(Dix
heures quatre minutes)
Le Président
(M. Ouellette) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le
quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes dans
la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils
électroniques.
La commission est
réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques
sur le projet de loi n° 101,
Loi donnant suite aux recommandations de la Commission Charbonneau en matière
de financement politique.
M. le secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire :
Oui, M. le Président. Mme Hivon (Joliette) est remplacée par
M. Drainville (Marie-Victorin) et Mme Roy (Montarville) est remplacée
par M. Charette (Deux-Montagnes).
Le Président (M. Ouellette) : Merci. Nous recevons ce matin M. le Directeur
général des élections, M. Reid et son
équipe, et cet après-midi nous recevrons la Chaire de recherche sur la
démocratie et les institutions parlementaires.
Remarques préliminaires
Mais auparavant nous
avons des remarques préliminaires de la part de Mme la ministre, et de la part
de M. le député de Marie-Victorin, et M. le
député de Deux-Montagnes. Ah! oui, ça va être Deux-Montagnes, hein? Bon. Et
après ça, M. Reid, vous aurez 30 minutes pour nous faire votre exposé
et répondre aux questions des parlementaires. On débute immédiatement avec Mme
la ministre.
Mme Rita Lc
de Santis
Mme
de Santis : Merci, M. le Président. Chers collègues députés et
invités, M. le Directeur général des élections, toutes les personnes qui vous accompagnent, les membres du Secrétariat
de l'accès à l'information, c'est avec plaisir que je fais ces quelques
remarques préliminaires à l'ouverture des consultations particulières sur le
projet de loi n° 101, Loi donnant suite
aux recommandations de la Commission Charbonneau en matière de financement
politique. Nous entendrons aujourd'hui
des organisations qui pourront certainement nous aider à adopter le meilleur
projet de loi possible, celui qui nous permettra, comme parlementaires,
de contribuer à réduire le cynisme de la population face aux politiciens en
modernisant et assainissant le financement des partis politiques.
Nous
recevrons d'abord le Directeur général des élections, et je me dois de saluer
son importante contribution, mais vraiment importante contribution, à
l'avancement des travaux pour la mise en oeuvre des recommandations de la
commission Charbonneau en matière de financement politique. Merci beaucoup. En
effet, par ses présentations tant à la commission Charbonneau qu'à cette
présente Commission des institutions en février dernier, mais aussi lors des
rencontres de son Comité consultatif, auxquelles j'ai le privilège de
participer, ses propos ont permis de mesurer le besoin et les limites de sa fonction en matière de surveillance, de
vérification et d'enquête sur le financement politique.
Les
mesures proposées dans le projet de loi n° 101 répondent, je l'espère, aux
besoins du Directeur général des élections
pour bien faire son travail. Nous
recevrons aussi... aujourd'hui, j'apprends que c'est uniquement
un groupe, et intéressé par la
question de la démocratie en général, mais aussi au financement politique
en particulier. Je souhaite donc déjà la bienvenue au Directeur
général des élections et aux groupes
et individus que nous allons entendre aujourd'hui. Je les remercie du temps qu'ils ont consacré à la
préparation de leur présentation ainsi que celui qu'ils prennent aujourd'hui
pour venir nous rencontrer. Certains groupes
n'ont pas pu se présenter devant nous aujourd'hui. Moi, je les invite à me faire parvenir leurs
mémoires ou peut-être les faire parvenir à la Commission des institutions, et
je m'engage ici à lire les mémoires avec attention.
M. le Président, je
l'ai dit précédemment, ce projet de loi fait l'objet d'un consensus des partis
politiques qui ont participé au Comité consultatif du Directeur général des
élections du Québec, et c'est très bien. Je souhaite que nous conservions cette même collaboration pour les consultations
particulières et pour l'étude détaillée article par article du
projet de loi n° 101. Un des éléments importants de ce projet de loi et des pouvoirs supplémentaires que nous voulons donner au Directeur
général des élections pour faire son
travail est la capacité de récupérer les sommes qui auraient pu être versées aux partis politiques en
contravention avec la Loi électorale. Il importe donc de faire la différence
entre les divers types d'infractions
et la prescription qui gouverne les poursuites pénales et les poursuites
civiles. Il y a, au coeur de certaines discussions avec les partis d'opposition, la
prescription pénale. Pour pouvoir poursuivre un individu en matière pénale, le Directeur général des
élections doit pouvoir préparer une preuve hors de tout doute raisonnable. Nous
proposons de faire passer de cinq à sept ans
la prescription pénale, conformément
à la recommandation de la commission Charbonneau et même de l'avis du Directeur général des élections.
Rappelons-nous que la poursuite pénale ne mènera qu'à des amendes. D'ailleurs, les amendes qui seraient imposées à
des individus fautifs seraient celles en vigueur au moment de la faute.
La
preuve hors tout doute raisonnable. Rappelons-nous aussi que, présentement, les
documents ne sont conservés que pour une durée de cinq ans et que les banques
n'ont une obligation de conserver les documents que pour sept
ans. On ne pourra pas recréer des documents
s'ils n'existent pas ou n'existent plus. En plus, il y a
un argument supplémentaire
qu'on ne pourra argumenter la charte des
droits de la personne qu'en matière pénale lorsque la prescription extinctive
est acquise. Le défendeur éventuel devrait pouvoir présumer qu'il n'a
plus à craindre une demande maintenant caduque.
De plus, le Directeur général des élections nous a indiqué qu'il ne souhaiterait pas
consacrer des ressources pour entreprendre des procédures qui auraient
très peu de chances de réussite, et, si par chance il réussissait, il ne
pourrait récupérer que des amendes peu
élevées. Si l'objectif est de récupérer les sommes versées illégalement
aux partis politiques, c'est l'article 100 de la Loi électorale
qu'il faut amender, une procédure non pénale mais civile où le fardeau de la
preuve est la prépondérance de la preuve.
Par notre proposition de supprimer l'alinéa
trois de l'article 100 de la Loi électorale, nous supprimons la prescription de cinq ans depuis la perpétration de
la faute, ne conservant que les trois ans depuis la connaissance du DGE,
la prescription de trois de la connaissance
étant usuelle dans les procédures civiles. On me dit que je n'ai que
30 secondes?
• (10 h 10) •
Le
Président (M. Ouellette) : On vous dit qu'il ne vous reste plus de temps, Mme la ministre, pour vos remarques préliminaires. Vous allez avoir l'opportunité de vous reprendre
quand on fera les échanges avec M. le Directeur général des élections.
Mme de Santis : Ah! O.K., parfait.
On va être mieux la prochaine fois. Merci.
Le
Président (M. Ouellette) : Merci, Mme la ministre. M. le porte-parole de l'opposition
officielle responsable de la réforme des institutions démocratiques et
député de Marie-Victorin, pour vos remarques préliminaires.
M. Bernard Drainville
M. Drainville : Merci, M. le Président. Salutations à vous, à l'équipe. Salutations aux
collègues députés de toutes les formations politiques ainsi que les équipes qui
les accompagnent, M. le Directeur général des élections et tous les gens qui vous accompagnent également.
Merci d'être là.
M. le Président, il y a déjà beaucoup de choses qui ont été dites sur ce projet de loi n° 101, notamment lors des allocutions
que nous avons prononcées la semaine
dernière en Chambre sur l'adoption
du principe du projet de loi. Je tiens à redire que la bonne volonté qui nous anime depuis le début de l'étude
des recommandations de la commission
Charbonneau, cette bonne volonté nous
anime toujours. Les discussions qui ont mené à la présentation
de ce projet de loi n° 101 se sont fort bien déroulées, dans le respect, avec cette volonté, donc, de faire
consensus, ce qui a été le cas pour l'essentiel du projet
de loi. Il y aura quelques
discussions sur un certain nombre de dispositions, mais pour l'essentiel, M. le
Président, nous avons su trouver, je dirais, une sorte de terrain
d'entente, «nous» étant la partie gouvernementale, le Parti libéral, la
Coalition avenir Québec, les représentants de Québec solidaire et nous, de
l'opposition officielle.
Donc, ces travaux se sont déroulés, M. le
Président, comme il se doit lorsqu'on amende la Loi électorale au Comité consultatif du Directeur général des
élections, qui a, encore une fois, fait la preuve de son utilité, M. le
Président. Ça n'a pas été un mécanisme de
blocage, le Comité consultatif. Bien au contraire, ça a été, comme ça a été mon
expérience depuis les tout débuts, depuis les premiers moments où j'ai siégé à
ce Comité consultatif, il a été un outil, le comité, pour justement faciliter la recherche de compromis et l'atteinte de ces
compromis, qui se traduit par le dépôt, donc, de ce projet de loi que nous allons étudier maintenant
afin... je le souhaite et je le redis là-dessus aussi, je suis bien
constant, que nous souhaitons donc faire adopter avant la fin de la session.
On ne peut présumer de rien, M. le Président. Le
processus législatif doit suivre son cours, hein? Maintenant, je ne vois aucune raison pour laquelle nous ne
serions pas capables d'avancer là-dessus et éventuellement d'adopter ce
projet de loi n° 101, qui, je le rappelle, M. le Président, donne suite à
un certain nombre de recommandations de la commission
Charbonneau. Au prix qu'elle nous a coûté, cette commission, M. le Président,
et compte tenu du travail qu'elle a
accompli, qui est un travail considérable, il faut absolument y donner suite.
Je pense que c'est ce que les citoyens du Québec qui nous écoutent attendent de nous. Je pense qu'ils attendent
que cette commission-là ait des suites et qu'on trouve dans ce rapport de la commission Charbonneau les
moyens, qu'on trouve des moyens pour améliorer, je dirais, améliorer par
des mesures très concrètes le climat de confiance entre les citoyens et la
classe politique, qu'on puisse contribuer à faire en sorte que des mesures
d'intégrité soient adoptées, que des mesures de resserrement, de transparence
soient adoptées et, bref, que le système
électoral et que la Loi électorale soient bonifiés. Et j'ai la conviction
profonde, M. le Président, que ce
projet de loi n° 101 va nous permettre d'accomplir cet objectif. Ce n'est
pas parfait, il y a encore des gestes à poser pour la suite des choses,
mais c'est certainement un très bon pas dans la bonne direction. Merci.
Le Président (M. Ouellette) :
Merci, M. le député de Marie-Victorin. J'invite maintenant le porte-parole du deuxième groupe d'opposition responsable de la
réforme des institutions démocratiques et député de Deux-Montagnes à
faire ses remarques préliminaires.
M. Benoit
Charette
M. Charette :
Merci, M. le Président. À mon tour d'y aller avec les salutations d'usage à la
ministre, notamment, aux gens qui l'accompagnent, les députés de la
partie gouvernementale, mon collègue de l'opposition officielle, mon collègue de Borduas
également et naturellement les gens du Directeur général des élections, avec
qui on aura le plaisir d'échanger dans quelques instants.
En fait, sans répéter entièrement ce que j'ai pu
mentionner au moment de l'étude de... c'est-à-dire lors de l'accord de principe, là, donné la semaine
dernière au salon bleu, c'est effectivement un beau travail qui a été réalisé
au cours des dernières semaines en
collégialité avec la partie gouvernementale et l'opposition officielle. Il y a
une volonté manifeste, M. le Président, de donner suite aux
recommandations de la commission Charbonneau. La population nous observe à ce
niveau-là, les attentes sont élevées.
Donc, oui, on peut souligner le travail qui a
été réalisé. Et vous pouvez être assurés, du côté de la deuxième opposition, de la Coalition avenir Québec, donc,
de notre volonté de collaborer de façon très proactive et très
constructive au cours des prochaines étapes de l'étude de ce projet de loi là,
avec les consultations dans un premier temps, mais également avec l'étude
article par article, qui devrait commencer assez rapidement.
Et sans jouer
les rabat-joie, déjà mentionner une inquiétude qui est la nôtre, et on va
espérer que les prochains jours nous
permettent de répondre à cette inquiétude-là au niveau de la distinction, on
l'a évoqué, le pénal, le civil. Au niveau de la prescription notamment, on a eu l'occasion d'échanger à savoir est-ce
que c'était déclaratoire ou pas dans le projet de loi. Donc, pour nous,
ce sont des notions qui sont très importantes et qui sont certainement au coeur
même du projet de loi lui-même, ultimement.
Sans dire à travers un libellé précis nos
attentes, je vous dirais que, pour la Coalition avenir Québec, il est fondamental qu'une formation politique, peu
importe laquelle, qui a recueilli de l'argent de façon frauduleuse par le
passé ait à rendre des comptes de cette
action-là et soit sommée de rendre les argents qui auraient pu être amassés de
façon illicite, et ce, peu importe que le geste ait été posé il y a
trois ans ou il y a 20 ans. Donc, pour nous, c'est une condition qui est fondamentale, mais également au niveau de la
responsabilité individuelle au niveau du pénal notamment. Donc, oui, une
formation politique peut avoir commis des
gestes répréhensibles, mais il y a des individus, très certainement, derrière
ces gestes-là. Et on va espérer que le projet de loi nous permette de répondre
à ces attentes qui sont celles de la Coalition avenir Québec, très certainement, mais aussi de la population, on peut
le penser. Mais, si on regarde le déroulement des travaux des dernières semaines, compte tenu du bel
esprit de collaboration, on a encore lieu d'être tout à fait optimiste
pour la suite des choses. Et, encore une fois, M. le Président, vous pouvez
être assuré de notre collaboration. Merci.
Auditions
Le
Président (M. Ouellette) : Merci, M. le député de Deux-Montagnes. Je resouhaite la bienvenue au
Directeur général des élections et aux personnes qui vous accompagnent, que
vous allez nous présenter lors de votre exposé. Je vous reconnais et vous donne
la parole.
Directeur général des élections
M. Reid
(Pierre) : Merci, M. le Président.
M. le Président, Mme la ministre, mesdames messieurs membres de la
commission, je tiens à remercier les membres de la Commission des institutions
de leur invitation à prendre part aux présentes
consultations particulières. Je suis accompagné aujourd'hui de la directrice
des affaires juridiques, Me Lucie Fiset, et de M. Martin Morin,
adjoint exécutif au directeur du financement des partis politiques.
• (10 h 20) •
Tout d'abord,
je dois vous dire que nous accueillons très favorablement le projet de loi
n° 101, qui donne suite à des recommandations de la commission
Charbonneau en matière de financement politique.
Les principes d'intégrité,
d'équité et de transparence sont les
fondements mêmes du régime québécois de financement des partis politiques. Au premier
plan, c'est la confiance du public qui est
en jeu. La population s'attend à ce que le financement politique se fasse dans le respect des règles et des
lois électorales à cet égard, il est donc important que les lois électorales
reflètent ces principes.
Aux vues de notre mission et de nos engagements,
je ne peux que saluer la volonté du législateur, au travers le projet
de loi n° 101, d'accroître
l'équité et la transparence des règles entourant le contrôle du financement politique. Nous y sommes
d'autant plus favorables que plusieurs des modifications proposées dans ce
projet de loi là ont déjà fait l'objet de recommandations formulées
précédemment dans nos différents rapports, mentionnons les mesures visant à accroître l'imputabilité des élus et des candidats
à l'égard des pratiques de financement ou les dispositions ayant pour
but de prévenir l'usage de prête-noms en matière de prêts et de cautionnement.
Nous
accueillons également favorablement l'idée de produire un rapport annuel sur
l'application des règles de financement
prévues dans la Loi électorale et dans la Loi sur les élections et les
référendums dans les municipalités, un rapport,
d'ailleurs, qui serait étudié en commission parlementaire, comme le prévoit le
projet de loi n° 101, une proposition qui donne suite à un
engagement que j'ai pris devant vous, en février dernier, de produire un tel
rapport à compter de 2017. La commission Charbonneau proposait la production
d'un rapport quinquennal, mais vous comprendrez que je ne souhaite aucunement
attendre cinq ans avant de faire état de mes observations et de mes
recommandations.
