... les parents peuvent faire le choix,
évidemment, en discutant avec le personnel médical. Je pense aussi qu'il y a
une réalité, c'est qu'il manque de soutien pour ces parents-là. Ils ont un
docteur à qui ils peuvent parler, docteur qui n'est pas nécessairement un grand
expert non plus du sujet. Il manque du soutien pour comprendre vraiment cette
réalité-là dans son ensemble, pour faire ce
choix-là mais aussi pour accompagner l'enfant par la suite. Parce que
l'important, c'est de garder l'ouverture, en fait, que son enfant peut
évoluer d'une façon qu'on n'a pas nécessairement prévue. C'est ça qui est le
plus important. La
réalité, c'est que, bon, ce qui va être mis sur l'acte de naissance, c'est
d'une importance un peu secondaire, comparé à comment le parent va être
capable par la suite d'accueillir son enfant tel qu'il est. C'est ça qui va
avoir le plus d'impact, tu sais, puis, évidemment, le fait que son enfant n'ait
pas subi de chirurgie non consentie, bébé, là.
Mais effectivement,
sur l'acte de naissance, sur le certificat de naissance, le parent peut choisir
en concertation avec le docteur. On pense qu'il n'y a pas de problème, en
autant que les parents peuvent être bien outillés avec ça et qu'ils ne soient
pas seuls ou dans une dynamique de pouvoir avec un docteur qui veut pousser
beaucoup pour une idée, tu sais, il faut qu'il y ait... c'est pour ça qu'il
faut qu'il y ait un soutien aussi, là.
Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques, s'il vous plaît.
Mme Massé :
Merci, M. le Président. Bonsoir, mesdames. Je n'ai que deux minutes «ish».
Alors, allons droit au but. Ariane, tu as
parlé de la question de l'altération, la mention de l'altération. Si tu pouvais
prendre 15 secondes pour dire pourquoi c'est si important de ne pas
aller de ce côté-là. Et Mona, tu as dit : C'est une opportunité d'être les
plus progressistes au monde, comme nous l'avions été en 2002. Est-ce que, pour
toi, ça veut dire qu'il faut absolument inclure la pluriparentalité dans ce
projet-là? Alors, divisez-vous ça dans la minute «ish» qu'il reste.
Mme
Marchand-Labelle (Ariane) : C'est bon. Merci. Oui, donc, en fait, le
fait que sur des papiers comme le certificat de naissance, on mentionne qu'il y
a eu altération, c'est en quelque sorte une forme, encore une fois, de
coming out non consenti, puisque, bien, les gens, ils vont bien voir, il y
a eu altération, ça veut dire qu'il y a eu un changement de nom ou de sexe.
Puis aussi, ça signifie, là, que ce certificat-là est de moins grande valeur,
là, d'un point de vue juridique, légal. En 15 secondes.
Mme Greenbaum
(Mona) : Mais évidemment que, pour nous, on veut comme encore être le
leader mondial, parce que le Québec a vraiment... on a avancé beaucoup à
travers les années, puis on veut continuer à être leader dans ça. Puis
l'inclusion des familles pluriparentales, c'est nécessaire. On a dit qu'on veut
comme une réforme du droit familial qui reflète la réalité de ce qu'on vit au
Québec, et puis ces familles sont là, donc il ne faut pas les oublier.
Le
Président (M. Bachand) : Il vous reste du temps, Mme la députée
de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
Mme Massé :
Merci. Bien, en fait, peut-être juste dire qu'effectivement, quand on n'existe
pas dans la loi, et d'ailleurs, quand on dit la mention M, F, parent, mère,
père, il y a maintenant mère-mère, père-père. Alors, voilà.
Mme Greenbaum
(Mona) : Oui. Mais c'est important pour les protections, mais, en
effet, c'est très important symboliquement aussi. Comme ça a changé tellement
pour nous à travers les années, le fait que, oui, on a eu des droits, des
responsabilités avec ça aussi, mais, comme, nos familles sont beaucoup moins
discriminées aussi maintenant parce qu'elles sont comme reconnues dans le Code
civil. Ça, c'est très important.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de
Joliette, s'il vous plaît.
• (21 heures) •
Mme Hivon :
Oui. Bonjour à vous deux. Merci beaucoup de vos présentations. Puis depuis
tantôt vous parlez de 2002, donc je veux juste saluer Paul Bégin, parce
que je dois dire que comme ministre de la Justice, à l'époque, il était
extrêmement progressiste, l'union civile entre conjoints de même sexe, puis
tout ça. Donc, petite minute chauvine, j'ai eu la chance de le côtoyer, donc je
veux juste lui rendre hommage, parce que c'est vrai qu'on a franchi des pas de
géant. J'espère qu'on va en franchir d'autres avec cette réforme.
Je veux continuer sur
la pluriparentalité. J'aimerais ça que vous nous donniez des exemples les plus
concrets, les cas les plus concrets qui font que c'est en train de se
normaliser, donc, ce que vous avez en tête quand vous dites : Si on
comprenait bien les cas concrets, on ne serait pas dans tous ces
questionnements-là.
Mme Greenbaum (Mona) : Oui, c'est intéressant parce qu'en fait beaucoup
de gens associent la pluriparentalité
avec la communauté LGBT, mais ça existe dans le monde hétérosexuel, ces
gens, aussi, donc, il y en a.
Mais il y a une
famille qui était dans les journaux il y a quelques semaines. C'est un couple
hétéro dont la femme a eu une chimiothérapie quand elle était dans sa
vingtaine, et donc qui l'a rendue infertile. Et puis donc c'est un couple
hétéro, puis leur meilleure amie qui est aussi hétéro, qui est rendue à 37,
38 ans, puis elle venait juste de, comme, casser avec son chum, puis c'est
des amis, donc, et puis ils ont décidé : O.K., ça, c'est notre chance,
donc on va fonder une famille ensemble. Et puis donc c'était le sperme de
l'homme et puis l'amie, leur meilleure amie, qui a porté l'enfant avec ses
propres ovules. Et cette famille-là a décidé de mettre les deux femmes sur
l'acte de naissance.
Donc, le père
biologique, qui est aussi le parent social, qui est très impliqué dans la vie
de l'enfant, n'est pas reconnu légalement. Donc, si jamais il y a un problème,
supposons, entre ce couple-là, puis ce couple se sépare, et puis les deux amies femmes décident : Non, on
ne veut pas l'avoir dans notre vie... Donc, il va couper complètement...
il va... à côté complètement. L'enfant va perdre son parent social, mais aussi
son parent biologique.
Mme Hivon :
Bien, en tout cas, il n'y aurait pas d'entente puis que...
Mme Greenbaum
(Mona) : Oui, mais il n'est pas, actuellement, reconnu légalement.
