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Version finale

33rd Legislature, 1st Session
(December 16, 1985 au March 8, 1988)

Wednesday, May 28, 1986 - Vol. 29 N° 13

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude détaillée du projet de loi 233 - Loi concernant Michel Dugas


Étude détaillée du projet de loi 229 - Loi concernant un immeuble du cadastre de la paroisse de Saint-Barnabé (division d'enregistrement de Shawinigan)


Étude détaillée du projet de loi 242 - Loi concernant Varina Beattie


Étude détaillée du projet de loi 224 - Loi concernant le Foyer Saint-Antoine de Longueuil


Étude détaillée du projet de loi 251 - Loi concernant Lomer Pilote


Journal des débats

 

(Dix heures onze minutes)

Le Président (M. Filion): À l'ordre, s'il vous plaîtl

Il me fait plaisir de constater le quorum à la séance de la commission des institutions de ce matin.

Je demanderais à la secrétaire de nous faire part des remplacements.

La Secrétaire: M. Johnson (Anjou) est remplacé par Mme Vermette (Marie-Victorin) et M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce) par M. Després (Limoilou).

Le Président (M. Filion): Je rappellerai le mandat de notre commission qui est d'entendre les intéressés et de procéder à l'étude détaillée des projets de loi d'intérêt privé suivants - l'ordre indiqué ci-après sera cependant modifié: projet de loi 224: Loi concernant le Foyer Saint-Antoine de Longueuil; projet de loi 229: Loi concernant un immeuble du cadastre de la paroisse de Saint-Barnabé (division d'enregistrement de Shawintgan); projet de loi 242: Loi concernant Varina Beattie; projet de loi 233: Loi concernant Michel Dugas; projet de loi 251: Loi concernant Lomer Pilote.

Étant donné la présence du leader de l'Opposition, qui présente le projet de loi 233, Loi concernant Michel Dugas, je crois comprendre que les membres de la commission sont d'accord pour qu'on étudie les projets de loi suivants dans cet ordre: 233, 224, 229, 242 et 251.

M. Marcil: D'accord, M. le Président.

Le Président (M. Filion): Je répète: les projets de loi 233, 224, 229, 242 et 251.

Et pour nos invités que je salue: Loi concernant Michel Dugas, Loi concernant le Foyer Saint-Antoine de Longueuil, Loi concernant un immeuble du cadastre de la paroisse de Saint-Barnabé (division d'enregistrement de Shawinigan), Loi concernant Varina Beattie et Loi concernant Lomer Pilote.

M. Laporte: Concernant le projet de loi 224, je n'ai rien reçu.

Le Président (M. Filion): Pardon?

M. Laporte: Concernant le projet de loi 224.

Mme Bleau: On n'a pas reçu...

M. Laporte: On a reçu les autres, mais je n'ai pas, en tout cas...

Le Président (M. Filion): Vous n'avez pas reçu le projet de loi 224?

On me fait remarquer que plusieurs membres de la commission n'ont pas reçu le projet de loi 224; je demanderais... On est en train de vous les distribuer.

Projet de loi 233

J'appelle donc le projet de loi 233, Loi concernant Michel Dugas. J'inviterais son parrain, le député de Joliette, leader de l'Opposition, à faire sa présentation, s'il y a lieu.

M. Chevrette: M. le Président, Michel Dugas est un citoyen du comté de Rousseau, à Chertsey plus précisément, qui travaillait pour la compagnie Ultramar.

M. Dugas a été atteint d'un cancer qu'on appelle le cancer des ganglions et, par la suite, a vu la compagnie constituer un dossier dit disciplinaire. Ensuite, il a été mis à la porte. Il est allé voir son syndicat. Son syndicat, pour des raisons qu'il ignore, puisqu'il n'a pas été admis en même temps que son syndicat dans les pourparlers avec la compagnie, a abandonné le grief. Le syndicat abandonne le grief. Ensuite, M. Dugas fait de multiples démarches pour se trouver un procureur. Ou bien le procureur refusait, ou bien il lui demandait des sommes assez importantes comme dépôt pour le défendre et M. Dugas était dans l'impossibilité de donner ces sommes. II se voit donc face à des prescriptions de délais, prescriptions légales, et aucun recours possible.

Ce que M. Dugas demande dans le projet de loi, ce n'est pas de condamner prima facie la compagnie Ultramar, c'est de lui permettre de faire un grief, puisque son syndicat n'a pas cru bon de poursuivre le grief et également que des avocats... D'ailleurs, au besoin, on sortira les noms des avocats qui ont refusé ou qui ont demandé des sommes de 4000 $ ou 5000 $. Au besoin - je dis bien - on les sortira si la commission l'exige. On sortira les noms des procureurs en question pour démontrer qu'il y a des citoyens pour qui, quand un syndicat refuse de poursuivre la démarche ou qu'un procureur demande trop d'argent, il devient

impossible, à toutes fins utiles, d'obtenir justice par les voies normales.

Ce projet de loi privé ne vise qu'une chose, c'est de donner au citoyen la chance de présenter une défense correcte ou de faire valoir son droit. À l'appui de ses prétentions, M. Dugas a posé deux gestes. D'abord, la compagnie Ultramar le congédie. Il se présente devant l'assurance-chômage et celle-ci lui dit qu'il a six semaines de pénalité parce qu'il a été congédié. Il plaide et en appel, devant la preuve qu'il amène, la Commission de l'assuranee-chômage reconnaît que cela ne devrait pas constituer un congédiement, mais bien plus un départ, de sorte que sa pénalité de six semaines est transformée en une semaine seulement.

Devant la Commission des normes du travail, qui relève des lois du Québec, cette fois-ci, M. Dugas présente la même plaidoirie. Ce n'est pas un congédiement, il veut montrer qu'il a été congédié faussement. La Commission des normes du travail reconnaît le bien-fondé de l'argumentation de M. Dugas et considère qu'il a le droit à la prime de séparation qui est versée en vertu des lois et normes du travail.

Donc, devant deux tribunaux quasi judiciaires, les deux tribunaux en question auxquels a fait face M. Dugas, on lui donne raison. D'où ses prétentions prennent de la force et de la vigueur. S'il avait eu la chance d'aller au tribunal d'arbitrage pour faire valoir son point de vue sur le fond, il est bien entendu que M. Dugas - c'était son intention - aurait présenté la même preuve. Il se présente ici, ce matin, sans avocat, comme citoyen avec un témoin, témoin qui accepterait d'être assermenté en n'importe quel temps pour donner la véracité sur le fond du congédiement même de M. Dugas par Ultramar. Le témoin, donc, est ici. M. Dugas est à la barre également et il n'hésiterait pas à être assermenté pour les besoins de la commission et s'il avait quelque chose à ajouter à ce que je viens de dire. Si le Barreau s'exprime, j'aimerais revenir pour faire un commentaire à la suite de l'expression du Barreau. Si M. Dugas voulait ajouter quelque chose, cela me ferait plaisir.

Le Président (M. Filion): M. Michel Dugas. Bonjour, bienvenue à cette séance de la commission des institutions étudiant le projet de loi portant votre nom. Je crois comprendre que vous n'êtes pas représenté par un procureur. Est-ce que vous désirez adresser quelques remarques aux membres de cette commission?

M. Dugas (Michel): J'aurais un bref résumé.

M. Chevrette: Est-ce que le témoin est protégé? Est-ce qu'il a la protection... Un peu comme on le fait devant les cours judiciaires, ce qui est dit ici ne sera pas retenu contre l'individu. Vous savez, ce que l'on fait dans les commissions d'enquête. On l'a déjà fait ici. M. le député Herbert Marx, de D'Arcy McGee, et ministre de la Justice, je veux savoir si un type peut demander la protection pour qu'on ne puisse pas se servir de ce qu'il dit comme une preuve éventuelle contre lui.

Le Président (M. Filion): M. le ministre de la Justice.

M. Marx: Je ne pense pas qu'on puisse demander la protection de la Loi canadienne sur la preuve. Mais, si on peut la demander, on va l'accorder.

De toute façon, tout ce qu'il dit sera utile pour la commission. Cela ne fera pas préjudice à ses droits.

Le Président (M. Filion): Merci, M. le ministre de la Justice. M. Dugas.

M. Dugas: J'ai un bref résumé - disons - pour exprimer ce qui est arrivé à la compagnie. Je vais commencer comme ceci. Le 22 août 1977, j'ai été engagé à titre de chauffeur de camion-citerne à la compagnie Ultramar. Pendant ces années, j'ai souffert de la maladie de Hodgkin, le cancer des ganglions. J'ai dû, après une hospitalisation, leur déclarer ma maladie. Par la suite, ils ont tout fait pour me congédier. J'ai fait ce travail de nuit pendant cinq ans moins quatre mois. J'ai donné le meilleur de moi-même avec honnêteté, ponctualité, propreté et détermination.

Il y a un congédiement qui est survenu le 14 décembre 1981. La compagnie a évoqué comme raison: absences fréquentes. Ensuite, j'ai eu un congédiement survenu le 20 avril 1982. En entrant au travail le 20 avril 1982, c'est-à-dire quatre mois après mon premier congédiement, je suis demandé au bureau de M. Bernard D'André, surintendant du plan Henri-Bourassa, lequel était en présence de son assistant, M. Adrien Poitras. Et voilà qu'on me congédie sur-le-champ en me remettant la lettre appropriée.

Je vous explique les raisons invoquées par la compagnie. Celle-ci a fait analyser les cartes de tachymètre, qui se trouve à être un "bavard", en termes vulgaires...

M. Chevrette: C'est la boîte, qui enregistre tout dans un camion.

M. Dugas: ...dans les journées des 5, 9, 10 et 11 février et du 9 mars 1982 du camion portant le no 224 que je conduisais ces nuits-là. On m'accuse d'avoir conduit le véhicule de façon irrégulière, de telle sorte que les lectures du tachymètre ont été faussées. Il est très important ici que je

mentionne que le camion était défectueux. C'est-à-dire qu'il se produisait un court-circuit sur le tableau de bord et sur la citerne qui était mariée à ce camion. Quand ce court-circuit se produisait, je tournais la clef de contact pour essayer de corriger le court-circuit- Quand it se produit un court-circuit sur un camion qui a 12 500 gallons d'essence dans la citerne, c'est très dangereux. C'était une question de survie. Quand je tournais la clef de contact pour la mettre sur "accessoires", ce n'est pas comme une automobile, sur un camion, le moteur ne s'éteint pas. Je tournais la clef sur "accessoires" et cela coupait le court-circuit qui se produisait à l'intérieur du camion et de la citerne.

J'ai fait un grief le 20 avril 1982 contestant mon congédiement.

À cause de conflits syndicaux existant à la compagnie au moment de mon congédiement, le syndicat des Teamsters, local 931, s'est très peu soucié de me défendre, de défendre ma cause. Ils m'ont convoqué pour une rencontre le 6 mai 1982. Je suis arrivé sur place. Les représentants syndicaux ont refusé que j'assiste avec eux à la défense de ma cause avec les directeurs et avocats de la compagnie. On m'a fait attendre une heure et trente minutes pour m'aviser, par la suite, que ma cause était perdue. Je leur ai demandé d'aller en arbitrage. Ce qu'ils ont refusé.

Le 10 mai 1982, je reçois une lettre de mon syndicat me confirmant qu'il n'y avait aucune autre possibilité que de rejeter mon grief. Comprenez mon découragement et mon impuissance devant l'envergure d'une telle compagnie et l'inefficacité d'un tel syndicat. Malgré mon accablement, je n'ai pas accepté ce congédiement et j'étais résolu à me battre et je le suis encore, croyez-le bien.

Le 14 juillet 1982, je me présente à l'audience devant trois membres du conseil arbitral du ministère de l'Emploi et de l'Immigration du Canada. Après m'avoir entendu, on m'informe que je recevrai, sous peu, une décision à cet égard. Autour du 18 juillet, je reçois par la poste la décision finale du conseil arbitral qui est la suivante: "Après discussion avec le prestataire et après avoir pris connaissance du dossier, nous considérons que le prestataire ne peut être considéré comme fraudeur, mais c'est plutôt une désobéissance à un règlement. Aucun préavis de congédiement ne lui fut envoyé. À l'unanimité, nous réduisons la période d'exclusion de six semaines à une semaine."

J'ai donc poursuivi mes démarches auprès de l'aide juridique de Joliette, vers le mois d'août, afin d'obtenir l'aide nécessaire pour défendre ma cause, n'ayant pas les moyens financiers pour m'adresser à un avocat de pratique privée. L'avocat qui a pris connaissance de mon dossier m'a répondu par téléphone, quelques semaines plus tard, qu'il ne lui était pas possible de procéder dans ce dossier.

Le 7 mars 1983, la Commission des normes du travail a fait parvenir à la compagnie Ultramar une mise en demeure. Le 29 mars, j'ai communiqué avec eux pour avoir des nouvelles et on m'a dit que cela prendrait quelques mois, car la compagnie refusait de payer mes deux semaines de préavis. Le 3 août, je communique avec Me Ambrosio, des normes du travail, qui m'informe que l'avocat de la défense ne possédait pas tous les papiers et que cela prendrait quelques mois.

Voilà, mon bref résumé. Ici, j'ai mon témoin, M. Jean Pelletier, qui est un ex-confrère de travail, un homme consciencieux, honnête et d'un bon jugement. Tout ce que je vous ai dit, je l'ai en preuve.

En conclusion, la compagnie Ultramar m'a congédié sans cause juste et suffisante. Je n'ai pas l'intention d'arrêter mes procédures. Je conteste le fait que la compagnie ait porté atteinte à ma réputation en me traitant de fraudeur. Je suis un honnête citoyen. J'ai toujours agi avec fraternité avec mes semblables. Ma dignité d'être humain, ma santé, mon efficacité et ma joie de vivre laissent à désirer depuis ce congédiement. Mes droits d'homme n'ont pas été respectés. Chaque individu a droit à la reconnaissance, en tout lieu, de sa personnalité juridique.

Mesdames et messieurs, je vous remercie de l'attention que vous porterez à ma cause et je vous prie de compter sur mon entière collaboration. Je vous remercie.

M. Marx: M. le Président.

Le Président (M. Filion): Oui, M. le ministre de la Justice.

M. Marx: Je veux seulement dire à M. Dugas que nous sommes - moi, personnellement - très sympathiques à sa cause. Nous sommes très sensibles aux problèmes qu'il a soulevés, aux problèmes que le député de Joliette, le leader de l'Opposition, a décrits. Tout cela. Mais l'Assemblée nationale n'est pas une cour de justice. L'Assemblée nationale a adopté un certain nombre de lois. Nous avons un système judiciaire et, si quelqu'un perd sa cause devant les tribunaux, il ne peut pas venir ici et dire: Les juges ont fait une erreur et je voudrais que l'Assemblée nationale corrige cette erreur. Ce n'est pas le travail de l'Assemblée nationale. Ce que vous demandez dans ce projet de loi, c'est de lever la prescription qui est applicable dans votre cas. C'est là la question de droit. M. le Président, je pense que peut-être il serait intéressant d'entendre les opposants sur cette question précise qui, j'imagine, intéresse la commission.

Le Président (M. Filion): M. le député de Joliette.

M. Chevrette: M. le Président, avant d'entendre les opposants, j'aimerais corriger ce que le ministre vient de dire. Le ministre dit que l'Assemblée nationale n'est pas une cour de justice. Ce n'est pas ce que le témoin demande. Le témoin n'a pas été jusqu'à maintenant victime d'un mauvais jugement ou même d'un jugement. Le témoin dit qu'il n'a même pas eu la chance d'avoir un jugement, parce que son syndicat ne lui en a pas donné l'occasion et il n'a même pas pu, à cause d'un manque d'argent, se trouver un procureur pour pousser plus loin. C'est très différent des causes qu'on a déjà eues devant l'Assemblée nationale où l'individu avait eu un jugement ou de la Cour supérieure ou de la Cour d'appel ou de d'autres cours - comme la Cour provinciale -et qui venait demander de corriger un jugement. C'est nettement différent comme approche. (10 h 30)

M. Marx: C'est de donner un droit qui est échu. C'est de donner à un citoyen un droit qui est échu à cause de nos lois. J'imagine qu'il y a des centaines ou des milliers de citoyens dans la même situation au Québec.

M. Chevrette: Je suis d'accord sur la prescription, mais pas sur le jugement.

M. Marx: Non, non, sur la prescription. Sur le jugement, j'ai pensé que... Comme M. Dugas l'a dit, il veut faire valoir ses droits. S'il y a d'autres forums pour faire valoir ses droits, tant mieux. Sur la question de la prescription, j'imagine qu'il y a des centaines et des milliers de citoyens dans la même situation. Si l'Assemblée nationale adopte une politique de modification des règles de la prescription dans des cas précis, on peut se poser la question à savoir si les règles de prescription servent à quelque but que ce soit. Peut-être faut-il entendre les opposants et voir.

Le Président (M. Filion): C'est cela. Je comprends qu'il y a d'autres intervenants. Cependant, avant, M. le député de Mille-Îles.

M. Bélisle: Ce que j'aimerais savoir de M. Dugas - et ce qui frappe mon esprit - ce sont les événements qui se sont déroulés entre le mois d'août 1982 et 1983. Vous venez de nous dire, M. Dugas, que vous êtes allé consulter des conseillers de l'aide juridique pour exposer votre dossier et l'autre date que vous mentionnez subséquemment c'est au mois de mars 1983. II y a, quand même, un délai de sept mois qui s'est écoulé. Ce que j'aimerais savoir c'est ce qui s'est passé durant ces sept mois.

M. Dugas: Je peux peut-être vous le résumer au complet.

Le Président (M. Filion): M. Dugas?

M. Dugas: Je m'excuse, M. le Président.

Le Président (M. Filion): M. Dugas, je vous en prie, allez-y.

M. Dugas: J'ai essayé d'être bref, c'est pour cela que j'ai sauté des étapes. Est-ce que vous voulez que je vous réponde ce qui c'est passé en clair.

M. Bélisle: Je veux que vous répondiez à ma question. Qu'est-ce qui s'est passé entre le mois d'août 1982, date où vous consultez votre avocat pour la première fois, et le mois de mars 1983, parce que dans mon esprit, M. Dugas, il y a quelque chose d'important qui aurait dû se passer pendant cette période et qui ne s'est pas passé. C'est un litige où il y a une tierce personne qui est impliquée et où vous avez possiblement d'autres recours à exercer. Certainement, cher ami.

M. Dugas: D'accord. Cela ne sera pas long. Je vais trouver mes choses.

Par la suite, on m'a référé à un comité d'aide aux travailleurs de l'est situé au 13 926 rue Notre-Dame à Pointe-aux-Trembles. M. Jean Cyr, lequel a étudié mon dossier pendant quelques mois, m'a conseillé pour une meilleure efficacité de m'adresser à la Commission des normes du travail. C'est tout de suite après avoir rencontré l'avocat, Me Poupart, de l'aide juridique de Joliette.

Le 20 décembre 1982, j'ai adressé ma requête à la Commission des normes du travail. On m'a avisé que l'inspecteur ferait enquête. Le 11 février 1983, j'ai rencontré l'inspecteur, M. Normand Dupont, lequel m'a fait signer une réclamation du dossier pour mes deux semaines de préavis.

Ensuite, on tombe au 7 mars 1983, c'est-à-dire ce que je vous ai dit tantôt. La Commission des normes du travail a fait parvenir à la compagnie Ultramar une mise en demeure. Ce qu'il y a entre les démarches auprès de l'aide juridique de 1982 et le mois d'août, il y a les références d'août, septembre, octobre,' novembre, décembre.

Au mois de septembre, environ, je me suis adressé au Comité d'aide aux travailleurs de l'est de Montréal, situé au 13 926 rue Notre-Dame, qui aidait les employés qui travaillaient dans les raffineries qui pouvaient avoir des maladies infectieuses.

M. Bélisle: M. Dugas, est-ce que je dois comprendre qu'à partir du mois d'août 1982 lorsque vous avez rencontré votre

procureur...

M. Dugas: Oui.

M. Bélisle: ...vous aviez comme opinion personnelle, à la suite des conseils de votre procureur, que vous n'aviez pas de recours devant les tribunaux?

M. Dugas: C'est cela.

M. Bélisle: Je n'ai pas entendu votre réponse.

M. Dugas: C'est bien cela, M. le député.

M. Bélisle: D'accord.

M. Chevrette: Est-ce que le comité des travailleurs de l'est vous a conseillé d'aller voir d'autres personnes?

M. Dugas: Oui. Ils m'ont conseillé d'écrire à la Commission des normes du travail.

M. Chevrette: D'aller à la Commission des normes du travail alors que vous aviez un syndicat?

M. Dugas: C'est cela.

M. Chevrette: Est-ce que votre convention collective disait que seul le syndicat pouvait faire un grief?

M. Dugas: Je le crois bien, oui.

M. Chevrette: C'est le problème de plusieurs conventions collectives. C'est écrit dans plusieurs conventions collectives "le syndicat et/ou l'employé", mais il y a beaucoup de conventions encore au Québec, malheureusement, qui donnent le pouvoir exclusif aux syndicats de faire un grief, et on se ramasse dans un cul-de-sac du genre. Il faudrait peut-être penser à changer la législation même du Code du travail.

M. Kehoe: M. le Président, est-ce que je pourrais poser une question, s'il vous plaît?

Le Président (M. Filion): M. le député de Chapleau, s'il vous plaît, allez-y.

M. Kehoe: C'est une question que je voudrais poser à M. Dugas. Quand M. Dugas dit que le 10 mai 1982, sans justification, l'association l'avisait qu'elle refusait de poursuivre sur le grief, pourquoi n'a-t-il pas poursuivi son grief lui-même? Il n'y a pas de raison.

M. Dugas: Je m'excuse, je n'ai pas compris.

M. Kehoe: Pourquoi vous n'avez pas poursuivi vous-même votre grief! Dans les attendus au projet de loi, vous dites que le 10 mai 1982...

M. Dugas: Oui.

M. Kehoe: ...sans justification, votre association a refusé de poursuivre votre cause. Pourquoi ne l'avez-vous pas continué vous-même? Vous êtes ici, aujourd'hui, seul, sans avocat et vous avez l'air d'être capable de défendre votre cause. Pourquoi n'avez-vous pas continué votre grief vous-même?

M. Dugas: Comment voulez-vous que je le poursuive moi-même? C'était à eux autres. Je cotisais depuis quatre ans et demi au syndicat.

M. Kehoe: Je comprends. Ils ont refusé pour des raisons dont vous dites ici qu'elles sont sans justification. On ne le sait pas nous autres. On ne sait pas les raisons de tout. Même si, vous, vous prétendez que c'est sans justification, vous auriez pu poursuivre vous-même votre grief.

M. Dugas: Écoutez-moi bien. Je vais vous expliquer quelque chose. Je vais vous répéter ce que j'ai lu. Le 10 mai 1982, je reçois une lettre de mon syndicat me confirmant qu'il n'aurait aucune autre possibilité que de rejeter mon grief. Comprenez mon découragement! Moi, je ne sais plus où m'en aller. J'ai demandé a aller en arbitrage. Ils ont refusé. Pourquoi refusent-ils? Parce que la compagnie Ultramar a fusionné avec une autre compagnie. On est deux groupes de chauffeurs qui sont là présentement et il y a deux syndicats.

M. Chevrette: II y a une période de maraudage, je suppose.

M. Dugas: Exactement.

Une voix: Ne vous occupez pas de cela!

M. Dugas: II existe un conflit entre les chauffeurs. La compagnie s'en lave les mains de cela.

M. Kehoe: Mais la question que je pose: Pourquoi vous n'avez pas poursuivi le grief vous-même?

M. Dugas: Je suis un chauffeur de camion, je ne suis pas un avocat.

M. Kehoe: Je comprends.

M. Dugas: J'ai pris de l'assurance

depuis quatre ans, des renseignements. Dans ce temps-là, je n'étais qu'un chauffeur de camion. Je savais que je faisais ma "job". Je faisais ma "job" comme il faut. Mais je n'étais qu'un chauffeur de camion, je n'étais pas un avocat. Je ne suis pas...

M. Chevrette: Avez-vous pensé poursuivre votre syndicat?

M. Dugas: Est-ce que j'ai pensé poursuivre mon syndicat? Non, parce que mes moyens étaient restreints. Je n'avais pas d'argent,

M. Kehoe: N'étiez-vous pas admissible à l'aide juridique?

M. Dugas: Oui, j'étais admissible à l'aide juridique. On me présente un avocat. Quand on arrive dans un bureau d'avocat, on est entre quatre murs...

