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(Quatorze heures douze minutes)
Le Président (M. Filion): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Notre séance est maintenant ouverte. Il me fait plaisir de
constater que nous avons un peu plus que le quorum pour l'important mandat que
nous avons à assumer. Sans enregistrement, j'apprécierais que
vous puissiez prendre connaissance du procès-verbal de notre
séance de la semaine dernière, donc du jeudi 15 janvier. Donc, je
demanderais aux membres qui étaient présents d'en prendre
connaissance afin que nous puissions l'adopter. Est-ce qu'il vous a
été distribué? Ah! Il vous est distribué à
l'instant.
Est-ce qu'un membre qui était présent lors de la
séance du 15 janvier est en mesure d'en proposer l'adoption? M. Dauphin
(Marquette) propose l'adoption du procès-verbal de la séance du
jeudi 15 janvier 1987. Ce procès-verbal est adopté.
Je rappellerais donc la teneur et la nature de notre mandat qui est de
procéder à l'examen de toute proposition de réforme en
matière de délimitation des circonscriptions électorales
en vue de dégager les consensus qui pourront faire l'objet de
modifications à la Loi sur la représentation électorale-
II s'agit d'un ordre que nous avons reçu rie l'Assemblée le 39
décembre dernier à l'ajournement de nos travaux.
Je rappellerai également l'horaire de nos travaux en ce qui
concerne l'exécution de ce mandat. D'abord, aujourd'hui, 20 janvier, de
14 heures à 18 heures. Il y aura cependant interruption de nos travaux
aux environs de 15 heures...
M. Rochefort: Pourrait-on expliquer les motifs, M. le
Président?
Le Président (M. Filion): ...pour des motifs qui touchent
les loisirs. Mais comme les institutions sont très larges, vous le
savez, M. le député de Gouin, cette interruption durera 15
à 20 minutes. Demain, 21 janvier, de 10 heures à 13 heures et de
15 heures à 18 heures. Si nécessaire, le jeudi 22 janvier,
à compter 10 heures. Je demanderais au secrétaire d'annoncer les
remplacements.
Le Secrétaire: On m'a avisé que. M.
Boulerice (Saint-Jacques) était remplacé par M. Dufour
(Jonquière), M. Doyon (Louis-Hébert) par M. Poulin (Chauveau), M.
Godin (Mercier) par M. Rochefort (Gouin), M. Johnson (Anjou) par M. Desbiens
(Dubuc), M. Kehoe (Chapleau) par M. Camden (Lot-binière), M. Laporte
(Sainte-Marie) par M. Audet (Beauce-Nord), et M. Vallières (Richmond)
par M. Saintonge (Laprairie) et ce, pour la durée du mandat.
Le Président (M. Filion): Cela va de part et d'autre. M.
le Directeur général des élections, je vous souhaite la
bienvenue. Ce n'est pas la première fois que vous avez à vous
présenter devant cette commission-ci ou une autre commission.
Peut-être pourriez-vous nous présenter les qens qui vous
accompagnent?
M. Côté (Pierre-F.): Oui, M. le Président.
À ma droite, c'est M. Jean-Luc Lemieux qui est adjoint à la
représentation. Immédiatement à ma qauche, M. Claude
Fournier, secrétaire exécutif, et, au bout de la table, c'est M.
Eddy Giguère qui est secrétaire de la commission. J'ai d'autres
collaborateurs à l'arrière qui, si c'est nécessaire,
pourront m'aider à donner les bonnes réponses aux questions que
vous voudrez bien me poser.
Le Président (M. Filion): D'accord. Je vous remercie, M.
le Directeur général des élections. Je vous rappelle que
ce qui a été convenu, quand tantôt on parlait du
procès-verbal de notre dernière séance, c'est que vous
n'aviez pas d'exposé proprement dit à faire - évidemment,
je pense que cela a déjà été fait - mais que vous
répondriez, cependant, aux questions des membres au fur et à
mesure de l'examen des propositions. Il a été convenu
d'étudier les propositions selon l'ordre qui a été
déterminé dans le document de travail qui nous a
été remis la semaine dernière, et que vous prendriez place
à la table des invités.
Je rappellerais également aux membres de cette commission les
ententes qui sont intervenues au sujet du déroulement de nos travaux.
D'abord, l'application de la règle de l'alternance. Au tout
début, nous aurons vingt minutes pour la présentation des
remarques préliminaires de part et d'autre, puis l'examen des questions
contenues dans le document de travail, remis par le ministre
lors de la séance de travail du jeudi 15 janvier, se fera selon
l'ordre contenu à ce document. Après l'étude de chacune
des questions, le président de la commission reprendra les consensus qui
auront été dégagés afin que ceux-ci soient
dûment inscrits au procès-verbal de notre commission.
Avant de passer la parole à M. le ministre
délégué à la Réforme électorale,
est-ce qu'il y a des membres de la commission qui n'ont pas la pochette
d'information qui nous a été remise la semaine dernière?
Oui, peut-être deux copies, c'est cela. On me signale qu'il y a un autre
remplacement, du consentement des membres.
Le Secrétaire: M. Scowen serait remplacé par M.
Chagnon (Saint-Louis).
M. Rochefort: Temporairement? Pour la séance
d'aujourd'hui, c'est cela?
Le Secrétaire: Je n'en suis point avisé.
Le Président (M. Filion): Je pense que la question du
député de Gouin est à propos, mais enfin pour la
durée de nos travaux?
Le Secrétaire: Je crois que c'est pour la durée des
travaux.
Le Président (M. Filion): Cela va. M. le ministre
délégué à la Réforme électorale, je
vous laisse donc la parole.
Remarques préliminaires M. Michel
Gratton
M. Gratton: À titre de membres de la commission des
institutions, nous sommes réunis aujourd'hui pour donner suite à
un important mandat que nous a donné l'Assemblée nationale, soit
de dégager des consensus sur les modifications que nous voudrons
apporter à la présente Loi sur la représentation
électorale et ce, avant le 1er mai prochain.
C'est une tâche pour le moins exigeante, voire ambitieuse. En
effet, la question de la modification de la délimitation des
circonscriptions électorales est, il faut bien l'avouer, un sujet
d'autant plus délicat qu'il a toujours été quelque peu
tabou. À tel point, d'ailleurs, que la moindre déclaration sur
cette question suscite inévitablement des procès d'intention.
Nous avons vécu, d'ailleurs, cette situation encore tout
récemment. Je me permets de souhaiter que nos présents travaux
feront exception à cette règle.
Je tiens, néanmoins, dès à présent, à
réitérer publiquement devant cette commission l'intention de la
majorité ministérielle de respecter comme elle l'a toujours fait
ce mandat qui lui a été dévolu. Je le
répète: Nous sommes parfaitement conscients de l'ampleur de la
tâche qui nous incombe. Nous entendons nous y attaquer avec la conviction
profonde de pouvoir améliorer la qualité de la
représentation électorale. C'est donc dans un esprit de
complète ouverture que, personnellement, j'aborde ces travaux. Je me
permets de souhaiter qu'il en sera de même pour chacun des membres de la
commission.
M. le Président, je voudrais dès maintenant souhaiter la
bienvenue à M. le Directeur général des élections
et à ses collaborateurs et leur dire notre appréciation pour leur
disponibilité et leur collaboration.
J'aimerais tout de suite indiquer, M. le Président,
qu'après nous avoir transmis certains documents que nous avons remis aux
membres de la commission, le Directeur général des
élections nous a fait parvenir quelques modifications qui doivent y
apparaître. Immédiatement après, je demanderai qu'on
distribue aux membres de la commission ces informations.
Avant d'aborder plus à fond le sujet qui nous intéresse,
il me semble opportun d'effectuer un très bref rappel historique du
processus de démocratisation de la délimitation de la carte
électorale afin de mieux cerner ses tenants et aboutissants.
C'est au mois de décembre 1961, soit au début de la
Révolution tranquille, que remonte la création de la
première commission indépendante mandatée pour renseigner
les Chambres sur les normes démographiques, géographiques et
économiques devant régir la délimitation de la carte
électorale. Au mois de janvier 1962, ladite commission remettait son
étude préliminaire à la révision de la carte
électorale, rapport qu'on appelle depuis le rapport Grenier. L'une des
principales recommandations du rapport faisait état de la
nécessité de confier à un organisme indépendant les
études de révision de la carte. Des travaux en comité
parlementaire spécial, puis en sous-comité furent entrepris qui
débouchèrent éventuellement sur l'adoption du projet de
loi 65 par l'Assemblée Nationale au mois d'août 1965. Pour la
première fois, M. le Président, il faut signaler que la carte
électorale était issue d'une commission indépendante des
membres de l'Assemblée.
En 1970, une autre étape importante a été franchie,
avec l'abolition des comtés protégés que garantissait
l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. La parité de
représentation des électeurs, principe qui faisait alors
l'unanimité, était ainsi définitivement consacrée.
Le Québec comptait alors 108 districts électoraux.
En 1971, la Loi de la Commission permanente de la réforme des
districts
électoraux fut adoptée. Puis, en 1972, une refonte majeure
fut effectuée avec l'adoption de la Loi modifiant la Loi sur la division
territoriale. Le nombre de districts électoraux passait alors de 108
à 110. Finalement, au mois de décembre 1979, la Loi sur la
représentation électorale instituait la Commission de la
représentation, organisme décisionnel quant à la
délimitation des circonscriptions électorales.
À ce stade-ci de mon intervention, je voudrais souligner que,
s'il est une leçon que nous devons tous retenir de cette brève
synthèse des efforts successifs de différents gouvernements - au
moins trois - en vue d'assurer un processus électoral efficace et
équitable, c'est bien que le monopole de la vertu démocratique
n'appartient exclusivement à aucune formation politique et, donc, que
personne n'a de leçon à donner, ni è recevoir de
quiconque.
C'est pourquoi je crois que nous devons, tous et chacun, aborder notre
mandat en ayant constamment à l'esprit que les résultats de nos
travaux devront contribuer à l'amélioration de la
démocratie électorale et, de ce fait, bénéficier
à l'ensemble de nos concitoyens.
Avant d'aller au fond du sujet, il me semble également
approprié de situer nos travaux dans la chronologie des démarches
que j'ai moi-même entreprises depuis mon assermentation à titre de
ministre délégué à la Réforme
électorale. Cette chronologie permettra aux membres de cette commission,
à nos collègues parlementaires qui ne siègent pas avec
nous, è tous les intervenants concernés, ainsi qu'à nos
concitoyens de bien comprendre les motifs qui animent l'équipe
ministérielle dans sa présente démarche.
Le 18 mars 1986, nous avons déposé à
l'Assemblée nationale le projet de loi 23 qui visait la suspension des
travaux et des activités de la Commission de la représentation
jusqu'au 2 décembre 1986, en ce qui concerne la délimitation des
circonscriptions électorales. À cette occasion, j'avais
exprimé mon intention de procéder à une
réévalution de nos lois électorales, en commençant
par la Loi sur la représentation électorale.
Le 20 mars 1986, notre commission entendait le Directeur
général des élections qui, tous s'en souviennent, n'a
alors soulevé aucune objection de principe quant à cette
suspension des travaux de la Commission de la représentation. Le 27 mars
1986, le projet de loi 23 était donc adopté à
l'unanimité.
À ma demande, le Secrétariat à la réforme
électorale entreprit alors la réévaluation de la Loi sur
la représentation électorale et me remettait, à la fin du
mois d'août 1986, un rapport signé par Me Louis Rémillard.
Ce document a été transmis à l'Opposition, au Directeur
général des élections, ainsi qu'aux membres de la Tribune
de la presse, le 11 septembre ]986.
Cette démarche s'inscrivait dans le respect d'un enqaqement que
j'avais pris devant les membres de l'Assemblée nationale et devant les
membres de cette commission, à l'occasion de l'étude du projet de
loi 23. En effet, je m'étais alors engagé è consulter
l'Opposition avant même le dépôt d'un projet de loi
concernant la réforme électorale.
À la suite du dépôt du rapport du
secrétariat, l'Opposition m'a exprimé le souhait de voir reporter
de quelques mois la mise en oeuvre de la réforme proposée. J'en
veux pour preuve des reportages du 13 septembre 1986 dans différents
médias qui rapportaient le contenu d'un communiqué de presse
émis par le porte-parole de l'Opposition, le député de
Joliette, en vue d'offrir sa collaboration pour, disait-il, accorder un
délai additionnel à la Commission de la représentation,
qui doit normalement reprendre ses travaux le 2 décembre.
C'est dans un esprit de collaboration, d'ouverture et par respect pour
le processus démocratique que j'ai alors acquiescé è cette
demande du député de Joliette en reportant de quelques mois la
mise en oeuvre de la réforme proposée par le
secrétariat.
Le 14 octobre 1986, le Directeur général des
élections me soumettait ses commentaires sur le rapport Rémillard
que j'ai acheminés à l'Opposition deux jours plus tard. En vertu
du projet de loi 23, la Commission de la représentation devait reprendre
ses travaux le 2 décembre 1986. Or, ce délai légal ne
répondait manifestement plus aux exigences de la situation. Il aurait
été, en effet, inapproprié de laisser ladite commission
entreprendre des travaux de délimitation et de les interrompre quelque
temps après à la suite de l'adoption d'une nouvelle loi. C'est
pourquoi l'Assemblée nationale adoptait à l'unanimité, le
8 décembre 1986, le projet de loi 147 qui suspendait de nouveau les
opérations se rapportant à la délimitation des
circonscriptions électorales, cette fois jusqu'au 1er mai 1987. C'est
è ce moment-là que les parlementaires ont également
convenu de la tenue de la présente commission parlementaire afin de
réviser l'ensemble de la question. J'avais alors précisé
que nos travaux serviraient à la préparation d'un projet de loi
devant être adopté avant le 1er mai prochain pour amender la Loi
sur la représentation électorale. J'avais du même coup
ajouté que cela se ferait à partir des engagements, des ententes
ou des accords qui seraient dégagés au cours de cette commission
entre les formations politiques représentées à
l'Assemblée nationale.
M. le Président, puisque nous y sommes, parlons maintenant du
fond de la question. Quelle est la position du gouver-
nement dans ce dossier? Je serais tenté de la résumer tout
simplement en réitérant ce que j'ai maintes fois exprimé,
à savoir que j'endosse à quelques nuances près toutes les
recommandations du rapport Rémillard. Je suis bien conscient, en faisant
cette affirmation, des réserves et des objections que l'Opposition a
exprimées quant aux réformes proposées dans ce document.
Je crois, néanmoins, que nos délibérations, dans la mesure
où elles se dérouleront dans l'esprit que j'ai
évoqué tantôt, devraient nous permettre d'en arriver
à des consensus sur la plupart des recommandations de ce rapport qui,
à mon avis, est de très grande qualité. Cela, je le crois
sincèrement et j'entends y consacrer tous les efforts au cours des
séances de cette commission.
Vous me permettrez donc, M. le Président, de reprendre
très brièvement les points essentiels du rapport
Rémillard. D'abord, l'élément le plus important, à
mon avis, c'est la base de la représentation. En proposant que
l'ensemble de la population soit utilisé, le rapport vise à
consacrer le droit fondamental de toute personne d'être
représentée à l'Assemblée nationale du
Québec. La consécration de ce principe, j'en suis
profondément convaincu, est garante d'une démocratisation accrue
du processus électoral. (14 h 30)
C'est, d'ailleurs, la raison pour laquelle le secrétariat formule
la remarque pertinente suivante, que je cite: "On peut dès lors se
demander si le choix de la population électorale comme base de la
représentation traduit le mieux les exigences de la démocratie
représentative qui reposent essentiellement sur la
délégation du pouvoir de décision de l'ensemble de la
population à ses représentants élus. En effet, une fois
élu, le député représente l'ensemble de la
population de sa circonscription et non pas seulement les électeurs qui
se sont inscrits sur la liste électorale." Je déclare sans
ambages que le gouvernement est prêt, aujourd'hui, à inscrire ce
principe dans la loi. Je reviendrai, d'ailleurs, là-dessus avant la fin
de cette intervention.
En ce qui concerne la fréquence de la délimitation, sa
réduction ne ferait que traduire la situation de fait vécue
depuis les dernières années car, comme le souligne le rapport
Rémillard, malgré une fréquence plus grande au
Québec, en pratique, les modifications importantes à la carte
électorale n'ont lieu qu'à toutes les deux élections, soit
aux huit ou neuf ans, tel qu'en témoigne l'expérience
passée.
S'appuyant sur l'ouverture manifestée par le Directeur
général des élections à cet égard lors de
l'étude de ses crédits en 1985, le secrétariat recommande
de porter à dix ans les délimitations de la carte
électorale et de faire coïncider cette opération avec la
tenue du recensement fédéral décennal. Il s'agit
là, à mon humble avis, d'une recommandation réaliste
puisqu'elle ne remet aucunement en cause la qualité de le
représentation électorale, tout en permettant d'envisager des
économies d'arqent non néqligeables que nous avons
également le devoir, comme gardiens des fonds publics, de
considérer sérieusement.
Le nombre des circonscriptions électorales fait également
l'objet d'une recommandation pertinente. En privilégiant la formule qui
consiste à fixer ce nombre dans la loi, les parlementaires
contribueraient non seulement à consolider la démocratisation du
processus électoral, mais aussi à réglementer la
composition de l'Assemblée nationale de façon plus simple et plus
transparente pour la population. Je le note avec plaisir, il semble qu'il y ait
unanimité sur ce point.
La question des critères socio-géographiques est
également importante. Il y va en effet, selon le secrétariat, de
la justesse et de l'équité de la représentation non
seulement en termes mathématiques, mais aussi dans le respect des
réalités géographiques et sociales et de la
communauté d'intérêts d'une population donnée.
À cet égard, il convient de citer textuellement un extrait du
rapport du secrétariat sur ce point. Au nombre de ces critères,
le respect des limites des municipalités revêt une importance
particulièrement grande, puisqu'il s'agit de l'unité de
référence la plus significative pour la majorité des
citoyens. Il serait opportun de prévoir un mécanisme d'ajustement
automatique de façon qu'aucune municipalité ne se retrouve
partagée entre deux ou plusieurs circonscriptions lors d'une
élection survenant entre deux délimitations. Nous pourrons
examiner de plus près quelle forme pourrait prendre ce mécanisme
au cours de nos travaux.
En ce qui concerne la délimitation des secteurs
électoraux, je suis d'avis que, sans abolir totalement cette notion de
secteurs comme le préconise, d'ailleurs, le rapport, il faille quand
même l'écarter de la Loi sur la représentation
électorale et la redéfinir dans la Loi électorale en
fonction de ses véritables nature et utilité, c'est-à-dire
comme unité de regroupement à des fins d'organisation
électorale et non comme unité dont la Commission de la
représentation doit tenir compte dans la délimitation des
circonscriptions électorales.
Quant à la procédure d'adoption de la délimitation,
elle sera maintenue puisque, de l'avis de tous, elle a bien fonctionné,
d'où la recommandation de n'en corriger, à la lumière de
l'expérience vécue, que certaines dispositions accessoires afin
d'alléger le processus en termes de temps, de coût,
d'efficacité et de rentabilité.
Quant à la responsabilité de la
délimitation, je suis également d'accord avec
l'idée exprimée dans le rapport à savoir que le processus
de délimitation est essentiellement temporaire et, donc, qu'une
commission ad hoc pourrait fort bien s'acquitter d'un te! mandat, comme c'est,
d'ailleurs, le cas partout ailleurs au Canada, sans pour autant mettre en
péril le sain déroulement du processus électoral.
Il convient, cependant, de souligner qu'il n'est pas question de
modifier de quelque façon le statut d'indépendance et d'autonomie
de la commission qui est garanti essentiellement par le mode de nomination de
ses membres par l'Assemblée nationale.
Les objectifs d'allégement de la structure d'efficacité et
d'économie que sous-tend la recommandation du secrétariat ont
également amené ce dernier à proposer un mécanisme
souple permettant à la commission de recourir à l'expertise
existante dans la fonction publique.
Quant aux objectifs de transparence et de démocratisation, ils
justifient l'introduction d'un certain contrôle populaire a posteriori en
obligeant la commission à déposer à l'Assemblée
nationale un rapport de ses dépenses, ceci afin de permettre aux
citoyens de connaître l'ensemble des coûts afférents
à la délimitation.
Quant à la délimitation des districts électoraux
municipaux, j'indique tout de suite que j'entends recommander au gouvernement
qu'il en confie la responsabilité à la Commission municipale. Il
s'agit là d'un domaine de juridiction municipale avant tout qui, de
toute façon, n'apparaît pas dans la Loi sur la
représentation électorale. Je le mentionne ici parce que cela
aura sûrement une incidence sur la décision de maintenir ou pas le
caractère permanent de la Commission de la représentation.
M. le Président, cette synthèse, somme toute, sommaire du
rapport du Secrétariat à la réforme électorale
constitue un résumé de la position du gouvernement dans ce
dossier et j'ose croire que l'atteinte d'un consensus sur ces
éléments demeure dans les limites du raisonnable et du
possible.
J'aimerais maintenant revenir plus en détail sur
l'élément majeur de la réforme proposée, soit la
base de la représentation. La loi actuelle édicté,
à l'article 2, que la délimitation des circonscriptions
électorales doit être établie en tenant compte du principe
de l'égalité du vote des électeurs. L'application de ce
principe se traduit par la fixation d'un quotient électoral basé
sur le nombre moyen d'électeurs dans l'ensemble des circonscriptions. Ce
quotient est actuellement fixé à 36 000 électeurs. La loi
autorise, cependant, un écart entre les populations électorales
de plus ou moins 25 % de cette moyenne.
Comme je l'ai mentionné au début de mon exposé, on
peut se demander si le choix de la population électorale comme base de
la représentation traduit le mieux les exigences d'une démocratie
représentative qui repose essentiellement sur la
délégation du pouvoir de décision de la population
à ses représentants élus.
Le député, tant dans son rôle de législateur
que dans celui de représentant et d'intermédiaire, est
appelé à intervenir sur des problèmes collectifs et
à défendre les intérêts de tous les citoyens. Il
représente donc l'ensemble de la population de sa circonscription et non
seulement la population électorale effective, c'est-à-dire qui
s'est inscrite sur une liste électorale. Dès lors, il semble plus
pertinent et plus juste de considérer l'ensemble de la population comme
base de la représentation.
C'est, d'ailleurs, la conclusion à laquelle en était venu
en 1962 le comité présidé par M. Fernand Grenier,
géoqraphe et professeur à l'Université Laval, qu'il ne
faut donc pas confondre avec l'ex-député unioniste du même
nom.
