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Version finale

42nd Legislature, 1st Session
(November 27, 2018 au October 13, 2021)

Wednesday, June 5, 2019 - Vol. 45 N° 45

Clause-by-clause consideration of Bill 21, An Act respecting the laicity of the State


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Table des matières

Mémoire déposé

Étude détaillée (suite)

Intervenants

M. André Bachand, président

M. Simon Jolin-Barrette 

Mme Paule Robitaille

M. Sol Zanetti

Mme Hélène David

M. Monsef Derraji

M. Pascal Bérubé

Mme Stéphanie Lachance

M. Mathieu Lévesque

Mme Lucie Lecours

Mme Marie-Louise Tardif

M. Denis Lamothe

M. Denis Tardif

M. Ian Lafrenière

Mme Marie Montpetit

Journal des débats

(Onze heures quarante-huit minutes)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Bienvenue. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande, bien sûr, comme vous le savez, à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 21, Loi sur la laïcité de l'État.

Avant de débuter, Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Lemieux (Saint-Jean) est remplacé par Mme Tardif (Laviolette—Saint-Maurice); M. Martel (Nicolet-Bécancour) est remplacé par M. Tardif (Rivière-du-Loup—Témiscouata); Mme Anglade (Saint-Henri—Sainte-Anne) est remplacée par Mme David (Marguerite-Bourgeoys); M. Tanguay (LaFontaine) est remplacé par M. Derraji (Nelligan); Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce) est remplacée par Mme Montpetit (Maurice-Richard); M. Fontecilla (Laurier-Dorion) est remplacé par M. Zanetti (Jean-Lesage); et M. LeBel (Rimouski) est remplacé par M. Bérubé (Matane-Matapédia).

Mémoire déposé

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Avant de débuter la séance, je dépose le mémoire suivant, soit celui de l'Association canadienne des avocats musulmans.

Étude détaillée (suite)

Au moment d'ajourner nos travaux, hier soir, nous étions à l'article 3 du projet de loi. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Jolin-Barrette : Oui. Bien, peut-être, si vous voulez qu'on se remette en contexte, je peux peut-être relire l'article 3 ou...

Le Président (M. Bachand) : S'il vous plaît, oui, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : «La laïcité de l'État exige que, dans le cadre de leur mission, les institutions parlementaires, gouvernementales et judiciaires respectent les principes énoncés à l'article 2, en fait et en apparence.

«Pour l'application du présent chapitre, on entend par :

«1° "institutions parlementaires" : l'Assemblée nationale, de même que les personnes nommées ou désignées par celle-ci pour exercer une fonction qui en relève;

«2° "institutions gouvernementales" : les organismes énumérés aux paragraphes 1° à 10° de l'annexe I;

«3° "institutions judiciaires" : la Cour d'appel, Cour supérieure, Cour du Québec, le Tribunal des droits de la personne, le Tribunal des professions et les cours municipales.»

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Interventions? Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.

• (11 h 50) •

Mme Robitaille : Oui. Je voudrais poursuivre sur la même lancée que quand on s'était laissés hier soir. Bien, d'abord, d'abord, d'abord, c'est vrai, je voulais féliciter notre nouvelle belle jeune grand-mère, la députée des Plaines, pour son premier petit bébé, petit-fils. Alors, bravo! Ça fait toujours... Ça vient d'arriver, ça vient d'arriver, alors, félicitations! Félicitations!

Des voix : Félicitations!

Mme Robitaille : On apprécie qu'elle soit avec nous, malgré ce moment-là particulier, bien, en tout cas, historique. Dans une vie, c'est très, très cher.

Oui, je voulais poursuivre sur la même lancée qu'hier soir. «En fait et en apparence», hein? Le ministre vient de lire l'article, c'est important qu'on y réfléchisse, qu'on le comprenne bien. Alors, on dit : «La laïcité de l'État exige que, dans le cadre de leur mission, les institutions parlementaires, gouvernementales et judiciaires respectent les principes énoncés à l'article 2, en fait et en apparence.» Ce n'est pas anodin, cette expression-là, «en fait et en apparence». Puis, dans les commentaires, comme on le disait hier, on nous réfère à un arrêt clé sur tout ce qui est question de laïcité et puis de neutralité, l'arrêt Mouvement laïque québécois c. ville de Saguenay.

Hier, je demandais au ministre, je lui disais... je le référais à l'expression «en fait en en apparence» et puis, au paragraphe 137 de cet arrêt-là... et puis là je lui disais : Mais, «en fait et en apparence», est-ce que c'est lié? De toute évidence, ça doit être lié au paragraphe 137. Et il me disait : Bien, en tout cas, l'expression, elle vient du paragraphe 137, mais on l'a pris comme ça. Et je veux bien comprendre, parce que ce que le ministre semblait nous dire, c'est : Bien oui, bien, c'est parce que je l'ai prise hors contexte. Est-ce que le ministre l'a vraiment prise hors contexte? Hier, il m'a ramenée à l'ordre quand je lui ai amené une citation puis il m'a dit : Bien là, Mme la députée de Bourassa-Sauvé, il faut qu'on cite un paragraphe, le mettre en contexte, blablabla. Alors, quand il m'a dit ça, hier : Oui, bien, l'expression, c'est qu'on l'a pris, là, comme ça, mais, en fait... on l'a pris comme ça dans le texte et on l'a mis au paragraphe 3.

Bien, je veux juste être sûre, là, parce que le paragraphe 137 de cet arrêt-là est intéressant, est important. Je vous cite la phrase parce que c'est important de la relire, là, la phrase d'où l'expression est prise : «L'objectif de la neutralité — l'objectif de la neutralité, hein, pas de la laïcité, mais de la neutralité — est plutôt de faire en sorte que l'État demeure — en fait et en apparence — ouvert à tous les points de vue, sans égard à leur fondement spirituel.» Et le juge Gascon, hein, un juge québécois qui a pratiqué au Québec, continue : «Loin de viser l'autonomie, la neutralité — encore une fois, la neutralité — réelle exige que l'État ne favorise ni ne défavorise aucune religion et s'abstienne de prendre position sur ce sujet.»

Alors, quand on lit ça, on se dit : Coudon... Le ministre parlait hier de laïcité, sa laïcité, ce qu'il définissait être la laïcité du Québec, et il nous disait : Non, non, la laïcité, là, ce n'est pas la neutralité, c'est la neutralité, mais encore plus loin. J'essaie juste de savoir où est-ce qu'on s'en va avec ça, c'est quoi. Parce que, quand on lit ce petit bout de phrase là qui amène l'expression «en fait et en apparence», le ministre, il semble en contradiction avec lui-même. Alors, c'est quand même... On ne peut pas le prendre... Peut-être que le ministre veut le prendre hors contexte, mais, en bon juriste qu'il est, on doit... J'essaie de comprendre, là, pourquoi il l'a pris comme ça, il n'a pas fait abstraction de ces phrases-là qui sont des phrases-clés, là, de la notion de neutralité.

Alors, comment on peut comprendre ça? Ou peut-être que c'est une erreur, peut-être que le commentaire, il ne devait pas soulever cet arrêt-là, il ne devait pas amener cet arrêt-là. J'aimerais que le ministre nous explique.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui. Il faut se remettre en contexte, M. le Président. En 2015, quand l'arrêt Mouvement laïque québécois est rendu par la Cour suprême, il n'y a pas, dans aucune loi, une référence juridique à la laïcité. La laïcité, là, ça n'existe pas. Encore à ce jour, juridiquement, ça n'existe pas, hein, au Québec et au Canada. Il n'y a pas de loi au Québec sur la laïcité. Le projet de loi n° 21 que j'ai déposé, c'est la première fois qu'on traite de la laïcité. Donc, la cour, lorsqu'elle traite de neutralité religieuse, elle parle du concept qui existe, mais, en droit canadien, la laïcité n'existe pas. Donc, lorsqu'elle se prononce sur la demande des demandeurs de Mouvement laïque québécois, en lien avec la prière, son concept, c'est la neutralité religieuse de l'État.

La Cour suprême dit : Écoutez, à 137, la neutralité religieuse de l'État, elle doit s'exprimer en fait et en apparence. On se suit jusque-là. Dans la définition que le gouvernement propose... Et la députée de Bourassa-Sauvé dit : La laïcité du ministre. Je vous dirais avec amusement, M. le Président, pour la députée de Bourassa-Sauvé, c'est la laïcité de tous les Québécois. Ce n'est pas uniquement ma laïcité, c'est la laïcité que les gens souhaitent au Québec. Et d'ailleurs les consultations nous auront permis de constater que pas mal tous les intervenants, ceux qui sont pour et même ceux qui sont contre, étaient en faveur qu'on inscrive la laïcité dans nos lois et aussi qu'on inscrive les quatre principes qui soutiennent la laïcité, notamment M. Taylor et M. Maclure, dans leurs écrits, on le voit.

Or, on se retrouve dans une situation où la laïcité, à l'intérieur de la laïcité, du concept qu'on lui donne, les principes qu'on lui donne, c'est constitué de la neutralité. Et donc, si la neutralité, aux yeux de la Cour suprême, s'exprime, notamment, en fait et en apparence, a fortiori, la laïcité va s'exprimer également dans les faits et en apparence.

Parce qu'on avait la discussion hier avec le député de LaFontaine, on disait que la neutralité, dans le concept de la laïcité, c'est moindre et inclus. Donc, ça en fait partie. Vous avez la laïcité en haut, le concept, là, juridique qu'on introduit dans la Loi sur la laïcité, c'est le concept de laïcité. Là, on dit : C'est quoi, la laïcité? L'article 2, on vient mettre les quatre principes : séparation entre l'État et les religions; deuxième principe, neutralité religieuse de l'État. Ah! ce principe-là, on l'a déjà vu. On l'a déjà vu où? On l'a déjà vu dans le jugement Mouvement laïque québécois. On l'a vu là, en 2015, et on l'a vu en 2017, dans le projet de loi n° 62 de Mme la ministre de la Justice de l'époque, Mme Vallée, qui est venue, dans le cadre de son projet de loi, reprendre la jurisprudence pour dire : L'État doit être neutre sur le plan religieux. Par contre, on permettait des accommodements.

Donc, la neutralité fait partie de la laïcité. Et donc, oui, on réfère au paragraphe 137 pour dire, dans le premier alinéa de l'article 3 : «La laïcité de l'État exige que, dans le cadre de leur mission, les institutions parlementaires, gouvernementales et judiciaires respectent les principes énoncés à l'article 2 — donc, les quatre principes qui soutiennent la laïcité, la définition de la laïcité même — en fait et en apparence.» Donc, quand la cour dit : La neutralité, c'est en fait et en apparence, bien, quand vous prenez ce concept-là dans le jugement de la Cour suprême, il est transposé dans notre projet de loi au paragraphe 2° de l'article 2 en termes de composante et en termes de principe de la laïcité.

Mme Robitaille : Bien, on est ici pour comprendre, hein, la laïcité québécoise selon le ministre. Le «en fait et en apparence» nous renvoie, comme on le dit, au paragraphe 137. Et, quand je lis ça, la phrase que j'ai lue tout à l'heure, quand on lit ça, c'est clair que les balises sont autour de la neutralité. Et de là la contradiction, selon moi. Bien, en fait, j'essaie de comprendre, parce que, quand le ministre nous parle, j'ai vraiment l'impression que «en fait et en apparence», quand même, ça réfère à cet objectif de neutralité. On lit : «Loin de viser l'autonomie, la neutralité réelle exige que l'État ne favorise ni ne défavorise aucune religion et s'abstienne de prendre position sur ce sujet.» Et donc, quand on dit ça, et il y a le lien, le lien est fait clairement, j'ai l'impression... j'essaie de comprendre comment ce n'est pas en contradiction avec, par exemple, l'article 6 du projet de loi.

Parce que l'article 3 met les balises, comme disait le ministre, met le fondement de tout ce qui va suivre après. Or, quand on essaie de comprendre la définition de «en fait et en apparence», on nous renvoie à ça, à un concept de neutralité, de neutralité. Et, quand on dit : «Loin de viser l'autonomie, la neutralité réelle exige que l'État ne favorise ni ne défavorise aucune religion et s'abstienne de prendre position sur ce sujet», bien là, j'essaie de comprendre comment avec un concept comme ça, un peu plus loin, dire : Bien, l'État peut dire à une dame, par exemple, bien, enlevez votre voile et, comment je pourrais dire, s'imposer et aller à l'encontre de sa liberté de conscience à elle. Et donc j'aimerais que le ministre m'explique un petit peu plus.

• (12 heures) •

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Bien, juste pour rassurer, M. le Président, la députée de Bourassa-Sauvé, 3 et 6, c'est distinct. O.K.? 6, on va le voir peut-être tantôt, je le souhaite, c'est l'interdiction de porter des signes religieux pour certaines personnes qui sont nommément prévues à l'annexe II du projet de loi. Quand on regarde le projet de loi, là, il ne faut pas mélanger les choses.

L'article 3, ça vise les institutions de l'État, gouvernementales, parlementaires et judiciaires. Lorsque la députée de Bourassa-Sauvé nous dit : Écoutez, bien, c'est la neutralité de l'État qui est visée en fait et en apparence, oui, ça, c'est vrai dans le jugement. Dans le jugement Mouvement laïque, ça porte là-dessus. Mais, quand vous lisez l'article 3, ça couvre les quatre principes. C'est la fin du premier alinéa, «respectent les principes énoncés à l'article 2, en fait et en apparence».

Donc, lorsqu'on retourne, là, à l'article 2, là, les quatre principes, là, la séparation de l'État et des religions, la neutralité religieuse de l'État, l'égalité de tous les citoyens et citoyennes et la liberté de conscience et la liberté de religion, donc ces quatre principes-là doivent s'exercer en fait et en apparence. Ce n'est pas uniquement la neutralité religieuse de l'État. Ça s'applique aussi à la séparation de l'État et des religions, l'égalité de tous les citoyens, citoyennes, la liberté de conscience et la liberté de religion. Premier élément.

Deuxième élément aussi... Bien, j'y reviendrai, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : O.K. J'ai le député de Jean-Lesage qui demande la parole.

Juste vous dire, chaque membre de la commission, vous avez amplement le temps pour intervenir. Essentiellement, juste pour vous rappeler, l'article 245, vous avez 20 minutes par article puis 20 minutes par alinéa. Donc, vous avez amplement le temps. C'est sûr que, de temps en temps, si un député d'un autre groupe parlementaire me demande la parole, je vais intervenir dans le désir de faire une alternance, mais vous avez amplement le temps. Je vais revenir, à ce moment-là, vous redonner la parole.

Alors, M. le député de Jean-Lesage, s'il vous plaît.

M. Zanetti : Merci beaucoup, M. le Président. J'aimerais avoir des précisions de la part du ministre sur le début de l'article 3. À quoi sert la fin de la phrase qui dit «en fait et en apparence»? Au fond, pourquoi l'avez-vous rajoutée? Si vous l'enleviez, qu'est-ce que ça changerait? Quelle est l'importance de cette section-là de la phrase?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Bien, un peu comme je le disais à la députée de Bourassa-Sauvé, M. le Président, dans le fond, c'est l'exercice de la laïcité par les différentes institutions. C'est dans les agissements, mais c'est aussi l'apparence de cet agissement-là.

Je vous donne un exemple. Le concept de «en fait et en apparence», on le retrouve dans le jugement Mouvement laïque québécois, mais on le retrouve aussi souvent dans l'impartialité de la magistrature, l'impartialité des tribunaux, parce que c'est un concept, là, important. Au-delà de la justice, il doit y avoir aussi apparence de justice dans les faits et aussi au niveau de l'apparence. Et ça, c'est important aussi, ce concept-là. Donc, souvent, quand on évalue, on l'évalue sous un critère objectif, mais aussi le critère subjectif au niveau de la perception.

Donc, les institutions doivent être, en fait et en apparence, laïques. Ils doivent faire... ils doivent, aux yeux du tiers, en apparence, être également laïques. Donc, c'est la façon, M. le Président, pour le député de Jean-Lesage, c'est de la façon dont va s'exprimer cette laïcité-là. Et la laïcité, lorsqu'on la conçoit, on dit : Oui, dans les faits, le religieux n'intervient pas, parce qu'on a eu la discussion hier sur pourquoi les institutions religieuses ou non. Là, moi, je disais : Écoutez, c'est plus large que les institutions, ça couvre aussi toutes les religions. Donc, dans les faits, ça doit être séparé, mais aussi, en apparence, ça doit être séparé, d'où la nécessité de le mettre, «en fait et en apparence».

Le Président (M. Bachand) : M. le député.

M. Zanetti : Et si on disait simplement : La laïcité de l'État exige que, dans le cadre de leurs missions, les institutions parlementaires, gouvernementales et judiciaires respectent les principes énoncés de l'article 2, c'est-à-dire les principes de la laïcité de l'État, ce ne serait pas suffisant?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Non, ce n'est pas suffisant parce que... Je vous donne un exemple. Dans Mouvement laïque québécois, la cour vient dire, uniquement sur la neutralité, là, O.K., on parle de la neutralité, la cour vient dire : L'État doit se comporter d'une façon neutre sur le plan religieux, en fait et en apparence, avec les citoyens. Ça, ce n'est pas moi qui le dis, c'est la Cour suprême. Un des concepts de la laïcité, un des principes de la laïcité, à l'article 2, sur lequel on a voté, c'est notamment la neutralité religieuse de l'État. Donc, si on n'inscrivait pas, supposons, «en fait et en apparence», bien, on viendrait être en opposition avec le jugement de la cour sur la définition même de neutralité religieuse de l'État.

Voyez-vous, dans le fond, là, actuellement, là, l'État du droit, là, c'est que, lorsqu'on parle de neutralité religieuse de l'État, O.K., même chose dans le cadre du projet de loi n° 62, bien, l'État, l'exigence que nous avons pour les trois institutions, là, que ce soit une institution gouvernementale, judiciaire ou parlementaire, c'est d'être neutre religieusement. Mais cette obligation-là, pour l'État québécois, elle se fait en fait et en apparence. Ça fait que, dans la définition, on vient intégrer ce concept-là déjà préexistant, mais ce concept-là, il n'est pas seul comme concept de la laïcité.

Puis, hier, on a parlé de la distinction entre la laïcité et la neutralité. La laïcité, ça contient plus de choses qu'uniquement la neutralité. Mais ce qu'on fait à la fin de l'alinéa un, c'est qu'on vient mettre la notion d'«en fait et en apparence» pour les autres principes qui sous-tiennent la laïcité, évidemment la séparation de l'État et des religions, la liberté de conscience et de liberté de religion et l'égalité des citoyens et citoyennes.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Jean-Lesage.

M. Zanetti : Est-ce que cette particule-là de la phrase, au fond, sert à appuyer les articles à venir qui interdisent les signes religieux ou c'est complètement séparé?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Non, c'est séparé. Je vous donne un exemple, O.K.? Le projet de loi pourrait ne pas contenir d'interdiction de porter des signes religieux pour certaines personnes en situation d'autorité. Je pense que c'est la position de votre formation politique. Je pense que c'est la position aussi du Parti libéral du Québec. S'il n'y avait pas l'article 6, l'article 3 serait présent quand même. Et donc cette notion-là imposée aux institutions est présente et n'a pas d'impact sur l'article 6.

Par contre, nous, on insère l'article 6. Or, il est vrai que l'obligation de l'État, qui est le fait d'agir en fait et en apparence, se matérialise par le biais de ses agents. Et donc l'article 6, en fonction des pouvoirs particuliers, des responsabilités particulières qui sont confiées à certaines catégories de personnes, ils sont le prolongement de la laïcité de l'État. Donc, pour ceux-ci, pour cette catégorie-là, oui, ils ne doivent pas porter de signe religieux. Là, on rentre dans cette question-là sur l'apparence. Elle est tout aussi importante au niveau de l'agent de l'État. Prenons le cas du policier, parce qu'on a eu beaucoup de gens qui sont venus nous dire... Et on a eu aussi notamment l'Association des policiers provinciaux qui sont venus en témoigner. On a eu une lettre aussi de M. Francoeur, le président de la fraternité des policiers, qui notait l'importance de neutralité en apparence sur le plan religieux et donc au niveau de la laïcité.

Donc, en réponse à votre question, le projet de loi pourrait vivre sans l'article 6, O.K., mais, par contre, l'article 6, qui interdit le port de signes religieux pour certaines personnes en situation d'autorité, notamment ils doivent être sur le... ils doivent appliquer la laïcité au niveau de l'apparence, mais au niveau... également dans les faits.

• (12 h 10) •

Le Président (M. Bachand) : Je me tourne maintenant vers l'opposition officielle. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.

Mme David : ...continuer, parce que, comme j'ai dit hier, nos chemins se croisent actuellement, mais vont se décroiser rapidement, parce que, vous le dites très bien, le reste est un choix politique, l'article 6 puis compagnie après, où vous ajoutez des choses qui ne sont pas nécessaires à l'État laïque. Non seulement elles ne sont pas nécessaires, mais, selon notre perspective, c'est là qu'on n'est plus du tout d'accord avec votre position.

Mais là on est sur le 3, puis on a voté 1, puis on a voté 2. Mais c'est parce que vous avez bien ouvert la porte en disant : Le projet de loi pourrait exister sans la suite. Ça pourrait être un souhait. Vous nous donnez de très, très, très bonnes idées et de pistes. Vous vous les donnez à vous-même, peut-être, d'ailleurs, et j'apprécie énormément, parce que c'est vous-même qui l'abordez. On ne pourrait même pas plaider que c'est nous, c'est vous qui nous le mettez même en tête. Alors, le projet de loi pourrait exister sans tout ce qui va suivre. Quelle belle déclaration! Puis je suis d'accord avec vous. Je suis tellement d'accord que ça serait notre souhait le plus profond.

Mais je vais venir sur le mot «respecter», justement, parce qu'«en fait et en apparence», on est déjà rendus plus loin, on y reviendra, mais même le mot... ces institutions, dans le cadre de leur mission de respecter les principes énoncés. Alors, qu'est-ce que ça veut dire, pour vous, respecter, respecter, disons, l'égalité de tous les citoyens ou respecter la liberté de conscience pour une institution qui pourrait être un organisme budgétaire, par exemple?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui. Bien, c'est de se conformer aux exigences de la laïcité de l'État. Quand on dit respecter la loi... bien, en fait, respecter les principes de la laïcité de l'État, c'est de les appliquer, de faire en sorte qu'au quotidien, à l'intérieur des différentes institutions, qu'elles soient parlementaires, judiciaires ou gouvernementales, ça se matérialise. Et j'invite la députée de Marguerite-Bourgeoys, M. le Président... Je sais qu'on est en désaccord sur le port ou l'interdiction de signes religieux, mais il faut quand même séparer l'article 3 de l'article 6... O.K.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée.

Mme David : Oui, bien, c'est pour ça... Vous avez tout à fait raison. C'est pour ça qu'on veut très, très bien comprendre l'article 3, parce que, quand on met «respecter», si on est un parent puis on demande à notre enfant de respecter ce que papa ou maman a dit, tu vas aller au lit à neuf heures, respecte ce que je te demande, bien, s'il n'y va pas, il y a des suites à ça. Et c'est ça que j'aimerais que vous nous aidiez, avec des mises en situation, plus pédagogiques, plus concrètes. Parce qu'il y a tellement de monde, il y a tellement d'organismes, puis on pourrait les passer un par un puis dire : Qu'est-ce que ça veut dire, respecter ces quatre principes-là, quand on est une régie intermunicipale, quand on est une commission scolaire, quand on est, comme je disais hier, un cégep, une université? Pour moi, ce n'est pas clair et ce n'est d'autant pas clair que, quand l'enfant ne va pas au lit au moment où papa dit : Tu t'en vas au lit, puis qu'elle est dans la phase du non, vous faites quelque chose pour qu'elle respecte votre souhait de papa.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui. Bien, dans un premier temps, M. le Président, je vous dirais que c'est le dialogue, hein? Quand on ne veut pas aller se coucher, il faut expliquer pourquoi il faut aller se coucher pour être en forme le lendemain. Donc, ça, c'est la première des choses.

Deuxièmement, M. le Président, l'ensemble des institutions publiques respectent les lois, hein? Lorsqu'on a un corps public, lorsqu'on est un corps public, on respecte la législation qui est applicable. C'est le propre des institutions publiques. En fait, vous savez, quand on est institution publique, on est l'État. Ce n'est pas désincarné. Lorsque vous avez, supposons, une municipalité, la municipalité exerce ses fonctions, ses pouvoirs par le biais des lois qui lui confèrent ces pouvoirs-là. Une municipalité, c'est créé par une loi, ce n'est pas dénué de personnalité, là. Une municipalité, c'est l'État, c'est le prolongement de l'État du Québec. Ça fait partie... ce sont des gouvernements de proximité, sauf qu'elles font partie de l'État, même chose, les commissions scolaires. Donc, lorsqu'on dit «respectent», en fait, c'est l'application de la laïcité. En soi, dans le traitement, les différentes entités de l'État doivent être laïques, doivent donner un traitement, en fait, en apparence, qui est laïque.

M. le Président, la députée de Marguerite-Bourgeoys donnait l'exemple des régies intermunicipales, supposons, de police. Bien, je pense qu'elle pourrait convenir avec moi qu'il y aurait un problème si une régie intermunicipale n'agissait pas d'une façon laïque avec les citoyens qui se présentent devant eux, supposons qu'elle ne traiterait pas tous les citoyens, citoyennes sur le même pied d'égalité, qu'elle ne respecterait pas la liberté de conscience et de religion des citoyens ou des plaignants qui viennent déposer une plainte au poste de police.

Donc, l'application de ce concept-là s'applique à l'ensemble des organisations qui sont visées, tel qu'énoncé au paragraphe 2° et à l'annexe I, pour les institutions gouvernementales, et pour les institutions parlementaires, et les institutions judiciaires.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée.

Mme David : Alors, j'essaie de comprendre et j'aime beaucoup votre notion de dialogue, parce qu'à un moment donné peut-être que vous allez être un peu tanné du dialogue et que vous voudriez aller dans des procédures un peu plus exceptionnelles que ce qui s'appelle un dialogue. Mais, tant qu'on peut, on va dialoguer avec un très, très grand plaisir, et c'est très important.

Donc, ce dialogue implique justement qu'on revienne à la différence fondamentale entre l'existence moult fois bonifiée de la charte québécoise des droits et libertés et une grosse, je dirais, cohabitation ou superposition avec votre article 2, qui s'applique à l'article 3. Donc, tout ce que vous dites, là, municipalités, établissements, etc., ministères, bien, un fonctionnaire ne sentirait pas qu'il est traité également en égalité hommes-femmes ou citoyens-citoyennes, ou liberté de conscience, ou de religion, il aurait recours à la charte.

Alors, en quoi la laïcité apporte quelque chose de plus dans votre corps jurisprudentiel que la charte?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Bien, je donne un exemple. Est-ce qu'on veut que les organismes publics soient laïques? C'est ça, la première question qu'on doit se poser. Prenons le cas du conseil municipal à Saguenay, hein, ça s'est rendu jusqu'à la Cour suprême. Bien, on souhaite que les conseils municipaux ne récitent pas de prière avant le conseil. C'est ce que la Cour suprême est venue dire et c'est ce qu'on fait juridiquement avec la laïcité de l'État. Donc, en fait et en apparence, le conseil doit être laïque. S'il y avait récitation de prière, même si, dans les faits, supposons, il est laïque, mais il y a récitation de prières confessionnelles, M. le Président, je pense que la députée de Marguerite-Bourgeoys peut convenir avec moi qu'en apparence qu'il y aurait une atteinte à la laïcité. Dans le fond, le fait de respecter, c'est d'obéir, de se conformer. Donc, l'ensemble des institutions publiques qui sont visées par le biais de l'article 3, c'est un concept qu'ils appliquent au même titre que les différents concepts qu'ils régissent.

• (12 h 20) •

Je vous donne un exemple, un exemple juridique en droit administratif, l'équité procédurale. Toutes les entités gouvernementales, lorsqu'elles rendent une décision, doivent se conformer à l'équité procédurale. Or, elles respectent cela. Il serait non avenu pour une institution de ne pas respecter, supposons, l'équité procédurale. C'est la même chose au niveau de la laïcité, c'est l'organisation, hein, c'est l'institution, c'est le corps constitué par une loi du Québec ou par le prolongement des compétences du Québec. Donc, c'est vraiment le concept de laïcité qui s'applique aux différentes organisations de l'État québécois.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme David : C'est intéressant, mais on va prendre un exemple inverse. Si quelqu'un est handicapé et qu'il se sent traité inégalement... donc l'égalité de tous les citoyens et citoyennes, ça comprend, entre autres, l'égalité, que tu sois handicapé ou pas handicapé. Handicapé, je pense à plus un handicap physique, mais ça peut être toutes sortes de handicaps. Il est protégé par la charte. Cette égalité-là, il peut la plaider, ce sentiment d'être moins bien traité. Ça a déjà été traité par la société, l'obligation de rampes, l'obligation de toutes sortes de choses, qui peut faciliter et rendre égale la vie de tous les citoyens et l'estime de soi de tous les citoyens, dans sa fonction sociale.

Alors, je répète ma question. Pourquoi faut-il proclamer une laïcité de l'État qui, de toute façon, dans les faits, est déjà existante et, quand elle ne l'est pas, comme l'arrêt dont vous parliez ou ma collègue parlait, sur la prière, ça a été justement avec un arrêt de la Cour suprême là-dessus?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Bien, à titre d'exemple, je vais vous donner un comparatif. La députée de Marguerite-Bourgeoys nous dit : Écoutez, la charte, elle est déjà là, donc on ne devrait pas prévoir une loi sur la laïcité puis indiquer les grands concepts, comment l'État doit se gouverner. Or, l'État doit... on peut se doter de règles pour dire comment l'État du Québec se comporte, ce n'est pas nécessairement aux tribunaux, parce que ce à quoi la députée de Marguerite-Bourgeoys nous invite, c'est de dire : Bien, écoutez, laissons les citoyens, à toutes les fois, prendre un recours, prendre un recours pour dire... puis faire statuer l'état du droit ou l'avancement du droit. Laissons ça aux tribunaux pour dire : Eux, ils viendront déterminer en vertu d'une plainte à la Charte des droits et libertés de la personne. Je ne conteste pas le bien-fondé d'une telle requête puis le rôle des tribunaux dans ce dossier-là.

Par contre, moi, je pense que, comme parlementaires, il faut déterminer comment sont nos institutions. Quand on a décidé, là, que le Québec était français, là, bien, on l'a fait dans une loi. Je donne l'exemple suivant. L'autre jour, la collègue d'Anjou, qui est en commission parlementaire avec la ministre des Affaires municipales sur le projet de loi n° 16, propose un amendement, notamment pour l'accessibilité aux personnes handicapées dans les municipalités, propose cet amendement-là. Si je suis votre logique, le gouvernement n'aurait pas dû accepter cet amendement-là parce qu'il y avait un recours prévu à la charte, qui aurait pu être fondé, supposons, sur la disparité de traitement fondée sur le handicap. Or, votre collègue dit : Non, il faut que ça soit dans la loi, il faut qu'on prévoie que les municipalités tiennent compte des handicaps des personnes.

Donc, la charte, elle est là pour prévenir des situations, et c'est un recours qui peut être utilisé par les citoyens. Or, la laïcité de l'État est génératrice de droits, notamment pour les citoyens. Donc, à la base, là, l'État, là, le message qu'elle envoie et qu'elle dit à l'ensemble des intervenants à l'intérieur de la boîte, là, si je peux dire, à l'intérieur des différentes institutions, elle dit : Je suis laïque. État du Québec, je suis laïque, et ça va se transposer, ça va se matérialiser à travers les agissements des gens qui travaillent pour l'organisation. Puis là je ne parle pas des signes religieux. Je parle, supposons, quand vous allez au comptoir faire votre permis de conduire de la Société de l'assurance automobile du Québec, le préposé a l'obligation d'agir avec le traitement approprié d'un État laïque, exemple, de donner un traitement équitable à tous les citoyens qui se présentent et que l'employé respecte la liberté de conscience et la liberté de religion de la personne qui vient demander un service public.

Donc, voyez-vous, ce qu'on veut éviter de faire, c'est que les citoyens aient l'obligation de... s'ils veulent statuer sur quel est l'état de l'étendue de la laïcité au Québec, de devoir s'adresser aux tribunaux pour le déterminer. C'est à nous, tous ensemble, de déterminer que l'État québécois, il est laïque et quels sont les paramètres. Et, là-dessus, je pense que vous êtes d'accord avec moi, parce que vous avez voté... la députée de Marguerite-Bourgeoys a voté sur les deux. Et donc ça vise, la laïcité, à faire garantir l'application de cette laïcité-là. Ce sont ces concepts-là qui s'appliquent.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme David : Là où on se rejoint, c'est générateur de droit. Donc, à partir de ces deux articles-là, surtout l'article 2, parce que c'est un peu plus détaillé que l'article 1, les gens peuvent générer du droit en disant, par exemple, au quatrième alinéa : Nous n'avons pas respecté ma liberté de conscience ou ma liberté de religion.

Alors, vous me voyez venir, évidemment, si ça va générer du droit, le fait qu'on n'a pas respecté ma liberté de religion, vous allez plaider, d'un côté, que c'est dans la charte, l'article 2... pas dans la charte, mais dans la loi, l'article 2, quatrième alinéa, vous allez plaider sur la liberté de religion, qui est un principe de la laïcité de l'État, puis, en même temps, vous allez plaider l'extrême opposé à partir de l'article 6. Est-ce que je comprends bien?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Bien, je ne suis pas sûr de comprendre. Si vous voulez juste spécifier.

Mme David : ...à l'alinéa 4° de l'article 2, il est bien écrit qu'on peut générer du droit. C'est ce que vous avez dit. Donc, on pourrait plaider, comme citoyen... j'ai donné un exemple d'un citoyen handicapé qui ne se sent pas traité équitablement. C'est protégé par la charte, la religion aussi est protégée par la charte. Vous le remettez ici, liberté de religion, mais alors un citoyen pourrait plaider la liberté de religion, mais, quand il va arriver à l'article 6, dans certains cas, il ne pourra plus. Il ne pourra plus plaider la liberté de religion.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. C'est plus clair, la question. Il faut se mettre dans une perspective que la laïcité de l'État et les principes assujettis à la laïcité de l'État, c'est une norme générale qui vise tous les citoyens. O.K.? L'article 6, on y reviendra un peu plus tard. Je réitère, M. le Président, c'est important de faire la distinction entre les deux, parce que, prenons le cas actuellement, O.K... La laïcité, avec les quatre principes, c'est une norme de conduite qu'on met pour l'État. C'est son cadre. L'État québécois, il est laïque, avec les quatre principes qui le soutiennent. Donc, le citoyen qui se présente à un bureau de la SAAQ a une garantie que l'État québécois va le traiter en ayant une séparation entre l'État et les religions. Il va le traiter avec la neutralité religieuse requise, il va lui donner un traitement équitable et surtout l'État va respecter sa liberté de conscience et sa liberté de religion. Donc, oui, c'est générateur de droit pour les citoyens.

Actuellement, la laïcité, ça n'existe pas. Donc, un citoyen, supposons, qui voudrait utiliser un recours à la Charte des droits et libertés de la personne pour dire : Moi, j'ai droit à mon service public laïque, il n'y a rien. Tout ce qu'on a, c'est la neutralité religieuse de l'État. Tout ce qu'on a, c'est, supposons, Mouvement laïque québécois. On ne traite pas de laïcité. Il n'y a aucune loi, au Québec, qui traite de laïcité. La seule loi que nous avons, c'est celle de Mme Vallée, qui traite de la neutralité religieuse de l'État, et, encore là, dans cette loi-là, bien, on permet des accommodements religieux pour ne pas respecter la neutralité religieuse de l'État.

Nous, on dit : Bien, on va le voir plus tard, non, il n'y a pas d'accommodement religieux. Lorsque vous offrez un service public à un citoyen dans... Puis là je ne parle pas de signe religieux, là. On s'entend, je ne parle pas de signe religieux, c'est à 6. L'État doit agir d'une façon laïque avec l'ensemble des citoyens.

Donc, l'objectif qu'on a, à l'article 3, c'est l'incorporation... pas l'incorporation au sens de compagnie, là, l'incorporation au sens... l'intégration au sens de comment est-ce que les entités de l'État se comportent, quel est le cadre applicable, au même titre que... Exemple, les normes financières de l'État, quelles sont-elles, ou les codes de conduite? La députée de Marguerite-Bourgeoys a eu à modifier certaines lois pour mettre en place certains codes de conduite dans le réseau universitaire. Quels sont les cadres? Quelles sont les balises? Au niveau de l'État en général, on ne parle pas des employés visés par l'interdiction de porter un signe religieux à l'article 6. C'est vraiment au niveau de comment se comporte l'État dans le traitement avec les citoyens. Donc, en fait et en apparence, il doit être laïque.

• (12 h 30) •

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme David : Oui. On ne parle pas de signes religieux. C'est à 6. Je sais que le ministre... Mais, quand, justement... parce qu'il y aura une loi sur la laïcité... Parce que le ministre dit : Le citoyen ne peut pas plaider, il n'y en a pas, de loi sur la laïcité. Quand il va vouloir la plaider, la laïcité, ou invoquer cette loi pour quelque chose qui... un service qui n'aurait pas été rendu, selon lui, selon cette loi, ou une situation, bien, il va pouvoir plaider grâce à cette loi, l'article, quand même, l'alinéa 4° de la liberté de religion. Vous dites : On ne parle pas de signes religieux, c'est à 6. J'entends bien «signes religieux». Mais là on va se compliquer la vie un peu parce qu'un signe religieux, ça fait partie de la liberté de religion. Alors, quand la loi sera adoptée, vous allez... le citoyen pourra plaider l'alinéa 4°, le paragraphe 4°, pour dire : Moi, je plaide, dans le cadre de la Loi sur la laïcité, la liberté de religion.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Bien, je voudrais juste avoir un petit peu plus de spécifications sur le raisonnement de la collègue de Marguerite-Bourgeoys. Un citoyen pourra plaider la liberté de religion, mais...

Mme David : En fonction de cette loi adoptée.

M. Jolin-Barrette : Oui, mais quelle est la conclusion recherchée, en fait? Supposons, un citoyen. Là, on est dans un cas hypothétique, là, mais, dans votre intervention, la députée de Marguerite-Bourgeoys dit : Un citoyen pourrait avoir recours au paragraphe 4° de l'article 2, la liberté de conscience, la liberté de religion, pour présenter une requête, supposons. Mais quelle est la prémisse?

Mme David : La prémisse de la requête, ce serait : Ma liberté de religion n'a pas été respectée dans la loi n° x, paragraphe 4°. Ma liberté de religion n'a pas été... Alors, c'est pour ça que je m'attarde un peu à votre citation : On ne parle pas de signes religieux, là, ça, laissons ça pour l'article 6. Mais non, parce que «signes religieux», ça fait partie de la liberté de religion dans l'article 2. Est-ce que je suis plus claire?

M. Jolin-Barrette : Mais revenons un petit peu sur votre proposition que vous faites. Vous dites : La liberté de religion et de conscience est invoquée par qui, par le bénéficiaire de services publics ou par la personne qui donne les services publics? Dans votre proposition hypothétique, là.

Mme David : Ça peut être les deux. Bien oui, ça peut être les deux. Ça peut être les deux, justement. Alors, la liberté de religion va être plaidée dans la... Puis je ne veux pas vous mettre la réponse dans la bouche. J'aurais des éléments. Mais je vous soumets, par exemple, quelqu'un qui donne un service et qui porte un signe religieux, il va plaider la liberté de religion grâce à l'article 2 sur la laïcité puis il va gagner parce que c'est inscrit nommément.

M. Jolin-Barrette : Bien, moi, je ne suis pas vraiment dans une logique de gagnant-perdant. Je veux juste qu'on prenne un pas de recul puis on sorte de cela. O.K. Si la députée de Marguerite-Bourgeoys fait référence à, supposons... Prenons un cas concret. Je ne voudrais pas qu'on fasse le débat de 6, mais les propos de la députée de Marguerite-Bourgeoys m'invitent un peu à glisser vers 6, O.K.? Mais prenons un cas concret, là, pour le bénéfice de la discussion sur 3. Prenons le cas d'un policier qui porterait un signe religieux, juste pour illustrer l'intention de la députée de Marguerite-Bourgeoys. Donc, ce qu'elle nous dit, ce que je crois comprendre de ce que la députée de Marguerite-Bourgeoys nous dit, c'est que, si un policier porte un signe religieux, il pourrait utiliser le paragraphe 4° de l'article 2 comme base de son recours pour dire : Écoutez, moi, j'ai le droit à ma liberté de religion, et donc j'ai le droit de porter un signe religieux parce que c'est prévu au paragraphe 4° de l'article 2 comme étant la laïcité de l'État. Est-ce que c'est ça, le raisonnement?

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée.

