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(Quinze heures trente-cinq minutes)
La Présidente (Mme Bélanger): À l'ordre,
s'il vous plait! Je déclare la séance de la commission des
institutions ouverte. Le mandat de la commission pour cette séance est
de procéder à une consultation générale et de tenir
des auditions publiques sur la protection de la vie privée eu
égard aux renseignements personnels détenus dans le secteur
privé. Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. Bourdon
(Pointe-aux-Trembles) remplace Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve) et M. Gauvin
(Montmagny-L'Islet) remplacera M. Dauphin (Marquette).
La Présidente (Mme Bélanger): Merci. Alors, je vais
faire la lecture de l'ordre du jour. À partir de maintenant, la
commission entame ses travaux par les déclarations d'ouverture, et ce,
pour une durée d'une heure, c'est-à-dire 30 minutes du
côté ministériel et 30 minutes du côté de
l'Opposition; à 16 h 30, nous entendrons les représentants de la
Fédération nationale des associations de consommateurs du
Québec et l'ACEF-Centre; à 17 h 30 suivra Équifax Canada
inc.; à 18 h 30, la commission suspendra ses travaux jusqu'à 20
heures; à 20 heures, les travaux reprendront avec le Barreau du
Québec; à 21 heures sera entendue la Confédération
des syndicats nationaux; à 22 heures, la commission ajournera ses
travaux. Est-ce que cet ordre du jour est adopté?
Une voix: Adopté.
La Présidente (Mme Bélanger): Alors, M. le ministre
de la Justice, pour les remarques préliminaires.
Déclarations d'ouverture M. Gil
Rémillard
M. Rémillard: Merci, Mme la Présidente. Mon
collègue, le ministre des Communications, mes collègues membres
de cette commission parlementaire, M. le représentant de l'Opposition
officielle, mesdames, messieurs qui êtes avec nous cet après-midi
pour l'ouverture de cette commission parlementaire, nous sommes réunis
ici aujourd'hui pour amorcer le début des travaux de cette commission
tant attendue sur la protection de la vie privée eu égard aux
renseignements personnels détenus dans le secteur privé.
Avant que nous commencions à entendre les représentants
des organismes qui ont accepté de venir nous faire part de leurs
commentaires sur le sujet, permettez-moi d'effectuer un bref retour en
arrière, Mme la Présidente. Le sujet qui retient donc notre
attention aujourd'hui, soit le respect de la vie privée, est depuis
longtemps au coeur de plusieurs débats. Les méthodes de plus en
plus sophistiquées reliées à la technologie informatique,
permettant d'accumuler des quantités importantes de données sur
les personnes, ainsi que leurs formes de traitement élaborées
suscitent chez les citoyens et les citoyennes une inquiétude croissante
à l'égard de l'atteinte à leur vie privée. Ces
instruments utiles à notre société moderne posent de
nouveaux enjeux en ce qui a trait aux droits et libertés dans une
société démocratique. L'alarme a sonné face
à la prolifération des banques de données qui s'implantent
de plus en plus dans des secteurs tels que le logement, le travail, les
finances, le domaine médical et bien d'autres.
Ces percées scientifiques ont évidemment été
conçues et réalisées dans des buts fort louables.
Toutefois, à l'instar d'autres développements technologiques dont
les écueils sociaux étaient imperceptibles lors de leur
implantation, la progression socialement incontrôlée de
l'informatisation des renseignements personnels sur des individus ainsi que le
raffinement constant de leur traitement et de leur usage peuvent être
générateurs de préjudices de divers ordres pour les
personnes qui en font l'objet.
Au Québec, la préoccupation gouvernementale de
protéger la vie privée a déjà une histoire.
Pensons, notamment, à cette loi fondamentale qu'est la Charte
québécoise des droits et libertés de la personne, qui est
venue consacrer le principe de la protection de l'intégrité de la
personne et de celle de la vie privée. Quelques années plus tard,
une commission d'étude était constituée et je me
permettrai, Mme la Présidente, de citer un extrait du rapport de la
commission Paré, ne serait-ce que pour souligner son caractère
d'actualité: "Le nombre des informations qui peuvent être
exigées des citoyens peut et doit être limité,
écrivait-on alors. Leur pertinence doit être
démontrée et l'usage qu'on en fait doit être
justifié. " Ceci est encore vrai, évidemment, aujourd'hui.
Élargissant son mandat, la commission Paré traite rapidement de
la possibilité d'étendre le régime au secteur
privé, non sans évoquer, cependant, qu'il est normal, et je cite,
"qu'un gouvernement exige des organismes publics de respecter un idéal
sans imposer nécessairement les mêmes règles au reste de la
société. " Fin de la citation.
Le rapport Paré proposait donc l'adoption, par l'Assemblée
nationale, d'une loi portant à la fois sur l'accès aux documents
publics et sur la protection des données. Le rapport de la commission
Paré a fait, à l'époque, l'objet d'un large consensus dans
la société québécoise. Il a trouvé
écho à l'Assemblée nationale qui, en 1982, adoptait,
à l'unanimité, la Loi sur l'accès aux documents des
organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. Par la
suite, plusieurs démarches furent entreprises par le gouvernement.
Pensons à l'étude commandée par le ministère de la
Justice au Groupe de recherche informatique et droit, de l'UQAM, le GRID, et
à la production de son rapport intitulé "L'identité
piratée". Pensons également au dépôt d'un projet de
loi modifiant le Code civil au chapitre du respect de la réputation et
de la vie privée et, enfin, au rapport du comité
interministériel sur la protection de la vie privée
intitulé "Vie privée: zone à accès restreint", pour
en arriver, en avril dernier, à confier à la commission des
institutions le mandat de procéder à cette consultation, mandat
qui vise à se pencher sur la situation entourant la constitution des
fichiers de renseignements personnels, leur mise à jour, leur
utilisation et leur transformation, à examiner les diverses solutions
qui peuvent être envisagées de façon complémentaire
aux mesures prévues dans le projet de loi 125, ce projet de
réforme du Code civil du Québec, et à formuler des
commentaires sur les recommandations du rapport "Vie privée: zone
à accès restreint".
C'est ainsi, Mme la Présidente, que nous nous retrouvons ici,
aujourd'hui, pour établir la portée concrète du droit
à la vie privée reconnu à l'article 5 de la Charte
québécoise des droits et libertés de la personne.
À la lecture des mémoires, j'ai constaté que le
respect de la vie privée suscite plusieurs interrogations. Tout d'abord,
la signification du concept d'intimité à l'âge de la
révolution de l'information; quelques limitations et quelles limitations
les Québécois sont-ils prêts à accepter relativement
à la préservation de leur intimité afin de faciliter ou
d'accélérer le processus d'obtention de certains biens ou
services? Y a-t-il des bastions de la vie privée que le
législateur se doit de rendre imprenables? L'imposition d'un cadre
juridique précis est-elle susceptible d'effets négatifs
indésirables en regard de la compétitivité des entreprises
québécoises ou, au contraire, son absence est-elle appelée
à nuire aux entreprises québécoises sur le plan
international? Voilà autant de questions pertinentes en ce domaine en
regard desquelles cette commission sollicite votre collaboration pour y
apporter des réponses.
Quelques mots maintenant sur la situation juridique actuelle de la
protection des renseignements personnels au Québec. La Charte des droits
et libertés de la personne reconnaît donc, en son article 5, que
toute personne a droit au respect de sa vie privée. La Loi sur
l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des
renseignements personnels se charge d'assurer la protection de l'information
personnelle détenue par le secteur public. Le Code civil du
Québec dont l'étude article par article se poursuit depuis
plusieurs semaines assurera, quant à lui, par le biais des articles 35
à 41, le respect d'un certain nombre de principes fondamentaux en
matière de protection de la vie privée. Enfin, quelques lois
sectorielles prescrivent également des obligations spécifiques
à un certain nombre de détenteurs d'informations à
caractère personnel; à titre d'exemple, la Loi sur la protection
du consommateur en ce qui concerne les agents d'information.
Mais ces dispositions législatives suffisent-elles à
assurer un régime juridique adéquat en la matière ou le
gouvernement du Québec doit-ii aller plus loin sur ce plan pour
régir l'utilisation de l'information à caractère personnel
dans le secteur privé? D'autres formes d'interventions seraient-elles
suffisantes ou même préférables? Je crois que non, Mme la
Présidente. Les dispositions législatives actuelles ne suffisent
pas. Le respect de la vie privée doit être mieux
protégé. Reste à déterminer comment.
Je vous invite donc à nous faire part de vos réflexions et
recommandations sur l'ensemble de ces questions afin que nous puissions
ensemble établir adéquatement les paramètres de la
protection de la vie privée au Québec relativement aux
renseignements à caractère personnel détenus dans le
secteur privé.
Je ne veux présumer des conclusions qui se dégageront de
cette consultation. Cependant, je puis vous dire que cette question, comme
ministre de la Justice, me préoccupe grandement. Avec mon
collègue, le ministre des Communications, j'entends apporter la plus
grande attention aux travaux de cette commission pour que le gouvernement
puisse agir le plus adéquatement et le plus rapidement possible.
Mme la Présidente, il est évident que nous sommes dans un
sujet qui nous permet de nous élever au-dessus de toute partisanerie
politique. Je suis convaincu que chaque membre de cette commission n'a qu'un
objectif, celui que nous puissions le plus adéquatement possible et le
plus efficacement possible protéger la vie privée dans un monde
qui est sous l'effet du développement technologique, mais qui est aussi
conscient de plus en plus de la vulnérabilité de la vie
privée. Je vous remercie, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le ministre
de la Justice. M. le ministre des Communications.
M. Lawrence Cannon M. Cannon: Merci, Mme la Présidente. M.
le
ministre de la Justice, M. le député de
Pointe-aux-Trembles, mes collègues du côté
ministériel, mesdames et messieurs, j'aimerais d'abord exprimer combien
je suis heureux d'être présent aujourd'hui à titre de
membre de cette commission des institutions. Vous savez que cette consultation
générale sur la protection de la vie privée eu
égard aux renseignements personnels détenus dans le secteur
privé m'intéresse au plus haut point. La première raison
de cet intérêt me vient de mes responsabilités de ministre
des Communications et, à ce titre, chargé de l'application de la
Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la
protection des renseignements personnels.
C'est sans doute pour cette raison que les ministres des Communications
qui se sont succédé ont, tour à tour, été
amenés à s'intéresser de près à la
protection des renseignements personnels et, par ricochet, au champ plus large
de la protection de la vie privée. Cet intérêt s'est
d'ailleurs manifesté dans le passé de manières diverses.
Par exemple, le ministère des Communications a participé aux
travaux du comité interministériel sur la protection de la vie
privée eu égard aux renseignements personnels détenus dans
le secteur privé dont les recommandations, énoncées dans
le rapport intitulé "Vie privée: zone à accès
restreint", sont au coeur du sujet qui préoccupe la présente
commission.
Par ailleurs, en 1988, la commission de la culture, chargée
d'examiner la mise en oeuvre de cette même loi, avait fait de l'extension
des principes de protection des renseignements personnels inscrits dans
celle-ci sa recommandation principale, tant les mémoires soumis alors et
les problèmes qu'ils soulevaient avaient démontré la
nécessité d'une protection juridique comparable au secteur
public.
Par la suite, lors de l'examen par cette même commission
parlementaire du projet de loi 62, Loi modifiant la Loi sur l'accès,
plusieurs intervenants sont venus réclamer que la protection des
renseignements personnels inscrite dans cette loi soit étendue au
secteur privé. J'ai d'ailleurs donné suite à un engagement
ministériel pris lors de cette commission parlementaire en créant
le Groupe de travail sur la commercialisation des banques de données des
organismes publics. Celui-ci a été chargé de proposer une
politique qui concilierait les impératifs de protection des
renseignements personnels avec ceux de l'accès et la diffusion des
banques de données des organismes publics.
Ce groupe de travail m'a remis son rapport en février 1991. L'un
des grands principes, dit ce rapport, sur lequel doit reposer la politique de
commercialisation des banques de données des organismes publics, est
d'avoir un secteur privé encadré. Il devient nécessaire,
dit ce même rapport, d'examiner sans délai les meilleurs moyens de
rendre applicable au secteur privé un régime de protection des
renseignements person- nels, qu'ils se trouvent dans le secteur public ou dans
le secteur privé.
La deuxième raison principale de mon intérêt
à participer à cette commission est, bien sûr, inscrite
dans la Loi sur le ministère des Communications, eu égard au
vaste domaine des technologies de l'information et des
télécommunications, et mon collègue y a
référé tantôt. Comme vous le savez, les
télécommunications sont aujourd'hui au coeur d'une
société moderne où la circulation de l'information devient
l'élément stratégique par excellence de son
développement. Or, permettez-moi cette comparaison: de la même
manière qu'elle doit gérer ses réseaux d'aqueduc et de
distribution d'énergie pour assurer son développement
économique et la qualité de vie de ses citoyens, une
société moderne doit maîtriser le développement de
ces réseaux pour permettre aux informations de circuler.
C'est dans cet esprit qu'au printemps de 1991, à ma demande, la
Régie des télécommunications émettait un avis sur
la protection de la vie privée dans le domaine des
télécommunications au Québec. Cet organisme a
examiné plusieurs domaines du champ des télécommunications
où il peut avoir atteinte potentielle ou réelle au droit à
la vie privée.
J'aimerais rappeler brièvement, pour le bénéfice
des membres de cette commission, deux des conclusions importantes de cet avis
pour la Régie. Il y a lieu de continuer la mise en place des mesures
réglementaires et de technologies nouvelles favorisant un degré
croissant de confidentialité dans les télécommunications
et, malgré l'absence de cas de divulgation abusive, il faudrait
accroître les mesures de protection de données nominatives sur les
usagers des services de télécommunications par le renforcement
des procédures et codes d'éthique internes des entreprises et par
l'application de certaines des recommandations du rapport "Vie privée:
zone à accès restreint" et de plusieurs des principes du rapport
au ministre des Communications du Québec du Groupe de travail sur la
commercialisation des banques de données des organismes publics.
Nul doute que ces conclusions auxquelles est arrivée la
Régie des télécommunications feront l'objet de discussions
lors des auditions de la présente commission parlementaire qui s'ouvre
aujourd'hui, et vous conviendrez avec moi, j'en suis sûr, que les
résultats de tous ces exercices pourront d'ailleurs servir à
enrichir le débat que nous amorçons et auquel je me sens
particulièrement lié comme conseiller principal du gouvernement
en matière de communications. C'est à ce titre d'ailleurs que je
participerai aux travaux de la présente commission et aux autres travaux
que mon collègue, le ministre de la Justice, qui pilote ce dossier,
jugera nécessaire de réaliser suite à cette commission
parlementaire. Le débat que nous inaugurons aujourd'hui est fondamental.
Il
concerne l'ensemble de notre société. C'est un
débat comparable à celui qui, en 1982, a abouti à
l'adoption à l'unanimité par l'ensemble des membres de
l'Assemblée nationale de la Loi sur l'accès aux documents des
organismes publics et sur la protection des renseignements personnels.
Certes, la question des renseignements personnels détenus par les
entreprises privées est différente sur plusieurs aspects du
secteur public. La commission Paré, qui avait proposé l'adoption
du projet de loi 65, l'avait elle-même constaté. Pour elle, la
question était plus vaste et plus floue à la fois. Il lui
apparaissait même douteux que toutes les normes régissant les
fichiers des organismes publics puissent être appliquées au
secteur privé. Toutefois, au niveau des principes, le débat est
le même et, en conséquence, il devrait être animé du
même esprit de justice et de non-partisanerie.
Je souhaite enfin que les travaux de cette commission puissent nous
apporter tout l'éclairage nécessaire à une
compréhension juste du problème et faire en sorte que nous
trouvions des pistes d'action adéquates. Soyez certains que j'y
contribuerai. Merci de votre attention.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le ministre
des Communications. M. le député de Pointe-aux-Trembles.
M. Michel Bourdon
M. Bourdon: Mme la Présidente, invités, la
présente consultation porte sur une question fort préoccupante,
soit celle de la protection de la vie privée eu égard aux
renseignements personnels détenus dans le secteur privé. Au coeur
de cette consultation, un document intitulé "Vie privée: zone
à accès restreint", qui présente une synthèse
énonçant les grandes lignes d'un rapport préparé
par un comité interministériel qui fut formé sous les
auspices du ministre de la Justice. Ce comité est composé de
représentants des ministères de la Justice, des Communications,
de l'Industrie et du Commerce, de l'Enseignement supérieur et de la
Science, des Affaires internationales, de la Commission des droits de la
personne, de l'Office de la protection du consommateur et de la Commission
d'accès à l'information. Ce rapport remis au ministre de la
Justice à la fin de l'année 1988, il y a trois ans, concerne
spécifiquement la protection de la vie privée eu égard aux
banques privées de données personnelles.
Avant de livrer nos propres commentaires sur ce document, rappelons
d'abord brièvement quelques éléments du contexte dans
lequel se situe l'actuelle consultation. En juin 1982, il y a neuf ans, le
gouvernement du Québec adoptait la Loi sur l'accès aux documents
des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. Tel
qu'en témoigne son titre, cette loi venait encadrer
législativement l'accès aux documents des organismes publics,
protégeant ainsi les renseignements personnels dans le secteur
public.
En janvier 1984, dans le cadre des travaux entourant la réforme
du Code civil, le ministre de la Justice faisait part de son intention de
créer un comité interministériel chargé de
recommander des mesures législatives relativement à la protection
de la vie privée. Ce comité ne vit le jour qu'en mars 1987,
puisque, entretemps, un groupe de recherche, le GRID, Groupe de recherche
informatique et droit, du Département des sciences juridiques de
l'Université du Québec à Montréal, devait, dans le
cadre d'une vaste étude sur les bases de données à
caractère personnel constituées par le secteur privé
québécois, fournir les données sociojuridiques
nécessaires à leurs délibérations.
Complétée à l'été 1986, l'étude en
question fut l'objet d'un livre intitulé "L'identité
piratée". Dans ce livre, les auteurs font en outre ressortir la
nécessité d'une intervention publique dans le secteur
privé, sous la forme de normes générales inspirées
de celles de l'Organisation de coopération et de développement
économiques, l'OCDE, et d'une législation spécifique
consacrant les droits des citoyens, c'est-à-dire leur information, leur
consentement, la contestation des données, le traitement des
données, la divulgation des données et autres sujets connexes, et
s'assurant la promotion des droits démocratiques, la maîtrise
sociale de l'informatisation, le contrôle des développements
technologiques et surtout un débat public. Le groupe de recherche
préconisait, de plus, la mise en oeuvre de ces normes par un organisme
public spécialisé dont le rôle consisterait à offrir
une expertise, à faire respecter la loi et à assurer la
coordination des efforts d'autoréglementation des secteurs
privés.
Les diverses recommandations du groupe de recherche furent d'ailleurs
présentées à l'hiver 1988 devant la commission
parlementaire de la culture lors d'une consultation générale.
Cette consultation faisait suite à la parution, en octobre 1987, du
rapport de la Commission d'accès à l'information sur la mise en
oeuvre de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur
la protection des renseignements personnels. Cette loi a ceci de particulier,
Mme la Présidente, qu'elle doit faire l'objet d'une évaluation
quinquennale, comme d'autres lois d'ailleurs, visant à mesurer
l'opportunité de son maintien et, le cas échéant, de sa
révision. Dans ce rapport intitulé, et je cite, "Une vie mieux
respectée, un citoyen mieux informé", fin de la citation, on
pouvait lire ce qui suit: "Pour éviter que l'accumulation des
données ne donne lieu à des abus gênants et pour s'assurer
que l'État garde le contrôle de ces vastes opérations, une
réflexion plus approfondie s'impose, ces prochaines années, sur
les besoins réels de l'État et sur les usages inquiétants
que fait le secteur privé de la masse d'informations nominatives
qu'il
possède sur les individus." Fin de la citation.
Dans son rapport intitulé "La vie privée, un droit
sacré", faisant suite à la consultation générale,
la commission de cette Assemblée allait, pour sa part, beaucoup plus
loin. En effet, faisant écho à la majorité des
intervenants entendus lors de la consultation, la commission parlementaire
recommandait formellement, et je cite, "d'étendre à certains
secteurs prioritaires de l'entreprise privée, comme les agences de
crédit, les assurances et les banques, les principes de protection de
renseignements personnels". Fin de la citation. (16 heures)
La réflexion des parlementaires membres de la commission nous
apprenait, par ailleurs, que cette question qui préoccupe l'ensemble des
pays industrialisés faisait l'objet d'accords internationaux. Elle
soulignait également les efforts de nombreux pays européens,
comme la France, qui ont adopté des législations pour
protéger les renseignements personnels sur les fiches informatiques, que
ceux-ci, les renseignements, soient détenus par un organisme public ou
privé. La commission réclamait de plus la mise en vigueur
immédiate du chapitre de la loi 20 portant sur le droit des personnes,
des successions et des biens, adoptée en avril 1987, il y a plus de
quatre ans, chapitre intitulé, et je cite, "Du respect de la
réputation et de la vie privée", fin de la citation, qui n'a
jamais été mis en application, le gouvernement voulant mettre en
oeuvre l'ensemble des lois d'un seul coup. Et je voudrais souligner, Mme la
Présidente, que, dans la réforme du Code civil, on a maintenant
l'intention de s'interroger sur ce texte-là, datant de 1987, et donc on
est en train de le réétudier. Mais ça fait quatre ans
qu'il n'est pas promulgué, donc c'est une disposition de la loi qui va
être repensée avant même d'avoir été mise en
application. Ce chapitre est d'ailleurs repris dans son entier dans le projet
de loi 125 actuellement à l'étude.
Revenons en mars 1987. Était donc constitué un
comité interministériel chargé de prendre connaissance de
l'étude effectuée par le groupe de recherche dans une perspective
gouvernementale et d'en dégager les aspects pertinents pour les
ministères et les organismes concernés. On donnait
également le mandat de prendre position sur les recommandations
proposées et d'en élaborer d'autres au besoin, de consulter les
milieux concernés, de produire un rapport et, finalement,
d'élaborer un avant-projet de loi si jugé opportun. Le document
"Vie privée: zone à accès restreint", qui sert aux fins de
la présente consultation, offre une synthèse des
réflexions de ce comité interministériel. On y propose les
éléments d'une politique législative basée
essentiellement sur les recommandations du groupe de recherche puisque le
Comité entérine largement lesdites recommandations. La
recommandation d'ensemble est à l'effet que le gou- vernement
intervienne afin de régir le secteur privé à
l'intérieur des limites de la compétence du Québec. Les
autres recommandations du Comité se rapportent, notamment, au droit des
personnes d'être informées des renseignements détenus
à leur sujet et de leur usage, de consentir à la cueillette de
tels renseignements et à leur divulgation, d'avoir divers recours et
même de participer à la mise en oeuvre d'une éventuelle
législation, notamment par des tables sectorielles. Le Comité
interministériel suggère néammoins quelques variantes
importantes au rapport du groupe de recherche telles que l'élargissement
du mandat de la Commission d'accès à l'information en lieu et
place de la création d'un nouvel organisme.
À ce stade-ci, notre propos ne consistera pas à
apprécier chacune des recommandations formulées par le
Comité interministériel. De manière générale
et à l'instance de la majorité des groupes qui viendront exprimer
leur point de vue, nous convenons de l'urgence et de la nécessité
d'agir en matière de protection de la vie privée. En effet, tel
que l'a si bien fait ressortir le Comité interministériel, nous
assistons depuis quelques années à une prolifération sans
précédent des banques de données qui contiennent
essentiellement des renseignements personnels et très souvent
confidentiels sur les citoyennes et citoyens du Québec, de même
qu'à l'interconnexion de ces banques donnant des résultats tout
à fait inédits. De quelques exemples dont j'ai pris connaissance
récemment, par exemple dans le film de l'ONF, qui porte sur une personne
qui fait l'objet d'un comité de sélection dans une entreprise, et
le film s'intitule "Joseph K; l'homme numéroté", on voit qu'on
peut remonter jusqu'à 25 ans en arrière dans la vie de la
personne en question, qu'on trouve un dossier judiciaire accumulé au
Mexique à une époque, son dossier médical à
l'égard d'une demande d'assurance. Donc, des deux côtés de
cette commission, quand on dit qu'il y a urgence d'agir et
nécessité d'agir, je pense que c'est parce qu'il y a des
problèmes réels et concrets.
Récemment, on m'informait d'étudiants d'un cégep
qui avaient échoué à leur examen d'informatique - et c'est
plutôt paradoxal que ce soit un examen d'informatique - qui ont
été approchés par une institution privée donnant
des cours d'informatique, laquelle avait sans doute été
avisée par informatique de leur faiblesse en informatique. Il y a
également une aînée que je connais bien, ma mère,
qui est allée, à une époque, trois fois à un
hôpital de Montréal pour un incident cardiaque, qui était
heureusement sans gravité, et qui recevait le lendemain matin, chaque
fois - et ça l'a très émue - un appel d'une entreprise qui
lui proposait des préarrangements funéraires, et c'est courant
qu'on voit ça. Et à l'hôpital - là, je parle d'une
personne qui était alertée quant à sa santé - il
est courant qu'une jeune Québécoise ou une
Québé-
coise, point, oublions "jeune", qui accouche reçoive,
après, des paniers, du savon, des couches, toutes sortes de choses qui
annoncent une intense sollicitation. Il doit y avoir quelqu'un quelque part qui
se charge de colliger ces données-là, et je pense qu'il est
important de légiférer pour contrôler, d'une certaine
façon, ce qu'il est possible de faire à cet
égard-là.
Les intrusions dans la vie privée sont de plusieurs ordres.
À Montréal, par exemple, la ville de Montréal a
adopté un règlement contrôlant la distribution de
circulaires chez les gens parce que, quand on est absent, parce qu'on est
à Québec, entre autres, ça renseigne qu'on n'est pas
là, entre autres. En plus, on peut trouver que les circulaires des
épiceries sont affligeantes à la longue, et la ville de
Montréal a adopté un règlement disant que, si on met un
collant, on est exempté des circulaires. En passant, j'ai appris
récemment que je ne recevais pas le journal, distribué
gratuitement, de mon quartier parce que la firme qui le distribue distribue
aussi des circulaires et que, quand on affiche qu'on ne veut pas les
circulaires, bien, on n'a pas le journal, ce qui est une façon de passer
à côté du règlement et de faire une intrusion dans
la vie privée qui est sans doute la forme la moins grave que je
soulignais, d'être affligé d'une publicité à n'en
plus savoir consommer.
La progression sans contrôle social de l'informatique, des
renseignements nominatifs et l'automatisation des décisions concernant
les personnes peuvent causer à celles-ci de multiples préjudices.
Il est impératif d'assurer dans les plus brefs délais un juste
équilibre entre les principes de la libre circulation de l'information
et le respect de la vie privée des personnes. À cet égard,
Mme la Présidente, c'est sûr que, par exemple, une institution
financière qui prête a le droit à des informations de
nature financière sur le comportement de la personne qui emprunte. Mais
là où il faut fixer la limite, c'est quand ça
dépasse ces renseignements que l'institution a le droit d'avoir et que
ça fait une intrusion dans la vie privée.
La situation actuelle est intolérable et commande une action
prompte. À cet égard, nous déplorons la lenteur du
gouvernement à agir dans ce dossier. En effet, le gouvernement aurait pu
saisir l'occasion de légiférer en la matière lorsqu'il a
présenté, en mai 1990, le projet de loi 62 qui s'intitulait Loi
modifiant la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur
la protection des renseignements personnels et d'autres dispositions
législatives, tel que le dénonçait à
l'époque mon collègue, le député de Gouin. Le
ministre de la Justice disposait, depuis la fin de 1988, soit trois ans, du
rapport du Comité interministériel. On aurait pu, dans le cadre
de la loi que je viens de mentionner, élargir le champ d'application de
la loi au secteur privé et procéder à des consultations
à ce moment-là. Le ministre s'est contenté de remettre
à plus tard et, bien qu'il reconnaissait lui-même récemment
la nécessité d'agir avec célérité dans le
dossier, il suggérait encore il y a quelques jours à peine de
remettre à plus tard la tenue de la présente consultation.
À cet égard, Mme la Présidente, je voudrais souligner que
32 organismes ont soumis des mémoires et qu'il n'y a des dates de
fixées pour n'en entendre que 6: 2 cet après-midi, 2 ce soir et 2
le 23 au soir.
En octobre 1988, au moment de la prise en considération du
rapport de la commission de la culture, l'ex-député de Taillon,
M. Claude Filion, disait ceci, et je cite: "Si la législation ne
contient pas d'élément d'amorce sérieuse d'un
élargissement à une partie du secteur privé des principes
contenus dans la loi sur l'accès à l'information dans le secteur
public, j'aurai l'impression d'avoir manqué le bateau. Le gouvernement
ne devra pas reculer sur cette presque obligation qui est la sienne de faire
évoluer dans le bon sens la loi sur l'accès à
l'information." Fin de la citation.
À cet égard, Mme la Présidente, je voudrais, en
terminant, vous avouer mon inquiétude à la lecture du Devoir
de ce matin et des déclarations du ministre des Communications. On
dit dans cet article: Le ministre "recherchera - et là on cite le
ministre - 'le consensus le plus large possible', fin de la citation, et ne
proposera aucune loi avec laquelle l'industrie serait inconfortable." À
cet égard, Mme la Présidente, c'est difficile de dire aux
organismes: Faites donc des suggestions avec lesquelles l'industrie serait
confortable. Parce que le ministre va loin, il dit: "...aucune loi avec
laquelle l'industrie serait inconfortable."
Je sais que l'industrie, quand on parie de bureaux de crédit, ou
qu'on parle d'institutions financières, ou qu'on parle d'entreprises
d'assurances, a des intérêts légitimes à avoir des
informations qu'il est normal et légitime d'avoir. Mais moi, ce qui me
rend inconfortable, c'est les intrusions dans la vie privée des gens, et
je pense qu'à cet égard-là on ne peut pas dire que
l'industrie aurait un droit de veto sur la base qu'elle ne serait pas
confortable avec une loi. Bien sûr que la loi devrait être faite
pour être facile d'application, mais la loi devrait trancher sur les
droits des citoyens qui sont concernés par les échanges. Et les
échanges, Mme la Présidente, ils sont nombreux et de tout
ordre.