M. Kehoe: Je parle de l'aide juridique.

M. Dugas: Oui, oui, d'accord. L'aide juridique. Je vous ai dit que j'avais été à l'aide juridique. On n'a pu me référer. J'ai demandé un mandat pour aller voir des avocats de pratique privée, qui ont accepté le mandat à ce moment-là. Quand vous arrivez dans un bureau, qu'il y a quatre murs, que vous êtes entre deux personnes et que l'avocat vous demande des sommes d'argent...

M. Kehoe: Mais, si vous êtes admissible à l'aide juridique...

M. Dugas: Oui?

M. Kehoe: ...l'avocat de pratique privée qui a accepté le mandat...

M. Dugas: D'accord.

M. Kehoe: ...n'a pas le droit de vous demander de l'argent.

M. Dugas: Exact.

M. Kehoe: Mais, à ce moment-là, vous auriez pu prendre un avocat de l'aide juridique, pas nécessairement de pratique privée.

M. Dugas: J'ai été voir un avocat de l'aide juridique et il n'a pas pu m'aider parce qu'il m'a dit qu'étant donné que je n'avais pas tout à fait cinq ans de fait je n'avais aucune chance.

M. Kehoe: Lui, il a jugé que votre cause n'était pas bonne.

M. Dugas: Pourquoi ne m'a-t-il pas dirigé vers le Tribunal du travail, tout de suite?

Le Président (M. Filion): M. le ministre de la Justice. Je rappelerais à tous les membres de la commission que nous avons déjà plusieurs intervenants concernant ce projet de loi. Cependant, je ne veux pas que cette remarque soit interprétée comme limitant votre droit à fouiller un point, mais simplement pour vous rappeler que nous avons plusieurs intervenants et qu'également nous avons plusieurs autres projets de loi à étudier. Je vous invite donc à préciser vos questions pour satisfaire les interrogations que vous vous posez sur le projet de loi qui est devant vous. J'inviterais quand même le ministre de la Justice...

M. Marx: Oui.

Le Président (M. Filion): Oui, d'accord. Est-ce que vous avez autre chose à ajouter, M. Dugas?

M. Dugas: Si vous voulez et si les membres de la commission le veulent, j'aimerais bien que mon témoin soit entendu.

Le Président (M, Filion): D'accord. M. Jean Pelletier.

M. Pelletier (Jean): Oui, M. le Président.

Le Président (M. Filion): Juste avant de vous laisser la parole, M. Pelletier, et pour donner suite à l'échange de tantôt entre le député de Joliette, le leader de l'Opposition, et le ministre de la Justice, je rappellerais, simplement pour l'information des membres de cette commission, les articles 52 et 53, non pas de notre règlement, mais de la Loi sur l'Assemblée nationale. "52. Le président ou tout membre de l'Assemblée, d'une commission ou d'une sous-commission peut demander à une personne qui comparaît devant elle de prêter le serment ou de faire la déclaration solennelle prévus à l'annexe II". Également, l'article 53 de notre loi dit: "Le témoignage d'une personne devant l'Assemblée, une commission ou une sous-commission ne peut être retenu contre elle devant un tribunal, sauf si elle est poursuivie pour parjure". On retrouve là, sauf erreur, les mêmes dispositions que l'on retrouve dans la loi sur la preuve. Je pense que cela peut vous satisfaire quant à l'échange qu'on a eu tantôt sur ce point.

J'inviterais maintenant M. Jean Pelletier à adresser les remarques qu'il désire aux membres de cette commission.

M. Pelletier: Très bien. J'étais un confrère de travail de Michel Dugas. On faisait le même ouvrage. On allait toujours

dans les mêmes coins. À un moment donné, Michel Dugas est tombé malade de la maladie que vous savez. Après environ un an, il a subi un accident de travail, soit au ménisque du genou. Après ce coup-là, Ultramar a pris des procédures pour congédier M. Dugas ou lui faire abandonner son emploi. Ils faisaient du harcèlement à l'endroit de M. Dugas. Michel Dugas a subi de la part d'Ultramar, à plusieurs reprises, du harcèlement, des téléphones au milieu de sa nuit de sommeil. On travaillait de nuit. Selon la convention collective, Ultramar ne devait pas nous appeler avant 16 heures. Ils nous appelaient - lui surtout - vers dix heures du matin. Ils lui donnaient aussi de l'ouvrage qui demandait beaucoup d'attention. Par exemple, trois produits d'essence mélangés avec deux produits de mazout domestique. Ceci est contraire aux politiques de transport, surtout dans le pétrole. Il pouvait y avoir une interchangeabilité de produits, cela prenait beaucoup d'attention. Pour n'importe quelle petite niaiserie mettons des accrochages ou des "spills" - M. Dugas recevait en moyenne deux ou trois jours de suspension de discipline, tandis que nous, pour la même chose, on n'avait absolument rien. Après une couple d'années de ce traitement, Ultramar a congédié Michel pour des raisons injustes. Cela c'était le 14 décembre 1981. Ultramar le réembaucha à peu près deux semaines plus tard avec pleine compensation. Ultramar a essayé à nouveau à plusieurs reprises d'autres façons de le congédier. Ultramar avait un camion qui portait le no 224. Ce camion avait un court-circuit, un gros défaut électrique. Quand il y avait un problème électrique sur le camion, cela éleetrisait la citerne. Ceci était extrêmement dangereux parce que cela surchauffait les fils. Il fallait enlever le contact pour couper le court-circuit. Ceci enlevait les lumières à l'intérieur et sur le "tacho". Le "tacho" ne fonctionnait plus. J'ai fait trois ou quatre rapports sur ce camion. Un à deux mois avant le congédiement de Michel Dugas, Ultramar, qui était au courant du défaut électrique, s'est servie de ce camion pour monter un dossier contre lui en vue de le congédier. On lui donnait ce camion assez régulièrement, ce qui était à rencontre de la convention collective, parce que Michel Dugas était attitré à un camion. C'était le numéro 579. À un moment donné, M. Dugas devait sortir avec le 579 et la compagnie Ultramar lui a redonné le 224 et a attendu que M. Dugas sorte de la cour et on m'a remis le camion 579. Ceci était à rencontre de la convention collective. Vu que le "tacho" ne fonctionnait pas quand le camion était en court-circuit, Ultramar s'est monté un dossier à l'effet que M. Dugas a volé du temps à la compagnie. Ceci était faux, parce que, sur cinq voyages pour lesquels Ultramar avait accusé Michel Dugas d'avoir falsifié le "tacho", nous avons fait trois voyages ensemble, soit à Sherbrooke, Bridgetown et Gatineau. Cela s'est passé les 9, 10 et 11 février 1982. Michel a été congédié le 20 avril 1982. Michel a alors produit un grief en première et deuxième étapes. Là, les deux syndicats étaient en maraudage: on était 24 chauffeurs du département de la "gazoline" et les autres étaient 50 chauffeurs saisonniers du département de "bunker" ou de mazout nos 2 et 3. (10 h 45)

M. Chevrette: Vous avez un "bunker" comme ici, à Québecl

M. Pelletier: Bon! Là, vu que les

Teamsters essayaient d'avoir ces 50 chauffeurs, on aurait dit qu'ils voulaient avoir certaines faveurs d'Ultramar. En assemblée syndicale, j'ai demandé à l'exécutif du syndicat - c'étaient Pierre Deschamps et Alphonse Ayotte - ce qu'il advenait du grief de Michel Dugas. Ils m'ont dit que l'assemblée n'était pas pour discuter du grief de Michel Dugas, que c'était pour autre chose. J'ai insisté à nouveau. Là, ils m'ont dit encore la même chose. Là, j'étais "accoté" par trois ou quatre chauffeurs qui ont demandé ce qu'il advenait du grief de Michel Dugas. Ils ont chuchoté ensemble et ils ont dit que Michel Dugas avait retiré son grief. Donc, nous avons eu l'impression que Michel Dugas avait retiré son grief. Mais Michel n'avait pas retiré son grief.

On demandait tout à l'heure pour quelle raison Michel Dugas n'a pas pu poursuivre son grief après. Il ne pouvait pas, parce qu'une fois que le grief est émis par le camionneur le grief appartient au syndicat. Si le syndicat décide de l'abandonner... Normalement, les procédures, c'est d'amener le grief en assemblée et les membres votent pour ou contre. Cela n'a pas été fait, parce qu'ils nous ont dit que Michel avait retiré son grief. On a appris, deux ans après, que le grief de Michel avait été étudié et qu'il y avait eu un avis juridique. En assemblée syndicale, on n'a jamais su ce qui était arrivé, on l'a su deux ans plus tard.

Concernant le congédiement de Michel, six mois plus tard, la compagnie s'est servie de ce même camion pour congédier Jean Cloutier, pour les mêmes raisons que dans le cas de Michel. Elle fut obligée, après le grief du nouveau syndicat en place, de réintégrer Jean Cloutier avec pleine compensation. C'était exactement la même chose, elle avait monté le même dossier, sur le 224, pour Jean Cloutier que celui qu'elle avait fait pour Michel Dugas. Je vous remercie. Si vous avez d'autres questions...

Le Président (M. Filion): Je vous remercie, M. Pelletier. J'inviterais maintenant... Évidemment, il y a sûrement

au moins une autre partie intéressée, la compagnie Ultramar Canada Inc. Je crois comprendre qu'elle est représentée par Me Marc Gravel. Est-ce que c'est exact?

M. Gravel (Marc): C'est exact.

Le Président (M. Filion): Me Gravel, bienvenue à cette séance de la commission. Je vous invite, dès maintenant, à vous adresser aux membres de la commission.

M. Gravel: M. le Président, au nom de la compagnie Ultramar Canada, en tant que son procureur, nous voulons vous faire part de la position de notre cliente face au projet de loi 233, pour plusieurs motifs. Les motifs d'opposition d'Ultramar à ce projet de loi ont été exposés dans un mémoire écrit, qui a été transmis à chacun des membres de la présente commission. Évidemment, on vous invite à en prendre connaissance...

Le Président (M. Filion): Je vous interromps. J'ai bien reçu le mémoire d'Ultramar. Est-ce que les autres membres de la commission... Je vois les députés faire un signe de tête disant oui, à l'exception peut-être...

M. Chevrette: Ultramar Canada Inc., Conclusions.

Le Président (M. Filion): Alors, j'inviterais peut-être le député de Marguerite-Bourgeoys, qui n'est pas membre de la commission... Je m'excuse, M. le député de Marguerite-Bourgeoys, je vous inviterais peut-être... Alors, dans mon cas, je l'ai reçu; dans les autres cas, on l'a peut-être reçu. Je vous inviterais à emprunter... Oui, peut-être dans votre dossier, cela fait partie...

Je vous inviterais à vérifier les documents de votre collègue, M. le député de Chapleau. Je m'excuse, Me Gravel, vous pouvez poursuivre.

M. Gravel: Je vous en prie. Vous me permettrez, M. le Président, de faire état succinctement des principaux motifs qui ont été invoqués par Ultramar pour s'opposer à ce projet de loi. Le premier motif tient aux faits qui sont présentés dans le projet de loi pour justifier ce que l'on recherche, c'est-à-dire l'adoption de ce projet de loi. Il nous apparaît que les faits qui vous sont présentés sont des faits inexacts et incomplets et que ces faits sont susceptibles de vous induire ou d'induire l'Assemblée nationale en erreur. C'est pourquoi nous estimons que l'Assemblée nationale ou la commission des institutions doit avoir le souci de vérifier l'exactitude de certains faits de base à l'appui du projet de loi.

Il est dit d'abord dans le préambule du projet de loi que c'est sans justification que le syndicat du requérant a décidé de ne pas donner suite au grief. Dans le mémoire qui vous a été transmis par Ultramar, vous voyez à l'annexe 3 une lettre datée du 10 mai 1982...

M. Chevrette: Est-ce que je peux vous interrompre...

Le Président (M. Filion): Oui, M. le député de Joliette.

M. Chevrette: ...pour vous dire que dans le projet de loi ce que vous dites est faux? Ce n'est pas la justification de la compagnie que l'on veut avoir dans le projet de loi, c'est la non-justification du syndicat vis-à-vis de M. Dugas. C'est nettement différent.

M. Gravel: C'est ce dont je parle, M. Chevrette.

Le Président (M. Filion): M. le député de Joliette, simplement. Je ne vous blâme pas, Me Gravel. Nous tentons ici d'appeler les parlementaires par le nom de la circonscription électorale qu'ils représentent. Alors, M. le député de Joliette.

M. Chevrette: Ah, mais cela ne me brusque pas.

Le Président (M. Filion): Mais quand même et encore une fois... Je sais que le député de Joliette est bien connu par son nom et c'est très bien aussi.

M. Chevrette: Le député de Joliette, cela rime, monsieur.

M. Gravel: M. le Président, je disais que le 10 mai 1982 on allègue que c'est sans justification que le syndicat a décidé de rejeter ou de ne pas donner suite au grief de M. Dugas. Alors vous voyez dans le mémoire qui vous a été transmis, en annexe 3, copie de la lettre transmise par le syndicat à M. Dugas pour lui expliquer son cheminement pour en arriver à la conclusion que ce grief ne devrait pas être porté à l'arbitrage ou qu'on ne donnera pas suite à son grief. Alors, dans cette lettre on fait état de consultations avec l'employeur, on fait également état du fait que M. Dugas n'a pas été en mesure lui-même de nier les faits qu'on lui reprochait à la base de son congédiement et on lui demandait de fournir des preuves concrètes que les allégations de la compagnie n'étaient pas fondées. Alors, lorsqu'on dit dans le projet de loi que c'est sans justification que le syndicat a décidé de ne pas donner suite au grief, on recherche en quelque sorte du législateur une caution du fait que le syndicat aurait décidé sans

justification aucune de ne pas donner suite au grief.

Il est également dit dans le préambule, et on le présente comme étant un fait, que le refus d'un avocat de l'aide juridique d'assumer le mandat que lui présentait M. Dugas avait eu comme conséquence de lui faire perdre ses recours. C'est entièrement faux. C'est le 10 mai 1982 que M. Dugas a appris de son syndicat que ce dernier ne porterait pas le grief à l'arbitrage. À compter du 10 mai 1982, si M. Dugas prétendait que son syndicat, à l'occasion de la décision qu'il venait de prendre, violait son devoir de juste représentation de M. Dugas en tant que syndiqué, M. Dugas avait un délai de six mois pour s'en plaindre au ministre de la Justice qui pouvait faire enquête là-dessus. Alors c'est mathématique: 10 mai 1982, plus six mois, cela nous reporte au 10 novembre 1982. Je fais ici référence aux dispositions du Code du travail, aux articles 47.2 et suivants qui prévoient les droits et recours d'un employé qui estime avoir été congédié et qui, à cette occasion, juge que son syndicat l'a mal représenté ou a agi avec discrimination ou mauvaise foi.

Alors donc M. Dugas avait un délai jusqu'au mois de novembre 1982 pour se virer de bord, si vous me permettez l'expression. Ce qu'il a fait en août 1982; il a consulté un avocat qui lui aurait dit ne pas vouloir assumer son mandat, mais, entre le mois d'août 1982 et le mois de novembre 1982, il y avait encore un délai de trois mois pendant lequel M. Dugas pouvait agir utilement. Ce ne sont pas des faits qui sont présentés aux membres de la commission lorsqu'on leur présente ce projet de loi.

Il y a un autre fait troublant dans le dossier de M. Dugas, et je vais parler d'un deuxième délai. Le premier délai, c'est un délai de deux mois pendant lequel M. Dugas pouvait toujours soumettre une plainte au ministre du Travail et, comme nul n'est censé ignorer la loi, cela s'applique également à M. Dugas. Il y a un autre fait troublant, c'est qu'entre 1982 et 1986 qu'est-ce qui se passe? On comprend qu'il a un recours devant la Commission des normes du travail pour deux semaines de préavis. Ce n'est pas un recours qui vise à la réintégration de monsieur dans son emploi. Ce n'est pas un recours qui vise à faire entendre son grief. De 1982 à 1986, il n'y a absolument aucune justification ou rien n'est dit aux membres de la commission pour justifier ces délais. Pourquoi, quatre ans plus tard, on vous arrive et on vous présente un projet de loi en disant: En 1982, j'ai perdu mes recours et maintenant, en 1986, je vous demande la permission de les exercer? Qu'arrive-t-il entre deux? Nous ne le savons pas. Au niveau des faits, à l'appui du dossier, ce qui nous apparaît, c'est que le requérant veut faire sanctionner par le législateur, sans preuve a l'appui, sa conduite, sa propre négligence, sa propre incurie, en quelque sorte.

Le projet de loi, M. le Président, met en cause d'autres principes. Je pense ici à un principe séculier qui est celui de la "Rule of law", qui est le principe de l'égalité de tous devant la loi ou, en d'autres termes, la loi est la même pour tous. En 1982, M. Dugas était régi, comme tout autre citoyen du Québec, par le Code du travail. Il avait des recours qui lui étaient offerts en vertu du Code du travail et il ne les a pas exercés. Maintenant, par une loi particulière, par une loi d'exception, M. Dugas demande à l'Assemblée nationale qu'on lui donne le droit, ce que n'ont pas les autres citoyens, de remettre en cause ce principe pour que la loi s'applique de façon différente, en quelque sorte, dans son cas. Un tel écart ne nous paraîtrait justifié que dans des cas exceptionnels où le requérant serait en mesure de démontrer son incapacité totale d'agir en fait ou en droit. On pense que le requérant n'a pas assumé ce fardeau de preuve qui lui incombait.

Par ailleurs, nous avons vu que le requérant n'a ni poursuivi son syndicat, s'il estimait que le syndicat avait commis une faute à son égard, ni poursuivi non plus... Si on laisse sous-entendre d'une certaine façon qu'il a été mal conseillé par les avocats qu'il a consultés, il aurait tout aussi bien pu intenter une poursuite en dommages-intérêts pour faute professionnelle contre ces procureurs. M. Dugas avait donc, en 1982, une multitude de recours qu'il pouvait exercer et il n'en a exercé aucun.

Le projet de loi, M. le Président, et c'est le troisième motif de l'opposition d'Ultramar, est un projet à caractère rétroactif. On estime que le législateur doit agir avec circonspection dans un dossier où on veut changer les règles du jeu qui ont été établies. On pense que c'est même une question de crédibilité du législateur. Car le législateur, au nom de l'ordre public, doit s'assurer que les lois s'appliquent pour tous et pour tous de la même façon. On doit éviter également, par une loi rétroactive, de remettre en cause des droits acquis parce qu'une situation qui s'est consommée sous l'égide des lois applicables à l'époque génère des droits acquis pour les parties qui peuvent tenir pour acquis que ce qu'elles ont fait à l'époque était correct puisque c'était sous l'égide de la loi de l'époque. Si on remet ce principe en question, on crée de l'insécurité et c'est, je pense, contraire à l'ordre public. C'est d'ailleurs pour cela que le Barreau du Québec, qui, sauf erreur, n'est pas représenté ici aujourd'hui...

M. Chevrette: II est derrière vous.

Le Président (M. Filion): II est derrière

vous.

M. Gravel: II est représenté, j'en suis heureux. C'est pour ce motif également que le Barreau s'oppose au projet de loi.

Le quatrième motif d'opposition d'Ultramar à ce projet de loi est d'ordre plus technique. C'est qu'on ne sait pas, avec le projet de loi qui vous est proposé, quel est le recours exact qu'entend exercer le requérant, qu'entend se voir autorisé à exercer le requérant. (11 heures)

M. le député de Joliette nous dit que le requérant veut porter son grief à l'arbitrage et on a pu comprendre du témoignage de M. Dugas que c'était aussi son intention.

De la façon dont l'article 1 du projet de loi est libellé, on peut se demander quel recours il entend exercer à la suite de l'adoption éventuelle de ce projet de loi. Je m'explique: Est-ce qu'il veut que son grief soit soumis directement à l'arbitrage - c'est ce qu'on croit - ou...

M. Marx: Est-ce que la compagnie Ultramar est prête à donner son accord pour l'adoption d'un projet de loi pour permettre à M. Dugas d'exercer ses droits?

M. Gravel: Certainement pas.

M. Marx: C'est inutile de parler de tout cela si vous n'êtes pas d'accord, si le libellé est mauvais. Mais si vous êtes d'accord pour permettre à M. Dugas d'exercer ses droits, on est prêt à modifier le projet de loi.

Le Président (M. Filion): En deux mots, Me Gravel...

M. Marx: Si c'est nécessaire, on peut suspendre pour vous donner le temps d'en discuter.

M. Gravel: Je vous en prie, je m'abstiendrai de vous en parler.

Le Président (M. Filion): Je voudrais juste poursuivre un peu votre idée. Sur le quatrième motif, je pense que cela va. Est-ce que vous avez d'autres motifs à faire valoir?

M. Gravel: Non, M. le Président, c'étaient principalement les trois motifs.

Le Président (M. Filion): II y a d'autres intervenants qui ont demandé à être entendus. Je ne sais pas si vous avez bien compris la question du ministre de la Justice. Je vais la répéter clairement: Est-ce que, malgré les motifs d'ordre juridique que vous mettez de l'avant et que nous avons bien entendus, que nous avons lus d'ailleurs dans les documents qui nous ont été remis à ce sujet...

Permettez-moi une parenthèse. Vous savez, lorsque la commission des institutions reçoit des documents, ils sont livrés à tous les membres de la commission. Uniquement pour l'information du député de Marquertte-Bourgeoys, je lui dirais que le mémoire d'Ultramar faisait partie du dossier qui lui a été remis le 26 mai 1986 à 10 heures et qui a été reçu à son bureau par D. Tremblay. Simplement pour l'information des membres de la commission - parfois vous notez que les messagers font signer vos secrétaires pour la réception des documents - on m'informe qu'effectivement le dossier a été remis à votre bureau. À partir de ce moment-là, la commission des institutions, quant à elle, aura fait le nécessaire. Peut-être que le document s'est égaré?

Cette parenthèse étant close, la question du ministre de la Justice et que je pose également en ce qui me concerne est la suivante: En dehors des motifs que vous faites valoir et qui sont essentiellement d'ordre juridique, est-ce que la compagnie Ultramar est prête à consentir, si on veut, aux dispositions du projet de loi privé qui est devant nous? Vous n'êtes pas obligé d'y répondre maintenant. Vous pouvez peut-être, si vous le voulez, consulter vos mandants et nous allons, si vous le permettez, profiter de ce temps pour entendre Me Jolin qui est le vice-président du Barreau et qui a demandé à être entendu par les membres de cette commission.

M. Gravel: M. le Président, si vous me le permettez, je vais vous répondre clairement tout de suite. C'est non. Ultramar n'est pas prête à acquiescer aux dispositions du projet de loi qui vous est proposé. Ultramar s'oppose à l'adoption de ce projet de loi pour les trois principaux motifs que nous venons d'énoncer.

Le Président (M. Filion): Je vous remercie, Me Gravel. Me Michel Jolin, vice-président du Barreau, a également manifesté le désir d'être entendu. Tout en l'invitant à venir prendre place à l'avant, je profite de l'occasion pour lui adresser, verbalement cette fois-ci, mes félicitations à la suite de son élection récente au poste de vice-président du Barreau. Est-ce qu'on dit vice-bâtonnier ou vice-président?

M. Jolin (Michel): La querelle est ouverte.

Le Président (M. Filion): La querelle est ouverte, excellent. Je suis sûr que les membres de cette commission des institutions, qui, comme vous le savez, regroupe les activités du ministère de la

Justice et du Solliciteur général, se joignent à moi pour vous féliciter de cette nomination et pour vous souhaiter la meilleure chance possible dans l'exercice de ce mandat.

Me Jolin, le Barreau a exprimé son intention d'être entendu. Je comprends que vous êtes accompagné de Me Christian Gauvin - c'est bien cela? - du service de recherche et de législation du Barreau. Bonjour Me Gauvin. Je vous invite donc à vous adresser aux membres de cette commission.

M. Jolin: Merci, M. le Président. Je vous remercie de vos bons voeux.

J'aurais une remarque préliminaire à faire en ce sens que les commentaires que je vais faire s'appliquent tout autant à ce projet de loi-ci qu'au projet de loi 251 concernant M. Lomer Pilote. Je ne sais pas si les procédures de la commission prévoient qu'un commentaire puisse être versé à l'égard d'un autre projet de loi, mais, avec votre permission, j'aimerais que le commentaire que je vais faire maintenant soit versé lorsque vous entendrez le projet de loi 251.

Le Président (M. Filion): Est-ce qu'il y a consentement?

