(Onze
heures trente-quatre minutes)
Le
Président (M. Ferland) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare
la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes
dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones
cellulaires.
La commission est
réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions
publiques sur le projet de loi n° 22, Loi modifiant la Loi
sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels.
Mme la secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
La
Secrétaire : Oui, M. le Président.
Mme L'Écuyer (Pontiac) remplace Mme St-Pierre (Acadie).
Auditions (suite)
Le
Président (M. Ferland) : Merci. Alors, ce matin, nous recevrons une seule invitée, soit Mme Louise Langevin. Mme Langevin, à vous la parole pour un maximum
de 10 minutes pour votre présentation et, ensuite, un échange d'environ 45
minutes avec les groupes parlementaires. Alors, je vous laisse la parole, Mme
Langevin.
Mme Louise Langevin
Mme
Langevin (Louise) : Je désire, tout d'abord, remercier la Commission des institutions pour
m'avoir invitée afin de présenter mes
commentaires sur le projet de loi n° 22.
Du
4 au 15 mars derniers s'est tenue à New York la 57e réunion de la
commission sur le statut de la femme de l'ONU. Cette réunion rassemblait plus de
6 000 délégués qui venaient de tous les pays, et le sujet était la
violence faite aux femmes. Dans ses conclusions finales, la commission a
reconnu les progrès réalisés afin d'éradiquer la violence faite aux femmes et aux petites filles, mais
surtout la commission souligne la gravité de la situation. La violence faite
aux femmes et aux petites filles est un fléau mondial. Cette situation ne peut
continuer impunément. Les États doivent redoubler
d'effort pour enrayer ce qui est la violation des droits humains la plus
répandue et la plus tolérée par toutes les sociétés. La commission souligne que la violence conjugale demeure la
forme de violence la plus courante qui touche les femmes de toutes les couches sociales. Entre
autres recommandations, la commission rappelle que les États doivent
assurer un accès réel à la justice pour les
femmes victimes de violence. Outre la criminalisation de la violence faite aux
femmes, les victimes doivent avoir accès à
une juste indemnisation pour la violence subie, et la LIVAC s'inscrit dans ce
contexte. Le Québec a ratifié la grande convention sur les femmes, la CEDEF, et
doit donc respecter ses engagements.
La
criminalité intrafamiliale est un risque sociétal, comme le sont les accidents
du travail et les accidents de la route. Les arguments de justice sociale qui
justifient l'indemnisation étatique des travailleurs et des accidentés de la
route doivent aussi s'appliquer aux victimes
d'actes criminels. Le projet de loi n° 22 ne propose que des modifications à la pièce. Bien que je sois
d'accord avec ces modifications — on est tous en faveur de la
tarte aux pommes, c'est sûr — une réforme en profondeur de la LIVAC s'impose. Cette loi n'a
pas été modifiée depuis 1978. Les commentaires qui suivent ne modifient en rien
ma position, une réforme de la LIVAC s'impose.
Dans
le cadre des présents travaux, le portrait de la clientèle de la LIVAC doit
être gardé à l'esprit. Les femmes et les petites filles représentent la majorité de la
clientèle qui dépose une demande d'indemnisation en vertu de la LIVAC.
Ces femmes et ces petites filles demandent compensation en grande partie à la
suite de violence sexuelle et violence conjugale
intrafamiliale. Ces victimes ont été attaquées par des personnes qu'elles
connaissent, dans leur domicile. Donc, la clientèle de la LIVAC s'est
beaucoup modifiée depuis l'adoption de la loi en 1972, on ne parle plus de
victimes de hold-up dans les caisses populaires ou les dépanneurs. Donc, il faut
garder à l'esprit la clientèle.
Il
faut aussi garder à l'esprit les réalités particulières de ces victimes de
violence sexuelle et conjugale. Ces victimes
apprennent à vivre avec un secret qui leur est imposé par la société ou leur
famille. Elles peuvent tenter d'oublier leur
expérience traumatisante. Elles sont souvent incapables de se considérer comme
des victimes ou encore d'en parler parce qu'elles ont peur, peur de l'agresseur, elles ont honte, elles ne se
sentent pas responsables ou ne veulent pas briser leur famille. Ainsi,
plusieurs années peuvent s'écouler avant qu'elles mesurent le préjudice subi ou
qu'elles se confient. Si elles réussissent à
en parler, à porter plainte, à obtenir de l'aide, elles doivent surmonter un
autre obstacle, les délais. La réclamante qui allègue avoir été victime
d'un crime contre la personne dispose d'un an à partir de la survenance du préjudice pour présenter une demande en vertu de
la LIVAC. Bon, c'est l'article 11. Dans le cas de victimes de
violence sexuelle ou de violence conjugale,
ce court délai constitue un obstacle majeur pour les raisons que je viens de
mentionner. On parle surtout de victimes d'actes de violence conjugale et d'agression
sexuelle. Donc, la plupart du temps, elles sont hors délai.
Précisons
que la jurisprudence a interprété le délai d'un an pour présenter une demande
en vertu de la LIVAC non pas comme un délai de prescription ou d'échéance, mais plutôt comme
un simple laps de temps au terme duquel peut naître
une présomption de renonciation aux avantages de la loi. On ne parle pas de
délai de prescription. Donc, après l'écoulement de ce délai d'un an, il y a une
présomption de renonciation aux avantages de la loi qui s'applique. C'est l'article 11.2 de la LIVAC. Cette présomption peut
être renversée par la victime. La victime doit donc prouver qu'elle n'a pas renoncé aux avantages de la LIVAC, parce qu'elle
était incapable physiquement, psychologiquement de présenter une demande en raison des événements mêmes, elle
était dans un état de choc, en situation de stress post-traumatique, et
c'est cette preuve-là qui est difficile à faire.
• (11 h 40) •
Le projet de
loi n° 22 prolonge le délai de un an à deux ans. On peut se
demander quels sont les objectifs de politique sociale qui sont visés. Et j'ai
visionné un témoignage d'hier et d'aujourd'hui, et je comprends qu'il n'y a pas d'objectifs de politique sociale ici qui sont
visés. Ce sont des objectifs financiers, on pourra y revenir. Les motifs
d'ordre public qui justifient les courts
délais de prescription dans le Code civil ne s'appliquent pas ici, il ne s'agit
pas de délai de prescription. La LIVAC a un objectif réparateur et doit
être interprétée de manière libérale. L'ordre public milite en faveur de souplesse. L'ajout d'un an n'aidera en
rien les victimes de violence sexuelle et conjugale qui sont empêchées,
en raison de la nature même des agressions, de présenter une demande d'indemnisation.
Compte
tenu de la clientèle de la LIVAC, compte tenu des effets à long terme des
agressions, je propose, comme beaucoup d'autres
groupes, d'abolir les délais pour les victimes de violence sexuelle, de
violence conjugale, d'abolir les délais dans
la LIVAC. Il ne s'agit pas ici de créer une catégorie spéciale de victimes
parce que les victimes de violence sexuelle
et conjugale sont la majorité de la clientèle de la LIVAC, ce n'est pas une
catégorie spéciale. Ces victimes devraient jouir d'une présomption selon
laquelle elles n'ont pas renoncé aux avantages de la LIVAC. Et comment cette
présomption-là pourrait fonctionner? C'est que ces victimes-là présentent une
demande, elles font la preuve de leur agression,
la preuve du préjudice qui découle des agressions, et, automatiquement, la
question du délai ne se pose pas. Aucun délai pour ces victimes-là.
Si
le gouvernement n'est pas prêt à adopter cette position innovante, évidemment
que le minimum, le minimum qu'il peut faire, c'est trois ans, comme ce qui
est le cas dans le Code civil. Il est difficile de justifier que les victimes
qui intentent une action civile pour agression sexuelle, violence conjugale
jouissent de délais plus longs que celles qui présentent
une demande d'indemnisation auprès de la LIVAC alors que le préjudice est
similaire. Et on sait qu'en vertu de
la LIVAC la victime peut, à la fois, être indemnisée par la LIVAC et aller
chercher le supplément dans une poursuite civile. L'écoulement du délai
équivaut à une présomption de renonciation aux avantages de la loi, présomption
que la réclamante peut renverser.
En
conclusion — et je pourrai revenir plus longuement
pendant la période de discussion — la LIVAC a besoin d'une réforme en
profondeur. En attendant cette réforme, le délai pour présenter une demande d'indemnisation
pour les victimes de violence
sexuelle et conjugale devrait être aboli. Aucun objectif de justice sociale n'est
atteint en imposant un délai, que ce soit un délai d'un an, de deux ans
ou de trois ans. Au minimum, au minimum, le délai devrait être porté à trois ans. Le Québec doit respecter ses
engagements internationaux envers les femmes victimes de violence
sexuelle et conjugale, et c'est pour ça que la LIVAC doit être repensée. Je
vous remercie.
Le
Président (M. Ferland) : Je vous remercie, Mme Langevin, pour votre présentation. Nous
allons maintenant débuter la période d'échange.
Alors, M. le ministre de la Justice, la parole est à vous pour une période de
temps de 24 minutes environ.
M. St-Arnaud : Plus ou moins.
Le Président (M.
Ferland) : Puis vous me connaissez,
hein, vous êtes habitué à ma présidence, alors c'est toujours plus ou moins.
Plus moins que plus.
M.
St-Arnaud : C'est
bon. Alors, bonjour, Mme Langevin. Heureux de vous rencontrer. Je vous ai
lue à quelques reprises ces dernières semaines, avec beaucoup d'intérêt d'ailleurs. Et,
honnêtement, sur certains aspects, je pense qu'on partageait le même
point de vue sur un certain nombre de sujets. Le problème, c'est : Est-ce
qu'on peut le réaliser?
J'aimerais peut-être
vous poser une… Vous dites : Le minimum, au niveau du délai, pour faire
une demande d'indemnisation… Vous dites : Le minimum, là, si vous n'allez
pas dans le sens de ce que je vous demande, ce serait trois ans. J'aimerais que... Or, dans les autres provinces canadiennes,
en matière de demandes d'indemnisation… Et on pourra aller sur votre annexe 1, qui est très intéressante, là, je vous
remercie de l'avoir jointe à votre mémoire, mais, dans les autres provinces canadiennes, ma
compréhension, c'est que, sauf l'Ontario et la Saskatchewan, le délai pour
faire une demande d'indemnisation est
d'un an. Saskatchewan, Ontario, le délai est de deux ans, et le projet de
loi n° 22, dans son libellé actuel, propose de rejoindre… donc, de faire
comme l'Ontario et la Saskatchewan, de le mettre à deux ans. Et vous dites : Le minimum, ça devrait être
trois ans, puis vous faites état de certaines positions que le Canada a prises
au niveau international. J'aimerais ça, comprendre pourquoi vous dites que c'est
le minimum, alors que finalement, là, dans les autres provinces canadiennes, on
parle d'un an, sauf dans deux où on parle de deux ans.
Mme Langevin
(Louise) : Parce que, si vous
regardez bien mon annexe, j'ai mis délai officiel d'un an, mais regardez la
troisième colonne, celle de droite, Possibilité de prolongation, elles
prévoient toutes clairement une possibilité
de prolongation. Et ce qui me semble très intéressant, c'est le Manitoba. Puis
il me semble que ça, c'est une révision
qui n'est pas très, très vieille où on parle de la prise de conscience. Si vous
regardez l'article 51 au Manitoba à la page 20 de mon mémoire, c'est un
an, mais c'est aussi un an à partir du moment où la victime prend conscience ou
connaissance du lien
entre les agressions puis sa situation actuelle. Ça, c'est une codification d'une
décision de la Cour suprême du Canada de 1991.
Donc,
vous voyez qu'il y a le délai officiel, mais, dans toutes ces lois-là, il y a
un rajout où il y a une discrétion, une
possibilité de prolonger le délai, compte tenu des circonstances. Et, quand on
regarde les lois sur les délais de prescription
dans ces provinces-là — nous, c'est
dans notre Code civil; dans les provinces à common law, c'est dans une loi à part — beaucoup de ces provinces-là vont tenir compte des
agressions sexuelles et vont dire : En cas
d'agression sexuelle, spécialement chez des
mineurs, il n'y en a pas du tout, de délai de prescription. Et, donc, les
commissions dans les provinces qui
gèrent les équivalents de la LIVAC vont appliquer ce principe-là aussi. Donc,
nous, la direction de l'IVAC, elle est supposée faire ça aussi, sauf...
M. St-Arnaud : …qu'elle le fait.
Mme Langevin
(Louise) : Elle le fait, mais ça, ça
crée certains problèmes.
M. St-Arnaud : Parce que vous dites : Le fardeau qui est demandé aux
victimes est trop lourd, un peu ce que certains groupes nous ont dit hier, là.
Mme Langevin
(Louise) : Exact.
M. St-Arnaud : C'est ce que vous dites. Juste si on les reprend… Parce que je regardais, effectivement, la troisième colonne. Vous dites : Bon, en
Colombie-Britannique, c'est un an, «but the board, before or after the expiry
of the one-year period, may extend the time for a further period as it
considers warranted». Donc là, il y a comme
une commission qui peut... C'est un an, mais la commission peut, si elle le
juge à propos, prolonger la période.
Mme
Langevin (Louise) : Exact. Bien, la commission, là, c'est l'équivalent de notre direction
de l'IVAC, là, c'est les fonctionnaires, là, derrière ça. Donc, eux autres ont tout un
courant jurisprudentiel ou une directive à l'interne avec les victimes d'agression sexuelle ou de
violence conjugale où ils n'appliqueront pas le délai parce que... Puis il
me semble que c'est ce matin ou hier soir,
vous vous êtes demandé : Mais pourquoi aucun ministre de la Justice n'est
jamais intervenu? Parce que le portrait de la clientèle de la LIVAC s'est
modifié. En 1985, on ne parlait pas d'agressions sexuelles sur la place publique. Ça ne fait longtemps que les victimes
sont sur la place publique. Ça ne fait pas longtemps que les autochtones sont... qu'on en parle, des
agressions dans différents domaines. Donc, la clientèle a changé, mais
aussi il y a des études. Il y a des études
qui parlent du stress post-traumatique pas juste à la guerre, mais les effets
des agressions sexuelles et de la violence conjugale. Pourquoi les
victimes n'en parlent pas? On ne le savait pas, il n'y avait pas d'études.
Maintenant, on comprend et on comprend que les délais, qui avaient été pensés
dans les années 60 pour des hold-up dans des caisses populaires, ça ne s'applique
plus ici parce que la clientèle est différente. C'est pour ça qu'il n'y a pas de ministre qui s'est penché… Et c'est
aussi que les victimes d'agression sexuelle et violence conjugale n'ont
pas un gros lobby, hein, pour représenter leur position.
Donc, ce que je
demande, c'est au minimum trois ans. Puis vous comprenez bien que même ce
trois ans-là, pour des victimes d'agression
sexuelle et de violence conjugale, c'est très, très peu parce qu'elles vont
prendre 15, 20, 40 ans... La direction de l'IVAC a déjà indemnisé
des victimes… Bien, il faut qu'elles indemnisent… C'est après 1972, là. Donc, ça fait plus de 40 ans. Elles
continuent, dans certains cas, à indemniser des victimes qui ont été
victimes il y a 25 ans. Donc, trois ans, ce n'est rien.
• (11 h 50) •
M.
St-Arnaud : ...j'essaie
de voir par rapport aux exemples que vous donnez parce que j'ai l'impression que... Si je regarde l'Ontario,
«la commission peut toutefois, avant ou après l'expiration de cette période de
deux ans — l'Ontario
étant une des deux provinces où c'est deux ans — proroger le délai d'une durée qu'elle juge justifiée».
C'est parce que je regarde... Moi, je ne suis
pas sûr que, si on rentrait ça dans la loi, là, exactement, mot à mot, ce que l'Ontario
a, que vous seriez satisfaite de ça.
Mme
Langevin (Louise) : ...pour rentrer ça dans la loi, ça veut donc dire que, derrière cet
ajout-là, il y a toute la pratique de la LIVAC. Donc, tant qu'à mettre
quelque chose qui est assez discrétionnaire, on pourrait écrire
clairement. Et, donc, c'est pour ça que je vous dis que...
