(Neuf heures cinquante-deux
minutes)
Le Président (M. Simard) : Alors,
chers collègues, bienvenue à toutes et à tous. Très, très heureux de vous
retrouver ce matin en ce retour de travaux parlementaires. Je constate que nous
avons quorum. Nous sommes donc en mesure de pouvoir amorcer nos travaux.
Comme vous le savez, la commission est réunie afin
de procéder aux consultations particulières et aux auditions publiques sur le
projet de loi n° 12, Loi visant principalement à promouvoir l'achat québécois
et responsable par les organismes organismes publics à renforcer le régime
d'intégrité des entreprises et à accroître les pouvoirs de l'Autorité des
marchés publics.
Mme la secrétaire, bonjour.
La Secrétaire : Bonjour.
Le Président (M. Simard) : Y
aurait-il des remplacements ce matin?
La Secrétaire : Oui, M. le
Président. Alors, M. Reid (Beauharnois) est remplacé par M. Allaire
(Maskinongé) et M. Ouellet (René-Lévesque) est remplacé par
M. Gaudreault (Jonquière).
Remarques préliminaires
Le Président (M. Simard) : Très
bien. Alors, cet avant-midi, nous aurons quatre groupes qui seront avec nous en
présentiel. Avant de les entendre, comme le veut la tradition, nous ferons nos
remarques préliminaires, et je cède immédiatement la parole à la présidente du
Conseil du trésor. Chère collègue, vous disposez de six minutes.
Mme Sonia LeBel
Mme LeBel : Bien, merci, M. le
Président. Alors, c'est vraiment un plaisir. D'ailleurs, bonjour à tout le
monde, merci d'être présents, et bonjour surtout dans cette nouvelle ère qui
est... qui nous rappelle et qui nous démontre que, bon, on s'en va vers le
mieux, et on l'espère tous. Donc, très contente de vous retrouver, surtout
après cette relâche parlementaire, surtout pour amorcer aujourd'hui la
consultation sur le projet de loi n° 12, Loi visant principalement à promouvoir l'achat québécois et responsable par
les organismes publics, à renforcer le régime d'intégrité des
entreprises et à accroître les pouvoirs de l'Autorité des marchés publics,
qu'on entendra, d'ailleurs, en premier en consultation.
Loi qui est très importante pour moi, qui
s'insère dans une stratégie beaucoup plus large qui est la stratégie des
marchés publics, qui a plusieurs objectifs. Et j'ai très hâte qu'on puisse, là,
comme on le fait toujours, d'ailleurs, dans nos dossiers, dans mes dossiers,
pouvoir entendre tout ce qu'il y a à se dire sur ce projet de loi là, toujours
le situer, d'ailleurs, dans le cadre plus
large de la stratégie, qui a divers objectifs, et pouvoir voir par la suite,
là, comme on le fait et comme j'ai l'expérience de le faire avec tous
mes collègues jusqu'à présent dans les projets de loi que j'ai à étudier...
être capables, dans l'article par article, pouvoir le faire de façon
constructive et voir à améliorer le tout, parce que tout est perfectible dans
la vie, ça, je suis d'accord avec ça.
La seule chose où j'ai... je ne...
habituellement, où je ne divague pas ou ne déroge pas, pardon — divaguer,
ça peut m'arriver, mais pas en commission, j'espère — c'est
sur les objectifs. Mais, quand on est capables de trouver des moyens ou de
raffiner des moyens pour y parvenir, habituellement, les discussions sont très
ouvertes, et je suis très encline à le faire.
Donc, je pense que ça va bien de rappeler
brièvement le bien-fondé, là, de l'approche et pourquoi on le fait. L'idée est
de répondre à la fois aux attentes des entreprises québécoises, des ministères
et organismes du gouvernement qui ont une
part de responsabilité, de la population québécoise. Il ne faut pas oublier que
les marchés publics appartiennent aux Québécois, et je pense que tout ce
qu'on fait avec nos marchés publics doit bénéficier au sens large pour... aux
Québécois, donc avoir une valeur ajoutée aux Québécois. Donc, on peut penser à
du développement durable, on peut penser à de l'innovation, on peut penser à de
l'achat québécois. Il faut aussi penser à respecter les accords de
libéralisation du marché, parce qu'à terme tout ça bénéficie aux Québécois
d'une façon ou d'une autre.
Donc, si on veut revoir en profondeur cette approche,
là, en matière d'acquisition de biens et de services particulièrement, bien,
c'est vraiment dans un souci de favoriser l'achat québécois, je l'ai dit,
d'augmenter nos marges de manoeuvre actuelles et de pouvoir injecter plus
d'argent sur notre territoire. Je pense qu'il faut accorder aussi aux
entreprises de chez nous un meilleur accès aux contrats gouvernementaux. Ça a
été beaucoup de discussions qui ont eu lieu par mon collègue, d'ailleurs, de
Maskinongé et adjoint parlementaire, qui a eu l'occasion de faire une tournée dans ce sens-là, promouvoir l'achat responsable, on en a
entendu parler. Et moi, je pense que le corollaire de tout ça pour le
gouvernement, pour les organismes publics, c'est de s'assurer que le chien de
garde des contrats publics, l'AMP, ait les pouvoirs nécessaires à sa
disposition pour être capable de faire son travail et de bien avoir... d'avoir
le regard qu'il se doit d'avoir sur les contrats publics, les marchés publics
gouvernementaux et nous permettre d'utiliser tous les outils dans ce coffre à
outils d'achats gouvernementaux, tous les outils qui sont permis par la loi.
Donc, le contexte de la pandémie a démontré...
Je pense que ce n'est pas le point de départ de cette stratégie, parce que ça
fait longtemps qu'on entend des doléances de par les entreprises,
particulièrement, surtout en matière d'innovation, de développement durable,
etc. Donc, c'était le temps de faire bouger nos marchés publics, mais je pense
que ça a démontré l'importance de réduire notre dépendance extérieure vis-à-vis
certains marchés et de renforcer notre capacité d'assurer une disponibilité de
plusieurs éventails des chaînes d'approvisionnement, surtout en matière de
santé, on parle d'équipements de protection personnelle, et nos chaînes
d'alimentation. Je pense que la pandémie a démontré que ce sont deux secteurs
qui sont stratégiques et sur lesquels je pense qu'il est de bon aloi de mettre
l'accent, M. le Président.
C'est une de nos priorités, bon, notre premier
ministre en a fait une priorité, et je pense qu'il faut que l'État québécois
donne l'exemple. Donc, à terme, ce seront des augmentations de près de
10 % de points de pourcentage. On est à 38 % d'achats québécois en
matière de biens. Je suis heureuse de dire qu'en matière d'achat de services et
en matière de construction on est à 99 % et 92 %, là. Je pense que,
là, au niveau de l'exemplarité, on en est... on marque la cible, on atteint la
cible. Mais je pense que là où on a un effort supplémentaire à faire, c'est en
matière d'acquisition de biens. Donc, c'est pourquoi cette stratégie-là,
accompagnée du projet de loi, parce que le projet de loi est un ensemble de la
stratégie, est une extension, un outil, une composante de la stratégie, je peux
le dire — je
peux sortir une liste de synonymes, mais je pense que vous comprenez bien ce
que je veux dire — et
l'idée, c'est d'aller un peu plus loin, justement, en matière d'acquisition
d'achats québécois.
Donc, je vais conclure mon intervention parce
qu'on aura le temps d'en parler beaucoup avec les gens qui sont en
consultation, mais aussi en article par article. Mais ce sont les grands
objectifs : l'achat québécois, développement durable, et un meilleur accès
à nos entreprises, et surtout aussi favoriser l'innovation, que ce soit dans
les acquisitions de biens, dans les biens
comme tels ou les achats qu'on fera et dans les processus, aussi, d'acquisition
gouvernementale, donc l'innovation dans ces processus-là également.
Donc, merci beaucoup. Et j'ai très hâte de
commencer cet exercice avec mes collègues et avec les gens qui vont revenir en
consultation.
Le Président (M. Simard) : Merci à
vous, Mme la ministre. M. le député de Mont-Royal—Outremont.
M. Pierre Arcand
M. Arcand : Merci, M. le Président.
J'en profite, évidemment, pour saluer la ministre, aujourd'hui, pour l'étude de
ce projet de loi n° 12, ces consultations, d'abord. Et j'en profite également
pour saluer la députée de Mercier, mais peut-être plus particulièrement le
député de Jonquière, qui nous a fait une annonce il y a déjà quelques jours, et
je voudrais simplement le remercier pour 15 années de brillants débats à
l'Assemblée nationale. Alors, c'était un des points que je voulais faire.
D'abord, premièrement, le projet de loi n° 12
comme tel, c'est un projet de loi, là, qui, évidemment... sur la question de
l'achat québécois, il n'y a personne qui peut être contre le fait de
privilégier l'achat québécois. La question sur laquelle on s'est posés à un
moment donné, lorsqu'on a regardé ce projet de loi, c'était essentiellement de
se dire : Est-ce qu'on avait vraiment
besoin... jusqu'à quel point on avait besoin d'un projet de loi? Il nous a
semblé a priori que, via des directives du Conseil du trésor, il y avait
certainement moyen de pouvoir privilégier l'achat québécois. Il y avait des
efforts qui avaient été faits déjà, par le passé, en ce sens-là. Alors, c'est
la première question qu'on s'est posée.
On a vu, ce matin, également les informations à
l'effet que le projet de loi n'allait pas assez loin. Nous, évidemment, sur le
principe, comme je l'ai dit, nous ne sommes pas en désaccord avec ce principe,
mais il y a certains éléments à l'intérieur
de ça qui sont, pour nous, sujet de préoccupations, et je vais profiter de
l'occasion pour véritablement vous en faire part.
Un des enjeux, ce qui nous apparaît l'enjeu le
plus important, actuellement, c'est toute la question de l'absence du paiement rapide, là, pour la construction.
C'était une des recommandations, entre autres, de la commission
Charbonneau. On aura l'occasion d'en discuter plus en détail avec la ministre,
mais c'est clair que ça, c'est un enjeu qui nous apparaît l'enjeu majeur. Ce
qu'on ne comprend pas, c'est qu'à l'époque où on était au gouvernement on avait
lancé des projets pilotes pour payer les fournisseurs de services, dans
plusieurs domaines, de la meilleure façon possible. Et on sait jusqu'à quel
point le gouvernement du Québec, à cet égard, est un cancre en ce domaine. Alors,
je pense que c'est un des enjeux qui va
devenir important. Parce qu'on a beau vouloir encourager les entrepreneurs
régionaux, si ces entrepreneurs régionaux là ne sont pas payés
rapidement et promptement, il est clair que ça va rester un enjeu.
Deuxièmement,
on s'est rendu compte que la ministre a, évidemment, voulu respecter les
ententes internationales de libre-échange. Donc, c'est sûr que le projet
de loi est un peu plus limité en ce sens-là, parce qu'on n'a pas le choix que
de respecter les clauses des accords de libre-échange. Alors ça, c'est un des
éléments également.
La question, on est bien d'accord pour que
l'Autorité des marchés publics ait plus de pouvoirs, plus de finance, mais on
va devoir également poser les questions en ce sens-là, et je sais
qu'aujourd'hui on a l'Autorité des marchés publics qui va intervenir.
• (10 heures) •
Alors, essentiellement, ce
sont les points qui nous apparaissaient, à ce stade-ci, importants. On a vu
également que, comme je l'ai dit tout à l'heure, dans ce projet de loi là, tout
peut se faire, mais nous sommes ouverts à discuter avec la ministre, et on aura
certainement des amendements à proposer, M. le Président, pour faire en sorte
que ce projet de loi là soit le meilleur possible, et, en ce sens-là, on va
travailler en équipe. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Simard) : Merci à
vous. Mme la députée de Mercier.
Mme Ruba Ghazal
Mme Ghazal : Merci beaucoup. J'ai
10 minutes, c'est ça? Non?
Le Président (M. Simard) : Quatre,
en fait.
Mme Ghazal : Quatre? Ah! excellent.
Le Président (M. Simard) : Quatre.
Oh! pardon, excusez-moi, une.
Mme Ghazal : Oui, c'est ça. Je
pensais que les règles ont changé dans tout.
Le Président (M. Simard) : Vous
savez, ce matin, j'étais...
Une voix : ...
Le Président (M. Simard) : Non,
c'est ça. Non, 30 secondes, non.
Mme
Ghazal : Oui, c'est ça. Bon, j'y vais, alors. Bien, merci
beaucoup. Écoutez, je suis vraiment très, très heureuse d'être ici. Je
me sens vraiment comme à la rentrée scolaire, là. Il n'y a plus de plexiglas,
etc. Je pourrais en rajouter aussi pour saluer le collègue de Jonquière, mais
je sentais qu'il commençait à pleurer, donc je vais le laisser tranquille.
Alors, écoutez, chers collègues, évidemment, le
projet de loi n° 12, nous sommes en faveur du principe. Ça participe d'une
tendance mondiale de favoriser les économies locales. La COVID nous a montré à
quel point on est dépendants des marchés internationaux. On se rappelle à quel
point on avait peur de manquer de médicaments, de manquer de tout, et il ne
faut pas revivre ça.
Maintenant, les bonnes intentions, c'est bien,
les actions, c'est mieux. Il faut sortir aussi des slogans. Je veux dire à quel point... Quelle est la marge de
manoeuvre du Québec pour atteindre les objectifs avec les accords
internationaux qui ont été signés? On dit qu'on n'a pas le choix, mais ils ont
été signés. Nous nous sommes lié les mains à travers les années. C'est une
tendance depuis les années 80 qui a fait qu'on a cette dépendance-là.
Donc, j'ai très, très hâte de voir à quel point
on va pouvoir aller au-delà des slogans avec ce projet de loi n° 12. Je
n'ai plus de temps. Donc, on va avoir l'occasion d'en... je vais avoir l'occasion
d'en parler plus longtemps et j'ai très, très hâte d'entendre les intervenants
qui vont venir en commission. Merci.
Le Président (M. Simard) : Merci à
vous. M. le député de Jonquière.
M. Sylvain Gaudreault
M. Gaudreault : Merci. Je ne
m'attendais pas à avoir ces bons mots des collègues. Je les remercie, notamment
le député de Mont-Royal, qui a été élu en même temps que moi. Alors, on aura
l'occasion d'en reparler, sûrement, mais je veux intervenir sur le projet de
loi n° 12. Avec le peu de temps que j'ai, un mot :
Écoconditionnalité. Conditions écologiques. Je suis retourné dans un article de
La Presse à la suite... je pense, c'était à l'étude des crédits, le
30 mars 2021, où nous avions eu l'occasion d'échanger là-dessus, la
ministre et moi, et elle s'était engagée à imposer des critères écologiques
contraignants pour les appels d'offres.
L'enjeu de la crise climatique ne peut pas faire
autrement que d'apparaître dans les critères d'acquisition du gouvernement dans
les politiques d'acquisition. Alors, la ministre parle de la recherche d'un
développement durable. Je lui dis tout de suite, ce sera insuffisant. Il va
falloir avoir des critères beaucoup plus contraignants et beaucoup plus
obligatoires, je ne sais pas si ça peut se dire comme ça, quant aux politiques
d'acquisition dans une optique de grille d'analyse climatique, de test de
climat. Et, s'il y a une institution, au Québec, qui doit être exemplaire à cet
égard, c'est le gouvernement du Québec, qui doit donner l'ordre de marche en
matière d'acquisition écologique. Et j'avise la ministre qu'on va avoir
clairement des amendements là-dessus. Merci.
Le Président (M. Simard) : Merci à
vous, cher collègue.
Auditions
Alors, nous en sommes maintenant à l'étape des
auditions et nous commençons par recevoir des représentants de l'Autorité des
marchés financiers. M. Trudel, bonjour.
Autorité
des marchés publics (AMP)
M. Trudel (Yves) : Bonjour.
Le Président (M. Simard) : Bienvenue
parmi nous. Vous êtes un habitué, mais, néanmoins, auriez-vous l'amabilité de
vous présenter ainsi que la personne qui vous accompagne?
M. Trudel (Yves) : Bien sûr. Une
petite correction, nous sommes de l'Autorité des marchés publics, et non pas
financiers.
Le Président (M. Simard) : Bien,
excusez-moi, voyons. Bien oui!
M. Trudel
(Yves) : Mon nom est Yves Trudel. Je suis le
président-directeur général de l'Autorité des marchés publics.
Mme Hamel (Chantal) : Alors, je suis
Chantal Hamel, je suis la directrice de l'admissibilité et du soutien juridique
à l'Autorité des marchés publics.
Le Président (M. Simard) : ...vous
disposez de 10 minutes.
M. Trudel (Yves) : Merci. Alors, M.
le Président, Mme la ministre, Mmes, MM. les députés, il me fait plaisir de
m'adresser à vous dans le cadre des consultations particulières du projet de
loi n° 12.
D'emblée, je
tiens à vous préciser que l'Autorité des marchés publics est favorable aux
dispositions du projet de loi concernant plus spécifiquement l'intégrité
des marchés publics. Par cette allocution, je vais vous énoncer dans quelle
mesure ces changements législatifs sont non seulement pertinents et essentiels,
mais comment l'AMP profitera de ces modifications
pour accroître son rôle de surveillance des marchés publics. Par ces
changements, le Québec continue de se donner les moyens nécessaires pour
favoriser l'équité, la transparence et la saine concurrence dans les marchés
publics.
Dès que nous avons entrepris nos activités,
en 2019, nous nous sommes aperçus des limites de nos pouvoirs qui nous
empêchent de répondre entièrement à notre mission de surveillance des marchés
publics.
Un comité de travail auquel a participé l'AMP et
le Secrétariat du Conseil du trésor a profité de la volonté ministérielle de
revoir la Loi sur les contrats des organismes publics et la Loi sur l'Autorité
des marchés publics, également de notre expérience vécue sur le terrain
depuis 2019, en plus des échanges avec plusieurs de nos partenaires, dont l'Unité
permanente anticorruption.
Nos commentaires devant cette commission
aujourd'hui porteront sur quatre éléments spécifiques du projet de loi,
soit l'élargissement des pouvoirs de l'AMP, la déclaration d'intégrité des
entreprises, le rapatriement des activités de vérification de l'intégrité
menées par l'UPAC et les sanctions administratives pécuniaires.
Au regard de l'élargissement des pouvoirs de
l'AMP, la Loi concernant l'accélération de certains projets d'infrastructure a
conféré à l'AMP des pouvoirs additionnels lui permettant de faire des
vérifications et des enquêtes sur l'ensemble des projets identifiés à
l'annexe I de la loi. Un peu plus d'un an depuis que l'AMP dispose de
ces nouveaux pouvoirs, nous avons été à même de constater à quel point ceux-ci
seraient pertinents pour tous les autres projets pour lesquels les fonds
publics sont investis. C'était d'ailleurs l'essence de notre positionnement,
devant les membres de cette même commission, alors que nous souhaitions, par
souci de cohérence, que ces pouvoirs soient étendus à l'ensemble des contrats
publics.
L'expérience de la dernière année a démontré
comment le fait d'être présent sur les chantiers fait en sorte de nous
alimenter et de nous permettre d'exécuter notre travail de surveillance comme
il se doit.
Concrètement,
ces pouvoirs, dans le cadre du p.l. n° 12, nous permettraient :
d'effectuer une veille des sous-contrats publics en plus de celle des
contrats publics; de requérir des documents et des renseignements des
soumissionnaires, des contractants et des sous-contractants, en plus de
faire... en plus de pouvoir le faire auprès des organismes publics; d'enquêter
de notre propre initiative, sans avoir l'obligation de constater des
manquements répétés, afin de s'assurer que
l'organisme public agit en conformité avec le cadre normatif et de rendre de
nouvelles ordonnances, notamment d'exiger que l'organisme public
surveille adéquatement l'exécution d'un contrat et en présence d'un manquement
grave, de suspendre ou de résilier un contrat public.
• (10 h 10) •
Concernant la déclaration d'intégrité des
entreprises, advenant l'adoption du projet de loi, les entreprises auraient
l'obligation d'attester de leur intégrité avant de conclure un contrat public,
peu importe la valeur ou la nature du contrat, qu'il s'agisse d'un contrat de
service, d'un contrat de construction ou d'approvisionnement.
Cette mesure n'aurait pas pour effet de
remplacer les autorisations nécessaires pour toute entreprise souhaitant
obtenir un contrat public dont la valeur est égale ou supérieure aux seuils
prévus à la LCOP, mais constituerait un levier additionnel à notre disposition
pour s'assurer de l'intégrité des entreprises qui obtiennent des contrats
publics.
Il faut savoir que les entreprises dans le
secteur des approvisionnements n'ont pas à obtenir d'autorisation de
contracter, peu importe la valeur des contrats, et ne font donc l'objet
d'aucune vérification d'intégrité malgré l'importance que ce secteur représente
au chapitre des marchés publics.
Avec le p.l. n° 12, l'AMP pourrait imposer
des mesures correctrices d'accompagnement ou de surveillance. Toute entreprise dans les secteurs des services,
de la construction ou de l'approvisionnement qui ferait défaut de
respecter son engagement s'exposerait à une inscription
au Registre des entreprises non admissibles aux contrats publics pour une
période de cinq ans.
Cette mesure découle du fait que nous nous
retrouvons parfois avec des entreprises qui soumissionnent sur des contrats
sous les seuils visés par une autorisation de contracter et qui échappent ainsi
à toute vérification.
Avec la loi actuelle, à moins d'être reconnue
coupable d'une infraction prévue à l'annexe I de la LCOP — ce
qui occasionne une inscription automatique au RENA — nous ne pouvons
empêcher une entreprise d'obtenir des contrats publics sous les seuils
d'autorisation prévus à la LCOP.
Nous pourrions également contraindre une
entreprise ou un administrateur à nous fournir tout document ou renseignement
permettant de vérifier l'intégrité de l'entreprise et de ses dirigeants.
En ce qui concerne les autorisations de
contracter, nous estimons que la durée de validité qui serait prolongée de
trois à cinq ans est aussi une excellente mesure qui réduirait d'emblée le
fardeau administratif des entreprises. Je vous rassure à l'effet que cette
mesure n'aura pas pour conséquence de négliger les vérifications. Au contraire,
les nouvelles dispositions feraient plutôt en sorte que les vérifications
d'intégrité seraient effectuées en continu, sur une base ponctuelle et
annuelle. L'AMP pourra donc investir encore plus d'efforts dans ses
interventions sur le terrain plutôt qu'en gestion administrative de dossiers.
Fait important à porter à votre attention, nous
avons identifié, jusqu'à maintenant, plus de 1 300 entreprises qui
ont retiré leur demande d'autorisation après l'avoir déposée auprès de l'AMP,
évitant ainsi de se soumettre aux vérifications d'intégrité. Nous constatons
que plusieurs d'entre elles obtiennent tout de même des contrats publics sous
les seuils d'autorisation.
Nous estimons que les mesures d'intégrité qui
sont prévues au p.l. n° 12 feraient en sorte d'assainir le marché. Elles
favoriseraient ainsi les entreprises intègres qui méritent d'obtenir des
contrats publics.
En ce qui concerne le rapatriement des activités
de vérification de l'intégrité menées par l'UPAC, soulignons que, dans le cadre
de ses responsabilités au regard de l'admissibilité des entreprises aux marchés
publics, l'AMP est impliquée au tout début du processus pour recueillir les
informations nécessaires et pour constituer le dossier de l'entreprise qui
effectue une demande d'autorisation ou de renouvellement.
Ce dossier est ensuite soumis à l'UPAC, qui
effectue des vérifications d'intégrité auprès des différents partenaires, tels
la Régie du bâtiment du Québec, la Sûreté du Québec, Revenu Québec et la Commission
de la construction du Québec. Suivant cette analyse, l'UPAC retransmet un avis
à l'AMP, qui doit alors rendre sa décision d'autoriser ou de refuser la
demande.
Nous estimons qu'en rapatriant cette activité à
l'AMP, cela permettrait d'améliorer l'efficacité et l'efficience des
différentes étapes d'analyse d'un dossier puisqu'il sera assumé du début
jusqu'à la fin par l'AMP.
Cela éviterait aux entreprises de devoir
échanger avec deux agences différentes et réduirait également les délais
de traitement des demandes d'autorisation et de renouvellement.
Étant l'organisme qui prend la décision finale,
l'imputabilité d'une telle décision serait donc entièrement assumée par notre
organisation.
La sanction du p.l. n° 12 répondrait
également à la recommandation 29 du rapport du comité consultatif sur les
réalités policières du 25 mai 2021, qui stipulait, et je cite, de «confier
à l'Autorité des marchés publics la responsabilité d'évaluer la probité des
entreprises faisant affaire avec le secteur public».
En ce qui
concerne les sanctions administratives pécuniaires, nous y voyons des bénéfices
permettant de renforcer davantage le
régime d'intégrité. Par ce projet de loi, les sanctions pourraient être imposées
dès qu'il y a un manquement, ce qui aurait pour conséquence de
constituer un incitatif à respecter les règles établies et à se conformer aux
dispositions de la LCOP.
Mentionnons également que l'AMP tiendra un
registre public des entreprises sanctionnées, ce qui constituerait, encore une
fois, une mesure de dissuasion.
Ce projet de loi viendrait d'ailleurs renforcer
le principe de transparence auquel nous adhérons et que nous prônons puisque ce
registre contiendrait des informations accessibles sur notre site Web.
En conclusion, l'AMP estime que l'adoption de ce
projet de loi permettrait de renforcer et de rehausser la qualité du régime
d'intégrité des marchés publics au Québec. La population est d'ailleurs en
droit de s'attendre à ce que l'argent qu'elle verse en taxes et en impôts soit
investi de la meilleure façon possible pour des services et des infrastructures
publics. Elle permettrait également de donner à l'AMP les moyens additionnels
lui permettant de réaliser sa mission et
d'assurer la transparence, l'équité et la saine concurrence dans les marchés
publics. Elle permettrait également d'élargir ses pouvoirs de
surveillance et d'intervention, tant en matière de surveillance... de
surveillance des marchés publics.
L'AMP entend donc continuer à jouer pleinement
son rôle de surveillance des marchés publics et n'hésite pas à intervenir dans
toute situation où le cadre normatif ou les règles contractuelles
n'apparaissent pas avoir été respectés.
Soyez assurés que tout notre personnel est investi,
mobilisé et déterminé à réaliser la mission de l'AMP. Équité, transparence,
saine concurrence demeurent nos principes fondamentaux.
Nous sommes maintenant disponibles à répondre à
vos questions. Merci de votre attention.
Le Président (M. Simard) : Merci
à vous, M. Trudel. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre. Et votre
groupe parlementaire dispose de 16 min 30 s.
Mme LeBel :
O.K., merci. On va essayer d'en faire bon usage, M. le Président. Alors,
merci, M. Trudel, merci, Mme Hamel, d'être présents. On a eu
l'occasion, d'ailleurs, depuis mon arrivée au Trésor, d'avoir quelques
discussions sur l'AMP et ses pouvoirs, particulièrement
dans le cadre du projet de loi n° 66, qui est maintenant une loi, qui est
la loi sur l'accélération de certains projets d'infrastructure, où il était
fort important, pour notre gouvernement, pour moi, d'accélérer des processus,
mais d'avoir un contrepoids à ça, c'est-à-dire le pouvoir de surveillance de
l'AMP.
On a eu beaucoup de discussions, à l'époque, sur la pertinence
d'étendre ou non. Et vous conviendrez que, dans le cadre du projet de loi
n° 66, au moment où on se parle, on a quand même fait un grand bout de
chemin, hein? Si je ne me trompe pas, ce sont tous les projets du PQI
maintenant, du Plan québécois des infrastructures, qui sont soumis à votre
autorité. Est-ce que vous considérez que le bout de chemin supplémentaire,
présentement, qu'on fait avec le p.l.
n° 12... en bon français, est-ce qu'on finit le travail pour s'assurer que
vous avez le regard sur l'ensemble des contrats publics qui sont donnés
par le gouvernement?
M. Trudel
(Yves) : Tout à fait. À l'image de ce que... des pouvoirs que nous
avons obtenus, eu égard au projet de loi... à la loi accélérant certains
projets d'infrastructure, ce qui est prévu au projet de loi actuel, en plus des
pouvoirs d'enquête, nous permettrait d'enquêter sur toute, toute question se
rapportant à notre mission. C'est un grand changement dans ce projet de loi là.
Parce qu'au-delà des pouvoirs d'enquête il y a également tout le pouvoir
d'enquêter sur l'intégrité des entreprises faisant affaire avec le secteur
public. Et ça, c'est très important.
Si
je pouvais donner l'exemple de ce que ça nous aura donné, les pouvoirs
additionnels dans le p.l. n° 66, depuis novembre 2019, le mandat... le gouvernement nous a mandatés pour
faire un examen de gestion contractuelle au ministère des Transports du
Québec, avec les pouvoirs de la loi actuelle que nous avons au niveau de la Loi
sur l'Autorité des marchés publics. Nous
avions fait des plans de travail et, suivant la sanction du projet de loi
n° 66, donc la Loi accélérant certains projets d'infrastructure,
qui nous donnait des pouvoirs additionnels, nous avons identifié, à
l'annexe I, tous les projets visés dans la loi qui doivent être exécutés
par le MTQ. Ça nous a permis de modifier notre plan de travail et se servir
plutôt des pouvoirs qui nous sont... qu'ils nous ont été accordés dans le p.l.
n° 66 pour faire notre travail d'examen de gestion contractuelle au niveau
du MTQ.