Les membres de ce comité, MM. Harold Angell, Jean Hamelin,
Vincent Lemieux, Yves Martin et André Raynauld, écrivaient aux
pages 15, 16 et 17 de leur rapport ce qui suit: "Le comité estime que,
dans le cas de la province de Québec, il y a lieu de choisir la
méthode fondée sur l'utilisation du chiffre global de la
population. Plusieurs raisons militent en faveur d'une telle recommandation. En
premier lieu, on peut faire appel au concept même de la
représentation. "En effet, si le député est élu par
des électeurs, il faut reconnaître qu'il n'en représente
pas moins l'ensemble de la population de la circonscription. Ainsi, du strict
point de vue de la représentation, il semble plus logique de
délimiter les circonscriptions électorales en utilisant le
chiffre total de la population. "Enfin, les statistiques de population sont
beaucoup plus précises et, évidemment, plus complètes que
celles portant sur l'inscription des électeurs, puisque les recensements
sont préparés avec soin longtemps à l'avance. En somme,
admettre la primauté de la norme démographique dans la refonte de
la carte électorale, c'est se conformer à la règle
traditionnelle des régimes démocratiques: la
représentation par la population."
M. le Président, tous conviendront avec moi que le rapport
Grenier tel que présenté au gouvernement au mois de janvier 1962
demeure d'une indéniable pertinence. À cet effet, vous me
permettrez d'en citer quelques-unes des conclusions et recommandations. "Le
principe fondamental du comité d'établissement de la carte
électorale doit être d'assurer l'égalité de la
représentation de la population au sein de l'Assemblée
législative. De ce principe découle la nécessité
d'adopter une norme moyenne
devant correspondre au nombre de personnes représentées
par chacun des membres de l'Assemblée législative. Cette norme
moyenne s'établit facilement en faisant le rapport entre le volume total
de la population et le nombre de sièges à l'Asssemblée.
"La procédure décrite plus haut implique que soit
déterminé au préalable le nombre des circonscriptions
à découper à l'intérieur du territoire de la
province. La circonscription électorale est une unité
territoriale de représentation. En tant que telle, elle englobe un
ensemble défini d'électeurs et de citoyens. Pour assurer une
véritable représentation de la population, il faut concevoir les
circonscriptions électorales comme correspondant soit à des
milieux homogènes, soit à des milieux socialement et
économiquement intégrés dans les limites définies
par la norme fixée du point de vue de la représentation de la
population."
M. le Président, c'est dire que nous ne sommes pas les premiers
à croire que l'utilisation des chiffres de la population totale
plutôt que de la population inscrite sur les listes électorales
permet d'établir avec plus de précision et à partir de
données encore plus objectives la population qui doit être
représentée par un député. Selon la méthode
actuellement suivie, seuls les électeurs dûment inscrits sur une
liste électorale sont comptés, avec le résultat que deux
députés peuvent très bien représenter
officiellement un nombre d'électeurs assez semblable pour une population
réelle pourtant très différente.
À cet égard, un certain nombre de constats peuvent
être effectués. D'abord, que la proportion d'électeurs
inscrits peut varier d'une circonscription à l'autre sans que
l'âge de la population n'explique à lui seul de telles variations.
Il semble également y avoir une relation étroite entre un taux
plus faible d'électeurs inscrits dans une circonscription et un
pourcentage plus élevé de la population de cette circonscription
identifié à une langue maternelle autre que le français.
L'influence de la présence des communautés culturelles sur le
pourcentage de la population électorale inscrite s'explique en partie en
raison des exigences de la loi au chapitre de la citoyenneté, mais en
partie aussi en raison du taux de non-inscription volontaire plus
élevé chez ces électeurs potentiels.
De même, la population électorale d'une circonscription
peut varier d'une élection à l'autre sans que l'évolution
démographique n'en soit la seule cause. Par exemple, les 33
circonscriptions de l'île de Montréal comptaient 1 228 030
électeurs au référendum de 1980. À
l'élection de l'année suivante, la population électorale
de l'île n'était que de 1 214 252, soit environ 14 000
électeurs en moins alors que, tout le monde le sait, la population,
elle, avait augmenté. Cette diminution de la population
électorale de 1981 n'est sans doute pas étrangère au fait
que le référendum, l'année précédente, avait
suscité une implication particulièrement importante de la
population qui s'était alors inscrite en plus grand nombre que lors de
l'élection suivante.
L'utilisation des chiffres de la population totale comme base de
détermination du quotient électoral permet de ne tenir compte que
de l'évolution réelle de la population sans faire intervenir le
biais du comportement électoral de cette population. Quant à la
fiabilité des données démographiques, la tenue d'un
recensement général è tous les dix ans, dont la
précision et la qualité des résultats sont reconnus, en
constitue, à mon point de vue, une garantie. Au fédéral et
dans quatre des sept provinces qui ont établi des critères de
délimitation des circonscriptions électorales, le quotient
électoral est basé sur les données de la population totale
telles que transmises par Statistique Canada au lendemain du recensement
décennal.
D'ailleurs, ici au Québec, le choix de la population
électorale plutôt que la population totale comme base de la
représentation a probablement été dicté par des
considérations purement circonstantielles. En effet, la Commission
permanente de la réforme des districts électoraux disait
elle-même, dans son rapport déposé en mars 1972, et je
cite: que "pour accomplir rapidement notre travail, nous ne pouvions attendre
les résultats du recensement de 1971."
Le Président (M. Filion): Y a-t-il consentement, M. le
député de Gouin, afin que le ministre dépasse le temps
alloué:
M. Rochefort: Absolument.
Le Président (M. Filion): C'est bien. Vous pouvez
continuer.
M. Gratton: Merci. J'achève, M. le Président.
Le Président (M. Filion): Poursuivez.
M. Gratton: Pourtant, il s'agit là d'une question
fondamentale. L'exigence pour la carte fédérale d'être
basée sur la population est, d'ailleurs, inscrite dans la constitution
canadienne à l'article 51 de l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique de 1867. J'ajouterai qu'au printemps dernier,' une commission
royale d'enquête de la Nouvelle-Zélande était
chargée d'étudier la base de la représentation population
versus électeurs, Ils ont visité plusieurs pays dont le Canada.
Après étude, ils ont recommandé que la population soit
retenue comme critère. (14 h 45)
M. le Président, je termine mes
remarques sur cette question de la base de la représentation en
soulignant que la réalité contemporaine me convainc que toutes
les conditions favorables sont maintenant réunies pour que nous donnions
enfin suite aux recommandations des éminents cosignataires du rapport
Grenier.
En dernier lieu, j'aimerais préciser ma remarque
préliminaire concernant les procès d'intention qui,
invariablement, surqissent lorsque des modifications au processus
électoral sont envisagées. Pour éviter de sombrer dans la
personnalisation du débat, je ne nommerai pas spécifiquement ceux
qui ont pris un malin plaisir à tenter de dégrader au mois de
novembre 1986 un débat qui, je l'espère ardemment, demeurera
objectif et serein.
Mais vous conviendrez avec moi, M. le Président, que les
qualificatifs tels que "gerrymandering", "tripotage" ou les formules comme
celle-ci: "Une commission ad hoc soumise au bon plaisir du gouvernement ferait
revenir au grand galop le risque de la partisanerie" ou encore celle-ci: "Le
gouvernement veut se bâtir des forteresses là où sont
concentrés les allophones qui n'ont pas acquis le droit de vote" ou
encore celle-ci: "II y a anguille sous roche" étaient et demeurent non
seulement prématurés et inopportuns, mais aussi et surtout
dénués de tout fondement.
L'intention du gouvernement est claire. Elle consiste à donner
une voix égale à tous et chacun des citoyens sans discrimination
aucune. C'est pourquoi il m'apparaît important de dédramatiser
certaines interventions et de concentrer notre attention sur certaines
évidences. La première, c'est que, même sans une
réforme, la prochaine carte électorale, de l'aveu de tous les
intervenants concernés, y compris le Directeur général des
élections, apportera des modifications importantes à la carte
actuelle. La deuxième, c'est que même la proposition concernant la
base de la représentation, si elle devait être retenue, n'aurait
pas d'impact majeur sur le nombre de circonscriptions d'exception et la
dernière, que le rapport du Secrétariat à la
réforme électorale vise essentiellement à consolider les
acquis de la démocratisation du processus électoral et à
l'améliorer, tout en l'adaptant à notre réalité
contemporaine.
M. le Président, je terminerai tout simplement en citant ce que
Pierre Mendès France a écrit un jour. Une voix: Qui?
M. Gratton: Pierre Mendès France. Il écrivait que
la démocratie est d'abord un état d'esprit. Puissions-nous, M. le
Président, par l'atteinte de consensus solides au cours des prochaines
heures, consacrer cette remarque qui plus qu'une formule circonstancielle
demeure d'abord et avant tout une vérité essentielle.
Le Président (M. Filion): Merci, M. le ministre.
M. le député de Gouin.
M. Jacques Rochefort
M. Rochefort: M. le Président, avant d'utiliser mon droit
de parole, je voudrais simplement qu'on se coordonne sur la venue de Youppi et
compagnie. Je ne voudrais pas que cela arrive en plein coeur de mon
exposé.
M. Gratton: On tient cela pour acquis. M. Rochefort: Oui,
c'est réglé.
M. Gratton: D'ailleurs, il ne m'appartient pas de décider,
mais je voudrais bien, moi aussi, entendre les remarques du
député de Gouin du commencement à la fin et sans
interruption.
M. Rochefort: Même l'annonce de l'arrivée de Tim
Raines ou d'André Dawson ne justifierait pas, d'après moi, qu'on
m'interroge.
M. Gratton: Ce n'est pas prévu pour cet
après-midi.
Le Président (M. Filion): On va prendre les dispositions
nécessaires, M. le député.
Une voix: On va barrer les portes.
M. Rochefort: D'accord, merci, M. le Président.
M. le Président, en premier lieu, je voudrais souhaiter la
bienvenue au Directeur général des élections, à son
équipe et particulièrement à son adjoint a la carte
électorale, de même qu'au secrétaire de la Commission de la
représentation. On sait que leur présence est toujours
très précieuse et très éclairante pour les membres
de notre commission qui ont été appelés au cours des
dernières années à se pencher à fréquence
régulière sur la question de la carte électorale.
Quant à nous, M. le Président, nous entreprenons les
travaux de cette commission dans un esprit de franche collaboration avec une
volonté de discuter sérieusement, rigoureusement et de
façon responsable de l'ensemble des questions qui sont posées,
dans un objectif de faire progresser et nos institutions démocratiques
et notre processus électoral mais cela, en ayant toujours en tête
que nos lois et nos mécanismes électoraux sont là et
doivent être conçus non pas en fonction des partis politiques ou
des membres de l'Assemblée nationale, mais bien
en fonction de l'ensemble des Québécois et des
Québécoises. Ce ne sont pas nos lois électorales, notre
Loi régissant le financement des partis politiques, notre carte
électorale, nos institutions démocratiques, mais bien les
leurs.
Il sera toujours dangereux, ici comme ailleurs, que les élus et
les formations politiques tentent de s'accaparer les institutions, les
règles et les mécanismes électoraux. Non seulement
devons-nous tout faire pour que nos règles démocratiques soient
bel et bien conçues et imaginées pour permettre aux
électeurs du Québec de bien déléguer
démocratiquement et dans une parfaite représentativité
leur pouvoir, puisque ce sont eux qui sont détenteurs de la
souveraineté dans nos institutions, aux élus, mais pour qu'ils
sentent aussi qu'il en est bel et bien ainsi, que ces lois, ces
mécanismes et ces institutions sont faits pour eux. C'est la condition
essentielle et première si nous voulons maintenir et même
développer - je pense que tel doit être aussi notre objectif
-cette confiance et cette adhésion qu'a et que doit poursuivre,
continuer d'avoir la population du Québec à l'endroit de ses
institutions politiques. C'est fondamental.
M. le Président, si nous sommes ici aujourd'hui, c'est à
la suite d'un certain nombre d'initiatives gouvernementales dans le domaine des
lois électorales depuis environ le 2 décembre 1985. Il faut se
rappeler, dans un premier temps, que, dans les semaines et les mois qui ont
suivi cette élection, notamment à l'occasion de l'étude
des projets de toi 22 qui visait à suspendre le recensement annuel et 23
qui visait à suspendre le début des travaux de la révision
de la carte électorale, de même qu'à l'occasion de
l'étude des crédits du Directeur général des
élections, le gouvernement et, particulièrement, le ministre
délégué à la Réforme électorale nous
ont indiqué très clairement leur intention bien
arrêtée d'apporter des modifications importantes à nos lois
électorales, soit la Loi électorale, la Loi sur les listes
électorales, la Loi régissant le financement des partis
politiques, de même que la Loi sur la représentation
électorale, c'est-à-dire la loi sur la carte électorale.
Ce ministre, présent parmi nous, nous a aussi annoncé son
intention de mener cette réflexion au sujet de l'ensemble de ces lois de
façon globale et intégrée. Aujourd'hui, nous pouvons
constater que, quant à la Loi régissant le financement des partis
politiques, de même que quant à la Loi électorale et
à la Loi sur les listes électorales, ses intentions n'ont pas eu
de suites, du moins apparentes. Sauf que - et ceci est un peu une suite
concrète, quant à nous - il y a eu paralysie du conseil
consultatif des élections de la part des représentants du Parti
libéral du Québec qui nous ont dit ne pas détenir de
mandats gouvernementaux pour participer aux travaux du conseil consultatif et
que, en conséquence, ils ne pouvaient discuter des questions touchant la
Loi régissant le financement des partis politiques, la Loi
électorale et la Loi sur les listes électorales, à moins
qu'un autre rapport, qu'il soit signé par M. Rémillard ou
quelqu'un d'autre, n'existe ou ne soit en préparation sur ces questions.
Mises à part cette possibilité et cette paralysie du conseil
consultatif, les modifications à ces lois n'ont pas eu de suites
jusqu'à ce jour.
D'ailleurs, M. le Président, en ce qui nous concerne, il serait
opportun de permettre au ministre, peut-être dès ce moment-ci, de
faire le point sur ce qui s'est fait jusqu'à ce jour eu égard aux
modifications qu'il avait annoncées pour lesquelles il avait fait
état d'intentions très claires quant à la Loi
régissant le financement des partis politiques, à la Loi
électorale et à la Loi sur les listes électorales.
Du côté de la carte électorale, il faut se rappeler,
comme l'a indiqué le ministre, que, dans un premier temps,
au-delà de cette volonté et de cette décision
annoncée de réfléchir à ces questions, le
gouvernement a déposé, au début du printemps 1986, le
projet de loi 23 qui visait à suspendre finalement, jusqu'à ce
que le gouvernement décide autrement, le processus de révision de
la carte électorale. Il faut se rappeler que, à cette occasion,
le Parti québécois avait servi une fin de non-recevoir à
cette proposition gouvernementale parce que nous nous opposions à ce que
ce processus soit suspendu jusqu'à ce que le gouvernement en
décide autrement. C'est ce qui a fait que nous avons réussi
à conclure des ententes pour modifier le libellé du projet de loi
23 parce que, d'une part, pour nous, il est essentiel que nous ayons toutes les
garanties qui s'imposent quant à la refonte de la présente carte
électorale avant la prochaine élection
générale.
Déjà, au 2 décembre 1985, nous avions, à la
fois, des circonscriptions électorales qui regroupaient 26 000 ou 27 000
électeurs et d'autres circonscriptions électorales qui
regroupaient 53 000 ou 54 000 électeurs et qui déléguaient
toutes deux un seul et unique député qui avait, une fois rendu
sur le parquet de l'Assemblée nationale, le même poids politique
que son collègue élu par 26 000, par 53 000 ou par 54 000
électeurs.
Donc, c'est une situation inadmissible, puisque c'est pour ces raisons,
pour des situations analogues que notre processus de révision de la
carte électorale a été mis en place, pour nous assurer que
chaque électeur ait le même poids électoral à
l'intérieur de nos institutions politiques.
Pour nous, il était évident qu'il n'était pas
question que nous souscrivions à l'idée
que le processus de révision de la carte électorale ne
soit réenclenché qu'au bon vouloir du gouvernement. Pour nous, il
s'agit là d'un processus qui ne doit pas relever d'une formation
politique plus que d'une autre. Deuxièmement, il ne s'agit pas là
d'une refonte facultative. Troisièmement, pour nous, l'importance et
l'utilité de mettre une échéance, c'est-à-dire de
reporter d'un an l'enclenchement automatique du processus de révision de
la carte, visait à mettre de la pression sur le gouvernement pour que
les travaux et les réflexions qu'il avait annoncés qu'il
entendait mener autour de ces questions se fassent rondement, de façon
qu'on maintienne entière cette garantie qu'une révision de la
carte électorale serait possible et serait effectivement
réalisée avant le prochain scrutin général pour que
nous puissions tenir des élections à partir d'une carte
électorale qui est bien faite, rigoureusement et parfaitement
représentative de l'ensemble des électeurs du Québec et,
donc, une carte démocratique.
Par la suite, en août et septembre 1986, nous avons connu le
dépôt de ce qui est appelé aujourd'hui le rapport
Rémillard et que nous appellerons plutôt le document de travail;
ce sont les réflexions de M. Rémillard qu'on retrouve sur
à peine cinq pages. Il s'agit, dans ce court document, de propositions
qui visent à apporter des changements considérables à la
Loi sur la représentation électorale, de propositions qui auront
pour effet de remettre en question profondément les mécanismes
actuels de délimitation des circonscriptions électorales. Mais en
même temps qu'on y retrouve des propositions de changements
considérables, de remises en question profondes, on ne retrouve pas dans
ce document, ou à peu près pas, d'éléments visant
à soutenir, à étayer, à justifier les propositions
qui nous sont faîtes.
À la suite de la présentation de ce document au ministre
délégué à la Réforme électorale, on a
commencé à connaître un peu de confusion dans le dossier.
D'une part, le ministre nous a dit: J'ai reçu un document, le voici.
Pensez-y et faites-moi vos réflexions, comme si, finalement, le ministre
était très détaché de ces questions, alors qu'en
même temps M. Rémillard, dans sa lettre de transmission du
document au ministre, nous disait au deuxième paragraphe - je le cite,
il s'adresse au ministre - "Nous espérons que ce document exprime
correctement les grandes orientations que vous nous avez données sur le
sujet à l'occasion de nos diverses rencontres. Si tel n'était pas
le cas, veuillez nous en aviser afin que nous apportions au texte les
amendements requis".
De l'autre côté, M. le Président, il faut aussi
noter le très bref séjour de M. Rémillard au
Secrétariat à la réforme électorale, séjour
qui n'aura duré essentielle- ment que le temps de produire le document
qui nous réunit aujourd'hui. (15 heures)
Par la suite, nous avons senti une volonté gouvernementale - qui
s'est, d'ailleurs, exprimée au moins à une occasion - de traduire
dans une loi l'essentiel des recommandations, des réflexions de M.
Rémillard. Par la suite, on a connu les remarques du Directeur
général des élections, remarques qui, pour le moins, ne
donnaient pas un accord plein et entier aux recommandations Rémillard,
mais bien au contraire. On a connu des réactions d'un certain nombre de
chroniqueurs parlementaires et, évidemment, un certain nombre de prises
de position de ma formation politique. Tout cela mis ensemble a
créé, semble-t-il, une situation où le ministre est revenu
à de meilleurs sentiments et nous a finalement annoncé son
intention, non pas de traduire législativement les recommandations
Rémillard, mais bien d'en discuter publiquement, ouvertement avec
l'Opposition à l'occasion d'une commission parlementaire et de ne
légiférer que sur les consensus, donc, sur les accords formels
qui interviendraient entre les deux formations politiques sur les questions
relatives à la représentation électorale, qu'elles
découlent de recommandations de M. Rémillard ou d'autres
propositions qui pourraient être faites par des membres de cette
commission.
On nous a dit finalement - c'est aussi dans le document de M.
Rémillard - d'une certaine façon, en guise de conclusion, M.
Rémillard nous dit - et je sais que le ministre responsable de la
réforme électorale a repris ces propos à quelques reprises
-qu'au minimum il est normal qu'après dix ans de vie sous ce nouveau
régime de délimitation des circonscriptions électorales on
puisse se réunir pour faire le bilan du fonctionnement de cette
commission et l'évaluation qu'on peut faire à la suite de dix ans
de vécu de cette commission. Mais, jamais, d'aucune façon et en
aucune occasion, personne, et particulièrement le ministre, n'est venu
soutenir, expliquer, justifier, défendre quelque recommandation que ce
soit du dossier de M. Rémillard depuis le moment où il a
officié au Secrétariat à la réforme
électorale dans le dossier de la carte électorale. Ce à
quoi nous avons eu droit jusqu'à ce jour, ce sont les affirmations du
ministre selon lesquelles il est d'accord avec l'essentiel des recommandations
Rémillard, mais, jusqu'à aujourd'hui, jamais, il n'avait pris
position sur ces recommandations, jamais il ne les avait soutenues, jamais il
n'avait tenté un tant soit peu de les justifier. Cet après-midi,
c'est la première fois que nous pouvons prendre connaissance d'une
position plus arrêtée du gouvernement sur le contenu des
recommandations elles-mêmes. D'ailleurs,
nous serons heureux d'en discuter plus longuement avec le ministre tout
au long des débats que nous aurons au cours des prochains jours.
On se rappellera qu'à la suite de tous ces
événements de l'automne il y a eu le projet de loi 147 qui visait
à reporter une nouvelle fois du 2 décembre 1986 au 1er mai 1987
le début du processus de révision de la carte électorale.
Il va sans dire que» pour nous, du Parti québécois, la loi
23 avait été difficile à accepter et qu'elle a
été acceptée uniquement à cause des garanties que
le Directeur général des élections nous avait
données quant à la faisabilité d'une refonte de la carte,
même si nous reportions le tout d'une année. Évidemment, le
projet de loi 147 constituait pour nous une proposition difficile à
accepter, parce qu'on voyait bien les délais se poursuivre et donc
diminuer les possibilités de refonte de la carte avant la prochaine
élection générale.
Nous avons finalement souscrit au projet de loi 147 pour les raisons
suivantes. D'une part, parce que le Directeur général des
élections a réussi, à l'occasion de sa participation
à nos travaux préparatoires à l'étude du projet de
loi 147, à nous présenter des échéanciers qui nous
garantissaient, dans la mesure du possible et à l'intérieur d'une
situation normale - car, dois-je le rappeler, nous ne vivons pas dans des
institutions où les élections ont lieu à date fixe et, en
conséquence, personne ne peut prévoir la date des
élections y compris le premier ministre - donc, à
l'intérieur d'une situation normale les échéanciers qui
nous ont été présentés par le Directeur
général des élections permettent normalement une refonte
de la carte électorale d'ici le prochain scrutin général.