M. Jolin: Je vous remercie. Ma deuxième remarque préliminaire est la suivante: Ni dans le cas de ce projet de loi ci, ni dans le cas du projet de loi 251, le Barreau du Québec ne prend parti pour qui que ce soit. Il envisage ces projets de loi comme étant des questions de principe et il n'entend pas discuter de la valeur ou de la vertu des arguments des parties en cause.

J'aimerais rappeler aux membres de cette commission que le Barreau du Québec a fait parvenir un mémoire au ministre de la Justice le 9 mai 1985 concernant les techniques de législation. Ce mémoire s'intitulait "Rapport du comité sur les techniques de législation."

Dans un premier temps, dans mes remarques, j'aimerais vous faire part de deux éléments que l'on retrouve dans ce rapport et qui apparaissent aux pages 20 et 21. Je les lis. C'est très bref.

Le Président (M, Filion): Me Jolin, est-ce que je pourrais vous interrompre? Je comprends - comme vous venez de l'exposer - que ce mémoire a été remis au ministre de la Justice. Est-ce que vous seriez disposé à en déposer une copie à cette commission pour qu'elle soit également distribuée aux membres de cette commission?

M. Jolin: Certainement, Dès après, je suis disposé même à faire en sorte qu'elle soit distribuée à tous les membres de la commission dans les plus brefs délais.

Le Président (M. Filion): Je vous remercie.

M. Jolin: Aux pages 20 et 21 de ce rapport, on peut lire ce qui suit: "Le comité du Barreau doit manifester sa réprobation devant l'augmentation extraordinaire, ces dernières années, spécialement au Québec, du nombre de lois rétroactives ou qui autorisent diverses personnes à édicter des règles de portée rétroactive. À titre d'exemple, les lois québécoises de 1982 comportent près de 350 dispositions portant rétroactivité. Le Barreau s'est élevé plusieurs fois dans le passé contre la rétroactivité des textes législatifs."

M. Marx: Ces lois rétroactives sont surtout pour l'impôt.

M. Jolin: Vous avez raison, M. le ministre. La raison pour laquelle j'ai extrait cette partie du texte, c'est pour raccourcir ma présentation. Cependant, à titre d'information, on retrouve dans le rapport que, même s'il y en a une majorité qui concerne les lois de l'impôt, il y en a quand même 140 qui ne concernent pas la Loi sur l'impôt. "Le principe de la légalité reconnu par la constitution canadienne implique que le justiciable soit informé à l'avance des règles qui doivent guider son comportement. Même si la rétroactivité peut se justifier dans certains cas pour éviter des maux encore pires, le comité estime qu'on en fait souvent un emploi inconsidéré. Il recommande donc que les législateurs ne recourent à la rétroactivité que dans les seuls cas où elle s'avère absolument indispensable."

C'est dans le contexte de ce mémoire que le bâtonnier du Québec de l'époque, Me Clément Trudel, s'est adressé à l'honorable Herbert Marx, ministre de la Justice, et à M. le député Guy Chevrette, qui ont reçu, chacun, une lettre précise sur la position du Barreau. Dans cette lettre, on notait... Je ne sais pas si elle a été distribuée aux membres de cette commission. Les deux lettres ont été distribuées. Alors, je n'ai pas besoin de la relire, sinon pour vous dire qu'il nous apparaît important que les lois d'ordre rétroactif soient dénoncées dans la mesure où au niveau de la règle de droit - et je suis obligé d'admettre qu'elles le font au niveau de la règle de droit et de la sécurité des justiciables - elles portent atteinte à des droits qui étaient clairement établis en faveur des parties.

Dans ce contexte, le Barreau vous fait la représentation qu'à son avis les deux projets de loi dont j'ai parlé précédemment ne devraient pas être sanctionnés par l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Filion): M. le député de Juliette,

M. Chevrette: Est-ce que le Barreau peut nous dire s'il existe des précédents législatifs dans le domaine des projets de loi privés en faveur de citoyens qui se présentent devant l'Assemblée nationale?

M. Jolin: Je ne peux pas vous dire s'il en existe.

M. Chevrette: Ce n'est pas un piège, Me Jolin.

M. Jolin: Je ne peux pas vous dire s'il en existe.

M. Chevrette: J'ai fait fouiller un de mes procureurs qui travaille pour moi comme attaché politique. Il m'a sorti un projet de loi très récent et qui ne remonte même pas à une décennie. C'est une cause ou une Loi concernant Claude Desfossés. C'est le chapitre 111, sanctionné le 22 juin 1979. C'est donc assez récent. C'est à peine six ans. C'est un pompier qui demandait d'être relevé des prescriptions légales. C'est exactement de la même nature. On a une cause exactement sur le même motif, le même fondement qui est de lever le délai de prescription précisément pour permettre à l'individu d'aller au tribunal compétent pour être entendu sur le fond.

À mon point de vue, l'Assemblée nationale ne peut pas avoir deux poids, deux mesures devant des citoyens qui poursuivent la démarche jusqu'à la possibilité d'un projet de loi privé. Ce n'est pas un précédent aujourd'hui que créerait l'Assemblée nationale du Québec en adoptant le projet de loi en faveur de M. Dugas puisqu'on n'aurait qu'à transcrire le mot à mot de la loi de Desfossés de 1979. Si on veut enlever les "giddy" de la loi si on n'est pas d'accord avec le libellé ou le "rewriting" de la loi de M. Dugas, on n'a qu'à prendre la loi sanctionnée le 22 juin 1979 et à écrire Michel Dugas. On ne créera pas de précédent. Au contraire, on est assis sur quelque chose de très solide qui démontre que l'Assemblée nationale, même à l'intérieur de la dernière décennie, a adopté une loi exactement similaire. Je serais peiné comme législateur qu'on ne soit pas capable de donner sa chance à un citoyen qui a le courage de venir par lui-même - ce n'est pas un professionnel du droit, mais il fait des recherches au point de se rendre devant la Législature québécoise - demander non pas d'outrepasser un jugement, mais, au moins, d'être entendu sur le fond. M. le Président, personnellement comme législateur et comme citoyen élu pour représenter des citoyens, je trouve qu'on n'a pas le droit de s'opposer à cela.

Au-delà des mises en garde correctes du Barreau... C'est votre rôle. Ce n'est pas pour descendre le Barreau que je dis cela. J'ai lu la lettre avec attention. Je sais que c'est sur la notion de précédent. Je me suis enquis à ce moment: Est-ce qu'il y a des précédents? J'ai mis la main sur la loi Desfossés, qui a été adoptée par plusieurs des législateurs qui sont ici. Je crois que, si le député de D'Arcy McGee n'était pas là, il était sur le point d'arriver et sûrement que le député de Chapleau était là, le député de Mercier était là et j'étais là. On a voté comme législateurs pour une loi exactement similaire, qui ne crée aucun précédent.

Quant à Ultramar, c'est bien compréhensible qu'elle soit contre. Écoutez, c'est une compagnie qui a réussi à profiter d'un vide ou d'un quasi-vide juridique entre deux syndicats qui se partageaient le pouvoir. Il y a une victime d'un système de maraudage qui se règle en catimini. Elle n'a même pas pu rétorquer à la lettre du syndicat.

Je pense que, si on a été capable de donner à un pompier un pouvoir non pas de gagner sur le fond mais d'être entendu sur le fond - c'est cela qu'on nous demande comme privilège - personnellement comme législateur, au moment où vous enregistrerez les votes, vous tiendrez pour acquis que j'enregistrerai ma dissidence face à un vote négatif, c'est certain. On ne crée pas de précédent ici. On ne fait qu'accorder un droit à un individu d'être entendu. Je vais distribuer pour le profit de la commission la loi du chapitre 111, sanctionnée le 22 juin 1979, qui démontre que mes allégations sont fondées sur un précédent juridique passé en cette enceinte.

Le Président (M. Filion): Merci, M. le député de Joliette. M. le ministre de la Justice.

M. Marx: J'ai juste deux remarques, M. le Président. Premièrement, en ce qui concerne l'intervention du Barreau, nous sommes généralement d'accord avec cette prise de position. J'aimerais dire qu'en Angleterre on a toujours dit: Le Parlement, c'est "the High Court of Parliament". Ici, c'est la même chose, puisque nous avons hérité des mêmes traditions, l'Assemblée nationale est le "High Court of Parliament" dans le sens que l'Assemblée nationale pourrait intervenir en dernière instance dans certaines causes. (11 h 15)

Mais nous sommes d'accord avec vous sur cette question de lever des prescriptions à droite et à gauche. On ne pourra pas faire cela si on veut garder l'institution de la prescription. L'Assemblée nationale s'est toujours refusée à lever ces prescriptions, sauf dans des cas exceptionnels.

Le député de Joliette a soulevé la Loi concernant Claude Desfossés. Il a invoqué cette loi comme un précédent. Cette Loi concernant Claude Desfossés faisait bénéficier M. Desfossés d'une modification subséquente à la loi qui rendait exécutoires les ordonnances de réintégration. C'est-à-dire qu'on a donné un mécanisme pour faire exécuter ces ordonnances de réintégration. Par contre, le recours que M. Dugas demande à exercer est, sauf une modification mineure, identique à celui qu'il a laissé s'éteindre. C'est cela la différence, parce que M. Dugas n'était pas dans l'impossibilité de faire valoir ses droits.

Si quelqu'un glisse sur le trottoir à Montréal et qu'il n'envoie pas de lettre à la ville de Montréal dans les quinze jours qui sont prévus dans la Charte de la ville de Montréal, est-ce qu'il peut venir à l'Assemblée nationale et dire: Je n'ai pas exercé mes droits et j'étais dans l'impossibilité de les exercer, mais j'ai consulté un avocat qui m'a dit que j'avais encore le temps? L'avocat a fait une erreur et ce n'est pas à l'Assemblée nationale de corriger cela. S'il donne un avis, mais s'il ne prend pas action dans les six mois, parce que l'avocat lui dit: Vous avez sept mois, je vais le faire, et que l'avocat oublie de prendre action - cela arrive qu'un avocat laisse courir la prescription - le citoyen perd son recours devant les tribunaux. Est-ce que le citoyen peut venir devant l'Assemblée nationale en disant: Mon avocat a fait une erreur; j'ai été mal conseillé par mon avocat, je veux que l'Assemblée nationale corrige la situation? Cela pourrait être un système de droit, mais ce n'est pas notre système de droit. On n'est pas ici aujourd'hui pour changer notre système de droit.

Nous sommes très sympathiques à la cause présentée par le député de Joliette et par M. Dugas. M. Pelletier a expliqué les faits, mais on ne peut pas lever les prescriptions à droite et à gauche. C'est pourquoi nous avons demandé à l'avocat d'Ultramar si la compagnie, après l'adoption d'un tel projet de loi avec des modifications... C'est parfait, parce que les deux parties sont d'accord. Donc, l'Assemblée nationale intervient juste pour faciliter le recours.

M. Chevrette: Mais sur le fond, M. le ministre?

M. Marx: Sur le fond, on ne peut pas accepter.

M. Chevrette: Je vous pose une question. Ce que nous avons accordé comme Assemblée nationale à M. Desfossés.

M. Marx: Ce n'est pas la même chose.

M. Chevrette: Non, je ne dis pas que c'est la même chose, mais ce que demande M. Dugas, c'est moins que M. Desfossés. C'est moins, parce que M. Desfossés demandait, lui, que sa prescription légale ne soit pas prescrite pour les remboursements qu'un tiers doit faire, alors que, après jugement, M. Dugas n'est même pas sûr de gagner sur le fond. On ne peut pas présumer qu'il va gagner; on dit qu'il va être entendu sur le fond. Je vous avoue que je nous trouve maigres dans nos propos.

M. Marx: Pour nous, il y a une distinction importante entre ces deux projets de loi. Je peux vous dire, M. le Président, que nous avons demandé aux avocats au ministère de la Justice de fouiller ces questions et ils ont préparé des opinions qui démontrent qu'il existe une distinction assez claire entre les deux projets de loi et je vous ai déjà résumé cette différence. Malheureusement, M. le Président, on ne peut pas lever les prescriptions. Si on le fait aujourd'hui, on sera appelé à le faire demain, après-demain et il n'y aura pas d'institution qu'on appelle la prescription.

Si Ultramar, comme compagnie, est prête à accéder au recours, c'est une autre paire de manches et nous serons prêts à faciliter ce recours. Mais, si Ultramar est contre le fait d'accorder un tel recours, c'est très difficile pour l'Assemblée nationale d'intervenir. Cela ne s'est jamais fait et on ne peut pas commencer aujourd'hui. Beaucoup de personnes au Québec perdent leurs droits à cause d'une prescription échue, non seulement au Québec, mais partout en Amérique du Nord et partout dans le monde. La prescription, c'est la prescription. Si vous avez deux ans pour aller devant les tribunaux et si vous y allez dans deux ans et un jour, votre action est prescrite. Notre droit a toujours été comme cela. C'est difficile de changer cet état du droit a ce moment-ci. Voilà.

On peut rejeter le projet de loi sur division.

Le Président (M. Filion): Je remercie Me Jolin. Me Gauvin, je vous remercie de vous être déplacé. J'appelle donc l'article 1 du projet de loi 233.

Une voix: Adopté.

M. Marx: Rejeté sur division, M. le Président.

Le Président (M. Filion): Même chose pour l'article 2?

Une voix: Adopté. M. Marx: Oui.

Le Président (M. Filion): Et le préambule. J'appelle également le titre du projet de loi.

Une voix: Adopté. Une voix: Rejeté. M. Marx: Rejeté sur division.

Le Président (M. Filion): Je comprends donc que l'ensemble du projet de lot est rejeté sur division.

M. Marx: Rejeté sur division.

Le Président (M. Filion): J'appelle donc maintenant le projet de loi 224,

Une voix: II faut suspendre une minute.

Le Président (M. Filion): Je vais suspendre pour permettre le changement des intervenants et demander aux personnes concernées par le projet de loi 224 de s'approcher.

Nous allons suspendre nos travaux pour quelques minutes seulement.

À l'ordre! On m'informe qu'en ce qui concerne le projet de loi 224 certains travaux visant à nous soumettre des amendements sont en voie d'être finalisés. En conséquence nous allons suivre plutôt l'ordre que l'on s'est donné au départ. Donc, nous appelons le projet de loi 229, Loi concernant un immeuble du cadastre de la paroisse de Saint-Barnabé (division d'enregistrement de Shawinigan) et nous suspendons pour deux minutes.

(Suspension de la séance à 11 h 24)

(Reprise à 11 h 33)

Le Président (M. Filion): À l'ordre, s'il vous plaîti

J'appelle maintenant le projet de loi 229, Loi concernant un immeuble du cadastre de la paroisse de Saint-Barnabé (division d'enregistrement de Shawinigan) présenté par M. le député de Nicolet, à qui je cède la parole pour quelques mots de présentation.

Projet de loi 229

M. Richard: La congrégation des soeurs de l'Assomption de la Sainte Vierge forme une corporation dont les fins sont la religion, la charité, l'enseignement, l'éducation et le bien-être. Le siège social de cette corporation est situé dans la circonscription électorale de Nicolet. La corporation est ici représentée par les révérendes soeurs Gertrude Dumouchel et Jeanne-d'Arc Lemay, respectivement supérieure de la province de

Trois-Rivières et économe générale de la congrégation. Elles sont assistées de leur conseiller juridique, Me Jean-Eudes Roy, notaire de Nicolet.

La teneur du projet. Les soeurs de l'Assomption de la Sainte Vierge s'adressent à l'Assemblée nationale du Québec afin de faire abolir les charges et conditions affectant un immeuble situé à Saint-Barnabé-Nord. Ces charges et conditions, de même que les chiffres qui justifient l'adoption du projet de loi sont résumés dans le préambule du projet de loi 229.

En résumé, c'est ceci. En 1890 - on se reporte à au-delà de cent ans - les soeurs de l'Assomption ont construit un couvent en face de l'église et du presbytère, dans le village, sur un terrain qui leur avait été cédé à l'époque. Puisque la fabrique avait accordé une certaine participation financière à la construction du couvent, il était spécifié dans le contrat notarié que le jour où les soeurs de l'Assomption voudraient vendre ou utiliser ce couvent à d'autres fins que des fins d'éducation, elles auraient à verser un maximum de 3000 $ à la fabrique, ce qu'elles ont fait dernièrement. Les soeurs utilisent toujours le couvent pour des fins d'éducation, pour l'enseignement de la musique, entre autres, et vous comprendrez qu'elles peuvent éventuellement être appelées à utiliser cette propriété à d'autres fins, pour un HLM ou autrement.

À ce moment-là, la loi doit absolument être modifiée, et c'est le but de la présentation de ce projet de loi privé.

Le Président (M. Filion): M. le ministre de la Justice.

M. Marx: M. le Président, nous comprenons le problème, il s'agit d'annuler une clause d'utilisation. Nous avons déjà, dans le passé, adopté des projets de loi semblables. J'aimerais souligner à la commission que dans la cause Saint-Télesphore contre la Société d'habitation du Québec, cause de la Cour supérieure en 1982 ou 1983, la cour a statué que dans des situations semblables, les personnes doivent se présenter devant l'Assemblée nationale pour demander une telle modification, parce que les cours ne peuvent pas intervenir dans de tels cas.

Deuxièmement, j'aimerais souligner que dans le projet de loi 20, lequel sera adopté au cours de la présente session, espérons-le, on prévoit dans un article que ce sera par l'effet de la loi que l'on va régler de tels problèmes. À l'avenir, il ne sera plus nécessaire que les parties se présentent devant l'Assemblée nationale. Le ministère de la Justice est tout à fait en accord avec ce projet de loi. S'il n'y a pas d'opposition, on pourrait l'adopter, sauf si les membres de la commission veulent d'autres explications

de l'avocat.

Le Président (M. Filion): J'ai quelques autres questions à poser; peut-être que d'autres membres de la commission ont également des questions à poser. Dans ce sens-là, on va poursuivre, si vous le permettez, M. le ministre de la Justice. Est-ce que vous aviez terminé, M. le député Nicolet?

M. Richard: Oui, cela va.

Le Président (M. Filion): Oui. Alors, Me Jean-Eudes Roy, notaire, est présent. Bonjour, Me Roy. Est-ce que vous voulez ajouter quelques mots? Vu l'expression d'opinion donnée par le ministre de la Justice, peut-être que vous seriez prêt plutôt à répondre à nos questions?

M. Roy (Jean-Eudes): Oui, je suis entièrement d'accord. Je vais simplement répondre à vos questions.

Le Président (M. Filion): Je serais intéressé de savoir quelles sont les démarches qui ont été faites, s'il y en a, pour retrouver les héritiers.

Mme Dumouchel (Gertrude): Pour retrouver des héritiers, il y a eu des démarches qui ont été faites il y a déjà une dizaine d'années. La personne avait fait beaucoup de contacts pour essayer de savoir si quelqu'un existait, des descendants de la famille de Mlle Thiboutott, laquelle avait donné le terrain. Elle n'a abouti à rien. Mais, la deuxième démarche qui a été faite est un peu plus récente. C'est un nonagénaire de la paroisse de Saint-Barnabé qui a connu celle qui avait donné le terrain. Il a été contacté. Il a dit que, de toute sa mémoire d'homme, il n'était pas capable de se souvenir que cette célibataire avait des descendants. Il ne semble pas y avoir d'héritiers passibles.

Le Président (M. Filion): Oui?

M. Marx: M. le Président, j'aimerais juste souligner qu'à l'article 4 du projet de loi, il y a une clause afin de donner des droits personnels à ses héritiers, le cas échéant, pour dix ans. C'est une clause que l'on met souvent dans ces projets de loi. Donc, s'il y a des héritiers, si quelqu'un se manifeste, cette personne va bénéficier de droits personnels pour dix ans.

Le Président (M. Filion): M. le ministre de la Justice, effectivement, j'avais remarqué l'article 4. Je sais qu'on transforme, en quelque sorte, si on peut me permettre l'expression, des droits réels en droits personnels, comme cela se fait égale- ment, m'a-t-on signalé, dans plusieurs projets de loi privés. J'avais noté cela. Quand même, étant donné que le droit réel est clair et précis et que le droit personnel est une variable inconnue, c'est pour cela que je posais la question.

À quand remonte cette dernière démarche auprès de ce monsieur qui, de mémoire d'homme, n'a pas connu d'héritiers à cette célibataire qui était Mme Thiboutott?

Mme Dumouchel: Ceci remonte au 31 mai 1979.

Le Président (M. Filion): Qui était ce monsieur, finalement?

Mme Dumouchel: M. Joseph Desaul-niers, qui est décédé depuis. Il est décédé le 23 janvier 1984 à l'âge de 94 ans.

Le Président (M. Filion): D'accord. Une question. Oui, Me Gravel? Me Roy.

M. Roy: M. le Président, tout à l'heure, vous avez demandé l'âge. La donatrice, Prudence Émilie Thiboutott, est décédée à l'âge de 72 ans. On note dans le certificat de décès qu'étaient présents à l'inhumation M. l'abbé Paul Lamy et M. l'abbé Jean-Paul Garceau qui ont signé avec nous. Aucun parent n'a signé le registre. C'est une autre indication qu'elle n'avait pas de parenté connue au moment de son décès. Comprenez-vous?

Le Président (M. Filion): D'accord.

M. Roy: Ce décès a eu lieu le 13 janvier 1896. Il est important ensuite de souligner que les révérendes soeurs ont donné l'instruction complète, avec statistiques à l'appui, pendant plus de 90 ans, jusqu'en 1971. Il y avait un pensionnat et ce sont les transformations dans notre monde scolaire qui ont fait que ce couvent sert depuis pour des cours de musique et des choses comme cela.

Mais c'est un édifice de trois étages, c'est beaucoup trop considérable. C'est difficile à chauffer et à entretenir.

Le Président (M. Filion): Quelle est la destination actuelle et future, à quoi servent...

Mme Dumouchel: Actuellement, sept religieuses habitent le couvent, dont une est professeure de musique. Elle reçoit une trentaine d'élèves, ce qui veut dire que plusieurs pièces de la maison sont inoccupées.

Le Président (M. Filion): C'est une maison de plusieurs pièces. Combien de pièces, grosso modo?

Mme Dumouchel: C'est une maison de 30 pieds sur 60 pieds, trois étages. Exactement...

Une voix: 20 chambres.

Mme Dumouchel: II y a une vingtaine de chambres.

Le Président (M. Filion): D'accord. Quelle est la valeur du terrain, Me Roy? L'évaluation, la valeur marchande?

M. Roy: La valeur du terrain, selon l'économe générale, serait d'environ 30 000 $.

Mme Lemay (Jeanne-d'Arc): La bâtisse et le terrain, aux livres, sont de 30 000 $. L'évaluation municipale peut aller jusqu'à 50 000 $. Le terrain, à l'achat, au début, était évalué à 500 $. Dans les livres, ce que nous avons vu en 1913, on avait évalué le terrain à 500 $.

Le Président (M. Filion): D'accord. Oui, Me Roy.

M. Roy: II serait intéressant d'ajouter qu'il y a quelques années il y a eu un projet de foyer d'hébergement dans la municipalité. Ce couvent devait servir. À cause des restrictions dans le titre de propriété, on a fait le projet d'hébergement ailleurs. Tandis que d'autres couvents de religieuses, comme à Saint-Léonard dans le comté de Nicolet, à Gentilly, ont été transformés en foyers d'hébergement. Mais dans ce cas-ci, à cause du titre de propriété, le projet a dû être exécuté ailleurs.

Le Président (M. Filion): D'accord. J'ai été un peu surpris de voir que les 3000 $ sont maintenant payés par les soeurs de l'Assomption. Est-ce que je dois comprendre, ma soeur, que vous avez jugé bon tout simplement, non pas pour vous donner bonne conscience, mais pour exécuter en partie...

Mme Lemay: C'était pour faire avancer les choses.

Le Président (M. Filion): C'était pour faire avancer les choses.

Mme Lemay: On s'est dit: Le notaire nous l'a demandé et cela faisait tellement longtemps qu'on voulait... Le projet que Soeur Gertrude nous a présenté, nous avons été dans l'impossibilité d'y répondre à cause de cela; c'est pour cela, vu que la démarche se faisait, qu'on n'a pas voulu empêcher que cela se fasse le plus tôt possible. (11 h 45)

Le Président (M. Filion): D'accord. Une dernière question. À votre connaissance, révérende soeur et Me Roy, il y a eu dans le passé ou il y a actuellement, directement ou indirectement, à votre connaissance personnelle ou autrement, manifestation d'opposants ou d'autres intervenants, quels qu'ils soient, qui s'opposaient en partie ou en totalité au projet de loi que vous avez présenté à l'Assemblée nationale par l'intermédiaire de votre député?

