To use the Calendar, Javascript must be activated in your browser.
For more information

Home > Parliamentary Proceedings > Committee Proceedings > Journal des débats (Hansard) of the Committee on Institutions

Advanced search in the Parliamentary Proceedings section

Start date must precede end date.

Skip Navigation LinksJournal des débats (Hansard) of the Committee on Institutions

Version finale

41st Legislature, 1st Session
(May 20, 2014 au August 23, 2018)

Thursday, September 3, 2015 - Vol. 44 N° 49

General consultation and public hearings on the document entitled “Orientations gouvernementales pour un gouvernement plus transparent, dans le respect du droit à la vie privée et la protection des renseignements personnels” (Government policy directions for a more transparent government, respectful of a person's right to privacy and the protection of personal information)


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Remarques préliminaires

M. Jean-Marc Fournier

Mme Agnès Maltais

M. Simon Jolin-Barrette

Auditions

Commission d'accès à l'information (CAI)

Comité des orphelin-e-s de Duplessis victimes d'abus (CODVA)

M. Jonathan Heinrich

Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ)

Mouvement Retrouvailles, Adopté-e-s, non-adopté-e-s, parents

Association pour la défense des personnes et biens sous curatelle publique

Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ)

Fondation littéraire Fleur de Lys

Confédération des syndicats nationaux (CSN)

FACIL, pour l'appropriation collective de l'informatique

Centre for Law and Democracy (CLD)

Autres intervenants

M. Guy Hardy, président suppléant

Mme Rita Lc de Santis

*          M. Jean Chartier, CAI

*          M. Lucien Landry, CODVA

*          M. Tony Doussot, idem

*          Mme Caroline Locher, FPJQ

*          M. Éric Yvan Lemay, idem

*          Mme Monique Dumont, idem

*          Mme Caroline Fortin,  Mouvement Retrouvailles, Adopté-e-s, non-adopté-e-s, parents

*          M. Ura Greenbaum, Association pour la défense des
personnes et biens sous curatelle publique

*          Mme Rebecca Nussenbaum, idem

*          M. Richard Dion, OACIQ

*          M. Georges E. Gaucher, idem

*          Mme Sylvie Spérano, idem

*          Mme Annie Dulude, idem

*          M. Serge-André Guay, Fondation littéraire Fleur de Lys

*          Mme Renée Fournier, idem

*          M. Jean Lortie, CSN

*          Mme Anne Pineau, idem

*          Mme Isabelle Lacas, idem

*          M. Mathieu Gauthier-Pilote, FACIL

*          M. François Pelletier, idem

*          M. Toby Mendel, CLD

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures trente et une minutes)

Le Président (M. Hardy) : Prenez place, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de débuter la consultation générale et les auditions publiques sur le document intitulé Orientations gouvernementales pour un gouvernement plus transparent, dans le respect du droit à la vie privée et la protection des renseignements personnels.

 Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Hardy (Saint-François) remplace M. Boucher (Ungava); M. Proulx (Jean-Talon) remplace M. Fortin (Sherbrooke); Mme de Santis (Bourassa-Sauvé) remplace M. Tanguay (LaFontaine); et M. Jolin-Barrette (Borduas) remplace Mme Roy (Montarville).

Remarques préliminaires

Le Président (M. Hardy) : Merci. Avant de débuter les auditions, nous allons procéder aux remarques préliminaires. Sans plus tarder, je vous invite, M. le ministre responsable de l'Accès à l'information et de la Réforme des institutions démocratiques, à faire vos remarques préliminaires. Vous disposez de six minutes.

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier : Merci beaucoup, M. le Président. D'abord, d'entrée de jeu, je voudrais saluer les membres de la commission qui vont participer à nos travaux au cours de la journée et des prochains jours. Je suis particulièrement heureux que nous ayons ce moment, parce que le document d'orientation a demandé quand même un bon bout de temps de réflexion et d'étude et là, à un moment donné, il y a comme un aboutissement. Certains diront : C'est un aboutissement qui n'amène pas une action législative. Mais, dans le processus, il nous semblait tout à fait normal que l'aboutissement nous amène au moins à entendre, écouter, moduler, s'assurer qu'on est aux bons endroits, corriger ce qu'il faut corriger. C'est ce à quoi sert une consultation comme celle-là, elle est donc très importante dans le processus global.

Je fais un aparté. Je vais parler vite, parce que six minutes, ça passe vite. Je voudrais quand même vous dire que le premier ministre a insisté pour que nous ayons justement des actions en domaine de transparence. Je rappelle que nous avons diffusé les agendas des membres du Conseil exécutif. Nous avons modifié le Règlement sur la diffusion de l'information, dans lequel il y a un bon nombre d'informations nouvelles à un rythme de récurrence élevé qui sont rendues publiques. De façon proactive, on a déposé le projet de loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme, qui sera étudié plus tard. Enfin, un bon nombre de démarches qui visent justement à permettre d'avoir un État plus transparent.

Je le disais tantôt : Pourquoi un document d'orientation? Bien, tout simplement parce qu'il n'y a pas de consensus. Et on le verra ici, durant cette commission et les jours où elle se tiendra, il y en a pour qui l'ouverture à la transparence n'est pas suffisante puis il y en a pour qui elle est trop grande. Alors, ce qui démontre que l'équilibre est difficile à atteindre, mais ce qui explique aussi pourquoi nous sommes là. Et je crois qu'il y aura une vertu à ces consultations-là, de se demander : En matière de transparence, quel est l'intérêt public, où est l'intérêt public? Et ça va nous amener à un des... Une des façons pour moi de le dire, en tout cas, ne peut pas être plus facile que de regarder le document qu'on a rendu public (interruption) — toutes mes excuses pour vos oreilles — lorsqu'on dit : Plus de transparence, pour une meilleure gouvernance. Alors, je suis disposé à entendre les commentaires différents, mais, à mon avis, la transparence est un moyen, la finalité, c'est une meilleure gouvernance. Et ça, je le dis d'avance, ça risque d'être la toile de fond des discussions que nous aurons ici.

Je me permettrai évidemment de remercier certaines personnes ou groupes qui ont travaillé à ce que nous puissions déposer ce document d'orientation. Alors, au premier titre, ma collègue de Bourassa-Sauvé, qui est avec nous, qui est l'adjointe parlementaire du président du Conseil du trésor, qui a participé à de nombreuses discussions que nous avons eues, qui a un oeil particulier sur la question des données ouvertes. Et je le dis avec toute l'humilité... D'ailleurs, le président du Conseil du trésor disait dernièrement que nous devions être animés d'une certaine humilité. Alors je l'écoute, je serai humble. Pour moi, les «big data», les données ouvertes et tous ces éléments-là, c'était du chinois, et, en ce moment, mon chinois, il ne s'est pas tellement développé, mais je sais qu'il y a certaines vertus, mais ma collègue abordera sûrement ces questions-là.

Je voudrais remercier l'équipe du secrétariat, évidemment, qui a travaillé très fort. Nous avions un comité d'experts indépendants qui ont aussi participé à nos travaux de préparation. Je voudrais remercier Me Danielle Corriveau, Me Éloïse Gratton et Me Pierre Trudel, qui ont accompagné nos équipes, ainsi que la table de travail sur la cinquième révision quinquennale, les membres du comité permanent du Réseau des responsables de l'accès.

Et je m'en voudrais de ne pas saluer particulièrement la Commission d'accès à l'information, qui est devant nous, mais ce n'est pas pour ça que je les remercie ou je les salue. Il y a, dans plusieurs de nos recommandations, et j'y reviendrai tantôt, l'inspiration de la Commission d'accès, qui, aujourd'hui, voudra sans doute nous parler particulièrement d'un des enjeux. Mais, sur l'ensemble, sur l'économie générale des recommandations, je vois bien qu'il y a, d'abord, beaucoup de leur ADN qui se retrouve là-dedans.

Je n'ai pas beaucoup de temps, mais j'avais quelques notes, puis je me suis dit ce matin : Peut-être qu'une chose qu'on devrait faire, c'est... Je pourrais passer rapidement, puis là je vous réfère juste, pour le plaisir de la chose, à la table des matières. Bon, je ne vais pas regarder chacune des orientations mais, juste pour saisir l'ampleur de ce que nous faisons, juste regarder quelques éléments d'orientations que nous avons.

Alors, par exemple, dans le chapitre de la Gouvernance efficace et mobilisatrice, on veut introduire dans le texte de la Loi sur l'accès les principes et les objets... les raisons pour lesquelles on veut avoir plus d'accès à l'information. Il y aura une introduction d'un chapitre distinct sur l'accès concernant la diffusion proactive. C'est tout le coeur d'une loi qui, aujourd'hui, est essentiellement réactive. On attend qu'on demande, on offre la réponse à un gouvernement qui offre de l'information, qui diffuse l'information. Il y en a qui diront que la conséquence, c'est qu'il y aura peut-être moins de demandes, parce qu'il y aura un jour beaucoup d'informations qui seront diffusées, mais évidemment tout ça demande un plan. Passer d'un gouvernement... Je le dis pour ceux dont les aspirations seraient : dès que c'est adopté, on est rendus qu'on a tout. Ça représente un nombre de ressources humaines et financières importantes pour pouvoir s'y rendre. L'important, c'est donc d'établir un cheminement, un plan de diffusion. On aura l'occasion d'y revenir.

On veut revoir le rôle du ministre responsable de l'application de la loi. Ça s'adonne qu'en ce moment c'est moi, il y en aura d'autres qui l'auront, mais ça met... Et, moi, ce qui m'a animé en regardant et en discutant de ces choses-là, c'était comment je peux réussir à répondre à des questions tout à fait légitimes sur comment cette loi est appliquée. Il faut donc qu'on soit en mesure de poser des questions, d'avoir des outils de vérification, de collecter de l'information pour être en mesure de bien administrer et bien accompagner ceux qui ont à répondre aux demandes ou à participer à la diffusion de l'information.

Nous allons introduire des règles d'interprétation claires dans la Loi sur l'accès. Nous allons mieux encadrer l'exercice du pouvoir décisionnel. Nous allons accroître l'accessibilité aux documents détenus par le ou la ministre ou encore par les cabinets, qui est quand même une question qui date, qui est en suspens depuis longtemps. On y reviendra. Nous allons revoir les conditions d'application des restrictions applicables aux documents fournis par les tiers. Nous allons favoriser l'accès aux informations de nature environnementale. Pas facile : la façon dont c'était écrit amenait presque une impossibilité d'application. Nous allons en discuter. Réduire les délais maximums d'inaccessibilité aux documents. Et là on aura une discussion très intéressante sur tous ceux qui plaident pour la diffusion immédiate, notamment de recommandations qui amènent une décision, et la discussion sur l'espace privé de réflexion.

Le Président (M. Hardy) : Merci, M. le ministre. Le temps est écouté.

M. Fournier : J'avais tellement beaucoup de choses à dire. Vous m'embêtez. Vous m'embêtez, vraiment. Alors, voilà, je suis piégé...

Le Président (M. Hardy) : On vous en a donné un petit peu plus.

M. Fournier : Et j'ai déjà écrit beaucoup avec tous les gens, alors mes collègues peuvent maintenant prendre la parole.

• (9 h 40) •

Le Président (M. Hardy) : J'invite maintenant la porte-parole de l'opposition officielle et députée de Taschereau à faire ses remarques préliminaires pour une durée maximale de 3 min 30 s.

Mme Agnès Maltais

Mme Maltais : Merci, M. le Président. Bien, je vais d'abord vous saluer et saluer le ministre, les gens qui l'accompagnent, qui ont sûrement travaillé très fort pour cet événement important, les collègues parlementaires, et le nouveau collègue de la deuxième opposition qui, ce matin, officie. Ça fait seulement 24 heures qu'il a été nommé, il va être avec nous.

Moi-même, j'avoue que j'ai étudié quand même assez rapidement le dossier, puisque je remplace mon collègue le député de Jonquière qui est actuellement de l'autre côté, dans l'autre salle, en train de débattre du livre vert sur les aménagements au règlement sur la Loi sur la qualité de l'environnement. Donc, je fais un peu office de relève, mais, croyez-moi, ce dossier, il m'intéresse depuis très longtemps, alors j'ai fait mon travail avec sérieux. Je salue les gens de la Commission d'accès à l'information.

La loi d'accès à l'information — puisqu'on l'appelle comme ça maintenant — est entrée en vigueur en 1982. C'est encore un des bilans du gouvernement... des gouvernements multiples du Parti québécois duquel on est très fiers, très, très fiers, et je pense que tout le monde s'enorgueillit maintenant d'avoir été à l'époque un gouvernement qui était à l'avant-garde en matière d'accès à l'information.

Je rappellerais que — d'ailleurs, pour reprendre les propos du ministre un peu sur les grands sujets de débat — cette loi-là ne s'appelait pas au début loi d'accès à l'information, parce qu'elle a deux volets. C'est d'abord la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics, partie de la discussion à laquelle faisait référence notre collègue le leader du gouvernement, et c'est aussi sur la protection des renseignements personnels. Donc, deux volets très importants. Alors, on va aussi se rappeler qu'il y a ces deux volets-là.

Nous, de notre côté, nous sommes... on accueille favorablement, vraiment, cette importante réforme, qui est nécessaire, de la loi d'accès à l'information. Donc, on est très contents d'assister à ces débats et on va y participer avec ce que j'appellerais une énergie positive.

Cependant, évidemment, il faut regarder, bien sûr, les intentions gouvernementales, mais il faut regarder aussi ce qu'a fait le gouvernement depuis qu'il est entré en fonction. Il y a deux choses, deux éléments où je me dis : Bon, il y a des intentions, mais comment est-ce que ça se pratique dans la réalité? Il y a le ministre responsable de la loi qui essaie d'introduire dans le gouvernement des tendances pour essayer d'ouvrir, mais il y a, par contre... Par exemple, les agendas des ministres qui devaient être extrêmement ouverts, généreux, on sait que... Je vais vous donner un exemple. Par exemple, si on suit les agendas des ministres, ça veut dire que le ministre de l'Agriculture, depuis qu'il est entré en fonction, n'a jamais rencontré aucun groupe. Je ne peux pas croire que ce soit possible, mais pourtant c'est ce qui est écrit dans les agendas. Donc, il semble y avoir une faille dans la volonté du ministre d'appliquer les choses, alors allons-y sur la transparence.

L'autre chose, évidemment, dans le cas des urgences, par exemple, depuis que la loi n° 10 a été adoptée, il y a des données Web sur les urgences qui sont passées à la trappe. Donc, comment ces exemples-là vont nous permettre d'arriver et de voir qu'est-ce qui est important, pourquoi il y a une résistance, parce qu'il y a sûrement des raisons pour lesquelles il y a une résistance, puis de voir si la loi doit s'attaquer à ça?

Donc, un plaisir de travailler avec vous, M. le Président, d'autant que je pense qu'à l'article 31, où on est en relais d'un geste de notre gouvernement, qui a été bref mais qui a été quand même... qui a eu le temps de faire certaines choses assez pertinentes, dont la mise en ligne du projet pilote Jeveuxsavoir.org dont, aujourd'hui, ce livre vert veut... auquel ce livre vert veut donner suite. Alors, on est avec vous, M. le Président.

Le Président (M. Hardy) : Merci pour ces remarques préliminaires. J'invite maintenant le porte-parole du deuxième groupe d'opposition en matière d'accès à l'information et député de Borduas à faire ses remarques préliminaires pour une durée maximale de 2 min 30 s.

M. Simon Jolin-Barrette

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. À mon tour de vous saluer, de saluer M. le ministre, les collègues de la partie gouvernementale, ma collègue de l'opposition officielle ainsi que mon collègue de Nicolet-Bécancour, qui va m'accompagner durant cette commission.

D'entrée de jeu, M. le Président, et comme le soulignait la porte-parole de l'opposition officielle, c'est mon premier jour en tant que porte-parole du deuxième groupe d'opposition en matière d'accès à l'information, puis je pense que c'est un dossier qui est très important pour l'ensemble des Québécois. Parce que, vous savez, M. le Président, lorsqu'on est au gouvernement ou lorsqu'on travaille à l'intérieur d'une société d'État ou qu'on travaille pour l'État québécois de près ou de loin, c'est important que les gens puissent avoir accès au maximum d'information possible.

J'entendais le ministre dire : Ça prend beaucoup de ressources pour rendre ces données publiques, là, puis c'est un processus. J'en conviens. Cependant, M. le Président, je vous dirais que c'est fort important d'avoir de la transparence. Et on apprécie, on souligne le travail qui a été fait, de la partie gouvernementale, d'arriver avec un document qui, on l'espère, va changer la façon de faire et qui va amener à l'adoption d'une pièce législative qui va faire en sorte qu'on va modifier la loi. Parce que la transparence devrait être la norme et on ne devrait pas faire en sorte de ne pas rendre accessibles les documents. Ça devrait être plutôt la norme de les rendre accessibles le plus facilement possible pour les citoyens. D'autant plus qu'avec la loi actuelle il y a certaines problématiques, M. le Président, notamment au niveau de la contestation, lorsque les documents ne sont pas rendus admissibles, ou notamment au niveau des délais. Donc, c'est de très longs délais au niveau de la médiation, au niveau de la révision, au niveau des enquêtes. Donc, on parle parfois des délais de plus d'une année. Donc, pour le citoyen qui souhaite obtenir ces documents, c'est fondamental qu'il puisse avoir accès facilement aux documents, et c'est important aussi d'avoir le plus de transparence possible.

Donc, durant cette commission, nous allons entendre les groupes et nous arriverons avec des propositions afin de bonifier le projet du ministre afin que nous puissions avoir un État québécois le plus transparent possible, au service de ses citoyens. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Hardy) : Merci pour ces remarques préliminaires.

Auditions

Nous allons maintenant débuter les auditions. Sans plus tarder, je souhaite la bienvenue à la Commission d'accès à l'information. Je vous invite à vous présenter, et je vous rappelle que vous disposez de 30 minutes pour votre exposé.

Commission d'accès à l'information (CAI)

M. Chartier (Jean) : Merci, M. le Président. Alors, M. le Président de la commission parlementaire, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, mesdames et messieurs, permettez-moi d'abord de vous présenter, tel que m'y a invité le président de la commission parlementaire, les gens qui m'accompagnent. Alors, à ma gauche immédiate, Me Diane Poitras, qui est vice-présidente de la commission; à sa gauche à elle, Mme Christiane Bétie, qui est directrice par intérim de la section de surveillance de la commission; et, à ma droite, Me Jean-Sébastien Desmeules, qui est secrétaire général de la commission et directeur des affaires juridiques.

La commission désire d'abord saluer la volonté du gouvernement, constatée dans les orientations gouvernementales, de réviser en profondeur la Loi sur l'accès, notamment pour promouvoir la transparence et mettre à jour les règles relatives à la protection des renseignements personnels. La commission se réjouit également, et le ministre y a fait allusion, de voir que le gouvernement souhaite donner suite ainsi à plusieurs recommandations qu'elle a faites au cours des années dans ses rapports quinquennaux précédents, de 2011, de 2002 et même celui de 1997.

Dans son mémoire, la commission formule des commentaires sur chacune des 31 orientations gouvernementales. Elle se devait de le faire, évidemment. Compte tenu du temps qui m'est alloué aujourd'hui, je n'insisterai que sur certaines d'entre elles, en plus d'attirer votre attention sur des propositions additionnelles de la commission qui vont dans le sens de la modernisation envisagée par le gouvernement. Je formulerai donc des commentaires sur trois sujets : l'accès aux documents, la protection des renseignements personnels et évidemment l'orientation 30, c'est-à-dire les pouvoirs d'une nouvelle commission envisagée par les orientations.

D'entrée de jeu, je me répète un peu, mais la commission salue les orientations qui visent à accroître la transparence gouvernementale, notamment la diffusion automatique accrue qui résulterait des modifications proposées, la réduction des délais maximums d'inaccessibilité de certains documents, bien que la commission considère — c'est son rôle — que certains délais, même réduits par la proposition gouvernementale, pourraient l'être encore plus, l'obligation de motiver de façon explicite un refus de communiquer des documents lors de la prise de décision des responsables de l'accès, et les orientations qui visent l'amélioration d'une culture de transparence et l'instauration d'une culture de transparence plus grande au sein de la machine gouvernementale.

Au chapitre des restrictions au droit d'accès, toutefois, la commission propose que l'on s'inspire de modèles législatifs contemporains dans ce domaine qui ont fait plus d'avancées. Comme premier principe, la commission propose de revoir le libellé des restrictions afin qu'elles soient précises et limitées par leur portée et quant à leur durée dans le temps. Actuellement, vous le savez, il y a plusieurs restrictions de la Loi sur l'accès qui permettent à un organisme public de refuser l'accès à un document et qui sont rédigées en termes généraux : «le responsable de l'accès peut refuser», «doit refuser», laissant une large discrétion aux organismes publics.

De l'avis de la commission, une façon de mieux encadrer l'exercice du pouvoir décisionnel de l'organisme consiste à s'assurer que toutes les restrictions de la Loi sur l'accès comportent une limite d'application dans le temps ou alors l'obligation de démontrer un préjudice susceptible de résulter de la divulgation des renseignements. Je prends pour exemple les articles 18, 23, 34, de la loi actuelle, qui ne comportent ni délai dans le temps ni obligation pour le responsable de l'accès de démontrer un préjudice.

• (9 h 50) •

La commission invite le gouvernement à envisager l'approche retenue par d'autres juridictions canadiennes qui consiste à limiter la portée des restrictions en précisant des situations ou celles-ci ne peuvent pas être invoquées pour refuser l'accès à un document. Cette voie nous semble une façon fort intéressante d'encadrer le pouvoir discrétionnaire des organismes et de rendre plus de documents accessibles évitant, par le fait même, plusieurs litiges qui sont portés devant la commission.

Prenons l'exemple dont on entend souvent parler, les avis et les recommandations, l'article 37 de la Loi sur l'accès. Dans d'autres provinces canadiennes, cette restriction... il est prévu... La disposition législative des autres provinces auxquelles je fais référence prévoit explicitement que les documents contenant les avis et recommandations doivent être divulgués s'ils comportent et s'ils contiennent un sondage ou un rapport statistique, le rapport ou le résultat d'une étude relative au rendement ou à l'efficacité d'une institution, un rapport qui a été publiquement cité comme ayant servi de fondement à une décision, une étude de faisabilité ou une étude technique, y compris une estimation des coûts. La loi, dans ces juridictions, vient préciser des... Plutôt que de dire : Le responsable de l'accès peut refuser ces documents, la loi vient préciser les genres de documents qui, au contraire, doivent être divulgués. On retrouve le même principe, dans ces législations, pour d'autres restrictions, par exemple en matière de documents qui émanent de corps de police ou d'organismes reliés à la sécurité publique. On transformerait ainsi un pouvoir général de refuser l'accès, tel qu'il est libellé dans la loi actuelle, en une obligation spécifique de divulgation, ce qui nous semble rencontrer d'ailleurs, il faut bien le dire, la volonté gouvernementale exprimée maintes fois dans les orientations.

Comme deuxième principe, la commission propose de limiter davantage les motifs de refus obligatoire. Vous le savez, la Loi sur l'accès prévoit à l'heure actuelle deux types de restrictions : des restrictions où le responsable de l'accès doit refuser tel, tel, tel document, et des restrictions, qu'on appelle facultatives, où la loi s'exprime en disant que le responsable de l'accès «peut» refuser, il a donc une discrétion.

La commission recommande que les restrictions à caractère facultatif deviennent la règle et que les restrictions obligatoires soient limitées le plus possible aux seules situations qui visent à protéger un intérêt qui requiert une confidentiatlité quasi totale, par exemple les renseignements personnels. Il est déjà acquis que, quand on fait face à un document qui émane d'un organisme public, qui contient les renseignements personnels, les renseignements personnels sont confidentiels. On devrait limiter, donc, le plus possible, ce genre de restriction obligatoire, cela permettrait aux organismes publics de donner accès à plus de renseignements et présentement, par rapport à la situation actuelle, cela leur permettrait de donner accès à des renseignements qu'ils sont présentement obligés de refuser.

Il est toujours intéressant d'émailler une démonstration telle par des statistiques. Sachez que la commission constate à l'heure actuelle, dans la dernière année, que 45 % des motifs de refus invoqués par les organismes publics sont basés sur des restrictions obligatoires où l'organisme ne peut même pas dire : Oui, je pourrais t'en donner une partie. La disposition législative dit : Le responsable de l'accès doit refuser un document de telle, telle nature. 45 %.

Prenons l'exemple de l'article 28 de la Loi sur l'accès, qui s'applique à des renseignements détenus par les corps policiers. Cet article est fréquemment invoqué pour refuser l'accès à des documents et cet article ne laisse aucune discrétion aux responsables de l'accès. Dès que le document demandé correspond à un document qui a été colligé par un membre d'un corps de police dans le but de combattre une infraction aux lois ou alors dans le corps d'une enquête, le responsable doit en refuser l'accès. Lorsqu'un demandeur requiert la révision de ce refus devant la commission, le seul rôle de la commission est de vérifier s'il s'agit bien d'un renseignement qui a été colligé par un membre d'un corps de police. Et, si oui, la commission n'a d'autre choix que de dire : Voyez, M. le demandeur, Mme la demanderesse, l'organisme avait raison, il n'avait pas le choix, il devait refuser de communiquer tout ou partie du document. Évidemment, cela limite, vous l'aurez compris, une intervention que peut faire la commission.

Or, selon notre expérience, les documents dont l'accès est refusé, par exemple en vertu de cette disposition-là à l'article 28, ne sont vraiment pas toujours des renseignements de nature à mettre en péril la sécurité publique, le bien rendu des enquêtes. Et les renseignements qui sont colligés par ces corps de police sont... Et il arrive même que certains responsables de l'accès nous disent : Vous savez, il y a une partie du rapport, je l'aurais bien donnée, mais la loi ne me donne aucune espèce de discrétion pour en libérer une partie.

Les organismes publics sont obligés de refuser l'accès aux renseignements de la nature de ceux prévus à l'article 28. Cet exemple que je vous donne illustre, selon nous, la nécessité de revoir la rédaction des dispositions impératives afin d'obliger une évaluation, par le responsable de l'accès, du contexte dans lequel les documents ont été rédigés et du contexte dans lequel la demande d'accès est faite.

Comme troisième principe, la commission propose que les restrictions soient fondées sur des critères subjectifs faisant référence à un risque de préjudice. Parmi les modifications à envisager à la loi dans le document d'orientation, il est proposé que le responsable de l'accès motive davantage un refus de donner accès à un document en expliquant le préjudice susceptible. La commission applaudit une telle proposition qui, si elle était adoptée, ferait certainement avancer l'accès à l'information.

Toutes les restrictions à l'accès ne réfèrent pas à une conséquence ou à un risque de préjudice dans le texte actuel. Certaines dispositions sont fondées sur des critères objectifs, par exemple la nature du renseignement, l'écoulement du temps ou la provenance du document. Encore une fois, prenons l'exemple de l'article 37, qui vise les avis et les recommandations. En vertu de cette disposition, dès que l'organisme démontre que les renseignements demandés répondent à la définition d'un avis ou d'une recommandation et si le délai depuis lequel cet avis ou cette recommandation-là a été donné est de plus de 10 ans... de moins de 10 ans, par contre... pardon, il peut en refuser la communication. L'organisme n'a aucun autre fardeau de preuve, il n'a pas à démontrer que la divulgation des renseignements nuirait, par exemple, à la formulation libre et franche d'avis et de recommandations à l'organisme, qui est probablement l'objectif poursuivi par cette restriction depuis qu'elle est dans la loi, c'est-à-dire depuis l'adoption en 1982.

Les restrictions fondées sur ces critères purement objectifs encouragent, nous le croyons, l'application automatique des restrictions par les responsables de l'accès. Elles ne permettent pas à ce responsable de l'accès de moduler sa décision en fonction de la poursuite d'un objectif légitime suffisamment important et qui pourrait l'emporter sur le droit à l'accès. En conséquence, l'ensemble des restrictions au droit d'accès devraient prévoir un critère subjectif, un test de préjudice qui pourrait être causé à l'intérêt public protégé par l'exception en cas de divulgation de l'information.

La commission recommande également que l'ensemble des restrictions au droit d'accès... — et je sais que nous sommes audacieux dans cette dernière recommandation en matière d'accès — que l'ensemble des restrictions au droit d'accès soient assujetties à la primauté de l'intérêt public. La présence d'une disposition dans la loi prévoyant que l'intérêt public devrait avoir préséance sur les restrictions à l'accès permettrait, selon nous, de favoriser l'équilibre entre le droit du public à l'information et les intérêts protégés par les diverses restrictions.

La possibilité, pour le responsable de l'accès, de communiquer des documents dans l'intérêt public malgré une restriction devrait prévoir évidemment des balises. L'intérêt public auquel on pense n'est pas l'intérêt du citoyen qui marche dans la rue et qui dit : Ah oui! Ça, c'est d'intérêt public. Non, il faut absolument... il faudrait absolument prévoir dans la loi des balises qui permettent au responsable de l'accès de passer parfois outre à une restriction pour reconnaître la publication du document d'intérêt public.

La commission, dans son rôle, chargée de la révision des décisions des responsables de l'accès aurait également des critères à imposer avant de libérer un document au nom de l'intérêt public. Et, vous savez, j'ai dit tout à l'heure que c'était audacieux. C'est vrai, mais ça ne l'est plus tellement en 2015. Sachez qu'au Canada il y a neuf — neuf — provinces qui ont une loi sur l'accès ayant une disposition relative à l'intérêt public. Alors, en 1982, ça aurait été peut-être très audacieux. En 2015, comme vous le voyez, ça l'est déjà beaucoup moins.

Quelques mots au sujet de l'orientation n° 11 qui vise à augmenter le nombre d'organisations assujetties à la Loi sur l'accès. Encore une fois, nous applaudissons à cette volonté gouvernementale. Cependant, malgré l'objectif poursuivi par cette orientation, aucun nouvel organisme public ne sera assujetti à cette loi si le gouvernement va de l'avant avec le critère qui est développé dans les orientations.

• (10 heures) •

Ce que le gouvernement propose, c'est de déclarer que seront dorénavant des organismes publics, et considérées comme tels, toutes les sociétés à fonds social dont toutes les actions sont détenues par l'État. Or, nous ne sommes pas contre, évidemment, mais cela est déjà le cas dans l'interprétation que la commission fait de cas particuliers qui arrivent devant elle, parce que cela ne consisterait qu'en, je dirais, la rédaction législative de l'interprétation de la jurisprudence, actuellement. La commission suit actuellement une décision de la Cour d'appel, qui a été rendue, et qui dit déjà que toute société constituée à 100 % de fonds sociaux de l'État est un organisme public.

Alors, cette réflexion... Selon nous, le gouvernement doit continuer sa réflexion pour pousser un peu plus loin dans le but de faire en sorte que plus d'organismes publics soient assujettis. Et, quand on pense à quels organismes publics pourraient l'être, on peut penser à n'importe quelle organisation dont le contrôle de l'organisme est prévu par une majorité de gens désignés par l'État, on peut penser à une organisation dont le financement est en grande partie... nous, on avait proposé 50 % en provenance de l'État, on peut penser à des organisations dont les dirigeants sont nommés par l'État. Bref, la commission continue de croire que des organisations qui bénéficient largement des fonds de l'État et qui exercent des fonds publics... qui exercent des fonctions publiques, dis-je, ou dispensent des services publics devraient, en contrepartie, s'attendre à rendre leurs comptes publics.

En terminant, au chapitre de l'accès aux documents, la commission formule plusieurs autres propositions visant à bonifier les propositions faites dans le document d'orientation et invite les parlementaires à les considérer.

Au chapitre de la protection des renseignements personnels, le document d'orientation formule des propositions intéressantes que la commission soutient, notamment l'adoption d'un cadre de gouvernance et de gestion en matière de protection des renseignements personnels, la mise en place d'un processus d'évaluation préalable des risques et des impacts sur le respect de la vie privée et sur la protection des renseignements personnels, l'obligation de déclarer à la commission les incidents de sécurité concernant les renseignements personnels. Toutefois, le document d'orientation n'aborde pas les questions liées au vieillissement de concepts juridiques, comme par exemple la notion de renseignements personnels ou alors la notion de consentement lorsque, par exemple, vous allez sur le Web naviguer sur des sites, ni les enjeux soulevés par l'apparition de nouvelles formes de traitement de renseignements personnels qui sont favorisées par le recours aux objets connectés, au profilage à des fins de marketing, aux applications mobiles, à la vidéosurveillance, à l'infonuagique et aux «big data».

Bien que le gouvernement ait affirmé son intention de modifier éventuellement la loi sur le privé, nous faisons la remarque qu'il ne faudrait surtout pas l'oublier dans le sillage de la réforme de la Loi sur l'accès. Il importe que la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé soit éventuellement modifiée de façon presque concomitante à la loi sur l'accès dans les organismes publics, parce qu'évidemment les concepts sont les mêmes.

La commission a formulé des commentaires sur chacune des orientations relatives à la protection des renseignements personnels mais attire votre attention sur deux en particulier.

Les évaluations préalables de risques en matière de vie privée. En adoptant ces orientations, le Québec emboîtera enfin le pas à d'autres législations qui contiennent déjà une telle obligation. La commission tient à préciser que ces évaluations doivent s'effectuer dans une perspective d'amélioration continue, c'est-à-dire qu'elles doivent être initiées dès que le projet est élaboré, mais qu'elles devraient également se poursuivre au cours de la conception du projet, et ce, jusqu'à la fin de la vie utile des renseignements qui auront été collectés. Ces évaluations devraient également être accessibles aux citoyens. L'introduction d'une telle obligation permettrait de renforcer leur confiance dans la gouvernance et dans la gestion que l'État fait de leurs renseignements personnels.

Quant à la gestion des incidents de sécurité, encore une fois la commission salue la volonté du gouvernement de rendre obligatoire la déclaration des incidents de sécurité, comme cela se fait dans quelques autres juridictions au Canada. Toutefois, dans son mémoire, la commission invite le gouvernement à préciser les conditions de cette déclaration, de quelle façon elle devrait être faite. La commission considère que seuls les incidents de sécurité impliquant des renseignements personnels, qui présentent un risque important pour les citoyens qui sont visés devraient lui être déclarés. Il serait contre-productif de déclarer à la commission l'ensemble des incidents de sécurité, notamment ceux qui ne sont pas susceptibles de créer préjudice aux individus concernés. Également, la commission ne devrait pas avoir à déterminer quels incidents devraient être connus du public. À partir du moment où ils sont déclarés à la commission, tous les incidents de sécurité devraient être déclarés publiquement. Enfin, elle considère qu'elle devra disposer de moyens légaux lui permettant d'obliger les organismes à prendre les mesures qu'elle estime nécessaires afin, évidemment, d'éviter ou d'atténuer les effets de l'incident pour les personnes concernées.

En terminant, la commission souhaite évidemment commenter l'orientation 30 qui propose de la transformer en organisme non juridictionnel. Ce faisant, si nous comprenons bien la proposition contenue dans les orientations, la section juridictionnelle de la commission et les pouvoirs qu'elle exerce seraient confiés au Tribunal administratif du Québec. Selon le document gouvernemental, cette orientation semble avoir été introduite pour assurer l'indépendance de la commission, instaurer un mode alternatif de règlement des plaintes, maintenir la double compétence de la commission en accès et en PRP et conserver son pouvoir d'ordonnance. La commission souligne en tout respect que le modèle actuel de fonctionnement, qui dure depuis 1982, rencontre déjà tous ces objectifs.

Par exemple, le document d'orientation indique, à la page 142, que «le [nouveau] commissaire à l'accès à l'information et à la protection des renseignements personnels — qui serait investi de ce nouvel organisme — aurait la responsabilité d'aider les parties à régler à l'amiable les conflits qui les opposent par la médiation». Je précise aux parlementaires qui sont devant moi que la commission a institué depuis le début des années 90 un processus de médiation efficace, soit depuis plus de 25 ans, et qui a réglé, dans la dernière année, 80 % des dossiers. Une moyenne sur ces 25 dernières années, c'est 75 % des dossiers qui sont réglés, et on me disait hier que, les statistiques de l'année en cours, 2015-2016, nous avons réglé, à date, 81 % des dossiers en médiation. Ce n'est donc pas une panacée qui apparaîtrait alors dans cette nouvelle structure.

Mais surtout la commission s'inquiète du fait que la proposition retire, à toutes fins pratiques, ce qui constitue la force du modèle actuel, soit le pouvoir de rendre des ordonnances exécutoires et d'offrir un guichet unique aux citoyens. Selon le modèle proposé, les ordonnances de la commission s'apparenteraient dorénavant davantage à un pouvoir de recommandation. Dans le cas où un organisme public, donc, refuserait de suivre une recommandation du commissaire, le citoyen devrait attendre qu'un deuxième organisme reprenne l'ensemble du dossier devant le TAQ et rende une décision avant d'avoir finalement accès aux documents.

À l'heure actuelle, la commission bénéficie d'un pouvoir d'émettre des jugements qui sont exécutoires après 30 jours si le citoyen ne va pas en appel. Dans ce modèle proposé, un organisme insatisfait de l'ordonnance de la commission n'aurait tout simplement qu'à l'ignorer. C'est ce qui arrive très souvent, d'ailleurs, au niveau fédéral. Ça obligerait alors la commission à intenter un recours devant le TAQ, qui procédera à un examen de nouveau du dossier. Ce n'est que si la commission obtient le gain de cause devant le TAQ et en l'absence d'un droit d'appel — parce que les orientations ne le précisent pas encore — en l'absence d'un droit d'appel ou de recours en révision judiciaire que le citoyen pourrait enfin obtenir le document.

Comme une image vaut mille mots, je vous invite à jeter un coup d'oeil à la page 79 du mémoire de la commission, où vous verrez un tableau où nous avons, de façon la plus honnête possible, énuméré les étapes de chaque processus, le processus actuel et l'orientation proposée par le gouvernement, et vous verrez évidemment que la différence est évidente. À notre avis, la proposition gouvernementale alourdirait et allongerait le processus de recours du citoyen. Elle affaiblirait, au surplus, les pouvoirs et la crédibilité que la commission s'est forgés depuis 30 ans. Il s'agirait d'un recul pour les citoyens du Québec, allant à l'encontre des tendances actuelles aux niveaux canadien et international.

D'ailleurs, j'y faisais allusion tout à l'heure, la commissaire fédérale à l'accès à l'information, qui applique un modèle fort semblable à celui qui est proposé par les orientations, a conclu récemment, dans un rapport qu'elle a déposé au Conseil privé fédéral en mars 2015, que le modèle actuel «comporte des inconvénients importants» et qu'il «n'incite pas les institutions à maximiser la divulgation [des documents] en temps opportun». La commissaire fédérale conclut qu'après avoir complété plus de 10 000 enquêtes elle considère que le modèle exécutoire dont elle rêve, et qui est celui du Québec, et dont elle nous dit, dans ses conversations privées, qu'elle en rêve, protégerait mieux les droits des citoyens à l'information et les droits des Canadiens à l'information de nature fédérale, en plus d'être la norme progressive en cette matière.

• (10 h 10) •

La commission considère que les objectifs poursuivis par le gouvernement en proposant cette orientation, de toute façon, qui vise à déjudiciariser et qui vise à accélérer le processus, pourraient être atteints en misant sur les acquis du modèle actuel et en y apportant des modifications.

Nous proposons, par exemple, d'abolir l'appel des décisions de la commission afin de déjudiciariser le processus de contestation d'un refus pour le citoyen, tel que le proposait la Commission de la culture en 2004, proposition qui n'a pas été suivie par la suite. Dans la mesure où ce recours s'apparenterait seulement à une révision judiciaire, seule la révision judiciaire devrait être retenue, et l'expérience prouve que la révision judiciaire est un recours beaucoup moins utilisé.

Enfin, la commission souligne un aspect positif de cette orientation, soit la volonté de lui assurer une meilleure indépendance en proposant qu'elle relève de l'Assemblée nationale tant au niveau de ses budgets que de la reddition de comptes. Elle invite le législateur à se pencher également sur la durée des mandats de ses membres et le processus de leur renouvellement de façon à lui assurer plus d'indépendance.

En terminant, je tiens à réitérer au ministre et à tous les parlementaires l'engagement de la commission et sa collaboration dans la poursuite des travaux vers la réforme de cette loi si importante. Tout en appuyant les propositions intéressantes des orientations gouvernementales, la commission soumet aujourd'hui des commentaires dans le but de les bonifier. Elle invite les parlementaires à poursuivre la réflexion et les travaux de manière à ce que la réforme envisagée constitue une réelle modernisation de cette législation sur l'accès à l'information afin qu'elle redevienne le modèle qu'elle était en 1982, au moment où elle a été adoptée, et dont pourront s'inspirer à l'avenir d'autres juridictions. Je vous remercie.

Le Président (M. Hardy) : Merci pour votre présentation. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. M. le ministre, à vous la parole pour une période de 22 minutes.

M. Fournier : Oui, merci, M. le Président. Je ne sais pas si on va vouloir faire des blocs et on revienne. Quant à moi, ça serait plus utile. Mais, en tout cas, pour l'instant... à la limite, prendre un 10 puis revenir pour notre 12 minutes par la suite, mais... Je peux faire tout d'un coup, là, mais, si on le divisait, ça serait plus utile pour moi.

Mme Maltais : ...alors le diviser pour nous, c'est...

M. Fournier : Alors, on vous donne peut-être 12 minutes puis après ça 10 minutes, par la suite. Donc, 12 minutes, vous y allez, puis on peut conclure par la suite. Non? Vous faites votre 13 minutes au complet? Enfin, l'idée était la suivante, c'est que, parfois, j'écoute les questions et les réponses, puis là je prends des notes, il faut que je me relise, il faut que je me comprenne. Après ça, tout à coup que vous apportez quelque chose qui m'intéresse, j'aurais voulu pouvoir en remettre par-dessus. C'est juste ça. Si vous êtes d'accord pour que je divise mon 22 minutes, là, ça serait...

Mme de Santis : On aurait pu suggérer peut-être qu'on prenne les 10 ou 12 minutes, vous prenez votre temps, on revient, et ils prennent leur temps.

Mme Maltais : On peut peut-être suspendre pour deux secondes. Mais je veux juste dire qu'on pourrait faire... mais pas un 10-12. S'il y a un bloc au ministre à l'après, ce qui est exceptionnel... D'habitude, on refuse ce genre de choses. On dit : À chacun d'interroger, c'est la règle. S'il y a des choses à la fin, peut-être un dernier cinq minutes pour des prises... pour pas que ça fasse, sans ça...

M. Fournier : ...très bien.

Mme Maltais : Gardez-vous un dernier cinq minutes pour des...

M. Fournier : Faisons le 22 minutes puis, à la limite, on se gardera peut-être un peu de temps pour revenir.

Bon! Bien, bonjour et merci d'être là. Je vais essayer de faire le tour sur certains sujets. Faites-vous en pas, on va s'intéresser à la question du TAQ et de la CAI, tout ça. Il ne faut pas s'en faire avec ça, là, je ne voulais juste pas les aborder dès le début. Je veux prendre certains éléments.

Par exemple, sur les restrictions, vous dites d'entrée de jeu : Il faut limiter la portée des restrictions. Je tiens à vous dire que je pense bien que c'est le coeur beaucoup de ce qu'il y a dans le document. Alors, là-dessus, on se comprend. Il y a même non seulement des objectifs, il y a même des principes d'interprétation que vous ne voulez pas qu'on mette dans la loi puis qu'on veut mettre dans la loi pour s'assurer que les exceptions soient vraiment des exceptions. C'est pour vous dire qu'on est peut-être même... qu'on va même plus loin que ce que vous voulez pour s'assurer que les restrictions sont des restrictions.

Et vous avez parlé de l'importance notamment du test du préjudice, dans le fond, et vous dites : Dans le fond, ça, ça manque un peu, et, s'il y en avait plus, on... Et je regarde la page 61, on dit ceci : «Le ou la responsable doit s'assurer qu'il y a un lien direct entre le préjudice et la divulgation et entre les conséquences de la divulgation et l'objet de la restriction.» Donc, les modifications législatives sont «de mieux définir la notion de préjudice, en prévoyant que celle-ci devra reposer sur le lien direct entre les conséquences de la divulgation et l'objet visé par la restriction; d'introduire la nécessité, pour le ou la responsable, dans sa décision motivant un refus, d'expliquer le lien direct entre le préjudice et la divulgation».

Alors, je vous écoutais puis je trouvais qu'on l'avait fait pour... Puis je vais continuer sur d'autres, si vous voulez le prendre en note, peut-être, puis me revenir là-dessus. J'essaie de voir où on ne dit pas la même chose. Parce que vous nous avez dit : Les restrictions doivent être restreintes, mettons les exceptions très exceptionnelles, et notamment pour s'en... Vous avez dit : Oui, c'est vrai, je reconnais qu'il y a un désir que la décision soit motivée, mais il faudrait qu'on tienne compte du préjudice. Il me semble qu'on en tient compte. Alors, peut-être que je ne vous ai pas compris, peut-être que vous ne nous avez pas compris, mais j'aimerais ça voir qu'est-ce qui achoppe.

Sur les avis et recommandations, vous avez dit : Bon, ce n'est pas possible de l'avoir. Pourtant, sous d'autres juridictions, il est possible d'avoir... notamment il y a des études statistiques ou certains éléments. Or, la recommandation 23, puis je vais essayer de me retrouver, je ne sais plus c'était à quelle page, mais la recommandation 23 veut rendre obligatoire la diffusion des études et des rapports de recherche ou de statistiques accessibles. Donc, il y a... ce n'est peut-être pas tout ce que vous voulez, mais on l'aborde, cette question-là. Je ne sais pas comment vous pourriez nous ramener là-dessus.

Et je vais faire... Le prochain sujet permettra de faire une pause et de vous permettre de revenir. Enfin, c'est toute la question du «peut» et du «doit». Alors, je veux m'arrêter un peu sur le «peut» et le «doit», parce que c'est une formule que j'ai utilisée quand je suis entré dans mes fonctions pour dire que la problématique est peut-être que les «peut» sont interprétés comme «ne doit pas». Et vous souhaitez que le «peut» reste. Alors, je vais vous dire comment ça s'est posé pour moi. On vient de deux horizons différents.

Moi, je rencontre des journalistes dans le corridor, puis ils disent : Le «peut» veut dire «ne peut pas», et que la loi, telle qu'elle est écrite, fait en sorte qu'on ne les a jamais. Alors, j'essaie de sortir de là. Je me serais attendu à un ton, dans le rapport, un peu plus reconnaissant de l'effort que je faisais pour sortir de cela. Je l'avoue, je ne l'ai pas trouvé, je vous le dis bien franchement, bien candidement. C'est le coeur de mon problème. Je veux changer la culture. Le «peut», actuellement, entraîne une culture de «ne peut pas». Qu'est-ce que vous m'offrez de mieux que ce que j'ai, parce que vous n'aimez pas ça? Qu'est-ce que vous m'offrez? Puis je vais le prendre à 100 %, là. Et puis le monde va travailler là-dessus, là. On essaie de trouver le moyen. Le «peut» entraîne la conséquence que, donc, je peux «ne pas».

Et je suis prêt à admettre, dans certains cas, que, peut-être, on peut rajouter certains éléments. Par exemple, lorsque vous donnez l'exemple du «doit» pour le délai de cinq ans, vous dites : Oui, mais, s'il avait été au bout de trois ans, comment... bien, peut-être qu'on peut rajouter, là, un «doit, à moins que», là, puis, hein, qu'on fait l'exception. Mais ce qu'il manque dans cette loi-là, c'est la clarté. Je crois, puis je peux me tromper, là, que les gens savent de quoi on parle. Puis je veux faire un peu de pédagogie avec vous, là. J'ai des journalistes qui m'ont dit : Trouvez-vous ça normal, M. le ministre, on a demandé la même question à plein de ministères, ils nous ont refusé l'accès pour plein de raisons différentes? J'ai dit : J'espère que oui, parce que ce sont toutes des conditions différentes, des restrictions différentes selon le ministère. Chez nous, c'est les Relations intergouvernementales. Ça s'adonne qu'au Développement économique c'est pas mal plus l'économie puis, à la Sécurité publique, c'est d'autre chose. Les gens qui nous demandent de faire toutes ces transformations, qui utilisent beaucoup l'accès, ne comprennent pas les «peut», et les exemples, et l'intérêt public, les exceptions à l'intérêt public.

Alors, je conclus sur cet élément-là en vous disant : Je me suis dit que plus c'est objectif et plus on sent une clarté, plus on a des chances de comprendre. Plus je multiplie les «peut» et que je prends des critères subjectifs, je m'éloigne de la clarté. Alors, essayez de m'aider pour que je fasse quelque chose qui ait un consensus plus large. Puis je ne suis pas marié avec mes idées, puis on n'est pas mariés avec nos écrits, mais on cherche quelque chose. Parce qu'il y a un problème actuellement avec les «peut», puis, quand vous me dites : Les «peut», c'est bon, bien là, ça ne m'aide pas. Alors, essayez de m'aider, s'il vous plaît. À vous.

Le Président (M. Hardy) : Me Chartier.

• (10 h 20) •

M. Chartier (Jean) : Avec plaisir, M. le ministre. D'abord, je dois noter, à mon grand regret, que vous semblez effectivement déçu de voir que nous allons presque en contradiction avec la proposition gouvernementale. Or, je crois l'avoir dit à deux reprises dans mon exposé et je le répète, au contraire, on est d'accord. Et le problème sur les «peut», que vous soulignez, nous l'approuvons d'emblée et nous sommes comme vous, nous tentons de trouver la solution. Et, la proposition, je l'ai peut-être mal exprimée, mais la proposition de la commission n'est pas de maintenir les «peut». Au contraire, c'est de dire : Si vous revoyez des dispositions et que vous avez l'intention, tel que vous l'avez déclaré à plusieurs reprises, de mettre un «doit communiquer le document», nous, on dit : Ajoutez dans chacune des dispositions «doit communiquer le document, à moins qu'il ne puisse prouver — ou on pourra le dire autrement, là — que», par exemple un préjudice x sera subi si le document était communiqué. Et vous m'avez dit tout à l'heure dans votre question : Bien, on le dit déjà, puis vous m'avez référé à une page en particulier de votre mémoire. J'ai peut-être l'impression, avec les échanges que nous avons eus et que nous avons en ce moment, qu'on est peut-être en train de dire la même chose mais en mots différents.

Mais je veux simplement attirer votre attention sur la page 51 des orientations, où il est dit dans la fonction... «Revoir les fonctions du responsable de l'accès aux documents», et vous allez voir où est-ce qu'on a pris cette affirmation que nous faisons et que vous semblez trouver injuste. Regardez dans l'encadré le deuxième paragraphe qui commence par «concernant» : «Concernant la motivation des décisions de la personne responsable, l'article 50 serait modifié pour exiger que celle-ci explique les motifs de sa décision et le préjudice de la transmission des documents ou des renseignements.»

Nous, on applaudit à ça, sauf qu'on dit : Il ne faut pas aller modifier juste l'article 50 pour dire que le responsable de l'accès devra expliquer le préjudice. Il faut aller le mettre dans chaque restriction. Dans chaque disposition qui restreint l'accès, il faudra aller l'écrire et aller écrire... par exemple, si c'est un renseignement en matière environnementale, aller écrire qu'à moins que le renseignement ne comporte un danger pour la santé publique... et qu'il serait mieux de ne pas le divulguer, par exemple. Et, dans une disposition sur la sécurité publique, aller écrire le préjudice, le document devra être public à moins que. Et c'est là qu'on a pris, nous, la source de notre réflexion.

Le Président (M. Hardy) : M. le ministre.

M. Fournier : Juste peut-être en profiter pour régler cette affaire-là, parce que 51 plus 61 fait que, finalement, ce qui était un verre à moitié plein pour un, un verre à moitié vide pour l'autre, c'était le même verre. Parce que, si vous lisez 61 puis 51, vous allez voir que, finalement, on dit la même chose.

M. Chartier (Jean) : Bien, si cela est, je suis d'accord avec vous. Si on dit la même chose, bien, on dit la même chose.

M. Fournier : Remarquez, je ne vous en veux pas d'avoir votre angle de lecture et nous d'avoir notre angle d'écriture, mais, à la fin du jour, ce qu'on essaie de dire, c'est qu'il doit y avoir maintenant une motivation, il doit y avoir un test de préjudice qui est fait. Et, lorsque vous avez fait le lien avec l'article 50, parce qu'on était à ce point-là, il s'applique dans les autres cas aussi. La page 61 le dit. Enfin, peu importe, là, je comprends que là-dessus je le comprends mieux. Je ne sais pas si vous voulez continuer sur les autres éléments.

M. Chartier (Jean) : Oui, oui, absolument. Vous avez parlé de la page... de ce qui est mentionné à la page 124 pour répondre à notre suggestion, hein, M. le ministre. M. le ministre, ce sont toujours des suggestions, ce n'est pas nous qui allons tenir le crayon du législateur, de toute façon. Ce sont des suggestions en vue d'améliorer l'accès. Vous avez fait référence à l'article... à la page 124, où vous voulez inclure dans une éventuelle modification du règlement actuel qui existe sur la diffusion, par exemple, les documents dont la diffusion présente... c'est-à-dire rendre obligatoire la diffusion des études et des rapports de recherche sur des statistiques. La suggestion que je faisais dans ma présentation, c'est d'imiter... je crois que c'est en Ontario...

Une voix : Plusieurs provinces.

M. Chartier (Jean) : ...et, je crois, aussi en Colombie-Britannique où, en plus de dire que, dans un règlement sur la diffusion, ce genre de rapports là sont publics, on est venu dire que, parmi les avis et recommandations détenus par un organisme public, doivent être rendus publics... et là on est venu les énumérer de façon explicite. Ça enlève de la discrétion au responsable de l'accès et ça ne peut que favoriser, donc, une plus grande distribution de ces documents-là.

Et j'ajouterai finalement là-dessus qu'il ne faut pas oublier que le règlement sur la diffusion automatique des documents gouvernementaux, il ne va pas à l'encontre des restrictions de la loi, il ne peut pas aller à l'encontre des restrictions de la loi. Et ça n'obligera... Et le Règlement sur la diffusion a beau être ce qu'il est, vous et moi savons très bien que les responsables de l'accès dans chacun des ministères décident eux-mêmes, avec la même discrétion qu'ils décident quand ils reçoivent des demandes d'accès, de ce qu'ils vont mettre sur Internet en application du règlement.

Alors, on s'aperçoit nous-mêmes, dans des audiences que nous menons, qu'il arrive parfois que des documents qui devraient se retrouver sur Internet à la faveur de l'application du Règlement sur la diffusion ne le sont pas et font même l'objet de débats devant nous. Et c'est pourquoi on dit : Mettons, de façon proactive, des dispositions qui les énumèrent.

Puis, M. le ministre, une dernière chose sur un dernier élément que vous avez soulevé. Vous avez dit : Il arrive... et vous avez tout à fait raison, là, nous aussi, on lit les journaux, évidemment, et celui qui vous parle rencontre assez souvent, probablement moins que vous, mais assez souvent, les journalistes, à qui ils font les mêmes récriminations. Mais vous avez dit qu'une même question posée à plusieurs organismes amène souvent une réponse différente. Nous en sommes tout à fait conscients, nous le voyons, nous aussi, très souvent, et c'est pourquoi on a fait la recommandation dans notre mémoire, à la page 47, que «la Loi [d']accès soit modifiée — vous le voyez dans l'encadré bleu, dans le haut de la page — afin de prévoir qu'un organisme public [aura] l'obligation de faire une interprétation raisonnable et large de la portée d'une demande d'accès [et] de donner au demandeur» non pas les documents explicitement rédigés dans le texte du demandeur, parce que c'est souvent là où les organismes publics s'enfargent, mais de donner au demandeur «les documents susceptibles de répondre à sa demande d'accès, bien qu'aucun document ne corresponde exactement au libellé de cette demande».

Et, en introduisant ça dans une disposition, nous croyons que, là, le responsable de l'accès va avoir un fardeau non seulement de simplement lire la demande, mais d'essayer de la comprendre, et d'essayer de comprendre exactement ce qu'il veut, et de donner une interprétation large au demandeur d'accès en disant : Je n'ai pas de document qui s'appelle exactement comme tu me le demandes, mais je pense que j'ai des documents qui pourraient répondre à ta question. Voilà.

Le Président (M. Hardy) : M. le ministre.

M. Fournier : Puis, malheureusement, on n'aura sûrement pas assez de temps, puis là je vais aller vite. Évidemment, tout ça implique par contre, vous pourrez nous le dire tantôt — combien qu'il reste de temps?

Le Président (M. Hardy) : Huit minutes.

M. Fournier : ... — qu'il faut répertorier large, hein? Il faut répertorier pas juste du précis, il faut répertorier du périphérique. Moi, je ne suis pas un spécialiste de l'archivage, ça doit être assez complexe, par contre.

Je veux juste vous dire que, l'orientation 23, on veut, dans le Règlement sur la diffusion, le modifier pour biffer la non-diffusion, la raison de non-diffusion. Parce que ce qui est écrit, c'est : «Et dont la diffusion présente un intérêt pour l'information du public». Donc, il y a quelqu'un qui exerce une discrétion et dit : Je ne le diffuse pas, ce n'est pas d'intérêt. On vient dire : Non, tu le diffuses. Donc, conséquemment, encore une fois, on dit la même chose, parce que c'est comme ça, dans le règlement, qu'on veut le changer. Bon. Ah bien! Tant mieux, parce que je vois qu'on est plus sur la même longueur d'onde.

Je veux revenir sur une question assez essentielle. Vous venez de dire, tantôt... Puis je ne vous en veux pas, parce que, tantôt, j'ai parlé que, dans la démarche de transparence, on a déposé un projet de loi sur l'éthique et puis le lobbying. Vous avez dit tantôt : Ce n'est pas nous qui le créons, c'est le législateur. Évidemment, c'est le législateur qui vote les lois, puis tout ça. Dans le cas du commissaire au lobbying, il a écrit... honnêtement, là, je vous le dis, il a déposé même un projet de loi, les articles écrits, il a tenu la plume. Alors, je pose la question : Est-ce qu'il n'aurait pas été possible pour la commission de faire le même exercice et de tenir lui-même la plume?

Le Président (M. Hardy) : Me Chartier.

M. Chartier (Jean) : Possible, en termes de capacité, oui, absolument. Possible, en termes d'opportunité. Évidemment, si mon ministre ne me le demande pas, je ne lui aurais jamais fait l'affront de lui proposer un projet de loi alors que ses orientations ont déjà pris une certaine tournure, etc. Mais, si vous m'aviez demandé qu'en toute collaboration la commission propose une rédaction de certaines dispositions, absolument.

M. Fournier : Je ne vous présente pas ça comme ça, parce qu'au fil des rapports quinquennaux il aurait pu arriver un moment où vous le faites. Et la raison pourquoi je vous pose la question, c'est : lorsqu'on arrive à la page 53 de votre mémoire où on parle des travaux du groupe de travail sur l'analyse des risques d'atteinte à la vie privée, vous dites que «la commission appuie la mise en place [du] groupe[...]. Toutefois, elle s'interroge sur le fait de lui confier la responsabilité de coordonner les travaux de ce groupe. D'abord, afin de préserver l'indépendance de la commission qui doit voir au respect de la Loi sur l'accès, il serait inopportun de lui confier la coordination d'un tel groupe de travail.»

Alors, c'est cette question-là que je vous pose. Quand vous m'avez allumé sur la rédaction de la loi, j'ai toujours cru, un peu en vertu aussi de ce que vous dites vous-même, que votre rôle d'adjudication vous amenait, je dirais, à une certaine réserve à l'égard, comme vous le dites ici, d'un groupe de travail, même pour un groupe de travail, il y avait une limite. Et je vous pose la question, et vous m'avez dit : Bien, je n'aurais pas cette limite-là pour écrire un projet de loi, par contre. Alors, j'essaie de voir la mesure de votre pouvoir d'adjudication qui vous amène à avoir, dans un cas, pour un groupe de travail, une réserve, une limite, mais pas nécessairement pour la production d'un projet de loi.