Mme David : Oui, tout à fait, sauf s'il n'existait pas l'article 6, où je sais très bien que ce même policier n'aura plus le droit à cause de l'article 6. Alors, ce que je veux... J'aimerais mieux que vous preniez un exemple qui n'est pas l'article 6, là, je suis d'accord avec vous. Qu'on aille vers une infirmière, par exemple. Donc, c'est clair que l'infirmière pourra, si on l'empêche d'avoir un signe religieux, elle pourra plaider la liberté de religion.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, j'arrête tout de suite la députée de Marguerite-Bourgeoys. Il n'est aucunement question, dans le cadre du projet de loi et dans le cadre des dispositions, d'interdire le port de signes religieux pour les fonctionnaires de l'État qui ne sont pas visés à l'article 6. Les infirmières ne se retrouvent pas à l'article 6. Elles peuvent porter des signes religieux. Un bémol : les services... un fonctionnaire de l'État doit exercer ses fonctions à visage découvert durant toute la durée de sa prestation de travail. Et, là-dessus, je pense avoir l'appui du Parti libéral parce que dans le projet de loi n° 62, c'est ce qui était prévu. Je veux juste qu'on s'entende là-dessus. On peut-u s'entendre là-dessus?

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme David : Je vais répondre. Je vais m'inspirer du ministre et je dis : On parlera de visage découvert quand on sera rendus à l'article sur le visage découvert. Le diable est dans les détails. Laissons-nous le temps d'arriver là. Et, comme j'entends un appel au dialogue, bien, j'espère que le dialogue va se poursuivre, et se poursuivre, et donc on se rendra à l'article sur le visage découvert. Maintenant, quand vous avez dit — mais ça, c'était hier, mais je me permets, des fois, de noter des perles au passage de ce que vous pouvez dire : Les croyances ne doivent pas entrer en ligne de compte dans le service à un client. Puis là, malheureusement, je ne peux pas... je sais qu'on était dans l'article 2, dans l'article 3, qu'on échangeait là-dessus, mais les croyances ne doivent pas entrer en ligne de compte dans un service, parce que c'est la neutralité, entre autres, qu'elle soit religieuse, ou la laïcité, ou la séparation. Ça touche toutes sortes d'articles, mais la liberté de conscience peut faire en sorte que nous avons des croyances. Puis vous, vous avez des croyances, votre collègue a des croyances, nous avons tous des croyances qui nous font lever le matin, puis de croire encore un peu à la vie puis à notre raison d'être en ce bas monde. Donc, ça, j'y crois profondément, qu'on a tous des croyances, qu'elles soient athées ou pas athées, mais il faut un sens à la vie. Bon, là, on va faire de la philosophie, mais comment pouvez-vous évaluer, mesurer, prendre une photo qu'une croyance ne doit pas entrer en ligne de compte dans un service au client?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

• (12 h 40) •

M. Jolin-Barrette : Bien oui, tout à fait. Les croyances intimes d'une personne, d'un prestataire de service public ne doivent pas influencer sa prestation de service public, hein? C'est le même traitement pour tout le monde, et la liberté de conscience et la liberté de religion, elle est là notamment pour le bénéficiaire du service public.

Je donnais, je pense, l'exemple hier : un anglican qui donne un service à un catholique. Le traitement qui est donné doit être la même chose qu'un anglican qui donnerait un service à une personne de confession juive ou à quelqu'un qui est luthérien. Il n'y a pas de distinction. Et, quand qu'on parle de la liberté de conscience et la liberté de religion prévues au paragraphe 4°, on doit la lire avec les autres principes qui sous-tendent la laïcité. L'égalité de tous les citoyens, la séparation entre l'État et les religions, et la neutralité religieuse de l'État.

Donc, quand, là, je reviens à mon exemple, là, du permis de conduire à la SAAQ... Moi, j'arrive lundi matin. Le client, moi, je suis catholique. Le traitement qui m'est réservé ne doit pas avoir de distinction parce que je suis catholique. Mardi matin, je suis une autre personne, j'arrive au comptoir de la SAAQ, je suis de confession juive. Le traitement qui m'est réservé au comptoir de la SAAQ ne doit pas être différent de celui du client qui était catholique le lundi matin. Mercredi matin, une autre personne arrive au comptoir de la SAAQ, la personne est de confession musulmane. Le traitement qui est fait par le fonctionnaire de l'État n'est pas différent de ce qui a été fait le mardi avec la personne de confession juive ou le lundi avec la personne de confession catholique. Vous voyez où je vais, et ainsi de suite.

Donc, le traitement qui est fait par l'institution qui s'exprime par le biais de ses employés dans la dispensation du service public, c'est neutre... pardon, c'est laïque, à la fois en faits mais aussi dans les apparences.

Puis la question d'apparence, là, je reviens, M. le Président, au concept, supposons, de l'apparence de justice. Qu'est-ce que l'apparence? Puis il y a abondamment de jurisprudence là-dessus sur le fait que, supposons, quand qu'on se présente devant un tribunal, là, le juge, là, quand qu'il rend sa décision, ou même avant, quand qu'il entend les parties, il doit faire preuve d'impartialité, mais, s'il y a une apparence, pour les justiciables qui sont devant lui, qu'il n'est pas impartial, ça ne marche pas non plus. Alors, c'est le sens aussi. Et le juge, quand il est assis sur le banc, là, il a bien beau ne pas être partial, là, d'une façon objective, là, par contre, s'il y a un doute sur sa partialité, on est au niveau de l'apparence, et ce qu'on ne souhaite pas, c'est un garde-fou qu'on a mis, que les tribunaux ont mis, supposons, lorsqu'on se retrouve dans une cour de justice. Donc, c'est un peu le parallèle, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée.

Mme David : Ça allait très bien jusqu'à lundi, mardi, mercredi, jeudi parce que je suis...

Une voix : ...

Mme David : Vous n'avez pas fait jeudi? Je vais rajouter jeudi, et on pourrait faire les sept jours de la semaine, parce que c'est exactement ça qui est la vraie société qui respecte les droits des uns et des autres mais qui, en même temps, c'est formidable... vous avez décrit une magnifique diversité. L'employé est là, il reçoit, le lundi, quelqu'un catholique, quelqu'un de protestant le lendemain, vous n'avez pas dit de sikhs, on aurait pu dire un sikh, un musulman, un juif, et voilà le Québec que vous décrivez de façon formidable. Et là l'employé doit être neutre et doit faire l'égalité hommes-femmes, et doit faire l'égalité de tous les citoyens, doit respecter la liberté de religion des gens en face de lui, sépare l'État et les religions. Donc, lui, là, il a un code de conduite professionnel, tout comme un juge d'ailleurs, et il doit, en apparence, donner un service égal à tout le monde. Il a un code, il doit... parce que, s'il n'est pas fin avec un ou qu'il refuse de le servir le mercredi matin, peut-être pour des raisons... parce qu'il s'est disputé avec son conjoint ou sa conjointe le matin, ce n'est peut-être pas la bonne raison, mais le patron va dire : Tu n'as pas le droit de te comporter différemment ce matin que la veille. Laisse tes problèmes à la maison ou laisse tes préjugés à la maison, laisse, et tu sers un client, puis c'est ça qu'on demande aux employés de l'État. Tu sers un client, que ce soit à la SAQ, le monde est plus de bonne humeur d'habitude, mais, des fois, ils sont moins de bonne humeur à la SAAQ, ou ils sont moins de bonne humeur si... bon, pour toutes sortes de raisons, ça dépend des services que tu reçois. Alors, jusque-là, je trouve formidable, on partage exactement notre vision de la société.

Là où, malheureusement, puis normalement, dans les générations, ça devrait être l'inverse de nos positions respectives... mais vous, rendu au juge, là, vous allez dire : L'apparence d'impartialité. Bien, c'est bien évident qu'on aura des interminables discussions là-dessus parce que je sais bien qu'on est dans un siècle d'apparence, des décennies d'apparence, mais, quand on sait comment ça ne veut rien dire l'apparence et c'est ce qu'on enseigne à nos enfants : Ne te fie pas à l'apparence, ton petit copain, dans la cour d'école, il a les cheveux roux, mais il est aussi fin que toi qui n'as pas les cheveux roux, ou il a des «freckles», comme on dit, ou il a un handicap... On n'arrête pas, comme parents, on n'arrête pas de dire à nos enfants : Tolérance, tolérance, tolérance, ce n'est pas parce que le petit copain, il bégaie qu'il faut que tu ries de lui, bon. Nous, on est des adultes, puis là on s'en va codifier l'apparence. C'est invraisemblable, en approche philosophique de ça, mais on y reviendra plus loin.

Mais, quand vous dites : Les croyances ne doivent pas entrer en ligne de compte, bien, moi, je dis : Les croyances, c'est celles qu'on sait qu'on a, puis on en a des fois qui sont pas mal moins conscientes que d'autres. Mais ce n'est pas lié à l'apparence, les croyances, c'est lié à tout ce qui nous a construit, vous depuis moins d'années que moi, mais, quand même, sûrement une trentaine d'années. Des croyances, c'est un précipité de chaque jour qui s'additionne à un autre. Donc, il ne faut pas que ça entre en ligne de compte, vous avez raison, mais ça ne veut pas dire, les croyances religieuses, qu'elles ont priorité sur une croyance pas visible, mais autrement plus active, et on le voit dans toutes sortes de situations.

Alors, j'essaie vraiment de comprendre comment vous pouvez faire respecter — parce que je reviens au départ, le mot «respecter» — les principes de l'article 2 parce que c'est très, très, très difficile, même si c'est si c'est un patron, pour un employé dont il devine qu'il a peut-être des croyances, exemple, homophobes. Ce n'est pas parce que tu portes une kippa que tu as une croyance homophobe ou... Tu as une croyance homophobe, tu ne le dis pas. Tu ne le dis pas, mais le client qui arrive, peut-être qu'il va être moins bien servi s'il est d'une orientation sexuelle plus qu'une autre. Mais, ça, vous ne travaillez pas avec l'invisible, vous travaillez juste avec la prétention que c'est le visible qui influence, et moi, j'ai la prétention, M. le Président, que le visible, c'est le petit haut de l'iceberg de quelque chose qui peut être tellement plus, puis vous en voyez tout le temps dans les cours de justice.

Alors, si vous me permettez, à moins qu'il y ait d'autres mains levées, je vais quand même essayer de vous soumettre un cas qui n'est pas exactement, là, tout à fait là-dedans, mais c'est une vraie question, puis, je pense, j'ai hâte d'avoir votre réponse. Vous savez, j'ai parlé hier d'une université que je connais bien, qui a une charte canonique. Alors, ça fait très... est-ce qu'il y a un problème? Non?

Le Président (M. Bachand) : Interpellation par les yeux, c'est ça qu'on appelle. Alors, continuez, Mme la députée.

Mme David : Attention!

Le Président (M. Bachand) : ...c'est la réalité. Allez-y, Mme la députée.

Mme David : On va parler de la charte canonique — bien, c'est intéressant, hein, comme mot — de la charte canonique de l'Université de Montréal, parce que je connais cet exemple-là, d'une part, quand j'y étais, mais, après ça, j'ai eu à légiférer là-dessus. Avec votre adoption de l'article 2, séparation de l'État et des religions, quand vous dites, à l'annexe I, paragraphe 7°, que ça comprend tous les «établissements d'enseignement de niveau universitaire énumérés aux paragraphes 1° à 11° de l'article 1 de la Loi sur les établissements d'enseignement» supérieur... Puis là il y en a sûrement qui peuvent nous aider là-dedans parce que je suis convaincue à 99 % qu'une université à charte canonique est inclue dans les 1 à 11, parce que c'est les établissements... universités, ce n'est pas seulement le réseau dans le paramètre gouvernemental. Vous pouvez allez voir rapidement. Mais est-ce que ça veut dire que votre loi, n'eût été de cette charte qui est passée l'an dernier puis qui n'avait rien à voir avec l'arrivée de cette loi-ci... ils auraient dû... obligés de changer leur charte canonique?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui. On va faire les vérifications en lien avec la... j'imagine que c'est la loi constituante de l'Université de Montréal à laquelle la députée de Marguerite-Bourgeoys a fait référence.

Mme David : Il y a d'autres universités à charte privées, hein, vous le savez. Il y a les universités publiques, Sherbrooke...

M. Jolin-Barrette : McGill.

Mme David : ...il y a Laval, il y a Montréal, McGill, Concordia. Alors, je veux juste... peut-être que c'est une des plus concrètes questions, si eux n'ont pas réalisé puis là, tout à coup, ils vont s'inquiéter de ça. Alors, si vous trouviez la réponse, ce serait intéressant parce que je suis pas mal convaincue qu'ils sont dans les paragraphes 1° à 11°.

M. Jolin-Barrette : Bien, on est en train de faire les vérifications, on va pouvoir revenir.

Je voudrais répondre, M. le Président, sur la première partie de la question de la députée de Marguerite-Bourgeoys. Effectivement, ça fait déjà plus d'une trentaine d'années de vécues, déjà. Ça passe vite. Ça, c'est vrai.

Mme David : ...

• (12 h 50) •

M. Jolin-Barrette : Bon. Sur la question de l'apparence de justice, M. le Président, la députée nous dit : On vient codifier l'apparence de justice. Bien, écoutez, sur le concept même de l'impartialité pour les tribunaux, c'est un concept qui a été défini depuis des décennies, depuis des siècles, et c'est fort important, comme justiciable, que, lorsque le justiciable se présente, bien, oui, il y ait apparence de justice, apparence d'impartialité parce que tout le système de justice s'écroulerait, notamment. Et, parfois, parfois, il y a des juges qui se sont probablement récusés, et non pas qu'ils étaient partiaux, mais il pouvait y avoir une apparence de partialité. Et, dans une situation comme ça, ils ont pris la décision de se récuser du ban, et la jurisprudence en a abondamment traité sur la question de l'apparence de justice.

Donc, nous, ce qu'on fait dans le cadre du projet de loi... puis là je reviens à l'article 3, là, parce qu'on discute beaucoup, là, ça s'élargit, là, puis on va le voir à l'article 6, mais, à l'article 3, là, on vise les institutions. Les institutions respectent les principes de l'article 2. La députée de Marguerite-Bourgeoys revient souvent sur, supposons, la liberté de conscience et de religion des citoyens, mais, oui, l'État, là, quand elle traite un citoyen, là, un service public, quand elle dispense un service public, elle a l'obligation, et là c'est maintenant... pour la première fois, ça fait partie de la laïcité, là, l'agent de l'État agit d'une façon laïque. Et, dans les composantes de cette laïcité-là, bien, c'est la dispensation de ces services.

Lorsque la députée de Marguerite-Bourgeoys nous dit : Un employé pourrait utiliser le paragraphe 4° pour contester la laïcité de l'État, parce qu'il souhaiterait porter un signe religieux en vertu de 6, la réponse à cette question-là, c'est non. Ce n'est pas l'objectif de la définition prévue à l'article 2 parce que les quatre concepts se lisent ensemble au niveau de la laïcité. Quelqu'un qui voudrait contester, supposons, une disparité de traitement en vertu du droit à l'égalité le fait en vertu de la charte. Mais l'employé ne le fait pas en vertu du concept de laïcité, qui est générateur de droit pour l'ensemble des citoyens, c'est l'État qui se comporte d'une façon laïque avec les bénéficiaires de services publics, les citoyens, les citoyennes. C'est là la distinction.

Ça fait que le débat sur lequel la députée de Marguerite-Bourgeoys nous amène, c'est vraiment à l'article 6, ce débat-là. Là, c'est vraiment l'institution, le cadre de l'institution.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme David : Oui. Je le sais, qu'il y a des individus visés dans l'article 6, puis on en reparlera. Mais c'est pour ça que je le prenais a contrario, moi. Je prenais la liberté de religion de quelqu'un qui n'est pas visé par l'article 6, justement.

M. Jolin-Barrette : Je vais juste revenir à votre question. En 1967, on conférait le statut laïque, le caractère public de l'Université de Montréal, par le biais d'une loi modificatrice. Donc, elle-même s'était dotée de ce caractère public là... laïque.

Mme David : Mais il y avait quand même des représentants, jusqu'à il y a quelques mois, du diocèse de Montréal, en vertu de sa charte canonique.

M. Jolin-Barrette : Oui, je suis d'accord...

Mme David : Parce que la question est peut-être, là... peut-être que ça embête les gens, mais, dans une étude détaillée, on pose des questions, y compris les plus pointues peut-être. Elle est pointue, mais c'est parce que ça peut être intéressant aussi pour d'autres institutions, établissements universitaires, entre autres, parce que les collèges privés, les cégeps ne sont pas liés à ça. Alors, c'est une question qui me vient, parce que, peut-être, ça va être une vraie question pour ces institutions. Je vous demanderais de bien vérifier pour les rassurer, au cas où je les aie inquiétés.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Vous pouvez les rassurer. M. le Président, la députée de Marguerite-Bourgeoys peut les rassurer. Mon incroyable équipe me dit : C'est déjà prévu dans le projet de loi, à l'article 11. On va le voir plus tard. La Loi sur la laïcité s'applique d'une façon postérieure à toutes les lois qui seront adoptées. Donc, exemple, dans l'éventualité où la charte de l'Université de Montréal contenait de telles dispositions, elle perdure dans le temps, même avec l'adoption de la Loi sur la laïcité, jusqu'à ce qu'elle soit modifiée. Alors, à ce moment-là, lorsqu'il y aura une loi modificatrice, elle devra respecter le principe de laïcité.

Mme David : En tout cas, ça va être intéressant. Essayez d'aller juste, avec votre formidable équipe, un peu plus loin sur... Parce que moi, j'ai peur d'avoir des appels et des inquiétudes sur... Écrivez quelque chose ou dites quelque chose là-dessus pour que je n'aie pas à gérer les conséquences de ma question toute la fin de semaine.

M. Jolin-Barrette : Oui. Bien, M. le Président, vous pouvez faire un renvoi d'appel vers mon équipe et on va...

Mme David : ...avec plaisir.

M. Jolin-Barrette : Oui, c'est ça. Mais il faut adopter l'article 11 pour faire cela. Mais je vais juste, M. le Président, pour le bénéfice, là, des membres de la commission, là... Je référais à l'article 11. 11, ça va être : «Les dispositions de la présente loi prévalent sur celles de toute loi postérieure qui leur seraient contraires, à moins que cette dernière [...] n'énonce expressément s'appliquer malgré la présente loi.

«Les dispositions des articles 1 à 3 ne prévalent pas sur celles de toute loi antérieure qui [lui] sont contraires.»

Donc, dans l'éventualité où, exemple, c'était prévu avec la charte de la ville... excusez-moi, la Charte de l'Université de Montréal, elle perdurerait dans le temps jusqu'à tant que la Charte de l'Université de Montréal serait modifiée. Donc, vous pouvez rassurer...

Mme David : ...modifiée grâce à moi, entre autres. Elle a été modifiée.

Maintenant, vous avez dit quelque chose tout à l'heure, puis je vais revenir sur les juges après, mais vous avez dit que j'avais fait une loi effectivement balisant, entre autres, toute la question des violences à caractère sexuel dans les établissements d'enseignement supérieur, et je voulais juste vous sensibiliser au fait que cette loi-là a été adoptée à l'unanimité, et cette loi-là a été extrêmement bien travaillée en commission parlementaire. Les oppositions ont fait des commentaires qui ont beaucoup bonifié la loi, beaucoup, beaucoup. Et moi, j'ai toujours dit : Ça peut être extraordinaire, une commission parlementaire, parce que les oppositions... plus on est de cerveaux à réfléchir à quelque chose, meilleure peut être la loi.

Alors, souhaitons-nous le même processus. Mais, en espérant arriver à ça, je vais revenir sur vos juges, vos juges et l'impartialité, justement. Vous avez raison, l'impartialité, j'ai dû la pratiquer pendant toute ma carrière où je recevais des patients dans mon bureau. C'est évident que je me récusais, moi aussi, auprès de patients, ce n'est pas le même terme qu'on va employer, mais... en disant : Je ne peux pas vous traiter parce que j'ai eu votre mari il y a deux ans, ou j'ai eu votre cousine, ou j'ai eu votre ex-conjoint. On a un code de déontologie qui nous oblige.

Alors, les juges, c'est la même chose. Et donc, oui, il y a eu même des juges qui ont été condamnés à... d'avoir... ne pas avoir été impartiaux pour, par exemple, des cas de viol qu'ils avaient plaidés, ou des choses comme ça, ou des propos déplacés. Alors, ça ne touchait pas du tout l'apparence, ça touchait justement leur comportement.

Ce à quoi je veux juste en venir, et je vais conclure là-dessus, c'est que la société, tous les ordres professionnels, tous les gens se sont dotés de codes, justement, de conduite pour dire : On ne peut pas... si vous ne voulez pas être radié de la profession — entendons Conseil de la magistrature dans le cas des juges, mais c'est l'équivalent — vous ne pouvez pas vous comporter de façon x ou y, et ce, totalement indépendamment de port ou non de signes religieux. Je pense qu'on est d'accord là-dessus.

M. Jolin-Barrette : Bien, oui, dans le cadre d'un ordre professionnel, il y a un code de déontologie à respecter. Dans ce que dit la députée de Marguerite-Bourgeoys, exemple, dans les cas où les juges seraient blâmés, souvent, ça fait suite à une plainte au Conseil de la magistrature, qui disent : Bien, supposons que c'est dans le cadre de votre agissement, c'est des dispositions qui sont prévues là-dessus aussi. Mais, pour ce qui est de l'apparence de partialité aussi, bien, ça fait suite également à une plainte aussi, mais il y a une requête qui peut être formulée directement au juge pour faire en sorte qu'il se récuse dans un dossier.

Le Président (M. Bachand) : Merci à vous tous et toutes.

Compte tenu de l'heure, la commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 12 h 59)

(Reprise à 15 h 4)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, bienvenue. La Commission des institutions reprend ses travaux. Je demande, bien sûr, à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

Je vous rappelle que la commission est réunie afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 21, la Loi sur la laïcité de l'État. Lors de la suspension de nos travaux, ce matin, les discussions portaient sur l'article 3. Alors, interventions? Mme la députée de... M. le député de Nelligan, s'il vous plaît — pardon.

M. Derraji : Merci, M. le Président. Écoutez, je suis extrêmement heureux de me joindre aux discussions et aux débats sur le projet de loi n° 21. J'ai le plaisir d'échanger et de partager mes réflexions avec M. le ministre et ainsi que d'autres collègues par rapport au projet de loi n° 9, donc c'est toujours agréable échanger avec M. le ministre.

Écoutez, ma première question, en entendant les réponses tout à l'heure de M. le ministre par rapport à l'article 3... et je voulais juste qu'il m'explique sa vision par rapport à la notion où il dit «en fait et en apparence». Donc, s'il peut juste clarifier un peu plus qu'est-ce qu'il veut dire par rapport à «en fait et en apparence», dans cet article, justement par rapport aux institutions parlementaires, institutions gouvernementales et les institutions judiciaires.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui. Bon après-midi, M. le Président. Écoutez, je suis heureux de retrouver le député de Nelligan. Vous savez, on se voit pas mal souvent ces temps-ci sur le projet de loi sur l'immigration, alors je constate que le député de Nelligan est heureux de participer aux travaux avec moi. Je commençais à m'ennuyer, justement.

Donc, sur la question d'apparence. Comme je le disais tout à l'heure, je pense que c'est à la collègue de Bourassa-Sauvé, la question de l'apparence, ça s'inspire notamment du jugement Mouvement laïque québécois, qui a consacré le caractère d'apparence de neutralité religieuse, entre autres, en fait, mais également, alors, ça couvre les quatre principes du projet de loi... les quatre principes de la définition de la laïcité. Donc, c'est pour ça qu'on met l'apparence également.

Mme Robitaille : Là-dessus...

Le Président (M. Bachand) : Oui, Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : Oui. Justement, là-dessus, tout à l'heure, on en parlait, justement, la laïcité peut s'interpréter de toutes sortes de façons. Le ministre nous disait hier qu'il était d'accord... en tout cas, une de ses bases de réflexion, le socle, en fait, son inspiration, c'était le rapport Bouchard-Taylor, qui parlait de... et le rapport Bouchard-Taylor parle d'une laïcité ouverte. Et donc il y a toutes sortes de laïcités, et c'est pour ça qu'on interpelle le ministre, on lui pose des questions, à savoir quelles sont les balises de cette laïcité dont il décrit.

Et on parlait tout à l'heure de l'arrêt Saguenay, où, là encore, la laïcité décrite est très, très ouverte. Et «en fait et en apparence», dans l'article 3, comme on le disait tout à l'heure, fait référence au paragraphe 137 de l'arrêt Saguenay, et l'article 137, c'est une laïcité ouverte. Et c'est ma question au ministre : Je me demandais... En fait, il parlait des institutions, l'article 3 parle des institutions, mais les institutions doivent gérer leur personnel, gérer les agents, et, à la lumière de l'article 137, bien, je ne sais pas, mais il me semble que les institutions ne peuvent pas interdire à quelqu'un de vivre sa foi. Donc, je me demandais... je demande au ministre s'il n'y a pas une contradiction.

Il prend la peine, encore une fois, de mettre, dans ses commentaires, le paragraphe 137 de cet arrêt-là et, d'un autre côté, il nous dit, ailleurs dans son projet de loi, que les institutions auront le droit de dire à quelqu'un : Non, tu ne portes pas ton foulard. Tout à l'heure, il nous disait : Bien, l'article 6, ce n'est pas l'article 3, mais, en même temps, et puis c'est ce que je comprends, il me semble que l'institution elle-même gère son personnel. Et donc l'article 3 et l'article 6 sont nécessairement liés. Et on dirait qu'on a des signaux un peu contradictoires, on a une idée qu'«en fait et en apparence» c'est une laïcité ouverte, mais le ministre nous dit : Non, non, et son projet de loi nous dit : Non, non non plus. Alors, comment réconcilier les deux?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

• (15 h 10) •

M. Jolin-Barrette : Dans Mouvement laïque québécois, on parle de neutralité, et le concept de laïcité n'est pas défini. C'est la première fois qu'on définit le concept de laïcité. Donc, on n'est pas dans le cadre de laïcité ouverte, laïcité stricte, on est dans un modèle de laïcité qu'on développe ensemble, une laïcité québécoise. Alors, oui, on s'inspire de Mouvement laïque québécois en ce qui a trait à la neutralité religieuse de l'État. Cela étant dit, ce que la Cour suprême a dit, ce n'est pas la même chose non plus que la Cour d'appel, où la laïcité très, très ouverte était celle du jugement de la Cour d'appel.

Mais je veux juste qu'on revienne, là, à la base puis à la discussion. Ce qu'on crée avec le projet de loi... Parce que c'est nouveau, là, hein? La cour, là, ce sur quoi elle s'est prononcée, c'est au niveau de la neutralité religieuse de l'État. Elle dit : Ce n'est pas possible de faire une prière dans un conseil municipal, ce n'est pas possible de faire une prière confessionnelle dans le cadre d'un conseil municipal avant la séance du conseil. Elle dit : L'État doit faire preuve de neutralité religieuse en fait et en apparence. Ça, c'est jusqu'à la sanction du projet de loi. Là, on change le droit. On rajoute des éléments, on crée un nouveau concept qui s'appelle la laïcité, laïcité de l'État, qui comprend notamment le principe qui est défini par la Cour suprême.

Mme Robitaille : J'entends le ministre, M. le Président, mais, en même temps, je me demande pourquoi alors il fait référence à quelque chose de très, très, très neutralité, dans les explications de ce paragraphe 3° là, qui est le socle de ce qui va venir après, qui est la base de ce qui va venir après.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : On y réfère notamment parce que c'est une des composantes de la laïcité, c'est une des quatre composantes de la laïcité. Puis, tout à l'heure, M. le Président, la collègue de Bourassa-Sauvé nous disait : Ah! l'interprétation qui est faite par la cour de ça... puis moi, je l'interprète de cette façon-là. Or, les gens qui sont venus, du Mouvement laïque québécois, là, notamment M. Baril, qui était l'expert, ils n'interprètent pas du tout comme la députée de Bourassa-Sauvé, l'interprétation de neutralité religieuse de l'État dans Mouvement laïque québécois. C'est dans son mémoire.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée.

Mme Robitaille : Donc, les institutions, là, on se comprend, là, là-dessus, je pense qu'on s'entend là-dessus, elles doivent être totalement neutres, hein? Encore une fois, là, le petit bout de phrase : «L'objectif de la neutralité est plutôt de faire en sorte que l'État demeure [...] ouvert à tous les points de vue, sans égard à leur fondement spirituel», il ne faut pas... Dans ce que dit le ministre, il faut que l'institution, là, demeure totalement neutre, n'envoie aucun signal, aucune apparence qu'on est d'un bord ou de l'autre, qu'on est catholique ou musulman. C'est bien ça?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Non. La neutralité, là, de l'État, là, c'est dans le traitement notamment. Je reprends mon exemple, là, de la SAAQ, là, la Société d'assurance automobile du Québec. La neutralité religieuse de l'État, c'est le fonctionnaire qui traite le citoyen ou la citoyenne qui vient et qui le traite neutre d'une façon religieuse, qui n'a pas de préjugé par rapport à une confession religieuse plutôt qu'à une autre.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée.

Mme Robitaille : Et, dans une école, par exemple, si je comprends le ministre, là, il ne devrait pas y avoir de croix, il ne devrait pas y avoir rien de ça, il ne devrait pas y avoir de signe religieux.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

Mme Robitaille : Mais là dans l'institution, dans l'école.

M. Jolin-Barrette : Non, mais exemple, là, le professeur, là, ou, supposons, l'adjointe de direction ou l'adjoint de direction, lorsqu'il ou elle est dans ses fonctions, elle va appliquer les principes de laïcité de l'État. Dans le cadre d'une école publique, elle va appliquer le principe de laïcité, qui sous-entend celui de la liberté de religion, de la liberté de conscience, qui sous-entend celui de la neutralité religieuse. Donc, peu importe la confession religieuse de l'enfant ou des parents, ils recevront le même traitement par rapport à l'application de la loi.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée.

Mme Robitaille : Je veux juste vous lire un petit passage de Pierre Bosset puis je voulais juste avoir l'opinion du ministre là-dessus. Parce qu'il y a toutes sortes de formes de laïcité, hein? Alors, dans son mémoire, page 13, il dit : «Non seulement les quatre principes qui sous-tendent la laïcité sont-ils déjà reconnus dans notre droit, et ce, depuis fort longtemps, mais on voit bien que ces quatre principes ne s'opposent pas — bien au contraire — à l'expression individuelle des croyances ou des appartenances religieuses par des agents de l'État, et ce, tant et aussi longtemps que la neutralité de l'État demeure respectée sur le plan matériel.» Est-ce qu'il est d'accord avec ça?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez, c'est l'opinion de Pierre Bosset.

Mme Robitaille : ...l'opinion du ministre.

M. Jolin-Barrette : Bien, moi, je suis sur l'article 3 relativement au concept des différents pouvoirs de l'État, qui sont séparés en trois, et au fait que la laïcité s'applique à ces trois pouvoirs de l'État québécois. Donc, écoutez, M. Bosset est venu nous entretenir dans le cadre de la commission parlementaire. Ce sont des propos intéressants, et je salue sa contribution aux travaux. Cela étant dit, le choix du gouvernement du Québec, et d'ailleurs votre choix aussi... pardon, le choix de la députée de Marguerite-Bourgeoys, c'est de définir la laïcité comme ayant quatre principes qui soutiennent la laïcité. Mais là, à l'article 3, ce qu'on fait, là, c'est qu'on dit : Qui est visé par la laïcité de l'État? Bien, c'est l'État et donc les trois pouvoirs associés à l'État : le judiciaire, l'exécutif et le législatif.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : Et donc toute cette question de laïcité là et le sens qu'on donne au mot «laïcité», évidemment, prend tout son sens, toute son importance. On parle des institutions à l'article 3. Moi, je me pose la question : Les bâtiments, là, les bâtiments qui accueillent ces institutions-là, on suit quel principe? Quel genre de laïcité? Qu'est-ce qu'on veut voir sur les murs? Qu'est-ce qu'on veut transposer? Qu'est-ce qu'on veut projeter?

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Bien, le principe, et on le voit dans le cadre du projet de loi, pour l'aspect patrimonial des choses, ça demeure en place, mais les institutions sont laïques, donc les bâtiments aussi.

Mme Robitaille : O.K. Donc, les bâtiments sont laïques. Les gens, dans le bâtiment, qui ont des positions d'autorité, ils ne portent pas de signe religieux. Donc, si je comprends bien, sur les murs, il ne devrait pas y avoir de signe religieux non plus.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, ça appartient aux différentes institutions d'évaluer. Si ça a un caractère patrimonial, il y a une disposition, dans la loi, qui fait en sorte que ce qui est patrimonial demeure patrimonial. L'idée, M. le Président, c'est que la loi est pour le futur, donc par rapport aux autres dispositions qui s'appliquent et aux nouvelles dispositions qui s'appliqueront. C'est l'article 16.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée.

Mme Robitaille : À l'article 3, par contre, on parle d'«en fait et en apparence». En apparence, donc, l'apparence de ces bâtiments-là qu'habitent les institutions. Il me semble que, si les gens ne peuvent pas porter de signe religieux, les murs ne devraient pas non plus en porter, non? Je ne sais pas, là, je pose la question au ministre.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Bien, M. le Président, c'est l'opinion de la députée de Bourassa-Sauvé. Si elle souhaite décrocher tous les signes religieux de toutes les institutions québécoises, ça lui appartient. Nous, on dit : On laisse les différentes... Exemple, ici, à l'Assemblée nationale, on ne touche pas au bâtiment patrimonial. On s'est engagés à retirer le crucifix, de consentement avec vous, mais, pour tout le reste, on ne commence pas à enlever les choses qui sont sur les murs, là.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée.

Mme Robitaille : J'ai une question pour le ministre : Pourquoi on enlève le crucifix à l'Assemblée nationale?

M. Jolin-Barrette : M. le Président, j'ai une question pour la députée de Bourassa-Sauvé : Pourquoi souhaite-t-elle enlever le crucifix à l'Assemblée?

Mme Robitaille : Ma question est au ministre : J'aimerais qu'il nous explique pourquoi on enlève le crucifix à l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Bachand) : Alors, s'il vous plaît, ne pas refaire un peu ce qu'on a fait hier, là, question versus question, là, s'il vous plaît. Alors, M. le ministre, la parole est à vous.

• (15 h 20) •

M. Jolin-Barrette : Bien, M. le Président, nous, on a dit aux Québécois : C'est une question de compromis. Le salon bleu, c'est là où on vote les lois. Le crucifix qui a été installé par le premier ministre Duplessis... bien, en fait, il y a une motion qui avait été votée par un de ses députés pour installer le crucifix à l'Assemblée nationale. Par la suite, on sait que ce n'est pas le crucifix original qui est là, c'est une réplique, je crois, de 1982, et, de façon à faire en sorte que, puisque les lois sont votées dans le salon bleu, que l'État québécois se dote d'une loi sur la laïcité de l'État, il nous est apparu opportun de faire un compromis pour retirer le crucifix et le mettre en valeur ailleurs dans l'enceinte du Parlement.

Et d'ailleurs le Parti libéral du Québec a appuyé la motion que j'ai présentée. Je serais curieux de savoir s'ils ont appuyé la motion pour les mêmes motifs que moi.

Le Président (M. Bachand) : Intervention? Mme la députée, oui.

Mme Robitaille : Donc, le ministre nous dit qu'on se dote d'une loi sur la laïcité, donc on se doit aussi d'enlever le crucifix à l'Assemblée nationale. Moi, je me demande pourquoi son parti... Bien, je vois ici un article, dans le journal, et je pense que c'est encore la position de son gouvernement, du 16 octobre 2018, la ministre de la Justice, hein, Mme Vallée... pardon, Mme LeBel, Sonia LeBel, qui dit : Oui aux crucifix dans les palais de justice. Si on enlève le crucifix de l'Assemblée nationale, si on décide de l'enlever, justement, parce qu'on passe une loi sur la laïcité, il n'y a pas un malaise de garder le crucifix dans les palais de justice, dans les salles d'audience des palais de justice?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez, l'article 16 est prévu à la loi. Donc, ce qui est patrimonial peut demeurer. Et je voudrais vous renseigner, M. le Président, sur le fait que, dans toutes les nouvelles constructions, il n'y a pas de signe religieux. On ne commencera pas à enlever tous les signes religieux dans toutes les institutions qui a eu cours, à la fois les institutions juives, de religion musulmane, de religion catholique, de religion protestante, luthérienne, baptiste. Si le Parti libéral veut arriver avec le pic du démolisseur, ça leur appartient, mais, nous, ce n'est pas notre intention.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : Oui. Bien, des crucifix, ça se décroche. On parle d'apparences, là, «en fait et en apparence». Le ministre nous dit qu'un juge, par exemple, ne devrait pas... il préférerait qu'il ne porte pas de signe religieux, en fait et en apparence. Alors, s'il y a une croix... il y a un juge et puis, derrière lui, il y a une grosse croix, il n'y a pas une apparence d'une certaine partialité, là, si on suit le raisonnement du ministre?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : ...

Mme Robitaille : Alors, oui, le ministre parle de laïcité. L'article 3 parle d'apparence, «en fait et en apparence». Il nous parle de laïcité, de sa façon de voir la laïcité, de la façon... un peu de la laïcité comme il le voit, là, dans projet de loi. Donc, j'essaie de comprendre comment un gros crucifix derrière un juge n'aurait pas une... ne donnerait pas une apparence d'une certaine... Si on suit sa logique, là, si on décroche le crucifix à l'Assemblée nationale, il me semble que, dans une salle d'audience, il y a aussi une apparence quelconque, là, de... Tu sais, ce n'est pas tout à fait neutre.

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Effectivement, il pourrait être retiré.

Mme Robitaille : ...palais de justice?

M. Jolin-Barrette : Pardon?

Mme Robitaille : On devrait le retirer des palais de justice. C'est ce que je comprends du ministre.

M. Jolin-Barrette : Non, ce n'est pas ce que je dis. J'ai dit : Ils pourraient être retirés s'ils ne sont pas patrimoniaux.

Mme Robitaille : O.K. Qu'est-ce qui est patrimonial et qu'est-ce qui est religieux dans ce sens-là?

M. Jolin-Barrette : Bien, ça fait partie de l'analyse qui doit être faite. Mais, dans le cadre d'une cour de justice, effectivement, vous avez un bon point sur le fait de dire : Bien, écoutez, quand on se présente devant le tribunal, effectivement, il m'apparaît que peut-être que la salle de cour devrait être, en apparence, neutre sur le plan religieux. Cela étant dit, la Cour suprême ne requiert pas cela. Exemple, dans Mouvement laïque québécois, ils n'ont pas requéri... du fait d'enlever le crucifix de la salle du conseil municipal. Ça appartient à l'organisme d'évaluer est-ce que c'est opportun de retirer ou non ce signe religieux là. Exemple, à la cour, ça pourrait être enlevé. Mais l'article 16 est là pour encadrer le tout.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée.

Mme Robitaille : Si je peux me permettre. Le ministre nous disait tout à l'heure qu'il veut aller plus loin que la simple neutralité religieuse décrite dans le jugement. Et là il semble dire que, oui, en effet, peut-être que les crucifix n'ont pas leur place dans les palais de justice. Alors, qu'est-ce qu'il va suggérer à sa ministre de la Justice? Ou qu'est-ce qu'il... À la lumière de son projet de loi sur la laïcité, est-ce qu'on ne devrait pas, pour être cohérents, conséquents, retirer tous les crucifix des palais de justice?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

Une voix : On vous chuchote à l'oreille, M. le ministre.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui. Mais, bien, vous savez, on est présentement à l'étude du projet de loi. Lorsque le projet de loi sera adopté, ça pourra faire l'objet de réflexions.

Mme Robitaille : Donc, si je comprends bien, vous êtes d'accord avec cette idée-là que c'est un peu incohérent, là, d'avoir des crucifix dans les palais de justice?

M. Jolin-Barrette : Bien écoutez, ça sera à ma collègue de la Justice d'évaluer la pertinence des crucifix, mais je pense qu'elle doit y réfléchir présentement, déjà, en lien avec le principe de la laïcité. Ça va faire certainement l'objet d'une réflexion au ministère de la Justice.

Le Président (M. Bachand) : Interventions? M. le député de Nelligan... Oh! oui, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît — pardon.

Mme David : C'est parce que là on tombe dans un domaine dans lequel j'ai un petit peu pataugé, comme ministre de la Culture et du Patrimoine. Et c'est extrêmement important, cette conversation-là, parce que, quand on lit, à l'article 16 : «notamment du patrimoine culturel religieux», on a une loi sur le patrimoine... Je ne pense pas ici qu'il y a des gens du ministère de la Culture, mais il y a des grands savants de ce qu'est la Loi sur le patrimoine culturel, et n'est pas déclaré patrimonial n'importe quoi qui est vieux. À ce titre-là, je pense qu'on fait tous partie du patrimoine passé un certain âge, là. Ça ne marche pas de même, le patrimoine.

Le patrimoine, ça prend une étude très, très exhaustive de la qualité... on parle de crucifix, de la qualité du crucifix dans l'église x ou y. Puis c'est encore plus complexe que ça. On peut, et vous le savez, vous avez... on a parlé de la maison Boileau, on a parlé de la Loi sur le patrimoine culturel, absolument...