Nous tenons aussi à souligner la modification
visant à prolonger le délai de prescription pour les poursuites pénales de cinq à sept ans suivant la commission
de l'infraction. Ce délai nous semble approprié. Le délai de
prescription doit être examiné en relation
avec la qualité de la preuve qu'il est possible de colliger et en tenant compte
des délais de conservation des
documents qui sont requis aux fins de nos enquêtes et dont la provenance est
variée. Il est important de rappeler
que les poursuites pénales intentées par le Directeur général des élections
sont jugées par les tribunaux oeuvrant en matière pénale et qu'à ce titre c'est le poursuivant — ici le Directeur général des élections — qui doit démontrer hors de tout doute
raisonnable la commission d'une infraction.
Nous sommes également satisfaits
que le projet de loi prévoie la modification apportée à l'article 100 de
la Loi électorale qui élimine le délai de
prescription civile de façon rétroactive. La modification, également, apportée
à cet article n'autorisera plus le
retour de la contribution au donateur fautif. Cette modification permettra donc
au Directeur général des élections de
réclamer aux partis politiques le remboursement des contributions faites
contrairement à la loi, et ce, peu importe le moment où elles ont été
reçues.
Je profite de l'occasion pour rappeler que je
demeure toujours convaincu que l'accès aux données de nature fiscale de l'Agence du revenu du Québec est
essentiel à nos travaux. Cela contribue à assurer une meilleure
application des lois électorales en matière de financement politique.
Le projet de
loi n° 101 n'aborde pas le sujet du Comité consultatif, et ce, bien que le
rapport de la commission Charbonneau
en fasse mention et qu'il recommande que les élus en soient exclus et que des
personnes indépendantes des partis
politiques nommées par le Directeur général des élections se joignent au Comité
consultatif. En prenant acte de la volonté
du législateur de maintenir la composition actuelle du Comité consultatif, je
tiens à souligner qu'il est pertinent que les élus continuent d'être présents au sein de ce comité. Le Comité
consultatif est un mécanisme d'échange avec des élus et des
représentants non élus des partis politiques représentés à l'Assemblée
nationale, lieu où le Directeur général des élections peut faire état de ses
analyses et recommandations.
Par ailleurs, je tiens à souligner notre
appréciation en ce qui a trait aux autres mécanismes d'échange avec l'Assemblée
nationale. Ainsi, en vertu de la Loi
électorale, nos rapports qui sont déposés devant l'Assemblée nationale nous permettent de
faire connaître nos analyses et recommandations aussi bien aux élus qu'à la population
du Québec. De plus, lors de mon passage devant la Commission des institutions
en février dernier, j'ai assuré la commission de ma disponibilité à faire de cette rencontre un rendez-vous annuel, comme le permet le règlement de l'Assemblée
nationale. Dans son rapport, la commission
a d'ailleurs indiqué que c'était son intention. Ce sera donc une occasion de
plus pour moi de faire connaître nos recommandations.
Depuis sa création en 1977, à la faveur de
l'adoption de la Loi régissant le financement des partis politiques, le Comité consultatif a permis de faire évoluer la
législation électorale dans un esprit de consensus. Il a
aussi permis au Directeur général des
élections de faire connaître ses propositions dans un lieu où des élus de tous les partis politiques représentés à l'Assemblée nationale étaient
présents, lui offrant ainsi une tribune transparente et impartiale.
Globalement, cet héritage nous apparaît toujours porteur, mais il est certain
que des améliorations sont possibles.
J'aimerais
vous faire part d'une amélioration qui pourrait être apportée aux règles de fonctionnement du Comité consultatif
concernant la confidentialité de ses travaux. Toujours en préservant la
liberté des échanges et des discussions au sein du comité, je suis d'avis que le Comité consultatif devrait rendre
public le résultat donné aux recommandations du Directeur
général des élections, comme le
prévoit d'ailleurs la loi ou le règlement sur les règles de fonctionnement, où il est dit
que le Comité consultatif peut rendre public le résultat de ses travaux selon
la forme qu'il détermine. Il m'apparaîtrait opportun que soient rendus
publics les motifs à l'appui des consensus, mais également les motifs à l'appui
de ce qui n'a pas fait l'objet d'un consensus en ce qui concerne les recommandations
du Directeur général des élections.
Pour ce qui
est de l'implication de personnes indépendantes des partis politiques
nommées par le Directeur
général des élections dans une réflexion sur les règles électorales,
comme le souhaite d'ailleurs la commission Charbonneau, je suis d'avis que les questions relatives à la Loi
électorale et son administration concernent non seulement les partis politiques,
mais aussi l'ensemble des électeurs. C'est
pourquoi j'entends réunir des citoyens indépendants des partis politiques
qui seraient invités à partager leurs points de vue, leurs questionnements,
leurs expériences ou leurs expertises sur des questions liées à notre système
électoral, un moyen d'établir un dialogue avec des électeurs et, pourquoi pas,
même avec de futurs électeurs, et ce, afin de mieux connaître leurs besoins et
leurs attentes en matière électorale.
Nous sommes à explorer les modalités d'un tel
comité de citoyens, mais déjà nous entrevoyons des sujets qui pourraient y être discutés : la participation
électorale, l'utilisation des technologies dans le processus électoral, dont le vote par Internet, le
recrutement du personnel électoral, le financement public des partis politiques,
l'accès des partis politiques aux renseignements
personnels des électeurs et nos stratégies d'action pour mieux faire connaître
et appliquer les lois électorales. Les propositions ou les
recommandations d'un tel comité seront bien entendu rendues publiques.
• (10 h 30) •
Le Directeur général des élections partage une
préoccupation avec la commission Charbonneau concernant le risque qu'il y ait
du faux bénévolat de la part de personnes qui pourraient travailler
bénévolement au bénéfice d'un parti
politique alors qu'elles seraient compensées par des tiers, une pratique qui
est clairement interdite par la Loi électorale. Afin de s'assurer du
respect de la loi, nous souhaitons évaluer attentivement l'opportunité, en
collaboration avec les intervenants, de
mettre en place une mesure de divulgation proactive. Ce pourrait être de
demander aux partis politiques et aux
candidats de dresser une liste de certains bénévoles experts, une liste qui
serait accessible au Directeur général des élections dans le cadre de
ses vérifications. Nous sommes d'ailleurs ouverts à discuter de toute
proposition qui irait en ce sens.
Maintenant, je tiens à attirer l'attention sur
le fait que des améliorations peuvent être apportées au projet de loi n° 101, améliorations qui viendraient
renforcer notre capacité à veiller efficacement à l'application de la loi et à
mener à bien nos activités. Nos équipes
dédiées aux enquêtes, à la vérification et aux poursuites utilisent tous les
moyens mis à leur disposition afin que nos lois et règlements soient
compris et appliqués par les acteurs politiques pour déceler les contraventions
aux lois électorales et intenter les poursuites judiciaires nécessaires.
Toutefois,
l'expertise acquise au cours des dernières années, la connaissance de certains
stratagèmes permettant de contourner
les règles de financement politique et les difficultés rencontrées sur le
terrain nous permettent d'affirmer que des pouvoirs additionnels sont
aujourd'hui nécessaires. Tout en nous permettant d'exercer pleinement nos
fonctions de vérification et d'enquête, ces
nouveaux pouvoirs soutiendront nos efforts pour être constamment à l'affût de
nouveaux stratagèmes.
En fait, ils se situent en droite ligne avec l'intention poursuivie par le
présent projet de loi de moderniser les lois électorales et d'assainir
le financement politique.
Le
législateur a, depuis 2010, confirmé sa volonté de renforcer les sanctions
prévues à la Loi électorale, notamment par l'adoption des mesures
suivantes : l'augmentation substantielle des montants d'amendes, l'ajout
d'infractions constituant pour le
contrevenant une manoeuvre électorale frauduleuse et les infractions pour
lesquelles les contrevenants ne
pourront conclure des contrats publics. Dans ce contexte et compte tenu de la
sévérité des sanctions, les actions que nous entreprenons pour veiller au respect des règles applicables sont de plus
en plus contestées. Ainsi, en matière de vérification, nous proposons que les lois électorales soient
modifiées afin notamment de prévoir un pouvoir de pénétrer dans les
lieux où sont conservés les livres se rapportant aux affaires financières des
entités autorisées et aussi celui d'exiger de toute personne la production de renseignements ou de tout document permettant
de vérifier l'application des lois électorales.
En matière d'enquête,
l'ajout d'une ordonnance judiciaire générale de communication de documents est
recherché. De plus, une infraction pénale d'entrave ou de tentative d'entrave
est souhaitable afin de sanctionner toute personne
pouvant nuire ou tenter de nuire au travail des vérificateurs ou des
enquêteurs. C'est donc afin de nous permettre de maintenir des standards élevés de contrôle et d'assurer le respect
des lois électorales, particulièrement en ce qui concerne les règles en matière de financement politique,
que nous sollicitons ces pouvoirs additionnels en matière de
vérification et d'enquête.
Je profite de
l'occasion pour vous assurer que nous continuerons, en parallèle et de façon
proactive, à veiller à ce que les règles soient connues, comprises et
appliquées. Nous le ferons en maintenant, en ajustant et au besoin en améliorant notre offre en termes d'activités
d'information, de formation et de soutien auprès des représentants et des
agents officiels des partis politiques, auprès des candidats ainsi qu'auprès
des électeurs.
En
terminant, je tiens à souligner une fois de plus que le Directeur général des
élections accueille très favorablement les propositions de modifications
contenues dans le projet de loi n° 101. Toutefois, je rappelle que nous
croyons nécessaire de prévoir des mesures
permettant d'exercer un meilleur contrôle pour contrer la rémunération de
bénévoles par des tiers qui, en période
électorale, pourraient faire dépasser la limite des dépenses permises par la
loi. L'équité entre les candidats serait alors compromise.
Également, je réitère
que les pouvoirs additionnels en matière de vérification et d'enquête sont
nécessaires pour le Directeur général des
élections. Ils nous permettront de veiller à l'application de la loi avec
davantage d'efficacité et, plus précisément, à l'application des mesures
régissant le financement des partis politiques.
Je suis persuadé que
les mesures proposées dans le projet de loi n° 101 et les pouvoirs
additionnels requis en matière de
vérification et d'enquête contribueront à prévenir des situations pouvant
altérer la confiance des Québécoises et des Québécois à l'égard de nos
institutions démocratiques.
En
tant que Directeur général des
élections, cette confiance
m'interpelle au plus haut point, car elle peut avoir des conséquences
sur la participation électorale et l'implication citoyenne à se porter
candidat. Je vous remercie de votre attention.
Le Président (M. Ouellette) : Merci, M. Reid. C'est toujours
un plaisir de vous recevoir à la Commission
des institutions, toujours très instructif d'une fois à l'autre. Pour aller
dans le même sens que ce que Mme la
ministre vous a mentionné dans ses remarques préliminaires, les gens qui effectivement ont des commentaires ou des informations qui peuvent effectivement améliorer le
travail des parlementaires, ils sont invités à nous les faire parvenir au
secrétariat de la commission.
Nos allons maintenant
débuter la période d'échange. Mme la ministre.
Mme
de Santis : Merci, M. le Président. Merci
beaucoup de votre présentation. J'ai
quelques questions et ensuite je vais laisser la parole à
mes collègues.
Je
crois que c'est important que vous parliez de l'indépendance du Directeur général des
élections — je peux en parler,
mais c'est mieux si ça vient de vous — parce que je crois que c'est important que ceux qui nous écoutent et que les Québécois
et les Québécoises comprennent que vous êtes indépendant, que vous pouvez faire
vos recommandations quand vous voulez — et maintenant vous allez le faire dans un
rapport annuel — que vous
pouvez constituer les comités aviseurs
tels que vous voulez et que, vraiment, nous, on n'a pas de pouvoir sur ce que
vous faites ou ne faites pas, et que vous
avez le droit de parole quand vous voulez l'assumer. Alors, j'aimerais que
peut-être ce soit vous qui expliquiez ce statut d'indépendance que vous
avez.
Le Président
(M. Ouellette) : M. Reid.
M. Reid
(Pierre) : Oui. En effet, il y aura bientôt un an que je suis en poste
comme Directeur général des élections, et je
peux effectivement confirmer qu'à aucun moment il n'y a eu, disons,
d'interférence de la part d'élus ou de quiconque. Je crois que le
Directeur général des élections, et j'en suis convaincu, et je pense que mes
prédécesseurs pourraient en témoigner, jouit
d'une indépendance totale dans ses actions. À aucun moment le Directeur général
n'a pu être empêché de formuler toute recommandation, même des
recommandations qui peuvent être peut-être difficiles, peut-être, pour accepter de la part des partis
politiques. Mais je dois vous assurer qu'il n'y a rien qui va retenir le
Directeur général des élections d'exprimer
les recommandations auprès des élus et auprès de la population afin de
s'assurer d'avoir le meilleur régime,
le meilleur système électoral. Et je peux vous dire qu'en cela il y a beaucoup
de pays et je dirais même d'autres provinces canadiennes qui envient le
Québec et particulièrement le Directeur général des élections.
Mme
de Santis : Merci beaucoup. Et aussi je veux vous féliciter que, déjà,
vous dites que vous entendez réunir, sur la forme d'un comité, des
citoyens indépendants. Je salue déjà cette démarche que vous entretenez.
Il y a
quelque chose de nouveau pour moi dans votre présentation ce matin, et
j'aimerais mieux comprendre, vous dites : Nous souhaitons évaluer
l'opportunité de mettre en place une mesure de divulgation proactive.
Pouvez-vous peut-être nous expliquer de quoi vous parlez? Qu'est-ce que vous
êtes en train de recommander?
• (10 h 40) •
M. Reid
(Pierre) : Bien, au regard
de la problématique qu'a identifiée la commission Charbonneau de ce
qu'on appelle le faux bénévolat, il nous
apparaît opportun de peut-être resserrer le contrôle, de mieux contrôler cette
problématique. Et c'est pour ça que
comme proposition, comme je l'ai dit dans mon allocution, nous sommes ouverts à
discuter de toute proposition à cet
égard-là, mais je pense qu'il serait utile que les partis politiques et les
candidats puissent dresser une liste de
ces bénévoles experts — je peux penser entre autres à ceux qui peuvent oeuvrer dans le
domaine des communications, dans le domaine informatique, dans le
domaine des services juridiques — afin qu'on puisse, dans le cadre de nos vérifications,
s'assurer qu'effectivement le bénévolat assuré par ces personnes est effectivement
du bénévolat et que d'aucune façon ils n'ont pu être compensés par des tiers.
Et vous comprendrez que c'est très important parce qu'effectivement il y a des
limites de fixées aux dépenses électorales, et pour nous, pour assurer l'équité
entre les candidats, il nous apparaît important de prendre les meilleurs
moyens possible pour s'assurer de cette équité entre les candidats.
Le Président (M. Ouellette) : Mme
la ministre.
Mme de
Santis : D'après votre recommandation, est-ce que ça serait une liste publique ou une liste qui
serait soumise uniquement au Directeur général des élections?
Le Président (M. Ouellette) :
M. Reid.
M. Reid
(Pierre) : C'est une liste
qui demeurerait confidentielle. C'est une liste qui serait entre les mains
des partis politiques et des candidats et, dans le cadre de nos
vérifications, qu'on aimerait vérifier, qu'on aimerait obtenir afin de
connaître les personnes qui ont pu agir comme experts bénévoles et de faire les
vérifications nécessaires, mais ça demeurerait une liste confidentielle.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la ministre.
Mme de
Santis : J'aimerais parler maintenant des recours contre des personnes
qui auraient participé dans la fraude ou
la collusion, des personnes qui auraient peut-être fait des contributions
illégales. Est-ce qu'il y a quoi que ce soit dans la Loi électorale qui empêcherait des poursuites
criminelles s'ils ont commis des fraudes et participé dans des
collusions? Est-ce qu'il y a quoi que ce soit dans la Loi électorale qui
empêcherait un recours criminel, que je comprends est imprescriptible?