M. Chartier (Jean) : Bien, écoutez...

Le Président (M. Hardy) : Me Chartier.

• (10 h 30) •

M. Chartier (Jean) : Oui. Votre question est très pertinente, M. le ministre. Elle fait justement appel à... elle fait justement appel à faire la distinction entre les pouvoirs de la commission, qui sont les pouvoirs d'adjudication en juridictionnel, et les pouvoirs d'enquête. La raison pour laquelle nous émettons cette réserve quant à présider un comité sur l'élaboration des processus d'évaluation des risques en matière de protection des renseignements personnels, c'est tout simplement parce que la commission est un organisme de surveillance en matière de protection des renseignements personnels, ce n'est pas nécessairement comme en accès. La commission est un organisme de surveillance qui fait des inspections, qui fait des enquêtes lorsqu'elle reçoit des plaintes et qui peut débarquer n'importe quand, si elle avait des effectifs, elle débarquerait plus souvent, mais qui peut débarquer n'importe quand dans un organisme public pour voir les fichiers, pour voir la gestion des fichiers, pour voir l'organisation technologique.

Et on se disait : S'il fallait que la commission soit impliquée, comme organisme de surveillance, dans l'élaboration des PIA, bien, comment est-ce qu'elle serait perçue ensuite quand elle débarque dans les organismes publics où des PIA ont été introduits et où les PIA ont été introduits avec le plein consentement de la commission qui les a déjà aidés à les instituer? On va perdre, à ce moment-là, toute espèce de crédibilité. Ils vont nous dire : Mais vous étiez sur le comité quand on a présenté notre projet de nouvelles technologies pour, par exemple, les renseignements de la RAMQ ou les renseignements de la RRQ ou de la nouvelle Commission des relations du travail. Vous étiez là. On en a parlé, vous nous avez donné des conseils, puis là, aujourd'hui, vous débarquez ici avec vos inspecteurs, vos enquêteurs, et vous nous dites que ce n'est pas conforme. C'est simplement ça qu'on a voulu exprimer par ça, M. le ministre.

Le Président (M. Hardy) : M. le ministre.

M. Fournier : Donc, il y a de la surveillance en protection, mais il n'y a pas de surveillance dans l'accès.

Le Président (M. Hardy) : M. Chartier.

M. Chartier (Jean) : Oui, il y a... bien, il y a... La surveillance en accès, elle s'exerce...

M. Fournier : Il a dit oui, il a dit oui, à droite.

M. Chartier (Jean) : La surveillance en accès, M. le ministre, je vous dirais, elle s'exerce de façon quotidienne par les décisions des commissaires qui rendent des décisions dans chacun des cas.

Le Président (M. Hardy) : M. le ministre.

M. Fournier : Voyez-vous, on est au coeur de la question où il y a une proposition d'aller vers le Tribunal administratif pour permettre à la commission de jouer un rôle de surveillance et en protection et en accès, de jouer... d'avoir un rôle mobilisateur, d'un rôle de changement de culture. Alors, ce n'est pas négatif.

Puis je comprends l'interprétation que vous pouvez en faire, vous avez donné... vous avez présumé des raisons pour lesquelles on propose cela, vous avez présumé que c'était pour la médiation, vous... Ce n'était pas pour ça. Parce que, tout ça, tout ce que vous avez dit, vous avez raison, mais vous n'avez pas nommé la raison pour laquelle on le fait. La raison pour laquelle on veut au moins en réfléchir, au moins en discuter... Comme je disais tantôt, je ne suis pas marié avec mes idées. Mais l'idée ici, c'était de donner une marge de manoeuvre à cette institution qui s'appelle la commission, qui est la spécialiste de l'accès à l'information. Si on ne peut pas avoir cette commission-là qui est moteur de changement de culture, ça va être qui, ça va être quoi? Et c'était ça, l'idée à la base. Alors, quand vous avez fait la liste de ce que vous êtes en imputant les raisons pourquoi on l'avait fait, vous avez dit : Bien, on est tout ce que vous voulez, vous n'avez pas nommé ce qu'on voulait vraiment, parce que vous ne l'êtes pas, et là vous étiez coincés avec mon point.

Mon point que je cherche... Puis, encore une fois, on peut développer d'autres méthodes, là. Si on est pour faire un changement de culture, est-ce que je devrais avoir quelqu'un qui a un devoir de réserve à cause de son adjudication? Je comprends ça aussi, hein? Est-ce qu'on va avoir quelqu'un qui va avoir un devoir de réserve ou quelqu'un qui va être dynamique, impliqué dans le dossier, parfois, comme dit la fédération des journalistes, pas dans tous les cas, mais parfois dans des cas majeurs, là, tu sais, où on sent que c'est un cas, là, systémique, même qui va prendre fait et cause pour un dossier pour favoriser l'accès? Alors, c'est sur ce cadre-là que j'aimerais vous entendre, sur... Si vous me dites : M. le ministre, on a toutes les marges de manoeuvre, on peut intervenir n'importe quand. On peut plaider les causes, on peut prendre... on peut être un acteur qui prend parti, si vous me dites ça, je vais commencer à changer d'idée. Mais, honnêtement, je pense que vous avez un devoir de réserve. Ce que vous nous dites, quand vous parlez de votre indépendance, m'amène à y penser. Alors, c'est ça, le sujet.

Maintenant, s'il y a d'autres moyens, je n'ai pas de difficulté, mais je cherche juste un champion, qui n'est pas nécessairement à l'Assemblée nationale ou au gouvernement, dans nos institutions, un champion de l'accès. Vous savez comme moi ce que disent les gens qui utilisent les services d'accès à l'information concernant les responsables d'accès et comment ils appellent la Commission d'accès à l'information. J'essaie, avec mon équipe, de trouver des moyens pour nous sortir de cette définition-là dont on ne veut pas. Les gens, et vous comme moi, comme nous tous, on a besoin d'un champion de l'accès. Alors, c'est ça, la raison de la modification, qui, soit dit en passant, et on pourra en discuter plus tard, n'offre pas nécessairement toutes les étapes additionnelles que vous avez identifiées. Mais ça, on y reviendra, c'est dans les procédures. Revenons au coeur de l'affaire : un champion.

Le Président (M. Hardy) : Je vous remercie, M. le ministre. Nous allons maintenant passer à la période d'échange avec l'opposition officielle. Mme la députée de Taschereau, à vous la parole pour une période de 13 minutes.

Mme Maltais : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Chartier, et votre équipe, bienvenue à cette commission parlementaire. Je vous écoutais avec beaucoup d'attention. J'ai lu votre mémoire aussi en essayant de comprendre quels étaient les objets fondamentaux, là, de la réforme qui est proposée par le gouvernement. Je pense qu'il y a des mots clés ici, «transparence», «accessibilité», puis là je vais en introduire un autre qui est vraiment, pour moi, sur le coeur de la discussion que je veux avoir avec vous, c'est : «champion de l'accès». Je vais prendre le terme du ministre.

Bien, je comprends de vos propos que l'article 11, entre autres, qui dit que, pour un organisme qui a 100 % de ses actions au gouvernement du Québec, il n'y a aucune avancée dans ce qui est proposé, puisque c'est déjà la jurisprudence. Pour moi, c'est un débat important, peut-être qu'on va le revoir avec d'autres. Je ne sais pas si je vais avoir le temps, là, mais juste noter ça.

L'autre qui était quelque chose... La médiation existe déjà, donc ça, ce n'est pas là qu'il y a une avancée. Une des choses majeures qui est proposée par contre dans ce document-là, c'est la scission de la Commission d'accès à l'information, une en disant que la commission d'accès... qui actuellement, disons-le d'ailleurs, est sous l'autorité... la responsabilité plutôt — je vais utiliser ce mot-là — du ministre — habituellement, je dis plus «responsabilité», là — du ministre. Le ministre veut un peu, je dirais, se départir de cette responsabilité, en tout cas, à tout le moins en partie, puisque la Commission d'accès à l'information s'en irait sous l'autorité de l'Assemblée nationale. Belle intention. C'est notre rêve, des fois, on en parle, là, peut-être que certaines institutions devraient se retrouver à l'Assemblée nationale. La Commission d'accès à l'information à l'Assemblée nationale, à première vue, c'est intéressant.

Sauf que le problème que vous soulevez et là qui m'interpelle, c'est : ça ne veut pas dire une meilleure accessibilité, ça veut peut-être dire au contraire un recul dans l'accessibilité. Et, vous l'avez souligné, il y a un tableau dans votre mémoire, en page 79, qui explique un peu, qui présente la comparaison des processus de contestation du refus d'accès. J'aimerais ça que vous m'expliquiez un peu vraiment encore plus profondément, là, la différence que pourrait introduire cette modification que le ministre propose. Puis est-ce que ça va faire un champion de l'accès ou ça va faire une réflexion sur... enfin, autre chose? Qu'est-ce que ça va donner? Vous n'avez pas l'air, d'après votre tableau, à dire que ça va donner nécessairement un résultat de championnat, là. On ne gagnerait pas de championnat, d'après ce que je comprends.

Le Président (M. Hardy) : Me Chartier.

• (10 h 40) •

M. Chartier (Jean) : C'est toujours délicat de répondre à ce genre de questions là, la raison en étant que les orientations ne donnent pas l'ensemble des détails sur ce qu'envisage le gouvernement sur une nouvelle structure. Évidemment, le ministre a été assez clair, et les orientations le sont assez, c'est-à-dire qu'il n'y aurait plus de section juridictionnelle. Alors, on veut adopter... Encore une fois, je ne fais pas de procès d'intention, je cherche des comparables. On semble vouloir adopter le modèle, par exemple, de la commissaire à l'accès fédérale qui, elle, reçoit des plaintes en matière d'accès. Un citoyen dit : J'ai demandé tel document, on ne veut pas me le donner. La commissaire enquête, et c'est ce que nous ferions, ce nouveau commissaire à l'accès à l'information n'aurait plus d'audience, donc ferait enquête, obtiendrait les commentaires de chacune des parties et rendrait un rapport dans lequel il ferait une recommandation, et il dirait : Le document untel du ministère de l'Environnement, par exemple, le soussigné considère qu'il devrait être divulgué et rendu public, ça devient une recommandation. Au mieux, ça devient une ordonnance, sauf que ça n'a pas le pouvoir exécutoire d'une décision que la commission a à l'heure actuelle. Lorsqu'elle rend une décision, 30 jours plus tard, une partie peut aller en appel ou faire authentifier la décision devant la Cour supérieure de façon à ce qu'elle devienne exécutoire. Cela n'existerait plus.

Dans la mesure où l'organisme, insatisfait de la recommandation, n'entend pas donner suite à la communication du document, ce que prévoit le mécanisme, c'est que la CAI devrait prendre, là, fait et cause et amener le citoyen avec elle. C'est la CAI qui, tout à coup, serait chargée, d'après la proposition gouvernementale, d'aller devant le TAQ pour plaider le fait que le document en question que le commissaire jugeait accessible devrait être accessible pour M. Untel citoyen. Et là on se retrouve devant le TAQ, et c'est la CAI qui devient le plaideur, le champion dont parle le ministre, sauf qu'on se retrouve devant le TAQ dans des délais qu'on ignore, dans une nouvelle institution, il faut recommencer le débat qui a déjà été fait lors de l'enquête du Commissaire à l'accès. Et, en plus, l'orientation gouvernementale, actuellement, ne détermine pas qu'est-ce qui arrive après la décision du TAQ. Est-ce que cette décision-là est en appel? Est-ce qu'elle peut être appelable? Vous ajoutez encore une autre étape.

Et je reviens, sans vouloir être celui qui, comment je dirais, repousse du revers de la main la proposition gouvernementale... On l'a regardée, même si ça ne paraît pas d'après les commentaires que j'entends, on l'a regardée avec ouverture, on s'est dit : O.K., c'est correct, si, effectivement, on en vient à un pouvoir de recommandation, voyons quelle en est l'efficacité. Et on a consulté nos homologues ailleurs au pays. Le commissaire fédéral et les autres provinces, notamment la Colombie-Britannique et l'Ontario, sont, à peu de choses près, semblables, sauf que l'Ontario et la Colombie-Britannique ont des pouvoirs exécutoires beaucoup plus grands. Mais la commissaire fédérale a actuellement le, je vous dirais... endosse actuellement la façon de fonctionner qui est proposée par les orientations gouvernementales. Et c'est même...

Tout à l'heure, le ministre parlait des discussions qu'il a eues ou des commentaires qu'il a eus avec les journalistes, j'ai évidemment, lors de plusieurs rencontres avec ceux-ci, obtenu les mêmes commentaires. C'est bien plate, c'est long devant vous, puis, quand on obtient un jugement, bien, souvent, le document n'est plus d'actualité. Ça, c'est vrai, là. Ça, on ne peut pas le nier, nous avons des délais systémiques qui, ceci dit, se comparent très bien à tous les autres tribunaux administratifs, délais qui, depuis quatre ans, ont été réduits de centaines de jours afin d'obtenir des décisions finales. Mais surtout la commissaire fédérale dit qu'après 10 000 enquêtes dans le statut actuel dont elle dispose et qui est un pouvoir de recommandation elle n'en vient pas à bout. Elle n'en vient pas à bout et elle réclame au gouvernement fédéral des pouvoirs d'adjudication qui sont actuellement ceux du Québec. Et, quand on la rencontre, elle nous dit à quel point elle nous envie. Et ça, c'est le pouvoir qu'on voudrait nous enlever pour nous donner un pouvoir de recommandation en nous disant : Bien, vous n'auriez plus de cause, vous n'auriez plus d'audience devant le tribunal, vous n'auriez plus de rôle, de rôle d'audience, donc vous sauveriez un paquet de temps.

Mais ce que je puis vous dire, c'est que, dans l'organisation actuelle de la commission, si je prenais les ressources... Parce que c'est aussi dit dans les orientations gouvernementales, la commission pourrait consacrer l'ensemble de ses ressources à sa nouvelle mission de champion de l'accès, comme le dit le ministre. À l'heure actuelle, ceux qui sont dans la section juridictionnelle, ce sont les juges administratifs, il y en a quatre, et une maître des rôles, et une responsable de l'ouverture du dossier. On parle de six personnes sur 59, à l'heure actuelle, à la commission. Ces six personnes-là, dans la proposition gouvernementale... où iront les juges? Est-ce qu'ils s'en vont au TAQ? Si mes juges s'en vont au TAQ, là, je me retrouve à moins six. Alors, quelles ressources additionnelles vais-je pouvoir consacrer à devenir un champion de l'accès si mes juges s'en vont au TAQ?

Et, si mes juges restent à la commission, de toute façon, l'ensemble des dossiers qui entreront à la commission, des demandes d'accès... On va continuer à en avoir, des demandes de révision. La proposition gouvernementale, Dieu soit loué! n'entend pas abolir la commission ou n'entend pas abolir le recours en révision du citoyen, donc... Et je sais que c'est le genre de commentaire qui, même moi, m'indispose, mais donc une des solutions, ce n'est pas de transformer la CAI comme on voudrait le faire, c'est de lui donner plus de ressources.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Taschereau, il vous reste quatre minutes.

Mme Maltais : Oui. On dit souvent que l'enfer est pavé de bonnes intentions, je crois à la bonne intention, mais je ne voudrais pas amener les citoyens dans un enfer ou un dédale bureaucratique plus compliqué que ce qu'il y a là. J'ai parlé tout à l'heure de choses qui sont réécrites mais qui ne donnent pas plus d'accès, moi, je comprends que, par contre, ce que le ministre propose comme changement ou modification à d'autres règles, comme changer le «peut», le «doit», le «positif», ça c'est... — attends un peu — ça, c'est du positif. Donc, je dis juste, là : Il y a une bonne intention, mais je vérifie la validité. Oui, M. le ministre.

Le Président (M. Hardy) : M. le ministre.

M. Fournier : Est-ce que mes collègues me permettraient de prendre 10 secondes, juste pour le bénéfice de la discussion, parce que je ne peux plus intervenir?

Mme Maltais : Oui.

M. Fournier : Dans le processus de transformation, la commission conserverait un pouvoir d'ordonnance. Et ça, c'est important de le dire, parce que c'est plus le modèle de Terre-Neuve que le modèle fédéral.

Mme Maltais : O.K., on comprend bien.

M. Fournier : Et donc ça change pas mal le portrait que vous avez témoigné jusqu'ici.

Mme Maltais : Mais il y a quand même...

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Merci. Donc, vous dites que, par rapport au modèle actuel... Moi, je pense qu'il y aurait... la compréhension de vos propos, je ne juge pas de la finalité, mais recul dans l'accessibilité potentielle, recul dans les délais à cause du processus qui change, puis ça... puis les pouvoirs d'ordonnance, je ne sais pas, je ne suis pas sûre qu'on change ça, en plus recul dans les délais, parce que le TAQ, actuellement, n'est pas... ne rentre pas dans ses délais. Vous semblez dire qu'il pourrait même y avoir de plus longs délais, vu... Moi, je crois que... je ne sais pas si je m'abuse, mais le TAQ a des plus longs délais que la CAI actuellement.

Le Président (M. Hardy) : M. Chartier.

M. Chartier (Jean) : Ça dépend. On me souffle à l'oreille que ça dépend des sections. Le TAQ a trois sections. Et évidemment, encore une fois, on ne sait pas si... Est-ce qu'on créerait au TAQ une section en accès? Ça pourrait être quelque chose qui pourrait être fait.

Mme Maltais : Puisque j'ai le micro, je vais le dire, c'est... Le ministre dit oui.

M. Chartier (Jean) : Mais il faudra voir, évidemment, d'une part, combien de ressources on donnerait au TAQ. Et, au surplus, je veux... Si vous me le permettez, Mme la députée, je répondrais à une remarque que le ministre a faite lorsqu'il a dit : N'oubliez pas, M. le président, vous auriez un pouvoir d'ordonnance. C'est tout à fait vrai, M. le ministre, et nous ne le nions pas, c'est un pouvoir que les discussions avec votre cabinet ont permis de réinstaurer dans les orientations première mouture.

Oui, nous en sommes satisfaits, mais, cela dit, une fois l'ordonnance de la commission rendue, souvenez-vous que votre orientation prévoit que le citoyen, si l'organisme ne se rend pas à la recommandation de la commission et ne donne pas le document, parce qu'il n'y a aucune... à ce moment-là, il n'y a aucune espèce de conséquence, le citoyen se retrouve Gros-Jean comme devant, permettez-moi l'expression, et n'a pas de recours. Il est obligé de revenir frapper à la CAI en disant : Ils n'ont pas voulu me le donner. Et là la CAI, dans le système que vous proposez, prendra un de ses juristes et amènera le citoyen devant le TAQ. On impose donc, là, un nouveau délai. Avant qu'il passe devant le TAQ, ça va prendre combien de temps? Et, lorsqu'il obtiendra sa décision du TAQ, y aura-t-il un appel, une révision judiciaire?

Vous ajoutez, en tout respect, M. le ministre, vous ajoutez une étape. L'étape du TAQ, on ne sait pas combien de temps elle prendra, ça dépendra des effectifs, ça dépendra des délais, ça dépendra de l'abondance des dossiers qui se retrouveront au TAQ. Et l'audience devant le TAQ, au surplus, c'est une audience de novo, ce qui veut dire, en termes juridiques et... je dirais, familiers plutôt, c'est qu'il faut recommencer au complet, il faut recommencer la preuve au complet.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Comme il me reste seulement 10 secondes...

M. Chartier (Jean) : Oui, allez-y.

Mme Maltais : ...puis-je vous dire que, dans ma tête, un champion, c'est un acteur? Quand on envoie un champion sur le terrain, on envoie un agissant et non pas seulement un réfléchissant. Donc, moi, je pense que vous enlever des outils de travail, c'est une des grandes questions qu'on va avoir dans la discussion, je pense, autour de ça.

L'autre chose, c'est : «plus transparent» ne signifie pas nécessairement «plus accessible». Avoir plus de raisons pour lesquelles on se fait refuser un document ne donne pas une plus grande accessibilité. Ça donne une plus grande transparence, mais il va falloir voir comment on joue, là, entre la transparence et l'accessibilité.

Le Président (M. Hardy) : Je vous remercie. Nous allons maintenant passer à la période d'échange avec le deuxième groupe d'opposition. M. le député de Borduas, à vous la parole pour une période de neuf minutes.

• (10 h 50) •

M. Jolin-Barrette : Merci. Mesdames messieurs, bonjour. D'entrée de jeu, je voudrais vous référer à l'orientation 11 à la page 82 du document d'orientation qui a été déposé par le gouvernement, ou à la page 6 de votre document synthèse. Donc, la commission indique qu'elle trouve insuffisant le fait de ne pas assujettir l'ensemble des organismes qui ne sont pas contrôlés en totalité par l'État québécois. J'aimerais entendre vos commentaires sur cet élément.

Puis, peut-être pour les fins de l'échange, je vais vous exposer une situation où le gouvernement a créé, lors de la session d'automne 2014, la Loi sur la Société du Plan Nord et où c'est prévu que la Société du Plan Nord pourrait avoir des filiales. Mais il y avait une question de compétition qui s'inscrivait dans la création d'une telle société, mais aussi la question qui se posait, c'était au niveau de l'immunité puis du privilège de la couronne qui pourrait être invoqué par des sociétés. Et puis le ministre des Ressources naturelles nous disait : Bien, écoutez, c'est à des fins de développement, mais concrètement il y a une problématique, parce que, par rapport à un autre concurrent, lorsque la société d'État, par le biais de sa filiale, investit, bien, c'est notamment au détriment de certains concurrents.

Donc, j'aimerais savoir, parce que ça demeure de l'argent public, ça demeure des ressources publiques, comment la commission perçoit une telle situation.

Le Président (M. Hardy) : Me Chartier.

M. Chartier (Jean) : Je ne connais pas exactement la législation à laquelle vous faites référence. Je ne sais pas si, par exemple, il est parfois d'habitude, pour le gouvernement, soit de prévoir une disposition qui dit textuellement que la nouvelle organisation créée, celle à laquelle vous faites référence, est un organisme public au sens de la Loi sur l'accès. Je ne sais pas s'il y a cette disposition-là dans la législation dont vous avez parlé, mais il arrive trop souvent que les législations nouvelles prévoient plutôt que la nouvelle organisation ne sera pas assujettie à la Loi sur l'accès.

Nous, ce qu'on dit — et ça nous a été rapporté à de nombreuses reprises — c'est que plusieurs organisations gouvernementales, notamment les filiales — vous avez fait référence à des filiales — qui sont financées par l'État, qui sont financées par des bras économiques de l'État, on en convient, et qui ont parfois un certain niveau de compétitivité commerciale, industrielle, économique à affronter dans le monde... On est d'accord, l'article 23 et l'article 24 prévoient déjà ce genre de situation là. Mais on trouve que, trop souvent, le gouvernement a tendance à les exempter complètement de l'application de la loi. Or, ce que les citoyens veulent savoir, ce n'est pas le secret du contenu des ententes entre une filiale de la SGF et un pays étranger. Les citoyens veulent savoir combien ça a coûté, elle est financée comment, la SGF, il y a combien d'argent public là-dedans, combien font ses dirigeants. C'est de l'argent public, et nous, on dit : Trop souvent, les exemptions gouvernementales ont tendance à écarter les organisations qui sont financées en tout ou en partie.

Ce que le gouvernement nous dit, c'est : C'est correct, on se rend à la proposition de la commission. Les sociétés, quelles qu'elles soient, les créations de l'État financées à 100 %, elles seront assujetties à la loi. Nous, on dit : Ça ne va pas assez loin. On devrait prévoir peut-être un pourcentage. On avait proposé 50 %. Le gouvernement nous dit : Même en mettant 50 % de fonds publics pour assujettir une nouvelle entité, ça créerait des problèmes. On ne comprend pas exactement les problèmes que ça créerait, mais on nous dit : C'est beaucoup trop. Alors, nous, on dit : C'est correct, on n'est pas spécialistes du capital-actions ou des structures juridiques des nouvelles entreprises créées par l'État. On dit : On n'est pas dogmatiques là-dessus. Sachez seulement que la commission trouve qu'au nom de la transparence ce qui est financé par l'État en partie devrait à tout le moins être transparent en partie pour les citoyens du Québec.

Le Président (M. Hardy) : M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Merci. Donc, je comprends que le refus du gouvernement, c'est de dire : Bon, bien, il faut que ce soit contrôlé à 100 %, sinon ça pourrait avoir des impacts, supposons, sur les secrets commerciaux. Mais ce que vous nous dites, c'est que la loi actuelle prévoit déjà la protection de renseignements, supposons, au niveau de l'impact commercial ou du désavantage chez un concurrent. C'est déjà couvert, ça, actuellement dans la loi.

M. Chartier (Jean) : Oui, absolument.

M. Jolin-Barrette : Donc, il n'y aurait pas de risque pour la filiale d'une société qui est détenue par la couronne, pour elle, que ses secrets commerciaux aillent à l'extérieur, ce serait protégé.

M. Chartier (Jean) : Absolument.

M. Jolin-Barrette : O.K. Est-ce que vous envisagez une autre raison pour laquelle le gouvernement ne souhaiterait pas assujettir ces filiales-là au sens de la loi sur l'accès à l'information?

Le Président (M. Hardy) : Me Chartier.

M. Chartier (Jean) : Je trouve que la question... Moi, je n'ai pas de réponse là-dessus, évidemment.

Le Président (M. Hardy) : M. le ministre.

M. Fournier : ...sur le 50 %, parce que moi, je serais très désireux de suivre la logique que vous aviez. Mais la difficulté, c'est que, lorsqu'on va chercher 49 %, 45 %, 30 % de participation privée dans une organisation où les fonds publics sont à hauteur de 65 %, ils ne veulent pas venir si on considère que, privées, elles deviennent publiques. Alors, la difficulté, c'est pour la capacité de l'État d'avoir différents modèles d'intervention, et donc, ici, la transparence devient un problème de gouvernance. Vous demandiez pourquoi. On a beau sonder à gauche puis à droite, tout le monde nous dit : On n'aura plus de partenaire. Alors, la réponse, là, c'était celle-là. Si vous me trouvez un vaccin qui permet au privé de venir pareil puis d'être superdésireux de participer, je prends votre vaccin.

M. Jolin-Barrette : M. le Président...

Le Président (M. Hardy) : M. le ministre, je laisse la parole à M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Oui, parce que mon temps est court, mais je comprends l'enthousiasme du ministre. Mais, dans l'éventualité où la société... la filiale détient... l'État détient 50 % plus un du gouvernement, cet argumentaire-là s'applique un peu moins. Mais, en tout cas, nous aurons l'occasion d'en rediscuter.

Je voulais vous demander également... Au niveau du fait de motiver les décisions, maintenant on souhaite aller dans le sens où la personne va analyser selon un... vous avez le critère objectif qui est déjà pris dans la loi, mais le caractère subjectif. Pouvez-vous définir un peu le critère subjectif puis aussi la portée de la motivation de la décision qui serait requise, selon votre perception, par le fonctionnaire responsable ou par la personne responsable de l'accès?

Le Président (M. Hardy) : Me Chartier.

M. Chartier (Jean) : Je pense que le... Peut-être, le meilleur exemple que je puis vous trouver, c'est peut-être l'article 24 actuel, dont probablement le gouvernement s'inspire, et, comme je vous l'ai déjà dit, approche que nous approuvons, l'article 24 qui dit : «Un organisme public ne peut communiquer un renseignement fourni par un tiers lorsque sa divulgation risquerait vraisemblablement d'entraver une négociation en vue de la conclusion d'un contrat, de causer une perte à ce tiers, de procurer un avantage appréciable à une autre personne ou de nuire de façon substantielle à la compétitivité de ce tiers...» Ça, ça veut donc dire que, lorsque le responsable de l'accès décide de refuser de communiquer le document qui est demandé, il doit être capable éventuellement de venir prouver devant la commission un de ces préjudices-là, la compétitivité substantielle, de perdre un avantage appréciable ou d'en donner un, avantage appréciable, à quelqu'un, de subir une perte ou d'entraver la négociation d'un contrat. Nous, on dit : Allez mettre un préjudice semblable dans chacune des dispositions. Et, je l'apprends ce matin, le ministre me dit : Bien, on est entièrement d'accord, c'est ce qu'on voulait dire aussi. Alors, on dit la même chose. Tant mieux.

Nous, on dit, par exemple, dans une disposition qui était semblable à l'article 37, l'article 37 qui dit, et on en a parlé beaucoup, là : «Un organisme public peut refuser de communiquer un avis ou une recommandation faits depuis moins de 10 ans», on dit : Si vous le laissez comme ça ou que vous dites plutôt : «Un organisme public doit communiquer un avis ou une recommandation rendus depuis plus de cinq ans», parce que le ministre propose aussi de réduire le délai, ajoutez «dans la mesure où la divulgation de cet avis ou cette recommandation entraînerait un préjudice sur la prise de décision...

Le Président (M. Hardy) : En terminant.

M. Chartier (Jean) : ...au sein de l'organisme public», par exemple. De cette façon-là, le responsable de l'accès, au moment de décider, je le donne-tu, je ne le donne pas, le document en question qui contient un avis ou une recommandation, devra dire : Si jamais je le refuse, je vais me retrouver devant la Commission d'accès, et là il va falloir que je sois capable de démontrer que, si je l'avais communiqué, ça aurait entravé tout le processus décisionnel à l'interne dans l'organisme. Là, il y a une côte à remonter, et donc, en impliquant comme ça un motif de préjudice dans chacune des restrictions qu'il y a dans la loi, nous, on pense que ça va délibérément entraîner un réflexe des responsables de l'accès, qui vont probablement faire preuve de plus de transparence et communiquer les documents...

Le Président (M. Hardy) : Merci de votre contribution.

Nous allons suspendre nos travaux quelques instants, et j'inviterais les représentants du Comité des orphelins et des orphelines de Duplessis victimes d'abus à prendre place à la table des témoins.

(Suspension de la séance à 10 h 58)

(Reprise à 11 h 2)

Le Président (M. Hardy) : La commission reprend ses travaux. Je souhaite la bienvenue aux représentants du Comité des orphelins et orphelines de Duplessis victimes d'abus. Je vous demanderais de vous présenter. Vous avez 10 minutes pour votre exposé.

Comité des orphelin-e-s de Duplessis victimes d'abus (CODVA)

M. Landry (Lucien) : Alors, très bien, M. le Président. Je voudrais, en premier lieu, vous remercier et attirer votre attention que c'est la deuxième fois que nous passons devant cette commission particulièrement, aussi, dans le cadre de la démarche que nous actualisons devant la Commission d'accès ainsi que le tribunal de la Commission d'accès à l'information.

Je n'ai pas besoin de vous étaler de long en large tout le dossier des orphelins, car il est amplement connu du gouvernement du Québec, que ça soit du côté aussi de l'opposition officielle. Mais, ce qui est clair, de vous présenter ce que c'est, les orphelins de Duplessis, il faut vous faire part que nous avons changé un petit peu notre vision de sensibilisation dans notre démarche auprès des autorités. Vous voyez devant vous des gens qui participent et qui collaborent avec les autorités en place. Au lieu de manifester devant le parlement avec deux, trois autobus, 150, 200 orphelins qui manifestent avec des pancartes, mais plutôt ce qu'on a dit, c'est qu'on voudrait participer, puis collaborer, puis d'agir en partenaire avec les autorités afin de répondre aux besoins et d'améliorer les conditions de vie de ces personnes-là. Alors, notre approche a complètement changé, puis on s'aperçoit qu'on obtient des résultats assez intéressants de travailler en partenariat, en collaboration avec les autorités compétentes.

Je me présente, je suis Lucien Landry. Je suis le président depuis 2011, suite au décès de notre ancien président, M. Martin L'Écuyer, et je peux vous dire que ce n'est pas une mince tâche. Nous sommes toujours actifs, et notre orientation, de plus en plus, s'oriente à travailler à répondre aux besoins en matière de support, d'accompagnement, d'aide auprès de ces personnes-là d'une clientèle particulière.

Il va de soi aussi qu'on travaille en collaboration énorme avec le réseau de la santé et des services sociaux et aussi avec d'autres ministères, en l'occurrence le ministère de l'Emploi et de Solidarité sociale, auquel on participe aussi, en collaboration avec le Programme national de réconciliation, qui est toujours en vigueur. Nous nous inquiétons un petit peu de son avenir — parce qu'on suit de près, M. le Président, la commission Robillard — qu'est-ce qu'il adviendrait, par rapport aux changements, à l'avenir du programme, ça, c'est un autre domaine. Mais, ce qui est clair, on s'intéresse, là encore, à sensibiliser les différents ministères concernés pour qu'on puisse répondre réellement aux besoins de ces personnes.

Notre présence aujourd'hui, c'est d'attirer votre attention qu'actuellement nous sommes en processus de démarche devant la Commission d'accès. Et on vit d'une façon concrète des situations auxquelles... On veut comprendre, on veut connaître les différentes étapes des démarches que les orphelins... tant sur l'aspect historique que les démarches actuelles du dossier des orphelins vis-à-vis du gouvernement, du Collège des médecins, vis-à-vis des autorités, des communautés religieuses, ainsi que du rôle de l'Église. Et on a fait appel à différents niveaux devant la Commission d'accès à l'information pour avoir ces renseignements-là afin de mieux informer les orphelins, et de comprendre ce qui s'est passé, et de mettre en place des programmes, des activités afin que ces différents niveaux de problématique ne se reproduisent pas à ce niveau-là.

Il va de soi qu'actuellement on a devant la commission 97 demandes — devant la Commission d'accès — et, sur 97 demandes, il y a des démarches qui sont devant des instances devant la commission et aussi d'autres démarches qui sont actuellement devant les instances du tribunal d'accès à l'information. Et une des grandes préoccupations, c'est de bien comprendre le pourquoi un tel niveau s'est passé par rapport à l'aspect historique.

Ce travail-là, M. le Président, se fait aussi en collaboration avec différents niveaux de structures : la Faculté de droit de l'Université McGill, de Montréal et de Sherbrooke. Et ça nous permet aussi à mieux s'organiser, à mieux se structurer. Parce que nous n'avons pas les moyens dont la commission dispose, dont les différents ministères, les communautés religieuses, le Collège des médecins. On est, comme on dit dans notre langage, David contre Goliath. Mais par contre nous sommes tenaces, et on a quand même une approche de respect, d'échange avec ces différents niveaux là. Alors, c'est un petit peu ça : de vous sensibiliser... les problèmes que nous rencontrons.

L'autre démarche, il va de soi qu'on veut vous sensibiliser qu'on négocie aussi, à certains niveaux donnés, dans certains dossiers où on a ce qu'on appelle le facteur de la médiation. Et, dans ce facteur-là, on trouve ça intéressant parce que ça amène des résultats qui sont moins, ce qu'on appelle, pour nous, agressifs, moins, ce qu'on appelle, judiciarisés. On devient à avoir des ententes à ce niveau-là. Puis on a fait l'expérience d'une démarche, et ça a donné des bons résultats dans cette démarche-là. Alors, en ce sens-là, M. le Président, une démarche d'expérience qu'on a vécue, ça a été profitable pour l'intérêt de la prise de connaissance et de comprendre certaines démarches que nous faisons devant la Commission d'accès à l'information.

Maintenant, je vais laisser la parole à mon ami Tony Doussot, qui va vous présenter... aussi qui a travaillé aussi en collaboration avec la rédaction du mémoire, et aussi de vous sensibiliser sur les recommandations.

Le Président (M. Hardy) : M. Doussot, vous avez 3 min 40 s.

M. Doussot (Tony) : Parfait. Bonjour, M. le Président. Bonjour, M. le ministre, Mme Maltais et les gens de la CAQ. La première orientation du projet, on voulait la commenter essentiellement pour préciser qu'on aimerait que toutes les entités juridiques puissent avoir un accès plein et entier à la Commission d'accès à l'information avec ou sans avocat. C'est donc le point essentiel qu'on veut défendre aujourd'hui, ce matin. On aimerait évidemment voir la Commission d'accès à l'information être une entité tout à fait impartiale, ce dont on a d'énormes doutes, évidemment. On aimerait évidemment commenter la deuxième orientation du ministre, c'est la diffusion proactive.

Évidemment, dans le dossier de Lucien et dans le dossier de tous les orphelins et orphelines de Duplessis, c'est un dossier vraiment connu, il n'y a pas de raison que le gouvernement dépense 95 000 $ de requêtes pour empêcher les orphelins de connaître la vérité sur leur histoire. Il n'y a pas de raison. Je pensais que le gouvernement du Québec s'occupait de bien financer l'argent. Quel intérêt de dépenser autant d'argent pour empêcher les amis de Lucien de connaître simplement la vérité? Ils la connaissent bien, ils veulent avoir les détails de cette vérité. Pourquoi dépenser autant d'argent dans des requêtes qu'on nous cache, dans des... On a eu un beau jugement en Commission d'accès à l'information. On est allés en Cour supérieure, on a eu un beau jugement en Cour supérieure. En Cour du Québec, on est allés en Cour supérieure, on a eu un magnifique jugement en Cour supérieure, puis, au moment, on est encore en appel. Donc, on comprend mal ça.

Donc, évidemment, on est vraiment intéressés par l'orientation 30 du ministre, de conserver la CAI. Pour nous, c'est vraiment là que l'ensemble de l'intelligence est pour tout ce qui est d'accès à l'information. On n'a pas vraiment d'intérêt à aller devant le TAQ, parce qu'on sait que les délais sont plus longs, on sait qu'ils n'ont pas forcément l'expertise.

Alors, pourquoi se débarrasser de quelque chose qui marche, qui n'est pas parfait mais qui marche, qui donne de bons résultats quand on y va? Pourquoi vouloir s'en débarrasser alors que... La Commission d'accès, elle entre, elle a ses problèmes, il faut y aller avec un avocat, parfois elle veut bien nous entendre sans avocat, mais elle fonctionne. Alors, pourquoi vouloir s'en débarrasser pour la donner au TAQ, le TAQ qui est lent, qui n'a pas de moyen et qui est assez complexe pour pouvoir y rentrer? Donc, c'est ça, l'essentiel du mémoire.

Et évidemment, la diffusion proactive dans le dossier des orphelins, tout devrait être connu. Il n'y a pas de raison aujourd'hui de continuer à cacher des événements qui se sont passés en 1953 et après. Donc, c'est ça, l'essentiel de notre mémoire. Puis on est très ouverts à écouter les questions du ministre.

• (11 h 10) •

Le Président (M. Hardy) : Merci pour votre présentation. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. M. le ministre, à vous la parole, pour une période de 17 minutes.

M. Fournier : Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Messieurs, merci de votre présence avec nous ce matin. Je comprends qu'on va se concentrer sur, donc, un sujet qu'on a abordé tantôt, à savoir le statut de la Commission d'accès, le travail qu'elle fait présentement et ce que je disais tantôt : La nécessité, je crois, quant à moi, d'avoir un champion de l'accès.

Je vous entends puis j'ai comme l'impression que vous cherchez un champion de l'accès, vous aussi, en quelque part.

M. Doussot (Tony) : On cherche.

M. Fournier : Et je n'entrerai pas, évidemment, dans le dossier que vous avez, là, qui, à vos dires mêmes, est judiciarisé, je ne m'impliquerai pas là-dedans. Par contre, je vais revenir un peu sur l'idée de la structure qu'on compte mettre de l'avant ou qu'on propose. Puis, encore une fois, je le dis : Je ne suis pas marié avec les idées, si... Honnêtement, je n'ai pas d'avantage à être marié avec mes idées. Je veux que ça marche, c'est tout ce que je veux, je veux que ça marche. Je n'ai pas d'intérêt pour que ça ne marche pas.

L'idée qu'on a ici, c'est que la commission, évidemment, avec tout le savoir puis la connaissance qu'elle a, l'expertise, c'est un peu le spécialiste de l'accès. Quant à moi, là, dans les outils que j'ai à ma disposition comme gouvernement, le spécialiste, c'est la commission. La commission conserve cette expertise-là. Mais, pour qu'elle ne soit pas limitée dans sa marge de manoeuvre d'intervention, de prise de position, d'influence, par le fait qu'elle aura, à un moment donné, peut-être à exercer un pouvoir d'adjudication qui l'amène dans un devoir de réserve dont elle dit elle-même, dans son rapport, que, même pour participer à un comité... le travail... son indépendance serait peut-être affectée.

Alors, pour me le rendre champion, je propose que la commission... Puis je vous la pose parce que vous n'êtes pas d'accord avec notre proposition. Vous êtes d'accord avec la commission, qui est venue tantôt. Donc, je continue le débat. Ce qu'on propose, c'est que les gens aillent à la commission, qui a un processus d'enquête et de médiation, pas d'audience, d'enquête, de médiation, et une ordonnance exécutoire qui est rendue. C'est ça qui est proposé en ce moment. Si les gens ne sont pas d'accord, ils vont au TAQ, O.K. C'est ça, le système qu'on propose.

Quel est le système actuellement? Bien, les gens vont à la CAI. Il y a une médiation. Après ça, il y a une audience. Après ça, il y a une décision. Puis, s'ils ne sont pas contents, ils vont à la Cour du Québec.

Entre les deux cheminements, là... Il n'y a pas tant de différence entre le cheminement que nous proposons ici, parce qu'il y a une certaine... on favorise la déjudiciarisation, qui est un principe, de toute façon, qui est accepté, qui est de plus en plus moderne. Et même notre nouveau Code de procédure civile en fait l'apanage de façon très, très claire. Donc, on rend aux citoyens québécois l'avantage de la déjudiciarisation. Nous donnons à la commission... Puis peut-être que ce n'était pas bien écrit dans notre document, mais c'était... je ne sais plus à quelle page — on le lisait encore tantôt — où c'était dit que la nouvelle Commission d'accès, donc, qui verrait cette capacité d'adjudication envoyée au TAQ, continuerait d'avoir la capacité d'avoir des ordonnances exécutoires. Donc là, il y a un avantage. Deux, plus rapide...

Une voix : ...

M. Fournier : Page 144. Je le dis pour les fins de ceux qui vont suivre, et tout ça. À la page 144, on affirme cette question d'ordonnance exécutoire. Alors, il y a l'avantage, d'une part, de la capacité de rendre des décisions exécutoires plus rapidement, par exemple sans représentation par avocat, parce qu'à ce moment-ci on est dans de la déjudiciarisation. Et la nouvelle commission est en mesure d'exercer un rôle de champion, libérée de sa capacité finale, dans un contexte judiciarisé, de rendre une décision. Et là peut-être que moi, comme législateur ou comme acteur gouvernemental, qui souhaite me donner un champion externe, quelqu'un qui a une crédibilité dans le public, j'ai quelqu'un qui peut prendre la parole, qui peut pousser la gouvernance vers plus d'accès. Ça, c'est ce que je me donne. Le coeur de notre réflexion, c'est : changer la culture. On peut changer bien des lois, là, mais ça me prend aussi des champions, à un moment donné, qui poussent pour ça. Puis ils sont... Franchement, là, on va se le dire entre nous autres : La CAI est champion, ils seraient plus champions que tous nous autres réunis ici, en termes de crédibilité, là, dans le public. Alors, ça, c'est ce que je vais chercher.

Maintenant, est-ce que je perds quelque chose? Les adjudicateurs qui sont à la commission en ce moment se retrouveraient au TAQ, qui aurait un volet spécifique à ça. Donc, ceux dont on parlait tantôt qui avaient la spécialité, on ne les perd pas, ils vont rester là, et d'autres suivront, comme s'ils suivaient dans cette commission-là. Donc, je ne perds pas non plus le professionnalisme, ou la compétence, ou même la connaissance historique.

Quand je vous le présente comme ça, que je vous présente l'étape d'une commission qui est déjudiciarisée, qui a une ordonnance exécutoire, qui a un appel au TAQ comme dans le cas actuel : après audience, il y a un appel à la Cour du Québec, mais qui, puisqu'on lui enlève le caractère judiciaire, peut devenir un acteur plus libre et indépendant dans ses mouvements, est-ce que vous ne trouvez pas qu'on a là quelque chose comme un champion qui serait même utile à la cause que vous défendez?

Le Président (M. Hardy) : M. Landry.

M. Landry (Lucien) : Bien, de premier aloi, M. le Président, je trouve que c'est intéressant, des intentions, mais c'est de réussir, les mettre en place. Parce que, M. le ministre, je tiens à vous attirer l'attention : vous ne pouvez pas vous imaginer la misère qu'on a seulement de processus à l'accès au mécanisme... d'utiliser ce qu'on appelle les outils de justice pour avoir accès à cette démarche-là. Si ce n'est que de nous faire entendre puis d'exposer notre point de vue, il y a des procédures qui disent que, lorsqu'on représente un organisme, il faut avoir l'assistance d'un avocat. Mais l'organisme qui n'a pas les moyens financiers énormes dans son budget pour venir en aide directe auprès des personnes puis de l'affecter aux frais juridiques, là il y a comme une déviation de notre mission par rapport aux besoins qu'on a à combler en priorité, à répondre aux besoins d'assistance auprès de ces personnes-là.

Alors, oui, avec un gros oui, on souhaiterait davantage que ça soit déjudiciaridisé... enlever l'aspect de toute la... judiciaire, comme on dit. Puis ça, ça nous faciliterait la tâche tellement. Comme un exemple concret qu'on a vécu... Puis je vous l'ai dit au début, quand on a eu cette démarche-là de médiation, on n'avait pas besoin d'assistance d'un procureur, on a réussi à avoir une entente, au moins d'avoir accès à se parler, puis à mieux se comprendre, puis détailler nos demandes, le pourquoi, aussi. Oui, M. le ministre, on vous dit oui, d'emblée.

Le Président (M. Hardy) : M. le ministre.

M. Doussot (Tony) : Une bonne façon de...

Le Président (M. Hardy) : M. Doussot.

• (11 h 20) •

M. Doussot (Tony) : Pardon. Une bonne façon de déjudiciariser, effectivement, ce serait de respecter votre orientation sur la diffusion proactive, c'est-à-dire que les responsables d'accès à l'information ne soient pas obligés d'aller devant que ce soit le TAQ ou que ce soit la commission, qu'il respecte ce pour quoi est-ce que vous les payez, c'est-à-dire donner de l'accès à l'information aux citoyens. Ça, c'est la première des choses, c'est ce qui paraît évident : c'est que la meilleure façon de déjudiciariser, c'est que l'État soit efficace.

Maintenant, effectivement, comme vous le présentez, c'est intéressant, mais sauf que les six personnes qui font l'expérience, elles ont plusieurs articles de loi en leur possession, dont la Commission d'accès à l'information, dont la loi d'accès à l'information, elles peuvent donner des sanctions. Vous avez déjà demandé combien est-ce qu'elles ont donné de sanctions, ces six personnes efficaces? Aucune sanction. Ça veut dire qu'à chaque fois vos responsables de l'accès à l'information ont été, à chaque fois, dans tous les cas, extraordinairement compétents? Personnellement, je ne le crois pas.

Personnellement, je crois qu'on n'a pas fait le travail, déjà, avec les six personnes. Vous voulez les déplacer. Donc, le temps qu'elles s'habituent, elles feront encore moins le travail, à mon avis, et elles auront moins de poids, moins de force de sanction de tous ceux qui n'ont pas donné l'accès à l'information déjà. Je ne suis pas... Oui, évidemment, l'idée est bonne, mais les six personnes que vous avez là... mettez-en une septième, et qui a vraiment l'intention de sanctionner les fautes quand on ne donne pas l'accès à l'information.

Le Président (M. Hardy) : M. le ministre.

M. Fournier : Merci. Là, on aborde une autre question, et je vais me recibler... Je vous entends bien, là, mais, la sanction des fautes, je vais mettre ça ailleurs. Je vais présumer qu'il n'y a pas de faute, je vais présumer qu'il y a une loi qui s'applique mais qui n'est pas d'une clarté absolue. C'est une des raisons pour laquelle il y a une transformation, une des raisons, il y en a plusieurs.

Évidemment, il y a l'aspect de la diffusion proactive, qui est un grand chantier, qui n'est pas la... Je le dis tout de suite, là, je fais preuve d'humilité, c'est la deuxième fois que j'en parle, c'est le mot du jour : Ça ne se fera pas du jour au lendemain puis ce n'est pas la solution à tout, là. La diffusion proactive, c'est un chemin qu'on doit prendre mais qui prend du temps, qui a besoin d'être planifié dans le temps et qui a besoin de ressources pour le faire. Mais par contre ça doit être fait. Hein, ce n'est pas parce qu'on ne doit pas se rendre vers une destination ou bien parce qu'on trouve que c'est trop long qu'on ne commence pas la marche. Il faut commencer la marche. Ça, c'est une chose, le proactif, où, évidemment, ça éviterait de faire des demandes si l'information est déjà disponible. Parfait.

Mais revenons dans l'autre contexte, celui où on est présentement, où... Et je pense à vous notamment, là. Quand je dis : Ça prend un champion, puis je le dis parce que je l'ai entendu dire... Parce que, depuis le temps que je suis là-dedans, j'ai été approché par plusieurs groupes qui oeuvrent dans ces milieux-là, ils disent : De temps en temps, là, la commission... j'entends ça, et, remarquez bien, elle ne le peut pas, mais ils disent : La commission, elle pourrait prendre pour nous autres aussi. Si c'est une commission d'accès, elle pourrait prendre pour l'accès, puis l'accès, c'est ce qu'on veut. Alors, il y a une... Tout ce monde-là amenait à définir la commission comme étant une commission de non-accès. Et la commission, puisqu'elle est adjudicatrice, elle n'est pas en mesure de prendre fait et cause dans certains dossiers, de pousser plus loin. Eh non, c'est le décideur.

Et c'est ça, le désir de transformation qui est ici. Dans votre mémoire, vous sembliez être plus ou moins d'accord. Maintenant, à échanger, je sens que vous vous rapprochez un peu. Parce que l'idée, puis peu importent les mots choisis, l'idée en disant : La commission, telle qu'elle existe aujourd'hui, pourra rendre une ordonnance exécutoire après avoir procédé à une enquête, une médiation, pas l'audience judiciaire... va pouvoir rendre une ordonnance à partir des éléments qui sont là.

Bien sûr, une partie pourrait aller au Tribunal administratif par la suite, pour voir les adjudicateurs de la CAI qui se retrouveraient là maintenant. Comme aujourd'hui, une fois que la CAI a fait son audience judiciarisée, on peut aller à la Cour du Québec, on pourra prendre le procès aussi. Mais ça, c'est d'autre chose, là.

Mais le point suivant, c'est qu'en ayant enlevé la fonction d'adjudication judiciaire de la CAI elle pourrait, en certaines matières... enfin, c'est le voeu que j'exprime, puis pas dans tous les cas, elle n'aura pas les ressources pour tous les cas, mais que, dans certaines matières, dans des cas immenses, elle prenne même fait et cause, ce qui est impossible en ce moment dans le système actuel.

C'est ça, le coeur de l'idée qui est sur la table. Est-ce qu'elle est mal exprimée? Est-ce qu'on l'a mal écrite? Ça se peut, je n'en disconviens pas, peut-être. Mais l'objectif, c'est d'avoir une commission d'accès qui favorise l'accès, qui est champion à l'accès, qui parfois peut prendre fait et cause.

Mon constat, c'est qu'aujourd'hui elle ne le peut pas. Moi, je veux changer la culture, je mets des «doit» au lieu des «peut», je change la structure. J'essaie vraiment de trouver des poignées pour changer la culture. Si je ne change pas les structures, si je ne change pas les mots de la loi, bien, je ne changerai rien. Alors, c'est quoi, l'oeuvre qu'on fait ici, là? On essaie de changer la culture.

Donc, revenons sur la proposition. Dans votre mémoire, vous n'étiez pas favorables. Quand je vous la présente comme ça, comment vous réagissez?

Le Président (M. Hardy) : M. Landry.

M. Landry (Lucien) : M. le Président, c'est clair que... J'ai lu un article qui paraissait dans Le Devoir en date du... — attendez, M. le Président, là — du 18 mars, du souhait... souhaité par le ministre responsable de l'application de la Loi de l'accès, que le Québec doit être ouvert, à la discrétion de ses ministères, mais qu'il favorise la transparence. Il y a comme deux discours.

On vous a déjà sensibilisés aussi : la préoccupation des petits organismes communautaires qui n'ont pas toute l'infrastructure juridique puis les moyens nécessaires pour se doter de ces outils-là afin de défendre ces droits-là. Il va de soi qu'en quelque part, M. le ministre, sur un autre chapeau d'un autre ministère, celui de la Justice en concurrence, on vous avait déjà sensibilisé à la nécessité que des organismes communautaires puissent être reconnus sans l'obligation de se conformer aux articles de la Loi du Barreau, surtout l'article 129... 128 et 129.

C'est ce qu'on vit actuellement devant la commission : on nous interdit de s'adresser parce qu'on est un organisme. Puis, parce qu'on est un organisme, la loi exige de la commission qu'on puisse être accompagnés par un procureur. Puis, pour avoir un procureur, là on passe devant la Commission des services juridiques. Là, on nous demande d'avoir des procédures, des vérifications d'admissibilité de 38 000 orphelins, de tous les dossiers des orphelins, leurs rapports d'impôt, pour venir valider s'ils ont accès ou pas à la justice, au mécanisme d'accès à la justice. On trouve ça effarant, M. le ministre, mais c'est là qu'on vous dit : Oui, M. le ministre, prenez puis foncez pour déjudiciariser ce processus-là d'accès à la justice, tout en ayant accès au droit de l'information.

Le Président (M. Hardy) : M. le ministre.

M. Fournier : Bien, je comprends l'appel que vous faites. Évidemment, il est clair que, dans la formule qu'on a ici, avant la transformation, quand vous allez à la commission, ça prend un avocat, quand vous allez à la Cour du Québec, ça prend un avocat. Dans la formule qu'on propose, lorsque vous iriez à la commission pour une ordonnance exécutoire suivant une médiation et enquête sans audience, vous n'en auriez pas de besoin. Par contre, si vous alliez par la suite au Tribunal administratif, au TAQ, vous en auriez de besoin. Il y a donc une petite différence entre aujourd'hui puis demain. Pour se rendre à l'ordonnance exécutoire dans le modèle qu'on propose, vous n'en auriez pas de besoin.

Mais, ceci étant — mais ça, ça peut peut-être être une des façons de vous aider, là, à ce que vous dites — je veux juste vous dire que le coeur de mon action à moi n'est pas tellement celle-là. C'est un avantage collatéral qui vous échoie, mais le coeur de l'argumentation pour faire ça, c'est de permettre à une organisation... Puis, encore une fois, si ce n'est pas la CAI, ce sera une autre, mais il y en a une, là, qui est spécialiste là-dedans, qu'elle soit une commission de l'accès à l'information, qu'elle soit utile pour le justiciable, qu'elle soit utile pour le gouvernant, pour que quelqu'un qui est spécialiste dans la transparence et l'accès nous y amène, nous y entraîne.

Ça ne veut pas dire que tout est ouvert. Pourquoi? Parce que la bonne gouvernance demande parfois qu'on ne donne pas toutes les informations. Le plan d'architecture de la prison, on ne le rendra pas public. C'est facile, ça. Je donne toujours cet exemple-là parce qu'il est facile à comprendre, puis le monde dit : Bien, oui, ça a bien de l'allure. Mais c'est ça, il y a des exceptions qui ont bien de l'allure. Parce que l'intérêt public, c'est le maximum de transparence sans qu'on se tire dans le pied, sans qu'on se cause des problèmes.

Mais là on a un problème, parce que ça fait une trentaine d'années que la loi existe, elle est écrite de façon à ce que même ceux qui l'utilisent ne s'y retrouvent plus. On ne s'entend même pas sur ce qu'elle veut dire. Un peu plus tard cet après-midi, il va y avoir la fédération des journalistes qui va venir. Pour eux, les exceptions, ça n'a pas d'affaire là, puis ils ne comprennent pas comment ça qu'il y a des affaires différentes. La façon que c'est écrit, c'est un frein. Alors, j'essaie de trouver des transformations et... Bien, je suis content de voir qu'on a pu échanger et que j'ai vu un avantage collatéral pour vous, de plus. Et je pense qu'il y a une certaine forme d'appui à la démarche que nous faisons et je vous remercie d'être venus.

Le Président (M. Hardy) : Merci. Nous allons maintenant passer à la période d'échange avec l'opposition officielle. Mme la députée de Taschereau, à vous la parole pour une période de 10 minutes.

Mme Maltais : Merci, M. le Président. Bonjour! Bonjour, M. Landry, ça fait plaisir. Bonjour, M. Doussot. On s'est côtoyés quelques fois, il y a eu souvent des commissions parlementaires, dans le monde de la santé, où on a eu à débattre ensemble.

Écoutez, votre mémoire touche, pour moi, à deux points importants : sur l'accessibilité, et donc la façon dont le ministre voit la gouvernance, avec cette séparation de la CAI en deux, là; et l'autre, c'est sur le point que vous avez soulevé, qui est le droit d'accès, droit d'accès avec ou sans avocat. Je vais aller sur la première d'abord, mais je veux me garder un moment sur le droit d'accès.

Le ministre a pris ça du côté de la gouvernance, son intention d'améliorer la gouvernance, puis il dit : Écoutez, comme ça, on aurait un superchampion qui s'occuperait de commission d'accès à l'information. Je le dis : L'intention est belle. Maintenant, si on la regarde du côté du citoyen — et vous êtes un organisme qui représente des citoyens, particulièrement des citoyens qui ont eu des difficultés dans la vie qui peuvent entraîner des... dans le passé, qui peuvent entraîner des députés dans leur vie actuelle — on regarde du côté des citoyens, vous soulevez les délais au TAQ et la complexité d'accès. J'aimerais ça... Pourtant, le ministre dit : Non, il y a peut-être moyen. Est-ce que vous avez des... D'abord, les délais au TAQ. Vous le soulignez, vous dites que les délais au TAQ sont très longs. C'est quoi, l'impact, chez un citoyen ou chez un orphelin victime de Duplessis de l'époque?

Le Président (M. Hardy) : M. Landry.

• (11 h 30) •

M. Landry (Lucien) : Brièvement, M. le Président. On a, nous, emporté nos dossiers par rapport... d'exemples... ou la liste des demandes que l'on a faites, et il y en a que ça dure depuis 2011, 2010-2011, on est en 2015, parce qu'à différents niveaux on s'aperçoit qu'il y a de l'obstruction, puis on se pose la question : Pourquoi qu'il y a de l'obstruction? Pour différents types de raisons. Particulièrement, un de vos anciens ministères... Parce qu'on sait particulièrement, M. le Président, que le ministère de l'Emploi, de Solidarité sociale est le ministère responsable du dossier des orphelins de Duplessis dans le cadre du programme de réconciliation. Et il y a des choses qu'on veut comprendre, qu'on veut savoir et que, là, ça prend énormément... ou pour différents types de raisons, soit qu'ils ne possèdent pas le document ou soit que ça n'existe pas, ou ainsi de suite. C'est transféré à d'autres ministères sous le vocable de...

Un exemple concret que c'est le Conseil des ministres... quand ça débat à l'intérieur, il y a des règles et des procédures prévues à cet égard-là. Là encore, il y a des délais énormes pour obtenir ces informations-là. Aussi bizarre que ça peut être aussi, par le travers des différentes démarches que l'on fait, avec un exemple concret sur les conséquences et les situations, des séquelles que les orphelins 50 ans vivent après, on a demandé des analyses, des recherches que le ministère a faites, et, ça encore, le fait que ça a passé par le biais du Conseil des ministres, on n'a pas accès... et qu'on cherche à avoir accès, à comprendre pourquoi il y a ces séquelles-là afin de mieux desservir des services. Mais ça, c'est dans le but de l'instauration du programme. À ce niveau-là, par des règles de d'autres niveaux, on ne peut pas y avoir accès. Quand on parle de délais, ça l'est, un exemple concret, Mme Maltais, qu'on subit.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Merci. Ça, c'est les délais, la complexité. Pour vous, donc, le fait de passer aussi... Est-ce que vous avez... Je ne sais pas si... Je sais que vous avez été là pendant un bout de temps quand la Commission d'accès à l'information était là. Ils disent : Écoutez, on a peur que le dossier se trimbale de la Commission d'accès à l'information, ensuite s'en aille au TAQ et, comme le TAQ va avoir étudié, que ça revienne à la Commission d'accès à l'information, qu'on soit obligés de... La complexité de ça, pour votre monde, pas simple?