Mme Dumouchel: De ma part, aucune opposition de personne.

M. Roy: J'ai préparé le contrat au mois de janvier, si ma mémoire est fidèle, et j'ai soumis à la fabrique le contrat concernant les 3000 $ qui est le consentement de la fabrique également. La résolution de la fabrique que j'ai préparée a été soumise aux autorités diocésaines et l'évêque de Trots-Rivières a ratifié la résolution de la fabrique. Je suis allé après à Saint-Barnabé-Nord faire signer par les autorités de la fabrique. En d'autres termes, il n'y a aucune opposition quelconque.

Le Président (M. Filion): Et de votre côté, soeur Lemay?

Mme Lemay: On a eu un avis de présentation d'un projet de loi d'intérêt privé qui a paru quatre semaines dans les journaux et personne n'a répondu à cela.

Le Président (M. Filion): D'accord. Les membres de la commission ont-ils d'autres questions à poser aux intervenants?

M. Marx: Je voulais dire, M. le Président...

Le Président (M. Filion): Oui, M. le ministre.

M. Marx: ...qu'il va sans dire que les légistes du ministère de la Justice ont fouillé ces dossiers et ont pris toutes les informations nécessaires. Il n'y a pas d'opposition à ce projet de loi, lequel est semblable à plusieurs autres adoptés par l'Assemblée nationale. Donc, nous sommes d'accord.

Le Président (M. Filion): D'accord. Alors, sans plus, j'appelle donc l'article 1 du projet de loi 229.

M. Marcil: Adopté.

Le Président (M. Filîon): Adopté. L'article 2?

M. Marcil: Adapté.

Le Président (M. Filion): Adopté. L'article 3?

M. Marcil: Adopté.

Le Président (M. Filion): Adopté. L'article 4?

M. Marcil: Adopté.

Le Président (M. Filion): Adopté. L'article 5?

M. Marcil: Adopté.

Le Président (M. Filion): Adapté. J'appelle le préambule.

M. Marcil: Adopté.

Le Président (M. Filion): Adopté. J'appelle le titre.

M. Marcil: Adopté.

Le Président (M. Filion): Adopté. J'appelle donc l'ensemble du projet de lot.

M. Marcil: Adopté.

Le Président (M. Filion): Adapté. Alors, révérende soeur Dumouchel, révérende soeur Lemay et Me Roy, il me fait plaisir de vous dire qu'en commission, ici, comme vous le savez, le projet de loi a été adopté. Ce projet de loi reviendra à l'Assemblée nationale. Nous allons faire rapport à l'Assemblée nationale à la suite de l'étude détaillée que nous avons faite du projet de loi et à la suite de l'adoption de ce projet de loi, y compris, M. le ministre de la Justice, la sanction par le lieutenant-gouverneur, n'est-ce pas?

M. Marx: Je vais faire...

Le Président (M. Filion): À ce moment-là, ce projet de loi deviendra loi et, donc, réglera en partie vos problèmes. Il va rester des problèmes spirituels et temporels dont vous allez continuer à vous occuper. Alors, M. le député de Nîcolet.

M. Richard: J'ai un commentaire de remerciements et par la même occasion je veux remercier les soeurs de l'Assomption de leur magnifique travail dans le domaine de l'éducation dans tout le Québec.

M. Marx: Adopté à l'unanimité.

Le Président (M. Filion): Adopté à l'unanimité. Au revoir.

Alors, sans suspension, avec la permission des membres de la commission, étant donné que nous avons quand même du pain sur la planche, est-ce que le projet de loi 224 est prêt pour être étudié par la commission?

Projet de loi 242

Alors, tout en respectant l'ordre du jour que nous nous sommes fixé, j'appelle le projet de loi 242, Loi concernant Varina Beattie, et j'invite les intervenants intéressés par ce projet de loi à bien vouloir s'approcher. Ce projet de loi est proposé par Mme la députée de Groulx qui est présente.

J'invite sans plus Mme la députée de Groulx à bien vouloir adresser quelques mots de présentation du projet de loi aux membres de la commission.

Mme Bleau: M. le Président, dans ce projet de loi, je voudrais attirer votre attention sur la rédaction de l'article 1 à la page 4, où on voit les mots "était décédée". Varina Beattie demande, selon l'article 21 de la charte des droits du Québec, qu'on retire ces mots car, dit-elle, elle ne peut en aucune façon souhaiter la mort de sa mère.

Deuxièmement, je peux vous dire que Varina se présente devant nous en dernier recours, espérant que nous pourrons lui rendre justice. Elle a déjà pris, sans succès, des procédures en cour afin d'avoir une pension alimentaire, mais à ce moment, elle n'était pas malade et n'était pas non plus bénéficiaire de l'aide sociale. Aujourd'hui elle est malade, le rapport du psychiatre le prouve, et elle vit de prestations d'aide sociale.

La mère étant très riche, le fait de donner à Varina ce qui devrait lui revenir de droit ne la priverait aucunement. Je peux vous dire que Varina est même prête à remettre toutes les sommes que l'aide sociale lui a versées jusqu'à maintenant. Je propose à votre attention ce projet de loi en espérant qu'on pourra rendre justice à Mlle Beattie.

Le Président (M. Filion): Je comprends que Mme Beattie est présente.

Mme Bleau: Son avocat.

Le Président (M. Filion): Elle est absente et elle est représentée par Me John Fetherstonhaugh.

M. Fetherstonhaugh (John): C'est moi, M. le Président.

Le Président (M. Filion): Bonjour! Et Me Marie-Andrée Gravel.

Mme Gravel (Marie-Andrée): Bonjour!

Le Président (M. Filion): Bonjour! Bienvenue à cette séance de la commission des institutions. Je vous inviterais à adresser les remarques pertinentes aux membres de cette commission.

M. Fetherstonhaugh: Pour faire suite aux paroles de Mme la députée de Groulx, Madeleine Bleau, je suis bien reconnaissant...

Le Président (M. Filion): Me

Fetherstonhaugh, si vous voulez, vous pouvez demeurer assis. C'est probablement une habitude que vous avez prise quand vous allez devant les cours de justice. Ici, comme vous le savez, vous pouvez demeurer assis et sans indisposer, en aucune façon, les membres de cette commission qui vous voient et vous entendent bien.

M. Fetherstonhaugh: Merci, M. le Président. Je veux remercier beaucoup Mme Bleau pour toute l'attention qu'elle a portée à cette cause vraiment pénible.

Je vais essayer de m'exprimer dans la langue française, qui n'est pas ma langue maternelle. Quand j'étais à l'Université Laval, je m'exprimais mieux. Présentement, je cherche parfois mes mots. Je regrette infiniment, M. le Président, je dois m'exprimer d'abord en grec classique. Combien ici ont reçu une formation classique ou assez pour savoir ce qu'est un lit de Procuste "a procrustean bed", un "bill" qui n'est pas le nôtre?

Déjà, Mme Bleau a soulevé la question de ne pas parler de la mort de sa mère dans un projet de loi où elle cherche de l'argent pour vivre. J'invoque l'article 21 de la charte qui permet à n'importe qui de venir devant l'Assemblée nationale pour soulever n'importe quoi. La première rédaction que j'ai donnée aux autorités du ministère de la Justice comportait un récit complet des deux opinions juridiques qu'a reçues Varina. L'opinion numéro 1, celle de Peter Blaikie, qui a reçu la médaille d'or en passant par l'École de droit et l'opinion 2, de John Brierley, qui était le doyen de la Faculté de droit à McGill.

En invoquant l'article 21, je peux insister afin que les députés règlent cette affaire en toute connaissance de cause. Je suggère très respectueusement que non seulement je soulève le droit politique de ma cliente, article 21 de la charte: "Toute personne a droit d'adresser des pétitions à l'Assemblée nationale pour le redressement de griefs", je ne veux pas que le droit de ma cliente soit limité par des rédactions des autorités en place.

Je dois admettre que j'étais bien fâché contre ma cliente de temps en temps. Je lui ai même dit: "Do not tell me the law, you silly little girl". D'un autre côté, elle m'a téléphoné hier soir, lorsque j'étais chez le notaire Stuart Wright, pour que je lui suggère quoi faire. De temps en temps, les avocats doivent écouter les clients en même temps que les clients doivent écouter leur avocat. Elle m'a dit: "Prétendez que vous êtes moi et soulevez ce que vous avez à soulever." Elle n'est pas avocate. Elle reçoit deux opinions juridiques d'avocats très éminents.

J'ai vérifié au bureau de M. Patterson au sujet d'une affaire de trust. Cela a pris dix ans à se régler. Elle est bénéficiaire de l'aide sociale. J'ai réussi à la faire soigner par un médecin psychiatre et le rapport du médecin est entre les mains du ministre de la Justice.

La deuxième chose que ma cliente m'a dite c'est: "ce contrat de mariage a été fait pour me protéger, pour que je ne tombe jamais sur le bien-être social." C'est un contrat assez intéressant. C'est en faveur des enfants à naître. Selon l'opinion de Me Brierley, c'est tout à fait en ordre. Selon notre droit civil, il y a même un jugement de la Cour suprême qui le confirme.

J'ajoute à ce qu'a dit ma cliente que non seulement son contrat de mariage était en faveur des enfants et pour leur protection, mais je dis que tous les documents et testaments qui ont jamais été rédigés par Me Van Horne et ses héritiers entre les mains du Royal Trust étaient pour la protection des descendants directs. Si on regarde le calendrier du Royal Trust, d'il y a quelques années, on voit les quatre générations dans le calendrier.

Je regrette d'être venu ici. En essayant de régler cela par les moyens diplomatiques ou les autres moyens, j'ai tout fait. J'ai même essayé de régler cette affaire en demandant au père qu'il demande une pension alimentaire à sa femme et qu'on se serve de cet argent pour protéger la famille. Malheureusement, il est pris par un divorce qui passe par la vieille loi du divorce où on ne peut pas soulever la question de pension alimentaire. J'ai vérifié tout cela. (12 heures)

Malheureusement, il est un des gens qui depuis trois ou quatre ans sont stoppés par cette affaire. Alors, Varina serait très contente de pouvoir payer ce qu'elle a reçu de l'aide sociale et de restaurer ce qui reste de son honneur familial. Avant de faire quoi que ce soit, le notaire Patrick Wickham, qui m'a donné cette cause, est allé voir le Royal Trust en bon diplomate. Il a même donné un document en laissant en blanc le montant: Qu'elle donne quelque chose, même si ce n'est pas beaucoup, pourvu que ce soit régulier. Aucune réponse à sa démarche diplomatique.

Alors, ce n'est qu'après toutes ces démarches diplomatiques que le notaire Wickham et moi-même, nous nous sommes rendus chez l'avocat de la mère, ensemble,

afin de demander un chèque pour Noël, à n'importe quel moment, pour régler un peu l'affaire. Zéro! Malheureusement, la mère a séjourné au Institute of Living à Hartford où on soigne des problèmes de maladie mentale. C'est une affaire pénible. On pense à la famille Kennedy, de temps à autre.

Nous sommes maintenant au seul endroit qui peut trancher ce désastre familial et communautaire.

Le Président (M. Filion): Vous avez terminé. Je vous remercie. Est-ce que les membres de cette commission ont des questions à poser à notre invité qui représente Varina Beattie.

M. Fetherstonhaugh: M. le Président, j'agis comme aide juridique. C'était une affaire d'aide juridique.

Le Président (M. Filion): À ce moment...

M. Marx: Juste pour m'informer, M. le Président, c'est l'aide juridique qui a donné le mandat à Me Fetherstonhaugh de porter cette cause devant l'Assemblée nationale, c'est cela? D'accord.

Le Président (M. Filion): Nous avons reçu de la part de certains intervenants une demande pour leur permettre d'exprimer leurs points de vue, notamment et par ordre, en ce qui concerne Dame Beverly Ann Potvin née Van Home, Me Emmet Kierans. Est-ce qu'il est présent?

M. Kierans (Emmet): Oui.

Le Président (M. Filion): Est-ce que vous voulez adresser certaines remarques aux membres de cette commission?

M. Kierans (Emmet): Merci, M. le Président.

Le Président (M. Filion): Je m'excuse, vous êtes accompagné de Me David B. Kierans?

M. Kierans (David B.): Présent, M. le Président.

Le Président (M. Filion): Bonjour, nous vous écoutons.

M. Kierans (Emmet): M. le Président, nous avons préparé une copie de notre mémoire concernant la position de ma cliente, la mère de Varina Beattie. On a fait des arrangements avec le secrétaire de Sa commission pour que tous les membres en reçoivent une copie.

Le Président (M. Filion): Me Kierans, on a reçu cela hier et cela a été distribué aux membres de cette commission et je vous remercie.

M. Kierans (Emmet): Merci, M. le Président. M. Fetherstonhaugh, le procureur de la requérante, a également reçu ce matin une copie de nos représentations pour ma cliente. En effet, j'ai remarqué que la députée a déposé un amendement, si j'ai bien compris, pour éliminer les mots "à son décès" du projet de loi privé.

Le Président (M. Filion): La députée de Groulx a manifesté l'intention de déposer un amendement, le cas échéant, lorsque nous serons rendus à l'article pertinent du projet de loi. Mais, au moment où on se parle, nous sommes en train d'entendre des interventions et aucun amendement n'a été apporté au projet de loi.

M. Kierans (Emmet): M. le Président, le redressement que sollicite Varina Beattie est déjà devant les tribunaux de la province de Québec. Déjà, il y a des jugements concernant des actions ou des poursuites par Varina Beattie contre sa mère, mais, en septembre de l'année dernière, ces causes étaient portées devant la Cour d'appel.

Une autre chose, ma cliente, qui résidait en Floride, a reçu, par l'entremise de l'avocat de Varina Beattie aux États-Unis, des menaces de poursuite en Floride. Les prétentions de ma cliente sont que les causes, les problèmes - et les problèmes sont tristes dans cette famille - sont déjà devant les cours. Selon les lois de notre province, les cours ont toutes les facilités de déterminer les problèmes soulevés par la requérante dans le bill privé.

Il y a un problème de chicane dans cette famille. À mon avis, c'est le fond de l'affaire. Je peux lire, par exemple, l'annexe K; c'est une annexe que j'ai reçue de la commission, de la Direction de la législation, adressée à Varina Beattie par sa soeur, Virginia Beattie Ellis. L'article 3 dit: "I want to remain completely neutral in all court disputes between my sister, Varina Beattie, and my mother, Beverly Ann Van Home."

L'intention de Varina Beattie est de faire changer le contrat de mariage de sa mère et de son père. Mais, de l'autre côté, nous avons ma cliente et le Trust Royal, l'opposant. Le troisième intéressé, la soeur de Varina Beattie, est neutre. En effet, M. le Président, c'est une question de chicane de famille. Comme le dit Tolstoï, dans les premiers mots de son fameux livre "Anna Karénine": Les familles heureuses se ressemblent toutes; les familles malheureuses sont malheureuses chacune à leur façon.

Le Président (M. Filion): Merci, Me

Kierans. J'inviterais également Me François Rioux, qui représente le Trust Royal, dans la mesure où il veut adresser des remarques différentes sur des points différents de ceux déjà mentionnés par son collègue, Me Kierans.

M. Rioux (François): M. le Président, je vous remercie. Si on peut faire l'exercice de passer en revue quelques dispositions du contrat de mariage pour faire voir aux membres de la commission qu'il n'existe aucune ambiguïté dans les termes du contrat de mariage, tel que stipulé au deuxième attendu du projet de loi, j'aimerais bien faire cet exercice.

Le contrat de mariage, qui est l'annexe B, a été passé devant le notaire William Pratt le 17 octobre 1950 entre James Beattie et Beverly Ann Van Horne. Cette dernière fit un don irrévocable entrevifs à la compagnie Trust Royal que je représente.

À la page 4 du contrat de mariage, on peut lire à l'article 7, au milieu du paragraphe: "For the benefit of the child or children, if any of the said intended marriage and upon the trust herein after set forth." Une somme de 250 000 $, laquelle somme Beverly s'est engagée à payer au moment qu'elle déterminerait. Mme Potvin est encore vivante à ce jour et elle a contribué au capital de la fiducie dans une certaine proportion.

Beverly prévoyait également dans le contrat de mariage qu'elle aurait, et encore è la page 4, au sous-alinéa a de l'article 7: "The enjoyment for her support and maintenance and for the support, maintenance and education for the child or children of the said intended marriage of the trust property."

Bien qu'il ait été stipulé que les enfants à naître seraient propriétaires du capital en fiducie, un des termes de la donation était que les revenus provenant du capital fiduciaire devaient être payables à Beverly elle-même, sa vie durant. En ce sens, il serait bon de lire la clause c de l'article 7, en bas de la page 4, qui se lit comme suit: "The net annual revenues which may be derived from the trust property shall be paid by the trusty to the party of the second part during her lifetime."

Maintenant, ce n'est qu'au décès de Beverly et à la condition bien sûr que les enfants à naître aient atteint l'âge de 30 ans, que ces derniers, comme bénéficiaires du capital, pourraient toucher leur part respective du capital de la fiducie.

Au contrat de mariage est intervenue la compagnie Trust Royal qui a reconnu avoir pris connaissance du contrat de mariage s'en est déclarée satisfaite et accepta l'office de fiduciaire proposé et s'engagea à voir à la réalisation des fiducies créées par le contrat de mariage.

À la page 7 du contrat de mariage, on peut lire, sous l'intervention de la compagnie Trust Royal: "The which intervenant having taken communication hereof declares itself content and satisfied herewith and accepts the office of trusty here and under and undertakes to carry out the trust herein created." L'obligation de la compagnie Trust Royal est donc de voir à l'accomplissement de la fiducie qui a été créée par contrat de mariage.

Issus du mariage entre James Beattie et Beverly sont les enfants Varina et Virginia, ces derniers étant les bénéficiaires du capital en vertu du contrat de mariage. La compagnie Trust Royal est d'avis que les termes de la donation créés au contrat de mariage sont clairs et ne souffrent pas d'ambiguïté. Beverly a voulu avoir l'usage de l'objet de la fiducie sa vie durant et particulièrement l'usage des revenus provenant de la fiducie. Ces termes sont retrouvés au contrat de mariage et, à mon avis, ne souffrent pas d'ambiguïté. Si tel était le cas, il y a un recours qui est disponible au justiciable qui est le jugement par action déclaratoire qui se fait couramment en matière de testament.

Par le projet de loi 242, un des bénéficiaires du capital nommément Varina propose de changer les termes de la donation en requérant que la compagnie Trust Royal remette à Varina et Virginia leur part respective du capital de la fiducie après que la compagnie Trust Royal ait fait une reddition de comptes. {12 h 15)

L'objet du projet de loi est donc clair et est celui de demander à l'Assemblée nationale de sanctionner une loi qui vient amender les termes d'un contrat privé et en particulier une donation entrevifs parfaitement valable. L'effet d'une telle loi serait de faire bénéficier immédiatement les bénéficiaires du capital en accélérant le moment de leur investiture et aurait pour effet de priver le bénéficiaire du revenu, Beverly, de tous ses droits d'usage du capital, de son vivant, tel qu'elle l'a prévu dans son contrat de mariage.

En acceptant le rôle de fiduciaire, la compagnie Trust Royal contracta une obligation légale d'exécuter la fiducie qu'elle accepta. Elle est responsable des dommages résultant de sa négligence à l'exécuter lorsqu'elle n'est pas autorisée à y renoncer. Ce sont les termes des articles 981 h et 981 k de notre Code civil.

Enfin, l'article 981 1 du Code civil décrète que ce n'est qu'à l'expiration de la fiducie que les fiduciaires doivent rendre compte et délivrer toutes les sommes d'argent faisant l'objet de la fiducie. Alors, ce serait contourner l'application claire et précise des articles du Code civil traitant de la fiducie.

De ce qui précède, il découle que la compagnie Royal Trust a un devoir légal comme fiduciaire de protéger, défendre, préserver et voir à l'application des termes et conditions de la donation contenue au contrat de mariage et de résister à toute tentative de changer les termes et conditions du document auquel elle est partie.

L'acquiescement au projet de loi 242, à notre avis, constituerait un manquement au devoir de la compagnie Trust Royal, puisqu'un tel acquiescement serait clairement préjudiciable aux droits de Beverly Ann Van Horne. L'avis de la compagnie Trust Royal serait exactement semblable si un projet de loi était présenté, par exemple, par Mme Van Horne pour retirer le bénéfice du capital à ses enfants.

C'étaient mes remarques. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Filion): Je vous remercie, Me Rioux. Juste une question qui s'adresse indifféremment à l'un des cinq procureurs qui sont devant nous. J'ai pris note des procédures judiciaires qui ont été intentées. En ce qui concerne d'abord une action en nullité et en reddition de compte qui a été intentée le 28 février 1984, selon les documents qui nous ont été remis, la cause est toujours en suspens et en instance devant la Cour supérieure.

Voici ma question en ce qui concerne cette procédure: Est-ce que effectivement, au moment où on se parle, le dossier est toujours en suspens devant la Cour supérieure? Oui. D'accord.

Également...

Mme Bleau: M. le Président, M. l'avocat de la requérante voudrait prendre la parole.

Le Président (M. Filion): Oui. Là-dessus? Vous pouvez vous asseoir, Me Fetherstonhaugh, je vous en prie.

M. Fetherstonhaugh: S'il y a une seule phrase que je vous demande tous de retenir de ces documents c'est, à l'annexe F, page 5, celle sur laquelle mon savant confrère ou ma savante consoeur ont attiré mon attention.

Le juge Flynn a fait trois choses pour nous: II a rejeté notre action sans frais et il a réservé nos droits pour le contrat de mariage. Ce sont des affaires totalement différentes. Voici ses mots... Et n'oubliez pas que le juge Flynn ne savait pas que Varina était au bien-être social parce que c'est arrivé subséquemment. Il ne savait pas qu'elle était sous les soins d'un médecin psychiatre parce que, là aussi, c'est subséquemment que j'ai réussi à la faire soigner.

Voici les mots du juge Flynn. Il ne...

Le Président (M. Filion): ...Me Fetherstonhaugh? Pardon. Vous nous avez référé correctement à l'annexe F. Vous avez dit la page 5?

M. Fetherstonhaugh: Oui.

Le Président (M. Filion): Est-ce que vous voulez dire...

M. Fetherstonhaugh: Dernier paragraphe.

Le Président (M. Filion): ...la page 4 du jugement du... À quelle page faites-vous référence par rapport aux deux jugements de l'honorable juge?

M. Fetherstonhaugh: Le juge Flynn, c'est le 21 novembre 1984.

Le Président (M. Filion): D'accord, je vous suis. Allez-y je vous en prie. Vous vouliez nous citer quelle phrase?

M. Fetherstonhaugh: II ne statue aucunement sur ces droits que pourrait avoir la requérante en vertu du contrat de mariage de sa mère - où nous sommes ce matin - ou en vertu des testaments qui n'ont pas été produits au dossier etc.

Alors le juge est assez clair. Il ne veut pas qu'on se serve de son jugement pour empêcher Varina de faire ce qu'elle peut avec le contrat de mariage. Ce n'était pas nécessaire de faire cela. Il a fait cela pour nous. Nous en sommes reconnaissant.

Le Président (M. Filion): D'accord. Toujours dans l'intention de poursuivre un peu la ligne que j'ai développée tantôt, je comprends également que certaines causes sont pendantes à la Cour d'appel du Québec et contre certains jugements de la Cour supérieure. Je me réfère, Me Kierans en particulier, au document que vous nous avez soumis, qui est adressé directement à l'Assemblée nationale, au paragraphe 4d d'un document qui s'appelle: Interventions et oppositions du 5 mai 1986.

M. Kierans (David B): M. le Président, je ne comprends pas le sens de votre question.

Le Président (M. Filion): Est-ce que vous avez le document intitulé: Interventions et oppositions...

M. Kierans (David B): Oui.

Le Président (M. Filion): ...daté du 5 mai 1986? Oui?

M. Kierans (David B): Oui.

Le Président (M. Filion): À l'article 4d.

M. Kierans (David B): Nous parlons des poursuites en appel?

Le Président (M. Filion): C'est cela. M. Kierans (David B): Oui.

Le Président (M. Filion): Vous dites: ...des poursuites qui sont pendantes à la Cour d'appel du Québec contre certains jugements de la Cour supérieure. Est-ce bien cela?

M. Kierans (David B): Oui.

Le Président (M. Filion): Quels jugements de la Cour supérieure?