Le Président (M. Ouellette) :
M. Reid.
M. Reid
(Pierre) : Non, parce que,
dans le fond, la Loi électorale est une loi qui... En fait, quand vous parlez
de fraude, à ce moment-là vous faites
référence, à ce moment-là, à la commission d'un acte criminel, et la Loi
électorale... ce n'est pas dans la
compétence, là, du Directeur général des élections. Il appartiendrait, à ce
moment-là, au directeur des poursuites pénales et criminelles de voir à
entreprendre des poursuites pour ce volet qui serait criminel.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la ministre.
Mme de Santis : Merci. Maintenant,
je vais laisser la parole à mes collègues.
Le Président (M. Ouellette) :
M. le député d'Argenteuil.
M. St-Denis :
Oui, bonjour, monsieur. Alors, vous parlez des délais de prescription que vous
suggériez de passer de cinq ans à
sept ans et puis vous nous dites : «...qu'il est possible de colliger et
en tenant compte des délais de conservation des documents requis aux fins de nos enquêtes dont la provenance est
variée.» Pourquoi ne pouvez-vous pas recommander d'aller jusqu'à
20 ans, comme on l'entend... Qu'est-ce qui empêcherait qu'on puisse aller
jusqu'à 20 ans?
Le Président (M. Ouellette) :
M. Reid.
M. Reid
(Pierre) : Bien, en fait, le
sept ans — et c'est
ce qu'a relevé la commission Charbonneau, pas seulement pour la Loi
électorale, mais d'autres lois où le délai de prescription était beaucoup plus
court que le cinq ans — c'est
le temps nécessaire pour permettre de
recueillir la preuve, et c'est de la preuve documentaire, c'est des témoignages
et c'est des enquêtes — puis ça, on a pu le constater au cours des
dernières années — somme
toute, assez compliquées. Donc, déjà,
d'étendre à sept ans, ça donne un délai additionnel. Et en plus on sait que la
conservation des documents, si je prends les documents des institutions financières, le délai de conservation est
de sept ans. Pour les partis politiques, avant 2010, le délai de conservation des documents était de
deux ans; depuis 2010, il est de cinq ans. Et le projet de loi n° 101
apporte une
modification que je pourrais dire de concordance pour obliger les partis
politiques à conserver ces documents sept ans. Donc, pour nous, c'est un
délai qui nous apparaît approprié.
Prévoir un
délai de 20 ans, ça pourrait être interprété comme un certain laxisme de
la part du poursuivant de se dire : Bien, j'ai amplement le temps d'entreprendre des poursuites, alors qu'il
pourrait y avoir déjà des éléments de preuve. Je pense qu'au niveau pénal c'est important de pouvoir agir dans le délai
requis. Et, vous savez, l'objectif qu'il y a en droit pénal, c'est de faire cesser l'infraction, c'est
de faire cesser un comportement, c'est de faire cesser le non-respect à
une loi. Une fois que ces objectifs-là sont
atteints... et si on veut les atteindre, bien, vous comprendrez qu'il faut
entreprendre les actions, les poursuites
pénales dans les meilleurs délais. Donc, l'ajout du délai de deux ans, c'est
vraiment pour, en raison de la
complexité des enquêtes, nous laisser le temps de colliger toute la preuve et d'avoir un dossier assez étoffé
pour faire une preuve, et je le rappelle, hors de tout doute raisonnable
de la commission d'une infraction.
Le Président (M. Ouellette) :
M. le député d'Argenteuil.
M. St-Denis :
Concernant les amendes qu'il pourrait y avoir, disons que vous pouvez faire la
preuve, là, au-delà de sept ans, là,
mettons, 10, 12, 15 ans, qu'il y a eu des situations, là, pas
recommandées, quelles seraient les amendes en ce qui concerne la Loi
électorale présentement, là? Si on recule plus loin que sept ans, c'est-u des
grosses amendes? C'est-u plus... de quel ordre?
M. Reid
(Pierre) : Je comprends,
quand on dit peut-être d'allonger à 20 ans le délai de prescription, c'est
qu'on le voit plus à l'arrière qu'à l'avant.
Pour répondre à votre question, si on voulait reculer dans le temps jusqu'à
20 ans, vous comprendrez qu'avant 2010, et là j'espère que ma
mémoire ne me trompe pas, les amendes étaient de 500 $, alors qu'aujourd'hui, pour pareille commission
d'infraction, les amendes sont à 5 000 $. Donc, d'entreprendre des
recherches, des enquêtes, monter un dossier
pour aller sanctionner une personne qui a commis une infraction, il est vrai,
mais il y a 15 ou 20 ans, et de
récolter 500 $ d'amende, mais aussi de... la raison... il faudra... Je
vous invite à y réfléchir, le pourquoi d'intenter des poursuites pénales
aussi loin dans le temps, parce que je vous rappelle que, ce que je disais
tantôt, l'important, c'est de faire cesser
des comportements répréhensibles. On veut assurer le respect de la loi. À
partir du moment où, au moment où on se parle, le respect de la loi est
assuré, j'ai de la misère à comprendre pourquoi qu'on pourrait retourner à 15
ou 20 ans en arrière pour sanctionner pénalement des personnes.
Le Président (M. Ouellette) :
M. le député d'Argenteuil.
M. St-Denis : Est-ce que votre
réponse s'adresse à des citoyens qui auraient contribué illégalement ou elle
s'adresse également aux partis politiques?
Le Président (M. Ouellette) :
M. Reid.
M. Reid
(Pierre) : Je vous dirais
que, pour les poursuites pénales, je pense que ça ne nous est pas arrivé. En
fait, les poursuites pénales n'atteignent
pas les partis politiques, on poursuit des personnes. On a poursuivi des
personnes qui étaient auteurs de stratagèmes dans certaines firmes,
entreprises. Mais, à mon avis, il y a le principe de l'équité dans la Loi électorale, l'équité entre les candidats,
l'équité entre les partis politiques, et, quant à moi, l'article 100 de la
Loi électorale est une mesure pour rétablir
cette équité parce qu'il permet au Directeur général des élections de retourner
dans le temps pour aller réclamer des
contributions qui ont été faites contrairement à la loi. Et en plus, comme je
le soulignais tantôt, dans le fond,
on n'aura plus à retourner cette contribution illégale aux donateurs eux-mêmes.
Et moi, je pense que, si on parle
d'efficacité et si on parle d'équité entre les partis et les candidats,
l'article 100 est peut-être l'une des meilleures réponses à ce
sujet.
Le Président (M. Ouellette) :
M. le député d'Argenteuil.
M. St-Denis :
Merci. Vous nous avez parlé du Comité consultatif, parlé que le rapport de la
commission Charbonneau recommande que
les élus en soient exclus. Vous dites le contraire. Pouvez-vous nous expliquer
pourquoi vous pensez que les élus devraient en faire partie prenante?
Le Président (M. Ouellette) :
M. Reid.
M. Reid (Pierre) : Mais je vous
dirais d'abord que, pour le Directeur général des élections, c'est un forum, je dirais, idéal parce que nous avons un contact
avec des élus de tous les partis représentés à l'Assemblée nationale. Et
donc moi, je pense que c'est un forum privilégié pour le DGE de s'adresser
directement à des élus, et surtout que, depuis plus de 25 ans, je pense que le Comité consultatif a fait ses
preuves. Et, comme je l'ai souligné, c'est le consensus qui a toujours
favorisé les discussions à l'intérieur du Comité consultatif, et, à ce sens-là,
moi, je suis convaincu que la présence des élus au sein du Comité consultatif
est très pertinente et doit demeurer.
M. St-Denis : Merci.
Le Président (M. Ouellette) :
Mme la ministre.
Mme de Santis : Alors, est-ce que vous pouvez nous dire quels sont
les résultats, à date, des poursuites pénales qui ont été prises depuis
2010?
Le Président
(M. Ouellette) : M. Reid.
M. Reid
(Pierre) : Sur le financement sectoriel?
Mme de
Santis : Oui, sur le financement politique.
• (10 h 50) •
Le Président
(M. Ouellette) : M. Reid.
Mme de
Santis : Est-ce que vous avez les résultats avec vous pour que le
public puisse comprendre un peu qu'est-ce que ça a donné depuis quelques
années?
M. Reid
(Pierre) : En fait...
Le Président
(M. Ouellette) : Vous l'aviez fait parvenir à la commission...
M. Reid
(Pierre) : Oui, c'est ça.
Le Président (M. Ouellette) : ...suite à votre dernier passage, et elle est
datée de la fin du mois de mars, qu'on pourrait retrouver sur le site...
M. Reid
(Pierre) : Je vous dirais — j'y vais de mémoire, je
m'excuse, mais on pourra peut-être préciser ultérieurement — je pense qu'on a, au total... en fait, on a
le nombre de constats au 8 avril 2016 : 809 constats délivrés.
Mme de
Santis : Et depuis quand? De quand à quand?
M. Reid (Pierre) : En fait, depuis 2012, depuis 2012. Naturellement,
depuis 2012, des constats délivrés, mais pour des actions posées dans
les années antérieures, 501 plaidoyers de culpabilité, pour un total
d'amendes réclamées de 1 272 149 $.
Et les amendes que nous avons reçues... parce que, dans le 1,2 million,
vous avez les plaidoyers pour lesquels les
gens n'ont pas encore plaidé ou bien que la décision n'a pas été encore rendue,
mais les amendes reçues à ce jour sont de plus de 718 000 $.
Le Président
(M. Ouellette) : Mme la ministre.
Mme
de Santis : Je me souviens avoir lu dans un des rapports que vous
aviez eu des difficultés à établir la preuve au-delà de tout doute raisonnable quand vous alliez dans le passé, trop
dans le passé, et que c'était une des raisons pour lesquelles vous considériez qu'une prescription de
sept ans au lieu de 20 ans serait beaucoup mieux. Si on adopte une
loi, c'est parce qu'on veut être capables
d'appliquer la loi. On n'adopte pas une loi parce que ça fait plaisir, mais ça
doit être une loi qu'on va être capables d'appliquer et que le public va
pouvoir dire : Oui, on respecte la loi et, si on ne respecte pas la loi,
il y aura des procédures qui seront prises. Est-ce que vous pouvez élaborer,
s'il vous plaît?
Le Président
(M. Ouellette) : M. Reid.
M. Reid
(Pierre) : Bien, en fait, il est certain que plus vous vous reportez
dans le temps, que vous vous éloignez de la
période contemporaine, la difficulté de recueillir une preuve solide, donc, des
témoignages, mais également de la
preuve documentaire, va présenter une difficulté.
Et vous comprendrez qu'avant de s'engager dans cette voie, moi, je vais vous dire, moi — puis
c'est l'objectif que j'ai fixé à mes gens — les actions qu'on entreprend... puis aucune
action ne peut nous arrêter, mais encore
faut-il qu'on soit en mesure d'entrevoir des résultats probants. Et, de ce
côté-là, je me dis : Bon, à
moins que... Dans le fond, on essaie de concentrer nos actions, dans la mesure
du possible, sur la loi qu'on se doit d'appliquer aujourd'hui, là. On
doit appliquer la loi à chaque jour, s'assurer de son respect. Donc, vous
comprendrez qu'on concentre beaucoup nos
actions sur l'application de la loi. Mais, comme je vous dis, pour le passé, je
comprends l'intérêt qu'il peut y avoir par
rapport à la situation vécue dans les années antérieures, je vous dirais, une
situation que le Directeur général des élections ne souhaite plus
revivre, mais je pense que, comme j'ai dit tantôt, la meilleure façon de rétablir une certaine forme de justice et, à
tout le moins, d'équité à l'égard des partis politiques, je pense, c'est par
le biais de l'article 100. Et c'est
pour ça que toute information qui pourrait être transmise au Directeur général
des élections à l'égard de
contributions faites illégalement, peu importe l'époque, il est sûr que ce sera
plus facile d'établir une preuve convaincante afin de réclamer ces
sommes-là, ces sommes indues aux partis politiques, que d'avoir à établir une
preuve, naturellement, hors de tout doute raisonnable.
Le Président
(M. Ouellette) : Mme la ministre.
Mme de Santis : Merci. Vous parlez
du fardeau de preuve. Je crois que les gens qui nous écoutent entendent les mots «au-delà
de tout doute raisonnable» et la
«prépondérance de la preuve». Pouvez-vous nous expliquer qu'est-ce que vous
recherchiez quand c'est la poursuite? Qu'est-ce
que ça veut dire, dans les faits? Parce que
c'est des expressions que, pour beaucoup de gens, c'est très vague.
Le Président (M. Ouellette) :
M. Reid.
M. Reid (Pierre) : Bien, au
niveau pénal, c'est que, naturellement, il y a la sanction qui est appliquée à
une personne, à un contrevenant, donc nos
règles juridiques exigent que parce qu'une personne est présumée innocente
jusqu'à preuve du contraire, donc, la preuve
qui doit être faite doit être une preuve qui est hors de tout doute
raisonnable. Ça veut dire que, pour le juge, il ne doit y avoir aucun
doute quant à la culpabilité d'une personne. Donc, il est permis, à ce moment-là, à des défendeurs de pouvoir soulever,
par leurs témoignages, un doute quant à leur culpabilité, et c'est pour
cette raison que, surtout si on pense en matière de financement politique, de
stratagèmes, il n'est pas toujours facile, comment
je pourrais dire, de faire les liens entre les faits et d'obtenir une preuve,
là, suffisamment forte pour convaincre un juge de la culpabilité d'une personne et qu'il n'y ait, dans l'esprit du
juge, aucun doute quant à la culpabilité d'une personne.
Donc, c'est un exercice qui est très exigeant et
que nous avons réussi à faire, mais qui demande quand même de... C'est pour ça que, naturellement, moi, je ne
signerais pas de constat d'infraction si, dans le fond, on me présente
un dossier pour lequel on aurait un doute qu'il ne permettrait pas d'obtenir la
culpabilité d'une personne. Nous, quand nous prenons des constats d'infraction,
c'est parce que nous avons — et
ça, c'est de l'avis du Directeur général des élections — la conviction qu'une déclaration de
culpabilité sera rendue au contrevenant. Mais il appartient au juge, à
ce moment-là, de trancher la question.
Mme de Santis : Est-ce que vous
pouvez maintenant nous parler un peu de la prépondérance de la preuve? Parce que l'article 100, qui touche les
remboursements de contributions illégales, c'est plutôt une poursuite civile,
et le fardeau de la preuve, c'est la
prépondérance de la preuve. Pouvez-vous nous expliquer comment ça, c'est
différent de ce que vous venez de dire, il y a un instant, sur «au-delà
de tout doute raisonnable», et pourquoi c'est possible d'aller à 1992 dans un
cas civil?
M. Reid (Pierre) : Bien, en
fait, en matière civile, naturellement, les règles de preuve sont moins
exigeantes qu'en matière pénale, donc il s'agit d'établir une preuve
convaincante, une prépondérance de preuve, dans le cas qui nous occupe, de financement, d'établir
qu'effectivement le versement de la contribution a été fait contrairement à la
loi. Nous n'avons pas à obtenir l'autorisation judiciaire, à ce moment-là, pour
réclamer auprès du parti politique une contribution
faite contrairement à la loi. Naturellement, en droit civil, cette réclamation
auprès du parti politique devra être
effectuée dans les trois ans de la connaissance d'une contribution illégale,
mais, dans le fond, il s'agit pour nous d'établir simplement une prépondérance de preuve, en fait,
par rapport à des versions qui semblent, là, les plus véridiques selon
les circonstances, mais sans avoir à atteindre l'exigence d'une condamnation
pénale.
Mme de
Santis : Merci beaucoup pour votre explication. J'aimerais aborder un
autre sujet que vous présentez dans
votre présentation ce matin, et c'est les pouvoirs d'enquête et de
vérification. Pouvez-vous nous expliquer comment les pouvoirs d'enquête et vérification que vous avez
aujourd'hui sont différents de ce que, par exemple, aurait le
Commissaire au lobbyisme ou d'autres
enquêteurs ou vérificateurs en vertu d'autres lois et qu'est-ce que c'est que
vous demandez?