Mais c'est sûr, dans la communauté LGBT, aussi, ça existe. Il y a comme des
cas, des couples de lesbiennes, par exemple, avec un donneur connu qui n'est pas juste un donneur. Parfois,
c'est juste un donneur, mais, dans d'autres situations, c'est un père. Et
puis, souvent, c'est le couple lesbien qui
met leur nom sur l'acte de naissance, puis le père n'a aucun droit ni
responsabilité.
Mme Hivon : Puis, quand on entend
comme d'avoir cinq parents, six parents, huit parents, je comprends que ce
n'est pas la réalité, mais est-ce que vous dites : De toute façon, on
mettrait une limite? Est-ce que c'est quelque chose qui est encadré?
Mme Greenbaum (Mona) : Oui, mais, je
pense, en Saskatchewan et puis en Ontario, on met la limite à quatre parents.
Et puis, sur le... J'ai inclus ça à la fin de notre mémoire en annexe, mais,
dans le formulaire pour la déclaration de «live birth», il y a, comme, place
pour, comme, «mère», «père», «parent» quatre fois. Alors, ça, ça marche. Je
pense que, plus que ça, peut-être, on peut avoir des parents sociaux, mais ce
n'est pas... On ne voit pas beaucoup... Moi, je n'ai jamais rencontré un cas de
cinq parents.
Mme
Hivon : O.K.,
merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Sur ce, merci beaucoup
d'avoir été avec nous en cette belle soirée.
Alors, je suspends les travaux quelques instants
pour accueillir nos autres invités. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 21 h 04)
(Reprise à 21 h 12)
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend
ses travaux. Alors, il nous fait plaisir d'accueillir les représentantes du
Barreau du Québec. Alors, merci beaucoup d'être... de passer un bout de veillée
avec nous. C'est très apprécié. On apprécie votre générosité. Alors, je vous
demanderais, d'abord, Mme la bâtonnière, de vous présenter et de présenter les
gens qui vous accompagnent. Après ça, vous avez 10 minutes de présentation. Et, comme vous le savez, on aura un
échange après ça avec les membres de la commission. Donc, Me Claveau,
s'il vous plaît.
Barreau du Québec
Mme Claveau (Catherine) : Merci, M.
le Président. Alors, je me présente. Je suis Catherine Claveau, bâtonnière du Québec. Je suis accompagnée
aujourd'hui de Me Marie-Hélène Dubé, Me Régine Tremblay et Me Ana
Victoria Aguerre, qui sont toutes des avocates et membres de notre groupe de
travail sur le projet de loi n° 2.
Alors, le Barreau du Québec vous remercie de
nous avoir invitées à participer aux consultations particulières entourant ce projet de loi tout aussi important
qu'attendu par la société québécoise. C'est avec beaucoup d'enthousiasme
que nous vous présentons notre mémoire qui couvre la quasi-totalité des sujets
abordés par le projet de loi.
Cependant, compte tenu des délais impartis pour
mener à terme l'étude des modifications proposées, nous nous réservons
l'opportunité d'émettre des commentaires supplémentaires en lien avec les
sujets qui nous amènent devant vous aujourd'hui. Quant à la question de la
conjugalité qui a été évacuée de la présente réforme, nous comprenons qu'un
second projet de loi traitant de cette importante question sera présenté dans
les prochains mois, du moins, nous l'espérons.
Le projet de loi n° 2 comprend tout de même
des modifications qui témoignent de l'intention du législateur de vouloir
moderniser le droit québécois de la famille en faveur des parents conjoints de
fait. Nous saluons également l'intention louable visant à rendre plus inclusive
la rédaction de plusieurs textes de loi afin de tenir compte des différentes
réalités de sexe, de genre, ainsi qu'une meilleure représentation des femmes et
des personnes non binaires dans les textes législatifs.
Le Barreau tient toutefois à attirer votre
attention sur certains enjeux soulevés par ce projet de loi. Compte tenu de
l'heure tardive, je m'en tiendrai aux éléments qui nous semblent les plus problématiques.
Tout d'abord, en matière d'autorité parentale,
nous sommes d'avis que le législateur aurait pu aller plus loin que de
simplement reconnaître la possibilité, pour un enfant et son beau-parent, de
maintenir des liens significatifs. Nous estimons que le projet de loi aurait dû
reconnaître à cette personne des droits et des obligations à l'égard de
l'enfant, dont une obligation alimentaire à son endroit, à l'instar du régime
in loco parentis, qui est déjà prévu dans la Loi sur le divorce. Ce régime
s'inscrit davantage dans une optique de protection de l'enfant et de ses
intérêts. Nous suggérons donc de prévoir une disposition dans le projet de loi
à cet effet.
Nous remettons également en question la
proposition de créer un mécanisme parallèle à la voie judiciaire qui
permettrait de constater la présence de violence conjugale, ce qui accorderait
à un seul parent l'exercice de l'autorité parentale à l'égard de son enfant
afin qu'il reçoive des soins de santé ou des services sociaux. Nous comprenons
très bien les objectifs poursuivis par cette modification.
Cependant,
nous nous interrogeons sur l'encadrement de ce nouveau pouvoir accordé à un
fonctionnaire désigné, sur l'usage qui pourra être fait de cette
déclaration, sur sa valeur probante et sur la possibilité de s'y opposer, si
cette possibilité existe. À notre avis, l'ajout d'un
pouvoir permettant aux juges de retirer un ou des attributs de l'autorité
parentale, dans les cas où la violence familiale est constatée, est suffisant
pour pallier la problématique que le législateur cherche à régler. Nous
suggérons donc de retirer l'article 603.1 du Code civil proposé par le
projet de loi.
En matière de filiation, le Barreau est
préoccupé par l'ajout dans le Code civil de la définition de l'enfant conçu
mais non encore né, qui a été intégrée dans un chapitre intitulé «Du respect
des droits de l'enfant», lui-même inclus dans un titre qui s'intitule «De
certains droits de la personnalité».
La définition proposée crée une fiction
juridique qui se distancie de la décision de la Cour suprême dans Tremblay c.
Daigle. Dans cet arrêt, la cour établit que seul l'enfant né vivant et viable,
c'est-à-dire celui qui a une vie totalement indépendante de celle de sa mère,
peut avoir une personnalité juridique. Si la définition de l'enfant conçu mais
non encore né ne change pas le fait que seul l'enfant né vivant et viable est
sujet de droit, la définition proposée vient concrétiser qu'il est, à tout le
moins, objet de droit. En outre, ce statut repose exclusivement sur le fait que
la personne qui le porte est enceinte, impliquant de facto le corps de cette
dernière et, ultimement, des enjeux relatifs à la liberté de sa personne et de
son intégrité physique.
