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Version finale

33rd Legislature, 1st Session
(December 16, 1985 au March 8, 1988)

Wednesday, November 25, 1987 - Vol. 29 N° 80

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Examen des orientations, des activités et de la gestion de la Commission des droits de la personne


Journal des débats

 

(Neuf heures quarante-deux minutes)

Le Président (M. Filion): À l'ordre, s'il vous plaît!

Alors cette séance de la commission des institutions a pour but de poursuivre nos travaux d'examen des orientations, des activités et de la gestion de la Commission des droits de la personne. Nous en sommes à l'étape des consultations particulières où certains groupes et organismes viennent devant les membres de la commission exposer leur point de vue à la suite du questionnaire qui fut préparé par la commission et qui leur fut envoyé.

Consultations particulières

Pour le bénéfice des représentantes du Comité provincial des malades, à qui je souhaite la plus cordiale des bienvenues, je rappellerais un peu nos règles du jeu, à savoir, une période d'environ quinze minutes pour permettre au comité de nous présenter son mémoire, suivie d'une période d'environ 45 minutes pour permettre des échanges avec les membres de la commission.

Je vous rappellerais, ainsi qu'aux autres groupes, que les membres de la commission ont déjà reçu votre mémoire, qu'un sommaire même de votre mémoire a déjà été préparé par les personnes qui nous assistent dans ce travail d'examen. Donc, la période la plus productive, si l'on veut, est généralement la période d'échanges avec les membres de la commission.

Sans plus tarder, je demanderais aux représentants du Comité provincial des malades de bien vouloir s'identifier.

Comité provincial des malades

Mme Forget (Lucie): M. le Président, MM. les députés, je m'appelle Lucie Forget, Je collabore avec le Comité provincial des malades depuis bientôt neuf ans. Je suis accompagnée par Mme Michèle Lamquin qui est directrice du Comité provincial des malades depuis l'hospitalisation de M. Claude Brunet.

Nous sommes très heureuses d'avoir été invitées à participer à cette commission parlementaire pour vous parler de notre expérience de la Commission des droits de la personne touchant la protection des droits fondamentaux des malades. Comme M. le président vient de le rappeler, vous avez tous en main copie de notre mémoire. Alors, à cause des limites de temps, je me bornerai donc à en faire ressortir les points essentiels.

Vous savez, les malades sont parmi les personnes les plus fragiles dans notre société, ils sont affaiblis physiquement et psychiquement par la maladie et ils sont fortement dépendants des soins et services d'un hôpital pour satisfaire à leurs besoins les plus élémentaires. Cette situation de dépendance est encore plus marquante pour les personnes confinées à longueur d'année dans un centre d'accueil ou dans un hôpital de soins prolongés. À cause de cette vulnérabilité, les malades n'ont souvent pas la force ou l'énergie de protester et d'entreprendre des démarches de toutes sortes lorsque leurs droits sont lésés ou ils n'osent pas le faire de peur qu'il n'y ait des représailles ou que leur situation n'empire.

Il y a des exceptions. Oui. Mais ces malades qui nous paraissent si forts finissent par être usés et minés à la suite de ces luttes qu'ils mènent pour défendre leurs frères malades et de la misère qu'on leur fait. O'où l'urgente nécessité qu'il y ait un organisme pour prendre la défense des droits fondamentaux des malades. Mais pas n'importe lequel organisme.

Si les malades sont pour être protégés de façon efficace, un tel organisme doit satisfaire à plusieurs critères. Je les énumère tout de suite ici, car ils sont à la base de notre évaluation de la Commission des droits de la personne.

Intervention rapide. L'organisme doit pouvoir intervenir rapidement. Dans le cas de malades, c'est particulièrement important. Lorsque leurs droits sont lésés, c'est peut-être leur vie même, leur santé ou ce qu'il leur en reste qui sont en cause.

Mandat unique. Le mandat de cet organisme doit être unique. Cela est capital. On élimine de ce fait les situations de conflit d'intérêts ou d'arbitrage entre les droits des uns et les droits des autres, d'où les malades, à cause de leur faiblesse - l'expérience nous le démontre - sortent presque toujours perdants. On évite la formation d'une grosse bureaucratie avec toutes ses lenteurs et ses rigidités. On favorise une meilleure connaissance des malades et de leur condition particulière, partant, la prise de décisions plus juste, des décisions plus rapides aussi, au fur et à mesure que l'on acquiert l'expérience ou, si l'on veut, que l'on développe une jurisprudence.

Indépendance des influences politiques ou idéologiques. I! est également important que l'on crée les conditions pour que cet organisme soit indépendant de toute influence politique ou idéologique et son pouvoir doit être exécutoire.

Proche des malades. Cet organisme doit aussi être proche des malades, c'est-à-dire qu'il doit être constitué de personnes qui connaissent bien les malades, qui les comprennent, qui sont motivées à les aider et qui placent leur bien-être au-dessus de toute considération personnelle. Si on ne respecte pas ces critères, la protection des droits des malades est purement illusoire. Notre

expérience des droits de ta personne en est une bonne illustration. Je résumera! cette expérience sur les trois têtes de chapitre utilisées dans notre mémoire.

Remise en question du droit du malade à recevoir les soins intimes d'une personne de son sexe par respect de sa pudeur et de sa dignité. On parle souvent de dignité humaine dans notre société, mais cela demeure purement théorique si, dans les situations concrètes, on ne considère pas la personne comme une fin en soi avec son échelle de valeur. Pour de nombreux malades, la pudeur, c'est une valeur profonde qui fait partie de leur dignité, de l'estime qu'ils ont d'eux-mêmes. C'est par respect de leur dignité qu'ils demandent que les soins intimes leur soient donnés par une personne de leur sexe.

C'est en 1978 que le président du Comité provincial des malades commençait à formuler de nombreuses plaintes de malades au sujet du non-respect de ce droit. Entre autres démarches, il a approché la Commission des droits de la personne. Celle-ci émettait, en novembre 1978, un avis reconnaissant que le droit du malade à recevoir les soins Intimes d'une personne de son sexe découle de son droit fondamental au respect de sa dignité et de sa vie privée. Mais, dans son cahier 8 sur la sexualisatlon des postes publié en décembre 1984, la commission renverse cette décision. Elle y traite de la pudeur comme un préjugé et elle suggère que cette exigence des malades soit satisfaite seulement s'ils perturbent le service. En émettant ces nouvelles directives, la commission a ignoré le Comité provincial des malades qui avait été à l'origine de son avis de 1978. Il ne semble pas non plus qu'elle en ait discuté avec les autres organismes de santé. Le Comité provincial des malades a dû consacrer des centaines d'heures de ses maigres ressources humaines pour faire modifier ces directives. Ce n'est qu'au bout d'un an et demi, en avril 1986, que tous les efforts du CPM ont amené la Commission des droits de la personne a reconnaître les droits du malade à recevoir les soins intimes d'une personne de son sexe. Cela relève presque de la tragi-comédie que le Comité provincial des malades ait dû consacrer tant d'énergies à combattre la décision d'un organisme qui a été créé pour défendre les droits fondamentaux de la personne.

Réponse de la Commission des droits de la personne à l'appel à t'aide des malades: Ce n'est pas un cas de discrimination.

Il y a deux ans, un centre d'accueil prit une décision administrative qui bouleversa la vie de ses résidents et affecta plusieurs de leurs droits fondamentaux: droit à la sécurité, droit au respect de sa dignité, droit au respect de sa vie privée. Dans ce centre d'accueil, la salle à manger avait été conçue pour accommoder quelque 70 personnes autonomes. Comme il y avait 90 résidents qui se rendaient à la salle à manger, la plupart en fauteuil routant, on avait deux services de repas. Du jour au lendemain, on supprime l'un des deux services. Tout le monde doit manger à la même heure. C'est le chaos le plus total. C'est la congestion dans les deux seuls ascenseurs et dans le hall d'entrée, l'encombrement dans la salle à manger où il est extrêmement difficile de se frayer un chemin. Les bénéficiaires se sentent bafouer dans leur dignité. On les expose aussi à des risques graves d'accident. Leur droit à la sécurité est complètement ignoré. Des bénéficiaires ont immédiatement fait circuler une pétition demandant le rétablissement des deux services de repas. Si la pétition a été signée par la quasi-totalité des résidents, il fallait vraiment que la situation qu'ils vivaient soit Intolérable. Une copie de cette pétition a été envoyée à la Commission des droits de la personne qui a mis presque deux mois avant d'en accuser réception. Ce n'est pas un cas de discrimination, écrivait une représentante de la commission à la responsable de la pétition. On oubliait ainsi l'article 48 de la charte en vertu duquel la commission aurait dû intervenir. L'exploitation de ta souffrance humaine, un droit fondamental. Le droit de grève dans les hôpitaux est en fait une utilisation de la souffrance humaine pour l'amélioration de conditions de travail. Il est une atteinte directe au droit fondamental du malade à la vie et à la santé. Ce droit à la santé est considéré comme tellement fondamental dans notre société que nos lois reconnaissent, par exemple, qu'un travailleur peut quitter son milieu de travail sur-le-champ s'il constitue une menace pour sa santé et cela, Jusqu'à ce que l'employeur ait corrigé la situation dangereuse. La Commission des droits de la personne n'est jamais Intervenue pour protéger ce droit fondamental des malades, En vertu des dispositions de la charte, elle aurait pu faire des représentations au gouvernement, participer à des commissions parlementaires sur cette question. Elle n'en a jamais rien fait. Par ailleurs, lorsqu'au début de 1983, le gouvernement s'apprêtait à présenter une loi spéciale pour mettre fin à la grève des enseignants, la commission a fait immédiatement parvenir un télégramme au premier ministre d'alors, M. René Lévesque, demandant que le gouvernement abandonne ce projet de loi. Elle a également participé à plusieurs commissions parlementaires sur divers projets de loi pouvant affecter les droits fondamentaux de la personne.

À la lumière de notre expérience, la Commission des droits de la personne est incapable d'assurer une protection efficace des droits des malades, parce qu'elle ne satisfait pas à plusieurs des critères dont nous avons parlé au début de notre intervention.

Influence de l'idéologie syndicale et féministe. La commission semble être très influencée par l'idéologie syndicale et te féminisme à outrance. Son inaction lors des grèves dans les hôpitaux et l'épisode des soins intimes sont très éloquents à cet égard. Rappelons, en outre, que certains commissaires de la commission sont très

actifs dans les milieux syndicaux et que le personnel est syndiqué.

Dans les cas où les droits acquis syndicaux s'opposent aux droits fondamentaux de la personne malade, la commission et son personnel sont donc juge et partie.

Pluralité des mandats. Le mandat de la commission n'est pas unique. La charte a confié à la commission plusieurs responsabilités: La lutte contre la discrimination, l'implantation des programmes d'accès à l'égalité et, en vertu de l'article 48, la défense des droits fondamentaux des malades.

En pratique, la commission a été portée à privilégier une orientation: La lutte contre la discrimination et, comme notre expérience le démontre, elle a tendance à perdre de vue les droits fondamentaux des malades. La commission est aussi très loin des malades. Elle ne comprend pas leur condition de dépendance, de vulnérabilité, d'affaiblissement physique et psychique et elle ignore tout de la nature des soins dont ils ont besoin pour éviter que leur état se détériore.

Pour vraiment comprendre les malades, il faut être tout près d'eux. Il faut, en quelque sorte, pénétrer dans leur univers, les voir vivre et vouloir les aimer. Sans cette connaissance profonde, on est peu mobilisé à prendre la défense de leurs droits. Les droits fondamentaux des malades ne pourront effectivement être bien protégés que si l'on crée une commission des droits des malades Indépendante avec pouvoir exécutoire ayant pour mandat unique de faire respecter une charte des droits des malades qui, dans une première étape, regrouperait les droits des malades déjà reconnus dans la société et les définirait de façon claire et précise.

Cette commission serait dotée d'un service "d'ombudsman" et d'un service d'assistance au comité de bénéficiaires. Pour que justice soit faite aux malades, il faut que l'intervention soit rapide. L'action bien connue, une justice à retardement, c'est un déni de justice qui s'applique particulièrement aux personnes âgées ou affligées d'une maladie chronique grave.

Un grand nombre de ces personnes sont dans la dernière phase de leur vie et, pour plusieurs d'entre elles, le laps de temps qui leur reste à vivre peut être très court: un mois, deux mois, trois mois, il est absolument essentiel qu'elles puissent compter sur un service d'ombudsman" capable d'intervenir rapidement à chaque fois qu'un droit du malade est lésé.

Les étudiants dans les universités ont leur "ombudsman". Les contribuables ont également le leur, le Protecteur du citoyen. Alors, pourquoi refuse-t-on cette protection aux malades qui sont encore plus démunis?

J'ai voulu partager ici nos réflexions sur notre expérience concernant fa protection des droits des malades. J'espère qu'elles seront prises par votre commission en bonne considération dans l'intérêt des malades. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Filion): À mon tour de vous remercier pour la présentation de votre mémoire, Mme Forget. Sans plus tarder, j'invite M. le député de Marquette à amorcer la période d'échanges avec vous. (10 heures)

M. Dauphin: Merci, M. le Président. À mon tour, j'aimerais vous remercier et vous féliciter pour la préparation et la présentation de votre mémoire. On peut constater qu'effectivement vous portez une critique quand même assez sévère sur ce qu'a pu faire ta commission, relativement aux droits des malades, dans le passé.

D'ailleurs, vous dites que la commission a des préjugés plus que favorables envers le féminisme et le syndicalisme par rapport aux autres droits, notamment les droits des malades.

Vous proposez spécifiquement la création d'un organisme autonome, une commission des droits des malades avec un protecteur du malade, avec un "ombudsman" spécifique au malade. Avec cette hypothèse de la création d'une commission distincte, la commission des droits, vous l'entrevoyez avec une participation, je crois, de bénévoles issus d'un comité de bénévoles à l'intérieur des centres d'accueil ou centres hospitaliers. Vous en avez sûrement discuté avec tous les membres de votre comité. À part les exemples que vous nous avez donnés relativement à une révision de la décision de la commission en 1984 par rapport au droit à des soins de personne de même sexe à l'intérieur de l'hôpital, avez-vous d'autres exemples, qui viennent à votre esprit, de cas où la commission, selon votre interprétation, a complètement manqué le bateau, si vous me permettez l'expression, relativement aux droits des malades?

Mme Forget: Le droit dont il a été question, ce droit fondamental à la santé, comme je le disais, on le reconnaît même aux travailleurs qui peuvent quitter sur-le-champ leur milieu de travail si c'est une menace à leur santé, alors que dans le cas des grèves dans les hôpitaux, on n'entend toujours pas parler de la Commission des droits de la personne. La Commission des droits de la personne ne fait aucune représentation auprès des gouvernements. Il y a eu une récente commission parlementaire là-dessus en 1985, elle n'y était pas non plus. Donc, elle n'a pas montré sur ce droit fondamental une motivation pour vraiment défendre les malades, leur droit fondamental à la vie, à la santé.

En ce qui concerne les soins Intimes, je dois dire qu'aussitôt que la commission eut renversé sa décision en avril 1986, nous avons une publication qui vous a été... Je m'excuse, on avait des chemises de presse préparées pour vous puis elles sont dans notre chambre d'hôtel.

Le Président (M. Filion): Si je peux me permettre d'intervenir, si vous demeurez à

Québec, il vous serait toujours loisible de repasser Ici, au parlement, et de déposer ces documents auprès de cette commission. Me Glguère, qui agit comme secrétaire de la commission, recevra ces documents. Je peux vous assurer qu'ils seront distribués aux membres de la commission.

Mme Forget: Merci, M. le Président. En ce qui concerne les soins intimes, dans notre publication Oeil de feu, on a immédiatement avisé les malades que la Commission des droits de la personne venait de renverser sa décision et que l'on reconnaissait leur droit au respect de leurs soins intimes en ayant un personnel de leur sexe pour les dispenser, que c'était reconnu, que cela découlait de leur droit fondamental au respect de leur dignité de leur vie privée.

Ce qui nous déçoit de la Commission des droits de la personne, et pourquoi nous vous parlons de notre expérience ici, c'est que notre expérience nous a permis de dégager les critères qu'il fallait pour qu'un organisme puisse vraiment protéger avec efficacité les droits des malades. La Commission des droits de la personne, comme on a essayé de le démontrer, ne répond pas à ces critères.

Vous nous demandez s'il y a eu d'autres dossiers sur lesquels la Commission des droits de la personne aurait pu se pencher à la demande des malades. Récemment, il y a à peu près un an, concernant le dossier de Saint-Théophile, un centre d'accueil pour les déficients mentaux, il a fallu quasiment tordre le bras de la Commission des droits de la personne pour qu'elle s'en occupe. Elle disait à notre directrice qui a fait les premières démarches que ce n'était pas un cas de discrimination, donc que cela ne relevait pas de la compétence de la Commission des droits de la personne. Et ce n'est qu'après que des démarches aient été amorcées que, finalement, la Commission des droits de la personne s'est penchée sur ce dossier.

Mais vous vous imaginez comme ça peut être long. On disait que c'était nécessaire, pour que les malades soient bien protégés, que l'intervention soit rapide. Non pas que l'intervention se fasse dans six mois, douze mois. Et si un comité de bénéficiaires ou si des malades dans un centre d'accueil vont directement à la Commission des droits de la personne, comme on a vu dans l'exemple du centre d'accueil que j'ai donné dans le mémoire, ils se font tout simplement rejeter de sorte que ça nous a permis de constater qu'il y avait certains critères essentiels auxquels devait satisfaire tout organisme pour protéger efficacement les droits des malades, à savoir, le mandat doit être unique. Cela évite, comme on le disait, la formation d'une grosse bureaucratie. Cela permet des décisions plus rapides et cela évite les situations de conflit d'intérêts.

Ici, nous devons parler de la Commission des droits de ta personne mais nous avons eu de très mauvaises expériences avec d'autres organismes. Dans le cas de ces autres organismes, la difficulté reposait sur le fait que la défense des droits des malade n'est pas sa préoccupation principale. Ils sont en conflit d'objectifs et les malades en sortent perdants.

M. Dauphin: Merci. Je présume - je pense que vous l'avez d'ailleurs mentionné dans votre mémoire - que le principal problème relativement aux malades c'est lorsque arrivent des négociations dans les secteurs public et parapublic et qu'une grève a lieu dans un hôpital. Le Conseil sur les services essentiels existe. Dans certains cas, il dit que certains services doivent être maintenus étant jugés essentiels. Or, pour les malades dans un hôpital - je suis persuadé que c'est votre opinion - tout est essentiel dans un certain sens. Même la personne qui fait l'entretien de la chambre d'hôpital, c'est jugé essentiel. Je présume que c'est votre position. Alors, on est toujours pris avec ce conflit de travail qui permet encore aujourd'hui ta possibilité de faire grève dans certains cas, malgré que dans les soins de santé, je crois qu'on a... Est-ce que c'est toujours permis de faire la grève dans les soins de santé?

Une voix: C'est la Loi sur les services essentiels.

M. Dauphin: C'est la Loi sur les services essentiels, comme je le disais tantôt. Alors, on est toujours pris dans un conflit, ni plus ni moins, d'intérêts. C'est-à-dire qu'il y a les négociations d'un bord, d'un autre côté, les droits des malades étant jugés non essentiels mais sacramentels, Alors c'est un sérieux problème. Je suis extrêmement sensible à votre mémoire de par la cause. On parle des droits des malades L'idée d'un "ombudsman"... Vous disiez tantôt que les étudiants ont leur "ombudsman". Les travailleurs ont leur "ombudsman". Vous faites référence à l'ombudsman" qu'on connaît, au Protecteur du citoyen?

Mme Forget: Oui. C'est qu'un grand nombre de leurs cas proviennent de la part de personnes en rapport avec leur déclaration d'impôt, de la fiscalité. Alors à ce moment-là si elles s'estiment traitées injustement par un haut fonctionnaire, elles peuvent se plaindre au Protecteur du citoyen qui, lui, va faire des démarches auprès de ces fonctionnaires. Ce ne sont pas seulement les cas qu'il traite. Il y a aussi les cas d'assistés sociaux. Mais ce serait là encore un organisme loin des malades, parce que les malades sont dans des conditions très particulières. Ce ne sont pas des citoyens comme vous et moi Nous» on a la santé et ça fait toute la différence. Mais, eux, ils sont affaiblis physiquement et psychiquement. Ils sont dans un état de grande dépendance. Alors pour eux, il faut que les personnes qui veulent les aider soient très conscientes de ça.

Et, pour être conscientes de ça, il faut quelles soient dans le milieu, qu'elles les volent vivre en quelque sorte.

Pour en revenir à votre droit de grève, c'est sûrement un droit fondamental très important qui est mis en cause dans les hôpitaux. Mais ce n'est pas seulement à cause de ça qu'on demande un organisme qui irait faire des représentations au gouvernement pour lui démontrer ça et faire changer les lois. II y a beaucoup d'autres droits à l'intérieur d'un établissement, dont on n'entend jamais parler, qui peuvent être brimés. Il y a eu le cas, par exemple, des soins intimes. C'est très important pour les personnes qui ont un sentiment de pudeur profond. Pour elles, c'est une question d'estime de soi qu'on doit respecter. Mais, dans le cas du centre d'accueil dont je parlais, des droits ont été brimés et, cette fois-ci non pas par le personnel, mais par la direction de l'établissement. Nous, au CPN, on n'a qu'une autorité morale. On a fait bien des démarches qui ont absorbé beaucoup de nos énergies, ce qui a voulu dire que les quelques bénévoles que nous sommes au CPM avons eu une charge de travail extrêmement lourde à porter. Quand on s'occupe d'un établissement en particulier, il est certain que cela nous éloigne de nos autres orientations fondamentales et que d'autres bénévoles doivent porter une charge encore beaucoup plus lourde. Cela a été le cas de M Claude Brunet. C'est pour cela quon se dit qu'on ne peut pas vraiment prendre la défense de ces malades si, par exemple, la direction d'un établissement de santé se moque de nous. Cela demande un temps infiniment long et cela absorbe beaucoup de nos énergies avant que la situation se rétablisse.

S'il y avait un organisme, une commission des droits des malades, qui serait en quelque sorte une structure adaptée aux conditions particulières des malades, c'est-à dire une structure qui irait vers eux un "ombudsman", on parle aussi d'assistant au comité des bénéficiaires. Je vais vous donner un exemple. Admettons que le droit aux soins intimes, puisqu'on en parle dans notre mémoire, soit brimé dans un centre d'accueil. Si un assistant au comité des bénéficiaires peut faire les démarches, qu'il en a la santé, l'énergie et la force, ce droit n'a peut être pas été respecté par omission ou par mégarde, alors on peut faire les démarches à l'intérieur de l'établissement et demander qu'on redresse la situation Le bénéficiaire n'a pas à se mettre au blanc. C'est fait anonymement par l'assistant au comité des bénéficiaires qui serait indépendant de l'établissement - ça, c'est très important - de santé, c'est-à-dire qu il serait nommé par la commission des droits des malades. Mais supposons que ce soit vraiment de la mauvaise volonté de la part de la direction et quelle veuille organiser ses soins comme cela et, si on ne respecte pas ce droit, tant pis. À ce moment là, on a recours à I'"ombudsman" qui, en ayant un pouvoir exécutoire, émet une ordonnan- ce pour dire au directeur de l'établissement de santé. Tu le respectes sous peine de sanction pénale. Voilà comment les droits des malades peuvent être protégés efficacement.

Si une commission est adaptée à leurs conditions très particulières, est indépendante de toute influence idéologique ou politique, donc se rapporte à l'Assemblée nationale et a un pouvoir exécutoire, son intervention, de ce fait, puisque son attention est fixée uniquement sur les malades à protéger, peut devenir beaucoup plus rapide. C'est absolument essentiel dans le cas de la défense des droits des malades. Depuis près de neuf ans que je travaille comme bénévole au Comité provincial des malades j'en ai vu des gens mourir. On les voit relativement bien une journée, parce que, s'ils sont là, c'est qu'ils ont des problèmes de santé, puis on retourne les visiter dans le centre et ils ne sont plus là, ils sont partis, ils sont morts. J'ai fréquemment vu des personnes au bout de deux ou trois mois qu'on ne revoit plus.

Donc, si vous attendez six mois ou un an avant d intervenir, quelle justice avez-vous rendue à ces gens là? Ils n'ont pas été traités avec justice. Cela a été un déni de justice.

M. Dauphin: Je vous remercie. Je vais laisser à d'autres députés l'occasion déchanger avec vous.

Le Président (M. Filion): M. le député de Chapleau.

M Kehoe: Vous avez fait un bilan assez sévère quant à l'incapacité de la commission de protéger les droits des malades. Je me demande dans I'ensemble si c'est la première fois que vous faites une intervention semblable. Avez vous déjà eu des discussions avec la commission à cet égard? En ce qui concerne l'intervention rapide et les questions de droit de grève toutes les raisons pour lesquelles vous dites que la commis sion n est vraiment pas I'organisme propice pour défendre les droits des malades est ce vraiment la première fois avez-vous de|à eu des discus sions avec la commission à cet égard? {10 h 15)

Mme Forget: M. Claude Brunet a fait de multiples interventions publiques et il a souvent carrément affirmé quon ne pouvait rien attendre de la Commission des droits de la personne, que cette commission était biaisée et n'était pas capable de protéger les droits fondamentaux de la personne. Ce furent des interventions.

Je pense, par exemple à la participation de M Claude Brunet à un colloque à l'Université de Montréal, en mars 1984, je crois. Le thème était. Faut il une charte pour les droits des malades? Dans sa présentation, il disait justement qu'on ne pouvait absolument pas compter sur la Commission des droits de la personne. Ensuite une autre intervention publique ou la Commission des droits de la personne était présente c'était

à Droit de parole. Peu de temps après ce colloque, Droit de parole a tenu une émission là-dessus: Faut-il une charte des droits des patients? Étaient représentés, des organismes censés être capables de défendre les droits des malades, entre autres, la Commission des droits de la personne dont les représentants étaient sur le podium avec M. Claude Brunei; ils sont tout à fait au courant. Cela ne les a pas empêchés, par la suite, en décembre 1934, de publier un cahier. Comment expliquez-vous qu'on émette des directives qui renversent une décision antérieure de leur propre commission et que cet avis qui avait été donné à la demande du Comité provincial des malades, que pour ce deuxième avis, en décembre 1984, qui va priver les malades d'un droit fondamental, on n'approche même pas le Comité provincial des malades? Expliquez-moi cela. Pensez-vous que c'est un oubli? Pensez-vous que c'est une négligence, tout simplement? Pensez-vous qu'ils ont vraiment oublié d'aller consulter et d'en parler au Comité provincial des malades? Ils savaient que cet avis de 1978 avait été donné à la suite d'une démarche du Comité provincial des malades. J'aimerais avoir votre réponse là-dessus. Qu'est-ce que vous pensez de cela?

M. Kehoe: Vous posez une question .. Des voix: Ha! ha! ha!

M. Kehoe: II faudrait que je retourne l'affaire de bord et que je vous pose la question suivante: Quelle est la réponse de la commission face à votre critique ou à la suggestion que vous avez faite pour la charte des droits et libertés, l'ombudsman", etc.? Quelle est la réponse de la commission? On va la recevoir demain, on va certainement poser des questions. Mais, seulement grosso modo, quelles sont son attitude et sa position?

Mme Forget: Je pense que la balle était dans son camp, étant donné que, depuis des années, on lui faisait des critiques de non-intervention pour défendre les droits fondamentaux des malades. Par exemple, quand on a envoyé notre mémoire au sujet des soins intimes, on n'a pas eu d'accusé de réception tout de suite, mais simplement après que M. Brunet ait fait des démarches auprès de tous les députés de l'Assemblée nationale, auprès de tous les évêques, auprès d'organismes comme l'Ordre des infirmières. l'Association des hôpitaux et après qu'il y ait eu des critiques cinglantes de l'attitude de la commission dans les journaux, par des journalistes comme Lysiane Gagnon et Claire Dutrisac, c'est à ce moment-là que la commission a pris contact avec M. Brunet pour lui dire qu'elle songeait à réviser sa décision, qu'elle voulait nous voir là-dessus, etc.

M. Kehoe: Est-ce qu'une suite y a été donnée? Sur la question de la charte des droits des malades ou l'"ombudsman", est-ce que la commission a pris une position?

Mme Forget: On vit dans un monde réel. Chaque organisme a son petit empire, son petit pouvoir. Qu'est-ce que vous pensez que sera la réaction d'un organisme s'il voit que certains de ses pouvoirs lui sont retirés ou qu'on va donner à un autre organisme des pouvoirs de défendre les droits fondamentaux de personnes, mais de personnes malades? Qu'est-ce que vous pensez que sera la réaction de cet organisme? C'est n'est pas seulement dans le cas de la Commission des droits de la personne. Qu'est-ce que vous pensez que ce sera?

M. Kehoe: J'ai nettement l'Impression que la Commission des droits de la personne a beaucoup d'autres choses à s'occuper, au fond. Je veux dire qu'elle a beaucoup d'autres demandes..

Mme Forget: C'est exactement ce qu'on dit, monsieur. On parle ici de notre expérience pour la défense des droits fondamentaux des malades. On dit que la Commission des droits de la personne n'est pas l'organisme pour assurer une protection efficace des malades. Qu'on lui confie la lutte contre la discrimination, point. C'est ce que la loi a fait, elle lui a donné d'autres responsabilités et, comme vous venez de l'observer si justement, elle n'est pas capable de tout faire. Bon! Alors, qu'on lui donne un mandat unique, qu'elle s'occupe de la lutte contre la discrimination. Je ne suis pas apte à me prononcer là-dessus. Nous avons été invités à venir parler de notre expérience. Les remarques qu'on a faites - je veux que ce soit bien clair - relativement à la Commission des droits de la personne ne portent que sur sa performance vis-à-vis de la protection des droits des malades. Ce n'est pas autre chose. Elle peut être très efficace ailleurs, je n'en sais rien.

M. Kehoe: Seulement une autre question dans le même domaine. Pouvez-vous nous dire l'expérience ailleurs, que ce soit en Ontario, en Saskatchewan ou dans les autres provinces? Ont-ils une charte des droits des malades que ce soit...

Mme Forget: C'est dans notre chemise de presse. L'Ontario vient d'adopter une charte des droits des malades qui s'applique à tous les centres d'accueil de l'Ontario, à tous les établissements de soins à long terme. On n'a pas confié cela à la commission des droits de la personne pour les faire respecter, ni à l'"ombudsman" C'est le gouvernement d'Ontario qui se charge lui-même de la faire respecter en ce sens que... Il y a des pénalités de prévues si les droits qui sont inscrits dans cette charte, que l'on vient d'adopter en Ontario, ne sont pas respectés. Et s'il y a persistance à ne pas vouloir les respec-

ter, il y a des sanctions pénales. Maintenant, supposons que dans un centre il y a une impossibilité de faire respecter les droits, des plaintes sont acheminées directement au ministre qui, lui, intervient pour faire respecter la charte et appliquer les sanctions pénales.

M. Kehoe: Est-ce sur une base individuelle ou dans l'ensemble? Vous avez mentionné un cas de...

Mme Forget: Le comité de bénéficiaires?

M. Kehoe: Oui, justement. Dans les faits, dans la vie quotidienne, les plaintes que vous adressez à la commission, est-ce qu'elle s occupe plutôt des cas individuels ou des groupes?