Deuxièmement, si nous avons souscrit à l'adoption du projet de
loi 147, c'est que le ministre délégué à la
Réforme électorale s'est engagé formellement de son
siège, en commission parlementaire et à l'Assemblée
nationale, à tenir cette commission parlementaire qui s'ouvre
aujourd'hui et à ne légiférer que sur les accords
intervenus entre les deux formations politiques dans le cadre du projet de loi
qui sera déposé à la reprise des travaux sessionnels. Ce
n'est qu'à ces conditions que l'Opposition a accepté de
participer, de concourir de bonne grâce à l'adoption du projet de
loi 147. Donc, nous serons heureux, ouverts et disponibles pour entendre le
ministre, dans les prochaines minutes, nous présenter plus solidement,
nous expliquer, nous justifier et, donc, défendre l'ensemble des
recommandations de M. Rémillard, d'autant plus qu'il nous a
annoncé tantôt qu'il faisait sien l'ensemble de ces
recommandations. C'est beaucoup pour ces raisons que nous croyons utile la
tenue de cette commission parlementaire.
Jusqu'à ce jour, personne n'est venu soutenir quelque
recommandation que ce soit de M. Rémillard. Personne n'est venu
étayer ses recommandations, n'est venu les situer et, donc, n'est venu
les justifier. Pour nous, jusqu'à maintenant, à peu près
rien, et sûrement rien sur l'essentiel, ne reçoit notre accord
dans ce que nous retrouvons dans le document de M. Rémillard. Personne
ni rien, jusqu'à ce jour, ne nous a convaincus de la pertinence et du
bien-fondé d'aller dans le sens d'une des grandes recommandations de M.
Rémillard. Pour ces raisons, nous sommes heureux - et je le
répète très sincèrement -nous sommes ouverts et
disponibles ici, dans un esprit positif de collaboration et de contribution
constructive aux travaux de notre commission, pour entendre le ministre nous
apporter des arguments, des éléments qui pourraient nous
permettre de revoir nos points de vue sur un certain nombre de questions. Nous
sommes donc ouverts.
Quand le ministre et M. Rémillard nous ont invités,
l'automne dernier, au minimum, nous disaient-ils, à faire le bilan de
dix ans ou presque de vécu sous le nouveau régime, à
partir des nouveaux mécanismes de délimitation des
circonscriptions électorales, notre réponse avait
été: Oui, on peut bien le faire; cela ne peut pas être
mauvais en soi. Mais je dois dire, d'entrée de jeu pour nous, que ce
bilan est éminemment positif. Pour nous, il s'agit là d'un
succès d'objectifs qui ont tous été atteints en vue d'une
plus grande démocratisation du processus de délimitation des
circonscriptions électorales au Québec. Nous avons réussi,
comme Québécois, à bâtir un modèle proprement
québécois; ce modèle est devenu un exemple à suivre
pour bon nombre de sociétés qui nous entourent et même
d'autres sociétés du monde occidental.
Aujourd'hui, on peut affirmer d'emblée que bon nombre de
provinces canadiennes, avec qui nous avons eu l'occasion de discuter, nous
disent envier le modèle que le Québec a réussi à
élaborer en matière de délimitation des circonscriptions
électorales dans un tout que constituent ces mécanismes contenus
dans la Loi sur la représentation électorale. L'ensemble de ces
mécanismes constitue maintenant un acquis et jamais nous ne souscrirons
à quelque tentative de retour en arrière, eu égard
à la démocratisation importante, fondamentale qu'ont connue nos
institutions politiques avec l'arrivée de la nouvelle Loi sur la
représentation électorale.
D'ailleurs, il n'est pas inutile de souligner que jamais personne ne
s'est plaint de ces nouveaux mécanismes. Nous n'avons jamais
reçu, en ce qui nous concerne - je serais heureux d'entendre d'autres
points de vue de différents membres de la commission - de demande de
corriger ceci ou cela dans les mécanismes importants que nous avons mis
en place, au cours des dernières années,
quant à la délimitation des circonscriptions
électorales. Sans prêter d'aucune façon de mauvaises
intentions à quiconque et encore moins au gouvernement, je dis que nous
sommes un peu inquiets de rouvrir ce dossier qui est un dossier important dans
lequel le Parti québécois a apporté une contribution
majeure au cours des années.
Nous savons que, chaque fois que nous avons rouvert, depuis les douze ou
quatorze derniers mois, des dossiers majeurs que le Parti
québécois avait mis de l'avant au cours de ces neuf années
de présence au gouvernement, cela s'est souvent soldé par des
reculs. Pour nous, pour l'essentiel, le rapport Rémillard ne constitue
d'aucune façon des progrès en matière de
démocratisation de nos institutions politiques. Pour nous, le
Québec a connu des progrès immenses et concrets au chapitre de la
démocratisation de ses institutions politiques au cours des 15 ou 20
dernières années. Lorsqu'on a plafonné les dépenses
électorales permises en campagne électorale, cela a permis de
donner beaucoup plus et beaucoup mieux une chance égale à tous
d'avoir accès à un siège à l'Assemblée
nationale. Lorsqu'on a élaboré la Loi régissant le
financement des partis politiques, ça nous a permis de mettre fin aux
caisses électorales occultes et de mettre fin au contrôle par
quelques-uns de la caisse électorale et donc d'un parti politique tout
entier.
Lorsque nous avons adopté la Loi sur la consultation populaire,
ça nous a permis de mettre en place un cadre démocratique qui
permettait aux Québécois et aux Québécoises
d'être consultés sur une question précise en cours de
mandat d'un gouvernement. Nous avons réussi aussi à
élargir et à simplifier l'exercice du droit de vote. Nous avons
réussi à développer une plus grande impartialité
des officiers d'élection responsables de l'application de la Loi
électorale, notamment par le fait que les directeurs de scrutin ne sont
plus nommés maintenant à la suite d'une recommandation
gouvernementale ou d'une formation politique mais sont nommés
exclusivement à la suite de concours administrés de A à Z
par le Directeur général des élections.
Nous avons aussi réussi à apporter des modifications
à nos lois électorales qui ont permis d'apporter un plus grand
respect de la volonté de l'électeur. On a élargi toutes
les définitions et les situations d'acceptation de bulletins de vote
diminuant ainsi radicalement le nombre de bulletins qui pouvaient être
jugés non valides à cause de différents
dépassements de cases, etc. Dans le cas de la carte électorale,
nous avons réussi à nous doter d'une loi et de mécanismes
qui évitent toute partisanerie, toute intervention du processus
politique partisan dans l'élaboration, à une étape ou une
autre, de la délimitation des circonscriptions électorales. Ces
délimitations de circonscriptions électorales sont aujourd'hui le
fait d'une commission permanente indépendante des élus et des
formations politiques qui est décisionnelle, ce qui est fondamentalement
différent de tout ce que nous avions connu dans le passé parce
que, même si on avait eu des commissions indépendantes à
quelques reprises dans le passé, ultimement le rapport de ces
commissions ne devenait loi qu'après le dépôt d'un projet
de loi adopté à la majorité simple des membres d'une
formation politique à l'Assemblée nationale. On sait à
quelle situation cela nous a menés à l'occasion.
L'ensemble de ces grandes modifications à notre vie
démocratique a été fait d'ailleurs avec la participation
des différentes formations politiques. Je sais que le
député de Gatineau, aujourd'hui ministre
délégué à la Réforme électorale, y a
participé à plusieurs reprises puisqu'il siège ici et
qu'il s'intéresse, depuis ses débuts comme membre de
l'Assemblée, depuis 1972, à ces questions.
Le Président (M. Filion): ...consentement.
M. Rochefort: Merci, M. le Président. D'ailleurs,
l'ensemble de ces réformes nous a permis de nous retrouver dans une
situation où ça marche, ça marche bien et ça marche
même très bien. On a augmenté de façon sensible la
participation des citoyens québécois à la vie politique,
que ce soit par leur participation au financement des partis politiques, que ce
soit par leur militantisme dans les différentes formations politiques,
que ce soit par le nombre accru, d'élection en élection, d'hommes
et de femmes qui se portent candidats aux élections, que ce soit par
l'accroissement presque continu du taux de participation aux différents
scrutins généraux que nous avons connus au cours des
dernières décennies. Nous sentons un attachement, nous sentons
une adhésion, nous sentons une confiance solidement ancrée dans
le peuple du Québec à l'endroit de ses institutions politiques.
C'est ce qui explique que, même lorsque la population du Québec
n'est pas d'accord avec une loi, cette loi est applicable et appliquée
parce que les citoyens reconnaissent ultimement que les hommes et les femmes
qui ont été élus les représentent - et l'ont
été démocratiquement - et qu'en conséquence on ne
peut remettre en question les fondements démocratiques des lois qui
sortent de l'Assemblée nationale.
Comme je le disais tantôt, aujourd'hui l'ensemble de nos
mécanismes électoraux sont devenus des modèles et font
l'envie d'un bon nombre de sociétés occidentales qui nous
entourent. Ils sont pour les Québécois et les
Québécoises des acquis de démocratie auxquels ils tiennent
et auxquels ils sont attachés. Personne ne souhaite que quiconque
un jour remette en question ces acquis. (15 h 15)
Les citoyens et les citoyennes qui pourraient s'intéresser aux
travaux de notre commission ne considéreraient pertinents les travaux de
cette commission que dans la mesure où nous viserions à
progresser sur le chemin de la démocratisation de nos institutions,
même pas à maintenir le pas et encore moins à effectuer
quelque retour en arrière que ce soit.
Cela dit, M. le Président, nous sommes disponibles pour discuter
de l'ensemble des recommandations de M. Rémillard, pour entendre les
positions que mettra de l'avant le ministre délégué
à la Réforme électorale. Quant à nous, nous
soutiendrons point par point nos positions sur chacun des
éléments et nous serons disponibles pour débattre, au sens
le plus pur du terme, les différents éléments du rapport
Rémillard qui peut-être pourrait donner lieu à un certain
nombre de consensus.
Je conclus en disant que, quant à nous, il y a un certain nombre
de principes fondamentaux qui guideront les interventions des membres de notre
formation politique quant au dossier qui est devant nous, et qui sont pour
l'essentiel les suivants. Dans un premier temps, le Parti
québécois tient à une refonte de la carte avant les
prochaines élections générales. C'est absolument essentiel
parce que, déjà, nous nous trouvons avec une situation où,
le 2 décembre 1985, il y avait des électeurs au Québec qui
avaient un poids politique du simple au double par rapport à d'autres
électeurs québécois. C'est pour ces raisons qu'on a mis en
place l'ensemble des mécanismes qui existent et donc qu'on doit suivre
le fil de l'évolution démographique de la population
électorale du Québec. Deuxièmement, cette refonte doit se
faire dans un cadre efficace pour la Commission de la représentation et
selon un calendrier qui permettra de le faire en dehors de tous les charivaris
et des brouhahas de fin de mandat de gouvernement.
Donc, pour nous, cela presse. Nous souhaiterions qu'à la fin
même de nos travaux nous puissions, tel que nous l'avons indiqué
dans le projet de loi, de commune entente, donner immédiatement, comme
commission des institutions, mandat à la Commission de la
représentation pour qu'elle amorce immédiatement ses travaux,
pour qu'elle puisse gagner trois, quatre ou cinq mois sur
l'échéancier initialement prévu pour détacher le
plus possible cette révision des brouhahas de fin de mandat.
Deuxièmement, pous nous, il est clair que nous souhaitons le
maintien en tous points et dans tout le sens du terme d'une commission
indépendante. Pour nous, compte tenu de l'intervention du ministre, je
veux préciser que commission indépendante, ça ne tient pas
uniquement au processus de nomination des membres de la commission, mais aussi
au fait que, jamais, ni les élus ni les formations politiques ne
puissent intervenir dans le processus décisionnel qui doit être
l'apanage exclusif de la Commission de la représentation. Nous
souhaitons que cette commission soit une commission permanente pour qu'elle
puisse travailler dans la continuité des travaux qui ont
été réalisés jusqu'à maintenant.
Pour nous, il est évident qu'un troisième principe sera
celui du respect du grand principe fondamental en démocratie d'un
électeur, un vote. C'est le principe qui est reconnu dans la plupart des
sociétés, qui est un principe de plus en plus élargi et
qui a été retenu par tout le monde au Québec
jusqu'à ce jour. Nous aurons l'occasion et nous serons heureux d'en
discuter avec le ministre délégué à la
Réforme électorale dès le premier point, je pense,
à l'ordre du jour de nos travaux. De même, M. le Président,
nous serons d'accord pour limiter le plus possible le nombre de
circonscriptions électorales parce que c'est un peu incongru que, pour
une population électorale à peu près comparable, on
augmente à chaque élection ou à chaque refonte de la carte
le nombre de circonscriptions électorales. D'autant plus que, lorsqu'on
se compare à des sociétés qui ont à peu près
le même nombre de citoyens et d'électeurs que nous, c'est à
peu près le même nombre de parlementaires qu'on y retrouve.
Nous serons aussi d'accord pour aborder cette question de
précision de la notion de secteurs électoraux. Nous serons aussi
d'accord pour dire qu'après tous travaux de la Commission de la
représentation celle-ci doive déposer le budget et le contenu
ventilé des dépenses qu'elle a faites pour réaliser son
mandat. Mais, pour nous, il est essentiel que nous conservions nos acquis et
que nous soyons très prudents quant au mimétisme que nous
pourrions être tentés de faire pour copier ce qui se passe
ailleurs.
Si, pour nous, il y a une chose qui est claire, c'est que, s'il y a un
domaine dans lequel Ottawa n'est pas un exemple à suivre, c'est bien en
matière de délimitation électorale. On se retrouve
aujourd'hui à Ottawa avec la même carte électorale depuis
au-delà de quinze ans, avec des situations de surreprésentation
inouïes, inimaginables, de même qu'avec des situations de
sous-représentation absolument inqualifiables que bon nombre de
parlementaires fédéraux reconnaissent d'ailleurs. Pour nous, ce
n'est pas un modèle à suivre. S'il existe un modèle de
démocratie exemplaire en matière de délimitation de la
carte électorale, c'est bien le modèle québécois et
compte tenu de ces éléments, M. le Président, je
répète: Notre grand intérêt pour aborder ces
questions délicates et complexes, mais à l'intérieur
d'un cadre qui pour nous est celui du progrès de nos institutions
démocratiques, est de modeler nos institutions non pas en fonction des
intérêts ou des préoccupations des élus ou des
formations politiques, mais, bien plus, avec en tête, constamment,
l'intérêt de l'ensemble de la population du Québec.
Le Président (M. Filion): Je vous remercie, M. le
député de Gouin. Oui. D'accord. M. le ministre, je comprends que
vous voulez peut-être réagir immédiatement è
certaines des invitations lancées par le député de
Gouin.
M. Michel Gratton (réplique)
M. Gratton: Très brièvement. D'abord, dans la
mesure où le député de Gouin, au nom de sa formation
politique, se dit prêt à améliorer ou à pousser plus
loin la démocratisation du processus de délimitation des
circonscriptions électorales, je lui dirai tout de suite que nous le
suivrons et nous sommes même prêts à le
précéder dans ce domaine. Quand nous proposons d'entériner
la recommandation du rapport Rémillard d'utiliser la population globale
comme base de la représentation, nous croyons justement que cela va dans
le sens d'une plus grande démocratisation de ce processus.
C'est l'objectif majeur et nulle part, ni dans les recommandations du
Secrétariat à la réforme électorale, ni dans
quelque propos que des membres du gouvernement ont pu tenir, on n'a remis en
cause les acquis de cette démocratisation que nous avons connue au cours
des années comme j'en ai fait le bref historique tantôt. Il n'est
pas question pour nous de toucher de quelque façon que ce soit à
l'indépendance, à l'autonomie de la commission, qu'elle soit
permanente ou temporaire ou ad hoc, qui est responsable de la
délimitation de la carte électorale. Il n'est pas question pour
nous de modifier le processus d'adoption de cette carte qui est laissé
entièrement à la Commission de la représentation bien que
la loi actuelle prévoie un débat limité à
l'Assemblée nationale, mais où il est impossible a quiconque de
modifier un tant soit peu la décision de la Commission de la
représentation.
Le député de Gouin faisait valoir que c'est aujourd'hui la
première fois que j'endosse officiellement les recommandations du
rapport Rémiliard. Je crois devoir le corriger en le
référant à de nombreuses déclarations que j'ai
faites publiquement à savoir qu'il m'apparaissait que les
recommandations du rapport Rémiliard nous étaient non seulement
acceptables, mais que nous considérions qu'il était souhaitable
que nous les adoptions. Cela étant dit, je dois signaler que nous devons
avoir un deuxième objectif au cours de nos travaux, bien sûr, de
maintenir les acquis, bien sûr de pousser plus loin la
démocratisation du processus, mais aussi nous avons le devoir de nous
pencher sur les coûts, sur la rationalisation des coûts.
M. le Président, s'il nous était permis de modifier
certaines dispositions de la loi actuelle pour réaliser des
économies sans pour autant toucher à l'aspect fondamental de la
loi, il me semble qu'il serait irresponsable que nous ne le fassions pas. C'est
dans ce sens que plusieurs des recommandations du rapport Rémillard
reçoivent l'aval du gouvernement. J'ai pris bonne note des intentions,
de l'attitude, des arguments, des affirmations qu'a faites le
député de Gouin et je lui dis tout de suite que, oui, nous
débattrons ensemble ici à la commission le fond de chacun des
éléments. Nous respecterons l'engagement de ne modifier la Loi
électorale que sur la base des consensus qui seront établis ici
à la commission, bref à l'unanimité des partis
représentés à l'Assemblée nationale. Nous le ferons
avec plaisir, M. le Président. Contrairement peut-être à ce
qu'affirmait le député de Gouin tantôt, à savoir que
j'aurais pris l'engagement d'associer l'Opposition à notre
démarche seulement après la parution du rapport Rémiliard,
je lui rappelle que c'est dès l'adoption du projet de loi 23, soit en
mars 1985, que je me suis engagé à consulter...
Une voix: En mars 1986.
M. Gratton: ... - en 1986, pardon - que je m'étais
engagé à ne pas déposer de projet de loi sans avoir au
préalable consulté l'Opposition.
Il est vrai, M. le Président, comme l'affirmait le
député de Gouin, que le travail du comité consultatif a
été quelque peu allégé par rapport à la
pratique qui avait cours sous l'ancien gouvernement, j'ai déjà
expliqué que je préfère de loin faire le débat que
nous ferons au cours des prochains jours, ici, en commission parlementaire
plutôt qu'à l'intérieur de comités où seuls
quelques représentants de chaque parti sont associés, de sorte
que l'Assemblée nationale n'est saisie que des conclusions de ces
travaux. Il me semble que dans le domaine du processus électoral trop de
transparence ou plus de transparence ne casse pas. Je préfère de
loin que les débats se tiennent au vu et au su de tous,
c'est-à-dire par le biais des travaux de la commission
parlementaire.
Ceci étant dit, M. le Président, je réitère
au député de Gouin et à l'ensemble des membres de la
commission que nous allons effectivement faire valoir notre point de vue sur
chacune des dispositions ou des recommandations du rapport Rémiliard.
Nous tenterons de convaincre les membres de l'Opposition quant à ces
éléments du rapport
sur lesquels on nous affirme déjà ne pas être en
accord du côté de l'Opposition. Je note surtout avec beaucoup de
satisfaction que dans plusieurs cas nous nous rejoignons déjà et
peut-être bien qu'il s'agira, dans ces cas, strictement de formuler les
consensus de façon que nous puissions procéder, comme nous nous y
sommes engagés, à la modification de la Loi sur la
représentation électorale avant le 1er mai prochain.
Il n'y a anguille sous roche nulle part, M. le Président. C'est
dans la plus complète ouverture que nous abordons les travaux. J'ai
hâte d'entendre les arguments que feront valoir non seulement les membres
de l'Opposition, mais également les membres ministériels de la
commission. Je suis sûr qu'a l'issu de ces travaux nous pourrons, je
pense, faire un pas de plus dans l'amélioration de ce processus de la
délimitation des circonscriptions électorales. Il n'est pas
question, dans l'esprit de quiconque de ce côté-ci de la
commission, de remettre en cause quelque acquis que ce soit dans ce domaine.
C'est pourquoi, je l'ai souligné, M. le Président, nous en sommes
là avec les acquis tels que nous les connaissons grâce aux efforts
de plusieurs gouvernements: gouvernement unioniste, gouvernement
libéral, gouvernement péquiste.
À ce titre, j'ai, comme l'a souligné le
député de Gouin, participé à la plupart des travaux
entourant les lois électorales depuis 1972. Je conviendrai que c'est
peut-être la première fois où l'on procède vraiment
avec un engagement aussi formel de la part du gouvernement de ne
légiférer que sur les points qui font l'unanimité, car le
député de Gouin, dans son étude du dossier, aura
sûrement noté que certaines des dispositions que nous
défendons, aujourd'hui, sont les mêmes que celles que nous
défendions en 1979, par exemple, lors de l'adoption de la loi actuelle
et que le gouvernement d'alors n'avait pas retenues. M. le Président, je
le signale, non pas pour dire que nous ferons de même, mais simplement
pour dire que nous ferons un peu mieux.
Le Président (M. Filion): Merci, M. le ministre. M. le
député de Gouin, vous voulez ajouter quelques mots?
Discussion générale
M. Rochefort: Quelques très brefs commentaires sur les
brefs commentaires du ministre, M. le Président. Par la suite, j'aurai
peut-être deux séries de questions à adresser au ministre
avant qu'on aborde carrément le premier point des recommandations de...
(15 h 30)
M. Gratton: M. le Président, me permettrait-on avant? II y
a des documents qui sont dans les pochettes d'information, qui ont
été remises tant aux membres de la commission qu'aux membres de
la Tribune de la presse. Ces documents font l'objet de rectificatifs qui nous
sont parvenus du Directeur général des élections, tout
récemment. Je demanderais la permission pour qu'on les distribue
immédiatement afin d'éviter qu'il y ait confusion.
M. Rochefort: Oui, juste un commentaire, M. le Président.
C'est toujours le problème des documents qui remplacent les autres.
Pourrait-on attirer notre attention sur les éléments de
modification? C'est compliqué de repartir à zéro, de
documents qui remplacent un autre document.
M. Gratton: M. le Président, voulez-vous qu'on fasse cela
tout de suite? Je pense que cela peut être très bref.