Nous suggérons donc de retirer
l'article 34.1 du Code civil du Québec proposé par le projet de loi. Nous
nous inquiétons, donc, des impacts découlant de l'application d'une telle
définition, a fortiori dans un contexte où celle-ci est introduite
conjointement aux nouvelles règles applicables à la gestation pour autrui.
Ainsi, une convention pourrait-elle avoir pour effet... pour objet l'enfant
conçu mais non encore né, et donc imposer des obligations ou restrictions
contraignantes à la personne qui est enceinte, et ce, contrairement à son droit
à la liberté de sa personne? À ce chapitre, nous avons également quelques
préoccupations en lien avec le nouveau régime de gestation pour autrui proposé
par le projet de loi.
D'abord, nous saluons l'introduction d'un régime
juridique encadrant la gestion pour autrui par voie conventionnelle. Toutefois,
nous croyons que, si la convention de gestation pour autrui est une excellente
mesure de sauvegarde pour la protection des parties, elle ne doit toutefois pas
constituer un passage obligatoire à l'application d'un droit en cette matière,
auquel cas les parties et enfants nés de contrats verbaux ne pourraient pas
bénéficier des protections qui sont prévues dans le projet de loi.
Or, on peut présumer que, justement, ce sont les
personnes les plus vulnérables de la société qui, pour des raisons financières,
notamment, refuseront d'officialiser le projet de gestation pour autrui par
convention écrite. Ainsi, la convention deviendrait essentiellement... devrait
essentiellement se résumer à un document émis par l'État détaillant les droits
et obligations des parties, tel que prévu au Code civil et à la Charte des
droits et libertés de la personne. Ce document inclurait également une liste de
clauses interdites dans une telle convention.
De plus, nous croyons que la meilleure façon de
pallier à la marchandisation de l'enfant et à la commercialisation du corps de
la femme est de s'assurer que toutes les parties soient bien informées de leurs
droits et obligations respectifs. Ainsi, si la voie contractuelle doit être
favorisée, nous suggérons également que le projet de loi prévoit l'exigence
d'un avis juridique indépendant. Actuellement, le projet de loi n'exige pas une
telle mesure et propose simplement que les
parties fassent la convention ensemble par acte notarié. Ce faisant, le projet
de loi semble conclure à l'absence de
contentieux du fait que ces parties partagent une intention commune de mener à
terme le projet parental établi par les parents d'intention.
Nous sommes d'avis qu'en assimilant ainsi les
droits et intérêts de la personne qui donnera naissance à l'enfant à ceux des
parents d'intention le projet de loi escamote les besoins spécifiques et même
souvent opposés de la personne qui donnera naissance à l'enfant. Cela nous
semble discutable, particulièrement dans les cas où cette personne est
susceptible de se retrouver dans une situation de vulnérabilité. C'est pourquoi
nous proposons que l'obtention de conseils
prodigués par des conseillers juridiques indépendants pour chacune des parties
à la convention est le meilleur, sinon le seul moyen de protéger chacune
des personnes impliquées.
• (21 h 20) •
Dans le même ordre d'idées, je tiens à souligner
le rôle plutôt discret que la réforme accorde aux avocats en ce qui concerne la
convention de gestation pour autrui. J'invite le législateur à reconsidérer ce
rôle, particulièrement pour ce qui est des règles prévues au projet de loi
relatives à l'obtention du consentement de la personne qui portera l'enfant,
l'avis de retrait de ce consentement, la conservation des sommes d'argent liées
à la gestation pour autrui dans un compte en fidéicommis et autres procédures
actuellement dévolues au notaire.
Les membres du Barreau sont non seulement
outillés pour éclairer les parties dans une convention de gestation pour
autrui, mais ils sont aussi formés pour déceler en temps opportun les litiges
potentiels entre les parties avant même qu'ils ne se cristallisent. Les avocats
doivent être considérés comme des véritables partenaires du législateur dans la mise en oeuvre de la réforme
proposée et pourraient, à notre avis, être davantage mis à contribution
au niveau des opérations juridiques liées au nouveau régime de gestation pour
autrui.
Ainsi, s'il
est un message qu'il faut retenir aujourd'hui, c'est le suivant. Nous croyons
que l'avocat doit avoir un rôle plus
important que celui prévu dans le projet de loi actuel sur les trois aspects
suivants du projet de gestation pour autrui.
Premièrement, à titre de conseiller juridique,
l'avocat a un rôle à jouer dans l'établissement du contrat de gestation pour
autrui afin de protéger les personnes les plus vulnérables. Deuxièmement, grâce
à sa formation professionnelle, il est, lui aussi, bien placé pour conseiller
les parties, soit les parents d'intention et la mère porteuse, dont les
intérêts sont parfois divergents lors de l'établissement de la convention de
gestation. Enfin, son expérience pratique,
notamment en litige, lui permet de jouer un rôle dans les différentes étapes du
projet afin d'aviser les parties des enjeux potentiels et ainsi réduire
les risques de complications futures.
Je
termine en vous invitant à prendre connaissance de notre rapport, si ce n'est
déjà fait, qui contient plusieurs autres
commentaires et réflexions, notamment en matière de filiation, de droit aux
origines, de reconnaissance d'identité de genre et
de respect du droit à la vie privée à l'égard de cette identité. Je vous
remercie encore une fois pour votre invitation, et nous sommes maintenant prêts
à recevoir vos questions.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup,
maître. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui, merci, M. le
Président. Mme la bâtonnière, Me Claveau, Me Aguerre, Me Tremblay, Me
Dubé, bonjour. Merci d'être là. Je n'ai oublié personne? Non, O.K., parfait.
Une voix :
...
M.
Jolin-Barrette : Bien, c'est ça, parce que nous, on voit le duplex,
puis je suis à l'écran aussi, puis il est tard, donc.
Bon, parlons, si vous
voulez bien, de 34.1, relativement, là, à l'enfant conçu. L'objectif de la
disposition, ce n'est vraiment pas de rouvrir le débat de Daigle contre
Tremblay, ce n'est vraiment pas de remettre en question le droit à
l'avortement, tout ça, loin de là, je vous en assure. Et on a eu la discussion
tout à l'heure, là, avec l'association des avocats en droit familial. Donc, à
l'article 3 du projet de loi, 34.1,la disposition, elle est là pour faire
en sorte qu'en matière de gestation pour autrui l'embryon qui est congelé puis
qui est placé dans la voûte, si je peux dire, et que madame... monsieur décède
et madame, 10 ans plus tard, décide de se faire inséminer, et un enfant
naît de ce don de gamètes, de ce don de
sperme là, qui était devenu la propriété de madame... C'est au niveau,
notamment, de la stabilité des successions aussi. Donc, il ne deviendrait pas
un héritier 10 ans plus tard, alors que la succession, elle est fermée
depuis plusieurs années.