M.
St-Arnaud :
...votre piste de solution, là, celle qui reflète le mieux votre pensée, c'est
le Manitoba. C'est ce que je comprends?
Mme Langevin
(Louise) : C'est de... pardon?
M. St-Arnaud : C'est le Manitoba.
Mme Langevin (Louise) : Oui, c'est le Manitoba. Et c'est
simplement de dire que, pour les victimes d'agression
sexuelle et violence conjugale, il y a une présomption qu'elles n'ont pas
refusé les avantages de la loi. Au moment où
elles déposent leur demande, là, elles n'ont pas... C'est ce sur quoi je veux
revenir, dans la LIVAC, l'article 11.2, ce n'est pas un délai de
prescription. La loi dit que c'est un laps de temps au bout duquel il y a une
présomption qu'on a renoncé
aux avantages de la loi, une présomption qu'on a renoncé aux avantages de la
loi. Donc, il faut que la victime dise : Bien non, je n'ai pas renoncé
aux avantages de la loi, voici pourquoi. Là, c'est la preuve.
Et, au bureau de l'IVAC, on exige une preuve
qui me semble beaucoup trop lourde, celle qu'on exige pour le Code civil, de
démontrer cette incapacité psychologique à gérer sa vie : J'étais tellement
dans un état post-traumatique, là, je ne pouvais plus gérer ma vie. Et cette preuve-là, elle est difficile à
faire. Il faut que tu fasses la preuve que, pendant 15 ans, tu sais, tu ne pouvais pas gérer ta vie. La
réclamante ne peut pas dire : Je ne connaissais pas la loi, elle ne peut
pas dire ça. Il faut qu'elle dise : Pendant 15 ans, je ne
pouvais pas gérer ma vie. Donc, c'est une preuve beaucoup trop lourde.
M. St-Arnaud : Bien, dans les autres provinces
canadiennes, là, est-ce qu'ils ont ce fardeau aussi lourd? Parce que, quand je lis
les textes, là, Nouvelle-Écosse, Saskatchewan, l'Île-du-Prince-Édouard... Vous
savez, la Nouvelle-Écosse, là, mais
la commission, avant ou après l'expiration du délai d'un an, peut extensionner
le délai pour une période qu'elle considère
appropriée. Alors, j'imagine qu'il faut lui faire une preuve pour qu'elle
considère que c'est approprié. Même chose
avec la Saskatchewan : Le ministre peut étendre la période à plus de deux
ans si, de l'opinion du ministre, c'est approprié «to do so». À l'Île-du-Prince-Édouard , «...but the Minister,
before or after the expiry of the one-year period, may extend the time for such further period as the
Minister considers warranted».
Alors, c'est un peu toujours... Donc,
il doit y avoir une preuve qui est présentée pour que soit le ministre soit la commission, dans ces
provinces-là, dise : On va aller au-delà de l'année ou du deux ans. C'est
parce que, si on inscrivait dans la
loi des dispositions semblables à la Nouvelle-Écosse, Saskatchewan,
Île-du-Prince-Édouard, Ontario, Colombie-Britannique, il y a toujours
quelqu'un qui doit, à un moment donné, décider si c'est approprié, si c'est
justifié d'aller au-delà de l'année ou, pour l'Ontario et la Saskatchewan, du
deux ans. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus.
Mme Langevin (Louise) : Il faudrait vérifier plus en
profondeur, là, mais je suis à peu près certaine qu'ils font la même preuve que qu'est-ce qui est exigé au
Manitoba, l'article 51, parce que ça vient de la décision de 1991 de la Cour suprême du Canada dans l'affaire M.K. contre
M.H., une affaire d'inceste et de poursuite au civil. Et la Cour suprême
avait dit dans cette affaire-là : Il
faut enlever les délais de prescription. Et, à partir de ce moment-là, toutes
les provinces canadiennes, sauf le
Québec, ont modifié leur loi sur la prescription en disant : La
prescription ne court pas lorsque la victime ne peut pas faire le lien
entre les agressions passées puis ses problèmes actuels. Donc, ça veut dire que
ces commissions-là dans ces provinces-là appliquent M.K. contre M.H. Il faut
que la victime dise : Oui, depuis 25 ans, j'étais quasiment hors circuit,
je ne pouvais plus gérer ma vie.
M.
St-Arnaud : Elle doit sûrement être
obligée de faire une preuve.
Mme
Langevin (Louise) : Oui. Elle fait
une preuve habituellement de thérapies qu'elle a suivies, de preuves médicales
qu'elle ne pouvait pas déposer les papiers parce qu'elle avait...
M. St-Arnaud : Parce que ma compréhension, Me
Langevin, c'est qu'effectivement... c'est que c'est un peu ce qu'on fait ici
aussi. Moi, ce qu'on me dit, c'est qu'effectivement, s'il y a eu une agression
sexuelle en 2000 et que lapersonne
dépose une demande d'indemnisation en 2013, on va appliquer les règles de l'arrêt
de la Cour suprême. Et, si elle est
en mesure de démontrer que le trouble qu'elle a est en lien avec l'acte
criminel commis en 2000 et, donc, qu'il y a un lien de causalité, bien on va l'indemniser, là. Moi, c'est ce qu'on
me dit. Donc, on l'applique ici aussi comme dans les autres provinces
canadiennes.
Mme Langevin (Louise) : Oui, vous avez raison. C'est la
preuve qui est demandée pour un délai de
prescription, pour suspendre la prescription dans le Code civil.
M. St-Arnaud : On va le regarder certainement. On va
le regarder ce printemps. Puis, je l'ai dit, là, je le répète, sur le Code
civil, on n'ira pas en deçà du projet de loi n° 70 qui avait été déposé par le
précédent gouvernement. J'espère... On va étudier si on peut aller plus loin. Puis, si
on peut aller jusqu'à l'imprescriptibilité, ça fera partie de notre
réflexion.
Mais là je veux rester sur l'indemnisation
parce que, là, c'est la loi sur laquelle on travaille, et j'essaie de voir ce que ça, en quelque
part, ce que ça changerait. D'abord, je constate, là, que certaines provinces,
Nouvelle-Écosse, Saskatchewan, Île-du-Prince-Édouard, ça semble être
pour tous les crimes, alors qu'effectivement le Nouveau-Brunswick semble limiter aux cas d'agression sexuelle seulement
pour ce qui est de l'extension à plus qu'un an ou plus que deux ans, là.
Mais j'essaie de voir ce que — éclairez-moi — si on prenait une de ces dispositions-là, et même celle qui
va le plus loin, là, celle du Manitoba, qu'est-ce que ça changerait
concrètement. Expliquez-moi ça, puis convainquez-moi, et convainquez la
commission.
Mme Langevin (Louise) : O.K. Je vais vous convaincre. Oui, je
vais vous convaincre. Puis, je l'ai dit tantôt,
l'IVAC, la loi, elle est écrite de manière différente. Le un an n'est pas un
délai de prescription comme dans le Code civil,
c'est une autre bibite, une autre créature. C'est un — et
la jurisprudence est claire — laps de temps au bout duquel une présomption de renonciation aux avantages de la
loi s'applique. Ce n'est pas une prescription, ce n'est pas un délai d'échéance. C'est une autre chose, une autre
affaire, un autre lien avec le temps, et ça dit : Vous avez un an. Au bout
du un an, expliquez… dites-nous si vous avez renoncé aux avantages de la
loi. Ce n'est pas moi qui invente ça, c'est écrit à l'article 11.2. 11.2, c'est
ça, qui est écrit. C'est écrit «renonciation aux avantages de la loi». Donc, il
faut juste dire : Je n'ai pas renoncé à
la loi, je n'ai pas renoncé aux avantages de la loi. Ce qui m'inquiète, c'est le
fardeau de la preuve. Ce n'est pas évident de dire : Pendant 40
ans...
M.
St-Arnaud : Ce que vous dites, là, c'est
que l'élément, là, renoncer aux bénéfices que cette loi-là nous donne, ça, ce n'est
pas le bon vocabulaire qu'on devrait utiliser dans une loi comme la Loi sur l'indemnisation
des victimes d'actes criminels.
Mme
Langevin (Louise) : Non, je suis d'accord avec ça. Je suis d'accord avec ça, que cette
présomption-là, elle est plus facile à renverser que celle dans le Code civil. Parce qu'on
pourrait simplement dire... Bien, parce que, moi, ce que je demande, c'est aucun délai. Et, donc, ce
que j'ai écrit dans mon mémoire, c'est de dire que, lorsqu'une victime
de violence sexuelle, conjugale dépose, il y
a une présomption qu'elle ne pouvait pas avant, il y a une présomption
qu'elle ne pouvait pas avant, et, donc, la question du délai ne se présentera
pas pour elle.
M.
St-Arnaud : La
présomption, là, vous la changez, là. Présentement — corrigez-moi si je fais erreur — il y a une présomption de renonciation aux bénéfices de la
loi, et vous, vous dites : Il faudrait changer ça pour une
présomption...
• (12 heures) •
Mme
Langevin (Louise) : C'est que la présomption ne peut pas être renversée. C'est-à-dire qu'en
ce moment on peut
dire : Je n'ai pas renoncé aux avantages de la loi, je vais renverser
cette présomption-là. Moi, ce que je dis, c'est le fait qu'une victime de violence sexuelle, agression
sexuelle dépose aujourd'hui, ça fait présumer automatiquement qu'elle n'a
pas pu le faire avant. Donc, pour cette catégorie-là, il n'y en a plus, de
délai, et ça...
M. St-Arnaud : …il y aurait une présomption qu'elle n'a pas pu avant.
Mme Langevin
(Louise) : Oui, la virer de bord.
M. St-Arnaud : Pardon?
Mme Langevin (Louise) : Virer de bord la présomption.
M.
St-Arnaud : Non,
non, mais c'est ça que je vous dis, là, c'était ma compréhension, la
présomption serait qu'elle n'a pas pu avant. Dès le moment où il y a une
victime d'agression sexuelle — et je
comprends que vous l'étendez aussi à la violence conjugale — il y aurait une présomption qu'elle n'a... si elle est
hors du nombre d'années prévu à la loi, il y a
une présomption qu'elle n'a pas pu déposer sa demande avant.
Mme Langevin
(Louise) : Oui.
M.
St-Arnaud : Et
donc, si ça doit être renversé, ça ne sera pas à la personne qui fait la
demande de... Si quelqu'un a à renverser cette
présomption, ça serait plus aux administrateurs du régime, qui vont dire :
Bien, un instant…
Mme
Langevin (Louise) : Oui. Bien, la victime fait la preuve de l'agression, fait la preuve du
préjudice, fait la preuve que ce préjudice-là découle de l'agression, et c'est tout. On ne
lui remet pas sur le nez le délai, il y a une présomption qu'avant ça elle ne pouvait pas, qu'avant ça elle
ne pouvait pas, donc ça allège le fardeau de la preuve. Parce que, moi,
ce qui m'inquiète, c'est qu'on exige une
preuve… quasiment hors de tout doute raisonnable, de dire : Pendant 15
ans, là, vous avez été vraiment incapable, là, pendant 15 ans.
Montrez-moi toutes les thérapies que vous avez suivies, tous les psychologues, psychiatres, thérapeutes, médecins
que vous avez vus, que, pendant 15 ans, là, vous ne pouviez pas, là, remplir le papier. On demande beaucoup plus qu'une
preuve à 50 % et des poussières. La prépondérance des probabilités,
on demande beaucoup plus que ça. Et, donc, c'est pour ça que je dis qu'il doit
y avoir une présomption que la victime de violence sexuelle, conjugale ne
pouvait pas avant.
M.
St-Arnaud : Et,
en ce sens-là, Me Langevin, vous allez plus loin que toutes les législations
des provinces, là, parce que, cette
présomption-là, je ne la retrouve pas dans aucune des lois provinciales, là.
Mme
Langevin (Louise) : On pourrait la retrouver dans la pratique de ces provinces-là, c'est-à-dire...
Puis c'est ce qu'on voit à l'article 51 de la
loi du Manitoba, où il faut dire : J'ai un an à partir du moment où je
fais le lien entre les agressions puis ma situation. C'est parce que ça fait 15
ans que je suivais une thérapie, puis, à un moment donné, j'ai compris les
liens entre les deux. Donc, l'article 51, c'est la codification de la décision
de la Cour suprême. Mais ce que je vous ai...
M. St-Arnaud : …qu'on dit qu'on suit déjà ici, au Québec, là.
Mme
Langevin (Louise) : Et ce que je vous ai dit, quand vous visez la loi, la loi ne demande
même pas ça. La loi est encore plus libérale, elle parle juste d'une présomption de
renonciation. C'est comme si notre loi, lorsqu'elle a été écrite au
début des années 70, elle n'a jamais exigé un délai de prescription, jamais. Ce
n'est pas un délai de prescription, c'est un
laps de temps. Et c'est comme si notre loi, sans le savoir, a toujours été plus
libérale que les autres lois des autres provinces. Donc, ce que je dis,
c'est : Appliquez-la, faites juste l'appliquer. Mais, en fait, compte tenu
de ce qu'on sait, de ce qu'on connaît sur le
choc post-traumatique, pour les victimes de violence sexuelle et conjugale,
pour elles, le temps — je ne veux pas dire qu'elles sont déconnectées, parce que ce sont
des survivantes, là — pour elles, la notion de temps n'est pas la
même que pour nous, et je ne vois pas de quelle manière... Je pense qu'en
maintenant un délai on ne leur fait
pas justice. En maintenant un délai, on ne les traite pas de manière juste, et
je ne vois pas l'objectif social de leur imposer un délai de deux ans. Jamais personne ne va me convaincre qu'on
leur impose un délai d'un an à deux ans, on est généreux. Je ne vois pas
l'objectif social.
M. St-Arnaud : Il y a quand même ce délai-là dans toutes les lois des
autres provinces, là, il y a un délai d'un an ou de deux ans.
Mme Langevin
(Louise) : Exact. Mais, eux autres
aussi, leur clientèle a changé. Quand je vous ai dit que la clientèle au
Québec, c'est des femmes et des petites filles, des petits garçons pour de la
violence intrafamiliale, en Ontario aussi c'est
ça, et certainement que, dans les autres provinces aussi, c'est ça. Ce n'est
pas d'être victime d'un hold-up à la
caisse populaire, il n'y en a plus, de ça. La violence dans notre société est
une violence dans la famille qui touche les enfants et les femmes, et la loi doit s'adapter à cette réalité-là.
Déjà, la LIVAC, la direction de la LIVAC l'a fait, là, ils se sont
adaptés. Mais, tant qu'à avoir les mains dedans, pourquoi ne pas enlever le
délai pour ces victimes-là?
M.
St-Arnaud :
Bien, écoutez, c'est très clair. Merci. Ça nous donne le goût d'aller lire les
lois des autres provinces du Canada, et on va le faire au-delà des extraits
que vous avez mentionnés à l'annexe 1. Bien, merci beaucoup, Me
Langevin. C'est éclairant et ça s'ajoute très certainement à notre réflexion qu'on
aura à faire ici, au sein de la commission. Merci beaucoup.
Le
Président (M. Ferland) : Merci. Merci, M. le ministre. Il vous restera une banque de quatre
minutes si vous voulez vous exprimer vers la
fin. Alors, maintenant, je vais aller du côté de l'opposition officielle et je
reconnais la porte-parole en matière d'indemnisation
des victimes d'actes criminels et députée de Pontiac. Alors, Mme la
députée, la parole est à vous pour un bloc de 20 minutes.
Mme
L'Écuyer :
Merci, M. le Président. Bonjour, madame. Moi aussi, j'ai apprécié l'annexe, pas
pour les mêmes questions que M. le ministre.
