(Neuf
heures quarante et une minutes)
Le
Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il
vous plaît! Bonjour et bienvenue. Très content de vous voir en cette belle
début d'année.
Alors donc, ayant
constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions
ouverte. Je vous souhaite la bienvenue, encore une fois, et demande, bien sûr,
à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la
petite sonnerie de leurs appareils électroniques, s'il vous plaît.
Je vous rappelle que
la commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et
aux auditions publiques sur le projet de loi n° 39, la Loi établissant un
nouveau mode de scrutin.
Avant de débuter, M.
le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire :
Oui, M. le Président. M. Lafrenière (Vachon) est remplacé par M. Allaire
(Maskinongé); M. Lamothe (Ungava) est remplacé par M. Lemay (Masson); Mme Lecours (Les Plaines) est remplacée par M. Poulin (Beauce-Sud); M. Lévesque (Chapleau) est
remplacé par Mme Jeannotte (Labelle); et M. Fontecilla
(Laurier-Dorion) est remplacé par M. Nadeau-Dubois (Gouin).
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Avant d'aller plus
loin, j'aimerais avoir votre consentement pour
autoriser la députée de Marie-Victorin à participer à la séance d'aujourd'hui.
Y a-t-il consentement? Consentement.
Ce matin, nous
débuterons par les remarques préliminaires puis nous entendrons les groupes
suivants, soit le Mouvement Démocratie nouvelle, le Groupe Femmes, Politique et
Démocratie, le Conseil du statut de la femme et l'Union étudiante du Québec.
Remarques préliminaires
Nous allons
maintenant débuter les remarques préliminaires. Mme la ministre, vous avez la
parole pour une période de 5 min 34 s. Mme la ministre, s'il
vous plaît.
Mme Sonia LeBel
Mme LeBel :
Merci, M. le Président. Je vais commencer par saluer tous mes collègues de l'Assemblée
nationale qui sont présents ici et, comme on est encore en janvier, je vais
vous souhaiter bonne année. Donc, bonjour à tous. Et ça me fait plaisir, moi,
et c'est un grand honneur de commencer l'année 2020 par ces
consultations-là en votre compagnie. Je vous remercie de votre présence. Je
remercie aussi à l'avance tous ceux qui auront déposé des mémoires, qui se sont
intéressés à l'exercice qu'on est en train de faire — cet
exercice qui, quant à moi, est un exercice important pour notre démocratie — et
qui vont témoigner. Donc, merci de votre présence à tous.
Le projet de loi
n° 39, qui est le projet de loi qui établit un nouveau mode de... qui est
la Loi établissant un nouveau mode de scrutin. Notre gouvernement, avec
d'autres partis politiques, s'était engagé de déposer un projet de loi avant le 1er octobre 2019. Donc, le
25 décembre dernier, j'ai eu l'honneur de déposer ce projet de loi à
l'Assemblée nationale. Ce faisant, notre gouvernement a franchi un pas
qu'aucun autre gouvernement n'avait franchi avant lui, puis je pense qu'il faut
le souligner.
La proposition que
nous vous soumettons est guidée par des principes fondamentaux qui faisaient
consensus, qui font consensus. La réforme doit permettre une meilleure
représentation du vote populaire — c'est l'objectif, d'ailleurs, d'un vote
de scrutin mixte, proportionnel mixte — préserver le lien entre la
population et les élus, respecter le poids politique des régions et maintenir
la stabilité du gouvernement. Ce sont les principes qui nous ont guidés dans
les choix que nous avons faits dans le projet de loi que nous présentons. Les
citoyens et citoyennes doivent s'y reconnaître, et le nouveau mode de scrutin
doit favoriser une plus forte présence des femmes, des jeunes et des personnes
issues de la diversité. Des mesures sont présentes également dans le projet de
loi pour atteindre ces objectifs. Nous avons dû, bien entendu, procéder à des
arbitrages pour pouvoir parvenir à déposer un projet de loi, qui, espérons-le,
fera consensus.
Une chose est claire,
toutefois, le mode de scrutin améliore la proportionnalité du système actuel,
du poids électoral tout en préservant le poids des régions et en conservant une
certaine stabilité gouvernementale. Ce sont les principes fondateurs... les
principes fondamentaux, pardon, qui nous ont guidés dans les choix et les
arbitrages que nous avons dû faire entre les diverses modalités.
Le
projet de loi établissant un nouveau mode de scrutin n'est pas un projet de loi
comme les autres, il vise à réformer les bases mêmes de notre système
démocratique. C'est pourquoi nous souhaitons que les Québécois et les Québécoises puissent se prononcer directement sur
la réforme du mode de scrutin à l'occasion d'un référendum. Ce
référendum aurait lieu lors des prochaines élections générales. Ultimement, il
reviendra donc aux électeurs de décider si un nouveau mode de scrutin pourrait
être en place pour l'élection des membres de la 44e législature.
Le
projet que nous avons présenté est le fruit de nombreuses consultations qui ont
nourri nos réflexions et ont mené à un projet de loi ambitieux mais
responsable. Nous avons débuté nos travaux dans un esprit de collaboration avec
tous nos partenaires et les partis d'opposition, et c'est encore avec cet
esprit d'ouverture et de collaboration que j'aborde, que nous abordons les
prochaines consultations.
Ces consultations
nous donneront en effet l'occasion d'entendre des opinions intéressantes et
diversifiées à l'égard de la réforme du mode de scrutin proposée par le
gouvernement. Elles nous permettront sans aucun doute de bonifier ce projet de loi, qui nous appartient
désormais à tous. C'est avec ouverture, comme je l'ai dit, que j'accueillerai
et que nous accueillerons les différentes opinions que nous entendrons au cours
des prochains jours.
Je suis profondément
convaincue, personnellement, profondément convaincue, qu'une réforme du mode de
scrutin est souhaitable, car elle permettra de mieux représenter le vote
populaire, de protéger le poids politique des régions, d'assurer une plus forte
présence des femmes et de la diversité à l'Assemblée nationale tout en
permettant des gouvernements stables.
Plusieurs ont tenté
de faire cette réforme dans les dernières années. Plusieurs gouvernements ont
promis de le faire. Ça fait 40 ans, plus de 40 ans qu'on en parle, et
quelqu'un me disait, à juste titre : Si ça avait été simple, si ça avait
été facile — parce
que c'est un principe très louable, une démocratie améliorée — on
l'aurait fait avant. Notre gouvernement a
franchi un premier pas important vers une réforme historique. À partir de
maintenant, c'est ensemble, collectivement, que nous devons faire le
reste du chemin pour y parvenir. Merci, M. le Président.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, Mme la ministre.
Maintenant, le député de LaFontaine a la parole pour une période de
3 min 43 s. M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît.
M. Marc Tanguay
M. Tanguay :
Oui, merci beaucoup, M. le Président. D'abord, commençant en vous saluant — bonne
année, bonne année — saluer
également Mme la ministre, et les collègues qui sont présents autour de la
table, et les personnes qui assisteront la ministre, et les collègues dans ce
processus d'analyse du projet de loi n° 39. Je vais saluer ma collègue de
Bourassa-Sauvé, qui est présente ce matin et qui sera présente avec nous,
M. le Président, tout le long des auditions, et même de l'article par
article, et des autres étapes, et les autres collègues de la première opposition,
de Québec solidaire, du Parti québécois et collègue de Marie-Victorin, qui sont
présents.
Alors, M. le
Président, effectivement, puis je suis d'accord avec la ministre, nous sommes
devant un projet de loi excessivement, je
vous dirais, important quant aux changements qu'il apporte. En tout respect, M.
le Président... et nous sommes dans une assemblée nationale, on est dans
une assemblée où on débat, où, si on était tous d'accord sur tous les points,
bien, il n'y aurait pas de débat, il n'y aurait pas utilité, mais je pense
qu'on peut noter et on peut exprimer, dans le respect de tout un chacun, nos
opinions qui sont contraires. Et, dans ce projet de loi là, M. le
Président, l'opinion de l'opposition officielle est contraire à ce que la
ministre a notamment dit dans ses remarques préliminaires.
Nous y voyons un bouleversement de la démocratie. Je vais vous donner trois
exemples, M. le Président. On voit, ce matin, un article de Radio-Canada
qui précise le déséquilibre qu'il y aura entre les régions. Il y aura un déséquilibre où, notamment, Québec diminuerait son
poids démocratique à l'Assemblée nationale, Montérégie — et pas uniquement, donc,
Montréal — et
d'autres régions.
Imaginez-vous, et
celles et ceux qui nous écoutent à la maison, quand on redessine la carte
électorale, quand on redessine la carte électorale, ça fait toujours l'objet
d'un débat excessivement houleux et vigoureux. Je rappelle la collègue de Québec solidaire, cheffe, donc,
députée de... cheffe de Québec solidaire... de Sainte-Marie—Saint-Jacques — on revient des fêtes, on va retomber
dans nos... — qui
avait déchiré sa chemise, ni plus ni moins, parce que l'on enlevait un
quartier, on modifiait son comté. Là, c'est un bouleversement de la démocratie
parce que ce n'est pas uniquement un quartier
d'un comté qui sera touché, ce seront les 125 circonscriptions qui seront
fusionnées en 80 circonscriptions, et on aurait 45 députés de
région. Donc, vous auriez des députés qui représenteraient tout Québec, des
députés qui représenteraient toute la Montérégie et des députés qui
représenteraient tout Lanaudière.
Ça, M. le Président,
on le sait, les collègues autour de la table, quand un citoyen veut nous voir
puis qu'on le représente, il faut prendre le temps de s'asseoir avec lui. Ce
serait littéralement impossible. La réforme qui est devant nous, on éloigne les
députés des citoyens sous deux chapitres. Quand vous êtes député de région puis
que vous représentez tout Montréal, tout Montérégie, tout Québec, vous ne
pourrez pas donner le même accès à vos citoyens, de un. De deux, quand on passe
de 125 à 180 comtés, bien, évidemment, on vient élargir de façon
excessivement marquante la présence des députés sur le terrain.
Bref, on aurait
préféré une consultation générale, on aurait préféré faire en sorte que les
citoyens soient interpelés comme ça avait
été fait en 2007. Parce qu'un projet de loi avait été déposé, à l'époque, par
le gouvernement libéral, par Jacques Dupuis, il y avait eu une tournée
des régions, et la conclusion qui avait été faite, c'était : C'est
excessivement complexe, on est préoccupés par le poids des régions et la
représentativité des citoyens. Et, à ce moment-là, la réforme avait été mise de
côté. C'est très complexe, le premier ministre lui-même l'a
mentionné. Et on aura l'occasion aussi, en conclusion, M.
le Président, de démontrer que ça aurait pour effet
d'affaiblir le poids de l'Assemblée nationale, de l'affaiblir, ni plus ni moins.
Et, en
conclusion, réellement, pour la parité notamment, la parité hommes-femmes, là, on peut faire ça sans bouleverser le mode
de scrutin et on aura des avancées à faire là-dessus.
• (9 h 50) •
Le
Président (M. Bachand) : Merci
beaucoup, M. le député de LaFontaine. M. le député de Gouin, pour un peu moins d'une petite minute, s'il vous
plaît. M. le député.
M. Gabriel Nadeau-Dubois
M. Nadeau-Dubois : Oui. Bonjour à tous et toutes. C'est un moment important qu'on va vivre dans les prochaines semaines. Le débat sur la réforme
du mode de scrutin est une longue saga, au Québec, puis, en étudiant un projet de loi ici, en commission parlementaire, on va plus loin que le Québec n'était jamais allé. Puis ça, je veux commencer par dire que c'est important et que c'est une avancée en soi.
Le député de LaFontaine a dit quelque chose d'intéressant,
il a dit que ce projet de loi
constituait un bouleversement de la
démocratie québécoise. C'est partiellement vrai, mais, si
c'est vrai, c'est un bouleversement qui est foncièrement
positif parce que ça va nous donner,
s'il est adopté, un mode de scrutin beaucoup plus représentatif de la volonté populaire des Québécois et des Québécoises.
Ceci étant dit, le projet de loi n'est pas parfait, loin de là. C'est
un point de départ, un point de départ qui prend ses distances sur plusieurs aspects importants,
disons, à l'égard de l'entente qui avait été signée entre les différents partis
politiques. Donc, tout au long de cette commission-là, on va avoir une attitude
constructive mais qui, à chaque fois, va avoir le même objectif : tenter
de rapprocher le projet de loi le plus possible de cette entente-là, notamment
sur la question du référendum, la question du seuil.
Bref,
on va être constructifs, mais on va être tenaces pour améliorer ce projet de
loi là, qui est un bon point de départ mais qui, justement, n'est qu'un point de départ. Et, pour avoir
notre appui, ce projet de loi va devoir être amélioré.
Le Président (M.
Bachand) : Merci, M. le député. M.
le député de Rimouski, pour un peu moins d'une minute, s'il vous plaît.
M. Harold LeBel
M. LeBel (Rimouski) :
Merci, M. le Président. Salut, tout le
monde. Il y a 36 ans, j'étais membre de l'exécutif national du
parti présidé par René Lévesque, et on m'avait délégué pour participer au
caucus du parti. Mon premier caucus, à Granby, pour ouvrir une session, le
premier point à l'ordre du jour, c'était la réforme du mode de scrutin. Ça fait
que je suis heureux d'être ici, j'ai l'impression que je fais le suivi de ma
rencontre d'il y a 36 ans et qu'on va pouvoir réussir à faire avancer cette
idée-là.
Moi,
au coeur de mes interventions, ici, c'est sûr que le poids des régions, pour
moi, c'est important. Je suis un gars de région, un gars de la ruralité, pour
moi, c'est important. La parité, aussi, c'est un élément qui, pour moi, est
très important. Puis, au coeur de tout ça, ce que je veux
aussi, c'est qu'on se préoccupe du citoyen. Dans la réforme qu'on va faire, il ne faut jamais oublier que c'est le
citoyen qui est au bout de ça, c'est le citoyen qui a droit à avoir un député
présent, c'est un citoyen qui a le droit à
avoir accès à son député, puis que le député puisse défendre ses droits. Et,
pour moi, ça, c'est important dans tout le long de cette commission. Ça
fait que, merci, je suis heureux d'être ici. Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, M. le député. Mme la députée de
Marie-Victorin, pour une cinquantaine de secondes, s'il vous plaît.
Mme Catherine Fournier
Mme Fournier : Merci, M. le Président. Oui, ça fait des décennies
qu'on avance, qu'on recule, qu'on avance dans le dossier. Donc, je salue
le gouvernement d'avoir déposé, je pense, une bonne base de travail sur
laquelle on va pouvoir collaborer ensemble dans les prochaines semaines. Vous
pouvez compter sur mon apport pour suggérer des modifications pragmatiques mais
avec toujours en tête cette confiance qu'on a à restaurer entre les citoyens et
la classe politique, et je pense que la réforme du mode de scrutin peut y
contribuer. Alors, je pense que ça va être important de l'avoir en tête dans
nos échanges, il y a une distance qui s'est installée depuis bon nombre
d'années. Puis je suis certaine qu'on va être en mesure de corriger certaines
lacunes avec l'adoption puis en convainquant nos concitoyens d'appuyer la
réforme du mode de scrutin.
Auditions
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Nous
allons maintenant débuter les auditions. Alors, je souhaite la bienvenue aux représentants de Mouvement Démocratie nouvelle. Je vous rappelle
que vous disposez d'une période de 10 minutes pour votre exposé, après
quoi nous procéderons à une période d'échange avec les membres de la commission.
Encore une fois, bienvenue. Je vous invite à vous présenter et à débuter votre
exposé. Merci.
Mouvement Démocratie nouvelle (MDN)
M. Charbonneau (Jean-Pierre) :
Merci, M. le Président. Alors, je me présente, Jean-Pierre Charbonneau, président du Mouvement Démocratie nouvelle. Je
suis accompagné de ma collègue, vice-présidente, Françoise David, que
vous connaissez — elle
est à ma droite, aujourd'hui, mais normalement elle aurait peut-être dû ou
préféré être de l'autre côté — et, à ma gauche,
Jean-Sébastien Dufresne, qui est notre directeur général et qui est un militant
du mouvement depuis des lustres.
Alors, Mme la
ministre, Mmes et MM. les députés, comme notre temps est compté, alors on va
aller rapidement au coeur du sujet. Le Mouvement Démocratie nouvelle,
que nous avons l'honneur de représenter et de diriger, veut d'entrée de jeu
souligner le caractère historique des travaux que vous amorcez aujourd'hui,
comme plusieurs d'entre vous l'avez déjà fait. Alors que c'est en mars 1922
qu'a eu lieu ici, dans cette enceinte, la première intervention parlementaire
sur ce sujet fondamental, c'est seulement aujourd'hui que nos élus abordent
l'étude d'un véritable projet de loi.
Même si nous allons souligner certaines lacunes
et formuler certaines propositions de bonification, nous tenons à dire,
cependant, que le MDN mesure toute l'importance du travail mené par la ministre
LeBel et son équipe dans la foulée de la signature de l'entente transpartisane
que nous avons initiée nous-mêmes en 2016 et qui a conduit à l'engagement
électoral de 2018 par trois des quatre partis représentés ici, dans cette
salle, en l'occurrence la Coalition avenir
Québec, Québec solidaire et le Parti québécois. Incidemment, un engagement identique avait été
pris lors de l'élection générale de 2003 par trois des partis en lice
alors, en l'occurrence, notamment, le Parti québécois et le Parti
libéral du Québec. Ce devait être, à
chaque fois, la dernière élection avec le mode de scrutin actuel. Quelqu'un à Ottawa a repris cette
phrase-là.
Ces promesses et un nombre considérable de propositions
de changements faites depuis 1890 l'ont été, mais pourquoi? Pour une raison
fondamentale : le système implanté par le colonisateur anglais est injuste
et, comme l'a dit, un jour, crûment René
Lévesque, démocratiquement infect. Presque à chaque élection générale,
la volonté populaire n'a pas été respectée. Une majorité de la population
n'a pas le droit au chapitre dans l'exercice du pouvoir. Des partis ont obtenu,
très souvent, plus de députés qu'ils auraient dû en avoir en fonction des votes
exprimés. Des partis ont obtenu, très souvent, moins de députés qu'ils auraient
dû en avoir. Des partis se sont souvent retrouvés sans député, malgré des
appuis électoraux significatifs. La députation de plusieurs régions n'est pas
en adéquation avec les votes citoyens, et une majorité de la population est
souvent non représentée au Parlement.
D'ailleurs, le Parlement du Québec a rarement été
correctement représentatif. Il y a toujours eu un déficit démocratique
important. En fait, le taux de distorsion électorale du Québec est l'un des
pires du monde démocratique. Et en plus, à cinq reprises, dont la dernière fois
en 1998, le parti ayant obtenu le plus de votes s'est retrouvé dans
l'opposition. C'était, à chaque fois, un renversement inacceptable de la
volonté populaire. Élu par une minorité de votes mais récoltant une majorité de
sièges, le parti gagnant gouverne toujours avec 100 % du pouvoir. Dans une
démocratie représentative digne de ce nom, la sélection des députés doit se
faire selon un système qui fait en sorte que la même valeur est accordée à
chaque vote et que chaque vote exprimé compte. La représentation parlementaire
doit correspondre le plus possible à la volonté populaire ainsi qu'à la
pluralité des grandes tendances politiques et à la diversité sociale. C'est à
cause de cette défaillance fondamentale que 85 % des États industrialisés
ont abandonné, totalement ou partiellement, le système électoral anglais pour
le remplacer par un système de type proportionnel. Et, contrairement aux
prétentions des partisans du statu quo, ces sociétés se sont développées très
correctement avec, à leur tête, des gouvernements stables et efficaces ainsi
que des niveaux de vie... aujourd'hui, sont passablement élevés.
Il faut
savoir que les États les plus prospères et les plus égalitaires ont un mode de
scrutin à finalité proportionnelle. La population du Québec mérite mieux
que le vieux mode imposé en 1792, et ses représentants politiques d'aujourd'hui
doivent se rappeler que le système électoral appartient au peuple, aux
citoyens, et non à eux ni à leurs partis. 96 des 125 députés actuels de
notre Assemblée nationale ont été élus avec l'engagement de remplacer le statu
quo par un système qui introduirait plus de respect des valeurs québécoises,
soit plus de justice dans la composition du Parlement et plus de coopération
entre les partis politiques. Ensemble, tous ces partis et tous ces députés ont
obtenu l'appui électoral de 70 % des citoyens aux dernières élections.
Aujourd'hui, nous vous demandons simplement le respect de la parole donnée et
nous vous disons : Vous avez l'obligation de trouver les compromis
nécessaires pour qu'un vote final puisse intervenir dans un délai acceptable.
Mmes, MM. les députés, vous avez maintenant la
responsabilité de faire l'histoire. Une nouvelle démocratie est appelée de tous
leurs voeux par une grande majorité de nos compatriotes. Celles-ci et ceux-ci
ont énormément perdu confiance dans notre classe politique au fil des années,
et tout le monde le sait. À la dernière élection générale, à peine 63 % de
l'électorat a voté : un des pires taux de participation de l'histoire du Québec.
Mais, malgré tout, au fond d'eux, les gens espèrent encore voir s'installer un
renouveau à la hauteur des exigences et des énormes défis du Québec du
XXIe siècle.
Maintenant, je vais céder la parole à ma
collègue Françoise.
• (10 heures) •
Mme David (Françoise) : Parmi
les principes adoptés dans l'entente transpartisane de 2016 et qui doivent
guider le gouvernement, on retrouve : «Refléter le plus possible le vote
populaire de l'ensemble des Québécoises et Québécois, [respecter le] poids politique des régions», assurer une meilleure représentation
des femmes et de la diversité ethnoculturelle
à l'Assemblée nationale. Ces principes sont-ils respectés? Respect du
vote populaire, oui, une certaine proportionnalité est proposée, mais,
franchement, elle est largement insuffisante. L'indice de disproportionnalité,
qui représente l'écart entre les votes exprimés et le pourcentage des députés
élus pour chaque parti à l'Assemblée nationale, serait, avec le projet de loi n° 39, à presque 10. C'est mieux que 17, mais le
Québec aurait l'un des systèmes proportionnels mixtes les moins
représentatifs au monde, et cela n'est pas acceptable.
L'un des éléments qui
accentue ce taux de disproportionnalité est le fait que le calcul des sièges de
compensation sera effectué en divisant par deux le nombre de circonscriptions
obtenues par les partis. Cela n'existe dans aucun système
mixte compensatoire. La conséquence est de permettre à un parti qui aurait
obtenu une large part des circonscriptions de gouverner avec une majorité de
députés en ayant aussi obtenu aussi peu que 40 % des votes lors d'une
élection. Le pluralisme des opinions est loin d'être favorisé, ce qui est
pourtant l'essence d'un mode de scrutin proportionnel.
Nous proposons que le
calcul de la compensation dans chaque région se fasse en tenant compte de
toutes les circonscriptions locales remportées. Nous proposons aussi qu'un
seuil populaire de 3 % soit instauré pour l'accès à la représentation
parlementaire. Il est injuste d'exiger un seuil national de 10 % car des
petits partis pourraient avoir un pourcentage moindre au niveau national et
performer convenablement dans quelques régions. Pourquoi les empêcher d'exister
et de se développer?
Par ailleurs, pour
respecter le sentiment d'appartenance des citoyennes et citoyens à leur région,
y compris des régions moins populeuses, mais aussi de leur assurer le respect
du pluralisme des idées, le même respect qu'aux régions plus populeuses, nous
proposons ceci : qu'un minimum de deux députés de compensation par région
électorale soit instauré, soit en réduisant le nombre de régions à 14, soit en
augmentant le nombre de députés à 129 si on maintient les 17 régions
proposées. Le MDN croit qu'avec plus de 8 millions d'habitants sur son
grand territoire, avoir 129 députés à l'Assemblée nationale, c'est
légitime pour que toutes les régions bénéficient du même respect du pluralisme
politique avec le nouveau mode de scrutin.
Parité et diversité.
Les mesures proposées pour atteindre la parité et améliorer la diversité sont
insuffisantes et ne permettront pas d'atteindre les résultats souhaités. Nous
proposons que, dans chaque liste de candidatures de compensation, l'alternance
hommes-femmes soit obligatoire, avec des femmes en tête de liste dans la moitié
des cas. Si un parti propose une liste qui ne répond pas à ce critère, le DGE
le renvoie à ses devoirs : que chaque parti soit tenu de présenter au
moins 45 % de femmes dans l'ensemble du territoire pour les candidatures
de circonscriptions locales. Un parti qui ne se soumet pas à cette règle verra
son financement diminuer, alors que les partis respectueux de la règle verront
leur financement public augmenter. Nous proposons aussi que soit accordé un
financement public bonifié pour les partis dont les candidats et candidates
refléteront la présence sociodémographique des jeunes et des personnes issues
de la diversité ethnoculturelle québécoise dans les régions.
En terminant, un mot
sur un éventuel référendum — ce
sera court. Le premier ministre avait d'abord annoncé qu'il ne voyait pas la
nécessité de tenir un référendum sur un nouveau mode de scrutin puis il s'est
ravisé, disant qu'il s'agissait d'une question fondamentale et complexe. Nous
le prenons au mot et lui proposons ceci : si le gouvernement tient à tout
prix à ce référendum, qu'il l'organise complètement en dehors de la période
électorale et le plus rapidement possible après l'adoption de la loi, donc en
2021. Cela aura l'avantage de faire du nouveau mode de scrutin le seul sujet à
l'ordre du jour dans l'espace public. La population lui accordera toute
l'importance nécessaire.
En terminant, nous
proposons que le deuxième alinéa de l'article 225.8 soit biffé, permettant
ainsi à tous les élus de l'Assemblée nationale de s'engager dans le camp du Oui
ou du Non. On ne peut pas vouloir un système plus démocratique et chercher à
museler les représentants du peuple à un moment crucial. Nous demandons au
premier ministre de siéger lui-même au comité directeur du camp du Oui,
assumant pleinement son choix historique de modifier le mode de scrutin et
mettant tout son poids politique dans la balance. Merci beaucoup.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. On va débuter la
période d'échange. Mme la ministre, pour une période de
15 min 15 s.
Mme LeBel :
Merci, M. le Président. Premièrement, merci. Puis merci d'aborder... je le
sais, que vous aviez... bon, il y avait plusieurs doléances, puis c'est normal,
c'est un projet que vous portez depuis longtemps, mais merci de l'aborder avec
cet esprit d'ouverture là et de discussion. Puis je pense que c'est comme ça
qu'il faut, effectivement, voir une discussion sur un sujet qui pourrait
facilement diviser, alors qu'il est fait pour un objectif... pour le citoyen,
pour la démocratie, alors, merci beaucoup.
Je vais peut-être en
profiter pour vous demander de préciser plusieurs petits points techniques que
vous n'avez pas eu le temps d'aborder dans votre présentation de
10 minutes. Mais une des questions que je vais peut-être, d'entrée de jeu, vous poser est la suivante. Une
des craintes... parce que, comme vous... naturellement, j'ai probablement
parlé avec les mêmes personnes, et, comme vous, une des craintes, ce n'est pas
la seule, mais il y a des gens qui craignent le mode de scrutin proportionnel
mixte. Il y en a qui désirent conserver, pour plusieurs raisons, le mode de
scrutin actuel. Peut-être qu'une des raisons principales, c'est parce qu'il est
connu et confortable, probablement, mais également parce qu'il a des avantages
qu'il ne faut pas nier, mais il a des désavantages. Donc, une des craintes des
gens, c'est qu'on se retrouve avec des partis minoritaires en grande proportion
pour le futur, qu'on n'ait plus de gouvernement majoritaire. Naturellement, les
gens, de leur point de vue d'observateur, se disent : Comment vont-ils
faire, ces gens, pour s'entendre et travailler ensemble s'il n'y a personne,
ultimement, qui a le pouvoir de trancher par une majorité de votes? Je vous le
dis parce que c'est ce que j'ai entendu beaucoup sur le terrain. Et, quand je
parlais d'un des principes qui nous a guidés, de garder la stabilité
parlementaire le plus possible, donc d'avoir quand même certains seuils qui
nous permettraient quand même encore d'espérer avoir des gouvernements
majoritaires, ça fait partie des choix qui ont guidé nos décisions et des
craintes que j'entendais, auxquelles on devait répondre. J'avais la
responsabilité... en tout cas, moi, je pensais avoir la responsabilité d'y
répondre.
Qu'est-ce que vous
répondez à ces gens-là qui ont ces craintes-là? Parce que c'est un fait brut,
là, qu'on va voir plus de gouvernements minoritaires dans le futur si on passe
au nouveau de mode de scrutin.
M. Charbonneau
(Jean-Pierre) : Deux choses. D'abord, la première chose, c'est
que vous avez raison de souligner qu'il y a
une majorité, mais laquelle, majorité, est d'abord la plus fondamentale? C'est la majorité populaire. Et il faut
que, finalement, les citoyens aient la conviction, en démocratie
représentative, que leur Parlement est vraiment représentatif. Si le résultat
de leur choix politique, c'est que, finalement, il n'y a pas un parti qui
obtient une majorité parlementaire, alors, à ce moment-là, il y a deux possibilités :
ou bien un parti gouverne avec d'autres, soit en coalition, soit en étant
minoritaire mais avec des alliances ponctuelles qui peuvent durer tout le temps
des mandats. Et la plupart des sociétés modernes occidentales qui ont des modes
de scrutin de type proportionnel, ils ont une stabilité aussi grande et parfois
plus grande que la nôtre, ils n'ont pas d'élections générales plus fréquentes
que nous et, finalement, ils ont des majorités parlementaires. Parce qu'un
Parlement, tout le monde le sait ici, ça fonctionne si on a une majorité
parlementaire, mais une majorité parlementaire peut être soit par coalition,
soit par gouvernement minoritaire.
Et je me rappelle très bien la réponse du
premier ministre Legault lorsqu'il y a eu la conférence de presse après le
dépôt du projet de loi. Le premier ministre, on lui a posé la question, le
journaliste lui a posé la question : Est-ce que vous êtes prêt à vivre
avec des gouvernements minoritaires?, il dit oui, il dit : Les Québécois
sont rendus là, mais ce qui est important, c'est qu'il faut que les
gouvernements minoritaires fonctionnent, et donc il faut changer la culture
politique, c'est-à-dire que, si un parti se retrouve en situation minoritaire,
il faut qu'il y ait des alliances stratégiques qui se fassent.
Et c'est pour ça, et je termine avec ça, qu'un
des principes de l'entente, c'était qu'en fonction, par exemple, de futures
coalitions on devait s'assurer qu'on ait un mécanisme qui garantisse la
stabilité des coalitions. C'est ce que les Allemands ont fait, puis c'est eux
qui ont le modèle, si on veut, exemplaire, parce que les modes de scrutin
proportionnels mixtes compensatoires ont commencé après la Deuxième Guerre
mondiale en Allemagne, et eux ont mis sur pied un mécanisme qui s'appelle la
motion de censure positive ou constructive, qui fait qu'un parti qui accepte
d'être dans une coalition gouvernementale ne peut pas se retirer de la
coalition gouvernementale sans offrir une alternative de gouvernement
majoritaire, donc de majorité parlementaire.
Et moi, je crois, et nous croyons — et
c'est une des propositions de notre mémoire — que le gouvernement et
l'Assemblée devraient introduire ce mécanisme-là dans notre législation, ce qui
fait que, par la suite, si c'est des gouvernements de coalition, bien, il y
aura ce mécanisme-là. Autrement, il faut qu'il se développe ce qui s'est
développé ailleurs, des coalitions... c'est-à-dire des gouvernements
minoritaires qui fonctionnent très bien. Et, encore une fois, ce n'est pas
comme si ça n'existait pas, c'est la norme partout. Pourquoi ça serait si
différent au Québec?
• (10 h 10) •
Le Président (M. Bachand) :
Merci. Mme la ministre.
Mme LeBel : Je vais
peut-être... puis je profite de votre expérience puis de votre intérêt pour
peut-être, justement, éclaircir certains points. M. Massicotte, qui
s'intéresse beaucoup au mode de scrutin également, prétend, lui, que
l'Allemagne n'est pas le modèle à suivre justement parce qu'il y aurait des
distorsions. Ça augmente une augmentation... ça apporte, je pense... puis je ne
veux pas prétendre être experte dans ce qu'il nous dit, là, mais apporterait
une augmentation significative du nombre de sièges. Qu'est-ce que vous lui
répondez, à ce moment-là?
M. Charbonneau
(Jean-Pierre) : Bien, c'est parce que, là, on ne parle pas de la même chose, Mme la
ministre.
Mme LeBel : Je le dis parce que
vous venez de citer l'Allemagne, et lui le cite à l'inverse, donc j'aimerais
comprendre, là.
M. Charbonneau
(Jean-Pierre) : Oui, bien, écoutez, je peux juste vous dire que
c'est pour ça qu'il y a eu des modifications, c'est-à-dire, les modèles
écossais et nouveau-zélandais ont plus ouvert la voie au Québec, parce que,
finalement, la proposition que vous mettez sur la table, ça ressemble,
finalement, à ce qu'on trouve en Écosse, c'est-à-dire une proportion de 60-40
plutôt que de 50-50, c'est-à-dire il y aurait 60 % de députés de comtés
locaux et 40 % de députés de compensation, de liste.
L'autre chose dont je parlais par rapport à
l'Allemagne, c'était le mécanisme pour assurer plus de stabilité dans les
coalitions gouvernementales.
Mme LeBel : Donc, c'est sur cet
aspect-là que vous citiez l'Allemagne.
M. Charbonneau
(Jean-Pierre) : Oui, oui, c'est ça que je voulais signaler en
disant que ça faisait partie des six principes et que nous, bien, on ne le
retrouve pas dans le projet de loi et on pense que vous auriez intérêt... vous
n'avez rien à perdre. Quelqu'un de votre équipe, puis je ne veux pas le nommer
parce que c'était... et qui nous disait : On s'est fait dire qu'on ne
pouvait pas, constitutionnellement parlant, nous, on n'est pas d'accord avec ça
puis on a des avis. Vous pourrez demander au Pr Hugo Cyr, qui est le
doyen de la Faculté de droit de l'Université du Québec à Montréal, je veux
dire, on ne peut pas constitutionnellement prétendre qu'on n'aurait pas la
possibilité, dans notre Loi électorale, de mettre ce mécanisme de motion de
censure constructive. Alors, nous, on pense que vous devriez le mettre, et ça
rassurerait tous ceux qui s'inquiètent de la stabilité future des gouvernements
issus du nouveau mode de scrutin.
Mme LeBel :
Autre chose que j'entends... mais, encore une fois, je vous le dis, je profite
de votre expérience puis de votre intérêt sur le sujet — de
toute façon, votre mémoire est assez complet sur les points plus précis — pour
vous poser une autre question que j'ai beaucoup entendue de la part de mes
collègues, de collègues de l'opposition, de collègues de
l'Assemblée nationale, mais aussi de gens sur le terrain. On n'est pas sans
savoir que les gens sont très attachés à leurs députés, à leurs députés de
circonscription, et le député de région soulève certaines inquiétudes,
certaines craintes sur son rôle, sur son appartenance à la région, sur la façon
dont il fera son travail. Et, si on veut un mode de scrutin proportionnel
mixte, nécessairement, ça prend des députés de région pour la compensation,
c'est le nerf de la guerre. Peu importe qu'on soit d'accord avec le chemin
qu'on a fait ou non, c'est quand même le nerf de la guerre d'avoir des députés
de liste ou de région. Qu'est-ce que vous répondez à cet argumentaire-là qu'on
n'aura plus le lien avec notre député? Mon collègue d'en face l'a un peu... l'a
mentionné dans son introduction, les gens sont très intéressés aux députés de
circonscription, au terrain. Ils ont besoin de ce député-là pour les cas de
comté, vous les connaissez, vous avez été député également. Qu'est-ce que vous
répondez à ça?
M. Charbonneau
(Jean-Pierre) : Je réponds qu'au mois de juin dernier on a
invité, à l'Assemblée nationale... et quelques-uns d'entre vous avez assisté à
ces rencontres-là avec des députés de l'Écosse et de la Nouvelle-Zélande, qui,
eux, vivent ça et, dans certains cas, ils avaient vécu les deux situations.
Certains avaient été députés de circonscription, puis après ça députés de
compensation, puis ils avaient alterné. Le résultat, c'est qu'une fois qu'ils
sont élus, même s'il y a deux mécanismes, ce sont des citoyens... c'est-à-dire
des députés, donc des représentants des citoyens. Ils ont les mêmes
responsabilités, les mêmes fonctions.
Vous avez
actuellement, par exemple, une région où vous avez 10 députés, ils sont
tous du même parti politique. C'est clair que, si on avait le mode de scrutin
que vous proposez, avec des améliorations, on n'aurait pas juste des députés de
ce parti-là, en l'occurrence, dans bien des régions, le vôtre, mais on aurait
aussi des députés des autres partis. La dynamique pour les citoyens qui veulent
avoir accès à des représentants pour faire valoir leurs intérêts, leurs besoins
et leurs préoccupations... ils ne seraient pas juste dans un seul caucus auprès
d'une seule équipe politique, mais ils auraient à la disposition des leviers
politiques dans chacun ou dans la plupart des partis politiques. C'est ça, la
pluralité, c'est que vous avez plus de moyens de représentation, et c'est ça
qui fait qu'une région, que ça soit Montréal, Laurentides, la plupart des
régions où on trouve une dominante, sinon une exclusivité, d'un seul parti,
quand vous allez avoir des régions, et ça va être le cas pour toutes les
régions du Québec au plan électoral, la pluralité politique, vous allez avoir
un accès à plusieurs leviers et à tous les caucus politiques pour chacun des
citoyens. Françoise.
Mme David
(Françoise) : Oui, j'aimerais rajouter deux choses. La première, c'est
qu'on continue d'avoir des circonscriptions plus larges, plus grandes, j'en
conviens, avec des députés. Vous aurez remarqué, je n'ai pas le numéro en
mémoire, mais que, dans notre mémoire, nous proposons, évidemment, une
augmentation des budgets pour les députés, particulièrement dans les régions
dont les territoires sont grands, pour qu'il puisse y avoir, de façon systématique,
par exemple, pour une circonscription, deux bureaux. Ça existe même déjà, j'en
ai vu moi-même à travers le Québec, là, mais on pense que ça, ça doit être
systématisé.
J'aimerais
rappeler, ça ne fait pas si longtemps, j'étais députée. Je vais reconnaître très humblement que le personnel
de mon bureau, en fait, rencontrait beaucoup plus souvent que moi le citoyen,
la citoyenne qui avait une problématique.
Moi, je rencontrais par après si ce n'était pas résolu. Et je pense que ça,
c'est le cas de la grande majorité des députés. Ce n'est pas une façon
de se déresponsabiliser, pas du tout, mais c'est une façon de diviser le
travail.
Par contre, le
député, la députée, effectivement, qu'il soit, ou elle, de circonscription ou
de région, doit s'occuper de dossiers. Et là
je réfléchissais, par exemple, à la région des Laurentides, la problématique de
la route 117. On peut réfléchir au Bas-Saint-Laurent, avec cette
problématique de la 20, qui a des petits bouts, puis d'autres petits bouts
qu'il n'y a pas la 20, ou le traversier, hein? Bon, je les connais un peu, les
régions. Ça, là, ce sont des dossiers dont
des députés de région peuvent parfaitement s'occuper en concertation avec les
députés de circonscription.
Donc, oui, le lien
entre le ou la citoyenne avec son député, il faut trouver de meilleurs moyens
techniques, financiers, des ressources, des locaux. Mais aussi je rappelle que,
dans beaucoup de régions, il y a des dossiers qui transcendent les limites
territoriales des circonscriptions.
Mme LeBel :
Ce qui m'amène à aborder peut-être de façon plus précise le fait de la double
candidature, qui est une des modalités dans le projet de loi. Comme je vous
dis, vous en avez beaucoup d'autres, et on ne les néglige pas parce qu'on n'en
parle pas, mais on va profiter de certains points. Il y a des choix qu'on a dû
faire. Un des arguments contre la double
candidature, c'est d'avoir — je vais prendre une expression que j'emploie
souvent — deux
chances au bat, pour le dire comme ça. C'est-à-dire que, si on est en
circonscription, on n'est pas élu, on pourrait risquer... là, «risquer» n'est
peut-être pas le bon terme, mais avoir l'occasion, plutôt, d'entrer à
l'Assemblée par la porte de la distribution, de la proportion, donc, par un
siège de région.
Et je pense que ça va
au même argumentaire que je vous disais tantôt. Il y a, oui, la meilleure
représentation avec... comme vous l'avez dit, M. Charbonneau, on pourrait
avoir des députés de plusieurs partis, compte tenu de la proportionnalité. Ce
que les gens craignent, c'est deux classes de députés plutôt, aussi, donc un
député de circonscription qui serait confiné à faire des cas de comté pour
être... et le député de région qui ferait des dossiers qui sont, somme toute,
plus... Moi, je n'y crois pas, là, je me fais l'avocat du diable, mais je veux
entendre votre réponse. Parce que je pense que, dans l'organisation, les choses
vont se placer, mais je veux... si ça vient juste de moi, ce n'est peut-être
pas crédible.
M. Charbonneau
(Jean-Pierre) : Vous soulevez, Mme la ministre, deux...
Mme LeBel :
Et la double candidature peut y participer, c'est ce que vous dites, à la
signification de deux classes. Donc, je voudrais que vous fassiez
peut-être un lien avec ça.
M. Charbonneau
(Jean-Pierre) : C'est ça, parce que vous avez deux
questions : un, les deux classes de députés, qui sont souvent mentionnées,
puis la double candidature.
Parlons des deux classes de députés d'abord,
parce que ça, c'est, finalement, plus important pour nous puis pour les
citoyens. C'est-à-dire, à partir du moment où les députés sont en fonction, que
ça soit des députés de compensation ou des députés de comté, tout le monde fait
la même job. C'est-à-dire, un citoyen qui a un problème de comté qui reste à
Saint-Jérôme puis qui, pour toutes sortes de raisons, ne se sent pas
confortable avec le député du parti qui a été élu peut aller voir un, ou deux,
ou trois autres députés dans cette région-là, qui vont le recevoir puis qui
vont traiter un dossier personnel, de la même façon que le député en question
peut être saisi du dossier dont parlait Françoise tantôt, c'est-à-dire la route
dans la région. Par exemple, à Radio-Canada, il y a quelque temps, l'ancien maire de Mont-Laurier disait : Oui,
mais qui va défendre la route x dans la région? Tous les députés, madame,
parce que tous les citoyens de cette région-là sont tous intéressés à ce
projet-là.
Alors, autant les... Moi, j'ai été 25 ans
député à l'Assemblée nationale. J'avais des dossiers de comté, qu'on appelait,
c'est-à-dire des cas individuels, puis des cas collectifs de la région, et je
m'occupais des deux. Et, si j'avais été député de compensation, j'aurais fait
la même chose. C'est ce que font les députés écossais. C'est ce que font les
députés allemands. En Nouvelle-Zélande, c'est différent, parce qu'il n'y a pas
de régions. Mais, en Allemagne puis en Écosse, là, les deux modèles qui nous
inspirent le plus, bien, c'est ça qu'ils font, les députés.
Par rapport à la double candidature, nous, on
dit : Ce n'est pas l'élément le plus majeur, en ce qui nous concerne. Mais
on pense que les gens qui sont réticents à la double candidature disent :
Bien, écoutez, comment les gens réagiraient? Ils ont voté contre un individu, puis
il se retrouverait, finalement, député par la bande à cause qu'il est aussi sur
la liste du parti. La réalité, vous le savez très bien, tout le monde le
sait — encore
une fois, j'ai été assez longtemps ici, à l'Assemblée, pour le savoir — les
gens votent d'abord pour des chefs, pour des partis, et après pour des
individus. Il y a des députés qui se sont fait battre aux dernières élections qui
étaient d'extraordinaires députés, puis il y en avait dans tous les partis
politiques, et malheureusement les citoyens ont perdu ces effectifs-là pour le
bien de... qui auraient pu être des éléments utiles. Alors, on se dit : Pourquoi
un parti se priverait de la possibilité de garder des bons éléments et de
pouvoir faire en sorte qu'ils soient candidats dans un comté puis en même temps
candidats sur une liste? Si le résultat, c'est de récupérer plus, bien,
écoutez, pourquoi pas?
• (10 h 20) •
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Merci beaucoup, Mme la ministre. M. le député de
LaFontaine, vous avez la parole pour une période de
10 min 10 s.
M. Tanguay : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bonjour,
M. Charbonneau, Mme David et M. Dufresne. Merci d'être là
pour répondre à nos questions. En 10 minutes, on n'a pas beaucoup de
temps, alors je vais essayer d'y aller de façon un peu plus précise, et merci
pour vos réponses. Pour la population qui nous écoute à la maison, j'aimerais
que vous nous expliquiez comment prévoit, le projet de loi, la distribution du
nombre de députés de région? Comment ça fonctionne?
M. Charbonneau
(Jean-Pierre) : Je ne comprends pas très bien, mais je vais
essayer de vous expliquer, là. Tu sais, ce n'est pas compliqué, vous avez
17 régions électorales qui sont composées... le gouvernement puis l'Assemblée choisiraient de conserver 80 députés
de comté. Il resterait la différence à être des députés de compensation.
Et là, en fonction du nombre d'électeurs ou de la population, vous commencez à
distribuer le nombre de députés de compensation dans chacune des régions, les
régions les plus populeuses ayant plus de députés de compensation que les
régions éloignées et peu populeuses. C'est pour ça qu'on propose que les
régions éloignées et peu populeuses aient au moins deux députés de... Ça, c'est
une chose. Si vous me parlez de la façon dont, dans une région... ce que
Mme David parlait tantôt, de prime au vainqueur, ça, c'est une autre
question.
M. Tanguay : Non, c'est
ça, c'est sur votre premier point, j'aimerais que vous m'expliquiez, parce que
ce n'est pas anodin, ils prennent... le projet de loi prend les 17 régions
administratives, qui, point de vue électoral, là, ne correspondent pas à notre
réalité de carte électorale des dernières décennies. J'aimerais que vous
expliquiez aux gens à la maison comment le
calcul va se faire pour savoir que, dans telle région, c'est deux, c'est quatre
ou c'est six députés de région qu'ils vont avoir. Comment ça va se
faire, ce calcul-là par quotient?
M. Charbonneau
(Jean-Pierre) : Je vous propose une chose très simple, parce que nous, on a eu les
chiffres, comme vous, il y a à peine une journée : demandez donc à
la ministre et à ses collègues de vous expliquer parce que, finalement, c'est
le Secrétariat à la réforme des institutions démocratiques qui a fait les
calculs selon les paramètres qui sont dans le projet de loi. Demandez-nous pas
aujourd'hui d'être des techniciens puis de vous expliquer la formule qui a été
utilisée par le gouvernement pour arriver à ces résultats-là.
M. Tanguay : Mais vous proposez, aujourd'hui, qu'on adopte le
projet de loi, vous avez même des amendements. Je n'entends pas que vous
ayez des amendements quant au calcul du quotient de nombre d'électeurs pour
dire : Dans telle région, il y aura deux députés de région puis, dans
telle autre, il va y en avoir quatre, mais j'aimerais vous entendre... Vous
l'avez lu, le projet de loi, vous le comprenez. On l'a lu, on le comprend, une
chatte y perdrait ses petits. J'aimerais que vous
expliquiez à la population comment le système de quotient, très complexe, de
division de population par région administrative... expliquiez à la population
comment le projet de loi prévoit de déterminer qu'il va y avoir deux ou quatre
députés de région dans ma région.
Le Président (M.
Bachand) : Mme David.
Mme David (Françoise) :
M. Tanguay... Je pense qu'on a le droit de dire les noms, ici, hein? Ah
non? Bon, O.K. Alors, oui, M. le chef de l'opposition...
Une voix : ...
Mme David (Françoise) : Ah! je
ne sais pas. Non? Bon, bref, je vais répondre. Ça se perd vite. Écoutez, là, on
va être sérieux, là, les chiffres précis, honnêtement, nous les avons eus hier.
On ne pourra pas, ce matin, si vous pensez aux gens qui nous écoutent, là,
commencer, nous, en quelques minutes, à faire une démonstration mathématique de
ce qui est proposé par le gouvernement.
Mais il y a une chose que je peux dire, parce
que je me fais poser beaucoup de questions, moi aussi, par les gens sur le
terrain, comme on dit souvent, là, les gens me demandent comment ça va marcher,
cette affaire-là. Bon, bien, moi, je leur explique. Ce n'est pas si compliqué.
Prenons la région des Laurentides, elle est facile parce que c'est un chiffre
rond. Il y a, en ce moment, 10 circonscriptions, toutes occupées par des
députés de la Coalition avenir Québec. Faites-en pas une chose personnelle, je
prends cette région-là parce qu'il y a 10 circonscriptions. Je pense, il
me semble, que, dans le projet de loi, on se retrouverait à six circonscriptions.
Donc, tout le monde sait ce que c'est une circonscription, un comté, comme on
dit familièrement. Les gens continueraient de voter pour leur député de comté
et il y aurait quatre députés de région. Alors, monsieur, madame à la maison se
dit : O.K., mais ils vont sortir d'où, ceux-là? Ils vont être sur des
listes, des listes présentées à la population, aux électeurs, électrices. Les
gens vont connaître les gens qui sont sur les listes. Ce seront, j'espère bien,
des gens de la région. Et comment sera décidé qui occupera ces quatre sièges de
région? Le Directeur général des élections. Et là, nous, notre proposition,
c'est : Il devrait tenir compte de qui a gagné les circonscriptions, il
devrait tenir compte de quelle est la proportion des votes obtenus par les
autres partis et, suivant des savants calculs mathématiques, dans lesquels je
ne m'avancerai pas, il va donc...
M. Tanguay : ...
Mme David (Françoise) : Bien,
parce que je ne pense pas que ce soit le sujet, en commission parlementaire, de
commencer à s'étourdir de calculs mathématiques. Tout ce que je peux dire, puis
les gens comprennent bien, c'est le principe, M. le député.
M. Tanguay : ...M. le
Président, juste qu'on puisse avoir un échange.
Mme David (Françoise) : Bien
oui, on peut avoir un échange.
M. Tanguay : Mais juste,
question fort simple, parce que vous dites : On a...
Mme David (Françoise) : Je
voudrais juste finir ma phrase.
Le Président (M.
Bachand) : S'il vous plaît!
M. Tanguay : ...
Le Président (M.
Bachand) : Non, M. le député, Mme David, pas en même
temps, parce que les gens veulent vous écouter, alors donc... O.K.? Alors, M.
le député de LaFontaine, s'il vous plaît.
M. Tanguay : Rapidement,
parce que vous venez de dire : On ne va pas... Vous venez de reconnaître que
c'est excessivement complexe. J'avais deux questions sur deux aspects. Il y en
a des dizaines et des dizaines, sinon des centaines, d'aspects dans ce projet
de loi là.
Quand on dit
que c'est un bouleversement de la démocratie, ma question est précisément de
vous demander de nous expliquer, à la lecture du projet de loi, comment
le calcul va se faire pour savoir que, dans telle région, il y en a deux ou il
y en a quatre. C'est un calcul par quotient. Vous venez de m'avouer,
Mme David, en tout respect, que c'était excessivement complexe puis pas
l'objet du débat. Bien, c'est précisément ça, l'objet du débat, puis ça a été
confirmé par le premier ministre.
Puis j'avais
une autre question : Comment on va déterminer les députés de région qui
seront élus, les candidates, candidats de région qui seront élus? C'est
également un système très complexe. Vous venez de dire que le Directeur général des élections fera ces
calculs complexes là, et on... C'est comme si on s'en dissociait. Pouvez-vous
m'expliquer, Mme David, comment l'attribution des sièges de région, après
l'élection, va se faire? Pouvez-vous l'expliquer à la population?
Mme David
(Françoise) : C'est ce que j'essayais de faire. Je disais que les gens
voteront pour leur député de circonscription, mettons, dans une région comme
les Laurentides. Il restera au Directeur général des élections à distribuer les
quatre sièges régionaux. Ces sièges-là seront distribués en tenant compte, si
on en croit le projet de loi, la moitié des votes obtenus dans les
circonscriptions.
Nous, ce qu'on
propose, c'est bien plus simple que ça. Nous, on propose un système qui existe
un peu partout ailleurs. On tient compte de l'ensemble des sièges déjà obtenus
dans les circonscriptions, sachant que le... Les sièges obtenus ne veulent pas
dire que la population de la région a voté à 60 % ou 70 % pour,
peut-être, le seul et unique parti qui a remporté les six sièges. Il faut donc
que les autres partis politiques soient aussi représentés. Et là c'est au DGE à
faire les calculs nécessaires pour que, dans cette région, où il y a quatre
sièges de région, il y ait des sièges pour le Parti libéral, pour le Parti
québécois, pour Québec solidaire et tout autre parti qui pourrait émerger.
C'est comme ça que ça se fait.
M. Charbonneau
(Jean-Pierre) : On dit que c'est un système proportionnel. Ce
n'est pas compliqué, M. le député, puis vous le savez très bien, c'est le
genre de proposition que votre parti a faite en 2004, hein, c'est exactement la
même formule. Il y avait même plus de régions électorales, il y en avait 25, à
l'époque. Qu'est-ce que c'est? C'est-à-dire, vous avez des députés qui sont
élus dans des comtés, et les autres députés de compensation sont en proportion
de l'appui que les citoyens donnent aux autres partis politiques. C'est pour ça
qu'on appelle ça «compensation», parce que ça compense les distorsions, les
injustices, ce que René Lévesque et tout le monde appelaient... et que votre gouvernement
à l'époque aussi condamnait, c'est-à-dire les distorsions. Donc, on a un
système qui compense ces distorsions-là en tenant compte du pourcentage d'appui
des autres partis.
On prend les
Laurentides, là, bien, 45 % des gens ont voté pour la Coalition avenir
Québec, mais 55 % a voté pour les autres partis, mais aucun des autres
partis n'a un seul député dans cette région-là. Et c'est ça, le problème. Et
c'est vrai à Montréal. Vous avez beaucoup de comtés dans votre parti, mais il y
a bien des citoyens qui ont voté autre chose que libéral sur l'île de Montréal.
M. Tanguay :
Donc, deux choses sur le point. Vous dites qu'on l'avait proposé, le Parti
libéral, en 2004. On avait déposé un avant-projet de loi, il y avait une
tournée régionale, on avait consulté la population, puis le résultat de la
consultation, les gens avaient dit : C'est extrêmement complexe, on est
loin d'être convaincus. Et ça, ça avait été mis de côté pour ces raisons-là.