Le Président (M. Hardy) : M. Landry.

M. Landry (Lucien) : Bien, comme on expliquait tout à l'heure, c'est les mécanismes d'avoir la possibilité de... pas de plaider, mais de témoigner par rapport à... nous permettre à faire des représentations. Il y a des procédures qui sont prévues, à la Commission d'accès, qu'on ne peut pas y avoir accès. Exemple concret : si nous sommes un organisme, ça prend l'assistance d'un procureur. Là, il faut passer devant la Commission des services juridiques. Là, on n'est pas accessibles parce qu'on est... la plupart des orphelins ont leur pension de vieillesse à cause des critères d'admissibilité. Il y a ça.

L'autre aspect, bien, comme je vous expliquais, que, les difficultés qu'on rencontre, les documents ne sont pas accessibles, je vous donne un exemple bien banal, le Curateur public. Nous demandons au curateur d'avoir des documents qui nous permettent de mieux comprendre pourquoi nous avons été sous juridiction du Curateur public, pourquoi on était étiquetés faussement débile mental et qu'aujourd'hui on apprend qu'on est encore sous juridiction du curateur. On demande des lois, on demande des procédures, des directives. Comment s'en sortir? La encore, il y a des tas de procédures d'empêchement d'avoir accès à ces documents-là pour bien comprendre, de s'en sortir du Curateur public.

On s'adresse devant vous. On est encore sous juridiction du Curateur public. C'est-u normal, ça?

Une voix : ...

M. Landry (Lucien) : Non, non, mais je vous donne un exemple concret...

Mme Maltais : Oui, c'est ça, mais cet exemple-là, c'est que...

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Oui. C'est que vous êtes encore sous Curateur public, mais le débat, c'est : vous n'arrivez pas à savoir pourquoi parce que les documents sont classés ou sont...

Le Président (M. Hardy) : M. Landry.

M. Landry (Lucien) : Ils ne sont pas accessibles parce qu'il faut valider l'information qu'on demande puis voir à vérifier. C'est toute une démarche. Là encore, on cherche à judiciariser cette démarche-là.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Une chose que je vais vous dire, je ne sais pas si vous vous souvenez qu'à peu près en 2011, je pense, ou... début 2011, je pense, 2010, 2011, j'ai un collègue qui s'appelait Bertrand St-Arnaud qui avait déposé le projet de loi n° 590 qui était justement un projet de loi pour permettre un droit d'accès à toute entité juridique avec ou sans avocat. Je ne sais pas si vous vous souvenez de ça. Puis d'ailleurs je pense que ça correspond tellement à une volonté commune que, je pense, même la députée de Bourassa-Sauvé avait relevé... quand elle s'est tournée du côté de l'opposition, avait relevé la situation en disant : Je me demande si ce n'était pas une bonne idée. Bon, on n'a pas eu le temps de la mettre en oeuvre, mais j'aimerais ça que vous nous parliez de l'impact que ça aurait, puisque ça semble déjà être une volonté commune ici, en tout cas du côté de deux partis, puis je regarde mes collègues de la CAQ, puis ils semblent opiner du bonnet. M. Landry.

Le Président (M. Hardy) : M. Landry.

M. Landry (Lucien) : Je suis encore pris en plein d'émotions, mais ce qui est clair pour nous, M. le Président, c'est qu'on est des citoyens honnêtes et c'est aussi simple que ça, d'être au même niveau que tout le monde puis d'avoir un petit peu de dignité. C'est tout ce qu'on vous demande.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Vous parlez, dans votre mémoire, de... L'orientation 7, vous parlez de la suppression des privilèges des élus. J'aimerais ça comprendre qu'est-ce que vous touchez, parce que c'est assez bref, là, mais qu'est-ce qui vous fatigue comme privilèges des élus. Est-ce que c'est l'accès au mémoire du Conseil des ministres?

M. Doussot (Tony) : Exactement.

Mme Maltais : Ah! O.K.

Le Président (M. Hardy) : M. Doussot.

M. Doussot (Tony) : Exactement. En fait, le responsable de l'accès à l'information utilise cet argument à chaque fois : Ah! bien, le ministre est un élu, donc on ne peut pas vous donner rien. C'est quoi, l'intelligence de cet argument? Donc, c'est juste ça qu'on a voulu répondre.

Oui, le ministre est un élu, mais il est là pour nous aider un petit peu, minimalement, surtout quelqu'un comme Lucien, comme tous ses camarades qui ont subi des atrocités, quand on a un fédéral qui sort... je sais qu'il y a des gens qui n'aiment pas beaucoup le fédéral, mais qui sort quand même une belle loi sur les victimes d'actes criminels, qui leur dit que, constitutionnellement... plus que constitutionnellement, l'accès à l'information, c'est l'idéal, c'est ce qu'il faut faire, il faut toujours le faire. Pourquoi diable est-ce qu'on nous sort des arguments aussi minables que, ah! c'est dommage, on ne peut pas vous le donner, le ministre est un élu. C'est minable. C'est minable.

Pour répondre à votre question de tout à l'heure...

Mme Maltais : Je voudrais juste dire que...

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Vous pouvez trouver l'argument minable, mais les gens sont de bonne foi. Ils travaillent à partir des règles qu'ils ont entre les mains.

M. Doussot (Tony) : C'est sûr.

Mme Maltais : Mais je tiens quand même à dire que je ne pense pas qu'il y ait d'intention derrière ça et que... Votre terme est peut-être un peu fort, parce qu'il y a des personnes derrière ces gestes et ces prises de décision.

M. Doussot (Tony) : C'est sûr. Juste pour vous répondre...

Le Président (M. Hardy) : M. Doussot, il vous reste 30 secondes.

M. Doussot (Tony) : Donc, c'était trois ans pour obtenir un délai au TAQ, puis l'audience a eu lieu il y a quatre mois, toujours pas de jugement.

Mme Maltais : Alors, merci beaucoup de votre témoignage.

Le Président (M. Hardy) : Merci. Nous allons maintenant passer à la période d'échange avec le deuxième groupe d'opposition. M. le député de Borduas, à vous la parole pour une période de sept minutes.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Bonjour à vous, messieurs. Merci pour votre témoignage en commission. C'est très touchant, la réalité à laquelle vous faites face, et notamment, à la lecture de votre mémoire, je constate, là... À la page 24, vous parlez, pour parler de l'accès à l'information, de mammouth administratif, qu'il n'y a aucune compassion pour les victimes de crimes, que l'appareil judiciaire est totalement fermé aux victimes de crimes.

Vous dites également, à la page 26 de votre mémoire, que vous êtes particulièrement écoeurés de l'inefficacité de la Commission d'accès à l'information. Donc, je comprends qu'il y a une grande frustration de votre côté puis que l'objectif ultime pour lequel vous êtes ici aujourd'hui, c'est vraiment parce que vous voulez avoir accès à ces documents-là qui vous concernent, puis c'est tout à fait légitime de le faire, puis je pense que les règles devraient militer en faveur de cet élément-là.

Vous proposez, dans votre mémoire, d'amener un bureau indépendant au niveau de l'accès à l'information. Ce que le ministre souhaite faire puis ce que le gouvernement souhaite faire, c'est une formule qui est définie dans leur document d'orientation. J'aimerais vous entendre sur votre proposition de bureau indépendant d'accès à l'information.

Le Président (M. Hardy) : M. Doussot.

• (11 h 40) •

M. Doussot (Tony) : Le bureau indépendant, ce n'est pas très, très éloigné de la proposition du ministre. C'est juste qu'à un moment donné, c'est ce que Mme la députée disait tout à l'heure, c'est : Qui paie la personne indépendante? Est-ce que c'est directement l'Assemblée nationale qui va payer la personne indépendante ou est-ce que c'est le ministère pour lequel on travaille? À quel point on est indépendant si on est relié par son salaire? Si le bureau est indépendant, si les juges sont indépendants, c'est parce qu'ils sont payés par quelqu'un d'autre que la personne qui est en face d'eux. L'indépendance, c'est aussi savoir qui va payer l'indépendance.

C'est pour ça que la CAI a son rôle. C'est un champion actuellement. On a eu de bons jugements. Le problème, c'est que les bons jugements ont été appelés par la Procureur général du Québec. Donc, la CAI est un champion actuellement. Il suffit, si on veut être exemplaires, de ne pas faire d'appel sur des bons jugements de la CAI aussi. Ça serait simple, ça serait donner un élan à la CAI, donner un élan à quelque chose qui pourrait ressembler à un bureau indépendant ou quelque chose qui pourrait ressembler à la CAI séparée en deux.

Mais, quand il y a de bons jugements, pourquoi aller en appel? C'est ça, là. Donner l'exemple de la transparence, ce n'est pas forcément donner un appel sur un bon jugement de la CAI, pas donner un appel sur un bon jugement de la Cour supérieure, pas donner un appel sur un bon jugement de la Cour du Québec. Je me suis mis dans le désordre, mais c'est ça. Et, quand la Cour supérieure donne un excellent jugement, on va encore en appel sur une décision extraordinaire. C'est difficile à comprendre. Comment est-ce que vous voulez que les gens de la CAI qui vont se retrouver au TAQ, ils voient ça? Ils voient qu'on va plusieurs fois en appel. Est-ce qu'ils prennent l'exemple? Est-ce qu'ils vont oser donner des sanctions après aux gens qui ne donnent pas les documents? On peut se poser la question.

Le Président (M. Hardy) : M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Je crois que monsieur voulait compléter.

Le Président (M. Hardy) : M. Landry.

M. Landry (Lucien) : Juste un petit détail pour préciser, nos collègues... c'est la Société Radio-Canada qui, actuellement, a fait une démarche devant la Commission d'accès à l'information pour avoir les documents au niveau du dossier des orphelins pour la réalisation d'une émission qu'on est en train de faire actuellement.

Le Président (M. Hardy) : M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Donc, je comprends de ce que vous me dites, c'est que, nécessairement, au cours de votre combat pour avoir accès aux documents, le Procureur général, que ce soit d'un parti ou de l'autre qui a exercé les fonctions gouvernementales... Ce que vous nous dites, c'est qu'il y a une sorte de guérilla judiciaire pour ne pas vous donner accès. Donc, concrètement, c'est un choix un peu gouvernemental dans votre dossier.

M. Landry (Lucien) : Il y a ça, puis c'est à cause des règles de procédure qui sont établies...

Le Président (M. Hardy) : M. Landry.

M. Landry (Lucien) : M. le Président, je m'excuse.

Le Président (M. Hardy) : Vous avez la parole.

M. Landry (Lucien) : Alors, c'est des règles qui sont prévues dans les procédures. Un exemple, lorsqu'il s'agit de faire une demande du Conseil des ministres, il y a des délais de 20 ans ou de 25 ans, si je ne me trompe pas. Il y a d'autres mécanismes qui sont prévus aussi.

Ce qui est bizarre, on obtient certains documents qui nous sont défendus par simplement... d'un rapport que nous avons vu en annexe d'un autre document qu'on est allés... un exemple concret, d'un orphelin qui a fait sa demande de requête, pour l'étude d'une recherche que le gouvernement a confiée à l'Hôpital général juif pour faire une évaluation des séquelles permanentes de la situation, de son vécu pour l'orphelin. Il a obtenu une copie du rapport qui nous a été interdit par la Commission d'accès à l'information. C'est aberrant de voir ça.

Alors, c'est tout simplement : il a demandé son document, qu'il avait le droit, lors d'une recherche à l'intérieur d'un établissement de santé, par la Loi de l'accès, à son dossier médical, qui est accessible puis que le médecin psychiatre lui a procuré, mais qui nous a été interdit par la Commission d'accès parce que c'était déposé devant le Conseil des ministres. Je vous donne un exemple concret, M. le Président.

Le Président (M. Hardy) : M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Donc, dans le document d'orientation du ministère, il est déjà proposé de réduire les délais de ce qui passe au Conseil des ministres. Par contre, je ne pense pas que ces délais-là vous satisferaient, parce qu'on parle de plusieurs années. Je crois qu'on passe de 25 à 15 ans. Mais, dans votre cas, c'est vraiment la déjudiciarisation qui est à prioriser puis au niveau de la contestation qui est faite par le Procureur général au niveau des éléments. En ce sens-là, vous dites : Les orphelins font une demande à la Commission des services juridiques pour être représentés...

Une voix : Par un procureur.

M. Landry (Lucien) : À cause des obligations qu'ils nous exigent.

M. Jolin-Barrette : En raison de la représentation devant les tribunaux. Ça fait que, ça, je comprends que c'est un point majeur pour vous, que votre association puisse se présenter...

M. Landry (Lucien) : Adéquatement pour répondre aux exigences.

M. Jolin-Barrette : ...adéquatement en cour. Mais ultimement l'objectif de votre message, principalement, c'est de dire : On ne devrait pas avoir à se batailler, à affronter le Procureur général, l'État, pour des renseignements qui nous appartiennent et auxquels... qui nous concernent, parce que, notamment dans le souci de la réconciliation, c'est important qu'on y ait accès.

M. Landry (Lucien) : Aussi bizarre, M. le...

Le Président (M. Hardy) : M. Landry, en quelques secondes.

M. Landry (Lucien) : Quelques secondes, M. le Président. Quand on a participé à la médiation, ça a été le plus bel exemple. On a déjudiciarisé cette démarche-là. Mais, l'autre bord, du côté du Procureur général, ils avaient le mécanisme de la structure. Nous, on n'en avait pas. On a réglé le problème sans la présence... que nous, nous soyons dans l'obligation, parce qu'on avait ce petit espace là à participer. Puis je suis d'accord avec M. le ministre Fournier qui dit que, oui, on est favorables à la...

Le Président (M. Hardy) : Merci beaucoup de votre contribution. Nous allons suspendre nos travaux quelques instants, et j'inviterais M. Jonathan Heinrich à prendre place à la table des témoins.

(Suspension de la séance à 11 h 46)

(Reprise à 11 h 47)

Le Président (M. Hardy) : La commission reprend ses travaux. Je souhaite la bienvenue à M. Heinrich. Je vous demanderais de vous présenter et je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé.

M. Jonathan Heinrich

M. Heinrich (Jonathan) : M. le Président, M. le ministre, Mmes les députées, MM. les députés, bonjour. Je vous remercie de m'accorder un peu de votre temps.

Je suis un recherchiste indépendant. J'ai plusieurs organismes qui font appel à moi pour divers travaux, divers mémoires rédigés et, dans le cadre de mon travail, je me heurte régulièrement à devoir faire appel à la loi à l'accès à l'information. Pour avoir accès à certains documents, j'ai fait, par le passé, plusieurs rapports au niveau de l'Assemblée nationale française, du Sénat français, de la Commission européenne. Donc, j'ai un peu d'expertise dans l'accès aux documents de l'accès à l'information.

Je trouve dommage que le Québec veuille se séparer de la Commission d'accès à l'information. Ce serait très dommageable pour les citoyens, pour tous les professionnels en général. Il y a tellement de moyens qui ont été exposés à travers le monde dans des gouvernements qui ouvrent et qui prônent le «open data» ou la transparence commune. Il y a aussi beaucoup de moyens pour financer les bureaux indépendants. Vous voulez un combattant en accès à l'information, un champion? J'ai quelques solutions à vous proposer. Je ne dis pas que ça règle tout, mais quelques points qui pourraient être importants.

On parle aussi... Pour ma culture personnelle, j'ai demandé à avoir accès à combien de fois la Commission d'accès à l'information a donné des amendes aux ministères publics. On m'a répondu : Zéro. Et c'est un article de loi qui est prévu dans la loi à l'accès à l'information. Pourquoi les ministères ne sont pas amendés? Tout simplement parce que le Procureur général et la Commission d'accès à l'information se tiennent la main. On ne veut pas froisser les bonnes amitiés.

• (11 h 50) •

Je parlerai aussi dans mon rapport de la réduction des délais à l'accès à certains documents. Je pense qu'il faut les réduire sur bien des domaines, que le repérage administratif dans les archives doit être beaucoup plus clair et beaucoup plus facile... se faciliter beaucoup plus... normal. Parce que, je tiens à le dire, j'ai demandé à avoir certains documents de rapports en Inde par rapport à la loi de l'accès à l'information : 48 heures pour avoir le lien, cinq jours pour avoir le colis postal devant chez moi. Je demande la même chose au Québec. Un mois pour avoir un accusé de réception, on va compter à peu près six mois pour aller en révision, parce qu'on ne va pas vouloir me les donner, et ensuite on va compter encore des délais de plus pour que je puisse avoir accès à certains documents.

Le but du bureau indépendant, c'est faciliter la démarche du citoyen, un accès simple, faire une demande sur un site pour les gens qui ont Internet ou aller dans un bureau, style au bureau de la Commission d'accès à l'information, dire : J'aurais besoin de tel document. J'ai le droit normalement de faire une demande verbale. Pourquoi aucun des ministères n'accepte ma demande quand je les appelle, je leur dis : J'aurais besoin de tel document? Le bureau indépendant serait là pour regrouper, mettre une plateforme, avoir une copie des documents, et pouvoir délivrer tous les documents qui sont possibles tout en respectant la législation en cours, et arrêter d'avoir des décisions purement politiques dans des dossiers ou alors mettre des restrictions facultatives qui ne nous donnent pas plus d'avancées sur pourquoi on nous refuse un document.

Le financement. Le financement, dans bien des pays... Le bureau indépendant vient aider les entreprises, les ministères à développer le côté de l'accès à l'information, vient aussi former les professionnels et les responsables de l'accès à l'information, mais ça a un coût. Donc, le bureau indépendant facture au ministère toutes ces formations-là. C'est un moyen aussi d'avoir des revenus.

Les amendes. De demander 500 $ à un ministère qui a des budgets en millions pour un document qui n'a pas été demandé, et répétitif, c'est un peu de l'hypocrisie. C'est comme aller au supermarché et payer une fraise du Québec 25 $. C'est n'importe quoi. Dans beaucoup de pays, ça se chiffre entre 5 000 $ et 75 000 $ d'amende pour le refus de délivrer un document qui aurait dû être délivré. C'est pareil, je trouve qu'il y a beaucoup d'intimidation des ministères à refuser à donner accès à certains documents, essentiellement vis-à-vis l'envoi de factures excessives pour la reproduction de certains documents. C'est une loi qui est quasi constitutionnelle, beaucoup de jugements vont dans ce sens-là, et beaucoup de juges ont dit ouvertement, lors d'audiences, qu'il serait préférable que, quand c'est une loi quasi constitutionnelle, il incomberait au ministère de le faire gratuitement.

Donc, je ne comprends pas qu'un Québec qui se dit... et qui prône ouvertement la transparence et l'accessibilité aux documents, ces valeurs-là ne soient pas respectées. Il me reste encore...

Le Président (M. Hardy) : Il vous reste quatre minutes.

M. Heinrich (Jonathan) : Quatre minutes. L'intimidation téléphonique. Vous envoyez une demande aujourd'hui à un ministère, ou un organisme, ou une société qui est dans l'obligation de vous remettre des documents par rapport à la loi de l'accès à l'information. Vous avez un premier fonctionnaire qui va vous appeler, qui va vous dire : Vous êtes sûr que vous voulez vraiment les documents? Parce que je suis toute seule, je ne suis pas sûre que je puisse réellement vous les donner en temps et en heure. J'invoque 137.1. L'article 137.1 dit qu'une demande peut être abusive s'ils ne peuvent pas respecter le délai des 30 jours qui incombe au moment de la demande. Quelqu'un qui n'a pas envie des documents va dire : Bon, bien, O.K., j'abandonne. Mais, non, c'est un droit. J'ai le droit d'avoir accès à ce document. C'est tout simplement de l'intimidation.

Ensuite, on va vous envoyer une facture à 200 $ pour des documents que vous n'avez jamais demandés. Mais on va vous dire : Le décret, il dit : J'ai le droit de vous demander tant, le document, c'est ça. Vous demandez à voir le détail de ce qu'ils vont vous envoyer. Mais je n'ai jamais demandé à avoir des coupures de journaux. Les coupures de journaux, je peux les avoir. J'appelle le journal de Métro, j'ai mes copies gratuitement. J'appelle Le Journal de Montréal, je les ai aussi. Je ne vais pas me payer un ministère à m'envoyer des coupures de journaux.

Donc, tout ça font que les ministères font beaucoup d'intimidation, essentiellement les ministères, les sociétés, un peu moins. Elles aiment beaucoup moins aller devant la Commission d'accès à l'information, parce que ça leur coûte des frais d'avocat. Les ministères, ce n'est pas grave, c'est le Procureur général, donc ça coûte moins cher pour eux.

Dans l'archivage, les délais, quand on tient une liste comme la loi le prévoit, on est censés pouvoir repérer facilement les documents. On n'a pas besoin de 30 jours juste pour nous dire... ou pour dire au demandeur : Bon, on demande encore 10 jours parce que, maintenant, c'est le temps où on va vous faire vos copies. Ou on va vous dire : C'est à tel endroit, vous pouvez y aller. Mais c'est à l'autre bout du Québec. Quelqu'un qui fait une demande à Montréal, il n'a pas envie de se retrouver au lac Témiscamingue récupérer des documents, à moins que le ministère fournisse le transport, mais, moi, ça ne me tente pas d'aller là-haut.

Donc, il y a tout ce côté-là, en fait, au niveau de l'archivage, au niveau des copies, qui font que les gens se sentent un peu oppressés et n'ont pas réellement envie, en fin de compte, d'avoir accès à ces documents-là et de ne pas participer à la vie démocratique du Québec. Parce que le fait d'avoir une opacité sur la transparence de notre gouvernement, bien, ça ne nous donne pas envie d'y participer plus que ça, en dehors des périodes électorales, mais... Non.

Mme Robillard a repris beaucoup de ce que j'ai pu dire ou de ce que j'ai pu écrire. L'UNESCO, sur laquelle j'ai basé mon mémoire, en dit aussi beaucoup. Si vous voulez des directives de l'Union européenne, la copie des 10 derniers rapports de l'Inde, je vous conseillerais d'avoir un traducteur parce qu'il y en a beaucoup qui sont en hindi. J'ai dû faire appel à des amis qui parlent indien pour pouvoir me traduire. Je peux vous les donner. Vous verrez que, dans ces genres de pays là, on dépense beaucoup plus que le Canada, le Québec en loi à l'accès à l'information. Je ne trouve pas ça normal. Le Québec a fait de grosses avancées pendant des années, puis là on est stop, on va à l'inverse, on recule. On se fait dépasser par d'autres pays, alors qu'on aurait dû continuer à se mettre à jour.

Le Président (M. Hardy) : En terminant.

M. Heinrich (Jonathan) : On ne doit pas attendre 30 ans. C'est fini.

Le Président (M. Hardy) : Il vous reste quelques secondes, si vous voulez...

M. Heinrich (Jonathan) : C'est fini.

Le Président (M. Hardy) : C'est beau? Bon. Merci pour votre présentation. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. M. le ministre, à vous la parole pour une période de 17 minutes.

M. Fournier : Merci, M. le Président. Et bonjour à vous, rebonjour à vous. Écoutez, d'abord, je prends votre présentation devant nous comme un cri du coeur, parce que c'est un peu comme ça que vous l'avez aussi exprimé, qui est plutôt un témoignage qui illustre des grandes parties du document qu'on a déposé, notamment sur votre finale où vous dites : Nous étions à l'avant-plan, on est à l'arrière-plan maintenant. C'est ce que dit le rapport ou le document d'orientation. Vous dites : Il faut changer les façons de faire. C'est ce que dit le document.

Je ne suis pas d'accord avec tout, évidemment, parce que je dois vous dire que, lorsque vous invoquez qu'on... quand on met des sous là-dedans, puis ça serait payé par un ministère ou le bureau indépendant, ce n'est pas gratuit. Vous avez utilisé le mot «gratuit» à un moment donné, là. Malheureusement, dans notre monde, il n'y a rien de gratuit, et, quand c'est le ministère qui paie, c'est une contribution, volontaire ou forcée, du payeur de taxes et d'impôt. Ce que vous appelez gratuit, c'est une taxe à l'accès. Alors, il faut juste qu'on se comprenne, c'est de ça dont on parle. C'est plus facile de se comprendre sur les limites qu'il y a. Je ne dis pas qu'il ne doit pas y avoir de financement pour favoriser la transparence et mettre des ressources, qu'il y ait des ETC, comme on appelle dans notre beau système à nous, mais il faut bien savoir que, ces gens-là et cette transparence, ce sont les citoyens qui la paient — ce n'est pas gratuit, alors je veux juste mettre ça de l'avant — comme ils paient plein d'autres choses aussi. Donc, c'était un des éléments que je voulais mentionner.

Maintenant, sur la question des amendes, parce que je voulais y revenir aussi... Parce que, sur plein d'éléments que vous avez dits, on trouve beaucoup de traces aussi dans le document qu'on a produit. Je vous réfère à la page 112, entre autres, où on dit : «À ce jour, aucune poursuite pénale n'a été intentée. Un des motifs à la base de cette situation est le fardeau de la preuve imposé par l'emploi du mot "sciemment", aux articles 158 à 161...» Et, dans l'orientation n° 19, on propose de supprimer le terme «sciemment».

Je ne dis pas que ça va régler tous les problèmes que vous avez mentionnés, mais disons qu'on aborde la question que vous avez soulevée, qu'on tente d'y trouver une réponse. Je crois personnellement que ce n'est pas limité à la question du «sciemment», je pense que c'est un des éléments. Je pense qu'il y a un autre élément, et c'est à la base... en tout cas, au moins une des bases... De la façon dont moi, je le présente, c'est que le libellé même de la loi n'est pas très clair, et on pourrait avoir des discussions qui n'en finissent plus, parce que la façon dont on lit un article pourrait avoir différentes interprétations.

• (12 heures) •

Le président de la Commission d'accès nous demandait qu'il y ait plus de subjectivité dans les articles. Je ne suis pas toujours sûr qu'une législation subjective règle des éléments. Ce que ça amène, c'est que, plutôt que d'avoir un législateur qui fait le jugement en émettant des normes objectives, on laisse à quelqu'un d'autre, au cas par cas, établir des règles qui peuvent varier dans le temps parce qu'elles sont au cas par cas, et il y a toujours lieu de faire du «distinguishing».

Alors, il y a, je crois... D'abord, on doit avoir une préoccupation à l'objectivité pour que la norme soit la plus claire possible, et si, par ailleurs, dans certaines mesures, il n'y a pas d'autre voie que de mettre un peu d'éléments de subjectivité, peut-être que c'est la solution, mais je ne suis pas sûr qu'il faut commencer par l'élément de subjectivité.

Bon, ceci étant dit, je vais m'intéresser à un élément particulier. Vous en avez parlé dans votre mémoire. J'aimerais ça que vous en parliez plus et surtout comment ça fonctionne. Parce que, vous, dans le fond, la présentation est sur le bureau indépendant, hein? Je veux parler d'autre chose, mais le coeur, c'est ça. Je vais vous dire comment je perçois ça, là. J'ai compris que... Et dites-moi : Non, vous n'avez rien compris, ou : Voici, c'est vrai, mais vous manquez un bout. Parfait. J'ai compris que le bureau indépendant, pour vous, là, c'est à peu près l'équivalent du responsable de l'accès dans chacun des ministères, mais il n'y en a plus maintenant, c'est un bureau indépendant qui est centralisé, qui fait les enquêtes ou les vérifications partout, qui est le grand détenteur, celui qui connaît toutes les informations qu'il y a dans l'ensemble des ministères, le Wikipédia du gouvernement dans son ensemble, il a tout ça.

Bon, alors, admettons, ça, c'est le premier niveau de difficulté avec lequel je vais vous poser une question tantôt, mais avant ça ce que je comprends, c'est que, ce bureau-là, une fois qu'il a fait sont travail d'enquête et qu'on n'est pas satisfait de la décision qu'il aurait rendue, là, vous dites : Là, vous allez à la Commission d'accès. Il ne faut pas l'enlever, il faut garder un pouvoir juridictionnel. Alors, je vois que vous hochez la tête, donc je vois de l'affirmatif.

Là, je vais continuer ma proposition. Donc, conséquemment, sauf sur l'aspect de qui peut être le mieux à même de savoir où est l'information, bureau indépendant face au responsable d'accès dans son ministère, je laisse ça de côté, je prends l'autre bout... Dans le fond, ce que vous dites, c'est ce que je veux. Le bureau indépendant est celui qui est en mesure de prendre une décision de... puis il n'est pas dans un système judiciarisé. C'est ce que moi, j'appelle la CAI nouvelle mouture. Et, la judiciarisation, je ne l'échappe pas, là. Dans la proposition, je ne l'échappe pas, là. Je vous ai trouvé un petit peu dur tantôt, là. Il ne s'agit pas de l'échapper, il s'agit de prendre la force juridictionnelle existante, de la faire habiter un tribunal administratif qui existe, donc je n'ai pas besoin de prendre l'argent des contribuables pour inventer une nouvelle structure, des gens qui ont les mêmes compétences, qui sont à même de prendre des décisions pour s'assurer que le bureau indépendant a fait le bon travail.

Donc, là-dessus, donc, j'ai l'impression qu'on se rejoint un peu. Commençons par ça. Après ça, on reviendra, si vous voulez, sur le lien entre bureau indépendant par rapport au responsable d'accès dans chacun des ministères, qui, ça... qui est une vieille philosophie qui a été trouvée dans le temps, puis on débattra là-dessus.

Le Président (M. Hardy) : M. Heinrich.

M. Heinrich (Jonathan) : Le bureau indépendant, il centralise toutes les demandes. Il s'occupe de faire beaucoup de choses. La Commission d'accès à l'information rend des jugements, elle sanctionne, elle a tout ce côté-là que le bureau indépendant ne prendra pas. Il va être là pour faire un appui technique entre les ministères ou toute société assujettie à la loi d'accès à l'information et les demandeurs. Il est aussi là pour bien vérifier que l'application... Il fait des recommandations, comme le... En France, il y a un organisme qui ne fait que ça, c'est-à-dire que vous ne pouvez pas aller en révision si vous n'êtes pas passé par cet organisme-là qui a émis des recommandations. Mais il n'a aucun pouvoir de sanctionner. Il va juste dire, d'après lui : Ces documents-là doivent être remis. Et ensuite vous faites une démarche. C'est juste de l'accompagnement du citoyen, de l'accompagnement du demandeur. Avoir juste un seul interlocuteur au lieu d'en avoir 15, c'est quand même plus facile.

En plus, vous avez parlé de... J'ai dit «gratuité», «financement», oui. Dans toutes les tâches, on parle de la fonction publique, oui, c'est une taxe, mais la SAQ, Hydro-Québec, toutes ces sociétés-là sont aussi assujetties à la loi à l'accès à l'information, et c'est moi, quand je paie ma bouteille de vin ou mon compte Hydro-Québec, qui paie aussi ce service d'avoir accès aux documents, là. Donc, si le bureau indépendant forme et envoie la facture pour avoir formé au lieu de faire appel à un prestataire qui va faire une recommandation subjective de la loi qui date d'il y a 10 ans, on s'entend que ce ne sont pas les meilleurs non plus, c'est de l'argent qui, de toute façon... que le contribuable paie dans sa consommation. Je ne pense pas que ça coûte excessivement cher, le fait de faire mettre en place quelque chose pour le bon fonctionnement à long terme, puisqu'on fait des économies ensuite sur les frais judiciaires pour aller en révision ou en demande d'accès à l'information. Et on réduit le délai, d'avoir les documents dans un délai que j'appelle raisonnable, c'est-à-dire une semaine.

Le Président (M. Hardy) : M. le ministre.

M. Fournier : Alors, précisément, parce que... Je pense que ce n'est pas ce que j'avais compris du mémoire. Donc, le bureau indépendant ne remplace pas les responsables d'accès dans les ministères. Il participe à leur bonne formation, il s'assure qu'ils sont compétents. Est-ce que c'est ça, là, que vous me dites? C'est ce que vous venez de me dire, là.

M. Heinrich (Jonathan) : Non, en fait...

Le Président (M. Hardy) : M. Heinrich.

M. Heinrich (Jonathan) : Pardon, M. le Président. D'après mon expérience et d'après ce que j'ai pu voir dans ce qui se passe à l'étranger, les responsables d'accès à l'information n'appartiennent pas au ministère, parce qu'il y a trop de décisions politiques. Le fait de dire : Ah! mais, en fin de compte, il y a une élection qui se prépare, on ne va peut-être pas donner tout de suite ce document-là, c'est une décision politique. La loi permettrait d'avoir accès à ce document-là, mais, d'un point de vue politique, ce n'est pas correct, parce qu'on va mal se faire voir. Alors, le responsable va respecter la décision de son ministre vu que le responsable de l'accès à l'information est le sous-ministre du ministère.

Le Président (M. Hardy) : M. le ministre.

M. Fournier : Je veux juste vous arrêter, parce qu'il y a du monde qui nous écoute, et je veux juste être sûr de clarifier quelque chose. D'abord, d'une part, en ce moment, aucun ministre ne s'implique dans ces décisions-là. Deuxièmement, dans la proposition qui est faite, ce sera écrit clairement que le plus haut responsable n'est pas le politique. Alors, je veux simplement vous dire que l'exemple que vous venez de donner n'existe pas. Il peut être dit pour faire effet de toge et de théâtre, mais cela n'est pas la réalité. Et, comme cela se dit et que ça se répète, nous avons pris soin de préciser qu'il y aura une disposition qui établira que, la pratique actuelle, il n'y a pas... dans la plus haute autorité, ce n'est pas le ministre.

Alors, je veux juste vous dire que l'exemple que vous avez donné ne s'applique pas. La loi actuelle précise l'accès. Il y a des exceptions à l'accès qui sont en lien avec l'intérêt public, par exemple la sécurité publique, la justice, l'économie, choses comme ça, mais pas l'exemple que vous venez de donner. Je m'excuse de vous interrompre.

Le Président (M. Hardy) : M. Heinrich.

M. Heinrich (Jonathan) : Je ne suis pas forcément d'accord, mais je ne vais pas m'étendre là-dessus.

Vous avez parlé du TAQ. Est-ce que vous avez vu beaucoup de sanctions du TAQ? Parce qu'à ma connaissance ça ne sanctionne pas grand-chose. Ça met des... D'après ce que j'ai pu voir, il n'y a aucune sanction pour le moment. On émet un jugement, mais, de ce qu'on a vu ou de ce que j'ai vu... Je n'ai pas fait affaire régulièrement au TAQ, mais je ne veux pas trop m'y avancer dessus.

Le Président (M. Hardy) : M. le ministre.

M. Fournier : C'est un vrai tribunal, c'est un vrai tribunal. Je ne peux pas dire d'autre chose, là. Excusez-moi, je pensais que vous n'aviez pas terminé. Alors, pour ce qui est du TAQ, c'est un vrai tribunal. Alors, ça rend des décisions, c'est exécutoire, il faut les respecter. Ça, c'est de un.

Je comprends que vous n'êtes pas d'accord avec moi, mais la question, c'est simplement, pour moi, l'importance de placer la réalité. Alors, si vous avez des exemples qui disent le contraire, partagez-les avec nous. Mais, des fois, ça sert à ça un petit peu, la commission : un peu de pédagogie, un peu de...

Le Président (M. Hardy) : M. Heinrich.

M. Heinrich (Jonathan) : ...un dossier qui est passé un tout petit peu avant moi...

M. Fournier : Un peu de pédagogie nous permet de faire ça. Alors, je reviens.

Le Président (M. Hardy) : M. le ministre.

M. Fournier : Un des fondements de la façon dont c'est fait dans le système depuis que la loi existe, il y a... les années 80, puis on en a discuté, parce qu'on a essayé de voir... Vous avez un angle ou vous avez un fondement, je pense, quand on dit : Écoutez, la personne qui est responsable de l'accès fait partie du ministère à qui je demande de donner une information puis il ne veut pas me la donner. D'ailleurs, ce qui amène à interpréter les «peut» comme étant «ne peut pas», c'est pour ça que moi, je veux faire des «doit», bon. Et la discussion est la suivante : Pour connaître l'information d'un ministère — et ça, le rapport Paré disait ça, la Commission d'accès l'a dit encore, les spécialistes — ça prend quelqu'un qui est dans le ministère. Évidemment, ça ne doit pas être le ministre. Je vous ai dit que ce n'est pas le cas. Je dis qu'on précise en plus que ça ne sera pas ni lui ni son cabinet. Alors, la plus haute autorité étant le sous-ministre et la personne qui délègue, qui devient un responsable de l'accès, est dans le ministère pour faire ça.

Et vous me dites : J'aimerais mieux que ce soit quelqu'un d'autre qu'eux. Quelle est la mécanique... Vous me dites : Le bureau indépendant aurait des enquêteurs dans chacun des ministères. Je veux juste vous le dire, là : Je veux que vous m'aidiez, là. Je veux bien vous suivre si vous me trouvez une solution, une bonne solution, je vais la prendre. Juste à l'Environnement, là, il y a du monde... Le bureau va être... beaucoup de job à l'Environnement, juste là. Mais comment vous voyez ça, là? Parce que vous avez un petit bout de fondement, mais l'autre problème, c'est que quelqu'un qui est dans le ministère a des chances d'en savoir pas mal plus, de répertorier rapidement, toujours dans les délais.

• (12 h 10) •

Le Président (M. Hardy) : M. Heinrich.

M. Heinrich (Jonathan) : Si vous regardez les propositions qui ont été faites par le gouvernement du Mexique, c'est un bureau indépendant qui gère toutes les demandes. Il y a, en fin de compte, une question de repérage de documents qui est beaucoup plus à la pointe que chez nous, puisque les listes de documents sont vérifiées toutes les semaines ou presque, d'après des sources internes. Donc, la possibilité d'avoir un bureau qui gère toutes les demandes, qui dit : Moi, pour une demande, j'ai besoin de ce document-là, vous me le remettez, et moi, je le transmets...

M. Fournier : Est-ce que vous me dites que le bureau indépendant est à peu près comme un centre d'archives de l'ensemble des données, documents, textos, e-mails, tout ce qui existe, qui s'en va... une espèce de gros, gros ordinateur qui prend le gouvernement et les sociétés d'État, c'est ça, qui est donc l'archivage de tout ça?

Le Président (M. Hardy) : M. Heinrich.

M. Heinrich (Jonathan) : C'est bien ça. C'est en fait une très grande bibliothèque, une très... bien, c'est de très longs tunnels, là, mais ils essaient un maximum que l'ensemble des documents qui peuvent être informatisés soient rendus informatisés. Quand le demandeur ne le demande pas expressément, le document est envoyé sous PDF, donc ça ne coûte pas grand-chose, si ce n'est le stockage du document. Mais, si le demandeur demande à avoir un accès papier, on va lui imprimer, lui envoyer gratuitement, ne lui demander aucuns frais de reproduction, et la personne va être satisfaite, et le délai... Actuellement, le délai le plus long, par la loi, autorisé au Mexique est de 15 jours. Donc, ils ont 48 heures pour faire la recherche du document et doivent envoyer dans les 48 heures un accusé de réception disant qu'ils ont trouvé le document, et ensuite, après ce 48 heures là, ils ont à peu près 14 jours pour envoyer les documents dans le format souhaité, en fonction du demandeur.

Le Président (M. Hardy) : M. le ministre.

M. Fournier : Comme il s'agit quand même d'une transformation assez importante et comme vos délais me semblent très, très courts quand vous référez au Mexique, est-ce qu'ils ont déjà mis à l'amende ceux qui ne respectent pas les délais là-bas?

Le Président (M. Hardy) : M. Heinrich, il vous reste deux minutes.

M. Heinrich (Jonathan) : Alors, le Mexique a — j'ai posé la question — des documents très volumineux. Ils m'ont répondu que, quand un ministère, par exemple, avait un envoi trop massif à faire, ils demandaient au demandeur de séquencer la demande pour qu'elle soit facilement... qu'on puisse la traiter facilement et que, si vraiment c'est un document qui est non fractionnable, bien, tout simplement, bien, le délai va être dépassé, mais qu'on a le document et qu'il y a une promesse. Si vous regardez en Finlande, si on vous dit : À telle date, vous recevez le document, mais, si, à telle date, je ne l'ai pas reçu, bien, vous pouvez... c'est de votre faute, vous devez me l'envoyer. Vous avez prévu des délais, vous m'avez dit que c'est à cette date-là, bien, j'attends le document.

Donc, oui, on peut aller en Commission à l'accès à l'information pour la question des délais, pour aller au tribunal, mais, si on nous dit... on m'appelle, moi, ou on appelle n'importe quelle personne, citoyen, disant : Vous ne l'aurez pas le 22, mais par contre je vous l'assure que, le 2 ou le 3 du mois, vous l'avez, O.K., j'ai une lettre, j'ai un papier qui me dit que le document va m'être envoyé, c'est... Oui, les délais sont très courts, puisque les demandes, en général, sont inférieures à 2 700 pages d'envoi. Donc, voilà.

Le Président (M. Hardy) : M. le ministre, en terminant.

M. Fournier : Oui. Toujours avec l'exemple du Mexique, parce que je cherche... Puis, comme je vous dis, je ne suis pas fermé à trouver d'autres façons de faire, mais... Peut-être ont-ils des dispositions comme celles que vous évoquiez. À votre avis, est-ce que le Mexique est un exemple de transparence?

Le Président (M. Hardy) : M. Heinrich, quelques secondes.

M. Heinrich (Jonathan) : Bien, ce n'est peut-être pas le meilleur des exemples, mais la Finlande s'en rapproche énormément, avec des délais un tout petit peu plus longs. Mais le Mexique dépense actuellement 0,33 % de son PIB, le Canada en dépense 0,004 %. On est très loin de ce que d'autres font. Et l'Inde dépense — j'ai eu les chiffres récemment — 0,57 % de son PIB.

M. Fournier : ...la réponse par pourcentage du PIB, mais ma question est quand même un peu subjective. À votre avis, est-ce que c'est un gouvernement qui se démarque par sa transparence?

M. Heinrich (Jonathan) : Qui fait... qui met toutes les dispositions pour être transparent.

M. Fournier : Merci.

Le Président (M. Hardy) : Merci. Nous allons maintenant passer à la période d'échange avec l'opposition officielle. Mme la députée de Taschereau, à vous la parole pour une période de 10 minutes.

Mme Maltais : Merci, M. le Président. Bonjour. Bonjour, M. Heinrich. J'apprécie que vous soyez allé voir à l'étranger quels sont les exemples, même si, effectivement, moi, je trouve que la question, quand même, du ministre était pertinente sur la différence entre la modélisation, entre les règles du jeu qu'on se donne et puis la transparence dudit gouvernement ou l'accessibilité aux documents. Maintenant, dans notre cas, effectivement, on en vient à une chose fondamentale : en 1982, nous étions en avance. Aujourd'hui, après l'arrivée de l'ordinateur, après l'arrivée de la numérisation des documents, après... même on est rendus à l'infonuage, comment redevenir des modèles? Comment redevenir le gouvernement que les Québécois veulent avoir?

J'ai parlé d'accessibilité tout à l'heure, on a parlé des délais, vous en avez parlé beaucoup, de la complexité, on va peut-être en reparler, mais là on est dans le coût, et moi, je l'apprécie.

En 1982, c'est normal qu'on ait pu donner des délais assez longs ou qu'on calcule que ça a un coût papier que d'avoir... et après je pense qu'on a revu d'ailleurs un bout en 2006, qu'il y ait des délais... qu'il y ait un coût papier. Maintenant, j'aimerais ça vous entendre parler, moi, de l'efficacité maintenant accrue à cause de la numérisation. Comment ça se fait qu'on charge encore, alors qu'il suffit de scanner un document puis de l'envoyer par courriel? Il n'y a aucun document, ou à peu près, à part des plans, qui ne peut pas être scanné. Dans tous les ministères, on scanne. Comment ça se fait que...

Est-ce que c'est gratuit quand les gens demandent un document ou est-ce qu'on... Parce qu'un document est papier, on ne l'envoie pas numérisé? Comme on le disait, ayant déjà été ministre, je dirais qu'on ne va pas se... on ne va pas jouer dans les arcanes de l'accès à l'information, parce qu'à mon avis, là, les ministres ne sont pas toujours au courant, O.K.? Il arrive qu'ils le soient, j'aurais un exemple, mais, étant donné l'informatisation maintenant de l'information, est-ce qu'on est encore à l'avant-garde ou est-ce... Quels seraient les pas qu'on aurait à faire?

Le Président (M. Hardy) : M. Heinrich.

• (12 h 20) •

M. Heinrich (Jonathan) : Pour répondre à votre demande, pourquoi je trouve encore important de remettre papier les documents, c'est qu'il y a encore beaucoup de personnes au Québec qui n'ont pas accès à avoir un ordinateur et que, pour une lecture plus saine et sans s'abîmer les yeux, il est beaucoup plus préférable de l'avoir papier, c'est beaucoup plus facile.

Maintenant, dans certains ministères, on m'a répondu : Si vous voulez les avoir papier, envoyez-moi une demande par courrier. O.K. Bien, je vous envoie une demande, donc je m'attends à les avoir papier si vous me dites ça. Si je dois vous l'envoyer par courriel, bien, je vous les enverrai par courriel si je veux avoir un fichier PDF ou... Voilà.

Le coût avec le bureau indépendant, c'est de bien répondre au demandeur. Le demandeur demande à avoir le fichier en format papier parce qu'il veut en faire... il veut y mettre des petites notes, c'est plus facile pour lui. Si le document n'est pas mis sur le site Internet ou il ne peut pas être mis numérisé, bien, on est obligé de lui envoyer papier de toute façon, donc autant lui envoyer. Pourquoi lui refuser le document et pourquoi lui charger des coûts alors que nous-mêmes, on n'est même pas capables de le rendre numérique... de le numériser? Pareil pour tout ce qu'on... Quand vous allez à la Bibliothèque nationale, on va vous dire : C'est sur des microfiches, c'est sur... Oui, mais ça ne me tente pas de me bousiller les yeux pendant deux heures à regarder des articles ou à chercher quelque chose qui est paru dans les années 30. Envoyez-moi une copie papier, c'est plus facile.

C'est de l'accommodement. Et plus on sera accommodants, plus la population voudra rentrer et participer à la vie démocratique. Et c'est là où je trouve que la loi à l'accès à l'information est pratique, c'est que ça permet vraiment aux gens de développer et d'appuyer les démarches de leurs élus ou de se dire : Bien, je vais me déplacer, je vais faire un témoignage parce que je suis d'accord, je vais soutenir. Mais, si on n'a pas les documents ou si on nous les envoie seulement par courriel et que la personne, bien, elle n'a pas les moyens de payer une imprimante, elle a un ordinateur, elle paie son Internet, mais elle n'a pas les moyens de payer une cartouche d'encre et du papier, elle va devoir aller chez Bureau en Gros et payer 0,08 $ la copie? Je ne suis pas sûr qu'elle a tout aussi les moyens d'aller chez Bureau en Gros. Donc, non, ça doit être gratuit.

Je pense que, quand le demandeur en fait la demande, c'est un choix, c'est un accommodement, on l'accepte pour certains cas de handicap, pour le visuel, ou tout simplement pour les aînés. Les aînés, ils ont quand même beaucoup plus de facilité à lire avec leur loupe que, plutôt, devant un écran qui les éblouit et qui leur fait mal aux yeux. Je suis sûr que même vous, MM. les députés et les ministres, au bout d'une journée... devant huit heures d'écran, à la fin, je ne suis pas sûr que vous voyiez, madame ou monsieur, correctement, on s'entend?

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Je peux vous dire que je travaille encore... je travaille à la fois avec de l'électronique, mais encore avec du papier aussi, parce qu'à un moment donné on a besoin de prendre des notes sur quelque chose, puis je ne suis pas encore assez... Je suis un peu technopoche, comme disaient mes amies, j'ai de la misère à tout régler avec l'ordinateur.

Est-ce qu'on pourrait envisager... Est-ce que vous avez vu des pays ou des exemples où il y a une modulation, peut-être? Jusqu'à 100 pages, c'est gratuit, 100 à 1 000... écoutez, on met un tarif maximum. Est-ce que ça existe?

M. Heinrich (Jonathan) : Alors, ça existe. Au Royaume-Uni, on ne peut pas charger plus de 500 livres sterling.

Mme Maltais : C'est quand même énorme.

M. Heinrich (Jonathan) : C'est énorme, mais on ne peut pas charger plus de ça.

J'ai vu aussi des cas, quand le délai n'était pas respecté, l'envoi papier est systématique, c'est-à-dire qu'on vous dit : Le 15 du mois, vous recevez vos documents. Si, le 16, je ne les ai pas reçus, je fais une demande... je renvoie une demande disant qu'on m'a confirmé que les documents existaient et que je voulais maintenant faire appliquer le fait que le délai n'a pas été respecté, ça vous incombe de me l'envoyer par la poste.

J'ai demandé, pour faire mon mémoire et pour vraiment voir l'ampleur au niveau international, des documents à la Commission européenne. Ce sont deux cartons d'archives qui sont arrivés devant ma porte. Et c'était gratuit, non pas parce que je suis Français ou parce que je connais quelqu'un à l'intérieur, mais parce que j'ai juste demandé à l'avoir papier pour pouvoir faire mon travail plus correctement. Et ça a été envoyé gratuitement.

Donc, il y a beaucoup de pays, comme la Finlande et la Suède, qui répondent dans les 48 heures, qui vous envoient d'abord un lien. Si le lien ne vous convient pas, vous avez juste à leur envoyer un deuxième courriel pour leur dire : Bien, en fin de compte, je préférerais les avoir papier, et ils vous les envoient papier.

Donc, je ne vois pas pourquoi on devrait fixer une limite. Du moins, on devrait aller mieux que le Royaume-Uni en offrant la gratuité et ne pas mettre un plafond maximum. Mais je comprends que tout ça a un coût et qu'il faut trouver des revenus pour combler ce coût, d'où le fait que le bureau indépendant ait des actions, que ce soit dans le système privé et dans le système public, pour combler à ces coûts.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Merci. Bien, écoutez, j'ai peu de temps, mais je vais juste faire un petit témoignage. Vous avez dit : Il n'y a jamais eu d'amende aux ministères publics. Ici, à l'Assemblée nationale, le toujours actuel ministre responsable de la Capitale-Nationale a déjà déposé une demande... une lettre de réponse d'accès à l'information que j'avais eue, supposément, en disant : Voyez, vous l'avez pourtant eue, votre réponse. Il y avait un seul problème, je n'avais jamais encore eu la réponse, il l'avait eue avant moi. Alors, j'avais fait faire l'enquête par des enquêteurs, mais évidemment c'était le... parce qu'on a un problème d'indépendance, on a vraiment un problème d'indépendance par rapport au ministère. C'est pour ça que... Je ne sais pas, moi, je ne vous ai pas entendu beaucoup commenter ça, mais c'est... Je comprends que vous voulez un bureau d'enquête indépendant, mais, outre ça, comment est-ce que vous accueillez la proposition que je trouve raisonnable, moi, du ministre, je trouve intéressante, qu'à tout le moins ce ne soit pas le ministre qui soit responsable à l'intérieur, ce sera le sous-ministre, puisque le sous-ministre est responsable des fonctionnaires, c'est le patron des fonctionnaires, et c'est un ou une fonctionnaire qui gère l'accès à l'information?

Alors, moi, le bureau d'enquêtes indépendant peut exister, mais, même s'il existe, si c'est toujours le ministre qui est responsable, j'ai encore le problème, puis il peut m'arriver, comme députée, ce qui m'est arrivé, c'est-à-dire un ministre qui reçoit la réponse et qui la dépose avant même que je l'aie reçue.

Le Président (M. Hardy) : M. Heinrich, en une minute.

M. Heinrich (Jonathan) : Une minute. Pour répondre à votre question sur la séparation entre le politique et l'unité publique ou administrative, j'ai bien vu bien des choses à travers les rapports qu'on a pu m'envoyer, je n'ai pas de réponse claire à vous proposer. Je ne veux pas m'avancer, j'ai... Aucune de ce qu'on m'a proposé n'était sans faille, donc je n'ai rien, pour le moment, à proposer si ce n'est le fait que de vraiment détacher la personne de l'accès à l'information du ministère. C'est très compliqué peut-être à faire, mais ce serait le but, au long terme, de le faire, de créer vraiment quelque chose indépendant qui collecte et qui récupère l'ensemble des documents du ministère, qui puisse le rendre et qui serait vraiment indépendant, c'est-à-dire qui ne dépendrait pas d'un ministère, mais peut-être de l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Hardy) : Merci. Nous allons maintenant passer à la période d'échange avec le deuxième groupe d'opposition. M. le député de Borduas, à vous la parole pour une période de sept minutes.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Pour continuer sur cette voie, tout à l'heure vous avez mentionné que vous avez peut-être eu des expériences particulières, vous disiez : Bon, bien, il y a peut-être une intervention politique dans l'accès aux documents. J'aimerais vous entendre sur cet élément.

M. Heinrich (Jonathan) : Habituellement, quand je fais une demande à un ministère, l'accusé de réception, on me le répond, en moyenne, si je le reçois par la poste, une semaine à 15 jours. Quand je l'envoie, et que la lettre date de deux jours après le reçu, et qu'on m'envoie directement un refus, bizarrement, je le prends un peu mal, parce que ça veut dire qu'en deux jours on aurait eu le temps de faire toutes les recherches qu'habituellement il nous faut trois semaines pour faire la recherche, et on me dit ensuite : M. Heinrich, on va vous envoyer les documents, mais il va y avoir un peu de hors délai. O.K., vous me dites que je vais recevoir les documents mais qu'il y a un peu de hors délai. Je vais attendre avant de vous mettre en révision, mais... Non, c'est une décision politique. Si on me refuse des documents en 48 heures, soit que le système d'archivage, du jour au lendemain, a changé... ce que je ne doute pas, puisqu'on a changé de responsable d'accès à l'information, et les délais sont revenus à la norme des autres ministères.

M. Jolin-Barrette : ...intervention, c'est hypothétique.

Le Président (M. Hardy) : M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : C'est hypothétique dans le sens où c'est une conséquence de ce que vous vivez, mais ce n'est pas basé sur des faits qu'il y a une intervention politique.

Le Président (M. Hardy) : M. Heinrich.

M. Heinrich (Jonathan) : Si vous me demandez des preuves pour vous étayer le fait que j'affirme que c'est politique, non, puisque je ne suis pas dans les bureaux et je n'entends pas ce qui s'y passe, je suis à Montréal, les bureaux sont à Québec. Avoir une décision officielle, non. Avoir des ouï-dire de certains lanceurs d'alerte qui peuvent être dans les ministères, il y a de fortes chances.

Le Président (M. Hardy) : M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Merci. Oui. J'avais une question relativement au bureau indépendant que vous proposez. Pour ma compréhension, dans le fond, le bureau indépendant que vous proposez, ce serait un organisme centralisé, c'est ça, qui s'occuperait de toutes les demandes des ministères. Cependant, vous indiquez dans votre mémoire, à la page 23, que la Commission d'accès à l'information demeurerait, à la suite d'une décision du bureau indépendant où on souhaiterait aller en révision, puis ça demeurerait une... la Commission d'accès à l'information demeurerait avec une fonction juridictionnelle. Et, parallèlement à ça, il y aurait une économie de coûts, si je vous réfère à la page 8 de votre mémoire aussi, parce qu'on aurait moins de ressources à attribuer au Procureur général du Québec en évitant les recours liés aux révisions. Je me demande juste comment vous conciliez tout ça, là, parce que, dans le fond, c'est une étape supplémentaire, le bureau indépendant.

Le Président (M. Hardy) : M. Heinrich.

M. Heinrich (Jonathan) : M. le député, si vous regardez actuellement le délai, le délai, ça coûte du temps, c'est de l'argent aussi, donc ça coûte cher. Donc, on réduit déjà le délai, on fait de l'économie.

Pourquoi je veux garder la Commission d'accès ou du moins je propose de garder la Commission à l'accès à l'information, c'est que je trouve que, dans certains cas, même si le bureau indépendant va mettre toute la bonne volonté du monde, il va y avoir des failles, il va y avoir des gens qui vont vouloir absolument des documents mais qu'on ne peut pas délivrer. Donc, il faut qu'après le bureau indépendant il y ait quand même la possibilité d'avoir un recours derrière. Parce que je ne dis pas : Le bureau indépendant, il est sans faille. Non, non, ce sont des humains, c'est... On utilise un logiciel pour traiter les demandes, on peut utiliser le système humain pour traiter la demande, mais il peut y avoir des failles.

Vous parliez des coûts, la réduction de coûts. Comme le comité des orphelins de Duplessis a dit, le Procureur général a dépensé 95 000 $ pour cacher des documents, c'est un budget qui est énorme. Alors, au lieu de dépenser autant en frais juridiques, il serait peut-être mieux de faire de la formation en amont pour éviter ce genre de problème.

M. Jolin-Barrette : À la page 10 de votre mémoire...

Le Président (M. Hardy) : M. le député de Borduas.

• (12 h 30) •

M. Jolin-Barrette : Oui. À la page 10 de votre mémoire, vous indiquez que «les documents politiques ne devraient être inaccessibles qu'en périodes électorales». Pouvez-vous clarifier cette position-là? Parce que, dans le fond, ce que vous dites, c'est qu'il faudrait qu'il y ait un embargo durant la campagne électorale sur les documents qu'on demande en vertu de la Loi sur l'accès?

Le Président (M. Hardy) : M. Heinrich.

M. Heinrich (Jonathan) : Bien, en fait, non. Ce que j'entends par là, c'est que, bon, bien, vous faites une demande d'accès, je ne sais pas, au maire de votre commune, et on va vous dire qu'il n'est pas possible de vous remettre le document parce que le bureau du maire, c'est à la fois son bureau en tant que maire mais aussi en tant que personnalité politique. Donc, on ne sait pas si ce document-là est rangé en tant que maire ou en tant que politique. Donc, vu qu'on n'arrive pas à dissocier les documents qui pourraient être du politique et ce qui pourrait être administratif, je me dis qu'en dehors des périodes électorales, où, là, on met en place des procédures pour essayer d'attirer l'électorat, des mises sur le marché ou tout simplement... de moyens de se défendre contre un parti adverse, je pense que ça, pendant une période électorale, ça peut être caché le temps de la période, mais après que ça doit être mis à jour. Si, pendant la période, vous en profitez pour proposer un contrat, bien, je suis désolé, si c'est juste une malversation, non. Après, on rouvre la possibilité d'avoir accès à ces documents-là, mais, juste le temps de la campagne électorale, bien, de laisser la possibilité...

M. Jolin-Barrette : C'est une situation...

Le Président (M. Hardy) : M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : ...que vous avez vécue ici, au Québec, durant une campagne électorale ou... Est-ce que vous avez une connaissance que ça se passe de cette façon-là ici?

Le Président (M. Hardy) : M. Heinrich, en terminant, il vous reste 40 secondes.

M. Heinrich (Jonathan) : J'ai demandé une seule fois des documents à un élu, et on m'a dit, le responsable de l'accès à l'information m'a dit : Ce n'est pas possible de vous remettre les documents parce que je ne sais pas si c'est d'ordre politique ou d'ordre administratif.

