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Version finale

41st Legislature, 1st Session
(May 20, 2014 au August 23, 2018)

Thursday, August 24, 2017 - Vol. 44 N° 211

Clause-by-clause consideration of Bill 62, An Act to foster adherence to State religious neutrality and, in particular, to provide a framework for religious accommodation requests in certain bodies


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-huit minutes)

Le Président (M. Ouellette) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 62, Loi favorisant le respect de la neutralité religieuse de l'État et visant notamment à encadrer les demandes d'accommodements religieux dans certains organismes.

M. le secrétaire, il y a des remplacements.

• (9 h 40) •

Le Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Montpetit (Crémazie) est remplacée par M. Bernier (Montmorency); M. Rousselle (Vimont), par M. Girard (Trois-Rivières); M. Bergeron (Verchères), par M. Bourcier (Saint-Jérôme); et M. Marceau (Rousseau), par M. Kotto (Bourget).

Document déposé

Le Président (M. Ouellette) : Merci. Avant de débuter nos travaux, je dépose une lettre qui a été transmise le 23 août 2017 par la Table des regroupements provinciaux d'organismes communautaires et bénévoles, qui sera sur le site Greffier, et pour l'attention de tous les membres de la commission.

Je nous rappelle aussi, avant de débuter, qu'on m'a informé qu'il y avait eu égalité des voix à la dernière séance lors d'un vote sur un amendement de Mme la députée de Montarville et que cette situation avait ou aurait pu provoquer une certaine confusion. Donc, permettez-moi d'effectuer un bref rappel de la procédure applicable dans cette situation.

L'Assemblée puis les commissions se prononcent sur les différentes commissions qui leur sont soumises par vote, puis, à moins d'une disposition explicite à l'effet contraire, les décisions sont prises à la majorité des voix, à la simple majorité des voix. Puis, comme tout autre membre, le président de la commission peut prendre part aux délibérations, a droit de vote. Il est même dans l'obligation d'exercer son droit de vote, que ce soit pour, contre ou en abstention. Puis, contrairement au président de l'Assemblée, il n'y a pas droit de veto puis il n'y a pas de vote prépondérant. Et en cas d'égalité des voix une motion est rejetée. C'est une règle générale qui a fait l'objet d'un rappel dans une décision, qui est la décision 157/2, rendue par la présidente Catherine Morissette en 2007, là, ça nous fait remonter de 10 ans en arrière, le 11 décembre 2007.

Décision de la présidence sur la question de règlement
sur la recevabilité d'un amendement

Donc, ceci étant précisé pour l'égalité des voix, je vais maintenant rendre ma décision sur... la présidence va rendre sa décision sur l'amendement de M. le député de Gouin qui a été déposé à la dernière séance. Je vais rendre ma décision sur la question de règlement soulevée lors de la dernière séance par Mme la ministre concernant la recevabilité de l'amendement proposé par M. le député de Gouin introduisant le nouvel article 1.1.

Lors de ses remarques, Mme la ministre a indiqué que l'amendement qui vise à mettre fin au financement public des établissements scolaires confessionnels n'est pas recevable puisqu'il introduit un nouveau principe au projet de loi et qu'il est contraire au principe de l'initiative financière de la couronne codifié à l'article 192 de notre règlement et qui précise que seul un ministre peut proposer une motion visant l'engagement de fonds publics. M. le député de Gouin indique que son amendement est recevable puisqu'il vise le même objectif que le projet de loi et que les établissements agréés aux fins de subventions en vertu de la Loi sur l'enseignement privé sont déjà visés par les dispositions du chapitre III du projet de loi.

Je vous rappelle que nos règles prévoient que les amendements doivent se rapporter à l'objet du projet de loi et être conformes à son esprit et à la fin qu'il vise. Il est clair que le projet de loi vise globalement à favoriser le respect de la neutralité religieuse de l'État et qu'il établit un certain nombre de mesures en ce sens. Or, bien que l'amendement proposé par M. le député de Gouin fasse référence à la neutralité religieuse, ce dernier va au-delà de tout ce qui est prévu dans le projet de loi. L'amendement introduit un nouveau principe, soit l'abolition du financement des écoles confessionnelles, qui n'est pas visé par le projet de loi à l'étude. Notre raisonnement s'appuie sur les décisions rendues en 2009 par l'actuel député de Jacques-Cartier, qui est la décision 197/16 du 29 mai 2008, et en 2015 par l'actuel député de LaFontaine, qui est la décision 197/32 du 27 octobre 2015.

Par ailleurs, il importe de préciser que, même si le projet de loi fait référence à la Loi sur l'enseignement privé, cela n'a pas pour effet de rendre recevable tout amendement concernant cette loi, comme l'a souligné l'ancien député de Saint-Maurice dans une décision rendue en 2011, le 7 décembre 2011, qui est la décision 197/25, et qui a été réitéré à plusieurs reprises par différentes présidences, que ce soit le 8 décembre 2011, le 7 juin 2013 et le 11 juin 2015. Les décisions n'ont pas été réécrites mais ont été rendues en décisions similaires à la décision 197/25.

En conséquence, je déclare l'amendement de M. le député de Mercier irrecevable.

Enfin, la question ayant été réglée à la lumière du premier volet, la présidence n'a pas à se prononcer à l'égard du principe de l'initiative financière de la couronne.

Je ne sais pas s'il y a des commentaires sur la décision de la présidence. M. le député de Gouin, pas de commentaires?

M. Nadeau-Dubois : C'est bien compris, M. le Président. Merci beaucoup.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Je n'ai pas de commentaire, merci.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Pas de commentaire.

Étude détaillée (suite)

Le Président (M. Ouellette) : Donc, nous reprenons nos travaux. Nous en sommes à l'article 3. Et nous avions une discussion sur l'amendement introduit par Mme la ministre à l'article 3 qui introduisait le paragraphe 0.1°. On avait commencé nos discussions. Mme la ministre.

Mme Vallée : Alors, M. le Président, nous avions une question très pertinente soulevée par notre collègue de Taschereau quant à l'application de l'amendement. Simplement rappeler... Parce que vous vous rappellerez, M. le Président, qu'on vient introduire l'application, la portée du principe de neutralité aux députés, aux élus, et on demandait : Qu'est-ce que ça peut avoir comme impact dans l'interaction des élus avec les citoyens?

Donc, pour ce qui est des députés de l'Assemblée nationale, évidemment, c'est clair que les députés de l'Assemblée nationale sont indépendants dans l'exercice de leurs fonctions. Ça, c'est déjà prévu par l'article 43 de la Loi sur l'Assemblée nationale. À ça s'ajoute un certain nombre de règles, de pratiques auxquelles on est aussi assujettis. Pensons à notre code de déontologie, sur lequel on a travaillé il y a quelques années, qui prévoit aussi un certain nombre de principes. Donc, notre code d'éthique et de déonto prévoit les... vient affirmer les valeurs puis les principes d'éthique auxquels l'ensemble des députés, nonobstant notre indépendance de parlementaires... nos principes éthiques auxquels on doit, nous, s'astreindre. Donc, notre code indique, par exemple, qu'en notre qualité de députés on est au service des citoyens. Donc, ça, c'est prévu. Il prévoit qu'évidemment ça doit nous guider... ce principe-là nous guide dans l'exercice de notre charge et qu'en notre qualité de députés on doit aussi rechercher la cohérence entre nos actions, les actions que l'on pose tous et chacun en notre qualité de députés, puis les valeurs qui sont véhiculées dans le code. Alors, ça, c'est présent.

Donc, avec l'amendement qui est présenté, qui est soumis, M. le Président, on vient préciser qu'en notre qualité d'élus on doit respecter le principe de la neutralité religieuse. Donc, ça, ça veut dire, à toutes fins pratiques, qu'en notre qualité d'élus on ne doit pas favoriser ou défavoriser une personne ou un groupe en raison de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une religion ou en raison de leurs convictions ou leurs croyances religieuses. Bon, ça, c'est une chose.

Donc, est-ce qu'en notre qualité d'élus il nous est permis de refuser, par exemple, une rencontre avec un citoyen en se fondant uniquement sur la base de la religion? Si on interprète le principe, puis dans l'ensemble du contexte que j'ai mis en place, ça irait à l'encontre du principe de neutralité. Dire : Je ne vous rencontre pas parce que vous appartenez à tel mouvement religieux, en soi, si c'est de façon très claire et non équivoque la raison qui est invoquée au soutien du fait qu'il n'y aura pas de rencontre, ça pourrait en effet porter atteinte au principe de neutralité religieuse.

Ceci dit, le député, l'élu est maître de son agenda, d'une part. D'autre part, l'élu peut aussi refuser de rencontrer une personne s'il a des motifs qui sont propres... notamment si l'élu considère que ce n'est pas bénéfique pour les citoyens qu'il représente dans leur ensemble, si la rencontre n'aura pas de portée, n'apportera pas une plus-value à son rôle d'élu. Mais évidemment, là, la question qui était posée, c'est si un élu refuse sur la base de l'appartenance à une communauté religieuse ou sur le simple principe de la croyance ou la non-croyance. De façon très... suivant les principes que je vous ai expliqués, ça pourrait effectivement porter atteinte à la neutralité.

Ceci dit, un élu peut refuser de rencontrer quelqu'un, nonobstant l'amendement qui est déposé, pour d'autres questions, des enjeux de façon plus globale. Il n'y a pas d'obligation pour un élu de rencontrer tous ceux et celles qui formulent une demande. Il peut y avoir un tas de circonstances qui amènent un élu, suivant... Tout en respectant son code d'éthique, son code de déontologie et évidemment son principe d'indépendance, une personne peut refuser de rencontrer des gens, et ça, ça ne porterait pas atteinte, en soi, au principe de neutralité. Mais, si la raison, non équivoque, est évoquée clairement : Non, je ne vous rencontre pas parce que vous appartenez à telle Église, ou parce que vous êtes d'appartenance... de religion x ou y — je ne veux pas en cibler parce que je ne voudrais pas faire de cas d'espèce, là — ou parce que vous êtes non-croyant, bien, ça, en soi, ça pourrait porter atteinte au principe de neutralité religieuse.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.

• (9 h 50) •

Mme Maltais : Alors, je le dis, là, j'ai déjà refusé... J'ai deux... Moi, je dis au monde ce que je fais et je ne mens pas, c'est un principe fondamental dans mes valeurs. Si je refuse de rencontrer quelqu'un, je lui dis pourquoi. Puis mon personnel est formé à ça, on ne ment pas aux citoyens. On leur dit : Non... Il m'est arrivé, par exemple, de dire : On ne te rencontrera plus parce que tu as fait — je vais vous donner un cas récent — 12 ans de prison et que tu es violent, et on ne te rencontrera plus. C'est délicat, mais ça s'explique.

J'ai déjà aussi dit au groupe raëlien : Je ne vous rencontrerai pas parce que vous êtes une secte et que je ne veux pas, même par mon agenda, encourager, crédibiliser votre groupe. Puis il y en a eu d'autres aussi, j'en ai nommé l'autre fois en commission parlementaire. Il y a des sectes au Québec. L'Église de scientologie, je l'ai dit, elle est sur la rue Saint-Joseph, à côté de mon bureau de circonscription. Je me suis déjà pognée avec des militants de l'Église de sciento, vous pouvez le croire, oui, parce que c'est une secte qui est nocive, pour moi. Mais je leur dis ce que je pense, je ne peux pas mentir. Moi, je ne peux pas dire : Je vais accepter cet amendement parce que je peux mentir, je peux jouer au chat et à la souris.

Alors, je suis très embêtée, vraiment très embêtée, parce que c'est clair, puis la ministre en est consciente, elle l'a dit, oui, on va rétrécir la marge de manoeuvre des députés. Je vais vous dire pourquoi ça va la rétrécir : parce que tout le monde est soumis aux lois au Québec, même les députés de l'Assemblée nationale. Si on fait une infraction au code routier, bien, on en entend parler ici, on entend parler dans les journaux, on est punis en triple. Si on fait une infraction à une loi, on est punis en triple parce qu'en plus ça se sait. Et les gens peuvent nous poursuivre si on fait des gestes qui sont des infractions à la loi. À nous de prouver qu'on ne l'a pas fait. Est-ce qu'en faisant ça on n'envoie pas le fardeau de la preuve sur le député? Moi, c'est ce que je comprends, je voudrais que la ministre s'exprime bien... Parce que, là, moi, je vous le dis, là, je ne mens pas aux citoyens et je refuse les rencontres avec les sectes, je ne veux pas les crédibiliser. Une rencontre avec moi à mon bureau de circonscription, c'est de la crédibilité, je l'ai déjà vu : Oui, mais on a rencontré la députée, elle nous a reçus. Je l'ai vu comme geste de crédibilité. Alors, je vais vraiment réfléchir.

L'autre question que je veux poser à la ministre : Est-ce que ça a été présenté soit au Conseil des ministres soit au caucus? Parce que, comme on n'en avait pas entendu parler avant, nous autres, là... Moi, j'ai un caucus avec lequel je veux jaser, là, puis on a tous des caucus qui s'en viennent.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Je peux vous assurer que les amendements déposés ont été présentés et ont fait l'objet de discussions aux forums utiles. Je ne suis pas du tout du style à déposer des amendements qui n'ont pas fait l'objet de discussions.

Ceci étant dit... Vous savez comme moi que les discussions au caucus sont nos discussions au caucus, mais, ceci dit, jamais je ne déposerai un amendement ou je n'accepterai un amendement, un amendement de forme ou de fond important, qui n'aura pas fait l'objet de discussions. Je suis comme ça. Puis, M. le Président, je suis comme notre collègue, moi non plus... Je suis très transparente avec les gens, puis, si ça va, ça va; si ça ne va pas, ça ne va pas.

Puis c'est important qu'on ait cette discussion-là. Vous savez, c'est la même chose, par exemple... La question de la neutralité religieuse, c'est une chose, mais prenons, par exemple, la question qui pourrait être soulevée si un député ou une députée refusait de rencontrer quelqu'un en raison de son orientation sexuelle, en raison, par exemple, de son identité de genre, en raison de son origine ethnique. C'est aussi ça qui nous amène... Puis je ne sais pas, je ne sais pas si c'est déjà arrivé, je ne sais pas si on a des collègues qui ont refusé de rencontrer des gens, mais c'est un peu la même chose, de refuser de rencontrer quelqu'un pour cette seule et unique raison.

Maintenant, quel est l'objet de la rencontre? Si l'objet de la rencontre ne relève pas non plus de notre juridiction, bien, ça aussi, c'est une autre question. Si les gens veulent nous rencontrer pour un permis, par exemple, qui relève de la municipalité, bien, il est possible, tout simplement, de refuser parce que ça ne relève pas de notre juridiction.

On peut passer des heures ici à discuter de différents cas d'espèce, mais c'est certain, la question de notre collègue... puis je ne veux pas entrer dans le détail des demandes qui ont pu lui être formulées, mais, si la raison donnée est une appartenance ou une croyance religieuse, ça pourrait effectivement porter atteinte au principe. Je pense qu'il est important de le dire clairement.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Écoutez, M. le Président, c'est majeur là. Moi, je suis convaincue... Si j'ai posé la question sur est-ce que ça a été présenté, c'est parce que j'étais convaincue que ça avait été présenté au Conseil des ministres. Mais, si ça a été présenté au caucus aussi... Moi, de toute façon, quand on touche aux droits des députés de l'Assemblée nationale — et là on touche à un droit des députés de l'Assemblée nationale — il faut qu'on aille au caucus. Moi, je ne peux pas voter ça sans passer par le caucus du Parti québécois. Et j'espère que la majorité parlementaire va me permettre de débattre puis qu'on va en débattre, là. Sinon, il faut que je sous-amende pour avoir du temps pour en débattre. Vous comprenez la difficulté dans laquelle on est?

Une voix : ...

Mme Maltais : Attendez. Mais, je veux vous dire, je le savais, que la ministre allait me répondre : Bien oui, on l'a présenté, c'est sûr. C'est ça que je voulais mettre en évidence. Mais je ne suis pas sûre que ça a été présenté... avec une députée qui vous dit : C'est parce que moi, j'ai déjà refusé.

Et je peux être blâmée, ça ne me fait rien d'être blâmée parce que je n'ai pas rencontré des gens, mais être poursuivie, c'est une autre histoire. Être blâmée, je n'ai rien contre, parce que, là, je peux me défendre, je peux argumenter puis je suis sur la place publique, puis, croyez-moi, je vais argumenter. Mais être poursuivie en vertu d'une loi qu'on vient d'adopter, là j'ai un doute. Et je ne peux pas, moi... Je veux entendre mes collègues là-dessus. Je ne sais pas ce qu'en pensent mes collègues de Bourget et d'autres, mais j'ai vraiment un problème.

Le Président (M. Ouellette) : Juste avant, M. le député de Saint-Jérôme, j'irais à Montarville, et je reviendrai avec vous, M. le député de Saint-Jérôme. Mme la députée de Montarville.

Mme Roy : Oui, merci beaucoup, M. le Président. Je suis perplexe, ce matin, et même un peu renversée, parce que ce que nous dit Mme la ministre, c'est qu'un élu ne pourrait pas refuser de rencontrer quelqu'un, et là moi, je vais y aller... pour des motifs religieux, effectivement, et par surcroît lorsqu'il ferait, par exemple, une interprétation radicale de sa religion. Oui, je pense aux imams radicaux, oui, je dis le mot, Mme la ministre ne veut pas le dire, mais je peux aussi parler, par exemple, des suprémacistes catholiques, là, si elle veut, là. Mais parce qu'ils ont des positions radicales avec lesquelles je ne suis pas d'accord, avec lesquelles c'est un dialogue de sourds, je refuserais de rencontrer cette personne-là, prenons l'exemple d'un imam radical, à mes bureaux, et je serais blâmée. C'est ce que je comprends, Mme la ministre.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

• (10 heures) •

Mme Vallée : La raison du dialogue de sourds ou la raison évoquée par notre collègue disant, par exemple : Moi, je considère que ce n'est pas bénéfique pour les citoyens que je représente dans leur ensemble, de rencontrer telle ou telle personne, ça, dans le fond, c'est l'objectif commun. La façon dont notre collègue nous présente, par exemple, un refus de rencontrer un extrémiste, peu importe, quelqu'un qui fait une interprétation radicale d'une religion et qui porte cette interprétation-là à un niveau tel qu'il vient en soi brimer d'autres libertés fondamentales, c'est un petit peu ce que notre collègue nous dit, bien, elle, elle le voit d'une façon... L'approche, ce n'est pas tant la croyance religieuse mais plutôt : Est-ce que c'est bénéfique pour l'ensemble des citoyens, pour la société dans son ensemble? Alors, dans ce contexte-là, ce n'est pas tant la religion mais plutôt la portée de ce qui pourrait résulter de cette rencontre-là. Alors, si la rencontre sollicitée, aux yeux d'un élu, n'est pas de nature à être bénéfique pour la circonscription, pour les citoyens que le député ou la députée représente, à ce moment-là, le député a toute indépendance pour refuser la rencontre.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Montarville.

Mme Vallée : Puis au même titre...

Le Président (M. Ouellette) : Oups! Excusez, Mme la ministre.

Mme Vallée : Puis je pense qu'il faut faire... Je comprends que la question religieuse, elle est très, très sensible, mais, faisons le parallèle, c'est la même chose que de refuser, parce qu'on est tous aussi assujettis au corpus législatif... de refuser de rencontrer un citoyen parce qu'il est d'une origine ethnique différente de la nôtre. Je vois le recherchiste qui fait un visage, mais c'est la même chose. Refuser de rencontrer, par exemple, un membre de la communauté LGBTQ parce qu'on est mal à l'aise avec certaines mouvances, bien, ça aussi, c'est un peu la même chose. Mais c'est plutôt... Il faut le voir aussi dans le cadre de l'ensemble des autres obligations qui nous sont imposées de par notre code d'éthique et de par les lois de l'Assemblée nationale.

Donc, le bénéfice pour la circonscription, le bénéfice pour les citoyens est un enjeu d'importance, qui peut permettre de refuser des rencontres, parce que, comme je l'ai mentionné un petit peu plus tôt, là, personne n'est obligé... les élus ont quand même une indépendance quant à la gestion de leur agenda, quant aux rencontres qu'ils font. Certaines rencontres peuvent être jugées non appropriées, non à propos en raison des motifs sous-jacents à la demande de rencontre, et les députés peuvent refuser certaines rencontres, comme certains députés refusent de rencontrer des gens qui ne sont pas préalablement inscrits au Registre des lobbyistes, en disant : Bien, inscrivez-vous d'abord. Par la suite... Mais alors c'est le contexte.

Et l'autre chose, je voulais simplement... Notre collègue de Taschereau dit : C'est un amendement d'importance, je souhaite en saisir mon caucus. Je comprends, et c'est pour ça que les amendements vous ont été remis il y a un petit peu d'une semaine en liasse, pour permettre les discussions avec vos caucus, pour permettre vos échanges avec vos collègues, pour ne prendre personne par surprise. C'était vraiment dans un souci et c'est vraiment dans le souci de travailler de façon transparente pour permettre, au sein des caucus, d'avoir les échanges et les discussions qui seront nécessaires pour vous guider dans les travaux.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Montarville. Oui, M. le député de Mercier, je vais aller à vous, ce ne sera pas long.

Mme Roy : Merci beaucoup, M. le Président. J'aimerais poursuivre. Mme la ministre, ce que vous venez de dire là me trouble parce que, de toute évidence, si je refuse de rencontrer un religieux, peu importe la religion, mais revenons à notre imam radical, un extrémiste radical qui n'a rien à cirer de l'égalité entre les hommes et les femmes, par exemple, avec lequel nous aurions un dialogue de sourds, connaissant ma position et la sienne, je refuse de le rencontrer, c'est bien pour des raisons religieuses, pour des motifs religieux. Et vous me dites que je pourrais refuser de le rencontrer si c'est bénéfique pour la circonscription ou les citoyens de la circonscription. Ça, c'est ma défense. Alors, vous me donnez une défense. Cependant, lui aura toujours le loisir de me poursuivre, ou de se plaindre, ou de me blâmer parce que j'aurai refusé de le rencontrer, et c'est ça qui est extrêmement inquiétant.

Et, lorsque vous comparez, par exemple, cette personne radicale, qui a un objectif précis, qui est très loin de notre vision ou de notre charte, mais qui sont ses préceptes religieux à lui, avec quelqu'un, par exemple, de la communauté LGBT, là, je décroche, là, je m'excuse, Mme la ministre, là.

Et vous nous dites : Vous aurez le loisir de le rencontrer, oui on non, si c'est... et, non, vous pouvez refuser de le rencontrer si vous arrivez à nous dire que ce n'est pas au bénéfice des citoyens de la circonscription. C'est assez subjectif, là. Qui va déterminer ce qui est au bénéfice ou non des citoyens de la circonscription?

On place l'élu ici dans une position très délicate dans la mesure où, parce que quelque chose est religieux, on doit absolument l'accepter. Et c'est ce que je disais la semaine dernière, c'est faux de croire que parce que quelque chose a le vocable de religieux ou se prétend religieux on doit tout accepter. Et c'est là qu'on s'en va.

Mme la ministre nous dit : Je vous ai donné en liasse les amendements la semaine dernière. Soit. J'ai hâte d'en discuter avec mon caucus. Nous allons nous rencontrer en fin de semaine, d'ailleurs. Mais, cela dit, c'est en discutant qu'on voit jusqu'où va l'application de cet article-là, et ça va très, très loin sur la liberté d'action des parlementaires. Moi, je trouve ça troublant, je trouve ça extrêmement troublant.

Et je reviens à ce que je disais, et je pense que les gens qui nous écoutent sont capables de faire la différence : Il ne faut pas tout accepter sous le motif que c'est religieux. Et nous revenons au fait que nous devons baliser. Et ce qui me dérange, avec ce projet de loi là, parce que... plus je l'étudie, de mon côté, et plus nous en discutons, c'est que nous parlons de religieux, nous parlons d'accommodements religieux, mais qu'est-ce que c'est qu'être religieux? Qu'est-ce que c'est qu'une religion? Quelles sont les religions? À partir de quel moment une religion est-elle valide? Est-ce qu'on parle des religions monothéistes ou des autres? Et, vous savez, est-ce qu'on va jusqu'aux Apôtres de l'amour infini? Ça commence où et ça finit où? Il n'y a pas de définition de «religion», alors que, je crois, et les juristes de l'État pourraient le confirmer, des tribunaux européens ont fait des définitions de «religion». On n'en a pas dans le projet de loi actuellement. Qu'est-ce qui est une religion? Qu'est-ce qui n'en est pas? Ce serait intéressant de le savoir, parce qu'ici on nous dit qu'on ne peut pas refuser de rencontrer quelqu'un pour des motifs religieux, mais qu'est-ce que ce sont que des motifs religieux? Et qu'est-ce qu'est une religion? Alors, il n'y a pas ces définitions-là. J'aimerais savoir si Mme la ministre a l'intention de les ajouter à son projet de loi, parce qu'on ne les a pas dans les amendements non plus. Ça fait partie des quelques définitions qu'il nous manque, tout comme la neutralité religieuse de l'État.

D'ailleurs, j'ai fait un petit test fort intéressant hier. J'étais en compagnie de citoyens de ma circonscription, Montarville, des gens de Boucherville, des gens de Saint-Bruno et je leur ai demandé : Quelle est la définition, pour vous, de «laïcité»? Et quelle est la définition, pour vous, de «neutralité religieuse»? J'invite les gens à faire le test. Et je pense que nous bénéficierions tous d'avoir une définition de la neutralité religieuse, je n'en ai pas vu encore dans le projet de loi.

Alors, je suis inquiète face à cette position parce qu'en me disant que je ne peux pas refuser de rencontrer quelqu'un à mon bureau pour des motifs religieux on ouvre la porte à quoi? Quels sont les motifs religieux? Quelles sont les religions? Qu'est-ce que je peux ou je ne peux pas... Et, si effectivement je refuse pour des motifs religieux, Mme la ministre m'offre une défense, mais, encore là, cette défense, elle est très subjective : si ce n'est pas au bénéfice des citoyens de ma circonscription. Mais qu'est-ce que c'est, être au bénéfice des citoyens de ma circonscription? Qui va le définir? C'est tout à fait subjectif. Et c'est une défense, donc, on me nourrit d'une défense, mais je trouve que les droits, ici, mes droits et obligations sont brimés dans la mesure où quelqu'un pourrait se plaindre de mon travail parce que je ne partage pas ses visées, qui, entendons-nous bien, là, sont radicales, extrémistes, là, et de tous bords tous côtés, là. Ça pourrait être d'autres choses et d'autres personnes aussi, là, on en parle, là, c'est la mode, de ce temps-ci, là. Parce que je refuserais, je pourrais être blâmée.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

• (10 h 10) •

Mme Vallée : Je pense que c'est très important de faire une distinction. Dans un premier temps, l'obligation de neutralité, ce qu'elle ajoute, dans le fond, comme élément, c'est une forme d'obligation pour le député de s'enquérir de l'objet de la rencontre sollicitée avant de la refuser. Ce n'est pas de dire : Bien, bonjour, je suis Stéphanie Vallée, de religion x, y, je souhaite rencontrer Mme la députée de Montarville. Oui, mais encore? Pourquoi voulez-vous rencontrer Mme la députée de Montarville? C'est l'objet de la rencontre.

Alors, le refus n'est pas fondé sur la religion mais sur l'objet de la rencontre. Ce n'est pas très, très... ce n'est pas compliqué. Ce que l'obligation de neutralité vient imposer, c'est d'indiquer que le refus qui serait fondé sur l'unique fait que la personne est croyante, non-croyante ou membre d'une religion sans savoir, sans s'enquérir de l'objet de la rencontre... ça, ça pourrait porter atteinte à l'objectif. Mais l'objet de la rencontre, je ne sais pas, M. le Président, mais, en tout cas, chez moi, au bureau de circonscription, lorsque les gens sollicitent une rencontre, généralement on demande pourquoi, parce que... Est-ce que c'est un sujet sur lequel une rencontre pourrait aider ou non le citoyen? Est-ce que c'est une rencontre juste pour jaser? Est-ce que c'est une rencontre... Est-ce que le citoyen, par exemple, membre d'une secte a besoin d'aide pour justement sortir des griffes...

Une voix : ...

Mme Vallée : Non, mais c'est parce qu'on peut... Des cas d'espèce... Puis là je vois le recherchiste de la CAQ se bidonner, je trouve que ça manque un petit peu de respect à l'égard du travail des parlementaires. Mais, on parle des cas de figure, on pourrait en avoir des tonnes. Moi, ce que je pense ce qui est important, aujourd'hui, ce qui est important, là... Et Mme la députée de Taschereau a soulevé une question très importante, puis, oui, c'est important qu'on en discute, c'est important que l'on puisse bien comprendre l'obligation sur laquelle on sera appelés à voter et déterminer : Est-ce qu'on est d'accord ou pas, comme parlementaires, est-ce qu'on souhaite ça?

L'obligation de neutralité, pour un employé de l'État comme pour un parlementaire, c'est de ne pas discriminer une personne qui requiert un service du seul fait que cette personne-là est croyante ou non-croyante. Donc, ce que ça nous impose comme obligation, dans nos bureaux de circonscription, lorsque quelqu'un sollicite une rencontre, puis je crois que naturellement c'est une pratique, en principe... En tout cas, j'ai l'impression que ça va de soi. Lorsque quelqu'un communique avec nous pour solliciter une rencontre, bien, on tente de déterminer d'abord l'objet de la rencontre. Et l'objet de la rencontre parfois est pertinent, parfois n'est pas pertinent dans le sens que, l'objet de la rencontre, on peut dire : Bien non, je ne souhaite pas vous rencontrer sur... parce que cette demande de rencontre là n'est pas pertinente. Mais ce n'est pas : Je ne veux pas vous rencontrer parce que c'est votre religion, c'est plutôt... c'est le motif de la rencontre qui, généralement...

Alors, ça impose cette obligation, qui m'apparaît tout à fait usuelle et tout à fait standard dans le cadre du travail que nous sommes appelés à effectuer. Mais je pense que, dans la vie de tous les jours, quelqu'un souhaite te rencontrer, généralement, c'est tout à fait normal de s'enquérir de l'objet de la rencontre, ça va de soi.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Montarville.

Mme Roy : Merci beaucoup, M. le Président. Ce que Mme la ministre nous dit, c'est l'évidence même, hein? Si vous appelez au bureau de circonscription, naturellement qu'on veut s'enquérir du motif et de l'objet de la rencontre, parce qu'on est là pour se préparer, pour aider les gens, pour savoir, bon : Quelle problématique avez-vous? Avec quel ministère? Avec qui, avec quoi? Comment peut-on vous aider? Alors, effectivement, Mme la ministre, on se questionne sur l'objet de la rencontre, toujours, toujours, toujours. C'est la base quand on reçoit des gens.

Mais, justement, quand l'objet de la rencontre porte sur une question religieuse, une question religieuse qui nous vient d'extrémistes religieux, peu importe la religion, là, je m'en fous, à partir du moment où l'objet porte sur une question religieuse, par exemple vouloir installer des installations, vouloir créer quelque chose, vouloir s'implanter dans la circonscription, à partir du moment où la question, l'objet est religieux, est-ce que je dois en conclure que je ne pourrai pas refuser de rencontrer cette personne-là, même si, à l'égard de ses propos religieux, c'est la plus grande incompréhension, là, on parle deux langues, là, c'est quelqu'un avec qui je n'ai pas l'intention d'échanger parce que je ne partage pas du tout ses valeurs, entre autres, par exemple, à l'égard de l'égalité entre les hommes et les femmes? Alors, ma question est la suivante : Quand l'objet est religieux, est-ce que je peux refuser?

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme Vallée : M. le Président, si l'objet n'est pas dans l'intérêt de la circonscription... Parce que l'objet religieux, c'est très, très large comme question, vous le savez. Mais, si l'objet n'est pas de nature à être dans l'intérêt des citoyens que représente le député ou la députée, bien, à ce moment-là, il n'y a pas d'enjeu, il n'y a pas d'enjeu.

Puis, vous savez, M. le Président, l'autre chose aussi, parfois la rencontre... Puis je comprends. Tout à l'heure, notre collègue de Taschereau disait : Moi, je ne veux pas tenir... Parce que, pour avoir discuté avec certains collègues parlementaires, il y a un peu deux façons de voir les choses. Pour certains collègues, tenir une rencontre, il n'y a pas de quoi... ça n'implique pas une caution, un cautionnement de la demande, mais, je comprends aussi très bien notre collègue, pour avoir vécu la situation, une rencontre avec le député, pour certains, certains, même, vont sortir du bureau et émettre un communiqué disant : Nous avons rencontré Mme la députée, question de mettre un petit peu de pression pour appuyer certains projets, là. Puis là on n'est pas... Dans certains cas, ça va cautionner une demande. Évidemment, une rencontre n'implique pas nécessairement... parce qu'au terme d'une rencontre un député peut très bien dire : Le dossier n'est pas un dossier que je souhaite soutenir, je suis en désaccord, il n'y a pas d'obligation de soutenir tous les projets qui sont présentés, mais, pour certains... Moi, je connais des collègues qui ont comme principe, généralement, de faire des rencontres sans nécessairement cautionner l'objet, parce que la rencontre permet cette interaction.