Donc, ce que ça fait,
c'est que, si madame était enceinte au moment du décès de monsieur, dans le
fond, l'enfant pourra hériter suite à la grossesse, mais il faut trouver un
mécanisme, au niveau de la stabilité des successions, rattaché au fait que,
scientifiquement, désormais... Et, quand j'ai visité les cliniques de
fertilité, là, on me disait, même, il y a...
Dans certains endroits au Canada, il y a du sperme de conservé depuis
50 ans. Alors, les nouvelles technologies nous amènent là. Alors je
comprends que, tout à l'heure, on nous a dit : Il n'est peut-être pas
placé au bon endroit dans le bon livre. Qu'est-ce que vous en pensez?
Mme Claveau
(Catherine) : Je vais laisser Me Dubé répondre à votre question.
Mme Dubé
(Marie-Hélène) : En fait, j'en pense, M. le ministre, qu'effectivement
il serait préférable d'exprimer ces préoccupations dans le cadre de l'article
617. Comme on l'a indiqué dans notre mémoire, le fait que cette disposition se
trouve là où elle se trouve suscite des préoccupations. Puis merci de nous
avoir éclairées quant à vos intentions. Ça nous rassure, mais une chose est
certaine, c'est que l'article 617, s'il doit être modifié, devrait prendre
également en considération le moment où une personne devient enceinte, et
j'aimerais que Me Tremblay vous fasse part de ses réflexions à ce sujet.
Mme Tremblay
(Régine) : Merci. En fait, du moment où une personne peut être
enceinte, il y a un certain flou au niveau de, d'abord, est-ce que ce sera
l'intention ou le fait biologique? Puis on peut aussi soulever que,
dépendamment des manières de procréer, le moment où une femme sera enceinte
sera différent. En effet, dans l'hypothèse d'une relation sexuelle, le moment
sera le premier jour suivant les dernières règles. Si c'est une insémination
intra-utérine, donc, une insémination par le sperme, le moment sera la journée
de la procédure, la journée de l'implantation. Par contre, si on fait un
transfert d'embryon, une fécondation in vitro, l'embryon pourra être transféré
à trois ou cinq jours de vie. Donc, ne serait ce qu'à ce moment-là il y a
des... peut-être d'ajustements ou des réflexions à avoir sur qu'est-ce que ça
veut dire, «enceinte», selon les différents scénarios, puis au... Merci.
M.
Jolin-Barrette : Mais vous êtes d'accord avec moi que ça prend une
solution pour couvrir, dans le fond, les embryons qui sont congelés durant
plusieurs années, là.
Mme Tremblay
(Régine) : Je pense que le Barreau est d'accord avec vous sur cette
question. En matière de droit comparé, on peut aussi explorer d'autres avenues,
puis on pourra vous faire parvenir des détails à ce sujet, mais certaines
juridictions vont favoriser un avis à la succession. Donc, ça permet une
certitude au niveau de l'établissement de la succession. Évidemment...
M.
Jolin-Barrette : Mais, juste là-dessus, l'avis à la succession, là,
c'est parce que, tu sais, exemple, là, quand ils font congeler du sperme, là,
ou des embryons, là, il y en a pas mal, là. Ça fait que ce que je veux dire,
c'est que, tu sais, s'il y a eu plusieurs
prélèvements, ils m'expliquaient ça, là, ils peuvent en congeler beaucoup.
Donc, s'il y a différentes implantations, ils vont-tu faire un avis à la
succession à chaque fois? Tu sais, ce que je veux dire, c'est que ça peut
s'étirer sur vraiment plusieurs années.
Mme Tremblay
(Régine) : Je pense qu'on pourrait vous revenir si vous voulez une
réponse plus détaillée en droit comparé sur les avis de succession, mais je
pense que l'idée est d'annoncer, pour que la succession sache dans un certain
délai, qu'il pourrait y avoir des enfants qui vont hériter qui sont
présentement non conçus. Merci.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Peut-être une question sur l'encadrement de la
gestation pour autrui. Relativement aux huit... 30 jours, là, qu'on a
prévus relativement au consentement de la mère porteuse, dans le fond, de
consentir à l'exécution du projet parental, nous, on a construit le projet de
loi pour... de façon à faire en sorte de protéger les intérêts de l'enfant,
mais également ceux de la mère porteuse. Là, le Barreau dit :
30 jours, c'est un peu long. C'est ce que je comprends?
Mme
Claveau (Catherine) :
Effectivement. Me Tremblay va pouvoir vous donner d'autres détails par rapport
à ça.
Mme Tremblay (Régine) : Donc, le
Barreau, d'abord, aimerait maintenir le principe de sept jours par précaution,
mais, comme vous l'avez dit, en effet, trouve que le 30 jours peut être
long. On comprend que les parties ont des
intérêts qui pourraient être divergents, que ça amène de l'insécurité pour les
parents d'intention et aussi peut-être des remises en question pour la
femme ou la personne qui portera l'enfant. On aimerait inviter le législateur à
pousser davantage la réflexion. À notre connaissance, et nous aimerions vous
référer à l'annexe 2 de notre mémoire, nous sommes les seuls au Canada à
imposer dans le texte de la loi principale un délai de 30 jours, ce qui
pourrait envoyer des messages contradictoires sur des enjeux qui sont réglés
ailleurs.
Par ailleurs, nous aimerions attirer à votre
attention qu'il pourrait y avoir un problème pratique, donc, je suis à la page 19 de notre mémoire, donc, un
problème pratique de cohérence avec le délai de déclaration au Code civil
du Québec en vertu de l'article 113,
qui est un délai de 30 jours. Donc, c'est pour ça. Donc, il y a un aspect
pratique, puis un aspect plus
complexe, puis on invite le législateur à pousser davantage la réflexion sur
l'exigence d'un délai de 30 jours.
• (21 h 30) •
M. Jolin-Barrette : O.K. Une
question relativement, là, à 603,1. Vous soulevez des questionnements sur la
mécanique relativement... 603.1, là, c'est pour faire en sorte que, désormais,
qu'un seul parent puisse consentir à des soins pour l'enfant lorsqu'il y a
présence de violence familiale. Pour ce faire, on s'est inspirés de la même
façon, supposons, pour résilier le bail de logement, qu'un officier public,
dans le fond, désigné puisse constater qu'effectivement il y a violence
familiale. Puis, dans ces cas-là, les règles du code s'appliquent, là, je
pense, c'est 1974.1, pour résilier le bail, pour que, souvent, madame puisse
quitter le bail... en fait, puisse casser son bail puis quitter. Vous
dites : Écoutez, nous, on a peut-être des enjeux avec ça, là, au niveau de
la mécanique, là. J'aimerais ça savoir que sont les enjeux puis qu'est-ce que
vous proposez.