Mme LeBel : Ça,
ça couvre, si je ne me trompe pas, parce qu'on pourra en parler par la suite,
là, quand on parle de l'autorisation de
contracter, là, qui se fait au-dessus de certains seuils, on le comprend, mais
ce que vous venez de dire, ça couvre
tout contrat, que ce soit des contrats qui soient visés par une entreprise qui
doit avoir une autorisation de contracter
ou non à ce moment-là. Donc, vous avez un regard supplémentaire aussi sur ces
entreprises-là, ces contrats-là.
M. Trudel
(Yves) : Sur les processus de contrats, oui, tout à fait, même en bas
des seuils, nous avons des pouvoirs additionnels, effectivement, de vérifier et
d'enquêter.
• (10 h 20) •
Mme LeBel : O.K. Très important, je pense, vous l'avez
mentionné, l'intégrité des entreprises est aussi importante que
l'intégrité du processus qui contracte. Donc, il y a plusieurs... il y a
deux choses, je pense, particulières pour
lesquelles je veux... vous avez pris la peine de les mentionner dans votre
déclaration d'ouverture, dans votre présentation, mais je pense que
c'est important pour les Québécois d'illustrer un peu plus qu'est-ce que ça
veut dire puis qu'est-ce que ça comporte. Et on va parler de deux choses :
il y a la déclaration d'intégrité des entreprises, qui est nouvelle dans le
cadre du projet de loi, et l'autorisation de contracter où on fait certaines modifications
aussi.
Commençons peut-être
par l'autorisation de contracter qui existe déjà. On ira à la prolongation au
préalable, mais je comprends qu'également on prend une portion présentement
des... Le processus est une chaîne. Une portion de la chaîne, présentement, est
entre les mains de l'UPAC. Si je comprends bien, on se propose de rapatrier ça
à votre niveau parce que la décision finale, si je comprends bien, appartient à
l'Autorité des marchés publics. Donc, peut-être nous expliquer le processus. Qu'est-ce
qui était fait à l'UPAC? Qu'est-ce qui sera fait maintenant chez vous? Et
pourquoi c'est une bonne chose de le faire?
M. Trudel
(Yves) : Oui. Alors, le processus actuel fait en sorte qu'à l'Autorité
des marchés publics nous accueillons la demande d'une entreprise qui souhaite
contracter avec le secteur public au-delà des seuils prévus par la LCOP, soit
1 million pour les contrats de service et 5 millions pour les
contrats de construction. Donc, nous accueillons la demande, nous recueillons
les documents utiles à la vérification d'intégrité et à l'obtention de
l'autorisation et/ou du renouvellement, le cas échéant, et nous accompagnons
l'entreprise, parce que ça prend un certain temps avant de recueillir toute
l'information des entreprises. Donc, nous accompagnons également l'entreprise
pour l'aider à documenter son dossier. Quand le dossier est complet, nous
soumettons la demande pour des vérifications d'intégrité à l'UPAC, qui, eux,
comme je l'ai dit dans mon allocution, s'adressent à différents partenaires pour
s'assurer de l'intégrité de l'entreprise qu'elle doive vérifier. Par la suite,
l'UPAC en fait une analyse et nous retransmet un avis qui sera soit favorable
soit défavorable pour autoriser ou non une entreprise. Lorsque l'avis est
défavorable, nous devons, c'est une question d'équité procédurale, agir par
préavis de refus auprès de l'entreprise, et donc nous posons des questions
additionnelles à l'entreprise, qui répond à nos questions, et nous analysons
les réponses, et nous décidons d'émettre ou ne pas émettre l'autorisation de
contracter dans le secteur public, au-delà des seuils.
Mme LeBel : O.K.
Donc là, présentement, ce qu'on se propose dans le projet de loi n° 12,
s'il est adopté, c'est de prendre toute la portion d'analyse du dossier et
d'avis et de vous remettre ça entre les mains pour que, maintenant, l'AMP ait
tout le contrôle du processus, «contrôle» est peut-être un mot fort, mais tout
le processus entre les mains, de la demande à l'autorisation en passant par la
vérification. C'est exact?
M. Trudel (Yves) :
Exact. Par exemple, le Bureau de l'inspecteur général pourrait rendre une
décision dans un contrat avec la ville de
Montréal. Je lis le rapport, je lis la décision. Les gens chez nous font ça.
Nous analysons tout ça, et là nous devons, en ce moment, communiquer
avec l'UPAC pour leur dire : Bien, je t'invite à aller chercher le rapport
du Bureau de l'inspecteur général,
analyse-le, et fais-moi une vérification d'intégrité, alors que je l'ai déjà
lu. On pourrait aller directement. C'est un autre exemple du fait que
nous souhaitons que cette activité-là soit rapatriée à l'AMP.
Mme LeBel : Je pense, c'est
important de... que les gens comprennent également que ce n'est pas la... puis
vous me corrigerez, là, mais je pense que vous le connaissez, l'organisme,
assez, ce n'est pas la section Enquêtes policières de l'UPAC qui fait ça, c'est
la branche Vérifications. Donc, c'est important de le mentionner. Est-ce que vous considérez qu'à l'AMP vous avez tous les
outils nécessaires pour cette vérification-là? Parce que, dans
l'imaginaire populaire, on se dit : L'UPAC est peut-être mieux placée.
C'est un corps de police. Peut-être expliquer qu'il y a une différence entre
une vérification et une enquête criminelle et que vous... Est-ce que vous
pensez que vous avez tous les outils? Puis je pense qu'il reste une section, de
toute façon, à l'UPAC, qui est la vérification, là, qui va tout... sur la
banque de renseignements policiers, là, auxquels ils ont accès. Donc, peut-être
juste démystifier tout ça dans la tête des gens, s'il vous plaît.
M. Trudel (Yves) : Exactement. Donc,
lorsque nous transmettons la demande, une fois que le dossier est complété,
nous transmettons la demande au commissaire associé aux vérifications. Donc, ce
n'est pas au département criminel, mais bien au département de vérification. Et
est-ce que nous aurions tous les outils? En fait, le commissaire aux
vérifications fait des demandes auprès de différents partenaires, ce que nous
pouvons également faire, bien entendu. Et effectivement le secteur
Vérifications de l'UPAC demeurerait en collaboration avec nous, eu égard à une
demande d'autorisation, puisque nous leur demanderions les vérifications au
niveau des états financiers, s'assurer que les argents ne proviennent pas du
blanchiment d'argent et des dossiers criminels des dirigeants et des
entreprises.
Mme LeBel : Donc, la section des
vérifications, qui est propre à l'UPAC, à sa mission, demeurerait à l'UPAC et
deviendrait, eu égard à l'AMP et dans la section Analyse, un partenaire comme
les autres auquel vous vous adresseriez pour une fonction particulière, une
vérification particulière.
M. Trudel (Yves) : C'est exact, M.
le Président.
Mme LeBel : O.K. J'ai eu... Outre le
fait que ça semble beaucoup plus pratique, là, d'avoir le contrôle du processus
compte tenu que vous êtes celui qui recevez la demande et émettez l'autorisation
ou non, là, dépendamment à l'avis, est-ce que vous avez vu certains enjeux,
justement, passer par l'UPAC?
Je vais vous donner un exemple très concret.
J'ai eu à quelques reprises, comme présidente du Conseil du trésor, à
autoriser, là, des prolongations de contrat pendant que la vérification était
en cours, alors que la demande était faite. Est-ce que vous avez constaté qu'il
y avait peut-être, justement, une question d'efficacité du processus? Et
l'idée, ce n'est pas de jeter le blâme, là, c'est de faire un constat et de
voir si vous pensez que ça sera plus efficace, là. Est-ce qu'on va avoir plus
de délais, finalement? C'est ça, ma question.
M. Trudel (Yves) : En fait, l'enjeu
est autour des délais. Effectivement, vous avez à rendre certaines dérogations.
Nous avons des échanges réguliers avec des entrepreneurs qui considèrent que
les délais sont beaucoup trop longs et nous pensons qu'en rapatriant l'activité
on pourra être plus en continu. Pendant qu'on reçoit la demande, qu'on attend
la documentation, qu'on accompagne l'entreprise, on pourrait déjà amorcer les
délais de vérification. Donc, les délais
commenceraient à la réception. Nous pourrions déjà analyser sur sources
ouvertes s'il y a des problématiques d'intégrité
avec l'entreprise. Un enquêteur pourrait se déplacer pour aller poser des
questions utiles pendant le processus, alors que, maintenant... Nous
avons toute la documentation. Parfois, il y a des... certaines corporations qui
ont des structures corporatives très
importantes. Nous pourrions déjà amorcer le volet vérification d'intégrité sur
la structure corporative. En ce
moment, on attend ces documents-là. On les transmet, et, une fois transmis, la
vérification d'intégrité commence lorsqu'un analyste à l'UPAC a été
assigné au dossier. Ça prend un certain temps, donc il y a un délai additionnel
très important.
Mme LeBel : Et, entre autres, je
vais rentrer peut-être dans une autre modalité, le fait d'augmenter... de
prolonger la durée de validité des autorisations de contracter de trois à
cinq ans. À prime abord, encore une fois, ça pourrait sembler inquiétant.
On est... On autorise pour cinq ans, beaucoup de choses peuvent se passer
en cinq ans. Vous avez dit : Je tiens à vous rassurer, dans votre
allocution. Peut-être détailler encore plus. Qu'est-ce que ça implique et
pourquoi c'est une bonne chose, finalement, de le faire, là, en plus de
rapatrier, là, des analyses chez vous?
M. Trudel (Yves) : C'est que,
présentement, avec la loi actuelle, c'est trois ans, comme vous le savez,
et c'est au bout de trois ans que recommencent, lors de la demande de
renouvellement, les vérifications d'intégrité. Avec le projet de loi actuel,
les vérifications d'intégrité seraient menées en continu, entre autres, de
façon ponctuelle. Donc, s'il y a un changement de structure important pendant
l'année, l'entreprise aura l'obligation de nous en informer. Par la suite, il y
aura une déclaration annuelle, ce qui fait qu'à toutes les années on pourra
connaître les changements qui auront eu lieu dans l'entreprise, parce qu'ils
vont nous en informer par une déclaration annuelle et mener les vérifications
d'intégrité, le cas échéant. Donc, c'est un avantage qu'il y a au projet de loi
actuellement autant pour l'entrepreneur que pour nous en termes de vérification
d'intégrité.
Mme LeBel : Merci.
Bon, M. le Président, mon collègue le député de Saint-Jérôme aurait peut-être
une question sur cet enjeu-là. Je peux peut-être ouvrir une parenthèse et, si
vous permettez, s'il reste du temps, je reviendrai sur un autre aspect à la
suite.
Le Président (M. Simard) : Avec
plaisir. M. le député de Saint-Jérôme.
M. Chassin : Merci, M. le Président. Merci, Mme la ministre, et merci à
vous de votre présentation. Je trouve ça très intéressant de vous sentir
sensibles et préoccupés par les délais et par la complexité pour les
entreprises d'obtenir l'autorisation. Puis là, dans le fond, effectivement, on
parle justement d'un processus qui est amélioré, qui est notamment en continu.
Est-ce que... est-ce que... dans le fond, je crois comprendre que votre
préoccupation, pour que ce soit le plus simple possible, notamment pour des
entreprises qui auraient peut-être tendance à ne pas aller chercher
l'autorisation parce que c'est compliqué... Est-ce que vous diriez que, dans le
fond, que ça limite la concurrence, qu'au contraire vous avez cette intention
de simplifier, dans le fond, le processus pour les entreprises pour que le
maximum puisse se qualifier et appliquer, donc, sur, par exemple, les appels d'offres
et maximiser la concurrence? Est-ce que c'est ça, la préoccupation de l'AMP?
M. Trudel
(Yves) : À l'AMP, évidemment, notre plus grande
préoccupation, ce sont nos principes fondamentaux. C'est la
transparence, la saine concurrence et l'équité. Effectivement, l'équité, bien,
ça passe par les autorisations. Donc, c'est important de les avoir actuellement
au-delà des seuils. Et, oui, notre objectif est de simplifier le plus possible
tout le processus de demande d'autorisation ou de renouvellement.
M.
Chassin : Et spécifiquement sur les... Dans le fond, le
suivi, la déclaration annuelle, en quelque sorte, est-ce que ça va être
simple à remplir? Autrement dit, si je n'ai pas de changement dans ma
structure, j'imagine que ça ne prendra pas une demi-journée.
M. Trudel (Yves) : Tout à fait.
Bien, c'est ce que nous sommes en train de regarder. C'est de rendre ça le plus
simple possible s'il n'y a pas de changement dans la structure. S'il y en avait
en cours d'année qui sont importants, bien, ponctuellement, ils doivent nous
les déclarer, devraient nous les déclarer et, annuellement, par une déclaration
qui pourrait être simple, effectivement, bien, nous en informer. Puis c'est ce
qui nous permettrait, à chaque année, de faire les vérifications, donc, en
continu.
M. Chassin :
Bon, bien, merci beaucoup.
Mme LeBel : Merci. Peut-être juste
compléter sur mon collègue. Dans votre principe de saine transparence... de
saine concurrence, pardon, je lis en filigrane le mot «intégrité de la
concurrence», «intégrité des marchés publics». Donc, je comprends de vos
propos... parce que c'est à votre demande, hein, cette prolongation-là de
délai. Donc, je comprends de vos propos, ce que vous me dites, ce n'est pas que
la simplification ne viendra pas... ne viendra pas limiter l'intégrité ou notre
possibilité de vérifier, là, on va... on contrebalance les deux objectifs.
M. Trudel (Yves) : Tout à fait.
Mme LeBel : O.K. Peut-être y aller
sur... pendant qu'il reste... Il reste peu de temps, mais je veux vous entendre
sur la déclaration d'intégrité des entreprises, qui est fort différente de
l'autorisation de contracter, vous l'avez dit. En quoi vous pensez que c'est
une plus-value dans l'ajout qu'on vient de faire, là?
M. Trudel
(Yves) : En fait, deux choses. La première, c'est que
ça vise également les contrats en approvisionnement, donc l'intégrité
des entreprises qui donnent des biens, fournissent des biens. Donc, un volet
très important. Et, par ce projet de loi là, nous pourrions vérifier
l'intégrité de toutes les entreprises qui contractent avec le secteur public,
peu importe la valeur du contrat. En ce moment, c'est seulement au-dessus des
seuils, donc 1 million, 5 millions. Avec le projet de loi, s'ils
étaient sanctionnés, nous aurions donc la possibilité de vérifier l'intégrité
de l'ensemble des entreprises qui font affaire avec l'État ou une municipalité.
Mme
LeBel : Et, peut-être rapidement, en quoi est-ce que c'est
différent de l'autorisation de contracter? Est-ce que c'est des
vérifications différentes? Est-ce que c'est un pouvoir plus large? Qu'est-ce
que ça vous donne comme possibilité? Parce que certaines vont avoir aussi
l'autorisation de contracter, là, il va y avoir un chevauchement des fois des
deux mesures, là.
• (10 h 30) •
M. Trudel (Yves) : En fait, ce que
ça... ce que ça permet, c'est les mêmes pouvoirs de vérification, eu égard aux
demandes d'autorisation. Donc, il n'y a pas de pouvoir élargi, on utiliserait
les mêmes pouvoirs d'enquête avec les mêmes barèmes d'intégrité, si vous
voulez. Et ça fait juste que l'ensemble des entreprises seraient soumises à une
vérification d'intégrité, le cas échéant. Et ce n'est pas en amont — je
m'excuse — ce
n'est pas un amont. C'est important de retenir. C'est qu'en ce moment ils
devraient se déclarer intègres, donc devraient compléter un formulaire,
j'imagine, qui sera fait par nos collègues du Conseil du trésor, qui sera
élaboré par eux, et se déclarer intègres d'emblée, ce qui nous permettrait, par
une veille, de déterminer s'ils le sont ou ils ne le sont pas.
Mme
LeBel : O.K., mais ça pourrait se faire en continu, également, là?
M. Trudel
(Yves) : Tout à fait. Et, si les entreprises ne le sont pas ou leurs
dirigeants ne le sont pas, l'avantage, avec le projet de loi actuel, c'est que
nous pourrions imposer des mesures correctrices, des mesures d'accompagnement
et des mesures de surveillance à ces entreprises-là. Et, comme je l'ai
mentionné, s'il ne se conforme pas aux mesures correctrices, il tombera au RENA.
Le Président (M.
Simard) : Merci, M. Trudel.
Mme LeBel :
Merci.
Le Président (M.
Simard) : M. le député de Mont-Royal—Outremont.
M. Arcand : Merci
beaucoup, M. le Président. M. Trudel, également Mme Hamel, bienvenue
parmi nous aujourd'hui. Votre mémoire est très... il y a beaucoup de louanges,
dans votre mémoire, envers le projet de loi. Est-ce qu'il y a des choses que
vous auriez aimé avoir que vous n'avez pas eues dans ce projet de loi?
M. Trudel (Yves) : Non. Je dois vous dire
que, dans le projet de loi actuel... le projet de loi actuel nous
permettrait de répondre à notre mission à 100 %, ce qui n'est pas le cas
actuellement avec la loi que nous avons.
M. Arcand : O.K.
Est-ce que... Vous comprenez, je pense, que l'une des craintes que nous avons,
nous, c'est que... On veut bien qu'on augmente la mission, que ça va augmenter
le nombre... l'importance au niveau du travail. Peut-être qu'une des personnes
importantes, en plus de la ministre, c'est peut-être le ministre des Finances,
qui, la semaine prochaine, va présenter un budget. Est-ce que vous avez fait
des demandes d'ajustement? Parce que ce qu'on considère, c'est que c'est une
charge de travail plus importante pour l'autorité. Est-ce que vous avez fait
des demandes en ce sens-là? Est-ce que vous vous attendez à une augmentation de
votre budget total?
M. Trudel
(Yves) : Alors, M. le Président, nous allons définitivement faire des
demandes.
M. Arcand :
Bien, dépêchez-vous, là, parce qu'il reste une semaine.
M. Trudel
(Yves) : Elles n'ont pas encore été adressées. Nous sommes
présentement dans un processus d'optimisation, nous regardons ce que nous
pouvons faire de façon... des choses de façon différente. On ne connaît pas
encore entièrement le processus puis la méthodologie utilisée par nos collègues
de l'UPAC, si jamais le projet de loi était sanctionné et, donc, que nous
rapatrierions cette activité-là. Il y a des comités de travail qui commencent
dès vendredi pour voir comment on peut optimiser le processus.
Je suis à revoir,
présentement, ma structure. On regarde où est-ce qu'on aura des besoins, et,
oui, il y aura des besoins qui seront adressés. Mais le volet optimisation, ce
n'est quand même pas rien. Parce que, je vous donne un exemple, au niveau des
enquêtes, à mon arrivée, on a mis beaucoup d'efforts pendant le processus
d'appel d'offres, donc nous sommes très en amont. Ce que ça permet de faire,
cette optimisation-là, ça nous permet de ne pas faire d'enquêtes, de ne pas
mettre d'efforts en termes juridiques et, moi, de ne pas rendre une décision
publique. Donc, ces efforts-là sont plutôt mis en amont, ce qui nous permet de
réguler la situation en temps opportun.
Et
ça, c'est important parce que... On pourrait demander plein de monde, mais, si
on ne regarde pas pour optimiser comment
nous effectuons notre travail, on passe souvent à côté de volets super
importants. Évidemment, en régulant la situation
pendant le processus, on ouvre les marchés à la concurrence et on rend ça plus
équitable, donc ça fait... Et ça, écoutez, je vous dirais que, deux fois par semaine, on intervient au niveau d'un
processus, et le processus... et le ministère ou l'organisme en question
corrigent le tir. C'est quand même beaucoup, deux fois par semaine, ce qui nous
permet de revoir notre structure.
Ça va nous prendre
des gens, là, définitivement. Mais on est plus en train de regarder, en ce
moment, comment on pourra optimiser davantage, et la méthodologie utilisée par
l'UPAC.
L'avantage également,
c'est qu'on a des partenaires avec qui nous travaillons de façon très étroite,
c'est... Entre autres, avec le p.l. n° 66, nous
effectuons beaucoup de visites de chantiers, mais nous le faisons avec des
partenaires qui ont aussi de l'intérêt dans les marchés publics.
M. Arcand : O.K.
Si j'avais à vous demander, parallèlement à ça : Est-ce que... au niveau
des effectifs, par exemple, est-ce que vous avez une idée, d'abord, vous avez
combien d'effectifs actuellement?
M. Trudel
(Yves) : Présentement, 167 postes autorisés, puis je dépasse un
petit peu.
M. Arcand :
Et est-ce que vous avez une idée de ce que vous pouvez prévoir, disons,
d'ici les trois prochaines années si ce projet de loi là est adopté?
M. Trudel (Yves) : En fait,
comme je vous disais, nous sommes à le regarder, donc on est en train de revoir
la structure. Je dirais que, dans les prochaines semaines, j'aurai une idée du
nombre d'effectifs requis pour accomplir toute ma mission, si jamais le projet
de loi était sanctionné.
M. Arcand : Mais
vous êtes d'accord pour dire que ça va prendre une augmentation, quand même,
des effectifs, pour remplir votre mission d'ici les prochaines années?
M. Trudel (Yves) : Absolument,
M. le Président.
M. Arcand : O.K., mais, pour
l'instant, vous ne savez pas exactement de quoi on parle à ce niveau-là?
M. Trudel
(Yves) : On n'a pas terminé l'analyse encore, mais ce sera
fait dans les prochaines semaines, tout à fait.
M. Arcand : O.K. Vous dites
également qu'il y a 1 300 entreprises qui se sont retirées de la
vérification de l'Autorité des marchés publics, mais elles ont quand même accès
à des contrats. Combien de cas, dans le passé, ces entreprises-là ont été
sanctionnées sous les seuils... qu'on a eu sous les seuils, là? Des entreprises
qui ont été sanctionnées, est-ce qu'il y en a eu beaucoup?
M. Trudel (Yves) : Sous les
seuils, on ne peut pas sanctionner les entreprises en ce moment.
• (10 h 40) •
M. Arcand : Non, non, mais qui
auraient été sanctionnées, disons?
M. Trudel (Yves) : Non. Je comprends.
Non, puisqu'il n'y a pas de vérifications d'intégrité qui sont effectuées
lorsque les entreprises ne demandent pas d'autorisation, parce qu'elles n'ont
pas l'obligation de le faire. C'est ça, notre constat. Et on ne dit pas qu'ils
ne sont pas intègres, on fait juste dire qu'ils se privent de contrats qui
m'apparaissent intéressants et qu'ils n'ont donc pas eu à subir une
vérification d'intégrité. Par contre, elles contractent quand même sous les
seuils.
M. Arcand : C'est ça. Et est-ce
que, dans les différentes mesures qu'il y a dans le projet de loi et dans ce
que vous avez fait au cours, disons, de la dernière année... est-ce qu'au
niveau des entreprises il y a eu beaucoup de résistance à certaines choses? Tu
sais, je vais vous donner un exemple, là, les sanctions administratives
pécuniaires qui sont rendues publiques, est-ce que c'est quelque chose que les
entreprises peuvent avoir certaines réticences? Parce que quelqu'un peut avoir
fait une erreur, et puis il dit : Bon, vous êtes en train de nuire à ma
réputation parce que c'est rendu public, etc. Est-ce qu'il y a des... Il y a-tu
des choses dans ça qui démontrent une certaine résistance de la part des
entreprises?
M. Trudel (Yves) : Bien, ce qui
est important, c'est, premièrement, en ce moment, il n'y a pas de sanctions
administratives pécuniaires. Mais en plus, pour répondre à l'inquiétude que
pourrait avoir une entreprise, tel que vous le soulevez, l'avantage avec le
projet de loi actuel, s'il était sanctionné, c'est que l'AMP, nous aurions
discrétion pour émettre ou non une sanction pécuniaire en fonction du
manquement. Donc, si c'était une erreur, par exemple, et que l'entreprise nous expliquait son erreur, je ne
serais pas très, très porté à émettre une sanction pécuniaire à ce moment-là.
M. Arcand : C'est ça. Mais moi,
je me rappelle, parce qu'en 2010 on avait fait... à un moment donné, on avait
introduit cette notion-là de sanction administrative pécuniaire en matière
d'environnement, et il y avait différents niveaux, là, il avait été établi, à
l'époque, un certain nombre de niveaux. Si quelqu'un, par exemple, faisait une
erreur très faible, bon, c'était vraiment minime, etc. Est-ce qu'il y a
différents niveaux de votre côté?
M. Trudel (Yves) : Il y aura
définitivement différents niveaux de prévus. Et je dois vous dire qu'en ce
moment même nos équipes de juristes, avec les équipes du Secrétariat du Conseil
du trésor, travaillent, en ce moment même, à l'élaboration des montants de
l'infraction, du manquement. Donc, on est là-dedans présentement.
M. Arcand : Mais donc la
décision de rendre ça public va être une décision de l'Autorité des marchés
publics en fonction de l'importance de la faute?
M. Trudel (Yves) : En fait,
lorsque nous émettrons une sanction pécuniaire, elle sera rendue publique
lorsque nous l'émettrons. En réponse à votre première question, c'est en cas
d'inquiétude d'une entreprise de se voir inscrite au Registre des sanctions
administratives pécuniaires, sur notre registre, à ce moment-là...
Mme Hamel (Chantal) : ...
M. Trudel (Yves) : C'est ça.
Mme Hamel (Chantal) : ...on va
avoir une discrétion. Donc, si, d'emblée, l'entreprise réussit à nous démontrer
qu'elle a commis une erreur, que c'était de bonne foi, bien, l'Autorité des
marchés publics n'imposera pas de sanction administrative pécuniaire à cette
entreprise-là, le cas échéant.
M. Arcand : Parce que vous
savez qu'aujourd'hui, avec les médias sociaux, avec tout ce qui se passe, les
réputations... il faut être prudent au niveau de certaines réputations, parce
qu'on s'aperçoit que quelqu'un peut avoir commis une
erreur très mineure et se voir inscrit, etc. Donc, c'est vous qui allez décider
si l'infraction est suffisamment importante pour pouvoir inscrire ça
publiquement?
M. Trudel (Yves) : Tout à fait. Et
notre réflexion a également porté sur les réseaux sociaux. Donc, l'impact que
ça pourrait avoir sur une entreprise qui aurait commis une erreur, ça a fait
partie de notre réflexion, tout à fait.
M. Arcand : O.K. Sur les délais de
traitement des dossiers comme tels, je sais que vous l'avez abordé avec le
ministre, vous avez dit : Les délais vont être réduits. J'aimerais que
vous me parliez, justement, de ces délais, actuellement, puis ce vers quoi vous
allez tendre.
M. Trudel (Yves) : En fait,
actuellement, au niveau des demandes d'autorisation et de renouvellement, les
délais moyens sont de 368 jours, ce qui fait que c'est beaucoup, donc ça a
un impact non seulement sur l'entreprise qui attend d'obtenir son
renouvellement ou son autorisation, mais également sur le donneur d'ouvrage
qui, lui, est en appel d'offres, et donc sur la concurrence dans les marchés,
même, pour quelqu'un qui attendrait son autorisation. Ce qui fait que la
présidente du Conseil du trésor doit, à l'occasion, émettre une dérogation pour
que l'entreprise qui n'a pas encore obtenu son autorisation puisse
soumissionner sur un contrat public. Donc, les délais sont grands.
Nous pensons que nous arriverions à réduire les
délais, comme je l'expliquais tantôt, en commençant la vérification d'intégrité
dès la réception d'une demande d'autorisation ou de renouvellement, le cas
échéant.
M.
Arcand : O.K.
Dites-moi, moi, je ne suis pas sûr de bien comprendre encore la nuance que vous
faites entre la déclaration, l'autorisation de contracter, etc. Juste
que vous me réexpliquiez. Il reste 30 secondes, à peu près, là, alors...
Une voix : ...
M.
Arcand : 10!
M. Trudel
(Yves) : Donc, la loi actuelle prévoit une demande
d'autorisation qui est renouvelable aux trois ans, lorsque les contrats
sont prévus, en termes de services. Donc, 1 million et plus, c'est prévu à
la LCOP et, construction, 5 millions et plus. Ça prend une demande
d'autorisation et un renouvellement aux trois ans, le cas échéant.
Le Président (M. Simard) : Très
bien. Merci beaucoup. C'était presque 30 secondes, cher collègue. Mme la
députée de Mercier.
Mme Ghazal : Merci, M. le Président.
Merci beaucoup pour votre présence. Votre mémoire est très éclairant. À la page 5, vous parlez... vous dites que
c'est important de réduire les délais administratifs parce que ça va vous
permettre d'être, vous, sur le terrain, de prolonger, là, trois à cinq ans.
Puis vous dites quelque chose d'inquiétant, qu'il y a 1 300 entreprises
qui avaient retiré leur demande d'autorisation parce qu'elles ne voulaient pas
faire face à toutes les vérifications. Et vous constatez qu'elles obtiennent
quand même des contrats publics sous les seuils d'autorisation. Est-ce que les
modifications qui sont faites à la loi, là, avec le projet de loi n° 12,
ça va empêcher ça? Est-ce qu'on ne devrait pas revoir les seuils sous lesquels
on peut contracter sans avoir de vérification?
M. Trudel (Yves) : En fait, nous
considérons que le projet de loi, c'est... la meilleure solution est
présentement au projet de loi. De revoir les seuils, ça obligerait qu'on soit
en amont dans les vérifications, et ma crainte, peu importe le seuil, c'est
qu'il y aura toujours quelqu'un qui va vouloir contracter sous les seuils, donc
échapper au volet d'intégration, d'intégrité.