Mme Forget: Dans le cas d'une commission des droits des malades, il est bien entendu que n'importe quel malade qui se sentirait brimé dans ses droits pourrait y être référé. Si je me suis référé au comité de bénéficiaires, c'est parce que nous avons une loi présentement. D'ailleurs, cela avait été mis dans la loi à la demande du président du Comité provincial des malades, dans tous les centres de soins prolongés et dans les unités de soins prolongés des hôpitaux généraux, il doit y avoir un comité de bénéficiaires. Notre expérience nous démontre que les comités de bénéficiaires, c'est bon. Même si on est plein de bonne volonté, on n'a pas à vivre les conditions qu'ils ont à vivre. Alors, c'est eux qui peuvent nous apprendre quelles améliorations doivent être apportées. Ils vivent ces conditions. Je vais vous donner un exemple. Dans un centre, il y a un beau jardin. Toutefois, en fin de semaine, dans ce centre, on barre les portes de sorte qu'il n y a pas accès pour les malades à ce jardin. Comme c'est un établissement jumelé, c'est-à-dire que c'est un hôpital à court terme qui a un centre d'accueil la solution qui avait été proposée était que les malades se rendent à I'hôpital et ensuite de l'hôpital au jardin. II y avait deux petits problèmes auxquels la direction n'avait pas pensé. Premièrement, pour se rendre à cet hôpital, I'hôpital est relié par un tunnel avec une pente très raide et ce n'est pas couvert complètement par un tapis en caoutchouc. De sorte que pour les gens en fauteil roulant, c'est effrayant de prendre le chemin de l'hôpital. Ensuite, dans cet hôpital, les boutons d'ascenseur sont trop hauts, les gens en fauteuil roulant ne peuvent pas les rejoindre. Donc, c'était tout à fait une solution inadaptée. Oui est-ce qui pouvait nous le dire à nous? Ce sont les bénéficiaires qui ont à vivre ces conditions. Comme on travaille avec les comités de bénéficiaires et aussi avec d'autres bénéficiaires, parce qu'on rencontre aussi les autres bénéficiaires, on a eu des réunions d'information qui sont ouvertes à tous les bénéficiaires des établissements de soins prolongés, par eux, on pouvait savoir que certaines solutions des établissements ne sont pas du tout appropriées à la situation et aux conditions bien particulières des malades

Un autre exemple encore récent. La direction de I'établissement voulait déménager la physiothérapie du rez-de chaussée au sous-sol. Il y avait deux problèmes que la direction n'avait pas vus du tout. Le sous-sol est très froid. Pour des personnes en fauteuil roulant, dont la circulation est très mauvaise et qui, souvent sont des personnes âgées elles peuvent prendre leur coup de mort en se rendant au sous sol. Deuxièmement, il n'était plus accessible. On I'aurait mis dans un endroit ou c'était trop loin pour les résidents. Or, qui est ce qui vit ces conditions et qui est ce qui peut le dire? Ce sont les residents. Un autre aspect important. Que les comités des bénéficiaires soient associés même à I' intérieur d'un système d' ombudsman. Lorsqu'on va voir d'autres malades - j'ai vécu cela très souvent - je me fais accompagner par un membre d'un comité de bénéficiaires, ce qui veut dire que. lui il les connaît bien. II inspire déjà confiance.

Alors, tout de suite, quand on va à la rencontre de ces bénéficiaires le climat de confiance s'installe, puisque ce sont des gens qu'ils voient tous les jours. Donc, un système efficace de protection des malades ne demande pas une abolition des comités de bénéficiaires. Bien au contraire, on doit les maintenir et voir à leur création, parce que vous savez dans bien des endroits même si la loi dit que le comité de bénéficiaires est obligatoire, on nous rapporte que ce n'est pas toujours implanté.

La commission des droits des malades a ce système d'ombudsman plus des assistants au comité de bénéficiaires pour les raisons qu'on a souvent données. Les bénéficiaires n'ont pas I'énergie ou la force d'entreprendre des démarches de toutes sortes. Souvent, ils ont peur. Même à l'intérieur d'un comité de bénéficiaires dont je fais partie, quand on suggère des solutions ou qu'on discute de certains problèmes certains membres vont dire. Écoutez je ne veux pas que mon nom paraisse dans le procès verbal.

Or on sait que les procès verbaux du comité de bénéficiaires sont tout à fait confidentiels. Mais même à cela, ils ne veulent pas qu' ils soient nommés. Ils ont tellement peur qu'on apprenne à quelque endroit qu'ils ont fait cette intervention et qu'ils ont fait cette critique.

La peur, c'est quelque chose de bien réelle. On la vit tous les jours quand on est près des malades. D'ailleurs j'ajouterais que ce ne sont pas seulement les malades qui ont peur vous savez. II y a des établissements de santé lorsqu ils ont à faire face à un plus fort qui vont sacrifier les droits des malades pour ne pas avoir trop de chicanes à I'intérieur de leur établissement. Eux aussi ont peur.

II y a des gouvernants aussi qui, pour ne pas remplacer le droit de grève disaient toujours. Qu'est-ce que cela donne de I'abolir? Parce qu'ils vont la faire quand même Ils

oubliaient qu'ils pouvaient prendre les sanctions appropriées pour faire respecter la loi et cela a été démontré avec la loi 160. On parlait d'une grève générale partout Est-ce qu'il y en a eu quand on a adopté la loi160? Voilà.

Le Président (M. Filion): Cela va, M le député de Chapleau M. le député de Sainte-Marie.

M. Laporte: Merci, M. le Président. Je vais me joindre au autres pour saluer et surtout pour vous remercier de nous fournir des renseignements. Je pense que c'est fort utile. Comme je veux être très bref, étant donné le temps imparti, je pourrais souligner que l'ensemble des membres autour de cette table ont, à plusieurs reprises, dans le cadre le leur mandat et même dépassé ce mandat à aller dans les centres d'accueil et des centres hospitaliers.

On travaille régulièrement avec les comités de bénéficiaires, de façon ponctuelle, mais aussi de façon spécifique. En tout cas, pour ma part, à tous les trois mois, c'est un rendez-vous qu'on se donne. Ce qui nous permet de visualiser un peu comme vous l'avez dit tantôt, à tout le moins, d'être sensibilisés à la situation qui prévaut à ces endroits plus particulièrement.

J'ai été à même aussi de constater l'espèce d'interrelation qui existait entre les patients et les gens qui travaillaient à cet endroit, que ce soient les préposés aux bénéficiaires, les infirmières et même les médecins. Je dois dire que je suis toujours fort surpris de constater le sens de l'accueil que ces divers travailleurs ont, pour les nommer par leur nom, et surtout aussi bien souvent le dévouement que ces gens-là ont envers les bénéficiaires.

Vous soulignez dans votre document une déclaration de Mme Foumier, l'ancienne présidente de la Commission des droits de la personne, qui disait à un certain moment. Est-ce que la reconnaissance des droits des uns se trouve à être la négation de celle des autres? Un peu dans cette optique, il faut toujours éviter Un peu comme dans un Parlement, il faut toujours avoir une Opposition pour que la démocratie puisse s'exprimer de façon fort consciente, peu importe ce qu'on a à souligner. J'ai toujours - en tout cas, selon ma réaction personnelle - cette propension à dire qu'il faut toujours garder une certaine forme d'équilibre à l'intérieur de n'importe quelle structure. Cela m'amène un peu à la proposition ou au cheminement auquel vous êtes arrivé dans votre dossier, dans votre mémoire, de ta création d'une entité distincte, composée de malades et ne représentant simplement que des gens qui sont bénéficiaires.

En tout cas, ma première. Je ne dis pas qu'en ce qui concerne le fond, ce que vous avez exprimé ici, ce matin, n'est pas ce que je perçois. Je pense que quand on est aux prises avec cette situation, quand on est dans un lit

D'ailleurs, vous soulignez la questoin des plaies de lit. C'est absolument extraordinaire - Je l'imagine, à tout le moins, sans l'avoir vécu personnellement - de visualiser que ce n'est pas facile.

Mais est-ce qu'il n'y aurait pas ne serait ce qu'avec la Commission des droits de la personne actuelle, la possibilité par une priorité, par un tribunal administratif ou il y aurait une forme d'expédition de divers cas, de pouvoir fonctionner ou peut-être atteindre les mêmes objectifs que la proposition que vous nous avez faites en ce qui concerne les traitements des plaintes?

Mme Forget: Je pense justement que la Commission des droits de la personne ne satisfait pas à des critères qu on juge essentiels. On a parlé d'un penchant très net - je crois que sur la base de notre expérience, personne ne peut nous reprocher d'avoir été amenés à cette conclusion - vers les droits syndicaux et un féminisme à outrance. Je ne sais pas si vous avez lu son cahier numéro 8. On a sauté au plafond nous, quand on I' a lu.

Une section comme celle là, cela va retomber encore et les malades vont être échaudés. Vous allez avoir des conflits d'intérêts, des conflits. On sait que les droits fondamentaux des malades entrent souvent en conflit avec des droits acquis syndicaux. Qu'on pense aux droits à l'ancienneté. C'est pour cela que concernant le droit aux soins intimes, il y a eu des problèmes de ce côté-la, parce que cela affectait les droits acquis à I'ancienneté.

Vous avez le droit de grève qui entre en conflit avec le droit encore beaucoup plus fondamental, mais très fondamental de la santé. Je mentionnais l'exemple des travailleurs. Je voyais aux nouvelles dernièrement qu'à McDonald Douglas, ils ont tous quitté sur-le-champ, parce qu'il y avait des gaz toxiques et ils ont dit que tant que I'employeur ne corrigerait pas cette situation dangereuse, ils n'entraient pas au travail.

C'est leur droit Je suis tout à fait d'accord avec eux. Mais quand vous faites une grève et que vous privez les malades du personnel soignant, même si c'est juste à 90 % ou à 80 %, il n'y en a pas assez encore aujourd'hui M. Brunet décrit la situation et la détérioration de la qualité des soins depuis 1982. Il faut plus de personnel. Je ne voudrais pas prendre toute la journée pour vous dire cela, mais on pourrait écrire un livre sur le manque de soins qu'on constate, surtout dans les centres d'accueil. C'est incroyable. Les exemples, je pourrais les multiplier. Or, on dit 90 %. Cela paraît bien pour le gros du public qui n'est pas dans le milieu, mais même enlever 10 % du personnel c'est déjà trop ou en enlever 20 % c'est encore beaucoup trop. II faut qu'il y ait 100 % du personnel sur place, puis il en faudrait plus dans de nombreux cas. (10 h 30)

Alors, on se dit qu'une Commission des droits de la personne qui n'est pas capable de voir cela, même si vous créez une unité vouée à la protection des malades à l'intérieur de la commission elle-même, vous allez avoir des batailles en règle, puis quand il va y avoir un conflit, qui pensez-vous va gagner? Le plus fort ou le plus faible? C'est une structure tout à fait inappropriée - Je veux encore me répéter ici - en ce qui concerne la protection des droits fondamentaux des malades. D'ailleurs, le législateur adopte déjà des législations spéciales pour protéger des groupes bien particuliers. On pense aux enfants avec la Loi sur la protection de la jeunesse et il y aurait eu de grosses objections à remettre cette responsabilité à la compétence de la Commission des droits de la personne. En Ontario, je le disais tantôt, on n'a pas confié à la Commission des droits de la personne la protection des malades. C'est un groupe qui a des conditions tout à fait particulières. Comme je le disais tantôt, il faut que ce soient des structures qui aillent à eux, pas quelque chose de très loin de personnes qui sont en santé, qui ne connaissent rien des conditions particulières des malades. On l'a vu à tant de reprises dans le cas de la Commission des droits de la personne. Vous n'avez qu'à lire son cahier no 8, c'était fantastique.

De plus, Mme Lamquin a peut-être un mot à ajouter au sujet du dossier de Saint-Théophile. La Commission des droits de la personne, dans le moment, à la suite des pressions faites par le Comité provincial des malades pour qu'elle s'en occupe, a ce dossier en main. Cela fait combien de temps?

Mme Lamquin-Ethier (Michèle): En septembre 1986, le Comité provincial des malades déposait une plainte officielle auprès de la Commission des droits de la personne fondée sur l'alinéa premier de l'article 48 et par le biais de l'article 70 permettant à un organisme de dénoncer une situation d'exploitation.

Le pavillon Saint-Théophile regroupe 88 bénéficiaires. C'est un privé conventionné et ce sont tous des handicapés mentaux. Alors, il est évident que les situations que nous dénoncions méritaient urgence et attention immédiate. Nous avons reçu un accusé de réception nous disant qu'un agent à la recevabilité nous contacterait pour nous informer de la marche du dossier. L'accusé de réception de l'agent à la recevabilité prouvait de façon fort éloquente, qu'en vertu d'une multiplicité de mandats que la commission a, elle a favorisé un biais qui s'appelle discrimination. Nous étions en train de parler spécifiquement d'exploitation et chacun des arguments que l'agent de la recevabilité nous soumettait était un argument portant sur la discrimination. Notre réaction première a été assez étonnante et on l'a dit: Écoutez, on ne vous parle pas de discrimination, on vous parle ici d'exploitation. Ce qui est étonnant, pour vous illustrer la tendance naturelle du réflexe, il nous a dit: Écoutez, pour nous, c'est naturel, on en fait tellement. Excusez-nous. Et plus avant dans la conversation, il est revenu à deux reprises. Alors, j'ai trouvé sa réaction très étonnante. Par la suite, il nous a demandé de soumettre un motif qu'il considérait à juste titre pouvant donner ouverture à notre demande. Nous nous y sommes pliés de bonne grâce, bien que l'interprétation qu'on pouvait donner au premier alinéa de l'article 48 était, d'après nous, suffisamment clair. Cela nous a amenés à demander à cet agent à la recevabilité s'il avait une formation juridique et s'il avait une certaine compétence pour nous demander ce qu'il nous demandait. Évidemment, il n'en avait pas. Cela nous a étonnés.

Par la suite, nous avons demandé, dans le cas où il y aurait eu une divergence plus prononcée, si nous pouvions demander à quelqu'un ayant une compétence en droit de statuer sur le différent parce qu'à l'extrême, d'une certaine façon, l'incompétence de l'agent à la recevabilité aurait pu mettre en péril la recevabilité de notre plainte, ce qui est un non-sens. Nous avons par la suite parlé à un autre agent à la recevabilité qui se taxait d'être un expert de la charte des droits. À la question qu'on lui posait, à savoir sur quoi était fondée son expertise, on apprit avec stupéfaction qu'elle était fondée sur un enseignement assez relatif dans le temps. Mais, à tout le moins, il se qualifiait malgré tout d'expert sur la charte des droits alors qu'il ne l'était pas. Il était parti de commis et, de fil en aiguille, il avait eu une promotion qui l'avait amené à se décrire comme étant un expert de la charte des droits.

Il y a des lacunes intrinsèques profondes à la Commission des droits de la personne. Pour le pavillon Saint-Théophile, dont nous logions une plainte en septembre 1986, lorsque finalement... Le délai de traitement est très long, cela fait un an et nous sommes encore à la commission des droits. Nous n'avons eu qu'une seule journée d'enquête. Il est certain qu'il n'est pas évident que les malades puissent accéder à l'étape médiation ou encore négociation. Le délai de traitement est nettement trop long.

D'autre part, si nous n'avions pas requis des documents de soutien, notamment les directives ou les règles de pratique, je me demande si on l'aurait fait, ce qui nous amène à soulever qu'il y aurait, d'après nous, une nécessité qu'on augmente les services d'information ou de soutien aux bénéficiaires. Vous savez, si on n'a pas une formation juridique ou si on est un bénéficiaire au sens pur du terme et qu'on arrive à la Commission des droits de la personne, si on n'est pas informé des règles du jeu, on a beaucoup de difficultés à comprendre. Le réflexe spontané de la commission n'est pas d'informer.

Maintenant, puisque nous sommes encore dans le dossier, le procureur représentant le centre mis en cause a fait une demande de huis

clos partiel. Le huis clos a été reçu et une ordonnance a été rendue. C'était très intéressant. À ce moment-là, il est devenu, pour la première fols, un peu apparent que le commissaire qui entend les parties à une tendance à essayer de favoriser les uns et les autres. Cette tendance à vouloir favoriser les uns et les autres fait que, finalement, quant à la première ordonnance qui a été rendue, nous croyons qu'il s'agissait d'une erreur. Par la suite, Radio-Canada a fait valoir une requête demandant que l'ordonnance soit révisée, ce qui a amené le commissaire à se poser la question de sa capacité, d'une part, à réviser sa propre décision. Les arguments furent soumis par différents procureurs au dossier. Nous avons été soumettre nos représentations à la Cour supérieure sur un bref d'évocation. Lorsque nous nous sommes retrouvés à la Cour supérieure, sur le bref d'évocation évidemment, l'attitude du tribunal était beaucoup plus légaliste, beaucoup plus formelle, ce qui n'est pas le cas à la Commission des droits de la personne. C'est un climat en famille, ni plus ni moins. Alors, on est porté à laisser passer les choses qui, en Cour supérieure, ne passent pas de la même façon. Le juge a finalement reconnu que le commissaire avait la capacité de réviser sa décision et qu'en se faisant, la deuxième ordonnance qu'il avait rendue ne comportait pas un caractère raisonnable. Il a donc rejeté l'évocation. Cependant, le juge a soulevé un point que nous avions, nous, préalablement soulevé, à savoir les directives qui ont été édictées entre guillemets, plutôt faites par la Commission des droits de la personne ne proviennent pas du texte législatif. Alors, quelle est la valeur en soi de ces directives-là? Je pense que c'est une lacune profonde, puis je pense qu'il y aurait Intérêt à ce qu'on se penche là-dessus.

Mme Forget: J'aimerais ajouter un commentaire aussi. Cela vous montre que toutes ces démarches-là, les malades ne peuvent pas les entreprendre. Ils n'ont pas l'énergie, la force, et leurs cas ne se règlent pas. C'est pour cela qu'il faut une commission des droits des malades qui fait toutes ces choses pour eux.

Mme Lamquin-Ethier: J'aimerais compléter, s'il vous plaît. Je pense qu'il serait nécessaire, pour rejoindre l'argument dont vient de parler Mme Forget, que la Commission des droits de la personne précise, à chaque année, les champs d'Intervention. Ici, on rejoint l'article 49. Vous savez, nous, aujourd'hui, à l'heure actuelle, on vient d'apprendre ce matin qu'il va y avoir une commission d'enquête, c'est-à-dire que la commission se fait faire la demande de se prononcer: Y a-t-il ou non discrimination en matière de policier avec un biais plus particulier sur les minorités les plus prévisibles? Nous, on est donc pris avec cette nouvelle-là et, d'autre part, il y a une situation qui est déplorable et qui prévaut dans tous les centres d'accueil à la grandeur du

Québec. Le caractère de gravité est présent, plus d'un centre d'accueil est touché, les clientèles des centres d'accueil vont en s'alourdissant de plus en plus, les conséquences que peuvent avoir les coupures budgtaires sur l'état de santé des gens qui sont hébergés sont très graves, la clientèle visée est énorme. Alors pourquoi, la Commission des droits de la personne ne se prononcerait pas sur une question comme celle-là, qui est fondamentale. Il y a des droits fondamentaux, qui sont pourtant clairement énoncés dans la charte, qui sont ici en ligne de compte, mais pourtant spontanément, proprio motu la commission ne se prononcera pas. Elle va encore une fois le faire, mais sur un aspect qui est purement discriminatoire. Nous, on reçoit des demandes qui sont pressantes et urgentes En allant à la Commission des droits de la personne, nous faisions notre dernier test. Le Comité provincial des malades convenait que, pour la dernière fois, il était pour aller voir ce qui se passait à la Commission des droits de la personne et quelle serait la réponse qu'il aurait. Suivant la réponse que nous aurons, puisque nous n'avons eu qu'une seule journée d'enquête et qu'on piétine encore, nous verrons pour l'avenir. Mais nous pensons, à ce stade-ci, avec les expériences qu'on a eues, qu'il serait de beaucoup préférable qu'il y ait une commission des droits des malades qui puisse, elle, avoir un mandat unique et qui aurait des pouvoirs véritables et exécutoires.

La Commission des droits de la personne n'a pas de pouvoir exécutoire. Elle n'a que des pouvoirs de recommandation.

Le Président (M. Filion): II y a d'autres membres de la...

Mme Forget: Est-ce que je pourrais ajouter un commentaire sur ce qu'elle vient de dire.

Le Président (M. Filion): Je vous en prie, madame.

Mme Forget: En plus de montrer toutes les démarches que cela implique et aucun bénficiaire n'est capable de les entreprendre, cela démontre aussi que si vous avez une commission des droits des malades, quand il y a des situations déplorables à l'échelle de la province dans des centres d'accueil, elle pourrait ouvrir des enquêtes et faire des représentations au gouvernement, mais quand vous avez une commission à objectifs multiples, cela ne se fait pas, les malades sont négligés et mis de côté.

Le Président (M. Filion): Mme la députée de Marie-Victorin, ensuite je me suis réservé également quelques commentaires, quelques questions. Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Vermette: Oui, j'ai suivi avec beaucoup d'intérêt vos commentaires à la suite de votre mémoire. Je crois qu'on ne peut pas rester

Insensible à la problématique qui se passe actuellement dans le monde hospitalier, particulièrement chez les personnes âgées dans les centres d'accueil. Je pense qu'effectivement, nous vivons dans une société où tout le monde est cloisonné à l'heure actuelle et c'est très difficile de faire valoir nos droits. À cet effet, voici ma préoccupation. En tant qu'organisme provincial, vous avez sûrement un mandat d'information auprès de vos clientèles; si ce n'est pas auprès de vos clientèles, des personnes qui sont visées indirectement du fait d'avoir une personne qui doit vivre ou assumer, en tout cas, un affaiblissement de leur santé. Est-ce que ce n'est pas justement... si on dénote un manque d'intérêt à la Commission des droits de la personne, c'est qu'on n'est pas assez sensibilisé à la problématique qui se passe à l'heure actuelle dans notre société ou dans l'évolution de nos sociétés; parce qu'on a toujours reconnu les droits, finalement, étant des droits limités et non pas des droits illimités. De plus en plus, dans notre société, on s'en va vers une société où tout le monde semble avoir des droits limités. Donc, on doit faire face à un problème d'éthique, à mon avis, de plus en plus important et de plus en plus imposant. C'est le rôle de tous et chacun, en fait, que vous remettez en cause, mais pas strictement dans un milieu donné. (10 h 45)

C'est une vision sociale éclairée que vous demandez quand vous parlez du volet des services pour les malades. Je pense qu'on pourrait faire autant de chartes des droits qu'il y a d'Individus ou de composantes dans la société, si les principaux acteurs dans la société, les gens qui détiennent les commandes ne veulent pas changer leurs mentalités ni leurs orientations. Est-ce qu'il serait utopique de croire que, dans une société dite civilisée, ce sont nos comportements qu'il faudrait plutôt réajuster en fonction des vraies valeurs et des vrais besoins de notre société à l'heure actuelle, sinon on ne finirait jamais de faire des chartes des droits pour chaque groupe d'individus ou d'intervenants.

Mme Forget: Vous avez une position très idéaliste, madame. C'est un argument qui a été servi à M. Claude Brunet pendant des années et des années quand il demandait le remplacement du droit de grève. On disait: Ce ne sont pas les lois qui vont changer cela, c'est une question de changement de mentalités. Les grèves se multipliaient et devenaient de plus en plus sauvages. Et, parce qu'on était réaliste et qu'on vivait dans le milieu, on voyait que si le gouvernement avait la volonté politique de faire respecter ses lois, à ce moment-là, il adoptait les sanctions appropriées. On l'a crié sur tous les toits. On a donné à M. Brunet toutes sortes d'étiquettes parce qu'il proposait, non pas d'attaquer les travailleurs, mais il disait: Si vous reconnaissez le droit fondamental des malades à la santé, comme vous le reconnaissez pour les travailleurs, à ce moment-là, vous adoptez une loi qui retire le droit de grève. Ce n'est pas pour me vanter, mais notre organisme a eu beaucoup de mérite à consacrer des centaines d'heures de recherche pour proposer un mécanisme de remplacement alors qu'il est tout petit. On lui répondait toujours: C'est un changement de mentalités qu'il faut, et nous parlions de sanctions appropriées. Quand le gouvernement actuel a adopté la loi 160 avec les sanctions appropriées que l'on demandait depuis des années, est-ce qu'il y a eu une grève générale dans les hôpitaux?

Je pense que c'est comme un enfant, c'est absolument la même chose, mais transposé à la société. Un enfant qui obtient ce qu'il veut à chaque fois qu'il tape du pied va continuer à taper du pied. Mais, si le parent intervient et dit: Holà! Ce n'est pas bien, ce que tu fais, et si tu ne veux pas te soumettre, c'est bien dommage, je ne veux pas le faire, mais je vais être obligé de sévir. À ce moment-là, vous allez avoir un enfant discipliné et qui va cesser de taper du pied au moindre de ses désirs. Je pense que c'est la même chose pour la société.

Par exemple, prenez le cas des règlements du Code de la sécurité routière. Ils étaient tout le temps violés. Mais, depuis qu'il y a de fortes amendes, conduire en état d'ébriété, cela se fait encore, mais je connais beaucoup de gens qui font attention et qui ne prennent plus leur voiture. Pourquoi? Parce qu'ils ne veulent pas perdre leur permis de conduire. C'est la même chose pour le braconnage. Cela nous réjouit de voir qu'enfin un gouvernement prend ses responsabilités et que, quand il veut faire respecter ses lois, il ne parie plus de -changement de mentalités, mais il dit: II faut prendre les sanctions appropriées pour faire respecter ces lois.

Vous parlez de changement de mentalités. Nous avons fait des campagnes de sensibilisation. Tout le monde connaît M. Brunet. Pourquoi? Parce que, justement, il a fait des efforts inouïs pour faire des interventions publiques, pour participer à des commissions parlementaires et pour éclairer l'opinion publique sur la situation qui existait. Est-ce que cela a changé les mentalités au sujet des grèves?

On intervient dans les établissements, on ne vous a pas fait l'historique, on vous a donné un cas dans notre mémoire. Prenez un homme qui décide que ce n'est pas le bien-être des bénéficiaires qui compte pour lui. À l'heure où on parle de coupures budgétaires et d'équilibre budgétaire, de l'équilibre des budgets des hôpitaux, lui - monsieur! - ne serait pas dans le rouge, il va avoir un surplus budgétaire. Alors, il coupait au détriment du bien-être des bénéficiaires, il coupait au détriment des droits fondamentaux des bénéficiaires. On a eu beau faire des interventions... Il y a même des résidents qui ont eu un certain courage et qui, ensuite, ont été victimes de représailles, de harcèlement de la part de ce monsieur. Est-ce que c'est parce que cet homme a manqué d'information qu'il agissait

ainsi? Pas du tout.

Madame, il faut reconnaître qu'en nous tous, en ce bas monde, il y a du bon et du mauvais et que si c'est notre intérêt de faire triompher des choses qui ne sont peut-être pas tellement bonnes, on va le faire. La nature humaine est comme cela aujourd'hui; elle l'était, il y a deux siècles. Elle était comme cela du temps du Christ. Elle sera toujours comme cela.

Ce n'est pas une question de dire: On va devenir tous bons si on a une meilleure information, cela va nous aider à changer nos mentalités.

Le Président (M. Filion): Merci. Oui?

Mme Vermette: Tout ce que je voudrais ajouter, c'est que, effectivement, comme Je m'occupe du dossier des personnes handicapées, c'est un dossier auquel je suis extrêmement sensibilisée. À la fin de notre mandat, en fait, comme gouvernement, en décembre 1985, nous étions prêts à voter une loi sur l'accès aux édifices publics. Il n'y a rien encore qui a été fait. Cela fait deux ans. Le projet de loi était prêt; il a été déposé. Il n'y a absolument rien pour les personnes handicapées encore.

Au contraire, de plus en plus, c'est très difficile pour ces gens-là d'avoir des sommes d'argent. De plus en plus, on dilue la responsabilité et la représentation des personnes handicapées à l'heure actuelle, parce que ce sont les transferts de programmes. Encore là, on va adopter un projet de loi tout à fait à rencontre de l'intégration des personnes handicapées.

Je pourrais vous parler de la violence faite aux femmes. Cela aussi suppose un gros changement de mentalités. Les maisons pour elles ont de la difficulté, de plus en plus, à vivre. Effectivement, il y a des problèmes de société. Il y a des problèmes très graves, très importants où les comportements et les mentalités ne changent pas du jour au lendemain.

Je suis tout à fait d'accord avec vous. Il reste encore beaucoup de choses à faire dans beaucoup d'autres domaines qui touchent toujours l'intégration des personnes, à mon avis. Il faut faire attention. Vous avez tout à fait raison quand on parle de désinstitutionnalisation. De plus en plus, on trouve des jeunes sans-abri, parce qu'on ne sait plus où aller, parce qu'on n'a pas de ressources ou de moyens pour ces gens-là aussi.

Mme Forget: On aime beaucoup se comparer avec l'Ontario. L'Ontario a vu un problème, parce qu'un gouvernement intervient quand il y a des problèmes graves. Elle a adopté une Charte de droits des malades - c'est applicable; c'est dans une loi - où on prévoit des sanctions.

Nous, ici, on retarde toujours. On se traîne les pieds. On ne remarque pas, par exemple, que le législateur soit souvent intervenu pour protéger des personnes particulièrement faibles et vulnérables. On le fait dans le cas de la protection de la jeunesse, par exemple.

Alors, dans le cas des malades, qui sont une catégorie de personnes très vulnérables, très affaiblies, pouquoi est-ce qu'on refuse d'agir?

Le Président (M. Filion): Je vous remercie. Je me suis réservé pour la fin. Même si on a dépassé l'heure un peu, je suis convaincu que j'ai le consentement de mes collègues. Je voudrais vous ramener un peu à notre sujet qui est la Commission des droits de la personne.

Bien sûr, le Comité provincial des malades, qui existe depuis bientôt une quinzaine d'années, a fait un travail absolument admirable, notamment, par son ancien président avec qui j'ai eu le plaisir de travailler à une certaine époque, alors que j'étais au ministère des Affaires sociales.

Il y a également d'autres personnes: Le comité lui-même, tous les bénévoles dont vous faites partie, si j'ai bien compris, Mme Dutrisac, etc. Il faut comprendre que les malades sont dans une position parfois difficile pour faire valoir leurs droits.

Le comité, à juste titre, fait un travail tout à fait admirable là-dessus. En ce qui concerne notre sujet particulièrement et votre mémoire, j'ai été frappé par l'absence d'échanges normaux entre la commission et le Comité provincial des malades.

D'abord, il faut peut-être se ramener au texte même de la charte. Cela m'a absolument renversé, notamment, le cas du centre d'accueil dont vous taisez le nom, dans votre mémoire L'article 48 de la charte qui a été voté à l'unanimité par les législateurs en 1977 a créé, au premier alinéa, une disposition particulière: Toute personne âgée ou toute personne handicapée a droit d'être protégée contre toute (orme d'exploitation.

À l'article 69, le législateur... À l'intérieur de la charte, l'esprit de la charte est de faire du traitement de l'article 48 une forme d'activité particulière pour la commission où... Je vais lire l'article 69 pour le bénéfice de ceux qui nous écoutent et pour le bénéfice des gens de la Commission des droits de la personne et de ceux qui nous liront.

L'article 69. Toute personne qui a raison de croire qu'elle est ou a été victime d'une atteinte à un droit reconnu aux articles 10 à 19 ou au premier alinéa de l'article 48 peut adresser par écrit une demande d'enquête à la commission".

Je sais que la commission s'est penchée, en 1983, sur les conditions d'application de l'article 48. Mais, sans avoir parcouru ce texte de 1983 de la Commission des droits de la personne, il apparaît à n'importe quel esprit logique que les dispositions concernant les personnes handicapées ou malades doivent recevoir et auraient dû recevoir, de la part de la Commission des droits de la personne, le traitement particulier que la

charte édicté, où on ne parie pas d'une forme de discriminition. À cet égard, je renvoie les membres de cette commission à l'exemple que vous avez cité dans votre propos, mais qui est relaté en longueur en pages 7, 8, 9 et 10 de votre mémoire. Il est tout à fait inconcevable, comme t'a souligné Mme la directrice générale du Comité provincial des malades, qu'un agent de recevabilité à la Commission des droits de la personne puisse dire: Ce n'est pas de la discrimination. On fait de la discrimination, non. La charte des droits de la personne dit tout à fait autrement. Cela m'amène à mon premier commentaire. Je comprends tout à fait la justification de votre demande en ce qui concerne une charte spécifique, en ce qui concerne les malades. Je comprends également l'état d'exaspération qui vous pousse à reprendre le plaidoyer vibrant de M. Brunet qu'il a eu l'occasion de faire dans ce salon, il y a une couple d'années. Je m'en souviens, j'étais présent. Il l'a fait également sur d'autres tribunes, c'est là un travail admirable. Mais avant de songer - c'est mon opinion personnelle, je ne dis pas que ce n'est pas une bonne solution - à adopter une formule qui pourrait être semblable à celle de l'Ontario et d'avoir une charte des malades qui serait administrée par le ministère...

Une voix: Je ne recommande pas cette solution.

