(Onze heures vingt-huit minutes)
Le
Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Merci. Ayant constaté le quorum, je déclare la
séance de la Commission des institutions ouverte. Je vous souhaite, bien sûr,
la bienvenue et, bien sûr, vous savez... d'éteindre la petite
sonnerie de votre appareil électronique.
La commission est réunie afin de procéder aux consultations
particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 39, Loi
établissant un nouveau mode de scrutin.
Avant de débuter, M. le secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
Le
Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Fontecilla
(Laurier-Dorion) est remplacé par M. Nadeau-Dubois (Gouin).
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Est-ce qu'il y
aurait consentement aussi pour accepter, avec plaisir, la présence de la
députée de Marie-Victorin pour la séance? Consentement?
Des voix : Consentement.
Auditions (suite)
Le
Président (M. Bachand) : Consentement. Merci
beaucoup. Alors, ce matin, nous
allons, entre autres, entendre Force Jeunesse, mais, avant tout,
nous allons débuter avec la Centrale des syndicats démocratiques.
• (11 h 30) •
Mais, avant
d'aller pus loin, pour les gens qui nous écoutent, ce n'est pas qu'on a couché
sur la corde à linge hier, c'est juste de souligner que c'était la
journée de prévention du suicide, alors c'est pour ça que les élus portent
cette magnifique épinglette.
Alors donc,
aux gens de la Centrale des syndicats
démocratiques, bienvenue. Vous avez
10 minutes de présentation, après ça on fait l'échange avec les
membres de la commission. À vous la parole.
Centrale des syndicats démocratiques (CSD)
M. Vachon
(Luc) : Alors, bonjour.
Bonjour à toutes et à tous. Merci de nous recevoir. Mme la ministre, bonjour, M. le Président, députés, alors, merci. Je suis Luc Vachon,
président de la Centrale des
syndicats démocratiques. Je suis
accompagné de mon collègue Normand Pépin, qui est conseiller à la recherche.
Donc, la CSD regroupe près de 72 000 travailleurs,
travailleuses, et c'est, bien entendu, au nom de ceux-ci, celles-ci, en tant qu'acteurs de la société
civile, que nous nous présentons aujourd'hui devant vous pour vous soumettre
nos commentaires, recommandations pour le projet de loi n° 39.
Avant toute chose, nous désirons souligner le
fait que le gouvernement de la Coalition avenir Québec a porté la revendication d'une réforme du mode de scrutin
plus loin qu'aucun gouvernement avant lui. Donc, plus que jamais, nous sommes près d'atteindre le système électoral
le plus représentatif des aspirations de l'électorat québécois. Introduire
la proportionnalité dans le mode de scrutin
a pour objectif fondamental de redonner plus de représentativité au vote des
électeurs et des électrices, idéal qu'il ne
faut pas perdre de vue... est tout simplement que chaque vote compte réellement
dans la composition de l'Assemblée nationale. Ceci dit, il est évident qu'il
faut tempérer cet idéal pour permettre une certaine
stabilité politique, d'où le fait qu'il existe un consensus partagé par les acteurs de la société
civile québécoise pour un système
proportionnel mixte compensatoire, tel qu'énoncé dans l'entente transpartisane
du 9 mai 2018.
À cet égard, c'est au nom de ce principe de la proportionnalité que nous contestons
de nombreuses dispositions du projet de loi n° 39. En
effet, s'il avait été appliqué comme tel lors de la précédente élection
générale, les conclusions de nos
analyses montrent que la CAQ aurait bénéficié d'une importante prime au
vainqueur. Certes, la députation obtenue par la CAQ aurait été moindre qu'avec le mode de scrutin actuel, mais la
composition de l'Assemblée nationale n'aurait malgré tout pas été pleinement représentative du suffrage exprimé. Dans
le cadre de notre présentation, nous contestons plus précisément trois
éléments du projet de loi n° 39, soit les distorsions
amenées par le nombre élevé de régions électorales, le haut seuil d'éligibilité
aux listes compensatoires et la méthode d'attribution des sièges régionaux.
En
ce qui a trait aux régions électorales, le projet de loi n° 39
arrime aux régions administratives et porte ainsi à 17... elles comporteront de deux à 20... une
vingtaine, environ, de circonscriptions. Elles seront aussi très disparates
quant au nombre d'électeurs et
d'électrices qu'elles contiennent. Tout ceci va à l'encontre d'une plus grande
proportionnalité, car cette dernière s'exprime au mieux quand les
régions électorales contiennent un nombre équilibré d'électeurs et d'électrices. Autrement dit, trop de régions
déséquilibrent la répartition de l'électorat entre ces dernières. Dans l'idéal,
la CSD propose de réaliser un redécoupage de
la carte électorale du projet de loi n° 39 afin d'en arriver à
un équilibre entre les diverses régions électorales quant au nombre
d'électeurs et d'électrices dans chacune d'entre elles. À tout le moins, nous recommandons
que chacune des régions électorales compte un minimum de deux sièges de région
pour que ceux-ci jouent pleinement
leur rôle de compensation des déséquilibres causés par l'élection des députés
de circonscription, sauf pour les régions d'exception.
Quant au seuil
d'éligibilité pour accéder aux sièges de région, il est prévu à 10 %, ce
qui est beaucoup trop élevé. Un tel seuil empêche l'introduction des partis émergents
ayant obtenu un petit mais tout de même représentatif pourcentage de vote dans
une région. Un tel seuil ne fait que maintenir l'ascendant des partis dotés
d'une forte base électorale sur l'émergence des plus petites formations
politiques. Suivant cela, la CSD recommande d'abaisser ce seuil de 10 % à
2 %.
En
ce qui a trait à la méthode d'attribution des sièges régionaux, nous rejetons
le paragraphe 2° de l'article 379.1 du projet de loi, où il
est prévu que seulement la moitié du nombre de candidats élus et de candidates
élues comme députés de circonscription soit comptabilisée pour l'attribution de
sièges de région. Une telle méthode d'attribution n'est défendue par aucun
expert, ne trouve écho chez aucun acteur de la société civile. Elle n'est simplement...
elle ne semble, à tout le moins, être simplement qu'une invention du
gouvernement. Ses impacts négatifs, cela dit, sont bien réels. Elle a pour
effet d'avantager tout parti ayant obtenu de forts résultats électoraux en leur
garantissant des résultats artificiellement
plus avantageux dans la répartition des sièges de région. Comme le nombre de
sièges obtenus est réduit de moitié, l'accès aux sièges compensatoires
s'en retrouve augmenté pour des partis n'en méritant pas du fait de leurs
résultats élevés aux suffrages. En ce sens, nous défendons l'abandon du facteur
de division par deux des sièges de circonscription.
Nous sommes, de plus,
critiques face au manque de dispositions fortes à amener la parité
femmes-hommes dans la députation de formations politiques. Le projet de loi est
pourtant l'occasion de faire une pierre deux coups. Malgré un énoncé de principes pourtant très fort, tout au plus, le
projet de loi prévoit l'obligation des partis de fournir au Directeur
général des élections un énoncé relatif aux objectifs que se fixe son parti en
ce qui concerne la parité entre les femmes et les hommes et une pénalité
financière négligeable pour ne pas soumettre à temps cet énoncé. Une telle
obligation n'est rien d'autre qu'un voeu pieux, et la sanction n'est qu'une
formalité.
S'il est le
moindrement sérieux, le gouvernement doit revoir complètement les dispositions
du projet de loi relatives à la parité et mettre en place des mécanismes
fonctionnels pour y arriver. Nous recommandons d'imposer l'alternance
femmes-hommes sur les listes de candidatures régionales, avec une liste sur
deux commençant par une femme, de proposer
des incitatifs financiers aux partis politiques quand ils font élire au moins
40 % de femmes dans les sièges
de circonscription, que les incitatifs soient accordés en fonction des
résultats électoraux et non des candidatures présentées, sinon la tendance à présenter des femmes comme candidates
dans des circonscriptions qui sont difficilement gagnables risque de
perdurer.
Nous
désirons également nous attarder à la question du référendum en vertu duquel la
population serait interrogée sur l'implantation du nouveau mode de
scrutin au même moment que la prochaine élection générale. Rappelons que 72 %
et un peu plus de 75 % des sièges, lors de l'élection de 2018, ont été remportés par des partis ayant signé
l'entente transpartisane du 9 mai. On peut difficilement demander
mieux que cette double majorité de plus du deux tiers pour aller de
l'avant.
Cela
étant dit, si le projet de référendum est maintenu, nous voulons signaler que le fait
de tenir le référendum le même
jour que celui du scrutin général de 2022 est la recette gagnante pour le
perdre. Saturer l'espace public de deux discours qui, somme toute, ont peu
en commun ne permettra pas à la population de bien participer au dialogue
social. On imagine mal, aussi, que les partis, en pleine campagne électorale,
surtout dans le modèle actuel, mettront leurs activités en arrêt pour
promouvoir la réforme du mode de scrutin.
Nous
déplorons que les dispositions du projet
de loi n° 39 empêchent le premier ministre et le gouvernement de prendre
position en faveur de la refonte du mode
de scrutin, alors que la CAQ s'est
engagée à réaliser, lors de l'élection de 2018, et en signant l'entente
transpartisane... Le message que cela lance n'est certes pas très mobilisant.
Le gouvernement a
défendu le fait de tenir un référendum en même temps que des élections pour
économiser des coûts. Cela dit, une consultation aussi fondamentale, selon les
mots mêmes du premier ministre, ne devrait-elle pas être organisée pour qu'elle
se déroule dans des conditions optimales? Nous croyons que oui et, à cet égard,
nous recommandons que, si le référendum
est maintenu, ce dernier se tienne le plus rapidement possible, soit
d'ici juin 2021, afin de donner le temps au DGE de modifier le mode
de scrutin en cas de victoire du Oui.
Pour conclure,
certains déploreront que la réforme du mode de scrutin rende plus instable la
scène politique et rende plus difficile l'élection de gouvernements
majoritaires. À cela nous répondons que l'objectif du projet de loi ne consiste pas à garantir l'élection de gouvernements majoritaires mais de transformer le système électoral en le
rendant plus représentatif de l'expression du vote de la population québécoise.
Nous voyons d'un bon oeil la possibilité que se mette en place une culture des gouvernements
de coalition, où le dialogue entre les formations politiques et le travail transpartisan occuperont une place de plus en plus importante. Nous y voyons là la preuve d'une maturité
politique, et il ne fait aucun doute, selon nous, que c'est ce que la population
attend plus que jamais.
Quant
à l'argument selon lequel la réforme serait trop compliquée pour la population
québécoise, rappelons que la réforme du scrutin est le fruit de 20 ans de mobilisation, de
recherches, de consultations et de discussions entre divers acteurs de la société civile. Celles et ceux
qui ont travaillé d'arrache-pied pour en arriver où nous sommes aujourd'hui nous proposent une éloquente
démonstration... et comment la population du Québec tient à ses institutions et
vise à leur excellence. Nous vous demandons, mesdames et messieurs, de prendre exemple
sur ces citoyennes et citoyens et d'avoir le courage d'appliquer les
changements requis au mode de scrutin pour un système électoral plus juste et
plus représentatif et de respecter les engagements pris envers la population.
Merci de votre écoute.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup
pour votre présentation. Mme la ministre, s'il vous plaît.
M. Nadeau-Dubois : M. le
Président.
Le Président (M.
Bachand) : Oui, M. le député de Gouin.
M. Nadeau-Dubois : Si vous me permettez, juste avant qu'on entame, on
m'informe que le collègue de la troisième opposition ne sera pas présent
pour ce premier bloc. Alors, avec le consentement de tout
le monde, je proposerais qu'on
redistribue son temps entre les différentes oppositions pour qu'on ait le temps
d'avoir des discussions en profondeur.
Le Président (M.
Bachand) : Parfait. Consentement? Consentement. Merci beaucoup.
Mme la ministre.
• (11 h 40) •
Mme LeBel : Alors, merci,
M. le Président. Merci, messieurs, de
votre présentation. Vous apportez, à l'instar des gens qui sont venus faire des présentations avant
vous ici, un éclairage souvent similaire, souvent différent sur certains
aspects, et je pense que c'est le but de
cette consultation-là, mais vous
faites la démonstration également, je me plais à le dire, du fait qu'on
a... Ce qu'on a tenté de faire, c'est d'avoir un projet de loi équilibré, donc
qui ne sera pas parfait sur tous ses aspects mais qui va permettre, à tout le
moins, d'atteindre un objectif que je crois que nous partageons tous, et vous me corrigerez si je vous prête des
intentions, mais celui d'avoir une plus grande proportionnalité, donc une plus
grande représentativité de la volonté des citoyens à l'Assemblée nationale.
Donc, je pense que c'est l'objectif qu'on poursuit par le projet de loi qui a
été présenté par le gouvernement.
Et merci
d'avoir souligné, effectivement, qu'on se retrouve quand même dans une étape
importante qu'on n'a pas eu
l'occasion d'avoir dans les 40 dernières années, c'est-à-dire une
discussion sur un projet de loi qui est vraiment déposé et qui chemine
présentement à l'Assemblée nationale.
Ceci étant dit, je vais aborder quelques points
avec vous pour vous permettre de... Bon, votre mémoire est quand même
très bien étoffé, mais je pense qu'il y a
quelques petits points que je voudrais peut-être mettre en lumière ou en contexte avec
vous.
Le fait des régions administratives, j'en parle parce
que c'est quand même une part importante de votre... de points, ça fait partie
des trois points que vous avez soulignés, d'ailleurs, et vous intitulez votre
chapitre Des régions trop déséquilibrées entre elles. Alors, je ramène
mon argumentaire à l'équilibre, aux différents principes, oui, la
proportionnalité, mais également le poids des régions et la question des
régions administratives. Bon, vous parlez de l'argument de la confusion, mais
l'argument du point d'ancrage important des services gouvernementaux, etc.,
mais surtout de l'identité, et vous faites un commentaire en disant que peut-être
que cette identité-là, elle est une réalité régionale, mais peut-être pas administrative,
que, bon, ce n'est pas une réalité à laquelle les gens doivent s'identifier. On
voit donc pourquoi des régions électorales différentes des régions
administratives sèmeraient la confusion dans l'esprit des électeurs. Mon
collègue de l'opposition, du Parti québécois, qui n'est pas présent, aurait
peut-être des arguments contraires à vous
soumettre. Et vous dites que ce n'est qu'«un prétexte qu'utilise le
gouvernement et il a pour résultat de réduire la proportionnalité du
mode de scrutin».
Je vais m'insurger un petit peu, ici, parce que
ce n'est pas un prétexte qu'utilise le gouvernement pour diminuer la
proportionnalité, c'est une réalité réelle, l'attachement aux régions. Et, oui,
je suis prête, d'entrée de jeu, à stipuler
que 17 régions administratives a un effet proportionnel moindre que neuf,
à titre d'exemple, mais que... dans un souci d'équilibre, et de
ralliement, et d'obtenir un plus large consensus possible pour que cette réforme-là
passe. D'ailleurs, certains experts nous ont
dit que c'était la voie, la façon de faire, c'est-à-dire d'avoir le plus large
consensus possible. Bien, la raison pour laquelle on l'a fait, c'est
pour protéger le poids des régions. Et de mettre... de découper les régions
selon un poids démographique plus proportionné, ou plus équivalent, ou plus
équitable, peu importe le terme que vous
employez, ferait en sorte que, bien, des territoires plus éloignés des grands
centres, comme la Gaspésie, comme l'Abitibi, comme d'autres — puis
j'ai bien précisé «éloignés des grands centres» et non pas «éloignés» tout
court — auraient
des territoires immenses, on aurait des plus petites régions ailleurs. Bien, je
vous le soumets, là, je pense que ce serait une façon de faire achopper la
réforme, en toute humilité, dans les consultations.
Vous
représentez des membres... vous avez des membres partout sur le territoire.
Est-ce que vous n'avez pas eu cette sensibilité-là régionale? Et c'est
plus qu'un attachement à des lignes administratives. Oui, vous parlez du Saguenay—Lac-Saint-Jean, je suis tout à fait d'accord qu'il
y a deux identités qui sont très fortes et qu'ils revendiquent avec
beaucoup de passion, à bon droit, mais il y a quand même... c'est déjà ça,
donc, de l'exacerber. Et, un autre côté, je ne comprends pas, est-ce que ça
veut dire plus de régions, moins de régions, des régions plus grandes? Il y a quelque chose qui m'échappe, là, dans votre
argumentaire, outre l'argument de la proportionnalité, naturellement, que
je comprends très bien.
M. Pépin
(Normand) : Bien, il y a
quelque chose qui m'échappe aussi dans l'argument des régions administratives,
c'est-à-dire que ce que j'ai tenté... ce qu'on a tenté de démontrer, c'est que,
oui, les gens sont attachés à leur région, ce n'est pas ça qu'on nie. Ce qu'on
nie, c'est que l'attachement se fait envers la région administrative puis que
c'est absolument à ça qu'on doit se rattacher.
Ceci dit, le
territoire du Québec n'est pas le territoire de l'Écosse, la population est
dispersée sur tout le territoire. On
comprend toutes ces contraintes-là. Ce qu'on dit, c'est que, pour compenser,
d'une certaine façon, le trop grand
nombre de régions, il faut absolument avoir deux députés de région dans chaque
région administrative, sauf... on a identifié deux
circonscriptions qui seraient d'exception, pour notre part, de façon à ce que
les sièges de compensation puissent jouer leur rôle, c'est-à-dire
compenser le déséquilibre créé par le mode uninominal à un tour, qui va guider
l'élection des 80 premiers députés... bien, pas premiers, là, excusez, les
80 députés de circonscription.
Mme LeBel :
Quand on aborde la question de la réforme sur un angle purement théorique,
purement puriste... et, dans un monde
idéal, vous avez raison, on devrait découper des régions administratives de façon différente, peut-être en augmenter, peut-être les réduire, avoir plus de
circonscriptions. Ça, c'est pour atteindre une proportionnalité idéale ou, en tout cas, maximale. Sur ça, on est sur le
même terrain. Sauf que cette réforme-là doit être ancrée sur le territoire,
doit être acceptée par les gens, comprise par les gens.
Et
le député... Et, je reviens aux régions administratives, ce n'est pas juste une
question de nombre de personnes qui
votent dans une telle région, ce qu'on entend aussi, c'est l'attachement aux
députés de circonscription, par ailleurs, présentement. On va réduire ce nombre de députés là par le fait même,
parce qu'il faut avoir des députés de liste dans la réforme qu'on fait.
Donc, ce député de liste là doit avoir aussi un ancrage régional. Donc,
l'attachement à la région administrative est plus que des lignes sur une carte,
c'est qu'on veut que le député de région nous représente le plus possible. Et qu'est-ce qui nous représente, comme
citoyens? Là, je vous véhicule les arguments que j'ai sur le terrain, naturellement, pour vous donner l'occasion d'y
répondre. Qu'est-ce qui nous représente, comme citoyens? C'est souvent
notre identité régionale qui nous distingue du fait qu'on a une identité
provinciale, nationale qu'est le Québécois, mais,
à l'intérieur du Québec, nous avons nos identités régionales. Un Gaspésien, ce
n'est pas quelqu'un de l'Abitibi, ce n'est
pas quelqu'un du Saguenay, bon, et je pense que vous le comprenez très bien, je
ne vous explique pas des choses...
Mais
le fait que le député, aussi, régional... Donc, en suivant la proposition que
vous faites, le député régional... les
députés de circonscription, ce serait peut-être moins criant, mais le député
régional, lui, va avoir un territoire qui va être beaucoup plus éclaté,
si on veut, en termes d'identité, que ce soit parce qu'on redivise et subdivise
ou que ce soit parce qu'on fusionne. Est-ce
que vous n'avez pas entendu les commentaires... Et je ne suis pas au niveau de
la théorie, parce que, vous avez raison, théoriquement, c'est mieux, mais,
pratico-pratique, il faut comprendre les sensibilités. Parce que, moi, mon
objectif, c'est que cette réforme-là passe et soit acceptée, donc d'avoir le
plus large consensus possible, trouver ce que j'appelle le point d'équilibre,
la voie de passage. Donc, vous avez dû avoir des échos. Ça doit déranger
certains de vos membres, le fait qu'on fasse éclater ou non, là, les régions
administratives.
M. Vachon (Luc) : En fait, Mme la ministre, ce qui est l'élément le
plus fort auprès des membres consultés — et consultés,
d'ailleurs, en juin dernier au congrès — spécifiquement sur ce sujet-là, ce qui est
le plus grand enjeu et la plus grande préoccupation, c'est vraiment de
se rapprocher le plus possible de la proportionnalité. Alors, c'est ça, la
préoccupation, et c'est ça, l'intérêt qui nous a été signifié par nos membres,
et vous allez retrouver les différentes résolutions qui ont été prises dans le
mémoire, et ça, ça date de juin dernier. Et c'est vraiment une sensibilité à se
rapprocher... Et ça ne sera pas un modèle
parfait, tout le monde en convient, on n'y arrivera pas à 100 %, et le
modèle théorique est une chose, mais comment peut-on faire pour se
rendre le plus près possible d'une proportionnalité en respectant différents
degrés de sensibilité et différentes choses? Mais il y a moyen de trouver, nous
croyons, des zones d'équilibre dans ça.
Mme LeBel :
La dernière position que vous avez sondée chez vos membres date de juin
dernier, donc je comprends que, sur la
théorie d'un mode de scrutin, d'une réforme qui n'était pas encore présentée de
façon pratique, le principe qui motivait vos membres et que vos membres
mettaient de l'avant, c'est celui de la proportionnalité. Je le comprends très
bien.
Maintenant,
est-ce que vous avez eu l'occasion de sonder vos membres maintenant qu'il y a
un projet de loi concret avec des mesures concrètes où on a dû trouver
des points d'équilibre? Parce que chacun des leviers dans le projet de loi,
c'est des vases communicants, hein? Si on joue sur les régions, on joue sur la
proportionnalité, nécessairement. Donc, tout ça, ce sont des vases
communicants. Est-ce que vous avez eu l'occasion de sonder vos membres sur
cette proposition-là d'avoir 17 régions? De la façon dont c'est expliqué,
oui, ça fait en sorte qu'il y a une certaine réduction de la proportionnalité,
mais il y a aussi l'aspect des régions. Donc, il y a, moi, je considère, un
point d'équilibre, mais on peut le contester, naturellement, c'est le but de
l'exercice. Mais, depuis le dépôt d'un projet de loi en octobre, avez-vous eu
l'occasion d'avoir un son de cloche de vos membres sur les modalités précises
du projet de loi?
M. Vachon (Luc) : Est-ce qu'on a consulté de manière spécifique
depuis le dépôt du projet de loi? La réponse, c'est non. Maintenant,
est-ce qu'on ne savait rien du tout, du tout, on n'avait aucune indication de
ce qui pouvait s'en venir dans le projet de loi en juin? Soyons tout à fait
honnêtes, il y avait plein d'éléments que... dans les différentes tribunes
auxquelles nous avons participé, il y avait des éléments qui étaient déjà... ça
n'a pas été totalement un effet de surprise au niveau du projet de loi, là.
Alors, il y avait des éléments qui étaient connus, qui ont été mis au jeu dans
les consultations avant. Alors, bien entendu, le projet de loi n'était pas là,
mais nous avons quand même pu, en juin, consulter les gens sur plusieurs
aspects qui se retrouvent dans le projet de loi.
Mme LeBel :
Parfait. Merci. Vous allez peut-être...
M. Vachon
(Luc) : Et vous le verrez, d'ailleurs... dans les propositions
qui ont été prises, vous allez voir qu'on n'est pas si éloignés.
• (11 h 50) •
Mme LeBel :
Parfait. Bon, alors, merci, merci pour ces précisions.
J'en arrive peut-être à un point, un autre point
précis de votre mémoire, la question de la parité. Je comprends très bien l'alternance
hommes-femmes sur les listes, ça a été d'ailleurs proposé par plusieurs et
c'est une des façons qu'on peut, justement, profiter de cette réforme et d'un
nouveau type de mode de scrutin pour injecter une dose de parité. Ça a été
discuté.
Je vais y aller du côté des députés de circonscription.
Vous proposez que la loi propose des effets financiers aux partis politiques...
des incitatifs financiers, pardon, aux partis politiques quand ils font élire
au moins 40 % de femmes dans les circonscriptions, je le comprends très
bien, la question du bonus, mais aussi des pénalités à ceux qui n'atteignent
pas cet objectif. On a vraiment... Mais on a discuté beaucoup, abondamment du
fait que, malgré que je pense que ça peut porter certaines difficultés, je suis
prête à concevoir qu'il est beaucoup plus aisé pour un parti politique de contrôler le nombre de candidats
présentés que de contrôler le nombre de personnes élues. Donc, vous, vous
proposez de récompenser les élues mais aussi de punir les gens qui n'auraient
pas des élues en bas du seuil de 40 %.
J'avoue que
je trouve ça un peu «touchy», parce qu'il y a une... Comment vous vous attendez
à ce que les partis politiques se comportent pour éviter la punition?
Quand on me demande de présenter un nombre de candidates, bien, j'ai des
efforts à faire, comme parti politique, j'ai un certain contrôle, mais, quand
on me parle du nombre d'élues, je veux dire,
rendu là, c'est le choix de la population. Donc, comment vous... de... Quelle
stratégie vous envisagez, pour un parti
politique, pour éviter la... je ne dirais même pas d'aller jusqu'au bonus, mais
d'à tout le moins éviter la punition?
M. Pépin (Normand) : Bon, c'est
sûr que les partis politiques ne contrôlent pas la façon dont la population
vote. Ce que les partis politiques contrôlent, par ailleurs, c'est, je vais
dire, la qualité de la circonscription offerte aux femmes. C'est le parti
politique qui décide si une femme va être dans telle ou telle circonscription,
un homme aussi, là. Donc, ça va être un incitatif, dans le fond, à offrir des
circonscriptions gagnables à des candidates aux élections, c'est... puis
d'avoir ça comme préoccupation au moment de présenter ses listes de candidates.
Mme LeBel :
Mais, si je vous réponds à ça que, dans la conjoncture actuelle, avec quatre
partis officiellement à l'Assemblée nationale, les circonscriptions
gagnables, sûres, prévisibles vont être, dans le futur, de moins en moins
prévisibles et sûres pour les quatre partis... parce qu'il y a, naturellement,
une division des émergences. Donc, à ce moment-là... Et on l'a vu dans la
dernière élection, puis je ne veux pas... je n'en fais pas de la partisanerie,
je fais un constat de faits, il y a des comtés qui étaient des châteaux forts,
qui étaient supposément prévisibles et gagnables, qui se sont avérés ne pas
l'être, au final. Comment, à ce moment-là... dans un futur qui change, un
électeur qui change, un citoyen qui n'a plus le même attachement indéfectible à
un parti politique, mais il va vraiment aller plus peut-être sur les programmes
de chacun, quelle stratégie proposez-vous, si on inclut ce genre de pénalités
là à l'élection?
M. Pépin (Normand) : Quel genre
de stratégie? Une fois que la règle sera établie, ça sera à chaque parti
politique d'établir sa stratégie. S'ils choisissent de présenter 60 % de
candidates pour avoir 40 % d'élues, ça sera leur choix, là, puis
évaluer... De toute façon, moi, j'imagine que tous les partis politiques font
des pointages sur les circonscriptions qui sont gagnables, et ils vont être
obligés de l'évaluer peut-être un peu plus d'avance pour soit obtenir la
bonification, soit éviter le malus, là, la pénalité.
Mme LeBel : O.K., merci. Merci
pour votre éclairage.
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.
Mme Robitaille : Merci. Merci,
messieurs, d'être là aujourd'hui. Je vais continuer sur la même lancée que la
ministre. Hier, on avait Eric Montigny qui, en fait, disait... sur la
parité, qui disait un peu le contraire de ce que vous dites. Il disait qu'il
fallait laisser la chance au coureur pour vérifier la pérennité des gains en
parité. En fait, il disait : Bien, faisons confiance à la vie, regardons
en avant, on n'a pas besoin de mesures contraignantes. Qu'est-ce que vous, vous
lui répondez? Pourquoi c'est important, selon vous, de mettre, justement, ces
mesures contraignantes là?
M. Vachon
(Luc) : Bien, écoutez, faire
confiance à la vie... puis il peut y avoir deux courants de pensée là-dessus,
là, mais faire confiance à la vie pour faire en sorte que ça va se positionner
seul, écoutez, force est de constater, là, actuellement, qu'il faut quand même
donner un coup de barre et il faut quand même, pour que ça se produise... Je veux dire, prenez tous les éléments
d'équité salariale, prenez tous les éléments d'accession aux différents
postes, actuellement, tous les débats sont autour de comment on met des mesures
qui sont plus que des intentions pour être
capables d'y arriver, parce que sinon, dans 30 ans, on va être encore à
débattre de ces choses-là. Alors, faire confiance à la vie, ça dépend toujours combien de temps on peut... on
espère de vivre, parce que ça va
être long, hein, ça va être
long.
Alors, ce qu'on dit,
nous, c'est qu'il faut introduire des affaires, il faut introduire des choses
et il faut introduire plus que de simples intentions au niveau des
candidatures, puis on se dit : Bon, bien, regarde, on prend un engagement,
on va faire ça, on va mettre un nombre sur la liste, puis après advienne que
pourra. Tu sais, il y a tout un développement au niveau des engagements
officiels, formels qui doit se faire par après. Donc, on parle au niveau des circonscriptions
qui sont plus gagnables aussi, tu sais, pour ne pas qu'on se retrouve à
dire : Bien, moi, j'ai mis une proportion de femmes sur ma liste de
candidatures... de candidates, je suis correct, hein? Bien oui, mais, après, la
résultante finale concrète d'une élection va être quoi? Et c'est la résultante
finale qui est importante, pas ce qu'on a mis au début,
c'est la parité concrète et réelle. Alors, il y a peut-être plusieurs façons
d'y accéder. On ne peut pas dire... je ne dis pas que la nôtre est parfaite. La
nôtre, ce qu'elle dit, c'est qu'il faut plus qu'y penser, il faut qu'il y ait
des mesures réelles, concrètes, fortes qui soient mises en place.
Mme Robitaille :
Là, vous dites : Bon, à ce niveau-ci, dans le projet de loi — en fait,
vous qualifiez ça de «mesurettes», hein? — on devrait aller beaucoup
plus loin que ça, donc encadrer pour avoir la parité pour ce qui est des
candidatures mais aussi des élues, au bout du compte. Comment vous mettez vos
mesures contraignantes pour les candidatures et, en bout de ligne, pour
bonifier la parité au niveau des... après les élections? Est-ce qu'il y a une
différence? Comment vous l'encadrez?
M. Vachon
(Luc) : Ça, je pense qu'on n'est pas allés sur la détermination
de quoi, combien, comment. On...
Mme Robitaille :
Mais vous auriez une zone, hein? En tout cas, à partir de 40, là, il
faudrait...
M. Vachon
(Luc) : Oui, bon, mais là l'idée, c'est de se fixer des
objectifs qui sont atteignables et qui vont générer, après ça, des incitatifs
importants. Bon, alors, comment ça va se traduire? Est-ce que ça va se traduire
de manière progressive? Est-ce que ça va se
traduire... Ce n'est pas à nous d'établir ça. Je pense qu'il y a d'autres
tribunes qui sont plus aptes que nous à faire ça.
Maintenant,
nous, on s'attarde en disant : S'il n'y a pas d'éléments forts et
d'éléments porteurs, bien, le modèle ne changera pas suffisamment. Les
résultats qu'on va obtenir vont être à la mesure des mesures... vont être en
fonction des mesures qu'on va établir. C'est ce qu'on croit.
Mme Robitaille :
...vous suggérez des pénalités plus que des bonifications, pas nécessairement
les deux. On travaille avec les deux.
M. Vachon
(Luc) : On va toujours être plus en faveur de mesures
incitatives que de mesures de pénalité, tout le temps. Ça, on va toujours
croire qu'il faut récompenser plus que punir. Maintenant, il y a quand même un
minimum d'engagement, et, si un parti, par exemple, ne faisait pas les efforts,
bien, il faut qu'il y ait quand même une couple de conséquences qui soient
associées à ça.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce,
s'il vous plaît.
Mme Weil :
Oui. J'aimerais revenir sur cette question de proportionnalité et les régions
administratives, parce qu'on veut, on
souhaite, donc, la proportionnalité, des mesures pour faire en sorte que, dans
les régions, la voix se porte, la
voix des citoyens soit bien portée, mais l'élément de fonctionnalité, est-ce
que ça pourrait être que le fait d'avoir une région administrative avec
des instances, là, de décision qui fait en sorte que, les députés élus dans les
comtés et les députés de région, il y ait comme un endroit où tout le monde
peut travailler ensemble pour représenter les enjeux de la région? Comment vous
faites la part des choses entre, d'une part, proportionnalité, qui est bien
importante... Je vois, dans régions administratives... je pense comme ça, là,
j'imagine... il y avait les CRE avant, il y a des instances régionales qui sont
très utiles pour aider la démocratie. Est-ce que vous comprenez ce que je dis?
C'est-à-dire que... Voyez-vous qu'il pourrait y avoir des avantages, aussi, de
se coller, si on veut, aux régions administratives ou pensez-vous que... Parce
que vous, vous souhaitez, évidemment, regarder plus l'élément proportionnalité,
juste... J'aimerais vous entendre là-dessus.
Des voix :
...
Mme Weil :
Le rôle, dans les régions, des municipalités et des instances décisionnelles
administratives, qui sont vraiment, comment dire, un genre de pilier quand on
veut savoir... bon, avoir le pouls des enjeux d'une région, on s'adresse à ces
gens-là, qui permettraient... Parce qu'on voit, partout, les gens sont inquiets
qu'il y ait une division entre les députés de région et les députés des comtés,
ça revient constamment. Est-ce qu'il y a quelque chose qui peut faciliter le
travail qu'ils ont à faire ensemble pour représenter les régions?
• (12 heures) •
M. Vachon
(Luc) : Bien, ça, c'est parce qu'on véhicule cette
catégorisation-là de deux types de députés. Et je pense que le grand défaut
qu'on a, c'est qu'on regarde ça avec les lunettes d'aujourd'hui, sous un modèle
actuel, sur un modèle qui n'a pas muté à répondre à ça. Dans un modèle réformé,
pourquoi il y aurait moins d'efforts, moins d'intentions sur l'une ou l'autre
des catégories de députés?