Ce que je me suis demandé en lisant l'annexe — puis, après ça, je
vais revenir à votre mémoire — c'était de dire : Comment se sent quelqu'un qui a
été abusé ou qui a été violenté, qui doit passer une première fois dans un comité, et dévoiler une partie de sa
vie qui a été un traumatisme, et attendre que quelqu'un prenne une décision à
savoir est-ce qu'on prolonge le délai ou pas? Quand je regardais l'ensemble de
comment... l'ensemble des provinces, partout
il est dit qu'il y a une possibilité de prolongation, et je me suis
demandé : Pourquoi une possibilité de prolongation? Pourquoi il faut qu'on fasse passer deux fois de suite
quelqu'un pour savoir si elle va être indemnisée ou pas? Est-ce que vous avez déjà exploré ça ou bien si on
en reste strictement aux articles de loi? Je me mets dans la peau, là,
de quelqu'un qui aurait été abusé et qui
dit : Je ne le sais pas, quand je vais avoir une réponse, si j'ai droit à
des traitements payés de psychothérapie ou des choses comme ça parce qu'ils
vont décider si je peux répondre ou pas à leurs critères — c'est très subjectif dans mon livre à moi, là — si je peux ou pas répondre à leurs critères. Est-ce que
vous comprenez ma question?
Mme
Langevin (Louise) : Je ne suis pas travailleuse sociale ni psychologue, je suis simplement
avocate, donc je n'ai pas une connaissance du terrain là-dessus. La connaissance que j'en
ai est une connaissance secondaire pour avoir lu des études là-dessus.
Et ce dont vous parlez, vous parlez de revictimisation, c'est-à-dire
victimisation par le système administratif
et le système judiciaire, de ces victimes-là, comme lorsqu'elles ont à
témoigner dans le procès pénal, par exemple,
toute la question de la protection des victimes. Donc, je ne peux pas vous en
parler, de mon expérience, parce que ce n'est pas mon champ d'expertise.
Mais
ce que l'on peut dire, c'est que les délais, la prolongation qui est permise
dans toutes les lois dans les autres
provinces, elle est là parce que ça reflète une réalité. Certaines victimes d'actes
criminels, compte tenu de la nature des
agressions — on parle ici de violence intrafamiliale, des victimes qui
connaissent leur agresseur — compte tenu de ça, de la nature des
agressions, la conception du temps n'est pas la même pour elles que pour nous.
Donc, c'est pour ça qu'il y a cette
possibilité de prolonger les délais, parce que vous comprendrez qu'un an, deux
ans, ce n'est pas adapté à la réalité de ces victimes-là, vous le voyez
comme moi. Dans les recours collectifs qu'on a vus de petits garçons qui sont
maintenant adultes et qui ont été agressés dans certains établissements d'enseignement,
ce sont des agressions qui ont eu lieu il y a plus de 25 ans.
Mme
L'Écuyer :
Pourquoi je posais la question, dans ma vie antérieure j'ai été appelée à
travailler beaucoup avec ces gens-là. Je me souviens, entre autres, d'une
situation d'une petite fille qui avait été agressée par le curé de la
paroisse, et tout le monde, incluant les parents, c'était : Pas question
que tu en parles, il n'était pas question... parce que qu'est-ce que ça va faire à M. le curé puis qu'est-ce que ça
va faire et… Bon, je pense qu'on les connaît tous, ce type de dossiers
là. Mais, 25 ans après, par exemple, ça a
ressorti. Et c'est pour ça que j'essayais de voir, parce qu'on n'a pas beaucoup
d'études qui nous parlent de ça, quand quelqu'un va aller présenter une demande
et doit de nouveau attendre. Parce qu'elle se fait dire, de la même façon qu'elle
s'est fait dire par les parents : Bien, on va décider si on va considérer
le délai ou pas. C'est un peu le même message.
• (12 h 10) •
Mme
Langevin (Louise) : Oui, mais la question de la revictimisation, il y a quand même pas mal
d'études sur la revictimisation et comment le
système administratif et judiciaire va revictimiser ces personnes-là qui ont à
revivre…
Mme L'Écuyer : Qui ont à revivre ça. Bien, je veux
juste revenir à votre mémoire. À la page 5, vous parlez qu'on doit... «Le gouvernement
devrait réviser en profondeur [...] — ça nous est venu de tout le
monde, tout le monde dit la même chose — pour
moderniser son langage et éliminer les aspects problématiques qui sont
incompatibles avec un modèle d'indemnisation du risque social que constitue la
violence intrafamiliale.» Moi, j'aimerais ça que vous me parliez un peu
du modèle d'indemnisation du risque social que constitue... Vous devez avoir
déjà imaginé un modèle, j'aimerais ça que vous l'échangiez avec nous.
Mme Langevin (Louise) : Bien, le ministre de la Justice va trouver que ça va
coûter cher, mais...
Une voix : ...
Mme
Langevin (Louise) : Pour moi, le risque social… Il y a d'autres risques sociaux dans la
société : les accidents de la route, les accidents du travail, la santé,
la maladie. On a décidé, comme société, de se donner des régimes
étatiques d'indemnisation pour les
accidentés de la route, pour les accidentés du travail, pour les problèmes de
santé. On a décidé de se payer ça
parce que ce sont des risques dans la société. Bien, la violence intrafamiliale
est aussi un risque dans la société. C'est
un problème structurel, on le sait. La violence dans la famille n'est pas un
problème personnel, c'est un problème social,
un problème structurel. Donc, comme on indemnise les accidentés de la route et
du travail, les victimes de violence familiale,
intrafamiliale devraient aussi être indemnisées pour les mêmes raisons.
Pourquoi a-t-on décidé d'indemniser les accidentés de la route?
Pourquoi? Bien, parce que les procédures judiciaires étaient longues,
coûteuses, parce que les défendeurs pouvaient être insolvables, parce que c'était
de la revictimisation. Donc, toutes les raisons qui militent… qui justifient une indemnisation étatique des
travailleurs blessés, des accidentés de la route — toutes ces raisons-là,
là, c'est des bonnes raisons — ces raisons-là devraient aussi s'appliquer aux victimes d'actes
criminels parce que les victimes d'actes
criminels sont des victimes de violence intrafamiliale.
Donc, c'est dans ce
sens-là qu'on ne doit pas avoir deux sortes de victimes. En ce moment, on a les
victimes numéro un, victimes des accidents
du travail, des accidents de la route, puis on a une deuxième catégorie,
victimes d'actes criminels. Et, quand on parle de ça, on parle de femmes
et d'enfants victimes de violence dans la famille. Donc, on a deux catégories. Donc, c'est une forme de
discrimination à l'égard de ces victimes-là, et ça ne se justifie pas. C'est
dans ce sens-là que les victimes d'actes
criminels devraient être traitées comme des victimes d'accidentés de la route
ou des victimes du travail, le
travailleur blessé, de la même façon. Donc, c'est ça, il ne faut pas qu'il y
ait de différence entre les modalités d'indemnisation de ces différentes
sortes de victimes.
Mme
L'Écuyer : Je
vais me faire un peu l'avocat du diable. Parce que, quand vous me parlez des
accidentés de la route, les accidentés, c'est
des régimes à contribution. On paie l'assurance quand on achète nos plaques. C'est
des régimes qui doivent s'autofinancer. Comment on pourrait arriver à avoir le
financement nécessaire pour un modèle de
contribution… un modèle d'indemnisation de risque social? Quelle pourrait être
une façon de s'assurer qu'on a les argents
pour? On ne peut pas demander à une famille : Tu vas payer une assurance,
comme on fait pour les plaques puis comme on fait pour les travailleurs — c'est partagé entre l'employeur et le travailleur au niveau
de la CSST — au cas où il y aurait de la violence. De quelle façon
on pourrait s'assurer qu'on a cette capacité d'implanter un modèle, avec
lequel je suis tout à fait d'accord, là, mais qu'on soit capable de dire :
On a les argents nécessaires pour être capables que ces gens-là soient
considérés au même titre que ceux qui ont des accidents de la route et des
accidents du travail?
Mme
Langevin (Louise) : Bien, je pense qu'il faut faire preuve d'imagination. On l'a fait pour
les accidents du travail, on l'a fait pour les
accidents de la route, on a trouvé des façons de remplir le fonds. Donc, pour
les victimes d'actes criminels, il y aurait
des façons d'aller chercher de l'argent pour bonifier les fonds dans ce
domaine-là. Et je pense que la question du financement, c'est une
question réelle, mais on a trouvé des façons de financer la CSST par les
employeurs et on a trouvé des façons... bon, bien, on va trouver aussi des
façons, pour les victimes d'actes criminels, de financer ce service-là. Alors,
il suffit simplement de faire preuve d'imagination, et on peut imaginer... J'ai
des exemples dans ma tête où on pourrait aller chercher de l'argent.
Mme L'Écuyer : On les veut. On les veut.
Mme
Langevin (Louise) : Est-ce qu'en ce moment on ne demande pas, dans certains cas, à certains agresseurs de verser de
l'argent à des organismes communautaires, de faire du travail communautaire?
Est-ce qu'on ne pourrait pas leur demander
de verser de l'argent dans un fonds qui irait à des victimes de violence
conjugale? Donc, on peut demander... Quand on veut, on trouve. Il y a
beaucoup de façons d'imaginer. Et l'argument qu'on me sort tout le temps, de
dire : Ah! la CSST, elle s'autofinance,
les accidents de la route, c'est tous nous qui finançons ça, ce n'est pas un
argument de justice sociale pour
permettre de distinguer deux sortes de victimes. Dans les trois cas, ce sont
des risques de vivre en société. La violence, malheureusement, la
violence familiale est un risque dans notre société. Donc, c'est un risque, et,
si on décide d'indemniser les risques sociaux, bien on devrait être capable d'indemniser
ça, comme on le fait pour les accidents de la route.
Mme
L'Écuyer :
Est-ce qu'on pourrait penser, par exemple, que les biens qu'on saisit au niveau
des crimes, les biens qui sont amassés par les
criminels… Quand on fait des ventes à l'encan de ces biens-là, est-ce qu'on
pourrait penser qu'on envoie ça au niveau des victimes, dans un fonds?
Mme Langevin (Louise) : Bien, ça, là, il y a une question de
droit pénal et de partage des compétences entre
le fédéral et le provincial, mais on pourrait imaginer ce genre de situation là
pour renflouer les coffres.
Mme L'Écuyer : Je ne suis pas une juriste, mais j'en ai un à côté de moi
qui peut continuer. Parce que je m'aperçois que, ce matin, c'est un débat très,
très juridique. Vas-y, je te cède la parole.
Le Président (M.
Ferland) : Alors, si vous permettez,
Mme la députée, je vais moi-même...
Mme L'Écuyer : Je m'excuse, M. le Président.
Le
Président (M. Ferland) : Je prends rarement la parole durant les séances, alors permettez-moi de
me délier la langue un peu. Et je reconnais le
député de Fabre pour encore un temps d'à peu près huit minutes. M. le député.
M.
Ouimet (Fabre) :
Merci, M. le Président. En fait, bonjour, Me Langevin. J'ai le plaisir de
connaître Me Langevin
depuis quelques années. Elle est toute jeune encore. Je disais hier que nous
étions à l'université ensemble bien après le
ministre de la Justice — l'Université de
Montréal.
Non,
mais, en fait, sur la question de la députée de Pontiac, et je ne voulais pas…
Parce que je pense que le ministre de la Justice allait fournir des explications plus
complètes, mais il y a déjà des mesures législatives. Particulièrement,
la Loi sur la confiscation des biens — là, je n'ai pas le titre exact — une loi qu'on a adoptée en 2007, je pense,
prévoit qu'une portion des sommes recueillies — la confiscation des biens découlant d'activités illégales — sont versées à un fonds.
Donc, il y a déjà une contribution, là, de la part du système de justice.
Je me permettrais un
commentaire, et vous pourrez réagir. Mais, quand je vous écoutais, ça m'amenait
à… Comment dire? Particulièrement les
agressions sexuelles, on a le réflexe — et, moi, comme juriste, comme criminaliste, évidemment,
ça me vient naturellement, là — d'envisager
le recours aux tribunaux, les processus judiciaires, criminels pour sanctionner
un comportement. Mais je pense qu'il est important, comme société, de se rappeler
que c'est une des façons d'apporter
des solutions, de rechercher des solutions à un comportement qu'on veut
dénoncer, mais un comportement qui cause des dommages. Et, quand on le
regarde sous l'angle de la victime, de la réparation des torts, on peut se
poser la question si le système judiciaire est le système le mieux adapté pour
répondre aux besoins des victimes. Et la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes
criminels est une réponse sociale autre qui offre... Elle est imparfaite, et
vos suggestions visent à bonifier le
système, mais, collectivement... Et votre intervention m'a amené cette
réflexion-là, c'est que, dans le
fond, c'est un choix de société, et on peut y consacrer des ressources
additionnelles dans la mesure où on veut mettre l'emphase et encourager des victimes qui feraient le choix de ne pas
vivre l'expérience du système judiciaire, donc de ne pas se tourner vers
ce moyen mis à la disposition par la société, de s'en tenir à l'aspect
réparateur, et donc le volet de l'indemnisation,
mais plus largement. Et la justice réparatrice, peut-être, pourrait rejoindre…
servir de lien entre les deux. En tout cas, je ne sais pas si ce que je
dis fait un certain sens, là.
• (12 h 20) •
Mme
Langevin (Louise) : Oui. Pour ces victimes-là, il y aura plusieurs façons de se guérir, d'obtenir justice. Il y a le
procès pénal. On sait que la victime ne fait pas partie du procès pénal. On
connaît les désagréments ou les revendications des victimes dans un procès pénal. Ensuite, la victime peut intenter une
action civile avec les avantages et les inconvénients que ça représente,
une action civile. On voit maintenant les recours collectifs. On utilise le
mécanisme des recours collectifs quand il y
a un grand nombre de victimes contre des établissements d'enseignement. Et, à
côté de ce recours civil, il y a l'indemnisation étatique, la LIVAC. Et,
comme je l'ai dit tantôt, la LIVAC n'interdit pas d'aller chercher un supplément devant le tribunal de droit commun.
Donc, la victime peut aller chercher l'indemnisation à laquelle elle a droit à la LIVAC et, ensuite ou avant, bon,
intenter le recours devant le civil. Mais le recours devant le civil, en
poursuite civile, le problème est tout le temps la solvabilité du défendeur.
Donc, il faut s'assurer que le défendeur soit solvable. Donc, ça, c'est trois
possibilités pour la victime, pour que justice soit faite, pour qu'elle ait une
juste compensation.
Et
c'est ce à quoi je référais tantôt quand je parlais de la commission du statut
de la femme à New York au mois de mars, au
début du mois de mars, où le thème était la violence. Et, quand on regarde les
conclusions de cette commission-là — il
y a une soixantaine de conclusions — et, entre autres, pour les
femmes victimes de violence, outre le procès
pénal il y a la possibilité d'aller chercher une juste indemnisation — et la juste indemnisation, c'est ce que, nous, ici, la LIVAC offre — et la possibilité d'aller devant le tribunal. Mais ça, ce
ne sont pas toutes les victimes qui peuvent
aller devant le tribunal civil, pour toutes sortes de raisons, là.
Le Président (M.
Ferland) : Alors, merci, M. le
député. Alors, la députée de Pontiac...
Mme L'Écuyer : Brièvement...
Le Président (M.
Ferland) : Trois minutes, environ,
oui.
Mme L'Écuyer : Merci, M. le Président. Brièvement.
Hier, lors de l'audition de mémoires, ça revenait souvent, la complexité des formulaires, comment on n'était pas prêt une
semaine après un événement, et ces choses-là. Et je regardais dans votre mémoire, à la page 11, vous avez les trois
questions qui sont posées pour une demande de prestations à l'expiration du délai prévu : Pourquoi la
demande n'a pas été présentée dans les délais prévus... Puis là ça devient
très pointu, là : Avez-vous été empêché par une maladie, une
hospitalisation, des problèmes psychologiques, une cure fermée?
Avez-vous entrepris des démarches — le troisième — des
démarches auprès d'un professionnel de la santé — médecin, psychologue — qui vous a permis d'établir un lien entre votre état psychologique
et les événements?
