(Quinze heures quatre minutes)
Le
Président (M. Ferland) : Alors, à l'ordre, s'il vous
plaît! Ayant constaté le quorum, je
déclare la séance de la Commission
des institutions ouverte. Je demande
à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre
la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
La commission est réunie afin de tenir des
auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le projet de loi n° 60, Charte affirmant les
valeurs de laïcité et de neutralité religieuse de l'État ainsi que d'égalité
entre les femmes et les hommes et encadrant les demandes
d'accommodement.
Mme la secrétaire, est-ce que nous avons des remplacements?
La
Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce) remplace
M. Ouimet (Fabre) et Mme Roy (Montarville) remplace M. Duchesneau
(Saint-Jérôme).
Le
Président (M. Ferland) : Alors, merci beaucoup. Cet
après-midi, nous entendrons trois groupes, je crois, c'est ça, dont La Fédération québécoise des associations
foyers-écoles, l'Association des garderies privées du Québec ainsi que
M. Claude Simard.
Auditions (suite)
Maintenant, nous recevons les représentants de
La Fédération québécoise des associations foyers-écoles inc. Alors, je vous informe que vous aurez 10 minutes
pour présenter votre mémoire, suivies bien sûr d'un échange de 50 minutes
avec les différents groupes parlementaires.
Je vais vous demander peut-être de vous présenter, et la personne qui vous
accompagne également, pour marquer les bons
noms aux bons endroits. Dans votre cas, ça va être très facile, mais on ne
veut pas se tromper. Allez-y.
La Fédération
québécoise des associations
foyers-écoles inc. (FQAFE)
M. DePoe
(Lawrence) : Merci, M. le
Président. Bonjour, je m'appelle Larry DePoe, président bénévole du conseil
d'administration de La Fédération québécoise des associations foyers-écoles. La
fédération représente 84 écoles de différentes commissions scolaires à travers
le Québec.
Mme Willis
(Patricia) : Bonjour, je
m'appelle Patricia Willis. Je suis aussi un parent bénévole et je suis
directrice au conseil d'administration de la fédération. Je suis maman
de cinq filles à l'école présentement. Merci.
Une voix : …
M. DePoe
(Lawrence) : Merci. On peut
se rappeler l'expression célèbre «Who breaks a butterfly on a wheel?»,
de William Rees-Mogg, l'éditeur de The
Times de Londres, critiquant, en 1967, l'arrestation de Mick Jagger pour
possession de drogue, la peine
inhabituelle sévère qui lui avait été alors imposée, une expression qui
souligne que l'on a déployé des efforts disproportionnés dans une
situation donnée, et il ne faut pas légiférer en réaction à des cas marginaux.
Nous estimons de même que le projet de loi
n° 60 est une loi qui ne vise qu'environ 1,5 % de la population et qu'elle constitue par conséquent une mesure
disproportionnée. La Fédération québécoise des associations foyers-écoles
s'oppose à l'inclusion d'une primauté à la
langue française à la charte québécoise des droits et libertés, puisqu'elle ne
touche aucunement la neutralité de l'État…
l'égalité des hommes et des femmes et ne prévoit aucun cadre d'exercice en cas
de demande d'accommodement. La législation relative à la langue devrait
demeurer au sein de la Charte de la langue française, laquelle, à notre avis,
protège déjà l'avenir du français du Québec.
Mme Willis
(Patricia) : Nous nous
préoccupons de l'incidence de cette législation sur la qualité de l'éducation
de nos enfants. La réforme de l'éducation a
été la source, au fil des ans, de réels progrès dans le domaine, et une grande
part de ces changements ont été bien reçus.
En 1998, Mme Marois, alors ministre de
l'Éducation, a cautionné une politique faisant appel à une diversité active et
visible au sein des écoles du Québec. On demandait même aux conseils scolaires
d'éliminer les règles et les pratiques
d'embauche discriminatoires, exigeant une nouvelle politique d'exclusion zéro
qui allait permettre à tous les citoyens
de participer au développement de notre société québécoise. On y affirmait que
le pluralisme était essentiel au sein de la
société québécoise, déclarant : «Nous sommes convaincus que la diversité
ethnoculturelle, linguistique ou religieuse imprègne la société québécoise et a
droit d'expression.»
Le préambule
du projet de loi n° 95 justifie cette modification en énonçant que le
Programme d'éthique et culture religieuse constitue l'aboutissement d'un
long processus au cours duquel le système scolaire québécois est passé de structures et d'orientations essentiellement
confessionnelles catholiques et protestantes à des structures entièrement
laïques. Tout en conservant leurs spécificités, les deux volets de la formation
accordent une place commune au dialogue et partagent les mêmes finalités : la reconnaissance de
l'autre et la poursuite du bien commun. Le programme aussi offre aux élèves
de tous horizons les outils nécessaires à
une meilleure compréhension de notre société et de son héritage culturel et
religieux et en favorisant chez eux
le développement d'attitudes de tolérance, de respect et d'ouverture. On les
prépare à vivre dans une société
pluraliste et démocratique. Cet énoncé dressait la voie vers une avancée
positive au sein du programme en explorant
la diversité multiculturelle et religieuse de la population actuelle des écoles
du Québec. Il ouvrait le dialogue entre les étudiants et favorisait
l'acceptation et la tolérance à ce moment pour aujourd'hui et pour demain.
En 2012, la
fédération a surveillé avec intérêt la présentation du nouveau projet de loi
n° 56, la Loi visant à prévenir et
à combattre l'intimidation et la violence à l'école. Le Québec a mis en place
une politique pour contrer l'intimidation dans les écoles primaires et secondaires. La fédération a rédigé un
mémoire sur ce projet de loi et présenté une critique constructive pour aider à clarifier les termes et
à modifier la réglementation et les conditions. La loi n° 19 qui en a
résulté, Loi visant à prévenir et à
combattre l'intimidation et la violence à l'école, a été bien accueillie, et la
fédération en a appuyé l'adoption.
Notre organisation considère qu'une politique scolaire sur l'intimidation,
renforcée par un programme bien établi
d'éthique et de culture religieuse, constitue une combinaison solide pour aider
à éliminer ce problème croissant. Il
s'agissait en effet d'une progression naturelle du système d'écoles
confessionnelles vers un système linguistique au sein d'une société
pluraliste et démocratique qui encourageait la coexistence pacifique.
• (15 h 10) •
Il devient
donc très préoccupant pour nous, les parents, de constater qu'une grande part
de cet excellent programme mis en
place par des gouvernements précédents sera minée et mise en péril par les
éléments existants du projet de loi n° 60, lequel restreint la liberté d'expression de l'appartenance religieuse au
sein de la fonction publique et, ce qui est encore plus troublant, au
sein des écoles en visant les éducateurs et le personnel administratif. Tenter
d'effacer toute preuve d'identité religieuse
est une erreur. Cela transmet un message erroné à nos enfants et va à
l'encontre des valeurs que nous nous
efforçons de leur inculquer au quotidien. Dans nos écoles, nous célébrons la
diversité chez les étudiants comme chez le personnel. Nous ne souhaitons pas l'éliminer. Notre monde est un
grand univers diversifié. Nous voulons que nos enfants se sentent à l'aise dans ce monde et non qu'ils
ressentent le besoin de le travestir. Refuser l'expression d'une appartenance religieuse
équivaut à limiter l'expression de l'identité individuelle. Il n'appartient pas
au gouvernement de dicter l'identité de leurs citoyens. L'identité est
et devrait toujours demeurer un choix personnel.
La prémisse de cette loi est erronée, puisqu'on semble
présumer qu'un enseignant, un administrateur ou fonctionnaire
qui affiche un symbole religieux est incapable de neutralité. Sur quel élément
de preuve se fonde une telle supposition?
Aucune recherche n'a été présentée pour appuyer la présumée menace que le
projet de loi n° 60 cherche à viser. Ce projet de loi restreint les droits
d'une petite minorité religieuse vulnérable qui a été activement recrutée pour
immigrer vers un Québec tolérant et non
discriminatoire. Mais les règles du jeu sont désormais sur le point de changer.
Une telle mesure ouvre la porte à
l'intimidation, encourageant implicitement une discrimination ouverte à l'égard
des minorités religieuses et
culturelles. Nous avons déjà, dans les médias, des preuves de cette montée
d'attitude discriminatoire. Une telle mesure est une mesure
disproportionnée.
M. DePoe (Lawrence) : Donc, les conséquences sociales. Le gouvernement est-il prêt à assumer
les conséquences
sociales… adoption d'un tel projet de loi, à
subir, entre autres, ses effets sur le recrutement des professionnels de la
santé déjà grevé par les pénuries d'omnipraticiens et d'infirmières, que
nous connaissons?
Le Collège des médecins du Québec estime qu'il faudrait 1 000 médecins additionnels pour répondre aux besoins actuels des Québécois. En interdisant les symboles
religieux, le projet de loi n° 60, s'il est adopté, ferait en sorte qu'il
soit encore plus difficile d'attirer des
médecins immigrants et pourrait introduire une nouvelle forme de discrimination
à l'égard de ceux qui exercent déjà ici. Si même seulement un certain nombre de
médecins formés à l'étranger et qui exercent
déjà ici quittent la province parce qu'ils ne peuvent pas continuer de
pratiquer au Québec en raison de l'interdiction du port d'un symbole religieux, que fera le gouvernement au sujet de la
pénurie additionnelle de médecins? La loi sur la petite enfance exige que deux éducatrices sur trois soient qualifiées.
Nous estimons qu'il y a au moins 200 éducatrices dans la région de
Montréal qui portent des signes religieux. Si ces éducatrices sont obligées de
quitter leur travail, à quelle loi devons-nous obéir? Celle du ministère de la
Famille ou le projet de loi n° 60?
Le gouvernement peut-il fournir une estimation du nombre
d'enseignantes, de médecins, d'infirmières et autres travailleurs qui quitteront le Québec si projet de
loi est adopté sous la forme actuelle? Pouvons-nous nous permettre un
tel exode de spécialistes? Sommes-nous prêts à subir les conséquences de ce
projet de loi n° 60?
Nous croyons que le projet de loi n° 60 pourrait avoir
une incidence négative sur le taux de persévérance et de réussite scolaires au sein du système scolaire
public du Québec. Certains étudiants pourraient se sentir moins encouragés
à poursuivre leurs études s'ils ne voient plus d'enseignantes en situation
d'autorité refléter leurs propres cultures et/ou contextes religieux. Le projet de loi n° 60 pourrait diminuer
l'intérêt des étudiants d'une minorité ethnique, culturelle et
religieuse à devenir des éducateurs au sein du système public s'ils ne peuvent
être vus à la fois comme des membres engagés
d'une confession religieuse et comme des professionnels impartiaux. Si vous
pouvez être convaincus qu'un personnel enseignant
d'une même culture et non religieux peut demeurer sensible et réceptif aux besoins
de ces étudiants culturellement diversifiés,
pourquoi ne pouvez-vous pas être convaincus qu'un enseignant qui affiche sa foi
ne peut aussi être neutre et sensible à un
étudiant d'un bagage différent du sien? De quelles preuves disposez-vous pour
prouver le contraire? Un professionnel est professionnel.
Évitons
les mesures disproportionnées et ne légiférons pas en réaction à des cas
marginaux. Merci beaucoup.
Le Président (M. Ferland) : Oui. Alors,
nous allons aller à la période d'échange. Alors, maintenant, je cède la parole à M. le
ministre pour un temps de 22 minutes et quelques secondes.
M. Drainville :
Merci, M. le Président. Merci pour votre mémoire et votre présentation.
Dans votre mémoire,
vous écrivez, et je cite : «La Fédération québécoise des associations
foyers-écoles inc. s'oppose, dans son
intégralité, au projet de loi n° 60…» «Dans son intégralité». Donc, ça, ça
veut dire que, dans votre esprit, là,
il n'y a aucun élément du projet de loi n° 60 qui est acceptable pour
vous. Ça m'étonne un peu parce que, je dois
vous dire, il y a quand même plusieurs aspects du projet de loi n° 60 qui
font très largement consensus. J'aimerais ça qu'on en aborde certains
avec vous et qu'on commence, par exemple, avec les règles en matière de
demandes d'accommodement religieux.
Vous
savez qu'on propose des règles très claires. Je vous rappelle certains passages
du rapport de la commission Bouchard-Taylor.
Je vous cite certains extraits de ce rapport. Donc, à la page 83 du
rapport : «Dans un groupe-sonde tenu en avril 2007, des témoignages
faisaient état de directions d'école ayant accepté à contrecoeur certaines
demandes d'ajustement, d'accommodement
qu'elles jugeaient pourtant déraisonnables. Elles — les directions d'école — [agissent] par crainte des médias,
des conflits, des tribunaux, pour éviter de face à des accusations de
xénophobie, de racisme. "Nous avons
peur de dire non."» Page 84 du même rapport : «…plusieurs
acteurs du milieu scolaire nous ont confié, en groupe-sonde ou en entrevue, le malaise ou le doute qu'ils éprouvaient à
l'endroit des ajustements, [des accommodements].» Page 85 : «Comme dans le cas des écoles
primaires et secondaires, des enseignants
et des responsables de services nous ont
exprimé leur désarroi : ils se sentent désemparés, sans repères [...] sans
balises.» Et il y a beaucoup de gens qui… de groupes qui sont venus
témoigner ici et qui nous ont dit : Les règles que vous proposez pour
encadrer les demandes d'accommodement sont nécessaires.
Est-ce
que vous ne croyez pas que les règles que nous proposons en matière
d'accommodement dans le projet de loi n° 60 sont justes, sont
nécessaires et donc devraient être appuyées par un groupe comme le vôtre,
peut-être?
M. DePoe (Lawrence) : Je dirais que, selon les discussions que nous
avons eues avec nos associations foyers-écoles, ce qui inclut des
enseignantes aussi, on n'a pas eu ce point de vue exprimé. On s'entend que déjà
ils ont des moyens vraiment de gérer toutes
les différences entre les étudiants. Il n'y a aucune plainte qui a été posée
dans l'enseignement à des étudiants
différents ou religieux, quoi que ce soit, donc ce n'est pas notre expérience
d'avoir de tels témoignages encore.
M. Drainville :
O.K. Est-ce qu'il y a des enseignants, enseignantes qui vous ont parlé de la
problématique des congés religieux,
c'est-à-dire des enseignants ou des enseignantes qui demandent d'avoir plus de
congés que leurs confrères, consoeurs
au nom de leur religion? Est-ce qu'il y en a qui vous ont parlé de ça? Parce
que ça, c'est une réelle problématique pas
seulement, d'ailleurs, dans la région métropolitaine, par exemple, de Montréal.
C'est le cas dans plusieurs coins du Québec.
Il y a des demandes de congé religieux qui sont faites au nom de toutes sortes
de religions. Est-ce que vous avez entendu parler de ça?
M. DePoe
(Lawrence) : Oui. Actuellement, j'ai déjà eu des demandes
personnellement aussi.
M. Drainville :
À quel titre? Excusez-moi.
M. DePoe (Lawrence) : Bien, je suis actuellement directeur d'un service de garde, un centre
de la petite enfance.
M. Drainville :
À quel endroit, si vous me permettez?
M. DePoe
(Lawrence) : À Montréal.
M. Drainville :
À Montréal. O.K. Très bien.
M. DePoe (Lawrence) : Donc, j'ai déjà eu des demandes d'accommodement. Puis ça se gère
individuellement, des demandes, de
cas en cas. Et, si c'est faisable, c'est faisable. Donc, l'accommodation
raisonnable, ça existe déjà, ça se gère. Puis il n'y a pas de… Pas
besoin, dans mon expérience, de légiférer ça.
• (15 h 20) •
M. Drainville :
Pourtant, hier, la Fédération des commissions scolaires du Québec est venue
faire écho à plusieurs témoignages
que nous avons déjà eus à l'effet que la gestion des congés religieux
est vraiment, vraiment un problème, là, et que ça suscite des tensions et des
frustrations dans certaines équipes-écoles parce qu'il y a des enseignants qui
ne comprennent pas pourquoi certains de leurs
collègues ont droit à plus de congés au nom de la religion. Et donc vous, vous
ne voyez pas de problème là-dedans?
M. DePoe
(Lawrence) : Personnellement, non.
Mme Willis (Patricia) : Je crois, mais je ne suis pas encore très sûre,
parce que... je crois qu'il y a la loi sur
le travail, les contrats, les syndics, les unions, ils ont des règles bien
précises, combien de congés pour le décès, maternité, paternité, etc.,
mis à part la loi. Donc, je crois que ça, c'est légiféré déjà de par leurs…
M. Drainville :
Conventions collectives?
Mme Willis
(Patricia) : …conventions collectives, n'est-ce pas?
M. Drainville :
Bien…
Mme Willis (Patricia) : Et aussi, je veux dire, on peut compliquer la
chose comme on peut la rendre simple. Je veux dire, ça dépend, vous savez, c'est qui qui se plaint, parce que, je
suis sûre, si quelqu'un qui... Si vous parlez de fêtes religieuses... toutes les religions ont des fêtes. Il y a des
fêtes qu'on donne, je veux dire, même si elles ne sont pas dans la
législation, n'est-ce pas, même si elles ne sont pas dans la convention
collective.
M. Drainville :
O.K., mais...
Mme Willis
(Patricia) : Il faut être souple dans la vie, non? Il faut pouvoir
travailler ensemble, collaborer.
M. Drainville :
Bien, il faut être souple, mais il ne faut pas non plus...
Mme Willis
(Patricia) : De par...
M. Drainville :
...il ne faut pas non plus, comment dire, être à ce point souple qu'on finit
par faire des compromis sur des principes fondamentaux pour notre
société.
Vous
dites, par exemple, dans votre mémoire, vous écrivez : «La Fédération
québécoise des associations foyers-écoles
[...] est convaincue que la Charte canadienne des droits et libertés et la
charte québécoise des droits et libertés protègent déjà adéquatement les
principes d'égalité entre les femmes et les hommes de même que la liberté de
religion.»
Moi,
je suis en désaccord, en tout respect, avec cette affirmation. Je ne crois pas
que l'égalité hommes-femmes est
suffisamment protégée actuellement. Et c'est pour ça qu'on en fait un principe non négociable, une sorte de principe sacré dans les demandes d'accommodement, à
l'avenir, dans le projet de loi n° 60. Vous faites quoi, par exemple, si un papa, comme ça nous a
été rapporté pas plus tard qu'hier, un papa refuse de s'adresser à la
directrice de l'école, qui est une femme, parce qu'elle est une femme?
Alors, vous, vous allez faire quoi? Vous allez l'accommoder? Vous allez
dire : Mme la directrice d'école, sortez de la pièce, on va trouver un
homme pour parler au monsieur?
Mme Willis (Patricia) : Écoutez, personnellement, je vais vous dire, j'étais parent il y a
huit ans dans une école, et j'ai un
papa qui est venu me dire : Mais vous, vous êtes une femme… parent à
parent, et je ne voudrais pas vous parler. Alors, vous savez, il y a des gens très obtus partout dans la vie. Tant pis
pour lui, c'est sa perte, parce que l'information
qu'il aurait eue de la directrice, peut-être ça aurait… très bien pour son
enfant.
Mais, moi, ce que je
veux venir... Vous dites : L'égalité. Moi, je trouve qu'au contraire le projet
de loi n° 60 enfreint… ou en plus,
plutôt, soumet la femme à un niveau inférieur de l'homme. Parce que,
là, on parle d'un certain... sans
dire quoi, mais on parle d'un certain groupe de personnes qui sont visiblement
minoritaires, qui immigrent au Québec
pour avoir droit à l'égalité entre hommes et
femmes et voilà qu'on leur dit : Mais non! non, non, non, vous ne pouvez
pas avoir ça, non, vous êtes différents. Et
en fait on les soumet plus que de là où ils venaient. C'est ça,
pour moi, ce que le projet de loi n° 60 fait, entre autres.
M. Drainville :
O.K., mais...
Mme Willis
(Patricia) : Ma perception, c'est ma réalité. C'est la perception que
j'ai.
M. Drainville :
Oui, je comprends. Vous m'avez parlé d'une relation de parent à parent.
Comme
vous le savez, le projet de loi n° 60 ne concerne pas les relations de parent à
parent. Moi, je vous parle d'une
directrice d'école, donc une représentante d'une institution publique importante dans notre démocratie.
C'est-à-dire, la directrice d'école, c'est la représentante de l'école à maints égards. En
tout cas, dans le fonctionnement quotidien, c'est souvent elle
qui est un peu la tête dirigeante de cette institution-là. Et il y a
un papa qui lui dit : Je ne souhaite pas m'adresser à vous parce
que vous êtes une femme.
Alors, je vous pose
la question : Est-ce que, pour vous, c'est acceptable ou pas, ça?
Mme Willis (Patricia) : …pas acceptable. Mais on parle d'un cas et on
parle d'une personne misogyne. On ne peut
pas généraliser à partir d'un cas.
L'exception ne fait pas la règle. C'est ça, ce qu'on essaie de vous dire quand
on dit : Ne légiférons pas en
réaction. Si, à chaque fois qu'il y a un petit incident, on va écrire un projet
de loi pour contrer une réaction… ou
une action, plutôt, on va réagir à une action, on est en train de… je veux
dire, on va commencer à légiférer chaque petite chose de notre vie
quotidienne.
M. Drainville : Sur des choses fondamentales comme
l'égalité hommes-femmes, si cette égalité entre les hommes et les femmes est remise en question, je pense que
le temps est venu de légiférer. Et vous dites : C'est des cas
anecdotiques. Bien, d'abord, ça se
produit assez souvent pour que la Fédération des commissions scolaires nous
dise hier qu'effectivement il y a eu plusieurs cas.
Il
y a eu d'autres cas également qui ont été rapportés dans les médias; Journal
de Québec, 28 septembre 2013 : Les enseignants composent quotidiennement avec la diversité religieuse
des élèves ou de leurs parents. Ils
seront directement touchés par la charte, etc. Alors, je cite l'article :
«"Vous n'êtes qu'une femme, voilà pourquoi ça ne marche pas dans votre école, madame." Cette phrase a
été lancée devant quelques témoins par le père d'une élève de confession
musulmane à la directrice d'une école.»
L'anecdote est rapportée, etc. «"Le père d'un élève m'a déjà dit que,
parce que je suis une femme, je ne
sais pas trop ce que je fais", poursuit-elle.» Ce que je veux vous dire,
c'est que, des cas comme ça, il y en
a beaucoup qui nous sont rapportés, et nous, on pense que c'est une raison
suffisante de faire de l'égalité entre les hommes et les femmes une valeur incontournable, une valeur non
négociable, une valeur sacrée et de l'inscrire dans la charte des droits
et libertés du Québec.