Le Président (M. Filion): Vous recommandez - et j'en suis - une charte provinciale avec une commission des droits du malade. C'était là, d'ailleurs, la demande originale de M. Brunet, sauf erreur. Avant de s'en remettre à cette espèce de division des responsabilités avec... Chacun des groupes qui est venu ici aimerait bien avoir également son secteur. Qu'on parle de la communauté gaie, qu'on parle du secteur racial, la plupart des groupes aimerait bien être traitée de façon particulière. Justement, la charte des droits de la personne qu'on a faite est une des meilleures, dit-on. Pourquoi? Parce qu'elle a cherché à englober l'ensemble des minorités - si je puis m'exprimer ainsi - et l'ensemble des droits et libertés de chacun des individus. Je ne dis pas que ce n'est pas une bonne solution pour l'avenir, encore faudrait-il que la Commission des droits de la personne joue le véritable rôle que lui a confié la charte en 1977. Des exemples comme ceux du centre d'accueil que vous nous avez donnés, comme ceux de Saint-Théophile, témoignent bien d'une inconsistance de la Commission des droits de la personne à traiter des droits des malades. La démonstration est claire.

Autre chose. En ce qui concerne les soins intimes qui doivent être donnés par le personnel des institutions à des malades, j'ai été frappé. J'ai hâte de poser des questions à Commission des droits de la personne là-dessus. En 1978, je me base sur votre mémoire. Je n'ai pas étudié le dossier moi-même, Je vais vous le dire, je vais le faire, en 1978, dis-je, un avis clair. La commission: préséance du droit du malade à recevoir les soins intimes d'une personne de son sexe. En 1984, renversement de position. À ce moment-là, la commission affirme que la pudeur est un préjugé dépassé et que les soins accordés à un malade pourraient l'être par une personne de n'importe quel sexe sans tenir compte de la pudeur, justement, du malade. En 1986, apparemment, grâce à vos pressions, on revient. Qu'est-ce que cela crée? En presque dix ans, une inconsistance dans l'application d'une charte qui crée un peu partout une espèce de désintérêt, de déséquilibre. On ne sait pas où on s'en va. (11 heures)

En deux mots, je retiens de votre mémoire sa recommandation première, qui est la création d'une commission des droits du malade qui administrerait, si on veut, une charte des droits du malade. C'est une idée à laquelle il faut songer, mais entre-temps - c'est là le devoir des membres de cette commission - on devra se pencher sur ce qui a été vécu depuis dix ans à la commission, non seulement en ce qui concerne le droit du malade mais également en général. Encore une fois, bien qu'étant président de cette commission, je m'exprime en mon nom personnel. Les délibérations que nous ferons après les consultations seront des avis majoritaires. Mais il apparaît que la Commission des droits de la personne en termes de droit du malade n'a peut-être pas été au bout de son mandat, loin de là. En ce sens, je ne sais pas si vous voulez réagir à ces propos. J'ai été également frappé par un autre élément, c'est la question des délais. Vous savez, tous les organismes qui sont venus ici ont déploré les délais. Dans chacun des secteurs, on a des bonnes raisons. En ce qui concerne les malades, c'est encore plus patent. C'est évident que s'il souffre d'une situation dans les dernières heures de sa vie, dans certains cas, ce n'est même pas les derniers mois ou les dernières années, bien, il est trop tard. C'est l'intégrité physique qui est un des droits premiers de la charte qui est en cause. Certains seront moins d'accord. À ce jour, à peu près tous les organismes nous ont confirmé que les délais étaient inacceptables. Lorsqu'on parle de l'application de l'article 48, au premier alinéa, en ce qui concerne les délais, on ne peut pas faire autrement que vous donner absolument raison. Cela prend une intervention rapide, cela prend une intervention généreuse, ouverte et efficace de la commission dans les cas où les droits des malades sont concernés. Peut-être que vous voulez réagir à ces propos, si c'est nécessaire.

Mme Forget: En ce qui concerne notre expérience et toujours concernant la protection des droits fondamentaux, nous avons réfléchi sur les causes. Les causes demeureront toujours, quelque modification que vous apportiez à la commission. Premièrement, pour être efficace, un

organisme doit avoir un mandat unique. Il y a beaucoup de vrai dans les adages "small is beautiful", on ne doit pas courir deux lièvres à la fois. Cela a été le gros problème pour lequel la commission ne s'est pas occupée de l'article 48. Parce qu'elle a plusieurs objectifs, et il y a un conflit à un moment donné entre ses objectifs et elle en privilégie un seul au détriment d'autres. Par exemple, on regarde la Commission d'accès à l'information. Elle est très efficace cette commission. Je me suis informée, les décisions se donnent à l'intérieur d'un mois.

Le Président (M. Filion): Excusez, de quelle commission?

Mme Forget: La Commission d'accès à l'information.

Le Président {M. Filion): Oui, d'accord.

Mme Forget: Cela fait quatre ans, je crois. Je me suis Informée.

Le Président (M. Filion): Cela fait cinq ans qu'elle existe.

Mme Forget: Cinq ans. Ses membres ont, de plus, des pouvoirs exécutoires. Pour les malades, c'est ce que cela prend pour les malades parce que, autrement, la commission va toujours demeurer avec ses problèmes même si vous créez une unité à l'intérieur pour les droits des malades. Il va y avoir des conflits, à cause de l'idéologie prédominante de la commission. Il va y avoir des batailles en règle lorsque les droits fondamentaux des malades viennent en conflit avec les droits acquis. Ensuite, l'action n'est pas rapide Vous le reconnaissez vous-même dans le cas des malades, c'est absolument essentiel que l'Intervention soit rapide. Plus que cela, que les structures soient faites de telle sorte qu'on vienne aux malades. Aussi, l'autre raison, c'est qu'il faut que ce soit des personnes qui sont très familières avec le milieu des malades. Je pense que dans le cas de la commission, créer l'unité, vous n'avez pas résolu ces problèmes fondamentaux qui font que la Commission des droits de la personne ait été très peu performante pour défendre les droits des malades. Cela va toujours rester. C'est pour cela que nous préconisons un mandat unique, un pouvoir exécutoire et un système d'"ombudsman" qui va aux malades.

Le Président (M. Filion): D'accord. Je vous remercie madame. Vous savez, ces questions de délai et de pouvoir coercitif ou exécutoire de la part de la commission ou d'un tribunal quelconque font précisément l'objet de nos réflexions ici. Ce sont des préoccupations qui s'étendent non seulement aux droits du malade mais qui s'étendent également à l'ensemble des droits des minorités ou de personnes qui pourraient être affectées par des violations à la charte. En deux mots, cette partie de votre préoccupation rejoint véritablement celle d'une bonne partie des intervenants qui sont venus. Cela ne diminue pas la portée de vos propos, madame. Je sais qu'il y a des distinctions que vous faites. Nous nous pencherons sur...

Mme Forget: Une dernière petite question. Quels seraient les moyens que vous entendriez mettre en oeuvre pour éliminer cette influence idéologique à l'intérieur de la commission?

Le Président (M. Filion): La question est posée, madame.

Mme Forget: La réponse n'est pas donnée.

Le Président (M. Filion): Alors, en terminant, je voudrais vous remercier d'autant plus que je sais que vous avez accepté de modifier l'horaire de votre présence à cette commission ce matin. Ce qui vous a peut-être occasionné certains frais ou, en tout cas, certains Inconvénients.

Mme Forget: Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Filion): Je voudrais vous remercier et vous assurer que les membres de cette commission ont hautement apprécié la qualité de votre intervention, ce matin.

Alors, sans suspension, nous allons immédiatement procéder à entendre le groupe suivant, c'est-à-dire les représentants du Conseil du patronat du Québec que je voudrais remercier pour la patience dont ils ont fait preuve. On a dépassé légèrement notre horaire de ce matin.

Je voudrais souhaiter la bienvenue à M Ghislain Dufour, qui n'a pas besoin de présentations. Il n'en est pas à sa première visite à une commission parlementaire ici à Québec. Je lui demanderais de bien vouloir nous présenter cependant les personnes qui l'accompagnent, d'autant plus, m'a-t-on informé, qu'un de ses homonymes fait partie de la délégation. Je lui rappelle brièvement nos règles du jeu qui sont d'une période d'environ quinze minutes pour la présentation du mémoire et d'une période de 45 minutes pour permettre les échanges avec les membres de la commission. Je tiens à signaler cependant que le mémoire du Conseil du patronat nous a déjà été envoyé. Il fait partie de vos dossiers sous la cote 2M. Les membres de la commission en ont déjà pris connaissance.

Bienvenue, M Dufour.

Conseil du patronat du Québec

M. Dufour (Ghislain): Je remercie M. le président Filion. Je présente mes collègues: Mme Annie Amisse, directrice de l'information et de l'administration au Conseil du patronat; Me Jean Roberge, directeur adjoint et conseiller juridique de l'Associaton des mines de métaux. Vous

constatez que nos troupes sont disséminées ce matin par rapport à ce que l'on vous avait donné comme information. Elles ne sont pas disséminées en qualité, mais en quantité. On a vécu des choses comme vous. C'est la troisième fois que la commission change de date. Quant à nous, cela nous a créé un certain nombre de problèmes. Justement, vous aviez Gilles Lavallée, de l'Alcan, qui devait être avec nous ce matin. Il est pris dans une grève. Alors on n'y peut rien.

Je voudrais d'abord vous dire, M. le Président, que c'est à l'invitation même de votre commission que nous sommes là. Nous nous présentons devant vous avec l'esprit le plus positif possible. Nous n'avons qu'un objectif: essayer de voir comment fonctionne cette commission, essayer de voir si on ne peut pas faire des suggestions pour en améliorer le fonctionnement. Je dois vous dire qu'on a trouvé le cadre de votre démarche très rigide. Nous proposer 23 questions en nous demandant de répondre après chaque question dans un certain schéma. C'était très, très orienté à faire. En termes de présentation, cela nous a plu. Mais de façon générale, on a tendance à s'étendre plus que ça. Alors vous nous avez ramenés dans un cadre très rigide et on va devoir le suivre.

Alors avec vous, très rapidement, pour se resituer dans le contexte de notre mémoire - parce que je sais que vous avez en tête d'autres mémoires - on va quand même passer très rapidement. Je suis sûrement capable de le faire dans une quinzaine de minutes et je pense qu'il y aura lieu d'échanger des avis sur un certain nombre de points.

Bien sûr, vous nous demandez d'abord si on a déjà fait affaire avec la commission. Je vous dis oui, sinon on ne serait pas là. Quant à quantifier le nombre de cas, cela nous a amenés, nous, dans cette démarche-là, à essayer de nous voir comme Conseil du patronat, organisme provincial qui intervient en ce qui concerne les grands dossiers, et essayer de voir ce que vivent nos membres dans leurs relations concrètes avec la Commission des droits de la personne.

Alors quand on a reçu votre invitation, on a mis sur pied un groupe de travail avec sept ou huit entreprises et on a fouillé ce document. Elles nous ont donné un certain nombre de réponses. Nous avons, dans notre mémoire, distingué toujours la réaction que l'on peut avoir comme organisme provincial face à la Commission des droits de la personne et ce que nous disent nos membres dans le champ qui vivent des problèmes tout à fait différents d'un organisme comme le nôtre. Alors vous avez tout le temps ces deux références CPQ-entreprises. Alors, quand on nous demande: Avez-vous fait affaire souvent avec la commission? On dit: Une douzaine de fois; mais, bien sûr, pour les entreprises ce n'est pas possible de déterminer combien de fois elles font affaire avec la commission.

On peut commencer à être plus explicite un peu. C'est dans quel genre de dossier on a affaire à la commission? Pour le Conseil du patronat, cela se présente à peu près de la façon suivante. On a beaucoup de demandes de la part de nos membres pour un paquet d'affaires. Que cela touche, par exemple, les programmes d'accès à l'égalité, que cela touche la discrimination, que cela touche des problèmes de harcèlement sexuel, on ne prend pas tellement de chance d'expliquer la charte. De façon générale, on réfère cela au service de recherche de la commission.

Nous organisons assez souvent des colloques où nous mettons les services de la commission à profit et nous soulevons nous-mêmes généralement des problèmes très généraux. Je pourrai vous en expliquer un certain nombre tout à l'heure dans notre démarche.

Quant aux entreprises, bien sûr, c'est très différent. Elles ne sont pas préoccupées comme nous des grands dossiers. Ce sont des problèmes très concrets: il y a une plainte de harcèlement sexuel, une plainte en discrimination; alors, elles sont dans un dossier très concret. Donc, leur approche, leur évaluation n'est pas du tout la même.

Je vous signale, M. le Président, qu'en ce qui nous concerne, nous sommes restés dans notre analyse au niveau purement des questions relatives à l'emploi. D'ailleurs, c'est à peu près cela qui fait 75 % des plaintes qui sont présentées à la commission. Question de logement, question de discrimination ethnique, on n'a pas touché à cela, c'est évident dans notre mémoire. D'ailleurs, notre organisme est davantage préoccupé, comme vous le savez, par les questions de relations du travail.

Vous nous demandez ensuite: Est-ce qu'on a déjà collaboré à des programmes pour la défense de la promotion des droits et libertés de la personne? Comme CPQ non, mais dans nos entreprises, de plus en plus, depuis que la charte a été amendée pour y incorporer tout le chapitre sur les programmes d'accès à l'égalité et que la Commission des droits de la personne offre maintenant aux entreprises un programme d'implantation, un programme d'aide d'implantation des programmes d'accès à l'égalité; alors, de plus en plus, il y a une collaboration qui se fait entre les entreprises et la commission.

Vous nous posez ensuite la question: Est-ce que la commission, ses services, donne suffisamment d'information sur son fonctionnement, sur ses services, etc.? Notre évaluation à titre de conseil, c'est oui suffisamment, dans le sens que le bulletin de la commission pour nous est un très bon outil. C'est dans l'actualité généralement. De plus, de façon générale, le président de la commission - je ne sais pas si on est sur une liste privilégiée, mais en tout cas - nous envoie de façon générale les nouvelles orientations, les nouvelles prises de position de la commission. Je vous donne un exemple. J'ai reçu, il y a à peu près quinze jours, toute la position de la commission sur les examens médicaux en pré-embau-che et en cours d'emploi. C'est un dossier

actuellement majeur. Les entreprises ne savent plus quoi faire pour faire face aux -drogues, au SIDA, etc. Alors ta commission a pris là-dessus une vraie bonne orientation, non pas une position parce qu'elle est encore discutable. C'est là le genre de document que nous recevons régulièrement qui est très utile et que d'ailleurs nous transposons dans nos bulletins.

Ce que nous disent par ailleurs les entreprises, c'est que les listes d'envoi à la commission ne semblent pas à jour. J'ai eu l'occasion de travailler avec de très grandes entreprises qui ne reçoivent pas les bulletins de la commission. C'est une remarque qu'on peut lui faire. C'est facile à bâtir ce genre de dossier. Donc, de très grandes entreprises ne reçoivent pas d'information de la commission.

Vous nous demandez ensuite quelle genre d'Information additionnelle on voudrait recevoir. Nous vous disons que ce que l'on reçoit est bien, on n'en veut pas plus, parce que plus on en a moins on en lit, alors il faut vraiment faire la synthèse. Or, la commission a fait une bonne synthèse de l'information.

Les entreprises nous disent: II devrait y avoir une diffusion plus grande des décisions de la commission, parce qu'il y a une jurisprudence importante de sa part et elle ne la distribue peut-être pas assez. Vous nous demandez si la Commission des droits de la personne a un rôle d'éducation aux droits de la personne et vis-à-vis de la population. C'est évident que oui. Nous ne nous sommes pas attardés longtemps à cela. (11 h 15)

Si oui, de quelle façon concevez-vous son rôle? Et là, on entre vraiment dans le coeur du débat. On dit que la Commission des droits de la personne, pour nous, a un rôle préventif à assumer en matière de protection des droits et des libertés. Il est donc tout à fait justifié qu'elle veuille être en contact avec la population et lui fournir l'Information dont elle a besoin, d'ailleurs, l'information de tout le monde. Ici, je ne parle pas des organismes comme le nôtre et des entreprises, mais de la population en général. Cela se solderait peut-être par une diminution du nombre de plaintes. En outre, au chapitre de l'information, une petite suggestion qu'on fait à la commission parce que nous sommes en contact constant avec la Commission des normes du travail, par exemple, l'Aide juridique, et on trouve que ces organismes réussissent mieux que la Commission des droits de la personne à faire connaître concrètement au public leur rôle dans la société québécoise. Je pense notamment à la Commission des normes du travail qui a un programme de relations publiques excellent, quant à nous.

Par ailleurs, soulignons que la commission a joué un rôle important en information, tant auprès des employeurs que des travailleurs, lorsqu'elle a publié son formulaire d'emploi, guide d'entrevues. C'est un document qui a été très bien reçu de la communauté patronale. Nous l'avons diffusé largement. On l'a même publié dans notre bulletin. Alors, quand la commission peut interpréter comme cela, de façon très pratique pour les entreprises, les politiques et les grandes orientations de la charte, c'est très utile. Dans ce sens, elle joue un rôle d'information face à nous; et nous, on joue un rôle de diffuseur de l'information.

Est-ce que la commission doit être présente dans toutes les régions? Oui, selon le mode de régionalisation actuel. Il ne s'agit pas de les multiplier. Quand on parle de régionalisation, il y en a qui font de chaque ville une région Or, il ne s'agit pas de cela. Pour nous, c'est le concept actuel de régionalisation. Pour quelles raisons, nous demandez-vous? C'est simplement une question d'équité. Là, on est avec des gens qui sont souvent des plus démunis pour des questions de liberté fondamentale. Alors, on ne demandera pas à quelqu'un d'être en situation difficile pour pouvoir porter sa plainte et la régionalisation joue un rôle important dans ce domaine.

Est-ce que les dossiers qui sont transigés avec la commission se règlent à l'étape de la médiation, se règlent à l'étape de la conciliation, devant les tribunaux, etc? Il y a de tous les cas. Alors, on pourrait en reprendre et en faire des illustrations. Je pense que c'est une question qui est vraiment trop générale, Ce qui nous importe le plus, c'est est-ce que les règlements sont satisfaisants, insatisfaisants ou pas? Nous n'avons jamais traité de problèmes concrets donc, nous n'avons pas d'évaluation à faire. Mais voici ce que nous disent les entreprises. Évidemment, il y en a qui ont perdu, elles ne sont pas contentes. Cela dépend toujours du jugement que tu as. Alors, certains règlements ont été satisfaisants, d'autres pas. Il est donc difficile de répondre à la question. Mais, il semble que, de leçon générale - c'est ce qu'on a vu - les règlements sont considérés par les employeurs comme Insatisfaisants. J'y reviendrai tout à l'heure.

La commission se donnerait souvent un rôle, non seulement d'interprète des dispositions de la Charte des droits et libertés de la personne, mais aussi un rôle de missionnaire dont la portée sociale peut évidemment être très large. Ainsi, la commission des droits, même dans des dossiers où il est clair que la demande est frivole et que les dispositions de la loi ont été respectées, tenterait trop souvent d'obtenir néanmoins des règlements basés sur de vagues notions d'équité, ce qui entraine, bien sûr, tes délais interminables dont on parle.

Question majeure, M. le Président. Est-ce qu'on considère que la commission des droits est un organisme très impartial, assez impartial, peu impartial ou pas impartial? Cela ressemble à un sondage CROP. En tout cas, nous ne croyons pas que la commission soit un organisme impartial. Mais cela ne nous offense en aucune façon, parce que la mission de la commission n'est pas d'être impartiale. Elle a un mandat précis qui l'amène à avoir un préjugé favorable aux person-

nés qui se sentent brimées dans leurs droits et libertés. Elle doit donc prendre fait et cause pour ces personnes et les aider. Elle peut donc difficilement être impartiale et, je le répète, c'est correct qu'il en soit ainsi. Nous constatons d'ailleurs que la composition du conseil d'administration témoigne de cette mission, mais je vous passe quand même le commentaire suivant pourquoi n'y retrouverait-on pas davantage de personnes en provenance de l'entreprise? Je vous ai dit tout à i'heure que 75 % des plaintes sont des plaintes relatives au travail. Bien sûr, si je me rappelle bien - on me corrigera - je pense qu'il y a douze personnes actuellement à la commission et il y a le président et la vice-présidente. II y a une personne qui vient de l'entreprise et cette personne - je ne veux pas la blesser - ce n'est pas une personne qui est en contact nécessairement avec les organismes patronaux pour donner un peu le feed-back que peut donner Monique Simard ou Claude Morrisseau, par exemple. II y a peut-être une révision à faire de ce conseil d'administration.

Considérez-vous que la commission est un organisme très bien structuré, assez bien structuré, mal structuré? C'est bien structuré, mais il y aurait avantage à ce que l'enquêteur ait davantage de pouvoir.

J'ai vu dans les journaux, ce matin, un groupe qui faisait une recommandation, hier. On distingue le rôle de médiateur et celui d'enquêteur. Là aussi, ce serait une chose à laquelle on n'a pas pensé, quand on a dit ça, mais avec laquelle on serait d'accord. Distinguer toujours les deux rôles dans tous les organismes .Vous ne pouvez pas être en même temps quelqu'un qui essaie de faire la médiation et être en même temps la police. Et de plus en plus on s'oriente vers cela dans nos lois au Québec, on ne devrait pas faire cela.

Quels sont les points forts et les points faibles?? Pour faire un peu une synthèse de tout cela, les points forts de la commission. II y a une bonne information. Certains services sont très bons. C'est le programme d'aide, par exemple, dans le dossier d accès à l'égalité. II y a un bon accueil. II y a disponibilité du service de recherche Les points faibles les délais Je pense qu'il y a une certaine unanimité dans tous les milieux, les délais. La formation des enquêteurs, la recherche du règlement à tout prix, d'où son rôle de missionnaire dont on parlait tout à I'heure. Le peu de pouvoir de l'enquêteur. La prise de toutes les décisions, directement, par la commission. C'est un des seuls organismes qui a cette structure où, finalement, c'est la commission qui prend les décisions.

Est-ce que c'est un organisme qui a beaucoup de pouvoir, peu de pouvoir, aucun pouvoir?? C'est sans objet pour le CPQ Mais nos membres nous parlent de son préjugé favorable au plaignant, dont on parlait tout à l'heure, mais c'est conforme à sa mission. II est heureux que la commission n'ait pas trop de pouvoir. Plusieurs entreprises constatent en effet qu'il arrive régulièrement - cela, on pourra en débattre - que dans des dossiers, la commission s est prononcée en faveur du plaignant, des tribunaux modifient les décisions.

Considérez-vous que la commission est un organisme compétent? Bon, le CPQ dit - et j'ai une gêne à le répéter devant vous - que la commission a longtemps projeté auprès de notre organisme l'image d'un organisme paragouverne-mental de gauche, favorable aux syndicats défavorable aux entreprises. Voilà l'image qui a existé longtemps dans le milieu que je représente. Cette image a changé depuis quelques années. On lui reconnaît, aujourd'hui, une compétence certaine et elle a perdu son étiquette de gauche.

Comme nous l'avons déjà mentionné, nous faisons souvent appel à la commission pour obtenir des informations pour nos membres. Nous y recevons un excellent accueil. Le personnel est compétent. Et si vous voulez en parler davantage, Mme Amisse qui pilote ce dossier-là chez-nous pourra vous dire les cas concrets auxquels on se reporte.

Dans l'ensemble, avez-vous été très satisfaits, assez satisfaits, insatisfaits de vos démarches relations? Alors, pour le CPQ, nous avons été - dans le mémoire, on le dit seule ment - insatisfaits. Ici, je pense qu'on devrait dire. Nous avons été très insatisfaits, lorsque nous avons consulté la commission au sujet des dispositions antibriseurs de grèves, par exemple. Parce que nous faisons souvent vérifier par la commission, des lois avec lesquelles nous ne sommes pas d'accord. Parce que c'est un de ses mandats d'ailleurs de conseiller le législateur sur les lois au Québec.

Alors cela a été a peu près notre première vraie expérience, au début des années quatre vingt avec la commission quand on a fait vérifier si les dispositions antibriseurs de grèves - vous allez vous rappeler cette période M. Filion - étaient ou non conformes à la Charte des droits et libertés. Nous avons eu l'impression que la commission avait tout mis en oeuvre pour ne pas nous donner raison. Question de perception. Mais, à ce moment-là on avait vraiment l'impression d'un organisme de gauche dont |e parlais tout à l'heure. Mais c'est encore là, je le répète, changé et nous sommes satisfaits de I' information qui nous est donnée, de la participation à nos colloques. On a organisé encore récemment un colloque sur le harcèlement. II y avait une dimension plus particulière du harcèlement sexuel. La commission a été très disponible, elle nous a offert la documentation de base, elle s'est mise au service des participants après pour répondre à leurs préoccupations plus particulières, dans des cas d'entreprises. Et, cela a été excellent

Quant aux entreprises c'est un peu moins positif. Parce qu on nous dit que de façon générale à cause des délais, de la recherche des règlements a tout prix des coûts engendrés

par le processus du règlement des conflits, on peut donner certaines réserves face au travail de la commission.

Que faire pour améliorer les relations avec les organismes comme le nôtre? Bon. Organiser des rencontres d'information. Les autres organismes te font régulièrement avec nous, viennent nous rencontrer, discutent de leurs rapports annuels, suscitent les commentaires, nous parlent des délais, nous demandent pourquoi il y a ces délais. Parce que, souvent, c'est attribuable aux parties; les conseillers juridiques - vous le savez bien - des deux parties, souvent, sont cause des délais. Mais, c'est possible de discuter cela. Par exemple, on rencontre la semaine prochaine la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles qui est sur pied seulement depuis deux ans et qui déjà connaît des problèmes énormes de délais. On va débattre de cela. Donc, ce sont des suggestions qu'on peut faire pour essayer d'améliorer les relations avec des groupes comme le nôtre.

Quant aux entreprises, le message est clair. Il s'agit de décourager les plaintes frivoles et de ne pas se faire le défenseur de toutes les causes, quelles qu'elles soient.

En résumé, M. le Président, le CPQ et les entreprises consultées souscrivent pleinement aux objectifs de ta Charte des droits et libertés de la personne en regard de la non-discrimination au travail et, évidemment, aussi quant au logement, etc., mais on s'est attardé surtout au travail. Ils acceptent également d'emblée que la commission joue son rôle d'"ombudsman" à l'égard des personnes qui se croient lésées dans leurs droits et libertés en ce domaine.

L'action de la commission doit toutefois être empreinte de beaucoup de rigueur. Souhaitons également que l'on réduise le plus possible les délais de traitement des plaintes. Nous rejetons finalement l'Idée qu'il faille conclure des règlements à tout prix. Cela dit, nous n'hésitons pas à dire que la commission obtient très facilement la note de passage et que, si en certains domaines elle a peut-être besoin de recyclage, II ne saurait en aucune façon être question de lui imposer une retenue.

Le Président (M. Filion): M. Dufour, je vous remercie d'avoir consacré votre énergie ainsi que celle de vos collaborateurs pour faire en sorte d'enrichir cette réflexion des parlementaires autour du mandat de surveillance que nous nous sommes donné sur la Commission des droits de la personne. Par exemple, l'an dernier, cette commission avait étudié les activités de l'Office de la protection du consommateur d'une façon tout autre. Dans ce cas-ci, nous avons cru bon d'ouvrir nos portes à ces consultations et nous sommes très heureux de votre participation ainsi que de la qualité, de la précision, de la concision et de la densité de votre message. Pour le moment, Je vais céder la parole aux membres de cette commission. M. le député de Bertrand.

M. Parent (Bertrand): Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Filion): Juste avant, effectivement, de consentement également?

Une voix: Pas de problème.

Le Président (M. Filion): D'accord.

M. Parent (Bertrand): Je vais essayer d'être bref. Je pense que la présentation du Conseil du patronat est très claire. Comme vous l'avez dit, vous avez été mis dans un carcan et vous avez répondu. Vous trouvez que l'information est parmi les points forts. En réponse à la question 19, vous dites que l'information, la bonne information, est un point fort de la commission.

M. Dufour, ma préoccupation est la suivante. Est-ce que, justement, il n'y aurait pas lieu d'adopter une information quelque peu différente par rapport à la clientèle visée? Lorsqu'on parle des entreprises, it y a les grandes entreprises, celles qui sont aux prises avec des problèmes, mais qui ont des personnes disponibles, capables de traiter de ces cas et qui savent où s'adresser On sait qu'au Québec, la majorité des entreprises est formée de PME qui se sentent désarmées devant tout cela. De la part de votre organisme, le Conseil du patronat, qui se veut représentatif du milieu des PME, puisque vous regroupez plusieurs associations parmi vos membres, j'imagine qu'il y aurait certainement lieu d'aider les dirigeants de petites et moyennes entreprises - je pense plutôt aux petites entreprises - qui sont aussi aux prises, toute proportion gardée, avec des problèmes. Pour aller devant la commission, ils ne savent pas du tout comment s'y prendre. Ma première question est la suivante. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu que vous puissiez travailler de concert avec ces gens, s'il le veulent bien, et seriez-vous prêt à le faire auprès de la commission pour être capable d'amener une information beaucoup plus adaptée aux petites et moyennes entreprises?

M. Dufour (Ghislain): En fait, ce n'est pas la façon de transmettre l'information qui pourrait être changée, je pense. La jurisprudence est la même, qu'elle s'adresse à la grande, à ta petite ou à la moyenne entreprise. C'est peut-être la façon, M Parent... L'interrogation que vous avez, c'est: comment cela peut-il se rendre dans l'entreprise? Évidemment, comme il y a je ne sais plus combien de PME au Québec, 135 000, si la commission mettait sur son "mailing" toutes ces entreprises, on aurait des problèmes. Peut-être que des groupes - je sais que vous connaissez bien le Groupement québécois d'entreprise, le GQE ou des groupes de PME - pourraient se faire les diffuseurs de l'information auprès des entreprises, un peu comme nous le faisons. Évidemment, on rejoint peut-être une clientèle

un peu différente. Je sais que dans nos deux derniers bulletins, par exemple, on a transmis l'information de la commission sur la fameuse question des examens médicaux. Qu'est-ce que vous pouvez faire en termes de pré-emploi? Qu'est-ce que vous pouvez faire en cours d'emploi? Nos gens nous disent. C'est parfait. Ils retournent à la commission et ils demandent le document de base. (11 h 30)

Quant à l'autre volet de votre question. Comment les aider à se débrouiller face à une plainte, parce que cela aussi, c'est l'autre volet important, ils n'ont pas toujours les avocats que les grandes boites peuvent avoir, comment le font-ils? Moi, ici, je suis moins préoccupé dans une boîte comme celle-ci qu'à la CSST, par exemple, qu'aux normes parce que comme le rôle de la commission est d'essayer de faire en sorte que les parties s'entendent, il y a toujours le stade de la médiation - c'est un des objectifs de la loi que d'amener les parties à s'entendre - l'employeur sera automatiquement impliqué. Je crois que, en ce qui concerne l'information, la commission lui donnera ses droits. On voit souvent la commission dans ce genre de chose-la comme on voit la CSST, mais ce n'est pas du tout la même chose. La CSST n'a pas comme mission de faire en sorte que les parties s'entendent tandis qu'ici, on a un peu cela comme mission, et ce qu'elle souhaite souvent à la commission, c'est de ratifier l'entente. Donc, elle est obligée d'impliquer les parties. Je ne sais pas si cela répond, mais...

M. Parent (Bertrand): Le seul commentaire que j'apporterais est que vous avez à rejoindre de par le groupement que vous représentez. Conseil du patronat, de sensibiliser. Vous faites un travail, en tout cas - moi, l'en ai eu connaissance - d'information qui est excellent, sauf que ceux qui rejoignent la masse des petites entreprises qui sont aux prises avec la commissionet avec des problèmes de plaintes. On sait que si demain matin, en tant que dirigeant d'une petite entreprise, je me ramasse avec des problèmes semblables, je ne saurai trop comment m'y prendre, je ne connais pas ou je n'ai pas eu le temps d'aller suivre les séminaires parce que je n'ai pas les personnes pour déléguer etc. II y a donc un problème de ce côté-là, celui de rejoindre la clientèle. Je crois qu'il y aurait lieu d'essayer de collaborer et sensibiliser même, on parlait tantôt du Groupement québécois d'entreprise.