Ces questionnaires-là que la cliente reçoit
ou que l'enfant qui est devenu un adulte reçoit, quand je les regarde... combien de
ces personnes-là refusent carrément et se retirent de la démarche? Est-ce qu'on
a des statistiques là-dessus?
Mme Langevin (Louise) : Ce matin, l'Association
Plaidoyer-Victimes a lu, comme moi, le rapport annuel de la direction de l'IVAC.
Et, dans ce rapport, on voit qu'il y a, l'année passée, 535 demandes qui ont
été refusées pour une question de
délai, mais ce n'est pas ventilé. On ne sait pas, dans ces victimes-là,
lesquelles étaient des victimes d'agression sexuelle ou de violence
conjugale. On peut penser que c'est un fort pourcentage.
Donc, dans le formulaire de l'annexe II, ce
que vous avez lu, là, à la page 11 de mon mémoire, c'est les questions, justement,
que l'on pose pour que... On veut savoir... On pose à la victime la
question : Mais pourquoi tu es en retard d'un an? Pourquoi tu es en retard? Et, donc, elle doit
expliquer qu'elle n'a pas renoncé aux avantages de la loi, mais elle ne peut pas dire qu'elle ne connaissait pas la loi.
Il faut qu'elle parle de son état psychologique. Et c'est la preuve qui
est exigée, et il me semble que cette
preuve-là, elle est... pas il me semble, elle est lourde à faire. Et est-ce qu'on
demande une preuve hors de tout doute
raisonnable ou une preuve à 50 % et des poussières? Il me semble qu'on
demande une preuve beaucoup trop lourde. Il faut prouver que, pendant 15
ans, 25 ans, elle était absolument incapable de gérer sa vie, de présenter une
demande, qu'elle était presque en dépression pendant 25 ans. Donc, il me semble
que cette preuve-là, elle est trop exigeante.
Le
Président (M. Ferland) : En 20
secondes, Mme la députée, à peu près.
Mme L'Écuyer : Oui, merci. Parce que ça confirme des
commentaires qu'on a reçus beaucoup hier. Puis je pense que c'est quelque chose qui mérite d'être fouillé un peu plus, et
on regardera avec M. le ministre pour les statistiques pour être capables, là,
de ventiler peut-être un peu plus pour avoir des raisons bien précises, là.
Merci.
Le Président (M. Ferland) : Merci beaucoup, Mme la députée.
Alors, maintenant, je reconnais le porte-parole
du deuxième groupe d'opposition officielle, le député de Saint-Jérôme, pour un
bloc de cinq minutes.
M.
Duchesneau : Merci beaucoup, M. le
Président. Bonjour, Mme Langevin. J'ai lu votre mémoire, je suis intéressé, moi, à ce que vous disiez en pages 16
et 17, où vous parlez que, finalement, l'indemnisation, c'est un acte de
prévention. Et, si pouviez élaborer un peu
plus là-dessus, ça nous permettrait peut-être de résoudre l'impact financier
dont on parle, là, depuis le début des
audiences. Vous dites : «L'indemnisation des victimes est considérée par
les instruments internationaux comme un outil d'élimination de la
violence.» Donc, en fait, plus les victimes vont signaler, mieux serons-nous
pour prévenir d'une certaine façon. Est-ce que j'interprète bien vos propos?
Mme Langevin (Louise) : Oui, c'est les propos de la
communauté internationale, évidemment. Oui, c'est un outil d'élimination, le
fait d'indemniser les victimes parce que, si les victimes n'ont pas les moyens
pour retourner à l'école, pour compléter une éducation... Peut-être qu'elles
n'ont pas pu aller à l'école en raison des agressions quand elles étaient jeunes. Peut-être, si elles n'ont pas l'argent
pour se payer des thérapies, peut-être qu'elles ne pourront pas reprendre
le dessus sur leur vie. Si elles ne peuvent
pas reprendre le dessus sur leur vie, bien, peut-être qu'elles ne peuvent pas
bien élever leurs enfants, et, donc,
peut-être que le cycle de la violence va continuer. Donc, derrière la juste
indemnisation des victimes, il y a l'idée que ces victimes-là et ces
survivantes doivent être capables de se reprendre en main et que l'on doit corriger le tort qu'elles ont subi. Donc, il
y a cette idée que de les indemniser justement, adéquatement leur permet
de reprendre le dessus et de continuer avec leur vie et, donc, d'enrayer la
violence. Il ne faut pas que ce soit impuni, donc on pense immédiatement à l'emprisonnement.
Mais aussi il ne faut pas que ces crimes restent impunis, il faut que la
victime, elle, soit adéquatement compensée.
M. Duchesneau : Mais, en fait, vous avez très bien
répondu à la question, c'est que, si on ne traite pas le problème d'indemnisation de façon correcte, il y a d'autres
conséquences pour non seulement la victime, mais aussi la société. Donc, si on prend notre lunette financière puis qu'on
regarde uniquement avec le projet de loi n° 22 ou ce qui existe
déjà à tenter de trouver des solutions, on ne règle pas le problème de façon
claire, nette et précise, ce qui vous amène à conclure qu'il faut regarder l'ensemble
du phénomène ou de la solution d'indemnisation des victimes.
Mme Langevin (Louise) : Oui. Le ministère de la Justice
fédéral a sorti une étude en octobre dernier sur le coût de la violence — c'était seulement que la violence conjugale, il me
semble — le coût sur le système de
la violence conjugale. On ne parle pas juste des coûts du système pénal, mais
les coûts sur système de santé, les coûts sur la famille. La violence conjugale nous coûte cher, et on ne peut pas se
permettre de tolérer de tels coûts, dans le sens, on ne peut pas se
permettre de tolérer une telle violence. Il faut l'enrayer parce qu'elle coûte
cher en argent, mais elle coûte cher en d'autres choses aussi. Donc, dans ce
sens, ces victimes-là, ces survivantes-là vont faire appel au système de santé, vont faire appel à tous les services de l'État,
et, donc, il faut être capable d'intervenir pour les indemniser
rapidement, adéquatement.
M. Duchesneau : Ça, ce sont des arguments qui pèsent
lourd, justement, dans la prise de décision. Est-ce que vous avez ces
études-là qui viennent montrer qu'il y a des coûts qui sont associés,
justement, à la mauvaise indemnisation ou aux retards dans l'indemnisation?
Mme Langevin
(Louise) : Oui,
toutes ces études-là sont disponibles par quelques clics. Celle sur le coût de la violence conjugale sur l'État faite par le ministère de
la Justice est sur le site du ministère de la Justice fédéral.
M.
Duchesneau : Ah! bien, ça, on va
aller le chercher.
•
(12 h 30) •
Le
Président (M. Ferland) : ...secondes,
à peu près, M. le député.
M. Duchesneau : Bien, à part de vous dire que vous
avez jeté un éclairage nouveau… Parce qu'on était un peu au ralenti pour des
raisons budgétaires, justement. Mais je pense qu'on peut aller au-delà de ça,
et les suggestions que vous faites, notamment, là, au niveau des
nouveaux revenus, je pense que c'est peut-être l'angle qu'on doit regarder.
Merci beaucoup.
Le Président (M. Ferland) : Merci, M. le député. Alors,
maintenant, je reconnais le ministre avec un temps d'à peu près, environ, quatre secondes, M. le ministre,
pour conclure.
M.
St-Arnaud : Quatre minutes. Quatre
minutes, M. le Président. Quatre minutes, ça fait… à la place de quatre
secondes?
Le
Président (M. Ferland) : Ah! j'ai dit
quatre secondes?
M.
St-Arnaud : Oui.
Le
Président (M. Ferland) : Ah! excusez,
je vous volais du temps. Là, je vous en redonne, quatre minutes.
M. St-Arnaud : Peut-être reprendre un peu sur ce que
viennent de dire le député de Saint-Jérôme et la
députée de Pontiac, c'est sûr qu'il faut faire attention quand on compare notre
régime au niveau des accidentés de la route où, effectivement, tout le monde
cotise et... tous les citoyens ou presque, là, cotisent à ce fonds
éventuellement qui verse, éventuellement,
des prestations aux gens qui sont victimes d'accidents de la route, en notant
aussi qu'ils perdent leur recours civil,
ce qui n'est pas le cas des... Parce que j'essaie de voir… Vous dites :
Faites preuve d'imagination. J'essaie de voir, là, tu sais, je ne suis pas sûr que, si, demain matin,
on disait à tous les citoyens : À partir de demain, là, il y a une
nouvelle taxe ou, dans votre rapport d'impôt,
il y a une nouvelle ligne «contribution pour les victimes d'actes criminels à
un nouveau fonds», je ne suis pas sûr que la population, à première vue,
là, je ne suis pas sûr que la population...
Alors,
j'aimerais ça, savoir, parce que déjà, effectivement là, il y a 25 % — c'est au niveau des biens confisqués — 25 % qui s'en va au FAVAC. Le FAVAC, c'est important
de le dire, le Fonds d'aide aux victimes d'actes
criminels, il reçoit à peu près 20 millions par année, 20 millions
qui viennent en aide, notamment, aux CAVAC et à différentes organisations qui travaillent sur le terrain pour aider les
victimes d'actes criminels. Alors, ça, on a déjà ça, le FAVAC, qui est financé notamment par 10 $ sur
chacune des contraventions à une loi québécoise. Alors, il y a un
10 $ qui s'en va dans le FAVAC. On a
aussi le 25 % qui s'en va dans le FAVAC. Le FAVAC, c'est 20 millions
à chaque année. Ça aide les CAVAC et les organismes d'aide aux victimes
d'actes criminels.
J'aurais le goût de vous... Quand vous
dites : Faites preuve d'imagination, avez-vous des pistes, des pistes pour aider notre réflexion
quant à savoir... Parce que je pense qu'on veut tous essayer de voir où est-ce
qu'on pourrait aller chercher cet argent-là, et, pour l'instant, j'ai un
point d'interrogation dans mon esprit là-dessus. Alors, j'aimerais ça si... Est-ce que vous êtes en mesure de nous aider
peut-être en nous disant comment il y a... à certains endroits, ça se
fait à l'étranger? On me dit qu'en France il y a un pourcentage sur... C'est
les contrats d'assurance?
Une
voix : ...
M. St-Arnaud : L'assurance responsabilité qui va
dans un fonds qui aide les victimes d'actes criminels. Est-ce que vous avez une piste là-dessus pour nous aider?
Mme Langevin (Louise) : Je n'ai pas de piste immédiatement,
là, ce matin, mais vous avez trouvé de l'argent
pour financer la construction de prisons. Donc, si on a de l'argent pour
financer la construction de prisons, bien on l'a trouvé en quelque part. Les victimes de violence intrafamiliale paient
des taxes aussi. Donc, dans les taxes qu'elles paient, on pourrait
prendre l'argent des prisons et mettre ça pour ces victimes-là. C'est
peut-être... Je vous retourne un peu la balle, mais on a trouvé des solutions.
Vous m'avez parlé d'un 25 % des biens saisis, on peut augmenter ça aussi.
Donc, c'est une question de volonté politique.
C'est une question de volonté politique. On a de la volonté politique pour certaines choses, on n'en a pas pour d'autres.
Si vous avez une volonté politique pour aider ces victimes-là, qui sont, je vous le dis, des femmes et des enfants — c'est surtout ça — pour une sorte de violence bien particulière, la violence intrafamiliale, bien, si vous avez une volonté
politique, l'imagination va suivre. On a donné l'exemple en France, mais, en France, c'est qu'elles peuvent aussi être
indemnisées à un procès pénal. C'est un autre système en France, là,
elles peuvent aller...
Le
Président (M. Ferland) : Mme
Langevin. Non, il vous reste 20 secondes.
Mme Langevin (Louise) : Elles peuvent être indemnisées à un procès pénal. Mais, s'il
y a une volonté politique, l'imagination suit habituellement.
M.
St-Arnaud : Bien, merci beaucoup. En
10 secondes, M. le Président.
Le
Président (M. Ferland) : Allez-y,
oui.
M.
St-Arnaud : Ou avant que vous me
disiez qu'il m'en reste quatre, bien, merci beaucoup, Mme Langevin.
Le
Président (M. Ferland) : Il ne vous
en reste plus du tout, M. le ministre.
M. St-Arnaud : Merci beaucoup, c'était très
intéressant. Votre mémoire est intéressant, puis on va certainement jeter un coup d'oeil aussi sur la
jurisprudence que vous citez, qui semble particulièrement intéressante. Merci
beaucoup. Merci beaucoup, je l'apprécie.
Le
Président (M. Ferland) : Merci
beaucoup, Me Langevin. Merci beaucoup pour votre présentation.
Alors,
la commission suspend donc ses travaux jusqu'à 15 heures, cet après-midi.
Et je vous demande de peut-être récupérer vos affaires parce qu'il y a un
caucus, je crois, de l'autre parti. Je ne me rappelle plus le nom.
(Suspension
de la séance à 12 h 35)
(Reprise
à 15 h 5)
Le Président (M. Ferland) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux. Je demande à
toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la
sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
Nous allons poursuivre sans plus tarder les
consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 22, Loi modifiant la Loi
sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels.
Cet
après-midi, nous recevons le Centre international de criminologie comparée. Mme
Wemmers, à vous la parole pour un maximum de 10 minutes et, après, un échange d'environ
45 minutes avec les groupes parlementaires. Alors, à vous la parole.
Centre
international de criminologie comparée (CICC)
Mme
Wemmers (Jo-Anne) : Merci. Merci
beaucoup aussi pour m'avoir invitée de venir ici aujourd'hui. Comme vous avez
dit, je suis chercheure au CICC, professeure titulaire à l'École de
criminologie, à l'Université de Montréal, où
j'enseigne la victimologie. J'ai déjà participé dans plusieurs comités ici, au
Québec, entre autres en 2002 pour
revoir le programme IVAC, aussi en Ontario pour réévaluer le programme d'indemnisation
en Ontario. Et aussi, avant de venir
ici, au Québec, j'étais aux Pays-Bas, au ministère de la Justice, où j'étais
experte en matière de victimes d'actes criminels. Donc, je connais très,
très bien les programmes ici comme ailleurs au monde en indemnisation des
victimes d'actes criminels.
En 2009, il y avait plus de 600 000
incidents de violence au Québec, ce qui représente une augmentation par rapport à 2004 selon les sondages de victimisation. Les
victimes de violence ont des besoins importants comme les besoins médicaux,
pratiques, psychologiques et financiers. Et la loi IVAC a été créée pour
partager le fardeau financier de la victimisation,
une chose très importante. Depuis sa création en 1971, plusieurs efforts ont
été faits pour modifier cette loi afin de réduire les coûts du programme
et pour mieux répondre aux besoins des victimes, mais, essentiellement, elle a
peu changé, la loi n'a pas changé beaucoup.
Le projet de loi n° 22 représente une avancée
positive. Même si on manque des explications claires pour justifier pourquoi on a choisi certaines modifications, et
pas d'autres, je pense que c'est une étape dans la bonne direction. Entre autres, le fait de passer les délais de
prescription d'un à deux ans donne plus de temps aux victimes. Très
important. Dans ma propre recherche ici, au
Québec, j'ai trouvé que 66 % des victimes de violence — donc, je parle juste des
victimes de violence ici, au Québec — ne savaient même pas
que le programme existe. Et les victimes qui étaient informées du fait que le programme existe étaient surtout
informées par le procureur de la couronne. Ainsi, ça veut dire assez
tard dans le processus pénal. Avec un délai
d'un an, c'est beaucoup trop rapide. Ça veut dire que, pour plusieurs, ils vont
manquer le bateau, ça va être trop tard,
même si, en principe, ils auraient eu droit à une indemnisation de l'État.
Donc, je trouve ça très positif qu'on va augmenter le délai à deux ans.
On peut même envisager plus long, comme on voit ailleurs au monde.
Malgré toutes ces modifications, cependant,
il reste toujours un travail à faire. Donc, je ne pense pas qu'on peut dire qu'on a fait des modifications, c'est bien
réglé, la situation maintenant, loin de ça Il faut revoir la loi au complet et
l'intégrer avec l'autre loi québécoise qui porte sur les victimes d'actes
criminels, la Loi sur l'aide aux victimes d'actes criminels.