Le film de l'Office national du film nous le fait voir. Qu'on
s'arrête juste à un développement récent de la
technologie qui est la carte de paiement. Bien, par la carte de paiement, on en
est à la facture d'épicerie. Donc, on peut savoir, par le
détail, ce qu'une personne mange, à quelle fréquence. Et
dans le film, on voit qu'on fait même des relations entre la nature de
l'orientation sexuelle du quartier où se trouvait le dépanneur
où la personne a fait l'achat... Donc,
ça part bien. Et le film a un grand mérite, c'est qu'on
voit des gens très décents et très corrects, finalement,
dans le film, qui se servent d'informations. La pédagogie du film, c'est
de nous dire qu'il y en a beaucoup, beaucoup, beaucoup d'informations
disponibles et que ça peut servir à plusieurs fins.
Un peu plus loin dans l'article du Devoir de ce matin, on dit:
"Le ministre rejette a priori l'idée, soutenue notamment par la
Commission d'accès à l'information et son président, M.
Paul-André Comeau, de faire adopter dans les plus brefs délais
une loi-cadre pour régir le secteur privé, comme celle qui existe
pour le secteur public depuis 1982. Cette loi devrait regrouper de façon
simple, claire et explicite les droits et les obligations autour desquels
s'articulerait une protection efficace et respectueuse des renseignements
personnels." Fin de la citation de l'article. S'il y a une donnée
essentielle du débat qui est tranchée d'avance au gouvernement,
qu'on nous le dise. S'il n'est pas question d'élargir le mandat de la
Commission d'accès à l'information, eh bien, je trouve que les
groupes qui, dans leur mémoire, en ont discuté en étant
pour ou contre, peu importe, ont peut-être travaillé pour rien si
le gouvernement sait déjà d'avance ce qu'il convient de faire
à cet égard-là.
Et sur un mode plus léger, Mme la Présidente, je cite le
ministre dans l'article qui dit, et je cite: "Je crois qu'il faut faire preuve
d'une prudence de Sioux." Fin de la citation. Mme la Présidente, je ne
sais pas si c'est parce que le ministre s'adressait au Devoir et qu'au
début de septembre, dans le Devoir, il a eu à se
décider vite sur ce qu'il voulait rapatrier, mais je pense qu'une
prudence de Sioux, je trouve qu'on devrait avoir une prudence de Sioux à
s'affairer à protéger la vie privée des gens. (16 h
15)
Le journal signale à la fin, Mme la Présidente, qu'il y a
peu de séances de prévues pour entendre les 32 mémoires
que des organismes responsables et représentatifs nous ont soumis. Et,
à cet égard, notre position, c'est qu'on ne peut plus continuer
de remettre à plus tard la solution du problème important qui est
posé à cette commission. Dans ce sens-là, j'invite les
deux ministres qui sont présents ici à convenir rapidement d'un
calendrier qui fera qu'avant le 1er décembre on aura entendu les 32
organismes qui se sont donné la peine de nous soumettre des
mémoires, suite à un ordre de la Chambre qui date du mois
d'avril, qu'ils nous ont remis dans le délai, 32 mémoires, et de
ne pas en entendre que 6 cette année et les autres l'année
prochaine. Je pense qu'il faudrait qu'avant la fin de cette session on ait
entendu tous les organismes qui ont à parler sur cette question
importante, puis qu'on puisse faire le voeu que le gouvernement nous arrive
avec un projet de loi à la session qui suivra, du printemps 1992, pour
qu'à la question qui se pose depuis sept ans et que le gouvernement
étudie depuis trois ans il en vienne à une solution qui rendra
confortables les citoyens, pour ce qui est de la protection des renseignements
à caractère privé qu'on détient sur eux.
En terminant, Mme la Présidente, je voudrais dire au ministre de
la Justice, notamment, qu'il me semble, pour reprendre un vocabulaire
emprunté à un autre débat, y avoir, à l'heure
actuelle, une asymétrie entre les droits du citoyen quand il traite avec
le privé et les droits de la même citoyenne ou du même
citoyen quand il traite avec le gouvernement. Les renseignements que
détient le secteur public... le secteur public s'est assujetti à
des règles et il y a une commission qui voit à faire respecter
ces règles-là, alors que, dans le secteur privé, il y a
moins de droits et il y a une asymétrie de droits que le ministre, qui
est toujours préoccupé d'avoir des choses
géométriquement belles, nobles et correctes, voudra corriger par
une législation.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le
député de Pointe-aux-Trembles. Je suppose que ce sont les
représentants de la Fédération nationale des associations
de consommateurs qui ont pris place à la table. Alors, je vais vous
rappeler le temps alloué. Vous avez une période de 20 minutes
pour faire votre exposé et suivra un échange de 20 minutes avec
le côté ministériel et de 20 minutes avec l'Opposition.
Alors, si votre temps...
M. Cannon: Mme la Présidente... La Présidente
(Mme Bélanger): Oui.
M. Cannon: ...si vous me permettez, j'aimerais, puisque c'est
à 16 h 30, si j'ai bien compris, l'audition des
témoignages...
La Présidente (Mme Bélanger): Oui, il vous reste 12
minutes, M. le ministre, pour les remarques préliminaires.
M. Cannon: Oui, simplement pour reprendre quelques
éléments qui ont été soulevés par le
député de Pointe-aux-Trembles. Je ne veux pas rentrer dans le
détail, mais, lorsque le député indique devant les membres
de la commission que le gouvernement a délibérément omis
de présenter une législation au printemps dernier alors qu'il en
avait l'opportunité, je l'enjoins à retourner rencontrer son
collègue de Gouin qui était, avec l'actuelle ministre des
Affaires culturelles, à cette commission, et qui ont convenu de donner
à Jean-Paul Gagné le soin d'examiner la commercialisation des
banques de données et, avant même de poser des gestes dans ce
cas-là, d'attendre le rapport. Alors, j'ai bien indiqué que le
rapport, nous l'avons eu au printemps dernier et qu'il fallait l'analyser.
En
même temps, je l'invite à voir ses autres collègues,
puisque tout le monde savait que nous procédions à la
réforme du Code civil, et mon collègue ici pourra élaborer
davantage sur cette question-là.
Alors, je pense que, oui, la prudence s'impose lorsqu'on pose des gestes
aussi importants que celui du secteur privé. Et lorsque, encore une
fois, on parle de l'extension dans le secteur privé, on m'indique
aujourd'hui qu'il aurait fallu que je dise immédiatement et
prioritairement oui à l'adoption d'une loi-cadre. Mais, comme le
député l'a mentionné, il a cité un article en
disant: Voici, on va examiner les secteurs prioritaires. Et nous sommes
précisément ici pour voir quels sont ces secteurs prioritaires.
Donc, je ne me trouve pas en contradiction avec ce que j'ai mentionné ce
matin. Au contraire, je suis ouvert, je suis prêt et je suis à
l'écoute de ceux et celles qui, dans ces secteurs-là, ont des
intérêts, et je ne veux pas me fermer à toute proposition,
je ne veux pas me fermer aux interventions que j'entendrai cet
après-midi. L'objectif d'une commission parlementaire, c'est
précisément d'écouter les gens et l'objectif aussi, comme
l'objectif de la loi de 1982, c'est d'aller chercher un consensus large et un
consensus qui va refléter, justement, ce que nous voulons comme
société. Dans ce sens, j'ai parlé de consensus, je ne vois
pas de contradiction là-dedans, non plus. Je pense qu'ultimement, si
nous sommes ici aujourd'hui, c'est parce que nous voulons entendre ce que les
gens ont à dire là-dessus. Je peux assurer mon collègue,
le député de Pointe-aux-Trembles, de même que les autres
personnes qui sont autour de la table, que nous sommes à l'écoute
de ceux et celles qui viendront témoigner cet après-midi et dans
les jours à venir, précisément de leur
intérêt, de leurs inquiétudes, de leurs
préoccupations et de leur vision, à savoir comment un
gouvernement doit préparer une loi pour extensionner une protection
à la vie privée dans le secteur privé. Merci, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le ministre
des Communications. M. le ministre de la Justice.
M. Rémillard: Oui, Mme la Présidente, simplement
pour bien mentionner que, dans la réforme du Code civil, la loi 125,
nous avons des dispositions qui traitent, donc, du respect de la
réputation et de la vie privée, qui ont déjà
été adoptées dans le projet de loi 20 - c'est un
avant-projet - qui n'ont jamais été mises en application parce
qu'il y avait trop d'interrela-tion avec différentes autres sections du
Code civil et que les mettre en application aurait signifié un manque de
prudence pour le législateur qui doit s'assurer qu'il y a pleine
concordance avec les différentes dispositions du Code civil. Maintenant,
dans le Code civil, il s'agit de retrouver les principaux principes qui vont
encadrer, ensuite, la réalité de la protection de la vie
privée. Dans ce cadre-là, Mme la Présidente, nous
travaillons présentement à la réforme du Code civil. Ce
que nous pouvons recevoir comme information de cette commission sera, bien
sûr, utile pour la commission sur la réforme du Code civil pour
pouvoir établir les dispositions, que nous avons à confirmer dans
la réforme du Code civil, dans leur juste perspective.
Mais pour nous, Mme la Présidente, je répète ce que
j'ai dit tout à l'heure dans mes propos d'introduction, les
différentes dispositions que nous retrouvons, soit dans la Charte
québécoise des droits et libertés, soit dans cette
réforme du Code civil, que nous aurons prochainement en 1993, soit dans
d'autres lois aussi sectorielles, ne sont pas suffisantes pour assurer aux
citoyens et aux citoyennes le respect de leur vie privée. Nous devons
donc légiférer, c'est clair. De la façon dont nous devons
légiférer. comment nous allons légiférer en
fonction des différents champs que nous voulons toucher dans cette
nouvelle législation, reste à déterminer la façon
dont nous procéderons, et c'est en entendant les différents
groupes qui nous ont présenté des mémoires et qui
viendront en discuter avec nous que nous pourrons rechercher ce consensus dont
mon collègue, le ministre des Communications, parlait tout à
l'heure. Chercher un consensus, comme il l'a si bien expliqué dans
l'entrevue de ce matin, c'est chercher un juste équilibre, comme nous le
recherchons au niveau du Code civil, entre les intérêts qui, dans
notre société - et il faut, évidemment, le réaliser
- quelquefois peuvent être, à certains égards, en
conflit.
Donc, par conséquent, il s'agit de trouver le juste
équilibre, la donnée juste qui nous permettra, d'une part,
d'assurer quand même un développement technologique qui nous
permet quand même un mieux-vivre auquel nous tenons, mais, d'autre part,
aussi le respect de la vie privée, parce que ça aussi, nous y
tenons, et c'est une donnée essentielle d'une société qui
veut vivre en liberté et en démocratie.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le ministre
de la Justice. M. le député de Pointe-aux-Trembles.
M. Bourdon: Mme la Présidente, juste quelques
observations. D'abord, aucun des deux ministres ne m'a rassuré sur une
question qui m'apparaît importante: Allons-nous, d'ici Noël,
entendre tous les organismes qui se sont donné la peine de
déposer, dans les délais impartis, des mémoires sur la
question qui est à l'étude? D'autre part, Mme la
Présidente, reste posée la question pour ce qui est de la
célérité concernant la loi 20, portant sur le droit des
person nés, des successions et des biens, qui a été
adoptée en avril 1987, ça fait maintenant quatre ans et
quelques mois. Et, à la fin de 1989, le ministre de la Justice, dans un
banquet offert par la Ligue des droits et libertés - il doit
sûrement s'en rappeler - avait promis de promulguer rapidement,
bientôt, avant Noël... Le ministre parlait d'un cadeau de Noël
à la Ligue des droits et libertés, on était à la
fin de 1989. Le cadeau n'a pas été reçu, Mme la
Présidente, et les gens sont déçus quand on leur promet un
cadeau et qu'ils ne le reçoivent pas. Ça me préoccupe, la
question d'entendre tous les organismes qui ont déposé des
mémoires, Mme la Présidente, parce que, si on repousse ça
à 1992, alors qu'il y a des gens qui se sont
dépêchés de faire des mémoires cet été
et de les soumettre dans le délai, on sait qu'après ça le
travail législatif prend un certain temps, puis on peut craindre qu'on
attende encore des années une loi dont on convient, des deux
côtés ici, qu'elle est nécessaire, qu'elle est
indispensable, qu'elle est requise.
Dans ce sens-là, je ne dis pas, Mme la Présidente, qu'il y
a eu absence de célérité à la seule fin
d'embêter mes vis-à-vis. C'est un peu ce que chantait Vigneault
dans une de ses chansons... je veux plutôt rappeler, comme dans la
chanson de Vigneault, aux deux ministres qui s'occupent de la question: "II n'y
a plus de temps à perdre, il n'y a que du temps perdu." Donc, comme
première mesure immédiate pour rassurer les groupes, ce serait de
fixer des dates, Mme la Présidente, où on va entendre les 32
mémoires, pour qu'on puisse avoir une législation à la
session du printemps prochain et je pense que c'est nécessaire, parce
que, Mme la Présidente, et je terminerai là-dessus en posant une
question, pourquoi avoir adopté une loi si, avant même de l'avoir
promulguée, on est en train de la reconsidérer dans la
réforme du Code civil? On n'est pas un Parlement-école, Mme la
Présidente. Quand on adopte une loi, je pense que c'est pour qu'elle
soit suivie d'effets, sinon, si on ne veut pas mettre en vigueur un projet de
loi, il n'y a rien comme de ne pas déposer le projet de loi s'il n'est
pas nécessaire. Mais le projet de loi 20, Mme la Présidente, je
le souligne, est adopté depuis quatre ans par l'Assemblée
nationale, mais il n'est pas en vigueur, il n'est pas promulgué par le
gouvernement.
Donc, Mme la Présidente - je vois que le député de
Berthier s'agite - je veux ramener à mon propos, c'est simple, ceci: La
population pense que, des fois, les gouvernements, ou le Parlement, ou les
parlementaires, ou la classe politique, appelons ça comme on voudra, on
ne répond pas aux demandes de la population. Là, voilà un
problème vrai, réel, vécu, ressenti. Il y a notamment 32
organismes qui nous ont soumis des mémoires; entendons-les, puis passons
aux choses, puis adoptons une loi qui sera promulguée.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le
député de Pointe-aux-Trembles. M. le ministre de la Justice.
M. Rémillard: Oui, Mme la Présidente. Je crois
qu'on s'entend tout le monde, et le député de Pointe-aux-Trembles
l'a soulevé, pour dire que nous devons légiférer pour
garantir une meilleure protection de la vie privée. C'est
déjà beaucoup. On part de ce principe-là. La commission
est convoquée, elle a été bien préparée, des
gens y ont bien travaillé, ont fait un travail remarquable. Je veux
souligner le très bon travail qui a été fait au
ministère de la Justice, entre autres, à partir du rapport du
groupe interministériel présidé par M. Legendre, et la
relation avec le ministère des Communications, en particulier, et
d'autres ministères, ce qui a fait que nous avons maintenant des outils
extrêmement intéressants. Nous avons eu plusieurs mémoires
qui nous ont été déposés, donc plusieurs groupes
viendront témoigner devant nous, et d'autres personnes aussi et d'autres
groupes, finalement, nous ont mentionné à quel point ils
étaient intéressés par l'évolution de nos travaux.
Moi, ce que je dis au député de Pointe-aux-Trembles, c'est ceci:
Ne brusquons pas les choses. Je pense qu'on a à faire un travail
extrêmement sérieux et pas facile. Comprenons bien que le travail
que nous allons faire n'est pas facile. Il faut qu'on puisse trouver ce juste
équilibre entre un développement technologique et un accès
à ce développement technologique par les citoyens et, d'autre
part, le respect de la vie privée, et ça ne sera pas facile,
ça. Il y a des intérêts qui seront divergents, on le
comprend fort bien, mais, d'autre part, recherchons ce consensus qu'il est
nécessaire de rechercher en pareil cas. (16 h 30)
Maintenant, ne faisons pas aussi une législation qu'on sera
obligés de recommencer dans un avenir tellement prochain parce qu'on
aura manqué de vision. Il faut qu'on soit capables de voir les choses et
qu'on ne légifère pas non plus à la vapeur. Alors, Mme la
Présidente, c'est clair pour moi qu'il doit y avoir une
législation. C'est clair que cette commission parlementaire sera la
commission qui pourra déterminer les bases, les éléments,
les sujets, les solutions aux questions que nous posions de part et d'autre,
tout à l'heure, dans nos propos d'introduction. Nous devrons trouver des
solutions à ces questions.
Mme la Présidente, ce que je dis au député de
Pointe-aux-Trembles, c'est: Allons-y avec le maximum de
célérité, oui, mais allons-y aussi en étant
très conscient de l'importance de notre tâche et de sa
difficulté. Ne brusquons rien. Nous sommes sur la bonne voie. Nous
débutons aujourd'hui et ce n'est pas mon intention, comme ministre de la
Justice, de brusquer quoi que ce soit, mais d'arriver, dans un avenir le plus
prochain possible, à des résultats très concrets,
avec une loi, en accord avec mon collègue, le ministre des
Communications, qui réponde vraiment à la situation et aux
besoins des Québécoises et des Québécois. Mais ne
brusquons pas les choses, Mme la Présidente, et soyons très
conscients de la difficulté de notre tâche.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le ministre
des Communications. Alors, le temps alloué...
M. Rémillard: Non, le ministre de la Justice.
La Présidente (Mme Bélanger): Je m'excuse, M. le
ministre de la Justice.
M. Rémillard: J'ai fait tellement de lapsus à votre
égard, Mme la Présidente, que...
La Présidente (Mme Bélanger): Je vous remets le
change.
M. Rémillard: ...je trouve que... Des voix: Ha, ha,
ha!
La Présidente (Mme Bélanger): Alors, le temps
alloué aux remarques préliminaires étant
écoulé, nous avons devant nous les représentants de la
Fédération nationale des associations de consommateurs du
Québec et ACEF-Centre. J'aimerais vous rappeler le temps alloué
pour l'exposé et les échanges, soit 20 minutes pour votre
exposé, 20 minutes du côté ministériel et 20 minutes
du côté de l'Opposition. Évidemment, si vous prenez moins
de temps à faire votre exposé, il y aura plus de temps pour le
questionnement. Alors, je demanderais au porte-parole de l'organisme de bien
vouloir s'identifier et d'identifier les personnes qui l'accompagnent.
Auditions
Fédération nationale des associations de
consommateurs du Québec et ACEF-Centre
M. St-Amant (Jacques): Mme la Présidente, MM. les
ministres, Mmes et MM. les députés, mesdames et messieurs, nous
sommes heureux d'avoir été invités à vous faire
part de nos préoccupations à l'égard de la protection de
la vie privée. Il convient d'abord que nous nous présentions,
effectivement. À ma gauche, M. Roger Beaudoin, de l'ACEF de
Québec, et Mme Marie Vallée, de la Fédération
nationale des associations de consommateurs du Québec; à ma
droite, Mme Louise Rozon, de l'Association coopérative d'économie
familiale du Centre de Montréal, ACEF-Centre, et moi-même, Jacques
St-Amant, de l'ACEF-Centre également.
Cette dernière organisation a été incorporée
en 1983. Elle a succédé, dans sa région, à l'ACEF
de Montréal et, donc, est tributaire d'une tradition qui existe depuis
1967. Il s'agit d'un organisme coopératif de défense et de
promotion des droits des consommateurs qui n'est affilié à aucun
autre mouvement.
Fondée en 1978, quant à elle, la Fédération
nationale des associations de consommateurs du Québec compte
actuellement huit membres, dont l'ACEF de Québec, qui sont voués
à la promotion et à la défense des droits des
consommateurs et qui sont disséminés sur tout le territoire du
Québec. La Fédération est intervenue à diverses
reprises dans le domaine des télécommunications, notamment en
matière de télédistribution, mais aussi, entre autres,
dans le cadre des audiences publiques relatives à la concurrence dans le
domaine de la téléphonie interurbaine.
Lorsque, dans l'un de ses premiers romans, Mordecai Richler a voulu
dépeindre un jeune homme particulièrement odieux mais naïf,
il n'a pu trouver comportement plus infâme à lui prêter que
l'utilisation abusive de renseignements personnels. D'une boîte
téléphonique, en effet, Duddy Kravitz harcèle ses
professeurs à un point tel que l'épouse de l'un d'eux en mourra.
En 1991, bien sûr, on n'écrirait plus la même chose et ce
jeune homme serait bien plus rusé. Il n'utiliserait pas lui-même
ces numéros de téléphone; il les vendrait. C'est beaucoup
plus payant.
L'obtention et l'utilisation abusive des renseignements personnels,
l'invasion de la vie privée et les questions qui y sont liées
suscitent des réflexions depuis plus d'un siècle.
Déjà, en 1890, deux éminents juristes états-uniens
publiaient un commentaire sur le droit à la vie privée. Dans les
dernières années, l'évolution technologique et
l'importance croissante des flux d'information ont aggravé le
péril. De plus en plus, on constate une érosion de la vie
privée des citoyens qui, même si elle prend des formes apparemment
anodines, a des répercussions qui sont parfois étonnantes.
En 1984, par exemple, un honnête fabricant de crème
glacée a vendu la liste des enfants qui avaient participé
à un événement publicitaire, la liste où figurait
aussi leur âge et leur adresse. L'acheteur? Le service de recrutement du
Pentagone, qui s'en est servi ensuite pour contacter ces jeunes hommes
lorsqu'ils ont atteint l'âge du service militaire. Comme quoi on ne sait
pas à quoi va servir l'information qu'on diffuse.
Notre vie privée s'effiloche. Ceux qui témoigneront devant
la commission brosseront le tableau complet de cette évolution et le
défi qu'elle suscite. Pour notre part, nous vous décrirons
principalement les difficultés associées à un
problème bien précis: l'affichage incontrôlé des
numéros de téléphone associés aux lignes
utilisées par les appelants, tout en commentant également un
certain nombre de pistes de solutions qui ont déjà
été évoquées.
Ensemble, avec la Ligue des droits et
libertés, nous intervenons depuis bientôt deux ans devant
le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications du
Canada, le CRTC, et depuis peu devant les cours fédérales. Nous
nous objectons à la commercialisation de dispositifs qui permettent
l'affichage incontrôlé des numéros des lignes
téléphoniques appelantes. Nous exprimons des réserves
sérieuses à l'égard de tels services parce que la
captation de ces renseignements personnels par des individus ou des entreprises
menace la santé, la sécurité et la vie privée de
milliers de citoyens et de citoyennes, parce qu'elle porte
systématiquement atteinte au secret professionnel ou à des droits
similaires et parce qu'elle permet la constitution de banques de données
dont nul ne peut contrôler l'usage.
L'affichage des numéros de téléphone paraît
banal, sinon bénéfique, à première vue. On constate
pourtant déjà, après un an d'expérience au
Québec, qu'il pose des problèmes considérables. Cette
technologie fournit un exemple remarquable des effets de la perte de
contrôle des citoyens et des citoyennes sur des informations qui, de plus
en plus, les identifient et de la nécessité que soient
établies des règles de droit claires et efficaces, qui assurent
la protection des droits.
Nous vous rappelerons d'abord quelques-uns des problèmes concrets
que cause actuellement l'affichage, avant de commenter brièvement les
solutions qui devraient être mises en oeuvre. Et Mme Rozon va vous faire
part de certains des problèmes que nous avons déjà
constatés.
Le Président (M. Gauvin): Mme Rozon.
Mme Rozon (Louise): Oui. Merci, M. le Président. Alors,
pour Illustrer brièvement l'histoire de ce nouveau service de gestion
des appels, c'est donc en novembre 1989 que Bell Canada a logé
auprès du CRTC une demande afin d'être autorisée à
offrir un service de gestion des appels qui comporte quatre fonctions:
l'afficheur, un dispositif qui permet à l'abonné de voir le
numéro de téléphone de la ligne appelante; le
mémorisateur, qui permet de mémoriser le numéro du dernier
appel reçu ou logé; le dépisteur, qui permet, pour sa
part, de dépister l'origine d'un appel importun ou obscène et,
finalement, le sélecteur, qui permet d'acheminer au plus 12
numéros de téléphone à un message
préenregistré. Alors, c'est au mois de juin 1990 que le CRTC a
autorisé Bell Canada à commercialiser ce service tout en
l'assortissant d'un mécanisme de blocage payant.
Le service est actuellement disponible dans les régions de Hull,
Ottawa et Québec, depuis juin 1990, et dans les régions de
Montréal et Toronto, depuis avril 1991. Donc, la personne qui
désire que son numéro de téléphone ne soit pas
affiché lors d'une communication téléphonique doit donc
passer par la téléphoniste et doit débourser 0,75 $
à chaque fois. Seuls, actuelle- ment, les centres d'hébergement
pour femmes victimes de violence conjugale bénéficient d'un
blocage gratuit, mais elles doivent quand même passer par la
téléphoniste. Donc, après un an d'implantation à
peine, les plaintes commencent à se multiplier et on mesure de plus en
plus les problèmes graves que peut causer l'affichage d'un banal
numéro de téléphone sur un tout petit écran.
À commencer par les centres d'hébergement pour femmes
victimes de violence conjugale qui font face actuellement à des
problèmes concrets quant à l'application du service de blocage
gratuit et quant à la protection de la santé et de la
sécurité des personnes qui y cherchent refuge. Les femmes et
surtout les enfants oublient de passer par la téléphoniste pour
obtenir le blocage avant de faire un appel auprès d'un conjoint violent,
par exemple; les intervenantes qui assurent la garde de nuit à partir de
leur domicile ne jouissent pas de la protection de leur numéro et elles
s'exposent, par conséquent, à des risques importants. Dès
leur sortie du centre d'hébergement, les femmes ne peuvent plus jouir du
blocage gratuit. Pourtant, leur sécurité, sinon leur vie, est
encore en danger. On sait, en effet, à quel point il est facile de
trouver une adresse à partir d'un numéro de
téléphone.
D'autre part, des cliniques spécialisées, comme la
Clinique de l'alternative, la Clinique des jeunes Saint-Denis à
Montréal ou encore la Clinique des femmes de l'Outaouais, contactent
régulièrement des patients dans le cadre de leurs
activités. Une clinique de Québec qui nous a fait part de ses
difficultés loge en moyenne de 1000 à 2000 appels par jour. Ces
cliniques offrent notamment des services spécialisés d'avortement
ou de dépistage des maladies transmises sexuellement et du SIDA. Si la
personne appelée est absente, on ne laisse jamais de message. Il arrive
maintenant, depuis l'existence du service de gestion des appels, qu'une autre
personne rappelle les numéros captés. On répond alors:
"Clinique Unetelle, bonjour, et le secret professionnel est violé.
Des parents ont ainsi appris que leurs jeunes avaient consulté
les services d'une clinique spécialisée; des conjoints ont appris
que leur compagne avait subi un avortement. Avec l'arrivée de ce nouveau
service, les professionnels de la santé ne sont plus en mesure,
malgré eux, d'assurer la confidentialité de la relation
professionnelle. Jusqu'à quel point mesure-t-on qu'est-ce qui peut se
produire dans un domicile ou dans un milieu de travail si on apprend ainsi que
Marie ou Albert est en relation avec un psychiatre, une criminaliste, un centre
de désintoxication ou encore avec des conseillers
budgétaires?
Dans le même ordre d'idées, des CLSC intervenant
auprès des victimes de violence conjugale ont signalé à la
Fédération des CLSC
un nombre croissant d'incidents. Des individus identifient le
numéro du CLSC et retournent l'appel en insistant pour connaître
la raison de l'appel. Alors, l'afficheur peut précipiter l'agression
qu'on voulait justement éviter. D'autre part, plusieurs professionnels
ont perdu la confidentialité de leur numéro de
téléphone après avoir logé des appels à
partir de leur domicile, et ce, dans l'exercice de leurs fonctions. On a ainsi
reçu des plaintes de médecins, de travailleurs sociaux, de
psychologues, de professeurs et d'intervenants auprès
d'ex-psychiatrisés, qui sont maintenant susceptibles d'être
rappelés à tout moment par un patient. Des gens qui paient pour
un numéro confidentiel ont également porté plainte; avec
l'afficheur, ils perdent graduellement les avantages reliés à ce
service. Si on évalue qu'une personne loge chaque semaine une dizaine
d'appels en préférant ne pas s'identifier, il faut maintenant
débourser plus de 450 $ par année en frais de blocage.
Par conséquent, les fonctions afficheur et mémorisateur
posent de sérieux problèmes quant à la protection de la
vie privée. Ces dispositifs d'identification de la ligne appelante
menacent en effet gravement la santé et la sécurité de
certaines personnes, mais aussi la préservation du secret professionnel.
Plus largement, ils provoquent une perte de contrôle de l'individu sur un
renseignement personnel et précieux. Nous avons demandé,
jusqu'à présent, que l'implantation de ces fonctions soit
assortie d'un mécanisme de blocage gratuit et facile d'accès. Le
mécanisme actuel est en effet incommode et beaucoup trop coûteux.
Le blocage est essentiel; on perd autrement complètement le
contrôle sur la circulation des renseignements personnels. Des modes de
blocage sont déjà offerts en Europe, en Californie, au Nevada et
en Caroline du Nord notamment. Dans l'État de Pennsylvanie, l'afficheur
a été jugé inconstitutionnel, ce qui a, pour l'instant,
réglé la difficulté.
Récemment, Bell Canada est revenue à la charge. La
compagnie demande au CRTC l'autorisation d'offrir un service afficheur au
bénéfice des grandes entreprises utilisant des réseaux
Centrex. De toute évidence, on vise le marché de la captation et
de l'utilisation des données à des fins commerciales. Il nous a
toujours paru clair que l'afficheur serait avant tout utile aux entreprises
désireuses de cibler plus précisément leur
clientèle. Il est en effet possible de capter un numéro de
téléphone et de le coupler avec une banque de données.
Chaque appel ainsi engraisse un peu plus la banque de données et permet
de constituer un portrait du consommateur qui est fort utile à
l'entreprise qui veut vendre ses produits et ses services. Cette pratique est
déjà courante aux États-Unis, comme en témoignent
les coupures de journaux jointes à l'appendice 4 de notre
mémoire.
Au Québec, l'implantation d'une fonction afficheur au
bénéfice des entreprises abonnées au système
Centrex leur permettrait de saisir des informations nominatives et de les
utiliser à leur gré sans le consentement de l'abonné et
sans même qu'il le sache, puisqu'on ne sait jamais, lorsqu'on communique
avec une entreprise, si elle est ou non abonnée à
l'afficheur.
Il faut cependant noter que les entreprises n'ont pas toutes attendu ces
progrès techniques. Certaines chaînes de restaurants
établissent déjà un profil informatisé de leur
clientèle qui est structuré autour des numéros de
téléphone qui sont requis par les préposés et qui
permettent de tout savoir sur vos habitudes de consommation de pizza ou de
poulet. (16 h 45)
Pour plusieurs entreprises et pour des spécialistes de marketing,
l'association de renseignements nominatifs à l'expression d'un
intérêt pour un produit ou un service constitue une mine d'or.