M. Dufour (Ghislain): Et il y a peut être une chose, si vous me permettez. Je pige. Je reçois le message .On peut facilement dire dans nos bulletins à l'intention des groupements de PME dont vous parlez, que s'ls s adressent chez nous, on va les aider. Ils ne s'adresseront pas à la Commission des droits de la personne et on peut vous dire pourquoi dans un paquet de cas

On a eu un cas récemment, par exemple, qu'on pourrait raconter, un cas de SIDA d'un travailleur qui travaillait sur une chaîne de montage et tout ses autres collègues voulaient qu'il s'en aille. Et là, on s'est posé tout le problème que peut faire un employeur face à cela. II n'appellera pas à la Commission des droits de la personne à ce moment-là, il va appeler chez nous parce qu'il s'imagine qu'on va lui demander son numéro de téléphone, son numéro d'assurance sociale, etc. Si éventuellement il congédie la personne pour cela, il va y avoir une plainte. Alors, les gens viennent chez nous pour cela, c'est canalisé et nous, on intervient face à la commission. On pourrait peut-être - je reçois bien l'intervention que vous faites - dire davantage non à nos associations que dans ce genre de problème-là, elles peuvent s'adresser chez nous, étant donné qu'elles ne vont pas a la commission et souvent avec raison, elles n'iront pas à la commission, et nous, on pourra gérer leur dossier à ce moment-là. Pour nous, on n'est pas obligé d'identifier l'employeur à la commission. C'est beaucoup plus facile.

M. Parent (Bertrand): C'est cela. Je pense que vous pouvez jouer un rôle, vous et les autres organismes que vous représentez. Vous pouvez jouer un rôle tampon qui pourrait sécuriser en tout cas, le plaignant. Et aussi, on pense à I'employeur qui est démuni, dans le cas toujours des petites entreprises.

Sans vouloir abuser du temps, une dernière question, M Dufour. Qu'est-ce que vous pourriez suggérer pour améliorer les délais, parce que c'est un problème majeur déploré par les entre prises par vous et la plupart des intervenants? Quelle serait la meilleure recommandation pour diminuer les délais?

M. Dufour (Ghislain): On pense que nous devrions revoir, s'il le faut la loi pour donner plus de pouvoir à I'enquêteur. Comme l'enquêteur n'a pas de pouvoir, que son rôle est un rôle d'enquête, un rôle de médiation, tous les rôles se confondent, souvent il n'a pas une préparation juridique pour faire vraiment de I'enquête il est souvent lui même responsable des délais avec les parties, je vous lai dit tout à l'heure souvent il est l'objet lui-même des délais.

Nous, on pense que I'enquêteur devrait avoir plus de pouvoir et être capable de décider. Tous les cas ne devraient pas aller à la commission. Je vais vous donner un cas que l'on vit actuellement. C'est Canadair qui nous le rapportait, et son représentant ne peut malheureusement pas être avec nous ce matin. C'est un cas de harcèlement sexuel ou le dossier se présente quelque part au mois de mars, mais souvent, entre le moment ou le problème se pose et celui ou la commission porte la plainte à l'attention de I'entreprise, il peut s'écouler un an. Comment voulez-vous que dans un cas de harcèlement sexuel il y ait réparation un an plus tard, alors

que le monde n'est plus là, que le contact n'existe plus? Nous pensons que, dans la structure, l'enquêteur devrait rendre une déci sion, bonne ou pas bonne. Si elle n'est pas bonne, l'entreprise va la contester de toute façon. Ce que les entreprises ne veulent jamais vivre, ce sont des situations d'incertitude. Vous savez, vous êtes un entrepreneur, M. Parent. Vous vouiez savoir ce qu'est la loi et à quel moment elle s'applique. Si vous n'êtes pas d'accord, vous allez la contester. C'est cela qu'on n'a pas dans ce régime-ci. C'est pour cela, parce qu'on ne l'a pas, que ce sont des tentatives de règlement tout le temps. Vous savez, quand on essaie de régler à tout prix les conflits, cela prend du temps parce qu'on fait des compromis, on fait de la médiation, etc. Donc, pouvoir davantage à l'enquêteur, une strate de décision pour l'enquêteur et une strate pour la commission, bien distinguée. Ce n'est pas correct que tous les dossiers soient vus comme des dossiers assez importants pour être placés dans la commission.

Par exemple, qu'il y ait un refus dans la Beauce parce qu'une personne ou une femme dirait: C'est un poste qui a été donné automatiquement à un homme, pourquoi cela irait-il à la commission? Et là, cela prend six mois ou un an avant que cela se règle avec toute l'incertitude que cela crée autour de ces cas.

Jean.

M. Roberge (Jean): Oui. Il y a aussi la distinction entre le pouvoir d'enquêteur et le médiateur. Dans d'autres lois, c'est la même chose, mais on va parler de ce dernier. Le médiateur ne devrait pas être celui qui va être enquêteur puisqu'après cela, il va amener des plaintes concrétisées à un dossier qui va aller à la commission. Le médiateur, comme M. Dufour le suggérait en parlant de l'enquêteur mais c'est de la même chose dont on parle, pourrait avoir un pouvoir de décision préalable appelable par l'une ou l'autre des parties. Cela règlerait probablement une bonne proportion des plaintes parce que souvent, c'est une question de communication ou de se mettre en contact. Si la personne est suffisamment informée, suffisamment attentive, elle va probablement trouver un modus vivendi qui se traduirait par une décision préalable appelable. Ce n'est pas un appel à la Cour suprême, mais un appel à la Commission des droits de la personne. Cela pourrait diminuer de beaucoup les délais. Les conséquences de ces délais qui sont là, ce sont des conséquences coûteuses. Soit que la situation s'envenime ou que le contexte change parce que les employés ou les employeurs changent, et tout cela. Il y a toute sorte de changements qui arrivent. Quand une décision survient six mois, un an ou un an et demi après l'événement, cela devient que le droit qui a été invoqué et pour lequel il y a eu une protestation est un droit théorique, parce qu'on ne peut pas replacer les personnes dans la même circonstance. Tout le monde a perdu beaucoup de temps, a été frustré. Alors, cela raccourcirait les délais qui causent des problèmes, qui sont coûteux et qui ne règlent pas le problème au moment où il devrait l'être. L'impact d'une décision n'est pas le même quand cela fait un an que l'événement est survenu.

M. Dufour (Ghisiain): Si vous me le permettez, si l'enquêteur avait des pouvoirs, ce qui à sa face même est frivole, cela finirait là. Parce que là, cela ne finit pas là parce que tout le système est bâti de façon à l'amener au sommet. Or, il n'a pas de pouvoir et il ne veut pas se faire taper sur les doigts, etc. Même la plainte frivole n'est pas rejetée.

M. Roberge: Par contre, on soulignait tout à l'heure qu'on est pour le préjugé qui est valable en soi pour que la commission décide en faveur des droits des personnes. On est en faveur à cause justement du fait que les pouvoirs coercitifs sont plus faibles. Alors, si on donne des pouvoirs coercitifs à un médiateur, à l'enquêteur ou à la commission, il faudrait de l'autre côté bien encadrer dans quelle circonstance, selon quel critère il y a des décisions préalables qui pourraient être prises de façon que l'autre effet pour lequel, à ce moment-ci, on serait d'accord, soit la question d'avoir un préjugé favorable aux droits des personnes, soit modulé en conséquence pour conserver l'équilibre.

M. Parent (Bertrand): Je vous remercie. C'est très clair.

M. le Président, je passe...

Le Président (M. Filion): M le député de Marquette.

M. Dauphin: Merci, M. le Président À mon tour, j'aimerais vous remercier M. Dufour, Me Roberge et Mme Amisse pour votre participation à nos travaux

Évidemment, le questionnaire a été confectionné à la suite d'une séance de travail que les membres de la commission ont eu justement pour limiter quelque peu notre champ d'intervention relativement à la Commission des droits de la personne.

Vous nous avez dit tantôt dans le mémoire que la commission aurait suffisamment de pouvoir étant donné un préjugé favorable pour une catégorie de la population. Tantôt, vous avez répondu au député de Bertrand que ce que les hommes d'affaires ou les entrepreneurs n'aiment pas, c'est l'incertitude de ce qui peut nous arriver dans un mois ou un an, qu'on ne sache jamais où l'on s'en va. Plusieurs groupes avant vous sont venus nous revendiquer, nous demander dans leurs recommandations, de demander à l'Assemblée nationale de créer plutôt un tribunal administratif, un tribunal indépendant avec un pouvoir exécutoire et coercitif. Ne trouvez-vous

pas que la création dudit tribunal serait préférable étant donné qu'il y aurait possibilité que les délais raccourcissent et que, plutôt que le statu quo actuel où la commission peut faire des recommandations ou porter devant les tribunaux de droit commun certaines causes... Ne trouvez-vous pas, au contraire, qu'il serait préférable d'avoir un tribunal administratif et indépendant qui puisse juger rapidement tout en n'éliminant pas, évidemment, la possibilité de règlement comme cela se produit actuellement devant les tribunaux de droit commun?

M. Dufour (Ghisfain): M. le député de Marquette, c'est un peu ce que mon collègue Jean Roberge a dit en répondant tout à l'heure à la deuxième partie de l'intervention de M. Parent. Nous n'avons pas tellement d'objection à restructurer le tout, parce qu'on demande davantage de pouvoir pour l'enquêteur, donc, à ce moment-là, il faut le faire, et que la commission aussi soit davantage quasi judiciaire, mais il faut faire attention. Vous avez une orientation très ferme dans ce gouvernement à déjudiciariser. Prenons le projet de loi 30, par exemple. Tout ce qui avait une allure de judiciarisation, vous êtes en train de le déjudiciariser. Alors, il faudrait faire tes compromis qui s'imposent.

Mais, ce que Jean Roberge disait tout à l'heure, c'est de faire attention. Nous sommes d'accord actuellement avec un préjugé très favorable; nous acceptons que la commission ne soit point impartiale, etc., dans le schéma actuel. Mais, là, si vous allez avec des règles très précises d'enquête, de médiation ou de décision de la commission, non, là, on va aller nous aussi discuter du mandat. Est-ce qu'on se comprend bien là-dessus?

M. Dauphin: Concernant la régionalisation de la Commission des droits de la personne, on sait qu'actuellement, à part Québec et Montréal, il y a quatre régions dans lesquelles certains services existent On nous demande évidemment d'étendre davantage la possibilité de services dans d'autres régions. Je sais que, dans l'Outaouais et dans l'Estrie, sur la Côte-Nord et à un autre endroit... Où est la quatrième région?

Le Président (M. Filion): En Abitibi.

M. Dauphin: En Abitibi. Ne trouvez-vous pas qu'on devrait plutôt étendre un peu les bureaux de la commission, non pas dans chaque ville, je suis bien d'accord avec vous, ni dans chaque paroisse, mais dans les districts judiciaires par exemple? Comme le Comité de la protection de la jeunesse qui a des bureaux un peu partout.

M. Dufour (Ghislain): Si mon Information est encore bonne, vous avez actuellement Québec, Montréal, Rouyn, Sept-Îles, Hull et Sherbrooke.

M. Dauphin: C'est cela.

M. Dufour (Ghislain): Bon. C'est bien sûr que la personne de Trois-Rivières est entre Québec et Montréal. Il n'y a rien. Les gens de l'Estrie aussi, les gens de Gaspé sont loin de Québec, vous avez raison là-dessus, sauf que tout le débat est actuellement posé dans presque toutes les organisations de l'État. Est-ce qu'on décentralise ou si on centralise? Je Ee vis actuellement dans une autre boîte, la CSST, où on a fait un peu dans le sens dont vous parliez, où vous ne le dites pas, mais vous pensez qu'on pourrait le faire. Au lieu d'en avoir six, peut-être en avoir dix ou douze. Ce qu'on vit comme expérience, c'est que cela devient souvent dix ou douze commissions. En tout cas. À la CSST, il y a actuellement quatorze CSST et il a fallu mettre un directeur des opérations là-dedans pour essayer de coordonner pour que les politiques de Gaspé soient les mêmes que celles de Hull. C'est un peu le risque de la décentralisation.

Une autre chose, ce sont les analyses coûts-bénéfices. C'est peut-être mieux qu'un gouvernement finance quelqu'un qui n'a pas les moyens de venir à Québec et qui part de Mont-Joli, que créer un bureau à Mont-Joli. Alors, c'est une question d'analyse coûts-bénéfices. On n'a pas d'opposition de principe, si vous voulez, mais cela nous apparaît actuellement correspondre, selon ce qu'on nous dit, au chapitre des entreprises. Je ne le sais pas quant aux personnes, mais au chapitre des entreprises, cela semble correspondre. J'ai ici le secteur minier qui ne semble pas éprouver tellement de problème. Pourtant, il est en périphérie. (11 h 45)

M. Roberge: Mais, si la commission veut se régionaliser, il n'est pas nécessaire qu'elle ait un pied-à-terre partout. Il s'agit qu'elle s'implique peut-être dans des débats lorsqu'il y a des colloques, des symposiums ou des rencontres d'associations de PME, de commissaires industriels, des réunions de l'Association des mines de métaux c'est à Québec, on peut rencontrer la commission facilement. Et tout ce monde repart en région avec des notions de Commission des droits de la personne. Peut-être qu'il pourrait y avoir des rencontres de syndicats qui pourraient avoir un volet: Les droits de la personne, qu'est-ce que c'est, qu'est-ce qu'on peut faire avec cela? De temps en temps, la commission s'impliquerait dans des débats, elle ferait connaître son message. Elle pourrait avoir une ligne droite pour tout te monde et les personnes sauraient à qui et comment s'adresser. Elles en auraient entendu parler au moins une fois dans leur vie. Il y a certainement des régions qui ne savent pas qu'une situation vécue pourrait être soumise à la commission et qu'elles pourraient y avoir une aide. Ce serait peut-être de régionaliser par l'information, ce qui est facile à véhiculer par courrier ou autrement.

M. Dauphin: J'aurais une dernière question. M. le Président, si vous le permettez. Plusieurs groupes nous ont fait état du conflit d'intérêts que la commission pouvait avoir notamment en ce qui concerne les programmes d'accès à l'égalité et qu'elle sert, dans un premier temps, de consultante auprès des entreprises et, dans un deuxième temps, elle a la possibilité, comme vous le savez, d'intervenir dans le cas de discrimination systémique. J'aimerais avoir votre commentaire sur cela.

M. Dufour (Ghislain): C'est un point de vue que l'on partage pleinement. Vous avez remarqué qu'au fédéral, je ne sais pas qui applique la charte au fédéral, mais les services pour l'implantation des programmes d'accès à l'égalité ont été donnés au ministère de l'Emploi et de l'Immigration. Cela aurait pu se donner ici au ministère de Pierre Paradis, à la Main-d'Oeuvre et la Sécurité du revenu. Le législateur les a donnés à la Commission des droits de la personne. Nous aussi, on pense qu'il aurait dû lui donner l'application et les poursuites éventuelles. Il y a quand même des pouvoirs assez importants maintenant de la commission à ce sujet. Non, vous avez raison. Il y a des groupes qui expriment cela. On est encore peut-être trop tôt pour dire que cela va créer des problèmes. Je pense qu'il n'y en a pas eu. Ce sont des craintes appréhendées. Il y a un message dans ce que vous dites c'est que de plus en plus, et on ne sait pas pourquoi, on tend à confondre les rôles de médiation, de conciliation et de police, alors que cela ne devrait pas se faire parce qu'on se trouve rapidement en situation de conflit d'intérêts. Jean.

M. Roberge: Justement, ]e pourrais vous donner l'exemple concret, quand on demande des informations à l'accès à des femmes dans les entreprises minières. On se demande: Est-ce qu'on va donner le nom des entreprises qui y pensent ou qui se demandent si c'est possible de le faire, parce que les conseils ou la médiation ou les suggestions qui vont nous être donnés vont peut-être se transformer par après en plainte? On ne devrait pas craindre cela, ou la commission devrait le dire clairement ou l'article de la charte qui en fait état devrait le dire. Dans la charte, il y a un article qui dit que le témoignage d'une personne devant les tribunaux ne peut pas servir à l'incriminer. On en est conscient, mais on est conscient aussi que dans ta pratique, une personne qui va conseiller ou faire de la médiation, si elle constate qu'il y a une infraction, quelle va être son attitude après cela? Est-ce qu'elle va, par conscience professionnelle, porter plainte formellement ou est-ce qu'elle va se rappeler que la charte interdit qu'un témoignage devant les tribunaux serve d'Incrimination? Elle va être dans une situation malheureuse et difficile. Elle va être en mesure de constater qu'il y a des droits d'une personne qui mériteraient d'être soulevés ou appuyés ou soutenus et elle ne pourra pas ou elle va le faire. Si etle le fait, elle contrevient à la charte. Si elle ne le fait pas, elle enlève des droits à la personne. Il faudrait que le rôle soit vraiment très distinct entre les deux. Évidemment, on ne peut pas commencer à penser à créer une autre commission qui serait médiatrice et une autre commission qui serait... Ce serait peut-être un peu trop coûteux. Il faudrait vraiment améliorer ces deux fonctions qui sont importantes.

M. Dauphin: En ce qui me concerne, j'aimerais encore une fois vous remercier d'avoir participé à nos travaux puisque vous représentez tout de même une composante importante de notre société.

Le Président (M. Filion): Je m'étais réservé quelques commentaires. En ce qui concerne les délais, cela me frappe. Je me souviens de certains débats en relations du travail, finalement, je pense autant du point de vue patronal que syndical, qui se résument ainsi: ils veulent avoir des décisions, ils veulent savoir ce qui se passe. Il n'y a rien de pire - vous l'avez soulevé - que l'incertitude. Autant pour l'homme d'affaires qui a à gérer une entreprise et à diriger parfois des centaines et des milliers d'employés que du côté syndical, on veut savoir à quoi s'en tenir, qu'une décision soit rendue. Si on n'est pas heureux, comme vous le dites, on la conteste et on utilise les mécanismes qui existent. Vous savez, on utilise à plusieurs sauces le fameux adage "justice delayed, justice denied" cela a été traduit dans toutes les langues, j'ai l'impression. Mais cet adage s'applique bien dans les circonstances. II n'y a rien de pire que les défais dans l'ensemble des activités. À la Commission des droits de la personne, les témoignages que vous rendez s'ajoutent fort bien à tous ceux que nous avons entendus Les intervenants veulent qu'il y ait une réduction importante des délais.

En ce qui concerne la confusion des rôles, j'ajouterai ceci. Vous avez raison de soulever la confusion entre l'enquête et la médiation. Mais la confusion est plus grande que celle-là, parce que la commission a également un rôle de promotion, donc, un rôle de vendeur, si l'on veut, de la Charte des droits et libertés Elle enquête, elle "médit", non pas dans le sens de médisance, mais dans le sens de médiation. Je ne pense pas que le mot existe, mais inventons-le pour les fins de mon propos.

Elle "médit" parfois les renseignements qu'elle a recueillis comme médiateur Ils sont confidentiels ou presque et... devenu enquêteur, on sert la même information, etc. En plus de cela, elle adjuge sur la recevabilité des plaintes et elle adjuge également pour décider s'il y a eu ou non violation de la charte

On voit que le problème est complexe et plusieurs intervenants vous l'ont soulevé. Vous

nous faites part de votre expérience qui s'ajoute à cette problématique. Je voudrais échanger des opinions avec vous sur les programmes d'accès à l'égalité. On sait que l'obligation contractuelle est dans l'air. L'Opposition revient à la charge à l'occasion pour rappeler au gouvernement ses engagements dans le secteur d'obligation contractuelle, mais les programmes d'accès à l'égalité, on le sait - les articles sont en vigueur depuis six mois, neuf mois ou un an - c'est toute une... pas une révolution mais c'est quand même un gros morceau pour les entreprises que ces programmes d'accès à l'égalité.

Mon collègue de Marquette a déjà soulevé le fait que la commission envoie des consultants et c'est la charte qui l'y oblige, l'obligation contenue en la charte, en même temps qu'elle doit, dans certains cas, enquêter sur des cas de discrimination systémique.

J'aimerais que vous nous fassiez part de vos expériences. Je ne sais pas si vous avez... Vous avez dû être impliqués, votre groupe ou vos collaborateurs. Lorsqu'un chef d'entreprise ou des dirigeants d'entreprise réalisent qu'il existe un système de discrimination et décident de passer à travers toute cette opération de programmes d'accès à l'égalité qui est tellement vaste... On n'a qu'à voir ce qui se passe au États-Unis, c'est incroyable.

Alors, on en est aux balbutiements, ici, au Québec. J'aimerais que vous nous fassiez part de votre expérience là-dessus eu égard à la collaboration, à la participation ou à l'aide de la Commission des droits de la personne dans cette espèce de prise de conscience qui modifie plusieurs données à l'intérieur des entreprises.

M. Dufour (Ghislain): Vous êtes conscient, M. Filion, que vous soulevez un gros dossier, parce que tout le dossier des programmes d'accès à l'égalité, par définition, serait aussi gros que celui que vous regardez ce matin.

Je ne sais vraiment pas par que! bout le prendre. Nous, nous avons toujours été de ceux qui se sont opposés à ce que les progammes d'accès à l'égalité prévoient les objectifs numériques, prévoient des quotas. Ce n'est pas ce que fait la loi, ce n'est pas ce que fait la charte. Alors, cela nous a enlevé 60 % de nos préoccupations, si vous voulez.

Deuxièmement, la commission n'Intervient actuellement que sur plainte. C'est tout nouveau, comme vous le disiez. Cela fait à peu près huit ou neuf mois que la commission est responsable de ce dossier. Sur plainte aussi, elle-même voyait qu'il y a des situations qui n'ont pas d'allure.

Je pense que ce qui se passe beaucoup plus actuellement là où la commission intervient, c'est de façon volontaire pour aider des entreprises à se placer en bonne situation et il y a des entreprises - j'en connais - qui ont demandé des services de la commission. Il y a ensuite les quatorze entreprises qui font l'objet d'expérien- ces pilotes actuellement.

C'est de ces expériences pilotes qu'on dégagera un certain nombre d'éléments qui feront que le tableau d'application de l'accès à l'égalité sera à peu près celui-là. Pour avoir discuté avec des gens qui font affaire avec la commission, la commission attend un peu aussi d'avoir ce genre de paramètre. On vit en même temps l'obligation contractuelle du côté fédéral où il y a aussi des programmes d'aide pour les entreprises qui veulent se donner des programmes d'accès à l'égalité. Elles ont moins le choix à Ottawa parce que maintenant c'est en application l'obligation contractuelle.

Donc, certaines grandes entreprises sont déjà embarquées dans le cheminement. Elles doivent en faire. Je ne connais pas l'entreprise qui a eu de façon très précise une plainte de la Commission des droits de la personne. Cela existe peut-être, mais je n'en connais pas qui a fait - par exemple, Iron Ore ou autre - un programme qui ne soit pas correct. Je n'en connais pas. Je ne sais pas s'il y en a. Il faudrait peut-être le vérifier. Mais je sais qu'il y a une approche actuellement très ouverte. Autant les entreprises, il y a trois ou quatre ans, étaient rébarbatives à cela, autant aujourd'hui quand il a été très clairement établi, puis en accord avec la majorité des groupes de femmes qu'il n'y avait pas de quota, qu'il n'y avait pas d'objectif numérique, cela a été reçu de façon beaucoup plus positive.

Là, le gros problème des entreprises actuellement, c'est quand le législateur va rendre applicable l'obligation contractuelle au Québec. Cela crée actuellement certaines craintes. C'est là-dessus que j'aimerais peut-être vous dire des choses concrètes, parce que cela se vit. J'ai rencontré Mme Monique Gagnon-Tremblay là-dessus. D'abord, il y a des choses qui sont différentes dans ce qui nous est suggéré au provincial par rapport à ce qui existe au gouvernement fédéral. Ici on parle de contrats de 100 000 S alors qu'à Ottawa c'est 200 000 $. La raison est probablement tout à fait acceptable. Si vous allez à 200 000 $. vous n'aurez plus beaucoup d'entreprises pour réduire le bassin d'entreprises, alors qu'avec 100 000 $, on parie d'à peu près 300 entreprises. Elles seront obligées de faire un programme pour ce qui s'appelle le "AC", c'est nouveau au Québec, tout ce que l'on appelle subventions. Alors, le mot subvention au Québec n'est pas défini pour l'instant. C'est quoi une subvention? Un gisement minier? Une subvention? Les gens de forêt ont le droit d'aller en forêt, puis des concessions forestières, est-ce une subvention? Alors tout cela actuellement est imprécis. On nous a dit qu'on appliquerait les formules fédérales pour être bien certain que l'on ne dédoublerait pas la paperasse. Donc, on prendrait ce qui existe au gouvernement fédéral. Des fois, il faut s'inspirer du gouvernement fédéral, mais pas tout le temps et pas nécessairement dans ce cas-ci, parce que c'est très

compliqué leur processus pour établir vraiment les profils, à savoir si oui ou non tu discrimines.

M. le Président, le dossier est tout chaud encore. Ce que je peux saluer avec plaisir, c'est que les quatorze entreprises du secteur public - il y en a quatre du public et dix du privé - aient décidé d'embarquer carrément dans cela. Vous savez qu'il y a colloque de deux jours, le 8 et le 9 décembre, à Montréal justement sur les programmes d'accès à l'égalité. Alors, cela va probablement nous permettre de fouiller davantage ce dossier.

Le Président (M. Filion): En terminant, je vais juste dire que vous avez raison de soulever que les entreprises ont peut-être modifié un peu leur attitude. Dans la revue Fortune, il y a une couple de mois, je lisais un article "Managing by numbers" qui témoignait de l'intérêt grandissant des chefs d'entreprise pour les programmes d'accès à l'égalité. Même que cela facilitait dans certains cas leur gestion de personnel, leur embauche, etc. Évidemment, aux États-Unis, il y a une longue tradition. Cela remonte à plus d'une dizaine d'années, les programmes d'accès à l'égalité. C'était sous le gouvernement de celui qui venait du Texas ou peu importe, de Lyndon Johnson, cela remonte à très loin. Ici, évidemment, on commence à développer cette sensibilité, puis il m'apparaît également que la partie patronale est beaucoup plus ouverte maintenant qu'on pourrait le croire.

Une suggestion faite par un des intervenants, hier, était intéressante. Quant aux programmes d'accès à l'égalité - je voudrais savoir comment vous réagissez - supposons qu'il y a un problème de discrimination systémique, par exemple c'est la ville de Montréal qui l'a soulevé, cela peut s'appliquer à n'importe quelle grande entreprise. Des gens ont décidé d'introduire un programme d'accès à l'égalité parce qu'ils ont constaté dans certains secteurs de leurs entreprises une certaine forme de déséquilibre pour ce qui est de la représentation du personnel. La suggestion d'un intervenant, c'est ceci. Au lieu d'attendre d'avoir tout le portrait global du programme d'accès à l'égalité dans tous les secteurs de l'entreprise, ne serait-il pas possible de modifier l'orientation prévue? Je pense un peu à la charte et également à la commission pour faire en sorte de pouvoir appliquer un redressement sectoriel, c'est-à-dire dans un secteur de l'entreprise, lorsqu'on peut agir Immédiatement, plutôt que d'attendre, de réinventer la perfection partout dans l'entreprise en même temps de prendre un secteur, de s'y attacher et de faire immédiatement les redressements et les corrections qui s'imposent, au lieu de devoir attendre la totalité du plan de redressement. Je l'appelle comme cela. J'ai trouvé cette suggestion intéressante. Je ne sais pas si vous êtes en mesure de réagir à cette observation.

M. Dufour (Ghislain): Cela fait plaisir de voir que la ville de Montréal - si c'est la ville de Monréal - a repris certains éléments de notre mémoire d'il y a deux ans où on proposait cela, justement.

Le Président (M. Filion): Ah, bon!

M. Dufour (Ghislain): Mais oui, parce que plus on s'en va vers l'obligation contractuelle, plus on est obligé de faire cela. Parce que ce n'est pas toujours la compagnie qui s'appelle Alcan qui fait affaire avec le gouvernement. Cela va être une succursale qui fait tel produit. Alors, si elle ne fait pas son redressement là, avant qu'on attende que tout l'Alcan, par exemple, l'ait fait, il n'y aura pas de contrat. Alors, il faut vraiment, en termes tout à fait pratiques et d'affaires, le faire départementalement parlant ou par établissement. D'autant plus que c'est volontaire et à cela, je dis bravo, législateur québécois, d'avoir embarqué le monde, sans lui imposer des choses. Cette approche a été tout à fait correcte et je fais le lien avec ce que vous disiez, tout à l'heure, sur la réaction positive des patrons. C'est parce que, rappelez-vous qu'il y a cinq ans, ce n'était pas d'accès à l'égalité dont on parlait. On parlait de "positive action", "affirmative action" qui avait toujours des concepts coercitifs et des concepts... je reviens à quota. Ce n'est pas du tout ce qu'on a actuellement.

D'autant plus que vous avez élargi, comme législateur, tout le concept traditionnel d'accès à l'égalité pour l'étendre maintenant, non pas purement à la discrimination systémique, mais pour l'étendre aussi à la formation professionnelle des filles et des femmes, pour l'étendre au problème des garderies à tout le problème d'accès, qui n'est pas purement une question d'organigramme d'entreprises, mais il faut d'abord que les gens entrent dans l'entreprise. Bon, c'est la formation professionnelle et, s'il y a des enfants, il faut des garderies, etc.

Nous, on est tout à fait heureux de l'approche québécoise, en ce domaine. Et, si l'on ajoute un message additionnel de marketing à cela, c'est d'éviter, compte tenu qu'on est sur la bonne piste, de s'en aller - comme l'Ontario vient de faire ainsi que le Manitoba - en mêlant tous les concepts et en allant avec l'équité en emploi. À ce moment-là, on aurait de vrais problèmes.

Je voudrais juste vous dire...

Le Président (M. Filion): ...

M. Dufour {Ghislain): Merci, M. le Président. .. que cette critique que l'on a faite - on l'a faite de façon très ferme, pour les enquêteurs, etc. - n'a rien à voir avec la commission. Ce n'est pas une plainte contre la commission C'est la structure. Ces gens gèrent avec les outils qu'ils ont. Je ne veux pas qu'on y voit, de quelque façon que ce soit, une critique de la

commission

Le Président (M. Filion): Juste un mot, sur les bureaux régionaux. J'ai suivi votre échange avec le député de Marquette. Vous savez, dans les bureaux régionaux d'abord, ce sont des ressources très légères. Ce sont des gens qui occupent des bureaux qui appartiennent au Comité de la protection de la jeunesse. Ce sont des ressources très, très légères. L'expérience a démontré que là où des bureaux régionaux ont été ouverts, le nombre de demandes d'information provenant de tous les secteurs syndicaux, patronaux, des minorités, etc, augmentent considérablement. L'idée étant d'avoir pignon sur rue. Et, à ce moment-là, cela permet une connaissance pour les intervenants, pour l'ensemble de la population qui, autrement, n'existerait pas.

Comme vous l'avez souligné, si vous êtes du Bas-Saint-Laurent, de la Gaspésie, du Saguenay-Lac-Saint-Jean, de La Mauricie ou des Laurentides-Lanaudière, la ligne WATS, c'est beau, mais disons qu'il n'y a rien de mieux que d'avoir une vitrine. Cela permet à l'employeur qui a l'idée d'un programme d'accès à l'égalité au Lac-Saint-Jean, d'aller voir et d'obtenir l'information, c'est-à-dire, la courroie de transmission pour aller au réservoir d'information, qui continuerait à être centralisé. Parce que vous savez, si, l'on prend une comparaison, l'Office de la protection du consommateur a des bureaux partout. Combien d'organismes gouvernementaux ont des bureaux partout? Vous avez nommé la CSST, avec raison.

M. Dufour (Ghislain): Avec les problèmes que cela crée.

Le Président (M. Filion): Avec les problèmes que cela crée. Mais si j'achète une marchandise au magasin et au lieu de payer 1 25$ tel qu'annoncé, je paie 1,40$, si je suis citoyen québécois un peu partout, je vais pouvoir me plaindre dans ma région. Alors que si j'ai un problème de droits de l'homme, de liberté, qui sont quand même fondamentaux, à ce moment-là je n'aurai - si je demeure dans l'une de nombreuses régions qui ne sont pas desservies - aucun accès. L'idée étant, évidemment, à la base de ressources très modestes tel que cela existe présentement dans les quatre bureaux régionaux, mais d'avoir une porte d'entrée à un service absolument fondamental. On sait que la charte des droits, c'est une loi prépondérante donc une loi qui a préséance sur toutes les autres. Cette préséance est quand même difficilement conciliable avec le fait que si vous êtes de la région du Bas Saint-Laurent, des Laurentides Lanaudière ou de La Mauricie, vous n'avez pas de service.

M. Dufour (Ghislain): On vous laisse, M le Président, avec ce dossier. Pour nous, ce n'est pas une question de principe.

Le Président (M. Filion): Oui, d'accord

M Dufour {Ghislain): c'est une question d'organisation. Cela peut être dans un bureau de Communication-Québec, pour nous, ce n'est pas un dossier majeur comme peut le voir le législateur ou la commission.