Mme Claveau (Catherine) :
Certainement. Me Dubé va pouvoir répondre à cette question.
Mme Dubé (Marie-Hélène) : À notre
avis, on ne peut pas comparer la procédure de résiliation de bail locatif avec
le retrait d'un attribut de l'autorité parentale pour un enfant. Le problème
provient tout particulièrement du fait que,
dans l'appréciation faite par les tribunaux de l'intérêt de l'enfant, menant
ultimement au retrait d'un attribut de l'autorité parentale ou même à la
déchéance complète de l'autorité parentale, on prendrait en considération la
violence familiale.
Nous craignons que l'attestation prévue à 603.1
soit utilisée, dans la pratique, pour se substituer à la réflexion que le
tribunal devra avoir en lien avec l'exercice de l'autorité parentale. Cette
déclaration, qui est prévue à 603.1, constituerait un commencement de preuve
qui pourrait avoir des conséquences beaucoup plus importantes que la
résiliation d'un bail à long terme dans la vie de l'enfant et dans la vie de
ses parents. De là l'idée de laisser cette analyse délicate de l'existence de
la violence conjugale au tribunal et plutôt de laisser la discrétion judiciaire
déterminer de manière plus juste si, oui ou non, il est adéquat de retirer un
attribut de l'autorité parentale.
Un autre aspect, c'est que le projet de loi
prévoit ce retrait dans le cas des soins, mais il y a d'autres décisions qui
ressortent de l'autorité parentale, envers lesquelles le même processus de
réflexion, la même discrétion judiciaire pourrait être approprié. Alors, nous
croyons que c'est aussi dommage de restreindre cette possibilité uniquement aux
soins de nature psychosociale.
M. Jolin-Barrette : Mais juste
pratico-pratique, là, parce que, là, vous, ce que vous dites, vous dites :
Bien, écoutez... Bon, vous êtes d'accord sur le fond que, désormais, on devrait
pouvoir faire en sorte qu'en présence de violence familiale un des deux parents
puisse avoir la possibilité de... exemple, que l'enfant puisse aller voir un...
Pratico-pratique, revenons à la base, là. Quand
qu'il y a de la violence familiale, ça arrive qu'il y a un des deux parents qui
dit : Non, je ne veux pas que tu amènes l'enfant voir le psychologue,
parce que c'est une mesure de contrôle puis c'est une mesure pour empêcher. Les
psychologues, dans le fond, s'ils n'ont pas le consentement des deux parents,
là, ils disent : Bien, je suis désolé, je ne peux pas voir votre enfant
parce que mon code de déontologie m'y empêche puis que ça me prend le
consentement des deux. Ça fait qu'on veut éviter ce genre de situation là, pour
qu'il y ait des soins qui soient offerts aux enfants.
Le rapport Rebâtir la confiance, il en
faisait une recommandation puis il disait : Idéalement, le processus
devrait être déjudiciarisé pour que ça soit plus simple. Parce que, là, dans la
proposition que vous nous faites, ça voudrait dire qu'il faudrait prendre
requête au tribunal pour faire autoriser le tout. Vous ne trouvez pas que ça va
alourdir le tout, dans le cadre de ces situations-là, alors qu'on veut
simplifier les choses, justement, pour que les enfants aient des services
lorsqu'il y a présence de violence familiale?
Mme Dubé (Marie-Hélène) :
Premièrement, M. le ministre, c'est une situation qui se produit très fréquemment, et il y a déjà cette solution de se
présenter devant les tribunaux, et c'est... Quotidiennement, ce problème
se retrouve devant les tribunaux, et le juge exerce son
pouvoir de décision comme prévu à l'article 604. Donc, c'est un problème
qui a déjà une solution.
Maintenant, je vous entends quant au fait que ça
requiert que les parents se présentent devant le tribunal. Et c'est sûr que, si
c'est le seul enjeu, ça peut paraître comme étant un obstacle pour certains
parents. Par ailleurs la réalité est que c'est souvent une problématique qui
existe parmi un dossier où plusieurs autres questions doivent, de toute façon,
être débattues devant le tribunal. C'est rarement un enjeu qui existe de
manière isolée. Souvent, les parents, dans le cadre de leur séparation, doivent
débattre de la garde ou du temps parental, dépendant de la Loi sur le divorce
ou du Code civil, on utilise des termes différents, mais le débat au sujet des
enfants, il est souvent beaucoup plus vaste qu'uniquement cette question-là. Et
de toute façon, on est devant le tribunal.
M. Jolin-Barrette : Bien, ça, je
comprends ça. Mais, tu sais, nous, on a reçu le rapport Rebâtir la confiance,
puis c'est une des recommandations qui est présente dans le rapport Rebâtir
la confiance. Peut-être que j'ai certains collègues qui vont pouvoir mieux
nous renseigner sur pourquoi ils sont arrivés à cette recommandation-là. Mais,
notamment, les maisons d'hébergement étaient là-dessus, puis ils nous
disaient : Bien, écoutez, c'est important parce que, notamment, ça fait
partie du maintien de contrôle, également, par rapport aux enfants. Donc, c'est
sûr qu'à la cour moi, j'aime ça quand... Je parle souvent d'accessibilité et
d'efficacité du système de justice, ça fait que je veux que ce soit efficace,
mais je ne contrôle pas tout, comme ministre de la Justice, en termes
d'efficacité, puis il y a l'indépendance des tribunaux, que vous connaissez, et
donc ils vont à leur rythme.
Et tout à l'heure on avait Me Schirm qui était
là puis qui nous disait : Bien, écoutez, avant d'avoir une date à
Montréal, là, même si c'est supposé être jugé en urgence, en familial, ce n'est
pas si urgent que ça en termes de délais. Alors, si on oblige... on continue
d'utiliser la même procédure, actuellement, d'aller devant le tribunal,
attendre que ce soit traité, puis tout ça, puis les coûts, aussi, associés à
ça... Ça fait que je suis sensible à l'argument que vous me dites, avant
d'enlever un attribut de l'autorité parentale, sauf que c'est une demande,
également, des femmes qui vivent ce type de violence là puis c'est surtout dans
l'intérêt des enfants d'avoir du soutien psychologique. Ça fait que c'est ça
qu'on essaie de réconcilier. Je comprends vos préoccupations, mais d'un autre
côté, il faut trouver une voie qui est plus simple pour, justement, permettre à
ces enfants-là d'avoir des soins.
Peut-être une autre question sur la... oui, les
conjoints de fait décédés pendant la grossesse, la présomption de paternité qui
va être étendue aux conjoints de fait. Est-ce que vous êtes à l'aise?