Le Président (M. Ouellette) :
M. Reid.
• (11 heures) •
M. Reid (Pierre) :
Actuellement, dans la Loi électorale, le Directeur général des élections — et je
pense que c'est à l'article 112.1 — a
accès, auprès des entités autorisées, à des documents principalement de nature
financière. Sauf qu'il arrive à l'occasion qu'il soit préférable de
faire une vérification sur place dans les locaux de partis politiques ou bien d'être présents lors d'activités de
financement. Et je dois vous dire qu'actuellement, naturellement, le contexte peut-être aidant, c'est sûr que les partis politiques,
tant au niveau provincial que municipal, peuvent montrer une ouverture à
la présence de représentants du Directeur général des
élections, mais ce qui n'a pas toujours
été le cas. Et donc c'est pour ça que,
pour nous, il est important de retrouver dans la Loi électorale, et que ce
soit bien clair à cet égard-là, que le Directeur général des élections aura un
pouvoir de vérification comme il en existe dans d'autres lois pour des
organismes qui ont un secteur d'activité à surveiller.
Le pouvoir de vérification, c'est de nous
assurer que la loi est respectée, les règlements sont respectés. Et je vous
dirais même qu'il y a un côté positif aussi au pouvoir de vérification, ça
pourrait permettre aussi de détecter des façons
de faire ou des pratiques qui pourraient être améliorées pour éviter que des
entités autorisées contreviennent à la loi. Donc, moi, je vois un côté positif à l'obtention d'un pouvoir de
vérification, également l'obtention de documents. Je vais vous donner un exemple : d'obtenir une
facture, par exemple, là, d'un fournisseur, bien, actuellement, dans le fond, c'est un peu la collaboration qu'on a quand on le demande auprès d'un
fournisseur, mais il n'y a rien qui oblige un fournisseur de nous
fournir une facture que ne détiendraient pas, par exemple, les partis politiques.
Donc, c'est pour ça que, dans un des
pouvoirs que j'ai mentionnés ce matin, nous pourrions exiger de toute personne
le renseignement ou un document afin de vérifier
l'application ou le respect de la Loi électorale.
Mme de Santis : Merci. Je crois que
mon collègue voudrait poser une question supplémentaire.
Le Président (M. Ouellette) :
Une petite rapide, M. le député d'Argenteuil.
M. St-Denis : Merci. Alors, vous dites que vous souhaitez
obtenir plus de pouvoirs, des pouvoirs additionnels, là. Vous en avez parlé de deux, là, celui de pouvoir
pénétrer dans les lieux et d'obtenir des documents de toute personne.
J'imagine que ce sont les deux principales modifications que vous souhaiteriez
à la loi. Il y en a sûrement d'autres, vous avez peut-être nommé les deux plus importantes,
là. Quelles seraient les autres que vous souhaiteriez?
Le Président
(M. Ouellette) : M. Reid.
M. Reid
(Pierre) : Oui. En fait, dans le pouvoir des vérifications, on a
énuméré, en fait, deux pouvoirs, mais il y a également une série d'autres pouvoirs qu'on retrouve, là, par exemple, dans la plupart des lois qui prévoient un pouvoir de vérification. Donc, il y avait
d'obtenir, par exemple, une ordonnance judiciaire de communication qui
donnerait accès à des renseignements et des documents. Il y avait également ce qu'on appelle communément la demande
péremptoire, donc de faire une
demande à toute personne d'obtenir des renseignements ou des documents, et à défaut du respect de
cette demande formulée par le Directeur général des élections ou un représentant, il pourrait y avoir une
ordonnance judiciaire qui serait émise en cas de défaut.
Le Président
(M. Ouellette) : Merci, M. le député d'Argenteuil. M. le député
de Marie-Victorin.
M. Drainville : Merci, M. le Président. Alors, en rafale, parce qu'on n'a quand même
pas beaucoup de temps, M. le Directeur général des
élections, puis j'ai plusieurs points que j'aimerais couvrir avec vous.
D'abord,
à la page 4 de votre mémoire, dernier paragraphe, vous dites : «J'en
profite pour vous rappeler que je demeure
convaincu que l'accès aux données de nature fiscale de l'Agence du revenu est
essentiel à nos travaux. Cette entente
contribue à assurer une meilleure application des lois électorales en matière
de financement politique.» Vous avez déjà
ce pouvoir-là, n'est-ce pas? Vous ne faites que réitérer le fait que vous l'avez
déjà et qu'il est utile pour vous, exact?
M. Reid (Pierre) : En fait, oui, effectivement. En fait, l'Agence de
revenu peut transmettre des informations, des données fiscales au Directeur général des élections dans le cadre de ses
vérifications et enquêtes, «peut». Donc, nous avons une entente, nous avons obtenu une excellente
collaboration de la part de l'agence, qui nous a amenés à établir le
bilan du financement sectoriel. Naturellement, nous entendons poursuivre notre
exercice à l'égard d'autres secteurs d'activité. Et naturellement nous allons
profiter de cette entente et aussi peut-être espérer une bonification à cette
entente afin d'obtenir des renseignements de l'Agence du revenu du Québec.
M. Drainville :
Passer de «peut» à «doit».
M. Reid (Pierre) : Ah bien, dans
le fond, la modification qui a été apportée, il y a quelques années, à la Loi sur l'administration
fiscale indique effectivement que les communications de ces données, c'est un
«peut», en fait, l'Agence du revenu peut...
M. Drainville : Oui, mais je
vous pose la question, M. le Directeur
général des élections : Est-ce que
vous souhaitez qu'on passe du «peut» à
«doit», c'est-à-dire l'administration de l'Agence du revenu devrait vous transmettre les
informations si vous le demandiez, plutôt que «pourrait», «peut»?
M. Reid (Pierre) : Je vous dirais, M. le Président, que poser la question
c'est un peu y répondre. Effectivement, un «doit» serait apprécié. Naturellement, il
faut comprendre que l'utilisation qui est faite, là, c'est vraiment fait dans
le cadre... dans le fond, c'est des
renseignements puis qu'on démontre à l'Agence
du revenu, dans le cadre de nos vérifications, de nos enquêtes, et cela, afin d'assurer
la meilleure application possible de nos lois électorales.
M. Drainville :
Donc, vous avez obtenu une bonne collaboration de l'Agence du revenu jusqu'à
maintenant, mais ce que vous dites, c'est
que cette collaboration-là, comment dire, elle dépend un peu de la bonne
volonté de l'agence. L'agence pourrait dire : En vertu de la loi,
je ne suis pas obligée de te donner les informations que tu me demandes; le texte de loi dit «peut» transmettre les informations en question, donc je ne suis pas obligée de vous les
transmettre, M. le DGE. Donc, quand
vous parlez de bonification, vous souhaiteriez, dans le fond, qu'on referme
cette possibilité que vous vous fassiez dire non et que le
texte de loi soit clair que l'information que vous demandez doit vous être
transmise, en résumé, là.
M. Reid (Pierre) : M. le Président, je dois quand
même préciser de la très bonne collaboration que nous avons eue de
l'Agence du revenu. Mais je sais qu'actuellement nous allons entreprendre des discussions avec
l'Agence du revenu pour obtenir d'autres renseignements. Nous espérons
que cette bonne collaboration, cette excellente collaboration sera maintenue et que nous serons en mesure d'obtenir
les renseignements que nous désirons. Au moment où je vous
parle, je ne peux pas douter de cette bonne
volonté de l'Agence du revenu, mais c'est sûr... Je pourrais peut-être
vous le dire, une fois que nous
aurons eu nos discussions, si effectivement je rencontre des difficultés. Mais, pour le
moment, je ne suis pas en mesure de vous dire que cette collaboration
n'est pas acquise, mais...
M. Drainville :
Vous n'avez pas de certitude là-dessus.
M. Reid (Pierre) : La collaboration?
M. Drainville :
Vous n'avez pas de certitude que la collaboration est acquise.
M. Reid
(Pierre) : Bien, vous savez,
on s'adresse à l'Agence du revenu et, en tout respect pour l'agence,
c'est sûr qu'on leur demande des renseignements qui font partie du secret
fiscal, et je comprends qu'au regard de leurs responsabilités, s'il faut
discuter, il faut négocier sur l'à-propos, l'opportunité d'obtenir les renseignements
que nous demandons. C'est un travail de négociation. Jusqu'à présent — je pense que les gens qui s'étaient joints à moi peuvent en témoigner — ça
s'est bien déroulé, mais je ne peux pas l'assurer pour l'avenir.
M. Drainville : Donc, si on proposait, dans
le cadre de l'étude du projet de loi n° 101, de bonifier cette disposition qui est déjà
prévue dans la loi, vous accueilleriez cette proposition positivement.
M. Reid (Pierre) : Évidemment.
M. Drainville : Pardon?
M. Reid (Pierre) : Oui.
M. Drainville : Évidemment.
M. Reid (Pierre) : Oui.
• (11 h 10) •
M. Drainville : Merci.
Sur le Comité consultatif, maintenant, bon, d'abord, moi, je tiens à vous dire,
là, que votre idée de créer un comité des citoyens,
je pense que c'est une excellente idée. La loi vous permet
de le faire. Je suis tout à fait d'accord avec vous, comme vous l'écrivez dans votre mémoire,
que «les questions relatives à la Loi électorale et à son administration concernent non seulement les partis politiques, mais [également] l'ensemble des acteurs concernés». Elle concerne l'ensemble des citoyens,
en fait. Et donc je pense que c'est une très bonne idée que vous alliez de
l'avant avec la création de ce comité citoyen.
Je dois comprendre qu'il ne sera composé que de citoyens
sans aucune appartenance partisane, c'est bien ça? Sur ce comité aviseur ou comité citoyen, il n'y
aura pas de représentants de quelque parti politique que ce soit. Est-ce que j'ai bien compris?
M. Reid (Pierre) : Oui.
M. Drainville : Merci. Maintenant,
vous proposez aussi que les procès-verbaux du Comité consultatif du Directeur
général des élections soient rendus publics. Je comprends ce pour quoi vous
faites une telle proposition, mais je dois vous dire, j'ai une petite
inquiétude, et ma petite inquiétude est la suivante : l'une des forces du
Comité consultatif, c'est qu'on peut se
parler très ouvertement et très franchement en sachant que les échanges que
nous aurons resteront confidentiels. Alors, vous comprendrez, et vous en
avez été témoin maintes fois déjà, qu'il y a des choses qu'on se dit dans le
blanc des yeux qu'on ne se dirait pas si on savait que ces propos-là allaient
être rendus publics.
Moi, mon
inquiétude, M. le Directeur général
des élections, c'est que, si on
dit : Les échanges au Comité consultatif seront rendus publics par la
suite, ce qui va arriver, je vais
vous le dire, c'est qu'on va arrêter, on va cesser de se dire les vraies affaires, on va parler en paraboles. Dans le fond, on va retomber, à mon avis, dans des ornières partisanes, dans un discours essentiellement partisan parce
qu'on va avoir à l'esprit ce qu'un
journaliste va pouvoir faire avec le procès-verbal
éventuellement. Donc, l'échange franc et direct que nous avons présentement, qui nous permet d'arriver à des projets de loi comme celui-là
et qui nous permet d'y arriver rapidement parce
qu'on est capables de mettre cartes
sur table rapidement, on n'est pas obligés
de trop s'enfarger, comme on dit, dans les fleurs du tapis puis commencer à se
demander : Oui, mais si je le
dis comme ça, puis c'est rapporté comme ça, quels points politiques
mon adversaire va-t-il pouvoir marquer?, ça fait que je vais faire attention, je ne le dirai pas ou je vais le dire... ça va
revirer en taponnage, ça va revirer en discussions essentiellement partisanes, puis, à mon avis, l'utilité, à ce moment-là, du Comité
consultatif va disparaître, pour l'essentiel.
Alors, je comprends l'objectif de transparence
que vous visez. Si le Comité consultatif avait été — par mon expérience, là — un empêcheur de faire progresser la Loi
électorale, je me dirais : On n'a rien à perdre à rendre publiques les discussions du Comité consultatif, de toute
façon ça ne donne rien puis ça n'avance pas. Mais c'est mon expérience, encore une fois, M. le Directeur général des
élections. On peut débattre de ce qui s'est fait avant, peut-être qu'avant
ce n'était pas aussi productif ou
constructif. Mais mon expérience, moi, c'est que, jusqu'à maintenant, en tout
cas, dans les échanges auxquels moi,
j'ai été mêlé, ça a donné de bons résultats, le Comité consultatif, et ça a
donné de bons résultats justement parce qu'on peut se dire les choses
honnêtement.
Puis ça va très loin,
là, pour les gens qui nous écoutent, là, on est capables de dire, dans ce
comité-là : Moi, j'ai un problème au
caucus là-dessus, alors amenez-moi pas là, je ne suis pas capable d'aller là,
j'ai trop de résistance à l'interne; par contre, si on prend ce
chemin-là, je pense que je suis capable de rallier la gang. Puis les partis se
parlent comme ça. Et c'est ce qui fait qu'on
a été capables d'arriver avec ce projet de loi n° 101. Enfin, c'est une
des raisons, je pense, très
importante, qu'on ait été capables d'y arriver aussi rapidement — ça, c'est clair dans mon esprit — puis c'est la raison, je l'ai dit déjà 1 000 fois, pour laquelle on a pu
procéder quand même très rapidement pour changer le mode de financement
des partis politiques entre novembre 2012 et décembre 2012, là. En l'espace
d'un mois, on a abaissé la limite à 100 $, on a créé un système
financement public des partis à 80 %, à peu près, qui est la
proportionnelle du financement
des partis, là. Le débat sur la proportionnelle est très populaire ces
temps-ci. Bien, la proportionnelle, on l'a au Québec. La proportionnelle du financement des partis politiques, là,
une proportionnelle pure, là, on l'a. Tu obtiens 30 % du vote populaire, tu as droit à 30 % du
financement public. C'est ça que la loi prévoit actuellement. Et cette loi-là,
on a atteint le consensus pour la faire
voter à l'intérieur du Comité consultatif du DGE. Et on a procédé, évidemment,
avec le processus législatif par la suite, puis on a réussi tout ça en un mois.
Alors,
moi, je suis convaincu d'une chose, M. le Directeur général des
élections : si on n'avait pas eu la capacité d'avoir ces
échanges-là très francs, très directs, très transparents, non-partisans, je ne
suis pas sûr qu'on aurait un système de
financement qui est celui que nous avons présentement, je ne suis pas sûr qu'on
aurait été capables de mettre en place un système qui a cassé les reins
du système des prête-noms qui était en place puis qui a mis fin à l'influence
de l'argent puis des collecteurs de fonds.
Je ne suis pas sûr qu'on aurait ça si on n'avait pas eu le Comité consultatif
pour avoir ces discussions-là confidentiellement.
Alors,
je trouve que ce que vous... quand vous proposez un comité aviseur, vous créez un équilibre, et là-dessus je vous suis complètement. La Loi électorale, elle n'appartient pas aux
partis politiques, elle appartient à tous les citoyens. Que vous alliez chercher des consensus citoyens au
sein de votre propre comité de citoyens, que vous ameniez ça au Comité consultatif, et que vous arriviez fort de certains
consensus que vous aurez créés au sein de votre comité de citoyens, et, comment dire, qu'outillé de ce rapport de force, puisque
c'est bien de ça dont on parle, qu'outillé de ce rapport de force citoyen vous questionniez les partis politiques
sur certaines de leurs postures, que vous les mettiez au défi de
procéder à certaines modifications, que vous jouiez, donc, votre rôle, je
dirais, d'une certaine façon, de contrepoids quand c'est nécessaire à une attitude de blocage que
pourraient avoir les partis politiques, je vous suis complètement. Mais de là à dire : On crée un comité citoyen, mais par ailleurs on met fin, parce que c'est ce qu'on fait, à la confidentialité des
échanges, à mon avis, on remplace un déséquilibre par un autre
déséquilibre. Parce qu'actuellement
il y a un certain déséquilibre, je suis prêt à l'admettre. Il faut que
les citoyens aient un plus grand rôle dans ces discussions, ces modifications
de la Loi électorale. Mais, de dire : On va créer un comité citoyen puis
on va mettre fin, à toutes fins pratiques, au Comité consultatif, en tout cas
on va mettre fin à son efficacité en rendant publics les échanges que les
partis ont, qui nous permettent d'arriver à des consensus, à mon avis, ce n'est
pas la voie à suivre. Ce n'est que mon avis, M. le Directeur général des élections — j'ai mon rôle, vous avez le vôtre — je le partage bien ouvertement et en toute
transparence avec les gens qui nous écoutent, mais je voulais quand même
vous faire connaître mon opinion sur ce sujet.