Mais tout ça, M. le Président, je pense que tout ça s'interprète aussi dans le contexte de l'indépendance qui est prévue à la Loi sur l'Assemblée nationale. Donc, de fait, la Loi sur l'Assemblée nationale nous guide et notre code d'éthique aussi nous guide dans ce qui est notre devoir de député et ce qui doit nous guider lorsqu'une demande nous est présentée.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Montarville.

Mme Roy : Oui. Je vous disais tout à l'heure : Que se passe-t-il si l'objet de la rencontre est justement religieux, et c'est justement un objet religieux et pour un motif religieux que je refuse de rencontrer cette personne, qui est, pour moi, une personne aux pratiques, aux idées totalement radicales, peu importe la religion? Et Mme la ministre nous répond : Il faut que ce soit dans l'intérêt des citoyens que de refuser cette rencontre-là.

Alors, ma question est la suivante : Qui va juger si ma décision est la bonne, si ça a été dans l'intérêt ou non des citoyens que je refuse cette rencontre, si une plainte est portée contre moi parce que je n'ai pas exercé cette neutralité religieuse en refusant de discuter avec cette personne?

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme Vallée : M. le Président, à titre d'élu de l'Assemblée nationale, évidemment, si un citoyen, une citoyenne considère que l'on manque à notre devoir éthique ou à nos obligations parlementaires, évidemment, le citoyen, si je ne m'abuse, a la possibilité de saisir le Commissaire à l'éthique, qui verra à déterminer si le parlementaire a respecté les règles qui le gouvernent ou la gouvernent. Ce n'est pas différent que quelqu'un qui pourrait être... Parce que les plaintes logées au Commissaire à l'éthique ne sont pas du seul ressort des élus de l'Assemblée nationale. Un citoyen peut saisir le Commissaire à l'éthique, qui verra à analyser dans son ensemble la situation. Mais on est très loin dans l'hypothétique...

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Montarville. Woups!

• (10 h 20) •

Mme Vallée : ...lorsqu'on a adopté notre code d'éthique, lorsqu'on a planché sur le code d'éthique, il y a quelques années, il a déjà quelques années de ça, on était tous d'accord, et je me souviens très bien que, de l'autre côté, on souhait avoir un code d'éthique qui était très fort, s'assurer que les élus respectent les lois, respectent les règles du vivre-ensemble, les règles de notre société, et puis c'est ce qui nous a menés à mettre sur pied ce code d'éthique, c'est ce qui nous a amenés à créer le Commissaire à l'éthique, la Commissaire à l'éthique, maintenant, qui est saisie des différentes demandes. Certaines sont fondées, certaines ne le sont pas. Mais on a une entité qui est chargée de faire en toute indépendance l'évaluation de tout ça.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Montarville.

Mme Roy : Oui. Alors, ça va encore plus loin que je pense. J'avais posé la question suivante à la ministre : Qui va juger si la rencontre que j'ai refusée a été faite dans l'intérêt des citoyens de ma circonscription? Je pensais que Mme la ministre allait me parler de la Commission des droits de la personne, qui pourrait être saisie d'une plainte parce que je n'ai pas respecté son principe de neutralité religieuse, mais là on nous ajoute là-dessus le Commissaire à l'éthique. Alors, je trouve que ça fait... C'est lourd, c'est lourd de conséquences, entre parenthèses, ça fait beaucoup, ça fait beaucoup, et ça donne beaucoup d'arguments à ceux qui voudraient, par exemple, nous imposer leur agenda ou leur vision religieuse radicale. Ça leur donne beaucoup de munitions, et ça m'inquiète beaucoup. Je trouve ça inquiétant dans la mesure où, pour que je refuse une rencontre, je devrai démontrer que c'était dans l'intérêt des citoyens. Alors, c'est très troublant. Et qu'est-ce que c'est qui est dans l'intérêt des citoyens? A-t-on une définition? Alors là, j'aurai la définition du Commissaire à l'éthique puis j'aurai la définition ou la vision du commissaire à la Commission des droits de la personne. Ça fait beaucoup. Ça fait beaucoup de responsabilités sur les épaules d'un élu et ça fait beaucoup de fardeau de preuve, je trouve, beaucoup de fardeau de preuve.

Alors, ma question était la suivante : Est-ce que, Mme la ministre, vous êtes prête à mettre dans votre loi une forme de protection pour les élus dans la mesure où... Ce n'est pas un travail, hein? Être élu, je le dis aux gens qui nous écoutent, là, ce n'est pas un travail, ce n'est pas une job, c'est un mandat. On représente les gens qui nous ont fait confiance, qui nous ont dit : Oui, allez-y, vous êtes ma voix à Québec, dites au gouvernement, dites-leur ce que nous voulons, ce que nous pensons, ce que nous ressentons, ce que nous croyons, dites-leur où nous logeons. C'est ça qu'ils m'ont dit, les citoyens de Boucherville puis de Saint-Bruno. Et le fait que l'on... c'est un gros mot, là, mais qu'on bâillonne pratiquement l'exercice du député avec cet article-là, qui ferait qu'un député ne pourrait pas refuser de rencontrer quelqu'un pour des motifs religieux, alors que le député et toute sa population est totalement en désaccord avec ces préceptes radicaux, qui vont peut-être à l'encontre de l'égalité entre les hommes et les femmes, par exemple, et que je ne pourrai pas refuser de le rencontrer sous peine d'avoir des plaintes déposées contre moi, des poursuites à la Commission des droits de la personne puis au Commissaire à l'éthique, ça fait beaucoup. Et je trouve qu'on va très loin, très loin, en édictant ça, et on fait porter un lourd fardeau de preuve sur les épaules du député, qui, lui, est là pour dire : Attention, là! Il y a des choses qui se passent, les citoyens me parlent de choses, il se passe des choses. Il faut être vigilant avec tout type d'extrême, là, tout type d'extrême, il faut viser le centre. Et là on donne beaucoup, mais beaucoup, mais beaucoup de droits à tout ce qui pourrait être, tout ce qui pourrait être, entre guillemets, religieux parce que c'est, nous dit-on, religieux, sans même avoir une définition de ce qu'est «religieux».

Alors, Mme la ministre va-t-elle y inclure une protection pour les élus? Va-t-elle y inclure une définition de ce qu'est ou n'est pas religieux? Et va-t-elle y inclure une définition de la neutralité religieuse? Parce qu'hier j'ai fait le test avec mes gens, personne n'était capable de me dire ce que signifiait «neutralité religieuse de l'État», tout le monde avait des définitions différentes. Alors, ce serait bien de le voir ancré, de le voir écrit pour que nous ayons tous, et la population qui nous écoute, la même définition. Merci.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme Vallée : M. le Président, pour ce qui touche l'amendement qui est présenté, et je reviens au début de l'intervention de notre collègue, vous savez, actuellement, notre comportement, là, on ne vient pas soudainement dire que, de par 62, le comportement des élus est assujetti au regard du Commissaire à l'éthique; notre comportement, comme élus, est assujetti au regard du Commissaire à l'éthique. Un citoyen, une citoyenne qui considère que nous ne respectons pas nos obligations peut saisir le Commissaire à l'éthique de la question.

L'objectif, lorsqu'on a mis en place le code de déontologie, c'était d'assurer que les élus n'étaient pas au-dessus des lois. Ce que je comprends de ma collègue, c'est qu'elle souhaite exclure les élus de cette règle générale de neutralité religieuse, qui ne l'empêche aucunement de s'exprimer dans l'enceinte parlementaire puisque le privilège parlementaire lui permet, dans cette enceinte, d'exprimer et de porter la voix de ses citoyens et de ses citoyennes, mais on était vraiment dans une question : Est-ce qu'en ma qualité d'élue je peux refuser de rencontrer une personne du seul fait de son appartenance religieuse, du seul fait? Ce que je dis, c'est que le seul fait d'être croyant ou non-croyant n'est pas un motif pour refuser une rencontre. Ça nous amène simplement à vérifier quel est l'objet de cette rencontre et, à ce moment-là, de déterminer s'il y a lieu ou pas de tenir cette rencontre. On est dans des cas hautement hypothétiques. Et, ceci dit, si le citoyen considère que le député ou la députée n'a pas respecté son code d'éthique, n'a pas respecté les règles, bien, oui, il va se tourner vers le commissaire, qui verra à déterminer, dans le contexte... le Commissaire à l'éthique, dans le contexte de la fonction député dans son ensemble, verra à déterminer s'il y a lieu ou pas d'intervenir. Ça n'empêche aucunement le député de s'exprimer en Chambre, ça... aucunement le député ou la députée de s'exprimer ici, en commission parlementaire, comme on le fait aujourd'hui, c'est quand même... au même titre que, dans notre qualité, dans notre travail, on est respectueux aussi des droits, des libertés individuelles. Dans le fond, appliquer le principe de la neutralité religieuse, c'est tout simplement être respectueux de la liberté de religion, de croyance des citoyens, donc la liberté de croyance, la liberté de non-croyance, c'est tout simplement ça.

Alors, je ne commenterai pas les échos que j'entends, mais ce n'est pas... au même titre que l'on respecte aussi les autres citoyens, ce n'est pas très complexe comme obligation. Je comprends que ça ait pu susciter des questionnements, tout à fait légitimes, mais c'est quand même... ça s'inscrit... Puis là, je vous dirais, M. le Président, je pense que c'est un principe qui s'applique de facto dans bien des cas, parce que, si on pousse plus loin, puis on n'est pas entrés dans le pourquoi du pourquoi, mais j'ai l'impression qu'ultimement c'est l'objet des rencontres qui a sans doute mené certains collègues à tout simplement refuser de rencontrer, c'est l'objet de la rencontre, parfois, qui n'était pas dans l'intérêt collectif, ce n'était pas l'individu, la croyance ou non de l'individu qui peut amener à refuser une rencontre.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Montarville. M. le député de Mercier, je ne vous ai pas oublié, je termine avec... Excusez, M. le député de Gouin. Non, non, c'est beau. Bien, de toute façon, on est dans le même coin. Et je termine avec Mme la députée de Montarville et je m'en viens à Gouin dans pas long.

• (10 h 30) •

Mme Roy : Oui. Merci, M. le Président. Ce que je comprends de Mme la ministre, c'est qu'elle nous dit qu'une décision rendue par un ou une élue de l'Assemblée nationale pour des motifs religieux, soit la décision de refuser de rencontrer des gens pour des motifs religieux, et là je parlais bien ici de gens qui ont des motifs religieux extrêmes, là, extrêmes, donc, cette décision-là de rencontrer quelqu'un pour des motifs religieux, elle pourrait être soumise au Commissaire à l'éthique. Je voudrais rappeler à Mme la ministre que dans notre Code d'éthique et de déontologie des membres de l'Assemblée nationale, chapitre C-23.1, à l'article 6 il est écrit : «La conduite du député est empreinte de bienveillance, de droiture, de convenance, de sagesse, d'honnêteté, de sincérité et de justice. Par conséquent, le député :

«1° fait preuve de loyauté envers le peuple du Québec;

«2° reconnaît qu'il est au service des citoyens;

«3° fait preuve de rigueur et d'assiduité;

«4° recherche la vérité et respecte la parole donnée;

«5° a un devoir de mémoire envers le fonctionnement de l'Assemblée nationale et de ses institutions démocratiques.»

Il est écrit que j'ai un devoir de sagesse, on parle de sagesse, c'est-à-dire je peux décider. Comment est-ce qu'on va interpréter la loi sur le Code d'éthique et de déontologie de concert avec l'amendement que vous amenez là? Qui aura préséance?

Le Président (M. Ouellette) : ...question, Mme la députée de Montarville?

Mme Roy : Oui, c'est ma question.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Ils s'interprètent globalement les uns avec les autres, et c'est le Commissaire à l'éthique, dans le contexte donné, qui verra à déterminer s'il y a lieu ou pas de se saisir de la demande qui est présentée. Dans certains cas, dans bien des cas, le Commissaire à l'éthique, à la lumière des faits, à la lumière, justement, de ce code d'éthique qui nous guide et qui doit nous guider dans nos actions, au même titre que le corpus législatif du Québec, ça s'interprète dans... c'est un ensemble, au même titre qu'un peu plus tard dans le texte on a d'autres obligations, des interdictions. Le code d'éthique, et on a passé des heures à en discuter devant la Commission des institutions il y a de ça près de huit ans, c'est ce qui nous guide dans nos fonctions toutes particulières que sont les nôtres, et ça s'interprète à la lumière... la disposition qui applique... la disposition relative au respect de la neutralité religieuse s'interprète dans ce contexte au même titre que d'autres dispositions législatives. Il ne faut pas oublier... Puis c'est bien de relire, justement, ce code d'éthique là, de revoir les valeurs qui sont les nôtres, les principes éthiques qui sont les nôtres. Ce n'est pas incompatible du tout, au contraire, M. le Président.

Le Président (M. Ouellette) : Je nous rappelle aussi qu'il y a une nouvelle mouture du code d'éthique qui s'en vient, là, ça fait que ça fera partie de nos discussions. Vous savez, Mme la députée de Montarville, je veux protéger vos dernières minutes. Je comprends que vous allez me faire une dernière intervention avant que j'aille à mon collègue de Gouin.

Mme Roy : Merci beaucoup, M. le Président, oui, parce que... Je comprends que les lois s'interprètent les unes avec les autres. Il y a ce code d'éthique des élus de l'Assemblée nationale. Je comprends aussi que, si je rends une décision pour un motif religieux, soit de refuser de rencontrer quelqu'un pour un motif religieux, là, il y aura le code d'éthique, bien sûr, qui s'applique, puis il y aura le projet de loi n° 62. On rajoute une couche sur ce qu'on a déjà, donc. Alors, ma question serait : Pourquoi rajouter cet article-là et y soumettre les élus?

Et l'autre question que j'avais pour la ministre : Va-t-elle inclure une définition de ce qui est religieux, ça commence où, ça finit où, et va-t-elle inclure une définition de la neutralité religieuse? Ce serait intéressant pour nos débats. J'aurai d'autres questions. Mais, s'il y a cette redondance de sanctions possibles, pourquoi la mettre là? Alors, je disais la semaine dernière, quand j'ai lu l'amendement que Mme la ministre avait fait à l'article 1, que ce projet de loi ouvrait encore davantage la porte au religieux dans l'État. Bien, c'en est une autre démonstration.

Alors, j'avais des questions. Aurons-nous des définitions sur la neutralité religieuse? Qu'est-ce que c'est que la neutralité religieuse, même si Mme la ministre dit que c'est très simple puis tout le monde le comprend? Et qu'est-ce que c'est également que la religion ou le religieux? Qu'est-ce qui est religieux? Ça commence où? Ça finit où? Et pourquoi ne pas amender, justement, son amendement? Parce qu'on vient dédoubler une sanction qui existerait déjà, c'est-à-dire une plainte au code d'éthique si le citoyen se sent lésé. Merci.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Simplement, lorsqu'on parlait de neutralité religieuse, la semaine dernière, et on indiquait l'importance d'agir en toute impartialité à l'égard de la croyance et de la non-croyance de la personne avec qui on interagissait, bien, c'est un peu la même chose, on a déjà... Dans notre code d'éthique, l'article 6 nous impose un comportement qui est sage, un comportement qui est bienveillant, je lis, je n'invente pas, là : «La conduite du député est empreinte de bienveillance, de droiture, de convenance, de sagesse, d'honnêteté, de sincérité et de justice.» Donc, de ça s'interprète une obligation d'impartialité à l'égard du citoyen de la part du député, de la conduite du député. On reconnaît qu'on est au service du citoyen. C'est prévu à l'article 6. Donc, de ça découle ce devoir d'agir en toute impartialité.

Donc, le devoir de neutralité religieuse, c'est ce devoir d'impartialité à l'égard de la croyance et de la non-croyance de l'autre. Ce n'est pas dénaturé, ce n'est pas décousu. Ces valeurs-là, là, on les adoptées... 2009‑2010, M. le Président, là, on a plusieurs pièces législatives que l'on a adoptées, au cours de ces années-là, mais c'est... Et on reconnaît... À l'article 8 : «Les députés reconnaissent que ces valeurs doivent les guider dans l'exercice de leur charge [et] dans l'appréciation des règles déontologiques qui leur sont applicables et qu'il doit être tenu compte de ces valeurs dans l'interprétation [des] règles. Ils recherchent la cohérence entre leurs actions et les valeurs énoncées au présent titre...»

Donc, ce code de déonto nous impute une obligation d'impartialité, nous impute une... à l'égard des citoyens qu'on représente, et cette sagesse que l'on retrouve... et le terme «sagesse», je vais le chercher à l'article 6 de notre code d'éthique. On s'est dotés de ce code d'éthique là sciemment, unanimement. Donc, le devoir de neutralité n'est pas...

Mme Maltais : Question de règlement.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Écoutez, nous autres, on a 20 minutes pour parler d'un article, O.K., qui est un nouvel amendement. Ça fait qu'on a 20 minutes. La ministre, normalement, a cinq minutes à chaque fois pour répondre à nos questions qu'on a essayé d'étudier ensemble, puis normalement on n'est pas straight, là, on essaie de jouer... c'est important, les explications du ministre, quand il s'agit d'un article de loi, mais essayons de conserver quand même un ratio intéressant, s'il vous plaît, M. le Président, là, pour que ce ne soit pas un soliloque puis que nous aussi, on puisse expliquer nos positions. On a très peu de temps, comme opposition. Sinon, on va être obligés, pour continuer l'échange, à faire des amendements et des sous-amendements. Puis on essaie de réfléchir correctement...

Mme Vallée : On me pose des questions, on me demande de vous... d'éclairer, je le fais. Je pourrais répondre par oui ou par non, mais je ne pense pas que ça servirait l'intérêt commun.

Mme Maltais : ...je le dis en tout respect, Mme la ministre, M. le Président, c'est vraiment très respectueux, j'ai dit d'entrée de jeu : C'est important que la ministre nous donne des réponses éclairées, solides. Puis on ne joue pas à ça, je ne veux pas que... je ne veux pas pourrir l'atmosphère, au contraire, mais je remarque que, depuis un bout de temps, ça devient difficile d'échanger parce que c'est la même réponse longtemps qui revient. Ça fait qu'on essaie juste d'être en situation d'échange.

Le Président (M. Ouellette) : Je vais m'assurer qu'on reste en situation d'échange, mais je vais aussi m'assurer des temps de parole, de l'article 246. Et, juste pour l'information de tous les parlementaires, les réponses de la ministre, sauf à une occasion, ont toujours été dans le délai imparti de cinq minutes. Et, justement pour permettre un échange et connaître le point de vue de chacun, je vous ai dit, Mme la députée de Taschereau, que je reviendrais à M. le député de Saint-Jérôme très bientôt. Je veux aller connaître l'opinion de M. le député de Gouin, et nous allons revenir avec M. le député de Saint-Jérôme et M. le député de Bourget immédiatement après avoir fait un premier tour. Mais soyez assurée que je vais m'assurer que les droits des parlementaires sont respectés et que les ratios de temps de parole... Vous avez bien fait de le souligner, Mme la députée de Taschereau. M. le député de Gouin.

• (10 h 40) •

M. Nadeau-Dubois : Merci, M. le Président. C'est peut-être parce que je suis naïf de nature ou peut-être parce que je suis un jeune député, mais j'essaie de présumer de la bonne foi de tout le monde ici puis j'essaie... je ne peux pas croire, en fait, qu'il y a une volonté, dans le fond, gouvernementale de forcer les parlementaires à rencontrer tout le monde, y compris quand il y aurait un conflit de valeurs fondamental entre une personne qui fait une demande puis un ou une députée. Je ne peux pas... Je me dis : C'est impossible, dans le fond, que ce soit ça. Puis la ministre ne semble pas dire que c'est ça non plus.

Ceci étant dit, il y a clairement un flou, là, je pense qu'on le ressent tous, il y a un flou dans la formulation actuelle du projet de loi. Et je partage les préoccupations de mes collègues de l'opposition. Je ne suis pas totalement satisfait, moi non plus, par les explications. On nous dit : Non, dépendamment de l'objet de la rencontre, il y aurait une possibilité de refuser. Je suis content d'entendre ça. Est-ce que c'est possible de le préciser d'une manière ou d'une autre dans le projet de loi? Parce qu'à l'heure actuelle la porte ne me semble pas fermée à la possibilité qu'un ou une citoyen, citoyenne invoque le projet de loi n° 62 pour donner, comme disait ma collègue, le fardeau de la preuve au député ou à la députée, pour dire : Au fond, c'est pour des motifs religieux, et là on pourrait assister — puis on ne l'espère pas, mais c'est une possibilité qui n'est pas exclue — à la multiplication de ce genre de recours là. Puis je pense qu'on ne veut pas personne que ce soit ça qui se produise. Mais est-ce que c'est possible de préciser... Puis moi, je ne suis pas juriste et je n'ai pas de juriste qui travaille pour moi, malheureusement, mais est-ce que c'est possible d'avoir un amendement de part ou d'autre pour régler ce flou-là? Parce que, là, il y a clairement un flou. Et ce flou-là, il vient notamment, selon moi, du fait qu'il faut établir une distinction entre les élus et les employés de l'État, parce que... Bien sûr, il n'y a personne qui souhaite qu'une infirmière refuse des soins à quelqu'un sur la base de sa religion. Dans le cas d'un employé qui dispense des services publics, ça me semble assez consensuel. Sauf qu'un élu, un député, ce n'est pas la même chose qu'un employé de l'État qui dispense des services publics. Il y a une distinction, puis la collègue de Montarville l'a bien faite, entre quelqu'un qui dispense un service public et un député, qui a, oui, le rôle d'intermédiaire avec les citoyens, citoyennes, mais pas seulement, qui est quelqu'un qui est investi d'un rôle de législateur puis d'un rôle qui a une connotation politique, puis de ça découle une certaine indépendance.

Donc, moi, je trouve que, là, il y a un flou qui n'est pas dissipé. Et j'apprécie tous les efforts que fait la ministre pour tenter de le dissiper, mais, si c'est nécessaire d'expliquer aussi longtemps, c'est peut-être parce que, dans le projet de loi lui-même, il y a une zone d'ombre qu'il faut éclairer.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme Vallée : En fait, notre collègue nous dit, bon : Qu'en est-il du conflit de valeurs? Mais là on n'est pas... Vraiment, ce sont les guides de notre code d'éthique qui répondent à la question, comme actuellement. Actuellement, si quelqu'un se sent lésé par une décision de son député, de sa députée, cette personne-là, si elle considère que le comportement du député est contraire aux valeurs du code d'éthique, peut soumettre le tout au regard du Commissaire à l'éthique. C'est là, c'est déjà prévu. Ce que l'on prévoit, c'est que le devoir de neutralité religieuse, c'est-à-dire de ne pas favoriser ou défavoriser — là, je me répète, mais... — une personne à l'égard de sa croyance, à l'égard de sa religion, s'applique aussi aux élus. Maintenant, ça s'applique aux élus dans le contexte bien particulier de la charge que les élus ont et ça s'applique en considérant aussi la Loi de l'Assemblée nationale, à laquelle nous sommes, à titre d'élus de l'Assemblée nationale, assujettis. Le code d'éthique auquel on est assujettis, ça s'applique dans le contexte particulier des fonctions qui sont les nôtres parce qu'évidemment il y a une distinction entre notre interaction avec le citoyen et, par exemple, le cas de figure auquel référait notre collègue, qui est de l'infirmière, ou du préposé au guichet de la Société de l'assurance automobile, ou d'un fonctionnaire qui est appelé à interagir avec le citoyen. Le rôle de chacun n'est pas le même. Le rôle de l'élu, le rôle de l'infirmière n'est pas le même. L'élu a été aussi porté à l'Assemblée nationale en raison de ce qu'il porte, de ce qu'il véhicule comme valeurs, comme philosophie. C'est ce qui fait que nous sommes ici tous différents les uns des autres, et certains plus que d'autres, dans notre... Nous sommes porteurs de valeurs qui sont différentes, et c'est dans ce contexte-là que doit s'apprécier une demande portée à l'attention du Commissaire à l'éthique. Ça sera dans ce contexte-là qu'il faut bien comprendre que la charge d'un élu est différente de la charge d'un fonctionnaire, de la charge d'une autre personne identifiée à l'article 3 du projet de loi.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Gouin.

M. Nadeau-Dubois : Est-ce que la ministre a l'intention de faire une précision ou si, pour elle, malgré toutes les questions qui viennent de ce côté-ci en ce moment, le projet de loi est assez clair et il n'y a aucune place, dans le fond, à l'interprétation?

Le Président (M. Ouellette) : Vous voulez préciser, M. le député de Gouin, faire une précision à son amendement à 0.1°?

M. Nadeau-Dubois : Oui. À la lueur de toutes les questions, est-ce qu'il y a une intention de retravailler, ou de préciser, ou non?

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme Vallée : M. le Président, on a déposé une série d'amendements. Il y a le préambule aussi qui — on verra à le travailler — permet aussi de cadrer le contexte dans lequel s'inscrivent les dispositions du projet de loi. Moi, s'il y a une chose, par contre, que je suis disposée à faire aujourd'hui, si les collègues le souhaitent, une fois qu'on aura fait nos échanges sur l'amendement, M. le Président, je suis disposée à ce que nous puissions suspendre pour permettre aux collègues de saisir leurs caucus. Ça, là-dessus... On a quand même un certain nombre d'articles, là, dans le projet de loi, à discuter et à regarder. Le climat, le... je pense que nos échanges sont objectifs, sont positifs. Je peux comprendre que certains n'ont pas eu la chance d'avoir de caucus depuis le dépôt des amendements en liasse la semaine dernière parce qu'on n'est pas en session régulière. Je comprends que certaines formations politiques vont se rencontrer au cours des prochains jours.

Donc, là-dessus, moi, M. le Président, là, je vous dirais, je n'ai aucune difficulté à ce qu'on puisse avoir nos échanges ou, si vous le souhaitez, suspendre pour permettre d'avoir les échanges au sein des caucus. Ça, je pense que c'est de bonne guerre. C'est une façon tout à fait correcte de mener nos travaux parlementaires. Je ne souhaitais pas du tout qu'on ait des surprises, puis c'est ça, c'était l'objectif du dépôt en liasse. Alors, j'imagine qu'au terme il y aura un certain nombre d'échanges. Puis, de toute façon, on a 18 articles au projet de loi, donc on pourra... C'est une méthode de travail que je vous propose parce que je suis sensible à la préoccupation de ma collègue de Taschereau puis je pense qu'on est capables de bien faire les choses.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Gouin.

• (10 h 50) •

M. Nadeau-Dubois : Je crois que c'est une très bonne idée, en effet, parce qu'il y a un équilibre à trouver entre la volonté, en effet, d'être clair sur le fait qu'un élu ne doit pas faire de discrimination dans l'exercice de ses fonctions, ça, je suis convaincu qu'on partage tous cet objectif-là... il y a un équilibre à trouver entre ça puis la préservation de l'indépendance, puis même d'une certaine discrétion par le député sur qu'est-ce qu'il veut reconnaître comme initiatives ou comme groupes dans le cadre de son travail, puis je ne crois pas que cet équilibre-là, il est trouvé actuellement, puis, si le fait de suspendre permet d'améliorer le projet de loi puis de trouver cet équilibre-là, bien, je pense qu'on sera tous et toutes gagnants et gagnantes.

Le Président (M. Ouellette) : Ça pourra aussi, M. le député de Gouin, vous permettre de déposer un sous-amendement qui pourrait peut-être aider à favoriser la réflexion, comme n'importe quel des parlementaires alentour de la table ont le loisir de le faire, et la discussion qu'il y aura à votre caucus ou aux autres caucus va permettre effectivement de bonifier le débat. Mais le but, ce matin, c'est d'entendre l'opinion de tous et chacun des parlementaires sur l'amendement qu'il y a devant nous. Et, par la suite, je pense que vous l'avez exprimé, Mme la députée de Montarville, et Mme la députée de Taschereau l'a exprimé, ça va devoir retourner en caucus et revenir pour discussion.

Maintenant, nous allons aller à M. le député de Saint-Jérôme.

M. Bourcier : Merci, M. le Président. Écoutez, je veux faire un peu de pédagogie ce matin en tant qu'ancien enseignant, et surtout les gens qui nous écoutent, j'espère qu'ils ne sont pas trop mêlés et qu'ils ne sont pas trop au neutre, mais, quand il est question de respecter la neutralité religieuse, pour un nouveau député comme moi, mais peut-être que le député de Gouin est plus nouveau que moi encore, là... Alors, un député, ce que j'ai compris ce matin, ne doit pas favoriser ou défavoriser un groupe religieux. Il faut les recevoir. Doit-il refuser une rencontre? Est-ce qu'il peut refuser une rencontre? Bien là, ce que j'ai entendu dire puis ce que j'ai cru comprendre, c'est qu'un député qui refuse une telle rencontre peut porter atteinte à la neutralité religieuse parce que c'est la loi sur la neutralité religieuse qu'il est question ce matin, ce n'est pas la loi sur la laïcité. On dit, dans le projet de loi, d'ailleurs, que le projet de loi a pour objet d'établir des mesures visant à favoriser le respect de la neutralité religieuse de l'État. L'élu, le député, peut décider si c'est possible ou pas possible de rencontrer un groupe religieux.

Maintenant, Mme la ministre, je vous ai entendu parler tantôt que le député pouvait évoquer un code de circonstances pour s'en soustraire, mais qu'il devait suivre le Code d'éthique et de déontologie pour être obligé de rencontrer le groupe religieux dûment incorporé, d'ailleurs. Alors, j'aimerais ça avoir des explications. Il y a une zone grise où moi, j'ai de la misère à comprendre, ça fait que j'imagine que le monde qui nous écoutent, qu'ils ont de la misère aussi à situer quelle est l'obligation du député de recevoir puis la possibilité du député de se soustraire de cette rencontre-là, selon — donc je reviens avec le mot, là, l'expression — le code de circonstances, ce que vous avez évoqué un peu plus tôt dans votre discussion avec nous.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme Vallée : M. le Président, ce que j'ai mentionné dans un premier temps, c'est que, lorsqu'il s'agit de respecter le principe de neutralité religieuse, c'est une obligation d'impartialité, c'est-à-dire qu'on ne favorise pas puis on ne défavorise pas une personne en raison du fait qu'elle appartient ou non à une religion ou en raison de nos propres croyances religieuses ou nos propres convictions religieuses en notre qualité d'élus. Et, M. le Président, ce que j'ai mentionné, et là je n'ai rien inventé, j'ai référé nos collègues au Code d'éthique et de déontologie des membres de l'Assemblée nationale, auquel on est tous assujettis, parce que cette obligation-là s'inscrit et est tout à fait cohérente avec notre obligation générale, nos obligations que le Code d'éthique et de déontologie nous impose, les devoirs qui sont les nôtres en notre qualité d'élus, parce que, oui, on a une indépendance de fonction dans le... mais cette indépendance de fonction là n'est pas totale. Elle s'inscrit dans un contexte dont on a choisi de se doter, en tant qu'élus, en 2009‑2010. Je ne me souviens pas du moment précis, je pense, le projet de loi a été adopté en 2010, on a commencé à en débattre en 2009. Donc, c'est nous-mêmes, élus de l'Assemblée, qui avons fait le choix de se doter d'un code d'éthique et de déontologie, puis ça, ça nous amène à adopter une conduite qui est édictée. Et là c'est le cas actuellement, là, ce n'est pas le projet de loi n° 62 qui amène le code de déontologie ou le code d'éthique, c'est déjà là.

Donc, un citoyen qui se considère lésé par l'action de son député peut déjà soumettre au Commissaire à l'éthique et à la déontologie la question, puis le Commissaire à l'éthique et à la déontologie voit à analyser s'il y a lieu d'intervenir ou pas à la lumière, oui, du code d'éthique, oui, de l'article 43 de la Loi sur l'Assemblée nationale, qui prévoit un statut quand même particulier pour les élus. Et ça sera la même chose... C'est-à-dire que, si un citoyen, par exemple... Parce qu'on parle de rencontre, là, mais l'amendement ne prévoit pas le mot «rencontre». L'amendement prévoit tout simplement que les députés de l'Assemblée nationale, les élus municipaux et les élus des commissions scolaires sont assujettis à l'obligation de neutralité religieuse au même titre que les membres du personnel de l'Assemblée et les autres personnes énumérées, les agents de la paix, les médecins, les sages-femmes, bref, les autres personnes qui sont énumérées à l'article 3.