Nous, on est
convaincus qu'à partir du moment où on va fonctionner avec nos nouveaux
modèles, tous les députés, peu importe la façon dont ils vont accéder, vont
avoir le même attachement, le même intérêt à la région. Et, en même temps, la
population va s'y retrouver, elle aussi, va s'y retrouver. Parce qu'on part de
la prémisse où, à chaque fois qu'on a notre député qui est notre identité, mais
il y a des gens qui n'ont pas voté pour ce député-là ou ce ou cette députée-là,
puis qui ont voté pour l'autre. Et c'est lequel, leur député? C'est lequel?
Alors, à partir de là, moi, je pense que leur rôle va s'adapter et que les deux...
Il n'y aura pas deux catégories, il va y avoir deux façons d'y accéder, mais il
va y avoir des députés. C'est ça qu'il va y avoir. Moi, je pense que c'est ça.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il
vous plaît.
Mme Robitaille : Le référendum.
Donc, vous dites, si je comprends bien : Un référendum pas en même temps
que des élections, des élections, d'une campagne électorale. C'est bien ce que
je comprends?
M. Vachon (Luc) :
Tout à fait.
Mme Robitaille :
Et maintenant j'aimerais vous entendre sur la participation des élus à un
référendum comme celui-là. Le bureau de Mme LeBel... je lisais,
dans un article... nous disait : «...on précise qu'il reviendra au premier
ministre de décider si les membres du caucus pourront militer publiquement en
faveur de la réforme.» Vous, quelle place vous attribuez aux élus? Quelle place
ils devraient prendre dans un genre de référendum comme celui-là?
M. Vachon (Luc) :
On n'arrête pas de parler qu'il s'agit là de quelque chose de quasiment
historique. Bon, ça fait très longtemps qu'on en parle. Ça fait une vingtaine
d'années, à peu près, qu'on en parle de manière plus importante. Alors, le
référendum, un des problèmes — j'y vais sur deux volets, là — de le
tenir en même temps que l'élection... Et j'ai entendu certaines remarques qui
disaient : Oui, mais ça se gagne aussi. Il y a des endroits où ils l'ont
fait en même temps que l'élection, et ça a été un Oui. O.K., «good», pas de
problème, c'est vrai, ça existe. Ma question, moi, sur le référendum en même
temps que l'élection, c'est que, si c'est un Oui, il n'y a pas de problème, le
dossier est clos. Si c'est un Non, allons-nous recommencer à en parler pendant
20 ans? Parce que l'élément pour lequel on va encore continuer d'en
parler, c'est le fait qu'on l'a noyé à travers l'élection. Voulons-nous, à ce
tour-là, continuer de générer un débat pour les 20 prochaines années? La
question se pose.
Nous, on pense qu'on est rendus là où...
tellement près qu'il serait dommage, qu'il serait vraiment dommage de faire
achopper une vraie consultation, si on veut en faire une, une vraie
consultation en noyant ça à travers l'élection. Puis, la participation, là...
bien, à mon avis, les partis qui ont signé l'entente transpartisane, ils ne se
sont pas mis en position de neutralité. Alors, pourquoi on va se mettre en
position de neutralité, tout à coup, dans les débats? Pourquoi? Notre rôle,
c'est d'informer la population. C'est ça, le rôle. Notre rôle, c'est de faire
en sorte que la population fasse un choix éclairé? Prenons les moyens qu'il
faut et engageons-nous en fonction des convictions que nous avions lorsqu'on a
pris ces ententes-là. Respectons ça et traduisons ça aussi dans nos actions.
Mme Robitaille :
Donc, les élus devraient s'impliquer, ne devraient pas être gênés de
s'impliquer, puis d'y aller, puis de donner leur point de vue. Puis ça
les touche directement, évidemment.
M. Vachon
(Luc) : Absolument. Mais je
crois que c'est tout à fait légitime et que ça devrait faire partie du
processus.
Mme Robitaille :
Maintenant, est-ce que le chef du gouvernement, le chef de la CAQ, du
gouvernement de la CAQ pourrait être aussi chef du camp du Oui?
M. Vachon (Luc) :
Il pourrait.
Mme Robitaille : Parce qu'il y
a un article dans le projet de loi qui l'interdirait, d'une certaine façon.
Vous, est-ce que vous avez des problèmes
avec ça? Est-ce que les leaders des... les chefs des partis devraient aussi se
mouiller, puis choisir leur camp, puis devenir... Oui, allez-y.
M. Vachon (Luc) :
Ils pourraient et ils devraient.
Mme Robitaille : Pourquoi?
M. Vachon (Luc) :
Parce qu'il a été un des défenseurs de l'entente transpartisane, il y a eu des
engagements de pris. Ce n'est pas une position neutre, ça, ce n'est pas une
position neutre. Alors, quand on prend ce genre d'engagement là, c'est parce
qu'on s'engage aussi à le défendre. Et l'entente transpartisane allait plus
loin que ce qui est là sur la table aujourd'hui. Bon, maintenant... on allait
plus loin, on se retire un peu. Bon, c'est correct. On peut comprendre qu'il y
a différentes raisons, là, qui ont provoqué ça, on va vivre avec ça. Mais,
maintenant, est-ce qu'aujourd'hui on peut
adopter une position neutre? Je pense que c'est difficile d'adopter une
position neutre. En tout cas, c'est
un drôle de message qu'on donne à la population lorsqu'on adopte une position
neutre suite à un engagement qu'on a pris. C'est un drôle de message.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. M. le député de Gouin, s'il vous plaît. M. le député de Gouin.
M. Nadeau-Dubois : Oui, merci,
M. le Président. Je vous rassure quand même, on a des indications... On a posé
une question au premier ministre en Chambre, qui nous a dit qu'il
s'impliquerait dans la campagne du Oui. En sera-t-il
le chef? Ça reste à voir. Mais on essaie, de notre côté, de convaincre
également le gouvernement et son premier ministre d'être résolument
engagés. Puis, à ce stade-ci, l'information qu'on a, c'est en effet qu'il
s'impliquerait, parce que, là, on est d'accord avec vous que c'est important.
Vous
faites beaucoup de recommandations, certaines qui recoupent des choses qu'on a
déjà entendues, d'autres qui sont nouvelles. J'aimerais vous demander
c'est quoi, pour vous, la principale défaillance, le principal défaut de ce
projet de loi là. Qu'est-ce qui vous dérange le plus, si vous aviez une chose à
changer seulement?
M. Vachon (Luc) :
Bien, oui, si j'avais une chose, moi, au niveau des réflexions qu'on a faites,
qui m'agace le plus, je vais vous dire que la prime au vainqueur, c'est
vraiment problématique. C'est vraiment problématique, parce que c'est comme
venir défaire quelque chose qu'on essaie... Ça ne repose pas sur un principe
qui rejoint, qui correspond à la proportionnalité. Alors, maintenant, je veux
dire, il pourrait y en avoir d'autres, mais, s'il y en avait un pour lequel ça
heurte de manière particulière, ça, pour moi, ça heurte.
M. Nadeau-Dubois : Vous n'êtes
pas le premier à dire ça. On essaie tous de comprendre d'où ça vient, on essaie
tous de comprendre qu'est-ce qui a inspiré ça, on essaie tous de comprendre
quels sont les objectifs, parce qu'on dit souvent, ici, que les législateurs ne
parlent pas pour ne rien dire. Quelle est l'intention, selon vous, derrière
cette disposition-là du projet de loi? On la cherche, aidez-nous.
M. Vachon (Luc) :
Oui. Là, vous me demandez, dans le fond...
M. Nadeau-Dubois : Faire une
hypothèse.
M. Vachon
(Luc) : ...de vous dire
quelle est mon intention, quelle est l'intention derrière des débats auxquels
on n'a pas participé. Mais j'ai l'impression que c'est plus une question
d'interne, au niveau de toutes les incertitudes, un peu de venir réduire les
incertitudes qui peuvent se générer, actuellement, au niveau... plus au niveau
des députés, je dirais, sur la transformation. Il y a une zone d'insécurité. On
comprend que, pour la population, il y a une zone, actuellement, d'insécurité dans le changement, tout changement comporte
une zone d'insécurité. C'est vrai, certainement, à l'intérieur des
partis, c'est vrai. Maintenant, moi, je pense que, si on est capables de
franchir cette chose-là, si on est capables de franchir ça puis de vivre le
nouveau modèle...
M. Nadeau-Dubois : ...d'avoir
cette astuce-là.
M. Vachon
(Luc) : Bien, ça, on n'en a
pas... Écoutez, c'est sous un principe où on essaie de trouver des façons
d'atteindre la proportionnalité. Il y a plein d'éléments qui peuvent se
justifier, là, mettons, puis on peut trouver des arguments pour, des arguments
contre au niveau des régions, au niveau de ci, au niveau de ça, mais celui-là,
celui-là, pas capables d'en trouver, pas capables de trouver... si ce n'est que
de trouver un mécanisme pour venir réduire l'effet de la proportionnalité, mais
on n'est pas capables de trouver d'où c'est porté.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Marie-Victorin,
s'il vous plaît.
• (12 h 10) •
Mme Fournier : Merci
beaucoup, M. le Président. Merci à vous pour votre présentation. Pour aller
dans le même sens que le collègue de Gouin, en fait, moi, je pense que j'ai une
hypothèse à vous soumettre. En fait, ce que dit
le gouvernement quand il défend la question de la prime au vainqueur, c'est, en
fait, que ce serait pour rassurer la population, hein, parce qu'on
entend beaucoup que la réforme du mode de scrutin entraînerait une plus grande
instabilité de notre système politique, donc de là, selon eux, l'instauration
de la fameuse prime au vainqueur.
Mais, si je
vous disais qu'il y avait également une autre proposition qui permettrait de
réduire ce sentiment de crainte quant
à l'instabilité de la réforme du mode de scrutin qui est l'encadrement des
motions de censure, c'est-à-dire le fait de pouvoir limiter les
possibilités de l'opposition de faire tomber, essentiellement, le gouvernement,
est-ce que vous trouvez que ce serait une bonne solution de rechange à la
question de la prime au vainqueur?
M. Pépin
(Normand) : Bien, oui, tout à fait. Bien, d'ailleurs, c'est dans le mémoire puis... On ne fait pas une
réforme du mode de scrutin pour pouvoir obtenir des gouvernements majoritaires,
pas plus qu'on fait une réforme de scrutin pour absolument obtenir des
gouvernements minoritaires. On fait une réforme du mode de scrutin pour que ça
soit plus représentatif du suffrage exprimé. Quand on rentre dans ça, là, dans
le diviseur par deux, on rentre dans une logique qui, de prime abord, apparaît
incompréhensible, mais elle vise surtout à réduire la proportionnalité. On fait
une réforme du mode de scrutin pour avoir une meilleure représentativité de la
population, on devrait essayer, à tout le moins, de contrevenir à ce
principe-là le moins possible. Puis encadrer les motions de censure, ça nous
apparaît essentiel. Si un parti fait partie d'une coalition puis il décide de
s'en dégager, bien, qu'il ait l'obligation de négocier puis essayer de former
un autre gouvernement avec quelqu'un d'autre, ça va réduire les motions de
censure frivoles, ça va assurer une meilleure stabilité aux gouvernements
futurs. C'est la voie à suivre, selon nous.
Mme Fournier : Parfait. Merci
beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) : Sur ce, merci beaucoup de votre participation aux
travaux de la commission.
On suspend les travaux quelques instants pour
demander au prochain groupe de venir s'installer. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 12)
(Reprise
à 12 h 14)
Le
Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il
vous plaît! Merci. La commission reprend ses travaux. Il me fait plaisir, maintenant,
d'accueillir les représentants de Force Jeunesse à cette commission.
Alors, comme vous savez,
vous avez 10 minutes de présentation et, par après, on aura un échange
avec les membres de la commission. La parole est à vous. Merci d'être ici.
Force Jeunesse
M. Diallo
(Daye) : Bonjour. Merci de nous recevoir. Merci à la commission de
nous écouter, aux élus qui sont présents ici. Je m'appelle Daye Diallo, je suis
le président de Force Jeunesse.
M. Jacques
(Olivier) : Merci de nous
recevoir. Je m'appelle Olivier Jacques, je suis le responsable au contenu
de l'organisme Force Jeunesse.
Mme Racine
(Éliane) : Puis je m'appelle
Éliane Racine, je suis administratrice puis membre du Comité contenu sur
Force Jeunesse.
M. Diallo (Daye) : Excellent. Donc, sans plus attendre, on va
commencer. On sait qu'on n'a pas beaucoup de temps. Je vais quand même commencer à
vous présenter rapidement qu'est-ce que c'est que Force Jeunesse. Certains
connaissent déjà notre organisation.
Ça fait 20 ans
que l'on existe. On est un groupe de jeunes bénévoles issus de la société
civile en emploi, en éducation qui essayons de défendre les intérêts de la
jeunesse québécoise dans les politiques publiques. Donc, on essaie de faire en sorte que les politiques
publiques qui soient adoptées au Québec soient faites sous un angle d'équité
intergénérationnelle qui fait en sorte que les intérêts de la jeunesse québécoise
y sont présents. On est présents dans de nombreux domaines, en santé, le Fonds
des générations, en matière de finances publiques, la représentation des jeunes
sur les C.A. C'est des enjeux sur lesquels on s'est exprimés au cours des
dernières années. Et comment est-ce que l'on fait ça, chez Force Jeunesse? On
le fait de deux manières, soit en rencontrant directement les élus, comme
aujourd'hui, on fait de la représentation politique, ou en faisant en sorte que
les jeunes puissent rencontrer leurs élus dans certains événements que l'on
organise pour pouvoir discuter avec ces élus-là des enjeux qui les concernent.
Donc, rapidement, Force Jeunesse, c'est un peu ça.
Donc, on va embarquer
directement, comme vous pouvez le voir à la page 5, sur la raison qui nous
amène ici aujourd'hui, donc notre position sur la réforme du mode de scrutin au
Québec, donc le projet de loi n° 39. Comme dit... le
projet de loi n° 39 mentionne l'importance d'utiliser
la réforme du mode de scrutin pour accroître la représentation des jeunes. Bien
que Force Jeunesse appuie la réforme du mode de scrutin dans la perspective où celle-ci pourrait améliorer la représentation des
jeunes, nous considérons que le projet de loi ne va pas assez loin pour favoriser cette dite représentation. Force
Jeunesse considère que la réforme du mode de scrutin peut permettre au Québec
d'atteindre deux objectifs : un,
assurer une plus grande représentativité des jeunes dans les institutions
démocratiques; deux, favoriser la prise de décision publique à long
terme pour promouvoir l'équité intergénérationnelle dans les politiques
publiques.
Dans
les prochaines minutes, notre argumentation se fera de telle manière qu'on va
essayer de vous démontrer comment est-ce que les systèmes proportionnels
favorisent la représentation des jeunes et comment est-ce que ces systèmes
proportionnels là favorisent une gouvernance à long terme où l'équité
intergénérationnelle est présente dans les politiques publiques.
Donc,
plus concrètement, en vue de favoriser la représentation des jeunes, Force
Jeunesse propose l'instauration de
quotas de 25 % de candidats de moins de 35 ans sur les listes
compensatoires des partis politiques. Nous proposons aussi d'augmenter
la proportionnalité du mode de scrutin proposé dans le projet de loi n° 39. Force Jeunesse propose d'abandonner la compensation
régionale pour plutôt favoriser une compensation nationale. Tant qu'à faire,
allons-y. Ainsi, la liste des candidats de chaque parti serait regroupée dans
une seule liste nationale plutôt que dans 17 listes régionales. Non seulement cela augmenterait la
proportionnalité du système, mais cela permettrait aux partis d'assurer
un respect des règles de positionnement des jeunes. Il est en effet quasiment
impossible d'imposer un quart de candidatures jeunesse si les régions
compensatoires ne font qu'élire un ou deux députés. Force Jeunesse propose
aussi de diminuer le seuil minimal d'entrée au Parlement de 10 % — je
pense que ça fait consensus assez — à 5 % des votes à
l'échelle nationale.
Finalement,
nous invitons le gouvernement à augmenter le financement public au référendum
et à le devancer. Dans les
perspectives où ces demandes sont acceptées, Force Jeunesse réitère son appui à
la réforme électorale en cours et formule donc les recommandations
suivantes dans le cadre des consultations.
Pour
faire un résumé, notre première recommandation consiste à instaurer un quota de
25 % de jeunes candidats de 35 ans
et moins sur les listes compensatoires des partis politiques; deux, à augmenter
la proportionnalité de la réforme électorale
en faisant passer les régions desquelles sont issus les députés élus par listes
partisanes de 17 à une seule; trois, augmenter
la proportionnalité de la réforme électorale en diminuant le seuil minimal de
votes obtenus à l'échelle nationale pour obtenir des sièges de
compensation de 10 % à 5 %; et, finalement, de devancer la date du
référendum — parce
qu'on en propose un avec cette réforme du mode de scrutin — pour
qu'elle soit au plus tard un an avant la campagne électorale
et aussi d'augmenter le financement public pour les groupes souhaitant faire
campagne pour ou contre la question référendaire. Ce sont les positions de
Force Jeunesse.
Je vais
passer la parole à ma collègue Éliane, qui est juste à ma gauche, pour étayer
un peu plus nos positions.
• (12 h 20) •
Mme Racine
(Éliane) : Oui. En fait, je vais vous parler du lien entre la
représentation des jeunes et la proportionnelle, puis ce lien-là a été
établi dans la littérature scientifique puis politique. Puis ce qu'on constate,
c'est qu'il y a plus de représentation de la
population à travers un mode proportionnel, et donc ça veut dire plus de femmes
et plus de jeunes qui sont élus que dans un mode non proportionnel. Là-dessus,
on se base, ici, sur l'étude qui a été faite sur la question de la
représentation des jeunes en fonction du mode de scrutin. Puis ce qu'ils ont
constaté, les auteurs, c'est que le pourcentage de jeunes de moins de
36 ans, pour un mode de scrutin proportionnel, était significativement
plus élevé, à 12,1 % ou 10,6 %, dans une proportionnelle mixte que
dans un mode de scrutin majoritaire, où on passait à 7 %.
Puis les raisons qui peuvent expliquer ce lien
entre le système proportionnel puis la représentation des jeunes sont,
premièrement, que, dans un scrutin majoritaire, les associations locales vont
choisir ou vont élire les candidats, puis ça va avoir tendance à faire en sorte
que les hommes plus âgés provenant de groupes ethnoculturels majoritaires
soient surreprésentés. En ayant un système proportionnel, les listes qui vont
être gérées par les partis vont permettre aussi
d'imposer des règles de positionnement en fonction, par exemple, du genre ou,
dans notre cas, de l'âge. Ensuite, les systèmes proportionnels tendent à
augmenter le nombre de partis élus, puis donc à favoriser la représentation de
partis dans lesquels les jeunes se retrouvent. Puis finalement, dans un système
majoritaire, les partis ont des incitatifs à placer dans chaque comté des
candidats qui ont le plus de chances d'être élus, alors que, dans un système
proportionnel, les partis vont devoir diversifier leur clientèle électorale au
maximum, et donc chercher à attirer les jeunes en mettant de l'avant les jeunes
sur leurs listes électorales. Je vais passer la parole à mon collègue Olivier.
M. Jacques (Olivier) : Merci.
Je voulais conclure en discutant des quotas électoraux. Force Jeunesse croit
fermement que les quotas électoraux liés aux jeunes ont fait leurs preuves et
seraient un excellent mécanisme pour assurer
une représentation des jeunes à l'Assemblée nationale du Québec. L'exemple de
la Suède démontre l'efficacité des
quotas. Avec un quota, dans les listes de partis, qui exigent 25 % de
candidatures de moins de 35 ans, la Suède a beaucoup plus de jeunes
élus que la moyenne, avec 12 % d'élus de moins de 30 ans et plus de
34 % d'élus de moins de 40 ans dans l'Assemblée législative suédoise.
Ainsi, Force Jeunesse recommande d'imposer une règle de positionnement dans les
listes électorales de 25 % de candidatures de moins de 35 ans. Force Jeunesse
propose aussi que les listes alternent un candidat jeune au minimum à chaque
candidature... à chaque quatre candidatures, pardon, pour éviter que les
candidats jeunes ne se retrouvent en bas des listes et aient moins de chances
d'être élus.
La demande de Force Jeunesse concernant les
quotas se limite aux candidats élus par liste régionale, puisque l'autonomie
des associations locales pour la sélection des candidats des circonscriptions
ne devrait pas être limitée. Il faut que ces quotas soient assortis de
punitions et de récompenses qui soient conséquentes et qui dissuadent les
partis à ne pas les respecter, et les quotas doivent être suffisamment élevés
pour avoir un effet. Et il est peu probable que les quotas puissent fonctionner
dans le mode de scrutin proposé par le projet de loi n° 39
actuel parce que le nombre de régions est
trop élevé et le nombre de députés élus par liste régionale est trop faible.
Par exemple, comment s'assurer qu'il y ait des jeunes élus sur les
listes électorales si la majorité des régions n'ont qu'un à trois députés? Par
exemple, une région à trois députés, où trois partis différents feraient élire
son candidat en tête de liste, pourrait n'avoir aucun représentant de moins de
35 ans, malgré l'installation d'un quota.
Donc, pour
que les quotas soient efficaces, on propose... et non seulement pour que les
quotas soient efficaces, mais aussi pour réellement diminuer l'indice de
distorsion du mode de scrutin, puisqu'on est convaincus que la proportionnalité du système électoral favorise la
représentation des jeunes... donc, pour rendre la proposition de quotas
viables et diminuer l'indice de distorsion, le gouvernement devrait éliminer la
compensation régionale et passer à une compensation nationale. Plutôt que
d'avoir 17 régions, le projet de loi n° 39
devrait plutôt considérer le Québec comme une seule région dans laquelle
45 députés seraient élus à partir d'une liste qui servirait à compenser
les distorsions du scrutin nominal à un tour.
M. Diallo (Daye) : Excellent.
Donc, pour conclure, je vous rappelle que Force Jeunesse réitère son appui au
principe d'une réforme du mode de scrutin qui puisse augmenter la
proportionnalité du système électoral québécois et la représentation des jeunes
à l'Assemblée nationale. En effet, la position que l'on vient de vous dire
démontre que la proportionnalité est associée à une meilleure représentation
des jeunes, et cette représentation des jeunes pourrait être bonifiée à l'aide
d'une règle de positionnement dans les listes électorales qui favorise les
jeunes.
Vous savez, en général, les gens ont tendance à
voter quand ils se sentent représentés. Donc, au Québec, nous faisons face à un
enjeu où, d'élection en élection, on se rend compte que le taux de vote chez
les jeunes est sensiblement plus bas, et l'on pense sincèrement que le fait
d'avoir des gens qui les représentent, le fait d'avoir une certaine forme, aussi, de représentativité au
niveau de la représentation hommes-femmes, de la représentation ethnique
va faire en sorte que les gens se sentent plus concernés, qu'il y ait plus
d'idées qui soient représentées au sein des partis politiques et que, de cette
manière-là, on puisse, à long terme, se retrouver, au Québec, dans une
situation où les partis politiques sont beaucoup plus représentatifs de
l'ensemble de la population, et donc arrivent avec des idées et des solutions
qui sont beaucoup plus représentatives. C'est un peu la position de Force
Jeunesse. Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci infiniment. Mme la ministre, s'il vous plaît.
Mme LeBel : Merci, M.
le Président. Merci, merci, messieurs, merci, madame, de votre présence. Et,
d'entrée de jeu, je veux souligner
l'excellente qualité de votre mémoire. J'apprécie surtout le fait que, dans
votre argumentaire, c'est soutenu.
Vous avez des exemples, vous nous dirigez vers d'autres pays, donc ça illustre
vos propos. On peut être d'accord ou
pas d'accord, mais vous avez une base extrêmement soutenue et vous avez des
exemples pour les illustrer, puis merci beaucoup, ce qui fait en sorte
que je n'ai presque pas de questions, dans le sens où c'est très bien compris.
Mais,
quand même, j'aimerais voir un peu avec vous un point que vous
amenez, et je le comprends, je comprends votre argument au niveau de
la... pas de l'abolition, mais du fait qu'on ne se base pas sur 17 régions
administratives, mais plutôt qu'on se base sur le Québec, donc une compensation
nationale, une liste nationale plutôt que d'avoir des listes régionales, ce qui
fait en sorte qu'on n'a plus à diviser le Québec en régions, selon votre
proposition. Je la comprends très bien. Je comprends très bien le fait, aussi,
qu'au niveau de l'argumentaire de la proportionnalité, bien, on a beaucoup plus de facilité à injecter de la proportionnalité
dans notre Assemblée nationale parce qu'on n'est pas limités par la
proportionnalité par région. Ça, ça me va très bien.
Là, où j'aimerais
vous entendre, parce que c'est un peu silencieux, là, sur cet aspect-là dans
votre mémoire, mais on en a discuté dans les dernières journées surtout, c'est
sur comment on va opérationnaliser ça sur le terrain. Mettons qu'on s'en va dans la direction que vous proposez. À titre
d'exemple — on
jase — on
accepte d'aller avec une liste
nationale, on prend les 45 députés, puis on les met à la grandeur de la
province du Québec. Beaucoup d'arguments circulent... on peut les
adopter ou non, mais ce qui circule, entre autres, déjà avec la proposition
gouvernementale, c'est qu'il y a un
risque... bon, d'autres y répondent, mais qu'il y a un risque de créer deux
classes de députés, c'est-à-dire un député de circonscription, un député
de région. Il y a des réponses à donner à ces arguments-là, mais c'est quand même une crainte. L'attachement, aussi, aux
régions, c'est une crainte. Quel est le rôle que le député régional va jouer?
Et ce que j'ai entendu aussi, c'est : Comment le député de liste va se
comporter en campagne électorale? Comment va-t-il faire campagne? Je pense
qu'on y répond en divisant le Québec en 17 régions, en disant : Le
député régional... comme la liste est
régionale et la compensation est régionale, bien, le député de liste devra
quand même faire campagne sur le terrain dans la région dans laquelle il
se présente. Mais comment vous proposez, pour les députés nationaux? Est-ce
qu'on ne vient pas exacerber cette impression-là ou cette crainte-là d'avoir
deux classes de députés? Ils vont faire une campagne nationale, un peu comme un
chef de parti? Est-ce qu'on ne vient pas favoriser l'entrée en jeu de candidats-vedettes comme on le craint? Comme vous
n'avez peut-être pas eu l'occasion de le faire dans votre mémoire, je
veux avoir votre tête sur cette façon d'opérationnaliser votre proposition sur
le terrain, surtout du point de vue des citoyens, quel va être l'attachement,
dans ce sens-là. Je comprends l'argument de proportionnalité, là, je veux aller
sur un autre aspect.
M. Diallo
(Daye) : Excellent. Je vais y répondre. Je vais prendre la première
partie de la réponse, et je suis très content de voir que l'argument de la
proportionnalité soit très bien compris et que vous voyez que la nécessité...
Pourquoi est-ce qu'on a demandé à ce qu'il y ait une liste nationale? C'est
qu'on voudrait, effectivement, qu'il y ait de la proportionnelle. On la veut,
cette proportionnelle, faisons-la.
Et donc, pour
répondre un peu plus à votre question sur l'aspect régional, sur comment est-ce
que l'on fait pour essayer de s'arrimer au fait qu'on n'a pas juste les députés
de circonscription et les députés nationaux, c'est là où Force Jeunesse,
d'une certaine manière, a réfléchi à la question, puis, d'une certaine manière,
on compte un peu sur la bonne foi des partis politiques et aussi sur un aspect
pragmatique. Pour ne citer aucun parti, par exemple, il y a certains partis qui
sont beaucoup plus représentés dans certains lieux géographiques du Québec ou
pas. Sur l'île de Montréal, on ne citera pas
ce parti-là, mais il est très représenté sur cette île-là, par exemple, en
prenant cet exemple-là. Donc, ce parti aurait tout intérêt, sur sa liste
nationale, à avoir des députés, dès le départ, qui ont un certain tropisme pour d'autres endroits que la région de Montréal,
disons. Donc, des députés qui viennent, par exemple, de la Côte-Nord,
des gens qui ont un attachement avec la Côte-Nord, par exemple si je ne prends
que cet exemple géographique là, où, sur la liste électorale, on aurait déjà,
dès le départ, un choix de députés qui seraient probablement élus, qu'ils
viennent d'endroits où ces partis-là ne pensent peut-être pas pouvoir élire des
gens issus des circonscriptions. Donc, de cette manière-là, on arrive déjà à
avoir une certaine forme de représentation.
Puis un autre exemple
que l'on a souvent, c'est que les députés à l'Assemblée nationale, ils ont
souvent des portefeuilles. On peut être ministre, on peut être adjoint
parlementaire, par exemple, au Tourisme ou à autre chose. Donc, dès le départ,
ce qu'il faudrait, c'est que les députés qui sont élus sur les listes de
circonscription aient déjà, d'une certaine manière, une affectation, et qu'on
leur dise : Si vous êtes élu, bien, on pense que vous soyez peut-être
plus... vous devriez normalement être plus dans la région de l'Outaouais, par
exemple, puis que les citoyens sachent, de manière très claire, une fois que
les élections se passent, à quels députés ils pourraient, par exemple,
s'adresser s'ils n'arrivent pas à avoir accès à leur député de circonscription.
Et donc ces députés-là, d'une certaine manière, seraient des députés de région
qui remplaceraient, par exemple, les régions administratives. Donc, très rapidement,
ça peut être une réponse à ce que vous dites.
• (12 h 30) •
Mme LeBel : Bien, je
comprends ce que vous dites, je comprends l'argument de la bonne foi, mais il peut y arriver des cas, peu
importe le parti, où on n'a pas cet équilibre-là régional dans les députés
nationaux. Où est-ce qu'ils vont s'installer, ces députés-là? Est-ce que ça va
être à leur choix? Quels dossiers ils vont porter? Clairement, c'est plus
difficile de penser... Moi, je pense que ça se décline beaucoup mieux quand on
parle de régions et de circonscriptions,
quand on parle des 17 régions, de penser qu'il va y avoir une organisation
sur le territoire et que, bon, des députés régionaux de circonscription
ou de liste pourront aussi faire des cas de comté, peu importe, et vice versa. Mais on parle de 45 députés nationaux, oui,
la bonne foi, mais une fois... quel va être le rôle de ces députés-là? Est-ce
qu'ils vont faire des cas de comté? Quels comtés?
M. Diallo
(Daye) : En fait, la bonne foi, c'est aussi une question de
pragmatisme. C'est que, comme je vous dis, les partis politiques n'ont aucun
intérêt à concentrer des députés d'un seul coin du Québec dans le cas où c'est
une représentation nationale. Puis aussi, de manière très claire, ce sera aux
partis politiques d'assigner une certaine forme de régionalisation à l'action
de leurs députés. Donc, oui, ces députés-là, s'ils n'arrivent pas... pardon, si
les citoyens n'arrivent pas à entrer en contact avec leur député de
circonscription ou c'est beaucoup plus difficile, il faut que, dans l'information que les partis divulguent
aux citoyens, les citoyens sachent de manière très claire vers lesquels
des députés ils pourraient se tourner s'ils se trouvent, par exemple, dans l'Outaouais.
Donc, ce sera un travail aux partis de le faire,
mais c'est aussi une question de pragmatisme parce que, si un parti politique, sur ces 45 personnes qu'il
met sur la liste nationale... ne sont que dans la grande région de Québec, bien,
le parti se tire d'une certaine manière une balle dans le pied en faisant ça.
M. Jacques (Olivier) : Si je
pouvais rebondir rapidement, je pense que la question de permettre la double
candidature serait assez pertinente dans ce cas-là. On pourrait éviter, là, d'avoir
deux classes de députés. Je pense que ce serait vraiment une bonne réforme à
mettre de l'avant aussi. Et je pense qu'en fait on peut réfléchir au fait que
notre liste nationale permet aux partis, à l'ensemble des partis d'avoir une
forme de représentation dans plusieurs régions qu'ils n'ont pas nécessairement actuellement.
Et donc je ne pense pas que la question de la représentation régionale de
chacun des partis est vraiment problématique avec notre réforme.
Mme LeBel : Peut-être qu'il y a
la question du point de vue du citoyen qui, au moment où il vote, ne saura pas,
lui, qui sera son député régional ou s'il aura un député régional, parce que ce
sera le parti... ça dépendra du pourcentage national du parti, ça dépendra de
qui, sur sa liste, sera sélectionné et ça dépendra du pragmatisme du parti, que
je ne mets pas en doute, qui devra assigner, après coup, peut-être un député à
une région donnée. Donc, le citoyen, de son point de vue, quand il vote...
alors qu'avec la proposition gouvernementale présentement sur la table la liste est fermée, elle est régionale, le
citoyen sait qui est susceptible de le représenter, alors qu'avec une liste
nationale... Du point de vue de la proportionnalité, j'en suis. Quand on
parle d'une proportionnalité maximisée, là, c'est sûr que la liste nationale, effectivement...
Dans les choix qu'on a dû faire dans la proposition, bien, il a fallu sacrifier
une portion de la proportionnalité pour avoir une portion de représentativité
régionale et d'attachement.
Mais je reviens sur un autre point, parce que je
veux être sûre de... pas parce que ce n'est pas intéressant, on pourrait en discuter pendant des heures, puis on
aura peut-être l'occasion de le refaire, mais la question des quotas, et je
vous ramène à la bonne foi des
partis, on a eu un expert qui est venu nous dire : En matière de parité
hommes-femmes, à titre d'exemple, en
2018, on a quand même eu une année exemplaire de tous les partis confondus, on
a eu une année exemplaire, on a même eu des années exemplaires en termes
d'élection, en termes de représentation à l'Assemblée nationale, en termes de
constitution du Conseil des ministres. Si on prend une photo de 2018, là, on
est en bonne posture au niveau de la parité hommes-femmes. Malgré tout, les
groupes de femmes viennent nous demander de mettre des quotas et d'être plus
coercitifs dans nos mesures. Certains experts sont venus nous dire : Bien,
ça va bien, il y a une belle tendance, il y a un point de bascule. Voyons voir
la bonne foi des partis, justement, parce que ce sera, ultimement, aux citoyens de juger de l'attitude des partis. C'est un peu
la nature des mesures qu'on a mises, c'est-à-dire vous déclarez vos
intentions, vous déclarez si vous avez rempli vos propres intentions, et le
peuple, en bon français, jugera de votre performance et si vous êtes à côté de
la plaque ou non. Vous me parlez de la bonne foi des partis par rapport à la
distribution nationale, mais vous semblez en douter par rapport à la
représentation des jeunes. Alors, comment concilier tout ça?