Une voix : ...

Mme David : Ah! bien oui, tiens, il connaît ça. Et puis moi, j'avais été un peu prise dans ça aussi. Mais justement toute la question du patrimoine, c'est la Loi du patrimoine qui dit... non seulement qui régit le patrimoine, une fois que l'objet est déclaré, cité... ou patrimoine national, parce qu'il y a différents niveaux, mais le patrimoine religieux aussi. Il y a des églises qui sont vraiment classées patrimoniales, il y en a qui ne le sont pas, il y a des catégories a, b, c, d, etc. Donc, si on veut être sérieux, on ne peut pas juste dire : Le crucifix fait partie de notre histoire catholique. C'est bien différent, l'histoire et le patrimoine.

Donc, j'entends du ministre... C'est important, cette conversation-là. Il s'est avancé, et je salue cet avancement-là. Mais là vous ferez lever peut-être la ministre de la Justice, à ce moment-là. Donc, je comprends bien, si on pose une question en Chambre, vous la référerez au ministre de la Justice, mais... Parce que vous avez bien dit : C'est la ministre de la Justice. J'oserais dire : C'est même la ministre de la Culture parce que, là, un ne va pas sans l'autre. Si le crucifix, il est vraiment classé patrimonial, il va y avoir la ministre de la Culture qui va intervenir, et je pense c'était ça, l'esprit de votre article 16. Mais ce n'est pas parce qu'il reste 17 crucifix dans 17 palais de justice — je ne pense pas me tromper sur le chiffre — que ces 17 là sont des oeuvres d'art classées patrimoniales, que ça soit l'idée du patrimoine au sens large. C'est notre passé, mais il y a bien des vieilles maisons qui sont notre passé, mais qui ne sont pas du tout du patrimoine ni classées patrimoniales.

Alors, je voulais juste entendre le ministre là-dessus pour qu'on se comprenne sur ce que ça veut dire éventuellement, la gestion de la suite de l'article 16. Donc, ce n'est pas juste une petite conversation comme ça.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

• (15 h 30) •

M. Jolin-Barrette : Oui. Je vais répondre, M. le Président. Cela étant dit, le débat que nous faisons, c'est celui de l'article 16. Je veux juste qu'on en soit bien conscients. Oui, effectivement, c'est ce qui est... l'article 16, là, ça dit : «La présente loi ne peut être interprétée comme ayant un effet sur les éléments emblématiques ou toponymiques du patrimoine culturel du Québec, notamment du patrimoine culturel religieux, qui témoignent de son parcours historique.» Donc, on amène un aspect historique aussi là-dedans. Donc, c'est plus large que simplement le patrimoine culturel. Il faut se rattacher à ça.

Et l'idée derrière ça, il peut arriver, dans certaines institutions, comme le disait à juste titre la députée de Bourassa-Sauvé, que, dans une salle de cour, il pourrait ne pas être approprié de maintenir un crucifix. Il pourrait. Et on va laisser la ministre de la Justice faire l'analyse de tout ça et aussi en lien avec le fait est-ce qu'il y a un aspect patrimonial aussi à ça. Vous savez, ce n'est pas simple aussi. Je pense qu'à travers tout ça il faut respecter notre histoire, il faut respecter l'histoire de tous les Québécois. Alors, c'est un sujet qui amène plusieurs réflexions.

Et surtout un des objectifs de la loi aussi, c'est... à partir de maintenant, à partir de la date de la sanction, pour le futur, donc, on ne construirait pas un immeuble gouvernemental avec un signe religieux. Ça, j'espère qu'on s'entend là-dessus. Donc, la loi a une portée prospective, pour le futur. Mais j'aimerais ça qu'on revienne à l'article 3 parce que le débat sur l'article 16, on pourra le faire en temps et lieu.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.

Mme David : Oui. Je suis tellement d'accord avec le ministre que j'allais revenir à l'article 3 pour dire... parce que ça nous aide à comprendre quelque chose ou, en fait, peut-être que moi, je ne l'avais pas compris, que, là, ça serait... Ma question, c'est : Pourquoi, en vertu de l'article 3... allons dans quoi, institutions parlementaires ou judiciaires? On doit donc comprendre ou déduire que c'est la ministre de la Justice qui aura autorité, à travers l'article 3, sur les crucifix des palais de justice. C'est ça?

M. Jolin-Barrette : En fait, l'administration de la justice est une compétence provinciale qui relève de la ministre de la Justice. Donc, au niveau des salles de cour, les palais de justice relèvent de la juridiction provinciale et de la ministre de la Justice.

Or, il y a un aspect aussi qui relève du Conseil de la magistrature. L'exercice de la fonction judiciaire aussi comprend la salle de cour. Donc, il y a un échange à avoir, le tout dans le respect de l'indépendance judiciaire.

Mme David : Mais allons dans un autre, peut-être... respect d'indépendance, des objets... Puis je ne veux pas nécessairement aller sur l'article 16. Ça vient plus sur la gouvernance de l'article 3, dans le fond, votre question. Là, on parle de la ministre de la Justice, mais les institutions gouvernementales, je le répète, on met, entre autres, les institutions d'enseignement, mais que dire... où il y a des crucifix. Il y en a dans des écoles, des cégeps, des universités, n'importe quoi, et il y en a dans les hôpitaux. Alors là, vous allez avoir tout votre Conseil des ministres qui va être, comment on dit ça, pas tributaire, mais responsable de tous leurs crucifix ou de leurs signes religieux sous l'article 3, là? Je parle bien de l'article 3.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Donc, on va le voir à l'article 16. L'important, c'est notamment le fait que les institutions, elles sont laïques, O.K.? On n'enlèvera pas tout ce qui a été bâti au Québec au cours des 400 ans d'histoire. Ça, je veux être très clair là-dessus. Ça fait partie du patrimoine, du parcours historique du Québec. D'ailleurs, la disposition à l'article 16, là, elle reprend une disposition qu'il y avait dans le projet de loi n° 62 qui avait été présenté par Mme Vallée, avec laquelle vous avez voté en faveur.

(Interruption) Excusez-moi. Vous connaissez l'expression, c'est le démon qui veut sortir.

Le Président (M. Bachand) : «Gesundheit»! Oui, M. le ministre, pour terminer ce point. Oui.

M. Jolin-Barrette : Dans le projet de loi n° 62, cet aspect-là fait l'objet de discussions, puis l'ensemble des collègues était conscient... Parce qu'à l'époque on parlait de la neutralité religieuse de l'État en fait et en apparence. L'article 16 a été mis là notamment pour s'assurer de préserver aussi ce qui témoigne du parcours historique du Québec. Donc, l'idée... Exemple, moi, j'ai des écoles dans mon comté. Dans la brique, hein, il y a des croix dans la brique. Il n'est pas question de démolir les écoles pour enlever les croix dans la brique, on s'entend, c'est très clair là-dessus.

La question soulevée par la députée de Bourassa-Sauvé est intéressante parce qu'on parle d'une salle de cour, et, en raison de toute la discussion que nous avons eue précédemment, à moins qu'il y ait un aspect patrimonial qui soit protégé, il pourrait être de bon aloi qu'il n'y ait pas de crucifix qui trône derrière le fauteuil d'un juge, effectivement.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : ...parce que je reviens à l'article que je vous citais tout à l'heure, M. le Président, et on me dit... et je cite la collègue du ministre, la ministre de la Justice, qui disait, le 16 octobre 2018 : «Un crucifix pendu au cou d'un juge porte atteinte à la laïcité de l'État, mais il est inoffensif cloué bien en vue sur le mur d'une cour de justice, estime la caquiste...» Bon, on parle de la ministre de la Justice. Alors, on remet ça en question, finalement, cette analyse-là, là, après plusieurs mois, plusieurs mois de réflexion sur ce que le ministre entend être la laïcité. On remet un peu en question les propos de l'époque de la ministre de la Justice.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Bien, M. le Président, j'ai déjà répondu à la question. Et le projet de loi n° 21, là, ce qu'il fait notamment, c'est que, dans les institutions, il n'y a pas de nouveau signe religieux et il n'y a pas de retrait de signes religieux qui font état du parcours historique du Québec. Alors, vous savez, la disposition, elle ressemble énormément à celle qui avait cours dans le projet de loi n° 62. Puis je pense que c'est important de s'assurer que ce qui est patrimonial, ce qui témoigne du parcours historique, ça demeure dans les différents bâtiments.

Vous savez, la députée de Marie-Victorin, là, énonçait le fait qu'il y avait d'autres signes religieux au salon bleu. Et, d'ailleurs, on en a des exemples ici aussi, je crois. L'Assemblée, à ma connaissance, n'a pas décidé de retirer ces signes religieux là. Ça fait partie du bâtiment, du patrimoine, du parcours historique du Québec, à moins que, M. le Président, la députée de Bourassa-Sauvé me dise qu'on devrait arracher tout ce qu'il y a sur les murs. Mais je ne pense pas que c'est le sens de son propos.

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le député de Nelligan? M. le député de Nelligan, s'il vous plaît.

M. Derraji : Oui, merci, M. le Président. Écoutez, depuis ce matin, j'essaie juste de suivre le raisonnement du ministre par rapport à la séparation qu'il fait entre les institutions et les individus. Si j'ai bien pu suivre le raisonnement du ministre, l'article 3 vise les institutions. Donc, on ne parle pas d'individus. Donc, quand on rentre dans une institution gouvernementale, à savoir parlementaire, gouvernementale ou judiciaire, on parle du bâtiment. Donc, on parle du béton, on parle de l'apparence des bâtiments.

Depuis tout à l'heure, le ministre évoque un exemple. Je sais que le ministre n'aime pas les exemples hypothétiques, mais le seul exemple qui me vient, c'est la prière au niveau du conseil municipal. Ma question, elle est très simple, M. le Président, à M. le ministre. Comment il voit les apparences des institutions? L'apparence, elle s'illustre comment? Donc, tantôt, tout à l'heure, j'ai entendu le ministre parler que je ne peux pas démolir une croix dans une brique. Il nous parle du parcours historique. Il parle du patrimoine. Mais, au bout de la ligne, cet article, il vise quoi exactement si on ne parle pas de ça?

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Juste la fin.

M. Derraji : Non, vous avez parlé du parcours historique, parcours religieux. Donc, cet article 3, il vise quoi si on enlève le parcours historique ou... Quand on voit un symbole, on dit : Bien, écoute, ça, c'est un symbole, on ne peut pas l'enlever, ça, c'est un symbole religieux. La prière, on va l'enlever? Donc, comment vous voyez l'apparence des institutions? Je ne parle pas des individus, hein? Je sais qu'on va parler de ça un peu plus tard. Je veux juste qu'on se concentre sur les institutions, votre définition de la laïcité des institutions.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.

• (15 h 40) •

M. Jolin-Barrette : Juste quelques spécifications en lien avec ce que le député de Nelligan vient de dire. Il dit : Les institutions, c'est le béton. Pas tout à fait. Oui. Oui, mais... hein? Une institution, là, ça n'a pas nécessairement besoin...

Prenons le cas le l'Université de Montréal, O.K.? L'Université de Montréal vit en soi. Même quand on n'est pas dans la tour centrale, l'Université de Montréal existe. Elle a une existence. Elle est créée par l'État, par une loi. Elle a une vie propre en soi. Cette institution, qui n'a pas besoin d'être matérielle au sens d'avoir une table, des bâtiments, tout ça, puisqu'elle est le prolongement de l'État, elle se doit d'être laïque.

Vous dites : L'article 3 ne touche pas les individus. L'article 3 ne touche pas les individus au sens d'interdire le port de signes religieux. C'est l'article 6, ça. Mais, dans la conduite des... pas des préposés, là, mais des employés, dans la conduite des employés, ils représentent l'État, l'institution judiciaire, parlementaire ou gouvernementale, et donc ils se doivent d'agir d'une façon laïque dans leur comportement.

Et je reviens à mon exemple de la SAAQ. Quand vous allez faire votre permis de conduire, bien, le préposé de la Société de l'assurance automobile du Québec qui vous sert doit appliquer les principes de la laïcité de l'État. Donc, il va devoir s'adresser à vous, en tant qu'agent gouvernemental, en respectant la neutralité religieuse de l'État, en respectant votre liberté de conscience et liberté de religion, en respectant l'égalité et le principe de séparation entre l'État et les religions.

Donc, oui, ça inclut le béton, et, non, ça n'inclut pas le béton parce que ça vise l'institution immatérielle. Ça couvre aussi les employés dans l'exercice de leurs fonctions. Est-ce que vous me suivez?

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Nelligan, s'il vous plaît.

M. Derraji : Oui, oui, je vous suis. Excellent. Donc là, vous ne parlez plus du béton. Vous avez inclus maintenant les individus, qui vont véhiculer cette laïcité. Oui ou non?

M. Jolin-Barrette : Est-ce que les individus véhiculent la laïcité?

M. Derraji : Bien, c'est ce que vous venez de dire. Vous avez dit que — écoutez, l'exemple de la SAAQ — l'individu sera responsable d'appliquer la laïcité de l'institution qu'il représente. Est-ce que c'est bien ça que j'ai compris?

M. Jolin-Barrette : Oui, parce que l'individu... Lorsque vous vous adressez pour un service public, comment s'opère la laïcité ou comment s'opèrent toutes les règles que l'État québécois se dote? C'est notamment par l'exercice du travail de ses préposés. Aussi, on parle des politiques qui sont développées, des pratiques, l'apparence d'institution, mais aussi le comportement des individus dans le cadre de leurs fonctions.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Nelligan.

M. Derraji : Oui, merci, M. le Président. Donc, somme toute, un élément important dans l'application de la laïcité des institutions que le ministre vise, c'est les individus parce qu'on ne peut pas avoir, techniquement, la mise en place de cette laïcité sans individu. Donc, le raisonnement fait depuis ce matin, et le ministre peut me corriger si je me trompe, il ne parlait, ce matin, que des institutions.

Une voix : ...

Le Président (M. Bachand) : Terminez votre question, M. le député.

M. Derraji : Oui. Là, le ministre a clarifié ma pensée — je le remercie — que, dedans, on doit inclure les individus. Donc, l'élément qui va véhiculer cette laïcité à l'intérieur de l'institution, c'est un individu. Donc, on ne parle plus juste du bâtiment, du béton ou d'un symbole, que ce soit le palais de justice, que ce soit un hôpital aussi, conseil municipal, parlement. Donc, l'ensemble de ces institutions, à l'intérieur, il y a des individus qui vont véhiculer cette laïcité. Est-ce que, jusqu'à ce point, on est d'accord, M. le ministre?

M. Jolin-Barrette : Bien, c'est ce que j'ai dit ce matin.

M. Derraji : Pas de problème. C'est excellent. Moi, je veux juste comprendre l'essence même de l'article 3 parce qu'on nous dit qu'un peu plus tard on va voir l'impact sur les individus, l'article 6.

M. Jolin-Barrette : Attention! Attention...

M. Derraji : Je n'ai pas terminé.

Le Président (M. Bachand) : S'il vous plaît! M. le député, oui.

M. Derraji : Pas de problème. Et le ministre va avoir le luxe de me répondre sans aucun problème pour clarifier et même me donner plus d'explications parce que je suis là pour comprendre le raisonnement derrière l'article 3. Donc, le ministre nous a résumé sa vision de l'article 3, qui s'illustre dans des institutions avec les individus qui vont véhiculer la laïcité. Si on prend ces individus qui vont véhiculer la laïcité, est-ce que le ministre, il est d'accord avec moi que la mise en place de ça va affecter certaines personnes?

M. Jolin-Barrette : Non.

Mme Robitaille : Je peux faire du pouce...

Le Président (M. Bachand) : Bien, c'est parce que M. le député de Nelligan avait la parole. Mais, si monsieur est d'accord, moi, je peux vous passer la parole, Mme la députée de Bourassa-Sauvé, sans problème.

Mme Robitaille : Justement, mon collègue de Nelligan a tout à fait... bien, en fait, clarifie les choses et nous ramène à justement ce qu'on se disait ce matin : Oui, les institutions... en fait, les individus sont la continuation de l'institution, hein? Et donc, comme je le disais tout à l'heure, l'article 3 et l'article 6, ils doivent être vus ensemble nécessairement. Le Mouvement laïque québécois, là, nous dit... et je le disais tout à l'heure, je vais encore le répéter, mais parle de neutralité religieuse, et c'est là-dessus qu'on se base quand on dit «en fait et en apparence». Donc, si l'institution fait en sorte qu'elle doit être laïque — au sens de Saguenay — en fait et en apparence, donc neutre, les gens en position d'autorité qui représentent ces institutions-là, là, je vois mal comment on peut leur interdire, dans le sens de cet article-là, de vivre leur conscience, de vivre leur liberté de religion, de porter un foulard. Donc, c'est pour ça que je disais tout à l'heure qu'il semble y avoir une espèce de contradiction ici, là.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, je veux juste vous faire un commentaire. Je suis prêt à répondre aux questions, mais vous abordez l'article 6 alors qu'on est à l'article 3. On va y venir, à l'interdiction du port de signes religieux. Là, on est sur la laïcité des institutions. Il faut arrêter de parler de l'interdiction du port de signes religieux pour certains employés à l'article 3. Ce n'est pas ce que 3 prévoit. 3, c'est la laïcité de l'État, O.K., à travers les trois pouvoirs, O.K.? Lorsque vous avez un employé, celui-ci exprime la laïcité de l'État au jour le jour, au quotidien, lorsqu'il est en interrelation avec les citoyens, comme il le faisait auparavant avec la neutralité religieuse de l'État. Ça n'a aucun lien avec l'interdiction de port de signes religieux, l'article 3, là. L'article 3, là, vise les institutions, le prolongement... L'expression... L'interdiction, là, du port de signes religieux à 6 découle du fait que les individus ont un pouvoir particulier qui représente l'État. L'État, il est laïque en vertu de l'article 1.

Ensuite, on a les quatre principes à l'article 2. À l'article 3, on fait en sorte que les institutions, qu'elles soient judiciaires, qu'elles soient parlementaires ou gouvernementales, viennent établir que c'est à travers ces trois fonctions-là que la laïcité s'exprime. Pourquoi est-ce que certaines personnes sont interdites de porter des signes religieux? Parce qu'elles sont dotées d'un pouvoir, d'une fonction particulière au sein de l'État, qui découle de la laïcité exprimée par l'article 3. Mais il est faux de dire qu'à 3 ça interdit de porter des signes religieux. À 6, 6 interdit de porter des signes religieux.

Donc, dans un premier temps, l'article 3 s'applique aux institutions, et ça s'applique aux individus dans le cadre du devoir de neutralité. Supposons... Tout à l'heure, on parlait du visage à découvert et sur le prolongement, l'interdiction du port de signes religieux. Mais il ne faut pas faire l'amalgame entre 3 et 6 pour dire : À cause de 6, on interdit de porter un signe religieux. La personne... Prenons le policier. Il représente, là, le pouvoir gouvernemental. Cette personne-là, en raison des fonctions particulières que l'État lui confère, elle se doit d'être en apparence laïque en fait et en droit... pardon, en fait et en apparence. Mais elle incarne ce pouvoir-là de l'État parce que l'État, il est laïque, les forces policières sont laïques, mais on vient...

Et la députée de Marguerite-Bourgeoys l'a dit, on a fait un choix relativement aux personnes qui sont visées. Le Parti québécois nous reproche de ne pas avoir fait le choix de viser les enseignants du secteur privé et d'avoir visé les éducatrices en CPE. Ça ne faisait pas partie des engagements. Ça ne faisait pas partie non plus du rapport Bouchard-Taylor. Mais l'article 6 est l'expression, dans son prolongement, de l'article 3, mais l'inverse n'est pas vrai non plus. C'est juste ça. Je veux qu'on démêle le tout sur les deux.

• (15 h 50) •

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.

Mme David : C'est fort intéressant. Et puis je comprends tout à fait et je suis d'accord avec ce que dit le ministre. Si on arrêtait le projet de loi à l'article 3, je pense qu'on ne serait pas ici à risque de bâillon, etc. C'est là où ça devient très compliqué. Alors, je vous tends la main, M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Avançons jusqu'à l'article 6.

Mme David : Pardon?

M. Jolin-Barrette : Avançons jusqu'à l'article 6.

Mme David : Absolument. Puis j'espère que vous allez nous réserver de très, très, très belles surprises parce qu'on comprend très bien que l'article 2... Et là peut-être que, si on parle à la population... Et c'est ma crainte, et je vous le dis, de mise en marché de cette loi-là, il y a beaucoup de gens qui pensent que l'article 2 n'existe pas et que ce n'est que... Et ça, c'est toujours comme ça dans les projets de loi. On retient un aspect, et l'aspect, c'est : interdiction de port de signes religieux, article 6. Mais l'article 2 existe puis l'article 2... Et, je le répète, puis vous m'avez dit oui tout à l'heure, je pense, vous n'avez pas changé d'idée depuis le dîner, l'infirmière au service de l'État qui prend soin d'un patient va pouvoir porter un signe religieux. Elle ne pourra pas, par contre, et ça, je vais aller vers ma question du lien entre 1°, 2°, 3°, 4°, les quatre paragraphes de l'article 2... mais elle ne pourra pas faire, selon son code de déontologie, des choses qui ne lui permettraient pas de faire... Par rapport à n'importe quel geste, là, qu'elle porte ou pas un signe religieux, elle est soumise à un code de déontologie. Mais la liberté de conscience et la liberté de religion sont protégées pour tous les citoyens à l'article 2, sauf ceux dont on va parler plus tard.

Le Président (M. Bachand) : ...Mme la députée?

Mme David : Bien oui, je vais laisser répondre le ministre.

Le Président (M. Bachand) : O.K., merci. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Donc, reprenons l'exemple de la députée de Marguerite-Bourgeoys et faisons un parallèle avec un préposé aux bénéficiaires qui n'est pas soumis à un ordre professionnel, O.K.?

Bon, premièrement, la députée de Marguerite-Bourgeoys nous dit : Écoutez, une infirmière n'est pas visée par l'interdiction de porter un signe religieux dans l'exercice de ses fonctions. À l'article 6, c'est ce que ça prévoit. Donc, si elle n'est pas visée à l'article 6, cette personne-là, a contrario, elle peut porter un signe religieux dans l'exercice de ses fonctions. Les infirmières peuvent porter un signe religieux. Exception : tous les employés qui travaillent pour l'État québécois doivent le faire à visage découvert. Non, mais c'est important. Exemple, vous ne pourriez pas avoir une infirmière ou un infirmier qui porterait une burqa. On s'entend là-dessus.

Mme David : O.K. C'était ça, votre précision. Excusez. C'était implicite...

M. Jolin-Barrette : Non, mais je pense que c'est important parce que le projet de loi aussi, c'est ça qu'il fait.

Ensuite, la députée de Marguerite-Bourgeoys nous dit : Écoutez, la personne, l'infirmier ou l'infirmière, devrait respecter son code de déontologie. Oui, sauf que la laïcité de l'État, c'est plus que le code de déontologie. Le code de déontologie, c'est sur les pratiques professionnelles éthiques, déontologiques. La Loi sur la laïcité de l'État... Lorsque la personne, là, elle rentre au travail, là, elle a son chapeau d'employé de l'État. Dans le cadre de son travail d'employé de l'État, elle doit agir d'une façon qui est conforme à la laïcité des institutions de l'État, ce qui signifie que le traitement, c'est les principes de l'article 2 de la laïcité de l'État : doit agir neutre sur le plan religieux, doit séparer l'État et la religion, doit donner un traitement équitable aux citoyens, citoyennes, doit respecter la liberté de conscience et de religion des patients qu'elle traite. Même chose pour le préposé aux bénéficiaires. Il n'y a pas de distinction entre le préposé aux bénéficiaires et l'infirmier ou l'infirmière. La distinction va être sur le code de déontologie parce que le préposé aux bénéficiaires n'est pas couvert par un ordre professionnel.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme David : On est d'accord là-dessus.

M. Jolin-Barrette : Votons!

Mme David : Là-dessus?

M. Jolin-Barrette : Oui, là-dessus.

Le Président (M. Bachand) : S'il vous plaît!

Mme David : Mais on peut quand même pousser et prolonger notre plaisir à discuter parce que chaque mot a son sens. Puis nous, on va passer, là, on ne sera plus là dans 10 ans. Dans 20 ans, vous serez encore là, mais moi, je ne serai plus là. Mais les lois restent.

Alors, en même temps, c'est intéressant, la conclusion de Pierre Bosset, puis je pense que vous êtes... Vous n'êtes pas d'accord avec tout ce que ce juriste compétent... Il y en a beaucoup, de juristes compétents qui ont des approches différentes, mais ça, je pense que vous êtes d'accord. Non seulement les quatre principes qui sous-tendent la laïcité sont-ils déjà reconnus dans notre droit, je pense que c'est vrai, à la page 13, et ce, depuis fort longtemps, mais on voit bien que ces quatre principes ne s'opposent pas, bien au contraire, à l'expression individuelle des croyances ou des appartenances religieuses par des agents de l'État, et ce, tant et aussi longtemps que la neutralité de l'État demeure respectée sur le plan matériel. Je pense que la réponse que vous venez de donner, les quatre principes, tout à fait, ne s'opposent pas à leur apparence religieuse, mais sont essentiels dans la laïcité de l'État, ces quatre principes-là. Jusque-là, même Pierre Bosset vous suit.

C'est après ça qu'il dit que là il y a un détournement de langage parce que même l'intitulé du projet de loi devrait devenir une loi sur les signes — vous vous souvenez peut-être, là — sur les signes religieux parce que lui, bon, évidemment, va dire qu'en proposant des interdictions qui sont fondées uniquement sur le port individuel de signes religieux, le projet de loi n° 21 dénature les principes juridiques de la laïcité tels qu'ils sont reconnus au Québec. Donc, il résume bien, je pense, comme je répète, encore une fois, là où nos chemins se croisent et se séparent. Bien, c'est bien d'être séparatiste, des fois, non?

Des voix : ...

Mme David : Bien, je pense que vous aimeriez cette boutade. Mais ce que Pierre Bosset dit essentiellement, il dit deux choses. Il dit : Les quatre principes sont déjà reconnus dans notre droit, ces quatre principes-là.

Donc, effectivement, un patient d'une infirmière qui dit : Je suis mal traité parce que je suis un citoyen de race x ou y, et je me sens lésé, puis mon voisin, dans une chambre, malheureusement, dans une chambre à deux ou à quatre, est bien mieux traité que moi, à ce moment-là, il pourrait y avoir un recours, selon la charte, à : Je suis discriminé ou je suis un citoyen de seconde classe par rapport à cet individu-là... porte plainte au protecteur de l'hôpital ou, bon, au bureau des plaintes, etc. Mais là ce que vous ajoutez... Parce que, là, j'essaie de bien suivre ce que vous avez dit ce matin. Ce ne serait pas en fonction de la Loi sur la laïcité que l'individu, dans son lit d'hôpital, pourrait porter plainte contre ladite infirmière, mais ce serait en vertu de la charte parce que votre article 2 et 3 concerne l'institution. Donc, il ne pourrait pas porter plainte en vertu de l'article 2.3° ou 2.4° parce qu'il faudrait que ça soit l'hôpital, à ce moment-là, ou je ne sais trop... Mais il ne peut pas se plaindre de cette infirmière-là. Par ailleurs, l'infirmière, elle, selon votre loi, serait soumise au principe de laïcité. Est-ce que c'est moi qui deviens trop compliquée pour...

M. Jolin-Barrette : C'est un sujet qui est fort complexe. Bon, premièrement, M. le Président, vous me permettrez de remercier la députée de Marguerite-Bourgeoys parce qu'elle a dit que je serais ici au moins 20 ans. Donc, je tiens à communiquer à tout le monde qu'elle manifeste son appui pour ma réélection dans quatre ans et pour les futurs mandats. Je l'en remercie.

Une voix : ...

• (16 heures) •

M. Jolin-Barrette : Bon. Mais il y a de l'espoir.

Bon, pour Pierre Bosset, lui, sa conception des différents principes, c'est des principes qui ont été dans la littérature, dans la jurisprudence, notamment, mais ils n'ont jamais été cumulés notamment au sens où on les cumule pour la laïcité de l'État. C'étaient des concepts qui étaient épars. Mais ce qu'on en fait, supposons, de ces concepts-là, c'est qu'on les réconcilie, on les met ensemble et on en fait des composantes de la laïcité de l'État et on vient les définir. Pour M. Bosset, il se réfère notamment à une décision de la Cour suprême en 1955, Chaput c. Romain, de la Cour suprême, qui dit, dans le fond, que le Québec n'a pas de religion d'État. Donc, la référence à laquelle il fait, c'est ce concept-là de religion étatique.

Or, en se basant sur ça, depuis 1955, ça fait quoi, 64 ans...

Une voix : ...

M. Jolin-Barrette : Non, ça, c'est sûr! Ça, c'est sûr. Je n'étais même pas un projet, je pense. Mais c'est ça, lui, son concept de séparation de l'État et de la religion, c'est au niveau de la religion d'État, basé là-dessus. Mais là on est plus loin que ce que M. Bosset avance sur ce point-là.

Sur la fin de l'intervention de la députée de Marguerite-Bourgeoys, revenons au cas de l'infirmière, le patient qui veut porter plainte. Bon, les recours associés à la discrimination fondée, supposons, sur l'appartenance religieuse sont toujours prévus à la charte. La laïcité de l'État offre aux citoyens... Quand je disais ce matin que c'est générateur de droits, la laïcité, c'est générateur de droits pour la personne qui reçoit les services publics. Donc, le patient qui est dans son lit d'hôpital et qui, par les agissements de l'infirmier ou l'infirmière, n'agit pas conformément aux principes de l'institution, conformément à la laïcité, bien, l'État ne respecte pas ses obligations dont il se dote. Alors, lorsque je dis que c'est générateur de droits, c'est générateur de droits pour ça. Mais le recours de la personne, oui, il est prévu à l'article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne.

A contrario, ce matin, la députée de Marguerite-Bourgeoys nous disait : Bon, bien, supposons une... prenons le cas d'un policier qui voudrait travailler avec un signe religieux, O.K., où c'est nommément interdit à l'article 6, bien, le policier ne peut pas se servir de l'article 2.4° de la charte... pardon, de la Loi sur la laïcité pour dire : Écoutez, moi, je suis de confession catholique, je veux porter une croix, en vertu de 2d, je peux le faire. Non, parce que l'objectif, c'est vers les citoyens, la laïcité de l'État, et le policier représente l'État, c'est le prolongement de laïcité de l'État, et lui, c'est nommément interdit de porter un signe religieux. Voyez-vous la distinction? Dans le fond, la laïcité de l'État, c'est les institutions pour les citoyens. Donc, les agents qui travaillent pour l'État se doivent de respecter le concept de laïcité de l'État en fonction des quatre principes.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme David : Je veux juste voir si je passe mon examen, là, parce que...

Une voix : ...

M. Derraji : Ah! oui, qu'on n'a pas encore vu...

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Derraji : C'est excellent d'entendre ça! Désolé, M. le Président, je suis hors sujet.

Le Président (M. Bachand) : Aucun souci. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.

Mme David : Je pense, c'est de l'«inside baseball», et puis moi j'étais prise dans mes trucs, alors c'est pour ça que je ne ris pas autant que tout le monde.

Pierre Bosset dit : Ce dernier énoncé... Là, l'article 1 du projet de loi énonce... et l'article 2 énonce que cette laïcité repose sur quatre principes. Bon : «Ce dernier énoncé n'est pas dénué de mérite pédagogique», alors, on fait ça en ce moment, là, on échange là-dessus, «il prend acte, en effet, du consensus de la recherche scientifique quant aux fondements historiques, sociologiques et philosophiques de la laïcité.» Et il vous réfère à Micheline Milot, La laïcité, 2008. Bon, alors c'est : «Quoique juste, l'énoncé des principes de la laïcité n'apporte cependant aucune pierre nouvelle à l'édifice juridique existant.» Et c'est là qu'il réfère à Chaput contre Romain, 1955, il n'y a pas de religion d'État. Et c'est formidable, la Cour suprême, en 1955, on est sous Duplessis. Vous n'étiez pas né, mais vous êtes un féru d'histoire, à ce que j'ai compris hier, en tout cas, certaines parties de l'histoire, je ne le sais pas, mais vous savez quand même qu'en 1955 on était encore dans la «grande noirceur». Alors, s'il y avait un endroit où il y avait beaucoup, beaucoup de religions dans l'État, et que le crucifix, là, qui est là, là, depuis 1936, là, bien, on sait pourquoi il est là, là, c'était pour dire à quel point la religion était importante dans les affaires de l'État. C'est vraiment extraordinaire. Alors, qu'on se réfère à 1955, c'est quand même formidable, au moment où il n'y a jamais eu autant d'interpénétration de l'Église et de l'État.

Mais je veux être sûre de mon affaire, du patient couché dans son lit, qui se trouve mal traité, pas au sens médical, mais mal traité selon un des quatre principes de la laïcité de l'État. Et là vous avez dit : La laïcité de l'État — puis je n'ai pas les mots exacts, là, aidez-moi — s'applique ou s'exerce envers les gens qui reçoivent des services, donc envers le patient couché dans un lit. Puis là je ne suis pas sûre de vous avoir suivi, c'est parce que vous tournez vite sur les policiers, puis là, je suis désolée parce que les policiers, c'est l'article 6. Alors, moi, je ne veux, pas plus que vous, aller à l'article 6 tout de suite, là. Aidez-moi sans prendre un exemple de l'article 6, parce qu'on ne veut pas, vous êtes d'accord, vous nous demandez de ne pas aller à l'article 6. Donnez-moi... Continuons sur notre infirmière avec un patient dans son lit d'hôpital qui se sent lésé par quelque chose, un des quatre alinéas de l'article 2.

Le Président (M. Bachand) : Merci, Mme la députée. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Les articles 1 à 3, c'est institutionnel. Donc, la personne qui fait affaire avec un membre du personnel, une institution qui n'agit pas conformément aux prescriptions de la laïcité, à ce moment-là, se retrouve dans une situation où il peut s'adresser à l'institution pour dire : Écoutez, je n'ai pas eu droit à un traitement qui est laïque, qui n'est pas conformément aux exigences de la laïcité de l'État.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée.

Mme David : J'aime vraiment ça, la conversation qu'on a, parce que je ne suis pas une juriste, mais j'essaie de me mettre dans mon lit d'hôpital devant quelqu'un qui ne me traite pas, etc. Quand la loi va être adoptée, imaginez-vous le jour où un avocat de la défense d'un citoyen, qui était dans son lit d'hôpital, va plaider la loi n° 21.

Une voix : ...

Mme David : Ah! je vais recommencer. O.K. Mais elle était bonne, ma tirade, mais je vais essayer de la refaire pareil.

M. Jolin-Barrette : ...

Mme David : Je commençais en disant... je disais que notre conversation était fort intéressante et importante et que je ne me mets pas dans la peau d'un juriste, ce que je ne suis pas, donc je ne veux pas avoir de problème avec le Barreau du Québec ou de, je ne sais pas où, mais je me mets dans la peau du patient dans le lit d'hôpital. On continue sur cet exemple-là. Je ne veux pas aller vers la police puis me faire arrêter pour une contravention, etc., je n'en ai jamais, je conduis tellement bien. Mais je me mets dans la peau d'un patient à l'hôpital. Est-ce que... et puis votre conseiller l'a entendu, peut-être qu'il va même le traduire mieux que je le redis une deuxième fois. Est-ce que ce patient-là pourrait invoquer, si et quand la loi sera adoptée, l'article 2 pour plaider quelque chose? Son avocat à lui pourrait plaider, selon la loi n° 21 : M. le juge, je considère que mon — là ça devient son — client a été lésé dans l'article 2, 2.4°, liberté de conscience et de religion, exemple.

• (16 h 10) •

M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez, c'est une situation qui est hypothétique. Exemple : dans le projet de loi n° 62, on avait une obligation de neutralité religieuse de l'État. Donc, toute personne qui fait affaire avec l'État doit... bien, en fait, l'État doit s'assurer de respecter les principes de laïcité. Là, vous m'invitez à commenter un éventuel recours basé sur des faits qui ne sont pas avérés, là. Vous avez toujours le recours qui est prévu à la charte pour un motif de discrimination, supposons. Mais c'est sûr que, sur le plan administratif aussi, le gestionnaire, là, supposons, de l'hôpital, là, doit s'assurer que son institution réponde au principe de laïcité, donc d'agir conformément à cela, dans la mécanique, là.

C'est la même chose, exemple, ils doivent s'assurer... un gestionnaire, là, doit s'assurer que la Loi sur la santé, sécurité, pour ses employés, s'applique ou la Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles s'applique aussi. C'est la même chose. Elle s'applique à l'institution, et l'institution doit la respecter, notamment par le biais de ses employés.

Ça fait qu'exemple, quand vous avez, je ne sais pas, un travailleur à l'hôpital, supposons, quelqu'un qui fait la maintenance de l'hôpital, puis qui se retrouve en situation d'espace clos, bien, il doit respecter les prescriptions de la loi qui s'appliquent, rattachées au travail qu'il a à effectuer. C'est la conduite de la personne. Donc, l'employé de l'hôpital, qu'on soit infirmière, préposé aux bénéficiaires, devra se conformer aux exigences de la laïcité. Si jamais il n'y avait pas... la personne n'agissait pas d'une façon neutre sur le plan religieux, bien, il y aurait une problématique, et les rappels à l'ordre seraient effectués.

Mme David : Bosset, dans sa synthèse, justement, il dit comme vous : «Non seulement les quatre principes qui sous-tendent la laïcité sont-ils déjà reconnus dans notre droit, et ce, depuis fort longtemps...» Et ça ne s'oppose pas, bon, à l'expression des croyances individuelles. S'ils sont donc reconnus dans notre droit depuis fort longtemps, ces quatre principes-là, que ça soit le premier, le deuxième, le troisième, le quatrième, je pense que, dans le jargon, ce que ça veut dire, là, je ne suis quand même pas si nounoune que ça, ça veut dire que ça a déjà été plaidé. Mais ça a dû être plaidé, comme l'a dit lui-même Pierre Bosset, à travers les chartes, autant l'égalité dans la charte québécoise, la liberté de conscience, de religion dans la charte québécoise, depuis 1975, charte canadienne depuis 1982, etc.

Donc, même si c'est du droit nouveau... Puis ça, ça peut être sympathique, pour un ministre de la Justice, de faire du droit nouveau, parce que ça sera quelque chose qui... Vous pourrez dire : J'ai fait quelque chose de nouveau, mais...

Une voix : ...

Mme David : Il n'est pas ministre de la Justice, c'est vrai. Excusez! Vous auriez aimé ça. Mon lapsus...

Des voix : Ha, ha, ha!

Mme David : Mais, des fois, on me fait des lapsus, moi aussi.

M. Jolin-Barrette : ...

Mme David : Excusez!

Le Président (M. Bachand) : Mais vous êtes là pour 20 ans, M. le ministre. Alors, dans 20 ans, on verra. Alors, Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme David : Excusez!

M. Jolin-Barrette : ...

Mme David : C'est ça, c'est ça.

M. Jolin-Barrette : ...

Mme David : Quel lapsus! Bon, mais, il y en a qui en font à mon égard aussi, alors, regardez, on prend quand ça passe.

Vous m'avez, donc, interrompue, parce que j'ai fait ça, mais là j'étais en train de dire que, oui, Pierre Bosset dit que chacun des alinéas peut se plaider à travers les chartes. Mais vous faites du droit nouveau. Alors, si vous faites du droit nouveau, bien, ça va être quelque part les juristes et puis les... je ne sais pas, dans vos grands livres, et puis le barreau, et tout, va s'approprier cette loi-là, puis il va falloir que les avocats en fassent quelque chose, là. On ne fait pas une loi pour ne jamais s'en servir puis la mettre sur une tablette.

Donc, ma question me semble, à tout le moins, légitime, sinon un peu éclairée, de dire : Une fois que la loi va être adoptée, est-ce qu'un avocat de la défense pourrait se servir de cette loi-là et non pas retourner aux anciennes lois, exemple, chartes, ou cas par cas, ou charte des droits pour la liberté de religion, par exemple?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : La députée de Marguerite-Bourgeoys dit : Écoutez, c'est des concepts qui ont déjà été utilisés. Oui et non. Parce que, prenons le cas de l'exemple... le premier critère, le principe de qu'est-ce que constitue la laïcité de l'État, notamment la séparation entre l'État et les religions, bon, supposons, dans l'arrêt de la Cour suprême, en 1955, là, auquel Pierre Bosset fait référence... La conception de la cour, c'est une conception minimaliste sur le sens de la religion, qu'il n'y a pas de religion d'État, hein? C'est une séparation institutionnelle, comme le disait le député de Jean-Lesage hier. C'est plus large que ça, là, ce critère-là.

Autre élément, l'institution, lorsqu'elle se comporte, notamment par le biais de ses agents, elle agit de cette façon-là. Les recours pour motif de discrimination, prévus à l'article 10 de la charte, vont toujours demeurer. Par contre, lorsqu'on est dans une situation où, supposons, la laïcité de l'État n'aurait pas été rencontrée, la laïcité de l'État devra trouver application. Donc, si un employé n'agissait pas d'une façon qui respecte les principes de laïcité de l'État, nécessairement, son gestionnaire interviendrait, au même titre que les lois d'ordre public.