Donc,
encore une fois, en tout respect, moi, je suis en désaccord avec votre
affirmation à l'effet que les chartes actuelles,
et en particulier la charte québécoise, protègent déjà suffisamment le principe
de l'égalité hommes-femmes. Visiblement, le principe de l'égalité
hommes-femmes n'est pas suffisamment respecté ou protégé si des cas comme ceux-là se produisent. Moi, je pense qu'un cas
comme ça est de trop. Moi, je pense que, dans notre société, ça nous a pris
tellement de temps au Québec avant d'arriver
à cette égalité entre les hommes et les femmes… personnellement, notre gouvernement n'accepte pas que ce principe-là soit
remis en question, et c'est pour ça que nous inscrivons le principe de l'égalité hommes-femmes dans la Charte des
droits et libertés à travers le projet de loi n° 60 et qu'on en fait,
donc, un critère incontournable.
En
fait, on dit : Si la demande d'accommodement religieux, à l'avenir, remet
en question le principe de l'égalité hommes-femmes,
l'accommodement ne doit pas être accordé. Vous n'êtes pas d'accord avec ça,
vous, qu'une demande d'accommodement
religieux ne soit pas accordée si elle remet en question l'égalité entre les
hommes et les femmes?
M. DePoe (Lawrence) : Mais on ne dit jamais ça, qu'on est contre l'égalité, c'est sûr et
certain. Mais je dirais qu'il y a
d'autres… Mais là on remarque que la loi vise un certain secteur de la
population, mais c'est, comme il n'y a pas de problème actuel déjà dans la société québécoise, qui n'est pas du tout
lié avec les… ni des nouveaux venus ou quoi que ce soit… Il y a déjà assez de violence hommes contre
femmes dans notre société. Mais ça a l'air que le projet de loi n° 60
vise plutôt les nouveaux venus, vise plutôt…
M. Drainville :
…
M. DePoe
(Lawrence) : Mais oui, mais oui.
M. Drainville :
…c'est votre lecture. En tout respect, c'est votre lecture. C'est parce que
vous dites dans votre mémoire que
vous rejetez tout ce qu'il y a dans le projet de loi n° 60. Ce que je suis
en train de vous démontrer, je pense, c'est
qu'il y a des choses… Je comprends que vous soyez en désaccord sur la question
des signes. On a un débat là-dessus au
Québec. Et, si vous me disiez : Là-dessus, on a vraiment un problème, on
ne veut rien savoir, moi, je vais dire : Très bien, j'accepte votre point de vue. Mais, sur les
règles en matière d'accommodement, si je me fie à votre mémoire, vous êtes contre les règles en matière d'accommodement
visant à assurer l'égalité entre les hommes et les femmes. Si vous me
dites que ce n'est pas ça qu'on a voulu dire, je vais accepter votre point de
vue.
Mais,
si je lis votre mémoire, vous nous dites dans le mémoire : Il n'y a rien
de bon dans le projet de loi n° 60. Il me semble qu'on devrait s'entendre pour dire que les règles en
matière d'accommodement visant à assurer l'égalité hommes-femmes, c'est
bon. Est-ce qu'on peut s'entendre là-dessus? Bien là, M. Poe…
M. DePoe
(Lawrence) : Oui. Je viens de dire que, oui, on est pour l'égalité,
évidemment.
• (15 h 30) •
M. Drainville :
Bon. O.K. Alors, on avance quand même un petit peu, là.
L'autre
chose dont je veux vous parler, c'est sur la question justement des signes
religieux en particulier par rapport aux
enfants. Et, hier, j'ai donné un exemple ici même, dans cette commission,
l'exemple d'une jeune fille qui est victime de violence liée à l'honneur, et, donc, qui est jugée, et qui est même
rejetée de sa famille pour des
raisons culturelles ou religieuses et qui cherche de l'aide, donc, en
dehors de sa famille.
Et
ça, c'est deux personnes qui ont travaillé
à la DPJ pendant plus de 10 ans qui nous ont rapporté ce cas-là, ce scénario, qu'elles avaient elles-mêmes observé.
Alors, cette jeune fille, donc, est rejetée pour des raisons culturelles ou
religieuses
par sa famille qui, par exemple, n'accepte pas sa relation amoureuse avec un
garçon ou la jeune fille n'accepte pas
de porter le signe religieux que voudrait lui imposer sa famille et cette jeune
fille donc cherche de l'aide, elle en cherche notamment à l'école. Et, selon
ces deux personnes, donc, qui ont travaillé à la DPJ, le fait de faire appel, par exemple, à une enseignante, d'approcher une enseignante pour lui demander de l'aide
et de voir cette enseignante porter un signe religieux de la même religion que celle des parents qui ont exclu la
jeune fille, ça peut franchement poser un vrai problème pour la jeune
fille qui cherche de l'aide.
Et,
je le dis en tout respect, mon collègue de LaFontaine a dit : Ce
n'est qu'un malaise, franchement, ce n'est pas… Il s'est moqué un peu,
en fait, du scénario, de ce cas-là que je portais à votre…
Une
voix : …
Le Président (M.
Ferland) : Excusez. Oui. Quel article?
M.
Tanguay : …on ne peut
prêter des propos à un collègue. Et, lorsqu'il prend la désinvolture… et je vous le contextualise en quelques secondes, lorsque le ministre
prend la désinvolture des propos que je n'ai pas tenus, je l'invite à la
plus grande des prudences : qu'il ne fasse pas…
Le Président (M.
Ferland) : C'est beau. M. le ministre.
M. Drainville : Tout ce que j'essaie de dire, là, c'est que ce
n'est pas un malaise, ça, une jeune femme qui vit une détresse, qui se sent menacée dans son
intégrité physique et qui pourrait même, dans certains cas, subir des
violences.
Et
il y a des cas rapportés, dans le rapport du Conseil du statut de la femme
sur les crimes d'honneur, de jeunes filles
qui ont perdu la vie, qui ont été assassinées. Et il y a plusieurs
cas, dans le rapport sur les crimes d'honneur, où il est effectivement question de jeunes femmes en particulier qui ont subi de
la violence et qui ont été tuées pour des raisons dites d'honneur. Moi, je ne pense pas qu'on puisse
prendre ça à la légère et ne parler que de malaise. Il ne s'agit pas de malaise
ici, il s'agit de jeunes femmes qui
cherchent de l'aide, et je pense qu'il
faut leur en donner et je pense
que les institutions publiques doivent être là pour les aider. Et,
quand j'entends dire que le port d'un signe religieux pourrait nuire à l'aide
que ces femmes-là, ces jeunes filles là
demandent et à la relation de confiance dont elles ont besoin pour obtenir
cette aide-là, je pense qu'il faut
cesser de parler de malaise et il faut parler de détresse, de souffrance et,
dans certains cas, de menaces à la vie elle-même.
Je
tenais à faire cette précision-là. Et j'espère que c'est la dernière fois
d'ailleurs que j'ai à la faire, parce que, la prochaine fois, je vais…
Une voix :
…
Le Président (M.
Ferland) : Allez-y. 35. Allez-y rapidement.
M.
Tanguay : …35. Le ministre nous prête des intentions. C'est lui
qui, depuis le début du débat, parle de malaise. Il veut légiférer les
malaises, alors…
Le Président (M.
Ferland) : Je vais suspendre.
Une voix :
…
Le Président (M.
Ferland) : Non, non. M. le député de…
Une voix :
…
Le Président (M.
Ferland) : M. le député, on va suspendre quelques instants,
O.K.?
(Suspension de la séance à
15 h 34)
(Reprise à 15 h 35)
Le
Président (M. Ferland) : Alors, la commission reprend ses travaux. M. le ministre, la parole était à vous, je crois.
M. Drainville : Alors, vous voyez un peu, je vous donne des
exemples très concrets, là, de comment le port d'un signe religieux par
une enseignante… ou ça peut être une psychoéducatrice, ça peut être quelqu'un
qui travaille à la direction de la protection de la jeunesse, comment le port
d'un signe religieux, donc le fait qu'une personne affiche ouvertement ses convictions religieuses, peut
nuire à la relation d'aide que demande une jeune fille. Je vous donne ce cas-là,
et c'est un cas, je pense, qui est sérieux
et qui nous oblige, à tout le moins, à faire une réflexion sur le message que
peut envoyer le port d'un signe religieux.
Est-ce que vous
reconnaissez que ça peut être problématique parfois, le port d'un signe
religieux?
M. DePoe (Lawrence) : Toute différence peut causer une difficulté pour un individu. Ça, c'est
vrai. Exemple, une jeune fille peut
avoir de la difficulté à parler avec un homme, un jeune homme peut avoir aussi
de la difficulté à parler de
certaines choses avec une femme. Ça peut arriver. Mais qu'est-ce qu'on fait? On
met des choses en place pour qu'il y ait suffisamment d'options pour les personnes d'avoir quelqu'un avec qui ils
sont capables de trouver une solution à leur problème. Donc, oui, ça
peut arriver à n'importe qui dans n'importe quelle circonstance.
M. Drainville :
Je vais vous donner...
Une voix : …
M. Drainville :
Excusez-moi, madame.
Mme Willis (Patricia) : …si ça ne
vous dérange pas.
M. Drainville : Oui.
Mme Willis
(Patricia) : Vous parlez
que, dans une école… Au sein d'une institution publique, il n'y a pas que
des femmes musulmanes...
Une voix : …
Mme Willis
(Patricia) : Il n'y a pas
que des femmes musulmanes dans les écoles. Je veux dire, dans le cas de
cette personne dont vous parlez, elle peut aller vers une autre personne qui ne
porte pas un symbole religieux qu'elle sentirait
menaçant, elle pourrait aller vers quelqu'un d'autre qui n'a aucun symbole
religieux mais qui est encore plus fanatique
et plus... non, qui ne va pas l'accommoder et qui ne va pas la comprendre parce
que sa culture est pareille à celle des
parents. Donc, ce n'est pas vraiment l'habit qui fait la différence, c'est la
façon de penser de la personne, c'est l'approche.
C'est nos croyances qui ne sont pas toujours portées, donc… Et puis il y a plus
qu'une femme, il y a des hommes aussi au sein de l'école, il y a
d'autres personnes vers qui elle peut aller.
M. DePoe
(Lawrence) : Puis c'est basé
sur le fait que quelqu'un porte quelque chose… que cette personne n'est
pas capable de gérer une situation en tant que professionnelle, et ça, c'est...
M. Drainville : Non.
M. DePoe
(Lawrence) : Mais oui. Ça,
c'est la base de cette assomption-là : que cette étudiante n'aurait pas
une relation de respect avec la personne en question à cause de ses
signes, ses symboles. Ce n'est pas vrai.
M.
Drainville : Ce que
je dis depuis le départ, c'est que, de façon générale, les personnes qui
travaillent dans les services publics, qu'elles portent ou non un signe
religieux, sont des personnes compétentes et appréciées.
De façon générale, c'est des gens qui font un
travail formidable, que ce soit dans le réseau scolaire, dans le réseau de la santé, dans nos ministères. Mais ce
que je dis, c'est que, dans le cas des enfants en particulier, l'argument
qu'on me sert toujours, c'est... on me
dit : Ah, mais attention, la personne qui porte un signe religieux, elle a
des droits, notamment le droit à la
liberté de religion. Et moi, je dis : Oui, c'est vrai qu'elle a des
droits, mais elle a également des responsabilités.
Et moi, je pense que l'une de ces responsabilités, c'est de garder pour elle
ses convictions pendant les heures de
travail. Et je dis aussi que les personnes qui obtiennent un service, que ce
soient des parents ou encore des enfants, elles aussi ont des droits. Et l'exemple que je vous donne, ce n'est pas
pour généraliser à toutes les personnes qui portent un signe religieux. Ce que je vous dis, c'est
qu'on a des cas comme ça très concrets qui font, à mon avis, la démonstration
que le port d'un signe religieux envoie un
message religieux et que ça peut briser le lien de confiance entre l'usager,
l'enfant dans ce cas-ci, l'étudiant, l'étudiante et le service public.
Le
Président (M. Ferland) : M. le ministre, le temps est écoulé
pour la partie ministérielle, alors je vais du côté du parti de
l'opposition officielle, le député de LaFontaine, pour un temps de
16 min 20 s.
M. Tanguay :
Merci beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup pour votre présence
aujourd'hui, le temps que vous avez pris de répondre à l'appel de
rédiger votre mémoire et, aujourd'hui, de répondre à nos questions.
J'aimerais
d'entrée de jeu que vous nous parliez brièvement pour que les gens à la maison
puissent bien saisir quel votre
organisme, donc La Fédération québécoise des associations foyers-écoles. Et
vous avez donc mis sur pied... Donc,
qui vous êtes? Vous êtes des parents bénévoles. Et j'aimerais savoir un peu combien de membres avez-vous. Alors,
parlez-nous de vous rapidement pour que l'on sache mieux qui vous êtes, s'il
vous plaît.
• (15 h 40) •
M. DePoe
(Lawrence) : Bon. Bien, je
n'ai pas les chiffres exacts, mais environ 5 000 familles de ces
écoles-là, moyennant peut-être deux enfants, disons, 10 000 enfants. Donc,
l'autre affaire, c'est que les organisations bénévoles, c'est ce que nous…
Nous organisons des activités dans les écoles afin de soutenir le curriculum
d'éducation de ces familles-là et toutes les familles dans les écoles.
M. Tanguay :
Donc, vous êtes partout au Québec. Vous parliez d'être présents à Gaspé,
Gatineau, Baie-Comeau, North Hatley,
des activités combinées qui appuient 10 000 élèves et vous parliez donc de
4 500 familles. Je pense, c'est important
d'abord de bien situer l'ampleur de votre organisme. Et j'aimerais que vous
parliez du comité des droits. Vous avez
un comité des droits qui vous a aidés
et, aujourd'hui, vous présentez le fruit de la réflexion de votre comité des
droits.
Pouvez-vous nous dire un peu quel processus vous
avez suivi et ce qui vous amène aujourd'hui à clairement démontrer que vous
êtes contre la charte, dont, entre autres, l'interdiction de port de signes
religieux?
M. DePoe (Lawrence) : Exact. Oui,
c'est exactement ça. Nous existons depuis 70 ans et, pendant toutes ces années-là,
nous avons eu un comité qui examine tout le temps tout ce qui se passe dans l'éducation, donc, question de…
Mme Willis
(Patricia) : Et les projets de loi.
M. DePoe
(Lawrence) : …et les projets de loi, par exemple, depuis tout ce temps-là. Donc, plusieurs
résolutions ont été passées par le comité vers le conseil
d'administration et vers le ministère de l'Éducation, entre autres.
M. Tanguay : Est-ce
que vous êtes au courant si à travers
les… ou versus les quelque
10 000 élèves avec lesquels vous
oeuvrez… est-ce qu'il y a des professeurs qui ont des signes religieux, qui
portent un signe religieux, quel qu'il soit, que ce soit une croix… je crois, madame, d'ici, là, si mes yeux ne me
trompent pas, vous arborez une croix… donc, que ce soit de cette
ampleur-là? Ou on peut peut-être poser la question par la négative :
Avez-vous la confirmation que les professeurs…
aucun n'en porte? J'aimerais savoir si vous avez quelques indications
là-dessus, si, certains professeurs, il est possible qu'ils portent des
signes religieux, quels qu'ils soient.
Mme Willis
(Patricia) : Écoutez,
je suis comme mes enfants, quand je vois la personne, c'est la personne que je
vois. C'est ni la couleur de sa peau ni le
symbole religieux qu'elle porte ou qu'il porte, mais c'est plutôt
ce qu'il donne aux enfants, l'éducation, le temps, sa vocation, son dévouement. C'est ça qu'on regarde. On va au-delà de
ça et on croit vraiment, en tant que bénévoles, qu'ils font pareil, qu'ils font la même chose
envers nos enfants. Qu'ils aient les cheveux noirs, qu'ils aient la peau
noire, jaune, les yeux bridés ou ronds, aucune différence, c'est le même
service, c'est la même façon d'enseigner à
tous. Et c'est vrai qu'on est peut-être 5 000 familles, mais on touche
plus que 5 000 familles, parce qu'on n'est pas obligatoirement membres… on est participants sans être membres
dans la fédération. Donc, on touche vraiment, je dirais, plus que
10 000... Voilà.
M. Tanguay :
Et, dites-moi, comment réagissez-vous à certaines personnes qui soulèveraient
l'argument, qui apparaît très
démagogique, de dire : Bien, écoutez, ils peuvent mettre au vestiaire
entre 9 heures et 5 heures leurs signes religieux? Autrement dit, on ne peut pas discriminer sur la race, la
religion ou sur… motifs qui sont énumérés à la charte québécoise. Comment réagissez-vous à cet argument,
pour certains, très démagogique de dire : Bien, c'est facile, ils n'ont
qu'à mettre leur différence, leur diversité au vestiaire entre 9 heures et 5
heures, c'est juste ça qu'on leur demande? Comment, vous, comme parents, ça
vous interpelle?
M. DePoe
(Lawrence) : Un peu la
question, pour moi, c'est : À quel point ça arrête? On demanderait prochainement aux étudiants, aux élèves d'enlever
leurs choses aussi? Non, non, on vit dans une société très diverse, et puis c'est la réalité. Donc, on a besoin de se
représenter en tant que personnes qu'on est. On a le droit de le faire. On a
des responsabilités, surtout d'être
quand même professionnels dans votre travail, comme tout le monde. Ça ne change
aucunement. Là, on a parlé tantôt de possible bris de confiance. Moi, je
n'ai jamais vu ça.
Moi, j'ai une
équipe de travail qui est très diverse. Je n'ai jamais eu un parent qui est
venu me voir pour dire : J'ai
un problème avec tel, tel ou tel symbole.
Jamais encore. J'ai enseigné dans les cégeps plusieurs années aux étudiants
très, très divers, puis ce que j'ai remarqué encore : que je n'ai
jamais eu de problèmes, ou quoi que ce soit, causés par des accommodements, des demandes déraisonnables, ou
quoi que ce soit. Je n'ai jamais eu ces problèmes-là. Ce qu'il est encore
important à soulever, c'est que souvent on
réagisse quand on voit quelque chose de différent. Mais le peuple du Québec
sont tous… presque tous venus d'ailleurs. Et la première génération qui arrive
ici, il y a beaucoup de différences, ils tiennent à leur culture, mais c'est
les deuxième et troisième générations, la quatrième génération qui sont
vraiment assimilées dans la société. Ça, c'est la réalité de toute l'histoire,
en effet.
Donc,
pourquoi maintenant la loi n° 60? On n'a jamais eu des problèmes par le
passé avec un grand nombre de personnes qui sont venues de toutes
parties du monde. Bien, d'un coup, on a un problème? Non, je ne le vois pas.
Mme Willis
(Patricia) : Je voudrais
rajouter aussi qu'il y a des pays où on a peur de porter nos symboles
religieux, et donc on immigre ici. Et
je vais parler de moi. J'immigre ici parce que je peux porter ce symbole et je
peux ne pas le porter, et le symbole
ne veut rien dire. On peut être sans symbole et être plus fanatique, et c'est
ça qui fait peur : c'est les gens
qu'on ne voit pas. Hein, c'est comme, quand on voit dans les nouvelles… on se
dit : Mais c'est qui, ceux qui vont combattre la guerre ailleurs et qu'on voit qu'ils… à peu près 2 000
Européens qui ne sont même pas d'origine musulmane, qui se sont
convertis. Donc, vous savez, il ne faut pas juger les gens par ce qu'ils
portent. Voilà. Merci.
M. Tanguay : Exact. Dans le
contexte actuel, où il faut à tous les jours faire fi de la démagogie en
action, j'aimerais vous entendre sur la
tolérance et le respect qui sont des valeurs que vous enseignez et que voulez
voir enseignées, l'ouverture
d'esprit. Nous ne sommes pas tous pareils. Moi, mes filles, à l'école, elles
apprennent que personne n'est parfait. On
n'est pas tous pareils, il faut célébrer cette différence-là. Alors, j'aimerais
vous entendre là-dessus, sur l'importance de cet enseignement-là, et comment vous, vous le vivez à tous les jours, et
comment on le vivra, je crois, de plus en plus dans l'avenir également.
M. DePoe
(Lawrence) : Quand je donne
des cours au collège… le premier cours, au début, c'est en plein ça, on parle des systèmes de valeurs ici, au Québec, on
parle d'égalité hommes-femmes. On parle de toutes sortes de choses déjà dans nos cours. Et il faut qu'ils comprennent des
choses de base au début, et par la suite on en ajoute sur le développement
de l'enfant, tout, tout, tout, après. Mais ça commence avec un cours qui
introduit la société québécoise, déjà.
Donc, encore,
je n'ai jamais eu de problèmes avec ces étudiants-là qui viennent de partout,
qui portent toutes sortes de
symboles. Je n'ai jamais eu d'occasions où ils ont dit : Non, non, ça ne
se fait pas, ou : Non, non, non, ce n'est pas vrai ou… Non, pas du tout. Et
actuellement on a eu de très bonnes discussions, par la suite, au sujet de
qu'est-ce qui arrive au Québec,
pourquoi ils sont venus ici, pourquoi on a un projet d'enfance au Québec qui
n'existe pas ailleurs. On parle de toutes sortes de choses comme ça
ensemble, puis, par la suite, il n'y a jamais de problèmes. Donc, c'est pour ça
qu'encore, mon expérience personnelle, c'est : je n'ai jamais eu de
problèmes comme ça.
• (15 h 50) •
M.
Tanguay : Et, je veux laisser du temps, M. le Président, à mes
collègues qui auront sûrement quelques questions, j'aimerais vous poser
une dernière question. Lorsque je vous entends, vous me faites beaucoup penser,
entre autres, à Gérard Bouchard, qui a
coprésidé les travaux de la commission Bouchard-Taylor, qui a eu l'occasion de
se prononcer très clairement contre
cette interdiction mur à mur et qui avait écrit un texte extrêmement éloquent,
qui parlait beaucoup également, de démagogie.