M. Diallo
(Daye) : Pour répondre très
rapidement à cette question, c'est que notre mode de scrutin actuel existe
depuis plus d'un siècle, puis, de manière très claire, jusqu'à maintenant, le
nombre de jeunes présents à l'Assemblée nationale n'a jamais été
significativement proche de la réalité qui existe au Québec, et c'est pour
ça... c'est pourquoi on pense qu'il faudrait une mesure très claire, une
mesure, effectivement, très forte pour faire en sorte qu'il y ait plus de
jeunes à l'Assemblée nationale, et ça, ça passe effectivement par le fait où il
faudrait imposer aux partis politiques ce 25 % là, qui est juste une
présence sur les listes électorales, qui ne veut pas forcément dire qu'il y aura
autant de jeunes présents à l'Assemblée nationale, mais en espérant que ça
fasse en sorte que le seuil augmente.
Par exemple, un exemple, à la dernière élection,
en 2018, il n'y avait que 9 % de jeunes de moins de 35 ans à
l'Assemblée nationale, donc il y a très clairement quelque chose à faire
là-dessus. Et c'est pourquoi, on le répète encore,
sur cet enjeu-là, on veut aller au-delà de juste la bonne foi pour faire en
sorte qu'il y ait des balises qui sont très claires pour obliger les
partis à avoir plus de jeunes. Et, comme nous disait tout à l'heure mon
collègue, avec ça, on s'en vient aussi avec des idées pour qu'il y ait des
bonus et des malus en fonction du respect de ce critère-là.
Mme LeBel : Oui, puis vous
faites d'ailleurs une très belle nomenclature des possibilités. Donc, vous
parlez, naturellement, de... votre mesure est d'introduire, par le biais des
listes, si je comprends bien, une certaine forme d'alternance, là, vous la
décrivez très bien dans votre mémoire. Vous faites référence au fait que, dans
d'autres... les mesures punitives, je crois,
n'ont pas nécessairement tout leur impact parce que, souvent, bon, on peut les
contourner. Est-ce que vous favorisez une mesure plus qu'une autre? Vous
parlez du rejet de la liste, vous parlez de bonus, vous parlez de malus, mais
est-ce qu'il y a quelque chose qui, à votre sens... Je comprends que ce sont
toutes des mesures que vous mettez de l'avant, mais, à votre sens, est-ce qu'il
y a une mesure qui est plus efficace qu'une autre quand on parle du respect de
ce quota-là? Parce que, quand on impose un quota, encore faut-il qu'il y ait
une façon de le faire respecter, là, un levier.
M. Jacques
(Olivier) : Franchement, on n'a pas de... il n'y a pas de recette
magique, je pense, mais il faut s'assurer que la punition et la récompense
soient suffisamment élevées pour créer un incitatif très clair pour que les partis respectent ce quota-là. Mais de là à
exclure un parti de la liste électorale d'un parti, je pense que... Par exemple, ce qui se fait, je pense que c'est en Espagne, où la liste est tout simplement rejetée jusqu'à ce que le quota soit rempli, c'est sûr que ça
fonctionne, là, mais, bon, on peut considérer que c'est peut-être un peu
radical, mais ça dépend à quel point on veut absolument que les quotas
fonctionnent.
D'ailleurs,
on veut réitérer qu'on est d'accord avec les groupes qui proposent une
alternance hommes-femmes sur les listes électorales aussi. Ça serait vraiment
plus facile à faire, d'ailleurs, avec une seule liste nationale.
Mme LeBel : Bien, merci
beaucoup. Merci pour votre rapport, très apprécié.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée
de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.
Mme Robitaille : Merci,
M. le Président. Bonjour à tous les
trois. C'était vraiment un plaisir de lire votre mémoire, et,
comme la ministre, je vous félicite, c'était intéressant.
Et je vais
aller un peu plus loin. En fait, j'écoutais ce que vous disiez à la
ministre, et ça m'intéresse beaucoup. On aura peut-être... En tout cas, le projet de loi nous
dit : On aura 80 députés de circonscription et 45 députés de
liste, et donc 80 députés qui sont élus directement par les gens et
45 députés qui sont, finalement, établis par, en tout cas, les partis,
hein? Ce sera le pouvoir du parti d'établir des noms, d'établir ces listes-là.
Vous dites : Peut-être que... et puis je veux vous entendre là-dessus,
est-ce que j'ai bien compris qu'on a peut-être deux catégories de députés, deux types
de députés, vous, ça ne vous dérange pas? Ça ne vous dérange pas.
M. Diallo (Daye) : Très rapidement,
non, parce que le Québec ne serait pas dans une situation unique au monde. Il y
a des proportionnelles mixtes un petit peu partout à travers le monde. Puis, de
manière claire, non, ça ne nous dérange pas.
Puis, comme on le disait tout à
l'heure, il y a
une manière, quand même, d'attribuer à ces députés-là des fonctions
qui feraient en sorte qu'ils soient beaucoup plus proches de la population,
localement parlant.
M. Jacques (Olivier) : Et
permettre la double candidature, aussi, règle une partie de ces problèmes-là, parce
que c'est les mêmes candidats qui pourraient se présenter aux circonscriptions
et aux listes.
Mme Robitaille : Alors, comment vous verriez, par exemple, les tâches, les responsabilités du député de liste versus le
député de circonscription?
• (12 h 40) •
M. Diallo
(Daye) : Les tâches et
responsabilités, d'une certaine manière, seraient pareilles. On peut déjà
s'inspirer de ce qui se passe au provincial et fédéral, même si ce n'est
pas les mêmes compétences et ce ne sont pas les mêmes actions, mais un citoyen
peut aller taper, sur certains enjeux, autant à la porte de son député
provincial qu'à la porte de son député fédéral, même si, bon, à la limite, l'un
ou l'autre ne pourra pas l'aider sur son problème. Mais l'idée, ce serait vraiment que, oui, avec les circonscriptions qui restent, aujourd'hui, on en parle de 80, que le premier
réflexe du citoyen soit d'aller vers son député de circonscription,
mais, comme on disait tout à l'heure, il est possible que les partis puissent
attribuer de manière très claire aux différents députés, donc aux
45 députés élus de liste nationale, des objectifs
géographiques. Donc, le citoyen saurait, en allant sur un portail, par exemple,
mis en place par le gouvernement, à qui il peut s'adresser si, effectivement,
son député de circonscription n'est pas là pour répondre à sa question ou il
n'est pas satisfait du travail de son député de circonscription. Et, même pour
le parti, électoralement parlant, vous savez,
il peut se faire sanctionner. Si, effectivement, ce citoyen-là n'arrive pas à se faire servir par son député
de liste, aux prochaines élections, il y a fort à parier que ce citoyen-là
s'en rappellera.
Mme Robitaille : Donc, ça serait du cas par cas, ça serait
individuel, ça serait... Bon, c'est ce que je comprends de ce que vous
dites? Mais je vous écoute, là, et puis je me dis : Est-ce qu'on
pourrait... Parce qu'on en a déjà parlé, ça
a déjà été amené comme idée, d'amener un amendement qui préciserait les
rôles de l'un et puis les rôles de l'autre. Est-ce que vous pensez que
ça, ça serait une bonne idée? Non? Monsieur dit non. Pourquoi?
M. Jacques (Olivier) : Vous
semblez en avoir discuté davantage que nous.
Mme Robitaille : Non, mais c'est parce que vous en avez parlé tout à l'heure avec la ministre. Vous me dites ça, je vous entends, je trouve
ça intéressant.
M. Diallo (Daye) : A priori, on
ne serait pas contre parce que, vous savez, nous, on est pour le plus de clarté
possible. Donc, il est très clair qu'en ayant deux types de députés, des
députés de circonscription et les députés nationaux, il faut que ça soit très
clair pour les citoyens. Donc, si ça passe par un amendement qui, dès le
départ, décide d'attribuer des rôles et des responsabilités, on ne serait, a
priori, pas contre, mais il faudrait qu'on le voie, effectivement. Puis l'objectif
derrière tout ça, c'est que, pour le citoyen, in fine, ça soit le plus facile
possible.
Et je tiens quand même aussi à rappeler... C'est
que la raison de cette liste nationale là, c'est qu'aujourd'hui certaines
projections qui ont été faites démontrent que, si, par exemple, le scrutin se
serait tenu avec cette réforme-là, ça n'aurait pas grandement changé, donc la
composition de l'Assemblée nationale, au jour d'aujourd'hui, serait à peu près pareille à celle précédente. Donc, la réforme actuelle
ne règle pas ce problème-là. Oui, il est un tout petit peu plus proportionnel
mais ne répond pas à cet objectif-là où la proportionnalité est un système
électoral qui permettrait d'avoir une
représentativité plus grande à l'Assemblée nationale, autant d'idées politiques
que de catégories de citoyens : jeunes, moins jeunes, diversités
ethniques, femmes, hommes, etc.
Mme Robitaille : Mais je veux
revenir sur ce que vous disiez, donc, juste pour conclure, pas une mauvaise
idée de définir ces types de députés là, en leur donnant des tâches... bien, en
tout cas, en établissant des...
M. Jacques (Olivier) : On est
d'accord avec vous. Nous, par exemple, on priorise vraiment la diminution de
l'indice de distorsion dans la réforme électorale. C'est ce qu'on trouve le
plus important.
Mme Robitaille : Maintenant, vous parlez du référendum puis là vous dites,
vous suggérez... recommandation 4 : «Devancer la date du référendum
pour qu'elle soit au plus tard un an avant la campagne électorale.» Il va
falloir qu'on se dépêche. Donc, 2021, vous pensez que c'est réaliste? Vous
pensez que c'est possible?
M. Diallo (Daye) : Oui, 2021,
c'est réaliste et possible. Et, oui, vous disiez... Vous savez, cette réforme
du mode de scrutin là, on en parle depuis un
siècle, à peu près,
quelque chose comme ça. Oui, on peut se presser, on peut
se dépêcher. Je pense que, si toutes les forces vives autour de la table
étaient d'accord avec ça, en un an, ce serait possible d'organiser ce référendum-là
qui permettrait à la population du Québec de se prononcer. Mais, comme on
disait, chez Force Jeunesse, je tiens quand même à le préciser, c'est qu'on est
pour un référendum. Chez Force Jeunesse, on considère que cette question est
importante et qu'il faudrait que la population se détermine là-dessus, mais ça
ne veut pas forcément dire qu'il faudrait que l'on fasse ce référendum-là un an
avant les élections.
On est aussi d'accord avec l'autre proposition,
qui ferait en sorte que l'on tienne le prochain scrutin en fonction du nouveau
mode de scrutin, puis qu'on l'essaie deux fois, puis qu'ensuite on demande à la
population de se prononcer là-dessus. L'argument, ici, c'est qu'il faut absolument
que les Québécois se prononcent sur le changement de leur mode de scrutin, mais
ça peut se faire avant le scrutin comme ça peut se faire après, mais il faut le
faire.
Mme Robitaille : Bien, donc, mieux vaut tard que jamais. Si ce
n'est pas dans un an, ça peut être dans trois ans. L'important,
c'est qu'on l'ait, c'est ce que vous me dites. Mais l'idée d'avoir un référendum
en même temps que des élections, c'est quoi, votre position là-dessus? Vous
êtes...
Mme Racine (Éliane) : Bien, en
fait, nous, on préférerait que la question du référendum soit séparée des
élections pour ne pas que ça devienne un enjeu dans la campagne électorale
puis, vraiment, que les gens puissent répondre à la question du référendum en
faisant fi de ce qui se passe au niveau politique.
M. Diallo (Daye) : Et
l'histoire, aussi, démontre qu'à chaque fois que la question a été mêlée à une
élection normale, c'est souvent passé au second plan ou, du moins, l'enjeu
était tellement très peu discuté, tellement très mal expliqué à la population
que, bien, ça n'a pas été aussi viable que ce que l'on voudrait. Les gens ont
le droit de se prononcer là-dessus, mais il faudrait que l'information leur
arrive et que l'information normale leur arrive, oui.
Mme Robitaille : On en a parlé, tout à l'heure, au groupe qui
vous a précédé, quel rôle vous voyez
aux députés? Est-ce que les députés devraient s'impliquer directement
dans une campagne référendaire, devraient se mouiller, là, ne devraient pas se
gêner, en fait?
M. Jacques (Olivier) : Ça, là,
ça devient une opinion un peu personnelle, de notre côté, là. Je pense qu'on
n'est pas les mieux placés, là, pour avoir une opinion là-dessus, là, je crois,
franchement.
Mme Robitaille :
Mais vous représentez les jeunes, les étudiants, les moins de 35 ans. C'est quoi, le sentiment? Est-ce que
vous avez... Bien, parce que vous y avez réfléchi. L'implication de vos élus,
par exemple, dans une campagne référendaire...
M. Jacques (Olivier) : Nous, ce
qu'on pense qui est important... C'est une réforme qui est complexe, mais c'est
une question qui est complexe, puis ce qui est important, c'est que les gens
sachent de quoi il s'agit. Si la participation des élus aide, ce qui est
probablement le cas, et, si le premier ministre, le gouvernement en général se
mettent du côté de la réforme électorale, ça aiderait certainement. Nous, on
veut que la réforme passe et on veut que les gens soient informés lorsqu'ils
fassent un vote. Donc, oui, logiquement, ça serait bien que les députés
puissent s'impliquer d'un côté ou de l'autre, ne serait-ce que pour que les
gens soient informés.
Mme Robitaille : Vous dites
aussi : «Augmenter le financement public pour [que] les groupes souhaitant
faire campagne pour ou contre la question référendaire [puissent participer].»
La place des jeunes... Et est-ce que... Bien, comment vous voyez ça s'articuler
et pourquoi c'est important?
M. Diallo (Daye) : La place des
jeunes, elle est importante, effectivement, dans ce débat-là. Vous le savez, il
y a des groupes de la société civile, comme
Force Jeunesse et d'autres qui nous ont précédés ici, Citoyenneté Jeunesse,
l'UEQ, et la FECQ, et d'autres peut-être que j'oublie le
nom, on sera présents dans l'espace public pour pouvoir défendre certaines
idées qui sont en lien avec cette réforme du mode de scrutin là. Comme vous
pouvez le voir dans le mémoire, déjà, dans le cadre des commissions
parlementaires, on propose certains changements qui feraient en sorte que la
représentation des jeunes soit beaucoup plus importante, et d'autres types de
populations au Québec. Mais c'est clair que, durant la campagne, si campagne il
y a lieu, ces groupes de la société civile là essaieront de participer au
débat. Surtout, comme j'ai dit, chez Force Jeunesse, on est là aussi pour
animer le débat public, faire en sorte que des gens qui représentent certaines
idées politiques entrent en contact avec la jeunesse pour leur parler de leurs
idées mais aussi pour faire monter plus haut les idées de ce que ces jeunes-là
pensent, donc c'est comme ça que des groupes jeunes, comme le nôtre, pourront
s'impliquer dans une éventuelle campagne référendaire sur la question.
Mme Robitaille :
Vous dites... Je vais revenir à cette idée de quota, là, de 25 % de jeunes
candidats de 35 ans et moins, donc c'est circonscrit aux listes
compensatoires seulement. Pour ce qui est des candidatures, pour ce qui est des
circonscriptions, vous ne touchez pas à ça, c'est bien ce que je comprends?
M. Diallo
(Daye) : Vous savez, dans un
monde idéal, comme je le disais tout à l'heure, ça devrait être normal
aussi que, dans les circonscriptions, cette question-là soit à l'ordre du jour
au moment de choisir un candidat. Mais, pour l'instant, vous savez... ma
grand-mère disait souvent qu'il faut choisir ses batailles. Pour l'instant, la
première bataille, effectivement, c'est celle des listes nationales, où l'on
pense qu'il est beaucoup plus facile de pouvoir avoir ce genre de quotas là parce que circonscription par circonscription, en
général, c'est beaucoup plus difficile et c'est pour ça qu'aussi la
raison des 17 régions nous semblait un peu compliquée pour avoir des
quotas de jeunes. Donc, dans un mode idéal, on serait aussi pour que, dans ces
circonscriptions-là, les gens aillent de l'avant vers plus de jeunes.
Mme Robitaille : Donc... Oui,
allez-y.
M. Jacques
(Olivier) : Mais c'est qu'en même temps il y a un arbitrage à faire, là. C'est évident que le
fait que les circonscriptions aient une forme d'autonomie, ça diminue la concentration du pouvoir vers le premier ministre, ça crée une démocratie locale qu'on ne veut pas enlever, là.
Donc, on est conscients des arbitrages que la ministre a à faire et donc on ne
veut pas imposer des quotas à ces circonscriptions locales là, mais c'est très
facile de le faire en fonction des listes.
Mme Robitaille : Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. M. le député de Gouin, s'il vous plaît.
M. Nadeau-Dubois :
Bonjour. Merci d'être ici. Vous semblez avoir comme préoccupation principale la
question de la proportionnalité. C'est une préoccupation qu'on partage.
Et donc je me surprends, amicalement, de ne pas vous avoir entendu parler puis
qu'il n'y ait pas de recommandation dans votre même au sujet de cette fameuse
prime au vainqueur dont on parlait,
justement, avec le dernier intervenant. Est-ce que ce n'est pas là, selon vous,
un des principaux, sinon le principal accroc à la proportionnalité dans
ce projet de loi là?
M. Diallo
(Daye) : On avait
10 minutes pour exprimer nos positions, mais c'est très clair qu'au-delà
de la prime au vainqueur nous pensons
que la réforme proposée actuellement n'est pas adéquate pour augmenter la
proportionnalité voulue à l'Assemblée nationale du Québec. Et
effectivement la notion et la question de prime au vainqueur fait partie de
l'ensemble de ces petites choses qui font que la réforme proposée actuellement
n'est pas la plus adéquate.
M. Jacques
(Olivier) : Mais prime au vainqueur ou pas, si on garde, là, les listes comme elles le sont, ça va
être difficile d'avoir notre objectif de règles de positionnement qui
favorisent les jeunes sur les listes.
• (12 h 50) •
M. Nadeau-Dubois :
Je comprends bien cela. Je veux vous entendre également sur le financement...
En fait, sur la campagne
référendaire, vous parlez de financement public, à votre quatrième
recommandation, vous parlez d'augmenter le financement public pour les
groupes souhaitant faire campagne pour ou contre la campagne référendaire.
Juste pour
bien comprendre votre recommandation,
est-ce que vous parlez là des camps officiels — parce que les amendements déposés par
la ministre instaurent un camp du Oui et un camp du Non reconnus par le
DGEQ — ou
vous parlez des tiers qui, en vertu de ces mêmes amendements-là, pourraient
aussi faire campagne puis auraient une limite
de dépenses? Est-ce que vous demandez qu'il y ait du financement public pour
les tiers ou plus de financement public pour les camps officiels du Oui
et du Non?
M. Diallo (Daye) : Normalement,
chez Force Jeunesse, comme je vous disais, pour un souci de clarté et de
transparence, on serait plus pour un financement officiel des camps du Oui et
du Non, qui seraient officiellement financés, et qui seraient officiellement
étiquetés, et qui auraient une voix claire sur la question pour la transmettre
aux Québécois.
M. Nadeau-Dubois : En ce
moment, c'est un peu moins que 1 million de dollars. Vous, vous
souhaiteriez qu'il y ait davantage d'argent à l'intérieur de chaque camp pour
financer la campagne référendaire.
M. Diallo
(Daye) : Vous avez dit combien?
M. Nadeau-Dubois :
C'est à peu près... un peu moins que 1 million, en ce moment, c'est 850 000 $, à peu près.
M. Diallo
(Daye) : J'avais entendu «8 millions», j'étais... C'est beaucoup
d'argent, ça.
M. Nadeau-Dubois :
Non, c'est un peu moins que 1 million, à peu près 850 000 $.
M. Diallo (Daye) : Non, oui, on serait... On considère que, pour une
question aussi importante pour la vitalité du Québec et du système
démocratique du Québec, 1 million, c'est très peu d'argent pour la
question.
M. Nadeau-Dubois :
O.K. Quelle est votre position sur le nombre de députés? Vous n'en avez pas
parlé. Si, en tentant de trouver ce fameux équilibre que, je pense, on tente
tous de trouver, ici, entre différentes formes de proportionnalité, entre
différents principes démocratiques, une des voies, c'était d'augmenter le
nombre de députés, est-ce que vous y verriez un inconvénient majeur?
M. Jacques
(Olivier) : Pas du tout.
M. Nadeau-Dubois :
Ça a le mérite d'être clair. Merci beaucoup.
M. Diallo
(Daye) : Mais je tiens quand même à préciser qu'il a fallu faire des
choix parce qu'effectivement il y a toute la réflexion portée sur comment
augmenter la proportionnalité du mode de scrutin québécois, puis on a pensé
aussi à la question d'augmenter le nombre de députés, mais on n'a pas,
finalement, choisi cette option-là, mais c'est quelque chose auquel on a
réfléchi et qui serait possible, parce qu'effectivement, si je me rappelle bien
notre statistique, depuis les années 80, le nombre de députés n'a pas
augmenté au Québec, on est toujours à 125 députés, puis il y aurait
peut-être quelque chose à faire là.
M. Jacques
(Olivier) : Puis on ne voulait pas vous proposer un mémoire avec huit
recommandations qui allaient dans tous les sens, donc on en a choisi une, mais
il y a d'autres possibilités, définitivement.
M. Diallo
(Daye) : Il faut choisir ses batailles.
M. Nadeau-Dubois :
Vous avez choisi vos batailles, voilà, c'est ça.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de
Marie-Victorin, s'il vous plaît.
Mme Fournier :
Merci beaucoup pour votre présentation. Merci de ces points si importants que
vous amenez concernant la représentation des jeunes à l'Assemblée
nationale. Vous savez, pour cette législature-ci, nous sommes 17 % de députés âgés de moins de 40 ans,
mais en fait on représente 30 % de la population québécoise, à peu près,
donc c'est vraiment nécessaire. Au-delà de
la question de la réforme du mode de scrutin, à l'instar de certains groupes
de défense des droits des femmes, est-ce que vous êtes en faveur d'une loi sur
la représentativité des jeunes à l'Assemblée nationale?
M. Diallo
(Daye) : Oui, oui. Comme tout à l'heure... de manière très claire, on
est pour une loi claire pour la représentativité... pour la représentation des
jeunes à l'Assemblée nationale. Puis, comme je le disais tout à l'heure, je
tiens quand même à le répéter, chez Force Jeunesse, on est pour plus de
présence féminine à l'Assemblée nationale,
pour une meilleure représentativité. On n'a pas apporté ces points-là dans
notre mémoire, mais on supporte ces groupes-là qui demandent qu'il y ait
une parité hommes-femmes puis qu'il y ait une plus grande représentation des
différents groupes sociaux du Québec à l'Assemblée nationale.
Mme Fournier :
Merci beaucoup. Maintenant, en ce qui concerne les objectifs plus globaux du
projet de loi, vous avez dit que, pour vous, votre but, c'était de réduire au
maximum l'indice de distorsion dans le projet de loi. Donc, le collègue de
Gouin a parlé de la fameuse prime au vainqueur, qui, effectivement, n'aide pas
à se rapprocher de l'objectif. De la part du gouvernement, on entend que c'est
pour des raisons de stabilité des gouvernements, ce qui est quand même un peu
curieux, considérant qu'il existe la mesure d'encadrement des motions de
censure qu'il serait possible d'utiliser pour arriver aux mêmes fins. Donc,
seriez-vous favorables à l'implantation d'une telle mesure dans le projet de
loi?
M. Jacques
(Olivier) : Oui.
Mme Fournier :
Trouvez-vous que ce serait une bonne solution de rechange aux primes au
vainqueur?
M. Jacques
(Olivier) : Oui.
Mme Fournier :
Très bien. Merci beaucoup.
M. Diallo (Daye) : Ça a le
mérite d'être clair.
Le Président (M.
Bachand) : Alors, sur ce grand degré d'efficacité, merci
beaucoup de votre participation à la commission.
La commission suspend ses travaux jusqu'à
15 heures cet après-midi. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 54)
(Reprise à 15 heures)
Le
Président (M. Bachand) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Bon après-midi. Bienvenue. La Commission des
institutions reprend ses travaux.
Comme vous savez, je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de
pouvoir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.
Rappel du
mandat : La commission est réunie afin de poursuivre les consultations
particulières et les auditions publiques sur le projet de loi
n° 39, Loi établissant un nouveau mode de scrutin.
Cet après-midi, nous allons entendre, entre
autres, les personnes et groupes suivants : M. Henry Milner,
chercheur invité au Département de science politique de l'Université de
Montréal, M. Stéphane Rouillon, directeur au Centre de recherche informatique de Montréal, M. Marc-André Bodet, professeur agréé au Département
de science politique de l'Université Laval.
Mais nous avons le plaisir d'accueillir, aujourd'hui,
les représentants d'Élections Québec. Alors, bienvenue, c'est un grand plaisir. Alors, je vous cède la parole pour
10 minutes, et après ça on aura un échange avec les membres de la commission.
Alors, M. Reid, vous avez la parole.
Directeur général des élections
M. Reid (Pierre) :
Ah! bien, M. le Président, Mmes, MM. les membres de la commission, d'abord, je
tiens à vous remercier de m'avoir invité à
participer aux consultations
particulières sur le projet de loi n° 39. Je suis accompagné, cet après-midi, de Me Lucie Fiset, qui est la
directrice du financement politique et des affaires juridiques, qui est à ma
gauche, de Mme Catherine Lagacé, qui
est secrétaire générale, ainsi que M. Jean-François Blanchet, qui est le
directeur des opérations électorales.
Le projet de loi n° 39 propose de remplacer
le mode de scrutin majoritaire uninominal actuel par un mode de scrutin mixte avec compensation régionale. Un tel
changement requiert d'importantes modifications à la Loi électorale et a
des répercussions sur l'ensemble des processus électoraux qui sont sous ma responsabilité.
La Loi électorale prévoit que le Directeur général
des élections peut être consulté par le gouvernement sur toute législation à
caractère électoral. Conformément à un décret pris par le gouvernement en
janvier 2019, mon équipe a fourni, au cours de la dernière année, son expertise
sur les questions liées à l'organisation et à la tenue des élections et sur les
impacts techniques d'un nouveau mode de scrutin ainsi que sur ses délais de
mise en oeuvre.
La fonction que j'occupe exige que mon équipe et
moi fassions preuve d'impartialité et de neutralité. Pour cette raison, les
échanges que nous avons eus n'ont jamais porté sur le choix du mode de scrutin
envisagé par le gouvernement ni sur toute autre question de nature politique.
Le projet de loi n° 39 propose également la
tenue d'un référendum sur le mode de scrutin. Le gouvernement a déposé, en
décembre dernier, une série d'amendements à ce projet de loi qui prescrivent le
cadre légal retenu pour un référendum qui aurait lieu lors de la prochaine
élection générale prévue le 3 octobre 2022, et, là encore, nous avons
fourni notre expertise. La semaine dernière, j'ai transmis à la commission un
mémoire sur le projet de loi n° 39 qui, je le souhaite, nous permettra
d'avoir une compréhension commune des effets des dispositions de ce projet de
loi sur les processus électoraux et sur l'administration des élections.
Ce mémoire décrit, par exemple, le processus de
répartition des sièges de circonscription et de région, et à cet effet mon
équipe a réalisé une simulation de cette répartition entre les régions électorales
en fonction des données de la liste électorale du mois d'octobre dernier. Les
résultats de la simulation sont présentés dans notre mémoire. Le mémoire
illustre également, à partir d'un exemple fictif, la mécanique d'attribution
des sièges aux candidates et aux candidats de régions, ce qui représente le
volet compensatoire du mode de scrutin proposé. Le mémoire précise aussi les principaux changements qu'apporte le projet de
loi n° 39 aux différents volets de l'administration des élections
et plusieurs recommandations concernant la
réforme du mode de scrutin, le cadre référendaire, de même que
l'administration plus générale de notre système électoral.
J'aimerais
vous faire part de mes réflexions quant à certaines dispositions du projet de
loi n° 39 qui concernent les candidatures et la parité entre les
hommes et les femmes. Certaines personnes ayant comparu devant la présente
commission ont soulevé la possibilité de permettre la double candidature dans
le cadre d'une élection tenue selon le nouveau mode de scrutin. Je souhaite
vous sensibiliser aux conséquences d'un tel choix principalement en ce qui
concerne l'encadrement des dépenses électorales.
Il m'importe de rappeler que les grands
principes qui sous-tendent les règles en cette matière sont l'équité et la
transparence, d'où l'importance du contrôle des dépenses électorales et de la
limite devant être respectée, ainsi que l'obligation de
reddition de comptes juste et complète reflétant la réalité. Si la double
candidature est permise, nous devrons nous assurer que ces grands principes
seront respectés afin de garantir l'intégrité du processus électoral. Une
analyse des règles actuelles s'imposerait, et mon équipe est évidemment
disposée à collaborer à cet exercice.
Le projet de loi introduit deux nouvelles
obligations pour les partis politiques : la production d'un énoncé indiquant les objectifs que se fixe le parti quant
au nombre de femmes et d'hommes qu'il entend présenter à l'élection et
la production d'un rapport qui rend compte de l'atteinte de ces objectifs. Ces
obligations s'apparentent à l'une des recommandations que nous avons formulées
dans l'étude Femmes et politique,publiée en 2014. Nous
proposions alors que les partis produisent un plan visant à favoriser une
meilleure représentation des femmes au sein de leurs candidatures et de leurs
élus.
Le projet de loi prévoit notamment que, si un
parti politique ne produit pas l'énoncé ou le rapport dans des délais établis
ou si ces documents ne contiennent pas les informations prescrites, le Directeur
général des élections peut retirer
l'autorisation de ce parti. Si le retrait d'autorisation survenait au cours de
la période électorale, les personnes
candidates de ce parti devraient alors faire campagne comme candidats
indépendants et ils devraient respecter les responsabilités qui y sont
associées en matière de financement politique et de gestion des dépenses
électorales. Si le retrait de l'autorisation avait lieu après la période
électorale, les députés élus sous la bannière du parti politique devraient siéger
comme indépendants à l'Assemblée nationale. Considérant que le retrait
d'autorisation est une sanction liée aux exigences légales touchant le financement
politique, j'estime qu'afin de respecter la cohérence de la Loi électorale le
retrait d'autorisation ne devrait pas constituer une sanction applicable à la
production de cet énoncé et de ce rapport. Je tiens à rappeler que cette
sanction ne concerne pas l'atteinte des objectifs que se fixe le parti
politique quant à la proportion de femmes parmi ses candidatures, il vise
uniquement la production de l'énoncé ou du rapport ainsi que leur dépôt dans
les délais prévus.
Même si le projet de loi n° 39 ne définit
pas d'objectif minimal pour les partis politiques en matière de parité,
j'invite les partis à porter une attention particulière au rang qu'occuperont
les candidates sur leurs listes régionales, sans
négliger les candidates dans les circonscriptions. Plus généralement,
j'encourage les partis politiques à recruter des candidates et des candidats aux profils divers, ce qui peut enrichir les
débats politiques et, ultimement, inciter davantage de personnes à
exercer leur droit de vote.
Concernant le cadre spécifique proposé pour la
tenue d'un référendum sur le mode de scrutin simultanément à une élection générale, je souhaite vous faire
part de mes préoccupations à l'égard du processus de désignation des
camps référendaires et des moyens financiers dont ils disposeraient pour
effectuer une campagne référendaire nationale.
Il m'importe également de vous exposer ma vision quant à l'information aux
électrices et aux électeurs dans ce contexte référendaire.
Le projet de
loi n° 39 prévoit que j'aie la responsabilité de désigner les deux camps
référendaires qui représenteront les
deux options selon certains critères établis. Toujours selon le projet de loi,
une évaluation qualitative des demandes soumises est nécessaire afin de
rendre une décision. Évidemment, nous mettrons tout en oeuvre afin que ce
processus soit le plus transparent possible et qu'il soit réalisé de façon
objective. Toutefois, afin d'éviter toute impression de partialité du Directeur
général des élections dans ce processus, je suis d'avis que le mécanisme de
désignation des camps référendaires devrait exclure toute forme d'évaluation
qualitative des demandes admissibles. Nous sommes naturellement disposés à
participer à une réflexion à cet égard afin de trouver d'autres pistes de
solution.
En ce qui concerne les moyens financiers dont
disposeront les camps référendaires, le projet de loi prévoit un financement public de 850 000 $ pour chaque camp. Les camps pourront
recueillir des contributions d'un maximum de 200 $ par électeur ou
électrice à partir du 1er février 2022. Nous ne pouvons évidemment pas
prévoir les sommes qui seront ainsi recueillies par les camps référendaires,
mais n'oublions pas que ces mêmes électeurs pourront contribuer à un parti politique pour un montant similaire au
cours de la même période. À titre de comparaison avec le financement qui
a été accordé lors du dernier référendum, en 1995, en considérant également le
montant maximal que pourra dépenser un camp
référendaire, soit 1,7 million de dollars durant une campagne de cinq
mois, je me permets d'affirmer que les moyens financiers des camps
référendaires sont limités. Lors du référendum de 1995, chaque camp avait reçu
une subvention d'un peu plus de 2,5 millions pour une période référendaire
de 29 jours.
L'information est un facteur déterminant de la
participation électorale. Le mode de scrutin est un sujet avec lequel de
nombreux électeurs sont peu familiers. Le fait que le référendum soit prévu en
même temps qu'une élection générale pose un défi additionnel en matière
d'information aux électrices et aux électeurs. Le projet de loi n° 39
prévoit que le Directeur général des élections doit mener une campagne
d'information publique concernant la tenue du référendum sur la réforme du mode
de scrutin et qu'il doit faire toute publicité qu'il juge nécessaire. C'est
pourquoi, dans le cadre de ce référendum, en plus de l'information habituelle
que je communique aux électeurs, par exemple sur les modalités de vote
offertes, et les jours, et les heures pour voter, j'entends diffuser à travers
le Québec une campagne d'information publique qui explique les modalités du
référendum, du mode de scrutin actuel et du nouveau mode de scrutin proposé.
Les électeurs et les électrices doivent avoir accès à une information non
partisane et objective décrivant ces modes
de scrutin. Il appartiendra aux camps référendaires d'exposer les arguments en
faveur et en défaveur du nouveau mode de scrutin soumis au référendum.