M. Jolin-Barrette : Mais à quel niveau?

M. Heinrich (Jonathan) : Municipal.

Le Président (M. Hardy) : Je vous remercie de votre contribution à nos travaux.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 14 heures. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 32)

(Reprise à 14 heures)

Le Président (M. Hardy) : Prenez place, s'il vous plaît. La Commission des institutions reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

Je vous rappelle que la commission est réunie afin de poursuivre la consultation générale et les auditions publiques sur le document intitulé Orientations gouvernementales pour un gouvernement plus transparent, dans le respect du droit à la vie privée et la protection des renseignements personnels.

Sans plus tarder, je souhaite la bienvenue à la Fédération professionnelle des journalistes du Québec. Je vous invite à vous présenter, et je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé.

Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ)

Mme Locher (Caroline) : Bonjour. Je m'appelle Caroline Locher. Je suis la directrice générale de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec. À mes côtés, Monique Dumont, ancienne recherchiste en chef de l'émission Enquête de Radio-Canada, aujourd'hui indépendante, et M. Éric Yvan Lemay, journaliste d'enquête au Journal de Montréal et responsable de notre comité, à la FPJQ, sur l'accès à l'information.

Alors, merci, M. le Président. M. le ministre, bonjour, Mmes et MM. les députés. Le Québec fait face aujourd'hui à la possibilité de devenir un symbole de transparence à travers le pays, un exemple de démocratie parmi nos sociétés contemporaines. Le premier ministre lui-même, le soir de son élection au pouvoir, a pris l'engagement solennel de former le gouvernement le plus transparent de toute l'histoire du Québec, un engagement louable.

La Fédération professionnelle des journalistes du Québec, que nous venons représenter aujourd'hui, est la plus grande association de journalistes au pays : quelque 2 000 membres, de pigistes à directeurs de l'information et cadres de médias. Notre mission est de défendre la liberté de presse et l'accès du public à l'information. Je mets l'accent sur le mot «public» parce que, même si nous formons un groupe de professionnels, nous travaillons pour informer le public. Or, le public a le droit de savoir ce qui se passe au gouvernement. Le public finance tous les projets : les ponts, les écoles, les routes. Le public donne le mandat au gouvernement de s'occuper de sa province, et d'en prendre soin, et d'assurer sa santé financière et démocratique. Le public paie tous les documents, toutes les études, tous les rapports commandés par le gouvernement. Le public a donc, en vertu de la loi, le droit de savoir : de savoir comment son gouvernement gère ses projets, comment il fait des affaires, à qui il octroie des contrats et pourquoi, à quel prix et de quelle façon. Il a le droit de savoir comment le gouvernement est arrivé à telle ou telle décision, sur les bases de quelles statistiques et les conseils de quels experts.

Nous faisons face aujourd'hui à une loi d'accès à l'information qui a été si travestie dans son interprétation, si dénaturée qu'elle en perd aujourd'hui tout son sens. Le député péquiste Bernard Drainville a dit, lorsqu'il était au pouvoir l'an passé, lors d'une conférence, que cette loi soi-disant d'accès sert plus à bloquer l'information aux citoyens qu'à la faire circuler. Les journalistes font face à cette réalité au quotidien. Mes deux collègues à mes côtés, des vétérans du journalisme d'enquête, vous en donneront des exemples concrets. Refus de donner l'information demandée, délais sans fin, frais exorbitants, caviardage abusif, exceptions innombrables, ingérence politique et conflits d'intérêts sont pratiques courantes.

Si nous sommes tous réunis ici aujourd'hui, c'est parce que nous sommes d'accord sur la nécessité d'une refonte en profondeur de cette loi. Lorsque votre gouvernement, M. le ministre, a déposé ses orientations sur la transparence au printemps, la FPJQ a formé un comité de neuf journalistes d'enquête : des journalistes de Québecor, de Gesca, de Radio-Canada, de la Montreal Gazette, du Devoir, pour s'y pencher avec beaucoup d'attention.

Quelle a été une des premières questions de ce comité, selon vous? La voici : Y aura-t-il un processus indépendant pour proposer un projet de loi? En effet, comment le public peut-il faire confiance à un projet de transparence qui est préparé derrière des portes closes? Car la confiance du public envers les élus a été mise à rude épreuve ces dernières années, corruption camouflée et ingérence politique, notamment, ont rendu le public sceptique. Si la refonte de la Loi d'accès est rédigée par les gens au pouvoir et leurs équipes de communication, comment ne pas craindre qu'elle serve avant tout les intérêts politiques?

Heureusement, il y a une solution pour regagner la confiance du public : qu'un comité indépendant soit formé pour rédiger ce projet de loi sur la transparence de l'État pour que le public puisse croire que tout a été mis en oeuvre pour séparer les intérêts politiques des intérêts du citoyen. Les citoyens, justement, les experts, les journalistes, les organismes, tous ceux qui utilisent la Loi d'accès ne peuvent être écartés du processus de rédaction, parce que l'information n'appartient pas aux gouvernants, l'information n'appartient pas aux fonctionnaires, l'information n'appartient pas aux partis politiques, l'information appartient aux citoyens.

Qui René Lévesque a-t-il approché en 1981 pour écrire la toute première loi d'accès à l'information? C'était, bien sûr, le rédacteur en chef de L'Actualité de l'époque, Jean Paré. Il lui a laissé champ libre pour qu'il compose lui-même sa commission. C'en était d'ailleurs une condition sine qua non : la commission Paré rédigerait un projet de loi clés en main pour le gouvernement. Elle était formée de juristes, d'informaticiens, d'économistes, de fonctionnaires et de journalistes. Ainsi, René Lévesque n'a pas que laissé dans son héritage la toute première loi d'accès à l'information du Québec, celle que nous utilisons encore aujourd'hui, il a légué avec elle le principe d'indépendance qui lui est rattaché, d'indépendance de l'État, pour qu'elle soit à l'abri des intérêts politiques. Aujourd'hui, c'est la première fois, depuis une génération, que nous faisons face à la refonte complète de cette loi. La FPJQ demande donc à votre gouvernement, M. le ministre, de mettre en place une commission indépendante, similaire à celle de Jean Paré pour proposer un projet de loi. Il n'est pas trop tard, et le processus nous apparaît essentiel.

Revenons, si vous le voulez bien, au contenu de ces orientations de votre gouvernement. Nous avons soulevé, dans ce court mémoire que nous vous présentons aujourd'hui, nos principales appréhensions. Je ne les énumérerai pas toutes, mes collègues qui utilisent la Loi d'accès à profusion auront l'occasion d'y revenir pendant la période des questions, mais je vous soumets tout de suite une des orientations qui nous a laissés le plus perplexes, et le mot est faible.

On retrouve dans ce document une nouvelle préoccupation pour l'espace privé des fonctionnaires. Je cite le document d'orientation : «...vouloir que le gouvernement dispose d'un espace de liberté et d'un contrôle sur le processus décisionnel, tant sur le plan politique qu'administratif, justifie que l'on protège, parfois à certaines conditions, les documents qui précèdent la prise de décision — analyse, avis, opinion juridique, recommandation et délibération — de même que ceux qui la suivent — vérifications et autres.» Fin de la citation.

Votre gouvernement propose que cet espace privé, qui était jusqu'ici réservé au Conseil des ministres, s'étende à tous les fonctionnaires de l'État. Ainsi, dans tous les ministères et organismes, un fonctionnaire pourrait utiliser l'excuse de l'espace privé pour ne pas remettre tel rapport ou tel échange de communication. Il ne s'agit pas ici que d'un recul de la transparence, mais d'une façon de se moquer entièrement de cette loi. Toutes les autres améliorations deviendraient essentiellement une mascarade si cette clause bateau voyait le jour.

La FPJQ vous pose aujourd'hui, M. le ministre, une question : Comment comptez-vous prouver qu'il y a actuellement un problème avec l'espace privé des fonctionnaires au point qu'il faille en changer la loi?

Je terminerais en rappelant que plus la Loi d'accès sera restrictive, moins l'information circulera. Un gouvernement qui souhaite une réelle transparence devrait tout faire pour minimiser les exceptions à la loi. Une exception si vaste que celle de l'espace privé des fonctionnaires, que je viens de mentionner, ne fait que procurer des outils à ceux qui veulent cacher l'information publique. Ces exceptions ne font que mettre davantage de bâtons dans les roues des journalistes qui souhaitent rendre au public l'information qui lui est due. Merci, M. le Président.

• (14 h 10) •

Le Président (M. Hardy) : Merci pour votre présentation. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. M. le ministre, à vous la parole pour une période de 17 minutes.

M. Fournier : Merci beaucoup. Et merci à vous d'être avec nous. Merci d'aborder la question de l'espace privé, parce que c'est à mon grand étonnement que vous avez trouvé une nouvelle exception. Donc, la réponse à votre question sera simple : Il n'y a pas une nouvelle exception d'espace privé. Donc, j'imagine que cela... Je vais vous l'expliquer, d'ailleurs, mais j'imagine que cela adoucit votre présentation devant nous et l'ensemble du questionnement qui est dans votre mémoire.

Mais, avant d'arriver à l'espace privé, qui vous préoccupe, je note, et vous l'avez noté, qu'il y a quand même de nombreuses recommandations ou orientations qui sont à l'intérieur du document et que vous avez concentré sur celle-là. Alors, je prends pour acquis qu'un certain nombre d'orientations sont valables, peut-être. Vous ne l'avez pas dit, si vous voulez nous le dire tantôt, ce serait approprié, qu'on puisse mesurer et les pour et les contre, l'information étant de donner ce qui est bon, ce qui n'est pas bon, et qu'on puisse, comme public, se faire une opinion sur l'ensemble de l'oeuvre et non pas cibler simplement un seul élément. Mais je vous laisserai, tantôt peut-être, le dire.

Sur la question de l'étude en vase clos, je tiens à vous dire que je crois pouvoir apporter certaines nuances au fait que vous nous reprochiez de procéder à une façon de faire qui est en vase clos. Nuances qui peuvent être acceptables ou pas, ça dépend de chacun, vous n'êtes pas obligés de l'accepter. Mais j'ai eu l'occasion de rencontrer votre fédération deux fois avant de produire le document, je crois avoir été à l'écoute à ce moment-là.

Ce qu'on dépose, ce n'est pas un projet de loi, ce n'est pas une loi à adopter non plus. Puis ce n'est pas un projet de loi, c'est un document d'orientation pour permettre, dans une consultation générale, que le public qui s'y intéresse puisse venir. Disons que, jusque-là, j'avais l'impression qu'on n'était pas tellement en vase clos et je trouvais l'expression un peu forte, surtout pour des gens qui tiennent à la juste information. Je voulais faire cette mise en garde.

Sur l'espace privé, le document est fait pour expliquer un certain nombre de choses dont notamment la question du processus décisionnel gouvernemental pour lequel il doit y avoir un espace qui permet aux gens qui font des recommandations d'avoir pleine liberté de les faire. Et je sais bien que ce n'est pas votre position, et chacun a droit à une position, mais je profite de l'occasion, parce que vous questionnez là-dessus, pour vous dire que l'espace privé vient expliquer ce qu'était l'exception ou la limite pour l'intérêt public, parce que ça sert l'intérêt public que de permettre qu'il y ait une étude approfondie de l'ensemble des facettes d'une question et qu'il n'y ait pas d'autocensure à l'égard des différentes positions possibles. Mais je sais que je ne vous convaincrai pas moi-même en vous disant tout ça, simplement en vous disant que ce qui est dit sur l'espace privé vient expliquer, sous forme pédagogique, cette exception qui, pour certains, n'est pas valable. Vous n'êtes pas les seuls, d'autres plaident pour que l'ensemble des avis et recommandations, dès le moment de la décision, soient rendus publics. Vous n'êtes pas les seuls. Maintenant, puisque je suis ministre responsable, j'ai une tâche, c'est à moi de l'assumer. Je l'assume, et donc j'ai choisi qu'on fasse un texte pédagogique pour l'expliquer.

Ceci étant, dans le rapport, on fait référence à l'OCDE qui dit ceci, et je cite, dans le rapport que nous avons déposé, à la page 15 : «...au sein du gouvernement, afin d'établir la confiance du public en ce qui concerne la prise de décision responsable, un certain degré de confidentialité peut être requis pour que les vérités difficiles à entendre soient énoncées, que les erreurs ne se soient pas dissimulées, et qu'aucune forme d'autocensure ne remette en cause la franchise des conseils donnés aux ministres.»

Je pourrais citer la Cour suprême sur une idée identique : «...notre cour a récemment affirmé que l'accès aux renseignements gouvernementaux "peut accroître la transparence du gouvernement, aider le public à se former une opinion éclairée et favoriser une société ouverte et démocratique. Certains renseignements détenus par ces institutions doivent être protégés pour empêcher une atteinte à ces mêmes principes et promouvoir une bonne gouvernance."» C'est ainsi, d'ailleurs, que le titre que nous avons donné au document était Plus de transparence, pour une meilleure gouvernance. Donc, il y a un lien entre les deux.

Mais, puisque vous avez parlé du rapport Paré, je vais aussi en citer un extrait : «Il ne faut pas non plus mettre les élus dans la situation d'être privés de sources d'information statistique ou technique, ou d'avis, ou de conseils essentiels à l'exécution de leurs mandats.» Ceci étant, il y a une recommandation pour les études statistiques et autres pour qu'ils puissent être donnés. Mais l'avis date un peu quand même.

Ce n'est pas de ça dont je veux parler. «La critique interne est nécessaire, elle doit être libre. Elle cesse de l'être quand elle est publique. Les fonctionnaires doivent pouvoir jouer leur rôle de conseillers et de critiques sans être placés dans la situation de détruire l'autorité légitime. Sachant que leurs interventions seraient utilisées à d'autres usages que ceux pour lesquels elles sont faites, ils s'abstiendraient. Il ne serait guère utile que le public dispose de plus en plus d'informations de moins en moins importantes.»

Il y a d'autres passages sur l'incitation à l'autocensure si on ne protège pas un espace privé pour la prise de décision. Est-ce que vous considérez que l'intérêt public est de favoriser l'autocensure?

Le Président (M. Hardy) : Mme Locher.

Une voix : Écoutez...

Le Président (M. Hardy) : M. Lemay.

M. Lemay(Éric Yvan) : ...la question... M. le ministre, la question qu'on posait... que ma collègue posait, c'est : En quoi, depuis 30 ans, l'espace privé des fonctionnaires a-t-il été invoqué où ça a été problématique avec la Loi d'accès? On se pose la question à savoir : Pourquoi maintenant ça devient important d'avoir un espace décisionnel pour les fonctionnaires? Est-ce que, depuis 30 ans, vous me dites qu'il y a eu une autocensure? Je ne pense pas.

Écoutez, il y a des décisions qui doivent être prises, et on invoque souvent cet espace de réflexion pour une décision. Au CUSM — on va vous donner un exemple — on a voulu savoir qui faisait partie du comité pour la sélection du partenaire en PPP. On n'a jamais pu avoir d'information, on l'a eue à la commission Charbonneau, et on sait que les comités ont été arrangés pour faire passer un soumissionnaire. Il y a aussi ça qui entre en ligne de compte, c'est-à-dire que, l'espace privé, il ne faut pas que ça devienne une exception. Bien, écoutez, on vous donne des exemples de lacunes qu'il y a dans la loi actuelle. Dans la loi actuelle, ce n'est pas possible de connaître des membres d'un comité de sélection.

Le Président (M. Hardy) : M. le ministre.

M. Fournier : Je vous pose la question sur l'espace privé, là, ce n'est pas une nouvelle... je sais que voulez me dire que c'est une nouvelle, mais on va passer l'après-midi à s'obstiner, là, ce n'est pas une nouvelle exception, ça existait, l'espace privé. C'était à cause de protection d'un espace privé, Paré le dit, qu'il y a eu une règle concernant le processus décisionnel gouvernemental. Cette exception pour protéger l'intérêt public était de dire... ça doit...

L'idée est la suivante : la transparence, ça sert la société. C'est bon. Mais est-ce que ça sert toujours l'intérêt public, quand elle amène un vice dans la gouvernance, quand elle devient un problème pour la société? Et donc la logique qui était derrière ça, qui a été documentée, je vous ai cité plusieurs... différents auteurs viennent dire que... l'importance de protéger la capacité de réflexion avant la décision qui s'appelle... L'espace privé, ça existait avant, là. Ce n'est pas nouveau. Je fais simplement profiter de ce document pour exposer la pertinence, que j'estime toujours utile, d'avoir les pleins conseils de personnes qui veulent pouvoir profiter d'un espace sachant qu'on peut tout se dire. C'est comme ça que les décisions sont prises.

Et donc je ne crée pas une nouvelle exception, j'explique que, les recommandations qui sont faites, qui, aujourd'hui, dans la loi, sont une exception, ça existe, cette exception demeure. On va réduire des délais parfois pour certains éléments, mais je fais simplement expliquer ici qu'il est de l'intérêt public de permettre aux décideurs publics d'avoir l'ensemble des informations sans qu'il y ait d'autocensure.

Alors, je vous demande simplement... évidemment, si vous acceptez ce que je dis, à l'effet que c'est le même espace privé qu'avant, là, mais est-ce que vous considérez qu'il est utile pour un décideur public de bénéficier de l'ensemble de l'éclairage sans qu'il y ait de retenue? Est-ce que vous considérez que ça sert l'intérêt public qu'il y ait une certaine limite à la transparence?

Le Président (M. Hardy) : Mme Dumont.

• (14 h 20) •

Mme Dumont(Monique) : Ce que nous considérons, au niveau de l'espace privé... Nous n'avons pas, évidemment, le détail de la rédaction. Le diable est dans les détails. Alors, en affirmant... D'abord, vous n'affirmez pas d'aucune manière que la loi sur l'accès à l'information a une prééminence sur les autres lois. Jamais la notion d'intérêt public ne se retrouve dans cette proposition de réforme. Et par la suite vous nous introduisez avec un espace privé qui n'est absolument pas défini. Je trouve qu'il y a là une très grande frilosité.

Vous avez une fonction publique qui est compétente, qui, depuis des années, gouverne avec évidemment toutes les restrictions qui s'imposent au niveau de la Loi d'accès et là, soudainement, vous introduisez cette notion-là qui n'est absolument pas définie. Je ne veux même pas rentrer dans le détail, à savoir : Où commence l'espace privé, où se termine l'espace privé, où est-ce qu'il s'adapte? Vous le mettez en amont et en aval de chaque décision, en couvrant un éventail de documents.

C'est le même principe que vous invoquez quand vous refusez la divulgation des procès-verbaux des conseils d'administration sous prétexte de protéger justement les membres des C.A. contre l'autocensure. Moi, j'ai de la misère quand je vois des membres du C.A., des gens hypercompétents, hein, des gens souvent de haut calibre, qui s'inquiètent, qui ont peur, qui ont froid et puis, parce qu'ils auraient dit un mot de trop, que ce mot-là se retrouve... On pourrait simplement caviarder leurs noms, et puis leur espace privé serait, guillemets, protégé.

Alors, on n'aime pas cette notion-là et on pense que c'est dangereux aussi pour le gouvernement. Là, vous l'appliquez en matière d'accès à l'information, mais des avocats créatifs — vous savez que ça existe, des avocats créatifs — pourraient certainement l'appliquer à d'autres... hein, dans d'autres contextes. Et, en plus, vous l'étendez à l'ensemble des fonctionnaires de l'État. À l'ensemble des fonctionnaires de l'État. Alors, pour nous...

Puis on ne veut pas juste s'attarder sur ce point-là, parce qu'on a évidemment d'autres points, j'ai parlé de la prééminence de la Loi d'accès, qui se fait triturer comme un fromage, hein, comme un fromage suisse par toute autre loi qui vient et puis... qui vient lui enlever des petites brides, mais cette notion-là d'espace privé, pour nous, est fort inquiétante, et nous ne croyons pas... et nous croyons actuellement que les restrictions sont suffisamment, comment je dirais, pesantes pour protéger les fonctionnaires actuellement et leur permettre toute leur liberté de parole et leur liberté d'action. Alors, il n'y a absolument rien qui justifie de bétonner ça, à notre avis, dans la réforme.

Le Président (M. Hardy) : M. le ministre.

M. Fournier : Je tiens à répéter qu'il n'y a pas une nouvelle exception d'espace privé. Alors, ça ne sert à rien que je vous le dise.

Mme Dumont (Monique) : Bien, vous me le dites, mais ce n'est pas ça qui...

M. Fournier : Oui, c'est ça qui est écrit, oui.

Mme Dumont (Monique) : ...que nous comprenons.

M. Fournier : Non, mais c'est ça qui est écrit. Je veux dire, honnêtement, je vous le dis en tout respect, là...

Mme Dumont (Monique) : La notion d'espace privé n'existe pas dans la loi actuelle.

M. Fournier : Oui, ce n'est pas une loi, c'est un document d'orientation qui explique des exceptions qui existent déjà. Je suis déçu que votre approche face aux recommandations qui sont là, aux orientations, soit de mettre vous-même des mots dans le texte pour dire... pour définir ce qu'est le texte. Je ne vois pas en quoi on sert le débat public quand on fait ça. Il est clair... puis, je veux dire, non seulement je pense que c'est clair... Vous avez rien qu'à le lire, le document, c'est dans le processus décisionnel gouvernemental. On dit que, lorsqu'il y a des recommandations qui soient faites, on doit permettre qu'elles soient libres, entières, totales et qu'on protège ça. Et je dis en plus : Il y a de nombreuses autorités, puis ce n'est pas des politiciens, nombreuses... dont le rapport Paré, que vous évoquez abondamment, qui prévoit qu'on doit protéger ça. Et je dis ceci : L'intérêt public, la transparence le sert, mais la transparence totale peut aussi lui causer des problèmes, à l'intérêt public. Est-ce que vous êtes d'accord avec ce que je viens de dire?

Le Président (M. Hardy) : Mme Dumont.

M. Fournier : Ou est-ce qu'il n'y a pas de limite, selon vous, à la transparence et que l'intérêt public, c'est la transparence?

Mme Dumont (Monique) : Dans toutes les lois d'accès à l'information, il y a des restrictions. Il y a des restrictions, par exemple, en matière de secret commercial. Il y a des restrictions en matière de sécurité intérieure, en matière d'enquêtes policières, en matière de défense. Nous acceptons tout à fait ça. Ce que nous contestons parfois, comme journalistes, c'est la durée de ces restrictions-là, O.K.? À ce niveau-là, vous faites un peu un pas en avant. Vous parliez des bonnes choses de votre réforme : ça, il y a quelques petits pas en avant, mais je vous dirais qu'ils sont assez timides, et en fait on est comme sur une petite marchette pour personnes âgées, O.K.? Mais quand même, quand même, c'est un petit pas. Mais ce que nous disons, c'est qu'il faut viser le maximum de transparence.

Et c'est vrai qu'on peut citer... Le rapport Paré a créé la première loi d'accès à l'information. Nous sommes plus de 30 ans derrière ça. Aujourd'hui, les notions de transparence sont beaucoup plus importantes, ont beaucoup plus de valeur et d'ampleur dans notre société qu'il y a même 30 ans. Et les lois d'accès qui sont les plus innovatives, que ce soit aux États-Unis ou en Australie, mettent vraiment, véritablement, l'accent sur la transparence. Aux États-Unis, on peut avoir des documents, et moi-même, comme enquête, j'ai obtenu souvent des documents par les États-Unis plutôt que par le Canada ou le Québec, pour documenter des dossiers d'enquête.

Alors, c'est pour vous dire que, tant qu'à s'inspirer... Oui, on peut citer effectivement ces extraits-là, qui sont tout à fait vérifiables. Cependant, il faut bien voir que les sociétés évoluent, et aujourd'hui on est dans un mode où la transparence est une garantie de démocratie. Alors, c'est vers ça qu'il faut tendre.

M. Fournier : Je crois que c'est ce...

Le Président (M. Hardy) : M. le ministre.

M. Fournier : Et je vois que c'est ce que nous faisons. Dans le document, nous voulons aller vers plus de transparence. Et je crois que, si on veut plaider ou présenter et qu'on voudrait tenir la plume du prochain projet de loi, il faudrait aussi pouvoir s'entendre préalablement sur ce que représente l'intérêt public.

Mme Locher (Caroline) : Vous parlez beaucoup d'intérêt public...

Le Président (M. Hardy) : Mme Locher.

Mme Locher (Caroline) : ...justement, on a un problème avec le fait que l'intérêt public n'est pas protégé dans ces orientations-là.

Mme Dumont (Monique) : C'est-à-dire, elle n'est pas présente dans le...

Le Président (M. Hardy) : Mme Dumont.

Mme Dumont (Monique) : ...dans le document comme tel. Elle ne semble pas être présente dans le projet de loi que vous allez présenter.

Le Président (M. Hardy) : M. le ministre.

M. Fournier : C'est évident, c'est un document d'orientation, ce n'est pas le projet de loi lui-même.

Mme Dumont (Monique) : Non, mais ça donne le...

• (14 h 30) •

M. Fournier : Mais, lorsqu'on lit l'ensemble du document, je crois qu'il y a suffisamment de paragraphes et de pages qui traitent de l'importance d'avoir plus de... Je vous le dis parce que tous les autres qui ont fait des mémoires l'ont dit puis l'ont reconnu, sauf vous. Ils reconnaissent qu'il y a là-dedans une démarche vers la transparence, qu'elle sert la démocratie, qu'elle sert la participation citoyenne. C'est écrit, je ne sais pas combien de fois. Alors, de me faire dire que ce n'est pas là, je trouve qu'on est loin de l'information complète qui sert l'intérêt public, franchement.

M. Lemay (Éric Yvan) : Écoutez, M. le ministre...

Le Président (M. Hardy) : M. Lemay.

M. Lemay (Éric Yvan) : M. le ministre, on a 45 minutes pour discuter. Je comprends que vous voudriez qu'on parle des bons points. Il y a des points qui sont d'intérêt, mais on a 45 minutes, donc il y a des préoccupations qu'on a puis c'est ce qu'on souhaite vous transmettre.

Il y a une chose concernant la reddition de comptes, depuis 30 ans il y a des amendes, qui sont prévues dans la loi, qui n'ont jamais été appliquées. Vous augmentez le montant de ces amendes-là, comment allez-vous les faire appliquer? Et d'ailleurs il y a un problème au niveau des gens qui sont responsables de l'accès à l'information, parce que, quand ils ne répondent pas, ils ne sont redevables à personne, ils font ce qu'ils souhaitent, ils n'ont personne au-dessus d'eux pour leur dire qu'ils font mal leur travail. Il y a des organismes qui ont été ciblés, il y a des reportages qui ont été faits pour montrer qu'il y avait des problèmes. Qu'est-ce que vous entendez faire pour qu'il y ait une plus grande reddition de comptes et que les amendes ne soient pas que sur papier?

Le Président (M. Hardy) : M. le ministre, il vous reste 1 min 30 s.

M. Fournier : Alors, d'abord, sur le dernier point, nous demandons, nous voulons que le ministre qui occupe ma fonction... peu importe moi ou un autre, là, le ministre qui occupe ma fonction sera responsable d'aller chercher de l'information pour qu'il y ait une meilleure reddition de comptes, un meilleur suivi. Et, ceci étant, ce n'est pas pour prendre la place de la Commission d'accès à l'information, comme j'ai pu comprendre que certains l'avaient interprété, c'est au-delà des responsabilités de la commission, qui les garde, qui les conserve, dont on veut d'ailleurs qu'il soit un plus grand champion de l'accès.

Il y a ici, dans les propositions, un devoir, pour le ministre et son équipe, pour justement faire ce que vous venez dire. À l'égard des amendes, il y a le... à la page 112, on rappelle... on note qu'il n'y a jamais eu de poursuite pénale intentée, comme vous l'avez dit. On propose d'enlever le terme «sciemment» pour alléger le fardeau de la preuve exigée. C'est écrit dans le document, c'est ce qu'on propose. Est-ce que vous trouvez que cela est une bonne façon d'aborder le problème que vous avez soulevé?

Le Président (M. Hardy) : M. Lemay.

M. Lemay (Éric Yvan) : Concrètement, comment on va être en mesure d'appliquer les amendes?

M. Fournier : Bien, concrètement, si on est en mesure d'avoir une preuve et qu'on allège le fardeau de preuve, je pense qu'on se donne un petit peu d'aide. Je vous pose la question : Est-ce que vous trouvez que c'est un pas dans la bonne... Je ne vous demanderai pas si c'est total, est-ce que c'est un pas dans la bonne direction?

Le Président (M. Hardy) : M. Lemay...

Mme Dumont (Monique) : Absolument!

Le Président (M. Hardy) : Mme Dumont.

Mme Dumont (Monique) : Nous, on est pour une meilleure reddition de comptes au niveau des responsables de l'accès à l'information et on trouve que votre document va de l'avant dans ce sens-là. On aime bien l'idée aussi qu'il y ait des amendes. Où on se préoccupe, c'est comment la Commission d'accès à l'information va le faire. Est-ce qu'il va y avoir un changement de culture à ce niveau-là? Parce qu'elle n'est pas vraiment champion de l'accès à l'information. Disons-le simplement comme ça. D'autre...

Le Président (M. Hardy) : Merci. Le temps du côté gouvernemental est terminé. Est-ce que vous...

Mme Maltais : ...sur mon temps, si elle veut compléter sa réponse.

Le Président (M. Hardy) : Parfait.

Mme Dumont (Monique) : Ce que nous voulons... Ce que nous nous préoccupons, c'est du changement de culture que cela suppose et si vraiment on va être capable de taper sur les doigts des responsables d'accès qui sont vraiment... excusez-moi, mais qui sont vraiment de mauvaise foi.

Vous savez qu'il y a une réunion des conseils des responsables de l'accès qui se tient régulièrement pour se mettre au courant des différents dossiers et vous savez certainement qu'il y a eu, à un moment donné, un tableau à savoir lequel livrait le moins d'information aux demandeurs d'accès. Et on s'en vantait.

Alors, je pense qu'il y a un petit travail à faire de ce côté-là. Il faudrait que la Commission d'accès soit beaucoup plus... Et ça, il y a peu de détails dans le projet de réforme. Bien, je comprends qu'on ne peut pas tout dire, là, mais on comprend votre volonté de vouloir...

M. Fournier : ...

Mme Dumont (Monique) : Voilà.

M. Fournier : ...c'est sur votre temps — on voulait scinder la commission.

Mme Maltais : ...on va revenir.

Mme Dumont (Monique) : Oui, mais ça... Oui.

Mme Maltais : O.K. M. le Président, si vous permettez?

Le Président (M. Hardy) : Merci, merci. Nous allons maintenant passer à la période d'échange avec l'opposition officielle. Mme la députée de Taschereau, à vous la parole pour une période de neuf minutes.

Mme Maltais : Peu de temps. Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Locher, M. Lemay, Mme Dumont. C'est un plaisir de vous rencontrer, d'autant que je pense que le Québec doit beaucoup à certains journalistes dans les dernières années, entre autres à l'émission Enquête. Ça me fait plaisir de le dire, saluer la qualité du travail qui a été fait par les recherchistes. Je sais que... excusez-moi, Le Journal de Montréal, si je me permets de dire ça, mais ils ont quand même une fleur à son chapeau pour cette émission, et la qualité de la recherche était exceptionnelle.

Vous avez eu des mots durs envers la façon dont la loi est utilisée : «travestie», «dénaturée». Si j'écoute ces mots-là, je me dis : Est-ce que c'est parce que la loi a été mal appliquée dans le passé ou est-ce que c'est parce que véritablement elle est insuffisante face à la réalité moderne? Est-ce que vous pouvez me le dire, ça?

M. Lemay (Éric Yvan) : Je peux vous donner un exemple...

Le Président (M. Hardy) : M. Lemay.

M. Lemay (Éric Yvan) : Excusez-moi. Mme la députée, je peux vous donner un exemple concret de problématique que j'ai observée. Il y a quelques années, j'ai voulu obtenir le contrat du directeur général du CHUM. La responsable de l'accès à l'information m'a transmis les informations en deux semaines. Quand le nouveau directeur général est entré en poste, j'ai fait la même demande d'accès à l'information. Il y a eu une opposition, on a envoyé ça devant la Commission d'accès à l'information, on a changé les motifs d'opposition, on a joint le Conseil du trésor à l'opposition et on a obtenu une décision, qui était sans appel, devant la Commission d'accès, trois ans plus tard. Et ce n'était pas suffisant. La direction du CHUM a transmis le contrat du directeur général au bout de 30 jours, qui était la limite permise par la Commission d'accès, et la personne qui a transmis l'information, ce n'était pas le responsable de l'accès à l'information, c'était la directrice des communications.

Quand on dit qu'on pervertit la loi, il est là, le problème, c'est-à-dire que, quand on ne veut pas nous donner un document, on va utiliser toutes les astuces possibles pour ne pas l'utiliser. Je ne dis pas qu'elle est inutile, la loi d'accès à l'information, qu'elle ne fonctionne pas. Elle fonctionne aux endroits où on veut bien qu'elle fonctionne.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Je vais vous poser une question, à ce moment-là, qui est un peu en complément. Vous dites : On l'utilise mal, on a... peut-être. Donc, est-ce que vous pensez que, ce que nous avons comme document devant nous, les orientations qui sont là-dedans font qu'on resserre assez les règles du jeu pour qu'il n'y ait plus de possibilité de ce genre, de ce que je vais appeler dérive, là? C'est-à-dire, ce n'est pas normal que, si vous demandez un contrat, il y en a qui le donnent, puis l'autre ne le donne pas, là. Ça ne marche pas. Ça veut dire qu'il y a véritablement un problème d'interprétation. Est-ce que là-dedans il y a des outils pour nous permettre de faire face à ce type de dérive?

Le Président (M. Hardy) : Mme Dumont.

Mme Dumont (Monique) : Oui. Je vous dirais que c'est une avancée, O.K.? C'est une avancée, et, à cet égard-là... Ici, on n'est pas vraiment pour dire vraiment tout ce qui est bon, on veut plutôt insister sur ce qui nous apparaît, nous, les manques ou les lacunes. Et il y a différents problèmes qui subsistent. Je l'indiquais, entre autres, la notion de prééminence de la Loi d'accès sur d'autres textes législatifs. Je vous donne un exemple. Nous, nous avons fait enquête, à un moment donné, une demande au ministère des Transports pour avoir les membres des comités des jurys, des comités de sélection des entrepreneurs, et on nous les a refusés comme journalistes, et par contre on les avait donnés aux ingénieurs privés qui en faisaient la demande. Alors, on est allés en Commission d'accès à l'information pour cela, on a gagné, on a eu gain de cause, et ce qu'a fait le ministère des Transports, c'est qu'il a modifié son règlement sur l'octroi des contrats publics pour justement rendre confidentiels les noms des membres des comités de sélection.

Un autre exemple, dans la dernière loi du ministre Barrette en matière de santé, un nombre effarant de restrictions sont apportées à la divulgation de beaucoup de documents.

Alors, d'un côté, on dit une chose, de l'autre côté, on fait autre chose. Il n'y a pas de cohérence législative. S'il y avait une notion de prééminence de la Loi d'accès, on ne pourrait pas la gruger comme fromage gruyère à travers toute une série d'autres législations. Si vous consultez le Doray, qui est la référence en matière d'accès à l'information, l'ouvrage de Raymond Doray, vous verrez les chapitres concernant toutes les exceptions à la Loi d'accès qui sont prévues dans une panoplie d'autres lois, et sans compter les règlements, et vous verrez que la Loi d'accès se rétrécit comme peau de chagrin.

Alors, je ne parle pas de cas où est-ce qu'on comprend qu'on veut respecter la confidentialité, par exemple, dossier médical, la question des renseignements personnels. Je ne suis pas à ces niveaux-là, je suis au niveau de documents qu'on devrait considérer de type administratif. Je peux vous donner un exemple en matière de... Dans certains établissements de santé, notamment en matière de protection de la jeunesse, on sait que les dossiers personnels sont évidemment protégés, c'est tout à fait logique et normal. Par contre, ce qu'on fait, c'est que les responsables prennent des documents qui seraient de nature administrative et les mettent dans ces dossiers-là. Alors, ils deviennent automatiquement protégés comme ce serait un dossier personnel, le dossier, finalement, de l'individu.

Alors, il y a toutes sortes d'astuces, comme disait mon collègue, et de stratégies qui ne sont pas abordées dans ça. Et, encore là, c'est la notion d'intérêt public qui devrait primer. Alors, c'est une avancée, mais nous en sommes insatisfaits sur plusieurs points qu'on a énoncés dans notre mémoire.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Merci beaucoup. J'avais noté, moi aussi, d'entrée de jeu, dans mes remarques préliminaires, que ce gouvernement de la transparence, malheureusement... Même si le ministre veut amener vers de la transparence, on a encore un problème avec, par exemple, en santé, les urgences. Il y a des données qui sont disparues du Web. Et je disais tout à l'heure que le ministre de l'Agriculture n'a jamais rencontré personne, puisque, dans son agenda, il n'y a aucune rencontre depuis qu'il a été nommé. Alors, il y a comme un petit problème. On n'a jamais su où était la ministre de la Sécurité publique quand il y a eu l'évasion... On attend toujours de savoir où elle était. Alors, voilà.

La prééminence de la LAI, avez-vous une idée comment on pourrait inscrire ça...

Le Président (M. Hardy) : Mme Dumont.

Mme Dumont (Monique) : Bien, il me semble qu'il y a un article de base, hein, en prologue, en préambule, ou bien qui donne le ton. Je ne suis pas juriste, là, ce n'est pas moi qui fais la rédaction des lois, mais il me semble qu'il y a des gens qui font la rédaction des lois qui seraient tout à fait à même d'établir un ou deux articles de base, un peu sur le modèle de l'article 9 qui établit le droit de chaque citoyen ici, au Québec, et ailleurs, d'ailleurs, de faire une demande d'accès à l'information. Alors, il y aurait moyen, je pense, dans la loi, non seulement d'affirmer cette prééminence-là, mais de s'assurer, je pense, qu'au niveau provincial on ne crée pas... on n'écrit pas des lois comme ça, sur le bord d'un bureau, là, mais que le comité qui s'occupe qu'il y ait une cohérence législative s'assure que des lois ne passent pas avec des restrictions supérieures à ce que la Loi d'accès prévoit.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Merci. Je veux parler de ce que vous avez appelé la clause bateau, l'espace privé. Moi, je suis capable de tout à fait comprendre, là. J'ai été des deux côtés, ça fait que — comme quelques-uns ici — alors, je suis capable de comprendre qu'effectivement il y a besoin d'un espace de réflexion, à l'État, au gouvernement, ils ont besoin... C'est pour ça qu'entre autres... Et il y a un besoin de libre discussion au Conseil des ministres, qui fait que... où il y a un 25 ans sur les réflexions au Conseil des ministres qui permet de protéger les conversations entre élus ou la prise de décision.

 Maintenant, moi aussi, je l'avais remarquée, cette idée d'espace privé du fonctionnaire, mais j'avoue que moi aussi, j'ai été interpellée de voir que ça apparaissait. Il n'y a pas d'espace privé de fonctionnaire, il y a un espace de réflexion pour le gouvernement. Le fait que ça apparaisse, moi aussi, me semble inquiétant. Maintenant, je comprends que ce n'est pas une intention de mettre ça dans la loi, mais il y a une vision là-dedans qui est exactement ce qu'on est en train... ce que vous êtes en train d'expliquer, c'est-à-dire que le fonctionnaire, au niveau privé, peut décider de retirer des éléments parce qu'il considère, de son jugement à lui ou à elle, qu'ils sont nocifs pour le dossier ou pour lui-même.

Le Président (M. Hardy) : En 10 secondes, M. Lemay.

M. Lemay (Éric Yvan) : Mme la députée, on a la même préoccupation que vous puis on a certaines préoccupations aussi concernant les tiers qui sont souvent évoqués. Donc, effectivement.

Le Président (M. Hardy) : Merci.

M. Fournier : ...je partage votre point de vue. Ça fait que ce n'est pas dedans. C'est une explication. Vous pouvez jaser comme vous voulez, là, c'est une explication. Arrêtez d'avoir peur de ça, ça ne sera pas une nouvelle exception dans une loi, c'est une explication. Arrêtons, là, de faire comme si.

Le Président (M. Hardy) : Merci, merci. Nous allons maintenant passer à la période d'échange avec le deuxième groupe d'opposition. M. le député de Borduas, à vous la parole pour une période de sept minutes.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Mesdames messieurs, bonjour. Merci pour votre contribution puis votre témoignage aujourd'hui. D'entrée de jeu, à la page 7 de votre mémoire, le paragraphe 12, vous donnez l'exemple d'un journaliste de Radio-Canada qui a fait face à une situation de demande abusive. C'est ce qu'il s'est fait répondre. Est-ce que, dans le cadre du travail de journaliste, ça arrive fréquemment, ce genre de refus? Pouvez-vous l'imager un peu en fonction de la loi qu'on a actuellement?

Mme Locher (Caroline) : Bon, cet exemple particulier, c'est un collègue de Mme Dumont, alors elle sera en mesure de... Mais vous avez aussi des exemples, je sais, chez vous.

Le Président (M. Hardy) : Mme Dumont.

Mme Dumont (Monique) : Oui. Je dirais que, la demande abusive, c'est une introduction d'un article qui aurait été fait il y a quelques années, lorsqu'on a modifié la Loi d'accès à la suite de représentations d'organismes qui se voyaient inondés de toute une floppée de demandes d'accès qu'on pourrait peut-être qualifier d'abusives, là. Sauf que, depuis quelques années, cette notion-là n'ayant pas été balisée, ce qu'est une demande abusive, eh bien, à partir de ce moment-là elle devient... elle sert à toutes les sauces.

Alors, moi, je l'ai noté... mon collègue Daniel Tremblay qui est à l'origine de cette demande-là : quatre demandes d'accès deviennent une demande abusive. Moi, j'avais fait une demande d'accès sur des documents de l'îlot Voyageur, à l'UQAM, et on a qualifié ma demande d'abusive, hein, puis j'ai été déboutée en Commission d'accès à l'information, malheureusement.

Mais, ceci étant dit, ce que l'on note, c'est que cette notion de demande abusive, si elle doit rester dans la loi, devrait être beaucoup plus balisée.

• (14 h 40) •

Le Président (M. Hardy) : M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Oui. À la page 5, le troisième paragraphe de votre mémoire, vous parlez de l'absence, dans le document, d'un mur de Chine entre l'administratif et le politique. Est-ce que vous avez des exemples concrets, dans le cadre du travail de journaliste, où le politique se mêle de l'accès à l'information? Puis ça m'intéresserait...

Le Président (M. Hardy) : M. Lemay.

M. Lemay (Éric Yvan) : Oui. M. le député, j'utilise la loi d'accès à l'information... je suis un jeune journaliste encore, mais je l'utilise depuis le début des années 2000. Depuis le début des années 2000, on avait des échanges uniquement qu'avec la personne responsable de l'accès à l'information. Aujourd'hui, il est régulier qu'on fasse une demande d'accès à l'information et que c'est la personne aux communications qui nous rappelle ou qui nous dit : Tu vas l'avoir à tel moment, ta demande, ou : tu ne l'auras pas, et qui contrôle l'agenda. On n'a pas d'objection à ce que l'accès à l'information informe les communications d'une demande qui a été faite puis qu'il y ait une réponse même qui soit préparée. Le problème, c'est quand il y a une obstruction ou quand il y a... En fait, il n'y a rien qui protège la personne qui est responsable de l'accès à l'information, qui lui donne, je ne dirai pas les clés de la maison mais une espèce d'immunité, c'est-à-dire qu'une fois qu'elle a la demande elle puisse aller dans n'importe quelles sphères qui sont sous sa juridiction, et aller chercher les documents, et les transmettre.

Présentement, depuis un certain nombre d'années, ça a changé, et il y a vraiment... on verse vraiment vers plus une politique de communication qu'une politique d'accès aux documents. Et la loi, c'est une loi d'accès aux documents, ce n'est pas une façon de mener des communications au sein de l'organisme. Donc, c'est ce qu'on veut dire.

Le mur de Chine qu'on souhaite, c'est qu'il y ait une indépendance pour la personne qui est responsable de l'accès à l'information au sein de chacun des organismes.

Le Président (M. Hardy) : M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Et puis comment ça se traduit lorsque vous faites une demande d'accès vers un ministère?

Mme Dumont (Monique) : Qu'est-ce que vous voulez dire?

M. Jolin-Barrette : Bien, je veux dire, vous parlez de la question de l'administratif versus... Je comprends que vous me parlez des communications, mais est-ce que ça se traduit d'une façon particulière lorsque vous vous retrouvez au niveau provincial, supposons, avec les cabinets ministériels?

Le Président (M. Hardy) : Mme Dumont.

Mme Dumont (Monique) : Je peux vous donner le témoignage... Évidemment, au fil des ans, j'ai établi, souvent, d'excellentes relations avec des responsables de l'accès, qui connaissaient très bien le jeu politique qui s'exerçait, et souvent on conseillait un certain type de rédaction afin de ne pas allumer une lumière jaune au cabinet politique.

Alors, ceci est une réalité avec laquelle les responsables de l'accès doivent composer. Certains sont plus de type, comment dirais-je... Non, je ne les qualifierai pas, mais certains ne se préoccupent pas, disons, de l'intérêt public plus qu'il ne faut, et, à ce moment-là, la lumière jaune s'allume très rapidement au cabinet politique, aussitôt qu'un sujet est le moindrement chaud. Alors, je peux vous dire, moi, j'ai eu des témoignages fréquents, et il y a peu de moyens de contourner ça aujourd'hui, puisque maintenant tout est chapeauté par une structure concentrée.

Le Président (M. Hardy) : M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Oui. Une autre question. Relativement à la notion de dommages — vous en faites part dans votre mémoire — on souhaite ajouter la question de préjudice. Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez?

Le Président (M. Hardy) : Mme Dumont.

Mme Dumont (Monique) : Oui. C'est une question que j'ai soulevée parce qu'elle m'a intriguée, parce que cette notion-là de dommages... Et même, au niveau de la jurisprudence en matière d'accès à l'information, on trouve rarement ce genre d'argumentaire, et là, soudainement, ce terme-là apparaît, «dommages», et il apparaît aussi pour les tiers.

Alors, on n'en a pas parlé, des tiers, malheureusement on aura peu de temps pour en parler, mais, moi, ça m'inquiète, ça, parce qu'il me semble que c'est une nouvelle notion qui vient comme baliser un peu plus la prise de décision, peut-être orienter certaines réflexions des commissaires à l'accès qui ont à décider de la disponibilité ou de la divulgation des documents sur des dommages qu'il faudrait démontrer ou prouver, de quels types de dommages parle-t-on.

Non, nous, on a trouvé ça... On voulait simplement attirer l'attention que c'était, encore là, un terme qui apparaît et puis qui n'était pas là.

M. Jolin-Barrette : Qui n'était pas là, dans la législation...

Mme Dumont (Monique) : Non, qui n'était... Bien, pas à ma connaissance. On peut peut-être... Là, écoutez, je n'ai pas fait toute la jurisprudence en matière d'accès, bien que je la suis de façon assez proche, là, mais j'ai rarement vu un refus de divulguer des documents par un commissaire à l'accès sous le prétexte que ça va créer des dommages, guillemets. Quels types de dommages? Dommages à la réputation, dommages économiques, dommages financiers? Déjà, les restrictions, là, interdisent, par exemple, la diffusion de documents qui pourraient toucher des secrets commerciaux, industriels, économiques, etc., de défense, nuire à une enquête.

Le Président (M. Hardy) : En conclusion.

Mme Dumont (Monique) : Alors, je ne vois pas, là, la notion de dommages, là.

M. Fournier : ...pour plus de précision, il est utilisé lorsqu'on parle du test de préjudice, pour que l'exception soit vraiment exceptionnelle. Donc, c'est plutôt dans le sens contraire que votre crainte que ça doit être interprété. Mais je prends ça comme un appui.

Mme Dumont (Monique) : Bien, moi, je crains beaucoup les avocats créatifs, hein?

Le Président (M. Hardy) : Merci de votre contribution...

M. Fournier : Il faut quand même lire les textes, tu sais, à un moment donné.

Le Président (M. Hardy) : Nous allons suspendre nos travaux quelques instants.

Et j'inviterais la représentante du Mouvement Retrouvailles, Adopté(e)s, non-adopté(e)s, parents à prendre place à la table des témoins.

(Suspension de la séance à 14 h 46)

(Reprise à 14 h 49)

Le Président (M. Hardy) : La commission reprend ses travaux. Je souhaite la bienvenue au Mouvement Retrouvailles, Adopté-e-s, non-adopté-e-s, parents. Mme Fortin, je vous demanderais de vous présenter et je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour faire votre exposé.

Mouvement Retrouvailles, Adopté-e-s, non-adopté-e-s, parents

Mme Fortin (Caroline) : Alors, bonjour. Je suis Caroline Fortin, la présidente du Mouvement Retrouvailles.

Alors, je vais commencer de ce pas, 10 minutes, c'est court, mais je vais faire un tour d'horizon assez rapide.

Alors, premièrement, j'aimerais remercier les membres de la commission de nous recevoir aujourd'hui dans le cadre de cette consultation, même si le sujet dont je vais traiter ne fait pas exactement partie du document de consultation. Vous avez probablement tous lu, enfin je l'espère, notre document de présentation, et vous comprendrez que nous désirons que le gouvernement lève la confidentialité des dossiers d'adoption.

• (14 h 50) •

Le Mouvement Retrouvailles est ici aujourd'hui pour vous présenter certaines de nos recommandations touchant le droit à l'identité, dont l'accès aux informations d'origine. Plusieurs sont déjà connues par les différents partis et ministres en poste au cours des dernières années. D'ailleurs, j'en vois quelques-uns ici. Bonjour. Et c'est pourquoi je ne vais pas tout reprendre, là, ce qui a été fait au cours des années. Par contre, comme nous avons été invités aujourd'hui, bien, il nous est permis de croire que nos recommandations suscitent suffisamment d'intérêt au sein du gouvernement pour que           Deux projets de loi importants ont été présentés en 2012 et 2013, soit le n° 81, par M. Fournier ici présent, et le n° 47, par M. St-Arnaud, sans jamais avoir droit à un second souffle. Il est urgent que le Québec ouvre la valve et emboîte le pas notamment à la Colombie-Britannique, l'Ontario et récemment le Manitoba. Considérant les différentes dispositions présentées aux projets de loi n° 81 et n° 47 ainsi qu'au document dont fait... l'objet de la consultation d'aujourd'hui, nous constatons que le gouvernement du Québec semble être prêt pour une avancée majeure en ce qui a trait aux lois régissant le monde de l'adoption et sur la divulgation d'informations.

En ce qui concerne les adoptions, bon, nous, on va parler plus des adoptions du passé. Les nouvelles dispositions devraient : prévoir l'autorisation de la divulgation d'informations des parents d'origine à l'adopté, sauf s'il y a un veto d'information au dossier, ceci permettra à plusieurs personnes du Québec de connaître leurs origines; le non-maintien d'un veto de divulgation de l'identité dans les dossiers d'enfants confiés à l'adoption à une date antérieure à la date d'entrée en vigueur d'une nouvelle loi; devraient prévoir également la transmission des informations dans les situations de décès de la personne recherchée un an après l'événement; la transmission au requérant, après une période moratoire prévue — on parle d'un maximum de 12 mois — dans le cadre de personne introuvable, des informations nominatives, si cette personne n'a pas inscrit de veto, auquel cas elle ne porte plus le statut d'introuvable — donc, on ne peut pas avoir comme réponse qu'il y a un veto, si la personne est introuvable, il ne peut pas y avoir de veto, je pense que c'est logique — l'interdiction, dans le cas où un refus est déjà inscrit au dossier, de transférer automatiquement en veto d'information et de contact; dans le cas où une personne est déclarée inapte, que la personne désignée dans son mandat d'inaptitude ou autre personne définie au projet de loi pourrait faire la démarche en son nom; de modifier, dans le cas d'une personne qui devra prendre un recours légal pour accéder à ses antécédents médicaux, la clause prévoyant qu'elle doive prouver que le fait d'ignorer l'information requise lui cause un préjudice, et non un préjudice grave comme actuellement dans la loi; l'autorisation au directeur de la protection de la jeunesse d'aviser une personne de son statut d'adopté; après ça, devraient prévoir également qu'une personne puisse connaître son statut d'adopté dès sa majorité.

Il y a encore aujourd'hui beaucoup de personnes — là je fais une parenthèse — qui ont 50, 60, 65 ans, qui apprennent qu'ils sont adoptés. Ça ne me semble pas logique, là. Donc, on pourra en parler peut-être plus longuement tout à l'heure. Le statut d'adopté, contrairement à ceux de marié, veuf, célibataire, etc., n'est pas toujours connu de la personne concernée. Il faut se rappeler, en plus des autres faits mentionnés au présent document, qu'une personne ignorant son statut d'adopté fournira sa vie durant des informations erronées quant à ses antécédents médicaux familiaux et pour sa descendance.

Le projet ou, bon, la loi, en fait, devrait prévoir aussi que les parents d'origine aient accès aux informations sur l'identité de l'enfant qu'ils ont confié à l'adoption, que la fratrie et les personnes concernées par la filiation ou parenté pourront être contactées sans avoir à attendre une concordance au dossier, soit que le requérant et que quelqu'un de la fratrie aient présenté une demande et que l'intervenant au dossier soit à jour dans ses dossiers réguliers. La fratrie n'est pas considérée dans les dossiers d'adoption, et il sera important d'ajouter cet aspect à des nouvelles législations. Tout simplement, c'est que la population se fait vieillissante, et les mères d'origine — les mères biologiques qu'on a appelées, là, souvent — ne sont plus de ce monde, et ce sont les autres enfants qui veulent savoir qui est ce frère ou cette soeur qui a été confié à l'adoption. Ensuite de ça, devrait prévoir aussi que des antécédents médicaux familiaux soient fournis avant de recevoir officiellement un veto de contact, s'il y a lieu.

Alors, les recommandations que nous suggérons s'appliquent malgré toutes dispositions de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels et doivent être interprétées en accord avec toute convention internationale relative aux droits des enfants.

Comme nous l'avons mentionné à plusieurs reprises, que ce soit aux responsables du gouvernement, aux médias, dans les livres, des activités ou ailleurs, la personne concernée par l'adoption ignore la vérité face à ses origines. D'où vient-elle? Qui lui a donné la vie? Où sont ses frères et soeurs d'origine? Où sont ses racines? Quels sont ses antécédents médicaux ou familiaux? Ce casse-tête ne sera jamais résolu tant et aussi longtemps que le morceau manquant ne sera pas accessible, et, ce morceau, bien, c'est le gouvernement du Québec qui le tient entre ses mains. La Commission de l'accès à l'information s'apprête-t-elle à le rendre à qui de droit? Nous l'espérons fortement.

Adopter un enfant, c'est un acte intentionnel. Confier un enfant à l'adoption à l'époque, ce ne l'était généralement pas, puis encore aujourd'hui non plus, ce n'est généralement pas un acte intentionnel. Souvent, bon, à l'époque, les mères étaient forcées de donner leurs enfants pour... Bon, tout le monde connaît les raisons de l'époque. Aujourd'hui, c'est une autre dynamique, mais ce n'est pas nécessairement, on va dire, intentionnel. Dans les deux cas, l'enfant doit être le sujet de l'adoption et non l'objet. Ses droits se doivent d'être respectés.

confiés à l'adoption, devenus adultes, et la dignité aux parents qui ont dû poser un geste contre leur volonté. Certes, il se peut que certaines personnes ne soient pas entièrement satisfaites des modifications suggérées, mais il faut retenir qu'il s'agit ici d'un très grand pas vers l'avenir. Nous sommes conscients qu'il restera toujours des dossiers, des cas plus délicats ou problématiques, mais il ne faudrait pas priver la majorité de leurs droits pour quelques cas épars qui peuvent être gérés de façon plus particulière. De plus, il est important de se rappeler que le fait de connaître son statut d'adopté et son identité ne mène pas automatiquement à des retrouvailles et que le fait de retrouver un enfant ou un parent d'origine ne donne aucun droit et/ou responsabilité légale aux parties concernées.

Ne pas dévoiler l'identité des parties inscrites au dossier d'adoption aux personnes concernées est tout comme de commettre un acte illégal comme celui qui a été jadis posé en procédant à la falsification, et je le mets entre guillemets, légalisée des certificats de naissance et/ou de baptême de l'époque sous prétexte de conserver le secret ou encore de forcer les mères à donner leurs enfants. Plusieurs parlent de kidnapping d'enfants, et, en quelque part, il y a des mères qui ont peut-être raison de croire ça. Nous ne pouvons refaire le passé, mais nous pouvons en corriger les erreurs. Est-ce que le Québec est enfin prêt? Est-ce que la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels offrira les ouvertures nécessaires pour permettre de redonner l'identité aux milliers de personnes confiées à l'adoption par le passé et celles qui le seront dans le futur?

Nous vous remercions de l'attention portée à ce mémoire et espérons sincèrement que le gouvernement du Québec adoptera rapidement les nouvelles mesures suggérées, lesquelles sont adéquates aux valeurs d'aujourd'hui et surtout au respect du droit à l'identité pour tous et chacun. Merci.

Le Président (M. Hardy) : Merci, Mme Fortin, pour votre présentation. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. M. le ministre, à vous la parole pour une période de 17 minutes.

M. Fournier : Alors, merci beaucoup, M. le Président. Mme Fortin, bonjour. Merci d'être là.

Mme Fortin (Caroline) : Bonjour. Bien, merci de nous avoir invités.

M. Fournier : Je dois vous dire qu'évidemment la présentation de votre mémoire, que je qualifierais en périphérie du dossier que nous avons à l'étude, me met dans une drôle de position pour pouvoir discuter avec vous. Au moins deux positions différentes : une qui rappelle, vous l'avez notée, une époque où j'ai moi-même déposé un projet de loi favorisant des règles plus modernes, appelons ça comme ça.

Mme Fortin (Caroline) : Oui, on peut appeler ça comme ça.

M. Fournier : Et donc on pourrait profiter de l'occasion, ici, pour discuter de l'importance, je crois, des éléments qui y étaient contenus. Je me souviens à l'époque des nombreux enjeux qu'il y avait, au-delà de ce que vous avez présenté ici, parce qu'il faut voir que, dans le domaine de l'adoption, il y avait une grande question qui nous avait demandé beaucoup de temps à l'époque, qui est d'un certain intérêt, qui était la question de l'adoption coutumière chez les autochtones.

Mme Fortin (Caroline) : Oui. Ça, c'est une section que nous, on ne touche pas.

• (15 heures) •

M. Fournier : Une fois qu'on ouvrait les questions d'adoption, il y avait cette question-là qui était assez complexe, et, une fois qu'on a eu réglé ça et on pensait qu'on était bien fins, après ça sont arrivées les questions d'adoption internationale, qui étaient venues compliquer la chose. Mais, bon, peu importe, une fois que tout ça avait été fait, avant de dire quel est mon deuxième malaise pour discuter du fond que vous mettez sur la table, je me permets quand même une certaine note d'encouragement.

D'abord, moi-même, je me suis commis par écrit, dans le fond, puisqu'il y a eu un dépôt de projet de loi. Jusqu'à un certain point, vous connaissez... vous savez où je loge. Je crois pouvoir dire qu'à l'époque de ce dépôt j'étais fortement appuyé par la députée actuelle d'Arthabaska, qui était de la CAQ et qui militait beaucoup pour ce mouvement-là, et donc, jusqu'à un certain point, je dirais qu'il y avait une communauté d'idées derrière ça. Et, quand M. St-Arnaud — puisque je peux utiliser son nom — a suivi dans mes fonctions, à ce moment-là, il a fait le même geste. Donc, jusqu'à un certain point, je voudrais vous donner une certaine note d'optimisme : il y a un courant assez généralisé pour aller dans ce sens-là, disons que c'est ce que je peux dire.

Mme Fortin (Caroline) : Je reviendrai après, mais O.K.