M. Charbonneau
(Jean-Pierre) : M. le député, c'est faux,
ce que vous dites.
M. Tanguay :
Sur cet aspect-là, M. Charbonneau, vous allez me permettre...
Le
Président (M. Bachand) : On n'est pas en débat, ici, hein, on
n'est pas en débat.
M. Tanguay :
Vous allez me permettre... Bien, jusqu'à un certain point, en tout cas, oui.
Le
Président (M. Bachand) : Non, M. le député, on n'est pas en
débat, on est en période d'échange.
• (10 h 30) •
M. Tanguay :
En tout respect, M. Charbonneau, puis c'est correct, je veux dire, on
n'est pas d'accord, on n'est pas d'accord,
mais allez-vous être d'accord avec moi que... Puis là j'essaie de vous faire
venir... puis vous le voyez, là, puis je pense, vous le reconnaissez, honnêtement,
là, par vos réponses, c'est complexe, c'est excessivement complexe, puis il
faut y passer des dizaines et dizaines d'heures pour comprendre combien qu'il
va y avoir de députés de région par région. Il va-tu y en avoir deux? Il va y
en avoir quatre? C'est des divisions par quotient. Les gens ne comprendront pas
ça.
Vous dites que le
Directeur général des élections fera les calculs savants puis, le lendemain de
l'élection, il nous dira : Ah! bien, dans telle région, sur les six
députés de région, il y en a deux QS, deux libéraux, deux Parti québécois.
Êtes-vous d'accord avec moi que, pour que les gens commencent un petit peu à
comprendre, au niveau régional, la division du nombre de députés, de candidats
élus que vous aurez au niveau régional, le diviseur sera le nombre de députés
élus que vous avez eus dans ladite région? Autrement dit, si vous êtes une
région qui a 10 circonscriptions et que vous avez la majorité des députés
de comté dans cette région-là, vous allez diviser et vous allez le pénaliser au
niveau de l'octroi des députés de région. Êtes-vous d'accord avec cette
affirmation-là?
M. Charbonneau
(Jean-Pierre) : Non. Et je vais vous dire une chose, si j'étais
citoyen puis que je vous écoutais ce matin, M. le député...
Le
Président (M. Bachand) : En 30 secondes,
M. Charbonneau.
M. Charbonneau
(Jean-Pierre) : Hein?
30 secondes? Justement, le problème, c'est ça, si je vous écoutais ce matin... et ceux qui vous écoutent, ils ne
comprendront rien, parce que vous avez affirmé je ne sais pas combien de fois
depuis le début que c'est complexe. Et la façon dont vous le présentez, à
escient, je pense, puis je ne vous prête pas d'intentions
malicieuses, c'est que vous complexifiez des choses qui sont simples. Ce n'est
pas compliqué, un système...
Le
Président (M. Bachand) : C'est terminé.
M. Charbonneau
(Jean-Pierre) : Non, laissez-moi terminer. J'ai peu de temps,
j'ai 30...
Le Président (M.
Bachand) : Terminé, terminé, terminé. Merci beaucoup. M. le
député de Gouin, s'il vous plaît, vous avez la parole pour
2 min 32 s. Merci.
M. Nadeau-Dubois : La majorité
des pays développés dans le monde ont des modes de scrutin où il y a une
composante proportionnelle. Est-ce à dire que les électeurs québécois, M. le
député de LaFontaine, sont moins intelligents que les électeurs néo-zélandais,
écossais, allemands, etc.? Est-ce à dire que nous, on est tellement ignares
comme peuple que nous, on ne serait pas capables de comprendre ce que la
majorité des peuples dans le monde, dans les pays industrialisés ont compris?
Le Président (M.
Bachand) : M. le député de Gouin... Je vous arrête, M. le député de
Gouin. Veuillez ne pas vous interpeler entre députés. Vous allez vous
adresser à la présidence, M. le député de Gouin, s'il vous plaît. Merci.
M. Nadeau-Dubois : Alors,
M. le Président, moi, je crois à l'intelligence politique du peuple
québécois.
Une voix : ...
Le Président (M.
Bachand) : Doucement...
M. Nadeau-Dubois : Et je pense
que les Québécois sont capables...
Le Président (M.
Bachand) : Oui, M. le député de LaFontaine, un appel au règlement? Je suis
désolé, M. le député. Oui.
M. Tanguay : Appel au
règlement.
M. Nadeau-Dubois : M. le
Président, il n'y a pas d'appel au règlement, ici, là.
Le Président (M.
Bachand) : Non, non. Bien, il demande... laissez-moi... c'est
moi qui va décider. M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît.
M. Tanguay : Très
rapidement, parce que je ne veux pas empiéter, prête des intentions, comme si
j'avais dit que les électeurs québécois étaient moins intelligents que les
autres électeurs.
Le Président (M.
Bachand) : Parfait. Alors...
M. Tanguay : J'aimerais
qu'il retire ses paroles, M. le Président. C'est assez grossier comme...
Le Président (M.
Bachand) : Donc, on fait... On va continuer, M. le député
de Gouin, rapidement, parce que le temps s'écoule pour vous, là.
M. Nadeau-Dubois : Ça, ce
serait un appel au règlement, mais je ne le ferai pas. Moi, je pense que le
peuple québécois a la même intelligence politique que les peuples similaires
dans le monde et qu'ils seront capables de comprendre le système qu'on leur
propose. Ce qui est beaucoup plus difficile à comprendre, par contre, et ça,
c'est compliqué à expliquer, c'est expliquer
aux électeurs pourquoi certains partis ont plus de votes mais moins de députés.
Ça, c'est compliqué à expliquer. Ça, c'est très, très compliqué à justifier,
démographiquement, beaucoup plus qu'un mode de scrutin qui ressemble à ce qui
existe dans la majorité des pays développés.
M. le
Président, maintenant, j'aimerais donner la parole aux gens qui sont ici
aujourd'hui et qu'on m'explique... et qu'on nous explique en quoi la
fameuse prime au vainqueur qui est incluse dans le projet de loi vient faire
perdre de la proportionnalité au modèle proposé par le gouvernement.
Le Président (M.
Bachand) : Et je vous rappelle, vous n'avez seulement qu'une
minute pour répondre. Je ne sais pas si c'est Mme David qui veut répondre.
M. Charbonneau, une minute.
M. Charbonneau
(Jean-Pierre) : Bon, je vais y aller rapidement. Le problème,
c'est que, si on prend l'exemple des Laurentides, parce que c'est exemple
simple, comme le disait Françoise, 10 comtés, au lieu d'avoir
10 comtés locaux, vous en avez six, puis quatre députés de liste, et donc
de compensation. Avec la méthode du gouvernement, c'est que vous tenez compte
de seulement la moitié des résultats dans les six comtés alors que partout
ailleurs on tient compte du résultat total. La conséquence de ça, c'est que le
parti qui est dominant, en plus, non seulement va rafler tous les comtés
locaux, mais en plus avoir des députés de liste. Donc, vous diminuez la chance
d'avoir un résultat proportionnel à l'Assemblée avec ce système-là.
M. Nadeau-Dubois :
Est-ce que cette manière de calculer existe ailleurs dans le monde?
M. Charbonneau
(Jean-Pierre) : Non.
M. Nadeau-Dubois : Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, M. le député. M. le député
de Rimouski, s'il vous plaît, pour la même période de temps,
2 min 32 s.
M. LeBel (Rimouski) : Merci,
M. le Président. Lors de la dernière élection, il y a une dame qui est
venue me voir, elle dit : Harold, moi, je suis prête à voter pour toi, tu
as fait un bon travail, mais moi, j'aimerais ça voter libéral aussi. Bon, c'est son problème, mais c'est... Je
trouvais que c'était... Elle, elle voulait m'avoir comme député, mais elle
aurait voulu que son vote aille au Parti libéral. Puis je trouve que c'est une
réponse qu'on lui donne, à cette dame-là, aujourd'hui. Puis ce n'est pas la
seule, il y en a plein qui sont venus me voir pour ça. Moi, à la dernière
élection, là, il y a des gens de Québec solidaire qui ont voté pour moi, mais
ils auraient bien aimé aussi voter Québec solidaire. Ça fait que, pour moi,
c'est une réponse à ces gens-là qu'on est en train de faire.
Mais il y a un changement de culture. Ça veut dire,
moi, ma circonscription serait de Rimouski... il y aurait... qu'il se rajoute
Trois-Pistoles, tout le Témiscouata. C'est immense, il faudrait que je couvre
tout ça. Vous amenez des éléments dans votre mémoire que je trouve
intéressants, il faudrait donner des outils. Mais, sur le même territoire, il y
aurait un autre député, un député de liste qui serait là. Et là c'est sûr qu'il
y a un changement de culture, ça fait tellement longtemps qu'on fonctionne de
cette façon-là, mais on est capables d'y arriver. Ce n'est pas si compliqué que
ça, on est capables d'y arriver.
La seule affaire, par exemple, que je dis :
Il faut prendre le temps de l'expliquer au monde. Et je ne suis pas certain que
prendre le temps d'expliquer au monde à travers un référendum où on va parler
de la route 20, qu'on va parler de la culture, des problèmes des
agriculteurs ou que, dans nos poteaux, il va y avoir les photos de Colette, de
Jean-Guy, d'Harold puis d'autres, le Oui, puis le Non... puis c'est des
compagnies de Coroplast qui vont faire de l'argent. Je trouve que c'est mêler
les choses. On devrait faire quelque chose de mieux que ça et... Qu'est-ce que
vous... J'aimerais ça que vous reveniez à votre proposition.
Mme David (Françoise) : M. le
Président, d'abord, je veux dire au député de Rimouski que j'ai déjà vécu la
même situation lorsque je me présentais contre un de ses collègues, la population
de ma circonscription nous voulait tous les deux. Et, bon, il y a eu deux fois
où ça a été lui, puis il y a eu une fois, finalement, où ça a été moi. Mais
c'était un bon député, il aurait amplement mérité de se retrouver sur une
liste.
Ce que je veux vous dire aussi — vous
nous questionnez sur le référendum — le référendum ne peut — et je
le dis en tout respect pour la ministre et son premier ministre — avoir
lieu en même temps que la campagne électorale. Là, on mêle tout et on ne se
donne pas les conditions gagnantes pour obtenir un oui à ce référendum.
S'il doit y avoir référendum, il doit avoir lieu
avant, y compris le vote. Je sais, certains diront : Ça coûte cher, un
référendum. La démocratie, ça ne se monnaie pas, la démocratie implique qu'on y
consacre les coûts et les ressources nécessaires. Et c'est beaucoup plus
démocratique de tenir une consultation sur un seul sujet, avec la société
civile très, très engagée, avec les élus, aussi, très engagés, avec un vote
clair d'une population. On s'occupera de l'élection en un autre temps.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup.
M. Charbonneau
(Jean-Pierre) : Et, dans le projet de loi, M. le député...
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Désolé. Désolé, je dois céder la
parole à la députée de Marie-Victorin pour une période de
2 min 30 s. Mme la députée, s'il vous plaît.
Mme Fournier : Oui.
Merci beaucoup. Je veux prendre le temps vraiment de vous lever mon chapeau
pour toute la démarche que vous avez menée au fil des années. Nous y sommes
finalement, donc je suis bien contente.
Mon collègue de Rimouski l'a abordé, le fait,
justement, que le projet de loi va permettre, lorsque les citoyens vont aller
voter, d'avoir deux bulletins de vote : un pour le candidat dans la
circonscription et l'autre pour les partis. Je crois qu'on s'entend que c'est
un outil vraiment intéressant et qui répond aux attentes des citoyens.
Cela dit, quand on lit le projet de loi, on voit
cependant que le financement public qui va être accordé aux partis politiques
va l'être en fonction du calcul combiné autant du vote pour les députés... pour
les candidats dans une circonscription que
le bulletin de vote global des partis politiques. Qu'est-ce que vous en pensez?
Parce qu'à mon sens ça vient diminuer, justement, l'effet où les gens
vont pouvoir se dire : Bien, je vote pour le meilleur candidat dans ma
circonscription et je vote ensuite pour le parti politique, parce qu'une
personne pourrait se dire : Bien, puisque l'argent va être, disons, compté
de façon globale, ça ne vaut peut-être pas tant la peine d'appuyer le candidat
que je préfère dans ma circonscription. Alors, croyez-vous que ça devrait être
divisé?
M. Charbonneau
(Jean-Pierre) : Ce n'est pas comme ça que ça va se passer. Les
règles que le Directeur général des élections a faites vont faire en sorte
qu'il va y avoir une équité dans l'utilisation des fonds électoraux pour les candidats, parce que, dans le fond, on va tous
parler de candidats — candidats
et candidates — soit
dans des comtés locaux, soit sur les listes, mais ils vont tous être candidats,
et les partis vont avoir des moyens équitables, les uns et les autres, pour
soutenir leurs candidats et leurs candidates.
Ceci étant, ça
soulève un autre problème par rapport à ce que votre collègue disait et ce que
vous dites aussi. C'est que, le problème actuel, avec le projet de loi, par
rapport à la campagne référendaire, c'est qu'elle... Il y a eu un progrès. Au
mois de décembre, quand on a déposé les modifications, la campagne référendaire
va commencer avant, mais le problème, c'est qu'elle va se prolonger pendant la
campagne électorale, et là on va avoir un chevauchement, y compris des dépenses
électorales, puis des dépenses référendaires, puis qui va gérer ça, puis ça va
être un paquet de troubles. Alors, nous, on se dit : Pourquoi ne pas
distinguer les deux opérations, une opération référendaire et une opération
électorale? Quand on va en élection... Oh! allez-y parce que...
Mme Fournier :
En fait, ce n'était pas le sens de ma question. En fait, c'était le financement
public octroyé après les élections, vous savez, en fonction des votes retenus. Il
me semble que ce serait plus juste, conformément à l'esprit du projet de loi,
de financer les partis politiques seulement en fonction du bulletin de vote sur
le parti, donc du deuxième bulletin de vote.
M. Charbonneau
(Jean-Pierre) : Écoutez, je pense que oui. Mais ça, dans le fond, on pourrait très
bien... et l'Assemblée nationale pourrait très bien demander un avis au
Directeur général des élections, qui est aussi le responsable du financement
des partis politiques, pour faire en sorte que le résultat final soit fair-play
et le plus correct possible pour l'ensemble des partis et des candidates et
candidats.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Merci beaucoup de
votre contribution aux travaux de la commission. Ça passe vite.
Alors, on suspend les
travaux quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à
10 h 40)
(Reprise à 10 h 43)
Le
Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Merci de votre collaboration. La commission
reprend ses travaux.
Il me fait plaisir, maintenant, de souhaiter la
bienvenue aux représentants de Groupe Femmes, Politique et Démocratie.
Des voix :
...
Le
Président (M. Bachand) : Et je vous demanderais, s'il vous
plaît, le silence. Merci.
Donc, bienvenue. Je
vous rappelle que vous disposez de 10 minutes de présentation, et par
après, bien sûr, comme vous avez pu le constater,
on aura une période d'échange, sûrement fort intéressante, entre les membres de la commission. Alors donc, je vous cède la parole. Je vous
invite à vous présenter et à débuter votre exposé. Merci beaucoup.
Des voix :
...
Le
Président (M. Bachand) : S'il vous plaît! S'il
vous plaît! Merci. À vous la parole. Merci.
Groupe Femmes, Politique et
Démocratie (GFPD)
Mme Mailloux
(Thérèse) : Merci. Merci, M. le Président. Alors, moi, je suis Thérèse Mailloux,
présidente du Groupe Femmes, Politique et Démocratie. Et je vous présente, à ma
droite, Alban D'Amours, qui est le trésorier du groupe, Marie Lavigne,
qui est la secrétaire du groupe, et Louise...
Mme Lapointe
(Esther) : Esther.
Mme Mailloux
(Thérèse) : ...Esther, excuse, Esther Lapointe, qui est notre directrice
générale.
Alors, merci, au nom
de notre groupe, de nous recevoir à cette Commission des institutions pour
présenter notre mémoire dans le cadre des
audiences publiques portant sur le projet de loi n° 39. On est d'autant
plus heureuses que c'est la première fois, nous, qu'on pénètre dans
cette belle salle Claire-Kirkland-Casgrain, première femme élue et première
femme ministre à l'Assemblée nationale.
Pour nous, la réforme
du mode de scrutin et la modification en profondeur de la Loi électorale,
c'était une occasion à saisir pour pérenniser l'égalité de représentation et
faire de la parité une norme inscrite dans la loi. Dès le début des travaux sur
ce projet de loi, la ministre responsable, Mme Sonia LeBel, nous invitait
à lui faire connaître nos propositions en matière de parité à l'occasion de la
confection du nouveau système électoral. Elle et son équipe ont été à l'écoute
de nos réflexions tout au cours de l'année et nous lui en sommes très
reconnaissantes.
Que propose le gouvernement
dans ce projet de loi, finalement? Il suggère aux partis politiques de
présenter des candidatures dans une zone de parité 40-60 et les contraint à
divulguer leurs objectifs et leurs réalisations à cet égard au cours de la campagne
électorale. Voilà des dispositions qui constituent une certaine avancée. Après
tout, c'est la première fois qu'un gouvernement pose le principe de parité et
formule une obligation pour les partis politiques dans la loi. Mais nous
disons : Il ne faut pas s'arrêter en si bon chemin. Deux obstacles
principaux, selon nous, empêchent une réelle concrétisation de la parité avec
les propositions qui sont sur la table.
D'abord, le principe de parité n'est que suggéré
en préambule et non pas posé comme obligation. C'est un premier obstacle. L'objectif
de parité devrait être clairement énoncé comme une exigence dans la loi. Le législateur
doit en effet signifier aux partis, maintenant financés à hauteur de 73 %
par des fonds publics, que la société attend d'eux un effort pour atteindre la
parité de candidatures et de personnes élues. Ces déclarations ne sont pas
anodines, elles influencent les actions des
partis et transmettent un message à l'ensemble de la population.
À titre de comparaison, le gouvernement
actuel n'a pas hésité à affirmer nettement, dans le corps du projet de loi n° 21, la laïcité de l'État et les principes à respecter
par les institutions parlementaires, gouvernementales et judiciaires de l'État.
Il doit faire une même affirmation de principe en ce qui a trait à la parité.
De plus, selon nous, la zone de parité devrait
être fixée à 45-55 de candidatures, et non pas à 40-60, pour plusieurs raisons
que nous énumérons dans notre mémoire, dont celle-ci : les partis
politiques ont prouvé hors de tout doute leur capacité à atteindre cette zone
de parité plus exigeante, puisqu'aux dernières élections générales ils ont
réussi à présenter 47 % de candidatures féminines et 53 % de
candidatures masculines en moyenne. Pour garantir la parité, donc, premièrement,
il faut renforcer la cible à respecter et la formuler clairement dans la loi.
Deuxième obstacle de taille : avec les
conditions prévues pour la mise en vigueur du projet de loi n° 39,
la parité pourrait ne jamais voir le jour. Pourquoi? Pour être adopté, le projet
de loi devra d'abord obtenir l'appui d'au moins trois des quatre partis
représentés à l'Assemblée nationale, dont la CAQ, et puis la majorité des
articles n'entreraient en vigueur que le lendemain d'un référendum gagné à
50 % plus un lors des prochaines élections générales d'octobre 2022.
Perdues et occultées dans ce projet de loi, les dispositions sur la parité
pourraient donc être englouties avec la réforme si les deux conditions ne se
réalisaient pas. Au jour d'octobre 2022, les citoyens et citoyennes appelés à
voter pour ou contre une réforme du mode de scrutin ne seront peut-être même
pas conscients ou informés qu'ils sont en train de rejeter ou d'approuver des dispositions
sur la parité.
Nous
disons : La parité ne peut pas être soumise à un référendum.
La juste représentation des femmes
relève d'une exigence fondamentale. Il s'agit d'un devoir d'État en vertu des
chartes québécoises et canadiennes et des ententes internationales que
le Québec a signées. Par exemple, le Québec s'est déclaré lié par décret à la
convention sur l'élimination de toutes les
formes de discrimination envers les femmes — c'est mieux connu par la CEDEF — adoptée
à l'ONU et dans laquelle il est expressément
énoncé que les États doivent prendre toutes les mesures nécessaires, y
compris législatives, pour garantir le plein exercice des droits politiques des
femmes. Et c'est bien de ça que nous discutons ici, ce sont les droits
politiques des femmes.
• (10 h 50) •
En plus, l'opinion publique est en faveur d'une
représentation paritaire des candidatures et des personnes élues, les sondages
le confirment constamment, et cet appui est en croissance. La députation de
l'Assemblée nationale a adopté à l'unanimité une motion en ce sens et, au cours
des dernières années, les chefs des partis politiques se sont tous déclarés en
faveur de cet objectif. Presque tous les partis, maintenant, l'incluent dans
leurs statuts. Il est donc temps, parce que le consensus est mûr, d'inscrire
dans la loi cette exigence qui fait consensus pour qu'elle devienne une règle
gouvernant l'ensemble des partis pour maintenant et pour l'avenir. C'est pourquoi
nous demandons aux partis politiques et au gouvernement de mettre en vigueur
les dispositions sur la parité dès la sanction du projet de loi pour qu'elles
soient applicables pour le prochain scrutin.
Nous pensons aussi que la parité doit être
considérée comme une règle obligatoire et une condition de participation aux
élections, comme cela se fait dans de nombreux pays. C'est pourquoi nous nous
réjouissons du fait que le projet de loi n° 39
propose déjà d'assujettir toute la section de la parité à une possibilité de
retrait d'autorisation d'un parti, et nous souhaitons que cette sanction
s'applique aussi à l'obligation de présenter des candidatures paritaires.
Par ailleurs, si le Québec se dotait d'un
nouveau mode de scrutin proportionnel, nous rappelons au gouvernement l'intérêt
de la règle de l'alternance femmes-hommes pour les 45 sièges de région qui
seraient créés par la réforme. Cette mesure est largement utilisée dans le
monde pour les sièges de liste, lesquels sont entièrement sous le contrôle des
partis. Un consensus s'est dessiné là aussi, au Québec, sur cette solution, au
cours des dernières années, non seulement chez les groupes de femmes et la société
civile, mais aussi chez les partis. Dans l'opposition, la CAQ s'y était engagée
par la voix de son chef, M. François Legault lui-même, lors du Sommet des
femmes le 4 mars 2016. Cette technique très efficace permet de garantir
que la moitié des sièges de région iraient à des femmes. L'obligation pour les
partis de présenter des candidatures dans une zone de parité serait alors
conservée pour les sièges de circonscription.
En conclusion, la société québécoise valorise
depuis longtemps le principe de l'égalité entre les femmes et les hommes. Elle
a adopté, au cours des années, des pratiques exemplaires concrétisant les
droits des femmes qui sont source de fierté. Les partis politiques viennent
tous de prouver, en 2018, qu'ils peuvent recruter des candidatures paritaires.
Les dernières élections ont aussi démontré qu'il existe un large bassin de
femmes talentueuses, formées, expérimentées, prêtes à offrir leur expertise
pour servir le bien public. Alors, je vous encourage à profiter de l'occasion
qui nous est donnée avec ce projet de loi pour garantir, maintenant et une fois
pour toutes, la parité de représentation dans cette institution centrale qu'est
l'Assemblée nationale. Merci.
Le Président
(M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme la
ministre, s'il vous plaît, vous avez la parole.
Mme LeBel : Oui, merci. Merci
de votre présentation. Merci d'être ici pour en témoigner. Effectivement, comme
vous le savez, dans nos discussions qu'on a eues au cours de l'année puis
celles qu'on a aujourd'hui aussi, je suis nécessairement pour les notions de
parité, je pense qu'il faut le mentionner d'entrée de jeu, et je suis pour tout
ce qui peut favoriser une présence accrue des femmes aux élections à tous les
paliers de gouvernement possible. Et je pense que c'est important de le dire parce
que ce n'est pas ça, l'objet du débat, est-ce qu'on est pour ou contre, est-ce qu'on
pense que ça doit se faire. D'ailleurs, outre le fait qu'il s'agissait d'un des engagements qui avaient été signés par
M. Legault, qui est maintenant le premier ministre, mais à l'époque était
le chef de la deuxième opposition — merci, je ne veux pas me
tromper dans mes chiffres — je
pense qu'outre ça on peut conclure que c'est également quelque chose qui lui tient à coeur. Il a quand même
présenté... la CAQ — et je
prends vos chiffres pour ne pas heurter personne, je prends les chiffres
qui sont dans votre mémoire à l'annexe — a présenté, avec QS, le plus
grand nombre de candidatures féminines, 52 %. Donc, avant même d'avoir des
incitatifs ou des obligations dans la Loi électorale, nous étions déjà dans la
zone que vous favorisez, Québec solidaire et la CAQ. M. Legault s'était
engagé à présenter, en bout de course, s'il était, naturellement, au
gouvernement, un Conseil des ministres paritaire. C'est fait, ça a été fait, donc je pense qu'on ne peut pas douter de
l'engagement de la CAQ ou de notre engagement. Et je fais partie — en
aparté, c'est mon commentaire personnel — de celles qui pensent
qu'outre la réforme du mode de scrutin la présence des femmes en politique nous
permet de faire les choses autrement, donc j'en suis, naturellement.
Ceci étant dit — je reprends vos chiffres également — le
Parti libéral du Québec et le Parti québécois avaient présenté, à leur tour,
44 % et 40 %, donc n'étaient pas dans la zone paritaire que vous
préconisez. Je souligne que je suis convaincue que les deux autres partis ont
également à coeur, comme nous, comme la CAQ et comme Québec solidaire, de
présenter le plus de candidatures féminines possible, ce qui me fait dire qu'il
y a, des fois, loin de l'intention au résultat. Et, je peux vous le dire, et je
vais faire une partie de témoignage, j'ai participé au recrutement des dames candidates pour la CAQ, et ce n'est pas
facile d'atteindre 52 % de candidatures, même avec toute la bonne
volonté du monde.
Alors, nous avons introduit, donc, dans la
réforme du mode de scrutin une notion de parité parce qu'effectivement elle est
importante. Pensez-vous réellement que la vraie façon d'atteindre nos
objectifs, c'est de rendre ça obligatoire et de soit punir les partis ou de les
récompenser? Il y a le bâton et la carotte dans votre proposition. Compte tenu
du fait qu'à la base il faut quand même convaincre les femmes de se présenter
en politique, c'est un exercice qui est quelquefois difficile. J'ai moi-même
pris — encore
une fois, tranche de vie — huit
mois avant de me décider à me présenter, juste comme directrice adjointe,
donc...
Une voix : Ça a été long.
Mme LeBel : Ça a été long,
hein? Je le sais, je le sais. J'aime ça me faire désirer, aparté. Mais ce que
je veux dire, c'est que ce n'est pas si simple que ça. On peut favoriser ça,
mais c'est plus difficile, pour toutes sortes de raisons dans lesquelles nous
n'entrerons pas aujourd'hui, pour une femme de décider de se lancer en
politique. Donc, je pense qu'il faut convaincre les femmes de le faire, il faut
favoriser ça. Les partis politiques ont déjà pris plusieurs engagements dans
leurs statuts. Je pense que tous les partis politiques ont, dans leurs statuts,
cette notion-là d'atteindre la parité.
Moi, outre, peut-être, les questions, peut-être,
de constitution qui pourraient être débattues, mais je ne veux pas entrer dans
ce débat-là, je me questionne sur le fait qu'on rende ça obligatoire.
Favoriser, j'en suis, on met la notion... mais je me questionne, par
l'expérience que j'ai vécue, est-ce que c'est vraiment la meilleure façon de le
faire, dans le mode de scrutin. Il y a plusieurs façons de le faire, on peut...
en parler en est une, mais est-ce que le mode de scrutin est vraiment la
meilleure façon en rendant ça obligatoire?
Le Président (M.
Bachand) : ...rappeler qu'on doit s'appeler par le titre.
Alors, on a nommé M. le premier ministre par son nom de famille à quelques
reprises...
Mme LeBel : Ah! c'est moi. C'est
moi, en plus.
Le Président (M.
Bachand) : Alors, juste de faire attention. Vous avez la
parole.
Mme LeBel : Oui. M. le premier
ministre.
Mme Mailloux (Thérèse) : Oui,
bon, écoutez, oui, ce n'est pas pour nier les difficultés de recrutement des
femmes, hein? Je pense que toutes les personnes qui travaillent dans ce
domaine-là vont dire : Dès qu'il y a un poste ouvert, il y a
10 hommes qui se bousculent au portillon et que les femmes, elles sont
davantage à convaincre, ce qui ne veut pas dire qu'elles ne sont pas bien
formées, bien capables de... et bien compétentes aussi, aussi compétentes que
l'ensemble des hommes pour faire le travail. Mais ça fait justement partie du
travail qu'il y a à faire pour les partis politiques, si on veut changer la
donne. C'est qu'il y a des pratiques, aussi, à changer, et ces pratiques sont
peut-être aussi de commencer à travailler à recruter des femmes ou à
sélectionner des femmes dès les débuts des années. Vous avez quatre ans, les
partis politiques ont quatre ans avant d'arriver à l'élection, alors ce n'est
sûrement pas dans les derniers mois de campagne électorale que le parti doit
commencer à s'énerver et trouver les femmes qu'il faut. Mais, s'il le fait de façon préparée,
nous croyons que c'est tout à fait possible. Ils viennent de le faire, et
il y a d'autres partis sur la scène canadienne qui le font avec des règles. Et
il y a des stratégies qui sont utilisées pour faire en sorte que, même s'il y a
des assemblées d'investiture, il puisse y avoir une distribution équitable de
femmes et d'hommes candidats. Donc, ça existe, les méthodes existent, les
pratiques existent dans d'autres partis, et je pense qu'il faut tout simplement
se lancer, à ce stade-ci, parce que tout nous prouve que les partis sont tout à
fait capables de le faire.
Et, comme nous disons dans le mémoire, en plus,
on est mûrs, mûrs dans une situation où nous avons beaucoup de partis qui ont
une bonne proportion de femmes, ce qui n'était pas le cas, par exemple, dans
l'élection fédérale qu'on vient de vivre. Et donc il n'y a pas d'effet néfaste,
si vous voulez, sur les hommes qui sont déjà en place. On n'aura pas besoin de
mettre à pied, si vous voulez, ou de demander à un homme de se retirer de son
comté parce qu'il y a déjà un certain nombre de femmes qui sont suffisamment en
nombre pour construire cette parité-là.
• (11 heures) •
Mme LeBel : Bien, je vais
peut-être vous amener sur un autre point. Quand vous parlez de demander à un
homme de se retirer de son comté, bien, ça m'amène une autre question. La CAQ
procède par nomination, par désignation... le terme n'est peut-être pas exact,
mais par désignation. La plupart des partis qui sont en face de moi procèdent
par investiture, ce qui est, quant à moi, une autre étape de... une autre façon
de faire qui pourrait... qui est également très démocratique, qu'on demande
même à un comté ou une circonscription de choisir de son candidat. Vous parlez
de députés de circonscription, aussi, dans une certaine proportion. Est-ce que
ce n'est pas là un certain déni de démocratie, aussi, de dire qu'on impose à
des partis qui ont choisi une façon de faire que... et de peut-être ne pas
faire de la même façon? Parce qu'on devra désigner, à ce moment-là, parce qu'on
ne peut pas garantir... Si on présente des candidats qui ont le droit de se
présenter, se... par les règles des partis, qui ramassent des appuis, qui ont
le droit de se porter candidat — c'est d'ailleurs dans la charte, le droit
de se porter candidat — est-ce
que ce n'est pas un certain déni de démocratie? En voulant bien faire, est-ce
qu'on ne vient pas créer un autre problème, une autre distorsion? Je vous pose
la question de façon très ouverte pour connaître votre opinion sur ce point-là.
Mme Mailloux (Thérèse) : Sur
toute cette question, Mme la ministre, il y a des réflexions qui se font dans
tous les partis. Et, comme je vous dis encore, il y a trois partis au Québec
qui ont déjà ça dans leurs statuts. Alors, il va bien falloir qu'ils trouvent
les stratégies pour arriver à cet objectif-là. Et en plus, on sait, elles
existent, ces stratégies-là. En fait, Québec solidaire peut en parler, je
pense, le NPD, par exemple, au niveau du Canada, peut parler de certaines
stratégies qu'ils utilisent. Et eux, en plus, ils cherchent toujours à avoir
non seulement la parité, mais une certaine diversité et ils procèdent toujours
avec des assemblées d'investiture.
Donc, il y a toutes sortes de techniques
utilisées. Une des plus fréquentes, c'est de regrouper les circonscriptions
entre elles, et là de mettre des objectifs en termes de représentation
paritaire dans un ensemble plus gros. C'est ce qui se fait dans beaucoup de
partis. Ça permet de ne pas juste considérer la circonscription comme telle
mais un ensemble de circonscriptions.
Mme LeBel : On nous...
Mme Mailloux (Thérèse) : Oui,
est-ce que...
Mme Lapointe (Esther) : Est-ce
que je peux ajouter quelque chose?
Mme LeBel : Oui, excusez, oui.
Mme Lapointe (Esther) :
Écoutez, moi, je pense que c'est une question de principe. On dit, dans la
charte québécoise, que l'égalité est une valeur fondamentale au Québec, bien,
on n'a pas hésité à faire des lois pour obtenir l'égalité de fait. Parce que
tout le monde convient que nous avons l'égalité de droit, mais que, dans les faits,
les femmes ne sont pas encore rendues à pleine égalité avec les hommes, d'où,
entre autres, une loi comme l'équité salariale. Et je pense que, quand l'État
proclame une loi sur un principe comme ça, ça envoie un message fort, et les
femmes recevraient ce message-là et elles seraient prêtes à aller en plus grand
nombre.
D'ailleurs, si on parle de nombre, là, c'est
66 femmes, à peu près. Multipliez ça par le nombre de partis, disons
300 candidates sur l'ensemble de la population féminine du Québec. Moi, je
pense qu'on est capables de trouver ça. C'est juste qu'à partir du moment où ça
va être clair pour tout le monde, on va s'enligner puis on va le faire. On a
déjà commencé à le faire.
Mme LeBel : Donc, vous avez
mentionné, dans votre présentation, que non seulement les partis politiques
étaient mûrs, bon, pour les diverses raisons qu'on vient de discuter, mais que
la population aussi était favorable à ce qu'il y ait une parité. Alors,
qu'est-ce que vous craignez? Est-ce que cette notion-là... Parce que vous
proposez d'exclure la mesure du référendum. Pourquoi? Pourquoi est-ce qu'on ne
pourrait pas soumettre cette mesure-là, comme toutes les autres, cette
modalité-là, comme toutes les autres, au référendum?
Mme Mailloux
(Thérèse) : Bon, bien, là-dessus, écoutez, mes collègues pourront
compléter, mais ça nous paraît contre-indiqué totalement. J'ai dit, tout à
l'heure, dans mon allocution, que les petites dispositions sur la parité, c'est
trois, quatre articles, là, deux, trois articles dans un ensemble immensément
complexe, hein, on s'entend, on vient d'entendre tout ça.
Et, vous savez, les électeurs qui vont voter, là, en octobre 2022, ils ne
sauront même pas, là, probablement, qu'ils votent pour la parité ou contre la
parité, c'est totalement perdu dans cet ensemble.
Ça, c'est une raison,
mais il y a bien d'autres raisons. Et la raison fondamentale, à mon avis, c'est
que c'est un droit des femmes qu'on est en train d'essayer d'actualiser, ici,
par des modalités de parité, et, comment dirais-je, on ne peut pas soumettre ça
à un référendum. C'est un gouvernement dûment élu qui a posé tous les gestes en
faveur des femmes. Ne serait-ce que le droit de vote des femmes, il n'a jamais
fait l'objet d'un référendum en 1940. Et toutes les avancées qui sont sur ce
mur-là, quand on arrive à cette salle et qu'on voit les pensions alimentaires,
la réforme du droit de la famille, l'équité salariale, et tout ça, toutes ces
lois-là ont été votées par un gouvernement légitimement élu. On n'a pas eu
besoin d'aller à chaque fois faire un référendum autour de la disposition de
parité ou de l'actualisation d'un principe de parité dans différents domaines.
Donc, ça nous paraît contre-indiqué, d'autant plus qu'il y a risque de refus,
alors qu'on s'entend tous, je pense, là, ici, que la parité, tout le monde est
d'accord, hein, tout le monde est d'accord avec ce principe-là. Donc, si on
rejette ça par référendum, bien, nous, ça nous apparaît absolument
catastrophique, parce qu'on aura ouvert une loi électorale en profondeur, et
c'est une occasion extraordinaire pour y injecter la parité, ce sur quoi on est
pas mal d'accord, tout le monde. Donc, pourquoi ne pas le faire tout de suite
et le faire pour les prochaines élections...
Mme LeBel :
Je comprends. Merci.
Mme Mailloux
(Thérèse) : ...quitte à ce que, si jamais la réforme passe, bien,
nous, on souhaite quand même qu'il y ait une technique, qu'il y ait
l'alternance femmes-hommes qui soit incluse dans les sièges de région, comme
vous les appelez.
Mme LeBel :
Merci. Ma collègue la députée de Labelle avait une question, je crois, M. le
Président.
Le
Président (M. Bachand) : Il reste 1 min 30 s. Mme
la députée de Labelle.
Mme Jeannotte :
D'accord. Bonjour. Merci. Dans le fond, moi-même, ça m'a pris beaucoup de temps
à me décider de faire de la politique active, alors que j'avais étudié dans ce
domaine-là. Donc, vraiment, félicitations pour avoir déposé votre mémoire,
c'est très intéressant. Dans le fond, il y a encore, même... Oui, vous avez
raison qu'on a tendance à dire que tout le monde est d'accord, mais toutefois
on dirait qu'à bas mot on s'interroge. Moi, j'entends encore des gens dire «le
genre». Est-ce que, vraiment, un homme et une femme se comportent différemment
une fois qu'on est en poste? Est-ce que, vraiment, ça... Et, moi, personnellement,
avec mes amies de femmes, elles disent : Moi, ça ne m'intéresse pas, la politique.
Plusieurs disent ça. Mais, quand je leur explique : Mais tu fais de la politique
quand tu envoies ton enfant à telle école plutôt qu'une autre; tu en fais, de
la politique, quand tu choisis de manger de telle façon plutôt qu'une autre;
quand tu choisis de ne pas prendre l'avion, tu en fais, de la politique.
Et puis vous, ce que
vous dites, c'est que c'est tellement important, vous postulez que les femmes
auraient donc une façon différente de gouverner, et c'est basé sur des études.
C'est ce que vous postulez? J'aimerais vous entendre là-dessus.
Mme Mailloux
(Thérèse) : Ce n'est pas tout à fait ça, hein, parce que... ce n'est
pas tout à fait ça, ce serait dire, peut-être, que les femmes sont meilleures
que les hommes, là, puis...
Mme Jeannotte :
On ne veut pas ça.
Mme Mailloux
(Thérèse) : ...on ne rentre pas là-dedans, là, on ne rentre pas là-dedans
du tout, non. C'est juste que les femmes ont été écartées pendant très longtemps,
pendant des siècles, de postes de pouvoir, de postes politiques leur permettant
de définir des politiques du pays, et tout, et ça a été... c'est un cercle qui a
été modelé beaucoup par la présence d'hommes. Et donc les femmes se sentent
souvent mal à l'aise ou un peu défavorisées quand elles approchent ce cercle-là
parce qu'elles n'en connaissent pas nécessairement tous les us et coutumes, et
puis les us et coutumes qui sont déjà établis favorisent un peu plus les hommes
parce qu'on va chercher dans les milieux qu'on connaît déjà, on va recruter des
amis qu'on connaît déjà, etc. Donc, il y a toute cette dimension-là qui fait
que, oui, les femmes peuvent être, comment dirais-je, un peu intimidées devant
cette entrée en politique, bien qu'il y en a qui ne sont pas du tout intimidées
du tout. Mais...
Le
Président (M. Bachand) : En conclusion, s'il vous plaît.
Mme Mailloux
(Thérèse) : Hein?
Le
Président (M. Bachand) : En conclusion, s'il vous plaît.
Mme Mailloux
(Thérèse) : Oui, d'accord. Mais je pense qu'on peut dire que ce qui
est intéressant, c'est que les femmes, plus elles seront nombreuses, plus elles
vont peut-être essayer de changer certaines façons de faire de la politique
parce qu'elles ont une propre culture. D'ailleurs, depuis longtemps, on voit qu'il
y a des études transpartisanes qui se font et qui plaisent beaucoup à l'ensemble
du public de voir que plusieurs partis se mettent ensemble sur une question.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup.
Je me tourne maintenant vers l'opposition officielle. M. le député de LaFontaine,
s'il vous plaît.
M. Tanguay : Pour une
dizaine de minutes, M. le Président?
Le Président (M.
Bachand) : Exactement 10 min 10 s.
• (11 h 10) •
M. Tanguay : Merci beaucoup. Merci beaucoup à vous, Mmes Mailloux, Lavigne, Lapointe et
M. D'Amours, d'être présents et répondre à nos questions. Sur un point, je
pense, de Mme Lapointe, auquel avait initié le débat Mme Mailloux,
lorsque l'on dit... Tout le monde ici... autour de la table, là, il n'y a pas
de partisanerie là-dessus, la parité, faire avancer la participation des femmes
au sein de notre démocratie québécoise, nous y sommes tous. Maintenant, on a
devant nous, avec le projet de loi n° 39, la Loi électorale qui est
ouverte. Je veux dire, il y a des semaines, il y a des années où la Loi
électorale n'est pas ouverte. Ce que vous nous dites, donc, c'est : Faites
avancer la cause des femmes. Et les amendements que vous proposez... puis, dans
mes questions, on y abordera, comment pourrions-nous nous assurer qu'il y ait
plus de femmes en politique. Et je ne veux pas mal citer la collègue de Labelle,
mais, effectivement, c'est un apport tout à fait particulier. Lorsqu'il y a une
parité marquée autour d'une table de décision entre hommes et femmes,
clairement, les décisions sont bonifiées par cet apport-là, quant à leur
pertinence dans notre société, que si ça avait été décidé par 95 %
d'hommes. Il y a réellement un apport tangible d'être représentatif, puis, au
premier titre, entre l'équité, la parité hommes-femmes.
Votre point est tellement clair puis m'incite le
commentaire suivant : Le droit de vote a été reconnu aux femmes, au
Québec, en 1940. Pensez-vous que, dans le contexte de 1940... On peut faire un
peu de politique-fiction, mais je pense qu'on s'en doute pas mal, s'il y avait
eu un référendum, je pense que le référendum, en 1940, n'aurait pas passé. Le
droit de vote n'aurait pas été reconnu aux femmes en 1940, si ça avait été
soumis, est-ce qu'on leur donne le droit de vote ou pas, par référendum,
surtout que ça aurait été probablement... ça aurait été juste des hommes qui
auraient voté. Alors, au-delà de cela, je pense que poser la question, c'est y
répondre.
Alors, ce que vous nous dites, message très
clair... Vous êtes tous d'accord, les députés, là, puis on me détrompera du contraire,
mais je ne suis pas prêt à accepter qu'il n'y ait pas 125 députés sur 125
qui sont pour faire avancer la cause de la
parité des femmes en politique. Vous nous dites très clairement : Ne
mettez pas cette avancée-là tributaire d'un référendum sur un mode de
scrutin. Autrement dit, parité hommes-femmes, excessivement important au
Québec, ne noyez pas ça dans une réforme de mode de scrutin, on n'a pas besoin
du mode de scrutin réformé pour faire avancer la cause des femmes. C'est ce que
vous nous dites clairement ce matin?
Mme Mailloux (Thérèse) : Oui,
tout à fait, c'est ça, d'autant plus, comme je le disais, que la question
référendaire, par exemple, ne portera pas du tout sur la parité, hein? Alors,
c'est un peu complexe pour le citoyen de savoir que toutes ces dimensions-là
sont derrière. Oui, je vais laisser la parole à...
Mme Lavigne (Marie) : Oui,
bien, dans les faits, aussi, c'est que la question de la parité et les
modalités dans la Loi électorale, ça découle, dans les faits, de nos obligations
comme société de concrétiser la parité. Il y a des grands voeux. On s'est
engagés, comme société, à le faire, mais il faut le concrétiser.
Et, juste en amont, la Charte des droits, je
veux dire, ce n'est pas allé en référendum. Ce sont des éléments... on a voté, et les députés... l'Assemblée est
pleinement autorisée à le faire, et ce sont des éléments qui découlent
de ça. Donc, je pense, c'est essentiellement une question de logique, de droit
qui découle d'un processus habituel.
C'est évident
que, pour répondre à votre petite question tantôt, en 1940, s'il y avait eu un
référendum, d'abord, ça aurait été un référendum, évidemment... mais il
y a des députés assez malins qui avaient, à l'époque, suggéré... bien, c'étaient des amis de M. Duplessis, qui
avaient suggéré, en 1940, effectivement, qu'il y ait un référendum parce
qu'ils étaient sûrs que ça ne passerait pas.
M. Tanguay : De grands
démocrates.
Mme Lavigne (Marie) : Donc,
vous l'avez... Ceci dit... Mais, dans les faits, les lois, c'est le Parlement,
et la plus grande réforme qu'il y a eu dans notre système électoral depuis
1792, la plus grande réforme a été d'en faire un système de vote de scrutin
universel, le vote universel.
On se rappelle que le vote était profondément
élitiste lorsque ça a existé. On se rappelle aussi qu'en 1891 il n'y avait que
15 % des Québécois qui votaient, 15 %. Et il y a eu des modifications
à chaque décennie pour atteindre le suffrage universel, qui est arrivé avec le
vote des femmes, mais qui n'était pas tout à fait universel parce que les
autochtones ont été exclus et les personnes handicapées aussi ont été exclues.
Donc, c'est un long processus, et le législateur
l'a toujours fait et a toujours considéré que ce qui concerne la mécanique de
représentation de ses citoyens relève du législateur lui-même. Il l'a toujours
fait, il l'a toujours fait depuis plus de 100 ans. Mais alors, dans les
faits, c'est ce qui explique notre position, en disant : Ça, ça fait
partie de la job des députés.
M. Tanguay : Oui, tout à
fait, et nous en sommes, évidemment, de l'opposition officielle. Et rajoutons à
cela, donc, tributaire d'un référendum, comme on vient bien d'en discuter...
rajoutez à cela une autre couche, c'est que
les avancées, le cas échéant, quant à la parité hommes-femmes, ne seraient pas
mises en application à la prochaine élection de
2022, ça serait en 2026, dans six ans. Donc, si d'aventure le référendum passe
50 % plus un pour savoir si on avance
la cause des femmes au Québec, on rajoute une couche, ça ne serait pas avant
six ans, 2026. Alors, moi, et je veux vous entendre là-dessus, et on
ira, avec le temps qu'il va nous rester, là... on va aller dans, de façon plus précise, ce que vous proposez. La zone paritaire,
ce que vous proposez, c'est que : Mettez de côté, là, pour ce qui est
de cet aspect-là, la réforme de mode de
scrutin, dans la loi qui est ouverte,
39, faites en sorte que ces dispositions-là — puis on a les
articles, vous les avez mentionnés — entrent en vigueur dans les
meilleurs délais et sortez ça du référendum. C'est ce que vous proposez.
Mme Mailloux (Thérèse) : C'est
ça.
M. Tanguay : La zone
paritaire, la zone paritaire, certains auront... et la zone paritaire entre
40 %-60 %, vous la mettez à 45 %-55 %. Je trouve ça très,
très intéressant. Vous allez me permettre un petit clin d'oeil à Mme la
ministre de la Justice, qui a fait, et elle a factuellement raison, état des
candidatures féminines au sein de la CAQ et de Québec solidaire, je crois, qui
étaient plus grandes que du Parti libéral et du Parti québécois, mais ce qui
est important, nous, ce qui nous intéresse
également, oui, bravo, les candidatures, mais c'est le nombre de femmes
qui est élu, effectivement. Parce que, vous le savez, il faut travailler sur le
fait de présenter des candidatures féminines dans des comtés qui ne sont pas le
125e comté qu'on peut prétendre gagner pour un parti politique. Ça, on va
s'y attendre. Puis vous allez me permettre
le clin d'oeil suivant : Le caucus libéral est constitué de 57 % de
femmes, on est au-delà du 55 %, et le caucus caquiste de 39 %
de femmes.
Alors, ça, je le dis amicalement à ma collègue,
mais c'est important d'avoir des candidatures féminines dans des comtés qui
sont gagnables pour un parti politique donné, parce qu'il ne faudrait pas non
plus, puis j'aimerais vous entendre là-dessus, que ce soit une obligation de
dire : Ah! bien, on a notre quota, on est dans la zone paritaire, mais
vous les présentez dans comtés où ils ne pourront pas gagner ou ont de si
faibles chances de gagner que ce n'est pas sérieux. Et surtout que la ministre
de la Justice nous a dit que, dans son parti, bien, c'est le chef qui les nomme
aux endroits donnés, alors ça serait important de les nommer là où ils ont davantage
de chances d'être élus.
J'aimerais vous entendre, donc, sur l'obligation.
Vous, vous diriez : Au-delà du mode de scrutin, on n'a pas besoin de ça,
pour qu'un parti politique soit autorisé au Québec, il doit remplir des
conditions, il doit faire des déclarations, doit récolter des signatures, ainsi
de suite. Sur les deux minutes quelques qu'il nous reste, j'aimerais vous
entendre sur ce que vous proposez, qui est tout à fait, tout à fait louable et
intéressant, de dire : Bien, ce serait une obligation d'autorisation d'un
parti politique que d'avoir la zone paritaire 45 %-55 %, donc, de
candidatures. Et j'aimerais aussi vous entendre au niveau de l'élection
effective de candidatures féminines. Est-ce que vous avez une réflexion
là-dessus par rapport à l'obligation des partis au niveau des... Est-ce que
vous restez uniquement au niveau des candidatures qu'un parti présente entre
45 %-55 %? Est-ce que vous avez une réflexion pour dire : Mais
on espère que ça ne sera pas les 45 derniers
comtés prenables pour le parti, là? Je
pense qu'il faut même aller au-delà de ça. S'il vous plaît.
Mme Lavigne (Marie) : Bien,
là-dessus, il y a eu des études faites là-dessus, et, de façon générale, de
façon générale... et l'étude de Manon Tremblay,
là-dessus, qui a fait le recensement des élections au Québec, ce n'est
pas le genre de distorsion que l'on trouve de façon marquée. Donc, c'est clair,
les partis politiques n'ont pas cette mauvaise foi présumée, là, de certains
qui diraient : Les femmes, on les place juste dans des comtés, bon,
perdus, bon.
M. Tanguay : ...était de
mauvaise foi ni la CAQ non plus, là. Ils ne sont pas de mauvaise foi.
Mme Lavigne (Marie) : Alors, de façon générale, les études montrent que
ça se fait assez correctement. Il y a quand même certaines études où on
remarque qu'il peut y avoir une tendance, mais ce n'est pas une distorsion
majeure. Mais ça, je crois qu'à partir du moment où les partis politiques ont
pris un engagement pour la parité, où les femmes sont présentes dans l'ensemble
des instances, je pense que c'est le bon sens des humains que les choses vont
se rétablir et qu'il ne serait pas approprié... Et là la question que la
ministre posait tout à l'heure, d'obligation, ça ne se fait pas d'obliger un
nombre d'élus, l'élection joue. Donc, c'est la bonne volonté des gens.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup.
M. Tanguay : En quelques
secondes, pour terminer, Mme Lapointe faisait référence à, oui, c'est
important d'avoir des obligations. La loi de 2006 du premier ministre Charest
sur la parité des conseils d'administration des sociétés d'État, au début, les
gens disaient : Bien, ce n'est pas vrai qu'on va imposer ça. Oui, il l'a
fait. Les gens — il
nous le racontait — revenaient
puis disaient : Bien, on n'en trouve pas, des femmes. Bien, il prenait les
candidatures puis il disait : Allez en trouver, allez en chercher,
puis finalement ils en trouvaient, des femmes, d'excellentes candidates.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, M. le député. Merci. M. le député de
Gouin, s'il vous plaît.
• (11 h 20) •
M. Nadeau-Dubois :
Merci d'être là aujourd'hui. Écoutez,
j'ai peu de temps. Je vais vous poser une question dont je connais la
réponse — des
fois, on fait ça — mais
je pense que votre réponse va être plus intéressante que la mienne, et ça va
vous permettre, je l'espère, de donner des exemples. Quand on discute de
parité, comme ça, on aurait tort, je crois, de discuter entre nous puis ne pas
regarder ce qui se fait ailleurs dans le monde. Il y a plusieurs législations dans le monde qui appliquent des mesures pour
favoriser la parité. Il y a certains pays, certains États qui choisissent
l'approche incitative, comme le fait la ministre dans son projet de loi — en
tout cas, dans sa mouture actuelle — et
il y a des pays qui adoptent plutôt votre approche, qu'on partage avec vous, une
approche plus structurelle, une approche plus coercitive, où là on donne
des cibles avec soit des récompenses ou des pénalités lorsque les cibles de
parité ne sont pas atteintes.
Entre les pays qui
ont une stratégie incitative et les pays qui adoptent une approche
structurelle, lequel des deux groupes de pays obtient les meilleurs résultats
en matière de parité?
Mme Mailloux
(Thérèse) : D'abord, il y a
peu de pays dans le monde, aux dernières nouvelles, là, qui avaient des
incitatifs financiers, et, dans ces pays-là, ça n'avait pas l'air de marcher tellement.
Mais, vous savez, c'est très difficile de faire des comparaisons entre pays, il
y a toutes sortes de choses qui comptent, il y a la culture du pays,
l'expérience, où ils en sont déjà, etc., donc c'est difficile. Mais il est vrai
que les incitatifs financiers, dans le monde, ce n'est pas quelque chose qui a
donné tant de résultats que ça en termes de parité.
Ce
qui donne le plus de résultats, ce sont des moyens mécaniques, c'est-à-dire que la parité devient une condition,
une condition de participation aux élections, une condition d'une liste faite
conformément à la loi. Par exemple, dans les scrutins de liste, c'est là
où c'est facile d'introduire la parité parce qu'un parti politique a un plein
contrôle sur ses listes, sur qui il met sur ses listes. Et, dans beaucoup de
pays, donc, on va à la fois donner un pourcentage, quelquefois c'est 50 %,
et on va demander aux partis qu'ils fassent une alternance femmes-hommes sur
leurs listes, de telle sorte que ces listes-là, pour ce type de siège là, vont
livrer automatiquement 50 % de femmes. C'est vraiment une méthode facile,
efficace, qui fonctionne à tout coup, là, parce que, dans le fond, le parti,
c'est sa règle; s'il ne le fait pas, bien, le DGE lui dit : Bien, arrange
ça, là, tu as une semaine pour arranger...