Par ailleurs,
j'aimerais comprendre. Sur le travail bénévole, il y a déjà une disposition
dans la loi qui dit essentiellement que le travail bénévole... c'est
l'article 417 : «Une personne peut [...] fournir sans rémunération et
sans contrepartie...» Je recommence :
Une personne peut [...] fournir sans rémunération et sans contrepartie ses
services personnels et l'usage de son
véhicule personnel à la condition qu'elle le fasse librement et non comme
partie de son travail au service d'un employeur.»
Alors, le nouvel
article qui est proposé, avec lequel vous êtes d'accord : «Une personne
peut cependant, sans compensation ni contrepartie, effectuer personnellement et
volontairement un travail bénévole et fournir l'usage de son véhicule personnel
à cette fin.»
Deux questions.
Pourquoi la nouvelle formulation est-elle meilleure que celle qui existe déjà
sur la question du travail bénévole? Mais
surtout est-ce qu'avec la nouvelle formulation proposée par l'article 18
du projet de loi ce serait possible de rembourser quelqu'un qui fournit
sa voiture pour son essence? Est-ce que ce serait considéré comme une contrepartie ou une compensation que de rembourser
un bénévole qui utilise sa voiture, par exemple, le jour du vote pour transporter des gens vers le bureau de scrutin?
Est-ce que ce serait possible que le parti politique rembourse cette
personne pour l'essence qu'elle a utilisée
pendant la journée? Parce que moi, je crains que ce ne soit considéré par vous
comme une compensation ou une contrepartie, et donc que ce soit illégal en
vertu du projet de loi n° 101.
Le Président
(M. Ouellette) : M. Reid.
M. Reid (Pierre) : En fait, à votre question, si effectivement le
parti se trouve à rembourser le coût de l'essence, à ce moment-là il
s'agit d'une dépense électorale.
M. Drainville :
Bien sûr. Donc, c'est permis?
M. Reid
(Pierre) : Bien, c'est permis, mais ça va rentrer comme dépense
électorale, oui.
M. Drainville : Bien sûr, mais ça ne sera pas interdit. Ça ne sera pas
considéré comme une compensation ou une contrepartie au sens de la loi.
M. Reid
(Pierre) : Non, parce qu'on va l'avoir considéré comme une dépense
électorale.
M. Drainville : Très bien. Donc, c'est déjà permis en vertu de la loi
actuelle, sauf que c'est considéré comme une dépense, et ça va continuer
à l'être avec la disposition du projet de loi n° 101, exact?
M. Reid
(Pierre) : Oui.
M. Drainville : Très bien. Il me reste seulement
1 min 30 s. Sur vos nouveaux pouvoirs, et je termine là-dessus,
moi, je dois dire, encore une fois, que nous
souhaitons que le Directeur général des élections ait tous les outils
nécessaires et tous les moyens nécessaires et supplémentaires, s'il le faut,
pour bien faire son travail.
Maintenant,
de demander ce pouvoir, donc, que certains qualifieront de perquisition, le
pouvoir de pénétrer dans les lieux où sont
conservés les livres se rapportant aux affaires financières des entités
autorisées, certains vont dire que vous
souhaitez obtenir pour vous-même un pouvoir de perquisition. Il nous reste une
minute. Pouvez-vous nous dire en quoi est-ce que ce pouvoir-là que vous
souhaitez obtenir est nécessaire pour bien faire le travail qui est le vôtre?
Le Président
(M. Ouellette) : M. Reid.
• (11 h 20) •
M. Reid
(Pierre) : En fait, ce n'est pas un pouvoir de perquisition. Un
pouvoir de vérification, comme je l'ai précisé tantôt, il s'agit d'aller vérifier
ou d'inspecter l'application de la loi, le respect des dispositions de la loi.
Les vérificateurs ne partent pas avec l'idée
qu'une infraction a été commise parce que, là, à ce moment-là, on serait au
niveau de l'enquête. Mais, au niveau de la
vérification, il s'agit juste de s'assurer du respect des dispositions des lois
électorales. Comme je le disais tantôt, ça
peut être une façon de vérifier certaines choses, ça peut être une façon aussi
de corriger des pratiques ou des façons de faire que peut avoir un parti
politique, tant au niveau municipal que provincial. Et c'est à la suite de vérifications qu'effectivement on va
peut-être éviter, là, dans le fond, qu'une entité commette des
infractions. C'est sûr qu'il y a d'autres...
Puis c'est un pouvoir usuel que vous retrouvez, là, dans la plupart des lois
d'organismes qui ont la responsabilité de surveiller un secteur
d'activité. Pour nous, au...
M. Drainville :
Le Commissaire au lobbyisme, par exemple?
M. Reid
(Pierre) : Le Commissaire au lobbyisme, en environnement, dans le
secteur de l'alimentation, les valeurs mobilières. Donc, excusez-moi
l'expression, mais la business du Directeur général des élections, c'est un peu
le financement des partis politiques, des
entités politiques qui sont sujettes à des règles. Et pour le directeur, il
s'agit, dans le fond, d'aller vérifier, à l'occasion, sur place le
respect des lois électorales.
M. Drainville :
Très bien. Il me reste 30 secondes. Je me tourne vers Mme la ministre. Est-ce
que vous avez l'intention de déposer des amendements à ce projet de loi
n° 101 dans le cours de nos travaux pour donner au Directeur général des
élections ces nouveaux pouvoirs qu'il demande?
Mme
de Santis : Je comprends que nous avons une réunion du Comité
consultatif lundi, et, suite à cette rencontre, on va décider comment
nous allons procéder. Mais on a demandé au Directeur général des élections
d'appeler cette rencontre pour qu'on puisse agir dans les plus brefs délais.
Une voix :
...
Mme de
Santis : Oh! c'est en cours? Mais...
M. Drainville :
On n'était pas au courant qu'on avait une réunion lundi prochain, là.
Une voix :
J'ai reçu un courriel, moi.
M. Reid
(Pierre) : En fait...
Le Président (M. Ouellette) : Non, mais ne bougez pas, ne bougez pas. Là, bon,
vous ferez vos conversations...
M. Drainville :
Vous parlez du 30 mai prochain?
Mme de
Santis : C'est ça. Ma compréhension, c'était qu'il y avait une date
inscrite. Il n'y en a pas? O.K., mais on va...
Le Président
(M. Ouellette) : Bon, vous réglerez ça à 11 h 45. Merci,
M. le député de Marie-Victorin. M. le député de...
M. Drainville :
...
Le Président
(M. Ouellette) : Oui, là.
M. Drainville :
Donc, vous n'excluez pas de déposer des amendements, c'est bien ça?
Mme de
Santis : Je ne l'exclus pas, sauf que je veux, comme on s'était
engagés la dernière fois qu'on s'est rencontrés au Comité consultatif, qu'on se
rencontre d'abord et qu'on procède par la suite.
M. Drainville :
Merci.
Le Président (M. Ouellette) :
Bon, M. le député de Borduas, si vous aviez ce genre de questions là, vous avez
la réponse.
M. Jolin-Barrette : Bon. Merci,
M. le Président. Madame messieurs,
bonjour. Bienvenue à l'Assemblée
nationale. Merci de participer aux travaux
de la commission. D'entrée
de jeu, la ministre,
tout à l'heure, a parlé beaucoup de l'aspect civil, de l'aspect pénal, de l'aspect criminel. Donc, c'est trois types de
recours judiciaires qui existent, ils n'ont pas la même finalité.
En matière civile,
pour vous, en vertu de l'article 100, pour le Directeur général des
élections, c'est d'aller récupérer des
sommes qui ont été versées illégalement, c'est la prépondérance de la preuve.
Pour faire ça plus simple, c'est un
peu comme un référendum. Le fardeau de preuve, c'est un référendum. Ça va
plaire à mon collègue de Marie-Victorin.
Ensuite...
M. Drainville :
Comment vous dites? Répétez-moi ça, j'étais distrait.
M. Jolin-Barrette :
On assimilait le fardeau de preuve en matière civile à un référendum.
M. Drainville :
Ah! je ne suis pas sûr que ça me plaît, mais...
Des voix :
Ha, ha, ha!
M. Jolin-Barrette : En matière pénale, c'est : La preuve est
hors de tout doute raisonnable. Mais le poursuivant, dans la Loi électorale, c'est vous, c'est le Directeur
général des élections. Donc, vous devez être convaincu, hors de tout
doute raisonnable, d'avoir la preuve légitime de pouvoir faire condamner
l'individu que vous poursuivez. Vous avez dit :
Je ne signerai pas de constat d'infraction si je n'ai pas cette preuve-là,
c'est la responsabilité de tout poursuivant public. Donc, si vous n'avez
pas la preuve, vous n'allez pas entreprendre de poursuite.
En matière
criminelle, ça ne rentre pas dans la sphère du Directeur général des élections
parce que c'est une compétence fédérale, et
là les procureurs aux poursuites criminelles et pénales vont faire leur travail
si jamais il y a de la fraude, de la corruption, etc., c'est un crime.
Ma
première question que j'ai à vous poser, M. le Directeur général des élections,
c'est : Est-ce que la commission d'une infraction à la Loi
électorale en 2005 est moins grave qu'en 2015?
Le Président
(M. Ouellette) : M. Reid.
M. Reid (Pierre) : Je vous dirais qu'elle est moins... Quant à
l'importance, ce n'est pas tellement sous cet aspect-là que je le verrais. C'est que, dans le fond, le but
d'entreprendre des poursuites pénales, comme je l'ai dit tantôt, c'est
de faire cesser un comportement et c'est de
faire cesser les contraventions à la loi. Donc, pour une infraction commise en
2005, si la loi est respectée aujourd'hui,
on se demande quel serait l'objectif, à ce moment-là, d'aller sanctionner la
personne en 2005 si ce n'est que de
sanctionner pour sanctionner, punir pour punir. Je vous dirais que si à l'égard
d'une infraction à la Loi électorale
on est, dans le fond, on peut dire, dans le domaine réglementaire et non pas
criminel, si on doit remonter à il y
a 15 ou 20 ans pour sanctionner des contraventions à la loi, si c'est vrai pour
la Loi électorale, est-ce que ce n'est pas vrai, par exemple, dans des secteurs comme l'environnement pour
quelqu'un qui aurait contrevenu à la Loi sur la qualité de
l'environnement en 1995? D'aujourd'hui entreprendre une poursuite pénale, quel
serait l'objectif et quel résultat obtiendrions-nous que seulement, alors que
la loi est respectée, la contravention? Le comportement auquel on voulait
mettre fin n'existe plus, mais on irait seulement dans un objectif punitif qui,
à mon avis, ne nous rapporterait rien.
M. Jolin-Barrette : Mais, vous savez, la commission Charbonneau a été
mise en place, entre autres, pour faire le ménage dans le financement des partis politiques, pour démontrer les
liens qu'il y avait avec l'industrie de la construction. La population a été véritablement choquée par les
révélations qu'il y a eu à la commission Charbonneau. Et aujourd'hui on étudie un projet de loi qui s'appelle Loi donnant
suite aux recommandations de la Commission Charbonneau en matière de
financement politique. Les gens au Québec ont très bien saisi comment ça
fonctionnait, la participation au système de financement illégal des partis
politiques. Il y a des individus qui ont contribué à ce système-là.
Ce
que vous nous dites aujourd'hui, c'est que la loi, elle est respectée. Moi, je
souhaite ardemment qu'elle soit respectée et que vous ayez tous les
pouvoirs requis pour la faire appliquer, notamment en matière de vérification
et d'inspection, on pourra y revenir tout à
l'heure aussi. Ceci étant dit, j'espère qu'on va adopter le projet de loi avec
ces modifications-là, puis qu'on va prendre
le temps de recevoir les amendements, puis qu'on va bien les étudier, puis
qu'on n'adoptera pas le projet de loi à la
va-vite sans vous donner les pouvoirs supplémentaires parce qu'à partir du
moment où on ferme le projet de loi, parfois ça peut être difficile de rouvrir
pour venir vous donner les pouvoirs.
Mais ceci étant dit, l'important, c'est de
redonner confiance à la population dans nos institutions. On l'a vu, il y a des
gens qui ont contribué à ce système
de financement illégal là et qui n'ont pas été punis ou même qui ont participé
à du financement illégal et qui ont
continué à solliciter des sommes pour certains partis politiques. On a eu un
exemple très concret avec Marc-Yvan Côté, qui avait un certificat du
solliciteur du Parti libéral du Québec. Mais là, à ce moment-là, cet
individu-là avait été banni du Parti libéral fédéral et s'est retrouvé à
solliciter des fonds. Qu'est-ce qui nous garantit qu'aujourd'hui les gens qui ont participé à ce genre de système
là ne seront pas encore dans les partis politiques à récolter des sommes ou à avoir participé?
La
question qu'on se pose, dans le fond, c'est de dire : Pourquoi ne faisons-nous
pas le ménage une fois pour toutes dans le financement politique pour repartir
à neuf et de redonner confiance aux individus, à la population dans les
institutions puis dans les partis politiques en matière de
financement politique? Parce que ce qu'il faut dire, c'est que la Loi
électorale, c'est vraiment la pierre
d'assise des règles du jeu en matière électorale. Les gens se font élire parce
qu'ils respectent la Loi électorale, c'est,
comme on dit, le «ball game» de la politique, c'est les règles qu'on se dote
pour s'assurer que la démocratie soit encadrée.
Donc,
à partir du moment où il y a des gens qui contreviennent à la Loi électorale,
ça serait normal et nécessaire que
ces individus-là, s'ils ont commis une infraction, soient poursuivis. Et
d'autant plus... Là, ce qu'on va faire dans le projet de loi n° 101, c'est qu'on va permettre au
Directeur général des élections, en matière civile, d'aller récupérer les
sommes chez les partis politiques. À partir
du moment où vous allez faire votre enquête pour évaluer est-ce qu'il y a des
sommes qui ont été versées, ça se peut que vous tombiez sur de la preuve, comme
une balle de laine, on tire, on tire le fil, le fil vient, et on se rend compte
qu'il y a peut-être eu des infractions pénales qui ont été faites.
Avec la position du Directeur général des
élections présentement, si vous aviez la preuve hors de tout doute raisonnable en faisant ces enquêtes civiles là,
vous ne pourriez pas poursuivre les individus qui ont contribué à de
genre de système illégal. Nous, ce qu'on
vous dit, c'est qu'on est en faveur de donner les pouvoirs au Directeur général
des élections, de vous laisser la
latitude d'entreprendre une poursuite pénale contre un individu qui aurait
commis une infraction à la Loi électorale. On veut vous donner ces
pouvoirs-là. Qu'est-ce que vous en pensez?
Le Président (M. Ouellette) :
M. Reid.
• (11 h 30) •
M. Reid (Pierre) : M. le
Président, je vous dirais que je préfère concentrer mes efforts et mes actions
sur la situation actuelle. L'exemple que
vous preniez, c'est cette personne qui a commis à répétition des infractions à
l'égard de la Loi électorale. Si aujourd'hui
et/ou dans un délai de sept ans il y a des infractions pénales, il est certain
que ça sera plus facile, à ce
moment-là, de poursuivre pour une période plus contemporaine que pour une
période qui pourrait remonter à 15 ou 20 ans, et c'est là que je
préfère, bien, concentrer les efforts du DGE, c'est sur l'application immédiate
de la loi et non pas de... puis peut-être
aussi d'éviter de créer une illusion auprès des gens qui nous écoutent, là.