Mais, là-dessus, là, la question que la députée de Marguerite-Bourgeoys me demande, là, c'est de dire : Bien, si un avocat invoque ça dans sa procédure, est-ce que ça pourrait un argument pour faire un allégué puis soutenir sa prétention? Dans l'univers des possibilités, ça pourrait arriver qu'un avocat, un jour, utilise ça puis inscrive ça dans sa procédure. Dans l'éventail des possibilités, ça pourrait arriver, de faire référence à cela. Notamment, ça pourrait être une plainte déposée à la Commission des droits de la personne sur le droit à l'égalité et fondée sur la discrimination, supposons sur l'appartenance religieuse. Et, dans la procédure, il pourrait être allégué ça aussi, là. Il pourrait dire : Bien, l'État québécois a adopté une loi sur la laïcité. Alors, dans l'univers des possibles, oui. Mais je trouve qu'on s'éloigne un peu des concepts de... Parce qu'on est dans les concepts généraux, là, on est dans le cadre de c'est quoi, la laïcité. C'est les quatre principes, puis ça s'applique aux différentes institutions, aux trois pouvoirs de l'État.

Mme David : ...

Le Président (M. Bachand) : Oui, Mme la députée, allez-y, pardon.

Mme David : Excusez. Une dernière question sur cette globalité, justement. C'est exactement là que je m'en allais. Est-ce que les quatre principes, on peut faire du... Je vais le dire en français, parce que comme ministre responsable de la langue française, je me faisais un devoir de toujours parler en français. De trier et choisir, «pick and choose», choisir... Alors, je vais complètement changer, parce que j'ai un mot anglais que je ne dirai pas. Donc, est-ce que les quatre paragraphes forment un tout indissociable? Et, auquel cas, ils ont chacun... chaque article ou chaque paragraphe, appelez-les comme vous voulez, sont égaux devant la loi — et ils forment tellement un tout pour la laïcité — ou bien il y en a qui pourraient éventuellement avoir prépondérance sur l'autre?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, il n'y a pas de hiérarchisation dans les principes. La laïcité est une composition de ces principes-là. Donc, ce sont les composantes de la laïcité. Donc, il n'y a pas de hiérarchisation à faire entre les différents principes.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée... Excusez, j'ai Mme la députée de Bourassa qui m'a demandé la parole. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.

Mme David : Donc, je veux juste dire : S'il y avait, question hypothétique, un inspecteur de la loi n° 21 qui allait visiter des institutions pour voir si la laïcité de l'institution est bien respectée, est bien appropriée par l'institution, on mettrait les quatre valeurs au même niveau. Puis, des fois, les fonctionnaires aiment faire du pointage, puis etc., bien, ils auraient tous le même pointage pour parler concrètement, là. On ne peut pas choisir celui qui fait notre affaire puis laisser de côté l'autre qui... Oh! bien, la neutralité religieuse de l'État, celui-là, ce n'est pas important pour nous. Ils sont tous égaux devant la loi, comme on dit, ou devant Dieu.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

Mme David : ...laïcité.

• (16 h 20) •

M. Jolin-Barrette : Oui, alors, la laïcité est composée de quatre principes, notamment la séparation de l'État et des religions, de la neutralité religieuse, de l'égalité de tous les citoyens et citoyennes, ainsi que de la liberté de conscience et de la liberté de religion. Lorsque l'État, elle est dans son cadre institutionnel, notamment par le biais de ses employés, elle doit respecter ces quatre principes-là. C'est une obligation pour l'État, pour ces mandataires de l'État de respecter ces quatre principes-là. Et ils s'interprètent les uns par rapport aux autres. C'est fort important. Mais, lorsqu'on parle, supposons, de liberté de religion et de conscience, c'est la liberté du citoyen. La personne qui vient à la SAAQ le lundi, le mardi, le mercredi, le jeudi, là, qui ont toutes des confessions religieuses distinctes, elles sont traitées de la même façon. Cela étant dit, et j'apporte une spécification, on n'est pas dans les questions d'accommodement, ici, questions d'accommodement religieux, parce que ce n'est pas, supposons, le quatrième paragraphe, ce n'est pas la liberté de religion à tout prix. Exemple, pour prendre une photo pour des questions d'identification ou de sécurité, on doit découvrir son visage. Donc, là-dessus, quand c'est un service public, et on le verra plus loin, il n'y a pas d'accommodement. Vous me suivez là-dessus?

Mme David : En fait, vous me faites penser à un immense chapitre, qui...

M. Jolin-Barrette : ...c'est après, là, ça.

Mme David : Non, non. Je ne veux pas parler de visage découvert, moi, je veux parler de tout ce chapitre qui m'a occupée tellement d'heures quand j'étais dans mes précédentes fonctions, les accommodements raisonnables, hein? C'est balisé, ça, c'est très balisé. Mais je n'y aurais pas pensé, mais est-ce qu'il y a des conséquences dans l'article 2, paragraphe 4°, liberté de religion, sur la question des fêtes religieuses, du médecin qui ne travaille pas le jour du sabbat, sur une fête x ou y demandée? Alors, souvent, c'est de l'accommodement fait entre collègues. Moi, je ne serai pas de garde tel jour; toi, tu vas prendre... je vais prendre... Moi, je ne travaille pas le samedi, mais je suis prêt à travailler le dimanche, etc. Accommodements dans la mesure où, bon... D'ailleurs, on avait fait, dans la loi n° 62, des accommodements exigeant que celui qui demande l'accommodement participe autant que celui qui doit donner l'accommodement, là. Il y avait un article sur ça, là. Mais ça, peut-être qu'on va revenir à ça appliqué au visage découvert ou couvert, où il n'y a pas de possibilité, si je comprends bien, dans votre article — mais on n'y est pas — d'accommodement. Mais parlons des autres accommodements, là, les plus faciles, là. Les plus faciles; je ne parle pas de niqab puis... je parle d'une liberté de religion, de pratique religieuse qui peut venir des fois en superposition avec une journée de travail ou, en fait, la vie quotidienne de bien des employeurs et de bien des employés. Je n'y aurais pas pensé, mais vous m'y avez fait penser, de dire : Comment on traite ça? Ou y a-t-il même un rapport entre les accommodements de tous les jours, dits raisonnables, et l'article 2?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : La réponse à cette question-là, M. le Président, c'est non. On va voir, lorsqu'on va traiter d'accommodements religieux... on va le voir, c'est notamment sur la question du visage découvert. Il n'y a pas d'accommodement là-dessus et il n'y a pas d'accommodement aussi, on va le voir, je crois, au prochain article ou un peu plus loin, il n'y a pas d'accommodement sur la neutralité religieuse de l'État qui est possible. Pour le fonctionnaire, là, pour le fonctionnaire, il ne peut pas demander un accommodement pour dire : Je ne veux pas servir cette personne-là parce qu'elle est de telle religion. Ça, c'est... mais ça ne touche pas les accommodements sur l'organisation du travail. Le projet de loi, ce n'est pas là-dessus.

Mme David : Vous me voyez rassurée.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : Oui, je vais... En fait, j'écoute tout ça, là. Je vais faire ça simple, je vais faire ça simple. À la lumière de ce que j'ai entendu, donc, un membre du personnel d'une institution doit suivre les préceptes de la laïcité à la sauce Mouvement laïque québécois contre Saguenay, là, en fait et en apparence. C'est ce que j'entends du ministre. En fait, l'article 3, si je comprends bien, là, je veux simplifier les choses, l'article 3, c'est grosso modo notre jurisprudence et les grands préceptes, là, de notre neutralité, de ce qu'on appelle, dans les cours, la neutralité religieuse, la laïcité à la québécoise jusqu'à maintenant, là, qui est encadrée par les arrêts de la Cour suprême.

Donc, l'article 3, c'est grosso modo ce qu'on a jusqu'à maintenant, donc les... comme on le disait tout à l'heure, j'ai lu, tout à l'heure, M. Bosset, et puis ma collègue de Marguerite-Bourgeoys l'a relu, là. Tout ça, cette notion-là de neutralité religieuse que le ministre nous a décrite... Donc, à l'article 3, c'est : les employés du personnel, grosso modo, doivent respecter ça et les employés, sauf les employés qui sont visés à l'article 6. C'est ce que je comprends.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Bon, tout à l'heure, la députée de Marguerite-Bourgeoys l'a dit, ce qu'on fait, c'est du droit nouveau, hein? La laïcité, ça n'existe pas au Canada ni au Québec. C'est tout à fait nouveau.

La définition que l'on donne à la laïcité, avec les quatre principes, notamment, ce sont des principes, comme celui de la neutralité religieuse de l'État, qui se sont retrouvés parfois définis par la jurisprudence — dans ce cas-ci, on a un exemple avec le Mouvement laïque québécois — qui servent de balises et de guides. Mais la laïcité, c'est un tout nouveau concept juridique, et, oui, ça en fait partie. Mais on s'est inspirés notamment de la proposition de Bouchard-Taylor dans le cadre de leur rapport, sur ce que devrait être la laïcité.

Mais c'est une laïcité québécoise, et il y a une importance fondamentale sur la liberté... la séparation entre l'État et les religions. Ça, là, ce n'est pas un critère qui était connu au sens où on l'entend, parce que, dans l'arrêt Saumur, c'est ça, c'est la séparation... il n'y a pas de religion d'État, mais ça va plus loin que ça. Et on a eu la conversation hier soir avec le député de Jean-Lesage à l'effet que c'est l'absence d'influence religieuse au sein de l'État. C'est nouveau, ce concept-là. On va beaucoup plus loin. La neutralité religieuse de l'État, on en a un exemple dans le cadre de Mouvement laïque québécois. L'égalité des citoyens et des citoyennes, c'est le mode opératoire et notamment la liberté de conscience et de religion, oui, c'est un concept qui était déjà défini par la jurisprudence, mais on vient l'insérer.

Dans le fond, là, il faut le voir comme un tout. Le préposé ou dans... ou lorsque l'État développe des politiques, supposons, le ministère de la Culture, à l'époque, qui était occupé par la députée de Marguerite-Bourgeoys, si elle avait développé une politique culturelle, avec la Loi sur la laïcité de l'État, il aurait dû en prendre compte, le ministère de la Culture, dans l'élaboration de la politique. Même chose, les employés au ministère de la Culture auraient dû incarner la laïcité de l'État dans leurs agissements. Donc, je ne sais pas si je réponds à votre question, là.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée, oui, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : Mais ce que je comprends... Oui, mais ce que vous expliquiez à ma collègue de Marguerite-Bourgeoys, finalement, ce n'est rien de nouveau, là, que ce que les cours n'ont pas dit, pour tout ce qui est... Quand on parle des membres du personnel d'une institution en général, là, ils sont régis par ces codes, ces balises, cette jurisprudence-là qui a été...

Alors, c'est quoi, la différence, M. le ministre?

• (16 h 30) •

M. Jolin-Barrette : Bien, M. le Président, je viens de le dire, c'est tout nouveau. Le concept de laïcité, ça n'existe pas. La séparation entre l'État et les religions, ça n'existe pas. La liberté de religion, là, c'est un concept qui a déjà été défini, oui, par les tribunaux, ça, je vous le donne. Par contre, les quatre critères ensemble pour dire : Ça, ça constitue la laïcité, ça en fait partie... Et le point cardinal là-dedans, le plus important, je vous dirais, dans les principes, lorsqu'on entend la laïcité de l'État, c'est la séparation entre l'État et les religions. Parce que, dans les conceptions occidentales de la laïcité, à quoi vous pensez dans un premier temps? C'est ça, c'est le fait de séparer le divin de l'État, d'amener une cassure.

Pourquoi les États ont fait ça, notamment? Le député de Jean-Lesage, hier, nous disait : Bien, le Canada, le Québec est gouverné par... le Québec...

(Interruption)

M. Jolin-Barrette : Bon, il doit y avoir quelque chose là-bas, M. le Président, parce que tout le monde est pressé d'y aller.

Une voix : Ça bouge.

Le Président (M. Bachand) : ...

M. Jolin-Barrette : Bien, c'est ça. J'aimerais bien ça savoir ce qui se passe, M. le Président, surtout s'il y a un buffet.

Le Président (M. Bachand) : Allez-y, M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui. Donc, le critère de séparation de l'État et des religions, c'est un des critères importants de la laïcité. Et ça, ce sont des nouveaux critères, mais tous ensemble, ils vont s'interpréter les uns par rapport aux autres. Mais le critère fondamental, c'est la séparation de l'État et des religions. Lorsqu'on pense à la laïcité, supposons, au niveau européen, la sécularisation, bien, c'est issu du fait que le pouvoir tirait son origine du droit divin aussi. Et on a vécu ça ici une partie du temps. Et on fait la séparation formelle dans la loi.

Alors, oui, c'est un nouveau concept. On s'inspire un peu de ce que les cours ont défini. Mais jamais un législateur n'était venu dire : Au Québec, l'État et les religions, c'est séparé, au Québec, lorsqu'on traite un individu, on lui offre des services publics, on doit le traiter neutre sur le plan religieux, et il n'y a pas de possibilité d'accommodement. Ça, c'est nouveau par rapport au projet de loi n° 62.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : Oui, il n'y a pas de possibilité d'accommodement. Ça, c'est plus loin dans la loi. Mais, je veux dire, le coeur de... en fait, pratico-pratique, là, ce qui va régir un membre du personnel d'une institution quelconque, là, il va être lié à cette espèce de concept de neutralité là qui a été établi par les cours, qu'on peut appeler laïcité. On reste quand même là-dedans.

M. Jolin-Barrette : Non, M. le Président.

Mme Robitaille : Bien, c'est des nuances, quand même, non? Non, ce n'est pas des nuances?

M. Jolin-Barrette : Non, M. le Président, ce n'est pas des nuances, et la députée de Bourassa-Sauvé le sait très bien. Il y a quatre principes. La députée de Bourassa-Sauvé nous dit : Laïcité et neutralité, c'est la même chose. Or, ce n'est pas ça qui est écrit, dans un premier temps, et ce n'est pas ça que je dis depuis deux jours.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée, allez-y.

Mme Robitaille : Et les quatre principes sont égaux, on s'entend, et puis c'est ce que les cours ont toujours dit. Les quatre principes énoncés à l'article 2 sont équivalents, ont autant de force les uns que les autres. Et c'est un peu un résumé de la jurisprudence aussi, hein?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, la réponse à cette question-là, c'est non. La laïcité, c'est un nouveau concept. Ce qui existait, c'était la neutralité religieuse de l'État. Nous, on vient clairement dire que l'État et les religions, c'est séparé. Le critère le plus important parmi les quatre critères, c'est celui de la séparation entre l'État et les religions. Les quatre s'interprètent les uns par rapport aux autres, mais le critère fondamental, c'est celui de la séparation entre l'État et les religions.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée de Bourassa-Sauvé...

Mme Robitaille : ...faire le débat encore longtemps. On peut accepter d'être en désaccord là-dessus parce que... Bien, en tout cas, pratico-pratique, encore une fois, l'État et la religion, l'État et le religieux sont séparés depuis longtemps. Mais je ne vois pas la nouveauté, le grand... L'État et la religion sont séparés depuis des décennies, là, depuis très, très, très longtemps. Je ne vois pas la nuance.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, je pense que la députée de Bourassa-Sauvé, qui est une femme très intelligente, saisit très bien la nuance et la grande différence entre la laïcité et la neutralité religieuse de l'État.

Autre point, la députée de Bourassa-Sauvé nous dit : Bien, c'était déjà séparé, l'État et la religion. Bien, pas juridiquement, hein, pas juridiquement. Si on fait le recensement des lois, M. le Président, au Québec ou au Canada, il n'y en avait pas. C'est la première loi qui touche la laïcité de l'État, la toute première fois, première fois.

Qu'est-ce que ça va amener d'une façon supplémentaire, M. le Président? Le Parlement du Canada, les autres provinces, eux, n'auront pas de loi sur la laïcité de l'État. Donc, ce sera l'ancienne jurisprudence, la jurisprudence de la Cour suprême sur Mouvement laïque québécois, qui trouve application sur la neutralité de l'État. Or, au Québec, en raison de sa spécificité, en raison de son parcours, en raison du fait que le Québec est une nation, une société distincte, bien, le Québec fait le choix de dire : Nous, notre État, notre État national, il est laïque. Il n'est pas uniquement neutre, il est laïque. Toute une distinction.

Alors, la jurisprudence que vous aviez préalablement, elle n'est plus valide, et la nouvelle jurisprudence va devoir être interprétée à la lumière de la laïcité de l'État. Donc, c'est un tout nouveau concept que nous définissons ensemble.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : À chacun sa laïcité? À chacun sa laïcité? Je pose la question. À chacun sa laïcité? C'est votre point de vue. Ce serait peut-être un autre... les cours auraient peut-être un autre point de vue, M. Bosset a un autre point de vue, Me Lampron a un autre point de vue.

M. Jolin-Barrette : Mais, respectueusement, M. le Président, le gouvernement du Québec dûment élu a déposé un projet de loi ici, à l'Assemblée nationale, auquel tous les députés de toutes les formations politiques sont conviées à l'étude. Alors, c'est ensemble qu'on définit quelle est la laïcité de l'État.

Et, lorsque M. Bosset se prononce sur quelle est sa conception de la neutralité, ou d'une laïcité, ou quelque chose comme ça, il le fait en fonction de l'état du droit antérieur préalablement à la Loi sur la laïcité de l'État que nous étudions présentement. Alors, je serai heureux de lire les travaux de Me Bosset suite à l'adoption du projet de loi et suite aux intentions du législateur, que nous sommes tous présentement, dans le forum de la commission parlementaire.

Et, lorsque Me Bosset écrira sur quel est l'état du droit désormais au Québec, en lien avec la laïcité de l'État, il devra se référer aux travaux de la présente commission, il devra se référer à l'intention du législateur, donc celle du gouvernement, et très clairement comprendre qu'il s'agit de droit nouveau, qu'il s'agit que l'État québécois, et le gouvernement du Québec a voulu clairement séparer l'État et la religion, non pas uniquement en termes de religion de l'État, mais dans toutes les sphères de l'activité étatique, et que l'État québécois souhaite que les fonctionnaires de l'État agissent d'une façon neutre sur le plan religieux et qu'il ne soit pas possible pour eux d'avoir un accommodement pour refuser de servir un citoyen qui pratiquerait une religion x ou y.

Et Me Bosset, lorsqu'il écrira, analysera, il évaluera aussi, à la lumière de la Loi sur la laïcité que nous avons adoptée, les nouveaux concepts que nous déployons aujourd'hui. C'est du nouveau droit, c'est tout nouveau. Nous nous inspirons des auteurs Bouchard et Taylor, de Mouvement laïque québécois, de certaines décisions de la Cour suprême, mais ce que nous faisons, c'est une avancée, et on change le droit. C'est important de le comprendre. Et les tribunaux auront à interpréter la Loi sur la laïcité, probablement, si jamais ils sont saisis d'un recours de la loi, et, lorsqu'ils le feront, une nouvelle jurisprudence émanera des cours, des tribunaux québécois, canadiens aussi, pour réaliser que le Québec est une société distincte, gère ses rapports entre l'État, et la religion, et les religions d'une façon qui est distincte de celle du reste du Canada, et que ça appartient à la nation québécoise, par le biais de ses représentants élus, de faire ce choix-là.

Et ça, ça s'exprime dans plusieurs facettes du projet de loi, notamment la définition que l'on donne, dans la laïcité, le fait qu'on l'inscrive dans la Charte des droits et libertés de la personne. Parce qu'il ne faut pas oublier ça, là, le concept de laïcité, tout à l'heure, un peu plus loin, je pense que c'est à l'article 18, 19, on vient l'insérer dans la Charte des droits et libertés de la personne comme un outil interprétatif, notamment, pour faire évoluer le droit à la lumière de la société québécoise, de ce qu'elle est constituée.

Le Président (M. Bachand) : ...Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.

Mme David : Ce n'est pas l'objet de ma question. Je vais arriver à ma question rapidement. Mais, justement, c'est pour ça qu'on prend beaucoup de temps parce que, vous avez raison, on fait du droit nouveau. Mais non seulement ça, vous ajoutez le point qu'à l'article 19, et j'espère, moi aussi, qu'on va s'y rendre, il n'est jamais arrivé, il n'est... Je vais attendre que le ministre m'écoute parce que c'est vraiment important, là.

Le Président (M. Bachand) : ...Mme la députée.

• (16 h 40) •

Mme David : Donc, à la lumière de ce que le ministre vient de dire, l'article 19, je pense, vous avez dit, où on va insérer, dans la charte, cette Loi de la laïcité, bien, ça ne se sera jamais fait dans l'histoire du Québec. Ça, c'est nouveau aussi, mais pas pour les bonnes raisons. Vous allez tristement marquer l'histoire, d'insérer quelque chose dans la charte avec une clause dérogatoire et peut-être sous un bâillon. Ça, trouvez-moi d'autres exemples. Est-ce que vous avez d'autres exemples de ça dans l'histoire du Québec?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Premier élément, moi, je suis très heureux que, dans la Charte des droits et libertés de la personne, on inclue le concept de la laïcité. Ne parlons pas des moyens, là. Parlons sur le fond.

Mme David : ...parler des moyens aussi, peut-être, hein?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Non, non, non, mais, dans un premier temps, parlons du fond. Est-ce que la députée de Marguerite-Bourgeoys est en désaccord avec le fait que, dans la Charte des droits et libertés de la personne, le concept de laïcité soit inséré? Ça, c'est le premier critère.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée.

Mme David : Alors, à question claire, réponse assez claire : ça dépend de quelle laïcité on parle. Ça dépend si c'est seulement les articles 1 et 2. Si c'est toute la loi n° 21, vous connaissez notre réponse. Si c'est les articles 1 et 2, on a voté pour de mettre la notion de laïcité dans la charte. Mais là s'arrête notre route ensemble.

Une voix : ...

Mme David : Ce n'est pas du tout la même chose. Alors, vous n'êtes pas trop clair si c'est de mettre toute la loi qui sera adoptée dans la charte ou juste le concept de laïcité mais auquel référerait tout ce qui s'ensuit, l'interdiction pour les policiers, les enseignants, etc., et même plus, si jamais vous voulez encore aller plus loin, selon... avec des collègues d'autres oppositions, ou moins, selon ce qu'on souhaite ardemment. Mais alors la question a plusieurs volets de réponse. Soyons un peu dans la complexité.

M. Jolin-Barrette : Mais je nous invite, M. le Président, à terminer le débat sur 3 pour qu'on puisse éventuellement aller discuter de cela.

Mme David : Éventuellement, on va y arriver avec plaisir. Maintenant, parce qu'on a parlé de 1°, 2°, 3°, 4°, est-ce que ce sont des principes égaux, etc., revenons à l'article 3, là. On est vraiment dans l'article 3. Il est marqué que «les institutions parlementaires, gouvernementales et judiciaires respectent les principes énoncés à l'article 2», c'est pour ça qu'on revient souvent à l'article 2. Et vous nous avez dit : En général, les quatre paragraphes sont égaux devant... devant tout ce qu'on veut, ils sont égaux. Tout à l'heure, vous avez un peu dit que, peut-être, «la séparation de l'État et des religions» avait un peu préséance sur les autres. Mais vous avez dit ça, mais vous avez aussi dit que les quatre articles étaient égaux. Pour nous assurer qu'ils soient égaux les uns par rapport aux autres, je déposerais un amendement, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Oui, allez-y.

Mme David : Alors, je le lis?

Le Président (M. Bachand) : Oui, s'il vous plaît.

Mme David : Donc, c'est seulement les premières lignes de l'article 3 : «La laïcité de l'État exige que, dans le cadre de leur mission, les institutions parlementaires, gouvernementales et judiciaires respectent intégralement les principes énoncés à l'article 2, en fait et en apparence.» Alors, j'ajoute tout simplement...

Une voix : ...

Mme David : Je dois dire : L'article 3 du projet de loi est modifié par l'insertion, après les mots «gouvernementales et judiciaires respectent», du mot «intégralement».

Alors, dans le fond, c'est de qualifier, de mettre un peu plus l'accent sur le fait que les quatre éléments sont bien... sont tous là et doivent être respectés dans leur entièreté et leur intégralité.

Le Président (M. Bachand) : Merci, nous allons suspendre quelques instants pour la distribution, s'il vous plaît. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 16 h 44)

(Reprise à 16 h 53)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Merci. La commission reprend ses travaux. Alors, je cède la parole à la députée de Marguerite-Bourgeoys pour un amendement. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, vous avez la parole. Merci.

Mme David : Oui. Bien, écoutez, M. le Président, je pense que c'est pour rester cohérents avec toutes nos discussions sur les alinéas 1°, 2°, 3°, 4°. Le mot «intégralement», ça veut dire qu'ils n'ont pas le droit de faire...

Oh là là! Merci à la collègue de votre formation politique qui m'a trouvé la traduction de ce que je ne veux pas dire en anglais : le picorage. Le picorage. Alors, merci beaucoup. Vous voyez, la nouvelle grand-mère. C'est inspirant, hein?

Une voix : La sagesse.

Mme David : La sagesse. J'ai hâte d'arriver à ça, moi aussi, mais je ne suis pas arrivée encore. Donc, le picorage, ce n'est pas l'esprit, d'après moi, de l'article 2. Le ministre le dit et le redit : La laïcité de l'État, voici les quatre principes fondamentaux. Là-dessus, il a des amis, des amis, des juristes puis d'autre monde qui disent : Oui, ça traduit l'état du droit actuel, c'est un droit nouveau. Ce qui est nouveau, c'est de tout mettre ça ensemble dans un concept qui s'appelle laïcité de l'État. Mais chaque alinéa pris individuellement existe à travers les chartes, et il y a de la jurisprudence, etc. Mais ce qui n'existait pas, c'est de mettre ça comme ça, les quatre dans un seul article. Puis ce n'est pas un petit article, c'est le n° 2, quand même, après l'article, entre guillemets, fondateur, qui est : L'État est laïque.

Alors, le mot «intégralement», on a beaucoup parlé d'institutions, alors, il faut que les institutions soient laïques, alors, si les institutions doivent être laïques et que c'est l'État... les institutions représentant l'État, elles ne peuvent pas faire des choix pondérés, il y en a un qui lui tente puis l'autre qui ne lui tente pas. Je suis sûre que ce n'est pas l'esprit dans lequel le ministre a écrit cet article 2. Il tient autant à ce qu'une institution soit en parfaite neutralité religieuse de l'État, qu'elle soit en parfaite égalité face à tous ses citoyens et citoyennes, qu'elle respecte la liberté de conscience et la liberté de religion et qu'elle respecte la séparation de l'État et des religions.

Et donc nous suggérons, bien respectueusement, que ceci se traduise par un adjectif ou un... que ce soit par un adverbe, «intégralement», qui dit ce que ça veut dire, c'est-à-dire, «intégralement» veut dire intégrité, l'entièreté de la chose. Et, quand on a discuté justement, tout à l'heure, avec des cas qu'on essaie d'être le plus précis possible, toujours ce patient dans l'hôpital qui voudrait peut-être contester... Et il a même dit : Il y a certainement des juges, des juristes qui vont se pencher sur sa loi éventuellement, donc, comme c'est du droit nouveau, allons plus loin... de la perfection de cet article-là.

Et c'est comme si on parle d'une chaise, d'un tabouret qui aurait quatre pattes. Bien, si vous en enlevez une, vous risquez d'être — le mot existe — très bancal, ça veut dire qu'il manque un morceau. Et qu'est-ce qu'il va vous arriver? Bien, vous ne serez pas en équilibre, et c'est dangereux. Donc, si c'est dangereux, pour un individu assis sur une chaise, de perdre une patte, c'est dangereux pour une société aussi de perdre un de ces quatre piliers. Et donc, à partir du moment où on a cette image de tabouret qui perd une patte, bien, on ne veut pas que notre société perde une patte non plus.

Alors, c'est dans cet esprit que nous voulons que cet article-là ne soit pas bancal et qu'il puisse donc refléter l'importance égale et intégrale des quatre grands aspects de la laïcité. Et c'est pour ça qu'on ajoute un mot et qu'on soumet respectueusement que ça nous semble être une bonne idée.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, Mme la députée. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui. Je ne sais pas si les autres collègues des oppositions veulent commenter.

Le Président (M. Bachand) : Allez-y, vous avez la parole, puis je vais voir avec eux...

M. Jolin-Barrette : Bon, bien, je vais la céder, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : O.K. Est-ce qu'il y a des interventions? Il n'y a pas d'autre intervention? M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui. Bien, simplement pour dire que j'apprécie l'effort, la proposition de la députée de Marguerite-Bourgeoys. Elle nous dit : L'intégralité des principes. Dans le cadre de la laïcité, les quatre principes sont interreliés, et viennent parfois pour être opposés, et viennent travailler ensemble. Alors, l'intégrité des quatre principes ne pourra jamais se retrouver à 100 %. C'est une conversation, une discussion à travers les quatre principes, ils en font partie. À titre d'exemple, le pilier fondamental de la laïcité de l'État, c'est la séparation entre l'État et les religions. Ça s'interprète à travers les autres principes. Mon inquiétude avec le terme «intégralement», c'est que ça amène une rigidité à travers les quatre principes de la laïcité.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.

• (17 heures) •

Mme David : La définition de... Parce qu'«intégralement», ce qui va avec ça, c'est le mot «intégralité», hein, alors il faut faire attention, et non pas «intégrité», j'ai peut-être, moi-même, fait l'erreur tout à l'heure, je m'en excuse si j'ai fait l'erreur tout à l'heure, c'est «l'intégralité». Alors, «l'intégralité», dans les synonymes, là, c'est «complètement» ou «intégralement», ça veut dire : complètement, entièrement, globalement, parfaitement, totalement. Intégralement, ça veut dire qu'on a la globalité des quatre principes, ça ne veut pas dire nécessairement que...

Une voix : ...

Mme David : O.K. Ça ne veut pas dire nécessairement... parce que vous dites : C'est un jeu subtil entre les quatre. Ça se peut, mais il faut que les quatre soient là, et c'est pour éviter ce picorage de dire : Nous, c'est seulement le deuxième qui nous intéresse, puis, les autres, on les laisse aller. Je me mets à la place d'une institution qui a le goût de faire ça. Je pense, mon collègue veut peut-être ajouter quelque chose.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Nelligan, s'il vous plaît.

M. Derraji : Oui. Merci, M. le Président. En fait, ce que ma collègue essaie d'expliquer et de ramener, c'est justement lancer le message de l'importance de l'intégralité, hein, je... vraiment préciser, parce qu'«intégrité» veut dire une chose, mais «intégralement» veut dire autre chose.

Donc, quand on énonce, dans l'article 2, que la laïcité de l'État repose sur les principes suivants : «la séparation de l'État et des religions; la neutralité religieuse de l'État; l'égalité de tous les citoyens et citoyennes» et, le quatrième point, «la liberté de conscience et la liberté de religion», on vient, dans l'article 3... on insiste que la laïcité de l'État exige que, dans le cadre de leur mission, donc toujours on parle des institutions, les quatre, parlementaires, gouvernementales... les trois plutôt, parlementaires, gouvernementales et judiciaires, respectent les principes énoncés.

L'amendement proposé par ma collègue, «intégralement» vient renforcer, répondre à une interrogation que nous avons eue tout à l'heure, que parfois la séparation de l'État et des religions va prendre toute une importance. Mais l'image parfaite que ma collègue ramenait, prenons une table où tu n'as pas une patte ou une patte non fonctionnelle, je pense, les assises de l'État, ça prend, d'une manière équilibrée, les quatre principes. Et, si on veut que les quatre principes tels qu'énoncés... que nos institutions, à savoir l'institution parlementaire, gouvernementale et judiciaire, bien, je pense qu'intégralement ces principes, en fait et en apparence, doivent être pris en considération.

Et je sais que le ministre aime ça, les exemples. Qu'est-ce qu'on va faire que... si, par exemple, on prend en considération les trois principes et on ne prend pas un quatrième ou on oublie un troisième, on ne fait pas trop attention à un deuxième versus trois... Je ne veux pas que ça soit un bar ouvert où on choisit deux principes et on dit : Bien, écoute, on respecte la laïcité. Mais, pour moi, les quatre, intégralement, doivent être respectés. Donc, c'est ça, l'essence même de cet amendement, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, M. le député. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui. J'entends bien, j'entends bien. Si on se réfère au terme «intégralement», la définition du dictionnaire, intégralement : «D'une manière intégrale, au complet.» Ça, ça veut dire que tous les principes devraient être rencontrés à 100 %. Or, les quatre principes travaillent ensemble. Il y a une conversation, il y a une discussion à travers les quatre principes, le fait de dire : Je respecte totalement la séparation entre l'État et les religions, je respecte totalement l'égalité, je respecte la neutralité, je respecte totalement la liberté de conscience et la liberté de religion, exemple.

Dans le rapport Bouchard-Taylor, en fonction duquel on s'est inspiré pour développer les critères, M. le Président, vous me permettrez de citer, là, c'est la page 137 : «On prend mieux la mesure de la complexité inhérente à la laïcité lorsque l'on constate qu'elle comporte un ensemble de principes — finalités et structures institutionnelles — qui peuvent s'opposer en pratique. Des tensions peuvent survenir, par exemple, entre la neutralité de l'État et le respect de la liberté de conscience et de religion.» Donc, M. Bouchard et M. Taylor disaient, exemple, sur la neutralité et sur la liberté de conscience et de religion, parfois, ça peut amener des oppositions, ça s'affirme... ça se confronte, pardon.

Aussi, Me Brouillet, qui était doyenne à la Faculté de droit de l'Université Laval et qui est maintenant vice-rectrice, je crois, de l'Université Laval, disait, au niveau de la liberté de religion : «Les deux composantes de la liberté de religion, principe de libre exercice et principe de neutralité, sont mutuellement limitatifs...» Donc, à l'intérieur même des deux, ça peut amener une discussion, une limitation l'un par rapport à l'autre. Ça fait que, si on dit «intégralement», je vois difficilement comment on va pouvoir réconcilier tous les principes qui sous-tendent la laïcité ensemble.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Nelligan, s'il vous plaît.

M. Derraji : Bien, moi, j'ai une autre définition d'intégral qui ne fait pas l'objet d'aucune restriction, qui ne fait l'objet d'aucune coupure, qui réalise pleinement une qualité, une caractéristique.

Encore une fois, on revient à l'article 2 — je sais que nous sommes au niveau de l'article 3 — le message envoyé est qu'on ne peut pas faire un choix entre un énoncé et un autre. Il y a quatre énoncés, et les quatre sont au même niveau, donc il faut les prendre dans l'intégralité et tous ensemble. Donc, vraiment, on ne peut pas dire qu'un est supérieur à l'autre. C'est ça qu'on ramène. Donc, le fait qu'on rajoute «intégralement», l'énoncé, il est très clair, que, pour l'ensemble des institutions de l'État dans notre province, l'application est intégrale, tel qu'énoncé dans l'article 2.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, pour compléter, oui?

Mme David : Bien, oui, c'est ça, je pense qu'on précise notre pensée, là. Ce dont on veut être certains, c'est que les institutions, qu'elles soient parlementaires, gouvernementales ou judiciaires, respectent l'article 2 dans son intégralité, c'est-à-dire que son article 2, il ne peut pas décider que le troisième paragraphe va sauter, qu'il n'en a rien à cirer, de l'égalité de tous les citoyens. Je veux être bien claire, et, si on peut améliorer, on améliorera, mais ce que ça veut dire, c'est que l'article 2 doit être pris avec les quatre principes. Donc, ça, ce n'est pas négociable, les quatre principes. Quand vous dites qu'un peut être modulé par rapport à un autre, là, c'est un autre débat. Mais ce qu'on veut dire, c'est que les quatre doivent être là. Ça ne peut pas être juste : Moi, je me considère respectant l'article 2 parce que je n'obéis qu'au premier paragraphe. Non, il n'y a pas... c'est intégralement, l'intégralité de l'article 2.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Je comprends l'intention. Intégralement, ça nous amène à être limitatifs par rapport à la conversation qu'il y a entre les quatre principes. Je l'ai dit, M. le Président, dans les débats, plus tôt, le critère le plus important, c'est celui de la séparation entre l'État et les religions, parmi les quatre principes, parce que, quand on pense à la laïcité, on pense à ça. Tous les principes doivent être pris en compte, mais, au niveau de la modulation, comme la députée de Marguerite-Bourgeoys le disait, le principe phare de ces quatre principes-là, c'est le premier, celui de la séparation entre l'État et les religions.

Je comprends son intention, que tous les principes doivent être pris en considération. Une institution ne pourrait pas dire : Moi, je ne prends pas le principe deux puis je ne prends pas le principe trois. À chaque fois que la laïcité de l'État doit être prise, les quatre doivent être là, je suis d'accord avec elle, à des degrés variables, en fonction de la situation. Je vous dirais, M. le Président, c'est implicite dans l'article que tous les principes doivent être pris.

Si vous permettez, M. le Président, je vous demanderais une courte suspension.

Le Président (M. Bachand) : Parfait. D'accord.

On va suspendre quelques instants. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 17 h 9)

(Reprise à 17 h 18)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Je vais céder la parole à la députée de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.

Mme David : Oui, M. le Président. Bien, j'apprécie les efforts du ministre de trouver quelque chose qui, je pense, lui convient mieux, tout en essayant peut-être de comprendre ou de l'entendre un peu plus sur ses inquiétudes sur le mot «intégralement», parce qu'entre autres il devient de plus en plus clair dans vos interventions, M. le ministre, que, et je voudrais vous entendre là-dessus, que l'article 1 est quand même... pas l'article 1, l'article 2, paragraphe 1° a plus de poids que les autres. Dans mon image de banc, là, il y aurait une grosse patte puis trois plus petites pattes et... qui est la séparation de l'État et des religions.

• (17 h 20) •

Si vous m'aviez demandé, moi, d'expliquer cet article-là, l'article 2, il ne me serait pas venu du tout à l'esprit qu'il y avait une pondération plus grande du paragraphe 1° par rapport aux autres, puisque, même dans l'article 3, rien ne nous alerte à cette prépondérance, puisque vous dites que, dans le cadre de leur mission, les institutions parlementaires, bon, respectent les principes énoncés. Mais les principes énoncés, on s'est dit : O.K. les principes énoncés, ils sont là. On ne veut pas faire de picorage, on ne veut pas aller un plus que l'autre, mais, en fait, si je vous comprends bien, vous répondez : Non, il y en a un plus que les autres. Je suis prêt mettre «tous les», mais il y en a un qui est plus important que les autres. Ça, moi, je ne l'avais pas ni lu, ni vu, ni entendu comme ça. Mais alors peut-être vous pourriez nous aider à comprendre en expliquant, en donnant un exemple de cette prépondérance du premier par rapport aux autres.

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Bien, M. le Président, je ne ferai pas de cas d'exemple, mais le concept de laïcité de l'État, c'est ces quatre principes-là. Mais, nécessairement, ce qui soutient véritablement la laïcité de l'État — et là on parle de modulation des quatre principes — c'est une conversation entre les quatre principes, mais c'est sûr que le principe de séparation entre l'État et les religions, c'est fondamental.

Les quatre principes sont très importants, mais je vous dirais que celui qui fait une séparation entre l'État et les religions, c'est le propre même de la laïcité. Mais ça s'interprète à la lumière des quatre principes, tous ensemble. Et c'est pour ça que je proposais à la députée de Marguerite-Bourgeoys... parce que, M. le Président, elle me propose «intégralement», et ça, ça veut dire que chacun des principes doit être respecté intégralement, donc en totalité.

Or, ce que je dis, c'est que, matériellement, dans les faits, même si, supposons, ils étaient tous égaux, les principes, ils ne pourraient pas être tous respectés intégralement, parce que, nécessairement, il y a une conversation entre les différents principes.

Alors, moi, je pense que, pour atteindre l'objectif que la députée de Marguerite-Bourgeoys souhaite, je pense que ce serait approprié de remplacer «intégralement» par «tous les principes». Et l'objectif recherché serait atteint.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Nelligan, s'il vous plaît.

M. Derraji : Le ministre a ramené un point très important, où j'aimerais bien qu'il m'explique ou qu'il me donne un exemple, le cas où un des principes ne serait pas respecté, des cas concrets. Parce que vu ma compréhension, pour moi, les quatre principes, c'est le socle de la laïcité de l'État. Sinon, on change le libellé... on ne va pas revenir en arrière, parce que l'article a été déjà adopté. Mais, pour moi, les quatre, les quatre, c'est les assises de la laïcité de l'État, et, pour moi, les assises de la laïcité de l'État, je les vois au même niveau. Si le ministre a un autre point de vue, qu'il nous l'explique, qu'il nous donne des exemples où parfois, dans une institution x...