D'ailleurs, une revue publiée par Bell Canada, Solutions,
mentionnait, dans un article, à l'été 1991, et je
cite: "L'affichage du numéro demandeur constituera un autre avantage
pour toutes les compagnies qui pratiquent le télémarketing.
Combinée avec la base de données de l'entreprise, cette fonction
permettra à l'agent d'obtenir un profil complet du client dès
qu'il répond à l'appel". Fin de la citation.
Ce n'est un secret pour personne qu'il est maintenant assez facile
d'obtenir une foule de renseignements sur un ménage à l'aide d'un
simple numéro de téléphone. Infomedia une entreprise de
Virginie, affirmait dès 1989 qu'elle pouvait établir le profil
socio-économique précis d'un ménage au moyen de 28
caractéristiques. Aux États-Unis toujours, MetroNet a
fiché 117 000 000 de personnes et offre un service en 48 heures, ce qui
permet de coupler des adresses, des caractéristiques
démographiques et autres à des numéros de
téléphone captés par l'afficheur. On se prépare
à l'assaut du marché canadien Enfin, Prospect Inc., une
entreprise de Toronto, a emmagasiné sur support informatique les noms,
adresses, numéros de téléphone, coordonnées
spatiales, périodes de résidence, niveaux de revenu, langue,
religion et taille de 7 900 000 des 8 500 000 ménages canadiens. Vous y
êtes fort probablement fichés sans pouvoir y faire quoi que ce
soit.
L'implantation de l'afficheur annonce l'évolution d'un
système téléphonique où chacun aura son
numéro de téléphone permanent et personnel, peu importe
son lieu de résidence. Le ministère des Communications du Canada
et de nombreuses entreprises de téléphonie et de matériel
électronique se sont regroupés dans une société
nommée Vision 2000, société qui vise à coordonner
leurs efforts de recherche dans ce domaine. La technologie permettra à
tout moment au réseau de localiser un abonné et de lui acheminer
un appel où qu'il se trouve. Le numéro de téléphone
deviendra ainsi, dans un proche avenir, un identifiant universel, d'où
la richesse du service
afficheur pour les entreprises.
Dans ce contexte, nous jugeons qu'il est urgent de prévenir,
d'intervenir avant que tous les choix n'aient été faits. Trop
d'aspects de notre vie nous glissent déjà entre les mains. Alors,
sans plus tarder, je laisse la parole à Marie Vallée qui va vous
expliquer quelles sont les solutions que nous envisageons. Merci.
Le Président (M. Gauvin): Mme Vallée.
Mme Vallée (Marie): Merci, M. le Président. Alors,
notre droit n'a jusqu'à présent pas tenté
véritablement de baliser l'évolution technologique
extrêmement rapide qui, pour l'instant, tend à lui
échapper. Les choix technologiques du secteur privé n'ont, en
tout cas, pas jusqu'à présent à recevoir l'aval
parlementaire. La portée de l'article 5 de la Charte
québécoise n'est, quant à elle, pas encore aussi
précisément établie qu'on pourrait le souhaiter. De toute
manière, il faudra sans doute se doter de mécanismes plus
précis et mieux adaptés à la préservation du
contrôle sur la dissémination des renseignements personnels.
Les dispositions générales du Code civil du Québec,
si elles constituent la promesse d'une reconnaissance encore plus claire des
composantes du droit à la vie privée, ne peuvent pas, en effet,
suffire à elles seules à enrayer la propagation des
renseignements personnels et la constitution de banques de données dans
le secteur privé. On doit faire en sorte que les entreprises constituant
des dossiers soient empêchées de la faire à l'insu des
citoyens, et seule une loi régissant ce domaine permettra d'y
parvenir.
Il n'y a pas que le droit qui est dépassé pour l'instant.
Beaucoup de citoyens sont encore peu informés de l'ampleur du
phénomène de la circulation des données qui les concernent
ou n'en perçoivent pas toutes les conséquences. L'ampleur de la
contestation à l'égard de l'afficheur aux États-Unis et la
réaction des dizaines de milliers de personnes à l'annonce de la
mise en marché des banques de données indiquent cependant que de
plus en plus de citoyens et citoyennes veulent préserver leur vie
privée en maintenant le contrôle sur la circulation des
renseignements les concernant. Il faut tout probablement s'attendre à ce
que cette préoccupation aille en croissant, à mesure que se
multiplieront les cas d'invasion de la vie privée et d'usage indu des
informations.
Nous croyons que l'État québécois doit intervenir
et poursuivre deux grands ordres d'objectifs. Il doit faire en sorte que les
citoyennes et les citoyens soient largement informés et assurer une
mission d'information et d'éducation. Il nous apparaît de plus en
plus évident que la seule manière de ralentir l'érosion de
la sphère de la vie privée passe par une législation
encadrant certains types d'activité. Cette législation devrait,
entre autres, assurer que les citoyens soient informés de l'existence et
de la finalité des fichiers où ils sont inscrits, qu'on ne peut
inscrire, utiliser ou transférer des données relatives à
une personne qu'avec son consentement et que le refus d'accorder un tel
consentement ne peut porter préjudice à cette personne.
Les intervenantes souscrivent, par conséquent, aux
recommandations formulées par le Comité interministériel
sur la protection de la vie privée eu égard aux banques
privées de données personnelles. La vie privée des gens
doit demeurer une zone à accès restreint et on ne parviendra
à ce résultat qu'en contrebalançant par une loi l'immense
intérêt économique que suscite la manipulation des
renseignements personnels.
À cet égard, deux commentaires. D'abord et à cause
même de cet intérêt économique, on ne saurait
présumer que les mécanismes d'autorégle-mentation
porteront fruit si on n'assure pas un encadrement très serré de
ce processus. Selon les informations dont nous disposons, les codes de conduite
et autres processus d'autoréglementation dans le domaine des services
financiers n'ont eu de succès que dans la mesure où les
États concernés sont intervenus très activement dans leur
conception et leur mise en oeuvre. Ensuite, l'existence des recours civils
ordinaires ne suffira pas seule à éviter les atteintes à
la vie privée et la récidive. Il s'agit, le plus souvent, de
dommages non matériels et les tribunaux n'accorderont donc que des
montants symboliques. Il importe, par conséquent, que toute
législation relative à la protection de la vie privée
crée des mécanismes administratifs ou pénaux tels que les
détenteurs de banque privée de données personnelles
gagneront financièrement à se conformer à la loi,
plutôt que de risquer d'y déroger.
Nous recommandons donc que l'État québécois mette
en oeuvre tous les moyens appropriés afin que les citoyens et citoyennes
soient aussi bien informés que faire se peut des divers aspects de la
problématique de la protection de la vie privée, en intervenant
lui-même ou en soutenant l'intervention d'autres parties
intéressées.
Les dispositions du projet de loi 125 instituant le Code civil du
Québec, relatives à la protection de la vie privée,
doivent être adoptées intégralement et les recommandations
formulées par le Comité interministériel sur la protection
de la vie privée eu égard aux banques privées de
données personnelles devraient être mises en oeuvre dans le cadre
d'une loi, et ce, le plus rapidement possible.
Nous vous avons parlé assez spécifiquement des
problèmes reliés au service de gestion des appels. D'autres
domaines posent également problème et Roger Beaudoin va faire une
intervention sur ça.
Le Président (M. Gauvin): J'aimerais vous
rappeler qu'if ne reste que quelques minutes, mais il semblerait...
M. Beaudoin (Roger): Dans deux minutes, on a terminé.
Une voix: Quatre.
M. Beaudoin: Dans quatre minutes, on a terminé.
Le Président (M. Gauvin): Vous y allez. C'est ça.
On vous reconnaît, M. Beaudoin.
M. Beaudoin: Merci beaucoup, M. le Président. Mmes et MM.
les commissaires, très brièvement, comme vous le constatez, on a
développé davantage la question de l'afficheur en termes de
protection de la vie privée. On vous fait part aussi de nos
préoccupations plus générales en ce qui concerne la
protection de la vie privée, mais on voulait saisir l'occasion pour vous
dire aussi que, comme association de consommateurs, on est très inquiets
de la circulation des informations dans des domaines comme les assurances, les
bureaux de crédit, les institutions financières. Sauf qu'on a pu
prendre connaissance des travaux, entre autres du Service d'aide aux
consommateurs, qui devrait être amené à vous
présenter ses préoccupations, ses observations et
recommandations.
Alors, on vous dit que nous, comme association, on est très
intéressés et très inquiets dans ces domaines-là.
Par contre, on vous laissera l'occasion de parler avec d'autres intervenants
qui ont eu la chance de développer davantage leur expertise que nous
là-dedans. On voulait simplement vous donner ce message-là,
d'être très attentifs aux autres représentations de ce
côté-là. Pour conclure, je vais laisser la parole à
M. St-Amant.
Le Président (M. Gauvin): M. St-Amant
M. St-Amant: Oui. L'affichage des numéros de
téléphone ne constitue donc qu'une petite partie de la dentelle
que devient présentement notre vie privée. On se dirige à
grands pas vers un monde où chacun aura en poche son
téléphone identifié par un numéro personnel et
propre à l'individu. Chacun pourra être rejoint en tout temps et
chacun pourra être localisé précisément où
qu'il soit. Il ne s'agit pas là de spéculation orwellienne.
Plusieurs entreprises de télécommunications, Bell Canada y
compris, testent présentement ces technologies et le
téléphone n'est que l'un des nombreux modes de captation, de
transmission et de traitement des renseignements personnels. Le numéro
de téléphone lui-même n'est pas non plus le seul
identifiant possible. On pense, par exemple, aux codes postaux.
Petit à petit, une logique, qu'il faut bien appeler
technocratique, se concrétise, modifie concrètement nos modes de
vie. Pour l'instant, cette logique semble se préoccuper assez peu de la
protection de la vie privée. On préfère gérer des
données. Un portrait statistique d'un groupe d'individus ou d'un
individu - portrait qu'on constitue comme on veut et qui correspond plus ou
moins à la réalité parce qu'on ne peut même pas le
corriger - cela coûte moins cher que de traiter un tel portrait. Mais
même les tenants du libéralisme le plus classique devraient se
rebeller, me semble-t-il, devant une vision aussi froide, aussi impersonnelle,
aussi déshumanisante. On ne peut pas surestimer l'importance de la vie
privée des gens et du contrôle que tous doivent pouvoir exercer
sur les renseignements qui les concernent. La vie privée des citoyens
est indissociable de la dignité et de la liberté et, en
définitive, comme le notait le ministre de la Justice, de la
démocratie.
Dans les dernières années, la Cour suprême du Canada
a plus d'une fois accordé la prééminence à la
protection de la vie privée au nom, justement, de la dignité et
de la liberté. En mars dernier, par exemple, la Cour a fait primer la
protection de la vie privée d'un accusé acquitté d'un
crime sur le droit d'accès d'un journaliste à des documents qui
avaient été déposés au dossier du tribunal.
Ça donne un peu une idée de l'importance qu'on doit accorder
à la vie privée.
Si les citoyennes et les citoyens perdent le contrôle sur les
renseignements qui les concernent, des pans entiers de leur vie seront à
la merci de ceux qui détiennent ces informations. Leurs libertés
s'en trouveront réduites: liberté d'action ou liberté
d'expression. Des traits de leur vie privée pourront, à tout
moment, être étalés ici ou là sans qu'on puisse s'y
opposer, sans qu'on puisse le prévoir ni même savoir si ce qui est
révélé est vrai ou non. L'usage de l'afficheur donne
déjà, au Québec, des exemples de toutes ces atteintes
à la dignité des personnes. Incapables de contrôler leur
image et l'usage qui en est fait, fichés de toute part, exclus
actuellement des débats sur le développement technologique, les
citoyennes et les citoyens seraient aussi, de ce fait, exclus de tout pouvoir
réel.
Nous ne sommes pas contre le progrès, contrairement à ce
qu'on nous dit parfois. Au contraire, la technologie peut et doit servir et
elle s'avère, dans bien des cas, extrêmement utile. Mais nous
souhaitons aussi un progrès juridique. L'évolution technologique
et des considérations financières ne font pas seules le
progrès d'une société. On peut faire présentement
des choix techniques qui préservent la vie privée alors que,
concrètement, on fait le contraire présentement. On peut faire
des choix sociaux qui assurent que les débats entourant ces questions
soient faits ouvertement - et cette commission en est une occasion - et que les
solutions retenues tiennent compte de tous les
intérêts en jeu, même de ceux qui s'expriment moins
fréquemment ou moins lourdement. Nous souhaitons ardemment que les
travaux de la commission donnent le coup d'envoi à la mise en oeuvre au
Québec de solutions qui soient fondamentalement démocratiques et
respectueuses des droits fondamentaux. Nous vous remercions de votre attention
et nous vous encourageons dans vos délibérations.
Le Président (M. Gauvin): Merci, M. St-Amant et votre
groupe. Et vous avez compris que le temps alloué qui reste à ces
travaux va être réparti en périodes égales entre les
représentants du côté ministériel comme du
côté de l'Opposition. Je reconnais M. le ministre de la
Justice.
M. Rémillard: Merci, M. le Président. Mme Rozon, M.
Beaudoin, Mme Vallée et Me St-Amant, je veux vous remercier d'avoir
accepté de venir discuter avec nous de votre mémoire et de nous
l'avoir présenté de si bonne façon, d'une façon
particulièrement éloquente, en attirant notre attention sur des
aspects importants de votre mémoire, un mémoire qui est
très intéressant, que j'ai lu avec beaucoup
d'intérêt. Vous nous permettez de commencer nos travaux d'une
façon extrêmement profitable, je dois dire, pour cette commission,
pour que nous ayons une bonne idée de la problématique que nous
avons.
Je disais tout à l'heure que ce n'est pas facile, le sujet que
nous abordons, et votre mémoire démontre fort bien que,
justement, ce n'est pas facile parce que - vous le dites à plusieurs
reprises - des intérêts peuvent être divergents. Et vous,
dans vos recommandations, vous faites part de la façon dont vous voyez
les choses, mais vous êtes très conscients aussi qu'il faut
protéger quand même, au bénéfice des
Québécois et des Québécoises, le
développement technologique.
Moi, je retiens tout d'abord une première chose. C'est que vous
me dites, comme ministre de la Justice, responsable du projet de loi 125 sur la
réforme du Code civil, à la recommandation 2: "Les dispositions
du projet de loi 125, instituant le Code civil du Québec, relatives
à la protection de la vie privée devraient être
adoptées intégralement." Donc, c'est une recommandation... Moi,
je prends bonne note de cette recommandation-là que je considère,
évidemment, très importante. (17 heures)
L'autre chose - et j'en reviens à la question que j'aimerais vous
poser. Dans vos recommandations, aux pages 22 et suivantes de votre
mémoire, vous insistez beaucoup sur le consentement du citoyen: "Le
consentement du citoyen doit être obtenu avant que soit constitué
un fichier le concernant", et: "Le consentement du citoyen doit être
expressément accordé avant que des renseignements personnels ne
puissent être transmis à toute personne autre qu'un
préposé du maître de fichiers dans l'exercice de ses
fonctions."
Ça m'apparaît intéressant comme principe, le
consentement du citoyen. Mais je vous avoue que j'aimerais vous entendre pour
savoir quelle pourrait être la forme de ce consentement. Comment ce
consentement pourrait-il être exprimé par le citoyen pour qu'il
puisse être vraiment effectif et qu'il puisse donner ouverture, donc, aux
recommandations que vous faites?
Le Président (M. Gauvin): M. St-Amant.
M. St-Amant: Ces recommandations s'inspirent en grande part,
évidemment, des lignes directrices proposées par l'OCDE en 1982.
Si on se situe, pour simplifier, dans le cadre de transactions commerciales,
parce que c'est surtout là, pas seulement là, mais surtout
là que les problèmes se posent, il me paraît possible
d'exiger des maîtres de fichiers, des gens qui constituent des fichiers
qu'ils informent les gens qu'ils bâtissent des banques de données
et qu'ils leur disent: Voici, nous allons prendre en note telle ou telle
information, nous l'utiliserons de telle façon; y consentez-vous? Vous
signez un contrat ou vous y consentez verbalement, et ça pose des
problèmes de preuve.
Voilà, si on pense, par exemple, à tout le domaine du
crédit ou des services financiers, où il y a
systématiquement des contrats écrits, ça devient
extrêmement facile. C'est notamment dans ces domaines-là que les
problèmes de constitution de banques de données se manifestent
présentement. Dans beaucoup d'autres cas aussi, je pense qu'il devrait
être possible... Et là il y a d'abord, je crois, un effort
d'éducation à faire parce que, comme on le mentionnait, les gens,
en général, ne sont pas conscients actuellement de l'importance
du phénomène de la constitution des banques de données.
Là-dessus, je crois que le gouvernement comme les organismes peuvent
faire des points importants en termes d'information. Il peut y avoir d'autres
modes. Il me paraît pertinent de s'assurer que les consommateurs soient
informés que des informations à leur égard sont saisies et
conservées. C'est une obligation qui doit incomber aux maîtres de
fichiers des entreprises.
Le Président (M. Gauvin): Oui, M. le ministre.
M. Rémillard: Alors, simplement pour bien comprendre, donc
il s'agirait que le citoyen s'exprime très clairement, dise: Oui. Moi,
je suis d'accord pour l'information que je vous donne. Vous pouvez en
disposer...
M. St-Amant: Ou non...
M. Rémillard: Oui ou non. Alors, donc...
M. St-Amant: ...parce que...
M. Rémillard: ...dans chaque acte susceptible de mettre en
cause des renseignements concernant la vie privée.
M. St-Amant: Et ça se produit actuellement. Je pense, par
exemple, aux contrats de prêt bancaire où,
systématiquement, il y a une clause dans les contrats types des
institutions financières où le consommateur, l'emprunteur
autorise l'institution financière à consulter des bureaux de
crédit, à transmettre des informations aux bureaux de
crédit. Qu'est-ce qui empêcherait de modifier un petit peu cette
clause-là pour augmenter les prérogatives du consommateur, pour
limiter l'arbitraire absolu des entreprises, pour faire en sorte à tout
le moins que la circulation des informations soit restreinte?
Le Président (M. Gauvin): M. le ministre de la
Justice.
M. Rémillard: Oui. J'aimerais peut-être vous poser
une question, je pense, que je ne vois pas directement dans votre
mémoire, qui m'arrive comme ça. Est-ce que vous avez
réfléchi un petit peu sur cette possibilité, par exemple,
de mettre une photo sur les permis de conduire?
M. St-Amant: Mon réflexe spontané de citoyen
extrêmement soucieux de sa propre vie privée, c'est d'avoir des
réserves sérieuses. Il peut sans doute y avoir des avantages
à le faire et matière à débat, mais mon
réflexe est négatif.
M. Rémillard: Est-ce que c'est la même chose pour
les gens de votre groupe?
M. Beaudoin: Bien, écoutez. Moi, je travaille, entre
autres, dans le domaine de la santé et des services professionnels.
Évidemment, actuellement, à Rimouski, on est en train
d'expérimenter une carte à mémoire dans le domaine de la
santé et le ministre Marc-Yvan Côté a soulevé la
question: Est-ce que la carte d'assurance-maladie, complétée
d'une photographie, ne pourrait pas servir comme passe-partout, si on peut
dire, dans le réseau de la santé et des services sociaux?
Évidemment, à ce moment-là, ça pourrait devenir une
carte d'identité, etc.
Je dirais que j'ai le même réflexe que M. St-Amant par
rapport à ça. Ce peut être utile, mais, en même
temps, il faut faire attention. Il ne faut pas oublier qu'actuellement, sur le
permis de conduire, il y a quand même des indications écrites sur
la personne la décrivant, ses yeux, sa hauteur, etc., et il faudrait
bien analyser les avantages et les inconvénients. Dans beaucoup de pays
d'Europe, entre autres, il y a historiquement une sorte de réticence
très forte face à une carte d'identité de cet
ordre-là, même si elle peut exister. Ici, il faudra en discuter
sérieuse- ment. Mais, moi aussi, je partagerais, et plusieurs des
membres bénévoles de notre association partageraient une
réticence à aller dans ce sens là au départ. Mais
il faudrait quand même Si jamais il y avait un projet dans ce
sens-là, on pourrait toujours regarder le pour et le contre, mais au
départ, réticence.
M. Rémillard: Oui, vous parlez de photo même sur une
carte d'assurance-maladie, vous parlez de photo et je vous avoue que les
craintes que vous manifestez, ça me touche aussi beaucoup comme tel. Il
faudra regarder ça de plus près, mais, pour moi, je suis
particulièrement sensible à cette question-là. Même
s'il n'y avait pas de photo, il reste qu'on parle aussi de ces cartes qui
permettraient de mettre en information sur les cartes votre bilan de
santé ou bien une carte à puce, comme vous appelez. Alors, on me
dit que c'est la carte à puce. Alors, une carte à puce, et vous
pourriez l'avoir aussi en ce qui regarde le perm's de conduire où vous
auriez vos infractions que vous auriez commises, etc. D'une part, les gens nous
disent: Ça pourrait être très intéressant,
très, très, très intéressant pour avoir encore une
meilleure sécurité et un travail plus effectif, du
côté médical, du côté de la
sécurité routière. Mais, d'autre part, est-ce que
ça ne soulève pas des problèmes quant au respect de la vie
privée? Je pense que ce que vous nous dites, c'est: Attention, oui,
ça soulève des problèmes.
M. St-Amant: Ce sont clairement d'autres exemples de cas
où le citoyen ou la citoyenne perd le contrôle sur les
informations qui le ou la concernent. Si on parle du dossier médical,
par exemple, ça fait en sorte que tout intervenant dans le domaine
médical pourrait possiblement prendre connaissance de l'ensemble du
dossier, que ce soit pertinent pour ses fins ou non. J'ai des réserves
sérieuses. Si, moi, je vais consulter un médecin parce que j'ai
un petit bobo sur le bout du doigt, je ne tiens pas nécessairement
à ce qu'il voit l'ensemble de mon dossier.
Le Président (M. Gauvin): M. le ministre des
Communications.
M. Cannon: Bien, voulez-vous faire l'alternance?
Le Président (M. Gauvin): J'avais le député
d'Iberville qui...
M. Cannon: Bien, c'est-à-dire... Est-ce que vous voulez
faire l'alternance? Si vous ne faites pas l'alternance, M. le Président,
je vais y aller.
Le Président (M. Gauvin): Ah bien, écoutez, si
l'alternance est demandée...
Une voix: Oui.
Le Président (M. Gauvin): ...nous allons faire
l'alternance. Oui, elle est recommandée, souhaitée. M. le
député de Pointe-aux-Trembles. Excusez.
M. Bourdon: M. le Président, je voudrais d'abord remercier
les intervenants pour leur mémoire et leur dire que, notamment, les
propos sur le téléphone m'ont fait réaliser une dimension
des intrusions possibles dans la vie privée. Ce que j'entends par
là, c'est qu'avant les changements technologiques des 10 ou 15
dernières années les sources de péril pour la vie
privée, si on veut, on les situait du côté de la police,
supposons, et du gouvernement qui pouvaient faire que... On en identifiait
deux: On pouvait être suivi et notre téléphone pouvait
être écouté. C'était ça et ça faisait
des débats. A quelles conditions un corps policier avait-il le droit de
faire de l'écoute?
Ce qui me frappe par rapport au téléphone, c'est que
l'espionnage est maintenant à la disposition de tout le monde par les
changements qui sont apportés. Vous donniez l'exemple, avec raison,
d'une victime de violence conjugale dont la personne violente apprend
instantanément à quel numéro elle se trouve et d'autres
intrusions dans le secret professionnel, qui sont très
considérables aussi. Est-ce qu'on peut tolérer que, par le
numéro de téléphone, on apprenne que telle personne
consulte en psychiatrie ou que telle personne consulte dans une clinique qui
s'occupe de MTS, etc.?
Maintenant, la question que je vous pose d'emblée, c'est: Le
Québec ayant peu de juridiction en matière de
téléphonie... Il y en a une mais faible. Le ministre ne m'entend
pas, mais, au début de septembre, il avait l'air de vouloir
l'élargir. Là, je ne le sais plus. Mais est-ce que vous
suggérez qu'une législation que cette Assemblée nationale
ferait devrait s'appliquer à la petite partie de la
téléphonie qui est de juridiction québécoise comme
pour donner l'exemple dans l'espoir qu'au niveau fédéral quelque
chose de semblable se fasse? En tout cas, c'est le sens de ma question.
Même si le Québec réglemente une faible activité,
une faible partie de l'activité téléphonique au
Québec, quelques entreprises de juridiction provinciale, est-ce que
ça, on devrait l'insérer dans notre législation pour la
valeur exemplaire que ça pourrait quand même avoir? J'adresse ma
question à...
M. St-Amant: II est toujours périlleux de s'avancer dans
les méandres du droit constitutionnel canadien. Je serais tenté
de dire toutefois, sous réserve des commentaires que feront des
constitutionnalistes bien plus éminents que moi autour de cette table,
qu'il devrait être possible que l'Assemblée nationale adopte une
législation d'intérêt général sur la
protection de la vie privée, qui est un droit civil, et que cette
législation s'applique à tout ce qui se passe au Québec,
de la même façon, par exemple, que les dispositions du Code civil
s'appliquent aux banques. Il devrait donc être possible, me semble-t-il,
de plaider qu'une législation québécoise sur la vie
privée pourrait avoir des répercussions sur une entreprise ou sur
des activités de juridiction fédérale. Il y a à
tout le moins là, me semble-t-il, d'autres débats
intéressants pour les constitutionnalistes.
M. Rémillard: Bravo! M. Bourdon: Maintenant...
Des voix: Ha, ha, ha! M. Bourdon: ...la...
M. St-Amant: Je note ce bravo, M. le ministre.
Mme Rozon: Je devrais simplement rajouter...
Une voix: Oui.
Mme Rozon: ...que la Régie des
télécommunications du Québec s'est d'ailleurs
penchée sur la problématique de l'afficheur et que, finalement,
la Régie a adopté les mêmes solutions que le CRTC. Alors,
on a offert aux gens un blocage, mais payant, du numéro de
téléphone. Alors, il aurait été très
souhaitable que la Régie des télécommunications du
Québec adopte une autre solution et qu'on tienne compte de l'intrusion
dans la vie privée des gens quant à l'existence de ce nouveau
service, d'autant plus qu'il sera, dans un avenir très proche,
accessible aux entreprises, et là il n'y a aucune raison valable pour
qu'on divulgue notre indentité lorsqu'on communique avec une entreprise
pour s'informer d'un bien ou d'un service qu'elle vend.
M. Bourdon: À la recommandation 14, vous dites: 'Tout
recours à des processus d'autorégle-mentation doit faire l'objet
d'une attention constante de l'organisme étatique chargé de
mettre en oeuvre la législation." J'ai deux questions, dans le fond.
Est-ce à dire que vous pourriez convenir que l'autoréglementation
peut suffire en matière de protection de la vie privée? Et,
deuxièmement, l'organisme étatique, est-ce que, selon vous,
ça pourrait être la Commission d'accès à
l'information ou bien si vous pensez qu'il devrait y avoir un organisme
spécifiquement destiné à s'occuper de cette question?
M. St-Amant: J'aborderai d'abord, si vous le permettez, la
seconde question pour dire que je pense que nous n'avons pas d'idée
précise. Il y a là une foule de débats que nous ne sommes
pas en mesure de faire, où ne sommes pas en mesure
de prendre une position éclairée là-dessus. Il me
paraîtrait logique a priori qu'un organisme comme la Commission
d'accès à l'information élargisse son mandat ou qu'on
confie le mandat à quelqu'un d'autre, à la condition expresse,
dans tous les cas, que les ressources suffisantes soient accordées
à cet organisme-là.
Quant à votre première question à l'égard
des processus d'autoréglementation, depuis deux ans, l'ACEF-Centre,
entre autres, d'autres organismes que vous entendrez, notamment le Service
d'aide aux consommateurs de Shawinigan, ont eu l'occasion de se mêler de
près ou de loin à une tentative qui a été faite au
niveau fédéral d'en venir à un code
d'autoréglementation des institutions financières dans le domaine
des systèmes de transfert électronique de fonds, les guichets
automatiques, par exemple, les cartes de débit.
Ce processus d'élaboration d'une norme autoréglementaire
ne semble pas terminé, mais, jusqu'à maintenant, nous avons
été - je serai gentil - extrêmement inquiets de
l'évolution que ça a pris. On a nettement eu le sentiment
jusqu'à maintenant, à tout le moins, que les institutions
financières faisaient, à toutes fins pratiques, du blocage
systématique. Elles ne convenaient du contenu d'un code que dans la
mesure où il ne changeait absolument rien à l'état du
droit actuel.
On a procédé, il y a quelques semaines, à une
évaluation rapide du projet de code qui circule actuellement. Il y a
peut-être 5 lignes en 10 pages qui donnent plus de droits aux
consommateurs que le droit commun, que la Loi sur la protection du
consommateur, le Code civil et les autres législations. Donc, ça,
ça a été, jusqu'à maintenant, un exercice peu
efficace où les consommateurs ou leurs représentants ont eu
très peu de poids, sinon aucun.
J'ai eu l'occasion, l'an dernier, de discuter avec un spécialiste
britannique de ces questions-là, qui s'intéressait notamment
à l'expérience, en Australie et en Nouvelle-Zélande, dans
le domaine, justement, des services de transfert électronique de fonds
et qui me disait: Oui, dans ces deux États-là, ça semble
prometteur. Il y a des choses intéressantes parce que, dans les deux
cas, il y a des organismes gouvernementaux qui suivent très activement
ce qui se passe, qui interviennent, qui sont intervenus très activement
dans l'élaboration des normes, qui ont assuré un
équilibre. Jusqu'à maintenant, je ne pense pas que
l'expérience nous permette de dire que le simple fait de dire à
l'industrie: Vous allez vous autoréglementer, va mener à des
résultats intéressants. (17 h 15)
Je consultais encore récemment le code type que l'Association des
banquiers canadiens a rédigé dans le domaine, justement, de la
confidentialité dans le domaine bancaire et c'est un merveilleux fromage
de gruyère. C'est rédigé en termes tellement larges - et
si vous voulez, on pourra faire l'exercice de jeter un coup d'oeil sur les
principales dispositions - qu'à toutes fins pratiques le consommateur
ouvre toute grande sa vie privée et laisse aux institutions
financières le pouvoir de faire ce qui leur semble.