M. Kierans (David B): Ce sont les jugements du 26 juin 1985 de l'honorable juge Deblois, et aussi le jugement du 12 juillet 1985 de l'honorable juge Cliche.

Le Président (M. Filion): D'accord. Ce sont des jugements qui ont été rendus en vertu de quelles procédures, de quelles actions ou de quels brefs ou de quelles requêtes?

M. Kierans (David B): Le premier jugement du juge Deblois était sur une requête pour rayer un amendement à la déclaration qui demandait une pension alimentaire...

Le Président (M. Filion): D'accord.

M. Kierans (David B): ...de la part de Varina Beattie. C'était un amendement pour ajouter à cette action pour pension alimentaire une demande de casser le contrat de mariage parce que c'était contre l'ordre public et les bonnes moeurs.

Le Président (M. Filion): D'accord. Et le deuxième jugement?

M. Kierans (David B): C'était pour rayer le dossier pour la raison de "res judicata" ou chose jugée. Le procureur de Varina Beattie en 1984 a intenté une déclaration pour commencer une procédure pour déclaration pour une pension alimentaire.

Le Président (M. Filion): D'accord.

M. Kierans (David B): À l'intérieur du même dossier il a fait présenter une requête pour pension alimentaire.

Le Président (M. Filion): D'accord. C'est donc une série de procédures portant sur une demande de pension alimentaire. Il y a une autre procédure qui est pendante en Cour supérieure: on demande une reddition de compte...

M. Kierans (David B): C'est cela.

Le Président (M. Filion): ...qui, elle aussi, est pendante en Cour supérieure. Également, est-ce qu'il y a d'autres procédures pendantes devant les tribunaux? Je vous réfère toujours à votre document à 4d, c'est la saisie avant jugement et la pension alimentaire. Il y a également une autre demande d'annulation des dispositions du contrat de mariage. J'essaie de faire la distinction dans tout cela. D'abord, il y a l'action en nullité et en reddition de compte, c'est clair dans mon esprit. Au paragraphe b, de quelles procédures judiciaires parle-t-on?

M. Kierans (David B.): Au paragraphe b, il y avait... Le procureur de Varina Beattie a fait présenter devant la cour sous le numéro 500042028844 une requête pour pension alimentaire. Ensuite, il a ouvert un autre dossier par un bref de saisie avant jugement sous le numéro 5000560914845 demandant la même chose, soit une pension alimentaire, se basant sur les mêmes faits. Alors, nous avons demandé qu'un des deux dossiers soit fermé.

Le Président (M. Filion): D'accord. Merci.

M. Kierans (David B.): C'était pour se désister d'un dossier.

Le Président (M. Filion): D'accord. Je vous remercie. Cela me satisfait. M. le député de Mille-Îles.

M. Bélisle: Ma question va s'adresser à Me Fetherstonhaugh. Je vois dans le dossier qui a été préparé que la requête pour pension alimentaire datée du 3 mai 1984 est fortement explicite et que, également, elle contient les affidavits requis en vertu de la loi qui démontrent certains faits assez particuliers.

Dans cette même ligne, je lis le jugement de l'honorable juge Bernard Flynn du 21 novembre 1984 et je vois, à la page 2, le premier paragraphe du jugement: "Par sa requête, Varina Joan Beattie demande qu'il soit ordonné à sa mère de lui verser une pension alimentaire de 2500 $ par mois." C'était le but de la requête. Je tourne à la page 3 et je lis le paragraphe qui est au bas où le tribunal dit ceci: "Le tribunal ne croit pas trahir le sens de très nombreuses décisions qui ont été rendues ces dernières années en matière de pension alimentaire en entendant qu'une personne majeure qui n'est plys aux études doit, pour pouvoir obtenir une pension alimentaire, convaincre le tribunal que son indigence n'est pas due à un manque d'effort de sa part. Or, dans le présent cas, le tribunal est loin d'être convaincu que la requérante ne réussirait pas à subvenir à ses propres besoins si elle

faisait des efforts raisonnables et si elle était disposée à accepter un emploi à la mesure de son expérience et de ses talents plutôt que de se voir à la tête d'une entreprise dans un domaine qu'elle ne connaît pas." Si, Me Fetherstonhaugh, de nouveaux faits sont apparus depuis le jugement de l'honorable juge Bernard Flynn comme, par exemple, les traitements psychiatriques de Mme Beattie, le fait qu'elle est devenue bénéficiaire de l'aide sociale, pourquoi, tout simplement, au lieu de vous adresser ici, ne représentez-vous pas, compte tenu des nouveaux faits, à la Cour supérieure une nouvelle demande en pension alimentaire?

M. Fetherstonhaugh: J'ai été attrapé par la "res judicata" inattendue. C'était un accident de parcours. Mais la raison pour laquelle nous sommes venus ici, c'est pour chercher le capital qui était dans son contrat de mariage pour la protéger. Je voulais trancher tout le problème et ne pas aller devant la Cour supérieure pour une affaire, sinon séparée, connexe à peine.

M. Bélisle: Si je comprends bien, c'est une route plus courte que vous cherchiez, moins longue, peut-être moins difficile.

M. Fetherstonhaugh: L'autre voie est presque impossible et cela ne nous donnera jamais notre capital et le bien-être social ne sera pas payé à moins de prendre notre propre argent.

M. Bélisle: Merci, monsieur.

Le Président (M. Filion): Merci, M. le député de Mille-Îles. Est-ce que... Oui, M. le ministre de la Justice.

M. Marx: M, le Président, il convient de noter que Mme Beattie demande le partage immédiat du capital de la fiducie et non pas une partie des revenus de celle-ci. Mme Beattie ne pourra donc obtenir des tribunaux ce qu'elle demande à l'Assemblée nationale. L'Assemblée nationale pourrait, par conséquent, adopter une loi privée qui déroge à la volonté clairement exprimée par les futurs époux dans leur contrat de mariage sans se substituer pour autant aux tribunaux.

D'ailleurs, l'Assemblée nationale a adopté plusieurs lois qui dérogeaient aux volontés clairement exprimées par des testateurs. Cependant, il n'est pas arrivé, à ma connaissance - je suis député depuis six ans, mais, lorsque je parle de ma connaissance, c'est aussi de la connaissance des légistes au ministère qui sont ici depuis plus de six ans... (12 h 30)

Le Président (M. Filion): Dont vous êtes le fiduciaire, M. le ministre de la Justice?

M. Marx: Bien, c'est le ministère. On ne se souvient pas qu'une telle loi ait été adaptée malgré - et je souligne le mot "malgré" - l'opposition d'un intéressé. Une telle opposition s'est manifestée pour la dernière fois lors de l'étude du premier projet de loi privé concernant la succession de 3. Donat Langelier, projet de loi 221 de 1978. À cette occasion, le ministre de la Justice, qui était alors Me Marc-André Bédard, et les autres membres de la commission parlementaire, tant du parti au pouvoir que de l'Opposition, ont rejeté le principe du projet de loi et ont plutôt conseillé aux divers groupes intéressés d'en venir à une entente. Effectivement, à cette époque, les divers groupes intéressés en sont venus à une entente environ deux ans plus tard. Et sans problème, à l'époque, l'Assemblée nationale a adopté un projet de loi privé pour donner suite à cette entente. C'est la Loi concernant la succession de J. Donat Langelier, 1981, chapitre 34.

Comme on l'a fait dans la cause Langelier, on ne peut pas intervenir pour modifier les testaments ou pour modifier les contrats de mariage sans qu'il y ait l'accord de toutes les personnes intéressées. Si toutes les personnes intéressées sont d'accord, nous sommes prêts à étudier la possibilité de faciliter les modifications que ces personnes aimeraient avoir dans un testament. Dans le cas qui est devant cette commission aujourd'hui, certains des intéressés s'opposent et je vois mal comment l'Assemblée nationale pourrait intervenir. On n'est jamais intervenu dans ces causes et on ne va pas commencer aujourd'hui.

M. Fetherstonhaugh: Si je peux répondre avec respect à M. le ministre de la Justice.

Le Président (M- Filion): Oui, Me Fetherstonhaugh.

M. Fetherstonhaugh: As a fellow Harvard graduate, you will not object if I raise some precedents. Bibianne Gagnon Reny m'a écrit: Je ne trouve pas de précédent identique au cas que vous soumettez, mais le chapitre 81 des lois de 1983 pourrait vous guider quant à la rédaction de votre projet de loi. Également, les chapitres 75, 84 et 86 des lois de 1982 sont aussi très pertinentes et je me souviens que M. le député Chevrette...

M. Marx: Oui, cela est pour la rédaction de votre projet de loi privé, pas sur le fond.

M. Fetherstonhaugh: C'est tout ce que nous avons, en toute franchise.

M. Marx: Non, mais le greffier en droit ne se prononce pas sur le fond.

M. Fetherstonhaugh: D'accord.

M. Marx: II va vous expliquer comment rédiger un projet de loi et quelles sont les règles et les normes, mais sur le fond, c'est l'Assemblée nationale et pour qu'un projet de loi soit adopté à l'Assemblée nationale, il faut que ce soit adopté par cette commission. Dans le cas actuel, je vous dis en toute franchise, parce qu'il ne faut pas étirer le débat pour rien, on n'a jamais adopté un tel projet de loi. On ne va pas commencer aujourd'hui. La cause est très sympathique, mais je ne peux rien faire dans cette cause.

Le Président (M. Filion): Dans ce sens, je pense bien que les interventions du ministre de la Justice ne veulent pas dire -j'en suis sûr - que nous ne sommes pas sensibles au point de vue de Mme Beattie. Dans cet esprit, j'attire l'attention de toutes les parties, des cinq procureurs qui sont devant nous sur l'article 5: La requête pour pension alimentaire qui avait déjà été présentée. En deux mots, il semblerait qu'à un moment donné, peut-être - encore une fois, c'est une possibilité qui est soulevée -il y aurait eu une entente qui serait intervenue. Or, en ce sens, je dois dire, en ce qui me concerne également, que je partage entièrement le point de vue soulevé par le ministre de la Justice, sans pour autant que cela signifie une insensibilité au cas de votre cliente.

Je dois ajouter également aux arguments qui ont été développés par le ministre de la Justice le fait qu'il y a des procédures qui sont pendantes devant les tribunaux. L'Assemblée nationale, non seulement n'est pas un tribunal de dernier ressort, c'est une solution de dernier ressort, dans certains cas, mais ce n'est pas un tribunal. Dans ce cas-ci - chose absolument remarquable - il y a des procédures qui sont pendantes devant les tribunaux. Encore une fois, dans mon cas, en tout cas, je parle à titre personnel, et non pas au nom de la commission, mais cela me semble tout à fait dirimant comme empêchement d'aller plus loin.

M. Marx: M. le Président...

Le Président (M. Filion): Oui, je vous en prie, M. le ministre de la Justice.

M. Marx: Un dernier mot. Comme vous dites, nous sommes très sensibles à cette cause et au problème soulevé. J'aimerais juste souligner aussi que... parce que Me Fetherstonhaugh a cité la charte québécoise des droits en ce qui concerne le droit des citoyens de déposer une pétition a l'Assemblée nationale. Je peux vous dire que nous avons étudié cette pétition a fond. Nous avons des légistes qui ont pris beaucoup de temps, plusieurs jours pour étudier ce dossier et qui ont communiqué avec toutes les personnes intéressées et ainsi de suite. Cela veut dire qu'on ne fait pas l'étude de ces dossiers à la légère. C'est étudié, on fait état de tous les précédents pour voir s'il y a des précédents, s'il y a des possibilités pour proposer qu'on donne droit à la pétition à la demande du citoyen. Dans ce cas, comme je viens d'expliquer, cela ne s'est jamais fait. On ne peut pas commencer aujourd'hui et on ne commencera pas non plus demain. Ce n'est pas un problème qu'on pourrait régler à l'Assemblée nationale, sauf si on a le consentement de toutes les personnes impliquées dans le dossier. Donc, si on avait le consentement de tout le monde, on pourrait intervenir, ce qu'on a déjà fait. Si vous pouvez vous entendre, cela ferait plaisir à la commission de vous accueillir une deuxième fois et de proposer l'adoption du projet de loi, le cas échéant.

Le Président (M. Filion): Ce qui n'est nettement pas le cas aujourd'hui, car il n'y a pas d'entente.

J'appellerais donc l'article 1 du projet de loi 242.

Mme Bleau: Une dissidence.

Le Président (M. Filion): J'appelle l'article 1 du projet de loi. Rejeté.

L'article 2? L'article 3? Le préambule? Le titre et l'ensemble du projet de loi? Merci de vous être déplacés, Me Gravel, Me Fetherstonhaugh, Me Rioux, Me Kierans.

Nous allons suspendre nos travaux pour deux minutes.

(Suspension de la séance à 12 h 37)

(Reprise à 12 h 46)

Projet de loi 224

Le Président (M. Filion): À l'ordre, s'il vous plaît! La séance avait été suspendue afin de permettre aux derniers intervenants de quitter et aux prochains de se présenter. J'appelle le projet de loi 224, Loi concernant le Foyer Saint-Antoine de Longueuil. Les amendements sont-ils prêts? J'inviterais les membres de la commission à regagner leur siège.

Sans plus tarder, j'inviterais le parrain du projet de loi privé 224, M. le député de Marquette, à nous faire une courte présentation de ce projet de loi.

M. Dauphin: D'accord, M. le Président. MM. les membres de la commission, j'aimerais tout d'abord souhaiter la bienvenue

à nos requérantes qui sont accompagnées de leur conseiller juridique; je vous les présente à l'instant. À l'extrême droite, nous avons soeur Henriette Berthiaurne, économe provinciale de la Congrégation des soeurs Grises de Montréal; au centre, Me Émile Descary, conseiller juridique; à sa droite, soeur Bernadette Poirier, économe générale de la Congrégation des soeurs Grises de Montréal; à l'extrême gauche - je m'excuse, on ne s'est pas rencontrés, mais...

Mme Dionne (Lucie): Je me présente, Lucie Dionne, de la Corporation d'hébergement du Québec.

M. Dauphin: Lucie Dionne, de la Corporation d'hébergement du Québec. Alors, bienvenue à l'Assemblée nationale et à cette commission.

Succinctement, M. le Président, le projet de loi 224 vise à confirmer le titre des soeurs Grises sur un terrain qu'elles occupent depuis plus de 110 ans, à Longueuil. Ce terrain aété donné aux soeurs sous condition, à savoir qu'il soit utilisé à des fins charitables; une clause de l'acte de donation prévoit qu'au cas où les soeurs Grises cesseraient, pendant deux ans, de l'utiliser à de telles fins la fabrique devrait vendre et distribuer le prix de vente aux pauvres de la ville de Longueuil.

Les soeurs se sont conformées à l'acte de donation pendant plus de 110 ans. Elles maintiennent encore - d'ailleurs, c'est toujours en fonctionnement - le Foyer Saint-Antoine de Longueuil. Elles y ont investi énormément d'argent et de temps.

Le ministère de la Justice n'avait pas d'objection au principe du projet de loi, mais il trouvait insuffisante la somme offerte à la fabrique. C'est-à-dire qu'il y avait eu une entente entre les soeurs Grises et la Fabrique de la paroisse de Saint-Antoine de Longueuil pour un montant de 25 000 $, lequel serait distribué aux pauvres.

D'ailleurs, ce matin, après plusieurs heures d'entretien... Nous aurons des amendements à déposer pour le bénéfice des membres de la commission, afin de changer le principe des 25 000 $ par un pourcentage - vous me corrigerez, Me Descary, car cela s'est fait de façon tellement rapide tantôt -qui serait de 5,5 % de la valeur du terrain en question, plus celle des constructions érigées dessus. Cette valeur ne pourrait pas être moins de 25 000 $. Autrement dit, si les religieuses vendent le centre, supposons 2 000 000 $ ou 1 000 000 $, ce sera calculé en fonction d'un pourcentage plutôt que d'être un montant d'argent fixé arbitrairement. On nous a fait part de prétentions à savoir que le foyer peut, éventuellement, être vendu ou être classé monument historique; il pourrait être vendu pour 200 000 $. À ce moment-là, le montant pourrait s'avérer extrêmement élevé. Alors, avec un pourcentage fixé, ce sera en fonction du montant de la vente. Ce montant sera exigible seulement lorsqu'il y aura aliénation ou transfert de propriété. D'ailleurs, j'en ai discuté avec ma collègue du comté de Marie-Victorin, comté où le centre est situé, et elle pourra peut-être intervenir tantôt sur le fond du projet de loi. D'ailleurs, elle nous a offert son entière collaboration depuis le tout début. On l'en remercie beaucoup et je cède la parole aux membres de la commission ou au requérant qui aurait peut-être des choses à ajouter, M. le Président.

Le Président (M. Filion): À ce moment-ci, j'inviterais Me Émile Descary, qui représente la congrégation, à adresser des remarques, s'il en a, aux membres de cette commission concernant le projet de loi 224.

M. Descary (Émile): Merci, M. le Président. Je désire féliciter le parrain de mon projet de loi qui - je vois - a très bien compris le sens de notre démarche. D'ailleurs, j'avais bien pris le temps, au départ, de lui expliquer notre démarche et je crois qu'il l'a bien comprise et bien acceptée. J'ai aussi rencontré Mme Vermette pour, également, lui expliquer le sens du projet de loi.

Évidemment, on est un peu devant le cas classique. Cela fait plusieurs fois que le Parlement a à se prononcer sur ce type de donation et je pense qu'il est acquis pour tout le monde qu'après 110 ans la perpétuité a joué son rôle. Il y a une condition spéciale dans cette donation. Il a été stipulé que lorsque cette oeuvre cesserait, au cours des deux années qui suivraient, le marguillier en charge de la Fabrique de la paroisse de Saint-Antoine de Longueuil devrait vendre, dans les conditions les plus avantageuses ou quelque chose comme cela, le lot et les bâtiments d'alors et distribuer le produit aux pauvres de la paroisse de Longueuil.

Évidemment, depuis 110 ans, les choses ont changé. La bâtisse originale n'existe plus. Dès le début, une des stipulations - encore là - un peu classique de cette donation, c'était que lorsqu'on demandait aux religieuses de venir fonder un hospice de ce genre on leur garantissait qu'elles n'auraient pas à utiliser leur propre argent. On venait leur demander de fonder cela et on leur fournirait, évidemment, la bâtisse, etc. Toutes ces oeuvres ont été dépassées le jour où elles ont été fondées. C'est tellement vrai que la donation se fait en 1876 et, en 1877, il y a un agrandissement qui est bâti qui est plus grand que la bâtisse originale. On peut voir à quel point avec le temps ces choses changent énormément. C'est pour cela que l'Assemblée nationale accepte de régler ces situations et nous en sommes très

reconnaissants au Parlement et aux membres de cette commission.

Nous avions fait une démarche. J'avais été le parrain de cette démarche. Je m'étais dit: Comment est-ce qu'on pourrait régler cette situation? Au départ, on avait obtenu une évaluation par un expert, et je lui avais demandé deux évaluations. Une évaluation de la valeur actuelle et une évaluation - disons subjective qui était en fonction des conditions puisque ce foyer est encore en activité et il peut l'être encore pendant 20 ans. On le ne sait pas.

Alors, il avait fait une espèce de valeur actualisée et il avait suggéré 25 % de la valeur de l'évaluation comme montant à payer. Nous avons, par la suite, fait une convention avec la fabrique où nous avons convenu de leur payer une somme de 25 000 $ en assumant, évidemment, tous les frais incluant les frais du projet de loi. Ceci a posé un problème quant à la valeur. Un des arguments des avocats du ministère était qu'on n'avait pas à régler d'avance les pauvres, que ce n'était pas une dette échue et que les pauvres ne mourraient pas. Alors devant l'argumentation qu'on trouvait valable, on avait, de bonne foi, tenté de trouver une solution pour ne pas, justement, imposer la solution ici. Ce matin, après une discussion très intéressante et très valable avec les avocats du ministre en la présence de Me Dauphin, qui est le parrain du projet de loi, nous avons convenu d'une autre façon d'établir une indemnité, façon qui semble représenter une solution juste. Elle a été établie en prenant le rapport de la valeur du terrain par rapport à la valeur de l'ensemble. À ce moment-là, lorsque les religieuses vendraient, ce qui peut être dans un avenir prochain ou lointain - on ne le sait pas -elles paieraient un pourcentage, soit 5,5 % de la valeur du terrain et de la bâtisse au total. Comme Me Dauphin l'a souligné tout à l'heure, s'il y avait vente à un prix ridicule parce que les circonstances faisaient que la bâtisse avait peu de valeur, évidemment, à ce moment-là, il resterait quelque chose aux religieuses et, si c'était pour un prix avantageux, tant mieux, tout le monde en profitera, et également les pauvres de la paroisse. Je tiens à rappeler ce que soeur Poirier disait ce matin aux légistes, l'oeuvre des religieuses, ce sont les pauvres. Qu'il y ait de l'argent qui aille aux pauvres, elles n'ont absolument pas d'objection à cela.

Alors, dans sa version actuelle - je ne sais pas si vous avez la version modifiée -c'est le projet de loi tel que proposé qui semble satisfaire tout le monde.

Le Président (M- Filion): D'accord. Je vous remercie, Me Descary et...

Une voix: Madame...

Le Président (M. Filion): Oui, Mme la députée de Marie-Victorin, est-ce que vous avez demandé la parole? Je m'excuse.

Mme Vermette: Oui.

Le Président (M. Filion): Ce que je pourrais peut-être suggérer pour le bon fonctionnement... Me Lucie Dionne, de la Corporation d'hébergement du Québec, est ici. Est-ce que vous voudriez intervenir à ce stade-ci?

Mme Dionne (Lucie): Notre intervention est positive. Je voudrais dire que la Corporation d'hébergement du Québec a été mandatée par le ministère de la Santé et des Services sociaux pour négocier l'achat de l'actuel Foyer Saint-Antoine pour les fins du réseau. Actuellement, nous sommes toujours en processus de négociation. Advenant une entente sur le coût de cette transaction, un des éléments importants pour la conclusion de cette transaction, en sus de l'obtention d'un décret, est que la communauté Province Ville-Marie des soeurs Grises de Montréal nous transmette des titres clairs sur la totalité de sa propriété dont le lot 215 du cadastre du village de Longueuil.

En conséquence, nous sommes en accord avec l'objectif visé par le projet de loi 224.

Le Président (M. Filion): D'accord. Avant de passer la parole et avec la permission de mes collègues, j'aurais quelques questions. Je pense que vous avez répondu par votre intervention à une partie de ces questions. Je me demandais qui étaient les acheteurs éventuels et pour quelles raisons la congrégation cherchait à se départir du terrain.

M. Descary: Non, on ne cherche pas à s'en départir.

Le Président (M. Filion): Non, d'accord, mais là je saisis quand même...

M. Descary: Peut-être une précision, M. le Président. C'est que, présentement, on fonctionne encore, sauf que le ministère, compte tenu de l'âge de la bâtisse, a décidé de bâtir un foyer ailleurs et les gens qui sont là seront déménagés de sorte que les religieuses sont présentement, en tout cas, dans l'état où elles ne peuvent plus fonctionner. Cela ne veut pas dire qu'il n'y aura pas d'autres ententes et qu'il n'y aura pas d'autres personnes qui déménageront là-dedans et que cela ne pourrait pas continuer, sauf que là elles sont vis-à-vis d'une échéance. À ce moment-là, la question se pose: Que peut-on faire, surtout lorsque les titres ne sont pas clairs? La première démarche, je pense, surtout dans le contexte actuel, est de dire: On va commencer par

régler notre situation et après on pourra... Si c'est le ministère qui achète, il faut quand même que le ministère ait des titres clairs, peu importe l'acheteur, peu importe la nouvelle orientation. Cela peut être la même orientation qui va continuer, mais, peu importe l'orientation, il y aura des montants d'argent à injecter là-dedans. Je pense que tout le monde va constater aujourd'hui qu'on ne peut plus continuer à injecter de l'argent alors que la situation n'est pas claire, que les titres ne sont pas clairs. 0 s'agit de clarifier ceci. Tout est en discussion pour l'avenir. Je ne sais pas si soeur Poirier veut parler ou soeur Berthiaume.

Le Président (M. Filion): J'aimerais vous entendre là-dessus parce que j'avais compris que la Corporation d'hébergement était non seulement un acheteur éventuel, mais était quand même intéressée concrètement. Est-ce que je me trompe, Me Dionne?