Parce que là on parle de trois institutions : institutions parlementaires, gouvernementales et judiciaires. Si je suis le raisonnement du ministre, dans un cas bien particulier, la liberté de conscience, et la liberté de religion... va être beaucoup plus importante, cette liberté. Dans un autre cas, l'égalité de tous les citoyens et citoyennes va être beaucoup plus importante que l'énoncé quatre. Et, probablement, dans une autre situation hypothétique, trois vont l'emporter sur une.

Mais donc l'ensemble... Le principe de la séparation de l'État et des religions, pour lui, il est très important. Bien, c'est là où nous, je pense qu'on n'est pas d'accord. On n'est pas d'accord pour la simple et unique raison que, pour nous, quand on parle d'un socle, des assises, c'est les quatre.

On ne peut pas aujourd'hui faire un choix entre un, ou deux, ou trois énoncés, surtout qu'on veut envoyer un message clair à la population mais aussi à ma tante, même si je n'ai pas mes tantes ici. Elles sont encore loin, il faut faire la traversée de l'Atlantique, mais je considère toutes les Québécoises, les tantes québécoises comme mes tantes. Mais on parle à qui, là?

Pour moi, là, les quatre principes sont au même niveau. Et c'est pour cela que l'amendement que ma collègue députée de Marguerite-Bourgeoys, «intégralement», est le reflet qu'on envoie un message très clair à nos trois institutions que c'est la même chose. Je vais attendre le ministre, pour voir...

Le Président (M. Bachand) : Je vous remercie, M. le député. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui. Les quatre principes sont importants. La laïcité de l'État s'exerce à travers les quatre principes, hein? Qu'est-ce que la définition de la laïcité de l'État? Ce sont ces quatre principes-là. Tous les principes sont pris en compte dans l'interprétation de la laïcité de l'État. Ce sont les composantes, les quatre principes.

Ce que je dis aux collègues du Parti libéral, c'est que, lorsqu'on parle de laïcité, ça contient ces quatre principes-là. Les quatre principes sont modulés. Cependant, la séparation entre l'État et les religions, c'est un des principes forts. Tous les principes sont importants, mais, au niveau de la modulation, la liberté, la séparation entre l'État et les religions doit être considérée. Et, lorsqu'il y aura une analyse, supposons, au niveau de l'application de la laïcité, les quatre doivent être présents. Autant les institutions judiciaires, parlementaires et gouvernementales, lorsqu'elles se dotent de la laïcité de l'État, elles doivent répondre aux quatre critères.

Mais, juste pour préciser, lorsque la conversation... l'amendement que la députée de Marguerite-Bourgeoys propose fait en sorte que ça nous amènerait dans un silo où il n'y aurait pas de possibilité de conversation entre les quatre critères, les quatre critères doivent être pris en considération. On n'enlève pas de patte à la chaise, pour faire image à ce que la députée de Marguerite-Bourgeoys disait tout à l'heure.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Nelligan, s'il vous plaît.

M. Derraji : Je ne suis pas d'accord, M. le Président, avec le ministre, parce qu'on n'envoie pas, encore une fois, un message très clair à nos institutions. Ce que nous sommes en train de faire, au niveau de l'article 3, c'est envoyer un message très clair, et le message, il est très simple. Encore une fois, je reviens à l'idée de la chaise avec les quatre pattes, exactement. On ne veut pas qu'il y ait une patte beaucoup plus courte qu'une autre. Vous savez la loi de la physique, on risque de soit être plus penché sur la droite ou sur la gauche et on risque même de tomber.

Bien, justement, on ne veut pas qu'une institution tombe. On veut qu'il y a un paramétrage entre les énoncés, mais aussi, et chose très importante, M. le Président, c'est que, pour la suite des articles, notre message va être très clair. Parce que là on ne parle pas des individus. Un peu plus tard, on va arriver aux individus. Donc, si nos institutions n'adoptent pas, d'une manière intégrale, l'ensemble de ces assises, ça va être quoi, notre message, un peu plus tard, aux individus, hein?

Ça veut dire que quelqu'un que, pour lui, l'égalité de tous les citoyens n'est pas importante, mais il croit à la séparation de l'État et des religions... Quelqu'un, pour lui, la neutralité religieuse de l'État n'est pas importante, mais il croit que la séparation de l'État et des religions, c'est important, si je suis le raisonnement du ministre... parce que, pour lui, il a dit : Écoutez, l'élément le plus important, c'est la séparation de l'État et des religions. Excellent.

Notre vision, les trois principes au même pied d'égalité, et c'est très important qu'on fait ça maintenant, au niveau des institutions. Notre point de départ au niveau de la laïcité, c'est les institutions, à savoir les trois institutions : parlementaires, gouvernementale et judiciaires.

Donc, quand on va inclure l'intégralité de ces principes, notre message va être beaucoup plus clair une fois rendu aux individus. Parce que je ne veux pas que mes individus qui vont... et ça a été expliqué, je reviens toujours à l'exemple de l'employé à la SAAQ. Je ne veux pas que, dans sa tête, il y ait : un, important, mais deux, trois, quatre, ce n'est pas important.

C'est ça, le schéma que j'ai devant moi. Le ministre peut me corriger, parce que, depuis tout à l'heure, il dit : La séparation de l'État et des religions, c'est très important. Excellent, très d'accord, mais les autres aussi. Toujours... Revenons à l'image de la chaise avec les quatre pattes. C'est les assises, le socle de la laïcité, et, à ce stade où on est aujourd'hui, à cet article, le message doit être beaucoup plus clair. Pourquoi? Le point de départ, c'est nos institutions. C'est là où on est aujourd'hui, et, un peu plus tard, ça va être les individus.

Donc, j'aimerais bien que le ministre se prononce par rapport à l'importance. Je ne veux pas lui poser la question en termes de pourcentage, parce que moi, je suis convaincu, nous sommes convaincus de l'importance des quatre principes. Mais, si je suis le raisonnement du ministre, c'est comme si aujourd'hui, je donne un 50 % à la séparation de l'État et des religions et je partage les autres 50 % sur trois autres principes. Je ne pense pas que c'est ça qu'il veut. Je ne pense pas que c'est ça qu'il pense, M. le ministre. Mais donnons-nous un message très fort à nos institutions que le socle de la laïcité repose sur ces quatre principes intégralement.

Le Président (M. Bachand) : Je vais céder la parole à Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys avant de céder la parole au ministre, merci.

• (17 h 30) •

Mme David : Juste pour compléter les réflexions, le ministre, justement, dit : On est dans du droit nouveau. Il a raison. Il a raison, c'est la première fois qu'on met ensemble quatre principes très importants dans du droit nouveau.

Mais, justement parce que c'est du droit nouveau, justement parce qu'on crée quelque chose qui va faire école, qui va, d'une certaine façon, s'intégrer dans l'histoire du Québec, dans la nation du Québec, il faut être particulièrement attentifs aux valeurs que nous chérissons tous et toutes. Et, dans ces valeurs-là, il n'y en a pas de plus importante que les autres quand vient le temps, justement, de dire : Nous avons non seulement un article 1... Comme un certain parti s'est fièrement dit depuis des décennies, nous avons notre article 1, mais... Dans ce cas-ci, oui, il y a l'article 1, mais l'article 2 est au moins aussi important, et, parce qu'il est aussi important, bien, il faut peser tous les mots. Et, justement, parce qu'on parle de poids des mots, bien, il ne faut pas qu'il y ait de poids dans les quatre grands principes.

Alors, qu'on dise «les principes» ou «tous les principes», ça ne rend pas justice à l'importance des principes deux, trois et quatre, par exemple, versus un. Puis je ne suis pas sûre que les Québécois, Québécoises aimeraient que nous reléguions à un rôle mineur, dans une pièce de théâtre, l'égalité de tous les citoyens et citoyennes, ou la liberté de conscience et la liberté de religion, ou la neutralité religieuse de l'État. On parle tellement de socle, justement, important que, même, il faudrait choisir un exemple plus noble et plus grandiose que la chaise à quatre pattes parce que... Là, peut-être qu'on devrait aller dans des grands temples qui ont été édifiés au nom de la fierté de certaines nations dans l'histoire de l'humanité. Bien, prenons cet exemple-là.

Alors, cet exemple-là, si on est en train de construire un grand temple du Québec, bien, ça n'a pas de bon sens de... Même si on est d'accord que l'article 1 a aussi son importance... c'est-à-dire, le paragraphe 1°, mais on ne peut pas dire que le 3° et le 4° en ont moins. On ne peut pas le penser, même, parce que l'évolution du Québec s'est faite à travers ça. Qui va dire que les citoyens, citoyennes... Parce que j'apprécie le fait qu'on le met au masculin et au féminin. Je l'apprécie beaucoup. Mais pensez-vous que ça aurait été écrit comme ça il y a 50 ans? Ça aurait été «l'égalité de tous les citoyens» parce que la femme, elle n'existait même pas juridiquement. Je pense qu'on en a parlé hier. Elle n'avait même pas le droit de vote jusqu'en 1940. La femme n'existait pas légalement. Là, au moins, la citoyenne est dans le projet de loi. Alors, on la met autant en avant que les citoyens, mais ce n'est pas pour, après ça, faire reléguer ça à une seconde classe. Ce sont des batailles qui ont été faites — le ministre est d'accord — la neutralité religieuse de l'État, depuis tellement longtemps, liberté de conscience, liberté de religion. Alors, il faut faire honneur à ces grandes batailles qui ont eu lieu depuis des décennies.

Alors, oui, peut-être qu'on peut dire : C'est une bataille, l'article 1, l'État est laïque. Peut-être que, oui, aussi, la laïcité repose sur la séparation de l'État et des religions. Oui, c'est une victoire aussi, mais, en 1955, même dans la «grande noirceur», on a dit que justement il fallait séparer les deux. Mais disons que, dans les faits, là, c'est une étape qui peut être nouvelle. Puis ça date d'il y a quand même longtemps, tous ces combats-là, mais de quantifier les combats, c'est là où on essaie, bien respectueusement, de montrer que tous doivent être, ces combats-là, rendus ou on doit leur rendre honneur également. C'est comme ça que j'expliquerais ça.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui. C'est important de comprendre que les quatre principes s'interprètent les uns par rapport aux autres. Celui qui est le plus important, c'est celui de la séparation entre l'État et les religions. Pourquoi en est-il ainsi? Et ça ne veut pas dire qu'on élimine un des principes par rapport aux autres, là. C'est juste que, je vous dirais, il y a un caractère prépondérant dans mon analyse. Pourquoi?

Exemple, tout à l'heure, M. le Président, la députée de Marguerite-Bourgeoys citait Pierre Bosset et faisait référence à lui, sa conception de la séparation entre l'État et les religions. Or, cette séparation-là, c'est une séparation de religion d'État, et il se fonde sur un jugement de 1955 là-dessus. Ça fait longtemps, là. Ça fait 64 ans, ce que... sur ça. Alors, ce concept-là, il est absent de la jurisprudence. Et la discussion qu'on avait hier avec le député de Jean-Lesage, c'était notamment là-dessus. Le critère de l'État, de la séparation de l'État et des religions, oui, c'est un critère nouveau, c'est un critère plus important. La laïcité de l'État s'interprète à la lumière des quatre principes. J'en suis. Mais, par contre, elle a un caractère prépondérant, la séparation de l'État et des religions. C'est le fondement même de la laïcité. Mais les quatre principes doivent être pris en considération, mais il y a une modulation. Comme je le disais, il y a une conversation entre ces différents principes là. Lorsqu'il y a plusieurs critères dans une loi, c'est ce qui se passe et c'est ce qui va se passer.

Cela étant, on vise à faire en sorte que la jurisprudence, elle change aussi. Elle change parce qu'on n'adopte pas une loi sur la laïcité uniquement pour le plaisir d'adopter une loi sur la laïcité. On veut que le droit, il change. On vient modifier le droit. On vient s'assurer que, maintenant, c'est la laïcité de l'État et ce n'est... non plus uniquement la neutralité religieuse de l'État. Ça va plus loin que le projet de loi n° 62. Elle est là, la distinction, M. le Président. On n'est pas dans le concept de laïcité ouverte comme le souhaiterait, supposons, la ville de Montréal ou le Parti libéral. On est dans un concept proprement québécois, un concept où il y a une séparation formelle entre l'État et les religions, et où ce critère-là, c'est un critère fort important.

Cela étant, ça ne diminue pas le fait que les autres critères soient présents aussi. Alors, ce que je propose à la députée de Marguerite-Bourgeoys, c'est qu'on dise que «respectent tous les principes énoncés» plutôt qu'«intégralement», parce qu'intégralement ça amène des oppositions. Si on respecte tous les critères dans leur intégralité, bien, ça va faire en sorte qu'ils ne pourront pas s'appliquer entre eux parce que parfois ils vont s'opposer. Il faut prendre tous les critères ensemble.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Nelligan, s'il vous plaît.

M. Derraji : Est-ce que le ministre peut me donner des exemples où il voit une menace, que ce n'est pas un va... je vais utiliser le mot «gagner» parce que je n'arrive pas à trouver l'élément qui va aller dans le sens de la réflexion du ministre. Un va l'emporter sur un autre. Je veux un exemple parce qu'ici ce n'est pas la même chose, les quatre principes. Ça veut dire qu'un est plus important que l'autre. Je comprends que le ministre, depuis tout à l'heure, il pense que la séparation de l'État et des religions, c'est un élément, c'est un énoncé, c'est un principe important. Est-ce que vous avez un exemple où un principe, au sein d'une institution, parce qu'on parle d'une institution, il est beaucoup plus important qu'un autre?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : On n'est pas, M. le Président, dans les cas particuliers. Cela étant, on est vraiment au niveau de l'article 3 et au niveau des institutions, au niveau de l'application, et l'ensemble des institutions vont respecter les principes qui soutiennent la laïcité de l'État.

Le Président (M. Bachand) : Oui, M. le député de Nelligan, s'il vous plaît.

M. Derraji : Mais, je pense, M. le Président, ça confirme que, du moment qu'il n'y a pas d'exemple, où un est beaucoup plus important... un énoncé qu'un autre, ça veut dire que cette situation n'existe pas, ça veut dire que les quatre... Peu importe l'institution, parce qu'encore une fois on est dans l'article 3, peu importe l'institution, parlementaire, gouvernementale ou judiciaire, les quatre représentent le socle de la laïcité de l'État. Ça veut dire qu'il n'y a pas un qui va l'emporter sur un autre. Donc, c'est là où je ne comprends pas vraiment le raisonnement du ministre, M. le Président. Du moment qu'il n'a pas d'exemple... Il n'a pas d'exemple, le ministre, à me partager que, dans une situation particulière, précise d'une institution... où un, il est plus... un principe est beaucoup plus important qu'un autre. C'est là où nous sommes maintenant. Donc, j'aimerais bien l'entendre, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Merci, M. le député. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui. M. le Président, j'ai déjà répondu à la question. Je ne peux que réitérer ce que j'ai dit. Les quatre principes s'interprètent les uns par rapport aux autres. Tous doivent être pris en considération. Et c'est pour ça que je vous invite à modifier votre amendement pour indiquer «tous». Ça permettrait au Parti libéral d'amender le projet de loi et d'atteindre l'objectif recherché.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Interventions? Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.

• (17 h 40) •

Mme Robitaille : Oui. M. le Président, je pense qu'on doit comprendre un peu les inquiétudes de ma formation à la lumière de ce qui s'est dit et considérant aussi ce qui nous a amenés où on est aujourd'hui. Le ministre nous dit : Non, non, on fait un nouveau droit. On fait un nouveau droit, mais, en même temps, il nous donne des pistes comme quoi ce n'est pas vraiment un nouveau droit. C'est plus l'aboutissement, c'est plus, comment je pourrais dire, un condensé, là, de, comment je pourrais dire, notre jurisprudence, des lois issues, qui ont été créées durant les dernières décennies à la lumière de nos chartes, à la lumière de notre jurisprudence, puis on a pris tout ça ensemble puis, bien, on le codifie dans ce projet de loi là sur la laïcité.

On est à l'article 3. Après ça, bon, il y a des variantes, et puis il y a l'article 6, et puis il y a l'article 19, puis il y a d'autres choses. Mais nous, on veut s'assurer que cet équilibre-là, il demeure parce que le ministre parle de séparation de l'État puis des religions puis il dit : On ne l'a jamais fait avant. Mais, pourtant, nous, on a l'impression que cette séparation-là, elle est de fait, elle existe. Et donc, par souci de clarté, bien, on pense qu'ajouter «intégralement», ce serait la meilleure chose.

Je veux juste lire Me Lampron là-dessus, parce que le ministre nous dit : C'est un nouveau droit. Or, il y a beaucoup de juristes qui disent : Non, ce n'est pas nouveau, là, cette laïcité-là. On dit, et c'est la page 9 du mémoire de Me Lampron : «D'un strict point de vue juridique, l'on peine à voir en quoi la simple référence à un terme dont la portée est aussi polysémique que celui de laïcité — hein, parce qu'on peut l'interpréter de plusieurs façons — représenterait en elle-même une avancée ou un changement aux principes qui sont déjà applicables en droit public québécois.» Donc, bon, je ne suis pas la seule à penser comme ça. Puis : «Cette impression nous semble être renforcée par une comparaison entre les règles qui sont actuellement applicables au Québec pour opérationnaliser la séparation du religieux et de l'État et les "4 principes" en fonction desquels l'article 2 du p.l. 21propose de définir la "nouvelle" laïcité de l'État québécois — et là il conclut, il dit : tous ces principes, sans exception, sont également au coeur de la jurisprudence qui s'applique aujourd'hui au Québec.»

Donc, rien de nouveau. Et, quand le ministre nous dit : Bien, c'est un nouveau droit, bien, moi, je me pose des questions. Puis, pour me rassurer, ce terme, «intégralement», est important parce qu'on veut justement que tout soit pris en considération. Vous comprenez?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Bien, M. le Président, justement, je viens d'entendre la députée de Bourassa-Sauvé dire : Il faut que tous les principes soient pris en considération. Je propose au Parti libéral de remplacer le mot «intégralement» dans leur amendement par «tous». Et ça se lirait ainsi : «...les institutions parlementaires, gouvernementales et judiciaires respectent tous les principes énoncés à l'article 2...» Il me semble que ça fait du sens, ma proposition, puis que ça rejoint ce que la députée de Bourassa-Sauvé a dit.

Le Président (M. Bachand) : Interventions?

Une voix : ...

Le Président (M. Bachand) : Oui, bien sûr.

Alors, nous allons suspendre quelques instants. Merci infiniment.

(Suspension de la séance à 17 h 44)

(Reprise à 17 h 58)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Merci. La commission reprend ses travaux. Je vais céder la parole à la députée de Marguerite-Bourgeoys. S'il vous plaît, Mme la députée.

Mme David : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, après une réflexion sémantique importante, on est vraiment dans le cas de dire : Chaque mot a son poids, a son importance, et particulièrement dans des projets aussi structurants et novateurs. Comme se plaît à le dire le ministre, on est dans du droit nouveau. Alors, nous devons faire notre travail très attentivement. Et ça explique quand même un certain temps que nous devons passer à réfléchir à ça.

Donc, à l'article 3 modifié, remplacer, dans le premier alinéa de l'article 3, «respectent les» par «respectent l'ensemble des».

Le Président (M. Bachand) : Merci. Avant de parler de cet amendement-là, il faudrait retirer l'amendement précédent. Est-ce qu'il y a consentement pour retirer l'amendement?

Mme David : ...si c'est moi qui retire, à consentir.

Le Président (M. Bachand) : Ça prend un consentement des membres. O.K.? Consentement.

Alors, nous avons maintenant le nouvel amendement de la députée de Marguerite-Bourgeoys. Est-ce qu'il y a des interventions? S'il n'y a pas d'intervention, nous allons mettre l'amendement de la députée de Marguerite-Bourgeoys à la mise aux voix. Est-ce que l'amendement à l'article 3 est adopté?

Des voix : Adopté.

Le Président (M. Bachand) : Adopté. Merci beaucoup.

Compte tenu de l'heure, la commission va suspendre ses travaux jusqu'à 19 h 30. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 17 h 59)

(Reprise à 19 h 31)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, bonsoir et bienvenue. Je vous rappelle que la Commission des institutions reprend ses travaux. Je demande, bien sûr, à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 21, Loi sur la laïcité de l'État.

Lors de la suspension de nos travaux, cet après-midi, les discussions portaient sur l'article 3 amendé. Interventions? Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.

Mme David : Alors, rebonjour, rebonsoir. On est plein d'énergie.

Une voix : ...

Mme David : Oui. Il dit : Heureux de l'entendre. Ah! vous voyez, pour continuer, je le répète, ce très, très, très important projet de loi, où nous venons... Ah! mon Dieu! Je commence à être fatiguée, oui.

Une voix : Non, non, vous êtes pleine d'énergie.

Mme David : Je suis pleine d'énergie, mais je ne trouve plus mes mots. Ne ménager aucun effort pour que ce projet de loi puisse être le mieux bonifié possible.

Alors, on a avancé avec un amendement tout à l'heure. Nous allons continuer, donc, dans l'article 3 et nous allons passer à l'application de ce chapitre en posant des questions sur les... on l'a dit, hein, on ne parle pas d'individus, on parle d'institutions dans ce cas-ci. Alors, on va commencer par les institutions parlementaires. Alors, ça va être intéressant, on va pouvoir parler des institutions parlementaires qui sont touchées par ce projet de loi et donc maintenant... où on a dit l'ensemble des quatre principes qui devront s'appliquer à l'Assemblée nationale.

Alors, je lis l'article, mais... le ministre l'a lu tout à l'heure, mais quand même...«L'Assemblée nationale, de même que les personnes nommées ou désignées par celle-ci pour exercer une fonction qui en relève.» Alors, j'aimerais beaucoup entendre quelques mots du ministre sur les institutions parlementaires, parce que c'est assez technique, mais j'aimerais ça l'entendre à un niveau peut-être un peu plus général pour voir pour quelle raison il prend la peine de spécifier et d'inclure les institutions parlementaires.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui. M. le Président, au niveau des institutions parlementaires, on parle du pouvoir législatif, hein? Donc, dans les institutions parlementaires, on inclut comme... incluant l'Assemblée nationale et les personnes nommées ou désignées par celle-ci pour exercer une fonction qui en relève. Ces personnes sont le Commissaire à l'éthique et à la déontologie des membres de l'Assemblée nationale, le Commissaire au lobbyisme, le Directeur général des élections, le Protecteur du citoyen et le Vérificateur général du Québec. Donc, c'est soit l'Assemblée ou soit les personnes qui sont désignées... qui sont des personnes désignées par l'Assemblée, au nombre de cinq.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée, oui.

Mme David : C'est intéressant, parce qu'on a... ça nous permet de fouiller un peu un certain nombre de questions, dont celle-là, au premier paragraphe, quand on parle de quelqu'un qui est nommé puis quelqu'un qui est désigné, vous allez m'expliquer la différence, une différence technique, mais, quand même, vous allez voir que c'est... plus on fouille, plus c'est compliqué. Mais vous mettez «de même que les personnes nommées ou désignées». Comment vous voyez la différence entre les deux?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : En fait, ce qu'on me dit, c'est que c'est ce qui est prévu dans le corpus, c'est une expression qui est consacrée, «nommées ou désignées». Quand on parle des cinq personnes, on vise «nommées ou désignées».

Mme David : Donc, vous en faites un synonyme, «nommées ou désignées». Vous dites, c'est comme habituel dans le corpus de l'Assemblée nationale. Mais, quand on parle de personnes nommées et désignées, ce ne sont, en fait, que des personnes désignées, l'énumération des cinq... Les personnes désignées, c'est le Commissaire à l'éthique et à la déontologie, le Commissaire au lobbyisme, le Directeur général des élections, le Protecteur du citoyen et le Vérificateur général. Ce sont des gens désignés. Ça, vraiment, là, c'est facile à trouver sur le site Web, etc. Mais il y a quand même des personnes qui sont nommées aussi et elles ne sont pas du tout énumérées.

Alors, on se demande un petit peu pourquoi des gens nommés par l'Assemblée nationale ne sont pas dans votre liste, parce qu'il y a des membres qui sont nommés par, exemple, proposition du premier ministre, par résolution de l'Assemblée nationale. On parle, par exemple, de la Commission d'accès à l'information, un exemple.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui. Pour apporter un éclairage, exemple, la députée de Marguerite-Bourgeoys fait... On a procédé à une nomination cette semaine... bien, hier... Ce matin ou hier? Je ne me souviens plus. Hier? Bon, hier, notamment pour la commission aux droits de la personne. Donc, la personne, elle est nommée.

Donc, je donne un exemple, M. le Président, pour le bénéfice de la députée de Marguerite-Bourgeoys. L'article, on utilise «nommées ou désignées», parce que c'est ce qui est prévu dans le corpus, mais il faut lire l'article en intégralité. O.K.? On dit : «nommées ou désignées par celle-ci pour exercer une fonction qui en relève», qui relève de l'Assemblée nationale. Voici l'exemple que je vous donne. La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, hier, nous avons procédé à une nomination sur proposition du premier ministre. La personne, elle est nommée sur proposition du premier ministre, mais elle n'exerce pas une fonction qui relève de l'Assemblée nationale. Donc, elle n'est pas...

Mme David : Donc, si ça ne relève pas de l'Assemblée nationale, dans l'esprit de l'article 3, elle n'a pas à être soumise au principe de la laïcité de l'État. C'est ça?

M. Jolin-Barrette : ...question... en fait, clarification, vous pouvez être nommé par l'Assemblée nationale mais ne pas en relever. Donc, si vous êtes nommé par l'Assemblée mais que vous n'en relevez pas, fort probablement que vous allez vous retrouver dans «institutions gouvernementales».

Ça peut arriver que des gens qui relèvent des institutions gouvernementales sont nommés par l'Assemblée. Un des meilleurs exemples que je pourrais vous donner aussi : le Directeur des poursuites criminelles et pénales. Dans le projet de loi n° 1 de la présente législature, le Directeur général des élections... pardon, le directeur général de la Sûreté du Québec, le Directeur des poursuites criminelles et pénales ainsi que le directeur général de l'UPAC vont maintenant être nommés par l'Assemblée nationale, mais ils n'exercent pas une fonction qui relève de l'Assemblée nationale. Donc, ils ne sont pas visés par «institutions parlementaires», d'où la distinction.

Mme David : C'est parce que...

Le Président (M. Bachand) : Oui, Mme la députée. Allez-y, oui.

Mme David : Excusez. Oui, c'est vraiment important, cette distinction-là parce qu'à moins... nous, parce que c'est notre job, là, de fouiller pour bien comprendre, puis Dieu sait que les lois, des fois, ça peut être compliqué, puis les avocats qui compliquent par-dessus ça.

M. Jolin-Barrette : Wo! Les avocats, là...

Mme David : Bien, j'ai dit «les avocats», je n'ai pas dit «les ministres», qui sont peut-être avocats de surcroît, mais c'est compliqué, lire des lois, souvent.

M. Jolin-Barrette : Bien, les avocats qui travaillent au Barreau, là, ils sont prompts, hein?

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée, s'il vous plaît.

• (19 h 40) •

Mme David : Oui, oui. Non, on s'amuse un petit peu. Il est tard. Mais ce qu'on découvre, c'est qu'effectivement, si on regarde les descriptions, c'est tout à fait vrai qu'on parle de «personnes nommées ou désignées par celle-ci pour exercer une fonction qui en relève». Mais, quand on regarde la nomination de membres, par exemple, de la Commission d'accès à l'information, on dit quand même : «Les membres sont nommés, sur proposition du premier ministre, par résolution de l'Assemblée nationale approuvée par au moins les deux tiers de ses membres. La résolution indique la section à laquelle les membres, autres que le président et le vice-président, sont affectés pour la durée du mandat.

«[...]L'Assemblée détermine de la même manière la rémunération, les avantages sociaux[...]. 

«Les membres de la commission exercent leurs fonctions à temps plein», etc.

Alors, il y en a plusieurs comme ça, Accès à l'information, Commission de la fonction publique. Le premier ministre, c'est tout lui, là, qui propose; après ça, c'est deux tiers, Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, Commission de la représentation électorale... bon, l'UPAC, là, je ne sais pas si c'est récent, parce que je pense qu'on a récemment travaillé là-dessus, l'Autorité des marchés publics, etc.      Alors, je me demande s'il n'y aurait pas lieu de préciser peut-être ou de rendre ça plus clair, ce que vous voulez inclure et ne pas inclure. Alors, je pense que vous allez me répondre : Ce qui n'est pas là, par définition, n'est pas inclus et puis que quelqu'un qui lit ça, il est supposé savoir qu'il y a une nuance entre exercer une fonction qui en relève versus exercer une fonction, nommé par l'Assemblée nationale aux deux tiers, etc., mais il n'y a pas le petit «qui en relève».

Alors, pourquoi on ne pourrait pas être un peu plus précis ou faire la nomenclature précise des gens qui sont sous ce chapeau-là? Parce que vous êtes beaucoup plus précis, on verra, pour les institutions gouvernementales, là. Elle est longue, l'annexe. Aux paragraphes 1° à 10° de l'annexe I, c'est assez élaboré. Alors, on reste un petit peu sur nos interrogations et, j'oserais dire, notre appétit, parce que les institutions judiciaires aussi, il y a quand même une énumération un peu plus poussée.

Alors, celle-là, vous êtes un peu plus avare de mots, je dirais, et d'explications.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Pour fins de clarification pour la collègue de Marguerite-Bourgeoys, dans la loi sur la neutralité... Loi favorisant le respect de la neutralité religieuse de l'État et visant notamment à encadrer les demandes d'accommodements pour un motif religieux dans certains organismes, la loi de Mme Vallée, le projet de loi n° 62, la précédente collègue de la ministre. À l'article 3, paragraphe 2° de la loi, on dit :

«Pour l'application du présent chapitre, sont également membres du personnel d'un organisme public :

«2° les personnes nommées ou désignées par l'Assemblée nationale pour exercer une fonction qui en relève et le personnel qu'elles dirigent.»

Donc, en fait, dans le corpus législatif, c'est de cette façon-là qu'on vise les personnes nommées ou désignées qui relèvent de l'Assemblée nationale, les cinq personnes que je vous ai énoncées. Il n'y a pas lieu d'être plus précis parce que l'ensemble de la structure juridique des lois qui reflète ces cinq personnes-là, c'est ce qui était entendu dans le corpus. Si on venait changer ça, il faudrait changer toutes les autres lois qui les désignent aussi pour assurer de la cohérence légistique.

Alors, autre élément, exemple, supposons qu'on venait les détailler un par un, supposons, le Vérificateur général, Commissaire à l'éthique, le Commissaire au lobbyisme, Protecteur du citoyen, si jamais, dans deux ans, dans cinq ans ou dans 10 ans, il y avait une nouvelle personne... il y avait une nouvelle fonction qui relevait de l'Assemblée nationale puis qui était désignée ou nommée par l'Assemblée nationale, il faudrait réouvrir la loi sur laïcité. Or, en termes légistiques, ce n'est pas approprié, parce que ce qu'on vise, c'est à ce que toutes les personnes qui sont nommées, désignées et qui relèvent de l'Assemblée nationale soient visées.

Autre point... Je ne sais pas si la députée de Marguerite-Bourgeoys a, entre ses mains, l'annexe I du projet de loi n° 21.

Mme David : ...ça va être pour le deuxième paragraphe.

M. Jolin-Barrette : C'est la page 11, page 11 du projet de loi.

Mme David : Oui. Quel article?

M. Jolin-Barrette : Non, l'annexe I. O.K. Parfait. Paragraphe 9°. Donc, quels sont les organismes gouvernementaux qui sont visés? Notamment, «les organismes dont l'Assemblée [...] nomme la majorité des membres». Donc, exemple, tout à l'heure, sur l'exemple de la Commission de la fonction publique ou de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, bien, ils sont visés. Donc, même si l'Assemblée procède à la nomination des membres, on les rattache, par le biais d'institutions gouvernementales, à l'annexe I, paragraphe 9°.

Mme David : ...institutions gouvernementales plutôt que...

M. Jolin-Barrette : À travers ce...

Mme David : ...parlementaires.

M. Jolin-Barrette : Exactement, parce qu'ils ne relèvent pas de l'Assemblée nationale, ils relèvent du gouvernement, du pouvoir exécutif.

Mme David : Oui. Je pense, vous avez, là-dessus, un bon point, mais je vais vous en donner quand même un autre que moi, je trouve pas pire dans mes réflexions.

Quand il est écrit «personne désignée par l'Assemblée»... C'est sur le site, là, de l'Assemblée nationale. «Une personne désignée par l'Assemblée nationale est une personne nommée par celle-ci pour exercer une charge publique.» Et puis vous mettez, dans votre libellé à vous, «une personne nommée ou désignée». Mais, dans la définition, c'est «une personne désignée est une personne nommée», ce n'est pas «ou une personne nommée».

Donc, pourquoi vous mettez le «ou» puis vous ne dites pas tout simplement «une personne désignée» plutôt que «désignée ou nommée»? Parce que ce n'est pas comme ça que c'est dit sur le site Web. C'est : «Une personne désignée par l'Assemblée nationale est une personne nommée par celle-ci...»

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

Mme David : Parce que c'est mélangeant, vous comprenez, pour le quidam, par rapport à des gens nommés, mais qui ne relèvent pas de l'Assemblée nationale.

M. Jolin-Barrette : Mais, M. le Président, il faut lire la phrase dans son ensemble. Et justement Mme Vallée, dans le projet de loi n° 62, elle utilisait cette formulation-là. Donc, est-ce dire que les mots utilisés par votre précédente collègue ne sont pas les bons mots?

Mme David : ...une petite boutade, je ne suis pas sûre que vous avez voté pour ce projet de loi. Donc, vous étiez contre le projet de loi. Alors, vous pourriez dire que j'étais contre le libellé.

M. Jolin-Barrette : Mais, M. le Président, je crois que la députée de Marguerite-Bourgeoys a voté pour ce libellé-là dans le projet de loi n° 62.

Des voix : Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bachand) : Oui, M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui. Bon, revenons à nos moutons, personne désignée par l'Assemblée nationale. Quand on lit, là, sur le site Web de l'Assemblée nationale, hein, on dit : «Une personne désignée par l'Assemblée nationale est une personne nommée par celle-ci pour exercer une charge publique. Un tel statut contribue à préserver l'indépendance de la personne désignée et son impartialité dans l'exercice de ses fonctions.

«Cinq personnes sont désignées par l'Assemblée et sont responsables devant elle : le Commissaire à l'éthique et à la déontologie, le Commissaire au lobbyisme, le Directeur général des élections, le Protecteur du citoyen et le Vérificateur général du Québec.

«Ces personnes sont nommées sur une proposition du premier ministre qui doit être approuvée par les deux tiers des députés.»

Donc, voyez-vous, on utilise aussi «nommée», «désignée».

Mme David : Oui, mais, en tout respect, je trouve que ça complique les choses plutôt que les simplifier parce qu'en plus vous dites... Vous mettez, dans l'«institutions parlementaires», «l'Assemblée nationale — qui est une institution parlementaire — de même que les personnes nommées». Donc, si on va à l'Assemblée nationale, ça, pour vous, est-ce que c'est plus clair? Qu'est-ce que l'Assemblée nationale?

M. Jolin-Barrette : Pouvez-vous répéter votre question?

Mme David : Bien, la question est peut-être large ou trop large, mais vous incluez évidemment, dans l'application du présent chapitre, ce qu'on appelle l'Assemblée nationale.

Est-ce que quelqu'un qui est aux prises avec la... qui doit appliquer cette loi... parce que ça va arriver plus loin, là, il y a beaucoup, beaucoup... Prenez l'annexe I, tous les organismes, là, ils vont avoir la loi, ils vont lire ça puis ils vont dire : O.K., mais c'est quoi, l'Assemblée nationale? C'est-u les élus? Est-ce que c'est dit quelque part? Il y a tellement une belle grosse annexe pour les institutions gouvernementales, mais il n'y a pas beaucoup de jus pour le premier paragraphe, qui est «Assemblée nationale» et «personnes nommées ou désignées». Il faut qu'on fouille, puis «Assemblée nationale», j'imagine que c'est écrit quelque part, là, à qui et à quoi vous pensez. Comme vous dites, ce n'est pas du béton puis des murs, là. Même si on a un nouveau pavillon qui est magnifique, ce n'est pas ça, là, à quoi vous pensez, là.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui. Bien, il y a une loi sur l'Assemblée nationale, et, dans la Loi sur l'Assemblée nationale, à l'article 1 : «L'Assemblée nationale se compose des députés élus dans chacune des circonscriptions électorales établies conformément à la Loi électorale et dont les noms ont été transmis au secrétaire général par le Directeur général des élections à l'article 380 de cette loi.» C'est ça.

Mme David : Bien, c'est superimportant, là, votre réponse, parce que, c'est ça, l'Assemblée nationale, moi, j'aurais donné une définition vraiment plus large. C'est les élus, point. Ce n'est pas ma recherchiste à côté de moi, ce n'est pas tout le personnel, c'est ça. Vos cabinets ne seraient pas soumis à la loi, l'article 2, donc...

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, voulez-vous suspendre un petit peu ou... M. le ministre?

M. Jolin-Barrette : Oui, on va suspendre quelques instants.

Le Président (M. Bachand) : Ça va.

On va suspendre quelques instants. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 19 h 50)

(Reprise à 19 h 55)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la commission reprend ses travaux.

Une voix : ...

M. Jolin-Barrette : J'ai eu peur. J'ai eu peur.

Le Président (M. Bachand) : Merci, merci. Je cède la parole à M. le ministre, s'il vous plaît.

Des voix : ...

Le Président (M. Bachand) : S'il vous plaît! M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Bon, l'Assemblée nationale désigne, oui, la députation, mais aussi ce qui découle de l'Assemblée nationale. Donc, l'appareil administratif de l'Assemblée nationale fait partie de l'Assemblée nationale. Parce qu'il faut se rappeler qu'au moment où, puis ça, c'est un peu une fiction, là, au moment où la législature prend fin et que le lieutenant-gouverneur dissout l'Assemblée, théoriquement, l'Assemblée est dissoute. Ça fait que c'est comme s'il n'y avait pas d'existence, mais elle perdure dans les faits.

Le Président (M. Bachand) : Oui, Mme la députée.

Mme David : Superintéressant. J'imagine qu'évidemment vous l'avez trouvé quelque part, là, imaginez si vous avez tous ces grands experts en arrière de vous, le pauvre quidam qui cherche qu'est-ce que ça veut dire, je pense qu'il y aurait peut-être intérêt à le rendre un peu plus transparent pour dire qu'est-ce qu'on entend par «Assemblée nationale». Même moi, j'apprends en même temps que vous. C'était une vraie question je vous posais, ce n'était pas un piège. Je ne l'ai pas, la réponse, puis, un, j'aimerais ça qu'on sache où on peut trouver ça, et puis, deux, qu'on aille un petit peu plus loin sur... parce que, je le répète, ce n'est pas de la perte de temps, là, c'est un projet de loi où chaque mot est important, qui est visé, etc. Donc, l'Assemblée nationale, si on reprend de votre première réponse, les 125 élus, l'appareil administratif...

M. Jolin-Barrette : Mais juste... Oui, il faut lire : «"Institutions parlementaires" : l'Assemblée...» il faut lire la Loi sur l'Assemblée nationale dans son intégralité, notamment, supposons, les services administratifs, le secrétaire général, qui se retrouve dans la loi.

Mme David : Il y a tout un appareil législatif aussi, des gens qui aident à faire les lois, il y a...

M. Jolin-Barrette : En fait, ça, c'est l'appareil administratif qui sont sous l'autorité du secrétaire général.

Mme David : J'élaborais plus sur votre chapeau.

M. Jolin-Barrette : Oui, mais, exemple, le secrétaire général, c'est comme si c'était le sous-ministre du ministère, en termes de l'Assemblée nationale.

Mme David : Le secrétaire général, il relève...

M. Jolin-Barrette : C'est le plus haut fonctionnaire.

Mme David : Oui, oui. Bien, pas le secrétaire général, non. Comment ça s'appelle, celui qui... on n'a pas le droit de nommer, peut-être, je ne sais pas, là, M. Bonsaint, est-ce qu'on a le droit de le nommer?

M. Jolin-Barrette : Oui.

Mme David : Lui, il s'appelle secrétaire général aussi.

M. Jolin-Barrette : C'est le secrétaire...

Mme David : Ce n'est pas le secrétaire général du gouvernement, du premier ministre.

M. Jolin-Barrette : Ce n'est pas le même secrétaire général.

Le Président (M. Bachand) : Je vous demanderais juste de vous donner un petit temps entre les deux, parce que je pense à nos techniciens, là, puis à ceux qui nous écoutent.

Mme David : Vous avez raison.

Le Président (M. Bachand) : Je ne suis pas sûr qu'ils vont suivre. Alors donc, donnons-nous un petit délai entre les deux. Une de ces façons-là, bien sûr, comme vous connaissez, c'est de vous adresser à la présidence. Mais, cela dit, M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Et, d'ailleurs, M. le Président, les techniciens auxquels vous faites référence ici, qu'on salue, qui nous accompagnent durant tous nos travaux, durant les longues heures que l'on fait à l'Assemblée nationale... et qu'on finit tard ce soir, bien, ils font partie aussi de l'Assemblée nationale. Alors, merci d'être avec nous ce soir et merci de faire partie de l'Assemblée, parce qu'on ne pourrait pas fonctionner sans vous. Mais vous êtes visés par la Loi sur la laïcité de l'État.