• (15 h 10) •
En terminant, je souhaite, par les
recommandations présentées dans le mémoire qui vous a été remis, vous fournir
des pistes de réflexion et d'amélioration pour le projet de loi n° 39.
Elles visent à assurer le bon déroulement des opérations nécessaires à la tenue
du référendum qu'il prévoit ainsi qu'à l'organisation d'une élection sous un nouveau mode de scrutin. Plusieurs recommandations
formulées dans ce mémoire ont également pour but d'améliorer le processus électoral, et ce, indépendamment
d'une réforme du mode de scrutin. Je veux m'assurer, avec mon équipe, que les personnes candidates, les partis politiques et les
autres acteurs, par exemple ceux qui seront au coeur de la campagne
référendaire, soient adéquatement informés et outillés pour agir dans le
respect des règles établies. Les électrices et les électeurs étant au coeur de
nos préoccupations, je veillerai, avec mon équipe, à ce qu'ils aient facilement
accès à toute l'information leur permettant d'exercer leur droit de vote de
façon éclairée, que ce soit dans le cadre d'un référendum ou lors des premières
élections tenues sous un nouveau mode de scrutin. Je vous remercie de votre
attention.
Le Président
(M. Bachand) : Merci beaucoup, M. le directeur général.
Mme la ministre, s'il vous plaît.
Mme LeBel : Merci, M. le
Président. Merci d'être présents. Votre rapport est certainement important.
Vous allez être au coeur, naturellement, de l'application de ce nouveau mode de
scrutin, si tant est qu'on y parvienne. Plusieurs... Je vais peut-être... Votre
mémoire est quand même assez bien étoffé, beaucoup de technicalités. Donc, je
ne veux pas aborder les technicalités de façon particulière, je pense que ce
n'est pas l'objectif, et j'ai peu de temps, donc je vais peut-être mettre
l'accent sur certains aspects. Plusieurs groupes qui... pardon. À la page 59
de votre mémoire, entre
autres, vous dites aussi : «Le
cadre référendaire proposé par le gouvernement pour la tenue de scrutins simultanés ne
pose pas d'enjeux majeurs d'application», selon le DGE, naturellement. Vous
mentionnez : «Le fait que la qualité d'électeur soit la même [...] et que
l'exercice du vote se fasse selon les mêmes modalités et lors d'une seule
visite facilite grandement l'administration des scrutins.» Donc, vous ne voyez
pas d'enjeux techniques à tenir un référendum en même temps qu'une élection,
c'est exact?
M. Reid (Pierre) :
Il n'y a pas d'enjeu.
Mme LeBel : Parfait. O.K.
Compte tenu de tout ça, certains groupes nous ont fait part, surtout dans le
cadre d'un référendum et surtout quand on
parle d'un changement de mode de scrutin qui peut quand même être assez... bon,
qui est très important, mais qu'il faut expliquer à la population, il est
prévu, dans le projet de loi, que vous ayez une obligation d'informer,
d'informer de façon objective, naturellement, sur les modalités et non pas de
prendre position, on comprend très bien... je comprends très bien la nuance.
Mais les groupes nous ont parlé de cette importance-là, que l'information, à
tout le moins, sur les deux modes proposés... parce que ce qu'on propose, dans
le fond, c'est de maintenir le statu quo, le
mode actuel, ou d'aller vers un autre mode tel que présenté dans le projet de
loi, et beaucoup nous ont fait part de l'importance de cette
information-là.
Je vais me permettre de citer un article de La Presse,
mais je veux voir ce que vous en dites, l'article de Fanny Lévesque, qui dit
que... et elle paraphrase, naturellement, mais je veux un petit peu avoir votre
input là-dessus, elle dit : «Le DGEQ souligne dans son mémoire que la
réforme anticipée "implique plusieurs changements importants" — bon,
je pense qu'on est tous d'accord — et qu'il devra "prendre soin"
de les communiquer adéquatement. Selon lui, la Loi électorale actuelle ainsi
que les changements prévus dans le projet de loi n° 39 "ne sont pas
suffisants pour lui permettre de remplir adéquatement son rôle en matière
d'information". Il réclame "une plus grande latitude" en
proposant que les moyens de communication à sa disposition ne soient plus
précisés dans la loi, ce qui lui offrirait davantage de flexibilité. Selon lui,
la loi actuelle l'empêche "de suivre l'évolution normale" des moyens
de communication.»
Alors, comme on a un souci que vous ayez
l'espace ou la capacité d'informer adéquatement, quels sont... peut-être nous entretenir plus précisément des
modalités que vous voudriez voir modifiées ou qu'est-ce qu'on pourrait
faire pour vous faciliter la tâche en matière d'information.
M. Reid
(Pierre) : En fait, si... il
y a peut-être deux volets. Pour le volet de tenir un référendum et une élection
en même temps, je dirais, il n'y a pas d'enjeu particulier, si ce n'est le
défi, comme je l'ai lu précédemment, de bien informer
les électeurs. Il est vrai que la campagne référendaire va quand même débuter
avant la période électorale, et on mettra tous les... on trouvera tous
les moyens nécessaires pour bien informer les électeurs et les électrices.
L'article auquel vous référez, c'est parce qu'il y a également des
recommandations qu'on a déjà faites et qu'on ferait même en l'absence, là,
d'une réforme du mode de scrutin. C'est que la Loi électorale, elle est très
prescriptive sur les moyens. On doit envoyer une carte d'avis, on doit envoyer
un manuel à l'électeur, elle est très prescriptive. Et ce qu'on demande, c'est
de laisser au Directeur général des élections plus de flexibilité dans les
moyens pour informer autant les partis politiques que les électeurs et les
électrices. En gros, c'était un peu ça, oui.
Mme LeBel : À titre
d'information, puis pour illustrer, parce qu'on... Vous connaissez très bien
votre travail. Peut-être que, pour les gens, c'est moins concret. Quels sont...
Qu'est-ce que la loi actuelle et même le projet de loi n° 39, avec
les modifications, vous empêcheraient de faire comme campagne d'information ou
comme moyen d'information qui pourrait être approprié dans le cas d'un
référendum?
M. Reid (Pierre) :
Bien, je vais vous donner...
Mme LeBel : À titre d'exemple,
là.
M. Reid (Pierre) :
Oui, bien, en fait, un référendum, c'est que, si on nous laisse... Dans le
fond, là, s'il n'y a pas de... C'est les moyens qui sont prévus dans la loi.
Et, quand on regarde les recommandations que je propose, on suggère
des choses, de remplacer, de ne pas s'en tenir aux moyens, mais c'est une
obligation d'informer. Je vais citer une recommandation qu'on fait depuis, je
pense, trois ans. En période électorale, et ça, c'est sur le terrain, il y a
des électeurs, des électrices qui m'avaient
formulé cette idée aussi, c'était
d'avoir une vitrine d'information des candidats et des candidates sur notre
site, que les candidats et candidates dans une circonscription puissent
afficher, dans le fond, avec photos et également leurs propres textes sur leurs
projets, leurs engagements afin de faciliter, pour les électeurs et les
électrices, de l'accès à l'information. Parce que, je pense, le sondage qu'on a
réalisé au lendemain de l'élection de 2018, si ma mémoire est bonne, c'est plus
du tiers, si ce n'est pas 35 % des gens, qui se seraient abstenus d'aller
voter par un manque d'information, et déjà... un manque d'information à l'égard
des candidats et candidates de leur circonscription.
C'est un exemple, là, d'avoir une vitrine, de nous permettre ce que la loi ne
permet pas, actuellement.
Mme LeBel : O.K. Donc,
nonobstant la réforme du mode de scrutin, vous pensez que la loi actuelle ne
vous donne pas assez de latitude en termes de communication de l'information,
c'est ça?
M. Reid (Pierre) :
Oui.
Mme LeBel : O.K., parfait.
Merci. Peut-être aller plus précisément dans le mode de scrutin lui-même, une
des recommandations que vous faites, je pense, la première même, est à l'effet
que la Loi électorale ne définisse pas de circonscription, que la CRE ait le
pouvoir de délimiter l'ensemble des circonscriptions. La position que nous
avons choisi d'adopter, c'est qu'on est partis des 17 régions.
Effectivement, si on regarde la philosophie du projet de loi tel que présenté,
je l'ai expliqué à plusieurs reprises, donc, il y a eu des arbitrages à faire,
le poids des régions versus la proportionnalité, mais ce n'est pas là-dedans
que je veux vous amener, là. Je veux vous dire qu'on a décidé de partir des
17 régions administratives, puis, effectivement, le projet de loi demande
à ce que les circonscriptions soient
dessinées à l'intérieur des régions administratives actuelles, ce qui ferait en
sorte que les régions administratives ne bougeraient pas dans le temps.
Ce que vous semblez proposer, je veux juste
simplement comprendre la proposition, c'est donner, donc, plus de latitude à la
CRE pour la définition des 80 circonscriptions avec l'utilisation d'un
quotient provincial plutôt qu'un quotient régional. Et on pourrait penser que
le quotient, l'utilisation d'un quotient provincial, pourrait favoriser, bon,
peut-être l'égalité du vote de l'électeur, effectivement, parce que le poids
démographique des circonscriptions et des régions serait peut-être mieux
balancé, mais ça pourrait faire en sorte que les limites de ces régions-là
ainsi que les limites des
circonscriptions... Puis on connaît les tollés que ça peut soulever ou les
commentaires que ça peut soulever à chaque fois qu'on élimine une
circonscription pour des raisons démographiques ou qu'on change les limitations
d'une circonscription. Je viens, d'ailleurs, de la circonscription de
Champlain, qui, à l'élection précédente, n'était pas la même, et, à l'élection
précédente, on était cinq. Donc, ça fait partie de ça, et c'est très... ça
devient... c'est toujours un débat qui est assez enflammé, disons-le comme ça.
Mais ce que
vous proposez, donc — est-ce
que je me trompe? — pourrait
faire en sorte que, par des mouvements démographiques, les
circonscriptions changent, mais les délimitations des régions aussi, pour les
fins des députés de région, évoluent au fil de la démographie, là? Je ne veux
pas être simpliste, mais ça semble être ça, là.
M. Reid
(Pierre) : Oui, bien, en
fait, le choix qui a été fait, c'est d'établir, dans la loi, les régions administratives. Et le travail qu'aura à
faire, à ce moment-là, la Commission de la représentation électorale, c'est
que... dans chaque région, ça sera de
dessiner, dans le fond, les circonscriptions électorales, mais à partir d'une
moyenne régionale, donc de la moyenne de la région. Je pense que ce que
vous amenez, je pense, c'est à la fin, là, je pense, du chapitre, là, qui
concerne la carte électorale, c'était de dire : Bien, il y a peut-être la
façon aussi, compte tenu de l'évolution démographique... est-ce que, si on
utilisait la moyenne provinciale, donc, pour assurer une représentation
effective, qu'un vote, par exemple, à Montréal vaut autant qu'un vote en
Gaspésie, bien là, à ce moment-là, ce serait qu'on aurait à délimiter
l'ensemble, là, des 125 circonscriptions et, par la suite, les regrouper
dans un nombre de régions?
Mme LeBel : Mais ce qui
pourrait faire, théoriquement, donner le... ce qui pourrait donner l'effet
théorique que la ligne des régions... Parce que nous, on les a fixées, les
17 régions, ce sont les régions administratives telles qu'on les connaît. Et on demande donc,
effectivement, que la CRE dessine les circonscriptions à l'intérieur des
limites des régions, ce qui éviterait d'avoir, comme on a aussi au
fédéral, une circonscription à cheval sur deux régions ou le contraire, deux circonscriptions dans une région...
voyons, une circonscription qui peut être à cheval... exactement le bon terme... à cheval sur deux régions — je ne sais pas pourquoi je doute de moi-même
comme ça. Mais il pourrait y avoir
aussi une mouvance dans le dessin des régions administratives comme telles,
donc la limite des régions pourrait bouger avec ce que vous proposez,
théoriquement, là.
• (15 h 20) •
M. Reid
(Pierre) : Bien, en fait,
c'est deux façons de voir. Dans le fond, avec ce qui est proposé, les régions
sont fixes, sont établies dans la loi. Et, s'il y avait une modification des
régions administratives, bien, administrativement, donc, si le gouvernement
décidait de définir les limites des régions, bien, la loi, il faudrait qu'elle
s'adapte, ou on continuerait de vivre avec les 17.
Mais, dans le fond, l'une ou l'autre, je pense
que ça dépend du choix qui est fait. Pour nous, on est capables de travailler avec les deux modèles, si on peut
dire, là. C'est que l'un... Je veux dire, ce qu'on dit, à un moment donné,
si on a à déterminer l'ensemble des 125 circonscriptions, on va travailler sur
une moyenne nationale ou provinciale comme
on le fait actuellement, et c'est pour ça, d'ailleurs, je pense qu'il y a
quatre ou cinq circonscriptions, au Québec, qui
chevauchent deux régions administratives, à moins que je me trompe. Mais là
n'est... Dans le fond, notre travail, c'est qu'on va le faire à l'intérieur de
chaque circonscription, et ce qui ne nous empêchera pas d'avoir... d'établir
des circonscriptions d'exception. Et je pense que le travail de la
circonscription ne sera pas plus compliqué qu'il peut l'être, actuellement.
Mme LeBel : Merci. Bon, je ne
vous demande pas nécessairement d'être précis à la virgule près, là, mais, de
façon générale, combien coûte une élection?
M. Reid (Pierre) :
Pardon?
Mme LeBel : De façon générale,
combien coûte une élection?
M. Reid (Pierre) :
L'élection de 2018 a coûté presque 94 millions.
Mme LeBel : 94 millions.
M. Reid (Pierre) :
Oui.
Mme LeBel : Parfait. Un
référendum, est-ce qu'on peut anticiper qu'un référendum seul coûte à peu près
la même chose?
M. Reid (Pierre) :
Non. Seul, c'est à peu près 77, 78 millions.
Mme LeBel : Le référendum.
M. Reid
(Pierre) : Le référendum
seul. Puis, si vous le combinez avec l'élection, on ajoute presque
12 millions.
Mme LeBel :
Donc, ce serait... Le coût du référendum, finalement, combiné devient
12 millions au lieu de 77 si on le fait seul, c'est ça?
M. Reid (Pierre) :
En fait, le 12 millions va s'ajouter aux 94 millions.
Mme LeBel : Donc, le coût du
référendum, quand on le combine à une élection, est de 12 millions, mais,
si on le fait à l'extérieur d'une élection, il est de 77 millions, c'est
ça?
M. Reid (Pierre) :
C'est ça.
Mme LeBel : Parfait. Merci. À
moins que mes collègues aient d'autres questions, ça va aller pour moi.
Le Président
(M. Bachand) : Ça va, du côté ministériel? Alors,
M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît.
M. Tanguay :
Merci, M. le Président. Merci beaucoup. Merci à vous d'être ici pour répondre à
nos questions. J'aimerais que l'on regarde, justement, à la page 11
de votre mémoire, j'ai trouvé un extrait particulièrement intéressant. Puis l'objectif de la commission
parlementaire, ici, dans les auditions, justement, c'est de prévoir le travail
qui est en amont lorsqu'on sera en article par article. C'est important de savoir
c'est quoi, les défis, les écueils, les drapeaux rouges. Si on ne le sait pas,
on pourrait faire fausse route.
Page 11, à partir du deuxième paragraphe,
je vais prendre le temps de citer les deux paragraphes : «Le mécanisme de
répartition a tendance à allouer un nombre de sièges plus élevé aux régions peu
populeuses par rapport à leur poids électoral. C'est le cas, notamment, des
régions de l'Abitibi-Témiscamingue, de la Côte-Nord et du Centre-du-Québec,
qui, selon les données de la liste électorale permanente, obtiennent chacune un
siège de plus que leur poids électoral. À l'inverse, la méthode tend à allouer
moins de sièges aux régions plus populeuses, telles que [...] Montréal et [...]
Montérégie, qui obtiennent respectivement trois et deux sièges de moins que
leur poids électoral.»
Le deuxième paragraphe, là, je le cite, il est
particulièrement important : «Toutefois, précisons que toute méthode de
répartition aurait pour effet d'avantager ou de désavantager certaines régions,
notamment parce que le projet de loi prévoit
que les sièges sont répartis entre des régions électorales fixes dont la
population varie de manière importante.» Fin de la citation.
Autrement dit, ce que vous proposez, et
j'aimerais ça que vous l'expliquiez, qui est une autre façon de fonctionner et
qui nous permet de diminuer cet écueil-là — on sait qu'il n'y a pas de
système parfait, là, mais il y a quand même un écueil dans ce qui est proposé
dans le projet de loi n° 39 — ce
serait, plutôt que de s'encarcaner, j'utilise... puis ce n'est pas
nécessairement péjoratif, là, de se limiter dans les 17 régions
administratives, de faire l'exercice par la Commission de représentation
électorale, la CRE, d'établir les 20 circonscriptions, et après ça de
regrouper les circonscriptions à travers d'entités régionales, ce qui ferait en
sorte qu'on pourrait mieux respecter les critères de l'établissement d'une
circonscription, à savoir les données sociologiques, et ainsi de suite, là.
M. Reid (Pierre) : En fait, ce que vous dites, c'est qu'il y
aurait... Dans le fond, là, on déterminerait les régions administratives
une fois qu'on aurait établi les circonscriptions.
M. Tanguay : Oui. Ça
pourrait être une approche, selon vous?
M. Reid
(Pierre) : Oui, bien, c'est
un choix. Ici, dans le fond, le choix qui a été fait dans le projet de loi, c'est que... Puis c'est pour ça, quand on dit que le mécanisme
de répartition a tendance à allouer un nombre de sièges plus élevé aux régions peu populeuses... C'est sûr
qu'en partant on attribue déjà un siège, là, de circonscription aux
17 régions, plus les Îles-de-la-Madeleine, 18, et on fait la même
chose du côté des circonscriptions de... en fait, des régions, où on alloue un siège par région, 16, parce qu'on exclut le Nord-du-Québec, mais c'est
un choix. L'un ou l'autre, c'est l'alternative, là, dont on parlait plus
tôt, mais, comme je vous dis, pour la Commission de la représentation
électorale, que ce soit le choix proposé dans le projet de loi n° 39 ou
bien le choix dont vous faisiez part et qu'on indique dans notre mémoire, l'un
ou l'autre, la commission est en mesure de travailler, là, de réaliser son
mandat.
M. Tanguay : Et mon
point, il n'est pas sur l'aspect technique, dans le genre l'impossibilité
technique de le faire, mon point n'est pas là-dessus. Mon point... et je fais
du pouce sur cette lancée-là, et je vais d'abondant dans votre mémoire, à la
page 13, on peut voir que vous avez compté les écarts types par région de
plus ou moins 25 %. Autrement dit, à l'heure actuelle, au Québec, sauf
exception, puis il y en a, des exceptions, mais allons d'abord... établissons
d'abord la règle, c'est qu'une circonscription, comparée à une autre...
comparée à la moyenne, pardon, nombre
d'électeurs divisé par 125, ne peut pas, puis c'est le principe général, être
plus basse ou plus élevée que 25 %, des variations plus ou moins 25 % sur le nombre d'électeurs,
comparé à la moyenne provinciale. Le projet de loi ferait des moyennes
régionales. Et je pense que c'est ce que traduit votre tableau, figure 5,
à la page 13. Et on peut voir que la moyenne régionale... je prends
l'exemple d'Abitibi-Témiscamingue puis je vais la comparer avec Montérégie. L'Abitibi-Témiscamingue a en moyenne, dans la
région, évidemment, calculé sur les données disponibles, là, 56 848 électeurs. Si l'on fait le moins
25 % de ça, parce que c'est la moyenne régionale qui va être déterminante
pour évaluer le plus ou moins 25 %, si je prends la moyenne inférieure,
c'est-à-dire la limite inférieure en Abitibi, 75 % de 56 848, donc moins 25 %,
en moyenne, ça, en gros, c'est 42 600;
et, si je fais le plus 25 % de Montérégie, qui a une moyenne, au départ,
de 84 589, le
125 %, le plus 25 %, est à 105 700,
j'arrondis.
Donc, au
Québec, et j'aimerais vous entendre là-dessus, ça a toujours été un discours
excessivement important et déterminant que mon vote, qu'il soit en
Abitibi ou en Montérégie, ait sensiblement... ça ne sera jamais du un pour un,
mais ait sensiblement le même poids. Or, la limite inférieure en Abitibi est à
42 600, et la limite
supérieure en Montérégie sera de 105 700. Vous voyez, là, qu'il y a un écueil où, à la
situation actuelle, où c'est plus ou moins 25 % pour les 125, là, on est rendus dans des écarts
excessivement énormes, on est à au-dessus de 100 % lorsqu'on compare les possibilités
d'écarts admissibles. J'aimerais vous entendre là-dessus, sur la
représentativité. C'est le pivot de notre loi électorale, que mon vote
en Abitibi et mon vote en Montérégie soit comparativement avec le même poids.
M. Reid
(Pierre) : Mais je vous
dirais que c'est la situation actuelle, indépendamment de la réforme du mode
de scrutin. En fait, le défi... Quand on regarde le Québec, c'est un grand
territoire avec des populations qui sont dispersées sur le territoire et que
c'est à ce moment que... Et, lorsqu'on vient pour établir une carte électorale
en essayant, je dirais, de tendre vers une
représentation effective des électeurs et des électrices, bien, vient un moment
où c'est difficile, et c'est pour ça
qu'on en arrive à avoir à établir des circonscriptions d'exception, donc des
circonscriptions qui sont, en fait, en bas du 25 %. On en a six au
Québec, sept, si on peut... parce qu'avec les Îles-de-la-Madeleine, là, vous
êtes encore, encore plus loin, là, on est dans du 80 %... moins 87 %...
moins 77 %. Mais c'est la réalité, là, de...
11 789 M. Tanguay : Oui, mais êtes-vous
d'accord avec moi que, là, on exacerbe ces écarts-là par cette approche-là?
Les écarts vont être, de façon générale,
beaucoup plus grands par cette approche dite régionale, force est de constater.
M. Reid (Pierre) :
Non.
Une voix : C'est une autre
approche.
M. Reid
(Pierre) : C'est une autre
approche. Mais, quand vous regardez, en
tout cas, les simulations qu'on a pu faire et même que vous pouvez voir dans notre
mémoire, la répartition des sièges ou des... ça ne change pas tant que ça.
M. Tanguay : Je vais revirer ma question de bord. N'êtes-vous
pas d'accord avec moi que les écarts permissibles seront beaucoup plus
grands?
M. Reid (Pierre) :
En fait, quand vous regardez ce qui est proposé, Montréal perd trois... en
fait, Montréal a trois circonscriptions de moins, et je pense que la Montérégie,
je pense, a une circonscription de moins, et ces...
Une voix : ...
• (15 h 30) •
M. Reid
(Pierre) : ...quatre, et ces
circonscriptions-là iront en Outaouais... je pense, c'est dans le
Centre-du-Québec, en Mauricie puis peut-être Lanaudière.
M. Tanguay :
M. Reid, question très simple : N'êtes-vous pas d'accord avec moi
que, tel qu'illustré, les écarts permissibles seront beaucoup plus
grands sur ce modèle que ce n'est le cas actuellement, les plus ou moins
25 %? Je pense qu'il faut dire oui, je vois votre conseillère à votre
droite, là.
M. Reid (Pierre) :
Oui, mais en fait c'est ça...
M. Tanguay :
C'est parce que, si on se... pas d'accord là-dessus, là, c'est un dialogue de
sourds. Je vous respecte, M. Reid, mais il faut que vous me donniez
au moins ça, là.
M. Reid (Pierre) :
Mais c'est parce que la première étape, c'est...
M. Tanguay : C'est parce
que...
M. Reid (Pierre) :
Oui?
M. Tanguay : ...pas
là-dessus, ça...
M. Reid (Pierre) :
C'est parce que ce qu'on va faire, c'est qu'on va... Dans le fond, l'étape
qu'on fait, c'est qu'on répartit, dans le fond, les sièges selon le poids
électoral, là.
M. Tanguay :
Il me reste 1 min 30 s. Je suis tout à fait d'accord avec vous,
mais accordez-moi une chose, c'est que
la loi va permettre, peut-être, en théorie... peut-être là où on diverge, mais
la loi va permettre des écarts beaucoup plus grands entre une
circonscription et l'autre, oui, sur le calcul des plus ou moins 25 %, je
viens de vous en faire la démonstration.
Je vais revirer
ça de bord. N'est-il pas vrai que, si d'aventure une circonscription serait
légalement admissible en vertu du nouveau modèle, en Abitibi, si elle
avait 42 600 électeurs, oui, parce qu'elle serait dans la mesure du moins
25 %, et qu'en Montérégie il pourrait y avoir 105 000 électeurs, oui,
parce qu'elle serait... n'est-il pas vrai qu'on pourrait avoir, théoriquement,
de telles situations?
M. Reid (Pierre) :
En fait, moi, je vous dirais que j'aimerais mieux faire le calcul puis
vérifier, mais je pense qu'en raison du fait que les régions sont fixes, là...
En fait, on vient, dans le fond, de... Que ce soit la Montérégie, que ce soit
l'Abitibi ou les autres, c'est qu'on va devoir travailler à l'intérieur, là, de
la région.
M. Tanguay : La possibilité
existe, la possibilité existe.
M. Reid
(Pierre) : Actuellement, ce
qu'on peut... ce qu'on veut faire en vue de favoriser soit les communautés
naturelles et l'équilibre au niveau du
nombre d'électeurs entre les circonscriptions... Et c'est pour ça que je
mentionnais tantôt que, sur la carte électorale actuelle, il y a quatre
ou cinq circonscriptions qui viennent chevaucher...
M. Tanguay : Mais c'est
théoriquement possible sous ce modèle-là, ce qui n'est pas le cas,
actuellement. N'êtes-vous pas... Vous êtes d'accord avec ça?
M. Reid (Pierre) :
Actuellement, peut-être que les écarts sont moins...
M. Tanguay : Non, mais
théoriquement, techniquement possible.
M. Reid (Pierre) :
C'est possible.
M. Tanguay :
Dernière question — il me
reste quelques secondes, merci, M. le Président, quelques secondes :
Est-ce que les députés sortants et les
candidats aux élections générales 2022 pourraient, selon vous, faire des
dépenses électorales dans le contexte du référendum, oui ou non?
M. Reid (Pierre) :
Ils pourront en faire avant le début de la période référendaire, mais, s'ils en
font en... ils ne peuvent pas en faire en période référendaire. Ils pourront en
faire en période électorale, mais, à ce moment-là, s'ils font des dépenses en
période électorale, ce sera considéré comme des dépenses électorales.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de
Gouin, s'il vous plaît.
M. Nadeau-Dubois : Merci,
M. Reid. Merci d'être avec nous aujourd'hui, merci de partager votre
expertise. Un de vos prédécesseurs, M. Blanchet, estimait, en 2005, que la mise
en place d'une réforme du mode de scrutin prenait entre 18 et 24 mois. Rapidement,
est-ce que vous partagez cette évaluation-là?
M. Reid
(Pierre) : Ça, on a regardé
cette question-là, oui. À l'époque, le 18 à 24 mois... puis, pour avoir parlé
à M. Blanchet, il disait : Écoute, on a mis... j'ai pu dire deux ans,
mais il dit : Aujourd'hui, c'est avec... Entre autres, là,
quand on regarde les systèmes informatiques que nous avons, c'est là qu'il y a
un délai qui s'accroît par rapport à autrefois, mais...
M. Nadeau-Dubois :
Est-ce que vous êtes d'accord? Est-ce que c'est 18 à 24 mois? Sinon, quel
serait le délai de la mise en place d'une éventuelle réforme?
M. Reid (Pierre) :
C'est 30 mois minimum.
M. Nadeau-Dubois : 30 mois
minimum.
M. Reid (Pierre) :
Oui.
M. Nadeau-Dubois : Parfait.
M. Reid (Pierre) :
Bien, ce qu'on a déjà...
M. Nadeau-Dubois : Parfait.
M. Reid (Pierre) :
Dans le fond, on vous a déjà informés de ça.
M. Nadeau-Dubois : Merci. J'ai
peu de temps, je m'excuse, je ne veux pas vous brusquer.
Dans la
mouture actuelle du projet de loi, le projet de loi prévoit que vous commencez
à travailler à la mise en place de la
réforme après un éventuel référendum positif, en 2022, qui serait simultané à
l'élection. Si, à cette élection, était élu un gouvernement minoritaire,
dont la durée de vie moyenne, au Québec, est de 18 mois, ne serions-nous pas en
danger qu'on n'ait pas le temps d'appliquer la réforme du mode de scrutin en
vue du scrutin subséquent?
M. Reid (Pierre) :
Oui.
M. Nadeau-Dubois :
Ce serait un risque réel, donc, que la réforme du mode de scrutin ne serait pas
valide pour le scrutin suivant celui
de 2022 dans un scénario de gouvernement minoritaire, et seulement au scrutin
suivant celui-là?
M. Reid
(Pierre) : En fait, il y a
un délai de 27 mois qu'on aurait de besoin, au lendemain de la sanction, parce
que c'est la carte électorale, là. La carte
électorale, si on maintient les dispositions telles qu'elles existent ou
proposées, c'est deux ans, c'est 24 mois.
M. Nadeau-Dubois :
Donc, il faut espérer un gouvernement majoritaire en
2022 pour s'assurer que 2022 soit le dernier scrutin mené sous le
mode de scrutin actuel?
• (15 h 40) •
M. Reid (Pierre) :
Bien, vous comprendrez, je n'y peux rien quant au futur gouvernement, mais il...
(panne de son) ...à la population de décider, à ce moment-là. Mais, nous, c'est
sûr qu'en bas de 27 mois ce serait impossible.
M. Nadeau-Dubois : Donc, si on
voulait s'assurer que le scrutin suivant celui de 2022 soit sous le nouveau mode
de scrutin, la décision logique, ce serait de tenir le référendum plus tôt, question
d'avoir le temps, entre cedit référendum et le scrutin post-2022, de
l'appliquer, la réforme, de la mettre en place?
M. Reid (Pierre) :
C'est sûr que, s'il y a un référendum qui pouvait se tenir soit en 2021 ou en
2022, au printemps 2022, c'est possible.
M. Nadeau-Dubois : Ça nous
rajoute du temps. Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de
Rimouski, s'il vous plaît.
M. LeBel : Merci,
M. le Président. Bonjour. Effectivement, je pense qu'il
faudrait faire le référendum plus vite. Faire un référendum en plein
été, à travers les barbecues puis la piscine, je pense que ce n'est pas une
bonne idée, et ça... faire un référendum avant, ça vaut les 67 millions.
Vous avez
dit : En 1995, les deux camps avaient 2 millions pour 29 jours. Vous
dites là : Quatre mois, 850 000 $ par camp. Vous avez
fait... vous trouvez que ce n'est pas une bonne idée, j'ai compris que vous
trouvez que ce n'est pas assez. Bien, j'aimerais ça savoir pourquoi, qu'est-ce
que vous en pensez.
Puis l'autre élément — je
vais poser deux questions — c'est :
À votre proposition 20, vous dites qu'il faut enlever
toute évaluation qualitative des demandes d'OBNL. J'aimerais ça que vous m'en
parliez davantage. Parce que, là, le projet de loi fait en sorte que les
élus ne pourraient pas participer à la gestion des camps ou participer... et là
vous voulez enlever toute évaluation qualitative des demandes. Ça fait que
comment on peut s'assurer que les camps vont être bien représentés? Comment
vous voyez ça?
Ça fait que c'est deux questions : les
budgets aux camps et l'évaluation qualitative.
M. Reid (Pierre) : Bien, les budgets... Naturellement, ma
préoccupation, et, je pense, ça peut être la préoccupation que vous avez sûrement, c'est que les électeurs,
les électrices soient bien informés et qu'on puisse en débattre en toute
connaissance de cause. Donc, si chaque camp
référendaire veut vraiment lancer une campagne d'information avec les
moyens que nous avons aujourd'hui, qui sont quand même différents que 1995,
bien, il nous apparaît que le montant de
850 000 $ nous apparaît insuffisant. Bien sûr, nous aurons l'occasion
de faire une campagne nationale pour expliquer les deux modes de
scrutin, mais nous, on est d'avis que 850 000 $, là, c'est
insuffisant.
Par rapport à
l'évaluation qualitative, bien, c'est fait... En fait, s'il y a seulement deux
groupes qui se présentent, un de chaque côté, il n'y a pas d'évaluation,
ils sont admissibles selon les critères prévus dans la loi. Bon, on les
reconnaît, il n'y a pas d'évaluation. S'il y en a plus d'un, bien là, on va les
inviter... je vais les inviter à se fusionner. S'ils refusent de se fusionner, là encore, je devrai faire une
évaluation de chacun. Et l'évaluation, c'est qu'on en arrive, là, à
évaluer, par exemple, la capacité des gens à faire une campagne, il y a une
appréciation que je dois faire. Et, là encore,
c'est sûr qu'on pourrait mettre en place ce à quoi on a pensé, un peu comme
lorsqu'on lance un appel d'offres pour l'octroi d'un contrat, avoir des
comités de sélection, avoir des critères puis établir un pointage, là. Mais
moi, je vous dirais que, quant à moi, il y aurait d'autres pistes de solution.
Mais on comprend que... Puis l'autre, ce qui est prévu dans le projet, s'il n'y
a aucun groupe qui se présente, je lance un appel aux électeurs qui
manifesteraient un intérêt à former un groupe pour chaque camp référendaire.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Marie-Victorin,
s'il vous plaît.
Mme Fournier : Merci
beaucoup pour votre présentation fort intéressante. Considérant que la campagne
référendaire va débuter le... débuterait, en vertu du projet de loi, le 1er mai
2022, est-ce que vous considérez que ça sera suffisant pour bien faire
connaître, dans le fond, les deux positions?
M. Reid (Pierre) :
Bien, moi, je pense que je n'attendrai pas le 1er mai pour commencer la
campagne. Je pense qu'on va élaborer une stratégie pour, quand même, commencer
à sensibiliser les gens et pour vraiment qu'ils aient toute l'information
nécessaire et... mais moi, je pense que... puis de se retrouver les bons moyens
pour être capables de les rejoindre. C'est un défi de communication, de bien
faire comprendre les modalités des deux modes de scrutin pour que les gens
en arrivent à faire le choix le plus éclairé possible.