Mme Dionne (Lucie): Actuellement, nous sommes un acheteur éventuel. C'est vraiment le terme choisi parce que, advenant une entente avec la communauté, il est évident que nous devons être autorisés préalablement par décret. Ce décret sera adopté en vertu de l'article 72 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Advenant une entente sur le montant de la "considération" à verser à la communauté, il est évident que nous ne pouvons convenir d'une entente finale avec la communauté si elle ne possède pas de titres clairs sur sa propriété. Si elle n'a pas de titres clairs sur sa propriété à nous transmettre, nous devrons évidemment cesser les négociations.

Le Président (M. Filion): Comme n'importe quel autre acheteur, d'ailleurs.

Mme Dionne (Lucie); Comme n'importe quel autre acheteur. (13 heures)

Le Président (M. Filion): II faut fournir des titres clairs, cela fait vivre les bureaux de notaires et d'avocats. J'ai déjà eu l'occasion de le mentionner. C'est simple à dire: Fournissez-moi des titres clairs, mais on s'aperçoit que certaines irrégularités dans la transmission des droits dans certains cas créent des situations juridiques de la nature d'une impasse. C'est un peu le cas qui nous intéresse.

Maintenant, je m'intéresse pas mal au foyer, c'est dans le comté voisin du mien, je suis dans le comté de Taillon. Je connais l'édifice et le terrain dont on parle et, dans ce sens, la question que je posais tantôt, c'était: Pourquoi maintenant, dans le fond, Me Descary? Pourquoi pas il y a dix ans? Il y a une situation qui a amené les démarches qui ont fait en sorte que le projet de loi a été déposé. C'est un peu par curiosité.

M. Descary: Si vous le permettez, soeur Poirier veut répondre à cette question.

Le Président (M. Filion): Je vous en prie.

Mme Poirier (Bernadette): M. le Président, notre présence ici vient du fait que nous avons reçu l'avis que la bâtisse était désuète et que nos bénéficiaires devaient être transférés dans un foyer qui doit être construit sous peu. On a été assez surprises de cette décision sans consultation, mais c'est le fait concret. Comme on l'a dit tantôt, on ne peut pas procéder à la vente d'un terrain si les titres ne sont pas clairs, c'est la raison.

Maintenant, je ne voudrais absolument pas qu'on parle de désistement ou de désintéressement des soeurs Grises, ce n'est pas la situation. On nous retire nos bénéficiaires, c'est la situation. À ce moment-là, nous, qu'est-ce qu'on fera de la bâtisse? Il faut d'abord clarifier les titres. On sait, par ailleurs, que le ministère de la Santé et des Services sociaux est intéressé à la bâtisse. Il nous l'a signifié et ma collègue, soeur Berthiaume, pourrait probablement vous mettre davantage au courant, si besoin est.

Le Président (M. Filion): Révérende soeur Berthiaume.

Mme Berthiaume (Henriette): J'aimerais ajouter que la question de la vente du Foyer Saint-Antoine n'aurait jamais vu le jour si notre oeuvre, que l'on exerce depuis 110 ans, ne nous était pas enlevée du jour au lendemain, comme cela. Nos pensionnaires partant, on reste avec un éléphant blanc. Qu'est-ce qu'on fait avec? On veut bien continuer, mais nous ne sommes pas le ministère et nous ne sommes pas une fiducie non plus pour injecter de l'argent et encore de l'argent. On ne peut vraiment pas garder la bâtisse telle quelle. Au ministère et à tout le monde, j'ai dit que ce n'était pas pour 1 $ qu'ils auraient la bâtisse et le terrain. Les pauvres, je ne dirai pas qu'ils seront choyés, parce qu'il est assez rare qu'ils soient choyés, ces pauvres eux, mais, quand même, ils auront leur part parce que le terrain et les bâtisses qui sont dessus doivent se vendre. Nous, comme communauté, ne pouvons pas laisser aller un patrimoine pareil. C'est l'objet du litige dans le moment.

Le Président (M. Filion): Pour ma part, j'aurai une autre intervention à faire tantôt, au moment de l'amendement, alors qu'on va passer des 25 000 $ à 5,5 %. À ce stade-ci, j'inviterais les autres membres de la commission qui ont des questions à poser ou des interventions à le faire.

Mme la députée de Marie-Victorin... Du

même souffle, je demanderais le consentement des membres de la commission pour qu'on poursuive nos travaux au-delà de 13 heures, afin de terminer l'étude du projet de loi 224. Consentement?

Mme Vermette: Oui. Lorsqu'on m'a présenté le projet de loi en me demandant ce que j'en pensais, j'ai eu une première réaction, celle de réagir comme une légaliste, c'est-à-dire de regarder le projet de loi comme étant un testament fait dans un but très précis, c'est-à-dire en fonction de donner un bien pour autant qu'on l'utilise à des fins charitables comme un hospice. J'ai regardé le document en pensant que les religieuses se sont acquittées de cette tâche depuis, comme elles le disent si bien, 110 ans. Toujours dans ce même esprit, je me suis dit: Effectivement, les religieuses ont accompli la mission pour laquelle on leur avait solennellement donné ce foyer. Actuellement, une circonstance nouvelle fait qu'elles ne peuvent plus continuer leur oeuvre. Je ne crois pas que les religieuses veuillent mettre un terme à leur vocation, je pense que c'est une question de circonstances et aussi une question d'évolution dans le temps. Nous devons répondre actuellement à un fait qui est ponctuel.

L'autre aspect sur lequel je me suis arrêtée, c'est le vide qui semblait ressortir. À l'époque, il y avait un marguillier et, aujourd'hui, nous avons affaire à une fabrique. De toute façon, peu importe la somme que les soeurs devraient verser, en ce qui concerne les oeuvres des pauvres, il y aura toujours ce vide. Elles pourraient avoir des titres clairs du côté juridique, à savoir si la fabrique remplace réellement les marguilliers et, si c'est le cas, la fabrique se dit d'accord pour qu'il y ait entente entre les religieuses et la fabrique de la paroisse pour régler avec une somme d'argent. En fait, le problème ici, c'est simplement de rendre légale cette reconnaissance de la fabrique qui permet aux religieuses de signer une entente et que la partie qui s'appelle la fabrique soit reconnue juridiquement. Cela favorise des titres clairs. C'est pour cela que je pense qu'ici c'est une question d'équité au niveau de la somme allouée aux pauvres. De toute façon, quel que sait le montant qu'on verserait à l'ensemble des pauvres de la ville de Longueuil, il resterait toujours ce problème qui, à mon avis, ne peut faire autrement que de passer par l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Filion): Je remercie la députée de Marie-Victorin. Je passe la parole au ministre de la Justice.

M. Marx: M. le Président, il semble qu'il y ait deux principes en jeu. Premièrement, c'est le problème de geler l'usage des terrains pour toujours. Je pense qu'il faut que les gens aient une certaine liberté de ne pas être mis dans une situation intenable pour toujours. Deuxièmement, il y a le principe de respecter les voeux des donateurs. Quand même, l'acte de donation date de 1876, cela fait plus d'un siècle.

Le Président (M. Filion): Cela fait 110 ans.

M. Marx: Cela fait 110 ans, oui, M. le Président.

Le Président (M. Filion): C'est aussi long que la Confédération, M. le ministre de la Justice.

M. Marx: Oui.

Le Président (M. Filion): Vous vous imaginezl

M. Marx: Sauf qu'on met fin à l'acte de donation; on n'a pas mis fin à la Confédération.

Des voix: Ha! Ha! Ha! Une voix: C'est un progrès.

M. Marx: II faut respecter les voeux de ce monsieur donateur et, aussi, il faut dans ce sens s'assurer que les pauvres aient un montant qui corresponde à ces voeux en général. Je pense que l'entente qui est intervenue ce matin entre les parties, avec l'aide des légistes du ministère de la Justice, va dans ce sens. Donc, nous sommes d'accord avec ce projet de loi. Nous allons proposer des amendements.

Le Président (M. Filion): D'accord. J'appelle donc l'article 1 du projet de loi 224, Loi concernant le Foyer Saint-Antoine de Longueuil.

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Filion): Adopté. Article 2. On dépose un amendement à l'article 2. Bon. Alors, le projet de loi concernant le Foyer Saint-Antoine est modifié par le remplacement de l'article 2 par les suivants: "2. Le pouvoir du marguillier en charge de la Fabrique de la paroisse de Saint-Antoine de Longueuil de vendre le lot 215 du cadastre du village de Longueuil et ses dépendances si ce lot cesse d'être utilisé aux fins prévues aux actes de donation enregistrés au bureau de la division d'enregistrement de Chambly, à Longueuil, sous les numéros 13 595 et 13 774, est annulé." "2.1 La Province Ville-Marie des soeurs

Grises de Montréal devient propriétaire du lot 215 du cadastre du village de Longueuil. Elle doit cependant verser à la Fabrique de la paroisse de Saint-Antoine de Longueuil en sa qualité de fiduciaire des pauvres de la ville de Longueuil aux termes de l'acte de donation enregistré au bureau de la division d'enregistrement de Chambly, à Longueuil, sous le numéro 13 595, une somme égale à 5,5 % de la valeur du lot 215 additionnée de la valeur des bâtisses dessus construites, cette somme ne pouvant en aucun cas être moindre que 25 000 $. "2.2 La somme visée à l'article 2.1 est exigible lors de la première aliénation à titre onéreux du lot 215 du cadastre du village de Longueuil survenue le (indiquer ici la date d'entrée en vigueur de la présente loi) et consentie à une personne non liée à la Province Ville-Marie des soeurs Grises de Montréal au sens de la Loi sur les impôts (LRQ, chapitre 1-3). "La valeur du lot 215 et celle des bâtisses dessus construites sont celles mentionnées à l'acte d'aliénation. "2-3 Le propriétaire du lot 215 du village de Longueil peut acquitter en tout ou en partie la dette due en vertu de l'article 2.1 avant que celle-ci ne soit exigible. "Dans ce cas, la valeur du lot 215 et celle des bâtisses dessus construites sont la valeur marchande qu'ils ont le jour où ce paiement est effectué." Je vais suggérer un amendement pour la langue française tantôt. "2.4 Le paiement de la dette due en vertu de l'article 2.1 est garanti par une hypothèque sur le lot 215 et les bâtisses dessus construites du cadastre du village de Longueuil au bénéfice de la Fabrique de la paroisse de Saint-Antoine de Longueuil en sa qualité de fiduciaire des pauvres de la ville de Longueuil aux termes de l'acte de donation enregistré au bureau de la division d'enregistrement de Chambly, à Longueuil, sous le numéro 13 595. "Sur paiement de la totalité de la somme visée aux articles 2.2 ou 2.3, la fabrique donne quittance et mainlevée totale de cette hypothèque. "La fabrique peut également céder priorité d'hypothèque et accorder mainlevée partielle contre valeur. "2.5 Au cas d'application de l'article 2.3, la valeur marchande du lot 215 à la date prévue à cet article est déterminée par un évaluateur agréé choisi par le propriétaire de ce lot et par la Fabrique de la paroisse de Saint-Antoine de Longueuil. S'il y a désaccord relativement au choix d'un évaluateur agréé, l'une des parties peut, sur requête signifiée à l'autre, demander à un juge de la Cour supérieure de procéder à ce choix. "2.6 La Fabrique de la paroisse de Saint-Antoine de Longueil distribue les sommes reçues en application des articles 2.2 ou 2.3 aux pauvres de la ville de Longueuil qu'elle juge les plus dignes d'être secourus et elle est réputée exercer ainsi le pouvoir semblable attribué à son marguiller en charge par l'acte de donation enregistré au bureau de la division d'enregistrement de Chambly, à Longueuil, sous le numéro 13 595."

Je félicite les légistes, mais il y a juste 2.3 au deuxième paragraphe qui... Ce qu'on devrait dire, je pense, est ceci: Dans ce cas, le total de la valeur du lot 215 et de celle des bâtisses dessus construites est égal à la valeur marchande qu'elles ont le jour où ce paiement est effectué.

M. Marx: D'accord, M. le Président.

Le Président (M. Filion): La valeur marchande qu'elles ont le jour... C'est exact.

M. Marx: Je suis d'accord que l'on fasse ces modifications.

Une voix: Cela donnerait quoi?

Le Président (M. Filion): C'est pour la langue française.

Une voix: Non, je veux savoir ce que cela donne comme texte?

M. Marx: Lisez encore une fois, s'il vous plaît, M. le Président.

Le Président (M. Filion): Dans ce cas, le total de la valeur du lot 215 et de celle des bâtisses dessus construites est égal à la valeur marchande qu'elle a le jour où ce paiement est effectué.

M. Descary: Ce sont les immeubles, le lot et les bâtisses qui ont...

Le Président (M. Filion): "Qu'ils ont", vous avez raison, "qu'ils ont le jour où ce paiement est effectué". En deux mots, on ajoute "le total". Il faut l'écrire...

M. Marx: On va écrire cela clairement, M. le Président, et on va vous donner cela en papillon.

Le Président (M. Filion): Déjà, je les félicite. C'est clair en plus de cela. Je me suis déclaré de cet avis, je l'ai lu et j'ai trouvé cela clair.

Adopté. Cependant, j'avais une question à poser là-dessus et c'est mon intervention de tantôt. Évidemment, les pauvres de Longueuil ne sont pas ici, c'est bien sûr. On demande à la fabrique, en quelque sorte, de les représenter. (13 h 15)

M. Descary: C'est quand même suivre l'intention de la donation.

Le Président (M. Filion): Dans ce sens, c'est tout à fait exact. Cela va dans le sens de la donation qui a été consentie en...

M. Descary: Une chose qu'il est peut-être utile de savoir aussi, c'est que les légataires universels du notaire Goguet qui a fait don de cette maison, ce sont les soeurs Grises.

Le Président (M. Filion): En plus de cela. D'accord.

M. Descary: De sorte que...

M. Marx: ...distribuer l'argent aux pauvres.

Le Président (M. Filion): D'accord. Dans ce sens, à l'étude du dossier, avec ma collègue de Marie-Victorin, nous avions été frappés par le rapport d'évaluation qui fixait à un quart de la valeur réelle la valeur qu'il estimait.

M. Descary: C'est une espèce de valeur actualisée. C'est un peu comme si je vous disais: Je vous dois 10 000 $ payables dans dix ans, et vous me disiez: Vous ne pourriez pas me payer tout de suite? À ce moment, je vais l'escompter jusqu'à un certain point. C'était un paiement immédiat en fonction d'une éventualité qui pouvait être...

Le Président (M. Filion): C'est pour cela qu'il estimait d'ailleurs la vie de la bâtisse à environ vingt ans.

M. Descary: Oui, exactement. C'est un peu l'exercice qu'il a fait en disant: On paie quelque chose par anticipation.

Le Président (M. Filion): D'accord.

M. Descary: C'était le sens de cet exercice.

Le Président (M. Filion): D'accord. Me Descary, à ce moment-là, je vous pose la question suivante. On avait, dans l'ancien projet de loi, 25 000 $. D'ailleurs, ces 25 000 $ deviennent le plancher, si vous me passez l'expression, et on remplace cette somme en chiffres absolus par un pourcentage qui est de 5,5 %. Au moment où on se parle, à combien évaluez-vous le terrain et la bâtisse?

M. Descary: Je ne le sais pas, il faut que je trouve...

Le Président (M. Filion): Entre vous et moi.

M. Descary: Je ne le sais pas du tout.

Le Président (M. Filion): Vous ne le savez pas du tout.

M. Descary: Je vais vous dire pourquoi. On a une évaluation municipale d'environ 2 000 000 $. Quel prix cela pourrait-il se vendre? On a d'autres évaluations qui se situent à environ 1 500 000 $ ou quelque chose comme cela. Maintenant, c'est à supposer que la bâtisse soit utilisée telle quelle. Si elle est pour être transformée, qu'est-ce qu'elle vaut? Peut-être pas grand-chose, je ne le sais pas.

C'est là qu'on s'est entendu pour un pourcentage. En somme, si les bâtisses ne valaient rien, s'il fallait remettre la valeur du lot 215, les soeurs se ramasseraient avec à peu près rien, ce qui - je ne le crois pas - serait très équitable dans les circonstances. En même temps, si les religieuses le vendent à fort prix, les pauvres en auront plus. Évidemment, on a fixé le minimum de 25 000 $, qui était la somme qu'on était déjà prêt à verser, donc pas de...

M. Marx: M. le Président, si, c'est comme on vient de le dire il y a quelques minutes, le terrain vaut 5,5 % du lot, plus celle des bâtisses, on peut dire que les bâtisses valent environ 2 000 000 $...

M. Descary: Exactement, c'est l'évaluation municipale.

M. Marx: C'est cela.

Le Président (M. Filion): Ce qui donne 100 000 $. C'est le calcul que je faisais également. Évidemment, il faut tenir compte, comme vous le mentionniez, du fait que les acheteurs sont intéressés à acheter dans la mesure où ils veulent se servir de ces bâtisses. Dans quel but s'en serviront-ils précisément? Mais la Corporation d'hébergement du Québec dont on connaît les...

Ma dernière question: vous avez inscrit dans l'amendement la possibilité d'un paiement par anticipation. Est-ce que je dois y voir cette bonne habitude...

M. Descary: C'est une suggestion du ministère.

Le Président (M. Filion): Une suggestion du ministère?

M. Descary: Oui.

Le Président (M. Filion): ...y voir les bonnes habitudes qu'avaient et qu'ont encore les congrégations religieuses de ne pas avoir trop de dettes et d'aimer faire les choses le plus...

M. Descary: Remarquez que c'était une suggestion des avocats du ministère. Même si

la corporation a dit: On n'a pas besoin de cela, j'ai dit: C'est un privilège qui est là.

Le pire qu'il puisse arriver, c'est qu'on ne l'utilise pas.

Le Président (M. Filion): D'accord.

M. Marx: M. le Président, nous avons suggéré ces dispositions pour permettre aux soeurs de se libérer de cette charge, le cas échéant...

M. Descary: Vous savez, on joue avec l'avenir. Il y a...

M. Marx: ...à n'importe quel moment. Cela ne porte pas préjudice au...

M. Descary: Cela ne porte pas préjudice - je m'excuse - et les religieuses qui sont ici aujourd'hui, évidemment, dans un certain nombre d'années, ce ne seront plus elles qui occuperont les mêmes fonctions. Il s'agit de tenter d'apporter une solution finale, de sorte que, quel que soit le problème qui se présentera éventuellement, on ait la solution à l'intérieur du bill.

M. Marx: Cela vous évitera de revenir, à un moment donné...

M. Descary: Exactement.

M. Marx: ...pour demander un amendement à ce projet de loi.

Le Président (M. Filion): Toujours par curiosité, le ministre de la Justice me le pardonnera vu que c'est dans notre comté, les pauvres sont également dans mon comté, dans celui de Mme la députée de Marine-Victorin aussi - il y en a partout - mais comme ce projet de loi les concerne directement... Vous avez reçu cet avis; est-ce qu'il y a un moment fixé au calendrier pour le déménagement des bénéficiaires ou...

Mme Berthiaume: Le transfert de nos bénéficaires se fera quand le foyer de Longueuil-Est sera construit. On ne sait pas quand. Ils doivent commencer, mais ils ne commencent jamais.

Le Président (M. Filion): C'est ça que je pensais, c'est dans mon comté. J'aurai plusieurs bonnes raisons de faire en sorte que cette construction démarre rapidement. Alors, cela va en ce qui concerne l'article 2 tel qu'amendé?

M. Marx: Si je comprends bien, M. le Président, il y a deux députés qui vont veiller à la mise en oeuvre de ce projet de lot.

Le Président (M. Filion): L'adoption du projet de loi se fait de façon, comme vous l'avez remarqué, tout à fait non partisane. Par contre, ses conséquences peuvent nous intéresser. Article 2, adopté tel qu'amendé? II faut d'abord adopter l'amendement.

Une voix: Est-ce que l'amendement a été adopté?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Filion): Ensuite, l'article 2 tel qu'amendé?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Filion): Adopté. J'appelle l'article 3.

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Filion): J'appelle l'article 4. Un amendement est déposé. Cette loi est modifiée par l'insertion, après l'article 3, des suivants: "3.1 Aux fins du second alinéa de l'article 1 et du premier alinéa de l'article 2.4, l'enregistrement du dispositif de la présente loi est réputé avoir été effectué au plus tard le jour de la publication de la présente loi à la Gazette officielle du Québec. "3.2 Malgré l'article 2081a du Code civil, l'hypothèque prévue à l'article 2.4 ne s'éteint pas à l'expiration de la trentième année suivant l'enregistrement du dispositif de la présente loi et il n'est pas nécessaire de renouveler cet enregistrement."

Encore une fois, je félicite les légistes d'avoir pensé à 2081a, c'est-à-dire à la non-extinction de l'enregistrement.

M. Marx: Parce que heureusement, M. le Président, nous avons des légistes qui sont des notaires aussi.

Le Président (M. Filion): Est-ce que l'amendement est adopté?

M. Marcil: Adopté.

Le Président (M. Filion): Est-ce que l'article 3 tel qu'amendé est adopté?

M. Marcil: Adopté.

Le Président (M. Filion): J'appelle l'article 4.

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Filion): J'appelle le préambule.

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Filion): Amendement au préambule. Le préambule de ce projet de loi est modifié par le remplacement du dernier alinéa par le suivant: "Que, dans ce but et pour respecter l'intention de cette donation, la Province Ville-Marie des soeurs Grises de Montréal désire établir la valeur des droits des pauvres prévus a l'acte de donation enregistré sous le numéro 13 595 pour que la somme correspondante soit distribuée conformément à cet acte."

Est-ce que l'amendement est adopté?

M. Marcil: Adopté.

Le Président (M. Filion): Est-ce que le préambule tel qu'amendé est adopté?

Une voix: Oui, adopté.

M. Marx: M. le Président, une motion afin de renuméroter les articles.

Le Président (M. Filion): Adopté. J'appelle le titre du projet de loi, Loi concernant le Foyer Saint-Antoine de Longueuil.

M. Marcil: Adopté.

Le Président (M. Filion): J'appelle l'ensemble du projet de loi.

Mme Vermette: Adopté tel qu'amendé. Le Président (M. Filion): Tel qu'amendé. M. Marcil: Adopté.

Le Président (M. Filion): Adopté. Révérendes soeurs, Me Descary, Me Dionne, merci. Nous allons suivre l'évolution pratique et concrète de ce projet de loi. Il nous a fait plaisir de vous recevoir.

M. Descary: Nous désirons remercier la commission, son président, le ministre et tous les membres de la commission.

Mme Poirier: Possiblement, entendra-ton parler de vous quand vous serez bénéficiaires du centre d'accueil!

Le Président (M. Filion): Nos travaux sont donc ajournés sine die.

(Suspension de la séance à 13 h 25)

(Reprise à 16 h 38)

Le Président (M. Filion): Cette séance de la commission des institutions est maintenant ouverte. J'inviterais la secrétaire à nous faire part des remplacements. Il n'y en a pas. À ce moment-ci, pour compléter notre mandat, il nous reste à étudier le projet de loi 251.

Projet de loi 251

Je rappelle le libellé de notre mandat qui est de procéder à l'étude détaillée du projet de loi d'intérêt privé 251, Loi concernant Lomer Pilote. À ce stade-ci, j'inviterais le proposeur, M. le député de 5ainte-Anne à adresser, s'il le désire, quelques remarques préliminaires aux membres de cette commission au soutien du projet de loi privé dont il est le parrain.

M. Polak: Merci, M. le Président. Ma situation est la suivante. Il y a quelques mois, M. Pilote, qui demeure dans mon comté, est venu me voir à mon bureau de comté. Il m'a demandé si j'étais prêt à présenter un projet de loi privé qui porte maintenant le numéro 251. J'ai posé quelques questions pour savoir de quoi il s'agissait. Donc, j'ai compris qu'il s'agissait d'un problème d'ordre contractuel entre un médecin, qui prétendait avoir une réclamation pour dommages et intérêts, et un hôpital. J'ai dit que je crois beaucoup en la possibilité pour un contribuable de présenter les faits devant une commission parlementaire. Si la personne en question est assez sérieuse pour vouloir présenter un projet de loi, j'ai pensé que ce n'était pas à moi de dire que je refuse de soutenir ce projet de loi.

Il ne faut pas conclure non plus que je suis totalement, d'abord, au courant des faits de la cause, quoique je doive vous dire que j'ai étudié avec beaucoup d'intérêt la documentation ainsi que le dernier mémoire que le Dr Pilote a fait parvenir à tous les membres de la commission. Je voudrais simplement... Pour moi, c'est très important. C'est une cause qui a une certaine renommée à Montréal parce que, après tout, l'affaire a commencé en 1969 et nous sommes maintenant en 1986. Je sais que le Dr Pilote n'est plus médecin; il est devenu avocat. Donc, il est bien capable de plaider sa cause. Je lui ai dit carrément: M. Pilote, c'est à vous de piloter votre propre cause devant la commission parlementaire, et non à moi.