Ce que nous disons essentiellement, c'est que, si l'État devait
opter en partie pour des processus d'autoréglementation, je ne crois pas
qu'il puisse se permettre de s'en laver les mains. Il va devoir assurer un
suivi constant, rigoureux, systématique.
Le Président (M. Gauvin): M. le ministre des
Communications.
M. Cannon: Merci, M. le Président. Mme Rozon, M. Beaudoin,
M. St-Amant, Mme Vallée, ça me fait plaisir de vous retrouver
parce que je sais qu'on a eu déjà l'opportunité de
discuter de cette chose-là. Je suis particulièrement heureux de
constater que, d'emblée, on discute immédiatement de
télécommunications. Ça nous rapproche, je pense, du vif du
sujet. On a, lorsque nous avons eu l'occasion de se voir, discuté d'un
certain nombre de choses qui sont aujourd'hui contenues dans votre rapport,
dont vous avez fait la lecture, de même qu'un certain nombre de
recommandations. Je vous avoue que la question du SGA, c'est-à-dire de
l'affichage numérique, est une chose qui m'avait préoccupé
un peu. Si je résume votre pensée, vous me dites et vous dites
à mes collègues, cet après-midi: Ce qui est essentiel,
c'est d'abord de restreindre, mais aussi de s'assurer que le blocage soit
gratuit. Est-ce que je résume bien votre pensée?
M. St-Amant: Effectivement, c'est une question
d'accessibilité tout simplement. On évoquait tantôt le cas
d'une clinique médicale qui loge de 1000 à 2000 appels par jour.
Même si on prend pour acquis qu'il n'y a que 10 % de ces appels où
il devrait y avoir un blocage pour protéger la vie privée, si on
extrapole, on arrive à un montant d'à peu près 15 000 $
par année en frais. C'est un peu cher, là, et c'est le
ministère de la Santé, au bout de la ligne, qui va
écoper.
M. Cannon: Ça, j'en conviens. Est-ce qu'on peut poser la
question dans le sens différent en disant que, dans l'hypothèse
d'une option de blocage gratuit, on devrait protéger un droit pour
l'abonné appelé de refuser tout appel pour lequel l'affichage du
numéro est bloqué par l'abonné appelant?
M. St-Amant: De un, actuellement, c'est techniquement possible.
De deux, concrètement, toute personne qui a un répondeur
téléphonique sait pertinemment qu'elle peut être chez elle
et faire un filtrage, écouter et dire: Non, ça c'est un
créancier, je ne veux pas lui parler, ou: Ça,
c'est mon député, je veux lui parler. Le filtrage est
possible et facile et serait tout à fait pensable...
M. Cannon: Je tiens à vous indiquer tout de suite que,
d'ailleurs, les propos que nous tenons ici, cet après-midi, sont
enregistrés.
M. St-Amant: Nous le savions, M. le ministre.
Des voix: Ha,ha, ha!
M. Cannon: Donc, avec consentement.
M. St-Amant: Et nous sommes disposés à y consentir
dans la mesure où c'est dans l'intérêt public.
M. Cannon: C'est bien.
M. St-Amant: Mais il y a même actuellement des entreprises
de téléphonie, aux États-Unis - et je pense notamment
à Pacific Telesis en Californie - qui ont opté pour un discours
qui est fort intéressant et qui dit justement: Nous offrons un service
de blocage gratuit. Vous, abonné à l'afficheur, ça vous
donne une information de plus. Vous savez, par exemple, que l'appelant ne veut
pas s'identifier. Donc, vous êtes libre de répondre ou non. On ne
reviendra pas sur le caractère fallacieux de l'afficheur au
départ. On pourrait faire un autre débat là-dessus. Mais
oui, c'est une perspective qui est possible.
M. Cannon: O. K. Juste comme dernière question,
pouvez-vous m'expliquer votre position face à l'utilisation d'une carte
de crédit pour le paiement automatique des appels réalisés
dans une cabine? Parce que je pense que vous l'avez évoqué dans
votre dossier?
M. St-Amant: C'est un exemple qu'on mentionne et qui nous a
frappé quand on a vu cette découpure dans le Journal de
Montréal. C'est encore un cas où, pour poser un geste de
consommation - c'est un geste tout à fait courant - en utilisant une
carte de crédit, on diffuse des informations sur son compte. On fait en
sorte que plein de gens vont savoir que j'ai appelé X tel jour, telle
heure, alors qu'il est parfaitement possible d'avoir tous les avantages que
peut procurer une carte de crédit sans avoir cet
inconvénient.
Je pense, à cet égard, à l'expérience en
France et en Grande-Bretagne, où on peut se procurer une carte d'appel
qui est anonyme et qui permet à tout moment de faire un appel. On n'a
qu'à insérer sa carte dans l'appareil. Quand on mentionnait que
des choix technologiques sont possibles, mais qu'ils sont faits actuellement
dans le but de favoriser la propagation d'informations qui ne sont
utilisées que par certains, c'est un peu ça qu'on voulait dire.
Il est tout à fait possible de faire des choix techniques, d'offrir des
services qui sont tout aussi innovateurs, qui sont tout aussi efficaces, mais
qui protègent intégralement la vie privée.
M. Cannon: O. K. Merci.
Le Président (M. Gauvin): Mme la députée de
Terrobonne exprimait le désir de vous interroger.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Je suis très
heureuse de voir que les premiers groupes qu'on entend aujourd'hui, ce sont
deux groupes de consommateurs: la Fédération nationale des
associations de consommateurs du Québec et l'ACEF-Centre. Parce que,
lors de ma première étude des crédits sur la protection du
consommateur, en juin 1990, j'avais interrogé le ministre de la Justice,
responsable de la protection du consommateur, sur plusieurs de ces sujets qui
inquiétaient les consommateurs. Si le ministre des Communications
s'inquiète que certaines industries puissent se sentir inconfortables
devant un projet de loi qui pourrait encadrer la protection de la vie
privée, je pense que les consommateurs, comme tels, se sentent
très inconfortables, eux, depuis de nombreuses années, devant les
nombreuses intrusions qui sont faites dans leur vie privée.
Votre mémoire, comme à l'habitude, est très clair,
donne des exemples précis et a apporté une dimension
extrêmement éclairante sur la confidentialité,
principalement dans le domaine de la santé. Ce sont des questions qui
avaient été abordées lors de l'étude du projet de
loi 120 sur la santé. Vous nous démontrez très bien que,
sans législation, simplement avec un afficheur, on peut contrevenir
à toute cette partie confidentialité là qu'on voulait
protéger par des projets de loi. On a eu ce problème-là
dans différents projets de loi. Je pense aussi au projet de loi 102 sur
l'instruction publique, où le ministre donnait accès à des
renseignements nominatifs.
Je souhaite que ces audiences qui sont commencées... On nous
annonce que seulement 6 audiences sont prévues à date sur 32
mémoires. Je souhaite vraiment que ce ne sera pas une occasion
uniquement pour gagner du temps, mais qu'on va s'enligner très
rapidement vers une véritable législation.
Très rapidement, dans vos recommandations, vous nous dites au
point 2 qu'on devrait adopter intégralement les dispositions qui
étaient prévues au projet de loi 125. Est-ce que vous auriez
souhaité que d'autres dispositions qui n'y apparaissent pas soient
ajoutées? Je reviendrai avec une autre question par la suite.
M. St-Amant: Je pense qu'on pourrait faire un vaste débat
là-dessus. Si on prend en compte
le fait que le Code civil s'applique à toutes les relations entre
les individus, je pense qu'il pourrait devenir extrêmement difficile
d'insérer dans le Code des dispositions plus onéreuses, plus
lourdes que ce qui existe déjà. Si, à chaque fois que je
contacte Mme Rozon ou que je prends en note son nouveau numéro de
téléphone, je dois l'informer que je constitue un fichier sur
elle, je pense que ça deviendra ingérable. En ce sens-là,
non. Je pense que les dispositions proposées actuellement constituent un
minimum nécessaire mais acceptable.
Mme Caron: Merci. Je sais que vous êtes des
spécialistes puisque vous travaillez continuellement au quotidien avec
les consommateurs au niveau de l'information. Vous avez soulevé, dans
votre mémoire - et c'est un fait important - le fait que, souvent, les
consommateurs ne savent pas à quel point on utilise ces données
qui sont enregistrées un peu partout et que ça contrevient
vraiment à leur vie privée. Est-ce que vous avez des moyens
concrets que vous nous proposez pour informer plus adéquatement les
consommateurs?
Le Président (M. Gauvin): M. St-Amant ou quelqu'un d'autre
veut y répondre?
M. St-Amant: Je voulais voir si mes collègues avaient
des...
Le Président (M. Gauvin): M. Beaudoin.
M. Beaudoin: Bien, moi, disons que j'irais d'une couple
d'hypothèses, là. C'est que, d'abord, quand les organismes ou les
entreprises doivent formuler, c'est-à-dire construire un fichier pour un
individu, déjà, qu'il y ait la nécessité d'informer
cette personne-là d'une façon claire et pas dans des petits
termes, là, écrits tout petits, etc., je pense que c'est une
chose.
Deuxièmement, il faudrait vraiment qu'il y ait un effort de fait,
même au niveau du gouvernement, au niveau de l'État, pour vraiment
produire une campagne d'information pas mal en profondeur de l'ensemble de la
population au niveau de qu'est-ce que c'est cette question-là de
protection de la vie privée et tout ça. D'autre part, dans
certains cas, ça prendra même la forme, encore là, d'une
communication directe entre l'entreprise et le consommateur du style...
carrément une lettre l'avisant qu'il y a telle chose qui existe et
même l'informant du contenu du fichier informatique. Bon, en bref... Mais
aussi, effectivement, peut-être que des associations de consommateurs
pourraient davantage développer le volet éducation, formation
dans ce volet-là. On le fait déjà et je vais vous donner
un petit exemple tout de suite. Mais je dois dire que les associations de
consommateurs, depuis déjà un bon nombre d'années,
travaillent beaucoup avec des bénévoles, avec des gens au niveau
de la permanence. Mais on manque de plus en plus de moyens, compte tenu du
développement des dossiers et des dossiers de plus en plus complexes,
finalement, qu'on manie.
Pour prendre un exemple, il nous arrive assez souvent, à l'ACEF
de Québec, de faire des espèces de sessions de formation
brèves, d'environ trois heures, au niveau de la gestion de budget
personnel, soit de jeunes personnes, soit de gens malheureusement dans des
comités de reclassement, des choses comme ça. On leur apprend
souvent le b a ba de qu'est-ce que c'est la gestion du budget. On n'a pas fait
d'enquêtes statistiques, mais c'est quand même surprenant de
constater que, très souvent, une personne sur 15 dans les groupes qu'on
rencontre sait clairement qu'elle a un dossier dans un bureau de crédit
ou encore, évidemment, d'autres personnes le savent, mais parce qu'elles
ont eu un problème avec le crédit.
Alors, il y a vraiment du travail à faire très important
et ce n'est pas suffisant d'adopter des législations. Il faut vraiment
développer l'éducation à la formation du public.
Là-dessus, je ne sais pas si mes collègues veulent en
rajouter.
Mme Rozon: Parce que par la voie des médias, c'est le
médium qui permet de rejoindre un nombre considérable de gens, ne
serait-ce que sur l'existence même de ces fichiers-là. Que les
gens sachent qu'il y a des entreprises qui détiennent des informations
sur eux et, tout dépendant de la législation qui sera
adoptée, si les gens ont un droit d'accès à ces
fichiers-là, bien, il faut au départ qu'ils soient
informés de leur existence et les médias peuvent être un
bon moyen.
Le Président (M. Gauvin): M. le député de
Hull.
M. St-Amant: Si vous me permettez...
Le Président (M. Gauvin): Oui, M St-Amant.
M. St-Amant: ...juste un petit détail à ajouter.
C'est un souvenir qui me revient. Je me souviens d'avoir vu, à un moment
donné, une pochette d'information qui avait été
préparée, en France, par la Commission nationale de
l'informatique et des libertés, qui était remarquable de
clarté et qui contenait plein d'informations. Il y a sûrement,
dans des pistes comme ça, des choses à explorer, que la
Commisison d'accès à l'information ou tout autre organisme
pourrait envisager d'examiner.
Le Président (M. Gauvin): M. le député de
Hull.
M. LeSage: Merci, M. le Président. Si vous
le permettez, M. le Président, j'aimerais connaître
l'opinion des intervenants, aujourd'hui, surtout en ce qui concerne l'affichage
numérique. Lorsque ce système a été instauré
et rendu disponible, entre autres dans la région de l'Outaouais, moi,
j'y voyais, par exemple, une efficacité pour résoudre le
problème des appels obscènes ou des appels non
désirés. J'aimerais connaître votre point de vue
là-dessus.
L'autre qui me préoccupe encore plus, lorsque vous parlez du
blocage, c'est le système téléphonique 911. Je reviens
encore à la région de l'Outaouais, alors qu'on s'apprête
à instaurer un système de 911, comme ça existe ailleurs
aux États-Unis et en Ontario. Dans l'Outaouais, le système qui
sera instauré est une console reliée à plusieurs services
de sécurité publique parce qu'il y a plusieurs
municipalités qui seront impliquées dans ce système. Le
système fera en sorte que, dépendamment du numéro de
téléphone d'où on appelle, les services pourront
déterminer de quel secteur l'appel provient et l'acheminer plus
facilement et plus rapidement au service d'incendie ou au service de police
concerné, et eux autres pourront savoir aussi de quel secteur ça
provient. Est-ce que vous reconnaissez le bien-fondé de ces deux
systèmes-là?
M. St-Amant: Sans aucune difficulté. Il est clair, au
niveau des systèmes 911, que c'est extrêmement utile. On n'a aucun
problème avec ça. Dans les deux cas, les deux volets de votre
question reviennent, dans le fond, à la même chose, et c'est
à la nature même du blocage du numéro de
téléphone, il est techniquement tout à fait possible - et
ça se fait présentement, aux États-Unis entre autres - de
faire en sorte que le blocage soit effectué en ce qui a trait à
l'afficheur comme tel, mais pas au système 911. Donc, à ce
niveau-là, il n'y a pas de problème. Le système
informatique de l'entreprise de téléphonie fait lui-même le
tri, dans le fond, dans les cas où il faut bloquer ou pas.
Quant aux appels importuns, aux appels obscènes, ce que Bell
Canada et les autres entreprises de téléphonie ne disent pas
toujours beaucoup, c'est qu'en même temps que l'afficheur, elles
commercialisent un service qu'elles appellent le dépisteur, service qui
est expressément conçu pour permettre le dépistage de la
source des appels importuns. C'est un service qui ne peut pas être
bloqué et qui fonctionne de la façon suivante. Si vous êtes
abonné à ce service et que vous recevez un appel importun, vous
raccrochez et vous composez immédiatement un code sur votre appareil.
À ce moment-là, le numéro de téléphone de
l'appelant importun est saisi par le système informatique de la
compagnie de téléphone et transmis aux forces de l'ordre.
Ça a d'immenses avantages parce que, si vous ne captez le numéro
de téléphone que sur un petit écran, de un, vous pouvez
vous tromper à la lecture. Deux, c'est votre témoignage contre
celui de l'abonné à ce numéro de téléphone
là si ça se retrouve devant un tribunal. La force probante est
modérément convaincante, alors que, si on utilise le
dépisteur, comme le numéro de téléphone de
l'appelant est saisi par le système, on n'a pas ce
problème-là. L'information est claire, nette, probante et
ça a l'immense avantage que des informations à caractère
privé ne se répandent pas sans aucune contrôle dans la
nature. Donc, l'usage du dépisteur permet d'obtenir au même
coût tous les avantages que donne l'afficheur sans les
inconvénients.
Le Président (M. Gauvin): Je vous remercie, M. St-Amant.
Je vais reconnaître le député de Pointe-aux-Trembles.
M. Bourdon: Vous avez mentionné qu'il y a peut-être
une personne sur 15 qui demande son dossier de crédit, par exemple. On
va entendre tout à l'heure Équifax, là, et, dans leur
autoréglementation, il y a de prévu qu'une personne peut
consulter son dossier de crédit. J'en parle à l'aise, je suis
dans les 14 personnes sur 15 qui n'ont jamais eu la curiosité de faire
sortir leur dossier de crédit. Et je vous pose la question. Vous parlez
d'information pour que les gens prennent conscience de ce qui les concerne et
qui circule, et une des sources, c'est ces dossiers de crédit. Est-ce
que vous auriez des suggestions à faire, d'une façon facile, pour
que les personnes aient leur dossier de crédit? Est-ce qu'il est
imaginable, par exemple, de le donner à tout le monde, que ce ne soit
pas une démarche qu'un citoyen doive faire pour lire son dossier de
crédit? Je vous pose la question. Ce que je veux dire par là,
c'est qu'on reçoit de l'information à s'en rendre fou, par la
poste, entre autres, et par distribution-maison. Pourquoi celle-là ne
nous serait-elle pas comme donnée d'emblée pour qu'on sache ce
qui circule à notre sujet? Deux questions, donc celle-là et
l'autre c'est: Si je demande mon dossier de crédit à un bureau de
crédit et que, par hypothèse, je fais faire un ajout - et les
corrections, apparemment, ce n'est pas simple à obtenir - est-ce
à dire que, s'il y a 204 bureaux de crédit, il faudra que je le
demande 204 fois, mon dossier de crédit, pour faire possiblement 150
corrections? Parce qu'il n'y a rien qui me dit que tous les bureaux de
crédit ont la même information me concernant.
Le Président (M. Gauvin): Brièvement, M. St-Amant,
parce que le temps est presque écoulé; brièvement pour la
réponse. M. Beaudoin.
M. Beaudoin: Écoutez, au fond, ma réponse, c'est
que je n'ai pas la réponse. Je connais moins ce dossier-là. Je ne
sais pas si mes camarades pourraient éclairer M. Bourdon
là-dessus.
M. St-Amant: La piste que propose M.
Bourdon peut être intéressante. Ce qui peut s'envisager
aussi et qui devrait toujours se faire, c'est que, lorsqu'une personne, une
institution financière, par exemple, prend une décision sur la
base d'un dossier de crédit, elle devrait révéler à
la personne les informations qu'elle utilise pour rendre une décision.
Ça me paraît assez fondamental.
M. Bourdon: Je trouve ça très bon dans le sens que,
si une institution financière sait des choses me concernant, j'ai le
droit de savoir ce qu'elle sait; qu'elle m'en donne une copie.
M. St-Amant: J'aimerais juste apporter une précision, si
vous me permettez, très brièvement.
Le Président (M. Gauvin): M. St-Amant, oui.
M. St-Amant: Je parlais tantôt du projet de code de
conduite de l'Association des banquiers canadiens. Il est fort
intéressant de constater que ce projet de code là suggère
aux banques d'informer le consommateur des informations qu'elles transmettent
une première fois aux bureaux de crédit, mais ne leur fait
absolument pas obligation, au contraire, d'informer le consommateur des
corrections qu'elles apportent de temps à autre. Je ne comprends pas la
logique qui a pu inspirer les rédacteurs de ce code, en toute
déférence.
Le Président (M. Gauvin): Merci, M. St-Amant. M. le
ministre des Communications, vous voulez ajouter, même si le temps est
presque écoulé?
M. Cannon: Oui. Bien, c'est-à-dire... Vous m'avez dit, M.
le Président, que le temps est écoulé, alors je me permets
de remercier les intervenants qui sont venus témoigner cet
après-midi devant la commission, les remercier pour l'attention qu'ils
prêtent à cette chose. Et je suis convaincu qu'au moment de la
rédaction de ce projet de loi, et bien sûr au moment du
dépôt du projet de loi, on saura à nouveau se consulter
mutuellement. En vous remerciant.
M. St-Amant: Nous en serons ravis, M. le ministre.
Le Président (M. Gauvin): Merci, monsieur. J'aimerais,
à ce moment-ci, étant donné que le temps est
écoulé, remercier les représentants de la
Fédération nationale des associations de consommateurs du
Québec et de l'ACEF-Centre. Je vous remercie.
Nous allons inviter le groupe d'Équifax à prendre place
et, pour leur permettre de prendre place, on va suspendre les travaux quelques
secondes.
(Suspension de la séance à 17 h 35)
(Reprise à 17 h 36)
Le Président (M. Gauvin): J'inviterais Équifax
à prendre place, comme je le mentionnais, pour qu'on puisse reprendre
nos travaux. Et j'invite les membres de la commission aussi à prendre
place. Le groupe Équifax Canada inc. représenté par M.
Jean-Claude Chartrand. président. Donc, je vous inviterais, M. Chartrand
à nous présenter vos collaborateurs.
Équifax Canada inc.
M. Edwards (Martin J.): Si vous me permettez, je suis le
conseiller juridique d'Équifax Canada inc., Martin J. Edwards, du bureau
Lavery, de Billy. Les représentants et porte-parole d'Équifax
aujourd'hui sont M. Jean-Claude Chartrand, président et chef de la
direction, et M. Michel Globensky, à mon extrême droite,
vice-président adjoint aux relations publiques. Équifax a
présenté un mémoire écrit et entend aujourd'hui
vous livrer des commentaires complémentaires, et n'entend pas revenir en
détail sur tous (es aspects de ce mémoire-là. Puisque ce
n'est pas le conseiller juridique que vous désirez entendre, je vais
céder immédiatement la parole à M. Chartrand.
Le Président (M. Gauvin): M. Chartrand, on vous
écoute pour la présentation.
M. Chartrand (Jean-Claude): Merci, M. le Président. Tout
d'abord, nous voulons remercier les membres de la commission de nous avoir
invités à participer à ces travaux de consultation dans le
cadre de cette consultation portant sur la protection de la vie privée.
Et nous tenons à féliciter les ministères de la Justice et
des Communications d'avoir pris une telle initiative.
Équifax Canada est le chef de file dans l'industrie de
l'information d'affaires au Canada. Depuis plusieurs années, nous sommes
au service de milliers d'entreprises québécoises et canadiennes.
Nous employons plus de 1500 personnes, dont quelque 700 ici, au Québec.
Les services que nous offrons permettent à des centaines de milliers de
consommateurs d'obtenir du crédit pour acheter les biens dont ils ont
besoin, d'assurer leur vie ou propriétés, d'améliorer leur
profession ou emploi. Nos clients incluent des banques, compagnies
d'assurances, manufacturiers, agences gouvernementales, utilités
publiques, enfin les firmes spécialisées dans le domaine des
services financiers qui sont devenues si importantes dans l'économie
canadienne au cours des ans.
Équifax est membre de l'Association des bureaux de crédit
du Québec et du Canada, de l'Association des directeurs de crédit
du Canada et de l'Association internationale de crédit. Je crois qu'il
serait utile, M. le Président, de jeter un bref regard sur
l'environnement économique
du Québec et du Canada. Nous savons que l'économie
mondiale, et particulièrement celle du Canada et du Québec, est
profondément différente aujourd'hui d'il y a 20 ans. Les forces
globales de notre économie, la compétition, la technologie
innovatrice et l'information en général ont transformé et
continuent de transformer le monde dans lequel nous vivons. Ces changements
apportent avec eux une société de consommation qui est en
constante évolution.
La disponibilité de l'information et les capacités qui
sont rendues possibles par la nouvelle technologie sont dramatiques. Alors que
nous faisons des efforts considérables pour assurer la
compétitivité du Québec dans l'économie canadienne
et nord-américaine, les nouvelles dynamiques du marché mondial
créent des divergences de marché chez nous. Les nouveaux produits
et services prolifèrent et, en même temps, les choix pour les
consommateurs. Le consommateur moyen devient, lui, de plus en plus
éduqué et connaît les choix et les droits qui lui sont
disponibles. L'industrie de l'information doit aussi reconnaître ces
changements démographiques de façon à améliorer les
communications et les transactions entre acheteurs et vendeurs.
Le crédit est important dans notre société de
consommation et nous croyons que les bureaux de crédit et agences
d'information de crédit jouent un rôle important dans la
dissémination de renseignements pertinents à l'obtention de
crédit. Il est donc impérieux que les partenaires du
sytème puissent offir une information précise et efficace sans
mettre en péril le droit à la vie privée des
consommateurs.
Équifax n'hésite pas à affirmer, M. le
Président, qu'elle a toujours respecté les législations
québécoises en matière de protection du consommateur et
d'accès à l'information. D'ailleurs, notre réputation
auprès de l'Office de la protection du consommateur est très
enviable.
Il est généralement accepté que le monde des
affaires a droit à des jugements bien informés lorsque vient le
moment de prendre des décisions en matière de crédit,
assurances ou emploi. Toutefois, ce droit n'est pas absolu et doit s'exercer en
fonction des intérêts raisonnables des individus de
protéger leur vie privée et s'assurer que les informations
recueillies sur eux sont exactes, sont gardées confidentielles et qu'un
mécanisme de correction existe.
L'objectif premier des lois existantes dans leur sens le plus large est
d'offrir un équilibre entre les intérêts des consommateurs
et du milieu des affaires. Nous croyons que la législation actuelle
réussit à maintenir cet équilibre; à preuve, les
milliers de transactions qui se font à tous les jours et le nombre
à peu près inexistant de plaintes enregistrées à
l'Office de la protection du consommateur. La combinaison des lois et pratiques
que l'industrie s'est imposée a permis à la société
de consommation de prospérer d'une façon efficace;
c'est-à-dire que les décisions se font rapidement,
équitablement et à des prix raisonnables. Mais tout aussi
efficace qu'elle puisse être, nous reconnaissons qu'il y a toujours
matière à amélioration et nous sommes prêts à
oeuvrer avec les parties intéressées de façon à
identifier et corriger les failles qui existent, car, en plus du respect des
lois, le public consommateur veut et s'attend à ce que les compagnies
mettent sur pied des pratiques et des codes d'éthique volontaires visant
a assurer la cueillette et la gestion de l'information.
Équifax s'est imposée des règles très
strictes de confidentialité et de professionnalisme dans le traitement
de l'information. Les procédures mises sur pied voient à la
sécurité de l'accès à l'information, au respect du
droit des consommateurs de prendre connaissance et de réviser leur
dossier, également à la revérification de toute
information contestée par le consommateur et au respect intégral
du code de déontologie de l'Association des bureaux de crédit du
Québec et du Canada.
Bien que nous soyons disposés à travailler avec d'autres
organismes afin d'assurer l'efficacité des lois existantes, nous nous
opposerons à des propositions faites au nom des droits et du maintien de
la vie privée des consommateurs qui ne serviraient vraiment pas leurs
intérêts et qui, de fait, détruiraient l'équilibre
entre les droits des consommateurs et le besoin d'effectuer des transactions
d'affaires éclairées.
Équifax accepte les responsabilités qui lui incombent dans
le traitement de l'information factuelle, la première étant
envers la personne faisant une demande pour un bénéfice
quelconque; la deuxième, à l'entreprise impliquée dans une
transaction d'affaires, et, la troisième, à la population en
général. En conséquence, nos objectifs peuvent à
l'occasion être différents de ceux de nos clients d'affaires ou du
milieu gouvernemental que nous desservons. Dans le passé, nous avons,
lorsqu'il est devenu nécessaire, avisé les institutions
prêteuses, compagnies d'assurances ou autres des procédures et
politiques devant, selon nous, être observées afin de
protéger le droit des consommateurs et nous continuerons de le
faire.
Pour bien appuyer nos politiques, nous attirons votre attention, M. le
Président, sur le rapport qu'Équifax a parrainé l'an
passé - je parle d'Equifax U.S. - qui s'intitule 'The Equifax Report on
Consumers in the Information Age". Pour ce faire, nous avions retenu les
services du Dr Allan Westin, de l'Université de Columbia, qui est une
sommité nord-américaine dans le domaine de la vie privée.
Le Dr Westin a souvent collaboré avec des experts canadiens oeuvrant
dans le même domaine. Bien que ce rapport soit le reflet de la situation
aux États-Unis, nous devons ajouter que nous avons demandé au Dr
Westin et à la firme Louis Harris de mener une minienquête ici, au
Canada; ce qu'ils ont fait. Les résultats reflétèrent
assez fidèlement les résul-
tats du rapport américain. Le rapport canadien n'a pas
été publié car le nombre de personnes qui avaient
été interviewées était insuffisant pour en faire la
publication.
Finalement, permettez-moi d'ajouter que nos propres procédures de
vérifications internes incluent les systèmes informatiques, la
qualité et l'exactitude du traitement de l'information et la formation
de notre personnel sur tout ce qui se rattache à la
confidentialité des informations et au respect des droits des
consommateurs. Avec votre permission, M. le Président, j'aimerais
demander à M. Globensky d'élaborer sur les politiques et les
procédures en place, veillant à assurer une gestion efficace sur
l'information.
Le Président (M. Gauvin): M. Globensky, en vous rappelant
que l'ensemble de votre présentation devrait se regrouper normalement
à l'intérieur de 20 minutes. On y va.
M. Globensky (Michel C): Merci, M. le Président. La
division du service d'information de crédit d'Équifax
opère un réseau de 31 bureaux de crédit au Canada; 8 de
ces bureaux nous appartiennent. Les 23 autres bureaux appartiennent à
des entreprises indépendantes avec qui nous avons des ententes de
services. Nous n'avons qu'un fichier, une banque de données qui couvre
tout le Canada. Dans la province de Québec, nous desservons la
clientèle de deux bureaux, soit un à Montréal et un
à Chicoutimi. Le bureau de Montréal nous appartient et le bureau
de Chicoutimi appartient à un affilié à notre
réseau.
Dans la province de Québec, nous répondons quotidiennement
à au-delà de 10 000 interrogations de la part de clients de notre
réseau. La très grande majorité de ces accès se
font par des postes informatiques reliés à notre banque de
données. Comme M. Chartrand vous l'a expliqué, le client du
bureau de crédit peut être une institution financière, une
compagnie émettrice de cartes de crédit, un magasin à
rayons, un professionnel, une utilité publique, un ministère,
bref toute entreprise ayant satisfait à notre critère, à
savoir un besoin sérieux et légitime d'informations facilitant la
prise de décisions d'affaires mieux éclairées.
Le bureau de crédit est une coopérative d'informations de
crédit. Cette coopérative est alimentée en grande partie
par ses membres de façon systématique. Les renseignements ainsi
reçus sont triés et inscrits à la fiche du consommateur
concerné et sont disponibles à ses membres sur demande. La fiche
de crédit typique contient ou peut contenir ce qui suit: les principales
coordonnées du consommateur - nom, adresse, âge, emploi - toutes
les demandes de renseignements que nous avons reçues à son sujet,
les expériences de comptes fournies par les membres témoignant de
la façon dont le sujet s'acquitte de ses obligations, des renseignements
d'archives publiques des cours civiles au niveau des jugements rendus -
inscription au depôi volontaire, faillite. Le bureau de crédit ne
compile aucune donnée relative à la race, à la religion,
à l'état de santé, à l'appartenance politique, aux
habitudes personnelles du consom mateur. Nous n'inscrivons pas non plus les
détails des achats de biens ou de services qui ont fait l'objet de
financement.