Mme Fournier : Donc,
vous allez commencer la campagne d'information tout de suite après l'adoption
du projet de loi, on peut le comprendre?
M. Reid (Pierre) :
Bien, peut-être pas le... Bien, en fait, il faudra élaborer, là, il faudra...
Naturellement, il n'y a rien qui se fera tant que la loi ne sera pas
sanctionnée, mais ça ne nous empêche pas de réfléchir à des choses.
Mme Fournier :
Merci beaucoup. Puis comptez-vous mener une campagne contre la désinformation
pendant la campagne référendaire,
dans l'éventualité où, par exemple, un camp ou un autre amenait, par
exemple, des publicités qui
pourraient être fallacieuses sur le mode de scrutin?
M. Reid
(Pierre) : Non, la seule...
j'aurais à intervenir pour la mauvaise information s'il y
avait de l'information qui circulait, par ailleurs, par
rapport aux modalités du référendum,
les jours de vote, et tout. Mais, quant à... Je pense que vous parlez de
mauvaises informations sur ce qu'est un mode de scrutin. Non, je
n'interviendrais... Ça, ça appartiendrait
aux deux camps référendaires à faire
les ajustements nécessaires, là, pour... s'il y a de fausses informations
sur les modalités d'un mode de scrutin ou l'autre.
Mme Fournier : Donc,
vous n'interviendrez pas sur les... je veux dire, de façon neutre par rapport
aux modalités des modes de scrutin proposés?
M. Reid (Pierre) :
Bien, la seule chose, dans le fond, ce que je pense que je pourrais faire,
c'est que les gens seraient invités à venir sur, probablement, notre site ou de
regarder, de lire, là, comment est-ce qu'on a pu... quelles sont les modalités
de chaque mode de scrutin.
Mme Fournier : Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Sur ce, merci infiniment de votre participation très
éclairable.
Alors, sur ce, je suspends les travaux quelques
instants. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 15 h 41)
(Reprise à 15 h 46)
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît!
Merci. La commission reprend ses travaux. Nous accueillons maintenant
M. Henry Milner, chercheur invité au Département de science politique de
l'Université de Montréal. Je rappelle que,
M. Milner, on n'a pas de document écrit, mais M. Milner est avec nous
pour une période de 10 minutes d'exposé et, après ça, une période d'échange. La
parole est à vous. Merci.
M. Henry Milner
M. Milner (Henry) : Bon,
bonjour, tout le monde. Je suis bien content d'être invité ici. Et, comme vous
avez dit, je n'ai pas un document écrit que j'ai à distribuer, peut-être parce
que j'ai fait l'erreur d'écouter toutes les... beaucoup des autres
présentations et même de lire pas mal beaucoup, où je n'ai pas assisté. Et j'ai
décidé... au lieu de revenir sur beaucoup de choses, un mémoire complet, je
vais vraiment insister sur les éléments que je trouve les plus intéressants, les plus importants, où je peux, à cause de mes connaissances — je
suis spécialiste sur les pays européens, surtout les pays européens de
l'Ouest et du Nord, et je connais pas mal les systèmes de modes de scrutin
différents dans des pays démocratiques — donc,
le plus possible, faire des échanges autour de mes expériences, mes connaissances et poser les questions qui sont, à mon avis, les plus
pertinentes, à ce moment-là.
Donc, je veux juste insister sur un principe, d'abord.
Un mode de scrutin, ce n'est pas pour les élus, c'est pour les électeurs. Et,
pour moi, le principe fondamental, c'est que chaque électeur, le plus possible,
a la possibilité d'affecter le résultat. Et, dans notre système, si vous
habitez dans un territoire où votre parti est faible, en effet, votre vote ne
compte pas. Et le principe fondamental d'une réforme sur la base
proportionnelle, c'est que chaque vote compte. Votre vote, qui ne veut rien
dire dans votre comté, va quand même aider à élire quelqu'un, quelqu'une dans
votre région, O.K.? Et elle a des limites... si votre parti ne peut gagner que
1 % de vote, il y a des limites, mais le principe est là, et il ne faut
jamais oublier ce principe-là.
Bon, et moi, je connais très bien le système
compensatoire. J'ai été, même, en Nouvelle-Zélande au moment que ce système-là
était mis en application, et aussi j'ai visité plusieurs fois l'Écosse,
l'Allemagne, etc., donc je connais ces systèmes-là pas simplement en principe,
mais dans l'expérience concrète.
Donc, sur le projet de loi n° 39, d'abord,
je veux dire qu'il y a un progrès important. Même si je suis pas mal critique,
comme vous allez voir, c'est quand même une amélioration sur ce qu'on a
maintenant et surtout à cause de ce principe-là. Plus d'électeurs québécois
qui, maintenant, se trouvent dans une situation où leur vote ne compte pour
rien parce qu'ils se trouvent dans un district où leur candidat, leur parti n'a
aucune chance à gagner auront une meilleure chance d'affecter le résultat, et
ça, c'est déjà un progrès. À partir de cette constatation, je vais commencer un
peu mes critiques. Mes critiques sont pas mal connues, j'ai travaillé avec le
MDN sur son propre mémoire et j'ai été impliqué, même — vous
voyez mon âge — à
des projets de réforme pendant les derniers 35 ans.
• (15 h 50) •
Donc, je
commencerais avec les deux amendements, d'après moi, fondamentaux, ça ne va pas
vous surprendre. D'abord, le 10 %, le seuil de 10 %, c'est
vraiment inacceptable. Le seul pays où il y a des élections où ça existe que je
connais, c'est la Turquie, et c'était introduit exactement par le gouvernement,
qui n'est pas très, très démocratique, on peut dire, parce qu'il y avait des
partis d'opposition qui ne pouvaient pas chercher 10 %. Alors, ce n'était
pas compliqué, ils l'ont fait pour des raisons tout à fait partisanes, et c'est
le seul. Dans les autres pays où il y a un seuil, ce n'est jamais plus que
5 %. Donc, d'où vient le 10 %? Je dois dire que j'ai trouvé ça surprenant.
Le deuxième, encore une fois, et ça, c'est plus
compliqué, c'est cette idée-là d'une prime au vainqueur. Ça, c'est aussi assez
original. J'ai essayé de trouver un autre pays démocratique où ça se trouve, je
n'ai pas trouvé. Et donc je vais essayer un peu d'expliquer comment ça
fonctionne et pourquoi ce n'est pas nécessaire. D'abord, il faut savoir qu'on a
déjà un prix au vainqueur sans la prime au vainqueur artificielle qu'on impose
dans le projet n° 39. C'est parce que les partis qui
sont plus forts, quand il n'y a qu'un tiers des sièges de compensation, quand
il y a des régions avec peu de sièges, il y a déjà une prime au vainqueur. J'ai
regardé l'Écosse, qui est le pays avec un système le plus proche à ce qu'on
propose, où il y a neuf régions, dans chaque région, il y a 16 sièges, neuf
sièges de district et sept sièges de compensation, et, dans les deux dernières
élections, le parti nationaliste écossais a gagné. Dans un cas, ils ont cherché
44 % de vote et la majorité des sièges, dans l'autre cas, ils ont cherché
46 % des votes et une minorité de trois sièges. Donc, dans notre système,
dans le système compensatoire avec des régions, surtout des régions qui ne sont
pas très grandes, il y a déjà une prime au vainqueur. Et ça, c'est légitime,
parce que ce n'est pas fait pour avoir une prime au vainqueur mais pour
d'autres raisons, pour permettre aux gens d'avoir des régions qui correspondent
à la réalité. Donc, qu'on ajoute une prime au vainqueur artificielle...
Et moi, j'ai fait une expérience simplement pour
regarder si le vote, il y a deux ans, aurait été... on aurait utilisé la prime
au vainqueur dans une des régions. J'ai pris la région Laurentides, où il y a
10 sièges. Si on aurait imposé la prime au vainqueur avec les résultats de
2018, le résultat aurait été le suivant : le parti CAQ a gagné 47 % de vote, aurait gagné déjà six, parce que, la
dernière fois, ils ont gagné tous les 10, donc, cette fois-ci, ils auraient
gagné six, O.K., et les autres quatre votes, quatre sièges auront... le
septième siège aurait... excusez-moi, le neuvième siège aurait allé à la CAQ,
pas aux libéraux. Les libéraux, même avec 14 % de vote, n'auront pas gagné
aucun siège. 14 % avec 10 sièges, aucun siège pour les libéraux. Sept
sièges, pour la CAQ, sur 10 avec 47 %. C'est ça que ça donne avec les résultats qu'on a eus la dernière fois.
Est-ce que ça, c'est légitime? Je ne comprends pas. Oui, il y a une prime
au vainqueur, on a vu, la CAQ gagne déjà six sièges avec 46 %. Pourquoi
leur donner un autre siège pour enlever un siège aux libéraux pour donner à la
CAQ avec ce moyen artificiel? Ça, je ne comprends pas du tout. Alors, ce sont vraiment
mes deux critiques les plus importantes.
Aussi, je ne
comprends pas du tout pourquoi on doit avoir... on ne peut pas avoir deux types
de... excusez-moi — c'est quoi, l'expression que
je cherche? — qu'on
élise séparément... non, que les candidats peuvent être des candidats de liste
et des candidats du district. Encore une fois, je ne comprends pas du tout, ça
ne donne rien. Et c'est beaucoup mieux, maintenant, que
chaque candidat, même pour un parti qui n'a aucune chance de gagner un siège de
district, soit invité de se présenter dans un district. Cette personne-là ne
sera pas élue mais, quand même, aura une identité concrète dans un des
districts de la région, donc. Mais, si on parle de quelqu'un qui représente un
petit parti qui peut chercher, disons, 15 %, 20 % de vote, c'est bon
que cette personne-là soit élue au niveau de la région parce que le parti...
l'appui est distribué d'une façon assez large. Alors, ça, c'est le troisième
élément, donc, sur lequel j'ai des problèmes avec la proposition. J'aurais
d'autres, mais je n'ai pas le temps, alors, merci.
Le
Président (M. Bachand) : On va profiter, d'abord... d'ailleurs,
de la période d'échange, qui débute avec Mme la ministre, s'il vous plaît.
Mme LeBel :
Merci. Merci, M. Milner. Je vais peut-être vous laisser même compléter un
peu, parce que j'aurai quelques
questions sur les points que vous avez déjà soulevés, mais, si vous voulez
peut-être compléter votre présentation, s'il y a d'autres points que
vous vouliez soulever... Là, vous avez parlé du seuil, de la formule de calcul,
de la double candidature. Est-ce qu'il y a un autre élément que vous aimeriez
mettre sur la table, à notre connaissance?
M. Milner (Henry) : Bon, tout ce que j'aurais voulu ajouter, qui est
un peu à côté, mais c'est l'argument qu'on va entendre demain. Ça veut
dire que, pour protéger les francophones de Québec comme minorité en Amérique
du Nord, il faut garder le système actuel,
qui favorise... qui défavorise le Parti libéral, qui est le parti appuyé par
les non-francophones. C'est ça que M. Dufour va vous dire, et je
veux... j'ai écrit pourquoi c'est une mauvaise idée. Je n'ai pas vraiment le
temps, mais je veux m'inscrire en faux. Si on commence à regarder un mode de
scrutin parce que ça favorise un groupe et pas un autre, je peux vous donner
des exemples de d'autres pays où c'est exactement... qui se fait, et ça, ça met
une menace à la démocratie. Et, ces jours-ci, on voit des menaces à la
démocratie dans plusieurs pays traditionnellement démocratiques, alors j'espère
que le Québec ne va pas aller dans cette direction.
Mme LeBel :
M. Milner, prenez le temps, prenez le temps de l'expliquer, parce que ça
m'intéresse. Parce qu'effectivement un des arguments étant qu'on va fragiliser
le gouvernement du Québec parce qu'on aura, entre autres, des gouvernements
minoritaires de façon plus fréquente, ce qui est un peu une des conséquences
potentielles d'un mode de scrutin... Et on nous dit... je n'en suis pas, mais
on nous dit, entre autres, on va l'entendre demain, vous avez raison, que, face au gouvernement fédéral, la légitimité du
gouvernement québécois s'en trouverait fragilisée dans nos négociations
avec le fédéral. Personnellement, je ne vois pas en quoi, parce que c'est un
gouvernement qui est quand même légitimement élu, mais j'aimerais que vous
développiez, parce que vous voulez vous inscrire en faux, mais j'aimerais que
vous développiez sur cet aspect-là, s'il vous plaît.
• (16 heures) •
M. Milner
(Henry) : Bien, d'abord, je vais dire une chose, qu'avec la réforme,
si M. Dufour est correct avec ses arguments, ça va... c'est vraiment le
Parti libéral qui va gagner, avec les réformes. Donc, j'aurais posé la question
aux représentants du Parti libéral : Est-ce que vous n'avez pas jamais
pensé au fait qu'avec une réforme vos chances sont
meilleures et que, dans la situation actuelle, donc, souvent, vous êtes mal
représentés? Donc, ça, c'est tout un autre argument que j'aurais pu
entrer.
Mais, pour répondre à
vous, pour moi, si un gouvernement est élu avec 39 %, même si vous avez la
majorité des sièges ou non, tout le monde dans notre... à Ottawa le sait, ce
n'est pas un secret, donc... Et, si vous êtes élu, un gouvernement de
coalition, avec 60 %, on le sait aussi à Ottawa. Alors, l'argument qui dit
qu'on est affaiblis parce que ce n'est pas un gouvernement majoritaire, à mon
avis, on n'aura pas... on n'aura plus de gouvernement avec une base plus de
50 %, ça, c'est fini. Toutes les sociétés modernes sont divisées, et de
voir un gouvernement... un parti seul avec plus que 50 % d'appui, ce n'est
plus le cas. Donc, est-ce qu'une majorité artificielle, qui est simplement
produite par le mode de scrutin, ça met... on peut aller à Ottawa dire :
Ah! on est très forts parce qu'avec notre 39 % on a 55 % des députés?
À mon avis, ça ne donne rien. C'est beaucoup mieux d'aller à Ottawa et
dire : Regarde, on représente 60 %, notre gouvernement de
coalition... ou même, si ce n'est pas une coalition, mais une entente entre
plusieurs partis. Je pense que c'est le contraire qui est le cas.
Mme LeBel :
Vous avez parlé de plusieurs points. Vous avez parlé du 10 %, le seuil. On
en a... Plusieurs personnes, aussi, ont adressé cette question-là. Si on met de
côté, pour fins de discussion, le 10 %, vous préconisez quel type de seuil? Je sais que ce n'est jamais
plus que 5 %. Certains nous ont dit 2 %, certains nous ont dit
3 %. Est-ce que vous pensez qu'à
5 %, parce que vous dites : Jamais plus de 5 % ailleurs, ça fait
le travail entre... l'équilibre entre laisser
la place aux petits partis de se tailler une place, si je peux l'exprimer
ainsi, tout en mettant une certaine barrière à une émergence peut-être
trop précoce ou trop rapide d'un courant de pensée qui n'aurait pas une prise
assez solide dans la société, mais parviendrait, si on ne mettait pas de seuil,
à peut-être atteindre un siège à l'Assemblée nationale? Est-ce que vous pensez
que 5 % est quand même un point d'équilibre qui pourrait être justifié?
M. Milner
(Henry) : Pour moi, c'est vivable. D'une certaine façon, c'est un faux
débat parce que, dans un système régional,
il y a un seuil de soi. Ça veut dire que, dans une région avec une vingtaine de
députés, il y a un seuil de 7 %, quelque chose comme ça, simplement
parce que, sans 7 %, vous n'avez pas... vous ne pouvez pas élire un député
de compensation. Dans le cas de Montréal, ça sera... je ne sais pas exactement,
si on regarde toute la situation comme elle est, c'est peut-être 4 %,
5 %, je n'ai pas vérifié. Donc, d'une certaine façon, c'est un faux débat,
mais, si je devais choisir un chiffre, en
général, pour moi, le 4 %, qui est typique des pays nordiques, etc., je
trouve que c'est... je peux vivre facilement avec ça.
Mme LeBel :
Parlez-nous, peut-être... Bien, je vous ramène peut-être à une autre chose, et
vous ne nous en avez pas parlé. On a fait
des choix, naturellement. Un mode de scrutin tel qu'on le propose et un
changement tel qu'on le propose, ça demande souvent de l'arbitrage et
d'essayer de ramener un plus large consensus possible, donc il y a des choix
qu'on... doit être faits. Je ne vous apprendrai pas qu'il y a certains choix
qui favorisent la proportionnalité, d'autres favorisent d'autres principes
comme la stabilité gouvernementale, le poids des régions, la représentation, et
des fois c'est au détriment, ultimement, peut-être, de la proportionnalité.
Vous avez...
dans une publication, en 2004, qui s'intitulait Le point sur la réforme
électorale dans les provinces canadiennes — Où
se situe le Québec?, vous disiez, dans cet article, que vous vous montriez,
bon, favorable à un mode de scrutin mixte proportionnel, comme aujourd'hui,
avec compensation régionale, en disant, et je vous cite : «...au Canada,
les identités régionales qu'on observe dans les grandes provinces sont fortes;
cela valide donc le choix d'un système de type écossais ou gallois basé sur des
régions...» Donc, vous y défendiez, à ce moment-là, les listes régionales
fermées, ce qu'on offre, naturellement, les 17 régions administratives que
l'on propose de maintenir, choix,
naturellement, et je le dis d'entrée de jeu, qui a un effet sur l'effet
proportionnel ou sur la distribution. Neuf régions auraient été
meilleures pour la proportionnalité mais catastrophiques, dans mon sens, pour
l'identité régionale, c'est mon point de vue. Deux votes par électeur, c'est ce
que nous préconisons, effectivement.
«...qu'il [revienne] aux membres des partis [...]
plutôt qu'à leurs dirigeants», bon, ça, je pense, c'est plutôt marginal. Donc, je pense... j'ose prétendre ou
déduire de votre... du fait que vous n'avez pas relevé... que ce sont des choix
qui sont appropriés dans le mode de scrutin.
M. Milner (Henry) : ...double
candidature, je trouve que c'est...
Mme LeBel : Mais on va y... Je
veux vous donner aussi du temps, mais vous pouvez le faire dans le même
souffle, là, si vous voulez, là.
M. Milner (Henry) : O.K. Sur la
question de... Je n'ai pas abordé la question des régions, ça veut dire le
nombre de régions, parce qu'en 10 minutes... J'aurais utilisé toutes les
10 minutes parce que ça, c'est compliqué. Comme vous dites, c'est des arbitrages. Si on a moins de régions, ce
sera plus proportionnel, mais l'identité régionale sera moins exprimée.
Donc, ça prend des compromis, des arbitrages. Moi, j'aurais préféré 14 régions.
Moi aussi, je pense, avec les 17, au moins, il faut probablement ajouter deux
sièges à Montréal et un siège à la Rive-Sud, quelque chose semblable parce que
ce n'est pas... il n'y a aucune raison, simplement à cause du mode de
scrutin, de défavoriser ces deux régions-là parce qu'elles ont plusieurs
sièges. En effet, c'est simplement l'application de la formule, le fait que ces
endroits ont peu de sièges, il y a moins de... donc ils reçoivent moins, les
autres reçoivent plus, et l'effet, c'est qu'ils sont plus défavorisés.
Donc, au moins, si on dit qu'il faut garder les
17 au lieu d'aller avec les 14, peut-être, quelque chose... on parle des
arbitrages, ajouter un ou deux sièges, ce n'est pas la fin du monde non plus.
Mais, comme je dis, ça, c'est des questions compliquées où il n'y a pas de noir
et blanc, où il n'y a pas le clair. Pour moi, le 10 %, la prime du
vainqueur, pour moi, ce sont clairs... etc.
Mme LeBel : Et, la double
candidature, voulez-vous nous en parler?
M. Milner (Henry) : Et la?
Mme LeBel : Double candidature.
M. Milner (Henry) : Oui. Encore
une fois, je ne vois aucune légitimité de cela, aucune logique derrière cela.
Mme LeBel :
O.K., mais je vous ramène un argument, simplement pour vous donner
l'opportunité d'y répondre. On a entendu, j'ai entendu aussi, dans mes
consultations, le malaise avec la double candidature. C'est peut-être plus un
malaise théorique, mais c'est un malaise, et on parle de faire un changement.
Donc, on essaie d'éviter le plus de malaises possible pour que les gens soient
à l'aise dans cette transformation-là, le malaise de faire en sorte que,
potentiellement, quelqu'un qui n'a pas réussi à obtenir... et je ne dirai plus
«perdre», mais qui n'a pas gagné le siège de circonscription, ce qui est bien
différent, pourrait se retrouver à entrer dans la région par le siège de liste,
par la liste régionale. Donc, il y a un certain malaise au niveau de la
démocratie, si on veut, parce que la personne a été...
Une voix : Légitimité.
Mme LeBel : ...légitimité,
voilà, de sa présence. Je vous soumets l'argument et j'aimerais peut-être que
vous nous fassiez part de votre opinion par rapport à ça. Et quels sont, pour
vous, les avantages d'une double candidature qu'on échapperait en
l'interdisant?
M. Milner
(Henry) : Bien, d'abord, je
connais des pays où on utilise... où on fait ça, et c'est parfaitement normal.
Il n'y a personne qui dit à lui : Ce n'est pas légitime parce qu'il n'a
pas gagné dans son district, et donc ce n'est pas légitime. Tout ce qu'on fait,
c'est que, dans ce cas-là, il y a certains candidats qui sera découragé de se
présenter. Est-ce que, vraiment... Pourquoi décourager des personnes qui,
vraiment, seront bienvenues? Ça, c'est une chose.
Deuxièmement, comme je dis, il est
valable d'encourager quelqu'un qui n'a aucune chance de gagner un siège de quand même se présenter... O.K., ça, c'est la
double candidature, excuse-moi. Alors, comme... si on dit à quelqu'un...
Disons que je suis électeur et je vote dans mon district, vous, vous êtes les
députés. Bon, vous êtes des bons députés, je vous aime beaucoup, mais le moment
est arrivé pour voter pour un autre parti. Ça n'a rien à faire avec vous, ça
n'a rien à faire avec votre compétence, vous le savez très bien, c'est une
question de politique. Alors, si vous, vous êtes battu, bien, vous vous trouvez
premier de liste, parce que vous êtes bien connu, bien respecté dans votre
région, et vous revenez à cause de cela,
qui, parmi vos électeurs, va dire : Ah! c'est terrible, cette personne-là,
on ne l'a pas gardée, et regarde, il ou elle revient de la liste? Ils
vont dire le contraire, il dit : Ah! on est chanceux quand même que...
Oui, notre vote était compté, parce qu'on a changé le... c'est le parti qui...
On a voté contre le parti, et le résultat, c'était que le parti a été affaibli.
Mais le fait que la personne, l'individu, revienne, c'est un atout, ce n'est
pas quelque chose de négatif.
Mme LeBel :
Bien, merci. Merci beaucoup.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de
Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.
Mme Robitaille :
Merci, M. le Président. Bonjour, monsieur. Vous êtes pour ou contre la... Vous
êtes pour la double candidature, alors, si je comprends bien?
M. Milner
(Henry) : Oui.
• (16 h 10) •
Mme Robitaille :
O.K. Moi, je viens d'un comté qui est à Montréal, Montréal-Nord, Bourassa-Sauvé.
Avec le projet de loi, la région de Montréal perdrait trois sièges. C'est quand
même considérable. S'il y a un référendum, là, il va falloir travailler fort,
ceux qui veulent passer ce référendum-là, parce qu'à Montréal on perd trois
sièges, je ne sais pas si les gens vont aimer ça beaucoup. Vous dites : Il
faut ajouter deux sièges. Pourquoi deux sièges? Je voudrais comprendre. Je sais
que c'est compliqué, là, mais pourquoi... On en perd trois, là vous
dites : On voudrait en ajouter deux.
M. Milner (Henry) : Parce
que c'est une sorte de compromis, tu
sais. Je sais qu'avec les sentiments, etc., tu sais, on... Et, on le
sait, on ne veut pas ajouter trop de sièges, etc. Regarde, je n'ai pas vraiment
réfléchi, mais simplement, au moins, de dire : Oui, il y a une perte
qui... Il faut s'adresser à cela. Est-ce que ça prend trois sièges? Est-ce que...
Parce qu'une autre
chose, c'est que ça veut dire que, si vous dites : Il faut régler toute la
perte, le risque, c'est une autre... après, une autre... en regard de la
population, il y a une autre région qui arrive pour dire : Ah! on perd un
demi-siège, tu sais, on perd un demi de... ou quelque chose.
Donc,
si on dit : Oui, on va aider Montréal, mais pas absolument pour que ça
soit exactement... d'autres régions, peut-être,
ne vont pas dire : Ah! O.K., nous autres, on a perdu un petit peu, mais on
peut vivre avec ça. C'est simplement, encore une fois, des questions
d'arbitrage, de compromis, de trouver quelque chose vivable pour tout le monde.
Mme Robitaille :
Donc, le principe de proportionnalité. Le Québec, c'est particulier, hein,
parce que c'est immense. Et justement, hier, on avait quelqu'un... on avait un
expert de la Nouvelle-Zélande qui travaille aussi pour la proportionnelle en Angleterre, et justement on comparait le Québec
versus la Nouvelle-Zélande, l'Écosse, la Bavière, les densités de
population n'ont rien à voir, là.
Et donc l'expert
nouvelle-zélandais nous disait : Bien, en Nouvelle-Zélande, on a augmenté
le nombre de circonscriptions pour respecter ce principe-là de
proportionnalité. Vous, vous me dites : Bon, O.K., Montréal perd trois sièges, bon, on en rajouterait deux, ça
serait comme un compromis. Mais est-ce que, carrément, là, pour respecter
ce principe de proportionnalité là, il ne faudrait pas carrément faire comme en
Nouvelle-Zélande, ajouter des sièges? Vous êtes allé en Nouvelle-Zélande, vous
devez... je suis sûr que vous êtes très conscient de ça. Est-ce que, tant qu'à
faire, on ne devrait pas repenser et ajouter des sièges pour, justement, que la
proportionnalité soit bien respectée?
M. Milner
(Henry) : Vous savez, pour moi, c'est une question de deuxième niveau.
Oui, j'aimerais voir ça, mais je ne vais pas sacrifier la réforme pour quelque
chose avec lequel on peut vivre. Et c'est plus ou moins accepté au Québec qu'en
comparaison avec d'autres provinces canadiennes, pas avec la Nouvelle-Zélande,
on a quand même assez de députés. On ne peut pas comparer avec la population
des autres provinces, par exemple.
Donc,
entrer dans ce débat-là, tu sais, avec une, ou deux, ou trois qu'on peut
ajouter... je pense qu'on n'entre pas vraiment
dans ce débat-là. Mais de penser qu'on peut avoir 200 députés, par
exemple, ou, tu sais, de vraiment augmenter le nombre comme ils ont fait
en Nouvelle-Zélande, je pense que c'est, comme on dit en anglais, un
«non-starter».
Mme Robitaille :
Mais, comme disaient mes collègues durant les derniers jours, on change de
culture politique, c'est autre chose. On va... C'est nouveau, c'est très
nouveau puis c'est une autre dynamique. Est-ce que, justement, pour respecter
ce principe-là de proportionnalité... puisque les autres provinces n'ont pas
ça, elles ont toujours le système uninominal à un tour, est-ce que, justement,
pour bien le faire, on ne devrait pas carrément repenser notre carte
électorale, ajouter des circonscriptions et puis respecter ce principe-là?
Comme ça, la région de Montréal, bien, elle ne sentirait pas qu'elle perd
quelque chose.
M. Milner
(Henry) : Alors, simplement, je vous dis : Allez chez vous, donc
chez vos électeurs, et dites : On va chercher un autre 75 députés,
êtes-vous d'accord ou non? S'ils sont d'accord, moi, je serai d'accord aussi.
Mme Robitaille :
Dites-moi, j'ai juste une question. Vous étudiez... Vous avez étudié les
systèmes, les modes de scrutin partout en Europe, et tout ça. Est-ce que
la proportionnelle amène la création de nouveaux partis? Est-ce que c'est un
phénomène qu'on peut voir apparaître, ça?
M. Milner (Henry) : Avec un
seuil de 4 %, 5 %, ça se fait, mais pas très souvent. Il y a aussi,
dans notre système, des nouveaux partis qui arrivent sans la proportionnelle.
Moi, j'étais toujours pour l'idée d'un seuil, tu sais, donc je n'aime... je
n'accepte pas l'idée qu'un parti qui n'a aucun appui doit profiter d'un mode de
scrutin qui va leur permettre, même avec, je ne sais pas, 1 % ou moins de
1 %, d'avoir un député. Moi, je pense que ce parti-là devrait trouver les
moyens de chercher un appui légitime, un appui réel. Donc, c'est pour ça que
j'appuie le seuil.
Mme Robitaille : Le seuil à?
M. Milner (Henry) : Hein?
Mme Robitaille : À 4 %?
M. Milner
(Henry) : Oui, quelque chose
comme 4 %. Quand vous avez un système régional, je vous rappelle,
il y a déjà un seuil automatique qui est... Quand vous avez un système national,
c'est à ce moment-là qu'il faut mettre un seuil.
Mme Robitaille : Mais à
10 %? Est-ce que l'exercice en vaut la peine si on reste à 10 %?
M. Milner
(Henry) : Moi, le 10 %,
vraiment, comme j'ai dit, j'ai donné l'exemple de Turquie, c'est très difficile
à défendre, surtout... Si on n'avait que deux grands partis, deux partis, bon,
pas un problème, mais, si on veut que, quand
même, des partis arrivent qui représentent quelque chose de réel, d'imposer...
de dire, je ne sais pas, à un groupe qui veut vraiment s'organiser, qui
représente des idées importantes, on va leur dire : Bonne chance, mais
sans 10 %, c'est fini, vous n'avez... vous ne pouvez rien faire. Des
députés, ici, représentent des partis qui étaient... qui avaient un appui moins
de 10 % ça ne fait pas longtemps. Est-ce que, vraiment... Si, à ce
moment-là, il y avait un seuil de 10 %, est-ce que vous seriez ici, autour
de la table, beaucoup entre vous? Oui, les deux... Tu sais, c'est quelque chose
qui, vraiment... C'est comme si c'est un autre «boys' club», et vous n'êtes pas
invités. C'est un peu ça.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce, s'il
vous plaît.
Mme Weil :
...j'aimerais vous amener sur le terrain des référendums. On a parlé, donc,
est-ce qu'on le fait bien avant, un peu avant, en même temps, etc. La
Colombie-Britannique, l'Île-du-Prince-Édouard, ça n'a pas fonctionné, c'était
en même temps. Donc, j'aimerais avoir votre opinion sur... Premièrement, quand
on demande aux citoyens, actuellement... Je pose la question à tout le
monde : Saviez-vous qu'il y a, actuellement, un projet de loi pour revoir
notre système? Non, je ne suis pas au courant. Donc, la population ne sait rien
de ce dont on parle. Puis, ici, on entend tellement d'experts, des gens qui ont
travaillé ça, on regarde l'historique de ça, c'est incroyable.
Donc, comment faire en sorte de mettre la
population à niveau? Donc, j'aimerais vous entendre sur cette question de
référendum, avec un peu ça en tête. C'est-à-dire, vous y croyez beaucoup, vous
avez étudié ça. Comment ça... Pourquoi ça n'a pas marché en
Colombie-Britannique et à l'Île-du-Prince-Édouard?
M. Milner (Henry) : Bon,
Colombie-Britannique, ce qui était intéressant, c'est que les sondages, pendant
beaucoup de temps, étaient favorables, et
soudainement les sondages ont changé, et le vote était très négatif. Pourquoi
les sondages ont montré que le vote... que ça a changé? Bien, une chose,
c'est... les jeunes n'ont pas voté, les plus vieux ont voté, ils sont plus
conservateurs. Mais, deuxièmement, il y avait une campagne de salissage, on
peut simplement penser... avec des dangers, des dictatures, toutes sortes de
choses avec la réforme, c'était incroyable. Et le fait qu'il y avait
vraiment... La seule autorité pour corriger cela, c'étaient les bénévoles pour
le Oui. Il n'y avait pas une commission respectée avec les ressources pour
remettre les choses et dire : Non, ce n'est pas ça, c'est ça, et...
Mme Weil : ...à quel
moment est-ce que vous recommanderiez de faire un référendum?
• (16 h 20) •
M. Milner (Henry) : Moi, je
suis un peu divisé sur cela, parce qu'en principe je ne pense pas que c'était nécessaire. Par contre, c'est un changement
important, et ça prend de la légitimité. Et, si ceux qui sont contre peuvent
dire : Ah! ce n'est pas légitime, la population n'a pas voulu, c'était
imposé par les politiciens, ce n'est pas un bon début. Donc, le fait qu'il y a
un référendum et, si c'est... le référendum gagné par des bons arguments avec
une population renseignée, qui sait de quoi il s'agit... et ce sera un défi
très important, mais ce n'est pas impossible, même si notre ami M. Hugues,
de Nouvelle-Zélande, disait que ce n'était pas absolument nécessaire d'avoir un
référendum, là-bas, ils ont eu des référendums qui étaient gagnés par le Oui
par des bons arguments, même quand les deux grands partis étaient contre. Au
début, ils étaient contre puis après ils ont accepté...
Le Président (M. Bachand) : Merci. Je
dois passer la parole — désolé — au
député de Gouin, désolé. M. le député de Gouin.
M. Nadeau-Dubois :
Bonjour. Très content de vous avoir avec nous aujourd'hui. Je vais aller dans
le vif du sujet. Un des arguments qu'on entend souvent... et je pense que la
prochaine personne... j'ai jeté un regard, plus tôt, à notre prochain invité,
ici, je pense, c'est un argument qui va nous être aussi présenté... en tout
cas, une préoccupation qui va nous être présentée, c'est l'idée selon laquelle
des systèmes électoraux où il y a une composante de proportionnalité, ça tend à
fragmenter le champ politique, voire à le polariser. Et le Pr Marc-André
Bodet, qui va vous succéder à cette place, dit, dans son mémoire... pose la
question suivante : «Voulons-nous être pris dans des situations
impossibles comme le vivent les Allemands, les Danois, les Autrichiens, les
Norvégiens, etc.?», en disant qu'une réforme du mode de scrutin va, à cause des
différents clivages au sein de la société québécoise, plonger le Québec, donc,
dans une situation impossible. Ma question, ce serait : Est-ce que vous
jugez que ces pays-là sont dans des situations impossibles? Et est-ce que c'est
un risque que vous voyez, vous aussi?