Présentement, peu importe la valeur du contrat,
si le projet de loi était sanctionné, nous pourrions intervenir auprès d'une entreprise si on avait l'information
qu'elle n'avait pas l'intégrité utile pour contracter avec l'État. Et ça
nous...
Mme Ghazal : ...quand elle est sous
les seuils. O.K., je comprends.
M. Trudel (Yves) : Non, nous ne
pouvons pas en ce moment. Et nous pourrions, avec le projet de loi, imposer des
mesures correctrices à l'entreprise pour la ramener dans un volet d'intégrité à
notre satisfaction.
Mme Ghazal : O.K. Merci. Puis, par
rapport aux sanctions administratives et pécuniaires, là, dans le projet de
loi, il y a des montants, là, comme d'habitude. Qu'est-ce que vous pensez si
ces sanctions-là... qu'est-ce que vous pensez de l'idée si les sanctions
étaient proportionnelles aux revenus de l'entreprise, pour que ça ait vraiment
un impact, au lieu que ce soient des montants fixes que vous déterminez?
M. Trudel (Yves) : Si vous
permettez, Me Hamel pourrait répondre à cette question-là.
Mme Hamel
(Chantal) : Oui. En fait, c'est difficile de déterminer les revenus
d'entreprise. En fait, ça ferait en sorte qu'il y aurait une charge
administrative importante pour faire l'analyse des revenus d'entreprise. Donc,
oui, dans le cadre des demandes d'autorisation et des demandes de
renouvellement, on demande les états financiers des entreprises, mais il n'en
demeure que, dans la vie de l'entreprise, il y a souvent une fluctuation
importante, de sorte que
l'Autorité des marchés publics serait toujours obligée, à chaque fois qu'on
veut imposer une sanction administrative pécuniaire, faire des
validations qui sont longues et très laborieuses.
Mme Ghazal : Donc, si je dis les revenus... même si c'est, par exemple, basé sur le
chiffre d'affaires, admettons, ça serait les mêmes tarifications?
Le Président (M.
Simard) : En conclusion.
Mme Hamel
(Chantal) : Bien, en fait, le chiffre d'affaires, c'est un peu
difficile. Ce n'est pas parce qu'une entreprise a un gros chiffre d'affaires
que, nécessairement, c'est une entreprise qui fait des revenus. Alors, je
trouve que la question est très difficile, oui.
Le Président (M.
Simard) : Très bien. Merci. Merci beaucoup. M. le député de Jonquière.
M.
Gaudreault : Oui. Merci pour votre mémoire et votre présence. Depuis
l'adoption du projet de loi n° 66 et des 180 ou
181 projets dans l'annexe, combien de contrats vous avez examinés?
M. Trudel
(Yves) : On a examiné, je dirais, au 31 janvier,
400 contrats sur 655 qui sont publiés au SEAO. Donc, on a regardé ce qui
avait été publié...
M.
Gaudreault : Mais ces 400 contrats-là, c'est 400 contrats
qui découlent directement du projet de loi n° 66?
M. Trudel
(Yves) : Directement du projet de loi n° 66, en plus d'avoir
effectué plus de 20, 25 visites chantier, en plus. Donc, ça nous a amenés
sur le terrain, c'est ce que le projet de loi nous a donné comme pouvoirs.
M.
Gaudreault : Mais 25 sur 400, 25 visites de chantier sur 400,
est-ce que c'est une bonne proportion?
M. Trudel
(Yves) : C'est très bien, très bien. Et, en ce moment dans le cadre du
projet de loi n° 66, c'est important de le dire, on
n'a pas reçu de dénonciations puis de plaintes. Les informations, on va les
cueillir sur les chantiers. Donc, ça semble assez conforme.
M. Gaudreault : O.K. La Loi
sur l'Autorité des marchés publics prévoit, à son article 68, qu'il ne
peut pas y avoir de concurrence, si on veut, là, entre l'AMP et le
Bureau de l'inspecteur général. Donc, il y a comme un partage des fonctions.
Est-ce que le projet de loi n° 12 risque de nous
amener dans de la confusion ou un chevauchement dans les fonctions du BIG vers
les vôtres?
• (10 h 50) •
M. Trudel (Yves) : Ah! pas du tout. Donc, le BIG a juridiction sur l'île de Montréal, avec
les contrats municipaux de la ville de Montréal. Donc, on laisse au BIG
la ville de Montréal, puisqu'elle a juridiction, puis on s'occupe du reste de
la province.
M.
Gaudreault : Mais il y a quand même des contrats qui peuvent être
concomitants, je dirais, là, sur le territoire de la ville de Montréal.
M. Trudel
(Yves) : Il y a des entrepreneurs qui font affaire, bien entendu, avec
d'autres municipalités et/ou l'État québécois, qui font également affaire sur
l'île de Montréal. Et effectivement on s'échange l'information, si jamais il y
avait de l'information utile à obtenir ou à donner à nos collègues.
M.
Gaudreault : Mais qu'est-ce que va amener de façon différente, le
projet de loi n° 12 là-dessus?
M. Trudel
(Yves) : Au niveau de la ville de Montréal et de notre relation avec
le Bureau de l'inspecteur général, aucune différence.
M.
Gaudreault : O.K. Maintenant... Est-ce qu'il me reste du temps, M. le
Président?
Le Président (M.
Simard) : Oui, il vous reste 30 secondes, cher collègue.
M.
Gaudreault : O.K. Sur les projets de la Caisse de dépôt et placement,
est-ce que... il y a quand même beaucoup d'argent et de contrats qui sont
accordés, est-ce que vous voudriez avoir compétence là-dessus aussi?
M. Trudel
(Yves) : Présentement, nous n'avons pas juridiction. Puis je vous
laisserais le soin, les élus, de débattre si on devrait avoir ou pas
juridiction, je n'ai pas pas d'intérêts ou de l'intérêt, donc je reste neutre
dans ça. Je vous laisse à vous le soin de déterminer...
M. Gaudreault : O.K., c'est parce
que vous voulez beaucoup de pouvoirs sur plein de choses, mais sur la Caisse de
dépôt, non?
M. Trudel (Yves) :
En fait, ce n'est pas dans notre juridiction actuellement. Puis je vous laisse
le soin de débattre de ce volet-là.
M. Gaudreault : C'est bon. Merci.
Le Président (M. Simard) : Alors, M.
Trudel, Mme Hamel, merci beaucoup pour votre présentation très constructive.
Alors, nous allons suspendre nos travaux
momentanément, le temps de faire place à nos prochains invités. Et au plaisir
de vous revoir parmi nous.
(Suspension de la séance à 10 h 52)
(Reprise à 10 h 56)
Le
Président (M. Simard) : Alors, chers collègues, nous sommes en mesure de
reprendre nos travaux. Bienvenue à toutes et à tous.
Nous sommes en présence des représentants de la
Chambre de commerce du Montréal métropolitain ainsi que du groupe Propulsion Québec. Madame, monsieur, bienvenue à vous deux.
Vous savez que vous disposez de 10 minutes pour faire votre
présentation. Mais, pour les fins de nos travaux, auriez-vous d'abord
l'amabilité de vous présenter?
Chambre de commerce du
Montréal métropolitain (CCMM)
et Propulsion Québec
M.
Leblanc (Michel) : Alors, je suis Michel Leblanc, le président et
chef de direction de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.
Bonjour.
Mme Houde (Sarah) : Sarah Houde,
présidente-directrice générale de Propulsion Québec, la grappe des transports
électriques et intelligents du Québec.
Le Président (M. Simard) : Merci
d'être là. Nous vous écoutons.
M. Leblanc (Michel) : Alors, d'abord, merci beaucoup de nous accueillir. Vous
avez un deux pour un aujourd'hui. Je vais référer un peu à notre collaboration,
mais d'abord je tiens à souligner à quel point je pense que... au nom du milieu
des affaires, je dois dire qu'on est très heureux que le Parlement regarde ce
projet de loi, on est très heureux du projet de loi, et c'est un exercice qu'on
espérait voir depuis longtemps. Et donc on est confiants que vous saurez le mener à terme pour qu'on arrive enfin à
avoir un outil qui va nous permettre d'atteindre un objectif qu'on
devrait avoir tous, qui est d'utiliser les
marchés publics, le gouvernement, comme pilier de développement économique au
Québec.
Beaucoup de sociétés à travers le monde ont déjà
fait ça. On sait que les accords de libre-échange permettent de le faire quand
c'est bien fait, et c'était une question de temps pour qu'on s'organise, ici, pour
le faire nous-mêmes. Ce que vous avez devant
vous aujourd'hui, c'est... je pense qu'on est un peu connus, quand même, mais
c'est un représentant du milieu des affaires de la région de Montréal et
une représentante d'un secteur de force pour tout le Québec, mais aussi pour la
région de Montréal. Et, à travers le temps, ce qu'on a fait, c'est de se poser
la question : Comment on pourrait utiliser ce secteur, qui se développe,
pour illustrer l'importance des marchés publics?
Et donc, en 2019, on a fait une première étude
sur les façons de renforcer le secteur et, en 2020, on a fait une étude qui y
faisait suite, parce que, dans la première, on disait : Les marchés
publics sont un levier qu'on devrait utiliser, et on devrait se doter de
critères qui, tout en étant des critères nobles, des critères acceptables aux
ententes de libre-échange, vont permettre de renforcer la base économique, et
l'étude de 2020, qui s'intitulait Faire des marchés publics un outil
stratégique de développement économique et de renforcement de l'innovation au
Québec, bien, portait directement sur l'objet de ce projet de loi.
On identifiait dans cette étude trois conditions
essentielles. La première, une volonté politique claire et un alignement des
politiques publiques et des processus opérationnels, et ça fait référence, dans
le fond, aux déclarations de stratégie du gouvernement. Et on est très heureux
que cette première condition ait été tout de suite remplie. On va se doter d'un
cadre stratégique. Ensuite, le deuxième élément, c'était qu'il fallait... il
faut modifier l'encadrement juridique. Et c'est pour ça que le projet de loi
est essentiel. La volonté politique ne suffira pas. Et le troisième, qui est
aussi important, et ce sera par les règlements, peut-être, mais ce sera surtout
par les pratiques, c'est de transformer la culture organisationnelle, au
gouvernement, pour aller dans la direction où on veut aller, c'est-à-dire
d'utiliser les processus des marchés
publics, des marchés publics eux-mêmes, comme étant un levier de développement
économique.
• (11 heures) •
Je vais être très, très rapide, je veux laisser
le maximum de temps à Sarah, mais c'est clair qu'à travers ses
approvisionnements le gouvernement a la possibilité de changer bien des choses
pour beaucoup d'entreprises. Et le premier élément, c'est de sortir de ce qu'on
a toujours reconnu historiquement comme étant une bonne pratique, et récemment on
sait que ce n'est pas nécessairement la meilleure pratique, qui est la question
de l'appel au plus bas soumissionnaire.
Notre étude dit qu'on doit
carrément migrer vers ce qu'on va appeler les offres les plus économiquement
avantageuses. Par «économiquement avantageux», évidemment, ça tombe sous le
sens de considérer tous les coûts du cycle de vie d'un équipement. Ça veut dire
de considérer tous les effets qu'il peut y avoir, ce qu'on va appeler parfois
des externalités négatives, donc des coûts qui sont reproduits ou qui sont
produits sur le reste de la société. Et le meilleur exemple, c'est évidemment,
si on y va aussi vers l'impact sur l'environnement, bien... c'est un exemple
typique où, si on intègre les coûts de transport et l'impact carbone d'un bien
qu'on achète, bien, possiblement que de l'acheter localement va devenir
rapidement plus rentable, peut-être au niveau des coûts, mais sûrement au
niveau des coûts sociaux complets.
Donc, à partir du moment où on se dote d'une
stratégie qui nous permet de sortir du plus bas soumissionnaire, la question
que je pose, c'est : Est-ce qu'on aurait pu aller, dans le projet de loi,
plus loin et non pas de dire que la règle, c'est le plus bas soumissionnaire?
On est très ouverts à ce que les gens adoptent d'autres processus et on va les
former pour qu'ils le fassent régulièrement. On aurait pu aller plus loin en
disant : La règle, c'est de ne pas faire le plus bas soumissionnaire,
mais, lorsque c'est pertinent, de le demander, de renverser la demande d'exception,
que le plus bas soumissionnaire devienne l'exception, parce qu'on achète des
feuilles lignées, parce qu'on achète des matériaux qui ne demandent pas d'avoir
des critères d'innovation ou d'avoir des critères d'impacts environnementaux.
Deuxième point, on se pose la question :
Pourquoi est-ce qu'il n'y a pas systématiquement un critère d'innovation qui
serait intégré à tout appel d'offres, sauf exception? Donc, encore une fois, de
renverser le fardeau qui est : on demande de l'innovation, sauf lorsque,
dans les processus, on démontre que ce n'est pas pertinent.
Et le dernier point par rapport à la stratégie,
je l'ai évoqué, il a été question d'un pourcentage d'appels d'offres qu'on
voudrait voir octroyer en région versus Montréal et Québec. On questionne ce
qu'il y a derrière ce chiffre de 60 %. Notre préoccupation, c'est
simplement qu'une entreprise de Montréal ou de Québec qui arriverait à
41 % se verrait dire : Bien non,
sais-tu, on a atteint notre limite de 40 %, puis tu n'es plus admissible.
On questionne concrètement ce que ça voudrait dire.
Je terminerai en disant tout simplement qu'on
devrait se donner comme objectif de réviser, d'ici cinq ans, l'impact réel.
Donc, autrement dit, il y a des décisions qu'on prend là, c'est dans quelques
années qu'on pourra voir si ça fonctionne et si la culture organisationnelle
s'est transformée. Sarah.
Mme Houde (Sarah) : Merci, Michel.
Donc, peut-être rapidement vous parler de Propulsion Québec. On est, depuis
2017, la grappe des transports électriques intelligents. Nous regroupons
250 membres, qui sont de la start-up à la grande entreprise mais qui sont
aussi des centres de recherche, des universités ou des opérateurs de mobilité
du Québec. Nos 250 membres manufacturent ou assemblent des véhicules
électriques, de la trottinette au train, et tout ce que vous pouvez imaginer
entre les deux, sauf des voitures, bien sûr, assemblent des infrastructures de
recharge, manufacturent des pièces, des composantes pour ces véhicules ou
infrastructures, mais aussi pour des véhicules intelligents ou des
infrastructures intelligentes, et ont développé et offrent des nouveaux
services de mobilité, là, des nouveaux modèles d'affaires en mobilité, comme
l'autopartage, le vélopartage. Donc, on est très axés sur le futur de la
mobilité. Et nous avons réalisé, effectivement, avec la Chambre de commerce du
Montréal métropolitain, avant la pandémie, cette étude sur l'approvisionnement
public. Déjà à cette époque nous pensions que l'approvisionnement public, les
marchés publics pouvaient être utilisés comme un levier stratégique pour le
développement économique, mais aussi pour l'atteinte de nos objectifs
environnementaux, et nous avons utilisé notre industrie, le secteur des
transports électriques, comme étude de cas, notamment parce qu'on pense que
c'est un secteur extrêmement stratégique pour l'avenir de l'économie du Québec.
Un jour, nous aurons absolument besoin de nous déplacer en véhicule électrique,
et, si on les assemble ici et qu'on s'organise pour ne pas avoir à les importer
dans les prochaines années, bien, on pense que ce sera une stratégie gagnante
pour le Québec.
Donc, nous
avons réalisé cette étude, effectivement, et nous aussi, nous sommes très
heureux du projet de loi n° 12. Nous pensons que c'est un pas
important pour les entreprises de notre écosystème, que cela aura un impact majeur
sur notre secteur. On tient à souligner la volonté du gouvernement de favoriser
l'innovation et l'approvisionnement local, qui sont deux éléments clés qui
permettront, là, d'atteindre nos objectifs. Nous pensons cependant qu'il est
nécessaire de poser des gestes concrets pour renforcer la place de l'innovation
et du développement durable tout en assurant l'exemplarité de l'État dans la
formulation du projet de loi, et donc qui nous permettront, vraiment, de passer
à l'action pour mettre en place des critères de développement durable
obligatoires qui permettront de répondre aux objectifs du Plan pour une
économie verte.
Donc, je vais revenir plus précisément sur nos
recommandations que vous avez pu lire dans notre mémoire lié d'abord à
l'innovation. Nous proposons de préciser dans quelles circonstances et selon
quels critères la présidente du Conseil du trésor exigera qu'un organisme
public procède à un appel d'offres sur invitation pour acquérir un prototype ou
pour... qui comporte un dialogue compétitif dans le but que cette pratique
devienne une pratique courante et non une pratique exceptionnelle. Nous pensons
qu'un pouvoir discrétionnaire, évidemment, ce n'est pas une obligation. Ça
constitue encore une application volontaire, c'est un gain, c'est un pas vers
l'avant, mais nous sommes inquiets que la pratique demeure marginale et nous
vous demandons de préciser les circonstances dans le but d'augmenter le recours
à ces pratiques et éviter que ça demeure une pratique marginale.
Nous proposons également d'ajouter la mention
«innovation» à l'article 2 de la Loi sur les contrats des organismes
publics. Parmi la liste des objectifs, nous pensons que d'ajouter ce mot-là
dans les objectifs de la LCOP permettra, là, de bien positionner l'innovation
comme un objectif réel.
Nous voulions vous donner, à cet égard,
l'exemple d'un de nos membres, Ambulances Demers, qui a développé une ambulance
électrique qui est vraiment un produit innovant et qui a de belles perspectives
d'être exportée à l'étranger. C'est quand même un défi de
construire une ambulance électrique qui est sécuritaire, sur laquelle on peut
se fier, qui est un... qui a, évidemment, un haut besoin de fiabilité puisque
c'est une ambulance, mais ça permet quand même de réduire l'empreinte carbone et
de positionner le Québec comme un leader en innovation dans notre secteur.
Comment est-ce qu'on va pouvoir s'assurer que les organismes publics, que les
hôpitaux du secteur de la santé vont pouvoir profiter de ces ambulances-là?
Nous pensons, là, qu'il faudrait que... Si ça demeure optionnel, nous sommes
inquiets que, peut-être, les gestionnaires vont encore aller vers la pratique
la plus courante et ne vont pas nécessairement exiger des critères
environnementaux dans leur appel d'offres.
Le Président (M. Simard) : En
conclusion.
Mme Houde (Sarah) : Oui, en
conclusion, nous recommandons également d'instaurer un mécanisme de suivi plus
global. Oui, le projet de loi prévoit un mécanisme de suivi pour les marchés,
décrété par la présidente du Conseil du
trésor, mais nous recommandons un mécanisme de suivi de façon plus globale pour
le système d'approvisionnement, un peu à l'image des recommandations du
G15+. Nous recommandons également que le développement durable soit pris à
travers les différentes voies de passage du projet de loi. Encore une fois, là,
nous pensons que la notion de cycle de vie
de chaîne d'approvisionnement devrait devenir une obligation. Actuellement, ce
n'est pas explicite. Nous proposons également d'ajouter un principe de
non-régression qui permettrait de ne pas reculer une fois qu'on a réalisé des
avancées. Et évidemment, comme l'a précisé Michel, nous proposons d'ajouter un
mode d'adjudication fondé sur la règle de l'offre la plus économiquement
avantageuse plutôt que la loi du plus bas soumissionnaire.
Et un dernier point très important...
Le Président (M. Simard) : Oui,
vraiment, en conclusion.
Mme Houde (Sarah) : Un dernier,
dernier, dernier point.
Le Président (M. Simard) : Oui.
Mme Houde (Sarah) : C'est qu'en
fait on aimerait voir un bâton et une carotte. Qu'est-ce qui fait que les gens
vont avoir... vont être incités, finalement, à aller vers d'autres façons de
fonctionner que le plus bas soumissionnaire? Comment on peut les inciter à
aller de cette façon-là?
Le Président (M. Simard) : On
pourra poursuivre durant l'échange...
Mme Houde (Sarah) : Oui,
absolument.
Le Président (M. Simard) : ...si
ça ne vous dérange pas.
Mme Houde (Sarah) : Il y a tant
de choses à dire.
Le Président (M. Simard) : Mme
la ministre, vous avez 16 minutes.
• (11 h 10) •
Mme LeBel : Bien, justement,
écoutez, je voulais... j'essayais de faire en disant : N'accélérez pas
trop parce que j'ai quand même 16 minutes de discussion avec vous puis je
vais vous donner l'occasion de compléter. D'ailleurs, je vais peut-être juste
cadrer un peu la discussion. C'est important de mentionner, pas de comprendre,
parce que vous le comprenez, donc le terme est mal choisi, mais de mentionner
que le projet de loi est une composante d'une stratégie. D'ailleurs,
M. Leblanc, vous avez mentionné la cible de 60 %. Elle n'est pas au
projet de loi, la cible, elle est dans la stratégie.
Donc, simplement qu'on fasse la part des choses, pas parce que je pense que ce
n'est pas pertinent, mais il y a ce qu'on peut faire dans le cadre de
l'étude du projet de loi.
Puis effectivement vos préoccupations par
rapport aux cibles, on a eu l'occasion d'en discuter antérieurement, mais je
les comprends très bien. Mais ça fait partie de la stratégie, et ce sont des
cibles qui sont visées, naturellement, à terme, sur cinq ans.
Je veux juste qu'on... parce qu'il y a beaucoup
de choses, il y a beaucoup de choses qui sont importantes puis il y a beaucoup
de choses dans le projet de loi qui doivent se lire aussi avec la stratégie
pour être capable de bien comprendre l'objectif gouvernemental et la direction
qu'on souhaite... qu'on souhaite prendre et atteindre. Je peux vous rassurer.
Bon, on vient de recevoir vos mémoires respectifs, donc mes questions vont
peut-être être moins pointues que je l'aurais souhaité, mais on va prendre le
temps de les analyser.
Je dois aussi mentionner que quelques-unes de
vos recommandations s'adressent à la réglementation et non pas au projet de
loi. Vous faisiez référence, M. Leblanc, à la règle du plus bas
soumissionnaire. Vous ne vouliez pas qu'elle soit la règle habituelle. C'est
par réglementation qu'on pourra poursuivre le travail. Je vous rassure, j'ai la
même sensibilité. Maintenant, de voir si on doit, dans un cadre, un projet de
loi, être trop encarcanés... Parce que je pense qu'on a la même préoccupation
de faire évoluer les marchés publics le mieux possible, le plus rapidement
possible. Donc, je pense qu'il y a différents motifs de le faire, mais je veux
juste recadrer la discussion.
D'ailleurs, dans une des... dans la
recommandation... une des recommandations, dans la section du mémoire de Propulsion Québec, c'est justement de revoir le
règlement, donc, dans ce sens-là, pour la loi sur le plus bas
soumissionnaire.
Ceci étant dit, je vous
donne encore quelques minutes peut-être pour terminer votre présentation, puis
ça va me permettre d'alimenter ma discussion avec vous, compte tenu que je
prends un petit peu connaissance de votre mémoire au fur et à mesure que vous
parlez. Donc, ça va me permettre de bien intégrer certaines choses et d'avoir
une meilleure... peut-être une meilleure discussion avec vous.
Mme Houde (Sarah) : Merci,
c'est apprécié. Bien, c'était simplement pour... toujours, toujours dans cet
esprit d'éviter que ces... parce qu'on l'a précisé plus tôt, on cherche à
changer une culture, à... Oui, on dit : Bien, on va vous former à mieux
utiliser le système actuel pour vous sortir de la loi du plus bas... de la
règle du plus bas soumissionnaire lorsque ce n'est pas nécessaire, lorsqu'on ne
commande pas une tablette de papier ligné, pour reprendre cet exemple.
Mme LeBel : ...exemple, ça.
Mme Houde (Sarah) : Pour
reprendre cet exemple. Seulement, ce qu'on se demande, c'est d'abord :
Est-ce qu'on se donne suffisamment d'indicateurs pour suivre ça année après
année, pour suivre l'avancement puis cette transformation de culture? Puis
est-ce qu'on donne assez... Est-ce qu'on met en place un cadre suffisamment
incitatif et même, je dirais, tu sais, un cadre de bonus-malus pour
récompenser, finalement, ceux qui vont vraiment s'engager dans cette
transformation de culture là?
Donc, à la fois, peut-être, nous, ce qu'on
recommandait, c'est peut-être d'ajouter une obligation de se justifier quand on
utilise la loi... la règle du plus bas soumissionnaire — alors,
je dois l'expliquer, ceci est un produit qui, bon, est plus applicable à
l'utilisation de cette règle-là — et un incitatif pour ceux qui, vraiment,
se sont donné la peine, deviennent des ambassadeurs auprès de leurs collègues,
parce qu'on pense que c'est aussi par la pratique que ce processus-là, ce
réflexe-là va se développer. Donc, est-ce qu'il y a moyen, là, d'intégrer un
bâton et une carotte? Voilà.
M. Leblanc (Michel) : Si je peux compléter moi aussi, d'abord, vous avez
parfaitement raison, puis, avec le temps, on a bien compris, qu'on discute d'un
projet de loi à chaque fois qu'on est en consultation. Mais c'est très
difficile pour nous d'en discuter sans aborder la question de l'application,
donc, des règlements et, dans bien des cas comme dans celui-ci, sans discuter
de la vision globale, qui est d'ordre stratégique. Donc, c'est pour ça que...
on vient puis on discute des trois en même temps.
Mais je voudrais juste revenir sur ce que Sarah
évoquait, qui est le changement de culture au gouvernement dans le cadre de
l'application du projet de loi, et notamment sur la volonté qu'on intègre les
PME. Et cette notion de dire qu'on va intégrer des PME, donc qu'on va briser, si
on veut, les lots, les rendre d'une façon qui sont plus accessible aux PME, va
avoir un impact sur les coûts. Parce qu'en général, si on va avec des grands
fournisseurs qui ont des grandes économies d'échelle par opposition à des
petits fournisseurs, et souvent des petits fournisseurs aussi qui ont des
modèles innovants, alors la question derrière tout ça va devenir aussi la
question du suivi. Et je pense que le projet de loi doit être très explicite
sur les mécanismes de suivi parce qu'il faut qu'on ait l'occasion, dans cinq
ans, de faire le point sans que ça soit un gros débat politique, mais un débat
d'efficacité. Est-ce qu'on y arrive? Ça ne sera pas automatique. Ça ne sera pas
si facile. Je peux vous dire que, dans le privé, les changements de culture organisationnelle,
c'est souvent vu comme étant le plus gros défi, bien plus que de changer la
règle de l'entreprise.
Mme
LeBel : Je comprends très bien le concept. Puis l'idée,
d'ailleurs, je l'ai dit dans ma présentation lors de mon allocution de départ aux consultations, c'est de
bien situer tout ça dans l'ensemble, et je pense que c'est important de
le dire, qu'il y a une stratégie. Mon
commentaire n'était pas de vous dire : Limitez-vous au projet de loi, mais
plutôt que c'est bon de le spécifier,
parce que... pour ne pas donner l'impression que, parce que ce n'est pas fait
dans le projet de loi, ça ne peut pas se retrouver ailleurs, parce que,
pour moi, il y a l'objectif poursuivi et le meilleur véhicule pour l'atteindre,
et ce n'est pas toujours dans le cadre du projet de loi. Pour avoir une
meilleure agilité, des fois, c'est dans une directive, dans une stratégie, dans
un règlement qu'on doit décliner les différentes façons de faire et les
objectifs pour garder, je dirais, un bel
équilibre entre une structure très cadrée et une agilité d'évoluer. Donc,
c'était simplement l'objet de mon commentaire.
D'ailleurs, j'aimerais d'ailleurs peut-être
revoir avec vous un peu aussi tout ce qui est la question du coût du cycle de
vie, de la juste valeur, dans le fond, et j'aimerais qu'on en discute un peu
plus. Je suis, d'entrée de jeu, d'accord avec cette idée-là. J'ai eu l'occasion
de l'expliquer, de l'exposer. Ma grande préoccupation est de s'assurer que
c'est à l'avantage du Québécois, l'avantage étant très large et pas juste
l'avantage du prix brut, mais ça peut être, comme vous le disiez, les retombées
économiques, l'avantage environnemental, le développement durable. Pour moi, ça
doit s'évaluer avant de se... avant de se décliner dans l'ensemble des marchés
publics.
Et c'est un peu la raison d'être de l'Espace
d'innovation que l'on crée à l'intérieur du projet de loi. C'est une façon que
nous avons trouvée d'enfin aller de l'avant avec une évolution des marchés
publics. Je pense que je suis capable de comprendre, arrivant d'une culture
où... bon, faire bouger des règles qui sont des règles de saine gestion, de
saine concurrence, d'intégrité, on doit le faire quand on est certains qu'on va
dans une direction qui maintient ces principes-là. Et souvent on peut se priver
d'innovation et d'ouverture par prudence, mais je pense que la prudence est de
mise quand on parle des marchés publics.
Donc, l'idée
derrière la création de cet espace d'innovation là est de justement se
permettre d'avoir, je dirais, un dôme,
un endroit, parce que, je le dis, ce n'est pas une proportion, c'est un endroit
où on peut se permettre de faire ce genre d'innovation là, de se donner
l'opportunité de l'évaluer et que, si elle rencontre bien les objectifs ou les
promesses que l'on y voit, qu'on puisse,
après ça, intégrer ces principes-là. Et je veux voir si, avec vous, c'est bien
compris, si vous pensez que c'est... que c'est adéquat.