Tel que déjà mentionné, l'accès du client au
bureau de crédit se doit d'être justifié par un besoin
sérieux et légitime. Le client s'engage par écrit à
respecter la confidentialité des renseignements ainsi obtenus. Notre
personnel, dès l'embauche et de façon périodique par
après, s'engage par écrit à respecter et à
protéger la confidentialité des renseignements auxquels il peut
avoir accès. Tant pour un client que pour un employé,
l'accès au fichier exige la connaissance d'un protocole d'accès
particulier au demandeur. Nos systèmes internes de surveillance nous
permettent de vérifier tous les accès au fichier et aux fiches
individuelles. Le consommateur a droit d'accès à sa fiche de
crédit, a le droit de contester, de faire vérifier et corriger,
s'il y a lieu, toute information qui s'y trouve. Si, après
vérification, une divergence d'opinion subsiste entre la source
d'information et le consommateur, ce dernier peut faire inscrire sa version des
faits à la fiche. Toute modification faite à la fiche est
communiquée à un client qui a déjà obtenu
l'information. En moyenne, 2300 consommateurs québécois, à
tous les mois, communiquent avec le bureau de crédit pour avoir
accès à leur fiche de crédit.
Équtfax a créé, en 1990, un office des relations
avec les consommateurs. Je suis responsable de ce poste et je me rapporte
directement à M. Chartrand, chef de la direction. Mon mandat est de
favoriser et de faciliter les communications avec les consommateurs et de
veiller à ce que nos pratiques soient conformes à notre politique
qui veut que toute personne est en droit de s'attendre à ce que sa
demande de crédit, de protection d'assurances, d'emploi ou en liaison
avec tout autre avantage soit examinée selon ses mérites. Toute
personne cherchant à se qualifier pour une transaction doit être
traitée de façon respectueuse et équitable. Toute personne
est en droit de connaître les renseignements qui ont été
divulgués à son sujet afin d'en assurer l'exactitude, de les
corriger ou de les commenter si nécessaire. Toute personne a droit
à la protection de sa vie privée par la conserva tion
sécuritaire et la diffusion prudente des renseignements la
concernant.
M. Chartrand a référé tantôt au code de
déontologie auquel nous souscrivons dans l'Association des bureaux de
crédit du Canada qui parle en titre, brièvement, de compiler
linforma-tion financière, de donner l'information seulement à des
personnes autorisées, de donner aux individus le droit de consulter leur
propre
dossier, de garder en dossier l'information exacte, de transiger de
façon efficace et rapidement, de garder l'information appropriée
et d'observer les lois du pays. Nous croyons que, dans ce contexte-là,
nous nous rapprochons de très près des lignes directrices de
l'OCDE qui, en fin de compte, exige une compatibilité à tout le
moins avec les pratiques européennes.
Sur ce, je voudrais redonner la parole à M. Chartrand, anticipant
le plaisir de répondre à des questions concernant l'aperçu
que je vous ai donné sur nos activités. Merci.
Le Président (M. Gauvin): M. Chartrand, est-ce que vous
continuez l'exposé?
M. Chartrand: Je vais terminer, M. le Président, tout
simplement pour vous rappeler peut-être que nous sommes tous d'accord
pour dire que nous vivons dans une société complexe,
interreliée et technologiquement plus sophistiquée. Ce fait
suscite un certain degré de trépidation car il peut créer
des complications venant d'un peu partout. L'industrie de l'information et
sûrement Équifax vont continuer à faire face aux nouveaux
défis tout en tentant d'atteindre le plus grand niveau de transparence,
et ce, à tous les échelons.
Nous croyons que la concertation de tous les intervenants, et
particulièrement les principaux intéressés, soit les
consommateurs, sera une force positive dans la recherche d'une
efficacité accrue. Nous tenons à vous remercier et, encore une
fois, M. le Président, il nous fera plaisir de répondre à
vos questions.
Le Président (M. Gauvin): M. le ministre des
Communications, des questions?
M. Cannon: Oui. Merci, M. le Président. Je voudrais
féliciter les gens d'Équifax pour nous avoir
présenté, à l'occasion de cette consultation
générale, leur point de vue et les remercier, bien sûr, de
se prêter a ce questionnement.
Vous avez mentionné, M. Chartrand, l'obligation d'exactitude.
Vous en avez parlé tout à l'heure dans l'espèce de code de
confidentialité qui existe chez vous. La question que je me pose: Est-ce
que, finalement, c'est au consommateur de s'occuper d'aller consulter sa fiche?
Pour reprendre un peu la question que mon collègue posait tout à
l'heure à l'autre organisme, est-ce que c'est le consommateur qui est
chargé, lui, d'aller chercher l'information plutôt qu'obtenir
l'information de la part d'Équifax?
M. Chartrand: De notre part, il n'y a pas de communication entre
Équifax et le consommateur, la communication se fait par le biais de
l'institution financière. En fait, le client, chez nous, c'est la maison
de crédit, c'est l'institution financière, c'est la banque qui,
elle, vient chez nous pour obtenir une information. Si, à la suite de
l'information qui est fournie, l'application pour un prêt, une carte de
crédit ou une autre transaction n'est pas acceptée, j'assume que
l'institution financière avertit le consommateur en question d'aller
s'informer auprès du bureau de crédit ou, en fait, lui dit que
c'est l'information qui lui a été fournie par Équifax ou
le bureau de crédit et lui donne le numéro de
téléphone, l'adresse d'Équifax à Montréal ou
ailleurs pour aller s'informer. D'ailleurs, c'est une pratique qui fait partie
de la loi américaine qui oblige les institutions, à ce
moment-là, à avertir par lettre du refus d'une application et
à les diriger vers le bureau de crédit où l'information a
été obtenue.
M. Cannon: Donc, dans le clair, d'une façon très
précise, l'odieux repose sur les épaules du consommateur.
Autrement dit, si je me faisais refuser, à une institution bancaire ou
à une agence de crédit, une marge de crédit ou un
prêt et si je ne poussais pas la chose un petit peu plus loin,
c'est-à-dire à savoir du banquier ou de l'agent prêteur les
raisons de ce refus, dans la mesure où, évidemment, j'ai un
dossier de crédit qui est négatif, je ne pourrais pas savoir si
une entreprise comme la vôtre détient des renseignements
confidentiels sur ma personne en ce qui concerne ma réputation de
crédit.
M. Chartrand: II faut faire attention un peu, M. le ministre.
Quand, nous, on donne l'information à l'institution financière,
on n'est pas au courant, on n'est pas en mesure de dire si oui ou non
l'application va être acceptée. Alors, évidemment, on ne
connaît pas et on ne sait pas à ce moment-là qu'il va
éventuellement y avoir un refus. Moi, je peux vous dire que
l'institution financière, bien sûr, lorsqu'elle refuse une
application de crédit, elle est en mesure tout de même de
retourner vers le consommateur, de l'avertir de la décision de
l'institution financière et on l'encourage, en fait, à dire au
consommateur les raisons du refus, soit l'information qui a été
reçue du bureau de crédit, et d'aller consulter son dossier de
crédit, si la personne veut bien le faire, bien sûr.
M. Cannon: Mais au moment où on se parle, M. Chartrand,
autre que de présumer que vous détenez des renseignements sur mon
fichier personnel financier, je peux faire cette présomption, mais je ne
peux pas la faire avec certitude tant et aussi longtemps que je n'aurai pas
été chez vous ou par l'entremise d'une institution bancaire pour
connaître la nature des informations.
M. Chartrand: C'est exact.
M. Cannon: Ce qui m'amène à vous poser la question
suivante: Que faites-vous dans le cas de renseignements qui sont erronés
où, effective-
ment, il y a des inexactitudes? Que se produit-il à ce
moment-là? Est-ce que c'est toujours aux soins du consommateur de
rectifier ou de corriger cette chose-là avant d'aller voir le banquier
pour le prêt, etc.?
M. Chartrand: Lorsque le consommateur est informé de
renseignements qui existent au bureau de crédit, ou s'il y a refus, ou
même, en fait, dans les cas où il n'y a pas de refus, bien
sûr, le consommateur a le droit de se présenter au bureau de
crédit, de prendre connaissance des informations et de faire les
corrections ou de donner sa version des faits sur la raison de l'information
soit erronée ou incomplète. Nous, à ce moment-là,
on a l'obligation de faire les corrections nécessaires s'il y a
lieu.
M. Cannon: Pouniez-vous simplement, pour les fins du
débat, nous expliquer comment, d'une façon très
précise, ça peut fonctionner ça? J'arrive chez vous et je
dis: Bref, je voudrais consulter mon dossier. Vous me faites sortir ce dossier
et... Je vous laisse continuer. J'aimerais savoir, en termes de
procédure, comment ça fonctionne.
M. Chartrand: Alors, on fait sortir le dossier et on en fait la
révision complète avec le consommateur qui est présent
devant la personne qui fait l'entrevue avec le consommateur et qui prend note,
à ce moment-là, des remarques du consommateur et qui prend note
également des informations du consommateur à l'effet que
peut-être certains détails sont incomplets et, si tel est le cas,
on procède immédiatement à une revérification de
l'information.
M. Cannon: À rectifier. Il se produit quoi si le
consommateur est à Saint-Pacôme, dans le comté de
Kamouraska, ou à Gaspé? Comment est-ce qu'il procède
là...
M. Chartrand: II peut communiquer...
M. Cannon: ...s'il ne vient pas à Québec, ou
à Montréal, ou à Chicoutimi?
M. Chartrand: Michel, il y a des...
M. Globensky: Nous avons des lignes téléphoniques
sans frais à travers la province. Pour ce qui est des entrevues avec les
consommateurs, elles sont possibles à Chicoutimi, à Québec
et à Montréal. Le consommateur qui est en région
éloignée peut communiquer avec nous par téléphone
et nous prenons les moyens nécessaires afin de nous assurer qu'il s'agit
bien de la bonne personne avant de discuter les renseignements.
Je voudrais peut-être rajouter un point sur votre question de
tantôt. Nos clients, évidemment, la dernière chose qu'ils
veulent faire, c'est de refuser un consommateur; ils veulent faire des
affaires. Souvent, un gros pourcentage de consommateurs qui se
présentent chez nous ou qui communiquent avec nous n'ont pas
été refusés, mais le marchand, l'institution finan
cière, la banque leur a dit: II y a quelque chose dans ton dossier de
crédit, et, bon, ils en discutent. Finalement, le banquier ou
l'institution financière, le commerçant accepte le crédit,
mais, suite à la discussion, le consommateur communique avec chez nous
afin de clarifier certains points. Alors, ça se fait beaucoup de cette
façon-là.
M. Cannon: Peut-être une dernière question avant de
céder la parole au porte-parole de l'Opposition pour qu'on puisse se
garder un peu de temps de ce côté-ci. Vous avez mentionne qu'aux
États-Unis et en Ontario vos activités étaient assujetties
à une loi. Êtes-vous en mesure de me dire si les services que vous
rendez aux entreprises, aux États-Unis et en Ontario, coûtent plus
cher qu'ici ou moins cher?
M. Chartrand: Oui, évidemment, si on parle des
États-Unis, la loi qui est existante là-bas, c'est le "Fair
Credit Reporting Act". Si vous voulez pariez du coût de l'information,
évidemment, il y a toutes sortes de facteurs qui entrent en ligne de
compte. (18 heures)
M. Cannon: Ça, je comprends. Mais est-ce que, finalement,
c'est majoré parce que vous êtes assujettis à une loi
là-bas, aux États-Unis ou en Ontario, ou est-ce que c'est des
coûts qui sont pas mal de base, partout pareils?
M. Chartrand: En fait, les coûts et les services au
Québec sont les mêmes qu'en Ontario et dans les autres
provinces.
M. Cannon: Merci.
M. Chartrand: D'ailleurs, les critères... On a
parlé tout à l'heure de critères de purge de l'information
et tout le restant. Même si, au Québec, il n'existe rien, en fait,
les critères de purge qui sont en pratique en Ontario sont
adoptés ici, au Québec.
M. Cannon: Merci.
Le Président (M. Gauvin): Merci, M Char trand. Je
reconnais M. le député de Pointe-aux-Trembles.
M. Bourdon: M. le Président, je voudrais remercier nos
interlocuteurs de leur mémoire. Ils font le tour de la question d'une
façon très cohérente. Une question qui me venait à
l'esprit. Vous dites que vous recevez 2300 demandes de consommateurs par mois
pour consulter leur fiche de crédit. Est-ce que vous pourriez nous dire
sur
combien de consommateurs vous avez des fiches de crédit? Et
est-ce que vous avez connaissance de quel pourcentage d'entre eux l'ont
déjà demandée? Ça représente quel
pourcentage des consommateurs?
M. Globensky: Écoutez, on peut dire que toute personne qui
a déjà fait des affaires à crédit normalement est
fichée chez nous. En chiffres purs, combien de fiches de crédit
nous avons sur la population québécoise? On a probablement des
fiches sur 90 % peut-être de la population adulte, je veux dire.
Maintenant, j'ai mentionné que 2300 consommateurs à tous les
mois, et ce depuis des années et des années, communiquent avec
nous, soit par téléphone ou en personne, pour avoir
l'information; par écrit aussi.
M. Bourdon: Je prends le pourcentage que vous donnez, 90 % de la
population adulte, mettons 4 500 000 fiches, par hypothèse. Ça
veut dire que, par année, il y en a 30 000 qui demandent à voir
leur fiche de crédit.
M. Globensky: C'est ça.
M. Bourdon: Dans vos activités, vous dites que vous avez
des services d'information de crédit, des services de recouvrement et
des services d'information d'assurances. De quels renseignements avez-vous
besoin pour vos services de recouvrement et de quelle façon vous vous
les procurez?
M. Globensky: Les services de recouvrement nous fournissent
l'information sur les comptes qu'ils reçoivent, à percevoir,
parce que ça devient de l'information de crédit valable aux
autres clients. Les services de recouvrement ont un besoin sérieux et
légitime d'information pour faciliter leur travail vers le recouvrement
d'une créance. Alors, ils s'adressent à nous pour avoir
peut-être l'adresse à jour du consommateur, son emploi, etc., qui
va les aider dans la perception du compte.
M. Bourdon: Est-ce que les services de recouvrement vous
demandent parfois de retracer une personne qui serait partie sans laisser
d'adresse, mettons?
M. Globensky: Non, ils ont leur propre service de
dépistage.
M. Bourdon: O.K. Les services d'information d'assurances, c'est
quoi, par exemple?
M. Chartrand: Si on a voulu dire ça, c'est tout simplement
qu'il y a une division chez nous qui fournit des renseignements principalement
aux compagnies d'assurances au moment de l'évaluation d'un risque
d'assurances. Que ce soit l'inspection d'une propriété, que ce
soit pour l'assurance-vie ou accident, maladie, automobile. Il s'agit de
fournir des renseignements qui vont aider la compagnie d'assurances dans
l'évaluation du risque et dans la souscription du risque.
Essentiellement, c'est la division des services d'information d'assurances.
M. Bourdon: Maintenant, dans le travail que vous effectuez, par
exemple en matière d'assurances, est-ce que vous avez accès
à des données médicales sur la personne?
M. Chartrand: Venant d'où, monsieur? Venant de quel
endroit?
M. Bourdon: Je l'ignore, je vous pose la question. Vous donnez
des informations à des firmes d'assurances à qui, par exemple, on
demande de souscrire à une assurance-vie. Donc, on peut penser que
l'assureur s'interroge sur l'état de santé de la personne qui
veut s'assurer.
M. Chartrand: Dans le cours d'une enquête comme celle que
vous mentionnez, on fait l'entrevue avec l'"applicant". Et, bien sûr,
à ce moment-là, si I'"applicant" nous fournit des informations
sur ses antécédents médicaux, cette information-là
va être donnée à la compagnie d'assurances qui nous a
demandé l'enquête. Mais ça se fait à partir de
l'entrevue avec I'"applicant" lui-même.
M. Bourdon: Est-ce que ('"applicant", comme vous le dites,
rencontre un médecin que vous désignez ou s'il vient vous
rencontrer?
M. Chartrand: On ne parte pas d'examen médical, on parle
simplement de maladies passées. On parle d'histoire médicale,
quand on fait l'entrevue, et on lui demande à ce moment-là s'il a
eu des maladies dans le passé et, si ¦'"applicant" nous fournit
l'information, on ne fait tout simplement que la transmettre à la
compagnie d'assurances. Il n'est pas question, à ce moment-là,
d'arranger un examen médical avec un médecin.
M. Bourdon: Dans les dossiers de crédit, est-ce que vous
avez accès aux jugements de cour qui peuvent toucher une personne et de
quelle manière y avez-vous accès?
M. Chartrand: Les informations sur les archives publiques, les
jugements et les choses comme ça nous sont accessibles et on les obtient
régulièrement, systématiquement.
M. Bourdon: Quand vous dites "systématiquement", est-ce
à dire que c'est une relation d'ordinateur à ordinateur?
M. Chartrand: Non, pas tout à fait. Ça se
rapproche peut-être. Ça nous provient par le biais de
bandes magnétiques.
M. Bourdon: Et est-ce que vous avez des moyens pratiques de
vérifier que les jugements dont on parle sont pertinents au
crédit de la personne?
M. Chartrand: Évidemment, lorsque l'on fournit un
renseignement sur un jugement, par exemple, et si on ne connaît pas la
disposition du jugement, on fait une notation au dossier à l'effet qu'on
ne connaît pas la disposition du jugement.
M. Bourdon: Mais, par exemple, le maire d'une municipalité
qui est mis en cause dans une procédure judiciaire, il est mis en cause
parce que c'est lui qui représente la municipalité. Trouvez-vous
normal que ça se retrouve dans son dossier de crédit, qu'il est
mis en cause?
M. Chartrand: Vous voulez dire qu'il est mis en cause par le
biais ou, en fait, à cause d'un problème de
municipalité?
M. Bourdon: II y a une personne qui requiert, qui va en justice
contre une autre, admettons, et qui met en cause la municipalité parce
que la municipalité a le titre, ou a vendu le terrain, ou... en tout
cas, il est mis en cause. Il n'est pas défendeur, il est mis en cause
parce que, comme maire de la ville, c'est lui qui répond de la ville.
Est-ce qu'il est normal que ça, ça se retrouve dans son dossier
de crédit?
M. Chartrand: II se peut que, dans la circonstance que vous
expliquez, l'exemple que vous donnez, cette information-là soit mise au
dossier. C'est possible. Je ne sais pas si, effectivement, ça pourrait
se produire dans le cas que vous décrivez. Je suppose que c'est une
possibilité.
M. Bourdon: Est-ce que quelqu'un chez vous vérifie si le
jugement de cour dont on parle est pertinent au crédit de la
personne?
M. Chartrand: L'institution financière qui reçoit
l'information, bien sûr, va juger de la pertinence de l'information.
Nous, on reçoit l'information concernant un jugement sur une personne.
On fournit l'information. Si on ne connaît pas la disposition de l'action
légale, on l'indique sur le dossier. L'institution prêteuse, que
ce soit la banque ou la maison de crédit, qui reçoit
l'information, on assume que cette maison-là va vérifier avec la
personne en disant, à ce moment-là: On nous a fourni une
information à cet effet. Est-ce qu'on pourrait avoir plus de
détails?
Il faut bien préciser que, nous, en fait, on reçoit
l'information. C'est bien sûr qu'on vou- drait bien que les jugements et
toutes les informations concernant les jugements soient à jour et
qu'elles soient aussi récentes qu'hier, et on voudrait bien avoir la
disposition de tous les jugements et de toutes les actions légales qui
ont été pris. Malheureusement, ce n'est probablement pas
possible; d'abord, l'information n'est pas disponible. Alors, nous,
évidemment, on donne l'information; on la donne sous une certaine
réserve en disant, à ce moment-là, que la disposition
n'est pas connue. Et si on nous demande de faire une vérification plus
poussée, mais, bien sûr, à ce moment-là, on va le
faire.
M. Bourdon: Je vais vous donner un exemple; et je ne veux pas
allonger. À un moment donné, moi, j'essayais de louer quelque
chose - il y a 15 ans - et on m'a répondu que la chose que je voulais
louer, on pourrait me la vendre parce qu'il n'y avait pas de problème
avec mon crédit mais que, pour ce qui était de louer, il y avait
un problème avec mon crédit. Alors, j'ai dit: Quel est-il? De
quelle nature est ce problème? On m'a dit: II y a 8 ans, vous avez
été condamné à la Cour des petites créances
a 120 $ contre votre propriétaire, sur telle rue a Montréal. Je
vous dis le contenu du jugement. C'est que, lui, il disait que la toilette ne
datait pas de la bâtisse, qu'elle était neuve et que je l'avais
endommagée. Il m'a poursuivi pour 120 $; son beau-frère a
témoigné que la toilette qu'il avait remplacée - il
était plombier, son beau-frère - était neuve. J'ai
été condamné à payer 120 $. Mais je me posais la
question.
Je n'ai pas vu ma fiche de crédit et je ne suis toujours pas
allé vous voir; je vais finir par y aller. Je m'interrogeais sur la
pertinence dans le sens que je n'avais pas refusé de payer, je
n'étais pas un mauvais créancier. C'est que je disais: Votre
toilette datait de 75 ans, il était temps de la remplacer, elle
était brisée. Le propriétaire, en l'occurrence, disait:
Elle est toute neuve, cette toilette-là, et je vais vous poursuivre aux
petites créances. Puis je lui ai payé ses 20 $ qu'il avait
déposés aux petites créances et les 120 $ pour sa mosus de
toilette qui était fort ancienne.
Mais, en tout cas, je pars de cette anecdote-là pour dire ceci:
si le commerçant qui voulait me louer quelque chose ne me l'avait pas
dit, moi, j'aurais pu passer ma vie à ignorer que la cause
célèbre de la toilette versus le propriétaire de la maison
était dans vos dossiers. Dans vos dossiers... Je ne sais pas si c'est
Équifax qui avait le dossier, mais ce que j'entends par là, c'est
que... Puis, je ne vous prête pas de mauvaise foi en l'occurrence. Ce que
vous dites, c'est que vous n'exercez pas un jugement fin sur le dossier de
crédit que vous avez. Vous le fournissez, mettons, à un
commerçant ou à une institution financière qui doit, elle,
exercer son jugement.
M. Chartrand: Qui doit exercer son jugement d'abord. Et, pour
revenir à l'exemple que vous avez donné, on n'obtient pas
l'information de la Cour des petites créances. Et, deuxièmement,
huit ans, c'est trop long. Selon les règles de purge que l'on a, en
fait, après huit ans, l'information aurait été
détruite automatiquement.
M. Bourdon: Je vais vérifier avant la prochaine
séance.
M. Chartrand: Mais, pour en revenir à votre information,
vous avez raison jusqu'à un certain point. C'est sûr que, nous, ce
que l'on fait, c'est qu'on donne l'information qui existe à
l'institution financière; on pense, à ce moment-là, que
l'institution financière va aller vous voir, vous dire qu'il y a quelque
chose au dossier qui dit que vous avez eu un problème de toilette et
qu'effectivement vous devriez peut-être le corriger. À ce
moment-là, évidemment, peut-être que la correction va se
faire ou bien l'institution financière va vous dire: Bien, pourquoi
est-ce que tu ne vas pas au bureau de crédit et que tu ne
vérifies pas cette information-là?
Le Président (M. Gauvin): Oui, M. le... J'avais le
député d'Iberville qui voulait poser une question, mais... Oui,
M. le ministre.
M. Cannon: Juste une observation là-dessus. Ça
m'apparait quand même intéressant qu'on puisse poursuivre un peu
dans cette optique-là parce que ça signifie que, finalement,
lorsqu'il y a une relation de location, dans le cas que le député
a mentionné, il serait refusé, puisqu'il n'y a personne qui a
vérifié la teneur de cette disposition ou de la condamnation aux
petites créances. On a dit: Ahl bref, Bourdon a un problème avec
son ancien propriétaire. Donc, par conséquent,
propriétaire-locataire: difficultés. Il ne doit pas payer son
loyer. Alors, location, il n'est pas bon là-dedans. Je pense que c'est
important qu'on le souligne.
Le Président (M. Gauvin): M. le député
d'Iberville.
M. Lafrance: Oui. Merci, M. le Président. Avant d'en
arriver à ma question, vous venez de susciter une curiosité pour
moi, c'est cette question de règle de purge. Quelle est cette
règle de purge? Pour combien de temps gardez-vous l'information, qu'elle
soit bonne ou mauvaise, sur un individu? Et est-ce que cette
information-là comprend le crédit pour les cartes de
crédit? Par exemple, comme moi, si j'utilise ma carte de crédit
Master Card pour mettre de l'essence, est-ce que vous êtes en mesure de
colliger de l'information dans ce domaine-là aussi?
M. Chartrand: L'information concernant votre expérience de
crédit, c'est-à-dire la façon dont vous vous acquittez de
vos obligations sur les prêts ou les cartes de crédit que vous
détenez, cette information est mise à jour à peu
près à tous les 30 jours, ce qui veut dire qu'on reçoit
des bandes magnétiques a peu près à tous les 30 jours des
institutions financières qui nous donnent de l'information à date
concernant justement votre façon de vous acquitter de vos obligations
dans ce sens-là.
Quant à l'information ou aux règles de purge, on s'est
inspirés largement de la législation ontarienne, qui est la loi
101, qui donne, en fait, toutes sortes de détails, à savoir
quelle est la durée où telle ou telle information doit être
gardée et, par la suite, purgée. Si on a affaire à un
jugement, on nous dit une période de 7 ans; quand on a affaire à
une faillite, on nous dit 7 ans à partir de la disposition de la
faillite; dans le cas d'une deuxième faillite, 14 ans. (18 h 15)
En fait, il y a toutes sortes de détails qui sont reliés
à des informations bien spécifiques, à des détails
qui sont bien spécifiques. Ici, au Québec, comme ailleurs, en
fait, ce que l'on a fait, c'est qu'on s'est réglés, on s'est
bâti à l'intérieur du système des règles de
purge qui suivent à peu près la législation la plus
contraignante ici, au Canada. On s'est inspirés de celle qui
était la plus contraignante et on a bâti, à
l'intérieur du système informatisé, les règles de
purge en conséquence.
M. Lafrance: Merci. J'aimerais maintenant me
référer à la page 6 de votre mémoire. Le
deuxième paragraphe dit: "La clientèle d'Équifax est
constituée d'entreprises sérieuses ayant démontré
un besoin légitime d'information afin de faciliter des décisions
d'affaires." Vous continuez en disant: "De plus, par la signature de la
convention de services, dont le texte est reproduit à l'annexe C, tous
les clients reconnaissent et acceptent les contraintes entourant
l'accès, l'utilisation et la divulgation des renseignements." J'ai lu
votre annexe C, qui est la convention de services et, dans l'avant-dernier
paragraphe, vous dites: "Nous certifions que les rapports sur les
consommateurs, tels que définis par les lois applicables, ne seront
demandés que lorsqu'ils devront servir pour déterminer
l'éligibilité d'un consommateur a obtenir ou prolonger un service
de crédit, le recouvrement d'un compte, l'assurance, l'émission
de permis pour fins d'emploi ou pour toute autre raison, pourvu qu'il s'agisse
d'une transaction d'affaires légitime impliquant le consommateur."
Une transaction d'affaires légitime. J'aimerais connaître
votre définition d'une "transaction d'affaires légitime" et, de
façon plus précise, j'aimerais savoir si ça inclut les
compagnies qui se spécialisent dans le marketing direct,
c'est-à-dire qu'à partir d'informations elles peuvent faire des
listes cibles de consommateurs et, après, solliciter, voire même
accaparer le public
en général.
M. Chartrand: La réponse est très courte, c'est
non. On ne fait pas de liste d'informations, on n'en vend pas. On ne vend pas
d'informations en masse.
M. Lafrance: Non, mais est-ce que vous pouvez transmettre de
l'information à une firme qui en fait, elle?
M. Chartrand: On ne le fait pas, ça ne fait pas partie de
nos affaires.
M. Lafrance: Non? Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Gauvin): Pour revenir avec la
règle de l'alternance, M. le député de
Pointe-aux-Trembles.
M. Bourdon: Oui. Dans une de vos publications récentes, en
octobre 1990, vous dites qu'"à compter de cette année, il n'y
aura plus de frontière entre le Canada et les États-Unis, en
autant qu'Équifax est concernée". Est-ce que ça comporte
des contraintes, pour l'échange d'informations avec les
États-Unis, du même ordre que celles qui vont exister avec l'OCDE
- on en est conscients - du fait qu'il y aura une législation
européenne sur l'échange d'informations?
M. Chartrand: Ce qu'on veut dire dans cet article-là,
c'est que, dans un avenir prochain, il va y avoir une espèce de
transparence dans l'accès à l'information, aussi bien
américaine que canadienne, ce qui veut dire, à ce
moment-là, qu'un client américain qui a un besoin d'informations
sur un citoyen ou un consommateur québécois ou canadien peut les
obtenir aussi bien des États-Unis que du Canada. Il va y avoir une
transparence dans les banques de données. Ceci étant dit, par
exemple, l'information va être gardée ici, au Canada, et les
clients qui vont se prévaloir de ces services-là devront,
à ce moment-là, respecter les règles qui sont en place,
aussi bien au Québec qu'au Canada.
M. Bourdon: Est-ce que, dans le cadre de vos opérations,
vous vous adressez aux banques et aux autres institutions financières
pour savoir combien une personne a d'argent à son compte, par exemple,
ou à ses comptes dans l'institution?
M. Chartrand: Ça peut arriver, cette chose-là. En
fait, si on nous demandait une enquête qui pourrait être
poussée sur la situation financière d'un consommateur dans le
cadre d'une transaction très importante, ça pourrait
peut-être arriver. Mais, effectivement, premièrement, la banque ne
nous donnerait probablement pas l'information - d'ailleurs, ne nous donnerait
pas l'information - et, deuxièmement, le dossier de crédit d'un
individu ne contient pas cette information-là. Il contient, en fart, des
informations sur le... En fait, c'est une espèce de profil
d'endettement, à savoir comment le consommateur s'acquitte de ses
obligations financières, les prêts, les cartes de crédit,
les achats d'auto, des choses comme ça.