Le Président (M. Filion): C'était simplement dans le sens de l'échange que vous aviez commencé. Merci de vous être déplaces, d'avoir pris le temps, l'énergie, je sais ce que cela peut être quand on connaît le souci de bien faire les choses qu'anime depuis très longtemps le Conseil du patronat . Merci, encore une fois.

M. Dufour (Ghislain): Merci, M. le Président .Merci, mesdames et messieurs.

Le Président (M. Filion): On va suspendre une minute et demie pour permettre à nos prochains invités de prendre place.

(Suspension de la séance à 12 h 7) (Reprise à 12 h 11)

Le Président (M. Filion): À l'ordre, s'il vous plaît!

Je voudrais souhaiter la plus cordiale des bienvenues au Congrès des avocats et avocates, juristes noirs du Québec Pardon. Aux représentants du Service d'aide aux Néo Québécois et immigrants qui sont avec nous. Je demanderais à son représentant de bien vouloir s' identifier.

M. Hippolyte (Kéder): Je m'appelle Kéder Htppolyte. Je suis accompagné aujourd'hui pour cet exercice, de M. Osé Domond, président de SOS racisme Canada et directeur général du Carrefour multiethnique de Saint Laurent.

Le Président (M Filion): D'accord. Je vous souhaite la bienvenue, MM Hippolyte et Domond. Votre mémoire a déjà été produit a la commission sous la cote 5M. Je vous inviterais, sans plus tarder, à nous faire votre présentation.

Service d'aide aux Néo-Québécois et immigrants

M Hippolyte: Je ferai une première partie de la présentation et, ensuite je vais laisser à M Domond le soin de continuer avec des faits bien précis.

Comme directeur du SANQI je remercie la commission d'avoir invité notre organisme à faire cette présentation. Comme organisme multiethnique le SANQI - Service d'aide aux Néo-Québécois et immigrants - est chargé d'aider les immigrants et les réfugies à s'adapter socio-économiquement et aussi, et surtout, de les éduquer quant à la défense de leurs droits.

À ce titre, nous sommes appelés non pas à

faire affaire ou à traiter un dossier avec la Commission des droits de la personne. Cependant, sur nos recommandations notre clientèle a eu à le faire dans le domaine de la discrimination dans l'emploi, par rapport à la race, à la couleur et aux origines ethniques. Étant un organisme reconnu dans le milieu, le SANQI a pu collaborer avec la COP, par exemple, dans certains cas: fournir à la Commission des droits de la personne des personnes d'origines ethniques diverses pour une enquête sur le logement à Montréal et aussi dans un programme d'équité dans l'emploi en lui référant des Québécois d'autres origines.

Nous trouvons que cela ne suffit pas. Les informations, quant au fonctionnement, ne nous sont pas parvenues, les rapports annuels des activités courantes de la CDP, tes publications, les dossiers de discrimination, l'état et tes résultats obtenus non plus.

Si l'on considère que toute la documentation émise par la commssion doit aider dans un processus d'information et de formation, il faut reconnaître que la CDP doit jouer un rôle d'éducation. Ce rôle doit être constant, et il doit y avoir une planification en collaboration avec les organismes du milieu qui, quotidiennement, doivent souvent écouter les plaintes de leur clientèle face aux institutions, face aux employeurs, etc.

L'éducation étant un facteur primordial, il est absolument nécessaire que la CDP combatte par ce moyen l'ignorance qui guide tous ceux et toutes celles qui vont à rencontre des droits et libertés de la personne en établissant un programme d'éducation qui touchera tous les milieux, les médias, les écoles, les services publics, etc. Si nous le comprenons bien, la commission a le pouvoir de réaliser un tel programme, puisqu'il justifiera davantage sa raison d'être. À présent, nous considérons que la commission agit comme un organisme qui a les mains liées Elle assiste sans réagir à toutes sortes d'abus contre la personne: le sida et les Haïtiens, discrimination; les assistés sociaux de moins de 30 ans, discrimination en raison de l'âge. Les réactions et les actes de la commission consistent en de timides interventions qui, semble-t-il, sont dues à des pressions, alors qu'il ne devrait point en être ainsi. La commission doit en tout temps aller au-devant des situations, spécialement dans les cas de discrimination raciale.

Le 15 juillet 1985, par l'intermédiaire de leur procureure, Me Maryse Alcindor, la commission est Intervenue dans les dossiers de l'hôpital de Rivière-des-Prairies. Ce genre d'intervention, jumelé à l'éducation, peut aider à faire de la prévention un outil essentiel pour combattre la discrimination sous toutes ses formes.

Dans le cas des médiations et des satisfactions, pour entrer de plain-pied dans cette partie du questionnaire qui conduit à la préparation de ce mémoire, regardons cet article du Journal de Montréal de 1982, sous la plume de Claire

Harting. "Au bas de l'échelle dénonce la Commission des droits de la personne. L'organisme et son comité d'action - je cite l'article - contre le harcèlement sexuel au travail s'en prennent surtout au traitement des plaintes référées à la commission qui, non seulement crée des espoirs inutiles, mais fait perdre aux clients la confiance intiale qu'ils avaient envers la commission." Nous savons, déclare Liza Novak, que la commission manque de ressources financières et humaines pour traiter adéquatement les très nombreuses plaintes qui y sont déposées. Mais à cela s'ajoutent de graves problèmes dans la politique et son fonctionnement interne. On y dénombre des délais considérables qui font perdre du temps aux plaignantes et leurs témoins des éléments de preuve. Quand on parle de délais considérables, il s'agit en moyenne d'un an et souvent de près de deux ans. Il arrive que les plaignantes obtiennent le rapport d'enquête de la commission après la période de prescription du recours civil qui est de deux ans. Advenant un échec ou une décision négative, les plaignantes perdent automatiquement leur recours devant le tribunal; un genre de négligence inexcusable, selon nous. Parfois, les plaignantes découragées préfèrent abandonner leur cause ou passer devant un tribunal civil. C'est pourquoi nous nous questionnons sur la validité de la commission. On y questionne encore la procédure d'enquête peu systématique et le manque de vigueur des enquêteurs à ramasser la preuve dans les dossiers. On juge inacceptable le rôle conflictuel des enquêteurs mandatés pour tenter la conciliation d'une plainte. Le rôle de l'enquêteur en conciliation est plutôt celui d'un juge et, tout au long de l'enquête, il agit comme avocat de la plaignante. On parle aussi du manque d'information des plaignantes de la part de la commission.

Quant à la satisfaction, on peut tout aussi bien se référer à un autre cas d'Au bas de l'échelle, où la commission a prouvé son inefficacité. Congédiement illégal, abusif et injustifié, n'apporte aucun résultat concret malgré les plaintes à la commission. Dans certains cas, l'enquêteur conseille à la plaignante de retirer sa demande d'enquête, lui fait signer un formulaire sans voir aux dédommagements possibles ou à une entente par écrit.

Dans le cas de la commission, si on parle d'impartialité et de structuration, comment parler d'impartialité sans parler de structure? Est-ce que l'on considère que le taux de cas réglés pourrait être un indice d'impartialité ou de structuration? Disons tout de suite non. Dans beaucoup de cas réglés devant la commission, on doit parler absolument du taux de désistement dû aux découragements entraînés par les délais, que de cas effectivement réglés. D'ailleurs, le mécanisme mis en place par la commission pour traiter les litiges ne nous permet pas de croire qu'il garantit un traitement impartial des plaintes déposées à la commission. Certains avocats

soutiennent qu'il y a non-garantie de traitement impartial du fait que l'agent de recevabilité semble jouir d'un pouvoir discrétionnaire assez large qui varie en fonction du bon vouloir de l'agent de recevabilité et aussi selon que le plaignant est assisté ou non d'un procureur; du fait que le rôle de médiateur-conciliateur et enquêteur soit exercé par la même personne, ce qui est sensiblement dit dans l'article de Claire Harting.

Un organisme comme le SANQI, à l'écoute des gens quotidiennement, arrive aux mêmes conclusions dans ce domaine. Il arrive très souvent que nos conseillers soient aussi frustrés que la clientèle, mais notre organisme a un travail à faire auprès des nouveaux immigrants, des réfugiés et des Québécois d'autres origines, et cette tribune nous sert très bien. Si Au bas de l'échelle, le SANQI et les autres organismes pensent que la Commission des droits de la personne est mal structurée, c'est à cause de la non-uniformité dans l'interprétation des directives tant par les enquêteurs-médiateurs que par les agents de recevabilité des plaintes: procédure moins systématique, manque de rigueur de la part des enquêteurs pour recueillir la preuve, décision rendue sur la foi de rapport d'enquêteur sans avoir entendu la preuve et sans avoir entendu le plaignant.

Points forts et points faibles. Il faut noter une absence d'initiative de la part de la Commission des droits de la personne pour enquêter, ce, même dans des cas où il semble exister une situation de discrimination systémique. Les dossiers ne sont pas évalués de façon à satisfaire plaignants et plaignantes. La commission ne permet pas une audition impartiale par un tribunal indépendant pour le traitement d'une plainte alléguant une atteinte à un droit reconnu aux articles 10 à 19 ou au premier alinéa de l'article 48 de la Charte des droits et libertés de la personne.

Dans la Commission des droits de la personne, il y a trop d'employés qui ne sont pas assez sensibilisés aux cas de discrimination avant d'y travailler. Citons en exemple à la page 4, une partie du bulletin de la commission, volume 10, numéro 1, septembre 1986; c'est le directeur des enquêtes d'alors, Me Bertrand Roy, qui parle: Quand on a fait appel à moi, je ne savais même pas ce qu'était la commission. Conclusion, je ne faisais pas la distinction entre la Ligue des droits et libertés et la Commission des droits de la personne.

Les tribunaux n'ont pas toujours partagé les opinions de la commission. Les avocats ont souvent évoqué l'absence des règles de procédure devant la commission. Le Monde juridique de février 1987.

N'étant pas des juristes au SANQI, nous nous gardons de répondre oui ou non ou même d'analyser le volet compétence de la Commission des droits de la personne. Il nous faudrait effectuer des études comparées et des analyses à cet effet.

Si l'on fait métlculeusement le tour de tout ce qui a été dit dans ce mémoire et si l'on veut être plus juste à l'endroit des plaignants et des plaignantes, des avocats et surtout envers la société que l'on veut bâtir, dans laquelle la discrimination sous toutes ces formes sera éliminée, la commission doit avoir des griffes. Je cite le Monde juridique de février 1987, Me Daniel Chénard: "La commission a- pour tâche d'entendre les plaintes de ces personnes qui sont lésées dans leur droit à l'égalité, dans la reconnaissance et l'exercice des droits et libertés. Nombreux sont les secteurs de la vie quotidienne qui sont susceptibles de voir leur comportement examiné par la commission: milieu de travail, services publics, habitation, publicité et affichages, pour n'en nommer que quelques-uns. Sans remettre en question la performance présente de la commission qui s'est d'ailleurs démontrée apte à jouer le rôle vigilant que la charte lui attribue, nous sommes d'avis qu'une question doit être posée à la lumière des dix dernières années. La commission doit elle demeurer un tribunal Inachevé?"

Me Chénard dit plus loin: "II apparaît choquant que la violation des droits fondamentaux soit orientée vers la voie d'un règlement entre les parties où devient difficile à trancher la ligne séparant le compromis de la compromission. "Il appert que le rôle de la commission soulève beaucoup de débats. Il appert que la Commission des droits de la personne se fait petite, pourquoi? il appert qu'à l'intérieur de la commission des employés ne croient pas dans l'exercice de leur fonction qui est d'aider ceux qui sont lésés dans leur droit légitime par les discriminants. Il appert aussi qu'à l'intérieur de la commission il y a des gens qui n'osent pas aller très loin pour satisfaire les plaignants à Faire respecter leurs droits. Est-ce qu'ils ont l'Impression d'agir contre leurs propres convictions?"

Mesdames et messieurs de la commission parlementaire, l'exercice en cours était nécessaire parce que, après dix ans, la commission devrait avoir des pouvoirs accrus et remplir pleinement son rôle qui est de protéger les discriminés sur le plan des droits et libertés.

Me Daniel Chénard dit: "II existe de nombreux tribunaux administratifs capables de rendre une décision susceptible d'exécution d'elle-même ou à la suite de son homologation, pour des matières parfois infiniment moins importantes que celles visées par la charte, on peut et on doit se demander pour quelles raisons la Commission des droits de la personne doit demeurer un tribunal inachevé. Si le législateur craignait que la commission s'oriente vers le sentier de l'activisme échevelé et qu'il voulait voir la commission à l'oeuvre avant de la doter de nouveaux pouvoirs, nous croyons que le temps de réflexion est révolu. La commission peut faire

beaucoup plus pour promouvoir les objectifs de la charte. Il faut lui donner des dents et des griffes."

Ces dents et ces griffes permettront définitivement aux victimes de discrimination de venir porter plainte plus souvent devant la Commission des droits de la personne.

La commission sous sa forme actuelle, avouons-le, décourage tout le monde. Il faut que cela change pour le bien-être de notre société que nous voulons construire ensemble, pierre par pierre, avec toutes les ethnies.

Je passe les recommandations. Vous les avez déjà. Je laisse le soin à M. Domond d'apporter des faits précis dans des cas qu'il a eu à défendre devant la commission.

M. Domond (Osé): M. le Président, Mmes et MM. les membres de la commission, avant de commencer, si vous me permettez, je voudrais rappeler quelques passages d'une déclaration solennelle qui a été adoptée par l'Assemblée nationale à l'unanimité. On y lit: Considérant que le racisme et la discrimination raciale sont autant des formes graves de justice sociale, désireux que toutes les communautés culturelles et les nations autochtones du Québec puissent continuer de s'épanouir et contribuer pleinement à l'édification et au progrès d'une société où règnent paix et harmonie, le gouvernement du Québec déclare, entre autres, que le gouvernement veillera à ce que soit respecté le droit de toute personne à l'égalité dans le domaine du travail, du logement, de la santé et des services socio-éducatifs, ou des autres services offerts à la population ainsi que dans l'accès aux lieux publics sans discrimination fondée sur la race, la couleur, ta religion, l'origine ethnique ou nationale.

Il nous apparaît que la Commission des droits de la personne est investie du mandat Justement de protéger les droits des citoyens, notamment en ce qui concerne la discrimination raciale. Et à ce niveau, le commentaire qu'on peut apporter pour commencer, c'est que la commission aurait beaucoup de difficulté à exercer ce mandat si la commission perd sa crédibilité auprès des groupes concernés. Cela est aussi valable pour n'importe quel autre organisme, car les gens ne vont revendiquer ou réclamer ce droit que dans la mesure où ils savent qu'au départ, il va y avoir une oreille attentive à leur demande et que les enquêtes aboutiront dans un délai raisonnable et dans les meilleures conditions possibles.

D'après les expériences que nous avons vécues à travers les plaintes qui ont été déposées parmi nos organisations et nos institutions, nous nous sommes rendu compte que la question relative à la discrimination raciale est une des questions qui ne semble pas nécessairement entrée dans les priorités puisque de tous les cas qui ont été traités, il semble que la question de la discrimination raciale vient en dernier lieu, d'après les statistiques qui sont disponibles et que l'on peut vérifier.

Alors il y a deux questions à se poser: ou bien les victimes de discrimination ne déposent pas les plaintes - et là il faudrait chercher les raisons - ou bien la commission a des problèmes à prouver qu'il existe une discrimination fondée sur les différents points soulignés à l'article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne. - -

En ce qui concerne les membres des communautés culturelles - on peut apporter ici l'avis d'un nombre assez grand d'organismes et d'associations - la Commission des droits de fa personne dans sa structure actuelle ne représente pas les intérêts de ces communautés. Nous pouvons prendre quelques indices. Par exemple, regardons la question de la représentativité. On serait en droit de se poser la question suivante. Ne serait-il pas nécessaire, à ce point-ci, que l'on applique à la commission même un programme d'accès à l'égalité puisque des 160 personnes qui tournent autour de la commission, il y aurait 117 membres du personnel et, si l'on vérifie, on trouvera - et cela, je le cite après plusieurs rencontres qu'on a eues avec le président et la vice-présidente d'alors; c'était au mois de mal - qu'à peine 4 personnes sur 117 étaient membres des minorités visibles comme telles. On a posé la question et on attend encore la réponse, à savoir: Est-ce que la commission va s'organiser pour être plus représentative de la communauté dans son ensemble? Rappelons que pour la région de Montréal où se situe un des bureaux de la commission, la concentration ethnique est de l'ordre de 35 % et on prévoit que d'ici dix ans, cela pourrait passer aux alentours de 40 %. Alors comment aller présenter un cas devant une commission à laquelle on ne s'identifie pas nécessairement?

La même situation se présenterait au conseil d'administration. Jusqu'à tout récemment, sur les onze commissaires, iI n'y avait pas un seul représentant des groupes minoritaires ou dits visibles. À ce moment-là, on a l'impression que la commission est à l'image de l'ensemble des institutions pour lesquelles on réclame actuellement un programme d'accès à l'égalité, et on se demande quand la commission va commencer à respecter elle-même ces règles avant de pouvoir vraiment avoir la crédibilité nécessaire pour pouvoir l'imposer à d'autres organismes ou associations.

D'autres questions que l'on pourrait se poser concernent la représentativité, la participation réelle des groupes minoritaires au sein de la commission. On sait que la commission octroie des contrats surtout en ce qui concerne les avis juridiques. On se demande dans quelle mesure la commission fait l'effort de consulter les bureaux d'avocats où les membres des minorités visibles travaillent et leur octroyer également avec la même compétence un certain nombre de possibilités qui soient égales aux autres bureaux

d'avocats de la région. Alors, ce sont des questions qui méritent d'être regardées très sérieusement.

Puisque l'on parle de crédibilité et que ma mission était surtout d'apporter des cas, permettez-moi de souligner à votre attention la situation du taxi à Montréal et regardons un peu le dossier des chauffeurs de taxi noirs à Montréal. Dans les circonstances, la seule solution qui restait aux chauffeurs de taxi était de constituer leur propre service de taxi qui s'appelle actuellement Métro Montréal Taxi. Est-ce que cela voudrait dire qu'il n'y avait pas dans le traitement de ce dossier de résultat comme tel que les gens n'avalent d'autre issue que de se regrouper entre eux et de former leur propre service de taxi? N'est-ce pas une consécration de l'échec de la commission dans ce dossier qui a connu tant de débats, qui a connu une documentation plus qu'abondante sur toute la question du racisme à l'intérieur de l'industrie du taxi dans la région de Montréal?

Du même coup, on sait qu'il y avait des cas de brutalité policière qui ont été aussi traités à l'intérieur du dossier des chauffeurs de taxi. À cet égard, on ne voit pas suffisamment de traces de toutes les représentations qui ont été faites. Alors voilà un cas particulier où il y a eu enquête publique et des sommes considérables qui ont été dépensées. On se demande dans quelle mesure la commission dans cette situation particulière peut avoir une crédibilité face aux chauffeurs de taxi.

Demandez aux responsables du bureau de la communauté chrétienne des Haïtiens de Montréal. Demandez aux chauffeurs de taxf eux-mêmes ce qu'ils pensent et vous allez voir qu'il y a des fois des difficultés à faire passer une image positive de la commission auprès de ces groupes. (12 h 30)

Nous avons consulté certains organismes, comme la communauté noire anglophone et nous lui avons demandé ce qu'elle pense de la commission. Ce qu'elle pense, c'est une grande boîte remplie de paperasses, avec beaucoup de dossiers, avec beaucoup de rapports et elle attend toujours l'application de ces rapports.

Est-ce que c'est une fausse perception? Est-ce que c'est par manque d'information? Mais, toujours est-il que l'image n'est pas plus jolie. Demandez, par exemple, à un monsieur qui s'appelle Christophe Ninerve et, là, je vais peut-être me référer à un autre document. M. Christophe Ninerve a déposé devant SOS racisme un dossier où il poursuit la Commission des droits de la personne et la CUM.

Une des raisons évoquée était la suivante. Le dossier a été fermé et il a voulu s'informer pour savoir exactement pourquoi on a fermé le dossier. Il n'a jamais pu avoir accès à son dossier. Il a dû faire appel à la Commission d'accès à l'information pour finalement avoir son dossier et, là, il a trouvé des irrégularités flagrantes. Le dossier est encore en cours et le monsieur ne sait toujours pas comment cela va se terminer.

Comment pouvons-nous demander à M. Christophe Ninerve d'avoir confiance en la commission quand il a trouvé dans son dossier des pièces qui étaient plus ou moins douteuses sur des déclarations pour lesquelles il y avait de fausses déclarations et un dossier qu'on a fermé sans vouloir qu'il y ait accès?

À cet égard, l'article 82 précise ceci: Si la commission était capable de conduire les parties au règlement de leurs différends, elle transmet aux parties le résultat de son enquête. Et, dans ce cas-là, M. Niverve n'avait pas le résultat et il a dû se battre pour l'avoir.

Alors, voilà autant de faits qui nous permettent de questionner sérieusement l'image et la crédibilité de la Commission des droits de la personne face aux revendications, aux problèmes confrontés par les membres des minorités visibles.

Si on peut juste résumer, premièrement, la question... Je pense que cela a probablement été soulevé par d'autres, le fait que le processus d'enquête est long et que cela décourage les gens. Nous avons un autre cas où l'enquêteur-médiateur semblait fournir des excuses à un propriétaire contre un locataire. Nous avons aussi ce dossier-là.

Alors, comment demander à cette même dame de demander à la commission d'enquêter pour un autre cas de discrimination où ses voisins sont au courant de cette affaire-là? Il est clair que pour ce qui est des groupes minoritaires, surtout des minorités visibles, il n'y a pas de confiance comme telle en la capacité de la commission de pouvoir défendre leurs intérêts.

Je pense que si on parle de réformes de haute structuration, c'est peut-être un dossier important qu'il faudra regarder en profondeur.

Le Président (M. Marcil): Cela va? Merci beaucoup de votre présentation. Nous allons procéder immédiatement à la période de questions. Je vais reconnaître Mme la députée de Groulx.

Mme Bleau: Bonjour messieurs. Je vous remercie d'avoir accepté de présenter votre mémoire à la commission. J'ai une couple de petites questions à vous poser. En quoi le rôle des enquêteurs mandatés pour tenter la conciliation d'une plainte le voyez-vous conflictuel?

M. Hyppolyte: Dans le cas des enquêteurs, moi, personnellement j'avais un cas à la Commission des droits de la personne. Ce cas, c'est un cas où j'avais été accusé à la suite de problèmes politiques comme étant un tonton macoute. Moi, je ne l'ai pas pris. J'ai été porté plainte à la commission. L'enquêteur, dans son enquête, a pris ma demande. C'était Me Bertrand Roy, à l'époque. Il y a des personnes qui sont intervenues dans le dossier que moi-même je n'ai jamais

nommées.

Ces personnes ont donné des opinions et ces opinions ont été retenues dans te dossier. Mes opinions à moi n'ont pas été retenues dans le dossier. Tout au long de l'enquête, Me Roy a voulu me faire comprendre que ce n'est pas nécessaire de porter plainte, que la commission n'a pas un pouvoir exécutoire, que c'est juste un pouvoir plutôt limité dans ce cas-là. On aurait demandé l'interdiction de ce journal à Montréal.

Je n'ai pas pu avoir tes informations nécessaires, parce que dans ce dossier, il y avait des personnes que M. Roy connaissait et qu'il a fait intervenir dans le dossier et je lui ai demandé: Pourquoi l'intervention de ces gens? Il m'a dit: Ce sont des gens qui sont de la communauté. Il faudrait les interviewer; iI faudrait leur faire prendre connaissance du dossier, parce que ces personnes sont mises en cause. Ces personnes n'étaient pas mises en cause.

Je pense que la question d'amitié ne se retrouve pas dans un dossier comme cela. Si on devait agir comme cela dans plusieurs dossiers, je pense quand même que, moi, j'ai été obligé de laisser tomber un cas avec le départ de Duvalier et on n'a jamais eu de réponse. C'est considéré comme un cas réglé et, pour moi, ce n'est pas un cas qui était réglé.

Mme Bleau: Vous parlez aussi du rôle de la commission, d'un rôle éducatif. Vous entendez quoi quand vous parlez d'un rôle éducatif? Est-ce que c'est seulement de l'information ou si cela va plus loin?

M. Hippolyte: Je pense que dans un réseau éducatif à part l'information, il y aura aussi la sensibilisation. De la sensibilisation, moi-même, j'en ai fait beaucoup, j'ai visité plusieurs écoles, plusieurs compagnies, j'ai rencontré des employeurs et je leur ai fait comprendre la mentalité de certains immigrants; parce que nous, dans notre travail, nous sommes comme les nouveaux parents d'un immigrant quand il entre au Canada. Ces gens-là doivent faire face à une structure nouvelle, des situations auxquelles ils n'ont pas eu à faire face dans leur pays. Quand lis sont arrivés ici, il faut leur apprendre tout cela, comment cheminer à travers tout cela. Pour nous, c'est un travail d'éducation permanent qu'on fait. Je pense que la commission a un rôle comme cela aussi, de nous donner des outils, des vidéos ou bien nous envoyer des représentants à qui on pourrait faire des séances d'information auprès des gens avec des employeurs et des compagnies. Je pense que c'est un processus qui devrait être permanent. Alors, l'éducation dans ce cas-là, c'est au niveau de la sensibilisation, au niveau des cas concrets. Moi-même, je me suis fait dire une fois au téléphone, quand je parle aux gens: M. le directeur, ils pensent que je suis blanc. Alors, ils disent, bon écoute, on va prendre le cas des restaurants, par exemple, ne nous envoyez pas de noirs, envoyez-nous "somebody with a neat looking".

Si on devrait amener tous ces cas devant la Commission des droits de la personne, c'est que nous, on aurait un problème. Nos personnes n'auraient pas d'emploi tandis que tous les employeurs nous remarqueraient. Je demande un rendez-vous. It dit: d'accord, comme vous voulez monsieur, on va vous recevoir. Quand ils arriveront, bon Je m'excuse, vous voyez, ce n'était pas méchant ce que j'avais dit, vous comprenez il y a des gens qui arrivent ici, ils n'ont pas d'expérience, il y en a aussi qui sont paresseux, et il y a toute sorte d'attitude comme cela.

Je crois que mon rôle, à ce niveau, a été de convaincre beaucoup d'employeurs qui avalent cette attitude-là dans le passé. Maintenant, je ne dis pas qu'ils sont devenus de bons employeurs, mais quand même, ils nous ont donné satisfaction quant à l'embauche et ils sont les premiers à nous recommander à d'autres employeurs. Je pense que j'ai fait un travail d'éducation avec cet employeur pour lui faire comprendre qu'une personne qui vient d'arriver, qui travaille 40 heures par semaine, est peut-être fatiguée les deux premières semaines et il faut peut-être lui donner une chance d'arriver jusqu'à la troisième semaine. Ce sont des choses que des employeurs ne savent pas et que nous, de notre travail d'éducation, faisons auprès de ces employeurs-là. Je pense que la commission pourrait jouer un rôle comme cela.

Mme Bleau: Je comprends bien.

M. Domond: Si je pouvais ajouter quelque chose là-dessus. Je crois que des organismes, les associations des communautés culturelles jouent un rôle important et ceci est reconnu que ce soit pour les services sociaux, les services relatifs à l'emploi ou autres. Ces organismes-là normalement devraient être des partenaires parce que la communication, ce n'est pas simplement le fait d'envoyer un dépliant, dans la plupart des cas, il ne nous sert à rien, pour une personne qui ne comprend pas la langue et quand la personne comprend la langue qu'il ait un problème d'interprétation des structures de la société.

Nous avons suggéré, à plusieurs occasions, que la commission établisse un genre de système de partenariat entre ces services et les organismes qui donnent des services directs à la clientèle. Malheureusement, il y a des efforts qui ont été faits dans ce sens, mais cela reste définitivement du travail qui doit se faire parce qu'autrement, même si l'information existe, elle n'est pas accessible à ce moment-là et l'éducation n'est pas vraiment possible dans la façon traditionnelle qu'on a l'habitude de le faire. C'est bon pour une couche de la population, mais ce n'est pas nécessairement efficace de l'autre côté. Cette adaptation de l'information et des outils de communication devient inévitable, nécessaire, si la commission veut vraiment offrir un service

valable aux différentes communautés.

Mme Bleau: Quand vous nous dites que des rapports, des activités courantes, les publications, les dossiers, jamais rien de ces rapports-là ne vous sont envoyés?

M. Hippolyte: Je n'ai jamais eu de rapport de la commission comme tel, point du tout. C'est en- communiquant avec un avocat qui m'a dit qu'on pouvait aller le chercher ou faire une demande pour recevoir le rapport annuel. Je n'en ai jamais reçu pendant les dix années que je travaille à ce bureau-là tandis qu'au niveau de la Commission des normes du travail, c'est différent. Les gens viennent nous voir, ils viennent nous rencontrer et nous donnent des séances et ils nous envoient de la documentation. À la CSST, c'est la même chose, la documentation n'était pas disponible à un certain moment au groupe, mais il y a eu des rencontres qui ont été faites, des sessions d'information et nous recevons très souvent des informations de ces boîtes-là. De la Commission des droits de la personne, je ne reçois rien du tout.

Mme Bleau: Vous nous dites aussi que vous aimeriez voir un nouveau rôle de la commission, un tribunal administratif indépendant de la commission. Voyez-vous un autre rôle pour la commission?

M. Hippolyte: Quand on parie d'un tribunal indépendant et qu'on se réfère aux avancés et aux dires des avocats, on pense que, si un tribunal indépendant faisait partie de la commission, quand je dis indépendant, cela ne veut pas dire un tribunal qui siège hors de la commission, mais qui rendrait compte à la commission de ce qui s'est fait, pas dans sa forme actuelle mais dans ce format vraiment indépendant.

Mme Bleau: Vous parlez aussi des employés de la commission, soit les enquêteurs ou autres qui, selon vous, ne sont pas sensibilisés aux cas de discrimination.

M. Hippolyte: Oui.

Mme Bleau: Avez-vous eu l'expérience de certains employés qui n'auraient justement pas été sensibilisés?

M. Hippolyte: J'ai cité le cas de l'ancien directeur qui l'a lui-même dit. Je pense que si on prend la situation d'une personne venue au Québec, disons durant tes années cinquante ou soixante-dix, et qui a pu regarder l'évolution de la société maintenant et de sa forme actuelle, elle peut parler des choses qu elle a subies. Par exemple, quelqu'un qui n'a jamais travaillé dans un milieu manufacturier ou quelqu un qui n'a jamais eu un diplôme d'un pays étranger et qui vient travailler comme laveur de vaisselle ou comme cireur dans un atelier, je pense qu'on ne peut pas faire la comparaison. La comparaison est réellement inexistante et c'est très difficile pour la personne qui sort de l'Université du Québec ou de l'Université de Montréal avec un diplôme, qui entre dans sa profession tout carrément, qui n'a pas eu de contact avec la communauté. Maintenant, cela se fait un peu plus parce que beaucoup d'étudiants sont dans ces universités-là, leur perception est vraiment très différente de la mienne, par exemple, ou de celle d'une personne qui a évolué dans une situation. Moi, cela fait seize ans que je vis au Canada et j'ai participé à toutes les étapes. J'ai visité beaucoup de provinces canadiennes. À ce moment-là, j'ai un jugement, peut-être pas le meilleur, mais j'ai une façon de voir les choses qui serait très probablement différente de celle de la personne qui, issue de cette souche-là, est en train de le voir. Elle est en train de "dealer", comme on dit en anglais, de transiger avec des personnes qu'elle ne connaît vraiment pas. Je pense que c'est très difficile à ce moment-là, de faire une évaluation valable et totale des dosiers sur lesquels elle doit prendre des décisions.

Mme Bleau: Vous recommandez que chacun des plaignants soit représenté par son propre avocat. Croyez-vous que ce soit absolument nécessaire?

M. Hippolyte: Bon, les avocats l'ont dit et je pense que, dans la revue juridique qu'on a ici. Le Monde juridique on le dit aussi, et, si les avocats le disent comme je ne suis pas avocat, il faut leur faire confiance parce qu'ils ont eu a travailler beaucoup sur certains dossiers. Quand je veux faire des cas et que je veux avoir des réponses, je n'ai pas de réponse sur ces cas la. II est dit quelque part que si la commission fait des recommandations comme à l'article 82 ou 84 à certains moments de la durée, la personne doit pouvoir se représenter, peut être à une étape subséquente parce que pourquoi pas dès le départ, à ce moment-là?