Mme Tremblay (Régine) : Oui.
M. Jolin-Barrette : O.K. Autre
point, une dernière question avant de céder la parole à mes collègues,
relativement à l'admissibilité universelle à l'aide juridique pour les enfants
qui font face à une intervention de la DPJ, ça aussi, vous êtes en faveur, en
ce qui concerne la représentation?
Mme Tremblay (Régine) : Oui,
effectivement. Certainement, oui.
M. Jolin-Barrette : Parfait.
Écoutez, un grand merci au Barreau, ce soir, pour votre présentation. On va
prendre acte avec intérêt de votre mémoire. Merci.
Mme Tremblay (Régine) : Merci, M. le
ministre.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, M. le ministre. Alors, je vais céder
la parole au député de LaFontaine. M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît.
M. Tanguay : Merci beaucoup, M. le
Président. Alors, à mon tour de vous saluer, Mmes Claveau, Aguerre,
Tremblay et Dubé. Merci de répondre à nos questions. Comme vous l'avez dit, il
y aurait... il faut compléter notre analyse du mémoire, que l'on a reçu hier, puis
ce n'est pas un reproche que je vous fais, loin de là. C'est un projet de loi
qui fait 360 articles, vous soulevez plusieurs éléments très importants,
pointus, qui requièrent, donc, une analyse, que je m'engage à compléter.
Ce soir, j'aurais l'intention de vous poser des
questions sur le volet, là, gestation pour autrui, le volet international, où
la mère porteuse ou la personne qui donnera naissance n'est pas domiciliée au
Québec, est à l'étranger. Avez-vous des données, avez-vous fait l'analyse,
est-ce que ça, ce volet-là international, on le retrouve, notamment, dans les
législations, les autres législations provinciales? Est-ce qu'il y a ce... de
facto, est-ce que ça vient, ce volet-là, ou
est-ce que nous aurions... Puis ce n'est pas un jugement que je fais, là, je
fais juste poser une question. Est-ce
qu'on aurait pu dire : Bien, au Québec, la mère porteuse ou la personne
devra obligatoirement résider au Québec?
Mme Tremblay (Régine) : À notre
connaissance, dans les lois provinciales qui encadrent la gestation pour
autrui, il n'y a aucune mention du volet international. En fait de données, les
seules données sur lesquelles je suis tombée dans le cadre de mes recherches
portent sur la Colombie-Britannique, pour l'année 2015. Pour
l'année 2015, en Colombie-Britannique, nous savons qu'il y a eu
48 naissances de projets de gestation pour autrui, et, de ce nombre, un
tiers proviendrait de parents étrangers. Ces données sont évaluées par une
autrice qui s'appelle Pamela White, puis ça me ferait plaisir de vous en
fournir davantage dans les prochaines communications.
• (21 h 40) •
Le Président (M. Bachand) : ...
M. Tanguay :
Ah oui! c'est juste parce qu'il n'était pas allumé. C'est pour ça qu'on ne
m'entendait pas, là. Ça fait que... beau être comme ça, au plus haut... Ça
aide, quand il est allumé. Mais donc il y a le volet international où ça s'est
fait sans qu'il y ait le volet international?
Mme Tremblay
(Régine) : Le volet international n'est pas prévu dans les lois
provinciales. Donc, ça a lieu...
M. Tanguay :
Vous dites que ça... Ça a eu lieu pareil en 2015, 38 cas? Ça a eu lieu?
Mme Tremblay
(Régine) : 48 cas et le tiers, exactement.
M. Tanguay :
Et le tiers. Comment est-ce possible?
Mme Tremblay
(Régine) : C'est juste qu'il n'y a pas de règle...
M. Tanguay :
Qui l'interdit. O.K.
Mme Tremblay
(Régine) : ...qui impose aux parents d'intention ou qui l'interdit
d'être résident de la Colombie-Britannique. À cet effet, d'ailleurs, un des cas
de jurisprudence qu'il y a concerne des parents québécois, des parents
québécois qui sont allés en Colombie-Britannique pour leur projet de
gestation...
M. Tanguay :
O.K. Et donc, tels que rédigés, les articles qui nous concernent, là, sur le
volet international, article 541.27 et
suivants, est-ce que vous y voyez... Parce qu'évidemment, quand on parle du
volet international, il y a toujours une emprise qui est beaucoup plus
difficile, ne serait-ce que la convention qui, telle que proposée, ne serait pas notariée. La mère d'intention, la mère
porteuse ou la personne qui va donner naissance n'aurait pas
nécessairement la rencontre psychosociale. Après ça, bien, c'est du droit
international privé, il faut faire reconnaître l'acte de naissance, ici. Y
voyez-vous des écueils tout à fait particuliers quant à de potentiels risques
de l'échapper, dans ce cas-là?
Mme Tremblay
(Régine) : Pour être absolument honnêtes avec vous, M. le député, on
n'a pas eu ces réflexions-là.
M. Tanguay :
O.K., O.K., bien, merci...
Mme Tremblay
(Régine) : C'est un projet complexe, puis on se réserve, si vous
voulez, la possibilité de vous transmettre d'autres commentaires.
M. Tanguay :
Merci à vous. Parfait. Vous proposez... «Finalement, nous suggérons de modifier
le projet de loi pour conférer aux juges la discrétion nécessaire afin
d'évaluer si l'enfant est en mesure de manifester sa volonté indépendamment de
son âge». Ici, nous en sommes, le maintien des liens significatifs entre
l'enfant et l'ex-conjoint du parent ou des grands-parents. Donc, faire en
sorte... le juge, la discrétion, au-delà de l'âge de 10 ans, ça, est-ce
que... ça se fait comment, ça, pratico-pratique, par le juge?
Une voix :
Me Dubé va répondre à la question.
Mme Dubé
(Marie-Hélène) : Pratico-pratique, lorsqu'il y a un enjeu, que ce soit
au niveau de la garde, ou au niveau des droits d'accès, ou les demandes d'accès
de grands-parents, la question du désir des enfants peut être soulevée par les
autres parties, lorsque l'une ou l'autre des parties le souhaite, et l'enfant
peut présenter son désir à l'une ou l'autre de ces parties. Il peut lui-même
être représenté par un avocat. Et donc la question de ses volontés est exprimée soit par la voix des parties au litige ou
directement par l'enfant qui est représenté par son avocat. Pratico-pratique,
c'est comme ça que ça se passe.
M. Tanguay :
Et est-ce que ça, ça participe d'une évolution jurisprudentielle ou peut-être
même législative où on prend davantage puis on le met dans les lois? Puis là
vous, vous suggérez que, même au-delà d'une limite d'âge, le juge pourrait en
juger, par exemple, d'un enfant de neuf ans. Trouvez-vous que ça participe
d'une trame de fond où on donne davantage, justement, la parole aux enfants?