J'aimerais
vous entendre parler quant à l'importance ou à l'impact, qui n'est pas anodin,
de faire une distinction et de
dire : Vous avez un signe, ce n'est pas correct, il faut l'enlever;
l'impact que ça a dans l'esprit d'élèves du primaire, secondaire… l'impact négatif de dire : Cette différence-là, non seulement on ne la célèbre pas, mais on la met au rancart, cachez ce que
je ne saurais voir, ce que je ne devrais pas voir. Alors, vous me faites penser
beaucoup aux propos de Gérard Bouchard. J'aimerais vous entendre sur non seulement
le fait de dire que l'on n'est pas en train de célébrer la diversité, mais on est en train de cibler ce qui
va contre, en 2014, les droits, la liberté de conscience et religion, de cibler
des signes comme étant : Ceux-là, il faut
les mettre au rancart, comme si ce n'était pas correct, c'est condamnable.
J'aimerais vous entendre là-dessus, quant au message qu'on envoie à nos
jeunes.
Mme Willis (Patricia) : Je voudrais d'abord revenir un peu à ce
que vous avez demandé tout à l'heure et continuer. On vit dans un monde qui est un grand univers diversifié. Donc,
présenter quelque chose entre 9 et 5 qui n'est pas la réalité,
c'est de l'hypocrisie. Qu'est-ce qu'on enseigne à nos enfants? Attention, mais cache-toi? Je vais vous dire,
moi, j'ai beaucoup pensé avant
de porter cette croix ce matin.
M. Tanguay :
...le reproche, peut-être?
Mme Willis (Patricia) : Non, mais, pour y penser deux fois, c'est grave.
C'est grave d'hésiter sur quelque
chose qui fait partie de mon
identité. Et, malgré mon identité, je suis les valeurs du Québec,
les valeurs du Canada. Immigrée il y a 25 ans, j'ai appris
à vivre avec et je suis venue en toute conscience.
Mais,
pour revenir à la deuxième question, c'est : Voilà qu'il y a le... je vais le dire en anglais… j'allais le dire, excusez-moi,
mais le Programme d'éthique et culture religieuse, on enseigne à nos enfants
d'accepter les cinq, six, sept religions ou
la diversité. Et puis on est tous uniques, malgré qu'on est pareils, peut-être.
Au fond, on est tous pareils, mais on
est un peu différents ici et là, comme pour les étudiants qui sont EHDAA, qui
sont tous uniques et pareils, qui ont droit
à être traités de la même façon, qu'ils aient un symbole, qu'ils aient une
difficulté d'apprentissage… Donc, qu'est-ce
qu'on est en train d'enseigner à nos enfants?
Le Président (M.
Ferland) : La députée de Notre-Dame-de-Grâce.
Mme
Weil : Oui. Je vous
remercie pour votre présentation. Évidemment, on est exactement sur la même page, votre message résonne beaucoup
avec moi.
Moi
aussi, j'ai grandi à Montréal, dans un milieu de diversité, et, très, très
jeune… mes parents... il y avait beaucoup
de liberté chez nous, sept enfants, un père
qui croyait beaucoup à la liberté, la liberté d'expression, les deux
parents, et liberté de religion, dans
le sens que père catholique, mère anglicane. Mon école était catholique, mais
on avait beaucoup de liberté de
croire ou de ne pas croire, dans ce milieu-là. Et mon père faisait en sorte de
nous amener à Montréal dans
des coins... Il est venu des États-Unis. Il était très attiré par Montréal et
sa diversité et la façon que les gens... le vivre-ensemble.
Il y a très longtemps de ça qu'il est venu, puis il trouvait qu'il y avait beaucoup de vivre-ensemble. Et on allait
dans des quartiers pour voir différentes cultures, etc. Et ça menait à des
discussions sur l'autre, sur la diversité, etc.
Alors,
je vous entends parler, puis peut-être... Je sais que vous l'avez peut-être
déjà exprimé, mais c'est important, parce
qu'on entend le ministre
souvent dire, et d'autres qui sont venus ici témoigner : Le
danger pour l'enfant, le danger pour
l'enfant. Moi, j'ai quatre enfants, quatre grands maintenant,
et je n'ai pas rencontré un jeune dans tout ce débat… j'ai
55 neveux et nièces, il n'y en a pas un qui est pour cette interdiction.
La moitié sont francophones; l'autre moitié, anglophones.
D'ailleurs, ça les répugne. Ça les répugne parce qu'ils n'ont pas grandi dans ce milieu de peur et d'intolérance. Ils
ne comprennent pas. Et je vous entends parler : Parce que c'est des
discussions avec des enfants, il ne faut pas les paterniser, il faut les traiter avec respect, il faut avoir des dialogues. Alors, j'aimerais
entendre votre réaction quand vous entendez ça, qu'il y a un risque, un
danger pour l'enfant de voir quelqu'un avec le voile ou un signe religieux, que
ça pourrait je ne sais pas quoi… je n'ose
pas dire le mot… Quand on parle de malaise par rapport à ça, les gens sont
absolument atterrés par ces expressions, par ces commentaires autant du
ministre que de ceux qui viennent appuyer ses propos.
M. DePoe (Lawrence) : …là, il ne faut pas sous-estimer l'intelligence des enfants, surtout.
Exemple, même à l'âge de
quatre, cinq ans, là, ils ont déjà cette expérience de voir beaucoup
d'autres personnes dans le monde, O.K.?
Notre société a énormément changé
depuis 50 ans, il faut le dire. Malheureusement, je dirais, personnellement, ma
mère a eu la maladie d'Alzheimer.
Donc, une fois, je suis allé la visiter, prendre une marche dans la rue, puis,
à un moment donné, elle a arrêté, elle
a dit : Où sommes nous? Elle n'a pas reconnu le fait qu'elle marche sur la
rue qui est tellement diverse maintenant et elle a évidemment pensé de sa jeunesse, elle a pensé qu'elle devait être dans une ville ailleurs dans le monde,
qu'ici, au Canada, par exemple. Quand vous parlez avec les enfants, ils
sont…
Le
Président (M. Ferland) : …le temps est écoulé. Je dois aller du
côté de la députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) :
Merci, M. le Président. Madame, monsieur, merci, merci pour votre mémoire.
J'aimerais vous
ramener au document que vous nous avez soumis d'entrée de jeu, qui faisait
partie de votre allocution d'introduction tout à l'heure. Vous dites : On a déployé… Vous faisiez une analogie avec Mick
Jagger, ce qui lui est arrivé. Mais vous dites : On a déployé des
efforts disproportionnés dans une situation donnée, qu'il ne faut pas légiférer en réaction à des cas marginaux. Et, tout de suite après, vous écrivez : «Nous estimons de même que le projet de loi n° 60
est une loi qui ne vise que 1,5 % de la population et qu'il constitue,
par conséquent, une mesure disproportionnée.» Alors, nous, nous aimerions beaucoup avoir eu, de la part du ministre, des chiffres, des données plus précises pour avoir le nombre de
personnes qui actuellement sont des gens qui portent des signes religieux
ostentatoires, visibles, et tout ça.
Alors,
moi, ce que j'aimerais savoir, c'est comment est-ce que vous en êtes
arrivés, vous, à cet estimé que ça ne vise que 1,5 % de la population
au Québec. Comment avez-vous fait pour arriver à ces chiffres?
M. DePoe (Lawrence) : En effet, le nombre de personnes d'origine musulmane, entre autres… et encore de ceux-là, les
hommes ne portent pas, exemple, des signes. C'est surtout des femmes. Donc,
c'est un peu la moitié de cette population
au Québec, ce qui est à peu près 3 %. Si on en
ajoute, d'autres personnes d'autres religions, exemple, des kippas, etc., c'est
quand même un nombre assez…
Une voix :
…
M. DePoe
(Lawrence) : Hein?
Une voix :
Non, non.
M. DePoe (Lawrence) : …assez bas. Donc, nous estimons environ à 1,5 %... ça peut être
2 % de la population.
L'idée, c'est que c'est une loi qu'on passe pour vraiment une petite proportion
de la population actuelle.
Mme Willis
(Patricia) : Visible.
M. DePoe
(Lawrence) : Visible. Exact.
Mme Roy
(Montarville) :
Ostentatoire, j'ajouterais.
M. DePoe
(Lawrence) : C'est ça.
Mme
Roy
(Montarville) : Si je vous ramène à votre
introduction du mémoire initial, j'aimerais que vous m'expliquiez davantage une de vos craintes. Vous
dites : «La Fédération québécoise des associations foyers-écoles [...] ne
peut être partie à la législation proposée,
laquelle, si elle est adoptée, ira à l'encontre de ce que nous enseignons à nos
enfants, car, en ce qui concerne la
tolérance, le respect des droits individuels [...] les libertés religieuses, le
projet de loi n° 60 compromet le
programme d'éducation morale et religieuse mis en oeuvre pour la première fois
par le [ministère] en 1997, puis modifié en 2008 pour devenir le
Programme d'éthique et [de] culture religieuse.»
Pourquoi dites-vous
que le projet de loi n° 60 va mettre en péril ce cours d'éthique et de culture
religieuse?
Mme Willis (Patricia) : Parce qu'en fait, quand vous lisez le préambule
dans ce qu'on vous a donné, ça dit ici : «La reconnaissance de l'autre et la poursuite du bien commun, le
dialogue.» C'est ça, ce que le Programme d'éthique et culture religieuse constitue, ainsi qu'une meilleure compréhension de notre société,
de son héritage culturel et religieux. Donc,
le projet de loi va à l'encontre de ça parce qu'on est en train de dire :
Cachez-vous, ne vous montrez pas, ne montrez pas ce que vous êtes
vraiment. Et puis, quand nous, on est en train d'apprendre à nos enfants à
vivre dans une société pluraliste et
démocratique, ça va à l'encontre aussi de ce que le préambule dit. Le préambule
vient du gouvernement, ce n'est pas
quelque chose que nous, on a écrit. C'est pour ça qu'on dit : Ça va à l'encontre de la loi… le projet de loi n° 60...
Une voix :
Enfin, l'esprit de la loi.
Mme Willis
(Patricia) : …l'esprit de la loi.
• (16 heures) •
Mme
Roy
(Montarville) : Parfait. Parce que le cours
actuellement n'est pas en péril. Il n'est pas question de le retirer du
programme, là.
Mme Willis (Patricia) : Non, non, mais ça contredit, en fait, ce qui est
enseigné dans les écoles, ce que
les écoles…
Le Président (M.
Ferland) : Malheureusement, le temps est écoulé pour la députée
de Montarville…
Mme Willis
(Patricia) : Excusez-moi. C'est à suivre.
Mme Roy
(Montarville) :
Vous allez poursuivre avec les collègues. Merci.
Le Président (M.
Ferland) : Je vais du côté du député de Blainville. M. le
député, quatre minutes.
M. Ratthé :
Merci, M. le Président. Madame, monsieur, à vous écouter puis à lire votre
mémoire, j'ai cru comprendre, là, que vous exprimiez beaucoup, je veux
dire, de réticences ou du moins… surtout vis-à-vis l'article 5, qui est le port de signes ostentatoire ou,
du moins, l'interdiction de port de signes ostentatoires. Même dans votre pourcentage
tantôt, vous faisiez encore allusion que c'est un faible pourcentage de la
population qui affiche des signes.
Vous avez fait référence à la kippa, au voile, etc. Et je crois vous avoir
entendus dire que vous étiez pour l'égalité hommes-femmes. Je pense que vous l'avez bien démontré tantôt. Je suis,
moi aussi, un petit peu étonné puis je voudrais peut-être juste comprendre de façon plus générale… Si en fait ce qui
fait problème à vos yeux, c'est l'interdiction du signe ostentatoire et que, tout le reste des principes,
vous êtes en accord, ce qui par ailleurs fait presque l'unanimité au sein de
tous les parlementaires, là… J'ai entendu maintes fois mes collègues libéraux
dire : Si on scindait le projet de loi, on serait d'accord avec tous les principes, avec tout le reste du projet de
loi, sauf l'article 5, là, qui est une interdiction, là. Et je
paraphrase, là, je ne veux pas qu'on dise que ce n'est pas exactement ce qu'ils
ont dit, mais je vous dirais que, je pense,
l'ensemble des parlementaires est d'accord avec les grands principes et je
m'explique mal pourquoi vous ne seriez pas prêts, et peut-être que
j'interprète mal…
Je vais la
poser autrement. Si l'article 5, qui interdit le port de signes ostentatoires,
si l'article 5 n'était pas dans le
projet de loi, est-ce que vous seriez en faveur ou pas? Parce que vous nous
dites : On le retire au complet, on n'en veut pas, et ça donne
l'impression que vous êtes contre ces grands principes qui sont quand même des
valeurs importantes au Québec.
M. DePoe
(Lawrence) : On a déjà un
peu répondu à ça. On a dit : Oui, on n'est évidemment pas contre l'idée
d'égalité hommes-femmes, nous sommes pour…
M. Ratthé :
Est-ce que vous seriez d'accord à ce que le projet de loi passe s'il n'y avait
pas les interdictions? C'est ça, ma question : S'il n'y avait pas
les interdictions des signes, est-ce que vous seriez en faveur du projet de
loi?
M. DePoe
(Lawrence) : Actuellement,
nous avons aussi parlé de mettre la primauté de langue française dans cette
loi aussi. Parce que ça existe déjà dans la
loi 101, donc, nous pensons que déjà le français est bien protégé au
Québec. Ça, c'est un autre exemple.
M. Ratthé :
Je vous suis. Ce que je comprends, puis c'est pour ça que je vous demande des
éclaircissements, c'est que, bon, l'interdiction
de signes, la primauté de la langue française ne vous semblent pas utiles dans
le projet de loi. C'est parce que je
me demande jusqu'à quel point vous êtes vraiment contre le projet dans sa
globalité ou si vous venez nous faire
un message en disant : Écoutez, il n'y a pas de problème avec les signes
ostentatoires. J'ai bien vu, là, qu'au niveau de la langue française vous dites : Bien, ce n'est peut-être pas
nécessaire parce que ça existe déjà dans une autre charte, qui est la Charte de la langue française. Je veux
être bien sûr, moi, qu'en quittant d'ici, là, puis je ne fais pas de
partisanerie, j'ai bien compris votre message.
Est-ce que je
dois comprendre que votre organisation est entièrement contre tout ce qu'il y a
dans le projet de loi? Ou, si certains éléments étaient modifiés, vous
pourriez être en faveur? C'est ça que je veux comprendre.
M. DePoe
(Lawrence) : En ce
moment-là, qu'est-ce qui arrive, c'est que nous nous rencontrons encore en
comité, nous examinons encore le
projet de loi revisé, exemple, puis nous décidons de voir, oui ou non, si on a
de l'appui pour cette loi-là. On ne
peut pas répondre comme ça aujourd'hui parce que ce n'est pas comme ça que
notre organisation fonctionne.
M. Ratthé : …vous avez
contacté plusieurs personnes ou vous avez eu le fruit d'une réflexion,
j'imagine.
M. DePoe (Lawrence) : …un comité.
M. Ratthé :
Avez-vous quelques données à nous transmettre? Lors d'une conférence générale,
lors d'une convention ou par sondage… Comment vous avez procédé?
M. DePoe
(Lawrence) : Bien, nous
avons justement un comité éducation et droits, là, puis eux autres, c'est un
comité qui… ils ont consulté largement le membership, puis par la suite nous
avons…
Le Président (M. Ferland) :
Le temps est, malheureusement, écoulé.
M. Ratthé : Merci.
Le
Président (M. Ferland) : Je dois aller du côté de la députée de
Gouin pour trois minutes. Mme la députée.
Mme David : Merci, M. le
Président. Pour juste continuer un petit bout ce que mon collègue a commencé. Autrement
dit, dans vos processus
de consultation, les parents que vous représentez ont été
consultés, O.K., et, moi, ce que je trouve intéressant, c'est
que vous avez des parents qui viennent de différents endroits au Québec, qui
parlent, j'imagine, anglais, ou français, ou
les deux. Et donc, si je comprends
bien, votre mémoire
reflète ce que les gens pensent dans votre association. C'est bien ça? O.K.
J'ai
une question assez large à vous poser. Je veux vous indiquer, en commençant,
que la formation que je représente est en
accord avec certains aspects de la charte telle que présentée par le gouvernement mais en désaccord avec le
fameux article 5 sur la question des signes religieux. Ce qui me frappe dans ce
que vous dites, c'est… je pense que vous êtes
très clairs, vous voulez la neutralité de l'État et de ses institutions publiques, vous ne voulez pas que l'État québécois soit
soumis à une religion ou à une autre. Il me semble que ça, c'est clair. Vous
semblez être d'accord aussi avec le principe de l'égalité entre les hommes et les femmes, mais
visiblement vous recevez le projet de charte comme un recul grave des droits et vous en parlez en rapport aussi avec la
loi adoptée en 1998, une politique signée par Mme
Marois, qui disait : Exclusion zéro dans les écoles. C'est un peu
comme si vous nous disiez…
Cette charte-là,
telle que présentée, vous la recevez, vous, en tout cas comme si elle avait une
sorte d'esprit menant à l'exclusion et vous
semblez trouver ça grave. Est-ce que je vous comprends bien? Et est-ce que
vous pouvez développer un peu?
Mme Willis
(Patricia) : En fait, une des choses dont on a beaucoup parlé dans le
comité, c'est qu'on a peur que ceci n'est
que le premier pas vers d'autres restrictions. On commence avec… Premièrement, on n'est pas d'accord qu'on
cible sur seulement les musulmans, parce qu'on est en train de cibler d'autres qu'on n'en parle… et on n'en
parle pas. Si on n'en parle pas maintenant, on va en parler plus tard,
ça va être un autre projet de loi. C'est le début d'un…
Une voix :
C'est possible.
Mme Willis (Patricia) : Écoutez, c'est le début de la xénophobie. On crée
de la xénophobie au sein d'un peuple québécois
qui est tolérant, qui a été toujours tolérant, parce que, s'il n'était pas
tolérant, il n'ouvrirait pas ses portes si grandes à tous ces immigrants qui viennent d'Afrique du Nord, l'Afrique,
l'Europe, l'Europe de l'Est et qui sont de toutes religions et de toutes
cultures.
M. DePoe (Lawrence) : Et, comme nous avons dit, quand ces personnes sont venues ici, ça a été
sur une certaine base de données.
Le Président (M.
Ferland) : Malheureusement, le temps étant écoulé pour la
période des échanges avec les parlementaires…
Je tiens à vous remercier pour la préparation de votre mémoire et de vous être
déplacés pour venir nous le présenter.
Et,
sur ce, je vais suspendre quelques instants afin de permettre aux représentants
de l'Association des garderies privées du Québec à prendre place. Alors,
on suspend.
(Suspension de la séance à
16 h 8)
(Reprise à 16 h 10)
Le Président (M.
Ferland) : Alors, la commission reprend ses travaux.
Nous
recevons maintenant les représentants de l'Association des garderies privées du Québec, en vous mentionnant que vous avez 10
minutes pour présenter votre mémoire, suivies d'une période d'échange, avec les
parlementaires, d'environ 50 minutes.
Alors, je vous
demanderais de vous présenter, et ainsi que les personnes qui vous
accompagnent.
Association des garderies privées
du Québec (AGPQ)
Mme
Borrega (Mona Lisa) : D'accord. Bonjour, je suis Mona Lisa
Farinacci-Borrega. Je suis propriétaire de garderie et sur le conseil d'administration de l'Association des
garderies privées du Québec. J'ai avec moi ici M. Samir Alahmad, qui est
le vice-président de l'association, et Mme Marie-Claude Plante, qui est la
coordonnatrice à l'AGPQ.
Le Président (M.
Ferland) : Alors, à vous la parole.
Mme
Borrega (Mona Lisa) : Merci. Alors, premièrement, bien je vous
remercie de nous avoir invités puis de nous avoir donné l'occasion de
présenter notre point de vue sur le projet de loi n° 60.
Alors,
l'Association des garderies privées du Québec tient à rappeler que, dès les
premières annonces qui ont été faites
du projet de loi en août dernier, nous nous étions prononcés à l'effet que nous
adhérons en principe avec le projet de loi
tel que cité aux premières pages du projet. Et on a toujours maintenu une
position voulant que les garderies privées subventionnées soient des entreprises privées et que la gestion de nos
ressources humaines, incluant le code vestimentaire de nos employés, n'appartenait qu'aux
propriétaires de garderies privées. Peu après l'annonce initiale du
gouvernement, l'AGPQ a tenu une
assemblée de mobilisation, invitant tous les propriétaires, gestionnaires de
garderies subventionnées du Québec à
venir se prononcer sur cinq résolutions, dont une portant sur le projet de loi
et son atteinte à leur autonomie de
gestion. Près de 450 garderies subventionnées ont participé à ces
délibérations, et, sur la question de la charte, 98 % des
répondants ont voté contre les restrictions relatives au port d'un signe
religieux par le personnel éducateur et ont mandaté l'Association des garderies
privées du Québec de défendre leurs intérêts dans ce dossier.
L'AGPQ
rappelle que tous les services de garde subventionnés du Québec sont tenus de
respecter une directive administrative
très claire, et je répète, très claire, relative aux activités ayant pour but
l'apprentissage d'une croyance, d'un dogme
ou de la pratique d'une religion spécifique. Et on doit aussi respecter
l'article 5 de la Loi sur les services de garde éducatifs à l'enfance. Au chapitre VII, les règles applicables dans le
domaine des services de garde éducatifs à l'enfance… l'AGPQ est en désaccord avec certains articles de
ce chapitre VII, principalement celui d'assujettir les garderies privées
subventionnées de la même manière qu'un
organisme public, en particulier au port des signes religieux par les
éducatrices. L'AGPQ a toujours prôné
le service à visage découvert. L'AGPQ a toujours prôné la neutralité de l'État
en matière de religion. L'AGPQ a
toujours prôné l'égalité entre les femmes et les hommes et l'AGPQ accepte que
le gouvernement balise les accommodements religieux, comme stipulé au
chapitre V.
De plus,
l'AGPQ a participé au comité d'experts pour encadrer la place de la religion
dans les services de garde et adhère
pleinement à la directive administrative qui a résulté de ces travaux. Cette
directive est basée sur l'expérience et
l'expertise des membres du comité et les obligations des services de garde en
vertu de l'article 5 de la Loi sur les services de garde éducatifs voulant que la vie en société implique le partage des
valeurs communes dans l'ouverture à la diversité. La directive vise donc
à favoriser l'intégration des enfants québécois dans un objectif d'ouverture à
la diversité par l'apprentissage du
vivre-ensemble. Dans cette perspective, le personnel des CPE et des garderies
subventionnées doit faire preuve d'ouverture à la diversité religieuse
présente dans la société québécoise.