Et, bon, j'ai eu
l'occasion, par contre, peut-être pas votre mémoire, mais de voir, là,
différents rapports d'étude, entre autres, en septembre 2020. Je ne sais pas si
ça vient de la chambre de commerce, je pense, sur... Faire des marchés
publics un outil stratégique de développement économique et de renforcement de
l'innovation au Québec. Donc, on s'est quand même inspirés beaucoup de ces
objectifs-là en essayant de trouver le moyen de garder cet équilibre que je
vous mentionne. Puis, pour moi, c'est exactement ça, l'objectif.
Donc, peut-être vos commentaires là-dessus de
façon un peu plus large, là, parce que, je vous dis, on va vraiment examiner
toutes vos recommandations pour l'étude détaillée. Je vous le confirme. Mais là
c'est un peu plus complexe pour moi d'en discuter, là.
Mme Houde (Sarah) : Bien, nous, on
pense que, pour le Québécois, on devrait toujours favoriser la valeur plutôt
que le prix, toujours. La...
Mme LeBel : Mais la question, c'est
l'évaluation de cette valeur.
Mme Houde (Sarah) : C'est ça.
Mme LeBel : La théorie, j'y adhère,
à la théorie.
Mme Houde (Sarah) : Bien,
effectivement, la notion de cycle de vie d'un produit, c'est une bonne façon de
mesurer la valeur parce que ça nous donne une perspective beaucoup plus large.
D'ailleurs, encore une fois, nous pensons que cette notion-là devrait être
systématiquement évaluée. D'ailleurs, on a certains de nos membres, juste pour
revenir sur le point des PME dont parlait Michel, on a certains de nos membres
qui, s'ils constatent que la règle du plus bas soumissionnaire conforme est
nommée dans l'appel d'offres, ne participent simplement pas parce que leur
produit ne sera pas compétitif. Un véhicule électrique, c'est plus cher qu'un
véhicule à essence encore, malgré le fait que, sur le cycle de vie, on peut
épargner sur les coûts d'opération, les coûts d'entretien, et que... sur un
cycle de vie complet, et sans compter les externalités environnementales et
sociales, puisque ces véhicules-là sont faits ici, embauchent des gens d'ici,
donc ne vont simplement pas participer à ces appels d'offres là. Donc, selon
nous, le calcul du cycle de vie, c'est vraiment une bonne façon de mesurer la
valeur.
M. Leblanc (Michel) : Deux choses. Premièrement, c'est clair que le coût du cycle
de vie, le coût sur le cycle de vie, il n'est pas toujours facile à estimer dès
le départ. Puis évidemment, pour un responsable d'approvisionnement qui
recevrait des évaluations différentes, de distinguer la bonne de la mauvaise,
c'est très difficile. Donc, je ne suis pas en train de dire que c'est simple.
Je suis en train de dire, par ailleurs, qu'on n'est pas les premiers et
qu'ailleurs dans le monde il y a des
meilleures pratiques qui sont en train de se développer. Et donc peut-être qu'à
travers le gouvernement il devrait y
avoir une unité qui va aller s'inspirer concrètement des meilleures pratiques
ailleurs. Ça, c'est la première chose.
Deuxièmement, moi, j'appuie beaucoup votre
concept d'avoir des espaces d'innovation, de se permettre d'avoir des endroits
où on pourrait aller en appel d'offres, où on demande aux gens de proposer des
solutions pour obtenir des résultats, eux, très bien définis, mais de laisser
aux entreprises le loisir d'arriver avec des propositions qui sortiraient de
l'ordinaire et, je vous dirais, puis là je pense que ça va nous prendre de la
maturité, d'admettre qu'à certains moments, c'est bon de consulter des
entreprises avant de faire l'appel d'offres pour voir comment on peut faire un
appel d'offres qui va stimuler le plus possible une réponse de la part des
entreprises. Et je dis que ça va nous prendre de la maturité parce que, d'un
point de vue politique, ça exposera toujours à cette perception qu'il y a
collusion, qu'il y a copinage, qu'il y a des entreprises qui sont plus proches
des décideurs. Mais, dans les faits, si on veut aller de l'avant vers une vraie
société innovante, il y a des moments où le fonctionnaire, le gouvernement ne
pourra pas savoir exactement comment je définis mon appel d'offres pour
stimuler cette réponse, et donc je vais aller vous consulter. Et, si c'est fait
de façon transparente, si c'est fait avec toutes les meilleures pratiques, moi,
je pense qu'on va y arriver, mais ça va nous prendre un peu de maturité
collective.
• (11 h 20) •
Mme LeBel : Bien, écoutez, je pense
que c'est exactement... puis mon objectif n'est pas d'argumenter, mais de
voir... c'est exactement l'objectif de l'Espace innovation. C'est pour ça qu'il
n'est pas défini en termes de proportion mais en termes de dire :
Identifions les secteurs, les moments où c'est important d'aller, j'allais
dire, expérimenter ces bonnes pratiques là, de se donner l'occasion d'aller
voir ailleurs ce qui se fait, se donner l'occasion...
Parce que je suis très... Je reviens sur le
calcul du cycle de vie puis, pour moi, c'est fort important quand on parle de
l'intégrité des marchés publics. Et je ne veux pas être simpliste, mais c'est
facile de voir que l'item x qui coûte 2 $ et l'item x, le même item x, qui
coûte 1,50 $, pour tout le monde, c'est facile de voir qu'à première vue
on fait une économie de 0,50 $, bon, mais, quand on parle de l'item x qui
dure plus longtemps, qui coûte moins cher en transport, qui coûte... na, na,
na, coûte 2 $ et l'autre, bon... comment on est... et là 1,50 $, puis
qu'on fait la proportion... Je pense que, ce calcul-là, on doit se donner
l'occasion de l'expérimenter, de voir comment le faire. Parce que mon autre
question est : Est-ce que le donneur d'ouvrage ou le donneur... le
ministère et organisme doit, à toutes les fois, se fier aussi à l'entreprise?
La réponse, c'est : Un peu des deux, mais il faut se donner... Puis vous
parliez de former des unités à l'intérieur du gouvernement, mais c'est aussi
l'objectif de l'Espace d'innovation, d'acquérir cette maturité qui va être nécessaire,
justement.
Et c'est pour ça que je voulais voir un peu...
vous entendre. Puis l'idée, c'est d'y avoir une certaine souplesse. Et je ne
sais pas si vous avez noté la possibilité qu'on s'est donnée, de façon
réglementaire, de ne pas revenir en projet de loi quand une bonne idée ou une bonne façon de
faire est... je ne dirais pas «avérée» parce que le fardeau est peut-être
trop élevé, mais disons que... remplit les promesses qu'on lui imputait. Et on
peut, par voie réglementaire, à ce moment-là, à l'instar de la loi sur le plus
bas soumissionnaire et de toutes les autres méthodes d'adjudication, en faire
une méthode privilégiée du gouvernement.
Donc, je
comprends, là, parce que ça fait longtemps que vous attendez, vous aimeriez
qu'on aille plus rapidement, plus loin, mais j'aimerais juste qu'on
constate... en tout cas, je ne vous force pas à le dire, mais qu'on a quand
même... on prend la direction qu'on doit prendre, là, par rapport à vos
rapports précédents, là.
M.
Leblanc (Michel) : On arrive... en fait, les deux, là, mais moi, je
vais parler pour moi, on arrive extrêmement supportant de la démarche.
On pense qu'on pourrait aller un petit peu plus vite, mais, dans les faits, là,
ça ne doit pas être perçu comme étant une critique, ça doit être perçu comme
étant, je pense, un signe qu'on est rendus là. Puis c'est la bonne façon de
faire.
Je terminerais juste en vous disant qu'un des
défis, c'est donner la prévisibilité, et c'est là qu'il risque d'y avoir un
petit enjeu. Sarah disait : Il y a des entreprises qui sont dans
l'innovation qui disent : Moi, si vous allez vers le plus bas
soumissionnaire, là, je n'y vais juste pas, c'est une perte de temps. Par
ailleurs, ça donne une certaine prévisibilité. Quand on va ouvrir les appels
d'offres avec des environnements où on veut de l'innovation, où on veut tenir
compte du cycle de vie, on veut tenir compte... ça peut créer chez certains une
impression qu'il y a comme une loterie : Est-ce que mes critères vont être
les bons? Alors, je vous dirais, on va apprendre ensemble.
Mais un des défis va être de dire : O.K.,
quand est-ce qu'on veut donner de la prévisibilité pour que les gens s'engagent
dans une démarche de définir une offre puis qu'ils sentent qu'ils comprennent
comment ça va être donné, là, et d'autres qui
vont dire à certains autres moments : O.K., c'est ouvert, tant mieux, je
vais pouvoir arriver avec quelque chose d'innovant qu'on n'a jamais vu?
Donc, on va apprendre ça. Donc, il va y avoir des critiques. Moi, je vous dis, il y a du privé qui va dire : Moi, je veux
plus de prévisibilité, puis il y en a d'autres qui vont dire : Moi, je
veux qu'on tienne absolument compte de ma capacité d'innover, d'arriver
avec une solution innovante. Ça va nous prendre de la maturité
Mme
LeBel : Et un équilibre entre les deux. Donc, je veux
juste vous réitérer le fait qu'on va prendre connaissance dans les
détails de vos mémoires puis on va pouvoir voir à quel point on peut, je
dirais, améliorer les choses dans le même objectif, là. Puis il reste quelques
secondes, si vous voulez conclure.
Mme Houde (Sarah) : Effectivement,
vous pouvez y voir... vous pourrez voir dans notre... dans notre étude que nous
recommandons des meilleures pratiques prises à l'étranger. Donc, il y a des
suggestions, notamment sur le dialogue compétitif qu'on a évoqué un petit peu
plus tôt, le développement d'outils pour calculer le cycle de vie à l'intérieur
même des organismes publics, donc, pour vraiment outiller nos donneurs
d'ouvrage à le calculer, ce cycle de vie là. Et aussi, si on exige une
justification lorsqu'on a recours à la règle du plus bas soumissionnaire, bien,
c'est vraiment là qu'on va pouvoir s'assurer que la valeur a toujours été prise
en compte plutôt que le prix.
Le Président (M. Simard) : Merci
beaucoup, M. le député de Mont-Royal—Outremont.
M. Arcand : Merci, M. le Président.
M. Leblanc, Mme Houde. M. Leblanc, depuis... et on se connaît depuis
longtemps, et je sens dans vos propos, et vous me direz si je vous interprète
correctement, je sens dans vos propos... parce que ça fait plusieurs années que
vous êtes à la tête de la Chambre de commerce de Montréal métropolitain, mais
vous dites essentiellement, là... je reprends ce que vous avez dit, vous avez
dit : Écoutez, moi, je suis très heureux de voir le projet de loi, je
supporte les objectifs, mais, entre guillemets, j'espère qu'il y aura un
changement dans la culture organisationnelle du gouvernement. Donc, évidemment,
vous êtes en faveur, mais vous avez des grands doutes par rapport à ça. Et je
pense, moi aussi, que c'est... le diable va être dans les détails et de façon
très claire, c'est ça.
Puis tout le monde est d'accord ici sur un
principe, mais j'aimerais qu'on essaie, aujourd'hui, d'aller plus loin. Tout le
monde dit : Ça prend des appels d'offres, puis il faut qu'il y ait une
offre économique avantageuse. Sur le plan du principe, tout le monde trouve ça
extraordinaire, c'est un concept superintéressant, mais, dans le concret,
j'essaie de voir comment est-ce qu'on peut l'appliquer. Parce que n'importe
quel économiste à qui on parle va dire : Oui, c'est correct, là, mais
c'est quelque chose de difficile à faire.
Est-ce que vous avez quand même une certaine
idée ou une certaine comparaison de ce qui a pu se faire ailleurs et qui peut
représenter... qui peut représenter une offre économique avantageuse quand on
étudie un projet?
M. Leblanc (Michel) : Bien, je vais rapidement céder la parole à Sarah parce
que... ce n'est pas pour rien qu'on l'a fait ensemble, tu sais, parce que la
chose la plus évidente, c'est le fameux véhicule électrique. Sur le coût
d'acquisition, là, bien, ce n'est pas compliqué, présentement, ça coûte moins
cher, un véhicule à essence. Très rapidement, quand on regarde l'ensemble des
enjeux liés au véhicule lui-même, que ce soit l'entretien, que ce soit
éventuellement les coûts d'énergie, là, je vais laisser Sarah en parler, mais
c'est une évidence.
Mais, moi, je vous amènerais sur d'autres cas à
travers le temps. Dans une vie antérieure, j'ai dirigé une grappe, à l'exemple
de Sarah, qui était celle des sciences de la vie, Montréal InVivo, et on avait,
à ce moment-là, des entreprises d'équipements médicaux qui essayaient... puis
ça... je vous parle de mon époque, mais, depuis ce temps-là, ça n'a pas changé,
qui essayaient de vendre des équipements médicaux innovants à des... à des
hôpitaux et à des fournisseurs, enfin, à l'État, et qui n'y arrivaient juste
pas, et qui arrivaient aux États-Unis... Et c'est que, dans le produit, il y
avait encore de l'innovation à valider. Et, aux États-Unis, ils trouvaient des
hôpitaux qui étaient prêts à les accompagner dans ce
cheminement-là, tandis qu'ici on se cachait derrière : Attends, attends.
Mais tu n'es pas capable de me garantir que ça fonctionne exactement comme tu
me le dis, donc, moi, je n'y touche pas. Alors, c'est cette mentalité-là qui
était sous le couvert de protéger le citoyen, le client de l'hôpital. On ne
voulait pas toucher à ça. Et donc, je vous dis juste, l'innovation était
testée, développée, confirmée, vendue en plus grand nombre aux États-Unis. Il y
avait une entreprise, aux États-Unis, qui
détectait la valeur, qui achetait l'entreprise du Québec ou sa technologie,
puis on perdait l'innovation qu'on avait développée ici.
C'est un exemple typique de se dire : Dans
la mentalité de la personne responsable des approvisionnements, est-ce que je
suis ouvert à faire un approvisionnement, où il y a un certain risque parce que
c'est innovant, parce que ça n'a pas été testé des milliers de fois? Mais, oui,
il y a une énorme valeur pour le Québec, si c'est le produit qui, éventuellement,
prend le marché.
M. Arcand : Oui, mais, dans le
domaine de l'auto électrique ou de... ça, c'est quand même quelque chose de
plus facile parce que, d'une part, c'est vraiment deux technologies. Je veux
dire, c'est clair, on lutte contre les GES en ayant un véhicule électrique,
etc., donc, ça, c'est quand même... Mais il y a des secteurs où c'est pas mal
plus compliqué. Puis, à un moment donné, comme vous le savez, les gouvernements
gèrent l'argent du monde. Et donc, à partir
de ce moment-là, moi, je suis le premier à vouloir... et on a fait des projets
pilotes, nous, à l'époque, pour changer ce concept uniquement du prix le
plus bas, là. Mais j'essaie de voir : Est-ce qu'il y a une formule qui, à
votre avis, Mme Houde ou M. Leblanc, qui vous apparaît plus
consensuelle, je dirais, qui ont été adoptées, peut être, par d'autres
gouvernements?
• (11 h 30) •
Mme Houde (Sarah) : Dans notre
étude, on fait référence à plusieurs exemples, notamment européens, notamment
tirés de l'OCDE, et on en revient toujours à cette notion de valeur plutôt que
prix. Cette... Donc, de bien préciser l'importance cruciale de la valeur plutôt
que le prix et de l'innovation, de bien les préciser, ça, déjà, ça envoie un
message qui favorise la transformation de culture organisationnelle. Il y a
plusieurs exemples concrets qui sont nommés dans notre étude. Notamment,
lorsqu'on parle de projets plutôt technologiques, l'innovation est tellement
rapide, les donneurs d'ouvrage peuvent avoir du mal à suivre l'évolution du
marché tellement il évolue rapidement, que de faire une... Puis c'est inclus,
là, de faire une demande de solution, donc j'aurai besoin de tel, tel, tel
résultat, plutôt que : Je demande que le logiciel ait telle, telle, telle
caractéristique. On fait plutôt un appel de solutions plutôt que, vraiment, un
appel... Puis ça, c'est une solution qui est proposée dans notre étude.
On propose également le dialogue compétitif, on
en a parlé un peu plus tôt. Donc, quand on a un appel d'offres à faire, encore
une fois, sur un dossier, peut-être, où la technologie a évolué rapidement, qui
comporte plus de complexité, d'avoir un dialogue compétitif, ouvert et
transparent des différents potentiels d'entreprise pour vraiment comprendre et
améliorer l'appel d'offres par le dialogue compétitif — si je
ne me trompe pas, ça a été utilisé au Danemark, cette solution-là — puis,
de façon générale, encore une fois, là, vraiment, de favoriser la valeur plutôt
que le prix, ça... en formant les donneurs d'ouvrage et en leur donnant des
outils pour calculer cette valeur-là, la notion de cycle de vie étant une façon
objective de mesurer cette valeur-là plutôt que le prix, ce sont toutes des
manières très concrètes, là, pour répondre à votre question, qui peuvent être
mises de l'avant pour répondre à l'objectif.
M. Leblanc (Michel) : Je vais vous donner un exemple. En milieu urbain, des gens
à Montréal me disent : Michel, on ramasse la neige exactement comme il y a
50 ans. Et ça veut donc dire qu'on ramasse la neige avec un véhicule, qui
est une souffleuse, avec des camions qui passent à côté.
Dans les champs, nos agriculteurs ne récoltent
plus comme il y a 50 ans, et il y a de l'innovation en milieu agricole qui
se fait parce qu'il y a un marché qui est planétaire. On devrait avoir une
obligation de résultat, d'améliorer l'efficacité de la cueillette de la neige
dans les milieux urbains et de poser, donc, dans le cadre d'appels d'offres,
des objectifs. Est-ce qu'on pourrait, à l'exemple des moissonneuses-batteuses,
arrêter de prendre deux véhicules qui bloquent deux voies, mais d'en avoir un
qui suit puis de le tirer par en arrière? Des gens à Montréal me disent :
Comment ça se fait qu'on n'est pas la capitale mondiale de l'innovation de la
cueillette de la neige en milieu urbain?
Mme Houde (Sarah) : Puis c'est
ça, penser à l'intérêt du citoyen puis... ou l'intérêt du payeur de taxes,
c'est de s'assurer qu'on utilise toujours les techniques les plus innovantes
pour aller plus vite, payer moins cher, donc maximiser notre investissement. Si
on fonctionne juste sur le plus bas soumissionnaire, on ne pense pas à
l'intérêt du payeur de taxes une bonne partie du temps.
M. Arcand : Si je vous
comprends bien, là, quand les règlements vont suivre, ça va être aussi important
que le projet de loi lui-même?
M. Leblanc (Michel) :
Les règlements et la culture organisationnelle, la formation des équipes à
l'intérieur du... ça va être essentiel.
M. Arcand : J'avais d'autres
questions qui touchaient, entre autres, des choses que vous n'avez pas beaucoup
abordées. C'était, entre autres, la question que j'ai posée tout à l'heure aux
gens de l'Autorité des marchés publics, c'était sur la question du registre,
qu'ils voulaient rendre public un registre de sanctions pécuniaires, etc. Et
évidemment, moi, dans les consultations que j'ai pu faire, ça a amené des
craintes auprès de certaines entreprises qui disaient : Bien, écoutez,
c'est parce que, si on a fait une erreur qui est relativement mineure... Et, à
cette question-là, le président de l'Autorité des marchés
publics m'a dit : Écoutez, on regarde ça puis, si ce n'est pas nécessaire
de le rendre public, on ne le rendra pas public.
Alors, ma question, c'est : Est-ce que
c'est public ou ce n'est pas public, là, selon le bon vouloir de l'Autorité des
marchés publics? Est-ce que vous avez cette préoccupation-là actuellement?
M. Leblanc (Michel) : Bien, je vous ai entendu la poser, j'ai entendu la réponse,
puis j'étais inquiété par la réponse qui donnait vraiment l'impression qu'on
irait un peu à l'oeil, qu'on irait un peu au jugement de... Ça me donnait
l'impression que c'est si on trouve que ça a l'air grave, on va le mettre, si
on trouve que ça n'a pas l'air grave, on ne le mettra pas. Ça, ça m'a inquiété.
Ça m'inquiète d'abord parce que ça donne beaucoup de pouvoirs à un individu,
puis ça peut varier d'un individu à l'autre, ce qui est donc, en régime de
droit, inquiétant.
La deuxième chose qui est inquiétante
là-dedans... Puis il faut bien se comprendre, nous sommes totalement en faveur
de mesures qui font en sorte que ceux qui trichent ou ceux qui ne se conforment
pas soient identifiés et punis. Ça, on est en faveur de ça. Ce qu'on dit, par
ailleurs, c'est que, si on fait ça puis que, dans les autres juridictions, on
ne le fait pas, nos entreprises qui sont sur plusieurs juridictions vont être
en désavantage par rapport à leurs concurrents dans les autres juridictions.
Les concurrents ailleurs vont se servir de cette information-là. Donc là, c'est
simplement pour dire : Qu'est-ce qu'on veut faire pour s'assurer qu'il y
ait de l'intégrité, que ceux qui trichent soient identifiés et punis, mais
qu'en même temps on ne se mette pas à être en désavantage compétitif quand on
est dans des domaines où les entreprises sont actives sur d'autres marchés où les
tricheurs ne sont ni identifiés ni punis?
M. Arcand : J'ai une dernière
question parce qu'il me reste peu de temps. La question aussi qui nous
préoccupe, nous, le plus dans ce projet de loi, c'est le côté mauvais payeur de
la part du gouvernement. Et ce projet de loi ne va pas très loin de ce côté-là.
Et on voulait savoir si vous avez également cette préoccupation-là.
M. Leblanc (Michel) : On a cette préoccupation. Est-ce que ça devrait être un
projet de loi qui dit au gouvernement de payer correctement ses fournisseurs en
temps raisonnable? On pense que non. On pense que c'est le gouvernement qui
devrait simplement décréter que ses meilleures pratiques, c'est de payer le
monde correctement dans des délais raisonnables. C'est pour ça qu'on partage
cette crainte, mais ce n'est pas nécessairement par le projet de loi qu'on
pense que ça doit être corrigé.
Le Président (M. Simard) : Merci
beaucoup. Mme la députée de Mercier.
Mme Ghazal : ...dans le fond,
ce que je comprends de ce que vous dites, puis là je vais l'interpréter, puis
vous me dites si j'ai bien compris, vous dites que, pour les critères autres
que le prix, là, qui devraient être même faits de façon systématique, puis le
prix, ce serait en dernier lieu, les critères environnementaux, l'obligation de
faire une analyse de cycle de vie, tout ça, il y a
comme des intentions du gouvernement, il y a des bonnes intentions, mais il n'y
a pas assez d'obligations, pas assez de carottes. Est-ce que je vous comprends
bien? Pas assez de bâtons, pardon. Trop de carottes, pas de bâtons.
Mme Houde
(Sarah) : Bien, d'abord, juste pour reprendre, le prix,
c'est important, c'est un élément extrêmement important, tout comme les
critères environnementaux, critères environnementaux qui vont souvent avoir un
effet collatéral sur la proximité, donc sur l'approvisionnement
local, sur l'achat local, donc d'autres externalités. Effectivement,
l'esprit est là. Nous, on recommanderait d'aller, effectivement, un peu plus
loin pour ajouter plus d'obligations, moins de
pouvoirs discrétionnaires. Comme l'a dit Michel, pouvoir discrétionnaire égale
pouvoir à un individu qui peut changer avec le temps. Donc, nous, on
recommanderait, là, de toujours favoriser la valeur plutôt que le prix.
Mme Ghazal : O.K. Puis j'ai une
autre question. Il y a... Parce que vous avez parlé, par exemple, pour l'ACV, l'analyse du cycle de vie, ce qui se fait
ailleurs, des bonnes pratiques, notamment en Europe. Et maintenant en Europe,
ils veulent, pour tenir compte des externalités que comportent, là, les
échanges de longue distance... Est-ce que vous serez d'accord avec une tarification carbone sur les importations pour
favoriser nos entreprises locales? Ça peut être un des deux.
M. Leblanc (Michel) : Absolument pas. Absolument pas. On est une société qui vit
des marchés étrangers. Notre croissance... la croissance de nos fleurons, ce
n'est pas de vendre à 8 millions de Québécois. L'achat local, c'est
important, mais on s'inscrit dans un marché planétaire. Chaque fois qu'on va
mettre des critères qui vont réduire les importations, on doit s'attendre à ce
que nos marchés réagissent, puis ça va nous nuire. Puis c'est des jobs, c'est
des jobs partout sur le territoire.
Ça fait que, moi, ce que je pense, c'est qu'on
doit s'assurer qu'on prend des bonnes pratiques. Puis Sarah le disait, il y a
moyen de favoriser l'achat local en intégrant le critère environnemental, mais
d'une façon qui n'amènera pas les marchés étrangers à réagir puis à fermer
l'accès qu'on a.
Mme
Ghazal : Mais, si les marchés étrangers le font aussi, je
veux dire, c'est une tendance, on va être à la remorque.
Mme Houde (Sarah) : Bien, c'est
justement ce que j'allais dire. En fait, le gouvernement du Canada, suite à la
dernière COP, s'est engagé à se pencher sur cette question-là avec les autres
pays. Donc, je dirais plutôt que ça relève du fédéral, bien honnêtement, cette
décision-là. Et ça tombe sous le sens seulement si tout le monde s'engage. Il y a quand même une très grande majorité des pays
industriels qui se sont engagés pour la carboneutralité d'ici 2050. Donc, ça
devient, je pense, quelque chose de beaucoup plus pensable, là, à moyen terme,
mais je dirais que ça relève davantage du fédéral.
Le Président (M. Simard) : Très bien.
Mme Ghazal : Bien, on aurait quelque
chose à faire, parce qu'en ce moment on utilise le SPEDE et, après ça, on va
exempter des entreprises ici. Donc, les objectifs qu'on veut atteindre sur
notre marché local pour nos cibles environnementales, on n'est pas capable de les
atteindre parce qu'on donne des passe-droits, entre guillemets, à nos
entreprises locales.
Le Président (M. Simard) : Très bien.
Mme Ghazal : C'est terminé? Oui?
Merci.
Le Président (M. Simard) : Malheureusement.
Alors, M. le député de Jonquière.
M.
Gaudreault : Oui. Merci beaucoup. Je n'ai pas beaucoup de
temps, moi non plus, un commentaire, deux questions. Premier
commentaire, bien, je suis content de vous voir ensemble. Je veux dire, il faut
tellement que ça soit plus ça, le secteur de l'innovation verte, de l'économie
verte puis le secteur de l'économie, qu'on arrête de s'opposer l'un et l'autre.
Bravo! O.K., il faut continuer dans ce sens-là. Je sais, on va avoir le G15,
tout à l'heure, on va avoir le Conseil du patronat aussi,
go! Bon, ça, c'était mon commentaire.
Question. Propulsion Québec, je vous sens que
vous auriez le goût d'aller un petit peu plus loin, parce que vous nous
dites : Bon, il faut donner une bonne définition du développement durable,
prendre en compte le cycle de vie, le
principe de non-régression, systématiser les critères ESG, une adéquation entre
la Loi sur les contrats des
organismes publics et la Loi sur le développement durable. Allez-y, là,
dites-nous, là, qu'est-ce qu'on doit faire pour qu'on soit cohérents là-dedans,
là.
Mme Houde
(Sarah) : Bien, je vous en ai fait part, là, dans mon long
laïus sur nos différentes recommandations. Effectivement, on est
vraiment heureux que cette discussion-là ait lieu, on est heureux de la volonté
du gouvernement. On voudrait effectivement
aller un peu plus loin et rendre la valeur systématique. Le plus bas
soumissionnaire, la marge, pour certains produits non critiques, non...
moins importants, tablettes de papier, mais, pour la très grande majorité des
produits, nous souhaiterions avoir plus d'innovation pour éviter du déneigement
du XXe siècle et favoriser une valeur qui
prend en compte les externalités environnementales, qui a comme impact
collatéral de favoriser l'approvisionnement local en tout respect des
ententes internationales de commerce.
• (11 h 40) •
M. Gaudreault : M. Leblanc, le
gars des régions s'adresse à vous. Vous plaidez pour le cycle de vie, parfait,
il faut le systématiser. Mais, dans l'analyse du cycle de vie, on tient compte
des impacts environnementaux. Donc, d'avoir une portion consacrée au
développement des régions... Moi, j'aime mieux que le lait, par exemple, qui va
à l'hôpital de Jonquière soit acheté par Nutrinor, qui est au Saguenay, que par
une laiterie à Québec ou à Montréal puis qui retraverse le parc des
Laurentides. Alors là, je comprends qu'il y a comme une contradiction, vous
plaidez pour le cycle de vie, mais, en même temps, vous voulez protéger le
territoire de Montréal.
M. Leblanc (Michel) : Non, ce que je voulais empêcher, c'est qu'on se donne un
objectif rigide de proportion qui viendrait des régions. Et, par contre, je
suis complètement d'accord pour qu'on tienne compte des externalités, qu'on
tienne compte de l'impact de tous les coûts, incluant les coûts de transport.
Alors, tout ce que je vous dis, c'est le fameux... On dit : On a un objectif
de 60 %. Ça fait que moi, je dis aux entreprises : O.K., moi, quand
je vais être le 41e pour cent à Montréal, qu'est-ce qu'on fait? On le
barre?
M. Gaudreault : Mais comment qu'on
gère ça, d'abord?
Le Président (M. Simard) : Très,
très rapidement.
M. Leblanc (Michel) : On le rentre dans les critères qui valorisent
l'approvisionnement local en mettant en évidence
les coûts de transport, en mettant en évidence les effets environnementaux. Ça
fait qu'on le fait, un peu comme on veut le faire internationalement,
par des critères qui sont nobles puis qui finissent par favoriser l'achat
local, mais pas...