Le Président (M. Gauvin): M. le député de
Chapleau.
M. Kehoe: Merci, M. le Président. Je suis en train de
comparer un peu le mémoire présenté par votre organisme et
celui qui est venu juste avant vous autres. Je note qu'il y a une nette
différence, bien sûr, entre les deux. Je pense que les
conclusions, le contenu... Et je pense que durant tout le temps qu'on va
entendre des mémoires ici, dans les prochains jours et les prochaines
semaines, on va avoir à composer avec ça, les différents
points de vue, et c'est ça le but de toute la procédure ici.
Mais, spécifiquement en ce qui vous concerne... Je pense que le
ministre de la Justice a mentionné a l'autre groupe qui était ici
avant vous le consentement des citoyens. C'est revenu à plusieurs
reprises durant la présentation du mémoire de ce
groupe-là. Si je comprends bien vos principes, votre mémoire, il
n'y a aucune place pour le consentement du citoyen avant que vous ne
procédiez à donner des informations. "C'est-y" ça?
M. Chartrand: II n'existe rien dans la Loi sur la protection du
consommateur à cet effet-là. Disons que, dans la pratique des
choses, la grande majorité des institutions financières
obtiennent le consentement, l'autorisation au bas de l'application avant de
venir au bureau de crédit. D'ailleurs, dans les autres provinces, la
majorité des autres provinces - certainement en Ontario, en tout cas -
le consentement est nécessaire et, ici nous, si effectivement ça
n'existe pas, il faut bien préciser quand même que les bureaux de
crédit sont régis par la Loi sur la protection du consommateur.
Ce n'est pas une question de dire qu'il n'existe pas de loi qui régit
les bureaux de crédit. La Loi sur la protection du consommateur, en
fait, existe et il y a une section à ce moment-là qui s'adresse
aux bureaux de crédit. Mais, effectivement, le consentement pour donner
de l'information n'existe pas dans cette loi-là. Mais, moi, je peux vous
dire que, dans la pratique des choses, le consentement est obtenu dans à
peu près toutes les transactions d'affaires.
M. Kehoe: Une chose. Votre conclusion, votre recommandation
principale, c'est le statu quo, si je comprends bien. Vous n'avez pas besoin
d'une législation quelconque pour protéger le consommateur; c'est
plutôt par le régime d'autoréglementation. C'est ça?
La différence.
c'est que la conclusion générale, "the overall
conclusion", de votre groupe est complètement opposée à
celle du groupe qui était immédiatement avant vous. Malgré
que le groupe qui est venu avant vous ait dit qu'une des recommandations, c'est
l'autoréglementation, le régime d'autoréglementation. Mais
vous autres, si je comprends bien, c'est votre seule option, vous n'êtes
pas en faveur d'une législation quelconque et vous préconisez le
régime d'autoréglementation. C'est ça?
M. Chartrand: On préconise, bien sûr, à ce
moment-là, l'autoréglementation; principalement
l'autoréglementation. On se base sur l'expérience passée.
On se base, à ce moment-là, sur ce qu'Équifax, en tout
cas, a fait depuis de nombreuses années. On se base sur les pratiques
qui sont courantes. On se base sur le nombre de plaintes qui ont
été enregistrées à l'Office de la protection du
consommateur. On se base, bien sûr, sur la législation actuelle
qui s'appelle la Loi sur la protection du consommateur. Qu'on veuille bien
l'élargir, qu'on veuille bien la rendre un peu plus
sévère, qu'on veuille Inscrire le consentement et qu'on veuille
confirmer certaines règles directrices de l'OCDE à
l'intérieur de la législation présente, je pense que c'est
ce à quoi on référait tout à l'heure quand on
disait qu'on était prêts à collaborer et qu'on était
prêts à améliorer les failles qui existent. C'est un peu
notre position. On pense, à ce moment-là, que les codes de
déontologie, on pense que l'autoréglementation peut nous donner
les résultats escomptés compte tenu, bien sûr, qu'il existe
déjà des lois, comme la Loi sur la protection du consommateur. On
parle, bien sûr, de l'avant-projet 125, qui est la révision du
Code civil. Et si ça se fait, cette chose-là, bien sûr
qu'à ce moment-là on voudra bien collaborer avec les
intervenants. Mais on pense effectivement que l'autoréglementation
devrait jouer un rôle assez important dans tout ce processus.
M. Kehoe: Dans votre système, dans votre régime
d'autoréglementation, est-ce que vous prévoyez des sanctions ou
des pénalités, des amendes, des contraventions aux
règlements internes pour les employés de votre compagnie?
Qu'est-ce que c'est la sanction pour ça?
M. Chartrand: Une sanction qui est assez sévère et
qui s'appelle le congédiement, bien sûr. Oui, ça existe.
Quand on parle de politique interne, ce n'est pas des farces qu'on fait. En
fait, quand on fait affaire avec l'information concernant un consommateur, si
nous on veut continuer à faire affaire dans le genre d'affaires
où on est, si on n'en a pas effectivement, de critères internes,
on ne continuera pas longtemps. Si on existe depuis 1927 ici, au Québec,
si on a le nombre d'employés que nous avons, si on a le nombre de
transactions qu'on reçoit à tous les jours et si le nombre de
plaintes qui sont enregistrées à l'Office de la protection du
consommateur est à peu près inexistant, c'est qu'à un
moment donné le code interne que l'on a, le code de déontologie
et les politiques internes que nous avons, moi, je peux vous dire qu'ils sont
assez sévères et qu'ils sont appliqués d'une façon
absolument religieuse.
Le Président (M. Gauvin): M. le député de
Pointe-aux-Trembles. M. le ministre, excusez.
M. Cannon: Peut-être pour poursuivre un peu, tout à
l'heure, on a parlé de la circulation des renseignements de
crédit. Dites-moi, est-ce que votre entreprise recueille d'autres types
de renseignements? Tout à l'heure, le député de
Pointe-aux-Trembles a fait état de décisions qui pouvaient
toucher nos tribunaux qui sont incorporées à cela. À votre
connaissance, est-ce qu'il y a d'autres types de renseignements qui peuvent
apparaître sur ce fichier-là?
M. Chartrand: Si vous pariez d'un fichier de crédit, non.
En fait, les informations qui apparaissent au fichier de crédit, ce sont
les jugements, les archives, les informations qui proviennent d'archives
publiques, les informations qui nous sont données par les institutions
prêteuses, à savoir la façon dont vous vous acquittez de
vos obligations, et les demandes qu'on a reçues sur votre compte depuis
un certain temps. C'est tout ce que le dossier de crédit ou la fiche de
crédit contient.
M. Cannon: Est-ce que vous possédez ou avez en votre
possession d'autres types de fichiers autres que les fichiers dits de
crédit?
M. Chartrand: J'ai mentionné tout à l'heure au
député de Pointe-aux-Trembles effectivement le service
d'information pour les compagnies d'assurances. Bien sûr, on parie d'un
autre fichier qui contient des informations qui peuvent être la
vérification d'un emploi, l'inspection d'une propriété
pour des fins d'assurances. Cette information-là est tenue dans un
fichier qui est tout à fait différent, qui est tout autre.
M. Cannon: Quelles sont les règles qui gouvernent la
conduite de ce fichier-là? Autrement dit...
M. Chartrand: Les règles sont beaucoup plus
sévères. On ne peut pas se permettre de garder toute
l'information. Quand on parie de l'inspection d'une propriété,
entre autres, après trois mois, l'information est complètement
inutile. En fait, on détruit l'information.
M. Cannon: Par exemple, si je suis un entrepreneur et que je
désire engager mon collègue de Pointe-aux-Trembles ou un
autre
député, je peux faire appel à vos services pour
avoir une appréciation sur n'importe qui ici, dans cette pièce?
Je me sers d'exemples. Mais je peux faire appel à vos services?
M. Chartrand: Exact.
M. Cannon: Vous puisez ces renseignements-là de quelle
façon? Comment allez-vous chercher ces renseignements-là?
M. Chartrand: Auprès des anciens employeurs, auprès
des références qui sont données par la compagnie qui
demande l'information, auprès des institutions scolaires, si on parle
à ce moment-là de quelqu'un qui est relativement jeune, obtenir
le dossier d'éducation, si tel est requis effectivement.
M. Cannon: Autres que les institutions de crédit ou des
personnes plus directement touchées, est-ce qu'il y a d'autres personnes
qui peuvent directement consulter les fichiers ou les dossiers de
consommateurs?
M. Chartrand: Me Edwards m'a soufflé à l'oreille
qu'effectivement ceux qui peuvent, les compagnies qui peuvent obtenir des
renseignements chez nous, M. le ministre, sont des clients chez nous. Vous ne
pouvez pas venir chez nous demain et demander un rapport d'emploi sur M.
Bourdon, entre autres. Il faut à ce moment-là que vous soyez
clients chez nous et que vous ayez démontré, hors de tout doute,
que vous avez un besoin pour de telles informations, que vous êtes un
employeur et qu'effectivement vous avez un besoin pour obtenir les
renseignements parce que vous faites l'embauche de personnes.
M. Cannon: Autrement dit, M. Edwards, qui est avocat de
profession, pourrait lui, par l'entremise de son bureau, avoir une relation
contractuelle avec votre entreprise et, au besoin, M. Edwards, sans qu'il soit
obligé d'identifier à chaque fois les raisons de son
intervention, puisqu'il y a contrat entre son bureau et le vôtre, peut
faire appel sur plusieurs dossiers en passant par mon dossier de crédit
et celui de la situation médicale de mon collègue de
Pointe-aux-Trembles. Est-ce que, hypothétiquement, ça pourrait se
produire?
M. Chartrand: Hypothétiquement, oui, je suppose.
M. Cannon: O.K.
M. Chartrand: II faudrait se poser des questions à savoir
pourquoi il y aurait un besoin pour de l'information médicale.
M. Cannon: Bien, c'est la question. Est-ce que d'une façon
précise, M. Chartrand...
M. Chartrand: Oui.
M. Cannon: ...la firme d'avocats qui...
M. Chartrand: Lorsque l'entente contractuelle...
M. Cannon: Oui.
M. Chartrand: ...survient entre le bureau de Me Edwards et
nous...
M. Cannon: Oui.
M. Chartrand: ...en fait, on s'entend à ce
moment-là sur le genre de services qu'ils vont utiliser et rien
d'autre.
Le Président (M. Gauvin): J'aimerais vous rappeler que
la...
M. Cannon: Peut-être une dernière question, M. le
Président: En quoi la loi américaine est-elle plus contraignante
ou est-elle contraignante? Je ne dirai pas "plus", parce que je ne la connais
pas nécessairement, mais, en Ontario, comment ça fonctionne
ça?
M. Chartrand: D'abord, il existe une loi en Ontario, qui
s'appelle le "Consumer Reporting Act", qui donne toute une série de
détails, bien sûr, qui, en fait, explique l'information qui doit
être rapportée et l'information qui ne doit pas être
rapportée, qui donne des informations sur les critères de purge
et qui donne, en fait, une série de directives sur ce qu'on doit faire
et ne pas faire comme "consumer reporting agency".
M. Cannon: Alors, ça limite l'action, ça limite la
portée de l'action, c'est ce que vous dites là?
M. Chartrand: Ça limite la portée de l'action,
exactement. Et, moi, je vous dis encore une fois, comme je vous l'ai dit tout
à l'heure, qu'en l'absence d'informations ici, en fait on s'inspire et
on s'est toujours inspirés de la loi ontarienne.
Le Président (M. Gauvin): Le temps qui était
alloué au côté ministériel est écoulé,
mais le député de Vimont insisterait pour une question. Vous
permettez?
M. Bourdon: Consentement.
Le Président (M. Gauvin): M. le député de
Vimont.
M. Fradet: Vous êtes bien gentil, M le député
de Pointe-aux-Trembles.
M. Bourdon: Je suis toujours comme ça.
M. Fradet: Juste une petite question en commençant. Si
vous avez un dossier sur 90 % de la population active, si on veut, du
Québec, donc vous avez un dossier sur moi. Possible, 90 % des chances.
Si, demain matin, j'appelle chez vous et...
M. Chartrand: Probablement; probable et non possible.
M. Fradet:... que je demande d'avoir mon dossier, est-ce que
c'est possible?
M. Chartrand: Si vous téléphonez, on va vous
demander de vous identifier et on va s'assurer à ce moment-là que
vous êtes bien la personne que vous dites que vous êtes. Il est
possible qu'on vous donne l'information au téléphone, si on s'est
bien assurés effectivement qui vous êtes; autrement, on va vous
demander de vous présenter au bureau et on va s'assurer à ce
moment-là que... C'est une question de confidentialité et de
sécurité.
M. Fradet: Deuxièmement, vous avez parlé de
consentement. Je veux bien croire que, quand on fait une demande de carte de
crédit, on signe un petit papier de consentement à la banque.
Est-ce que, de un, pour la banque - admettons que je fais affaire avec la
Banque Laurentien-ne - ça c'est un consentement à vie, ça
veut dire qu'à chaque fois, après ça, que j'ai consenti
une fois pour quelque chose, elle pourrait aller chercher les informations
à vie ou si, à chaque fois, il faut signer une nouvelle formule
de consentement pour que la banque ou l'institution prêteuse puisse
demander un renseignement?
M. Chartrand: En autant que je sache, chaque fois que vous faites
une transaction avec la Banque Laurentienne, si ce n'est pas la continuation de
la même transaction, vous devez à ce moment-là donner un
nouveau consentement.
M. Fradet: O. K. Est-ce que c'est le même consentement
écrit que vous exigez de la part de l'entreprise sur tous les
différents fichiers que vous avez, que ce soit en santé, pour les
assurances ou pour l'emploi? Moi, si, demain matin, je postule pour un travail,
on me demande de signer une formule de consentement pour vous demander des
renseignements?
M. Chartrand: Exact.
M. Fradet: Dans le cas contraire, jamais vous ne donnez de
renseignements à des entreprises?
M. Chartrand: L'entente contractuelle que l'on a avec
l'entreprise qui fait affaire chez nous dit bien, à ce moment-là,
que le consentement a été obtenu.
M. Fradet: C'est-à-dire que...
Le Président (M. Gauvin): Merci, M. Chartrand.
M. Fradet: Juste une petite question. Le Président (M.
Gauvin): Brièvement.
M. Fradet: Brièvement. Dans tous les fichiers que vous
avez, à chaque fois qu'une entreprise vous demande un renseignement,
cette entreprise-là a demandé le consentement au
consommateur?
M. Chartrand: D'après l'entente contractuelle, oui.
M. Fradet: O. K.
Le Président (M. Gauvin): M. le député de
Pointe-aux-Trembles.
M. Bourdon: M. Chartrand, vous nous avez dit tout à
l'heure que vous ne donniez pas des renseignements à tout un chacun,
à n'importe qui qui vous le demande, mais qu'à des clients. Vous
avez combien de clients au Québec?
M. Chartrand: C'est dur à dire, évidemment, si on
considère que la Banque Royale est un client, M. Bourdon. J'ai
demandé à quelqu'un de me dire combien on avait de clients. Je
pense qu'on en a 3000 au Québec...
M. Bourdon: O. K.
M. Chartrand:... mais, si on les regarde en termes de
numéro de compte et de place d'affaires, il y en a peut-être 13
000.
M. Bourdon: O. K.
Le Président (M. Gauvin): Je vous remercie. Le temps qui
nous était alloué pour entendre votre groupe, M. Chartrand, est
écoulé. M. le ministre, oui.
M. Cannon: Si vous me permettez, M. le Président, de me
joindre à vous et de remercier les gens d'avoir bien voulu se
déplacer, d'être venus nous rencontrer et de nous avoir fait part
de leur expérience. Alors, merci.
M. Chartrand: Si vous avez besoin d'autres renseignements, on est
à votre disposition.
M. Cannon: Merci.
Le Président (M. Gauvin): J'aimerais, au nom de cette
commission et des membres de cette commission, remercier votre groupe, M.
Chartrand, d'Équifax Canada inc.
La commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures, ce soir.
(Suspension de la séance à 18 h 36)
(Reprise à 20 h 15)
Le Président (M. Gauvin): Une minute d'attention!
La commission des institutions reprend ses travaux. Comme prévu,
nous allons entendre les représentants du Barreau du Québec pour
20 minutes de présentation.
Une voix: On vous souhaite la bienvenue. M. Sauvé
(Marc): Bonjour.
Le Président (M. Gauvin): Donc, les représentants
sont représentés ici par Me Marc Sauvé, du Service de
recherche et de législation. M. Sauvé.
M. Sauvé: Oui.
Le Président (M. Gauvin): Est-ce que c'est vous qui faites
la présentation au nom de votre groupe?
M. Sauvé: Eh bien, je suis persuadé que vous
êtes étonnés devant notre nombreuse
délégation. Je m'attendais à être accompagné
ici de personnes peut-être un peu plus spécialisées dans le
domaine, qui auraient pu répondre plus efficacement aux
éventuelles questions. Je m'attends, d'une minute à l'autre, je
l'espère, que Me Atkinson vienne se joindre à moi. Si vous n'avez
pas d'objection, quand même...
Le Président (M. Gauvin): Oui. M. Cannon: Me Sauvé?
M. Sauvé: Oui.
Le Président (M. Gauvin): On peut vous faire une
proposition... Oui?
M. Cannon: Est-ce que vous préférez reporter,
peut-être, votre présentation à 21 heures afin qu'on puisse
entendre l'autre groupe qui doit passer après vous?
M. Sauvé: Je pense que ce serait probablement opportun
parce qu'il devait me rejoindre. Alors, il faudrait peut-être retarder
ça à un peu plus tard.
Le Président (M. Gauvin): O.K. Si vous voulez vous
retirer, M. Sauvé, on vous rappellera un peu plus tard.
M. Sauvé: Oui.
Le Président (M. Gauvin): On va inviter les
représentants de la CSN, la Confédération des syndicats
nationaux, à prendre place, s'il vous plaît. On s'excuse de ce
chambardement d'horaire pour vous autres.
Mme Lamontagne (Céline): Ça fait un peu moins de
temps pour relire ses notes, c'est tout.
Le Président (M. Gauvin): C'est ça. Mais je pense
que la période de questions va peut-être vous permettre de
réviser ça. Donc, comme je le mentionnais, la CSN est ici
représentée par Mme Céline Lamontagne,
vice-présidente. Vous allez nous présenter votre collaboratrice,
Mme Lamontagne...
Mme Lamontagne: Oui.
Le Président (M. Gauvin): ...et vous avez 20 minutes pour
présenter votre mémoire, ou à peu près, selon le
consentement des membres de la commission.
Confédération des syndicats
nationaux
Mme Lamontagne: Alors, bonsoir. Je vous remercie de nous avoir
invitée à présenter notre mémoire dans cette,
paraît-il, courte séance de la commission parlementaire. Je vais
vous présenter immédiatement la personne qui m'accompagne. C'est
Me Anne Pineau, qui est conseillère syndicale à la CSN et qui a
travaillé sur la rédaction et la recherche de notre
mémoire.
D'entrée de jeu, d'abord, je voudrais rappeler, comme vous avez
pu le constater, que notre mémoire aborde particulièrement la
question de la protection de la vie privée dans les relations du
travail. C'est notre terrain spécialisé, si on veut. Mais, je
voudrais rappeler aussi que ce n'est pas, à la CSN, une
préoccupation nouvelle que la protection de la vie privée. On a
participé, avec d'autres organismes, à la rédaction de
"Georgette et Gérard", que vous avez reçu, je pense, membres de
la commission, et, en tant que membre de la Ligue des droits et
libertés, on intervient à plusieurs reprises sur des questions de
protection des droits. Je voudrais aussi rappeler qu'on a, parmi nos membres,
des personnes qui ont à traiter des données dites personnelles,
entre autres dans les compagnies d'assurances, les caisses populaires, etc.
Avant d'aborder chacun des points tels qu'ils ont été
présentés dans le rapport interministériel,
peut-être trois considérations générales. D'abord,
à l'instar d'autres groupes, nous sommes d'accord pour dire qu'il y a
urgence d'une législation protégeant les droits des personnes et
les droits à la vie privée dans le secteur privé. Par
ailleurs, un aspect qu'on n'a
pas tellement développé dans notre mémoire, c'est
qu'on considère que les éventuelles mesures législatives
qui toucheraient les employeurs dans la protection de la vie privée des
employés devraient s'appliquer aussi aux employeurs du secteur
public.
Un autre aspect d'ordre général, c'est que, dans le
rapport interministériel, on a aussi trouvé qu'il y avait un
grand intérêt à tout le chapitre qui aborde la
maîtrise sociale de l'informatique et de la technologie. On est d'accord
avec le fait qu'il doit y avoir une action dans le but de préserver les
droits et libertés et que la technologie et l'informatique doivent viser
à améliorer la qualité de la vie quotidienne et la vie
démocratique. On appuie les mesures qui sont proposées là,
en termes de formation et d'éducation, pour que les informaticiens aient
une conscience sociale. On est d'accord aussi, de façon
générale, pour que la future législation donne des droits
aux personnes physiques et des obligations aux personnes morales.
Dans les recommandations d'ensemble, on pense que l'encadrement
législatif devrait viser la cueillette de l'information, le traitement
et la diffusion et que la loi devrait être, évidemment, d'ordre
public. On pense que les trois types de mesures législatives qui sont
suggérées, à savoir d'améliorer le Code civil ou la
Charte et, ensuite, qu'il y ait une loi d'ensemble d'intérêt
général et des règlements de type sectoriel... on
acquiesce aussi à ce cadre-là, à ce cadre
législatif là.
Par ailleurs, au niveau des grands principes ou des normes
générales relatives à la protection de la vie
privée, elles devraient être énoncées, selon nous,
soit dans la Charte des droits ou au Code civil pour faire en sorte qu'il ne
puisse être porté atteinte à ces principes que dans la
mesure où ce serait défini par les lois et règlements. Et,
très concrètement, à cet égard, les mesures
proposées aux articles 35 et 36 du projet de loi 125 pourraient
s'avérer insuffisantes pour parer à certaines pratiques
d'évasion et de surveillance ayant cours à l'heure actuelle, du
moins en matière d'emploi.
Donc, on estime qu'il faudrait ajouter dans ces articles les aspects
suivants: l'interdiction de la fouille d'une personne de même que celle
de ses biens; le fait d'exiger d'un individu qu'il se soumette à un
examen médical ou à un test de dépistage; le fait de
soumettre une personne à une surveillance électronique ou
à une filature; le fait d'exiger d'un individu qu'il se soumette
à un test de polygraphe, hypnose, prise d'empreintes digitales, prise de
photo d'identification; le fait de fixer des contraintes à une personne
dans le choix du lieu de sa résidence. On dit que, s'il y a des
atteintes qui doivent être permises, elles pourraient être permises
dans le cadre de lois et dans le cadre d'exceptions qui seraient
négociées aux tables sectorielles.
Sur la partie 3 du rapport, le droit à l'information, nous, on
pense que le point le plus névralgique est la collecte de données
parce que c'est là qu'est le point important du processus. Si on se
réfère au rapport du GRID, c'est justement ce point-là que
les employeurs ne veulent pas négocier. Il est dit textuellement que
"les employeurs sont positifs à l'égard d'une intervention
législative, à condition qu'elle ne porte pas sur la
participation d'un employé à son dossier". On pense que c'est
donc au niveau de la collecte des données qu'il y a un point majeur
parce que, nous, on voit des écueils.
Et on arrive à l'autre point qui est le droit au consentement. Il
y a beaucoup de mesures qui sont proposées, qui s'appuient sur le droit
au consentement, mais, nous, on est inquiets de se fonder juste sur le droit au
consentement parce qu'il y a un déséquilibre, veux veux pas,
entre, par exemple, une compagnie d'assurances et la personne qui veut avoir
une assurance, entre un employeur et son employé et aussi, ce qui
nous... Il y a un déséquilibre, si on veut, ou un rapport de
force inégal qui fait en sorte que le droit au consentement ne peut pas
être la panacée pour régler tous les problèmes de
respect des renseignements d'ordre privé.
On cite aussi dans notre mémoire des aspects juridiques qui font
en sorte que, par exemple, quand quelqu'un veut avoir un emploi et qu'il
accepte de se soumettre à des tests, soit de dépistage de drogues
ou différents tests, même si c'est sous la pression qu'il veut un
emploi, juridiquement, ce n'est pas une atteinte - en tout cas, ce qu'on peut
en lire - au droit au consentement. Donc, le droit au consentement a plusieurs
faiblesses pour la personne isolée face à un organisateur, une
entreprise ou une compagnie, quand tu veux un logement, quand tu veux une carte
de crédit, quand tu veux un prêt à la banque.
Nous, on pense qu'il faut prévenir ce problème-là
à la source en faisant un encadrement beaucoup plus serré dans la
cueillette des données, à savoir qu'il faut que, quand on cueille
les données, elles soient limitées, finalement, à ce qui
est vraiment nécessaire pour obtenir ce qu'on veut obtenir, donc que la
cueillette des données soit resserrée dans ce sens-là.
L'autre aspect, toujours dans le point 4, quant au flux transfrontaliers
des renseignements, nous, on pense que la loi devrait permettre au gouvernement
d'interdire les transmissions de données hors Québec lorsque les
droits des personnes ne peuvent être garantis. Par ailleurs, on pense
que, pour que notre législation ait prise, il serait intéressant
qu'il y ait des normes qui se fassent au niveau des autres provinces et au
niveau fédéral; mais, je veux être claire sur la question,
on ne veut pas que les normes fédérales soient au-dessus des
normes des provinces. On veut qu'il y ait comme une
homogénéité; ce serait souhaitable pour que notre
législation ait une portée en dehors de nos
frontières.
Sur la question du changement de finalité dans la cueillette de
renseignements, nous croyons que tout changement de finalité devrait
être autorisé par l'organisme chargé de voir à
l'application de la loi. La base du principe qu'on défend est
évidente: on veut que les renseignements qui sont recueillis ne soient
utilisés que pour les fins pour lesquelles ils ont été
recueillis et non pas pour d'autres fins.
L'autre point, le cinquième point abordé par le rapport,
c'est le droit de contester. D'abord, on veut que les recours soient simples,
rapides et peu coûteux et qu'ils se fassent auprès d'un tribunal
administratif plutôt que d'un tribunal de droit commun. Par ailleurs, on
pense qu'il doit y avoir des recours pénaux qui comportent des amendes
substantielles. D'autre part, on regrette, dans la question du droit de
contester, qu'on ait mis de côté la proposition faite par le GRID,
qui est le droit de blocage. On pense que c'est un mécanisme qui peut
permettre de couvrir et de prévenir les dommages qui sont faits aux
individus et, en plus, de peut-être régler plus rapidement un
problème que si ce droit n'existait pas.
Sur la question des droits collectifs, nous, on souscrit aux grands
souhaits qui sont faits dans le rapport, au voeu de participer des groupes et
du public, que les organismes participent aux débats, aux
décisions sur l'orientation, le développement, le contrôle
de l'information sur les personnes. Ceci dit, sauf les mesures qui sont
prévues pour la participation du public à la commission et la
participation d'organismes représentatifs aux tables sectorielles,
l'ensemble des autres propositions et des voeux de participation semble
très, très flou et il y a peu de propositions concrètes
à cet effet.
Sur la partie de la mise en oeuvre, je viens de le dire et je le
répète, si on veut que cette loi-là ou,
éventuellement, ce cadre législatif ait une portée
accessible pour l'ensemble des citoyennes et des citoyens du Québec, on
pense qu'on ne doit pas renvoyer l'application de la loi aux tribunaux civils.
Donc, à notre avis, il faut confier le rôle d'adjudication
à un tribunal spécialisé. Alors, par exemple,
concrètement, la Commission d'accès à l'information
pourrait avoir cette tâche-là, d'être une forme de tribunal
pour entendre les problèmes et en juger. On pourrait créer un
office qui, lui, aurait le rôle d'effectuer l'ensemble des tâches
que le rapport interministériel donne à la commission, à
savoir les tâches de promotion des droits, d'éducation du public,
d'élaboration et de surveillance de l'application des normes, de
tamisage des plaintes et d'exercice du rôle de conciliateur et de
poursuivant. On pense qu'il peut y avoir des conflits si c'est le même
organisme qui, à la fois, agit comme tribunal et a comme mandat de faire
de l'éducation, d'orienter, de coordonner les tables sec- torielles et
de proposer de la réglementation au gouvernement. Alors, on pense qu'il
faut que ça soit deux organismes différents. C'est sûr que
ça peut poser un autre type de problème, c'est la multiplication
des tribunaux administratifs, mais c'est un autre débat. Mais, la
préoccupation qu'on a, c'est de rendre accessibles les droits qui
seraient enchâssés dans une loi. (20 h 30)
Sur l'aspect de la création des tables sectorielles ayant pour
mission d'élaborer une réglementation adaptée au milieu,
on est d'accord avec cette proposition-là et elle nous semble valable.
Par ailleurs, il y a deux remarques qu'on ferait ou deux suggestions qu'on
ferait à ce niveau-ci. Premièrement, sur la réglementation
qui serait faite à ces tables sectorielles, le mécanisme de
réglementation apparaît très flou. Alors, est-ce que les
tables sectorielles vont faire des réglementations et, par la suite,
ça va passer par le processus connu de tous les règlements,
à savoir la prépublication, et avoir force de loi, d'une certaine
façon, ou force de règlement, ou si c'est juste des normes qu'on
va établir à ces tables? Ce n'est pas clair dans les
recommandations qui sont faites par le Comité interministériel.
Nous, on est pour que les règlements qui se font à ces
tables-là aient force de règlements, donc passent à
travers le processus prévu pour les autres réglementations.
Deuxièmement, comme ce sont des tables sectorielles - et, par
exemple, nous, normalement, on serait partie à la table sectorielle qui
regroupe les employeurs et les représentants des travailleuses et des
travailleurs - il demeure que, sur les autres tables sectorielles, comme la
consommation, il y a là un intérêt public. Alors, on
demande aussi que les réglementations qui se font fassent l'objet de
débat public, soient connues du public parce que ça a un
intérêt social pour tout le monde, même si c'est des sujets
très spécifiques à chacune des tables sectorielles.
L'autre aspect, sur la maîtrise sociale, globalement, la
façon dont on aborde cette question-là, j'en ai parlé au
tout début, ça nous semble intéressant. Ensuite, l'aspect
particulier qui touche plus les salariés des entreprises, à
savoir que la commission Incite les entreprises à consulter les
employés, nous, on pense que c'est valable comme souhait, mais on pense
qu'il faut plus que de l'incitation. Il faut qu'il y ait une obligation
d'information et de consultation de la part des entreprises, qu'elles informent
les travailleuses et les travailleurs et leur organisation syndicale, s'il y a
lieu, surtout quand on fait des changements qui pourraient avoir des
répercussions sur les dossiers nominatifs des salariés d'une
entreprise.