Mme Bleau: Je comprends bien. À la recommandation 7 à la page 3, vous nous dites qu'il suffit de I'accord de deux membres de ce tribunal pour renverser la décision en faveur du plaignant ou de la plaignante d'un tribunal. Vous demandez que l'unanimité soit requise dans le cas de I intimé.

M. Hippolyte: Oui.

Mme Bleau: Ne pensez-vous pas que cette recommandation va à I'encontre d'un principe de justice égale pour tous?

M. Hippolyte: Ce n'est pas ce que je pense. Je me rappelle que M. Dufour a dit tantôt que la commission devrait avoir un parti pris pour les gens qui se plaignent. C'est donc ce sens que la

recommandation est faite ici, un parti pris pour les gens qui se plaignent. Les gens qui se plaignent. Je dois dire qu'on pense qu'ils ne gagneront pas facilement. Ils n'en ont pas les ressources, leur seule ressource étant la commission, alors que les firmes ont des avocats qui travaillent quotidiennement sur ces problèmes, elles ont des employés qui, posant des cas similaires, peuvent sortir un dossier carrément et dire. Voilà, tel cas qu'on a réglé en 1982 alors on va faire notre recommandation sur ce cas là. Cela devient un cas de jurisprudence dans le cas d'une compagnie, alors que le plaignant ou là plaignante n'a pas ces choses-là et il est très souvent intimidé par l'appareil judiciaire.

Mme Bleau: Je vous remercie beaucoup d'avoir répondu à mes questions. On va certainement étudier vos recommandations pour voir lesquelles on pourrait appliquer le plus tôt possible. Merci.

M. Hippolyte: Merci

Le Président (M Marcil): Je vais maintenant reconnaître le député de Notre Dame-de Grâces. (12 h 45)

M. Thuringer: Merci, M le Président. Vous avez pas mal parlé aussi, dans votre mémoire des délais. Selon vous quelle est la cause de ces délais? Plusieurs autres groupes qui sont passés Ici soulèvent ce problème?

M. Hippolyte: À part I'appareil judiciaire qui est long dans certains cas il y a le manque de personnel aussi qu'il faut vraiment considérer dans la plupart de ces dossiers. M Roy a dit quelque part et je le cite qu'on devrait sectariser vraiment la commission pour avoir plus de représentations. Je vais essayer de trouver exactement ce qu'il a dit. II a dit dans Droits et libertés, le bulletin de la Commission des droits de la personne dont j'ai pris connaissance dans un bureau d'avocat, qu'afin d'améliorer le travail de la commission. M Roy souhaite une sectarisation de la région métropolitaine, "ouvrir des bureaux dans certains quartiers de ville nous permettrait d'être plus près de la population et de mieux comprendre ses problèmes et ses besoins et d'améliorer ainsi le service à la clientèle ". Oui.

M. Domond: Ce que je voudrais ajouter, c'est qu'il y a aussi la bureaucratie. J'ai personnellement été témoin d'un cas qui a été présenté à la commission ou iI s'agissait d'une personne qui s'est vue refuser un logement parce que la personne était d'une autre origine. C'était clair. Tout était clair dans le dossier. On a augmenté le prix annoncé sur le journal à I'arrivée et on a demandé la nationalité de la personne, on a refusé. Le lendemain, le surlendemain, la même annonce se trouvait encore dans le journal. Alors on fait le dossier du plaignant avec coupures de presse numéro de téléphone du concierge, I'adresse de la maison etc soit tout ce qu'il fallait pour faire une enquête. On envoie cela à la commission. Quelques jours après, la réponse était un formulaire de neuf pages format légal, qu'il faut remplir. Or, vous comprendrez que le temps que ce formulaire soit rempli qu'il aille là-bas, qu'il passe par 50 000 personnes, il se passe du temps. Ensuite, il faut analyser chaque détail comme cela. Tandis que dans le cas précis, il y avait le numéro de téléphone le nom de la personne, l'adresse et tout ce qu'il fallait pour que la commission puisse procéder à une enquête comme telle. Maintenant, il revenait à la plaignante de porter tout le fardeau de la preuve. On lui a demandé de retourner, d'aller faire I'enquête, d'aller faire photographier etc. Dans une situation pareille, vous comprenez que le cas va passer un an ou deux ans en procédure. C'est très clair que la bureaucratie joue un rôle très important.

M Thuringer: Dans le domaine qui vous touche directement surtout avec les minorités visibles avez vous remarqué que la moyenne des délais est pas mal. Vous dites que les délais peuvent courir jusqu à deux ans?

M Hippolyte: Oui.

M. Thuringer: Avez-vous remarqué un prolongement assez fort dans votre domaine par exemple?

M Hippolyte: Le prolongement s'explique par le fait que les gens qui viennent vivre ici ne sont pas au courant de la procédure. Ils peuvent recevoir de la documentation et par ignorance, ils la déposent. Quand un cas se présente à la commission cela prend peut être un mois à un mois et demi avant qu'on vous appelle pour la première enquête pour pouvoir en parler. Très souvent la personne ne peut pas se présenter à cause de son travail. C'est ce que j'avais oublié de mettre dans mes recommandations soit si le tribunal pouvait siéger le soir ou en après midi, parce qu'il y a des gens qui ne peuvent pas laisser leur emploi. Si les gens s'absentent trop souvent de leur emploi à ce moment là ils risquent de perdre leur emploi. Donc, ils laissent tomber le cas. Quand ils ont le temps ils essaient de reprendre, mais à ce moment là, il est trop tard ou bien iI faut recommencer après. Définitivement après deux ans les gens laissent tomber. Donc il n'y a pas cette facilité aussi de pouvoir accomoder les gens. Je ne sais pas si je I'ai marqué dans mes recommandations à savoir qu'il y ait vraiment des tribunaux qui puissent. Du moins iI y a des gens qui travaillent à des heures irrégulières, par exemple un peu plus tard que 17 heures alors cela faciliterait beaucoup de personnes à avoir accès à toutes ces choses.

M. Thuringer: J'aimerais, si vous me le permettez, aborder une autre question. Vous avez souligné le fait que les tribunaux ne sont pas représentatifs de la population démographiquement parlant et que vous souhaitez que des groupes comme le vôtre soient représentés. D'abord, c'est une chose qu'on a entendu pas mal. Mais l'autre côté de la médaille, c'est comment encourager les gens pour se présenter. Moi aussi, dans mon comté de Notre-Dame-de-Grâce, j'ai aussi ce défi de travailler pour qu'ils soient présents dans tous les niveaux de conseil et ces choses. Avez vous des conseils? C'est vrai, c'est une ouverture au sein de la commission, mais aussi cela prend un certain leadership. C'est particulièrement difficile pour les gens qui viennent d'autres pays de s'engager dans les structures, c'est un choc.

M. Hippolyte: D'accord. Cela me fait rire un peu - je vais aussi laisser la parole à mon collègue - parce qu'il y a des gens qui veulent participer dans certaines structures. II y a des gens qui ont sollicité certains postes et qui n'ont pas eu ces postes. Je reconnais vraiment qu'il y a certains domaines dans lesquels les gens ne se présentent pas. Par exemple, on va dire que, dans la police, comme dans les directions municipales, il n'y en a pas beaucoup qui se présentent. Mais dans un processus comme celui-là, si on voulait avoir des commissaires issus des communautés culturelles, si on voulait avoir à un tribunal quelconque un commissaire qui, même s'il n'est pas avocat, après avoir été sensibilisé ou avoir évolué dans un certain domaine pendant assez longtemps, apporter une contribution Je pense que, s'il y avait de la sollicitation auprès de ces gens, ils ne diraient certainement pas non. Dans certains cas, peut-être, mais pour ces cas précis, ils ne diraient pas non. Si demain matin la commission m'appelle et me dit. Écoutez, M Hippolyte, vous voulez participer en tant que commissaire ici, je lui dirais. Oui. je vais apporter ma contribution, parce que je connais les gens du milieu et ceux qui ont des problèmes. Je pourrais même sensibiliser mes collègues à certaines problématiques. Je pense que, sur ce point, il n'y a aucune réserve pour les gens de participer.

M. Domond: Je voudrais peut être ajouter quelque chose. Je pense que ces gens existent. II y a des avocats noirs Je pense qu'il y a un conseil d'avocats noirs quelque part iI y a des bureaux, on la souligné tout à I'heure. J'ai l'impression qu'il faudrait regarder l'aspect systémique de la question. On a toujours parlé de discrimination systémique. II faut regarder les critères utilisés pour sélectionner les gens. II faut regarder ou et comment on annonce les postes. II faut regarder le processus de sélection comme tel. Dites-moi ce que vous voulez, pour qu'il y ait des commissaires, quelqu'un dit quelque part . On veut avoir des commissaires

C'est une décision politique dans un premier temps. Ou va t-on choisir les commissaires? Quel type de commissaire va t'on choisir? II y a quelqu'un qui prend cette décision. Cette personne a la première partie de la réponse.

L'autre question, c'est. Ou trouver ces gens là? Ces gens existent iI y a des avocats il y a des intervenants sociaux, il y a toutes sortes de personnes qui ont la compétence, qui connais sent autant le milieu québécois que le milieu ethnique et qui sont capables de le faire. Cela ne devrait pas être un problème à ce chapitre. Je pense que cela réside dans la volonté réelle des gens de faire en sorte que l'égalité soit possible.

M. Thuringer: Je n'en doute pas, non plus. Je suis convaincu que les ressources existent. Mais il faut aussi une certaine. Disons que les structures qui sont là doivent prendre contact avec les groupes culturels pour aussi connaître leur pensée savoir ou aller et qui sont les gens qui peuvent occuper des postes semblables. II faut une volonté d'abord, mais une collaboration aussi.

M. Domond: Je pense que la collaboration a toujours été là intentionnellement de la part des groupes. II faut consulter les groupes il faut reconnaître que les groupes existent qu'ils ont une expertise sur le terrain. Par exemple, en ce qui concerne le personnel cadre de la Commission des droits de la personne, il y a quelqu'un qui est responsable du personnel qui doit avoir une connaissance minimale de I'ensemble des groupes qui oeuvrent dans la région 06-A - je ne sais pas comment on appelle cela dans les services sociaux ou à la Commission des droits de la personne - et qui savent plus ou moins qui sont les organismes les plus représentatifs ou ils peuvent avoir des conseils ou des références sur les gens. Ils ont probablement aussi une liste de ces personnes. Très souvent on fait appel aux intervenants des communautés culturelles comme bénévoles. Ils ont une compétence reconnue comme bénévole mais quand arrive le temps de les embaucher le problème se pose là. S'ils sont bons pour conseiller des députés, des ministres et des directeurs pourquoi ne sont-ils pas bons pour travailler comme tout le monde?? Je pense que cest le processus de selection qu'il faut remettre en question. C'est dans ce sens qu on dit. Est-ce qu'à la commission, il ne faut pas réclamer un programme d 'accès à I 'égalité?

M. Hippolyte: Je pourrais ajouter aussi que la collaboration existe. Moi-même, je suis membre du RCM un parti municipal. II y a un comité multiethnique qui fait des recommanda tions Ce comité a existé bien avant les éleclions. Et de ce comité ou je travaille depuis à peu près deux ans est maintenant issu un programme d'accès à légalité. Le gouvernement municipal a créé maintenant les comptoirs multilingues ou sept personnes d' origines ethni-

ques diverses vont travailler. Je pense que ces recommandations, parce qu'il y a eu une participation des communautés, le RCM les a mises en application. À ce moment-là, il y a une participation, mais il faut qu'à d'autres endroits aussi on fasse la même chose que le RCM, qu'on vienne nous consulter et qu'on retienne nos avis.

Le Président (M. Marcil): Cela va? Je vais reconnaître le député de Marquette.

M. Dauphin: Merci, M. le Président. A mon tour, J'aimerais vous remercier d'avoir accepté l'invitation de la commission des institutions. J'aimerais revenir sur un point qu'a abordé mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce justement sur la représentativité des membres des communautés culturelles, non seulement à la Commission des droits de la personne, mais également dans la fonction publique québécoise ou parapublique ou péripublique. On sait pertinemment que les membres des communautés culturelles - et je vois mon collègue de Laurier avec nous qui s'en est occupé beaucoup également - représentent, si ma mémoire est bonne, au moins 12 % de la population du Québec, pour Montréal, près de 40 %, c'est-à-dire que dans la région de Montréal il y a près... Vous dites 35 %. Quand j'ai fait mes études, c'était près de 40 %, cela doit être 35 %.

M. Hippolyte: 35 %. II y en a qui sont partis peut-être.

M. Dauphin: Près de 40 % sont d'origine ni francophone, ni anglaise, ni britannique. Cela veut dire qu'il y a près de 40 % de la population dans la région de Montréal qui est d'origine ethnique, ni d'origine britannique, ni française. En ce qui concerne la représentativité, on a une sérieuse côte à remonter. Quand j'étais dans l'Opposition, j'ai eu l'occasion de m'en occuper pendant plusieurs années. C'était mon dossier.

M. Hippolyte: Est-ce que vous vous en occupez maintenant?

M. Dauphin: Chaque fois que Je rencontrais le ministre des Communautés culturelles, je me disais: Vous nous avez promis une représentativité accrue et au contraire, sous votre règne du Parti québécois, elle a diminué la représentativité, alors qu'il en avait fait un engagement. Évidemment, il faut faire un effort de guerre. Par exemple, au comité de sélection dans la fonction publique, si on demandait audit comité de sélection que se présente une personne d'origine ethnique. Cela ne serait peut-être pas une méchante idée. Deuxièmement, si on barrait les noms, le comité de sélection aurait tes dossiers des applicants, mais sans nom. Autrement dit, s'il y a un nom qui commence par Y, qu'on ne le mette pas de côté. Qu'on barre les noms des individus, cela serait une autre idée intéressante. Comme on l'a toujours demandé, que le gouvernement du Québec utilise les médias ethniques pour faire la promotion des offres d'emplois qui relèvent de la fonction publique québécoise en général. Évidemment, ce qui est encore très Important et on est Ici depuis deux ans, c'est la volonté politique de le faire. Ce qui est quand même primordial.

C'est sûr que la Commission des droits de la personne, à mon sens, devrait donner l'exemple, tout comme le ministère des Communautés culturelles qui a pignon sur rue à Montréal. C'est le seul ministère situé à Montréal qui devrait donner l'exemple en engageant, disons-le franchement, de plus en plus de membres provenant des communautés culturelles, parce que vous apportez un apport essentiel à la société canadienne et québécoise. On parle ici à l'Assemblée nationale du Québec. Alors je suis certain que mes collègues qui sont ici présents aujourd'hui nous appuient à 100 %. Il faut pousser. C'est pour cela que votre présence ici aujourd'hui est une démonstration que vous poussez vous aussi. On parle de la Commission des droits de la personne. Vous voulez bonifier cette commission, y mettre des dents et on n'a qu'à vous féliciter d'être venus Ici aujourd'hui.

Je tiens à vous souligner que comme commissaire - et c'était une priorité du ministre actuel de la Justice, Herbert Marx - il y a trois commissaires qui proviennent des communautés culturelles. La vice-présidente est québécoise d'origine grecque. Il y a une commissaire d'origine haïtienne - c'est depuis l'an passé - puis il y a une commissaire qui est membre des communautés autochtones. Évidemment, il faut descendre maintenant la tête. On fait de beaux efforts, mais il faut descendre en bas pour en engager - disons-le franchement - davantage. Vous avez une réaction à cela?

M. Hippolyte: Oui, on est au courant de cela, mais des fois aussi il y a des gens qui sont nommés à des positions qui n'ont jamais eu aucun contact avec les communautés. On se plaint aussi de cette forme de représentativité. C'est une représentativité, on le conçoit, mais la personne n'est pas vraiment sensibilisée aux problèmes déjà des communautés. C'est arrivé à plusieurs reprises quand on va les rencontrer et ils ne sont pas au courant des problèmes. Alors, à ce moment-là, c'est une autre question. La représentativité, oui, mais les gens qui ont la compétence, peut ne pas être mise en doute, mais pour avoir vraiment l'effet positif de cette nomination, il faut que la personne soit réellement dans la communauté. On va dire: M. Sirros est connu dans les communautés. Il sera élu à un poste. Il est accessible par tout le monde, on peut aller le voir. Il est sensibilisé à une problématique qui était dans les CLSC, tout le monde le connaît. Il y a des gens qui sont restés dans nos murs et on ne les connaît pas. Cela veut dire que si on a des problèmes, ils ne

peuvent pas résoudre ces problèmes. Cela veut dire qu'ils ne sont pas sensibilisés à nous qui faisons le travail sur place. Ce n'est pas de dire qu'ils ne sont pas compétents, mais à part la compétence, il faut dire qu'il y ait cette communication avec des gens qui aident à régler les problèmes. C'est comme l'attaché politique d'un ministre. C'est quelqu'un qui a une connaissance du terrain. C'est quelqu'un qui est en contact avec la population et qui va dire au ministre. Voilà ce qu'on doit faire, voilà ce que la population veut dans notre comté. Je pense que cela est très important.

M. Domond: Je voudrais peut-être ajouter quelque chose en parlant d une minorité. II y a une confusion telle entre celui qui est réfugié, un immigrant et celui qui est né ici et qui a deux ou trois générations mais dont la seule faute est d'avoir été noir ou jaune. Je pense qu'en reprenant une lecture de I'histoire, on se rend compte qu'il y a ce qu'on appelle des QVS - Québécois de vieille souche - qui sont d'autres couleurs et qui ne sont pas plus présents que les autres ici. À un certain moment donné, cela renvoie la bataille dans le camp même des immigrants à savoir. Moi, je ne suis pas immigrant. Toi, tu es immigrant, moi je ne suis pas là, toi, tu n'es pas là Toi, on fait attention à toi, pourquoi? C'est parce que justement la société ne s'est pas encore donné les outils nécessaires pour que cette présence des membres des autres communautés soit aussi visible à travers le service. Je vous demande, par exemple, de faire le tour de Montréal et de regarder les banques. Un poste de réceptionniste dans une banque. C'est une chose très simple. II y a des secrétaires très bien qualifiées. En voyez-vous une qui soit autre chose que de vieille souche? En voyez-vous souvent une qui soit asiatique ou qui soit notre ou autre? Pour tant ce n'est pas une fonction extraordinaire. C'est un service direct au client. Quand on parlait tout à I'heure de qu'est ce qui va faire que les gens vont appliquer? C'est quand ils vont se rendre compte que c'est possible d'arriver là. Jusqu'à présent, même là, on ne l'a pas. Demandez au gérant et arrivez juste un peu plus loin. Alors, je pense que la même chose se reproduit dans la fonction publique, se reproduit dans les services parapublics, etc. Finalement, on en arrive à un point ou cette partie de la population ne s intéresse pas parce que les gens ne s'identifient pas à cette société ou ils ne trouvent pas leur place. Je pense qu'il y a un débat de société à faire autour de cette question. On parle de la Commission des droits de la personne parce que c'est certainement la place ou on peut le plus facilement composer cette image et présenter un modèle, mais on peut étendre la question et voir que, effectivement, il y a de grands pas à faire pour essayer tout au moins d'avoir une représentation sinon proportionnelle du moins significative. Ce qui n'est pas le cas maintenant. Je pense que vous avez très bien souligné que dans la fonction publique, au lieu d'accroître le taux de représentation, il a régressé pas mal durant les dernières années. Pendant la période de coupures budgétaires la période ou tous les directeurs sont devenus des chirurgiens avec un bistouri ce n'est pas le temps ou on va embaucher des gens. La chose qui revient souvent c'est la question des syndicats. Est- ce qu' il n 'y a pas lieu que les gouvernements, les patrons et les syndicats s'associent, s'assoient et discutent ensemble et voient comment est-ce que sans brimer les droits des uns et des autres, on arrive à un consensus sur la manière d'appliquer ces programmes d'accès à l'égalité. Je pense que parler de programmes d'accès à l'égalité, c'est parler aussi des droits de la personne et cest parler du rôle de la Commission des droits de la personne. En termes de droit à légalité sur le marché du travail j'ai comme I'impression qu'on a frappé un mur à certain moment donné. En dépit de I'entrée en vigueur des programmes et en dépit de l'obligation contractuelle, cela n'avance pas. II me semble qu'il y a un coup de barre à donner de ce côté. Peut être que si la commission se donne les moyens elle serait I'institution ou on peut justement faire avancer des choses comme cela.

M. Hippolyte: Je voudrais ajouter aussi que I'accessibilité en temps de crise est possible. Le gouvernement n'aura pas à investir de nouveaux budgets, de commander de nouveaux budgets. II y a des gens qui prennent leur retraite. II y en a qui sont morts. On ne souhaite pas que tout le monde meure, de toute façon il y en a aussi qui prennent des congés sabbatiques. Ce sont tous des endroits ou on peut toujours se servir de ces moments pour parler de programme d' accès à I 'égalité sans que cela coûte un sou à I 'État.

M Dauphin: Moi. M. le Président on m'a déjà dit qu'il n'y avait pas beaucoup de membres des communautés culturelles dans la fonction publique parce qu'ils ne voulaient pas déménager à Québec.

M Hippolyte: Moi, je déménagerais demain matin.

Le Président (M Marcil): Très bien, nous vous remercions beaucoup, M Hippolyte de même que M Domond, de votre participation à cette commission. Disons que tous les points que vous avez mis en évidence tout l'aspect de I' organisation de cette Commission des droits de la personne les délais et également I'efficacité vous avez fait une proposition en ce qui concerne la mise sur pied d'un tribunal administratif c'est là une recommandation qui a été faite par plusieurs organismes qui vous ont précédés solution qui améliorerait l'efficacité et probable ment aussi identifierait ou préciserait le rôle de tous et chacun pour éviter le conflit de rôles

qui existe entre l'enquêteur et le médiateur...

Vous avez aussi mis en évidence le problème d'Informations et d'éducation. Donc, la Commission des droits de la personne a un rôle d'Informer la population, d'être présente de plus en plus dans les régions. Probablement aussi qu'il existe d'autres mécanismes au Québec par lesquels on pourrait éduquer et informer, du moins la jeunesse, notre jeunesse montante et qui va occuper des postes, tantôt, dans notre société, que ce soit par le biais des réseaux scolaires.

Donc, on vous remercie beaucoup de vous être déplacés à Québec même si l'on dit que Québec est un peu plus froid que le sud-ouest du Québec, Cet après-midi, on va recevoir justement le Congrès des avocats et des juristes noirs, ainsi que l'Association des infirmières noires du Québec. Donc, on va pouvoir continuer également à entendre ces groupes pour pouvoir nous permettre de saisir davantage cette problématique.

Nous vous remercions. Je suspends les travaux jusqu'à 16 heures, après les affaires courantes. Merci beaucoup. {Suspension de la séance à 13 h 7)

(Reprise à 16 h 24)

Le Président (M. Filion): À l'ordre, s'il vous plaît!

Nous reprenons donc les travaux de cette commission. Nous entendrons, cet après-midi, le Congrès des avocats et juristes noirs du Québec dont les représentants ont déjà pris place à la table des invités. Je leur souhaite la bienvenue. Nous entendrons ensuite les représentantes de l'Association des infirmières noires du Québec inc., je ne sais pas si elles sont arrivées, on les attend bientôt.

Donc, bienvenue aux représentants du Congrès des avocats et juristes noirs du Québec. Je leur rappellerais que leur mémoire a déjà été distribué aux membres de la commission, sous la cote 10M, et que les membres en ont pris connaissance. Pendant les premières quinze minutes, je vous Invite à faire un résumé ou un sommaire de vos représentations, ensuite nous pourrons échanger des avis sur vos commentaires.

D'abord, peut-être pourriez-vous vous Identifier pour le bénéfice du Journal des débats?

M. Pierre (Martial): Martial Pierre. Je suis secrétaire du Congrès des avocats et juristes noirs du Québec.

M. Boiron (Yves): Yves Boiron. Je suis responsable de la recherche et de la documentation du congrès.

Le Président (M. Filion): Madame.

Mme Parris (Cynthia): Mme Cynthia Parris, présidente de l'Association des infirmières noires du Québec.

Le Président (M. Filion): Ah bon! C'est pour plus tard. C'est bien.

Mme Parris: On était censé être trois, mais les deux autres n'étaient pas capables de venir parce qu'elles travaillent.

Le Président (M. Filion): Écoutez, il n'y a pas de problème. De toute façon, nous entendrons votre groupe vers 17 h 15, alors, nous allons d'abord entendre le Congrès des avocats et juristes noirs du Québec, Me Pierre et Me Boiron. La parole est à vous.

Congrès des avocats et juristes noirs du Québec

M. Pierre: M. le Président, MM. et Mme membres de la commission, nous vous remercions pour votre Invitation à venir ici aujourd'hui. Comme le président vient de l'indiquer, nous ne croyons pas nécessaire de relire pour vous un texte déjà en votre possession. Mon confrère Boiron commencera peut-être par commenter certains aspects de notre mémoire et, plus tard, nous serons disponibles pour répondre aux questions que vous pourrez avoir.

M. Boiron: Nous voulons tout d'abord souligner que le Congrès des avocats et juristes noirs du Québec est un organisme tout à fait nouveau, jeune, et par ce titre, il n'a donc pas d'histoire en ce qui concerne ses relations avec la Commission des droits de la personne. Son expérience s'est située de préférence à travers celle des membres de cet organisme.

Un deuxième point que j'aimerais souligner, c'est que nous mettons particulièrement l'accent sur les facteurs race, couleur, en ce qui a trait à l'application de l'article 10 de la charte. Tout d'abord, nous croyons que la Commission des droits de la personne manque de visibilité. On ne perçoit pas l'existence de cette commission, surtout au sein de la communauté noire. On ne la voit pas quand des problèmes sérieux se posent. Nous pouvons souligner certains cas comme des problèmes qui surviennent dans le milieu scolaire, notamment, aux écoles Henri-Bourassa, Calixa-Lavallée et Saint-Exupéry. La commission a attendu qu'il y ait des Incidents violents et l'intervention même des médias pour seulement envoyer un agent d'éducation sur place afin de vérifier ce qui se passe. Il y a aussi le secteur hospitalier où. depuis des années, les infirmières noires souffrent de toutes sortes de harcèlement. On n'a pas vu non plus la Commission des droits de la personne intervenir dans ce dossier.

Nous aimerions aussi souligner qu'il y a un peu plus de deux ans, la communauté haïtienne a

été injustement désignée par la Croix-Rouge comme étant formée de personnes à risque en ce qui concerne le SIDA. Cette communauté a traîné cette étiquette pendant plus de deux ans, jusqu'à ce que les autorités médicales se rendant compte de leur erreur ont rectifié leur tir pour dire que la communauté haïtienne n'était pas plus à risque que les autres communautés. Là encore on n'a pas vu la Commission des droits de la personne intervenir, la commission se contentant tout simplement d'attendre que le problème lui soit soumis. Elle ne va pas, comme l'autorise de faire sa lof constitutive, c'est-à-dire la Charte des droits et libertés de la personne, au-devant des problèmes pour prendre les initiatives qui pourraient corriger certaines situations et empêcher que des injustices soient commises à l'égard de la communauté noire.

En matière d'information et d'éducation, il n'y a rien qui se fait de vraiment positif. L'information de la commission n'est pas disponible à n'Importe qui. il faut aller chercher cette information. Et, quand il s'agit, par exemple, de publication spécialisée, il faut faire une demande spécifique et, encore-là, il faut qu'on ait été mis au courant de l'existence de telle publication.

En matière d'éducation, la commission ne prend pas d'initiatives. Elle est absente dans les écoles. Elle est absente dans le grand public. Elle est absente auprès des organismes de première ligne, qui sont les mieux placés pour sensibiliser la communauté, la population, à l'existence de la charte. Or, l'une des fonctions de la commission, c'est précisément d'établir un programme de formation et d'éducation destiné à faire comprendre et accepter l'objet et les dispositions de la présente charte. C'est donc un rôle actif qui est confié à la commission, alors que dans la réalité, dans les faits, elle s'est croisé les bras, comme je l'ai déjà dit, attendant qu'on vienne lui soumettre des cas. Nous avons souligné, à la page 4, de notre mémoire, certaines solutions, certains moyens que la commission pourrait appliquer pour faire preuve de plus d'efficacité. Nous pensons, par exemple, aux campagnes publicitaires contre le tabagisme et contre l'alcool au volant. On sait que cela a apporté des résultats extraordinaires. On se demande alors si la commission ne pourrait pas faire une campagne de cette nature pour sensibiliser les gens à l'existence de la charte et à l'application de ses dispositions.

Un des grands problèmes, quand on va devant la commission, ce sont les délais interminables. Un sondage que nous avons effectué au sein de nos membres nous indique très clairement que cela prend en moyenne deux ans pour qu'un dossier soit réglé devant la commission. Ces délais, dans bien des cas, découragent les plaignants qui abandonnent purement et simplement leur plainte. Car, dans bien des cas, ils se présentent devant la commission sans avocat, seuls, sans personne pour les guider. Comme je vous l'ai dit, ils finissent par se décourager. Bien souvent, on va entendre la commission parler d'un règlement d'un dossier, alors qu'il s'agit purement et simplement d'un désistement. Le dossier réglé, c'est un dossier qui a été ouvert et qui est fermé.

On se pose aussi fa question sur l'utilité du processus engagé devant la commission. Après deux ans de procédure, quand on arrive à une décision de la commission et que les recommandations de la commission ne sont pas suivies comme souhaité, il faut encore recommencer le processus devant les tribunaux judiciaires. Nous savons qu'il y a d'autres organismes qui, pour cette raison, parlent de la création d'un tribunal administratif sur les droits de la personne qui pourrait apporter des solutions immédiates et applicables, exécutoires, dans le cas des litiges qui sont confiés à la Commission des droits de la personne.

Si on regarde la structure de cette commission, c'est une structure extrêmement simple. Il y a la commission, il y a la direction et les employés C'est une structure extrêmement simple qui facilite le fonctionnement. Mais, quand on parle de structure, il faut évidemment regarder à l'intérieur, voir ce qui compose cette structure, c'est-à-dire les personnes, les employés de la commission. Après quelque dix années d'existence, ce qui attire notre attention, c'est le profil du personnel qui brille par son homogénéité sur le plan racial. Il n'y a presque pas de représentants de la communauté noire au sein de cette commission, cela après plus de dix ans d'existence.

Nous ne savons pas exactement comment le gouvernement procède pour la nomination des commissaires, c'est-à-dire quels sont les critères retenus dans le choix des commissaires. Mais, ce que nous souhaitons, c'est qu'à l'avenir, ces commissaires soient nommés en fonction de leur implication dans le passé aux problèmes touchant les droits humains. De plus, les organismes intéressés oeuvrant dans la défense des droits humains aimeraient aussi être consultés - nous parlons de consultation réelle - de manière qu'on puisse avoir dans les postes la meilleure personne à un moment déterminé.

Quand on pense, par exemple, aux fonctions de président et de vice-président, quand on pense à l'importance de ces deux fonctions, on se demande si on ne doit pas tenir compte de l'engagement de ces personnes en matière de promotion des droits et libertés avant de faire leur nomination.

Quant aux employés mêmes de la commission, on sait que la commission a le droit, le pouvoir, de nommer elle-même ses propres employés Nous ne savons pas non plus quels sont les critères retenus. Nous considérons que la commission est un organisme spécialisé et nous considérons naturellement que les employés devant travailler dans cette commission devraient au préalable manifester un certain intérêt pour la promotion des droits et libertés Tout au moins,

on aurait pu, après les avoir engagés, leur donner une formation leur permettant d'oeuvrer adéquatement au sein d'un organisme dont la fonction essentielle est de promouvoir les droits et libertés dans cette société.

Là encore, on constate qu'il n'y a rien d'extraordinaire qui a été fait et cette commission, à laquelle le gouvernement a donné la fonction de promouvoir le programme d'accès à l'égalité, doit commencer par appliquer ce programme en son propre sein. On devrait pouvoir retrouver une représentativité de toute la composante de la société québécoise à l'intérieur de cette commission, non seulement au niveau des employés mais encore au niveau le plus élevé, c'est-à-dire au niveau des commissaires.