M. Gaudreault : Et 40 %, ce
n'est pas noble.
M. Leblanc (Michel) : Non. Non.
Le Président (M. Simard) : Très
bien. Alors, merci à vous, chers collègues.
Donc, Mme Houde, M. Leblanc, merci
beaucoup pour votre présence parmi nous aujourd'hui, ce fut fort intéressant.
Au plaisir de vous retrouver bientôt, j'espère.
Sur ce, nous allons
suspendre momentanément nos travaux, le temps de faire place à nos prochains
invités. Au plaisir de vous revoir.
(Suspension de la séance à 11 h 43)
(Reprise à 11 h 48)
Le Président (M. Simard) : Alors,
chers collègues, nous sommes de retour. Nous pouvons reprendre nos travaux. Et
nous sommes en présence de représentants de Medtech Canada.
Messieurs, bonjour. Auriez-vous d'abord
l'amabilité de vous présenter, s'il vous plaît?
Medtech Canada
M. Larose
(Benoit) : Certainement. Donc, je suis Benoit Larose,
vice-président de Medtech Canada ici, au Québec.
M. Verrault (Marc-Sébastien) : Bonjour.
Je suis Marc-Sébastien Verrault. Je suis du comité exécutif de Medtech Canada.
Le Président (M. Simard) : Alors,
vous disposez de 10 minutes.
M. Larose (Benoit) : Merci, M. le
Président. Alors, bonjour, à la présidence. Bonjour, à vous tous. Donc, mon nom
est Benoit Larose, je suis vice-président Québec chez Medtech Canada. C'est
M. Marc-Sébastien Verrault, ici, membre de l'exécutif de notre
association, qui m'accompagne aujourd'hui.
Medtech Canada représente l'industrie des
technologies médicales au pays. C'est le secteur qui compte, au Québec, plus de
369 entreprises et près de 14 000 emplois. Depuis plus de
40 ans, nous faisons le lien entre les entreprises et les systèmes de
santé canadiens. Nous sommes le partenaire de choix des gouvernements
concernant les politiques publiques qui touchent le domaine de la santé.
En premier lieu, nous saluons la volonté du
gouvernement du Québec de donner accès aux contrats publics à un plus grand
nombre de PME, de favoriser l'achat local et le développement économique de
toutes les régions du Québec. Aussi, nous remercions les membres de la
commission de nous permettre de représenter nos recommandations au sujet du
projet de loi n° 12. La présence en commission de représentants du secteur
de la santé est tout aussi importante que celle des milieux de la construction
et de l'environnement, d'autant plus que le ministère de la Santé, selon notre
connaissance, ne figurait pas aux consultations internes préalables lors de
l'élaboration du projet de loi.
Le domaine de la santé représente près de
6 milliards de tous les contrats publics annuellement, donc à peu près le
tiers des achats du gouvernement du Québec. Les approvisionnements en
technologies médicales représentent, eux, environ 2,4 milliards, soit près
de 41 % de la valeur des contrats publics en santé.
Donc, notre secteur compte pour beaucoup dans le
domaine des approvisionnements en santé. On parle ici des dispositifs, des
équipements, des fournitures médicales, comme, bien sûr, les fameux EPI, que
tout le monde connaît aujourd'hui, et le matériel nécessaire pour injecter les
vaccins ou faire les tests COVID, rapides ou non.
• (11 h 50) •
Notre domaine d'activité touche même les
applications numériques de plus en plus répandues. Donc, on est très heureux de
représenter ici cet important secteur. On aimerait aujourd'hui vous améliorer...
vous aider à améliorer le projet de loi.
Donc, le projet doit impérativement être examiné
en tandem avec la Stratégie gouvernementale des marchés publics, donc la
stratégie qui a été lancée récemment. Le projet de loi est donc l'outil
législatif qui est choisi pour concrétiser les objectifs de la stratégie.
Notre association souscrit aux objectifs
poursuivis par la stratégie et le projet de loi qui en découle, bien sûr. Nous
avons souligné positivement la mise en place de l'Espace d'innovation des
marchés publics. Nous avons aussi souligné la mesure Tremplin aux contrats
publics et celle qui vise à faciliter et stimuler l'accès à l'innovation, parce
que ce sont des demandes de longue date de notre secteur.
En général, les 21 mesures de la stratégie
sont toutes pertinentes et constructives. Mais, cela dit, au quotidien, c'est
bien davantage dans le cadre normatif des contrats publics que la partie se
joue, ainsi que dans le travail du Centre d'acquisitions gouvernementales. Sans
cadre normatif efficace, la portée de la stratégie, à notre avis, sera limitée.
Nous nous serions attendus à ce que le projet de
loi n° 12 comprenne des dispositifs structurants pour permettre
d'atteindre efficacement les objectifs de la stratégie. On aurait voulu que le
projet de loi touche sous le capot de la mécanique des contrats publics. Or,
force est de constater que le projet de loi évite de toucher à la mécanique.
Hormis l'article 14.6, qui oblige les
organismes publics à procéder à une évaluation des besoins s'inscrivant dans la
recherche d'un développement durable, on reste dans l'incitation, la bonne
volonté, la persuasion. On mise sur la sensibilisation, la formation,
l'accompagnement, mais on ne touche pas aux règles du jeu. Même l'idée tout à
fait judicieuse de tirer parti des possibilités permises par les accords de
libération pour privilégier l'achat chez les fournisseurs locaux n'est pas
contraignante. On pourrait être plus affirmé en ce sens.
On se demande pourquoi on ne profite pas de
l'occasion de la stratégie pour aligner la Loi sur les contrats des organismes
publics avec les objectifs gouvernementaux. Pourtant, tout le milieu le sit,
que ce sont les limites dans les principes de la loi et son application qui sont le principal problème.
C'est normal qu'on ait recours presque systématiquement à l'adjudication
au prix plus bas conforme, parce que la loi et son règlement poussent dans
cette direction. Puis vous allez l'entendre d'autres groupes, puis vous l'avez
probablement déjà entendu, nous suivons ces choses-là.
Selon notre estimation, neuf contrats sur 10
sont attribués selon ce mode. On confond conformité et qualité. On s'imagine
qu'en mettant des critères minimaux de qualité, on choisit la qualité, mais
c'est faux. On choisit toujours la qualité minimale le moins cher parmi les
produits acceptables.
Ce recours systématique à la qualité minimale
est un frein à l'innovation et à la qualité clinique, à la recherche de valeur
pour les citoyens et contribuables, les usagers. C'est un non-sens pour le
développement économique et le savoir-faire québécois, et en particulier pour
les PME, qu'on aimerait pourtant appuyer pleinement.
Ainsi, nous recommandons que le projet de loi,
au même titre que pour le développement économique et les considérations
environnementales, apporte des modifications à la Loi sur les contrats des
organismes publics et ajoute l'innovation et la valeur pour le contribuable
dans les objectifs explicitement nommés dans l'article 2 de la LCOP.
Par ailleurs, le Règlement sur certains contrats
d'approvisionnement des organismes publics est déjà modifié par le projet de loi n° 12. Il faut donc en
profiter pour enfin introduire dans le règlement un nouveau mode
d'adjudication fondé sur l'évaluation de l'offre soumise en fonction des
critères pondérés, mais qui inclut le prix. Ainsi, le prix demeure un critère, mais pas le seul. Il est
présent avec la qualité, l'innovation, l'efficience globale du produit, du
service ou du traitement, puis les conséquences en termes d'achat local. On
peut mettre ce qu'on veut dans les critères. Bref, un mode d'adjudication fondé
sur la valeur réelle de l'achat pour le contribuable qui, au bout du compte,
paie la note et mérite d'en avoir pour son argent.
Il faut souligner que les autres juridictions
canadiennes, la Communauté européenne, donc nos partenaires de libre-échange,
permettent des modes... ces modes-là et s'en servent pour favoriser leur
industrie locale. Nos propres exportateurs en profitent. Pourquoi ne pas mettre
à niveau nos pratiques?
Également, pour s'assurer que le prix plus bas
conforme ne soit plus la norme, il faut prévoir l'obligation, lorsqu'on l'utilise dans un appel d'offres, qui
demeure toujours possible, d'inclure une justification de la part de
l'organisme public à l'effet que c'est le mode le plus avantageux en regard des
objectifs de la loi pour ce cas-là.
De plus, considérant son importance incontournable
comme acheteur clé dans le marché, nous estimons que le mandat législatif du Centre
d'acquisitions gouvernementales, sous la responsabilité du Conseil du trésor,
devrait être formellement modifié pour inclure les objectifs poursuivis par la
stratégie gouvernementale. Le centre doit aussi avoir comme mandat de générer
de la valeur pour le contribuable puisque l'optimisation des acquisitions qu'on
lui demande de faire dans la loi est interprétée uniquement en termes du prix
le plus bas possible.
À notre sens, sur la base de notre quotidien
dans le monde des contrats publics, c'est uniquement en modifiant le cadre
réglementaire et le mandat du Centre d'acquisitions gouvernementales que la
stratégie pourra atteindre ses objectifs. Même une récente rencontre avec la
direction du centre nous a permis de constater que, tant que son seul critère
de mesure de performance sera basé sur les plus bas prix, elle ne tiendra pas
compte des objectifs de la stratégie. Ce n'est pas son rôle.
Nous anticipons très peu de changements sur le
terrain. Il faut accoler aux orientations gouvernementales les leviers
législatifs nécessaires à leur concrétisation. La Loi sur les contrats des
organismes publics, ses règlements et le mandat du Centre d'acquisitions
gouvernementales sont ces leviers. Or, ce que le projet de loi n° 12
propose, c'est un levier qui ploie et crisse sous l'effort de faire bouger un
système d'approvisionnement alourdi par des décennies de consolidation du
pouvoir d'achat. C'est la seule stratégie qu'on a suivie depuis 25 ans,
consolider les achats.
Enfin, notre mémoire suggère diverses pistes
d'action pour améliorer le traitement des plaintes des fournisseurs par l'AMP
dont la loi constitutive nous semble trop limitante en ce qui a trait à sa
capacité d'offrir des recours aux fournisseurs qui se sentent lésés tout au
long de la gestion contractuelle.
Ces
recommandations ne datent pas d'hier. Nous nous impliquons en faveur des
nouveaux modes d'adjudication et en particulier de la valeur depuis près
d'une dizaine d'années. Nous l'avions déjà exprimé lors des consultations
relatives au projet de loi n° 37 sur le Centre d'acquisitions
gouvernementales. Nous l'avions également évoqué lors de l'étude du projet de
loi n° 108 sur l'AMP. On le dit à chaque budget du Québec.
En fait, nous nous permettons de vous le
rappeler, Mme la ministre, ce constat était déjà clair en 2018, lors de
l'élection du présent gouvernement. C'est d'ailleurs pour cela que le parti qui
allait accéder au gouvernement avait pris l'engagement formel et écrit d'abolir
la règle du plus bas soumissionnaire conforme à ce moment. D'ailleurs, on a
annexé cet engagement à notre mémoire.
Les faits sont là. Les organismes de santé
n'utilisent pas autre chose que le prix plus bas conforme, malgré certaines
possibilités que leur offre le cadre légal. Depuis plusieurs années, le
gouvernement et de nombreux partis envisagent d'aller dans cette voie, mais
sans jamais poser les gestes nécessaires. Nous estimons, devant un projet de loi qui souhaite clairement aller dans cette
direction, qu'il est temps enfin d'agir, parce que l'approche incitative a des
limites.
On ne peut pas espérer une évolution dans les
pratiques si les objectifs et les outils ne sont pas bien adaptés. Si on veut que l'État puisse aller plus loin en
privilégiant l'acquisition de biens fondée sur la qualité, l'innovation,
l'achat local et le développement économique, on doit permettre des alternatives au prix plus bas
conforme. Il faut que les contribuables québécois bénéficient pleinement
de chaque dollar investi. C'est une occasion qui nous est offerte aujourd'hui.
Rapidement, récapitulons nos principales
recommandations : modifier l'article 2 de la Loi sur les contrats des
organismes publics pour inclure l'innovation et la valeur pour les
contribuables; ajouter au règlement un mode d'adjudication fondé sur
l'évaluation de l'offre soumise en fonction de critères pondérés, incluant le
prix, c'est-à-dire la valeur, dans notre jargon; l'obligation, lors de
l'utilisation d'un mode d'adjudication fondé uniquement sur le prix plus bas
conforme, d'inclure une justification à cet effet; modifier la Loi sur le CAG
pour intégrer les objectifs de la stratégie à sa mission; et enfin modifier la Loi sur l'Autorité des
marchés publics pour améliorer le processus de traitement des plaintes
des fournisseurs et leur offrir des recours efficaces. Merci pour votre écoute.
Le Président (M. Simard) : Merci.
Merci à vous, M. Larose. Mme la ministre.
Mme LeBel : Merci, M. Larose.
Merci, M. Verrault. Contente qu'on ait pu vous inviter, parce que je
trouvais important que votre secteur soit également représenté, secteur qui...
je le comprends très bien, pour lequel la règle du plus bas soumissionnaire
n'est pas la meilleure règle pour faire valoir les avantages, disons, pour la
population de ce que vous avez à offrir. Et je le comprends très bien.
Et c'est pour ça que je suis très satisfaite
aussi que vous ayez conclu en disant : Fournir des alternatives. Parce que
je pense qu'on est capables, vous puis moi, de stipuler d'entrée de jeu que la
règle du plus bas soumissionnaire n'est pas adéquatement utilisée, au moment où
on se parle, mais qu'elle n'est pas une règle qu'il faut abolir. Elle doit
demeurer dans le coffre à outils. Et il y a des produits pour lesquels le
critère de qualité est minimal et le prix devient essentiel pour le
gouvernement, puis je pense qu'on peut le comprendre, mais je comprends très
bien votre argumentaire à l'effet que malheureusement, puis c'est un constat
qu'on fait, elle est peut-être utilisée beaucoup trop fréquemment systématiquement et surtout dans des domaines qui
demanderaient à ce qu'on ouvre nos horizons et qu'on parle plus
peut-être de valeur ou... plus avantageuse plutôt que moins cher, disons-le
comme ça. Je le comprends très bien.
Je suis contente aussi de constater que vous
ayez mentionné à la fin, dans votre recommandation, qu'on devra modifier le
règlement. Parce que c'est important de le préciser, hein, la loi sur les
contrats publics ne précise pas les modes d'adjudication. Puis je pense qu'il y
a une bonne raison à ça. Il y a plusieurs années, la règle du plus bas
soumissionnaire semblait pour tous la meilleure. On évolue, les marchés
évoluent, les règles d'adjudication évoluent. Je suis partisane du fait qu'on
doit en avoir le plus possible dans notre coffre à outils pour une tonne de
raisons, ne serait-ce aussi pour ne pas toujours télégraphier nos intentions
aux marchés, être capable d'avoir des marchés publics plus intègres, mais c'est
dans la réglementation qu'on pourra faire la suite des choses, les ajustements.
• (12 heures) •
Mais je le comprends très bien qu'il y a ce qui
est dans le p.l. n° 12 et dans la stratégie, et ce
qu'il y a... il y a ce qui va se passer sur
le terrain. Donc, c'est pour ça que, peut-être... je voulais peut-être
en parler un peu plus avec vous. Comment, quand on... Souvent, dans la
règle du plus bas soumissionnaire ou dans n'importe quel mode d'adjudication,
un des enjeux, c'est une bonne définition des besoins au départ. Et, dans...
souvent, dans les exemples qui nous sont donnés, où on veut démontrer que la
règle du plus bas soumissionnaire n'était pas adaptée ou adéquate, je pourrais
répondre dans plusieurs cas de figure : Oui, mais c'est probablement parce
que les besoins, au départ, avaient été mal définis, donc l'appel d'offres a
été mal construit, comme ça.
Donc, comment vous voyez... Parce qu'on... Je
pense qu'il faut mieux définir ces enjeux-là au départ. Quand on parle de la valeur réelle de l'achat, comment
vous voyez ça, cette relation-là avec le gouvernement, tout en maintenant
l'intégrité des marchés publics? Comment on peut mieux travailler ensemble pour
s'assurer à la fois d'avoir des marchés publics intègres et à la fois être
capable d'avoir cette meilleure définition des besoins là? Comment vous envisagez ça au pratico-pratique, là, au-delà des
recommandations, pour pousser? Si je comprends vos objectifs, on
trouvera les solutions, là, si c'est possible de le faire.
M. Larose (Benoit) : Merci pour la
question. J'inviterais mon collègue à parler peut-être de l'exemple qu'on
discutait ce matin.
M. Verrault (Marc-Sébastien) : Merci.
En fait, Mme la ministre, je me permettrais peut-être de vous offrir, à titre
d'exemple, quelque chose qui se produit dans une juridiction voisine, où le
dialogue compétitif est utilisé, à titre d'exemple, là, comme moyen de
communication entre le donneur d'ordres et l'industrie. C'est dans le contexte
de cet échange-là qu'on est capable de mieux comprendre le besoin, et on donne
l'odieux de soulever les différents enjeux qu'on souhaite adresser avec notre
appel d'offres ou notre appel aux solutions, plutôt, à travers ce dialogue-là.
Je citerais... À titre d'exemple, excusez-moi, donc, cette juridiction-là, qui
est juste à côté, ont fait un appel aux solutions où on a décelé... c'est l'établissement
qui a décelé 14 indicateurs de performance qui vont de, par exemple, le
nombre de cas cancellés, le nombre de réadmissions, le nombre d'erreurs
médicales. Et tous ces indicateurs de performance là ont été pondérés dans la
mesure de l'appel aux solutions, et le prix ne recommandait... ne représentait,
excusez-moi, que 30 % de la décision d'approvisionnement. Ce qu'on
constate, c'est que cet appel aux solutions là a été adjugé. Le fournisseur qui
est en place réalise les objectifs auxquels il s'était engagé. Il y a une
notion de partage de risques. Et tout ça, c'est arrivé parce qu'à la base il y
avait dialogue compétitif, un échange ouvert entre l'établissement, le donneur
d'ordres et l'industrie en général, pas juste une compagnie, là, plusieurs.
Mme LeBel : Je sais que ce
dialogue compétitif là, cette notion existe déjà. Ici, au gouvernement, en
matière de technologies de l'information, on est beaucoup plus dans la...
j'allais dire dans la mentalité d'aller avec des appels de solutions, de discuter
avec les fournisseurs, de voir qui peut offrir, bon, des solutions. Donc, ce
que vous nous dites, c'est que vous le préconisez également dans d'autres
secteurs. Je vous dirais, moi, que c'est ce qui est... c'est un des objectifs
de l'Espace d'innovation. Parce qu'il ne faut pas comprendre l'espace... J'aime
bien placer les choses un peu dans nos intentions, après ça on verra si elles
sont bien... elles sont bien remplies ou véhiculées par ce qui est écrit. Mais
l'idée, c'est vraiment d'avoir cet Espace d'innovation là, qui ne se traduit
pas en termes de proportion de marchés, mais
en termes de possibilités, justement, dans certains secteurs, pour certains
domaines, de donner place à... une meilleure place à l'innovation, que le gouvernement soit le
premier acheteur de certaines innovations, que le gouvernement puisse
discuter, d'ailleurs, avec le marché, de dire : Voici quels seront mes
besoins futurs. Toi, l'industrie, comment penses-tu pouvoir y répondre? Je
qualifie un peu le... Donc, c'est un peu ça, l'idée de l'Espace d'innovation,
et c'est ce qu'on veut se permettre de faire.
Mais vous
comprendrez qu'il y a toujours l'espèce d'équilibre aussi qu'on doit avoir pour
s'assurer qu'entre dialogue compétitif, et conflit d'intérêts, et
influence indue... Et, bon, je le sais que ce n'est pas ça que vous nous
préconisez, pas du tout, et je le comprends, mais c'est — puis
je pense qu'il faut le dire clairement — mais c'est l'équilibre à
atteindre entre tout ça, parce que ce sont des marchés publics. Dans le domaine
privé, ça va bien, hein? C'est... On a... On a la... Chacun des partenaires a
la libre latitude des sommes d'argent qu'il investit, et des mouvements qu'il
fait, et des erreurs potentielles qu'il pourrait faire, même si elles sont
toujours nécessaires, des fois, dans l'apprentissage. Donc, vous ne pensez pas
que cet Espace d'innovation là peut nous permettre, justement, d'atteindre ça,
d'atteindre... quelqu'un avant vous parlait de maturité, donc d'atteindre une
certaine maturité et d'accepter qu'il y ait un dialogue ouvert et ensuite, si
ça fonctionne bien, de l'intégrer dans l'ensemble de nos marchés publics parce
qu'on aura, je dirais, peut-être que c'est un peu gros, là, mais une certaine
sécurité ou paix de l'esprit qu'on est dans la bonne zone, la bonne façon de
faire?
M. Larose (Benoit) : Je peux me
permettre la réponse. En fait, l'Espace innovation, c'est certainement une
bonne idée, mais c'est très comparable au pouvoir de dérogation qui existe déjà
dans les pratiques actuelles. Parce qu'il y a des dérogations qui sont données
assez fréquemment, là, par le Conseil du trésor aux organismes publics qui
veulent déroger, là, de certains paramètres du cadre normatif. En fait, l'Espace
innovation, c'est une bonne idée. Évidemment, on a hâte de voir comment ça va
s'appliquer dans la pratique, mais ça reste ad hoc. Nous, on vous dit : Le
jour 1 où l'Espace innovation va être ouvert, on parie que vous allez
avoir des établissements qui vont dire : On a besoin de pouvoir faire un
appel d'offres, comme M. Verrault l'a décrit, donc avec plusieurs critères
pondérés. C'est la norme au Canada puis même en Europe, là, le prix, c'est
souvent 10 %, 20 %, peut-être 30 % de la note, ce n'est jamais
100 % de la note comme ici. Ce n'est pas du tout la même approche. Donc,
le jour 1, là, de l'Espace innovation, là, on va vous dire : Ça prend
un règlement qui nous permet de le faire.
Donc, on vous
dit : Pourquoi? Pourquoi attendre davantage, alors que vous avez créé huit
nouveaux règlements, si vous voulez? Je veux dire, ce n'est pas... ce
n'est pas... En fait, on ne vous dit pas de remplacer le règlement sur le prix
le plus bas conforme. C'est sûr que, comme vous le disiez dans certaines
présentations, les crayons HB, puis les «pads» de papier de notes, oui, le prix
plus bas conforme, ça peut être la bonne façon. Pas question de remplacer ça
par un autre mode. Mais donnez plus d'outils. Puis là vous ouvrez déjà le
règlement sur des contrats avec le p.l. n° 12. Alors,
tant qu'à le réouvrir, profitez-en pour ajouter un mode. Vous pourriez même
mettre des balises pour que les gens ne l'utilisent pas avant d'avoir Espace
innovation, qui va peut-être permettre de l'utiliser. Mais au moins le message
que vous allez donner aux organismes publics, c'est que, si vous avez une
initiative intéressante que vous êtes capables de justifier... Parce que vous êtes redevables des résultats que vous
obtenez avec les budgets qui vous sont répartis, n'est-ce pas? Je veux dire, les organismes publics sont
normalement imputables pour leurs actions. Bien là, vous allez
encourager, en fait, un établissement universitaire, par exemple, qui voudrait
aller de l'avant avec un projet d'approvisionnement mieux adapté à ses besoins
en utilisant un mode qui est déjà possible. Aujourd'hui, ce n'est pas possible.
Il va être obligé d'aller à Espace innovation. C'est les gens au Conseil du
trésor qui vont décider si ça a du sens ou pas. Ça ne sera même pas réglé au
niveau du ministère de la Santé. C'est un peu singulier, quand même, là. On
parle de produits, de technologies médicales, mais c'est le Conseil du trésor
qui a le pouvoir de déterminer c'est quoi la meilleure façon de procéder à
l'acquisition.
Donc on aimerait ça que vous... Évidemment, vous
voulez mettre tous les contrats... les contrôles possibles en place. On est
tous d'accord là-dessus. Mais pourquoi, en Ontario, puis dans les autres
provinces canadiennes, puis en Europe, qui sont nos partenaires commerciaux,
qui sont des économies de marché avec les mêmes préoccupations, puis les mêmes
enjeux sur la probité, puis la façon de... l'éthique, et tout ça, pourquoi eux
se donnent cette latitude-là dans leurs contrats publics, puis nous, on est
probablement la seule juridiction, parmi tout notre espace commercial, qui... à
qui on contraint autant les organismes publics? Je peux vous le dire, là, on ne
fait quand même pas des analyses comparatives, là, c'est remarquable. O.K.,
donc, on a un projet de loi aujourd'hui qui veut... qui a des... qui sert à mettre en... qui sert à... On a une belle
stratégie, un projet de loi qui va la mettre en application. Le fait de ne pas
s'attaquer à la mécanique des contrats
publics, c'est une occasion manquée pour nous. Donc, on a l'occasion de le
faire. Allez-y, mettez toutes les balises que vous voulez, mais
créez-le, le mode d'adjudication.
M. Verrault (Marc-Sébastien) : Puis,
si je peux me permettre, Mme la ministre, dans le concret, l'emploi que j'ai le
jour quand je ne supporte pas les activités de Medtech Canada, ça arrive très
fréquemment, M. Larose faisait référence à neuf contrats sur 10, là, très,
très fréquemment que la réponse de l'organisme public, c'est : J'aimerais
vraiment ça, mais je ne peux pas. L'article 10 dicte que je dois procéder
par le prix le plus bas conforme, puis il n'y a pas d'éléments de justification
qui viennent supporter cette décision-là. Alors, l'industrie doit se conformer
à ça, puis c'est là qu'on rentre dans une discussion, là, qui est... qu'on
souhaiterait, en fait, aujourd'hui recommander, là, une modification au niveau
du règlement également.
Mme LeBel : À l'article10.
M. Verrault (Marc-Sébastien) : Oui.
Mme LeBel : C'est
très bien compris. Bien, merci. Écoutez, M. le Président, c'est vraiment... à moins
que mes collègues aient d'autres questions, votre point est assez... est très
clair et très compris. Merci.
Le
Président (M. Simard) : D'autres interventions? Sans quoi nous cédons la
parole au député de Mont-Royal—Outremont.
• (12 h 10) •
M. Arcand : Merci. Merci, M. le
Président. Alors bienvenue, M. Larose, bienvenue, M. Verrault. C'est
un plaisir de vous avoir avec nous aujourd'hui.
Ma première question porte sur justement le
secteur de la santé. Ce que je comprends, c'est qu'il y a des contrats qui sont donnés par le gouvernement, oui,
il y a des contrats qui viennent des CIUSSS, etc. Pouvez-vous
m'expliquer un peu comment... votre expérience dans ce domaine? Parce que les
CIUSSS, on me dit, ne suivent pas toujours les critères du gouvernement ou,
enfin, il y a comme un peu de confusion dans ce domaine-là.
M. Larose
(Benoit) : Bien, peut-être que je peux prendre cette question
au bond. En réalité, là, dans le quotidien du réseau de la santé,
l'organisme qui regroupe la majorité des achats dans notre secteur, c'est le
Centre d'acquisitions gouvernementales. Les établissements, en fait, ont
relativement peu de latitude pour aller au marché directement lorsque les
produits dont elles ont besoin sont... figurent à des listes, là, puis à l'arrêté
ministériel. Donc, il y a une mécanique en place pour obliger les
établissements à aller au marché à travers les contrats d'achats regroupés
gérés par le CAG. Sinon, ils peuvent aller au marché individuellement, mais ils
doivent respecter les mêmes règles. Bien, en fait, ils sont tous assujettis à
la Loi sur les contrats des organismes publics. Donc, c'est des processus
standards, là, d'approvisionnement avec les caractéristiques dont on a parlé,
là. Donc, oui.
M. Arcand : O.K. Si vous pouvez
m'expliquer, parce que j'ai lu avec attention l'annexe 2 que vous
avez dans votre document et dont une des conclusions est assez spectaculaire,
c'est-à-dire que vous dites essentiellement que, pour 110 dossiers
d'appels d'offres, il y a 88 % dont on n'a pas tenu compte de la qualité
dans le domaine des appels d'offres. C'est quand même assez, assez
impressionnant.
M. Verrault (Marc-Sébastien) : En
fait, M. le député, c'est effectivement ce qui se produit. En lien avec
l'article 10, qui prévoit une adjudication au prix le plus bas conforme,
on ignore d'autres éléments de qualité qui, par exemple, raccourcissent la
trajectoire de soins, qui réduisent des taux de réinfection ou de réadmission
à l'hôpital, et c'est ces critères-là qui font qu'en bout de piste un programme
clinique pourrait être moins coûteux, même si l'achat de l'équipement, au
départ, lui, est plus coûteux. Alors, ce qu'on constate ici, c'est des
statistiques où l'adjudication s'est faite sur le prix uniquement sans prendre
en ligne de compte les éléments de qualité qui auraient pu contribuer à un
meilleur résultat clinique pour le contribuable, pour le patient.
M. Arcand : C'est parce que
j'ai fait des consultations un petit peu quand le projet de loi a été déposé
puis, à un moment donné, j'ai reçu un appel d'un fabricant de couches pour
adultes qui n'avait pas eu le contrat, qui... mais dont plusieurs des éléments
étaient fabriqués en Chine, mais c'était un fabricant québécois, etc. Donc, il
a eu le contrat, mais avec le prix le plus bas, mais ça prenait deux fois plus
de ce produit-là puisque... bon, etc., là, vous voyez où je m'en vais. C'est
ça, directement, à quoi vous faites allusion, c'est vraiment la notion de
qualité qui doit prévaloir.