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Merci
beaucoup.
M. Nadeau-Dubois :
Si on souhaite atteindre la parité, c'est comme ça qu'il faut procéder.
Le
Président (M. Bachand) : M. le député, s'il
vous plaît...
Mme Mailloux
(Thérèse) : C'est le meilleur système, à notre avis, puis...
Le
Président (M. Bachand) : S'il vous plaît,
madame, je dois donner la parole au député de Rimouski. Désolé. M. le député de
Rimouski, s'il vous plaît.
M. LeBel
(Rimouski) : Merci, M. le Président. Bonjour. Effectivement, la ministre
en a parlé tantôt, du côté de la CAQ, on fonctionnait par nomination pour
nommer les candidats, ça fait que c'est plus facile, tu as le contrôle. Les
partis comme nous autres, où c'est plus démocratique, le choix des candidats,
il faut y aller par investiture. C'est sûr qu'on peut influencer, mais on ne
contrôle pas, on ne contrôle pas tout le temps.
On a changé nos
statuts, vous l'avez montré, là, on impose, on se donne... on le sait, on a
essayé, là, de valoriser, ça n'a pas marché, là. On essaie de... On dit :
Il faut imposer. Puis il faut se prendre d'avance, comme vous avez dit tantôt,
pas attendre à la dernière minute, là, il faut se prendre d'avance, préparer le
terrain. C'est ce qu'on essaie de faire par région.
Puis je comprends
aussi ce que vous avez dit, la parité, c'est un enjeu en soi, ça ne doit pas
être mêlé dans la loi puis dans un référendum. Mais en même temps la réforme
amène des éléments qui peuvent aider à la parité, entre autres, les députés de
liste. Moi, il me semble que, par région, si les députés de circonscription,
c'est des hommes, la députée de liste devrait être une femme, il me semble
qu'on pourrait comme... L'arrivée des députés de liste peut aider à la parité,
à mon avis, puis c'est un élément important de la réforme.
Mme Mailloux
(Thérèse) : Oui, on ne nie pas ça du tout. Nous, ce qu'on dit, dans un
premier temps, c'est qu'il y a des dispositions sur la parité, celles qui sont
déjà dans la loi et qu'on aimerait bonifier qui... c'est possible de les mettre
tout de suite en vigueur. Pourquoi? Parce qu'elles ne sont même pas ajustées à
la réforme du mode de scrutin. On ne parle pas de liste, et tout ça, c'est tout
simplement un voeu ou une suggestion de présenter des candidatures dans une
zone 45-55 et de faire connaître ces objectifs-là. Tout ça, là, ce n'est pas
relié à la réforme, alors mettons ça en vigueur tout de suite.
Par ailleurs, nous
disons : Si la réforme passe, oui, nous souhaitons, nous aimerions que le
gouvernement considère cette autre technique qui est très efficace, qui est
l'alternance femmes-hommes sur les listes, avec une liste sur deux commençant
par une femme. Ça ne touche que les sièges de région, on s'entend, mais c'est
une arme formidable pour la parité dans ce type de siège là. Et, à ce
moment-là, ce que nous disons, bien, le 45-55, il s'appliquerait seulement aux
sièges de circonscription, à partir de ce moment-là.
M. LeBel
(Rimouski) : Je trouve ça intéressant, on pourrait le regarder, mais
je pense... comme les circonscriptions, ceux-là qui ont des investitures, c'est
plus difficile à gérer, je pense que, quand on arrive aux députés de liste, à
l'alternance... C'est une façon, mais on pourrait aussi s'assurer que, si les
députés de circonscription, c'est des hommes, il faudrait que la députée de
liste soit une femme. On devrait être capables de compenser, même si ça ne
respecte pas toujours l'alternance... ça devrait... on devrait donner une
priorité à une candidature féminine. C'est pour ça qu'on a plus... on aurait
plus de contrôle du côté des députés de liste.
Mme Mailloux
(Thérèse) : Oui, mais c'est pour ça que nous, on demandait quand même
une exigence pour les députés de
circonscription, pour plusieurs raisons, hein? Il y a des recherches qui
démontrent que, quand on est passé, dans certains pays, à des scrutins proportionnels,
ce qui s'est passé, c'est que les femmes ont été largement investies dans les sièges de liste, les minorités
aussi, et les sièges de circonscription, qui sont les sièges qui sont un
petit peu plus valorisés, surtout quand on sort d'un système uninominal
majoritaire à un tour comme le nôtre... Les sièges de circonscription sont plus
valorisés, donc plus de compétition, parce qu'en plus ils sont regroupés, là,
hein, ils deviennent plus gros, comme volume, comme territoire. Et donc il y a
une tendance, ça s'est passé en Nouvelle-Zélande notamment, où les hommes se
sont concentrés dans les sièges de circonscription puis les femmes dans les
sièges de liste. Alors, ça... (panne de son) ...quelque chose que nous
souhaiterions. Nous souhaiterions qu'il y ait une bonne diversité ailleurs.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Mme la députée de Marie-Victorin, s'il vous
plaît.
Mme Fournier : Oui.
Merci, mesdames, monsieur, de nous rappeler l'importance d'une loi sur la
parité à part entière. Parce que, bien que, oui, la culture politique change,
que les partis politiques démontrent de plus en plus de volonté d'avoir des femmes au sein de leur équipe de candidats, je
crois qu'il faut s'assurer de la pérennité d'une telle volonté politique
pour que ça soit plus qu'une mode, mais que, vraiment, ça s'instaure dans notre
système politique. Donc, je suis totalement d'accord avec vous.
Ceci étant dit,
si on peut utiliser la réforme du mode de scrutin pour favoriser qu'il y ait
davantage de femmes qui soient tentées, justement, de se lancer en
politique, ce sera, évidemment, une bonne nouvelle. Et, si on pouvait la
combiner avec une loi sur la parité, ce serait encore mieux.
Ceci étant dit, dans le projet de loi qu'on a
entre les mains, le projet de loi n° 39, le gouvernement a choisi, dans
cette première mouture, du moins, d'exclure la possibilité d'une double
candidature, c'est-à-dire d'être autant dans
une circonscription que sur une liste. Puis je me demandais, de par votre
expertise, est-ce que vous croyez ou pas qu'une telle disposition
pourrait avoir une influence, disons, sur les femmes qui souhaitent se
présenter en politique? Est-ce qu'elles seraient plus tentées, peut-être, de se
présenter si elles avaient la possibilité de pouvoir être sur une liste et de
se présenter dans une circonscription, ce qui garantirait peut-être une plus
grande possibilité d'être élue?
Mme Mailloux
(Thérèse) : Écoutez, on n'a
pas regardé... En fait, quand on a regardé l'ensemble des modifications
apportées par une éventuelle réforme du mode de scrutin, on s'est questionné,
effectivement, pour chacune de ses caractéristiques en regard de l'impact sur
les femmes, et en fait on n'a pas vu qu'il y en avait tant que ça, d'impact sur
les femmes, ni pour la double candidature ni pour le seuil. Et donc il y a un
certain nombre, comme ça, de caractéristiques qui échappent un peu à cette
notion-là. Puis je pense que le Directeur général des élections, en 2007, avait fait un rapport, justement, pour
regarder l'impact de différentes possibilités de seuil ou de caractéristiques
et il n'avait pas trouvé beaucoup d'impact sur les femmes. Oui, Alban.
Le Président (M. Bachand) :
Très rapidement, M. D'Amours.
M. D'Amours (Alban) : Par ailleurs, il faut tenir compte du fait que nos
propositions, nous, tant pour le 45-55 que
cette question que vous abordez, nous sommes plutôt favorables à toute mesure
qui maximise la probabilité de faire élire des femmes. Alors, si, dans
la réflexion du législateur, vous croyez que cette mesure peut favoriser,
maximiser cette probabilité de faire élire des femmes, forcément, nous allons
être d'accord avec cette idée.
Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Merci
beaucoup pour votre participation aux travaux de la commission.
La commission suspend ses travaux quelques
instants. Merci.
(Suspension de la séance à 11 h 30)
(Reprise à 11 h 35)
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Merci beaucoup. La commission reprend ses travaux.
Je souhaite maintenant la bienvenue aux
représentantes du Conseil du statut de la femme. Comme vous connaissez maintenant
le système, vous avez 10 minutes de présentation, après ça on a un échange
avec les membres de la commission. Encore une fois, bienvenue, et la parole est
à vous. Merci.
Conseil du statut de la femme (CSF)
Mme Cordeau
(Louise) : Alors, bonjour. Louise Cordeau, je suis présidente du Conseil du statut
de la femme. Je suis accompagnée de Mme Mélanie Julien, qui est
directrice de la recherche et de l'analyse par intérim au conseil.
Et d'entrée de jeu je dois vous dire que c'est
la première fois que le conseil présente un mémoire dans la salle qui porte le
nom, donc, Mme Marie-Claire Kirkland, de celle qui a déposé le projet de
loi constitutif du Conseil du statut de la femme. Alors, de parler de parité aujourd'hui,
je pense que c'est tout à fait pertinent.
Alors,
pour mémoire, le Conseil du statut de la femme est un organisme gouvernemental
dont la mission est de conseiller la ministre de la Condition féminine et le gouvernement
du Québec et d'informer le public sur tout sujet lié à l'égalité entre les
femmes et les hommes. En cohérence avec sa mission, le conseil présente devant
cette commission un argumentaire essentiellement axé sur la représentation des
femmes à l'Assemblée nationale du Québec. Il se distingue donc des mémoires qui
seront présentés par des personnes ou des groupes spécialisés dans les
différents modes de scrutin.
Plus précisément, le conseil centre aujourd'hui sa réflexion sur le concept de parité, qui établit que les
femmes et les hommes doivent participer de façon équivalente à l'exercice du
pouvoir parce que l'humanité est composée de personnes appartenant à ces deux
catégories. Cette participation paritaire contribue ainsi à une vie
démocratique plus juste et plus éclairée.
D'entrée de jeu, rappelons quelques faits. Il y a
près de 80 ans, les Québécoises ont obtenu le droit de voter aux
élections générales du Québec et d'être élues. Bien qu'elles composent
50 % de la population, elles sont toutefois loin de représenter la moitié des personnes candidates et élues à l'Assemblée nationale du Québec. Entre 2000 et 2014, la proportion de femmes candidates et de femmes
élues a stagné autour de 30 % et a même connu des reculs ponctuels.
Nous devons cependant
souligner le caractère historique de l'élection de 2008, les femmes
représentant plus de 47,4 % des candidatures
et 41,6 % des parlementaires. Ainsi, pour la première fois au Québec, les proportions de femmes
candidates et de femmes élues ont atteint la zone paritaire que le conseil
établit entre 40 % et 60 %. Ces résultats, bien qu'encourageants,
demeurent fragiles parce qu'ils ne concernent qu'une seule élection et qu'ils
présentent d'importantes disparités
régionales. En effet, huit des 17 régions administratives du Québec n'ont
pas atteint la proportion de 40 % de femmes élues. Ces résultats
démontrent aussi la pertinence d'obstacles... la persistance, pardon,
d'obstacles à la juste représentation des femmes. Nous le savons, plusieurs
facteurs interfèrent dans la décision des femmes de s'engager en
politique : leur socialisation, la conciliation famille-vie parlementaire,
la culture politique et parlementaire, autant d'aspects sur lesquels il importe
d'agir.
D'autres facteurs ont
un impact plus direct sur le recrutement et la sélection des candidates.
Prenons pour exemple les processus de recrutement et de sélection, qui ne
tiennent pas toujours compte du temps de réflexion plus long dont les femmes
ont parfois besoin avant de s'engager en politique, la culture des partis
politiques, les règles informelles de recrutement qui tendent à favoriser les
hommes, plus habitués à développer et à entretenir des réseaux et des cercles
d'influence. Dans ce contexte, nous sommes convaincus qu'une révision de la Loi
électorale peut avoir un effet sur les pratiques de recrutement et de sélection
des candidates et des candidats au sein des partis politiques.
Dans le cadre de la
présente commission parlementaire, le conseil accueille favorablement l'énoncé
contenu au préambule du projet de loi affirmant que «les partis politiques
devraient viser à atteindre la zone paritaire, en présentant entre 40 % et
60 % de candidates aux élections générales». De façon implicite, le législateur
signale ainsi qu'une sous-représentation des femmes à l'Assemblée nationale
prive la dynamique politique d'un apport précieux à la gouvernance du Québec.
Un tel considérant
aurait pu présager des dispositions législatives qui en assurent la
concrétisation. Le conseil constate que ce n'est pas le cas. Rappelons que le projet
de loi prévoit que chaque parti présentant des candidatures doit transmettre au
Directeur général des élections d'abord un énoncé relatif aux objectifs que se
fixe son parti en ce qui concerne la parité et, par la suite, un rapport au
sujet de l'atteinte de ces objectifs fixés.
• (11 h 40) •
Encourager les bonnes pratiques et demander d'en
rendre compte paraissent au conseil des initiatives louables mais
largement insuffisantes pour assurer une représentation paritaire des femmes et
des hommes à l'Assemblée nationale. Disons-le, ces mesures s'avèrent timides.
Le conseil estime donc qu'il faut des mesures fermes pour s'assurer d'une juste
représentation des femmes sur la scène politique québécoise, et les raisons
sont nombreuses.
Le principe de la
parité fait l'objet d'un fort consensus au Québec. À titre d'exemple,
rappelons-nous que l'Assemblée nationale du Québec a consacré, dès 2006, le
principe de parité dans la Loi sur la gouvernance des sociétés d'État, qui oblige ces dernières à constituer des conseils d'administration composés à parts égales de femmes et
d'hommes, et cette obligation a été respectée dans le délai prescrit de cinq
ans. Les bénéfices de la mixité dans la gouvernance des organisations ont
d'ailleurs été démontrés dans une étude récente de l'organisation mondiale du
travail. Elles montrent que la mixité dans la gouvernance des organisations est
associée — et
je donne quelques exemples — à
une productivité et des profits accrus, à une plus grande capacité à attirer et
à conserver les talents, à l'amélioration de la réputation de l'organisation et à une augmentation de la créativité, de l'innovation
et de l'ouverture d'esprit. Autant d'arguments pour concrétiser de façon
formelle le principe de la parité.
De plus, ce consensus
sur la parité en politique s'est exprimé au sein des partis politiques, d'organismes
de la société civile et de la population. À cet égard, un sondage Léger–Le
Devoir réalisé en 2018 indique que 69 % de la population québécoise
considère que les partis politiques devraient être tenus de présenter une
proportion égale de candidatures féminines et masculines.
Enfin, les
spécialistes s'intéressant aux différents modes de scrutin conviennent que
certaines dispositions obligatoires ont des effets directs sur la
représentation des femmes parmi les parlementaires.
Ainsi, considérant
que les femmes et les hommes composent à parts égales l'humanité, considérant
que l'importance d'une représentation paritaire des femmes et des hommes sur la
scène politique québécoise fait l'objet d'un
large consensus, considérant la fragilité des avancées réalisées par les femmes
dans le cadre des élections générales, considérant l'incidence des
pratiques des partis politiques sur la participation des femmes à titre de
candidates à une élection, considérant que
la notion de parité est reconnue dans le préambule du projet de loi n° 39
comme un principe fondamental à la vie
démocratique qu'il importe donc de concrétiser de façon pérenne, en conséquence
le conseil recommande à la Commission des institutions de modifier le projet de
loi de façon à, premièrement, inscrire dans la Loi électorale le principe de
parité comme fondement démocratique et électoral, deuxièmement, inscrire dans
la Loi électorale une disposition spécifique exigeant que les partis politiques
soient tenus de présenter entre 40 % et 60 % de candidatures
féminines, et ce, dès les élections générales de 2022 et, troisièmement,
inscrire, dans la section relative aux circonscriptions et régions électorales,
une disposition exigeant que les partis politiques soient tenus de présenter,
pour les sièges de circonscription, des candidatures parmi lesquelles la
proportion des femmes et des hommes se situe entre 40 % et 60 % et de
composer des listes régionales de candidatures dans lesquelles s'alternent les
candidatures féminines et masculines et dont la moitié débute par une
candidature féminine.
La
réalité de la représentation des femmes dans notre société constitue un enjeu
collectif qui commande, au-delà des
intentions, des changements dans les règles auxquelles sont soumis les partis
politiques lors d'élections générales. L'étude du projet de loi
n° 39 crée une occasion incontournable d'inclure dans la Loi électorale
des dispositions assurant que les femmes et les hommes, qui composent à parts
égales la société, participent aussi à parts égales aux décisions politiques qui la concernent. Cet important geste du
législateur transmettrait de surcroît un message fort quant à la valeur
fondamentale de l'égalité qui prévaut dans la société québécoise et dont nous
sommes si fiers. Merci.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup pour votre
présentation. Mme la ministre, s'il vous plaît.
Mme LeBel :
Merci, M. le Président. Merci beaucoup à vous deux, mesdames. Merci,
Mme Cordeau, d'être présente aujourd'hui.
Je réitère que je
partage les principes de parité. Je partage le fait qu'il faut travailler
ensemble pour favoriser la présence des femmes dans les lieux décisionnels, y
incluant les élus à tous les paliers de gouvernement. On en a déjà parlé, même,
avec la commission quand on faisait la tournée dans le domaine municipal, etc.
Donc, je pense qu'il faut... On part la discussion avec ce principe de base là
qu'on est tous d'accord avec la parité. Maintenant, c'est de savoir comment la
faire et à quel endroit c'est le plus approprié.
Je vais en profiter
pour examiner... Peut-être une première question qui me titille puis qui a peut-être
l'air évidente pour vous. Groupe Femmes, Politique
et Démocratie nous propose 45-55, vous proposez 40-60. J'avoue
que je vais vous demander quelle est la différence et pourquoi cette
nuance, parce qu'elle a mentionné qu'elles auraient pu dire 40-60. J'aurais pu
leur poser la question, mais on est parties sur autre chose, mais...
Mme Cordeau
(Louise) : Pas de problème, on arrive après elles. 40-60 est traditionnellement
la position de la zone paritaire qui est reconnue depuis toujours par le Conseil
du statut de la femme. On est quand même conscients, et je ne l'apprendrai à personne
ici, autour de la commission, que c'est plus complexe, recruter une femme. On
sait qu'il y a presque eu des quotas volontaires, à la dernière élection, des partis
politiques parce que le chiffre de 40 apparaissait à peu près à tout le monde
comme le minimum. Groupe Femmes, Politique et Démocratie propose de hausser le
seuil à 45 %. Nous, on croit que le 40-60, dans une première étape, serait
important. C'est important, c'est incontournable. Maintenant,
si, dans une deuxième étape, on veut passer au 45-65, bravo! Et j'ajouterais
que, si, de par les travaux de la commission et par les travaux qui auront lieu
à l'Assemblée nationale, vous décidiez que c'était 45-55, on n'y verrait pas de
problème.
Mme LeBel :
Ça devient à l'intérieur du 40-60, donc on est en business.
Mme Cordeau
(Louise) : On est cohérents avec nous-mêmes.
Mme LeBel :
Voilà. Je vois, dans votre mémoire, il y a, à la page 17, l'aperçu
historique des propositions du conseil sur
la parité. Outre les pourcentages, là, qui s'expliquent au fil des années... 1994,
25 %; 2002, vous suggériez 30 %; 2005, vous suggériez que les partis
politiques présentent au moins
30 %; et naturellement, en 2015, 2017, donc jusqu'à maintenant, on est rendus dans le 40-60. Donc, je n'en suis
pas sur les pourcentages, je suis capable de comprendre l'évolution historique de tout ça, j'en suis plutôt sur le mécanisme :
1994, des primes aux partis qui font élire; 2002, des primes aux partis
qui font élire; 2005, on a des primes aux partis qui présentent. Donc, on
avait, je pense, fait la nuance que vos collègues
précédentes ont faite, c'est-à-dire que... et que mon collègue le député
de... ah! désolée...
Une voix :
...
Mme LeBel :
...Gouin — merci, merci — le député de Gouin a mentionnée, c'est-à-dire, bon, la liberté électorale. À un moment donné, on ne peut pas
forcer le vote. Donc, on voit que cette nuance-là apparaît en 2005. Par contre,
en 2010, vous revenez avec des primes aux partis qui font élire, ce que je
trouve particulier, mais pas dans un sens négatif, et, pour 2015‑2017, vous
avez passé des primes aux pénalités.
Dans le fond, ma question
est beaucoup plus sur cet aspect. Pourquoi, de 1994 à 2010 — 2010,
qui est quand même assez récent dans notre vie — vous êtes passés de la
notion de prime, c'est-à-dire d'inciter avec des primes, à la notion de
pénaliser de façon financière les partis politiques qui ne seraient pas dans
une zone paritaire qui serait rendue obligatoire?
Mme Cordeau
(Louise) : Écoutez, je vais vous répondre au meilleur de ma
connaissance, sans vouloir trahir l'histoire du conseil, parce que vous
comprenez que je n'y étais pas à aucun moment, sauf en 2017. Je pense que l'évolution de la pensée du conseil dépend aussi du... Et je
l'ai dit d'entrée de jeu, le conseil est constitué aussi de membres, de la
vision qu'avaient les membres du conseil, de la façon dont on devait atteindre
la zone paritaire.
Vous avez tout à fait
raison, Mme la ministre, d'entrée de jeu, il faut que l'exercice démocratique
se fasse. Donc, que ce soit pour un pourcentage de femmes qui sont candidates
nous apparaît aujourd'hui essentiel. Il est vrai... Et j'y étais en 2017, c'est
moi qui ai présenté le mémoire devant la commission, où on parlait de pénalités
financières, parce qu'on avait même donné, je me souviens, dans notre mémoire,
l'exemple de la France, où des pénalités financières avaient été imposées. Les
partis, dans un premier temps, avaient préféré payer ces pénalités financières,
et les pénalités financières ont dû être augmentées de beaucoup pour que les
partis s'y soumettent et que ça donne des résultats. Donc, en 2017, les membres
du conseil considéraient que l'imposition de pénalités était préférable à des
compensations.
Et aujourd'hui moi,
je peux vous dire ici, devant la commission, que les membres de notre conseil
souhaitent des mesures plus fortes,
souhaitent des mesures qui soient très significatives, quand je parlais de
mesures concrètes, donc, des rejets de liste si on n'atteint pas le
40 %. C'est l'évolution de la pensée du conseil, et aujourd'hui nous y
sommes avec cette position-là.
• (11 h 50) •
Mme LeBel :
Alors, c'est pour ça que je vous... Vous avez devancé ma question suivante,
effectivement. J'imagine que c'est parce que le conseil... Même si vous n'étiez
pas là, historiquement, on peut penser que le conseil, à chaque étape, pensait
que c'était la meilleure façon d'atteindre les résultats. Donc, aujourd'hui,
vous en êtes sur le rejet de liste plutôt
que la pénalité financière. J'ai d'ailleurs eu ces discussions-là avec vous et
avec le groupe précédent, dans les consultations préalables, où il ne
faut pas oublier que, quand on introduit une notion d'obligation dans la loi,
il doit y avoir une conséquence au non-respect d'une obligation qui est
clairement édictée par la loi. Donc, pour vous, la conséquence, c'est tout
simplement le rejet de la liste. Est-ce que c'est parce que vous pensez qu'il
n'y aura pas de pénalité financière assez significative pour ne pas faire en
sorte que certains partis pourraient choisir de payer la pénalité plutôt que de
présenter la candidate, pour toutes sortes de raisons qu'on ne discutera pas,
là?
Mme Cordeau
(Louise) : Oui. On pourrait en discuter longtemps, mais le
premier argument qui me vient en tête, c'est de ne pas contourner la loi, tout
simplement, parce qu'à partir du moment où c'est obligatoire on ne peut pas la
contourner, la loi, donc on n'ouvre pas une parenthèse en disant : Oui,
mais, si vous ne le faites pas, il y aura peut-être ça. Donc, c'est une façon
de ne pas la contourner.
Mme LeBel :
Pensez-vous... Bon, je comprends que les mesures qui sont, dans le fond... Bon,
je pense qu'on peut convenir que les mesures qui apparaissent, présentement,
dans la proposition qui est faite dans le projet de loi, sont quand même une
avancée, il n'y a rien dans le mode de scrutin actuel. Je ne dis pas ça pour
recevoir une tape dans le dos, mais pour
faire un constat. Donc, on introduit quand même une notion de parité, on le
fait par des mesures qui sont
qualifiées d'incitatives plutôt que de coercitives. Et la philosophie derrière
tout ça, c'est que les partis politiques devront... ce sont les citoyens
qui, au bout du compte, pourront décider si un parti politique a rempli ses
obligations ou non. Et, on le dit souvent, en politique, on paiera le prix de l'électorat,
c'est-à-dire de ne pas... si les citoyens ne sont pas contents, ne nous
favoriseront pas dans les élections.
Est-ce
que vous pensez que ces mesures minimales, comme vous les avez nommées, là,
pour l'instant, dans la chose, à
l'instar du groupe précédent, devraient entrer en vigueur, nonobstant la tenue
d'un référendum ou nonobstant la réforme d'un mode de scrutin? Parce
qu'elles ne sont pas liées au mode de scrutin, au type de mode de scrutin, là.
Mme Cordeau
(Louise) : Tout à fait, et c'est d'ailleurs l'une des
recommandations que l'on fait, que ces règles-là
concernant la parité s'appliquent dès la prochaine élection et qu'en
conséquence la Loi électorale soit modifiée nonobstant le processus démocratique qui apparaîtra suite au référendum
qui pourrait avoir lieu à la prochaine élection.
Mme LeBel :
Avez-vous des exemples dans les études que vous avez faites, très certainement,
au conseil? Parce que je connais le travail extrêmement rigoureux que vous
faites. Quels sont les autres pays où cette notion de parité là... J'aurais pu
poser également au groupe précédent, mais quels sont les autres pays, à votre
connaissance, où ces notions-là sont obligatoires, avec des mesures
coercitives, donc, où on a le top du top, si on peut le dire comme ça, là, en
matière de parité dans un mode de scrutin? Puis ce n'est pas un piège. Si vous
n'avez pas l'information, ce n'est pas grave, là.
Mme Cordeau
(Louise) : Non, non, non, mais on avait l'information. Mais je
pense que mes collègues, aussi, qui m'ont précédée ont mentionné qu'il faut
faire attention, lorsqu'on fait des comparaisons, parce que tout dépend des
valeurs égalitaires qui sont dans ces pays-là, la façon, le nombre de temps
pour lequel les mesures ont été implantées. Mais
la Bolivie et le Mexique sont deux exemples. Nous avons travaillé aussi avec
Mme Manon Tremblay, qui est une des spécialistes de ces
matières-là, et c'étaient deux exemples, là, qu'elle nous donnait.
Mme LeBel : Et je vais
peut-être vous poser une dernière question, peut-être un peu plus délicate,
mais à laquelle il va falloir réfléchir, parce qu'il y a des groupes qui s'en
viennent, et on parle de diversité. On va parler de diversité culturelle, de
diversité ethnique, de diversité des genres également. Donc, comment
proposez-vous que l'on compose avec tout ça, si on met des obligations pour les
femmes, on met des obligations pour la diversité, on met des
obligations... Tout ça est louable, là, je ne suis pas en train de dire que ce
n'est pas des... mais comment est-ce qu'on compose avec tout ça, après ça, sur
un nombre de listes limité, un nombre de circonscriptions limité, un nombre de
candidatures limité? Et je veux bien, d'entrée de jeu, dire que ce sont tous
des principes louables auxquels on adhère, mais avec lesquels il faut composer,
parce qu'ils sont nécessairement une influence les uns sur les autres. Alors,
comment proposez-vous qu'on arrime tout ça, là?
Mme Cordeau
(Louise) : En tout respect, Mme la ministre, les femmes ne
constituent pas des minorités. Les femmes ne devront jamais être considérées au
même titre que différentes minorités qui doivent être représentées, là. La
diversité doit exister, là, dans notre société, c'est un impératif, mais je
pense qu'on peut difficilement comparer 50 % de femmes — un
peu plus, même, que 50 % de femmes — donc, qui constituent plus de
la moitié de la population du Québec.
Mme LeBel : C'est pour ça que
je me suis bien gardée de dire «de minorités», j'ai parlé de la diversité avec
laquelle il fallait composer pour l'introduire. Et une des composantes d'un
système mixte proportionnel est d'être capable de favoriser, justement,
l'émergence de... la présence, pardon, de ces gens-là à l'Assemblée nationale.
C'est quand même une réalité, à partir du moment où on établit des quotas, je
vais le dire comme ça, qui sont louables, là, et tout ça — je
n'en suis pas sur les principes, j'en suis sur les résultats factuels — bien,
ça laisse moins de place pour le reste. Et, à partir du moment où on introduit
plusieurs types de quotas différents, pour toutes les raisons qu'on vient de
mentionner, il y a une question d'équilibre, à un moment donné, puis je voulais
juste un peu avoir votre point de vue là-dessus. Mais j'ai bien parlé de
diversité et non pas de minorités.
Mme Cordeau
(Louise) : C'est certain que ces femmes et ces hommes qui
composent 50 % de la population représentent aussi la diversité.
Mme LeBel : Ça va pour moi. À
moins qu'un de mes collègues ait une question, moi, ça va, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) : Autres questions du côté ministériel? S'il n'y a pas
d'autre question, M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît.
M. Tanguay : Oui, merci beaucoup, M. le Président. Alors, bienvenue.
Merci, Mme Cordeau, d'être présente, et Mme Julien également,
pour répondre à nos questions.
Ce qui est important, c'est qu'évidemment c'est
dans le contexte du projet de loi n° 39, qui est
énorme, je veux dire, il y a eu... Déjà, le projet de loi n° 39,
là, a plus de 200 articles et a été déposé avant les fêtes, encore un
autre 160 articles pour le référendum, la mécanique référendaire, et tout
ça.
J'aimerais
vous entendre sur l'importance, donc, de faire avancer la cause des femmes, la
participation des femmes, la
parité — vous
l'établissez dans la zone 40 %-60 % — et sur le fait que, dans le fond... puis
après ça on ira, dans un deuxième temps, sur les candidatures
féminines de liste, là, mais qu'on pourrait... Si l'objectif, c'est
d'avoir 40 %-60 % de femmes candidates, on pourrait très bien le
faire sans le rendre tributaire d'un référendum sur un projet de loi de 400 articles, ou à peu près, sur
réforme de mode de scrutin. Êtes-vous d'accord avec cette affirmation-là?
Mme Cordeau (Louise) :
Et c'est pour ça que, dans notre mémoire, on fait une recommandation spécifique
à l'effet que le principe de la zone paritaire et les dispositions afférentes à
la zone paritaire s'appliquent dès l'élection générale de 2022.
M. Tanguay : Est-ce que
votre objectif pourrait être tout aussi bien atteint en l'excluant de la
réforme du mode de scrutin? Est-ce que vous iriez jusqu'à faire cette
affirmation-là?
Mme Cordeau
(Louise) : Déjà, en 2017, on demandait une modification de la
Loi électorale sur ces mêmes propositions là.
M. Tanguay : Sans avoir
besoin de modifier le mode de scrutin?
Mme Cordeau
(Louise) : Exactement.
M. Tanguay : Et là, si
je fais un pas de plus dans la conversation, lorsque vous dites : Bien, si
d'aventure... Donc, ce serait en plus,
autrement dit, donc, que les obligations soient exprimées dans la Loi
électorale et entrent en vigueur avant la prochaine élection pour avoir
l'objectif qui est 40 %-60 % parité, candidatures féminines, vous
dites : Bien, pour ce qui est de l'autre aspect, mode de scrutin, bien,
qu'il y ait, sur les candidatures de liste, l'obligation de présenter cette
parité-là, mais j'imagine également, puis peut-être que j'ai mal compris, aussi
sur les candidatures des 80 circonscriptions qui demeureraient également,
là?
Mme Cordeau
(Louise) : Tout à fait. Donc, avec un mode de scrutin
proportionnel, donc, le principe de la parité s'applique tant dans les
circonscriptions, qui soient des circonscriptions que l'on appelle — je
vais juste les reprendre — les sièges de
circonscription, que dans les listes de candidatures où on aurait l'alternance.
Donc, dans les sièges de circonscription, le 40-60 s'applique aussi.
M. Tanguay : Excellent.
Et vous proposez donc de faire ces amendements-là au projet de loi pour que ce
soit un projet de loi, autrement dit, à deux vitesses, qu'on fasse avancer la
cause de la parité et que ce soit applicable. Parce qu'il faut rajouter une
autre couche, puis vous avez été témoins de la conversation, j'imagine, qu'on a
eue un peu plus tôt avec le Groupe Femmes, Politique et Démocratie, qui était
exactement sur cet enjeu-là également et cette approche-là, qu'a fortiori ça ne
soit pas tributaire d'un référendum, mais qu'a fortiori que ce ne soit pas
uniquement applicable en 2026, parce qu'attendre un autre six ans on ne peut
pas se permettre ça, comme société, c'est ce que je comprends.
• (12 heures) •
Mme Cordeau
(Louise) : Exactement, et c'est ce que je viens de dire. Dès
2017, le conseil, même avant, proposait que des mesures concrètes soient
prises, donc qu'on modifie la Loi électorale pour inclure ce principe de cette
zone paritaire là.
M. Tanguay : Je vais
laisser, M. le Président, ma collègue de Bourassa-Sauvé...
Le Président (M.
Bachand) : Merci, M. le député. Mme la députée de
Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.
Mme Robitaille : Bonjour, M. le
Président. Bonjour, mesdames. Merci d'être ici. Il nous reste combien de temps,
M. le Président?
Le Président (M.
Bachand) : Six minutes.
Mme Robitaille : O.K.,
d'accord. Vous dites, et c'est bien, et j'en suis : Imposons des quotas de
candidats dans les circonscriptions élues, entre autres, là, mais mon collègue
amenait un point intéressant tout à l'heure : on impose des quotas, mais
un parti pourrait facilement contourner ça, puis finalement... Parce que le but
ultime, c'est d'avoir des candidats élus... d'avoir la parité au salon bleu,
d'avoir autant de députés femmes que d'hommes. Disons qu'on impose ces quotas-là et il y a des mesures plus coercitives,
peut-être, mais comment on fait pour qu'ultimement on ait des femmes dans
des comtés gagnants pour certains partis et que, finalement, en bout de ligne,
on ait la parité de députés élus? Vous comprenez ce que je veux dire?
Mme Cordeau
(Louise) : Je comprends ce que vous voulez dire, mais c'est une question qui est éminemment
complexe parce que comment on définit un comté gagnant? On va se poser cette
question-là, d'abord. Et moi, je pense que la notion de la zone paritaire, la
notion de parité, la notion d'imposer des règles fait en sorte que ça donne un
signal. Ça donne un signal clair, ça donne un signal à l'effet que tant les
femmes que les hommes, en proportions égales, sont candidats, sont candidates
dans des circonscriptions. Alors, d'essayer de dire comment on fait pour que le
comté soit gagnant ou pas, ça, c'est le jeu de la démocratie qui s'exerce.
Maintenant, il y a une obligation des partis politiques, qui est l'autre
aspect, mais la démocratie s'exerce, et ça, je pense qu'il n'y a personne qui
a, ici, autour de cette commission, une boule de cristal pour dire c'est quoi,
la recette, là.
Mme Robitaille : C'est ça. Donc, on met un cadre, puis, à partir
de là, bien, la démocratie fait ce qu'elle a à faire.
Mme Cordeau
(Louise) : Tout à fait. Et, si vous me permettez, je donnais, dans l'exemple de ma
présentation, la Loi sur la gouvernance des sociétés d'État. En 2006, bon, on
disait — tantôt,
on y faisait référence : Est-ce qu'on va avoir assez de femmes? Pire,
est-ce qu'on va avoir assez de femmes compétentes? Ça, c'est le pire, quant à
moi, parce qu'on ne se pose pas toujours la question pour l'inverse. Et,
d'autre part, est-ce qu'on va être en mesure de trouver des candidatures? Bien,
aujourd'hui, 14 ans après, il y a des conseils d'administration de
sociétés d'État qui sont constitués
majoritairement de femmes, qui sont présidés par des femmes. La question ne se
pose plus. Alors, on y croit, au principe de cette parité-là. En 2006,
on l'a fait, on l'a bien réussi, on est dans la saine gouvernance. Pourquoi
l'Assemblée nationale n'aurait pas ces mêmes règles?
Mme Robitaille : Oui. Vous disiez, tout à l'heure... en fait, le
groupe femmes et démocratie disait quelque chose d'intéressant, tout à l'heure, c'est que c'est vrai que, pour une
femme, peut-être, le milieu politique est peut-être... a été un peu
rébarbatif parce qu'il y avait juste des hommes. Alors, il y a un effet
d'entraînement : plus il y a de femmes
au sein de l'Assemblée nationale, plus on aura de femmes qui voudront tenter
leur chance et qui se sentiront... qui verront ça autrement. C'est ce
que je comprends.
Mme Cordeau
(Louise) : Tout à fait. Et, au-delà des modèles... Oui, les
modèles sont un des facteurs, mais il y a tellement d'autres facteurs qui
influencent la présence des femmes en politique, puis ça, on pourrait en reparler
longtemps, c'est un autre sujet, mais...
Et je vais me permettre, rapidement, de vous
donner un exemple pour se dire que, si on ne l'impose pas, peut-être que les choses ne changeront pas aussi
vite. Je prends l'exemple, on est à l'Assemblée nationale du Québec, des
Parlements, des Parlements qui ont lieu ici, des Parlements jeunesse et des
Parlements écoliers. En 2016, le Parlement écolier, qui
s'adressait aux élèves de sixième année, avait 65,6 % de filles, le
Parlement des jeunes, qui visait le troisième et quatrième secondaire, en avait
65,2 %, le Parlement collégial en avait 43,6 %, le Parlement qui
comptait des jeunes entre 18 et 25 ans, donc le Parlement étudiant,
31 %. On passe de 65 % à 31 % de jeunes filles en 2016. Et c'est
le Parlement jeunesse qui a imposé des règles pour avoir 50 % de
candidatures, qui en a eu. Ces jeunes-là, là, ce n'est pas tant les modèles,
là, c'est toute la question de la socialisation, c'est tout ce qu'on leur
apprend. Et ces jeunes-là, ils n'ont pas 50 ans puis 60 ans, là, ces
jeunes-là sont dans la trentaine. Alors, si on ne se dote pas de mesures comme
signal important, je pense qu'on va l'attendre longtemps, cette parité-là.
Mme Robitaille : La ministre
disait, tout à l'heure : C'est difficile de convaincre des femmes, des
fois ça prend plus de temps. Et, justement, ce que je comprends de ce que vous
me dites, c'est que, si on est un peu plus coercitifs, si on est plus
structurants, d'une certaine façon, on pousse ça et on pousse cet effet
d'entraînement là qui va... ça fait boule de neige plus vite, d'une certaine
façon.
Mme Cordeau
(Louise) : ...signal fort. Noémi Mercier, une journaliste dans L'Actualité de 2017, comparait... et ce n'est qu'une comparaison, mais
finalement il y a des facteurs externes qui font en sorte... qui favorisent,
puis elle comparait toute cette question de
la zone paritaire puis de la présence des femmes ou des hommes en politique à un
coureur qui a le vent dans le dos, il va se
rendre plus vite au fil d'arrivée, c'est une mesure qui favorise. Alors, il
faut le voir non pas comme quelque
chose de contraignant, mais comme quelque chose qui, à moyen et long terme,
favorise.
Mme Robitaille : ...il y a
comme un effet d'entraînement. Est-ce que vous avez fait des études à savoir
comment on fait pour valoriser le travail de politicien au sein des femmes?
Comment on fait pour vendre ce métier-là au sein de la population féminine?
Mme Cordeau
(Louise) : Écoutez, non, je n'ai pas d'étude scientifique à ce
sujet. Cependant, je pense qu'il faut se
poser aussi des questions sur comment se vit le parlementarisme, quelles sont
les valeurs de la vie parlementaire, et je pense que les questions sont
multiples. Comment vendre? Il y a toute la question de l'implication sociale
qui est là aussi dès la jeunesse. Il y a les zones d'intérêt des femmes qui
peuvent se déployer. Alors, comment vendre? Ce n'est pas simple. Mais je pense
que le fait de transformer, à la base, lorsque les enfants sont jeunes, toute
la question de la socialisation, le fait aussi que peut-être que les formations
politiques, de par certains réflexes culturels, transforment certaines façons
de contacter des femmes, d'approcher des femmes... Il y a plusieurs facteurs
qui interfèrent dans le fait que des femmes se présentent en politique.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de Gouin, s'il vous
plaît.
M. Nadeau-Dubois : Merci beaucoup d'être avec nous aujourd'hui.
Peut-être une petite parenthèse. D'abord, la ministre demandait : Ce genre d'alternance là, ça existe dans
plusieurs pays? Vous avez donné deux exemples. Il y a des experts qui
recensent quand même 29 pays dans le monde où il y a des formes
d'alternance sur les listes. Donc, c'est quand même largement répandu. Puis ce
n'est pas toujours une alternance stricte 1-1. Parfois, c'est un sur
trois, parfois c'est un sur cinq, mais, la notion d'alternance sur des listes
de candidatures dans des modes de scrutin proportionnels, il y en a quand même
dans 29 pays, et pas seulement des pays qui étaient très en retard en
matière d'égalité hommes-femmes, y compris des pays où l'égalité est plus
avancée, notamment la Belgique, l'Espagne et le Portugal. Bref, il y a des
exemples de pays qui sont relativement comparables au Québec, où il y a
néanmoins une obligation d'alternance sur les listes. Là, je parlais bien des
listes, pas des objectifs en matière de circonscriptions. Fin de la parenthèse.
Ma question pour vous, c'est concernant une proposition
que le conseil a faite en 2015 et 2017 et qui ne se retrouve pas dans vos
recommandations aujourd'hui, c'est-à-dire la question des pénalités financières
aux partis qui ne respecteraient pas un recrutement paritaire, là, vous
proposez entre 40 % et 60 %. Pourquoi est-ce que vous le proposiez en
2015 et 2017 et pourquoi est-ce que vous ne le proposez plus aujourd'hui? Là,
je parle, bien sûr, de la zone paritaire pour ce qui est du recrutement dans
les circonscriptions traditionnelles.
Mme Cordeau
(Louise) : Le conseil actuel a fait le choix d'aller plus loin
dans les obligations, dans les mesures coercitives et, comme je le disais
tantôt, de procéder par le Directeur général des élections, qui procéderait à
un rejet de liste plutôt qu'à des pénalités.
M. Nadeau-Dubois : Considérant
qu'on parle ici de candidatures non pas sur des listes, mais dans des
circonscriptions, comment est-ce que ça pourrait fonctionner, par exemple, dans
le cas de partis qui procèdent à des investitures démocratiques? Si, par le jeu
des investitures, un parti a 38 % de candidatures féminines, comment ça se
passerait avec le Directeur général des élections, à ce moment-là? Quelles
candidatures seraient évincées?
Mme Cordeau
(Louise) : Si vous me permettez, je vais demander à Mme Julien,
qui a étudié en profondeur ce dossier-là, de vous répondre.
• (12 h 10) •
Mme Julien
(Mélanie) : En fait, notre posture, c'est que, pour les prochaines
élections, donc, on maintient un mode de scrutin majoritaire, et, dans ce cas
de figure là, ce qu'on demande, c'est que, dans la Loi électorale, il soit indiqué que, pour qu'un parti politique soit tenu de
participer aux élections, il puisse avoir entre 40 % et 60 % de
candidatures féminines.
Le
Président (M. Bachand) : M. le député de Rimouski, s'il vous
plaît.
M. LeBel
(Rimouski) : Merci, M. le
Président. Bonjour. Moi, je peux témoigner, je rôde autour du Parlement
depuis quelques années déjà, et il y a beaucoup de choses qui... il y a eu
beaucoup d'avancées, là. Des groupes de femmes,
des militantes ont fait avancer beaucoup la cause des femmes dans le Parlement,
on le voit, là. À l'Assemblée, l'autre jour, à un moment donné, dans un
débat, j'étais le seul homme qui était dans l'Assemblée, c'étaient les femmes députées qui étaient là. C'est quelque
chose qu'on n'aurait pas vu il y a quelques années. Ça fait qu'il y a
des choses qui continuent à avancer. Puis je pense que l'avancée de la place
des femmes n'est pas attachée complètement au projet de loi. On peut faire
avancer encore des choses, puis on le fait dans nos partis, mais le projet de
loi, il permet quand même de faire certaines choses avec l'arrivée des députés
de liste et des... tout ça.
Vous n'en parlez pas
dans votre mémoire, mais amener tout ça, un projet de loi si important, lors
d'un référendum, en même temps où on va discuter des problèmes des
agriculteurs, des problèmes des manques de places en CPE, est-ce que vous
pensez que c'était une bonne idée de faire toute cette bouillabaisse-là? Puis
est-ce qu'on ne serait pas mieux de faire un référendum avant puis discuter à
fond des choses?
Mme Cordeau
(Louise) : Écoutez, je comprends que c'est une question qui vous préoccupe, mais,
eu égard à l'expertise du Conseil du
statut de la femme, d'entrée de jeu, je l'ai mentionné, on ne se prononce pas
sur la pertinence ou pas de l'exercice démocratique, mais on insiste sur
la représentation des femmes à l'Assemblée nationale.
M. LeBel
(Rimouski) : Le projet de loi amène
un changement de culture important dans les régions. On va le voir dans la façon de se choisir des candidats,
des candidatures, de la façon qu'on va travailler avec les députés. Je
vois ça, moi, comme un changement culturel qui va toucher beaucoup de monde. Ça
fait qu'il faut bien l'expliquer, puis c'est faisable de bien l'expliquer.
Je reviens encore,
est-ce que, personnellement, vous pensez qu'on peut bien expliquer ces
choses-là dans un référendum fourre-tout à travers... plein dans une campagne
électorale?
Mme Cordeau
(Louise) : Écoutez, si je parle de ce qui nous préoccupe, donc
de la zone paritaire, vous comprendrez qu'on en parle quand même depuis déjà
longtemps au Québec. Je parlais du sondage Léger-Le Devoir, donc, ça fait déjà plusieurs années que la
population du Québec est sensibilisée aux impacts de parité, et, on
s'entend, cette question-là ne ferait pas partie du référendum.
M. LeBel
(Rimouski) : Merci.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de
Marie-Victorin, s'il vous plaît.
Mme Fournier :
Oui, merci. Merci de relever l'importance,
justement, d'adopter des modifications législatives pour assurer la
parité à l'Assemblée nationale. Je me rappelle très bien de votre présentation
en 2017, lors de la commission parlementaire sur la question et je me rappelle
aussi très bien qu'à ce moment-là le gouvernement libéral de l'époque
s'opposait aux mesures pour la parité, malheureusement.
Ceci étant dit, je
crois qu'un des éléments fondamentaux du projet de loi, ce que ça va apporter
sur notre système politique à long terme,
c'est que ça va introduire davantage de collaboration entre les différents
parlementaires. Ça va changer profondément la culture politique, et ça, je
crois que ça va avoir une influence directe sur la capacité des femmes,
justement, à se projeter dans le système politique, parce que... corrigez-moi
si je me trompe, mais les facteurs qui sont souvent évoqués par des femmes qui
hésitent à faire le saut sont souvent, disons, cette partisanerie très élevée
qu'on peut retrouver, présentement, à l'Assemblée nationale ou, bon, cette
espèce de compétition, parfois même d'agressivité de ton dans les débats.
Donc, croyez-vous...
justement, sur le principe, avec la réforme du mode de scrutin, est-ce que ça
va inciter davantage de femmes à se reconnaître dans le système politique?
Mme Cordeau
(Louise) : C'est difficile de dire que c'est la réforme du mode
de scrutin qui permettrait à davantage de femmes de s'identifier. Je pense que
c'est le nombre de femmes qui seraient élues et qui seraient candidates, la
diversité des candidatures aussi qui feraient en sorte de transformer les
choses. Si, advenant une réforme du mode de scrutin, on se dote de moyens
concrets pour assurer cette parité, c'est sûr que l'adéquation entre le fait
que les femmes se sentent davantage impliquées, représentées... et le résultat
serait en parfaite cohérence.
Mme Fournier :
Merci.
Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Merci beaucoup de votre travail
en commission, c'est très apprécié.
Je suspends les
travaux quelques instants pour permettre à l'autre groupe de prendre place.
Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 15)
(Reprise à 12 h 17)
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend
ses travaux. Avant de céder la parole au prochain groupe, j'aurais besoin du
consentement pour allonger la séance jusqu'à 13 h 05 maximum.
Consentement? Consentement. Merci beaucoup.
Donc, je souhaite la bienvenue aux représentants
de l'Union étudiante du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de
10 minutes pour votre présentation, et après nous aurons une période
d'échange. Merci beaucoup. La parole est à vous.
Union étudiante du Québec (UEQ)
M. LeBel (Philippe) : Bonjour,
tous les membres de la commission. Merci de nous avoir invités ce matin. Je
suis Philippe LeBel, président de l'Union étudiante du Québec.
M. Prévost (Francis) : Francis Prévost, je suis coordonnateur aux
affaires sociopolitiques à l'Union étudiante du Québec.
M. LeBel (Philippe) : Donc,
l'Union étudiante du Québec, dans le fond, c'est une fédération d'associations
étudiantes universitaires. On représente près de 90 000 membres un
peu partout au Québec, là, de l'Abitibi à Sherbrooke, premier cycle comme
cycles supérieurs, et francophones et anglophones.
Notre mission est bien simple, c'est de défendre
l'accessibilité aux études supérieures. Pour y arriver, c'est important que la voix étudiante soit entendue et
représentée à l'Assemblée nationale. C'est pourquoi l'Union étudiante du
Québec est en faveur d'une réforme du mode de scrutin depuis sa création. La
réforme permettrait d'augmenter la représentativité du vote minoritaire, ce qui
est souvent nécessaire pour les petites universités de région. Ça devient
possible avec une redistribution régionale. Aussi, la création de listes
permettrait de mettre en place des mesures en lien avec nos valeurs, par
exemple l'amélioration de la représentativité des groupes sous-représentés à
l'Assemblée nationale, notamment, comme on va vous en parler, améliorer la
parité femmes-hommes.
On le sait, les jeunes ont un faible taux de
participation dans les élections générales. Montrer une volonté d'améliorer la
démocratie réduirait le cynisme et augmenterait la confiance et la
participation des jeunes au processus démocratique. C'est pourquoi, quand
quatre partis politiques ont signé une entente, en mai 2018, pour améliorer
la... en vue d'une réforme du mode de scrutin, la population étudiante a
commencé à y croire. L'Union étudiante du Québec était très heureuse de voir un
dépôt de projet de loi cet automne, ce qui est un pas dans la bonne direction.
Mais évidemment le projet de loi soumis n'est pas parfait, puis on est ici ce
matin en espérant pouvoir vous proposer des solutions pour améliorer l'atteinte
des objectifs qui sont communs.
• (12 h 20) •
M. Prévost (Francis) : Donc, on
va commencer en vous parlant de la parité femmes-hommes. Donc, comme vous le
savez probablement tous et toutes, les femmes représentent, là, 50 % de la
population québécoise mais uniquement 42 % des élus à l'Assemblée
nationale. Il y a donc un certain retard à combler.
On tient quand même à souligner que le projet de
loi n° 39 tente d'adresser la situation en demandant aux partis, là, d'envoyer
leurs objectifs au Directeur général des élections quant à la parité
hommes-femmes et, par la suite, un rapport sur l'atteinte de ces objectifs. Par
contre, on est d'avis qu'il faudrait aller plus loin, donc de viser minimalement la zone paritaire, idéalement ce
qu'on appelle la parité stricte, là,
donc 50 % d'hommes, 50 % de
femmes.
Le nouveau mode de scrutin, évidemment, ne peut
pas pallier au manque de représentation féminine à l'Assemblée nationale par
lui-même, mais il y a toujours des modalités qu'on peut mettre en place, là,
pour mettre les conditions favorables à rattraper ce déficit-là. Donc, la
première modalité, c'est en recourant, là, aux listes de candidatures
régionales, donc c'est pour ça qu'on, en fait, recommande l'imposition, là, aux
partis politiques autorisés de constituer des listes de candidatures régionales
dans lesquelles il y aurait minimalement, là, 50 % de candidatures
féminines. Si jamais ce n'est pas le cas, la liste, là, serait refusée par le
Directeur général des élections.
C'est aussi important de s'assurer que cette
parité soit présente, là, dans toutes les régions du Québec. Il y a toujours un
peu le danger, là, d'une concentration de candidatures féminines dans certaines
régions seulement. Pour pallier à cette éventualité-là, ce qu'on recommande,
là, en fait, là, c'est que l'alternance femmes-hommes soit obligatoire sur les
listes de candidatures régionales. Évidemment, si ce n'est pas le cas, la liste
serait refusée.
Une autre mesure complémentaire pour aller dans
la même optique, là, de rattrapage de la représentation des femmes à
l'Assemblée nationale serait, en fait, qu'il y ait une femme qui figure au
premier rang de la moitié des listes régionales, ce qui ferait en sorte que,
dans huit listes, il y aurait une femme qui figurerait au premier rang, là, des
listes.
On est d'avis, là, que ces mesures vont pouvoir
contribuer à réduire, voire possiblement rattraper le déficit de représentation
féminine à l'Assemblée nationale. On est d'accord, là, qu'il y a, évidemment,
beaucoup d'autres mesures qui doivent être mises en place dans d'autres
domaines. Par contre, dans le cadre des consultations sur le projet de loi
n° 39, c'est nos recommandations en ce qui a trait à la parité
hommes-femmes.