M. Rochefort: Peut-être... M. le Président, je vais
quand même compléter par quelques commentaires.
Le Président (M, Filion): D'accord.
M. Gratton: D'accord. On les déposera après.
Le Président (M. Filion); Nous retenons pour
tantôt.
M. Rochefort: M. le Président, dans un premier temps, je
veux être bien précis. Je n'ai pas dit - du moins, je ne voulais
pas le dire, si c'est ce que j'ai dit - que c'était la première
fois que j'entendais le ministre endosser les recommandations de M.
Rémillard, bien au contraire. J'ai dît que tout ce qu'on a
entendu, c'était le ministre dire: Oui, je suis d'accord. Mais c'est la
première fois, aujourd'hui, qu'on entend le ministre justifier ses
accords sur un certain nombre de points. On serait heureux de l'entendre sur
les autres.
Deuxièmement, M. le Président, je veux souligner que, dans
le cadre des travaux du conseil consultatif, cela ne s'oppose pas à des
travaux de commission parlementaire dans notre esprit parce que les travaux
faits au conseil consultatif ont toujours débouché sur des
commissions parlementaires. Mais, pour nous, le fait que la réflexion
initiale se fasse au conseil consultatif plutôt qu'au cabinet du ministre
responsable de la réforme électorale ou qu'au Secrétariat
à la réforme électorale, c'était bien mieux, bien
plus transparent et bien plus démocratique que dans le cabinet du
ministre responsable ou au secrétariat. En ce sens, je veux prendre un
exemple précis sans ouvrir de débat là-dessus. J'ai lu,
aujourd'hui, dans la Presse que le ministre nous indique que son cabinet
est à préparer des documents de travail sur la notion du... Vous
n'avez pas dit
cela? Tant mieuxl Voilà un bel exemple!
M. Gratton: Je n'ai pas de cabinet comme ministre...
M. Rochefort: Non, je m'excuse, mais vous avez lu les mêmes
journaux que moi?
M. Gratton: Oui, mais...
M. Rochefort! Parfait!
M. Gratton: ...je dois rectifier...
M. Rochefort: Je suis heureux de voir que vous êtes membre
du club des mal cités, vous aussi.
M. Gratton: Vous me permettez de corriger le journaliste...
M. Rochefort: Ah oui, sûrement!
M. Gratton: ...et dire qu'il s'agissait du secrétariat et
non pas du cabinet; je n'en ai tout simplement pas de cabinet.
M. Rochefort: Parfait! Vous n'avez pas de cabinet?
M. Gratton: J'en ai d'autres, au pluriel, mats pas
celui-là.
M. Rochefort: Donc, au grand dam de certains, d'ailleurs! Que ce
ne soit pas au cabinet sur le montant plafond de souscription admise pour un
électeur, tant mieux! Mais le ministre nous dit: C'est au
secrétariat. Nous pensons qu'il serait plus positif et plus soucieux
d'arriver à un consensus de départ, plutôt que tumultueux
d'arrivée, que ce soit discuté maintenant au conseil consultatif
que d'attendre que le gouvernement se soit fait une tête pour qu'on
vienne ensuite discuter de ces questions au conseil consultatif. C'est cela la
différence entre le fonctionnement qu'a connu le conseil consultatif
sous le gouvernement précédent, indépendamment des
questions partisanes entourant ces sujets par rapport a ce qu'il connaît
depuis le 2 décembre 1985. Mais il est clair quant à nous, que
cela doit toujours déboucher sur une commission parlementaire et sur un
débat public.
Ceci dit, M. le Président, sur les remarques du ministre, avant
qu'on n'aborde le dossier lui-même et aussi relativement à l'une
des dernières remarques du ministre, dois-je comprendre... Oui, je suis
chatouilleux quelquefois sur certaines questions plus fondamentales, sur la
question des consensus; je sais, vous me connaissez bien. J'ai lu ce matin un
article, que vous n'avez peut-être pas lu au complet selon le journal que
vous avez lu, de M. Normand Girard. Si on le lit dans le Journal de
Québec, cela s'arrête à un paragraphe, mais, si on le
lit dans le Journal de Montréal, cela va un peu plus loin. Dans
le Bien oui, que voulez-vous? II est normal que ces deux villes n'aient pas
exactement les mêmes nouvelles.
M. Bélisle: Les clientèles étant
différentes.
M. Rochefort: Le député de Mille-Îles nous
dit que les clientèles sont différentes. M. le Président,
on lit essentiellement le même texte que dans le Journal de
Québec, mais qui se poursuit comme ceci: "Avant les fêtes,
l'Opposition péquiste a manifesté une grande résistance
face à la proposition gouvernementale. M. Gratton estime que si
l'Opposition n'est toujours pas d'accord, elle devra le dire et expliquer
pourquoi. "Mais, a-t-il précisé, - il cite M. Gratton - cela ne
nous empêchera pas de réduire la fréquence de refonte de la
carte électorale à tous les huit ans plutôt qu'à
tous les quatre ans, comme c'est le cas à l'heure actuelle, et d'abolir
la Commission permanente de la représentation électorale pour
réaliser des économies qu'on veut faire."
Je veux seulement être sûr, M. le Président, que ce
n'est pas cela que je dois suivre, mais plutôt la
réédition, une nouvelle fois répétée, de
l'engagement formel du ministre que ne seront contenus au projet de loi que les
éléments d'accord entre les deux formations politiques.
M. Gratton: M. le Président, la réponse est oui au
député de Gouin. De deux choses l'une: soit que je me suis mal
exprimé ou que le journaliste m'a mal compris. Ce que j'ai pu dire et ce
que je suis prêt à redire ici, c'est que je suis persuadé
ou je suis plutôt enclin à croire que nous ferons consensus entre
nous sur ces deux points et que cela devrait normalement nous amener à
agir dans... Mais, si on ne fait pas consensus, on ne fera pas ce que,
prétendument, j'aurais dit qu'on ferait.
M. Rochefort: Je suis très heureux d'entendre cela, M. le
Président, de la bouche du ministre. Cela va faciliter encore plus et
mieux le déroulement de nos travaux. Je pense que le ministre veut
déposer quelques documents. J'aurais deux ou trois questions techniques
sur le document Rémillard et, par la suite, on pourra entreprendre
l'étude.
M. Gratton: D'accord. Dans un premier temps, il s'agit du tableau
comparatif des législations canadiennes.
M. Rochefort: Oui.
M. Gratton: Si je comprends bien, il s'agirait de détruire
celui qui est présentement dans la pochette et...
M. Rochefort: Essentiellement, qu'est-ce qu'il y a de
différent?
M. Gratton: C'est noté dans le document...
M. Rochefort: C'est noté? Bon, excellent. D'accord.
M. Gratton: ...par astérisque. C'est indiqué dans
le document. Ce n'est rien qui porte à conséquence. Ce sont
surtout des précisions plus qu'autre chose.
Le Président (M. Filion): D'accord. Alors, le ministre
dépose donc le tableau comparatif des législations canadiennes,
une mise à jour. Ce document vise à remplacer, pour le
bénéfice des membres de la commission et des autres, le tableau
comparatif qui faisait déjà partie de notre pochette
d'information.
M. Gratton: Le deuxième, M. le Président, il s'agit
de l'annexe I, c'est-à-dire le tableau des ratios
électeurs-population sur l'île de Montréal. Je prierais les
membres de détruire le tableau ou l'annexe I qui est présentement
dans le dossier et le remplacer par celui qu'on distribue à l'instant
même. Malheureusement, les changements ne sont pas notés, mais ils
ne sont pas nombreux et je prierais le député de Gouin de les
noter.
M. Rochefort: Pouvez-vous m'en donner une copie avant et je vais
les noter?
M. Gratton: Oui, avec plaisir.
Le Président (M. Fîlion): Donc, dépôt
d'un document intitulé annexe I, ratio électeurs-population,
île de Montréal, 1981, visant à remplacer, encore une fois,
le document qui faisait déjà partie de nos documents
d'information initiaux.
M. Rochefort: D'accord.
M. Gratton: Si on veut prendre l'annexe I pour le comté
d'Anjou, l'ensemble des données a été changé, parce
qu'il s'agissait d'une interversion qui avait été faite avec un
autre comté. Donc, il y avait erreur dans le premier tableau. Les
chiffres que l'on retrouve pour le comté d'Anjou sont ceux qui
apparaissent à cette nouvelle annexe et qui ont été
modifiés.
C'est la même chose pour le comté de Mercier. Finalement,
le troisième changement, c'est pour le comté de Bourget quant au
pourcentage des 18 ans et plus; 80,4 % est le pourcentage qu'on doit lire et
non celui qui apparaissait à l'annexe précédente. Est-ce
que cela va?
M. Rochefort: Oui.
Le Président (M. Filion): Donc, il y a eu trois
comtés de modifiés par rapport aux deux annexes. C'est cela?
M. Gratton: Anjou et Mercier, l'ensemble des chiffres; et, pour
Bourget, le pourcentage des 18 ans et plus.
Le Président (M. Fîlion): D'accord. Donc, ces
documents sont reçus et déposés. M. le
député de Gouin.
M. Rochefort: Oui. M. le Président, avant qu'on aborde
point par point, si vous me permettez l'expression, nos travaux, on a un
certain nombre de questions & poser au ministre.
Le Président (M. Filion): Est-ce que ce serait possible,
vu qu'on a certains invités a l'extérieur...
M. Rochefort: Ah bon! Oui, sûrement qu'on pourrait,
oui.
Le Président (M. Filion): ...si ces questions
techniques...
M. Rochefort: On peut suspendre et reprendre nos
activités.
Le Président (M. Filion): Je suspends nos travaux pour une
quinzaine de minutes.
(Suspension de la séance à 15 h 40)
(Reprise à 15 h 56)
Le Président (M. Filion): Les travaux de la commission
reprennent et la parole est au député de Gouin.
M. Rochefort: M. le Président, je voudrais poser un
certain nombre de questions au ministre avant qu'on aille plus loin dans nos
travaux quant au statut du rapport Rémillard. Est-ce qu'on pourrait nous
dire quels étaient les mandats précis qui ont été
donnés à M. Rémillard dans le cadre du travail qu'il a
réalisé eu égard è la carte électorale? Il a
fait allusion à un certain nombre de choses dans la lettre de
transmission au ministre, mais le mandat n'est présent nulle part.
Est-ce qu'on pourrait avoir une copie du mandat qui lui a été
donné? Est-ce que le ministre pourrait nous faire état du mandat
particulier qui a été donné à M. Rémillard
pour en arriver au document qu'on a devant nous?
M. Gratton: M. le Président - je l'ai mentionné,
d'ailleurs, dans mes remarques préliminaires - nous avions convenu,
c'est-à-dire que j'avais décidé et j'avais annoncé
qu'il était dans mon intention de procéder, comme cela s'impose,
j'imagine, après chaque élection, à une révision
des deux lois qui régissent le processus électoral,
c'est-à-dire la loi de la délimitation électorale et la
Loi électorale elle-même. J'avais indiqué dès le
départ que, précisément à cause de l'urgence de
procéder dans le cas de la carte, puisque les exigences de la loi
actuelle portaient sur la nécessité que les travaux s'enclenchent
immédiatement après l'élection et que nous savions
déjà, de l'aveu du Directeur général des
élections, qu'il fallait tout au moins modifier le barème, sans
quoi on risquait de se retrouver avec un nombre indéterminé de
circonscriptions, ce que nous ne souhaitions pas... Donc, l'urgence s'imposait
que nous commencions d'abord par la loi sur la représentation. Il n'y a
pas eu de mandat écrit, je l'avoue très candidement. Le mandat
donné au Secrétariat à la réforme électorale
a été de refaire l'ensemble de la réflexion sur la loi
actuelle, de voir là où on pouvait aller plus loin dans le
processus de démocratisation tout en maintenant les acquis,
évidemment, et d'identifier si certaines économies pouvaient
résulter de modifications quelconques. Voilà ce que nous a
donné le rapport qui nous a été remis en août
dernier. En cours de préparation et de cette réflexion, j'ai
rencontré à plus d'une reprise le personnel du secrétariat
pour discuter à diverses étapes des divers éléments
dont on se proposait de saisir les membres de la commission et de
l'Assemblée nationale.
M. Rochefort: Alors, c'était une question de
préoccupation du coût et de démocratisation des
mécanismes. Cela s'est limité à cela.
M. Gratton: Oui.
M. Rochefort: Est-ce qu'il y a d'autres personnes que M.
Rémillard qui ont participé aux réflexions, aux
recherches, parce qu'à l'occasion vous appelez cela le rapport
Rémillard et, à d'autres, vous appelez cela le rapport du
secrétariat?
M. Gratton: Uniquement les personnes affectées au
Secrétariat à la réforme électorale qui, comme on
le sait, est issu du Conseil exécutif.
M. Rochefort: Est-ce que, à l'heure où on se parle,
on considère que le rapport Rémillard est...
M. Gratton: Soit dit en passant, M. le Président, il ne
serait peut-être pas inutile d'ajouter que, si la question du
député de Gouin vise à demander si on a associé des
gens du parti ministériel, la réponse est clairement non. Le
Parti libéral, en tant qu'entité, a été saisi des
recommandations ou des possibilités d'amendements au moment de la
parution du rapport Rémillard, tant et si bien que j'ai reçu
ensuite des représentations, notamment par rapport aux secteurs
électoraux, qui nous ont amenés, justement, è ne pas
entériner cette recommandation particulière du rapport
Rémillard.
M. Rochefort: Tel n'était pas du tout mon objectif, mais
puisque l'occasion m'en est donnée je dirai: Oui, je veux bien que le
ministre nous dise: Je n'ai pas consulté les membres de votre formation
politique plus que ceux de la mienne. Sans, d'aucune façon, vouloir
discréditer la compétence que M. Rémillard peut avoir sur
quelque question que ce soit, il faut reconnaître qu'il ne s'est pas
produit d'opération du Saint-Esprit non plus en ce qui le concerne.
Jusqu'au 2 décembre 1985, il était président de la
Commission juridique du Parti libéral du Québec.
M. Gratton: Nous n'en faisons pas de cachette.
M. Rochefort: C'est cela.
M. Gratton: M. Rémillard a signé à titre de
secrétaire général associé à la
réforme électorale, mais le gros du travail, c'est bien sûr
le personnel permanent du secrétariat qui l'a effectué.
M. Rochefort: Non pas pour aujourd'hui, mais je souhaiterais,
à un moment donné, avoir la liste du personnel du
secrétariat, vu que cela a été rapatrié au Conseil
exécutif et que le secrétariat comme tel, semble-t-il, n'existe
plus vraiment. Il serait intéressant de voir un peu qui on y trouve et
quels sont les coûts affectés au secrétariat ou au mandat
qu'il a reçu.
M. Gratton: J'en prends note.
M. Rochefort: Est-ce que le rapport, au moment où on se
parle, est toujours un rapport du secrétariat ou si c'est maintenant un
rapport gouvernemental? Est-ce qu'il a été l'objet de discussions
et de décisions du Conseil des ministres? Quel est le statut des
recommandations de M. Rémillard à l'heure où nous nous
parlons?
M. Gratton: ll s'agit d'un rapport qui appartient au
secrétariat, qui a été remis au secrétariat, qui
n'a pas été soumis au Conseil des ministres, qui n'a pas fait
l'objet ni de mémoires, ni de décisions du Conseil
des ministres, qui a été, par contre, soumis à
l'attention du caucus des députés libéraux, qui me permet
aujourd'hui de parler au nom du gouvernement dans le sens que je l'ai fait
tantôt. Mais la décision du Conseil des ministres ne viendra que
sur présentation d'un mémoire accompagné du projet de loi
que nous élaborerons ou définirons ensemble au cours des
prochaines heures.
M. Rochefort: Cela va.
Étude du document de travail
Le Président (M. Filion): Cela va? J'invite donc les
membres, à ce moment-ci, à retourner au document de travail de
janvier 1987 qui nous donne un peu l'ordre de nos travaux. Comme vous le voyez,
ce document est divisé en six parties, la première étant
la base de la représentation. Tel qu'entendu entre les
représentants des deux groupes, je vais appeler chacune des têtes
de chapitre de ce document, à la suite de quoi, s'il y a lieu, encore
une fois, nous prendrons bonne note des consensus qui se seront
dégagés.
M. Gratton: M. le Président... Le Président (M.
Filion): Oui.
M. Gratton: ...je voudrais vous suggérer... Je
présume que vous allez faire lecture de la question touchant
également la tête de chapitre. Il serait peut-être...
Le Président (M. Filion): Vous alliez suggérer que
je le fasse?
M. Gratton: Oui, il me semble que ce pourrait être une
façon de procéder. On sait qu'on a remis à chaque membre
de la commission un document qui comporte une vingtaine, sinon plus, de
questions auxquelles on souhaiterait obtenir réponse de la part de la
commission. Si vous vouliez procéder ainsi, je ne sais si cela
agrée au député de Gouin...
Le Président (M. Filion): M. le député de
Gouin. Personnellement, je n'ai aucune objection, si cela peut...
M. Rochefort: M. le Président, je vous dis tout de suite
que, pour moi aussi, il n'y a pas d'objection. Je vous dis
immédiatement, d'entrée de jeu, que pour à peu près
chacune des questions, puisque cela tient dans trois ou quatre paragraphes, je
lirais carrément ce que contiennent les recommandations
Rémillard. Pour chaque point, ce sont trois ou quatre paragraphes. Je
pense que cela fait plus que résumer l'idée maîtresse.
M. Gratton: J'avais l'intention de le faire, mais, moi aussi, je
préférerais de loin que le président le fasse.
Le Président (M. Filion): À ce moment-ci, ce que je
peux faire, avec le consentement des membres de la commission, c'est lire
chacun des chapitres du rapport - c'est bien votre souhait? - avec la question
qui est contenue dans le document de travail. C'est ça? Donc, la base de
la représentation, je pense que chacun aura saisi rapidement l'enjeu de
cette question-là.
La base de la représentation
Selon la loi actuelle, c'est la population électorale,
c'est-à-dire l'ensemble des personnes inscrites sur la liste
électorale, qui constitue la base de la représentation des
députés à l'Assemblée nationale. L'équilibre
recherché entre les différentes circonscriptions se traduit donc
en termes de moyenne d'électeurs plutôt que de moyenne de
population. "Cette approche conduit à exclure, pour les fins de
l'établissement de la base de représentation des
députés à l'Assemblée nationale, une proportion de
la population qui varie d'une circonscription électorale à
l'autre, et d'une élection à l'autre selon le taux d'inscription
sur la liste électorale et donc selon des considérations qui
relèvent autant du comportement électoral que de
l'évolution démographique. "On peut dès lors se demander
si le choix de la population électorale comme base de la
représentation traduit le mieux les exigences de la démocratie
représentative qui repose essentiellement sur la
délégation du pouvoir de décision de l'ensemble de la
population à ses représentants élus. "En effet, une fois
élu, le député représente l'ensemble de la
population de sa circonscription, et non seulement les électeurs qui se
sont inscrits sur la liste électorale. Du strict point de vue de la
représentation, il semble donc plus logique et plus conforme à la
réalité de délimiter les circonscriptions
électorales en utilisant les chiffres de la population totale. Non
seulement cette approche respecte-t-elle davantage la réalité
vécue par les députés mais elle correspond aussi davantage
à la réalité vécue par l'ensemble des citoyens qui
sont tous également soumis aux décisions prises par
l'Assemblée nationale. "Au fédéral et dans quatre des"
sept provinces qui ont établi des critères de délimitation
des circonscriptions électorales, le quotient électoral est
d'ailleurs basé sur les chiffres de la population totale tels
qu'établis par Statistique Canada et non sur le nombre
d'électeurs inscrits."
Je ferme les guillemets en ce qui concerne la lecture de cette
première tête
de chapitre ou de cette première section du rapport
Rémillard préparé par le Secrétariat à la
réforme électorale. La question qui est soumise aux membres de
cette commission dans le document de travail de janvier 1987: "La
délimitation des circonscriptions électorales doit-elle
être faite en tenant compte du principe de l'égalité de la
représentation de la population totale plutôt que de la population
électorale?" M. le ministre.
M. Gratton: Voilà, selon moi, la recommandation la plus
fondamentale du Secrétariat à la réforme
électorale. Je l'ai dit au cours de mes remarques préliminaires
et sans répéter tout ce que j'ai dit, il me semble qu'il y a un
certain nombre d'arguments fort valables à l'appui de cette
recommandation. D'abord, le concept même de la représentation. Ce
n'est pas nous qui le disons, c'est connu depuis toujours que le
député à l'Assemblée nationale représente
l'ensemble de la population de sa circonscription et non seulement les
électeurs qui s'inscrivent sur une liste électorale.
Évidemment, on peut se demander pourquoi des citoyens d'une
circonscription ne s'inscrivent pas. Il y a d'abord la définition de
celui qui a la qualité d'électeur et, notamment, toute personne
de moins de 18 ans ne peut être électeur, donc, elle n'entre pas
dans le calcul que fait la Commission de la représentation pour
délimiter les circonscriptions.
On a également fait état du fait qu'il y a des gens qui,
par exemple, parce qu'ils ne remplissent pas les exigences du côté
de la citoyenneté, sont également laissés de
côté au moment de ce calcul. Finalement, on a fait relever le cas
très spécifique où les comportements électoraux de
certaines personnes peuvent entrer en ligne de compte. Ce n'est peut-être
pas de façon significative. On pense à l'exemple que nous avons
donné de la diminution de quelque 14 000 électeurs sur un total
de 1 228 000 entre le référendum de 1980 et l'élection de
1981. Une différence en moins de 14 000 électeurs inscrits sur
les listes électorales un an plus tôt, c'est-à-dire au
moment du référendum en 1980, nous indique que des gens, pour
toutes sortes de raisons, valables ou non, mais qui sont personnelles - et je
ne pense pas qu'il soit question de rendre obligatoire l'inscription sur les
listes électorales - ils peuvent être motivés à ne
pas s'inscrire sur une liste électorale et, donc, à être
laissés pour compte au moment de la délimitation.
C'est le cas, notamment - je pense que c'est évident - des
membres des communautés en provenance des pays de l'Est surtout qui ont
une réticence marquée à se faire inscrire sur une liste
quelconque, qu'elle soit électorale ou non. C'est ainsi que je
m'explique, les différences qu'on a notées entre 1980 et
1981.