Au fond, l'amendement prévoit tout simplement d'élargir l'application de l'obligation de neutralité aux élus. Votre collègue a posé une question quant à la possibilité pour un élu de refuser ou non de rencontrer quelqu'un. Ce que j'ai mentionné, c'est que, si le motif du refus est un motif simplement religieux, moi, je ne vous rencontre pas parce que vous êtes, par exemple, non-croyant, allons-y comme ça, parce que... ça, ce n'est pas un motif, ça irait à l'encontre du principe. Par contre, habituellement... Puis il va de soi que, généralement, lorsqu'une demande de rencontre est formulée, on cherche à savoir, du moins les membres de notre personnel cherchent à savoir, parce que généralement nous, on va dire : Oui, mais pourquoi cette personne-là veut me rencontrer?, l'objet de la rencontre. Et là le député peut très bien refuser de rencontrer un citoyen quant à l'objet de la rencontre s'il considère que l'objet de la rencontre, ce n'est pas pertinent ou ça ne cadre pas... et c'est le cas actuellement, là. Mais de dire : Vous, là, M. le député de Saint-Jérôme, je ne vous rencontre pas en raison du fait, par exemple, que vous êtes non-croyant, ça, ça pourrait porter atteinte au principe de la neutralité religieuse. C'était ça, c'est ce que... C'était un petit peu... Parce qu'on se reporte à notre discussion de la semaine dernière, puis on a terminé à 6 heures et quelques secondes suite à une question très pointue, mais le projet de loi, puis c'est ça, il ne faut pas non plus... ne parle pas de rencontre. Le projet de loi prévoit tout simplement que les élus sont assujettis à l'obligation de neutralité religieuse, donc l'obligation d'impartialité à l'égard de la croyance ou de la non-croyance des citoyens, d'un citoyen ou d'un groupe. C'est ça, l'objectif. Puis je pense qu'on a eu plusieurs échanges, on a eu plusieurs interprétations, mais ramenons ça, là, très, très... à son expression très simple, c'est ça.

Puis la neutralité religieuse, on le voit un peu plus loin, mais c'est vraiment de ne pas favoriser ou défavoriser une personne en raison de... puis la liberté de religion, on y fait référence dans le projet de préambule qui vous a été présenté la semaine dernière. On a eu aussi des discussions sur cette question-là avec notre collègue la députée de Montarville et on reprend... La liberté de religion et la religion, ce sont des concepts qui ont été définis au fil des ans aussi par la Cour suprême, parce que la Cour suprême a été appelée, au cours des 30 dernières années, à se questionner sur ce qu'est une religion. Parce que, pour définir la liberté de religion, il faut encore se demander ce qu'on entend par «religion». Et la Cour suprême reprend de façon très, très générale la liberté de croyance, puis on le synthétise dans le préambule, finalement, puis ça revient un peu à ça. Mais, pour vous donner des références, c'est dans l'affaire Amselem, on l'a élaboré de façon assez extensive au paragraphe 39, au paragraphe 40, et même dans l'arrêt Big M, qui a été parmi les premières grandes décisions de la Cour suprême, qui a été portée à se pencher sur la liberté de religion. C'est aux pages 336, 337 que le juge en chef, juge Dickson, avait précisé ce que c'était.

Donc, dans le fond, je m'excuse, j'ai pris un petit peu de temps sur le collègue de Saint-Jérôme, mais je reviens à des questions, tout à l'heure, qui sont quand même pertinentes. Mais je réfère au préambule.

• (11 heures) •

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Saint-Jérôme.

M. Bourcier : Oui, vous êtes toute excusée, Mme la ministre. Écoutez, je veux continuer de vouloir faire la lumière, sans faire de jeu de mots avec la neutralité religieuse, sur certaines choses. Vous m'avez mentionné que, selon l'amendement, donc, les députés sont assujettis à la neutralité religieuse. Donc, la religion n'est pas un motif valable pour ne pas recevoir un groupe. Là, si je regarde au Québec, là, il y en a, des religions. Écoutez, si on exclut l'Église catholique, là, on compte 1 636 organismes religieux de toutes sortes. Là, là-dedans, j'inclus les raëliens, la Mission de l'Esprit-Saint, l'Église de scientologie. Ce sont des organisations... Il y en a même une, écoutez, qui s'appelle l'Église du monstre en spaghetti volant. Alors, moi, là, comme député, je vais être obligé de recevoir les spaghettiens et je ne peux pas refuser, là, par rapport à leur sérieux.

Alors, c'est facile de comprendre que, dans notre cadre juridique, en raison peut-être de son laxisme, bien, c'est une invitation à abuser de la notion d'institution religieuse. Les sectes religieuses les plus bizarres les unes que les autres foisonnent au Québec, et là, en raison possiblement — puis éclairez-moi, Mme la ministre — de cet amendement-là, bien, on va devoir toutes les recevoir. Même... Évidemment, je parlais du monstre en spaghetti volant. Bien, il y en a même une, là, qui va trouver beaucoup de plaisir à être reçue, c'est ceux qui ont trouvé Dieu à travers la marijuana et qui font partie de l'Église de l'univers. Alors, ils vont être comme dans deux projets de loi. Ce serait très intéressant, peut-être, de les refuser ou de les accepter, mais là je pense qu'on va être pris pour les accepter.

Alors, Mme la ministre, éclairez-moi sur... Est-ce que possiblement, avec ce projet ou cet amendement-là, il y aurait un classement? Il y aurait-u certaines religions qu'on pourrait recevoir ou non recevoir...

Mme Maltais : ...corporations religieuses...

M. Bourcier : ...oui, merci, Mme la députée de Taschereau, de corporations religieuses. Il y aurait-u un... c'est comme des lobbyistes religieux finalement et qu'on serait obligés de recevoir? Est-ce que ça serait ça? Est-ce que c'est ça, l'amendement de la loi sur la neutralité religieuse, qu'on serait obligés d'écouter, en tant que députés? Ça pourrait être très intéressant comme discussions, là, dans nos différents bureaux de comté, mais je ne sais pas si on devrait aller là.

Le Président (M. Ouellette) : Avant que Mme la ministre réponde, M. le député de Saint-Jérôme, vous faites référence à une liste de 1 636 organismes. Pouvez-vous préciser, pour les besoins de la commission, vous prenez ça où?

M. Bourcier : J'ai trouvé ça où? Dans Nouvelles de Prévost, Groupes religieux : avantages de l'État, qui avait été publiée le 21 août 2017.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Taschereau, oui.

Mme Maltais : Oui, si on peut aider nos collègues, c'est facile à travers les sites du ministère du Revenu fédéral, parce que c'est eux qui donnent des incorporations religieuses qui ont droit à des crédits d'impôt.

Le Président (M. Ouellette) : Ce sont tous des organismes accrédités par le ministère du Revenu... l'Agence du revenu fédérale, les 1 636 que vous venez de nous mentionner, M. le député de Saint-Jérôme? Merci. Mme la ministre.

Une voix : ...

Le Président (M. Ouellette) : Il était effectivement...

Mme Maltais : ...l'ordre du monstre du spaghetti volant, et ce ne sont pas des spaghettiens, ce sont des adeptes du monstre du spaghetti volant.

Une voix : Et ils se disent pastafariens.

Mme Maltais : Pastafariens.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Le principe, là... Parce qu'on peut s'amuser longtemps, là. Le principe, c'est tout simplement... Le principe de neutralité religieuse, c'est : On ne défavorise pas une personne en raison de son appartenance ou non à une religion ou on ne favorise pas une personne en raison de son appartenance ou non à une religion. Ce n'est pas plus compliqué que ça.

Maintenant, sur l'objet des demandes de rencontre, ça, c'est une autre chose, mais la liberté de religion, puis ça, c'est clair, ça fait partie d'une composante d'une société libre et démocratique. Puis, dans le fond, l'objectif derrière cet amendement-là, qui, je le répète, d'aucune façon ne parle de rencontre, mais parle tout simplement d'assujettir les élus... donc les élus sont tenus de ne pas favoriser ou de ne pas défavoriser une personne en raison de son appartenance ou non à une religion, alors ça... c'est-à-dire : Moi, je ne vous parle pas parce que vous êtes non-croyant ou parce que votre croyance religieuse, c'est ça, j'oublie même l'objet de la demande de rencontre. C'est un petit peu... C'est un résumé de l'obligation de l'article 3.

Le Président (M. Ouellette) : À l'article 3, vous définissez les gens du personnel puis, oui, vous venez de nous parler de l'article 4, parce qu'on va empiéter sur l'article 4 tantôt, là, pour favoriser ou défavoriser. Là, on ne fait que définir les gens assujettis, à l'article 4. M. le député de Saint-Jérôme.

M. Bourcier : Oui, je vais terminer là-dessus, Mme la ministre, M. le Président. On sait que la laïcité, c'est fondé sur les principes de séparation de l'Église et de l'État. Ça implique l'affranchissement de l'État de l'emprise de tout pouvoir tiers et aussi selon lesquels les actes de l'État ne sont et n'apparaissent pas posés sous l'influence d'une religion ou d'une autre croyance. Où je vais avec tout ça, c'est que la loi, là, si elle s'appelait la loi sur la laïcité, ce serait un terme beaucoup plus approprié, les gens comprendraient mieux que la neutralité... et ça clarifierait beaucoup de zones grises, dont celle du groupe spaghettien al dente et ceux des adeptes de la marijuana qui viendraient nous rencontrer. On éviterait, si on était là, toutes ces discussions-là, là. C'est des discussions qui mêlent le monde. Alors, dans un contexte de laïcité, on ne serait même pas ici à parler de ça.

Alors, je voudrais un dernier commentaire de Mme la ministre à ce sujet. Moi, j'en ai terminé, M. le Président.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre, est-ce qu'il y a d'autre chose à rajouter?

Mme Vallée : La laïcité puis la neutralité, je pense qu'on a eu une discussion assez élaborée et assez complète la semaine dernière. Et, je l'ai dit, ce n'est pas une loi sur la laïcité, ça n'a jamais été le cas. C'est une loi sur la neutralité religieuse de l'État, c'est ce que c'est.

Non, mais je comprends, puis, si nos collègues souhaitent un autre type de loi, bien, ça, ça leur appartient. Maintenant, nous, ce que l'on a de proposé, ce que l'on a déposé, c'est une loi qui vise à assurer le respect du principe de neutralité de l'État, ce n'est pas la... et je l'ai expliqué, pourquoi, on en a fait une discussion. Puis, encore une fois, la laïcité n'a pas la même définition de ce côté-là de l'Assemblée nationale. Au niveau de l'opposition, votre définition de la laïcité n'est pas la même que celle de votre voisine, n'est pas la même que celle de votre collègue de Gouin, parce que lors des remarques préliminaires, c'était frappant. Mais, nous, c'est une loi sur la neutralité religieuse de l'État, principe très simple, on ne favorise pas ou on ne défavorise pas, point. On agit en toute impartialité. Puis l'impartialité, c'est quand même ce qui découle de notre code d'éthique.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, Mme la ministre. Avant de permettre à Mme la députée de Montarville de me faire son petit commentaire, je vais, avant de vous le permettre, Mme la députée de Montarville, je vais reconnaître M. le député de Bourget avec beaucoup de plaisir.

• (11 h 10) •

M. Kotto : Merci, M. le Président. Ne pas favoriser, ne pas défavoriser relativement à l'appartenance religieuse, en l'occurrence, là est le fondement de la neutralité quant au rôle que nous sommes amenés à jouer en tant que députés ou élus municipaux. On entend ça, on comprend cela. Et la ministre, préalablement, a spécifié que ce projet de loi n° 62 n'est pas un projet de loi sur la laïcité mais sur la neutralité de l'État. Tout ça est cohérent. Mais, encore faudrait-il le rappeler, quand bien même nous aurions tenu des échanges par le passé en ces matières, rappeler aux concitoyennes et concitoyens qui nous écoutent que, n'eût été de cette avenue, en l'occurrence le débat sur la neutralité de l'État, nous ne serions pas en train de nous obstiner ce matin.

Il est important que la ministre clarifie — ce qu'elle a fait — qu'il ne s'agit pas d'un projet de loi sur la laïcité. Maintenant que cela est clair, établi, est-il possible de savoir de la part de la ministre comment, là où le député devrait se comporter quand aussi, d'aventure, des groupes, des organismes ou des organisations mal intentionnées, pour, à dessein, heurter une ou un élu, s'arrangeraient pour la mettre en porte-à-faux avec les dispositions ou l'articulation de cette loi dont nous parlons ce matin, si elle était adoptée? Est-ce que la fragilisation de la députée ou du député, en l'occurrence, est quelque chose qui la préoccupe ce matin? Ça, c'est ma première question.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Alors, mon collègue s'inquiète que l'amendement prévu à l'article 3 viendrait fragiliser les statuts des élus et plus particulièrement parce que ça nous interpelle ici, le statut des élus de l'Assemblée nationale.

Ce que je vous dis, c'est que l'obligation de neutralité... du respect, pardon, de la neutralité religieuse de l'État, qui découle de cet amendement-là, est tout à fait compatible avec les principes qui guident déjà nos actions en notre qualité d'élus. C'est-à-dire que nous devons, lorsque nous lisons le code d'éthique, lorsque nous lisons les valeurs qui sont les nôtres ici, à l'Assemblée nationale, nous avons un devoir envers les citoyens d'agir en toute impartialité et avec sagesse, bref, suivant les grands principes que l'on retrouve à l'article 6.

Ce devoir de neutralité religieuse s'inscrit tout à fait dans ce contexte-là puisque le devoir de neutralité religieuse implique simplement de ne pas favoriser et de ne pas défavoriser un citoyen. Je peux très bien comprendre puis je sais, pour avoir échangé avec la députée de Taschereau, avec notre collègue de Montarville, que certains... et même pour moi-même y avoir goûté, nous sommes la cible de citoyens qui sont parfois mal intentionnés. Personne ici n'est à l'abri, puis je pense qu'on est quelques-unes ici à y avoir goûté pour différentes prises de position.

Et je tiens à vous rassurer que cette disposition-là s'interprète vraiment en parallèle avec notre code d'éthique. Donc, il ne faut pas voir là soudainement une attaque frontale à l'indépendance, au jugement d'un élu qui, confronté à une demande, l'analyse et dit : Je ne suis pas en accord. Au même titre qu'on est actuellement sujets à ces obligations-là. On ne vient pas dénaturer les obligations qui sont les nôtres, au contraire, parce que cette neutralité implique une impartialité, une impartialité avec laquelle nous devons agir actuellement à l'égard des citoyens et des citoyennes qu'on représente. Ça nous permet et ça nous permettra de refuser une demande que l'on considère manifestement déraisonnable ou qui n'est... notre collègue soutenait tout à l'heure : est-ce que ça m'empêcherait, en raison de certaines valeurs, de refuser des rencontres? Non, parce que ça s'inscrit dans ce contexte aussi qui est le nôtre. Les élus peuvent toujours refuser des rencontres. Mais il faut simplement que cette... il faut simplement éviter de favoriser ou de défavoriser, au même titre qu'un élu, par exemple, parce qu'on a beaucoup parlé de rencontres, un élu qui favoriserait exclusivement certaines personnes en raison, justement, de leur communauté religieuse, parce que les élus ont aussi cette liberté de religion. Un élu qui agirait... on ne souhaite pas ça. Je suis persuadée qu'ici ce serait dénoncé haut et fort s'il y avait un favoritisme à l'égard d'une communauté religieuse à laquelle appartiendrait un élu. C'est un peu le même principe.

Donc, on ne défavorise pas et on ne favorise pas des citoyens, des groupes en raison de leur appartenance ou de leur non-appartenance, maintenant, tout ça, dans un contexte où, comme élus, on a des devoirs et on doit respecter des valeurs, et ce sont des valeurs qui s'inscrivent dans le cadre d'une société libre et démocratique, des valeurs de respect de l'autre, de respect de l'opinion de l'autre. Si, par exemple, je n'acceptais de rencontrer que des gens partageant la même opinion que moi sur des sujets, je défavoriserais des citoyens.

Tout le monde ici, nos portes sont ouvertes à tous les citoyens, peu importent leurs affinités politiques. C'est la même chose, ma porte de bureau de circonscription est ouverte à tous, peu importe... Je n'ai pas à me questionner sur l'adhésion, la non-adhésion à un parti politique pour un citoyen qui cogne à la porte de mon bureau. Je serais tout à fait à l'encontre des règles de notre code actuel si je refusais, par exemple, de vous rencontrer, citoyens de mon comté, membres du Parti québécois. J'irais à l'encontre de notre code d'éthique en ma qualité d'élue de l'Assemblée nationale, et ce serait dénoncé haut et fort. C'est exactement la même chose.

• (11 h 20) •

Maintenant, le projet... la demande de rencontre, parfois, peut être non fondée. Vous pouvez demander de me rencontrer relativement à un dossier qui est devant les tribunaux, par exemple, et à ce titre, je vous dirais : Désolée, l'article 35 de la Loi sur l'Assemblée nationale ne me permet pas de m'impliquer dans un dossier qui est pendant devant les tribunaux. Mais alors c'est l'objet de la rencontre qui vient déterminer si on se rencontre ou si on ne se rencontre pas. Ce n'est pas vous, citoyen de mon comté, en raison du fait que vous êtes... vous avez milité, vous étiez bénévole, par exemple, pour mon adversaire d'une autre formation politique. Ça, je ne pourrais pas, j'irais à l'encontre de nos valeurs, même si... Ça irait à l'encontre de ces valeurs d'impartialité, de sagesse, de respect, d'écoute, d'ouverture.

Donc, c'est exactement la même chose, on le prévoit parce que cette loi-là parle... est une loi qui vient décréter ce principe de neutralité religieuse de l'État, et des employés de l'État, et de ceux et celles qui sont représentants de l'État. Donc, on précise que cette loi, par l'amendement, par le biais de l'amendement, s'applique aux élus, mais tout ça dans le contexte de ce code d'éthique qui est le nôtre.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Bourget, vous comprenez que Mme la ministre a dépassé son cinq minutes un petit peu, là, mais je pense que les explications étaient importantes et qu'elles répondaient à nos interrogations.

M. Kotto : Absolument, les explications étaient très pertinentes parce que... la portée était même pédagogique, je dirais. Ce qui vient renforcer mon commentaire précédent à l'effet que nous sommes effectivement dans un échange portant sur la question de la neutralité de l'État, mais pas de la laïcité, parce que, quand il est question de laïcité, d'entrée de jeu, on est dans la logique de la séparation du religieux de l'État, mais ce n'est pas le sujet qui nous occupe ici aujourd'hui. La ministre assume parfaitement la perspective qui nous est proposée à travers son projet de loi, et cette perspective permet, par ailleurs, de faire le comparatif entre le politique et le religieux, ce qui serait beaucoup plus difficile dans le cas d'un débat sur la laïcité, parce que comparer le politique au religieux sur la base d'un échange sur la laïcité serait incongru. Mais je comprends la logique de sa perspective des choses.

Maintenant, la ministre a parlé de l'objet et faisait référence au rôle qui nous incombe en tant qu'élus relativement à notre code d'éthique et de déontologie, soulignant une marge de manoeuvre possible dans le cadre qui nous occupe aujourd'hui chez l'élu, marge qui lui permettrait de refuser de recevoir quelqu'un en exigeant ou en demandant l'objet de la rencontre préalablement à l'accueil.

Si, de façon subjective, l'élu décide, à l'aune de l'objet qui lui est présenté, qu'il ou qu'elle ne recevra pas l'individu, est-ce que nous sommes protégés à l'effet que nous ne donnons pas dans l'arbitraire? Parce que peut-être que, de la perspective du citoyen ou de la citoyenne, l'objet ne bénéficierait pas de la même lecture, question de perspective. Donc, c'est ça, ma question. Est-ce que nous ne pourrions pas, demain, si le projet de loi est adopté tel quel, avec cette articulation, s'exposer à des procès en arbitraire? Et c'est ce que ma collègue de Taschereau tentait d'expliquer tout à l'heure. Le principe, c'est : On ne veut pas être poursuivis, parce que c'est une perte de temps, perte d'énergie, perte d'argent pour l'État, notamment. Si on pouvait se tenir à l'abri de ce genre de situations qui peuvent arriver, est-ce qu'il ne vaudrait pas mieux, dans l'amendement, apporter un sous-amendement qui permettrait — je ne vais pas le définir, le sous-amendement, mais... je laisse cet exercice à la portée de la ministre — un sous-amendement qui viendrait protéger l'élu dans le cadre de cette marge de manoeuvre en lien avec l'objet de la demande de rencontre que la citoyenne ou le citoyen présenterait?

Je reviendrai après sur les citoyens versus les organisations, parce que j'aimerais avoir une précision là-dessus aussi.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Cette protection quant à, je dirais... la protection quant à l'arbitraire est déjà prévue dans les mécanismes dans la mise du Commissaire à l'éthique parce qu'actuellement, là, personne n'est à l'abri, il n'y a pas un élu qui est à l'abri d'un citoyen qui décide de soumettre une situation au regard du Commissaire à l'éthique et à la déontologie, c'est déjà prévu. C'est-à-dire qu'un citoyen qui considère qu'on va à l'encontre de notre code d'éthique parce qu'une demande de rencontre a été refusée, parce qu'on a porté ou pas un message en cette Assemblée, on a porté ou pas un projet de loi, il y a des citoyens qui saisissent le Commissaire à l'éthique, et le Commissaire à l'éthique, dans un premier temps, détermine s'il y a lieu ou pas de se pencher sur la question, justement, à la lumière de ces dispositions-là. Alors, ça ne change absolument rien parce que le Commissaire à l'éthique va entreprendre sa démarche s'il y a lieu d'investiguer. Quelque chose qui serait manifestement non fondé serait rejeté.

Alors, j'essaie de comprendre, parce qu'à partir du moment où cette impartialité est déjà un devoir, constitue déjà une obligation. Ce devoir d'agir... de sagesse, de justice, de respect que l'on retrouve à l'article 6, ces termes-là sont là. Nous avons, comme élus, ce devoir-là, ce qui amène, on peut résumer, comme une certaine impartialité. Alors, d'assujettir ou de prévoir, comme on le prévoit à l'amendement, que les élus sont assujettis au principe de la neutralité, ce n'est pas contraire aux principes qui sont déjà énoncés au code.

L'autre petite parenthèse que je souhaite faire, notre collègue disait : Si nous parlions de laïcité, nous reconnaîtrions très clairement qu'il y a séparation du religieux de l'État et de ses institutions. Ça, on l'a reconnu la semaine dernière lorsqu'on a étudié le préambule. Le préambule fait état de ce fait-là. Au Québec, il y a une distinction entre l'État et ses institutions et la religion. Alors, on parle de neutralité religieuse, mais ce principe-là, il est là, il est reconnu, je ne le... Dans les amendements déposés, c'est prévu, c'est clair. Alors, nos dispositions, le préambule, l'objectif du préambule, c'est aussi de bien préciser le contexte dans lequel les articles du projet de loi s'inscrivent.

M. Kotto : Donc, si...

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Bourget.

M. Kotto : Oui, M. le Président, excusez-moi. Si l'objet présenté par le ou la commettante a une portée ou un contenu religieux, et ça, je me raccroche sur ce que vient de dire la ministre relativement au fait qu'il a été établi la semaine dernière, le principe de laïcité avec la séparation du religieux et de l'État, si, dans l'objet, il occurre que le religieux est bien présent — c'est un exemple — dans les circonstances, est-ce que l'élu serait légitimé de refuser une rencontre?

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

• (11 h 30) •

Mme Vallée : Si l'objet de la rencontre est de favoriser un projet en raison de son caractère religieux, bien, ça va à l'encontre du principe de neutralité, qui empêche de favoriser ou de défavoriser en raison... Parce que l'obligation de neutralité, c'est, en notre qualité d'élus, on ne doit pas favoriser ou défavoriser quelqu'un en raison du caractère religieux, ou de l'absence de religieux, ou l'absence de croyance.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Bourget, vos recherchistes sont très, très, très actifs.

M. Kotto : Oui, M. le Président. Oui. Non, mais c'est parce qu'il y a deux concepts qui s'opposent ici : la neutralité et la laïcité, la séparation claire, nette du religieux et de l'État que nous inspire le principe de laïcité, mais la neutralité qui en même temps vient comme un élément antinomique à la laïcité, nous obligeant de s'ouvrir à un contenu, un objet à connotation religieuse. C'est ça que je comprends dans ce que dit la ministre.

Et cela inspire une question : Est-ce que notre soutien à l'action bénévole... Par exemple, on a une représentation d'un groupe ou d'une commettante à l'effet de soutenir son groupe, son Église avec le SAB, le soutien à l'action bénévole. Est-ce que, par cet exemple, M. le Président, la ministre peut nous dire si, oui ou non, nous sommes couverts si d'aventure nous refusions d'apporter le soutien à l'action bénévole à cet organisme religieux?

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Vous savez, M. le Président, les députés reçoivent un nombre impressionnant de demandes formulées au soutien à l'action bénévole. Les députés ont tout le loisir d'accepter ou de refuser les demandes qui leur sont formulées. L'objectif de cette disposition-là, c'est que le caractère religieux ou non religieux ne soit pas utilisé pour favoriser ou défavoriser quelqu'un.

Et, pour ce qui est du soutien à l'action bénévole, il y a des demandes, tellement, et chaque député... Et je me souviens, je pense qu'on avait utilisé l'exemple du soutien à l'action bénévole, justement, lors du code d'éthique. Pour l'utilisation du soutien à l'action bénévole pour aider des organismes qui avaient une connotation politique, ou tout ça, je pense qu'il y avait eu un échange sur cette question-là à l'époque. Mais, ceci étant dit, il appartient à chaque député de déterminer la répartition de son enveloppe de soutien à l'action bénévole. Mais un député qui, par exemple, donnerait... ou identifierait comme étant les seuls bénéficiaires de son soutien à l'action bénévole les organismes qui partagent, par exemple, sa croyance religieuse pourrait, à mon avis, se placer dans une situation contraire où il y aurait clairement du favoritisme à l'égard d'une croyance religieuse. Mais rien n'empêche un député de soutenir différentes organisations de sa circonscription à travers son soutien à l'action bénévole. Mais quelqu'un qui prendrait son soutien à l'action bénévole et le donnerait exclusivement au bénéfice d'une organisation ou de groupes en raison du caractère religieux, là, nettement, viendrait favoriser... Parce qu'il faut aussi voir cet aspect-là, là. Est-ce que l'on permet à un député, dans le cadre de ses fonctions, de favoriser des gens en raison de leurs croyances religieuses? On ne le souhaite pas, mais c'est la même chose, on ne défavorise pas... Alors, tout simplement, l'interaction se fait de façon tout à fait impartiale à l'égard du caractère ou non religieux. Mais le soutien à l'action bénévole, c'est un très bel exemple.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Bourget. Ça va? Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Oui, M. le Président. Une question toute simple : Si quelqu'un considère que le député ou l'élu municipal — parce que les élus municipaux sont couverts aussi par ça — enfreint la loi, devant qui est-il poursuivable? Devant qui est le recours qu'il peut présenter?

Mme Vallée : Bien, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, quelqu'un qui considère qu'un député va à l'encontre de ces règles-là peut saisir le Commissaire à l'éthique.

Mme Maltais : M. le Président, le Commissaire à l'éthique ne gère que le code d'éthique. Ce n'est pas une modification au code d'éthique.

Mme Vallée : Bien, ce n'est pas une modification au code d'éthique, mais c'est quand même dans le cadre des fonctions d'élu.

Mme Maltais : Non, M. le Président, le Commissaire à l'éthique gère le code d'éthique. Alors, comme ce n'est pas devant le Commissaire à l'éthique qu'un citoyen peut aller, je répète : Où est-ce que la personne pourra aller se plaindre? Parce qu'il y a un choix de fait de ne pas aller... Moi, là, je... M. le Président, vous êtes président de la Commission des institutions, on a passé un an à traiter du rapport du commissaire, la collègue de la ministre est en train de préparer une réforme du code d'éthique. Je ne comprends pas pourquoi ça arrive ici au lieu d'arriver dans la réforme du code d'éthique.

Maintenant, comme ce n'est pas dans le code d'éthique et ce n'est pas soumis au Commissaire à l'éthique... Qui nous rappelle souvent, combien de fois nous a rappelé : Je ne suis là que pour gérer le code. La ministre, là, il faut qu'elle sache que c'est ça, la position du commissaire. Puis moi, je le sais, j'ai été porte-parole en éthique pendant des années.

Alors, devant qui le citoyen doit-il se plaindre?

Mme Vallée : Mais le comportement de l'élu... Parce que le code d'éthique nous impose un devoir d'impartialité dans... Bien, dans son libellé, c'est le fait d'agir avec justice, avec respect, avec sagesse. Ça impose au député un certain standard.

Mme Maltais : M. le Président, je répète ma question, à laquelle je n'ai pas de réponse : Si un citoyen se plaint en fonction de l'article, l'amendement du projet de loi n° 62... La neutralité religieuse ne fait pas partie du code d'éthique. Si un citoyen, ou une citoyenne, ou une organisation religieuse — puis c'est bien plus de ça dont j'ai peur — une organisation religieuse se plaint, devant qui cette personne ira-t-elle porter plainte? La CDPDJ? Une cour de justice? Je veux savoir. C'est simple, ça, comme question.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme Vallée : M. le Président, la question de notre collègue... Parce que tout est un enjeu de contexte. Nous avons des grandes règles qui imposent ce devoir. Un citoyen qui considère qu'un élu enfreint les valeurs et principes éthiques... Et, moi, je vous dis, le respect de la neutralité religieuse s'inscrit très bien du fait que l'élu est au service du citoyen et que l'élu a un respect envers l'Assemblée nationale, envers le fonctionnement de l'Assemblée nationale, envers l'ensemble de la société, et donc, si un citoyen considère que l'élu enfreint les valeurs et principes éthiques du code, il se dirige vers le Commissaire à l'éthique.

• (11 h 40) •

Mme Maltais : Bien non, M. le Président, c'est parce que ce n'est pas le code d'éthique des députés qu'on est en train de débattre, c'est du projet de loi n° 62 sur la neutralité religieuse de l'État, qui n'est pas un projet de loi... C'est un projet de loi qui, actuellement, m'enlève, moi, des droits. Et je suis une laïque, je ne suis pas neutre religieusement, je suis une laïque. Je ne suis pas neutre et j'ai un devoir politique parfois de prendre la parole et de dire : Ceci est une secte, je refuse de les rencontrer. C'est un geste politique, c'est une déclaration politique.

On m'enlève des droits, M. le Président, et on ne le fait pas à travers le code d'éthique des députés de l'Assemblée nationale, on le fait à travers une loi sur la neutralité religieuse, qui n'est même pas une loi sur la laïcité, et l'État est laïque. Alors, comprenez, là, je veux bien, là, entendre toutes sortes d'affaires, là, comme : Ils iront devant le Commissaire à l'éthique. Le Commissaire à l'éthique a eu plusieurs jugements où il dit : Je ne m'occupe que du code, ce n'est pas dans le code. Ça, c'est une loi sur la neutralité religieuse de l'État. Je demande à la ministre : Devant qui quelqu'un qui se plaint du comportement non neutre d'un député comme moi — et je sais ce que je dis, là, parce que je l'ai déjà fait — devant qui cette personne ira-t-elle se plaindre? Devant une cour de justice, devant la CDPDJ, vu que ce n'est pas le Commissaire à l'éthique? C'est juste ça que je demande, une vraie réponse.

Mme Vallée : Il y a une vraie réponse que je souhaite donner à ma collègue. Parce que ma collègue dit : En tant que laïque, je perds des droits. C'est faux.

Mme Maltais : Non, en tant que députée de l'Assemblée nationale que je perds des droits. Attention...

Mme Vallée : Non. Le...

Mme Maltais : Non, non, ne mélangeons pas les concepts, là. Je suis une députée de l'Assemblée nationale qui est gérée par un code d'éthique. Aujourd'hui, une loi m'oblige à un devoir de neutralité religieuse envers des corporations religieuses. Je veux savoir... Mais je n'ai jamais dit qu'on m'enlevait des droits comme laïque. Je dis que je suis laïque. J'ai donc un système de pensée et des convictions profondes, puis je n'aime pas les sectes. Alors, je veux savoir... Puis je suis gérée par un code d'éthique puis, croyez-moi, je le connais. Alors, je veux savoir — et je veux avoir une vraie réponse, là — devant qui un citoyen va me poursuivre... ou une corporation religieuse, surtout. Comme ce n'est pas devant le Commissaire à l'éthique, c'est devant qui?

Mme Vallée : Un, ce projet de loi là vient justement respecter la liberté de croyance de tous les députés de l'Assemblée nationale, c'est-à-dire que le fait que notre collègue soit laïque est respecté au même titre que le fait que nous ayons des collègues de confession juive, des collègues de confession musulmane, des collègues d'autres confessions religieuses. Et cette obligation de neutralité vient justement protéger le tout, vient protéger ces croyances-là. Et, M. le Président, on veut entrer dans une série de cas d'espèce ici, alors que nos conduites, notre conduite comme députés, nos valeurs, nos principes éthiques en tant que députés sont régis par le Commissaire à l'éthique. Quelqu'un qui en a contre nos valeurs et notre comportement comme élus va se reporter au Commissaire à l'éthique.

Le Président (M. Ouellette) : Je vais suspendre quelques minutes.

(Suspension de la séance à 11 h 44)

(Reprise à 12 h 12)

Le Président (M. Ouellette) : Nous reprenons nos travaux. Nous en étions à l'étude de l'amendement proposé par Mme la ministre introduisant l'article 0.1° avant le paragraphe 1° de l'article 3 et nous en étions aux commentaires et aux préoccupations de Mme la députée de Taschereau. Relativement à ses commentaires relativement au code de déontologie, la présidence et ainsi que les parlementaires ont besoin d'aller chercher un peu plus d'informations relativement aux discussions qui ont eu lieu touchant le code d'éthique. Et, puisque les parlementaires avaient manifesté le désir de suspendre après les discussions l'étude de cet amendement de Mme la ministre introduisant 0.1° afin de permettre, dans un premier temps, la présentation aux caucus des différentes formations politiques de cet amendement et pour poursuivre plus à fond l'étude des préoccupations soulevées par les différents parlementaires, de consentement nous allons suspendre l'étude de l'amendement de la ministre. J'ai votre consentement?