L'AGPQ croit
que les enfants sont plus préoccupés par le jeu que par l'interprétation de la
tenue vestimentaire ou l'apparence de
leurs éducatrices, qu'elles soient chapeautées de casquettes ou de foulards,
qu'elles aient des perçages ou des tatouages,
ou encore par la couleur de leurs cheveux. L'AGPQ réitère qu'aucune étude scientifique, et je «stress», crédible n'a démontré que l'enfant est affecté de
quelque manière que ce soit par la tenue vestimentaire des éducatrices.
L'objection
de l'AGPQ à ce projet de loi a deux volets. Premièrement, les femmes qui
portent des signes religieux et qui travaillent dans les garderies font
le même travail que les autres éducatrices, et ce, avec le même dévouement et le même professionnalisme. Les enfants ne sont
pas affectés par leur présence ou leur apparence, et, je répète, il n'y a
aucune étude scientifique qui aurait démontré le contraire. Deuxièmement, l'AGPQ
est contre l'assujettissement des garderies privées subventionnées à cette
charte, principalement le chapitre VII, l'article 27, car les garderies privées
subventionnées ne sont pas des organismes
publics; leurs infrastructures et leurs équipements leur appartiennent à 100 %;
les garderies subventionnées sont à
100 % responsables des coûts et des frais reliés à leurs infrastructures
et leurs équipements; les subventions
reçues par les garderies privées subventionnées le sont en réalité uniquement
pour des services rendus, de la même
manière que les autres acteurs dans notre société qui transigent avec l'État,
exemple, les pharmaciens, les firmes informatiques et les sous-traitants
en travaux publics, et il y en a d'autres.
De plus,
l'AGPQ s'interroge, à savoir : Comment se fait-il que les écoles privées
subventionnées ne soient pas assujetties à cette charte? Pourtant, elles
oeuvrent auprès des enfants de la même manière que les garderies privées subventionnées. Est-ce que leur lobby est plus
fort? Est-ce dû au fait que le gouvernement reconnaît leur statut d'entreprise
privée? Quels sont les vrais motifs pour
traiter différemment les garderies privées subventionnées? L'objectif de l'AGPQ
n'est pas d'inclure les écoles privées
subventionnées dans l'application de la charte mais plutôt d'exiger l'exclusion
des garderies subventionnées à cause de leur statut d'entreprise privée.
L'AGPQ tient vigoureusement à préserver la
souveraineté de la gestion des garderies entre les mains de ses gestionnaires, et ce, à tous les niveaux.
Réglementer la tenue vestimentaire des employés d'une entreprise privée
n'appartient pas au gouvernement.
L'AGPQ est dégoûtée de constater que le Québec est la seule province ou le seul
État d'Amérique du Nord dans lequel des employés vont perdre leurs
emplois à cause d'une croix dans le cou ou un foulard sur la tête. L'AGPQ s'inquiète de la pénurie criante de
main-d'oeuvre qualifiée dans le réseau des services de garde du Québec. Plutôt
que de favoriser la création d'emplois, le
gouvernement va procéder au congédiement de femmes qualifiées qui travaillent
dans ce milieu et décourager des femmes inscrites dans ce domaine à compléter
leurs études.
Je fais une
parenthèse : en moins d'un an, on va avoir annoncé 28 000 places en
garderie. Si vous faites le compte, le
calcul très simple, ça équivaut à 4 500 éducatrices d'ici le 31 décembre
2016. Quand on parle de pénurie criante, ça dure depuis des années, il
est temps de porter une réflexion là-dessus.
En
conclusion, l'Association des garderies privées du Québec est favorable à
l'adoption de ce projet de loi si les conditions suivantes sont
respectées :
Que la
section II (5) «Restriction relative au port d'un signe religieux»du
chapitre II soit retirée du projet de loi;
Que, dans l'article 27 du chapitre VII : «Règles
applicables dans le domaine des services de garde éducatifs à l'enfance», les mots «ou d'une garderie subventionnée»soient retirés du
texte parce que les garderies privées subventionnées ne sont pas des organismes
publics; elles sont des entreprises privées; et pour protéger l'autonomie de
gestion des garderies subventionnées; et
Que toutes les recommandations et commentaires
émis dans ce mémoire soient entendus et respectés.
Sur ça, je vous remercie de votre écoute.
Le
Président (M. Ferland) : Alors, merci beaucoup pour votre
présentation. Nous allons maintenant à la période d'échange, et je cède
la parole à M. le ministre.
• (16 h 20) •
M. Drainville : Oui. Merci,
M. le Président. Merci pour votre mémoire et votre présentation.
Je veux
revenir sur votre déclaration à
l'effet que vous êtes «dégoûtés» — c'est un mot assez fort, ça — du fait que nous souhaitions interdire le port de signes religieux dans les
garderies privées subventionnées, hein, subventionnées.
D'abord, moi, encore une fois, je respecte le
point de vue que vous venez nous présenter, mais là nous avons quelques désaccords, disons. On peut dire ça.
D'abord, moi, je trouve que vous prenez pour acquis en fait… oui, je pense qu'on peut dire ça, vous
prenez pour acquis que toutes les personnes qui portent un signe religieux vont
refuser de le retirer si jamais la
loi est votée. Moi, je pense que c'est une présomption qui n'est pas encore
démontrée, et nous, nous sommes d'avis
que la vaste majorité des citoyens et des personnes concernées vont respecter
la loi lorsqu'elle sera votée, si jamais elle est votée.
Par ailleurs, je ne sais pas si vous avez des
cas comme ça, mais nous, on a quelques cas de documentés de femmes qui portent un signe religieux — dans la plupart des cas, c'est un
voile — qui le
retirent en présence des enfants. Est-ce
que vous avez des cas comme ça dans vos garderies, des éducatrices qui,
lorsqu'elles arrivent au travail, retirent leurs signes religieux?
Mme
Borrega (Mona Lisa) : À ma connaissance, je n'ai pas de
donnée là-dessus, pourquoi elles les enlèveraient ou elles ne les enlèveraient pas. Je vais vous
dire franchement, depuis le mois d'août, on a essayé d'obtenir de
l'information. Il y a beaucoup de
journalistes qui ont appelé, qui voulaient parler à des femmes voilées dans les
services de garde, et puis moi, je
dirais, ce qui sort de là, c'est que les gens sont très tranquilles, ne veulent
pas faire de bruit, ne veulent plus parler parce que beaucoup craignent justement de se faire harceler ou de se
faire injurier. Le fait qu'ils enlèvent… Moi, je vous dirais, au contraire, j'ai rencontré des parents
qui, après m'avoir vue parler de ça à la télévision, à la radio, m'ont
dit : Mais l'éducatrice de mon enfant est voilée, je ne vois
vraiment pas le problème, ma petite fille l'adore.
M.
Drainville : Bien
oui. Et je vous dirais que, de façon générale, les enfants adorent leurs
éducatrices. Et je ne crois pas
qu'elle va l'adorer moins si jamais elle ne porte pas de signe religieux, par
ailleurs. Je ne crois pas qu'elle va l'adorer moins.
Mme
Borrega (Mona Lisa) : Pourquoi on irait contraindre l'employée
à s'habiller d'une façon qui n'est pas… Elle n'est pas habillée de façon immorale, là. Pourquoi est-ce qu'on
l'obligerait de s'habiller d'une certaine façon, alors que ça a toujours été comme ça depuis le début des
temps, là, que… Vous savez, on parle d'un foulard, là, mais, quand on a commencé avec les services de garde au
Québec, là c'étaient des religieuses, puis eux autres, elles avaient la croix dans le cou. Aujourd'hui, on est encore
toutes là puis on n'est pas plus malmenées que ça, là. On n'a pas converti
plus de gens à la religion catholique parce
que les soeurs portaient des croix dans le cou ou les frères portaient des
croix dans le cou. Il y a eu des
problèmes avec la religion, qui n'est pas du tout le dossier qui nous occupe
aujourd'hui, là. Mais, nous, le
dossier qui nous occupe aujourd'hui, c'est qu'une éducatrice avec un foulard
n'est pas moins compétente qu'une autre, et gérer les situations dans
une garderie, ça appartient aux gestionnaires de la garderie.
M. Drainville : Oui. Mais
est-ce que vous admettez avec moi que l'apparence vestimentaire est importante?
Mme
Borrega (Mona Lisa) : Ça dépend. Pour moi, l'apparence
vestimentaire, c'est quelqu'un qui est propre de sa personne, en partant. Je n'aime pas que les
éducatrices arrivent au travail avec des décolletés jusque-là, mais qu'elles
aient un foulard sur la tête, là…
M. Drainville : Vous avez des
codes vestimentaires dans certaines de vos garderies?
Mme
Borrega (Mona Lisa) : Moi, je dis toujours aux
éducatrices : Habillez-vous de façon à bien représenter votre
professionnalisme, la personne que vous êtes et les valeurs de la garderie.
M.
Drainville : Mme
Borrega, ma question est très précise : Est-ce que vous avez des garderies
qui ont un code vestimentaire?
Mme Borrega (Mona Lisa) : Je
ne le sais pas. On en a-tu?
Une voix : …
M.
Drainville : Parce
que nous, on a des cas de garderies qui ont des codes vestimentaires. Et donc,
visiblement, dans certaines
garderies, l'apparence physique et l'apparence extérieure de… l'apparence
vestimentaire de l'éducatrice est assez importante pour que des
garderies se donnent des codes. Et elles se donnent des codes : ça prend
une tenue vestimentaire adaptée au contexte
du milieu de travail; en toutes circonstances, la tenue vestimentaire doit
éviter d'attirer manifestement l'attention sur les attributs physiques,
sexuels; pas de…
Des voix : …
M.
Drainville : Ils trouvent ça drôle, en face, M. le Président. C'est toujours comique de voir leur réaction. Alors, pas
de gilet bedaine; le pantalon taille basse n'est pas acceptable, la camisole à
bretelles spaghettis non plus, etc.
Dans une
autre garderie — alors,
je cite le code vestimentaire : «Avec le temps, les moeurs changent, et,
avec elles, la mode également.
En fait, nous nous trouvons aujourd'hui dans un monde où le plus court des gilets et le
plus bas des pantalons sont chose courante. Résultat : plus souvent
qu'autrement, il n'y a pas seulement le nombril qui se retrouve au grand air, mais des coins de l'anatomie que
plusieurs préféreraient ne jamais voir.» Citation de la directrice : «Il y a quelques années, nous ne posions pas
la question, mais maintenant les choses ont changé. Il y a quatre ans, une remplaçante s'est
présentée en bikini pour une sortie familiale à la pataugeuse. Ce n'est vraiment
pas l'image que nous voulons donner
aux familles. C'est pourquoi la garderie travaille aujourd'hui à mettre sur pied un code vestimentaire.»
«Selon
la directrice, il est important d'établir certaines règles pour les éducatrices
qui représentent souvent un modèle
pour les tout-petits qui fréquentent le CPE. "Nous sommes là à aider les
enfants à construire leur image. Nous sommes
un milieu d'éducation, tout comme l'école. Nous ne pouvons pas accepter
n'importe quel comportement, ça doit respecter
les valeurs que nous désirons transmettre aux enfants" — etc.»
Un autre cas : code vestimentaire pour les éducatrices. Alors, «durant les chauds mois d'été, il est particulièrement important de se rappeler ce principe lorsqu'on s'habille en tenue plus légère : en juillet
et en août, on peut porter des shorts. Dans le milieu de travail, il ne
convient pas de porter des bustiers,
des corsages bain de soleil. Il n'est pas recommandé de porter de longues
boucles d'oreilles, des souliers à talons hauts», etc.
Ce
que je veux vous dire, dans le fond, c'est que visiblement, pour certains milieux de
garde, le code vestimentaire doit
être régi par des règles claires. Et, dans
le fond, j'ai le goût de vous
dire : Si certains vêtements ne sont pas souhaitables dans un milieu de… dans un service de garde, qu'il
soit privé ou de type CPE, ou même dans un milieu de garde familial, pourquoi est-ce que ce serait acceptable de
permettre le port de signes religieux dans un service de garde, dans une
garderie? Pourquoi c'est…
Une voix :
…ce que vous venez…
M. Drainville :
…quand ça a une connotation, disons… quand ça a une connotation…
Mme Borrega
(Mona Lisa) : …vestimentaire de leurs employés. Vous venez de le
démontrer.
Moi, j'ai entendu que
c'est un problème, comme j'ai dit tantôt, les gros décolletés. On parle des
tailles trop hautes, des tailles trop
basses. Où est-ce qu'on parle des croix? Où est-ce qu'on parle des foulards? Je
n'ai rien entendu de ce que vous
avez… Dire : Ça change selon les saisons, ça change selon la mode. Mais on
parle de mode, on parle de «fashion». Ce
qu'on parle ici, ce n'est pas ça, c'est le droit fondamental d'une personne
d'adhérer à une religion, et puis là, pour avoir un emploi, il va
falloir que cette personne-là change qui elle est.
Vous parlez
d'apparence physique. Moi, je vais vous dire une chose, d'origine, je suis
Italienne. Moi, je me rappelle, il y a
30 ans, tout le monde, on avait des mariages où, quoi, tu avais toutes
les mamans italiennes qui étaient veuves, elles étaient tout habillées
en noir, il y avait les foulards, bon. On arrive maintenant 30 ans, 40 ans plus
tard; ils sont très rares, on n'en voit
plus. Pourquoi? Les gens ont embrassé la société, ont changé. Ils n'ont
pas besoin de mettre une loi pour les
immigrants, dans le temps, d'embrasser la culture québécoise.
Je pense que la culture québécoise, premièrement, c'est
une culture qui est très diversifiée. Il faut embrasser cette diversité-là et
vivre ensemble, et c'est en se respectant. Puis ce qui rend les gens intéressants, M. Drainville, c'est la
diversité. Puis moi, j'aime être avec des gens qui ne sont pas comme moi, parce que, si j'étais avec des
gens comme moi, mon Dieu que mon monde serait plate. Ce que j'aime, c'est être capable d'argumenter, discuter puis apprendre
de l'autre personne. Et je vous dis et je vous répète : Ça fait 12 ans que
je suis dans mon service de garde à
tous les jours, j'ai de l'expérience terrain et je vous dis que cette problématique-là, elle n'existe pas. Et, si
elle existe, ce sont des cas très particuliers, des cas où peut-être
que, pour des raisons particulières… les gens ne l'ont pas adressé, mais que,
dans l'ensemble du réseau, on n'a jamais eu de plaintes parce que
quelqu'un avait un foulard sur la tête.
On
n'a jamais eu de plaintes parce que quelqu'un avait une croix dans le cou. Puis il ne
faut pas aller mettre des bobos où il
n'y en a pas. Puis le problème dans les services de garde en ce moment :
il n'y a pas assez de places. Puis, si on ne fait pas attention, au 31
décembre 2016, on n'aura pas assez d'éducatrices pour remplir ces places-là.
• (16 h 30) •
M. Drainville : Donc, selon vous, vous n'avez pas de problème
avec l'idée que la… Selon vous, la garderie est l'endroit pour
transmettre un message religieux. Vous n'avez pas de problème avec ça, vous?
Mme
Borrega (Mona Lisa) :
La garderie est un endroit pour transmettre la diversité des citoyens
du Québec. C'est dans
la loi. On doit les intégrer à la société, à une société diversifiée qui
respecte les différences religieuses. C'est dans la loi. Je l'ai citée
tantôt. Je peux vous ressortir le paragraphe, je l'ai ici.
Une voix :
Non seulement c'est dans la loi, mais c'est dans la…
Mme
Borrega (Mona Lisa) : C'est dans la directive. Puis, cette
directive-là, là, ce n'est pas un petit comité qui a fait ça, c'est les représentants des garderies
privées, les représentants du ministère de la Famille, les représentants des
CPE… Marie Claude était là.
Mme Plante
(Marie-Claude) : …qui était présent. Il y avait divers groupes religieux.
Il y avait des gens de l'Église copte. Il y
avait des gens issus… des Juifs… de toutes sortes de religions qui étaient
inclus puis qui ont été invités à discuter justement de façon à empêcher
l'apprentissage religieux dans les services de garde subventionnés au Québec.
Cette directive-là, elle est très claire. Je présume que nous l'avons tous lue.
M. Drainville :
On l'a même mis dans la loi.
Mme Plante
(Marie-Claude) : Effectivement.
Puis elle encadre, je pense, à mon sens, parfaitement… pas l'apprentissage,
mais le fait religieux en service de garde. En fait, elle l'exclut. Ce qu'elle
dit aussi, c'est qu'un signe religieux ne traduit pas nécessairement la volonté
d'imposer ou d'intégrer un apprentissage religieux à un enfant.
M.
Drainville : …comment c'est perçu par le parent, ça, ou par
l'enfant?
Mme Plante
(Marie-Claude) : C'est au parent de faire son travail.
M. Drainville :
C'est que vous vous placez toujours… Dans votre argumentaire, vous êtes
toujours dans la tête de l'éducatrice
ou de la personne qui travaille dans votre garderie. Vous ne vous placez jamais
dans la tête de l'enfant ou du
parent. Et nous, on a plusieurs cas de parents qui nous ont dit : Moi, je
suis mal à l'aise avec le fait que l'éducatrice de mon enfant ou que des éducatrices à la garderie où je dépose mon
enfant portent des signes religieux. Elles ne se sont pas nécessairement
plaintes, parce que, comme vous venez de le dire, c'est assez difficile de se
trouver une place en garderie; une fois
qu'on en a une, en général on n'ira pas se plaindre du fait qu'une éducatrice,
celle de notre enfant, ou que des
éducatrices au sein de la garderie affichent ouvertement leurs convictions
religieuses. Mais ça n'enlève rien au fait qu'il y a beaucoup de parents
qui sont mal à l'aise avec ça. Et on peut facilement le comprendre.
Vous
faites l'équation entre le port de signes religieux et le respect de la
diversité. D'abord, moi, je pense que c'est
un raccourci. Moi, je pense qu'on peut très bien assurer une diversité dans une
société sans que des personnes qui travaillent
pour l'État affichent ouvertement leurs convictions religieuses. La diversité
des opinions politiques n'est pas moindre
actuellement au Québec parce qu'on empêche les fonctionnaires d'afficher leurs
convictions politiques au nom de la neutralité
politique. Je ne pense pas que la démocratie québécoise souffre du fait que les
fonctionnaires soient tenus à la neutralité
politique. Je ne crois pas que la diversité souffrira du fait que des personnes
qui travaillent avec nos enfants et qui
sont payées par des fonds publics pour le faire gardent pour elles leurs
convictions religieuses pendant les heures de travail.
Par
ailleurs, vous me parlez de diversité. Bien, la diversité des personnes qui
travaillent dans les services de garde est
importante, mais la diversité, également, d'opinions, de croyances et de
non-croyances des parents et des enfants ne l'est pas moins. Moi, je
pense que les enfants, ils ont des droits également.
Mme
Borrega (Mona Lisa) : …on a beaucoup de parents. Je ne sais pas
c'est quoi, «on a beaucoup», mais moi, je vous dis une affaire, j'ai déjà géré une grosse entreprise, et on
m'avait dit : Il y a beaucoup de clients qui se plaignent de. Moi, ma réponse à ça, c'est : Donne-moi le
nom des clients qui se plaignent, je vais les rappeler personnellement.
Souvent, c'est une personne. Quand on
dit «on», on ne dit pas exactement le chiffre. Moi, je peux vous dire que nous,
notre association, on représente des
milliers de parents. Et on n'a pas reçu une seule plainte à ce sujet. Et je
vous parle de… Vous pouvez vérifier
les chiffres. Vous savez combien est-ce qu'il y a de parents qui sont dans les
garderies privées subventionnées. On
n'a pas eu de plainte. Puis je vous mets au défi d'en trouver au ministère de
la Famille avant le mois d'août. Peut-être qu'il y en a, là, parce que vous pouvez avoir des chiffres, là, mais on
n'a jamais vu ce problème-là. Et la directive dont parle Mme Plante, ce
n'est pas quelque chose qui date de 15 ans, là, ça, ça a été développé il y a à
peine deux ans.
Une voix :
Juin 2011.
M. Drainville :
O.K. Mais il y a eu plusieurs témoignages, là. Par exemple…
Une voix :
…
M. Drainville :
…bien, Jocelyne Robert, qui travaille avec les enfants, notamment, alors je
vais la citer : «Il faut aussi se demander ce que les enfants, eux,
perçoivent, par exemple, du voile. Comment le traduisent-ils? Comment celui-ci façonne-t-il leur perception de la
féminité et de la masculinité? Il est indéniable que le fait de côtoyer quotidiennement, par exemple, des femmes voilées a
une incidence sur la représentation, que se fait l'enfant, de l'être féminin et du corps féminin — surtout s'il voit que c'est seulement les
femmes qui portent un voile plutôt… et que les hommes n'ont pas besoin de porter
de signes religieux. Que répond l'éducatrice au bambin qui lui demande pourquoi
elle porte le voile, et pas son mari? Que dit-elle à la gamine qui veut
savoir pourquoi elle ne sert pas la main de son papa? Comment elle répond aux questions
sur la sexualité?»
Un
autre cas : le cas d'un enfant qui ne voulait plus que sa mère vienne le
chercher à la garderie parce qu'il ne voulait pas que les éducatrices voient
que sa mère ne portait pas le voile. Un autre cas qui nous a été rapporté par
une personnalité médiatique bien connue, qui
l'a dit sur les ondes, d'ailleurs : elle n'était pas favorable à l'interdiction de
porter des signes religieux jusqu'au
moment où sa fille est revenue à la maison et lui a dit : Maman, pourquoi
toi, tu n'en portes pas, de voile? Vous ne pensez...
Mme Borrega
(Mona Lisa) : …qu'un enfant peut poser.
M. Drainville :
Bien, oui, mais je vous dirais que c'est…
Mme
Borrega (Mona Lisa) : Justement,
le parent continue, à la maison, ce qu'il apprend. Parce que
c'est une religion différente, le père puis la mère l'expliquent. Il n'y a rien de pas correct là-dedans.
Un enfant pose des questions, M.
Drainville. Vous savez, un parent, là, c'est toujours très difficile quand il y a
un mot que l'enfant apprend, puis c'est «pourquoi», parce que, là, il va dire : Pourquoi? Pourquoi? Puis
l'enfant veut toujours dialoguer avec son parent. Puis là, bien,
même si le parent n'a plus le goût de dialoguer, l'enfant va toujours
dire : Pourquoi? Pourquoi? Pourquoi? Les gens qui ont des enfants ici
peuvent tous m'appuyer là-dessus. Alors, c'est sûr, c'est très normal.