Parce qu'on parle de leur intérêt, alors on pourrait peut-être les entendre.
Mme Dubé
(Marie-Hélène) : Le droit de l'enfant à être entendu est certainement
une considération qui existe, et depuis déjà assez longtemps. La Cour d'appel
s'est déjà penchée sur cette question-là, et il y a un arrêt-phare sur la
question, qui remonte déjà presque 20 ans, où, justement, c'était le cas
d'un enfant de neuf ans, et son avocat souhaitait présenter au tribunal sa
propre perception du meilleur intérêt de l'enfant, et la Cour d'appel a dit :
Non, vous devez agir en fonction du mandat
que votre client, l'enfant, vous donne. Il s'agissait d'un enfant de neuf
ans. Alors, je pense que ça illustre le fait qu'ici encore la discrétion
judiciaire a sa place, pour que l'on puisse évaluer au cas par cas la maturité
de l'enfant et les circonstances particulières dans lesquelles il se trouve.
M. Tanguay :
Oui. Et c'est pour ça que, si je vous comprends bien, à 611, vous proposez de
mettre cette évaluation-là du cas par cas plutôt que la règle du 10 ans?
Mme Dubé (Marie-Hélène) : Exactement.
M. Tanguay : D'accord. J'aimerais vous entendre. C'est
important, l'impact de l'ajout de la violence familiale, dans le Code
civil, sur les communautés autochtones. Vous faites référence à la Loi sur les
foyers familiaux situés dans les réserves et
les droits ou intérêts matrimoniaux et qui prévoit une définition de «violence
familiale», et... «Nous nous interrogeons sur les impacts de cette
définition sur les dispositions prévues au projet de loi.» J'aimerais vous
entendre davantage pour bien comprendre votre point, s'il vous plaît.
Mme Claveau (Catherine) : Oui,
maître Aguerre va répondre.
Mme Aguerre (Ana Victoria) :
Oui,
merci. Donc, écoutez, c'est une très, très bonne question. A priori, je
voudrais quand même commencer en soulignant que le Code civil... en fait le
projet de loi ne propose pas une définition de la violence familiale, et c'est
ce qui s'oppose, en fait, à la situation de la loi fédérale dont vous venez de
faire mention, qui, elle, définit la violence familiale. Et comme on le sait,
en vertu du nouveau régime qui est prévu par le projet de loi, une fois que la
violence familiale est constatée, elle peut mener soit au retrait d'un attribut
d'autorité parentale ou encore à la déchéance de l'autorité parentale au grand
complet.
Donc, on s'interrogeait... on n'a pas ciblé de
problématique spécifique, mais on s'interrogeait sur l'impact, l'interaction de
ces deux lois-là, de ces deux régimes-là, particulièrement dans le contexte
qu'on connaît en milieu autochtone, où, malheureusement, les situations
peut-être de violence ont une connotation beaucoup plus importante, disons, des
impacts très importants. Qu'est-ce que ça pourrait vouloir dire pour les
parents en milieu autochtone? Est-ce que... et là je vais faire ça très, très
gros, est-ce qu'on va arriver à plusieurs décisions de déchéance d'autorité
parentale, à cause de cet arrimage-là qu'il y a à faire? Est-ce qu'on va avoir
plus de décisions en matière de retrait d'attributs de l'autorité parentale?
Bref, je pense que le problème vient du fait que
la loi fédérale prévoit une définition, la loi provinciale ne prévoit pas de
définition. Est-ce que c'est une définition qui va être similaire, contraire,
ça reste à voir. Mais, à toutes fins pratiques, nous, ce qu'on voulait, c'est
présenter cette problématique-là, cette problématique potentielle là au
législateur pour qu'il réfléchisse.
M. Tanguay : Et je pense qu'il va
sans dire qu'il y aurait lieu que la définition ne soit pas différente,
j'imagine? Il va sans dire, n'est-ce pas?
Mme Aguerre (Ana Victoria) : Il y
aurait effectivement un intérêt à ce que les définitions soient à tout le moins
complémentaires ou en harmonie, effectivement.
M. Tanguay :
Tout à fait.
Tout à fait. Vous parlez... il y a bien un passage dans votre mémoire ou vous
parlez de l'importance d'arrimer les frais... — je reviens, excusez-moi — gestation
pour autrui, les frais admissibles au remboursement. Vous soulignez
l'importance d'avoir un certain arrimage. J'aimerais vous entendre là-dessus.
Mme Tremblay (Régine) : Merci. Ça va
dans la même logique de qu'est-ce qu'on vient juste de dire. Donc, on est au
courant d'une coexistence des régimes puis on voudrait juste s'assurer qu'il y
a une harmonisation entre les régimes qui sont présents, notamment, au Canada.
M. Tanguay :
Bon, et au
niveau des agences, avez-vous une réflexion là-dessus? Les permettre? Ne pas
les permettre?
Mme Tremblay (Régine) : Notre
remarque sur les agences, c'est qu'on pense qu'on devrait pousser la réflexion.
Puis, dans une optique d'accès à la justice, on aimerait aussi souligner au
législateur la nécessité de ne pas créer un marché où tout le monde va être
rémunéré, sauf la femme ou la personne qui porte.
L'autre chose, par rapport aux agences, qu'on
aimerait souligner à l'attention du législateur, c'est que, si les agences se
voient confier des sommes d'argent, ils n'ont pas nécessairement de code de
déontologie puis ils n'ont pas non plus d'assurance responsabilité
professionnelle. Donc, il faut être conscient de la création d'un marché de services
qui entoure la reproduction et aussi des dangers que cela pourrait représenter
pour le public.
M. Tanguay :
Je comprends,
très bon point. Merci beaucoup à vous quatre.
Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, M. le député de LaFontaine. M. le
député d'Hochelaga-Maisonneuve, vous avez la parole.
M. Leduc : Merci, M. le Président.
Bonsoir. Plus tôt dans la soirée, vous a précédé un professeur de l'Université Laval, Me Goubau, et il faisait
référence à une inquiétude par rapport à ce qu'il percevait, je pense,
comme un recul par rapport aux
grands-parents, droits des grands-parents. Est-ce que vous partagez sa lecture
de la situation?
Mme Dubé
(Marie-Hélène) :
Malheureusement, je n'ai pas entendu les
commentaires précis du professeur Goubau, mais définitivement le Barreau
constate que la modification proposée à l'article 611 mènerait à un recul
des droits des grands-parents. On est arrivés au même constat. Et voilà, je ne
sais pas si vous souhaitez poser une autre question, mais définitivement on
partage le constat.
M. Leduc : Pouvez-vous expliquer,
donc, votre lecture de ce constat-là?