Le fait demeure que le principe de la représentation à
l'Assemblée nationale c'est la représentation de la population en
général, quelle que soit sa qualité d'électeurs. M.
le Président, il me semble que voilà une façon de pousser
plus loin la démocratisation, quelles que soient les incidences quant
à ce que pourrait comporter une telle décision sur la
délimitation des circonscriptions. Ce que l'on doit rechercher, c'est
l'objectif de rendre la carte électorale la plus représentative
possible de l'ensemble de la population, c'est-à-dire de l'ensemble des
gens qu'un député doit représenter à
l'Assemblée nationale.
Soit dit en passant, quant aux retombées, quant aux
résultats concrets, le Directeur général des
élections, dans ses considérations chiffrées, a conclu que
l'utilisation de la population totale comme base de la représentation
n'augmenterait ni ne diminuerait le nombre de circonscriptions d'exception. Il
a fait cela dans ses réflexions sur les recommandations du rapport.
L'égalité recherchée dans les circonscriptions est
actuellement loin de refléter la réalité de la
représentation des députés puisqu'elle traduit seulement
l'éqalité relative entre les listes électorales. Par
exemple, il n'y a pas une élection - j'en ai déjà subi
cinq ou six, je ne sais trop; j'en ai même subi deux dans la même
année, c'était avant l'arrivée du Directeur
général des élections, cependant - que j'ai vécue
où je n'ai pas dû déplorer le fait que des gens se
plaignaient de ne pas être inscrits sur la liste électorale,
même si, il faut bien le préciser, avant chaque élection on
procède à une révision de la liste existante ou simplement
à la confection d'une nouvelle liste, si celle-ci n'existe pas
déjà, selon les modalités de la loi et qu'on devrait donc
considérer comme la plus complète possible. À chaque
élection - je suis sûr que c'est l'expérience que vivent la
plupart des députés - des gens nous appellent en cours de
campagne pour déplorer le fait de ne pas être inscrits sur la
liste. Évidemment, pour ceux qui sont encore susceptibles de pouvoir se
présenter devant les bureaux de révision lorsqu'ils sont encore
ouverts, on peut rectifier la situation, mais combien de fois l'électeur
en question ne prend connaissance de son défaut d'inscription sur la
liste électorale qu'après les délais écoulés
et, donc, il perd son droit de vote. Non seulement on le prive d'être
considéré au moment de la délimitation des
circonscriptions - je suis loin de remettre en cause la nécessité
de contrôler qui exerce son droit de vote - mais le fait demeure qu'en
matière de délimitation il me semble que c'est fondamental. (16 h
15)
J'ai mentionné, plus tôt, la pratique qui se fait ailleurs,
non pas pour que nous imi-
lions ce qui se fait moins bien qu'ici, car, j'en conviens, nous avons
ici au Québec une loi que plusieurs seraient tentés d'imiter. Je
ne suis pas sûr que ce soit le cas quant à la base de la
représentation. Moi, il me semble que c'est fondamental. Il s'agit de
plus qu'une simple formalité où on choisit un ou l'autre au
gré des circonstances, parce que j'ai nettement l'impression que c'est
exactement ce qu'on a fait en 1972. En 1972, au moment où on
s'apprêtait à refaire, à délimiter à nouveau
les districts électoraux, la commission permanente de la redistribution
- je ne me rappelle plus trop bien terme exact, mais je l'ai cité
tantôt -présidée par le juge Drouin qui était alors
président des élections, comme on l'appelait, a clairement
indiqué dans son rapport... Et il ne serait peut-être pas inutile
de citer le texte. Cela ne nous éclaire pas beaucoup, je crains, mais
cela en dit long, quant aux motifs, sur les circonstances qui existaient. C'est
dans quelle annexe?
Une voix: L'annexe V.
M. Gratton: Dans le rapport de la Commission permanente de la
réforme des districts électoraux, en mars 1972 - les membres
étaient Me François Drouin, l'honorable juge Alphonse Barbeau et
Me Jacques Prémont, que nous connaissons tous bien - on lisait à
la page 2 de ce rapport: La carte électorale pour les fins
fédérales est établie d'après la population. L'Acte
de l'Amérique du Nord britannique de 1867 exigeant à l'article 51
la répartition décennale de la représentation après
chaque recensement qui, en vertu de l'article 8, a lieu depuis 1871, dans
l'année se terminant par un... Pour les fins de notre travail, le
législateur nous avait donné comme base les électeurs.
Dans les circonstances, cela a été particulièrement
heureux. En effet, pour accomplir rapidement notre travail, nous ne pouvions
attendre les résultats du recensement de juin 1971.
Je dis tout simplement que cela indique, quant à moi, que ce
choix de la population électorale plutôt que celle de la
population totale ou de l'ensemble de la population a été
dicté en 1972 bien plus par une circonstance, la
non-disponibilité des résultats du recensement de 1971, que par
une considération de principe. II me semble que si le législateur
avait statué là-dessus, le rapport en ferait mention. Ce qui
n'est pas du tout le cas. Je reviens sur l'affirmation que fait le rapport
à savoir qu'au fédéral, en ce qui a trait à la
carte électorale qui sert aux élections fédérales,
c'est dans la constitution du pays que l'on retrouve l'exigence de se servir de
la population et non dans une simple loi qui peut être amendée.
Finalement - je l'ai cité abondamment - le rapport de la commission
Grenier, en 1961 et en 1962, recommandait -après des travaux
exhaustifs d'éminents experts en la matière - de retenir pour le
Québec comme base de la représentation la population totale.
Il me semble que si on veut vraiment pousser plus loin dans le sens
d'une plus grande démocratisation, d'une plus grande
équité quant à la représentation, ce qu'on
recherche ici à l'Assemblée nationale, ce sont des
députés qui représentent l'ensemble de la population,
qu'ils aient le statut d'électeur ou pas, et qui sont touchés,
qui sont affectés par les gestes que posent les députés.
Le député à l'Assemblée nationale, à titre
de législateur, ne légifère pas seulement pour ceux qui
s'inscrivent sur les listes électorales. Une loi peut s'appliquer et
normalement s'applique à l'ensemble de la population. Le
député qui vote une loi, qui s'exprime sur une loi au nom de la
population de sa circonscription électorale, ne le fait pas seulement au
nom de ceux qui sont âgés de plus de 18 ans ou seulement au nom de
ceux qui ont décidé de s'inscrire ou même au nom de
seulement ceux qui ont la qualité de citoyen canadien. À compter
du moment où un député est élu à
l'Assemblée nationale, il se doit représenter... Sûrement
que le député ne représente pas seulement ceux qui ont
voté pour lui ou ceux qui sont de même allégeance que lui.
On vit cette situation au jour le jour dans nos bureaux de comté. M. le
Président, on ne doit pas limiter la base même, le fondement
même de la délimitation de la carte électorale, le
fondement même qui nous permet d'élire des députés
pour représenter l'ensemble de la population, le limiter uniquement
è partir de considérations qui, quant à moi, ne
répondent à aucun besoin, aucune raison majeure.
On peut bien arguer du côté du député de
Gouin qu'il s'agit d'un changement fondamental. J'en conviens. C'est un
changement fondamental qui a des conséquences. Moi, je suis prêt
à les assumer. Qu'on ne vienne surtout pas nous dire qu'on a de sombres
complots pour affirmer la base électorale d'un parti politique, que ce
soit le mien ou celui d'un autre. Si on me demandait aujourd'hui de vous dire
quel impact cela aura, je ne pourrais que me référer aux
affirmations du Directeur général des élections qui nous
disait, dans ses réflexions, que les deux formules, finalement,
comportent des avantages ou des inconvénients sur le plan technique, sur
le plan de l'administration. Celui-ci ne se prononçait pas sur le
bien-fondé, sur le principe même de retenir une formule ou
l'autre.
M. le Président, je constate avec d'autres que, peut-être,
de façon générale, la population électorale peut
varier beaucoup plus que la population entière. N'oublions pas que,
selon le processus de
délimitation actuellement prévu dans la loi, on doit tenir
compte sur la prévision sur la population. Donc, ce n'est pas introduire
une nouvelle notion qui est complètement inédite. Ce n'est pas
non plus exiger des travaux supplémentaires. Bien au contraire! La base
même qui pourrait servir à la délimitation de la carte
à partir de la population, ce sont les statistiques qui sont recueillies
de façon, je pense, très sérieuse et qui sont tout
à fait fiables, tous les dix ans par Statistique Canada par le
recensement décennal.
Je pense bien, M. le Président, que je peux m'arrêter
là. Je souhaiterais, par contre, que le député de Gouin
nous fasse part de ses réticences, sur quoi il appuie les
réticences qu'il a déjà exprimées quant au
bien-fondé de retenir la population globale comme base de la
délimitation. J'ai retenu qu'il ne souhaite pas de changement qui irait
dans le sens d'une moins grande démocratisation ou d'une moins grande
indépendance ou autonomie de la commission qui est responsable de la
délimitation de la carte électorale. Je ne l'ai pas entendu
invoquer d'arguments à l'encontre du principe même, du concept
même de la représentation qui fait qu'à mon avis il serait
beaucoup plus équitable, beaucoup plus possible d'assurer une
représentation valable en se servant de la population totale
plutôt que de la population électorale. Je souhaite que le
député de Gouin nous fasse connaître ses arguments de fond
là-dessus.
M. Rochefort: Merci, M. le Président. Dans un premier
temps, comme je l'ai dit dans mon intervention préliminaire, je dois
dire que c'est la première fois, aujourd'hui, que nous entendons le
ministre tenter tant soit peu de soutenir cette recommandation fondamentale
contenue dans les textes de M. Rémillard. Mais je dirai que, non
seulement il ne nous a pas convaincu jusqu'à ce jour, mais il n'a
convaincu personne. Je suis d'ailleurs heureux d'entendre le ministre nous dire
que le Directeur général des élections, dans les
réflexions et les commentaires qu'il a couchés sur le papier,
à la suite des recommandations de M. Rémillard, n'a pas
porté de jugement sur le bien-fondé de cette formule plutôt
que la base électorale. Je dois dire que j'avais cru comprendre que le
ministre avait tenté à un moment donné de nous dire que
les commentaires du Directeur général de élections
constituaient un appui à un certain nombre d'éléments des
recommandations du rapport Rémillard, dont la base de la population.
Je dois dire, M. le Président, que, oui, le ministre a
déjà couché cela sur papier, mais je suis heureux de voir
aujourd'hui que le ministre nous dit: Non, tel n'est pas le cas parce que,
effectivement, personne, y compris le Directeur général des
élections, n'a produit ou commis quoi que ce soit depuis le
dépôt des recommandations de M, Rémillard, n'est venu
appuyer d'une façon ou de l'autre cette recommandation de M.
Rémillard.
Deuxièmement, M. le Président, je dirai que ce qui est
fondamental, c'est bien de savoir et de distinguer de quoi nous parlons quand
vient le temps de délimiter la carte électorale. Le ministre a
fait longuement état dans son dernier plaidoyer de ce que tout homme ou
toute femme politique a rencontré au moins une fois sinon plusieurs fois
dans sa vie, c'est-à-dire des gens qui sont venus lui dire: Je suis
arrivé deux jours après la fermeture des commissions de
révision et je n'aurai pas droit de vote à l'élection de
tel mois, telle année, et je trouve cela bien choquant. Les qens se sont
plaints de ne pas avoir été inscrits sur les listes parce qu'ils
n'étaient pas là au moment du recensement des électeurs et
tout cela, mais je veux qu'on soit bien conscient que, d'aucune façon,
ce qui est contenu dans les recommandations de M. Rémillard n'aura pour
but, pour effet et pour conséquence de changer quoi que ce soit à
ce phénomène que vient de décrire le ministre
délégué à la Réforme électorale. Il
faut souligner une donnée qui, quant à moi, est fondamentale eu
égard à cette notion du dressage des listes électorales au
Québec, donc du recensement électoral au Québec. Nous
avons, au Québec, l'un des mécanismes les plus performants en
termes de capacité d'inscrire sur les listes électorales un
nombre et une proportion substantielle des hommes et des femmes qui ont droit
de vote dans un État où il n'y a pas d'obligation légale
de s'inscrire sur les listes électorales. Il est évident qu'il y
a des pays où c'est obligatoire d'être inscrit sur la liste
électorale et d'aller voter; auquel cas, j'imagine qu'ils doivent avoir
un bon système.
Des voix: Oui.
M. Gratton: Ils sont obligés de voter pour le seul parti
qui existe aussi.
M. Rochefort: Oui, c'est cela. Je suis content de voir que le
ministre est sensible à cela. Je pense que ce sera utile dans nos
discussions pour d'autres éléments des recommandations. Soyons
conscients que, mis à part ces pays où l'inscription et le vote
sont obligatoires, notre mécanique de recensement électoral est
parmi sinon l'une des meilleures dans le monde occidental. Cela a notamment
été observé à l'occasion des travaux que le
Directeur général des élections a menés, il y a un
certain nombre d'années, autour de cette hypothèse de liste
électorale permanente au Québec. Tout le monde reconnaît
que cette façon de dresser des listes électorales est parmi,
sinon la meilleure qui existe dans le monde libre
occidental en matière d'inscription et d'exercice du droit de
vote. Auquel cas, M. le Président, ce ne sont sûrement pas des
amendements à la Loi sur la représentation électorale qui
amélioreront et corrigeront quoi que ce soit au problème qui
subsiste, par ailleurs, à ce processus de recensement des
électeurs.
D'autre part, je dois souligner, M. le Président, que, à
toutes les étapes d'inscription, de correction ou de radiation d'un nom
sur la liste électorale, jamais, en aucun temps et d'aucune façon
et pour aucune circonstance, quelqu'un ne peut voir son nom inscrit,
radié ou corrigé sans la présence de deux personnes
conjointement recommandées par des formations politiques
différentes, ce qui nous donne une protection et des garanties quant
à l'objectivité, l'impartialité du processus de
recensement électoral au Québec. (16 h 30)
Cela n'existe pas, par exemple - j'y reviendrai plus longuement
tantôt - partout où on a des fichiers qui sont faits à
partir d'ordinateurs. On sait qu'il y a des municipalités qui dressent
leurs listes électorales à partir d'ordinateurs. On sait
qu'à l'occasion des commissions scolaires le font et on sait aussi qu'il
y a des États où l'on dresse la liste électorale de cette
façon.
Cela, c'est propre à un système comme celui qu'on a au
Québec, ce qui ajoute à cette indépendance politique,
à cette impartialité, à cette objectivité de la
confection de la liste électorale. Je dirai que, pour nous, le jugement
que nous portons sur le processus de recensement est excellent. On ne part pas
avec un instrument faible, un instrument peu utile, peu solide, pour baser la
représentation électorale quand on part de la liste
électorale, donc, du cens électoral pour en arriver à
délimiter les circonscription électorales.
D'autre part, M. le Président, il faut revenir au sens de la
représentation électorale. Là, je m'excuse, mais je pense
qu'on se mêle un peu dans les concepts et dans les notions. Il est juste
de dire qu'un député, comme un gouvernement, est élu pour
représenter l'ensemble de la population de sa circonscription ou du
Québec, dans son entier.
Mais le législateur, de même que l'ensemble des
Québécois et des Québécoises - cela fait consensus
dans notre société - au fil des décennies et des mandats
de gouvernement, ont décidé de qualifier ce qu'était la
population à des fins électorales au Québec. Le
législateur a décidé que, pour être pris en
considération dans cette notion de représentativité, il
fallait répondre à un certains nombre de critères qu'on
connaît: 18 ans et plus, citoyenneté canadienne et n'être
frappé d'aucune incapacité prévue par la loi.
Sauf erreur, personne ne nous propose de remettre cela en question. Mais
dans la mesure où on ne nous propose pas de remettre cela en question,
on dît: Oui, on représente toute la population, mais la population
est qualifiée par le cens électoral. Par exemple, mes enfants
n'ont pas un poids électoral équivalent, une influence
équivalente à celle du député de Gatineau dans les
décisions qui se prennent au Québec.
C'est voulu comme cela et c'est comme cela que l'ensemble de nos
législations électorales ont été conçues,
non pas au fil des années, mais au fil des décennies et des
mandats de gouvernement depuis la Confédération et même
avant. C'est évident qu'antérieurement, on y allait par "payeurs
de taxes". On a dit: Cela va faire, on met cela de côté et on a
décidé que tout citoyen qui répondait à un certain
nombre de critères - 18 ans et plus, citoyenneté canadienne et
n'être frappé d'aucune incapacité - aurait le droit de
vote, quelle que soit son importance comme "payeur de taxes". Qu'il n'en paie
pas du tout, un peu, pas mal ou beucoup, il aurait le même poids
électoral. C'est une mesure de démocratisation de nos
institutions, de la même façon que, le jour où on a
décidé de donner le droit de vote aux femmes, en les
plaçant sur le même pied que les hommes, c'était une mesure
de démocratisation de nos institutions politiques.
Mais le peuple du Québec est représenté à
l'Assemblée nationale par des élus, donc, délègue
sa souveraineté politique, parce que, pour chaque question, on ne peut
pas réunir les 6 500 000 Québécois pour leur dire:
Écoutez, qu'est-ce que vous penseriez qu'on devrait faire en termes de
réforme du Code de la sécurité routière ou en
termes d'allocation de ressources dans le domaine de la santé et des
services sociaux'' Le peuple du Québec délègue ses
pouvoirs - qu'il conserve en dernière analyse et qu'il exerce par le
biais des élections - à 122 députés qu'il
était à partir de critères qui sont ceux qu'on
connaît et, notamment, ce peuple est qualifié pars citoyens qui
ont le droit de vote.
Quand on nous dit que, finalement, on devrait tenir compte de la
population pour établir la délimitation des circonscriptions
électorales, ma réaction est que cela remet en question, du tout
au tout, ce grand principe fondamental du poids électoral
équivalent que doit avoir chacun des électeurs du Québec.
Quand on écoute l'argumentation qui est développée pour
soutenir une telle proposition et qu'on mène un peu plus loin la
logique, c'est que, au fond, on veut revoir les critères du droit de
vote. C'est cela que ça veut dire. Rien oui, c'est ce que cela veut
dire. Il n'est pas normal que je dise demain matin à mes enfants: Vous
aurez le même poids électoral
que le monsieur d'en face qui a 39 ans ou la madame qui en a 62. Il
n'est pas normal qu'on dise qu'ils auront le même poids politique que
quelqu'un qui a acquis et qui répond aux critères du droit de
vote qu'on s'est donnés et qui font consensus dans notre
société.
Ce qui est important, ce n'est pas le nombre de personnes qui, au bout
du compte, seront sous le joug des lois qui seront votées par
l'Assemblée nationale qui déterminent la
représentativité, mais c'est de savoir qui délègue
des hommes et des femmes à l'Assemblée nationale du
Québec. On dit que c'est 18 ans et plus, mais quel que soit le
critère - on pourrait dire que tout !e monde a le droit de vote ou que
c'est à compter de 4, 8 ou 12 ans - à partir du moment où
on dit: Voici qui sont ceux et celles qui ont le droit de
déléguer un pouvoir à des élus, il faut que chacun
de ces détenteurs de la souveraineté populaire ait un poids
équivalent quand vient le temps de déléguer son pouvoir
à l'Assemblée nationale. C'est pour cela qu'au fil des
décennies, on en est arrivé è la Loi sur la
représentation électorale que nous avons aujourd'hui: on se
retrouvait avec des circonscriptions électorales de 80,00, 9000 ou 10
000 électeurs et, en même temps, dans le même pays, avec des
circonscriptions électorales de 152 000 électeurs ce qui faisait
qu'il y avait des gens qui étaient plus souverains que les autres; ils
avaient plus de poids que les autres dans les décisions qui
étaient prises è l'Assemblée nationale du
Québec.
Imaginez cet électeur d'une circonscription électorale de
8000 électeurs - ce n'est pas une circonscription d'exception -qui
déléguait un député avec 100 % des pouvoirs. Le
député s'assoyait et n'avait pas moins de poids que le
député qui, lui, représentait 152 000 électeurs.
Quelle situation profondément antidémocratique quant à
cette notion fondamentale de la représentativité équitable
des électeurs du Québec dans le pouvoir décisionnel qui
est conféré aux membres de l'Assemblée nationale du
Québec!
D'ailleurs, quand on regarde concrètement des simulations comme
celles que le ministre nous a remises ou comme celles que n'importe qui est en
mesure de faire, on s'aperçoit que, en prenant le critère de la
population globale plutôt que celui de la population électorale,
on fait un retour en arrière, on recule en regard de ce que nous avions
pourtant réglé et pour lequel nous avions connu des
progrès au plan de la démocratisation des institutions. Prenons
deux comtés situés au coeur de Montréal: Gouin et Laurier;
deux comtés côte à côte que je connais bien. On se
retrouverait dans une situation où, parce que le comté de Gouin
est un comté de gens plus âgés, il aurait plus
d'électeurs pour envoyer un député à
l'Assemblée nationale du Québec que le nombre de personnes du
comté de Laurier pour envoyer un député à
l'Assemblée nationale. On se retrouverait donc dans une
inéquité, une absence d'équité dans la
représentation politique des élus des comtés de Gouin et
de Laurier. On en a un bon nombre de cas. Le Directeur qénéral
des élections en a cité quelques-uns. Il y en a de nombreux, le
cas le plus patent étant Châteauguay. C'est un comté de
banlieue où il y a beaucoup de jeunes ménages, un poids
électoral astronomique serait donné aux électeurs de ce
comté comparativement à celui qu'auraient les électeurs
d'autres circonscriptions électorales avoisinantes, où on
retrouve moins de jeunes ménages avec de jeunes enfants.
Mais, en même temps, pour tous les autres critères, la Loi
sur le financement des partis politiques, le droit de vote, le droit de
participation à une campagne électorale, le droit d'être
candidat, le droit de participer à une élection scolaire, le
droit de participer à une élection municipale, on change la
liste, on ne fonctionne plus avec cette liste, on repart avec seulement les 18
ans et plus. Confusion, recul et absence d'équité quant au poids
électoral des différents électeurs du Québec. Pour
nous, ce n'est pas du sur-place, c'est un recul. C'est un principe fondamental
pour lequel des batailles se sont faites partout dans le monde entier pour
qu'on respecte cette équité. Pourquoi nos institutions politiques
ont-elles connu les problèmes qu'elles ont connus dans les années
1965-1975? Sans aucune partisanerie, je dirai que c'est parce qu'on se
retrouvait souvent avec des situations comme celles-là. La situation que
j'ai décrite tantôt: 8000 électeurs par rapport aux 152 000
électeurs, j'imagine que les gens pour qui ces questions sont
familières se rappelleront que je fais allusion au grand comté de
Terrebonne, avec ses 152 000 électeurs. Cela ne date pas d'il y a 60
ans. Cela nécessitait donc qu'on revienne à ce grand principe
fondamental qui est la pierre d'assise de nos institutions
démocratiques, donc, de la représentativité qui fait que,
lorsque le député de Gatineau vote à l'Assemblée
nationale, il a un poids comparable à celui que le député
de Gouin ou le député de Beauharnois ou le député
de Dubuc a à l'Assemblée nationale, mis à part un facteur
qui est de plus ou moins 25 %, qui sert généralement à
reconnaître qu'en milieu rural, compte tenu des superficies, du nombre de
municipalités, etc., des contraintes géographiques et du nombre
de dossiers auquel un député doit faire face, il y a
généralement, souhaite-t-on, un peu moins d'électeurs que
dans un comté urbain qui, lui, est très concentré. Mais
cela, c'est une règle qui est acceptée à tous les niveaux
et que personne ne remet en question actuellement.