M.
Drainville : Vous présumez que l'enfant va la poser, la question.
Or, il ne la posera pas nécessairement. Il pourrait…
Mme
Borrega (Mona Lisa) : …c'est parce que ça…
M. Drainville :
Ah, bien, c'est ça, s'il n'en pose pas, c'est son problème.
Mme Borrega
(Mona Lisa) : Écoutez, nous, on enseigne aux enfants les
concepts…
M. Drainville :
Méchante logique. Excusez-moi, là.
Le
Président (M. Ferland) : Excusez, M. le ministre, deux secondes, s'il vous plaît. Juste vous
rappeler d'essayer de ne pas vous entrecouper lorsque les gens parlent.
Une voix :
…
Le Président (M.
Ferland) : Oui. Mais là on s'éloigne un peu. En tout cas, juste
un rappel.
M. Drainville :
…poseront leurs questions.
Le
Président (M. Ferland) : Non, mais, écoutez… Mais là je m'adresse au ministre
et je m'adresse aux personnes d'en face, O.K.? Je vous demande juste de
respecter… quand quelqu'un a la parole, de lui permettre de terminer son
intervention et ensuite de reprendre la parole. Allez-y.
M. Drainville : Bien
sûr. Alors, on a un dialogue, là.
Bon. Ce que je vous dis, c'est que peut-être que vous n'avez pas eu de plaintes, j'admets ça. Vous ne voyez pas de problème avec les
signes religieux. C'est correct, c'est une position légitime.
Moi,
je vous soumets des cas très concrets et des questions très, très
concrètes. Et, si vous pensez que l'apparence vestimentaire d'une éducatrice peut avoir un impact sur l'enfant, je ne
vois pas comment vous pouvez dire : Ah, l'apparence vestimentaire peut avoir un impact sur l'enfant,
mais l'apparence religieuse, elle, ah non, ça, elle ne peut pas avoir d'impact
sur l'enfant. Ce que je vous dis, c'est que
vous ne pouvez pas, à un moment donné, dire : La façon dont est vêtue
l'éducatrice, le message qu'envoie sa
tenue vestimentaire peut avoir une influence sur la perception que l'enfant a
de cette personne-là, qui est un rôle
de modèle, qui a une grande autorité, qui a une grande influence sur l'enfant,
mais cette logique-là, elle s'arrête
à l'apparence religieuse. Alors, rendus à l'apparence religieuse, ça n'a plus
d'impact, on ne s'en occupe pas au nom de la diversité.
Moi,
ce que je vous dis, c'est que, la diversité, j'y crois, mais je pense
que la meilleure façon d'assurer la diversité, c'est de respecter toutes les croyances et toutes les non-croyances, y
compris celles des enfants et des parents qui font affaire avec vous et
qui obtiennent un service subventionné par les fonds publics.
Mme
Borrega (Mona Lisa) :
…de ne pas vous couper, vous parlez longtemps. Ce que vous venez de me dire puis ce que vous m'avez dit tantôt,
là, c'est qu'il y a un problème. Il y a un problème, dans les services de garde, sur les tenues
vestimentaires, puis les gestionnaires le règlent. C'est facile, oui, et ce
n'est pas… Le problème, il est simple. C'est que moi, j'opère une garderie, je n'opère pas un bar de danseuses, alors
mes éducatrices doivent être vêtues en conséquence, et c'est tout. Elles doivent être habillées d'une
façon qui représente leur professionnalisme et qui elles sont, et c'est tout.
M. Drainville : Mais vous n'opérez pas non plus un service public qui doit afficher quelque conviction religieuse que ce soit. Moi, je
pense que vous opérez un service public financé par les fonds publics qui doit
être neutre. Moi, je n'accepterais pas que
l'éducatrice de mon enfant affiche ouvertement ses convictions politiques.
Moi, je vous le dis, puis il n'y a rien qui l'interdit dans la loi, mais
je peux vous dire que je ne serais pas du tout content. Puis j'ai fait affaire
avec les services de garde, là. Mais moi, de voir une éducatrice qui, peu
importe le parti, d'ailleurs, même le mien… Parce
que je me mettrais à la place des parents qui n'ont pas nécessairement la même
opinion politique puis je dirais : Mademoiselle, ou madame, ou monsieur,
je m'excuse, mais ce n'est pas l'endroit, là, pendant la journée, pour
afficher votre macaron du PQ ou du PLQ ou votre casquette de la CAQ. Ce n'est
pas l'endroit.
Et
c'est bien de valeur, mais je pense que ce qui est vrai pour la liberté d'expression politique
s'applique également aux
convictions religieuses.
• (16 h 40) •
Le Président (M.
Ferland) : …malheureusement, le temps est écoulé. Je vais
aller…
M. Drainville :
C'est mon sentiment.
Le
Président (M. Ferland) : Merci, M. le ministre. Je vais aller du côté du parti de l'opposition officielle en cédant la parole au député de LaFontaine,
je crois…
M. Tanguay :
Oui.
Le Président (M.
Ferland) : …en vous disant que vous avez un temps de 14 minutes
pour les échanges.
M.
Tanguay : 14 minutes.
Merci beaucoup, M. le
Président. On vient d'entendre le
ministre. Visiblement, vous ne
partagez pas son opinion. On vient d'entendre le ton des échanges. On a toujours
dit que le ton est aussi important que le fond,
alors on laissera les gens en juger. J'aimerais vous entendre… et le ministre
a cité et a voulu comparer… et j'aimerais vous entendre là-dessus, comment vous, vous recevez cette logique qui
vous a été présentée en disant : Bien, vous interdisez déjà les
bikinis, vous interdisez les bustiers, les corsages et pourquoi vous n'allez
pas maintenant interdire pour un homme la kippa; pour une
personne, la croix; pour une femme, le voile? Pourquoi ne pas aussi facilement…
n'allez-vous pas interdire cela? Puis je
remets encore une fois cet exemple-là, qui ne tient pas la route, du
macaron du PQ. La kippa juive n'est pas comparable au macaron du PQ.
J'aimerais
vous entendre là-dessus, sur la façon extrêmement débonnaire avec
laquelle on compare ces signes qui, selon nous, depuis le début du
débat, ne sont pas des signes qui se comparent. J'aimerais vous entendre dans
un contexte où on prône la diversité, de un, mais, de deux, où on veut évidemment
la neutraliser.
Mme
Borrega (Mona Lisa) : On a aussi, dans cette charte-là, l'égalité
hommes-femmes, alors je vais laisser la chance à mon collègue de parler
parce qu'à date ce ne sont que les femmes qui ont parlé.
La Présidente (Mme Champagne) :
M. Alahmad.
M. Alahmad
(Samir): Bonjour. Moi, je
veux retourner un petit peu… ouvrir une petite parenthèse. Je pense, M.
le ministre, il a dit qu'il n'y a aucune statistique qui nous démontre que ces
femmes-là qui portent un signe religieux, voile ou autre chose, elles ne
vont pas l'enlever. Puis c'est là où je veux élaborer un peu.
On a annoncé
un projet de loi sans faire des études préalables. On ne sait pas si elles vont
l'enlever ou non, mais on va les
interdire. Nous, on aurait aimé qu'il y ait des études avant qu'on se lance
dans un projet de loi de cette nature-là, qu'on a des statistiques ou
des données réelles avant qu'on se lance. Est-ce qu'il y a des femmes qui vont
l'enlever? Est-ce qu'il y a des femmes qui
risquent d'être congédiées? M. le ministre, il a dit qu'on n'a pas des études,
mais quand même on a fait le projet
de loi. Aujourd'hui, dans La Presse — je
ne sais si vous avez lu La Presse aujourd'hui — il y a un article déjà très concerné. Je ne sais pas si le ministre
a eu le temps de lire La Presse aujourd'hui. C'est qu'il
y a 2 % des femmes peut-être qui vont l'enlever, et ça concorde
avec tout ce que nous, on a trouvé sur le terrain.
Troisièmement,
sur l'aspect que l'enfant va être affecté par ceci ou non, encore là, tout ce
qu'on entend parler… oui, on a des
cas. Ce n'est pas des plaintes parce qu'il n'y a personne qui va faire des
plaintes. Pourtant, les plaintes sont toutes anonymes au ministère, tu
n'as pas besoin de donner ton nom pour faire des plaintes. Tout le monde font
des plaintes à la journée longue. On n'a pas des études crédibles,
scientifiques, pas d'un cas à droite, d'un cas à gauche. Montrez-nous… puis nous autres, on lance ça
aujourd'hui, montrez-nous que c'est dommageable pour l'enfant, montrez-nous que ce n'est pas bon pour le
développement de l'enfant, être en présence des gens qui portent ce genre de
signes. On n'a pas des études ni de… et,
malgré tout, on lance un projet de loi puis on ne sait pas jusqu'où on s'en va.
Une petite
parenthèse. Puis à la fin on dit : Mais les gens qui portent un signe, ils
transmettent nécessairement leur religion. Tu n'as pas besoin d'avoir un
signe religieux pour transmettre ta façon de voir les choses, que ce soit politique, que ce soit religieux, que ce soient
toutes sortes de choses de la vie… besoin d'avoir un signe. Si une éducatrice
est toute seule avec l'enfant du matin
jusqu'au soir dans son petit local, si elle n'est pas bien encadrée par la
direction, par des choses claires,
cette éducatrice, elle va enseigner qu'est-ce qu'elle veut enseigner, qu'elle
porte ou qu'elle ne porte pas un signe religieux.
M. Tanguay :
On a entendu le ministre supposer que, les parents, vous ne les entendrez pas
se plaindre sur les signes religieux
parce qu'ils ont reçu une place, ils ont une place, ils ne veulent pas perdre
la place, puis ils ne veulent pas,
autrement dit, déplaire au service de garde. Je suis désolé, moi, j'ai eu deux
filles dans des services de garde, et, quand il y avait l'occasion de questionner certains éléments quant à la
nourriture, quoi que ce soit, quoi que ce soit, vous pouvez être sûrs que moi, comme parent, je posais la
question. Puis jamais je ne me serais tu, parce que je pense que je n'aurais
pas été un bon parent.
Je pense que
c'est présumer que les gens ne sont pas des bons parents. Ils vont dire :
Bien, il y a quelque chose qui affecterait mon enfant, mais je ne veux
pas perdre ma place dans le service de garde, alors je n'en parlerai pas, d'où — explication
supposée par le ministre — le
fait pour quoi vous n'avez pas eu de plaintes.
Dites-moi
donc, les parents, là quand ils ont quelque chose à vous demander, est-ce
qu'ils se privent de vous passer un
commentaire? Parce que, leurs enfants, il n'y a rien de plus précieux… on le
sait tous, quand on est parents, à leurs yeux… que le bien-être de leurs
enfants, place, pas place.
M. Alahmad
(Samir) : Et la majorité des
plaintes… maintenant, on peut adresser au ministère de la Famille la
majorité des... Toutes les plaintes sont anonymes, tu n'as même pas besoin de
te nommer.
Puis en
général les parents sont assez à l'aise, avec un service de garde, de parler.
Des fois, on reçoit des plaintes pour
une serviette humide. Imaginez-vous, dans quelque chose de fondamental, ils ne
portent pas de plainte parce que… par
risque de ne pas perdre leur place. Et, encore là, c'est tout le débat, on n'a
pas fait des études crédibles. Regardez, il y a quelques années, on a introduit les antécédents judiciaires, que
tous ceux qui ont des antécédents judiciaires ne peuvent pas travailler dans les garderies. On ne s'est pas
objectés là-dessus, nous autres, on n'a pas invoqué notre autonomie de gestion ou : Nous sommes des garderies
privées, on ne veut pas des entreprises privées, parce qu'il y avait une
logique là-dedans. C'est la logique
qui était claire. Montrez-nous que l'enfant, vraiment, avec une étude très
scientifique, que ça soit le
ministère de la Famille ou n'importe qui d'autre, que l'enfant est affecté; pas
d'un cas isolé, puis des parents qui parlent, puis un autre qui parle à droite, puis
l'autre qui parle à gauche. Montrez-nous une étude crédible, et nous, on va la
suivre, cette étude, puis on va encaisser
là-dessus. On n'est pas contre le développement, le bien-être de l'enfant, on
est pour le bien-être de l'enfant. Mais, jusqu'à maintenant, il n'y a
aucun, aucun, aucun indice qui nous montre que c'est dommageable de quelque
manière que ce soit.
Puis, une
autre chose aussi, c'est intéressant aussi dans notre société que l'enfant
voie… Savez-vous, le Québec, ce n'est
plus une société homogène. Ça fait très longtemps. Ce genre de signes, ça fait
partie de notre réalité. L'enfant sort
de la garderie, il va aller dans l'aréna, il va aller dans un centre d'achats,
il va aller n'importe où, il va faire face à des gens qui sont habillés comme ça. Que tu veux, que tu ne veux pas, c'est
notre société. Ça fait que ce n'est pas vraiment mettre l'enfant dans un bocal de verre, puis après ça on dit : Tu
sors de la garderie, mais là, là, c'est une autre réalité, mon chum.
Nous, c'est... au contraire, c'est bon dès le bas âge de montrer à l'enfant que
notre société est diversifiée puis expliquer
à l'enfant logiquement pourquoi ces gens-là... qu'est-ce qu'en arrière...
qu'est-ce qu'eux… qu'est-ce que ces femmes
qui portent... et pourquoi elles le portent. Parce que nous, si jamais on veut
aller plus loin... Puis, comme dans notre
mémoire on a dit, l'enfant est pas mal préoccupé… surtout l'enfant… par le jeu
que par juger les éducatrices par leurs signes.
M. Tanguay : Ça va être ma dernière question, Mme la Présidente. Je veux laisser à mes collègues le temps. On a seulement
14 minutes. Vous, vous représentez... Donc, vous êtes l'Association des garderies privées du Québec. Vous avez
fait un sondage. Près de 450 garderies subventionnées ont participé aux
délibérations. Et, sur la question concernant les restrictions relatives
au port de signes religieux, 98 % de vos 450 garderies subventionnées ont
voté contre cette restriction-là. Et, pour
justifier cette restriction-là... 98 % des garderies, des 450… ont dit
qu'ils sont contre… mais, pour la
justifier, un autre argument qui vous a été soulevé — puis j'aimerais vous entendre
là-dessus : pour éviter qu'un enfant qui retourne à la maison ne
demande : Pourquoi, papa? Pourquoi, maman? Pourquoi tel signe religieux
porté par telle personne? Le ministre, lui, il veut annihiler ça, cette
demande-là.
Alors, moi,
j'aimerais vous entendre là-dessus, sur justement le fait qu'au Québec, en
2014... Et c'est une richesse, il faut
le dire, parce que ce n'est pas compris par tout le monde, c'est une richesse
que la diversité et l'ouverture d'esprit de pouvoir l'expliquer aux enfants. J'aimerais vous entendre là-dessus,
sur l'importance justement de le favoriser aussi, cet apprentissage-là,
à l'école, dans les services de garderie, à la maison, partout.
Mme Plante
(Marie-Claude) : Ce qu'on veut en
fait pour nos enfants, c'est qu'ils connaissent la société dans laquelle ils évoluent. Donc, de cacher ou de
mettre un voile… si vous me permettez l'expression, mettre un voile sur une
réalité qui est commune, qui fait partie de
la diversité québécoise, je pense que ce n'est pas de leur rendre service. Bien
sûr, ils vont nous poser des questions.
J'espère que nos enfants vont nous poser des questions sur les
différences : Pourquoi porte-t-elle
un voile? Pourquoi cette dame-là est Noire? Peu importe de l'origine, de la
religion, de la diversité, le Québec est une société très diversifiée.
Puis je veux dire aussi qu'être sans religion ne veut pas dire être
antireligion. Il y a vraiment une nuance à faire là-dedans. Et de porter un
signe religieux ostentatoire ne veut pas dire nécessairement que cette
personne-là va faire la promotion de la religion à laquelle elle adhère.
• (16 h 50) •
M. Alahmad
(Samir) : Excusez, je voudrais
ajouter une chose. C'est très important. C'est que, dans une garderie surtout de la grande région métropolitaine, à Montréal,
là, il va toujours y avoir des parents qui vont avoir des signes sur
eux autres, il va toujours
y avoir des mamans qui rentrent dans un service de garde et vont participer à des activités dans les garderies, des journées papas, des journées
mamans, des journées… Ces parents, ils vont avoir des signes. L'enfant va poser la question pareil. On ne peut pas dire
aux femmes : Là, regarde, là, on va-tu… Je ne sais pas ce que… La
prochaine étape, on va empêcher ces
femmes-là d'entrer dans les garderies ou d'enlever leur voile avant d'entrer?
Les enfants vont faire face à cette
musique tôt ou tard, d'une manière ou d'une autre, que ça soit avec une
éducatrice, que ça soit avec un parent, n'importe qui qui rentre dans ce
service de garde. Ça fait partie des réalités.
Je pense que,
l'important, il faut donner… peu importe qui est avec l'enfant, de ne pas
enseigner, que ça soit religion ou
que ça soit sa façon de voir les choses, que ça soit la politique… C'est ça,
l'importance. Ce n'est pas important. Parce que l'enfant va faire face à
des gens qui sont habillés de telle nature.
M. Tanguay :
…M. le Président, pardon, juste avant de céder la parole à ma collègue de
Bourassa-Sauvé, il est important, avant qu'une personne démagogue ne
prenne cet argument-là… Vous précisez bien, l'AGPQ…
Une voix : …
Le Président (M. Ferland) :
Oui, oui. Une question de règlement? Allez-y, oui.
M. Drainville : C'est parce
que, là…
M. Tanguay : On arrête le
temps, M. le Président? On arrête notre temps?
Le Président (M. Ferland) :
Toujours, le temps est arrêté.
M.
Drainville : …le mot
«démagogue» et, «démagogie», il l'utilise pratiquement dans toutes ses
questions. Je le laisse aller parce
que je trouve ça un peu insignifiant, finalement. Mais là c'est parce que c'est
proscrit par le règlement. Ça fait que, là, à un moment donné, tu sais, tu veux être conciliant.
Mais regardez le ton qu'il a puis les mots qu'il utilise. Moi, je pense qu'il serait temps de dire :
Utilisez des mots qui sont permis par le règlement, là. Il doit avoir assez de
mots dans son vocabulaire, là.
Le
Président (M. Ferland) : Alors, merci, M. le ministre, pour la
question de règlement. Je vous demanderais d'être prudents. Je m'adresse toujours à l'ensemble des parlementaires.
Alors, on vous demande d'échanger avec les gens qui viennent déposer un
mémoire et de faire attention aux propos. Et allez-y, M. le député.
M. Tanguay :
Merci beaucoup, M. le Président. Chose certaine, je suis surpris de voir que,
quand je fais référence à «démagogue», le
ministre se sent visé. Je ne sais pas pourquoi il se sent visé. Si le chapeau
lui fait, qu'il le mette.
Le
Président (M. Ferland) : Je viens juste de vous dire… Écoutez,
j'ai arrêté tout à l'heure, O.K.? Est-ce que je dois recommencer à chaque
fois?
M. Tanguay :
Je vous remercie, M. le Président. Je suis prêt à continuer.
Le
Président (M. Ferland) : Alors, je vous demande d'échanger avec
les gens qui viennent, qui prennent la peine de se déplacer. Allez-y, M.
le député.
M. Tanguay :
Oui. Merci, M. le Président. Alors, un argument pourrait être démagogique et
dire : Bien, que pensez-vous,
évidemment, du visage couvert? Il est important de préciser que votre
association, clairement, vous exprimez le fait que vous avez toujours
prôné, quand on parle de signes religieux : Bien évidemment, à visage
découvert.
Alors, merci, M. le
Président. Je vais laisser à ma collègue le soin de poursuivre.
Le
Président (M. Ferland) : …la députée de Bourassa-Sauvé, pour
3 min 30 s environ… non, excusez, 2 min 30 s. J'allais
vous accorder une minute. Allez-y.
Mme
de Santis : Merci beaucoup pour votre mémoire et
votre présence ici. Les enfants dans une garderie ont quel âge?
M. Alahmad (Samir)
: De quatre, cinq mois jusqu'à cinq ans.
Mme de Santis :
O.K. Et, après cinq ans, ils vont dans une école primaire?
M. Alahmad (Samir)
: C'est ça.
Mme
de Santis : Si j'utilise l'argument du ministre
quant à l'influence qu'un signe ostentatoire peut avoir sur un enfant, un enfant de cinq ans est dans une
garderie, un enfant de six ans est dans une école primaire. Mais, si l'école
primaire est une école privée qui est aussi
subventionnée, cette école primaire privée subventionnée n'a pas à être sujette
à la charte des valeurs. Comment vous répondez à ça? Pas que je dis qu'ils
devraient l'être, mais l'argument ne me semble pas cohérent, parce que
quelle est la différence entre cinq ans et six ans?
M. Alahmad (Samir)
: C'est justement, c'est dans notre mémoire, notre objection sur ce projet
de charte. Premièrement, on adhère à la très
grande majorité de ce projet. On ne peut pas être contre. On adhère à tout…
L'égalité femmes-hommes, la
neutralité de l'État, et ainsi de suite, nous sommes d'accord à 100 %. Là où on est en désaccord :
avec les signes religieux. C'est un volet, c'est une partie.
Puis,
deuxième partie, vraiment, nous, on dit : Les garderies privées
subventionnées… Nos employés ne sont pas des employés de l'État, nous ne sommes pas des garderies de l'État. On
reçoit une subvention pour services rendus, la même chose que les
pharmaciens. Et la comparaison, ça serait beaucoup mieux avec les écoles
privées. Ce sont des institutions qui sont
subventionnées, je crois, à 60 %, un peu moins que nous autres, qui font
exactement le même travail que nous,
qui sont auprès des enfants. Nous, on vous pose la question puis on aimerait ça
peut-être entendre le ministre là-dessus :
Pourquoi elles sont exemptées de la charte? Puis notre objectif, comme vous
l'avez dit… Puis notre objectif, c'est
écrit dans notre mémoire. On ne veut pas les… à la charte, mais pourquoi cette
différence? Nous, on se demande : Est-ce que leur lobbyiste est
plus fort que la nôtre? Est-ce qu'il y a de quoi que nous, on ne sait pas?