Des voix : Consentement.

Le Président (M. Ouellette) : Et nous allons continuer, c'est-à-dire nous allons continuer l'étude de l'article 3, parce qu'il semblerait qu'il y a quelques préoccupations qui doivent être éclaircies, avant de suspendre cet article 3 et de passer à l'article 4. Donc, pour la première intervention, pour ce que je viens de mentionner à l'article 3, Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Merci, M. le Président. Je trouve que c'est une sage décision qui vient d'être prise d'aller vraiment prendre des informations complètes. Puis déjà la ministre avait accepté qu'on reporte à nos caucus et tout. Ça fait que je trouve ça sage de la part de tout le monde.

Sur l'article 3 comme tel qui est déjà dans la loi, une question que je posais... On a reçu en commission parlementaire la FMOQ... non, la FMSQ, Fédération des médecins spécialistes du Québec. Je me souviens encore de l'appel de la présidente sur l'obligation d'essayer de gérer l'apparition du phénomène religieux dans les établissements de santé, les personnes qui ont des convictions religieuses très fortes et qui, à certains moments, pouvaient exprimer ces convictions de façon un peu plus radicale. On a même parlé de gestes de violence envers des médecins, et tout ça, une espèce d'incompréhension de la façon dont on fonctionne, probablement, et de la façon dont les rapports entre les gens doivent s'exercer dans le système de santé, qui est laïque. Au paragraphe 7°, on nous dit qu'un médecin, un dentiste ou une sage-femme est couvert par l'application du présent chapitre «lorsque cette personne exerce sa profession dans un centre exploité par un établissement public visé au paragraphe 6° du premier alinéa de l'article 2». J'aimerais bien qu'on nous explique la portée de cet article. Puis je ne conteste pas l'article, là, tout à fait, il y a un devoir de neutralité religieuse. Moi, je crois qu'il y a un devoir de laïcité, mais il y a un devoir de neutralité religieuse. Mais, par rapport à des exemples qui ont été soumis, comme par exemple un homme qui refuse qu'un homme médecin voie sa femme, est-ce que le fait de demander, d'avoir cette exigence religieuse peut être refusé? Est-ce que cette demande-là peut être refusée par le médecin en disant : Non, non, c'est moi qui est disponible, c'est moi, c'est tout?

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme Vallée : En fait, ce que je comprends, c'est que la personne qui est dans un établissement de santé qui ne souhaite pas recevoir les services d'un homme ou d'une femme en raison de ses croyances religieuses formule une demande qui est une demande d'accommodement pour motif religieux et qui est analysée suivant les critères de l'accommodement. L'article 3 prévoit que... Dans le fond, ici, on n'est pas dans la demande d'accommodement, on est vraiment à l'assujettissement du principe aux médecins, aux dentistes, aux sages-femmes qui oeuvrent dans nos CLSC, dans nos centres hospitaliers, dans nos centres de protection de l'enfance, dans nos centres d'hébergement puis dans nos centres de réadaptation. Donc là, on n'est pas dans l'accommodement, ça, on va voir les demandes d'accommodement à l'article 10, mais ici on fait tout simplement indiquer que le devoir de neutralité religieuse, il incombe aux médecins, dentistes, sages-femmes qui pratiquent dans ces établissements-là.

Mme Maltais : Donc, M. le Président, si je comprends bien, cette demande serait considérée comme une demande d'accommodement.

Mme Vallée : Oui. On verra à l'article 10 la grille d'analyse, les modalités d'analyse d'une telle demande.

Mme Maltais : Mais, en situation d'urgence — parce que, dans le monde de la santé, c'est vraiment ce dont nous avait parlé la présidente de la FMSQ — en situation d'urgence, quel va être le... quel équilibre y a-t-il entre une demande d'accommodement et un devoir de neutralité mais un besoin de rendre un service?

Mme Vallée : On va le voir à l'article 10, on entre dans la question de la contrainte excessive. Les situations d'urgence, lorsqu'il s'agit d'une question de vie ou de mort, on donne les services, là. L'objectif, c'est que la personne puisse être soignée. Mais on revient... À l'article 10, on aura la chance de revoir ce qu'implique la contrainte excessive. L'objectif, c'est de ne pas mettre en péril la vie d'une personne.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Pour le moment, ça me va. Je vais voir s'il y a d'autres qui ont des...

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Montarville, est-ce qu'il y a d'autres questions? Il y a d'autres questions? Juste avant... M. le député de Bourget, c'est correct? M. le député de Saint-Jérôme, c'est correct? Mme la députée de Montarville. Et je vais aller à vous, M. le député de Gouin, si vous aviez une autre intervention à l'article 3, tantôt. Si vous en avez une autre, après Mme la députée de Montarville, je vais aller à vous, si vous avez autre chose à l'article 3. Mme la députée de Montarville.

Mme Roy : Oui, merci beaucoup, M. le Président. Je dispose de combien de temps, juste pour m'assurer, là, que je...

Le Président (M. Ouellette) : Bien, là je vous laisse... À moins que vous teniez jusqu'à la suspension à 12 h 30, là.

• (12 h 20) •

Mme Roy : Parfait. Non, je serai brève. Je comprends que l'article 3 sera suspendu, mais, justement, par souci de précision, pour obtenir des précisions, l'article 3, donc, soumettrait les députés que nous sommes tous ici à ce projet de loi n° 62. Mme la ministre disait : Un député a une obligation d'impartialité. J'ai pris la note lorsque vous le disiez parce que ça m'interpelle. On parlait de l'article 6 de notre code de déontologie. Je sais qu'il y a une refonte, mais l'article de base demeure, la conduite du député. Et, dans cet article-là que je vous ai lu tout à l'heure, on ne dit pas que le député a une obligation d'impartialité. Non, on parle ici de sagesse, d'honnêteté, de sincérité et de justice. Le mot «impartialité» apparaît uniquement lorsqu'on parle du Commissaire à l'éthique, qui, lui, a une obligation d'impartialité.

Cela dit, je vous soumettrais bien respectueusement, Mme la ministre, que je suis en désaccord avec vous, qu'on n'a pas la même interprétation de cet article 6 et de cette obligation que vous nous créez, parce qu'elle n'est pas là, parce qu'au contraire un député, ça fait partie de ses fonctions de trancher, de décider, de choisir. Et, lorsque l'on fait cela, Mme la ministre, on ne plaît pas à tous et, non, on n'est pas impartial, et c'est important de le souligner. C'est l'essence même du travail de député que de choisir, que de décider, que de trancher, que de prendre une décision. Cependant, je suis d'accord de le faire avec sagesse, honnêteté, sincérité et justice.

Vous me parlez de justice, Mme la députée. Je vous dirais que le juge n'est pas impartial parce qu'il tranche. Nous avons la même obligation de trancher ne serait-ce qu'à l'égard des citoyens, des gens, des groupes, des lobbys qui veulent nous rencontrer. Et là ce que vous nous créez, c'est que vous nous créez une obligation supplémentaire nous disant que nous ne pourrions pas refuser quelqu'un pour un motif religieux parce que nous sommes en désaccord avec ses pratiques extrémistes qui sont contraires à nos valeurs. Et là je ne vous suis pas et je dis non. J'ai une liberté d'expression en tant qu'élue et j'ai le droit de refuser quelqu'un qui n'adhère pas aux valeurs québécoises. Et, pour moi, c'est extrêmement important.

Donc, pour ce qui est du mot «impartialité», j'aimerais qu'on puisse vérifier l'obligation d'impartialité. Ma compréhension, et je vous dis qu'on n'est pas d'accord ici, il n'y a pas cette obligation d'impartialité de par la tâche même de nos fonctions. Nous devons trancher, nous devons choisir, et ça ne fait pas, des fois, l'affaire de tous. Des fois, il y a des groupes de lobby, de pression qui veulent nous voir, faire de la pression sur nous pour différents sujets. Prenons peut-être des groupes d'extrême droite, tiens, je refuse de les rencontrer. Est-ce que je suis illégale à leur égard parce que je suis impartiale?

Le Président (M. Ouellette) : Non. J'ai l'impression, Mme la députée de Montarville, qu'on revient un peu dans l'amendement à 0.1°, et, ma compréhension, de permettre un débat sur l'article 3, c'était pour toucher les autres paragraphes de l'article 3 s'il y avait une certaine clarté à demander par rapport à 2°, 3°, 4°, 5°, 6° et 7°. Parce que votre propos s'inscrit très bien dans l'étude que nous venons de suspendre, à 0.1°, et dont vous pourrez reprendre, que ce soit en sous-amendement, quand il reviendra à l'ordre du jour. Ça fait que je vous demanderais, si vous avez d'autres commentaires à l'article 3, avant que je le suspende, mais touchant tout autre chose que les députés, de me le mentionner.

Mme Roy : Je vous remercie pour la précision, M. le Président. C'est justement parce que c'est une précision que j'ai demandée à Mme la ministre pour qu'on puisse traiter éventuellement... qu'elle nous dise où elle prend cette obligation d'impartialité, tout simplement, puisque nous allons y revenir et que je ne suis pas d'accord avec la lecture qu'elle fait, l'interprétation qu'elle fait à cet égard-là. Je pense que c'est important de le souligner à cette étape-ci. Alors, voilà. Ça va clore...

Le Président (M. Ouellette) : ...commentaire, Mme la députée de Montarville. M. le député de Gouin, est-ce qu'il y a un autre commentaire que vous voulez rajouter à l'article 3? Donc, de consentement, nous allons suspendre l'étude de l'article 3. J'ai votre consentement, merci.

Article 4. Mme la ministre, pour lecture.

Mme Vallée : Oui. Il y a un amendement qui est présenté...

Le Président (M. Ouellette) : ...mais je veux...

Mme Vallée : Oui, oui, mais je voulais simplement rappeler, pour le bénéfice des gens qui n'ont pas le cahier devant leurs yeux, qu'il y a un amendement à l'article 4.

Je vais lire l'article 4, tel qu'il a été initialement présenté : «Devoir des membres du personnel des organismes publics.

«4. Un membre du personnel d'un organisme public doit faire preuve de neutralité religieuse dans l'exercice de ses fonctions.

«Il doit veiller à ne pas favoriser ni défavoriser une personne en raison de l'appartenance ou non de cette dernière à une religion.»

Le Président (M. Ouellette) : Votre commentaire.

Mme Vallée : Alors, c'est un article qui impose l'obligation à un membre du personnel d'un organisme public de faire preuve, dans l'exercice de ses fonctions, de neutralité religieuse. Donc, ça veut dire que la personne doit exercer ses fonctions avec toute l'objectivité nécessaire et indépendamment de ses opinions, de ses propres opinions et croyances en matière religieuse ainsi que de celles de la personne à qui est rendu un service public.

Le Président (M. Ouellette) : Vous allez nous proposer un amendement.

Mme Vallée : Et en fait je veux simplement, oui, vous présenter un amendement qui se lit comme suit : «4. Le respect du principe de la neutralité religieuse de l'État...» En fait : Remplacer l'article 4 par le suivant :

«4. Le respect du principe de la neutralité [...] de l'État comprend notamment le devoir pour les membres du personnel des organismes publics d'agir, dans l'exercice de leurs fonctions, de façon à ne pas favoriser ni défavoriser une personne en raison de l'appartenance ou non de cette dernière à une religion, ni en raison de leurs propres convictions ou croyances religieuses ou de celles d'une personne en autorité.»

Bien, en fait, c'est un libellé qui est présenté et qui vise... préciser... parce qu'on ne retrouvait pas, dans le libellé initial, la référence à leurs propres croyances religieuses ou celles d'une personne en autorité. Donc, ça vient indiquer que, dans le fond, la prestation de services ne doit pas être teintée par une pression faite par la personne en autorité fondée sur des valeurs religieuses ou une absence de valeurs religieuses qui viendraient teinter la prestation de services. Donc, c'est vraiment un devoir d'équité à l'égard des citoyens, un devoir d'équité quant à la prestation de services qui est rendue, indépendamment de l'appartenance ou de la croyance, de la non-croyance, donc en tout respect de la liberté de religion.

Le Président (M. Ouellette) : Merci. Mme la députée de Taschereau, je ne veux pas vous faire commencer vos commentaires alors qu'il nous reste 1 min 30 s et que vous soyez obligée de me recommencer ça à 3 heures. Donc, si vous n'avez pas d'objection... puis je ne voudrais pas vous couper votre inspiration, parce que nous terminerons dans 90 secondes.

Donc, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 14 heures, où nous allons poursuivre notre mandat dans cette même salle. Et nous pourrons entendre d'un seul jet vos commentaires, Mme la députée de Taschereau.

(Suspension de la séance à 12 h 28)

(Reprise à 14 h 8)

Le Président (M. Ouellette) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des institutions reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

Je vous rappelle que la commission est réunie afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 62, Loi favorisant le respect de la neutralité religieuse de l'État et visant notamment à encadrer les demandes d'accommodements religieux dans certains organismes.

Document déposé

Avant de débuter nos travaux, je dépose sur le site de la commission une lettre reçue il y a quelques minutes de la Fédération des maisons d'hébergement pour femmes en réaction à la lettre qui avait été déposée ce matin, des organismes communautaires, à preuve que plusieurs citoyens sont intéressés par l'étude du projet de loi n° 62 et qu'ils suivent nos travaux. D'ailleurs, on les encourage à nous écrire pour alimenter le travail des parlementaires, pour qu'on puisse être en mesure de faire la meilleure loi possible, comme dans tous les travaux que nous faisons jusqu'à date.

Avant la suspension de ce matin, nous en étions... Mme la ministre venait de nous lire l'article 4 parce que nous avions suspendu l'étude de l'amendement 0.1° de l'article 3 et nous avions aussi suspendu l'article 3. La lecture de l'article 4 et de l'amendement de la ministre avait été faite. Et la présidence avait suspendu, vu le peu de temps, pour permettre à Mme la députée Taschereau de ne pas commencer son intervention, qui aurait été interrompue 90 secondes plus tard.

• (14 h 10) •

On m'informe que Mme la députée de Taschereau aurait une motion à nous présenter à ce stade-ci. Je vous écoute, Mme la députée de Taschereau.

Motion d'ajournement des travaux

Mme Maltais : Oui, M. le Président. Écoutez, on vient de voir, à l'article 3, à quel point le projet de loi avait besoin d'être étudié en profondeur. Et on sait que s'en viennent devant nous les articles qui concernent le visage découvert. Hier, le maire Labeaume a fait une sortie générale demandant à la société québécoise d'avoir des règles claires et d'agir sur le visage couvert ou découvert dans l'espace public. Nous pensons, au Parti québécois, que c'est une réflexion qui est entamée déjà par le projet de loi n° 62 puisque déjà le visage couvert et le visage découvert vont être balisés par cette loi. Nous pensons qu'il faudrait prendre une pause puis étudier sérieusement jusqu'où nous voulons aller soit dans cette loi soit dans des amendements qu'il pourrait y avoir. Alors, conformément à l'article 65, comme j'en ai le droit, je demande qu'il y ait un ajournement des travaux, M. le Président.

Le Président (M. Ouellette) : L'article 165?

Mme Maltais : 165.

Le Président (M. Ouellette) : Bon, une demande est faite en vertu de l'article 165. Pour le bénéfice des parlementaires, c'est une motion qui est déposée par Mme la députée de Taschereau, qui doit être mise aux voix par la suite, sans amendement, et qui ne peut être faite qu'une fois au cours d'une séance, sauf par le président ou un ministre membre de la commission. Elle ne peut être débattue, sauf qu'un représentant de chaque groupe parlementaire peut prononcer un discours de 10 minutes.

Pour le bénéfice de notre collègue de Gouin, il y a une décision qui a été rendue en 1992 qui nous informe qu'un député indépendant peut présenter une motion d'ajournement mais n'a pas droit de parole sur cette motion parce qu'il n'est pas membre d'un groupe parlementaire reconnu.

Donc, pour les besoins de la motion, en vertu de l'article 165, Mme la députée de Taschereau débutera, vous aurez 10 minutes, suivi... Ne bougez pas, je vous reviens, M. le député de Gouin. Mme la députée de Taschereau débutera, suivie de Mme la députée de Montarville. Et, du côté ministériel, ce sera Mme la députée de Verdun? Non, ce sera M. le député de La Prairie.

Je vous écoute...

Une voix : ...

Le Président (M. Ouellette) : Ça va être Mme la ministre? Ah! excusez-moi.

M. le député de Gouin, vous aviez une intervention?

M. Nadeau-Dubois : Je demande le consentement des membres de la commission pour pouvoir intervenir sur la motion d'ajournement.

Le Président (M. Ouellette) : Bon, est-ce qu'il y a consentement de la part des membres de la commission à ce que M. le député de Gouin puisse intervenir? Il y a consentement.

Donc, nous débutons par... Vous interviendrez, vous aurez 10 minutes, M. le député de Gouin. Mme la députée de Taschereau.

Mme Agnès Maltais

Mme Maltais : Merci, M. le Président. Écoutez, nous avons vraiment travaillé à l'avancement des travaux, les questions que nous avons posées à chaque fois se sont avérées pertinentes. Mais plus on avance dans les travaux, plus on réalise à quel point ce projet de loi mérite plus d'attention et plus d'éclaircissements.

Cette loi touche au visage découvert, cette loi va baliser la possibilité d'avoir un visage couvert ou découvert, selon les circonstances, pour les services qui sont donnés ou reçus de l'État, cette loi... Quand on est arrivés à des discussions sur la Société des transports de Montréal, les explications de la ministre quant à la portée de la loi ont été, à mon avis, insatisfaisantes. Nous avons eu, je pense... C'est là qu'on a réalisé à quel point la portée de la loi ne semblait pas solidement comprise par les intervenants gouvernementaux.

Hier, le maire de Québec, M. Labeaume, a fait un appel à la clarté aux hommes et femmes politiques en leur disant : Il faut qu'on institue des choses claires, les gens sont en train de virer à droite — je vais prendre l'expression — on voit une montée de l'extrême droite parce que les balises qui concernent le phénomène religieux ou le visage découvert ne sont pas assez claires. Puis il faisait référence, entre autres, aux événements de la fin de semaine, où on a eu face à face un mouvement d'extrême droite, La Meute, qui va grandissant et qui en est rendue à parler contre l'immigration, et on a eu en face un groupe d'extrême gauche qu'on va appeler le Black Bloc, qui fonctionnait à visage couvert dans une manifestation.

D'autres pays se sont penchés sur ces situations et ont légiféré sur le visage découvert, l'obligation de visage découvert. Des pays ont pris des obligations partielles, tous des pays démocratiques, je pense à l'Allemagne, je pense au Maroc. J'ai la liste ici : Allemagne, Maroc, Norvège, Pays-Bas. Il y a des obligations partielles... interdiction partielle du voile intégral. C'est le cas du Québec à travers le projet de loi n° 62. Nous assistons, avec l'étude de ce projet de loi là, à l'étude d'une interdiction partielle du visage découvert, y compris jusque dans les prestations de service des transports. On verra jusqu'où ça va, on est en train de le faire, on est en train d'interdire de façon partielle, mais l'explication de ce que ça va donner comme impact est très confuse.

L'autre chose, il y a d'autres pays qui ont interdit le voile intégral dans l'espace public de façon très claire : la France, la Belgique, la Suisse, l'Afrique de l'Ouest, le Cameroun, la Bulgarie, l'Autriche. Ce sont des démocraties. Ce sont des démocraties, pour la plupart, de très haut niveau : Belgique, France, Suisse, Autriche. Alors, ces démocraties ont légiféré. Nous sommes en train de le faire, nous aussi.

La proposition d'ajournement des travaux n'est pas à l'effet de ne pas adopter ou de ne pas voter le projet de loi n° 62. Je pense qu'il est possible tout à fait de passer au travers cet automne si on s'explique bien les choses, puis si on comprend bien les impacts de la loi, puis s'ils se réduisent à l'intention gouvernementale. Maintenant, est-ce qu'on pourrait ajourner pour entendre des gens qui ont vécu cette expérience et qui peuvent nous expliquer quelles sont les balises qu'on introduit dans une démocratie? Quelles balises ont été introduites en France? Comment ça a marché? Comment c'est appliqué? En Allemagne, comment c'est appliqué? Quelles sont les sanctions? Quelles sont... C'est important.

Et l'appel du maire Labeaume, c'est : Si vous ne gérez pas ça, vous laissez aux extrémistes, au radicalisme des germes de croissance, vous les laisser croître. Je rappellerai que, depuis 2007, commission Bouchard-Taylor, nous n'avons pas réussi à trouver de terrain d'entente. On est encore en train de chercher ce terrain d'entente puis on travaille de façon constructive sur le projet de loi n° 62, tout le monde l'a vu. Maintenant, je pense que, devant cette inquiétude d'une partie des Québécois et Québécoises... Parce que moi, je pense qu'ils sont inquiets, ils sont inquiets, et peu importe d'où c'est venu. Ça fait depuis Bouchard-Taylor, depuis 10 ans, ils demandent des réponses à leurs inquiétudes. On n'a pas trouvé de réponse à leurs inquiétudes. Et, quand on étudie le projet de loi n° 62, actuellement, moi, je crois qu'on n'a pas encore la réponse à leurs inquiétudes. Ce que j'ai entendu n'est pas, jusqu'ici, une réponse aux inquiétudes.

Alors, l'idée, c'est d'ajourner, d'entendre soit des gens de ces pays, c'est possible d'entendre des gens qui représentent la France ou la Belgique, le Cameroun, c'est possible, soit d'entendre des experts qui viendront nous donner une opinion sur ce qui s'est passé, factuelle, pas une opinion politique, une opinion factuelle sur l'applicabilité de ces mesures.

Ce qui est intéressant aussi, c'est que, dans la liste des pays que j'ai nommés, il y a des pays nordiques. Parce que l'autre difficulté qu'on a, c'est qu'en pays nordique il y a des moments où on veut se couvrir le visage. Bien, l'Autriche, la Suisse, une certaine partie de la France vivent cela aussi. La Norvège, la Norvège, c'est un pays qui est social-démocrate reconnu, la Norvège, qui est aussi un pays de neige et d'hiver. Bien, ils ont, eux, trouvé le moyen d'appliquer ça.

• (14 h 20) •

Alors, la demande que je fais, c'est : Pouvons-nous prendre une pause? On est déjà obligés d'en prendre une, là, pour l'article 3 parce qu'il faut consulter nos caucus, parce qu'on le voit, on touche à la conduite des députés. On va bientôt entrer dans la partie visage découvert, interdiction partielle d'avoir un visage couvert dans la société québécoise; pas dans l'espace public au complet mais assez large. Quand on parle de prestation de services de transport, est-ce que c'est toute la grandeur du trajet ou c'est juste l'entrée dans le service de transport? Moi, je pense qu'une prestation de services, ça va jusqu'à la fin, donc jusqu'à temps que tu débarques de l'autobus. Vous voyez dans quoi on s'en va, là. C'est là qu'on s'en va. La discussion va être là-dessus : Quand est-ce que ça commence? Quand est-ce que ça finit? Bien, les Québécois, ils veulent qu'on soit clairs sur quand est-ce que ça commence et quand est-ce que ça finit. C'est juste ça.

Alors, moi, j'ai bien entendu le message du maire Labeaume. Nous, on pense, au Parti québécois, qu'il a raison de dire qu'il y a des choses qui inquiètent les Québécois et Québécoises et que la montée de l'extrême droite est nourrie par cette inquiétude, elle est nourrie, et ça, c'est sérieux, c'est vrai. Hier soir, j'étais avec des gens de gauche, je n'étais pas dans la crème de droite, je dirais que j'étais dans la crème de gauche, et ils étaient unanimes à dire que le maire a raison. C'était l'unanimité, dans le groupe où j'étais, pour dire : Il a raison, on est en train de nourrir l'extrême droite par l'inquiétude via notre incapacité à régler le problème du visage découvert sur la... y compris les cagoules, là, comprenez bien, là, je suis aussi dans les cagoules dans les manifestations, et tout ça.

Alors, proposition : On ajourne la commission, on entend soit des experts soit des gens de ces communautés, puis on continue les travaux. Ça se fait, ça s'est déjà fait. On me dit qu'à la Commission de la santé et services sociaux, à un moment donné, ils ont interrompu une commission puis ils ont entendu la FMOQ, la Fédération des médecins omnipraticiens, pour clarifier une entente, puis après ça les travaux ont continué. Je suis dans le même esprit. Le Parti québécois ne veut pas être en obstruction ou en blocage. On n'est pas en mesure, à l'Assemblée nationale, d'ailleurs, de prolongation. D'ailleurs, on ne l'a pas fait, si vous avez remarqué, à l'Assemblée nationale. Il n'y a pas eu de motion de scission, de report. C'est vraiment pour éclairer non seulement les parlementaires, pour éclairer les Québécois et Québécoises, puis qu'on pose le meilleur geste, un geste responsable. Ce serait responsable que de dire : Nous avons besoin de clarifications. Je trouve ça extrêmement important à ce stade-ci.

Il s'agit donc, oui, d'une certaine réaction à ce qu'a dit le maire Labeaume. Je dirais aussi, M. le Président, commentaire de législateur ici, que c'est aussi une réaction à la façon dont se déroulent les travaux et à la façon dont on n'arrive pas à s'entendre sur la portée de certains articles du projet de loi. Je pense que la société y gagnerait qu'on prenne cette pause, qu'on aille chercher des avis d'experts et qu'on discute sérieusement de jusqu'où devrait-on étendre la portée du projet de loi n° 62. Peut-être devrait-on aller vers l'espace public, je ne le sais pas, mais je sais que j'aurais besoin d'experts pour l'entendre et le comprendre. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, Mme la députée de Taschereau. Mme la députée de Montarville.

Mme Nathalie Roy

Mme Roy : Merci, M. le Président. D'entrée de jeu, je vais annoncer mes couleurs. Je suis tout à fait d'accord avec le fait qu'on puisse entendre d'autres personnes. Mme la ministre nous l'a dit. D'ailleurs, elle a déposé ses amendements il y a deux semaines par souci justement d'information, pour qu'on soit informés. On a encore des caucus à rencontrer, qui vont commencer sous peu. Et force est de constater, à la lecture des amendements, qu'on en apprend beaucoup ce matin et qu'à la lumière des explications qu'ils nous ont données, au lieu de nous éclairer, je pense que ça ouvre la porte à beaucoup de controverse, d'interprétations différentes. On se pose des questions à l'égard de l'application du projet de loi.

Je n'ai qu'à penser à l'article 3, dont nous avons débattu pendant plus d'une heure ce matin. Personnellement, j'y apprends des choses qui m'inquiètent. On saura ultérieurement dans quelle mesure ça s'appliquera. On sait qu'à la lumière des explications que Mme la ministre nous a données elle souhaite soumettre les élus de l'Assemblée nationale au projet de loi n° 62, qui, je le rappelle pour les gens qui nous écoutent, est le projet de loi sur la neutralité religieuse de l'État et également encadrant les accommodements religieux. Et, lorsque questionné, on y apprend qu'on ne doit pas avantager ni désavantager quelqu'un compte tenu de sa religion, lorsqu'un fonctionnaire prend une décision, et on assimile les élus de l'Assemblée nationale à ces fonctionnaires, et je considère que c'est une erreur dans la mesure où on va jusqu'à dire que... Et la ministre, je lui ai posé la question deux fois, trois fois, les collègues également, nous dit qu'un élu, un député... Par exemple, chez moi, dans mon bureau, à Boucherville, je ne pourrais pas refuser de recevoir une personne qui est un religieux radical extrémiste, par exemple, je ne pourrais pas refuser de le recevoir parce que je suis en désaccord avec ses valeurs et ce qu'il prône, et que je pourrais m'ouvrir à des sanctions, du moins une plainte ou un blâme, et, Mme la ministre est allée jusqu'à dire, en vertu, entre autres, de notre code de déontologie des élus. Alors, moi, ça m'inquiète énormément, me faire dire ça. Et c'est ce qu'elle nous a dit, j'invite les gens à réécouter l'enregistrement, on va plus loin que ça, Mme la ministre nous dit que nous avons, en tant qu'élus, une obligation d'impartialité en vertu de l'article 6 de notre code de déontologie. Je lui dis avec tout respect que je n'ai pas du tout cette lecture, que nous n'avons pas cette obligation. Nous devons agir de façon équitable, juste, respectueuse, mais l'impartialité, bien, ça n'existe pas, parce que nous sommes des élus, nous prenons des décisions, nous tranchons, nous choisissons, nous faisons des choix, et, à partir du moment où on a le courage de faire des choix, ça ne fait pas l'affaire de tout le monde. Et, pour ces raisons, moi, j'ai trouvé extrêmement inquiétants, ce matin, les propos de la ministre à l'effet que nous pourrions nous exposer à une plainte pour ne pas recevoir un extrémiste religieux dans nos bureaux.

Et, comme je l'avais dit, d'ailleurs, lors de l'amendement qui a été adopté par la partie gouvernementale de l'article 1... Je vous ramène à la semaine dernière. L'article 1 a été modifié d'une façon incroyable. L'article 1 d'un projet de loi, pour les gens qui nous écoutent, il faut que vous compreniez que l'article 1, c'est l'objet de la loi, ce dont la loi va traiter. Et on vient d'ouvrir la porte, avec l'amendement qui a été adopté, qui nous a été présenté, à plus de religieux dans l'État, et, moi, ça m'inquiète, parce que ce nouvel article 1, il nous dit qu'il garantit la liberté de religion aux membres du personnel des organismes publics, que son objet, c'est d'assurer cette liberté de religion des membres du personnel. Moi, je croyais que l'objet, c'était, eh oui, la laïcité, bien naïvement, mais surtout la neutralité, qu'on sorte le religieux de l'État, alors que, non, au contraire, on vient dire qu'on veut assurer la liberté de religion. Ça, pour moi, ça semble être une valorisation du religieux dans l'État. Les grands juristes sauront nous le dire. Donc, ça, c'est pour l'article 1. Donc, on vient, là, d'ouvrir à davantage de religieux avec l'article 1.

Article 3, on nous dit que les élus de l'Assemblée nationale ne pourraient pas refuser de recevoir quelqu'un, même un radical extrémiste qui a des valeurs diamétralement opposées aux nôtres, qui ne croit pas à l'égalité entre les hommes et les femmes, parce que je pourrais être, en quelque sorte, blâmée, poursuivie. Et je demandais à la ministre... Je comprends qu'il y a la Commission des droits de la personne qui sera là pour faire respecter le projet de loi n° 62. Je lui ai demandé : Mais qui jugera? Elle nous dit : Également le commissaire à la déontologie. Très inquiétant. On vient s'immiscer dans le travail des élus, qui n'est pas un travail, qui est un mandat, un mandat de représentation. Moi, je suis là, M. le Président, pour parler au nom de mes citoyens et puis dire au gouvernement ce que mes citoyens pensent, et mes citoyens, à Boucherville et à Saint-Bruno, s'il y a une chose qu'ils ne veulent pas, c'est plus de religieux dans l'État. Et je pense que, tous les gens qui nous écoutent, c'est quelque chose qu'ils ne veulent pas. Ils se souviennent, au Québec, des autres années où le religieux était extrêmement présent. On n'a qu'à penser à... Je me souviens encore d'une dame qui me disait, naturellement, que les prêtres géraient la famille, là, et, si vous ne faisiez pas tant d'enfants, vous étiez en défaut. Donc, les Québécoises et les Québécois ont vécu cette oppression du religieux sur leur vie et avec une complicité de l'État à l'époque. Il ne faut pas oublier que le religieux était très présent dans l'État, et nous en sommes sortis, bonne chose, mais les gens nous disent : Attention, là, il ne faut pas que le religieux redevienne important. Et ça m'inquiète avec l'article 3.

Et la suggestion de la collègue de l'opposition officielle de faire revenir plusieurs personnes... On a pu constater juste entre nous que ce n'est pas clair, les définitions, que ce n'est pas clair et limpide. J'ai demandé trois fois ce matin à la ministre de la Justice si elle voulait inclure dans son projet de loi une définition de «neutralité religieuse», je n'ai pas eu de réponse. Je lui ai demandé trois fois si elle voulait inclure dans son projet de loi, ce matin, une définition de qu'est-ce qui est religieux. Qu'est-ce qu'est une religion? On connaît les trois grandes religions monothéistes, soit, mais un collègue faisait remarquer à juste titre, et je l'avais fait remarquer l'année dernière également, qu'il y a plus de 1 500 corporations religieuses qui sont inscrites actuellement auprès du ministère des Finances au fédéral. Alors, est-ce que tous ces groupes religieux, ces corporations religieuses seront soumises et auront ce droit accru que leur donnerait l'article 3 face au travail des élus?

• (14 h 30) •

Et Mme la ministre nous disait la semaine dernière que d'inclure le mot «laïcité»... J'ai tenté de faire inclure à l'article 1 de ce projet de loi que l'État québécois est laïque, Mme la ministre a refusé. Nous avons eu un vote, quatre contre quatre, le gouvernement l'a emporté, donc cet amendement-là a été rejeté. Mais je vous invite à faire l'exercice et j'invite les gens de la partie gouvernementale à demander à leurs citoyens qu'est-ce que c'est, «laïque», et qu'est-ce que c'est... — c'est une invitation, Mme la députée — qu'est-ce que c'est, «laïque», et qu'est-ce que c'est que la neutralité religieuse de l'État. Hier, je l'ai fait, j'étais avec des gens, et autant de personnes, autant de définitions différentes. Donc, j'ai demandé à Mme la ministre : Allons-nous avoir, dans sa loi, des définitions? Je n'ai pas eu de réponse, je n'ai pas eu de réponse ce matin, j'espère en avoir une incessamment, sous peu.