La deuxième section
de notre mémoire se concentre sur le seuil de représentation. Donc, comme vous
le savez, là, le seuil, pour avoir accès, dans le fond, aux candidatures
régionales, est établi à 10 %. On comprend l'intention, ici, en
établissant un seuil à 10 %, de limiter l'émergence de partis qui seraient
un peu plus marginaux, en fait. Donc, il y a notamment un rapport, là, du DGEQ,
qui a été fait en 2007, là, qui confirme ça. Donc, évidemment, si le seuil est plus bas, il va y avoir plus de partis à
l'Assemblée nationale. Si le seuil est plus haut, il va y avoir plus de partis
politiques. Cependant, un des objectifs du projet de loi est, dans le fond, que
le mode de scrutin reflète le plus fidèlement, là, la pluralité et le poids
relatif des opinions et des idées politiques qui existent au sein de la
société. Malheureusement, on est d'avis qu'un seuil établi à 10 % ne
permettrait pas d'atteindre cet objectif, là, avec la même efficacité. Donc, si
le seuil demeure... Donc, plus le seuil est élevé, plus la distorsion entre le
vote populaire et la députation des différents partis politiques à l'Assemblée
nationale demeurerait présente. Ça fait que, dans le fond, on maintiendrait un
des problèmes identifiés du mode de scrutin actuel. C'est pour ça qu'on
recommande de réduire ce seuil-là, en fait, à 5 %. Cette recommandation-là
s'appuie sur différents exemples, notamment à l'international, là, où cette
même transition là de mode de scrutin a été effectuée. On peut penser,
notamment, à l'Allemagne, où il y a environ 16 régions, il y a un seuil à
5 %. La Nouvelle-Zélande aussi a un seuil à 5 %... et ont opéré la
même transition. Parler brièvement de l'Allemagne, entre autres, là, depuis la
réunification et la mise en place de ce mode de scrutin là, on a environ quatre
à cinq partis politiques qui sont représentés. Il y a eu plusieurs partis plus
marginaux avec des idées un peu plus marginales, ça, on peut le dire, en fait,
qui ont eu des succès régionaux mais qui n'ont pas réussi, là, à atteindre une
députation à l'Assemblée nationale dans ce pays-là.
Dans le rapport du
DGEQ que je vous mentionnais un peu plus tôt, il y a eu des simulations avec
les différents seuils, et un seuil à 5 %, en fait, permettrait, justement,
de réduire cette distorsion-là entre le pourcentage de votes et la députation à
l'Assemblée nationale, tout en ne nuisant pas, là, à la représentation des
régions, qui est souvent un des aspects qui peut être évoqué, là, quand on
parle de réduire les seuils.
M. LeBel
(Philippe) : Sinon, pour la troisième section, le mode de scrutin, on
le sait, c'est complexe puis, quand on parle de sa réforme, c'est encore pire.
Ça entraîne beaucoup d'idées qui volent de partout et qui entraînent beaucoup,
beaucoup de désinformation. Si un référendum a lieu, ça va être nécessaire
qu'il y ait une campagne d'information faite par Élections Québec pour informer
la population de la réforme qui est vraiment proposée.
Mon collègue en a
parlé, a parlé de l'exemple de la Nouvelle-Zélande, où, après cinq cycles
électoraux, donc avec des gens qui sont déjà habitués à un nouveau système
électoral, on a passé un référendum — c'est un bon exemple — puis,
malgré ça, il y avait quand même une campagne d'information faite par leur
Electoral Commission qui a permis de s'assurer que tout le monde était bien au
courant de ce pour quoi ils se prononçaient. Ça va être important
qu'Élections Québec fasse une campagne qui a comme but d'expliquer ça va
être quoi, la vraie réforme qui est proposée et ses objectifs. C'est pourquoi
vous trouvez, à la page 12, notre dernière recommandation qui fait effet
de ces mesures-là.
Le
Président (M. Bachand) : ...présentation. Mme la ministre, s'il
vous plaît.
Mme LeBel :
Merci beaucoup. Merci d'avoir pris la peine de vous y intéresser, de faire une
présentation. C'est un autre angle qu'il était intéressant d'explorer,
c'est-à-dire la voix des jeunes et aussi de regarder avec vous aussi pourquoi
les... vous avez parlé de cynisme au sein de vos groupes, donc ça découle de
quoi puis qu'est-ce qui peut permettre de le contrer. Je comprends que le fait
brut de procéder à une réforme du mode de scrutin pour s'en aller vers un mode
de scrutin proportionnel mixte, en soi, pourrait contribuer, justement, à
rallier les jeunes derrière la politique. C'est ce que vous nous dites?
M. Prévost
(Francis) : En effet, là, un des arguments, souvent, qui est évoqué
quand on parle du cynisme des jeunes, en fait, c'est souvent qu'il y a une
perception comme quoi il y a des votes qui sont perdus, en fait, comme quoi il
y a des... les votes n'ont pas un effet direct, en fait, sur la députation
qu'on voit à l'Assemblée nationale. Donc, en ayant, justement, un mode de
scrutin qui est plus représentatif de la volonté populaire, on est d'avis, là,
que ça permettrait de combattre une partie de ce cynisme-là.
M. LeBel
(Philippe) : Et aussi juste le processus consultatif en amont, qui est
fait en amont, qui est très apprécié, puis qu'on espère qu'on... on apprécie le
fait qu'il ne soit pas sabordé par le gouvernement puis que vous prenez le
temps d'écouter les réformes. Puis, il y a plusieurs études qui le montrent, à
partir du moment où une personne a voté une fois, elle continue d'aller voter pour
le restant de sa vie.
Mme LeBel :
Merci. Vous faites aussi le commentaire
suivant, puis comme ce n'est pas une recommandation, mais je veux voir
avec vous, parce que vous parlez aussi, à la page 6 de votre mémoire... Je
m'excuse, on l'a reçu, puis je l'ai lu, comme on dit, en diagonale, là, mais
j'ai relevé certaines petites choses. Donc, vous parlez surtout du fait que
«les listes régionales et la délimitation de ces régions [...] respectant les
particularités régionales permettent d'augmenter la représentativité des
régions ainsi que la pluralité politique». Naturellement, il y a certains
groupes étudiants que j'ai rencontrés, également, en consultations, quand j'ai
fait un peu ma tournée, qui prônaient plutôt la liste nationale versus les listes
régionales. On parle aussi souvent de diminuer le nombre de régions. Vous ne
mentionnez pas ça comme recommandation, parce que vous parlez des priorités de
la communauté étudiante universitaire en région.
Donc, je comprends
que votre groupe et vos membres sont conscients du fait qu'il y a des choix à
faire puis que de respecter le poids des régions et la diversité régionale fait
partie des choix qu'on doit faire mais que ça a nécessairement un impact sur la
proportionnalité ou sur l'indice.
M. LeBel
(Philippe) : Bien, vous l'avez très bien dit, là, l'impact d'avoir une
députation régionale va avoir... qui va permettre d'avoir une meilleure
représentativité d'un groupe qui peut être minoritaire. Là, si on prend les
exemples comme tous les... une bonne partie des universités du Québec qui sont
en région, qui sont... si on pense à Chicoutimi, on parle de Rimouski ou
l'Abitibi-Témiscamingue, c'est des régions qui peuvent entraîner une bonne
population étudiante qui ne serait pas là sinon. Puis, si leur voix est noyée
dans le reste de la population, bien, on préfère pouvoir avoir des... que les
étudiants, étudiantes puissent avoir des discussions avec une députation
régionale qui va comprendre leur réalité plutôt que d'atteindre un pourcentage
qui est plus proche de la réalité.
Mme LeBel :
Parce que vous avez regardé le mode de scrutin, vous avez regardé ce type de
mode de scrutin là, on comprend que toutes les notions de liste, de... pas de
liste, pardon, mais de découpage des régions, du nombre de circonscriptions, du
nombre de députés de liste, du seuil, entre autres, vous l'avez énoncé, ce sont
tous des vases communicants. Donc, à partir du moment où on met un peu plus
l'accent sur un des principes, naturellement, les autres en sont affectés,
conséquemment. Donc, c'est ce que vous nous dites. Mais il y a un principe qui
s'appelle les régions, le poids des régions, la diversité régionale, que vous
mettez de l'avant, si je comprends.
M. Prévost
(Francis) : C'est exactement ça. En
fait, là, c'est important aussi de ne pas négliger l'attachement au
député ou à la députée de la région, à l'importance d'une personne qui comprend
les disparités régionales aussi. Ça permet aussi de motiver les gens à
participer, là, au processus électoral aussi quand il y a une certaine
proximité qui est observée.
• (12 h 30) •
Mme LeBel :
O.K. Bon, naturellement, bon, vous parlez de... j'ai très bien compris ce que
vous dites par rapport à la recommandation concernant la notion de parité
hommes-femmes, de l'alternance sur les listes et le 50 % des listes qui
débutent par une candidature féminine. Toutefois, vous ne parlez pas... vous ne
suggérez aucune mesure incitative — on va y aller à l'incitatif — concernant
les jeunes ou la présence des jeunes en politique. J'imagine que c'est un choix
que vous avez réfléchi, mais est-ce que vous pouvez nous l'expliquer?
M. LeBel
(Philippe) : ...du temps qu'on a reçu pour pouvoir vous faire la
proposition pour le mémoire, pour venir présenter devant vous ce matin. Évidemment,
nous, ce qu'on veut, c'est qu'il y ait une représentativité des groupes sous-représentés
à l'Assemblée nationale; nécessairement, les jeunes en font partie. Ce qu'on
n'avait pas eu le temps de faire d'ici à ce qu'on vienne vous parler, c'était
de trouver des mesures concrètes qui ont réussi à faire leurs preuves, surtout.
Il y a des mesures intéressantes qui existent, mais le fait de trouver des
mesures qui ont fait leurs preuves, c'est ça qui vient plus compliquer. Donc,
bien évidemment, s'il y a des mesures qui sont prises, qui sont proposées pour
améliorer la représentativité des jeunes, nous, on va la supporter.
Mme LeBel :
Parfait. Ça va aller pour moi. Mon collègue de Beauce-Sud...
Le
Président (M. Bachand) : Merci. M. le député de Beauce-Sud, s'il
vous plaît.
M. Poulin :
Merci beaucoup, M. le Président. Content de vous retrouver. On s'est vus souvent,
cet automne, dans le cadre des Journées de la jeunesse, pour préparer le
prochain plan pour la jeunesse, et effectivement toute la notion de la
participation des jeunes en politique, que ce soit en politique municipale,
provinciale ou fédérale, elle est souvent revenue. Et on est à la recherche
ensemble, collectivement, et on a fait l'exercice, tout à l'heure, de se
dire : Comment on peut avoir plus de femmes en politique? Et le prochain
défi, inévitablement, c'est d'avoir plus de jeunes en politique. Tant mieux si
ce sont des jeunes femmes, on remplit deux objectifs, mais ça nous prend,
évidemment, plus de jeunes en politique, tout comme les élections municipales
qui sont à nos portes. Et on a des discussions, évidemment, avec la Fédération
québécoise des municipalités, avec l'UMQ, de dire : De quelle façon on
peut avoir plus de jeunes conseillers, de jeunes maires? Parce qu'on en a
besoin, au Québec.
Dans votre
point 3, vous parlez de campagne d'information. Je ne sais pas si vous
avez vu les chiffres les plus récents, en décembre dernier, du Directeur
général des élections, qui nous démontrent qu'aux élections provinciales, pour
laquelle nous avons tous été élus ou réélus, les jeunes de moins de 35 ans
ont voté dans une proportion de 53,4 %, alors, une différence de
16,27 points comparativement à ceux en haut de 35 ans. Alors, on est,
depuis, je vous dirais, les cinq, six dernières élections, toujours dans un
concept où les jeunes de moins de 35 ans votent beaucoup moins que leurs
aînés. De quelle façon, dans une réforme du mode de scrutin, allons-nous
réussir à bien expliquer aux jeunes cette réforme-là? Et moi, je suis très
sensible que, lorsqu'on est en campagne électorale, on fait la tournée d'un
restaurant ou d'une salle, puis là les gens vont nous dire : C'est quoi,
là, ta réforme du mode de scrutin, comment ça marche?, et je suis capable de
leur résumer en 20 secondes comment ça fonctionne. Moi, personnellement,
je trouve, c'est un défi. Alors, de quelle façon on peut le faire?
Vous n'êtes pas sans
savoir également que notre gouvernement a annoncé, au cours des dernières
semaines, une réforme du cours d'ECR et pour lequel il y a une consultation qui
est en ligne, présentement, qui évalue un volet citoyenneté beaucoup plus fort,
alors, qui nous permettrait de parler de réforme du mode de scrutin. Alors,
comment vous voyez tout ça? De quelle façon pouvons-nous parler aux jeunes?
Quel est le meilleur moyen pour pouvoir les atteindre et, du même coup, les inciter
à s'impliquer en politique?
M. Prévost
(Francis) : Bien, je pense qu'il y a définitivement plusieurs
mécanismes qui peuvent être mis en place, là. Ça passe, entre autres, par
l'éducation citoyenne, c'est aussi des campagnes d'information, c'est beaucoup de la sensibilisation, aussi, à la politique en général,
mais c'est aussi beaucoup de parler des enjeux qui concernent les jeunes, que
ce soient des étudiants ou pas des étudiants. C'est souvent ça qui va attirer
les jeunes envers la politique, c'est quand on parle d'enjeux qui viennent les
toucher, en fait, puis ça passe, entre autres, aussi, là, par beaucoup de
sensibilisation puis beaucoup d'information.
M. LeBel (Philippe) : Je pense
que quelque chose soit fait, de base, par Élections Québec, donner les moyens à
Élections Québec de faire cette campagne-là, qu'elle soit prévue sur une longue
période pour être sûrs que ce soit bien connu. Ça peut être possible aussi
d'aller financer d'autres groupes ou d'autres médias qui peuvent être capables
de le faire. Je pense, dans les dernières élections, autant fédérales que
provinciales, Radio-Canada ou Rad a fait des reportages qui étaient très
intéressants, très bien vus, du côté jeune. Oui, le taux de participation des
jeunes est bas, mais il y a une certaine augmentation.
Il y a des mesures, aussi, qui sont prises — puis
ça, ça serait le fun qu'Élections Québec puisse ventiler ces données-là — par
rapport au taux de participation sur des votes sur les campus, pour voir à quel
point ça marche, comment on peut mieux le publiciser. Est-ce que c'est bien
compris que, le vote sur le campus, même si le bureau de scrutin est sur ton
campus, tu peux voter dans n'importe quelle circonscription où tu es inscrit à
la liste?
Donc, je pense qu'il y a une grosse vérification
à faire, un sondage, une étude à faire auprès de la population pour voir c'est
quoi, leur point de vue, puis après ça on va pouvoir adapter les moyens de
communication de la part d'Élections Québec ou d'autres groupes qui seraient
financés pour être capables d'y arriver, à faire la promotion.
M. Poulin : Combien de temps, M.
le Président?
Le Président (M.
Bachand) : Six.
M. Poulin : Et on a vu,
d'ailleurs, lors des dernières élections fédérales, à quel point la loi n'était
pas du tout adaptée, comparée à celle du Québec, sur l'accessibilité aux lieux
de votation — entre
autres, ce n'était pas possible de voter, par exemple, sur des campus — et la
difficulté de pouvoir exercer notre droit de vote, au fédéral, comparé au
provincial. Je salue le gouvernement du Parti québécois qui, à l'époque, avait,
avec Bernard Drainville, développé cette façon de faire là.
Maintenant, il n'en demeure pas moins que la
meilleure façon de rejoindre les jeunes, c'est effectivement dans les écoles.
Je pense à l'Institut du Nouveau Monde, entre autres, qui est déjà dans les
écoles, mais qui également est allé dans les entreprises lors des dernières
élections provinciales. Et on me racontait qu'ils ont appelé
100 entreprises, qu'il y en a une vingtaine qui ont accepté, pour aller
parler de politique dans les entreprises. Alors, les employés arrêtent de
travailler, puis on va leur parler de l'importance d'aller voter et, du même
coup, de l'importance, peut-être, éventuellement, d'expliquer ce référendum-là
et d'expliquer la réforme du mode de scrutin. Alors, je pense, ça peut être
également une bonne façon de rejoindre les jeunes au travail.
Et en même temps, bien, comment vous voyez cette
possibilité-là du... Et je me permets d'élargir, parce que ce sera un enjeu
complexe pour l'expliquer, entre autres, lors de la venue du référendum, avec
le cours d'ECR, qui... Je ne connais pas
l'ensemble de l'échéancier, mais on parle de 2021, 2022, 2023, alors on est
dans ces eaux-là. Est-ce que, pour
vous, ce serait une bonne façon de parler plus de citoyenneté, donc, parler de
cette réforme du mode de scrutin?
M. LeBel (Philippe) :
Mathématiquement, je ne sais pas si ça aurait un impact sur les gens qui vont
avoir l'âge de voter, par contre.
M. Poulin : Non, effectivement,
mais, du moins, dans la sensibilisation, oui.
M. LeBel (Philippe) : Oui,
bien, définitivement, c'est quelque chose... Par réflexe, je vous dirais que
oui. Il n'y a aucune initiative qui va éduquer la population envers les
processus démocratiques qui peut être mauvaise pour la participation au
processus démocratique. Le plus gros enjeu, c'est : Ah mon Dieu! Ça m'a
l'air complexe, d'aller voter. Puis, comme je le disais tout à l'heure, il y a
plusieurs études qui montrent qu'une fois que les gens ont été voter une
première fois ils continuent à y aller parce qu'ils se rendent compte que ce
n'est pas si complexe que ça.
Par contre, il reste encore tout l'aspect du
cynisme, où les gens... tellement d'idées volent, puis que ça a l'air complexe,
ma voix n'est pas représentée, et tout. Donc, c'est pour ça qu'on pense qu'une
réforme du mode de scrutin améliorerait la... bien, réduirait le cynisme, en
fait, des jeunes envers la démocratie.
M. Poulin : Avez-vous des
statistiques, dans vos propres instances, sur le taux de participation des
jeunes lorsque c'est le temps d'élire leur association générale étudiante ou
d'élire, dans leurs facultés, les représentants? Parce qu'on se dit : Une
réforme du mode de scrutin, au provincial, on souhaite que ça ait un impact,
que notre vote puisse plus compter, donc que
les jeunes puissent le faire. Sauf erreur, dans les associations générales
étudiantes, il n'y a pas de réforme du mode de scrutin qui est
envisagée, présentement, mais est-ce que les jeunes votent suffisamment ou vous
devez, même à l'intérieur de facultés universitaires, par exemple, que ce soit
en sciences politiques, en administration ou autres, les convaincre de se
rendre voter pour leurs représentants?
M. LeBel
(Philippe) : Je vous dirais qu'il y a une réforme constante du mode de
scrutin dans les associations étudiantes et qu'elle est très diverse d'une
association ou d'un groupe à l'autre. De notre côté, c'est vraiment important de respecter la souveraineté locale, de ce
côté-là. Et, oui, les pourcentages de vote varient beaucoup d'une manière à une
autre, là. Si on parle d'un modèle fédératif, où ce sont des gens qui votent
localement, puis après ça ces gens-là élisent d'autres représentants et
représentantes qui amènent leur voix, et tout... Donc, c'est très difficile de
pouvoir comparer des taux de participation là-dessus. Ceci étant dit, il y a
une réalité qui est la même, toujours, un travail terrain et sur les réseaux
sociaux est nécessaire pour entraîner un bon pourcentage de votes.
M. Poulin :
Est-ce que les jeunes jugent que leur voix est suffisamment entendue? C'est sûr
que vous êtes leurs porte-parole, alors j'imagine que vous allez me dire oui.
Mais est-ce que, lorsqu'ils vont voter, ils ont l'impression qu'ils sont
entendus, et que ça fonctionne, puis qu'éventuellement le fait que ça pourrait
fonctionner chez vous, dans... Comme vous dites, chaque institution choisit la
façon dont elle va voter. Le fait que le gouvernement du Québec fait aussi une
réforme, ça pourrait les attirer à s'impliquer davantage. Est-ce que, pour eux,
ils se sentent suffisamment entendus dans le réseau scolaire?
M. LeBel
(Philippe) : C'est sûr que nous... Évidemment, j'espère faire une
bonne job puis représenter les gens qui nous élisent. Ceci étant dit, pour
nous, c'est vraiment important, tout le temps, d'aller... Notamment, à toutes
les rentrées, on prend le temps d'aller faire les kiosques pour entendre la
voix, pour voir ce qui, justement, percole vers nos instances est vraiment la
voix de ce que la base désire. En général, quand on présente nos travaux aux
gens, on n'a pas de critique ou, si on a des critiques, on est très ouverts à
le modifier.
Pour ce qui est,
justement, de est-ce que ça va... est-ce que de voir, bien, soit la réforme ou
les conséquences de la réforme va entraîner les gens à plus s'impliquer,
définitivement, là. Ça a été montré plusieurs fois, notamment quand on parle de
mesures pour améliorer la parité femmes-hommes, que d'avoir des... excusez-moi
l'anglicisme, puis je ne sais pas c'est quoi, exactement, la bonne traduction,
mais des «role models» qui vont entraîner des gens à vouloir s'impliquer
eux-mêmes, définitivement que ça va avoir un impact.
M. Poulin :
Merci.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de
LaFontaine, s'il vous plaît.
• (12 h 40) •
M. Tanguay :
Oui, merci beaucoup, M. le Président. Alors, merci beaucoup d'être présents,
MM. LeBel et Prévost, pour venir répondre à nos questions et participer,
donc, au débat qui est devant nous. Le sujet a été effleuré un petit peu plus
tôt, et ça participe de vos recommandations, faire en sorte qu'il y ait, donc,
dans vos propositions, 50 % de candidatures féminines, et par la suite il
y a d'autres recommandations où vous déployez cette façon d'obtenir ce
50 % de candidatures féminines là.
Vous êtes, donc,
représentants d'une association qui représente... l'Union étudiante du Québec. Est-ce
qu'il n'y aurait pas lieu — puis
je vous pose la question, là, sans me positionner sur le fond — également
de favoriser la représentation des jeunes et des personnes issues de la
diversité, par exemple? Est-ce qu'il y aurait lieu également de faire un pas
encore plus en avant par rapport aux jeunes et à la diversité?
M. Prévost
(Francis) : ...dans le mémoire, là, on a décidé de se concentrer sur
la parité femmes-hommes. Évidemment, là, s'il y a des mesures qui sont ajoutées
pour favoriser la participation des jeunes, des personnes issues de la
diversité, c'est sûr qu'on va toujours être en faveur, là. Puis il y a aussi
l'élément que, si on se met à encourager la participation d'une tranche de la population
qui est peut-être sous-représentée, ça va aussi amener d'autres tranches de la population
qui sont aussi sous-représentées à vouloir se présenter, là, en politique puis
à s'impliquer de plus en plus.
M. Tanguay :
Mais donc, sur le principe, vous ne seriez pas contre, évidemment, d'élargir
cette recherche de diversité là, les jeunes, et ainsi de suite. D'accord.
Vous avez mentionné
que... Puis pour que la question... pour que les gens comprennent à la maison, il
y a de proposé, dans le projet de loi, deux types de députés, 80 comtés et
45 sièges de région, autrement dit des femmes et des hommes qui seraient
élus par régions sur une liste, et il y a un calcul extrêmement complexe, tout
le monde en convient, pour savoir qui, finalement, serait élu ou pas, on ne le
saurait pas le soir même, on le saurait probablement dans les jours qui
suivent, calcul savant du DGEQ.
Mais, pour qu'un
parti politique puisse prétendre à obtenir un député ou une députée élue de
région sur la liste des 17 régions, il doit, et c'est fixé dans le projet
de loi, être un parti qui aura, au niveau national, au moins obtenu 10 %
des voix. Vous, vous proposez de diminuer ça à 5 % des voix parce que l'on
veut favoriser l'émergence de nouveaux partis politiques.
Puis je vous pose la
question, puis, encore une fois, ce n'est pas une affirmation d'appui de ma
part, là, mais c'est juste pour comprendre la logique, si nous avions appliqué
cette règle de 10 % nationale là versus la règle de 5 % nationale... Vous avez sûrement fait le
constat que, lors des dernières élections, les quatre partis politiques
représentés à l'Assemblée nationale avaient tous 16 % ou plus des
voix, et le cinquième tombait à 1,68 %, c'est le Parti vert du Québec. Est-ce
qu'à ce moment-là, basé sur les derniers résultats de 2018, selon votre
logique, encore une fois... puis ce n'est pas une affirmation d'appui de ma
part, mais que ça ne changerait pas nécessairement grand-chose? Si c'est ce que vous voulez, favoriser l'émergence des
autres partis, il faudrait descendre même, déjà là, encore plus bas que
5 %.
M. Prévost
(Francis) : En fait, le principal
objectif de l'établir à 5 %, c'est principalement de réduire, en
fait, la distorsion, là, entre le vote populaire et le nombre de sièges qu'un
parti va obtenir. Ça se peut que ça encourage l'émergence de nouveaux partis,
ça se peut que ça ne soit pas le cas.
Il y a aussi le principe qu'en réformant le mode
de scrutin, évidemment, ça va changer la culture politique, ça va changer les
habitudes politiques de la population. Ça se peut qu'il y ait des personnes qui
aillent plus voter, ça se peut que leur préférence politique change.
Donc, oui, en s'appuyant sur les résultats des
dernières élections, tu sais, on peut voir qu'il y a une disparité entre le
quatrième parti puis le cinquième parti, par exemple. En ayant un nouveau mode
de scrutin, probablement que ces résultats-là vont être amenés à changer. En
encourageant une plus grande partie de la population à aller voter, à aller
participer au processus démocratique, évidemment que ces chiffres-là vont
changer.
Aussi, en se basant sur les exemples qu'on peut
voir, là, un peu partout à l'international, la vaste majorité des États qui ont
ce mode de scrutin là, donc qui est proposé dans le projet de loi, est établi à
5 %, et on voit que c'est environ, là, entre quatre et six partis,
habituellement, qui accèdent à une députation, et c'est quand même assez stable
dans le temps aussi, là.
M. LeBel (Philippe) : Je veux
juste rajouter que c'est sûr que se baser sur un... je pense que se baser sur
un exemple ponctuel est peut-être erroné, étant donné que, si on prend juste
l'élection précédente, le troisième groupe d'opposition avait obtenu 7 %
de votes et donc n'aurait pas eu accès à la liste, selon le projet qui est proposé
en ce moment. Et pourtant, malgré le 7 % de votes qu'il avait, il n'avait
obtenu que 2 % des sièges à l'Assemblée nationale. Donc, on a un exemple,
si on retourne une élection en arrière, que ça aurait fait une différence de
descendre à 5 % plutôt que 10 %.
M. Tanguay : Mais il est
clair aussi que ça participe de la polarisation de la couverture médiatique, le
débat des chefs, et ainsi de suite, donc que les quatre premiers partis étaient
présents au débat des chefs. Il y a là aussi toute une mécanique qui n'est pas
anodine. Parce que vous dites : Vous vous basez uniquement sur la dernière
élection, mais il faudrait au moins se baser
sur la dernière élection pour savoir qui seraient les chefs au débat des chefs.
Est-ce que ce seraient ceux du 10 %, 5 %, ou on élargirait au
Parti vert, qui est arrivé cinquième? Alors, il y a cette logique-là aussi qui
découle de cette approche 10 %-5 % pour pouvoir prétendre à des
candidatures élues au niveau régional.
J'aimerais vous entendre... Votre dernière recommandation,
la recommandation 5, vous faites référence à la Nouvelle-Zélande, où ils
ont modifié le mode de scrutin, et, après cinq cycles électoraux, donc après
cinq élections, ils font un référendum pour dire : Bon, bien, on l'a vu à
l'usure, est-ce que vous êtes d'accord ou pas pour que l'on poursuive avec le système
proportionnel en Nouvelle-Zélande? Vous, vous dites : On devrait faire,
donc, un référendum et confier à Élections Québec, sous un mandat du gouvernement,
de mettre en place une campagne d'information publique. Donc, première question de deux : Est-ce que vous, vous êtes
d'accord à ce que le référendum
ait lieu en même temps que l'élection générale ou vous le feriez avant pour que
le débat soit distinct et complet?
M. LeBel (Philippe) : Bien,
vous aurez remarqué qu'évidemment notre mémoire ne s'est pas prononcé sur la question.
C'est une question qui est très, très, très divisante, disons, au sein de la population,
là. Comme je le disais, la réforme du mode de scrutin amène une grande diversité
d'idées et de méthodes possibles. Pour nous, ce qui est important, c'est qu'il
y ait réforme du mode de scrutin. On ne s'est pas positionnés officiellement, à
l'Union étudiante du Québec, sur la meilleure manière de consulter la population.
M. Tanguay : Donc, de ce que je comprends, puis
corrigez-moi si j'ai tort, c'est qu'il n'y avait pas consensus, d'un bord ou de l'autre, au sein
de votre organisation.
M. LeBel (Philippe) : Exact.
M. Prévost (Francis) :
Exactement. Et, en établissant une campagne d'information et de sensibilisation
aussi, ça permet, bien, justement, d'avoir ce débat-là puis d'avoir le plus d'informations
sur le mode de scrutin, là, qui sont diffusées à la population avant les
élections pour ne, justement, pas que le sujet soit peut-être noyé dans
d'autres priorités, parce que, oui, évidemment, là, dans un cycle électoral,
bien, il y a différentes priorités qui peuvent être mises de l'avant. Ça fait
que ça permettrait, justement, d'informer la plus grande partie de la population,
là, sur l'enjeu de la réforme du mode de scrutin.
M. Tanguay : Et comment
ça fonctionnerait? Parce qu'on sait que, dans un référendum, il y a un camp du
Oui puis il y a un camp du Non. Là, Élections Québec, encore une fois, puis je
vous cite, «sous un mandat du gouvernement
du Québec», c'est son projet de loi... Là, je le sais que, dans le projet de
loi, le choix du premier ministre, ça
a été de dire qu'on interdirait aux membres, aux députés de l'Assemblée
nationale de faire partie, comme administrateurs ou dirigeants, d'un
camp. Donc, il y a ça, j'aimerais vous entendre là-dessus. Est-ce que les
députés, selon vous, pourraient et auraient le droit, normalement, de se
positionner dans un camp pour le Oui ou pour le Non, selon vous?
M. LeBel (Philippe) : Encore une fois, c'est une question pour laquelle
l'Union étudiante du Québec ne s'est pas officiellement prononcée. Pour nous, ce qui est important, c'est que,
outre le camp du Oui et le camp du Non, il y ait une campagne d'information neutre faite par Élections
Québec sur, factuellement, ce que représente la question référendaire.
M. Tanguay :
Mais il y aurait un camp du Oui et un camp du Non, et l'information qui serait
donnée par Élections Québec, comme vous le dites, ne serait pas en faveur du
mode de scrutin. C'est ce que je comprends?
M. LeBel
(Philippe) : Non. Ce qu'on veut... Exactement, on veut des
explications factuelles, parce qu'on sait qu'il va y avoir plusieurs idées qui
vont voler, à gauche et à droite, de... on aurait pu faire ci, on aurait pu
faire ça. Ce qu'on veut, c'est qu'il y ait une campagne neutre qui explique
vraiment ce sur quoi les gens vont voter.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé, il
vous reste une minute.
Mme Robitaille :
Bonjour, messieurs. Rapidement — une minute — je regarde des
statistiques sur les pays, justement, qui ont
un mode de scrutin proportionnel mixte compensatoire et le taux de
participation, et ce que je comprends, c'est que le taux de
participation a tendance à chuter dans les pays démocratiques, nonobstant, là,
que ce soient des systèmes proportionnels ou des autres systèmes électoraux.
Vous disiez : Nos jeunes, taux de participation très bas, nos jeunes, avec
un système comme celui-là, ça pourrait les inciter à aller voter. Comment vous
expliquez ça?
M. Prévost
(Francis) : Bien, parmi les différentes critiques ou les différentes
explications qui reviennent, quand, justement, on parle de cynisme, là,
notamment à la communauté étudiante, mais nos jeunes aussi, en général, c'est l'impression que, dans le système uninominal
majoritaire à un tour qu'on a présentement, à cause de la distorsion,
justement, entre le pourcentage de votes qu'un parti va obtenir et le nombre de
sièges qu'il va obtenir, il y a des votes qui sont perdus, en fait. Et
justement, avec le mode de scrutin qui est proposé dans le projet de loi, ça
vient réduire cette distorsion-là, ce qui viendrait, justement, réduire
l'espèce de cynisme qui veut que, bien, les votes sont perdus. Donc, nous,
notre opinion, c'est qu'en réduisant cette distorsion-là, justement, ça va
encourager les jeunes à aller voter parce qu'ils vont avoir la perception, dans
le fond, que leur vote a un impact plus concret que dans le système qui est
présentement en place.
• (12 h 50) •
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de Gouin,
s'il vous plaît.
M. Nadeau-Dubois :
Bonjour. Merci d'être ici aujourd'hui. Toujours content de recevoir les gens du
mouvement étudiant. Vous avez beaucoup parlé, quand vous avez expliqué votre
position en faveur d'une réforme du mode de scrutin, de l'avantage que ça avait
en matière de pluralité politique dans les régions, hein, ça permet à des voix
qui n'auraient pas la chance de se faire élire dans une circonscription
d'obtenir des sièges de compensation. Vous avez d'ailleurs justifié comme ça
votre appui, d'ailleurs, à des listes de compensation qui soient régionales,
d'ailleurs, un consensus large là-dessus avec l'ensemble des partis politiques,
le MDN et la société civile.
Par contre, un des
défauts du projet de loi qui est devant nos yeux, c'est que le gouvernement, à
ce stade-ci, prévoit seulement un siège de compensation par région. Ça vient
limiter grandement la possibilité qu'il y ait une réelle pluralité politique
qui s'exprime dans chaque région. Vous n'en traitez pas dans votre mémoire,
mais je voudrais vous entendre là-dessus. Est-ce qu'en vertu, donc, de cet
argument-là que vous avez vous-même présenté, il ne serait pas intéressant
qu'il y ait au moins deux sièges de compensation par région pour permettre
encore davantage de pluralité politique à l'intérieur de chaque région?
M. Prévost
(Francis) : C'est en effet une option qui pourrait être envisagée, là.
On a décidé de ne pas se concentrer sur cette option-là, mais évidemment, là,
plus de sièges de compensation voudraient dire un peu plus de représentativité.
Là, on ne s'opposera pas à une telle mesure,
on a tout simplement décidé de ne pas se concentrer là-dessus.
M. LeBel
(Philippe) : Je pense que vous êtes les mieux placés pour savoir à
quel point il y a de la place au salon bleu.
M. Nadeau-Dubois :
Ça n'implique pas nécessairement une augmentation du nombre de députés, on
pourrait les répartir différemment entre les régions, mais s'assurer qu'il y a
une espèce de cran d'arrêt pour que tout le monde en ait au moins deux de plus.
Puis, il me semble, justement, vous avez donné des exemples de régions qui ont
tendance à avoir une allégeance d'un côté, ça permettrait, dans ces régions-là,
aux voix qui sont, à ce stade-ci, non représentées de l'être davantage.
M. LeBel
(Philippe) : Ceci étant dit, on veut s'assurer d'une chose, là, que la
députation de circonscription est très importante. C'est important de rester
parce que, dans certaines régions, l'accessibilité à son député local, donc, de
circonscription, est très importante. Donc, on ne veut pas se ramasser non plus
avec des circonscriptions qui seraient
immenses, puis c'est pour ça que la seule manière dont je verrais que ça
pourrait arriver, ce serait d'augmenter le nombre de sièges au final.
M. Nadeau-Dubois :
Bon, on ne rentrera pas dans les technicalités, ce ne sera pas nécessaire, mais
merci beaucoup de votre présentation.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, M. le député de Gouin. M. le
député de Rimouski, s'il vous plaît.
M. LeBel
(Rimouski) : Merci, M. le Président. Bonjour. Effectivement, cette
réforme-là... on ne fait pas ça souvent, dans une vie, réformer le mode
électoral, ça fait que c'est sûr que ça doit... il faut que ça touche les
jeunes. À Rimouski, à l'UQAR, actuellement, il y avait un visionnement
obligatoire... les étudiants à la maîtrise au développement régional devaient
visionner les remarques préliminaires de la ministre, et le 27, lundi prochain,
je serai au cours pour en discuter encore davantage. Ça fait que c'est vraiment
quelque chose qui interpelle le monde.
Puis, quand vous parlez d'une campagne
d'information, je trouve ça fondamental. Mais où j'ai de la misère à suivre,
c'est qu'une campagne d'information là-dessus, c'est sûr qu'il va y avoir un
débat qui va s'installer et c'est sûr qu'il va y avoir des éléments, des pour
et des contre, ça va se virer en campagne d'information préréférendaire. Et
pourquoi on ne devrait pas faire une vraie campagne référendaire, avec un camp
du Oui, un camp du Non, et où on va participer au débat, puis où les députés
aussi pourraient être là? Parce que, selon le projet de loi, comme disait mon collègue de l'opposition officielle, les
députés ne pourraient pas y participer. Ce n'est comme pas normal. À mon
avis, le président du camp du Oui de la réforme, s'il veut vraiment porter ça,
ça devrait être le premier ministre du Québec. Qu'est-ce que vous en pensez?
Ici, on veut une vraie... on ne peut pas faire
une campagne neutre, là, il y aura un débat. Moi, ils vont me demander, chez
nous, là, qu'est-ce que j'en pense. C'est sûr qu'il y aura un débat. Pourquoi
ne pas faire une vraie campagne référendaire, avec les députés qui y
participent, le premier ministre qui croit à sa réforme, qui préside le camp du
Oui? Pourquoi pas?
M. Prévost (Francis) : En fait,
là, la campagne d'information et de sensibilisation dont on parle ne viendrait pas se substituer à la campagne référendaire, en
fait, là, il y aurait les deux. Donc, oui, dans le cadre d'un référendum,
il y aurait un camp du Oui, un camp du Non, des arguments en faveur, des
arguments en défaveur. La campagne d'information, c'est vraiment pour
sensibiliser la population à qu'est-ce que la réforme du mode de scrutin, c'est
quoi, les tenants et aboutissants. On est conscients que la majorité de la population
n'ira pas lire le projet de loi n° 39 pour
connaître, en fait, c'est quoi, les modifications à la loi référendaire, entre
autres, et c'est quoi, le mode de scrutin. Donc, c'est vraiment une campagne
pour informer et sensibiliser les gens qui vont aller voter ensuite. Par la
suite, là, évidemment qu'il va y avoir un camp du Oui, un camp du Non, des
arguments en faveur, en défaveur. Là, on ne veut pas substituer cette
campagne-là à la campagne d'information.
M. LeBel (Rimouski) : Je vous
dis, c'est comme... c'est une réforme qui est importante et qui va changer les
cultures. C'est certain que des députés, actuellement, vont être interpelés.
Moi, là, c'est sûr qu'à Rimouski il faudra que je donne mon point de vue, c'est
clair que... et je ne peux pas comprendre qu'une vraie campagne d'information
exclue les députés. Je ne peux pas comprendre qu'un camp du Oui, porté par une
mesure-phare du gouvernement, ne soit pas présidé par le premier ministre du
Québec. C'était mon avis. Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Marie-Victorin, s'il
vous plaît.
Mme Fournier : Oui,
merci. Je suis contente qu'on aborde la question du cynisme en politique puis
de l'importance de travailler à augmenter le taux de participation dans toutes
les tranches de la population, mais particulièrement chez les jeunes, où c'est
plus névralgique. Je pense qu'il y a beaucoup de choses qui peuvent influencer
le cynisme, la représentativité en est certainement une.
Mais ce qui est intéressant avec la réforme du
mode de scrutin, dans les principes, c'est aussi qu'on peut s'attendre à ce que
ça induise davantage de collaboration entre les différentes formations
politiques, entre les parlementaires, parce que, oui, effectivement, ça va faire
en sorte qu'il y ait moins de gouvernements majoritaires, donc il va devoir y
avoir davantage d'ententes sur les différents projets de loi et politiques
adoptés. Puis ça incite également, je pense, à une plus grande valorisation du
rôle de député, parce qu'avec la réforme qui est proposée on va avoir deux
bulletins de vote. Lorsque va venir le temps des élections, on va pouvoir voter
autant pour le candidat dans notre circonscription que, donc, pour un parti
politique. Est-ce que ce sont des éléments que vous trouvez intéressants,
justement, qu'on mette de l'avant pour, justement, contribuer à diminuer le
cynisme?
M. LeBel (Philippe) : Bien,
c'est justement le but d'une campagne d'information neutre qui, malgré la
présence d'un camp du Oui et d'un camp du Non... pour que les gens puissent
référer à un objet ou une information qui est neutre qui va être... qui n'aura
pas de biais puis qui ne va pas partir dans tous les sens. C'est important pour
nous. Ça va faire la promotion de la politique puis de notre processus
démocratique.
M. Prévost (Francis) : Puis
évidemment, si ça peut avoir comme effet que, bien, dans le fond, évidemment,
les dossiers qui sont mis de l'avant sont plus consensuels à travers la
population, donc entre les partis politiques, là, c'est sûr que c'est un plus.
Mme Fournier : Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Merci beaucoup de votre
contribution.
Cela dit, la commission suspend ses travaux
jusqu'à 14 heures. Bon lunch rapide. Merci. À tantôt.
(Suspension de la séance à 12 h 57)
(Reprise à 14 h 01)
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend
ses travaux. Comme vous savez, je demande à toutes les personnes de bien
éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.
Un rappel du
mandat : la commission est réunie afin de poursuivre les consultations
particulières et les auditions publiques sur le cahier de consultation
sur le projet de loi n° 39, Loi établissant un nouveau mode de scrutin.
Cet après-midi, nous entendrons les personnes et
groupes suivants : Fédération étudiante collégiale du Québec, Citoyenneté
Jeunesse, Mme Mercédez Roberge, la Fédération des travailleurs et
travailleuses du Québec ainsi que la Confédération des syndicats nationaux.
Je souhaite donc la bienvenue aux représentants
de la Fédération étudiante collégiale du Québec. Je vous rappelle que vous avez
10 minutes de présentation. Après ça, on a un échange avec les membres de
la commission. Bienvenue, et la parole est à vous.
Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ)
M. Clément (Philippe) : Bonjour. Merci beaucoup de nous accueillir. Je me
présente, Philippe Clément, je suis président à la Fédération étudiante collégiale du Québec. Je suis accompagné de
Noémie Veilleux, notre vice-présidente, et de James Boudreau, notre
coordonnateur aux affaires sociopolitiques.
Donc, rapidement, la Fédération étudiante
collégiale du Québec représente 78 000 membres répartis dans
27 cégeps de 13 régions du Québec. C'est, cette année, notre
30e anniversaire. Donc, ce n'est pas la première fois non plus qu'on se
positionne sur la réforme du mode de scrutin. On a une position relativement
historique pour la réforme vers une mode de scrutin proportionnel mixte. Bien,
ça fait longtemps qu'on est membres du Mouvement Démocratie nouvelle, et on
avait d'ailleurs, là, participé aux consultations, au milieu des
années 2000, du Directeur général des élections du Québec.
L'essentiel de notre présentation va être basé
sur trois demandes que vous avez retrouvées dans notre mémoire, et puis ces
trois demandes-là ont été choisies en fonction de deux critères principaux,
soit, premièrement, la bonification de la proportionnalité du projet de loi.
Donc, on était contents, là, de pouvoir travailler en amont avec les différents
partis, notamment le cabinet de la ministre, pour l'élaboration de ce projet de
loi là et on salue donc cette ouverture-là également. Puis, en matière de
proportionnalité, les propositions, donc, sont assez... on va être fermes sur
les objectifs d'atteindre une meilleure proportionnalité, mais assez souples
sur les moyens d'y arriver. Et le deuxième critère qu'on a retenu, là, afin de
sélectionner les différentes demandes présentées aujourd'hui, c'est la réussite
de la réforme, ultimement. On est en faveur de la réforme du mode de scrutin et
on pense que ce projet de loi là devrait aboutir. Et donc en travaillant avec
le MDN, les différents partis politiques, les partenaires de la société civile,
on espère, là, ratisser assez large pour créer différents consensus. Et les
trois propositions qu'on va vous présenter sont basées, bien, sur des consensus
à créer, mais qui sont en bonne voie avec, notamment, là, la coalition pour la
réforme du mode de scrutin maintenant. Et donc on va vous entretenir de calcul
de redistribution des sièges compensatoires, du seuil minimal de représentation
ainsi que la tenue, là, d'un référendum.
Donc, premièrement, à la page 12 de notre
mémoire, vous avez, là, différentes recommandations sur... en fait, une
recommandation sur le calcul de redistribution des sièges compensatoires. On
présente, là, dans le mémoire, trois différentes formules assez connues,
classiques, là — je
ne dois pas être le premier à vous en parler — pour répartir les sièges de
compensation. Vous n'êtes pas sans savoir que le projet de loi n° 39
prévoit utiliser une formule différente de ces trois formules de répartition
des sièges là. C'est une proposition, là, dérivée de la formule D'Hondt. Et, à
cet effet-là, il faut savoir que la formule qui a été retenue dans le projet de
loi fait abstraction de la moitié des sièges de circonscription et des sièges
déjà acquis par les différents partis politiques. C'est ce qu'on a entendu
parler, là, dans l'espace public, comme étant la prime au vainqueur, et ça a
tendance à avantager les partis qui ont déjà le plus de voix dans les
différentes régions. Et je vais finir par arriver à mon mémoire, mais les
tableaux 5 et 6 de notre mémoire, là, la page addenda, là, que vous avez
reçue, montrent la différence assez marquée, là, que ça aurait sur une région
avec trois sièges de liste. On constate qu'une distorsion quand même importante
demeure parce qu'il y a un écart significatif qui existe entre le pourcentage
de votes et le nombre de sièges récoltés, et ce, toujours à l'avantage du parti
qui est arrivé premier dans cette région-là.
Donc, on voit, dans cet exemple-là — le
tableau 5 étant la répartition des sièges avec le calcul actuel du projet
de loi n° 39, le tableau 6, c'est en fonction, là, de la formule de
D'Hondt — qu'il
y a un écart quand même où, avec le projet de loi n° 39, le parti A, le
premier parti, obtient 21 % de plus en termes de sièges que ce qu'il
représente en termes de votes et que le deuxième parti, le parti B, recevrait
12 % moins de sièges que ce qu'il aurait reçu en termes de votes. Et donc
c'est là qu'on voit qu'il y a une prime au vainqueur dans le calcul qui est
inclus, là, au projet de loi. Et notre recommandation, la
recommandation 4, c'est tout simplement qu'il y ait un calcul de
représentation plus juste. Et donc ce que ça veut dire, c'est de retirer cette
prime au vainqueur là. La solution la plus facile, ce serait de revenir à la
formule de D'Hondt, qui est assez bien connue. Et une solution autre, ça
pourrait être de revenir à la formule Hare, qui est un peu plus loin de ce qui
est proposé, mais qui était la proposition originelle de la Fédération
étudiante. Donc, voilà.
Mme Veilleux (Noémie) : On peut
maintenant passer à la page 13, à la recommandation 5, qui propose, finalement,
là, un seuil minimum de 5 %. Le seuil minimal est important. Cela dit, il
ne doit pas être au-dessus de 5 % afin d'assurer une juste
représentativité de la population québécoise.
Un seuil minimal raisonnable permet de limiter l'élection de
candidatures qui proviennent de partis marginaux puis desquels la
légitimité de représentation est plus faible, le tout sans empêcher aux plus
petits partis, finalement, d'avoir leur place à l'Assemblée nationale puis de
pouvoir représenter la juste portion de la pluralité québécoise qu'ils
représentent. Un seuil minimal trop élevé va nuire à la proportionnalité du
mode de scrutin, ce qui fait que l'opinion d'un grand nombre de personnes
pourrait être ainsi invisibilisée. La majorité des pays qui usent d'un mode de
scrutin proportionnel mixte puis qui ont un seuil — on peut penser à
l'Autriche, la Belgique, l'Islande — en imposent un qui se trouve
à ou sous 5 %. En comparaison avec la Turquie, par exemple, qui détient un
seuil minimal de 10 %, ces pays-là sont confrontés à beaucoup moins de
distorsions dans la représentation.
Le DGEQ a fait, d'ailleurs, là, en 2007, des
simulations sur le seuil, une à 2 %, une autre à 5 %. À ce moment-là,
il n'a pas été question d'un seuil de 10 % parce que les distorsions,
selon lui, étaient trop grandes en regardant l'indice de Gallagher. Donc, on en
est arrivés, finalement, à la conclusion, après plusieurs essais, que plus le
chiffre est bas dans l'indice, plus le seuil est proportionnel. Donc, il est
logique, bon, qu'un seuil de 10 % ne soit pas idéal et optimal. Ces
données-là, en fait, sont appuyées par l'Institut de la statistique du Québec.
On peut passer à un exemple, là. Par exemple, en
2012, Québec solidaire, qui remportait 6 % des voix, la proportionnalité jugerait que le parti puisse représenter plus ou moins, bon, sept sièges des
125 sièges de l'Assemblée. Mais, avec un seuil de 10 %, le
parti maintiendrait seulement ses deux sièges de circonscription, alors que le
PQ, la CAQ ou alors le PLQ se mériteraient chacun des sièges compensatoires
bonifiant ainsi leur supériorité.
• (14 h 10) •
M. Clément (Philippe) : Le troisième
élément sur lequel on voulait vous entretenir, c'est la tenue d'un référendum.
À la page 7, on vous recommande essentiellement qu'un référendum sur la
réforme du mode de scrutin ne se déroule pas en même temps que des élections
générales. C'est l'essentiel de notre propos aujourd'hui.
Il faut savoir que nous, a priori, on ne pensait
pas qu'un référendum était nécessaire étant donné que, bon, trois des quatre
partis représentés à l'Assemblée nationale avaient déjà annoncé leur intention
de changer le mode de scrutin et que ce n'était pas une surprise pour personne
qu'il y ait un projet de loi qui aille en ce sens-là. Cela dit, on prend acte,
là, quand même de l'intention assez ferme de vouloir tenir un référendum, mais
ce n'est pas pour autant que le gouvernement doit laisser tomber un leadership
important au courant de celui-ci, et on pense qu'il doit se donner les chances
cohérentes de faire en sorte que la réforme soit ultimement un succès, parce
que c'est sa réforme.
Et on croit donc qu'il y a essentiellement une
modalité qui doit être importante à retenir pour que l'ensemble de l'opération
soit un succès, c'est le fait que le référendum ne soit pas en même temps que
les élections, et pour différentes raisons, notamment le fait que ça va nuire à
l'ensemble de l'effort qui existerait pour sensibiliser la population, éduquer
la population en ce qui a trait à toutes les modalités, là, qui peuvent être
parfois, certes, compliquées, d'un nouveau mode de scrutin. Mais on veut aussi
que les gens votent en toute connaissance de cause. Puis en même temps qu'une
campagne électorale, l'attention médiatique est assez reportée sur les
discussions partisanes, les débats, les plateformes électorales des partis. En
mettant un référendum sur la réforme du mode de scrutin, essentiellement,
pendant l'été, on sait que les gens sont assez moins attentifs, là, à cette
période-là de l'année également. Et donc il y a différentes options, là, avec
la recommandation qu'on vous propose, qui s'offrent à vous, notamment la tenue
d'un référendum dès juin 2021, comme le propose le Mouvement Démocratie
nouvelle. On pourrait faire aussi, ou pas, un référendum de validation trois
élections après la tenue, là, d'un... après l'adoption du projet de loi
n° 39, la mise en vigueur d'un nouveau mode de scrutin. Et ça dénoterait,
là, quand même une vision à long terme de la commission, d'y aller d'une
proposition comme celle-là. La Nouvelle-Zélande a fonctionné comme ça. Et donc,
c'est ça, sur le référendum, ça fait le tour du propos.
Mme Veilleux (Noémie) : Donc,
on fait le tour des trois demandes, là, qu'on vous présente aujourd'hui,
donc : un calcul plus équitable, un seuil à 5 % puis un référendum
qui se trouve en dehors de la période électorale.
La FECQ tient à saluer, là, la possibilité de
discuter d'un premier projet de loi sur le sujet, puis on réitère également,
là, qu'on souhaite voir la réforme mise en place. On souhaite être constructifs
aujourd'hui. Il faut cependant se rappeler que la réforme a pour but de
redonner confiance aux jeunes en nos institutions démocratiques. La réforme,
oui, elle sera un changement de culture qui est nécessaire, qui est prometteur
pour le Québec puis également pour le taux de participation citoyenne.
Voyant la participation des jeunes qui diminue,
là, d'élection en élection puis également tous les efforts, là, qu'Élections
Québec peut mettre, justement, pour sensibiliser les jeunes au vote, la FECQ
supporte pleinement cette réforme-là, qui va pouvoir donner un nouveau souffle
à notre démocratie. La voix de la jeunesse, c'est important, puis, si le
nouveau mode de scrutin permet aux jeunes de se sentir plus écoutés et d'être
plus écoutés, bien, alors, cette réforme-là sera automatiquement une réussite.
Donc, on souhaite vous remercier puis on est disposés à prendre vos questions
dès maintenant.
Le Président (M.
Bachand) : Merci infiniment. Mme la ministre, s'il vous plaît.
Mme LeBel : Merci, M. le Président. Merci beaucoup. Merci
d'être présents. Merci de vous y intéresser. Et, juste le fait que vous
soyez ici pour témoigner sur cette commission parlementaire qui est extrêmement
importante pour notre démocratie, bien, je
pense que ça va... ça contribue à l'intérêt que les étudiants, les jeunes
peuvent avoir dans notre système démocratique et à contribuer à
combattre le cynisme. Puis merci de participer à cet exercice-là avec nous.
J'étais,
d'entrée de jeu... je dois le dire, parce qu'on a eu quelques discussions, puis
des discussions extrêmement constructives, mais il faut faire des
arbitrages entre les différentes personnes qu'on rencontre, les différents
intérêts, puis je pense que c'est ce que nous avons fait
dans ce projet de loi là, mais on continue, justement, les discussions sur une
proposition qui était plus concrète que celle qu'on avait eue au départ, donc
c'est peut-être plus facile de visualiser.
Donc, d'entrée de jeu, j'étais... je suis extrêmement heureuse, et je tiens à
le souligner, de vous entendre dire que vous êtes fermes sur les
objectifs, c'est-à-dire d'atteindre un mode de scrutin mixte proportionnel pour
toutes les raisons qu'on a nommées, c'est-à-dire, entre autres, la meilleure
représentativité du vote du citoyen, le fait
que le vote compte — je pense
que c'est la meilleure façon de résumer quelque chose qui n'est pas si complexe
que ça, peut-être complexe dans la mécanique mais pas dans la l'application
pour le citoyen — mais
que vous étiez souples sur les moyens. Puis je pense que c'est là-dessus qu'on
va pouvoir parler, de certains de ces moyens.
Par contre, je vais commencer, si vous me
permettez, avec un élément pour lequel vous êtes favorables puis vous demander
votre opinion, parce que d'autres groupes, on le sait par les mémoires, vont
venir peut-être émettre une opinion différente sur ce point-là. La FECQ est
favorable au découpage en 17 régions administratives et au maintien de
deux circonscriptions électorales d'exception. Naturellement, je suis également
d'accord avec cette avenue-là, l'ayant proposée, mais plusieurs modalités
circulent. D'ailleurs, vos collègues précédents ont également dit
qu'effectivement ce qui apporte une confusion dans une réforme d'un mode de
scrutin, ce n'est pas le mode de scrutin en soi, c'est toutes les propositions
qui volent à gauche puis à droite, puis on devrait mettre neuf, on devrait
mettre 14, on devrait mettre 17, ça devrait être 5 %, 8 %, 2 %.