Pourquoi
est-ce qu'on a au Québec deux lois qui touchent les victimes d'actes criminels
et qui suivent des définitions différentes de ce qu'est une victime d'acte
criminel? Ainsi, il faut créer une loi compréhensive qui vise la guérison
rapide des victimes. Donc, il y a une contradiction quelque part au plan
juridique ici, juste dans notre propre jurisprudence ici,
au Québec. Ce ne sont pas toutes les victimes de violence qui peuvent obtenir l'aide
de l'IVAC. La liste de délits éligibles est
très limitée. Je prends, par exemple, juste des actes terroristes, hein, comme
on a vu en Angleterre ou en Espagne
avec les trains, les métros, etc., ce type de délit ne serait pas couvrir par l'IVAC
comme il est aujourd'hui. Donc, il y a des lacunes importantes.
Le programme ignore la
victimisation multiple aussi et ne met pas le bien-être de la victime en
priorité. La victimisation multiple est bien
documentée dans la recherche. Un des meilleurs prédicteurs du risque de
victimisation est la victimisation
antérieure. Ainsi, il est bien probable, parmi les clientèles d'IVAC, qu'il y a
des gens qui ont vécu d'autres
victimisations avant. Et les impacts de victimisation sont cumulatifs. Et, avec
le programme IVAC, ils vont offrir des
services juste en ligne avec le délit pour lequel la personne a été admise dans
le programme. Donc, il reste encore des besoins suite à d'autres
victimisations antérieures. On ne va pas tenir compte de ça, on ne va pas
offrir des services en ligne avec ça. Donc, le bien-être de la victime est
secondaire à autres priorités.
• (15 h 10) •
Le
délai entre le moment où la demande est effectuée et celui où la réponse de l'IVAC
est reçue pose toujours un problème pour les victimes aussi. Souvent, il y a
les besoins pratiques, financiers immédiatement après la victimisation. Pas six mois plus tard, quand on a finalement reçu
une réponse de l'IVAC, mais immédiatement. Donc, il faut avoir un
dépannage financier, si vous voulez, pour les cas où c'est clair que la
personne va bien probablement recevoir un soutien de l'IVAC.
Il faut élargir l'accès
rapide à l'aide psychologique parce que c'est surtout là. L'objectif, je pense,
toujours, devrait être le bien-être de l'individu,
la guérison rapide de l'individu, et ainsi offrir des choses qui ne coûtent pas
nécessairement trop cher, mais qui sont dans l'intérêt de l'individu et ainsi
nous comme société aussi.
Il
faut aussi évaluer le programme de façon régulière, surtout évaluer la capacité
du programme de répondre aux besoins des victimes. Il faut que la police
informe les victimes de violence du programme pour qu'elles puissent faire
une demande plus tôt que possible. À cette fin, il faut que les ministères de
la Justice et de la Sécurité publique prennent les mesures pour améliorer l'information
aux victimes, ce qu'on peut faire aussi, je pense, si on fait une bonne
intégration des deux lois qui touchent les victimes d'actes criminels.
Et il faut créer le
poste d'ombudsman pour les victimes d'actes criminels ici, au Québec. Sa tâche
serait de surveiller la mise en oeuvre des
droits des victimes et des services aux victimes, hein, parce c'est
présentement ça qui est, entre autres, une des lacunes importantes dans
la politique auprès des victimes ici, au plan provincial.
Comment
faire tout ça sans augmenter les coûts? Une des questions les plus importantes,
probablement, qu'on va poser. Je pense qu'il
faut considérer le programme comme filet de sécurité. C'est ça qu'on fait
ailleurs, on ne fait pas ça ici, au Québec. Dès qu'il y a une victimisation,
tous les frais, inclus les frais médicaux, tous les frais qui sont normalement
assumés par la régie de l'assurance médicale vont aux IVAC. Pourquoi? Je ne
sais pas. Ailleurs, c'est le filet de
sécurité. Donc, les choses qui ne sont pas comblées ou couvrir par d'autres
programmes sociaux qui existent déjà,
c'est ça que le programme va indemniser ou rembourser. Donc, je pense, déjà le
programme assume des frais qui peuvent être couvrir par d'autres
programmes facilement et aussi logiquement.
Il faut aussi rappeler
au gouvernement fédéral sa responsabilité. Entre 1973 et 1993, le gouvernement
fédéral a partagé les frais de programme avec les provinces, entre autres pour
encourager la mise en place des programmes d'indemnisation
partout au Canada. Depuis qu'ils ont coupé ou mis fin à ce programme, plusieurs
territoires et provinces ont coupé,
voire mis fin à leurs programmes d'indemnisation. Donc, par exemple, aujourd'hui,
à Terre-Neuve, il n'existe pas un programme d'indemnisation.
Depuis
2007, par contre, le gouvernement fédéral a créé un fonds pour indemniser les
Canadiens qui sont victimes de crimes à l'extérieur du pays. Donc, on a
maintenant une situation qu'un Québécois peut aller à Terre-Neuve en
vacances, être victime d'un acte criminel,
mais il ne serait pas couvrir par le programme d'indemnisation ici, au Québec,
il n'existe pas un programme à
Terre-Neuve, et le programme fédéral qui existe est là pour les gens qui sont
victimisés à l'extérieur du Canada. Donc, il y a vraiment un trou, une
lacune importante par rapport à ça, et je pense qu'il y a un travail à faire au niveau — comment
ça s'appelle? — la communication entre le niveau fédéral, territoires et
provincial, le groupe de travail en matière de justice pour parler de ça,
et c'est quoi, le rôle du fédéral dans tout ça, et comment est-ce qu'on
peut... Parce qu'en Europe on a travaillé
très, très fort exactement pour mettre fin à cette situation et pour que tous
les Européens, partout en Europe, seraient couvrir par un programme d'indemnisation.
Donc, il faut encourager le gouvernement fédéral
de prendre ses responsabilités et assurer l'accès aux programmes pour tous les
Canadiens et les Canadiennes. Bon, ça, pour moi… mon intervention. J'imagine
que vous avez des questions.
Des voix : Ah oui!
Mme Wemmers
(Jo-Anne) : Ah oui?
Le Président (M.
Ferland) : Alors, merci. Merci
beaucoup. Alors, maintenant, nous en sommes à la période d'échange, et j'invite le ministre de la Justice à
prendre la parole pour un bloc de 24 minutes, je crois. M. le ministre,
M. St-Arnaud : Merci, M. le Président. Alors, c'est Mme Wemmers,
hein, c'est ça…
Mme Wemmers
(Jo-Anne) : Oui.
M. St-Arnaud : Bien, bienvenue, madame. Bienvenue à l'Assemblée
nationale.
Mme
Wemmers (Jo-Anne) : Merci.
M.
St-Arnaud : Et
merci pour votre éclairage. Peut-être, quelques questions. Évidemment, c'est un
peu triste de parler de ça à cette commission, mais l'aspect financier des choses, j'aimerais
vous entendre là-dessus. Est-ce que vous avez des pistes? Parce que ce qui revient… Je pense qu'autour de la
table, depuis hier, on réalise bien qu'il y a des choses, on devrait aller, si on était capables, plus loin
que le libellé du projet de loi n° 22. Mais un des obstacles, c'est, bien sûr, la situation financière, et comment trouver des
revenus pour financer peut-être certaines mesures qu'on souhaiterait ajouter au
projet de loi n° 22? Et, en ce sens-là, j'aimerais savoir de votre
part, est-ce que vous avez des pistes sur lesquelles... des pistes, par
exemple, que vous pouvez trouver dans les exemples étrangers, là, mais des
pistes qui pourraient être intéressantes pour la commission?
Mme
Wemmers (Jo-Anne) : Oui. Je pense que j'ai nommé quelques-uns, entre autres qu'ailleurs le programme est un filet de sécurité, qu'il est là pour
assumer les frais qui ne sont pas couvrir ailleurs. Maintenant, ici, au Québec,
l'IVAC assume tous les frais médicaux
immédiatement suite à une victimisation. Donc, ça veut dire que les frais
médicaux qui, normalement, seraient couvrir par la régie d'assurance médicale
du Québec ne sont plus couvrir par ça, mais maintenant c'est l'IVAC.
M. St-Arnaud : C'est la même...
Mme Wemmers
(Jo-Anne) : On peut dire ça.
M. St-Arnaud : J'allais dire que c'est la même poche.
Mme
Wemmers (Jo-Anne) : Pas nécessairement, il y a aussi les assurances privées,
Croix Bleue par exemple. Tout ça, maintenant, c'est IVAC. Donc, pourquoi
est-ce qu'on ne va pas chercher l'argent ou les services qui sont déjà couvrir ailleurs? On peut utiliser l'argent de
là-bas et, ainsi, on verra que ce qui reste pour l'IVAC serait peut-être...
Oui, ça va réduire les coûts pour l'IVAC, je
pense, relativement. Et, bon, vous pouvez dire : C'est tout le
gouvernement, oui, et il y a les assurances
privées aussi, mais, en même temps, je pense qu'il s'agit des coûts
supplémentaires de la victimisation.
M.
St-Arnaud :
Est-ce que vous êtes au fait des frais d'administration, le fameux 15 %
qui est... Est-ce que ça vous dit quelque
chose?
Mme Wemmers
(Jo-Anne) : Le 15 %, la
suramende, c'est ça?
M. St-Arnaud : Non, 15 % de frais d'administration qui est chargé à
l'IVAC lorsqu'il y a des transactions. Par exemple, si la... Corrigez-moi, Mme
Madore, si je me trompe, là, quand, par exemple, il y a des médicaments, par
exemple.
Des voix :
…
M.
St-Arnaud : C'est
ça. C'est que l'IVAC paie à peu près 15 % de... Il y a un 15 % de
frais d'administration au total à l'IVAC.
Est-ce que ça vous apparaît beaucoup ou c'est difficile pour vous de le juger?
Mme
Wemmers (Jo-Anne) : Je ne le sais pas. Il faut le comparer avec quoi? Ça vient d'où? Je ne
le sais pas.
M. St-Arnaud : O.K. Il faudrait... Et avez-vous d'autres pistes au niveau
des revenus?
Mme
Wemmers (Jo-Anne) : Je pense qu'il reste toujours la responsabilité parmi les citoyens de
payer avec les impôts les programmes tels que l'IVAC. L'idée au début est de partager
le fardeau de victimisation. Pour quoi? Pour les crimes de violence. Pas pour les crimes contre les biens, par exemple.
On dit que le risque, pour ce type de victimisation, est assez élevé qu'on pense que l'individu doit
assumer sa propre responsabilité. Mais, avec la violence, c'est
tellement rare — heureusement — dans notre
société, on pense que, comme société, on a la responsabilité d'aider les gens. Donc, ça fait partie d'un programme social, et, ainsi, je
trouve que c'est tout à fait normal que c'est la société, et ainsi nos impôts, qui contribue à ce programme-là. Donc, je
serais contre l'idée, par exemple, ce qu'on voit aux États-Unis, que, par exemple, c'est les suramendes qui vont payer
pour ça. Si on des suramendes déjà, ça paie pour les services pour les aides aux victimes. Autre chose, et on a vu aussi
là-bas qu'avec les suramendes les revenus sont aussi toujours limités. Donc, je trouve tout à fait justifiable que c'est
les impôts qui vont payer, subventionner une telle ressource. Mais est-ce
que la question… mais est-ce que, comme
société, on trouve que les victimes de violence que c'est quelque chose
d'important? Est-ce qu'on trouve que nous avons une obligation morale d'aider
les victimes? Si oui, je pense que c'est évident, qu'est-ce qu'il faut faire.
M.
St-Arnaud : Vous
nous avez parlé d'un ombudsman pour les... d'un protecteur, là, comme on dit
chez nous, protecteur
des victimes d'actes criminels, un ombudsman. Est-ce que vous pouvez nous
donner des exemples d'endroits dans le monde où ça existe, un tel poste?
Mme
Wemmers (Jo-Anne) : Oui, dans
plusieurs endroits, dans plusieurs pays.
M. St-Arnaud : Avec peut-être un peu quel est le rôle de cet ombudsman.
Mme Wemmers
(Jo-Anne) : Le rôle de cette
personne-là serait de vérifier, évaluer la mise en oeuvre de la politique en faveur des victimes. Donc, par
exemple, ce qu'on a ici depuis 1988, la Loi sur l'aide aux victimes d'actes
criminels, si les victimes, par exemple,
trouvent que leurs droits n'étaient pas respectés par rapport au droit à
l'information par exemple, il n'y a même pas
un service ou un programme de plaintes, de procédure pour faire des plaintes.
Ailleurs, par exemple au Manitoba, il y a toute une procédure. Le Protecteur du
citoyen, le ministère de la Justice va recevoir ces plaintes-là, et, ainsi, on a une idée de combien de plaintes est-ce qu'on
va recevoir annuellement et qu'est-ce qu'on a fait par rapport à ça, est-ce qu'il y a des tendances,
est-ce qu'il y a des problèmes systématiques, est-ce qu'il faut faire
quelque chose ou est-ce qu'il s'agit juste de quelque chose d'accidentel.
Maintenant, il n'y a rien là-dessus. Donc, je pense qu'il y a une tâche importante d'évaluation, de contrôle pour vérifier
la mise en oeuvre et protéger les droits des victimes.
• (15 h 20) •
M. St-Arnaud : Et vous connaissez l'existence, probablement, du
Protecteur du citoyen, de la Protectrice du citoyen. Il existe un ombudsman au
Québec depuis 50 ans.
Mme Wemmers
(Jo-Anne) : Mais oui, je sais, ici,
au Québec.
M.
St-Arnaud :
Mais, selon vous… Parce qu'évidemment la Protectrice du citoyen peut entendre
les requêtes qui peuvent lui venir de
personnes qui ont eu des difficultés avec le régime d'indemnisation des
victimes d'actes criminels, ça fait partie
de sa juridiction, de son champ de juridiction, mais vous, vous croyez que c'est
important d'avoir une personne qui s'occupe
spécifiquement des victimes d'actes criminels et de leurs démêlés à l'intérieur
du processus judiciaire et administratif.
Mme
Wemmers (Jo-Anne) : Exactement, oui, parce que l'ombudsman ici ou la Protectrice du citoyen
fait un excellent travail, ce n'est pas ça que
je veux dire, mais a aussi tellement... sa tâche est quand même large,
tellement grande que c'est... Les victimes
ne sont qu'une chose parmi plusieurs autres qu'il faut vérifier. Donc, je pense
qu'elle n'est pas capable, juste comme être humain, de donner assez d'attention,
mettre assez de temps dans les questions aux victimes
que ça mérite. Ainsi, je pense que, pour les questions de victimes, avoir
quelqu'un, un protecteur du citoyen qui s'occupe de questions de la
victime serait bienvenu.
M. St-Arnaud : Et vous avez dit, là, que c'était un poste qui existait
dans plusieurs endroits dans le monde, est-ce que vous pouvez nous dire à quels
endroits?
Mme Wemmers
(Jo-Anne) : Je peux dire, par
exemple, aux Pays-Bas, il y a, entre autres, des protecteurs du citoyen qui s'occupent des droits des victimes. Il
y a au Canada l'ombudsman pour les questions de victimes, mais au
fédéral. C'est intéressant, bien sûr, mais ce n'est pas suffisant parce que la
question d'administration de justice est provinciale
ici, donc... Et la majorité des droits des victimes, c'est au niveau de l'administration
de justice, donc ce n'est pas suffisant.
Sa grande tâche est surtout au niveau des services correctionnels. Et on sait
que, loin devant ça, il y a tout un processus
pénal, et, ainsi, les besoins des victimes sont souvent les plus importants au
début du processus, et pas à la fin, après que quelqu'un a été jugé et
est en prison. De plus, il n'y a qu'une minorité des victimes qui vont trouver
que le contrevenant est jugé, condamné en
prison. La majorité, si la victime a signalé le délit à la police, la police ne
va pas être capable de trouver l'accusé.