M. Fournier : Pourquoi j'ai un certain malaise? C'est que ce n'est pas dans mes fonctions actuelles, d'une part, et je me sentirais bien mal d'usurper les fonctions de d'autres, et donc c'est aux autres de s'exprimer sur le dossier. Je pense qu'on peut prendre bonne note, et mes collègues ont sans doute pris bonne note. Pour certains, c'était peut-être un retour sur des discussions qui ont déjà eu lieu, et ça remet le dossier, je dirais, sur la table pour qu'il y ait des avancées. Franchement, il s'agit d'un dossier très particulier par rapport à ce qu'on pourrait regarder dans l'ensemble de la mise à jour de la Loi d'accès.

Mme Fortin (Caroline) : Oui, oui, ça, je suis très consciente.

M. Fournier : Et c'est pourquoi je n'ai pas, M. le Président, de question particulière à vous poser, d'abord parce que je ne voudrais pas vous embêter avec le document d'orientation que nous avons, parce que vous avez de la misère à trouver des embranchements, et, d'autre part, moi-même, je ne veux pas intervenir dans le dossier qui relève du ministère de la Justice, parce que, bon, je n'en suis pas responsable.

Alors, je me réserve mes commentaires simplement à vous encourager, à vous féliciter pour commencer, vous féliciter des démarches que vous faites depuis très longtemps. Je pense que vous avez raison de les faire. Je ne suis pas seul à le penser, je pense que... honnêtement, je pense qu'il y a un grand consensus à l'Assemblée nationale, là-dessus, et je prends note, et je pense que mes collègues aussi. Et, à la limite, si vous me le permettez, j'indiquerai à ma collègue de la Justice que vous êtes venue faire une présentation aujourd'hui, une présentation qui n'était pas sans intérêt et qui nous rappelait une importance d'action.

Le Président (M. Hardy) : Mme Fortin.

Mme Fortin (Caroline) : Je ne vous le permets pas : je l'espère, que vous allez le faire.

M. Fournier : Merci, M. le Président.

Le Président (M. Hardy) : Est-ce qu'il y a quelqu'un d'autre du côté gouvernemental qui veut parler?

M. Fournier : Je ne sais pas, on peut aller à l'opposition.

Le Président (M. Hardy) : C'est bon? Bon, bien, merci. Nous allons maintenant passer à la période d'échange avec l'opposition officielle. Mme la députée de Taschereau, à vous la parole pour une période de 10 minutes.

Mme Maltais : Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Fortin. Je vais saluer aussi les personnes qui sont derrière vous. Je sais qu'il y a une dame aussi, qui a 82 ans, qui a été adoptée, qui est ici avec nous puis qui assiste à sa première commission parlementaire. J'espère qu'elle apprécie l'expérience, on est... Tiens, ils vont se joindre à nous...

Une voix : Je tiens à vous la présenter. Elle a 82 ans, elle a été adoptée, puis c'est urgent, là, M. Fournier!

Mme Maltais : Bien, je peux vous dire : On a tous et toutes le sourire en vous entendant. On le sait, là, c'est vraiment... Moi, ça fait longtemps que je milite pour ça. Imaginez-vous, c'était dans mon premier mandat au gouvernement, ça fait que ça fait longtemps, ça fait longtemps. Je pense qu'il est temps de répondre à cet appel.

J'aimerais juste, pour... Je sais que c'est effectivement le dossier d'une autre ministre, on s'entend pour dire qu'il faut que ce soit ramené dans les agendas gouvernementaux, maintenant ça permettrait peut-être d'expliquer quelques affaires. J'ai pris quelques points de votre présentation. Vous demandez l'interdiction de transférer automatiquement en veto d'information et de contact dans le cas où un refus est déjà inscrit au dossier. Pouvez-vous m'expliquer qu'est-ce qui se passe, qu'est-ce que ça veut dire, quelle est la pratique que vous dénoncez?

Mme Fortin (Caroline) : Qu'est-ce qui se passe... Bien, la pratique que je...

Le Président (M. Hardy) : Mme Fortin.

Mme Fortin (Caroline) : Oui. La pratique que je dénonce, c'est que, si une personne fait une demande, que ce soit un parent qui veut rencontrer un enfant ou l'inverse, s'il y a un refus dans le dossier qui... il y a un refus qui a été inscrit dans le dossier, je ne le sais pas, moi, il y a 15 ans, il y a 20 ans, on ne veut pas qu'automatiquement, si les lois changent... je dis toujours «si», parce qu'on espère toujours, puis ça n'a pas été fait, mais, si les lois changeaient, on ne veut pas que ce veto... que ce refus-là soit automatiquement un veto d'information, dans le sens qu'on veut avoir accès quand même à l'information, même si la personne a refusé à l'époque de rencontrer l'enfant, comprenez-vous, ou rencontrer le parent. Mais, surtout au niveau de l'enfant qui veut rencontrer son parent, c'est qu'elle détient son identité, cette personne-là, l'identité de l'enfant, là.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Ce que vous voulez dire, c'est : Faire la différence entre je refuse de rencontrer mon enfant ou mon parent avec...

Mme Fortin (Caroline) : Oui, c'est deux choses différentes.

Mme Maltais : ...je refuse de vous donner l'information sur qui est votre parent.

Mme Fortin (Caroline) : Absolument, c'est deux choses différentes, veto de contact, veto d'information.

Mme Maltais : Et actuellement est-ce que c'est... Actuellement, est-ce que les responsables confondent les deux choses? Il y a un gros «oui» derrière vous, là, mais...

Le Président (M. Hardy) : Mme Fortin.

Mme Fortin (Caroline) : Oui. Je dirais, «confondre», ce n'est peut-être pas le bon mot, mais, oui, la réponse est oui. Du moment qu'on va contacter une personne, s'il y a un refus, bien, il y a zéro informations qui sont données, d'informations nominatives, que je parle toujours, là, et c'est sûr qu'il n'y a pas de rencontre non plus. Donc, oui, ça vient... Ils sont très rares, les dossiers où la personne va refuser et qu'elle va être amenée quand même à pouvoir... pas à pouvoir, mais à vouloir divulguer son information. C'est qu'ils n'ont juste comme pas le temps, là, O.K.?

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Est-ce que l'information médicale est transmise, par exemple?

Le Président (M. Hardy) : Mme Fortin.

Mme Fortin (Caroline) : Non.

Mme Maltais : Non plus. Parce qu'il pourrait y avoir : je ne donne pas le nom de... On pourrait lui dire : Écoutez, la personne ne veut pas vous rencontrer, elle ne veut pas que vous ayez son nom, mais voici l'information médicale familiale, ou à peu près, les antécédents. Parce que c'est beaucoup de ça dont on parle, hein, d'antécédents médicaux pour les familles?

Le Président (M. Hardy) : Mme Fortin.

Mme Fortin (Caroline) : Oui, c'est effectivement... c'est une des choses qu'on mentionne, d'ailleurs, si les lois changent, pour qu'il y ait acceptation d'un veto de contact, on demande qu'il y ait des antécédents médicaux qui soient donnés. On ne veut pas savoir si la personne a eu la varicelle à l'âge de six ans, là, ce qu'on veut savoir, c'est s'il y a des antécédents vraiment importants : des cancers, de la sclérose en plaques, bon, nommez-le, mais ça, c'est important. Parce qu'en tant qu'enfant adoptée je regarde... Moi, je suis rendue à 55 ans, j'ai deux enfants, qui auront des enfants à un moment donné. Qu'est-ce que je leur transmets génétiquement? Bon, moi, j'ai la chance de le savoir, mais il y en a combien... Je regarde Diane, je regarde Raymonde en arrière, elles ne le savent pas, et elles ont enfants et petits-enfants, et elles ne peuvent pas transmettre cette information-là. Puis, à la base, bien, elles ne connaissent même pas leur identité, là, leur identité réelle.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Et là-dessus, sur le dévoilement des antécédents médicaux, ce que vous demandez, c'est un renversement du fardeau de la preuve, finalement?

Le Président (M. Hardy) : Mme Fortin.

Mme Fortin (Caroline) : Bien, c'est ça. C'est qu'actuellement, si une personne va en cour, elle doit prouver qu'il y a un préjudice grave. Nous, ce qu'on veut, c'est... si jamais elle devait aller en cour, on ne veut pas que ça se rende jusque-là, parce qu'on veut, justement, que les informations soient données avec le veto de contact, si on veut. Mais on ne veut pas que la personne aille en cour. Si jamais elle devait y aller, bien, qu'elle n'ait pas à prouver que c'est un préjudice grave.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Merci. Alors, je répéterais... Étant donné que Mme Blouin, 82 ans, est ici, je dirais : Chaque année compte. Merci.

Mme Fortin (Caroline) : Absolument.

Le Président (M. Hardy) : Merci. Nous allons maintenant passer à la période d'échange avec le deuxième groupe d'opposition. M. le député de Borduas, à vous la parole pour une période de sept minutes.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Bonjour. Je comprends qu'il y a déjà un bout de chemin qui a été fait sur ce travail-là. Combien de personnes ça touche environ au Québec? Vous indiquez dans votre mémoire «plusieurs milliers», mais dans votre organisme et puis à la grandeur du Québec?

Le Président (M. Hardy) : Mme Fortin.

Mme Fortin (Caroline) : Bon, O.K., dans notre organisme, nous avons actuellement une banque de données dans laquelle on a 13 000 — je pense que c'est 13 420 exactement — personnes, que ce soient des parents, des enfants ou même des frères et soeurs, des oncles et tantes qui cherchent quelqu'un, toujours reliés au monde de l'adoption, là, on n'est pas des retrouvailles «at large», mais vraiment au niveau de l'adoption. Par contre, au Québec, on a eu 300 000 enfants qui ont été confiés à l'adoption depuis le début des années 1920, là. C'est quand même énorme, là. Puis, à ça, bien là, vous additionnez les parents, pères et mères, vous additionnez les parents adoptifs. On parle d'au-delà de 1 million de personnes, 1,4 million de personnes, là, directement, sans compter les gens autour. Donc, il y a énormément de gens au Québec qui sont concernés par l'adoption.

Le Président (M. Hardy) : M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Je n'ai pas pris connaissance des projets de loi antérieurs qui avaient été déposés par la ministre actuelle ou par l'ancien ministre de la Justice, M. St-Arnaud, mais est-ce que votre organisme, que vous représentez, vous êtes à l'aise avec le fait d'avoir uniquement les données médicales?

Le Président (M. Hardy) : Mme Fortin.

Mme Fortin (Caroline) : Pas uniquement les données médicales, on veut l'identité. Et, les données médicales, s'il y a veto de contact, oui, ça, on les veut absolument, là, mais on ne veut pas uniquement ça, on veut l'identité, à la base...

M. Jolin-Barrette : De la personne aussi.

• (15 h 10) •

Mme Fortin (Caroline) : ...de la personne aussi. Puis c'est notre identité. En tant que personne qui a été confiée à l'adoption, avant de connaître ma mère d'origine, je ne savais pas d'où je venais, je ne savais pas qui j'étais. J'étais-tu une Tremblay? J'étais-tu une Godin? J'étais-tu... Bon. Heureusement... bien, pas heureusement, mais drôlement, je suis une Fortin adoptée par des Fortin puis qui n'ont... il n'y a aucun lien, mais ça m'a quand même permis de découvrir pas juste mon nom, mais l'identité de ma mère, de connaître... de se connaître, soi : Qu'est-ce qui est inné chez nous, qu'est-ce qui est acquis? Pourquoi on aime ça, pourquoi on n'aime pas ça? Comment... Physiquement, comment on est? On se rattache à qui? Quand j'ai rencontré, moi personnellement, ma famille d'origine — puis je parle juste du côté maternel — il y a des connexions qui se font, là. Puis ça, tu as beau avoir les meilleurs parents du monde — ce que j'ai eu, à mon sens — tu n'as pas cette connexion-là, tu n'as pas la connexion avec tes racines. Puis ça, il faut l'avoir vécu pour comprendre ça. Tu sais, je trouve ça plate, il y a des gens qui ne savent pas... bien, pas qui ne savent pas... Comment je pourrais dire? Je ne veux pas mal m'exprimer, là, puis je ne veux pas juger personne, mais il y a des gens qui vont gérer des dossiers, puis ils n'ont pas le vécu. Ça ne s'explique pas.

Ça fait que c'est... Tu sais, je le dis souvent, ce n'est pas un dossier qui devrait avoir une couleur politique. Puis on a eu la preuve parce que M. Fournier a déposé un projet de loi... Mme Weil avait déposé un avant-projet de loi, il y a eu consultation, M. Fournier a déposé un projet de loi, M. St-Arnaud a déposé un projet de loi qui était un petit peu plus resserré, mais, bon, je pense qu'il y avait moyen de revenir un peu plus à celui que M. Fournier avait présenté, mais, bon, à tout le moins, c'était très ouvert dans les deux cas. Et on avait vraiment apprécié, on était vraiment certains qu'on était rendus : O.K., ça y est, enfin, comme ailleurs dans d'autres provinces, on est rendus là. Bien, malheureusement, les deux, un par derrière l'autre, paf! Et, depuis que Mme Vallée... Puis je n'en veux pas à Mme Vallée, là, mais, depuis que Mme Vallée est en poste, on n'a pas de nouvelles, on ne sait pas ce qui se passe. Donc, je trouve ça très dommage.

Je veux dire, il y a eu beaucoup de travail de fait dans les deux cas, dans les deux partis... Et la CAQ, Mme Roy a travaillé pour nous, je dirais, comme une folle. Elle a été vraiment... Elle était vraiment pour nous puis elle était vraiment... Donc, tu sais, tous les partis sont pour les changements. Alors, qu'est-ce qui se passe? Qu'est-ce qu'on attend au Québec pour changer ces lois-là? Il est où, le bobo? Je ne comprends pas, puis on ne comprend pas. Je dis «je», là, parce que c'est moi qui est ici, mais les gens, on ne comprend pas qu'est-ce qui se passe. Ça serait urgent de faire des changements. Ça se fait ailleurs, pourquoi ça ne se fait pas au Québec? On est supposés être avant-gardistes. Bien là, on va être là 11e province sur 10, là, si ça continue, là, tu sais. Je trouve ça un peu dommage qu'on traite nos Québécois, nos Québécoises comme ça. Puis je ne veux pas me choquer, là.

Le Président (M. Hardy) : M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Est-ce que vous voulez adresser d'autres commentaires à la commission?

Le Président (M. Hardy) : Mme Fortin.

Mme Fortin (Caroline) : Bien, en fait, comme je l'ai dit dès le départ, j'aimerais remercier les gens de nous avoir invités, parce que je pense que le but a été atteint. J'ai envoyé mon document et, sincèrement, je ne croyais pas avoir d'invitation, parce que je me disais : Je ne fitte pas vraiment dans le cadre du document de consultation. Alors, à ma grande joie, de recevoir deux jours plus tard cette invitation, bon, bien, j'ai... C'est pour ça que je disais tout à l'heure : Je pense qu'il nous est permis de croire que ce qu'on a fait depuis plusieurs années est reconnu, sauf que, là, bien, il faudrait aller de l'avant.

Alors, merci à tout le monde. Je suis en dedans de mon temps, puis c'est correct comme ça, je ne veux pas voler de temps à personne derrière moi. Et merci encore. Puis j'espère vraiment avoir des nouvelles. Et transmettez à Mme Vallée notre plus profond désir que les choses avancent rapidement.

M. Fournier : Ce sera fait.

Mme Fortin (Caroline) : Merci.

M. Jolin-Barrette : Merci.

Le Président (M. Hardy) : Merci, Mme Fortin, merci de votre contribution.

Nous allons suspendre nos travaux quelques instants, et j'inviterais les représentants de l'association pour la défense des personnes et de leurs biens sous curatelle publique à prendre place à la table des témoins.

(Suspension de la séance à 15 h 14)

(Reprise à 15 h 28)

Le Président (M. Hardy) : La commission reprend ses travaux. Je vous souhaite la bienvenue, à l'association pour la défense des personnes et de leurs biens sous curatelle publique. Je vous demanderais de vous présenter et je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé.

Association pour la défense des personnes
et biens sous curatelle publique

M. Greenbaum (Ura) : Je m'appelle M. Ura Greenbaum, je suis directeur de l'association pour la défense des personnes et de leurs biens sous curatelle publique. Je suis l'auteur du mémoire qui a été déposé ici, et avec moi, à ma droite, Mme Rebecca Nussenbaum, elle est membre également et chercheure dans ce domaine.

Mme Nussenbaum (Rebecca) : Alors, je vais me présenter aussi, c'est Rebecca Nussembaum, mon nom est écrit là-dessus, chercheuse.

Le Président (M. Hardy) : Merci.

Mme Nussenbaum (Rebecca) : De rien.

Le Président (M. Hardy) : À vous la parole.

• (15 h 30) •

M. Greenbaum (Ura) : Bon. Vous avez l'exposé, le mémoire de l'association, de 28 pages, assez détaillé et étoffé, donc je vais faire un bref résumé pour sauver du temps.

Premièrement, l'association, comme annoncé dans notre mémoire, il s'agit des personnes inaptes sous curatelle publique, mais surtout leurs familles, leurs proches, leurs aidants, associations communautaires qui sont impliquées à leur défense, à leur aide et à leurs soins aussi. Alors, l'association est en existence depuis 1995 et elle a deux missions : premièrement, pour aider ces gens à composer avec la curatelle publique. Les personnes inaptes, par définition, ne peuvent pas se défendre, et donc, quand il y a une problématique ou on trouve des écueils, là, ils ont besoin de quelqu'un, et, quand les difficultés sont avec la curatelle publique, il n'y a personne pour les aider et pour aider dans leurs problèmes, et donc nous sommes là. Ça a été formé en 1995, alors c'est un long parcours déjà, il est assez expérimenté dans le domaine.

D'ailleurs, pour sauver du temps : en 1997 et 1998, quand le rapport accablant sur le Protecteur du citoyen et ensuite du Vérificateur général sont sortis, là c'était grâce à notre association, surtout, qui a été derrière ce mouvement-là. Et ça a entraîné un redressement à fond, comme tout le monde l'a su — avec l'expérience ici, ils sont au courant — et dédommagements à concurrence de 4,5 millions pour les personnes qui ont subi des pertes par la mauvaise gestion de la curatelle publique.

Toutefois, depuis ce temps-là, nous avons attendu, nous avons... J'ai vérifié les résultats, et nous voyons que, dans ce domaine surtout, qui vous préoccupe, l'accès à l'information, nous n'avons pas vu aucune amélioration, aucun changement, rien, malgré tout l'investissement que le gouvernement a fait toutes ces années dans l'amélioration du rendement et de l'opération du Curateur public. Dans ce domaine qui vous préoccupe aujourd'hui, il n'y a rien changé, tout reste pareil.

Et nous espérons, évidemment, et pourquoi nous sommes ici, c'est de pouvoir... que quelque chose soit fait, vu que ça vous intéresse aujourd'hui, ce sujet, d'aborder, par les gouvernements, ça a l'air, d'après des promesses, d'ailleurs, avant les élections générales. Donc, nous espérons, nous cherchons et nous voulons voir des résultats, quant à l'accès à l'information, dans ce domaine très, très spécialisé et très particulier.

Ensuite, le contexte particulier. Comme nous avons présenté dans notre argumentation, premièrement, il y a la curatelle publique qui est en charge dans ce domaine, c'est le spécialiste, il «monopole» le domaine. Il y a 13 000 personnes, actuellement, gérées par la curatelle publique. Et ça, c'est méconnu, mais c'est très, très, très important : la curatelle publique gère 410 millions de dollars de leurs avoirs, quasiment un demi-milliard, et il n'y a aucune transparence. Malgré que la loi impose une reddition de comptes annuelle et finale, il n'y a aucune transparence dans cette gestion de ce montant appartenant à des personnes inaptes qui, elles-mêmes, ne peuvent pas même composer, et comprendre, et analyser ce qui se passe avec leurs avoirs. Il n'y a rien.

Deuxièmement, pour le volet de la curatelle publique qui surveille la gestion de 17 500 tuteurs et curateurs privés, il y a toujours un combat pour avoir des informations de ces curateurs publics... curateurs privés, je m'excuse.

Ensuite, troisième partie de cette mission du Curateur public, il gère, il surveille, sur signalement, 12 255 adultes dont... ils sont gérés par des mandataires, sur signalement. Maintenant, à part de cet énorme nombre de personnes, quasiment 50 000 personnes affectées directement, il y a leurs familles, leurs aidants, leurs proches, ils s'organisent... qui interviennent dans le domaine. Alors, ça touche globalement une centaine de mille personnes dans la province, peut-être plus. Ça, c'est méconnu aussi qu'il y a un grand montant de personnes, un grand nombre ici qui subissent les conséquences de ces problèmes avec l'accès à l'information.

Et, en plus, finalement, dans cet aspect-là quant à la responsabilité de la curatelle publique, d'après ses propres chiffres, le nombre de personnes augmente au rythme de 1 % par an, c'est-à-dire que ça va croître et grandir, à moins que les problèmes soient réglés, soient traités, espérons, par cette commission et le gouvernement, donc l'Assemblée.

La clientèle, bien, on l'a déjà dit, sont premièrement les personnes inaptes. Ils sont sans défense, ils sont incapables de s'occuper d'elles-mêmes, en perte d'autonomie, alors ils ont besoin de compter soit sur les proches, s'ils en ont, sur les aidants, sur des intervenants, de toute façon. Mais nous allons voir les problèmes... Mais vous avez déjà vu, ceux qui ont vu le mémoire, qu'il y a des problèmes ici, qu'ils sont entravés quand ils ont besoin d'information.

La problématique était soulevée depuis longtemps. Le mémoire vous donne les détails. Depuis 1986 déjà, le Protecteur du citoyen avait reproché le vase clos qu'est la curatelle publique. On parle 1986, on est en 2015, et cette problématique n'a pas été adressée encore. Et nous espérons, en fin de compte, que quelque chose soit fait, vu que c'est votre mandat, de cette commission ici. Sinon, ça va prendre un autre demi-siècle. Moi, je ne serai plus ici pour représenter ces gens-là. Espérons qu'on peut le faire pendant notre vivant, le mien et le vôtre, ici aussi.

Et, je vous ai dit, le Protecteur du citoyen a déjà soulevé la problématique d'un vase clos. L'ancien sous-ministre Jean-Claude Deschênes, dans son analyse après les rapports du Protecteur du citoyen et le Vérificateur général il y a une quinzaine d'années... une vingtaine d'années quasiment maintenant, dans son propre rapport, intitulé La mission du Curateur public, ses fondements, sa portée, ses conditions de réussite, il avait lui-même écrit que le manque d'information est une grande, grande source de problèmes dans la gestion. Il a dit lui-même, dans ses propres paroles : «[La curatelle publique] n'est [...] pas sans générer, [...]certains effets pervers au détriment même des personnes qu'elle vise précisément à protéger.»

Alors, c'est connu, ce n'est pas un secret, c'est public. Ça ne vient pas de nous, ça vient des autorités publiques, payées à même, d'ailleurs, des fonds publics depuis des années. Alors, je ne rapporte pas quelque chose de nouveau, je rapporte quelque chose qui est connu mais n'a été jamais traité et n'a jamais été pris en main par le gouvernement ni par le législateur, hein? Donc, le redressement, à ce moment-là, en 1997, n'a rien fait pour le problème qui vous occupe aujourd'hui, et nous autres, d'ailleurs.

En résumé, pour sauver... il y avait un paquet de problèmes. On vous a donné des exemples concrets dans le mémoire, une liste étayée, je veux dire, je crois, 28 différents volets ou chefs. Je ne veux pas passer à travers, on n'a pas le temps... poser des questions par la suite. Mais, important, ces problèmes sont récurrents, sans cesse, se répètent constamment, et tout à cause, entre autres, du manque d'information et de l'entrave à l'information. Il y a des dérapages administratifs d'un bord, et je vous ai donné des exemples, des pages, et des pages, et des pages. Vous avez le titre, là, les différents volets, et ensuite il y a des problématiques aussi dans la loi telle qu'elle est, à ce moment, conçue, et donc, comme résultat, on arrive avec les situations perverses que M. Deschênes nous a décrites.

Le Président (M. Hardy) : Je vous remercie, M. Greenbaum, pour votre présentation. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. M. le ministre, à vous la parole pour une période de 17 minutes.

• (15 h 40) •

M. Fournier : Merci beaucoup, M. le Président. Monsieur, madame, merci d'être avec nous. Juste avant vous, on a eu la discussion sur l'adoption, qui soulève, dans un domaine bien particulier, la question de l'accès à l'information. Vous arrivez avec une autre facette très particulière de l'accès à l'information. Vous avez noté que le dossier, tel qu'il vient dans le document, avec des orientations, est horizontal, c'est-à-dire s'applique à l'ensemble de l'État, mais il y a, dans cet État, de nombreuses facettes très particulières, et vous en soulevez une. Et je ne suis pas un spécialiste de la curatelle, mais par contre vous, vous l'êtes, alors vous allez pouvoir faire un peu notre apprentissage.

Ma compréhension est qu'en ce qui concerne l'administration de la curatelle la Loi d'accès s'applique. En ce qui concerne le contenu personnalisé des dossiers, elle ne s'applique pas. Et ce que j'ignore et ce que je vous poserais comme question — vous allez me dire, j'aurais pu poser la question à quelqu'un d'autre, mais c'est vous qui amenez le dossier, puis je veux profiter de votre connaissance : Quel est le moyen de s'assurer que, même si la Loi d'accès ne s'applique pas, les gestionnaires de la curatelle peuvent ou devraient être en mesure de répondre ou de donner certaines informations? Quel est le niveau d'information que la loi leur ordonne de donner? S'il n'y en a pas du tout, quelle est la piste que vous nous suggérez? Et, puisque de toute façon il faudra un régime particulier parce que, bon, c'est quelque chose de particulier, est-ce que vous avez un moyen d'endiguer les difficultés qu'il y aurait d'appliquer un régime général à la curatelle?

Le Président (M. Hardy) : M. Greenbaum.

M. Fournier : Question large.

M. Greenbaum (Ura) : Oui, effectivement. Je vous ai donné, dans la deuxième partie, les failles législatives. Nous avons montré, démontré la façon que la loi elle-même ne sert pas adéquatement les intérêts que nous soulevons, à part des problèmes des failles administratives. Dans la loi, effectivement, il faut protéger — on ne le nie pas, on ne conteste pas — les renseignements personnels des protégés. Ce sont des individus, ils bénéficient des mêmes droits, et leurs informations doivent être protégées également. Je ne nie pas ça, nous ne nions pas ça, non plus. Mais par contre, étant donné la problématique, la spécificité, comme j'ai dit dans notre mémoire, est que ces personnes elles-mêmes, qui sont propriétaires, si vous voulez, ou bénéficiaires de ces protections-là, ne peuvent pas se défendre, alors quelqu'un d'autre doit agir à leur place, manifestement, c'était évident, oui, les personnes sont inaptes, donc ces personnes-là doivent être... Il doit y avoir une plus grande flexibilité, et les entraves, et dans la loi et dans l'administration de cette loi, doivent être libéralisées, doivent être ouvertes, doivent être traitées de façon...

Spécifiquement, pourquoi nous n'avons pas fait des recommandations à la fin? Parce que nous... Premièrement, nous vous avons soumis 28 pages déjà, et c'est déjà énorme, d'après mon expérience ici. La plupart, on peut le dire, ne lisent même pas les mémoires. Mais, peu importe, mettons ça de côté. Mais nous attendons, quand le projet de loi est présenté en commission parlementaire, à ce moment-là on va vous présenter les recommandations détaillées. Nous en avons un paquet, trois pages détaillées, en réponse à votre question. Et, même, nous avons des idées de ne pas les insérer au moment de l'orientation, étant donné qu'il s'agit de l'orientation. Mais on a des recommandations spécifiques en réponse à votre question, toutes prêtes, d'ailleurs.

Le Président (M. Hardy) : M. le ministre.

M. Fournier : Une question qui va se poser, en termes de... et là, honnêtement, je ne vous en veux pas, là, ce n'est pas votre problème, c'est le mien, là, enfin c'est le nôtre, une question de gouvernance, là. Le réflexe normal serait de prévoir des dispositions particulières à partir de la Loi sur la curatelle et non pas à partir de la loi générale que moi, j'envisage ici avec le document d'orientation. Donc, si loi il y avait, particulière, concernant... Si on devait rediscuter de l'accès à l'information en matière de curatelle, le premier réflexe ne serait pas de l'inclure dans une loi générale sur l'accès à l'information, mais une loi sur la curatelle. Ce serait ça, le réflexe général.

M. Greenbaum (Ura) : Nous avons soulevé... C'est une des problématiques que vous abordez. Il y a deux lois et deux mesures. Je l'ai mis sous la rubrique... Il faut que ce soit, d'une façon ou d'une autre, réglé...

M. Fournier : Puis, honnêtement, je...

M. Greenbaum (Ura) : ...qu'il n'y ait pas de contradiction ou d'entrave entre les deux, que les deux se concordent. C'est ça qu'il manque à ce moment-là, M. le ministre.

M. Fournier : Je vous dis un peu comment ça fonctionne. Alors, nous, on vous écoute. Moi, je reviens au bureau puis je dis aux gens de mon secrétariat : Aïe! C'est important, la curatelle, il faudrait mettre ça dans la loi. Et là ils vont me répondre : Oui, mais là la curatelle, ce n'est pas la seule affaire, il y a plusieurs autres affaires spéciales, et donc il faudrait faire des corrections dans les lois spéciales. Et, comme il y aura des dispositions particulières pour chacune d'elles, on ne peut pas les mettre dans la loi générale. Ça, c'est ce que les gens autour de nous vont dire. Ce n'est pas une fin de non-recevoir pour vous, ça permet juste de dire que c'est la mécanique qui va m'amener probablement à dire : O.K., bien, il faudrait que je parle au ministre responsable de la curatelle.

Le Président (M. Hardy) : M. Greenbaum.

M. Greenbaum (Ura) : Non, je comprends cet aspect-là, qu'il y a une difficulté, parce que, forcément, comme vous dites, il y a deux lois, mais il faut qu'il y ait deux voies ou deux aspects. Mais on peut les mettre dans une loi-cadre avec des exceptions, comme vous faites pour les autres ministères et autres organismes.

Le Président (M. Hardy) : M. le ministre.

M. Fournier : Mon premier réflexe ne serait pas de faire plusieurs exceptions dans la loi-cadre mais d'avoir une loi particulière dans laquelle... Ça ne veut pas dire que ça ne serait pas cohérent avec la loi générale, là. Je ne dis pas ça. Mais c'est un régime très, très particulier. Mais essayez de me suivre, puis là vous allez me donner des conseils pour que je...

M. Greenbaum (Ura) : Oui. Dans ce cas-là, si je suis votre exemple ou votre recommandation... ou votre préférence, si vous voulez, donc on peut faire deux lois, mais que les deux se concordent, qu'elles s'adaptent une à l'autre, adaptées, et pas encore...

M. Fournier : Bien, en tout cas...

Le Président (M. Hardy) : M. le ministre.

M. Fournier : ...que ce soit cohérent.

M. Greenbaum (Ura) : Que ce soit cohérent et adapté aux particularités de cette classe de citoyens. C'est ça qui n'est pas...

M. Fournier : Et je comprends qu'un des irritants est la capacité, pour quelqu'un d'autre, dans le fond, que quelqu'un sous curatelle, de pouvoir être un intervenant dans le dossier. Il y a donc un premier niveau de préoccupation qui est l'intéressé dans le dossier. Ça, c'est un premier niveau.

Le deuxième niveau serait au niveau de la capacité de rendre publiques à une personne autre que la personne sous curatelle des informations qui ne concernent que la curatelle. Quelle est la méthode que vous suggérez pour permettre d'encadrer ce processus-là? Je comprends qu'on peut permettre à quelqu'un d'autre que le quelqu'un sous curatelle, je comprends ça, mais, au-delà de ça, comment on fait pour soumettre la curatelle aux éléments de la Loi d'accès avec un tiers qui n'est pas la personne directement visée, et avec quelles conditions on peut s'assurer que c'est fait correctement?

Le Président (M. Hardy) : M. Greenbaum.

M. Greenbaum (Ura) : Bien, il faut, comme je dis... Étant donné que la personne, la première personne, la protégée, la personne inapte elle-même, n'est pas en mesure, oui, d'agir, donc il faut élargir la définition de la personne ou inclure l'aidant, ou le proche, ou la parenté, ou quelqu'un, élargir les personnes qui ont droit à l'information et accès au dossier, et toutes les autres composantes, comme l'accès à l'inventaire, en tout cas... afin que le protégé est protégé au maximum, pas seulement les renseignements personnels du protégé, mais également son droit d'accès est activé et réalisé pleinement, comme tous les autres citoyens.

Le Président (M. Hardy) : M. le ministre.

M. Fournier : Je comprends, mais, à partir du moment où on le donne à une personne tierce, quelles conditions faut-il créer autour de cette personne tierce pour que les informations qu'elle aurait, qui sont par ailleurs des informations concernant une autre personne, ne soient pas utilisées, dans un sens, à l'encontre des intérêts de la personne pour laquelle elle obtient des informations?

Le Président (M. Hardy) : M. Greenbaum.

M. Greenbaum (Ura) : Bien, moi, je propose que le substitut soit mis à la place de la personne inapte ou le protégé et ait les mêmes droits que le protégé dans ce domaine particulier, c'est tout. Et donc il ne sera pas... la personne ne sera pas... le substitut ne sera pas entravé comme il l'est maintenant, en prétendant que c'est un tiers, il n'a droit à aucune information et est exclu de l'information en ce moment.

M. Fournier : Mais je... Encore une fois...

M. Greenbaum (Ura) : Ce n'est pas reconnu dans la loi, comme ça, à ce moment-là, pleinement. Un substitut, un aidant et proche, même la parenté... la famille est exclue comme tierce personne. Ça n'a pas d'allure.

M. Fournier : Je comprends, mais, comme je ne connais pas ça, c'est pour ça que je vous pose la question. Je vous entends très bien. Puis il y a une personne sous curatelle qui n'est même pas apte à poser des questions et apte à digérer l'information.

M. Greenbaum (Ura) : Effectivement, il y a une contradiction dans le système juridique, légal.

M. Fournier : Bon! Alors, solution : on va vers quelqu'un d'autre. Bon. Là, vous dites : La définition sera... peu importe comment elle sera faite, là, moi, j'imagine qu'elle serait très restrictive, parce que ça ne peut pas être n'importe qui, la personne, la personne tierce. Ça peut... Écoutez...

M. Greenbaum (Ura) : ...qui entre dans cette définition de «parenté», de «famille», de «proche».

• (15 h 50) •

M. Fournier : Et même plus serré que ça, probablement : pas n'importe qui dans la parenté, j'imagine qu'il va y avoir des... Tu sais, il faudrait penser à des degrés. C'est un peu ce que vous nous suggérez, néanmoins. C'est d'identifier un tiers qui pourrait être dans les droits de la personne sous curatelle pour exercer la quête d'information en son nom. Donc, cette personne-là, lorsqu'on l'identifiera... Là, je pose des questions pour le dire à la personne qui est responsable de la Loi sur la curatelle. Il s'agirait d'identifier une personne. Parfait. J'imagine que ça va être assez restreint comme définition de la personne qui peut le faire.

Est-ce que cette personne-là, selon vous, qui serait une tierce partie considérée comme partie intéressée, est-ce que cette personne-là serait dans les souliers de la personne intéressée totalement ou il y aurait des conditions particulières qui l'encadrent dans l'exercice de vérification de l'information qu'elle fait au nom de la personne inapte? Est-ce qu'il y a des conditions particulières de non-communication d'information, je ne sais pas, moi, pour protéger la confidentialité d'une personne, qui sont données à quelqu'un d'autre?

Le Président (M. Hardy) : M. Greenbaum.

M. Greenbaum (Ura) : Oui, je comprends. Vous soulevez une problématique réelle, certainement. Il faut l'entourer, encadrer cette personne aussi. Évidemment, c'est le substitut. Vous parlez d'un substitut, évidemment. Et, quand il y a des problèmes avec... seulement dans le cas des problèmes avec le Curateur public lui-même, aussi, on ne peut pas obtenir l'information.

Bon. On va encadrer cette personne-là, le substitut, la tierce personne, si vous voulez, mais aussi le décideur de qui est... cette personne-là ne doit pas être nommée ou choisie par la curatelle publique, c'est tout. Il peut être un indépendant, une personne indépendante ou organisme indépendant, qui peut décider qui et comment entourer et encadrer ce substitut ou tierce personne.

Le Président (M. Hardy) : M. le ministre.

M. Fournier : Avez-vous une idée de ce qui pourrait être l'organisme indépendant?

Le Président (M. Hardy) : M. Greenbaum.

M. Greenbaum (Ura) : Ah! idée, je n'y ai pas pensé, mais quelque chose comme le Protecteur du citoyen, mettons, comme exemple, sans avoir réfléchi là-dessus, être le décideur... ou la Commission des droits de la personne, peut-être, peut déterminer les conditions pour admettre ou choisir la personne.

M. Fournier : ...du millage sur votre proposition sur la...

M. Greenbaum (Ura) : Mais la décision doit être indépendante du Curateur public, sinon le Curateur public est en conflit d'intérêts. Nous l'avons démontré et soulevé.

Le Président (M. Hardy) : M. le ministre.

M. Fournier : Vous venez à une commission qui s'intéresse à la Commission d'accès à l'information, qui s'intéresse aux outils, qui essaie de voir comment on favorise la plus grande transmission d'information, alors je vais peut-être dire des âneries — et ceux qui sont autour de moi ne me le diront pas devant vous, mais, à 18 heures, lorsqu'on va faire une pause, ils vont sûrement me le dire, mais gentiment, ça va bien se passer — mais imaginons qu'on change la loi et que la Loi d'accès s'applique aussi à l'égard des informations détenues par la curatelle. Imaginons que, par ailleurs, il y a des dispositions particulières, parce que, donc, on fait référence à un tiers, au nom de la personne sous curatelle. Pourrait-on imaginer qu'il reviendrait, donc, à... si on inventait ça, là, que la Commission d'accès pourrait être un lieu d'identification de la qualité de la personne intéressée qui peut... de vérification de la qualité de la personne intéressée ou de la désignation et que, de la même façon, elle pourrait jouer un rôle de surveillance à l'égard de la façon dont s'est acquittée la curatelle de ses obligations alors reconnues dans une loi d'accès, et qui ferait en sorte que, ce que vous avez dit des années 90, là il y aurait une espèce d'encadrement plus judiciaire de la chose? Auquel cas je plaiderais que, si vous considérez que ça a de l'allure, la transformation qu'on veut donner à la Commission d'accès en ce moment, qui ne fait perdre aucun droit judiciairement nommé, même si on va vers la déjudiciarisation dans le domaine de la Commission d'accès, la transformation qu'on fait d'une commission d'accès et de l'adjudication par le Tribunal administratif permettrait à la Commission d'accès de jouer un rôle comme celui-là, un rôle d'accompagnement, d'une part vers le tiers désormais intéressé, et de surveillance d'accès à l'égard de la manière dont la curatelle s'acquitte de ses nouvelles obligations qu'elle aurait. Là, je pense que c'est un peu compliqué, tout ce que j'ai dit, et, comme je vous dis, ça se peut que je me fasse chicaner, mais qu'est-ce que vous en pensez?

Le Président (M. Hardy) : M. Greenbaum.

M. Greenbaum (Ura) : Bien, ce que je constate, vous avez répondu à votre question antérieure : Comment gérer cette situation où on élargit les droits des substituts? Vous proposez ou... Comme exemple, définitivement, il faudrait réfléchir là-dessus ou voir s'il y a peut-être un autre organisme qui peut combler ce... servir cette problématique. Mais c'est un exemple, oui, oui, oui, je suis ouvert à ça, entre autres possibilités. Mais c'est un exemple. Mais ce que je constate : vous prenez en compte qu'il y a... vous réalisez qu'il y a une problématique, effectivement, que les personnes inaptes n'ont pas... se trouvent... par le fait qu'elles soient inaptes, ne peuvent pas avoir accès, ils ont besoin de droits pour quelqu'un d'autre... élargir les droits des tierces personnes.

J'ai un commentaire, ici, de Mme Nussenbaum.

Mme Nussenbaum (Rebecca) : Oui, peut-être...

Le Président (M. Hardy) : Mme Nussenbaum.

Mme Nussenbaum (Rebecca) : ... — bonjour — ce que j'aimerais dire, c'est : La problématique aussi, c'est que, si on regarde le partenariat qui existe présentement avec la charte et puis l'article 48, la Commission des droits de la personne fait toujours partie... ou, disons, est partenaire avec le Curateur public. Alors, c'est un peu difficile de gérer aussi s'ils travaillent ensemble. Ça serait mieux, disons, si on regarde le Curateur public, qui est un organisme... et puis s'il y a quelque chose qui se passe et puis il y a peut-être un signalement à la Commission des droits de la personne, qu'eux autres, ils vont regarder comment gérer la situation, s'ils ne sont pas partenariat. Mais c'est certain que, s'ils travaillent ensemble, c'est difficile. C'est qu'il y a une main, tu sais, qui mène toujours l'autre main, puis, tu sais, ils vont nettoyer tout parce qu'ils travaillent ensemble. Mais, si vous avez un organisme, disons, qui est indépendant, comme le Curateur public puis l'autre, aussi, qui travaille indépendamment, bien, il y a toujours comme un «watchdog» aussi, qui travaille ensemble. Ça serait mieux que de travailler ensemble.

Le Président (M. Hardy) : Merci, merci.

M. Fournier : Merci.

Le Président (M. Hardy) : Nous allons maintenant passer à la période d'échange avec l'opposition officielle. Mme la députée de Taschereau, à vous la parole pour une période de 10 minutes.

Mme Maltais : Merci, M. le Président. M. Greenbaum, Mme Nussenbaum, bienvenue. Merci. Je vais continuer dans la réflexion dans le sentier que vous avez ouvert et qu'a emprunté généreusement le ministre porteur du projet de loi.

Je regardais rapidement, en vous écoutant, là, la loi sur l'accès à l'information ainsi que la Loi du curateur public. Il est évident que la loi sur l'accès à l'information est née en 1982, mais c'est en 1989 qu'est arrivée cette exception qu'est le fait que la Loi sur le curateur public ne se... ou plutôt la loi sur l'accès à l'information fait une exception pour le Curateur public.

Bon, premièrement, on ne fait pas d'exception pourtant pour les dossiers médicaux, qui sont de teneur hautement confidentielle. On a réussi à gérer ça à travers nos mécanismes d'accès à l'information dans le domaine de la santé, et tout ça, il y a une confidentialité qui est assurée. Mais là on a fait une exception pour les dossiers du Curateur public. Mais, quand on a fait l'exception, on a donné au Curateur public des pouvoirs et des devoirs. Ce sont les articles 50 à 54. Le 50 dit qu'il doit maintenir un dossier. Le 51, que le dossier est confidentiel. Sauf pour... Puis là, pourtant, la définition est large, je pense à l'article 4°... paragraphe 4° : «Le conjoint, un proche parent, un allié, toute autre personne ayant démontré un intérêt particulier pour le majeur ou la personne...» Donc, il y a quand même...

Normalement, il devrait y avoir une acceptation large, d'après cette loi, des personnes qui ont accès au dossier, mais je remarque qu'il y a, à deux endroits, «avec l'autorisation de ce dernier». Est-ce que vous êtes en train de nous dire que la loi dit : Il y a normalement ouverture du dossier à un certain nombre de personnes — que moi, je trouve assez large, là, allié, ta, ta, ta — mais que ce petit bout de phrase, «avec l'autorisation de ce dernier», est le bout de phrase derrière lequel se retire le Curateur public pour refuser l'accès?

Le Président (M. Hardy) : M. Greenbaum.

• (16 heures) •

M. Greenbaum (Ura) : Effectivement, vous avez bien saisi le coeur de la problématique quant aux proches, en ce qui concerne l'accès par les proches. Le Curateur public est le décideur, comme nous avons montré dans le mémoire, de ceux qui ont accès au dossier du protégé. Et, si les proches cherchent quelque chose qui peut... risque d'être embarrassant pour le Curateur public, le Curateur public, en faisant ces décisions-là et en étant le décideur, se trouve en conflit d'intérêts, n'est-ce pas? Il administre le patrimoine et la personne inapte, et il doit décider qui peut avoir accès aux informations sur sa propre administration de la personne et de ses biens. Donc, ce conflit d'intérêts, inévitablement et dans les faits, comme nous avons évoqué, en résulte que le Curateur public va utiliser ce petit bout de phrase pour entraver ou rendre difficile, d'une façon ou d'une autre — et nous avons donné plein d'exemples — interdire l'accès à l'information. Oui, ce petit bout de phrase devient la règle générale au lieu d'être l'exception dans l'administration que fait le Curateur public, malgré que la loi fait exception à ces personnes et veut que ces personnes aient accès au dossier, évidemment. Sinon, pourquoi les mentionner, même, si la loi voulait exclure ces personnes-là?

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Taschereau...

Mme Maltais : Je lis...

M. Greenbaum (Ura) : La problématique, c'est...

Le Président (M. Hardy) : M. Greenbaum.

M. Greenbaum (Ura) : Le problème, c'est que le Curateur public est le décideur et décide qui va être le proche qui va obtenir accès au dossier. Ça n'a pas d'allure.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Merci, merci. Parce que, M. Greenbaum, quand on lit vraiment 52, normalement le coeur de la loi, cette responsabilité qui est déléguée au Curateur public de gérer... Parce que c'est délégué par la loi d'accès à l'information, qui dit : Excepté ça... Le Curateur public, ça, on va vous le laisser gérer vous-même. Ils le gèrent eux-mêmes. Puis là il y a une série... puis ils ont été adoptés en même temps, là, il y a une série de règles qui, à mon sens, se tiennent, sauf ce «avec l'autorisation de ce dernier», qui, là, vient véritablement donner un pouvoir supplémentaire que n'ont pas d'autres administrateurs d'accès à l'information.

On parlait tout à l'heure, bon, des défauts et des qualités de la loi d'accès à l'information. On disait, bon, qu'il y a des exceptions, il y a des restrictions, mais elles sont biaisées. On discute des balises, on discute si elles devraient être rénovées, mais il y a des balises. Dans ce cas, il n'y a pas de balise sur l'autorisation. Il n'y a pas... Pour quelle raison pourrait-on ne pas donner l'autorisation? C'est ce que je comprends, c'est : avec l'autorisation de ce dernier, il n'y a absolument aucune balise qui est utilisée, d'après ce que vous nous dites, toujours.

M. Greenbaum (Ura) : Dans la pratique... Je peux vous interrompre?

Mme Maltais : Oui, allez, allez.

M. Greenbaum (Ura) : Dans la pratique, dans le contexte quand le Curateur public exerce cette autorisation en refusant l'accès, il ne donne pas de raison, aucun motif, rien. La lettre, la réponse : Je refuse. On vous refuse, c'est fini. Il n'a pas besoin... Il ne se justifie pas, il ne donne pas d'explication, il ne donne pas de détail, rien, on refuse.

Mme Maltais : O.K. Donc, si je comprends bien...

M. Greenbaum (Ura) : Donc, ça devient... l'exception devient la règle générale.

Mme Maltais : Oui, mais les balises... Oui, c'est ça, mais la loi d'accès à l'information, elle, donne... oblige à une reddition de comptes, oblige à des raisons, oblige à... chose écrite. Là, c'est qu'on a donné... on a délégué les pouvoirs sans déléguer les devoirs, c'est ce que je comprends.

M. Greenbaum (Ura) : Voilà. Vous avez résumé, c'est bien ce qu'on observe, dans notre mémoire, oui.

Mme Maltais : La question... je vous dis ça comme ça, je sais qu'on n'a pas... je n'ai pas participé, comme je vous dis, je ne suis pas... je suis membre de la commission, mais je ne m'attendais pas à participer nécessairement à ce débat-là, mais la question se posera peut-être, entre autres, quand il y aura dépôt d'une nouvelle loi, d'inviter le Curateur public, parce que, comme c'est dans la loi d'accès à l'information, cette exception, ça doit être débattu autour des discussions autour de la loi d'accès à l'information. Donc, votre présence est pertinente. Ça fait partie de la loi d'accès à l'information, c'est l'article 2.2 qui dit : Il y a exception pour le Curateur public.

M. Fournier : ...dire que nous allons consulter et discuter avec le curateur avant de déposer le projet de loi.

Mme Maltais : Oui, tout à fait. Merci beaucoup.

M. Greenbaum (Ura) : Avec plaisir.

Le Président (M. Hardy) : Merci. Nous allons maintenant passer à la période d'échange avec le deuxième groupe d'opposition. M. le député de Borduas, à vous la parole pour une période de sept minutes.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Madame, monsieur, bonjour. Merci pour la présentation de votre mémoire. Vous avez fait part, dans votre mémoire, des exigences excessives du Curateur public. J'imagine que vous êtes en constante relation avec le Curateur public, votre association, votre organisme. Comment est-ce que vos demandes, vos commentaires sont reçus par le Curateur public?

M. Greenbaum (Ura) : Bien, l'association comme telle...

Le Président (M. Hardy) : M. Greenbaum.

M. Greenbaum (Ura) : ... — pardon, oui, excuse — l'association comme telle n'est pas un proche et donc est exclue de l'information... de l'accès à l'information dans le dossier du protégé. C'est seulement les proches qui y ont droit. Mais, quand les proches font les demandes, là, on a... et, si le proche est qualifié et a droit à l'avoir, on ajoute — comme j'ai fait sortir dans le mémoire — toutes sortes de conditions, et, si on n'avait pas d'autres excuses, ou raisons, ou motifs pour exclure ce proche-là, on va inventer toutes sortes d'entraves. Et je vous ai donné une liste en tant qu'exemple, ça vient d'une lettre venant du Curateur public, toutes les exigences que le Curateur public demande pour prendre cette décision-là, donner accès à cette personne-là. Puis je crois que je vous ai fait une liste de sept différentes conditions ou documents à produire, et certains ne sont même pas raisonnables ou irraisonnables, et certains ne sont pas... ne servent à rien, absolument à rien, mais sont juste entassés un après l'autre pour, en fin de compte, décourager la personne, ce qui arrive, en fin de compte. Les gens sont simplement découragés quand on ajoute conditions et exigences sur conditions et exigences, les gens viennent tannés et fatigués, et ils laissent tomber. Et donc la personne inapte qu'on essaie de protéger est délaissée, en fin de compte, par ces conditions ou exigences excessives. Mais vous avez une liste dans le mémoire. Je crois que je vous avais fourni sept différentes conditions ou exigences dans une seule réponse.

Le Président (M. Hardy) : M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Donc, c'est à ce moment-là qu'on parle, pour vous, d'une inégalité des ressources. Dans le fond, ça devient un fardeau très important pour les gens qui souhaitent avoir accès aux documents, pour les proches qui souhaitent avoir accès aux documents, pour...

Le Président (M. Hardy) : M. Greenbaum.

M. Greenbaum (Ura) : Oui, effectivement. Il y a, premièrement, sur le plan de ces exigences qui, en fin de compte, entravent et rendent déraisonnables toutes les demandes que quelqu'un aurait pu faire, premièrement. Mais, deuxièmement, au niveau des finances, il y a accès aux avocats et il y a accès au personnel, et tout ça, ce niveau plus collectif, si vous voulez, et il y a déséquilibre également. Le Curateur public a 700 effectifs, il a un budget fourni par le gouvernement, en partie, et des avocats, des comptables, et tout ça, il peut se battre contre les gens qui veulent avoir accès aux dossiers. Tandis que le citoyen, le particulier, qu'est-ce qu'il a? Il a l'argent de sa poche et est limité dans ses réseaux, ses moyens, évidemment.

Alors, c'est dans ce sens-là plutôt que je parle et je soulève la question de déséquilibre. On peut simplement laisser tomber, comme ça arrive d'ailleurs... bien, le meilleur exemple, avec le ministère du Revenu, là, où le ministère a toutes les ressources, et le pauvre contribuable, avec son compte de banque figé, ne peut rien faire, quasiment. Mais c'est pareil avec le Curateur public, c'est David contre Goliath, si vous voulez...

Le Président (M. Hardy) : M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Je comprends. Dans votre mémoire, également, au paragraphe 25, vous faites mention du programme de compensation des victimes qui avait été mis en place. J'aimerais ça si vous pouviez nous en parler un peu, de la façon dont le curateur a diffusé ce programme-là, parce que je pense que vous avez certaines récriminations par rapport à la façon dont le programme a été géré.

Le Président (M. Hardy) : M. Greenbaum.

M. Greenbaum (Ura) : Oui, là, même dans le cas de ce programme, le Curateur public s'est engagé formellement — c'était dans le discours de l'Assemblée nationale — d'établir un programme d'accès... de compensation des personnes qui ont été lésées. Et là, dans ce domaine, en fin de compte, le Protecteur du citoyen, qui surveillait le déroulement du programme, a trouvé que, dans tout le nombre de personnes sous curatelle publique, des 13 000 — même, à cette époque, il y avait 12 000 personnes — seulement 4,5 millions ont été accordés comme dépenses. On a déjà des familles qui ont été préjudiciées, lésées dans des millions seulement, des familles, des simples familles. Donc, le programme n'a pas été administré de façon... dans le meilleur intérêt des personnes, des victimes, évidemment.

Et le Protecteur du citoyen s'est lui-même... je vous ai cité de son rapport annuel 2003-2004, a dit que le Curateur public avait erré dans la gestion de ce programme pour, premièrement... Je vais dire tout de suite : Le gouvernement n'a pas alloué un budget au Curateur public pour compenser les victimes. Donc, le Curateur public a été obligé à la fois de piger dans son propre budget opérationnel pour ses propres opérations et pour compenser les victimes. Alors, si le Curateur public doit piger dans son propre budget et doit faire rouler son organisme, évidemment il va consacrer son budget à son propre personnel et besoins qu'aux victimes. Voilà un exemple.

• (16 h 10) •

Deuxièmement, il n'y a pas, jamais, eu de publicité de ce programme. Nous, nous suivons, nous surveillons le fonctionnement du Curateur public. On était au courant que c'était créé, mais le public, les familles n'ont pas été avisés que le programme existe, et, pour les personnes inaptes elles-mêmes, bien, leurs aidants, leurs intervenants n'ont pas été informés non plus. Donc, il y avait un programme établi, mais personne n'était au courant. Vous n'allez jamais trouver une annonce, la publicité, rien.

Donc, il y avait seulement 4,5 millions accordés comme dédommagements, c'est parce que personne n'était au courant que ça existait même, à part de notre organisme et les membres qui en font partie, qui étaient informés par nous, qui suivaient ce dossier-là. Mais le public n'a jamais été informé, toutes les familles ayant droit représentant des personnes inaptes n'ont pas été informées que ça existait. Donc, le Protecteur du citoyen, en suivant l'évolution dans son rapport annuel, dit qu'il a erré, et c'est une frime, ce programme-là.

Le Président (M. Hardy) : Merci de votre contribution, le temps est déjà passé.

Nous allons suspendre nos travaux quelques instants, et j'inviterais les représentants de l'Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier du Québec à prendre place à la table des voisins.

(Suspension de la séance à 16 h 11)

(Reprise à 16 h 15)

Le Président (M. Hardy) : La commission reprend ses travaux. Je vous souhaite la bienvenue, à l'Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier du Québec. Je vous demanderais de vous présenter et je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé.

Organisme d'autoréglementation du courtage
immobilier du Québec (OACIQ)

M. Dion (Richard) : M. le Président, merci de nous recevoir ici cet après-midi. Je vais vous présenter... Je suis Richard Dion, je suis vice-président au conseil d'administration de l'Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier du Québec. Je suis accompagné de M. Georges Gaucher, qui est membre du C.A. également et président du comité de gouvernance de l'organisme. Et également je suis accompagné de Mme Sylvie Spérano, immédiatement ici, à ma droite, qui est directrice de la certification et gestion documentaire ainsi que responsable de l'accès aux documents et de la protection des renseignements personnels; et également, à mon extrême droite, Mme Annie Dulude, avocate, Affaires juridiques.

Alors, M. le Président, d'entrée de jeu, je vais vous parler un peu de l'OACIQ, sa mission, création. Création, on date de la première Loi sur le courtage immobilier, qui remonte à 1991, et une loi qui a été modernisée en 2010. Alors, on a été... Vous avez entendu déjà l'acronyme ACAIQ, Association des courtiers immobiliers du Québec, qui est devenue, en 2010, l'OACIQ, l'Organisme d'autoréglementation. On est administrés par un conseil d'administration de 13 personnes, dont trois sont nommées par le ministre, le ministre des Finances, car nous dépendons directement du ministre des Finances.

On est assujettis à la loi sur... Ah! je vais vous parler un peu plus de notre mission, effectivement, j'en passe un bout. L'OACIQ est là pour encadrer la profession des courtiers immobiliers ainsi que des courtiers hypothécaires. Donc, on a 1 650 permis, environ 1 600... aux alentours de 1 500 courtiers immobiliers et hypothécaires qui sont assujettis à la loi, et nous les encadrons par nos services d'inspection ainsi qu'un code de déontologie, ainsi que les règlements de l'organisme.

Finalement, l'OACIQ, elle est calquée sur... on ressemble à un ordre professionnel, pour vous donner, à tout le monde, une petite idée de qui on est et de la façon dont on dirige le courtage immobilier au Québec. Alors, on n'est pas assujettis au Règlement de diffusion, actuellement, parce qu'on n'est pas un organisme public au sens de la loi. On est assujettis, par contre, à la Loi de l'accès depuis le 1er mai 2010.

Alors, je vous présente rapidement... on va vous... intervenir... Je vais laisser mes collègues, avec votre permission, vous parler de notre... On est pour la transparence, mais on a des commentaires spécifiques quant à l'application prévue dans votre rapport. Alors, je vais laisser mon collègue M. Georges Gaucher vous entretenir plus spécifiquement, avec votre permission.

Le Président (M. Hardy) : M. Gaucher.

• (16 h 20) •

M. Gaucher (Georges E.) : Merci, M. le Président. C'est avec beaucoup d'intérêt qu'on a regardé le document qui a été transmis, sur la transparence et les orientations gouvernementales. On pense que les orientations s'alignent tout à fait avec la mission première de l'OACIQ, qu'est la protection du public. Il y a quand même 18 000 détenteurs de permis entre les courtiers hypothécaires, les courtiers immobiliers, que ce soit résidentiels ou commerciaux, ainsi que les agences. Donc, notre mission première, c'est évidemment ça, et on pense que les orientations s'alignent tout à fait.

Il y a évidemment... Bien qu'on soit pour la transparence et qu'on veuille que ça nous aide à établir un dialogue avec tous les intervenants, il faut aussi comprendre qu'il y a certains éléments dans le projet qui ne peuvent pas s'appliquer chez nous. Il y a certaines orientations, par exemple... Si on pense à nos opérations, je pense, par exemple, à une enquête du syndic, où l'information provenant d'un tiers ne pourrait pas être diffusée, évidemment. Donc, il y a certaines choses, dans le projet, pour lesquelles on a besoin d'obtenir des dérogations ou des changements. Mais je vous dirais que, sur le fond, on appuie tout à fait la démarche, et d'ailleurs le comité de gouvernance que je préside a été mandaté par le conseil d'administration pour trouver comment l'appliquer, non seulement l'esprit, mais la loi, à l'intérieur de l'organisme.

J'aimerais, si vous me le permettez, passer la parole à Mme Spérano, qui va vous parler des conditions opérationnelles auxquelles je référais il y a quelques minutes. Alors, Mme Spérano, qui est directrice, Certification et gestion documentaire, et responsable de l'accès aux documents et de la protection des renseignements personnels. Alors, si vous me permettez, je vais passer la parole à Mme Spérano.

Le Président (M. Hardy) : Mme Spérano.