Je voudrais faire quelques remarques parce que je ne voudrais d'aucune manière que le Dr Pilote ou que Me Pilote ait l'impression qu'on a peut-être déjà décidé d'avance ce qu'on va faire et qu'on a peut-être les oreilles non ouvertes. Je pense que c'est très important que les députés aient les oreilles ouvertes et que le Dr Pilote ait l'occasion de faire valoir tous ses arguments, comme d'ailleurs l'autre partie, sans doute, qui doit avoir des arguments contre. Je sais - je le lui ai dit, d'ailleurs - que le problème que je prévoyais, c'est le problème

du précédent. J'ai regardé toute la littérature et ce serait peut-être intéressant de savoir pourquoi, dans la cause de Claude Desfossés, apparemment des droits étaient accordés. C'est un ancien pompier de la ville de Montréal. Il y a eu un jugement, en 1972, à la suite duquel la ville de Montréal a payé. Claude Desfossés a repris une nouvelle action, en 1979, sept ans plus tard. Pourquoi? J'ai vu le projet de loi, mais, évidemment, il n'y a pas d'argument. Je ne sais pas quelle était l'injustice flagrante commise dans le cas de Desfossés. C'est au Dr Pilote de démontrer... Je pense qu'il réalise très bien qu'il a une côte à monter pour convaincre les membres de la commission et, surtout, le ministre de la Justice du bien-fondé de son action.

Dernier point de vue, j'admire beaucoup le travail des fonctionnaires, avocats, notaires, etc. Après tout, ce sont des gens qui ont des opinions. Leur opinion n'est pas meilleure que l'opinion d'un juge ou d'un autre avocat. Je pense qu'on devrait écouter les arguments de part et d'autre avec un esprit très réceptif afin que le Dr Pilote ou Me Pilote sache qu'ici on est prêt à décider selon la validité des arguments. Donc, voilà pour ma présentation. Je vais rester ici pour écouter, je n'ai pas l'intention de partir, mais je dois vous dire que j'ai trouvé la cause très intéressante sur le plan légal, moral, etc. Je vous remercie.

Le Président (M. Filion): Je vous remercie, M. le député de Sainte-Anne. Assurément, comme toujours, les membres de cette commission gardent vis-à-vis des intervenants, vis-à-vis des projets de loi privés qu'ils doivent étudier un esprit ouvert, comme vous le dites, tout en respectant évidemment, les principes qui ont été établis au fil des années par nos prédécesseurs, tout en respectant également les principes qui ont été mis de l'avant et qui sont bien connus, dont quelques-uns ont été répétés ce matin.

Je demanderais à M. Pilote lui-même s'il désire adresser quelques mots aux membres de cette commission. Je pense bien que tous les membres de cette commission ont reçu - dans le fond, c'est une question que je pose - le document préparé et intitulé "Mémoire du requérant". Je ne sais pas, on hoche la tête autour de la table.

Une voix: Tout le monde l'a reçu.

Le Président (M. Filion): Tout le monde a reçu ce document. Alors, M. Pilote, je vous invite à le compléter ou à le synthétiser ou, à tout effet, nous sommes à votre disposition, nous vous écoutons.

M. Pilote (Lomer): Je vous remercie, M. le Président, évidemment, de l'honneur que j'ai de m'adresser, pour la première fois de ma vie et possiblement la dernière, aux représentants du peuple, les élus et les législateurs. Je remercie surtout M. Polak qui a bien voulu accepter de parrainer, sans l'endosser comme il l'a dit - et ce n'était pas là le but - le projet de loi. Je le remercie de toute façon, quoi qu'il arrive, que le projet soit adopté ou non, je le remercie quand même dès maintenant, dès le début.

Tout d'abord, M. le Président, j'aimerais, à la lumière de la discussion du cas auquel j'ai assisté ce matin, le cas Dugas, le projet de loi 233, lequel a été rejeté, à la lumière de cette discussion - qui m'a très éclairé et très intéressé, d'ailleurs -faire un amendement à mon projet de loi pour respecter ce qui a été discuté, surtout le point qui a été présenté par M. le ministre de la Justice sur le problème de la prescription. Cela pourrait créer trop de précédents, surtout si la prescription est due à une erreur d'un avocat, il y a d'autres recours que le législateur pour corriger ces erreurs de prescription. Je suis d'accord. Pour ces raisons et celles que je vais préciser un peu plus loin, j'aimerais changer l'article 1 du libellé de mon projet, l'amender en biffant "malgré toute prescription applicable", en biffant cela et en inscrivant après le mot "et": "malgré les jugements antérieurs, notamment celui de la Cour d'appel du district de Montréal daté du 10 juin 1981"... Je veux biffer le...

Le Président (M. Filion): M. Pilote, je prends bonne note de cette idée. Maintenant, je tiendrais, pour le bénéfice des membres de la commission, à signaler ce qui suit. Bien que ce soit, évidemment, une loi concernant Lomer Pilote et que Lomer Pilote, en l'occurrence, c'est vous, je dois vous signaler que les règles de la commission qui nous gouvernent sont évidemment les mêmes que celles qui gouvernent n'importe quelle commission parlementaire. En ce sens, les amendements doivent être proposés par un membre de la commission et, en ce sens, je pense qu'on peut vous écouter là-dessus, que c'est une suggestion, une idée d'amendement et que, si l'un des membres de la commission désire soumettre cet amendement ou n'importe quel autre amendement, il lui appartient de le faire. Cela ne vous empêche pas, M. Pilote, encore une fois de suggérer des amendements et je comprends que vos dernières paroles doivent être comprises dans le sens d'une idée que vous émettez. M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: M. le Président, juste pour la forme, même si je ne suis pas membre de la commission, mais tout de même... Je suis membre? D'accord, parfait.

Le Président (M. Filion): M. le député

de Sainte-Anne, étant donné que c'est un projet de loi que vous parrainez, vous êtes membre.

M. Polak: D'accord. Je fais donc pour la forme cet amendement.

Le Président (M. Fîlion): Maintenant, M. le député de Sainte-Anne, comme nous sommes actuellement au stade des remarques préliminaires et des interventions de nos invités, et que nous n'avons appelé ni l'article 1, ni l'article 2, ni aucun autre article de ce projet de loi, je vous inviterais, lorsque nous serons à l'étude de l'article où vous désirez introduire un amendement, je vous inviterais à le faire à ce moment-là. D'accord? Merci.

M. Polak: Oui.

Le Président (M. Filion): Alors, M. Pilote, je vous en prie.

M. Pilote: En fait, M. le Président, il ne s'agit pas d'un problème de prescription dans cette affaire. Le problème peut se résumer en fait à ceci, c'est que, dans une première action qui a franchi les trois étapes, la Cour supérieure, la Cour d'appel et la Cour suprême du Canada, il a été décidé que le non-renouvellement de nominations, de contrats annuels du médecin du temps et la suspension de son contrat de 1969, le 23 juin, c'était annulé à toutes fins que de droit. Dans la première action, c'est... Mais la Cour suprême, malgré la demande du requérant du temps, n'a pas voulu accorder l'ordre de réintégration. Il reste qu'une chose annulée doit être exécutoire, comme l'a dit le juge Taschereau dans l'affaire... Cela doit être exécutoire.

Or, le non-renouvellement de contrats... Il y a eu trois contrats dans la première action. Le premier contrat a été suspendu. Il y avait un contrat qui reliait les parties. Ce n'est pas une faute délictuelle, il y avait un contrat juridique. Une nomination de médecin a été assimilée par la jurisprudence à un contrat annuel, comme un bail, un contrat d'un an, qui est renouvelable suivant la volonté du législateur et qui a été adopté le 1er avril 1969. Les règlements de la loi des hôpitaux ont déterminé comment cela devait être renouvelé ou non. Il y a une procédure et elle n'a pas été suivie dans le temps.

Il y avait trois contrats au départ. Le premier contrat datait du 31 juillet 1968 et allait au 31 juillet 1969. Le 23 juin, des difficultés entre les parties - que je ne détaillerai pas parce qu'on ne veut pas que je discute des faits, ce serait trop long - des difficultés sont survenues et le contrat a été suspendu le 23 juin, sans raison aucune. Le 11 juillet, on annonce au docteur Pilote, moi-même - je parle de moi à la troisième personne, cela fait prétentieux - on lui annonce que son contrat ne sera pas renouvelé le 31 juillet 1969, contrat annuel suivant les règlements internes de l'hôpital, et on prétend que les règlements de la loi des hôpitaux, en vigueur depuis le 1er avril, ne s'appliquent pas. Le débat commence là-dessus.

La Cour d'appel et la Cour suprême en sont venues à la conclusion, la Cour suprême à l'unanimité, que les règlements de la loi des hôpitaux s'appliquaient, qu'ils n'avaient pas été respectés, que la volonté des législateurs n'avait pas été respectée, et que pour cette raison, les décisions de non-renouvellement de contrat de l'hôpital devaient être annulées à toutes fins que de droit.

Mais l'origine du problème c'est que la Cour d'appel, le juge Lajoie, majoritairement... Parce que l'hôpital avait contesté l'ultra vires des pouvoirs du lieutenant-gouverneur en conseil d'adopter les règlements, ce point-là a été débattu jusqu'en Cour d'appel, mais l'hôpital a perdu là-dessus. C'est pour cela qu'il y avait cinq juges en Cour d'appel. En Cour d'appel, la Cour supérieure, majoritairement, a décidé qu'elle n'avait pas à donner l'ordre mandatoire de réintégration, qu'en annulant la décision de suspension et de non-renouvellement de contrat, le demandeur, le Dr Pilote - le juge Lajoie l'a dit textuellement dans le jugement - allait être réintégré, parce qu'une chose annulée cela n'existe pas. Ils n'ont jamais pris de décision pour mettre le Dr Pilote à la porte. S'ils n'ont jamais pris de décision, il a jamais été mis à la porte. C'est la conséquence logique du jugement.

Or, ils ne l'ont jamais réintégré le Dr Pilote, malgré ce jugement-là. J'ai demandé devant la Cour suprême un ordre mandatoire. J'ai dit: C'est bien beau un voeu pieux, de déclarer qu'ils vont le réintégrer, mais s'ils refusent encore? Quel autre moyen de coercition reste-t-il' au demandeur? Sinon par le biais des dommages-intérêts ou l'ordre de réintégration spécifique. Or, en Cour suprême on l'a demandé. Et la Cour suprême a dit dans sa discrétion, en reprenant une erreur du premier juge sur les faits, que le demandeur était l'auteur de sa suspension pour des paroles prononcées après. Comment peut-il être l'auteur de sa suspension par des paroles quand dans la preuve c'est absolu que cela a été fait après. Eux-mêmes ont dit qu'après qu'on l'eut suspendu, il aurait dit des paroles, fait des menaces d'aller au ministre, d'aller à Québec, d'aller aux journaux, des menaces très graves. Un autre monsieur de l'hôpital, le cuisinier a dit lui, en situant cela après la suspension et après la décision, que le Dr Pilote aurait déclaré que les dieux du soleil vont se faire couper les doigts. Cela est une erreur de fait du

premier juge, qui m'avait donné tort. Cette erreur-là, je ne veux pas la remettre en question, mais il faut la constater car la Cour suprême la reprend pour justifier de ne pas donner l'ordre de réintégration. Mais à toutes fins utiles la Cour suprême endosse le jugement majoritaire qui annule à toutes fins que de droit la suspension du contrat et le non-renouvellement du contrat en question dans cette cause, du contrat de 1969 et du contrat de 1970.

Le 27 mai 1974, après la décision de la Cour suprême du Canada, Pilote était dans la position suivante: Les plus hauts tribunaux du pays avaient déclaré que son congédiement était annulé à toutes fins que de droit. Les tribunaux avaient décidé qu'ils ne donnaient pas d'ordre à l'hôpital. Ils accordaient des dommages limités parce qu'il avait demandé des dommages très limités. Demandant un ordre de réintégration, il ne pouvait pas en même temps joindre - c'était la jurisprudence - une demande... On ne demande pas d'être réintégré et en même temps des dommages. C'est sûr que lorsqu'on demande un ordre de réintégration, les dommages finissent là. S'ils le réintègrent, il n'y a plus de dommages. Il retourne à l'hôpital et il n'y a plus de dommages.

Il n'a pas eu cet ordre de réintégration. Or, la position dans laquelle il était en 1974 après le jugement de la Cour suprême c'était un beau jugement; son congédiement était annulé à toutes fins que de droit. Les seules fins que de droit qu'il restait, quelles étaient-elles? Selon le juge Lajoie, c'était qu'il allait être réintégré, mais ils n'ont pas voulu. Ifs ont dit: Non, on n'est pas obligé, on n'a pas eu d'ordre. Qui va leur donner un ordre? Jamais, parce que la Cour suprême l'a refusé et c'est fini, c'était chose jugée. L'ordre mandatoire...

Quel recours restait-il à Pilote? II avait un jugement non exécuté et non exécutoire d'annulation à toutes fins que de droit de son congédiement et de son non-renouvellement de contrat. Il restait quoi? Le biais des dommages-intérêts.

Il a pris une deuxième action, c'est là le problème. Le problème a été présenté à un juge de la Cour supérieure, l'honorable Yvon Jasmin en 1978, qui a accepté la thèse que je viens de vous dire: que ce n'était pas la même qu'eux autres. L'hôpital a plaidé chose jugée. Il a dit: On l'a payé, on l'a déjà payé 55 000 $ pour le congédiement illégal. Mais la thèse du demandeur c'était qu'on l'avait payé pour des contrats du 23 juin 1969 au 4 septembre 1970, pas pour des contrats subséquents. Comme l'impôt et les baux, c'est annuel.

Un contrat annuel c'est une autre cause d'action. Donc j'ai plaidé, on a plaidé devant le juge Jasmin avec succès. Il est dit textuellement dans le jugement du 13 juin 1978 que le renouvellement s'est fait automatiquement d'année en année, que cela n'est pas chose jugée parce que ce n'est pas la même cause d'action. C'est évident qu'à l'article 1241, le législateur a décidé que cela prenait trois identités pour parler de chose jugée: identité des parties, cela c'était vrai, c'était les mêmes parties; l'identité de l'objet, ce n'était pas le même objet, ce n'était pas la même année; l'identité de la cause d'action, ce n'était même pas une cause d'action, ce n'était pas le même contrat.

C'est comme si j'allais plaider comme locataire contre mon propriétaire. Si j'ai un différend pour une année sur un bail et que l'année suivante il y a un autre différend sur un nouveau bail ou sur un nouveau contrat, celui qui a le différend ne peut pas dire: Voici l'année passée vous avez plaidé sur le bail de l'année 1969 par exemple et vous ne pouvez plus replaider celui de 1970. Le bail de 1970 ce n'est pas le même bail que 1969. La jurisprudence est absolue sur cela. Or, le juge Owen a renversé en 1981 ce jugement du juge Jasmin. La Cour suprême avait toujours parlé de contrat. Si on lit le jugement de 1974 de la Cour suprême on voit que le juge de Grandpré dit très bien que la conclusion nécessaire est donc double à cause de l'arrivée en vigueur des règlements de la loi sur les hôpitaux le 1er avril 1969. L'hôpital avait toujours plaidé que c'était leur règlement qui s'appliquait. Or, le législateur est intervenu et a dit que les relations contractuelles entre les médecins et les hôpitaux seront régies de telle ou telle façon. Cela s'appliquait. L'hôpital n'a pas voulu respecter cela mais il s'est fait dire par les tribunaux: Vous auriez dû le respecter. La Cour suprême dit qu'à compter du 1er avril toutes les procédures en suspension doivent être conformes aux prescriptions des règlements. Cela est pour renverser la suspension du 23 juin 1969. Deuxièmement, à compter de cette même date de l'entrée en vigueur des règlements de la loi sur les hôpitaux tous les contrats entre les médecins et les hôpitaux doivent être prolongés automatiquement jusqu'au 31 décembre 1969, permettant ainsi la mise en application de la procédure de nomination prescrite par les règlements. C'est cela que la Cour suprême a décidé.

Pour les dommages - la fameuse chose jugée - ce qui a été accordé par la Cour d'appel en 1973 c'est seulement les dommages pour trois contrats: le contrat de 1969, le contrat de 1970, - une partie de 1969 et une prolongation de 1969 de juillet à décembre - mais non pas les autres contrats de 1971, 1972 et 1973 qui s'étaient renouvelés selon l'effet de la loi. La loi c'est la volonté du législateur. Or, le juge Owen dans son jugement de 1981, alors qu'il avait devant lui le jugement du juge Jasmin qui dit qu'il n'y a pas chose jugée, que c'est

contractuel, que cela a toujours été contractuel et que cela reste contractuel, que ce sont des contrats annuels et que ce sont différentes causes d'action, le juge Owen par une gymnastique je ne sais pas de quelle sorte dit aux pages 12 et 13 que c'est devenu - il n'emploie pas le mot "délictuel" mais il décrit toutes les conséquences: "However our law does not recognize a continuing series of actions for damages caused by the same incident or connected incidents". Je m'excuse de le lire en anglais mais c'est comme cela que je l'ai eu en 1981, en anglais, même si tout avait été plaidé en français, je l'ai eu en anglais. C'est la seule version qui existe en anglais. "Such damages must be claimed, proved and assessed once and for al! as a result of one action." C'est l'affaire McGee de 1900 qui porte sur le domaine délictuel.

Délictuel cela veut dire qu'il n'y a pas de relation juridique entre les parties. Si je m'en vais sur le trottoir et que je donne une jambette à quelqu'un, je commets une faute... ou en auto. C'est une seule cause d'action. Il n'y a pas de relation juridique, il n'y a pas de contrat. Là, on parle de délictuel, c'est une faute. Si c'était cela mon congédiement et si cela avait été un contrat à durée indéterminée l'honorable juge Owen aurait raison. Mais ce n'était pas cela. C'était un contrat annuel en 1969. La première cause a toujours été mise dans le domaine contractuel. On a commencé avec une pomme et à un moment donné sans raison et sans qu'on sache pourquoi, le sabot rouge est devenu vert ou si voulez la pomme est devenue une orange. Bien oui, mais on ne parle plus de la même cause.

Il dit que je n'ai pas le droit à une deuxième action parce que je n'ai pas tout réclamé dans la première action. J'aurais dû tout réclamer dans la première action. Dans la première action je ne pouvais pas tout réclamer c'était impossible. Je demandais ma réintégration par un ordre mandatoire. Je ne pouvais pas faire les deux. Je ne pouvais pas réclamer et en même temps retourner à l'hôpital c'était incompatible. Le jugement du juge Owen c'est cela. Cela change la nature de la cause. En fait c'est un non-jugement. Ce n'est même pas une chose jugée c'est un non-jugement, puisqu'il ne parle pas de la même cause. On dirait qu'il s'est trompé de dossier. Ce n'est pas des mêmes années, ce n'est pas des mêmes contrats dont il parle. Je suis allé devant la Cour suprême avec cela et j'ai eu un non, non. Trois mois. On sait que la Cour suprême n'avait pas le temps d'écouter ces causes quand cela concerne uniquement un individu. (17 heures)

Je suis devant vous actuellement parce que je n'ai pas d'autre recours. J'ai un jugement non exécutoire d'annulation à toutes fins que de droit, et je n'ai aucun moyen de coercition pour le faire exécuter. Le seul moyen qui reste, ce sont les dommages-intérêts. Mais ils vont me répliquer que c'est sûr que je ne peux pas m'adresser aux tribunaux, que c'est une chose jugée. Le juge Owen a dit que je n'avais pas droit a une deuxième action pour les années 1971, 1972, 1973 et 1974.

Alors, c'est sûr que, dans l'état actuel, sans la loi spéciale, je n'ai plus de recours contre l'hôpital. Par cette loi spéciale, vous ne décidez pas si j'ai raison, au fond. Vous me permettez de retourner devant les tribunaux uniquement. Vous n'intervenez pas pour dire aux tribunaux: Est-ce qu'il y a eu renouvellement? Est-ce que ce sont des nouveaux contrats? Est-ce que c'est délictuel ou contractuel?

Mais, vous ne décidez pas cela. Vous ne décideriez pas cela par cette loi. Vous dites simplement que, malgré cela, on ne pourra pas m'opposer la requête en irrecevabilité, dès le départ, si je prends une autre action. Vous me redonnez un droit d'action. J'ai écouté l'avocat du Barreau ce matin, le vice-président. Moi, ce n'est pas le problème. Ce n'est pas une question de donner un effet rétroactif, c'est de rendre exécutoires des jugements qui ne sont pas exécutoires. C'est de donner effet à un jugement des tribunaux. C'est ce que je demande aux législateurs.

Ce n'est pas de rectifier l'erreur de l'honorable juge Owen de 1981, ni de remettre le jugement de l'honorable juge Jasmin, c'est de remettre les parties dans le même état en ce sens que je suis devant le jugement de la Cour d'appel et de la Cour suprême, de la première action, un contrat dont le renouvellement a été annulé à toutes fins que de droit et il me reste un moyen de coercition, des dommages-intérêts.

L'hôpital avait le libre choix pour s'éviter des dommages-intérêts. Il aurait pu me réintégrer dès 1973. Quand ces gens ont eu le jugement de la Cour d'appel en 1973, qui a été confirmé en 1974 par la Cour suprême en ce sens que leur décision était annulée, que c'était contre la loi, ils avaient le choix de me réintégrer et on ne serait pas ici pour en discuter s'ils l'avaient fait.

Ils l'ont fait de leur propre choix et ils s'exposaient à des dommages-intérêts. Mais, là, à cause du jugement de l'honorable juge Owen, ils sont à l'abri de toute poursuite. Ils sont à l'abri de toute poursuite au point de vue des dommages-intérêts, parce qu'on va m'opposer la chose jugée. C'est le but de la loi spéciale.

On a discuté beaucoup ce matin à propos de l'affaire de M. Dugas concernant l'autre projet de loi, le précédent et je comprends les réticences du législateur - je les partage et c'est vrai et absolu - pour ne pas créer des précédents et pour ne pas créer une avalanche de demandes qu'un justiciable qui a perdu une cause... Il ne faut

pas lui donner l'espoir que c'est le législateur qui va siéger en appel pour rectifier toutes les injustices qui auraient pu ou pourraient se commettre.

Je suis bien d'accord avec cela. Ce n'est pas un précédent. À la page 60 de mon mémoire, l'affaire è laquelle on a référé, la Loi concernant Claude Desfossés... Comme M. le député de Juliette le dit très bien: "Changez les noms - je vais répéter, je recite ce qu'il a dit; je l'ai pris en note -malgré toute prescription applicable et malgré le jugement, malgré la chose jugée. C'est le jugement de la Cour supérieure en date du 22 avril 1970 - Claude Desfossés a le droit de s'adresser au tribunal compétent." La loi Desfossés, c'était là le précédent. Il y en a probablement d'autres. L'avalanche, les craintes, les réticences normales et correctes dans l'intérêt public du législateur et du ministre de la Justice qu'il faut qu'on considère l'intérêt public dans son ensemble...

Cette loi de Claude Desfossés de 1979, on l'a eue à l'esprit. Il y a un article dans la Presse de mars 1980 - je ne veux pas utiliser la Presse comme source pour discuter devant l'Assemblée nationale, mais il reste que le titre et le texte, vous l'avez dans tous mes mémoires à la page 61 - "Les magistrats n'ont plus le dernier mot". Il dit: "Le parrain de la loi, le député Gilbert Paquette assure que cette situation de précédent avait été au coeur des préoccupations de tous les députés de la commission parlementaire chargée d'étudier le projet de loi. Selon lui, le danger que cette décision serve de précédent pour inciter d'autres employés congédiés à recourir à la même stratégie n'existe pas."

L'histoire lui a donné raison. Il n'y a pas eu d'avalanche. C'est en 1980. On est six ans plus tard. Tout ce dont j'ai eu connaissance, c'est qu'il y a eu un M. Dugas qui s'est adressé ici ce matin. C'est un cas, il y en a peut-être une couple d'autres, je ne sais pas. On ne peut pas appeler un cas ou deux d'exception une avalanche. Cela n'a pas créé d'avalanche.