Et, si l'accusé est trouvé, est-ce qu'il va être trouvé coupable? Est-ce qu'il
va être condamné en prison? Donc, il y a une majorité des victimes qui
ne tombent pas en dessous de sa juridiction comme ombudsman au niveau fédéral.
M.
St-Arnaud : Vous
dites : Il y aurait lieu… Parce que c'est vrai qu'il y a quelque chose d'un
peuparticulier — disons ça comme ca — d'avoir à la fois une loi sur l'aide aux victimes d'actes
criminels avec un fonds d'aide aux victimes d'actes criminels qui est financé
notamment par un 10 $ sur chacune des amendes payées par les
contrevenants aux lois québécoises. Alors, on a un système d'aide aux victimes
d'actes criminels et on a, dans un autre système au Québec, l'indemnisation des
victimes d'actes criminels. On a comme... J'aimerais ça, vous entendre
là-dessus, vous dites qu'il faudrait éventuellement intégrer tout ça au sein d'une
même structure. Est-ce que vous êtes en mesure d'élaborer là-dessus?
Mme
Wemmers (Jo-Anne) : Oui. Oui, avec plaisir. Je pense qu'il faut... Mais je comprends très
bien d'où ça vient,
qu'on a deux lois différentes, c'est l'histoire, hein, qui fait ça. Mais, à
quelques moments, on est confronté avec la situation où il y a deux logiques différentes, deux programmes
différents, deux définitions de victimes différentes. Et, avec, entre autres, la déclaration de l'ONU qui
était en arrière de la loi de 1988 sur l'aide aux victimes, on est arrivé
à un point où il faut respecter les normes internationales — obligation morale, en tout cas — et cette déclaration inclut, entre autres, l'indemnisation, l'aide aux victimes, participation des
victimes, etc., dans le processus pénal. Donc, je pense que, pour l'avenir,
il serait souhaitable d'intégrer les deux.
Et,
avec ça aussi, on a l'occasion de développer une logique ou un rationnel
cohérent en arrière de ce programme. Parce
que, maintenant, ils sont presque comme... les deux sont déconnectés un de l'autre.
Pourquoi est-ce que je suis une victime pour la Loi sur l'aide aux victimes et pas une victime pour
l'indemnisation? Je sais que c'est pour les raisons financières, mais explique ça à la victime, ce n'est
pas facile. On a vu déjà, au Manitoba, récemment, ils ont eu le même problème et ils ont développé une nouvelle
législation dans laquelle ils ont intégré les deux types de législation, et,
donc, je le nomme comme un exemple de «best practice», un bon exemple que vous
pouvez suivre ici, au Québec, aussi.
M. St-Arnaud : Au Manitoba, ils avaient ces deux législations et ils en
ont fait une seule?
Mme Wemmers
(Jo-Anne) : Récemment, oui.
M.
St-Arnaud :
Récemment. Très intéressant. Merci beaucoup. Je vais arrêter ici pour l'instant,
M. le Président.
Le
Président (M. Ferland) : Merci. Merci, M. le ministre. Il va vous rester un temps de neuf
minutes environ pour, peut-être, des conclusions vers la fin. Maintenant, je reconnais
la porte-parole en matière d'indemnisation des victimes d'actes
criminels pour le parti de l'opposition officielle et députée de Pontiac.
Alors, Mme la députée, vous avez la parole pour une période de 20 minutes.
Mme L'Écuyer : Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Wermer... madame.
Mme Wemmers
(Jo-Anne) : Wemmers. Non, ça va.
Mme L'Écuyer : Je suis très heureuse de vous entendre parce que vous
venez de sortir à la fin une façon de fonctionner, l'Alberta qui a fusionné...
Une voix : Le Manitoba.
Mme
L'Écuyer : Le
Manitoba. Depuis hier qu'on cherche des façons d'améliorer le service, d'être
proactifs, et là je trouve qu'il y a quelque
chose de nouveau qui vient d'arriver sur la table qui est très, très
intéressant.
M. St-Arnaud : Pour notre chantier.
Mme L'Écuyer : Pardon?
M. St-Arnaud : J'allais dire : Pour notre chantier...
Mme L'Écuyer : Pour notre chantier.
M. St-Arnaud : ...annoncé par le député de Fabre.
Mme
L'Écuyer : Ah!
annoncé par le... C'est parce qu'on veut faire une réforme complète. J'ai été
un peu surprise quand vous disiez qu'il y avait 66 % des victimes qui ne
connaissaient pas le programme et qui l'apprenaient au moment où ils
entreprenaient des démarches vers les tribunaux, et ces choses-là. C'est très
élevé comme...
Mme Wemmers
(Jo-Anne) : C'est très élevé, oui.
Mme L'Écuyer : Ce que je ne comprends pas, compte tenu qu'au Québec nous
avons ce qu'on appelle les CAVAC, qui sont très, très près des policiers, qui
sont souvent les premiers répondants au moment où il arrive un accident — dans certains endroits, ils sont même dans les postes de
police, d'autres sont aux palais de justice — je ne comprends pas que
ce nombre-là soit aussi élevé que ça. Est-ce que vous êtes en train de dire qu'il
y a 66 % des victimes au Québec qui n'ont pas de contact avec ces gens-là?
Mme
Wemmers (Jo-Anne) : Oh! plus que ça, plus que ça. Et je pense qu'il y a quelque chose comme
10 % des victimes qui ont contact avec le
CAVAC.
Mme L'Écuyer : Seulement que 10 %?
Mme Wemmers
(Jo-Anne) : Oui.
Mme
L'Écuyer :
Est-ce que vous savez pour quelle raison qu'il y a seulement que 10 %
des... Puis je ne veux pas, je n'ai pas de
préjugé… mais j'ai un préjugé favorable parce que c'est surtout les femmes et
les enfants qui sont souvent victimes de violence. Pourquoi il y a juste
10 % de ces gens-là qui ont des contacts avec les CAVAC?
Mme Wemmers (Jo-Anne) : Ce n'est pas du tout unique au
Québec. Première chose, ce n'est rien à faire
avec le CAVAC et la qualité du travail qu'ils
font. Parce qu'ils font une excellente job, ce n'est pas ça. Mais il y a toutes
sortes de choses. Manque d'information, les victimes qui ont dit : Moi, je
ne savais même pas que ça existait. Donc, malgré la publicité qu'on a vue les dernières années, il y a
toujours des gens qui ne sont pas au courant du service d'aide. Il y a
aussi des gens, par exemple, qui ont des
idées que… Now, moi, je vais avoir contact avec le CAVAC juste si j'ai des
problèmes de traumatismes, et moi, je n'ai
pas ça, hein? Donc, ils n'ont pas compris qu'il y a toute une tâche d'information,
service d'information, d'aide pratique que
le CAVAC peut offrir. Donc, ils ne sont pas au courant d'autres choses. Il y a
aussi, je pense, un «stigma» qui vient avec
l'aide psychologique. Souvent, on ne veut pas dire, «you know», que c'est un
problème pour nous. Donc, il y a plusieurs
choses qui jouent un rôle dedans. Mais, donc, juste pour dire que c'est une
minorité des victimes qu'on contacte avec les services d'aide, et c'est
quelque chose qu'on voit un peu partout au Canada et aussi à l'extérieur du
Canada.
Mme L'Écuyer : Vous parliez qu'on devrait avoir...
nos programmes devraient être des programmes de
guérison rapide, plus longue est la
guérison, plus les coûts augmentent. Pour vous, un programme de guérison rapide
serait quoi?
Mme Wemmers (Jo-Anne) : Je l'ai dit comme ça, entre autres,
parce qu'on sait que plus rapidement qu'on
vient avec l'offre d'aide que ça va réduire
le risque qu'un traumatisme va se développer, et surtout un traumatisme à long
terme. Toute la recherche est claire là-dessus. Donc, la question d'offrir une
aide rapide est très importante, d'un côté, pour aider les victimes, et, d'autre côté, aussi a des retombées financières
parce que, comme vous le dites, la durée du problème, du traumatisme va
être moins élevée et, ainsi, moins coûteuse pour nous comme société. Donc, c'est
dans l'intérêt de tout le monde, je pense.
Mme
L'Écuyer : D'avoir une rapidité d'intervention
qui fait que la victime va s'en sortir plus rapidement.
Mme
Wemmers (Jo-Anne) : Exactement.
Mme L'Écuyer : Il y a des provinces qui sont en
train de revoir leurs programmes, et vous dites que Terre-Neuve a mis fin au programme. Est-ce que c'est seulement qu'en
raison des coûts ou s'il y a d'autres raisons?
•
(15 h 30) •
Mme
Wemmers (Jo-Anne) : C'est surtout les
coûts. La situation à Terre-Neuve est arrivée immédiatement après que le gouvernement fédéral a mis à fin le
programme de partage des frais et de subventions pour les provinces,
donc c'était exactement en ligne avec ça. Aussi, les territoires n'ont pas des
programmes, ce qui est inquiétant, surtout parce que le taux de violence est
plus élevé dans le Nord du Canada qu'ici.
Mme L'Écuyer : Est-ce qu'un peu partout dans les
provinces ce sont surtout les femmes et les enfants qui sont des victimes de violence? On a la violence
intrafamiliale, on a la violence familiale, mais aussi on a la violence
gratuite. Est-ce que c'est surtout les femmes et les enfants un peu partout au
Canada?
Mme Wemmers (Jo-Anne) : Le sondage des victimisations
démontre que la probabilité d'être victime est
plus ou moins pareille pour les hommes ou
les femmes. La différence, c'est que les femmes sont plus à risque de
victimisation dans la sphère privée, et les
hommes, plus à risque de victimisation dans la sphère publique, si vous voulez.
O.K.? Donc, par exemple, agression
sexuelle, violence conjugale, surtout un risque pour les femmes. Par contre,
vol armé, plus à risque pour les hommes.
Mme
L'Écuyer : Le Québec est signataire
de plusieurs protocoles internationaux de reconnaissance, bon, du phénomène de violence, d'acceptation de
différentes façons d'intervenir. J'aimerais ça, savoir, dans l'ensemble de
ces protocoles-là qui ont été signés par plein de pays — et, entre autres, le Québec, on a quand même des programmes
sur pied où on reconnaît que ça existe, où
on tente de faire le maximum, il y a le Manitoba qui vient de fusionner,
dans le fond, l'ensemble de ses interventions entre l'accueil et l'indemnisation — ça fait combien de temps que le Manitoba a fait ça,
et est-ce que les résultats sont positifs.
Mme Wemmers (Jo-Anne) : Je pense que oui. En tout cas, je n'ai
pas vu une évaluation, mais le feedback que j'ai
reçu était très positif. Ça fait… je pense, 2011 ou 2012, donc relativement
récemment. Mais toute cette information est sur le site de Manitoba Justice, le
ministère de la Justice, disponible en anglais et en français. Donc, une
politique très intéressante.
Ce
qu'ils ont aussi fait — et
je pense que ça serait quelque chose pour vous aussi si vous voulez modifier
les choses — est
que la Loi sur l'aide aux victime d'actes criminels est encore très générale
ici, on ne dit pas qui est responsable pour quoi. Est-ce que c'est la police qui doit…
les victimes? Est-ce que c'est le procureur qui doit informer les
victimes? Et, la recherche est très claire
là-dessus, plus claires que les directives sont, plus grande la probabilité qu'on
va les suivre. Quand c'est vague, n'importe
qui peut faire n'importe quoi, et on ne se tente pas, comme fonctionnaire
responsable, pour le faire parce que c'est le job de quelqu'un d'autre.
Ainsi, une chose qu'ils ont faite aussi, très clairement ils ont dit : La police sont responsables pour X, le procureur,
pour Y. Et ainsi, maintenant, aussi les victimes ont quelque chose
concret, et on peut dire que… Regarde, je n'ai
été jamais informé par la police. Et la police a une tâche très importante à
cet effet-là. Donc, encore, toute cette information, vous trouverez sur
le site Web.
Mme L'Écuyer : Ça fait que ce que vous dites, dans
le fond, quand on veut avoir un programme qui a une bonne pénétration et
qui rejoint les victimes, qui a un bon succès et qui, dans le fond, atteint, ce
que vous disiez, une guérison rapide, c'est qu'il faut que les rôles et
les responsabilités soient très clairs, qui fait quoi, quand et de quelle
façon.
Est-ce que, pour vous, le
fait d'avoir dans les postes de police les intervenants de première ligne,
est-ce que ça devient un lien qui peut être
très, très important par rapport à l'intervention d'un policier qui va dans une
famille puis où l'intervenant va être avec lui? Est-ce que vous pensez que ça,
c'est gage de succès auprès des victimes?
Mme Wemmers (Jo-Anne) : Oui. Oui, ils sont des projets très
intéressants. Mais, déjà dans les années 80,
on a fait ça comme ça aux Pays-Bas. Et ce
que j'ai trouvé — parce que moi, j'ai évalué un tel
programme à l'époque — était que c'était aussi
très important au plan organisationnel parce que c'était un moment dans lequel
les policières et les… — aussi, je peux dire
les CAVAC, hein...
Mme
L'Écuyer : Oui, les CAVAC.
Mme Wemmers (Jo-Anne) : ...même s'ils s'appelaient autrefois
là-bas… — ont pu communiquer et comprendre le travail
de l'autre. Donc, c'était une façon de sensibiliser deux organisations, types
de travail très différents, au fond, de l'importance de ce que fait l'autre.
Donc, j'encourage ce type de collaboration, bien sûr.
Mme L'Écuyer : Ça confirme ce que j'ai eu comme
information quand j'ai rencontré des CAVAC. Il y en a qui le font, c'est
fait, c'est déjà de l'acquis, ils sont avec les policiers. D'autres, pas
encore, ce n'est pas... C'est une mesure qui n'est pas obligatoire. Il faut que les différents corps de police dans
les villes — je pense que je vous en avais déjàparlé — soient d'accord. Sinon, ça... Et je pense que c'est
quelque chose qui devrait devenir une façon de faire, et j'ai l'impression qu'il y a une partie et de diminution au
niveau des coûts qu'on pourrait atteindre là parce qu'en termes d'organisation...
L'autre commentaire que nous avons eu
beaucoup au cours des deux jours, c'était la lourdeur administrative, les documents qu'il faut compléter, toutes ces démarches-là.
Quand on parle de bureaucratisation, ça a aussi des coûts. Il faut les traiter, ces documents-là. Il faut qu'il
y ait des gens, là, qui les manipulent. Est-ce que, dans votre expérience,
vous avez vu des endroits où, finalement,
tout ce qu'on appelle administration était au minimum vis-à-vis des victimes en
termes de... Il y a quelqu'un qui nous disait : Si on veut faire une
réclamation, on a des documents, c'est immense, il y a plein de questions qui
ne nous touchent pas. Est-ce qu'il y a des endroits où c'était au minimum, les
questionnaires à compléter puis ces choses-là?
Mme Wemmers (Jo-Anne) : Ce qui est clair est que, quand il y
a des réponses standard, hein, des tarifs
standard, comme, par exemple, ce qu'on a en Angleterre, ça devient moins
compliqué à un niveau. Il y a des avantages et des désavantages avec tout, c'est
parce qu'aussi c'est moins personnalisé en même temps. Mais l'avantage est que
c'est assez clair pour tout le monde, c'est pareil pour tout le monde, et,
ainsi, ça devient moins compliqué, moins lourd comme processus.
Je peux dire aussi, il y a d'autres systèmes,
comme par exemple en Australie, où, de moins en moins, on donne l'argent et, de plus en plus, on donne du service au
lieu de ça. Donc, c'est aussi une autre façon d'éviter des coûts
supplémentaires et, en même temps, à avoir au coeur du programme l'aide et la
guérison de la victime. Donc, il y a plusieurs modèles différents qui existent
au monde si on cherche l'inspiration, on cherche d'autres façons de faire.
Mme
L'Écuyer : Dans les modèles que vous
avez soit évalués ou que vous connaissez, celui qui donne pas d'argent, mais le service direct pour arriver à
une guérison rapide, est-ce que dans... puis le modèle où on va donner
des sommes d'argent, lequel... avez-vous pu évaluer quel était le plus
pertinent?