D'autre part, je dois dire que l'application de la règle de la
population rendrait à peu près impossible une refonte de la carte
électorale avant le prochain scrutin général. M.
Rémillard, dans son rapport, fait état qu'évidemment on
reporterait la date possible du début des travaux de la Commission de la
représentation si ce critère était retenu au cours des
prochains jours. J'ai vérifié encore une fois mes calendriers ce
matin avec l'hypothèse la plus optimiste, mais une hypothèse qui
fait qu'on n'évacue pas les étapes nécessaires dans le
processus de délimitation des circonscriptions électorales et on
se retrouve quelque part, immanquablement, à l'automne 1989. En
conséquence, M. le Président, je voudrais bien voir quelqu'un qui
viendrait m'annoncer aujourd'hui qu'il n'y aura pas d'élection qui aura
eu lieu ou qui sera sur le point d'avoir lieu ou au coeur de laquelle on serait
déjà rendu.
Je dirai aussi que le fait que le gouvernement fédéral
utilise ce critère produit, comme je l'ai dit dans mon intervention
d'introduction, des situations de surreprésentation
décriées par tous comme des situations de
sous-représentation décriées aussi par bon nombre
d'intervenants. Sachons que, même si le recensement a lieu tous les dix
ans, on se retrouve souvent avec une accessibilité aux données
qui fait qu'on a les instruments nécessaires pour ne réaliser
cette refonte de la carte qu'aux douze ou treize ans. Ce n'est pas pour rien
qu'on se retrouve aussi aujourd'hui avec une situation comme celle qu'on
connaît au fédéral où la carte a fait trois ou
quatre élections, je pense, sur la même base. Ce n'est pas
étranger au fait que ce critère ait été retenu.
D'ailleurs, un certain nombre de provinces canadiennes qui utilisent ce
critère de population sont intéressées à changer ce
critère pour celui de la base électorale parce qu'elles ne sont
pas parfaitement satisfaites de cette situation.
Je veux aussi souligner que, si on utilise le critère de la
population, non seulement on retrouvera dans le poids électoral les
enfants, mais aussi les non-citoyens canadiens. Comment peut-on refuser de
donner le droit de vote à des gens qui sont des non-citoyens canadiens
et leur dire en même temps: Par contre, vous aurez un poids
électoral équivalent à un électeur qui est citoyen
canadien? Je pense que cela, c'est de la discrimination. Ou bien on leur
donne... Cela pourrait être quelque chose à envisager. Auparavant,
c'était cinq ans, le délai de citoyenneté; aujourd'hui, il
est de trois ans. On ne peut leur donner la moitié de droits aussi
fondamentaux que ceux-là. Il n'y a rien dans les données qui
ferait en sorte que l'on pourrait départager cela. Donc, on se
retrouverait avec beaucoup plus que les hommes et les femmes qui ont droit de
vote.
I! y a la question de l'accessibilité aux données que j'ai
évoquée et qui est toujours tout aussi vraie. D'ailleurs, c'est
ce qui a été mentionné dans le rapport Grenier, dans le
rapport de 1972 du juge Drouin et dans d'autres rapports et elle n'est
réglée d'aucune façon. Aussi, par rapport aux
délais, toujours dans le domaine de l'accessibilité, soyons
conscients que, compte tenu de l'ensemble des données qui sont
utilisées, colligées et compilées au bureau du Directeur
général des élections pour la Commission de la
représentation, compte tenu que tout cela est fait à partir des
électeurs, cela nécessiterait, là aussi, de nouveaux
délais qui feraient en sorte qu'on reporterait sûrement la refonte
de la prochaine carte électorale du Québec. Donc, pour nous, il
ne faut pas qu'une décision comme celle-là ajoute des
délais, ce qui serait sa conséquence. (16 h 45)
Et surtout si on parle de représentativité et de
délégation de pouvoir, sachons de quoi nous parlons. Le principe
fondamental à la base de cela, c'est celui du poids électoral.
Pour nous, le poids électoral, c'est le poids dans le processus
décisionnel des électeurs, les uns par rapport aux autres.
Le ministre nous dit: Oui, mais déjà la Commission de la
représentation a le mandat de tenir compte un peu de l'évolution
démographique, donc de la population en général et pas
simplement de la population électorale, quand vient le temps de
définir une circonscription électorale. Oui, et tant mieux, parce
qu'il est possible qu'éventuellement un citoyen non-électeur,
parce qu'il n'a pas 18 ans ou parce qu'il n'est pas encore citoyen canadien,
devienne un électeur de cette circonscription électorale. Ne pas
avoir tenu compte de son arrivée ou du fait qu'il soit sur le point
d'arriver comme membre du collèqe électoral et qu'on chambarde la
carte pour revenir, quatre ans après, à l'ancienne carte, ce
serait une erreur, mais, en même temps, on ne peut qu'en tenir
compte.
Le ministre nous dit: Oui, mais il y a beaucoup d'électeurs dans
tel comté ou dans tel autre, que ce soit parce que ce sont des
comtés à forte densité de familles nombreuses, de jeunes
ménages dans les grandes banlieues de Montréal et de
Québec ou que ce soient des circonscriptions où tes
minorités ethniques sont nombreuses - on sait que les non-citoyens sont
souvent beaucoup d'enfants et on ne tient pas suffisamment compte de leur poids
comme population - il faut être conscient que ça ne veut pas dire
qu'ils vont demeurer dans ces mêmes comtés le jour où ils
auront le droit de vote. Ils bougent beaucoup. Combien d'enfants de
ménages de banlieue reviennent, aux alentours, justement, de la fin
de
l'adolescence, vivre en ville? Combien de personnes qui n'ont pas
aujourd'hui ie statut de citoyen canadien, qui, au moment où ils auront
acquis ce statut de citoyen, auront changé de résidence, se
seront acheté une demeure, auront changé de travail et, donc,
auront changé de circonscription électorale? On ne peut
même pas utiliser ça comme un guide solide. C'est un guide utile
et intéressant qu'il faut prendre en considération, mais on ne
peut pas orienter tout le travail de la refonte de la carte électorale,
de la délimitation des circonscriptions électorales à
partir de données pour lesquelles on n'a aucune garantie quant au fait
qu'elles deviendront des statistiques électorales et non pas de
population en général, finalement.
M. le Président, pour nous, ça représente
effectivement un recul de passer d'un critère d'électeur à
un critère de population globale pour délimiter les
circonscriptions électorales parce que ce serait nous ramener dans une
situation où on se retrouvera avec des députés à
l'Assemblée nationale du Québec qui ne représenteront pas
le même poids politique, électoral et, donc, on se retrouvera dans
les mêmes situations et probablement pires que celles que nous
connaissions lorsque nous avions sans exception des circonscriptions de 8000 et
des circonscriptions de 152 000 électeurs. Pour nous, le principe du
poids électoral est un principe fondamental en démocratie.
Le Président (M. Filion): Je vous remercie, M. le
député de Gouin. Avant de redonner la parole au ministre,
celui-ci ou le Directeur général des élections me
permettra une question. Nous avons été favorisés dans
l'annexe 1 et l'annexe 2, ratio électeurs-population pour l'île de
Montréal. Est-ce que semblable document existe, au moment où on
se parle, en ce qui concerne les circonscriptions électorales à
l'extérieur de l'île de Montréal?
M. Gratton: Sauf erreur, je ne pense pas que ce soit le Directeur
général des élections qui ait préparé ce
tableau, mais plutôt le secrétariat.
Le Président (M. Filion): D'accord.
M. Gratton: Je pense que le Directeur général des
élections n'a fait que corriger les trois points qu'on a
soulignés tantôt. Je ne pense pas que ce serait juste de lui
demander pourquoi il n'a pas préparé un tableau pour l'ensemble.
Je peux répondre au nom du secrétariat.
Le Président (M. Filion): Je posais ma question
alternativement...
M. Gratton: Je peux répondre au nom du secrétariat
qu'il nous est apparu que, à des fins d'indication, à des fins
d'information, il serait suffisant de se limiter à l'île de
Montréal puisque c'est là que nous anticipions que les
disparités pouvaient être les plus grandes. On n'a pas fait
l'exercice pour le reste de la province.
Si vous me le permettez, M. le Président...
Le Président (M. Filion): M. le ministre.
M. Gratton: ...je voudrais tout d'abord qu'on accorde nos
violons. Le député de Gouin disait tantôt qu'il ne savait
pas ou qu'il doutait qu'il soit possible de nous doter d'une nouvelle carte
électorale à temps pour les prochaines élections si on
devait retenir la population globale comme base électorale. Je suis
d'accord pour qu'on mette cela de côté, qu'on parle du principe
comme tel et, évidemment, si on ne retient pas le principe, la question
ne se pose pas quant à la possibilité. Si, par hasard, on le
retenait, on verra à ce moment à vider le sujet.
Cela dit, M. le Président, je voudrais tenter de cerner le fond
de la pensée du député de Gouin. Il a commencé par
nous dire que le mécanisme de délimitation de la carte
électorale au Québec ici est le meilleur, je ne sais pas s'il a
dit au monde, mais, en tout cas, il est sûrement le meilleur au Canada et
peut-être de ceux qu'on connaît. Je serais tenté de lui
dire: Vous avez raison et je partage votre point de vue. Je devrais
nécessairement ajouter aussi qu'il est probablement celui qui
coûte le plus cher de tous les systèmes qu'on connaît. Et ce
n'est pas un défaut en soi.
M. Rochefort: M. le Président, si le ministre me le
permet, je ne veux pas l'interrompre indûment, mais peut-être que
la question des coûts est une question qu'on pourra discuter à
part.
M. Gratton: Oui. Évidemment, mais je pense que ce n'est
pas enfreindre le règlement de le mentionner. De toute façon, ce
n'est pas là le but de mon propos. Donc, je reconnais que le processus
qu'on a ici présentement au Québec est le meilleur qu'on puisse
connaître. Je dis, M. le Président, que changer la base de la
représentation pour employer la population totale plutôt que la
population électorale n'a aucun effet sur ce mécanisme sauf en ce
qui a trait à la source d'information. Si on parle de population totale,
on obtiendra les informations qui sont le résultat du recensement
fédéral décennal. Si on retient la formule actuelle, ce
sont des listes qu'on confectionne selon les moyens que l'on connaît.
Donc, M. le Président, le mécanisme ne souffrira d'aucun recul
comme tel si on s'entend pour employer dorénavant
la population électorale.
J'ai tenté de bien cerner ce que disait le député
de Gouin au sujet du principe même. Je ne veux pas manquer de
charité à 9on endroit, mais j'ai eu l'impression qu'il
développait un peu son argumentation au fur et à mesure qu'il
procédait parce qu'il a conclu sur le grand principe du poids
électoral équivalent, si je ne m'abuse. C'est comme cela qu'il a
qualifié les électeurs. Le grand principe qui sous-tend tout le
mécanisme dont il parle, ce serait, à son avis, le poids
électoral équivalent de chacun. Il nous disait que le poids de
mes enfants sur le plan électoral ne devrait pas être le
même que celui d'un adulte ou de je ne sais pas trop qui. Je pense qu'il
parlait de moi.
M. le Président, je ne sais pas d'où ce poids
électoral équivalent sort. J'ai déjà entendu parler
du principe du droit fondamental de toute personne d'être
représentée à l'Assemblée nationale, toute personne
électeur ou non, enfant ou non, immigrant ou non, Amérindien ou
non. On va y revenir tantôt. On a parlé de Châteauguay, on
va y revenir. Droit fondamental de toute personne d'être
représentée à un Parlement, à l'Assemblée
nationale, c'est là un principe beaucoup plus probant que le poids
électoral équivalent.
La délégation du pouvoir de décision de la
population à ses représentants élus, c'est un grand
principe en démocratie. La population, pas la population que le
législateur décide, doit avoir un poids électoral relatif.
Je préviens le député de Gouin. Quand il nous dit que la
définition d'électeur, ce qui permet à une personne de
s'inscrire sur la liste électorale, c'est coulé dans le
béton, cela fait l'objet de consensus, faut-il lui rappeler que cela
change avec les années? N'est pas électeur aujourd'hui ou
n'était pas électeur hier qui peut l'être aujourd'hui et
ce, depuis 1979. Je prends à titre d'exemple les juges. Bon, cela n'a
peut-être pas de signification très importante parce que le nombre
n'est quand même pas sur le plan de la représentation. Mais le
fait demeure qu'au cours des ans on a modifié la définition de
l'électeur. On dit: La base même de la représentation de la
population à l'Assemblée nationale va varier selon la
définition qui, de temps à autre, pourra être
modifiée par le législateur, par la simple adoption d'un projet
de loi à l'Assemblée nationale. Il me semble que c'est plus
fondamental que cela. C'est sûrement pour cela -que c'est inscrit dans la
constitution canadienne et non pas simplement dans une loi.
Le député de Gouin parlait de Châteauguay en faisant
référence à l'observation fort judicieuse qu'a faite le
Directeur général des élections dans ses
réflexions, à savoir que Châteauguay constituait un exemple
des disproportions qui pourraient exister si on employait la population
globale. Est-ce qu'on est allé au fond des choses pour voir pourquoi
Châteauguay est dans cette situation? II y a des raisons. Il y en a deux
principales. D'abord, le fait que le pourcentage de la population de moins de
18 ans est l'un des plus faibles au Québec dans ce comté. Bon,
cela adonne comme cela. Surtout, parce que 7,5 % de la population du
comté de Châteauguay, de la population comme telle, est
amérindienne. Des citoyens canadiens, qui ont le statut de citoyen.
S'il y a quelqu'un qui a le statut de citoyen au Canada, c'est bien
l'Amérindien. 7,5 % de la population et, en 1981, au dernier
recensement, il y a 13 électeurs qui étaient inscrits sur une
population de 5000, parce qu'ils ont décidé de ne pas s'inscrire.
Ah! Et là ce qu'on me dit, c'est: S'ils veulent être
représentés, qu'ils s'inscrivent. J'espère que ce n'est
pas ce que le député de Gouin va me dire, parce que je ne pense
pas qu'on devrait assujettir le droit fondamental de toute personne
d'être représentée à l'Assemblée nationale
à son comportement électoral.
Je suis sûr que ce n'est pas ce que le député veut
dire, parce que tantôt on sera obligé de lut dire: Non seulement
vous devrez vous inscrire, mais il faudra que vous votiez. Le
député de Gouin y a fait allusion. C'est ainsi que cela
fonctionne dans certains pays. Vous vous inscrivez et vous votez pour le bon
bord, parce que, de toute façon, il n'y en a qu'un. On voit des taux de
participation de 99,9 % dans certains pays et tout le monde dît: Qu'on
est donc bien représentés! On a tous voté pour le
même côté et regardez donc le gouvernement qu'on s'est
donné! Je ne pense pas qu'il s'agisse de cela. Je caricature et
j'exagère même en disant cela.
Je reviens à l'exemple de Châteauquay parce que je vis le
même phénomène chez nous, dans le comté de Gatineau.
Pour la réserve indienne de Maniwaki, je ne voudrais pas me tromper,
mais je pense qu'il y en a eu 18 qui se sont inscrits sur je ne sais trop
quelle population. Ce sont des citoyens canadiens. Ce sont des gens qui ont le
droit fondamental d'être représentés à
l'Assemblée nationale. La preuve, c'est qu'on signe des traités
avec eux, on adopte des lois pour eux. Il n'y a pas une partie de session
où on n'a pas un projet de loi qui touche à un groupe
d'Amérindiens, sinon à l'ensemble des Amérindiens au
Québec. Il n'y a pas une partie de session où on ne fait pas de
loi à leur égard. On va me dire que ces gens doivent être
privés d'avoir leur poids électoral parce qu'ils ont le malheur
de convenir de ne pas s'inscrire sur les listes électorales. Moi, je
pense qu'il y a quelque chose qui fait défaut quelque part dans
l'argumentation du député de Gouin.
Je dis simplement: Avant de prétendre qu'utiliser la population
globale plutôt que la population électorale constitue un recul, M.
le Président, que le député de Gouin essaie non pas de
m'en convaincre, mais au moins argumente sur ce point. Qu'il nous dise en quoi
la notion de considérer tout le monde au Québec, toute la
population, mineure, majeure, citoyen ou non, Améridien ou non, inscrit
sur la liste électorale ou non, pour assurer à chaque personne
une représentation adéquate à l'Assemblée nationale
constitue un recul. (17 heures)
Le député de Gouin a répété à
plusieurs reprises: Mais cela nous exposerait à donner un poids
différent à différents députés parce qu'il y
aurait de ces gens qui ne sont pas considérés présentement
par la délimitation qui le seraient en utilisant la population. C'est le
cas, même avec la formule actuelle. Cela demeurera toujours le cas par
définition. Personne n'a suggéré de le changer. Une
circonscription électorale présentement, peut être
constituée de 36 000 électeurs plus ou moins 25...
Électeurs, pas citoyens.
M. Rochefort: 25 %.
M. Gratton: 25 %. Cela veut dire 27 000 à 45 000. Par le
texte de loi même, on consacre qu'un député peut
représenter 45 000 électeurs et que le député
d'à côté peut en représenter 27 000. D'ailleurs, je
pense que les disparités sont plus grandes que cela; cela va de 26 000,
dans Matapédia - si je ne m'abuse - à quelque 53 000, dans
Lévis, plus ou moins 1000.
Une voix: Et Laprairie.
M. Gratton: Et Laprairie, me dit-on. Ce n'est pas parce qu'on
utiliserait dorénavant le critère de population que cela va
chanqer. Tout ce qu'on ferait en utilisant le critère de population, ce
serait de dire: Chaque citoyen au Québec, quel que soit son statut
d'électeur ou son comportement électoral... Moi, c'est ce qui me
chicote. On dit: Celui qui ne se comporte pas comme la majorité sur le
plan électoral, donc qui refuse de s'inscrire, n'a pas droit
d'être considéré dans la représentation. La
délégation de pouvoir, la délégation de la prise de
décision par la population à ses élus, ce n'est pas
seulement la délégation des électeurs, c'est la
délégation de tout le monde.
M. le Président, en tout cas, moi j'aimerais vraiment que le
député de Gouin nous dise, et je le répète, en quoi
cela constituerait un recul puisque le mécanisme lui-même, je le
répète, changera seulement en fonction de la
nécessité de recours aux données de Statistique Canada -
les recensements décennaux - plutôt que la confection d'une liste
électorale qui survient théoriquement annuellement, mais qui,
comme on le sait, survient surtout à l'approche d'une
élection.
M. le Président, le mécanisme ne changera pas sauf pour
cette considération. Évidemment, la façon de calculer, ta
façon d'inclure ou d'exclure des personnes va changer. Justement, elle
va changer dans le sens d'une plus grande démocratisation en accordant
à chaque personne le droit d'être représentée
à l'Assemblée nationale du Québec.
Le Président (M. Filion): M. le député de
Gouin.
M. Rochefort: M. le Président, le premier commentaire que
je ferai au ministre délégué à la Réforme
électorale, sera de dire qu'il a sûrement mal vu ou ma!
perçu des choses quand il m'a dit, au début de son intervention,
avoir eu le sentiment que je développais mon raisonnement au fur et
à mesure que je l'exprimais à haute voix. C'est sûrement
une erreur d'appréciation de sa part. Devant la liste de documents que
je vois devant lui, c'est sûrement une erreur d'appréciation de sa
part. Lorsqu'il nous dît que c'est la première fois qu'il entend
parler du principe du poids électoral, c'est au moins une illustration
qu'il y aurait peut-être quelques lectures à compléter et
qu'il aura sûrement l'occasion de le faire d'ici l'étude du projet
de loi.
M. le Président, on est sur le fond de la question, à
savoir qui a le pouvoir de déléguer. Je m'excuse, le ministre
prendra les moyens qu'il voudra, mais il a besoin d'en trouver des meilleurs
pour me convaincre que le pouvoir dans la société
québécoise comme dans la société canadienne est
entre les mains de l'ensemble de la population. Le pouvoir est entre les mains
des électeurs. Ce sont eux qui délèguent leur pouvoir par
le biais des élections, donc du processus démocratique. En
conséquence, il faut donc s'assurer, pour qu'ils aient un plein pouvoir
parfaitement équivalent les uns aux autres, qu'ils aient un pouvoir
comparable parce que ce sont les électeurs qui ont le pouvoir dans notre
société. Moi, je répète que le raisonnement sur la
représentativité développé par le ministre a pour
but et pour effet direct de nous mener à un élargissement du
droit de vote. Si c'est cela qu'il veut faire, on parle d'une tout autre chose
et on peut aborder cela dans les projets de loi si telle est son intention
puisque l'initiative parlementaire est de sa responsabilité.
M. Gratton: M. le Président, je peux rassurer le
député de Gouin...
M. Rochefort: Non, non, M. le
Président.
M. Gratton: Je pense que...
M. Rochefort: Ne me rassurez pas trop, vous m'avez rassuré
assez souvent dernièrement.
M. Gratton: C'est cela que je voulais dire tantôt quand je
disais que le député de Gouin me donne l'impression de
développer son argumentation au fur et à mesure. Il me semble
qu'il va un peu loin.
M. Rochefort: Non, M. le Président, je ne vais pas un peu
loin.
M. Gratton: Ah! Parfait!
M. Rochefort: Je lui dirai là-dessus, s'il tient à
son expression de tantôt: Les intentions, c'est comme de l'argent, pour
en prêter, il faut en avoir. Or, j'espère que le ministre n'a pas
ces intentions-là, M. le Président.
M. Gratton: Je vous dis que je n'ai pas cette
intention-là.
M. Rochefort: Ah! J'en suis heureux, M. le Président. En
conséquence, c'est comme de l'argent, vous ne pouvez pas m'en
prêter.