En terminant, je pourrais vous dire aussi qu'on souhaite, donc, qu'il y
art une législation, qu'on est intéressés aussi à
participer à la table sectorielle qui nous concerne et, par
ailleurs,
qu'on souhaite aussi qu'il y ait éventuellement une autre
commission s'il y avait législation sur la question. Je vous
remercie.
Le Président (M. Lafrance): Merci, Mme Lamontagne, pour
toutes ces précisions. Nous allons maintenant passer à la
période des questions, en procédant par alternance pour le reste
du temps. J'inviterais M. le ministre des Communications, s'il vous
plaît.
M. Cannon: Oui, merci, M. le Président. À mon tour,
bienvenue à cette commission, Mme Lamontagne, Mme Pineau. Ça me
fait plaisir d'échanger avec vous sur cette question. J'ai noté,
dans votre mémoire, que vous avez retenu un certain nombre de choses,
notamment qu'on puisse aller de l'avant avec la nouvelle loi au niveau du Code
civil, que celle-ci, qui contient le droit au consentement, le droit à
l'information et le droit de contestation doit effectivement être
élaborée un petit peu plus et que, dans la loi que nous
souhaitons mettre de l'avant, il y a nécessité d'avoir sanctions
et recours. Vous avez aussi... et je voudrais notamment poser ma question sur
cette chose-là. Dans votre mémoire, vous dites regretter que la
recommandation du GRID de créer un office chargé d'administrer le
nouveau régime ait été écartée. Est-ce que
j'ai bien saisi? Vous avez parlé d'un dédoublement qui serait
effectivement nécessaire dans ce cas-là? Pourriez-vous
élaborer davantage? Je pense que vous avez parlé de la CAI, d'une
part, comme étant un organisme qui peut effectivement faire la job, mais
que, d'un autre côté, en cas de recours ou de litige, il y aurait
obligation d'avoir un office?
Mme Lamontagne: Non, c'est un peu le contraire. Mais, de toute
façon, le principe n'est pas: C'est quoi l'Office, c'est quoi la
Commission? Premièrement, nous, on souhaite que, d'une part, il y ait un
recours qui soit accessible aux citoyennes et aux citoyens, donc un recours
simple, sans nécessiter, par exemple, de représentation par un
membre du Barreau, etc. Donc, ce recours-là ne peut s'exercer que devant
un tribunal administratif. Alors, premier principe, première
proposition.
Deuxièmement, on dit: Pour ce faire, est-ce que la Commission
d'accès à l'information peut remplir les deux mandats? Le rapport
interministériel lui confie une série de tâches qui sont
importantes dans la mesure où, entre autres, on parie de promotion,
d'éducation au droit, de coordination de tables sectorielles, de
recommandation, de réglementation au gouvernement. Donc, une
série de tâches importantes. Nous, on pense que c'est
inconciliable avec le fait d'être un tribunal comme tel, d'entendre les
citoyens. Alors, on dit: II faut deux organismes. L'un qui fait office de
tribunal et un autre qui fait office d'organisme de promotion. L'exemple qui
est le plus simple, c'est la Commission des droits de la personne qui, il y a
très peu de temps, faisait office non pas de tribunal, mais entendait
les plaintes et acheminait devant les tribunaux civils, s'il y en avait, les
poursuites. On a constaté que, dans la pratique, il était
souhaitable de créer un tribunal indépendant de la Commission
pour entendre les recours des personnes lésées. Alors, c'est un
peu la même proposition qu'on fait dans le cas de l'accès à
l'information.
M. Cannon: Vous êtes sans doute au courant du fait que la
Commission d'accès à l'information a commencé, depuis
quelques mois maintenant, sous la direction de M. Comeau, à
procéder à la médiation des différends qu'il
pourrait y avoir afin, bien sûr, comme vous l'avez mentionné tout
à l'heure, de ne pas alourdir d'une façon, je dirais, superflue
ou d'une façon trop lourde la structure déjà en place.
Est-ce que vous prévoyez un mécanisme de médiation qui
pourrait servir de recours, ultimement, et qui pourrait, justement, donner lieu
au règlement de différends?
Mme Lamontagne: On n'a pas fait toutes les étapes d'un
recours d'un citoyen, sauf que je peux vous dire qu'en principe, oui, on est
d'accord qu'il y ait un mécanisme de médiation avant que le cas
ou le problème ne se ramasse devant les tribunaux. Alors, ça
pourrait être, dans un premier temps, l'office ou l'organisme - on ne
parlera pas d'office ni de commission - l'organisme chargé de la
promotion, chargé de l'éducation, qui pourrait recevoir les
plaintes, regarder si ces plaintes-là sont justifiées par rapport
aux lois et aux règlements qu'il administre, tenter une première
démarche de conciliation et, après ça, s'il n'y a pas de
règlement ou si le différend existe toujours, là, il
pourrait y avoir un recours plus formel, mais encore un recours
allégé, devant un tribunal administratif. Le fait de vouloir deux
organismes... On n'est pas contre le fait qu'il y ait des étapes de
médiation et de conciliation. Je ne sais pas si Anne...
Mme Pineau (Anne): Effectivement, on considère, par
exemple, que le rôle de poursuivant qu'on entend donner, qu'on voudrait
peut-être donner à la Commission se concilie mal, par ailleurs,
avec un rôle d'adjudicateur. Le rôle, ici, d'éventuel
participant à l'élaboration de règles ne se concilie
peut-être pas très bien avec un futur rôle d'adjudication.
C'est pour ça que, plutôt que de risquer de recréer un peu
la situation conflictuelle qui était vécue à
l'époque par la Commission des droits et qui avait amené
plusieurs groupes à demander la création d'un tribunal des
droits, plutôt que de la récréer ici, on voudrait
prévoir à l'avance que toute la charge de la promotion des
droits, l'aspect médiation, le tamisage de plaintes et
l'élaboration
des règles aux tables sectorielles soient confiés à
un organisme distinct, laissant à la Commission d'accès le soin
d'agir comme adjudicateur éventuel.
M. Cannon: O.K. Peut-être une dernière question.
À votre connaissance, est-ce qu'il y a un secteur de l'entreprise
privée où une intervention gouvernementale serait plus
prioritaire ou plus urgente qu'un autre? Autrement dit, est-ce que, selon vous,
on devrait procéder par le secteur des institutions financières?
Est-ce qu'on devrait procéder par l'ensemble des secteurs de services,
l'entreprise manufacturière? Quelle devrait normalement être la
priorité? Quel est le secteur qui, d'après vous, est le plus
urgent pour le législateur? Comment procéderiez-vous?
Mme Pineau: Évidemment, on pense que le secteur de
l'emploi est un secteur important, mais, évidemment, toute la question
des agences de renseignement, c'est sans doute le secteur qui est le plus
névralgique parce que ces organismes-là font quand même,
justement, le commerce des renseignements.
Mme Lamontagne: C'est sûr que, de notre point de vue, si je
pose la question à mes membres, ils vont dire: Le travail. Sauf que, si
on regarde la question d'un point de vue plus large, je pense que je suis
d'accord avec Anne que le secteur des entreprises d'information, c'est
vraiment... Il y a beaucoup de problèmes dans ce secteur-là.
M. Cannon: Alors il faut mieux cibler notre intérêt
et notre attention sur les entreprises qui font la commercialisation ou qui ont
déjà en leur possession des renseignements. Merci.
Mme Pineau: Ceci dit, l'ensemble des autres secteurs qui ont
été définis et pour lesquels on proposait, dans le rapport
du Comité, des tables sectorielles nous semblent ici...
M. Cannon: Oui, c'est ça, exact.
Mme Pineau: ...des lieux d'intervention importants et...
Mme Lamontage: Idéalement, toutes les tables sectorielles
devraient fonctionner parallèlement.
M. Cannon: Disons qu'on est des praticiens idéaux.
Mme Lamontagne: Ha, ha, ha! C'est ça. M. Cannon:
Merci.
Le Président (M. Lafrance): Merci. J'aimerais maintenant
reconnaître M. le député de
Pointe-aux-Trembles.
M. Bourdon: Oui. Vous parlez de la nécessité de ne
pas donner au même organisme la mission de promotion des droits,
d'élaboration et de surveillance des normes, d'éducation, de
tamisage des plaintes, de conciliation et même de poursuivant, avec le
tribunal administratif qui statuerait quand il y aurait des plaintes en vertu
de la loi qu'on serait amenés à faire. Notre idée n'est
pas faite sur la façon dont ça devrait se faire. On va entendre
les mémoires, si on a une possibilité bientôt, tous les
mémoires. Mais, je reprends votre exemple de la fin de ce
chapitre-là où vous dites: "Un tel office serait en quelque sorte
à la Commission d'accès à l'information ce que la
Commission des droits est au Tribunal des droits." Et je vous pose la question
hypothétique comme ça: Est-ce que ça serait envisageable
que la Commission d'accès à l'information fasse la promotion et
les autres tâches et que, justement, le Tribunal des droits entende les
recours quand il y en aurait, puisqu'on parle ici du droit à la vie
privée qu'on considérait comme un droit parmi d'autres?
Mme Pineau: Je ne pense pas que ce soit exclu. Cependant, il faut
bien considérer aussi le fait qu'à l'heure actuelle
l'adjudicateur, à tout le moins au niveau des organismes publics, c'est
quand même la Commission d'accès à l'information. Dans la
mesure où on veut créer un équivalent dans le secteur
privé, il faudrait qu'il y ait un seul adjudicateur dans ces
matières-là, à notre sens. À l'heure actuelle, au
public, c'est la Commission d'accès à l'information.
M. Bourdon: Maintenant, quant aux tables sectorielles, est-ce que
vous auriez une idée du délai dans lequel ça doit
s'inscrire? C'est juste dans l'hypothèse pure, absolue que je formule
que, des fois, un gouvernement peut trouver urgent de surseoir. Il y a un
politicien de la Troisième République, en France, qui disait: II
y a peu de problèmes que l'absence de décision du gouvernement ne
finit pas par régler. Pour éviter ces écueils possibles
là, voyez-vous des délais dans la mise sur pied et
l'aboutissement des travaux des tables sectorielles dont vous retenez le
principe? (20 h 45)
Mme Lamontagne: Oui, je voudrais juste ajouter une petite chose,
si vous permettez, sur la question du Tribunal des droits. Si on veut lui
donner un mandat supplémentaire, il faudrait lui donner les ressources
pour être capable d'appliquer ce mandat-là parce que, même
à l'heure actuelle, à ce que j'en sais, il y a déjà
un problème de capacité d'absorber vraiment l'application de la
Charte et la mission qu'on lui avait donnée, liée à la
Commission des droits.
Sur les délais, eh bien, j'avoue qu'on n'a pas refait le
calendrier parlementaire, sauf que
ce qu'on souhaite, comme je l'ai dit au début, c'est qu'il y ait
législation, donc que les amendements au Code civil soient en vigueur le
plus rapidement possible, comme d'autres l'ont demandé aussi;
deuxièmement, qu'il y ait une législation d'ordre
général - je ne sais pas si c'est pour cette session-là ou
la session après Noël - et, à notre avis, à partir de
ce moment-là, les tables sectorielles devraient fonctionner. Donc,
ça devrait se faire dans l'année, dans les débuts de 1992.
Mais, encore là, on n'a pas refait le calendrier en détail.
M. Bourdon: J'ai une autre question. Est-ce que vous croyez
à la pertinence de l'autorégle-mentation? Parce que, dans bon
nombre de mémoires, ce qui revient, c'est l'idée de ne pas
légiférer et de laisser chaque secteur s'autorégle-menter.
Est-ce que vous croyez que c'est une piste de solution?
Mme Lamontagne: Je pourrais vous dire que c'est mieux que rien,
mais peut-être que, dans la pratique, ça ne serait pas
très, très efficace. D'abord, première chose, comme je le
disais, on est d'accord que chaque secteur regarde ensemble une future
réglementation, sauf que ça a des incidences secteur par secteur
pour l'ensemble des citoyens. Alors,' ça ne doit pas non plus se faire
juste en vase clos.
Deuxièmement, je ne sais pas ce qu'est la valeur de normes
d'éthique ou de normes de code d'éthique qui ne seraient pas dans
un règlement pour des compagnies telles que American Express, etc.
Est-ce qu'elles vont se donner ces normes-là, suivre ces
normes-là? SI on regarde au niveau des relations du travail, si ce n'est
pas inscrit dans une réglementation, oui, peut-être que certains
employeurs vont suivre des normes qu'ils se seraient données, mais,
quand je vois les autres lois du travail, comment elles sont appliquées
- et c'est des lois - je crains que ce ne soient plus des voeux pieux que
ça ne change réellement les pratiques et les
mentalités.
M. Bourdon: Est-ce que je vous comprends bien, en comprenant que
vous dites: Aux tables sectorielles, on pourrait associer les milieux en cause
à la préparation d'une réglementation les concernant,
mais, en bout de course, le gouvernement promulgue cette réglementation
et quelqu'un qui se plaint qu'elle n'est pas appliquée peut porter
plainte et peut exercer un recours?
Mme Lamontagne: Comme les autres règlements qu'on
connaît... Oui. Vas-y.
Mme Pineau: Je voudrais peut-être ajouter qu'on ne veut pas
non plus que le débat ne se tienne qu'aux tables sectorielles, en ce
sens que, suite à l'élaboration d'une réglementation
à une table sectorielle, on tient à ce que le règlement
puisse être soumis à un débat public, de sorte que d'autres
organismes... Par exemple, nous, on ne serait pas à la table sectorielle
sur les institutions financières, mais on peut avoir des choses à
dire par rapport à ça, de la même façon que la
Commission des droits peut avoir des choses à dire sur une
réglementation en matière d'emploi. Il faut que ces
règlements, en plus d'avoir force de loi, soient aussi soumis au
débat public, large, et ne demeurent pas seulement l'attribution des
tables sectorielles.
M. Bourdon: J'aurais deux questions. Les dispositions actuelles
du Code civil, qui n'ont pas été promulguées depuis quatre
ans, est-ce qu'elles vous apparaissent suffisantes? Je veux dire, est-ce que le
texte vous apparaît approprié, correct et, d'autre part, est-ce
que ça, d'après vous, ça serait assez, ça plus,
disons, une mesure d'autoréglementation? Autrement dit, est-ce que vous
tenez à une législation précise sur le sujet qui est sur
la table?
Mme Pineau: Nous, on tient à une législation
précise, ça, ça ne fait pas de doute. On est d'accord avec
les dispositions du Code civil adoptées en 1987 mais non encore
promulguées. On profite de l'occasion et on trouve important qu'à
ça soient ajoutés d'autres types d'atteintes à la vie
privée qui, pour nous, sont prioritaires, à tout le moins dans le
domaine de l'emploi, mais ça prend, en plus, un cadre légal et
aussi des mécanismes faciles d'accès aux individus pour faire
reconnaître les atteintes dont ils sont victimes.
M. Bourdon: Si je comprends bien, à l'égard des
dispositions du Code civil, vous trouvez ça approprié mais pas
suffisant. Vous proposez des ajouts.
Mme Pineau: C'est ça. On a spécifié quelques
ajouts, une liste d'ajouts dans notre mémoire...
M. Bourdon: Oui, une liste.
Mme Pineau: ...qui touchaient surtout des problèmes qu'on
rencontre dans les milieux de travail, mais ailleurs aussi.
Le Président (M. Gauvin): M. le ministre de la
Justice.
M. Rémillard: Merci, M. le Président. Mme
Lamontagne et Me Pineau, il me fait plaisir, comme ministre de la Justice, de
vous accueillir à cette commission. Mme Lamontagne, je voudrais aussi
profiter de l'occasion pour vous remercier d'avoir été aussi
membre du groupe de travail interministériel. Vous avez apporté
une contribution qui a été fort appréciée. Je vous
en remercie.
Vous nous avez présenté les grandes lignes
de votre mémoire et avez répondu aux questions de mes
collègues de la commission; je voudrais préciser certains points.
Je vais peut-être continuer en fonction des questions que vient de vous
poser le député de Pointe-aux-Trembles sur ce qui existe
déjà. Donc, dans le projet de loi 125 concernant la
réforme du Code civil, aux articles 35 et 36, on parle du respect de la
vie privée. Alors, vous écrivez dans votre mémoire,
à la page 3: "Ainsi, les mesures proposées dans le projet de loi
125 au chapitre du respect de la réputation et de la vie privée
constituent certes un net progrès, mais pourraient s'avérer
insuffisantes à parer certaines pratiques" Et ensuite, à la page
4, vous énumérez un, deux, trois, quatre, cinq sujets qui, vous
nous dites, devraient être compris dans l'énumération qu'on
trouve déjà dans 35 et 36.
Je me pose des questions parce que... Je me demande s'il serait sage
d'ajouter ces sujets que vous nous proposez, d'une part parce que, vous le
dites vous-mêmes à la page 5 de votre mémoire,
déjà, à la Charte des droits et dans d'autres parties du
Code civil, ces sujets-là sont traités. C'est le cas, par
exemple, pour la fouille d'une personne de même que pour celle de ses
biens ou pour l'écoute électronique qu'on pourrait voir
là. Et, dans ce cas-là, vous savez que la seule façon
d'aller à rencontre de ces droits, ce n'est pas par une simple loi,
parce que, là, selon le Code civil, vous avez ce droit qui est garanti
pour respecter votre vie privée et, s'il y a une loi qui dit que vous
pouvez aller à l'en-contre du respect de la vie privée, par le
fait même, la protection n'existe plus. Je ne sais pas si je me fais bien
comprendre, mais c'est absolu. Alors que, dans la Charte des droits, il faut en
plus que cette loi qui va à rencontre de la vie privée soit
jugée raisonnable et acceptable dans une société libre et
démocratique et, du côté québécois, dans une
formulation quelque peu semblable.
Donc, du côté de la Charte des droits, vous avez plus de
protection que si vous ne le mettiez au niveau du Code civil, et c'est voulu de
par les différents droits qu'on propose. Mais, en plus, dans les deux
derniers sujets que vous nous proposez, vous dites, comme sujet que vous
aimeriez voir garanti, le fait d'exiger d'un individu qu'il se soumette
à un test de polygra-phe, détecteur de mensonge - on a vu, aux
Etats-Unis, dans un exemple fort, fort récent, qui s'est terminé
à la fin de l'après-midi, qu'on a utilisé le
détecteur de mensonge - à une séance d'hypnose ou à
une prise d'empreintes digitales ou de photo d'identification. Est-ce que
ça voudrait dire que vous accepteriez qu'une loi oblige quelqu'un
à se soumettre au détecteur de mensonges, que vous accepteriez
qu'une loi force quelqu'un à se soumettre à une séance
d'hypnose? Les empreintes digitales, c'est autre chose. La photo
d'identification, c'est autre chose. Mais ça me fait
réfléchir beaucoup.
Et, en plus, est-ce que vous accepteriez qu'on fixe des contraintes
à une personne dans le choix du lieu de sa résidence,
étant donné la liberté de circulation? Je ne dis pas
quelqu'un, par exemple, qui doit résider près de son travail et
qui fart donc une convention avec son employeur de venir demeurer près
de son travail. Alors, je m'interrogeais sur ces éléments que
vous aimeriez qu'on incorpore à l'article 36 de la réforme du
Code civil. Ma question est celle-ci: Croyez-vous vraiment que ce serait mieux
protéger la vie privée d'ajouter ces sujets-là que de ne
les laisser comme ils sont présentement, à la Charte des droits
et libertés?
Le Président (M. Gauvin): Me Pineau.
Mme Pineau: La situation actuelle à laquelle on fait face
dans les relations du travail, par exemple en matière de fouille,
malgré toutes les protections dont on serait en droit de
bénéficier en vertu de la Charte - les articles 1, 5, 24.1,
l'article 19 - malgré toutes ces protections-là, à l'heure
actuelle, la plupart des arbitres s'entendent pour permettre les fouilles
à la sortie de l'usine, sur la base que ça fait partie des droits
de gérance de l'employeur, de son droit de vérifier si, par
exemple, les employés ne se rendent pas coupables de vol. Et les
protections complètes devant les tribunaux d'arbitrage de l'ordre de la
Charte s'avèrent, pour le moment, insuffisantes à parer des
pratiques de l'ordre de celles qu'on énumère et qu'on voudrait
voir ajouter.
Pour les examens médicaux, c'est la même chose. En
général, les arbitres vont chercher dans les conventions en quoi
il y a une interdiction de procéder à un examen médical,
au lieu de voir dans la Charte une interdiction en soi de procéder
à l'examen médical. C'est pourquoi on trouve important que ces
atteintes-là à la vie privée s'ajoutent à celles
déjà énumérées et que, comme le
prévoit l'article 35, nulle atteinte ne puisse être portée
à la vie privée sans que la loi l'autorise, donc qu'on puisse
exiger de l'employeur qu'il ait un fondement légal, soit à sa
demande d'examen médical, par exemple, comme c'est le cas dans la Loi
sur les accidents du travail, soit lorsqu'il veut procéder à une
fouille ou lorsqu'il veut procéder à un test de détecteur
de mensonge. Il ne s'agit pas pour nous, évidemment, d'exiger une loi
qui permette le détecteur de mensonge, mais d'empêcher tout
employeur, sur une base purement conventionnelle ou sur la base d'un
règlement d'entreprise, de porter une telle atteinte sans qu'on puisse
lui opposer une interdiction légale et une prohibition légale
claire.
M. Rémillard: Mais, si on prend votre exemple de la
fouille des employés à la sortie de l'usine, qu'est-ce qui vous
empêcherait de contester une telle fouille en vertu de la Charte
québécoise ou de la Charte canadienne, et même de
faire une plainte à la Commission des droits - parce que c'est plus
facile d'accès que la Charte canadienne, où c'est un peu
difficile -qui va faire enquête? Vous l'avez mentionné tout
à l'heure aussi, le rôle de la Commission. À ce
moment-là, le tribunal, si ça va au Tribunal des droits - comme
vous le savez, il existe maintenant un tribunal des droits - va avoir une
certaine discrétion qui va probablement l'amener à discerner s'il
y a abus ou pas. Ne croyez-vous pas que c'est une meilleure protection que de
simplement se référer à la valeur absolue d'une loi, se
référer à la discrétion du tribunal qui peut
apprécier la situation?
Mme Pineau: À l'heure actuelle, évidemment, on en
mène, des batailles. Mais, comme je vous l'ai dit, au niveau des
arbitrages de griefs, souvent, les arbitres, dans la mesure où il existe
une pratique passée dans l'entreprise, vont considérer qu'il est
possible pour l'employeur de procéder à de telles fouilles. Par
ailleurs, le recours systématique à des instances comme le
Tribunal des droits ou à l'arbitrage de griefs n'est pas toujours
possible. Qu'on pense, par exemple - et ça, c'est important aussi -
à tout le champ des travailleurs et travailleuses qui ne sont pas
représentés par un syndicat, à l'heure actuelle, et qui,
éventuellement, sont soumis à ces pratiques-là sans avoir
les ressources d'un syndicat pour mener la bataille concernant la fouille dont
ils sont victimes à la sortie de l'entreprise, ou l'examen psychiatrique
que l'employeur les oblige à passer. C'est dans ce sens-là qu'on
trouve que la ressource de pouvoir dire: Voici, la loi prohibe de telles
atteintes à la vie privée, sauf si vous pouvez vous autoriser
d'une disposition de la loi; montrez-nous dans quelle loi, vous avez le droit
de procéder à une fouille ou en vertu de quelle loi vous vous
autorisez pour exiger un examen médical... (21 heures)
M. Rémillard: J'essaie de comprendre votre raisonnement.
Je le suis, mais ce que j'aimerais vous dire, c'est que, même si vous le
contestez en fonction d'une loi qui existe, vaut mieux essayer de pouvoir se
référer au tribunal pour voir si ce n'est pas abusif. Parce
qu'une loi qui permettrait la fouille d'employés à la sortie
d'usine, vous ne pourriez pas vous référer à cette
loi-là et dire: Bien d'accord, on n'a plus rien à faire. La
Charte des droits est là. Et cette fouille peut être abusive quand
même, jugée par le tribunal abusive quand même. Alors, c'est
pour ça que je ne vois pas, pour ma part, je vous avoue, la
nécessité d'inclure ces sujets-là. J'ai l'impression
qu'ils sont encore mieux protégés s'ils ne sont pas compris dans
la liste de 36 et laissés où ils sont en très grande
partie, en fonction de la Charte.
Le Président (M. Gauvin): Mme Lamontagne.
Mme Lamontagne: Si je comprends bien votre problème, M. le
ministre, c'est que vous dites: En allongeant la liste, on ouvre la porte
à ce qu'il y ait d'autres règlements ou d'autres lois qui fassent
des exceptions à cette liste, alors que, comme, dans la Charte des
droits, le droit est beaucoup plus général mais qu'il est
là, on est mieux de se défendre par rapport à la
Charte.
M. Rémillard: Plus la discrétion, si vous me
permettez, plus la référence à la discrétion du
tribunal...
Mme Lamontagne: Oui.
M. Rémillard: ...soit par des concepts d'abusif, de
rationalité, tous ces concepts-là qui permettent au tribunal de
vérifier si ça se fait correctement.
Mme Lamontagne: Sauf que, concrètement... En tout cas, on
peut y réfléchir à nouveau, sauf qu'il y a toutes sortes
de problèmes. Si on prend les choix de lieu de sa résidence, dans
beaucoup de municipalités, c'est une réglementation qui oblige
les employés de la municipalité à résider dans la
municipalité qui les emploie. Il y a eu des arbitrages sur cette
question-là et ça n'a pas été toujours en notre
faveur. Oui, est-ce que c'est abusif d'exiger ça? Peut-être qu'il
faudrait aller le défendre devant la Charte, mais c'est un recours aussi
qui est assez long et complexe. On parle même de fouille en quittant le
milieu de travail. Moi, j'ai vu un cas où, pour signer une convention
collective, l'employeur voulait qu'il y ait un comité ou voulait que le
syndicat signe une entente pour qu'il y ait des tests de dépistage
arbitraires, au choix de l'employeur, à l'entrée de l'usine, le
matin, au cas où il y aurait des personnes qui soient en état
d'ébriété. C'était assez serré et
c'était en cas de convention collective. On peut peut-être
réfléchir où c'est mieux de prévoir ces droits,
mais il y a un problème réel dans les milieux de travail sur la
question des fouilles, sur la question des tests de dépistage, sur la
question de contraintes qui nous semblent abusives en vertu des droits et des
libertés des salariés qui travaillent.
Le Président (M. Gauvin): Merci, Mme Lamontagne. Mme la
député de Terrebonne.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Sur le même
sujet. Je pense que vous nous dites que, malgré la Charte canadienne des
droits et libertés qui devrait assurer cette protection, malgré
le fait que vous vous retrouviez devant des tribunaux, vous n'avez pas gain de
cause quand même. Vous croyez que, si on ajoutait des précisions
dans l'article 36 du Code civil, le tribunal serait peut-être davantage
favorable, ce serait plus facile pour défendre vos causes,
en tout cas.
Mme Pineau: Oui, ou ça pourrait quand même
éviter le recours aux tribunaux en ce sens qu'on pourrait s'appuyer sur
un texte qui est clair et qui ne laisse pas tellement le choix à
l'employeur.
Mme Caron: Vous avez aussi parlé, dans votre
mémoire, du droit de consentement. Il m'avait semblé constater,
dans d'autres mémoires, que ce droit pouvait être, d'une certaine
manière, suffisant. Vous nous arrivez avec la donnée contraire,
à savoir que, même si la personne consent, ce n'est pas suffisant,
qu'il faudrait que les critères soient beaucoup plus serrés,
qu'on devrait davantage limiter au niveau de la cueillette des données.
J'aimerais vous entendre davantage là-dessus et que vous donniez des
précisions sur les données qu'on devrait pouvoir recueillir. Vous
voulez limiter jusqu'à quel point?
Mme Lamontagne: Sur la limite du droit de consentement, il me
semble que c'est assez évident qu'il y aurait déséquilibre
de force entre... Je l'ai dit tout à l'heure, si, moi, je veux avoir une
assurance-vie, bien, je vais être prête à signer pour qu'ils
puissent aller voir mon dossier médical parce que, si je ne signe pas,
je n'aurai pas d'assurance-vie. Ce n'est pas très compliqué. Si
je veux demander un prêt à la caisse populaire, si je ne signe pas
certains papiers, je n'aurai pas de prêt, ou pour une hypothèque,
etc. La situation est d'autant plus dramatique quand on touche à un
droit majeur qui est le droit au travail. Quand les personnes veulent des
emplois, bon, elles vont en faire, des tests de dépistage; elles vont en
faire, des examens médicaux. Elles vont raconter leur vie. Elles vont
dire si elles ont eu un avortement ou deux avortements, etc. Ça peut
aller jusque-là.
Alors, nous, on dit: Oui, le droit au consentement. C'est évident
qu'il faut conserver ce droit-là, mais il faut aussi tenter de
régler le problème à la source et ne pas permettre
à n'importe qui de cueillir n'importe quelle information. Si je prends
l'exemple de l'emploi, si je cherche un emploi dans n'importe quel secteur, peu
importe que mon employeur sache si j'ai eu un avortement ou combien de maris
j'ai eus, etc., ça n'a aucune pertinence pour le travail. Donc, que
celui qui cueille les renseignements ne puisse pas cueillir ce type de
renseignements quand ce n'est pas pertinent pour les formules que je remplis.
C'est plus important de connaître ma compétence professionnelle
que ma vie personnelle, quand je postule un emploi, etc., dans tous les autres
cas. Donc, oui, le droit au consentement doit demeurer, mais on doit resserrer
les obligations pour ceux qui ramassent les renseignements.
Le Président (M. Gauvin): Oui, Mme Pineau.
Mme Pineau: J'aimerais ajouter qu'une autre des raisons qui nous
amènent à cette conclusion-là, c'est aussi que, dans
l'état actuel des choses, je pense que, pour beaucoup de personnes,
protéger sa vie privée, c'est avoir quelque chose à
cacher. À l'heure actuelle, je pense qu'il n'y a pas vraiment d'habitude
de protection de la vie privée. Les gens sont un peu mal à
l'aise. Ils vont préférer souvent répondre pour montrer
qu'ils sont des gens honnêtes, à qui on peut faire confiance.