• (21 h 50) •
Mme Dubé (Marie-Hélène) :
C'est-à-dire que, selon l'article 611 actuel, il y a une présomption que
les contacts entre les enfants, les petits-enfants et les grands-parents sont
dans le meilleur intérêt des enfants, alors que, si la modification va de
l'avant, cette présomption va disparaître.
M. Leduc : Bon, c'est à peu
près les propos que le professeur tenait. Peut-être sur une question plus de
priorisation. Il y a beaucoup de contenu, bien sûr, dans votre mémoire; si vous
aviez à sortir, là, un ou deux, peut-être trois éléments qu'il faudrait
absolument ne pas échapper dans les multiples amendements que nous allons
préparer, ce seraient lesquels?
Mme Claveau (Catherine) : Me
Aguerre va répondre.
M. Leduc : ...votre micro.
Mme Aguerre (Ana Victoria) :
Excusez-moi, un grand classique. Écoutez, je vais commencer, puis j'espère que
mes collègues vont avoir les mêmes priorités que moi. Je suis convaincue que
oui. Je céderais peut-être après la parole à Me Claveau sur le rôle important
des avocats dans la mise en oeuvre de la réforme en droit de la famille,
particulièrement en ce qui concerne le rôle à jouer dans les conventions de
gestation pour autrui. Je vous dirais qu'en termes de priorités, écoutez, il y
en a plusieurs, je pense que les questions relatives à l'autorité parentale et
à la reconsidération par le législateur de l'inclusion d'un régime similaire au
in loco parentis en droit civil québécois seraient extrêmement importantes. Je
vais céder la parole, maintenant, à Me Claveau pour parler du rôle des
avocats dans la réforme du droit de la famille.
Le
Président (M. Bachand) :
...Me Claveau, il reste très, très, très peu de temps. En quelques secondes.
Désolé.
Mme Claveau (Catherine) : Oui.
Bien, écoutez, nous, nos membres sont formés en droit de la famille, on est...
on est... on a tout ce qu'il faut pour bien l'accompagner puis bien conseiller
les gens. Puis ça nous paraît vraiment important, entre autres dans le cadre de
la convention de gestation pour autrui, pour nous, il est primordial que
chacune des parties ait son propre avis juridique avant de faire ces
conventions-là. Pour nous, c'est essentiel, plutôt que d'avoir une convention
commune notariée, il faut vraiment que chacune des parties ait son propre
conseil juridique. Un consentement éclairé, ça, c'est vraiment la base, pour
nous, ça, c'est une des choses que je pense qui seraient vraiment importantes.
Et quand je dis «conseil juridique»... Oui? Excusez-moi.
Le Président (M.
Bachand) : Excusez-moi, parce que je dois passer de la parole à
la députée de Joliette.
Mme Claveau (Catherine) : Oui,
bien sûr.
M. Leduc : Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Mme la députée de Joliette.
Mme Hivon : Merci, M. le
Président. Bonjour à vous quatre. Merci pour votre présentation. Je vais être
exactement sur ce point-là qui a été peu abordé. En fait, vous allez me dire...
Je vais essayer de résumer ce que vous nous dites sur le formalisme de la
convention. Moi, j'y vois une certaine contradiction, ça fait que je vous
invite à m'éclairer davantage.
En fait, si j'ai bien compris, vous dites que
vous ne souhaitez pas qu'il y ait une obligation de convention écrite notariée,
parce que, vous dites, ça pourrait peut-être être une convention verbale, on
peut risquer de nuire à des personnes qui ont moins de moyens, moins
d'organisation, qui pourraient être plus vulnérables. Mais par ailleurs,
quelques paragraphes plus bas, puis vous venez de le dire, vous dites qu'il
faudrait avoir un avis juridique pour chacune
des parties, ce qui est du formalisme, ce qui est des frais. Donc, je veux
juste que vous me réconciliiez tout ça, là.
Mme Claveau (Catherine) : Bien,
dans le fond, je pense qu'on peut pousser un peu plus, puis ça paraît à notre
page 18 du mémoire, ce qu'on dit, c'est que ça n'est... Si on...
Évidemment, ça serait toujours mieux qu'il y ait une convention. Puis, quand on
parle de frais, nous, ce qu'on prévoit, c'est que ça ne serait pas nécessaire
que ça soit une convention notariée. On pense à un document qui serait émis par
l'État, qui détaillerait les droits et les obligations des parties dans la
gestation pour autrui, c'est-à-dire les parents d'intention, la personne qui va
donner naissance, et dans lesquels on trouverait aussi des clauses à ne pas...
tu sais, des interdictions de conditions qui seraient illégales. Alors, ce
serait un document, tout simplement qui pourrait être reçu devant deux témoins,
et donc il n'y aurait pas de... ça ne serait pas obligé
d'être une convention devant notaire. Je répète que, pour nous, ce qui est
important, et ça, ça... c'est qu'on n'ait pas un document où est-ce que chacune
des parties a nécessairement le même conseiller juridique qui va attester cette
convention-là. Pour nous, je répète, c'est important qu'ils aient chacun leur
opinion juridique indépendante.
Mme Hivon : Mais en ce moment
c'est déjà prévu qu'il y a des rencontres, pas purement juridiques, mais des
rencontres avec chacune des parties. Vous, je comprends, là... je veux bien
comprendre, votre conception, c'est d'avoir un peu plus un contrat d'adhésion,
en quelque sorte, où la base sera toute là, on vient signer, mais, avant de
signer, il faut avoir un avis juridique. J'essaie juste de comprendre en quoi
c'est différent que d'avoir une convention écrite avec des rencontres
individualisées pour les personnes.
Mme Claveau (Catherine) : Bien,
nous, notre compréhension de la convention de notariée, c'est un notaire qui
fait la convention pour les deux personnes. En principe, si c'est un
professionnel de droit pour une demande... C'est un peu le parallèle d'une
demande conjointe, une convention conjointe, tu sais? On le fait, on le fait
entre autres en médiation, on fait souvent des divorces conjoints. Bien, le
professionnel ne prend pas parti, fait la convention qui répond aux intérêts
des deux, puis l'avocat qui, notamment, fait la médiation recommande toujours
aux gens devant lui d'aller se chercher quand même une opinion indépendante
pour voir vraiment si ses propres droits sont respectés puis qu'il y ait un consentement
libre et éclairé.
Mme Hivon : Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Me Claveau, maîtres Aguerre,
Tremblay, Dubé, merci beaucoup d'avoir été avec nous ce soir. C'est très, très,
très apprécié.
Cela dit, la
commission ajourne ses travaux au vendredi 3 décembre, après les
affaires courantes. Merci beaucoup.
(Fin de la séance à 21 h 57)