Des voix : Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme David : Alors, j'espère qu'ils considèrent que c'est une bonne nouvelle... ou une mauvaise, je ne sais pas, mais ils sont visés par l'article 3, et non par l'article 6. Alors, disons, pour les fins de la discussion, que c'est une meilleure nouvelle que ça aurait pu être.

Mais revenons quand même sur l'Assemblée nationale, avec le souci, comme on dit, de rigueur, de précision, de transparence. Il va falloir dire quelque part où c'est qu'on peut trouver les renseignements que... vous, vous avez dû prendre quand même quelques minutes pour les trouver avec tout votre gentil personnel. Les gens n'auront pas nécessairement ça. Donc, quand on va lire la loi, ou que ce soit un journaliste ou n'importe qui, il faut comprendre c'est quoi. Parce que moi, je n'avais aucune idée de la réponse que vous pourriez me donner, mais je me disais : Ça ne se peut pas que ce soit juste les élus. Mais ça ne... en tout cas, l'appareil administratif, ça pourrait être voir, comme quand... voir, je ne sais pas quoi, loi sur je ne sais pas quoi, mais ça ne répond pas à l'appareil politique aussi, parce que vous n'êtes pas tout seul. Vous avez tout un appareil politique, on a tous des appareils politiques.

• (20 heures) •

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Donc, comme je le disais, pour l'Assemblée, c'est la Loi sur l'Assemblée nationale dans son intégralité, donc, institution parlementaire, ça couvre l'ensemble de la Loi sur l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée, allez-y, oui.

Mme David : Alors, M. le Président, est-ce que la Loi sur l'Assemblée nationale inclut le personnel politique gouvernemental et des oppositions?

M. Jolin-Barrette : Il faut faire une distinction entre les deux. Les cabinets ministériels relèvent de l'exécutif...

(Consultation)

M. Jolin-Barrette : ...suspendre quelques instants?

Le Président (M. Bachand) : Alors, nous allons suspendre quelques instants. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 20 h 1)

(Reprise à 20 h 7)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui. Donc, la question, c'était : Est-ce que les employés politiques, les cabinets sont visés? La réponse à cette question-là, c'est non, les cabinets ne sont pas visés, tel qu'ils n'étaient pas visés par le projet de loi n° 62 relativement à la neutralité religieuse de l'État. Pourquoi? Notamment sur le fait que, si vous aviez un parti politique religieux, ça pourrait avoir un impact. C'est le jeu de la démocratie qui fait en sorte de savoir qui sont les élus et qui est le personnel politique rattaché aux différents députés. Il y a une question de privilège parlementaire là-dedans.

Le Président (M. Bachand) : Madame...

Mme David : Oui. Vous avez tous... toutes les mêmes questions, là, dans nos trois têtes, là. Un parti religieux, ce que ça veut dire, c'est un parti... bien, je ne veux pas le savoir, ce que... je ne vais pas vous dire ce que je pense que ça veut dire, je vais vous demander de me dire ce que vous entendez par parti religieux.

M. Jolin-Barrette : Un parti qui prônerait... supposons, en Europe, vous avez le parti démocrate-chrétien, en Europe. Démocrate chrétien. Vous avez l'UDC aussi, l'Union démocrate-chrétienne. Un parti qui prône des idées religieuses.

• (20 h 10) •

Mme David : Je pense qu'en Belgique, c'était Joëlle Milquet qui le présidait, elle a fait changer le nom de démocrate chrétien par chrétien humaniste... démocrate humaniste, si je ne me trompe pas.

M. Jolin-Barrette : Je ne peux pas vous dire.

Mme David : Autrement dit, même là, il y a de la... est-ce qu'on pourrait dire de laïcisation, mais, corrigez-moi si je me trompe, j'ai l'impression, et là on pourrait le regarder avec les collègues, dans l'annexe I, les paragraphes 1° à 10°, je me demande si l'Université Concordia n'est pas sous une charte qui avait un côté religieux. Là, c'est parce que vous détricotez quelque chose qui peut nous amener dans... O.K., si le personnel n'est pas soumis parce qu'il serait un parti religieux, si tant est qu'on peut savoir ce que ça veut dire, des fois, c'est des noms qui datent d'il y a tellement longtemps, puis ils ne l'ont pas changé, puis... bon. Il y a probablement... puis là je n'ai pas fait la vérification, mais je peux vous la transposer en question pour que vous, vous la fassiez. Pensez-vous qu'à partir de ce rationnel-là, votre annexe I va rester telle qu'elle est, et qu'on ne trouvera pas, dans ça, sous ce prisme de statut partiellement ou entièrement religieux, des organismes énumérés aux paragraphes 1° à 10° qui ne pourraient plus être classés comme institutions gouvernementales sous l'application de l'article 3?

M. Jolin-Barrette : La réponse à cette question, M. le Président, c'est non. Il ne faut pas mélanger les choses. Là, on est sur institutions parlementaires. La question porte sur les employés politiques. C'est important de faire la distinction. Tout ce qui est gouvernemental, ça demeure assujetti. C'est gouvernemental. Exemple : dans l'exemple donné par la collègue de Marguerite-Bourgeoys, on l'a vu tout à l'heure, la loi, elle est prospective pour le futur. Donc, on ne refait pas toutes les lois qui ont été adoptées dans le passé. Toutes les lois qui seront adoptées vont être conformes à la laïcité de l'État.

Cela étant dit, exemple, si vous aviez un truc, une charte avec un aspect catholique dedans sur une université, supposons, l'Université de Montréal, elle demeure. C'est pour le futur. Donc, il ne faut pas mélanger les choses entre les institutions parlementaires et les institutions gouvernementales, les institutions parlementaires en raison du privilège parlementaire rattaché aux élus. J'ai un exemple, supposons qu'on avait un parti comme... supposons qu'on avait un parti comme en Allemagne, le parti de Mme Merkel, qui est la chancelière en Allemagne, bien, c'est les démocrates chrétiens et ils prônent les valeurs chrétiennes. Donc, c'est rattaché à la proposition politique et les gens votent pour cela. Donc, le personnel politique est le prolongement de l'élu et de vos privilèges parlementaires. Donc, c'est pour ça qu'ils ne sont pas visés.

Le Président (M. Bachand) : Oui. M. le député de Nelligan, oui.

M. Derraji : J'ai une question, M. le Président. Le ministre parle de partis religieux, ça veut dire que, démocratiquement parlant, si, demain, on a un parti religieux, les employés de ce parti ont le droit de porter des signes religieux?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Bien, ce n'est pas interdit de porter des signes religieux pour les employés.

M. Derraji : Donc, ça serait démocratique que des employés politiques, pas laïques, mais pas qu'un v.-p. de l'Assemblée nationale puisse porter une chaîne avec une croix? C'est démocratique, selon vous?

M. Jolin-Barrette : Bien là, on va venir à cette proposition-là à l'article 6. On le verra tout à l'heure, on fera le débat là-dessus tout à l'heure.

M. Derraji : Mais parce que, oui, je veux bien attendre l'article 6, M. le Président, mais, quand je lis : «"Institutions parlementaires" : l'Assemblée nationale, de même que les personnes nommées ou désignées par celle-ci pour exercer une fonction qui en relève», là, déjà, on parle de personnes. Je veux bien attendre l'article 6, mais l'article 3 ajoute déjà la notion de personne.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui. À l'article 3, c'est les institutions, il ne faut pas oublier ça hein? Et c'est la laïcité. On ne parle pas du port de signe religieux. C'est 6, l'interdiction du port de signe religieux.

M. Derraji : Oui, M. le Président, encore une fois, là, on parle, oui, des institutions, mais on parle de personnes au sein de ces institutions.

Tout à l'heure, le ministre nous parlait de partis religieux. Ça veut dire que, demain, ces employés peuvent avoir des signes religieux, mais j'ai l'impression... comme si on a deux classes d'employés, ceux qui ne sont pas laïques, qui travaillent au sein d'une institution laïque, et d'autres qui ne peuvent pas avoir aucun signe. Je veux juste comprendre la logique pourquoi ce n'est pas la même chose et pourquoi que des partis dits religieux peuvent... leurs employés peuvent avoir ces signes. C'est juste que j'ai de la misère à comprendre, techniquement, le raisonnement derrière.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Ce n'est pas interdit de porter des signes religieux pour les employés de la fonction publique, pour les employés de l'Assemblée nationale, pour les élus à l'exception du président et des vice-présidents de l'Assemblée nationale dans le cadre de la loi. Il faut amener une distinction, là. C'est important de comprendre ça.

Je veux juste qu'on revienne sur l'utilisation, là, des termes, là, au niveau de personnes désignées et nommées. Il y a plusieurs lois, là, dans le corpus qui font référence à ça, là, il y a la loi sur les divulgateurs des actes répréhensibles en 2016, il y a la loi sur le CSPQ en 2005, qui fait référence à ça. Alors, je pense que c'est important de dire qu'il n'y a pas vraiment de débat sur ce point-là.

Bon, le député de Nelligan nous dit : Supposons, les personnes désignées, on vise des personnes. Non, mais le Protecteur du citoyen, il y a le protecteur puis il y a son institution aussi. Donc, quand on désigne quelqu'un, là, on désigne le Vérificateur général, bien, le Vérificateur général, il y a toute une équipe avec lui. Quand on vise le Vérificateur général, on vise l'institution, comme l'Assemblée, et ça s'exprime par les employés. Mais rappelons-nous, là, que l'article 3, ce sont les institutions.

M. Derraji : J'ai l'impression qu'on est dans un débat très, très philosophique, mais c'est tellement important, parce que, si ce n'est pas clair pour nous, en tant que parlementaires, je me demande comment ça va être beaucoup... ça va être clair pour les gens qu'on vise.

Je veux bien comprendre, parce que je veux revenir au Protecteur du citoyen tout à l'heure, mais je veux juste qu'on soit clairs. Donc, au sein du parlement, ce qui est visé, c'est le vice-président de l'Assemblée nationale, c'est l'Assemblée nationale, mais pas les employés. Si, demain, on a un parti religieux, ces employés peuvent mettre ce qu'ils veulent à l'intérieur de l'Assemblée nationale, mais pas les autres, les employés.

Donc, j'ai de la misère, encore une fois, à suivre le raisonnement que, oui, on parle d'institutions parlementaires, mais on ne parle pas de personnes. Mais, déjà, le texte, c'est vous, vous le mentionnez, là. «L'Assemblée nationale, de même que les personnes nommées». Donc, il y a déjà des personnes, donc vous nommez des personnes. Il y a des noms de ces personnes, et, quand je vous demande et on vous demande d'énumérer ces personnes, vous dites : Le vice-président de l'Assemblée nationale, le secrétaire général...

M. Jolin-Barrette : Non, moi...

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Derraji : Oui, mais c'est juste... Soyez patient, juste clarifier, parce que, probablement...

M. Jolin-Barrette : Non, non, non. M. le Président, là, on va faire... Non, non, on va faire une affaire, là, M. le Président...

M. Derraji : Je n'ai pas parlé au nom de tous les collègues. Probablement, je n'ai pas compris. O.K.? Juste...

M. Jolin-Barrette : M. le Président, on va faire une affaire, là.

Le Président (M. Bachand) : Attendez, M. le ministre, juste finir... M. le député, terminez.

M. Derraji : Oui, je veux juste bien comprendre le raisonnement derrière ça parce que, si ce n'est pas clair, probablement, je n'ai pas bien compris l'article 3. Quand on parle d'institutions parlementaires, c'est très vague. Moi, je veux que ça soit plus facile pour qu'on l'applique.

Donc, c'est pour cela, on vous pose des questions, parce que probablement qu'on va avoir un amendement, mais on n'est pas encore rendus là. Je veux savoir. Est-ce que vraiment, au niveau de votre définition des personnes... c'est qui, ces personnes? Qu'on limite la définition des personnes liées à l'Assemblée nationale. Quand on va dire «Assemblée nationale», quand vous définissez ces personnes, c'est qui?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Bien, qu'est-ce qu'on va faire, M. le Président, il faudrait m'écouter attentivement. Je n'ai pas parlé de vice-président de l'Assemblée nationale comme étant une personne issue de l'institution parlementaire. Le député de Nelligan l'a fait, et je l'ai repris sur ce point.

Lorsqu'on parle de personnes désignées, ce sont des institutions parlementaires. Elles font partie d'institutions parlementaires. Le Vérificateur général du Québec, là, doit compter, je ne sais pas, 500 employés? C'est une institution qui relève de l'Assemblée nationale. Il y a une personne qui s'appelle Vérificatrice générale, c'est Mme Leclerc, puis il y a un commissaire au lobbyisme, puis il y a une commissaire à l'éthique. Elle représente une institution qui relève de l'Assemblée nationale. Elle est redevable à vous, à moi, au président ici, à la députée de Marguerite-Bourgeoys.

Vous savez, le corpus législatif, là, qu'on utilise, là, il existe depuis 1867, là. C'était pas mal clair pour tout le monde, depuis ce temps-là jusqu'à ce soir. Je veux juste porter ça à votre attention.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : Donc, la question de mon collègue est très pertinente. Donc, ces gens-là, ils peuvent porter des signes religieux. Donc, ces gens-là que vous avez nommés, là, ils peuvent porter des signes religieux. Bien, en tout cas, sous l'article 3.

M. Jolin-Barrette : À l'article 6, ce sont les institutions qui font...

Mme Robitaille : À l'article 3.

M. Jolin-Barrette : À l'article 3, ce sont les institutions, c'est le principe de laïcité. Ce n'est pas l'interdiction de porter des signes religieux ou non, ça, c'est à l'article 6.

• (20 h 20) •

Mme Robitaille : Mais donc ces gens-là, ces gens-là qui représentent des institutions, eux autres, ils peuvent porter des signes religieux, comme la Commissaire à l'éthique.

M. Jolin-Barrette : M. le Président... M. le Président, on verra qui ne peut pas porter de signe religieux à l'article 6. Là, on est à l'article 3 sur la laïcité de l'État, la branche législative est visée par la laïcité de l'État. Qui il y a dans la branche législative? Les institutions parlementaires ainsi que les personnes désignées ou nommées qui en relèvent. Il y a cinq personnes désignées qui en relèvent.

Mme Robitaille : C'est parce que l'article 3, il parle vraiment de... bien, il parle plus de neutralité religieuse, comme on disait tout à l'heure, donc, par là, si les personnes représentent des institutions, donc, elles devraient, sous le... non?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, on a abondamment parlé. Ça ne vise pas uniquement la neutralité religieuse. La laïcité de l'État, ça couvre quatre principes. C'est quoi, les principes? Voulez-vous qu'on y aille ensemble? On peut les réciter ensemble si vous voulez.

Mme Robitaille : On vous écoute parce qu'on ne l'apprendra jamais assez.

M. Jolin-Barrette : Non, mais... M. le Président, je pense que ça fait plusieurs heures qu'on est là, puis je pense que j'ai donné des réponses qui sont intelligibles. C'est les quatre principes de l'article 2 qui incluent aussi la neutralité religieuse de l'État à l'intérieur de la laïcité. Je pense, la députée de Bourassa-Sauvé le sait très bien.

Mme Robitaille : ...pour les gens qui nous écoutent, pour être clairs, là. Donc, les partis religieux, s'il y avait un parti islamiste, par exemple, tout ça, là, c'est correct, là. Il peut avoir des partis religieux à l'Assemblée nationale. Juste pour les gens qui nous écoutent, là, je pense que c'est important de le préciser.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, les gens peuvent constituer les partis qu'ils souhaitent, et c'est la démocratie.

Mme Robitaille : ...

M. Jolin-Barrette : Donc, le Parti libéral pourrait devenir un parti religieux s'il le souhaitait.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : Oui. Qu'est-ce qu'on fait avec le lieutenant-gouverneur du Québec?

M. Jolin-Barrette : D'ailleurs, M. le Président, parfois, on peut voir une certaine forme de religiosité au sein du Parti libéral du Québec.

Le Président (M. Bachand) : ...M. le ministre, s'il vous plaît.

Des voix : ...

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, M. le ministre.

M. Derraji : ...question de règlement, mais le ministre de l'Immigration nous prête des intentions. Je pense que ce n'est pas ni le «wording» ou la phrase, le contenu et je pense que, M. le Président, le ministre doit retirer ce qu'il vient de dire par rapport à ça.

Le Président (M. Bachand) : Je vais rappeler juste la... une prudence certaine et une certaine prudence aussi dans les deux sens du terme. Alors, de ne pas prêter... Je ne voyais pas la négativité nécessairement, mais il ne faut pas prêter d'intentions non plus, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : ...devrait s'expliquer, qu'est-ce qu'il veut dire là?

Le Président (M. Bachand) : Mais je vais laisser le ministre répondre comme... s'il veut répondre... non? O.K. Alors donc, Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : Oui. Qu'est-ce qu'on fait avec le lieutenant-gouverneur du Québec?

M. Jolin-Barrette : ...député de Matane-Matapédia veut y répondre.

Mme Robitaille : Non, mais je vous pose la question.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

Mme Robitaille : C'est qu'on peut être pour ou contre, mais il est là, là. Qu'est-ce qu'on fait avec le lieutenant-gouverneur du Québec?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, je me tourne vers vous.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, le lieutenant-gouverneur n'est pas visé.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : Bien, justement, je lisais, là, un gouverneur, un lieutenant-gouverneur, ça fait quoi? C'est quoi? D'abord, j'ai commencé par la page Wikipédia, qui nous dit : Le lieutenant-gouverneur du Québec est le représentant de la reine du Canada au Québec. Et, si on continue : «En son nom, il fait partie du Parlement du Québec, où il doit approuver les lois.» Donc, j'ai commencé par ça. Et puis là peut-être qu'on va revenir à la discussion qu'on a eue hier sur la reine, mais il est là, là, lui, le lieutenant-gouverneur du Québec, puis il fait partie du Parlement du Québec. Et là je continue, je suis allée sur son site... je suis allée sur son site...

Des voix : ...

Le Président (M. Bachand) : Allez-y, Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : Non, mais j'attends que...

Le Président (M. Bachand) : Merci. Parce que, là, ce n'est pas... je suis convaincu que le ministre est capable d'entendre aussi, ça arrive des deux côtés. Donc, je vous invite à continuer, Mme la députée, s'il vous plaît, ou il va falloir suspendre. Un des deux, là, mais il faut qu'il y ait quand même un élément...

M. Jolin-Barrette : ...j'écoute, M. le Président...

Le Président (M. Bachand) : Bon, c'est ce que je disais. Alors, continuez, Mme la députée, s'il vous plaît.

Une voix : ...

Une voix : Bien, c'est... oui, c'est pertinent.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée, je vous invite à continuer immédiatement.

Mme Robitaille : Ah! non, c'est parce que j'attendais, monsieur...

Le Président (M. Bachand) : Je vous invite à continuer immédiatement, s'il vous plaît.

Une voix : Je peux demander une suspension?

Le Président (M. Bachand) : Oui, madame. Bien sûr.

Alors, nous allons suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 20 h 25)

(Reprise à 20 h 30)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Interventions? Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : Je savais que le ministre aimerait ma question parce que c'est des questions importantes, c'est des questions auxquelles il faut répondre. Donc, j'attends la réponse du ministre : Qu'est-ce qu'on fait avec le gouverneur général... le lieutenant-gouverneur, pardon, le lieutenant-gouverneur, qui est partie du Parlement du Québec? Et il y a une loi d'ailleurs... Alors, je continue, je vois dans ses fonctions... c'est lui : nomination du premier ministre, nomination des ministres, ratification des décrets pris par le Conseil des ministres, convocation de l'Assemblée nationale, lecture du discours. Il y a même une loi du Québec sur le lieutenant-gouverneur. Donc, lieutenant-gouverneur, gouverneur général, la reine, Dieu. J'attends les commentaires du ministre.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : C'est quoi, la question, M. le Président?

Mme Robitaille : Bien, on fait quoi avec lui? Il est où? Il est bien dans les institutions parlementaires?

M. Jolin-Barrette : M. le Président, nous allons, tous ensemble, lire l'article 3 : «La laïcité de l'État exige que, dans le cadre de leur mission, les institutions parlementaires, gouvernementales et judiciaires respectent [les] principes énoncés...» respectent l'ensemble, on a mis un amendement, l'amendement de la députée de Marguerite-Bourgeoys, «respectent l'ensemble des principes énoncés à l'article 2, en fait et en apparence.

«Pour l'application du présent chapitre, on entend par :

«1° "institutions parlementaires" : l'Assemblée nationale, de même que les personnes nommées ou désignées par celle-ci pour exercer une fonction qui en relève.»

M. le Président, est-ce que la députée de Bourassa-Sauvé voit le lieutenant-gouverneur qui est visé par «institutions parlementaires» à la lecture du paragraphe 1° de l'article 3?

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Jean-Lesage, s'il vous plaît.

M. Zanetti : Oui. On a parlé de monarchie, alors je pense que je vais intervenir.

Une voix : Ça chatouille quelque chose, hein?

M. Zanetti : Bien, c'est intéressant. C'est là qu'on voit pourquoi le gouvernement canadien, quel que soit le parti duquel il est issu, ne veut jamais ouvrir de débat constitutionnel. C'est parce que, dès qu'on examine de près nos institutions, on réalise que le système dans lequel nous opérons, là, il est truffé d'incohérences et d'un archaïsme excentrique.

Et c'est pour ça que, quand on commence à vouloir amener des choses qui sont bonnes, des logiques ou, tu sais, de cheminer vers la démocratie, bien là on se rend compte qu'on tire sur un fil, et puis là on tire, puis là, bien, ça vient sur le bord de tout détricoter, et puis là, bien, si on essaie d'être cohérent là-dedans, dans l'amélioration de nos institutions, bien, on réalise qu'il faut tout repartir du début parce que ça ne tient pas debout.

Et je pense que... Je ne m'attendais pas, en fait, à ce que mes collègues soulèvent cet enjeu de la structure, là, vraiment monarchique comme relevant, disons, d'une incohérence lorsqu'on veut appliquer des lois sur la laïcité au Québec puis au Canada en général. Je trouve ça super intéressant et je partage ce constat. C'est bizarre. Si l'institution parlementaire, les institutions parlementaires doivent agir en respectant les principes de la laïcité, bien, alors, pourquoi on en exclut le lieutenant-gouverneur? Parce que, dans «institutions parlementaires», il y a l'Assemblée nationale, mais il y a aussi le lieutenant-gouverneur.

Et voilà. Donc, on ne peut pas dire : La laïcité, c'est important, puis, en même temps, dire : Mais, le lieutenant-gouverneur, ce n'est pas grave, il a un passe-droit parce que, par personne interposée, il représente la reine, qui a reçu sa légitimité de Dieu. Tu sais, il y a quelque chose là-dedans qui ne fonctionne pas. On ne peut pas dire : Bien, on va, mettons, appliquer les principes de la laïcité, puis, après ça, même, avoir des conséquences importantes dans la vie des gens... Si on l'applique en disant que ça suppose l'interdiction des signes religieux, ce qui n'est pas notre avis, bien, on fait quelque chose quand même d'assez intense, là, comme intervention dans la vie des gens, puis, après ça, bien, on dit : Ah oui! Mais, dans le fond, la laïcité, ce n'est pas si important que ça pour les personnes qui ont les... disons, qui sont au sommet de la pyramide symbolique du pouvoir, du système dans lequel on est.

Alors, je voudrais voir un peu... savoir qu'est-ce que le ministre pense de ces questions, c'est-à-dire : Est-ce que la laïcité... Pourquoi la laïcité, disons, elle est moins importante pour le lieutenant-gouverneur que pour l'Assemblée nationale du Québec?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : ...M. le Président, mais ce n'est pas moins important. On est régis par la Constitution... par la Loi constitutionnelle de 1867 puis la Loi constitutionnelle de 1982. Je n'ai pas l'intention de faire une modification constitutionnelle ici ce soir. Alors, que voulez-vous que je vous dise, le lieutenant-gouverneur ne peut être visé.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Jean-Lesage, s'il vous plaît.

M. Zanetti : J'entends ce que vous dites, mais on pourrait se poser la question : Pourquoi? C'est-à-dire pourquoi ne pas aller jusqu'au bout là-dedans dans la cohérence? Pourquoi, disons, refuser de remettre en question ces institutions-là, si la laïcité est importante, s'il est important qu'on soit dans un État laïque, s'il est important que le pouvoir soit au peuple et pas entre les mains d'une monarque issue d'une dynastie choisie de droit divin? Pourquoi, au fond, est-ce qu'on devrait se soumettre à ça? C'est ma question.

Le Président (M. Bachand) : Interventions? M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Bien, M. le Président, si le député de Jean-Lesage veut déposer un amendement pour inclure le lieutenant-gouverneur, je l'invite à le faire.

M. Zanetti : Bien, ça ne répond pas à ma question, mais je vais le faire quand même. Je pense que c'est une excellente idée. Mais c'est ça, je pense qu'effectivement on... je pense qu'il n'y a pas de raison. Et il n'y a pas de raison qu'on ne remette pas en question nos institutions au complet pour les rendre plus démocratiques, plus laïques, sans nécessairement interdire les signes religieux. Et, bien, j'invite...

J'aimerais ça quand même que quelqu'un se risque à une raison parce que, sinon, pauvre petit système que personne n'ose défendre, c'est un peu triste. Alors, moi, je pose la question : Pourquoi est-ce qu'on ne remet pas en question le système au complet puis qu'on ne se fait pas une vraie constitution démocratique québécoise de manière, là, à donner vraiment la souveraineté au peuple du Québec? Alors, j'aimerais savoir si le ministre peut m'avancer une raison pour laquelle on ne devrait pas faire ça.

Le Président (M. Bachand) : Interventions? Pas d'intervention. M. le député de Jean-Lesage... Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, pardon.

Mme David : Non, mais je vais faire sourire peut-être un peu le ministre, qui a perdu un peu le sourire. J'essaie de comprendre à la fois vos réponses au député de Jean-Lesage mais aussi à ma collègue de Bourassa-Sauvé, dès qu'on est revenus de la suspension. Parce que, très sincèrement, je ne l'ai pas... je ne dis pas que je ne l'ai pas entendue, mais je ne l'ai pas comprise, votre réponse, au point où je ne sais pas finalement si la conclusion, c'est qu'il fait partie de l'Assemblée nationale ou il ne fait pas partie de l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Donc, M. le Président, le lieutenant-gouverneur ne fait pas partie de l'Assemblée nationale. Dans le fond, le Parlement du Québec est composé à la fois du lieutenant-gouverneur et de l'Assemblée nationale. Mais l'Assemblée nationale, elle est distincte du lieutenant-gouverneur. Donc, non, le lieutenant-gouverneur ne fait pas partie de l'Assemblée.

Mme David : Le titre, quand même, de cet alinéa, c'est «institutions parlementaires». Et je n'ai pas le verbatim, ma collègue peut le répéter, il relève du Parlement du Québec. C'est une question passionnante, en fait, pour quelqu'un qui s'intéresse beaucoup au nationalisme aussi. Mais il relève du Parlement, mais il ne fait pas partie des institutions parlementaires.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

• (20 h 40) •

M. Jolin-Barrette : Les personnes désignées relèvent de l'Assemblée et non pas du Parlement. Tout à l'heure, M. le Président, la députée de Marguerite-Bourgeoys disait : Les mots sont importants. Bien, effectivement, le Parlement du Québec, ce n'est pas uniquement l'Assemblée. L'Assemblée n'équivaut pas au Parlement. Ça, c'est important de le comprendre. Le Parlement, il y a deux entités qui le composent : l'Assemblée, et le lieutenant-gouverneur.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : Je repose la question de mon collègue : Est-ce que le lieutenant-gouverneur a un passe-droit?

Le Président (M. Bachand) : Interventions?

M. Jolin-Barrette : M. le Président, je ne sais même pas si je devrais répondre à ça de la part de quelqu'un qui a une formation juridique. M. le Président, la Loi constitutionnelle de 1867 et la Loi constitutionnelle de 1982 s'appliquent, c'est la Constitution canadienne. Le lieutenant-gouverneur, il est prévu. Ce n'est pas moi qui ai fait les règles de la Constitution. Alors, M. le Président, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise? Il y a une notion rattachée à la constitutionnalité des dispositions.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Nelligan, s'il vous plaît.

M. Derraji : Oui. Je veux juste faire un retour sur ce qui a été dit, hein, parce que, là, je pense qu'on est vraiment dans une impasse où on a deux définitions de l'institution parlementaire. Ma question, elle est très simple, M. le Président : Est-ce que le ministre considère que l'institution du lieutenant-général fait partie des institutions parlementaires ou pas?

Une voix : Du lieutenant-gouverneur.

M. Derraji : Est-ce que le lieutenant-gouverneur fait partie des institutions parlementaires?

M. Jolin-Barrette : Pas au sens de l'article 3. Pas au sens de l'article 3 de la Loi sur la laïcité.

M. Derraji : O.K. Excellent. Là, moi, je parle de nos institutions parlementaires. Parce que, là, on va aller à la définition des institutions parlementaires. Je peux la lire?

Mme Robitaille : Ah! oui, la définition des institutions parlementaires...

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée, s'il vous plaît. Oui.

M. Derraji : Désolé, hein? C'est celle que tu me disais par rapport...

Mme Robitaille : Ah! oui, oui. Bien, il fait partie du Parlement du Québec. Donc, à partir du moment où il fait partie du Parlement du Québec, moi, j'aimerais savoir pourquoi le ministre ne l'a pas inclus dans sa définition d'«institutions parlementaires». Est-ce qu'il l'a oublié — ça peut arriver, là, M. le Président, qu'on oublie, il faut juste s'en parler — ou est-ce qu'il l'a exclu? Et, s'il l'a exclu, on aimerait savoir pourquoi.

Le Président (M. Bachand) : Interventions? Pas d'intervention. M. le député de Nelligan, s'il vous plaît.

M. Derraji : Du moment qu'on n'a pas de réponse par rapport à ça, moi, je pense que le mot «institutions parlementaires» ne veut rien dire. Parce qu'on ne parle pas d'institutions parlementaires, on vise l'Assemblée nationale, mais sans les employés. Parce que, même dans la définition de l'Assemblée nationale, il y a les employés, et ça a été expliqué tout à l'heure par le ministre, secrétaire général, donc l'administratif de l'Assemblée nationale. Mais là, là, ce qu'on comprend depuis le début, les trois institutions, à savoir parlementaire, gouvernementale et judiciaire, mais ce n'est pas clair que le ministre vise l'institution parlementaire. Le ministre vise l'Assemblée nationale. Parce que, si on parle institution parlementaire, ce qui a été dit tout à l'heure, le lieutenant-gouverneur fait partie de l'institution parlementaire, à moins... si on se trompe, ou bien à qui on peut le placer, cette institution du lieutenant-gouverneur général.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé, oui.

Mme Robitaille : Oui, oui, je réitère qu'il est central, ce lieutenant-gouverneur, hein? Au niveau de l'exécutif, il nomme le premier ministre, nomme les ministres, ratifie les décrets. Au niveau législatif, il...

Une voix : ...

Mme Robitaille : ...oui, c'est ça, là, le sceau royal, hein? Et, au niveau législatif, il convoque l'Assemblée nationale, lecture du discours d'ouverture d'une session parlementaire, hein, sanction des projets de loi adoptés, oui, prorogation d'une session parlementaire, dissolution de l'Assemblée nationale, convocation des élections générales. Quand même, ce n'est pas rien. On l'a exclu de la définition d'«institutions parlementaires», et, encore une fois, on n'a pas de réponse du ministre. Pourquoi? Il a un passe-droit? Est-ce que c'est ça qu'on doit comprendre?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, on voit très clairement que le lieutenant-gouverneur fait partie du Parlement du Québec. À l'article 3 de la Loi sur l'Assemblée nationale, le Parlement du Québec est composé à la fois du lieutenant-gouverneur et à la fois de l'Assemblée nationale. Dans le cadre des institutions parlementaires visées à l'article 3 de la loi sur la laïcité, le projet de loi n° 21, les institutions parlementaires qui sont visées, ce sont l'Assemblée nationale ainsi que les personnes qui sont nommées ou désignées. Ça exclut le lieutenant-gouverneur du Québec.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : Est-ce qu'on peut savoir pourquoi? Parce qu'on dit «institutions parlementaires». Pourquoi n'est-il pas là? Est-ce que c'est un oubli?

M. Jolin-Barrette : M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Oui.

M. Jolin-Barrette : Non, ce n'est pas un oubli. Le lieutenant-gouverneur bénéficie d'un régime particulier en vertu de la Loi constitutionnelle de 1867 et la Loi constitutionnelle de 1982. Il est le représentant de la reine. Et on a discuté abondamment hier soir, avec le député de Jean-Lesage, du rôle de la reine dans la monarchie constitutionnelle canadienne, et de ses différentes fictions, et des conventions constitutionnelles rattachées à l'exercice et le rôle de la reine au Canada, et de ses représentants, et du gouverneur général.

Donc, savez-vous quoi? M. le Président, la chef de l'État canadien, c'est la reine d'Angleterre. Et, vous savez, on se retrouve dans une situation où le représentant de la chef d'État, au Québec, c'est le lieutenant-gouverneur. Pour le fédéral, c'est le gouverneur général. Et il est vrai de dire que, pour qu'une loi entre en vigueur au Québec et au Canada, elle doit recevoir la sanction royale. Et la sanction royale, c'est la signature de la reine ou de son représentant.

Donc, même lorsqu'on a adopté un projet de loi ici, à l'Assemblée nationale, il n'a pas encore force de loi tant que le lieutenant-gouverneur n'a pas signé la loi. Si jamais le lieutenant-gouverneur ou la lieutenant-gouverneur est indisponible, bien, c'est un administrateur d'État qui peut signer la loi pour qu'elle rentre en vigueur. L'administrateur d'État, généralement, c'est un juge de la Cour d'appel du Québec ayant son siège dans le district de Québec.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Jean-Lesage, s'il vous plaît.

M. Zanetti : Oui. Alors, je vais proposer un amendement à l'article 3, qui se lit comme suit, alors : Au premier paragraphe de l'article 3, supprimer les mots «, de même que les personnes nommées ou désignées par celle-ci pour exercer une fonction qui en relève;» et rajouter, après «l'Assemblée nationale», «et le lieutenant-gouverneur».

Le Président (M. Bachand) : Alors, on va suspendre quelques instants, le temps de faire la distribution, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 20 h 48)

(Reprise à 20 h 52)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. M. le député de Jean-Lesage, s'il vous plaît.

M. Zanetti : Oui. Alors, je vais expliquer le sens de cet amendement. Essentiellement, cet amendement propose deux choses : la suppression d'une partie de la phrase, là, du premier paragraphe de l'article 3, où, finalement, on enlève les personnes nommées ou désignées par l'Assemblée nationale parce que ça nous semblait être plus cohérent, étant donné que l'article 3 parle vraiment de la question des institutions. On dit : «La laïcité de l'État exige que, dans le cadre de leur mission, les institutions parlementaires, gouvernementales et judiciaires respectent les principes énoncés à l'article 2, en fait et en apparence.» Alors, on pense plus cohérent de dire, lorsqu'il s'agit de parler d'institutions parlementaires... bien, d'en rester aux institutions et pas d'ajouter là-dedans, disons, les personnes qui la constituent.

Par contre, font partie de l'institution parlementaire, clairement, l'Assemblée nationale, qui est déjà nommée là, qu'on laisse, évidemment, et on ajoute, par souci de cohérence, «et le lieutenant-gouverneur». Alors, le but étant, d'une part, de ramener la cohérence de cet article-là qui concerne la laïcité des institutions. Même si je sais que le reste du projet de loi va plus loin que ça, cet article-là, quand même, on parle de ça. Et ensuite de dire : Bien, soyons complets, là. C'est-à-dire que, quand on parle de l'Assemblée nationale, il y a aussi, dans nos institutions parlementaires, malheureusement, à notre avis, parce qu'on ne pense pas que la monarchie, c'est une bonne chose, mais il y a le lieutenant-gouverneur, dont on n'aime pas trop la fonction, même si l'homme derrière la fonction, par ailleurs, est fort sympathique, on le croise souvent puis... très gentil. Mais la fonction, quand même, très problématique, et elle devrait être soumise, ce poste-là devrait être soumis aux mêmes normes de laïcité que les autres. Alors, voilà l'essentiel, le sens de cet amendement que nous mettons au jeu.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Interventions? Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : Oui. Bien, justement, je pense qu'il faut être cohérents. On parle d'institutions parlementaires, et il fait partie de nos institutions parlementaires. Juste le premier article... Et c'est important d'en débattre. Et donc le premier article de la Loi sur l'exécutif, là, parle du... Alors, on dit : «Dans les matières qui sont de la compétence du Québec, tous les pouvoirs, attributions et fonctions qui, relativement à ces matières, étaient conférés aux gouverneurs ou lieutenants-gouverneurs des diverses provinces formant actuellement partie de la Puissance du Canada, ou de chacune de ces provinces, ou étaient exercés par eux, d'après leurs commissions, instructions ou autrement, lors de l'adoption ou avant l'adoption de l'Acte d'Union, sont — et là, entre parenthèses — (en tant que le Parlement du Québec a le pouvoir d'agir[...]) conférés au lieutenant-gouverneur ou administrateur du Québec, et exercés par lui, au nom de Sa Majesté ou autrement, selon l'exigence du cas; le tout soumis toujours à la prérogative royale...»

Mais là ça continue et puis... Et il est régi, là, par une loi du Québec, il y a un article... Justement, on dit que, bon, son titre est régi par le gouvernement du Québec, donc il est partie intrinsèque des institutions parlementaires et donc il devrait être inclus, selon moi, oui. Mais c'est sûr qu'il y a une incohérence parce qu'on parle de... La laïcité, là, de la façon dont le voit, là, le ministre, bon, il y a Dieu, là... le lieutenant-gouverneur, il y a Dieu là-dedans : il est représentant du gouverneur général, de la reine puis de Dieu. Alors là, il y a une espèce de... Là, ça ne fonctionne plus, là. C'est sûr qu'il y a une incohérence. Mais il fait quand même partie des institutions parlementaires, et donc c'est ça.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Interventions? M. le député de Jean-Lesage, s'il vous plaît.

M. Zanetti : J'aimerais savoir, moi, par curiosité, si le député de Matane-Matapédia serait favorable à cet amendement qui vise à soumettre le lieutenant-gouverneur à la laïcité.

Le Président (M. Bachand) : Normalement, vous savez, M. le député de Jean-Lesage, vous n'êtes pas supposé de... Mais, cela dit, M. le député de Matane, dans sa grande générosité, va, bien sûr, participer. Alors, allez-y, M. le député.

M. Bérubé : M. le Président, puisqu'on sollicite mon avis, je trouve que c'est du niaisage. Je pense que, comme indépendantiste, je suis puissamment antimonarchiste, et, si on est sérieux dans ce qu'on entreprend et qu'on veut vraiment la laïcité, ensemble, on pourrait, demain, adopter une résolution à l'Assemblée nationale indiquant au reste du Canada que le Québec peut très bien être à l'extérieur du Commonwealth, qu'on peut demeurer fédéralistes tout en n'étant pas monarchistes, et ça serait une grande avancée pour le Québec. Puis on demeurerait indépendantistes encore puissamment, antimonarchistes. Voilà.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Interventions?

Des voix : ...

Le Président (M. Bachand) : S'il vous plaît! Interventions sur l'amendement du député de Jean-Lesage? Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : ...porter un signe religieux. Puis là on n'est pas encore rendus à l'article 6, là, je comprends, mais il pourra porter un signe religieux, si je comprends bien, puisqu'il a un passe-droit.

Le Président (M. Bachand) : Interventions? M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui. M. le Président. Bon, dans un premier temps, là, juste pour être certain, la députée de Bourassa-Sauvé, est-ce qu'elle pose sa question en lien avec l'amendement qui a été déposé par le député de Jean-Lesage ou elle revient à l'article? Parce que le sens de sa question, c'est au niveau de l'article et non pas au niveau de l'amendement qui a été déposé. Donc, peut-être qu'elle veut reformuler sa question, puisqu'on est présentement sur l'étude de l'amendement du député de Jean-Lesage, et le député de Jean-Lesage fait en sorte que le lieutenant-gouverneur serait visé. Donc, peut-être qu'elle souhaite reformuler sa question.

Mme Robitaille : Bien, c'est une parenthèse, mais ça va nous aider peut-être à comprendre pourquoi il ne veut pas... le ministre ne semble pas souhaiter inclure le lieutenant-gouverneur général dans la définition d'«institutions parlementaires».

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui. C'est juste le lieutenant-gouverneur.

Mme Robitaille : ...oui, c'est ça. Il est tard, c'est ça. Je m'excuse. Le lieutenant-gouverneur.

M. Jolin-Barrette : Oui, la gouverneur général est à Ottawa, et c'est Julie Payette présentement, pour le bénéfice de tous les membres de la commission.

Des voix : ...