S'il était prévu que le Directeur
général des élections a le pouvoir de poursuivre au pénal pour des infractions
commises il y a 20 ans, est-ce qu'on ne crée pas des attentes, là,
au-delà des résultats qui seraient attendus, là?
Moi, c'est
pour ça que je préfère que... On veut assurer le respect de la loi. Les
pouvoirs que nous demandons, ce n'est
pas... on l'a appliquée, la loi, mais c'est encore pour bonifier dans nos
actions, de donner encore plus de moyens d'obtenir des résultats, et
c'est sur ça qu'on veut se concentrer. Et, comme je l'ai dit tantôt, de partir
à la recherche d'infractions pénales à une
loi d'un niveau... je dirais, d'une loi réglementaire, si vous me le permettez,
pour des infractions commises il y a 15 ou 20 ans, je ne crois pas
qu'on ferait oeuvre utile. Par ailleurs, si les gestes posés sont de nature criminelle, eh bien, là, à ce moment-là, c'est un
geste qui est suffisamment important, répréhensible pour venir
sanctionner un tel geste de fraude.
M. Jolin-Barrette : Ceci étant dit, on ne parle pas nécessairement
d'infractions qui ont été commises il y a 20 ans, en 1996. Nous, ce qu'on vous propose aussi, c'est
d'avoir tous les outils. Et je comprends qu'il y a des poursuites
pénales qui ont été entreprises, mais le
Directeur général des élections non plus n'est pas omniscient, puis ça se peut
qu'il soit passé à côté de certaines
infractions pénales et à côté de certains financements politiques illégaux, et
il y a des infractions qui auraient
pu être commises en 2008, en 2009 et en 2010, et maintenant elles sont
prescrites. Donc, nous, ce qu'on vous dit, c'est que, dans le cadre des affaires civiles pour lesquelles vous
entreprenez des enquêtes... puis vous l'avez mentionné publiquement qu'il était dans votre intention
d'informer les partis politiques s'il y avait du financement illégal, et
d'ailleurs c'est pour ça qu'on modifie l'article 100 en matière civile,
mais si d'aventure vous vous rendez compte qu'il y a des infractions qui ont
été commises en 2008, en 2009, en 2010, nous, on trouve que ça serait légitime
que vous ayez les pouvoirs, si vous le jugez
approprié, d'entreprendre une poursuite en matière pénale parce que ce qu'il
faut faire, c'est casser le système
du financement illégal. Il faut envoyer un message clair à la population que
les temps ont changé et que ce n'est
pas parce qu'avant ça se passait comme ça que c'est une défense. Les gens qui
ont commis une infraction à la Loi électorale,
que ça soit 2005, en 2006, en 2007 ou en 2008, devraient être poursuivis au
même titre parce qu'une infraction qui a existé à cette époque, ce n'est
pas moins pire qu'aujourd'hui, même si l'individu n'est plus à l'intérieur d'un
parti politique, mais il se peut qu'il le
soit encore toujours. L'importance de changer les moeurs politiques aussi,
c'est un message qu'il faut envoyer. Et la
commission Charbonneau s'est notamment penchée sur les 20 dernières
années. Et sur le principe de
l'équité aussi, s'il y a des élections qui ont bénéficié du financement
illégal, il serait tout à fait normal que les individus qui ont
participé à ce genre de système là soient poursuivis.
Le Président (M. Ouellette) :
M. Reid, 30 secondes.
M. Reid
(Pierre) : En fait, le bénéfice
du financement illégal, est-ce que les personnes qui ont pu contrevenir
à la loi, les auteurs de stratagèmes, les solliciteurs illégaux, si on peut
dire, c'est eux d'abord qui ont pu profiter de ce système-là ou si ce n'est pas les partis politiques qui ont pu, à ce
moment-là, profiter des sommes recueillies? Et c'est pour ça, comme j'ai dit tantôt, que je préfère
concentrer mes énergies en m'aidant de l'article 100 afin d'obtenir une
preuve moins exigeante qu'une preuve pénale
afin de rétablir l'équité entre les partis politiques et entre les candidats et
d'assainir le financement politique, et donc
d'aller chercher dans les coffres des partis les sommes qu'ils ont obtenues de
façon illégale.
Le Président (M. Ouellette) :
Sur ces belles paroles, merci, M. Reid, Mme Fiset, M. Morin.
Nous suspendons nos travaux jusqu'après les
affaires courantes, vers 15 heures, où on va poursuivre notre mandat, et nous recevrons alors la Chaire de
recherche sur la démocratie et les institutions parlementaires, qui sera le
dernier groupe que nous entendrons aujourd'hui.
(Suspension de la séance à 11 h 35)
(Reprise à 15 h 34)
Le
Président (M. Ouellette) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission
des institutions reprend ses travaux.
Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la
sonnerie de leurs appareils électroniques.
Nous
poursuivons les consultations
particulières et auditions publiques
sur le projet de loi n° 101, Loi
donnant suite aux recommandations de la Commission Charbonneau en matière de
financement politique.
Nous
terminerons nos auditions cet après-midi à 16 h 15 en entendant la
Chaire de recherche sur la démocratie et les institutions parlementaires.
Ne bougez
pas. C'est beau. Donc, M. Gélineau, M. Montigny, je vous laisse la
parole. Vous avez 10 minutes, et après il va y avoir une période
d'échange avec la partie ministérielle et les partis d'opposition. À vous la
parole.
Chaire de recherche sur
la démocratie
et les institutions parlementaires
M. Montigny
(Éric) : Merci, M. le
Président. D'abord, c'est un plaisir
d'être avec vous cet après-midi pour parler des différentes dispositions du projet
de loi n° 101. Comme vous le
disiez, M. le Président, je suis accompagné de François Gélineau,
qui est titulaire de la Chaire de recherche sur la démocratie et les
institutions parlementaires.
Je vais
aborder un peu d'abord l'analyse du projet de loi en fonction des objectifs de
la réforme de 1977 pour voir dans
quel cadre le projet de loi n° 101 qui est devant nous se conforme ou répond aux objectifs de la réforme
originale de 1977, et après M. Gélineau va suivre avec des commentaires
plus précis sur certaines dispositions du projet de loi.
Donc, la question qu'on s'est d'abord posée
après avoir été convoqués à cette audience, à cette audition, c'est d'abord : Dans quel esprit s'inscrit ce
projet de loi là? Et comment cadre-t-il avec les objectifs qui étaient énoncés
lors de la réforme et des fondements de la réforme de 1977? Rappelons d'abord
ces principes. Ces trois principes sont l'équité, l'intégrité et la transparence, qui étaient des principes sous-jacents à
la loi de 1977 et qui sont toujours des objectifs ou des principes qui
sont sous-jacents aux dispositions qui nous gouvernent actuellement.
Donc, nous
avons appliqué une grille d'analyse en fonction de cinq objectifs qui
découlaient de ces principes, objectifs
qui étaient d'ailleurs répétés à plusieurs reprises par le Directeur général
des élections dans différentes études, différentes communications qu'il
a prononcées.
Premier objectif qui découle de la loi de 1977,
c'est de permettre aux seuls électeurs de contribuer au financement des partis politiques, donc une interdiction formelle aux
personnes morales de contribuer à un parti. Dans ce cadre, le projet de loi n° 101 renforce le
principe, cet objectif de voir aux contributions seules des électeurs,
notamment à l'article 3, qui porte sur la définition du concept de
bénévole. Donc, cet article vient renforcer l'objectif qui était sous-jacent à
la loi de 1977 ou à la réforme de 1977.
Deuxième objectif, c'était celui d'assurer le
contrôle de ce financement par la divulgation des revenus et des dépenses des partis politiques. Là aussi, des
dispositions prévues au projet de loi n° 101 viennent renforcer ce
principe, c'est le cas notamment des
articles 11 à 17, 19 à 20, où les chefs et les candidats devront signer
les rapports des partis. Donc, les personnes
qui devront signer les rapports de partis, ce geste-là vient renforcer, vient
accroître l'imputabilité des dirigeants des formations politiques, donc
ça va dans la bonne direction.
Troisième
objectif qui découlait de la loi de 1977, c'est d'encourager les contributions
modestes et diversifiées. Le projet
de loi n° 101 est silencieux, pour l'essentiel, sur ce principe, si ce
n'est que la limitation des prêts, qui est une mesure qui est quand même importante, mais qui commande
plusieurs réflexions ou discussions. Cependant, il faut reconnaître que le projet de loi n° 2 du gouvernement antérieur
a largement contribué à renforcer ce principe. Donc, il y a une bonne
partie du travail qui a été réalisé par le gouvernement antérieur.
Quatrième élément, quatrième objectif qui
découlait de la loi de 1977 c'était susciter la collaboration des partis
politiques. Et là on doit admettre que le projet de loi n° 101 est plutôt
silencieux sur cet objectif-là. D'ailleurs, il n'y a aucune réforme du Comité
consultatif qui est proposée. On pourra en discuter davantage avec mon
collègue.
Cinquième élément, cinquième objectif qui
découlait de la loi de 1977, c'était le fait d'investir le Directeur général des élections d'un double rôle, celui de
contrôleur et un rôle en matière d'information. Sur le plan de
l'information, le projet de loi renforce
clairement cet objectif. C'est ce que permettent l'article 1 sur la
formation obligatoire et l'article 22, qui oblige la publication d'un rapport annuel du Directeur général des
élections sous l'application des règles de financement.
Sur le plan du contrôle, maintenant, le projet
de loi vient aussi renforcer le pouvoir du DGE en matière de poursuites pénales en allongeant notamment le
délai. Il vient aussi permettre de remonter dans le temps en ce qui a
trait au remboursement par le biais de
l'article 5, donc il permet de revenir en arrière. Ceci dit, tout devient
alors une question de moyens
d'enquête pour le DGEQ, et là-dessus le projet de loi demeure somme toute
relativement silencieux. Sur ce...
• (15 h 40) •
M. Gélineau
(François) : Alors, bonjour.
Nous avons identifié un certain nombre de questions qu'on aimerait soumettre à la commission, donc je vais les
énumérer. Le projet de loi n° 101 est plutôt silencieux sur la notion de
contrôle inclus dans la Loi électorale. Nous reconnaissons que le projet de loi
renforce les pouvoirs du DGE en matière de poursuites
pénales. Cependant, nous nous questionnions sur la présence d'autres mécanismes
visant à assurer le respect de la loi
et le remboursement des contributions illégales. Le projet de loi ouvre la
porte à de telles mesures en éliminant le délai de prescription pour récupérer les sommes versées illégalement, mais
n'offre aucun pouvoir additionnel au DGE pour faciliter la chose. La loi est exempte de mesures pour doter le DGE de
pouvoirs additionnels de contrôle et d'enquête.
Au niveau du fonctionnement du Comité
consultatif, à l'instar du DGE et de la commission Charbonneau nous sommes
d'avis qu'il importe d'accroître la transparence des travaux du Comité
consultatif. Nous croyons aussi que les procès-verbaux devraient être rendus publics. Un tel changement
permettrait de mieux répondre aux principes qui sont à l'origine de la
loi de 1977, dont celui de la transparence.
Quant à la composition du Comité consultatif, si
nous avons bien compris la proposition du DGE présentée plus tôt ce matin, ce dernier souhaite la mise en place d'une entité non
partisane afin de guider ses réflexions. Une telle entité pourra
certainement enrichir les travaux du DGE. Cependant, il serait souhaitable de
formellement reconnaître l'apport de cette nouvelle instance afin que ses
travaux puissent avoir un impact réel sur l'application de la Loi électorale. Nous invitons les députés à prévoir un
mécanisme qui permettra aux deux instances de ne pas évoluer de façon
parallèle. Par exemple, le Comité consultatif pourrait accueillir un
représentant de cette nouvelle instance parmi ses membres. À défaut d'adopter un tel mécanisme, la composition du Comité
consultatif pourrait être revue afin d'inclure des membres non affiliés
à une formation politique.
En lisant
l'article 18 du projet de loi, qui précise la notion de bénévolat, nous
nous demandons si la modification proposée atteint réellement son
objectif. Bien que le projet de loi intègre très bien la recommandation 39
de la commission Charbonneau, à savoir que
le travail bénévole doit en tout temps être effectué personnellement,
volontairement et sans contrepartie,
l'article 18 semble laisser planer une certaine ambiguïté quant à la
rémunération par un tiers. Bien entendu, nous ne sommes pas juristes.
Pourtant, le libellé actuel de la loi écarte de façon très explicite la
possibilité d'être rémunéré par son employeur régulier au moment d'agir en tant
que bénévole. Cette mention semble être écartée par le projet de loi. Nous nous
demandons également pourquoi le projet de loi ne semble pas tenir compte de la
recommandation 40 de la commission Charbonneau, qui prévoit que les
entités politiques autorisées divulguent le nom des personnes qui ont travaillé
bénévolement.
Enfin, nous avons jugé bon de partager quelques
réflexions sur des zones de vulnérabilité qui ne sont pas considérées tant dans la loi actuelle que dans le
projet de loi. Au même titre que la loi cherche à éviter que des
organisations prêtent leurs employés aux partis politiques sous le couvert du
bénévolat, il faut se questionner sur d'autres zones de vulnérabilité. Par exemple, l'acquisition, la vente ou la location de
biens d'immobilisation par les partis politiques pose certains risques. À ce titre, un fournisseur de
matériel informatique voulant appuyer une formation politique pourrait
très bien vendre son matériel à perte. Des
transactions immobilières peuvent également prêter flanc à ce type de
stratagème. Cette question est d'autant plus
importante qu'avec les modifications apportées à la loi lors des législatures
précédentes la part publique du financement
des partis politiques est aujourd'hui nettement prépondérante. Il s'agit ici
d'un nouveau chantier qui, nous croyons, devrait faire l'objet d'une
réflexion.
En somme,
nous sommes d'avis que les modifications à la Loi électorale proposées dans le
projet de loi n° 101 vont
globalement dans la bonne direction. Tel qu'énoncé antérieurement, nous jugeons
que ces changements vont dans le sens
des objectifs de la loi de 1977. Nous constatons également que le projet de loi
répond à plusieurs préoccupations soulevées
par la commission Charbonneau. Notre intervention se veut constructive. Dans
cet esprit, nous espérons que les questions
que nous soulevons aujourd'hui permettront d'alimenter les réflexions de la
commission dans les prochaines étapes de l'adoption du projet de loi.
Merci.
Le Président (M. Ouellette) :
Merci, M. Gélineau et M. Montigny. Mme la ministre.
Mme de
Santis : Merci, M. le Président. Merci à M. Montmigny,
M. Gélineau. Vous êtes ici sur un avis qui est très, très court, et
j'apprécie énormément que vous avez pris le temps de venir nous adresser
aujourd'hui.
Parlons un instant du Comité consultatif. Les
fonctions du comité, on les retrouve à l'article 520 de la Loi électorale, c'est le suivant : «Le comité a
pour fonction de donner son avis sur toute question relative à la présente loi
sauf celles ayant trait à la représentation
électorale.» Donc, le Comité consultatif donne un avis. Est-ce que vous voyez
un rôle pour les élus sur un comité
consultatif qui donne un avis? Et comment vous... Je n'ai pas reçu un mémoire
de votre part, et donc ce n'est pas clair dans ma tête si vous voulez
que les tiers siègent le même Comité consultatif ou vous pouvez accepter la
façon que le Directeur général des élections procède ou il nous annonçait qu'il
va procéder, en créant un comité qu'il va mettre en place bientôt.