Mme Spérano (Sylvie) : Donc, d'abord, au niveau des considérations opérationnelles, en fait, ce qu'on souhaite porter à votre attention, c'est que l'OACIQ n'a pas la même structure qu'un organisme public, donc ses processus et ses instances décisionnelles sont distincts, de même que les types de documents qui peuvent découler de ces processus-là. Par ailleurs, avec notre expérience concernant la mise en oeuvre de la Loi sur l'accès, ça nous permet d'anticiper des impacts opérationnels et financiers importants. On s'attend, par exemple, à ce que différents secteurs d'activité, principalement le développement informatique et la gestion documentaire, soient particulièrement affectés, notamment par de nouveaux développements informatiques qui devront être effectués pour automatiser certains processus.

Les documents, également, visés par la diffusion proactive devront être identifiés, et leur présentation devra sans doute être uniformisée, et on peut même penser que de nouveaux documents devront probablement être créés. Donc, de nouvelles tâches s'ajouteront à la charge de travail actuelle et elles pourront difficilement être assumées par les équipes en place. La création, pour nous, de nouveaux postes est donc prévisible.

Des efforts, également, devront être consentis pour la sensibilisation et la formation du personnel, puisqu'ils en seront à leur premier contact avec les obligations de diffusion. D'ailleurs, comme on est assujettis depuis peu à la Loi sur l'accès, donc, depuis 2010, le personnel de l'organisation en est encore aujourd'hui en apprentissage quant aux principes et aux obligations qui découlent de la Loi sur l'accès.

Notre mémoire relève également le fait que l'OACIQ ne dispose pas des mêmes ressources que les organismes publics. Pour ce qui a trait, par exemple, aux ressources humaines, on vous rappelle que nous n'avons pas de répondant en éthique au sein de notre organisation. Il n'y a pas non plus de responsable de la sécurité ou encore de dirigeant sectoriel de l'information. De plus, nous n'avons pas accès à l'expertise et aux différents réseaux gouvernementaux qui sont mis en place et disponibles pour les différents organismes publics, notamment le Centre de services partagés du Québec, lequel était d'ailleurs relevé dans les orientations gouvernementales comme étant un facteur important pour rationaliser les coûts de la mise en oeuvre sur la Loi sur l'accès et, plus particulièrement, la diffusion proactive.

Donc, pour conclure, il y a trois recommandations qu'on souhaite vous adresser : d'abord, de prendre en compte les particularités de l'OACIQ et de lui offrir suffisamment de souplesse pour mettre en oeuvre certaines mesures; deuxièmement, de prévoir une période transitoire pour la mise en oeuvre des mesures relatives à la diffusion, comme ça a pu être le cas par le passé, là, pour les organismes publics; et finalement de consulter l'OACIQ pour la suite des travaux.

Donc, avec votre permission, M. le Président, je passerais la parole à ma collègue Me Annie Dulude.

Le Président (M. Hardy) : Mme Dulude, vous avez la parole. Il vous reste 1 min 27 s.

Mme Dulude (Annie) : D'accord, je vais y aller rapidement. Donc, simplement pour sortir un peu de la portion qui traite de la transparence gouvernementale pour souligner deux aspects plus techniques du mémoire de l'OACIQ. Premièrement, quant à l'orientation n° 4, on comprend l'inquiétude qui est liée au risque d'ingérence, là, relativement aux fonctions de responsable de l'accès. On vous soumet cependant que la réalité de l'OACIQ est différente en ce que sa structure de gouvernance prévoit que la plus haute autorité, donc le responsable d'office de l'accès, est son président et chef de la direction. Or, le président et chef de la direction n'est pas un élu, il est nommé par les membres du conseil d'administration.

Également, quant à la notion de principal administrateur, donc, c'est important de noter que, pour l'OACIQ, ça relèverait... ou ça désignerait le président du conseil d'administration. Or, celui-ci est élu par les titulaires de permis, et, si on retenait la notion de «principal administrateur» dans une éventuelle mouture de la loi, on viendrait se replacer dans la situation que les orientations gouvernementales tentent de régler.

Et finalement — j'y vais très rapidement — pour le transfert de données hors Québec, enfin, on est d'accord avec les constats du SAIRID dans les orientations gouvernementales. On soumet cependant une solution alternative, ce serait de désigner un organisme unique qui pourrait procéder, finalement, à la détermination, à la reconnaissance de la protection équivalente. Ce pourrait être, par exemple, la Commission d'accès à l'information, dans les nouvelles fonctions qui lui sont souhaitées, finalement, dans les orientations. On estime qu'il y aurait là, donc, un bénéfice au niveau de l'atteinte d'une uniformité qui pourrait bénéficier à l'ensemble des organismes publics, éviter qu'il y ait des analyses qui mènent à des résultats différents de part et d'autre.

Le Président (M. Hardy) : Merci pour votre présentation. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. M. le ministre, à vous la parole pour une période de 17 minutes.

M. Fournier : Mesdames messieurs, merci d'être avec nous. Vous me donnez l'occasion de prétendre, pour une troisième fois aujourd'hui, au droit à l'humilité et vous dire que, lorsqu'on réfléchit à des orientations comme celles-là, lorsqu'il y a des discussions avec les gens autour de nous, notre réflexe à nous — c'est malheureusement un peu humain — on parle de ce qu'on connaît, alors, évidemment, on pense à ça surtout en termes de machine ministérielle parce que nous, on oeuvre dans des ministères, alors on connaît un peu comment ça fonctionne. On peut imaginer certains types d'organismes publics, parce qu'on les connaît au fil du temps, on sait comment ça fonctionne, c'est plutôt près de nos organisations ministérielles. Et parfois il y a des organisations comme la vôtre, qui êtes comme «outside», à l'extérieur, mais il y a un petit branchement qui arrive, et puis là on pense peut-être un petit peu moins à l'adaptation pour vous. Donc, votre présence nous permet de remettre dans nos processus pour la suite, de se demander... Pas juste vous, là, parce que je pense qu'il y en a d'autres comme vous qui ne sont peut-être pas venus, mais il faudra qu'on ait... je parle à vous, puis en même temps il y a des gens autour de moi qui l'enregistrent, de s'assurer de faire les adaptations nécessaires, de parler aux gens pour voir comment, chez eux, cela s'applique. Ce n'est pas nécessairement, là, à ce... Puisqu'on n'était pas au niveau d'écrire une loi, on ne l'a pas fait, et tant mieux, parce que, si c'était au niveau de la loi et qu'on n'avait pas pris soin de faire ces vérifications-là, on serait obligés de faire des amendements. Ça nous arrive, d'ailleurs, de faire des amendements quand on dépose des projets de loi, mais, si on est capables de l'inscrire dès le départ, ce serait peut-être préférable.

Je voudrais peut-être commencer par la fin, c'est-à-dire vous venez d'aborder la question de la Commission d'accès, surtout sous l'angle d'une éventuelle nouvelle façon de procéder où il y aurait... Et ça, c'est ma façon de le dire, là, je tiens à vous le dire, peut-être que vous le savez, la Commission d'accès est venue ce matin, elle est évidemment contre la proposition que l'on fait, et ce qui l'amène d'ailleurs à dire qu'elle ne veut pas être sur un comité comme celui que vous envisagez et que moi aussi, j'aurais envisagé — c'était dans notre rapport — prétendant, entre autres, à la question de l'indépendance. Alors, évidemment, si on a une nouvelle mouture, je pense que la question de l'indépendance se pose moins, et d'ailleurs c'est pour ça qu'on souhaite une nouvelle mouture, et vous la trouvez intéressante, alors je prends la peine de le noter pour nos collègues. On entend parfois des positions contre et aussi des positions pour, alors, à la toute fin, il faudra soupeser ça. Évidemment, chez nous, au premier titre, chez nous, on devra le soupeser. Nos collègues des autres formations politiques, mes collègues de mon aile parlementaire vont sûrement nous rappeler, lorsqu'on déposera une pièce législative : Ah! oui, mais, te souviens-tu, il s'est dit ça, là. Je voulais juste vous dire que je tiens à mettre le pour et le contre, parce que, dans le fond, c'est ça, notre travail, aussi, à faire.

Ce qui m'intéresse particulièrement, cependant, puisque vous me soulevez cette question de la protection des renseignements personnels en utilisant des territoires étrangers... Qu'est-ce qui se passe chez vous? Comment ça fonctionne chez vous? Pourquoi vous avez soulevé ça, vous? Est-ce que vous avez des situations particulières en tête que vous pouvez partager avec nous pour qu'on puisse partager à la commission ce que cela peut représenter?

Le Président (M. Hardy) : Me Dulude.

• (16 h 30) •

Mme Dulude (Annie) : Oui, tout à fait. Bien, écoutez, c'est certain que, comme organisation, en 2015, on a recours énormément aux technologies de l'information, puis le bénéfice, au niveau des coûts, de tout ce qui est «clouding» est vraiment intéressant. Donc, c'est certain qu'à chaque fois qu'on évalue de nouveaux projets qui touchent aux technologies de l'information la question va souvent se poser, donc, à cet égard-là. Et l'analyse qui est requise en vertu de la Loi sur l'accès est très exigeante, que ce soit en temps ou en connaissances, et donc, à cet égard-là et justement parce qu'on a des discussions avec nos homologues dans d'autres organisations, on constate que la problématique existe partout et que, parfois, même, certains experts en la matière vont avoir des visions différentes, justement, sur le recours à des territoires étrangers. Donc, ce serait intéressant d'avoir une uniformisation, une centralisation de ce type de décisions là, un peu comme le processus qui est respecté, finalement, à l'Union européenne pour reconnaître, finalement, le caractère suffisant d'une législation à destination... lorsqu'on héberge des données à l'extérieur du Québec.

Puis également, par ailleurs, on encadre, on l'a dit, là, des titulaires de permis, donc des agences et des courtiers qui vivent également au quotidien cette difficulté-là d'analyse. Bien que les obligations en vertu de l'article 17 de la loi dans le secteur privé ne soient pas aussi exigeantes que celles d'un organisme public, on vous soumet, en fait, qu'ils en bénéficieraient également d'avoir une espèce de processus centralisé où est-ce qu'une reconnaissance officielle d'une législation à destination serait, en fait, suffisante. Je pense que les entreprises privées également en bénéficieraient énormément au niveau des économies de coûts d'analyses sous-jacentes à ces questions-là qui se posent.

Le Président (M. Hardy) : M. le ministre.

M. Fournier : C'est une bonne suggestion. Évidemment, on est ici beaucoup... Puisque d'ailleurs le mandat initial était de transparence, alors on va beaucoup parler d'accès à l'information. Le dernier rapport de la Commission d'accès était beaucoup sur la protection des renseignements personnels. Alors, on est dans un forum où on va vraiment beaucoup regarder la transparence sous forme d'accès à l'information et on soulève cette question-là plutôt sous l'angle de la protection des renseignements personnels, et c'est... je veux dire, c'est important de s'y arrêter un petit peu. Moi, je ne suis pas... enfin, comme je l'ai dit, je ne suis pas un crack de l'informatique, et du «clouding», et autres, mais ce à quoi vous faites référence, c'est la détention, sur des territoires hors Québec, d'informations concernant des Québécois, informations qui sont transitées hors Québec par des institutions ou des organismes sous juridiction québécoise. Et tout ce qui est soulevé ici, qui est soulevé dans le document d'orientation, je le dis pour que les gens qui nous écoutent comprennent un peu de quoi on parle, et, comme je ne le comprends pas trop, j'ai l'impression que mon voisin va me comprendre quand je le dis comme ça, là, il est à peu près à la hauteur de... à ma hauteur, mon voisin. Alors donc, c'est de ça dont on fait référence.

Et vous nous dites : Merci, c'est bien beau, M. le ministre, de nous faire ça, mais trouvez une organisation centrale qui va faire le travail plutôt que de demander à tout le monde de faire un travail pour identifier les meilleurs moyens. Je pense bien que c'est ce qu'on envisage, là, mais merci quand même de nous le dire.

Vous avez regardé la question de la diffusion proactive. Vous dites : Qu'est-ce que ça représente chez nous?, et ce n'était pas clair pour moi, de ce que vous vouliez me dire, autre que : Ça va me coûter de l'argent. J'ai pris ce bout-là. Il y aurait peut-être d'autres bouts, mais même ce bout-là m'intéresse. Je dois vous dire qu'il m'intéresse parce que, quand on aborde cette question-là, et ma collègue de Bourassa-Sauvé s'intéresse particulièrement à cette question, et qu'on aborde cela, disons, avec le Conseil du trésor, bien, la question des coûts, et des ETC, et toute cette question-là de... apparaît assez rapidement.

Alors, je vais profiter de votre particularité à vous comme étant un petit peu en périphérie de notre grande organisation. Comment vous interprétez ce qu'on propose, ce qu'on met sur la table, ce que ça peut vraiment vouloir dire pour vous? Comment vous envisagez que ça va se passer? Sur quelle planification vous allez le faire? Et est-ce que vous avez évalué, en termes de proportions, ce que ça peut représenter comme coûts?

Le Président (M. Hardy) : Mme Spérano.

Mme Spérano (Sylvie) : Oui. Donc, à ce stade-ci, en fait, il n'y a pas de chiffre, on ne serait pas en mesure de vous avancer de chiffre. C'est difficile pour nous, ne sachant pas exactement comment le projet de loi va s'appliquer à nous, de venir quantifier. Par contre, les impacts que je mentionnais, que j'énumérais tout à l'heure, on les anticipe en se basant sur notre expérience de la Loi sur l'accès. Et notamment, si on regarde actuellement le Règlement sur la diffusion actuel, où il y a une liste de documents qui a été dressée pour diffusion proactive, eh bien, parmi cette liste-là, déjà, dans la mouture actuelle, on constate que chez nous il n'y a pas nécessairement l'équivalent de ce qui est demandé, notamment en ce qui a trait, là, à plusieurs documents d'ordre financier. Donc, ce serait de voir, donc... Au niveau de la charge, ce sera donc de voir à l'identification de ces documents-là puis comment l'interpréter de notre côté, compte tenu de nos particularités.

C'est aussi de faire en sorte que... je pense que c'était un des souhaits dans les orientations actuelles, de ne pas simplement mettre des documents sur un site Web où, finalement, la population va avoir de la difficulté à s'y retrouver. On souhaitait que ce qu'on met de l'avant soit bien organisé, bien structuré pour faciliter, justement, l'accessibilité. Mais nous, on pense que, pour en arriver à ces objectifs-là, bien, ça nécessitera derrière des développements informatiques quand même assez importants, et on peut penser aussi qu'une fois que la liste des documents aura été fixée, probablement qu'on voudra automatiser certains processus, c'est-à-dire que... dès que la création d'un document aura été effectuée et qu'on sait qu'elle est sans restriction au niveau de son accessibilité, bien, de permettre sa diffusion vraiment automatique, sans qu'il y ait eu de manipulation humaine, si je peux vous dire.

Mais, de façon générale, c'est difficile pour nous de s'avancer plus avant aujourd'hui, mais on s'attend également... je le disais, juste ne pas l'oublier, on est quand même une petite équipe en gestion documentaire. C'est l'équipe qui est dédiée, si vous voulez, en ce moment, à tout le volet de traitement des demandes d'accès, mais également à la protection des renseignements personnels. On est soutenus également par une équipe au niveau des affaires juridiques. Mais donc on sait que les orientations actuelles amèneraient des tâches supplémentaires, ne serait-ce qu'au niveau de la reddition de comptes, l'obligation de faire des bilans. Donc, ce serait en plus, en sus des tâches qu'on exerce présentement.

Le Président (M. Hardy) : M. le ministre.

M. Fournier : Bien, écoutez, c'est évident que vous avez les mêmes problématiques que l'ensemble de l'oeuvre gouvernementale. La volonté est celle d'aller vers le plus d'information possible, la divulgation de l'information avant même que les gens le demandent. Je crois qu'il y a un appui assez généralisé à cette idée de diffusion proactive, qui est quand même un changement de paradigme total par rapport à ce que nous connaissons présentement, ce qui ne veut pas dire que la réactive ne va pas continuer d'exister, puis on en a abondamment parlé déjà jusqu'ici.

Quand vous venez, ça me... Et la façon dont vous abordez la question permet de mettre de l'avant ce chapitre, qu'on n'a pas beaucoup discuté aujourd'hui, de la diffusion généralisée avant même que les gens le demandent, qui offre comme problématique... ce n'en est pas une, mais c'est un choix quand même gouvernemental à faire, et de législation éventuellement. C'est de dire : Nous voulons donner de l'information que les gens n'ont pas encore demandée, mais ça va coûter de l'argent, ça va coûter un prix. Il y a un montant d'argent à mettre, de l'investissement à mettre là-dedans.

Chez vous, comment fonctionne votre structure de financement?

Le Président (M. Hardy) : M. Dion.

M. Dion (Richard) : C'est les détenteurs de permis, alors des courtiers immobiliers, courtiers hypothécaires ainsi que les agences qui paient des droits de permis, principalement. C'est notre principale source de revenus.

Le Président (M. Hardy) : M. le ministre.

M. Fournier : Et, si jamais le législateur décidait de mettre une charge additionnelle, notamment par la diffusion volontaire, proactive, d'informations, y a-t-il lieu de croire que les courtiers ou les agences vont chercher à transférer ce fardeau financier à quelqu'un?

Le Président (M. Hardy) : M. Dion.

M. Dion (Richard) : Si on est assujettis, des coûts seront transférés à nos détenteurs de permis, évidemment.

Le Président (M. Hardy) : M. le ministre.

M. Fournier : ...la chaîne se continuant, il y a tout de... bien, quelqu'un qui le paie à quelque part.

M. Dion (Richard) : C'est ça.

• (16 h 40) •

M. Fournier : O.K. Écoutez, je prends note sur votre question d'organisme centralisé, de vérifier comment on peut partager les meilleures informations possible. Je prends aussi... Et merci d'être venus, parce qu'il y a... au niveau particularités, ce qui m'amène évidemment à noter qu'il y en a plein d'autres qui ont des particularités. Alors, on va tenir compte... On donnera quelques roues de plus pour pouvoir s'adapter de la meilleure façon.

Et ça ne sera pas différent pour vous que pour d'autres, c'est-à-dire de considérer que cette démarche de proactivité aura nécessairement des coûts. Et il faudra s'assurer de mesurer ces impacts-là, ne serait-ce que de faire, je dirais, une progression dans le temps sur la façon dont on peut y arriver. On ne pourra pas faire ça d'un seul coup. C'est vrai pour vous puis c'est vrai pour nous aussi. Je pense qu'il n'y a personne qui s'attend à ce qu'au jour de sa sanction, de la loi, tous les processus informatiques seront déjà sur place et qu'on sera en mesure de donner toute l'information. Il y a une progression. Dans le fond, c'est une cible et c'est une démarche. Je tiens à le dire pour que vous puissiez bien dormir ce soir. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Hardy) : Merci. Nous allons maintenant passer à la période d'échange avec l'opposition officielle. Mme la députée de Taschereau, à vous la parole pour une période de 10 minutes.

Mme Maltais : Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Bonjour, mesdames. Bienvenue à cette commission parlementaire. Merci de nous apporter votre regard précis sur une situation qui n'avait... qui est un peu exceptionnelle par rapport au reste de la loi d'accès à l'information, effectivement.

J'ai toutefois deux ou trois petites questions à ajouter à celles qu'avait le ministre pour bien comprendre ce que vous nous amenez comme suggestion. Vous dites, dans votre mémoire, qu'entre autres... Tant qu'à continuer sur les innovations technologiques, là, vous dites que l'orientation n° 31 vous soulève des questions techniques particulières parce que vos infrastructures ne font pas partie de l'architecture technologique du gouvernement du Québec. Pourtant, l'orientation 31, c'est simplement de... je la lis, là, ici, c'est simplement de mettre en place un site centralisé permettant aux citoyens et citoyennes de s'adresser à tous les organismes publics pour formuler leurs demandes d'accès à l'information en ligne. Alors, c'est pour formuler une demande d'accès, ce n'est pas pour que... Il n'y a pas nécessairement là une demande d'avoir accès à tout le site de l'OACIQ.

En quoi ça peut être compliqué que les demandes d'accès passent toutes par... pour vous, passent toutes par le même site?

Le Président (M. Hardy) : Mme Spérano.

Mme Spérano (Sylvie) : En fait, c'est une question d'infrastructure, parce que, dans le fond, on est indépendants, actuellement, des organismes publics. Nous, à moins qu'on ait mal compris l'orientation n° 31, la façon dont on l'a interprétée, c'est qu'il y a un site Web en projet pilote, là, qui avait été mis de l'avant au niveau gouvernemental, Je veux savoir. Donc, nous, c'est comme ça qu'on l'a perçu, c'est-à-dire un endroit où les gens vont pouvoir formuler des demandes d'accès et qu'elles puissent être dispersées dans les organisations adéquates. Mais là nous, en ce moment, on n'est pas branchés, si on veut, sur le réseau gouvernemental. Donc, c'est à ça qu'on fait référence, le fait qu'on...

Mme Maltais : C'est le seul...

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Il pourrait y avoir un lien particulier, mettons...

Mme Spérano (Sylvie) : Oui, mais on voulait tout de même attirer votre attention sur cet élément-là.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : O.K. Parce que, si ça simplifie les choses à la fois pour vous et pour eux, peut-être qu'à la fin il y a une simplification pour vous du fait que toutes les demandes d'accès passent au même endroit. Peut-être, en fait, on verra, là. Au ministre de trouver de solutions.

L'autre chose... Voilà. Orientation n° 18, vous dites aussi... vous recommandez, en fait, d'étudier en profondeur la question des contrats écrits, en matière de communication et de renseignements personnels, en collaboration avec les entreprises, puis vous parlez des grandes difficultés d'application de l'article 67.2 de la LAI. Pour bien comprendre, quelles sont les grandes difficultés d'application de 67.2 de la LAI pour vous?

Le Président (M. Hardy) : Me Dulude.

Mme Dulude (Annie) : Oui, certainement. Bien, en fait, ce qu'on rencontre, et particulièrement dans mon quotidien, étant donné que je suis généralement en charge des contrats ou de la négociation des contrats qui impliquent la communication de renseignements personnels, c'est que... Justement, on faisait référence tantôt aux entreprises du secteur des technologies de l'information, c'est très difficile, même les entreprises québécoises, d'avoir un échange avec ces entreprises-là pour pouvoir justement inclure dans les contrats que la Loi sur l'accès nous exige de prendre par écrit avec ces entreprises-là... d'avoir les informations qui nous permettent suffisamment de jauger si les mesures de protection personnelle vont être suffisantes, ce que le fournisseur nous offre comme garanties à ce niveau-là, et donc d'inclure dans nos contrats les clauses qui sont nécessaires aux termes même de la Loi sur l'accès.

Donc, c'est difficile parce que, souvent, on parle, en matière de technologies de l'information, de contrats qui vont être en termes généraux en bas de la page Web du fournisseur. On va avoir beaucoup de difficultés également à entrer en contact avec les dirigeants du fournisseur pour pouvoir justement lui apprendre qu'on souhaiterait avoir recours à ses services et qu'on doit, en vertu de la loi, avoir un contrat écrit qui comporte certaines exigences. Donc, c'est tout ça, la difficulté avec ce secteur-là, particulièrement, d'affaires.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Mais, si on veut protéger les renseignements personnels, la difficulté est chez ces gens-là. Elle n'est pas dans la loi, elle est dans le fait qu'ils ne sont pas équipés ou ils n'ont pas... En tout cas, les objections que vous apportez ne sont pas fondamentales, elles sont un problème à l'autre bout, là. Ce sont les entreprises qui ont de la difficulté à tenir compte de la loi dans leurs activités commerciales. C'est ça.

Le Président (M. Hardy) : Me Dulude.

Mme Dulude (Annie) : Oui. Bien, c'est exactement ce qu'on souhaitait apporter à votre attention. Ce n'était pas nécessairement une critique de la portion de la Loi sur l'accès mais plutôt un constat qu'on soulevait à votre attention, justement, que, pour remplir ces conditions-là liées à l'article 67.2 de la loi, c'est des démarches supplémentaires qui des fois sont difficiles, quand même, à effectuer. Je vous avoue qu'on... Pour avoir des discussions avec des organismes similaires au nôtre, ça se vit ailleurs également, pour des organismes ou des ministères vraiment strictement publics. Je pense qu'on parlait tantôt, justement, de réseau centralisé, on parle du Centre de services partagés, je pense que nous, on n'a pas recours, donc, à ce Centre de services partagés là, donc on a plus recours à des fournisseurs du domaine privé, et, en ce sens-là, c'est certain que le respect ou la conformité à l'article 67.2 est un peu plus ardu.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Ça va. Merci beaucoup. C'étaient les quelques points particuliers que je voulais comprendre.

Le Président (M. Hardy) : Bien, merci. Nous allons maintenant passer à la période d'échange avec le deuxième groupe d'opposition. M. le député de Borduas, à vous la parole pour une période de sept minutes.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Mesdames messieurs, bonjour. Merci de votre présence en commission aujourd'hui.

J'aimerais vous référer à la page 7 de votre mémoire, à l'orientation n° 4, au niveau de la motivation des décisions. Vous avez un régime particulier avec votre loi fondatrice. C'est un peu l'équivalent d'un ordre professionnel parce que vous assurez la surveillance de l'exercice de vos membres, des gens qui sont titulaires d'un permis de courtage. Je voulais savoir, dans le fond, les renseignements... bien, en fait, la motivation de la décision qui dirait la raison pour laquelle vous refusez de transmettre l'information, en quoi ça pourrait constituer, la motivation elle-même, quelque chose qui constituerait une donnée confidentielle ou pour laquelle vous ne voudriez pas la transmettre.

Le Président (M. Hardy) : Me Dulude.

Mme Dulude (Annie) : Oui. Bien, si je prends l'exemple... Par exemple, on a un syndic, donc, qui est en charge des enquêtes sur les infractions possibles à la Loi sur le courtage et ses règlements d'application, c'est certain que, si nous, on a analysé... en fait, Mme Spérano, si elle a analysé une demande d'accès, par exemple, à un dossier du syndic et qu'elle doit refuser en motivant... Par exemple, si je prends l'exemple de 28, l'entrave à l'enquête du syndic, si elle doit expliquer en quoi c'est susceptible d'entraver l'enquête en donnant des détails qui vont jusqu'à révéler l'enquête, bien, la protection devient... n'est plus existante.

Donc, l'idée, ce n'est pas... En fait, notre commentaire ne se veut pas un empêchement à la motivation, loin de là, simplement d'être conscient que, dans certains types de dossiers, particulièrement ceux qui sont assujettis à l'article 28, on va avoir une limite à la motivation qu'on peut donner dans la mesure où ça ne doit pas, donc, révéler, par exemple, le contenu de l'enquête ou le statut de l'enquête, par exemple.

Le Président (M. Hardy) : M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Donc, ce qu'on devrait mettre dans la loi, éventuellement, ce serait une formule générale pour ce type de situation, parce que ça va toucher également les ordres professionnels qui sont dotés d'un syndic, tous et chacun.

Le Président (M. Hardy) : Me Dulude.

Mme Dulude (Annie) : Oui. Bien, écoutez, les ordres professionnels, donc, bénéficient effectivement d'un régime dérogatoire, ce qui n'est pas notre cas. Par contre, effectivement, on peut penser que, pour certains types d'organisations... ça pourrait même être les services policiers, là. Au compte de l'article 28, les services policiers également, là, pourraient se retrouver dans une situation où est-ce que la motivation de la décision les mènerait éventuellement à révéler par le fait même le contenu d'une enquête. Donc, c'est simplement... Et je pense que le document d'orientation le reconnaissait, d'ailleurs, là, cette possibilité-là ou cet empêchement-là à la motivation de la décision.

Donc, c'est vraiment simplement de le constater pour qu'il y ait, je dirais, une gestion des attentes auprès des demandeurs d'accès, qui ne verront pas, donc, une absence de motivation comme un non-respect de la Loi sur l'accès, mais bien qui est lié finalement à la protection que la Loi sur l'accès offre à l'égard de certains documents.

Le Président (M. Hardy) : M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Oui. J'avais également une seconde question. La page 10, l'orientation n° 21, pour votre organisation, vous soulignez que c'est irréaliste d'exiger que le responsable de l'accès préside le comité. En quoi c'est irréaliste pour votre organisation?

Mme Spérano (Sylvie) : Bien, en fait...

Le Président (M. Hardy) : Mme Spérano.

• (16 h 50) •

Mme Spérano (Sylvie) : Woups! Pardon. Le président de notre organisation... En fait, je recommence. Les projets technologiques et tout ce qui concerne, donc, la protection des renseignements personnels occasionnent des activités assez régulières. Donc, on a de la difficulté à s'imaginer que notre président puisse participer à l'ensemble des séances qu'on pourrait tenir. Si on pense juste à... Lorsque vient le moment de réaliser des sondages, moi, comme responsable, je vais être consultée, on va aussi s'asseoir avec les affaires juridiques. Donc, de venir impliquer le président au sein du comité à ce moment-là pour un simple sondage, bien... C'est dans cet ordre-là, là, qu'on vous soumettait les difficultés, là, à l'égard de l'orientation n° 21.

Le Président (M. Hardy) : M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Donc, il pourrait y avoir une délégation?

Mme Spérano (Sylvie) : Exactement, avoir la possibilité de déléguer aux gens qui ont une expertise, également, parce que je pense que ça pourrait être plus enrichissant pour le comité qui se penche, à ce moment-là, sur des questions de diffusion, d'accès à l'information et également de protection des renseignements personnels.

Le Président (M. Hardy) : M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Oui, je vous remercie.

Mme Spérano (Sylvie) : Merci.

Le Président (M. Hardy) : Très bien. Merci de votre contribution.

Nous allons suspendre nos travaux quelques instants, et j'inviterais les représentants de Fondation littéraire Fleur de Lys à prendre place à la table des témoins.

(Suspension de la séance à 16 h 52)

(Reprise à 16 h 56)

Le Président (M. Hardy) : La commission reprend ses travaux. Je vous souhaite la bienvenue, à la Fondation littéraire Fleur de Lys. Je vous demanderais de vous présenter et je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour votre exposé.

Fondation littéraire Fleur de Lys

M. Guay (Serge-André) : Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour à tous. Mon nom est Serge-André Guay, je suis président-éditeur de la Fondation littéraire Fleur de Lys. Ça peut paraître bizarre qu'un organisme comme le nôtre se présente à cette commission sur ce sujet-là, mais c'est très important, ce qu'on va vous dire. Du moins, c'est ce que nous croyons, et nous espérons vous en convaincre. J'ai avec moi Renée Fournier, qui est la secrétaire-trésorière et libraire de la Fondation littéraire Fleur de Lys, qui est le seul éditeur-libraire en ligne sur Internet sans but lucratif au Québec, avec impression papier à la demande et format numérique. On est là depuis 2003, et c'est notre deuxième participation à une commission parlementaire. Nous avions aussi participé à celle sur le prix unique du livre.

Mme Fournier va vous présenter un résumé contextuel, et après ça je vais regarder avec vous le mémoire qu'on vous a déposé.

Le Président (M. Hardy) : Mme Fournier.

Mme Fournier (Renée) : La Fondation littéraire Fleur de Lys existe depuis 2003, comme Serge-André vient de vous le dire. C'est une maison d'édition qui opère en ligne. Elle tient aussi un magazine d'actualité libraire et plusieurs sites Web d'information d'intérêt général liés à la culture, y compris aux livres et à la lecture. C'est notre expérience de veille de la publication des documents gouvernementaux dans le domaine de la culture qui nous incite à déposer ce mémoire.

Dans notre mémoire, nous nous attardons à l'orientation visant à accroître la diffusion proactive et, plus spécifiquement, à la mise en place des mesures de repérage efficaces des documents sur le site Internet, tel que présenté dans le document synthèse de la commission, tel qu'on peut lire : «Un cadre législatif modernisé et soutenu par une gouvernance des structures adaptées.

«[Point] 1. Survol des orientations gouvernementales.

«[Point] 2. Accroître la diffusion proactive.

«Mettre en place des mesures de repérage efficaces des documents sur les sites Internet.»

Si nous reconnaissons d'emblée la nécessité de mesures de repérage des documents sur les sites Internet gouvernementaux, nous recommandons cependant à la commission de se préoccuper aussi du repérage des documents par les moteurs de recherche sur le Web. L'objectif est de permettre aux citoyens de repérer des documents offerts sur les sites Web gouvernementaux alors qu'ils questionnent les moteurs de recherche sur le Web. Bref, nous croyons que le gouvernement ouvert doit être connecté au monde plutôt que confiné à Internet.

Le Président (M. Hardy) : M. Guay.

• (17 heures) •

M. Guay (Serge-André) : Quand on met un document disponible sur Internet, il se trouve sur un serveur. Ce serveur-là est visité par les moteurs de recherche, que ce soit Google, que ce soit Yahoo! ou d'autres moteurs de recherche spécialisés. Si le document qui est mis là ne comprend pas de métadonnées, le moteur de recherche passe par-dessus. Tout le monde sait qu'il y a eu un plan culturel numérique qui a été déposé. Il y a un plan du livre qui est déposé aussi. Ces deux plans avaient pour motivation de base d'augmenter le poids de la culture québécoise sur Internet. Moi, ce dont je vous parle aujourd'hui, c'est d'augmenter le poids du gouvernement du Québec sur Internet grâce aux documents qui sont disponibles sur ses serveurs et accessibles à tous en gouvernement ouvert.

On va commencer avec un exemple facile : le document lui-même de la commission. Tout le monde a vu, à la page 2, la couverture de votre document. Si vous allez à la page 3... Tout ce que je dis, c'est : On consulte les propriétés du document en cliquant sur «fichier», et, à la page 4, dans les propriétés du document, on serait supposé de trouver un titre du document. Ce que l'on trouve comme titre du document, ce que Google lit, c'est Microsoft Word  Système Orientations-VF, etc. Ce n'est pas ça, le titre du document. L'auteur, c'est M. Giguère. Je ne sais pas s'il y a quelqu'un ici qui connaît M. Giguère, mais normalement ce nom-là a été écrit parce que le nom du... parce que le logiciel, la licence du logiciel pour faire un PDF est au nom de M. Giguère. Ce n'est pas supposé être au nom de M. Giguère, c'est supposé être au nom du gouvernement du Québec. Il faut reconnaître nos propres documents lorsqu'on va sur Internet. Le sujet devrait être précisé, et aussi des mots clés.

Si on clique sur «métadonnées avancées» dans le bas du tableau, ce qu'on voit, ce sont les mêmes données, mais cette fois-là on a une précision à l'état du copyright : «Inconnu». Non, non, non, le copyright appartient au gouvernement du Québec. Et la notice du copyright n'est pas mentionnée non plus, c'est-à-dire l'année, le détenteur du copyright et le fameux symbole du copyright. Autrement dit, si je vais en cour, puis que je copie ce document, et que je le vends, et que je n'ai pas le droit, mais que je réussis à le vendre, que je fais des profits, vous ne pouvez pas me demander... vous avez difficilement la preuve que vous n'avez pas publié ce document-là en «creative commons», c'est-à-dire en donnant la permission à tous de le reproduire sans aucune limitation commerciale.

À l'autre page du document, c'est un autre tableau des propriétés qui s'affiche, c'est celui... «avancées», et l'URL de base est vide, la case est vide. Ce devrait être l'URL de base du site Web de l'Assemblée nationale où est disponible le document en question pour que Google puisse l'associer au gouvernement du Québec.

À l'autre page, vous avez, dans le milieu de la page, là, vers le deux tiers de la page, là, un encadré qui parle des standards sur l'accessibilité d'un document téléchargeable. Ces standards-là sont des standards adoptés par le gouvernement du Québec, mais qui ne sont pas appliqués. Je suis désolé, mais allez télécharger n'importe quel document PDF du gouvernement du Québec accessible sur Internet, et 80 % n'ont aucune métadonnée précisée dans les propriétés du document, ce qui fait que vous passez sous le radar de Google. Et l'image que cela projette, comparativement à d'autres gouvernements comme celui de la France, la Commission européenne ou celui de la Belgique, l'image que l'on donne, c'est qu'on n'a pas de poids sur Internet, qu'on n'a rien à dire sur Internet, que notre gouvernement ne produit rien sur Internet. Il y a des rapports très importants qui n'ont aucune métadonnée à l'intérieur, donc on ne peut pas les repérer facilement sur le Web. Un gouvernement ouvert, ça veut dire plus de documents. Est-ce que ça veut dire plus de documents sans métadonnée?

Moi, je vous invite à insister sur les métadonnées, et vous pouvez faire ça. On a un directeur de l'information, je crois, hein, un dirigeant principal de l'information, auprès du DPI. Je pense que ce monsieur ou cette dame... je ne sais pas si c'est un monsieur ou une dame, mais je pense que ce monsieur devrait être entendu par la commission pour savoir qu'est-ce qu'il en est, parce que c'est de lui dont dépendent les standards des documents numériques du gouvernement du Québec. Je crois que cet homme doit être entendu.

Moi, quand je vais sur Internet puis que je mets «gouvernement ouvert Québec», je devrais automatiquement avoir ce document de consultation de la commission. Ce n'est pas le cas. Je suis désolé, je suis obligé d'écrire tout le titre du document pour que Google me le réfère.

Autrement dit, un gouvernement ouvert, ce n'est pas juste un site Internet par lequel on va avoir accès à des documents, c'est aussi un gouvernement qui occupe l'espace dans les moteurs... dans les résultats des moteurs de recherche avec tous les documents qu'il met à la disposition de la population puis de la planète. Voilà.

Mme Maltais : ...gouvernementale.

M. Fournier : C'est une méchante grosse, là.

Le Président (M. Hardy) : Merci pour votre présentation.

M. Fournier : Il est temps qu'on discute.

Le Président (M. Hardy) : Nous allons maintenant débuter la période d'échange. M. le ministre, à vous la parole pour une période de 17 minutes.

M. Fournier : Bonjour, monsieur. Bonjour, madame. Merci beaucoup d'être venus. Quand j'étais petit, à un moment donné, on disait : Chut! Pardon, mononcle. Là, on était à terre, puis on concédait la victoire à l'autre partie, puis c'était la défaite totale. Alors, chut! Pardon, mononcle. Et là j'assume toute l'humilité possible au nom de tout le gouvernement...

Une voix : ...

M. Fournier : Ah! depuis l'informatique. Mais j'ai trouvé ça... Honnêtement, je l'ai déjà dit d'ailleurs, moi, métadonnées puis toutes ces affaires-là, j'ai un petit peu de difficulté. Mais je vous ai suivi, je pense, et je retiens une recommandation que vous avez faite non pas dans votre mémoire, mais présentement, et on va voir justement si on peut inviter... Je ne suis pas convaincu que l'invitation va faire plaisir, peut-être, là, mais, pour le bénéfice de la commission, certainement que ce sera intéressant. On me chuchote que, bon, des licences sont à revoir, échues, puis tout ça, mais honnêtement je ne pense pas que c'est une bonne... C'est un contexte, mais ce n'est pas une excuse. C'est un contexte. Mais je crois qu'on va tous être intéressés de voir où on en est et surtout où on s'en va, parce que ça me semble assez évident ce que vous avez dit sur...

D'abord, s'il y a des règles, qu'on les suive. Et, de toute évidence, il ne semble pas que nous le faisons. Bien, en tout cas, je prends pour acquis que vous avez raison. Parce qu'en tournant les pages j'ai pu comprendre ça un petit peu. Et, d'autre part, si on veut donner de l'information aux gens, ce n'est pas juste de mettre une aiguille puis de multiplier les morceaux de foin pour que la botte soit de plus en plus grosse. Il faut permettre qu'on puisse aller chercher cette aiguille dans la botte de foin, je pense que c'est un peu ce que vous nous avez indiqué. Et on ne fait aucun effort pour aller chercher cette information-là.

Maintenant, je ne sais pas pourquoi on est à cette distance-là de ce qui devrait être fait, je l'ignore, mais je peux juste vous dire que l'objectif qu'on vise, ce n'est pas juste de rendre publiques des choses, de rendre publiques des choses que le monde va pouvoir voir. Et là je comprends que ça semble être assez complexe. Pouvez-vous me dire, vous avez parlé de la France, puis on est allés un petit peu loin : Au Canada, tout près de chez nous, est-ce qu'on est les derniers, les plus délinquants du groupe, qui n'assumons pas, je dirais, la modernité informatique et qu'on n'a pas compris ça encore?

Le Président (M. Hardy) : M. Guay.

M. Guay (Serge-André) : Écoutez, M. le ministre, remplir les cases des métadonnées qu'on vous montre dans le document, ça ne prend pas cinq minutes. C'est très rapide lorsque c'est la personne qui, effectivement, suit le document, là, quand c'est l'auteur du document, ça va très rapidement. Mais il y aurait moyen, effectivement, d'avoir une espèce de formulaire ou une feuille qui accompagne la production d'un PDF et de simplement remplir les cases avec les noms et les mots clés appropriés. C'est très important au niveau des mots clés, parce que c'est avec mots clés.

M. Fournier : C'est surtout les mots clés qu'on a besoin, là?

M. Guay (Serge-André) : Surtout les mots clés, mais aussi la propriété du document, qui n'est pas précisée. Ici, on trouve le nom du fonctionnaire. Je ne suis pas sûr que ce dernier aimerait beaucoup qu'on parle beaucoup... qu'on le mette à l'avant-plan. En tout cas, moi, j'ai fait l'expérience avec la SODEC et j'ai publié un article sous le titre Connaissez-vous M. Untel?

M. Fournier : Ça a dû lui faire plaisir.

M. Guay (Serge-André) : C'est sûr que la SODEC n'a pas beaucoup aimé, mais ils n'ont pas changé leur pratique, hein? C'était peut-être un moyen de se venger, mais...

M. Fournier : Là, je veux juste vous dire quelque chose : Ne faites pas un autre article, on va essayer de changer la pratique, O.K.?

• (17 h 10) •

M. Guay (Serge-André) : Mais, effectivement, tout ce que je voulais démontrer, c'est qu'effectivement on ne va pas assez loin.

Du côté de la France, oui, les métadonnées sont très importantes, oui, on met les métadonnées dans les documents gouvernementaux qui sont disponibles... accessibles par Internet. Et, du côté du Canada anglais, on fait un peu mieux, mais à peu près 50 %. Je ne peux pas vous parler des États-Unis, je ne peux pas vous parler d'ailleurs dans le monde. Je me concentre surtout sur la France... ou la Communauté européenne, et le Québec, et le Canada, mais, du côté de la Communauté européenne, ça, je peux vous dire qu'eux les métadonnées dans les documents, c'est très important. C'est pourquoi d'ailleurs on dit que la mémoire du monde est actuellement en Europe, parce que, malgré l'informatique, ce n'est pas juste une mémoire de papier puis une mémoire de bibliothèque, là. On dit que la mémoire du monde est en Europe parce qu'effectivement ils ont tellement de métadonnées ajoutées à leurs documents ou, en tout cas, systématiquement à leurs documents, ce qui fait qu'ils sortent tout de suite quand vous faites une recherche sur les moteurs de recherche. Alors, on est beaucoup plus informés. Si vous marquez «livres et lecture», on est beaucoup plus... le premier site qui va sortir, c'est un site français ou un site de la Communauté européenne plutôt que le site québécois avec les dizaines et les dizaines, pour ne pas dire les centaines de documents PDF qui sont disponibles mais non balisés.

M. Fournier : J'ai ma collègue, M. le Président, qui connaît ça plus que moi.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme de Santis : Bonjour. Je m'excuse infiniment d'être un peu en retard, j'étais à une autre réunion. Mais je suis la personne qui est l'adjointe parlementaire au président du Conseil du trésor avec le mandat de gouvernement ouvert. Je peux vous dire que c'est, tout ce que vous dites sur le site actuel et les renseignements actuels qui sont disponibles, tout à fait vrai, on n'a pas un réseau présentement disponible qui permet la réutilisation des données qui sont publiques, sauf...

M. Guay (Serge-André) : Ce n'est pas de ça dont je parle.

Mme de Santis : Ah! vous parlez de... Je m'excuse, alors.

Le Président (M. Hardy) : M. Guay.

M. Guay (Serge-André) : Je parle des métadonnées présentes dans les documents déjà disponibles pour repérage par les moteurs de recherche tels que Google.

Mme de Santis : O.K. On parle...

M. Guay (Serge-André) : Je ne vous parle pas d'un réseau, là.

Mme de Santis : Non, non, je comprends. Par exemple, Données ouvertes...

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme de Santis : Donnéesouvertes.qc.ca, ce n'est pas fonctionnel au point que vous dites, vous avez raison. Ce qu'on est en train de faire, c'est que le gouvernement est en train de créer un autre portail qui va répondre aux besoins que vous avez soulevés, où les métadonnées qui sont associées avec les données ouvertes qui seront disponibles se retrouveront... qui ne sont pas là. Ce qu'on dit... La préoccupation est que les données qui sont disponibles ne sont pas réutilisables.

Le Président (M. Hardy) : M. Guay.

M. Guay (Serge-André) : Moi, ce n'est pas du tout de ça dont je parle. Ce dont je vous parle, c'est... Avez-vous eu le mémoire qu'on a déposé? Bon, ce dont je vous parle...

Mme de Santis : J'ai lu la synthèse, oui.

M. Guay (Serge-André) : ...ce sont les métadonnées incluses pas dans un site Web, pas dans les Données ouvertes, pas dans un ministère, pas dans un portail, dans les documents, O.K., les documents eux-mêmes, les documents sous format PDF, sous format Excel, sous format «.doc». Quand on fait ces documents-là au gouvernement du Québec, quand on passe du Word, du traitement de texte à un fichier PDF, on est supposé inclure des métadonnées, dans le fichier PDF, qui définissent le nom de l'auteur, la propriété, le copyright, et on ne le fait pas. Et ces documents-là, parce qu'ils n'ont pas ces métadonnées-là, ne sont pas repérables par les moteurs de recherche tels que Google, d'où l'idée d'un gouvernement ouvert, ouvert sur le monde et non pas ouvert à l'interne. Vous, vous me parlez de l'interne. Ça, je vous félicite, c'est très... c'est une initiative excellente, mais ce ne sont pas tous les Québécois qui vont aller sur ce portail pour chercher des documents. Lorsque moi, je cherche un sujet qui est relatif au gouvernement du Québec, je veux être capable d'avoir le document qui m'est présenté non pas dans un portail, mais dans un résultat d'un répertoire de recherche avec un moteur de recherche.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme de Santis : O.K. C'est la bibliothèque d'Archives nationales qui fait la norme, et on est aussi en train de regarder ces normes. Votre constat... la constatation que vous faites est tout à fait légitime, et je n'ai pas une réponse immédiate, exacte à cette inquiétude, mais c'est quelque chose qu'il est important de porter à l'attention du gouvernement et de nous et sur lequel on va devoir aussi agir.

Le Président (M. Hardy) : M. Guay.

M. Guay (Serge-André) : Oui. C'est effectivement vrai. Lorsque j'ai voulu sensibiliser la SODEC à l'importance de métadonnées dans leurs documents PDF, ils m'ont dit : Nous, on ne s'occupe pas de ça, parce qu'on a une licence de diffusion qu'on a accordée à Bibliothèque et Archives nationales du Québec. Mais Bibliothèque et Archives nationales du Québec n'agit pas sans plainte. On ne se mettra pas à porter plainte pour chaque document PDF produit par la SODEC pour qu'effectivement la plainte chemine au sein de la bibliothèque, puis que la bibliothèque ait une relation ensuite avec l'avocat de la SODEC, puis que ça tourne en rond. Donc, ce qu'il faut vraiment... Il y a un directeur de l'information, là, le DPI. Lui, c'est son rôle de faire appliquer ces standards-là. Même si le mandat est confié à Bibliothèque et Archives nationales du Québec, il faut qu'il ait le moyen d'appliquer ces standards-là, de contrôler l'application de ces standards-là. Puis là, actuellement, bien, ce qu'on constate, c'est qu'il y a un vide.

Je vous remercie. Je comprends, là. Je sais que vous me dites que vous êtes préoccupée. Mais le mécanisme, il existe, mais il n'est pas en marche. Autrement dit, la Bibliothèque nationale diffuse les documents de la SODEC sans métadonnée.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme de Santis : Merci. Ce que vous dites est exact, est correct. Mon collègue, qui connaît les détails, me le confirme aussi. Et c'est quelque chose dont on va prendre en considération.

Le Président (M. Hardy) : M. le ministre.

M. Fournier : Unanimité.

Le Président (M. Hardy) : Unanimité.

M. Fournier : Comme je l'ai dit avant que ma collègue arrive, honnêtement, votre démonstration est éloquente et gênante, en fait. Je dirais presque plus gênante qu'éloquente, mais ça, c'est d'autre chose.

M. Guay (Serge-André) : Mais c'est quelque chose qui est passé sous le radar, tout simplement. On a l'habitude, quand on cherche des documents gouvernementaux, d'aller directement sur les sites des ministères et non pas de questionner des moteurs de recherche.

M. Fournier : Vous êtes bien gentil de dire ça, là, mais ce n'est pas tout à fait vrai, parce que moi, par exemple, je vais sur les moteurs de recherche plutôt que sur les sites en essayant de sortir les bons mots, sachant que, si vous le retrouvez sur le site... Mais normalement, avec un moteur de recherche, ça devrait aller plus vite que d'aller sur le site, ça devrait, tu sais? Puis là je vous écoute, puis je me souviens des moments où je n'y arrivais pas vraiment par le moteur de recherche, puis j'étais obligé d'aller... Alors, ça me sonne une cloche.

Mais je ne savais pas pourquoi ça arrivait. Là, j'ai compris qu'on ne remplit pas les cases. Puis je suis très gêné, parce qu'il me semble qu'on devrait remplir les cases. Je ne sais pas à quel moment on a décidé de ne pas remplir les cases puis je ne sais pas pourquoi on ne remplit pas les cases. Ça, c'est ma... Non, mais ce n'est pas à vous que je vais la poser, mais, plus tard, je vais demander : Mais pourquoi on ne les remplit pas, les cases? Là, on va me dire : Bien, parce qu'on n'est pas encore assez modernes. C'est peut-être ça, là, mais... Je ne sais pas c'est quoi. Moi, je sais bien que je ne le savais pas, donc ça se peut qu'il y en ait d'autres qui ne savent pas. Mais, sachez une chose, on va essayer de remplir... En tout cas, on va passer le message qu'il faudrait remplir les cases, parce que, sinon... Vous avez tout à fait raison. Puis là je comprends mon problème que j'avais. Puis, comme ma collègue le dit, merci beaucoup d'être venus nous voir, on va se coucher moins niaiseux ce soir. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Hardy) : Merci.

M. Guay (Serge-André) : J'accepte votre commentaire avec une aussi grande humilité.

M. Fournier : Oui. Moi, je suis à mon record d'humilité. Je pense qu'il ne m'en reste plus pour le reste de la soirée, là.

Mme Fournier (Renée) : Bien, c'est une méthode de travail à ajuster, tout simplement.

Le Président (M. Hardy) : Merci, merci. Nous allons maintenant passer à la période d'échange avec l'opposition officielle. Mme la députée de Taschereau, à vous la parole pour une période de 10 minutes.

Mme Maltais : Merci, M. le Président. Merci d'être ici et de nous instruire, en fait. Ce n'est pas seulement de nous informer, c'est de nous instruire, parce que j'étais ignorante, moi aussi, en la matière.

Est-ce que je m'abuse si je dis que, finalement, c'est de la présence du Québec, de nos penseurs, de nos chercheurs, de nos réflexions dans l'univers du Web qui est handicapée par le fait que les gens qui procèdent par moteurs de recherche ne connaissent pas, mettons, notre organisation gouvernementale, et tout ça, est handicapée parce qu'on ne nous trouve pas?

Le Président (M. Hardy) : M. Guay.

• (17 h 20) •

M. Guay (Serge-André) : Oui, exact, vous avez raison. J'ai même déposé un mémoire sans commission, cette fois, à la ministre de la Culture et des Communications du Québec, Mme Hélène David, un mémoire qui s'intitulait Le poids de la culture québécoise sur le Web, qui a aussi donné lieu à une lettre ouverte qui est parue dans le quotidien Le Soleil. Et on déploie actuellement beaucoup d'efforts, d'investissements monétaires, des millions de dollars pour augmenter le poids de la culture québécoise sur le Web en multipliant les éléments. C'est-à-dire qu'on demande à Télé-Québec de produire des vidéos, on demande à Télé-Québec, avec... comment ça s'appelle?

Une voix : ...

M. Guay (Serge-André) : La Fabrique culturelle. On demande à la Fabrique culturelle de multiplier les vidéos, la présence sur le Web. On offre des subventions gouvernementales pour des projets numériques culturels. Mais, si ces projets-là ne contiennent pas les métadonnées, notre poids n'augmente pas, et le poids des autres augmente. Parce que les métadonnées... Si vous mettez «métadonnées», là, sur le Web, vous allez voir que c'est un enjeu gouvernemental de premier plan. On se demande, demain, qui va contrôler les métadonnées gouvernementales, qu'est-ce que les gouvernements vont faire avec ces métadonnées-là, quelle est leur stratégie, parce que ça a une valeur de poids... C'est le poids qu'on peut avoir, pour un gouvernement, sur le Web.

Mme Maltais : C'est ça que je dis, oui.

M. Guay (Serge-André) : Alors, plus j'ai de... Vous allez avoir quelqu'un, probablement, qui va vous écrire, là, et qui va vous demander une licence d'utilisation des métadonnées du gouvernement du Québec. Vous en parlez un peu dans votre document, vous dites qu'effectivement, s'il y a des gens qui veulent utiliser certaines données du gouvernement du Québec pour faire des produits, ils pourraient faire des produits à partir des données dont ils disposent. Les données dont vous parlez dans votre document, là, en fait, ce ne sont pas des données, ce sont des métadonnées. C'est ça qui est le poids, là, la base même, là, de tout ce dont vous disposez en métadonnées, c'est ce qui est rentré dans... C'est le poids que vous avez sur le Web, c'est le poids que... C'est une richesse énorme. Il y a des gens qui peuvent vous proposer des projets extraordinaires avec ça. Tout ce que vous avez à faire, c'est de demander des redevances, n'oubliez pas. Mais effectivement la métadonnée, ça égale le poids qu'on a sur le Web.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Je dirais que c'est non seulement notre poids sur le Web, mais c'est aussi... puisque le Web, aujourd'hui, est la manière dont circulent les données, les informations et les contenus, c'est aussi la capacité qu'ont les gens de faire affaire à l'intelligence québécoise, puisque... Moi, je sais, quand je vais sur, pour ne pas le nommer, Google, ou d'autres, je m'informe sur tel sujet, je vais trouver, effectivement grâce aux métadonnées, je vais trouver ce qui se passe en Finlande, ce qui se passe en France, ce qui se passe en Espagne, on peut le trouver, on peut y avoir accès. On peut avoir accès à des documents gouvernementaux de plusieurs pays. Mais, si les nôtres n'y sont pas, les autres ne peuvent pas nous trouver non plus. Donc, on ne peut pas influencer la communauté internationale comme on doit l'influencer. Il ne faut pas manquer ce virage-là, je vous remercie beaucoup.

Puis l'autre chose que je voulais dire, c'est : On a déjà toute l'infrastructure pour faire que ces métadonnées se retrouvent, parce que, vous le dites vous-mêmes, il y a le dirigeant principal d'information, qui est au Secrétariat du Conseil du trésor, qui est déjà là et déjà chargé de faire inscrire ces données-là dans tous les ministères et dans chaque ministère. Non seulement on paie un dirigeant principal d'information, mais on paie, dans chaque ministère, des dirigeants de l'information. Je vais parler, comme on dit, en bon chinois : Il y a un call qui ne s'est pas fait à quelque part, c'est-à-dire qu'il y a... Normalement, l'infrastructure... Je voulais juste dire aux gens du gouvernement : L'infrastructure est déjà là, là.

C'est vraiment... Vous l'avez dit, c'est un changement de pratique, mais, pour ça... Parce que moi, je pense que, si on veut changer la culture et la pratique, il faut prendre conscience de l'importance de le faire. Ce dont je vous remercie aujourd'hui, c'est de nous faire prendre conscience de l'importance de le faire.

Le Président (M. Hardy) : M. Guay.

M. Guay (Serge-André) : Non seulement l'infrastructure est là, mais les guides pour inclure les métadonnées dans les documents qu'on fait sont déjà disponibles. Il y a des guides, la Bibliothèque nationale du Québec a effectivement des guides à la disposition de tous les ministères, tous les archivistes pour inclure... comment inclure des métadonnées dans les documents. Ces guides-là existent. C'est juste un laxisme ou peut-être une incompréhension de la valeur de la métadonnée.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Si j'ai un souhait à faire, c'est que l'extrait de cette partie de la commission parlementaire, présentation de votre mémoire et tout, soit envoyée au dirigeant principal de l'information au Conseil du trésor et peut-être à son directeur de cabinet. Je pense que ça parle assez. Je vous remercie beaucoup de votre présentation, elle était nécessaire, elle était importante.

M. Guay (Serge-André) : Merci.

Le Président (M. Hardy) : Merci. Nous allons maintenant passer à la période d'échange avec le deuxième groupe d'opposition. M. le député de Borduas, à vous la parole pour une période de sept minutes.

M. Jolin-Barrette : Merci. Mesdames messieurs, bonjour. Merci beaucoup pour votre contribution aux travaux de la commission. Je n'ai pas de question particulière pour vous, parce que je pense qu'on a déjà fait le tour, puis on a très bien compris et exprimé votre point de vue, et je pense qu'on a du chemin à faire au niveau de l'État québécois à ce niveau-là. J'espère que ce n'est pas par manque d'innovation qu'on ne le fait pas, et surtout qu'on laisse la liberté aux fonctionnaires d'innover à l'intérieur de notre appareil administratif public.

Je me demandais si vous aviez d'autres commentaires à adresser à la commission.

Le Président (M. Hardy) : M. Guay.

M. Guay (Serge-André) : Mais je terminerais en vous disant que c'est une chose simple qu'on a... c'est une chose très simple qu'on a soulevée aujourd'hui, parce que nous avons l'habitude de faire la recherche des documents et d'examiner ça. Je pense qu'à l'intérieur des ministères ils ne le savent probablement même pas. M. Giguère ne sait probablement même pas, là, que son nom se retrouve dans le document de la commission. Il s'agit juste de... Sur une seule feuille peuvent tenir toutes les instructions pour inclure les métadonnées dans un document. Il s'agit juste de sensibiliser les gens, à ce moment-là, puis la partie est gagnée. Ça ne coûte rien, là, de faire ça. C'est cinq minutes.

Mme Fournier (Renée) : C'est un détail qu'on va sous-estimer.

Le Président (M. Hardy) : M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Mais je vous remercie grandement pour votre présence.

M. Guay (Serge-André) : Merci.

Le Président (M. Hardy) : Eh bien, je vous remercie de votre contribution à nos travaux.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 19 h 15.

(Suspension de la séance à 17 h 27)

(Reprise à 19 h 15)

Le Président (M. Hardy) : Alors, prenez place, s'il vous plaît. La Commission des institutions reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

Je vous rappelle que la commission est réunie afin de poursuivre la consultation générale et les auditions publiques sur le document intitulé Orientations gouvernementales pour un gouvernement plus transparent, dans le respect du droit à la vie privée et la protection des renseignements personnels.

Je vous informe que nous aurons un service de traduction simultanée pour le dernier groupe à l'horaire ce soir.

Sans plus tarder, je souhaite la bienvenue à la Confédération des syndicats nationaux. Je vous invite à vous présenter et je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé.

Confédération des syndicats nationaux (CSN)

M. Lortie (Jean) : Merci, M. le Président. Alors, je suis Jean Lortie, secrétaire général de la Confédération des syndicats nationaux. Je suis accompagné, à ma gauche, d'Anne Pineau, Me Anne Pineau qui est adjointe au comité exécutif de la Confédération des syndicats nationaux, et, à ma droite, de Me Isabelle Lacas, du service juridique de la CSN.