Donc, il y a plusieurs façons d'envisager le nouveau mode de scrutin, mais
expliquez-moi pour quelles raisons vous considérez que 17 régions
administratives et le maintien des deux circonscriptions électorales
d'exception est une bonne idée.
M. Clément (Philippe) : C'est
une très bonne question. Bien, on était assez sensibles au fait de préserver la
réalité socioéconomique de chacune des régions, et, bon, vous savez ce qu'on...
bon, on représente des membres dans pas mal toutes les régions du Québec, et ça
nous a amenés, là, à être assez sensibles à cette question-là. On est quand
même conscients de l'effet que ça a sur la proportionnalité.
À ça, on a
deux choses, essentiellement, à dire. Premièrement, retirer la prime au
vainqueur, modifier le calcul, là,
comme je l'ai mentionné plus tôt, dans la première proposition que j'ai faite,
aurait quand même un effet significatif afin de, avec 17 régions,
tout de même obtenir une proportionnalité intéressante dans chacune d'entre
elles.
On s'intéresse aussi au nombre de députés dans
chacune des régions. Bon, on sait qu'avec le nombre de députés qu'il y aurait
dans certaines régions, de députés de liste dans certaines régions, ça pourrait
aussi nuire à la proportionnalité. Donc, sans changer le nombre de régions,
augmenter ou revoir le nombre de députés par région ou tout simplement
rehausser le nombre total de députés à l'Assemblée nationale pourrait être une
porte de sortie qui garderait, qui conserverait une proportionnalité
intéressante dans chacune des régions tout en ayant le respect de chacune de
leur réalité.
Mme LeBel : Donc, l'argument ou la
motivation derrière cette position est... parce qu'on a mis... dans le cas du
découpage en nombre de régions administratives ou le nombre de régions pour les
fins électorales était de préserver l'identité régionale. Pour vous, c'est ce
principe-là qui a primé sur, peut-être, l'effet que ça pourrait avoir sur la
proportionnalité, bien... mais... potentielle, là.
M. Clément (Philippe) : Je
dirais que c'est exact, en tenant compte qu'on peut faire autre chose pour
augmenter la proportionnalité du système.
Mme LeBel : O.K. On n'en a pas
beaucoup discuté, ça fait que je vais peut-être prendre l'occasion de mettre ce
sujet sur le tapis avec vous, le fait qu'on a choisi, dans le projet de loi,
d'avoir deux votes plutôt qu'un vote. Parce qu'il y a certains systèmes où on
peut avoir un vote, ce qui fait en sorte que le vote pour le député de
circonscription emporte également le vote pour le député de liste, c'est-à-dire
que, si on vote pour quelqu'un de la CAQ dans la circonscription, la
compensation est donnée à la CAQ, donc est donnée au parti du député pour
lequel on a voté, alors que, pour deux votes — je pense que c'est mon
collègue de Rimouski qui en parlé ce matin — on pourrait... avec deux
votes, l'électeur a l'occasion de séparer son allégeance, je vais le dire de
cette façon-là, c'est-à-dire d'appuyer son
député de circonscription qu'il aime beaucoup et peut-être donner son vote de
liste ou de compensation à un autre parti pour d'autres raisons, parce
que quelque chose lui plaît dans le programme de ce parti-là. Donc, est-ce que
c'est ces raisons-là qui vous ont motivés? Qu'est-ce qui a fait en sorte que
vous avez choisi le deux votes? Parce que certains disent que ça peut être
compliqué pour les gens. Je ne pense pas, moi, je pense que les gens sont très
capables de faire ça.
M. Clément (Philippe) : Ça me
semble assez simple, aussi, à comprendre. Je vous dirais que les raisons que
vous avez énumérées, là, ont expliqué notre motivation. Il y avait quand même
203 des 216 mémoires reçus à la consultation de 2007 qui étaient aussi
favorables à cela. Puis votre projet de loi prévoit aussi, là, que les deux
votes ont lieu en même temps, ce qui est important, parce que, dans le cas
contraire, ça peut engendrer certaines irrégularités. Donc, on n'a rien à dire
de plus sur cette question-là.
Mme LeBel : Le projet de loi
actuel propose de réduire de moitié la disproportion actuelle en fonction de
l'indice... je pense, c'est Gallagher, c'est ça?
Une voix : ...
Mme LeBel :
... — je
ne veux pas dire des niaiseries — en fonction de l'indice de Gallagher,
donc on coupe de moitié la distorsion, si on
veut. Naturellement, ce que vous proposez pourrait réduire encore plus cette
distorsion-là. Vous faites référence, entre autres, au calcul de
redistribution des sièges compensatoires, vous dites, bon, un calcul plus
juste, on pourrait peut-être dire un calcul plus proportionnel.
Une des raisons qui
motivent ou qui pourraient motiver — c'est une réponse à la
question suivante que je vais vous poser — beaucoup de personnes qui
sont réfractaires au mode de scrutin, à la réforme du mode de scrutin pour
aller vers un mode de scrutin proportionnel mixte, c'est que nous allons
potentiellement, probablement, nous diriger vers beaucoup plus de gouvernements
minoritaires. Donc, qui dit gouvernement minoritaire, dans la tête des gens,
dit législature écourtée, donc instabilité des gouvernements. C'est ce qui
circule. Quand on rencontre les gens sur le terrain, ce sont des notions qui
sont véhiculées. Sont-elles exactes? C'est une autre chose, mais on est ici
aussi pour en discuter puis éclaircir ces mythes-là. Donc, c'est quelque chose
qui circule, donc, on va se diriger vers des gouvernements minoritaires, donc
potentiellement des gouvernements qui n'arriveront pas à s'entendre, donc des
instabilités, je vais le dire de cette façon-là, ce sont mes mots. Qu'est-ce
que vous avez à répondre à ça? Et une des façons... une des raisons de ce mode
de calcul là, c'est pour faire en sorte que des seuils de pourcentage nous
permettent encore peut-être d'atteindre des gouvernements majoritaires. Donc,
qu'est-ce que vous en pensez?
• (14 h 20) •
Mme Veilleux
(Noémie) : Peut-être, je peux y aller sur cette question-là, là.
Évidemment, bon, en amenant un plus grand nombre de partis à l'Assemblée
nationale, on permet, oui, bon, la création de gouvernements de coalition, mais
qui sont également, d'office, plus représentatifs, qui vont aller chercher la
pluralité des opinions québécoises, qui vont être réellement, bon,
représentatifs de la volonté populaire.
C'est également une
structure qui va, oui, changer la culture, comme je l'ai dit plus tôt, mais
pousser à la collaboration entre les différents partis. Donc, ça, c'est quelque
chose qui peut être intéressant, au niveau de la réforme, là, de peut-être,
oui, aller chercher ce changement de culture là qui va, avec les procédures
parlementaires en place actuellement, peut-être, bon, être froissé. Mais, cela
dit, il y a également possibilité d'ajuster ces procédures parlementaires là
afin d'adapter au nouveau mode de scrutin puis de redonner, bon, comme je
disais plus tôt, là, un nouveau souffle à notre démocratie. Donc, la fédération
voit ces changements-là de manière positive s'ils permettent de refléter une
nouvelle culture de collaboration au Québec.
Mme LeBel :
O.K. Donc, allons peut-être sur les mesures par rapport à la parité des femmes
comme candidats. Vous prônez le fait que les partis politiques devront
présenter 40 % de femmes, donc on est dans la zone 40-60, si je peux le
dire comme ça, parmi ces candidats. Et vous décidez plutôt de favoriser des
mesures financières incitatives plutôt que des mesures punitives ou le rejet de
la liste, ou le rejet d'une candidature, à titre d'exemple, ou le rejet même du
droit de participation. Donc, pourquoi vous avez choisi cette voie-là, de la
mesure incitative financière, plutôt que les autres mesures qui pourraient être
mises en place?
Mme Veilleux
(Noémie) : On a choisi cette mesure-là simplement... Bon, d'abord,
c'est important de noter que l'argent qui va être reçu, par exemple, là, si on
atteint la cible, ne doit pas être envoyé, par exemple, là, dans l'affichage de
pancartes électorales, là. C'est de l'argent qui doit être investi dans des
mesures, des outils qui vont permettre le
recrutement, qui vont permettre d'agrandir le bassin féminin, qui vont
permettre une parité à l'Assemblée
nationale. Ça va pouvoir aider pour le recrutement, là. On peut penser à, par
exemple, la recommandation de Citoyenneté Jeunesse, ils vont vous la présenter tout
à l'heure, mais d'engager, bon, des agents de mobilisation qui vont, eux,
pouvoir, par exemple, avoir des plans d'action dans chacun des partis, puis
aller chercher les femmes, puis les ramener dans l'écosystème politique québécois.
Donc, à cet effet-là, c'est pour ça qu'on pense que la mesure positive est
optimale dans le contexte actuel.
Mme LeBel :
Et, quand vous parlez de représentation des jeunes, qui, naturellement, devrait vous préoccuper et vous préoccupe,
là — je
ne suis pas en train de... ce n'est pas le contraire que je dis — vous
ne suggérez pas de pourcentage, vous ne suggérez pas de... je vais employer le
terme «quota», mais ce sont mes termes à moi, et vous parlez de mesures
incitatives financières. Alors, comment qu'on calcule ça? Comment on sait si un
parti politique a fait le travail qu'il devait faire en matière de diversité ou
de représentation des jeunes? Comment on attribue cette incitation financière
là? De quelle façon vous envisagez ça?
Mme Veilleux
(Noémie) : Bien, en fait, comme Philippe vous a dit plus tôt, la FECQ
est souple sur les moyens, cependant est très ferme sur les objectifs. Donc,
cette recommandation-là est amenée dans cet esprit-là.
Cela dit, dans le
projet de loi, les exigences, par exemple, que vous donnez, là, pour bonifier
la parité ne sont pas appliquées chez les jeunes. L'étape un pourrait être de,
finalement, appliquer ces mesures-là également pour la représentation des
jeunes, aller chercher un mécanisme qui est semblable, sinon pareil, pour,
justement, aller chercher, bon, une représentativité juste. On peut penser, là,
par exemple, qu'aux dernières élections, là, les jeunes représentaient le tiers
de l'électorat. Bien, à ce moment-là, viser, par vos moyens, vos propres moyens
puis nos objectifs, d'arriver à cet effet-là semble optimal, pour la
fédération.
Mme LeBel :
Bien, merci beaucoup. Je n'ai plus d'autre question, M. le Président.
Le
Président (M. Bachand) : Pas d'autres questions du côté
ministériel? Pas d'autre question. M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît.
M. Tanguay :
Merci beaucoup, M. le Président. Bien, d'abord, merci, merci d'être présents
pour répondre à nos questions et participer au débat qui nous préoccupe relativement
au projet de loi n° 39.
J'aimerais d'abord vous entendre au niveau du
référendum, qui n'est pas un détail, qui est un élément excessivement
important, et je réfère à la page 17 de votre mémoire, lorsque vous
dites que «la FECQ croit qu'il s'agit d'une mauvaise idée de mettre en
place un processus référendaire à même les élections générales». Donc, je crois
comprendre que, vous, il y aurait ni plus ni moins qu'une distorsion dans le
débat public, parce que, lorsqu'on parle
d'une campagne électorale provinciale de 34, 35 jours, un référendum sur le
système même électoral apporterait des distorsions, et, selon vous — et
corrigez-moi si j'ai tort, mais j'aimerais vous entendre là-dessus — ça ne
nous permettrait pas de faire un plein débat, ça ne nous permettrait pas de
dire : Bien, voici les pour, voici les contre, et, durant une seule
campagne référendaire distincte d'une campagne électorale, bien là, les gens
peuvent se faire une idée puis voter en
connaissance de cause. Là, on mélangerait tout. Et ici, quand on dit ça, là, on
fait écho de la loi de 1978 sur les consultations populaires, qui le
disait... qui le disait très clairement qu'il ne peut pas y avoir de référendum
au Québec — c'est
notre régime actuel — en
même temps qu'une campagne électorale, puis Dieu sait qu'on en a eu, des
référendums, au Québec, puis qu'on en a fait, des débats démocratiques, puis on
est une grande démocratie, puis que ça avait un fondement. Donc, j'aimerais
vous entendre là-dessus.
M. Clément (Philippe) : Bien,
vous avez assez raison, en fait, sur l'idée même que... En fait, la seule
chose, peut-être, je rajouterais sur ce que vous avez mentionné, c'est que la campagne
référendaire n'aurait pas lieu en partie en même temps que la campagne
électorale, là, c'est aussi ce que je mentionnais. Le fait que la campagne
référendaire aurait en partie lieu pendant l'été, selon nous, bon, ça permettrait
d'avoir une campagne en partie distincte, mais de la remettre pendant l'été, ce
n'est pas nécessairement mieux, parce qu'à ce moment-là l'attention médiatique,
l'attention des gens, M. et Mme Tout-le-monde, n'est pas nécessairement sur la
réforme du mode de scrutin mais bien sur les vacances estivales. Donc, ça,
c'est une critique qu'on fait, de mettre la campagne référendaire en même
temps.
Mais ce que vous mentionnez est relativement
vrai, là, c'est-à-dire qu'on veut aussi... il y a une intention de sortir ce
référendum-là potentiel de la partisanerie des différents partis. En mettant le
référendum en même temps, bon, on vient aussi le mêler avec les débats
électoraux de vos différentes formations politiques, avec les campagnes... avec
les plateformes électorales, dis-je bien, de vos quatre partis, qui, bon, sont
quand même assez complexes à comprendre quand on les compare puis quand on
vient entendre les propositions puis les cadres financiers. Alors, de faire un
référendum distinct — en
effet, là, il y en a eu d'autres dans l'histoire du Québec — permet
d'avoir un débat sur cette question-là uniquement, et ça serait davantage
bénéfique, selon nous.
M. Tanguay : Et, si je
me faisais l'avocat du diable, en ne pointant personne ici élu en disant que
c'est le diable, là, mais, si on faisait l'avocat du diable, l'article 225.8
dit : Oui, mais attendez, là, oui, il y aurait, en même temps, un
référendum en même temps que l'élection, mais aucun député, aucun élu ne
pourrait être dirigeant d'un camp, le camp du Oui ou le camp du Non. Ça, ce
n'est pas quelque chose qui vous rallierait davantage? Autrement dit, êtes-vous
d'accord avec l'affirmation qu'il serait assez incongru, si d'aventure il y
avait un référendum en même temps que l'élection générale, que le premier
ministre, et la ministre, par exemple, qui ont proposé le projet de loi, et les
députés qui ont voté pour le projet de loi ne pourraient pas diriger le camp du
Oui? Ne trouvez-vous pas ça incongru, également, dans ce contexte-là?
M. Clément (Philippe) : C'est
une bonne question. On n'a pas poussé la réflexion jusqu'aux modalités dudit
référendum. Après ça, ce que je peux vous mentionner, c'est qu'assurément tous
les partis qui vont avoir voté pour le projet de loi devraient, selon nous,
pouvoir l'appuyer. Après ça, il y a différentes façons de l'appuyer. Est-ce que
le premier ministre ou la ministre de la Justice doivent absolument être le
chef ou la cheffe du camp du Oui? Ce sera à eux, à elle, là, de voir. Bien,
c'est sûr que, présentement, en l'interdisant, ça amène une espèce d'imbroglio,
mais, assez clairement, là, ce sera à vous d'en débattre par la suite. On n'a
pas d'opinion en particulier là-dessus.
M. Tanguay : Et là je
fais de la politique-fiction, parce qu'évidemment on dit que ça fait des
décennies qu'on en parle, puis le Parti libéral avait déposé un projet de loi,
il y avait eu une consultation régionale, on était allés voir les citoyens, il
n'y avait pas de consensus, puis ça avait été mis de côté. Certains nous en
feront le grief, mais on avait écouté la population, puis ça avait été mis de
côté.
Là, il y a une nouvelle initiative, le projet de
loi n° 39. C'est correct, on participe du débat. Je
vais faire de la politique-fiction. Je regarde du coin de l'oeil mes collègues
des oppositions, également, pour leur lancer une idée et de les prémunir contre
une certaine déception. On pourrait vous dire, un grand soir : Nous vous
avons entendus, nous avons compris, il n'y aura pas de référendum en même temps
que l'élection générale — ah!
tout le monde pousse un soupir de soulagement — il y en aura un après la
prochaine élection générale. Comment recevriez-vous, à ce moment-là, cette
nouvelle façon de faire? Vous devriez être satisfaits, le référendum n'aura pas
lieu en même temps que l'élection générale, il aura lieu de l'autre bord de
2022.
M. Clément (Philippe) : Bien,
c'est sûr qu'à ce moment-là ça fait en sorte que 2022 a lieu avec le système de
votation actuel, ce qui n'est pas idéal, selon nous. Selon la position
originelle de la FECQ, c'est que tout devait être mis en oeuvre pour que le
mode de scrutin soit réformé pour l'élection de 2022. Et là vous ne parlez pas
d'un référendum de validation, là, je veux juste bien comprendre.
M. Tanguay :
Référendum... (panne de son) ...effectivement, le mode.
M. Clément (Philippe) : O.K.
Donc, à ce moment-là, c'est sûr que, pour nous, c'est beaucoup
moins intéressant, disons-le comme ça, de mettre un référendum après les
élections générales.
• (14 h 30) •
M. Tanguay : Et vous
comprendrez que je vais commencer à poser la question de façon systématique à
toutes celles et ceux qui sont pour le projet de loi n° 39,
qui sont pour un projet de loi... un référendum distinct d'une élection
générale. J'ai commencé systématiquement à poser cette question-là parce que je
veux — vous
me voyez venir, là — commencer
à fermer la porte, un peu, à notre gouvernement caquiste, de dire : Bien,
on vous a entendus, puis le référendum aura
lieu après l'élection de 2022. Je veux commencer à être prêt de dire :
Non, non, non, ce qui a été dit en commission parlementaire, ce n'était
pas un plan envisageable. Celles et ceux — puis c'est leur droit — qui
veulent avoir un référendum distinct, bien, le veulent avant, ne le veulent pas
après.
J'aimerais vous entendre... Page 9 de votre
mémoire, vous parlez... et ce n'est quand même pas anodin, ce que vous
soulevez, et on l'avait soulevé également de notre côté, à la page 9 du
mémoire, dans le haut, vous dites : «La
délimitation des circonscriptions n'est cependant pas prévue [dans] le projet
de loi.» J'aimerais vous entendre là-dessus, parce que, vous le savez,
il y a la Commission de représentation électorale qui, à tous les huit ans, bon
an, mal an, à toutes les deux élections
générales, revisite les circonscriptions, et il y a eu des années où c'est 30,
peut-être même 35 circonscriptions qui avaient eu des délimitations...
des changements, et d'autres années où c'était beaucoup moins que ça. Là, on
passerait de 125 circonscriptions à 80 circonscriptions, ce qui est
énorme, ce qui est une révolution, ce qui est une révolution.
Comment vous, voyez-vous l'importance, aussi,
que ça fasse partie du débat, à savoir la délimitation des circonscriptions? Au-delà de la procédure mise en
place actuellement, ne trouvez-vous pas qu'il y aurait, là également,
aussi un important débat social à y avoir? Parce que de passer de
125 comtés, c'est-à-dire en abolir, ni plus ni moins, 45, il faut les
fusionner, ça serait un grand bouleversement, d'où le qualificatif que j'ai
utilisé ce matin. Comment voyez-vous ça, vous, l'importance, peut-être, aussi
d'ouvrir, le cas échéant, ce débat-là, vous dire : Coudon, quels comtés
qu'on veut au Québec? Puis je regarde du coin de l'oeil mon collègue de
Rimouski, qui est dans une réalité régionale. Je veux dire, ce n'est pas
anodin, c'est fondamental.
M. Clément (Philippe) : Bien,
vous avez raison, c'est une discussion importante. Là, je vais m'avancer, puis
les gens qui ont écrit le projet de loi pourront me corriger, mais l'intention,
c'est de partir de la carte électorale fédérale, et la commission électorale du
Québec pourra l'adapter aux différentes modalités, là, qui la concernent. C'est
sûr que — je
pense que vous l'avez nommé ce matin — il y a déjà beaucoup de
détails dans le projet de loi. Je ne pense pas que d'y aller avec la
délimitation exacte de la carte électorale à ce moment-ci, c'est nécessaire,
surtout que c'est quelque chose qui évolue.
On ne veut pas rouvrir la Loi électorale à chaque fois qu'on a à changer... à
adapter la carte électorale à l'évolution de la démographie. Donc, je
vous dirais que ce n'est pas quelque chose, là, qui nous semble être un
problème, à ce stade-ci.
M. Tanguay : Bien, je
vous dirais que, tel que prévu dans le projet de loi, ce n'est pas du tout ça,
cette approche-là, de dire : On va faire copier-coller avec les
78 circonscriptions fédérales, et j'en veux pour preuve le document qui a
été produit ce matin par Mme la ministre, où, au fédéral, on a 18 comtés
fédéraux, par exemple, à Montréal, et là, selon les calculs, on passerait de 27
et non pas à 18, mais de 27 à 16, donc, à ce moment-là, 16 circonscriptions plus huit députés de région. Donc,
effectivement, on ne pourra faire copier-coller, comtés fédéraux égalent
comtés provinciaux. Ce serait un tout nouveau débat où, par exemple, des
régions comme la région de Montréal, bien, perdraient deux comtés par rapport
ne serait-ce qu'à l'étalon de mesure qui est les comtés fédéraux.
Mme Veilleux (Noémie) : Je vais
me permettre de répondre à ça, là, simplement en mentionnant, bon, que la
fédération a choisi de se pencher sur les 17 régions électorales pour une
raison, on vous l'a nommée plus tôt, là, c'est par rapport à l'unicité. Après,
bon, les circonscriptions qui existent actuellement, oui, bon, elles existent
depuis longtemps, on y est habitués. Cela dit, quand on parle de changement de
culture, on parle également, bon, de renouveau puis de, bon, revisiter,
finalement, ce concept-là des circonscriptions. Oui, si ça implique d'en
fusionner plusieurs, bien, alors ce changement de culture là est nécessaire, on
l'a nommé, il est prometteur, puis il va y avoir du travail à faire en amont.
Cela dit, nous ne sommes pas les professionnels, aujourd'hui, qui vont vous expliquer
comment séparer les circonscriptions.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup, M. le député de LaFontaine. M. le député de Gouin, s'il vous
plaît.
M. Nadeau-Dubois : Merci
beaucoup. Merci d'être avec nous cet après-midi. Dans votre mémoire, vous
faites une recommandation qu'on n'a pas vue encore... bien, dont on n'a pas, en
fait, discutée encore depuis ce matin, c'est-à-dire vous avez comme
recommandation d'opter, en fait, pour un mode de compensation qui soit
national. J'aimerais savoir pourquoi vous formulez cette recommandation-là.
M. Clément
(Philippe) : Dans les deux critères que je mentionnais au début de la
présentation, il y avait la proportionnalité. Tout indique que la compensation
nationale est plus proportionnelle en fonction de l'indice de proportionnalité
de Gallagher que la distribution... la compensation régionale. Et donc, à ce
moment-là, c'est ce qui a été retenu, là, c'est la
compensation la plus proportionnelle. Par contre, étant donné que cet
élément-là fait preuve d'un plus grand consensus, ce n'est pas vers ça, là,
qu'on a tendu davantage dans notre présentation aujourd'hui. Mais, à l'origine,
c'était strictement sur les différents indices de proportionnalité de
Gallagher.
M. Nadeau-Dubois :
Vous vous opposez... vous avez dit vous
opposer à... vous vous opposiez, dans un premier temps, à la tenue d'un
référendum sur la réforme du mode de scrutin, vous dites, bon : Si le
gouvernement y tient, ne tenons pas le référendum en même temps que les
élections. Que pensez-vous de l'idée, qui a été avancée par certains puis qui a
été... c'est une expérience qui a été menée ailleurs aussi, de tenir un référendum
mais suite à ce qu'on ait essayé le nouveau mode de scrutin, une espèce de référendum
de validation, dans le fond? C'est ce qui a été fait, notamment, en Nouvelle-Zélande.
Qu'est-ce que vous pensez de cette idée-là?
Mme Veilleux
(Noémie) : Bien, Philippe en a parlé tout à l'heure, là, bon, le référendum
de validation faisait partie des options qu'on mettait sur table. Donc, en soi,
c'est une possibilité. Ça a été vu ailleurs puis ça a fonctionné ailleurs. Les
gens ont pu l'essayer, s'y habituer et l'adopter. Donc, pour toutes ces
raisons, effectivement, si c'est sur la table, c'est une option qui n'est pas
écartée par la fédération.
M. Nadeau-Dubois :
Merci beaucoup.
Le
Président (M. Bachand) : Merci, M. le député de Gouin. M. le
député de Rimouski, s'il vous plaît.
M. LeBel
(Rimouski) : Oui, merci, M. le Président. Bonjour. Moi, je suis très
content que vous identifiiez les 17 régions. Pour moi, c'est un
incontournable. Il y a 17 réalités, il faut prendre ça en considération.
Mais c'est sûr que ça change la culture. Le député de... mon collègue de l'opposition
parlait de... Moi, ma circonscription est beaucoup plus grande. C'est pour ça
que j'étais très content de voir, dans le mémoire du MDN, ce matin... de dire
qu'il faudra donner des outils aux députés puis il faudra aussi expliquer à la population
qu'il y a des changements, qu'il y a deux députés sur le même territoire, maintenant,
puis que, bon, c'est faisable.
M. Boudreau, je
crois que vous venez de la Côte-Nord. La question est un peu à vous. La Côte-Nord,
selon ce qu'on voit, là, toute la Côte-Nord
ferait une seule circonscription, puis il
y aurait une circonscription de liste après. Vous avez étudié à Sept-Îles, au cégep de Sept-Îles.
C'est un gros changement de culture, là, faire de la Côte-Nord une seule circonscription.
Comment vous voyez ça? Est-ce que vous pensez que Duplessis, au même titre qu'Ungava
et les Îles-de-la-Madeleine, pourrait être un comté d'exception?
M. Boudreau
(James) : Selon moi, c'est vrai que, la circonscription qui regroupe René-Lévesque
puis Duplessis, réunir ça ensemble pourrait apporter certaines problématiques, parce
que, si ce n'est pas la plus grande, c'est la deuxième plus grande circonscription,
ça serait l'une des deux plus grandes circonscriptions du Québec, surtout par
rapport à, bien, tu sais, la distance, la route qui ne relie pas tout le monde.
Donc, après ça, il y a beaucoup d'enjeux qui varient selon l'endroit où est-ce
qu'on est. Après ça, est-ce qu'il serait possible de réunir ensemble? D'une
certaine façon, je pense que oui. Ça serait beaucoup plus probable de réunir
ces deux circonscriptions-là que, par exemple, Duplessis puis Gaspésie. Donc,
voilà, ça fait un peu le tour de ma réponse.
M. LeBel
(Rimouski) : Ça fait que c'est faisable.
M. Boudreau
(James) : Oui.
M. LeBel
(Rimouski) : Merci.
M. Clément
(Philippe) : Cela dit, si je peux me permettre, je ne sais pas s'il
nous reste du temps...
Le
Président (M. Bachand) : Oui, allez-y.
M. Clément
(Philippe) : ...il reste qu'avec un siège de compensation le poids politique
de la provenance serait le même. Il y aurait deux députés qui couvriraient le
même territoire.
M. LeBel
(Rimouski) : ...j'étais curieux d'avoir la réponse de quelqu'un qui
demeure là. Mais c'est pour ça qu'il faut investir dans les outils qu'on
donnerait aux députés...
M. Clément
(Philippe) : Vous avez absolument raison.
M. LeBel
(Rimouski) : ...puis bien expliquer aux populations comment ça
fonctionne maintenant qu'un député de liste peut aussi leur donner un coup de
main dans leurs dossiers, défendre leurs droits comme un député de
circonscription. Merci.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée de
Marie-Victorin, s'il vous plaît.
Mme Fournier :
Merci beaucoup pour votre présentation. J'ai bien aimé le fait que vous
insistiez sur l'aspect, disons, de renouveau démocratique qu'une réforme du
mode de scrutin permet d'instaurer. Vous faisiez référence à la collaboration
nouvelle qui pourrait s'installer, justement, entre les parlementaires. Donc,
si je vous comprends bien, vous pensez que c'est possible que les députés
puissent travailler ensemble, puissent trouver des ententes sur certains... sur
plusieurs enjeux?
Mme Veilleux
(Noémie) : Oui. Si c'est la réponse
que vous vouliez, effectivement, on croit que c'est possible. Il y a du
chemin à faire, au sens où, bon, on a une culture démocratique très
particulière. Mais, en faisant ce bout de chemin là puis en se donnant les
moyens d'y arriver, là, effectivement, ça peut être une possibilité, puis...
voilà.
Mme Fournier :
Mais pourquoi je vous pose la question, c'est justement, en fait, pour faire
référence à ce que disait la ministre tout à l'heure, il y a un argument qui
circule beaucoup en ce qui concerne l'instabilité que l'instauration d'un
nouveau mode de scrutin pourrait créer. Mais, bon, avec des gouvernements
minoritaires, en effet, c'est tout à fait possible d'avoir des ententes de
collaboration. Donc, je pense, de là votre argument sur la prime au vainqueur,
parce que, la prime au vainqueur, je pense qu'on veut l'inclure dans le projet
de loi pour assurer plus de gouvernements majoritaires, mais je crois que votre
point, à la FECQ, c'est de dire : Bien non, on est capables de fonctionner
avec des gouvernements minoritaires en instaurant une nouvelle culture
politique de collaboration au Québec.
M. Boudreau
(James) : Bien, oui, certainement.
D'ailleurs, on peut aussi inclure des modalités pour assurer que, admettons,
des gouvernements de coalition ne tombent pas n'importe quand, ce qui peut
permettre un bon travail entre tous les
parlementaires dans la Chambre de l'Assemblée. Comme par exemple, en Allemagne,
si je ne me trompe pas, il y avait le MDN, ce matin, qui avait dit cet
exemple-là, où il y avait... si un gouvernement de coalition devait se faire
renverser, il devait absolument y avoir une autre coalition qui se forme, sans
quoi ça ne serait pas possible.
M. Clément
(Philippe) : Peut-être pour compléter, c'est l'intention, aussi, de la
réforme, a priori, de dire : Changeons la culture, changeons la façon de
faire. Puis Noémie l'a mentionné, puis on va finir là-dessus, mais ça a comme
impact de redonner confiance à la population, notamment aux jeunes, dans
l'ensemble de notre système démocratique. Puis c'est l'intention de la réforme,
puis il faut aller jusqu'au bout pour cette raison-là.
Mme Fournier :
Je le crois aussi. Merci.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Merci beaucoup de
votre collaboration, c'est très, très, très apprécié.
Je suspends les
travaux pour quelques instants. Merci infiniment.
(Suspension de la séance à
14 h 40)
(Reprise à 14 h 43)
Le
Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il
vous plaît! Alors, je vous invite à prendre siège et à maintenir le silence, s'il
vous plaît, pour la présentation de l'autre groupe. Merci.
Alors, je souhaite maintenant
la bienvenue à la représentante et au représentant de Citoyenneté Jeunesse.
Comme vous savez, vous avez 10 minutes de présentation, et par après nous
aurons un échange avec les membres de la commission. La parole est à vous, et, encore
une fois, bienvenue.
Citoyenneté Jeunesse
Mme Bazid
(Fouzia) : Donc, merci, M. le Président. Mme la ministre, Mmes et MM.
les députés, je me présente, je m'appelle Fouzia Bazid, je suis vice-présidente
au financement à Citoyenneté Jeunesse, et aujourd'hui je suis accompagnée de
mon collègue Jean-Marcel Seck, administrateur au Forum jeunesse de l'île de
Montréal.
Donc,
Citoyenneté Jeunesse, connu anciennement sous le nom de la Table de
concertation des forums jeunesse régionaux du Québec, est un organisme
par et pour les jeunes dont ses axes d'intervention sont la représentation, la
concertation et la participation citoyenne des jeunes. Les forums jeunesse
régionaux ont notamment le mandat à la participation citoyenne et un rôle de
conseil en matière de jeunesse. Et c'est pour ça qu'on est là aujourd'hui, afin
de contribuer et de bonifier vos échanges sur le projet de loi n° 39
et, bien sûr, sous l'angle de la jeunesse.
Tout d'abord, on
aimerait saluer l'engagement du gouvernement qui mène cette réforme du mode de
scrutin et on partage avec vous la volonté d'établir un mode de scrutin
proportionnel mixte. C'est sans équivoque qu'il est essentiel pour Citoyenneté
Jeunesse d'aborder la question de la représentation de la jeunesse et de
fournir différents outils pour appliquer cette réforme. Et finalement
j'aimerais mentionner qu'on est heureux de voir, aujourd'hui, qu'à la
commission on voit trois jeunes, trois députés de moins de 30 ans qui sont
présents aujourd'hui. Donc, ça nous fait un grand plaisir d'être là avec vous.
Merci.
M. Seck
(Jean-Marcel) : Donc, notre première recommandation porte directement
sur la fixation d'objectifs visant les jeunes. Nous recommandons que le
gouvernement du Québec impose les mêmes obligations pour les partis politiques
en matière de fixation d'objectifs, de leur diffusion, de la diffusion de
l'atteinte de ces objectifs en ce qui concerne la représentativité des jeunes
de 35 ans et moins, donc ceux que le projet de loi prévoit déjà en ce qui
concerne la parité femmes-hommes.
Évidemment,
nous saluons la volonté du gouvernement d'imposer aux partis politiques de se
doter d'objectifs en matière de parité femmes-hommes, tel que le prévoit
l'article 73 du projet de loi. Nous saluons également la volonté du
gouvernement, communiquée à même le projet de loi, de favoriser davantage la
présence, parmi les députés, notamment des femmes, des jeunes et des personnes
issues de la diversité. Le projet de loi ne prévoit par contre aucune mesure
précise visant les jeunes. Or, les jeunes sont sous-représentés en politique
provinciale au Québec. À l'automne 2019, ils représentaient 41 % de
la population québécoise; pour les députés de 30 ans et moins, l'on ne
parle que de 4 %. C'est dans ce contexte que nous proposons d'imposer aux
partis politiques de se doter d'objectifs clairs qui seront rendus publics.
Notre seconde
recommandation porte sur la représentativité des jeunes. Nous recommandons que
le gouvernement du Québec impose l'obligation aux partis politiques
d'inclure dans leurs listes de candidatures régionales 25 % de
candidatures jeunes de 35 ans et moins; que 25 % des listes de
candidatures régionales des partis, soit quatre listes, présentent au premier
rang une candidature jeune de 35 ans et moins. Donc, toujours dans
l'optique de profiter de cette réforme pour améliorer la représentativité de la
jeunesse québécoise auprès de sa députation, nous proposons donc d'ajouter ce
concept de double seuil de représentativité. Ce double seuil, que certains
nomment quota, n'est pas une première. Dans plusieurs pays, notamment la Suède,
un tel quota est déjà présent.
Mme Bazid (Fouzia) : Le projet
de loi, aussi, comme il est présenté actuellement, ne dispose pas de mesure qui
peut assurer une meilleure représentation des femmes dans les candidatures et
qui peut favoriser une plus grande présence de femmes à l'Assemblée nationale.
Compte tenu que les femmes représentent 42,4 % des députés à l'Assemblée nationale
alors que celles-ci représentent la moitié de la population québécoise, il
convient à ce que des mesures soient mises en place afin de favoriser la parité
des genres et pallier la sous-représentation des femmes en politique. Ainsi, Citoyenneté Jeunesse recommande
qu'il soit obligatoire que les listes régionales des partis politiques
contiennent à 50 % des candidatures féminines. D'une part, les listes
régionales doivent contenir en alternance des candidatures féminines et
masculines et, d'autre part, que 50 % des listes régionales, c'est-à-dire
huit régions électorales, doivent proposer au premier rang une candidature
féminine. Cette proposition constitue un double seuil de représentation de
candidatures de femmes. Et, dans le cas que les listes des partis politiques ne
sont pas conformes, celles-ci devraient être considérées inadmissibles par
Élections Québec, comme il est établi, en fait, par l'article 66 du projet
de loi n° 39.
Les deux mesures qu'on vient de présenter sont
des nouveaux mécanismes qui vont être imposés aux partis politiques, et un
travail de recrutement devra être réalisé par les partis pour répondre à ces
besoins, et ils devront être outillés. C'est pour cette raison que Citoyenneté
Jeunesse recommande qu'un fonds soit constitué pour appuyer les partis dans
leur recrutement de candidatures féminines et de candidatures de jeunes de
moins de 35 ans. On recommande également que ce soutien financier soit au
minimum de 100 000 $ pour chaque parti qui est représenté à
l'Assemblée nationale au moment du déclenchement des élections suivant l'entrée
en vigueur de la loi n° 39. Cette condition financière, qui est
ponctuelle, devra être allouée un an avant la date limite du déclenchement des
élections et de telle manière que les partis politiques seront financièrement
outillés pour s'organiser afin de répondre aux exigences des deux mécanismes
qu'on vient de présenter.
Sur un autre sujet, Citoyenneté Jeunesse a
toujours appuyé les communautés autochtones et les jeunes issus de ces
communautés. Nous reconnaissons que les voix de ces communautés doivent être
entendues et que cette réforme du mode de scrutin doit représenter la diversité
de la jeunesse et de l'ensemble de la population québécoise. Nous croyons qu'il
est judicieux de leur donner la parole afin qu'ils puissent exprimer les
meilleurs moyens de favoriser leur représentation lors des processus
électoraux. En prenant en considération ces éléments, nous recommandons que le
gouvernement du Québec consulte les organismes qui représentent les Premières
Nations et les Inuits sur la question de la réforme du mode de scrutin.
Puis l'électorat québécois aura une importante
décision à prendre le jour du référendum, et le résultat de ce référendum aura
un impact extrêmement important sur notre démocratie. Devant l'importance de
cet enjeu, il est primordial d'accorder les bons moyens afin de s'assurer de la
participation des Québécois et surtout des électeurs et électrices de moins de
35 ans. C'est pour cette raison que Citoyenneté Jeunesse recommande que le
gouvernement du Québec organise et finance une importante campagne
d'information sur le référendum de la réforme de mode de scrutin. Pour cette
campagne référendaire, nous préconisons qu'un fonds distinct soit attribué pour
l'éducation citoyenne des jeunes de moins de 35 ans. Cette campagne
d'information sera ponctuelle et impartiale. Elle informera sur la réforme du
mode de scrutin proposée et expliquera les conditions à respecter pour exercer
son droit de vote.
• (14 h 50) •
M. Seck (Jean-Marcel) :
Notre septième recommandation porte sur le financement d'une campagne
d'éducation auprès des jeunes. Nous recommandons que le gouvernement du Québec
finance annuellement à hauteur de 250 000 $ une campagne d'éducation
à la participation démocratique auprès des jeunes de 35 ans et moins menée
par Élections Québec et aussi les groupes jeunes habilités à mener une telle
campagne; que cette campagne soit annuelle et récurrente, autant en période
électorale qu'en période non électorale; que cette campagne couvre, de façon
non exclusive, les éléments suivants : l'«empowerment» des jeunes, le
recrutement des jeunes et la sortie de vote des jeunes.
Par cette recommandation, nous reconnaissons le problème de la faible
participation électorale des jeunes et nous proposons de s'y attaquer à la
source.
Notre huitième
recommandation porte sur l'équité quant aux dépenses électorales. Nous
recommandons que le gouvernement du Québec ajuste le maximum des dépenses
électorales des circonscriptions des régions de l'Abitibi-Témiscamingue et de
la Côte-Nord au même montant maximum que celui prévu pour la circonscription
d'Ungava, soit une majoration maximale de 0,35 $ par électeur. Pour tous
les détails et les motifs soutenant cette recommandation, nous référons les
membres de cette commission à notre mémoire aux pages 7 à 9.
Enfin, notre neuvième
recommandation porte sur le seuil de participation à l'attribution des sièges
de région. Nous recommandons que le gouvernement du Québec abaisse le seuil de
participation à l'attribution des sièges de région pour un parti autorisé à
5 % des votes valides exprimés en faveur de l'ensemble de ces listes
régionales de candidates et candidats. L'article 156 du projet de loi
vient modifier la Loi électorale en ajoutant notamment l'article 379.2,
établissant que, pour participer à l'attribution des sièges, il faut au moins
10 % des votes à l'échelle du Québec. Nous estimons que ce seuil est trop
élevé, car contraire à une considération importante derrière l'idée même de
remplacement du mode de scrutin majoritaire uninominal à un tour par le mode de
scrutin mixte avec compensation régionale. En effet, tel qu'il appert de la
page 5 du projet de loi, cette réforme est présentée : «Considérant
qu'il y a lieu que le mode de scrutin reflète plus fidèlement la pluralité et
le poids relatif des opinions et des idées politiques existantes au sein de la
société.» Nous sommes d'avis que le seuil de 10 % ne serait atteignable
que par les quatre partis actuellement représentés à l'Assemblée nationale et
qu'il risque fortement de ne pas permettre de refléter plus fidèlement la
pluralité et le poids relatif des opinions et des idées politiques existantes
au Québec. Nous proposons donc de réduire ce seuil à 5 %, un seuil qui
permettrait de satisfaire à l'objectif du projet de loi, tout en évitant de
donner une légitimité aux extrêmes du spectre politique et aux discours
indésirables dans notre société libre et démocratique.
Donc, voici les
recommandations mises de l'avant par Citoyenneté Jeunesse, et c'est avec
plaisir que nous répondrons à vos questions.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme la ministre, s'il
vous plaît.
Mme LeBel :
Merci, M. le Président. D'abord, merci.
Merci de votre présentation. Merci de votre mémoire, qui est d'une très bonne qualité, je vous remercie, les
détails sont là. Puis effectivement on pourra lire avec plus d'attention,
surtout en question de financement, vos arguments un peu plus techniques, si on
veut, là, sur cette question-là.
Je vais y aller peut-être
plus en macro sur des grands principes et vous poser une question. Donc, vous
proposez... et vous m'excusez si c'est dans le mémoire, mais je ne l'ai pas
noté, vous proposez donc l'obligation d'inclure des seuils, également, à
l'instar de ce qu'on pourrait faire en matière de parité hommes-femmes, qui est
la fameuse zone paritaire dont on discute, 40-60 ou 45-55, peu importe, mais
cette zone-là... à l'instar d'inclure des seuils pour les femmes, vous proposez
d'inclure également des obligations d'atteindre des seuils pour des
candidatures de jeunes de 35 ans et moins. Vous proposez également de
donner, je pense, à une seule reprise, hein, le financement pour permettre des
campagnes de recrutement, c'est-à-dire l'année précédant la première élection
pour le mode de scrutin, pour doter, si vous voulez, les partis politiques,
j'imagine, d'outils, d'experts. Vous mentionnez des expertises et des gens...
pas qualifiés, mais qui connaissent les stratégies pour recruter en matière de
jeunes et probablement en matière de femmes aussi.
Mais vous n'allez pas
plus loin, c'est-à-dire qui dit obligation demande une réponse au manquement de
l'obligation. Alors, qu'est-ce que vous nous proposez? Quand on parle d'une
obligation d'atteindre des seuils à même la Loi électorale pour les partis
politiques, bien, si les partis politiques n'atteignent pas cette
obligation-là... Nous, ce qu'on propose, c'est un peu ça... peut-être qu'on
pourrait aller un peu plus loin, c'est ce qui se dit, mais ce qu'on dit, c'est
que les partis politiques vont se doter d'objectifs, et, s'ils n'atteignent pas
les seuils, bien, la réponse sera, de la part de l'électorat, de dire :
Bien, vous n'avez pas atteint votre seuil, je ne suis pas content, ou :
Vous vous étiez fixé un seuil, peu importe.
Maintenant,
vous fixez des obligations, vous demandez de fixer des obligations, mais quelle
est la conséquence? Elle peut être incitative, ça peut être une
récompense, ça peut être une punition, ça peut être un rejet de la liste, ça
peut être un rejet de la candidature, si on parle de la circonscription. Alors,
comment vous envisagez ça? Comment on met la contrepartie à l'obligation?
Mme Bazid
(Fouzia) : Donc, peut-être, ce n'était pas assez explicite dans notre
mémoire, mais ce qu'on disait, c'est... on se référait à l'article 66, qui
disait que, si, en fait, les listes n'étaient pas conformes ou en partie,
qu'ils devaient, en fait, retourner à la table et retravailler leurs listes
régionales. Donc, c'était ça, notre point.
M. Seck
(Jean-Marcel) : Parce qu'en fait nous ne voulions pas ajouter un
processus trop complexe au Directeur général des élections, non plus. Le projet
de loi prévoit déjà l'ajout de l'article 247.6 à la Loi électorale, qui
prévoit qu'une fois que la liste régionale est présentée au Directeur général
des élections il doit vérifier si, selon toute apparence, la liste est
conforme. Et, si elle est conforme, il donne une mention conforme, et, si elle
ne l'est pas, cette liste est jugée non conforme et donc inadmissible. Donc,
nous ajouterions une exigence, un seuil pour les jeunes et un seuil pour la
parité hommes-femmes, mais nous ne voulons pas compliquer davantage le
processus.
Mme LeBel :
O.K. Donc, dans les faits, la réponse à ma question, c'est de dire que ça
entraîne un rejet de la liste si elle ne rencontre pas les différents seuils
obligatoires que vous proposez, c'est ça?
M.
Seck (Jean-Marcel) : Exactement, Mme la ministre.
Mme LeBel :
O.K. Merci. Quand on parle de favoriser la
représentation des femmes, favoriser la représentativité des genres, la
représentativité des jeunes, des Premières Nations également, des diversités
ethnoculturelles, ce sont tous des principes auxquels nous adhérons, auxquels
j'adhère. Mais, quand on parle de fixer des seuils, des obligations, comme vous
le proposez, et quand on combine les obligations et les seuils ou les quotas,
peu importe le terme qu'on emploie, pour les jeunes, ceux que vous proposez
également pour les femmes, ne pensez-vous pas qu'il devient un peu complexe
pour les partis politiques de naviguer dans tout ça?
On peut mettre des
incitatifs, on peut favoriser, mais, quand on donne des obligations, et surtout
si ça entraîne le rejet de la liste au bout du compte, ça ne pourrait pas
devenir un peu complexe pour les partis politiques de recruter, même avec toute
la meilleure volonté du monde, là? Et je prends pour acquis, dans l'exercice...
dans la prémisse de ma question, c'est que les gens sont de bonne volonté et
veulent atteindre ces seuils-là, ils veulent favoriser cette
représentativité-là, et qui ne serait pas... et que ça pourrait devenir
compliqué, parce que, dans la notion de recrutement, il y a également la notion
de consentement, aussi, du candidat. Donc, il faut convaincre des gens de se
présenter, on ne peut pas forcer des gens à se présenter. Donc, il faut
convaincre, donc inciter le recrutement, l'éducation, le dialogue, favoriser,
en parler, comme on en fait aujourd'hui, qui est déjà, quant à moi, beaucoup et
aide surtout à ces notions-là. Vous ne pensez pas que, quand on vient mettre
des seuils... surtout la combinaison de tous les seuils dans les différents
secteurs ne vient pas complexifier outre mesure et trop, finalement, pour
l'atteinte de l'objectif — moi,
je parle d'équilibre, ici, là — tout considérant, pour les partis
politiques, surtout si ça entraîne un rejet de la liste?
Mme Bazid
(Fouzia) : Notre vision, en fait, c'est : on veut prioriser la
représentation des jeunes et des femmes, étant donné que c'est deux groupes qui
sont sous-représentés. Et je pense qu'on est rendus au point où on devrait se
pencher sur cette question pour avoir une plus grande représentation de ces
deux groupes-là. Ce qu'on observe aussi, c'est que, lorsqu'on amène un quota ou
un seuil, on observe une plus grande présence de femmes et/ou de jeunes
lorsqu'il y a un quota pour les jeunes ou pour les femmes. Et ça, c'est des
données qui viennent de l'Union interparlementaire, en fait, qui ont analysé
les pays qui ont amené ces quotas ou seuils, et on observe vraiment une plus
grande représentation de ces deux groupes-là. Donc, en fait, lorsqu'on amène
des mesures, des mesures concrètes, structurantes, on observe vraiment un réel
changement.
Mme LeBel :
Parlons peut-être un peu du seuil de 5 % que vous prônez. Certains disent
2 %, certains disent moins que 5 %, dans d'autres endroits, c'est
plus. Pourquoi 5 % comme tel? Et pourquoi pas moins? Je pense que vous
l'avez dit un peu, puis je le sais, là, je l'ai vu dans votre mémoire, mais
j'aimerais que vous le détailliez ou le complétiez un peu plus, s'il vous
plaît, sur votre motivation d'arrêter à 5 %, finalement.
• (15 heures) •
M. Seck
(Jean-Marcel) : C'est que nous sommes conscients qu'il y a une balance
des inconvénients dans l'évaluation ou la détermination, plutôt, du bon taux.
Nous sommes certains que certains groupes sont plutôt en faveur d'un taux beaucoup
plus faible pour une meilleure proportionnalité, certains groupes sont en
faveur d'un seuil plus élevé. Justement, la question d'instabilité est revenue
plus tôt lors des représentations de la FECQ. Pour nous, le 5 % est un
juste milieu. Ce 5 % là permet justement d'éviter les inconvénients
d'avoir un seuil trop bas, mais ajoute à la proportionnalité. À notre avis, un
seuil de 10 % est malheureusement trop élevé. Et nous saluons la volonté
du gouvernement de prendre en considération
la représentativité des femmes, de la diversité, des jeunes et de répondre à
la volonté de la population, mais pour y répondre réellement, nous sommes
d'avis qu'un seuil de 10 % serait trop élevé.
Mme LeBel :
Parfait, merci. Mon collègue, peut-être?
Le
Président (M. Bachand) : Merci. M. le député de Beauce-Sud,
s'il vous plaît.
M. Poulin :
Merci. Combien de temps, M. le Président?
Le
Président (M. Bachand) : Sept minutes.
M. Poulin :
Sept minutes, parfait. Bien, bonjour, content de vous retrouver à nouveau,
Citoyenneté Jeunesse. Effectivement, on a eu la chance, déjà, de s'entretenir
dans le passé sur les forums jeunesse régionaux, qui ont, pendant plusieurs
années, été les gestionnaires également des FRIJ, qu'on appelait. Donc, on
faisait en sorte que, les forums jeunesse régionaux, il y ait un réel poids, une
réelle implication et puissent gérer des sommes financières, recueillir des
projets. Malheureusement, ça a été coupé par les précédents gouvernements, mais
on est toujours en réflexion sur la meilleure façon qu'on puisse impliquer les
jeunes du Québec dans les différentes régions du Québec.
Et je pense que, les
jeunes, ça ne doit pas être seulement quelque chose de «cute» ou quelque chose
à la mode, de présenter des jeunes en politique parce que c'est bien le fun ou
c'est bien agréable, on doit les prendre au sérieux, on doit leur donner de
réels pouvoirs. Et c'est pour ça qu'on a des rendez-vous très importants à ne
pas manquer, entre autres, avec les élections municipales qui s'en viennent et
les élections provinciales, également, qui vont arriver en 2022.
Vous dites, dans votre mémoire, à la
recommandation 7, que... vous parlez d'une campagne de sensibilisation,
vous avez mis le chiffre de 250 000 $. Est-ce que je peux savoir
pourquoi 250 000 $?
M.
Seck (Jean-Marcel) : Le chiffre de 250 000 $ a été établi
par nous pour avoir un impact réel. Pour nous, pour justement avoir des forces
suffisantes pour mener cette campagne-là, il faut un financement significatif.
Par contre, nous comprenons très bien l'effort que cela peut demander pour le
gouvernement, mais nous considérons que, vu le budget annuel d'Élections
Québec, qui s'évaluait, à l'élection de 2018, à environ 83 millions, pour
nous, 250 000 $ seraient suffisants pour aider cette campagne
d'information à atteindre ses objectifs.
M. Poulin :
Pour convaincre les jeunes de s'intéresser à cette réforme du mode de scrutin
là et, ultimement, se présenter en politique, ça va prendre plusieurs actions.
Oui, il y a peut-être cette campagne-là d'Élections Québec, tout comme on l'a
fait pour les femmes qui s'engagent en politique, tout comme on a des
organisations qui font un supertravail pour inciter les femmes en politique,
mais moi, je suis très inquiet de la participation des jeunes sur les conseils
d'administration, en politique municipale, en politique provinciale, d'où
l'importance de leur donner un réel pouvoir lorsqu'ils font le choix de
s'impliquer.
Évidemment, on est en
révision, ces jours-ci, du cours d'ECR. Il y a une consultation en ligne qui se
tient, présentement. Et un des premiers volets
du gouvernement, c'est l'éducation citoyenne, c'est la citoyenneté,
c'est l'engagement, c'est de connaître le Québec, connaître notre histoire,
connaître la politique, et donc connaître, éventuellement, cette réforme de
mode de scrutin là. Seriez-vous en accord à plus de citoyenneté, donc, à
l'intérieur du cours d'ECR?
Mme Bazid
(Fouzia) : On n'a pas eu cette discussion, de notre bord, donc je ne
pourrais pas vous donner une position de Citoyenneté Jeunesse sur ça. Donc, par
rapport à ce cours-là, malheureusement, je ne peux pas vous donner de réponse.
Mais, pour nous, c'est sûr, l'éducation à la citoyenneté est importante, et
c'est pour ça qu'on a fait, dans notre recommandation 7, qu'Élections
Québec puisse mener des campagnes annuellement pour aller chercher la relève,
pour aller engager les jeunes à une participation démocratique et à une
participation dans leur communauté et dans leur société aussi.
M. Poulin :
Selon vous, quelle est la meilleure façon de rejoindre
ces jeunes qui, potentiellement, pourraient s'impliquer en politique? On a
parlé, un peu plus tôt ce matin, du Parlement des jeunes, Forum étudiant. Je
pense que c'est des pépinières de jeunes intéressantes pour les cabinets
politiques mais également pour se lancer en politique, je suis convaincu.
Quelle est la meilleure façon de les rejoindre? On dit : On fait une
campagne de sensibilisation, vous recommandez 250 000 $. Comment on
le fait? Où on le fait? Où on entre? On ne veut pas juste mettre de la
publicité sur les GAFAM, là. Puis on s'entend que je ne veux pas importer une
autre commission parlementaire ici, mais la meilleure façon de rejoindre les
jeunes... pour vous qui êtes sur le terrain à tous les jours, qui leur parlez,
quelle est la meilleure façon de le faire?