Le Président (M. Ouellette) :
M. Montigny.
M. Montigny (Éric) : Oui, merci
pour cette question. Effectivement, je pense que c'est un enjeu, la réflexion
qui entoure tout changement du Comité consultatif. On comprend bien, nous, le
rôle du comité qui est dégagé des consensus,
et on comprend bien que c'est une loi tout
à fait particulière, la Loi
électorale, qui commande une adoption qui se fait par consensus, en tout
cas par un large appui des parlementaires, donc on n'est pas réfractaires à ce
que les parlementaires participent aux réflexions dans le cadre d'un
comité consultatif. Ceci étant dit, il
y a un risque de développer des structures parallèles qui vont travailler de
façon parallèle sans avoir d'échange, sans avoir d'interaction, avec ce
qui nous a été proposé ce matin. Donc, il
faut prévoir que ça soit par l'intégration au sein du Comité consultatif d'un
représentant d'un comité de citoyens, que ça soit également par la diffusion ou
la publication de procès-verbaux ou de résumés de décision. Ça lèverait le
voile sur les travaux qui se passent en comité. Ça, c'est le premier élément.
Deuxième élément, je pense, qui est important,
c'est toujours un peu troublant de voir des éléments — j'ai
eu à commenter, d'ailleurs, une fois — du Comité consultatif qui
font l'objet de fuites dans les travaux. Ça serait plus simple s'il y a des travaux qui se faisaient davantage
à visière levée sur les consensus qui se dégagent que d'apprendre
parfois par la bande dans les médias certains éléments qui sont discutés au
sein du Comité consultatif.
Le Président (M. Ouellette) :
M. Gélineau.
M. Gélineau
(François) : J'ajouterais à ce que vient de dire mon collègue qu'il y
a aussi tout un enjeu de perception. Et le
fait que le Comité consultatif ne soit composé essentiellement que d'élus
qui, en quelque sorte, délibèrent, développent des consensus pour un peu structurer les règles dans
lesquelles les partis vont fonctionner à huis clos, ça donne une impression de manque de transparence du point de vue de M. et Mme Tout-le-monde. Donc, le seul esprit d'envoyer le message au grand public qu'il y a
un souci de transparence, il me semble que certains changements peuvent être
adoptés par le fonctionnement du Comité consultatif.
Le Président
(M. Ouellette) : Mme la ministre.
Mme de
Santis : Seulement une petite clarification. Siègent au Comité
consultatif aussi des représentants de chaque
parti en plus que les élus. Maintenant, comme la fonction, c'est de donner avis et ce
n'est pas un pouvoir autre que cela,
j'aimerais mieux comprendre pourquoi on croit qu'on agit d'une façon
irrégulière. Parce qu'en effet des avis sont donnés, et le Directeur
général des élections est complètement indépendant, il a réaffirmé ça ce matin en commission. Alors, j'essaie de comprendre, parce qu'on n'agit
pas contre la volonté des Québécois ou des Québécoises et on se retrouve sur le Comité consultatif pour essayer d'avoir un
consensus entre les partis pour qu'on puisse agir ensemble. Parce que, si
on va modifier quoi que ce soit qui touche
la Loi électorale, nous voulons que ce soit un consensus au moins des représentants
du peuple.
Le Président
(M. Ouellette) : M. Montigny.
• (15 h 50) •
M. Montigny (Éric) : Très bonne question. Je vais amener quelques
précisions. D'abord, effectivement, on est
tout à fait conscients qu'il y a des membres des partis
qui ne sont pas des élus qui siègent sur le Comité consultatif, mais force est d'admettre qu'on peut présumer que
souvent ils tiennent le même discours que les élus. Ça, c'est le premier
élément.
Deuxième
élément, c'est que le Comité consultatif, vous avez raison de le dire, c'est un
comité qui formule des avis, et en
bout de piste, effectivement, le DGE demeure indépendant, et c'est la ministre
responsable qui dépose un projet
de loi, ultimement, qui en est la responsable comme porteur à l'Assemblée. Ceci
étant dit, le Comité consultatif, c'est également un lieu d'arbitrage, un lieu d'arbitrage où on
dégage des consensus, où à la fois le DGE
est à même de mesurer des
consensus, et le titulaire responsable de la charge ministérielle des Institutions
démocratiques. Donc, c'est un lieu aussi d'arbitrage.
J'ajouterais,
et là je rejoins un commentaire de mon collègue
sur la confiance, qu'il existe en sciences politiques une littérature sur les partis de cartels. Et là je
vais un peu simplifier cette littérature pour vous expliquer que certains
politologues prétendent que les partis politiques peuvent s'organiser entre eux
de façon fermée pour modifier les lois électorales
pour les favoriser et bloquer l'arrivée de nouveaux joueurs sur la scène
politique. Donc, c'est la théorie des partis de cartels. Donc, je ne dis pas que les partis sont des cartels, mais,
dans la théorie de sciences politiques, il existe cette notion-là de
partis de cartels. Et, lorsqu'on fait des travaux sur la Loi électorale à huis
clos, lorsqu'on fait des travaux sur les questions également de représentation
électorale, de cartes électorales de façon politique, on prête flanc à des
accusations de cartellisation.
Le Président
(M. Ouellette) : Mme la ministre.
Mme de
Santis : Une autre petite précision : la représentation
électorale, la carte électorale n'est pas de la juridiction du Comité consultatif, c'est l'article 520 de la Loi
électorale, et il y a une commission sur la représentation électorale
qui agit indépendamment.
M. Montigny (Éric) : Oui, je suis d'accord avec vous. Je parlais de la
littérature, non pas du contexte québécois.
Mme
de Santis : O.K. J'aimerais laisser la parole à des collègues s'il y a
des questions, sinon je peux continuer. Allez-y.
Le Président
(M. Ouellette) : M. le député d'Argenteuil.
M. St-Denis :
Merci, M. le Président. Bonjour, M. de Montmigny, M. Gélinas. J'ai
posé la même...
M. Montigny
(Éric) : Excusez-moi, c'est Montigny.
M. St-Denis : Montigny, Montigny, c'est ça. J'ai posé la même question ce matin, à savoir...
Je vais parler du délai de
prescription, le fait que ça passerait de cinq à sept ans. Est-ce que c'est
considéré comme convenable? J'aimerais vous entendre là-dessus.
Le Président
(M. Ouellette) : M. Montigny.
M. Montigny
(Éric) : Bien, je pense qu'il y a deux éléments qui sous-tendent votre
question, effectivement. Ce qu'on comprend,
c'est que c'est difficile, ce que les autorités nous ont dit, du DGE, d'aller
au-delà du sept ans pour les peines pénales. Je trouve que le projet de
loi fait une ouverture intéressante pour remonter dans le temps pour les
récupérations de sommes. Donc, je comprends que c'est le compromis qui a un peu
émergé de vos discussions.
Ceci
étant dit, nous, on a une inquiétude par rapport à la capacité du DGE d'avoir
les outils pour remonter dans le temps,
même pour recouvrer des sommes, donc, et là-dessus le projet de loi demeure
somme toute relativement discret. Peut-être
qu'il y a d'autres mesures qui viendront dans le temps à cet égard-là pour
renforcer un peu le pouvoir du DGE. D'ailleurs,
c'est ce qui avait filtré dans certains médias, là, qu'il y allait avoir
également des mesures qui pourraient venir... en tout cas, la demande du
DGE. Alors, nous, on souhaite que ça se fasse assez rapidement si ce n'est pas
possible de l'intégrer dans ce projet de loi ci.
Le Président (M. Ouellette) :
M. le député d'Argenteuil.
M. St-Denis :
Concernant ces pouvoirs-là, selon vos études, et tout ça, quels seraient les
pouvoirs accrus qu'il faudrait donner au DGEQ?
M. Montigny
(Éric) : Bien, c'est des
pouvoirs d'enquête beaucoup plus précis, notamment, je prends quelques exemples, là, la capacité d'aller auprès d'un
tiers, la capacité d'aller saisir des documents de perquisition. Donc, ça
va quand même assez loin, ce qui est demandé par le DGE, et nous, on est accord
avec ce qui est demandé.
M. St-Denis : Vous demandez,
comme il demandait ce matin, là, ces deux points-là. Mais pensez-vous qu'il y
aurait d'autres pouvoirs qu'il faudrait lui donner pour...
M. Montigny
(Éric) : On n'a
malheureusement pas entendu l'ensemble de la comparution de ce matin, mais
moi, je vous dirais que c'est le DGE qui est
le mieux placé pour savoir qu'est-ce qui freine ses enquêtes. Je vous donne
ces deux exemples-là parce qu'ils sont plus évidents, mais le DGE est plus à
même de voir qu'est-ce qui, dans le passé, lui a permis d'éviter de boucler des
enquêtes. Bref, ça, c'est premièrement.
La question
du financement et la question des moyens financiers, le DGE a déjà le pouvoir
lui-même d'aller piger dans le fonds
consolidé pour se doter des ressources nécessaires, mais ça lui prend, je
pense, une expertise plus poussée en matière
d'enquête, des moyens plus importants, mais aussi des garanties légales qu'il
peut procéder à certaines perquisitions.
Le Président (M. Ouellette) :
M. le député d'Argenteuil.
M. St-Denis : Puis qu'est-ce
qui ferait en sorte, là, que ça pourrait être logique d'aller jusqu'à
20 ans dans la prescription, là? Parce qu'on l'a entendu dire, là. Est-ce
que...
M. Montigny
(Éric) : Deux éléments. Il y
a une question de concordance avec d'autres lois existantes, notamment
auprès des entreprises, mais j'ajouterais que ça devient une question de
faisabilité, à ce moment-là, des autorités compétentes, oui.
Le Président (M. Ouellette) :
M. Gélineau, en complémentaire.
M. Gélineau
(François) : Bien, c'est
ultimement un enjeu du fardeau de la preuve. Donc, plus on remonte dans
le temps, plus c'est difficile pour l'enquêteur d'élaborer la preuve. Mais,
comme mon collègue l'a dit, on se réjouit du fait qu'il n'y ait plus de prescription
quant aux infractions aux règlements et la possibilité de récupérer les sommes.
Le Président (M. Ouellette) : M.
le député d'Argenteuil. M. le député de La Prairie.
M. Merlini : Merci beaucoup, M. le
Président. Merci, messieurs, pour
votre présentation. M. Gélineau
vous avez fait référence à la recommandation 40 du rapport de la
commission Charbonneau sur le dévoilement de la liste des bénévoles qui
travaillent pour... bien, pas qui travaillent, mais qui font travail de
bénévole pour les partis politiques. Pourquoi
vous l'avez apportée dans votre présentation? Vous dites que le projet de loi
est muet à cet égard de la recommandation 40,
mais pourquoi, pour vous, vous n'en faites pas un enjeu, mais, je veux dire,
vous trouvez important que peut-être ça devrait être inclus dans le
projet de loi?
Le Président (M. Ouellette) :
M. Gélineau.
M. Gélineau (François) : Bien,
en fait, c'est vrai qu'il est absent, là, du projet de loi. Maintenant, pour
nous, l'enjeu, c'est un enjeu de
contribution aux activités des partis. Donc, par exemple, qu'un expert qui
prêterait ses services à un parti
pour élaborer une plateforme pour servir de consultant en communications... et
on juge qu'il est important qu'on puisse
valider que cette personne-là ne reçoive pas une rémunération d'un employeur ou
d'un tiers parti pour livrer les services
qu'elle livre à la formation politique. Et la façon la plus simple et la plus efficace de valider l'information, c'est par le dévoilement des
informations et par la transparence. On est très
conscients, par ailleurs, que ça peut poser un problème, et je crois
que vous avez cette discussion-là entre vous, que ça peut causer un problème au
niveau du recrutement de bénévoles. C'est
vrai. En même temps, je vous dirais qu'on l'a fait avec les dons.
Donc, il y a un arbitrage à faire, mais il me semble que la loi pourrait aller un peu plus loin, trouver des mécanismes qui permettent de tenir compte de cette
réalité-là. Dans le monde idéal, quelqu'un
qui offre ses services pourrait... on pourrait dire qu'il fait une contribution
au parti et qui pourrait peut-être ne pas être comptabilisée comme un
don, mais minimalement comme une dépense pour le parti.
M. Merlini : Donc, vous faites la distinction, vous faites la
distinction entre ce qui serait un service, quelqu'un qui offrirait un service quelconque par rapport à quelqu'un qui viendrait faire du bénévolat. On sait que, par exemple, pendant les campagnes électorales, on a des gens qui viennent
faire des téléphones, qui vont faire du pointage et des activités politiques
traditionnelles, faire du porte-à-porte, des gens qui ont du temps à donner, et
c'est leur contribution, leur façon à eux — je
pense aux électeurs — de
contribuer à l'exercice politique, c'est de faire, par exemple, des
téléphones ou faire du porte-à-porte avec le
candidat ou la candidate de leur choix. Mais là, à ce moment-là, vous, vous
faites la distinction qu'à ce moment-là ça serait plus du côté quelqu'un
qui offrirait vraiment un service en tant que tel, quelque chose qui serait
comptabilisable, si je peux utiliser le terme, là?
M. Montigny
(Éric) : À moins que ce soit un facteur. À moins que ce soit un
facteur dans le porte-à-porte.
M. Merlini :
Oui. Oui, effectivement, effectivement. Donc, vous faites la distinction, dans
le fond.
M. Gélineau
(François) : On pourrait dire oui. Je suis assez d'accord avec votre
interprétation.
M. Merlini : Parce
que, sinon, vous suivez le point et
nous aussi, le problème que ça pose, c'est justement des gens qui ont du
temps, qui aiment participer au processus démocratique,
mais là tu leur dis : Bien là, il faut que tu signes... pas signer ici, mais on va mettre ton nom sur la liste
des gens qui nous ont donné du bénévolat. Bien là, je le fais parce que
je veux bien le faire, je veux t'appuyer ou
je veux appuyer le candidat ou la candidate. Mais là, à ce moment-là, de voir
le nom retrouvé, on a le même problème avec
les donateurs versus les membres. Ça devient de plus en plus difficile de faire
ça.
Le Président
(M. Ouellette) : Merci, M. le député de La Prairie. Si je
comprends de vos hochements de tête, MM. Gélineau et Montigny, vous êtes
d'accord avec ce que M. le député de La Prairie vient de nous dire.
M. Montigny
(Éric) : Bien, je suis d'accord avec la réflexion sur cet enjeu-là,
qui est à faire encore.
Le Président (M. Ouellette) : Ah bon! Mais c'est parce que c'est important que
ça soit enregistré pour la suite de nos travaux parce que les hochements
de tête, ça ne se traduit pas au verbatim.
M. Montigny
(Éric) : Tout à fait, tout à fait.
Le Président
(M. Ouellette) : M. le député de Marie-Victorin.
M. Drainville : Bonjour. Merci pour votre constance dans la contribution
que vous faites à nos débats sur l'état de la démocratie québécoise. Vous êtes un habitué de ces commissions
parlementaires et vous faites toujours oeuvre utile, alors je vous en
félicite.
Vous
faisiez référence aux zones de vulnérabilité qu'il y avait dans la Loi
électorale quant à l'acquisition de biens... je pense que vous avez utilisé
les mots «biens d'immobilisation» ou «biens immobiliers»?
M. Montigny
(Éric) : ...synonymes.
• (16 heures) •
M. Drainville : Pour vous, c'est des synonymes? Est-ce que vous pouvez
nous décrire plus précisément ce à quoi vous faites référence quand vous
parlez de vulnérabilité liée à l'acquisition de biens immobiliers?
Le Président
(M. Ouellette) : M. Gélineau.
M. Gélineau
(François) : Bien, écoutez, les états financiers des partis font état
des revenus et des dépenses, et souvent,
dans les dépenses, on va retrouver, pour l'ensemble des partis, des biens
d'immobilisation. Ceux-ci peuvent être des
ordinateurs, des tables de bureau ou des propriétés immobilières, donc un
édifice, un terrain. Notre préoccupation, c'est qu'on utilise des transactions qui pourraient être favorables aux
partis et défavorables au vendeur du bien ou à un acheteur potentiel s'il y a une revente pour
favoriser le parti politique, donc concéder davantage que la valeur du
bien au parti ou faire faire des économies
au parti, donc des contributions déguisées, en quelque sorte. C'est notre
préoccupation, dans la mesure où, à moins
que je me trompe, les transactions des partis politiques ne sont pas régies
par une loi comme celle, par exemple, de la fonction publique.