De toute façon, s'il y a d'autres injustices, je ne prétends pas que les tribunaux... Avec tout le respect qu'on leur doit - comme avocat, j'ai mon serment d'office, je suis obligé de défendre l'intégrité et je la défends - ils sont humains quand même. Il reste qu'il y a des possibilités d'erreur. Il y en a eu trois sur les faits dans cette affaire. M. le ministre, vous ne voulez pas que j'en discute et je n'en discuterai pas, mais il reste que les erreurs de fait sont là, flagrantes, à la face même du dossier. La preuve a été faite dans le sens que le juge André Demers, en 1970, a dit que j'étais l'auteur de ma suspension par des paroles qu'il a lui-même reprises dans son jugement: "Unless you withdraw your suspension". Ce sont ses paroles. "You withdraw your suspension", cela veut dire que la suspension est faite. Ensuite, il cite des paroles de menaces qui sont allées dans les journaux, au ministre, etc. C'est un fait. On utilise ces faits mais ce sont quand même des erreurs de fait. Je ne veux pas qu'elles soient rectifiées, mais cela démontre quand même qu'elles sont reprises par la Cour suprême du Canada.

L'honorable juge de Grandpré, à la page 3 de son jugement de mai 1974, alors que mon avocat à l'époque lui a demandé de rectifier cette erreur de fait... On l'avait fait à la Cour d'appel. La Cour d'appel a dit: Ce n'est pas nécessaire, dans le jugement majoritaire, on n'étudie pas les motifs. Ce n'est pas nécessaire; il suffit d'annuler. C'est tout.

Dans le jugement du juge de la Cour suprême, M. de Grandpré dit: "Des difficultés étant survenues entre les parties, difficultés qu'il n'y a pas lieu d'examiner ici..." Il dit qu'il n'examinera pas les difficultés. Les difficultés, c'est le problème des 15 %. La collection imposée par l'hôpital aux médecins, sous peine de menaces. C'est écrit textuellement dans le jugement du juge Demers. Même en me donnant tort, il a dit qu'il y avait eu des menaces. À part moi, il y a quatre témoins qui ont été menacés de se faire mettre à la porte s'ils ne continuaient pas de payer leurs 15 %. Dans le jugement du 23 novembre 1970, le juge Demers le dit à la page 3. C'est textuel. Je ne veux pas le reprendre parce que ce serait trop long. Il est clair qu'il y avait un problème de collection à ce moment-là. C'était une erreur flagrante.

Même si elle est reprise... Il dit qu'il y a des difficultés. Il dit: "On ne les analyse pas. Il n'y a pas lieu de les examiner." Bon. Il ne les examine pas. Donc, il ne les vérifie pas. On lui demande de les vérifier et il ne le fait pas. Puis, à la fin, il utilise cela. Il dit: Je vais en tenir compte pour refuser le mandamus? II dit lui-même dans son jugement qu'il n'a pas vérifié cela et après, il en tient compte et l'utilise à sa discrétion. C'est une erreur qui est reprise. C'est comme si Sa Sainteté le pape, peu importe l'autorité qu'il représente, reprenait une erreur. Il ne change pas la nature d'une erreur. Une erreur va rester une erreur. Même si c'est la plus haute autorité à qui on doit le plus de respect au monde qui reprend une erreur, cela reste une erreur.

Donc, la Cour suprême a repris une erreur. Cela va rester une erreur et cela va toujours en rester une. Mais mon projet de loi n'est pas basé là-dessus.

Le Président (M. Filion): M. Pilote, je vais vous dire ce qu'on se fait dire a l'Assemblée nationale, par le président: Je vous invite à conclure.

M. Pilote: Évidemment, j'aurais aimé discuter un peu plus longuement sur la suspension justifiée du juge Owen, en 1973. Il a repris l'erreur une autre fois en 1973. C'est le même juge qui, en 1973, était convaincu que l'hôpital était justifié; en 1981, évidemment, il n'utilise plus ce prétexte. Il change la nature de la cause. C'est un fait.

Le Président (M. Filion): Oui, mais ce n'est pas la même chose, M. Pilote. Ce n'est pas le même dossier. Non, quand même, je vous écoute depuis tantôt. J'ai lu les procédures judiciaires. J'ai aussi lu une bonne partie de votre mémoire. Ce n'est pas la même cause, la même action sur laquelle la Cour d'appel s'est penchée. Ce sont deux causes différentes.

M. Pilote: C'est ma prétention. C'est justement ce que je dis.

Le Président (M. Filion): Ne dites quand même pas que le juge Owen a changé d'idée. Il se prononçait sur deux sujets différents. Deux parties peuvent se retrouver à plus d'une reprise devant une même cour ou devant un même juge. C'est arrivé dans votre cas. Ils peuvent rendre une opinion favorable à une partie dans un cas et défavorable à l'autre dans un autre cas. Mais cela ne veut pas dire nécessairement que le juge change d'idée parce qu'il se prononce sur des points différents.

M. Pilote: M. le Président, indépendamment d'erreurs ou non, ce n'est pas là-dessus que porte mon projet de loi. J'ai débordé un petit peu parce que je veux...

M. Marx: M. le Président, si je comprends le but de l'intervention du Dr Pilote, c'est qu'il a été l'objet d'une erreur judiciaire. D'accord? Si je comprends bien l'argumentation faite par le Dr Pilote, c'est que les cours ont fait une erreur. C'est cela?

M. Pilote: Pas nécessairement. C'est que les...

M. Marx: Elles sont passées à côté de...?

M. Pilote: Oui. C'est plutôt cela. Elles sont passées à côté.

M. Marx: Elles sont passées à côté. D'accord. Vous demandez maintenant à l'Assemblée nationale d'intervenir pour que vous puissiez retourner devant les tribunaux faire valoir vos droits parce qu'il y a quelques années les cours ont passé à côté. Est-ce cela?

M. Pilote: Ce sont les circonstances. J'ai eu un jugement d'annulé et il n'est pas exécutoire sans loi spéciale.

M. Marx: Ce n'est pas ma faute s'il n'est pas exécutoire. Ce n'est pas la faute de l'Assemblée nationale. Elle n'a pas rendu le jugement, ce sont les tribunaux qui ont rendu ce jugement. D'accord?

M. Pilote: Oui, oui, je concède cela.

M. Marx: Aux fins de la discussion, admettons que les tribunaux ont fait une erreur, qu'ils n'ont pas donné l'ordonnance que vous auriez souhaitée ou qui était nécessaire.

M. Pilote: Ce n'est plus cela l'erreur, M. le ministre.

M. Marx: Vous venez d'admettre qu'il y a eu une erreur.

M. Pilote: Mais ce n'est pas le fait de ne pas donner l'ordre de réintégration.

C'était discrétionnaire de la part des tribunaux.

M. Marx: Vous avez maintenant admis qu'il y avait une erreur judiciaire et vous voulez que l'Assemblée nationale intervienne pour vous donner la possibilité de retourner devant les tribunaux pour que cette erreur soit corrigée. Est-ce cela?

M. Pilote: M. le ministre, si vous me le permettez, je nuancerais. Vous avez dit d'un autre cas tout à l'heure que le Parlement en Angleterre a toujours été considéré comme la "High Court". Les législateurs peuvent être la "High Court" ici.

M. Marx: On peut faire n'importe quoi ici.

M. Pilote: Changer même un homme en femme, peut-être?

M. Marx: C'est cela, on a essayé de le faire... On a essayé d'éviter de le faire.

Des voix: Ha! Ha!

Une voix: Cela ne serait pas facile.

M. Marx: J'ai inventé un mot.. On a essayé d'éviter de le faire. On sait qu'on peut le faire, mais...

M. Pilote: Je comprends, je le concède, mais je ne vous demande pas d'utiliser des pouvoirs si extraordinaires.

M. Marx: On ne peut pas changer des personnes physiquement, mais juridiquement

parlant.

M. Pilote: Je demande au législateur d'intervenir dans des cas exceptionnels, puis je présente mon cas comme un cas exceptionnel. S'il y en a d'autres dans la province où...

M. Marx: Ce n'est pas cela la question, je vais essayer de résumer le problème. Vous plaidez qu'il y a eu une erreur judiciaire...

M. Pilote: Flagrante.

M. Marx: ...flagrante, le cas échéant, et vous voulez que l'Assemblée nationale adopte une loi pour vous donner la possibilité de retourner devant les tribunaux, afin que ces tribunaux puissent, le cas échéant, corriger cette erreur. C'est cela?

M. Pilote: Cela aurait cet effet-là, M. le ministre.

M. Marx: D'accord. On comprend le problème, mais...

M. Pilote: Cela aurait sûrement cet effet-là.

M. Marx: On comprend le problème, mais...

Le Président (M. Filion): En ce sens-là, M. Pilote, est-ce que vous aviez terminé votre conclusion?

M. Pilote: Ma conclusion, c'est que je vous dis, MM. les législateurs, que vous êtes mon dernier recours. Je n'en ai pas d'autre. Je ne veux pas me plaindre, parce que j'ai vu le cas de M. Dugas tout à l'heure et c'était bien plus pénible avec sa maladie de Hodgkin, mais ce n'est pas cela. Le point, c'est que la volonté du législateur a été défiée par l'hôpital et qu'elle n'a pas été appliquée par les tribunaux avec les conséquences logiques que je suis dans la position où j'ai perdu seize ans de ma vie, ma carrière de chirurgien a été ruinée, j'ai fait une faillite personnelle en 1982, après le jugement de la Cour suprême qui refusait de m'entendre sans que je sache pourquoi, et là je veux avoir la possibilité de demander aux tribunaux pourquoi j'ai tort.

M. Marx: Comment?

M. Pilote: C'est possible. Vous n'intervenez pas, vous ne dites pas aux tribunaux comment juger sur le fond. Si l'hôpital a raison et qu'il n'a plus de responsabilité contractuelle envers moi, pas délictuelle - il faut mettre cela dans le bon domaine, parler de la bonne nature des choses - au point de vue des dommages et intérêts, il va gagner devant les tribunaux, le législateur va m'avoir seulement permis d'exercer ce droit, tout simplement. Vous n'allez pas dire aux tribunaux comment juger sur le fond, vous allez simplement leur dire: Écoutez-le sur le fond, point. J'ai déjà été entendu, à l'inverse de M. Dugas qui n'a jamais eu la chance d'être entendu. C'est un autre problème, je ne veux pas m'y assimiler. J'ai été entendu, mais j'ai épuisé tous les moyens devant les tribunaux et il n'y en a plus. Le seul moyen qui reste, c'est vous, les législateurs. Il n'y en a pas d'autre. Si je veux retourner devant les tribunaux, cela va être annulé tout de suite en irrecevabilité dès le départ comme chose jugée, et avec raison. Je ne dépenserai même pas une goutte de salive pour y retourner. (17 h 15)

Avec la loi spéciale, on ne pourrait plus m'opposer la chose jugée par le juge Owen en 1981. On ne pourra plus m'opposer cette erreur pour rejeter mon action dès le départ. Les tribunaux seraient obligés de m'écouter sur le fond. C'est tout ce que je demande au législateur. Il me semble que ce n'est pas compromettant pour personne. Une injustice individuelle, ce n'est pas parce que la communauté, en général, pourrait, potentiellement, dans des peurs présumées, créer un précédent qu'un individu doit subir... Si je n'ai pas cette loi, je vais être obligé de mourir avec mon injustice et je n'aurai plus jamais personne pour m'écouter, pour aller la plaider devant personne.

Ici, je ne peux même pas plaider sur le fond. Ce n'est pas un plaidoyer, vous n'êtes pas un tribunal. Je vous demande juste la permission de me permettre d'aller plaider sur le fond devant les cours appropriées. Je respecte les tribunaux, ce n'est pas un manque de respect, ma loi spéciale. Au contraire, c'est un acte de foi; après seize ans, je ne suis même pas découragé.

M. Marx: Je pense qu'on a déjà décrit le problème et on a décrit ce que vous demandez à l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Filion): M. Pilote, je peux vous assurer d'une chose, nous avons bien saisi le sens de votre requête.

Il y a d'autres intervenants qui ont manifesté le désir de se faire entendre. Je les inviterais brièvement. D'abord, Me Alex K. Paterson que je salue. Bonjour Me Paterson, vous représentez la corporation de l'hôpital.

M. Paterson (Alex K.): C'est cela.

Le Président (M. Filion): Vous êtes accompagné de M. Teitel Baun qui est le directeur général de l'hôpital ainsi que de M. Nadler. Est-ce cela?

M. Paterson: C'est cela.

Le Président (M. Filion): Cela fait longtemps que vous êtes à la fois directeur général, directeur général adjoint de l'hôpital c'est parce que j'ai retrouvé vos noms dans les procédures.

M. Patersorc Cela fait presque 25 ans.

Le Président (M. Filion): Cela fait presque 25 ans. Me Paterson, brièvement, je vous cède la parole.

M. Paterson: Très brièvement. M. le Président, M. le ministre, en deux mots, M. Pilote demande d'être entendu, encore une fois, devant les tribunaux. Je dois souligner que dix-huit juges, deux juges de ta Cour supérieure, six juges de la Cour d'appel et dix juges de la Cour suprême ont déjà entendu le Dr Pilote. À cause des faits qui ont commencé en 1979, si ce sont les dommages pour une période ou une autre période, quand même, c'est le même problème. Cela a commencé avec la suspension, la révocation en 1979.

Il n'y a pas juste un jugement du juge Owen à la Cour d'appel. II y a aussi le jugement du juge Nolen et le jugement du juge Bisson. On doit lire les trois jugements pour connaître les raisons données. Après cela, le bâtonnier Robert est allé devant la Cour suprême, il a expliqué exactement les problèmes que M. Pilote a expliqués aujourd'hui. La Cour suprême a dit: Non, on ne donne pas la permission d'en appeler.

Je ne vois pas, dans ces circonstances, comment l'Assemblée nationale peut recommencer l'affaire. On doit avoir la justice pour les personnes en demande, mais il y a aussi une justice pour les parties en défense. Combien de fois est-ce qu'un hôpital ou un individu doit se représenter devant les tribunaux pour dire, encore une fois: Cela, c'est notre défense? Plus que cela, dans cette affaire, il a déjà gagné devant la Cour suprême du Canada, il a déjà reçu ses 58 000 $, etc. Il n'a pas reçu éternellement les dommages qu'il voulait, mais pour des raisons données très clairement dans les jugements de la Cour d'appel et de la Cour suprême. Le juge de Grandpré a dit clairement qu'imposer la réinstallation d'un intimé dans un milieu de cette nature tendrait à créer des conflits et des difficultés dont le patient serait le premier à souffrir. Compte tenu de toutes les circonstances et ou les discrétions que les tribunaux se doivent d'exercer en pareille matière, je ne crois pas qu'en l'espèce la réinstallation de l'intimé soit un remède approprié.

Comment est-ce que le Dr Pilote peut dire aujourd'hui: L'hôpital a eu le choix, après le jugement de la Cour suprême, de le réinstaller. Il n'a pas eu le choix. La Cour suprême a dit: Vous avez le droit à vos dommages, mais d'être installé, non!

De cette façon, il y a une chose qui est certaine dans l'affaire Pilote: si c'est une cause extraordinaire, ce n'est pas extraordinaire parce qu'il n'a pas eu l'occasion de se présenter devant les tribunaux, c'est extraordinaire parce qu'il est allé devant les tribunaux depuis 1979, devant tous les tribunaux de la province et à la Cour suprême deux fois. Plus que cela, il a procédé aussi contre son avocat pour exactement les mêmes dommages qu'il a réclamés dans la deuxième action contre l'hôpital. Il a perdu l'action, il est allé en appel; par la suite, cela s'est réglé pour 4000 $, les frais seulement, et il a donné une quittance. Il a présenté exactement la même chose devant la Cour supérieure contre Bertrand Lacombe, maintenant juge, etc. Il a reconnu qu'il a fait une erreur, il n'a pas réclamé pour tous les dommages à venir, il a réclamé 2 500 000 $ et cela s'est réglé pour 4000 $.

Dans ces circonstances, je crois franchement que le Dr Pilote a eu justice en masse et ce n'est pas une situation où l'Assemblée nationale doit intervenir. Merci.

Le Président (M. Filion): Je vous remercie Me Paterson. Est-ce qu'il y a d'autres questions à nos intervenants? M. le ministre de la Justice.

M. Marx: M. le Président, je dois admettre que le Dr Pilote a fait une excellente plaidoirie. Nous sommes très sensibles au problème qu'il a soulevé. Il se peut que le Dr Pilote ait été victime d'une erreur des tribunaux, mais donner suite à sa requête impliquerait que chaque fois qu'une personne pense qu'elle est victime d'une erreur judiciaire... Ce serait de dire à tout le monde: Si vous pensez que vous avez subi une erreur judiciaire, vous pouvez faire une requête à l'Assemblée nationale et il est possible qu'elle accueille votre requête, qu'elle adopte une loi privée et cela vous permettrait de retourner devant les tribunaux.

C'est bien possible qu'on adopte ce projet de loi et, dans quinze ans, que M, Pilote revienne en disant: J'ai passé devant tous les tribunaux, j'ai perdu, il y a encore une erreur judiciaire. Cela pourrait se continuer éternellement. Ce n'est pas probable que je sois ici dans quinze ans, mais dans douze ans, probablement. Cela veut dire que, si l'on donne suite à cette requête, tout le monde pourrait venir devant l'Assemblée nationale pour dire: J'ai été victime d'une erreur judiciaire, je devrais avoir une deuxième chance; tout ce que je demande, c'est d'être habilité à retourner devant les tribunaux et ainsi de suite.

Je ne veux pas décrire le projet de loi sur l'affaire Desfossés, mais dans cette

affaire le droit applicable était inadéquat. On n'a pas renversé un jugement, ou une soi-disant erreur judiciaire; tout ce qu'on a fait, c'est modifier la loi pour permettre à M. Desfossés de donner suite au jugement.

Il y a lieu aussi de souligner qu'à notre connaissance jamais un projet de loi privé ne fut accordé sur une telle base. II y a des précédents qui visaient à contrer les effets d'une règle de droit, mais ils n'impliqueraient en aucune façon une appréciation défavorable de l'Assemblée nationale sur la façon dont les tribunaux s'étaient acquittés de leurs fonctions. Il en est de même lorsque l'Assemblée nationale vient modifier rétroactivement une loi pour contrer les effets d'un jugement. L'Assemblée nationale ne se prononce pas alors sur la façon dont le pouvoir judiciaire a exercé ses fonctions, mais modifie une règle de droit qu'elle estime inopportun de conserver.

Par ailleurs, il existe au moins un précédent d'un projet de loi privé où celui-ci ne peut jamais être adopté, justement parce qu'il aurait impliqué un jugement défavorable de la part de l'Assemblée nationale sur la façon dont les tribunaux se sont acquittés de leurs fonctions. Il s'agit du projet de loi 214 de 1977, Loi concernant Alliance Sécurité Blindée, division Québec Limitée, par lequel cette compagnie demandait la révision d'une décision de la Commission des transports.

Pour conclure, M. le Président, ce serait briser toutes les coutumes, toutes les traditions, tout ce qu'on a fait depuis toujours à l'Assemblée nationale que d'accorder cette requête. Le Dr Pilote a bien plaidé sa cause. Comme Me Paterson a dit: II a déjà plaidé devant 18 juges. Je pense qu'il a, comme on dit, sondé une cour; il a passé plus d'un jour devant les tribunaux. On ne peut pas accorder cette requête, on ne l'a jamais fait et je ne pense pas qu'on le fasse dans l'avenir.

Nous avons un système par lequel on permet aux citoyens d'aller devant les tribunaux, de plaider leur cause. Il y a des gens qui perdent et des gens qui gagnent; c'est cela le système. L'Assemblée nationale n'est pas ici pour réviser des jugements des tribunaux, parce que cela pourrait être un travail à temps plein, 24 heures par jour. Je suis sûr qu'il y a d'autres personnes dans la même situation que le Dr Pilote et ce serait impossible pour nous de commencer à donner la permission aux personnes par le biais des lois privées de se présenter à nouveau devant les tribunaux.

En concluant, M. le Président, je dirais que quelqu'un m'a souligné l'autre jour que nous avons beaucoup de projets de loi privés à l'Assemblée nationale, beaucoup plus que dans d'autres juridictions et peut-être même trop. Mais comme cela a été souligné ce matin par Me Fetherstonhaugh, s'il s'agit peut-être du droit de déposer une pétition devant l'Assemblée nationale, nous sommes toujours prêts à entendre des personnes qui veulent faire valoir des droits. Mais dans ce cas-ci, il me semble que ce soit impossible pour l'Assemblée nationale de donner suite à cette requête.

Le Président (M. Filion): M. Pilote.

M. Pilote: Avant que vous n'appeliez le vote, est-ce que je pourrais faire une dernière intervention? Elle sera courte.

Le Président (M. Filion): Allez-y, M. Pilote, je vous en prie.

M. Pilote: Je vous remercie, M. le Président. Puisque je vois très bien maintenant que les dés sont jetés et que le projet va être rejeté, il est évident que je ne pourrai plus jamais rêver obtenir justice devant les tribunaux de ma province. Mais je peux tout de même devant cette tribune réclamer une enquête publique sur cet hôpital. Je la réclame parce que je dénonce un racket de la protection existant à cet hôpital depuis 1967. Je veux le dire publiquement parce que je veux obtenir la vérité. Le public mérite d'entendre la vérité. On ne veut pas l'écouter devant les tribunaux, mais ici je vais le dire. M. le ministre, je vais demander à vous et à vos officiers d'étudier la possibilité, comme Claire Dutrisac l'a dit en 1970 dans la Presse, en grosse manchette, d'un racket de la protection à l'hôpital Bellechasse. Vous regarderez dans mon mémoire, M. le ministre. Il y a un racket et il existe encore; les médecins sont encore obligés de payer à cet hôpital. Ils ont fait 10 000 000 $ à 15 000 000 $ avec les fonds publics.

Je demande une enquête publique sur cet hôpital. Je ne peux pas obtenir justice pour Pilote, il ne le mérite pas, mais je veux obtenir la vérité. Je la demande publiquement devant M. le ministre, devant cette commission par une enquête publique sur cet hôpital. On la demande depuis quinze ans et on n'a pas pu l'avoir. La vérité va sortir un jour, le public y a droit même si moi, je n'ai pas le droit d'obtenir justice devant les tribunaux ni devant l'Assemblée nationale, apparemment.

Je m'excuse de mon émotion, M. le ministre, mais j'espère que vous la comprendrez. Cela fait 17 ans que je me bats. J'ai été un idéaliste, j'ai été naïf de croire pouvoir obtenir justice un jour. Maintenant, j'ai la démonstration devant moi que ce ne sera pas possible. Je vais quand même poursuivre encore... Même si je suis le seul à le faire dans toute la province, je veux que la vérité sorte publiquement. Le juge Demers a dit qu'il y avait un système de protection; c'est écrit. On n'a qu'à le

lire, les faits sont là et on ne niera pas les faits. On ne peut peut-être pas revenir sur les jugements, mais on ne niera pas les faits. Je demande qu'on enquête publiquement sur cet hôpital pour voir ce qui s'y passe actuellement avec les fonds publics et la bénédiction des autorités.

Le Président (M. Filion): Merci, M. Pilote. Est-ce qu'il a d'autres interventions des membres de cette commission? J'appelle maintenant l'article 1 du projet de loi 251.

M. Marcil: Rejeté.

Le Président (M. Filion): J'appelle l'article 2.

M. Marcil: Rejeté.

Le Président (M. Filion): M. le député de Sainte-Anne, est-ce que vous maintenez toujours votre désir de déposer un amendement?

M. Polak: Disons que je vais suivre l'opinion du Dr Pilote. Voulez-vous que je dépose l'amendement?

M. Pilote: Est-ce que...

M. Marx: Cela ne changera rien.

M. Pilote: Si M, le ministre dit que cela ne changera rien, on perd du temps, tout le monde.

Le Président (M. Filion): J'appelle donc l'article 2 du projet de loi.

M. Marcil: Rejeté.

Le Président (M. Filion): J'appelle le préambule du projet de loi.

M. Marcil: Rejeté.

Le Président (M. Filion): J'appelle le titre du projet de loi.

M. Marcil: Rejeté.

Le Président (M. Filion): J'appelle également l'ensemble du projet de loi.

M. Marcil: Rejeté.

Le Président (M. Filion): Merci, messieurs.

M. Pilote: Le projet est rejeté, évidemment?

Le Président (M. Filion): Rejeté. M. Marcil: Rejeté, naturellement.

Le Président (M. Filion): Les travaux sont ajournés.

(Fin de la séance à 17 h 34)

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