M. Milner (Henry) : Bien, d'abord, vous allez poser la question au
Pr Bodet. Je suis assez surpris d'entendre cela parce que... et je
connais ces pays-là, pas simplement comme quelqu'un qui est académique, mais
aussi j'ai vécu en Suède, je connais très bien ces pays-là, et ces pays-là...
la citation que vous donnez, ça n'a rien à faire avec ces pays-là. Les gens
sont contents avec leur démocratie, la démocratie fonctionne bien. Oui, il n'y
a rien de parfait, parfois ça prend du temps pour former un gouvernement parce
que le résultat est très serré, donc il faut former une coalition. Mais les
élections ne viennent pas souvent, ils sont comme nous. Alors, d'où vient cette
idée-là que ça ne marche pas? Je ne comprends pas.
Moi, je suis
spécialiste surtout sur ces pays-là, donc c'est... Et les gens sont... trouvent
que... Si tu leur demandais : Voulez-vous changer votre mode de scrutin?
Voulez-vous plutôt comme les Anglais, etc.? Ils ne sauront pas de quoi vous
parlez. Ils sont habitués à cela. Le système, d'après eux, fonctionne bien...
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de
Rimouski, s'il vous plaît.
M. LeBel :
Merci, M. le Président. Salut. À la réponse... Tantôt, vous avez parlé de...
Bon, l'échec du référendum en
Colombie-Britannique, vous avez dit : Il y avait un groupe de bénévoles
dans le camp du Oui qui n'étaient peut-être pas assez outillés pour
répondre, puis ça aurait pris des spécialistes, tout ça.
Tantôt, le DGEQ
parlait des deux camps, il disait qu'il fallait exclure toute forme
d'évaluation qualitative des demandes d'OBNL qui pourraient être dans les
camps. Ma question, c'est : Comment on s'assure que les camps sont bien
représentés puis on est capables de défendre les intérêts ou défendre la
réforme? Parce que, là, dans le projet de loi, les élus politiques ne sont pas
dans les camps, mais ils sont... Bref, comment on fait pour ne pas tomber dans
le piège de la Colombie-Britannique?
M. Milner
(Henry) : Je n'ai pas vraiment réfléchi à cela parce que, d'abord, il
faut faire... être d'accord sur les contenus, et après ça la façon qu'on va
débattre cela, c'est une deuxième question. Pour moi, ce qui était très important,
c'est que, oui, il y aurait... C'est un référendum, donc, normalement, il y a
deux équipes, une pour le Oui, une pour le Non. C'est évident que les partis politiques
qui ont exprimé une position doivent être là, peut-être pas nécessairement
comme président du comité du Non ou du comité du Oui, mais présents.
Mais, comme je le
disais, et j'insiste sur cela, ce qui manque, dans la Colombie-Britannique, bon
exemple, c'est cet aspect-là d'une commission respectée, non partisane, qui
connaisse cela et où tout le monde peut référer des questions, des déclarations,
tu sais, d'un côté ou de l'autre. Et pas simplement que ça va aider les
citoyens, mais ça va aussi limiter la capacité des deux côtés d'exagérer, de
dire des choses qui ne sont pas vraies. Et les gens du DGE, ils ont déjà
exprimé le manque de ressources, la nécessité d'avoir plus de ressources. Et,
vraiment, moi, je pense que c'est ça, vraiment, qui est important. Oui, les
partis politiques doivent être là, parce que ça, c'est notre démocratie, mais
pour s'assurer que le contenu du débat soit comme il faut. C'est un autre
aspect qui est très important.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de
Marie-Victorin, s'il vous plaît.
Mme Fournier :
Merci beaucoup pour votre présentation. Justement, en réponse à ma question sur
la désinformation qu'il pourrait y avoir lors de la campagne référendaire, le
DGEQ a répondu qu'il ne comptait pas intervenir ou fournir de l'information
pour rectifier des faits qui proviendraient d'un camp ou de l'autre. Est-ce que
vous croyez, a contrario, que ce serait important que le DGE, s'il dispose de
ressources suffisantes, puisse le faire, ou à travers une commission
indépendante, comme vous semblez l'évoquer?
M. Milner
(Henry) : C'est délicat. Ils ne doivent pas intervenir d'une façon qui
peut donner l'impression d'être partisans, mais, s'ils ont les informations,
les informations sont là, facilement, avec un accès facile, ils peuvent diriger
les gens vers les informations. Si quelqu'un ou un organisme pose une question,
ils ne doivent pas dire : On n'a rien à dire. Ils doivent leur dire :
Vous pouvez trouver ces informations ici et là, et vraiment les aider de cette
façon-là, de fournir des textes, toutes sortes de choses nécessaires. Je pense
que ça, c'est une sorte de compromis et que ça doit être bien connu.
En Nouvelle-Zélande,
j'étais... on m'avait dit... parce que je suis arrivé un peu en retard, mais je
suis pas mal vieux... de Darren Hughes, Darren Hughes était un enfant à ce
moment-là. Et le rôle de la commission qui a donné les informations sur les enjeux du référendum
était extraordinaire. Tout le monde que j'ai consulté disait : Ah oui, eux,
ils ont toutes les informations. Ils étaient des gens tout à fait respectés.
Moi, je conseillerais aux gens du DGEQ de faire
un petit voyage en Nouvelle-Zélande, ils peuvent voir exactement comment c'est
fait. Et il y a même des articles et des livres qui étaient écrits, que
je peux... qu'on connaît. Merci.
Mme Fournier :
Très bien, merci.
Le
Président (M. Bachand) : M. Milner, merci beaucoup de
votre présentation.
Cela dit, je suspends
les travaux pour quelques instants. Merci infiniment.
(Suspension de la séance à
16 h 29)
(Reprise à 16 h 32)
Le Président (M. Bachand) : À
l'ordre, s'il vous plaît! La commission
reprend ses travaux. On semble avoir un petit problème technique, qui va
se régler.
Alors, nous allons
avoir une présentation PowerPoint de M. Stéphane Rouillon, qui est
directeur au Centre de recherche informatique de Montréal. Alors,
M. Rouillon, merci beaucoup d'être ici, et vous avez la parole. Merci.
M. Stéphane Rouillon
M. Rouillon
(Stéphane) : Merci. Je tiens à préciser quand même que c'est en mon
nom personnel que j'ai été contacté, étant donné mon historique de présence, et
pas à titre de directeur au CRIM, rôle que j'ai effectivement. Je vais vous
lire ce que je vous ai écrit pour les 10 premières minutes.
Chers
membres de la Commission des
institutions de l'Assemblée nationale, dans le but de promouvoir une saine
compétition dans la sphère politique, j'aborderai essentiellement la problématique
de la stabilité gouvernementale avant de répondre à vos questions, notamment
sur le mécanisme d'adoption d'une réforme du mode de scrutin.
La
concurrence est la clé de bien des succès. Ce principe, nous l'avons appliqué à
l'économie, il est temps de l'appliquer en politique. Une société riche
de ses choix est une société riche. En ce sens, la multiplication des options
offertes par les partis politiques est un investissement. Le défi consiste à traduire
cette variété d'opinions en un microcosme des débats et des pistes de solution
autour d'une table pour pouvoir discuter intelligemment de solutions à des
problèmes complexes.
Chaque électeur
devrait avoir droit à la représentation sans aucune forme de discrimination
quant à la taille du groupe auquel il désire
exprimer son appartenance. Le projet de loi propose un quota à partir duquel un
parti aurait accès aux sièges de
compensation. Les défenseurs de ces quotas les justifient en arguant qu'une véritable
représentation proportionnelle n'est pas compatible avec un Parlement
stable. Examinons les résultats d'élection possibles sous l'angle de la
stabilité, alors.
Donc, si on considère
l'historique des comportements des élus et des partis d'opposition, on peut
modéliser globalement les chances de voir un vote de confiance être approuvé ou
battu. Grosso modo, afin d'illustrer le propos, on peut approximer à 40 % les chances qu'un parti d'opposition approuve le
gouvernement. De la même façon, on peut considérer que 90 % des
élus gouvernementaux suivent la ligne de parti et que la balance, les 10 %
restants, a à peu près 90 % de chances de voter avec le gouvernement. Ces
chiffres peuvent fluctuer, bien sûr, mais les conséquences et les comportements
demeurent.
Donc, on obtient cinq
familles de situations décrivant les résultats d'élection. Donc, en ordre de
stabilité croissante, et c'est ce qui est représenté sur le graphique que vous
avez là : premièrement, des coalitions multipartites de trois partis ou plus; deuxièmement, une ou plusieurs combinaisons de coalitions bipartites potentielles; troisièmement, un parti majoritaire de
justesse; quatrièmement, des coalitions bipartites autour d'un même parti quasi
majoritaire; et, cinquièmement, le cas le plus courant, un parti à forte
majorité, le cas le plus courant, en tout cas, au Québec.
La
première situation correspond à ce qu'a connu la Tunisie depuis la révolution de jasmin. Au Québec,
ce serait, par exemple, un cas où cinq partis se partageraient les
125 sièges ainsi : 32, 30, 28, 20 et 15 sièges, respectivement.
Les premières éditions de telles coalitions sont relativement stables la
première fois où ça arrive. Ce sont les éditions subséquentes regroupant les
mêmes partis politiques qui sont parfois instables. En effet, le menu
législatif devient bien maigre quand le peu de programmes communs a déjà été
réalisé.
La seconde situation
correspond à un partage des sièges de l'Assemblée nationale de ce type :
45, 40, 35 et cinq sièges pour un quatrième parti, par exemple. Encore une
fois, c'est la répétition de coalitions déjà obtenues lors de législatures
précédentes qui engendre parfois de l'instabilité. L'Irlande, les Pays-Bas, la
Belgique ont tous connu des situations similaires où la persistance même des
mêmes partis politiques et certaines restrictions idéologiques empêchent le
renouvellement de la composition du gouvernement ou la formation pure et simple
parfois même d'un gouvernement tout court.
Donnez-moi deux
secondes.
La troisième
situation a été vécue à la Chambre des communes lorsque le vote de
Mme Belinda Stronach a fait pencher la balance, en 2005. Dans le cas du
Québec, le modèle prédit une stabilité de l'ordre de 53 %, à peu près,
dans le cas d'un parti à 63 sièges, donc vraiment une majorité de
justesse, et de l'ordre de 88 % dans le cas d'un parti à 64 sièges,
finalement.
La quatrième situation, donc la
coalition bipartite avec alliés multiples, sur le dessin, c'est celle que nous
avons souvent vécue ces dernières
années, tant au fédéral qu'au provincial. Les gouvernements minoritaires de
MM. Harper, Trudeau, M. Charest, de Mme Marois se sont
retrouvés dans cette situation. Et, comme il s'agit de convaincre au moins un seul
des partis d'opposition d'appuyer le gouvernement, la stabilité augmente avec
le nombre de partis.
Le
tableau suivant, que vous pouvez regarder, donc, dans le document papier que je
vous ai transmis, illustre la stabilité
estimée par le modèle selon le nombre de partis d'opposition capables de
fournir une majorité au gouvernement en l'appuyant. Dans ce cas, la
proportionnalité est respectée. Plus il y a de partis et, donc, plus les
gouvernements minoritaires de ce type sont stables.
Le cinquième et dernier
cas correspond à la norme du dernier siècle au Québec, un parti très
majoritaire, donc un gouvernement extrêmement stable — trop,
diront certains. Le graphique précédent illustre donc toutes ces situations-là, de gauche à droite, et c'est de ça
dont j'espère vous... regarder ça en détail avec vous, c'est ça que j'espère.
Plusieurs
détracteurs des coalitions ciblent leurs critiques sur ce portrait de
l'instabilité sans aucune nuance. Toutefois, plusieurs participants ont
souligné la stabilité économique de nombreux pays de gouvernements
proportionnellement représentatifs tels ceux de l'Allemagne, des pays
scandinaves et de plusieurs autres pays européens.
Je tiens à souligner
ce que la représentation proportionnelle implique sur les politiques à long terme
de ces pays : une continuité. En effet, les systèmes de représentation
proportionnelle produisent souvent des gouvernements de coalition représentant un compromis parmi une majorité de la
population. Il devient alors extrêmement rare qu'aucun parti du
gouvernement précédent ne participe au suivant. Ces pays évitent ainsi de
coûteuses contre-réformes. La proportionnelle semble donc rentable, à condition
d'en dégager une majorité stable pour la durée du mandat.
Pour
contrer une potentielle instabilité gouvernementale, plusieurs pays sacrifient
l'équité de la représentation des idéologies et de l'électorat en
imposant des quotas à la compensation. Les défenseurs de ces quotas les
justifient en arguant que c'est la seule façon d'obtenir un Parlement stable.
C'est faux. Le pays fondateur de la démocratie moderne, la Grèce, a fait le même constat. Ils utilisent un mécanisme de
stabilisation et ils considèrent que c'est mieux adapté, en tout cas,
pour l'instant. En «boostant», en bon français, le parti vainqueur, on ramène
les situations 1 et 2, donc les plus à gauche, coalitions tripartites,
coalitions bipartites, à des cas stables.
Dans un mémoire
endossé par l'Association des étudiants des cycles supérieurs de Polytechnique,
j'avais présenté un mode de scrutin stable, proportionnel, préférentiel et
acirconscriptif, qu'on peut retrouver sur le site http://www.votebook.ca, ainsi
que d'autre matériel, ou sur celui de... je vous laisserai lire le lien au
long, mais celui de la Bibliothèque de l'Assemblée nationale, tout simplement.
J'avais baptisé le mécanisme de stabilisation de «béquille», puisqu'il empêche
un gouvernement de tomber et garantit un Parlement qui marche.
• (16 h 40) •
La béquille décrite à
l'époque garantit une coalition bipartite stable pendant un mandat réduit et
peut être greffée à tout modèle
proportionnel en remplacement d'un
quota. Une béquille pondérée comporte ces mêmes avantages sans ajouter
de sièges supplémentaires. Donc, au lieu d'ajouter des sièges supplémentaires,
avec tous les défis logistiques que les «Überhänge» — c'est-à-dire les sièges supplémentaires, en allemand — représentent au Parlement allemand, on
ajuste le poids législatif des élus au parti majoritaire tout en réduisant la
durée de leur mandat afin d'égaler le poids de l'ensemble de l'opposition. Il
s'agit d'une option de stabilisation, donc bel et bien d'une option. Donc, si
les partis peuvent s'entendre directement pour former une coalition
majoritaire, elle n'est pas nécessaire.
Le tableau suivant
illustre le poids législatif et la durée corrigée des mandats de la législature
selon le nombre d'élus du parti pluralitaire, c'est-à-dire le parti qui a reçu
le plus de sièges. Je vous laisserai regarder les chiffres. Dans le cas d'un
parti pluralitaire à 62 sièges, la situation est de facto dans le cas n° 4, et donc il n'est pas nécessaire de faire appel à une
béquille pondérée. D'ailleurs, ce pourrait être le cas tant que le parti
pluralitaire dispose de plus du tiers des sièges, c'est-à-dire jusqu'à 42
sièges à l'Assemblée nationale. Ce mécanisme de stabilisation respecte le
principe de la coalition, préserve le poids de chaque... de chaque électeur,
excusez-moi, en termes de députés-années et reste compatible avec le maintien
de 125 députés, avec des élections à date fixée d'avance, avec les changements
d'allégeance et avec les élections complémentaires telles qu'on les connaît.
Les élections complémentaires se dérouleraient
comme prévu, tout nouvel élu recevant un poids législatif d'un, quelle que
soit son appartenance politique,
car la durée du mandat ne serait pas davantage modifiée. Le mode de scrutin
résultant devrait permettre de voir fleurir un parti vert, un parti des
régions, un parti rose et bien d'autres qu'individuellement nous ne pouvons
prédire, mais que collectivement nous pourrons définir.
En résumé, les quotas
ne sont donc pas nécessaires, ils ne servent qu'à retarder l'apparition de
partis émergents. La semi-compensation a le même effet en préservant l'actuelle
prime au vainqueur. La décision de voter en fonction de la prise du pouvoir ou
d'une simple représentation revient à chaque personne qui vote et non au
législateur qui l'impose via un mode de scrutin. La commission devrait
s'assurer que des éléments de la réforme garantissant la stabilité du Parlement
tout en étant compatible avec une véritable représentation proportionnelle...
Notre institution parlementaire serait alors capable de suivre l'évolution des
communautés d'intérêts au Québec.
Merci d'avoir pris le
temps de m'écouter ainsi que bon nombre de mes collègues précédents, des gens
intéressés non à faire de la politique mais bien à refaire la politique. Merci.
Le
Président (M. Bachand) : Merci infiniment. Mme la ministre,
s'il vous plaît.
Mme LeBel :
Merci, M. le Président. Merci, M. Rouillon. Peut-être juste pour des fins
de langage, quand vous parlez de quotas, vous parlez des seuils, je comprends?
M. Rouillon
(Stéphane) : Effectivement, oui.
Mme LeBel :
O.K. Juste pour être sûre qu'on parle des mêmes choses. Est-ce que je comprends
de votre présentation que la stabilité du
gouvernement n'est pas nécessairement tributaire du mode de scrutin?
C'est-à-dire que, dans le mode de
scrutin actuel, il pourrait y avoir une certaine instabilité gouvernementale de
l'effet de voir l'apparition de plusieurs partis, maintenant, qui sont
représentés à l'Assemblée nationale, on pourrait avoir des gouvernements quand
même minoritaires, donc avec une certaine dose d'instabilité, même en vertu du
mode de scrutin actuel?
M. Rouillon (Stéphane) : En
effet. C'est peu probable, mais c'est tout à fait possible.
Mme LeBel :
O.K. Donc, ce n'est pas le corollaire unique ou ce n'est pas la conséquence
unique d'une réforme de mode de scrutin?
M. Rouillon (Stéphane) : Non,
pas du tout.
Mme LeBel : Parfait. Ce que
vous nous dites, par contre, c'est qu'il y a des mécanismes pour s'assurer
d'une certaine stabilité gouvernementale dans un mode de scrutin compensatoire
mixte tel qu'on le présente et qu'à tout le moins il y a au moins l'avantage
d'avoir une stabilité des politiques gouvernementales.
M. Rouillon (Stéphane) : Il y a
des mécanismes qui permettent d'augmenter les chances, donc, comme les quotas, malheureusement, ou un bulletin
préférentiel permettent d'augmenter les chances. Ce que je vous dis, c'est
qu'on est capables, même, de mettre en place des mécanismes qui vont
garantir qu'on n'ait pas ces genres de problèmes là.
Mme LeBel : Par contre, ce que
vous avez constaté ou qu'est-ce que vous mettez de l'avant, c'est que, dans le
cas d'un tel mode de scrutin, il y a, à tout le moins, une stabilité des
politiques gouvernementales, c'est-à-dire qu'on voit, de gouvernement en
gouvernement ou de législature en législature, des gens, bon, qui apparaissent
dans la coalition ou non, mais qu'il y a un certain suivi, donc il ne pourrait
pas y avoir de renversement drastique de politiques gouvernementales pour des
fins partisanes, à titre d'exemple.
M. Rouillon (Stéphane) : C'est
beaucoup plus rare, dans ces cas-là, contrairement à ce qu'on peut... Regardez,
au sud de la frontière, en ce moment, on a un gouvernement qui a passé beaucoup
de son temps à annuler, finalement, ce qu'avait mis le précédent. Donc, quand
on regarde la somme des investissements faits pour mettre des politiques en
place puis ensuite les défaire, ça donne peu de rendement, on va dire, par
dollar investi, là, ce qui est beaucoup moins le cas en Europe, avec tous les
gouvernements de coalition, où souvent on a un des partis qui étaient dans le
gouvernement précédent qui se retrouve dans le suivant.
Mme LeBel : Donc, on peut y
voir deux types de stabilité gouvernementale, donc la stabilité des personnes
en place, des élus pour un mandat donné, mais aussi la stabilité des politiques
gouvernementales sur le long terme, parce qu'on est de passage, quand on est au
gouvernement, donc on est dans un continuum, mais on est là pour les citoyens.
Donc, du point de vue du citoyen, il y a une certaine dose de stabilité qui
peut s'injecter de par le fait qu'on a ce mode de scrutin là.
M. Rouillon (Stéphane) :
Définitivement.
Mme LeBel :
O.K. Parlons de votre... bon, de la façon de voir, bon, la stabilité. J'avoue,
là, j'ai lu, je vous écoute, mais on n'a pas... je n'ai pas analysé tout
ça. Vous avez parlé de cette espèce de «boost» au vainqueur, de «booster» la
cote du vainqueur pour lui permettre d'avoir peut-être une majorité ou, à tout
le moins, une représentation assez forte pour former le gouvernement. Comment
ça fonctionne? Ça fonctionne après l'élection? Ça fonctionne pendant? Ça
fonctionne dans la distribution des sièges? C'est une sorte de prime au
vainqueur également pour la stabilité, là.
M. Rouillon
(Stéphane) : Alors, effectivement, vous avez un petit peu raison dans ce sens-là, c'est-à-dire qu'au lieu de donner une prime au vainqueur qui a un nombre
artificiel défini et d'y avoir recours, par définition, en partant, O.K., ce
qu'on fait, c'est qu'on regarde le résultat de l'élection, donc c'est après
l'élection, et, si vraiment il peut y avoir un problème de stabilité, on offre
cette option au gouvernement... au parti vainqueur, c'est-à-dire celui qui a
gagné le plus de sièges. Et, par exemple, si le parti qui a gagné le plus de
sièges ne devait avoir que, mettons, 42 sièges, alors qu'il en faut 65, eh
bien, il devrait être capable, donc, de rattraper l'ensemble de l'opposition.
Donc, si un parti a 42 sièges, au Québec, il faut le déduire des 125
précédents, donc l'opposition en aurait 83. Donc, grosso modo, il faudrait doubler sa représentation, O.K.,
pour être capable d'obtenir autant de représentants du parti pluralitaire
que de l'opposition.
Donc, ce qu'on propose de faire, dans ce cas-là,
c'est de doubler le poids en Chambre des députés de ce parti politique là, ce
qui fait qu'on respecte le mécanisme parce qu'on ne vient pas leur donner une
majorité — c'est
ce qui, des fois, fait défaut et qui cause des problèmes avec ces
mécanismes-là, dans certains cas — mais on vient les ramener tout juste au cas
n° 3, c'est-à-dire... au cas n° 2,
excusez-moi, coalition bipartite avec alliés multiples. Ce que vous voyez, le
50 %, le gros cercle au milieu, c'est le poids législatif qu'obtient le
parti vainqueur, celui qui a le plus de sièges, après qu'on lui ait donné
l'option de la béquille, donc, ensuite, il peut s'allier à n'importe lequel des
partis d'opposition pour être capable de passer une législation quelconque.
Mme LeBel : Mais l'objectif ultime de cette prime, peu importe où on la situe
dans le processus, est d'assurer une stabilité gouvernementale.
M. Rouillon
(Stéphane) : Exactement, oui, assurer, vraiment garantir, là.
Mme LeBel : Parfait. Écoutez, peut-être juste... Je pense que je peux annoncer, d'entrée
de jeu, que je n'ai pas l'intention d'aller dans cette direction-là, mais je veux quand même... Non, je
vais... C'est le préambule de ma question, mais je veux quand même vous
permettre de l'expliquer. Qu'est-ce que vous voulez dire par «acirconscriptif»,
donc «sans circonscription»? Peut-être nous illustrer un peu. Je veux rassurer
mes collègues, je ne veux pas abolir ni les circonscriptions ni les régions,
mais je suis curieuse, quand même, de voir qu'est-ce que vous voulez...
pourquoi vous soutenez ce...
M. Rouillon (Stéphane) : Disons que c'est une façon de regarder. La Cour
suprême, quand on parle de réforme du
mode de scrutin, a défini... Parce que, bon, j'ai participé à des recours
collectifs qui ont eu lieu, donc, au Québec pour contester la légitimité
du mode de scrutin par l'ARDD, l'Association pour la revendication des droits
démocratiques, au Québec, et la Cour suprême définit le mode de scrutin comme
un outil pour donner une représentation aux communautés d'intérêts.
Il
y a 60 ans, ou même un peu plus, les communautés d'intérêts étaient
géographiques. Les gens connaissaient leurs voisins. Les centres
d'intérêt étaient, donc, dans les villes, etc., et autres. Depuis, la société
change très vite, on va dire ça comme ça, et les communautés d'intérêts sont
devenues plus électroniques, idéologiques. Et donc, pour représenter, pour
aller capturer les verts, par exemple, la représentation géographique est
déficiente pour ça. Donc, le but, c'est d'obtenir des façons de définir des
échantillons de la population qui vont avoir... essayer d'obtenir de la
représentation et qui ne sont pas définis géographiquement.
Donc, pour vous
donner un exemple, si vous deviez essayer de demander l'opinion des gens pour
le transport en commun à Montréal, vous pourriez utiliser les tranches d'âge.
Donc, les 18 ans se trouvent quelqu'un pour les représenter, les 19 ans, les 20
ans, les 21 ans, et ainsi de suite. Donc, d'avoir des formes de représentation
qui sont différentes donne des avantages différents.
L'Irlande,
par exemple, a un sénat qui est par professions. Donc, quand vient le moment de
localiser des projets qui sont nocifs, on va dire, des centrales
nucléaires, des dépotoirs, ce genre de choses là, eh bien, l'avantage d'avoir
un sénat par professions, c'est qu'on va essayer de mettre la centrale
nucléaire, par exemple, à l'endroit en Irlande où, s'il y a un accident, bien,
les conséquences seront emportées par les courants marins et puis les vents
hors du territoire, vers l'océan, plutôt que le contraire. Tandis qu'au Québec
il y a des tas de cas, que ce soient des musées, des aéroports, des hôpitaux,
et autres, où, souvent, bien, on a vu la population s'offusquer que les projets
de développement finissaient souvent dans le comté géographique des gens qui
avaient, donc, le pouvoir de décider où est-ce qu'on les situait.
Donc, l'idée, c'est
de bénéficier des avantages
que ça peut avoir d'avoir une autre forme de représentation qui ne soit pas géographique. Ce n'est pas le cas
là-dedans, ce n'est pas ce que je vous ai mentionné avec la stabilité, là.
Mme LeBel :
Non, non, pas du tout, pas du tout, mais vous y faisiez comme référence, donc
je voulais avoir un peu...
• (16 h 50) •
M. Rouillon
(Stéphane) : Mais c'est un peu ce qu'on fait. Quand on essaie de
généraliser en disant : On veut des représentants de région, O.K., c'est
parce qu'on n'a pas besoin d'avoir de représentants de municipalité, on a déjà
des maires qui s'occupent de faire ça, et les problématiques qui sont liées,
donc, au... géographiquement, là, les trottoirs, la circulation, les
bibliothèques, et autres, sont déjà prises en compte par les municipalités,
tandis qu'un gouvernement provincial ou fédéral, lui, est là pour traiter de
problèmes d'équité qui ne devraient rien avoir, essentiellement, à faire avec la géographie, donc le mariage gai, par
exemple, la légalisation du cannabis, qui devraient être uniformes sur
le territoire ou pas, donc, l'opposition... pour ou contre le nucléaire, donc
tout ce genre de débats de principes qui traitent de problèmes qui font les
journaux, d'ailleurs, ces derniers temps, là. Il faut être conscients, là, en
2020, la grande majorité des problèmes qu'ont affrontés les citoyens ne sont
pas géographiquement localisés, mais ce sont des choses comme les idées, donc,
l'Internet, les missiles, les maladies contagieuses, donc, les animaux
migrateurs, etc., toutes des choses qui traversent les frontières et pour
lesquelles une mise à jour, on va dire, plus adaptée de nos institutions serait
plus apte à répondre, à mon avis.
Mme LeBel :
O.K. Et, peut-être, en terminant, sous l'angle, encore une fois, de la
stabilité des gouvernements, de façon peut-être plus marginale, vous ne
prônez pas l'utilisation des quotas, mais est-ce que vous ne pensez pas qu'un
seuil minimal d'accessibilité, quand même, devrait être... peut-être pas sous
l'angle... bien, oui, un peu sous l'angle de la stabilité, mais pour empêcher,
aussi, que des courants complètement marginaux qui réussiraient quand même à
rassembler un certain seuil de voix n'aient pas encore la légitimité nécessaire
pour atteindre un siège à l'Assemblée nationale, est-ce que vous ne pensez pas
que, outre l'argument de la stabilité des gouvernements, qui peut en faire
partie, pour les seuils, j'en suis... est-ce que vous ne pensez pas qu'un
certain seuil, quand même, est approprié pour y avoir une certaine barrière à
l'entrée, attendre que certains courants fassent leurs preuves un peu plus, là,
ou s'ancrent un peu mieux dans la réalité du Québec, là?
M. Rouillon
(Stéphane) : ...avec deux réponses, d'abord. Premièrement, le
mécanisme, tel qu'il est décrit, par exemple, donne un poids législatif plus
fort au gouvernement qui gagne. Comme ce parti-là est celui qui nomme le
président, si, par exemple, il devait hériter, donc, d'un poids double, par
exemple, il faudrait qu'il soit capable d'aller convaincre au moins deux
membres de l'opposition à voter pour compenser. Donc, un indépendant tout seul
ne serait pas forcément capable de faire pencher la balance à lui tout seul,
tout simplement, dans ce cas-là, O.K.? Donc, il y a des cas où, franchement, il
faut voir, un petit peu, qu'il y a une dynamique qui s'installe à partir de ça.
La deuxième chose,
c'est que c'est une question de perspective. Si vous avez des groupes
extrémistes, comme vous dites, préférez-vous qu'on les entende au Parlement
pour donner leur opinion ou pensez-vous que c'est mieux qu'ils se décident...
qu'ils trouvent qu'ils ont besoin de se faire justice eux-mêmes et qu'ils vont
faire ça ailleurs par d'autres moyens? Donc, moi, je pense que même des
groupuscules, s'ils sont capables d'aller chercher 1 % ou 2 %, ils
devraient être représentés au Parlement pour être capables d'exprimer leur
opinion.
Et, je vais vous
faire un parallèle, que les grands partis se mettent d'accord, par exemple,
pour être équitables entre eux et tasser tous
les petits pour essayer d'en tirer profit, bien, c'est un comportement que je
trouve malsain. Et moi, je pense que la concurrence pure et dure qu'on a
dans le milieu économique, où les PME, les moyennes entreprises font toutes
concurrence aux plus grandes, est beaucoup plus saine et répond beaucoup mieux,
et c'est ce modèle-là que je vous propose, d'aller chercher ces avantages-là et
de l'intégrer dans la sphère politique, tandis que, si on devait faire le
contraire... Bien, c'est un mécanisme que vous connaissez bien, vous-même
particulièrement, parce que, quand les grands se mettent d'accord, dans le
milieu économique, pour tasser les petits, on appelle ça de la collusion, et,
bon, on l'a déjà vécu, on a vu les conséquences que ça a, et ce n'est pas ça
qu'on veut.
Mme LeBel :
Merci. Merci de votre éclairage.
M. Rouillon (Stéphane) : De rien.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de
Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.
Mme Robitaille :
Bonjour. Merci, M. le Président. J'essaie de comprendre, avec le projet de loi...
En fait, ce que vous nous dites, c'est que ce 10 % là de distorsion, on ne
devrait pas l'avoir?
M. Rouillon
(Stéphane) : Il n'y a que la Turquie qui fait ça, et elle est passée
proche de se faire poursuivre aux droits de l'homme, donc à l'ONU, comme quoi
ce seuil-là allait contre les droits de l'homme. Donc, je ne vous
recommanderais pas ça du tout, ce n'est pas un modèle de démocratie.
Mme Robitaille :
Donc, 10 %, ça ne vaut pas la peine, là, tant qu'à faire ça?
M. Rouillon
(Stéphane) : Moi, je vous recommanderais 2 %. J'étais sur le
comité, donc, conseil du DGE à l'époque,
quand on avait étudié, on avait gardé 2 %, 3 % et 5 %, qui
étaient les plus courants, on va dire, en tant que tel.
Mme Robitaille :
Peut-être que je ne comprends pas ou je comprends mal, mais ce que vous nous
dites, c'est que même 2 %... Vous, vous dites : Pas de pourcentage de
distorsion. On peut... On pourrait y aller avec ce qu'on a, on travaille avec
ce qu'on a, on ne met pas de barrière.
M. Rouillon (Stéphane) : Moi, je vous recommanderais, personnellement, de
ne pas mettre de seuil et d'aller regarder pour mettre un autre
mécanisme de stabilisation plutôt que des seuils, O.K.? Si vous tenez à en
mettre, ce n'est pas un problème, je vous recommande, dans ce cas-là, 2 %.
Mais je vais vous prendre un des cas les plus fractionnés que j'ai pu voir, sur
lequel j'ai pu travailler. Quand j'ai développé ce genre de recherche et que
j'ai pu le présenter à gauche, à droite, j'ai eu l'occasion de discuter avec différents
représentants de corps diplomatiques, O.K., une dizaine, à peu près, d'attachés
politiques, attachés consulaires, attachés d'ambassade, consuls, consuls
généraux, ex-ambassadeurs et ambassadeurs
d'une demi-douzaine de pays, dont la Tunisie, l'Islande, le Mexique et
l'Allemagne. Et donc le cas de la Tunisie, avec qui j'ai travaillé,
parce que, bon, l'ambassadeur, à ce moment-là, m'a invité pour voir ce
détail-là, qui était vraiment exactement le même, à l'époque, là, est assez
flagrant. La Tunisie est entrée en démocratie, O.K., par rapport au système
dictatorial qu'elle avait avant, en tant que tel, et donc ils ont eu 84 partis
politiques qui se sont présentés la première fois où ils ont fait une élection.
Ce n'est pas du tout ce à quoi on s'attend au Québec, d'accord? Soyons
concrets, là, il n'y a aucun risque.
Mme Robitaille :
Est-ce que, quand même, ça peut augmenter le nombre de partis? On en a déjà
beaucoup, là, quand on va voter. Mais ça pourrait, oui...