M. Drainville : Alors, qu'est-ce que vous proposez comme solution? Si vous identifiez le problème,
j'imagine que vous avez réfléchi à la
solution. Est-ce que l'usufruit, par exemple, d'une transaction
immobilière... devrait être considéré comme quoi? Parce que c'est là que
vous nous amenez, là, vous nous amenez à nous poser cette question-là, là.
M. Montigny
(Éric) : Nous, notre tâche, c'était d'abord et avant tout de mettre le
doigt sur des zones de vulnérabilité, qui
deviennent de plus en plus importantes depuis l'adoption de la deuxième loi n° 2,
celle que vous avez parrainée, qui
vient limiter les contributions. Donc, nous, on voit une zone de vulnérabilité
plus importante maintenant que le plafond de contributions est abaissé.
Ça, c'est le premier élément.
Deuxième élément, on
veut apporter, je pense, un éclairage sur une réflexion qui est à faire sur les
moyens. Mais clairement, déjà, par le projet de loi n° 101, on sent une
préoccupation, notamment, qui est affichée par rapport aux prêts pour éviter qu'il y ait des contournements de l'esprit de la loi en lien avec les prêts. Je pense
qu'il doit y avoir le même type de réflexion qui doit se faire sur la question
des immobilisations. Cette question-là devient d'autant plus importante compte
tenu du financement de plus en plus public ou étatique des partis. Donc, il y a
un questionnement qui sous-tend, dans la
littérature, l'existence même des partis comme organisations publiques versus organisations privées.
La
question qu'on doit se poser, c'est : Est-ce que
les partis politiques sont maintenant davantage des organisations qui sont plus publiques que privées, comme on les a toujours
considérés, dans la mesure où maintenant, et vous êtes bien au fait de ce changement-là pour l'avoir initié, que
le financement étatique correspond à peu près
à 80 % du financement, grosso modo, dépendamment des formations politiques,
là, grosso modo...
M. Drainville :
...80 %, effectivement, oui.
M. Montigny
(Éric) : C'est ça. Donc, la question se pose sur l'achat de biens, sur
l'achat de meubles, sur la location aussi ou la sous-location d'édifices maintenant
que le financement est de plus en plus étatique.
Donc,
dans le fond, ce qu'on veut faire aujourd'hui, plutôt que d'arriver avec des solutions, c'est d'amorcer une
réflexion sur cette zone de vulnérabilité là avec vous pour voir comment dans
l'avenir on peut prévenir qu'il y ait des problèmes. Dans le fond, on veut être
proactifs.
M. Drainville : Oui, oui, non,
c'est très bien. Puis que vous nous invitiez à réfléchir à ça,
c'est justement votre travail,
il me semble. Vous faites bien de le soulever. Je ne trouve pas... Enfin, la
solution n'est pas évidente, mais il faut y travailler, il faut y réfléchir,
vous avez tout à fait raison.
Je veux juste revenir
sur l'expression — comment
vous avez dit ça? — «le
cartel des partis». Je veux juste attirer
votre attention... vous le savez déjà, mais c'est plus pour les gens qui nous écoutent,
dans la loi qu'on a fait voter, vous savez que le premier 20 000 $
qui est recueilli donne droit à 50 000 $ de fonds publics. Puis par
la suite, les 200 000 $ qui
suivent, c'est dollar pour dollar, donc pour chaque dollar qui est recueilli
par un parti, le DGE verse un dollar de
financement public. L'objectif de ce qu'on avait appelé, dans le temps, le
fonds d'appariement, c'était pour favoriser, justement, l'émergence de nouveaux partis. Si jamais un nouveau parti
veut voir le jour, ses premiers 20 000 $ qu'il va chercher lui donnent droit à 50 000 $ de
financement public. C'était notre réponse, justement, à cette crainte qui
avait été exprimée au moment des
discussions. Vous le saviez déjà, mais je voulais juste le souligner pour les
gens qui nous écoutent.
Par ailleurs, sur le Comité consultatif, moi, je suis très sensible à la critique
que vous exprimez ou enfin que vous... oui,
que vous exprimez et que vous nous transmettez. Vous n'êtes pas les premiers à
le faire. Vous m'avez sans doute déjà entendu discourir là-dessus, là. Moi, je suis
conscient du problème de perception que l'existence de ce comité pose, mais, quand je m'interroge sur l'alternative, j'ai
vraiment peur que... si on faisait disparaître ce
comité-là, j'ai l'impression qu'on se retrouverait avec un problème plus
grand que celui qu'on a voulu régler. Je m'explique. D'abord, je suis conscient du fait qu'à cause de cette perception
que certains citoyens ont que ce comité-là, comment dire, contrôle
d'une certaine façon les débats et puis éventuellement les modifications à la Loi
électorale, il faut créer un comité citoyen qui
deviendra une espèce de contrepoids à l'existence du Comité consultatif. Et je
pense que la question que vous posez de l'échange d'information entre ces deux instances-là, c'est une vraie
question. Il faudra voir comment ces deux instances-là pourront
interagir à l'avenir.
Moi, ce que je disais
ce matin en présence du Directeur général des élections, c'est qu'à mon avis,
si le DGE va chercher des consensus au sein
des comités citoyens, il va pouvoir par la suite bousculer un peu les partis du Comité consultatif.
Il pourra arriver, fort du rapport de force que lui auront donné les citoyens,
les membres du comité citoyen, pour interpeller,
y compris publiquement, les partis politiques, parce
qu'il était bien clair ce matin que
le Directeur général des élections
a bien l'intention de rendre publics les travaux de son comité citoyen. Et
donc, ça, je pense que ça va agir un peu comme un contrepoids, ça va
rétablir un peu l'équilibre et ça va contribuer, je pense, dans certains cas, à
bousculer le statu quo que les partis pourraient vouloir maintenir, pourraient
vouloir maintenir.
Mais
par ailleurs mon inquiétude, c'est la suivante : si on
décide de mettre fin à la confidentialité des échanges que les partis ont au sein du Comité consultatif, qu'est-ce qui va arriver? Il ne se dira plus rien
de significatif parce que les partis vont
avoir peur que ce soit rendu public. Et donc ce qui va arriver, c'est que les
arbitrages puis la recherche du consensus, qui, elle, doit continuer à se faire, va se faire en bilatérale entre
les différents partis et le ou la ministre qui va parrainer le projet de loi sur la Loi électorale, et on va se
trouver, de cette façon-là, à renforcer le pouvoir de l'exécutif au
détriment du pouvoir législatif qui
s'exprime présentement à travers ce Comité consultatif. C'est vraiment ça, mon
inquiétude. Ce n'est pas parce que je
suis contre la transparence, bien entendu que non, mais je crains fort que si
on met fin à ce mécanisme-là du Comité consultatif, qui travaille en
collaboration, en consensus, ce qu'on va faire, c'est qu'il va y avoir encore
des arbitrages qui vont se faire, ils vont
se faire dans le bureau de la ministre ou du ministre plutôt que de se faire
autour d'une table où tous les partis
sont présents et où ils doivent se parler en présence des uns et des autres, ce
qui est déjà, je trouve, une façon
plus démocratique de faire les choses que de les faire secrètement en catimini
dans des négociations derrière des portes
closes entre les différents partis et le ou la ministre responsable qui va
avoir, à ce moment-là, le beau jeu de nous jouer les uns contre les autres. Donc, c'est ça, mon inquiétude, et je
me permets de vous la partager. Si vous avez une solution, évidemment,
encore une fois, on sera tout ouïe.
Le Président
(M. Ouellette) : On n'aura plus de temps pour la solution. Je
vous voyais encore saluer de la tête, donc je vais me permettre de verbaliser,
pour quelques secondes, votre réponse, parce que je pense que c'est un élément important.
M. Gélineau (François) : Je suis sensible à l'argument que vous amenez. Je
vous dirais par ailleurs qu'il serait peut-être
intéressant de revoir la composition du Comité consultatif. Si on juge que le
huis clos est une exigence nécessaire, pourquoi,
un peu comme on le fait pour les conseils d'administration, on n'accepterait
pas des membres externes? Parce que vous conviendrez que de mettre
autour de la table les acteurs qui sont des parties prenantes du processus
décider de leur propre destin à huis clos,
ça envoie un message assez particulier à la population. Et même si, la ministre
le disait tout à l'heure, c'est un
comité qui est consultatif, c'est quand même là où se font les arbitrages, et
ça va avoir une influence très grande sur le produit législatif qui va
être produit par la suite.
Le Président
(M. Ouellette) : Merci. M. le député de Borduas.
• (16 h 10) •
M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. M. Gélineau,
M. Montigny, bonjour. Merci de
participer aux travaux de la commission.
Vous avez débuté
votre intervention en disant : Nous, on a fait notre cadre d'analyse en
fonction de la Loi électorale qui a été adoptée en 1977. Et le projet de loi qu'on a
devant nous, ça fait suite, dans le fond, à la commission Charbonneau,
puis le titre le mentionne aussi, donc c'est vraiment une réponse directe. Un
des éléments principaux du projet de loi,
c'est la récupération des sommes en vertu de l'article 100. On vient
modifier l'article 100 et on se retrouve
dans une situation pré-2010, au moment où l'Assemblée nationale a changé
la loi en 2010 pour instaurer un délai de
prescription de cinq ans en matière civile. Qu'est-ce que ça vous dit, ce
changement-là qui avait été effectué en 2010, sur l'intention, sur la
façon de procéder en matière civile?
Le Président
(M. Ouellette) : M. Montigny.
M. Montigny
(Éric) : Bien, c'est clair que les réformes en matière électorale, ce
n'est pas quelque chose qui est figé dans le temps, ce n'est pas linéaire, il y
a des avancées, il y a des reculs, on voit des effets pervers à certaines dispositions
qu'on n'avait pas imaginés. Donc, je pense que l'important pour le législateur,
c'est toujours de corriger lorsqu'il voit des manquements ou des dérives qui se
sont installées suite à une modification législative.
Ce
n'est pas banal, modifier la Loi électorale. La Loi électorale, c'est le
fondement même des règles qui régissent notre démocratie, et c'est un processus continu d'évaluation. Moi, je
vous dirais qu'un des éléments qui est important dans le projet
de loi, c'est le fait qu'on doit
avoir, sur la question du financement, un état des lieux à chaque année pour
voir s'il y a des problématiques qui sont soulevées dans l'application de la loi, pour vérifier s'il
y a des modifications qu'il faut amener. Et je pense que, peut-être, le problème
qu'on a eu, c'est justement qu'on ne s'est pas penchés suffisamment sur l'évaluation
des dispositions dans le temps et de leurs effets.
On va amorcer, à la
chaire, un projet de recherche qui, justement, veut évaluer les impacts et les
effets de la dernière loi n° 2 sur les
partis et sur le financement, donc un peu une étude d'impact de la dernière loi
n° 2. Je pense que c'est une
invitation à toujours le faire de façon régulière et de ne pas laisser aller
les choses. Parce qu'il y a des gens, peu importe la bonne volonté du législateur, qui vont trouver des façons de
contourner la loi. C'est pour ça qu'on vous parlait tout à l'heure de
zones de vulnérabilité. Ça, c'est le premier élément.
Deuxième élément qui
est préoccupant puis qui découle directement de votre question, c'est quelles
sont les obligations pour les partis de
conserver les documents, conserver la preuve dans le temps. Et là, ça, c'est
moins évident. Ceci étant dit, maintenant,
avec les nouvelles dispositions qui favorisent le fait que les dons sont versés
au Directeur général des élections,
c'est plus facile de documenter l'historique du financement politique, ce qui
n'empêche pas, à mon avis, qu'il est important
de remonter dans le temps, de donner au DGE tous les pouvoirs nécessaires pour
qu'il puisse, dans la mesure du possible,
être capable de remonter dans le temps pour que des sommes qui auraient pu être
perçues de façon illégale soient remboursées. Et ça, c'est fondamental,
à mon avis, pour contribuer à rétablir la confiance envers nos institutions.
Le Président
(M. Ouellette) : M. le député de Borduas.
M. Jolin-Barrette :
Sur la question de rétablir la confiance, la confiance du public a vraiment été
mise à mal notamment par rapport aux moeurs
politiques de l'époque, mais aussi avec tout ce qu'on a vu au niveau de la
commission Charbonneau. Nous, on a proposé
de créer une situation où les infractions pénales... pour les 20 dernières
années, de donner le pouvoir au Directeur général des élections, si
jamais il trouvait la preuve hors de tout doute raisonnable, d'avoir la
possibilité de poursuivre des individus qui auraient participé au système, de
façon à dire : Bien, écoutez, on nettoie, l'ardoise est nettoyée, et on
repart à zéro pour vraiment dire : Écoutez, ce genre de comportements là
ne sont pas acceptables, et une violation de
la Loi électorale en 2005 est aussi grave qu'une violation de la Loi électorale
en 2015. Qu'est-ce que vous pensez de cette proposition-là par rapport à la confiance du public dans les institutions, par rapport à la Loi
électorale également?
Le Président
(M. Ouellette) : M. Gélineau.
M. Gélineau
(François) : Je vous dirais d'abord que je renverrais la balle au DGE parce
qu'encore une fois, en fonction d'établir le fardeau de la preuve, c'est le DGE
qui est le mieux placé pour savoir ce dont il a besoin pour être capable de reculer 20 ans en arrière et
est-ce que ces éléments-là sont disponibles d'une façon ou d'une autre. Je crois que le projet de loi va dans le
bon sens lorsqu'on élimine ce délai de prescription pour récupérer les sommes
versées illégalement. Cependant,
comme on l'a dit antérieurement, il serait souhaitable que les pouvoirs du DGE
aillent également dans le même sens pour lui permettre, encore une fois,
de faire ses enquêtes.
M. Jolin-Barrette : ...la littérature et de votre analyse, là,
supposons, de la perception du public, le fait de donner ce genre de
pouvoir là au Directeur général des élections... Parce que lui-même, là, va
pouvoir décider d'entreprendre des
poursuites ou non, le fardeau de poursuivant public lui appartient, donc ça va
être de sa responsabilité. Il n'entreprendra pas de poursuite s'il n'est pas convaincu de la culpabilité de
l'individu. Mais la perception des gens ou dans la littérature, comment est-ce
qu'on fait pour redonner confiance à la population dans les institutions?
Le Président (M. Ouellette) :
En 30 secondes.
M. Montigny
(Éric) : Très rapidement.
Je comprends votre préoccupation de concordance avec d'autres pièces législatives.
Ça, effectivement, si les gens sentent qu'il y a deux poids, deux mesures, que
les partis politiques sont traités différemment d'autres organisations, il peut
y avoir un risque pour la confiance. Ça, c'est le premier élément.
Mais, dans la
littérature, il y a beaucoup d'éléments sur la perte de confiance. D'ailleurs,
on a un indice citoyen, nous, qui
mesure l'évolution de la confiance envers nos institutions à chaque année. La confiance, au Québec, est très
mitigée, disons, c'est à peine le seuil de passage.
Mais, pour
conclure rapidement, ce n'est pas une seule mesure qui va rétablir la
confiance, dans ce qu'on peut voir dans la littérature, c'est plusieurs
mesures qui sont cohérentes les unes avec les autres.
Le
Président (M. Ouellette) : Merci, MM. Gélineau et Montigny, de la Chaire de recherche sur la
démocratie et les institutions parlementaires. Merci de votre contribution à
nos travaux.
Mémoires déposés
Avant de conclure ces rapides auditions, je
procède au dépôt des mémoires des personnes et organismes qui n'ont pas été
entendus lors des auditions publiques.
La commission
ayant accompli son mandat ajourne ses travaux à demain le mercredi 25 mai
2016, après les affaires courantes, soit vers 11 heures, où elle poursuivra un
autre mandat, qui est l'étude
détaillée du projet de loi n° 64 sur le fichier d'immatriculation des
armes à feu.
(Fin de la séance à 16 h 17)