Maintenant, en ce qui concerne les pouvoirs de la Commission des droits de la personne, on sait que la Commission des droits de la personne a des fonctions et des pouvoirs reconnus par les articles 66 et suivants de la charte. Tels qu'ils sont définis, ces pouvoirs sont suffisamment larges pour permettre à la commission d'exercer adéquatement les fonctions qui lui sont dévolues. Malheureusement, comme nous l'avons déjà dit, la commission n'exploite pas à fond l'étendu des pouvoirs qui lui sont conférés. Au sein de la communauté noire, particulièrement, c'est une impression d'absence totale de la commission qui est constatée surtout quand il y a des problèmes sérieux qui se posent.

Nous avons terminé notre mémoire en faisant une énumération de certaines recommandations dont nous aimerions voir tenir compte par la commission pour l'avenir de manière que - comme je l'ai déjà répété - elle puisse occuper tout l'espace qui lui est donné par sa loi constitutive, c'est-à-dire la charte.

On parle de plus en plus maintenant de violence policière. On n'a jamais vu la commission prendre l'initiative d'éduquer ou d'informer ce milieu, et cela depuis dix ans, malgré les problèmes répétés qui se posent depuis ces dernières années. La commission n'a jamais pris d'Initiative non plus en ce qui concerne les chauffeurs d'autobus. On sait qu'à Montréal aussi, ces derniers temps, de plus en plus d'incidents violents surviennent entre les chauffeurs d'autobus et la population noire. Cela va de soi un peu étant donné que l'immigration d'ethnies visibles se fait de plus en plus grande et les gens sont appelés de plus en plus à entrer en communication directe avec ces nouveaux arrivants. La commission devrait intervenir avec des programmes précis d'information et d'éducation dans les cas de ces deux organismes que j'ai cités, la police et la CTCUM, avec les chauffeurs d'autobus et de métro, de façon à faciliter les relations entre les représentants de ces organismes et les représentants de la communauté noire. (16 h 45)

Le Président (M. Filion): Cela va, je vous remercie de la présentation de votre mémoire. Je laisserai la parole à M. le député de Beauharnois.

M. Marcil: Merci, M. le Président. Lorsqu'on parle du règlement des litiges où on met en évidence les délais qui sont très longs, et on parle justement de retards sérieux de tout près de deux ans à traiter une plainte, plusieurs organismes qui vous ont précédés ont soulevé le même problème. Ce qui est particulier, c'est que tous les organismes parlent de délais de deux ans. Il n'y a aucun organisme qui a parlé d'un an ou de six mois ou d'un an et demi, c'est de deux ans environ. Ce qui met en cause la possibilité de poursuivre par la suite.

Quelles seraient, d'après vous, les raisons pour lesquelles les délais sont si longs, deux ans, parce que ce dire n'est pas particulier à votre groupe, c'est particulier à l'ensemble des groupes qui vous ont précédés.

M. Pierre: Je pourrais tenter de répondre à cette question. Nous ne pensons pas que ce soit un facteur en particulier qui soit la cause de ce retard, c'est un ensemble de facteurs Premièrement, en ce qui concerne les commissaires, de la façon que la loi est interprétée et appliquée, il semble qu'une fois qu'une plainte passe le niveau de la recevabilité, qu'il y a eu enquête, médiation, conciliation, ce que vous voudrez, l'assemblée des commissaires est saisie des moindres petits dossiers... Alors, nous pensons que c'est un travail considérable, surtout que les commissaires ne rencontrent pas particulièrement les plaignants. Ils doivent prendre connaissance des notes rédigées, des rapports. Alors, d'un côté, nous pensons que ceux-ci peuvent avoir pour effet de retarder le règlement des litiges au niveau de deux ans.

Nous pensons également que si une autre Instance s'occupait de la question litigieuse, parce que quand même nous considérons que c'est une commission qui est très spécialisée, une question de relations raciales, etc., s'il y avait une division à l'intérieur de la commission qui était mandatée pour s'occuper plus particulièrement des questions raciales qui sont les divisions les plus familières avec la doctrine, la jurisprudence, etc., il aurait été possible, au lieu d'avoir des employés qui sont polyvalents, qui sont tout aussi compétents dans tous les domaines, s'il y avait une division très spécialisée, il y aurait lieu peut-être de procéder de façon - je veux dire pas plus expéditive - plus efficace dans un délai plus court.

M. Marcil: L'organisme nous a également proposé la mise sur pied d'un tribunal administratif parce que lorsque vous mentionnez la possibilité de développer une division spécialisée en ce qui a trait aux causes qui touchent réellement le racisme, c'est parce que ce qui me fait peur, c'est qu'à un moment donné, il faudrait peut-être le faire aussi pour des causes de harcèlement sexuel, pour d'autres également, et

cela alourdirait probablement aussi l'appareil comme tel. Vous mentionnez, à un moment donné, dans vos recommandations de faire une étude de l'implantation d'un tribunal indépendant pouvant rendre des décisions interlocutoires et finales.

Vous parlez de la possibilité de faire une étude. D'autres, précédemment, nous ont parlé carrément de développer ce mécanisme et de le rendre fonctionnel, mécanisme qui existe également en ce qui a trait aux commissions des droits de la personne d'autres provinces et même du Canada.

M. Pierre: Quant à nous, nous avons suggéré d'étudier très sérieusement cette possibilité-là. Il ne s'agit pas tout simplement de l'implanter, il faut voir ce qui se fait ailleurs et adopter ce mécanisme à notre système de droit ici au Québec.

Ce que nous souhaitons voir, si jamais l'Implantation de ce tribunal s'avérait nécessaire et faisable, ce serait encore une instance vraiment très spécialisée comme il existe dans d'autres secteurs. Cela aurait l'avantage de procéder - je pense que je l'ai déjà suggéré - plus rapidement. Parce qu'au fond, je disais que cela se recoupait. D'un côté, on a les commissaires, nous pensons, quant à nous, qu'ils ont également un travail de promotion de la Charte des droits et libertés de la personne à faire. Ce travail est négligé pour l'Instant, peut-être en partie. Les commissaires se retrouvent pris dans des cas... Ils se trouvent un peu à hésiter à intervenir dans des situations urgentes, parce qu'ils savent qu'en fin de compte, s'il y a plainte, ils risquent de devenir juge et partie. Quand on s'est prononcé sur une situation donnée et qu'on sait qu'un an plus tard on peut être appelé à donner une solution, on peut comprendre leur hésitation. S'il y avait une nouvelle division où le point de vue de la commission serait représenté devant cette instance spécialisée... Le point de vue de la commission serait le sien et elle le défendrait devant cette instance spécialisée. Cela aurait l'avantage de pouvoir procéder de façon plus rapide et plus efficace, je pense, et la commission pourrait, en même temps, faire la promotion des droits.

M. Boiron: J'aimerais ajouter quelque chose aussi concernant notre proposition de créer une section spéciale pour traiter des problèmes à caractère racial. Notre expérience devant la Commission des droits de la personne nous permet de vous dire que la commission aborde avec beaucoup de gêne la question raciale. Il y a beaucoup de retenue de la part de la commission et, dans bien des cas, l'impression des personnes qui ont porté plainte devant la commission, c'est qu'elles sont mal servies. Dans bien des cas - je pourrais parler personnellement - j'ai des clients qui se perçoivent comme des personnes accusées devant la commission. Fort souvent, des conflits en cours d'enquête éclatent entre un enquêteur et le client ou la cliente. Il ne faut pas oublier que la question n'est pas une affaire objective, logique. Il n'y a pas de raison là-dedans, c'est très émotif. C'est une question extrêmement difficile à établir, tant devant la commission que devant les instances judiciaires. C'est pour cela que nous croyons que si on ne commence pas par engager des gens sensibilisés à la question des droits et particulièrement à la question raciale, si on ne tient pas compte de ce facteur primordial, la commission sera toujours perçue de cette manière.

Je veux apporter une précision. Quand nous parlons de gens sensibilisés, il n'est pas absolument nécessaire que ces gens proviennent des groupes ethniques. Il y a déjà, dans la société québécoise, beaucoup de personnes très sensibilisées à la question de la défense des droits et à la question des couleurs. Évidemment, si, en plus, ces personnes proviennent des groupes ethniques, particulièrement des minorités visibles, eh bien! c'est le compte.

M. Pierre: Avec votre permission, j'essaierais d'ajouter une autre impression du Congrès des avocats et juristes noirs du Québec. Quand on fait référence à ce que M. le président vient de dire sur la question des décisions exécutoires, je suis certain que le congrès avait en tête la question du taxi à Montréal. Je vois un confrère, dans la salle, qui est tout aussi familier que nous avec cette expérience. II y a eu cette longue enquête. Il y a eu le rapport qui admettait qu'il y avait du racisme dans l'industrie du taxi. Il y a eu poursuite judiciaire. La cause est encore pendante. Depuis tout ce temps, il n'y a pas eu un seul chauffeur noir qui a pu être embauché dans ces compagnies intimées. S'il y en a qui ont été embauchés, ce n'est certainement pas à cause de l'intervention de la commission. Plus spécifiquement, il y a eu une admission d'un ou de deux membres et c'était à la suite de pressions économiques exercées directement sur la compagnie qui refusait d'engager des chauffeurs noirs. Je me place facilement dans la position de mes clients et je peux très facilement comprendre ce que cela donne, ce qu'ils nous demandent. À quoi cela va-t-il servir de traîner une lutte pendant deux, trois ans, pour ensuite n'avoir aucun résultat concret? En tant que praticiens, nous nous posons effectivement cette question: Est-ce que je vais conseiller à mon client d'aller à la commission, attendre deux ou trois ans ou bien amener directement ma cause à la Cour supérieure ou à la Cour provinciale? C'est une question à laquelle nous devons penser chaque fois que nos clients confrontent ce genre de situation et si jamais la commission avait ce pouvoir de décision exécutoire, je pense que les délais seraient... et surtout si les délais étaient plus courts, nos clients à la communauté seraient incités à se servir de ce mécanisme prévu par la

charte.

Le Président (M. Filion): D'abord, je voudrais vous féliciter de l'initiative de regrouper en un seul organisme, les étudiants en droit, les juristes, les avocats, je pense que cela crée une espèce de plaque tournante où c'est possible de mettre en commun les expériences de différents membres de la communauté noire, d'échanger des avis et de permettre à votre organisme de faire ce qu'il fait aujourd'hui, c'est-à-dire venir présenter aux parlementaires leurs points de vue sur un organisme. Je comprends que cela date de juillet 1986 donc, à peine un an d'existence, mais je souhaite longue vie à votre organisme.

En ce qui concerne l'information et l'éducation, je dois vous dire que vous rejoignez une bonne partie des intervenants que nous avons déjà entendus qui souhaitent une plus grande diffusion de l'existence même de certains documents. C'était ce matin ou hier, où c'est moi-même qui ai informé les dirigeants de l'Association de la communauté gaie de Montréal qu'il existait un document préparé par la Commission des droits de la personne à l'intention des membres de cette communauté, c'est-à-dire en général, les Informant que l'orientation sexuelle était, bien sûr, un motif de non-discrimination depuis 1978. C'est un exemple de ce que devrait être une collaboration entre les différents organismes qui se donnent pour mission de promouvoir les droits et libertés et la Commission des droits de la personne.

Vous amenez une conclusion assez sévère à l'égard de la commission à la page 6 de votre rapport, que l'on retrouve également comme opinion chez d'autres intervenants, lorsque vous parlez de l'inefficacité de la commission et vous dites: Cette inefficacité conduit à une insatisfaction qui entraîne une perte de confiance de la communauté noire envers fa Commission des droits de la personne. C'est extrêmement sérieux et profond de conséquence. Vous donnez l'exemple de plaignants qui se dirigent vers les tribunaux ordinaires pour faire valoir leur point de vue plutôt que de s'adresser à la Commission des droits de la personne, c'est correct, il n'y a rien qui empêche les gens de s'adresser aux tribunaux de droit commun pour faire valoir leur point de vue, leur droit, mais le pendant est quand même que vous dites qu'il existe une perte de confiance.

Ma question est la suivante. Vous faites également une série de recommandations à la fin de votre mémoire qui reprend différents thèmes. Quels sont les moyens que devrait employer la commission en dehors des recommandations qui sont contenues, je parle peut-être plus au niveau de la collaboration, qui devrait exister, parce que j'ai déjà appelé le partenariat occasionnel entre la commission et certains groupes... Quels sont les moyens qui devraient être mis de l'avant, selon vous, pour au moins rétablir un minimum de confiance entre les membres de votre communauté qui, même s'ils sont une minorité, constituent une minorité et, comme toutes les autres minorités, bien sûr, Importante, mais en plus de cela, votre communauté fait partie de l'histoire du Québec depuis déjà plusieurs décennies, alors pour établir un minimum de confiance et de crédibilité entre les membres de votre communauté et la Commission des droits de la personne? (17 heures)

M. Boiron: Nous pensons qu'une des choses, je crois que nous l'avons souligné, pour la Commission des droits de la personne, c'est d'agir directement en collaboration avec les organismes de première ligne, les organismes qui reçoivent régulièrement des gens à problème, en faisant fa promotion des droits et libertés à travers ces organismes de manière, au moment où un problème de discrimination se pose, que le plaignant ou la plaignante qui arrive à la Commission des droits de la personne n'arrive pas dans un endroit inconnu, étant déjà habitué à se faire dire qu'il ou elle a le droit de défendre ses droits et de porter plainte devant la commission, dans telle ou telle circonstance, ensuite, sensibiliser le personnel même de la Commission des droits de la personne à cette réalité.

Une personne qui vient de perdre son emploi pour une cause de discrimination raciale c'est une personne, sur le plan émotif, perdue, au moins pour quelque temps, qui se retrouve devant la Commission des droits de la personne, face à un mur, face à une administration. Et, le plus souvent, comme je vous l'ai dit, les gens se présentent sans avocat. C'est, comme s'ils se présentaient... J'ai une cliente qui me l'a dit: Quand je me suis présentée, je croyais que j'étais à un poste de police, où l'on me posait toutes sortes de questions, sans s'intéresser vraiment au problème que je voulais leur soumettre. Je crois, comme je vous l'ai dit, qu'il faut aller plus loin dans le recrutement de ces gens, dans la formation à leur donner, dans l'accueil à donner aux gens qui se présentent pour porter plainte. Que la personne ne se sente pas l'accusée. Je vous l'ai dit, même dans les enquêtes, il y a des incidents, des échanges verbaux pas trop corrects, entre des enquêteurs et des plaignants.

J'ai vécu, personnellement, la situation très désagréable, où un client a demandé carrément..

Le Président (M. Filion): Pardon!

M. Boiron: Un client a demandé, tout simplement, à un enquêteur de se retirer du dossier, parce qu'on ne faisait pas confiance... Elle ne faisait pas confiance à cette personne-là Si, même là, il y a cette absence de confiance, vous imaginez ce qui peut arriver dans le grand public, qui n'a jamais entendu parler de la commission, ou si on en entend parler, c'est toujours en mal. Il ne faut pas aller parler à un Noir de se présenter devant la Commission des

droits de la personne. Cela, c'est sûr.

M. Pierre: À cela, j'ajouterais que la communauté noire est bien prête à juger l'arbre à ses fruits. À entendre dire qu'il existe des dispositions très généreuses qui permettent d'avoir une Commission des droits de la personne, c'est très bien. Peut-être, au risque de se répéter, voir cette commission absente dans les débats importants qui touchent cette communauté, où l'appui de cette commission viendrait utilement appuyer la cause des victimes et sentir l'absence de la commission à ces moments précis... Nous avons fait référence à des situations dans les écoles, cela, ce sont des moments où les situations frisaient la violence, l'émeute, et ta commission est absente se disant: Je ne veux pas me prononcer tout de suite. Tout d'un coup qu'il y a une plainte qui est déposée plus tard. Alors je pense que les gens regardent et ce silence est interprété comme des intérêts, même si, au fond, on peut comprendre la situation litigieuse dans laquelle la commission pourrait se trouver. Cependant, ce silence est interprété dans la communauté comme étant une sorte de situation passive vis-à-vis du problème extrêmement urgent. Je pense que la commission regagnerait cette crédibilité dont elle a besoin, à mon avis, pour pouvoir être efficace dans la mesure où elle fait des interventions efficaces, ponctuelles et utiles. À ce moment-là, les victimes sentiront un allié auprès de la commission et se serviront des instances prévues dans la loi. Mais aussi longtemps que la communauté noire se réfère au passé et n'a pas vu des résultats concrets, on peut très bien comprendre qu'elle hésite à avoir recours aux dispositions prévues dans la loi.

Un exemple, si vous permettez, c'est l'incident récent survenu à Montréal de la mort d'un jeune Noir. La commission n'a trouvé rien de mieux à faire que de proclamer le principe de la présomption d'innocence pour le policier plutôt que de regarder du côté de la victime, puisque le devoir de la commission est de promouvoir les droits et libertés. Alors, plutôt que de se retourner de ce côté-là, non, elle se retourne du côté du policier pour parler de sa présomption d'innocence. Or, on sait bien que ce qui ne va pas manquer à ce policier, ce sont des avocats pour rappeler justement cette présomption d'innocence. Ce n'est pas à la commission de faire ce travail, non.

Le Président (M. Filion): Oui, peut-être, pour vous signaler qu'il demeure à la Commission des droits de la personne la responsabilité d'appliquer la charte. On l'a soulevé plusieurs fois, elle a plusieurs chapeaux. Elle doit faire la promotion des droits et libertés, comme vous le soulignez, et la présomption d'innocence fait partie de droits et libertés, vous savez. Elle fait aussi l'enquête, elle fait de la médiation et elle fait de l'adjudication. Ce que vous soulevez finalement dans vos propos, Me Boiron et Me Pierre, c'est un petit peu cette confusion des rôles. On ne peut difficilement, dans l'état actuel du droit et de la loi, exiger de la commission qu'elle fasse flèche de tout bois. La commission a une responsabilité, des devoirs et son opinion, vous savez, pèse lourd dans une balance. Donc, avant de la former, je ne veux pas défendre les délais et aussi au niveau des délais qu'elle prend pour se former une opinion, on se l'est fait dire suffisamment depuis deux jours, mais quand même on ne peut pas lui reprocher de mesurer adéquatement les faits, les témoignages des personnes avant de mettre son immense poids moral d'un côté de la balance dans un dossier.

Maintenant, parce que là vous mettez l'emphase du côté de la promotion des droits et libertés, mais comme elle pourrait être appelée à enquêter, à faire de la médiation ou même à adjuger dans certains cas à savoir sur la recevabilité d'une plainte et également adjuger à savoir s'il y a violation ou pas d'un droit de la charte, vous comprenez que l'ensemble de ces responsabilités-là, à cause peut-être de cette confusion des rôles que vous évoquiez, crée une espèce de devoir, non pas de réserve, mais un devoir de prudence à la commission qui a des limites, je veux bien. Je ne veux en aucune façon que mes propos soient interprétés comme se rapportant à l'incident qui est maintenant devant les tribunaux. Je pense quand même qu'il faut faire la nuance, mais je comprends votre point de vue. Vous mettez un peu plus le pied sur l'accélérateur de la promotion. Mais, encore une fois, ce n'est pas là actuellement, avant qu'un changement ne survienne, le seul rôle de la commission.

Je voudrais également vous poser une question sur votre suggestion, votre recommandation de créer une division à l'intérieur de la structure actuelle de la Commission des droits de la personne pour traiter exclusivement des cas de discrimination basée sur la race, de discrimination raciale. Par ailleurs, si on donnait des pouvoirs exécutoires à un tribunal et si les délais étaient raccourcis si dans l'éducation, il y avait un accent de mis au niveau de la commission, est-ce que vous croyez toujours que seule une division spéciale, exclusive, serait en mesure de satisfaire un peu vos préoccupations ou si, advenant le cas où la commission se "raplombe" - passez-moi l'expression entre guillemets - cela ne deviendrait pas une espèce de division un peu artificielle où chaque groupe pourrait demander, comme cela a été fait ce matin d'ailleurs par le Comité provincial des malades qui demande beaucoup plus, soit une charte des droits du malade et une commission des droits du malade et vous demandez une division spéciale pour les cas de discrimination raciale. Est-ce que cela serait finalement nécessaire à vos yeux, advenant le cas où l'efficacité de la commission se replace?

M. Pierre: Je pense qu'on ne peut pas

répondre à cette question de façon isolée. Il y a plusieurs dimensions à certaines questions qui finissent par se regrouper. Je vous invite à penser, il y a quelques années, à un employeur, à une association de chauffeurs de taxi qui, publiquement, a dit et ouvertement que si le gouvernement ne force pas l'autre compagnie de taxi à prendre des chauffeurs noirs, demain, date limite, je congédie tous les chauffeurs noirs. Elle ne l'a pas dit en cachette. Elle l'a dit devant la population. Évidemment, la Commission des droits de la personne a bien voulu Intervenir. Cependant, sauf erreur, la jurisprudence dans l'état actuel du droit, c'est que les tribunaux sont très hésitants à accorder des injontions pour dire à cette association de taxi: Je vous ordonne de ne pas congédier ces personnes tant et aussi longtemps que le débat n'est pas tranché. C'est en ayant en "background" cette situation qui a existé qu'on s'est dit que la décision, si elle avait de par la loi des pouvoirs exécutoires parce que c'était sa position qui était injuste, c'était une violation de la charte que de congédier un groupe de personnes à cause de leur appartenance à un groupe racial déterminé, mais c'était leur position officielle. C'était une violation. Mais ils n'avaient pas le pouvoir de rien faire sinon d'aller à la Cour supérieure et essayer d'obtenir une injonction, On connaît dans l'état actuel du droit la réticence.

Si on avait à l'intérieur de la commission une division spécialisée où les intervenants pourraient être effectivement plus au courant de certaines pratiques discriminatoires qu'un juge de la Cour supérieure qui s'occupe de l'application de je ne sais combien de lois, effectivement, cette division serait en mesure, si on avait le pouvoir d'intervenir directement et d'émettre une ordonnance. On fait cela pour un comité. Il y a un comité qui s'occupe des services essentiels. Ce comité a le pouvoir d'émettre des ordonnances quand les médecins ou les infirmières décident de faire ta grève. Ce comité qui n'est pas la cour émet des ordonnances. On se demande: pourquoi pas quand directement et publiquement, on menace de congédier un groupe de personnes à cause de leur race, ce qui est, à mon avis, de la provocation? Alors, la commission, pour l'instant, se justifie en disant: Je voudrais bien, mais je ne peux pas.

Alors, l'un n'exclut pas l'autre. Il se pourrait qu'il y ait dans le traitement de la plainte une division spécialisée qui recueille la preuve et qui se fait une opinion, s'il y avait une dimension pour traiter le litige, une instance qui pourrait devenir en quelque sorte ensuite le procureur de la commission qui fera cette preuve devant cette instance pour obtenir ce genre d'ordonnance. Donc, c'est un ensemble de facteurs qu'il s'agirait de mettre ensemble. (17 h 15)

Le Président (M. Filion): C'est bien. Je vous remercie. Je vais laisser la parole à M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Thuringer: Merci, M. le Président. Je sens et avec raison une frustration pas mal forte dans votre mémoire dans le sens qu'il y a vraiment deux volets. Il y a les problèmes administratifs et derrière cela, si j'ai bien entendu, il y aussi tout l'aspect de la discrimination dont vous êtes le sujet. J'aimerais quand même toucher une de vos recommandations qui dit que cela prend des ressources massives, surtout dans les centres urbains. Vous avez déjà fait certaines suggestions, mais pour faire quoi exactement? Mettons, si on peut déclencher les ressources, quelles sont les priorités que vous voyez? Est-ce que ce sont des permanents, des permanents spécialisés, quoi exactement, l'éducation? À la page 11, troisième...

M. Pierre: Ce qu'on a voulu dire, c'est que nous savons que les situtions de conflit racial très tendues existent évidemment là où vivent ensemble ces différentes cultures. Il est plus probable que ces situations se posent à Montréal que dans une localité éloignée de Montréal. En ayant, au bureau de la commission à Montréal, un personnel... Quant à nous, et c'est notre position, on ne devrait pas dire: C'est sur le même pied, tel et tel autre motif. Il y a une question de conjoncture, une question de situation qui peut être tendue, par exemple. quand on frise les murs, ou tout un groupe ethnique se voit évité parce qu'une autre institution a déclaré qu'elle pouvait infecter, etc. Ce sont des situations tendues. Les enfants ne peuvent aller à l'école. On ne s'assied pas à côté d'eux dans l'autobus Ce sont des situations qui sont immédiates, qui demandent des positions immédiates. Nous disons que, oui, nous pensons que dans les endroits où vivent ces deux cultures, il devrait y avoir davantage de ressources humaines et financières pour pouvoir intervenir, tant sur la solution des litiges, mais également pour Investir plus de ressources dans des projets d'éducation et de promotion, nous ne voyons pas nécessairement aux dépens d'autres motifs de la charte. Nous disons que nous pensons que la charte permet à la commission d'intervenir là où elle pense qu'il y a urgence et priorité.

M. Thuringer: Je pense que c'est vous qui avez dit que la commission a les pouvoirs et ne les exerce pas assez bien en ce moment.

M. Pierre: C'est notre opinion, oui.

M. Thuringer: Dans le domaine de l'éducation, quand il existe des préjugés dans un quartier, quel type de gestes - l'éducation aussi prend du temps - positifs que vous suggérez qu'on peut entreprendre dans ce domaine? L'école est un moyen, mais c'est vraiment à long terme.

M. Boiron: À un certain moment - je l'ai

souligné tout à I'heure - je crois que c'est à la polyvalente Calixa-Lavallée, la commission avait délégué un employé pour aller vérifier ce qui se passait sur place. Dans les quartiers ou le problème se pose, à Montréal vous avez des quartiers comme Montréal-Nord, Côte-des-Neiges, ou il y a une forte concentration ethnique, je pense que la commission pourrait déléguer, de façon régulière, un de ses employés, pour organiser des rencontres avec les étudiants, même avec les professeurs, des conférences, des séminaires, inviter des personnes de l'extérieur à venir parler de ces questions, cela sans discrimination, des personnes de tous les horizons, de tous les groupes ethniques. Vous invitez des gens pour faire des conférences, des séminaires sur ces questions pour sensibiliser les enfants à cette réalité. Que voulez-vous, il y a plusieurs ethnies vivant à Montréal. On ne peut rien y changer. Il y a aussi des Noirs Ils sont là. Mon Dieu faites-le. C'est ce que dit la charte, à l'article 67b faire accepter l'objet de cette disposition. Entre autres, la commission peut faire cette chose-là.

Le Président (M. Filion): Alors oui, ça va, M le député de Notre-Dame-de-Grâce? Est-ce que monsieur. Cela va.

Oui, Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Vermette: Vous avez mentionné au tout début, qu'on connaissait mal la façon dont étaient faites les nominations des membres qui composent la Commission des droits de la personne. Est-ce que, d'après vous, le fait d'avoir des membres de votre communauté au sein de la commission pourrait favoriser une meilleure compréhension et rétablir les ponts entre les différentes communautés culturelles?

M. Boiron: Nous n'en doutons pas. Sauf que - comme je l'ai mentionné - il faut que ce soit la bonne ou la meilleure personne dans les circonstances. II ne suffit pas que la personne soit de ma communauté. Cela ne suffit pas. II faut encore que cette personne sort une personne sensibilisée à cette question .Et, quand il s'agit des commissaires, il faut des gens qui se sont déjà compromis, engagés dans la défense des droits et libertés, sans aucun doute. Si ce critère était retenu et si, à l'occasion de la nomination dun commissaire, les groupes intéressés étaient consultés - je parle de consultation réelle, c'est-à-dire en prenant en considération I'opinion des gens - eh bien, si c'était fait, il est certain que les diverses ethnies reprendraient confiance peu à peu dans cette commission dans la mesure ou la présence des représentants des communautés noires modifie l'approche de la commission, permette à la commission de jouer pleinement son rôle.

La commission a cette tendance - je profite de l'occasion pour le dire - à se considérer comme neutre Or, la commission doit seulement être impartiale quand elle doit rendre une décision. Je peux faire une comparaison, pour faciliter la compréhension de ce que je veux dire, avec une cour criminelle. Les cours criminelles sont créées pour sanctionner des conduites criminelles. En ce sens, on peut dire que la cour n'est pas neutre. La cour a une position sanctionner la conduite criminelle. Cependant, lors d'un procès, il y a des règles objectives à observer II y a des règles de procédure, des règles de preuve. Le juge ne doit pas préjuger de sa décision. Il doit tenir compte de la preuve qui est faite devant lui pour rendre sa décision. En ce sens, il est impartial.

Ce qu'on aimerait voir la commission faire, c'est d'être impartiale et non neutre. Vous ne pouvez pas faire la promotion d'une chose et en même temps être neutre par rapport à cette chose. Non. Vous pouvez seulement être impartial et c' est ce qu'on attend de la commission.

Le Président (M. Filion): Je voudrais remercier Me Boiron et Me Pierre. Dans vos derniers propos - c'est curieux - j'ai eu I'impression qu'on touchait au coeur d'une des problématiques que nous aurons à débattre à la fin de nos audiences sur le rôle de la Commission des droits de la personne et soyez assurés que vos commentaires alimenteront notre réflexion. Ils étaient fort précieux iI continueront de I'être. Je vous remercie donc au nom de tous les membres de cette commission.

M Boiron: Je vous remercie.

Le Président (M. Filion): Et j'inviterais sans suspendre nos travaux, I' Association des infirmières noires du Québec inc, à prendre place à la table des invités.

Mme Parris est présidente de I'Association des infirmières noires du Québec inc. Est-ce exact?

Mme Paris: Oui.

Le Président (M. Filion): Elle nous a fait parvenir son mémoire qui a été coté 13M. Un texte français ainsi qu'un texte anglais ont été remis aux membres de cette commission.

Association des infirmières noires du Québec

Mme Paris: Bonjour tout le monde. Je m'appelle Cynthia Paris. Je suis présidente de I'Association des infirmières noires du Québec. Ce soir, je viens présenter les problèmes de I'association. D'autres devaient venir avec moi mais ils ont eu d'autre travail et je suis venue toute seule.

Je voudrais expliquer quelque chose avant de commencer. Dans le questionnaire on donne les réponses en français. S' il vous plaît lisez le, car je suis plus à I'aise de parler en anglais

parce que c'est ma tangue maternelle. Je vais faire ma présentation en anglais, mais il y a des réponses au questionnaire en français.

Le Président (M. Filion): Très bien, madame.

Mme Parris: Merci. Depuis longtemps, tes infirmières travaillant dans les hôpitaux ou n'importe où dans le système des services sociaux ont des problèmes.

For a very long time Black nurses and nurses from ethnie minorities in the health care system of Greater Montreal have been the victims of harassment and discrimination In their workplace. At the beginning, during the last five years, nurses started to fight, turning to community organizations and, finally, founding their own association, namely the Black Nurses Association of Quebec.

Following the formation of the association, complaints have been filed by the association to the Human Rights Commission for several nurses who had already filed individual complaints with no results. The association has asked the commission to conduct a global Investigation into various hospitals where the problem of harassment and racial discrimination to visible minorities and Black nurses appears to be acute.

The Black Nurses Association of Quebec is a nonprofit organization which was formed in September 1985. It is a nonprofit organization which receives no funding of any kind. It was established for the following purposes: To regroup Black nurses and visible minority nurses, nursing students and members of the Black community of Quebec In order to defend their rights as human beings, to promote their interests and those of the community at large; to regroup Black nurses and visible minorities who are willing to work towards promoting and defending their rights and interests and those of the community at large; to establish a reference centre in order to collect and document various problems and difficulties experienced by Black nurses and nursing students within the nursing milieu and to work towards solutions to rectify the difficulties which are affecting their rights; to promote nursing and health in the community by diffusing information and educating the community; to establish and maintain contacts and exchange information with other professional organizations who are community oriented; to promote among Black nurses and nurses of the minority solidarity and mutual support in order to unite their efforts to defend their rights an d dignity in the nursing profession; to help all Black nurses and nurses from the visible minority and other workers or professional workers to achieve similar goals in their milieu. (17 h 30)

During the past several years, Black nurses and other ethnic minorities In the health care system of Greater Montreal have been the victims of harassment and racial discrimination. as I have already said. Racial discrimination takes place in various forms: racial harassment in the workplace, for instance. Racial harassment in the workplace is a discriminatory practice based on race, color, ethnic nationality and origin. It is a form of discrimination prohibited by Section 10.1 of the Quebec Charter of Human Rights and Freedoms which says: No one may harass a person on the basis of any grounds mentioned in Section 10.