Alors, je vais y aller brièvement. Alors, d'abord, souligner, la CSN est très satisfaite que ces consultations se déroulent actuellement sur les orientations gouvernementales. Bien entendu, nous attendrons un projet de loi pour, évidemment, mesurer la hauteur des orientations que le gouvernement propose et les objectifs qui sont proposés. On salue un certain nombre d'initiatives dans le mémoire que la CSN a fait parvenir à la commission, nous saluons plusieurs initiatives qui sont contenues dans les orientations du gouvernement.

D'entrée de jeu, deux éléments majeurs pour nous parmi les autres qu'on aura l'occasion, durant les débats avec les membres de la commission, lors des échanges, de discuter, mais certainement toute la question de la transparence des organismes publics lors des contrats, lors d'octroi de contrats, et une conjoncture qui a changé depuis 1982, lorsque la loi a été mise sur pied, le Québec a beaucoup changé. On salue l'initiative de la revoir et on pourrait même la refonder, cette loi-là.

Ce qu'on vit au Québec depuis quelques années, les scandales de corruption dans l'octroi des contrats publics à tous les niveaux de gouvernement, nous amène à penser que la Commission d'accès à l'information pourrait jouer un rôle beaucoup plus important de vigilance par rapport à cette question-là et rétablir cette nécessaire crédibilité que nos institutions publiques doivent avoir. Et je pense que... et nous pensons également, à la CSN, que, certainement, il y a un travail à faire, qu'on retrouverait dans un projet de loi, où on soit plus clairs sur les pouvoirs qu'on pourrait y accorder pour l'accès à l'information, notamment les informations dites économiques.

L'autre élément important pour nous, en préalable, c'est évidemment la question de l'accessibilité pour les citoyennes, les citoyens, quel que soit leur niveau de littératie, quelles que soient leurs difficultés... puissent avoir accès véritablement à de l'information d'ordre public, et ça, évidemment, on va être très sensibles à ces questions-là lorsqu'évidemment le projet de loi arrivera. Et, de façon générale, ces deux chantiers-là, pour nous, sont particulièrement importants.

Rapidement, dans le mémoire que nous avons soumis comme CSN, les principes d'interprétation, on souhaiterait rajouter, certainement, quelques éléments, dont notamment la protection des renseignements privés, mais également l'accessibilité à tous aux documents publics. Je pense qu'il doit avoir un «statement» de ce côté-là, dans les principes d'interprétation de la loi. Nous sommes d'accord avec les orientations gouvernementales sur la question de la divulgation proactive.

Nous soulignons également que, pour le rapport quinquennal, nous souhaiterions plutôt que la Commission d'accès à l'information soit maître de la production de ce rapport plutôt que le ministre pour garder cette distance par rapport à son travail qu'elle doit mener, par rapport à son mandat qu'elle aura comme commission dans le cadre du nouveau projet de loi. Alors, on souhaite, nous, comme CSN, que ce soit elle, puisque cette commission-là — ses membres sont nommés par l'Assemblée nationale — devrait avoir cette distance critique par rapport au ministre de tutelle.

La question du traitement des demandes d'accès, on est d'accord également que le sous-ministre ou le haut responsable de l'organisme puisse opérationnaliser, évidemment, ces questions-là.

Il y a un certain nombre d'enjeux plus légaux que mes collègues pourront traiter un peu plus tard, lors de la période d'échange. Mais cependant je dirais : Sur la révision de la Loi à l'accès, sur les parties des orientations nos 5 à 11, on veut maintenir deux types de restriction. Bon, alors, le document d'orientation propose trois règles. On appuie l'introduction dans la Loi de l'accès d'une règle stipulant qu'un lien doit exister entre l'information à protéger, la restriction. Alors, pour nous, il y a des éléments intéressants à cet égard-là. On soutient également l'orientation n° 7 qui vise à modifier l'article 34 de la loi afin que les documents détenus par un ministre ou le bureau d'un membre d'un organisme municipal soient accessibles s'ils ont été préparés par l'appareil de l'État, l'appareil administratif.

De façon générale, sur toutes les questions économiques, je l'ai mentionné dans mon introduction, il faut véritablement qu'on dépoussière la loi, puisque ces articles-là relèvent depuis 1982, et rétablir la confiance, et je pense que ça peut être un outil intéressant, de rétablir la confiance du peuple québécois dans ses institutions, dans l'octroi des contrats publics et dans la reddition de comptes de ceux et celles qui acceptent de le soumettre pour des contrats publics, que les règles du jeu apportent une certaine publicité à ces règles du jeu là, notamment les contrats en PPP, mais pas seulement ceux-là, mais tous ceux qui jouent sur la patinoire des contrats publics doivent se soumettre également à un certain nombre de divulgations d'informations, pour protéger, évidemment, les fonds publics. Donc, pour nous, c'est important, cet élément-là.

La question des risques environnementaux également... on soit capables d'avoir accès aux documents qui puissent mesurer les risques environnementaux.

Les organismes assujettis, élargir plutôt que restreindre l'accès aux objectifs de la loi.

Et, de façon générale, comme je le disais, sur la question de la protection de la vie privée, de la vidéosurveillance, géolocalisation, nous sommes d'accord avec les orientations qui sont contenues dans le projet.

Et je pense que ça fera... ça nous permettra, comme commission, lorsque le projet de loi... après 32 ans, de faire le tour de la question, avec l'actualité, évidemment, comme je le mentionnais un peu plus tôt, mais également ça permettra, 32 ans plus tard, dans un contexte où l'accès à l'information... Les nouvelles technologies n'existaient pas en 1982. Vous l'avez même souligné, de fermer nos cellulaires, ce qui n'existait pas lorsqu'il y avait une commission parlementaire ici en 1982. Tout ça a changé, qui fait que je pense qu'on est dus pour réviser cette loi-là en profondeur et la refonder dans un contexte d'un Québec de 2015.

Alors, voilà, en termes de notes préliminaires, et, bien évidemment, nous sommes prêts à répondre à vos questions, et mes collègues m'assisteront dans la présentation, M. le Président.

• (19 h 20) •

Le Président (M. Hardy) : Bien, merci pour votre présentation. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. M. le ministre, à vous la parole pour une période de 17 minutes.

M. Fournier : Merci beaucoup. Je vais m'accrocher sur un élément, et je voulais être sûr que j'avais bien compris, vous l'avez repris, puis ça fait aussi partie des remarques qui avaient été faites dans le document, sur le bilan du ministre ou l'exercice de surveillance par le ministre responsable de l'ensemble du... en tout cas, au moins au niveau gouvernemental, là, des responsables d'accès, puis d'être capables de se doter d'une évaluation sur la façon dont on traite les demandes, est-ce qu'on a une homogénéité, est-ce qu'on... il y a des fautes, donc une espèce de bilan, je dirais, de la façon dont tout ça est administré.

J'ai cru comprendre que, selon votre interprétation, cela signifiait que nous enlevions le bilan quinquennal que faisait la CAI pour le remplacer, là. Et, si c'est ce que vous aviez pensé, encore une fois, vous êtes les seuls à avoir pensé ça, parce que c'est un ajout, ce n'est pas un remplacement. La Commission d'accès conserve... Et au contraire je souhaite même — j'y reviendrai dans mes questions — je souhaite même qu'elle ait plus de marge de manoeuvre pour intervenir, parce que c'est eux qui sont les spécialistes en cette matière-là. Sauf qu'en termes gouvernementaux, juste pour vous dire la réalité, c'est que moi, je suis le ministre responsable. C'est une organisation indépendante, et je suis ministre responsable. Alors, quand il y a un mauvais coup, pas moi, mais le ministre qui est dans mes souliers, là, est obligé de répondre, est imputable, et il n'y a pas vraiment d'outils pour même se renseigner. Alors là, il s'agit de développer des outils pour en savoir plus, être capable de répondre à des questions.

Je me souviens d'avoir lu un texte, peut-être dans L'Actualité, où l'auteur du texte se plaignait du fait qu'on ne suivait pas nos différents ministères, qu'on n'était pas capables de faire une évaluation, et donc on n'était pas capables de corriger les erreurs qui étaient faites, et je trouvais que le texte du journaliste était... avait pas mal de bon sens, ce qui m'a amené à constater que je n'avais pas les moyens de faire ça. Et donc l'objectif, c'est de pouvoir faire ce suivi-là, mais ça ne change absolument rien à la Commission d'accès.

Alors, juste une entrée en matière : Quand je vous dis ça, est-ce que ça vous réconforte par rapport à la remarque que vous nous avez faite tantôt?

M. Lortie (Jean) : Je vais laisser ma collègue répondre à la...

Le Président (M. Hardy) : Mme Pineau.

Mme Pineau (Anne) : Oui, merci. Alors, on est enchantés d'apprendre ça. Effectivement, dans le document de consultation, on parle d'amender l'article 174 pour ajouter éventuellement une reddition ou un rapport quinquennal, un bilan sur l'administration, mais ça laissait comme une espèce de vague sur le rapport quinquennal, parce qu'évidemment on va se trouver à faire deux rapports quinquennaux qui auront éventuellement des objets différents. Mais, pour nous, il est essentiel que la Commission d'accès fasse, à chaque cinq ans... Et ça, si on pouvait, justement, en plus, s'assurer que... Parce qu'on a eu un dernier rapport quinquennal qui a été déplacé, déporté dans le temps. Mais qu'on fasse à chaque cinq ans, c'est majeur. Et la commission, souvent, tape sur les doigts des organismes en disant : Vous, vous ne respectez pas les règles, vous ne faites pas les choses correctement. Donc, c'est important qu'il y ait un acteur indépendant qui fasse aussi cette appréciation-là. Mais, bon, évidemment, que le ministre, dans son rôle et au plan de l'administration, fasse aussi son bilan, il n'y a pas de problème.

Le Président (M. Hardy) : M. le ministre.

M. Fournier : Ce qui me ramène sur un sujet qu'on a abordé, évidemment, avec la Commission d'accès ce matin, puis je voudrais que vous m'en parliez un petit peu, de votre positionnement ou interprétation. Je pense que vous avez une opinion qui n'est pas tout à fait comme la mienne, ça fait que je veux l'entendre, puis je veux que vous la documentiez, dans le fond vous donner une occasion de faire entendre un contrepoint à mon point de vue.

Je crois que la Commission d'accès est probablement l'institution que nous avons, au Québec, qui est la plus spécialisée et la plus à même de nous encourager vers une plus grande transparence. Si j'avais à choisir dans toutes les institutions qu'on a, je dirais que la Commission d'accès, c'est les spécialistes en la matière. Par contre, je crois que son rôle d'adjudication fait en sorte que ses marges de manoeuvre pour intervenir dans le débat public ou intervenir, même, auprès d'une organisation d'adjudication au nom de d'autres, dans certains cas, pour prendre fait et cause, seraient à l'avantage de notre société. La commission elle-même ne le pense pas. Elle considère qu'il y aurait un effritement de ses fonctions et qu'il y aurait de la longueur ou de la multiplication d'étapes. Ce n'est pas l'angle que je veux aborder.

Quel est votre point de vue? Et, si vous considérez qu'on ne peut pas transformer la Commission d'accès pour qu'elle joue ce rôle-là, considérez-vous que nous aurions besoin... ce que j'ai appelé ce matin, là, un champion, une institution championne de l'accès et de la transparence? Est-ce que vous considérez que, dans notre société, on a besoin de quelqu'un qui fait une promotion acharnée, je dirais, de la transparence?

Je le dis parce que le coeur du document qu'on a et puis toutes les entrées en matière parlent d'un changement de culture, qui était beaucoup, quant à moi... qui était lié à la façon dont on peut interpréter le «peut», qui, je crois, au fil du temps, est devenu un «peut ne pas». Tout le monde le dit, alors je suis aussi bien de ne pas mettre ma tête dans le sable puis faire semblant que ce n'est pas vrai, là, je pense que le «peut» est devenu le «peut ne pas». Je ne suis pas d'accord avec tout ce qui a été dit, mais ça, je suis assez d'accord. Et donc c'est pour ça qu'on a amené un «doit» puis qu'on essaie de changer des... pour changer les cultures, puis ce n'est pas le seul élément.

Mais là j'arrête. Un des éléments majeurs de changement de culture : il va falloir qu'il y ait un spécialiste, une organisation qui est capable d'intervenir. Alors, j'avais identifié ça, je mets l'adjudication au Tribunal administratif. Eux autres, ils font le travail, ils ont droit à une ordonnance exécutoire, donc ça va quand même assez bien, ils ont des pouvoirs, j'ai une marge de manoeuvre accrue. Quelle est votre réaction sur la marge de manoeuvre que je leur donne? Et, si ce n'est pas la bonne place, est-ce que j'ai besoin de quelqu'un qui aurait cette marge de manoeuvre?

Le Président (M. Hardy) : Mme Pineau.

• (19 h 30) •

Mme Pineau (Anne) : Bien, écoutez, c'est une question, là, qui revient de façon lancinante depuis des années, cette question-là. Elle s'est posée dès les années... dès le départ, à peu près. En 1982, tu sais, on a senti que des voix pouvaient s'élever. Mais vous avez eu cette question-là dans le rapport de 2002-2003, la Commission de la culture a fait des recommandations. Il y avait eu un avis de Me Doray qui indiquait qu'on devrait scinder, hein, le juridictionnel et la surveillance. Ça n'avait pas été retenu par la Commission de la culture à l'époque, en 2004. Et nous, à l'époque, on était, d'ailleurs, d'avis que ça pourrait être intéressant. Mais il nous semble qu'en 2006 on a réglé la question, hein, en scindant les deux volets, hein : un volet juridictionnel, un volet surveillance. C'était ça, l'objet des modifications. Et il nous semble que ça fait le travail, la façon dont on a séparé les deux volets d'action de la Commission d'accès à l'information.

Et on se priverait, en renvoyant l'adjudication au Tribunal administratif du Québec, de toute l'expertise... Et ça, je trouve que la commission Paré le disait bien, l'importance... Pourquoi c'est important? C'est important parce que la personne qui rend les décisions est aussi celle qui comprend à quoi ça sert, une loi d'accès à l'information, qui comprend l'importance de la protection des renseignements personnels, qui vit au jour le jour et sur le terrain le sens de ces deux volets-là, majeurs, d'une société : protection des renseignements personnels et accès à l'information. Or, si vous détachez ça et que vous envoyez ça au Tribunal administratif du Québec avec des gens qui n'ont pas d'expertise particulière sur cette question-là, bien, pour nous, ça va être une perte. Mais nous ajoutons aussi que, si tant est que vous allez de l'avant, ce n'est pas au Tribunal administratif du Québec que ça doit aller à ce moment-là, c'est au Tribunal des droits de la personne, parce que les droits qui sont en cause ici, c'est le droit à l'information, qui est prévu dans la Charte des droits, et c'est le droit à la vie privée, qui est prévu aussi dans la Charte des droits et libertés. Essentiellement, c'est ça, notre position.

Le Président (M. Hardy) : M. le ministre.

M. Fournier : Puis, peu importe le tribunal, là, vous me dites : On a déjà fait la... Les deux volets sont déjà... ont déjà été séparés, donc il n'y a pas de problème. Pourtant, la Commission d'accès, on glisse dans le document qu'elle pourrait être même responsable d'un groupe de travail, puis ils nous répondent dans leur document : Bien, écoutez, à cause de notre indépendance, on ne peut pas participer à un groupe de travail. Alors, je crois... et donc je reste toujours en train de me dire qu'ils n'ont pas l'entière marge de manoeuvre qu'ils pourraient espérer pour prendre parti, pour être là, pour accompagner, même.

Et je sais que c'est venu au fil du temps, puis vous avez l'expérience, qui est beaucoup plus longue que la mienne, là, vous retournez... vous l'avez, semble-t-il... étiez là lorsque toutes ces étapes-là ont été franchies, mais il y a beaucoup de monde qui disent : La Commission d'accès, aujourd'hui, est devenue une commission de non-accès, et ils ont l'impression qu'elle ne les accompagne pas. Et c'est pour ça que je cherche un moyen de la rendre beaucoup plus active. Et je veux bien vous croire que c'est réglé depuis les années 2006, mais, de toute évidence, on est quasiment 10 ans plus tard, là, puis ça n'a pas changé la culture, puis ça n'a pas amené la Commission d'accès à participer au changement de culture.

Le Président (M. Hardy) : Mme Pineau.

Mme Pineau (Anne) : Oui. Écoutez, il y a peut-être la façon dont la commission entrevoit son mandat. Je vous dirais, moi, qu'au départ la Commission d'accès à l'information, dans les années 82 et suivantes, était extrêmement militante, elle s'impliquait énormément. Le corpus de décisions, d'ailleurs, qui a été rendu à cette époque-là était très, très progressiste et libéral. Je ne le sais pas, moi, je pense que c'était ça, l'objectif, en 2006. Que la commission n'ait pas pris la mesure de ce qu'on lui donnait comme mandat, c'est une chose, mais est-ce qu'il faut pour autant la priver de cet aspect-là? Moi, je pense que ça serait une erreur.

Le Président (M. Hardy) : M. le ministre.

M. Fournier : Je vous écoute, là, je vous écoute, puis vous m'allumez une lumière. Est-ce que, dans la division actuelle, si elle conservait tous ses moyens, il y aurait d'autre chose, d'autres éléments législatifs, ou guides, ou, je ne le sais pas, énonciation de volonté législative, qui permet de comprendre qu'elle a, si elle ne fait pas jouer ses adjudicateurs, la capacité et la marge de manoeuvre désirée pour pouvoir faire plus? Est-ce qu'on doit lui donner une poussée pour qu'elle le fasse, étant entendu que, dans cet angle-là, là, je conserverais la commission comme elle est, et on s'appuierait sur une division à l'interne en lui disant : Le fait qu'il y ait une division à l'interne, l'équipe d'adjudication n'étant pas impliquée dans le processus, je dirais, de champion... et là l'autre division, elle, aurait la marge de manoeuvre totale? Je le sais que, si je ne dis rien, j'ai tendance à croire que je ne changerai rien, alors que, si je veux changer quelque chose, il faut que je dise quelque chose. Là, on a donc mis une proposition sur la table. Il y en a qui sont pour, il y en a qui sont contre. Comme j'ai dit ce matin : Je ne suis pas marié avec mes idées, mais je sais une chose, c'est que, si je ne change rien, il n'y aura rien qui va changer. Ça, je sais ça.

Le Président (M. Hardy) : Mme Pineau.

Mme Pineau (Anne) : De la même façon que, dans le fond, en 2006, on a adopté l'adoption de la divulgation proactive, et que ça n'a pas nécessairement donné tout ce qu'on pensait, et qu'on trouve aujourd'hui utile de repréciser et de marquer... Bien, peut-être qu'il faudrait, là aussi, au niveau du rôle de la commission, son rôle proactif de promotion, marquer le pas en donnant quelques, tu sais, attendus ou quelques balises, là, pour dire : Voici, oui, c'est votre rôle au niveau de la surveillance.

Le Président (M. Hardy) : M. le ministre.

M. Fournier : Oui, bien, il y a peut-être une piste là-dedans, là, sur laquelle on peut travailler. Je veux vous donner l'occasion... Parce que, tantôt, vous avez — je vous en remercie, d'ailleurs — eu l'amabilité de souligner les éléments avec lesquels vous étiez d'accord. J'aimerais ça vous donner les quelques minutes qui me restent — je le fais rarement, profitez-en — pour me parler surtout des éléments que vous n'aimez pas. Parce que je ne vous ai pas beaucoup entendus là-dessus, et, pour avoir l'information la plus complète, à ceux qui nous écoutent, ça serait bien que vous vous arrêtiez sur certains éléments qui, je sais, sont dans votre document et dont vous voudriez me parler, peut-être des... par exemple, les sociétés qui sont... pour lesquelles l'État est à 55 % ou 60 %. Dites-moi comment, et pourquoi, et qu'est-ce que... Est-ce que vous pensez qu'il n'y a pas des effets sur la capacité, pour l'État, d'avoir des partenaires autres si on les associe au privé? Là, je ne veux pas vous donner l'argumentation contraire, mais je veux vous donner l'occasion de me dire ce avec quoi vous n'êtes pas d'accord. Il reste combien de minutes?

Le Président (M. Hardy) : 3 min 28 s.

M. Fournier : Trois minutes pour vous permettre de me dire ce qui ne marche pas.

Le Président (M. Hardy) : Me Lacas.

Mme Lacas(Isabelle) : Oui. Bien, en fait, vous l'avez abordé. Actuellement, le changement qui est proposé, c'est que les sociétés d'État dont le fonds social est à 100 % soient incluses et pas les autres. Or, dans la mesure où une société d'État est détenue à 50 %, 60 %, 70 % par l'État, on croit que le régime devrait s'appliquer... le régime d'accès devrait s'appliquer, parce que ça demeure l'argent des contribuables, ça demeure l'argent de l'État.

Et j'associe ça aussi, en même temps, à tout régime d'exception, là, économique, qui, à notre avis, devrait être revu. Vous proposez d'en faire une revue via les tiers, là, parce que vous proposez, là, de revoir les exceptions économiques lorsque c'est de l'information détenue par les tiers, mais c'est de la même manière. Le fait que des partenaires privés s'associent à l'État et bénéficient à l'avantage d'avoir l'État derrière eux ou l'État avec eux ou contractent avec l'État, puissent avoir accès à ces contrats-là, bien, ça veut aussi dire, en contrepartie, de devoir être transparents et de s'inscrire dans la transparence.

Maintenant, s'il y a des exceptions, vous l'avez dit, s'il y a des empêchements majeurs, que ça empêche de contracter, bien, il serait plus utile, à notre avis, qu'on puisse décréter à la pièce les sociétés d'État qui seront exclues du régime plutôt que de convenir qu'elles ne sont pas du tout incluses par le régime.

Le Président (M. Hardy) : M. le ministre, il vous reste 1 min 55 s.

M. Fournier : Juste vous... Bien, je suis content que vous en parliez, puis ça me permet d'échanger sur le thème. Je l'ai déjà un peu dit, mais je vais le répéter, moi, j'étais plutôt sympathique, parce que ça se conçoit bien de dire : Si la majeure partie des actions est publique, on pourrait considérer que l'ensemble est public. Et, bon, honnêtement, j'étais plutôt d'accord avec ça jusqu'à temps que tous les avis que je reçoive étaient à l'effet que nous faisions ainsi un incitatif à ne pas avoir de partenaire et donc de faire en sorte que, finalement, la question ne se poserait plus, il n'y aurait que du 100 %, parce qu'il n'y aurait pas de place pour les autres.

Or, dans les États modernes — et puis le Québec n'est pas le seul — il y a beaucoup d'avantages à ce qu'il puisse y avoir des participations mixtes. Alors, évidemment, à partir de ce... Parce que ce qui arrive, c'est qu'on se trouve à rendre un privé dans le public, alors il dit : Je vais aller faire affaire ailleurs, là, ce n'est pas plus compliqué que ça. Puis je comprends que l'argumentation : Tu sais, oui, bien, écoute, si je veux être partenaire avec l'État, voici la conséquence. Mais l'État ne doit pas non plus perdre tous ses incitatifs. S'il se retrouve Gros-Jean comme devant, ce n'est pas mieux.

Le Président (M. Hardy) : M. Lortie.

M. Lortie (Jean) : Bien, c'est une question importante. Moi, je vous dirais, M. le ministre... Puis Anne l'a mentionnée un peu plus tôt, l'histoire de cette loi et de cette commission-là. Moi, je parle... Dans la conjoncture actuelle, je pense qu'il faut redéfinir les enjeux de la patinoire. Quand on veut contracter avec l'État, on veut travailler avec l'État, il faut savoir désormais qu'il y a des règles qui ont été amenées par l'ensemble de l'actualité, disons. Et je pense que, dans la refonte de cette loi-là, profitons-en donc pour dire : Écoutez, on va se donner les outils nécessaires qu'au Québec les gens qui travaillent avec l'État québécois ou avec ses organismes connaissent les règles du jeu, et ils acceptent de s'y soumettre, parce qu'évidemment ils ne font pas oeuvre de bienfaisance lorsqu'ils contractent avec l'État québécois, donc ils vont être payés en bons dollars du Dominion... ces gens-là sachent qu'ils ont des règles du jeu à suivre et que, lorsqu'ils contractent avec l'État, la société québécoise souhaite rehausser le niveau de prudence, de garde-fou par rapport à ce qu'on a vécu dans la dernière décennie. Il me semble que c'est de bonne sagesse pour le legs — parce qu'on ne la réformera pas toutes les années, cette loi-là — en disant : On a reconstruit cette crédibilité-là, que les gens qui contractent avec l'État québécois, ou ses partenaires, ou ses... pas ses partenaires, ses organismes, sachent que c'est légitime, c'est correct, c'est connu et...

Le Président (M. Hardy) : Merci, merci. Nous allons passer maintenant à la période d'échange avec l'opposition officielle. Mme la députée de Taschereau, à vous la parole pour une période de 10 minutes.

Mme Maltais : Merci. Bonjour. Bonjour, M. Lortie, bonjour, Mme Pineau, madame... Je n'ai pas compris son nom...

Mme Lacas (Isabelle) : Lacas.

Mme Maltais : Lacas, Mme Lacas, bienvenue. Merci de nous permettre cet échange avec vous sur la Commission d'accès à l'information. Comme syndicat, vous faites des demandes d'accès? Vous avez une équipe de demandes d'accès?

• (19 h 40) •

M. Lortie (Jean) : Oui, absolument. On a d'abord le Service juridique de la CSN, qui est un utilisateur assez important, on a un service de recherche, à la CSN, également qui le demande, et, au comité exécutif de la CSN, les adjoints...

Mme Pineau (Anne) : Les syndicats.

M. Lortie (Jean) : ...les syndicats aussi, qui le demandent pour leurs employeurs, connaître les actifs, etc.

Mme Maltais : Globalement, êtes-vous satisfaits ou avez-vous des insatisfactions quant aux réponses, en général, que vous recevez de l'accès à l'information?

M. Lortie (Jean) : Isabelle va... ça va lui faire plaisir de répondre.

Le Président (M. Hardy) : Mme Lacas.

Mme Maltais : ...si vous aviez des services?

Mme Lacas (Isabelle) : Bien, en fait, le processus de demande d'accès, évidemment, quand ça fonctionne, c'est-à-dire quand l'organisme répond, bien, tout va bien, et c'est la meilleure des choses. Maintenant, lorsqu'un organisme décide soit de ne pas répondre soit de répondre en donnant des motifs incomplets, bon, tout ça nous pousse donc vers la contestation, et on se retrouve très rapidement, bien, du côté judiciaire des choses, donc devant la Commission d'accès. Et là, bien, à votre question : Est-ce qu'on est satisfaits?, mon... La première insatisfaction vient du délai de traitement, parce que le processus dans lequel on doit avoir une réponse ne nous mène pas très loin.

Normalement, au bout d'un mois, un mois et demi, on devrait avoir une réponse. Maintenant, lorsqu'il y a contestation, avant qu'on ait même accès à un médiateur, parce que la Commission d'accès... avant d'être devant la commission, on va avoir affaire aux équipes de médiateurs, bien là, le délai, il est long, il peut même être parfois très long, plus d'un an dans certains cas, parfois plus rapidement. Et ensuite, lorsqu'on est devant la Commission d'accès à l'information, bien, si l'organisme est là et décide d'ajouter un motif de contestation, par exemple, bien, on peut se retrouver avec des débats qui vont durer sur plusieurs années, en tout cas certainement plusieurs mois, puis ensuite on va attendre une décision, de telle sorte que, lorsqu'on obtient finalement notre réponse, ou le document, ou le fait qu'on ne l'aura pas, bien, souvent on est 18, 24 mois plus tard. Et évidemment ça peut perdre et ça perd souvent de sa pertinence, parce que, les syndicats qui vont demander accès à certains documents, les salariés qui vont demander accès à certains documents, bien, c'est souvent pour pouvoir évaluer la performance d'un organisme dans une année précise, à un moment donné du développement de l'entreprise ou de ce qu'ils ont besoin de savoir, puis, quand on arrive trois ans plus tard, bien, des fois, les données sont déjà peut-être rendues publiques, certainement plus utiles. On est souvent... On aurait souvent besoin du nouveau budget ou du...

Mme Maltais : ...

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Excusez-moi. C'est parce que, si vous prenez ce 10 minutes, c'est fini, moi, je ne peux plus rien dire. Je vois que vous étiez sur un grand élan, je m'excuse de le freiner, mais je pense que l'essentiel du message sur les délais est passé. Merci beaucoup de votre compréhension pour cet arrêt, parce que je vais vous reposer une question. Parce que la Commission d'accès à l'information est venue ici ce matin, et on a écouté attentivement, parce qu'eux plaidaient que, le fait de séparer les deux organisations pour les deux missions, en renvoyant le côté juridictionnel au TAQ, il y aurait plus de délais. Je ne sais pas si vous avez vu le graphique de la commission, mais eux plaident... la commission même plaide qu'il y aurait plus de délais. Bon.

Mais en même temps il y a quelque chose d'intéressant, et je tiens à le dire, à l'idée d'envoyer la commission à l'Assemblée nationale, parce que le commissaire à l'accès à l'information, le président, est nommé par l'Assemblée nationale, et c'est donc, en quelque part, une institution de l'Assemblée nationale, mais ça ne l'est pas dans les faits, c'est sous la responsabilité d'un ministre. Et ça, c'est la vision statutaire, l'institution. Puis, il y a aussi le fait que c'est dans les ministères que les décisions se prennent, et c'est sur le terrain, c'est-à-dire en aval, qu'il y a... véritablement là où on a des commentaires où les gens disent : Il y a une interprétation qui a dérivé au fil du temps, qui s'est installée à l'effet de restreindre l'accès à l'information ou de plaider de plus en plus les exceptions. Ça fait que le ministre nous dit, avec... cherche soit à continuer dans le sens qu'il y a eu en 2006, c'est-à-dire une séparation des deux pouvoirs... Ou bien ce n'est pas ça, le problème. Le problème, c'est peut-être la trop grande proximité du politique avec l'administratif, je ne le sais pas.

Alors, est-ce que... Je continue, là, je veux vous faire jaser sur est-ce que vous avez eu... Est-ce que vous pensez que le vrai problème est dans l'institution ou il est dans l'application dans les ministères? Vaste question, me direz-vous.

Le Président (M. Hardy) : Mme Pineau.

Mme Pineau (Anne) : Bon, il y a plusieurs niveaux de problèmes. Un des problèmes, c'est qu'effectivement les organismes peuvent ne pas répondre, auquel cas ils se pointent à l'audition puis là ils nous disent pourquoi ils n'ont pas donné le document, ils ne motivent pas leurs décisions. Au départ, ce n'était pas comme ça, mais il y a eu certaines décisions qui ont fait que, peu à peu, bien, les organismes répondent, ne répondent pas, répondent à peu près. De toute façon, rendus à l'audition, ils peuvent décider d'invoquer ce qu'ils veulent. Ça, il faut corriger ça. Ça fait des années qu'on demande que ce soit corrigé, c'est une anomalie. Bien des gens qui font des demandes d'accès pourraient, s'ils avaient une réponse sensée et étayée, décider que, bon, O.K., on va laisser faire. Plutôt que de se rendre inutilement en audition, on pourrait apprendre que, là, finalement... Alors, ça, il faut régler ça.

L'augmentation...

Mme Maltais : ...parce que ça, le ministre propose un bout, là, d'avoir des réponses plus complètes.

Mme Pineau (Anne) : Ça, puis prouver le préjudice. Puis il y a plein de trucs qui sont importants. Envoyer ça au TAQ... on nous dit, dans le document : On va faire de la médiation à la commission. Mais, au TAQ aussi, ils vont faire de la médiation. Je veux dire, on ajoute un palier et on n'accélérera rien avec ça. Nous aussi, on est convaincus qu'on n'accélérera pas en envoyant ça au TAQ.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Parce que je cherche vraiment à savoir où est le... C'est le fun, là, il y a des beaux principes dans la loi, l'ajout des principes, la structuration, bon, mais là je trouve que le gros enjeu, c'est est-ce qu'on sépare véritablement les deux missions comme il y avait un peu... Ça a été séparé à l'interne. Est-ce qu'on le sort maintenant? Donc, est-ce qu'on continue dans la même voie? Mais, si on continue dans la même voie, ce n'est pas ça, le problème, puis, si on complique les affaires, bien, vous n'aurez pas atteint l'objectif que vous vouliez.

Une voix : ...

Mme Maltais : Non, non, mais c'est ça. Mais peut-être que ce n'est pas plus compliqué, puis c'est pour ça que je dis «si». Si c'est plus compliqué, bien là, on n'a pas aidé les citoyens puis on n'a pas aidé à la transparence. Mais est-ce... Donc, moi, c'est ténu, c'est difficile à saisir, mais j'ai une impression qu'il y a dans les ministères une mauvaise compréhension d'à quel point l'accès à l'information, c'est quelque chose de primordial, et ça doit être d'abord ouvert, puis seules des exceptions devraient arriver. Je pense que c'est un des grands problèmes, actuellement, de la loi.

M. Lortie (Jean) : Oui, le «peut» et le «doit», le principe...

Le Président (M. Hardy) : M. Lortie.

M. Lortie (Jean) : Excusez-moi, oui. Alors, le «doit», c'est-à-dire que ça devient un... l'exception ne devient pas la règle, alors que... puis c'est ça, c'est le... On voit dans votre texte que vous le souhaitez que... le «doit» plutôt que le «peut», les dérives qu'Anne ou Isabelle mentionnait. Moi, je pense que c'est fondamental, c'est que ça soit une... C'est normal qu'on ait accès à l'information dans un délai raisonnable, et une information qui est valable dans un temps donné aussi. Ça, c'est un principe, à mon avis, qui doit être très fort dans la loi. C'est ça qui rétablit la crédibilité des demandes que les citoyens... qu'ils soient confiants qu'ils vont avoir éventuellement une réponse.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Ça, ça vous rassure que, dans l'orientation n° 4, on dise que, par exemple, ce sera plus... les responsables ne seront plus dépendants... sous la responsabilité du ministre mais bien du sous-ministre, c'est-à-dire du boss des fonctionnaires, le patron ou la patronne des fonctionnaires et non pas le patron ou patronne politique?

Le Président (M. Hardy) : M. Lortie.

M. Lortie (Jean) : ...dans le mémoire, qu'on était favorables avec cette proposition-là du ministre.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Étant donné que votre mémoire est fort complet et qu'on l'a lu, bien, je vous remercie beaucoup de vos commentaires.

Le Président (M. Hardy) : Bien, merci. Nous allons maintenant passer à la période d'échange avec le deuxième groupe d'opposition. M. le député de Borduas, à vous la parole pour une période de sept minutes.

• (19 h 50) •

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Mesdames messieurs, bonjour. Merci de votre présence à la commission. D'entrée de jeu, j'aimerais qu'on s'attarde à la question des filiales ou des... où l'État détient 100 % du fonds social d'une entreprise ou lorsqu'il y a une filiale et où l'État n'est pas majoritaire. Actuellement, comme vous l'avez mentionné dans votre mémoire, vous dites que vous trouvez ça extrêmement décevant que le gouvernement, dans son document d'orientation, décide de ne pas assujettir à la loi, à la réforme de la loi ces entités. Et tout à l'heure j'ai posé cette question-là à un autre groupe, je faisais un préambule avec la Loi sur la Société du Plan Nord, où la création de filiales ne serait pas assujettie, mais ça m'a fait penser aussi à un autre dossier, plus récemment, le dossier de la cimenterie de Port-Daniel, parce que... Vous savez qu'il y a eu énormément d'argent public investi puis il y a une culture d'opacité, une culture de non-transparence du gouvernement dans ce dossier-là, puis ça me faisait penser un peu à ça. Puis même il y a un projet de loi qui a été adopté par le gouvernement pour ne pas assujettir aux règles environnementales le projet qui devait l'être, et, par le fait même, cette entente-là n'a pas été divulguée non plus par le ministre du Développement économique. Et même le ministre du Développement économique, en commission parlementaire, ici, nous a dit : Je n'ai pas le choix d'adopter une loi spéciale parce que les créanciers vont se retirer ou les partenaires vont se retirer. Mais on n'avait aucun moyen de juger de cette entente-là puis on doit faire confiance. Ça fait que j'aimerais ça vous entendre un peu plus spécifiquement là-dessus.

Le Président (M. Hardy) : M. Lortie.

M. Lortie (Jean) : ...mes collègues pourront rajouter. On cite aussi le cas de la Mine Arnaud, dans la région de Sept-Îles, puis c'est cité dans notre mémoire, où on s'est dit : Non, on ne dévoilera pas ces informations-là. Ça pose un défi de taille parce que... Bon, vous donner des exemples, il pourrait y en avoir multiples, exemples, à ce niveau-là. On a, à Montréal, le CUSM, le CHUM, tous ces immenses contrats, avoir accès à ces informations-là. Bon, qu'est-ce qui est de l'ordre de totalement pas transmissible parce que ça poserait un préjudice grave, et qu'est-ce qui est du bien public? Nous, on souhaite qu'on creuse cette question-là, parce que c'est une question d'actualité. Vous mentionnez le Plan Nord, le Port-Daniel, nous, on parlait de la Mine Arnaud, bien, c'est tous ces... on retrouve toujours le même cas. Alors, est-ce que les gens vont se retirer? Aucune idée, mais certainement que ça pose le débat de l'opacité et de l'inaccessibilité des citoyens à ce que l'État investit avec les fonds publics. Isabelle ou Anne?

Le Président (M. Hardy) : Mme Pineau.

Mme Pineau (Anne) : Bien, j'ajouterais que je ne le comprends pas, moi, ce dilemme-là, de dire : Bien, parce qu'on va faire... Si c'est l'État qui le fait, ça va être transparent, on va avoir accès à l'information, mais, si c'est fait par le privé, même juste à moitié, bien là, ça va être l'opacité. Je veux dire, ça ne peut pas fonctionner comme ça, là. On ne peut pas, pour nous, accepter que, sous prétexte qu'on fait affaire avec le privé, bien là, toutes les règles de transparence vont être évacuées. Ce n'est pas acceptable pour nous ou ce n'est pas...

Et la décision, par exemple, là, de la Cour d'appel qui a dit : Si c'est 100 % des actions qui sont détenues par l'État, ça va être considéré comme un organisme assujetti n'a pas fermé la porte à l'idée que, même si c'est juste 50 %, ça soit le cas. Et la cour là-dedans réfère notamment à la notion d'entreprise du gouvernement, hein, à l'article 5 de la Loi sur le vérificateur général, qui dit qu'il suffit de disposer de 50 % des actions, c'est une entreprise du gouvernement au sens de la Loi sur le vérificateur général. C'est cette notion-là qu'on pense qui doit servir à définir l'assujettissement à la loi.

Le Président (M. Hardy) : M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Sur un autre sujet, à la page 14, vous traitez de l'éducation. Dans le fond, vous souhaitez qu'on informe, dans le réseau de l'éducation, les élèves par rapport à la protection des données personnelles. Pouvez-vous nous en parler un petit peu?

Le Président (M. Hardy) : Mme Pineau.

Mme Pineau (Anne) : Bien, c'était un élément important du rapport quinquennal de 2011 de la commission. La commission insistait sur le fait que les jeunes n'ont pas vraiment de culture au niveau de la vie privée, c'est un truc qui semble les dépasser. Et ils ont des croyances que, quand ils sont sur Facebook, ce n'est que leurs amis, alors que ce n'est pas le cas. Et il y a toute la question du profilage aussi, commercial, auprès des enfants. C'étaient des aspects très importants du rapport quinquennal de 2011, et, bon, je ne sais pas si ça ne se prêtait pas, les orientations, là, qui sont présentées, mais il faut qu'on revienne avec cette question-là, il faut penser à interdire le profilage auprès des enfants dans la Loi de protection du consommateur, éventuellement, il faut s'assurer que les enfants aient accès à une culture de protection de la vie privée, il faut développer ça. Ça aussi, ça fait partie, je pense, du changement de paradigme, là, qu'on propose, là, par ces nouvelles orientations là.

Le Président (M. Hardy) : M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Donc, vous proposez de l'intégrer dans la législation, mais je comprends aussi que vous proposez également de l'intégrer dans le cursus académique. O.K.

À la page 15 du mémoire, vous vous questionnez sur le fait d'adopter un règlement pour chacun des secteurs, que ce soient les ordres professionnels, que ce soient les municipalités, et tout ça. Vous vous questionnez par rapport à ce sujet, mais sous quelle forme est votre questionnement, à savoir : Est-ce qu'il devrait n'y avoir qu'un seul régime général de règlements qui s'applique ou vous voulez le scinder, vous voulez avoir des distinctions?

Mme Pineau (Anne) : Non, on n'a...

Le Président (M. Hardy) : Mme Pineau.

M. Lortie (Jean) : ...en, fait, c'est que chacun...

Le Président (M. Hardy) : M. Lortie.

M. Lortie (Jean) : ...alors, chacun parte avec... Alors, c'est pour ça qu'on posait la question. Il y a un risque que chacun développe ses propres règles, alors on est mieux d'avoir un tronc commun à ce niveau-là.

M. Jolin-Barrette : ...pour avoir une uniformité.

M. Lortie (Jean) : Oui, exact.

Le Président (M. Hardy) : Mme Pineau.

Mme Pineau (Anne) : Bien, en fait, on peut avoir — si vous me permettez — un tronc commun et des applications particulières, compte tenu du champ d'activité, là — en éducation, ça peut poser des questions particulières qu'il n'y aurait pas, là, dans la santé — mais, à tout le moins, qu'il y ait une base commune, là.

Le Président (M. Hardy) : M. le député de Borduas, il vous reste 50 secondes.

M. Jolin-Barrette : Bien, je reviens à la page 11, rapidement. Vous traitez de la question de la motivation des tiers en cas de refus. J'aimerais peut-être vous entendre, quelques commentaires sur ça, lorsqu'on refuse de donner des documents puis qu'il y a des tiers qui font partie...

Le Président (M. Hardy) : Me Lacas.

Mme Lacas (Isabelle) : En fait, on est heureux de voir que les tiers vont devoir motiver les raisons de leurs refus et qu'ils vont devoir donner plus d'information. Puis ça s'inscrit aussi dans le fait qu'en principe, en fait, les organismes vont devoir indiquer clairement le motif de leurs refus, indiquer le préjudice également. Puis on pense que les tiers vont s'inscrire. Ce qu'on suggère ou, en fait, ce qu'on indique, c'est qu'on aimerait que l'ensemble des exceptions à la loi puissent être vues, pas seulement celle-là. Celle-là en est une, et on salue le fait que les tiers devront désormais motiver plus, mais, dans notre mémoire, on appelle à une plus large étude, en fait, des exceptions pour les réduire.

Le Président (M. Hardy) : Merci de votre contribution.

Nous allons suspendre nos travaux quelques instants, et j'inviterais le représentant de l'organisme FACIL à prendre place à la table des témoins.

(Suspension de la séance à 19 h 56)

(Reprise à 19 h 58)

Le Président (M. Hardy) : La commission reprend ses travaux. Je souhaite la bienvenue à l'organisme FACIL. M. Gauthier-Pilote, je vous demanderais de vous présenter et je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour faire votre exposé.

FACIL, pour l'appropriation collective de l'informatique

M. Gauthier-Pilote (Mathieu) : Merci. Alors, je m'appelle Mathieu Gauthier-Pilote, je suis président de FACIL. Je suis avec François Pelletier, qui est administrateur de FACIL. On est tous les deux en informatique.

FACIL, c'est un organisme sans but lucratif qui a un mandat, le mandat de promouvoir une informatique alternative face à l'informatique liberticide promue par les principaux joueurs de l'industrie du numérique. Alors, FACIL fait la pédagogie de l'informatique libre et mène de front la bataille pour le logiciel libre, la culture libre, le matériel libre, les standards libres et ouverts, la libération des données d'intérêt public, le respect de la vie privée, la neutralité du réseau Internet et d'autres sujets connexes. Au coeur de nos préoccupations sont les droits et libertés de l'humain et l'égalité sociale face au numérique.

Alors, nous avons déposé un mémoire qui comporte sept recommandations qui veulent combler, en fait, une lacune dans le document d'orientation du gouvernement, qui était... qu'on a trouvé assez bien pour tout ce dont il traitait : la dimension juridique et administrative des questions de l'accès à l'information, du respect de la protection des renseignements personnels, mais il n'y avait pas énormément de substance sur la dimension technologique. Évidemment, tout ça est lié à la technologie aujourd'hui.

• (20 heures) •

Alors, on a sept recommandations. Je vais commencer par les énumérer. Je doute que j'aie le temps de rentrer dans beaucoup de détails, là, dans mon introduction au début. Donc, ça ira dans la période de questions.

Alors, les sept recommandations sont les suivantes. La première, c'est de planifier dès maintenant la transition vers une mise à disposition en temps réel, via des interfaces de programmation, des données ouvertes et interreliées.

La deuxième, c'est de pérenniser la documentation publique en la consignant dans un dépôt numérique, en la rendant disponible via des adresses permanentes et en la rendant facilement repérable dans un portail de documents.

La troisième, c'est d'utiliser les formats et les licences libres pour la diffusion des documents d'intérêt public pour les mêmes raisons qu'ils sont déjà utilisés pour la diffusion des données d'intérêt public.

La quatrième, c'est de divulguer par défaut les fichiers du code source des logiciels employés par l'État, ceux-ci étant des documents d'intérêt public.

La cinquième, c'est de favoriser la souveraineté numérique des Québécois et des Québécoises et, en général, l'autonomie technologique des individus et des groupes de la société.

La sixième, c'est d'appliquer les recommandations de la mégademande d'accès à l'information de FACIL, effectuée entre février et juin 2014, celles-ci, c'est-à-dire les recommandations, étant plus pertinentes que jamais.

Et la dernière recommandation, c'est de libérer prioritairement les données publiques qui interviennent dans les prises de décision du Parlement, du gouvernement et autres instances décisionnelles, de même que dans l'octroi et la gestion des marchés publics.

Donc, je ne sais pas combien de temps il me reste...

Le Président (M. Hardy) : Six minutes.

M. Gauthier-Pilote (Mathieu) : Six minutes? Bon, on va pouvoir en parler un peu plus.

Pour ce qui est de la première recommandation, planifier la transition vers une mise à disposition en temps réel des données ouvertes interreliées, la raison pour laquelle on amène ce point-là, c'est que le document amène... le document d'orientation du gouvernement présente un certain nombre de bonnes orientations liées à la divulgation proactive, mais il n'y a rien sur les données. Il n'y a pas vraiment de détails sur les délais et les méthodes de diffusion des données. Donc, nous, on pense que le gouvernement doit vraiment planifier maintenant, dans le but de rattraper un certain retard, là, la transition vers une mise à disposition des données en temps réel. Puis, pour ce qui est des données interreliées, on explique un peu brièvement c'est quoi, là, mais on a renvoyé ça en note. Il y a beaucoup d'information sur ce que sont les données interreliées et pourquoi c'est important sur le portail des données ouvertes du Royaume-Uni.

Concernant la deuxième recommandation, celle de pérenniser la documentation publique, une des premières choses qu'on voulait amener, c'était la nécessité d'avoir des adresses permanentes quand on met des documents en ligne. Alors, il y a déjà plus de 15 ans, l'inventeur du Web, Tim Berners-Lee, s'exprimait ainsi à propos des adresses donnant accès aux documents de la toile hypermédiatique, il disait : «Les URI — ou URL, là, c'est plus connu sous le nom d'URL — ne changent pas, ce sont les gens qui les changent. Cela fait partie des tâches du webmestre d'allouer les URI sur lesquels vous pourrez compter encore dans deux ans, 20 ans ou 200 ans. Cela exige réflexion, organisation et engagement.»

Alors, c'est possible pour les petits organismes de mettre des documents en ligne, de changer les documents, de les enlever, etc., puis les liens sont brisés. Quand c'est une institution publique, c'est vraiment catastrophique, parce qu'il y a énormément de gens qui utilisent ces documents-là, qui font des liens vers les documents, et ça doit être planifié, ça doit faire partie de la politique de... en fait, on appelle généralement ça une politique d'adresse permanente.

Pour la diffusion des documents électroniques, c'est un aspect important. Ça se fait déjà à certains niveaux, par exemple, si vous regardez, BANQ a déjà des adresses permanentes pour son système de documents publiés en ligne, mais il y a beaucoup d'États qui l'ont pour l'ensemble des documents qui sont publiés à tous les niveaux. Je vous donne des exemples dans notre mémoire. Les exemples qui sont peut-être les plus intéressants, c'est le Royaume-Uni et la France. Il y a un exemple qu'on peut utiliser, qui est un excellent... nous, on considère que, si vous pensez à un bon portail de documents avec des adresses permanentes et une bonne conception, c'est le portail CanLII, que vous connaissez probablement. Bien, voilà, ça, c'est un excellent portail, c'est supérieur à ce qu'il y a pour l'Assemblée nationale ou ce qu'il y a pour tous les ministères. Donc, c'est faisable, et non seulement c'est faisable, mais en plus ça a été fait entièrement avec des logiciels libres puis des fonds publics, donc la technologie est disponible.

La troisième recommandation, sur les formats et les licences libres pour la diffusion des documents d'intérêt public, on a commencé, au gouvernement du Québec, à parler de données ouvertes et puis on commence à comprendre ce que sont les licences libres pour la mise à disposition des données, mais, en fait, les meilleurs exemples à l'international vont plus loin. Ce n'est pas que les données qui sont mises à disposition sur des licences libres ou dans le domaine public comme aux États-Unis, c'est l'ensemble des documents d'intérêt public. Ça permet de les réutiliser pour toutes sortes de raisons. Les raisons de réutiliser les données sont... on peut vouloir réutiliser des documents qui ne sont pas des ensembles de données aussi. Donc, la logique s'est appliquée à tous les types d'information. Donc, nous, on recommande de faire ça et on donne des exemples. Encore une fois, la France, le Royaume-Uni et l'Australie sont des bons exemples.

La quatrième recommandation, divulguer par défaut le code source des logiciels, alors ça, ça commence, ça a pris beaucoup de temps. Ça a aidé beaucoup... Les révélations Snowden ont permis de réaliser ce qui se passait pour vrai avec les technologies utilisées par les grandes entreprises technologiques et par les services de renseignements. Et il y a eu des réactions, c'est embryonnaire, mais, par exemple, depuis 2013, le code source de tous les nouveaux projets informatiques relatifs à la refonte des services publics numériques du Royaume-Uni doit être libre, sauf cas de force majeure. Alors, pourquoi est-ce qu'on veut que le code source soit disponible? C'est que...

Le Président (M. Hardy) : En conclusion.

M. Gauthier-Pilote (Mathieu) : En conclusion, bien, c'est : le seul partage public du code source permet de soumettre toutes les fonctionnalités d'un logiciel à un audit indépendant dans l'intérêt des utilisateurs et utilisatrices de logiciels. Merci.

Le Président (M. Hardy) : Merci pour votre présentation. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. M. le ministre, à vous la parole pour une période de 17 minutes.

M. Fournier : Ça fait quelques années que je fais ce métier-là, M. le Président, et je pense pouvoir dire que je me suis toujours assez bien tiré d'affaire, même pour montrer, des fois réussir à dissimuler une certaine partie de mon ignorance, mais je dois avouer que je ne suis pas là, là, mais j'aimerais ça... Alors, vous avez dit que FACIL, c'est, entre autres, de la pédagogie, alors vous allez me recaler, il va falloir qu'on recommence un petit peu. Je pourrais prendre chacune de vos recommandations puis vous dire, bien, bien franchement, là : Je ne vous comprends pas. Ce n'est pas de votre faute à vous, c'est de ma faute à moi.

Je vais commencer par une affaire, là, je vais commencer par le début... tiens, la fin, dans le fond, la fin : divulguer par défaut le code source des logiciels utilisés par l'État. Moi, ça fait film d'espionnage. Je pense que ce n'est pas ça, là, mais ça a l'air de ça. Code source, là, je ne sais pas de quoi on parle. Logiciel libre, je ne sais pas c'est quoi. On en parle... non, je m'excuse. Données ouvertes, on me l'a expliqué, là, mais ce n'est pas plus clair qu'il faut. Depuis que je sais que... quand on met nos dossiers sur le Net puis qu'on n'est pas capables de sortir sur Google avec, je ne pense pas être tout seul à manquer mon coup.

Pouvez-vous me dire, en termes... O.K., moi puis ma gang, là, êtes-vous capables de m'expliquer qu'est-ce que vous voulez me dire? Qu'est-ce qu'on fait de pas correct, là, puis qu'est-ce qu'on peut faire? Je ne comprends pas.

Le Président (M. Hardy) : M. Gauthier-Pilote.

• (20 h 10) •

M. Gauthier-Pilote (Mathieu) : Peut-être, sur un point précis, pourquoi le code source des logiciels, il y a beaucoup de, comment dire... c'est pour des raisons de sécurité, de respect de la vie privée. C'est une des bonnes raisons. Ensuite, lorsque les services informatiques des différents ministères ont accès au code source des logiciels, ça transforme totalement la culture organisationnelle et ça leur permet de s'approprier les outils de travail, ça leur permet de participer à des communautés internationales qui font évoluer le logiciel qu'ils utilisent. Sur le point, là... Nous, on amène les arguments qui sont ceux qui ont amené le Royaume-Uni à choisir le logiciel libre par défaut pour tous les services numériques qu'ils mettent en ligne depuis 2013, et aussi le Brésil à acheter des ordinateurs et des logiciels uniquement s'ils sont entièrement capables... ils sont capables de les auditer de façon indépendante.

M. Fournier : Le logiciel libre, c'est un logiciel que tout le monde a accès, non?

Mme de Santis : ...

M. Fournier : Rita me dit non. Je vais arrêter. Ma collègue va vous poser des questions, puis je vais aller me cacher dans le placard pendant ce temps-là. J'amène avec moi tous ceux qui sont comme moi. Vous allez être tout seul dans la place, d'après moi.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme de Santis : Merci beaucoup pour votre mémoire et aussi votre présentation. J'étais là, en 2013, quand Québec ouvert, Nord ouvert, et tout le monde est venu faire des présentations concernant le rapport quinquennal de la commission. Et je suis contente de lire dans votre mémoire qu'il y a beaucoup de ces recommandations qu'on retrouve dans le projet d'orientation qui répondent aux inquiétudes qu'il y avait dans les mémoires à cette époque. Et je vois que, maintenant, vous êtes allés plus loin de ce qui était proposé en 2013, parce que vous apportez maintenant une dimension technique dont on n'a pas parlé en 2013, mais dont on parle aujourd'hui. Et c'est intéressant parce qu'il y a eu une autre présentation aujourd'hui où on parlait de rendre obligatoire l'ajout de métadonnées à tous les documents gouvernementaux, et on a expliqué pourquoi c'était important, et on a appris quelque chose d'important qu'on reportera, nous, à l'administration, au gouvernement.

Alors, ce que vous faites, c'est que... Un peu dans cette même direction, je veux souligner que le Web de données ouvertes que vous trouvez aujourd'hui sur le Net est en train d'être refait complètement. Et il y aura un nouveau site pour les données ouvertes, un nouveau portail où on a la participation aussi des ministres de certaines grandes villes ou moyennes villes du Québec, avec le gouvernement du Québec, et ça va être un nouveau portail, et on est en train d'organiser et préparer ça.

Dans cette préparation, il y a le secrétariat de l'accès à l'information et la protection des renseignements privés, il y a le Secrétariat du Conseil du trésor et il y a aussi le groupe d'expertise en gestion documentaire qui travaillent ensemble, O.K., et qui font un travail qui répond à des éléments que vous soulevez aujourd'hui, que nous, comme... Moi, je suis d'un certain âge et je... Ce n'est pas mon expertise, mais je sais que ces choses-là sont adressées. Quand vous parlez d'interface de programmation, c'est en étude, O.K.? Quand vous parlez aussi de logiciel libre, là, c'est beaucoup plus que simplement être en étude. Vous savez qu'il y a eu une politique qui a été énoncée en juin, le 19 juin, à rénover l'État. Il y a quatre axes, et, dans un des axes, c'est très important, on parle du logiciel libre et du fait qu'on veut l'utiliser beaucoup plus à l'intérieur du gouvernement, et on veut trouver la façon de le faire pour répondre à certaines inquiétudes que vous soulevez. Ce n'est pas la panacée, ce n'est pas... On ne peut pas l'utiliser partout, mais on devrait l'utiliser meilleur. Et vous savez qu'il y a... À l'intérieur de l'administration, il y a un centre d'excellence sur le logiciel libre, qui était autrefois au Centre de services partagés du Québec, mais, d'après le milieu — on a écouté ce qu'ils ont dit — ils ont trouvé que ce n'était pas l'endroit où ça devait être, et maintenant ça rapporte directement au Secrétariat du Conseil du trésor. Alors, il y a des démarches qui sont en train de se faire, qui vont répondre à certaines de vos inquiétudes.

Une autre de vos inquiétudes, c'est de s'assurer qu'on garde le talent au Québec et qu'on s'assure que, comme vous le dites... Vous parlez de la souveraineté numérique des Québécois, mais je peux vous dire aussi qu'un des axes dans cette nouvelle politique, c'est de s'assurer que le talent se retrouve au Québec et au gouvernement. Alors, c'est des inquiétudes qui sont réelles et auxquelles on est en train de s'adresser. On n'est pas encore arrivés là, mais c'est des choses qui sont adressées.

Vous parlez de l'interrelation des données ouvertes...

M. Gauthier-Pilote (Mathieu) : Oui. Bien, je peux ajouter tout de suite. Vous avez dit tantôt... vous avez parlé d'ajouter des métadonnées. Ça fait partie de la recette, là.

Mme de Santis : Oui, oui.

Le Président (M. Hardy) : M. Gauthier.

M. Gauthier-Pilote (Mathieu) : C'est dans le même ordre.

Mme de Santis : O.K. Parfait. D'accord. Vous parlez de l'interrelation des données ouvertes, et là, vous savez, on est un gouvernement et on est... ils sont en train de le regarder, mais il y a toujours cette préoccupation qu'il y a des risques à la vie privée et aux renseignements personnels. Alors, c'est la même chose avec... Vous demandez que le registre des entreprises soit rendu public dans un format ouvert. Vous savez que le registre aussi a des noms, des adresses de personnes. On va vers un monde où il y aura énormément d'information qui sera disponible pour tout le monde. Cette préoccupation avec la vie privée, les renseignements personnels est réelle.

Moi, je vous... Vous êtes jeune, O.K., peut-être votre définition de cette expression, «renseignements personnels» ou «vie privée», est différente que la mienne. J'aimerais vous entendre là-dessus, parce que c'est bien, parler de la transparence, de mettre tout disponible au public, mais, à un moment donné, on doit aussi se préoccuper de l'individu et de sa vie personnelle. Pour vous, c'est quoi, des renseignements personnels?

Le Président (M. Hardy) : M. Gauthier-Pilote.

M. Gauthier-Pilote (Mathieu) : Oui. Bien, on n'a pas de définitions différentes que celles qui sont utilisées dans la législation en ce moment, là, et, quand on demande l'accès, par exemple, à certaines informations, c'est parce qu'on juge que c'est d'intérêt public. Ça exclut évidemment les renseignements qui vont être jugés personnels.

Mme de Santis : Mais c'est comme quoi? Donnez-moi des exemples.

M. Gauthier-Pilote (Mathieu) : Bien, les renseignements personnels, c'est, par exemple, tout ce qui va permettre... ils appellent ça des données nominatives. C'est de l'information qui permet d'aller identifier nommément des personnes en les associant avec des informations sensibles. C'est tout ça et tout ça est très bien... ce n'est pas...