Par ailleurs, puisqu'on parle de ce projet de loi. Lorsqu'il y a un projet de loi, il y a l'article 1 que je vous disais que c'était l'objet, c'est extrêmement important, et la laïcité n'y apparaît pas, n'y apparaîtra pas. Il y a également, lorsqu'on trace une loi, que l'on veut que les gens se soumettent à une réalité... il y a aussi un chapitre qui s'appelle Sanctions dans une loi. Ça n'apparaît pas. Alors, quelles seront les conséquences d'une personne qui ne voudra pas respecter la neutralité religieuse de l'État, autant un fonctionnaire qu'une personne, qu'un contribuable, quelles seront les conséquences? Je les ignore. Alors, un projet de loi sans sanction au chapitre Sanctions, c'est un avis d'intention. Alors, on peut se poser beaucoup de questions sur la pertinence de ce projet de loi.

Et je le répète, j'ai demandé trois fois : Aurons-nous des définitions? Et je pense que les gens qui nous écoutent auraient tout avantage à avoir une définition de ce qu'est «neutralité religieuse» et tout avantage à avoir une définition de ce qu'est la laïcité. Nous ne les avons pas pour le moment. Et j'ajouterais à ma question de ce matin : Qu'est-ce qu'on entend par «religieux», «religion», hein? On ne doit pas être influencé... le religieux ne doit pas nous influencer dans nos décisions, et nous étant des fonctionnaires, et aux... nous assimilons les élus à des fonctionnaires. Qu'est-ce que c'est que le religieux? Ça commence où et ça finit où?

M. le Président me fait signe qu'il me reste à peine une minute. Alors, ce que je constate, c'est qu'au lieu de clarifier les choses il semble que les amendements déposés ce matin soulèvent plus de questions qu'ils ne solutionnent le problème. Et ça peut déplaire à certains collègues d'en face, mais il va falloir avoir ces réponses. Et c'est la raison pour laquelle — je sais qu'il me reste très, très peu de temps — j'aimerais vous rappeler que nous avons proposé de... tous les parlementaires ici, d'ailleurs, ont accepté Bouchard-Taylor, en termes de compromis, pour régler cette question une fois pour toutes, et que ça a été rejeté, tout comme, la laïcité de l'État, qu'elle soit édictée a été rejeté, la semaine dernière, par la partie gouvernementale. Alors, nous sommes d'accord pour la motion de la collègue de... la députée de Taschereau.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, Mme la députée de Montarville. En clôture de la motion d'ajournement de l'article 165 du règlement, Mme la ministre.

Mme Stéphanie Vallée

Mme Vallée : Je n'ai qu'un mot : Incroyable! Après tout ce temps, après tout ce temps, de demander, de la part... cette demande de suspendre ce projet de loi, encore une fois, c'est incroyable.

Je vais vous citer quelqu'un : «Je ne peux pas cautionner qu'on fasse peur aux Québécois pour gagner des votes, a dénoncé la députée de Taschereau. Je ne peux pas faire croire à des Québécois qu'il y a des terroristes qui se cachent en dessous des burqas et que, pour ça, on doit légiférer et augmenter la présence policière.» C'était dans un contexte où notre collègue la députée de Taschereau... Et on était l'an passé, le 16 septembre 2016, dans le cadre de la course à la chefferie, et le titre de l'article s'intitule Voile intégral — et là il faut lire le nom de famille du chef de l'opposition — tente de faire «peur» aux Québécois, ditla députée de Taschereau. Alors, l'article se lit comme suit : «[Le chef de l'opposition] tente de mousser sa campagne à la direction du Parti québécois en faisant peur aux Québécois, a dénoncé [la députée de Taschereau], après que le député de Rosemont eut ouvert la porte à bannir le voile intégral dans l'espace public.» Il y a à peu près un an jour pour jour, on avait une discussion sur le port du voile dans l'espace public.

M. le Président, ce projet-là, là, ce n'est pas un projet qui vise à bannir le port du voile dans l'espace public. Ce n'est pas un projet de loi sur la laïcité, c'est un projet de loi, et on l'a toujours dit, toujours été très clairs, qui vient déclarer la neutralité religieuse de l'État, qui vient encadrer le tout, qui vient encadrer aussi ce principe sur lequel nous nous entendons ici à l'effet que les services publics sont offerts et reçus à visage découvert. Ça vient également encadrer les demandes d'accommodement sur les motifs religieux.

On a des collègues, de l'autre côté, qui ont voté sur ces principes-là, en faveur des principes de ce projet de loi là. La semaine dernière, on a adopté l'article 1, n'en déplaise à notre collègue de Montarville, mais on l'a toujours bien adopté. On a adopté l'article 2. On fait une discussion sur le préambule. En avril 2017, le Parti québécois demandait un projet de loi sur lequel... sur les éléments qui faisaient consensus. Pourquoi? Parce que, on l'a vu, au niveau de formations politiques, on a des formations politiques qui souhaitent aller plus loin, qui souhaitent pousser plus loin cette question. On l'a vu en 2013, on a eu un dépôt de projet de loi par un collègue qui a déposé un projet de loi qui était, à notre avis, attentatoire des droits et libertés. Ce projet de loi là a fait l'objet de discussions.

Nous sommes revenus au pouvoir, nous avons déposé un projet de loi qui correspond davantage et qui correspond à là où nous sommes, c'est-à-dire respectueux des droits et libertés individuelles des citoyens du Québec, un projet de loi qui n'est pas surprenant. Et évidemment nous avons déposé des amendements, la semaine dernière, qui faisaient suite aux consultations, qui faisaient suite aux échanges. C'est à ça que sert le travail parlementaire. Je les ai déposés en bloc, M. le Président, ces amendements-là, pour permettre aux collègues d'en prendre connaissance, à l'ensemble des parlementaires d'en prendre connaissance. Il y a un préambule justement qui fera l'objet d'un vote plus tard. Ça, c'est prévu par nos règles parlementaires. Mais on a quand même des rejets à ces règles-là et on a quand même eu une discussion sur le préambule, sur la distinction entre l'État et ses institutions du religieux.

On a suspendu l'article 3, ce matin, parce que ma collègue a dit : Je n'ai pas eu de discussion de caucus. J'ai accepté cette demande-là. Et d'autant, M. le Président, vous avez eu l'idée aussi de saisir le Commissaire à l'éthique, puisqu'il y avait une interprétation tout à fait différente. Pour notre part, le Commissaire à l'éthique est le forum tout à fait approprié pour les questions qui touchent le comportement des élus. Puis là je ne veux pas entrer dans l'interprétation qu'en fait notre collègue de l'article 3 et de l'amendement à l'article 3, mais je veux simplement rassurer et... En fait, je vais tout simplement la rediriger vers les échanges que nous avons eus ce matin.

Maintenant, pour ce qui est des demandes du maire de Québec, je vous rappellerais, M. le Président, que nous avons eu des consultations quand même... des consultations particulières fort élargies : 51 mémoires, 38 groupes. Et nous avions invité l'UMQ, nous avions invité la ville de Montréal, nous avions invité, si je ne m'abuse, la ville de Québec. Ils ont fait le choix de ne pas venir en commission parlementaire, c'est un choix, j'en conviens. Nous avons eu des discussions par la suite. Je sais que ma collègue de Taschereau en a eu puisque, dans les consultations, on nous disait qu'il était important que les municipalités soient assujetties. D'ailleurs, notre collègue a déposé un amendement.

• (14 h 40) •

Par contre, là, le maire de Québec nous dit : On doit pousser plus loin la réflexion et on doit interdire le port du voile et la cagoule dans l'espace public. Il faut éviter de faire un amalgame entre ce projet de loi là et les événements de la semaine dernière, les événements de dimanche dernier. Malheureusement, on avait des gens qui, sciemment, avaient caché leurs visages, portaient des lunettes, portaient des cagoules pour éviter d'être identifiés alors qu'ils commettaient de la casse, alors qu'ils commettaient des actes de violence. Ça, c'est une chose, mais ça n'a rien à voir avec la neutralité religieuse de l'État. C'est un enjeu de sécurité publique. Il y a actuellement un dossier devant les tribunaux qui porte sur cette question-là, suite à la décision rendue par la Cour supérieure, qui venait... qui a renversé le règlement de la ville de Montréal. Je vous rappelle... je vous dis un nom et vous comprendrez : le dossier d'Anarchopanda. Je ne commenterai pas davantage, mais la décision... la Cour d'appel sera appelée à se pencher sur la question le 11 septembre prochain.

Alors, on nous demande de faire un amalgame de tout ça dans le projet de loi n° 62. Je vous dis, M. le Président, il n'a jamais été de l'intention... il n'est pas du principe du projet de loi. Les amendements déposés sont en lien avec le projet de loi et ses principes. Nous ne souhaitons pas, une fois de plus, modifier une position. Peut-être que, dans certaines formations politiques, on souhaite ajuster notre position suivant la saveur du jour; ce n'est pas mon intention. On a toujours été très clairs, très fermes quant à là où nous logions dans cette question-là. Nous avons été toujours très clairs à l'effet que nous étions cohérents et que nous souhaitions avoir une législation qui était respectueuse des droits et libertés individuelles. C'est ce que nous avons fait, c'est ce qui est devant nous. Et, si nos collègues souhaitent aller plus loin, bien, ils le feront dans le cadre de leurs plateformes électorales, et ils consulteront les experts qu'ils souhaitent consulter dans le cadre de leurs consultations, et ils pourront faire une proposition lors de la prochaine campagne. Mais actuellement ce n'est pas là où nous sommes, ce n'est pas l'esprit ni notre intention.

Donc, M. le Président, il n'y a aucun motif pour suspendre nos travaux, il n'y a... pour ajourner nos travaux. Continuons le travail que nous avons commencé, nous avons des éléments intéressants qui ont été soulevés, je pense qu'on a des discussions tout à fait respectueuses puis je pense qu'il est temps que nous traitions de ce dossier-là et que nous en parlions. Ajourner, à quelque part, c'est donner raison à M. Labeaume et c'est de dire : Non, il n'y en a pas, de débat, puis il n'y en a pas, d'échange.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, Mme la ministre. Je vais mettre aux voix, maintenant, la motion d'ajournement déposée par Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : ...

Le Président (M. Ouellette) : Oui, Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : ...juste savoir, est-ce que le député de Gouin va parler?

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Gouin avait cette opportunité-là, M. le député de Gouin s'est excusé de ne pas être présent pour intervenir sur la motion.

Mme Maltais : ...je comprends qu'on ne peut pas dire qu'un député est absent, mais, quand un député est présent et qu'il a réclamé le droit de parole, qu'on lui a accordé... Peut-être qu'il peut nous expliquer pourquoi il ne veut pas s'exprimer sur le sujet. Parce qu'on a fait une exception pour le plaisir de l'entendre là-dessus. Il doit sûrement avoir une opinion ou bien... au moins nous dire pourquoi il ne veut plus prendre la parole, alors qu'il nous a demandé de prendre la parole.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de La Prairie.

M. Merlini : M. le Président, je crois que tantôt vous avez été clair, lorsque la motion a été présentée, l'ordre des interventions qui auraient lieu et au moment où elles auraient lieu. Je pense que cet ordre doit être respecté. Mme la ministre était la dernière à parler sur la motion présentée par la députée de Taschereau dans ce que vous avez rendu comme décision, et je crois qu'on doit la respecter.

Des voix : ...

Le Président (M. Ouellette) : Je vais suspendre quelques minutes.

(Suspension de la séance à 14 h 44)

(Reprise à 14 h 47)

Le Président (M. Ouellette) : Nous reprenons nos travaux. Nous en sommes à l'étude d'une motion d'ajournement proposée par Mme la députée de Taschereau. Et, avant la suspension de quelques minutes, Mme la députée de Taschereau avait souligné la présence... ou avait souligné l'intervention de M. le député de Gouin à cette motion d'ajournement. J'avais précisé... la présidence avait précisé l'ordre d'intervention des différents partis pour cette motion, et M. le député de Gouin a remercié la présidence et les membres de la commission d'avoir donné leur consentement à ce qu'il puisse intervenir, mais, à ce stade-ci, nous procéderons à la mise aux voix de l'ajournement de Mme la députée de Taschereau.

Mise aux voix

Vous voulez procéder comment? Est-ce que vous voulez procéder par appel... Le vote par appel nominal est demandé. M. le secrétaire.

Le Secrétaire : Pour, contre, abstention. Mme Maltais (Taschereau)?

Mme Maltais : Pour.

Le Secrétaire : M. Kotto (Bourget)?

M. Kotto : Pour.

Le Secrétaire : M. Bourcier (Saint-Jérôme)?

M. Bourcier : Pour.

Le Secrétaire : Mme Roy (Montarville)?

Mme Roy : Pour.

Le Secrétaire : Mme Vallée (Gatineau)?

Mme Vallée : Contre.

Le Secrétaire : M. Merlini (La Prairie)?

M. Merlini : Contre.

Le Secrétaire : Mme Melançon (Verdun)?

Mme Melançon : Contre.

Le Secrétaire : M. Girard (Trois-Rivières)?

M. Girard : Contre.

Le Secrétaire : M. Boucher (Ungava)?

M. Boucher : Contre.

Le Secrétaire : M. le Président?

Le Président (M. Ouellette) : Je m'abstiens. Donc, la motion d'ajournement présentée par Mme la députée de Taschereau est rejetée.

Étude détaillée (suite)

Nous revenons à l'étude de l'article 4 du projet de loi, et, Mme la députée de Taschereau, c'est à vous la parole.

• (14 h 50) •

Mme Maltais : Oui, M. le Président. Je veux simplement comprendre, à ce moment-là. Ceci dit, je trouve dommage qu'on n'ait pas accepté ça, je pense que ça aurait été intéressant pour tout le monde. Et vous remarquerez que, dans mon débat, je n'ai porté d'intention à personne ni fait d'accusation à personne. Quand je viens travailler ici, en commission parlementaire, j'ai en général le même ton respectueux, sauf si... Mais, évidemment, quand on me cherche, on me trouve, c'est bien connu. Mais je pense qu'on aurait pu sans aucun problème accepter cette proposition. Maintenant, la commission en a décidé ainsi. D'accord.

Sur l'amendement de l'article 4 qui a été déposé par la ministre, pourquoi... Elle nous en a parlé il y a un bout de temps, mais j'aimerais ça comprendre pourquoi elle a changé le libellé, parce que la raison qu'elle vient de nous donner, c'est... Surtout la dernière partie, qui dit : «...ni en raison de leurs propres convictions ou croyances religieuses ou de celles d'une personne en autorité.» Donc, elle ajoutait les croyances de la personne. Mais ça aurait pu tout simplement s'ajouter, comme amendement, au deuxième alinéa.

Alors, comme on est sur l'amendement, on n'ira pas alinéa par alinéa encore, mais pourquoi on n'a pas simplement gardé, là, déjà le libellé actuel et ajouté cette portion-là? Je cherche vraiment la différence.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme Vallée : En fait, le texte reprend les obligations prévues au texte original. On a assujetti... on a prévu, précisé la portée de cette obligation-là, notamment, et je pense que c'est à juste titre... En commission parlementaire, on a eu certaines représentations à l'effet qu'il fallait s'assurer que le membre du personnel ne fasse pas l'objet de pressions par son supérieur. Il ne fallait pas qu'il soit influencé, dans sa prestation de services, par son supérieur. Parfois, l'autorité peut avoir une influence qui amène des individus à agir d'une certaine façon. Donc, dans ce contexte-là, on a souhaité le préciser.

Et donc, honnêtement, M. le Président, pour ce qui est de la rédaction, vous comprendrez que c'est une proposition de rédaction qui était plus fluide, de la part des équipes, tout simplement, puisque, les obligations que l'on reconnaissait, que l'on retrouvait dans l'article 4, on les retrouve dans l'amendement. Mais on a cet élément additionnel qui réfère à la personne en autorité, et il y a également la précision quant à la neutralité. Le concept de neutralité est beaucoup plus... est mieux défini dans l'article 4 qu'il ne l'était dans la mouture d'origine. Donc, suite aux commentaires reçus de la part des différents groupes... Et là, là-dessus, on a, je vous dirais... il y avait — un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit — neuf groupes ou individus qui ont formulé des commentaires à l'effet de préciser, de clarifier, mieux définir la portée de l'obligation. Alors, dans ce contexte-là... Et a été présenté comme proposition l'amendement que vous avez. Donc, on retrouve les principes de 4, mais on a un élément additionnel.

Et il y a également l'élément où, à la dernière phrase, juste avant la référence à la personne en autorité, on fait référence... on indique que l'exercice... la neutralité doit aussi être... s'impose aussi, peu importe l'appartenance du personnel, peu importe l'appartenance religieuse ou la croyance religieuse du personnel. Parce que, lorsqu'on prend le texte tel que rédigé à l'origine, il fallait déduire, dans le fond, que l'employé d'un organisme ne devait pas favoriser ou défavoriser — c'était une déduction, on se disait : Bien, ça va de soi — en raison de ses propres croyances. Alors, ça allait de soi suivant une interprétation, mais ce n'était pas indiqué clairement. Alors, compte tenu de certaines demandes de précision, on a souhaité rédiger l'article 4 afin que ce soit très clair.

Donc, lorsqu'on compare les deux textes, l'amendement est beaucoup plus précis et beaucoup plus... et plus élaboré que le texte d'origine. Et le texte, l'amendement précise aussi que la neutralité religieuse ne se limite pas simplement au comportement des employés de l'État, mais c'est aussi pour le gouvernement, qui vient aussi respecter, à l'intérieur de ses politiques, à l'intérieur de ses règles, cette neutralité. Donc, le mot «notamment», que l'on retrouve dans la première ligne, vient inclure l'ensemble de l'activité gouvernementale.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Oui. C'est justement le «notamment» qui m'intéressait. Pourquoi on a utilisé le «notamment» à cet endroit-là? Ça veut dire qu'il y a d'autres façons de respecter ce principe.

Mme Vallée : Tout à fait. Il pourrait y avoir un décret gouvernemental qui pourrait être l'objet d'une décision. Ce n'est pas que le personnel de l'État, c'est aussi façon dont on procède, les pratiques. Prenons, par exemple, le dossier de la prière de Saguenay. Ce n'était pas le personnel qui était visé, mais c'est une pratique qui avait lieu préalablement à une séance du conseil. Et donc, en raison de cette neutralité de l'État et des institutions, il a été décidé que cette pratique-là venait porter atteinte à la liberté de conscience des non-croyants qui participaient à ces séances.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Il est reconnu que — je pense que c'est en Ontario — pour respecter le principe de neutralité religieuse, contrairement au principe de laïcité, qui ne comprendrait pas ça, là-bas... C'est en Ontario ou à Ottawa? Je pense que c'est en Ontario. Ils font huit... ils changent de prière religieuse, pour commencer leurs débats, huit fois, une fois par jour, avec un cycle de huit jours, parce qu'ils sont neutres. En étant neutres, ils ne prennent pas de position, donc ils les prennent toutes. Vous comprenez? La neutralité, c'est toutes les positions. Ce n'est pas une position de la laïcité, qui dit : On ne prendra pas de prière. C'est une position de neutralité, c'est : On peut prendre toutes les prières.

Je veux savoir, parce que la ministre vient elle-même d'ouvrir une porte... Parce qu'avant le respect de la neutralité religieuse, c'était qu'un membre du personnel d'un organisme doit faire preuve de neutralité religieuse. Là, maintenant, c'est : «Le respect du principe de la neutralité religieuse de l'État comprend notamment...» Donc là, on est en train non pas de toucher seulement aux façons de faire du personnel, on est en train de s'adresser à l'État au complet, si je comprends bien. Donc, vous avez bien dit : Ses règlements, ses usages?

• (15 heures) •

Mme Vallée : En fait, le principe est assez clair, c'est que l'État, et puis les institutions de l'État doivent, et puis la Cour suprême le mentionne clairement... se doit d'agir pour assurer de respecter la liberté de conscience puis la religion de chacune. Ce n'est pas... Donc, tout le monde est sur le même pied d'égalité, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de favoritisme à l'égard d'une personne ou d'un groupe. Il n'y a pas de favoritisme, par exemple, à l'égard des non-croyants versus les croyants, il n'y a pas de favoritisme à l'égard d'une communauté religieuse ou d'une autre, et donc l'État doit donc être neutre. C'est tout simplement de ne pas favoriser ou défavoriser quelqu'un en raison de sa croyance religieuse.

Et ça, bien, ça se décline, dans l'appareil gouvernemental, par les différentes politiques, les différentes interventions, et ça se décline, quand vient le temps de rendre un service à un citoyen, par la façon dont on va interagir avec eux. Donc, l'obligation, ce respect-là et cette interaction-là entre les individus qui travaillent au sein des organismes publics, les membres du personnel et le public, bien, c'est d'assurer que le travail... dans l'exercice de leurs fonctions, les gens vont mettre en application ce principe de neutralité là. Et comment ils vont mettre en application ce principe de neutralité là? Bien, c'est, eux-mêmes, en ne portant pas de jugement de valeur, c'est-à-dire c'est en ne favorisant pas ou ne défavorisant pas. Un service va être rendu; la prestation sera la même, peu importe la croyance religieuse, c'est tout simplement... ce n'est vraiment pas plus compliqué que ça, puis peu importe la croyance religieuse du citoyen qui demande la prestation de services, puis peu importe aussi la croyance religieuse de celui ou celle qui rend le service, parce qu'on ne demande pas que... Les gens, les individus... L'État est neutre, mais les individus qui agissent au sein de l'État, eux, ont leur liberté de religion, leur liberté de conscience, mais ils ne doivent pas teinter leurs actions à la lumière de leurs propres croyances, tout simplement. Ils doivent agir en toute impartialité à l'égard des gens qui sont devant eux.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : J'aurais juste une dernière petite question. Est-ce que l'État est laïque?

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme Vallée : L'État est neutre.

Mme Maltais : Est-ce que l'État est laïque? Il est soit neutre soit laïque.

Mme Vallée : Non. La neutralité, et ça, on l'a mentionné, on en a discuté, fait partie de la laïcité. Nous, on a fait un choix, M. le Président. Dans ce projet de loi là, on utilise le terme «neutralité de l'État» au sens des décisions de la Cour suprême.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : M. le Président, je suis d'accord avec la ministre. Je ne lui demande pas d'inscrire... Bien, je lui ai demandé dans le préambule, ça, il y aura une discussion là-dessus, la laïcité. Je lui demande, comme ministre de la Justice, si, à son avis, l'État québécois est laïque.

Mme Vallée : Bien, M. le Président, en toute amitié, là, on revient à notre discussion de la semaine dernière sur la définition de laïcité. Au Québec, on a ce que l'on appelle une laïcité ouverte. On n'est pas dans le cas de la laïcité fermée à l'européenne, où il n'y a pas d'expression, dans l'espace public, d'expression religieuse. Alors, considérant la confusion parfois dans l'utilisation du terme «laïcité», la neutralité religieuse s'apparente davantage à la laïcité ouverte. Alors, c'est un respect de la liberté de religion de tous et chacun et de la liberté de croyance de tous et chacun. On n'impose pas une homogénéisation de la société.

Donc, on protège le droit de croire, de professer ouvertement ses croyances, de les manifester, mais on protège aussi la liberté de ne pas croire, puis celle aussi de manifester son incroyance, puis le refus de se soumettre à une observance religieuse. C'est ça, la neutralité de l'État. Alors, chacun a sa place et chacun est libre, à cet égard, de manifester sa croyance et sa religion, mais, à travers tout ça, l'État ne prend pas parti, ne se positionne pas en faveur ou ne défavorise pas les gens.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Simple commentaire : C'est dommage que la ministre ne reconnaisse pas que l'État québécois est laïque et qu'elle a un projet de loi sur la neutralité de l'État, là. Ça aurait été tout à fait potentiel... Je comprends que, pour elle, l'État québécois n'est pas laïque. Mais c'est tout. Moi, je suis en désaccord avec sa définition et je pense que, l'État québécois, toute l'évolution historique de l'État québécois nous a amenés à la laïcité. Qu'on ne l'écrive pas dans cette loi, c'est dommage. On le fera un jour, mais c'est un état de fait, et je trouve dommage qu'elle ne l'ait pas reconnu aujourd'hui. C'était une belle occasion, ça aurait rassuré beaucoup de monde, tout simplement.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre, est-ce qu'il y a un commentaire au commentaire de Mme la députée de Taschereau?

Mme Vallée : Vous savez, M. le Président, dans ce dossier-là, on peut jouer beaucoup sur les termes, on peut utiliser différents termes, mais, dans le contexte actuel, j'ai expliqué là où se situe l'État québécois, à la différence, par exemple, de la France, qui a une autre approche. Vous savez, lorsqu'on requiert que l'État s'abstienne de prendre position et n'adhère pas à une croyance ou à une non-croyance, bien, on vient protéger, là, les libertés individuelles des citoyens. Lorsque l'État impose une non-croyance, c'est une autre chose. Puis, la semaine dernière je l'ai mentionné, considérant tout ça, nous, pour nous, c'est important de parler de neutralité, et ça a toujours été aussi ce à quoi on s'est engagés.

Le Président (M. Ouellette) : ...revenir à M. le député de Bourget, je vais aller à Mme la députée de Montarville.

Mme Roy : Merci beaucoup, M. le Président. J'avais pris des notes, naturellement, à la suite de cet amendement, et la modification majeure que Mme la ministre apporte avec son article 4, à son article 4, c'est qu'elle fait l'ajout du mot «notamment», et ce n'est pas anodin. Vous savez, en droit, dans le cadre d'une loi, chaque mot compte. Il y a une loi qui s'appelle la loi sur l'interprétation des lois qui nous apprend à comprendre ce que chaque mot veut dire.

Dans sa version initiale, l'article 4 nous disait : «Un membre du personnel d'un organisme public doit faire preuve de neutralité religieuse dans l'exercice de ses fonctions.

«Il doit veiller à ne pas favoriser ni défavoriser une personne en raison de l'appartenance ou non de cette dernière à une religion.» C'était l'article original.

L'amendement nous dit : «Le respect du principe de la neutralité religieuse de l'État comprend notamment le devoir pour les membres du personnel des organismes publics d'agir, dans l'exercice de leurs fonctions, de façon à ne pas favoriser ni défavoriser...» Alors, on reprend les mêmes termes.

«Le respect du principe de la neutralité religieuse de l'État comprend notamment...» Alors, il comprend quoi d'autre, Mme la ministre? On ouvre la porte ici, M. le Président...

Mme Vallée : ...question que notre collègue de Taschereau a posée, que veut dire le «notamment», mais c'est... En fait, je vais expliquer à notre collègue pourquoi nous avons utilisé le «notamment», parce que les juristes qui rédigent nos lois, nos légistes, utilisent... chaque mot est utilisé... a sa raison d'être, et le «notamment» permet d'adapter le texte à l'évolution, évidemment, de la jurisprudence future sans nécessairement venir à chaque fois modifier la loi. Donc, dans le «notamment», on pense notamment aux programmes, aux règles, aux politiques de l'État, parce qu'en fait l'objectif de la neutralité... Puis, comme on le voit, puis je vous réfère au paragraphe 76 de la décision de la Cour suprême, Mouvement laïque, on mentionne : «En raison de l'obligation qu'il a de protéger la liberté de conscience et de religion de chacun, l'État ne peut utiliser ses pouvoirs d'une manière qui favoriserait la participation de certains croyants ou incroyants à la vie publique au détriment des autres. [...]Il lui est interdit d'adhérer à une religion à l'exclusion des autres. L'article 3 de la charte québécoise lui impose l'obligation de demeurer neutre sur ce plan. L'obligation de neutralité de l'État est devenue aujourd'hui une conséquence nécessaire de la consécration de la liberté de conscience et de religion dans la charte canadienne ou dans la charte québécoise.

«Par conséquent, le tribunal a correctement décidé en statuant qu'en raison de son obligation de neutralité une autorité étatique ne peut instrumentaliser ses pouvoirs afin de promouvoir ou d'imposer une croyance religieuse. Pour sa part, tout en étant conscient de ces enseignements...»

Oui, c'est ça, en fait, ce serait contraire au devoir de l'État relativement à la préservation de son histoire, dont son héritage multiconfessionnel. Bien là, on part dans une... Je suis allée un petit peu trop loin dans ma lecture, parce que, là, on sort un petit peu du contexte, mais c'est ça qui est important, c'est que l'État ne peut pas utiliser ses pouvoirs pour favoriser ou défavoriser ou pour imposer, par exemple, une absence de croyance, pour imposer une aseptisation de la société et dire : Bien, finalement, seul un non-croyant va se retrouver dans l'État québécois.

Alors, le «notamment» permet d'englober les politiques, les différentes mesures, les différentes sphères d'intervention, mais on prévoit aussi... Et ça, c'est important puisque l'État en soi, les institutions sont neutres, mais, comme, évidemment, l'État ne peut fonctionner sans ceux et celles qui y oeuvrent au quotidien, ceux et celles qui y travaillent, il est important aussi d'expliquer que ceux et celles qui oeuvrent, dans leurs comportements dans le cadre de leurs fonctions, doivent aussi faire preuve de neutralité. Et cette neutralité-là, elle s'exprime comment? La neutralité, elle ne s'exprime pas, elle ne s'extériorise pas physiquement, elle est dans le comportement. Elle se manifeste dans le comportement, qui sera de ne pas favoriser ou défavoriser quelqu'un soit parce que nos croyances religieuses sont différentes de celles de la personne qui est devant nous ou l'inverse. Mais d'où l'utilisation du mot «notamment», pour assurer que le texte vienne vraiment englober... puis le libellé actuel vient vraiment affirmer la neutralité de l'État, ce qui était beaucoup moins fort dans le libellé qu'on retrouvait auparavant, qui était dans le projet de loi d'origine. Et évidemment, lorsqu'on parle de... Le «notamment», bien, la neutralité de l'État, bien, évidemment, ça va de soi qu'il y a une séparation entre l'État et le religieux, comme on en avait discuté la semaine dernière.

• (15 h 10) •

Le Président (M. Ouellette) : Merci, Mme la ministre. Mme la députée de Montarville.

Mme Roy : Alors, j'ai pris des notes parce que ça m'intéresse de comprendre. Et vous dites, et là je vous cite, Mme la ministre : Le «notamment», ça va permettre d'englober les différentes sphères d'intervention. Alors, je comprends que le «notamment» va permettre que ça soit évolutif.

Alors, voici l'interprétation que j'en fais. C'est très, très subtil, M. le Président, l'ajout du mot «notamment», mais ce n'est pas anodin. Pour nous, on élargit encore ici la notion de neutralité religieuse. On essaie de prévoir les coups, notamment tout ce qui pourra arriver, mais on ne sait pas c'est quoi encore. Mais on n'a toujours pas de définition de la neutralité religieuse de l'État, il n'y a pas la définition. Dans une loi, il y a des définitions; on n'en a pas. Et, moi, ma question à la ministre, c'est : Comment est-ce qu'un juge va interpréter le «notamment», puisqu'il n'y a pas de définition de sa neutralité religieuse de l'État et qu'il n'y a pas de définition non plus? Ce notamment-là ouvre la porte d'englober différentes choses, mais on ne sait pas quoi encore.

Le Président (M. Ouellette) : Est-ce qu'il y a d'autres commentaires?

Mme Vallée : ...on a discuté de la neutralité. La neutralité se définit par son sens commun, et cette neutralité, elle est définie aussi de façon très claire dans plusieurs décisions. Donc, on retrouve à l'article 4 l'obligation de ne pas favoriser ni défavoriser une personne en raison de l'appartenance ou non de cette dernière à une religion ni en raison de leurs propres convictions. C'est exactement ce qu'exige la neutralité de l'État.

Et, comme le disait la Cour suprême, la neutralité de l'État requiert que l'État s'abstienne de prendre position puis évite d'adhérer à une croyance particulière ou une non-croyance. Ce n'est pas compliqué, c'est tout simplement un devoir d'objectivité, d'impartialité. Lorsque vient le temps d'offrir des services et de mettre en place des politiques, ces politiques, ces mesures-là sont mises en place sans égard à la religion. Donc, il y a vraiment une distinction. Puis c'est aussi une des raisons pour lesquelles on a inclus au préambule, à la proposition de préambule, cette question qu'il y a une distinction entre l'État, ses institutions et la religion, pour ne pas avoir, à chaque article, à y faire référence. Donc, le préambule nous sert pour aussi la suite des choses. Donc, ce n'est pas très complexe et difficile à comprendre.

Puis l'amendement de l'article 4 vise justement à être plus précis parce que, je peux comprendre ma collègue, lorsqu'on lit, à la lecture de l'article 4, au départ, ce n'était pas si clair que ça, ce qu'impliquait la neutralité religieuse pour un membre du personnel, puis d'ailleurs, en commission parlementaire, il y a des gens qui nous avaient questionnés sur cet aspect-là. Donc, on a cru opportun de venir le préciser, un membre du personnel, c'est quoi, le devoir de neutralité religieuse, ça implique quoi. Parce que, rappelez-vous, il y a des gens qui croyaient que le devoir de neutralité religieuse, ça imposait à un fonctionnaire un devoir de faire abstraction de porter un signe religieux, ce qui n'était pas le cas. C'est vraiment dans la prestation du service que cette neutralité religieuse s'exprime. Et de quelle façon? La façon prévue à l'amendement.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Montarville.