M. Verrault (Marc-Sébastien) : Tout
à fait. Surtout dans un domaine comme la santé où on touche... le geste qu'on
pose sur un individu, sur un contribuable, sur un patient va avoir un impact
sur sa qualité de vie plus souvent qu'autrement.
M. Larose (Benoit) : On
simplifie beaucoup les processus, on essaie de... Tu sais, la tendance, là, on
a un budget à boucler, alors c'est sûr qu'on veut montrer, là, qu'on réalise
des bonnes affaires, mais ce n'est pas parce qu'on achète au prix plus bas
qu'on réalise nécessairement des bonnes affaires. Dans notre vie à tous, c'est
ce qu'on... on le vit dans le quotidien. Alors, c'est la même chose pour les
établissements, mais le système pousse vers ça, puis la façon qu'on finance nos
services pousse vers ça. Donc, c'est des silos budgétaires. Les gains qui sont réalisés
dans un département ne sont pas valorisés pour un autre. Puis là pourquoi je
prendrais un produit qui coûte plus cher si c'est un autre département qui va
avoir les gains? Même si, au total, c'est plus intéressant de faire ça, c'est
mon budget qui va être obligé d'absorber l'excédent. Donc, tu sais, il y a
beaucoup de problèmes, mais ici, dans la loi, on pense que de proposer un
nouveau mode d'adjudication va permettre de régler ce problème-là en grande
partie.
M. Arcand : Et est-ce que vous avez
un cas en tête où, vraiment, ça s'est fait correctement, c'est-à-dire que ce
n'est pas le prix le plus bas qui a nécessairement gagné? Il y a-tu... Il y
a-tu un... Parce que, là, vous me donnez des listes de tout ce qui est... tout
ce qui a mal été, mais est-ce qu'il y a quelque chose qui a été, par exemple,
je ne le sais pas, moi, un appel d'offres, et, finalement, ce n'était pas
nécessairement le prix le plus bas, mais c'était vraiment un investissement
dans la qualité? Tout à l'heure, quand j'étais avec la chambre de commerce, on
me disait : Bon, bien, quand on fait un appel d'offres pour des autos
électriques plutôt que des autos à l'essence, on sait que ça coûte plus cher,
les autos électriques, mais ça a été un bon investissement parce qu'on réduit
les GES, et tout ça. Est-ce que vous avez, dans le domaine de la santé, un cas
qui a été positif, à votre connaissance, là? Puis, si vous n'en avez pas, vous
me le dites.
M. Larose
(Benoit) : Bien, c'est un peu... En fait, il ne faut pas penser que
tout se fait mal dans le réseau, là, les gens font du mieux qu'ils peuvent avec
les règles qu'ils doivent suivre, mais notre point, c'est qu'ils pourraient
faire beaucoup mieux si les règles leur permettraient, comme ailleurs au
Canada, de choisir des produits en fonction de la valeur globale que ça procure
au système de santé ou aux patients. Mais notre système pousse vers le prix le
plus bas à l'achat.
M. Arcand : Vous avez parlé
d'appels de solutions, d'un système d'appels de solutions. Alors, quand je vois
qu'il y a, par exemple, aux États-Unis, certains modèles qui existent où,
disons, un tel organisme lance un appel de solutions et là il dit
essentiellement : Voici le bon montant qu'on propose, voici l'appel de
solutions, et là on sélectionne la meilleure... la meilleure offre, qui n'est
pas nécessairement basée sur le prix uniquement est-ce que c'est un modèle,
dans ce que vous connaissez, qui est un modèle qui pourrait être proposé?
Est-ce que... Est-ce que c'est valable?
M. Verrault
(Marc-Sébastien) : Tout à fait, tout à fait, M. le député. En fait,
si on commence... Fondamentalement, un appel aux solutions, ça démarre
avec l'énoncé... un énoncé d'un problème. Et on laisse l'industrie avec toute
la créativité, la recherche et le développement qu'ils peuvent amener à la
table, démontrer comment eux, ils se proposent de supporter cet enjeu-là. Par exemple, un appel aux solutions pour
réduire les listes d'attente dans les blocs opératoires, c'est très simple comme énoncé, mais très complexe à
régler. On peut lancer cet appel-là aux solutions à l'industrie et
attendre de voir ce qu'ils vont proposer. Et ce que vous allez pouvoir
remarquer, c'est que, oui, il va y avoir de la technologie médicale, mais il va
y avoir aussi un échange des meilleures pratiques de ce que nos organisations
voient à travers le monde. Et on va pouvoir amener ces meilleures pratiques-là
ici, au Québec, faire avancer la cause de la santé pour les patients localement
en faisant autre chose que juste en achetant un item médical.
M. Arcand : Et, à votre
connaissance, est-ce qu'il y a beaucoup d'entreprises québécoises dans votre
secteur qui n'ont pas pu évoluer parce que... qui auraient, si elles obtenaient
des contrats, pourraient certainement faire profiter de son innovation certains
de ces éléments-là, mais qui sont littéralement bloqués, actuellement, par ce
qui se passe?
• (12 h 20) •
M. Larose (Benoit) : On a deux
cas de figure classiques. La PME innovante qui frappe à plusieurs portes pour
entrer son innovation dans le réseau de la santé au Québec puis qui a beaucoup
de difficulté. Des fois, ils vont réussir dans un projet de recherche ou dans
le cadre d'un projet pilote, qui perd patience, qui va en Ontario ou dans
d'autres juridictions, qui est capable d'avoir un succès commercial puis que,
dans le fond, qui mettent une croix sur le Québec pour se concentrer ailleurs.
Ça, malheureusement, là, je peux en nommer plusieurs. Je ne pense pas que c'est
l'objectif ici, mais on en connaît plusieurs.
Puis l'autre cas de figure, c'est l'entreprise
du Québec qui fabrique au Québec, O.K., puis qui se trouve à devoir faire une
offre au prix le plus bas conforme contre, parfois, des distributeurs ou des
entreprises qui fabriquent à l'extérieur, puis c'est les règles du jeu, mais on
ne valorise pas du tout le fait qu'elles fabriquent localement. Et, encore là,
c'est... ça devrait être tenu en compte dans l'équation. En Europe, ils le
font, là. Par exemple, la France a une politique d'approvisionnement pour ses
EPI qui tient compte... En fait, le prix, c'est 20 % de la note. Donc, ils
veulent vraiment appuyer leurs entreprises locales.
On n'a pas parlé beaucoup de ça dans notre
allocution, mais on a quand même pas mal d'entreprises qui fabriquent ici, là,
tout récemment avec les EPI, mais toutes sortes de produits aussi. Mais
présentement, parce qu'on se limite au prix comme facteur de comparaison, bien,
on ne leur donne pas de chance parce que, je veux dire, ils sont en concurrence
avec des joueurs qui, parfois, fabriquent en Asie puis des entreprises qui ont
des économies d'échelle appréciables. La situation actuelle, en fait, nuit aux
PME, nuit aux entreprises innovantes puis nuit encore plus aux PME innovantes.
Puis, dans notre secteur, il y en a beaucoup, de PME innovantes. Donc, c'est
pour ça qu'on pense que les règles du jeu doivent être changées.
M. Arcand : Il me reste...
Le Président (M. Simard) : 1 min 10 s.
M. Arcand : 1 min 10 s.
Alors, écoutez, j'avais une question, moi, sur... Puis j'aimerais que vous me répondiez
au fait qu'il y a beaucoup de gens qui me disent que c'est un peu compliqué de
définir, des fois, ce qui est québécois.
C'est-à-dire que, compte tenu que, dans le domaine, il y a des pièces qui sont
faites à l'extérieur, les fournisseurs sont québécois mais avec des
pièces faites à l'extérieur... Il y a même des fournisseurs canadiens qui nous
ont dit qu'écoutez il y a des pièces qui
sont faites au Québec, et on est un fournisseur basé en Ontario, mais on
devrait être capable aussi d'appliquer, parce que notre produit, il est
québécois, etc. Est-ce que ça représente, pour vous, un enjeu de bien définir
ce qui est québécois?
M. Larose (Benoit) : C'est
clairement un enjeu. Vous avez raison, c'est complexe. Les chaînes
d'approvisionnement sont globales
dans notre secteur, ne sont pas régionales. Écoutez, quand on... Si on est
capable de faire des critères d'appel d'offres
qui tiennent compte de la robustesse de la chaîne d'approvisionnement, de la
proximité de la source, des matières premières, puis etc., si on
valorise ça dans l'équation, on va automatiquement donner plus de chances aux
entreprises qui sont proches de chez nous. Puis ça peut être des entreprises de
propriété étrangère qui sont actives au Québec. Je veux dire, on a plein
d'entreprises, là, par exemplecelle
qui emploie M. Verrault, qui a 650 employés à Montréal, là, qui n'est pas de propriété québécoise, mais qui emploie bien
du monde. On a d'autres cas dans notre membership. On représente tout ce genre
d'entreprises là, là, qui ont des... soit d'origine québécoise, ou canadienne,
ou étrangère, mais qui sont très impliquées ici.
Le Président
(M. Simard) : Merci. Alors, j'ai cru comprendre durant la pause
qu'il y avait un consentement afin que notre collègue de Jonquière, ici présent,
puisse récupérer le temps qui était initialement dévolu à notre collègue de
Mercier. J'avais bien compris?
Une voix :
Oui.
Le Président
(M. Simard) : Ah bien! Formidable! M. le député de Jonquière,
vous voyez comment vous faites l'unanimité cet avant-midi.
M. Gaudreault :
Vous avez très, très bien compris, M. le Président. Merci beaucoup d'être
là. J'ai trouvé votre mémoire et vos propositions très, très intéressants. Et
vous avez dit, tout à l'heure, un mot, une expression, là, bien
importante : C'est une occasion manquée. Puis là je ne veux pas vous
mettre mal à l'aise, mais c'est une grosse critique, quand même, envers le
projet de loi n° 12. Je veux dire, on est tous pour la vertu puis on est
tous pour les orientations, pour les objectifs poursuivis par le projet de loi,
mais c'est comme si vous disiez : Bien, il ne va pas au bout de ses ambitions. Et puis là je reprends une
autre de vos expressions, là : Le projet de loi ne touche pas à la
mécanique, il ne touche pas aux règles. Il devrait toucher aux règles du jeu.
Alors, c'est quand même... c'est quand même une critique importante. Il faut
qu'on en tienne compte, parce que c'est bien beau d'avoir des objectifs, mais
il faut se donner les moyens de les atteindre.
Je veux vous amener
sur des éléments dont on a moins discuté avec les collègues précédemment. Vous
dites que, quand le gouvernement doit quand même faire une adjudication au plus
bas prix, bien là vous dites : Il devrait quand même le justifier. Alors,
j'aimerais ça vous entendre un petit peu plus là-dessus.
M. Larose
(Benoit) : En fait, on veut renverser, je dirais, la position par
défaut. Aujourd'hui, par défaut, c'est le prix le plus bas conforme qui
l'emporte. L'organisme public sollicite uniquement un prix, puis on adjuge au
prix le plus bas conforme. C'est ça par défaut. Nous, on dit : Ça ne
devrait pas être la règle par défaut, en tout cas, certainement pas dans notre
domaine. Par défaut, ça devrait être la valeur, puis on tient compte de
plusieurs critères, puis on fait une adjudication au mérite, dans le fond.
Mais, si on veut quand même faire une adjudication sur le prix... Parce qu'on
est d'accord avec la ministre, là, cette façon de faire a sa place encore,
dépendant des... Parce que, là, il ne faut pas oublier que ce projet de loi là
s'adresse à tous les achats gouvernementaux. Donc, dans certains secteurs
autres que notre domaine, ça peut s'appliquer plus souvent que ça soit légitime
d'utiliser le prix plus bas. Bien, à ce moment-là, qu'on oblige l'organisme
public au moins à l'expliquer, pourquoi il a choisi ce mode d'adjudication là
plutôt qu'un mode plus, je dirais, plus adéquat pour ce qu'on achète.
M. Gaudreault :
Donc, que la règle du plus bas prix devienne l'exception plutôt que la
règle.
M. Larose
(Benoit) : Absolument.
M. Gaudreault :
O.K. Vous parlez aussi de l'importance d'améliorer le traitement des
plaintes, je pense que c'est via l'AMP, et vous dites également que l'AMP
devrait se doter de spécialistes par secteur. Alors, quid?
M. Larose
(Benoit) : Nous, on a salué l'arrivée sur la scène de l'AMP parce
qu'effectivement il y a besoin, pour les fournisseurs qui se sentent lésés dans
les processus d'adjudication de contrat, de pouvoir aller chercher un peu
l'équivalent d'un ombudsman. Nous, on aurait aimé ça que ça soit un rôle
d'ombudsman un peu plus affirmé. Bon, on comprend qu'il y a un mandat de
surveillance, s'assurer que les règles du jeu sont suivies, mais on aimerait ça
que l'AMP soit plus ouverte à recevoir des plaintes de fournisseurs qui
disent : Écoute... Écoutez, ce processus-là n'est pas adéquat, il est
contre l'intérêt public. Si l'organisme public avait fait ses devoirs mieux,
bien, il y aurait une meilleure décision d'acquisition de prix. Mais là ce
n'est pas le cas. Alors, on vous demande de regarder ça pour juger si
l'organisme public s'est vraiment... a fait ses devoirs pour aller au marché.
Mais, pour ça, ça prend une certaine expertise pour comprendre le domaine de la
santé.
M. Gaudreault :
O.K. Et vous sentez qu'à l'AMP présentement il manque un peu de cette
expertise, en tout respect de l'AMP, là. De toute façon, on n'est pas là pour ça, là, mais je veux dire... donc dans des
secteurs plus spécifiques comme les vôtres, là.
M. Larose
(Benoit) : Ils la développent rapidement parce que le domaine de la
santé génère une bonne partie des dossiers à l'AMP. Pas pour des questions de
malversations, hein, c'est souvent des affaires de cadres normatifs qui ne sont
pas respectés. Puis, des fois, on se demande pourquoi les organismes publics ne
pensent pas... En fait, des fois, on trouve qu'ils sont un peu brouillons, là,
tu sais. Ils pourraient être un peu plus rigoureux dans certains cas.
D'ailleurs, c'est pour ça que l'AMP intervient.
Mais nous, on voit ça d'un bon oeil, là, d'avoir
un organisme public neutre, tu sais, qui peut recevoir, comme l'AMP, qui peut recevoir les doléances des
fournisseurs qui s'estiment lésés. Écoutez, on génère des milliers de
contrats par année, notre secteur. Donc, tu sais, c'est
du quotidien, là, avoir des... transiger avec les établissements ou avec le Centre d'acquisitions gouvernementales. Tu sais,
moi, comme représentant de l'association, j'ai beaucoup d'entreprises
qui m'appellent, qui me disent : Voyons! On ne comprend pas pourquoi ils
font ça comme ça. Ça ne fonctionne pas, on n'a pas de réponse. Le contrat
arrive à échéance, on n'est pas encore... bon.
M. Gaudreault : Bien,
je peux vous dire que, comme député, je l'entends beaucoup aussi. Il y a des
entrepreneurs dans ma région qui cognent à ma porte pour dire : Bien là,
je veux dire, c'est la maison des fous, là. Et il y a beaucoup de difficulté à
percer le marché.
On a eu une discussion, tout à l'heure, avec
les... Propulsion Québec puis la Chambre de commerce de Montréal sur l'enjeu du
cycle de vie. On pourrait même aller jusqu'à l'économie circulaire. Puis je
pense que, dans votre domaine, ça sera un bel exemple. Votre analyse là-dessus
par rapport au projet de loi?
M. Larose
(Benoit) : Bien, c'est parce
qu'il n'y a rien de contraignant. C'est ça. On aimerait ça que ce soit
plus...
M. Gaudreault : On revient...
On revient au point de départ.
M. Larose (Benoit) :
Absolument. Je pense qu'encore une fois la stratégie, la vision de la ministre,
elle est superbe, là. On est enthousiastes, là, dans l'idée de la soutenir pour
le mettre en place. Ce qu'on trouve, c'est que, puisqu'il y a des règles du jeu
qui sont limitantes, bien, changeons-les pour permettre d'aller... de
concrétiser plus vite. C'est ça qu'on vous demande.
Le Président (M. Simard) :
Alors, sur cette note positive, M. Larose, M. Verrault, merci pour
votre présence parmi nous aujourd'hui. Sur ce, nous allons suspendre nos
travaux pour l'heure du repas. On se donne rendez-vous tout de suite après les
affaires courantes. À plus tard.
(Suspension de la séance à 12 h 29)
(Reprise à 15 h 59)
Le Président (M. Simard) : Alors,
chers collègues, bienvenue à tous après cette période des questions. La
commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et
auditions publiques sur le projet de loi n° 12, Loi visant principalement
à promouvoir l'achat québécois et responsable par les organismes publics, à
renforcer le régime d'intégrité des entreprises et à accroître les pouvoirs de
l'Autorité des marchés publics.
Alors, nous sommes maintenant en présence de
représentants du Conseil du patronat du Québec. Nous sommes en distance, bien
sûr. Alors, auriez-vous d'abord l'amabilité de vous présenter, s'il vous plaît?
Conseil du patronat du
Québec (CPQ)
M. Blackburn (Karl) : Karl
Blackburn, président et chef de la direction du Conseil du patronat du Québec.
Mme Kozhaya (Norma) : Et Norma Kozhaya, vice-présidente à la recherche et
économiste en chef au Conseil du patronat.
Le Président (M. Simard) : ...à vous
deux, et vous disposez de 10 minutes.
• (16 heures) •
M. Blackburn (Karl) : Merci, M. le
Président. Mme la ministre, Mmes et MM. les parlementaires, de manière générale, le Conseil du patronat du Québec
accueille favorablement le projet de
loi n° 12 et la stratégie
gouvernementale des marchés publics dont fait partie le projet de loi.
Les marchés publics constituent des leviers
considérables pour encourager le développement durable ainsi que l'innovation
et la croissance de nos entreprises en vue de bâtir une économie plus
innovante, plus prospère, plus verte et plus
solidaire. C'est pourquoi le CPQ invite le gouvernement du Québec depuis
plusieurs années, et encore davantage dans le contexte de la COVID, à
utiliser les marchés publics de façon plus stratégique en vue d'encourager
l'atteinte de différents objectifs. L'achat
québécois peut répondre à des objectifs comme le développement de filières
industrielles, de régions et de bénéfices environnementaux ou sociaux. Aussi,
un rapprochement régional des chaînes de valeur est souhaitable dans des
domaines stratégiques ou dans des domaines où le rapprochement de la productivité
est devenu économiquement efficient, surtout lorsqu'on tient compte de
l'utilisation des ressources et des émissions de gaz à effet de serre à toutes
les étapes de production et de distribution.
Évidemment, les achats publics doivent toujours
se faire dans le respect des règles de libre-échange. C'est dans cet esprit que
le CPQ a prôné à plusieurs reprises le recours à un mode d'octroi des contrats
publics qui prenne en compte adéquatement des notions de qualité, de valeur et
de durabilité de performance environnementale, qui soit ouvert à l'innovation et qui évite de favoriser quasi systématiquement
le plus bas soumissionnaire. La règle du plus bas soumissionnaire
accorde une prépondérance aux coûts comme critère de sélection qui peut se
faire malheureusement au détriment d'autres retombées positives potentielles,
notamment au niveau de la qualité de l'environnement et du développement
régional. Dans cette logique du plus bas prix, les solutions les moins
dispendieuses ne sont pas nécessairement les plus durables.
Le p.l. n° 12 amène un
changement de paradigme bienvenu et représente une belle ouverture allant dans
le sens des contrats et des constats et impératifs que je viens de soulever
précédemment. Il permettrait notamment au gouvernement de déroger aux règles
d'adjudication et d'attribution traditionnelles, que ce soit afin de lutter
contre les changements climatiques, d'améliorer la représentativité des
entreprises et travailleurs autochtones ou encore de promouvoir l'innovation. Le p.l. n° 12 favorise aussi
l'achat québécois et régional, la participation des petites entreprises
et le développement durable. Le CPQ note que plusieurs des avancées proposées
par le projet de loi s'inscrivent dans le cadre d'arrêtés, de directives, de
programmes établis par le Conseil du trésor ou font partie du cadre de l'Espace
innovation des marchés publics.
En résumé, ces avancées relèvent essentiellement
d'un pouvoir discrétionnaire de la présidente du Conseil du trésor. Des
règlements viendraient également préciser certains éléments. À ce sujet, le CPQ
reconnaît que modifier les façons de faire ne se fait pas en claquant des
doigts et peut requérir d'expérimenter et d'y aller de façon graduelle. Il
faudrait toutefois garder à l'esprit l'importance de pouvoir normaliser, dans
un horizon relativement rapproché, les mesures qui s'avéreraient porteuses
selon les contrats et qui apporteraient une certaine prévisibilité. Le p.l. n° 12 représente donc un premier pas fort pertinent qui
pourrait toutefois être amélioré pour augmenter nos ambitions tout en demeurant
réalistes. De plus, l'élaboration des directives et des règlements gagnerait à
être faite en collaboration avec les acteurs économiques concernés pour
refléter la réalité du terrain.
Permettez-moi maintenant d'aborder quelques
éléments plus en détail. Au niveau du développement durable, le projet de loi
prescrit aux organismes publics de tenir compte, lors de l'évaluation de leurs
besoins, des objectifs qu'ils se sont fixés en vertu de la Loi sur le développement
durable et de ceux déterminés par le gouvernement dans la stratégie de
développement durable adoptée en vertu de cette loi. Il s'agit d'une avancée
intéressante par rapport à la situation actuelle. Dans la pratique, au-delà de
l'évaluation des besoins, qui est un bon point de départ, il faut que les
organismes publics donneurs d'ouvrage valorisent, dans leurs appels d'offres,
la recherche d'un développement durable et l'intégration de critères sociaux et
environnementaux. Cela implique également une plus grande cohérence dans les
actions des différents ministères et organismes et des règles qui favorisent
plus souvent le recours à d'autres modes d'octroi des contrats publics que le
plus bas soumissionnaire conforme, tout en reconnaissant que différents types
d'adjudication de contrats sont pertinents selon les circonstances propres au
projet.
Le CPQ recommande donc de systématiser
l'utilisation de critères sociaux et environnementaux par les ministères et organismes et les rendre
obligatoires dans l'adjudication ou l'attribution des contrats publics, bien
évidemment, dans le respect des ententes internationales et lorsque c'est
applicable, afin que l'octroi des contrats publics mise désormais sur des
critères de valeur plutôt que principalement le choix du plus bas
soumissionnaire conforme.
Je le souligne également, le fait que l'Espace
innovation des marchés publics proposé dans le projet de loi va rendre possible
l'intégration d'autres considérations en lien avec le développement durable. À
cet effet, le CPQ s'est souvent prononcé en faveur de la prise en compte et la
valorisation dans les contrats publics des notions de qualité, de performance environnementale, de valeur et de
durabilité des ouvrages. On réfère, par exemple, à l'évaluation à
l'échelle du cycle de vie ou au coût total de possession.
Toujours en lien avec l'Espace d'innovation des
marchés publics, le projet de loi précise que le but est de favoriser
l'évolution des règles contractuelles pour permettre aux organismes publics de
mieux contribuer à l'atteinte d'objectifs
gouvernementaux par le biais des marchés publics, soit, notamment,
l'accroissement des acquisitions responsables et une meilleure
intégration du développement durable et de l'innovation dans le processus
contractuel. Pour le CPQ, il s'agit sûrement
d'une avancée. La présidente du Conseil
du trésor aura ainsi le pouvoir
d'obliger un organisme public à recourir à certaines mesures, adopter et
intégrer certains critères, entre autres en lien avec le développement durable.
Aussi bien que la règle du plus bas
soumissionnaire demeure, ce qui peut être justifié dans certains cas, la mise
en place de modes de réalisation de projets alternatifs plus collaboratifs,
au-delà du plus bas soumissionnaire, pourra ainsi être encouragée. Il est
espéré que la présidente du Conseil du trésor fera large usage de sa discrétion
établie dans le nouvel article 14.9. Pour l'atteinte des objectifs, il
faudrait que l'expérimentation et l'apprentissage puissent se faire
relativement rapidement, et avec un nombre adéquat de contrats ou de projets
pour pouvoir aboutir à un cadre qui soit applicable de façon plus généralisée
et prévisible aux différents types de contrats. Un engagement clair et concret
en ce sens est extrêmement important.
Pour tenir compte de la diversité des contrats
publics et de la réalité du terrain, la collaboration entre les différentes parties prenantes de l'industrie est
nécessaire pour identifier les mesures les plus pertinentes selon les
différentes situations et les divers contrats. Ce dialogue tôt dans le
processus, qui fait partie, d'ailleurs, des principes prônés par l'OCDE,
pourrait contribuer de mettre en évidence tout potentiel d'amélioration ou de
signaler des problèmes.
Maintenant, au niveau de la régionalisation et
des appels d'offres. Pour le CPQ, l'utilisation des marchés publics pour dynamiser les régions est sûrement
souhaitable. Une attention devrait toutefois être portée à ce que
l'obligation du recours à la procédure
d'appel d'offres régionalisée, dont l'objectif est louable, n'ait pas de
conséquences indésirables, par
exemple d'exclure des fournisseurs de régions voisines, qui ont bien souvent
des activités qui dépassent les frontières administratives de leur région. Une conséquence pourrait alors être de
réduire la concurrence, ce qui n'est pas souhaitable.
Par ailleurs,
le gouvernement doit s'assurer, à travers ses appels d'offres et acquisitions,
d'appuyer le développement de chaînes de valeur régionales, en
particulier dans le domaine des énergies renouvelables, qui représentent un fort potentiel de développement
dans de nombreuses régions, tout en encourageant l'économie circulaire.
Je termine en abordant les conditions de succès
nécessaires, selon le CPQ, pour atteindre les objectifs du projet de loi
n° 12. On observe, depuis plusieurs années, une diminution de la capacité
des fournisseurs à répondre à la demande et aux appels
d'offres publics, surtout dans le secteur de la construction. Cela est dû à
plusieurs raisons interdépendantes : problèmes de disponibilité de
main-d'oeuvre, formules contractuelles décourageantes, besoins et conditions
souvent irréalistes, tarifications désincitatives, réglementations
improductives et enjeux répétés en matière de
contestations et de retards de paiement ne sont là que quelques exemples. Pour
augmenter le nombre de soumissionnaires et améliorer la participation
des PME et la concurrence dans les marchés publics, il faut adopter rapidement
les solutions requises à ces sujets.
Les délais
pour recevoir son paiement, qui demeurent longs, représentent un irritant
important pour les fournisseurs de l'État. Certaines entreprises,
notamment en construction, ont abandonné l'idée de participer aux appels
d'offres du gouvernement, entre autres parce que les délais de paiement sont
trop longs. Pour le CPQ, le p.l. n° 12 devrait être
l'occasion de régler la problématique des délais de paiement une fois pour
toutes.
Je termine rapidement en mentionnant que la
formation et l'expertise des fonctionnaires seront décisives pour permettre de
prendre le virage souhaité. En ce sens, je souligne qu'il est intéressant de
voir que la stratégie prévoit des mesures de formation...
• (16 h 10) •
Le Président (M. Simard) : En
conclusion, s'il vous plaît.
M. Blackburn (Karl) : ...tout en
rappelant qu'une mise en manoeuvre efficace de ces éléments sera cruciale pour
répondre et atteindre ces objectifs. Merci de votre attention.
Le Président (M. Simard) : Merci.
Merci, M. Blackburn. Je cède maintenant la parole à la présidente du Conseil
du trésor.
Mme LeBel : Merci. Merci,
M. Blackburn, de votre présence. On a d'ailleurs eu l'occasion de
discuter, là, de ce type de questions là sur d'autres projets de loi. Je vais
peut-être commencer par la fin de votre commentaire. Je suis... Vous parlez des
retards de paiement qui ne sont pas nécessairement directement visés par le
projet de loi n° 12, mais je comprends très bien que vous souhaitez, à
tout le moins, qu'on réfléchisse à une façon d'agir rapidement suite au... j'allais
dire projet de loi, suite au projet pilote qui vient de se terminer et de voir
si on peut évaluer les possibilités d'agir dans le présent projet de loi.
Je peux vous rassurer sur une chose, je suis
très satisfaite des conclusions du projet pilote. Je pense que ça démontre,
tant dans l'établissement d'un calendrier de paiement que d'avoir des
mécanismes de règlement des différends, je pense que c'est important d'agir. Et
d'ailleurs quelques-uns se posaient la question ce matin en disant : Pourquoi
on doit... on a besoin d'un projet de loi? Le gouvernement devrait payer, point
final, dans les délais. Bon, c'est sûr qu'on... Personne n'est contre la vertu,
mais on sait que, des fois, c'est plus compliqué dans la réalité. Donc, si on
peut avoir des mécanismes et instaurer des choses qui nous aident à aller de
l'avant, je pense que c'est souhaité et souhaitable.
Peut-être,
juste là-dessus, je me suis déclarée satisfaite, mais je ne voulais pas vous
mettre des mots dans la bouche. Est-ce que vous pensez que les
conclusions du projet pilote sont quand même somme toute positives? J'ai
peut-être donné mon opinion trop rapidement
là-dessus, là, mais je pense qu'on va être d'accord, à tout le moins, sur cet
aspect-là.