Racial harassment manifests itself through a series of behaviours, such as name callings, sick jokes, In nonverbal behaviour, physical agression, etc. It can be explicit when you have threats of violence or inexplicit when you have refusal of jobs, orientation, information, corporation, unjustifiable or unsatisfactory work conditions, and many more.

Consequences of recent harassment In the workplace: Probably many people would look at it and think that it is not very serious, but it is very serious, it affects everyone around, not just the person who has been harassed, but the person who is around those people and who has been harassed. Racial harassment creates negative consequences in the workplace by deteriorating work conditions or the job atmosphere. By working condition, according to the "Commission de la santé et de la sécurité au travail du Québec", the Occupational Health and Security Board, it means the physiological and emotional climate in the workplace, material and physical conditions. It does not matter whether it be verbal or non-verbal harassment, it still affects the behaviour of the person who has been harassed and those who are around her.

Exploratory research by the Black Nurses Association provides the following observations. This we have done in the last two years intensively because before that, we had no tool to work with, namely we did not have an association.

Racial harassment, as a concept, still remains little known as a form of discrimination. Sometimes, if someone says that she has been harassed, people look at it and think it is a separate thing f rom being discriminated against, but it is one of the same. People could have to experience certain physical and verbal treatment such as derogatory remarks, racial insult and, in some cases, an exaggerated work load compared to other workers who belong to the majority group. For instance, they are overloaded with cases or patient care much more than their colleagues who are not of a visible minority, so that they can be accused of being slow, of not being able to cope, of not being able to do the job that they are put there to do, whereas all the time, it is because theyare having a too large work load in comparison with their other work colleagues. In this case, when racial discrimination or harassment take this side or this position, in many cases, the person who has been harassed or discriminated against Is not

aware that she has been discriminated against or that she is being harassed, because it is done in such a way to the individual in the upper echelon hierarchy, racial discrimination manifests itself in a more subtle form, such as refusal of cooperation, the colleagues refuse to cooperate with them, being excluded from decision making, the decisions are made behind their backs, without their consent or without their knowledge. The highest hierarchy position is mostly that of the immediate superior. However, it is also indicated that racial harassment is also practiced by your own colleagues with whom you work very closely.

The victims often suffer the following physiological effects. When you have been pressed for a certain amount of time, you become stressed because you feel that you are up against a brick wall. Having tried all sorts of things with no recourses, the person becomes very stressful. Eventually, when they get over that period, they become angry and afterwards, they are frustrated. But their frustration leads to fear, fear of reprisals, because if they should complain about what is happening to them, they are in constant fear that they would lose the only means of supporting themselves, namely a job. Therefore, they keep their mouths closed and very seldom make an open complaint They also lose interest in their work and many resign. They lose a certain amount of their self-confidence, if not all.

The following physical effects also are very imminent in someone who has really been harassed or discriminated against openly or knowingly. Insomnia. This leads to a number of other things, because if they cannot sleep, are tired, lethargic and cannot really function as they should, this puts them in a position whereby the employer or the person who is harassing could say: Well, I told you so. She or he is not able to do what she or he is supposed to do.

Loss of appetite is another thing which is very prominent in these cases and which also leads to a lot more complications. When your system is not being fed a quality of food, it breaks down in various ways and various forms, and various systems break down giving rise to their own signs and symptoms. Then, eventually, they do not arrive at work ponctually anymore. They start getting in late and that leads to absentlsm; they do not come to work as often as they should and, finally, this leads to a dismissal because of this behaviour.

The person's reaction. The victim usually discusses the problem with friends and family. Very few victims formally lodge complaints with the various authorities concerned such as management, labour or the Human Rights Commission due to fear of reprisal. Again, it is like a vicious circle. You are being harassed and you are forced to keep your mouth closed. If you do not keep your mouth closed like a good little girl or a good little boy, you are given your working papers, open the door and there you go down the road, because they find something to pin on you and they let you go.

Lack of information on their rights is another problem where this is concerned. They are not aware of their rights, so the fear is unfounded sometimes, they are probably frightened of what may happen and had they known about their rights to complain or how to do the complaint, maybe some of these people would have gone forward and made a formal complain.

Also, after several complaints to various organizations such as management or labor or the Human Rights Commission for that matter, nothing constructive has been done to help the situation Therefore, people lose interest and lose faith in these such organizations. Many of the victims do not know how to handle the problem. In other words, they have no idea as to how to make a complaint or where to go.

In conclusion, I would like to " make some recommendations also onbehalf of the association. As in the case of sexual harassment, racial harassment is a minority practice prohibited by the Québec Charter of Human Rights and Freedoms. That is very clear, we know that. It is also prohibited by the Canadian Human Rights Act, but these practices are still allowed to be continued It not only harms the person who is been harassed, it also harms the employer, as it negatively affects the employee and the output of that person is diminished It affects also labor unions, because this divides the workers.

Combating this form of racialist discrimination in the workplace m eans not only the respect of the right to equality and to work of members of minority groups, but it also, at the same time, affects the individual as a person whose rights have been violated in front of her very eyes.

We have recommendations for the following people: first of all, the victim. The association encourages the victim to document all details of the act, such as place, name, date, time, etc., to express explicitly and calmly her disapproval but at the same time, to avoid aggressive response or exchange of insults. Report the situation immediately to the employer, to our representative and consult the labour union if applicable. According to the Québec Labour Code, Article 47.2, the union must undertake measures to insure the enforcement of equality rights as included in the collective bargaining. (17 h 45)

For employers: the employer, we feel, should adopt a declaration of the employer's policies regarding racial harassment or discrimination in general, which we feel should include a definition of racial harassment in the workplace. This, we feel, Is very important, because unless workers know what it is, what the definition of harassment is, when they are

been harassed, they will not recognize it. Clearly express management disapproval of the practice, establish a complaint handling process and assign Individuals In charge of policy implementation. Example: The Human Rights Commission.

For labour, such as Labour Unions: Establish on the basis of the model of the Committee on the Status of Women a race relation committee with the mandate to do the following: Conduct public sensitizatlon on equality and workers' rights, collective bargaining, etc. Remedy the situation and promote equality in the workplace. This committee should be composed of workers of all origins and be set up at a cultural and local point.

For the Human Rights Commission, our suggestion is to elaborate a clear policy on harassment, racial harassment in particular to establish a system to handle complaints on racial harassment, make investigations, take decisions, follow up and so on; to implement a proactive public education program for the key target groups, especially those who are vulnerable to the problem and those with little information on the state of the problem; to accelerate the complaint handling process. This is a very Important point. It is a suggestion and it is also a criticism coming from the Black Nurses Association concerning the Quebec Human Rights Commission.

When a complaint is filed to the Human Rights Commission, Individual complaints of the nurses, in particular - I am speaking about the nurses, I am not really very sure of what is happening in the other groups but this is talking for the nurses - take up to five years before any Interest has stirred to even took at the problem. The complaints led by the group, by the Black Nurses Association, took two years before any curiosity or action was taken. The first action has taken the form of a hearing, and it was very unsatisfactory; it led to no useful conclusion. If I may say so, it led to more frustation for the people who had been harassed. That particular hearing, the first in five years since the complaint was made, was taken to the Superior Court. So, like I said, this is not just a recommendation but it also a criticism on the part of the Human Rights Commission, the way they have an ox-eye daisy, I do not care attitude towards the problem.

In the case of the tribunal, sanctions In racial harassment cases should be more severe. Increase the penalty for harassment. The employers should also be made responsible for this practice in their institutions. We should increase financial compensation for the victims, as very often these victims end up without a job. They are living without a job, without money, without any help from anywhere. We should order the reinstitution of the employee in his or her job without being replaced in an atmosphere of harassment. Because, once there is a complaint being led by one of theses nurses, whether it be to the Human Rights Commission or to the labour relations, unions, etc., the harassment and the discrimination are intensified with no protection at all. We suggest that there should be an amendment to the Quebec Labour Code to explicitly prohibit harassment in the workplace, similar to Article 10.1 of the Quebec Charter of Rights and Freedoms.

The Occupational Health and Safety Board should officially and publicly recognize racial harassment in the workplace as a danger to the health, security and physical integrity of the employee. When the Quebec Government established the Human Rights Commission in this province, in my opinion, finally, It took a step that had long been overdue, since their sister province of Ontario has had an effective Human Rights Commission for years before the Legislature of Québec considered establishing a similar institution in our multiracial, multilingual, multicultural population in this province.

Unfortunately, it did not take very long for many people to begin to question whether this commission was merely serving as a window dressing because they see that they were not doing what they were supposed to be doing. This tentative conclusion was arrived at because its very composition made us wonder whether or not the Government intended, to take seriously the many complaints which these Québécois, who are not francophone and who are not White, were forced to make.

As the years went by, the experiences and performances of the body have confirmed our deepest fear, namely that nothing was being done to cure or stop the spread of this cancerous disease. And I say cancerous disease because I feel that it warrants this name or labelling, because it is spreading like wildfire, the situation is not being let up. The situation is not being eased up at all. Rather, each day, this situation is being worsened. It is like someone who has an Incurable cancer and he knows that it Is imminent.

One big problem is the lenght of time, as I said before, which the commission took to show an interest when complaints were being broug ht in front of it. A very good example would be the lenght of time elapsed between the request of the Quebec Black Nurses Association for hearing concerning an alledged discrimination by various hospitals in the Montreal area. The nurses who are Black are actually holding a hearing.. We wonder if the commission would have done anything had they not been pushed by the Black Nurses Association. It took months and weeks of pushing, telephone calls, letters, pleading and pushing the commission before it finally gave us a date for a hearing. When the Black Nurses Association did receive a date for a hearing, one of the members for whom we were pushing such a long time for the commission to do something about the plight that that person was In was

fired over the weekend just before the case was heard. Consequently, when the hearing came, the person questioned was pressured in such a way as to sign a document stating that there had been no discriminatory practice towards her, asking the commission to stop the proceedings on her behalf and also that of the Black Nurses Association. In return for such a favour she was offered a sum of money from the institution concerned and told that her slate would be wiped clean of any complaints that the institution had against her, namely that she would be given an impeccable reference should she require one in applying for another job. Also, she was told verbally that if she did not do so or do whatever the institution asked, she would never work again in Quebec.

This is a very sad affair It saddens me greatly that an institution would have to stoop to those levels. In order to intimidate one person to give up her livelyhood give up her very existence because she does not have a job and although they have told her that if she did what she was told she would be able to get a job, until this day, as I speak, she has not yet gotten a job. She had offers, she has been to interviews and there is always someone to say. We are sorry, we cannot employ you.

We, the members of the Black Nurses Association call upon the Quebec Government to appoint many more members of visible minorities especially Blacks, to positions of authority in the commission. This I think is a very big drawback because there is nobody to represent the minority groups at any high level in the commission. We are also calling upon the Quebec Government to give real power to the commission, so that it can impose sanctions that have the effect of discouraging discrimination of any type or any form. Thank you.

Le Président (M Filion): Je voudrais vous remercier à la fois de votre mémoire écrit et de votre exposé d'aujourdhui.Sans plus tarder, je donne la parole à M .le député de Louis Hébert.

M Doyon: M. le Président. J'ajoute mes remerciements à ceux que vous venez d'exprimer à madame. La présentation quelle vient de nous faire est plutôt pessimiste et décourageante. J'ose expérer qu'il y a quand même un peu de lumière quelque part qui nous permet de faire en sorte que les problèmes concernant la discrimination surtout la discrimination raciale, puissent être réglés. Vous nous avez expliqué les effets pernicieux qu'entraîne la discrimination raciale vis-à-vis des personnes qui sont les victimes en ce qui concerne leur santé leur capacité de travailler leur capacité de garder leur travail. Finalement tout le monde est pénalisé là dedans y compris I'employeur. Je sais que nous vivons cest bien sûr que la démonstration nous en est maintenant faite depuis deux jours dans un monde imparfait . Nous avons eu I' occasion de nous rendre compte que que ce soient les malades les handicapés que ce soit les prison niers que ce soit les gens qui ont des orientations sexuelles minoritaires les gens se plaignent d être victimes de discrimination. (18 heures)

Cependant mon expérience m enseigne qu' il y a quand même de I'espoir. Même si le portrait que vous me tracez est un portrait pessimiste, dans le sens ou vous nous expliquez qu'il y a comme un cancer qui ronge notre société et on sait que la guérison du cancer est plutôt difficile quant à moi je me refuse à avoir cette approche. Je considère que la discrimination raciale ou les gens qui la pratiquent sont loin d' avoir une approbation générale de la part de la société dont ils font partie. C'est grâce à des gens comme vous c'est grâce à des gens qui se refusent à accepter des situations qui leur sont défavorables et qui leur sont injustes que la situation peut être redressée et qu'on peut espérer que le monde de demain sera meilleur que celui d'aujourd'hui. C'est là tout le but de l'exercice que nous faisons. Si personnellement j'étais convaincu que notre société était rongée par un cancer profond pour lequel il n'y avait pas de remède je ne perdrais pas mon temps ici. C'est une approche qui est optimiste. Je pense qu' il y a quelque chose à faire il y a des choses qui doivent être faites pour porter un jugement extrêmement sévère sur la Commission des droits de la personne un jugement que vous n'êtes pas la première à porter mais qui est particulièrement sévère tout spécialement dans le document en français qui n est pas tout à fait semblable au document en anglais que jai entre les mains.

La Commission des droits de la personne souffre d un certain nombre de maux dont celui qui a été souligné à plusieurs reprises, c est à dire la confusion des rôles qui lui sont assignés la façon dont elle s acquitte elle même de ces rôles et les choix de priorité quelle est amenée à faire. Vous indiquez là dedans que vous regrettez I'inaction de la Commission des droits de la personne entre autres choses sur le dossier des visites à domicile ce que vous qualifiez en parlant du dossier des inspecteurs de laide sociale selon le texte que vous mettez ici de boubous macoutes

La-dessus je vous indiquerai que la Commission des droits de la personne ne peut être de toutes les batailles non plus et que du côté des contribuables il y a certaines exigences aussi qui sont justifiables et qui sont défendables. Vous parlez du dossier des jeunes en bas de 30 ans la question de la disparité en raison de I'âge, ce que vous appelez la discrimination en raison de I'âge là aussi je vous dirai que la question n'est pas aussi simple que cela. II y a des questions de politiques gouvernementales en cause. II y a des questions budgétaires en cause. II y a aussi un arrimage nécessaire avec ce qui se fait du côté fédéral

Dans ce sens-là, je vous indique qu'à mon avis, la Commission des droits de la personne, même si théoriquement elle pouvait intervenir là-dedans, elle pourrait fort difficilement le faire d'une façon utile.

Par contre, je vous rejoins sur un certain, nombre de commentaires où, par exemple, vous indiquez que les syndicats ont un travail à faire envers les gens qui sont victimes de discrimination raciale. Vous allez jusqu'à dire que les syndicats devraient former des comités spécialisés, si je vous ai bien comprise, en ce qui concerne ta discrimination raciale.

Est-ce que personnellement vous pouvez nous dire si, à votre connaissance, de tels comités existent quelque part dans des syndicats, des comités qui seraient axés sur tout ce qui concerne la discrimination raciale qu'elle soit directe ou indirecte?

Mme Parris: Dans te syndicat, il y a un groupe qui a fait une plainte là-haut. Il y a des groupes ensemble qui ont fait des investigations pour savoir ce qu'est le problème. Dans ce sens-là, c'est une moitié des personnes qui travaillent dans le syndicat, spécial...

M. Doyon: En ce qui concerne une remarque que vous faites ici, où vous soulignez que la condition des droits de la personne manque d'homogénéité, d'uniformité, de suite dans ses décisions, vous indiquez que les directives de la Commission des droits de la personne sont appliquées différemment selon les personnes qui font l'enquête, selon les enquêteurs. Est-ce que vous avez eu l'occasion personnellement de vous apercevoir de cette chose dans votre groupe, dans votre association, qu'un enquêteur ait rendu une décision se basant sur des faits à peu près semblables et qu'un autre enquêteur aurait eu une autre réaction, soit dans la recevabilité de la demande ou dans la recommandation qui est faite à la commission elle-même?

Mme Parris: Si j'ai bien compris votre question, je vais répondre en anglais, par exemple. D'accord?

Personally, I have had the experience with the commission, why I said that, for instance, we, the Black Nurses Association, think that the person who receives the complaint should not be the same person who goes right through the investigation, to the deliberation and everything else. In other words, it Is someone who is... Cette personne doit porter beaucoup trop de chapeaux. C'est trop pour sa tête. The situation is like that. At the commission, the same person who has received the complaint is the person who investigates the complaint and who decides what to do about it, gives the deliberations and whatever it is.

If there is a bias at any level, for instance, the intake of those complaints, it is going to follow through like the rotten core of an apple.

We are suggesting that we should have a different person to do the investigation from the person who actually has taken the complaint. We feel we would be much better than with the present system, because In the present system, there is no way that it will garantee a fair and impartial hearing or deliberation or results or whatever. The way this structure is set up, we feel that there is room for error to be made deliberate or non deliberate. So, we feel that, in that instance, the set up of the investigation as to complaint at the commission is not very well structured.

M. Doyon: Je comprends les inquiétudes que vous avez. Ce sont des inquiétudes qui nous ont été exprimées à plusieurs reprises. Cependant, te but de ma question était de savoir si dans l'enquête ou dans la recevabilité de la demande, il y avait, à votre connaissance, des disparités entre les décisions qui étaient rendues pour des faits à peu près semblables, ressemblants. Mais vous me soulignez que le problème qui vous paraît le plus important, c'est la situation dans laquelle se trouve la personne qui reçoit la demande qui, éventuellement, procède à l'enquête, interroge les gens, voit ce qui s'est passé et qui rédige un rapport qui est acheminé au commissaire. C'est là que vous voyez que la personne théoriquement qui ferait une mauvaise réception à une demande, selon votre argumentation et selon ce que vous m'exposez, continuerait dans l'approche qu'elle a eue au début jusqu'à la fin du processus, c'est-à-dire jusqu'à ce qu'elle soit rendue à la fin de la médiation en admettant que cela se rende là. Si je comprends bien, c'est l'inquiétude principale que vous avez actuellement. C'est cela?

Mme Parris: Oui.

M. Doyon: II y a beaucoup de choses dans votre mémoire. Une des principales recommandations, c'est que vous en venez à la conclusion que l'efficacité de la commission passe nécessairement par la création d'un tribunal administratif avec des pouvoirs décisionnels et exécutoires. Si je comprends bien, c'est que les délais dont vous faites mention et qui vous apparaissent absolument décourageants et aller à rencontre des fins poursuivies par la commission dans le respect de la charte, sont de telle nature que le seul moyen de les abréger d'une façon efficace, c'est d'avoir un tribunal à proprement parler administratif qui puisse rendre des décisions exécutoires. Est-ce que je vous ai bien compris quand je résume votre idée?

Mme Parris: Pas tout à fait, non.

M. Doyon: Non? Quand vous nous dites Ici, dans votre recommandation, que vous souhaitez "que soit créé un tribunal administratif de droit de la personne - je suis à la page 7 au deuxiè-

me paragraphe - Indépendant de la Commission des droits de la personne", à quoi faites-vous allusion alors?

Mme Parris: ...quoi?

M. Doyon: Vous dites ici, au deuxième...

Mme Parris: D'accord.

M. Doyon: ...paragraphe de la page 7...

Mme Parris: D'accord,

M. Doyon: ...de votre mémoire...

Mme Parris: D'accord. Les raisons pour lesquelles on dit cela? Parce qu'on pense que s'il y a... If there is a structure such as what we have suggested, we feel that it would be in the interest of ail concerned, not just the person who has made a complaint, but also the commission. It would be in the interest of everyone that this person is somebody that is neutral and that they would be able to decide more clearly without a bias, as to what solution should they arrive at concerning the problem.

M. Doyon: I would have some other questions, Mr, President, but I think my colleague from Notre-Dame-de-Grâce has also some questions and maybe also my colleagues in front of me. So, thank you Madam, it has been very interesting having you here and we will take into account what you have told us.

Le Président (M. Filion): Mme la députée de Marie-Victorin, ensuite M. le député de No-tre-Dame-de-Grâce.

Mme Vermette: Vous m'excuserez, madame, s! je n'utilise pas la langue de Shakespeare, naturellement parce que ma langue maternelle est le français, mais je vais essayer de communiquer le mieux possible...

Mme Parris: Si je ne comprends pas, je le dis.

Mme Vermette: Parfait. Alors, je voulais vous demander ceci: Est-ce que vous considérez que le groupe d'infirmières que vous représentez, soit celles de race noire, sont plus victimes de discrimination ici, au Québec, que dans les autres provinces du Canada? Est-ce que vous avez vérifié à l'intérieur des différents comités ou commissions des droits de la personne qui existent dans les autres provinces si elles ont autant de difficulté à faire reconnaître leurs plaintes qu'ici au Québec?

Mme Parris: Si j'ai bien compris la première question, le problème n'est pas juste ici au Québec. Ce n'est pas tout. Mais notre groupe est ici au Québec. On ne travaille pas ailleurs, on a seulement connaissance de ce qui se passe ici, dans notre système. Mais je sais, je suis bien au courant qu'il en existe peut-être plus ailleurs, mais je n'ai pas de données qui puissent confirmer... Je sais qu'il y en a partout.

La deuxième partie de la question, quelle est-elle?

Mme Vermette: J'ai demandé si vous aviez vérifié auprès des autres instances, aux commissions des droits de la personne qui existent dans les différentes provinces, notamment en Saskatchewan ou en Ontario.

Mme Parris: Si c'est plus efficace?

Mme Vermette: Voilà! Et aussi si on prend plus en considération les plaintes qui sont portées...

Mme Parris: Oui.

Mme Vermette: . .venant de votre faction à vous autres, je veux dire les infirmières de race noire. (18 h 15)

Mme Parris: J'ai parlé avec les autres infirmières que je connais et qui travaillent à Toronto. Je ne connais aucune autre personne ailleurs au pays. Je ne sais pas exactement quel système ils utilisent pour arriver à cette conclusion. Quand il y a des plaintes, on les fait à la Commission des droits de la personne. C'est plus efficace qu'ici. On ne dit pas qu'il n'y a pas de problème ou il n'y a pas les mêmes problèmes, ou même qu'ils sont moins nombreux là-bas, mais apparemment, il semble que c'est plus efficace qu'au Québec.

Le Président (M. Filion): Je vous remercie. M. le député de Notre-Darne-de-Grâce.

M. Thuringer: Merci, M. le Président. On a demandé si vous avez des questions ou des réflexions sur la décentralisation, une présence dans les régions. Il n'y a rien dans votre mémoire qui touche cela. Est-ce que le problème est vraiment juste à Montréal ou y a-t-il d'autres endroits dans la province?

Mme Parris: Je viens juste de répondre à madame là-bas. C'est partout. Ce n'est pas juste à Montréal. Ce n'est pas juste au Québec. Ce n'est pas juste au Canada non plus. Mais nous, on travaille ici à Montréal seulement. Ce n'est pas ça. On a adressé des problèmes ici à Montréal avec nous. Dans l'institution où je travaille On n'a pas connaissance de ce qui s'est passé dans d'autres pays, dans d'autres places, dans d'autres systèmes. On a les connaissances seulement pour ici à Montréal. C'est comme ça.

M. Thuringer: More precisely. In Quebec,

however, In other regions such as Quebec City or in Sherbrooke, are you finding even though you have not an association that is provincial wide, are there similar kinds of problems existing there as well?

Mme Parris: I cannot say, I cannot reply to that yes or no, because our association is a very young one. It is only two years and a couple of months old, so we are concentrated in the Montreal area where all of the members work In that health care system. So that, I really do not know.

M. Thuringer: Another question which comes to my mind is the fact that many of the presentations that we have heard suggest a two year delay and you are the one example... and I gather from your presentation, if I understood correctly, that there was one that you mentioned that was five years and the tendency is to go longer. Is it not that in fact the case that many of yours are delayed that long?

Mme Parris: The Individual complaints of the members of my association that I am talking about now, I do not go off the board anywhere, the members within the association, they are Individual members, about three that I know of have submitted individual complaints which have taken five years for any interest or any actions to be done. After three years of those individual complaints, we have decided that it is time we do something about what is going on. And the only way to do that is to form a group because if you are alone, nobody will take any notice of you. They will Just call you a trouble maker.

So, with the group, we felt that it would be more effective making the complaints. So what we did, on behalf of the members, the association had submitted complaints for those same groups of people who have already submitted individual complaints for three years before nothing had happened about those complaints. No response or anything. The association submitted a complaint on behalf of those same people and it took another two years down the road before we had started up any interest at all and only after a lot of pushing, telephone calls, letters, etc., pleading if you want, because I have a couple of times pleaded with the association to try to do something before anything imminent is going to happen. That is I want to court in a particular case before that person was fired. The person was eventually paid off in other words, you know, to keep her mouth quiet, not to say anything, because the restitution, I suppose, did not want publicity.

M. Thuringer: M. le Président, madame a souligné un problème qui me tracasse beaucoup, en ce sens qu'elle dit que, surtout dans un ou deux cas, si j'ai bien compris, au moment où une plainte a été faite, le harcèlement a augmenté. Est-ce que cela arrive dans plusieurs cas, selon vous?

Mme Parris: Dans le même groupe que j'ai mentionné tantôt qui a fait des plaintes individuelles, l'association a continué avec les mêmes dossiers. C'est arrivé avec tous. C'est seulement un qui a eu un rendez-vous par une "hearing". Mais avant ce rendez-vous, la dame a eu sa démission, tout était terminé avant cela. À ce jour, pour ce qui est des autres, il n'y a encore rien. Sauf que la commission est inquiète. Elle pousse pas mal fort, elle n'a pas terminé avec les dossiers. Elle essaie de faire vite. Elle écrit des lettres. On donnait dix jours pour donner une réponse: Qu'est-ce que vous avez décidé de faire? Si je n'ai pas eu de réponse, je vais fermer les dossiers. Moi-même, j'ai écrit quelques lettres. J'ai dit: Ne touche pas au dossier, ne le ferme pas, parce que si la commission n'est pas capable de faire quelque chose dans cette situation - pour moi, c'est une situation très grave - nous allons nous-mêmes trouver ou chercher quelque chose d'autre à faire pour régler le problème Ce n'est pas seulement un dommage pour la commission ou pour l'hôpital. C'est un dommage pour tout le monde dans la société, au Québec. Si cette situation continue comme cela, dans les autres pays, dans les autres endroits, tout le monde va dire: Au Québec! Québec! Québec! Québec! C'est comme cela. Je pense que c'est très grave. Personnellement, je n'ai eu de problème avec personne. Je travaille pour l'association par moi-même. Aussi, je ne compte pas tout le monde dans cet ensemble. Vous comprenez? Ce n'est pas tout le monde et ce n'est pas beaucoup de monde non plus. Ce sont des petits groupes qui travaillent ensemble. C'est comme cela.

M. Thuringer: Justement, je vous félicite. Il y a un problème et vous avez formé un petit groupe en réaction, et vous n'êtes pas seulement restées là. J'ai remarqué, dans votre mémoire anglais, qu'il y a aussi des groupes associés avec vous qui appuient cela. Je pense que c'est très important. Je signale aussi, M le Président, que lé document que madame a présenté aujourd'hui fait part de notre... Il y a vraiment trois documents et celui qu'elle a lu, est-ce qu'on peut en avoir une copie aussi?

Le Président (M. Filion): Est-ce que vous auriez une copie de disponible? Remarquez, il y a toujours le Journal des débats.

Mme Parris: Le document que j'ai lu, ce n'est pas le même document que je vous ai envoyé. Je l'ai préparé après vous avoir envoyé l'autre document parce que j'ai procédé à la traduction toute seule. Ce sont des copies originales. Peut-être êtes-vous capable d'en faire des copies?

Le Président (M. Filion): On va en faire une copie pour le moment, parce que nos travaux vont se terminer dans quelques minutes. On va vous remettre l'original et on va déposer la copie sous la cote 13Ma. Je vous remercie, madame.

Seulement deux questions rapidement. D'abord, est-ce que, dans l'ensemble de ce dossier, vous avez communiqué avec votre corporation professionnelle, la corporation des infirmières?

Mme Parris: Seulement par lettre. J'ai écrit une lettre à corporation des infirmières du Québec qui donne un permis de pratiquer comme infirmière au Québec. J'ai eu une réponse. Premièrement, j'ai averti au commencement, comme présidente de l'association, cela fait des années maintenant, puis j'ai tout expliqué le genre de problèmes. J'ai aussi demandé à l'association de nous aider à régler des problèmes. J'ai eu une réponse pour me dire quelle avait juste reçu ma lettre et elle ne savait même pas que ce genre de problèmes existaient. Elle n'était pas au courant. C'était la première fois qu'elle entendait parler de cela. Elle m'a dit que s'il y avait réellement des problèmes, elle n'a jamais été averti. À ce moment-là, elle nous dira ce qu'elle est capable de faire. On travaille sur ces mêmes dossiers depuis que je suis présidente de cette association. Ce n'est pas nouveau. II y a des personnes qui ont peur de faire des plaintes. Ces personnes ont peur de ce que les gens diront si elles se plaignent à la Commission des droits de la personne. Regardez ce qui arrive avec elle. Elle a perdu son emploi, elle n'a aucune chance de trouver une bonne "job" bientôt. Tout le monde a peur. Ils se disent. J'ai besoin de vivre, j'ai besoin d'argent, j'ai besoin d'un emploi. Je vais me taire, je ne dis n'en. Tout le monde a peur et personne n'a fait de nouvelles plaintes sauf verbalement. II y a beaucoup de plaintes verbalement, mais personne n'ose se plaindre par écrit parce que tout le monde a peur

Le Président (M. Filion): C'est pour cela d'ailleurs que vous faites référence dans votre mémoire à la présomption contenue au Code du travail. Si je mentionnais la corporation professionnelle, c'est uniquement dans le sens bien sûr, la Commission des droits de la personne a ses responsabilités, mais il n'est sûrement pas mauvais de savoir sensibiliser les corps professionnels à l'existence de certaines pratiques pour qu'un travail soit fait également à leur niveau, ce qui n'empêche pas évidemment la commission de prendre ses responsabilités

Une dernière question, votre association regroupe combien de membres?

Mme Parrris: ...

Le Président (M. Filion): Quarante.

Mme Parris: Oui On ne monte pas trop vite parce que, comme je viens d'expliquer, tout le monde a peur de venir dans ce groupe-là parce que les gens ont peur des "trouble makers", vous comprenez, parce qu'on fait des plaintes.

Le Président (M. Filion): II y a des infirmières noires qui sont d origine haïtienne dans les hôpitaux?

Mme Parris: Elles sont d'origine diverse. II y a des Haïtiennes, des Jamaïcaines, etc.

Le Président (M. Filion): C'est une question puis une suggestion en même temps que je fais. Je vais terminer là-dessus. Nous avons bel et bien reçu votre mémoire version française, version anglaise, et tout cela est très bien sauf sur le papier à lettre qu'utilise votre association. Je remarque, en tout cas, que le papier à lettre que nous avons reçu à l'Assemblée nationale, c'est un papier à lettre unilingue anglais.

Mme Parris: Oui.

Le Président (M. Filion): Je ne sais pas s' il existe un papier autre que celui-là, mais je tiens simplement à vous le signaler. Peut-être qu'il y a une raison.

Mme Parris: Je vais tout expliquer cela d'accord.

Le Président (M. Filion): Bien écoutez, vous savez, on a assez de problèmes et je ne tiens pas à traiter de la loi 101 ici, on le fait suffisamment de I'autre côté de la Chambre c'est-à dire dans I'autre salon, mais quand même je pense que ce serait approprié qu'il existe une autre sorte de papier à lettre qui peut avoir une autre formule, celui-ci étant unilingue anglais exclusivement.

Mme Parris: Excuse me. On est en train de faire unilingue et aussi une formule d'application mais premièrement quand on a eu cette lettre là on venait juste de former l'association, il y a plusieurs années, c'était peut-être un peu lent et on n'a pas fait beaucoup de choses. Ensuite, nous avons formé des groupes, il y avait des problèmes et on était toujours occupé. Par la suite, on a fait un règlement parce qu'il n'y avait aucun francophone dans l'association à ce moment la. On faisait toujours les choses très rapidement. On est en train d'utiliser le feuillet d application.

Le Président (M. Filion): D' accord. Mme Parris: "Billing".

Le Président (M. Filion): Alors, votre maxime "Black proud of it", je suis convaincu

que les Noirs sont également fiers de l'être. Merci.

Nos travaux sont ajournés jusqu'à demain, 9 h 30.

(Fin de la séance à 18 h 30)

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