M. le Président, je le répète, le pouvoir dans
notre société est entre les mains des électeurs et ce sont
les électeurs qui délèguent leur pouvoir aux élus
du peuple pour que, à l'Assemblée nationale, les décisions
qui se prennent reflètent, représentent le point de vue de
l'ensemble des électeurs. Donc, tout le monde est sujet et doit se
conformer aux lois de l'Assemblée nationale. Mais les pouvoirs sont
détenus par les électeurs et sont délégués
par les électeurs. On ne peut pas déléguer ce qu'on n'a
pas. Dans notre société, ceux qui ont le pouvoir, ce sont ceux
qui ont le droit de décider. Ceux qui n'ont pas le droit de vote ne
peuvent pas décider. J'espère qu'on reconnaît cela tous
ensemble. N'ayant pas le pouvoir, ils ne peuvent quand même pas le
déléguer. À preuve, je ne peux rien déléguer
à votre adjoint parlementaire, si vous en avez un, mais vous pouvez le
faire parce que vous avez un pouvoir.
Le ministre nous dit: Oui, mais il y a déjà des anomalies
au grand principe du député de Gouin, le plus ou moins 25 %. Bien
oui, M. le Président, ce n'est pas de la coiffure cela. On ne coupe pas
les cheveux et la carte à côté de chaque électeur
pour être sûr qu'il n'y en a pas deux d'un côté
plutôt qu'un de l'autre bord. C'est aussi pour mieux respecter les
particularismes locaux et régionaux qu'on a ce critère de plus ou
moins 25 %, pour respecter aussi ce principe que j'ai évoqué
tantôt qui est de dire que, compte tenu des distances, compte tenu de la
diffusion sur le territoire des populations en milieu semi-urbain ou rural, on
accepte généralement que ce critère de moins 25 %
s'applique dans la mesure du possible particulièrement en milieu
semi-urbain et rural alors que le critère de plus 25 %, dans la mesure
du possible, a été surtout prévu pour les milieux urbains
densément peuplés où il y a moins de municipalités,
moins de distance et le reste. Il est évident qu'il n'y s pas de
représentation aussi parfaite que cela. J'imagine quel genre de carte
électorale et surtout quel type de mécanisme de
délimitation des circonscriptions électorales on devrait avoir
pour s'assurer qu'un comté n'ait pas plus d'électeurs qu'un
autre. De la même façon, M. le Président, je souscris
totalement au fait qu'il y a actuellement des exceptions dans notre loi, ne
serait-ce que les Iles-de-)a-Madeleine pour des raisons de particularismes
locaux, de situation géographique particulière. On le
reconnaît tous ensemble. J'imagine qu'il n'y a personne autour de la
table qui, même au nom du grand principe du poids politique
équivalent que chaque électeur doit se voir doter, remet en
question le fait que les électeurs des Îles-de-la-Madeleine aient
droit à un député avec 100 % des pouvoirs ici, à
l'Assemblée nationale, alors qu'ils sont environ 8400 à 8500
électeurs.
M. le Président, quand j'entends le ministre nous dire: Oui,
mais, regardez, on a donné le droit de vote aux juges et tout cela;
justement, il va dans le sens d'accréditer notre thèse. On a
justement posé un grand nombre de gestes pour éliminer le plus
possible les inadmissibilités au droit de vote. Qui n'a pas le droit de
vote au Québec actuellement chez les 18 ans et plus? Le Directeur
général des élections et pas beaucoup d'autre monde,
peut-être...
Une voix: Les incapables.
M. Rochefort: D'accord, les gens frappés
d'incapacité, mais cela mis à part, reste-t-il d'autres
personnes? Bon. Parce que justement on voulait s'assurer qu'on puisse vraiment
permettre à tout le monde de profiter pleinement de son poids relatif
dans le système démocratique, dans nos institutions.
On revient à la question. Donc, si c'est cela qui crée le
problème, là on parle d'une autre chose, on parle du droit de
vote. Je reviendrai sur l'exemple du ministre qui est très important:
les Amérindiens. D'abord, on va faire là aussi une distinction de
fond. S'inscrire ou ne pas s'inscrire sur une liste électorale n'est pas
un comportement électoral. Non! Un comportement électoral, c'est
une participation au processus électoral qui mène à une
décision. Financer un parti politique ou un candidat, aller voter,
voter
d'une façon plutôt que d'une autre, s'abstenir, annuler,
afficher, ne pas afficher, cela, c'est un comportement électoral. Le
fait de s'inscrire, ce n'est pas un comportement électoral. On va bien
se comprendre.
Vos mêmes Amérindiens, qu'ils soient du comté de
Châteauguay, de Gatineau ou d'Ungava où il y a beaucoup de Cris et
d'Inuit - il y en a au Lac-Saint-Jean et on sait qu'il y en a un peu partout -
comment se comportent-ils au recensement fédéral qui serait votre
instrument pour dresser votre liste électorale? Comment se
comportent-ils? On sait très bien qu'ils se comportent de la même
façon. C'est très difficile d'aller chercher les informations
pour permettre de les considérer dans les données
démographiques, statistisques de Statistique Canada colligées
à l'occasion du recensement décennal.
Mais que voulez-vous? C'est cela, la situation et c'est beaucoup aussi.
Je ne suis pas un spécialiste en la matière, mais reconnaissons -
je ne pense pas dire quelque chose qui n'a pas de bon sens, bien au contraire,
et je respecte ce droit des Amérindiens qui est le leur - qu'il y a
aussi un phénomène qui joue dans leur situation qui est que, pour
bon nombre d'entre eux, iis considèrent que ce n'est pas nous qui avons
le droit de prendre des décisions en leur nom et qu'en
conséquence, ils n'ont pas à nous déléguer un
pouvoir. Ils considèrent qu'on n'a pas à exercer le pouvoir
à leur place. Reconnaissons que c'est beaucoup cela, au fond, la
situation que vous avez décrite eu égard aux Amérindiens,
sans porter d'aucune façon de jugement, sans qualifier d'aucune
façon cette situation de fait. C'est beaucoup plus pour cela que pour
toute autre raison. C'est cela, la situation.
Je répète, M. le Président, qu'il s'agit là
d'un recul sur le plan démocratique. Les efforts qui ont
été faits au fil des années et des décennies, c'est
de faire en sorte que chaque électeur ait un poids semblable en tenant
compte de particularités - les Îles-de-la-Madeleine, plus ou moins
25 % - mais qu'on ne se retrouve pas dans des situations... Et je
répète, je ne décris pas une situation d'il y a 60 ans, je
critique des situations des années soixante, où on se retrouvait
avec des circonscriptions de 8000 ou 9000 électeurs qui
déléguaient un député plein de pouvoirs, avec 100 %
des pouvoirs à l'Assemblée nationale à côté
du député voisin qui, lui, représentait rien de moins que
152 000 électeurs. Et il n'y en avait pas un qui avait plus de pouvoirs
que l'autre. Là, on se retrouvait dans des situations où il
était bien plus important de gagner un comté avec 8000
électeurs pour prendre le pouvoir et donc d'être au gouvernement,
et donc d'influencer radicalement l'évolution d'une
société, que de se préoccuper d'aller chercher un vote
réparti un peu plus égale- ment sur le territoire.
C'était cela, les problèmes fondamentaux que les
réformes que nous avons connues au fil des années, que nous avons
élaborées, fignolées au fil des ans voulaient corriger et
qu'elles ont effectivement corrigés, pour l'essentiel. Le ministre nous
dit: Oui, mais regardez Matapédia, Lévis. Bien oui, justement, on
devrait être au travail depuis treize mois pour corriger cela. C'est cela
qu'on veut faire le plus rapidement et c'est pour cela qu'il faut qu'à
fréquence régulière on se penche sur la carte
électorale pour éviter qu'on se retrouve avec des situations
comme Matapédia ou Lévis. Justement, on a le doigt dessus. On est
parfaitement sur le bon problème, c'est cela qu'il faut régler et
c'est pour cela que ça prend une refonte de la carte et qu'il serait
inadmissible que ta prochaine élection se tienne sur la carte
actuelle.
M. le Président, je sais que mes collègues veulent prendre
la parole. Je vais essayer de me ramasser un peu avec un dernier argument pour
cette partie de notre débat. Un recensement fédéral se
tient aux dix ans. Je l'ai dit tantôt. Cela implique donc que, les
données étant disponibles dans les années qui suivent, on
se retrouve avec des refontes de la carte qui ont l'air de dater plutôt
de treize, quatorze ou quinze ans qu'autre chose. Quand je reqarde
l'évolution du Québec, pas d'ailleurs, ici, depuis 1960 ou 1958,
1956 pour être plus précis - prenez-le comme vous voulez - et
qu'on essaie de regarder quelle est la moyenne de durée d'une
Législature, je peux vous dire que, quinze ans, cela peut avoir l'air
plutôt de quatre élections qu'autre chose. (17 h 15)
On va se retrouver dans de drôles de situations qui vont
ressembler à celles qu'on a voulu corriger, parce qu'on
considérait et qu'on considère toujours, en ce qui nous concerne,
des progrès majeurs et fondamentaux au plan démocratique et celui
d'avoir des députés qui vont représenter 100 000
électeurs à côté de députés qui vont
représenter 22 000 électeurs... C'est cela, la situation
fédérale, ce matin. On se retrouve avec des cas à la fois
de super surreprésentation et des cas de sousreprésentation
inouïs, inimaginables et avec des délais qui font que les refontes
de cartes se font aux 12, 13, 14 ou 15 ans plutôt qu'à une
fréquence qui correspond aux changements importants d'évolution,
qui se rapprochent bien plus de 6, 7 ou 8 ans que de 12, 15, 16 ou 17 ans. Je
répète que, oui, on veut que cela progresse mais on veut que cela
progresse dans le bon sens. Pour nous, c'est un recul que de passer du
critère électeur au critère population pour
délimiter les circonscriptions électorales.
Le Président (M. Filion): Merci, M. le
député de Gouin. J'ai maintenant inscrit.... Est-ce que, M. le
ministre, vous voulez prendre la parole là-dessus? Non?
M. Gratton: Non.
Le Président (M. Fiiion): Bon, à cause de la
règle de l'alternance, j'ai inscrit le député de
Beauharnois, le député de Jonquière et le
député de Mille-Îles.
M. Marcil: Merci, M. le Président. Je pense que c'est sur
le principe même qu'on doit discuter. Quand on parle d'un poids
électoral, on n'a pas nécessairement la même notion de ce
qu'est un poids électoral. Pour certains, le poids électoral
correspond davantage au nombre d'électeurs, c'est-à-dire de ceux
qui font un choix de candidats. Pour d'autres, le poids électoral peut
correspondre également à un bassin de population.
L'électeur comme tel, c'est vrai que c'est lui qui choisit mais pourquoi
l'a-t-on réellement catalogué, identifié, a-t-on
précisé des critères pour être admissible comme
électeur? C'est uniquement une question de maturité dans le fond.
Quand on a décidé qu'il faut avoir 18 ans pour avoir le droit de
vote au Québec... Avant, c'était 21 ans et, à un moment
donné, on s'est dit: Si tu as le droit de t'enrôler dans
l'armée à 18 ans, on va abaisser le droit de vote à 18
ans, tu dois être assez vieux pour voter. Ce n'était pas
nécessairement bon non plus de recruter des jeunes de 18 ans pour aller
se battre. Donc, on a décidé d'un âge chronologique
où on pense que l'individu est mature pour faire un choix. C'est cela
qu'on fait. Quand on établît un âge, c'est dans le but de
dire à quel âge minimum on peut considérer qu'une personne
est assez mature pour être capable de choisir un représentant ou
une représentante. Ensuite, on s'est dit: II faut au moins qu'elle soit
citoyen canadien ou citoyenne canadienne. C'est tout à fait normal. Au
départ, il fallait vivre au Canada depuis cinq ans avant d'avoir sa
citoyenneté. Aujourd'hui, on peut l'obtenir après trois ans. Mais
pourquoi être citoyen canadien? On se dit que c'est tout à fait
anormal qu'un individu arrive chez nous au Québec et qu'après
deux mois de résidence il ait bien saisi la portée, ait bien
saisi le peuple québécois, ses moeurs, etc., pour être
capable de faire un choix comme tel. On s'est dit: S'il est citoyen canadien ou
citoyenne canadienne, il va être en mesure, parce qu'il aura vécu
un certain temps chez nous, de faire un choix, de mesurer la portée de
son geste sur notre communauté québécoise; la
capacité de choisir, je pense que tout le monde est d'accord avec cela.
Donc, pour moi, l'électeur comme tel, quand on dit que c'est lui qui
choisit, c'est vrai. Mais on a défini l'électeur en fonction de
critères et on s'est dit que, pour être capable de choisir une
personne pouvant bien nous représenter à l'Assemblée
nationale, il faut être capable de l'évaluer, de juger, d'analyser
les impacts du choix qu'on va faire. C'est pour cela qu'on a dit que c'est
è 18 ans. On ne peut pas concevoir qu'un enfant de 4 ans puisse voter.
Il voterait à partir de quel critère d'évaluation? II
serait influencé par ses parents, dans le fond. Donc, le poids
électoral comme tel, le poids politique comme tel, je ne le
considère pas comme étant relatif ou relié uniquement au
critère d'électeur. C'est là que la discussion se fait
aujourd'hui, c'est le débat de fond, est-ce qu'on doit élire
quelqu'un pour représenter des électeurs ou si on doit
élire quelqu'un pour représenter un bassin de population? Tout
est là. Quand on vote des lois, les lois ne s'appliquent pas uniquement
aux électeurs. Elles s'appliquent à l'ensemble de la
communauté. Aujourd'hui, il y a une élection. Il y a des gens qui
ont 16 ans ou 17 ans; deux ans après, ces individus ont 18 ans et ont le
droit de vote. On va aller les consulter quand même dans nos
circonscriptions électorales. Donc, cela ne leur enlève pas le
droit de participer à l'appareil gouvernemental, pas
nécessairement par le biais d'une élection. C'est la notion
d'équité, dont a parlé le député de Gouin en
tout début. On a dit qu'il est tout à fait anormal qu'on puisse
avoir 50 000 électeurs dans un comté et que ce comté soit
représenté par un député, avec une voix au
chapitre, par rapport à un autre comté où on peut
retrouver 25 000 électeurs qui ont le même poids.
Le même principe s'applique également aux bassins de
population. Pourquoi une population de 100 000 individus aurait autant de poids
ou le même poids qu'un autre bassin de population représentant ou
regroupant peut-être 50 000 de population' Je fais une différence
fondamentale entre les poids électoraux comme tels; pour moi, ce sont
uniquement des critères selon lesquels on a établi que des gens
sont assez mûrs pour faire un choix de gouvernement, mais on fait un
choix de gouvernement pour l'ensemble de la population, on ne le fait pas
uniquement pour l'ensemble des électeurs versus un bassin de
population.
Ce n'est pas nécessairement reculer que de dire qu'une
circonscription électorale doit être basée sur un bassin de
population. On retrouverait peut-être une certaine - progression dans
l'ensemble des comtés et, là, je m'explique. On n'a pas
d'étude qui nous démontre la progression démographique des
circonscriptions électorales par rapport à la progression du
nombre d'électeurs par comté d'une année à l'autre
ou de quatre ans en quatre ans. On verrait probablement à ce moment s'il
y a augmentation plus rapide des électeurs que de la population en
général. On serait peut-être plus en mesure de voir
s'il y a une possibilité d'avoir des circonscriptions électorales
plus stables en termes de population qu'en termes d'électeurs, ce qui
éviterait, naturellement, toujours la remise en question des cartes
électorales comme telles.
On a accepté au départ - je pense que cela a
été un consensus qui a été bien exprimé par
tous les membres de cette Assemblée - on a dit: On doit s'entendre, du
moins, pour fixer un nombre de circonscriptions électorales et
s'arrêter là. Donc, le fait de modifier le critère
d'où on va partir pour former les circonscriptions électorales
devient une question de débat de fond sur ce qu'est un électeur
par rapport à la population comme telle. Le poids politique, le
député de Gouin l'a mentionné tantôt, ne correspond
pas. Le poids électoral correspond uniquement à des
électeurs. Pour moi, un électeur, c'est uniquement un
critère qu'on détermine pour dire que cette personne a les
capacités morales ou capacités mentales, la maturité
nécessaire, la connaissance de son milieu pour faire un choix, ce qu'on
ne peut pas demander à toutes les personnes. On ne peut demander cela
è un enfant de 4 ans, non plus à un enfant de 10 ans.
Par contre, un individu de 16 ou 17 ans, deux ans avant une
élection, a atteint sa majorité. Il n'a pas voté, par
exemple, mais il est représenté. Je le considère comme
étant représenté par son député à
l'Assemblée nationale. Il n'a pas posé de geste électoral
parce qu'il n'était pas en mesure de le poser à ce
moment-là, mais il doit subir, vivre, se conformer aux lois et aux
règlements adoptés par un gouvernement.
C'est un peu ce que je voulais dire. Le débat qui se fait sur
l'électeur par rapport à la population, pour déterminer
les circonscriptions électorales - pour moi, c'est le noeud de la
question qu'on se pose aujourd'hui - il me semble qu'on aurait plus
d'équité si on pouvait bâtir des circonscriptions autour
d'un bassin de population plutôt qu'à partir d'un nombre
d'électeurs comme tels.
Le Président (M. Filion): Je vous remercie, M. le
député de Beauharnois, M. le député de
Jonquière.
M. Dufour: Merci, M. le Président. J'ai l'impression,
depuis le début du débat, qu'il n'est pas question d'augmenter le
nombre d'électeurs par rapport à la loi actuelle. Les mêmes
critères sont déterminants, à savoir s'ils sont citoyens
canadiens, s'ils ne sont pas atteints d'incapacité physique, et le
reste. Je pense que cela, c'est établi.
Si on s'en tient à la question des électeurs, on peut
arriver avec le même nombre de votants au bout de la course, selon ce qui
nous est présenté, excepté que la population changerait
d'une façon importante d'un comté par rapport à l'autre.
À mon sens, dans l'exemple qui nous est donné et dans l'annexe I,
on ne change pas le nombre d'électeurs. Globalement, le nombre
d'électeurs reste le même. Ce qu'on veut, c'est donner plus de
poids à la population, faire une division plus égale ou plus
mathématique de la population, ce qui ferait que les comtés
pourraient avoir la même population à l'intérieur des
limites.
Il n'y a pas de solution parfaite sur le débat de fond, à
mon point de vue. Par contre, selon l'expérience que je vis depuis
quelques années - il y en a qui parlent de 1972, ça fait quinze
ans; moi, je peux parler d'une expérience de 22 ou 23 ans. À ce
que je sache, ce document nous parle d'élection et de gens qui vont
poser un geste pour élire leurs représentants à
l'Assemblée nationale. À partir de ce principe ou de ce
critère de base, il n'y a pas beaucoup de façons de
déterminer comment seront représentés ces gens-là.
D'abord, ce sont eux qui votent et c'est le poids électoral. C'est
ça, le poids électoral, c'est le poids des électeurs qui
vont déterminer leurs représentants.
Au cours des années, il y a eu des changements dans les lois
électorales. Les critères à l'origine de ça
étaient à savoir si on élargit le droit de vote, si on
donne une base plus grande. Cela n'a pas été une question de
population, à ce que je sache.
Si on regarde ce qui se passait dans les municipalités
auparavant, seuls les propriétaires avaient le droit de vote. On a
décidé d'élargir le droit de vote en prenant la base un
peu plus grande: les 18 ans et plus, les propriétaires et les
locataires. Cela a augmenté le droit de vote, mais, au point de vue des
quartiers, la base intrinsèque a toujours été le nombre
d'électeurs, ce qui fait que les quartiers pouvaient être
représentés comme des comtés. Si c'est vrai que le
principe de base, c'est la population globale, pourquoi n'ajouterions-nous pas
un autre principe qui pourrait être aussi valable, c'est-à-dire la
grandeur géographique?
II y a des gens qui ont maintenu, dans des municipalités ou dans
d'autres endroits, que la grandeur géographique des municipalités
serait un critère important pour donner du poids à quelqu'un qui
a le droit de vote. Cela a été soutenu dans les dernières
années au point de vue municipal. Des maires ont dit: On a rie grandes
municipalités; donc, on doit avoir le même poids que le maire qui
a beaucoup de monde dans la population, un maire un vote. Le débat a
été fait sur la place publique pendant de nombreuses
années.
Si on parle de représentation de la population globale, on
pourrait remettre un autre critère pour dire qu'à l'avenir ce
sera un critère géographique. Vous verrez que ça
va changer drôlement la carte. Ce serait absurde et je pense que,
de ce côté-là, on ne soutiendra pas beaucoup
l'arqumen-tation. D'ailleurs, j'étais contre l'autre argumentation qui
disait que le maire représente la même chose s'il a un grand
territoire. Je prétendais que les arbres n'avaient pas beaucoup
d'importance pour le vote.
Ce qui est important pour un député, c'est de bien
représenter sa circonscription, mais c'est surtout de se faire
élire. À mon sens, la question d'équité s'exerce
vis-à-vis de ses électeurs, ce qui ne l'empêche pas de
représenter l'ensemble de sa population et de donner des services
è l'ensemble de la population. Mais, d'abord et avant tout, étant
une loi électorale qui s'adresse à des électeurs, c'est
par rapport à ça qu'il doit poser ses gestes et c'est en
même temps par rapport à ça qu'il reçoit son mandat
de représentativité.
Le poids électoral joue tout son rôle, à ce
moment-là, parce que ce sont des électeurs. La personne qui sera
en âge de voter dans deux ans exercera son droit dans deux ans. On aura
beau parler des Amérindiens; s'ils se considèrent plus canadiens
que québécois, ce n'est pas mon problème. S'ils votent aux
élections fédérales et s'ils ne veulent pas voter aux
élections provinciales, ça les regarde, je ne les forcerai pas.
Si on dit que le principe qu'on a devant nous est d'augmenter le droit de vote,
ça va peut-être changer le sens de la discussion. Si les gens qui
arrivent, qui sont un an, deux ans au pays, qui ne sont pas naturalisés,
qui n'ont pas ces droits... Ils n'ont pas le droit de vote. S'ils sont
considérés au même titre que la personne qui a le droit de
vote, je ne suis pas d'accord là-dessus. (17 h 30)
Les gens doivent être traités humainement, ils doivent
profiter des lois en vigueur, ils doivent profiter des services de leurs
représentants élus. Je pense que c'est tout à fait normal,
mais de leur donner le même poids politique que la personne qui exerce
son droit de vote et qui décide, sciemment et consciemment... Il y a une
démarche à faire pour exercer son droit de vote. Au contraire, il
y a des gens qui n'exercent pas leur droit de vote. Vous savez, il y a des gens
qui se vantent en disant: Nous, on ne s'occupe pas de politique. La politique,
cela ne nous intéresse pas. On ne s'en occupe pas. Donc, on ne vote pas,
on ne s'inscrit pas, on ne fait rien. Seulement, il faut dire à ces
gens: Si vous ne vous occupez pas de politique, la politique va s'occuper de
vous autres.