Le Président (M. Bachand) : ... s'il vous plaît, juste... Interventions? Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Robitaille : Donc, c'est une parenthèse, je l'avoue, mais quand même importante, puisqu'on pourrait peut-être mieux comprendre pourquoi il est exclu de la définition d'«institutions parlementaires» et pourquoi il faudrait l'inclure. Parce que, si je comprends, bon, lui, il pourra porter un signe religieux.

Le Président (M. Bachand) : Interventions? Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.

Mme David : Je continue à dire que c'est intéressant, quand même. Parce que, quand on est ministre, on va chez le lieutenant-gouverneur, c'est vrai, et c'est vrai que c'est là que ça se passe, que le lieutenant-gouverneur ratifie, puis on prend une photo, puis on est superfier, puis on encadre ça, etc.

M. Jolin-Barrette : ...sanctionne.

Mme David : Sanctionne. Excusez le mot. Il sanctionne. Ça fait encore plus sérieux. Merci, M. le ministre. Et donc il sanctionne et donc, dans... Et c'est ce qui va arriver à tous les projets de loi. C'est ce qui nous est arrivé, nous. C'est ce qui est toujours arrivé. Il y a donc un lien. La boucle se termine avec cette sanction. Et donc c'est sûr que, quand on va là, on se sent vraiment, vraiment dans une institution parlementaire, parce qu'il est l'appendice direct, le prolongement direct de tout ce travail qu'on fait ici. Et, en amont, c'est lui justement, ma collègue l'a dit, qui fait le discours au début d'une nouvelle législature, etc. Il a donc un rôle important. Alors, j'essaie de comprendre.

Puis, la réponse, elle doit exister, la réponse constitutionnelle, là. Moi, je ne vais pas plaider que j'ai la réponse parce que je ne suis pas une juriste, et encore, évidemment, moins une juriste constitutionnelle. Mais j'aimerais avoir une réponse claire, qui a peut-être déjà été plaidée en cour, je ne sais pas, là, sur le statut du gouverneur général... du lieutenant-gouverneur eu égard — j'apprends le vocabulaire des juristes — à un projet de loi aussi important qui est celui de la laïcité, qui justement traite des institutions parlementaires. Alors, moi, je ne demande qu'à être instruite et cultivée mieux par rapport à cette question-là.

• (21 heures) •

Le Président (M. Bachand) : Interventions?

Une voix : ...

Le Président (M. Bachand) : S'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Jolin-Barrette : M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, savez-vous quoi? On a la chance, ce soir, d'avoir, parmi nous, le leader de l'opposition officielle. Et ça me chagrine un peu, M. le Président, qu'il ne soit pas à la table avec nous. Je sens qu'on aurait beaucoup de plaisir s'il pouvait se joindre avec nous.

Une voix : ...

M. Jolin-Barrette : Pardon?

Une voix : ...

M. Jolin-Barrette : Ce n'est pas très gentil, ça, M. le député de Matane-Matapédia...

Le Président (M. Bachand) : S'il vous plaît!

Une voix : ...

Le Président (M. Bachand) : O.K. Merci. C'est tout? M. le député de Jean-Lesage avait demandé la parole.

M. Zanetti : Un argument supplémentaire pour inviter tous mes collègues ici, autour de la table, à appuyer cet amendement, c'est qu'en fait laisser le lieutenant-gouverneur à l'abri, disons, d'une loi sur la laïcité, c'est, d'une certaine façon, reconnaître la supériorité de la monarchie sur la démocratie québécoise. C'est une façon de dire : Nous acceptons de nous soumettre à cet ordre qui nous a été imposé, qu'on n'a, mais jamais, choisi. C'est une façon de subordonner la souveraineté populaire, qui n'est pas incarnée dans une institution, puis d'accepter ça.

Et c'est une position qui n'est pas populaire au Québec, parce que, dans les sondages les plus récents, plus de 80 % des Québécoises et Québécois se montraient plutôt en faveur à l'abolition de la monarchie. Alors, je pense qu'il n'y a pas beaucoup de sympathie pour la monarchie au Québec de façon générale et que ça pourrait être, d'une part, cohérent avec l'idée de laïcité, qui n'est pas interdire des signes religieux, d'une part, et ça pourrait être cohérent aussi avec l'idée de la démocratie. Et ça, ça pourrait être un geste d'affirmation intéressant, que de dire : Bien, nous, on ne reconnaît pas que la monarchie, disons, a une supériorité politique par rapport à la démocratie québécoise, que la démocratie québécoise doit y être soumise. Et ce serait une façon de vraiment faire quelque chose, je pense, de courageux.

Alors, pour cette raison, j'invite tous mes collègues du gouvernement et même le député de Matane-Matapédia, qui semble trouver l'amendement peu pertinent, là, bien, à embarquer là-dedans, parce que je pense que ça serait intéressant et puis qu'en plus ça aurait un appui populaire, je pense.

Le Président (M. Bachand) : Interventions? Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.

Mme David : Tout à l'heure, j'ai été très interrompue, visuellement, parce qu'il y a eu une entrée remarquée par le ministre, en tout cas, moi, je l'ai moins remarquée parce que ça s'est passé derrière moi, puis ça continue, mais je n'ai, à cause de ça, pas eu de réponse à ma question. Donc, je la répète et j'aimerais vraiment qu'il m'aide à comprendre pourquoi ou si oui ou si non... pourquoi, dans les deux cas, il est pertinent ou pas de mettre le lieutenant-gouverneur.

Le Président (M. Bachand) : Intervention? M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Comme je l'ai dit, M. le Président, au bénéfice des membres de la commission, le lieutenant-gouverneur bénéficie d'un régime particulier en vertu de la Loi constitutionnelle de 1867 et de la Loi constitutionnelle de 1982. Et j'inviterais les membres de la commission à réaliser que l'amendement proposé par le député de Jean-Lesage nous invite à faire en sorte de ne plus viser les institutions que sont le Vérificateur général, le Protecteur du citoyen, le Commissaire à l'éthique, le Commissaire au lobbyisme. Alors, moi, je pensais que Québec solidaire était en faveur de la laïcité institutionnelle, et là, lorsqu'on parle d'institutions, bien, il décide, avec son amendement, d'enlever les institutions du VG... les cinq personnes désignées ou nommées par l'Assemblée nationale, il décide de les enlever pour mettre le lieutenant-gouverneur. L'amendement du député de Jean-Lesage, ce qu'il fait, c'est qu'il exclut du principe de laïcité cinq institutions importantes qui relèvent de l'Assemblée nationale. Moi, ça ne m'apparaît pas approprié, mais c'est le choix de Québec solidaire.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.

Mme David : On va mettre de côté, pour les fins de notre échange, la deuxième partie, justement, de ce qui est enlevé. Mais moi, je vais vous poser la question autrement. Si on était en cour, devant un juge, pour cet amendement-là, êtes-vous certain de votre coup, que vous gagneriez votre cause, en disant que le lieutenant-gouverneur n'est pas du tout, du tout une institution parlementaire reliée au Parlement du Québec et donc qu'il n'y a pas, ni de près ni de loin, à être lié à un genre de projet de loi comme celui sur la laïcité, il n'a pas à être inclus, englobé dans les gens qu'on désigne comme faisant partie de nos institutions parlementaires?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, je l'ai dit à de multiples reprises, le lieutenant-gouverneur fait partie du Parlement du Québec, avec l'Assemblée. C'est l'article 3 de la Loi sur l'Assemblée nationale. La députée de Marguerite-Bourgeoys, dans sa question, y a fait elle-même référence. Et, pour fins de discussion, on n'est pas à la cour, on n'a pas de dossier à plaider, on n'a pas de client, si ce n'est que... Ah! bien, je vous dirais, oui, peut-être qu'on a des clients, oui. Je vous dirais que, pour le gouvernement, ses clients, c'est l'ensemble de la population du Québec, tous les Québécois et toutes les Québécoises qui souhaitent que le projet de loi sur la laïcité soit adopté. Et là on est dans une situation où on discute de est-ce qu'on devrait inclure ou exclure le lieutenant-gouverneur. J'ai dit à de multiples reprises, M. le Président, que le lieutenant-gouverneur ne pouvait être visé...

Mme David : Excusez...

M. Jolin-Barrette : ...ne pouvait être visé en vertu de la loi constitutionnelle, en vertu de la Constitution canadienne. Alors, moi, je pense que les Québécois et les Québécoises souhaitent que le projet de loi sur la laïcité soit adopté. Il y a une finalité à l'objectif. Et la députée de Marguerite-Bourgeoys me disait : Si vous aviez un client? Mais prenons le cas que les Québécois sont tous nos clients, toutes les Québécoises et tous les Québécois sont nos clients ce soir, on est tous, supposons, leurs avocats, M. le Président. Je pense qu'ils gagneraient tous à ce qu'on travaille sérieusement sur le projet de loi sur la laïcité pour le faire avancer, et pour qu'on puisse l'adopter, et faire en sorte que toutes nos institutions, qu'elles soient parlementaires, gouvernementales ou judiciaires, puissent incorporer le concept de laïcité, un concept qui n'existe pas à ce jour dans nos lois.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Interventions? Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : Je comprends que le lieutenant-gouverneur va être exclu du projet de loi, et il va nous faire des discours à l'Assemblée nationale, il va faire la sanction des projets de loi, tout ça, et il pourra porter un signe religieux. Ça ne dérange pas le ministre?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, je pense que ça doit être la 10e fois que j'indique à la députée de Bourassa-Sauvé qu'à l'article 3 on ne traite pas des signes religieux, c'est à l'article 6. Autre spécification au bénéfice de la députée de Bourassa-Sauvé, le lieutenant-gouverneur ne fait pas de discours à l'Assemblée nationale. Le discours inaugural, c'est le premier ministre du Québec qui le fait à l'ouverture d'une session. Il ne faudrait pas se mélanger entre Ottawa et Québec, hein? Le discours du trône, c'est à Ottawa. Ici, c'est un discours inaugural. D'ailleurs, M. le Président, ça m'étonne un peu qu'on fasse cette erreur-là. Savez-vous pourquoi, M. le Président? Parce qu'on est au tout début de la 42e législature, et, à mon souvenir, la députée de Bourassa-Sauvé était présente lorsque le premier ministre du Québec a fait son discours inaugural.

Le Président (M. Bachand) : Interventions? Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Robitaille : Oui. Donc, encore une fois, institut parlementaire, là, on n'a pas de lieutenant-gouverneur, on l'exclut.

M. Jolin-Barrette : M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Présentement, là, on est à l'étude de l'amendement. Sur l'amendement du député de Jean-Lesage, c'est prévu que le lieutenant-gouverneur soit visé. Moi, je pense qu'on devrait disposer de l'amendement. Si la députée de Bourassa-Sauvé veut continuer dans sa ligne de questions, je pense que, pour le bénéfice de la commission, ce serait plus approprié, parce que présentement c'est comme hors sujet, les propos, parce qu'on est sur l'amendement du député de Jean-Lesage, puis l'amendement, il dit que le lieutenant-gouverneur devrait être visé. Donc, disposons de l'amendement, voyons comment il sera reçu par les membres de la commission, et, ensuite, si jamais il était battu, la députée de Bourassa-Sauvé pourra reposer la question.

• (21 h 10) •

Le Président (M. Bachand) : Interventions? M. le député de Jean-Lesage.

M. Zanetti : Rendu au vote, moi, j'aimerais juste avoir un vote par appel nominal.

Le Président (M. Bachand) : Alors, s'il n'y a pas d'intervention, je vais mettre l'amendement du député de Jean-Lesage aux voix. Est-ce que... Excusez, je voudrais juste m'assurer que les gens qui veulent voter soient alentour de la table. On va procéder au vote. Alors donc... Merci.

Alors donc, je mets l'amendement du député de Jean-Lesage au vote. Est-ce que l'amendement est adopté? Appel nominal, M. le député? S'il vous plaît, Mme la secrétaire. Merci.

La Secrétaire : Pour, contre, abstention. M. Zanetti (Jean-Lesage)?

M. Zanetti : Pour.

La Secrétaire : M. Jolin-Barrette (Borduas)?

M. Jolin-Barrette : Contre.

La Secrétaire : Mme Lachance (Bellechasse)?

Mme Lachance : Contre.

La Secrétaire : M. Lévesque (Chapleau)?

M. Lévesque (Chapleau) : Contre.

La Secrétaire : Mme Lecours (Les Plaines)?

Mme Lecours (Les Plaines) : Contre.

La Secrétaire : Mme Tardif (Laviolette—Saint-Maurice)?

Mme Tardif : Contre.

La Secrétaire : M. Lamothe (Ungava)?

M. Lamothe : Contre.

La Secrétaire : M. Tardif (Rivière-du-Loup—Témiscouata)?

M. Tardif : Contre.

La Secrétaire : M. Lafrenière (Vachon)?

M. Lafrenière : Contre.

La Secrétaire : Mme David (Marguerite-Bourgeoys)?

Mme David : Abstention.

La Secrétaire : M. Derraji (Nelligan)?

M. Derraji : Abstention.

La Secrétaire : Mme Robitaille (Bourassa-Sauvé)?

Mme Robitaille : Abstention.

La Secrétaire : Mme Montpetit (Maurice-Richard)?

Mme Montpetit : Abstention.

La Secrétaire : M. Bérubé (Matane-Matapédia)?

M. Bérubé : Abstention.

La Secrétaire : M. Bachand (Richmond)?

Le Président (M. Bachand) : Abstention. L'amendement est rejeté, donc on retourne à l'étude de l'article 3 tel qu'amendé. Interventions sur l'article 3? M. le député de Nelligan.

M. Derraji : Merci, M. le Président. Donc, écoutez, à la lumière de ce qu'on vient de vivre par rapport à la définition des institutions parlementaires et les clarifications de M. le ministre, j'aimerais déposer un amendement, que je vais lire et vous déposer. Par la suite, je vais expliquer le pourquoi de cet amendement. Ça vous va?

Le Président (M. Bachand) : Parfait. Allez-y, M. le député.

M. Derraji : Excellent. Bon. Le premier paragraphe du deuxième alinéa de l'article 3 est modifié par l'insertion, après les mots «...Assemblée nationale», des mots «tel que défini par la Loi sur l'Assemblée nationale». Donc, ça va être lu de cette façon :

«1° "institutions parlementaires" : l'Assemblée nationale, tel que défini par la Loi sur l'Assemblée nationale de même que les personnes nommées ou désignées par celle-ci pour exercer des fonctions qui en relève.»

Je le dépose, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Merci.

Nous allons suspendre quelques instants. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 21 h 13)

(Reprise à 21 h 16)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Nous sommes maintenant sur l'amendement déposé par le député de Nelligan. M. le député, s'il vous plaît.

M. Derraji : Oui, merci, M. le Président. Je pense qu'avec cet amendement on va ramener une clarification parce que, depuis tout à l'heure, le ministre parle de la Loi sur l'Assemblée nationale et la définition beaucoup plus large des institutions parlementaires. Donc, l'ajout de «tel que défini par la Loi sur l'Assemblée nationale» vient un peu confirmer confirmer la vision et les aspects liés à l'institution parlementaire. Mais j'aimerais bien entendre le ministre, qu'est-ce qu'il pense de cet amendement.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Interventions? M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui, M. le Président. Écoutez, pour donner mon opinion sur l'amendement, j'aimerais avoir davantage d'explications du député de Nelligan. Je ne suis pas sûr de comprendre ce que ça rajoute, «tel que défini par la Loi sur l'Assemblée nationale».

Le Président (M. Bachand) : M. le député, s'il vous plaît.

M. Derraji : Oui, merci, M. le Président. Au fait, depuis le début, les collègues évoquent la définition de l'institution parlementaire. Donc, quand on lit les commentaires, les institutions parlementaires sont définies comme un client de «l'Assemblée nationale [et] les personnes nommées ou désignées par celle-ci pour exercer une fonction qui en relève», ces personnes sont... et là on voit une liste, le Commissaire à l'éthique et de la déontologie, des membres de l'Assemblée nationale, le Commissaire du lobbyisme, le Directeur général des élections, le Protecteur du citoyen et le Vérificateur général du Québec. Mais toutes ces personnes sont définies dans la Loi sur l'Assemblée nationale, donc le fait de l'ajouter dans le libellé, ça va juste clarifier qu'est-ce qu'on veut dire par rapport aux institutions parlementaires. Je pense que ça va même éviter tous les débats que nous avons eus tout à l'heure.

Le Président (M. Bachand) : Merci, M. le député. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui. Écoutez, je ne vois pas la pertinence de l'amendement déposé par le collègue de Nelligan, donc je ne peux donner mon consentement. Et, d'autant plus, lorsque le député de Nelligan nous dit : Le Vérificateur général, le Commissaire à l'éthique, le Commissaire au lobbyisme, le Directeur général des élections sont dans la Loi sur l'Assemblée nationale, je l'invite à consulter la Loi sur l'Assemblée nationale, parce qu'ils n'y sont pas présents.

Alors, M. le Président, je veux juste réaffirmer que les Québécois souhaitent qu'on adopte une loi sur la laïcité de l'État, que ça fait plusieurs heures déjà que... depuis la reprise des travaux à 19 h 30, il est 9 h 17, on n'a pas avancé d'un poil, M. le Président. Et je pense que les Québécois souhaitent qu'on s'assure de faire en sorte d'inscrire la laïcité de l'État dans nos lois, que les personnes en situation d'autorité ne portent pas de signe religieux et que les services publics soient donnés et reçus à visage découvert. Alors, j'invite les collègues ici de cette commission à faire preuve de sérieux dans nos débats et à avancer pour la suite des choses.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.

• (21 h 20) •

Mme David : Oui. M. le Président, je pense qu'on fait preuve de tellement de sérieux que ça oblige à quelques suspensions pour aller vérifier, justement, qu'est-ce que c'est que l'Assemblée nationale. Alors, je ne suis pas sûre que c'est exagéré, le temps qu'on a passé. C'est nous qui avons attendu pendant la suspension parce que vous n'aviez pas la réponse. Alors, je vous connais, vous étiez là à la dernière législature, vous savez comment ça fonctionne. Vous avez passé des heures, des heures, des heures, des centaines d'heures, dans certains projets de loi, à poser ces questions-là dans l'opposition, alors vous ne pouvez pas nous reprocher d'être au moins aussi rigoureux que vous l'avez été à l'époque, et aussi curieux, et aussi impliqué dans votre travail, et engagé à poser des questions, oui, à être sûr que les lois étaient le meilleur qu'ils étaient. Et particulièrement, dans ce cas-ci, quand j'ai posé la question sur l'Assemblée nationale, ça a pris quand même quelques recherches pour arriver à la réponse.

Alors, si, nous, tous ensemble, avec toute la compétence qu'il y a, il a fallu qu'on suspende pour définir c'est quoi, imaginez les gens qui vont avoir ce projet de loi, c'est peut-être le minimum que de dire : On vous donne un petit indice, là, comme une chasse au trésor. Allez voir la Loi sur l'Assemblée nationale, alors, «tel que défini par l'Assemblée nationale», c'est ça que ça veut dire. Allez chercher à qui on réfère puisque ce n'est pas si simple que ça. Je l'ai appris moi-même en vous posant la question, parce que je n'avais pas sincèrement pas la réponse.

Puis nous, on s'est posé des questions puis on est allés jusque le lieutenant-gouverneur. Mais, quand même, est-ce que les personnels, les cabinets, etc., sont touchés par ça? Il me semble, moi, que ce sont de vraies questions, là, des questions que n'importe qui va se poser. Et, peut-être, grâce à notre discussion ce soir, si une journaliste vous la pose, la question, maintenant, vous aurez la réponse.

Alors, c'est le fun d'avoir «tel que défini par la Loi sur l'Assemblée nationale». Je trouve que c'est super constructif. Ça n'enlève rien à votre projet de loi. Je trouve que ça rajoute une précision qui va aider l'ensemble des gens qui vont prendre connaissance de ce projet de loi à la fois à répondre sur c'est quoi, l'Assemblée nationale, parce qu'on ne se lève tous les matins en se disant : O.K. c'est quoi, l'Assemblée nationale? C'est qui? Ah! il y a une loi. Bien, au moins, on va peser sur Google, Loi sur l'Assemblée nationale, on va dire : O.K., ça va donc être tous les gens visés par la Loi sur l'Assemblée nationale, puis là ça va être mieux décrit.

Alors, c'est dans ce sens-là. N'y voyez pas de tentative de perdre du temps ou quoi que ce soit. Au contraire, c'est vraiment... si ça avait été de la perte de temps, on serait passés en 3 min 15 s, vous auriez eu la réponse, puis on serait passés à autre chose. Mais là je trouve que les échanges qu'on a eus ont été constructifs, bien menés, puis ça nous a tous appris c'est quoi, je suis sûre, même les gens de votre côté de la Chambre et tous les gens ici, sur c'est quoi, finalement, l'Assemblée nationale. Ça a l'air bête, mais c'est ça.

Le Président (M. Bachand) : Le député de Nelligan, s'il vous plaît.

M. Derraji : Oui. Premièrement, je tiens juste à rappeler à M. le ministre que je n'ai pas parlé de... j'ai cité ce que lui-même a mis dans le paragraphe et je n'ai pas dit que c'est dans la Loi sur l'Assemblée nationale. S'il a compris ça, bien, ce n'est pas ça que je voulais dire. Je veux le clarifier. Je veux le clarifier. Ce n'est pas ça que je voulais dire.

Et, quand on parle de l'Assemblée nationale, et pour faire du pouce sur ce que ma collègue la députée de Marguerite-Bourgeoys vient de dire, si on prend juste le nombre de pauses que le ministre a demandées pour aller chercher, clarifier les questions que nous avons posées, il était quand même important, donc...

Je ne suis pas d'accord avec le ministre par rapport à ce point. Nos interventions visent une seule chose, c'est bonifier et le clarifier. Nous aussi, nous pensons que c'est un projet de loi qui est important. Et ce que nous sommes en train de faire, c'est plus lui donner du jus et le clarifier. Quand vous parlez de l'Assemblée nationale, j'ai, devant moi... et, pour gagner du temps, je ne vais pas la lire, hein? Je ne vais pas la lire parce que je vais perdre beaucoup de temps, mais vous connaissez mieux que moi la loi, la Loi sur l'Assemblée nationale. Mais, quand on l'ajoute, au contraire, M. le Président, ça rajoute de la solidité et ça clarifie.

Donc, on parle, l'Assemblée nationale se compose de députés élus dans chacune des circonscriptions, ça parle du Parlement, ça parle même du lieutenant-gouverneur, qui convoque l'Assemblée, et ses fonctions. Mais ça va clarifier aux gens qu'est-ce qu'on veut dire par rapport aux institutions parlementaires. Au fait, l'ajout de la Loi sur l'Assemblée nationale va juste clarifier ce que le ministre veut dire par les institutions parlementaires. C'est juste ça qu'on cherche, M. le Président.

Donc, je ne vois aucunement que cet ajout va nuire au libellé du ministre. Et, si ça va nuire au libellé du ministre, qu'il nous partage son point de vue. Là, il dit : Je refuse, ce n'est pas quelque chose que je vais accepter, je ne vais pas donner mon consentement. Oui, il est libre, M. le Président. Mais est-ce qu'il peut au moins me dire en quoi ça va annihiler l'effort qu'il veut dire par rapport aux institutions parlementaires? Est-ce que la loi, la Loi sur l'Assemblée nationale va lui enlever du poids par rapport à la définition qu'il donne aux institutions parlementaires? Je ne pense pas.

Donc, si lui, il pense le contraire, M. le Président, j'aimerais bien qu'il nous clarifie sa position. Pourquoi il est contre l'ajout de la Loi sur l'Assemblée nationale? D'ailleurs, c'est ce qu'il a dit depuis tout à l'heure, il vise le secrétaire général, ça vise des personnes au sein de l'institution de l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Interventions? M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Bien, M. le Président, dans toutes les lois, on dit : L'Assemblée nationale. Alors, c'est l'Assemblée nationale. Tout le monde sait à quoi on réfère lorsqu'on dit : L'Assemblée nationale.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Nelligan, s'il vous plaît.

M. Derraji : Ça réfère à l'Assemblée nationale, probablement le ministre a été beaucoup plus rapide tout à l'heure en répondant à nos questions. Ça n'était pas le cas; lui-même expert, c'est lui qui dépose le projet de loi, et il a demandé à plusieurs reprises de l'aide pour répondre aux questions. À moins si je me trompe, le ministre n'a pas eu des réponses à toutes les questions. C'est normal qu'il consulte, c'est un projet de loi très important, il veut s'assurer de la réponse qu'on donne. Bien, pour le grand public, moi, à mon avis, il vaut mieux mettre la loi où on se réfère. On se réfère à quelle loi? Bien, c'est la Loi sur l'Assemblée nationale. On la spécifie. Moi, je pense que l'amendement, au contraire, il donne beaucoup plus de poids au libellé que nous avons devant nous, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Interventions? M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, c'est très clair. J'apprécie la contribution du collègue de Nelligan, mais ça ne vient pas bonifier le projet de loi, et, en conséquence, on ne va pas voter en faveur.

Le Président (M. Bachand) : Interventions? Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.

Mme Robitaille :...

Le Président (M. Bachand) :...

M. Derraji : M. le Président, j'aimerais bien juste comprendre en quoi c'est dérangeant avoir la Loi sur l'Assemblée nationale dans ce libellé.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre? Pas d'intervention?

M. Derraji : Bien, écoutez, écoutez, là, on parle d'un projet de loi important, là, on veut clarifier, là, on veut le bonifier, et le ministre ne répond pas à une question très simple. Je ne vois en aucun cas en quoi ça dérange de dire que nos institutions parlementaires, ça vise la Loi sur l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Interventions? M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, la propre formation politique du député de Nelligan, dans le cadre du projet de loi n° 62, a indiqué, dans la loi n° 62, la ministre de la Justice en plus. Pas n'importe qui : la ministre de la Justice du Parti libéral, celle qui est avocate-conseil...

Une voix : ...

M. Jolin-Barrette : Pardon?

Une voix : ...

M. Jolin-Barrette : Oui. La question, c'est : Est-ce que je l'aimais beaucoup? La réponse, c'est oui. Puis, honnêtement, M. le Président, je m'en ennuie. Vous savez pourquoi? Parce que, tout à l'heure, la députée de Marguerite-Bourgeoys disait : Ah! le ministre a été dans l'opposition, vous savez comment ça marche. Bien non, M. le Président, ce n'est pas de même que ça marche. Je vais dire pourquoi puis j'en prends à témoin tout le monde qui est ici dans cette salle. Quand j'étais dans l'opposition puis je faisais des amendements, je faisais des amendements qui étaient réfléchis dans un souci de faire en sorte...

Le Président (M. Bachand) : Attention à vos mots, M. le ministre, s'il vous plaît, de ne pas qualifier le travail de la commission présentement. Merci.

M. Jolin-Barrette : Non, bien, loin de moi, M. le Président, de dire ça. Je parlais de mes propres amendements. Donc, je ne voudrais pas qu'on...

M. Derraji : ...une insinuation, je suis désolé, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Je l'ai soulevée...

M. Derraji : Merci, M. le Président, parce que vouloir dire que c'est irréfléchi...

Le Président (M. Bachand) : Mais la parole est au ministre, je vais laisser finir le ministre, s'il vous plaît. Merci.

M. Jolin-Barrette : Tout ça pour dire que je pense que, lorsque j'ai travaillé avec la ministre de la Justice de l'époque, oui, on a eu plusieurs discussions, mais honnêtement on en est venus à avoir des projets de loi dans l'intérêt de tous les Québécois, et surtout quand il y avait des projets de loi qui se faisaient durant des années qu'on attendait que ce soit adopté, notamment la loi n° 113 sur l'adoption, la filiation pour les personnes adoptées. Bien, on l'a bonifiée, mais on savait aussi qu'il y avait des gens qui souhaitaient l'adoption de la loi parce que c'était important. Un peu comme la Loi sur la laïcité. Et, lorsque j'échangeais avec la ministre de la Justice, on faisait nos points, mais j'écoutais ce qu'elle disait aussi puis je comprenais ce qu'elle disait aussi. C'était juste un commentaire en lien avec ce que la députée de Marguerite-Bourgeoys dit.

Donc, on n'insère pas la Loi sur l'Assemblée nationale, M. le Président...

Une voix : ...

Le Président (M. Bachand) : ...juste pour... parce que je sens qu'il répond quand même à une question importante, alors, allez-y, M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : La Loi sur l'Assemblée nationale, on ne l'indique pas notamment parce qu'entre autres, dans le projet de loi n° 62, l'institution, on indique juste l'Assemblée nationale. On ne fait pas référence à l'Assemblée nationale par la Loi sur l'Assemblée nationale. C'est une question de légistique aussi dans le corpus législatif.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.

• (21 h 30) •

Mme David : Non, puisque je me suis sentie interpelée, hein? J'ai des oreilles et j'écoute. Le ministre semble un petit peu impatient. C'est son droit. Il est tanné, il est fatigué. Mais, il le dit lui-même, c'est un projet de loi extrêmement important. Je pense que ça, tout le monde en convient. Et de comparer la loi sur la laïcité à la loi sur l'adoption, on n'est pas nécessairement dans les mêmes enjeux. Une loi sur la laïcité qui parle de l'ensemble de la société et qui va vraiment structurer, pour vous, là, c'est comme l'article 1 du Parti québécois ou c'est comme si c'est quelque chose d'extrêmement structurant. Vous dites : Ça fait des années, etc. Alors, en tout respect, je pense qu'il faut être à la hauteur, justement, de l'importance de ce projet de loi et poser des questions qui vont bonifier le projet de loi.

Et, quand je faisais référence au nombre d'heures, c'est qu'il y a eu des heures, et des heures, et des heures de passées dans des projets de loi parce que, justement, les partis d'opposition, avec raison, ont fait leur travail. Et ça a pu prendre beaucoup de temps. Et je ne fais pas référence nécessairement à un projet de loi de la ministre de la Justice. Je fais référence à n'importe quelle loi qui a pu se passer. J'en ai moi-même eu, des lois. Et ça a été... Ils ont tous été votés à l'unanimité, les lois que j'ai déposées. Parce qu'on a fait un travail super constructif avec les oppositions. Je n'ai pas eu le plaisir de vous avoir en face de moi, ce n'était pas dans vos rôles de porte-parole officiel, mais, avec votre collègue qui était là, on a bonifié des lois. Et c'était très bien. Puis j'en ai fait, des amendements. J'en ai accepté, des amendements. J'en ai étudié, des amendements. Et puis j'ai remercié les oppositions après.

Alors, il n'y a pas lieu de qualifier que ça soit réfléchi, irréfléchi. En tout cas, moi, s'il y a un adjectif que je ne me suis pas fait dire souvent dans ma vie, c'est d'être irréfléchie. Je pense que ce n'est pas quelque chose qui me colle beaucoup. Puis je peux tout à fait comprendre que le ministre est très réfléchi, mais, justement, la réflexion, c'est quelque chose qui est... qui demande du temps, qui demande de la patience. Patience vient avec l'âge peut-être. La patience vient avec... Vous avez beaucoup de responsabilités, je le sais, mais il faut absolument qu'on passe à travers.

Et je reviens à ça : si ça avait été si simple, l'Assemblée nationale, vous auriez répondu de même. Puis je ne vous en veux pas, parce que, moi, je ne l'avais pas, la réponse. Puis j'ai appris grâce à vous. Mais j'ai appris qu'il y avait des choses dans la Loi sur l'Assemblée nationale, justement. Alors, pourquoi ne pas le dire? En quoi ça vous fait mal? En quoi? On ne vous arrache pas une dent en faisant ça. On améliore les choses. C'est tout ce que je peux dire.

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le député de... M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui. Écoutez, la députée de Marguerite-Bourgeoys me prête des intentions. Elle dit : Le ministre est fatigué, est tanné. Pas du tout. C'est un véritable plaisir, passer du temps ici, en commission parlementaire, avec l'ensemble des membres de cette commission.

Une voix : ...

M. Jolin-Barrette : Bien oui, c'est des intentions.

Une voix : ...

M. Jolin-Barrette : Bien oui, c'est des intentions. Autre point. Puis ça, je pense que c'est important. Puis je suis convaincu, M. le Président, que ce n'est pas ce que la députée de Marguerite-Bourgeoys a voulu dire, je suis convaincu.

Mais le projet de loi n° 113, là, pour les milliers de Québécois qui n'ont jamais connu leur mère, qui n'ont jamais connu leur père, je pense que c'est un projet de loi fondamental. Durant des années, les enfants, au Québec, pour des grossesses de filles-mères, dans des villages, étaient cachés, étaient envoyés à Québec, à Montréal, à la crèche. Vous ne savez pas à quel point ça avait une importance fondamentale pour ces personnes-là. Donc, M. le Président, je ne pense pas que la députée de Marguerite-Bourgeoys a voulu dire que le projet de loi n° 113 était moins important moins important que celui sur la laïcité, parce que c'était fondamental pour ces personnes-là de connaître leurs origines. Lorsqu'on est dans notre famille biologique, on a l'opportunité de connaître nos parents. Et je pense que ces personnes-là, durant des années et des années, ont attendu. Et je pense que, pour eux, c'était extrêmement important, ce projet de loi là.

Le Président (M. Bachand) : D'accord. Je vous rappelle qu'on est sur un différent projet de loi. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.

Mme David : Ce n'était certainement pas sur l'importance. Et, si le passé est garant de l'avenir, je pense qu'il est évident que j'ai donné beaucoup dans le sens de la compassion. Et j'en ai fait une carrière et un métier. Et ce n'est certainement pas que je dis que ce n'est pas important. Je disais que c'était plus facile d'être consensuel et de travailler tous ensemble sur ce projet-là. Alors, l'argument est... est, disons... n'est pas très, très fondé. C'est surtout qu'il y a des projets de loi beaucoup plus consensuels que des projets de loi qui vont aller enlever des droits des personnes. Encore là, dans ce cas-ci, on donnait des droits.

Alors, je ne veux pas non plus, M. le Président, parler trop longtemps de ça, mais ce que je veux dire, c'est que, si on rajoute Loi sur l'Assemblée nationale, c'est pour bonifier le projet de loi. Notre intention est très positive.

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui. M. le Président, le projet de loi sur la laïcité n'enlève pas des droits, il en donne. Il confère aux Québécois et aux Québécoises... Le fait d'avoir un État laïque, c'est générateur de droits. Ça, je pense que c'est important de le souligner.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Interventions? Nous sommes sur l'amendement du député de Nelligan. M. le député de Nelligan, s'il vous plaît.

M. Derraji : Oui, merci, M. le Président. Je veux juste comprendre parce que j'ai l'impression que je n'ai pas entendu la réponse. Mais je veux juste qu'on se concentre sur l'amendement. Je ne veux pas qu'on revienne en arrière, à une autre législature, ou énoncer des projets de loi, ou énoncer des anciens collègues. L'important, c'est le projet de loi que nous avons devant nous. Le projet de loi que nous avons devant nous, c'est la Loi sur la laïcité.

Je vais juste faire un bref rappel à M. le ministre, M. le Président, que l'amendement, il est venu suite au questionnement que nous avons posé tout à l'heure à M. le ministre, et lui-même a pris le temps, a pris le temps pour nous répondre. Ce n'est pas négatif. Au contraire, c'est très positif, et je le remercie parce qu'il nous a clarifié pas mal de points. Mais, à la lumière des clarifications, moi, je n'étais pas convaincu. Encore une fois, cette loi, on veut que ce soit le plus clair que possible. C'est pour cela que je lui ai posé la question en quoi ça lui fait... ça l'affecte, le fait de parler de la Loi sur l'Assemblée nationale dans ce libellé. Et, si lui, il ne voit pas d'intérêt ou il veut une autre formulation, qu'il nous la propose. Mais c'est clairement...

M. le Président, depuis tout à l'heure, on parle, avec raison, de la définition des institutions parlementaires. Si on est là encore, M. le Président, c'est parce que ça n'a pas été facile, la compréhension, qu'est-ce que le ministre veut dire par rapport aux institutions parlementaires. Tantôt, on parle d'institutions, tantôt, on parle d'individus. On parle du Protecteur du citoyen, on parle d'un commissaire au lobbyisme, on parle du Directeur général des élections, on parle du Vérificateur ou la Vérificatrice générale du Québec. Donc, ce qu'on voulait, c'est de mettre un point clair que les institutions parlementaires, selon la définition de cette loi, c'est tel que défini par la Loi sur l'Assemblée nationale. C'est que les gens peuvent se référer directement à la Loi sur l'Assemblée nationale, et ça va être beaucoup plus clair.

C'est le ministre qui a pris du temps tout à l'heure, et je veux le remercier parce que, sérieusement, on a avancé, au contraire. Je pense que le débat que nous avons mené par rapport à l'institution parlementaire nous a clarifié les points que le ministre vise par rapport à l'institution parlementaire, et ça lui donne, et ça nous donne tous les assises pour respecter ce qu'on disait par rapport au socle de la laïcité de l'État, qui repose sur les quatre principes que nous avons évoqués. Mais le fait d'ajouter, avec cet amendement, la Loi sur l'Assemblée nationale, ça va juste faciliter la compréhension du libellé des institutions parlementaires.

Le Président (M. Bachand) : Merci, M. le député. Interventions? M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, le député de Nelligan veut insérer «tel que défini par la Loi sur l'Assemblée nationale». Savez-vous quoi, M. le Président? Il y a des gens qui sont passés avant nous, puis il y a des gens qui vont passer après nous, comme députés, et, parmi les députés, il y a des ministres qui ont présenté des projets de loi, de toutes les formations politiques, et ils sont appuyés par une formidable équipe de juristes du ministère de la Justice ou de l'exécutif.

Et savez-vous quoi? Il y a 278 lois qui contiennent les mots «Assemblée nationale», et nulle part on a senti le besoin de le définir. Alors, moi, je suis en politique depuis uniquement cinq ans. C'est une des premières lois que je dépose ici. Mais, quand je regarde ce qui s'est fait dans le passé, il m'apparaît que, si l'ensemble des intervenants, au cours de l'histoire québécoise, ne l'ont jamais défini, «tel que défini par l'Assemblée nationale», je pense qu'on doit peut-être faire preuve de déférence envers eux.

• (21 h 40) •

Le Président (M. Bachand) : Interventions, toujours sur l'amendement? M. le député de Nelligan, s'il vous plaît.

M. Derraji : J'aime beaucoup les réflexes du ministre, parce que je les teste dans un autre projet de loi, et je commence vraiment à le connaître très bien. Cette réponse, vous l'avez eue, M. le ministre, à 21 h 40, j'aurais aimé l'entendre beaucoup plus tôt parce que même vous, vous avez eu beaucoup, beaucoup de temps pour juste répondre à une question très simple par rapport aux institutions parlementaires, et c'est là où nous-mêmes, nous avons ce doute que, si, pour vous, ce n'est pas clair, les institutions parlementaires, comment ça va être le cas pour les gens qui vont le lire?

C'est que, depuis tout à l'heure, les questions que nous avons eues, je dirais, que mes collègues les ont posées, c'est pour justement demander des clarifications par rapport aux institutions parlementaires. C'est le ministre qui a demandé pas mal d'arrêts pour vérifier, avec raison, parce que ce n'était pas clair. C'est pour cela que l'amendement, il est venu. Je n'ai pas eu le luxe et je n'ai pas ce luxe d'aller vérifier l'ensemble des lois, vous êtes bien équipés, vous avez une armée de personnes avec vous qui peuvent faire la recherche rapidement.

M. Jolin-Barrette : Soyons pacifiques, pas une armée.

Le Président (M. Bachand) : S'il vous plaît!

M. Derraji : Je veux juste rappeler un point très important, M. le ministre... M. le Président, c'est que, si on est là avec cet amendement, c'est que je sentais des doutes. Je n'ai pas senti personnellement des réponses rapides par rapport aux institutions parlementaires, et le doute s'est installé au fur et à mesure jusqu'à ce qu'on parle de l'institution du lieutenant-gouverneur général.

Donc, encore une fois, ça va être ma dernière question au ministre : En quoi — sans parler des autres lois, où... je pense, il a nommé 260 — en quoi ça le dérange le libellé de parler de la Loi sur l'Assemblée nationale? Parce qu'on parle d'un important projet de loi sur la laïcité, mais donnons-nous les moyens d'avoir une bonne définition.

Le Président (M. Bachand) : Interventions? J'ai la députée de Maurice-Richard, s'il vous plaît.

Mme Montpetit : Il n'y a pas de réponse de la part du ministre?

Le Président (M. Bachand) : Non. Vous avez la parole.

Mme Montpetit : Je voulais juste revenir sur quelque chose qui m'a un peu fatiguée... bien, en fait, je vais donner l'opportunité au ministre de peut-être compléter sa réponse qu'il faisait ou son intervention qu'il faisait. Il dit, il y a quelques minutes, que, selon lui, son projet de loi est un projet qui donne des droits. J'aimerais qu'il puisse nous expliquer ça parce que, de toute évidence, peut-être... on n'est pas rendus très loin encore dans l'étude détaillée, on est à peine à l'article 3 et, déjà, il y a peut-être une lecture sur une prémisse de base sur laquelle on ne s'entend pas.