M. Blackburn (Karl) : Je vous
rassure tout de suite, Mme la ministre, nous sommes d'accord effectivement sur
les conclusions. Et, comme nous l'avons mentionné dans notre présentation de
mémoire, vous avez une belle occasion de pouvoir légiférer en lien avec ces
délais de paiement, entre autres, qui, malheureusement, malgré la bonne vertu
qu'on peut avoir, dans certains cas, peuvent décourager des entreprises de
participer à des appels d'offres parce que celles-ci n'ont pas nécessairement
les capacités financières de supporter des longs délais de paiement. Si les
montants sont plus élevés, bien évidemment que ça devient un peu fragilisant
pour leur structure. Alors, si les conclusions de votre test sont positives et
si vous avez l'occasion de faire des modifications dans votre projet de loi,
nous vous invitons effectivement à les apporter pour les inclure dans le projet
de loi.
Mme LeBel : Je peux vous
garantir, en tout cas, vous assurer que notre gouvernement a l'intention d'agir
dans cet aspect-là. D'ailleurs, dans le projet de loi n° 66, on a, outre
le projet pilote, on a quand même étendu le même mécanisme, si vous voulez, à
tous les projets de loi de l'annexe, qui est devenue une loi maintenant puis un
projet de loi, mais on le connaît sous le nom de 66, donc je me permets de
continuer à le citer sous cet aspect-là. On a déjà étendu ces mécanismes-là à
tous les contrats et sous-contrats, d'ailleurs, du... qui sont à l'annexe, qui
sont pour les projets à l'annexe du projet de loi. Donc, je voulais juste vous
rassurer que je suis... que j'en prends bonne note, qu'on va d'ailleurs
recevoir ici la coalition sur les retards de paiement également. Donc, c'est un
enjeu pour lequel on est très sensible. Et on est à la recherche, avec les
équipes et les gens concernés... D'ailleurs, vous faites... Certaines des
entreprises qui font partie de votre groupe sont en discussion aussi avec nous,
à la recherche d'une solution la plus rapide possible et aussi la plus complète
possible. Donc, je voulais juste clore là-dessus, compte tenu que ce n'est pas
nécessairement l'objet du projet de loi, mais je comprends la préoccupation.
Puis vous avez raison, des fois, tout est dans tout, hein, donc, comme on parle
de saine concurrence, d'augmenter les bassins d'entreprises capables de
soumissionner aux contrats publics, c'est un aspect qui est un frein, alors je
pense qu'il faut le comprendre. Maintenant, on verra dans quelle... de quelle
façon et dans quelle séquence on pourra adresser cet enjeu.
Donc, peut-être aller sur l'autre frein, qui a été
mentionné d'ailleurs dans la consultation qui a été menée, entre autres, par mon collègue de Maskinongé, député de
Maskinongé, qui est l'adjoint parlementaire, mon adjoint parlementaire également, sur l'accès des entreprises, c'est-à-dire aux
appels d'offres, la capacité de soumissionner. Est-ce que vous pouvez nous en
parler un peu plus, des préoccupations de certaines entreprises? Vous l'avez
mentionné, en fin de parcours dans votre allocution, sur, des fois, la
complexité des appels d'offres, des fois... Bon, disons qu'on va mettre de côté
ce qui est intrinsèque aux entreprises, là, le manque de main-d'oeuvre, des
choses comme ça, parce que je la comprends très bien. Mais, au niveau des
appels d'offres, il y a plusieurs aspects qui sont proposés dans le projet de
loi qui doit se lire avec la stratégie naturellement : le tremplin,
l'accompagnement, donner un meilleur accès aux entreprises, la formation, tant
pour les fonctionnaires, et ministères, et organismes, mais aux entreprises
aussi, pour un peu les prendre par la main et leur donner accès à leur premier
contrat public qui, après ça, peut leur donner une expérience, des équipes
multidisciplinaires pour le faire, peut-être des appels d'offres plus
standardisés dans les cas où c'est possible de le faire. Quel est votre
positionnement là-dessus?
M. Blackburn (Karl) : Je vais
demander à ma collègue Norma de répondre à votre question précisément, mais,
avant, j'aimerais quand même ajouter quelques éléments.
D'abord sur la stratégie qui accompagnait le
projet de loi, nous avons démontré que nous étions très ouverts à cette
stratégie-là pour favoriser le développement régional, pour permettre aux
entreprises, dans toutes les régions du Québec, avec les moyens qu'elles
avaient, de pouvoir participer à des contrats publics et ainsi permettre de
créer des activités économiques dans les régions.
Mais plus précisément, pour répondre vraiment à
la question, je demanderais à Norma, qui est en contact étroit avec nos membres,
de peut-être apporter certains éléments de réponse.
Mme Kozhaya (Norma) : Effectivement. Merci, Mme la ministre, M. le Président.
Effectivement, il y a plusieurs éléments qui
ont été soulevés. Et les irritants, mettons, entre guillemets, dépendent aussi
des entreprises. Il y a des éléments, par exemple, comme les garanties
personnelles, c'est un enjeu, les clauses, des fois, contractuelles. On l'a vu
beaucoup aussi avec la COVID. Des fois, s'il y a un retard, c'est qui... la
responsabilité. On comprend que le gestionnaire public veut réduire son risque
en même temps, mais il y a des clauses qui ne permettaient pas un bon partage de risque et mettaient, mettons, tout le
fardeau du risque sur l'entrepreneur, des éléments aussi comme, par
exemple, la possibilité de porter plainte des fournisseurs, pas juste des
cocontractants. Donc, encore là, c'est tous des éléments qui ont été soulevés.
Bien sûr, les retards de paiement, c'est quand
même important, parce que c'est le nerf de la guerre et ça pénalise notamment
les PME. Et peut-être aussi, comme vous l'avez mentionné, la complexité ou du
moins la perception de complexité, parce
qu'ils se disent : Dans quoi je m'embarque? Je commence, mais je ne sais
pas comment ça va aboutir. Donc, tous ces volets-là. Et c'est pour
cela... Et l'utilisation... tout ce qui est aussi technologique, électronique,
c'est quelque chose sur lequel le gouvernement peut également travailler.
Donc, ces éléments-là, qui étaient peut-être
mentionnés le plus souvent, les clauses contractuelles dans certains cas, donc,
les garanties personnelles, les retards et puis les... un peu le risque que,
des fois, ces entrepreneurs prennent. C'est sûr que, surtout dans un contexte
où ça va plutôt bien, elles vont choisir peut-être quelque chose de plus
sécuritaire avec le secteur privé plutôt que le secteur public.
• (16 h 20) •
Mme LeBel : Merci. Vous avez
mentionné, M. Blackburn, une phrase qui m'a beaucoup plu, parce que c'est
la philosophie derrière l'Espace d'innovation qui est créé dans le projet de
loi, c'est-à-dire je comprends qu'il faut le faire quand même de façon
soutenue, mais vous parlez d'expérimenter, y aller de façon graduelle, et pour
ensuite se donner l'occasion de normaliser les pratiques ou les bonnes
pratiques, je vais le dire de façon générale, là, les bonnes idées ou les
bonnes... les choses positives qui ressortent de cet espace d'innovation là où
on a pu expérimenter différents critères, d'ailleurs, de cycle de vie, de
valeur ajoutée, de valeur globale, là, qui comprennent aussi les coûts de
possession, et j'en passe, là, on pourrait en discuter longtemps. Si vous aviez
à me proposer des premiers types d'appels d'offres, des premiers types
d'expérimentation à faire dans cet appel... dans cet espace d'innovation au
lendemain de l'adoption du projet de loi, disons, vous commenceriez par quoi?
Les objectifs sont clairs dans la loi, là, mais,
naturellement, l'idée, c'est de se garder une agilité aussi puis ne pas revenir
en commission parlementaire à tous les deux ans pour modifier la loi. Donc, il
fallait trouver un équilibre entre un encadrement suffisant pour que
l'intégrité des marchés publics soit respectée, c'est-à-dire qu'il y ait des
balises à l'Espace d'innovation, mais y avoir, je dirais, un flou, dans le sens
positif, suffisant également pour se permettre d'expérimenter, parce que c'est
l'objectif, là, et, des fois, c'est contre-intuitif, quand on parle de contrats
publics, de se laisser un espace. Alors, vous prendriez ça... si vous étiez
président du Conseil du trésor au lendemain de l'adoption du projet de loi,
vous commenceriez par quoi, là, pour commencer à expérimenter, de façon
graduelle toujours, là? Parce qu'il faut aussi renverser la vapeur dans
plusieurs domaines puis, des fois, il faut le faire graduellement. Rondement,
mais graduellement.
M. Blackburn (Karl) : D'abord,
votre question, elle est excellente. D'abord, on souligne la sagesse que vous
démontrez en lien, justement, avec la capacité que vous avez d'adapter au fur
et à mesure de l'évolution des résultats, de l'atteinte des résultats. Vous
faites preuve de sagesse, parce que c'est vrai que le gouvernement, du jour au
lendemain, n'a pas la science infuse et n'a pas nécessairement toute
l'expertise pour être capable d'aller de l'avant avec : Voici de quelle
façon ça devrait fonctionner, puis respectez ces règles. Alors, vous avez la
sagesse de vous donner cette capacité d'ajuster puis d'adapter. Et on souhaite
que ça soit le plus court possible pour, justement, apporter aux entreprises
cette certaine... cette prévisibilité qui est importante en termes
d'investissement puis de mobilisation.
Maintenant,
pour répondre plus précisément à la question que vous posez, il faudra aussi
identifier quelles seraient les priorités du gouvernement. Et je m'explique.
Chacune des régions du Québec n'ont pas les mêmes outils entre les mains pour
être capables... ou les entreprises de chacune des régions du Québec n'ont pas
les mêmes outils en main pour être capables de relier ou de réaliser l'ensemble
des contrats unifiés à travers le Québec. Alors, vous pourriez certainement,
comme gouvernement, identifier quelles sont les forces du Saguenay—Lac-Saint-Jean,
quelles sont les forces de la Côte-Nord, quelles sont les forces du Centre-du-Québec
pour être capables de développer des secteurs qui permettraient à des
entreprises, dans ces régions, qui ont développé une expertise, qui ont
développé un savoir, qui ont développé une capacité en lien avec leur empreinte
régionale, vous seriez en mesure de pouvoir identifier des secteurs qui
permettraient, justement, à ces entreprises de pouvoir participer à des appels
d'offres. Dans certains cas, ça pourrait être lié avec la technologie vidéo,
lié avec le développement technologique. Dans le Bas-Saint-Laurent, dans la Gaspésie,
il y a des secteurs extrêmement importants reliés à ça. Dans le Centre-du-Québec,
ça pourrait être des éléments reliés avec l'énergie, l'énergie renouvelable. Je
pense, entre autres, à des entreprises qui sont dans ces régions-là. Donc, vous
auriez la capacité, tout en étant agiles, d'identifier les forces de chacune
des régions et de tenter de prioriser des appels d'offres qui mettraient en
valeur les entreprises dans ces régions. Et je pense que ça pourrait être un
choix extrêmement judicieux et intelligent de la part du gouvernement.
Mme LeBel :
Merci. On a parlé beaucoup aussi, ce matin dans un autre domaine en
particulier, je pense c'est Medtech, mais d'autres, sur cette espèce de
dialogue compétitif dans certains secteurs qui devrait... qui devait se mettre
en place. Souvent, on l'a, par contre, ce principe-là est déjà intégré, au
gouvernement, en matière de technologies de l'information où on se donne le
loisir d'être capable de discuter. On parle d'appels de solutions souvent
pour... Je dois vous dire, quand on prend un pas de recul, que, souvent, cette
notion de dialoguer avec les entreprises, quand on parle du secteur public, de
l'argent des Québécois, des contrats publics... et de dialoguer avec le secteur
privé peut souvent être perçu comme étant dangereux, hein, dans le sens de
l'intégrité. Puis je le dis parce que c'est un peu la raison de la zone
d'Espace d'innovation, c'est de se permettre de le faire dans certains cas de
figure en annonçant nos couleurs et en disant qu'on allait le faire, mais
est-ce que vous ne pensez pas qu'effectivement, dans le cadre de l'Espace
d'innovation, ce sont des pratiques qu'on peut expérimenter ou, à tout le
moins, mettre de l'avant et, au moins... Il y a aussi se donner la chance de
démontrer aux Québécois que ça fonctionne, là. Moi, je le vois dans les deux
sens, cette zone d'innovation là, prendre de l'expérience, pour le
gouvernement, aider à identifier nos besoins, permettre aux entreprises de
s'adapter aux besoins du gouvernement et, vice versa, donner au gouvernement
l'occasion de connaître l'innovation pour pouvoir l'acquérir en temps opportun,
mais aussi rassurer le public qu'on fait les choses correctement avant de
normaliser les pratiques dans l'ensemble des marchés publics. Est-ce que vous
avez un peu... Est-ce que vous pensez que c'est une vision qui peut se défendre
ou...
M. Blackburn
(Karl) : D'abord, les préoccupations que vous avez, Mme la ministre,
sont justifiées et justifiables. Il est clair que, dans le domaine public, on
se doit d'être respectueux des plus hauts standards et on se doit de rassurer
la population en lien avec la gestion des sommes publiques.
Mais j'aimerais me
baser sur un exercice ou un exemple qui s'est produit dans les deux dernières
années. Prenez l'exemple de la participation des entreprises dans la campagne
de vaccination. Alors, cette campagne a été orchestrée en grande partie par le
gouvernement du Québec, par le ministère de la Santé, entre autres, avec
M. Dubé, mais il y a eu des rencontres au préalable qui ont été amorcées
avec des entreprises qui avaient des outils entre les mains ou des équipements
qui pouvaient aider ou faciliter la vaccination. Alors, l'expertise des
entreprises a été mise à contribution avec l'objectif gouvernemental. Le tout
s'est fait dans le respect des règles, mais ça a permis d'aller chercher une
efficience que, n'eût été de cette collaboration en amont... n'aurait pas été
capable. Alors, on le voit, ça, ça a été l'exemple de la vaccination, mais on a
vu d'autres exemples, en lien, par exemple, avec la fabrication d'équipements
aidant à la respiration des malades qui étaient plus affectés. Des entreprises,
avec leur expertise, leurs équipements, leur savoir, ont collaboré à établir
des grands objectifs gouvernementaux en lien avec la protection de la santé,
et, sincèrement, ça a donné des résultats positifs. De cette façon, si on s'en
inspire, on est capables de réaliser des éléments tout en assurant que le
respect des règles est fait de la façon la plus stricte possible.
Mme LeBel : Mais
merci. Puis, écoutez, j'ai vu qu'il y avait des recommandations plus précises,
là, sur des amendements à certains articles, donc on va en prendre connaissance
avec beaucoup de sérieux. Merci de votre participation.
M. Blackburn
(Karl) : Merci à vous.
Le Président (M.
Simard) : Merci à vous, Mme la ministre. D'autres interventions de la
part des collègues du côté ministériel? Alors, M. le député de Mont-Royal—Outremont, à vous la parole.
M. Arcand : Merci
beaucoup, M. le Président. Écoutez, d'abord, M. Blackburn, c'est un
plaisir de vous revoir, et également
Mme Kozhaya, et ce n'est pas la première fois qu'on participe comme ça
dans une commission parlementaire.
Alors, ma première
question. Il y avait un groupe patronal qui est venu, ce matin également, et
qui a mis un peu en doute, malgré les bonnes
intentions de ce projet de loi, la capacité, si on veut, organisationnelle du
gouvernement, la culture, je dirais, organisationnelle du gouvernement, de
vraiment faire des offres, des appels d'offres qui sont basés sur autre chose
que le bas prix. Et je voulais savoir si les membres du Conseil du patronat
perçoivent ça également de la même façon.
M. Blackburn
(Karl) : D'abord, c'est un plaisir partagé de vous retrouver, M. le
député. Mais sachez que les préoccupations que nous avons concernant l'agilité
de l'État à s'adapter, à réagir, à avoir une certaine flexibilité, c'est
toujours dans notre esprit, mais je dirais que les deux dernières années ont
démontré que, lorsqu'on veut, c'est possible. Alors, je pense que, dans ce
contexte, on peut effectivement s'améliorer. La volonté du gouvernement dans le
projet de loi, c'est de faire en sorte que des expériences vont nous permettre
d'aller chercher, d'aller soutirer le meilleur du fonctionnement, et ça va nous
permettre d'adapter des critères qui vont assurer cette flexibilité et cette
agilité-là.
Je donnais quelques exemples, tantôt, à la
ministre concernant une régionalisation encore plus grande en fonction
peut-être de certains critères en lien avec les capacités régionales de se
forger leur propre photo économique. Donc, ça, c'est des éléments qui sont
concrets, qui peuvent faire partie de la différence.
Maintenant, ceci étant dit, on ne peut plus
faire comme avant et exclure des critères d'évaluation, des soumissions, les
critères environnementaux, des critères de durabilité dans le temps. On ne peut
plus faire comme si ça n'existait pas. Alors, le CPQ, d'ailleurs, participe de
façon très étroite avec le G15, et on aura l'occasion d'en parler tout à
l'heure avec les représentants du G15, mais il est clair qu'on se doit
maintenant de continuer de jouer un rôle de leader et de faire que ces critères
environnementaux de durabilité puissent être partie prenante pour le
gouvernement dans son processus de réflexion et d'appels d'offres, parce qu'à
long terme nous sommes convaincus que ça va être bon pour les finances
publiques, ça va être bon pour notre société, et les retombées vont être
également bonnes dans l'ensemble des régions du Québec.
M. Arcand : Peut être une
question à Mme Kozhaya qui étudie plusieurs, peut-être, formules
parfois : Est-ce qu'il y a des pays, un peu, dans le monde, qui ont adopté
des formules? On parlait des États-Unis, entre autres, là, où certains États ne
regardaient pas la question du bas prix seulement. Est-ce qu'il y a d'autres
endroits que vous connaissez, dans le monde, où on est quand même pas mal plus
avancé qu'au Québec par rapport à l'inclusion de ces différents critères-là
actuellement?
Mme Kozhaya (Norma) : Oui, tout à fait. Il y a plusieurs pays de l'OCDE et les
États unis, bien sûr, mais aussi en Europe, le Royaume-Uni, l'Allemagne et
même, plus près de chez nous, même l'Ontario, ils ont, dans certains cas, des
formules qui sont plus innovantes, mettons qu'on parle de propositions non
sollicitées ou d'autres appels de solutions, où ce n'est pas nécessairement
strictement par rapport à l'inclusion de critères environnementaux, mais c'est
dans un cadre qui est plus flexible par rapport à répondre à des besoins, donc,
de marchés publics tout en répondant à un ensemble de questions et qui évite,
dans ce cas, simplement le plus bas soumissionnaire. Parce qu'on vient avec une
solution à un problème, donc on compare des projets globalement, pas juste sur
la base de prix.
• (16 h 30) •
M. Arcand : D'accord, en tout
cas, si jamais vous avez certains... certaines informations à donner au
ministère en ce sens là, je pense qu'au Conseil du trésor ça serait très
apprécié, parce que ça va... Les règlements vont suivre après le projet de loi,
ce serait donc important de savoir exactement s'il y a une formule qui est un
peu plus consensuelle qu'une autre, là. De ce côté-là, est-ce qu'il y a quelque
chose qui... Évidemment, on le disait ce matin, quand on parle, par exemple,
d'un produit de base, c'est évidemment le plus bas prix qui est nécessaire,
mais, dans plusieurs cas, ce n'est pas la même... on ne doit pas voir ça de la
même façon, et, en ce sens là, je pense que c'est important.
La ministre a aimé des choses. Moi aussi, j'ai
aimé des choses dans votre mémoire, dont, entre autres, M. Blackburn, la
préoccupation que vous avez pour les régions et évidemment pour la question
énergétique. Il me semble qu'au Québec on pourrait avancer plus vite en matière
de biocarburants, on pourrait avancer plus vite en matière d'hydrogène. Notre
formation politique a des projets, entre autres projet ÉCO qui est un projet
important dans ce domaine-là. Et il y a une foule de possibilités régionales
qui ne se feront pas, à moins que le gouvernement, à moins que l'État, soit un
joueur de premier plan. Et je voulais que vous me donniez un peu votre vision
des choses dans la mesure où est-ce... qu'elles sont les opportunités
actuellement qui font qu'on n'en profite pas au Québec?
M. Blackburn
(Karl) : Mais d'abord vous le savez que je suis un fervent
régionaliste. J'ai l'eau du lac Saint-Jean qui circule dans mes veines,
alors c'est clair que j'ai à coeur le développement économique des régions. Et,
comme je l'ai mentionné tout à l'heure, les régions, elles sont différentes les
unes des autres. Dans le Bas-Saint-Laurent, il y a des avantages qui leur sont
propres. Le Saguenay—Lac-Saint-Jean,
la Côte-Nord, la Gaspésie, l'Abitibi ont toutes et tous des avantages qui leur
sont propres. Et l'énergie est indéniablement un point porteur pour les
entreprises et l'économie du Québec.
Nous avons la
capacité d'avoir une énergie qui est propre, qui est renouvelable. Nous avons
un territoire qui est immense. Nous avons accès à des ressources qui sont, ma
foi, quasiment illimitées, mais qui peuvent générer des retombées extrêmement
positives pour le Québec et les régions du Québec. Et il est clair que la
situation dans laquelle on évolue, et malheureusement on voit que la fragilité
dans laquelle on est avec la mondialisation... et cette fragilité dépend bien
évidemment des combats ou des situations géopolitiques qui se produisent
actuellement et qui ont des répercussions et des conséquences sur nous. Alors
nous avons la capacité d'avoir accès, comme je le mentionnais, à un territoire
qui est vaste, qui est riche. On a accès à des hommes et des femmes qui
détiennent de l'expertise, des capacités et des qualités extrêmement
importantes, tout ce qu'on a besoin d'être capables de faire, c'est de les
accompagner. L'État a un rôle clé à jouer en lien avec ces nouveaux secteurs là
qui, souvent, demandent beaucoup plus d'efforts, de recherche, de
positionnement avant d'être capable de commercialiser, par exemple, certains
produits, ou certains biocarburants, ou
certaines nouvelles sources d'énergie. L'État doit pouvoir contribuer de façon
significative à supporter le développement de ces filières parce qu'elles sont
porteuses et elles sont porteuses pour les régions, pour l'économie du Québec dans son ensemble et pour le
futur. Et moi, je suis convaincu qu'on peut jouer un rôle extrêmement
important et beaucoup plus grand que ce qu'on peut faire actuellement avec les
entreprises au Québec
M. Arcand : Très
bien. Merci. Et vous avez parlé évidemment des contrats publics en
construction. C'est rendu à un point tel, moi, j'entends des contracteurs qui
nous disent, par exemple, que, si, dans le prochain budget de la semaine
prochaine, on augmente le Plan québécois des infrastructures, pas sûr que ça va
nécessairement nous aider, parce que les...
plusieurs trouvent d'abord que les appels d'offres du gouvernement sont trop
compliqués, sont... les retards de paiement, c'est une chose, etc. Entre
autres, on m'a parlé des maisons des aînés dans lesquelles il y a des retards importants qui... Et donc comment se fait-il...
Est-ce qu'il y a des... Est-ce qu'on est les plus mauvais payeurs en
Amérique du Nord ou est ce que c'est... C'est quoi, le problème, d'après vous?
M. Blackburn
(Karl) : Bien, peut-être que je vais demander à Norma de répondre plus
précisément à la question que vous posez, M. le député, mais il est clair que,
comme la ministre en a parlé tout à l'heure, avec le projet de loi n° 66, qu'on
appelle 66... le projet de loi n° 66, il y a eu des exemples concrets de
projets qui ont été identifiés pour être capables de les amener à bon terme de
façon plus rapide, plus efficace, avec justement certains critères de
durabilité et de qualité dans le temps. Ça donne des résultats. Alors, ça,
j'espère que ça sera porteur pour la suite, mais, plus précisément, Norma,
j'aimerais ça que tu puisses ajouter des éléments beaucoup plus concrets, là, à
la question du ministre... du député.
Mme Kozhaya (Norma) : Oui, effectivement, je crois qu'un élément important est celui aussi de
la main-d'oeuvre et des travailleurs, et ça, nous avons plusieurs
propositions au CPQ pour s'adresser à cette question-là, entre autres à travers
l'immigration, par exemple, que ça soit les travailleurs temporaires ou
permanents. Et on sait que le secteur de la construction, c'est un domaine,
quand même, que j'aimerais... qu'on mentionne dans notre mémoire, c'est que,
oui, il y a toute la loi et les règlements
sur les contrats publics et il ne faut pas oublier aussi toutes les lois et les
réglementations qui entourent spécifiquement le secteur de la construction, la
loi R-20, etc.
Donc, comment on
fait, un, pour amener plus de travailleurs, idéalement, et, deux, pour
s'assurer que tous les travailleurs puissent travailler? Et donc le recours aux
nouvelles technologies, on sait que ça commence. Il y a le BIM. Il y a des projets pilotes aussi et des projets en
collaboration avec l'industrie pour tout le volet qui est plus
technologique, qui peut aider aussi. À l'origine, le BIM, c'était juste les
grandes entreprises. Là, on voit des petites entreprises qui l'intègrent de plus en plus. Donc, ces deux
éléments-là... Et on sait que le gouvernement veut travailler pour
l'intégration du numérique, là, attirer des gens.
Donc, c'est un
ensemble. Il faut s'attaquer à la question de la main-d'oeuvre, à la question
technologique et à la question de la réglementation où est-ce qu'il y a des
bouts qu'on peut peut-être alléger et qu'on peut encourager une utilisation
plus optimale de toutes les ressources. Et d'ailleurs, dans le... Aussi, on
dit : Oui, il faut intégrer les personnes éloignées du marché du travail,
mais il faut que la réglementation le permette d'une certaine façon. Et donc comment encourager, soutenir les entreprises et
puis s'assurer que la réglementation puisse permettre cette intégration-là?
Le Président (M.
Simard) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à la députée de
Mercier.
Mme Ghazal : Merci, M. le Président. Merci beaucoup, madame,
monsieur, contente de vous revoir dans cette commission.
Moi, j'aurais une
question par rapport à vos recommandations 1 et 2 où vous parlez qu'il
faut renforcer, il faut rendre obligatoire la tenue en compte de critères
environnementaux et sociaux. Donc, je comprends que vous trouvez que le projet
de loi n'en fait pas assez. Vous faites partie du G15. Vous en avez parlé. J'ai
envie de poser une question qui peut paraître naïve. Pourquoi est-ce que c'est
important que le patronat puis que les entreprises privées... que le
gouvernement rende ces critères-là obligatoires? On pourrait penser que c'est
un fardeau supplémentaire. Pourquoi est-ce que c'est profitable? On ne vous
entend pas.
M. Blackburn
(Karl) : C'est profitable dans la mesure où le signal qui est envoyé
de la part du gouvernement, il est clair. Et, dans ce contexte, bien
évidemment, ceux et celles qui vont devoir appliquer les orientations
gouvernementales devraient ou devront en tenir compte. Mais ce qu'on mentionne
également dans notre mémoire, et je pense
que c'est important de le réitérer, nous sommes favorables au libre-échange, au
respect des règles de commerce international, et ce qu'on mentionne,
c'est que ça puisse être obligatoire dans la mesure où c'est possible de le
faire là où c'est applicable. Donc, ça donne
encore quand même cette flexibilité au gouvernement et aux organisations
publiques de le faire, mais je pense que ça serait vraiment un élément porteur,
un message fort que pourrait envoyer le gouvernement pour inciter les donneurs
d'ordre, inciter la machine gouvernementale, les ministères, les organismes
publics de prendre en priorité ces volontés d'ajouter des critères de
durabilité et de qualité en lien avec le développement durable.
Mme Ghazal : Pour
vous, les accords internationaux ne nuisent pas du tout ni à l'économie locale
ni au respect des objectifs environnementaux pour le Québec?
M. Blackburn
(Karl) : Bien, pas du tout. Alors, comme on le mentionnait, nous, on
favorise le respect des règles internationales de commerce et on est favorables
à l'ouverture des marchés, mais, dans ce contexte, comment pouvons-nous faire
en sorte que l'économie du Québec puisse, dans ce contexte d'ouverture, mettre
à profit ces avantages qui sont ici, au Québec?
Mme
Ghazal : Ça peut rester juste des voeux pieux.
M. Blackburn
(Karl) : Non, mais, si c'est indiqué de la part du gouvernement dans
un contexte vraiment de vision à long terme, bien, je pense que c'est plus que
des voeux pieux.
• (16 h 40) •
Mme Ghazal : Je
ne sais pas si j'ai quelques secondes. J'ai une question par rapport aux
dispositions relatives au régime d'intégrité des entreprises de l'AMP. Vous
êtes inquiets de ne pas trop alourdir le fardeau administratif, etc. Vous ne
pensez pas que ce qui a été mis dans le projet de loi permet un équilibre
entre... justement, en prolongeant la période, là, d'autorisation, là, par
l'AMP pour les entreprises, un équilibre entre la confiance du public et
s'assurer de l'intégrité des marchés?
M. Blackburn
(Karl) : Je vais demander à ma collègue...
Mme Ghazal : Vous
ne pensez pas : On devrait alléger plus?
M. Blackburn
(Karl) : Je vais demander à ma collègue Norma de répondre à votre
question, Mme la députée.
Mme
Kozhaya (Norma) : Oui. On voulait
effectivement surtout souligner l'importance de faire attention à ce volet-là,
parce qu'effectivement l'objectif d'assurer l'intégrité, on souscrit à
100 %. Il faut s'assurer que chaque mesure ou chaque exigence, est-ce
qu'elle va vraiment dans cet objectif-là? Est-ce qu'elle est.. Est-ce qu'elle va
aider à l'atteinte de cet objectif? Effectivement, le prolongement de trois à
cinq ans, on pense que c'est bienvenu. On nous a dit qu'a priori les exigences,
quand même, annuelles vont demander plus de ressources.