Le problème, ce n'est pas le côté législatif. Le problème, c'est de le mettre en pratique avec les technologies en suivant les meilleurs exemples à travers le monde, et, les exemples, on les donne, on donne les liens vers les sites. Par exemple, les États qui sont les plus avancés sur ces questions-là, tout ce qu'ils font, ils le font généralement bien parce qu'ils le font avec les logiciels libres et dans l'esprit du logiciel libre, ce qui fait que c'est entièrement public. On peut étudier comment ils le font, il faut juste accélérer. Il y a beaucoup de travail à faire pour transformer comment ça fonctionne en ce moment. Je pense qu'on doit se donner certaines ambitions, des ambitions d'au moins rattraper les États qui sont le plus avancés sur ces questions-là. Il se trouve que c'est des États qui parlent français ou anglais, ce n'est quand même pas si compliqué de les suivre.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme de Santis : Je vous pose la question parce que, pour moi, le nom d'une personne et son adresse, quand c'est combiné ensemble, pour moi, c'est un renseignement personnel. Maintenant, vous demandez que le registre sur les entreprises soit rendu public. Maintenant, vous parlez d'ailleurs dans le monde, O.K., mais...

• (20 h 20) •

M. Gauthier-Pilote (Mathieu) : On ne demande pas que les données soient rendues publiques, que les données d'intérêt public soient rendues disponibles pour les besoins des informaticiens. C'est déjà public, on peut aller sur le site, on cherche, tout est là. Si on juge que certaines de ces informations-là ne devraient pas être accessibles mécaniquement ou robotiquement, par une machine, d'accord, mais, en ce moment, ce n'est pas accessible sous forme machine du tout. Il faut, en fait, le faire par des moyens détournés, et c'est très compliqué pour rien. Ça ne prendrait vraiment pas grand... Ce n'est pas très compliqué. Il y a une complexité dans l'ouverture des données, mais c'est déjà débuté. Il y a déjà des données disponibles, mais, au moment où on se parle, ça tourne autour de trucs comme les données qui sont utiles à la géolocalisation de ceci ou cela. Là où c'est vraiment intéressant, c'est lorsque ça permet de modéliser les processus décisionnels, quand ça permet d'amener une transparence sur les prises de décision.

Et il y a plein d'exemples à travers le monde. Ça se fait déjà... Il y a des données disponibles. Nous, on cite... bien, pas dans ce document-là en particulier, mais dans un autre qu'on a produit, on cite un document produit par la Sun Life... pardon, Sunlight Foundation, qui est un organisme américain qui fait la promotion des données ouvertes, et eux-mêmes développent des logiciels qui ont été utilisés. Ils ont développé des meilleures pratiques. Donc, ils ont évalué tous les systèmes, par exemple les systèmes d'appel d'offres à travers le monde, ils les ont évalués, ils ont posé des critères, et évidemment on doit aller vers... se conformer à ces critères-là pour produire des applications vraiment très bonnes pour les citoyens.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme de Santis : Très bien. Je suis d'accord qu'on pourrait divulguer la partie du registre sans mettre les adresses, et ça vous serait acceptable...

M. Pelletier (François) : Dans le fond, c'est ce qui est déjà là...

Mme de Santis : Mais est-ce que je peux ajouter une chose?

M. Pelletier (François) : Oui.

Mme de Santis : Quand on parle de renseignements personnels... Et vous faites allusion à d'autres juridictions, j'étais à la conférence Open Data, à Ottawa, il y a quelques mois, et ce qui m'a fascinée, c'est quand j'ai parlé avec les représentants français, eux, ils étaient très heureux de me dire qu'ils ont les noms, les adresses de tout le monde sur «open data», O.K.? Ce n'est pas un problème. Moi, ça m'a choquée, parce qu'ici on trouve ça comme étant personnel, et je ne m'attendrais pas d'avoir ça sur «open data».

Le Président (M. Hardy) : M. Gauthier-Pilote.

M. Gauthier-Pilote (Mathieu) : C'est dans les pages jaunes, en fait, les adresses de tout le monde, là.

Mme de Santis : Oui, je le sais, mais ce n'est pas dans une forme d'«open data» comme... Parce que je leur ai dit : Quand tu viens dans un immeuble à appartements à Montréal, tu n'as même plus le numéro de l'appartement où se trouve un individu, il y a un code, O.K.? Ça ne fait pas partie de ce qui est acceptable pour nous. Donc, quand on parle des autres juridictions, il y a aussi des ajustements qui vont devoir se faire pour accommoder ce qui, nous, pour nous, est acceptable ou pas. Mais moi, je vous ai interrompu. Je m'excuse. Allez-y.

M. Pelletier (François) : Non, c'est ça, c'est juste, dans le fond...

Le Président (M. Hardy) : M. Pelletier.

M. Pelletier (François) : Oui. Ce n'est pas d'ajouter de l'information. Si on va sur le registre des entreprises en ce moment, on peut chercher une entreprise et voir toutes les informations qui sont disponibles. Nous, on n'en demande comme pas plus que celles-là qui sont affichées là, on demande qu'elles soient... de pouvoir y accéder, si on veut, en lots, pouvoir... que ces données-là soient toutes ensemble et non pas qu'on ait à les chercher une par une. C'est plus dans cet ordre-là, qu'on puisse voir l'ensemble des données accessibles dans un seul jeu pour, après ça, établir des relations avec un autre jeu de données qui a aussi été publié de la même façon.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme de Santis : Vous êtes d'accord que ça pourrait être produit ou mis disponible dans une liste sans les renseignements personnels.

M. Pelletier (François) : Oui.

Mme de Santis : O.K., parfait. Vous faites mention, dans votre mémoire, des recommandations à la mégademande d'accès à l'information, O.K.? Maintenant, pour moi, ça, c'est du chinois, parce que je n'ai pas accès... je ne sais pas c'était quoi, cette mégademande d'accès. Est-ce que vous pouvez nous expliquer avec un peu plus de détails à quoi vous faites référence?

Le Président (M. Hardy) : M. Gauthier-Pilote, en une minute, s'il vous plaît.

M. Gauthier-Pilote (Mathieu) : Oui. Donc, FACIL a fait une mégademande d'accès à l'information pour obtenir des documents qui sont mentionnés dans la loi sur la gouvernance et la gestion des ressources informationnelle de l'État, la loi n° 133 initialement, qui est en vigueur depuis juillet 2011. On appelle ça les BARRI, là, bilans annuels, les bilans de projet, etc. On voulait avoir accès à ces documents-là parce que ça faisait deux ans que la loi était entrée en vigueur et nous, on voulait pouvoir faire une évaluation systématique de ce qui se passait au niveau des projets informatiques. Évidemment, il n'y avait pas de données ouvertes, donc on y allait par une méthode d'accès à l'information. L'idée, c'était un peu de cartographier l'état de ce qui se fait dans les projets informatiques pour voir s'il y avait eu une amélioration dans l'utilisation et le développement de logiciels libres.

Mme de Santis : C'est quoi, les recommandations?

M. Gauthier-Pilote (Mathieu) : Bien, nos recommandations, c'est essentiellement que ces informations-là soient disponibles, soient publiées de façon proactive, que les données qui sont à la source de ces bilans-là, qui sont généralement dans les bases de données, soient disponibles dans le portail de données ouvertes, bref, que... et que tout ça serve à nourrir une version considérablement supérieure du tableau de bord des projets en RI, notamment.

Le Président (M. Hardy) : Merci beaucoup. Nous allons maintenant passer à la période d'échange avec l'opposition officielle. Mme la députée de Taschereau, à vous la parole pour une période de 10 minutes.

Mme Maltais : Merci beaucoup, messieurs de FACIL, de venir nous rencontrer, nous présenter votre mémoire. Je trouve que ça complète bien les autres mémoires qu'on a eus aujourd'hui, parce que, vous, l'aspect qui m'intéresse dans votre mémoire puis qu'on n'a pas vu ailleurs, c'est sur la pérennité des documents. On ne s'intéresse pas beaucoup à ça, et c'est la première que je vois... qu'on me montre véritablement le problème, puis je vous remercie. Parce que, pendant que vous parliez, je suis allée voir un site dont vous me parliez, c'est-à-dire celui de CanLII, que je ne connaissais pas, moi, mais mon recherchiste, lui, il le connaît. Sur CanLII, on trouve toutes les... beaucoup de documents légaux, mais on trouve, entre autres, ce qu'on ne trouve même pas sur le site de l'Assemblée nationale, c'est-à-dire toutes les versions antérieures des lois, et très facilement. C'est très facile. Pourquoi? Puis c'est là que, dans votre mémoire, j'ai découvert la différence entre une banque...

Une voix : ...

Mme Maltais : ... — CanLII, C-a-n-L-I-I, c'est dans le mémoire, si vous l'avez — entre un portail de données puis un portail de documents. J'aimerais ça que vous me parliez de ça, de la problématique de la pérennité des documents. Puis je pense que c'est important parce que... je pense, entre autres... Souvent, on change de nom de ministère, on change les portails. Sur des périodes de 20 ans, là, ça peut bouger beaucoup, beaucoup, beaucoup. Alors, parlez-nous, s'il vous plaît, de ça, de la difficulté d'assurer la pérennité des documents.

M. Pelletier (François) : Bien, je vais commencer...

Le Président (M. Hardy) : M. Pelletier.

M. Pelletier (François) : Oui. Je vais commencer... Un des premiers éléments qu'on a parlé, c'était d'avoir des URI qui sont stables, là, des adresses Web stables. Un exemple qui est bien simple, c'est que, souvent, entre les changements de législation, les ministères, il arrive qu'ils se regroupent, qu'ils se séparent, qu'ils changent de nom, et souvent, entre les sites des ministères, ça va rester cohérent parce que les gens vont faire le... prendre soin de changer les choses. Et, par exemple, notre document... un document comme le nôtre, qui est comme un peu figé dans le temps, bien, on a mis des liens dedans. Si le nom des organismes change, et qu'ils changent leur adresse Web, et qu'ils changent le nom des documents, bon, on n'est plus capable d'y accéder puis, à moins d'être quelqu'un qui travaille à l'interne de la boîte, c'est difficile de trouver le bon nom du document, parce qu'on n'a pas accès à une liste des documents. Mais ça, c'est un exemple.

L'autre côté, à part l'adresse, si on veut, pour aller chercher le document, c'est le format. Si on se recule d'il y a... disons, voilà 20 ans, les débuts de l'informatique, il est probable qu'un document qui a été écrit à cette époque-là avec un logiciel qui, aujourd'hui, n'existe plus ou a été racheté par une autre compagnie, bien, il existe, on l'a sur notre ordinateur, le document, il est accessible sur un site Web, mais il n'y a plus personne qui a le logiciel disponible de l'époque pour l'ouvrir de la façon qu'il a été écrit. On peut peut-être le traduire dans un autre format, mais on n'est plus capable de le retrouver sous forme intégrale, et ça, c'est un problème de pérennité. C'est que, si on construit un document avec un logiciel qui est propriétaire, bien, si la compagnie cesse de distribuer le logiciel et cesse d'en faire des nouvelles versions qui sont compatibles avec les nouveaux systèmes d'exploitation, bien, à un moment donné arrive... Comme aujourd'hui, si on avait une cassette Beta, bien, il n'y a plus personne qui est capable de la lire. Ça fait que c'est le même principe pour les formats de fichiers. Si, le format, il y a juste une technologie, un logiciel qui peut lire le fichier, bien, sa pérennité est en jeu. Si la façon que le fichier a été écrit sur l'ordinateur est une recette qui est un standard ouvert, bien, même si on ne l'a plus...

Mme Maltais : Je comprends bien ça.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Taschereau.

• (20 h 30) •

Mme Maltais : Oui, ça, je comprends bien, c'est parce qu'on a... Mais là, maintenant, parlez-moi de la différence entre... Pourquoi il faut bâtir des portails de données? Je pense, entre autres... Vous parlez d'expériences étrangères. Moi, ce que je vois dans votre document, page 5, c'est que nous, on a comme six portails de données, alors qu'il y a d'autres pays, comme la Grande-Bretagne ou la France, qui ont décidé de se bâtir un portail de données qui ne bouge plus, un peu comme CanLII, finalement. Est-ce que CanLII, c'est un peu l'exemple de ce que nous devrions faire?

Le Président (M. Hardy) : M. Gauthier-Pilote.

M. Gauthier-Pilote (Mathieu) : Oui. Une réponse courte, ce serait oui. Une réponse un peu plus longue, c'est que, bien, au départ, ce sont des données qui sont assez différentes, ce sont des documents différents, donc c'est ça qui explique les différents portails de recherche. Et faire de la recherche à travers des masses de documents qui sont de différents formats, etc., c'est assez complexe. Mais c'est justement le problème, entre guillemets, que le Web a pas mal aidé à solutionner, c'est qu'on s'est retrouvé avec énormément de documents accessibles en ligne, et il a fallu réfléchir à ça. Il y a des exemples excellents à travers le monde. Les meilleures pratiques sont employées pour s'assurer de la pérennité, par les adresses permanentes, pour s'assurer qu'on peut faire la recherche systématique.

On ne demande pas aux gens de se souvenir c'était sur le site de quel ministère. On a des informations, des métadonnées. Le portail, c'est comme un catalogue, finalement. Par exemple, le portail des données ouvertes actuellement, essentiellement, c'est un catalogue d'ensemble de données, là. Bon, bien, la même chose peut et devrait être faite pour les documents qui sont en ce moment... Bon, je donne un exemple : si on veut aller voir les publications de tel ministère, il faut naviguer sur le site, trouver la section des publications. Ce n'est jamais le même chemin pour se rendre, enfin c'est fait de façon désorganisée. Ça n'a pas de raison d'être désorganisé comme ça, il n'y a pas vraiment d'avantage.

Ça se fait déjà au niveau... Au Québec, on a déjà BANQ qui a cette mission-là, d'avoir un catalogue avec des adresses permanentes, et puis il y a donc déjà la base, si on veut. Puis, dans le cas du Royaume-Uni, bien, eux, ils font vraiment... — c'est aussi au niveau fédéral canadien — ils font communiquer les sites gouvernementaux avec les archives, c'est-à-dire qu'éventuellement tel document n'est plus disponible sur le site, mais c'est repris par les archives, qui s'assurent de la longévité du document. Donc, c'est comme ça pour le Royaume-Uni, c'est un peu la formule qu'ils ont adoptée, c'est une des possibilités.

En raison de la façon dont ça fonctionne au Québec... Dans le document, on mentionne le portail des documents... la documentation française, donc de la France, parce que, comme ici, ils ont des publications, ils ont une maison d'édition, si on veut, là, qui offre des documents, qui les vend, et tout ça est regroupé au même endroit. Donc, c'est peut-être ce qui est le plus comparable, quoiqu'au niveau de la juridiction on est plus près de ce qui se passe à Ottawa puis le Royaume-Uni, là.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Ce que votre collègue me dit, c'est : On a un problème. Si on veut assurer la pérennité de l'accès à une information passée, parce que c'est de ça dont on parle, c'est pérenniser l'information pour toujours, en tout cas pour longtemps, au moins — «toujours» est un grand mot — on a un problème si le logiciel est un logiciel d'entreprise qui peut disparaître. Deux, en plus de ce problème-là, il y a le problème de... sur quel site l'installer vraiment, quel est le portail, puis, ensuite de ça, en plus, il y a... nous avons trop de portails au Québec, on n'a pas une vision, une seule et unique vision de la façon de documenter pour l'avenir.

Le Président (M. Hardy) : M. Gauthier-Pilote.

M. Gauthier-Pilote (Mathieu) : Vers 2010 au Royaume-Uni, ils ont décidé de faire la refonte totale de leur... ils appellent ça maintenant les services en ligne, ils ne parlent même plus de site Web, ils appellent ça les services numériques, bien, ils ont tout intégré, finalement. Ils se sont donné une direction centralisée, ils ont mutualisé tout ce qui pouvait être mutualisé. Parce qu'effectivement, offrir les publications de tel ministère ou tel autre ministère, ce sont les mêmes systèmes d'information, il n'y a pas de raison de les dupliquer 50 fois. Il y a des économies d'échelle, évidemment, considérables qui peuvent être faites à ce niveau-là.

Et là nous, on donne l'exemple du dépôt numérique. Le dépôt numérique, ça se fait déjà. Par exemple, ça a commencé il n'y a pas très longtemps, un peu plus que cinq ans, je ne suis plus trop certain, mais, par exemple, toutes les universités au Québec ont un dépôt numérique pour les mémoires et les thèses. En ce moment, c'est distribué, donc chaque université l'a, mais la technologie qui est employée permet de faire le traitement de cette information-là. Donc, il y a déjà des portails qui permettent de rechercher à travers tous les mémoires et thèses de... voilà, à travers le monde.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Merci. Il y a une dernière question que je voulais vous poser, peut-être, on n'a pas beaucoup abordé ce sujet-là. On sait qu'on a découvert, je pense, un peu à la stupéfaction de tout le monde, là, personne n'était au courant, qu'il y avait des données qui étaient colligées par des propriétaires de logiciels, entre autres, au CHUM et au CUSM, et on a appris par surprise qu'il pouvait y avoir profilage, là, qu'on pouvait utiliser les données qui étaient colligées et que quelqu'un de l'extérieur pouvait les garder. Ça a fait un peu, là un petit scandale. Le CUSM a réglé, je pense, facilement le problème. Le CHUM, ça a l'air un peu plus complexe, comme à peu près tout ce qui se passe au CHUM.

Est-ce que vous avez des commentaires là-dessus? Est-ce que, par exemple, ça pourrait être réglé facilement? Est-ce que c'est encore acceptable de nos jours? Est-ce que vous avez quelque chose à nous dire là-dessus?

Le Président (M. Hardy) : M. Pelletier.

M. Pelletier (François) : Oui. Bien, tout à l'heure, on parlait du côté... que c'était important qu'un logiciel utilisé par l'État on puisse avoir accès au code source, qui est l'élément que... M. le ministre avait commencé d'ailleurs là-dessus. Bien, ça, c'est un élément, une piste de solution, à tout le moins, pour ce genre de problème là. C'est que, si un logiciel est utilisé puis que c'est une boîte noire en dessous, quand on clique sur un bouton pour enregistrer les données dans notre base de données, est-ce qu'elles sont seulement enregistrées dans notre base de données ou elles sont aussi enregistrées à quelque part d'autre, chez le fournisseur du logiciel? Mais, si on a la possibilité, hein, on trouve ça bizarre, on a peur que l'information s'échappe, si on a la possibilité d'aller voir en dessous du capot, aller voir : O.K., quand je clique sur le bouton, c'est tel programme qui est exécuté, ça va dans ma base de données puis ça ne va nulle part ailleurs, là j'ai confiance. Mais, si je n'ai pas la possibilité d'aller voir, que c'est juste mon consultant qui a la possibilité d'aller voir, bien, j'y remets un peu la confiance, ça fait que ça devient difficile quand... C'est justement quand on a des doutes qu'on aimerait ça, aller voir en dessous. Si on n'a pas de doute, on n'aura pas vraiment intérêt à aller décortiquer tout comment le programme est construit. C'est justement dans cette optique-là.

Le Président (M. Hardy) : Merci beaucoup. Merci. Nous allons maintenant passer à la période d'échange avec le deuxième groupe d'opposition. M. le député de Borduas, à vous la parole pour une période de sept minutes.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Merci beaucoup, c'est très instructif. Mais je pense que c'est important de bien vulgariser. Pour moi, ce n'est pas si clair non plus, ce que vous dites. J'aimerais qu'on revienne à la question du logiciel libre, puis vraiment nous dire, dans le fond, comment c'est conçu. Moi, la façon que je le perçois, c'est un logiciel, contrairement à ceux qui sont sous licence, où tous les utilisateurs ou tous les programmeurs peuvent accéder et bonifier le logiciel libre. Est-ce que c'est ça?

Le Président (M. Hardy) : M. Pelletier.

M. Pelletier (François) : Oui. Entre autres, c'est ça. L'idée, c'est que, souvent, il va y avoir un endroit central où est-ce qu'il y a un dépôt de codes, où est-ce que les gens peuvent aller chercher la dernière version, tout simplement, pour l'utiliser. Mais ils peuvent aussi télécharger la version : Hé! j'aimerais ça ajouter une fonctionnalité. Ils programment ça un soir, ils soumettent ça, il y a une structure quand même hiérarchique souvent, dans les projets, où est-ce qu'il va y avoir quelqu'un qui va approuver, qui va faire une révision — il y a beaucoup de révision par les pairs dans le logiciel libre — et qui va dire : Hé! c'est une bonne idée et ça ne brise pas le reste du logiciel, c'est cohérent. Donc, on l'approuve, c'est disponible automatiquement dans la nouvelle version, et tout le monde qui l'utilise peut, juste le lendemain matin, télécharger toute la nouvelle version, tout le monde a la nouvelle fonction, et ça a été de contribuer. Et, c'est ça, l'idée, c'est que c'est disponible, c'est transparent.

Et ça peut être audité aussi par l'externe : Hé! on trouve que tel logiciel, il a un comportement étrange. Comme il est arrivé dernièrement avec les protocoles de cryptographie pour protéger l'information privée. On s'est rendu compte qu'il y avait eu un bogue. Donc, les gens ont juste repris le code puis ils se sont dit : On va se mettre ensemble, on va le corriger puis on va le faire vérifier par une autre équipe. Et c'est comme ça que ça a pu être corrigé rapidement.

Le Président (M. Hardy) : M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Concrètement, pour le bénéfice du ministre, au niveau des logiciels libres...

Des voix : ...

M. Jolin-Barrette : Dans le fond, c'est les intervenants, les différents intervenants de la communauté numérique qui vont venir programmer. Donc, c'est M., Mme Tout-le-monde qui est dans son salon, qui peut le faire de chez lui, et ajoute un élément, bonifie le programme, et par la suite va le renvoyer à la communauté numérique, et eux vont dire : Oui, on approuve, oui, on désapprouve.

Le Président (M. Hardy) : M. Gauthier-Pilote.

• (20 h 40) •

M. Gauthier-Pilote (Mathieu) : Il se trouve qu'il y a une définition assez formelle de c'est quoi, un logiciel libre, c'est un logiciel qui respecte les libertés de ses utilisateurs. Et les libertés dont on parle, c'est des libertés qu'on juge essentielles face au phénomène du numérique, face aussi aux pratiques de l'industrie de développement de logiciels non libres, qui est quand même assez dominante, où il y a des pratiques qui sont néfastes, qui sont mauvaises, qui sont nuisibles. Le logiciel libre, c'est un logiciel qui respecte la liberté de chaque personne d'utiliser le logiciel pour tous les usages, donc il n'y a pas, évidemment, de questions de sur combien de postes on l'installe, puis combien d'utilisateurs peuvent se connecter, puis ça, c'est hors circuit.

La deuxième liberté, c'est la liberté de copier le logiciel, donc de partager. C'est le droit d'auteur qui permet ça. Le droit d'auteur permet de mettre sous une licence qui donne des libertés explicites aux utilisateurs.

M. Jolin-Barrette : Je fais juste une intervention.

Le Président (M. Hardy) : M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Est-ce que, pour l'État québécois, dans l'éventualité où il décidait de se conformer à un logiciel libre, dans le fond, il économiserait de l'argent parce qu'il n'y aurait pas de licence à payer? Est-ce que ça va dans ce sens-là?

Le Président (M. Hardy) : M. Gauthier-Pilote.

M. Gauthier-Pilote (Mathieu) : On a souvent avancé cet argument-là dans les médias. C'est un des arguments, mais, sur l'ensemble des dépenses en informatique de l'État, les licences, ce n'est pas ce qu'il y a de plus considérable. Ce n'est pas là où il va y avoir des économies. C'est dans la façon dont les services informatiques interagissent avec les logiciels. Ils cessent d'acheter des licences à gauche et à droite, les fournisseurs de logiciels non libres peuvent décider, parce qu'ils sentent qu'il y a de la compétition, de les donner gratuitement, ce qu'ils font d'ailleurs dans l'éducation, tout ça. Donc, ce n'est pas tant un argument très puissant que les licences.

Ce n'est pas négligeable, on parle quand même de centaines de millions de dollars, mais il y a des économies beaucoup plus considérables, qui se font sur le long terme, sur la façon de fonctionner à l'interne dans les départements de... dans le service informatique des différents ministères. Les services informatiques peuvent collaborer ensemble sur le développement des logiciels qu'ils utilisent. Ils peuvent planifier l'évolution de leurs logiciels, ils peuvent rejoindre des communautés internationales qui le font déjà. Donc, on s'inscrit dans une dynamique complètement différente. Et, comme je disais, les services numériques du Royaume-Uni, depuis 2013, ils ont décidé que c'était fini. C'est soit du logiciel libre, sinon on doit vraiment justifier pourquoi on n'est pas capable d'aller le faire en libre.

Le Président (M. Hardy) : M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Est-ce qu'il y a un risque, lorsqu'on utilise un logiciel libre — supposons, l'État québécois décidait de passer au logiciel libre — un risque de piratage, qu'il y ait des hackers ou supposons que le code soit modifié et puis que ça ne convienne pas, dans le fond, à la protection des renseignements personnels? Est-ce qu'il y a un risque?

Le Président (M. Hardy) : M. Gauthier-Pilote.

M. Gauthier-Pilote (Mathieu) : En fait, c'est exactement le contraire. On ne peut pas du tout avoir aucune confiance à un logiciel qui est fait par une entreprise ou, peu importe, une personne qui vous dit : Bien, voilà, voici le logiciel, voici la version utilisable, utilisateur final, installez ça sur votre ordinateur, et on ne vous donne pas accès au code source. Nous, on sait comment on l'a conçu, mais vous, vous n'avez pas le droit. C'est notre propriété intellectuelle et c'est notre exclusivité. Le logiciel libre, c'est des développeurs qui donnent la transparence la plus totale sur la façon dont le logiciel est conçu précisément pour donner des garanties à tous les utilisateurs.

Il n'y a personne, dans la communauté, qui est responsable de la sécurité informatique qui ne préfère pas les logiciels libres, sauf, évidemment, des gens qui sont en conflit d'intérêts, mais, de façon générale, c'est universellement admis, il y a des avantages considérables à pouvoir auditer de façon indépendante le code source des logiciels. C'est comme ça qu'on peut détecter les fonctionnalités malveillantes insérées de façon intentionnelle par l'industrie dans le logiciel ou les erreurs humaines, qui sont évidemment normales. Il y a énormément de problèmes de sécurité qui n'ont strictement rien à voir avec le code source. En fait, l'immense majorité des problèmes de sécurité, c'est des erreurs humaines, c'est l'interaction, la configuration de la machine, etc., des gens qui se font voler leurs mots de passe, bon. Mais, pour la partie de conception, le développement de logiciel, c'est probablement l'argument le plus fort en faveur du logiciel libre.

C'est pour ça qu'en Allemagne, par exemple, quand la ministre Merkel avait appris que le renseignement américain l'espionnait, bon, bien, pas longtemps après, il y a eu des décisions qui ont été prises pour former un groupe interne, à l'État allemand... Angela Merkel, c'est ça. On se donne les moyens de reprendre le contrôle sur l'informatique pour ne plus... Bien, dans le cas européen, évidemment, il y a une logique aussi de ne pas dépendre de technologies américaines, là, donc ça passe par des entreprises européennes, idéalement allemandes quand on est allemand, tout ça.

Le Président (M. Hardy) : Merci beaucoup. C'est très intéressant. Merci de votre contribution.

Nous allons suspendre nos travaux quelques instants, et j'inviterais le représentant du Centre for Law and Democracy à prendre place à la table des témoins.

(Suspension de la séance à 20 h 45)

(Reprise à 20 h 50)

Le Président (M. Hardy) : La commission reprend ses travaux. Je souhaite la bienvenue au Centre for Law and Democracy. M. Mendel, je vous demanderais de vous présenter et je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé.

Centre for Law and Democracy (CLD)

M. Mendel (Toby) : Merci beaucoup. Bonjour. Je vous remercie de me donner la chance de présenter avant vous. Malheureusement, ma français, ce n'est pas suffisamment fort de donner une présentation en français, puis je vais présenter en anglais, avec votre permission.

I think you have the submission that we... the written submission that we provided. Let me again apologize, it's only in English. We are a small NGO based in Halifax in Nova Scotia and we don't have lot of funds for translation. If people feel it's important, probably we could manage to translate that. We also did an analysis in 2013, perhaps some of you were here, my colleague presented to you at that time. That was on the existing law, and now we have made comments on the existing law plus the proposals.

I will maybe talk very briefly about my organization, just to give you a sense of where we come from. We are an international human rights NGO based in Halifax, but we work globally. We focus on foundational rights for democracy of which our most important focus is on access to information or, as we like to use the term, the right to information, because, under international law and indeed under Canadian constitutional law, it has been recognized as a human right.

Just to give you a little sense of the breath of our operations, within the period of a month of this presentation, we have been hired by UNESCO to do an analysis of the Palestinian... draft Palestinian access to information law. Even today, I was working on the Kazak draft access to information law in a project for the Organization for Security and Co-operation in Europe. We are working with the Open Government Partnership drafting a paper — this is all happening during this month — drafting a paper on access to information. So, we are very involved around the world on this issue, and my comments on your law and your proposals really come from that international perspective.

From an international perspective, and I don't think that this is in anyway an exaggeration, the system across Canada, and I would say in all of the Canadian jurisdictions, is broken. I know that's a strong thing to say, but that is our assessment when we compare it to systems in other countries, which are not broken and which are working. My organization, working with another organization based in Europe, develop the right to information, RTI Rating, which is an international recognized methodology for assessing the strength of access to information laws, and we have applied that to all of the national laws in the world and all of the laws, the 14 different laws in Canada, and our assessment of the existing Québec law is that it got 81 out of a possible match maximum of a 150 points, so just over 50%. More importantly, that would put Québec, if there were a national law, in 58th position globally out of a 102 countries, and Canada is in fact in 59th position, just below that, globally out of 102 countries. I don't think that is a position that citizens of Québec or citizens of Canada feel or should feel comfortable with.

I would also say, in terms of implementation, there are very serious problems again across every Canadian jurisdictions. My wife is a senior... a civil servant in the Government of Nova Scotia, and I am not insensitive to the needs of the bureaucracy, but what I can see again across Canada and, in fact, in a lot of western countries — I'm sort of stressing Canada, because that's where we are, but it's really a lot of western countries — is that the system is used not to facilitate access to information, but rather bureaucrats are looking at the exceptions in saying, «Is there anywhere I can hang my hat to refuse to give out information»? That's the way exceptions are used. Rather than to assess easy information genuinely confidential, «is it genuinely sensitive»?, which is the way they are intended to be used. And I think that, as you conduct this review, as you look forward to making Québec one of the most open jurisdiction in the world, that's the promise of your Premier, you need to take into account this problem, if you will, the way that exceptions are used, and you need to think of how to design exceptions so as to be as watertight as abuse free or abuse proof as possible.

In terms of the proposals, the set of proposals that have been put forward, with the exception of one of them, which I will come back to, we support all of them and we find them to be very positive and very important proposals for moving forward, for bringing the Québec law more closely into line with international standards. And I should say, when I gave the weighting before, there are countries around the world which are scoring 130, 135 points on the weighting. So it's not an unreasonably strict rating, it's possible to score much higher than Québec is scoring. The main thrust of our submission is not that the proposals are problematic, but that they don't go far enough, that we see need for, you know, much more radical change than what is being proposed.

I would like to focus on two particular issues, and there are lots of issues that we raise in the submission, but two particular issues where we see more serious problems, and the first is in terms of the exceptions. Under international law, exceptions must meet three standards. First, they must relate to interest rather than categories. For example, we protect national security because national security is the interest, we don't protect the army. The army is just a vehicle for delivering national security, we're protecting national security, the interest. So we won't make inaccessible information about the army, we'll make inaccessible or confidential information which poses a risk to national security. Interest, not categories. Secondly, exceptions should be harm-tested. It is not information relating to national security which should be confidential, it is information, the disclosure of which would harm national security that should be rendered confidential. And thirdly, under international law, there should be a public interest override. If not withstanding the risk of harm to an interest, the overall public interest would be served by disclosure. For example, although the information is national security sensitive, it exposes corruption in purchasing of weapons, for example, the information should still be disclosed.

If we look at the current Québec legislation, it has problems on all three parts of this test. Many of the exceptions refer to categories and not interests. For example, one of the exceptions refers to recommendations put forward by staff. Recommendation put forward by staff is not an interest. It's a type of document, it's a category of documents. What we need to protect is the free flow of information, the free and frank flow of information within Government, not categories of information. Looking at the harm test, several of the exceptions in the Québec law are not harm-tested. I know that your proposal — orientation — No. 6 is calling for all of the exceptions to be harm-tested. That is something that we absolutely, fully support, but I would put to you that that will require a radical rethink. To operationalize orientation No. 6 will require a complete rethink of the exception in your law. We support that, we hope that you really do move forward with that, but I just want to put to you the magnitude of that.

And finally, when it comes to the public interest override in section 41.1 of the law, it is limited in the sense of not covering all of the exception and it's limited in the sense that it only protects certain kinds of public interests : the environment, health and safety. If you look at public interest override and better practice legislation, they protect all public interests. For example, in the U.K., the law is frequently... the public interest override is frequently used to facilitate public participation as a public interest. The exposure of corruption, exposure of human rights abuse, these are all examples of public interest which are not covered by your legislation.

Secondly, the second issue I wish to address very briefly is the issue of adjudication. In 2013, we pointed out that the Québec system of oversight, the Access to Information Commission, was one of the best in Canada and indeed was among the better ones globally. We are quite concerned to see that, in the proposals, you are suggesting to take away the adjudicative role from this commission. We feel that this is absolutely the wrong direction. The whole purpose of having an adjudicative function in an administrative body is to insure accessible, low-cost, lawyer-free appeals. Moving it to the Québec Administrative Tribunal will threaten that.

And to finish up, I started out by saying how problematical the situation is across Canada. There is a bright spot : Newfoundland and Labrador in June adopted a brand new much stronger legislation, but...

• (21 heures) •

Le Président (M. Hardy) : Merci. Merci. Thank you.

M. Mendel (Toby) : I just want one minute. They've got 111 points on the ratings, which would put it in 15th position, globally. I firmly believe that Québec can do better than Newfoundland, and we will be happy to work with you to achieve that. Thank you.

Le Président (M. Hardy) : Merci pour votre présentation. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. M. le ministre, à vous la parole pour une période de 17 minutes.

M. Fournier : Merci, M. le Président. Et merci pour votre présentation, où vous avez fait un tour d'horizon, clairement, sur deux enjeux. Celui de la capacité d'adjudication, je n'y reviendrai pas, parce qu'on en a beaucoup parlé et on va essayer de trouver peut-être d'autres moyens. Je crois que, jusqu'ici, je peux avoir décelé une certaine forme de consensus au conservatisme, et donc de garder l'instance... On va voir comment on est capables de lui donner un effet de changement quand même, parce que je crois qu'on a besoin d'une institution qui favorise le changement de culture. Peut-être qu'on peut le faire sans transformer l'ensemble de sa structure actuelle.

Je reviendrai tantôt sur les exceptions et les trois éléments que vous associez à ces exceptions-là. C'est intéressant de voir la façon dont vous le faisiez, mais je vais commencer mon intervention avec vous en m'intéressant à la conclusion que vous avez apportée en nous faisant passer le test terre-neuvois. Alors, qu'est-ce qu'il manque dans notre proposition pour être égal ou pour dépasser Terre-Neuve? Qu'est-ce qu'on ne fait pas que Terre-Neuve fait? Qu'est-ce qu'on devrait ajouter que Terre-Neuve a fait pour que vous puissiez, un jour, aller dans une autre juridiction au Québec et faire passer le test québécois plutôt que le test de Terre-Neuve?

Le Président (M. Hardy) : M. Mendel.

M. Mendel (Toby) : I would be very happy to do that. Well, I think there... if you look at the RTI way, it covers A to Z on the quality of a law. It looks at the scope of the law, it looks at the procedures for making requests, it looks at the exceptions, it looks at the oversight system. And there're a lot of details there, which I don't want to bother you with, we don't have time to get into details on... They are mostly in our submission. If you would find it useful, we could go in a more specific way and make concrete list of areas where you could make changes and increase the points.

The proposals... I mean, if we look at exceptions, which is, by the way, the area where the Québec law and the whole of the rating... There are seven different categories in the rating, and that's the one where Québec did worst. The current Québec law does worst. And the proposals make some very interesting and quite radical suggestions in terms of exceptions, specifically orientation N° 6 and orientation N° 5, which is about interpretation, they both call for much more strict interpretation. And orientation 6 in particular calls for all exceptions to be harm tested.

If you go through the legislation, for an exception to be harm tested, it needs to refer to an interest. An exception that refers to a category, an exception that refers to the harm forces can't be harm tested. Harm to the harm forces? It doesn't really make sense. We can have harm to an interest, harm to national security, harm to the free and frank provision of advice within government, harm to the successful development of policy. You need to have interest to be harm tested. Many of the exceptions in the Québec law are not interest, they're categories. They're types of documents rather than things that we want to protect.

You would have to properly operationalize orientation N° 6, you would have to go through one by one and make sure all of those exceptions... And many of them, I can tell you, are not. Many of them duplicate one... For example, if you look at section 23 and section 24, section 23 protects third-party interest, commercial interests in a way that is not harm tested, and section 24 is almost exactly the same, but it's harm tested. So I would suggest us to eliminate section 23.

But, my point is that, to really... to do well on the rating, all of the exceptions must meet that standard. Orientation n° 6 calls for that, but I am not sure that the drafters of the orientations really understood what the implications of N° 6 were. In terms of the oversight system, retaining and even expanding the powers of the oversight body, for example, in better practice jurisdictions, oversight bodies where they see structural problems, so they receive cases, citizens asked for information, they refused, they appealed the case to the oversight body, and the oversight body processes that case and orders the information to be disclosed or not, depending.

But better practice jurisdictions allow oversight bodies where they see structural problems... This whole public body is not meeting its obligations because it hasn't done this, it hasn't trained its officials, its documents are not organized, it's not putting priority... It allows the public, the oversight body, to make structural recommendations or, even better, orders. It says, «You must train your officials, you must organize your documents, you must allocate more staff to this function, because you're not doing it properly.» So that's another area. So, rather than go backwards in terms of the powers of the oversight body, we would recommend to go forward.

In terms of procedural areas, and I think it's already recognized in your study, in the orientations, there are serious problems with timelines in Québec. The orientations propose some ideas about how to enforce timelines. I think that more thought should be given to that. You have actually one of the best regimes of timelines in the country, but they're not being enforced properly, and, if you look at the average response time to requests, they're absolutely not within the legal timelines that are established. So thinking of ways to enforce that...

But you also have, again within the law, quite strong rules on fees, one of the better regimes, again, on fees, but the fees that are allowed, for example, under the regulations, are $0.38 per page of photocopying. Well, I know, in my business, if I was paying $0.38 for every page that I was copying, I would not be able to come here, because all of my money would have been spent on copying things. And no commercial operator could possibly charge $0.38. I mean, it's not in line with commercial reality.

So, I mean, your question is quite broad, and I can, if you're interested, follow up with a very specific list of areas where we would see improvement. But those are some of the key ones.

Le Président (M. Hardy) : M. le ministre.

M. Fournier : Ma question était large, mais votre réponse était large aussi. Mais j'ai pris bonne note d'une dimension où vous vous intéressez à la capacité, pour la commission qui voit à l'adjudication, qu'on pourrait lui accorder un mandat systémique, c'est-à-dire de lui permettre de tirer des conclusions et de pouvoir, d'elle-même, rendre une ordonnance qui ne lui est pas demandée, parce que c'est un peu ça, je crois, à quoi vous faites référence. Elle répond à des demandes qui sont des demandes particulières. Au bout de certaines demandes particulières, elle peut déceler un comportement et, à partir de là, faire une intervention.

Est-ce qu'il y a un autre chemin, pour une commission comme celle-là, plutôt que d'attendre une suite de demandes... Est-ce qu'elle aurait un pouvoir de surveillance, aléatoire peut-être? Parce que, là, à un moment donné, on n'a pas les ressources pour multiplier les vérifications. On paie quelqu'un pour faire déjà le service de répondre aux demandes, je ne paierai pas quelqu'un pour vérifier toutes les personnes qui font le travail. Là, je vais en engager combien? Je ne le sais plus, là. Alors donc, j'imagine, une surveillance aléatoire.

Si je suis votre raisonnement pour donner à ceux qui sont les spécialistes du droit à l'information... Est-ce que je dois leur donner des pouvoirs de surveillance ou ils doivent être en attente d'un constat suite à des demandes individuelles qui sont venues dans un ministère et où, là, ils ont décelé qu'il y avait une problématique?

Le Président (M. Hardy) : M. Mendel.

• (21 h 10) •

M. Mendel (Toby) : So, if you look at the Indian information commission, which has those powers, it has those powers suo moto, of its own motion, and it could, in theory, go out, and monitor, and observe, and investigate. It can use all of its powers on a suspicion of failure within any public body. But in practice, if there a serious problem with any public body and anyone is interested in accessing information from that public body, it's going to bubble through in the appeals. It's going to come... Eventually, somebody is going to ask for information, not get it because the body is failing, if it is... That's the presumption that we are working on, that is going to come through in an appeal situation. And, in practice, if you look at the Indian commission, they pretty much do it in the context of appeals.

But the individual appellant isn't asking for systemic remedies. They don't know about the public body, they don't know how it's operating in general. They are just trying to get some information. But the information commission, because of his expertise, when it sees the way the body has doubt with that... Maybe one case wouldn't be enough, but sometimes, even one case, they can see, you know, in the way the body responses, dysfunctional... you know, is not responding in time, is not showing proper attitude. I mean, the commission is expert and they can pick these things up. So I think that, you know, giving it the broad powers probably would be a good idea, legislatively, as a legal matter, but, in practice, it probably would be via individual complaints.

Le Président (M. Hardy) : M. le ministre.

M. Fournier : Merci de la réponse. Je vais revenir sur l'intérêt public comme étant l'exception à l'exception qui réaffirme donc la règle du droit à l'accès à l'information. De la façon dont notre loi est faite... Et ce que le législateur a choisi au cours des 30 dernières années — parce qu'il l'a adoptée, il ne l'a jamais changée, donc c'est une volonté qu'on a vue au fil du temps — était de demander au législateur, de confier au législateur le soin de décider ce qui était d'intérêt public plutôt que de laisser à l'adjudicateur le soin de choisir ce qu'était l'intérêt public. Une des vertus de ce choix-là depuis 30 ans, qui ne s'est pas transformée depuis 30 ans, était la stabilité, était la connaissance des droits.

Inverser ce régime et choisir le cas par cas selon l'intérêt plutôt que selon une norme objective peut-elle... J'imagine que la réponse, c'est : Elle nous fait améliorer notre pointage dans votre grille d'évaluation. Mais n'a-t-elle pas des effets moins intéressants sur l'instabilité, par exemple, sur peut-être la difficulté pour certaines entreprises d'État ou même celles qui feraient affaire avec l'État de vouloir être soumises à ce régime-là?

Le Président (M. Hardy) : M. Mendel.

M. Mendel (Toby) : OK. That's an excellent question. Let me start by saying that international courts, for example the European Court of Human Rights, have always refused to define the public interest because they know that the public interest is too broad and too changing to define. So they have said, «That thing is beyond our capacity, we are not going to try to define it.»

You're right that there is perhaps a small stability loss. However, I would say that, in practice, 98% of the cases... I'm just throwing out, I didn't do a study to show that, but, you know, from my experience, 98% of the cases probably fall within the scope of six, or seven, or eight define public interests. And an approach which listed a sufficiently broad set of public interests, which is not the case presently with your legislation... The public interests in your legislation are very narrow : health, safety and environment. I mean, corruption is not even there, human rights abuse is not there, public participation, which is a key driver for this whole legislation and which your Government sees as a key benefit from moving forward on this, is not mentioned as a public interest. So increasing substantially the list of public interests, leaving it with the legislator, but not so narrowly defined, could be a way to go forward.

I think however that the risk of instability from leaving it completely open, given that we can assume... And in fact, in practice, I think this is borne out, most oversight, certainly at the first level, so you ask the official, and they decide they are going to be very conservative about the way they apply the public interest override, I can guarantee you of that. Even at the commission level, I don't think they're going to push too far, because they also understand about the stability thing and they're not going to create, you know, new and crazy things. Presumably, they're responsible people, I think so. But, if you feel about... that at least increase the list, then we'll give you some points for that.

Le Président (M. Hardy) : M. le ministre, il nous reste 2 min 30 s.

M. Fournier : Je trouve votre intervention excessivement intéressante, surtout dans la piste que vous nous identifiez, de pouvoir améliorer certains éléments d'intérêt public, je veux dire, que le législateur peut choisir d'ouvrir le nombre d'éléments d'intérêt public, ce qui, à mon avis, va limiter la perte de stabilité. Parce que, si on ne fait qu'écrire... Il y a d'autres qui sont venus demander qu'on fait juste écrire une clause de, si l'intérêt public est bien servi, malgré qu'il y ait des dommages à la gouvernance qui soient posés, bien, allons dévoiler l'information. Je dois avouer que ça, ça me met mal à l'aise, parce que j'ai l'impression que je laisse à quelqu'un d'autre, l'adjudicateur, le soin de décider, selon sa convenance, ce qu'il va faire, et, au fil de la jurisprudence et même avant que la jurisprudence arrive, il y a une inquiétude qui va, bien sûr, avec le fait qu'il n'y a rien de précis. Mais là vous nous mettez une piste entre les deux.

Vous me dites qu'on a eu une définition d'intérêt public restrictive, qu'on pourrait la voir plus grande. Est-ce que vous avez une... Et je vais terminer là-dessus, est-ce que vous avez des exemples de législations qui ont choisi la voie d'un intérêt public précisé mais généralisé, appelons-le... ou, en tout cas, plus large que celui qu'on a?

Le Président (M. Hardy) : M. Mendel, en 50 secondes.

M. Mendel (Toby) : Yes. So South Africa, for example, is a jurisdiction which has gone down that route, and I can find others examples for you. Some jurisdictions have a dual system, they have a list of possible interests, as examples, but then leave it open, so it's kind of they're quasi-constraining the discretion of the decision maker. They're saying, «Things like this, not just anything you think of.» So it could be a halfway point.

Just not to lose sight of the fact that another weakness of your public interest override is that it only applies to some exceptions, whereas better practice, as reflected in South Africa, in India, in U.K., in many jurisdictions, is to apply to all of the exceptions.

M. Fournier : Merci.

Le Président (M. Hardy) : Merci beaucoup. Nous allons maintenant passer à la période d'échange avec l'opposition officielle. Mme la députée de Taschereau, à vous la parole pour une période de 10 minutes.

Mme Maltais : Bonjour. Merci. Merci d'être là. Je ne connaissais pas votre organisme. Vous existez depuis cinq ans, à ce que je comprends, vous êtes né en 2010. Qui êtes-vous, en fait, que je comprenne un peu la portée de votre mémoire, s'il vous plaît?

Le Président (M. Hardy) : M. Mendel.

M. Mendel (Toby) : So I'm the executive director and also the founder of the organization, and it's perhaps relevant to mention that I have been working in this field for about 20 years. I used to work... even though I was living in Nova Scotia, but I used to work for a British organization based in London, Article 19, which promotes freedom of expression. Article 19 is the article in the Universal Declaration of Human Rights that guarantees freedom of expression, which includes right to information. So I personally have a long history of that. I was living in Nova Scotia, feeling that it would be nicer to work for an organization where I lived, so I founded the Centre for Law and Democracy.

It's a company limited by guarantee. It's a non-profit company. We get funding mostly from independent foundations in different countries and we work on... we provide our services for free to the clients, so we don't work on a fee. Mostly, we provide our services for free with funding from someone else, project-based funding. So we're an NGO, a typical NGO. I don't know if that answers your question.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Taschereau.

• (21 h 20) •

Mme Maltais : Oui, tout à fait. Merci. Je comprends aussi que vous avez une expertise un peu internationale et donc... Parce que, pour moi, c'est important de bien comprendre comment vous pouvez vous fonder votre opinion sur une... comment votre opinion peut être bâtie pour comparer plusieurs juridictions, un endroit comme le Québec avec d'autres juridictions. Donc, merci, ça me permet de mieux comprendre.

Vous savez, quand on fait une commission parlementaire comme ça, au fil de la journée on essaie d'additionner les témoignages pour essayer d'en arriver à mieux comprendre la portée de ce qui se fait puis essayer de mieux dégager des pistes d'avenir, ce que... Puis là-dessus, je vais dire, tout le monde travaille vraiment en cherchant le mieux, faire pour le mieux. Ce que j'ai commencé, moi personnellement, à comprendre, c'est que — et ça, vous allez dans ce sens-là — peut-être que le système est bon, qu'on devrait laisser, ensemble, par exemple, les deux fonctions de la Commission d'accès à l'information, qui sont la surveillance et le côté juridictionnel. Mais ce qui est étonnant, c'est que la tendance, dans le passé, effectivement, a été de séparer. La proposition gouvernementale ne va pas à contresens de ce qui s'est passé dans le passé. La loi est née en 1982. En 2006, il y a eu... on a fait un mur entre les deux sections parce qu'on voulait justement que ce soit séparé pour que la fonction d'animation de la loi, de surveillance de la loi soit bien accueillie.

Mais ce que je comprends de plusieurs témoignages et du vôtre, c'est que, finalement, ce système-là, il est bon. Le problème, c'est peut-être ailleurs. C'est que tranquillement... Et le ministre lui-même le dit, il sent qu'on est passé d'un droit d'accès, qui devait être la clé de la loi, la force de la loi, à un droit de refus, qui est devenu un peu la chose qui préoccupe tout le monde dans la loi. Que ce système soit bon, puis, pour moi, c'est une des clés de la proposition, là... Pouvez-vous nous dire pourquoi vous trouvez qu'on ne devrait pas séparer ça, que le système est bon?

Le Président (M. Hardy) : M. Mendel.

M. Mendel (Toby) : Yes. So let me start by saying that, if you look around the world, almost all of the laws which are scoring a little bit higher on our rating have an unified commission which undertakes this function, both functions, monitoring and adjudication, and that's a... Even many of the jurisdictions which are doing less well on our rating also still have this kind of body.

The bigger problem, actually, in a lot of countries, is that the body isn't independent, which I guess is not the problem here, in Québec. I have not directly studied your commission and looked at perhaps some of the areas where it's having challenges in terms of its operations. To be honest, I can't speak to that issue. What I can say, though, is when you create a body like this, it amasses expertise and specialization in the area, and it is an efficiency to have it located in one body, and it is absolutely not... if the legal and institutional design is done properly, it's absolutely not a contradiction of functions.

So, in the U.K., in Canada nationally, in Québec until now, in South Africa, in India, in, you know, Bulgaria, I can go on and on — in Mexico, they have a wonderful commission — they all undertake both functions. And also, indeed, in many countries, like in Mexico, the commission has a very strong promotional role. So it engages in public education, it engages in training of officials, it helps design central systems which make this, the whole system, work more efficiently. I think that's a very, very useful and huge efficiency in these kinds of things. Rather than each public body designing its own system, which... what happens mostly in Canada, you have a central body designing systems and giving it to them, which they only, then, have to adapt.

So all of these functions, I think, it's an efficiency, essentially, to have them in one body, and, as a lawyer and as somebody who has observed sort of legally and institutionally, it's not a contradiction. So it just is a good model that is pretty much universal.

Le Président (M. Hardy) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Merci. Là, un autre des grands sujets qu'on a, c'est cette capacité que doit avoir un gouvernement de réfléchir en privé, si j'ose dire, de réfléchir sans être la... À un moment crucial dans l'adoption d'une nouvelle loi, dans l'adoption d'une nouvelle orientation, on veut pouvoir examiner toutes les éventualités sans être la source de pressions pour abandonner immédiatement une éventualité. Je peux comprendre cela. Je suis aujourd'hui dans l'opposition, j'ai autrefois été au gouvernement, et on comprend tous ça. Cette loi-là, elle a... On a besoin de donner un espace au gouvernement. Parfois, cela semble être en contradiction avec l'intérêt public de la transparence, tout ça. J'aimerais ça vous entendre là-dessus. Comment se sortir de ce dilemme?

Le Président (M. Hardy) : M. Mendel.

M. Mendel (Toby) : So, first, let me say that I fully understand and accept that need for government to be able to... some space to think. Many years ago, my British organization was adopting its own access to information policy, and we had a big discussion around that, and some of the radicals in the organization were saying, «No, we should not have this kind of thing.» And I said, «So, if you go on a mission abroad, and you meet with a minister somewhere, and you find it impossible to work with this person, and the person is very conservative, and unreasonable, and whatever, are you going to put that in your mission report and then publish it to the world?» Not possible. You have to have, you know, this kind of... you know, to maintain good relations and to be able to speak freely, need some cover of confidentiality.

But, at the same time, if I look at the Québec Act as it currently is, this is one of the areas where it is, I would say, massively overbroad, overlappingly overbroad, you know, and the orientations tinker a bit with that. I'm sorry if that's a slightly mean word to use, but they don't really tackle that problem. It's the biggest weakness in the orientations, as far as I'm concerned.

I mentioned before, I think it's article 47, if any official gives a recommendation, that is secret for 25 years, and you want to, I think, with the orientations, reduce it to 15 years or 10 years. Any recommendation from an official... Not all of the recommendations from the official have to be covered by secrecy. I mean, this is way, way too broad. So I think that there are ways of drafting those exceptions to protect free and frank exchange of advice, to protect cabinet collective responsibility. There are some to protect the success of a policy from premature disclosure of the policy. There are languages that we can find in other countries legislation which has created this balance that you're looking for, I would say, more successfully than your legislation.

Le Président (M. Hardy) : Merci. Mme la députée de Taschereau, il nous reste 20 secondes.

Mme Maltais : Alors, je le prendrai pour vous remercier pour la qualité de ce mémoire et l'intérêt que vous portez à cette nouvelle avancée québécoise. L'autre chose que je veux vous dire, c'est sur cette idée que vous nous avez amenée de non pas travailler sur les dommages, mais de travailler sur les intérêts publics. Je pense que c'est un bel aspect de votre présentation.

Le Président (M. Hardy) : Merci beaucoup. Nous allons maintenant passer à la période d'échange avec le deuxième groupe d'opposition. M. le député de Borduas, à vous la parole pour une période de sept minutes.

M. Jolin-Barrette : Bonjour, M. Mendel. Merci pour votre participation à la commission. Tout d'abord, j'aimerais vous référer à la page 5 de votre mémoire, au point 3, à l'étendue de la portée de la loi sur l'accès à l'information. Je crois comprendre, dans le premier paragraphe... mais, en fait, le troisième paragraphe de la page, que vous dites qu'une loi sur l'accès à l'information devrait inclure également les filiales selon les standards internationaux. Donc, dès qu'il y a de l'argent... bien, en fait, dès que c'est contrôlé par un... vous utilisez le terme «public body», bien, ou c'est financé par un organisme public, à ce moment-là, on devrait pouvoir accéder aux données de cet organisme-là. Selon les standards internationaux, c'est ce qui arrive. C'est ça?

Le Président (M. Hardy) : M. Mendel.

M. Mendel (Toby) : Yes, it is. Yes.

M. Jolin-Barrette : O.K. Donc, est-ce que, selon votre expérience, vous avez vu à travers le monde plusieurs pays qui fonctionnent de cette façon-là?

Le Président (M. Hardy) : M. Mendel.

• (21 h 30) •

M. Mendel (Toby) : Yes, there are many of them. I should note that that proposal will also, in most countries, bring my community, that is to say NGOs, within the scope of the legislation, because they mostly operate with funds from public bodies. My organization happens not to, but a lot of NGOs do as well, and I'm making that proposal fully recognizing that my colleagues in the world will be... thereby work under the scope of the act. There are lot of examples of that, yes, and I can provide you... I mean, India is one example, South Africa is another example, I think Bulgaria is another example. But I could provide you with more specific ones if you want.

M. Jolin-Barrette : Et, selon votre connaissance, est-ce qu'il y a des pays occidentaux...

Le Président (M. Hardy) : M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Est-ce qu'il y a des pays occidentaux qui fonctionnent de cette façon-là, si on parle du Royaume-Uni ou des pays de l'Europe occidentale? Parce que ce qui nous intéresse, dans le fond, c'est... Le ministre, tout à l'heure, invoquait l'aspect compétitif pour soustraire les filiales, pour ne pas qu'elles puissent donner leurs renseignements... enfin, les renseignements publics. Donc, je me demandais : Est-ce que vous avez un comparatif avec des pays occidentaux?

Le Président (M. Hardy) : M. Mendel.

M. Mendel (Toby) : So I'll have to look. I believe that there are Western countries... I should perhaps respond with what might surprise you as a comment: Western countries like Québec adopted their legislation earlier. So I think you adopted in 1982, is that correct? And you have not really changed your legislation since then. That's the basic... And that is true of a lot of Western countries.

So, if you look at the RTI Rating, our rating of all of the laws, Western countries, whereas you would expect them to be at the top of a human rights system, tend not to be at the top. And, in the 30 years since your legislation and all of the other ones were first adopted, our thinking and understanding of these issues have moved forward, but the countries have not reformed them. You know, this the first really profound review. I mean, I know you've had pro forma reviews before, but I think this is the first really biting-into-it review that you've had, in Québec, in the whole of those 30 years. So a lot of Western countries haven't moved forward as they should have on this.

In terms of competitive advantage, I think it's — and I often face this question — absolutely irrelevant to this question. Competitive material is protected under an exception. If I have material information that I give to a public body, either I give it as a purely private body or I'm covered as a publicly funded body, and that is commercially sensitive if that... if the disclosure of that information would expose me to competitive disadvantage, then that information will not be disclosed or should not be disclosed under the law. So nobody should be worrying about competitive disadvantage to openness. That kind of information is under your Act and should be, under a good act, protected. So I don't see that as a risk.

Le Président (M. Hardy) : M. le député de Borduas, il vous reste 2 min 30 s.

M. Jolin-Barrette : Oui. Je vous remercie pour cette réponse.

Maintenant, à la page 12 de votre mémoire, dans vos recommandations, vous indiquez que la Commission d'accès à l'information devrait avoir la possibilité d'imposer à un organisme public qui ferait de façon répétitive des contraventions à la loi, de lui imposer certains mécanismes. En fait, vous parlez de «structural measures». Quelle sorte de mécanismes vous pensez que la Commission d'accès à l'information pourrait imposer de façon concrète?

Le Président (M. Hardy) : M. Mendel.

M. Mendel (Toby) : So, again, if you look at the Indian legislation, it's an excellent provision on that and it has a very specific list of measures if the body has not, for example, organized its documents sufficiently well to be able to respond to requests. That's a common problem: If you can't find it, you can't give it.

If the public body has not even appointed a dedicated official that's responsible for looking after this, or if it's a larger body that receives more requests, maybe it needs two people, or a unit, or something. If it hasn't done that, if it hasn't trained its officials, you know, there are a number of measures which... structural measures which could be imposed. And potentially, although maybe this is pushing it, but potentially, even to fine the body or impose some kind of financial penalty, because they are in breach, systematically in breach of their obligations under a law, which... You know, in other areas of life, there's the power to impose those kinds of fines on public bodies that are refusing to obey the law. But I'm not necessarily proposing this, just putting it on the table.

M. Jolin-Barrette : Et, dans votre exemple...

Le Président (M. Hardy) : M. le député de Borduas, il vous reste 30 secondes.

M. Jolin-Barrette : ...dans votre exemple indien, est-ce que le tout est imposé par une section juridictionnelle ou est imposé par l'autre section de la Commission d'accès à l'information?

Le Président (M. Hardy) : M. Mendel.

M. Mendel (Toby) : The Commission.

M. Jolin-Barrette : O.K. Je vous remercie grandement pour votre contribution.

Le Président (M. Hardy) : Je vous remercie de votre contribution à nos travaux.

La commission ajourne ses travaux à demain, vendredi le 4 septembre, à 8 h 15, afin de poursuivre les auditions.

(Fin de la séance à 21 h 35)

Document(s) related to the sitting