Mme Bazid
(Fouzia) : Juste pour débuter, en premier, on avait, dans plusieurs de
nos recommandations, je pense, en tout... englobent un grand plan d'action qui
est, d'une part, outiller les partis politiques à créer eux-mêmes des
structures pour aller chercher les jeunes. Peut-être, c'est des structures qui
ne sont pas... qui ont besoin d'être un peu plus travaillées. Du côté
d'Élections Québec on suggère fortement une campagne annuelle... qu'ils vont
aller sensibiliser, aller chercher les jeunes à s'impliquer plus dans leur
communauté. Et ce qui est important dans ce réseau-là, c'est les organismes
jeunesse, donc aller vers les jeunes, leur faire confiance, parce que les
jeunes sont les experts de leur propre
réalité, donc les écouter pour savoir qu'est-ce qu'ils veulent. Je pense, ça,
ça serait le premier pas à faire pour aller les chercher puis les
engager.
M. Poulin :
Mais, la meilleure façon de pouvoir les rejoindre, est-ce que vous croyez que
ça passe, par exemple, évidemment, par le réseau scolaire? Est-ce que ça
devrait passer par les carrefours jeunesse-emploi? Est-ce qu'on devrait passer
directement par les conseils d'élèves qui sont déjà en place dans les écoles?
Est-ce qu'on se concentre sur un cours d'ECR comme tel? Parce que la trame
sonore de tout ça qui fait qu'aujourd'hui, vous l'avez dit d'entrée de jeu, on
a 4 % de députés de moins de 30 ans à l'Assemblée nationale, c'est
probablement parce qu'on n'en a pas rejoint assez. Après ça, bien, la même
question chez les femmes, que les partis politiques, on place les jeunes dans
des comtés où ils ont de réelles chances de l'emporter, tout comme les
candidatures de liste qui pourraient être intéressantes, avec une sensibilisation
de faite sur plus de jeunes, sur les candidatures de liste. Alors, la meilleure
façon de les rejoindre, c'est où?
M. Seck
(Jean-Marcel) : Je vous répondrais en deux temps sur cette
question-là. Je crois, justement, notre souci de rejoindre les jeunes apparaît
dans certaines de nos propositions, pas seulement les campagnes d'information,
mais aussi les seuils. Pour nous, le seuil est important pour aller chercher
les jeunes, que davantage de jeunes soient présents à l'Assemblée nationale.
Vous en êtes un bon exemple, Mme Catherine Fournier en est une aussi,
M. Gabriel Nadeau-Dubois. Nous croyons que plus les jeunes vont voir des
députés, dans leur circonscription, dans leur région, s'impliquer, s'épanouir,
mais vraiment faire avancer leur société, plus ils auront envie de s'impliquer.
Nous croyons que les organismes jeunesse
sont les meilleurs vecteurs de changement parce que c'est par et pour les
jeunes, ce sont des organismes qui sont gérés par des jeunes, bien gérés
par des jeunes et qui sont capables d'atteindre les jeunes. Et c'est vraiment
pour ça que notre réponse est en deux volets. Nous croyons que le seuil est
important, mais nous croyons aussi que, pour aller chercher les jeunes
directement, il faut passer par des organismes jeunesse.
M. Poulin :
Donc, c'est les maisons de jeunes, carrefours jeunesse-emploi, on est
là-dedans, là?
M. Seck (Jean-Marcel) : Tant que l'organisme est géré par des jeunes et
que son action est pour les jeunes, oui.
M. Poulin :
D'accord. Merci. Est-ce qu'il reste du temps, M. le Président?
Le
Président (M. Bachand) : ...
M. Poulin :
Une minute? Bien, tout d'abord, merci, effectivement, merci pour le travail que
vous faites également. Et on a hâte d'accueillir l'ensemble de vos
propositions, également, en vue du prochain plan pour la jeunesse — vous
avez déjà signifié, entre autres, l'importance des forums — et on
va demeurer attentifs, également, sur toutes les étapes qu'on peut faire pour
impliquer les jeunes le plus tôt possible. Souvent, les passions, on peut les
découvrir à 11, 12, 13 ans. Les coopératives jeunesse de services, je me
souviens, qui existent encore à certains endroits, est un bon exemple de
pouvoir impliquer les jeunes. On est prêts à accueillir l'ensemble de vos idées
sur la meilleure façon de les rejoindre. Pendant des années, on a tout fait
pour plus rejoindre les femmes. Je pense qu'on a fait un pas considérable qui
n'est pas... qui reste encore à faire, il y a encore du travail à faire, mais,
chez les jeunes, on part de loin, on part de loin puis il y a encore beaucoup
de travail à faire, donc on souhaite qu'on puisse être partenaires à ce
niveau-là. Merci.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Puis je me tourne
maintenant vers le député de LaFontaine, s'il vous plaît.
• (15 h 10) •
M. Tanguay :
Merci beaucoup. Bien, d'abord, merci à vous
deux d'être présents ici, en cette Assemblée nationale, votre Assemblée
nationale, pour débattre de cette importante question.
Il est intéressant de
voir le collègue de Beauce-Sud essayer de loger ce que serait le prochain cours
d'Éthique et culture religieuse. Vous n'êtes pas, vous deux, présents ici pour
parler de cela, parce que je pense qu'on pourrait avoir une discussion tout
autre sur les questions de culture religieuse et de la façon dont le
gouvernement les aborde. Mais je referme la parenthèse et je mets fin au
malaise.
Alors, une fois ceci
étant dit, M. le Président, j'aimerais vous entendre, parlons de mode de
scrutin. Alors, une fois que l'on a dit cela, mode de scrutin, vous
dites l'importance d'assurer une meilleure représentativité des jeunes de
35 ans et moins et également de s'assurer d'une meilleure parité femmes et
hommes. Et vous dites : Appliquez, dans la mouture du projet de loi n° 39,
nouveau mode de scrutin... vous dites : Bien là, on pourrait établir des
seuils, on pourrait faire en sorte... et là vous proposez : 25 % des
jeunes... on parle des listes régionales, 25 % des jeunes de 35 ans
ou moins devraient être candidates et candidats sur les listes des partis
politiques régionales et 35 % des listes devraient commencer...
c'est-à-dire 25 % des listes devraient commencer au premier rang avec un
jeune de 35 ans et moins. Alors, l'objectif... et même chose pour la
parité hommes-femmes, et là c'est 50 %.
Êtes-vous d'accord
avec moi aussi... Parce que, vous savez, il y a un principe pour siéger à
l'Assemblée nationale, depuis quelques années, où l'on dit : Qui trop
embrasse mal étreint. Autrement dit, on veut tout faire, on veut avoir une
réforme, là, c'est plusieurs articles, on a ajouté, avant les fêtes,
160 articles sur la mécanique référendaire. Êtes-vous d'accord avec moi
que, si l'objectif est d'assurer dans ces proportions-là, 25 % de jeunes
de 35 ans et moins, 50 % de femmes, candidats et candidates... si
c'est cet objectif-là qui est à atteindre, êtes-vous d'accord avec moi, pour
que notre Assemblée nationale, les 125 députés reflètent cette réalité-là,
les jeunes et les femmes... êtes-vous
d'accord avec moi que l'on pourrait tout aussi bien s'assurer de le faire, pour
la prochaine élection de 2022, en mettant cette obligation-là chez les
partis politiques dans le mode actuel électoral, cette obligation-là? Êtes-vous
d'accord avec moi qu'on pourrait faire avancer le Québec sur ces deux enjeux-là
en obligeant... indépendamment du référendum,
de quand il va avoir lieu et de son résultat, qu'on pourrait déjà, là, parce
que la Loi électorale est ouverte
devant nous, dire, bien, dans un premier temps, que ces articles-là, pour le
mode actuel électoral de 2022, soient
mis en application, obligation pour les partis de mettre en application, les
125 comtés, et, à la limite, ajouter
cela, si d'aventure le référendum est gagnant, et que c'est un nouveau mode de
scrutin, bien, faire en sorte que d'autres
articles modelés sur cet objectif-là puissent être mis en vigueur? Êtes-vous
d'accord avec moi qu'on pourrait, dans les deux scénarios... parce qu'il
y a un scénario que je suis certain que vous voulez éviter, là, c'est qu'à la fin de la journée il n'y a rien qui soit
modifié dans la Loi électorale parce que le référendum ne passe pas bien, mais
qu'on puisse faire avancer la société
québécoise dans le mode actuel et, si d'aventure ça passe, dans le mode
proposé?
M. Seck
(Jean-Marcel) : Donc, notre position première est pour la réforme du
scrutin. Alors, pour nous, la priorité ou une des premières... une des
priorités est cette réforme du scrutin pour avoir un système plus proportionnel
qui représente davantage la volonté de la population générale.
En second lieu, à la
lecture même du projet de loi, qui établit que, considérant qu'il y a lieu de
favoriser davantage la présence parmi les députés, notamment, des femmes, des
jeunes et des personnes issues de la diversité, nous considérons que c'est le
moment parfait pour ajouter des seuils et que ça ne vient pas davantage trop
complexifier la situation. Nous considérons par ailleurs que la mise en
application de ces seuils-là ne devrait pas ou, du moins, c'est notre proposition,
ne serait pas applicable aux 125 sièges. Ces seuils-là ne seraient
applicables qu'aux 45 sièges de région.
Donc, nous sommes
conscients que nous appelons le gouvernement à oser, à saisir une opportunité,
mais le pas ne s'applique pas à tous les
sièges. Alors, c'est déjà une exigence qui est, disons, en quelque peu
diminuée qui demande un pas moins grand pour le gouvernement.
Et nous sommes conscients aussi que ça peut paraître un pas important, ça peut
paraître complexe, ça peut paraître difficile à imaginer, d'avoir de tels
seuils applicables à notre système actuel. Par contre, lorsqu'on regarde la situation
ailleurs, on réalise que le Québec serait assurément à l'avant-garde mais pas
le premier à prendre ce pas-là. Pensons à la Suède, pensons à l'Ukraine,
pensons au Sénégal, pensons à la Turquie, ce
sont tous des pays où un quota de jeunes sont présents. De nombreux autres pays
ont un quota de femmes. Alors, ce que nous vous demandons de faire a déjà
été fait ailleurs et nous vous appelons à regarder la représentativité dans ces
autres pays et dire qu'au Québec nous méritons une telle réforme.
M. Tanguay :
Mon point, et je comprends que vous avez axé votre réflexion, puis c'est tout à
fait louable et correct, dans le contexte du projet de loi n° 39, mais
seriez-vous d'accord avec l'affirmation suivante, que, si d'aventure le projet
de loi n° 39 n'est pas adopté ou que le référendum ne passe pas, il y aurait
également lieu, pour vous, de venir proposer à votre Assemblée nationale que,
donc, dans le mode actuel il y ait un certain minimum de seuils de 35 ans
et moins et de femmes, donc, que l'on prenne acte de cet objectif-là? Ne
seriez-vous pas d'accord également que l'on ne devrait pas renoncer à se
reposer la question, dans les années à venir, si d'aventure le référendum — parce
qu'on ne peut pas présumer qu'il va passer, là — ne passait pas?
M. Seck
(Jean-Marcel) : Nous sommes pour toute mesure qui favoriserait la
représentativité des femmes, des jeunes et des personnes issues de la
diversité.
M. Tanguay :
Parfait. Vous parlez du référendum qui viendrait faire en sorte d'appliquer ce
nouveau mode de scrutin et à l'intérieur des représentations que vous faites,
recommandations, à la page 6, je vais retrouver mon document qui est ici,
à la page 6, vous dites : «...nous proposons de financer», donc,
d'augmenter la participation citoyenne. Donc, question rapide : Pour vous,
que le référendum ait lieu en même temps qu'une élection pour renouveler
l'Assemblée nationale, pour vous, vous ne voyez aucun écueil, d'attirer l'attention
des électeurs sur ces deux enjeux-là? Parce que, là, il y aurait deux votes,
là, on voterait pour le député, donc ancien système, et on voterait pour le
référendum... donc, le système actuel — je ne devrais pas dire
«ancien», je vais dire «le système actuel» — et on voterait pour un
référendum. Vous ne trouvez pas que, dans une période de 35 jours — campagne
électorale, là, les gens, bien souvent, aussi, vont se fixer une opinion dans
la dernière semaine — c'est
beaucoup trop large et qu'il y aurait lieu, également, de rendre le référendum
distinct dans une campagne distincte?
Mme Bazid
(Fouzia) : Pour nous, la priorité,
c'est la réforme du mode de scrutin, et c'est pour ça qu'on aimerait que, s'il
y a un référendum, ça se fasse au
plus tard aux élections de 2022. Et ce qui est... pour nous, c'est la
participation des jeunes à ce référendum, s'il a lieu, et c'est pour ça
qu'on a des mesures pour s'assurer de cette participation-là.
M. Tanguay :
Oui. Vous dites «au plus tard 2022». Est-ce que
vous seriez d'accord que ça se fasse avant 2022 par une campagne
distincte? Auriez-vous une objection? Seriez-vous contre que le référendum se
fasse avant 2022?
Mme Bazid
(Fouzia) : On n'a pas d'objection à ça, non.
M. Tanguay :
Bravo! Puis auriez-vous une objection à ce qu'il se fasse après 2022?
Mme Bazid
(Fouzia) : Pour nous, ça serait la limite, oui. On aimerait ça que...
M. Tanguay :
Vous auriez objection à ce que ça se fasse après 2022?
Mme Bazid
(Fouzia) : Oui.
M. Tanguay :
Je vais laisser, M. le Président, avec le peu de temps qu'il nous reste, malheureusement,
ma collègue enchaîner.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée de
Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.
Mme Robitaille :
Merci à tous les deux d'être ici aujourd'hui. Et je remarque dans votre mémoire
que vous parlez de la représentativité des Premières Nations et des Inuits, et
c'est important. À ce que je sache, dans le projet de loi, on ne fait pas
mention de ça, mais on a l'occasion, on ouvre la Loi électorale, on veut
réformer le mode du scrutin, et tout ça, on peut réfléchir à la
représentativité des Premières Nations et des Inuits.
Je
vois un article de Radio-Canada, là, qui nous dit que le taux de participation,
juste le taux de participation, là, des nations autochtones au Québec
est famélique. J'aimerais vous entendre là-dessus. Qu'est-ce qu'on peut... Vous
dites qu'on devrait consulter les peuples autochtones pour essayer d'avoir,
d'aller chercher plus de représentativité de leur part. Comment vous suggérez
de faire ça? Et puis est-ce qu'il y aurait une occasion... Qu'est-ce que vous
nous suggérez, ici, de faire ou d'amener dans le projet de loi qui pourrait
aider à favoriser juste la participation, là, des peuples autochtones, encore
mieux, la représentativité des peuples autochtones à l'Assemblée nationale?
Mme Bazid
(Fouzia) : On reconnaît l'importance de la représentation des
Premières Nations et des Inuits dans nos instances démocratiques. Ceci dit, on
n'est pas des experts sur la question — et je ne souhaiterais pas
parler au nom des Premières Nations, étant donné que je
n'en suis pas une — donc
c'est pour ça que notre recommandation était de leur donner la parole, de les
laisser parler pour qu'ils puissent nous proposer les meilleures mesures qui
vont assurer leur participation aux instances.
Mme Robitaille :
Vous en parlez dans le mémoire. Comment
faire ça? Qu'est-ce que vous suggérez de faire? Comment vous suggérez de
les consulter?
Mme Bazid
(Fouzia) : D'aller voir les
organismes, des organismes. Je suppose que vous, en tant que députés,
vous avez des contacts avec les organismes, les Premières Nations au Québec.
Donc, on n'est pas des experts, je ne peux pas vous donner une liste officielle,
mais je pense que vous, vous avez les capacités d'aller communiquer, de
contacter et de donner la parole à ces communautés autochtones.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup.
Mme Robitaille :
C'est, donc, l'importance d'y réfléchir. Merci.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, Mme la députée.
M. le député de Gouin, s'il vous plaît.
M. Nadeau-Dubois :
Merci d'être avec nous cet après-midi. Merci pour votre présentation, vos
recommandations, qui sont différentes, qui
sont originales, qui amènent une contribution vraiment à part entière puis
spécifique, là, à nos débats.
J'ai envie de vous
parler de la représentation des jeunes en politique. Votre deuxième
recommandation porte sur, donc, un seuil de candidatures jeunes seulement pour
les listes de candidatures. Pourquoi seulement dans les listes de candidatures?
Pourquoi ne pas mettre un tel seuil pour les circonscriptions, disons,
traditionnelles?
• (15 h 20) •
M. Seck
(Jean-Marcel) : Je vous dirais que c'est un premier pas. Nous sommes
conscients que des députés autour de cette table voient un obstacle à un tel
seuil, ne sont pas de prime abord favorables à un tel seuil, alors nous croyons
que d'arriver avec une proposition qui s'appliquerait à chacun des sièges de
l'Assemblée nationale pourrait mener à une fin de non-recevoir. Nous
considérons que notre proposition est fort raisonnable, surtout que cette
proposition ne vise pas les résultats finaux. Ce ne serait pas un seuil de
25 % des jeunes sur les sièges de région, on ne parle que sur les listes.
Donc, nous considérons que c'est un effort peu considérable des partis qui sont
pleinement capables de trouver un jeune, pour une liste, sur quatre pour faire
partie de leur liste électorale.
J'aimerais par contre
amener un détail sur l'article 247.2, puis je ne vais pas prendre beaucoup
de votre temps. Nous sommes aussi conscients que les partis n'ont pas l'obligation
de présenter un nombre de candidats qui est égal ou supérieur à la liste, alors
cette proposition-là ne serait applicable que pour certaines régions, non plus,
alors ce n'est pas toutes les régions.
M. Nadeau-Dubois :
O.K. Vous avez parlé de quelques exemples internationaux où il y a des seuils
de représentation pour les jeunes. Est-ce
qu'on remarque que c'est dans ces pays-là qu'il y a aussi le plus de
représentation de jeunes? Bref, est-ce que ça fonctionne? Est-ce que ça permet
des assemblées législatives où il y a plus de jeunes?
M. Seck
(Jean-Marcel) : Je prendrai l'exemple de la Finlande. Vous avez
peut-être vu, dernièrement, dans l'actualité, la première ministre nouvellement
élue de la Finlande a 34 ans, son cabinet de ministres est presque
exclusivement formé de personnes de 35 ans et moins, très majoritairement
des femmes. Alors, de grands pays sont menés par des jeunes de 35 ans ou
moins, des jeunes. Nous voyons la différence. Nous voyons ce qu'un seuil, ce
qu'un quota peut apporter à une société, alors, oui.
M. Nadeau-Dubois :
Ils prennent quand même des bonnes décisions? Rassurez-moi.
M. Seck
(Jean-Marcel) : Nous considérons que oui.
Le
Président (M. Bachand) : Merci, M. le député. M. le
député de Rimouski.
M. LeBel
(Rimouski) : Merci, M. le Président. Bonjour. Je ne peux pas passer à côté, moi, je suis porte-parole du dossier des aînés dans mon
groupe, et je passe mon temps à dire que les aînés, ce n'est pas un passif, ce
n'est pas parce que tu es aîné que tu es en dehors de la société, que tu peux
être aîné puis être un actif pour ta société. Dans mon coin de pays, il y a une
personne sur quatre qui a 65 ans et plus. Je les vois, dans les villages,
partout, ce sont des bénévoles, c'est des gens impliqués. Et souvent, dans des
discours comme ça, on laisse entrevoir que, pour la bonne suite de la société,
bien, les jeunes, c'est correct, mais c'est comme si on dit : Les aînés,
c'est fini, vous êtes out. Ça, je sais que ce n'est pas ça que vous dites, mais
des fois je me sens obligé de le dire.
Mais je crois que
c'est important d'amener des jeunes. Il n'y a pas très longtemps, là, j'étais
dans le comité des jeunes du PQ avec le député de LaFontaine, puis on poussait
très fort. Puis je crois encore à ça, je crois encore à ce que les jeunes
puissent intégrer des partis politiques puis intégrer... mais, les quotas... je
suis moins certain que ça doit passer par les quotas. Je vais aller voir les
pays que vous avez mentionnés, on va étudier la question. Mais je suis plutôt d'accord avec votre proposition 7, je pense qu'il faut mettre plus d'énergie pour aller chercher
les jeunes, les informer de ce qui se passe. Mais les jeunes font partie
de l'actif de la société, c'est bien normal, c'est bien correct, mais les aînés
aussi.
M. Seck
(Jean-Marcel) : Je vous rassure sur cette question-là, M. le
député, non seulement les aînés sont... c'est
des actifs de la société, c'est une richesse de notre société.
Ce n'est pas parce que nous proposons des quotas jeunes que nous sommes
moins favorables à une présence d'aînés dans notre société. Nous jugeons que
nos aînés doivent être traités non seulement avec respect, avec dignité, mais
que nous devrons faire un pas de plus pour que toute personne soit représentée
fidèlement dans cette société. Vous verrez que chacune de nos propositions est
dans cette optique-là. Nous ne ciblons pas un groupe en particulier. Pour nous,
l'important, c'est la représentativité.
M. LeBel
(Rimouski) : Merci. Puis je vais vous dire, à l'époque, quand je
participais dans les mouvements jeunes, quelqu'un m'avait dit : Tu sais,
au plan personnel, la jeunesse, c'est un état qui passe. Effectivement, ça
finit par passer, mais il faut travailler pour garder les jeunes, pour garder
notre coeur jeune. Merci.
M. Seck
(Jean-Marcel) : Merci.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la
députée de Marie-Victorin.
Mme Fournier :
Merci beaucoup pour votre présentation. J'aimerais insister sur quelques
éléments, puisque vous êtes en contact direct avec beaucoup de jeunes sur le
terrain. Diriez-vous, justement, que la représentativité de notre système
politique a une influence significative sur l'intérêt des jeunes Québécois
envers la politique?
Mme Bazid
(Fouzia) : Oui, tout à fait. Le
fait de voir des gens qui les représentent à l'Assemblée nationale, dans
des instances démocratiques va inciter les
jeunes à aller vers ces instances-là, à vouloir participer, à vouloir eux-mêmes
être présents dans ces instances-là. Donc, oui, on voit vraiment un effet cause
à effet lorsqu'on a des instances qui représentent réellement les jeunes et
aussi dans le cas des femmes.
Mme Fournier :
Intéressant, parce que, justement, dans le
cadre des dernières élections québécoises, en 2018, il y a eu un sondage
de la firme Léger qui disait que 82 % des jeunes entre 18 et 34 ans
souhaitaient voir davantage de jeunes en politique, donc, en ce sens-là, je
pense que vous nous soumettez de bonnes recommandations.
Puis, sur le principe
général, également, du projet de loi, une réforme du mode de scrutin qui
permettrait à chaque vote d'avoir, disons, une influence plus significative,
est-ce que, ça aussi, vous voyez que ça a vraiment un effet sur la volonté des
jeunes à participer au système politique, à aller voter aux élections?
M. Seck
(Jean-Marcel) : Assurément. Lorsque
nous savons... non seulement nous croyons, mais nous savons que nous
sommes écoutés, entendus, cela nous influence à s'investir encore davantage
dans l'appareil politique et dans la société québécoise, alors, oui.
Mme Fournier :
Génial. Merci beaucoup.
M. Seck
(Jean-Marcel) : Merci à vous.
Le
Président (M. Bachand) : Alors, à mon tour de vous remercier de
votre participation, c'est très apprécié.
Cela dit, la
commission suspend ses travaux quelques instants. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à
15 h 25)
(Reprise à 15 h 31)
Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Merci de prendre
place. La commission reprend ses travaux.
Alors, je souhaite
maintenant la bienvenue à Mme Mercédez Roberge. Comme vous savez,
Mme Roberge, vous avez...
Des voix :
...
Le
Président (M. Bachand) : S'il vous plaît! Pourriez-vous — excusez-moi — prendre
siège? Merci.
Alors,
Mme Roberge, vous avez 10 minutes de présentation, et après nous
aurons un échange avec les membres de la commission. Alors, encore une fois,
bienvenue, et la parole est à vous. Merci.
Mme Mercédez Roberge
Mme Roberge
(Mercédez) : Merci. Merci beaucoup de me recevoir en tant que
militante qui produit des recherches et qui milite vraiment depuis très
longtemps, ce qui vous explique aussi la teneur de mes propositions. Elles sont à la mesure des espérances qui ont été créées au
fil des années de militance. Alors, je tiens quand même à dire que c'est des
attentes qui sont élevées. Mais je vous rassure, ou, ça dépend, ça ne vous
rassurera peut-être pas, mais je ne suis pas la seule à avoir des attentes
élevées face à cette réforme-ci. Et c'est des attentes élevées, ce ne sont pas
pour autant des attentes démesurées.
Alors, je suis ici
pour que la réforme soit complète, soit une vraie, une véritable amélioration
et que le résultat soit davantage que d'assurer un peu plus de respect des
votes, que d'assurer un peu la représentation en fonction de la
proportionnalité, que de réduire un peu les injustices. Je suis ici pour
montrer des... pour vous suggérer des balises pour amener une véritable équité,
une véritable équité dans les votes, dans les personnes pour que tous les votes
comptent mais aussi toutes les personnes comptent. Mes objectifs sont globaux.
Vous le savez, plusieurs éléments techniques sont liés les uns aux autres,
alors ça va transparaître dans mes propos.
On peut commencer par
les éléments positifs, bien entendu. Il y a des éléments du projet de loi
n° 39 qui sont des bonnes décisions. Avoir choisi un modèle proportionnel
mixte compensatoire, c'est un bon choix. D'avoir choisi de combiner des sièges
de circonscription et des sièges régionaux de compensation, c'est un bon choix.
D'utiliser deux bulletins de vote et des listes fermées, ce sont aussi des bons
choix. Leur potentiel est parfois réduit, ce pour quoi j'aurai des suggestions,
mais ce sont, à la base, des bons éléments.
Les principales
déficiences, maintenant. Alors, les principales déficiences, quant à moi, sont
au niveau, beaucoup, de la proportionnalité qui sera atteinte, qui sera
insuffisante et inéquitable, inéquitable en fonction du vote qui est exprimé et
en fonction du lieu où il est exprimé, j'y reviendrai. Évidemment, c'est la
question du choix d'utiliser des régions administratives, qui sont en trop
grand nombre et qui sont trop inégales entre elles, pour servir de régions
électorales. La méthode de calcul, la compensation régionale et le seuil trop
élevé sont également des déficiences à corriger.
Au
niveau des valeurs, les valeurs d'égalité, l'importance que la population
accorde à la diversité et à l'inclusion, il y a des problèmes. Ce ne
sont pas appliquées, ces valeurs-là, j'y reviendrai. L'alternance, pour moi,
est capitale entre les candidatures d'hommes et de femmes. Il faut que les
règles soient assorties de conséquences. Ce peut être des conséquences
financières, notamment. Il est nécessaire d'établir des objectifs précis à
remplir pour les partis en termes de candidatures mais aussi en termes de
personnes élues. Et il faut considérer les inégalités sociales. Toutes les chances ne sont pas égales, le chemin vers le
siège n'est pas équitable pour toutes les personnes qui peuvent y rêver.
Et, j'y reviendrai, je parlerai également du mode d'adoption, le mode
d'adoption du projet de loi, pour dire qu'un référendum, quant à moi, n'est ni
nécessaire ni souhaitable et que la seule avenue, ce serait d'en faire un après
avoir utilisé à deux ou trois reprises le système nouveau.
Alors,
dans le précis, maintenant, je vous amène aux recommandations du mémoire
directement et en donnant quelques pistes par le fait même. Évidemment,
pour améliorer le mécanisme, les mécanismes, la mécanique de compensation, il y
a des décisions à prendre pour qu'il soit véritablement proportionnel et qu'on
puisse y intégrer des mesures structurelles, donc insérées dans la Loi électorale,
pour amener une diversification de la classe politique. 63 pays à travers
le monde, 63 sur 113 pays qui utilisent des modes de scrutin
proportionnels, ont mis en place des mesures structurelles pour améliorer,
atteindre l'équité entre les hommes et les femmes.
Des éléments
techniques du mode de scrutin du projet de loi qui est proposé, comme le ratio
entre les nombres de sièges de circonscription et les nombres de sièges régionaux de compensation... est actuellement à 36 % de sièges de compensation, ce qui est trop bas et
surtout ce qui fait en sorte que, dans huit régions, selon les régions administratives si elles sont maintenues telles
quelles, selon les régions électorales, dans huit régions, les gens seraient
devant un seuil... pas un seuil, pardon, mais un ratio de sièges proportionnels
et compensatoires de moins de 36 %. Donc, le seuil total, quand on le
regarde au niveau de chacune des régions, c'est un portrait différent.
Le
nombre de régions électorales qui doivent être utilisées ne doit pas être 17
mais devrait être ramené à huit ou
10... entre huit et 10, pardon. En utilisant les régions administratives
actuelles, mais en réunissant celles qui sont trop
petites pour seules offrir une proportionnalité à leur population
et qui sont, évidemment, contiguës, et l'objectif étant
d'arriver à des régions électorales qui compteraient au moins huit sièges
totaux, dont trois sièges de compensation, et alors que... une recomposition
des régions électorales en utilisant les régions administratives mais
différemment corrigerait les défauts actuels du projet de loi. L'indice de
distorsion, l'indice de Gallagher, on l'a calculé à partir de simulations pour
chacune des régions administratives actuelles, et le projet de loi amènerait un
indice de distorsion variant entre 12 pour Montréal — la
seule qui serait en bas de 20 — jusqu'à 59 d'indice de distorsion, c'est
majeur, et ça, c'est dû au nombre de régions administratives et leurs
différences.
Il
faut, bien sûr, utiliser encore des listes régionales de candidatures.
Je ne propose pas de changer ça. Et les listes régionales de
candidatures servent à la distribution des sièges dans l'objectif d'une vraie
proportionnalité. Ce n'est pas une
compensation régionale qui est nécessaire mais une compensation nationale. C'est l'objectif
national du Québec qui doit être regardé pour savoir combien de
sièges doivent occuper chacun des partis, et ensuite les sièges en
question sont distribués régionalement à partir des listes et en fonction de là
où leurs appuis ont été les plus forts.
Sans aller dans le
détail, la méthode de calcul et le seuil, la méthode de calcul utilisée, que plusieurs
ont appelée la prime au vainqueur, donne un avantage démesuré aux partis qui
sont déjà favorisés par le système, qui vont le demeurer parce qu'un modèle
mixte contient encore quand même des sièges de circonscription qui amènent des
distorsions. Alors, moi, je suggère la méthode de Hare, qui a été étudiée,
notamment, par le Directeur général des élections dans son rapport en 2007.
Le seuil de 10 %
est beaucoup trop élevé, il doit être ramené. Je propose de le ramener à
2 % parce que, dans le fond, on n'a pas
vraiment besoin d'un seuil, mais, si on veut en mettre un officiel, il doit
être le plus bas possible. Et le nombre de régions électorales doit être composé de
manière à ce que le seuil ne soit pas plus élevé dans des régions que dans d'autres. Moins il y a de sièges à
distribuer, plus le seuil est élevé, les iniquités interrégionales sont donc
actives.
Je suggère la double candidature, notamment pour
qu'il n'y ait pas de mauvaise perception entre des députés et des personnes
élues par les listes. Une fois à l'Assemblée nationale, les gens vont
travailler tous ensemble, il n'y a pas de raison d'instituer des règles qui
donnent l'impression d'une hiérarchisation, et l'empêchement, l'interdiction de
la double candidature peut produire cet effet-là.
La
diversification des candidatures, maintenant. Il est essentiel que, comme
société, on précise que, si on a des valeurs d'égalité, on se donne les
moyens pour les atteindre, alors chaque parti devrait présenter autant de
candidates femmes que de candidats hommes. Les candidatures, aussi, des
personnes racisées ou nées à l'étranger, selon les régions, devraient
correspondre à leur part démographique des régions en question. Ce serait tout
simplement d'être en concordance avec la population d'une région.
L'alternance sur les listes hommes-femmes, bien
entendu, encore une fois — et
là c'est particulièrement sur les sièges de liste, mais j'ai oublié de préciser
les candidatures autant d'hommes que de femmes — c'est sur l'ensemble
des candidatures, autant pour les sièges de circonscription que pour les sièges
de compensation. Mais, sur les listes, on a un outil possible, surtout dans le
cadre de listes fermées comme il est proposé, d'instituer l'alternance sur les listes et de dire que, sur chaque liste
régionale, on verra la grandeur et le nombre des régions, mais, sur chaque
liste régionale, les candidatures des personnes racisées ou nées à l'étranger
doivent se situer dans le premier tiers de chacune des listes, puisque les
distributions de sièges commencent par les premiers noms. Il faut s'assurer
qu'il y a des conséquences au défaut de remplir ces règles-là. Le rejet des
listes est une pratique qui est utilisée dans plus de 50, 60 pays à
travers le monde, alors c'est loin d'être une pratique marginale. Évidemment,
ça se fait de manière intelligente. Une liste n'est pas rejetée sans avoir
donné un délai et peut-être, sûrement, un deuxième délai, mais c'est une règle
qui s'installe.
• (15 h 40) •
Le Président
(M. Bachand) : ...
Mme Roberge
(Mercédez) : D'accord. Il
faut aussi assurer... travailler à la bonification du financement pour
qu'il tienne compte des résultats en termes de personnes élues, qu'il tienne
compte des différences socioculturelles... pardon, pas socioculturelles,
socioéconomiques, pour tenir compte des embûches qui existent, actuellement,
qui vont continuer toujours d'exister dans notre société. Et je répondrai à vos
questions concernant le référendum.
Le Président
(M. Bachand) : Merci beaucoup, Mme Roberge.
Mme la ministre, s'il vous plaît.
Mme LeBel : Oui, merci. Merci
d'être présente. Merci de nous faire part de votre intérêt très marqué. Je
pense que ça se sent pour cette forme de mode de scrutin là. On voit
d'ailleurs, par les mesures que vous proposez, les modifications que vous
proposez, que le principe fondamental que vous mettez de l'avant dans vos
propositions et dans votre façon de voir, c'est la proportionnalité, si je
comprends bien.
Mme Roberge (Mercédez) : Et
l'équité.
Mme LeBel : Et l'équité.
Mme Roberge
(Mercédez) : La
proportionnalité accessible à tout le monde. C'est bien beau, d'avoir un
système qui, en théorie, est proportionnel, si c'est uniquement les
grandes régions... Selon le projet, seulement trois régions administratives auront plus de huit sièges au
total, sièges de compensation : Capitale-Nationale, Montréal et Montérégie.
Toutes les autres régions n'ont pas suffisamment de sièges de compensation pour
donner à leur population un respect de leurs votes. Pour moi, ce n'est plus une
proportionnelle équitable.
Mme LeBel : O.K. Donc, la
proportionnalité et l'équité, mais dans l'optique de la proportionnalité.
Mme Roberge
(Mercédez) : Oui, mais c'est
l'objectif d'un mode de scrutin proportionnel mixte compensatoire.
Mme LeBel : Parfait. Donc, ce
qui m'amène à parler un peu des autres principes : la stabilité des
régions, le poids des régions. On comprend que les mouvements démographiques
peuvent faire en sorte, même dans le modèle de
scrutin actuel, que certaines circonscriptions ont été fermées. On le sait, les
régions peuvent perdre des députés parce qu'elles deviennent moins
populeuses que certains autres endroits. Et vous proposez... Est-ce que ce
principe-là, vous pensez, est respecté par ce que vous nous proposez comme type
de mode de scrutin?
Mme Roberge (Mercédez) : La
proposition que je présente ne change pas du tout le nombre de sièges total,
ou, s'il doit, là, être ajusté à la marge, c'est en fonction de la démographie
et des déplacements. Donc, on ne peut pas présumer de ce que sera la prochaine
carte électorale. Mais, dans les faits, ma proposition ne change pas le nombre
actuel total de sièges ni le nombre général de sièges pour chacune des régions
administratives. Ce que je suggère, c'est que, pour l'exercice électoral, deux
régions administratives contiguës soient mises ensemble pour former une région
électorale formée de deux régions administratives et que cela apporte les
bénéfices qu'un mode de scrutin proportionnel mixte compensatoire peut
apporter, que les gens y aient accès partout sur le territoire. Donc, le
respect des populations et le respect des régions, ce
n'est pas uniquement respecter le nombre de sièges qu'ils ont, c'est respecter les
populations des régions, et leur manière de voter, et leur besoin de
représentation.
Mme LeBel :
O.K. Donc... puis d'ailleurs, dans vos propositions, c'est de passer de huit
à 10 régions plutôt que 17 régions pour les fins électorales.
Donc, on propose qu'au niveau de la représentativité à l'Assemblée nationale
des régions se retrouvent à être combinées, si on veut, dans une même
représentation, dans un même élu. Donc, je veux dire, vous ne pensez pas qu'il
ne pourrait pas y avoir une réaction assez forte sur le terrain? Les gens sont
très attachés, c'est une réalité qu'il ne faut pas nier. On est également
dans... On veut faire un pas vers un mode de scrutin proportionnel, la preuve
est qu'on a proposé, quand même, quelque chose qui, même s'il n'atteint pas
l'idéal que vous nous proposez, a quand même un effet de proportionnalité. Et
de faire en sorte de réduire le nombre de régions, peut-être à 10, pour aller à
votre chiffre, parce que vous parlez de huit à 10, de fusionner des régions,
vous ne pensez pas que ça peut faire en sorte qu'il y ait... qu'on perde
l'adhésion des gens, là, justement, en région?
Mme Roberge (Mercédez) : Les
gens d'une région électorale composée de deux régions administratives...
Imaginons l'Estrie et Chaudière-Appalaches, qui, seules, ont chacune quelque
chose comme cinq sièges au total, cinq et huit sièges chacune. Indépendamment,
les populations de ces régions sont défavorisées par une compensation régionale
parce que les votes qui vont être exprimés dans une région à cinq sièges vont
être encore perdus, pas autant que
maintenant, mais encore quand même beaucoup trop par rapport à la promesse de
changement qu'on a, et alors qu'en les combinant pour l'usage électoral
uniquement personne ne change d'appartenance régionale, en les combinant
uniquement pour l'usage électoral, ces personnes-là atteignent... ont accès à
la proportionnalité. Donc là, le nombre de sièges, pour les deux régions
combinées, est plus élevé. Ça réduit l'indice de distorsion, l'indice de Gallagher,
ça augmente le nombre de sièges auxquels les personnes ont accès.
Avec un
système proportionnel mixte compensatoire qui combine des circonscriptions et
des régions, ce qui est intéressant, c'est que, comme personne, on aura
toujours accès à une personne pour représenter notre circonscription et aux
personnes qui vont représenter notre région. Mais, si je suis dans une région
électorale administrative, admettons, qui n'a que cinq sièges au total, j'ai
accès à la personne qui représente ma circonscription, là où je suis
domiciliée, mais j'ai aussi accès, si j'ai besoin, à trois autres personnes qui
peuvent être de trois partis différents et qui, là, pourront répondre à des
besoins que j'ai, différents. Personne ne fait exprès de tomber dans
l'opposition ou dans le gouvernement, personne ne décide d'être dans une région
qui sera 100 % occupée par un parti du même... un même parti, personne ne
décide ça en votant. Mais, quand on obtient ça, comme population, après ça on
est restreints dans nos contacts avec vous parce qu'on ne peut pas demander la
même chose à notre député de circonscription que ce qu'on peut demander à...
pardon, on ne peut pas demander la même chose selon qu'il est dans l'opposition
ou dans... il ne peut pas faire pour nous la
même chose selon qu'il est dans l'opposition, ou au gouvernement, ou un tiers
parti. Et, en augmentant le nombre de sièges total d'une région électorale,
j'ai aussi, donc, davantage accès... j'ai accès à davantage de personnes et à
davantage de partis.
Le pluralisme politique s'exprime dans toutes
les régions. Présentement, il est brimé. On doit... Puisqu'on le voit comme problème, on doit tout faire pour que
ce soit corrigé. Selon la dernière élection, il y a 13 régions sur 17 qui
n'ont eu accès qu'à un ou deux partis
différents dans leurs élus régionaux, alors qu'avec le projet de loi n° 39
il y aurait encore six régions qui n'auraient accès qu'à une ou deux
personnes et très, très peu de régions auraient accès à une possibilité de
quatre partis. C'est basé sur des simulations à partir des résultats de 2018
mais adapté à un mode de scrutin mixte, parce qu'évidemment les gens n'ont pas
voté selon ce modèle-là, il a dû y avoir... les simulations ont pris en compte
différents scénarios. Mais cette pluralité politique là qui existe lorsque les
gens remettent leur bulletin de vote mais
qui ne se concrétise pas en représentation dans le système actuel doit être
corrigée dans le prochain système. Et ça, pour que ça se produise, il
faut augmenter le nombre de sièges de compensation d'une région électorale.
Et utiliser les territoires actuels des régions
administratives, aucun problème. Cependant, il faut les combiner. Et je n'ai
pas inventé la recette, le Directeur général des élections a proposé ça dès
2007.
Mme LeBel : Donc, on pourrait penser de combiner Côte-Nord,
Saguenay—Lac-Saint-Jean,
Bas-Saint-Laurent et Gaspésie?
• (15 h 50) •
Mme Roberge
(Mercédez) : Les calculs de
quelles régions doivent être
combinées sont à faire par le Directeur
général des élections, de la même manière que c'est lui qui doit
calculer où commence et où débute une circonscription.
À ce moment-là, c'est l'équité du vote qui compte. Et c'est le problème du projet
de loi, il ne tient pas compte de l'équité du vote, parce que les régions administratives
sont trop différentes et elles ne sont plus équitables.
Mme LeBel : O.K. Je veux avoir
le temps d'aborder peut-être deux autres petits sujets, au moins, avec vous, là. Le seuil national de 2 %, qui est le
seuil pour avoir le droit de participer à la compensation, là, dont on parle,
qui est fixé, présentement, dans le projet de loi, à 10 %, on a parlé...
certains ont parlé qu'on pourrait peut-être... il y aurait peut-être 8 %,
certains ont parlé de 5 %. Vous le fixez au plus bas de tout ce qu'on a
entendu jusqu'à présent.
Une des justifications pour le mettre à
5 %, entre autres, était d'avoir un certain équilibre, hein, entre d'avoir
une plus grande proportionnalité. Donc, on le sait, plus le seuil est bas, plus
l'effet sur la proportionnalité sera meilleur, effectivement, c'est ce qu'on
voit. Il y a d'autres facteurs qui peuvent influencer de choisir d'aller plus
haut ou non, mais c'est une des résultantes, et le fait, aussi, de voir,
peut-être, un parti ou un courant de pensée extrêmement marginal qui pourrait
avoir accès à l'Assemblée nationale, un courant de pensée qui est représenté
dans une région
particulière, à titre d'exemple, mais qui n'a pas de prise ou de racine nulle
part ailleurs dans le Québec. Et le seuil
de 5 %, selon certains commentaires, était le point... je vais appeler ça
le point d'équilibre. Donc, pourquoi 2 %? Et ne craignez-vous pas,
justement, l'émergence de ces courants-là peut-être plus marginaux?
Mme Roberge (Mercédez) : Non,
je n'ai pas cette crainte-là. Et l'idée derrière un... c'est clair qu'un seuil,
ça répond à... c'est pour rassurer les gens qui craignent ce que vous nous
venez de nommer. Je crois qu'au Québec on est très, très loin d'être devant une
situation chaotique au niveau politique. Je crois que le Québec continue... les
partis qui ont à se développer vont se développer à partir du moment où ils ne
vivront plus les entraves qu'ils vivent actuellement. Et le seuil doit être
aussi de manière cohérente, doit être en cohérence avec le niveau de
compensation.
Présentement, le projet de loi propose un seuil
national de 10 % et une compensation régionale, ce qui fait qu'un parti
qui n'atteindrait pas le seuil national mais, comme vous le dites, aurait
été... aurait reçu beaucoup de votes dans une région — peu
importe, je n'ai pas à juger le parti ni les gens qui votent pour ce
parti-là — ce
parti-là aurait récolté des votes en grand nombre, entre 20 % et 25 %
dans une région, mais, comme il n'aurait atteint 10 %, si c'est le seuil
qui est au niveau national, il ne se qualifiera pas à la distribution. Alors,
la population n'a plus droit au respect de son vote. Le seuil doit être
national, il doit être baissé. Le chiffre, vous en... je vous laisse le soin de
faire l'équilibre nécessaire. Moi, ce que je dis, c'est que ça doit être
vraiment beaucoup plus bas que 10 %, et le seuil doit être national, et la
compensation doit également être nationale.
Mme LeBel : O.K. Bien, vous
venez de le dire, puis je pense que c'est le mot-clé, tout est une question
d'équilibre pour être capable de faire... On partage un objectif commun, c'est
de réformer le mode de scrutin actuel. Maintenant, c'est peut-être la
destination qui est différente par les moyens que vous proposez. Plusieurs nous
ont dit : Nous sommes fermes sur l'objectif, donc, de réformer le mode de
scrutin actuel, qui n'est clairement, en termes de proportionnalité, pas
l'idéal. On l'a vu dans le passé, hein, des groupes politiques, tous confondus,
ont pris le pouvoir sans avoir nécessairement en haut de 52 % d'appui. Ça,
je pense que je peux le dire sans me tromper même si je ne suis pas la
meilleure en histoire et en chiffres, donc. Mais, au niveau de la souplesse sur
les moyens, c'est peut-être moins clair.
Ne croyez-vous pas que d'être aussi strict sur
le plan de l'obtention d'une proportionnalité presque collée sur le terrain...
je comprends que ce n'est pas tout à fait ça, mais presque aussi bien collée
sur le terrain ne pourrait pas, justement, pour des questions d'équilibre, des
questions d'attachement à notre député... Les gens trouvent déjà qu'on va...
qu'on est révolutionnaires ou qu'on révolutionne en baissant à
80 circonscriptions. D'autres disent qu'on devrait baisser encore plus,
d'autres disent qu'on devrait rester... monter plus haut. Donc, on voit bien
que c'est un débat qui est aussi émotif, l'attachement. Vous ne pensez pas que
ça pourrait mettre, justement, la réforme du mode de scrutin à risque, à ce
moment-là, de ne pas avoir les adhésions nécessaires au sein de la population
pour au moins franchir un premier pas important, c'est-à-dire d'aller vers un
mode de scrutin proportionnel mixte qui sera, dans tous les cas de figure, plus
proportionnel que celui qu'on a présentement?
Mme Roberge (Mercédez) : Oui,
mais qu'est-ce que répondent les gens lorsqu'on leur pose des questions dans
des sondages sur : Trouvez-vous important que vos votes soient respectés,
que vos avis politiques soient respectés? Ils ne répondent pas «ça dépend», ils
ne répondent pas «à moitié», ils répondent «oui, c'est important». Alors,
c'est ça, la proportionnalité.
Mettons le mot de côté et parlons uniquement de
respect des votes, respect du pluralisme politique présent dans la société.
Présentement, on a un système qui fait comme si le pluralisme politique ne
pouvait pas exister et il ne devrait pas exister. Alors, il y a des barrières
au pluralisme politique qui existent dans la société. Personne n'est autorisé à
juger des opinions politiques d'autrui, pourtant le système actuel le fait. On
veut changer, on doit changer pour un système qui ne crée plus cette vision
négative là du pluralisme politique, qui respecte la population telle qu'elle
est, qui respecte ce qu'elle vote.
Et mes propositions ne portent pas que sur la
proportionnalité, ça porte également beaucoup sur le respect de la population
en tant que telle, au niveau de la composition de la population, d'où des
mesures pour amener, au final, l'égalité de représentation par différentes
mécaniques qui existent à travers le monde, et qui produisent des résultats, et
qu'on ne peut pas ignorer. On le voit, le problème. Ne rien faire pour le
corriger dans le cadre d'un processus tel qu'on a actuellement, c'est de
cautionner les inégalités, c'est de cautionner les entraves actuelles et de
dire que, comme société, on accepte ça parce qu'on ne fait rien pour
l'améliorer.
Alors, c'est
un rendez-vous très, très important que la société a pour améliorer pas
seulement les pourcentages des
sièges, les pourcentages des votes, pour améliorer la cohérence entre la
population et les gens qui les représentent et les gens qui prennent des
décisions en fonction de... en lien avec la population.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de LaFontaine, s'il
vous plaît.
M. Tanguay :
Merci beaucoup. Merci, M. le Président. Merci beaucoup d'être avec nous,
Mme Roberge, et de répondre à
nos questions. En début d'intervention, vous disiez... pardon, vous disiez,
Mme Roberge, que, et vous l'avez répété, là, il y a 17 régions
administratives. La 17e n'aurait pas de député de région, donc il y en a 16
pour lesquelles la question de députés de liste se pose. Vous dites que c'est
trop.
J'aimerais que vous
expliquiez aux gens à la maison, parce que c'est important, je veux dire, ça
participe de l'aspect pédagogique de la commission parlementaire, pour que les
gens comprennent, là, en quoi c'est une mauvaise idée
d'avoir, tel que le prévoit le projet de loi, 17 régions administratives
pour distribuer des élus régionaux de liste. Je ne sais pas si vous pouvez
l'expliquer pour que les gens, on comprenne, là, à la maison, moi le premier.
• (16 heures) •
Mme Roberge (Mercédez) : La méthode qui est proposée par le gouvernement
est difficile à expliquer. Il y a une méthode
beaucoup plus simple pour expliquer le fonctionnement d'un mode de scrutin
compensatoire, donc un mode de scrutin qui corrige des distorsions, les
distorsions qui viennent des sièges de circonscription. On le sait, on est dedans et on change parce qu'on le sait qu'elles
en causent. Lorsqu'on regarde le total des votes du Québec au complet et
qu'on dit que c'est ça, notre objectif de représentation, un parti qui a obtenu
30 % des voix devrait occuper 30 % des sièges. C'est ça, la
compensation nationale.
Ensuite, c'est
évident que ça prend des régions pour distribuer les sièges — moi,
je les appelle des régions électorales — pour que ça nous donne
l'ouverture d'ajuster une carte qui est efficace électoralement parlant. Dans
l'esprit de tous les calculs que le Directeur général des élections doit faire
pour assurer l'équité du vote, ça doit être aussi en tête pour assurer l'équité
du vote interrégional.
Donc, on a un
objectif à atteindre, un pourcentage de votes. On a une distribution à
effectuer. Lorsque la distribution est régionale et la compensation est
nationale, on a notre objectif, et les sièges de compensation sont distribués sur les territoires en fonction d'un
nombre prédéterminé de sièges par territoire, les régions électorales. Et ce
sont les personnes... Évidemment, là, on parle de listes fermées, alors les
sièges sont attribués à partir du haut de la liste, mais aussi en
regardant le pourcentage de vote que les partis... les performances régionales
que les partis ont faites. Alors, on ne peut pas... le Directeur général des
élections ne donnerait pas un siège de compensation à un parti qui a eu zéro
siège dans cette région-là. Alors, la valeur des votes dans les régions,
régions électorales sert à déterminer dans quel ordre les sièges de
compensation sont distribués à un parti qui en a besoin de quatre, par exemple.
M. Tanguay :
Et je veux être sûr de bien vous comprendre, puis on n'a pas beaucoup de temps,
mais je vais faire l'effort, là, pour bien comprendre. Donc, vous ne voudriez
pas... vous ne suggérez pas qu'il y ait une analyse du vote obtenu par un parti
dans une région donnée, mais vous voudrez que... vous proposez qu'au niveau
national... le parti A a 40 %, puis le parti B a 30 %,
qu'au niveau national on dise : Parfait, parti A, au niveau national,
a 40 %, il aura donc accès à 40 % des députés de liste et, dans une
deuxième étape de distribution...
Mme Roberge
(Mercédez) : Non, non, 40 % total, 40 % total, on est dans
un système compensatoire.
M. Tanguay :
Ah! O.K., pas mixte.
Mme Roberge
(Mercédez) : Oui, mixte compensatoire.
M. Tanguay :
Donc, vous, c'est les 125 députés...
Mme Roberge
(Mercédez) : Non, je m'excuse, l'objectif du total des votes du
deuxième bulletin sert, au final, à l'objectif final. Mais, comme on a un
système mixte avec des sièges de circonscription, il faut comparer... il faut
regarder si les sièges... les partis ont déjà atteint le seuil, le pourcentage
de vote.
M. Tanguay :
Alors, jusqu'à concurrence...
Mme Roberge
(Mercédez) : Voilà.
M. Tanguay :
O.K. Alors, sur les 80 comtés, si le parti A, qui a eu 30 % ou
40 % des voix, a déjà, sur les 80, 28 % des députés de comté, il lui en
manque 12 pour atteindre le 40 % national.
Mme Roberge
(Mercédez) : Disons.
M. Tanguay :
O.K. Et il aura... Non, mais j'essaie de comprendre...
Mme Roberge
(Mercédez) : Vous faites des efforts.
M. Tanguay :
...et il aura donc accès, parce que vous conservez les chiffres de 80 et 45...
Mme Roberge
(Mercédez) : Oui, oui.
M. Tanguay :
O.K. Alors, il aura donc accès à 12 des 45 députés de région.
Mme Roberge
(Mercédez) : Chaque parti aura un caucus composé de sièges... de gens
qui sont entrés par la porte des sièges de circonscription et d'autres par la
porte des sièges... Une fois à l'Assemblée nationale, vous ne ferez plus de
différence, j'en suis convaincue.
Alors, ce que ça nous
donne, là où vous parliez des pourcentages des votes régionaux, les votes, au
niveau de chacune des régions, ne sont pas utilisés pour déterminer le total de
l'Assemblée nationale, mais sont utilisés pour savoir dans quelles régions les
partis ont bien performé.
Donc, ce n'est pas vrai qu'ils ne sont
pas du tout considérés, les votes régionaux, ils sont considérés différemment.
Le projet de loi considère les votes régionaux comme étant la base, l'objectif
à atteindre, comme si chacune des régions était un Québec, comme si chacune des
régions était un vase clos. Et chaque région va essayer d'atteindre une
proportionnalité, mais elle n'y arrivera pas, parce qu'il n'y a pas assez de
sièges pour le faire. Mais la logique, c'est que chaque région soit
proportionnelle et non pas que le Québec soit proportionnel.
M. Tanguay :
Ça, ce bout-là, Mme Roberge... Je pense à comprendre la finalité.
Autrement dit, quand on est rendus au temps de distribuer, bon, le parti A
est fort dans telle, telle, telle région, il faut lui en donner — je
donne un chiffre — 12, députés.