Donc, il y a une démarche et il y a peut-être une
conviction à donner aux gens en leur disant: Exercez votre droit de
vote. Mais je pense que la représentativité qui serait
accordée serait plus grande que celle de ceux qui ont droit de vote par
rapport à leur représentant élu. Ce représentant
élu... Voyez-vous, on parle de représentant élu. On ne
parle pas de représentant tout court. Un député est un
représentant élu. Qui l'élit? Les électeurs.
Si on étend cela à une grande partie de la population ou
à l'ensemble de la population, à mon avis, on va arriver avec des
distorsions qu'on pense pouvoir corriger actuellement. Le principe qu'on a
devant nous, c'est ne pas élargir nécessairement le droit de
vote, c'est juste en fonction d'une représentativité qu'on voit
assez bien; un, on parle d'électeurs et deux, on parle de population
globale. À mon point de vue, on parle de la loi électorale, on
parle de gens qui ont le droit de vote, on parle d'électeurs et ce sont
eux, en fait, qui doivent être représentés. C'est
là-dessus qu'on devrait tenir compte de ce qui est devant nous. Le
critère de population, à mon point de vue, pourrait avoir des
distorsions très grandes parce qu'une année, il y a un
comté où il y a beaucoup de population, mais cette population
peut changer. Regardons ce qui se passe. On élève des familles
aujourd'hui et à cause de la mobilité, ces gens-là s'en
vont d'un bord et de l'autre, un peu partout. Il y en a qui votent aussi avec
leurs pieds, mais on ne parle pas des gens qui votent avec leurs pieds, on
parle des qens qui votent par obligation. Ils sont obligés de se
déplacer d'une place à l'autre. Je ne pourrais pas les nommer
parce que, quand on regarde le chômage qu'on a, je pense qu'on a toutes
les raisons du monde de voir pourquoi la population est fluctuante. Mais, quand
on arrive avec des électeurs, on parle de gens qui sont identifiables
dans un comté. On peut les compter et, moi, en tout cas, je n'ai pas eu
de représentation voulant que cette question des élections
n'était pas correcte. Je n'ai pas eu de représentation
là-dessus. Je le sais, le ministre a amené un argument selon
lequel il y a des gens qui sont exclus du droit de vote. Cela arrive à
toutes les élections. Je peux le consoler. Au provincial, cela arrive.
Ce n'est pas pire et c'est peut-être moins pire qu'au municipal.
Je pense que de ce côté, on peut dire qu'au moins la loi
qu'on a devant nous a subi moins d'avaries ou moins de tort que ce qui se passe
dans d'autres domaines ou ailleurs. Elle est peut-être beaucoup plus
à jour, plus au point, cette loi ou cette mise en application de cette
loi qu'on a devant nous, que dans d'autres endroits où on exerce nos
droits de vote. Il ne faut pas se scandaliser. Il n'y a pas de système
parfait, même avec la meilleure volonté du monde et même
quand il n'y a pas de parti politique. Quand vient le temps d'enreqister les
électeurs, il y a toujours des phénomènes qui se
produisent. Il y a toujours des gens qui prétendront
qu'ils n'ont pas eu la petite carte de rappel, qu'ils vivaient, qu'ils
n'ont pas lu les journaux, qu'ils n'ont pas écouté la radio,
qu'ils n'ont pas regardé la télévision ou toutes les
raisons du monde. Ces gens pourront dire: Nous, on n'a pas pu exercer notre
droit de vote parce que vous ne nous avez pas donné le temps de nous
virer de bord et de voir où c'en était.
Donc, en résumé ou en conclusion, je continue à
prétendre que la base électorale ou la base sur laquelle on doit
aller pour les élections, c'est toujours sur la base des
électeurs. Je ne pense pas que la base... Je suis convaincu - ce n'est
pas "je ne pense pas" - que le critère de la population ne donnera pas
de meilleurs résultats au point de vue des élections et qu'il ne
protégera pas plus les citoyens les uns par rapport aux autres. Il ne
garantit pas non plus que le député va être plus
représentatif en étant sur la population que sur les
électeurs. Au contraire, je pense que les électeurs, c'est
beaucoup plus stable. Ces gens ont déjà un vécu, ils sont
déjà rendus à un âge certain. Les gens qui n'ont pas
18 ans, qu'est-ce qu'ils vont faire quand ils vont arriver à 18 ans?
Est-ce qu'ils vont rester là? Est-ce qu'ils vont aller ailleurs?
Donc, cette fluctuation qu'on va vivre chaque fois qu'on n'atteindra pas
le but qu'on vise. Tant qu'on n'aura pas de preuves ou de pressions beaucoup
plus grandes des gens qui nous disent que cela ne répond pas à
des critères précis ou que cette loi ne répond pas
à des principes démocratiques, j'ai l'impression qu'on devra
continuer à garder et à favoriser ce qu'on a devant nous, ce
qu'on vit actuellement tout en apportant certaines corrections qui feraient
qu'on pourrait avoir des distorsions moins grandes dans un comté par
rapport à l'autre.
Le Président (M. Filion): D'accord. Merci, M. le
député de Jonquière. M. le député de
Mille-Iles.
M. Bélisle: Merci. J'ai écouté avec beaucoup
d'attention ce qui s'est dit cet après-midi. Malheureusement, je ne
partage pas ce que le député de Jonquière vient de nous
expliquer comme théorie, à savoir qu'il y a une distinction entre
la mobilité d'un électeur et la mobilité d'un
chômeur. Cela ne sert à rien, je ne peux pas suivre ce type de
raisonnement, et il faudrait m'apporter beaucoup d'arguments pour me convaincre
qu'il y a une distinction importante et que le fait qu'on choisisse des
électeurs comme critère de base assure une plus grande
stabilité à notre système. Je pense que les
Québécois sont reconnus pour être des sédentaires et
non des nomades.
Ce qu'il y a de beaucoup plus important, c'est que la question qui est
posée aujourd'hui ce n'est pas seulement la mécanique relative
à l'élection de ceux qui nous représentent à
l'Assemblée nationale. Ce qui est posé comme question
aujourd'hui, c'est la finalité du gouvernement. Pour moi, c'est beaucoup
plus large parce qu'aussi loin que je puisse retourner, que ce soit aux
premiers balbutiements de la nation américaine lorsqu'ils ont
décidé de foutre à la porte les Britanniques, la maxime,
c'était: "No taxation without representation." On peut retourner les
pages d'histoire au "Boston Tea Party" et voir que c'était
réellement cela. Ils voulaient avoir une représentation. Tout ce
que l'on fait au gouvernement comme membres élus d'un Parlement ou d'une
Assemblée, l'Assemblée nationale, tous les programmes, toutes les
lois, tous les règlements que l'on vote, toutes les décisions que
vous, M. le député de Gouin, avez eu à prendre comme
ministre dans l'ancien gouvernement, vous le faisiez non pas en fonction des
électeurs, vous le faisiez en fonction de la population en
général.
Il n'y a pas une seule loi, sauf peut-être une exception, M. le
député de Gouin, soit la loi qui donne le droit à
quelqu'un de voter, qui considère juste une catégorie de
personnes, c'est-à-dire ceux qui ont des critères de
maturité et de "raisonnabilité" qu'on a déterminés
dans le passé comme étant ceux qui ont 18 ans, qui sont citoyens
canadiens et qui ne sont pas frappés d'incapacité. Je me vois
très mal dans ma peau de délégué du peuple, parce
que je ne suis pas seulement délégué des électeurs.
Je m'excuse, M. le député de Gouin, vous pouvez hocher la
tête dans un sens négatif, je ne me vois pas ici seulement
aujourd'hui représentant et vous parlant au nom des 38 000
électeurs inscrits sur la liste électorale du comté de
Mille-Îles parce que je reçois des commentaires sur ce que je fais
à l'Assemblée nationale, sur les gestes que je pose comme
délégué aussi de jeunes qui ont 13 ans, 14 ans, 15 ans et
d'autres personnes, également, qui ont un comportement électoral,
qui est un comportement électoral peut-être anormal pour nous,
mais qui est totalement normal pour eux. Peut-être qu'on les oublie
là-dedans. Le ministre, tantôt, a parlé des
Amérindiens. Est-ce qu'on a oublié aussi ceux qui ont vécu
des régimes totalitaires, des gens qui ont vécu derrière
le rideau de fer? Parlons simplement des nouveaux arrivants à
Montréal récemment, ceux qui attendent de faire confirmer leur
statut de réfugiés politiques qui deviendront
éventuellement citoyens canadiens et qui, dans cinq ans peut-être,
auront le droit d'exercer un droit de vote conformément aux
critères qu'on a dans la loi, c'est-à-dire 18 ans, citoyen
canadien.
Ne trouvez-vous pas que ces gens, en grande partie, quelquefois, et j'en
ai rencontré plusieurs chez moi, ont un comportement également
normal, quand on
comprend ce qu'ils ont vécu, de ne pas s'inscrire comme
électeurs sur une liste électorale, compte tenu de leur
passé? Sauf que l'État, d'autre part, les taxe, leur impose
toutes les lois et les règlements. Ils doivent y obéir, c'est
leur devoir. D'un autre côté, on dirait que c'est comme si on
voulait cacher la réalité. Moi, ce que je me dis, c'est que la
finalité d'une mécanique pour choisir des représentants
doit être faite en fonction de la finalité ultime, et la
finalité ultime d'un gouvernement, c'est d'accorder des services
à tous ses citoyens. Si l'État se mêle de donner les soins
d'assurance-maladie dès la première journée de la
naissance d'un enfant, il fait porter le fardeau à la
société et l'on passe des lois dans ce domaine. Vous le savez
très bien, M. le député de Gouîn, vous êtes
critique de votre parti dans le domaine de la santé.
M. Rochefort: Le porte-parole.
M. Bélisle: Le porte-parole officiel dans ce domaine. M.
le député de Gouin, moi, je comprends très mal qu'on se
limite à votre position, qui est une position que je vais qualifier
d'essentiellement juridique.
Quand on parle de représentation sociologique de
l'Assemblée nationale, tous les livres de sciences politiques qu'on peut
lire nous amènent à souhaiter qu'un jour, vraisemblablement dans
quelque temps, il y ait une révision en profondeur du système
électoral. Laissez-moi terminer. Ne sautez pas aux conclusions tout de
suite. Tout cela, jusqu'à ce jour, pourquoi? Pour mieux
représenter l'ensemble des couches de la population du Québec. Et
vous allez me dire encore une fois que, quand vous argumentez en public, vous
et d'autres personnes, pour une modification profonde du système
électoral au Québec, vous utilisez justement l'argument que,
nous, nous utilisons présentement: la représentation de
l'ensemble de la population, du plus grand nombre de strates sociales, de
classes professionnelles et de groupes de travail. On veut avoir des
travailleurs à l'Assemblée nationale. On veut avoir des
producteurs agricoles, des femmes, tous les groupes d'âge, tous les
sexes. On veut effectivement avoir une représentation sociologique du
Québec. On veut avoir moins d'avocats à l'Assemblée
nationale.
M. Rochefort: Oui, c'est mieux, cela.
M. Bélisle: Tout cela, M. le député, c'est
pour une seule fin. C'est dans le but de donner une meilleure vision de ce
qu'est le Québec en réalité et de la finalité du
gouvernement, et pour que les élus soient le miroir presque exact, non
seulement des électeurs ou d'une partie des électeurs du
Québec qui exercent leur droit de vote, mais de l'ensemble de la
population du Québec.
Ma vision des choses du Québec en devenir, c'est l'affirmation de
l'ensemble de la population du Québec et non seulement d'une partie des
électeurs du Québec.
Ce que je voudrais dire en terminant, c'est que je pense qu'il y a une
distinction entre l'exercice du pouvoir par quelqu'un de voter et les
critères qui mènent au fait que la personne qui exerce ce pouvoir
a le droit de considération sur... Je vais reprendre ce que je viens de
dire, ce n'est pas correct.
Je me suis fait plusieurs notes, M. le Président et je voudrais
terminer... Ah ouiï L'exemple que je voulais donner est celui-ci. J'ai lu,
dans le document du Directeur général des élections:
Données complémentaires, considérations chiffrées
d'avril 1986, à la page 9, et j'ai trouvé cela très
intéressant, quand on note les mouvements de populations et
d'électeurs. Ce que je veux faire remarquer au député de
Gouin, c'est que, dans les comtés de Terrebonne, Vimont et Laprairie, si
l'on compare les élections de 1981 et de 1985, il y a eu des
augmentations du nombre d'électeurs. Dans ces trois circonscriptions
électorales respectives, dans le cas de Terrebonne, 7514 - c'est plus de
20 % d'accroissement - dans le cas de Vimont, 7179, 20 %; Laprairie, 14
%f 6733, ce qui a été souligné par mon
collègue tantôt; dans la région de Québec, 6800
entre 1981 et 1985, 18 % d'augmentation. Une baisse cependant dans les
populations électorales, d'après le critère que vous
utilisez, dans le centre-ville de Montréal, et on vous en donne deux
exemples à la page 10: Saint-Jacques, 2213 électeurs en moins et
2432 électeurs en plus. Je vais vous mentionner une donnée qui
n'est pas incluse dans ce rapport. Présentement, la ville de Laval est
un chantier de construction très important au Québec. Dans le
comté de Vimont, sans tenir compte de ce chiffre qui est là de
7179 nouveaux électeurs, je peux vous dire qu'à la prochaine
campagne électorale de 1990, il y aura peut-être autant sinon plus
d'électeurs qui s'ajouteront. Les gens qui sont en mobilité et
qui achètent des résidences, ce sont de jeunes couples. Les
jeunes couples, ce sont des gens qui dépensent, qui ont un revenu
familial et qui représentent une entité familiale composée
d'un, deux et quelquefois trois enfants présentement au Québec.
(17 h 45)
Ce que j'essaie de vous dire, c'est ceci: Si vous ne reconnaissez pas,
avec le critère de la population, l'importance que peut avoir la
population au lieu simplement du statut d'électeur à cause de la
population qui vieillit au Québec dans certaines circonscriptions
électorales, vous ne reconnaissez pas l'apport économique
très important, vous ne reconnaissez pas, vous mettez de
côté un grave problème que le Québec doit affronter,
le problème de la
dénatalité et de la décroissance
démographique. Vous n'accordez pas une importance capitale, dans votre
système électoral, à ce que vous considérez comme
étant l'un des problèmes majeurs de notre société
pour les années 1990 et les années de l'an deux mille. Vous
conservez un critère qui tient d'une situation passée. Je vous
dis qu'on est beaucoup mieux de faire un pas vers l'avenir et de
reconnaître l'importance de chacune des personnes à partir de la
journée où elle vient au monde au Québec, parce que
l'État les considère à partir de la journée
zéro, jusqu'à la journée de leur mort et même
après la journée de leur mort, avec leur succession. Je suis
beaucoup plus à l'aise avec cette façon de voir qu'avec tout
simplement celle qui consiste à accorder le droit de vote à une
personne qui a atteint un certain degré de maturité. On fait tout
l'appareil gouvernemental québécois avec X services, X
programmes, on touche à tout le monde, mais il y a seulement une classe
de la population dont on doit tenir compte pour la mécanique
électorale. C'est ce que j'avais à dire, M. le
Président.
Le Président (M. Filion): Merci, M. le
député de Mille-Îles. M. le député de Dubuc
et, ensuite, si le temps nous le permet...
M. Desbiens: Merci, M. le Président, ce ne sera pas
tellement long. Je trouve cela amusant d'une certaine façon de voir le
ministre délégué à la Réforme
électorale défendre et présenter son argumentation sur ce
sujet très particulier. C'est presque un renversement des choses, lui
qui, en parlant de l'ancien gouvernement, parlait souvent de gens qui
pelletaient des nuages ou qui discutaient sur le sexe des anges. Cette
discussion m'apparaît un peu comme cela. Je veux bien qu'on essaie
d'atteindre la perfection. Tout le monde est d'accord avec la vertu. Mais dans
le système électoral, aussi bien que dans n'importe quel domaine,
comment faire pour atteindre cette perfection? Que les députés
représentent la population du comté plutôt que les
électeurs, plutôt que d'une façon actuellement
déterminée de représenter cette population, je pense bien
que le ministre se sent aujourd'hui le représentant de sa population,
comme chacun d'entre nous, même si nos populations sont sans doute
différentes et dans quelle mesure? La question du député
de Beauharnois tantôt est un instrument qu'il réapparaîtrait
intéressant d'obtenir pour pouvoir porter un meilleur jugement. Est-ce
que l'augmentation des électeurs, dans un comté où la
diminution ou l'évolution de cette représentation en nombre, est
vraiment semblable ou tellement différente? Est-ce qu'on a des chiffres
là-dessus? On n'en a pas non plus.
Je pense que le ministre sera d'accord avec moi. Il me semble que, si on
est représentatif de notre population... C'est ce qu'on dit, sauf que,
dans l'imagerie populaire - je reviens à l'argument qui a
été soulevé par mon collègue - pour tout le monde,
quand on dit qu'on représente la population, on représente la
population qui nous a élus, sous-entendu. C'est comme cela dans l'esprit
populaire aussi. Je crois que c'est le sens qu'on donne au terme de
représentation.
Si on est vraiment représentatif de la population, on va tenir
compte de ce que la population nous demande de faire comme élus à
l'Assemblée nationale, qui est le véritable lieu de
décision et non pas au gouvernement. Jamais je n'ai pu, depuis dix ans,
je n'ai entendu... J'aimerais bien savoir aussi combien de gens savent qu'au
fédéral les circonscriptions sont déterminées par
population et qu'ici, au Québec, les circonscriptions sont
déterminées à partir du nombre d'électeurs.
Si c'était une inquiétude de la part de la population du
Québec qu'au Québec il n'y ait pas une vie démocratique
suffisante -même, on l'a dit et tout le monde est d'accord qu'elle est
une des meilleures dans le monde démocratique, en tout cas;
sûrement dans le monde démocratique - pourquoi amener aujourd'hui
ce projet de loi? Pourquoi le ministre se sent-il, s'il n'a eu aucune
représentation... Est-ce qu'il y en a eu dans le parti, je ne le sais
pas, je n'ai pas relu te programme du Parti libéral sur ce sujet.
Je n'arrive pas à comprendre pourquoi on peut vouloir modifier de
façon très symbolique, parce que cela ne modifiera en aucune
façon les autres critères. Qu'on soit représentatif de la
population plutôt que des électeurs, il y a une chose qui va
demeurer, c'est qu'il faudra avoir 18 ans, être citoyen canadien et
être inscrit sur la liste des électeurs. Qu'on le soit ou non,
rien ne va changer, cela va toujours dépendre des individus. Qu'est-ce
que cela va améliorer? Je n'ai pas saisi, dans toute l'argumentation du
ministre, l'amélioration que va apporter à la population du
Québec cette modification au système. À cet égard,
je me sens très représentatif de la population. Quand je pose des
gestes, comme le ministre quand il pose des gestes, je me sens très
représentatif de la population. L'un des guides que je maintiens, c'est
que, quand quelque chose ne va pas ou qu'une amélioration vraiment
importante est nécessaire, d'une façon ou d'une autre, à
partir d'un groupe, qu'il soit électeur ou non, il y a des
représentations qui sont faites. 11 y a un minimum de
représentations et c'est à partir de cela qu'on essaie d'agir
à titre de législateurs. Dans le cas présent, je ne vois
rien de cela et je me dis que, quand cela va bien, pourquoi toucher à
cela? Pour conclure, ce n'est peut-être pas l'inutilité totale,
mais je me pose la question au moins sur la
nécessité d'apporter une telle mesure.
Le Président (M. Filion): Merci, M. le
député de Dubuc. M. le député de Laprairie.
M. Saintonge: M. le Président, il me reste à peu
près cinq minutes.
Une voix: Consentement.
Le Président (M. Filion): Nos travaux continuent demain
matin à 10 heures.
M. Saintonge: Si on continue sur le même sujet, je
préférerais attendre à demain. Je vous dirai que j'en ai
pour plus de cinq minutes, j'ai certains éléments à
donner. A moins que le ministre ou le député de Gouin n'aient des
réactions aux propos déjà tenus, je ferais mon
intervention demain. J'aimerais mieux, plutôt que de commencer pour trois
ou quatre minutes, continuer demain. Je serais obligé de me resituer
demain dans le cadre de mes propos.
M. Gratton: M. le Président, pourrais-je me permettre de
suggérer qu'on ajourne? On pourra continuer demain.
Le Président (M. Filion): D'accord.
M. Rochefort: II n'y a pas de problème pour souscrire
à la demande du député de Laprairie. C'est une demande que
je fais à l'occasion et j'apprécie grandement,..
M. Saintonge: Je voulais vous dire que je ne parle pas souvent en
commission parlementaire. C'est exceptionnel que je sois ici, je veux en
profiter.
M. Rochefort: Je suis convaincu que cela va être
intéressant et j'aime mieux écouter cela le matin tranquillement
qu'en fin de journée. M. le Président, le seul problème
que j'ai évoqué avec le ministre, c'est qu'il faut être
conscient qu'il avait été prévu dans le mandat de la
commission qu'on puisse poursuivre, si nécessaire, nos travaux jeudi.
Comme je l'ai dit au ministre, pour moi, cela va être compliqué
jeudi, parce que j'ai une rencontre avec ma formation politique le matin et
qu'en après-midi je préside deux séances de travail de ma
commission sur d'autres questions. En même temps, il faut être
conscient qu'on ne peut pas reporter à une semaine ultérieure la
fin de nos travaux. Pour moi, c'est clair, il n'y a pas de problème
à permettre au député de Laprairie de faire son
intervention demain, mais il faudrait peut-être qu'on soit prêt
à envisager de prolonger un peu la séance demain soir pour
conclure si nécessaire.
M. Gratton: Quant è moi, je n'insiste pas pour qu'on
revienne jeudi matin. Donc, on verra l'évolution des choses demain. II
me semble qu'il ne devrait pas y avoir de problème qu'on
complète, sinon pour 18 heures, du moins dans les minutes qui
suivront.
Le Président (M. Filion): Nos travaux sont donc
ajournés à demain matin, 10 heures, même salle.
(Fin de la séance à 17 h 58)