M. Rouillon
(Stéphane) : Mais on n'atteindrait pas ces sommets-là. Et ce que je
vous dis, c'est que, même dans des cas comme
ça, l'ambassadeur était soucieux de la stabilité de son pays. C'est normal,
dans ce cas-là, O.K., à 84 partis politiques. Ils en ont élu 18 et
se sont retrouvés dans le cas le moins stable, donc, et ils ont fait une
coalition tripartite. Comme c'était la
première fois, il n'y a pas eu de problème, ça a été fonctionnel, en tant que
tel. Là, ils ont eu une deuxième élection. D'abord, le nombre de partis
s'est rapproché plutôt de 60, ça s'est agglutiné naturellement, ce qui est
normal. Ils n'en ont élu que 16 à la dernière élection, en tant que tel, mais
ils ont toujours une coalition tripartite avec laquelle c'est difficile de
travailler.
Mais le mécanisme que je vous ai
décrit rendrait ça totalement fonctionnel, c'est-à-dire que le parti vainqueur,
je pense qu'il a eu 54 sièges sur les 217, donc à peu près le quart, on
pourrait tripler son poids législatif, diviser, donc, par trois la durée de son
mandat en compensation. La durée du mandat, en Tunisie, est de cinq ans, donc
eux, ils auraient un an et huit mois, donc
le tiers du mandat, pour faire ça avec ce parti politique qui aurait des
représentants qui voteraient en Chambre avec un poids de trois et qui
seraient donc obligés, comme je viens de l'expliquer, d'aller convaincre au moins deux membres de l'opposition
pour être capables de passer des politiques au nom du gouvernement. Sauf
que, sur les 15 autres partis qu'il y a, bien, il y en a sept qui ont déjà plus
de deux représentants et il y a huit indépendants, si je me souviens
bien, donc, de la répartition qu'il y a eu. Donc, toutes ces combinaisons-là
font que, statistiquement, c'est très proche de 98 %, 99 % de chance
d'être capables de convaincre qui que ce soit d'aller de l'avant et donc
d'avoir un gouvernement stable pour un an et huit mois, malgré une
surfragmentation de l'État.
Mme Robitaille :
Ce que vous proposez, ça existe déjà? Est-ce qu'il y a des modèles? Non.
M. Rouillon
(Stéphane) : Non, ça n'existe pas. Ce qu'il y a de plus proche, c'est
la compensation grecque, qui existe en ce moment, qui est fixe, qui est un
groupe de 50 sièges qui va au parti pluralitaire, donc le parti vainqueur, mais
ça cause des heurts, on va dire, dans le monde politique, là, pour trois
raisons différentes. D'abord, comment est-ce
qu'on détermine ces gens-là? Donc, les mêmes problèmes qu'on a ici, là. D'où
est-ce qu'ils viennent? Est-ce qu'ils représentent un comté, une région
d'où est-ce qu'ils sont originaires, O.K.? Et, ensuite, qui les nomme? Quel est le mécanisme? Et surtout ce qui est
fondamental, là-dedans, c'est que, la population ayant élu un gouvernement
minoritaire, en tant que tel, le fait d'avoir 50 sièges pile, pile, pile fait
que des fois on passe du cas 5 ou 4 au cas n° 1,
O.K., et là ça fait des grands heurts avec les représentants de l'opposition,
qui ont dit : Regardez, on devrait avoir une partie du pouvoir pour
pouvoir négocier et participer, selon la volonté populaire, et on se retrouve
totalement exclus des décisions pour un mandat total de quatre ou cinq ans, en
tant que tel, d'où la problématique. Et je pense que la Grèce va abandonner ce
format-là, en tout cas, pas à la prochaine élection mais à la suivante, et
peut-être qu'ils retravailleront un modèle comme celui-là. Je l'ignore encore.
Mme Robitaille :
Donc, dans la mécanique, on pousse les individus qui représentent les partis,
bon, pas nécessairement... bien, plus forts, pas nécessairement, mais à aller
faire des compromis avec les plus petits partis. Et comment on enchâsse ça dans
une loi? En fait, on guide les parlementaires dans leurs résolutions de
conflits ou dans leurs façons de résoudre le conflit? Comment on fait?
• (17 heures) •
M. Rouillon
(Stéphane) : ...la dynamique actuelle exacte que vous avez dans le
Parlement britannique et qu'on a vécue quatre fois déjà, dans les quatre cas de
gouvernements minoritaires que j'ai nommés, de M. Harper, de
M. Charest, de Mme Marois et de... excusez-moi, le quatrième, si vous
pouviez m'aider, je pense que... M. Trudeau, qui est en ce moment,
donc qui peut s'allier à n'importe lequel des partis d'opposition pour être
capable de faire passer un budget. Et on a vu les conservateurs refuser, le NPD
se faire tirer l'oreille et le Bloc dire que, pour la première fois, il
donnerait son appui. Donc, c'est totalement ce genre de dynamique là, mais au
lieu d'espérer avoir ce genre de dynamique là, on cherche à être capables de le
garantir.
Je
vous dirais, cette mécanique-là m'a été proposée par un des... Moi, je
travaille dans le milieu de l'intelligence
artificielle, de recherche opérationnelle, et c'est un des professeurs avec
lesquels je travaille qui m'a amené cette dynamique-là, cette façon de faire
là... pas tout à fait exactement celle-là. Le but, sa philosophie à lui,
c'était de dire que, quel que soit le nombre d'élus, on est capables d'obtenir
un résultat proportionnel en pondérant les votes législatifs de chacun des
partis. Là, il y a quelques petits bémols à apporter, c'est-à-dire que, si vous
avez des partis qui, finalement, n'ont aucun élu, zéro — le
Parti vert, actuellement, maintenant, et je pense qu'il y a même les
marxistes-léninistes, enfin il y a un certain nombre de partis — ce
n'est pas en pondérant l'absence de députés que vous allez y arriver.
Et moi, j'ai préféré
utiliser cet outil-là pour résoudre le problème de la stabilité, qui semble
être le problème principal, parce que, quand je lis le projet de loi, toutes
les corrections qui ont été faites, la semi-compensation, le niveau de seuil,
le fait de calculer sur une base régionale plutôt que nationale, tout ça, c'est
guidé par un principe, celui de la peur de l'instabilité, et donc j'espère vous
donner une solution de base et vous donner l'occasion de pouvoir dire : On peut aller de l'avant avec
la proportionnelle; le cas échéant, si vraiment on a des problèmes extrêmes,
on aura des solutions à proposer.
Mme Robitaille :
On n'a pas parlé de la parité, mais est-ce que, dans votre approche, dans...
Est-ce que... Qu'est-ce que vous pensez de cette idée de parité, où là, on met
une zone de 40 à 60...
M. Rouillon
(Stéphane) : Le mécanisme est totalement compatible avec n'importe
quel mode de scrutin proportionnel, donc l'alternance hommes-femmes sur les
listes, tel qu'il est dans le projet de loi, est totalement compatible. Et, si
vraiment ça devait être déficient comme forme de représentation, bien, le fait
d'avoir un mode de scrutin proportionnel stimule l'apparition de partis, donc
c'est pour ça que j'ai mentionné un parti rose, dans le sens... un parti
féministe, qui serait totalement, donc, pertinent, on va dire, dans le contexte
actuel des #metoo et des autres causes.
Mme Robitaille :
C'est ça. Oui, c'est sûr qu'un parti féministe... mais ça ne veut pas nécessairement
dire qu'au sein d'un parti féministe on va avoir juste des femmes, là.
M. Rouillon
(Stéphane) : Bien sûr, tout à fait.
Mme Robitaille :
L'idée d'encadrement des motions de censure, par exemple, ça, c'est un autre
domaine, mais est-ce que vous pouvez... Parce qu'on dit, justement, pour éviter
l'instabilité, on pourrait peut-être avoir des motions de censure, mais ça, ça
n'a rien à voir avec le...
M. Rouillon
(Stéphane) : On peut s'arranger pour que ce soit compatible avec le
fonctionnement actuel du Parlement. Les avantages des élections fixées
d'avance, quand j'ai travaillé dessus avec M. Béland, à l'époque, et
autres, c'est qu'on ne voulait pas qu'un chef de gouvernement puisse tirer
avantage du contexte pour essayer de surfer sur la vague et choisir ce moment.
Donc, sans avoir des
élections fixées d'avance, le mécanisme permet d'avoir une date fixée à
l'avance. Donc, ça ne sera pas toujours la même date récurrente, là, pas
toujours le 4 novembre, par exemple, et autres, mais au début du mandat, on
saura que, si le gouvernement ne tombe pas sur une question de confiance, eh
bien, les élections auront lieu exactement dans un an, neuf mois et puis quatre
jours, par exemple, et donc vous pouvez reculer si vous voulez avoir le
dimanche ou le lundi — je
pense que c'est le lundi en ce moment qu'on a, là — donc le lundi qui soit
adapté, là.
Mme Robitaille :
Merci.
M. Rouillon
(Stéphane) : De rien.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député Gouin,
s'il vous plaît.
M. Nadeau-Dubois :
Bonjour. Vous avez mentionné à plusieurs reprises quelque chose qui me
semble... avec lequel je suis tout à fait d'accord, ça me semble incontestable,
c'est-à-dire qu'une des critiques, une des craintes qui est avancée le plus
souvent, quand on parle de proportionnalité, même si ce qui est proposé dans le
projet de loi est une forme très modeste, très diluée de proportionnalité,
c'est l'instabilité, la difficulté à gouverner. Et vous prenez un peu à... vous
renversez cet argument-là, comme l'a fait un intervenant néo-zélandais qu'on a
entendu hier, en disant... bien, en fait,
lui, il parlait de volatilité gouvernementale dans les systèmes uninominaux
majoritaires à un tour, et vous faites le même argument en nous
disant : En fait, ce qu'on remarque, dans les pays où il y a de la
représentation proportionnelle, c'est que, malgré qu'il y a un plus grand
pluralisme politique, il y a une plus grande continuité dans l'élaboration des
politiques publiques, parce qu'on n'a pas d'effet de balayage d'un côté et
balayage de l'autre, c'est-à-dire une vague
bleue, suivie d'une vague rouge, suivie d'une vague orange ou d'une vague
verte. Au contraire, les partis passent... souvent, ils étaient dans le
gouvernement, ils y restent ou ils y passent, ils y reviennent. Bref,
expliquez-nous qu'est-ce que vos recherches démontrent à ce niveau-là, à quel
point... qu'est-ce que ça donne dans la dynamique d'élaboration des politiques
publiques.
M. Rouillon
(Stéphane) : Écoutez, malheureusement, c'est un des domaines où ce
n'est pas moi, le bon expert. Les gens que vous avez eus, M. Milner,
M. Blais, peut-être que vous avez déjà entendu... et autres, les politicologues
sont mes références dans le domaine. Mais ce que je peux vous dire, par
exemple, c'est que, la très grande majorité des partis... des pays européens
ont des modes de scrutin proportionnel, à quelques exceptions près, et qu'on
constate, O.K., qu'il y a une continuité dans ces politiques-là, comparé à ce
qu'il peut y avoir dans le modèle britannique, où... Ou, même, on l'a vécu, je
peux prendre le cas du registre des armes à feu, ici, au Canada, par exemple,
où les... où, d'un coup, on a investi des sommes faramineuses et qu'on a tout
fait disparaître. Et c'est ce genre de gestion là que des coalitions vont
réduire, parce que ça va être extrêmement rare qu'il n'y ait aucun des deux ou
trois partis qu'il pourrait y avoir dans les coalitions précédentes qui se
retrouvent dans la suivante, à moins qu'on ait vraiment une révolution en tant
que tel, là. Mais, dans ces cas-là, il n'y a pas... ce n'est pas un mode de
scrutin, là, qui doit intervenir, là, c'est la volonté populaire qui change.
M. Nadeau-Dubois :
Merci beaucoup.
M. Rouillon
(Stéphane) : De rien.
Le
Président (M. Bachand) : M. le député de Rimouski, s'il vous
plaît.
M. LeBel :
Merci, M. le Président. Bonjour. Vous m'avez fait un peu réagir, tantôt, quand
vous avez dit : Les dossiers régionaux, les maires sont là pour s'en
occuper. Il y a quand même des dossiers, là, Internet haute vitesse, les
traversiers, chez nous, dans le Bas-du-Fleuve, il me semble que les députés
sont interpelés. La santé dans le milieu rural, ils sont interpelés. Et je ne
vous lirai pas mon agenda de la fin de semaine, là, mais, conseil climat, une
assemblée citoyenne, un salon funéraire, des carnavals dans les villages
ruraux. Puis je ne suis pas le seul, là, on est tous un peu comme ça. L'accès
aux députés, vous ne pensez pas que c'est une variable qui est importante,
aussi, à avoir dans notre réforme?
M. Rouillon
(Stéphane) : On avait fait les calculs, déjà, à l'époque, on parle de
40 000 électeurs, à
peu près, par comté, là. Si on regarde le
temps que vous devez passer ici, à l'Assemblée nationale et, bon, le temps pour
manger et dormir, etc., si vous deviez voir équitablement
tous vos électeurs, vous auriez moins de cinq minutes pour chacun, O.K., donc, c'est monstrueux, en tant que tel. Et,
il faut être honnête, maintenant, ce n'est pas de les voir physiquement,
là, qui compte le plus, là. Ils vont vous téléphoner, ils vont vous écrire par
mail, etc., et autres, donc la relation géographique, physique, là, n'a plus la
même dimension. Je ne dis pas que c'est inutile, là, O.K.? Au contraire, O.K., c'est sain, ça permet d'avoir
l'heure juste, et autres, mais ce n'est pas la seule façon de rejoindre... et
d'être connecté avec son électorat, O.K.? Alors, l'idée, c'est de comparer
quels sont les avantages et les inconvénients. Je ne vous proposerai pas des
systèmes qui soient assez constrictifs pour une élection municipale. Dans ce
cas-là, je vous recommanderai le vote unique transférable irlandais, qui
pondère le côté préférentiel et le côté proportionnel de façon raisonnable en
ayant un lien géographique de proximité, ça, oui, O.K. Mais, bon...
M. LeBel :
Je vais vous dire, les gens veulent nous voir. Ils ne veulent pas nous voir en
visioconférence, ou par téléphone, ou par... Et c'est le danger qu'on a. On
entend souvent ça, maintenant : On peut avoir des grandes régions, de
toute façon, il y a la visioconférence. Mais, moi, ce n'est pas vrai. Moi, le
Bas-du-Fleuve, ce n'est pas une région de visioconférence.
M. Rouillon (Stéphane) : Je suis d'accord avec vous. Ce n'est pas aussi
pratique, ce n'est pas aussi convivial, ce n'est pas aussi... mais il
faut regarder qu'est-ce qu'on perd et qu'est-ce qu'on gagne, aussi, dans cette
vision-là.
M. LeBel :
Merci.
M. Rouillon (Stéphane) :
De rien.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée de Marie-Victorin, s'il
vous plaît.
Mme Fournier :
Merci beaucoup pour votre proposition et votre présentation très intéressante
et qui nous amène à réfléchir à toutes sortes de possibilités. Toujours est-il
que, justement, comme le disait le collègue de Gouin, concernant la possibilité
qu'une réforme du mode de scrutin permette, en fait, plus de stabilité dans les
politiques publiques parce qu'elle amènera la formation de coalitions
électorales, je trouve ça très intéressant aussi. Est-ce que vous diriez, donc,
que l'État québécois pourra économiser beaucoup d'argent parce que, justement,
on n'aura pas à continuellement refaire... faire et défaire les réformes qui
auront été décidées par les gouvernements?
• (17 h 10) •
M. Rouillon
(Stéphane) : Écoutez, pour moi, ça me semble évident, parce que... Je
vais vous donner des ordres de grandeur. D'ailleurs, je pense que quelques-unes
des personnes qui sont passées avant moi vont vous avoir dit ça. Des élections,
au Québec, ça, on parle de... c'est de l'ordre de grandeur de dizaines
de millions, plusieurs dizaines de millions de dollars. Donc, je ne
sais pas exactement où en est rendu le Directeur général des élections, mais ça
doit être autour de 80 millions, à peu près, comme ordre de grandeur.
Si on compare aux
problématiques, justement, qui ne sont pas géographiques et auxquelles on doit
faire face, et ne serait-ce que, donc, les
paradis fiscaux, lorsqu'on travaille sur les estimations, les problématiques de
ça auxquelles les élus cherchent des solutions et auxquelles, justement,
là, il n'y a pas de lien géographique, on ne veut pas savoir si les gens qui
cachent de l'argent, ils viennent de Gatineau, de Hull, ou de Rimouski, ou de
Québec, ou de Montréal, là, O.K., bien là, on est dans l'ordre des dizaines de
milliards de dollars, là, O.K., en fuite, etc., et autres.
Si on regarde, par
exemple, les politiques climatiques, là, le Parti vert, qui est absent, là, de
l'Assemblée nationale, bien, ce genre
d'enjeu là, là... et vous regardez sur la scène internationale, on parle de
combien, en estimation des montants qui vont être perdus, et autres, là,
on est dans les centaines de milliards de dollars de ces catastrophes-là qui
sont dissipés.
Donc, toutes
proportions gardées, là, O.K., oui, je pense que ça vaut la peine d'investir
dans notre démocratie pour avoir une saine concurrence et être capables d'aller
chercher les meilleures idées qui vont être capables de résoudre ces
problèmes-là.
Mme Fournier :
Je vous donne un exemple peut-être plus concret de ce que je veux dire. Les
fusions municipales, au Québec, il y a plusieurs années, bon, il y a un parti
qui les a mises en application. Bien, aux élections suivantes, il y a un parti
qui a promis de les défaire qui a été élu au pouvoir, donc on a engouffré des
millions de dollars de fonds publics. Donc,
avec la réforme du mode de scrutin, avec, justement, le fait qu'il y aura des coalitions, le fait
d'avoir davantage de gouvernements minoritaires, ça va éviter ces retournements
de situation qui sont très, très coûteux pour les contribuables.
M. Rouillon
(Stéphane) : Totalement. Vous venez de me donner un propre exemple
auquel je n'avais pas pensé. Donc,
effectivement, c'est vraiment un cas qu'on a vécu et où on a dilapidé beaucoup
d'argent pour arriver à certains résultats qu'une meilleure pondération
de la volonté populaire, un meilleur équilibre aurait pu éviter, donc, ça, oui.
Mme Fournier :
Génial. Donc, la réforme du mode de scrutin serait très bonne pour les
contribuables, c'est bien noté.
M. Rouillon
(Stéphane) : Moi, c'est ce que j'ai essayé de vous présenter.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Merci de votre
participation, c'est très apprécié.
Je suspends les
travaux quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à
17 h 11)
(Reprise à 17 h 14)
Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Merci beaucoup. Je
vous invite à prendre place. Merci.
Alors, il me fait
plaisir de souhaiter la bienvenue à M. Marc-André Bodet, professeur agrégé
au Département de science politique de
l'Université Laval. Alors, bienvenue. Vous connaissez le système, 10 minutes
de présentation, après ça, période d'échange. Merci beaucoup. La parole
est à vous.
M. Marc-André Bodet
M. Bodet
(Marc-André) : Merci. Alors, bonjour. Je tiens d'abord à remercier
tous les membres de la Commission des institutions pour leur invitation.
J'espère que mes propos viendront nourrir votre réflexion et surtout qu'ils
apporteront une contribution constructive aux discussions sur le sujet de la
réforme du mode de scrutin.
Je constate que mon
rôle, comme universitaire, est avant tout de présenter ma lecture de la
littérature en sciences politiques sur le sujet. Je m'y attarderai donc avec un
souci constant de rigueur et de transparence. Comme vous le savez, la recherche scientifique n'avance pas à coups de consensus,
bien au contraire. Il y a de vifs débats parmi mes collègues à
propos des mécanismes et institutions permettant une juste représentation d'un
corps politique.
Il est d'ailleurs
important, à mon avis, de garder en tête que nos institutions démocratiques ne
visent pas uniquement à représenter mécaniquement les préférences et les
intérêts des citoyens qui composent la société québécoise. Au contraire, ces
institutions doivent également assurer la protection et même la valorisation des opinions minoritaires en plus d'assurer une représentation
territoriale adéquate. C'est donc un compromis qui doit dépasser la simple
formule consacrée «une personne, un vote».
Je tiens également à
réitérer que le Québec s'est doté d'institutions politiques de tradition
britannique. L'Assemblée nationale est un Parlement de style Westminster, qui fait
vivre en son sein une culture politique britannique. Pour faire vite, cette culture a une
dimension normative : légitimité gouvernementale issue du Parlement, efficacité
législative, reconnaissance d'une opposition officielle constituée, etc., mais aussi une dimension
organisationnelle, avec un mode de scrutin majoritaire, une représentation basée sur la géographie et une
indépendance des tribunaux. Les institutions démocratiques québécoises
sont finalement assez proches de leurs sources du XIXe siècle, malgré les
changements sociaux et économiques massifs qu'on a connus. On peut même dire
que ces institutions, implantées parfois à contrecoeur par le conquérant
anglais, nous ont extrêmement bien servi.
Ceci étant dit, il y
a toujours place à l'amélioration. Nos institutions ont évolué quand cela étant
nécessaire, parfois à la marge, parfois plus
en profondeur. Mais l'intégrité du caractère Westminster de notre Assemblée
nationale a toujours été préservée. On peut affirmer sans risque que
créer la controverse... sans créer la controverse, que la modification de notre mode de scrutin, comme le
propose le projet de loi n° 39, est une transformation en profondeur.
Mais je vais plus loin et j'affirme que l'intégrité des institutions
Westminster, dont nous profitons, est menacée.
J'ai plusieurs
collègues politologues qui sont venus discuter avec vous au cours des derniers
jours. J'ai quelques commentaires au sujet de leurs propos. D'abord, malgré
eux, cette entrée en matière, là, plutôt dramatique que je viens de faire, je
tiens à dire qu'il y a beaucoup de bons éléments dans la réforme proposée. Je
comprends tout à fait l'enthousiasme de certains pour cette réforme pleine de
modération, qui cherche à réconcilier un désir exprimé par certains d'obtenir
plus de proportionnalité, tout en s'assurant que la vigueur démographique de
Montréal et ses banlieues ne viennent pas marginaliser encore plus des régions
moins dynamiques sur ce plan.
Je note également que
la proposition tente, par un mécanisme tout de même compliqué, de protéger
notre vie électorale des extrémistes de tout acabit. En ce sens, et dans un
désir de participer pleinement au débat en cours, je reprends à mon compte certaines propositions de mes collègues
politologues, soit les Prs André Blais, de l'Université de
Montréal, et Eric Montigny, de l'Université Laval. Leurs propositions
atténueraient des déficiences du mode de scrutin proposé par la loi. Je suis
certain que plusieurs autres intervenants ont apporté des éléments pertinents,
mais je me concentre sur les interventions de mes deux collègues simplement
parce que j'ai eu accès à leurs propositions suffisamment à l'avance.
Je répète juste une
dernière fois que je considère que notre mode de scrutin actuel est bien
supérieur à son alternative proposée par le
projet de loi. J'ajoute que je ne suis pas opposé, par principe, à une réforme,
mais, s'il faut changer, il se fait plus simple et il se fait plus
efficace.
Parmi les éléments
proposés par mes collègues, je partage totalement... à la surprise et peut-être
même l'inquiétude de mon collègue André Blais, quant à la présence d'un seuil
national de représentation à 10 %. C'est à la fois inhabituel et propice à
créer un mécontentement auprès d'une proportion significative de la population
qui appuie des partis mineurs. En fait, il
n'y a pas de justification crédible, à mon avis, qui permet de placer ce seuil
au-delà de 5 %. C'est, en
quelque sorte, une norme internationale. Par contre, je considère que le
maintien d'un seuil minimal national plutôt que régional est une excellente
idée. Il serait beaucoup trop facile pour des acteurs marginaux d'atteindre
ce pourcentage dans certaines régions moins populeuses.
Je partage également
la satisfaction de mon collègue André Blais quant à la présence d'un mécanisme
de proportionnalité modeste qui diminue significativement mais n'élimine pas la
possibilité d'un gouvernement, sinon majoritaire,
du moins unicentré, soit un gouvernement minoritaire à un seul parti. Le calcul
mathématique pour y arriver est particulier, mais cela relève davantage
de détails techniques sans grand intérêt pour l'électorat.
De plus, la taille
des régions pose... ou plutôt, par contre, la taille des régions pose problème.
André Blais est très critique de cet aspect
des choses. Il a raison de dire que les régions moins bien pourvues en termes
de sièges en compensation profiteront moins d'un mécanisme qui insuffle
de la proportionnalité dans la représentation. Les tiers partis qui
réussiront à passer le seuil de 10 %, ou 5 % au demeurant, risquent
de se retrouver avec un caucus essentiellement
montréalais ou du 450. Faut-il moins de régions? Je pense que oui. Eric
Montigny note, avec justesse, que l'harmonisation des frontières
administratives électorales a eu du bon, mais illustre également les impacts
réels de la création de régions actuelles sur la représentation. Une réflexion
plus systématique s'impose, à mon avis.
Eric
Montigny semble suggérer que l'appui de l'opposition officielle est
possiblement essentiel pour permettre toute réforme du mode de scrutin.
Je trouve ses arguments convaincants. Je suis conscient que cela accorde un
pouvoir inhabituel à un parti spécifique. Pourtant, le statut d'opposition
officielle, que nos institutions accordent à ce parti, rend ce privilège, à mon
avis, incontournable, même s'il y a la tenue d'un référendum subséquent.
Je
suis également en désaccord avec plusieurs arguments présentés par mes
distingués collègues. Voici deux points particulièrement
illustratifs. Premièrement, contrairement à André Blais, je considère qu'un
référendum est inutile et surtout nocif pour notre vie démocratique. Qu'il y
ait deux choix ou quatre, comme le proposait André Blais, les règles du
jeu électoral ne méritent pas cette attention. Le sujet est trop secondaire
pour occuper une place publique de façon aussi conséquente.
• (17 h 20) •
D'ailleurs, lors de
l'importante réforme du financement des partis menée par le ministre Bernard
Drainville, du Parti québécois, il ne fut jamais question de référendum.
Pourtant, cette réforme a eu des effets majeurs sur notre vie démocratique et
sur les partis eux-mêmes. En fait, le référendum ne fera que polluer la
campagne électorale, qui, elle, mérite toute notre attention citoyenne.
L'obligation de céder
les rênes des camps pour et contre à des acteurs non partisans est aussi
compliquée. Qui a la légitimité pour occuper un tel leadership?
Qu'arrivera-t-il aux élus et aux partis divisés sur cette question? À mon avis,
l'accord des deux premiers partis de l'Assemblée nationale et de 75 % des
députés me semble amplement suffisant pour adopter une réforme.
Deuxième point où je
suis en désaccord avec mes collègues, je me permets d'être moins catégorique
que mon collègue Eric Montigny quant aux bienfaits des mesures coercitives pour
assurer la parité hommes-femmes parmi la députation. Je connais bien les travaux
sur le sujet, j'ai travaillé avec des collègues là-dessus, et surtout les
travaux de Rosalie Readman, cités par le Pr Montigny. Ma lecture de la
littérature est que l'argent est un puissant acteur de changement des habitudes
partisanes, j'y reviendrai. Mais je tiens aussi à dire que l'obligation de
présenter des listes avec candidates et candidats en alternance aura un effet
positif sur la représentation des femmes.
Maintenant, ma
position sur la loi n° 39. Je suis opposé à la
proposition de réforme électorale présentée par le projet de loi. Je crois que
cette réforme aurait des effets néfastes sur notre vie démocratique et que des
ajustements moins drastiques à notre système électoral pourraient être
davantage souhaitables.
Cette
réforme n'aura probablement pas d'effet sur la participation électorale. Les
Néo-Zélandais avaient fondé beaucoup d'espoir sur leur réforme dans les
années 90. Rien n'a réellement changé sous le nouveau système mixte
proportionnel.
Cette
réforme n'aura probablement pas d'effet sur la satisfaction envers les
institutions. Le cynisme des citoyens à travers le monde démocratique
est une réalité qui transcende les règles du jeu électoral. L'insatisfaction a
des causes politiques, mais aussi sociales, qui dépassent largement le mode de
scrutin.
Cette réforme
n'aurait probablement qu'un effet limité sur la proportion de votes tactiques
ou stratégiques aux élections. De nombreux travaux empiriques ont montré que le
vote tactique était effectivement moins présent quand les petits joueurs
occupaient une place plus enviable, en proportionnel, donc, mais que le vote
tactique prenait alors d'autres formes. C'est dans la nature de l'humain de
s'ajuster aux règles du jeu.
Cette réforme ne
rapprocherait pas l'électeur québécois médian du positionnement du gouvernement
en place non plus. Les études sur le sujet, notamment menées par André Blais et
moi-même, ont démontré que le mode de scrutin ne changeait rien dans cette
congruence idéologique, puisque les électeurs sont au centre idéologique, tout
comme les gouvernements en régime parlementaire.
En
quelques mots, la réforme du mode de scrutin vers la proportionnelle est une
licorne politique. On y projette plein de belles intentions, mais, au
fond, ce n'est qu'un mirage. Par contre, cette réforme coûterait cher en termes
de cohésion et de coopération intrapartis.
Tous les partis gouvernementaux au Québec depuis la Confédération ont été ou
sont des coalitions larges qui regroupent
des progressistes, des conservateurs, des environnementalistes, des
nationalistes, etc. Le Parti québécois, le Parti libéral et la Coalition
avenir Québec sont tous des illustrations spectaculaires de coopération interne
au gouvernement. Toutes les tendances sont alors représentées au cabinet, tous
les compromis sont possibles. Même Québec solidaire, idéologiquement plus
homogène, n'aurait pas pu exister sans la cohésion et la coopération des forces
de gauche forcées par les règles électorales. Dans une société labourée par des
clivages indépendantisme-fédéralisme, gauche-droite et
interculturalisme-multiculturalisme, les institutions doivent nourrir un désir de cohésion et de
coopération à l'intérieur des partis, pas une compétition fragmentée et
polarisée. Voulons-nous vraiment vivre des situations impossibles comme vivent les
Allemands, les Danois, les Autrichiens, les Norvégiens, etc.?
Finalement, comme je
l'affirmais précédemment, nous sommes dans un système parlementaire de style
britannique. Nous valorisons des gouvernements efficaces, des oppositions
organisées qui poussent le gouvernement à mieux faire, des moyens de punir
clairement les responsables politiques incompétents ou insatisfaisants. Il nous
faut un mode de scrutin en conséquence. La réforme proposée ne remplit pas ce
mandat. Il nous faut un mode de scrutin majoritaire.
Mes propositions. Premièrement,
l'Assemblée nationale...
Le
Président (M. Bachand) : Excusez-moi...
M. Bodet
(Marc-André) : Oui?
Le
Président (M. Bachand) : ...parce que le temps est écoulé.
Alors donc, je vous laisserais peut-être une minute, si vous voulez, ou on
pourrait passer...
M. Bodet
(Marc-André) : Oui, je vais passer à la conclusion, à ce moment-là.
Le
Président (M. Bachand) : Allez-y, allez-y, professeur.
M. Bodet (Marc-André) : J'ai quelques propositions qu'on pourra discuter,
si ça vous intéresse, mais, en conclusion, je répète respectueusement
mon opposition à la réforme proposée. Le projet de loi comporte des éléments
intéressants, et je salue le travail de réflexion effectué jusqu'ici. Je
reconnais également la légitimité des insatisfactions
exprimées par les tenants d'une réforme. Pourtant, je demeure convaincu que
nous avons plus à perdre qu'à gagner. Ses fondements sont en dissonance
avec notre culture parlementaire britannique et ses conséquences peuvent être
graves pour la paix sociale et surtout la cohésion partisane au Québec.
Finalement, il existe d'autres mécanismes moins radicaux pour ajuster nos
institutions.
Je
vous remercie, encore une fois, pour votre écoute, et je suis évidemment
disponible pour répondre à vos questions.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, professeur. Mme la
ministre, s'il vous plaît.
Mme LeBel :
Merci, M. le Président. Merci. Merci de votre présentation, de votre point de
vue intéressant. Mais je vais vous avouer que, bien que je comprenne que vous
êtes contre la réforme actuelle, naturellement, puis vous êtes pour le statu
quo avec certains ajustements, cette portion-là, je vais vous avouer qu'elle
est très claire pour moi, mais il y a des choses qui m'apparaissent un peu
incohérentes dans votre présentation, puis je vais vous les relever pour vous
permettre de les préciser pour dissiper mon incompréhension, peut-être, sur vos
positions.
Bon, c'est sûr que, d'entrée
de jeu, le fait de dire que les gens qui sont pour la réforme du mode de
scrutin vers la proportionnelle, c'est une licorne politique, et qu'on vit tous
au pays des Calinours depuis plus de 50 ans, et... les pays qui ont fait cette
réforme-là et qui sont dans la proportionnelle, la Nouvelle-Zélande, l'Écosse,
je trouve ça un peu drastique, mais vous avez probablement une façon de nous
l'expliquer.
L'objectif d'une
telle réforme est, d'abord et avant tout, d'insuffler de la proportionnalité.
Donc, vous rejetez du revers de la main le
fait que la réforme n'aurait pas d'effet probant sur la participation
électorale, peut-être. Vous rejetez du revers de la main le fait que la
réforme n'aurait probablement pas d'effet sur la satisfaction des institutions,
peut-être. Peut-être pas uniquement cette réforme-là, il faut travailler sur
d'autres aspects, j'en suis, mais peut-être. Que cette réforme aurait
probablement un effet limité sur la proportion des votes tactiques aux
élections, donc de la façon de voter, donc le comportement de l'électeur
changera de toute façon, nécessairement, on va changer de système électoral.
Mais vous ne pouvez pas être en désaccord avec le fait que le mode de scrutin
va injecter une meilleure proportionnalité, donc une meilleure représentation
du vote du citoyen, ce qui est l'objectif d'un modèle proportionnel mixte comme
on le propose.
M. Bodet
(Marc-André) : ...en fait, à mon avis, il y a deux types de modes de scrutin :
il y a des modes de scrutin majoritaires et proportionnels. Bien que, dans la
réforme proposée, il y ait encore un aspect qui nous fait penser à notre mode
majoritaire actuel, l'accent qui est mis sur cette proportionnalité, qui aura
des effets quand même assez importants sur la distribution des sièges, me fait
penser qu'il faut maintenant considérer qu'il y aura un transfert du mode
majoritaire au mode proportionnel au Québec. Et mon point, quand je vous parle
de licorne, c'est surtout que les gains seraient, à mon avis, à la marge et que
les coûts pourraient être importants.