À ce moment-là, bien, il a été très, très fort dans telle région, telle région,
telle région, on va lui donner en priorité dans ces régions-là, donc il y aura
un certain arrimage entre sa force puis là où il représente la région. Ça, je
comprends ce bout-là.
Mais là où vous
semblez me reprendre, c'est... avant de me rendre là où... on conserve
80 députés de comté, on conserve
45 députés de liste et on regarde, au niveau national, le parti A,
40 %. Or, sur les 80 de comté, il y en a 28. 40 % de 125, ça
donne peut-être, je ne sais pas, 52, là, ou à peu près, là. Il en a déjà 28. À
ce moment-là, il faut trouver à lui en donner 24 autres, là.
Mme Roberge
(Mercédez) : Oui.
M. Tanguay :
Alors, les 24, ils vont sortir des 45 de liste...
Mme Roberge
(Mercédez) : Tout à fait.
M. Tanguay :
O.K. Et là, après ça, on fera une... Alors donc, la liste ne serait pas... Ceci
dit, les candidatures de liste ne seraient pas régionalisées...
Mme Roberge
(Mercédez) : Oui, elles sont régionales...
M. Tanguay :
Elles sont régionales.
Mme Roberge
(Mercédez) : ...parce qu'il faut savoir à qui va les occuper, c'est
les listes qui le disent.
M. Tanguay :
O.K., O.K. Et, bon, maintenant, O.K., là, ça, c'est le... puis, probablement, on
s'entend que ce sera difficile peut-être. Ça, je pense que je comprends ce
bout-là.
Autre
élément, le plus ou moins 25 %, à l'heure actuelle, le système actuel,
c'est au niveau national. Il ne peut pas y avoir de comté qui... selon
le nombre total d'électeurs divisé par 125 — ça donne, je pense,
41 000, là, je n'ai pas le chiffre exact, là — et vous ne pouvez pas
avoir de comté, sauf exception — il y en a quelques-unes — plus
ou moins 25 %. Là, l'article 5 du projet de loi fait en sorte que le
25 % est régionalisé, ce qui fait en sorte que, dans une région
donnée — je
vous le donne en mille — la
Gaspésie, les Îles-de-la-Madeleine, le plus ou moins 25 %, le moins
25 % est à 28 600 électeurs et, dans une autre région, comme
Montréal, lorsqu'on fait le plus ou moins 25 % dans Montréal, le supérieur
est à 117 000 et l'inférieur à 70 000. Alors, on pourrait avoir... et
ça, j'aimerais vous entendre là-dessus, parce qu'on parle toujours, là, d'avoir
un poids commun du vote. Mon vote à Montréal puis mon vote en Gaspésie, est-ce
qu'il vaut... il ne vaut pas du un pour un, là? On ne demande pas ça, mais
est-ce que c'est sensiblement la même chose? Puis, je pense, c'était l'arrêt
Carter de la Cour suprême qui nous disait : Bien, il faut que vous soyez
conscients de cela. Puis déjà le Québec est la seule province à plus ou moins
25 %. Ça répondrait probablement à ce que vous dites, au fait que vous
pourriez avoir un comté...
Donc, je prends la
mesure inférieure de la région Gaspésie, la mesure inférieure, c'est
28 000, puis la mesure supérieure de Montréal, c'est 117 000. On
pourrait, théoriquement, ou dans ces eaux-là, avoir un comté de 30 000,
une circonscription de 30 000 électeurs et une circonscription de 110 000 électeurs,
et là on viendrait... à cause que le 25 % est régionalisé, justement.
Mme Roberge
(Mercédez) : Mais il me semble que, dans le projet de loi, il y a quand
même l'affirmation qu'il y aurait encore des circonscriptions d'exception, dont
Gaspésie, Îles-de-la-Madeleine. Donc, je ne comprends pas trop pourquoi...
M. Tanguay :
Oui, tout à fait, mais ce que je
vous donne là... Mon point... Oubliez Gaspésie, parce que c'est une situation...
Les Îles-de-la-Madeleine, c'est un comté d'exception. Mais, dans des
régions, votre marge inférieure n'est plus à
la grandeur du Québec, elle est à l'intérieur d'un comté, le plus ou moins 25 %. Alors, des régions de 1,4 million, comme Montréal, puis une région de Mauricie, vous pourriez
avoir, donc, un comté... les 80 comtés, qui auraient 41 000 électeurs
et un comté, à Montréal, qui aurait 110 000 électeurs. Et, quand on
régionalise le plus ou moins 25 % et
qu'on fait un pas en arrière et qu'on regarde au niveau national, là on est
dans le plus ou moins 50 %-60 %, là. Et ça, ça participe... ça
découle... autrement dit, je vous donne une application de votre point que,
quand on y va de point de vue régional comme ça, ça ne tient pas la route, au
point de vue représentativité.
Mme Roberge
(Mercédez) : Et, ces règles-là, lorsque le Directeur général des
élections va devoir... la Commission de la représentation électorale, pardon,
va devoir retracer la carte, c'est là qu'elle va se... que quelqu'un va s'arracher les cheveux pour assurer l'équité entre les
circonscriptions à l'intérieur des régions administratives. C'est une bonne
idée que chaque... que les régions contiennent l'entièreté d'une
circonscription. Présentement, il y a encore sept circonscriptions qui sont à
cheval sur deux régions, il y en avait 11, je crois, lors de la carte
précédente. Bon, on diminue, mais ça n'a pas beaucoup de sens. Donc, que la
région électorale soit... serve dans l'exercice de calcul des circonscriptions,
dans le calcul du nombre de circonscriptions, ça tombe sous le sens. Ce n'est
pas à nous à faire cette carte-là aujourd'hui ni à déterminer le pourcentage.
Moi, pour ma part, ces techniques-là vont découler des décisions qui doivent
être prises par rapport à l'équité globale qui doit être assurée. Moi, je ne
trouve pas ça normal que, moi, en votant à Montréal, mon vote ait un poids et
un respect plus élevés que le vote que ma mère va faire au Saguenay—Lac-Saint-Jean.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, Mme Roberge. Je vais céder la parole
au député de Gouin, s'il vous plaît.
M. Nadeau-Dubois :
Bonjour, Mme Roberge. Merci d'être ici aujourd'hui. Vous nous avez fourni
un mémoire qui est touffu, vous étudiez ces questions-là depuis
longtemps, j'aurais plusieurs, plusieurs questions à vous poser.
Mais on a quand même parlé pas mal de parité
aujourd'hui, je voulais vous entendre là-dessus. Vous avez beaucoup travaillé
là-dessus, et un argument, notamment, que l'opposition officielle a amené à
plusieurs reprises, c'est d'essayer de distinguer la question de la parité de
la question de la réforme du mode de scrutin, en nous disant : On n'a pas
besoin de faire une réforme du mode de scrutin, au fond, pour améliorer la
représentation des femmes en politique, on pourrait faire l'un sans l'autre.
Il y a des pays dans le monde où il y a des
mesures pour favoriser la parité, où il y a un mode de scrutin qui n'a pas de
composante proportionnelle, et il y a les pays où il y a des mesures de parité
et où les modes de scrutin ont une composante proportionnelle. Est-ce qu'il y a
une différence entre les deux? Autrement dit, est-ce qu'on peut faire une
corrélation seulement entre la question du mode de scrutin et la représentation
des femmes en politique?
• (16 h 10) •
Mme Roberge (Mercédez) : Oui,
évidemment, il y a plusieurs contextes, il y a plusieurs considérations qui
donnent des bonnes performances ou non en termes de pourcentage de femmes
élues. Et ce que je vais dire est valide aussi pour la représentation des
personnes racisées, des personnes nées à l'étranger et ce que, dans la
littérature, est appelé les minorités nationales, parce que, d'un pays à
l'autre, le contexte est différent. Les résultats atteints par les pays
proportionnels sont meilleurs au niveau de la représentation des femmes que
chez les pays majoritaires. Ils sont encore meilleurs lorsqu'ils appliquent des
mesures structurelles, alors que, chez les pays majoritaires, même quand ils
appliquent des mesures structurelles, ça ne fait pas une très grande
différence. Sans mesure structurelle, ils ont une moyenne de 7 %... il y a
un gain, pardon. Moi, j'ai examiné les données en fonction des gains pas
seulement à une période déterminée, mais dans les dernières... De 2000 à 2018,
la progression, il n'y en a presque pas, sauf quand il y a une combinaison mode
de scrutin proportionnel avec mesures structurelles. Et les meilleures, encore,
performances sont lorsque les mesures en question sont des mesures fortes comme
l'alternance sur les listes, qui là font grimper les moyennes.
M. Nadeau-Dubois : Autrement
dit, le moyen le plus efficace d'assurer une représentation juste des femmes en
politique, c'est à la fois d'avoir un mode de scrutin où il y a de la
proportionnalité et d'avoir des mesures structurelles qui sont coercitives ou
obligatoires.
Mme Roberge (Mercédez) : Oui, parce
que, dans un mode...
Le Président (M.
Bachand) : Rapidement, Mme Roberge...
Mme Roberge (Mercédez) : Ah!
pardon.
Le Président (M.
Bachand) : Rapidement, s'il vous plaît.
Mme Roberge (Mercédez) : À
cause des listes. À cause des listes, lorsqu'on va voter, on voit si un parti applique l'équité ou non, ça me donne une
indication pour savoir si je vote ou pas sur ce parti-là. Ce n'est pas... il
n'y a pas de mesure encore, mais juste ça, ça explique aussi pourquoi il y a
une différence entre les modes proportionnels et les modes majoritaires, et
c'est les outils accessibles au mode de scrutin proportionnel, qui sont plus
nombreux et plus efficaces, qui font qu'il y a une différence.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de Rimouski, s'il vous
plaît.
M. LeBel
(Rimouski) : Merci, M. le
Président. Bonjour. Moi, je vais vous parler des 17 régions. Pour moi,
c'est important, ce bout-là. Les régions, il y a une vie, là. Les
régions se reconnaissent entre eux autres. On ne peut pas, comme, jumeler plein
de régions puis dire : Ça va devenir homogène, puis il y a un député de
liste qui va représenter tout l'ensemble de cette grande région là, ça va
fonctionner. Saint-Roch-des-Aulnaies, qui est dans Chaudière-Appalaches, c'est
bien différent de Magog, qui est en Estrie. Puis même un député qui va vouloir
représenter tout ça... Tu sais, il y a des réalités, au Québec, là, qui sont
importantes. Il faut coller l'équité en matière de vote, c'est sûr, mais l'équité, aussi, en
matière de... Bien, la fonction de l'accès au député, aussi, par rapport aux
citoyens, c'est important pour moi. Le député a un rôle de législateur,
mais a aussi un rôle d'intermédiaire, ça fait qu'il faut qu'il soit capable de
parler à son monde puis avoir les... Si on met des régions trop grandes, à mon
avis, ce qui pourrait arriver, c'est : il va y avoir des députés de liste
de grandes régions. Eux autres, ça va être des législateurs, puis le ti-coune,
député de comté, lui... de circonscription, lui, il faut qu'il travaille dans
sa circonscription puis qu'il fasse le lien avec ses citoyens. Je ne voudrais
pas qu'il y ait deux types de députés. À mon avis, tous les députés devraient
avoir à jouer leur rôle d'intermédiaire, et, pour ça, garder les
17 régions, pour moi, c'est important.
Puis l'autre élément, c'est que je la veux, je veux
la réforme, moi. Je veux cette réforme-là, puis, pour y arriver, je
pense qu'il y a un compromis à faire, puis c'est de conserver les
17 régions. Pour y arriver, on n'a pas le choix de faire ça, sinon on n'y
arrivera pas, à mon avis.
Mme Roberge
(Mercédez) : Dans une... Si on combinait deux régions... Oublions les
régions elles-mêmes, O.K, mais, mathématiquement, pour faire une illustration,
si on combine deux régions qui... une a cinq sièges, l'autre en a six au total,
demeurerait encore, dans chacune des régions, un découpage, pour ce nombre-là,
pour chacune. Alors, ce n'est pas un député régional qui va représenter les
deux grandes régions administratives qui deviendraient une région électorale. Dans chacune des régions, il y aurait encore le
nombre total, c'est le calcul qui se fait sur deux régions plutôt que sur une seule. C'est uniquement
au niveau du calcul, c'est pour ça que je parle de l'usage électoral.
M. LeBel
(Rimouski) : Mais le député de liste serait sur le grand territoire.
Mme Roberge
(Mercédez) : Il peut continuer de dire que son travail, c'est pour sa
région administrative, parce que les autres... C'est des règles à établir, ça,
le fonctionnement est à établir. Tout ce que moi, je cherche, c'est une méthode
de distribution qui empêche les iniquités interrégionales. Je ne trouve pas ça
normal que, dans une région, le pluralisme ne soit pas accessible, que la
diversité ne soit pas accessible. Comment voulez-vous atteindre l'égalité
hommes-femmes si le nombre de sièges n'est pas suffisant pour appliquer des
mesures?
M. LeBel
(Rimouski) : ...
Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, mais la parole, maintenant, est à
la députée de Marie-Victorin, s'il vous plaît.
Mme Fournier :
Oui. Merci beaucoup pour tout le travail que vous avez fait puis que vous
continuez de faire dans ce dossier.
D'entrée de jeu, dans
votre présentation, vous avez mentionné que le fait d'avoir deux bulletins de
vote aux élections, c'est une bonne chose. J'aimerais vous entendre là-dessus.
Mme Roberge
(Mercédez) : Parce que c'est deux
questions totalement différentes : Qui est la personne la mieux placée
pour représenter vos enjeux de circonscription et quel est le parti de... où
est votre allégeance politique? Et ça peut être le même parti, ça peut être
deux différents, mais c'est deux questions différentes. Et, dans un contexte de
représentation régionale, avec les sièges régionaux de compensation, peu
importe comment ils sont constitués, leur statut, disons, ou la vision, on
aurait... ces personnes-là vont sûrement développer des dossiers de travail
régionaux. Donc, quand je vais voter, je vais avoir ça en tête, aussi, par
rapport à quel parti est le parti de mon choix. Je vais voir la liste, je vais
pouvoir voir si ce parti-là a une liste composée en alternance hommes-femmes, s'il
y a une présence de la diversité, des personnes racisées, nées à l'étranger ou
pas, qui concorde avec ma région. On parle de suivre la démographie, là, pas
d'imposer.
Mme Fournier :
En ce sens-là, puisque j'ai très peu de temps, ne trouvez-vous pas que, pour se
conformer à l'esprit de la réforme, puisque ce sont deux questions différentes,
le financement public accordé aux partis politiques à la suite des élections
devrait être en fonction du vote accordé au parti politique sur le bulletin de
vote qui correspond aux listes et donc qui est exclusivement pour les partis
politiques?
Mme Roberge
(Mercédez) : Je ne vois pas de raison de ne pas considérer l'ensemble
des bulletins pour établir le financement, les règles de financement, je ne
vois pas. Sinon, on établit une hiérarchie entre les... Ce qu'on veut défaire,
on l'établit par la porte d'à côté. Et, pour le financement et pour le
remboursement, il y a, dans le projet de loi, des règles qui installent une
hiérarchie entre les élus, et ça, ça n'a pas de bon sens, que les candidatures
de circonscription soient en lien direct avec le Directeur général des
élections, mais pas les personnes qui vont présenter leur nom sur une liste de
candidatures. Qu'ils doivent automatiquement passer par leurs partis, qu'ils
reçoivent un financement par leurs partis, remboursement de dépenses
électorales par leurs partis et non plus par le Directeur général des
élections, ça crée une hiérarchie qui n'a pas lieu d'être.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. C'est tout le temps
que nous avions. Merci beaucoup d'être ici, Mme Roberge.
Et on va suspendre
les travaux pour quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à
16 h 17)
(Reprise à 16 h 20)
Le
Président (M. Bachand) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Merci beaucoup. La commission reprend ses travaux.
Je souhaite
maintenant la bienvenue aux représentants de la Fédération des travailleurs et
travailleuses du Québec.
Des voix : ...
Le Président (M.
Bachand) : Je vous demanderais, s'il vous plaît, un peu plus de
discipline. On a un horaire extrêmement serré,
puis je vous demanderais, bien sûr, d'être plus disciplinés, ce que vous faites
normalement, d'ailleurs.
Alors donc, à la Fédération des travailleurs et
travailleuses du Québec, bienvenue. Vous avez 10 minutes de présentation,
après ça on échange avec les membres. Alors, à vous la parole. Merci.
Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec
(FTQ)
M. Bolduc (Denis) :
Alors, merci, M. le Président. Merci de nous recevoir ici, au Parlement.
Bonjour, Mme la ministre. Mmes les députées, MM. les députés, bonjour.
Alors, mon nom est Denis Bolduc, secrétaire
général de la FTQ. Je suis accompagné de Lise Côté, qui est conseillère au
service de la recherche à la FTQ.
Évidemment, c'est avec joie que la FTQ se
présente aujourd'hui à cette commission pour discuter du projet de loi
n° 39, qui prévoit l'introduction d'un scrutin proportionnel mixte
compensatoire. La FTQ, tout au cours de son histoire, a toujours promu un mode
de scrutin mixte proportionnel. Nous avons participé à toutes les consultations
et tous les travaux qui ont porté sur cette question au cours des
40 dernières années. Ça fait longtemps qu'on en parle. Plus
récemment, nous nous sommes joints à la Coalition pour la réforme électorale
maintenant!. L'objectif est de promouvoir la réforme électorale et s'assurer
que les partis politiques respectent la motion que vous avez endossée en avril
2019, laquelle réaffirme les principes de l'entente transpartisane signée en
mai 2018.
Nous reconnaissons que la proposition sur la
table constitue une avancée importante. Toutefois, la lecture des modalités
précises — exemple,
le nombre total de députés, le ratio circonscriptions-régions, le nombre de
régions, les seuils, etc. — liées
à la compensation régionale laissent encore à désirer, et plusieurs éléments du
projet de loi réduisent sensiblement le caractère proportionnel du mode de
scrutin qui est proposé.
La FTQ est ouverte à donner son appui au projet
de loi n° 39 dans la mesure où des amendements permettraient d'apporter au
mode de scrutin proposé un plus grand degré de proportionnalité. Dans le cadre
de cette présentation, je vais intervenir sur trois grands enjeux :
d'abord, je vais parler de la faible correction des distorsions du mode de
scrutin proposé et les correctifs que nous voudrions y voir apporter,
deuxièmement, j'aborderai l'objectif de la parité femmes-hommes et, en dernier
lieu, la question du référendum.
D'abord, notre analyse du projet de loi révèle
que certaines modalités restreignent sensiblement la proportionnalité du mode
de scrutin qui est proposé. Sur un nombre total de 125 députés, 80 seront
élus au scrutin majoritaire et 45 députés de région seront élus au scrutin
proportionnel. Cette combinaison du nombre de députés de circonscriptions et celui de députés de
compensation représente un ratio 64-36, et, selon plusieurs experts, un
système électoral qui permet une
véritable correction des distorsions découlant des circonscriptions élues au
scrutin majoritaire doit être composé d'au moins 40 % des sièges de
compensation et d'au plus 60 % des sièges de circonscription, soit un
ratio 60 %-40 %.
Le nombre de sièges de compensation proposé par
le gouvernement ne semble donc pas suffisant pour réussir à corriger
entièrement les distorsions subies par chaque parti politique. La FTQ est
d'avis qu'il est possible d'atteindre une meilleure correction notamment par
l'ajout de quatre sièges de région, ce qui porterait l'Assemblée nationale à 129 députés. Nous voulons faire
en sorte que chaque région ait au minimum deux députés de compensation, et, sans atteindre le ratio 60-40, notre
proposition porterait à 38 % le nombre de sièges de compensation. Ça
améliorerait ainsi la proportionnalité du scrutin mixte.
Parallèlement, nous suggérons de diminuer le
nombre de régions à 14. Le projet de loi propose 17 régions de petite
taille et un faible nombre de sièges de compensation. La répartition de
45 sièges entre 17 régions suggère une moyenne bien inférieure à trois par région. Si l'objectif est
d'amoindrir les distorsions et d'améliorer la proportionnalité du système électoral, il serait avisé d'opter pour
des régions électorales plus grandes, donc moins de régions comprenant
plus de sièges régionaux de compensation.
Le projet de loi prévoit aussi un seuil de
10 % des votes recueillis sur l'ensemble des régions du Québec pour qu'un
parti politique puisse participer à l'étape de la distribution des sièges de
région. Nous estimons que ce seuil est trop élevé. Notre compréhension est à
l'effet que moins une région compte de sièges, plus le seuil implicite à
franchir pour en obtenir un est élevé, alors cela mine sérieusement l'accès des
petits partis à des sièges de région. En d'autres mots, cette situation a pour
effet de réduire le poids d'un vote dans une région éloignée par rapport au
vote exercé dans une région plus urbaine disposant de plusieurs sièges de
compensation. C'est pourquoi la FTQ demande d'abaisser le seuil de
représentation à 5 % afin de donner aux petits partis une chance d'avoir
accès aux sièges de région et favoriser ainsi l'expression du pluralisme
politique qui est présent au Québec.
Autre point à soulever, la méthode de calcul
pour attribuer les sièges de région. Lorsque la compensation s'effectue à
l'échelle nationale, les études montrent que le choix d'une méthode de calcul a
peu d'influence sur les résultats finaux de la compensation. Toutefois, lorsque
la compensation s'effectue à l'échelle régionale, la méthode de calcul a alors
toute son importance.
La
compensation proposée dans le projet de loi est de type régional avec
redistribution régionale. Autrement dit, l'attribution des sièges se fait selon
le nombre total de votes obtenus par chaque parti dans chaque région et, par la
suite, selon une méthode de calcul spécifique. Et celle qui est élaborée dans
le projet de loi est inédite, elle ne compte que la moitié des circonscriptions
gagnées dans une région. Cette règle de calcul a pour effet d'exacerber les
distorsions en favorisant les partis politiques qui remportent plusieurs
circonscriptions dans le calcul de la compensation, ce qui nuit au pluralisme
politique. C'est ce que nous appelons la prime au vainqueur. Selon nous, il
faudrait au moins régler ce biais dans la règle de calcul.
J'aimerais
maintenant aborder la question de parité femmes-hommes, il s'agit d'un enjeu
primordial pour nous. Depuis sa fondation, la FTQ a toujours été
préoccupée par les enjeux qui touchent les femmes et appuie sans relâche les
luttes qu'elles mènent sur divers fronts tels l'accès à l'égalité, l'équité
salariale ou la conciliation famille-travail. La FTQ partage sans réserve
l'objectif d'accroître le nombre de femmes candidates et élues à l'Assemblée
nationale. Nous sommes aussi d'avis qu'il faut viser l'égalité entre les femmes
et les hommes, à tout le moins dans l'ensemble des candidatures qui sont
proposées.
Dans cet exercice de
la réforme du mode de scrutin, la FTQ s'attendait à ce que le gouvernement
présente des mesures contraignantes pour
obliger les partis politiques à atteindre la zone paritaire entre 45 % et
55 %. Or, ce n'est pas le cas. Le gouvernement laisse à chaque
parti le privilège de se fixer des objectifs en matière de représentation
femmes-hommes dans les candidatures. Nous croyons que le Québec peut faire
mieux pour favoriser une plus grande parité dans les candidatures, notamment en
déployant des mécanismes en amont des élections. Cela signifie qu'il faut agir
sur les pratiques et les cultures internes des formations politiques. La FTQ
estime que la Loi électorale peut créer un
environnement favorable à cet objectif, notamment en prévoyant des mesures
incitatives ou coercitives, par exemple une majoration sur le
remboursement des dépenses électorales ou encore une pénalité. Ces mesures
pourront assurément inciter les partis politiques à faire les efforts
nécessaires pour améliorer la représentativité des femmes.
Le scrutin mixte
proportionnel ouvre de belles possibilités pour assurer une présence paritaire,
notamment pour l'occupation des sièges de compensation. Ici aussi, la Loi
électorale peut prévoir des conditions à respecter dans la constitution de ces listes. Parmi ces conditions, celle dont on parle
le plus souvent est l'alternance femmes-hommes, condition à laquelle la
FTQ adhère. Lorsqu'une telle règle est imposée, les partis politiques doivent
présenter des femmes et des hommes en alternance sur leur liste.
Encore aujourd'hui,
de nombreux obstacles systémiques, culturels et sociaux se dressent devant le
parcours et les opportunités militantes et
politiques des femmes. Alors que le fardeau de concilier le travail et la
famille constitue un défi quotidien pour la grande majorité d'entre
elles, comment imaginer embrasser une carrière politique dont les conditions de
travail sont difficiles, les horaires, chargés et brisés, les déplacements,
fréquents? La FTQ estime que les partis politiques doivent faire les efforts
nécessaires pour attirer, stimuler et accommoder la participation des femmes
dans leurs rangs et favoriser l'émergence de candidatures féminines aux
élections.
Mon
dernier propos concerne l'épineuse question du référendum. La FTQ est d'avis qu'un référendum n'est pas
nécessaire. Nous estimons que l'Assemblée nationale dispose de toute la légitimité nécessaire pour adopter la réforme du mode de
scrutin. Nous avons pour preuve les engagements clairs de la majorité des partis
politiques présents à l'Assemblée nationale et la mobilisation populaire
constante sur cette question au cours des dernières années.
Par ailleurs, si une majorité
d'intervenants affirment qu'un référendum est nécessaire, le tenir en même
temps qu'une campagne électorale constitue, à nos yeux, une fausse bonne idée.
Les élections servent à juger un gouvernement sur ses accomplissements ainsi
que sur les engagements des autres formations politiques. Elles sont l'occasion d'un vaste débat social et politique
qui concerne une multitude d'enjeux importants. En tenant une campagne
référendaire simultanément à une campagne électorale, on court un risque élevé
de mélanger les enjeux, de brouiller les
messages et de faire passer les deux exercices à côté de leurs objectifs.
Alors, s'il y avait, malgré tout, un référendum, la FTQ demande qu'il se tienne
avant les prochaines élections générales, de manière à ce que le nouveau mode
de scrutin soit appliqué au prochain scrutin général, prévu en octobre 2022.
Et, en conclusion, bien que perfectible, le projet de loi n° 39 constitue tout de même l'avancée la plus
concrète vers la mise en place d'un mode de scrutin proportionnel que le
Québec ait connu à ce jour. Je terminerai mon allocution sur cette note, Mmes
et MM. les députés : il est grand temps de passer de la parole aux actes.
• (16 h 30) •
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup.
M. Bolduc
(Denis) : Alors, nous sommes prêts à recevoir vos questions.
Le
Président (M. Bachand) : Merci infiniment. Mme la ministre, s'il
vous plaît.
Mme LeBel :
Merci, M. le Président. Merci beaucoup de votre présentation. Effectivement, je
crois qu'on est mûrs pour un nouveau mode de scrutin. On a franchi un pas
important en déposant un projet de loi concret, duquel nous sommes en train de
débattre aujourd'hui, puis je pense que... Merci de l'avoir souligné, parce que
je pense que c'est important de le dire aussi, c'est un pas important pour
notre démocratie. Et souvent c'est de casser le moule, le premier pas qui est
le plus dur à faire, et je pense que c'est ce qu'on va tenter de faire
ensemble. Mais maintenant ça ne veut pas dire qu'on ne peut pas perfectionner
un peu le pas qu'on tente de faire et le projet qu'on vous a présenté.
Plusieurs
choses intéressantes. Votre mémoire, d'ailleurs, est très bien étoffé et a
beaucoup de beaux arguments sur tous les points. Donc, dans le temps qu'il
nous reste, peut-être que j'aborderai quelques points particulièrement, ce qui ne veut pas dire que les autres points ne
sont pas intéressants, ne seront pas considérés à la lecture, soyez sans
crainte.
Vous
parlez... Bon, je comprends qu'avec environ 600 000 membres la FTQ a quand
même des membres dans toutes les régions du Québec, à la grandeur du Québec.
Vous parlez au nom de... d'avoir une meilleure proportionnalité, c'est
probablement l'argument qui vous motive ou la raison qui motive ça, d'avoir 14
régions plutôt que 17 afin d'assurer un
minimum de deux sièges de compensation par région, je le comprends très bien.
Je comprends la mécanique, mais ne pensez-vous pas que ça peut,
justement, faire en sorte d'être un frein à pouvoir réaliser la réforme dans
l'élaboration du projet de loi?
Puis je ne m'en cache
pas, il y a eu plusieurs consultations, on a parlé à beaucoup de personnes,
tant... Dans nos caucus respectifs également, y inclus, il y a divers
considérants, divers facteurs qui font qu'on est pour ou contre, plus ou moins
pour, plus ou moins contre. Donc, ce que le gouvernement a tenté de faire et a
fait, à mon sens, c'est de présenter un projet de loi qui est modéré, équilibré
et qui tente de répondre à toutes les inquiétudes, toutes les préoccupations,
tout en ayant... en atteignant le premier objectif, naturellement, d'une telle
réforme, c'est un mode de scrutin qui a des effets beaucoup plus proportionnels
que celui que nous connaissons maintenant, depuis longtemps, à ce jour.
Donc, on fusionne
qui? On fait ça comment? À quelle région, moi, je dis : C'est terminé?
Déjà, je vais faire un aparté, on a fusionné Mauricie—Centre-du-Québec pour des
fins médicales pour le CIUSSS, puis ça n'a pas été une belle nouvelle. Donc, je
vois mal comment on peut faire ça. Puis, je vous avoue, peut-être qu'on a l'air
très terre à terre dans cette question-là, mais elle est très terre à terre,
cette notion-là, quand on va vouloir que les gens votent et adhèrent à un mode
de scrutin proportionnel, donc il faut les considérer, ces effets-là.
M. Bolduc
(Denis) : Je devine, Mme la ministre, que, dans la préparation
du projet de loi, ça a dû chauffer un peu dans la chaumière. C'est sûr qu'en
région on a dû...
Mme LeBel :
Dans pas juste une chaumière, je dirais.
M. Bolduc
(Denis) : J'imagine, dans les régions, on vous a amplement fait
part de commentaires sur cette question-là, la représentation des régions. Dans
toute cette question-là, il y a quand même quelques objectifs principaux qu'on
cherche à obtenir, d'abord la meilleure proportionnalité possible. Alors, on a
cette équation-là, on cherche une équité globale, mais on cherche aussi une
représentation régionale qui est juste puis qui est équitable aussi pour tout le
monde. Et donc, dans toute cette réflexion-là, on a regardé la littérature, les
rencontres qu'on a eues avec des partenaires qui sont davantage spécialisés sur
la question que nous, et les simulations nous disent que, pour avoir la plus
grande proportionnalité possible, bien, il faut chercher à constituer les
régions les plus grandes possible et les moins nombreuses possible. On avait,
dans la présentation précédente, la suggestion de huit régions. Le Directeur
général des élections a déjà fait des simulations et il en arrivait à la
conclusion que, neuf régions, on atteignait la meilleure proportionnalité.
Donc, ça, c'est pour la proportionnalité.
Pour
la représentation des régions, cette inquiétude-là
que les régions ont d'être moins bien représentées, bien, on a réfléchi
à ça, puis c'est pour ça qu'on n'a pas passé de 17 régions, comme suggestion, recommandation,
à neuf, comme la simulation du Directeur général des élections nous
l'indiquait. On a dit : On va y aller à 14. Par contre, pour compenser, on
va suggérer d'augmenter le nombre de sièges de députés à l'Assemblée nationale
de 125 à 129, et, les quatre supplémentaires, assurons-nous que c'est pour les
régions, pour la proportionnelle dans les régions.
Alors,
c'est un peu l'équilibre qu'on a cherché à atteindre, là, dans
nos propositions puis c'est ce qu'on
a mis sur la table. Et on a ces mêmes préoccupations-là puis on pense
que c'est raisonnable comme proposition. Évidemment, pour atteindre une plus
grande proportionnalité, bien, peut-être qu'il faudrait avoir plus de régions,
idéalement plus de régions, puis encore un petit peu plus de députés, mais là
la problématique devient plus importante, là.
Mme LeBel :
Si on parle, maintenant, de l'obligation de présenter les listes paritaires
avec une alternance hommes-femmes, ces
listes... et une femme en tête, bon, ça, je comprends très bien ça. Vous l'avez
dit, toute obligation prend une conséquence pour le non-respect de
l'obligation, sinon ça demeure une déclaration de principe, là, dans ce sens-là.
Donc, vous recommandez une règle unique établissant un régime progressif de
majoration ou de pénalité en matière de remboursement des dépenses électorales
selon l'atteinte ou non de la zone paritaire. Pouvez-vous juste élaborer un peu? Qu'est-ce que vous voulez dire
par... c'est surtout la... Un régime progressif de majoration, qu'est-ce
que vous voulez dire? Il y aurait des récidives?
M. Bolduc
(Denis) : Bien, ce sera au Directeur général des élections
d'établir le barème, mais en fait, le principe, ce qu'on dit, c'est que les
partis politiques doivent faire vraiment un effort réel pour présenter le plus
de candidatures paritaires possible hommes-femmes. Donc, il faut qu'il y ait un
effort réel. En même temps, on n'a aucun contrôle sur, dans une circonscription
donnée, est-ce que ce sera un homme ou une femme qui va être élu, hein? Deux
partis peuvent être parfaitement paritaires, mais les résultats du vote peuvent
faire en sorte qu'il y a uniquement des hommes qui sont élus ou, théoriquement,
là, uniquement des femmes. Alors, sur le résultat des élections dans les
circonscriptions, on pense qu'on n'a pas vraiment de contrôle. Mais là où on en
a, c'est sur les candidatures qui sont proposées, puis encore plus fort sur les
listes qui vont être présentées par les partis politiques. Alors, sur les listes, on dit : Il faut
absolument qu'il y ait une alternance femmes-hommes. On ne dit pas
«hommes-femmes, hommes-femmes», on dit «femmes-hommes, femmes-hommes»,
premier en haut, une femme. Et, dans les partis politiques, sur les 129
candidatures, parce qu'on propose quatre de plus, bien, il faudrait que les
partis politiques cherchent à atteindre la parité. S'ils
l'atteignent, il y a une compensation financière, puis, s'il n'y a pas d'effort
qui est fait par un parti politique dans ce sens-là, bien, disons au Directeur
général des élections : Mettez en place des incitatifs, des incitatifs
financiers pour qu'ils le fassent, puis, s'ils ne le font pas, bien, prévoyons
des pénalités.
Mme LeBel : O.K. Parlons,
peut-être, de la double candidature. On n'a pas eu l'occasion d'élaborer
beaucoup sur ce sujet-là dans... aujourd'hui, malgré que certains groupes
avaient des opinions sur le sujet, mais on n'a pas vraiment développé. Vous
l'avez mentionné dans votre mémoire, il y a clairement des pour et des contre,
hein, à l'égard de la double candidature. Je pense que tous les arguments se
valent. Certains analystes considèrent qu'un candidat qui n'a pas réussi à se
faire élire dans une circonscription ne devrait pas entrer à l'Assemblée
nationale par la porte arrière. Moi, je mentionnais ça d'avoir deux chances au
bat, on peut le dire d'autres façons. Ce sont certains analystes,
naturellement.
On argumente aussi que la cohabitation pourrait
être difficile, hein? Quand quelqu'un a été battu en circonscription et qu'il
revient par la porte de la compensation, devient donc un député de la même
région que celui qui l'a battu. Certains argumentent que ça pourrait faire une
cohabitation difficile, surtout dans la gestion du changement. Parce que vous
allez convenir avec moi que ça sera un changement de culture politique et qu'il
faudra, entre députés de circonscription et députés de région, apprendre à
cohabiter, de quelle façon... dans l'organisation du travail et dans l'occupation
du territoire, si je peux le dire de cette façon-là. Donc, par contre, vous
semblez tout de même favoriser la double candidature. Simplement élaborer pour
nous expliquer quel est votre point de vue puis pourquoi vous pensez que,
malgré ces arguments-là, on devrait aller plutôt vers la double candidature.
M. Bolduc (Denis) : J'aimerais vous dire d'abord, Mme la ministre,
que, pour nous, ce n'est pas un «deal breaker», là.
Mme LeBel :
Non, mais on doit en parler quand même, ça fait partie des modalités.
• (16 h 40) •
M. Bolduc
(Denis) : Oui, oui, vous avez raison. Nous, on pense que la
double candidature est acceptable, compte tenu que, en fait, pour les partis
politiques qui sont bien représentés à l'Assemblée nationale, qui sont bien
placés dans les sondages, qui ont des bonnes chances de faire élire plusieurs
députés, bien, des fois, il y a des circonscriptions qui, sans être sûres,
sûres, sûres à 100 %, bien qu'il y en ait, là, des circonscriptions qui
sont certaines à 100 %, qui sont étampées d'une couleur ou d'une autre...
Mme LeBel :
Mais on a parfois des surprises, quand même.
M. Bolduc
(Denis) : Mais il y a quand même des surprises. Mais, pour les partis
politiques qui ont de moins grandes chances
d'avoir un grand nombre de candidats ou de candidates élus, on se dit : Bien,
ça pourrait être une façon d'attirer — je vais utiliser le mot
«vedettes», là — des
vedettes dans un parti politique plutôt qu'un autre, parce que, souvent,
quelqu'un qui a une grande renommée, avant de se présenter dans une élection,
quand il est courtisé, il analyse beaucoup ses chances d'être élu ou pas.
Alors, si on permettait la double candidature, bien, peut-être qu'on
permettrait, en même temps, l'arrivée à l'Assemblée nationale de plus — je
n'aime pas tellement utiliser le mot, mais je n'en trouve pas d'autre — de
vedettes, là, ou de grosses pointures, ou utilisez le qualificatif que vous
voulez.
Mme LeBel :
O.K. Bien, merci. Merci, c'est ce que je voulais entendre de votre bouche.
Maintenant, peut-être
sur un autre sujet qui est abordé également dans votre mémoire, mais vous avez
eu moins de temps de discuter d'entrée de jeu, la question du référendum. Si je
ne m'abuse, en 2006, la FTQ était favorable à la tenue d'un référendum pour un
tel changement de mode de scrutin. Aujourd'hui, vous ne l'êtes plus. À tout le
moins, vous nous dites : On est... Parce que c'est votre prémisse de
départ, de ne pas tenir un référendum, et vous proposez, le plan B, de le tenir
avant. Mais pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous pensez... pourquoi vous ne
l'êtes plus, puis comprendre vos motivations, là?
M. Bolduc
(Denis) : Bien, le contexte a changé, puis, sur cette
question-là également, on se réfère beaucoup à la dernière campagne électorale,
pendant laquelle le premier ministre a promis une réforme du mode de scrutin
sans référendum et en affirmant qu'il avait toute la légitimité pour le faire
sans référendum parce qu'il avait l'appui de tous les partis à l'Assemblée
nationale, à l'exception du Parti libéral. Il a signé, d'ailleurs, cet
engagement-là.
Et on l'a reçu aux
bureaux de la FTQ, M. Legault, il a eu la gentillesse de venir nous
visiter lors de la campagne électorale, puis on lui a posé des questions, puis
on lui a dit... on pouvait lui dire : Bien, M. Trudeau, dans l'autre
pays, M. Trudeau, il avait promis une réforme électorale, quand il est
arrivé au pouvoir, il ne l'a pas faite; allez-vous faire la même chose,
M. Legault? Il était assis à deux mètres de moi, M. Legault, et il a
dit : Vous pouvez penser ce que vous voulez, moi, je vais le faire puis je
vais le faire sans référendum. Moi, je l'ai cru, hein? On ne se connaît pas
assez pour se conter des menteries, je me dis. Alors, je l'ai cru puis je
m'attendais à ce que c'est ça qu'il fasse, puis on arrive avec un projet de loi
prévoyant un référendum.
Alors, c'est pour ça,
je vous disais... Je sais que... Je n'ai pas de difficulté à comprendre que ça
a dû chauffer pas mal dans les chaumières, puis vous l'avez dit, ça a chauffé
beaucoup, mais nous, on s'attendait vraiment à ce que la prochaine élection générale, en 2022, se fasse avec un nouveau mode
de scrutin et sans qu'il y ait eu de référendum.
Mme LeBel :
Mais, au-delà d'une promesse électorale ou au-delà d'une conversation que vous
auriez eue, sur le fait brut de consulter la population pour un changement
aussi important... C'était un peu ça qui était l'angle de ma question,
c'est-à-dire que, si la FTQ était favorable à un référendum en 2006, c'est
parce qu'elle pensait que c'était un changement démocratique important qui
appartient, ultimement, ce choix-là, aux citoyens, parce que ce sera l'exercice
de leur vote. Est-ce qu'au-delà de cette promesse-là que vous aviez entendue ou
d'une conversation vous avez changé d'idée sur le fait qu'on doit consulter la
population ou sur l'importance de ce changement démocratique là?
M. Bolduc
(Denis) : Bien, en fait, sur les bases des promesses qui ont
été faites, là, puis de l'engagement du Parlement,
à l'exception d'un parti, là — quand même, ce n'est pas rien, là — dont le parti qui est au pouvoir aujourd'hui,
on pourrait faire la réforme, actuellement, l'essayer pendant deux ou trois
scrutins, par la suite faire un référendum puis tester la population pour
dire : Est-ce que ça fait votre affaire ou est-ce qu'on revient à l'ancien
système?
Mme LeBel :
O.K. Mais, dans l'optique où on maintient la notion de référendum, vous
préconisez qu'on le fasse avant l'élection.
M. Bolduc
(Denis) : Oui.
Mme LeBel :
O.K. Merci.
Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Merci, Mme la ministre. M. le
député de LaFontaine, s'il vous plaît.
M. Tanguay :
Merci beaucoup, M. le Président. Merci, M. Bolduc, Mme Côté, d'être
avec nous aujourd'hui pour débattre sur le projet de loi n° 39.
Je vais reprendre la
balle au bond par rapport au référendum. Je trouvais ça très, très, très
éclairant, la conversation à laquelle vous avez fait référence avec le premier
ministre, à l'époque candidat, qui était à deux mètres de vous puis qui vous
avait dit : Non, non, non, en tout état de cause... Parce que, je veux
dire, il le savait aussi... à l'époque, durant les élections, quand il vous a
dit : Non, moi, je ne ferai pas de référendum, je vais passer le projet de
loi sur la modification du mode de scrutin, il connaissait la complexité, parce
que je ne pense pas qu'il a pris un engagement sans connaître les tenants et
aboutissants. Et, très clairement, vous avez pu faire témoignage du fait qu'une
fois rendu au pouvoir, bien, ça a été un changement de fusil d'épaule.
Vous dites : Un
référendum... Donc, vous, vous n'avez pas changé d'idée. Vous, vous ne changez
pas d'idée, vous considérez toujours qu'un référendum ne serait pas nécessaire.
Vous dites une chose importante aussi, parce qu'il y a différents scénarios,
là : pas de référendum, mais, s'il y a un référendum, il peut être placé à
trois endroits : avant, pendant ou après l'élection générale.
Alors, il n'y aura
pas de référendum, promesse du premier ministre, à deux mètres de vous, en
élection. Le référendum, 180 degrés, il va y en avoir un. Alors, scénario un,
il faut vivre avec ça, c'est le projet de loi n° 39, il l'a déposé de
même. Les trois autres scénarios, vous dites : Bien, écoutez... Est-ce que
vous écartez d'emblée de tenir un référendum
en même temps que l'élection générale, la prochaine élection générale?
J'imagine que oui, mais je ne veux pas
vous mettre des mots dans la bouche, parce que vous aimeriez que le nouveau
mode de scrutin soit en place pour 2022.
Mais
est-ce qu'également vous avez une préoccupation, aussi, qu'il pourrait y avoir
une distorsion si on faisait deux campagnes en même temps, là? Le
monde... puis, vous le savez, là, vous êtes dans un mouvement syndical, vous
savez que, quand on fait des campagnes de publicité, puis tout ça, il faut que
le message soit clair, il faut que l'enjeu soit clair. Puis, quand on élit un
député, est-ce que là on va dire : On élit un député, est-ce qu'on va
changer le mode de scrutin? Sur quelle base mettriez-vous, donc, de côté
carrément le scénario, le deuxième scénario d'un référendum en même temps
qu'une élection générale 2022?
M. Bolduc
(Denis) : O.K. Il y a quand même quelques... Un, on ne veut pas
de référendum en même temps que des élections générales. C'est deux sujets
complètement... c'est complètement différent, ce n'est pas les mêmes objectifs.
Un n'a pas le même objectif que l'autre. On ne veut pas ça.
L'autre aspect,
également, si c'est en même temps que les élections, bien, le projet de loi est
prévu comme ça, là, la Loi électorale s'applique, l'intervention d'un tiers
dans un débat comme celui-là serait impossible. Pour la FTQ, ce serait
impossible d'intervenir dans ce débat-là pendant une campagne électorale sur le
mode de scrutin. C'est une question suffisante pour dire qu'on est contre ça.
Et on le voit
facilement dans ce débat-là, c'est tellement facile, mélanger tout le monde,
là, dès qu'on parle d'aspects techniques, là, comment on distribue les sièges
en région, c'est quoi, la formule de compensation. Il y a tellement d'éléments
techniques, si on veut perdre la population, là, c'est très facile. Puis, pour
un électeur, quand il ne comprend pas, il dit : Moi, je reste sur la
position, je vote contre. C'est sûr que c'est ça qui va arriver s'il y a un
référendum. C'est une façon... Nous, on le voit comme une façon de s'assurer
que ça ne passe pas, qu'il n'y en ait pas, de réforme du mode de scrutin. C'est
un peu comme ça qu'on l'analyse. On peut se tromper, mais, c'est ça, c'est de
même qu'on voit ça.
M. Tanguay :
Oui, puis je peux vous confirmer que vous n'êtes pas le seul à voir ça comme
ça. Pour avoir eu des conversations avec d'autres personnes sur cet aspect-là,
vous n'êtes pas le seul à voir ça de cet aspect-là. Donc, référendum, oui, mais
avant.
Et
là le dernier des scénarios, fermeriez-vous la porte, donc, à ce qu'il y ait
carrément... Vous seriez contre qu'il y ait un référendum, mais l'autre bord
des élections de 2022, ça, c'est un scénario que vous ne voulez même pas
envisager, j'imagine. Si l'on dit : C'est correct... Parce qu'encore une
fois je veux tester ça avec les gens, parce que, souvent, le débat
parlementaire, vous le savez aussi bien que moi, là, va avoir son cours, va
avoir cours. Puis là le premier ministre pourrait nous dire... Parce qu'il y a
de la politique là-dedans, veux veux pas, il y a des intérêts politiques, puis
il y a de la politique. Puis le premier ministre, c'est correct, là, je veux
dire, on le sait, là, vous n'êtes pas nés de la dernière pluie, il en fait, de
la politique, puis c'est correct, on l'assume. Il pourrait dire : Je vous
ai entendus, il n'y en aura pas, de référendum en même temps que l'élection
générale, mais on va le faire après, donc vous devriez vous déclarer
satisfaits. Ça, je déduis de vos propos que vous ne vous déclareriez pas
satisfaits en disant : Oui, d'un côté, vous n'allez pas faire de
référendum en même temps que l'élection générale, mais vous le faites l'autre
bord de 2022. Oubliez ça, l'engagement, là. L'engagement, c'est comme s'il
n'existait plus pantoute, là.
M. Bolduc
(Denis) : Oui, bien, c'est un peu ça, parce que la promesse,
c'était que le prochain scrutin se fasse sous la nouvelle forme de scrutin, un
mode proportionnel mixte.
M. Tanguay : Et vous avez compris ça, vous, mais le premier ministre
dit que ce n'est pas ça qu'il fallait comprendre, que c'était dans un
des attendus. Vous l'avez entendu dire que ce n'était pas ça,
l'engagement — l'engagement,
c'était de déposer un projet de loi avant le 1er octobre 2019 — et
que ce n'était pas son engagement.
• (16 h 50) •
M. Bolduc
(Denis) : Ce n'est pas ce que j'ai entendu quand il est venu
nous visiter à la FTQ.
M. Tanguay :
Durant l'élection.
M. Bolduc
(Denis) : Oui, avant les élections, pendant la campagne
électorale.
M. Tanguay :
O.K. Bizarre. Poursuivons, poursuivons. Vous dites, vous aimeriez
augmenter et vous... je pense que c'est un élément important, donc, deux
choses, pour que ça tienne la route. Donc, ça, je reconnais, vous saluez quand
même le projet de loi n° 39, mais vous dites deux choses qui ne sont pas
des détails. Pour vous, pour que ça tienne la route, il faudrait augmenter le
nombre de députés puis réduire le nombre de régions. Pourriez-vous m'expliquer
ça? En quoi ces deux mesures-là seraient... ne sont pas des détails puis sont
importantes pour que vous vous déclariez satisfaits, là, du projet de loi?
M. Bolduc
(Denis) : Bien, en fait, c'est un peu ce que j'essayais
d'expliquer tout à l'heure, c'est, un, toute la complexité de la problématique
de la chose, là, et, deux, qu'est-ce qu'on veut atteindre. On veut atteindre la
plus grande proportionnalité possible, donc que le vote exprimé dans la boîte
de scrutin et le résultat final, en termes de nombre de députés à l'Assemblée
nationale, bien, soient le plus représentatifs du vote exprimé par la
population. C'est ça que, un mode proportionnel, on cherche à atteindre.
Et il y a toute cette
préoccupation-là de représentation des régions. Puis la littérature, les
exercices qui ont été faits par les spécialistes nous disent : Moins il y
a de régions, plus elles sont grandes, plus que cet objectif-là d'atteindre la
proportionnalité est atteignable et réalisé. Alors là, on a les 17 régions
administratives. Les scénarios nous disent
qu'avec huit ou neuf régions on atteint cette proportionnalité-là presque...
sans dire parfaite, en tout cas, une belle représentation. Et par contre
on a le discours des régions qui disent : Bien, on va perdre de la
représentation. Alors, nous, on a dit : Bien, augmentons un petit peu le
nombre de députés en région — on parle de quatre — puis
on vient... c'est un peu un consensus, un équilibre qu'on a essayé de trouver,
là, dans ces formules-là.
M. Tanguay :
Et je comprends... Donc, on... et techniquement, on ne passerait pas de 17 à
14, on passerait de 16 à 14, parce qu'il y a une région qui est d'exception,
là, qui est Ungava.
M. Bolduc
(Denis) : Oui.
M. Tanguay :
Avez-vous entendu... puis je ne veux pas
vous mettre... si vous n'avez pas étayé votre réflexion là-dessus, vous
avez juste à me le dire, puis je vais changer la question, je vais passer à une
autre question. Mme Roberge, un peu plus tôt... par rapport à la
répartition, il y aurait quand même le même nombre de régions, mais il y aurait
des régions un peu fusionnées quant à l'octroi des sièges de députés de liste,
je ne sais pas si vous l'avez entendue, si vous avez une réflexion là-dessus.
Puis, encore une fois, si ça n'a pas été fait, juste à me le dire, là, je vais
passer à une autre question.
M. Bolduc
(Denis) : Bien, on n'a pas... On n'a pas cette mécanique-là où
c'est quand même... Je le disais tout à l'heure, c'est facile de se perdre là-dedans,
là, c'est vraiment facile. Puis tous les calculs, tout ça, techniques, on n'est
pas allés. Nous, on a regardé la littérature, on a regardé ce que les
spécialistes nous disaient. Puis on a fait notre réflexion à partir de ça, mais
on n'a pas nous-mêmes fait une série de calculs, là.
M. Tanguay :
Je comprends. O.K. Et dernière question que j'aurais l'occasion de vous poser,
parce que le temps passe vite, c'est une réforme... c'est un bouleversement de
la démocratie, mais on n'a quand même pas beaucoup de temps, là,
45 minutes par groupe.
M. Bolduc,
Mme Côté, je vous entends, puis nous y sommes tous, vous savez, améliorer
la parité femmes-hommes pour ce qui est des candidatures. Là, on vient
de voir un petit peu, là, les stratégies par rapport au référendum, pas de
référendum, puis les doutes qu'on peut avoir quant à, réellement, le désir ou
pas du premier ministre de faire adopter le
projet de loi. Je ne prête pas d'intentions, mais c'est un fait de la vie que
certains se questionnent là-dessus. Mais il ne faudrait pas passer à côté d'ouvrir la Loi électorale et de ne pas
prévoir un plan A. Plus de parité dans les candidatures pour tous
les partis politiques comme condition d'existence comme parti politique, ça, on
pourrait le faire pour les 125 comtés dans le mode de scrutin actuel.
N'y voyez-vous pas là une police d'assurance,
parce que vous... hein, on connaît la politique, des fois, on se fait faire des
tours, de dire : Bien, si le plan B, qui est la grande réforme, le
grand soir du mode de scrutin, échoue parce qu'il ne passe pas au référendum ou
que la loi n'est pas adoptée, est-ce qu'on pourrait déjà prévoir, dans le
projet de loi n° 39, de dire : Bien, dépendamment de ça, on veut
qu'en 2022, là, sur le mode actuel des élections, sur les 125 comtés,
qu'il y ait une zone paritaire, 45 %-55 %, ou peu importe, de
candidatures femmes? Est-ce qu'on pourrait prévoir ça comme un plan A,
puis, si le plan B, le grand soir, arrive — on en doute — bien,
à ce moment-là, on n'aura pas travaillé pour rien puis on aura fait avancer le
Québec?
Le Président (M.
Bachand) : Très rapidement, parce qu'il reste très peu de
temps.
Mme Côté
(Lise) : Absolument. Il n'y
a rien qui empêche qu'il y ait des
mesures coercitives pour améliorer la participation
des femmes... bien, la présentation des femmes comme candidates. D'ailleurs, on
note que le Québec fait quand même
bonne figure à ce chapitre, là, pour présenter des femmes, parce qu'on est
maintenant, tu sais, au XXIe siècle, et puis on devrait toujours
avoir des mesures qui s'assurent qu'elles sont au moins présentes de manière
équivalente à leur poids démographique dans la société. Donc, oui, évidemment,
nous sommes d'accord avec ces mesures.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de Gouin, vous avez la
parole.
M. Nadeau-Dubois : Merci.
Merci, M. le Président. Vous parlez de... En fait, vous êtes, à ma
connaissance, en tout cas, le premier ou un des premiers groupes, aujourd'hui,
qui... en fait, il y avait Mme Roberge, mais sinon de... qui ose, entre
guillemets, puis pourtant ce n'est pas si pire que ça, comme proposition...
vous osez dire, là : Pourquoi on se limite à 125 députés, dans le fond?