Mme
Wemmers (Jo-Anne) : Quel était le
plus...
Mme L'Écuyer : Le programme… la façon de procéder en
donnant des soins sans l'argent, les résultats
étaient meilleurs et les coûts étaient mieux
contrôlés, ou bien en donnant un montant à la victime, et la personne était
responsable d'aller chercher ses soins?
Mme
Wemmers (Jo-Anne) : C'est difficile
de répondre rapidement comme ça, mais ce qui est clair de la recherche, c'est que les victimes cherchent la reconnaissance
dans le processus. Et plusieurs victimes vont dire : Ce n'est pas pour l'argent que je l'ai fait, je l'ai fait
pour la reconnaissance et je suis satisfaite que j'ai obtenu cette
reconnaissance. Ou pas, hein, pour les gens
qui ne se sont pas entendus dans le processus. Donc, je pense que ça peut nous
donner une piste aussi de comment
avoir une approche qui aide… un côté personnalisé, dans le sens qu'on écoute
les personnes, on est en reconnaissance de la personne, reconnaissance
de ses besoins sans nécessairement que ça mène à un grand montant d'argent, mais plutôt des choses concrètes pour
répondre à ses besoins, par exemple, psychosociaux. Il y a toujours des besoins financiers. Il ne faut pas nier que, les
gens, aussi il faut vivre, hein? Donc, on ne peut pas complètement
couper les frais financiers, mais il faut, je pense, aussi placer plus d'importance
sur les besoins psychosociaux aussi pour que la personne puisse reprendre sa
vie.
Mme
L'Écuyer : Merci. Des questions,
monsieur...
Le Président (M. Ferland) : Alors, merci, Mme la députée. Ça va
pour le parti de l'opposition. Maintenant, je reconnais le porte-parole du deuxième groupe du
parti d'opposition, le député de Saint-Jérôme, avec un temps de cinq
minutes, M. le député.
M. Duchesneau : Cinq minutes. Merci, M. le Président.
Fort intéressant, votre présentation. De nous avoir donné une perspective
plus globale, je pense, nous oriente beaucoup, et surtout les pistes de
solution que vous avez apportées.
Je pense qu'il est clair de votre témoignage
que le sort des victimes, c'est une responsabilité de l'État mais qu'il y a aussi peut-être d'autres partenaires qui peuvent
se glisser. Et, depuis quelques jours, on tourne avec l'idée de dire comment on va chercher des revenus, vous parlez des
compagnies d'assurance. C'est vrai, quand on y pense, les compagnies d'assurance
offrent des assurances en cas de poursuite légale qu'on n'utilise presque
jamais, mais on paie presque toujours. Il y
avait peut-être des partenariats à aller faire si on veut vraiment innover. Si
on veut vraiment donner l'importance que les victimes méritent, il y a
peut-être lieu d'aller arpenter d'autres avenues, qui n'a pas encore été fait.
Je suis aussi interpellé, aussi, par tous les
coûts dont vous avez parlé qui sont assumés par l'IVAC. Est-ce que c'est une étude que
vous avez faite de façon plus poussée ou c'est simplement à partir des rapports
de l'IVAC que vous avez tiré ces données-là?
Mme
Wemmers (Jo-Anne) : Le fait que l'IVAC
assume les coûts?
M.
Duchesneau : Assume des coûts.
•
(15 h 40) •
Mme Wemmers (Jo-Anne) : Ça fait partie de... Je pense que le
travail que j'ai fait pour le comité en 2002
quand on a... Ça, c'était… Mais vous pouvez me corriger, M. le ministre, si ce
n'est pas le cas, mais ce n'est pas nouveau, c'était toujours comme ça dès le
début.
M. Duchesneau : C'est parce que ça explique peut-être
une des questions qu'on avait hier, c'est pourquoi, en Ontario, on a de l'aide
aux victimes qui coûte 35 millions et qu'au Québec ça coûte
100 millions. Alors, c'est peut-être juste un jeu comptable.
Mme Wemmers (Jo-Anne) : Oui. Entre autres, quand on va
comparer les frais des différents programmes
au plan international, au plan provincial,
il faut aussi regarder quels coûts sont couvrir et d'où vient l'argent, bien
sûr, ce qui fait que c'est très
difficile. Ça peut sembler que notre programme est très généreux, mais ça peut
aussi être que l'argent qui vient d'ailleurs,
d'un autre programme, donc... Par exemple, dans un pays comme Norvège, où l'aide
psychologique est gratuite pour tout le
monde, ça, ce n'est pas quelque chose qu'on va trouver dans le programme d'indemnisation,
mais ça ne veut pas dire que les citoyens n'ont
pas accès à l'aide psychologique non plus. Ce qui fait qu'il faut connaître le
système de l'aide sociale, de l'aide médicale, etc., pour comparer les
différents programmes.
M.
Duchesneau : Mais est-ce que vous
connaissez une étude qui a, justement, fait cette étude comparative entre pays
et entre programmes?
Mme
Wemmers (Jo-Anne) : Oui. En Europe,
entre autres, il y avait un livre vert qui a été produit. Parce qu'en Europe on a travaillé très, très fort pour
que tous les Européens, en ligne avec l'Union européenne, peuvent avoir accès à un programme d'indemnisation, exactement
pour éviter quand on va à Terre-Neuve et on ne va pas avoir... ou en Espagne et ne pas avoir accès à un programme d'aide.
Et, ainsi, c'était quoi… en 1999, je pense, quelque chose comme ça, 2000 peut-être, qu'il y avait un livre vert qui a
été produit par l'Union européenne. Ils ont donné le contrat à un
chercheur pour faire exactement cette
comparaison des différents programmes, etc., et ce document a été la base pour
la politique pour améliorer les programmes dans les différents pays
européens. Donc, je peux le chercher quelque part pour vous si vous le voulez.
Mais c'est sur l'Internet, je pense, aussi.
M. Duchesneau : Ah oui? Bien, on va faire des
recherches. Mais, si jamais vous mettez la main dessus, on serait sûrement intéressés.
Maintenant, quand on fait des réflexions de
cet ordre-là, on doit nécessairement s'appuyer sur des études qui ont été faites. Est-ce que je me trompe, mais ici, au
Québec, tout ce qui touche la victimologie, on est quand même bien représentés
au niveau de la recherche, n'est-ce pas?
Mme Wemmers (Jo-Anne) : Oh! je pense que ça va bien ici, au
Québec, pour la victimologie en comparaison d'avec ailleurs, bien qu'ailleurs on voie qu'il y
a aussi des avancées. Récemment, il y a deux ans maintenant, en Ontario,
Algonquin College a mis en place tout un
programme d'un an en victimologie, par exemple. Donc, on n'est pas les
seuls. Mais, par contre, oui, ça va bien
relativement. Si je regarde juste à l'école de criminologie, moi, je suis là
depuis 12 ans déjà. Avant moi, il y
avait d'autres... J'ai fêté, il y a deux ans… on a fêté le 50e anniversaire de
l'école de criminologie, et, avec ça,
il y avait toute une partie, 50 ans de victimologie au Québec. Parce que,
dès le début de l'école, il y avait des gens qui travaillent dans la
victimologie, oui.
M.
Duchesneau : Oui, j'étais là, d'ailleurs.
Mais, sans le savoir — parce que je sais qu'il
ne me reste pas beaucoup de temps...
Le
Président (M. Ferland) :
15 secondes environ.
M. Duchesneau : ...mais je veux vous remercier — vous venez de me donner beaucoup de notes pour faire ma conclusion de tantôt. Alors, votre témoignage a été
fort intéressant, madame. Merci.
Le
Président (M. Ferland) : Merci, M. le député de Saint-Jérôme. Alors, maintenant, je reconnais la députée de Pontiac.
Mme L'Écuyer : Merci, M. le Président.
Le Président (M.
Ferland) : Pour un temps, je pense…
de quoi? Il reste sept minutes.
Mme L'Écuyer : Sept minutes? Bien, je vais me garder quelques minutes
pour la fin.
Le Président (M.
Ferland) : Oui, oui, pas de problème.
Allez-y.
Mme
L'Écuyer : Une
dernière question. Ce matin, on recevait Mme Langevin, qui est un
professeur d'université, et, dans son mémoire, elle parlait qu'on devrait
moderniser la loi. Tout le monde l'a demandé, il faut revoir une loi que
ça fait 40 ans qui n'a pas été touchée, mais qu'on rajoute des bouts ici
et là, et il faudrait la revoir au complet. Et elle disait qu'il fallait tenter d'enlever — puis
je vais le lire dans son mémoire — «les aspects problématiques qui
sont incompatibles avec un modèle d'indemnisation
du risque social que constitue la violence intrafamiliale». On parlait beaucoup
de violence intrafamiliale, c'est ce qu'elle parlait dans son mémoire.
J'aimerais
ça, vous entendre parler de, pour vous, c'est quoi, un modèle d'indemnisation
du risque social de violence.
Mme Wemmers
(Jo-Anne) : C'est une bonne question.
C'est les mots de Louise, pas de moi, hein? Donc, «modèle d'indemnisation du risque social», je ne peux pas dire pour elle
c'est quoi, ça, mais je pense, pour moi, il s'agit d'un programme qui
met en avant la guérison rapide de la victime. C'est ça surtout.
Une
des questions qu'on pose souvent est : Si le programme est là pour les
victimes, pourquoi est-ce qu'on a exclu
certaines victimes de violence? Pourquoi est-ce qu'on n'a pas inclus les
proches pendant longtemps, hein? C'était une
lutte pour les inclure. Donc, il faut mettre en avance le bien-être des
victimes. Et ainsi, bien sûr, je comprends qu'il faut gérer les coûts, et tout ça, mais de le faire d'une façon qui est
bien réfléchie, bien justifiée. Et le problème qu'on voit maintenant est
que, même si on fait des modifications importantes maintenant, je n'ai pas l'impression
que c'est bien réfléchi, que c'est plutôt une réaction suite à une situation. C'est
comme mettre des Band-Aid un peu partout. À quelque moment, il faut refaire le
modèle.
Mme
L'Écuyer :
Merci. Je ne voulais pas vous mettre dans l'embarras, mais je pense que votre
réponse colle à cette réalité qui nous avait
été expliquée. C'est, dans le fond, trouver l'ensemble des mesures qui vont
aider le plus rapidement possible les gens qui ont été aux prises avec la
violence conjugale. Merci, madame.
Le
Président (M. Ferland) : Merci, Mme la députée. Maintenant, je passe la parole au ministre de la Justice. M. le ministre.
M.
St-Arnaud : Oui.
Bien, ça complète pour moi. Merci beaucoup, Mme Wemmers. Très intéressant, et
on va aller fouiller le code du Manitoba parce
que c'est sûr que... Puis Mme Renée Madore, qui m'accompagne, me disait qu'il y avait une réflexion au ministère de la
Justice du Québec sur cette problématique des deux lois et avec… Des
fois, on en vient à se mélanger parce qu'on
se dit : Comment ça se fait — justement, hier, on avait cette réflexion-là — comment ça se fait qu'il y a de l'argent dans le fonds d'aide
aux victimes d'actes criminels puis qu'on n'est pas capables de s'en
servir pour indemniser des victimes d'actes criminels, alors qu'on dit souvent
qu'il y a des dizaines de millions qui dorment
dans ce fonds? Donc, il y a de l'argent, mais on ne peut l'utiliser pour
indemniser. Par contre, on peut l'utiliser pour aider via différents organismes d'aide aux victimes d'actes
criminels. Alors, on va aller certainement regarder ça. Je ne sais pas
si ça sera... Parce que je ne sais pas si ça sera à l'intérieur de la
discussion que nous ferons sur la suite à donner au projet de loi n° 22,
mais, en tout cas, dans la réflexion d'ensemble qu'on aura à faire plus tôt que
tard sur l'ensemble de l'aide et de l'indemnisation
qui est apportée par l'État québécois aux victimes d'actes criminels,
certainement qu'on va considérer avec
beaucoup d'attention... En tout cas, on va aller voir ce que vous nous avez...
Vous nous avez mis sur une bonne piste, je pense, pour la suite des
choses à cet égard-là.
Alors,
merci beaucoup encore une fois d'être venue et de nous avoir éclairés sur un
certain nombre d'éléments. Merci beaucoup. À
la prochaine.
Le
Président (M. Ferland) : Merci. Merci, M. le ministre. Alors, à mon tour, Mme Wemmers, de vous remercier pour votre contribution, collaboration, donc, du
Centre international de criminologie comparée, de sa... de votre contribution,
c'est-à-dire. Excusez.
Donc, nous allons
suspendre les travaux quelques instants, le temps de faire les remerciements d'usage,
et nous allons reprendre...
(Suspension de la séance à
15 h 48)
(Reprise à 15 h 50)
Mémoires
déposés
Le
Président (M. Ferland) : Alors,
merci. Nous allons reprendre nos travaux. Donc, avant de passer aux remarques
finales, je dépose les mémoires des organismes qui n'ont pas été entendus, Mme
la secrétaire.
Remarques
finales
J'invite maintenant le porte-parole du
deuxième groupe d'opposition officielle en matière de justice et député de Saint-Jérôme à formuler ses remarques finales pour un
maximum de trois minutes, M. le député.
M.
Jacques Duchesneau
M. Duchesneau : Aïe! vous venez de me prendre, oui — comment je dirais? — par surprise. Alors, je
pourrais prendre mes trois minutes pour faire l'éloge du président de cette
commission, qui a su mener de main de maître les délibérations, qui ont vraiment porté fruit. Non seulement je suis votre
voisin en Chambre, mais je pense qu'on pourrait avoir des affinités
ensemble. Monsieur...
Des
voix : ...
M. Duchesneau : Professionnelles, professionnelles.
Je reconnais son professionnalisme. Non, je veux
remercier M. le ministre. J'ai aimé le
survol historique que vous avez fait hier sur l'évolution de cette loi et je
pense qu'il faut saluer votre courage de peut-être avoir dépoussiéré
cette loi-là malgré les moments de déprime que peuvent vous apporter les
délibérations qu'on a eues.
Je veux aussi remercier mes collègues, vraiment,
qui ont réussi à élever le débat et, naturellement, tous les participants qui
sont venus, qui nous ont apporté le fruit de leur réflexion. Et tout ça, je
pense que c'est pour le mieux-être de tout le monde.
On a souvent dit que le sort des victimes,
pour nous, c'est une priorité, et, personnellement, je pense que le sort des victimes, c'est
une responsabilité gouvernementale non négociable. Maintenant, comment on s'occupe
de nos victimes, c'est peut-être ce qui reste à voir. La protection,
souvent, des personnes qui sont les plus vulnérables…. Surtout des personnes qui ont eu des traumatismes ont besoin d'aide,
et cette aide aux victimes doit se faire dans le respect de la dignité
humaine. Et je donne un exemple, c'est que quelqu'un blessé lors d'un accident
de la route, le médecin qui le reçoit s'occupe
de l'ensemble des blessures, et non pas seulement d'un type de blessure. Et
souvent, dans les cas des victimes d'agression
sexuelle et de violence conjugale, c'est non seulement une blessure physique,
mais souvent une blessure à l'âme, et
ça, je ne suis pas sûr qu'on s'en occupe. Certaines victimes ont des parcours
qui sont semés de solitude, d'improductivité, de doute. Il faut qu'on
soit là pour rebâtir ces personnes-là, souvent une brique à la fois.
Et, pour ce faire, moi, je vous dis tout de
suite, M. le ministre, que nous allons appuyer votre projet de loi tel qu'il est, avec sûrement quelques modifications, mais je
ferai une recommandation dans mes remarques vraiment finales pour dire :
Peut-être qu'il faut aller plus loin que l'exercice qu'on vient de faire là
pour revoir une fois pour toutes en profondeur
comment — surtout avec les propos que je viens d'entendre — on comptabilise ce 100 millions là. Est-ce qu'on en a pour
100 millions? Est-ce qu'on pourrait le... On a aussi parlé de revenus.