Pourquoi eux autres ne sont pas assujettis,
puis nous, nous sommes assujettis? Mais, pour nous, il n'y a
aucune, aucune aucune raison. Puis on aimerait ça avoir une réponse. On
n'a pas eu aucune réponse là-dessus.
Le
Président (M. Ferland) : …le temps étant écoulé, je vais du côté de la députée
de Montarville pour un bloc de 3 min 40 s.
Mme Roy
(Montarville) :
Il rapetisse.
Le Président (M.
Ferland) : On a dû réajuster suite à quelques pertes de minutes
tout à l'heure. Allez-y.
Mme
Roy
(Montarville) : Merci, M. le Président. Mesdames,
monsieur, merci, merci pour votre mémoire.
J'aimerais,
pour le bénéfice des téléspectateurs, nous ramener à votre mémoire.
Lorsque vous nous dites que vous avez consulté… votre association, l'Association
des garderies privées du Québec, 450 garderies subventionnées ont participé à
vos délibérations, et, de ce nombre, vous nous dites : 98 % ont voté
contre l'interdiction du port de signes religieux.
C'est ce que vous nous dites à votre page 3, d'entrée de jeu. Moi, où je veux
vous amener, c'est que je veux que
vous me parliez de votre expérience terrain. Et je vous demande si vous avez
été amenés à connaître de la part des enfants eux-mêmes quelles étaient
leur perceptions, comment ils réagissaient face à une éducatrice qui, par
exemple, portait un voile ou un autre signe religieux.
Mme Plante (Marie-Claude) : Bien, en fait, les enfants ne réagissent pas
différemment. Je prends l'exemple des miens
qui ont parcouru les services de garde subventionnés au Québec, ont déjà eu une
éducatrice, tour à tour, parce que mes
enfants se suivent, voilée, puis ils m'ont juste demandé ce que c'était. J'ai
été claire, j'ai expliqué ce que c'était, puis c'est tout. Ils n'ont pas dit : O.K., maman, tu devrais en porter
un. Non, pas du tout. Ils posent des questions. C'est des enfants, c'est
normal qu'ils posent des questions. Puis c'est tout. Il n'y a pas de drame, là,
enfin...
Mme
Roy
(Montarville) : Donc, si je comprends bien, c'est
que vous avez consulté vos membres, mais il n'y a pas eu de minienquête
ou étude faite à l'intérieur des garderies, auprès des enfants eux-mêmes. Je me
disais : Si, par exemple, on aurait eu
ça, peut-être que ça aurait pu éclairer le débat. Alors, c'était l'objet de ma
question. Je comprends qu'à cet égard-là il n'y en a pas qui ont été
faites.
M. Alahmad (Samir)
: Dans notre débat, nous, on avait une assemblée générale, on a ouvert ça à
toutes les garderies de la province. On a vu
à peu près 450 sur 650 garderies. On a eu pas mal, pas mal, pas mal de gens
présents. On a eu un débat là-dessus.
On a eu un échange assez franc. Il n'y a personne qui a dit que vraiment
l'enfant est affecté ou les parents
sont outrés ou quelque histoire de cette nature-là. C'est ça que d'ailleurs
j'ai dit, qu'on n'a aucune étude crédible, une étude scientifique
crédible par des gens qui se spécialisent là-dedans. Malheureusement, il y a beaucoup
de gens qui se sont prononcés… jusqu'à date, on a eu beaucoup de politiciens,
toutes sortes de gens qui se sont prononcés, mais on n'a pas eu vraiment des études
très claires qui nous montrent est-ce que vraiment l'enfant est affecté, est-ce
que c'est bénéfique, est-ce que c'est contraire à son développement. Quand
l'enfant quitte la garderie, c'est quoi, la conséquence, par après? Il n'y a
pas eu aucune étude. Et tout l'indice à l'interne que nous, on a, puis
l'échange qu'on a eu avec le
ministère de la Famille aussi… À plusieurs, plusieurs, plusieurs niveaux, on a
eu beaucoup de rencontres au ministère de
la Famille. On n'a pas eu, même pas une fois, qu'il y a une problématique à ce
niveau-là. S'il y a une problématique...
Nous
sommes dans les services de garde avant tout pour le bien-être de l'enfant.
Regarde, si vraiment l'enfant est
affecté, nous, on va être les premiers à dire : Regarde, on va vivre avec
qu'est-ce que c'est bon pour l'enfant, c'est notre mission. On ne peut pas être contre le bien-être de l'enfant.
Mais, comme on a toujours dit, montrez-nous que ce n'est pas bon pour l'enfant, que ce n'est pas
bénéfique, ça empêche leur développement. Notre expérience terrain ne nous a
pas montré aucun, aucun, aucun indice de quelque manière que ce soit dans ce
sens-là.
Le Président (M.
Ferland) : Alors, le temps étant écoulé, je vais céder la
parole au député de Blainville.
M. Ratthé :
Merci, M. le Président. Mesdames, monsieur, merci d'être là.
Bon,
il est clair, là, vous avez bien statué sur le fait que ce qui fait problème,
pour vous, c'est l'article 5 et l'article 27. Vous avez bien décrit également que, pour le reste, je pense, le projet
de loi vous convient. On a beaucoup parlé, mais vous n'en avez pas... On n'en a pas parlé avec vous. Le projet de loi
balise les accommodements religieux. Je voulais savoir si vous avez eu à faire face à de tels
accommodements. Quand vous le faites, comment vous réagissez? Est-ce que ces
balises-là vont venir en fait... Beaucoup de
gens ont dit : Bien, finalement, on a des balises, on va savoir comment
réagir. Alors, je voulais un peu vous
entendre là-dessus : Comment vous les traitez? Est-ce que c'est fréquent?
Est-ce que le projet de loi va vous aider justement, si c'est le cas,
d'ailleurs, à encadrer ces accommodements religieux, surtout?
• (17 heures) •
M. Alahmad (Samir) : C'est sûr que, depuis 10 ans jusqu'à maintenant… 10 ou 15 ans, il y a
eu des cas, très médiatisés, des
accommodements dans des garderies, toutes sortes d'accommodements, que ça soit
pour les parents, que ça soit pour le personnel éducateur.
Des
fois, cet accommodement, c'est difficile pour un service de garde de
l'accommoder, mais, malheureusement, nos
tribunaux… le droit de la personne, à un moment donné, qui toujours se rangeait
de l'autre côté… Ça fait qu'il y avait une certaine inquiétude, coté
gestionnaires des services de garde, de dire : Écoute, qu'est-ce que
j'accepte et qu'est-ce que je refuse? Est-ce
qu'à cause d'un ou deux enfants je vais changer ma façon de voir les choses
pour accommoder? Je vais mettre les
78 enfants qui contribuent pour accommoder un ou deux enfants… ou est-ce que
pour accommoder une éducatrice je dois mettre 17 autres éducatrices…
c'est quoi, leur position? Il y a eu beaucoup de problématiques, beaucoup. Il y a eu certaines problématiques là-dessus.
Et là-dessus nous sommes tout à fait d'accord qu'à un moment donné on se penche sur ce genre d'accommodements.
Qu'est-ce qui est raisonnable pour tout le monde? On va dire : Oui, on va vivre avec. Puis
qu'est-ce qui n'est vraiment pas raisonnable? Bien, à un moment donné, il
dit : Regarde, on a statué,
comme société, que ces accommodements ne sont pas raisonnables. Puis, parce
qu'à un moment donné il y a eu des
cas vraiment… Écoute, je ne rentre pas dans le détail. Il y a eu des cas :
pour accommoder un enfant, on doit
changer toute notre façon de faire les choses. C'est impossible de
l'accommoder. Ça, on est très conscient là-dessus, comme on dit, il y a plusieurs éléments de ce
projet de charte… nous sommes favorables à 100 % là-dessus, et
celui-là, c'est parmi ces éléments qui sont très favorables.
M. Ratthé : Donc, le projet
de loi, en ce sens, va venir en tout cas vous aider à avoir une uniformité, si
je peux dire, là, dans…
M. Alahmad (Samir) : Espérons. Mais, c'est sûr, là, ils vont savoir…
là, on dit : On va baliser les accommodements, mais de quelle manière on va les baliser? On
verra, on va aller du cas par cas. On va aller sur la nourriture, sur
plusieurs choses, on va le baliser. Mais, si jamais on le balise d'une façon
que tout le monde sont d'accord là-dessus, c'est clair, net, là-dessus on va s'entendre : dans quel aréna qu'on
joue, jusqu'où on peut aller, jusqu'où on ne peut pas aller? Vous savez,
les services de garde, des fois, ils ne sont pas outillés puis ils n'ont pas
les moyens aussi d'aller faire face à des
tribunaux des droits de la personne, les normes du travail, les chartes de
droits et de libertés. C'est des choses lourdes, et ça fait peur. Si on peut baliser toutes ces choses d'un
point de vue clair et précis, bien, c'est sûr, ça fait notre bonheur.
Une voix :
…
Le Président (M.
Ferland) : Alors, merci, M. le député. Maintenant, je cède la
parole à la députée de Gouin.
Mme
David : …M. le Président. J'imagine que je ne tromperai pas
beaucoup en disant qu'il y a probablement entre 95 et 98 % du
personnel de vos garderies qui sont des femmes.
M. Alahmad
(Samir) : C'est ça.
Mme
David : C'est ça. Alors, appelons un chat un chat. On parle ici
d'éducatrices, de femmes, et, même si on dit «signes religieux», on
parle de voile.
Une voix :
…
Mme David :
Et le ministre, tout à l'heure, disait : Mais, s'il y a un code
vestimentaire… puis vous-même, madame, vous avez dit : On n'a pas envie
que nos éducatrices soient habillées comme si elles étaient dans un bar de danseuses. C'était très imagé. Ce que je sens dans
l'autre côté, c'est : Mais alors pourquoi est-ce qu'on accepterait que
des éducatrices portent un voile, ce voile
étant vu, pour beaucoup de gens, comme clairement un symbole de soumission
et d'infériorité des femmes? Et, quand on
parle des messages aux enfants, là — c'est pour ça que j'aime ça qu'on appelle
un chat un chat — c'est
de ça qu'on parle. Ce qu'on est en train de dire, c'est que c'est nocif pour
les enfants qu'une éducatrice porte un voile parce qu'elle envoie un message
nocif à un enfant. J'aimerais vous entendre là-dessus.
Mme Borrega
(Mona Lisa) : Est-ce que c'est un signe d'infériorité de la
femme, porter un voile? Moi, j'ai deux de
mes amies qui portent le voile. Elles l'ont porté tard. La dernière, ça a été
il y a deux ans, elle a commencé à porter le voile, et c'est une femme que je côtoyais beaucoup dans les
organismes communautaires. Elle faisait beaucoup de bénévolat et elle travaillait à la banque. Je suis arrivée à
la banque et je l'ai vue. Ça faisait un petit bout de temps… partie en vacances,
puis elle portait le voile.
J'ai dit : Comment ça se fait que tu portes le voile, tu ne l'as
jamais porté? Je ne savais même pas
qu'elle était musulmane. Ça fait qu'elle a dit : Ah, sais-tu, elle a dit,
je ne sais pas, ça m'est venu comme ça l'autre jour. Elle a dit : Mon mari n'est pas content parce qu'il dit que tout
le monde va penser qu'il m'a forcée à porter le voile.
Je
travaille depuis 12 ans dans un service de garde tous les jours, puis, je vais
vous dire de quoi, vous n'avez pas besoin
d'avoir un voile sur la tête pour être une femme abusée, une femme qui est
sujette à la violence, une femme qui n'a
pas d'assurance elle-même. Il y a beaucoup, beaucoup de travail à faire pour
l'égalité hommes-femmes. Et puis empêcher une femme de faire quelque chose, c'est
aussi pire que l'obliger à faire quelque chose. Alors, je ne vois pas la différence. Je ne vois pas comment ça peut aider les femmes, cet article-là
concernant le voile, et c'est pour ça que je crois que le projet de loi, sur ce point-là, vient même à l'encontre de l'égalité hommes-femmes, parce qu'il force les femmes à faire un choix, un choix difficile et puis un
choix qu'elles ne veulent pas faire non plus. Et puis, comme disait mon collègue
tantôt, on se base sur quoi? Nous…
Le
Président (M. Ferland) : Le temps est écoulé pour la période d'échange. Je vous remercie pour le temps que vous avez pris pour préparer votre mémoire, bien
sûr, et de venir ici en personne nous le présenter. Et, sur ce, je vais suspendre quelques instants afin de permettre à M. Claude Simard de
prendre place, notre prochain intervenant. Alors, on suspend quelques
instants.
(Suspension de la séance à
17 h 6)
(Reprise à 17 h 9)
Le
Président (M. Ferland) : Alors, la commission reprend ses travaux. Nous recevons maintenant
M. Claude Simard, alors, en vous mentionnant que vous avez 10 minutes
pour présenter votre mémoire, suivies d'un échange de 50 minutes environ avec
les différents groupes parlementaires. Alors, je vous cède la parole.
M.
Claude Simard
M. Simard
(Claude) : Merci, M. le Président. M. le
ministre, Mmes et MM. les députés, permettez-moi d'abord de vous
remercier de me donner l'occasion d'exposer mon point de vue sur la laïcité de
l'État. Alors, je me présente rapidement. Je m'appelle Claude Simard, je suis
originaire du Saguenay, je suis linguiste de formation et professeur retraité de l'Université Laval. J'ai enseigné plus
de 30 ans à l'Université Laval dans le domaine de la didactique du français. J'ai
occupé différentes fonctions. J'ai été, entre autres, doyen de la Faculté des
sciences de l'éducation.
Je viens ici à
titre de citoyen, bien sûr, mais aussi à titre d'universitaire, puisque les
universités ont été particulièrement interpellées dans ce débat sur la
laïcité. Est-ce que vous m'entendez bien?
Des voix : …
Le Président (M. Ferland) :
…allez-y. Oui.
• (17 h 10) •
M. Simard (Claude) : Alors,
permettez-moi de lire une version condensée de mon mémoire, et ensuite je me
ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Les
universités et la laïcité. Au cours des dernières semaines, les médias ont
laissé entendre que la plupart des universités
s'opposeraient au projet de charte de la laïcité au nom de la liberté
universitaire. Cette information est trompeuse dans la mesure où elle ne relaie que l'opinion d'une petite minorité. Il
n'est nullement certain que la charte de
la laïcité soit rejetée par l'ensemble
de la communauté universitaire du Québec, étudiants, professeurs, chargés de
cours, professionnels et employés de
soutien. Les propos rapportés émanent surtout de certains recteurs qui n'ont
pas pris soin de mener une
consultation sérieuse pour parler au nom de tous ceux et de toutes celles qui
forment l'université. Leur réaction négative
au projet de charte doit être prise comme le simple point de vue de la haute
administration universitaire et non de l'université dans son ensemble.
Parmi les
arguments invoqués pour rejeter la charte de la laïcité, il est souvent allégué
qu'interdire le port de signes religieux reviendrait à porter atteinte à
la mission de l'université. Or, la mission première de l'université n'est pas
de soutenir de quelque façon que ce soit les
croyances religieuses mais d'édifier et de transmettre rationnellement le
savoir. L'université correspond à la sphère du savoir, non du croire.
Accepter dans son sein le port de signes religieux, qui procèdent du croire et
non du savoir, apparaît donc comme contraire au rationalisme qui fonde
l'université moderne.
Dans la même
foulée, on prétend que l'interdiction des signes religieux brimerait la liberté
universitaire. Pour que les
connaissances progressent, il importe certes que les universitaires ne soient
soumis à aucune pression externe qui risquerait de biaiser leur
enseignement et leurs recherches. Prise dans ce sens, la liberté universitaire
correspond à un principe assurant
l'impartialité de l'activité scientifique. Mais ce principe n'est pas absolu,
il est d'ordre essentiellement
épistémologique. La liberté universitaire concerne en effet les courants
intellectuels, les théories, les thèses, les connaissances
qui sont enseignés et discutés par les professeurs dans le cadre de leurs
fonctions. Leurs opinions personnelles d'ordre
moral, religieux ou politique appartiennent à un autre registre et elles
doivent être exprimées ailleurs que dans les salles de cours ou les laboratoires.
Deuxième
partie : la laïcité dans une perspective élargie. Il faut entrer dans les
débats de nature religieuse avec beaucoup de circonspection en raison du
caractère très sensible que leur relation au sacré leur confère. Les croyances religieuses font l'objet d'une adhésion profonde
et inconditionnelle de la part des fidèles qui les tiennent pour des vérités
absolues transcendant la nature humaine et
procédant d'une puissance surnaturelle. Les questions religieuses devraient
malgré tout être examinées comme n'importe quel autre sujet de société. Cependant, en raison de l'enracinement
millénaire des religions et du poids
démographique et politique de leurs fidèles, elles ont pu bénéficier d'un
traitement particulier dans la vie
civile, assimilable à une sorte de privilège de dérogation, à une forme
d'immunité. Par exemple, le catholicisme interdit aux femmes de devenir prêtres. Si la prêtrise était considérée
comme une profession, on pourrait affirmer que les autorités mâles catholiques écartent injustement
les femmes de la fonction de prêtre. Une telle exclusion antiféministe
devrait être l'objet de poursuites judiciaires en vertu de nos lois régissant
le monde du travail et les rapports entre les hommes
et les femmes. J'invite respectueusement les parlementaires à examiner la
question de la laïcité de l'État dans une
perspective strictement civile et, surtout, à ne pas céder à l'ascendant que
pourraient exercer sur eux les religions du fait qu'elles ont longtemps
pu jouir de l'immunité consentie au sacré.
Depuis les
années 1960, l'histoire du Québec a été marquée par un mouvement continu de
laïcisation qui a touché tous les
secteurs de la société. En consacrant la neutralité religieuse de l'État et en
exigeant de tous ses représentants un devoir
de réserve sur le plan religieux, la charte de la laïcité s'inscrit tout
naturellement dans ce mouvement. L'opposition à cette charte semble cependant plus forte que ce qui a été observé dans
le passé. L'âpreté actuelle du débat s'explique par ses liens avec l'immigration, ce qui le rend
encore plus difficile et plus délicat. La question de la laïcité telle que
posée aujourd'hui révèle en effet que la société québécoise est devant
un choix difficile entre deux modèles d'accueil des immigrants. Le premier modèle, qui relève d'une conception nationale,
vise l'intégration socioculturelle des immigrants à la nation d'accueil. Le deuxième modèle, qui
relève, lui, d'une conception multiculturelle,
inverse le devoir d'intégration et
exige de la nation d'accueil de s'adapter aux nouveaux arrivants en aménageant
toutes sortes d'accommodements de nature
surtout religieuse. Ces deux modèles sont irréconciliables dans la pratique. Le
peuple du Québec devra trancher et adopter
l'un ou l'autre. Le présent mémoire appuie sans réserve le modèle national qui
répond davantage aux aspirations de la société québécoise déjà bien
engagée sur la voie de la laïcisation et qui est le seul à garantir la cohésion
sociale.
En terminant,
je voudrais souligner l'importance du présent débat sur la laïcité de l'État.
Les opposants au projet de charte
tentent d'en amenuiser la portée en prétendant que le sujet ne serait pas
utile, qu'il diviserait la population et qu'il engendrerait une crise artificielle. Il
convient de mieux lire l'histoire récente qui est marquée par une recrudescence
du religieux partout dans le monde. La séparation de l'État et des religions
est en fait une des questions cruciales du XXIe
siècle, l'humanité se trouvant à un tournant historique où s'affrontent la
modernité et le traditionalisme religieux. L'organisation des sociétés
doit-elle encore dépendre de croyances en des divinités tenues pour supérieures
ou, au contraire, doit-elle s'ancrer dans
l'ici-bas et s'établir en fonction de la seule condition humaine en dépit de la
finitude et de l'imperfection de celle-ci?
Dernièrement,
j'ai relu l'Odyssée d'Homère. Ce grand poème de la Grèce antique reste
d'une étonnante actualité et nous
aide à comprendre les enjeux de notre époque. Ulysse, le héros de l'Odyssée,
assume pleinement son destin en tant
qu'être humain. Peu importent les interventions des dieux de l'Olympe, il
réussit à surmonter les épreuves en exploitant la force de ses qualités humaines : son intelligence, son adresse,
sa sensibilité, son courage, sa détermination, sa fidélité à son idéal, son attachement à sa terre, sa
loyauté et son amour envers les siens. Je suis profondément convaincu qu'en
ce XXIe siècle nous devons miser sur Ulysse
plutôt que sur les dieux de l'Olympe. Pour prendre le parti d'Ulysse, nous
devons poursuivre la laïcisation de notre
société et, en adoptant le projet n° 60, affirmer, clairement et sans
concession, dans l'intérêt national, la laïcité et la neutralité
religieuse de notre État.
Le Président (M. Ferland) :
Alors, merci, M. Simard. Maintenant, nous allons à la période…
M. Simard (Claude) : …encore
quelques minutes, je pense, de mon…
Le
Président (M. Ferland) : Ah, excusez, je croyais… Il vous reste
une minute. Je croyais que vous aviez terminé. Allez-y.
M. Simard
(Claude) : Je voudrais
profiter du temps qu'il me reste pour apporter une certaine correction
terminologique…
Le Président (M. Ferland) :
Oui, allez-y.
M. Simard
(Claude) : …à mon mémoire
écrit. J'ai, malheureusement, utilisé, dans mon mémoire écrit, le terme
«ostentatoire». Je me suis soumis, vous savez, à l'usage dominant des médias.
Je n'aurais pas dû. «Ostentatoire», malheureusement,
a une connotation négative. Vous savez, «ostentatoire», c'est rendre visible
mais avec attention, de façon à attirer à l'attention avec, ni plus ni
moins, affichage, donc ça ne convient pas du tout à mon mémoire, ça ne convient pas non plus à un projet de loi. Et
surtout qu'«ostentatoire» peut être sujet à interprétation subjective : ce
qui est ostentatoire pour l'un n'est
pas nécessairement ostentatoire pour l'autre. Il faudra donc utiliser, comme
dans le projet de charte,
«ostensible», qui est beaucoup neutre — je parle en tant que linguiste, là — qui est beaucoup plus neutre et qui renvoie à ce qui est visible, ce qui est rendu
visible. Et, encore une fois, ça pourrait être critiqué parce que, d'après les
grands dictionnaires de la langue française
comme le Trésor de la langue française ou Legrand Robert,
«ostensible» peut être parfois
synonyme d'«ostentatoire». On pourra utiliser de façon claire, nette, neutre et
objective le terme «visible», qui renvoie à une simple activité
visuelle, c'est-à-dire…
Le Président (M. Ferland) :
Et là, malheureusement, M. Simard, là, c'est vrai que le temps est écoulé, malheureusement, les 10 minutes. Nous allons à la
période d'échange. J'ai un rôle ingrat, vous voyez, hein? Mais vous aurez l'occasion de vous exprimer dans les 50
minutes. Parce que, quand on est deux qui parlent, c'est difficile, hein?