Je pense qu'on est certainement beaucoup de personnes, à tout le moins, de notre côté, à tout le moins, dans les groupes qui sont venus faire des consultations, qui ont une lecture très différente de celle qu'a fait le ministre, à savoir que c'est un projet de loi qui, de toute évidence... puis je n'arrive pas à... j'essaie de comprendre sa pensée, mais c'est clairement un projet de loi qui enlève des droits, en vertu de la Charte des droits et libertés, et j'aimerais bien l'entendre sur comment lui, il évalue que c'est un projet de loi qui va venir donner des droits.

Le Président (M. Bachand) : Interventions? M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui, M. le Président. Bien, écoutez, dans le cadre des consultations aussi, si la députée de Maurice-Richard y avait assisté, elle aurait pu...

Le Président (M. Bachand) : M. le député, attention, attention! Allez, continuez, mais il faut juste... Continuez, mais faites attention.

M. Jolin-Barrette : Mais, dans le cadre des consultations, M. le Président, il y a plusieurs groupes qui sont venus nous indiquer également que c'était générateur de droits. Donc, M. le Président, je comprends que la députée de Maurice-Richard ne partage pas la perception que j'ai du projet de loi, ça lui appartient. On a des opinions différentes du projet de loi, et ça ne fait pas en sorte qu'on sera de moins bons amis.

Le Président (M. Bachand) : La députée de Maurice-Richard, s'il vous plaît.

Mme Montpetit : Merci, M. le Président. J'essaie d'avoir un échange constructif, ce qui semble être assez difficile avec le ministre, puis, je le dis, j'essaie vraiment d'avoir un échange constructif. Je pose une question qui est, je pense, simple à une intervention qu'il a faite, je n'essaie pas de susciter un débat. Le ministre a dit, il y a à peine cinq minutes, que c'est un projet de loi qui donnait des droits. Je lui pose une question qui est très simple, je lui expose ma lecture des choses, je pense que, quand on vient limiter un accès à une profession pour des motifs discriminatoires, en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne, je considère et plusieurs personnes considèrent qu'il y a une atteinte aux droits des gens.

Je vous pose la question, je peux vous la poser de façon plus précise, puis on pourra en rediscuter quand on sera à l'article 3... à l'article 6. Je vous ai posé la question hier, je vous l'ai émise dans mes commentaires préliminaires, je vous ai dit : Moi, si une parlementaire, si un parlementaire voulait accéder à la fonction de vice-président de l'Assemblée nationale, s'il devait porter un médaillon, est-ce qu'il pourrait le faire? Je pense que c'est une contrainte à l'accession professionnelle, c'est une contrainte à l'accession professionnelle pour plein de gens au Québec. Donc, je considère et plein de gens considèrent que c'est une limitation au niveau des droits.

C'est une question toute simple que je fais, je suis désolée que le ministre se sente très attaqué dans cette question. Je lui demande juste d'élaborer sur l'assertion qu'il a faite un petit peu plus tôt, sur le fait qu'il considère que son projet de loi donne des droits aux gens. C'est une question vraiment, vraiment simple. Je lui donne l'opportunité de nous expliquer sa pensée.

Le Président (M. Bachand) : Tout en vous rappelant qu'on a quand même un amendement devant nous, mais je vais laisser la parole au ministre.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, j'apprécie l'opportunité que me donne la députée de Marguerite... pardon, de Maurice-Richard d'indiquer pourquoi le projet de loi est générateur de droits. Il est générateur de droits parce qu'il fait en sorte que l'État québécois, il est laïque, que les Québécois vont avoir le droit à des services publics laïques. Alors, en somme, je pense que ceci est générateur de droits. Et vous constaterez, M. le Président, qu'avec égards je ne partage aucunement l'analyse qui est effectuée par la députée de Maurice-Richard en lien avec le projet de loi, et que je ne partage aucunement ses propos.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Les Plaines, s'il vous plaît.

Mme Lecours (Les Plaines) : Je voudrais juste comprendre pourquoi qu'on passe toujours d'un article à un autre quand on est rendus à l'article 3 puis on a un amendement sur l'article 3. On n'est pas encore rendus à l'article 6. On fait étape par étape, donc... paragraphe par paragraphe, puis on parle encore des signes religieux. On n'est pas rendus là. On est rendus à l'amendement qui est déposé sur l'article 3. Je voulais juste rappeler ça, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Je ne veux pas qu'on fasse de débat là-dessus. Mme la députée de Maurice-Richard, s'il vous plaît.

Mme Montpetit : On ne fera pas de débat si vous me permettez de répondre à la collègue. Je pense que, si elle a bien suivi les travaux puis si elle est à l'écoute, ce que je présume qu'elle faisait, le ministre a parlé du fait que son projet de loi donnait des droits. Ma question a été en ce sens, pour lui demander de quelle façon il donnait des droits. De toute façon... De toute évidence, on ne partage pas du tout la même opinion sur cet aspect-là, comme de nombreux groupes qui sont venus dans les consultations.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Interventions? M. le député de Nelligan, s'il vous plaît.

M. Derraji : Écoutez, je pense que j'ai tout dit. Le ministre ne voit pas l'utilité de parler de la Loi sur l'Assemblée nationale. C'est à lui de vivre avec ça et avec le libellé. Moi, je n'ai pas d'autre intervention par rapport à cet amendement. Si le ministre ne voit pas d'intérêt, écoute, ce n'est pas grave. Moi, je demande le vote...

Mme Robitaille : Ah! le vote? Ah! parce que moi, j'avais un commentaire. Non, c'est juste que...

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Robitaille : En fait, quand je suis arrivée tout à l'heure, on discutait justement de l'Assemblée nationale, ce que c'était. Mes collègues en parlaient, on posait beaucoup de questions. Ça peut paraître simple, l'Assemblée nationale, mais ça ne l'est pas. Et la preuve, c'est que, justement, le ministre consultait puis il répondait aux questions, et je ne comprends vraiment pas, on regarde la loi, là, sur l'Assemblée nationale, chapitre I, «Organisation et [fonction]», section I, «Composition», ça vient juste circonscrire. Et je ne comprends pas pourquoi tant... le ministre est si peu intéressé à considérer cet amendement-là, puisque c'est important. C'est peut-être qu'à l'article 2 de cette loi-là on dit justement que l'Assemblée nationale et le lieutenant-gouverneur constituent le Parlement du Québec, et il ne veut pas rentrer là-dedans.

Mais c'est juste un commentaire pour les fins des enregistrements ici, que ça venait bonifier le projet de loi. Et c'est très, très important, ma collègue l'a dit, là, c'est des enjeux cruciaux qui sont discutés. Et, quand on a la chance de pouvoir circonscrire certaines définitions, bien, faisons-le. Bon, le ministre refuse, là, le ministre ne veut pas regarder ça, mais je considère que c'est dommage, puisque ça aurait vraiment amené quelque chose de plus, ça l'aurait bonifié, ça l'aurait circonscrit, et on ne peut jamais circonscrire assez.

Le Président (M. Bachand) : Interventions sur l'amendement du député de Nelligan? S'il n'y a pas d'autre intervention, je vais mettre l'amendement aux voix. Est-ce que l'amendement est adopté?

Une voix : Rejeté.

Une voix : ...

Le Président (M. Bachand) : Appel nominal? Mme la secrétaire, s'il vous plaît.

• (21 h 50) •

La Secrétaire : Pour, contre, abstention. M. Derraji (Nelligan)?

M. Derraji : Pour.

La Secrétaire : Mme David (Marguerite-Bourgeoys)?

Mme David : Pour.

La Secrétaire : Mme Robitaille (Bourassa-Sauvé)?

Mme Robitaille : Pour.

La Secrétaire : Mme Montpetit (Maurice-Richard)?

Mme Montpetit : Pour.

La Secrétaire : M. Jolin-Barrette (Borduas)?

M. Jolin-Barrette : Contre.

La Secrétaire : Mme Lachance (Bellechasse)?

Mme Lachance : Contre.

La Secrétaire : M. Lévesque (Chapleau)?

M. Lévesque (Chapleau) : Contre.

La Secrétaire : Mme Lecours (Les Plaines)?

Mme Lecours (Les Plaines) : Contre.

La Secrétaire : Mme Tardif (Laviolette—Saint-Maurice)?

Mme Tardif : Contre.

La Secrétaire : M. Lamothe (Ungava)?

M. Lamothe : Contre.

La Secrétaire : M. Tardif (Rivière-du-Loup—Témiscouata)?

M. Tardif : Contre.

La Secrétaire : M. Lafrenière (Vachon)?

M. Lafrenière : Contre.

La Secrétaire : M. Zanetti (Jean-Lesage)?

M. Zanetti : Abstention.

La Secrétaire : M. Bérubé (Matane-Matapédia)?

M. Bérubé : Contre.

La Secrétaire : M. Bachand (Richmond)?

Le Président (M. Bachand) : Abstention. L'amendement est rejeté.

Alors, on retourne pour discussion, interventions, à l'article 3. Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : J'ai un amendement.

Le Président (M. Bachand) : Bien sûr, si vous voulez en faire la lecture, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : Vous voulez que je le lise ou...

Le Président (M. Bachand) : Faites-en la lecture, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : Oui, O.K.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup.

Mme Robitaille : Donc, c'est le premier alinéa de l'article 3 : «"Institutions parlementaires" : l'Assemblée nationale, de même que les personnes nommées ou désignées par celle-ci», et là, «suivantes : [la commission] à l'éthique et à la déontologie des membres de l'Assemblée nationale, [la] Commissaire au...» pardon, «le Commissaire à l'éthique et à la déontologie des membres de l'Assemblée nationale, le Commissaire au lobbyisme, le Directeur général des élections, le Protecteur du citoyen et le Vérificateur général du Québec».

Le Président (M. Bachand) : Parfait.

Nous allons suspendre quelques instants pour distribution. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 21 h 51)

(Reprise à 21 h 56)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Nous sommes sur l'amendement déposé par la députée de Bourassa-Sauvé. Mme la députée, s'il vous plaît.

Des voix : ...

Le Président (M. Bachand) : S'il vous plaît! Merci.

Mme Robitaille : ...

Des voix : ...

Le Président (M. Bachand) : S'il vous plaît! Merci. Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : Oui. Alors donc, par souci de précision, on considérait que c'était important de préciser les différents commissaires qui étaient visés à ce premier alinéa, parce que, là, dans la version originale, on dit : «...de même que les personnes nommées ou désignées par celle-ci pour exercer une fonction qui en relève.» C'est vague. C'est sûr que ça bonifierait si on préciserait exactement les commissaires, le protecteur puis le vérificateur. Alors, encore une fois, parce que c'est important de circonscrire puis d'être précis, alors on ajoute... on précise.

Le Président (M. Bachand) : Merci, Mme la députée. Interventions? S'il vous plaît, votre attention. Intervention, M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, nous ne pourrons être en accord avec l'amendement parce qu'on vient définir directement les personnes qui sont visées, les institutions, mais ça voudrait dire que, si jamais l'Assemblée nationale avait une autre personne désignée ou nommée, elle ne serait pas indiquée dans l'article, le paragraphe 1°.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée, intervention?

Mme Robitaille : Oui. On peut...

Une voix : ...

Mme Robitaille : Oui, vas-y, vas-y.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Nelligan, s'il vous plaît. Pardon.

M. Derraji : Je suis surpris de la réponse et je veux juste la comprendre. Donc, le ministre n'accepte pas l'amendement parce qu'il ne veut pas spécifier, parce que, s'il spécifie, ça lui enlève d'ajouter des personnes. Est-ce que c'est ça?

M. Jolin-Barrette : Parce que...

M. Derraji : Donc là, l'amendement spécifie des institutions. Vous ne voulez pas spécifier les institutions parce que, s'il y a un ajout, ça enlève le pouvoir... Il ne faut pas les ajouter. Si on met juste la liste de ces institutions... Juste répéter ce que vous venez de dire.

M. Jolin-Barrette : La formulation actuelle du projet de loi fait en sorte que les personnes nommées ou désignées qui relèvent de l'Assemblée nationale sont visées par l'obligation de laïcité de l'État. Si vous les inscrivez de façon nommément dans l'article, ça fait en sorte que, dans l'éventualité où il y aurait une sixième personne désignée ou nommée par l'Assemblée nationale, bien, ça ferait en sorte qu'elle ne serait pas visée par la loi sur la laïcité.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Nelligan, en complément, oui, allez-y.

M. Derraji : Oui. Donc, si on parle, par exemple, c'est un cas hypothétique, sixième personne nommée par l'Assemblée nationale, cette personne nommée fait partie... c'est : nommée dans le cadre d'une loi. Et, si la personne est nommée dans le cadre d'une loi, cette loi, elle est liée à l'Assemblée nationale. Oui ou non?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, je ne suis pas sûr de comprendre la question du député de Nelligan.

M. Derraji : Bien, je demande la patience du ministre parce que je ne pense pas que j'ai les qualités du ministre, je ne suis pas juriste, parce que j'essaie juste de comprendre sa réponse. Ma collègue la députée de Bourassa-Sauvé parlait, «l'Assemblée nationale, de même que les personnes nommées ou désignées par celle-ci suivantes». Là, on les nomme. Le ministre dit que, si jamais, si jamais il y a une sixième personne et une septième personne à ajouter, il ne peut pas parce que c'est déjà nommé, il ne peut pas l'ajouter. Mais cette personne qu'on va ajouter ou cette institution qu'on va ajouter, ça va être ajouté dans le cadre d'une loi. La loi, c'est la Loi de l'Assemblée nationale. C'est ça?

• (22 heures) •

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : On est, M. le Président, dans les conjectures hypothétiques. Ce que le député de Nelligan nous dit, par sa question, c'est de dire : Écoutez, si on voulait rajouter une nouvelle personne désignée ou nommée par l'Assemblée nationale, ça serait dans la Loi sur l'Assemblée nationale.

Moi, M. le Président, je ne le sais pas. D'habitude, quand on modifie la Loi sur l'Assemblée nationale, ça se fait de consentement avec les leaders. D'ailleurs, on a la chance, M. le Président, de retrouver notre bon public ce soir. Et, à titre de témoignage, M. le Président, vous noterez qu'à cette législature-ci on a modifié la Loi sur l'Assemblée nationale. Oui, on l'a fait. Je l'ai fait, mais pas tout seul, en compagnie du député de Jean-Talon, avec qui ça a été un plaisir de rédiger un projet de loi. D'ailleurs, ça a été beaucoup moins long qu'ici, et je pense que c'était beaucoup plus porteur pour Québec solidaire et le Parti québécois puisqu'ils ont obtenu la reconnaissance d'un parti officiel avec des budgets associés.

Alors, voyez-vous à quel point...

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Nelligan. Après ça, le député de Matane-Matapédia a demandé...

M. Jolin-Barrette : Puis je vais terminer. Alors, je me sentais interpelé.

Le Président (M. Bachand) : Oui, allez-y, M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Alors, M. le Président, alors je crois savoir pourquoi le député de Matane-Matapédia... Je viens d'y penser.

Le Président (M. Bachand) : Allez-y, M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Si c'est ce que je pense, ça sera amusant, M. le Président.

Alors, il est déjà prévu dans le projet de loi que les personnes désignées ou nommées qui relèvent de l'Assemblée nationale sont visées. Ce que vous faites, c'est d'amener une précision qui est non nécessaire et qui devient restrictive et rigide. Alors, dans la rédaction du texte de loi, il n'est pas opportun d'amener cette précision-là qui cristallise la situation juridique.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Nelligan, s'il vous plaît.

M. Derraji : ...sur l'Assemblée nationale ne plaît, ni la précision des institutions ciblées ne plaît au ministre, mais, tout à l'heure, il vient de dire que, s'il y a une sixième personne, bien, cette sixième personne ou ce sixième ajout sera dans le cadre d'une loi.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, oui.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, ce que le député de Nelligan nous a dit, il nous a dit : Écoutez, ça va se faire par le biais de la modification à la Loi sur l'Assemblée nationale. Or, dans la Loi sur l'Assemblée nationale, ce ne sont pas là que les personnes désignées se trouvent. Alors, pour modifier la Loi sur l'Assemblée nationale, généralement, ça se fait avec l'ensemble des formations politiques. Or, dans ce cas-ci, ça m'étonnerait que, s'il y avait une sixième personne désignée, elle soit dans la Loi sur l'Assemblée nationale. Elle serait plutôt dans une loi séparée, comme la loi sur le Commissaire à l'éthique ou la loi sur le lobbyisme. Voyez-vous, ça serait une loi distincte fort probablement, j'imagine. Mais c'est hypothétique, parce que là il n'y a pas de sixième personne.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Matane-Matapédia, s'il vous plaît.

M. Bérubé : Je me suis senti interpelé, M. le Président. Ce n'est pas nécessairement lié au débat, mais je veux juste rappeler au leader du gouvernement que ce qu'il a fait en compagnie du leader de l'opposition officielle, c'est appliquer une réciprocité, la même chose que le Parti québécois et le Parti libéral a fait à l'ancêtre de la Coalition avenir Québec, l'ADQ, pour reconnaître alors qu'ils étaient quatre députés. Parlez-en au député de Granby, de Chutes-de-la-Chaudière, de La Peltrie.

Alors, il ne fait pas la charité, et je l'inviterai à ne pas revenir là-dessus. Ça ne sera pas à son avantage.

Le Président (M. Bachand) : Merci, M. le député. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.

Mme David : C'est fort intéressant, les interactions comme ça, où on lui remet le sourire, au moins. Alors, ça, c'est très bien.

M. Jolin-Barrette : ...M. le Président, le député de Matane-Matapédia, il me rend de bonne humeur, et je le remercie pour ça.

Le Président (M. Bachand) : Bon. Alors, merci beaucoup, M. le député de Matane-Matapédia. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, vous avez la parole.

Mme David : Et peut-être pour d'autres choses. Donc, nous, on vous rend moins de bonne humeur, mais ce n'est pas grave, on continue avec le sourire.

La question que je voudrais vous poser : À votre connaissance, ça fait combien de temps qu'on a créé une nouvelle entité désignée, nommée, dites-le comme vous voulez, par l'Assemblée nationale et responsable devant elle? Il y a cinq entités. D'après vous, dans les cinq dernières années, 10 dernières années, là, il y en a eu combien?

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui. De mémoire, le Commissaire à l'éthique, il me semble que c'est vers 2009, 2010, dans ces années-là, mais je n'étais pas ici encore.

Mme David : Donc, ça n'arrive pas souvent, là, qu'on fait ça. Et autre... deuxième question, le Commissaire à l'éthique, là, et la déontologie, il a dû être créé par une loi.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Dans notre système, tout est créé par loi.

Mme David : Et donc, à ce moment-là, s'il a été créé par une loi, le prochain serait créé par une loi. Si jamais, une fois par 10 ans... parce que, là, dans 10 ans... vous, vous allez rester là 20 ans, vous en verrez peut-être deux dans votre carrière d'éminent juriste, et ministre, et peut-être à l'opposition, on ne sait pas. Mais, peut-être, disons, vous en verrez deux. Mais, si c'est par loi, détrompez-moi si... corrigez-moi si je me trompe, quand on fait une loi puis... bon, j'en ai vu quelques-unes quand même, à la fin, il y a toujours : Cette loi implique automatiquement la modification à telle loi, telle loi, telle loi. Et là arriverait la loi n° 21, si elle porte encore ce numéro-là, parce que, là, il y a des petits trucs autour de ça, là. Et donc tout ce qui arriverait, c'est qu'automatiquement on aurait une sixième entité sous la loi de la laïcité parce que l'autre loi référerait et inclurait... Alors, ça, je ne pense pas me tromper, mais je vous pose la question pour être sûre que je ne me trompe pas.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Bien, il est vrai que, lorsqu'il y a création généralement d'une personne désignée, ça se fait effectivement par loi. Mais, exemple, je pense que le Commissaire au lobbyisme, c'était vers 2002, 2003, ces années-là. Le Protecteur du citoyen, je pense qu'on fête son 50e anniversaire, la Vérificatrice générale, on a fêté son 75e, peut-être même plus que ça... 125e, 125e, excusez-moi, 125e, il me semble 125e l'année passée ou il y a deux ans. Mais ça s'est transformé, là, au cours des années, là. Mais, sur le fond de l'amendement, il n'est pas nécessaire sur le plan légistique de l'insérer.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.

Mme David : C'était bien intéressant, votre retour historique, mais ça répond à ma question qu'il n'y en a pas eu, d'une part, il n'y en a vraiment pas eu beaucoup. Quand on sait que la moyenne des députés sont là cinq, six ans, sept ans, six ans. Alors, vous avez dépassé tous les scores probablement, et donc...

Une voix : ...

Le Président (M. Bachand) : S'il vous plaît, s'il vous plaît, M. le ministre.

Mme David : ...et donc vous allez peut-être en créer vous-même, qui sait, un jour, une nouvelle entité. Mais ça, vous n'avez pas répondu à ça. Ça, c'est une vraie question pour un juriste, là. Parce que moi, j'en ai fait passer, des lois, puis, à la fin, là, il me semble, là, qu'il est toujours écrit : Cette loi modifie l'article je ne sais pas quoi de telle loi, telle loi, telle loi. Puis ça, ça a l'air d'être du jargon de juriste, mais, à un moment donné, ça veut dire quelque chose. Ça veut dire que ça va appliquer dans les dispositions effectivement à la fin, là, modificatives ou, enfin, ces trucs-là. C'est toujours à la fin des projets de loi, puis, automatiquement, ça oblige à changer certaines lois. Puis alors, ça serait quoi la différence avec celle-ci si tant est qu'un jour, peut-être dans 10 ans, il y aurait une nouvelle entité? Elle serait automatiquement incluse dans les dispositions à la fin.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui. Voyez-vous, M. le Président, en 2017, lorsque Mme Vallée, alors ministre de la Justice, a fait adopter le projet de loi n° 62, pour lequel les collègues libéraux ont voté en faveur, eh bien, à l'article 3.2°, dans l'article : «Pour l'application du présent chapitre sont également des membres du personnel des organismes publics :

«2° les personnes nommées ou désignées par l'Assemblée nationale pour exercer une fonction qui en relève...»

Alors, M. le Président, depuis 2017, la façon dont on rédige la législation n'a pas changé, et j'invite les parlementaires ici, autour de cette table, à faire preuve de cohérence légistique et à s'assurer que le corpus de l'ensemble des lois demeure le même par souci de cohérence. Je pense que c'est important aussi quand on fait de la législation, comme on le fait présentement, il faut que ça soit cohérent avec l'ensemble des dispositions qui se retrouvent dans les différentes lois québécoises.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.

• (22 h 10) •

Mme David : Oui. J'aime beaucoup le mot «cohérence», parce que je pense ça va revenir beaucoup dans les prochains articles de loi, alors, beaucoup, beaucoup, beaucoup. Donc, on va se souvenir de votre belle intervention sur la cohérence parce que, je pense, c'est l'adjectif ou le... c'est le nom qui va revenir le plus souvent dans les prochaines heures, les prochains jours. Mais, mais, est-ce que j'ai raison? Je vais poser ça différemment. Est-ce que j'ai raison de penser que, dans une éventuelle création d'une nouvelle créature de l'État, qui serait un sixième...

Une voix : ...commission.

Mme David : ...commission, voilà, merci, un commissaire ou... il y aurait une disposition, à la fin, qui pourrait tout à fait dire que cette personne-là est incluse ou le poste est inclus dans l'article x de la loi n° 21 et donc soumis à ça parce qu'elle répond tout à fait au critère de personne désignée par l'Assemblée. Je sais que ce n'est pas le vocabulaire juridique parfait, mais j'ai l'impression que les juristes diraient : C'est de même que ça marche, parce qu'il me semble qu'ils m'ont souvent dit ça.

Le Président (M. Bachand) : Interventions? M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Bien, M. le Président, je ne peux pas présumer de ce qui se retrouverait dans une loi future pour un futur poste inconnu. Je l'ignore, M. le Président. On est dans la cartomancie, là.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : Oui. J'écoute ma collègue de Marguerite-Bourgeoys, bien, elle a tout à fait raison. Et puis ce n'est pas parce qu'avant on ne l'a pas précisé qu'on ne peut pas le préciser maintenant, on ne peut pas bonifier ce qui a déjà été fait. Le ministre a dit, tout à l'heure... a nommé ces commissaires-là. Et je pense que, pour le contribuable, pour le Québécois, le citoyen... tu sais, pour les gens qui lisent la loi, qui veulent comprendre la loi, on a... En tout cas, il est avantageux pour tout le monde de savoir de quoi on parle. Et donc, comme ma collègue le dit, et comme le ministre nous l'a expliqué, ça n'arrive pas souvent qu'on crée une commission, puis, quand on crée une commission, bien, il y a nécessairement une loi qui vient avec. Et puis on peut certainement faire l'amendement nécessaire à l'article 3, mais, par souci de précision, je pense qu'il serait à l'avantage de tout le monde de savoir de quoi on parle. Et, encore une fois, ici, c'est très, très important de savoir de quoi on parle, de qui on parle, de quelle institution on parle, et ça vient juste ajouter, vient juste bonifier. Je ne comprends pas les réticences du ministre.

Le Président (M. Bachand) : Interventions? Pas d'intervention... Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.

Mme David : Bien, comme c'est la première fois de ma vie que je me fais donner le beau qualificatif de cartomancienne, je vais aller... c'est vrai, ça ne m'est jamais arrivé. Alors, c'est le fun, on vit toutes sortes de nouvelles expériences dans la vie.

À la page 8 de votre propre projet de loi n° 21, c'est exactement... Je ne pense pas que c'est de la cartomancie de lire l'article 17, 18, 19, 20 :

«Charte des droits et libertés de la personne.

«17. La Charte des droits et libertés de la personne est modifiée par l'insertion, après le troisième alinéa du préambule, de l'alinéa suivant :

«"Considérant l'importance fondamentale que la nation québécoise accorde à la laïcité de l'État;".»

Article 18 : «L'article 9.1 de cette charte est modifié par» ta, ta, ta.

Article 19 : «Le préambule de la Loi favorisant le respect de la neutralité religieuse de l'État et visant notamment à encadrer les demandes d'accommodements pour un motif religieux dans certains organismes est abrogé.»

Article 20 : «L'article 1 de cette loi est modifié :

«1° par le remplacement du premier alinéa par le suivant...»

L'article 9 est abrogé. L'article 12 est modifié. L'article, section VI de cette loi, chapitre III, est abrogé.

Bien, c'est ça que je voulais dire. Je ne pensais pas que tout se retrouvait là, parce que je ne connais pas tout le projet de loi par coeur, M. le Président, mais c'est exactement à ça que je référais. C'est plein de juristes derrière. Venez à mon secours, là. C'est à ça que ça sert, là, toutes ces dispositions modificatives.

Alors, qu'est-ce que ça serait de dire, dans la nouvelle loi : D'un commissaire à... je ne le sais pas, moi, un commissaire à quelque chose, qui doit être nommé aux deux tiers par l'Assemblée nationale... bien, en fait, proposé par le premier ministre, voté, et qui, il le dit bien, relève... ne relève, ne relève pas, là... attendez... «De même que les personnes nommées [...] pour exercer une fonction qui en relève». Alors, ça répond à tous ces critères-là. On crée une sixième commission... commissaire. Bien là, on dit : La création de ce commissaire abroge l'article 3 de la loi n° 21 en ajoutant à la liste, puis là, là, je vais devenir une juriste à force de lire des façons de le dire, ils le disent beaucoup mieux que moi, en ajoutant le commissaire, ta, ta, ta.

Là, vraiment, là, ce n'est pas de la cartomancie, là, je veux savoir si l'article 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26 n'est pas exactement ce que je suis en train de vous proposer bien humblement, parce que je fais mon possible pour vous convaincre que la chose n'est pas si compliquée. Puis pourquoi on prend ce temps-là, c'est parce que c'est exactement votre réplique ou votre réponse à ma collègue et à son amendement. Vous dites : Bien non, ça va être trop compliqué au cas où on invente ou on crée, puis ça sera peut-être un progrès probablement de société si on crée une nouvelle commission. Donc, si ce n'était pas ça, votre réponse, on n'en serait pas là, mais votre réponse, c'est : Ah, c'est compliqué, ça ne se fait pas. Premièrement, ça n'arrive pas à tous les ans. Deuxièmement, ça... le dernier, ça fait au moins 10 ans, 11 ans. Et puis, troisièmement, bien, il y en a dans sa propre loi. Donc, il y a plein, plein, plein d'inspiration qu'il peut prendre. C'est ça, le sens de notre amendement.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Interventions?

M. Jolin-Barrette : Oui, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Moi, je suis quand même curieux que la ministre de la Justice libérale, Mme Vallée, en 2017, n'ait pas été dans le sens que les collègues du Parti libéral proposent aujourd'hui. Pourquoi, dans le cadre du projet de loi n° 62, on ne venait pas spécifier? Il devait bien y avoir une raison. Et, si la ministre de la Justice de l'époque n'a pas agi en ce sens-là, je pense qu'elle avait raison, et je pense qu'elle comprenait l'aspect légistique de la chose. Donc, en 2017, le Parti libéral, pour la même disposition, ne l'a pas fait, le même... pratiquement le même libellé, ne l'a pas fait. Je ne verrais pas pourquoi, aujourd'hui, on le ferait. Surtout que c'est soutenu par des arguments légistiques. Et, M. le Président, je vous inviterais peut-être à disposer de l'article 3 d'ici la fin pour qu'on puisse avancer aujourd'hui.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : Si le ministre veut faire ce que le Parti libéral a fait avant, qu'il garde la loi n° 62. Si la ministre de la Justice a fait ça... si la ministre de la Justice n'a pas cru bon, à cette époque-là, de donner une définition précise, bon, ça lui appartient. Pourquoi le ministre, lui, ne veut pas bonifier, pourquoi le ministre, lui, ne veut pas préciser? Est-ce qu'il peut nous expliquer au moins? Parce qu'on veut bonifier la loi.

Le Président (M. Bachand) : Interventions? M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui, M. le Président. Juste rappeler aux membres de cette commission que le projet de loi n° 62, il est suspendu par les tribunaux.

Le Président (M. Bachand) : Interventions? Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Robitaille : C'est votre réponse, M. le ministre? On vous propose de bonifier votre projet de loi, puis vous répondez de façon cavalière, c'est ça?

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît. S'il vous plaît, ne jugez pas, O.K.? Alors, faites attention à vos mots...

Mme Robitaille : Je constate, je constate.

Le Président (M. Bachand) : Faites attention à vos mots, Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : O.K., d'accord, alors, je réitère. On veut bonifier, on veut circonscrire, on nomme. Le ministre nous a, tout à l'heure, énuméré ses différents commissaires. Maintenant, on veut le mettre, nous, dans la loi. Je me demande pourquoi le ministre est réfractaire à ça.

Le Président (M. Bachand) : Interventions?

M. Jolin-Barrette : M. le Président, j'ai déjà répondu à de multiples reprises sur ce point. Je pense que le fait d'inscrire, d'une façon détaillée, les personnes, il n'est pas nécessaire de le faire parce que l'article, il est déjà clair. Les personnes nommées ou désignées par l'Assemblée nationale qui en relèvent, c'est beaucoup plus englobant et c'est surtout avec l'approche de rédaction légistique qui a été développée au sein du gouvernement du Québec et par souci de cohérence avec le corpus législatif, c'est de cette façon-là qu'on doit l'indiquer. Et, d'ailleurs, la ministre de la Justice libérale, Mme Vallée, était d'accord avec ça puisque c'est ce qu'elle a fait dans le cadre du projet de loi n° 62 en 2017, pour lequel le Parti libéral a voté en faveur.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Nelligan, s'il vous plaît.

• (22 h 20) •

M. Derraji : M. le Président, j'ai juste une suggestion pour qu'on avance très bien. Je pense que nous sommes dans un projet de loi n° 21, loi sur la laïcité, avec un gouvernement caquiste et non pas libéral, et je pense que ça serait bien qu'on reste sur la loi n° 21 au lieu de se référer à des projets de loi, parfois 62 ou autres. Je ne pense pas que ça avance la discussion et ça ne nous amène nulle part.

Et l'amendement, encore une fois, l'essence même de l'amendement proposé par ma collègue députée de Bourassa-Sauvé vise une seule chose, c'est de la clarification et spécifier les institutions. Et c'est ce que j'ai compris moi-même depuis le début de mes questions au ministre, de spécifier c'est qui, ces institutions parlementaires, et l'ajout... qu'on le trouve, d'ailleurs, dans la section commentaires du document que j'ai devant moi. Ça va juste donner un peu plus de clarifications par rapport aux institutions parlementaires. Les arguments du ministre de ne pas le mettre et de garder ça tel qu'il est, à savoir : «"Institutions parlementaires" : l'Assemblée nationale, de même que les personnes nommées ou désignées par celle-ci pour exercer une fonction qui en relève»... Personnellement, je ne vois pas que ça clarifie les institutions parlementaires.

Et, depuis tout à l'heure, je pense que le ministre a senti que, moi, personnellement, je n'ai pas compris, ce n'est pas clair. Les collègues, ils ont proposé des amendements. Moi-même, j'ai proposé l'amendement par rapport à Loi de l'Assemblée nationale. Le ministre a dit qu'il ne peut pas, mais je pense que l'ajout de ces organismes, ça clarifie qu'est-ce que le ministre aimerait... ce que le ministre sous-entend par rapport aux institutions parlementaires. À moins... si le ministre a d'autres propositions de formulation des exemples, qu'il nous la présente. Mais, sérieusement, je pense qu'au contraire ça donne une clarification, cet amendement.

Le Président (M. Bachand) : Merci, M. le député. Interventions? Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.

Mme David : Je vais prendre un autre angle. Pourquoi alors le ministre a-t-il l'annexe I, l'annexe II, annexe I, articles 3, 7, 10, annexe II, 6, 14, 27, annexe III, article 7, pour donner moult détails, moult détails? Et on est rendu même dans les agents, la Commission municipale du Québec, la Régie de l'énergie, la Régie des alcools, des courses et des jeux, la Régie du bâtiment... Alors, Vérificateur général d'un bord, Régie du bâtiment de l'autre, Régie du bâtiment où je ne suis pas sûre qu'il y a tellement de monde visé de toute façon par l'article 6, parce que l'annexe II, c'est l'article 6 surtout. Mais là on prend la peine d'aller très, très, très loin dans la liste de tout le monde et on pourrait même mettre des noms tellement il y a peu de personnes visées, probablement qu'il n'y aurait aucun nom à mettre sur la plupart des choses visées. Et, à l'annexe I, même chose, «sociétés de transport en commun, [...]Autorité régionale de transport métropolitain ou tout autre exploitant d'un système de transport collectif». Et puis là on peut... si je vous lis tout ça, là, ça va être très long.

Alors, pourquoi, pour certains articles, il y a moult et moult descriptions, alors que, pour quelque chose où ça prendrait trois lignes, bien là ça devient une histoire de législature, que ce n'est pas cohérent, etc.? Moi, j'en perds un petit peu mon latin.

Le Président (M. Bachand) : Merci, Mme la députée. Interventions? M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui. Bien, moi, je ne parle pas latin, M. le Président. J'aurais aimé, il paraît que c'est pratique pour écrire, pour les accords, et puis tout ça.

Cela étant dit, la députée de Marguerite-Bourgeoys fait une comparaison entre un terme qui est englobant, exemple, les personnes nommées ou désignées et qui relèvent de l'Assemblée nationale, donc ça permet d'englober les personnes qui sont visées, et elle donne le comparatif, M. le Président, avec les annexes. Dans le cadre des annexes, il faut qu'on sache qui est visé en l'occurrence. Or, quand qu'on lit l'article en question, sur lequel la députée de Marguerite-Bourgeoys souhaite faire un amendement, c'est très clair qu'on sait à qui on fait référence. Les annexes servent à énumérer pour savoir l'application parce que vous ne pouvez pas avoir de terme générique qui couvre l'ensemble des différentes institutions qui sont visées à l'annexe II. C'est pour ça, la différence. Et ce sont pratiquement les mêmes annexes que dans le cadre du projet de loi n° 62.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Interventions? Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.

Mme David : Bien, M. le Président, je ne veux pas insister, mais c'est tellement clair pour l'Assemblée nationale que vous avez suspendu au moins 10 minutes. Excusez, là, mais ça ne devait pas être si clair que ça, parce que vous êtes vite à répondre quand vous la savez, la réponse, très, très, très vite, la gâchette est là...

Alors, moi, je vous propose gentiment que ce n'est tellement pas long... À la limite, pour ne pas référer dans l'annexe? Mais, si c'est si important d'avoir une annexe très, très, très précise pour les organismes, très, très, très précise pour les personnes visées, bien, pourquoi les organismes visés par votre article 3 soient moins importants que les organismes visés par d'autres? Il y a quelque chose qui m'échappe, honnêtement. L'institution parlementaire, ça serait vraiment le fun d'avoir plus de détails. Mais vous le dites pour l'article... dans l'article 3, ça va être aux institutions gouvernementales, vous le faites, on le sait, j'en parle, l'annexe I, mais, institutions parlementaires, c'est comme : ça, il ne fallait pas aider le citoyen à comprendre ce que ça veut dire.

Le Président (M. Bachand) : Merci, Mme la députée. Interventions? Intervention, M. le député de Nelligan, s'il vous plaît?

M. Derraji : Oui, mais je veux juste que le ministre collabore davantage, parce qu'encore une fois je ne comprends pas pourquoi il ne veut pas spécifier.

Le Président (M. Bachand) : Interventions?

M. Jolin-Barrette : M. le Président...

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : ...ça doit faire une heure qu'on est sur cet amendement-là, j'ai répondu abondamment. Honnêtement, je n'ai plus rien à dire. Je pense que mes propos sont très clairs et j'ai expliqué les tenants et aboutissants. Alors, pourquoi est-ce qu'on laisse les personnes nommées ou désignées par l'Assemblée nationale qui en relèvent?

Le Président (M. Bachand) : Merci.

M. Derraji : Je n'ai pas bien entendu la fin.

Le Président (M. Bachand) : Pourriez-vous juste répéter la fin de votre réponse, M. le ministre?

M. Derraji : Désolé, je n'ai pas bien entendu la fin.

M. Jolin-Barrette : J'ai dit que j'avais déjà répondu à toutes vos questions.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Nelligan. Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : Oui, mais ce que ma collègue de Marguerite-Bourgeoys a soulevé est très, très vrai. Et puis le ministre parle de cohérence, bien, c'est vrai qu'à l'annexe I, il y a une foule d'organismes, des commissions scolaires et toutes sortes... c'est ça, toutes sortes d'organismes qui sont nommés. Et là nous, on propose au ministre de faire la même chose à l'alinéa un, de nommer la... de bien préciser qu'on parle de la Commissaire à l'éthique et à la déontologie des membres de l'Assemblée nationale, le Commissaire au lobbyisme, le Directeur général des élections, le Protecteur du citoyen, le Vérificateur général du Québec. Pourquoi, à l'annexe I, on fait toute une nomenclature, on nomme plein, plein, plein, de commissions, plein d'organismes et de sociétés et puis, à l'alinéa un, on s'empêcherait de faire ça?

Bon, par cohérence, il me semble que les propos de ma collègue de Marguerite-Bourgeoys sont tout à fait justes. On devrait aussi préciser qu'est-ce qu'on veut dire par personnes désignées.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Interventions? Mme la députée de Maurice-Richard, s'il vous plaît.

Mme Montpetit : Bien, je vais peut-être donner une chance supplémentaire encore au ministre de nous l'expliquer puis je pense que la question, elle est très légitime. Il nous a déposé un projet de loi en Chambre, on l'a consulté. Quand on regarde à l'article 3, il n'y a pas de liste des personnes désignées et, quand il nous remet un document aux fins des échanges qu'on a ce soir, aux fins des échanges qu'on a dans les premiers jours, là, il y a une petite colonne qui s'ajoute, à côté de «commentaires».

Mais là, dans la liste de commentaires, là, on vient décrire qui sont ces personnes. Donc, je présume que, si cette liste-là, elle est ajoutée, c'est parce qu'elle est pertinente aux fins de nos échanges. Et c'est un peu le fond de notre question, à savoir si c'est pertinent de venir écrire, dans une colonne commentaires», que les personnes qui sont nommées ou désignées sont le Commissaire à l'éthique et à la déontologie, sont les membres de l'Assemblée nationale, sont le Commissaire au lobbyisme, sont le Directeur général des élections, le Protecteur du citoyen et le Vérificateur général du Québec.

Je présume que, s'il y a une raison pour laquelle on nous l'ajoute dans la liste des commentaires, c'est aux fins de notre compréhension. Donc, ne serait-il pas pertinent et légitime que ces fonctions se retrouvent à même directement l'article? C'est le fond de la question. Donc, si le ministre veut bien nous éclairer des raisons pour lesquelles il ne trouve pas pertinent de les intégrer, je pense que ce serait apprécié, s'il n'est pas pressé de quitter et de ranger son ordinateur. Il nous reste quelques minutes pour les échanges.

Le Président (M. Bachand) : Interventions?

S'il n'y a pas d'intervention, compte tenu de l'heure, la commission va ajourner ses travaux. Merci beaucoup.

(Fin de la séance à 22 h 30)

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