Mme Roy : Oui, merci, M. le Président. Vous comprendrez qu'on n'a pas la même interprétation et que, pour nous, ajouter «notamment» à cette non-définition de la neutralité religieuse, c'est qu'on vient élargir cette notion, ce concept de neutralité religieuse, on vient encore l'élargir. Et, Mme la ministre, vous dites : La définition de neutralité religieuse, c'est très simple, c'est le sens commun. J'ai pris ici vos notes.

Alors, allez-vous inclure une définition de neutralité religieuse dans votre loi?

Mme Vallée : La neutralité, on la retrouve... La référence, ce qu'est la neutralité, on le retrouve à l'article 4, on le retrouve lorsqu'on indique : «...de façon à ne pas favoriser ni défavoriser une personne en raison de l'appartenance ou non de cette dernière à une religion, ni en raison de leurs propres convictions ou croyances religieuses ou celles [des personnes] en autorité.» C'est très clair, c'est la façon dont le service public doit être rendu, en toute impartialité. La neutralité religieuse de l'État, qu'est-ce que c'est? C'est l'État qui ne prend pas position, qui n'adhère pas à une croyance religieuse ou à une absence de croyance religieuse, qui fait... C'est une distinction et une impartialité lorsque... Donc, c'est très clair. Et on revient dans le préambule puis on explique pourquoi. Donc, le préambule sert aussi dans l'interprétation.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Montarville.

Mme Roy : Alors, ce que je comprends de Mme la ministre, c'est que, pour elle, son article 4 est une forme de définition. Cependant, en ajoutant à l'article «notamment», c'est qu'on n'a pas une définition exhaustive, là, on ouvre la porte, là. Donc, la neutralité religieuse, c'est un «work in progress», là, c'est ça qu'on comprend, et ce sera aux juges de l'interpréter.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme Vallée : La neutralité religieuse a été interprétée et a été définie par la Cour suprême depuis des années, et il n'y a pas de variation quant à ce qu'est la neutralité. Si on reprend... Je cherche, je voudrais juste, simplement retrouver... J'avais imprimé le sens, la définition dans le Larousse, je l'avais...

Le Président (M. Ouellette) : Mais, le temps qu'on la regarde ou que ça va revenir, Mme la députée de Montarville a sûrement un autre point qu'elle veut faire éclaircir. Mme la députée de Montarville.

Mme Roy : Oui. J'entends la ministre qui me dit : La jurisprudence a bien défini ce qu'est la neutralité religieuse de l'État, donc je n'ai pas besoin de le rajouter. C'est un peu ça, là, pour les gens qui nous écoutent, là. Pourtant, c'est ce qu'on va faire avec les accommodements religieux. La jurisprudence les a définis, et là on va les inclure dans la loi. Donc, on ne se gêne pas pour reprendre les critères des accommodements religieux de nos tribunaux, de la Cour suprême, les enseignements de la Cour suprême pour ce qui est des accommodements religieux. Ça, il n'y a pas de problème, c'est beau, mais on ne veut pas le faire pour la neutralité religieuse. Là, on se garde une petite gêne.

Je ne comprends pas. Si on le fait pour les accommodements religieux et, ce que je comprends, lorsqu'on sera rendus là, on va reprendre les enseignements de la Cour suprême, dans son projet de loi ils seront bien écrits pour nous expliquer ce qu'est un accommodement religieux, pourquoi ne pas faire la même chose avec le principe de neutralité religieuse, alors qu'on ne le fait pas ici? Vous me suivez?

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre, oui.

Mme Vallée : Il y a une distinction entre une définition et des critères. À l'article 10, ce sont des critères qui vont guider l'évaluation des demandes d'accommodement pour motif religieux. Ce n'est pas la même chose. La collègue nous demande une définition du mot «neutralité». Le terme «neutralité» est très clair, c'est une impartialité, c'est le fait de ne pas favoriser ou défavoriser une religion pour assurer justement le respect de la liberté de croyance et de la liberté de non-croyance des individus.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Montarville.

• (15 h 20) •

Mme Roy : Donc, les critères qui ont été définis par nos tribunaux pour définir ce qu'est la neutralité religieuse. Alors, c'est un peu la même chose, là, critère pour critère. Je me demande pourquoi est-ce qu'on ne l'isole pas et on n'y va pas de façon exhaustive, parce que le «notamment», et c'est notre prétention, le «notamment» va seulement élargir davantage ce critère de neutralité religieuse, mais qui, lui, sera en constante évolution. C'est ce que je comprends quand la ministre nous dit : Pour permettre d'englober les différentes sphères d'intervention.

Mme Vallée : En fait, M. le Président, c'est parce que, comme je l'ai expliqué, le «notamment» se rattache, entre autres, à des programmes, à des règles. Lorsqu'on lit l'article : «Le respect du principe de la neutralité religieuse de l'État comprend notamment», donc, qu'est-ce que ça comprend? Bien, ça comprend un certain nombre d'interventions de l'État, d'interactions de l'État par des mesures, mais elle comprend aussi un devoir pour les membres du personnel. Alors, le «notamment» ne vient pas altérer ce qu'est la neutralité religieuse. Le «notamment», c'est de quelle façon l'État va décliner sa neutralité. Bien, elle la décline entre autres par des programmes qui ne vont pas favoriser ou défavoriser une personne ou un groupe, parce que l'État ne peut pas utiliser les pouvoirs puis, dans le fond, l'ensemble des pouvoirs que l'État a, pour venir favoriser la participation de certains groupes religieux ou certaines personnes, favoriser les non-croyants, par exemple, au détriment de ceux qui sont croyants.

Donc, M. le Président, je ne souscris pas à l'interprétation de ma collègue, parce que je crois avoir expliqué que le «notamment», c'est plutôt... se rattache davantage aux pouvoirs de l'État et non à la définition de neutralité qui, en soi, en est une qui amène une impartialité, parce que, dans les synonymes de neutralité, on a impartialité.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Montarville.

Mme Roy : Oui. Bien, si le «notamment», c'est pour les pouvoirs de l'État, alors c'est encore plus large, là. Notamment, on pourra faire ce qu'on veut.

Vous comprenez, j'ai vraiment une difficulté avec le terme «notamment», dans la mesure où je trouvais que l'article 4 initial était beaucoup plus clair. Là, on ouvre la porte, on élargit à différents concepts puis on nous dit : Ce sont des concepts de la jurisprudence. Je veux bien, mais le «notamment» va nous permettre une définition évolutive. C'est le mot que je cherchais tout à l'heure. J'ai dit : «A work in progress». Bien, ça va être une définition évolutive, au gré des décisions jurisprudentielles, alors que moi, je demande à la ministre d'être claire et que ce soit une décision gouvernementale mais qu'on soit clair du début à la fin, qu'on n'attende pas que les juges en fassent une interprétation de ce «notamment».

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre, est-ce qu'il y a d'autres commentaires là-dessus?

Mme Vallée : Je pense avoir fait le tour de la question. Je ne voudrais pas qu'on me reproche de prendre trop de temps dans mes réponses.

Le Président (M. Ouellette) : On ne vous le reproche pas, Mme la ministre. Bon, Mme la députée de Montarville, est-ce qu'il y a quelque chose d'autre par rapport à 4? Je vous reviendrais...

Mme Roy : Bien, mon point est fait à l'égard du «notamment», là. Pour nous, c'est ouvrir trop large. Puis j'aurai tout à l'heure, naturellement, un amendement, ultérieurement, à l'article 4. Je voulais juste l'annoncer pour ne pas...

Le Président (M. Ouellette) : Je vais revenir à vous, je vais revenir à vous. Puis là j'y vais par ordre. Je vais demander à mon collègue le député de Gouin d'intervenir.

M. Nadeau-Dubois : Merci, M. le Président. En fait, j'avais des questions qui ont été répondues lors des échanges précédents, mais j'ai également... J'aimerais ajouter un article, en fait, j'aimerais déposer l'ajout d'un article. Est-ce que je le fais maintenant ou j'attends plus tard?

Le Président (M. Ouellette) : Non, on va le faire un petit peu plus tard. C'est-à-dire que vous allez vouloir sous-amender, vous allez vouloir changer ce qui a été déposé comme amendement?

M. Nadeau-Dubois : Je veux ajouter un article après l'article 4.

Le Président (M. Ouellette) : Bon, bien, c'est beau. Ça fait que je le prends en note. Et soyez assuré que je vais vous permettre de le déposer quand on aura adopté 4.

M. Nadeau-Dubois : Si je suis présent, bien sûr.

Le Président (M. Ouellette) : Bien, dans notre règlement, vous savez, M. le député de Gouin, qu'on ne peut pas souligner l'absence d'un député. Ça fait que, donc, je me fie sur vous pour être présent lors de nos délibérations.

M. Nadeau-Dubois : Bien sûr.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : M. le Président, bien sûr, la règle étant qu'il y a d'abord la ministre qui dépose des amendements, ensuite l'opposition officielle, ensuite la deuxième...

Le Président (M. Ouellette) : Oui, mais vous avez...

Mme Maltais : On s'entend là-dessus? Parce que moi aussi, j'ai annoncé des amendements, O.K.?

Le Président (M. Ouellette) : C'est sûr, Mme la députée de Taschereau, mais je pense qu'il est de bonne guerre d'informer notre collègue de Gouin qu'il y aura un temps pour déposer son amendement. Comme, là, j'ai fait un premier tour des parlementaires relativement à l'amendement de l'article 4, je voulais faire un deuxième tour. Et j'étais rendu à M. le député de Bourget, mais il semblerait que je vais aller à Saint-Jérôme avant. Ça fait qu'on s'en va à Saint-Jérôme. M. le député de Saint-Jérôme.

M. Bourcier : Oui. M. le Président, écoutez, je suis perplexe. Pour les gens qui nous regardent actuellement, là, ceux qui nous écoutent, s'ils n'ont pas changé de chaîne, là, ça commence à être assez mélangeant. On est dans une zone sombre. On a quitté la lumière et notamment en ce qui concerne la définition de Mme la ministre qui nous présente aujourd'hui et qui nous parle de la neutralité religieuse. Alors, c'est un buffet, on les prend toutes. Contrairement à la laïcité, où on a le mérite d'être clair, on n'en parle pas.

L'État est neutre, on nous a dit ça tantôt. L'État n'a pas de position et il s'apparente à la laïcité ouverte. Alors là, moi, j'essaie de faire des équations, je tourne ça à l'envers. Si l'État était laïque, est-ce qu'il s'apparenterait à de la neutralité fermée?

Alors, Mme la ministre, pouvez-vous m'éclairer et m'expliquer votre définition de «laïcité ouverte»? C'est quoi, selon vous?

Le Président (M. Ouellette) : Vous en avez déjà donné une bonne partie...

Mme Vallée : M. le Président, oui, j'en ai déjà donné une.

Le Président (M. Ouellette) : Voulez-vous juste la synthétiser, Mme la ministre?

Mme Vallée : Bien, en fait, M. le Président, je pourrais revenir à la charge. Je veux être bien gentille et ne pas manquer à nos obligations, mais on a traité de cette question-là, la semaine dernière, M. le Président, et on a fait référence longuement, on a passé un avant-midi à discuter des enjeux, et même j'ai lu, au passage, quelques passages du rapport Bouchard-Taylor. Je pense qu'il s'agit de la page 157 où on fait justement la distinction entre la laïcité fermée et la laïcité ouverte. Je réfère mon collègue à ce passage puisque c'est de ça dont il est question. Et j'utilisais le terme, justement, puisque nous en avions discuté la semaine dernière.

Donc, il n'y a pas de confusion, il n'y a pas de noirceur, la lumière est loin d'être éteinte. C'est un choix, c'est un choix pleinement assumé que d'utiliser le terme «neutralité», puisqu'il y a une jurisprudence qui s'est dégagée au fil des années sur cette obligation pour l'État, ce devoir pour l'État de ne pas prendre position et de vraiment... c'est à l'État qu'incombe la responsabilité de l'obligation de neutralité. C'est vraiment l'État qui porte cette obligation-là. Ça se décline par, notamment, d'où l'utilisation du terme, par ses programmes, ses règles, ses politiques. Et évidemment l'État est composé d'individus. Et qu'est-ce que ça implique pour ces individus-là? Bien, c'est aussi une façon de traiter les dossiers, c'est-à-dire une impartialité, une objectivité, une objectivité lorsqu'on interagit avec un citoyen, avec une citoyenne qui demande des services de l'État. Donc, ce n'est pas très complexe, je pense que le devoir d'objectivité est là.

Et puis le libellé actuel, il est assez conforme... en fait, il est conforme au jugement de la Cour suprême et il est aussi conforme à la littérature quant à la neutralité de l'État. Donc, au niveau de Bouchard-Taylor, on fait référence à la neutralité et à la page... je pense qu'au résumé de Bouchard-Taylor, là, peut-être pour le bénéfice de notre collègue, c'est à la page 47, dans le rapport, parce qu'il y a un résumé du rapport, et on a un rapport aussi plus étoffé. Et donc la laïcité ouverte, elle est définie et comprend la neutralité, là où on respecte l'individualité, la liberté de religion de chacun. Et on doit en faire abstraction lorsque vient le temps d'offrir un service. Je fais abstraction de mes convictions et je fais abstraction des vôtres, et ma prestation de services, elle n'est pas teintée pas vos convictions ni par les miennes.

• (15 h 30) •

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Saint-Jérôme.

M. Bourcier : C'est bien. Écoutez, c'est important pour moi de ramener ces sujets-là, parce qu'étant anciennement dans l'enseignement on revient souvent sur plusieurs sujets pour compléter ce qu'on dit dans le moment présent. Donc, il est important pour moi de revenir sur ces aspects-là de la laïcité, de la neutralité religieuse du projet de loi. Merci, Mme la ministre.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Bourget.

M. Kotto : Oui. M. le Président, j'ai juste un petit commentaire relativement à cet amendement à l'article 4, que je vais lire pour le bénéfice des personnes qui nous écoutent : «Le respect du principe de la neutralité religieuse de l'État comprend notamment le devoir pour les membres du personnel des organismes publics d'agir, dans l'exercice de leurs fonctions, de façon à ne pas favoriser ni défavoriser une personne en raison de l'appartenance ou non de cette dernière à une religion, ni en raison de leurs propres convictions ou croyances religieuses ou de celles d'une personne en autorité.»

C'est un article qui illustre parfaitement le coeur de mon propos ici ce matin à l'effet que nous sommes ici dans un exercice qui met en lumière davantage la convergence du religieux et de l'État plus que la séparation du religieux et de l'État, ce qui amène certains à penser que le projet de loi n° 62 vise à faire respecter non pas la neutralité religieuse de l'État, mais à faire respecter la religion par l'État en balisant les religions pour qu'elles permettent à l'État de les respecter. Mais c'est une démarche assumée par le gouvernement, je suis mal placé pour la juger. La ministre a bien fait de nous rappeler que, le moment venu, nous aurions l'opportunité de proposer nos propres avenues relativement à ce qui nous inquiète dans la cité aujourd'hui. Nous sommes aux portes du chaos. Et idéalement des projets de loi à l'instar de celui-ci devraient s'incarner dans la réalité. Et, quand on observe autour de nous, depuis quelques années déjà, des situations qui notamment ont amené à une dépense de près de 23 millions de dollars, tenir une commission de plus de 280 pages, exigeant de clarifier les choses, par souci de cohésion entre les individus dans leur diversité, pour permettre à l'altérité de cheminer dans cette belle société québécoise, pour ne pas tomber dans les pièges, pour ne pas être invités de façon perpétuelle à des bals des extrêmes comme on l'observe en Europe aujourd'hui, je pense qu'il aurait été, du moins c'est l'exercice que nous ferons si d'aventure la population nous le permettait... il serait bon de jeter des bases solides pour clarifier les interactions entre la citoyenne, le citoyen et l'État, pour éviter, ma foi, de vivre sous l'énergie sombre que nous pouvons observer ces temps-ci chez notre grand voisin américain ou même en Europe. Nous sommes aux portes du chaos, je le disais, et il serait responsable, je crois, que nous réfléchissions de façon transpartisane à des solutions beaucoup plus solides que celles illustrées ici par l'article 4. C'était le commentaire que je voulais faire.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre, un commentaire sur le commentaire de M. le député de Bourget?

Mme Vallée : Non, je n'ai pas de commentaire particulier à faire.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Est-ce que le député de Bourget a terminé? Est-ce qu'on échange avec la ministre?

Le Président (M. Ouellette) : Ça a l'air à ça.

Mme Maltais : Alors, j'aurais un amendement, M. le Président. On l'avait déjà déposé.

Le Président (M. Ouellette) : Un sous-amendement à l'amendement?

Mme Maltais : Un sous-amendement, pardon, oui, que j'avais déjà, je pense, déposé, je pense. Sinon, je vais le déposer officiellement. Il s'écrirait comme suit, le sous-amendement : Modifier l'amendement remplaçant l'article 4 en ajoutant, à la fin du nouvel article, l'alinéa suivant : «Les membres du personnel des organismes publics doivent aussi faire preuve de réserve en ce qui a trait à l'expression de leurs convictions religieuses dans l'exercice de leurs fonctions.»

Le Président (M. Ouellette) : Je vais suspendre quelques minutes.

(Suspension de la séance à 15 h 36)

(Reprise à 15 h 54)

Le Président (M. Ouellette) : Nous reprenons nos travaux. Nous en sommes à la présentation d'un sous-amendement de Mme la députée de Taschereau à l'amendement de Mme la ministre de l'article 4 du projet de loi n° 62.

D'entrée de jeu, le sous-amendement de Mme la députée de Taschereau est recevable, mais, avant de débuter le débat, et c'est ce qui explique le petit délai qu'on a eu dans notre suspension, pour l'information de tous les membres, et je pense que ça va faciliter nos débats, la commission va faire parvenir à tous les membres une copie de la motion qui a été déposée au salon bleu le 5 octobre 2016 sur les groupes qui avaient été invités lors des consultations du projet de loi n° 62. Et vous aurez aussi, dans les prochaines heures, les détails sur les gens qui ont déposé des mémoires et les gens qui n'en ont pas déposé, les raisons pour les désistements, toujours dans le but d'éclairer les parlementaires, parce qu'on a eu un questionnement par rapport aux villes de Montréal et de Québec au cours de nos débats aujourd'hui.

Pour l'information des parlementaires, la ville de Montréal nous a fait parvenir un mémoire le 8 novembre et qui a été déposé lors de la séance du 15 août, donc au cours de la semaine dernière. La ville de Québec n'avait pas été invitée à venir déposer en consultation et donc n'a pas fait parvenir de mémoire.

Document déposé

Et, dans cette optique-là, je dépose présentement une lettre qui a été envoyée à tous les parlementaires de la ville de Laval, qui nous fait parvenir ses commentaires et ses préoccupations sur certains points du projet de loi en cours.

Donc, la présidence a jugé bon de faire en sorte que les parlementaires aient l'information sur les organismes qui devaient être invités en commission parlementaire, ceux qu'on a contactés et les différentes réponses reçues, vous avez dans chacun de vos services de recherche ceux qui ont été entendus en commission parlementaire, tout ça dans le but de nous éclairer et de faire en sorte que... Ce n'est probablement pas le dernier écrit que nous allons avoir. Et, à la lumière des informations qui ont été transmises par le maire de Laval et dont je viens de déposer la lettre, nous avons cru bon de vous en informer. C'est que vous aurez, dans les prochaines minutes et dans les prochaines heures, les informations que je vous ai mentionnées.

Sur ce, je demanderais à Mme la députée de Taschereau de nous informer relativement à son sous-amendement.

Mme Maltais : Merci, M. le Président. Alors, j'ai bien écouté les explications de la ministre concernant son amendement, qui est en fait un nouveau libellé, qu'on dit plus précis, je ne pose pas de jugement encore, là, qu'on dit plus précis, sur la neutralité religieuse de l'État. Et en général il me satisfait, d'autant qu'on a ajouté, nous autres, à l'article 1 une section qu'il ne faut jamais oublier, je vais le rappeler, là, grâce à la collaboration de tout le monde a été accepté notre ajout, qui disait, à l'article 1, qu'«à cette fin, [la neutralité religieuse] impose notamment aux membres du personnel des organismes publics le devoir de neutralité religieuse dans l'exercice de leurs fonctions». Donc, on était déjà dans cette mouvance-là puis on avait exprimé ça là. Donc, ça, ça allait bien.

Maintenant, quand on lit bien l'article, on dit que «le respect du principe de la neutralité religieuse de l'État comprend notamment», et le «notamment» n'exprime qu'une chose, c'est-à-dire la façon dont le fonctionnaire, la fonctionnaire ou la personne qui travaille pour un organisme public accueille les demandes, donne de la prestation de services. Il s'agit, dans l'exercice de leurs fonctions — ils sont en exercice d'une fonction, ils sont en train de délivrer un permis, de recevoir une demande — dans l'exercice de leurs fonctions, de ne pas favoriser ni défavoriser en raison de leurs propres croyances ou de leurs propres convictions. Donc, c'est vraiment dans la délivraison du service. Si on va dans la neutralité religieuse, il doit y avoir neutralité.

Maintenant, ça ne signifie pas qu'il y ait devoir de réserve. Le devoir de réserve, c'est différent. Le devoir de réserve, ce n'est pas de la neutralité face à favoriser ou défavoriser. Ce n'est pas non plus... on n'est pas dans l'imposition de laïcité pure comme on... puisqu'il faut les qualifier, maintenant, les laïcités, même si moi, je dis que c'est la laïcité. On n'est pas non plus dans l'imposition, le rejet de vêtements ayant une connotation religieuse. On est dans le devoir de réserve, c'est-à-dire qu'il faut, dans un espace de discussion, quand on est fonctionnaire, ne pas faire de prosélytisme, c'est un peu ça, le devoir de réserve, donc devoir de réserve de, par exemple, commencer à faire du prosélytisme ou de la critique de l'autre, parce que, dans la fonction publique, il y a des gens qui ont toutes les croyances, ça... parfaitement.

Alors, le devoir de réserve, c'est de ne pas faire de prosélytisme non plus devant les gens qui sont là. Tu peux donner un service, tu peux ne pas favoriser ni défavoriser mais en profiter pour faire la morale ou faire un pitch sur ce que devrait être une attitude selon tes croyances, selon tes convictions. Ce ne serait pas favoriser ni défavoriser, mais ce serait introduire le fait religieux dans la relation avec le citoyen ou la citoyenne.

Alors, nous, on pense qu'en introduisant «devoir de réserve», c'est une réserve par rapport à des convictions religieuses qui peuvent être des convictions personnelles ou le rejet des convictions de l'autre. Alors, moi, je trouve que le devoir de réserve introduit une notion à la fonction publique, une notion supplémentaire, ce n'est pas du tout inclus dans le premier... dans le nouvel amendement, mais c'est une notion supplémentaire qui permet... qui donne une espèce de code de conduite, qui complète le code de conduite des gens de la fonction publique. Je pense qu'il existe déjà ce devoir de réserve sur d'autres éléments. On parle souvent de la politique. On dit souvent : Il ne faut pas avoir de badge, il ne faut pas faire de prosélytisme politique envers les citoyens. Les citoyens n'aiment pas ça, ils le disent tout de suite, ça les énerve : Ce n'est pas de vos affaires. Bien, voilà, je pense que le devoir de réserve, c'est neutre et ça permet de... ça introduirait une notion qui est absente du projet de loi actuellement.

• (16 heures) •

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Je suis curieuse, M. le Président, de connaître comment s'exprime ce devoir de réserve pour la collègue, parce que son amendement, en fait, l'ajout qu'elle propose est un copier-coller de l'article 4 de la défunte charte de la laïcité, du projet de loi n° 60. Donc, ce sous-amendement, c'est exactement... on le lisait à l'article 4, c'était : «Un membre du personnel d'un organisme public doit faire preuve de réserve en ce qui a trait à l'expression de ses croyances religieuses dans l'exercice de ses fonctions.» On se rappellera que cet article-là était interprété comme une interdiction faite à un membre du personnel d'un organisme public de porter un signe religieux ostentatoire. Donc, ça peut vraiment être interprété comme étant beaucoup plus intrusif puis comme allant bien au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer l'obligation de neutralité de la part du personnel. Parce que l'amendement qui est proposé peut être interprété comme empêchant le port de signes religieux puis, je vous le dis, M. le Président, le port de signes religieux, il n'est pas visé par notre article 4 parce que le port d'un signe religieux, ce n'est pas une violation au devoir de neutralité du personnel d'un organisme public parce que ça ne compromet pas en soi la neutralité religieuse de l'État. Ce n'est pas parce que je porte une croix, ce n'est pas parce que je porte une kippa, ce n'est pas parce que je porte un turban, un voile que je suis incapable d'offrir une prestation objective de services à la personne qui est devant moi.

Et donc ce sous-amendement-là pourrait porter à confusion, pourrait être interprété comme ça. Ma collègue fait signe que non de la tête, alors d'où la question... Parce que ça pourrait vraiment être interprété comme ça, et, nous, notre objectif, ce n'est pas d'empêcher... Parce que les individus qui travaillent pour l'État ont droit à leur liberté de religion puis leur liberté de croyance, puis ça, bien, ça s'exprime de différentes façons. Pour certains, ça se manifeste par le port d'un signe quelconque. Mais, comme je le mentionnais, porter un signe religieux, ça ne porte pas atteinte au devoir de neutralité. Donc, c'est mon questionnement, là, parce qu'on peut interpréter l'amendement de cette façon-là.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Merci, M. le Président. Alors, je comprends qu'on n'est pas dans la laïcité, parce que, si on était un État laïque et qu'on demandait à nos fonctionnaires de montrer de la laïcité, effectivement, à ce moment-là, on peut se dire : Oui, il ne faut pas qu'il y ait de signe religieux ostentatoire. Mais on est dans la neutralité religieuse de l'État. C'est l'idée du gouvernement actuel. Et j'ai bien dit que je travaillerais en fonction de la loi pour la modifier, l'amender, la bonifier, essayer de trouver un terrain d'entente, je suis toujours... Rappelez-vous le temps de la conciliation Bouchard-Taylor.

Alors, ce que j'ai fait, c'est que j'ai fait ce qu'on exige des opinions politiques dans la fonction publique. Peut-être qu'on pourrait reprendre le libellé de la fonction publique. Je vais vous citer la Loi sur la fonction publique, article 10 : «Le fonctionnaire doit faire preuve de neutralité politique dans l'exercice de ses fonctions.» Donc, de la même façon qu'on parle de neutralité religieuse ici, on parle de neutralité politique. Mais on a senti le besoin, dans la Loi sur la fonction publique, d'ajouter un article qui est l'article 11, qui dit : «Le fonctionnaire doit faire preuve de réserve dans la manifestation publique de ses opinions politiques.» Donc, au devoir de neutralité politique des fonctionnaires on a ajouté, on a cru bon d'ajouter le devoir de réserve dans l'opinion politique, donc, et ça fonctionne bien, c'est-à-dire que c'est reconnu. Puis la Loi sur la fonction publique travaille de cette manière-là depuis des années, maintenant, et ce n'est pas un problème.

Alors, moi, ce que je me dis, c'est que de la même façon que, dans la fonction publique, on a un devoir de neutralité politique, maintenant on ajoute le devoir de neutralité religieuse, de la même façon qu'on a un devoir de réserve pour la fonction publique puis ses opinions politiques. On doit ajouter le devoir de réserve parce qu'on ne peut pas exiger des citoyens quelque chose et, nous, ne pas exiger quelque chose de la fonction publique. Ça fait que ce devoir de réserve dans la manifestation de ses opinions religieuses, moi, je le trouve intéressant. C'est bon pour la fonction publique, pour sa loi. Je ne vois pas pourquoi ça ne serait pas bon pour la loi sur la neutralité religieuse. Je trouve que c'est un ajout intéressant qui est déjà vécu dans une autre loi puis qui ne cause pas de problème, vraiment pas.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Bien, c'est très différent au niveau de l'interprétation parce que c'est vraiment... C'est certain que la Loi sur la fonction publique prévoit déjà que le fonctionnaire exerce... a le devoir, pas seulement qu'il exerce, mais a le devoir d'exercer ses fonctions dans l'intérêt du public puis avec impartialité. Alors, déjà là, la loi le prévoit. Le projet de loi précise comment cette impartialité-là se manifeste lorsqu'il est question de la neutralité religieuse de l'État, c'est-à-dire on ne favorise pas et on ne défavorise pas. Maintenant, l'amendement, «faire preuve de réserve» pourrait être interprété comme s'appliquant à sa propre manifestation de sa croyance religieuse. Donc, moi, ce que je soulève, c'est une difficulté d'interprétation, qui pourrait mener, au fil des ans... Parce qu'évidemment notre volonté n'est pas d'empêcher l'expression de la liberté de religion par les employés, on ne peut pas demander aux employés de ne pas croire, et donc il faut éviter, le projet de loi, qu'on puisse donner une portée qui n'est pas celle qui est souhaitée.

Donc, pour nous, le port de signes religieux, évidemment, ne vient pas compromettre la neutralité, mais je comprends que d'autres pourraient y voir une atteinte à la neutralité. Mais c'est clair, c'est reconnu, tu portes un signe religieux, ça n'entraîne pas nécessairement une imposition de ta foi à la personne avec qui tu interagis. Donc, moi, cette difficulté-là, cette fragilité au niveau de l'interprétation me mène à user de prudence et à dire : Je ne suis pas certaine que ce soit opportun d'apporter cet amendement-là, qui, comme je le mentionnais, est exactement ce qu'on retrouvait dans le projet de loi n° 60, donc c'est le même libellé, là, c'est exactement la même chose, et, dans le projet de loi n° 60, c'était dans un contexte où on voulait venir interdire ou empêcher le port de signes religieux.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.

• (16 h 10) •

Mme Maltais : Bien, M. le Président, écoutez, on ne va pas diaboliser le projet de loi n° 60, là. Il y a plein d'extraits du projet de loi n° 62 qui viennent du projet de loi n° 60. Tout le chapitre des services de garde à l'enfance vient du projet de loi n° 60, en tout cas, c'est tel quel, mot à mot. C'est pour ça, on l'a dit, ça : Ah! ce bout-là, on est contents. C'est exactement ce que le Parti québécois proposait à l'époque, le projet de loi n° 60. Les articles 2 et 3, c'est sensiblement la même chose, le projet de loi n° 60, sauf sur les services de transport, où on avait une autre façon de travailler ça qui soulevait moins un tollé.

Donc, moi, j'ai pris les mots de la fonction publique, «devoir de neutralité», «devoir de réserve». Pourquoi ce qui est bon pour le politique n'est pas bon pour le religieux? Devoir de neutralité dans l'exercice de leurs fonctions. Puis ça, je suis d'accord avec la ministre, elle parle de l'exercice de leurs fonctions. Exercer ses fonctions, c'est une chose, mais un devoir de réserve, c'est autre chose, c'est une conduite. Tu ne te mets pas à faire du prosélytisme ni politique ni religieux à la cafétéria. À un moment donné, il y a quelqu'un qui va te taper sur l'épaule, qui va dire : Lâche-nous, là. Ça se peut, là, tu sais, c'est... Mais tu ne le fais pas non plus devant le public, l'opinion publique. C'est marqué : «Le fonctionnaire doit faire preuve de réserve dans la manifestation publique de ses opinions politiques.» On fait attention aux citoyens et aux citoyennes, on a un devoir de réserve par rapport aux citoyens et citoyennes.

Non, je ne l'interprète pas comme un signe religieux. Ce ne serait pas scandaleux pour moi que, comme bien d'autres endroits, on demande un devoir de réserve quant aux vêtements religieux, je n'ai aucun problème avec ça, je suis pour. Mais ce n'est pas ça, le sujet. On n'est pas dans la laïcité, on est dans la neutralité religieuse. Je dis : Devoir de neutralité religieuse, devoir de réserve, l'État ne doit pas exercer ses fonctions aux citoyens... ne doit pas favoriser ou défavoriser des citoyens, d'accord, mais que l'état d'esprit dans lequel il doit être, puisque maintenant... Moi, pour moi, ce projet de loi là, le n° 62, ne protège plus l'État du religieux, il gère le religieux. Moi, je crois à un État laïque. Le religieux n'a pas d'affaire dans l'État, c'est deux mondes complètement séparés. D'ailleurs, le préambule, il y a une séparation entre l'Église et l'État, mais c'est juste dans le préambule, c'est le seul endroit où il y a une séparation entre l'Église et l'État. Le reste, on dit qu'il ne faut pas favoriser ou défavoriser. On balise le religieux à l'intérieur de l'État, alors qu'il n'a pas d'affaire là-dedans. Mais, puisqu'on le balise, on le balise sur la neutralité. On dit : Ne pas favoriser, ne pas défavoriser, on dit comment se comporter quand un fonctionnaire exerce ses fonctions, mais je pense qu'il faut parler du devoir de réserve. Je ne pense pas que ce soit sur le vêtement, mais un devoir de réserve, comme ça existe pour l'opinion politique, ça devrait exister pour le religieux, neutralité politique, devoir de réserve politique, neutralité religieuse, devoir de neutralité... devoir de réserve religieux. Ça devrait aller ensemble. Pour moi, c'est comme une espèce de code de conduite morale, si on veut. C'est un peu interprété comme ça, d'ailleurs, dans la fonction publique.