Alors, je cède la parole à M. le ministre.
M. Drainville : Merci, M.
Simard. Vous allez bien?
M. Simard (Claude) : …
M. Drainville : Ça vous
tient…
M. Simard (Claude) : …par ce que
j'ai entendu tout à l'heure.
M. Drainville : Ah, c'est de
là que vient votre fougue.
M. Simard
(Claude) : J'ai toujours été
fougueux, monsieur. Vous savez, mes étudiants m'ont toujours dit : On
vous aime comme ça, vous êtes passionné. Au
moins, vous n'êtes pas ennuyant. On sent que, ce que vous dites, vous l'aimez
et vous le défendez.
• (17 h 20) •
M.
Drainville : Mais je
vous assure que vous n'avez pas été ennuyant. Ça, c'est clair. Non, mais ça
vous tient très à coeur ce sujet-là, visiblement.
M. Simard (Claude) : Pardon?
M. Drainville : Ça vous tient
très, très à coeur.
M.
Simard (Claude) : Oui, oui,
c'est un sujet, je l'ai dit dans mon exposé, qui est fondamental pour le XXIe
siècle. Ce n'est pas un petit sujet
d'actualité, c'est le grand sujet du XXIe siècle. L'humanité est à un tournant
historique : Est-ce qu'on
continue à poursuivre la modernité ou on accepte le traditionalisme religieux?
M. Drainville : Et pourquoi
dites-vous que c'est un tournant? Parce que vous sentez que le…
M. Simard
(Claude) : …ce n'est pas moi
qui le sens, vous savez, je pense que je suis avec d'autres qui le sentent.
C'est qu'on regarde ce qui se passe dans l'ensemble
des pays et on constate que, même en Occident, la religion prend de plus en
plus de place et que les religieux veulent de plus en plus occuper de pouvoirs
dans l'ensemble des secteurs sociaux. Donc,
c'est pour ça que je vous dis que je m'emporte, peut-être, mais c'est un débat
fondamental, c'est toute la question de la société qui est en jeu.
M.
Drainville : Vous avez eu une longue carrière dans le milieu universitaire, vous y avez fait référence. Vous
avez été doyen aussi, n'est-ce pas?
M. Simard (Claude) : …
M. Drainville : Vous avez été
doyen, c'est bien ça?
M.
Simard (Claude) : J'ai été
doyen, oui, doyen de la Faculté des sciences de l'éducation de l'Université
Laval, oui.
M. Drainville : Alors,
parlons-en un peu, de… comment dire, des prises de position du milieu
universitaire officielles face à la charte.
Et là, bon, vous les avez entendues comme moi. On dit, par exemple, que
l'interdiction du port de signes
religieux porte «atteinte à la mission de l'université». Enfin, c'est une
citation que je tire de votre texte que vous avez fait publier dans Le Devoir :
Charte de la laïcité — L'université : haut lieu du
savoir, non du croire.
M. Simard (Claude) : Oui.
M.
Drainville : Bon.
Qu'est-ce que vous répondez à ceux qui disent que cette charte, le projet de
loi n° 60, porte atteinte à la mission de l'université?
M. Simard
(Claude) : Absolument pas.
Absolument pas. En fait, la charte vient confirmer le principe de base des universités modernes, c'est-à-dire le
rationalisme critique. Vous savez, quand on est professeur, on doit transmettre
des savoirs, on n'a pas à afficher ses croyances politiques, on n'a pas à
afficher ses croyances religieuses.
Si vous
voulez, je peux commenter les positions présentées ici, en commission
parlementaire, par les universités. Je
me permets de le faire, M. le ministre. Je vais commencer par Concordia.
Concordia nous a dit, vous savez, par la voix de son vice-recteur que l'Université Concordia s'intéressait à
l'enseignement et pas à la tenue vestimentaire de ses étudiants et de ses professeurs. Avouons que, pour un
universitaire, c'est, hein, de faire preuve d'une cécité anthropologique assez
grave. Parce qu'il n'est pas question, par
le voile islamique, d'une tenue vestimentaire. C'est un uniforme religieux,
c'est un symbole religieux. Associer
le voile islamique à la tuque qu'on porte l'hiver pour se protéger du froid, ce
n'est vraiment pas universitaire,
vous comprenez, c'est un argument qui n'est pas acceptable sur le plan
universitaire. Quand vous voyez des
femmes voilées à l'université, ça veut dire que ces femmes-là mettent au-dessus
du savoir leur religion, puisqu'elles l'affichent
même dans ce haut lieu de savoir qu'est l'université. C'est proprement
inadmissible. Il faut accepter, quand on
rentre à l'université, que c'est le savoir qui compte et que le rationalisme
est au fondement même du savoir. Vous savez, si on avait laissé les religions mener encore les universités, on serait
encore à l'époque de l'obscurantisme médiéval. Ça, c'était le premier
argument de Concordia.
Le deuxième argument, M. le ministre, c'était de
dire : Ah, si on empêche les signes religieux, le recrutement étudiant étranger va baisser. Vous l'avez entendu.
Complètement faux. Ça aussi, c'est complètement faux. Ça, c'est un épouvantail qu'on est en train de brandir. Vous
savez, les étudiants étrangers qui veulent s'inscrire dans nos programmes,
ce n'est pas de savoir si on porte le voile
ou pas qui les intéresse, c'est de savoir si nos programmes sont intéressants,
c'est de savoir si notre enseignement
est de qualité, c'est de savoir si les diplômes qu'on va leur donner sont
crédibles sur le plan international. C'est ça qui les intéresse. Et les
étudiants qui accordent tant d'importance au voile islamique ou à n'importe quel signe religieux et qui vont
s'empêcher de venir à l'université, bien ils n'ont pas leur place à
l'université, c'est aussi simple que
ça, parce qu'ils mettent la religion au-dessus du savoir. Ils ne peuvent pas
entrer à l'université. Vous savez, c'est le rationalisme qui compte à
l'université.
Je vais vous
parler maintenant de l'Université de Montréal, de M. Guy Breton, ça va?,
qui est venu aussi présenter sa position. D'abord, M. Breton ne
distingue pas la liberté de pensée et la liberté universitaire des professeurs.
Les professeurs ne sont pas au-dessus des citoyens.
Les professeurs, vous savez, ce sont des citoyens ordinaires qui peuvent
avoir des opinions politiques, qui peuvent
avoir des convictions religieuses, mais ces opinions politiques relèvent de
leur liberté de pensée, comme leurs convictions religieuses. Mais, quand
ils sont professeurs devant une salle de cours, ils mettent de côté leurs
convictions religieuses, ils mettent de côté leurs convictions politiques et là
ils sont vraiment autorisés à parler en tant
que professeurs spécialistes d'un domaine. C'est ce que j'ai dit tout à
l'heure, monsieur, c'est : La
liberté universitaire est d'ordre épistémologique, c'est-à-dire que ça concerne
le savoir. Ça ne concerne absolument pas les croyances des professeurs. Les professeurs peuvent, comme moi,
participer au débat public mais dans d'autres lieux que l'université, dans d'autres lieux que la salle de cours, dans d'autres lieux que le
laboratoire. C'est ça, la liberté universitaire : la possibilité,
vous savez, d'assurer une pleine liberté dans un champ de savoir.
C'est ça, la
liberté universitaire. Mais M. Breton ne sait pas du tout ce que c'est.
Puis, en plus, il vous a dit, et ça, c'est
odieux, il vous a dit que le projet de charte avait des relents de franquisme.
Vous l'avez entendu? C'est grave, ça, dire ça, pour un universitaire. D'abord,
ça montre que M. Breton ne connaît pas l'histoire. Il a montré son inculture historique.
On ne peut absolument pas associer Franco à la laïcité.
Vous savez, Franco, c'était un fasciste de la pire espèce. C'était un fasciste. Contrairement aux autres
fascistes comme Hitler, c'était un fasciste ultracatholique. Il a lutté toute
sa vie contre la laïcisation. Il a toujours essayé d'établir un
lien très étroit entre l'État et la religion catholique. Franco était un
allergique de la laïcisation. Comment peut-on en toute rigueur intellectuelle
prétendre que notre charte de la laïcité a
des relents de franquisme? C'est comme si on associait Mickey Mouse et
Jean-Paul Sartre, vous voyez. Ça m'étonne qu'un universitaire fasse de telles déclarations, surtout dans cette
enceinte officielle qu'est une commission parlementaire.
Alors, vous
voyez, c'est regrettable que des universitaires vous aient présenté de telles
positions. Regrettable. Tout à fait
regrettable. Et, je vous rassure, ce ne sont pas tous les universitaires qui
pensent ainsi. Et je vais vous dire, M. le ministre, si vous permettez, pourquoi cette vacuité
intellectuelle de la part de la haute administration, vous savez… parce que
c'est la haute administration, hein, qui a tenu ce genre de position,
pourquoi les recteurs, les vice-recteurs n'ont pas plus d'envergure intellectuelle. Eh bien, je vais vous le dire. C'est que
nous avons marchandisé l'université. Nous avons donné à des entrepreneurs le soin de diriger nos
universités. Ce ne sont plus des intellectuels qui parlent au nom des
universitaires, ce sont des
administrateurs qui regardent l'université comme une entreprise. Ils ont oublié
que l'université, c'était une institution
de haut savoir. C'est la plus grande institution pour l'esprit et pour le
développement de l'esprit. Et le mercantilisme, voilà, c'est ce que ça
donne en commission parlementaire.
M. Drainville : Vous savez…
M. Simard
(Claude) : Je peux vous
parler aussi de l'Université McGill, si vous voulez. Je vais vous en parler.
L'Université McGill ne présente pas de mémoire, je crois. Ça va?
M. Drainville : Oui, oui.
Bien, c'est-à-dire…
M. Simard
(Claude) : Elle va
présenter? Je ne crois pas. Je ne l'ai pas vue. Non. C'est un institut de
McGill qui…
M.
Drainville : M.
Simard, attendez. Ils ont déposé un mémoire mais ne l'ont pas encore présenté.
Et donc on ne peut pas discuter du
contenu du mémoire tant qu'il n'a pas été présenté, à moins qu'il soit coulé.
Mais là c'est illégal, ça ne respecte pas les règles, mais ça, c'est une
autre histoire.
M. Simard (Claude) : …parce que ça a
été quand même…
Le Président (M. Ferland) :
…n'a pas été déposé encore et…
M. Drainville : Non, non,
mais ils ont fait des déclarations publiques.
Le Président (M. Ferland) :
Excusez, je veux juste rappeler les règles. Le mémoire n'est pas public encore,
monsieur. Allez-y.
M. Simard
(Claude) : …des universités
ne représentent pas la communauté universitaire. Rappelez-vous aussi ce que
M. Rocher vous a dit ici, en commission. Un des plus grands intellectuels du
Québec. On est loin de Guy Breton. Oh! pardon.
Le Président (M. Ferland) :
…faire attention, je fais un rappel, s'il vous plaît. Est-ce que vous
m'entendez?
Une voix : …
Le Président (M. Ferland) :
Vous m'entendez. O.K. Juste faire un rappel de faire attention, de ne pas faire
d'allusions. Les gens viennent ici se présenter
et présenter leurs mémoires. Donc, je pense qu'il faut respecter les uns et les
autres. Alors, je vous demanderais juste
d'être un petit peu prudents avec les propos. M. le ministre, la parole est à
vous.
M.
Drainville : Oui.
Alors, M. Simard, on essaie de… comment dire… Il faut, même si ça nous déplait
parfois, il faut quand même respecter
le point de vue de chacun. Et donc je ne veux pas faire de comparaison entre
Guy Rocher et M. le recteur de
l'Université de Montréal. Mais vous avez raison de dire par contre que Guy
Rocher est venu dire, sur l'essentiel,
là, sur le principe de la liberté académique et sur le fait que cette liberté
s'applique au contenu qui est transmis aux
étudiants, et non pas aux convictions personnelles de l'universitaire qui, lui,
doit, comment dire, par respect pour sa classe justement et par respect
pour sa fonction d'universitaire, doit accepter de mettre de côté ses
convictions personnelles… Ça ne fait pas partie de la liberté académique que
d'afficher ses convictions politiques ou religieuses. Grosso modo, c'est ce que Guy Rocher est venu dire. Et ça correspond à
la conception que vous venez de nous présenter, là.
• (17 h 30) •
M.
Simard (Claude) : Vous savez
que M. Rocher m'a fait l'honneur de me citer dans son mémoire. Oui. Vous
savez, ce que je vous ai dit, là, c'est exactement ce qu'il a dit. Et il m'a
cité dans son mémoire.
M.
Drainville : Alors, sur les signes religieux et sur
l'influence que ça peut avoir sur les enfants, est-ce que vous avez
une opinion là-dessus, vous?
M. Simard (Claude) : J'ai une
opinion, j'ose l'exprimer. Est-ce que je peux, M. le Président?
Le Président (M. Ferland) :
Bon, bien allez-y, oui.
M. Simard (Claude) : Je vais le
faire avec…
Le Président (M. Ferland) :
On est ici pour ça, oui, oui.
M. Simard (Claude) : …de retenue, d'accord?
Je vais essayer de me…
Le Président (M. Ferland) :
…devienne ostentatoire. Alors, allez-y.
M. Simard
(Claude) : J'ai entendu tout à l'heure… Je peux quand même me référer à ce que j'ai entendu, oui? Alors, j'ai entendu, tout à l'heure, des éducatrices dire que le port, par exemple, du voile n'aurait
pas d'incidence négative sur le développement de l'enfant — ça va? — que
c'est quelque chose qui ne serait pas négatif et que, si c'était
négatif, on pourrait intervenir,
mais, comme ce n'est pas négatif, on peut laisser des éducatrices porter des
signes religieux, porter le voile
islamique entre autres. Bien, moi, je suis dans le domaine de l'éducation et je peux vous dire que l'ensemble de la littérature pédagogique montre le
contraire.
Vous savez,
il est évident que, pour un enfant ou pour un adolescent, si vous permettez à
des femmes, tous les jours, de porter
un voile, un voile islamique, vous savez, qui ne montre que le visage, qui
enferme la tête, qui enferme les
oreilles, hein, qui enferme le cou et les cheveux, c'est évident que vous allez
créer un stéréotype sexiste dans l'esprit des jeunes. Et je vous rapporte… si vous voulez, je vous réfère
à un des mémoires que vous avez reçus et peut-être
que… Ma collègue,
Mme Bouchard, elle a présenté un mémoire sur justement ces images sexistes transmises par les éducateurs
et les éducatrices. Il est évident
que ça crée une ségrégation. Il est évident que l'enfant voit que la femme, en
public, n'a pas le même comportement que l'homme. Et, quand il va
poser des questions, l'enfant : Pourquoi portes-tu un voile? Est-ce
que c'est pour être plus jolie? Est-ce
qu'elle va dire que ça va être plus joli? Non, non, elle va dire : C'est
parce que c'est ma religion. Mais
pourquoi ta religion, hein, t'oblige-t-elle à porter un voile? C'est comme ça,
c'est ma religion. Savez-vous, vous,
pourquoi elle le dit vraiment? C'est parce que dans l'islam la femme… et je vous
réfère… vous savez que je connais très
bien le Coran, c'est le verset 34 de la sourate 4, c'est parce que la femme
doit se montrer chaste en public. Elle doit se montrer vraiment chaste. Elle ne doit pas afficher ses attraits
devant des hommes qui ne sont pas de sa famille, de son environnement immédiat. Alors, vous allez expliquer
ça à un enfant maintenant, la chasteté obligatoire d'une femme en
public. Ce n'est pas sexiste, ça? Il n'y a rien de plus sexiste que ça.
Vous savez, le
voile islamique, là… on a juste à regarder ce qui se passe dans les pays
islamiques. Quand l'intégrisme arrive, qu'est-ce qui se passe? On impose
tout de suite le voile pour marquer la soumission des femmes à l'islam et bien sûr à la culture phallocrate qui
en découle. Non, non, c'est évident, monsieur, que c'est un symbole sexiste
qui va agir dans l'inconscient, si ce n'est pas expliqué, dans l'inconscient de
nos enfants et de nos adolescents.
Et en plus,
je vais vous dire, M. le ministre, depuis 1970, 1980, hein, j'étais là quand…
j'étais dans le monde de l'éducation,
j'ai observé qu'il y a eu des efforts inouïs dans nos écoles, dans nos
établissements scolaires, pour lutter contre le sexisme, pour lutter contre les stéréotypes. Ça va? Vous savez, par
exemple, pour faire acheter du matériel pédagogique par les commissions scolaires, il faut passer par
un comité, un comité d'évaluation du matériel pédagogique, qui compte le
nombre de prénoms masculins, qui compte le
nombre de prénoms féminins, qui compte le nombre de «ils», de «elles», qui
regarde les rôles sociaux, hein, portés par
les personnages masculins, portés par les personnages féminins, et, si vous ne
traversez pas cette grille-là, vous ne pouvez pas entrer dans nos écoles, vous
ne pouvez pas vendre votre matériel pédagogique.
Et maintenant, tous les jours, on accepterait que nos éducateurs, nos
éducatrices, nos enseignants portent un
symbole sexiste qui va justement déterminer une ségrégation sur le plan du sexe
chez nos enfants et nos adolescents? C'est le monde à l'envers.
M.
Drainville : Et,
quand vous dites que le port d'un signe a un impact sur l'enfant, vous dites…
c'est démontré, ça, c'est documenté?
M. Simard (Claude) : Lisez, lisez.
Je vous renvoie, parce qu'il y a des références vraiment précises, dans le mémoire de Mme Pierrette Bouchard, qui porte
spécifiquement sur cette question. Mme Pierrette Bouchard, pour vous situer, c'est une collègue à moi de l'Université
Laval, qui est spécialiste des représentations des sexes à l'école. C'est une
grande spécialiste connue et qui a écrit
beaucoup dans ce domaine-là. Alors, si vous voulez avoir des références
sérieuses, je vous renvoie au mémoire de Mme Bouchard.
M.
Drainville : …on
s'est fait dire par le groupe qui vous a précédé, dont je respecte le point de vue par ailleurs… mais on s'est fait dire qu'il
n'y avait rien de documenté là-dedans.
M.
Simard (Claude) : …faux. Ah, je ne devrais pas dire ça. Disons que
c'est contraire à la vérité. Est-ce que je peux dire ça comme ça?
M. Drainville :
Tout à fait, tout à fait.
Le Président (M.
Ferland) : …que c'est faux.
M. Simard (Claude) : …le mémoire de Mme Bouchard, et là vous allez avoir des références.
Vous savez, si vous saviez comment le
sexisme peut s'insinuer de façon très inconsciente dans l'esprit des jeunes… Et
ça, ça a été très, très
documenté, M. le ministre.
M. Drainville : C'est parce
qu'elle n'est pas encore venue, et on
ne peut pas parler de son mémoire, puisque les règles veulent qu'on ne parle pas du mémoire avant qu'il soit présenté,
à moins que le mémoire soit coulé, ce qui est arrivé et ce qu'on a
déploré. Et c'est pour ça qu'on demande que tous les mémoires soient rendus
publics. Et on espère que les membres des
autres partis ici présents ou même M.
le député de Blainville
qui siège comme indépendant vont finalement accepter de rendre publics tous les mémoires, auquel cas on pourrait
prendre connaissance du mémoire de Mme Bouchard.
Le
Président (M. Ferland) : …qu'on s'éloigne trop. Parce
qu'on a une rencontre demain, la commission, sur ce sujet précis. Alors, on va statuer demain sur le sujet.
Allez-y.
M. Drainville :
Alors, il nous reste encore…
Le Président (M.
Ferland) : Une minute.
M. Drainville :
Bien, qu'est-ce qu'on pourrait dire en conclusion?
M. Simard
(Claude) : Bien, en conclusion, c'est que…
M. Drainville :
Il nous reste une minute, M. Simard.
M. Simard
(Claude) : Oui. Avez-vous une question à me poser?
M. Drainville :
La minute de vérité, là, la conclusion, là…
M. Simard (Claude) : Bien, j'ai encore beaucoup de minutes parce que je dois répondre à
d'autres personnes.
M. Drainville :
Avec eux. Avec eux. Mais, avec moi, une.
M. Simard (Claude) : Avec vous? Bien, je vais vous dire, M. le ministre, vous avez
toute mon admiration parce qu'avec votre projet de charte le Québec va
laïciser son État, et ça va permettre justement un meilleur vivre-ensemble
ici, au Québec.
M. Drainville :
C'est une très bonne conclusion. Alors, je sens que la députée de
Notre-Dame-de-Grâce, pour laquelle j'ai beaucoup d'estime, va en
rajouter, M. Simard.
Des voix :
Ha, ha, ha!
Le Président (M.
Ferland) : Alors, sur ce, M. le ministre, nous allons…
Une voix :
…
Le
Président (M. Ferland) : Alors, excusez, sur ce, je vais aller
justement du côté du parti de l'opposition officielle et la députée de
Notre-Dame-de-Grâce pour un temps de 14 minutes et quelques secondes.
Mme Weil :
Oui. Merci, M. le Président. Bonjour, M. Simard.