Mme LeBel :
Parce que vous dites : On y projette plein de belles intentions,
l'intention première qu'on y
projette... et les autres mécanismes sont mis pour soutenir d'autres objectifs,
mais les intentions premières qu'on y projette, l'intention première
qu'on y projette, c'est d'obtenir un vote beaucoup plus représentatif de la
volonté des Québécois, donc c'est la
proportionnalité. À la marge, peut-être, les bénéfices pourront être la
diminution du cynisme, une meilleure satisfaction du Québécois,
peut-être un taux de participation augmenté, à la marge peut-être, mais moi, j'appelle ça, un bénéfice marginal qui pourrait
peut-être en découler. Mais l'intention première est la proportionnalité,
et ça, ce n'est pas une illusion, là, ce n'est pas une licorne.
M. Bodet
(Marc-André) : ...ce que je comprends, c'est qu'il n'y a personne qui
n'a eu une obsession pour la proportionnalité comme telle, c'est ses objectifs
qu'on valorise, puis ce que je vous dis, c'est que ces objectifs-là sont loin
d'être assurés. Puis, ceci étant dit, dans notre système, il est faux de dire
que nous n'avons pas un système qui représente les visions et les préférences
des électeurs, c'est simplement qu'il est basé sur une logique territoriale
avec un gagnant qui a la pluralité des voix, mais il est... on ne peut pas
accuser notre système de ne pas offrir une correspondance
égale en termes de voix et de sièges, puisque ce n'est pas son objectif. Son objectif
est de transformer des voix, à l'intérieur de circonscriptions, en
sièges. Donc, il y a représentation de préférences, c'est juste que ça ne
s'exprime pas sous la forme d'une proportionnalité exacte entre le nombre de
voix et le nombre de sièges. Vous voyez ce que je veux dire?
Mme LeBel :
Absolument. On n'accuse pas notre système de ne pas le faire, on comprend très
bien que ce n'est pas son objectif, d'où l'idée de faire un changement vers un
mode de scrutin proportionnel mixte pour avoir, justement, cette proportionnalité,
parce qu'on voit l'émergence... on n'est plus dans une situation bipartite, tel
que le préconise... Le système britannique a
été fondé sur une philosophie de système bipartite. Nous ne sommes plus, même
à l'intérieur d'un système britannique, sur une philosophie de système
bipartite, on a déjà quatre partis à l'Assemblée nationale, on s'en va vers ce
système-là. Nécessairement, dans le système actuel — puis là-dessus vous ne
pouvez pas être en désaccord avec moi — nous avons un éclatement ou
une pluralité... «éclatement» est peut-être négatif, donc je vais y aller vers
le positif, une pluralité des voix, donc, qui va faire en sorte qu'on va avoir
potentiellement, de toute façon, des gouvernements minoritaires qui devront
aussi se former en coalition. Donc, le système britannique, tel qu'il existe
aujourd'hui, est sur une base bipartite qui n'existe plus, présentement, au
Québec...
M. Bodet
(Marc-André) : Mais je vous dirais que les pays...
Mme LeBel :
...je ne pense pas qu'il y a des partis qui vont disparaître, là.
• (17 h 30) •
M. Bodet (Marc-André) : Mais le système proportionnel a été adopté par
les pays européens, à l'époque, pour accommoder des partis ouvriers.
Est-ce qu'il y a encore des pays ouvriers en Europe? Non, mais ils ont conservé
la proportionnelle parce qu'elle leur accorde des avantages.
Je
comprends qu'historiquement notre système était conçu pour le bipartisme, mais,
comme c'est le génie des institutions britanniques, ils sont capables...
les institutions sont capables de s'adapter, par des changements à la marge,
aux changements de contexte et de distribution partisane. Et cette logique
d'explosion de l'offre électorale... C'est vrai qu'on a, cette fois-ci, une
situation assez intéressante, on a quatre partis à l'Assemblée nationale avec
un nombre de sièges important, mais notre système nous permet quand même
d'obtenir un gouvernement majoritaire stable. L'un n'empêche pas l'autre en
soi. Je comprends qu'il y a un sacrifice à faire, mais je constate que ce
sacrifice-là vaut la peine par rapport aux bénéfices dont on bénéficie avec ce
système, qui nous a très bien servis.
Mais c'est une
question de valeurs. Juste... Puis je vais faire un petit point sur... Le
monsieur qui a présenté avant moi, il accorde beaucoup d'importance à la
stabilité des politiques publiques, c'est une valeur. Peut-être que d'autres
accorderont plus d'importance au fait qu'on peut à la fois reporter au
gouvernement un parti qui a bien fait, mais surtout punir et exclure de la vie
gouvernementale un parti qui aurait été incompétent. Et, dans une logique
proportionnelle, avec, effectivement, des joueurs en coalition temporaire ou
permanente, bien, cette possibilité de se débarrasser des partis incompétents
est, à toutes fins pratiques, éliminée.
Mme LeBel :
Ah! bien, là-dessus, on va se rejoindre, donc on va trouver un point d'accord.
C'est-à-dire, donc, le choix d'un mode de scrutin, pour une société, va être
une question de choix des valeurs que la société désire mettre de l'avant au
moment où elle est rendue dans son évolution.
M. Bodet (Marc-André) : Oui, mais ce que je vous dis, c'est que, si on
change uniquement le mode de scrutin, le reste des institutions se
retrouvera dans une situation instable, et il y aura, à ce moment-là, un travail
beaucoup plus profond à faire pour s'ajuster dans ce sens-là. Est-ce que les
Québécois veulent aller dans cette direction-là? Je ne suis pas certain.
Mme LeBel :
O.K. Il y a un changement de culture qui devra s'opérer, nécessairement.
M. Bodet (Marc-André) :
Pour le meilleur ou pour le pire.
Mme LeBel :
Oui, mais il y a un changement de culture qui devra s'opérer, nécessairement.
M. Bodet
(Marc-André) : Oui.
Mme LeBel :
Parfait. Vous parlez... À la page 2 de votre mémoire, vous dites :
«Eric Montigny semble suggérer que l'appui de l'opposition officielle est
possiblement essentiel pour permettre toute réforme du mode de scrutin.» Vous
trouvez ses arguments convaincants. Donc, pourquoi... À la base, qu'est-ce qui
nécessiterait l'appui de l'opposition officielle?
M. Bodet
(Marc-André) : Bon, premièrement, ma compréhension, suite à la lecture
de son mémoire, à son intervention d'hier mais aussi à des discussions qu'on a
eues par le passé, il y a, vous le savez, évidemment, dans nos enceintes
parlementaires, une idée de... une espèce de norme de vie parlementaire qui
nécessite un certain consensus parmi les acteurs présents. Et il y a même, et
là M. Montigny pourrait vous en parler plus en détail, des moments dans le
passé où ce type de décisions, de changements a nécessité un consensus large
qui mettait au moins en place les deux acteurs institutionnels fondamentaux
d'un Parlement : le parti gouvernemental et le parti de l'opposition
officielle. Je ne vois pas pourquoi, cette fois-ci, on peut se permettre de
faire l'économie de l'appui de ce premier parti d'opposition.
Après
ça, est-ce qu'il en faut deux, trois ou quatre? Ça, pour moi, ça me semble
moins important. Ce qui compte, c'est le pourcentage des députés qui
appuient cette réforme, mais l'appui à cette réforme de la part des deux premiers
partis représentés à l'Assemblée nationale me semble aller dans le sens des
normes et des coutumes de notre vie parlementaire.
Mme LeBel :
O.K. Mais est-ce que les normes et les coutumes de la vie parlementaire
n'étaient pas, justement, basées sur le fait qu'à l'époque,
historiquement, l'opposition officielle, doublée du gouvernement, représentait
la majorité de la Chambre, alors que ce n'est pas nécessairement le cas
aujourd'hui? Donc, quand on parle de large consensus, est-ce qu'on ne parle pas
plutôt de consensus qui fait en sorte qu'on pourrait représenter la majorité
d'un poids... la majorité de la Chambre, ce qui serait le cas avec... À titre
d'exemple, on jase, QS, le Parti québécois et le gouvernement actuel, nous représentons, à trois, une large majorité de
la Chambre, alors qu'à l'époque, effectivement, quand on incluait
l'opposition officielle dans cette notion de large consensus... Parce que ce
qui est important, c'est la notion de large consensus, c'était que l'opposition
officielle, nécessairement, avec le gouvernement, représentait, historiquement — on pourrait revoir les chiffres, là — historiquement, cette espèce de large
majorité de la Chambre là.
M. Bodet
(Marc-André) : Je comprends, mais à la fois en termes de statut
institutionnel mais en termes de poids dans la Chambre, les deuxième et
troisième partis d'opposition n'ont pas le même poids que le deuxième. Donc, en
ce sens-là, rejeter du revers de la main un acteur institutionnel aussi
important me semble inapproprié dans le cadre des normes et des coutumes
parlementaires québécoises.
Mme LeBel :
Donc, dans votre vision des choses, le député qui fait partie de l'opposition
officielle a plus de poids que le député qui fait partie de la deuxième ou de
la troisième opposition.
M. Bodet
(Marc-André) : Non, chaque député a un poids égal. C'est pour ça que
je considère que 75 % des députés est satisfaisant, mais le premier parti
d'opposition, donc l'opposition officielle, l'opposition loyale officielle,
qu'on dit, même, à mon avis, a une importance plus grande dans le jeu
démocratique québécois que les autres partis d'opposition.
Mme LeBel :
O.K. Dernier point, peut-être, vous permettre d'élaborer un peu, parce que, des
fois, à sa face même, ça peut être assez, je dirais même, heurtant. Vous
dites : On peut être en désaccord avec le fait de la nécessité, ici, dans
ce cas de figure, de tenir un référendum ou non. On peut penser qu'on a la
légitimité de le faire si on avait, exemple, l'appui de l'opposition
officielle. Qu'on ait ou non la légitimité de le faire, pour moi, c'est un
autre débat. Mais de dire qu'un référendum est inutile et nocif pour la vie
démocratique et que l'enjeu du mode de scrutin est un enjeu secondaire, j'avoue
que je ne vous suis pas du tout.
M. Bodet
(Marc-André) : O.K., bien, il y a deux aspects dans cette affirmation,
qui est, effectivement, à la relecture, peut-être un peu raide. Le premier
aspect, je pense réellement que mélanger, dans le cadre d'un même événement démocratique, un référendum, quelque
chose qui ne fait pas partie de la
culture... Des référendums de politiques publiques, là, ne font pas
partie de la culture politique au Québec et au Canada. Mélanger ça avec une
élection générale me semble problématique, surtout que, comme on exclut la
participation partisane à l'aspect référendum, il va commencer à y avoir beaucoup
d'acteurs dans la sphère publique en même temps. Ça, c'est sur la première
partie.
Sur
la deuxième partie, quant à l'intérêt des électeurs, je pense que je peux dire sans me
tromper qu'en général les électeurs québécois ont peu d'intérêt pour la question
de la réforme du mode de scrutin. C'est un sujet qui est très, très important
pour une tranche de la population, mais, dans la très large majorité, c'est
loin d'être une priorité.
Mme LeBel :
...il faut faire une grande différence entre l'opportunité de tenir un référendum
parce qu'on pense qu'on a le consensus ou la légitimité nécessaire, faire la
différence entre l'intérêt potentiel des Québécois, faire la différence entre
le mélange de... l'amalgame ou le fait de tenir en même temps l'élection et le référendum
parce qu'il y aurait un mélange, peut-être, des genres ou des enjeux, et de
dire qu'un référendum est inutile, nocif, pour une question secondaire, je
pense. Je suis contente que vous ayez eu le temps de l'expliquer parce que je
pense que ce n'est pas du tout, du tout le même point de vue, là. Qu'on discute
d'opportunité, c'est une chose. D'aucuns disent : Il a été promis de ne
pas le faire, d'autres disent qu'on a la légitimité de le faire, d'autres
disent que c'est opportun de le faire. Donc, on peut parler d'opportunité, mais
je suis contente que vous ayez eu le temps de le préciser, parce que je pense
que ce n'est pas tout à fait la même façon de voir les choses. Merci.
M. Bodet
(Marc-André) : Mais je pense réellement que c'est une erreur de
mélanger les deux.
Mme LeBel :
Ça, c'est une autre question que de dire que c'est nocif pour la vie démocratique.
Merci. Merci, M. le Président.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. M. le député de LaFontaine, s'il
vous plaît.
M. Tanguay : Merci
beaucoup, M. le Président. Bonjour. Merci d'être présent avec nous pour participer au débat.
J'aimerais juste
revenir sur une affirmation, qui est quand même importante : «Je répète
juste une dernière fois que je considère
notre mode de scrutin actuel bien supérieur à son alternative proposée dans le projet de loi.» Donc, le mode actuel versus le projet de loi n° 39,
tel que proposé, vous dites qu'il est «bien supérieur à son alternative». On
aura l'occasion, entre autres avec des gens qui vont venir demain, entre autres
Christian Dufour, de, justement, je pense, se poser la question : Qu'est-ce
qu'on essaie de réparer? Est-ce que l'on ne fait pas mauvaise presse indûment
au système actuel, qui a bien servi le Québec, les Québécois et les
Québécoises?
On parle... Certains
sont venus citer René Lévesque, en disant qu'il disait du système qu'il
s'agissait d'un système «démocratiquement infect», alors qu'au lendemain des
élections de 1970 il avait, le Parti québécois, 23 % des voix, sept députés, 1973, 30 % des voix,
six députés. Mais le même système «démocratiquement infect», en 1976, a
donné un gouvernement majoritaire au Parti québécois avec 41 % des voix,
ce qui aura permis au Parti québécois de passer des lois excessivement
importantes : la Charte de la langue française, la loi sur les
consultations populaires de 1978, qui dit, en passant, que vous ne pouvez pas
faire un référendum en même temps qu'une élection — je referme la parenthèse — et bien d'autres réformes, entre autres, de
notre démocratie, avec le financement des partis politiques, et j'en
passe, et j'en passe. 1981, avec 49 %, le gouvernement du Parti québécois
était majoritaire, 80 députés sur 122. Alors, quand on prend cette
citation-là de «démocratiquement infect», je pense qu'il faut la remettre dans
son contexte historique.
Vous faites bien de
nous inviter à se poser la question : Est-ce que ce qui est suggéré est
réellement une avancée ou un recul? Et il
est facile de dire : Bien, il y aura deux forces, la force du changement
et la force du statu quo. Moi, je pense que le système actuel mérite
plus qu'une appellation aussi simpliste que de statu quo.
Et
vous dites donc que ce qui est proposé est drastique, et on a plus à perdre et
à gagner. Donc, j'aimerais bien vous entendre là-dessus, sur
l'importance de regarder ce que l'on a et de... Oui, historiquement, il y avait
beaucoup de bipartisme, même si l'on peut
voir que, dans l'évolution démocratique du Québec du XXe siècle, il y a
eu, à l'occasion, trois partis, l'Action libérale nationale,
l'Union nationale, le Parti libéral, et ainsi de suite, et une évolution, ce
qui fait qu'aujourd'hui le projet de loi n° 4
constate qu'il y a quatre partis à l'Assemblée nationale et que ça fonctionne.
Alors, j'aimerais
vous entendre là-dessus, sur l'importance de reconnaître que le mode électoral
actuel a su et... a permis aux Québécois d'avoir un État moderne, une grande
démocratie au Québec, puis ce n'est pas vrai, là, qu'on doit avoir honte du
système actuel, là.
• (17 h 40) •
M. Bodet
(Marc-André) : Je pense que les faits sont assez clairs au fait que le
Québec est une des sociétés les plus riches et les plus libres du monde, malgré
son mode de scrutin, certains diraient. Je dirais aussi, par rapport à ça,
qu'évidemment le système actuel a ses défauts, mais quel système n'en a pas? Je
préfère vivre avec ces défauts. À mon avis, la réforme du mode de scrutin au
Québec n'a jamais eu lieu... ou les réformes n'ont jamais eu lieu, car elles
étaient contre nature par rapport à notre culture et nos institutions.
Ça...
d'ouvrir la porte sur trois petits points que... propositions d'ajustements à
la marge que le Québec pourrait se
permettre. Le premier, je sais qu'il n'est pas populaire, mais le Québec
pourrait avoir beaucoup plus de... l'Assemblée nationale pourrait avoir
beaucoup plus de sièges pour être dans la norme mondiale. En fait, on pourrait
même monter jusqu'à 200 sièges. L'augmentation du nombre de sièges
augmenterait la proportionnalité, c'est mathématique.
On pourrait décider
d'avoir entre... peut-être une vingtaine, une trentaine de sièges de
compensation, de liste, si on voulait, pour conserver l'aspect majoritaire, en
ajoutant, si on veut, une façon de compenser les partis vraiment pénalisés.
Il y a un autre
élément d'ajustement que moi, je trouve très important mais dont on parle peu,
bien, dans certains pays, il y a une représentation réservée pour les peuples
autochtones. C'est le cas de la Nouvelle-Zélande. À mon avis, quand on parle de
représentation d'intérêts, ça serait une priorité.
Donc, il y a des
petits ajustements qui ne viendraient pas travestir la nature de nos
institutions et notre culture politique et
qui apporteraient des changements réels, avec un impact potentiel très positif,
sans chambouler l'ensemble de nos institutions. Je pense que nous avons
le meilleur système, mais qu'il nécessite des ajustements à la marge.
M. Tanguay :
Tout à fait, qui est perceptible et... qui est perfectible, pardon, et l'on
peut voir, sur différents aspects... On dit : Bien, on aimerait ça
améliorer la parité femmes-hommes à l'Assemblée nationale, est-ce qu'on peut
agir sur les candidatures? Est-ce qu'on peut agir sur les résultats, le nombre
de femmes élues et en pourcentage? Est-ce que l'on doit avoir un système de
bonus, un système malus? Est-ce que ça doit être une condition d'existence d'un
parti politique que de présenter un certain... une zone paritaire? Est-ce qu'on
veut 40-60, 45? Il y a plein de choses. Donc, la parité est une de ces
choses-là.
Augmenter le taux de
participation, on peut se questionner et, évidemment, bonifier notre démocratie
à cet effet-là. On parle de l'âge pour
voter, de l'âge... Le Directeur général des élections est venu nous dire :
Bien, ça serait peut-être intéressant de
sensibiliser les jeunes, de nous aider à avoir un intérêt chez les jeunes de
16 ans et plus, qui pourraient être scrutateurs, scrutatrices,
représentants, et ainsi de suite.
Donc, effectivement,
il y a beaucoup, beaucoup de choses qui peuvent nous aider et qui pourraient
être mises en place sans passer par une sacro-sainte réforme, un grand soir
mais un petit matin, d'un mode de scrutin avec un référendum. Je pense que ça,
ce serait de façon tangible. Il y a même des groupes qui nous exhortent :
Ne rendez pas la parité femmes-hommes tributaire d'un référendum parce qu'il en
va... La Cour suprême nous le dit, le droit de vote, la représentativité
effective, ça implique également la parité, c'est un droit fondamental, et on
ne peut pas le rendre tributaire d'un référendum. Passez la loi puis faites en
sorte...
Et vous, vous
dites : La taille... J'y viens maintenant, sur la taille, parce qu'on
semble, puis je le dis en toute amitié, être un peu apprentis sorciers. On veut
garder 125 comtés, on veut respecter les 17 régions administratives,
puis là on patente, on patente un mode proportionnel à 45 députés, où vous
dites : En Abitibi, on va avoir une proportionnalité,
vous avez toujours trois députés, mais il n'y a plus trois comtés, il y en a
deux gros puis il y a un député ou une députée qui sera, en elle-même et
en lui-même, la proportionnalité de toute la région. Bien, la proportionnalité
à un, il me semble, c'est un peu court.
Alors,
vous dites que, pour que ça tienne la route... c'est ce que je dénote, puis
j'aimerais vous entendre là-dessus, il faudrait, si on veut que ça
tienne la route, aller encore beaucoup plus loin, mais on n'y va pas, ce n'est
pas ce qui est proposé par le projet de loi, donc ce serait plus de députés.
Et on cite beaucoup
l'Écosse, je reviens là-dessus parce que c'est important, l'Écosse, il y a
3,6 millions... l'Écosse... il y a 4 millions de moins de personnes
en Écosse, et l'Écosse rentre 20 fois dans le Québec. L'Écosse, ils ont
129 députés, on en a 125. Alors, quand on essaie de se patenter une
proportionnelle, bien, à cette image-là, ça ne tient pas la route.
Et je suis d'accord
avec vous que, lorsqu'on dit : C'est drastique, puis on a plus à perdre
qu'à y gagner, bien, à ce moment-là, on ne peut pas faire la moitié des choses,
parce qu'on va empirer la situation et la démocratie. Je pense ça participe de
votre réflexion.
M. Bodet
(Marc-André) : Oui, donc, deux aspects. Évidemment, l'utilisation du
mot «licorne» n'est pas anodine, là, je voulais créer la réaction, mais je
pense que... le problème est réellement là. On voit, dans cette réforme-là, quelque
chose qui ne s'y trouve pas puis on ne voit pas les inconvénients qui est
associé à ça.
Sur
le nombre de sièges, je sais, encore
une fois, que c'est très impopulaire, notamment
pour des élus, de parler d'augmentation de la taille de l'Assemblée,
mais effectivement des travaux empiriques qui incluent des Parlements à travers le monde démontrent que le Québec
est... son Assemblée est beaucoup trop petite. Et, en plus de ça,
l'augmentation de la taille de l'Assemblée non seulement améliorerait la
proportionnalité, mais également ça... les circonscriptions seraient plus petites, ça serait donc plus facile, pour des groupes
plus marginalisés ou encore des
gens qui ne viennent pas de milieux aisés, de remporter ces élections dans des
comtés plus petits. Et ça permettrait — et je pense que le cas
anglais, le Parlement à Westminster, est parlant, là — le
développement de... comme il y aurait plus de députés, donc, il y aurait plus
de gens qui pourraient se spécialiser, vraiment développer des expertises sur
des sujets donnés.
Donc, ça, c'est une
mesure qui est moins spectaculaire mais qui peut se faire très facilement et
qui améliore la proportionnalité et d'autres aspects de la gouvernance
parlementaire qui... je pense, il faut les considérer, ces choses-là. Et je
pense qu'une vraie réflexion qui... et un consensus parlementaire sur cette
question-là est beaucoup plus facile à atteindre qu'une réforme du mode de
scrutin.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé, pour
1 min 30 s.
Mme Robitaille :
Merci. Vous parlez, à la page 3 de votre mémoire, de la Nouvelle-Zélande,
et on a parlé beaucoup, hier... même, on avait un expert néo-zélandais
qui est maintenant sur l'équipe pour pousser la proportionnelle
en Angleterre, en Grande-Bretagne. Et vous dites qu'en fait l'exemple
néo-zélandais n'a pas changé grand-chose là-bas. Je vais lire :
«Les Néo-Zélandais avaient fondé beaucoup d'espoir sur une réforme du mode de
scrutin dans les années 1990. Rien n'a réellement changé sous le nouveau
système mixte proportionnel.» Donc, la participation n'a pas...
M. Bodet
(Marc-André) : ...oui.
M. Tanguay :
La participation électorale.
Mme Robitaille :
La participation électorale. Mais, au-delà de ça, est-ce que, si vous comparez,
est-ce que ça a été...
M. Tanguay :
...
Mme Robitaille :
Oui, sur la... Oui, mais plus que ça, je pense. Vous dites : L'exercice...
M. Bodet
(Marc-André) : Donc, rien n'a changé sur la participation. Il y a eu
des oscillations, mais, essentiellement, le gain est nul. Sur d'autres aspects,
évidemment, les choses ont changé, des acteurs... d'autres acteurs ont réussi à
apparaître sur la scène politique.
Il
faut comprendre que la sociologie politique de la Nouvelle-Zélande est
différente de la nôtre. C'est un pays qui n'est pas labouré par les mêmes types
de clivages politiques. Donc, il y a certaines de mes craintes, pour le cas
québécois, qui ne s'appliquent pas au cas néo-zélandais, mais cette dose de
proportionnalité en Nouvelle-Zélande, en fait, a créé exactement ce qu'on
pensait, en fait : plus d'acteurs, plus de diversité au Parlement et des
ajustements que les Néo-Zélandais vivent encore dans leur culture politique.
Fait intéressant, les Néo-Zélandais ont également adopté une représentation
spécifique pour les Maoris, pour revenir sur ma question des autochtones.
Mais, effectivement,
la Nouvelle-Zélande est le meilleur cas de comparaison avec le Canada et le
Québec parce que c'est une culture politique britannique, sauf que la
sociologie de ce pays-là a malheureusement peu à voir avec celle du Canada.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. M. le député de Gouin, s'il
vous plaît.
M. Nadeau-Dubois :
Merci. Bonsoir. Je trouve très intéressant votre argument sur le statut
exceptionnel de l'opposition officielle. En tout respect, vous me
semblez faire un appel à la tradition. Donc, vous dites : Dans la tradition de Westminster, il y a un statut
particulier. Donc, vous dites, si je vous comprends bien : Il y a une
différence qualitative entre les députés de l'opposition officielle et
les députés des autres oppositions, peu importe leur quantité, et que, donc, par extension, les citoyens qui
habitent dans des circonscriptions représentées par l'opposition officielle,
leur vote vaut plus, puisque leurs représentants auraient un veto à l'Assemblée
nationale du Québec sur une réforme du mode de scrutin, alors que les
députés... que les électeurs représentés par des députés, comme moi, de
deuxième opposition n'auraient pas ce privilège.
J'aimerais
bien que vous m'expliquiez comment, du point de vue de la légitimité puis de
l'égalité des députés entre eux dans notre Assemblée, mes estimés
collègues de l'opposition officielle, leurs voix, qualitativement, vaudraient
plus, même si les trois... même si les deux autres oppositions et le
gouvernement forment plus de 75 % des députés en Chambre.
M. Bodet (Marc-André) : Alors, ce n'est pas les députés du premier parti
d'opposition qui sont qualitativement supérieurs, c'est le premier parti
d'opposition qui est qualitativement supérieur. Chaque député s'équivaut. C'est
pourquoi, dans cette logique de consensus parlementaire, ce que je pense qui
est un seuil acceptable, c'est 75 % des députés, tous partis confondus. On
pourrait imaginer un vote libre là-dessus, d'ailleurs, à la limite.
Mais ce que je vous
dis, c'est qu'effectivement le premier parti d'opposition, oui, a un statut
institutionnel différent. Après, l'électeur qui vote pour son député, il est
dans une relation de représentation des intérêts mais aussi de service à la
population, et, dans ce sens-là, tous les députés sont égaux. En fait, cette
relation-là de supériorité qualitative de la première opposition ne se vit, au
Parlement, pas dans l'activité de représentation.
M. Nadeau-Dubois :
Mais j'aimerais que vous me justifiiez, pour des raisons profondes, autres que
l'appel à la tradition, pourquoi il y a une suprématie d'une formation
politique de l'opposition par rapport à une autre.
M. Bodet (Marc-André) : ...les Anglais ont inventé ce concept de loyale
opposition, cette nouvelle technologie parlementaire, parce qu'ils
étaient conscients que le parti gouvernemental avait besoin d'une opposition
organisée, financée, institutionnalisée pour
rendre la gouvernance démocratique meilleure, O.K.? Donc, il y a un prix,
effectivement, de légitimité pour les deuxième, troisième partis, mais
le gain, en termes d'efficacité et de gouvernance politique, était jugé, par
les Anglais, à l'époque, supérieur. Je pense que c'est encore vrai aujourd'hui.
Je pense que chaque bon gouvernement a eu une bonne opposition officielle.
• (17 h 50) •
Le
Président (M. Bachand) : Merci. M. le député de Rimouski, s'il
vous plaît.
M. LeBel :
Oui. Bonjour.
M. Bodet
(Marc-André) : Bonjour.
M. LeBel :
Oui, effectivement, j'ai appris, les dernières années, c'était quoi, la loyale
opposition de Sa Majesté. Effectivement, là, quand on négocie les
moyens, l'opposition, c'est différent parce que c'est l'opposition... à la
période de questions, ils ont plus de questions. Ça plaide aussi pour une
réforme parlementaire qu'on devra faire à un moment donné, mais de là à leur
donner le veto sur une réforme du mode de scrutin, il y a quand même des
marges.
Puis,
en parlant de marges, quand vous dites que des ajustements institutionnels à la
marge, ce serait d'augmenter le Parlement de 75 députés, c'est
toute une marge, je vais vous dire. Je suis loin que... pas sûr de penser que
la population est prête à faire ça.
La question...
l'autre question, c'est, quand vous dites, aussi : «Voulons-nous être pris
dans des situations impossibles comme le
vivent les Allemands, les Danois, les Autrichiens, les Norvégiens, etc.?»,
c'est quoi, ces situations impossibles là qui pourraient nous faire
peur? Personne ne nous a parlé de ça encore. Y a-tu quelque chose qu'on n'a pas
vu?
M. Bodet
(Marc-André) : O.K. Sur le premier point, je dis : Il pourrait y
avoir jusqu'à 200 sièges plutôt que 125. Chaque ajout de siège est
intéressant. Là, je ne fais pas un argument pour 75 sièges de plus, je
vous dis que, si on suivait la norme internationale, on pourrait monter à 200
sans se retrouver dans une situation inhabituelle.
Quand je parle des
Allemands, des Danois, des Autrichiens, des Norvégiens... Bon, les Allemands,
vous le savez, ils sont en gouvernement
d'union nationale depuis longtemps parce qu'il y a un parti d'extrême droite,
l'Altenative pour l'Allemagne, qui,
finalement, bloque la vie parlementaire normale. Donc, c'est un pays qui ne vit
pas d'alternance et qui ne vit pas une vie parlementaire normale depuis
un bon moment.
Les Norvégiens et les Danois, on a également des
partis d'extrême droite qui forcent la main, dans la création de coalitions, à
des partis sociaux-démocrates ou chrétiens-démocrates, donc centre gauche et
centre droite, et qui créent de l'instabilité mais aussi une certaine violence
dans la vie parlementaire de ces pays-là. L'Autriche, c'est un autre exemple
patent avec, encore une fois, une extrême droite.
Je pourrais aussi vous trouver des exemples de
pays... bien, l'Allemagne en a, là, d'une extrême gauche assez turbulente qui
finit soit par paralyser, soit délégitimer la vie parlementaire de ces pays-là,
O.K.? Les exemples d'Europe du Nord sont surtout à droite, mais la menace peut
également venir de la gauche.
On dit souvent que le Québec est une société
modérée, oui, c'est vrai, mais il n'y a aucune raison qui pourrait justifier ou
prédire le fait que les Québécois ou certains Québécois n'appuieraient pas des
partis d'extrême droite et d'extrême gauche dans un régime plus proportionnel
comme ce qu'on retrouve en Europe. Ils n'ont rien de... Ce n'est pas des gens
meilleurs ou pires, ce sont des citoyens démocratiques comme nous, et ces
partis réussissent à proliférer dans ces systèmes. Je pense que cette menace-là
est largement évitée grâce à notre mode de scrutin.
Le Président
(M. Bachand) : ...Marie-Victorin, pardon.
Mme Fournier :
Merci beaucoup pour votre présentation. Je comprends vos arguments, mais, bien
franchement, là, je ne partage pas les prémisses de votre argumentaire,
surtout que vous soulignez à plusieurs reprises, bon, que la réforme du mode de
scrutin menace la cohésion partisane. Je vous soulève quand même, bien
humblement, que les Québécois — puis, je veux dire, c'est un phénomène assez
répandu en Occident — n'ont
peu ou pas du tout confiance, en fait, dans les institutions que
représentent les partis politiques.
En fait, les recherches menées, par exemple, par
le Pew Research Center, démontrent que, dans toutes les institutions qui existent dans nos sociétés démocratiques, en fait, c'est
les partis politiques qui recueillent le moins la confiance des
électeurs. Donc, le fait de, justement, contribuer à changer la façon dont les
partis politiques traditionnels fonctionnent ou coopèrent entre eux, à mon
sens, en fait, c'est quelque chose de très positif.
Puis, quand on parle de culture politique au
Québec... Tu sais, vous faites même référence à la paix sociale, je trouve que
c'est quand même assez poussé. Mais, quand on parle de culture politique des
Québécois, bien au contraire, ce qu'on entend dans la population, c'est un
désir pour moins de partisanerie. Chaque fois qu'il y a une initiative qui est
faite en ce sens-là, c'est applaudi partout, puis je considère que ça
représente, au contraire, la culture politique désirée des Québécois. Ils
souhaitent que les partis soient capables de travailler ensemble, souhaitent
que les parlementaires s'élèvent au-delà de ces lignes de partis. Donc, vous
parlez plutôt d'une tradition, de ce que je comprends, parce qu'on ne peut pas
vraiment parler d'une culture de la société québécoise.
M. Bodet (Marc-André) : Sur le
premier aspect, cette insatisfaction, ce cynisme est présent dans tous les
modes de scrutin, que ça soit en proportionnel ou en majoritaire, donc ce
changement-là n'apporterait probablement aucun changement.
Sur le rôle des partis politiques, effectivement,
quand on demande aux gens s'ils aiment la partisanerie, ils disent non, mais, si on demande aux gens s'ils
aiment le bruit puis la dissension parmi les élus, ils n'aiment pas ça non plus.
Les partis politiques ont été créés ou se sont développés, au Québec et au
Canada, en réponse aux difficultés de coordination des élus. Ça, c'est
peut-être un mal nécessaire, mais c'est un véhicule qui est extrêmement
efficace dans la vie parlementaire et qui organise notre vie électorale de
façon, encore une fois, à mon avis, assez positive et assez efficace. Si on
veut éliminer ce véhicule-là, il faut le remplacer par quelque chose. J'ai de
la misère à voir qu'est-ce qui serait capable de jouer un rôle de légitimation
mais également d'organisation de notre vie démocratique, autre que les partis
politiques.
Peut-être que
je suis juste, peut-être, un peu trop réaliste, je suis peut-être cynique par
rapport à la vie politique en général, mais je pense qu'il ne faut pas
simplement rejeter un système parce qu'on est insatisfaits. Il faut trouver une
alternative qui est supérieure à ce qu'on a entre les mains, actuellement.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Merci beaucoup de votre
participation.
Cela dit, la commission ajourne ses travaux
jusqu'à demain, jeudi 6 février, après les affaires courantes, où
elle va poursuivre son mandat. Merci. Bonne soirée.
(Fin de la séance à 17 h 56)