Est-ce qu'on est capables d'aller chercher d'autres sources de revenus?
Moi,
je pense que les témoignages qu'on a entendus aujourd'hui nous convient à
devenir de plus en plus innovateurs face à un problème aussi important que
celui-là. Et je pense que je suis près de mon trois minutes.
Le
Président (M. Ferland) : Vous avez
même dépassé. Vous voyez, j'ai encore une fois...
Des
voix : ...
M.
Duchesneau : Oui, voyez-vous, ça
vaut...
Des
voix : ...
M. Duchesneau : M. le Président, j'ai compris que ça
valait la peine de flatter le président dès le début de nos remarques. Comme ça, ça aide, ça paie.
Le
Président (M. Ferland) : Merci.
Merci, M. le député. Merci pour les affinités, mais ça va s'arrêter à cette
étape-ci. Je ne crois pas que nous aurons une longue carrière au niveau des
affinités, mais j'apprécie beaucoup votre contribution autour de cette table,
M. le député.
M.
Duchesneau : …je le pense.
Le
Président (M. Ferland) : Alors,
maintenant, j'invite la porte-parole de l'opposition officielle en matière d'indemnisation
des victimes d'actes criminels et députée de Pontiac à faire ses remarques
finales. Et vous disposez d'un temps de six minutes, Mme la députée.
Mme Charlotte L'Écuyer
Mme
L'Écuyer :
Merci, M. le Président. Je ferai mes remerciements au monde... Je veux surtout
parler des gens que nous avons rencontrés. Je
pense que ça a été une très belle commission. On se devait d'écouter des
personnes. Je pense, le fait qu'ils ont pu
venir nous dire comment ils vivaient ça nous a fait prendre conscience que ces
gens-là ont été… et ont perdu à peu
près de ce qui a de plus précieux, leur intimité, leur vie et ce qu'ils étaient
avant. Aujourd'hui, on avait devant
nous… hier et aujourd'hui, c'est des personnes qui ne sont pas ce qu'elles
étaient. Je pense que, quand on a des personnes
qui sont aux prises avec ce type de drame et ces horreurs... change
fondamentalement qui elles sont, et j'avais l'impression hier aussi qu'il y en avait beaucoup qui avaient perdu un
peu la foi dans l'humanité. C'est à nous, comme parlementaires, d'essayer de voir de quelle façon on peut répondre au
maximum et leur donner des outils, dans le fond, pour être capables de
continuer dans cette vie, qui peut être très difficile pour ces personnes-là.
J'ai
beaucoup aimé aussi les gens qui sont venus avec des mémoires, qui, même s'ils
se sentaient brisés, avaient aussi de la combativité de dire : On pourrait
faire peut-être telle chose, il y a ça qu'il faut améliorer. Ça, ce n'est pas
assez rapide. Et ça, pour moi, c'est un signe qu'ils veulent continuer à aller
de l'avant, même si c'est très, très difficile.
Je
pense qu'aujourd'hui — et surtout avec la dernière
intervenante — on a eu des pistes de réflexion
intéressantes. D'abord, il faut dire à M. le
ministre que tout le monde a parlé d'une réforme en profondeur du projet de
loi. Nous serons disponibles pour un
grand chantier si tel est votre voeu. Je pense que ça mérite qu'on regarde ce
qui se passe. C'est sûr qu'on rêve tous
de la journée où il n'y en aura plus, de ce type de violence là, mais je pense
qu'avant qu'on arrive à ça ça va peut-être
aller en augmentant. Du fait qu'on en parle beaucoup plus, les médias sociaux
ont un rôle très évident et important dans la dénonciation. Puis on s'en
aperçoit, il y a... un parle, parle à l'autre, et ça fait boule de neige. Ça
fait que je pense qu'on a à regarder où, dans cinq ans, on veut être avec ce
type de projet de loi et ce type d'intervention.
Et
je suis d'accord avec mon collègue quand il dit : Il y a
100 millions, comment l'utilisons-nous? Est-ce que c'est de la meilleure
façon? Est-ce que le fait d'avoir deux directions n'a pas un coût insoupçonné?
Est-ce que ces argents-là seraient mieux placés qu'on les prenne
autrement? Quel rôle joue notre service de santé en termes de support à ce programme-là? Je pense aux CLSC avec leurs
psychologues, et ces choses-là. Est-ce que l'IVAC doit toujours payer
dès qu'elle demande un service? Ce n'est pas
l'IVAC qui demande le service, c'est la personne. Si la personne n'est pas
dans l'IVAC, elle ne paiera pas. Pourquoi l'IVAC aurait des coûts à payer? Je
pense que c'est des questions... Je ne sais pas si on l'a fait, mais je pense
qu'il faut poser toutes les questions qu'on a à se poser.
Le
15 % d'administration, si j'ai compris, c'est quand on achète des services
ailleurs qu'on paie 15 %. C'est ça.
Pourquoi on paie 15...
Une voix : ...
Mme
L'Écuyer : Bien,
pourquoi on paie 15 % si on va acheter des services en santé? Les services
ne sont pas donnés
à l'IVAC, ils sont donnés à la personne. Si la personne n'est pas dans une
situation d'IVAC, on ne le paie pas, le 15 %. Ça fait que je pense
que c'est des questions qu'on va devoir se poser.
Il
y a une étape de franchie, on va faire ce projet de loi là. Et il y a peut-être
quelques suggestions qu'on va vous faire, mais
on va appuyer le projet de loi. Moi, pour moi, c'est important. C'est un projet
de loi qui s'adresse à des personnes qui sont venues nous dire que c'est
important qu'on fasse ce que vous nous avez proposé.
Et,
en terminant, je veux d'abord vous remercier, M. le Président, ça a été plus qu'agréable.
Nous avons siégé pendant les 10 dernières années en commission des heures, et des
heures, et des heures. Nous en avons eu des agréables, d'autres
peut-être un peu plus difficiles.
Le Président (M.
Ferland) : On est comme un vieux
couple...
Mme L'Écuyer : On en a vu de toutes les couleurs.
Une voix : …déclaration d'amour.
Mme L'Écuyer : Oui.
Le Président (M.
Ferland) : Non, mais c'est un
constat. Après tant d'années, on...
Des voix : ...
Le Président (M.
Ferland) : Après 10 ans, on réalise
qu'on est un couple, on ne le savait même pas.
Mme L'Écuyer : Bien oui, puis on ne le savait même pas.
M.
le ministre, je vous remercie, l'ensemble des collègues. Les deux collègues qui
sont venus m'appuyer, je vous remercie beaucoup d'être là, Émilie, qui courait,
courait parce qu'on avait besoin de telle chose et telle chose, l'ensemble
des membres de soutien de la commission et l'équipe de techniciens qui sont
toujours très fidèles au poste. J'espère que,
s'il y a des bouts qui ne devraient pas être... vous allez les couper. Merci.
Mais je pense qu'on a été, même en ayant... ce qui démontre qu'on peut
avoir du plaisir même dans une commission qui était aussi difficile que
celle-là. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Ferland) : Merci, Mme la députée. Vous avez tout
à fait raison, souvent, que, pour les gens qui
nous écoutent, là, on n'est pas toujours à couteaux tirés ou à... Il y a des
projets de loi, des sujets qui sont un petit peu plus sensibles que d'autres,
donc on constate la...
Une voix : L'amour.
Le Président (M.
Ferland) : Je n'irais pas jusque-là.
Et, sur ce, je vais passer la parole...
Une voix : ...
Le
Président (M. Ferland) : Sur ce, je vais inviter le ministre de la Justice à faire ses remarques préliminaires avec un temps de six minutes, M. le
ministre.
M. Bertrand St-Arnaud
M.
St-Arnaud : Oui. Merci, M. le Président.
Le Président (M.
Ferland) : Et vous pouvez faire des
déclarations aussi si vous voulez, mais...
• (16 heures) •
M. St-Arnaud : Ah! bien... Non, mais je viens d'en
recevoir une de la part du député de Beauharnois, M. le Président.
Des voix : …
M.
St-Arnaud : M.
le Président, avant que je rougisse trop, merci, M. le Président, merci de
votre travail. En fait, vous êtes tellement bon, M. le Président, qu'on
vous signe pour les huit prochains projets de loi que j'ai l'intention
de déposer dans la prochaine année. On en a deux de passés en partie.
Le Président (M.
Ferland) : Ça a bien été, les deux,
là.
M.
St-Arnaud : Ça a
très bien été. Alors, effectivement, ça complète nos consultations
particulières. Et je veux saluer d'abord la porte-parole de l'opposition
officielle, qu'on connaît bien, effectivement, que je connais bien
depuis cinq ans, qui est une personne très
humaine et très sensible aux réalités de ses semblables. Et je la salue, je la
salue pour ses interventions très,
très senties, mon collègue et ami, le député de Fabre, le député de
Marguerite-Bourgeoys, le député de Saint-Jérôme. Et, de ce côté-ci, je
salue le député de Sanguinet, le député de Beauharnois et notre collègue qui a
dû s'absenter cet après-midi, le député de Sherbrooke.
On
va se donner quelques jours pour digérer tout ça, tout comme on l'a fait avec
le projet de loi n°
17. Je pense qu'effectivement
il y a des pistes de réflexion, en tout cas, moi, qui m'ont enrichi et qui, je
pense, ont enrichi toutes les personnes
qui étaient présentes à cette commission, alors des pistes qui nous ont été
apportées par toutes les personnes, les groupes qui ont témoigné. Et je
crois comprendre qu'on a aussi des documents. En fait, le Barreau du Québec, si
je comprends bien. La Protectrice du citoyen nous a aussi transmis des pistes
de réflexion intéressantes pour la suite des choses.
Alors, je propose qu'on se donne quelques jours. Ça tombe bien, on a une
semaine, la semaine prochaine, pour regarder
ça et peut-être faire l'adoption du principe en revenant mardi le 9 avril si
les gens de l'opposition sont disponibles et, ensuite, de voir comment
on oriente la suite des choses.
Évidemment,
je l'ai dit et dès le départ, le projet de loi n° 22 visait, avant tout, à combler
des lacunes qui nous apparaissaient urgentes à
combler rapidement. Mais c'est clair, à la lumière des témoignages qu'on a
entendus depuis deux jours, que cette
réforme-là, elle est... il va falloir la faire. Je le disais dès le départ,
mais j'en suis encore plus convaincu. Je ne sais pas où on va l'inscrire
dans notre agenda de la prochaine année, mais c'est clair que, pour reprendre
un peu ce que disait le député de Saint-Jérôme et ce que disait la députée de
Pontiac, comment on peut faire pour aider
davantage et mieux soutenir nos victimes d'actes criminels et, surtout, comment
peut-on faire… On met de l'argent
là-dedans, on met déjà 100 millions en indemnisation, 20 millions en
aide. Est-ce qu'on en a pour notre argent? Est-ce qu'il y aurait une
façon de revoir tout ça? La piste qui nous a été proposée cet après-midi, là,
de voir ce qui s'est fait au Manitoba, où ils ont dit, ils ont mis... il y a
une réflexion à faire.
Maintenant, qu'est-ce
qu'on va faire avec le projet… Là, la première étape, c'est le projet de loi n° 22.
Il y a certaines choses, certaines lacunes, je pense, qu'on doit combler, et je
pense qu'à peu près tout le monde a convenu qu'il
fallait les combler. Puis, sauf peut-être pour le délai d'un an à deux ans, je
pense que tout le monde était d'accord avec les autres mesures. Sur le
délai, je pense qu'on peut avoir des réflexions. Il y a eu des choses
intéressantes. Ce matin, Me Langevin nous est arrivée avec... Il y a
peut-être des choses qu'on peut regarder qui ne coûteraient pas nécessairement de sous. Ou, en tout cas, il faudra
l'évaluer, là, dans la façon dont on se préoccupe tout particulièrement
des victimes d'agression sexuelle et de violence conjugale.
Alors,
M. le Président, laissons-nous quelques jours pour méditer tout ça, pour mûrir
et regarder avec attention, là, certaines des propositions. Moi, je l'ai dit
hier, moi, je suis ouvert à ce qu'on... si on peut faire un certain nombre
de modifications dans le projet de loi n° 22. Mais c'est sûr
qu'on ne pourra pas faire la grande réforme tout de suite, là, mais on peut peut-être se donner un échéancier,
voir comment… Parce que je pense qu'il va falloir la faire. Honnêtement,
il va falloir la faire. Peut-être...
Tantôt, Mme Renée Madore, qui m'accompagne et que je
salue avec toute l'équipe, tous les gens du
ministère qui étaient présents durant nos consultations, me disait que cette
réflexion-là, là, de réunir, d'intégrer l'aide aux victimes d'actes criminels et l'indemnisation, c'est une
réflexion qui est déjà amorcée au ministère, alors, depuis un certain
temps. Peut-être que Mme Simard est au courant, que je salue, qui a oeuvré
au ministère pendant un certain temps avec mon prédécesseur. Alors, qu'on réfléchisse à tout ça au cours des prochains
jours, des prochaines semaines. Et je voudrais saluer également mon
attaché politique, Marc-André Ross, qui m'a accompagné durant ces travaux.
Alors, merci à tous.
Je
pense qu'on sort tous enrichis, et là il va falloir se demander ce qu'on fait
pour la suite des choses, encommençant par le ministre, qui, tout comme dans
le projet de loi n° 17, repart avec beaucoup de points
d'interrogation sur la suite des choses. Mais je pense qu'on va finir tous
ensemble… Parce qu'il y a vraiment une qualité à cette commission assez
remarquable de parlementaires avec beaucoup d'expérience dans différents
domaines, et je pense qu'on est capables d'aboutir,
tout comme pour le projet de loi n° 17, à un excellent projet de loi n° 22, une excellente loi, une excellente loi
n° 17, et éventuellement en se
donnant une perspective pour la suite des choses et peut-être en traçant certaines
pistes pour la suite des choses, pour cette réforme qu'il faudra faire et que
je ne demande pas mieux à faire si on peut trouver le temps de la faire
au cours des prochains mois. Alors, M. le Président, c'est toujours un plaisir.
À très bientôt. Merci beaucoup.
Le
Président (M. Ferland) : C'est moi qui vous remercie. Alors, je vais, moi aussi, à mon tour,
vous remercier parce que ça a été un plaisir de présider cette commission-là pour le
projet de loi n° 22.
C'est un sujet, bien entendu, très sensible, on l'a vu par les groupes qui sont venus
présenter des mémoires, les individus. Je les remercie, bien sûr. Je les
remercie et, encore, je le répète un peu publiquement parce que c'est pour l'enregistrement,
les gens aussi qui nous écoutent. Parce qu'on
ne porte pas toujours une attention, hein, il y a beaucoup de gens qui... Pas
parce que, quand c'est moi qui
préside, que les cotes d'écoute sont plus élevées, mais c'est... il reste, il y
a quand même un impact là-dessus. Mais je voulais quand même vous
remercier. Ça a été agréable, vous avez facilité ma tâche. Parce que, quand il
y a une collaboration… Ce n'est pas toujours
le cas, bien entendu, de tous les projets de loi, on le sait, mais souvent,
souvent, et ça fait une belle démonstration
aussi pour les gens qui nous écoutent, pour ceux qui nous permettent de siéger,
d'être ici en leur nom, à l'Assemblée nationale, c'est un privilège,
donc ils peuvent quand même réaliser que, souvent, souvent, on est capables de
travailler dans l'harmonie et de faire avancer les choses pour l'ensemble des
citoyens.
Alors,
moi, en terminant, je veux remercier, bien entendu, tout le personnel du
Secrétariat de la commission qui nous supporte tout au long des... ceux qui nous
servent si bien quand on demande soit un café, ou un thé, ou autre
chose. Alors, je vous remercie beaucoup. Et, tout le personnel, bien entendu, de
vos cabinets respectifs et les fonctionnaires du ministère, merci beaucoup.
Sur
ce, ayant accompli notre mandat — parce que c'est
ensemble — j'ajourne les travaux sine die. Et
bonne fin de journée à tous. Merci.
(Fin de la séance à
16 h 7)