Mme Vallée : Mais...

Mme Maltais : ...du tout, là. Moi, j'y crois, au fait qu'on devrait enlever les signes religieux ostentatoires de la fonction publique, avec droits acquis et tout, bon, il y a plein de nuances qu'on apporte maintenant, dont on a discuté, droits acquis... Mais le devoir de réserve, ce n'est pas ça.

Mme Vallée : Mais ça, est-ce que... On l'exprime comment, ce devoir de réserve? Parce que, dans les guides sur l'éthique dans la fonction publique, pour ce qui est du devoir de réserve qui est en lien avec la possibilité du fonctionnaire de faire connaître ses opinions politiques, on indique... Il y a un petit guide sur l'éthique dans la fonction publique québécoise, puis, à la page 11 de ce guide-là, on indique : «Pour sa part, l'obligation de réserve qui lie le fonctionnaire quant à la possibilité pour lui de faire connaître publiquement ses opinions politiques est plus générale en ce sens qu'elle s'applique tant dans l'exécution de ses fonctions qu'en dehors de celles-ci.» Au niveau de... Est-ce qu'on va jusque-là? Parce que vraiment... Honnêtement, est-ce que... Et ça s'exprime comment, pour vous, le devoir de réserve? Parce que ce n'est pas rien. Et puis, comme je vous le mentionnais, nous, on l'interprétait, lorsqu'on a regardé l'amendement, comme empêchant le port d'un signe religieux, parce qu'un devoir de réserve, ça pourrait aller jusque-là. Donc, il s'exprime comment, le devoir de réserve?

Mme Maltais : Oui. Si on regarde le modèle que je prends sur la Loi sur la fonction publique, il y a effectivement une réglementation qui ensuite l'exprime. Mais, si on regarde l'article 12, parce que je ne suis pas rentrée dans les détails, je voulais voir l'accueil du devoir de réserve, ça dit : «Rien dans la présente loi n'interdit à un fonctionnaire d'être membre d'un parti politique, d'assister à une réunion politique ou de verser, conformément à la loi, une contribution à une instance d'un parti...» C'est vraiment dans la loi qu'on a votée. Et je sais qu'il y a eu depuis des règlements, mais la loi, elle est pour la liberté d'opinion. La Loi sur la fonction publique ne touche pas à la liberté d'opinion des fonctionnaires, c'est un devoir de réserve par rapport à la publication de leurs opinions quand ils sont au travail. Alors, l'idée, c'est la même chose, c'est-à-dire que, pour moi, c'est d'empêcher un peu le prosélytisme, le prosélytisme n'étant pas nécessairement à tout crin, mais, écoutez, on n'a pas à imposer un débat sur sa religion ou avoir une opinion religieuse qui serait transmise à travers son service. J'essaie de... Vous comprenez que, dans la Loi sur la fonction publique, c'est tout là.

Mme Vallée : Non, je comprends l'effort qui est fait, là. Mais, lorsque, dans le libellé, on prévoit justement que, dans l'exercice de leurs fonctions, les membres du personnel ne doivent pas favoriser, défavoriser une personne en raison de ses convictions religieuses, est-ce que ce n'est pas suffisant? En quoi ce serait différent du devoir de réserve auquel notre collègue fait référence? Parce que la personne, dans le fond... J'essaie d'avoir une image de ce qui pourrait être visé par ce devoir de réserve là. À partir du moment... Oui, d'accord. Mais est-ce que le libellé de 4 ne permet pas, justement, ou n'empêche pas, justement...

Mme Maltais : ...position religieuse sur l'avortement.

Mme Vallée : Bien, ça, justement, le libellé... Je comprends, puis c'est tout à fait à propos; sur l'aide médicale à mourir, par exemple. Mais le libellé empêche justement que la prestation de services soit teintée par les convictions religieuses du personnel, des membres du personnel.

Mme Maltais : C'est la prestation de services, mais ça n'empêche pas quelqu'un de faire du prosélytisme, dans le sens de dire : Ça n'a pas de bon sens, c'est terrible, ta, ta, ta. Le devoir de réserve est un devoir de conduite. On ne fait pas la morale aux gens parce qu'on a des opinions religieuses. On peut remplir un formulaire et ne pas favoriser ou défavoriser quelqu'un, mais on peut lui faire savoir le fond de sa pensée, par exemple.

Mme Vallée : Bien, vous voyez, ce que vous décrivez, moi, je considère que c'est visé et je considère que l'employé qui, par exemple, ferait un commentaire éditorial, pendant la prestation de services, sur le droit à l'avortement ou sur d'autres... Par exemple, la préposée à l'accueil d'un CLSC qui se permet de faire ce jugement de valeur là à la jeune fille qui vient s'informer sur la contraception, par exemple, et remplit le formulaire, mais se met à lui faire des remontrances quant à l'immoralité de la chose ou quant à l'immoralité de l'avortement, à mon avis, le membre du personnel manque à son obligation de neutralité, parce que cette personne-là teinte sa prestation, teinte l'interaction de ses valeurs.

Mme Maltais : M. le Président, si vous permettez... C'est parce que ça peut être...

Mme Vallée : Puis je pense qu'on a le même objectif, là.

• (16 h 20) •

Mme Maltais : Oui, oui. Je comprends, mais c'est parce que ça ne touche pas... Entre collègues, le devoir de réserve, ça touche les relations entre collègues aussi. Et une des façons de voir... Par exemple, actuellement, il y a une montée anti-immigration, et il y a des personnes de communautés religieuses — pour ne pas les nommer, les musulmans — qui reçoivent des invectives, il y a une montée de l'extrême droite, O.K.? Je pense aussi qu'il faudrait qu'il y ait, entre collègues, un devoir de réserve pour que quelqu'un qui aurait une opinion qui n'est pas politique, mais qui est religieuse se fasse dire : Écoute, devoir de réserve, mon ami, s'il te plaît. Si tu as des problèmes avec des religions, bien, tu règles ça ailleurs, parce qu'ici tu as un devoir de réserve. C'est dans ce sens-là aussi, là, c'est de protéger aussi tout le monde, là.

Mais le devoir de réserve, c'est aussi entre collègues. C'est ça que je disais au départ. Quand j'ai déposé l'amendement, je disais que ce n'est pas seulement un amendement... C'est parce que le libellé actuel n'est que sur la prestation de services. Moi, je parle de l'État, comment il fonctionne, et les fonctionnaires doivent avoir un devoir de réserve par rapport au religieux. Ça couvre tout le monde puis ça protège tout le monde. Parce que moi, je considère que d'introduire le religieux dans l'État, c'est un peu... c'est une erreur, ça fait que je propose une balise qui protège un peu tout le monde.

Mme Vallée : Mais c'est parce que cette balise-là peut être interprétée. Et, moi, c'est l'interprétation poussée qui pourrait mener quelqu'un à l'interpréter comme étant une interdiction, que cette réserve-là ne soit pas conciliable avec le port d'un signe religieux, et ce n'est pas là où on souhaite aller.

Mme Maltais : M. le Président, si la ministre veut réécrire l'amendement ou en introduire un autre... Parce que je ne peux pas, moi, dire que je ne veux pas l'interdiction de signe, de port... religieux d'un membre du personnel. C'est une position de parti, c'est une position historique et tout, signes religieux ostentatoires, droits acquis et tout. Je ne peux pas le proposer, ça va à l'encontre de ce qu'on croit, de ce qu'on a comme pensée politique aussi. Mais, s'il y a moyen de le libeller autrement, que ça vient de quelqu'un ici autour de la table puis que ça introduise l'idée que le devoir de réserve n'implique pas l'interdiction de signes religieux par les membres du personnel, je n'ai pas de problème, mais il faut le tricoter. Si c'est ça, le problème, on peut l'écrire, mais je n'irai pas l'écrire si, pour moi, ça balise trop. Moi, je propose le devoir de réserve, mais proposer l'approbation de signes religieux ostentatoires, pour moi, c'est aller à l'encontre... Vous comprenez? Je veux bien aménager la crainte de la ministre, mais j'aimerais ça qu'elle m'aide à l'aménager parce que moi, je ne le ferai pas. Dans mes propos, je le dis clairement, c'est clair.

Mme Vallée : Parce que, vous savez, le «notamment» de l'article 4 peut aussi inclure les relations entre les membres de l'État. C'est-à-dire qu'au sein même de l'État il serait tout à fait utopique de prévoir exclusivement la neutralité envers le citoyen et la neutralité... Le devoir de neutralité religieuse est aussi dans la prestation de services puis dans le travail. Maintenant, c'est pour ça que j'essaie de voir... Et je questionne la collègue, là, parce que je veux bien saisir, je veux m'assurer de bien saisir ce qu'elle considère être absent de l'article 4. Je comprends qu'on souhaite vraiment que la prestation de services et l'interaction... on souhaite aussi protéger les membres du personnel d'attaques ou de commentaires désobligeants de la part d'un collègue, d'une collègue, je comprends cette préoccupation-là, mais, comme je le mentionnais, l'interprétation que nous pouvons donner à l'article 4 dans sa forme actuelle peut nous amener là où nous, on ne souhaite pas aller.

Alors, j'essaie, là, de voir si... Peut-être, ma collègue... Je ne sais pas si ma collègue aurait d'autres exemples sur le devoir de réserve, sur l'expression de ce devoir de réserve, d'autres particularités pour assurer, avec les équipes, de bien saisir, pour peut-être voir à trouver peut-être une formulation qui serait similaire, mais qui ne serait pas potentiellement... qui ne porterait pas atteinte à d'autres...

Mme Maltais : J'avoue honnêtement que ça me semblait tout simple, le devoir de réserve. Ma définition, c'est d'empêcher le prosélytisme et que ça...

Mme Vallée : En soi, nous ne sommes pas contre le principe. On croyait que... Nous, on est d'avis que le libellé actuel couvre ça et empêche ça. Mais qu'est-ce qui n'est pas assez clair? Et qu'est-ce qui mérite d'être clarifié?

Mme Maltais : Moi, je pense... Ce qui n'est pas clair, c'est que l'article 4, actuellement, pour moi, ça ne touche que... les membres du personnel des organismes publics, dans l'exercice de leurs fonctions, ne doivent pas favoriser ou défavoriser... C'est dans l'acte, le geste, la prestation, mais ce n'est pas dans l'interaction et le prosélytisme, voilà, simplement. Je n'ai rien d'autre à dire, je ne sais pas comment l'amener autrement. C'est le débat qu'on a eu. Pour moi, à moins que des collègues aient quelque chose à dire, moi, ça finit le débat là. J'ai plaidé, puis on est d'accord ou pas, mais moi, je pense que, comme on l'a inscrit dans la fonction publique, on devrait l'inscrire dans cette loi-là, c'est tout. J'arrête là, là, parce que je ne veux pas répéter 100 fois les mêmes arguments puis faire perdre le temps aux gens. Je veux bien qu'on ajourne la chose, mais je ne veux pas retarder les débats.

Le Président (M. Ouellette) : J'ai compris ça, Mme la députée de Taschereau. Mme la ministre.

Mme Vallée : Je comprends. Puis en même temps, pour nous, comme je mentionnais, sur l'interdiction du prosélytisme, on est sur la même page. Nous, on est d'avis que le libellé actuel couvre cette question-là. Puis c'est clair que le prosélytisme, en soi, c'est une atteinte à la neutralité de l'État, à la neutralité religieuse de l'État puis à la neutralité religieuse des institutions parce que, si on va regarder, là, la définition, le sens pur, c'est un zèle ardent pour recruter des adeptes pour tenter d'imposer ses idées. Donc, dès que quelqu'un tente d'imposer ses idées, prêche de façon très, très, très intense, bien, cette personne-là n'agit pas en toute neutralité.

Mme Maltais : C'est pour ça que je mettais «devoir de réserve» et non pas «prosélytisme». Un devoir de réserve, pour moi, est un peu plus large que seulement «prosélytisme». Deuxièmement, très respectueusement, moi, vraiment, là, il me reste peu de temps puis peu de commentaires, je ne veux pas... Le projet de loi est parfois perçu comme n'étant pas assez laïque, O.K., par des gens, dont nous, et je trouvais qu'amener le devoir de réserve quand on amène l'obligation de neutralité religieuse amenait un certain équilibre à cette loi-là. Je vous le dis, ça rétablissait une certaine perception. Je continue à dire que ce serait intéressant. Maintenant, je n'ai plus d'arguments.

Le Président (M. Ouellette) : Est-ce qu'il y a d'autres commentaires au commentaire de Mme la députée de Taschereau avant que je passe la parole à Mme la députée de Montarville? Mme la ministre.

Mme Vallée : Bien, écoutez, on continue à réfléchir avec les équipes puis voir si...

Le Président (M. Ouellette) : Bien, je comprends que ça suscite beaucoup de réflexions, et c'est le but de l'exercice. Mme la députée de Montarville, sur le sous-amendement de l'amendement à l'article 4.

• (16 h 30) •

Mme Roy : Ce sera précis, M. le Président. Merci de le spécifier. C'est un sous-amendement qui est très intéressant. On a déjà eu des discussions à cet égard. Ce fameux devoir de réserve, on l'a dit, on l'a répété, les fonctionnaires, dans l'exercice de leurs fonctions, ne doivent pas, actuellement, afficher leurs préférences politiques, des macarons, des écussons des partis politiques qu'ils aiment, et c'est accepté, c'est dans les conventions. C'est ce devoir de réserve auquel fait référence ma collègue de Taschereau, et l'idée d'appliquer ce même devoir en ce qui a trait aux préférences religieuses, pour nous, est tout à fait cohérent.

Et, peut-être pour aider à la réflexion, j'aimerais ramener les parlementaires à notre charte, la Charte canadienne des droits et libertés, puisque Mme la ministre interprète ou... c'est-à-dire nous nourrit de son expertise et qu'elle va puiser à même les décisions de la Cour suprême, mais la Cour suprême, ce qu'elle fait, c'est qu'elle se sert de cette Charte canadienne des droits et libertés. Et ultimement on a beau avoir la charte québécoise, mais c'est la charte canadienne qui fera foi de tout dans cette question. Et, je pense, c'est important de le dire pour les gens qui nous écoutent, c'est l'article 2 qui nous parle des libertés fondamentales que nous avons tous, et chacun a les libertés fondamentales suivantes... Et une liberté fondamentale, ce n'est pas un droit, c'est une liberté. La charte fait la différence. Et, si on prend l'exemple de ce fameux devoir de réserve, on revient à cet employé qui voudrait porter un macaron d'un parti, le parti XYZ, bien, il ne peut pas le faire actuellement, hein? Donc, ce qu'on constate, c'est que le fait d'avoir ce macaron-là, c'est la liberté d'expression, la liberté de pensée, la liberté d'opinion de ce fonctionnaire-là, ce sont des libertés qui sont à l'article 2. Alors, cette liberté d'expression, de pensée et d'opinion de ce fonctionnaire dans l'exercice de ses fonctions qui est actuellement, au moment où on se parle... elle est restreinte pour des motifs politiques. On ne peut pas afficher des partis politiques, des idées politiques, etc., dans l'exercice de ses fonctions. Mais actuellement, si on suit les enseignements que la ministre tente de nous faire comprendre, la liberté d'expression du même fonctionnaire, elle ne serait pas restreinte pour des motifs religieux. Alors, je trouve que c'est totalement absurde, puisqu'on parle de libertés fondamentales ici, et cette même liberté d'expression, si elle est une liberté d'expression de pensée politique, ça ne marche pas, mais, si c'est une liberté d'expression religieuse, ça marche. Et je vous dis pourquoi c'est absurde : parce que c'est donner plus d'importance à la liberté de religion qu'à la liberté d'expression. Et, Mme la ministre le sait très bien, les libertés fondamentales qu'on retrouve à l'article 10, elles sont toutes égales. Il n'y a pas de hiérarchie ni des droits ni des libertés.

Alors, la question que je pose, c'est : Pourquoi ne pourrait-on pas, justement, dire à ces fonctionnaires qui sont en train de travailler, dans l'exercice de leurs fonctions, qu'ils ont ce droit de... pardon, qu'ils doivent faire preuve de cette réserve et ne pas afficher leur liberté religieuse, leur liberté d'expression à caractère religieux, tout comme ils ne peuvent pas afficher leur liberté d'expression à caractère politique? J'essaie de trouver ici une piste de solution, puisque les libertés fondamentales, je le répète, sont toutes égales, et on ne doit pas en privilégier une au détriment de l'autre. Si on le fait pour pitou, pourquoi ce n'est pas bon pour minou? C'est la question que je pose.

Une voix : ...

Le Président (M. Ouellette) : Oui, oui. Non, ça va.

Mme Roy : Donc, je trouve intéressant le sous-amendement déposé par ma collègue de Taschereau.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre, est-ce qu'il y a des commentaires aux commentaires de Mme la députée de Montarville?

Mme Vallée : Bien, en fait, je pourrais en avoir beaucoup, mais je ne veux pas prendre trop de temps. Simplement, comme je le mentionnais, pour nous, le libellé de l'article 4, dans sa forme, permet justement de venir encadrer cette obligation, ce devoir de neutralité. En fait, ce devoir de réserve, c'est un devoir de neutralité, en soi, parce que c'est un devoir d'impartialité. Parce que, bien, ultimement, c'est ce qui est recherché. Lorsqu'on demande à un... Lorsque, dans le cadre de la Loi sur la fonction publique, on impose à un employé de faire preuve d'un devoir de réserve quant à la manifestation de ses opinions politiques, c'est parce qu'on souhaite s'assurer que l'employé, le fonctionnaire va agir de façon neutre et impartiale dans le cadre de ses fonctions puis ne fera pas de... ne va pas manifester d'opinion politique, là, de façon ouverte. Et la neutralité religieuse, le principe de neutralité religieuse interdit en soi le prosélytisme, parce que le prosélytisme va à l'encontre même du principe de la neutralité religieuse. Quelqu'un qui s'exprime de façon très, très forte et qui véhicule des idées, des dogmes ne fait pas preuve de neutralité dans le cadre de son travail, parce que c'est quelqu'un qui indirectement, par ses propos, va tenter d'imposer ses croyances. Lorsqu'à l'article 4 on fait référence à ce devoir de neutralité, on vient justement couvrir... on inclut de façon beaucoup plus globale... plutôt que d'énumérer une série de comportements qui iraient à l'encontre, on l'inclut, et on agit, et on intervient.

Je comprends que notre collègue... Et je ne suis pas contre le fond, mais on a des échanges avec les équipes, puis ce que l'on dit, c'est que cette réserve-là à l'égard de la religion, ce devoir de réserve, il est inclus par le devoir de neutralité. Donc, c'est pour ça qu'on me dit : Bien, ce serait peut-être quelque peu redondant.

Mais, dans la forme aussi, dans la forme actuelle, la crainte, il y avait la question de l'interprétation, c'est-à-dire qu'est-ce qu'on entendait par le devoir de réserve.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Montarville.

Mme Roy : Oui. Mme la ministre nous dit : Le devoir de réserve, il est inclus dans le devoir de neutralité. On y revient peut-être, si on pouvait définir la neutralité religieuse, parce que le fonctionnaire ne peut pas afficher ses convictions politiques, soit, mais il peut afficher ses convictions religieuses. Alors, les gens qui nous écoutent, comment peut-on dire, alors, que le devoir de réserve est inclus dans la neutralité? J'ai un problème. À partir du moment où la neutralité religieuse n'est pas définie... Si, par exemple, Mme la ministre nous disait : La neutralité religieuse... en plus du fait que naturellement les décisions ne doivent pas être influencées, ne pas favoriser ni défavoriser, ça, c'est le gros bon sens, là, c'est être respectueux avec les gens qui nous entourent, on est là pour faire un travail, là, mais, outre ça, au lieu d'un «notamment», être précise et dire que la neutralité religieuse de l'État se définit de telle, telle, telle façon, le fonctionnaire doit faire preuve de réserve en n'affichant pas ses convictions religieuses... On y revient. Et ce que je vous disais, tout à l'heure, ce n'était pas anodin. Et je revenais à notre Constitution canadienne. L'article 2, ce sont des libertés fondamentales qui sont toutes égales, il n'y a pas de hiérarchisation. Alors, pourquoi, dans un cas, on y met... on la balise, dans le cas des fonctionnaires, lorsqu'il s'agit de leur liberté d'expression pour des motifs politiques, mais on a dit : Nous ne la baliserons pas parce qu'elle touche la liberté d'expression pour des motifs religieux, alors que les deux sont protégées de la même façon par la charte? C'était mon commentaire.

Le Président (M. Ouellette) : Bon, c'était un commentaire, ce n'est pas une question. Est-ce que Mme la ministre a un commentaire sur la question, une réponse sur le commentaire de Mme la députée de Montarville ou... Vous avez un commentaire additionnel ou vous avez pas mal couvert la question, avant que je demande aux collègues s'ils ont d'autres commentaires et que nous passions au vote sur le sous-amendement? Avez-vous un autre commentaire, Mme la ministre? Bon, ne bougez pas, je vais vous...

Mme Vallée : Je pourrais en faire, mais je ne suis pas sûre que ce soit de nature à améliorer nos débats.

Le Président (M. Ouellette) : Bon, ça fait que je prends pour acquis que vous n'avez pas d'autre commentaire et je prends pour acquis que nous allons voter sur le sous-amendement de Mme la députée de Taschereau... Pas tout de suite. M. le député de Bourget, vous allez clore notre débat, probablement.

M. Kotto : Oui, M. le Président, très brièvement, pour inspirer le cheminement de la ministre relativement au sous-amendement de ma collègue de Taschereau. Quand on parle du devoir de réserve, il faut également penser — et, dans mon souvenir, il y a des personnes qui sont venues ici, en commission parlementaire, en témoigner — au harcèlement religieux entre collègues ou aux pressions religieuses que subissent certaines personnes, notamment des femmes, mais qui vivent ces harcèlements et ces pressions dans le silence et la torpeur. Donc, il ne faut pas les oublier. C'était le petit commentaire que je voulais faire.

• (16 h 40) •

Le Président (M. Ouellette) : Est-ce qu'il y a une réponse au commentaire de M. le député? Oui, Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : M. le Président, oui, le député de Bourget vient de me rappeler, effectivement... L'association des Nord-Africains pour la laïcité était venue nous dire à quel point ils avaient des pressions parfois dans les lieux de travail. Et ils nous avaient donné l'exemple d'une pétition qui avait circulé pour obtenir un lieu de prière, et une dame n'avait pas voulu signer la pétition et elle avait ensuite fait l'objet de mesures, de pressions, genre, plus personne ne lui parlait. C'est ce qu'ils sont venus nous dire en commission parlementaire. Et de là est venue cette idée aussi de devoir de réserve. Merci au collègue de Bourget de me rappeler qu'effectivement il y a eu des commentaires là-dessus, mémoires et surtout échanges avec les Nord-Africains pour la laïcité. Bien, c'est ça... pour la laïcité, c'est de là que ça vient.

Le Président (M. Ouellette) : Commentaire, Mme la ministre, avant qu'on aille...

Mme Vallée : Je pense que l'article 4, dans son libellé, couvre ça dans le «notamment». Lorsque je parlais des politiques de l'État, des décrets, et tout ça, il y a aussi ce que... l'espace, les services, l'encadrement des employés. Je pense que ce que l'on décrit n'a pas sa place dans un État neutre, dans une institution qui est neutre. On ne peut tolérer un comportement comme ça, une discrimination à l'égard d'un collègue ou d'une collègue qui ne pense pas comme nous, de la pression sur un collègue ou une collègue qui ne partage pas nos convictions ou notre absence de croyance, ça n'a pas sa place. L'objectif, c'est que le comportement ne soit pas teinté, justement, par cette différence qui est... Et donc le libellé de 4, à notre avis, nous permet de couvrir cette question-là.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Bourget.

M. Kotto : Juste une clarification de la part de la ministre. Favoriser ou défavoriser une personne, ça peut aussi être un ou une collègue? Est-ce que c'est ce que la ministre veut nous faire comprendre?

Mme Vallée : Excusez-moi, c'est parce qu'en réfléchissant on s'écrit aussi, je m'excuse, là, pour voir... Et vous avez tout à fait raison. Favoriser ou défavoriser, ce n'est pas seulement que la... On a beaucoup référé à la personne qui fait la prestation de service, mais c'est aussi ma collègue qui est à mes côtés, que je dois respecter, mon employé, la personne qui est sous mon autorité et la personne qui est mon supérieur également. Ce devoir-là, il va de soi.

Mme Maltais : Bien, M. le Président, je vais vous dire que, même si je tiens encore à l'inscription du devoir de réserve, je trouve que cette clarification qui vient d'être énoncée est extrêmement importante. Merci. Merci, mon cher collègue.

Le Président (M. Ouellette) : Bon, devant tant de clarté, est-ce qu'on est prêts à voter? On est prêts à voter le sous-amendement. Et on va voter par appel nominal parce que... Non, pas nécessairement? Donc, est-ce que le sous-amendement proposé par Mme la députée de Taschereau est adopté?

Des voix : Rejeté.

Le Président (M. Ouellette) : Il est rejeté. Donc, le sous-amendement de Mme la députée de Taschereau est rejeté. Mais...

Mme Vallée : Mais il a mené à une discussion qui permet de clarifier l'article 4. Alors, ce n'est pas un rejet qui est dogmatique, c'est un... Non, mais c'est important de le mentionner parce que ça a quand même permis de clarifier des choses.

Le Président (M. Ouellette) : Et c'est pour ça que le verbatim de nos débats est tellement important pour la suite des choses et pour les gens qui reviennent, lors des contestations judiciaires, qui viennent voir dans quel esprit... et quelles discussions se sont tenues dans le cadre de nos débats.

Nous revenons maintenant à l'étude de l'amendement proposé par Mme la ministre à l'article 4. Est-ce qu'il y a d'autres commentaires? Il n'y a pas d'autre commentaire. Est-ce que... Il y a peut-être un autre commentaire. Oui, Mme la députée de Montarville.

Mme Roy : Oui, merci beaucoup, M. le Président. C'est toujours question de procédure. Je vous avais dit que nous avions un sous-amendement. Quand ce sera le temps, là, je vous laisse...

Le Président (M. Ouellette) : ...sous-amendement à l'amendement de Mme la ministre à l'article 4?

Mme Roy : À l'article 4, oui.

Le Président (M. Ouellette) : Et il est en sous-amendement à l'amendement de la ministre ou si ça va être un amendement à l'article 4?

Mme Roy : C'est modifier l'amendement à l'article 4, donc c'est un sous-amendement.

Le Président (M. Ouellette) : Bon, c'est un sous-amendement. Je vais vous écouter, en n'oubliant pas que M. le député de Gouin, lui, veut déposer un amendement, après l'adoption de l'article 4, qui introduirait 4.1.

Une voix : ...

Le Président (M. Ouellette) : Bien oui, bien oui, je comprends, mais, dans les règles des choses... Mais je veux juste nous le mentionner, que, dans les règles des choses, je n'oublierai pas personne. Mme la députée de Montarville.

Mme Roy : C'est un 4.1 aussi que j'ai, alors...

Le Président (M. Ouellette) : Ah! c'est un 4.1. Donc, on n'est pas sur le 4.1, donc, et je pense que c'est très important que les choses soient claires. Donc, l'amendement de Mme la ministre introduit à l'article 4, est-ce qu'il est adopté?

Des voix : Adopté.

Une voix : Sur division.

Le Président (M. Ouellette) : Il est adopté sur division? Donc, l'amendement de Mme la ministre à l'article 4 est adopté sur division.

Est-ce que, l'article 4, il y a d'autres commentaires? Il n'y a pas d'autre commentaire. Est-ce que l'article 4, ainsi amendé, est adopté?

Des voix : Adopté.

Une voix : Sur division.

Le Président (M. Ouellette) : Adopté sur division. Maintenant, Mme la députée de Taschereau, vous nous avez informés que vous aviez un amendement qui introduirait probablement un 4.1.

Mme Maltais : O.K. Alors, article 4.1 : Ajouter, après l'article 4 du projet de loi, l'article suivant :

«4.1. Parce qu'ils doivent incarner la neutralité de l'État et exercent un pouvoir de coercition, les agents de l'État suivants ne peuvent porter de signes religieux dans l'exercice de leurs fonctions :

«a) les magistrats;

«b) les procureurs de la poursuite;

«c) les policiers;

«d) les gardiens de prison.»

Le Président (M. Ouellette) : Je vais suspendre quelques minutes. Juste avant ma suspension, vous avez un ou deux amendements à 4.1, madame la... Parce que je pense que j'en ai deux, moi. Vous avez un 4.1?

Mme Maltais : J'ai un 4.1.

Le Président (M. Ouellette) : Bon, vous avez un 4.1. Je comprends aussi que, Mme la députée de Montarville, vous aurez un autre 4.1?

Mme Roy : Oui.

Le Président (M. Ouellette) : Ou qui pourra être 4.2.

Mme Maltais : Selon ce qui arrivera à 4.1, on verra si on dépose d'autres amendements.

Le Président (M. Ouellette) : O.K. C'est beau.

Mme Maltais : S'il est adopté, moi, je viens de régler mon affaire.

Le Président (M. Ouellette) : C'est beau. Et je comprends aussi que M. le député de Gouin aura aussi des choses qui viendront à 4.1 et que le numéro changera sûrement en cours de route.

Je suspends quelques minutes, le temps de regarder la recevabilité de l'amendement introduit par Mme la députée de Taschereau à 4.1.

(Suspension de la séance à 16 h 48)

(Reprise à 17 h 17)

Le Président (M. Ouellette) : Nous reprenons nos travaux. Ne bougez pas, parce que je...

Une voix : ...

Le Président (M. Ouellette) : Oui, bien, ne bougez pas. On va reprendre nos travaux, puis vous me parlerez après, Mme la députée de Montarville.

Nous reprenons nos travaux. Nous en sommes à l'étude d'un amendement introduisant l'article 4.1 qui nous a été présenté par Mme la députée de Taschereau. Et on s'excuse s'il y a eu un petit délai, mais c'est parce qu'il y a des choses qui vont se placer. Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : M. le Président, si vous permettez, et avec le consentement des gens, étant donné qu'on a découvert que la façon dont j'avais libellé 4.1 excluait certains agents de la paix qui avaient des pouvoirs de coercition, par exemple les agents de l'Assemblée nationale ici, les constables à l'entrée des palais de justice, et toujours l'idée de Bouchard-Taylor, pouvoir de coercition et position d'autorité, j'aimerais retirer l'article 4.1 pour déposer un 4.2 qui exprimerait mieux notre pensée.

Le Président (M. Ouellette) : Et que vous allez nous lire immédiatement, Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Oui. Alors, on est d'accord pour retirer l'autre? Moi, je retire...

Le Président (M. Ouellette) : Est-ce qu'on est d'accord, de consentement, pour retirer 4.1?

Des voix : Consentement.

Mme Maltais : O.K. Alors, article 4.2 : Ajouter, après l'article 4 du projet de loi, l'article suivant :

«4.2. Parce qu'ils doivent incarner la neutralité de l'État et exercent un pouvoir de coercition, les agents de l'État suivants ne peuvent porter de signes religieux dans l'exercice de leurs fonctions :

«a) les magistrats;

«b) les procureurs de la poursuite;

«c) les agents de la paix.»

Le Président (M. Ouellette) : Avant que j'aille à vos explications, Mme la députée de Montarville, vous vouliez intervenir? Je veux vous permettre...

Mme Roy : Oui, brièvement, là. Je crois comprendre qu'on incorpore sous le même vocable gardiens de prison et agents de la paix. Alors, simplement par souci de précision, c'est en vertu de quelle loi que les gardiens de prison sont considérés des agents de la paix?

Et ma sous-question : Est-ce que le vocable «agents de la paix» d'une certaine loi englobe et les policiers mais également les gardiens de prison, les constables spéciaux? Est-ce que c'est large comme ça? C'est vraiment par souci de précision.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre va se faire le plaisir de vous donner...

Mme Vallée : ...systèmes correctionnels qui prévoit...

Le Président (M. Ouellette) : Oui, Mme la ministre va se faire plaisir de vous donner la réponse qui définit les agents de la paix. Mme la ministre.

Mme Vallée : Oui, je m'excuse. C'est la Loi sur les services correctionnels, et non pas systèmes correctionnels, qui prévoit l'énumération des personnes qui sont visées par les dispositions de la loi.

Le Président (M. Ouellette) : La définition des agents de la paix.

Mme Vallée : Alors, on les retrouve aux articles 5 et 9. Alors, ça inclut les agents de services correctionnels, les agents de probation, les conseillers en milieu carcéral.

Le Président (M. Ouellette) : Les policiers, les constables...

• (17 h 20) •

Mme Vallée : Les contrôleurs routiers ont le statut d'agent de la paix en vertu de l'article 126 de la Loi sur la police et des articles 519.67 et 519.68 du Code de la sécurité routière. Les enquêteurs qui agissent en vertu de la loi concernant la lutte à la corruption, les enquêteurs de l'UPAC, c'est en vertu de l'article 14 de cette loi-là. Les agents de protection de la faune et le fonctionnaire qui gère le travail d'un agent de conservation de la faune ont le statut d'agent de la paix en vertu de l'article 6 de la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune. Et les policiers, c'est l'article 49 de la Loi sur la police.