Ça aussi, ça nous amène à
préférer une restriction au niveau des données qui peuvent
être recueillies, et ça, c'est un domaine qu'on renverrait
probablement au niveau du contenu de ce qui doit être, de ce qui peut
être demandé, ce qu'il est absolument nécessaire de
demander pour pouvoir fonctionner. Ça devrait être envoyé
aux tables sectorielles, selon nous, cette question-là.
Mme Caron: Vous souhaiteriez donc qu'on trouve des
critères très précis, style formulaire uniforme, de
données qu'on peut demander. Ça m'apparaît bien clair, moi
aussi, que la pression est très forte pour la personne qui veut obtenir
un emploi, qui veut obtenir un prêt. C'est évident que ce n'est
pas juste. C'est sûr qu'elle est prête à donner toutes les
informations voulues; c'est normal, c'est des sujets vitaux pour elle. Donc,
elle va être prête à donner n'importe quelle information
pour obtenir ce qu'elle veut.
Donc, on pourrait, à ces tables-là, limiter les
données et trouver exactement ce qui peut être demandé.
Mme Lamontagne: Bien, c'est peut-être fixer le cadre de ce
qui peut être demandé selon le besoin. Si c'est un employeur,
c'est lié à l'emploi, aux compétences, a la formation, je
prends cet exemple-là. Moi, je ne crois pas, en tout cas sans avoir
réfléchi plus, qu'il faille penser à des formulaires
précis. Peut-être devrons-nous en arriver là. Il y a des
baux types qui existent. Alors, peut-être pourrait-il y avoir des
formulaires types pour quand tu fais une demande d'emploi. Déjà,
même les formulaires de demande d'emploi doivent être
revisés en fonction des droits et de la discrimination. Alors,
peut-être qu'on peut en arriver là. Mais, minimalement, fixer un
cadre de quel type de renseignement peut être cueilli par qui.
Mme Caron: Est-ce que vous ajouteriez, comme mesure, une campagne
d'information? Parce que, même si on limite, au niveau des employeurs
tout comme au niveau des employés, ce n'est pas évident que tout
le monde va avoir cette connaissance et qu'on va continuer quand même
à poser certaines questions. Est-ce que ce serait assorti d'une campagne
d'information, comme semblaient le souhaiter les associations de
consommateurs?
Mme Lamontagne: Oui. La promotion des droits et libertés,
la promotion de la vie démocratique et de pouvoir avoir le respect de sa
vie privée et la protection de sa vie privée, c'est un droit et
un acquis dans une démocratie. Comme le disait Anne, tout à
l'heure, refuser de donner un renseignement, d'abord, il faut être
très, très déterminé pour faire ça.
Deuxièmement, tout de suite, c'est comme créer le sentiment qu'on
a quelque chose à cacher. Alors, c'est comme si, déjà, tu
es coupable en partant si tu refuses de donner une information, même si
c'est par respect pour toi-même, mais, déjà, il y a un
sentiment de culpabilité qui se développe. Alors, oui, il faut
faire une promotion que, protéger sa vie privée, c'est normal,
correct. Une promotion des droits et libertés, oui.
Mme Caron: Est-ce que vous pensez que l'afficheur, au niveau des
téléphones, pose problème à l'atteinte des droits
de la vie privée?
Mme Lamontagne: On est intervenu avec la Ligue sur cette
question-là. C'est sûr que si, moi, j'appelle chez Eaton pour
demander un renseignement et qu'ils ont mon numéro, oui, ça pose
un problème à l'atteinte de la vie privée. Ça peut
entraîner, par exemple, le harcèlement de telle compagnie, ou la
vente sous pression, etc. C'est sûr, oui.
Le Président (M. Gauvin): Étant donné que le
temps du côté ministériel est épuisé, est-ce
que j'aurais consentement pour permettre au député de Chapleau
une petite question?
M. Kehoe: Seulement une courte question, M. le
Président.
Le Président (M. Gauvin): M. le député de
Chapleau.
M. Kehoe: Dans votre troisième recommandation, vous dites
que le Québec, dans cette loi, devrait interdire la transmission de
données hors Québec lorsque les droits des personnes ne peuvent
être garantis. Dans la plupart des autres provinces ou des États,
aux États-Unis, lorsqu'on fait affaire, que les données sont
transmises dans ces juridictions-là, si je comprends bien, le
régime d'autoréglementation est en vogue. C'est plutôt
ça que la législation... Comment, à ce moment-là,
par cette recommandation, est-ce que vous interdisez toute transmission de
données à ces juridictions-là, où il n'y a pas une
législation semblable à la nôtre?
Mme Lamontagne: Ce n'est pas qu'il n'y ait pas une
législation semblable, mais il faut avoir une garantie que dans les
renseignements transmis, les droits de la personne sont respectés. On
tait allusion, entre autres, dans un des textes...
Le problème se pose déjà entre la Communauté
européenne et le Canada où, dans la Communauté
européenne, il y a des législations beaucoup plus
sévères. L'exemple qui nous était donné, c'est la
transmission des listes de passagers des avions; alors qu'ici c'est permis,
là-bas, en Allemagne, entre autres, ce n'est pas permis. Alors,
là, déjà il y a eu des plaintes faites à ce
sujet-là. Alors, nous, on ne dit pas que toutes les autres provinces
doivent avoir les mêmes législations, mais il doit y avoir des
garanties que les renseignements qui sont promulgués respectent les
droits de la personne, sont confidentiels et sont traités correctement.
Je ne sais pas si...
M. Kehoe: Étant donné le régime
d'autoré-glementation dans les autres juridictions canadiennes, est-ce
que ça sera suffisant pour protéger?
Mme Lamontagne: Je ferai les mêmes remarques que j'ai
faites sur... L'autoréglementa-tion nous apparaît insuffisante,
mais il faudrait voir dans le détail quel type de renseignement, dans
quelle province, quelle sorte de règlement ils ont, pour que je puisse
répondre avec précision à cette question. Globalement, je
dirais que c'est insuffisant, le régime d'autoréglementation,
mais il faudrait y voir plus dans le détail. Je ne sais pas si
Anne...
Le Président (M. Gauvin): Est-ce qu'il y a d'autres
questions de la part des membres de la commission?
Une voix: Non, ça va.
Le Président (M. Gauvin): Je pense que ça semble
complet. À ce moment-ci, M. le ministre, avez-vous quelque chose
à ajouter?
M. Cannon: Je voudrais simplement remercier Mme Lamontagne et Me
Pineau d'être venues nous voir. J'espère qu'on aura le plaisir de
se revoir.
Le Président (M. Gauvin): J'aimerais remercier les
représentants de la Fédération des syndicats nationaux,
justement, d'avoir participé à cette commission, au nom des
membres de la commission...
Une voix: De la Confédération.
Le Président (M. Gauvin): Oui, la
Confédération. Excusez-moi... d'avoir participé. Encore
une fois, on s'excuse d'avoir un peu bouleversé l'horaire prévu.
Nous vous remercions. On va suspendre temporairement, quelques secondes les
travaux, pour permettre aux représentants du Barreau du Québec de
prendre place.
(Suspension de la séance à 21 h 15)
(Reprise à 21 h 16)
Le Président (M. Gauvin): Nous reprenons nos travaux.
À nouveau, nous souhaitons la bienvenue au représentant du
Barreau du Québec, Me Marc Sauvé, que j'invite à faire la
présentation au nom de son groupe. Vous avez 20 minutes à votre
disposition.
Barreau du Québec
M. Sauvé: D'accord. Merci, M. le Président. Merci,
MM., Mmes les membres de la commission. Alors, comme vous le savez, le Barreau
a comme principal mandat celui de la protection du public. C'est donc à
la lumière de ce mandat de protection du public qu'il faut
interpréter notre démarche devant la commission. Le Barreau a cru
prématuré de prendre position sur chacune et toutes les
recommandations du Comité interministériel. Alors, on s'est
plutôt limité ou arrêté sur des grandes orientations
qui devraient guider le législateur dans la législation à
venir. Je ne vous ferai pas l'injure de vous lire le texte. Sauf avis
contraire, je pense que vous savez lire comme moi, même entre les lignes.
Je vais essayer de vous faire une espèce de synthèse de ce
document qui est déjà assez synthétique en
lui-même.
Le comité du Barreau croit que le cadre législatif
à venir sur le sujet devrait s'articuler comme suit. Il devrait, dans un
premier temps, y avoir des normes générales concernant la
protection de la vie privée. Ces normes-là pourraient très
bien, selon l'avis du comité ou les membres du comité, être
incorporées au Code civil. C'était l'avis majoritaire des membres
du comité. Donc, des normes générales portant sur la
protection de la vie privée, eu égard à l'utilisation de
renseignements personnels, qui pourraient très bien être
incorporées au Code civil. Dans un premier temps, donc, des normes
générales.
Dans un deuxième temps, on pense évidemment qu'il doit y
avoir une loi d'application. D'accord? Dans le Code civil, on ne voit pas la
nécessité ou on ne trouverait pas ça approprié
d'introduire les mécanismes d'application ou les recours, mais pour ce
qui est de la loi d'application comme telle, on y retrouverait les recours aux
infractions des normes générales qu'on jugerait opportun
d'incorporer au Code civil. Donc, les recours aux infractions ainsi que leur
modalité d'application pourraient très bien se retrouver dans une
loi d'application.
En troisième lieu, il y aurait toute la question de la
réglementation sectorielle. Alors, c'est de cette façon que le
Barreau pense que devrait s'enligner la charpente législative et
réglementaire concernant la protection de la vie privée eu
égard aux renseignements personnels détenus dans le secteur
privé.
Alors, si je prends chacun de ces aspects-là, pour ce qui est des
normes générales, elles existent dans le projet de loi 125; ce
sont les articles 35 à 41. Les membres du comité som très
satisfaits de ces dispositions-là. Par contre, il y aurait probablement
lieu de les bonifier. On suggère, en particulier, des amendements
à l'article 36 du Code civil. On dit: La vente de banques de
données à des tiers sans le consentement des personnes
fichées pourrait constituer une violation de la vie privée, telle
que prévue à l'article 36 du Code civil projeté. Alors,
c'est une disposition qu'on pourrait ajouter à l'article 36 du projet de
loi 125.
Maintenant, évidemment, il pourrait y avoir d'autres normes. On
souligne, en particulier, une difficulté en ce qui a trait à ce
qu'on considère être le droit à l'information. Le droit
à l'information, c'est intéressant. Ça suppose, par
contre, que l'on connaît qui sont les détenteurs d'informations
nominatives à notre sujet, et ça, ça pose
évidemment tout un problème. On souligne ça a la page 6 de
notre mémoire: En ce qui a trait aux droits à l'information et
à la contestation, un problème de taille devra être
solutionné. Pour faire respecter son droit à la vie privée
et à sa réputation, il est évidemment nécessaire de
connaître les personnes qui détiennent ces informations
personnelles à notre sujet. Alors, de quelle façon peut-on
connaître l'identité de ces personnes ou entreprises? Quels moyens
avons-nous pour rectifier ou corriger des informations personnelles qui sont
détenues à notre sujet si on ignore qui détient ces
informations et quelles sont ces informations, justement? Alors, ça,
c'est quand même une question importante, tout à fait pratique.
C'est bien beau de parler de droit de rectifier les informations, de droit
à l'information, mais il faut vraiment identifier les gens, justement,
ou les entreprises, les intervenants qui détiennent ces
informations-là. Alors, on disait, nous, en réponse à
cela, que, pour des raisons d'efficacité et de faisabilité, on ne
croit pas qu'un fichier général des fichiers constituerait une
avenue praticable pour solutionner la question. Alors, on pense, nous, au
contraire, que chaque entreprise importante ou de grande taille visée
par la législation devrait avoir une personne responsable de la gestion
des banques de données. Alors, sur demande, une personne fichée
pourrait obtenir son dossier et prendre connaissance des informations qui y
sont consignées Ces entreprises devraient aussi constituer un
mécanisme interne d'examen des plaintes qui pourrait être
utilisé avant de recourir à un intervenant extérieur. Par
contre, ces obligations-là pourraient être onéreuses pour
de petites entreprises. Alors, c'est dans ce cas-là qu'il faudrait
favoriser le règlement des plaintes par secteur d'activité pour,
justement, ces petites entreprises-là. C'est ce qui est mentionné
à l'article 7. On mentionne aussi que, si un conflit intervenait entre
une entreprise et un justiciable, la Commission d'accès à
l'information pourrait avoir autorité pour soumettre la cause aux
tribunaux de droit commun, avec le consentement du justiciable.
Ça aussi, c'est mentionné à la page 7.
Donc, dans un premier volet de la législation, il faudrait
incorporer des normes générales dans le Code civil. Nous croyons
que c'est un bon endroit pour y apposer ces normes générales.
Dans un deuxième temps, on pense évidemment à une loi
d'application. D'abord, on doit souligner évidemment qu'en l'absence de
recours ou de sanctions précises seuls les recours
généraux en responsabilité civile ou en injonction
pourraient être intentés pour faire respecter les principes du
Code civil. Alors, il faut donc une loi particulière pour prévoir
des mécanismes de correction et de redressement ainsi que leur
procédure d'application. Est-ce que cette loi d'application devrait
être incorporée à la loi actuelle d'accès aux
documents des organismes publics? Théoriquement, oui, mais, de l'avis
des membres du comité, c'est une loi qui est déjà
passablement complexe. C'est un joyeux micmac, cette législation. On
pense que d'y ajouter d'autres dispositions pourrait la rendre à peu
près incompréhensible. Alors, c'était là l'avis des
membres de mon comité sur la protection de la vie privée.
Maintenant, en ce qui a trait à la réglementation
sectorielle, on souscrit au principe d'autoréglementation sectorielle.
De toute façon, l'autoréglementation, ça semble être
plutôt à la mode, de ce temps-ci. Dans le secteur financier, par
exemple, c'est mur à mur, l'autoréglementation des institutions
financières. Ça ne veut pas dire que les institutions peuvent
faire ce qu'elles veulent. On pense évidemment que le gouvernement doit
chapeauter et surveiller tout ça. On pense surtout que cette
réglementation-là doit avoir force obligatoire. Il ne doit pas
s'agir simplement d'une directive ou d'un code de pratique qui n'aurait aucune
force obligatoire. Finalement, on juge absolument essentiel que le public soit
véritablement consulté avant la mise en vigueur de ces
règlements puisqu'il est le premier concerné aussi dans
l'élaboration de ces normes sectorielles.
C'est, en gros, l'orientation que le Barreau voudrait voir donner
à cette législation à venir. On sera évidemment
heureux de formuler des observations beaucoup plus détaillées sur
le texte législatif qui sera éventuellement proposé.
Vous avez peut-être des questions à poser. Je vais essayer
d'y répondre. Maintenant, n'étant pas un spécialiste dans
ce domaine, si je ne puis y répondre, je vais quand même les
prendre en note et acheminer les réponses éventuellement à
la secrétaire de la commission.
Le Président (M. Gauvin): Prenant en considération
ce que vous venez d'ajouter, on va demander à M. le ministre s'il aurait
des questions à poser.
M. Cannon: Merci, M. le Président. Merci,
Me Sauvé, d'être là ce soir, merci de votre
présentation. J'ai noté que, dans la présentation de votre
document, vous insistez sur le fait que le Québec s'inspire des lignes
directrices de l'Organisation de coopération et de développement
économique concernant le flux transfrontalier des données
à caractère personnel. D'ailleurs, vous relatez quelques
éléments qui font en sorte que le Québec doit s'y
conformer. Vous parlez aussi de la nécessité que la loi sur
laquelle nous voulons travailler, la loi d'application, prévoie les
recours et les sanctions. Le pouvoir de réglementation est donc
nécessaire. Vous accordez à la Commission d'accès à
l'information, à l'Office de la protection du consommateur et à
la Commission des droits de la personne un intérêt légal.
Après avoir entendu votre déclaration, je suis presque
tenté de vous demander simplement si vous croyez que les
législateurs devraient extensionner ou appliquer la loi de
l'accès à l'information, celle que nous connaissons
présentement dans le secteur public, et simplement l'extensionner au
secteur privé.
M. Sauvé: D'abord, est-ce que ce serait suffisant
d'extensionner la loi qui existe actuellement? Première question. En
pratique, est-ce qu'on peut le faire? Est-ce qu'elle ne présente pas
certaines difficultés? Les commentaires que j'ai eus dans mes
comités étaient que cette loi était déjà
très difficile d'application et que ce n'était peut-être
pas le modèle à suivre pour ce qui est du secteur privé.
Je pourrais m'en référer à des gens. Justement, Bill
Atkinson, qui devait être ici ce soir, a une partie de sa
clientèle dans ce secteur. Il aurait pu vous éclairer
là-dessus. Moi, le son de cloche que j'ai eu là-dessus, c'est que
cette législation n'est pas très claire. Je ne suis pas certain
que ce soit le bon squelette sur lequel il faudrait mettre de la viande.
Le Président (M. Gauvin): M. le ministre.
M. Cannon: Peut-être une autre question. À la page
6, vous indiquez: "Un processus général d'attribution et de
renouvellement de permis d'opération de banques de données - nous
voilà justement toujours au chapitre de la loi d'application - nous
apparaît ni nécessaire, ni efficace. Nous craignons que
l'attribution d'un permis ne constitue qu'une justification à la
non-intervention des pouvoirs publics. Une série de sanctions
pénales ou amendes ou des dommages exemplaires constituerait
probablement une meilleure approche." Et, plus loin, vous dites que "le
mécanisme de permis pourrait cependant être envisagé pour
des secteurs spécifiques". Vous partez donc du plus
général au plus particulier et vous indiquez ici que... À
titre d'exemple, vous parlez du secteur des agences de crédit ou de
celui des compagnies d'assurances. Je présume donc que votre approche en
serait une plus sectorielle. J'ai à vous poser la même
question
que je posais, tout à l'heure, aux représentantes de la
CSN, à savoir: Par quel secteur devons-nous commencer? Est-ce que, selon
vous, le secteur prioritaire serait les agences de crédit, les
compagnies d'assurances, bref les institutions financières ou est-ce que
nous devrions envisager une portée encore plus étendue quant
à la protection des renseignements? (21 h 30)
M. Sauvé: Je pense que ce qui ressortait de nos quelques
réunions a ce sujet-là, c'était vraiment d'identifier les
secteurs qui posent le plus de difficultés et c'étaient,
justement, les agences de crédit et les compagnies d'assurances.
C'était vraiment ça qui ressortait constamment de nos
discussions. Non pas parce qu'il n'y a pas de problème ailleurs, mais
ceux qui étaient le plus fréquemment décriés
s'attachaient justement à ces institutions-là. Alors, la
priorité semblait se diriger vers ça, oui.
M. Cannon: Vous avez également affirmé, dans votre
mémoire, que la progression incontrôlée de
l'informatisation des renseignements nominatifs et l'automatisation des
décisions sur les individus peuvent être
génératrices de préjudices pour les personnes qui en font
l'objet. Pourriez-vous nous saisir de quelques exemples de ce que vous vouliez
signifier par cela?
M. Sauvé: Bien, écoutez, il y a eu
récemment, à notre télévision d'État, le
film "Joseph K". Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de le suivre.
M. Cannon: Oui, nous avons tous noté ça
aujourd'hui.
M. Sauvé: Oui, j'imagine. Là-dedans, on voyait
très clairement un individu qui était fiché,
catalogué. Un employeur éventuel avait des informations sur lui
et ces informations étaient de nature à lui faire perdre un
droit, le droit à un travail, le droit d'accéder au marché
du travail. L'individu en question n'avait aucun moyen, d'abord, de savoir de
quelles informations il s'agissait, qui vraiment les détenait, qui
était celui qui était en mesure de les vendre ou de les
céder et quelles étaient ces informations pour pouvoir les
redresser éventuellement ou les contester. Alors, c'est à
ça qu'on fait allusion. On fait allusion à des informations qui
peuvent faire perdre des droits ou préjudicier les individus, et
ça, on trouve que c'est inadmissible dans une société
démocratique. C'est pour ça que ça doit être
dénoncé. C'est pour ça qu'il doit y avoir des
législations concrètes pour redresser la situation.
M. Cannon: Si je mets de côté, Me Sauvé, ce
témoignage que nous avons vu avec l'Office du film, à votre
connaissance et à la connaissance des gens du Barreau, y a-t-il beaucoup
de cas semblables au cas qui a été relaté?
M. Sauvé: II n'y a pas eu d'enquête de faite
vraiment là-dessus. On peut soupçonner que oui, mais on ne peut
pas appuyer ce qu'on vous dit sur des chiffres, sur des statistiques. Mais on
peut très certainement penser que les employeurs font ce genre
d'enquête là, forcément, et qu'effectivement il y a des
individus qui subissent les contrecoups de ce commerce d'information.
Malheureusement, on n'a pas de données statistiques à vous
fournir à ce sujet-là, mais on pense que, dans le monde
d'aujourd'hui, c'est tout à fait concevable que ce genre de choses
là arrive fréquemment.
M. Cannon: O.K. D'accord, merci.
Le Président (M. Gauvin): M. le député de
Pointe-aux-Trembles.
M. Bourdon: On parle du personnage du film qui ignore ce qu'on
sait de lui. Moi aussi, ça m'a frappé. Le premier droit d'une
citoyenne ou d'un citoyen, c'est sans doute de savoir ce que les autres savent
de lui. Or, avant vous, il y a la firme Équifax qui a
témoigné devant nous, un excellent témoignage, mais ce qui
en est ressorti, c'est une donnée qu'on nous a apportée. C'est
que, sur quelque chose comme 4 500 000 adultes fichés au plan du
crédit, il y en a 2300 par mois qui demandent leur fiche de
crédit et la loi de protection des consommateurs... Et la firme, dans
son cas aussi, il y a une disposition qui va même au-delà de la
loi, parce qu'on reconnaît à la personne le droit de faire
corriger une information, ce qui est au-delà de ce que la loi
prévoit. Est-ce que vous ne pensez pas qu'une législation
éventuelle devrait permettre que les gens aient, d'une certaine
façon, automatiquement accès à leur fiche de
crédit, pour donner cet exemple-là, peut-être par
l'intermédiaire de l'institution financière qui l'a obtenue et
qui pourrait la transmettre au client que ça concerne? Est-ce que vous
pensez que c'est une piste qui pourrait être explorée?
M. Sauvé: Écoutez, encore là, il faut
regarder les impacts pratiques. En pratique, qu'est-ce que ça signifie?
Est-ce que ça veut dire qu'il y a des tonnes de documents qui vont
circuler à gauche et à droite et que n'importe qui va pouvoir
faire n'importe quoi sur des documents? C'est délicat, cette question
d'avoir accès à tous les documents. C'est beau de pouvoir le
mettre dans un texte législatif, le droit à l'information, le
droit d'avoir accès à certains documents, mais encore faut-il que
ce soit praticable. C'est là qu'il faut réfléchir à
des modalités d'application. Le droit, tout le monde peut en convenir,
mais, en pratique, comment peut-on imaginer que ça puisse se faire
facilement?
M. Bourdon: Un exemple que je pourrais vous donner: une personne
demande un emprunt à une institution financière. Elle
reçoit généralement après, en vertu de la loi de la
protection du consommateur, une copie conforme du contrat qu'elle a
signé et des conditions. Si l'institution financière a eu une
fiche de crédit, elle pourrait la photocopier et la mettre avec. Je ne
nie pas qu'il faille faire quelque chose de faisable, mais, quand je regarde ce
que je n'ai pas demandé et que je reçois chez moi de tout ordre
qui me renseigne sur le prix du poulet dans tous les supermarchés, je me
dis qu'il y aurait moyen de trouver cette modalité-là. Parce que,
sur les choses que je ne veux pas savoir, je vais vous dire, j'en reçois
beaucoup.
M. Sauvé: Écoutez, c'est certain qu'on peut
difficilement être contre ça, surtout si on arrive à
trouver des modalités pratiques. La question, peut-être si on
élargissait un peu, du droit à l'information pose
évidemment tout le problème de savoir qui détient
l'information. Imaginez un peu... En pratique, peut-on obliger toute personne
qui détient des informations nominatives sur une autre personne à
informer la personne visée? Ça n'a pas de bon sens. Que votre
grand-mère ait les cheveux blancs ou gris, ça pourrait être
une information nominative. Qu'est-ce qu'il va en faire? S'il fallait que tout
le monde soit obligé d'en aviser les personnes visées, ça
n'aurait pas de bon sens. C'est pour ça qu'on pense qu'édicter,
dans la législation, de beaux principes, c'est intéressant, mais
il faut toujours avoir à l'esprit les modalités d'application, le
caractère pratique pour ne pas se tirer dans le pied inutilement et
créer des litiges qui ne mènent à rien. Alors, avoir une
approche plus pragmatique et non pas partir de principes qui, dans les faits,
s'avèrent plus ou moins praticables.
M. Bourdon: À la fin de la page 5 de votre mémoire,
au dernier paragraphe, vous dites: "On propose d'accorder à la
Commission d'accès à l'information l'intérêt
légal pour ester en justice au nom d'un justiciable en cas d'infraction
aux articles 35 à 41 du Code civil projeté. Cet
intérêt pour intervenir pourrait être étendu à
d'autres organismes, comme par exemple l'Office de la protection du
consommateur ou la Commission des droits de la personne. Ces organismes, sur
réception d'une plainte, pourraient faire enquête et
décider de poursuivre ou non. Ils devraient aussi, croyons-nous, pouvoir
enquêter et poursuivre de leur propre initiative. "
Ne trouvez-vous pas que c'est un peu compliqué et que, s'il y
avait trois organismes qui, de leur propre initiative, enquêtaient sur la
même chose, on pourrait se retrouver avec une situation inutilement
compliquée?
M. Sauvé: Très probablement qu'il y aurait
confusion peut-être, éventuellement, des inter- venants. Ce qu'on
voulait dire, c'est qu'il faudrait au moins qu'il y en ait un, mais un
organisme qui puisse intervenir au nom de la population et pour son
bénéfice. Au moins un. Effectivement, si on suit cette logique,
l'abondance d'intervenants n'est peut-être pas appropriée.
Le Président (M. Gauvin): Merci, M. le
député de Pointe-aux-Trembles. S'il n'y a pas d'autres questions,
il nous resterait... Oui, excusez-moi, Mme la députée de
Terrebonne.
Mme Caron: Oui, M. le Président. Dans votre
mémoire, en page 4, vous proposez, vous aussi, tout comme les deux
intervenantes précédentes, d'ajouter, à l'article 36 du
Code civil qui est présentement étudié en sous-commission,
"la vente de banques de données à des tiers sans le consentement
des personnes fichées". Est-ce que vous croyez qu'il est
nécessaire d'ajouter également ce que les intervenantes
précédentes de la CSN nous ont proposé, au même
article 36, c'est-à-dire la fouille d'une personne et le fait d'exiger
qu'un individu se soumette à un examen médical? Est-ce que vous
croyez que ce serait utile d'ajouter ça, en plus de votre
proposition?
M. Sauvé: Écoutez, le Barreau du Québec a
actuellement - d'ailleurs, si le ministre de la Justice était ici, il
pourrait en témoigner lui-même - des négociations soutenues
avec les légistes et le gouvernement sur la réforme du Code
civil. Je peux difficilement répondre oui ou non sans faire
référence aux personnes qui s'occupent de ça. Ce que je
vais faire, c'est que je peux prendre en note cette question-là et puis
vous acheminer la réponse éventuellement, à savoir si
d'autres comités du Barreau, au sujet de la réforme du Code
civil, ont jugé opportun de le faire. Mais ce serait délicat,
pour moi, de...
Mme Caron: Je trouverais ça intéressant parce
qu'à date on n'a pas eu de recommandations de ce type-là. Je suis
membre de la sous-commission qui travaille sur la réforme du Code civil.
L'entente qu'on a, c'est qu'on peut rouvrir n'importe quel article à
n'importe quel moment. Je pense que ce serait peut-être
intéressant que le Barreau se prononce sur cette proposition de la CSN
d'ajouts à l'article 36.
M. Sauvé: Pouvez-vous juste, pour mes fins, en quelques
mots, répéter la question, rapidement?
Mme Caron: Est-ce que vous croyez qu'il serait utile d'ajouter,
en plus de la proposition que vous faites en page 4, à l'article 36, la
fouille d'une personne, de même que celle de ses biens... Je pourrais
peut-être vous donner une photocopie. Ce serait peut-être plus
simple.
M. Sauvé: Absolument. Oui, d'accord.
Mme Caron: II y a quand même cinq points. M.
Sauvé: Parfait.
Le Président (M. Gauvin): Est-ce qu'il y a d'autres
questions du côté ministériel? M. le député
de Chapleau.
M. Kehoe: M. le Président. J'aimerais demander...
Nécessairement, s'il y a une législation, s'il y a une loi
adoptée, il va y avoir des contestations devant les tribunaux. Que ce
soient des tribunaux de droit commun ou... C'est ça, ma question: Est-ce
que vous pensez que le recours devrait être devant un tribunal
administratif qui pourrait développer une certaine expertise dans ce
domaine-là ou si les tribunaux de droit commun actuels pourraient
entendre ces causes-là?
Le Président (M. Gauvin): M. Sauvé.
M. Sauvé: Oui...
Le Président (M. Gauvin): Me Sauvé.
M. Sauvé:... là-dessus, peut-être que la
création de tribunaux administratifs... On pense qu'il y a
déjà suffisamment de tribunaux administratifs et que d'ajouter de
nouveaux organismes... Peut-être qu'il faudrait se débrouiller
avec ce qui existe déjà. Je pense que ce serait plutôt
ça, l'approche qui serait suivie, mais, à ma connaissance,
à ma souvenance en tout cas, ce n'est pas une question sur laquelle on a
réfléchi plus longtemps qu'il ne le faut. Je pense qu'on
n'était pas très chaud à créer de nouveaux
organismes par-dessus ceux qui existent déjà.
Le Président (M. Gauvin): Monsieur... Est-ce que, M. le
ministre, vous avez des choses à ajouter en conclusion?
M. Cannon: Non. Sauf, en conclusion, remercier Me Sauvé
d'avoir sauvé le Barreau, finalement...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Cannon:... et d'avoir échangé avec nous.
Aussi, je note sa collaboration à nous fournir des renseignements
supplémentaires si jamais le besoin se faisait sentir. Merci.
Le Président (M. Gauvin): Au nom de la commission,
j'aimerais aussi vous remercier d'avoir présenté ce
mémoire au nom de votre groupe, le Barreau du Québec. C'est ce
qui met fin aux travaux de la commission des institutions. La commission
ajourne ses travaux au mercredi 23 octobre, à 20 heures. Merci.
(Fin de la séance à 21 h 45)