Quand on se contraint à rester à l'intérieur de 125 députés, c'est là qu'on se
met à devoir faire toute une série de contorsions pour avoir de la
proportionnalité tout en gardant un nombre significatif de députés de liste par
région. Qu'est-ce que vous répondez aux gens qui sont très allergiques à cette
idée d'augmenter le nombre de députés, notamment parce qu'ils disent que, bien,
ça va coûter plus cher aux contribuables que d'avoir quatre ou cinq députés de
plus à l'Assemblée nationale du Québec?
M. Bolduc (Denis) : Bien, je dirais, sur le
budget du Québec, quatre députés de plus, hein, je ne pense pas que c'est ça
qui va engendrer des déficits, là. Sur cette question-là, je pense que le
Québec est capable de se permettre quatre députés de plus, si on en vient à la
conclusion... si vous, les parlementaires, en venez à la conclusion que ça en
prend quatre de plus, là. Je ne pense pas qu'il faudrait qu'une question
budgétaire vienne freiner un projet comme celui-là, là, pour quatre députés. Je
ne connais pas combien ça coûte, un député avec un bureau...
M. Nadeau-Dubois : Ça dépend
lesquels.
M. Bolduc (Denis) :
Ça dépend lesquels. Je n'osais pas le dire.
Des voix : Ha, ha, ha!
M. Bolduc (Denis) :
Mais, nous, comme je l'expliquais un peu tout à l'heure, c'est une façon, là,
d'atténuer, là, les inquiétudes, les inquiétudes qu'il y a en région concernant
la représentation avec un nouveau mode de scrutin.
M. Nadeau-Dubois : Et, si, pour
rassurer certaines personnes ou certaines formations politiques mais aussi
certaines voix dans la société civile, on disait : Bien, on garde 17
régions pour des raisons d'appartenance à certaines régions historiques, mais, pour aller chercher plus de députés de
compensation par région, on monte le nombre de députés à l'Assemblée
nationale, donc, si on prenait la moitié, disons, une des moitiés de votre
proposition, est-ce que, selon vous, ce serait un compromis raisonnable entre
les gens qui veulent avoir plus de compensation dans chaque région et les gens
qui tiennent à garder le nombre de 17 régions pour être calqués sur les régions
administratives?
M. Bolduc
(Denis) : Je pense que les
meilleurs placés pour répondre à cette question-là, ce n'est pas nécessairement
moi, là, parce que c'est une question de calcul avec des formules, puis tout
ça, puis on n'a pas fait cet exercice-là.
M. Nadeau-Dubois : Mais,
politiquement, est-ce que ce serait acceptable pour vous, comme compromis, entre
les deux positions?
M. Bolduc
(Denis) : Bien, en fait, il ne faudrait pas oublier l'objectif
premier, qui est la proportionnalité, là. Et là c'est là où je ne suis pas
capable de vous répondre. Est-ce qu'en augmentant uniquement le nombre de
députés en restant à 17 régions on peut atteindre le même
effet que si on diminue le nombre de régions pour avoir des régions plus
grandes? Je ne suis pas capable de vous répondre.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de
Rimouski, s'il vous plaît.
• (17 heures) •
M. LeBel
(Rimouski) : Merci. Bonjour. Peut-être trois questions rapides, là,
puis je n'ai pas beaucoup de temps. Les 17 régions, moi, je comprends la
ministre, là, puis je viens du Bas-du-Fleuve, puis mêlez-moi pas avec la
Gaspésie, là. Je les aime beaucoup, mais, tu sais, c'est fait de même. Puis
vous le savez, à la FTQ, vous vivez ça, vous-mêmes, dans vos organisations,
puis c'est bien normal, je sais. Est-ce que, pour vous, c'est fondamental, là,
qu'il faut absolument ramener ça à 14, que si ça reste à 17... Est-ce que, pour
vous, ça scrape toute la réforme, de demeurer ça à 17? Moi, à mon avis, si on
est capables de faire un pas puis conserver ces 17 régions-là, si ça nous
permet de faire la réforme, je pense qu'il faut faire l'effort.
Deux, le référendum,
si je vous ai bien compris, vous dites : Il faudrait faire un référendum
avant l'élection pour que la réforme soit mise en vigueur aux prochaines
élections, en 2022. Ça, je vous dis, c'est un enjeu assez gros, parce que je ne
suis pas sûr que le DGEQ a le temps de tout virer... tout faire ça. Même le
Mouvement Démocratie nouvelle propose de faire ça avant 2022 pour 2026. Mais,
en tout cas, il faudrait... Je ne sais pas quelle information vous pourriez
nous donner là-dessus.
L'autre élément, j'ai
compris que vous dites : Nous autres, s'il y a un référendum, on veut y
participer, que les tiers soient là. Ça n'a pas de sens que les tiers ne soient
pas là, là, que... Puis moi, je vous dis, comme moi, je veux y participer
aussi. Puis là ce qu'on nous propose, c'est que les députés ne pourraient pas y
aller, participer à ça. Ça n'a pas bien, bien de sens. Puis moi, je pense, puis
j'aimerais ça avoir votre avis, le président du camp du Oui, ça devrait être le
premier ministre. Merci.
M. Bolduc
(Denis) : Je pense que oui. Je pense que oui, en fait, parce
que, dans la Loi électorale telle qu'elle est conçue actuellement, puis ce
qu'on en comprend, c'est qu'on ne pourrait même pas intervenir dans les régions
pour informer nos gens — dans
les régions ou dans les grands centres — pour informer nos 600 000 membres
de la FTQ concernant cette question-là en pleine période électorale ou tel que
c'est prévu dans le projet de loi. Alors, pour nous, ça n'a pas de sens. Pour
une question importante comme celle-là, exprimer son droit de vote une fois aux
quatre ans, on dit que c'est un privilège qu'on a, puis c'est vrai que c'est un
privilège qu'on a, il y a beaucoup de monde qui se sont battus pour qu'on ait
ce droit-là, et il faut qu'on puisse l'exercer puis il faut qu'on puisse
s'exprimer dans un processus comme celui-là. On vient changer le mode de
scrutin puis on ne pourrait pas, comme centrale syndicale, au Québec, qui
représente 600 000 membres, s'adresser à nos membres puis leur
expliquer pourquoi nous, on veut un changement de mode de scrutin? Pour nous,
ça n'a pas vraiment de sens.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Je dois donner la parole à la
députée de Marie-Victorin, s'il vous plaît.
Mme Fournier :
Merci beaucoup pour votre présentation. La
ministre y a fait référence tout à l'heure, il y a un argument qui circule beaucoup, du moins, je crois,
un mythe, mais j'aimerais vous entendre sur la question, dans la société
civile, dans les médias de façon générale, on entend que la réforme du
mode de scrutin va causer nécessairement une grande instabilité politique. Je
sais que vous l'abordez dans votre mémoire, mais je veux que vous puissiez, là,
nous le partager de vive voix à la commission. Qu'est-ce que vous répondez à
ceux qui amènent ce type d'argument?
M. Bolduc
(Denis) : Bien, en fait, dans le projet de loi, il n'y a rien
qui vient encadrer les motions de censure. Ça nous a surpris un petit peu parce
qu'effectivement beaucoup de gens qui s'opposent à une modification du mode de
scrutin au Québec disent : Bien, on va avoir des gouvernements
minoritaires puis ils vont tomber à tout bout de champ, puis on va avoir une
instabilité politique constante au Québec, puis ce ne sera pas gouvernable,
etc. Mais il n'y a rien de prévu dans le projet de loi pour encadrer ça. Il y a
d'autres pays, comme l'Allemagne notamment, où c'est encadré, les motions de
censure, où, avant de présenter un vote de non-confiance envers le
gouvernement, bien, il faut que les partis fassent la démonstration que, si le
gouvernement est renversé, ils sont en mesure de gouverner. Et nous, on pense
qu'il devrait y avoir des éléments. C'est un gros manquement, actuellement, au
projet de loi, et c'est pour ça qu'on l'a mis dans le mémoire. Puis je vous
remercie, je l'avais noté, d'ailleurs, dans mes notes, j'avais noté d'essayer
de le glisser à quelque part, ça fait que...
Mme Fournier :
Vous croyez, au final, que ça va rassurer la population qui peut...
M. Bolduc
(Denis) : Pardon?
Mme Fournier :
Vous croyez que ça peut rassurer la population qui s'inquiéterait, justement,
de l'instabilité. Au final, dans d'autres... vous faites référence, par
exemple, à la Nouvelle-Zélande, où il n'y a pas nécessairement ce genre
d'encadrement là, mais où on voit quand même une grande stabilité politique
parce qu'avec un changement de culture les partis viennent à des ententes, puis
tout le monde arrive à collaborer ensemble, au final.
M. Bolduc
(Denis) : C'est un des principaux arguments que j'entends, moi, concernant ceux
qui sont opposés à la réforme de scrutin, ils disent : Bien, on va
avoir des gouvernements qui vont tomber à tout bout de champ, puis on va être constamment en
élection, puis ça n'a pas de bon sens, puis ça coûte cher, etc., là. Mais moi,
je pense que c'est un manque dans le projet de loi, il faut ajouter des
éléments pour encadrer les motions de censure, c'est important.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Et je vous remercie beaucoup
de votre participation, c'est très apprécié.
Et, cela dit, on
suspend les travaux quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à
17 h 04)
(Reprise à 17 h 07)
Le
Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il
vous plaît! La commission reprend ses travaux.
Je souhaite donc la
bienvenue aux représentants de la Confédération des syndicats nationaux, la
CSN. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes de présentation, et
après ça on a un échange entre les membres de la commission. Donc, la parole
est à vous, et bienvenue, encore une fois, M. Létourneau.
Confédération des syndicats
nationaux (CSN)
M. Létourneau
(Jacques) : Bien, alors, merci. Merci, M. le Président. Mme la
ministre, messieurs dames les députés, je suis accompagné de Mireille Bénard,
qui est adjointe au comité exécutif de la CSN, qui est aussi responsable de ce
dossier, et d'Anne Thibault-Bellerose, qui est du service de recherche de la
CSN, qui est notre spécialiste de la question de la réforme du mode de scrutin.
Alors,
d'abord, vous remercier pour cette invitation. La CSN, c'est une organisation
syndicale essentiellement québécoise qui représente
1 600 syndicats, huit fédérations, 13 conseils centraux, qui
sont des entités politiques — j'insiste — régionales, dont certaines représentent plus
d'un territoire administratif, j'y reviendrai peut-être plus loin dans la période d'échange, là. Et la CSN,
évidemment, c'est une organisation syndicale qui négocie des conventions
collectives, mais c'est une organisation syndicale qui intervient sur un
ensemble d'enjeux politiques sociétaux.
Vous me disiez tantôt
qu'on s'est croisés à quelques reprises en commission parlementaire, alors
c'est sûr qu'on représente des travailleuses, des travailleurs dans le secteur
public, dans le secteur privé, mais on ne représente pas juste des travailleurs puis des travailleuses, on représente aussi
des citoyennes et des citoyens. Et, dans ce sens-là, ça fait une bonne
cinquantaine d'années que la CSN défend cette idée-là qu'il faut réformer le
mode de scrutin au Québec, que le mode de
scrutin uninominal à un tour, qui est l'héritage direct du régime politique
colonial britannique, n'est non seulement pas démocratique, mais ne
représente pas la volonté réelle des citoyens, des citoyennes dans
l'expression... Moi, j'ai toujours... Quand on explique aux travailleuses, puis
aux travailleurs, puis aux militants, puis aux militantes, dans les syndicats,
je dis aux gens : Pour bien comprendre l'importance puis la nécessité de
réformer le mode de scrutin, imaginez, vous êtes dans un comté où ça a toujours
voté libéral alors que vous votez pour le Parti québécois ou pour un autre
parti et que, dans le fond, votre voix ne compte pas parce qu'il y a un
monopole d'assuré en fonction du mode de scrutin qui prédomine.
• (17 h 10 ) •
Alors, la CSN salue
le gouvernement de la CAQ parce que, pour la première fois à l'Assemblée
nationale on dépose un projet de loi, qui est imparfait, à notre avis, puis qui
doit renforcer la proportionnalité. Là, on va faire le tour d'un certain nombre
de propositions que nous vous soumettons. Mais, sur le fond, à l'endroit de la
volonté politique de la CAQ de mettre au jeu un projet de loi, le projet de loi
n° 39, pour en finir avec le mode uninominal à un tour et travailler sur
un mode de compensation comme c'est introduit par le projet de loi n° 39,
on pense qu'il était temps, au Québec, que ça se fasse et que ça soit surtout,
surtout, inscrit dans une perspective politique, que ça ne soit pas un débat
uniquement technique. Bien sûr qu'il faut s'expliquer puis comprendre quelques
affaires, là, mais en même temps nous, on pense que le projet de loi, il est
éminemment politique, dans la mesure où on a besoin, pour le Québec, de plus de
démocratie et de représentativité dans la volonté des citoyennes, des citoyens
quand on s'en va voter le jour des élections.
D'ailleurs, je vais
commencer avec notre conclusion de mémoire. Dans ce sens-là, nous, on pense que
la CAQ, elle est tout à fait légitimée d'aller de l'avant avec une réforme du
mode de scrutin. On ne pense pas qu'on doit tenir un référendum, en tout cas certainement
pas lors des prochaines élections au Québec, où, manifestement... Comme
d'autres l'ont expliqué, une campagne électorale puis une période électorale,
c'est là pour faire le bilan du gouvernement sortant puis c'est aussi pour
apprécier les différentes positions qui sont défendues par les partis d'opposition.
Donc, on pense que la pire des affaires, ce serait de tenir un référendum lors
des prochaines élections au Québec. Alors, si jamais le gouvernement y tient,
qu'on le fasse avant les prochaines élections, mais nous, on considère qu'on a
toute la légitimité, en ce moment, en fonction des accords qui ont été passés
entre les partis politiques... Il
n'y a que le Parti libéral du Québec qui est en désaccord avec une réforme du mode de
scrutin. À partir du moment où tout
le monde s'était engagé pour, justement, une fois au pouvoir, procéder au
changement du mode scrutin, et surtout, surtout, parce que ça fait quelques
années qu'on en parle, là — tu
sais, ce n'est pas la première fois qu'on en discute — il y
a eu bien des forums, des états généraux, beaucoup d'organisations, plusieurs
organisations de la société civile se sont prononcées là-dessus, nous, on pense
qu'on a toute la légitimité politique, en ce moment, pour procéder.
Nous,
on pense que la principale faiblesse du projet de loi, même s'il est mixte,
c'est le rapport à la proportionnalité. C'est-à-dire que, comme d'autres l'ont
mentionné, nous, on va être favorables à une réduction du nombre de régions,
pas en termes de représentativité politique... parce qu'on trouve qu'il y a un
peu de confusion dans ce débat-là, comme si la réduction du nombre de régions,
ça venait faire en sorte qu'il y avait moins d'importance que nous accordions
aux députés de région, ce n'est pas ça, c'est en termes de proportionnalité au
niveau de la méthode de calcul pour permettre, justement, une plus grande
représentativité. Donc, on va être favorables. On n'a pas fixé de nombre, on
parle de 12, 13 ou 14 dans notre mémoire, mais on pense que ce serait tout à
l'avantage du principe de la proportionnalité de réduire le nombre de régions.
Le mode de
compensation, pour nous, il pose problème. Nous, on pense qu'il faut retirer
carrément la méthode de calcul. Puis ce n'est pas moi le plus grand spécialiste
qui va vous expliquer comment ça fonctionne, cette bibitte-là. Mais ce qui nous
apparaît évident, c'est que, normalement, la méthode de calcul devrait
permettre aux plus petits partis, à ceux qui ont moins de résultats dans
l'ensemble général, d'avoir une proportionnalité dans la représentation, alors
que, là, ce qu'on comprend, c'est que ça va favoriser les principaux partis et
les grands partis. Donc, nous, on pense qu'il faut retirer cette méthode de
calcul.
Et on parle aussi du
seuil minimal de compensation qui est fixé à 10 %. Nous, on a déjà
défendu, dans d'autres mémoires, dans d'autres interventions politiques, le
seuil du 5 %, qui nous apparaît tout à fait justifié et défendable, dans
la mesure où le 10 % exclut les plus petits partis, alors que le 5 %
respecte quand même un certain équilibre en termes de légitimité puis de
représentativité. Donc, la CSN souhaite qu'on amende le projet de loi pour
passer de 10 % à 5 %.
Une dimension, pour
nous, qui est fondamentale, on pense que c'est le temps d'introduire des
mécanismes dans la Loi électorale qui vont favoriser la parité entre les hommes
et les femmes. C'est un combat que le mouvement syndical, particulièrement la
CSN, mène depuis toujours, que ce soit sur des questions d'équité au niveau du
travail, en termes d'équité salariale, d'équité en termes de représentativité
politique. On pense qu'on devrait établir des seuils de représentativité, là,
entre 45 % et 55 % et que, dans les listes qui seraient soumises, là,
dans les circonscriptions ou dans les régions où il y aurait la
proportionnelle, on alterne entre une femme et un homme pour s'assurer d'une
plus grande équité dans la représentativité.
L'autre
dimension qu'on a soulevée dans notre mémoire, c'est la présence des nations
autochtones. La CSN travaille depuis plusieurs années à développer des
liens avec les différentes nations autochtones, d'abord parce qu'évidemment nos
membres travaillent dans différentes régions du Québec où on est appelés à
cohabiter, à travailler avec les communautés autochtones. Et, dans les
différents pactes qui ont été passés entre notre organisation puis les
différentes communautés, on a toujours trouvé important la question de la
représentativité. L'idée, ce n'est pas de fixer de seuil, ici. Mais nous, on
pense qu'on devrait profiter, là, des changements à la Loi électorale pour
adhérer à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples
autochtones et ouvrir un dialogue avec les communautés autochtones, là, sur le
type de représentativité qu'on pourrait imaginer pour, évidemment, s'assurer de
leur présence dans la députation et à l'Assemblée nationale.
Alors, voilà, donc,
ça fait le tour, essentiellement, des recommandations puis de l'analyse que la
CSN vous présente aujourd'hui dans le cadre de la réforme électorale.
Le
Président (M. Bachand) : Merci infiniment. Mme la ministre,
s'il vous plaît.
Mme LeBel :
Merci, M. le Président. Merci beaucoup. Merci pour cette présentation
dynamique. Donc, ça va me permettre de pouvoir discuter avec vous de plusieurs
points qui sont dans votre mémoire puis très bien élaborés mais qu'on peut
peut-être mettre un peu plus en lumière dans nos discussions.
Vous le dites, la CSN, avec plus de 300 000...
représente plus de 300 000 travailleurs, je pense, partout,
peut-être même un peu plus, mon chiffre n'est peut-être pas exact, mais dans...
M. Létourneau
(Jacques) : C'est 300 000, oui.
Mme LeBel :
Parfait, merci. Donc, je comprends que vous avez des yeux, des oreilles partout
sur le territoire québécois. Vous devez être très au fait, comme moi, parce que
je l'ai entendu dans mes tournées, surtout par les maires, les préfets, les
gens des communautés en région, l'attachement à la région administrative est
très important. On le sait, on le comprend, il y a plusieurs raisons pour ça.
Néanmoins, vous proposez de diminuer le nombre de régions. On fait ça comment?
On descend à combien? Parce que, si je ne m'abuse, je m'excuse si je ne l'ai
pas noté, je ne pense pas que vous ameniez un chiffre, par contre...
M. Létourneau
(Jacques) : Non.
Mme LeBel :
Non? Parfait.
M. Létourneau
(Jacques) : C'est ça. Mais on parle entre 12, 13, 14, là, mais
on ne fixait pas...
Mme LeBel :
Bon, bien, je voulais... Donc, c'était ma
première question, de peut-être voir dans quel ordre de grandeur, parce qu'on a parlé de neuf, on a parlé d'entre
neuf et 17, donc je voulais voir quel était l'ordre de grandeur que vous
préconisiez dans votre proposition. Et moi, je ne m'en cache pas, je veux aller
chercher une adhésion, une adhésion puis un plus grand consensus possible,
parce que je pense qu'il faut franchir un premier pas important.
Le
premier pas, je l'ai dit tantôt, c'est de casser le moule, de casser le moule
du mode traditionnel britannique que l'on vit maintenant, qui a un effet
catastrophique sur la proportionnalité, pas sur le reste, mais, si on parle en
termes de proportionnalité... et d'aller chercher plus de proportionnalité tout
en ne shakant pas trop les colonnes du temple, je peux le dire comme ça, là.
Donc, pour moi, ce premier pas là est extrêmement important. Et l'attachement
aux régions, la notion de garder les 17 régions administratives, même le
fait de diminuer les circonscriptions de 125 à 80, c'est déjà très sensible,
alors qu'on n'a pas le choix de faire l'exercice, sinon on n'aurait pas de
députés de compensation.
Vous voyez ça
comment, vous? Et quelle est la résonnance auprès de vos membres qui sont
partout en région? Vous avez du monde qui travaille en Gaspésie, j'imagine, ou
dans le Bas-Saint-Laurent, qui n'est pas la même chose. Moi, je viens de
Matane, donc je suis plus Gaspésie, mais je taquine mon collègue, c'est tout.
Mais ça résonne comment, là, parmi vos membres, cette idée-là de faire
disparaître, de redessiner ou de fusionner les régions? En tout cas, il va
falloir faire quelque chose si on passe de 17 à 12, là, c'est sûr.
• (17 h 20) •
M. Létourneau
(Jacques) : Bien, d'abord, c'est clair que la question des
régions, c'est une question qui est sensible, à la CSN, parce qu'on ne
représente pas juste du monde à Montréal puis à Québec, on en représente aussi
sur tout le territoire. Quand on a fait ce débat-là, les conseils centraux...
Je vous parlais de notre représentativité politique, là, régionale, cette
question-là a été soulevée pour s'assurer, justement, que ce qu'on met de
l'avant, ça ne vienne pas trahir la représentativité ou, je vais le dire comme
ça, le rapport de force des régions. Mais en même temps les gens ont très bien
compris que, quand, dans une région, historiquement, il n'y a des députés que
d'une seule couleur, bien, ça se peut aussi que la volonté des citoyens et des
citoyennes ne s'y retrouve pas dans le mode de scrutin actuel. Donc, le 14, on
ne l'a pas fixé, mais à 14, nous, on pense que ça entraîne plus de
proportionnalité. Je le répète, pour nous, c'est une méthode de calcul, ça ne
dispose pas du fait que les gens qui sont élus à partir d'une liste sont aussi
des représentants et des représentantes politiques des différentes régions où
ils sont élus.
Et, quand je vous
disais, tantôt, qu'on a 13 conseils centraux sur les 17 territoires
administratifs, pour la petite histoire, la CSN, de ses origines catholiques,
la confédération des travailleurs catholiques canadiens, était structurée sur la base des diocèses. Il y avait
22 conseils centraux, moi, quand je suis arrivé à la CSN, c'était sur la
base des 22 diocèses. À un moment donné, on a rebrassé un peu la
représentation politique et on a calqué la représentation des conseils centraux sur la base administrative.
Puis je peux-tu vous dire qu'en termes identitaires, là, pour le monde
de Valleyfield, le monde de Sorel puis de Granby, tu leur dis : C'est une
région administrative, mettons que leur appartenance était «so-so», puis il y a
encore bien des activités de la CSN pour respecter la réalité de Sorel. Puis je
vous raconte ça parce que, dans notre découpage, effectivement, on a trois
conseils centraux qui sont présents sur plus
d'un territoire administratif. Je pense, c'est l'Abitibi-Témiscamingue avec le
Nord-du-Québec, on a Montréal-Laval et on a aussi le conseil central
Québec—Chaudière-Appalaches,
qui représente les gens de la Capitale-Nationale puis les gens de la Beauce, de
Chaudière-Appalaches. Donc, la représentativité politique se fait, là, tu sais,
il n'y a pas un décalage entre la représentativité territoriale et sa caisse de
résonnance à l'intérieur de la confédération.
Donc, tout ça pour
dire qu'à partir du moment où on veut plus de proportionnalité — et
c'est sur les études qui font cette démonstration-là — on
s'est dit : À 14, ce serait viable. Et, jusqu'à maintenant, il n'y a pas
eu de levée de boucliers dans nos conseils centraux, bien au contraire, parce
qu'on leur a fait la démonstration que ça ne venait pas trahir la place des
régions à l'Assemblée nationale à partir du moment où on démystifie cette
idée-là que les députés de la liste, ce ne serait pas des députés de la région,
là. Moi, je pense qu'il faut en finir avec cette espèce de mythe que parce
qu'il y a une liste, bien, ce n'est pas le député de la circonscription. Même,
je pense qu'un citoyen ou une citoyenne serait bien avantagé, peut-être, dans
une région où il n'y a qu'un seul parti de représenté, d'avoir peut-être la
possibilité de s'adresser à un député d'un autre parti pour être capable de
régler un problème personnel ou un problème régional.
Mme LeBel :
Peut-être élaborer de quel... je pense avoir compris ce que vous vouliez dire,
là, parce que je suis informée, mais de quel mythe vous parlez, là, qu'un
député de liste n'est pas un député de région? Vous disiez qu'un député de
liste ne provienne pas de la région?
M. Létourneau
(Jacques) : Comme s'il y aurait deux natures de députation, tu
sais : celui de la circonscription — il y en a 80 dans votre
projet de loi — puis
les autres qui partent de la liste. On l'a entendu, là, dans quelques...
Mme LeBel :
Les deux classes?
M. Létourneau
(Jacques) : Oui, tout à fait, les deux classes de députés,
alors qu'il faut défendre clairement qu'il va n'y avoir qu'une classe de
députés, là. En tout cas, pour nous, c'est assez clair, là.
Mme LeBel :
Pour vous, la porte d'entrée à l'Assemblée nationale ne change rien à ce que le
député va être par la suite, c'est ce que vous nous dites?
M. Létourneau
(Jacques) : Absolument.
Mme LeBel :
Parfait. Bon, le seuil national à 5 %, je pense que vous l'avez bien
expliqué, puis vous l'élaborez quand même très bien dans votre mémoire,
comme vos autres propositions.
J'irais
sur l'obligation de présenter les listes paritaires pour les... avec
l'alternance, là, telle que vous la définissez, et les quotas de 45 % à
55 % de candidatures féminines. Donc, je comprends que vous proposez d'en
faire une obligation dans le projet de loi. Par contre, à moins que je ne
m'abuse, vous êtes silencieux sur l'obligation corollaire, ce qui en
découlerait. Quelles seraient les conséquences de ne pas respecter
l'obligation? Est-ce que vous en faites mention? Peut-être...
Mme Bénard
(Mireille) : Bien, on n'en fait pas mention, mais, pour nous,
c'est assez clair. C'est un peu ce qui s'est dit, là, dans le courant de la
journée, la liste ne sera pas acceptée par le Directeur général des élections,
donc le parti devra refaire ses devoirs.
Mme LeBel :
O.K. Bien, ça peut vous paraître clair, mais
on a parlé d'incitatifs financiers, on a parlé de pénalité, on a parlé
de rejet de la liste, on a... Donc, je voulais voir quelle était la méthode que
vous préconisiez en termes de...
Mme Bénard
(Mireille) : On est plus dans le rejet de la liste.
Mme LeBel :
Vous êtes dans le rejet de la liste. Parfait. Merci.
Quand on parle...
bon, je vais vous parler... bon, qu'un référendum sur la réforme du mode de
scrutin ne se déroule pas au même moment que
les prochaines élections. Bon, outre le fait que vous croyez qu'on avait la
légitimité nécessaire de le faire, j'en suis, je comprends ce que vous
avez dit, vous dites toutefois que... bon, naturellement, dans l'éventualité où
le référendum est incontournable dans la position gouvernementale, comme
proposition de déposition de départ, vous dites : Bien, ne le faites pas
en même temps que les élections. Pour quelle raison?
M. Létourneau
(Jacques) : Bien, comme je l'ai mentionné en introduction, je
pense que les citoyens puis les citoyennes peuvent très bien comprendre les
enjeux entourant une réforme du mode de scrutin quand on prend bien le temps de
l'expliquer puis d'expliquer ses dimensions, aussi, politiques. Maintenant,
dans le cadre d'une campagne électorale... une campagne électorale, je l'ai
mentionné, là, tu fais le bilan du gouvernement sortant, tu parles de finances
publiques, tu parles d'éducation, tu parles des salles d'urgence, tu parles
d'économie, tu parles de mondialisation, bref, alors que l'objectif, si jamais
vous allez de l'avant avec un référendum, c'est que la population se concentre
sur la question qui sera, j'ose l'espérer, clairement posée, clairement
adressée.
Donc, pour nous... je
le répète, nous, on considère qu'on n'a pas besoin de référendum. On peut aller
de l'avant avec un projet de loi, ce qui serait une grande réalisation dans
l'histoire politique du Québec. Maintenant, si jamais on veut absolument, du
côté du gouvernement, aller en référendum, ne mêlons pas ça avec les élections,
parce que, là, ça risque de devenir davantage... je dirais, plus compliqué parce
que tu vas rouler sur deux questions en même temps. Puis ça peut devenir la
confusion des genres aussi, tu sais, un parti politique qui décide de faire
campagne essentiellement là-dessus, puis... Alors, voilà.
Mme LeBel :
Bien, je comprends vos préoccupations, mais, si je vous dis qu'en Nouvelle-Zélande,
en 1993, en 2011, les référendums qui se sont tenus sur ces questions-là se
sont faits en même temps que l'élection, et, en 1993, le changement de mode de
scrutin, un peu comme on le propose, a été fait en même temps que l'élection,
puis le référendum a été... le résultat a été oui, donc on a procédé à un
changement vers un mode de scrutin proportionnel, donc, en Nouvelle-Zélande,
les électeurs n'ont pas été confus, si on veut, on n'a pas eu de confusion des
genres parce que ça se tenait pendant une élection, est-ce que ça change votre
optique si je vous dis ça?
M. Létourneau
(Jacques) : Non, mais il y a d'autres cas où, effectivement, ça
s'est tenu en même temps puis que la réforme du mode de scrutin n'a pas passé.
Ce n'est pas une science exacte. Les sciences politiques...
Mme LeBel :
Mais ce n'est pas une preuve de confusion, c'est peut-être une preuve de rejet.
M. Létourneau
(Jacques) : Les sciences politiques, ce n'est pas une science
exacte, hein, donc ça se peut, effectivement, que tu tiennes un référendum en
même temps qu'une élection et ça se peut que la réforme du mode de scrutin voie
le jour.
Nous,
ce qu'on dit, c'est que ce qu'on s'apprête à faire, au Québec, ça
a quand même une importance
assez capitale pour que, si jamais on va en
référendum, on traite ça de façon distincte d'une campagne électorale pour
se donner, justement, les meilleures chances de bien comprendre les enjeux
politiques entourant la réforme du mode de scrutin, des enjeux politiques, des
enjeux, aussi, quand même techniques, là. Quand on écoute un peu le déroulement
de la commission, on voit qu'il y a tout un débat, là, sur la proportionnalité
puis ça veut dire quoi, changer de mode de scrutin. Donc, nous, on pense que la
meilleure chance, la meilleure garantie d'aller de l'avant avec une réforme de
mode de scrutin puis d'une acceptation de la population, ce serait de faire le
référendum à l'extérieur de la campagne électorale.
Mme LeBel :
O.K. Bien, merci. Merci beaucoup.
M. Létourneau
(Jacques) : Bien, plaisir.
Le
Président (M. Bachand) : Merci infiniment. Avant d'aller passer
la parole à l'opposition officielle, on a un léger retard, alors ça prend un
consentement pour ajouter un maximum de 10 minutes à la séance actuelle.
Consentement? Merci. M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît.
M. Tanguay : Oui, merci
beaucoup, M. le Président. Bien, merci à vous pour votre présence à l'Assemblée
nationale pour débattre de cet important projet de loi et de cette réforme qui
est... et que nous, nous appelons ça un bouleversement de la démocratie
québécoise, parce que, on ne va pas se le cacher, c'est quelque chose de
fondamental. Si ce n'était pas fondamental... vous pouvez prendre
«bouleversement» de l'aspect positif ou de l'aspect négatif, c'est réellement
un bouleversement, c'est un changement fondamental, et c'est important, donc,
de faire le débat, et vous apportez des nuances qui sont importantes et qui
participent, des fois, de la compréhension, qui est différente, des différents
acteurs.
Donc, je reviens sur le dernier aspect, qui
n'est pas anodin, qui n'est pas anodin, qui est le référendum. Aviez-vous
compris, vous, lors de la dernière élection générale, que le premier ministre
allait fonctionner avec un référendum ou pas?
M. Létourneau
(Jacques) : Bon, nous, à la CSN, on n'a pas reçu
M. Legault à notre instance, mais on a eu la chance, quand même, de le
rencontrer. Et essentiellement le message politique du premier ministre, qui ne
l'était pas à l'époque, était le même, c'est-à-dire qu'à partir du moment où on
est élu et majoritaire on va aller de l'avant avec une réforme du mode de
scrutin. On avait même eu la chance, il y a quelque temps, de rencontrer Mme la
ministre, là, où on avait réitéré, avec la coalition, cette idée-là que non
seulement le gouvernement avait la légitimité, mais qu'il y avait aussi une
volonté politique annoncée de la part du premier ministre et de la CAQ d'aller
de l'avant. Donc, on n'est pas juste sur une impression, là, c'est une
certitude.
M. Tanguay : Vous
soulevez, et ça aussi, ce n'est pas anodin... Puis, je veux dire, on est tous
démocrates autour de la table, là, on veut que les gens, les citoyens et citoyennes,
quand ils vont répondre à une question, soit «qui vous voulez soit votre député
ou êtes-vous pour ou contre la réforme du mode de scrutin?», comprennent bien
les enjeux. Puis ça, ce n'est pas faire insulte à l'intelligence de personne,
là, c'est de mener un débat démocratique qui ne se fait pas en cinq minutes,
qui ne se fait pas sur un coin de table. Ce n'est pas un torchon, je veux dire,
c'est fondamental. Puis on dit : Ça fait des décennies qu'on en parle,
bien, on peut-u prendre le temps, justement, de voir les tenants et
aboutissants? Puis là on aura une véritable démocratie.
Vous, vous dites : Bien, si vous faites ça
en même temps que l'élection, on vient altérer le débat démocratique. Puis, je
vous dirais, une loi... c'est quand même une loi importante au Québec, une
grande loi au Québec, en 1978, sur les consultations populaires, il avait été
déterminé qu'on ne faisait pas un référendum en même temps qu'une élection
générale parce que, là, c'est deux enjeux fondamentaux distincts. Puis, à un certain
moment donné, même si nos moyens de communication sont plus efficaces
aujourd'hui qu'il y a peut-être 40 ans, à un certain moment donné, dans
une campagne de 35 jours, il faut débattre des différents aspects des
enjeux.
Alors, ça, je vous entends très bien, on vous
entend très bien lorsque vous dites qu'il ne faudrait même pas considérer un
scénario, s'il y a un référendum... Vous êtes contre le référendum, mais, s'il
y en a un, qu'il ne soit réellement pas en
même temps que l'élection générale pour ces raisons-là, j'imagine, vous
également, de participation démocratique.
• (17 h 30) •
M. Létourneau
(Jacques) : Absolument. C'est-à-dire que nous, on considère
qu'il faut se donner toutes les chances pour que la proposition de réforme soit
bien comprise. Vous l'avez mentionné, c'est un enjeu qui est important, qui est
fondamental en démocratie. Moi, je pense que les gens peuvent très bien
comprendre les tenants puis les aboutissants de la nécessité d'une réforme du
mode de scrutin, mais en même temps c'est un changement qui n'est pas
technique, c'est un changement qui est... c'est un changement de culture. On a
une façon de concevoir le rapport aux élections. Il y a des gens qui
disent : Les gens vont voter pour le premier ministre. Il y en a d'autres
qui disent : Ils votent pour le parti. J'ai entendu : Il y en a qui
votent pour le député du coin mais qui ne votent pas pour... Bon, alors, tout
le monde a sa façon de concevoir les rapports au politique. Nous, on fait de la
politique en permanence, on n'est pas le bon exemple. Mais les Québécois, les Québécoises,
les travailleuses, les travailleurs ne passent pas leur vie à faire de la politique.
Donc, prendre le temps, comme on le fait dans le cadre d'une commission
parlementaire ou encore quand on tient des états généraux sur une réforme x, je
pense que ça vaut la peine de faire preuve de pédagogie puis de bien expliquer
les enjeux.
Alors, la pire des affaires, c'est de passer ça
sous le radar d'une campagne électorale, où là, à mon avis, on ne se donnerait pas
toutes les chances de bien comprendre les tenants puis les aboutissants de la
chose, même si on continue à dire que... pas besoin de faire de référendum sur
cette question-là.
M. Tanguay : Je
comprends.
M. Létourneau
(Jacques) : Il y a eu des décisions importantes
prises au Québec ces dernières années, notamment par votre parti, qui ont eu
des conséquences beaucoup plus importantes sur les conditions générales de vie
des Québécois et des Québécoises, puis on n'a pas été en référendum là-dessus,
là, puis des fois c'était même le contraire d'une promesse électorale. Ça fait
que je pense qu'on est, dans le dossier de la réforme du mode de scrutin,
ceinture et bretelles, à mon avis, pour aller de l'avant.
M.
Tanguay : Parlant de ceinture et bretelles, pouvez-vous nous
dire également qui serait... le scénario, le quatrième scénario, là, pas de
référendum, un référendum pendant les élections, un référendum avant. Ce que
vous dites : Si, dans le pire des cas, il y a un référendum, faites-le
avant l'élection de 2022. Mais, pour vous, le scénario de faire... de
dire : Bien, finalement, on vous a entendus, le référendum aura lieu
l'autre bord des élections générales de 2022, pour vous, ça, ce n'est même pas
une solution envisageable, là. C'est le quatrième puis le dernier scénario, où
là, bien, on jetterait carrément le bébé avec l'eau du bain, là, si je vous
entends bien, là.
M. Létourneau (Jacques) : Non, non, mais, je veux dire, à partir du moment
où on réforme la Loi électorale,
on peut la vivre dans le cadre d'une élection, on peut la vivre dans le cadre
de deux élections. Une loi électorale, ça se modifie, là, ça s'amende. Donc, je
ne vois pas c'est quoi, honnêtement, là, l'entêtement, là, par rapport au
référendum, je... ou bien on fait une mauvaise lecture, là, de la sensibilité
de la population au Québec par rapport à cet enjeu ou encore de la validité ou
non des mandats politiques et des ententes qui sont issues entre les partis,
mais, pour nous, avant, pendant, après, on ne pense pas que c'est pertinent.
M. Tanguay :
Vous avez parlé... Vous avez affirmé, un peu plus tôt, que, pour vous, bon, il
n'y aura pas de classe... ou on ne devrait
pas voir ça comme étant deux classes de députés, les députés de circonscription, les 80, selon le scénario du projet de loi n° 39,
et les 45 députés de région, là, élus sur des listes. Selon vous... Vous avez
affirmé, puis, je pense, je vous ai bien compris, que, pour vous, bien, un
député, ça va être un député, puis il n'y aura pas de...
Par contre, il y a
une chose qui est importante, là. Dans la nature même... puis ça, je ne pense
pas déformer les propos, puis on me corrigera si j'ai tort, mais de Démocratie
nouvelle... Mouvement Démocratie nouvelle ce matin, il y a quand même eu une
reconnaissance qu'un député qui serait élu au niveau régional aurait une
sensibilité des dossiers, par nature, qui serait davantage régionale versus...
Moi, je vais vous le
dire honnêtement, là, puis on est 125 députés, là, mon quotidien... quand on
n'est pas à Québec, là, puis qu'on rencontre des citoyens, ils veulent nous
voir pour des cas d'Hydro-Québec, ils veulent nous voir parce qu'ils ont des
griefs par rapport à l'État, puis là on les aiguille : Bien, écoutez,
allez voir... Est-ce qu'on... On va aller aux nouvelles. Est-ce qu'on peut se
faire signer une procuration pour aller voir chez Hydro-Québec — je
reprends cet exemple-là — pour
voir si on peut négocier une entente pour votre paiement d'Hydro-Québec, tout
ça? Ils veulent voir leur député.
Puis moi, je
m'enorgueillis... comme tous les députés ici, autour de la table, je ne veux
pas entendre un seul citoyen dire : J'ai voulu voir mon député puis je
n'ai pas pu le voir. J'ai voulu voir mon député puis je n'ai pas pu le voir.
Ça, là, ce n'est pas arrivé à date, là, puis je ne veux pas que ça arrive. Je
veux que, s'ils veulent... Évidemment, il y a un travail préparatoire qui se
fait avec les attachés politiques, mais je dis toujours : S'ils veulent
voir leur député, je suis là, on va fixer un rendez-vous, on va trouver un
moment. Puis, jusqu'à date, là, en plus de sept ans, il n'y en a pas un qui
pourrait dire : J'ai voulu voir mon député de LaFontaine puis je n'ai pas
pu le voir, parce que ça, pour moi, ce serait la pire insulte.
Maintenant, si je
suis député de région, de Montérégie, à 1,1 million d'électeurs, on a beau
dire qu'il n'y aura pas deux types de députés, oubliez ça. Je ne pourrais pas,
moi, humainement, puis personne autour de la table, rencontrer les citoyens qui
diraient : Bien, ce n'est grave, j'ai vu l'attaché politique, je veux voir
le député, je veux voir ma députée. Alors, force est de constater que, dans la
nature même du rôle... Oui, un député de région ou de liste, rendu ici, à
Québec, là, on ne fera pas la distinction, on va se saluer tous pareil, mais,
dans la nature même... puis je participe... je fais du pouce sur ce qu'a dit
Mouvement Démocratie nouvelle, les dossiers ne seront pas pareils, et, en ça,
il va y avoir deux catégories de députés.
M. Létourneau
(Jacques) : Bien, écoutez, moi, je n'étais pas dans la salle à
matin, mais j'ai eu la chance de descendre à Québec avec quelqu'un qui
chauffait, ça fait que j'ai pu l'écouter, la présentation de ce matin, et je
dois vous avouer que je n'ai absolument pas compris la même chose que vous.
M. Tanguay :
Qu'est-ce que vous avez compris?
M. Létourneau
(Jacques) : Ah! bien, moi, j'ai compris qu'il fallait
travailler à ce que les députés de liste aient le même statut puis que leur représentativité
et que la légitimité de leur représentativité repose sur les mêmes principes
que les 80 députés de circonscription, là.
M. Tanguay :
O.K. Croyez-vous...
M. Létourneau
(Jacques) : Et je dirais non seulement c'est ce que je pense
que j'ai compris, mais je m'en suis même inspiré tantôt quand j'ai insisté sur
cet aspect-là en disant : Il ne faut pas qu'il y ait deux classes de
députés, là. Il faut s'assurer qu'un député, c'est un député, qu'il soit élu
dans la circonscription, qu'il soit élu à partir d'une liste de compensation.
Après ça, dans ses responsabilités... Sinon, là, on induit ou on introduit une
notion qui...
M. Tanguay :
O.K. M. Létourneau, en tout respect, pensez-vous que, si je veux voir mon
député de région, qui représente 1,1 million d'électeurs — pas
de population, d'électeurs — vous
allez pouvoir le voir aussi facilement qu'un député qui représente un comté de
50 000 électeurs? On le fait, le travail sur le terrain, et, je vous
le dis, là, ce sera impossible. Vous représentez 1,1 million d'électeurs,
peut-être 1,4 de population, versus, aujourd'hui, 45 000,
50 000 électeurs, pensez-vous réellement que je vais avoir un aussi
facile accès à mon député?
M. Létourneau
(Jacques) : Une chose qui est certaine, c'est que, si je suis
un citoyen qui vote pour le Parti québécois depuis toujours ou le Parti
libéral, puis qu'il n'y en a pas, de libéraux d'élus ou de péquistes, là, je
vais-tu être heureux que demain matin, enfin, enfin, dans ma région, là, il y
ait autre chose qu'un député libéral? Ça, ça va être mon premier réflexe comme
citoyen. Puis après ça, dans l'organisation puis la mécanique de la
représentativité sur le territoire, nous autres, on passe notre temps, à la
CSN, à faire des réformes puis à transformer, tu sais, puis essayer de trouver
les équilibres tout le temps dans la représentativité des secteurs, des
catégories d'emploi, tout ça. Je pense qu'on est capables, à l'Assemblée
nationale, dans la refonte de la Loi électorale, où on va avoir deux modes qui
vont nous permettre d'avoir une meilleure représentativité, de s'assurer que
ceux qui viennent de la liste puis qui sont compensatoires soient aussi
enracinés que celui ou celle qui a été élu dans la circonscription. J'ose
l'espérer.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Merci. M. le député de Gouin, s'il
vous plaît.
M. Nadeau-Dubois : Oui. Je
prends la balle au bond pour dire que, dans l'exemple donné par le député de
LaFontaine, il y aurait huit députés régionaux en Montérégie, pas un seul,
alors ce n'est pas un pour 1,1 million, c'est huit pour 1,1 million.
Et donc c'est plus complexe, quand même, qu'un pour 1,1 million. C'est
huit députés de région qui pourraient donner des services aux citoyens et
citoyennes de la Montérégie. Fermons la parenthèse.
Merci aux gens de la CSN d'être là aujourd'hui.
Sur la question du référendum, on est d'accord avec vous, c'est inutile, ce
n'est pas souhaitable. Et il y avait une promesse claire de ne pas tenir de
référendum sur la réforme du mode de scrutin. Il y a une promesse, ici, qui a
été brisée. Si le gouvernement prend la mauvaise décision de confirmer ce bris
de promesse là puis tient...
Le Président (M.
Bachand) : M. le député, faites attention à vos paroles, là,
vous êtes en train... «mauvaise décision», «briser la parole», et tout ça,
«promesse»... Faites attention, s'il vous plaît. Continuez.
M. Nadeau-Dubois : Bien, M. le
Président, il y a deux leaders parlementaires ici, puis vous n'en trouverez pas
un troisième qui va vous dire qu'il y a un appel au règlement à faire quand on
dit qu'un gouvernement prend une mauvaise décision ou brise une promesse, là.
Le Président (M.
Bachand) : Je vous appelle de faire attention à vos mots.
Merci.
M. Nadeau-Dubois : Oui, oui,
c'est ça. Bien, oui, voilà. Merci. Donc, si, donc, le gouvernement poursuit dans sa décision de tenir un référendum, qu'est-ce
que vous vous attendez de la part des députés, puis surtout du premier
ministre, dans le cadre de ce référendum-là? Souhaitez-vous que le premier
ministre, éventuellement, s'implique dans une réforme du mode de scrutin durant
le référendum, s'affiche? Si oui, de quelle manière devrait-il s'afficher dans
le cadre d'un éventuel référendum sur la réforme du mode de scrutin?
M. Létourneau
(Jacques) : Bien,
honnêtement, ça ne m'avait pas frappé, là, sur la neutralité de la députation,
puis des ministres, mais je ne crois pas à ça, moi. Le premier ministre, là, il
devrait être le chef de la campagne de la réforme du mode de scrutin, là, je
veux dire... J'ai entendu ça tantôt, là, qu'il y avait une disposition, je
n'avais pas allumé là-dessus, là. Puis le
reste en découle. Évidemment, il y a des règles, là, quand même, à respecter,
là, tu sais, les dépenses puis les responsabilités que la députation
et... En tout cas, une chose qui est certaine, c'est que, s'il y avait un
référendum au Québec, nous, on ne se tairait pas, là. Le président de la CSN,
en fonction des mandats que nous avons, interviendrait sur cette question-là,
comme on intervient sur l'ensemble des enjeux politiques, socioéconomiques.
Donc, il y a des règles qui sont établies, bien sûr, là, par rapport à votre
droit, à vos obligations de réserve, d'éthique, tout ça, là, mais moi, je pense
que le premier ministre devrait être le chef de la campagne en faveur du Oui
pour une réforme du mode de scrutin.
M. Nadeau-Dubois : Que penseriez-vous de l'idée que l'ensemble
des députés aient l'obligation de s'inscrire à l'un des deux camps pour
que tout le monde sache où logent les candidats et les candidates aux
prochaines élections?
Le Président (M.
Bachand) : Rapidement.
M. Létourneau
(Jacques) : Qu'est-ce que tu en penses?
Oui. Oui, oui, bien sûr.
M. Nadeau-Dubois : Vous n'êtes
pas obligé d'être d'accord.
Le Président (M.
Bachand) : M. le député de Rimouski, s'il
vous plaît.
M. Létourneau
(Jacques) : Oui, oui. L'obligation, bien, l'obligation...
Le Président (M.
Bachand) : M. le député de Rimouski, s'il
vous plaît.
M. LeBel (Rimouski) : Je prends
aussi la balle au bond. Moi, je pense que les députés devraient s'en mêler.
Puis effectivement...
M. Létourneau (Jacques) : Bien, ils
vont s'en mêler, là.
M. LeBel
(Rimouski) : ...ça n'a pas de sens.
M. Létourneau
(Jacques) : Je ne crois pas à ça, là, qu'ils ne se mêleront pas
de ça.
• (17 h 40) •
M. LeBel
(Rimouski) : Moi, il y a trop d'impacts dans ma région pour ne pas que
je m'en mêle puis que j'explique ça aux
gens. Pour la Gaspésie, entre autres, il y
aurait une circonscription pour la péninsule avec un député
de circonscription, puis il y aurait un député de liste. La Côte-Nord, une circonscription
pour toute la Côte-Nord.
Ça fait que, c'est
sûr, pour les gens qui sont là, c'est un changement de fonctionnement, mais
c'est faisable, mais il faut l'expliquer, il faut l'expliquer comme il faut. Et
c'est pour ça que ça prend une vraie campagne référendaire où on va expliquer ça,
parce que sinon ça ne passera pas, les gens vont avoir bien trop peur, ils vont
dire : Comment ça se fait, la Gaspésie,
dans l'ensemble, tout ça, ça fait une circonscription? Voyons donc, c'est quoi? Ça fait qu'il faut prendre le temps
d'aller l'expliquer.
C'est pour ça, à mon
avis... Moi, je favorise les 17 régions pour m'assurer que la réforme
passe, bon, mais on va discuter pendant l'article par article, on verra les dispositions,
mais il y a une sensibilité là. Il faut que la réforme passe, il faut qu'on
explique aux citoyens que les députés, ils vont être encore proches d'eux
autres, ils vont être encore capables de leur répondre avec des moyens. J'ai
bien aimé le mémoire de Démocratie nouvelle qui dit que, dans le projet
de loi, on devrait aussi s'assurer que
chacun des députés ait des outils pour donner des services. Là-dessus,
je compte sur vous autres aussi puis votre réseau pour l'expliquer aux
citoyens. On fait une réforme, mais on va être capables de donner les services
à notre monde.
M. Létourneau (Jacques) : Bien, peut-être sur le 17, là, et le 14, là, sur la question de la
proportionnalité, tu veux-tu...
Mme Thibault-Bellerose
(Anne) : Bien, en fait, c'est ça, nécessairement, s'il y a un
référendum, il va falloir expliquer ce que ça veut dire, un député régional, et
de faire comprendre que les citoyens ne perdent pas un député, ils en gagnent
un. Donc, ce n'est pas une perte, ici, qui se fait, mais c'est un deuxième
rôle, là, qui est gagné au niveau de la députation.
M. LeBel (Rimouski) : Oui. Dans ce qu'on a vu là, les régions n'en
perdent pas. Comme moi, dans le Bas-Saint-Laurent, on serait trois, mais
il y aurait deux députés de circonscription puis un député de liste. Pour moi,
c'est important, par exemple, que les citoyens comprennent que le député de
liste, il va être sur le même territoire que
le député de circonscription, ça va être une autre personne qu'ils pourraient
aller contacter, qu'ils pourraient aller voir. C'est vrai que c'est une
nouvelle mentalité, là, on n'a jamais vu ça, mais, maudit, il me semble qu'on
est capables de relever ce défi-là au Québec. Mais il faut prendre le temps, il
ne faut pas pousser ça à travers les problèmes d'une campagne électorale où on
va parler des problèmes de la sécheresse en agriculture à Rimouski ou de la
route 20 qui arrête à la traverse de fromage à Trois-Pistoles, tu sais.
Moi, j'ai... ça, il faut que ça soit clair. Merci.
Une voix :
On est d'accord avec vous.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée de Marie-Victorin,
s'il vous plaît.
Mme Fournier :
Merci pour votre présentation. Je trouve intéressant, sur les principes de la
réforme du mode de scrutin, que vous ayez abordé la question du pluralisme
politique dans les régions, le fait qu'il n'y a pas seulement un parti unique
vers lequel on peut se tourner. Bien que les députés, on représente l'ensemble
de nos citoyens, je pense que ça amène une perspective intéressante aussi pour
la collaboration entre les différents partis politiques puis que c'est quelque
chose de très sain pour la démocratie.
Maintenant, bon, dans
votre mémoire, vous abordez le fameux argument de l'instabilité politique que
pourrait amener une réforme du mode de scrutin. Vous suggérez d'encadrer ça,
justement, avec des dispositions dans le projet de loi parce que c'est
manquant, actuellement. Donc, qu'est-ce que vous suggérez exactement?
Mme Thibault-Bellerose
(Anne) : Bien, comme ça a été déjà mentionné, ça serait vraiment
intéressant, pour s'assurer d'une stabilité, qu'on encadre les motions de
censure, donc qu'on puisse dire : Bon, bien, si le gouvernement ne
rencontre plus la majorité de la confiance des députés de l'Assemblée
nationale, bien, il faudrait qu'il y ait une coalition qui mentionne leur
désaccord et qui mette en place, là, qui propose une coalition opposée au
gouvernement. Comme ça, bien, ça éviterait, comme on est habitués dans la
culture québécoise, que... dès qu'on a un gouvernement minoritaire, on sait
qu'on s'en va en élection très rapidement, puis ce n'est pas du tout ça,
l'esprit, là, d'un changement de mode de scrutin. Et, au contraire, on pense
que ça peut amener un changement de culture de stabilité, disons, sur des
grands enjeux. Disons, en environnement, bien, pourquoi ne pas créer des
coalitions à l'Assemblée nationale sur des grandes thématiques? Je crois que ça
serait pour le mieux pour le Québec.
Mme Fournier :
Tout à fait d'accord avec vous. Puis je pense que l'introduction d'une telle
disposition permettrait de rallier un plus grand nombre de gens dans la
population, donc ce serait au bénéfice de tout le monde qui croit à la réforme
du mode de scrutin.
M. Létourneau
(Jacques) : Tout à fait.
Mme Fournier : Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Parfait. Cela dit, merci beaucoup de votre présence.
Cela dit, la commission ajourne ses travaux
jusqu'à demain, jeudi 23 janvier, à 9 h 30, où elle va
poursuivre son mandat. Merci beaucoup.
(Fin de la séance à 17 h 45)