M. Simard
(Claude) : …
Mme Weil :
Bonsoir. Bon. Alors, je vais peut-être vous amener sur l'immigration, les
modèles d'intégration, peut-être les études PISA, que vous connaissez
peut-être…
Une voix :
…
Mme Weil :
…les études de l'OCDE sur les modèles d'intégration, et tout. Bon. Vous parlez
d'immigration et des modèles d'intégration,
mais vous savez par ailleurs qu'il y a… on parle aussi des Juifs qui sont ici,
puis ce n'est pas
des immigrants. Et parfois on oublie qu'on parle aussi de ce médecin qui porte
la kippa, qui travaille à l'Hôpital général juif. Ils ont rendu ces éléments publics, et c'est une grande
préoccupation. Donc, le voile, on a beaucoup entendu… je vous dirais que la majorité des groupes qui sont pour
cette laïcité vont parler du voile et du symbolisme du voile. Mais il y a
d'autres religions aussi. Il y a aussi un
professionnel de la santé, je pense que c'est un médecin aussi, qui porte le
turban, qui est au CUSM. Et ça représente un problème parce que ce n'est pas
une question de modèle d'intégration mais plus de 400 ans d'histoire et d'un vécu. Vous savez, il y
a eu les catholiques, ensuite les anglicans, ensuite les protestants, ensuite
les Juifs et un beau mélange de personnes
qui vivent ici ensemble depuis 400 ans, et la neutralité religieuse de l'État
qui s'est installée évidemment au fil
des années est certainement le modèle de laïcité… et beaucoup d'experts qui
sont venus dire que le modèle de
laïcité préconisé par le gouvernement du Québec depuis la Révolution
tranquille, c'est la neutralité religieuse de l'État mais avec un accent
sur l'intégration et l'acceptation de la diversité sous toutes ses formes, mais
intégration à la société québécoise avec ses valeurs de neutralité, et
d'égalité, et d'équité.
Dans ces études
internationales, le Canada est un champion. D'ailleurs, je viens de lire... Et
ce que je sais par ailleurs, c'est que le
Québec, parce que j'ai parlé avec le chercheur qui a fourni les études…
beaucoup de ces données proviennent
du Québec pour établir la capacité d'intégration des étudiants, surtout des
jeunes issus de l'immigration, et que les
études montrent que la deuxième
génération réussit bien par une approche qu'ils appellent interculturelle.
Donc, le Canada, le Québec, c'est le même modèle d'intégration.
Alors, j'aimerais
juste vous parler de ça parce que vous, vous semblez dire que le modèle
d'intégration est peut-être à risque avec l'immigration qu'on
sélectionne. Vous savez par ailleurs qu'on a une immigration sélectionnée. C'est vraiment la dernière page de votre mémoire où vous
dites : C'est une question délicate. Et c'est vrai que c'est une question
délicate. Mais j'aimerais vous entendre sur, d'une part, le modèle d'immigration, la sélection aussi, parce
que vous savez qu'on sélectionne
notre immigration. Donc, on a le choix de notre immigration. Donc, c'est quoi,
votre message, là-dessus? Ou est-ce que votre message, il est vraiment
sur les modèles d'intégration?
• (17 h 40) •
M. Simard (Claude) : Je comprends plus ou moins votre question, mais je vais essayer quand même d'y répondre.
Mme
Weil : Bien, c'est-à-dire la laïcité ouverte comme modèle qu'on
a toujours choisi, qui montre des résultats extraordinaires à l'échelle internationale. Et donc quelle est votre
inquiétude face au fait qu'on a des données qui montrent que le Québec
réussit bien?
M. Simard
(Claude) : Je ne comprends pas vraiment votre question…
Mme
Weil : Où est le
péril, où est le danger, où est votre inquiétude alors que des données montrent
que le Québec est une société
qui intègre très bien, qui réussit bien l'intégration des immigrants? Où est
votre inquiétude?
M. Simard
(Claude) : Bien, je dirais que l'inquiétude vient du fait que, de plus
en plus, ça va?, les minorités immigrantes s'affirment de plus en plus et
demandent constamment des accommodements dans la sphère publique et même dans les institutions publiques. Voyez-vous,
les accommodements religieux se multiplient de plus en plus, vous êtes d'accord avec ça, et on constate que cette
immigration… moi, vous savez, je suis très, très ouvert. N'allez pas penser
que je suis xénophobe. J'ai vécu avec des
étrangers, j'ai eu des étudiants étrangers, au doctorat, de toutes les parties
du monde. Ce n'est pas ça qui est en
jeu. C'est de savoir si ce que nous apportent ou nous proposent les populations
immigrantes, ça… Est-ce que ça peut
s'intégrer dans nos valeurs fondamentales? C'est ça, la grande question qui est
posée, madame. C'est ça, la grande inquiétude que nous devons avoir.
Mme
Weil : Et je pense qu'on est tous d'accord pour des balises,
tout le monde ici est d'accord pour des balises et que l'État doit orienter justement ses demandes et les réponses qu'on
doit donner et que les décideurs doivent se sentir en sécurité
lorsqu'ils prennent une décision de dire non, que c'est tout à fait raisonnable
de dire non pour certaines demandes. Donc, ça, je pense, tout le monde est
d'accord avec ça.
On
arrive à l'article 5, qui est vraiment le seul article qui pose problème. On
n'a pas de consensus parmi les groupes qui
viennent. On n'a pas de consensus, dans la société, sur l'interdiction de port
de signes religieux qui touchent en partie les immigrants mais aussi des
Québécois de longue date.
M. Simard
(Claude) : Des Québécois de longue tradition, comme la communauté
juive de Montréal, je suis parfaitement
d'accord avec vous. Bon. Je voudrais dire que j'ai parlé de deux modèles
d'intégration, vous savez, le modèle national,
que vous comprenez, je pense, facilement, et le modèle multiculturel, qui est
celui de votre parti, c'est-à-dire le modèle du fédéralisme canadien.
Mme Weil :
Non, je tiens à rectifier, on est pour l'interculturalisme. Et, je dois vous
dire, j'ai été ministre de l'Immigration du Québec et j'y crois beaucoup, au
modèle québécois interculturaliste.
M. Simard
(Claude) : Il faudrait que la population sache sur quel pied vous
dansez, parce que, si vous êtes fédéraliste, obligatoirement, vous êtes pour le
multiculturalisme.
Mme Weil :
Non, excusez-moi, excusez-moi, il faut que je corrige…
Le Président (M. Ferland) :
Je vais… quelques secondes pour, encore une fois, réitérer : Quand
quelqu'un a la parole, on le laisse terminer, pour ne pas qu'il y ait de
coupure, si on veut que ce soit un dialogue.
M. Simard
(Claude) : …la parole, c'est elle qui m'a…
Le Président (M.
Ferland) : Écoutez, là, la parlementaire a la parole. Allez-y, Mme
la députée, oui.
Mme Weil :
Vous ne pouvez pas dire quel est le modèle du Parti libéral, surtout si c'est
faux…
Une voix :
…
Le Président (M.
Ferland) : Juste laissez terminer.
Mme
Weil : …mais je tiens
à rectifier que le modèle québécois, c'est le modèle d'interculturalisme, peut-être pour
les raisons que vous mentionnez. C'est
que ce n'est pas un genre de mosaïque. Il y a une culture dominante. La langue
française est la langue commune partagée par
tout le monde, et on s'intègre dans ce modèle-là. Et d'ailleurs je vous dirais
que, lorsque j'avais le projet de loi
n° 94, qui touche exactement le même enjeu, l'opposition, qui était le
Parti québécois, était tout à fait d'accord avec ce modèle
interculturel.
Donc,
on est d'accord sur le modèle d'intégration que le Québec affiche et préconise.
Moi, je ne pense pas que les gens ici diraient qu'on n'est pas d'accord
avec le modèle interculturel.
M. Simard (Claude) : En tout cas, on pourrait toujours débattre du modèle interculturel.
Vous savez, il y a le modèle
national, le modèle multiculturel, qui n'est pas le vôtre, paraît-il, et le
modèle interculturel. Le modèle interculturel
n'est pas aussi clair que vous le prétendez,
parce que j'ai lu quand
même tous les écrits du grand ténor,
vous savez, de l'interculturel, M.
Bouchard, et lui-même, dans son dernier livre, il dit qu'il faut faire des
efforts de clarification de ce modèle.
Donc, n'allez pas dire que la politique interculturelle est très, très
claire actuellement. Je pense qu'on est en train de clarifier ce concept, qui est relativement récent dans l'histoire du Québec. Ça
va? Dans le temps de Fernand Dumont, savez-vous
quelle était l'expression à la base de la politique de l'immigration? C'était
«la culture de la convergence». On ne parlait pas d'interculturel.
Si
vous voulez, je peux vous parler de l'interculturalisme. Je connais très bien
l'interculturalisme, je l'ai étudié. J'ai
lu tous les écrits de M. Bouchard. Ce qui est avantageux dans ce modèle-là,
c'est sa présentation très positive, vous savez. On parle de réciprocité, on parle d'échanges, on parle
d'équilibre des tensions, on parle du respect de la culture majoritaire, comme du respect des cultures
minoritaires, etc., et on introduit, pour assurer… Et ça, c'est Bouchard. Je ne
sais pas si c'est comme ça que vous voyez l'interculturel parce qu'il y a
plusieurs définitions d'«interculturel». Mais M.
Bouchard nous dit : Bien, pour assurer l'équilibre entre les deux
tensions, de la majorité et des minorités, il faut faire intervenir, premier concept, la primauté, la
préséance de la majorité mais ad hoc. Et ensuite, deuxième principe, c'est les
accommodements, la possibilité que les
communautés demandent des accommodements, et, pour satisfaire les demandes
d'accommodement, il faut appliquer le
principe de la préséance de la majorité ad hoc. Est-ce que vous me suivez?
C'est clair?
Qu'est-ce
que ça veut dire, «préséance ad hoc»? Ça veut dire que nous allons examiner cas
par cas. Nous sommes dans le cas par
cas. C'est ça, le modèle interculturel le plus connu, actuellement. Il n'y en a
pas d'autre, en tout cas, de structuré, là, de présenté. Moi, je connais
celui de M. Bouchard. «Préséance ad hoc», ça veut dire qu'on laisse aux
intervenants du milieu, hein, la charge d'examiner les accommodements et de
décider si les accommodements sont raisonnables ou pas. Mais c'est du cas par
cas. On ne veut pas instituer la primauté de la nation, hein, on ne veut pas l'officialiser et on laisse les demandes examinées
au cas par cas par les acteurs mêmes des milieux. Qu'est-ce que ça va donner? Bien, on va sombrer dans l'arbitraire avec
ça. On va sombrer dans l'arbitraire, on va sombrer dans les interprétations
subjectives. Ce qui va être permis ici ne
sera pas permis là. Et je vous donne un exemple très simple, c'est aux pages
207, 208 de son livre. Vous savez, M.
Bouchard excelle en théorisation, mais, les exemples, il n'en donne pas
beaucoup. Il en donne à la fin de son
livre. Il y a quelques cas présentés d'application de votre interculturalisme.
Et là on se dit : Enfin, on va
voir comment ça s'applique, ça, parce qu'un modèle, ça doit quand même établir
un mode d'action, n'est-ce pas? Sinon, à quoi ça sert?
Eh
bien, quand on regarde les exemples, on tombe des nues, on voit que c'est une
vue essentiellement théorique.
Le Président (M.
Ferland) : Il y aurait peut-être une autre dernière question
parce qu'il reste…
M. Simard (Claude) : Non, je n'ai pas terminé de répondre à la madame. Permettez-moi de
répondre, quand même. Elle m'a parlé d'interculturalisme, permettez-moi
de répondre.
Le Président (M.
Ferland) : Pardon, je m'excuse, c'est moi qui préside
l'assemblée.
M. Simard
(Claude) : Alors, l'État…
Le
Président (M. Ferland) : Monsieur, s'il vous plaît! C'est moi
qui est président, mais je vais vous le permettre, de terminer. Mais il
reste quand même une question à… Allez-y.
M. Simard (Claude) : …question, mais
permettez-moi de terminer.
Le Président (M.
Ferland) : Allez-y, allez-y.
M. Simard
(Claude) : Alors, on examine
les cas. Il donne le cas des directeurs d'école et dit que la neutralité
religieuse des directeurs d'école doit être
à toute épreuve, donc pas de signe religieux, et la raison invoquée, c'est
qu'il s'agit de personnes qui ont un rôle essentiel de transmission
culturelle.
D'accord.
Alors, on regarde ensuite le cas des enseignants. Il cite le cas des
enseignants. Quels sont les grands acteurs
de la transmission culturelle dans nos établissements d'enseignement? Ce sont
les enseignants qui, eux, sont en présence
des élèves chaque jour. Eh bien, non. Mais non. La transmission culturelle, on
l'oublie. Maintenant, les enseignants peuvent
porter les signes religieux. Où est la logique, voulez-vous me le dire? Où est
la cohérence? On ne la trouve pas. C'est ça, le cas par cas. C'est ça,
l'arbitraire du modèle actuel interculturel. Et je ne l'invente pas, c'est 207,
208.
Le Président (M. Ferland) : …
M. Simard (Claude) : Et je prends
votre deuxième question.
Le Président (M. Ferland) :
…question?
Mme Weil : Merci, M. Simard.
Le Président (M. Ferland) :
Alors, maintenant, je vais aller du côté de la députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Simard.
Merci pour votre mémoire. Je vous imagine en classe; ça doit vraiment
être des…
M. Simard (Claude) : …questions
épistémologiques, madame, toujours.
• (17 h 50) •
Mme Roy
(Montarville) : Il doit y avoir des étudiants qui vous
écoutent les yeux grands comme ça. C'est ce que je voulais dire.
Vous parliez,
tout à l'heure, de Guy Rocher. On peut en parler, puisque son mémoire a été
déposé. Je vous ramène à son mémoire,
Il nous a dit ici, nous étions tous ici — je vais mettre mes lunettes — qu'il n'était pas favorable à ce qu'un
employé ou une employée d'un organisme
gouvernemental qui refuserait d'enlever un signe religieux perde son emploi,
soit congédié. Vous en pensez quoi?
M. Simard
(Claude) : Je voudrais
préciser, madame, ce qu'il a dit, d'accord? Ce n'est pas tout à fait ce qu'il a
dit. Permettez-moi de préciser, parce que j'ai assisté à sa
présentation...
Mme Roy
(Montarville) :
…mais vous semblez avoir une mémoire infaillible, alors allez-y.
M. Simard (Claude) : Bien, j'ai une
mémoire qui est assez forte, vous savez.
Mme Roy
(Montarville) :
C'est ce que je pense.
M. Simard (Claude) : Alors, M.
Rocher a parlé de la clause grand-père. Il a dit : Pour les personnes qui
sont actuellement à l'emploi des services
publics et parapublics, on pourrait appliquer la clause grand-père et tenir
compte de leurs droits acquis, par souci de justice. Mais il n'a pas
parlé de l'ensemble des employés, il n'a pas parlé de ceux qui allaient être
engagés. Vous comprenez? Ce n'est pas tout à fait la même chose. Alors,
monsieur...
Une voix : ...conclusion.
M. Simard
(Claude) : …et je vous
rappelle sa position ferme, de M. Rocher, c'est de dire : Il faut donner
priorité aux droits des usagers, aux
droits des citoyens. Les fonctionnaires, les enseignants, les juristes, les
procureurs sont au service de l'État,
ce sont les serviteurs des citoyens. L'État n'existe que pour rendre service
aux citoyens. Et c'est pour ça qu'il donne priorité à ce qu'il a appelé
les clients de l'État. Vous vous souvenez de cette expression?
Mme Roy
(Montarville) :
Vous, est-ce que vous êtes d'accord avec cette clause grand-père?
M. Simard
(Claude) : C'est exactement
ma position. Si vous voulez que les services gouvernementaux, que tous les organismes publics et parapublics traitent de
façon égale, juste, équitable l'ensemble des citoyens, quelles que soient
leurs croyances, quelles que soient leurs opinions politiques, il faut que les
employés de l'État fassent preuve d'une neutralité à toute épreuve.
Et je veux
vous donner un exemple, madame, pour vous faire comprendre l'importance de
donner priorité aux usagers, aux
citoyens plutôt qu'aux fonctionnaires, plutôt qu'aux éducatrices, comme on a
entendu tantôt. Je vais vous donner
un exemple très simple. Supposons que nous sommes dans un centre de soins
palliatifs. Ça va? Il y a une dame qui
est en train de mourir; cancer. Elle a 80 ans; catholique jusqu'à la fin de sa
vie. Arrive une employée de l'État qui a un macaron.
C'est une athée. Elle a le macaron. Moi, je ne crois pas, Dieu n'existe pas.
Comment vous allez trouver ce geste-là?
Vous allez dire : C'est de la provocation, ça manque de respect. Mais,
selon la liberté de religion, madame, cette
personne-là, si la charte n'est pas acceptée, pourrait faire ça. Parce que vous
savez que la liberté de religion, c'est la liberté de pratiquer une religion. C'est la liberté d'abandonner une
religion ou de se convertir à une autre, c'est la liberté de n'avoir
aucune religion. C'est-à-dire, la liberté de religion, c'est la liberté des
croyants et des non-croyants. Si on n'applique
pas... si on n'adopte pas cette charte de la laïcité, vous ne pourriez pas
défendre à cette athée d'afficher ses croyances non religieuses. Est-ce
que vous comprenez ce que je dis?
Mme Roy
(Montarville) :
Je vous suis.
M. Simard
(Claude) : Et là on est avec
un autre malade, un autre malade, un homme comme moi qui a défendu la non-croyance toute sa vie. Ça va? Un athée. Et
arrive une femme voilée. Madame, c'est aussi provocateur que dans l'autre cas. Hein, quand vous avez passé votre vie
à défendre l'humanisme contre le déisme et que vous voyez une femme vous
provoquer...
Le Président (M. Ferland) :
Le temps est écoulé. Je vais aller du côté...
M. Simard (Claude) : …c'est aussi...
C'est pour ça, madame, qu'il faut que les…
Le Président (M. Ferland) :
M. Simard, M. Simard, est-ce que…
M. Simard (Claude) : …
Le
Président (M. Ferland) : Bien, on va être obligés de suspendre
quelques instants, là, ça... Le temps est écoulé pour Mme la députée de
Montarville. Je vais du côté du député de Blainville.
3 min 44 s. Allez-y.
M. Ratthé :
Merci, M. le Président. M. Simard, on vous écouterait longtemps. Je vais
revenir sur un point. Tantôt, vous nous avez dit : Un professeur
universitaire doit mettre ses convictions religieuses et politiques de côté.
Une voix : …
M. Ratthé : Non, non, mais en classe, hein? C'est ce que vous
nous avez bien dit. Il y a des gens qui nous disent : Bien, écoutez,
ce n'est parce qu'on affiche des signes ostensibles, c'est ce que vous nous
avez dit...
M. Simard (Claude) : Voilà. Bon
étudiant.
M. Ratthé : …ce n'est pas parce qu'on affiche des signes
ostensibles qu'on n'est pas compétents, qu'on n'est pas capables de neutralité religieuse, qu'on n'est
pas capables de neutralité politique. Et je serais porté à vous... Est-ce que, parce
que, à la limite, on a des croyances
religieuses, on a la foi, on ne serait pas des scientifiques rigoureux? Alors,
vous comprenez, les tenants nous disent : Le signe en tant
que tel n'a rien à voir avec notre compétence, notre neutralité, on est capables de faire preuve de neutralité, et
le signe n'a aucune influence chez la personne qui reçoit notre enseignement, je
vous dirais.
M. Simard
(Claude) : Oui. Alors, je
dois vous dire qu'on peut être croyant et être professeur d'université. Mais,
quand on est professeur d'université, on met
sa croyance de côté et on adopte la démarche scientifique, rationnelle. Vous
voyez la différence? Il y a un de nos grands intellectuels, un des plus grands,
Fernand Dumont… était croyant, il était catholique,
mais jamais, jamais il n'a fait intervenir dans ses cours et dans ses
publications ses croyances. Est-ce que vous voyez? C'est parce qu'on
entre dans un monde rationnel, et, quand on est professeur, on accepte ce monde
rationnel.
Établir,
monsieur, un lien entre un signe religieux et la compétence professionnelle,
c'est, sur le plan intellectuel, inadmissible parce que vous mettez en
rapport deux choses qui ne vont pas ensemble. Vous savez, la compétence professionnelle, c'est la première condition pour
être engagé quelque part, que ce soit dans l'entreprise privée, que ça
soit au gouvernement, hein? Quand on dit, par
exemple : Regardez ce médecin,
il est tellement extraordinaire, il porte la kippa, mais il nous soigne tellement bien, moi, je ne
m'étonne pas qu'il me soigne bien, c'est son devoir; kippa, pas kippa, vous
comprenez? Ça n'a aucune espèce de
relation. Ce qu'il faut mettre en relation, c'est la kippa et la neutralité
religieuse de l'État, et là on voit qu'il y a discordance. Et
c'est pour ça qu'en tant que représentant de l'État, l'État qui se déclare neutre et laïque, il doit
enlever sa kippa sur les lieux de travail s'il veut justement manifester la
laïcité de son employeur, c'est-à-dire de l'État.
M. Ratthé : Donc, pour vous, cette neutralité de l'État
doit obligatoirement se traduire par l'interdiction du port
religieux? Parce que les gens disent...
M. Simard (Claude) : Tout à fait.
M. Ratthé : Parce que beaucoup
nous disent : C'est deux choses complètement différentes.
M.
Simard (Claude) : Non.
Regardez, l'État, vous savez, ce n'est pas une entité abstraite
qui est dans le paradis d'Allah. L'État,
ça s'incarne, hein, ça se matérialise dans des structures, dans des édifices,
mais ça s'incarne surtout dans son
personnel. Si le personnel n'est pas neutre, si les gens qui travaillent pour
le gouvernement affichent constamment leurs symboles
religieux, on ne pourra plus parler de la neutralité de l'État.
Regardez, je
vais vous donner un exemple très simple. Supposons que vous jouez au hockey. Ça va?
Le hockey, c'est un sport institué
par un règlement. Mais, si
vous voulez que le hockey existe, il
faut que le règlement soit respecté par les joueurs de hockey. Si, un jour, vous voyez des gens commencer à
jouer au hockey n'importe comment sur une patinoire, vous savez, la
rondelle, ça ne nous intéresse plus, on met un ballon; ah, le bâton, ce n'est
pas ça qui nous intéresse, on va
multiplier le nombre de joueurs, est-ce qu'on pourrait parler encore de hockey?
Non, parce que le règlement
ne serait pas respecté par les joueurs. C'est la même chose avec les représentants de l'État, monsieur. On ne peut pas parler de la neutralité si cette neutralité n'est pas
incarnée par les représentants de l'État, c'est-à-dire les serviteurs des citoyens que sont les
fonctionnaires, les enseignants, les infirmières, les éducatrices, etc.
Le
Président (M. Ferland) : Alors, merci, merci, M. Simard, le temps est terminé. Alors, je ne sais
pas pourquoi, mais j'ai l'impression aujourd'hui d'avoir gagné
mon salaire. Alors, sur ce, je vais suspendre jusqu'à demain... je vais
ajourner, c'est-à-dire. Je lève la séance jusqu'à demain.
(Fin de la séance à 17 h 58)