Mme Roy : ...d'autres lois.

Mme Vallée : C'est ça.

Mme Roy : Parfait, merci.

Le Président (M. Ouellette) : Mais ça couvre la définition d'agent de la paix à différentes lois dans notre corpus législatif. Et, en cas de doute, pour un amendement ultérieur, en cas de doute, on ira chercher les précisions appropriées.

S'il n'y a pas d'autre demande d'éclaircissement, Mme la députée de Taschereau, pour les explications de votre amendement introduisant 4.2.

Mme Maltais : Écoutez, M. le Président, il y a eu, en 2007, une commission qui s'est appelée commission Bouchard-Taylor, avec MM. Gérard Bouchard et Charles Taylor, qui a produit un volumineux rapport qui attend toujours que nous en arrivions à un consensus et que nous essayions... que nous puissions enfin agir dans la matière de la séparation entre l'Église et l'État et de la présence du phénomène religieux à l'intérieur de l'État.

À l'époque, le mandat de la commission Bouchard-Taylor touchait beaucoup aux accommodements raisonnables, qu'on appelait à l'époque accommodements raisonnables, qui aujourd'hui, dans le projet de loi n° 62, sont un peu mieux définis en disant accommodements religieux. Ce qu'on définit, ça va être les accommodements religieux.

On vient de parler de neutralité de l'État. La neutralité, ça s'affiche aussi. On comprend qu'il y a ici autour de la table plusieurs partis politiques qui voient différemment la façon dont devrait s'afficher la neutralité. Maintenant, je vais référer à deux choses. D'abord, à Bouchard-Taylor. On l'appelle la clause Bouchard-Taylor ou l'amendement Bouchard-Taylor parce que c'était spécifiquement dans leur rapport, le personnel de l'État qui avait un pouvoir de coercition devait, pour eux, ne pas afficher de signes religieux. Il ne s'agit pas de signes ostentatoires ou quoi, c'est de ne pas afficher... Pour afficher une véritable neutralité, parce qu'ils ont un pouvoir de coercition, ils ne doivent pas afficher de signes religieux, c'est en page 151 du rapport : «La séparation entre l'Église et l'État doit s'incarner, selon plusieurs, dans certains symboles — ce sont des symboles — en l'occurrence dans l'apparence des agents qui occupent des postes qui représentent de façon tangible les différents pouvoirs de l'État. Cette attente nous apparaît raisonnable.» Ça fait 10 ans que ça a été écrit, et ce qui est drôle, c'est que, quand on lit le rapport, quand on arrive aux recommandations, ils disent bien que les recommandations qui, pour eux autres, sont prioritaires, sur lesquelles on devrait agir tout de suite, sont en couleur. Bien, le port de signe religieux par les agents de l'État, c'est en couleur, c'est vraiment prioritaire pour eux. Alors, ils disent bien : «Il s'agit des postes qui représentent de façon marquée la neutralité de l'État ou dont les mandataires exercent un pouvoir de coercition.»

Alors, nous, on comprend que les partis politiques ont chacun des opinions, des positions, et tout. Ce que nous proposons, on l'a fait en réfléchissant à une chose : nous devons trouver un terrain d'entente. Ce terrain d'entente, pour nous, c'est ce à quoi les Québécois s'attendent aussi.

J'ai dit que je référais à Bouchard-Taylor et à autre chose, je réfère à tous les sondages qu'il y a au Québec actuellement, tous les sondages, tous les sondages, il n'y en a pas un qui ne dit pas ça, là, tous les sondages sont d'accord avec cette proposition. Les Québécois et les Québécoises sont en accord avec cette idée. La proportion, c'est à peu près 75 %. Il ne s'agit pas, moi, je pense, seulement de trouver un consensus entre partis politiques, il s'agit de faire avancer le Québec et de trouver un consensus qui reflète là où en sont rendus les Québécois et les Québécoises.

Nous avons, comme parti politique, des positions qui vont beaucoup plus loin que ça. Par exemple, les agents dans les CPE, les enseignants, tout ça, pour nous, les enseignants de niveau primaire, secondaire, c'est en débat à notre prochain congrès puis c'est une proposition qu'on fait. On n'a pas amené ici le programme du Parti québécois. Ce n'est pas notre parti qui parle par notre bouche. Ce n'est pas notre position de parti. C'est la position où on essaie de se rapprocher le plus possible du gouvernement pour trouver enfin un terrain d'atterrissage. Cette proposition-là d'adopter cette partie-là, on l'a faite immédiatement après l'attentat de la mosquée à Québec. Il y a eu comme un moment de silence, tout le monde a fait : Ouf! Qu'est-ce qui vient de se passer? C'est dramatique, c'est terrible, il y a eu un attentat contre des Québécois et des Québécoises ici, et ça nous a tous et toutes heurtés. Alors, nous nous sommes dit : Qu'est-ce qui est immédiatement, je pense, acceptable et pour les Québécois et Québécoises et pour les partis politiques? Je pense que c'est acceptable pour le parti... Tous les partis d'opposition prônent à peu près ça comme minimum. Il y en a d'autres qui ajouteront des éléments peut-être, mais ça, c'est le minimum inscrit dans Bouchard-Taylor et c'est, pour nous, une façon de faire évoluer la situation.

Hier, le maire Labeaume a lancé un cri du coeur. J'habite à Québec, je sais qu'il a raison, puis ce n'est pas seulement sur le territoire de la ville de Québec qu'il y a une montée de l'extrême droite. Les gens ont vu la crainte de la montée du phénomène religieux grandir. Moi, je le vois dans l'expression des citoyens et des citoyennes sur le territoire. Je l'ai vu à Sherbrooke, je l'ai vu à Québec, je l'ai vu à Montréal, je l'ai vu ailleurs. Or, face à cette montée de l'extrême droite, on se demande qu'est-ce qui se passe au Québec. Pourquoi? Parce que depuis 10 ans nous laissons ce problème irrésolu.

Alors, la proposition qu'on fait, c'est, je pense, très acceptable, puisqu'elle est issue d'un rapport qui a été commandé par le Parti libéral et, à l'époque, accepté par le Parti libéral. Ça a même fait partie des discussions, et je pense que c'était proche du... c'était le rapport Ouimet à l'époque. Alors, on est là-dedans, là. Il n'est plus député, je peux dire ça. Alors, je pense que c'est une solution raisonnable, pesée, qui correspond non pas à ce que nous sommes comme parti, parce que, je le disais, comme parti on veut aller plus loin que ça, mais à ce que les Québécois et Québécoises attendent de nous.

La proposition, elle est simple, elle est claire, elle touche exactement à ce que disait Bouchard-Taylor : pouvoir de coercition, magistrats, procureurs de la poursuite, agents de la paix, ceux et celles dont la tenue est tellement symbolique qu'on leur impose un uniforme, ceux et celles dont la fonction qu'ils occupent, le poste qu'ils occupent est tellement important qu'on impose déjà un uniforme. Je vous rappelle qu'il va même y avoir un projet de loi qui va rappeler aux policiers qu'ils ne peuvent pas porter ce qu'on a appelé des pantalons de clowns. Pourquoi? Parce que cet uniforme est extrêmement important, il symbolise quelque chose. Alors, oui, on peut légiférer sur les uniformes des agents de l'État qui ont un pouvoir de coercition, le Parti libéral, le gouvernement actuel le fait.

Alors, nous croyons que c'est notre devoir aujourd'hui d'avancer et que ceci serait une avancée acceptable pas seulement par tous les partis, on sait que tout le monde va faire un bout de chemin en acceptant ça, mais que c'est une avancée pour les Québécois et les Québécoises, qui s'attendent à ce qu'on fasse quelque chose. Voilà.

Le Président (M. Ouellette) : Merci. Commentaires, Mme la ministre?

• (17 h 30) •

Mme Vallée : Bien oui. Évidemment, c'est assez intéressant d'écouter notre collègue lorsqu'elle explique l'amendement, lorsqu'elle explique dans quel contexte cet amendement s'inscrit là. Puis, sur certains points, je dois vous dire, je ne peux pas souscrire à son argument, parce que l'interdiction de porter un signe religieux n'a rien à voir avec la neutralité des individus ou la neutralité de l'État. Le fait pour quelqu'un de porter un signe religieux, le fait pour un individu de porter une kippa, de porter un turban, de porter un voile ne vient aucunement porter atteinte au devoir de neutralité de la personne. Et là je n'entre pas dans le détail des individus qui sont visés par l'amendement, des fonctions visées par l'amendement, mais une personne peut très bien offrir une prestation de services, interagir avec des citoyens en toute neutralité tout en portant un signe religieux.

Alors, là-dessus, de dire : Nous interdisons le port de signes religieux à certaines personnes qui ont des fonctions toutes particulières dans l'État québécois afin d'assurer ou de renforcer le principe de la neutralité, en soi, pour nous, ça ne tient pas parce que la neutralité et le port d'un signe religieux, ça ne vient pas... ce n'est pas contradictoire.

Maintenant, pour ce qui est des membres de la magistrature, les membres de la magistrature sont indépendants. En raison de l'indépendance de la magistrature, il ne nous appartient pas au législatif de leur imposer une règle de conduite. Ils sont déjà assujettis à des règles de... un code de déontologie qui est très strict, un code vestimentaire qui est très strict. Les articles 5, les articles 8 de la déontologie judiciaire imposent aux membres de la magistrature des obligations d'impartialité, des principes d'égalité dans la façon dont ils doivent interagir avec les citoyens. Nous avons eu, au Québec, des juges qui portaient la kippa. Nous avons, au Canada, des juges qui portent le turban, le turban sikh, et d'aucune façon leur impartialité, leur devoir d'impartialité et leur devoir d'équité envers les citoyens n'est affecté du seul fait du port de ce signe religieux.

Les procureurs aux poursuites criminelles et pénales, donc les procureurs de la poursuite, donc qui sont les procureurs aux poursuites criminelles et pénales, sont déjà assujettis au devoir de neutralité prévu à notre loi. Donc, à l'article 3, nous touchons par le fait de l'article 3, par le libellé de l'article 3, les membres du procureur aux poursuites criminelles et pénales, qui sont assujettis à un code vestimentaire en raison des règles de pratique de la cour et qui sont aussi assujettis à des obligations d'impartialité et à une obligation d'exercer leurs fonctions à l'abri de toute influence étrangère, ce qui est un principe de common law.

Maintenant, les policiers sont assujettis à un code de déontologie des policiers, sont assujettis également... sont visés par le devoir de neutralité. Donc, le policier, la policière doit exercer ses fonctions dans le cadre de la neutralité, donc suivant les principes que l'on a étudiés à l'article 4. Les agents de services correctionnels sont aussi assujettis à la Loi sur la fonction publique, donc ils doivent exercer leurs fonctions dans l'intérêt du public et avec impartialité. Ils sont aussi assujettis... Tous les agents de la paix, finalement, sont assujettis au devoir de neutralité que l'on a étudié plus tôt.

Donc, comme je le mentionnais, puis comme on a eu aussi une discussion un peu plus tôt sur le devoir de réserve, le devoir de réserve ne doit pas être interprété comme aussi s'appliquant sur le code vestimentaire, parce qu'une personne peut faire preuve de neutralité tout en arborant un signe religieux.

Maintenant, pour ce qui est du consensus rapport Bouchard-Taylor, comme on l'indique, je pense que ce n'est quand même pas négligeable de rappeler que M. Taylor, un peu plus tôt cette année, s'est dissocié du rapport, et il disait : «J'ai bien signé le rapport où cette recommandation paraît, mais neuf ans plus tard je ne l'endosse plus. C'est principalement l'évolution du contexte qui m'a fait changer d'idée.» Et, dans un texte qu'il avait publié, qui s'appelait Le temps de la réconciliation, il disait que, le contexte politique, l'évolution du contexte avait amené une stigmatisation, le discours tenu au cours des 10 dernières années avait amené une stigmatisation face à ceux et celles qui portent le voile religieux, particulièrement face aux femmes de confession musulmane. Je pense qu'on est conscient que certaines femmes ont fait l'objet de menaces, ont fait l'objet même de voies de fait et ont vécu des enjeux particuliers. Et, pour M. Taylor, de ramener une telle recommandation dans la sphère amène en quelque sorte la stigmatisation de ceux et celles qui affichent un signe religieux. Et ce n'est pas une atteinte à la neutralité que d'avoir, d'afficher un signe religieux. Il n'y a pas non plus d'urgence actuellement. On ne peut pas dire aujourd'hui que, dans l'État québécois, il y a urgence d'intervenir auprès de ces gens et d'interdire le port de signes religieux aux magistrats, aux procureurs des poursuites criminelles et pénales, aux agents de la paix. Et puis je suis d'accord, je dois vous dire, je me rends aux arguments de M. Taylor qui dit : D'encadrer ça, on stigmatise davantage, et donc... Et M. Taylor concluait, dans son texte, qui avait été publié dans plusieurs médias l'hiver dernier, par la conclusion suivante : «Cette légalisation serait d'autant plus gratuite qu'elle serait très probablement invalidée par les cours, ne laissant derrière elle qu'amertume et division.»

Lorsqu'on interdit le port d'un signe religieux, c'est parce qu'on juge ce signe. Actuellement, là, je vous l'ai dit, on a des magistrats qui portent, et qui portaient, et qui ont porté la kippa. Ça n'a suscité aucune problématique, aucune crise. Et un juge fort reconnu, puis son nom m'échappe, en Ontario, portait le turban, et il était reconnu pour la justesse, la qualité de son raisonnement juridique. On s'attend à ce que nos magistrats agissent en toute impartialité, oui, et, s'ils ne le font pas, le Conseil de la magistrature viendra intervenir. Mais il ne nous appartient pas de limiter, de venir encadrer le port de signes religieux chez les magistrats, chez les procureurs criminels, parce qu'ils sont déjà aussi assujettis à des codes.

Et je veux simplement terminer avec une petite précision. M. le Président, vous comme moi étions de ce comité qui s'appelait le comité Ouimet, et, s'il y a une chose que je peux garantir à ma collègue, c'est que cette recommandation-là n'apparaît pas dans le rapport du comité Ouimet, pour les raisons que je vous mentionne. Notre position quant à cette recommandation du rapport Bouchard-Taylor, elle est la même, elle est constante, elle a toujours été constante. Alors, là-dessus... Et je voulais simplement le rectifier parce que, je comprends, parfois on a... il s'est dit bien des choses sur les travaux de ce comité, il s'est dit bien des choses sur ce rapport, mais, M. le Président, vous comme moi avons été témoins de bien des choses. Je conclurai là-dessus.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.

• (17 h 40) •

Mme Maltais : C'est drôle qu'elle ne cite que Taylor, la ministre. Elle oublie Gérard Bouchard.

Port de signes religieux — Charles Taylor a provoqué «l'échec du projet de consensus», croit Gérard Bouchard. Eh bien, la ministre est en train de donner raison à Gérard Bouchard. Je cite l'article dans La Presse : «Le Québec a raté une occasion unique de mettre derrière lui le débat sur le port de signes religieux. En désavouant la solution mise de l'avant dans son rapport, Charles Taylor a coupé les ailes au consensus qui se dessinait entre les partis politiques, déplore Gérard Bouchard. "Le Québec risque d'être encore une fois enfoncé dans l'âcre querelle qui le divise depuis une quinzaine d'années. Pour ma part, j'endosse toujours cette proposition", dit Gérard Bouchard.» L'autre dit : Non, non, non.

Et ce qui est le fun, c'est qu'il dit... Ce qu'il dit, M. Bouchard, il dit : «Les jeux sont à nouveau ouverts. Il est probable que le PQ et la CAQ voudront maintenant reprendre leurs billes.» Nous ne reprenons pas nos billes, malgré cela, nous disons que le consensus est toujours possible. Ne faites pas, s'il vous plaît... Ce qu'on est en train de préparer ici, là, c'est l'échec du consensus québécois. Je ne parle pas au Parti libéral ni à la CAQ et je ne parle pas comme position du Parti québécois. Ce n'est pas la position du Parti québécois. Nous aussi, on a une position différente, mais regardez ce que nous dit Gérard Bouchard, qui est quand même un sociologue d'importance aussi au Québec : S'il vous plaît, ne faites pas l'échec du consensus québécois. C'est ce que nous proposons aujourd'hui.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Beaucoup de respect pour M. Bouchard, beaucoup de respect pour M. Taylor, mais, je dois vous dire, avec respect, pour qu'il y ait un consensus, on doit s'entendre. Et sur cette question-là je pense qu'on a toujours été constants, on a toujours été conséquents avec ce que l'on a porté comme message, et, pour nous, il n'est pas question de... cette recommandation-là ne fait pas partie des recommandations qui ont été mises de l'avant.

Parce que ça aussi, c'est important de le mentionner, le rapport Bouchard-Taylor comporte un impressionnant lot de recommandations dont plus de 80 % ont été mises en oeuvre dans bien des domaines, que ce soit auprès de l'Office des professions, dans le milieu scolaire, au niveau de la commission des droits de la personne et de la jeunesse, au niveau du MIDI, au niveau... Alors, il y a eu une suite de donnée aux recommandations.

Les recommandations sont une recommandation, il est possible de les prendre en tout ou en partie. Et je pense que la crédibilité de ce rapport-là se manifeste par le nombre de recommandations qui, au fil des ans, ont été mises en oeuvre. Je vous dis, c'est un peu plus de 80 %. Donc, ça ne change...

Je peux ne pas partager l'opinion de M. Bouchard tout en le respectant, je peux ne pas partager l'opinion et la proposition des collègues tout en le respectant. À mon humble avis, cette proposition-là est attentatoire aux droits et libertés de ceux et celles qui occupent ces fonctions-là, et qui sont déjà astreints à des règles d'impartialité extrêmement sévères, extrêmement strictes de par les lois qui encadrent leurs fonctions.

Ces gens-là, en fait, le port de signes religieux chez ces gens-là au Québec est marginal, je vous dirais. Comme je vous mentionnais, j'ai, à ma connaissance, peut-être un ou deux membres de la magistrature qui portent encore la kippa, puisque certains ont pris leur retraite. Donc, c'est très marginal. Alors, je ne vois pas pourquoi... qu'est-ce qui nous amènerait... Parce que, lorsque l'on propose une disposition qui à sa face même est attentatoire, encore faut-il expliquer l'urgence de légiférer, et je ne vois pas en quoi il y a une nécessité de régler une problématique. En fait, je ne vois pas la problématique, actuellement. Ce sont toutes des fonctions encadrées, des fonctions qui non seulement sont encadrées dans un devoir de neutralité, d'impartialité, mais ils sont aussi tous assujettis à un code vestimentaire.

Alors, aller plus loin au nom de la neutralité religieuse, ça ne tient pas la route, parce que la neutralité religieuse n'a rien à voir avec l'individu mais plutôt avec la façon dont la prestation de services et l'interaction s'exercent.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Simplement dire que, pour les justiciables, l'apparence de justice fait partie du système de justice.

Deuxièmement, si la ministre se demande où est la problématique, elle était dans les rues de Québec en fin de semaine. C'est tout ce que j'ai à dire.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Saint-Jérôme.

M. Bourcier : Je vais céder mon droit de parole à la députée de Montarville, M. le Président.

Le Président (M. Ouellette) : Ah oui? Vous voulez revenir après?

M. Bourcier : ...la permission...

Le Président (M. Ouellette) : Oui, oui. Bien, c'est beau. On va aller à Montarville. Après ça, on va aller à M. le député de Gouin, si on a du temps, parce que je ne veux pas brimer le droit de parole de Mme la députée de Montarville. Mme la députée de Montarville.

Mme Roy : Merci beaucoup, M. le Président. C'est un sous-amendement qui est... un amendement, pardon, qui est intéressant, que nous propose la collègue de Taschereau. Vous comprendrez que je voterai en faveur de cet amendement parce qu'à quelque part il rejoint le consensus de cette main tendue au début de l'année 2017, à la suite des tristes événements que nous avons connus. Nous étions tous d'accord... enfin, toutes les oppositions étaient d'accord pour accepter Bouchard-Taylor et, à cet égard, interdire le port de signes religieux pour les personnes en position d'autorité coercitive, qui représentent l'État de par leur uniforme, également, et leurs fonctions, soit les juges, les procureurs de la couronne, et gardiens de prison, et policiers. L'amendement de la collègue de Taschereau va en ce sens.

Et, cette main tendue, nous l'avions tendue, et, vous savez, M. le Président, si elle avait été acceptée, on n'en serait pas là aujourd'hui. Peut-être même que c'est une question qui serait réglée. Ça aurait peut-être aussi pu répondre à plusieurs préoccupations des citoyens ou demandes des citoyens. Chose certaine, ça aurait envoyé un message clair à l'égard du fait que, l'État québécois, les personnes en position d'autorité... Après que nous ayons payé collectivement des dizaines de millions de dollars pour le rapport de la commission Bouchard-Taylor, appliquer cette recommandation pour interdire le port de signes religieux n'aurait pas fait de nous tous collectivement des monstres. N'oubliez pas qu'on a payé des dizaines de millions de dollars pour se faire dire que c'était une recommandation importante.

Parmi les autres recommandations importantes qui n'ont pas été mises en application par le gouvernement, il y avait également, et je suis retournée lire les écrits, une recommandation qui devait être mise rapidement en oeuvre. Il y avait celle de l'interdiction du port de signes religieux, là, on remonte à 2007, 2008, 2009, donc près de 10 ans, là, qu'on nous dit ça, et il y avait également la recommandation qui demandait au gouvernement de produire un livre blanc sur la laïcité, le méchant mot, M. le Président, Bouchard-Taylor nous disait qu'il fallait se pencher sur cette question. Alors, je rappellerai, pour le bénéfice des gens qui nous écoutent, que le gouvernement a refusé un amendement que j'ai soumis, qui aurait fait en sorte d'écrire en quelque part dans notre loi que l'État québécois est laïque. Le gouvernement a refusé. Ce n'est pas une loi sur la laïcité mais sur la neutralité religieuse de l'État.

Je vous rappelle également qu'il n'y a pas de définition de la neutralité religieuse. Nous demandons à la ministre d'inclure une définition comme les lois le permettent. Lorsque vous lisez une loi, il y a la section Définitions. C'est là que ça va. J'invite les collègues à lire la loi sur l'interprétation des lois, on peut mettre des définitions. La ministre ne semble pas vouloir mettre cette définition. Et, lorsque la collègue de Taschereau nous dit : Nous voudrions ajouter cet amendement pour... l'amendement se lit comme suit, on parle des fonctionnaires de l'État : «Parce qu'ils doivent incarner la neutralité de l'État et exercent un pouvoir de coercition, les agents de l'État suivants ne peuvent porter de signes religieux dans l'exercice de leurs fonctions», et on les mentionne clairement : les magistrats — ça, ce sont les juges, les juges, naturellement, qui sont sous la juridiction du gouvernement du Québec, on se comprend; les procureurs de la poursuite, encore une fois, qui relèvent de l'État du Québec, on ne parle pas des procureurs fédéraux, on parle des procureurs québécois; les agents de la paix, qui, comme vous nous l'avez appris, incluent les gardiens de prison, les policiers, et naturellement, qui relèvent, encore une fois, de l'État québécois, tout comme les centres de détention québécois et non les pénitenciers fédéraux, tout ce qui relève de la juridiction québécoise, les policiers municipaux, les policiers de la Sûreté du Québec mais non ceux de la GRC, on parle de vraiment ceux sur lesquels nous avons un pouvoir et une juridiction. Donc, je suis d'accord avec cet amendement.

Et, lorsqu'on parle des magistrats, ce sont les juges. Et Mme la ministre, elle dit quelque chose, elle dit : Vous savez, ils ont déjà un code vestimentaire. Oui, tout à fait. On est allés voir justement le code vestimentaire à son article 6. Et Mme la ministre nous dit que leur interdire le port de signes religieux, c'est attentatoire à leurs droits et libertés. Alors, Mme la ministre peut retourner lire l'article 6 des règlements, du code vestimentaire, qui nous dit d'entrée de jeu que le magistrat, le juge porte une toge, c'est clair. Donc, on leur dit quel est le vêtement qu'ils doivent porter dans l'exercice de leurs fonctions.

Alors, ma question est la suivante : En disant ça, est-ce que la magistrature elle-même ne vient pas de porter atteinte aux libertés d'une femme, par exemple, qui voudrait porter le tchador, parce qu'elle est juge, mais elle voudrait mettre son tchador? Est-ce que c'est possible? Je pose la question en vertu de l'article 6 des règles vestimentaires, du code vestimentaire de la magistrature, parce qu'on en est là. Et, lorsque le code... Je ne suis pas capable de lire sur les lèvres, Mme la ministre dit quelque chose. Parce que, lorsque le code de la magistrature nous dit que le juge doit porter une toge, ma question est la suivante : Est-ce qu'une femme juge pourrait porter le tchador?

• (17 h 50) •

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Ça, là, c'est un bel exemple de stigmatisation, c'est un bel exemple... C'est le discours, justement, qui amène une espèce d'intolérance. On est dans l'hypothétique...

Mme Roy : Non, M. le Président, là, je m'objecte, ici, là.

Mme Vallée : Laissez-moi terminer, laissez-moi terminer.

Mme Roy : Elle me prête des intentions.

Le Président (M. Ouellette) : Non, non, elle ne vous a pas prêté rien encore.

Mme Roy : Un discours d'intolérance...

Le Président (M. Ouellette) : Elle ne vous a pas prêté rien encore, et je suis ça de près, je suis ça de près. Mme la ministre.

Mme Vallée : Vraiment, là, honnêtement, M. le Président, je ne réponds pas à cette question-là parce que c'est purement hypothétique. Puis honnêtement il ne m'appartient pas de répondre à cette question-là, puisque le Conseil de la magistrature est complètement indépendant pour gérer les différents cas d'espèce qui pourraient être soulevés.

Ceci étant dit, les juges sont tenus de porter une toge. Je sais que notre collègue nous a dit la semaine passée : Je n'ai pas beaucoup d'expérience de juriste, là, mais une toge, c'est une toge.

Le Président (M. Ouellette) : Non, elle ne vous a pas prêté de...

Mme Vallée : Bien, non, c'est elle, je reprends ses propos.

Le Président (M. Ouellette) : Bien, factuellement, Mme la ministre, une toge, c'est une toge.

Mme Vallée : Excusez-moi. Factuellement... Je reprends ses propos. Une toge, c'est une toge. C'est noir, puis, pour les juges, ça a des barres rouges sur les épaules.

Bon, ceci étant dit, il y a aussi des enjeux au niveau des compétences. Donc, il n'appartient pas à l'Assemblée nationale de régler la déontologie des juges. En soi, ça, c'est un élément, alors... et surtout parce que, là, il n'y a pas de distinction, dans le sous-amendement, des juges qui sont de nomination fédérale. Ça, c'est un autre enjeu. Et le Conseil de la magistrature est seul à édicter des règles de comportement qui sont relatives à l'exercice des fonctions judiciaires puis ils sont seuls à pouvoir sanctionner un manquement à ces règles-là. Et, comme je l'ai mentionné, bien, le code de déontologie prévoit déjà de façon très claire qu'un juge doit être impartial et objectif et que ce juge-là doit faire preuve de réserve dans son comportement public.

Mais, vous savez, c'est intéressant, parce que je nous réfère à un mémoire qui nous a été remis le 3 novembre dernier, M. Jocelyn Maclure, qui a aussi travaillé à la rédaction du rapport Bouchard-Taylor, et à la page 3 de son mémoire il nous dit : «Une des vertus du projet de loi réside dans ce qu'il ne fait pas : interdire le port de signes religieux visibles au nom d'une compréhension erronée de la laïcité ou de la neutralité religieuse de l'État. La neutralité religieuse de l'État implique, entre autres, que les employés d'un organisme public fassent preuve de neutralité et d'impartialité dans l'exercice de leurs fonctions, donc veiller à ne pas favoriser ni défavoriser une personne en raison de l'appartenance ou non de cette dernière à une religion. Or, il est tout à fait possible de porter un signe religieux qui témoigne de notre foi sans faire de prosélytisme et sans que cela n'affecte notre jugement professionnel. Nous reconnaissons d'ailleurs cette présomption de neutralité aux agents de l'État qui ont des convictions de conscience fortes sans pour autant porter de symboles religieux.» Parce qu'une personne athée, une personne non croyante ne porte pas de signes religieux et pourrait aussi, sans le... En fait, son apparence ne dévoile pas sa non-croyance, c'est dans son comportement que va s'exprimer sa neutralité. C'est la même chose pour les personnes dont la croyance, dont la foi amène le port d'un signe religieux. Donc, cette présomption de neutralité doit aussi être accordée à ceux et celles qui portent un signe religieux visible.

Donc, honnêtement, M. le Président, on pourrait en débattre longtemps. Je me souviens que ma collègue de Montarville m'avait questionnée sur cet aspect-là à l'Assemblée nationale. On parle d'un consensus, oui, de l'opposition, mais, pour avoir un consensus, il faut que l'ensemble de l'équipe partage cette opinion-là. Et, pour notre formation politique, pour notre gouvernement, cet article-là, cette recommandation de Bouchard-Taylor ne fait pas partie de ce que nous avons proposé, de ce que nous soutenons, pour l'ensemble des motifs que j'ai mentionné.

Et, oui, M. le Président, lorsque l'on dépose un article de ce type, il faut expliquer pourquoi, il faudrait expliquer pourquoi, qu'est-ce qui amène, pas seulement dire : C'est la recommandation d'un groupe de travail, mais encore qu'est-ce qui justifie cette demande-là, qu'est-ce qui est à l'origine de cette demande-là. En quoi les dispositions qui régissent ces personnes-là posent problème dans leur forme actuelle? Pourquoi aller plus loin? Il est où, le problème, au Québec, au sein de la magistrature, au sein du DPCP, au sein des agents de la paix? Est-ce qu'il y a un réel problème ou est-ce que le discours politique de certains ne crée pas un problème qui est inexistant?

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Montarville.

Mme Roy : Oui. Je vois que le temps file. Alors, je tentais seulement de démontrer à Mme la ministre que la magistrature elle-même encadre la liberté religieuse en se donnant un code vestimentaire et en disait : Oui, nos juges vont porter la toge et pas le tchador, ni le niqab, ni la burqa, la toge. En faisant ça, en édictant un code vestimentaire, on vient ici restreindre la liberté religieuse.

Alors, je dis : La magistrature le fait pour elle-même, on n'est pas des monstres à vouloir le faire. C'est ce que je tente de démontrer à Mme la ministre.

Cela dit, je voterai en faveur de l'amendement de ma collègue de Taschereau.

Le Président (M. Ouellette) : Bon, je ne sais pas la longueur de votre intervention, M. le député de Gouin. J'aurais quasiment le goût qu'on commence, mais je ne veux pas non plus vous brimer dans votre droit. Et je pourrais peut-être vous dire qu'on pourrait remettre ça au 7... on pourrait remettre ça à la prochaine séance, parce que probablement que M. le député de Saint-Jérôme, il aurait un petit bout à faire.

M. Nadeau-Dubois : Je veux faire un petit bout.

Le Président (M. Ouellette) : Ah! vous voulez faire le petit bout? Bien, je vous donne le petit bout.

M. Nadeau-Dubois : Si c'est tout ce que j'ai le temps de faire, je vais le faire, puis on reprendra où on l'a laissé la prochaine fois.

Bien, écoutez, M. le Président, je me dois ici... j'ai essayé de rendre mes interventions rares dans nos travaux parce que, de notre côté, à Québec solidaire, une, pas la seule, mais une de nos préoccupations, c'est qu'on tourne la page sur ce débat-là, au Québec, qui a lieu maintenant depuis 10 ans. Il n'y a pas beaucoup de débats dont on peut dire qu'ils durent aussi longtemps dans l'actualité politique québécoise.

Et on est d'accord avec la ministre à l'effet que les recommandations de Bouchard-Taylor ne sont pas parfaites, qu'elles ne font pas l'unanimité, mais, pour nous, c'est une position de compromis. Et c'est une position de compromis qui a émergé, bien sûr, en 2007, mais qui a refait surface il n'y a pas très longtemps, dans la foulée des attentats à Québec, et ce n'est pas un hasard qu'elle ait refait surface à ce moment-là, c'est que tout le monde a senti, à ce moment précis de notre histoire, qu'il y avait un climat, un contexte qui justifiait qu'on fasse tous un pas dans la direction des autres formations politiques puis qu'on atteigne une position de compromis. À Québec solidaire, on a défendu cette position de compromis là à l'époque, on la défend toujours.

Et, lorsque je vais compléter mon intervention, la prochaine fois, je vais essayer d'exposer en quoi, pour nous, ce compromis-là n'est pas arbitraire. Il y a des raisons fortes, qui s'appuient sur des principes forts, qui ont fait en sorte que non seulement les commissaires Bouchard-Taylor, mais une bonne proportion de la société québécoise en sont venus à cette position-là de compromis.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, M. le député de Gouin. C'était une très bonne pratique pour les déclarations de députés d'une minute.

Compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux au jeudi 7 septembre 2017, à 14 h 30... Non, c'est le 6 qu'on revient. On ajourne au 6.

(Fin de la séance à 18 heures)

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