Le Président (M.
Simard) : Très bien. Merci.
Mme
Kozhaya (Norma) : ...de travailler pour ne
pas alourdir indûment.
Le Président (M.
Simard) : Merci beaucoup. M. le député de Jonquière.
M.
Gaudreault : Oui. Merci beaucoup de votre présence. Bonjour. Alors, si
l'eau du lac coule dans vos veines, après ça, il coule dans le Saguenay, qui,
lui, coule dans mes veines. Donc, je pense qu'on devrait bien s'entendre.
J'ai remarqué, à la
page 5 de votre mémoire, la volonté de réaliser une reddition de comptes
annuelle sur l'application du chapitre II.1 du projet de loi, qui est le
chapitre sur le développement durable et sur les espaces d'innovation.
J'aimerais ça vous entendre un petit peu plus sur cette reddition de comptes
annuelle. Je trouve ça intéressant. Vous êtes les premiers à l'amener. En
passant, je salue vraiment, là, le virage du Conseil du patronat vers les
critères de développement durable, l'évaluation, systématiser les critères de
développement durable. Donc, sur la reddition de comptes, comment vous voyez
ça?
M. Blackburn
(Karl) : D'abord, avant de céder la parole à ma collègue, je veux vous
remercier, M. le député, et surtout vous
féliciter pour votre carrière parce que j'ai vu récemment que vous alliez
prendre une certaine retraite de la carrière politique. Alors, je veux
vous féliciter pour le travail que vous avez fait. On a été des fervents
opposants, des collaborateurs, et je tiens
vraiment à vous féliciter pour la carrière que vous avez faite au cours de vos
années en politique.
Mais le développement
durable, avant de demander à Norma de répondre à votre question, il faut le
voir comme étant des opportunités pour le Québec. Les entreprises du Québec en
font déjà beaucoup, mais le développement durable,
tout le développement de la filière énergétique, de la filière de... énergétique
peut permettre au Québec de faire vraiment une bonne croissance
économique. On en est tout à fait convaincus.
Et, Norma, pour
répondre plus précisément à la question de M. Gaudreault, je te laisserais
la parole.
Mme
Kozhaya (Norma) : Effectivement, nous ne
l'élaborons pas beaucoup dans notre mémoire, puis vous aurez l'occasion
d'entendre le G15 plus tard, aujourd'hui, qui s'attaque davantage à cette
question-là. C'est sûr que, là, on introduit de nouvelles possibilités de...
une expérimentation. Donc, c'est important de voir qu'est-ce que ça donne.
Donc, cette évaluation-là, elle est prioritaire surtout si on veut, comme on le
souhaite, que ça soit normalisé et que ça devienne plus généralisé, donc pas
que ça reste à l'étape de l'expérimentation lorsque les mesures sont
concluantes et sont positives, ce qu'on ne pense pas être le cas. Et également
c'est sûr qu'il y a aussi d'autres indicateurs qui peuvent être considérés.
Bien, nous, évidemment, le volet économique, c'est important, l'efficience,
l'efficacité, mais également d'autres indicateurs, comme sur le développement
durable.
M.
Gaudreault : Mais, dans... par oui ou non, là, parce que j'ai peu de
temps, est-ce que le Commissaire au développement durable pourrait être
l'instance qui fait cette reddition de comptes?
Mme
Kozhaya (Norma) : C'est ce qu'on va
défendre. C'est ce que... On est à l'aise avec, effectivement, que ce soit en
même temps... c'est sûr que la présidente du Conseil du trésor, elle va avoir
son rapport, et qu'elle s'adjoigne également le Commissaire au développement
durable.
Le Président (M.
Simard) : Alors, merci à vous, M. le député de Jonquière.
Alors, sur ce, Mme Khozaya,
M. Blackburn, merci beaucoup pour votre présentation cet après-midi, votre
contribution à nos travaux. Au plaisir de vous retrouver, parce que vous êtes,
en quelque sorte, des habitués, là, de la Commission des finances publiques.
Alors, nous allons suspendre momentanément nos
travaux afin de faire place à nos prochains invités.
(Suspension de la séance à 16 h 44)
(Reprise à 16 h 48)
Le
Président (M. Simard) : Alors, nous sommes en mesure de poursuivre nos
travaux et nous sommes maintenant en présence de représentants de la
Fédération des chambres de commerce du Québec. Messieurs, bonjour. Auriez-vous
d'abord l'amabilité de vous présenter?
Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ)
M. Milliard (Charles) : Alors,
Charles Milliard, P.D.G., FCCQ.
M. Noël (Philippe) : Philippe Noël, vice-président, Affaires publiques et
économiques.
Le Président (M. Simard) : Vous
disposez de 10 minutes.
M. Milliard (Charles) : Alors,
merci, M. le Président. Bonne rentrée parlementaire à tous. Alors, comme vous
le savez, la FCCQ est un organisme qui regroupe 130 chambres de commerce,
1 200 membres corporatifs, plus de 50 000 entreprises sur
l'ensemble du territoire québécois et dans tous les secteurs d'activité de l'économie
québécoise.
Depuis janvier 2020, j'ai eu le privilège de
diriger cette belle organisation et, si je devais faire un palmarès des trois
dossiers dont les membres ont le plus parlé depuis mon arrivée, je dirais sans
hésiter la pandémie de COVID-19, la pénurie de main-d'oeuvre et l'accès aux
marchés publics. Alors, Philippe et moi sommes très heureux d'être avec vous et d'avoir cette période d'échange. Et je
suis convaincu, d'ailleurs, que plusieurs membres nous écoutent
aujourd'hui.
Si je devais résumer notre pensée en une phrase,
je dirais que le p.l. n° 12 contient enfin de
nombreux signes positifs pour les
entrepreneurs québécois, mais constitue aussi un rendez-vous manqué sur
certains points. Heureusement, il n'est pas trop tard pour corriger le
tir dans le cadre des présentes consultations. Alors, débutons par les bonnes
nouvelles, si vous voulez bien.
Donc,
d'entrée de jeu, il est évident, pour la FCCQ et la communauté d'affaires,
qu'on supporte toute orientation gouvernementale
qui vise à favoriser l'achat local, l'innovation, l'harmonisation et la
simplification des appels d'offres. Plus
nos entreprises remportent des contrats publics québécois, plus les retombées
économiques et fiscales pour l'État sont importantes, et, quand l'État
québécois bénéficie de l'expertise des entreprises d'ici, bien, c'est tout le
Québec qui en sort gagnant. Mais, voilà,
dans l'état actuel des choses, percer le mur de l'accès aux marchés publics
demeure, pour plusieurs entreprises, un projet ardu, rigide, déroutant
et, au final, souvent frustrant. La perception que les appels d'offres québécois sont inaccessibles et réservés à
certaines entreprises est trop régulièrement entendue chez les PME
québécoises, et donc à la Fédération des chambres de commerce.
• (16 h 50) •
Il est donc salutaire que le gouvernement
cherche à changer ces perceptions avec le présent projet de loi. Ce n'est pas
seulement un changement législatif qui fera de la stratégie gouvernementale un
succès, c'est aussi un important changement de culture au sein de l'appareil
gouvernemental et la mise en place d'indicateurs de performance et de
contraintes pour être condamné à réussir. Donc, oui à uniformiser autant que
possible les documents d'appel d'offres, améliorer la communication
gouvernementale avec les entreprises, accroître la diffusion et l'échange
d'information entre le secteur privé et le secteur public via des ateliers
thématiques, notamment régionaux. Alors, ce sont toutes des orientations en
adéquation avec la volonté de la communauté d'affaires québécoise.
Parlons maintenant innovation. La valorisation
de l'innovation et de l'exemplarité de l'État à la mettre en valeur est cruciale pour nos membres. Dans ce
dossier, la prudence excessive doit rapidement faire place à plus
d'audace. Conséquemment, la mise en place d'un espace d'innovation des marchés
publics représente, selon nous, une approche très intéressante où le
gouvernement peut manifestement penser en dehors de la boîte. Alors, pour
réussir ce projet, évidemment, les ressources et l'expertise nécessaires
devront, par contre, rapidement être au rendez-vous.
Par ailleurs,
les matériaux non traditionnels sont très souvent écartés des appels d'offres
actuels, alors que, pourtant, certaines
technologies ou certains matériaux novateurs, je pense, entre autres, au
secteur des conduites, de la construction, du pavage, ont été développés, inventés, créés par des entrepreneurs
québécois, et souvent ces matériaux sont davantage vendus et utilisés
ailleurs au Canada et aux États-Unis qu'ici. C'est vraiment regrettable.
Alors, en valorisant rapidement les innovations
d'ici, l'État envoie un signal positif et engageant aux inventeurs et aux
développeurs québécois, et on évite ainsi ce que j'appelle affectueusement le
syndrome Céline Dion, Cirque du Soleil ou
Moment Factory, c'est-à-dire de prendre pleinement conscience que quelque chose
de chez nous est exceptionnel seulement quand ce sont les autres
ailleurs dans le monde qui nous disent que c'est effectivement exceptionnel.
Alors, aimons et valorisons ce qu'on fait de bien ici maintenant et aidons nos
entreprises à conquérir le monde, pas l'inverse.
Je passerais maintenant
aux écueils du projet de loi n° 12 selon la fédération. Donc, pour
parvenir à stimuler la participation des entreprises québécoises à nos marchés
publics en leur permettant d'être une vitrine technologique pour notre
savoir-faire, il importe de changer rapidement et résolument la pondération des
contrats publics au Québec. Certains vous l'ont dit ce matin. Je me joins à
eux. Alors, le grand absent du projet de loi n° 12, selon nous, et de la
stratégie gouvernementale, c'est la véritable révision des critères d'octroi
des contrats publics au Québec en misant désormais sur la valeur plutôt que sur
le plus bas prix.
En cette même commission parlementaire en
octobre 2019, lors du projet de loi n° 37 visant à instituer le Centre
d'acquisitions gouvernementales, le précédent président du Conseil du trésor et
actuel ministre de la Santé nous laissait entendre qu'il irait de l'avant plus
tard avec les changements attendus, reconnaissant ainsi que, et je le cite,
«souvent, on n'atteint pas nos objectifs avec le plus bas soumissionnaire
conforme». Fin de la citation.
Depuis le 3 février dernier, à la suite du
dépôt du projet de loi n° 12 et de la stratégie gouvernementale, au sein de nos
nombreux comités de travail à la fédération, on en a 18, le mot qui ressort est
quand même «déception», et cette déception, elle est palpable tellement que je
vous avoue que je m'étonne de l'enthousiasme de certains intervenants dans le
cadre de ces consultations-là qui ont débuté ce matin.
Il faut dire qu'il est difficilement
compréhensible que le gouvernement fasse le choix de continuer de faire bande à part en Amérique du Nord en octroyant
principalement ses contrats publics sur la base du plus bas
soumissionnaire conforme. Alors, je me permets ici, pour le bénéfice des gens
qui nous écoutent, de vous illustrer ce que nos membres estiment être les
conséquences d'un système basé sur le plus bas soumissionnaire conforme.
Alors, le plus bas soumissionnaire conforme,
c'est mettre au premier plan le prix, dans le choix des contrats publics,
plutôt que la valeur, la qualité, l'expertise, l'innovation et la durabilité,
ce qui est d'ailleurs contraire à la recommandation
n° 2 de la commission Charbonneau. Le plus bas
soumissionnaire conforme, c'est forcer les entreprises à réduire autant
que possible leurs coûts, souvent au détriment de tout le reste. Le plus bas
soumissionnaire conforme, c'est préférer les économies à court terme aux
bénéfices globaux à moyen et à long terme pour le contribuable. Le plus bas
soumissionnaire conforme, c'est opter pour des projets qui, souvent, sont à
refaire plus rapidement plutôt que de privilégier des projets qui ont un cycle
de vie plus long. Le plus bas soumissionnaire conforme, c'est nier
l'opportunité pour nos entrepreneurs de proposer des solutions plus durables,
plus sécuritaires et plus audacieuses s'ils veulent avoir une chance de remporter
le contrat. Le plus bas soumissionnaire conforme, c'est augmenter le risque de
dépassements de coûts car, la littérature le démontre très clairement, la
facture s'avère trop souvent plus élevée qu'estimée. Le plus bas
soumissionnaire conforme, c'est se priver d'une expertise québécoise car bon
nombre d'entreprises préfèrent soumissionner sur des projets dans d'autres
juridictions au Canada ou ailleurs dans le monde, qui, eux, fondent l'adjudication de leurs contrats sur la qualité
plutôt que sur le plus bas prix. Le plus bas soumissionnaire conforme,
c'est aussi assister à des situations
désolantes, trop nombreuses, comme, par exemple, celle d'un fournisseur dont
l'expertise et la qualité sont
reconnues depuis longtemps et qui a perdu un contrat après 15 ans de
service auprès du gouvernement. La raison? Une différence de 4,5 %
dans le prix, tout bêtement. Le plus bas soumissionnaire conforme, c'est, sans
nécessairement le vouloir, préférer les solutions plus traditionnelles aux
solutions d'aujourd'hui et surtout aux solutions de demain.
Donc, bref, le plus bas soumissionnaire
conforme, c'est un frein au développement économique du Québec. Alors, en
terminant, si le gouvernement souhaite réellement rencontrer
l'objectif 3.1 de sa stratégie, soit d'augmenter le nombre de soumissionnaires provenant du Québec, il doit privilégier
des critères de qualité, d'innovation, d'expertise, de développement
durable, de durabilité, de performance environnementale dans l'octroi de ses
contrats plutôt que simplement le plus bas soumissionnaire conforme.
Avec les présentes consultations, mais aussi
avec les règlements à venir, nous espérons toujours que le projet de loi
n° 12 représente l'évolution, peut-être même la révolution tant attendue
par les entrepreneurs québécois. La pandémie aura réussi à faire prendre
conscience aux Québécois de l'importance de prendre soin de leur tissu
entrepreneurial, de leur tissu économique en région. Alors, profitons de ce
momentum pour propulser nos entreprises vers les plus hauts sommets en
participant concrètement à leur développement. Alors, ce sera un plaisir
d'échanger avec vous. Merci.
Le Président (M. Simard) : Merci
à vous. Mme la ministre.
Mme LeBel : Merci, M. le
Président. Merci, M. Milliard. Merci de votre participation.
Je pense que je vais prendre tout de suite le
taureau par les cornes. Après avoir abondamment démonisé la règle du plus bas
soumissionnaire, je pense qu'on va pouvoir peut-être remettre un peu les choses
en perspective ensemble, et, vous l'avez bien dit, après avoir fait les
adaptations nécessaires dans les règlements... parce que, comme vous le savez, vos membres le savent, ce n'est pas
dans la loi sur les contrats publics que les modes d'adjudication sont
prévus, mais bien dans la réglementation.
Donc, il y aura effectivement, et ça, j'en suis
très consciente, des ajustements à faire dans la réglementation pour s'assurer
d'ouvrir le coffre à outils de façon adéquate et s'assurer que la règle du plus
bas soumissionnaire n'est plus comme c'est le cas. On pourrait parler de
plusieurs cas de figure. On pourrait en discuter ensemble. Je pourrais
dire : Oui, bien, on pourrait être d'accord sur certains, d'autres non,
mais je pense que, sur ce... La base de discussion sur laquelle on va se mettre
d'accord, c'est que la règle du plus bas soumissionnaire n'est certainement pas
la règle adaptée dans tous les cas de figure, et elle l'a démontré par le
passé. Elle est utilisée, quant à moi, de façon beaucoup trop systématique.
Toutefois, je pense qu'on peut aussi être
honnête en disant que ce n'est pas une règle qu'on doit abolir. C'est une règle
qui doit demeurer dans le coffre d'outils. Il y a encore des cas de figure. Je
vois votre collègue hocher de la tête. Il y a encore des cas de figure, peut-être des cas plus simples,
des cas très simples, où cette règle doit demeurer à la disposition du
gouvernement dans certains appels d'offres. Est-ce qu'on peut au moins,
d'entrée de jeu, placer la table avec cette admission dans la discussion?
M. Milliard
(Charles) : Je suis très, très heureux d'entendre vos
commentaires, Mme la ministre. Puis effectivement il y a une différence
entre acheter des crayons et acheter des équipements de radiologie. Alors, on
s'entend là-dessus.
Mme LeBel : ...pour
la suite des événements, puis je suis très contente, mais, quand on me parle de
rendez-vous manqué, de déception, je
suis capable de comprendre la crainte ou, si vous voulez, le fait que vos
membres sont peut-être un peu dubitatifs face aux intentions, mais l'intention
est bien de faire en sorte, entre autres, dans la zone d'innovation, et vous en
avez parlé de façon positive, donc, on pourrait peut-être l'explorer un peu...
entre autres, dans cet espace d'innovation là, de venir effectivement...
comment on peut faire pour bénéficier concrètement, là, du savoir québécois, de
la mise en valeur, mais aussi d'avoir toutes ces notions dans nos appels
d'offres.
C'est particulièrement criant dans le domaine de
la santé quand on parle d'innovation, entre autres de cycle de vie, de juste valeur, de coût de possession, de
dire que, bon, si on augmente notre niveau de qualité, peut-être qu'il
coûte plus cher à l'achat, mais, compte tenu des bénéfices pour la société, que
ce soit en matière de développement durable, environnemental... Et là je fais
une liste qui est non exhaustive. Vous me le... voyons! Vous me le permettrez.
Mon Dieu! Je commence à «laguer», comme dirait mon fils. Et le Conseil du
patronat est venu le dire, comme... de venir en parler comme une zone pour expérimenter,
y aller de façon graduelle tant et aussi longtemps que le gouvernement avait la
possibilité de normaliser, par la suite dans le reste des marchés publics, ce
genre de chose là.
Donc, ne pensez-vous pas que ça peut être aussi,
cet espace d'innovation là, une occasion de prendre peut-être un gouvernement
qui, traditionnellement, est plus frileux ou plus rigide dans ses façons
d'avancer et de nous permettre d'évoluer dans un espace qui se veut transparent
et sécuritaire dans le sens où on avoue, là, que, dans un espace donné, pour
des contrats donnés, on va y aller de l'avant?
Puis vous parliez de votre déception, là, de
voir que... l'objectif de la stratégie d'avoir, à terme, 52 organismes.
Bon, ça, c'est vraiment l'objectif dans la stratégie, ce qui ne veut pas dire
qu'on ne peut pas aller plus loin puis pousser plus loin dans tout ça. L'Espace
d'innovation ne se terminera pas à la fin de la stratégie de cinq ans. Il est
de façon... inclus de façon pérenne dans le projet de loi. Donc, peut-on en
parler, de cet espace? Puis comment vous et vos membres envisagez qu'on
pourrait l'utiliser et, pour ne pas manquer notre rendez-vous, le pousser au
maximum?
M.
Milliard (Charles) : Alors, je comprends que les mots «rendez-vous
manqué» et «déception» vous déçoivent, mais, en fait...
Mme LeBel : Ah! je n'aime pas ça. Je
ne suis pas dans le négatif.
• (17 heures) •
M. Milliard (Charles) : Bien, moi
non plus. Je suis dans le constructif, mais il reste qu'on utilise les forums
qu'on a, et, honnêtement, il y a quand même une certaine unanimité dans nos
membres que, tant qu'on ne verra pas les projets de règlement... Ça fait
tellement longtemps qu'on en parle. Vous n'étiez pas ministre à l'époque, puis
on en parlait encore. Alors, c'est un projet de longue haleine.
Alors, on sent qu'il y a une impulsion
intéressante. Donc, c'est pour ça qu'on insiste sur la zone. Je voudrais
laisser Philippe parler d'Espace innovation, mais moi, je vous garantis... Puis
j'ai un passé dans le secteur pharmaceutique, la santé, sciences de la vie,
c'est le meilleur banc d'essai pour valoriser l'innovation au Québec. On a vu à
quel point... Dans les deux dernières années, on a vu l'importance d'avoir un
secteur de santé et sciences de la vie qui est fort, ne serait-ce que pour
avoir une certaine souveraineté médicale. Alors, s'il y a quelque... s'il y a
des gens à valoriser, c'est exactement ce secteur-là, je pense, dans un premier
temps.
Et, Philippe, je te laisse poursuivre.
Mme LeBel : D'ailleurs, avant de
laisser votre collègue poursuivre, parce que je vais le laisser poursuivre,
vous avez constaté également, dans la stratégie, deux secteurs que nous avons
identifiés comme étant des secteurs prioritaires ou stratégiques pour pouvoir
mener ça, c'est dans le secteur de la santé et de l'alimentation, que vous avez
pris la peine de souligner également. Donc, je pense qu'on est en adéquation de
pensée sur cet objectif-là ou, à tout le moins, sur ces secteurs.
M. Milliard (Charles) : Alors, la
sélection de ces secteurs n'est pas un rendez-vous manqué. Alors, Philippe.
Mme LeBel : J'aurai obtenu au moins
ça.
M. Noël (Philippe) : Oui. Bien, d'abord, bonjour, tout le monde. En fait, nous,
on est vraiment le porte-voix de nos membres, de nos entreprises. Charles
mentionnait tout à l'heure qu'il y a 18 comités de travail chez nous, mais
il y a quand même des comités infrastructure, technologies de l'information,
communication, santé, sciences de la vie, chaîne de valeur du médicament,
entrepreneuriat, économie verte, environnement, transport logistique,
manufacturier, innovation, exportation et même une entreprise en
l'approvisionnement scolaire. Ils nous ont tous interpelés pour nous dire un
peu le mot qui ressortait beaucoup, qui était «déception». Donc, on est un peu
le porte-voix aussi des chambres de commerce, également des 17 régions au
Québec.
Pour ce qui est de
l'Espace innovation, nous, on trouve intéressant, en fait, le concept. Il faut
le dire, là, penser en dehors de la boîte, ça répond à ce qu'on disait aussi
par le passé, contrer la prudence excessive aussi, parfois, qu'on peut
retrouver dans les marchés publics, utiliser les marchés publics comme une
vitrine technologique, un levier de développement économique. Des fois, des
fournisseurs peuvent solliciter des clients aussi, des organismes publics,
mais, dans les innovations qui sont mises de l'avant, en fait, ils peuvent des
fois aussi mettre de l'avant qu'ils ont obtenu un contrat aussi avec le
gouvernement du Québec quand ils vont du côté du secteur privé. Et donc ça
stimule la demande intérieure, ultimement, mais on est en retard sur d'autres
juridictions autour de nous.
Donc, c'est un peu notre point d'interrogation,
et le retard est expliqué principalement à cause des critères d'octroi des
contrats publics qui misent principalement sur le critère du plus bas prix
conforme. Donc, si les critères des contrats publics ne sont pas modifiés dans
des projets de règlement, on est d'accord, c'est dans des règlements qu'on
verra ça, bien, votre... vos objectifs à atteindre via l'Espace innovation,
bien, vont mettre beaucoup plus de temps pour pouvoir y parvenir. Ça va être
plus compliqué pour pouvoir y parvenir.
Mme LeBel : Non, mais je suis très,
très consciente. Je faisais quand même une farce au départ, mais je suis très
consciente qu'il y a une suite à donner à tout ça pour aller au bout de la
logique de nos objectifs, là, et j'en prends bonne note. Je prends le
commentaire comme étant sur cet aspect-là, surtout dans la modification des règlements,
parce qu'effectivement l'article 10 du règlement, jusqu'à présent, met
toujours de l'avant la question du prix, de la règle du plus bas
soumissionnaire. J'en suis tout à fait consciente, qu'il va falloir compléter
l'exercice, disons.
Disons qu'on est à un possible rendez-vous
manqué, on pourra l'affirmer dans un autre espace, mais j'allais vous poser la
question, en tout sérieux, cette fois-ci, sur la question du dialogue
compétitif. On en a aussi beaucoup entendu parler précédemment, ça se passe...
c'est une possibilité qui existe en matière de technologies de l'information.
C'est un peu aussi comment le gouvernement peut avoir une conversation, je ne
dirais pas une conversation continue, mais une conversation, justement, avec
les entreprises, le milieu du développement, probablement, surtout en matière
de santé également. C'est un bel endroit pour savoir, à l'inverse, quelles sont
les technologies ou les innovations qui sont en train de se développer.
Et, d'un autre côté, que le gouvernement soit
capable aussi de télégraphier, bon, toujours dans un cadre qui est rigoureux,
mais de télégraphier ses futurs besoins pour que l'industrie puisse peut-être
répondre par des solutions innovantes à des besoins identifiés par le
gouvernement. Donc, je pense qu'il y a un avantage à avoir ce dialogue-là. Il a
été mentionné à deux reprises, je pense, par des gens qui sont venus ici en
consultation, dont le Conseil du patronat. Donc, je pense que l'Espace d'innovation pourrait
permettre de le faire, mais qu'est-ce que vous pensez de cette
avenue-là?
M. Noël (Philippe) : Bien, c'est certain, en fait, que nous, on souhaiterait
participer aussi, évidemment, à ce genre de consultation là. Je pense qu'on est
des bons porte-voix à ce niveau-là. Les entreprises... nous, on entend beaucoup
des entreprises qui font bénéficier de leurs propres innovations dans d'autres
juridictions autour du Québec, dans d'autres juridictions... dans d'autres pays
de l'OCDE, mais pas au Québec, parce que les critères d'octroi, en fait... étant donné que c'est le plus bas prix,
bien, c'est trop compliqué d'être compétitif par rapport à des solutions
plus traditionnelles. Donc, déjà là, s'il y
a une prise de conscience, du côté des ministères et organismes, par rapport à
ce qui existe sur le marché et ce qui pourrait être à leur portée si les
contrats publics étaient modifiés, je pense que ça pourrait être un très bon
dialogue, effectivement.
Mme LeBel : Écoutez, merci. Vous
avez aussi certains commentaires sur l'achat québécois, miser sur des critères
de qualité, d'innovation, etc., mais un des objectifs de la stratégie, qui est,
naturellement, complétée dans certaines modifications qu'on fait dans le projet
de loi, c'est-à-dire d'obliger les organismes... les ministères et organismes
qui sont soumis à la loi sur les contrats publics d'exploiter les marges de
manoeuvre qui se trouvent déjà dans les accords de libéralisation du marché
mais qui sont... Présentement, je vous dirais que c'est une possibilité de les
exploiter. Ce qu'on veut faire, c'est renverser la vapeur et donner aux
entreprises l'obligation, à tout le moins, d'exploiter ces marges de manoeuvre
et que, bon... de renverser un peu le fardeau, si on veut. Qu'en pensez-vous?
Et, parce qu'on a déjà abordé la question aussi,
est-ce que vous pensez que c'est une bonne chose de maintenir ces accords-là?
Bon, je comprends que c'est au niveau canadien, là, mais, philosophiquement, je
pense qu'il faut garder nos marchés ouverts. Il y a un prix à payer,
c'est-à-dire de permettre qu'une portion de nos marchés soit accessible à
d'autres entreprises que québécoises, mais le corollaire positif de ça, c'est
que nos entreprises ont accès à d'autres marchés. Donc, qu'est-ce que vous
pensez de cette solution-là, d'exploiter les marges de manoeuvre, entre autres,
là?
M. Milliard (Charles) : Bien, je
pense, c'est la solution. Avec le changement des critères de sélection, c'est
d'exploiter les marges de manoeuvre, c'est la solution. On a des accords de
libre-échange canadiens qui sont souvent méconnus, mais aussi internationaux,
et il y a beaucoup de marge de manoeuvre. Et souvent j'entends dans le
discours, et ça, c'est typiquement canadien, comme personnalité, là, puis
peut-être que moi-même, je suis comme ça, mais, des fois, on est un peu trop
poli, je trouve, dans notre façon d'aborder le commerce international, alors
que les autres ne se gênent jamais pour exploiter, au fond, les zones grises
puis aller creuser dans les craques le plus possible, au nom du patriotisme, au
nom du développement économique de leurs juridictions.
Alors, moi, des fois, j'ai envie de nous
dire : Soyons un peu plus audacieux et explorons les zones grises, sans
jamais dépasser la ligne, bien sûr, parce que ça fait partie aussi de la
réputation du Québec et du Canada, mais de le faire comme ça et de le faire au
bénéfice des régions. Évidemment, nous, on n'embarquera pas dans une guerre
de : Est-ce que c'est plus les régions, Montréal ou Québec? Bien
évidemment, ce qui est important, c'est que les entreprises québécoises
aient une meilleure chance, mais c'est une chance, hein, ce n'est pas... Il n'y
a personne qui veut faire pitié non plus puis il n'y a personne qui veut des
choses par dépit. Les gens veulent avoir une chance mais veulent aussi sentir
qu'ils ont... que ça vaut la peine d'appliquer, de participer à un processus.
Et ce changement que je parlais tantôt, législatif mais aussi de culture, on le
souhaite, va permettre ça à terme.
Mme LeBel : Bien, merci beaucoup.
Vos commentaires sont toujours très pertinents, comme d'habitude. Merci, on va
travailler avec ça. Merci beaucoup.
Le
Président (M. Simard) : D'autres interventions? Sans quoi nous allons céder
la parole au député d'Outremont—Mont-Royal... toujours un doute,
c'est Mont-Royal—Outremont.
M. Arcand : C'est Mont-Royal—Outremont.
Le Président (M. Simard) : Bien.
C'est ça.
M. Arcand : Très bien. Merci. Merci
beaucoup, M. le Président. Bonjour, M. Milliard, et bonjour, M. Noël.
Grand plaisir de vous retrouver aujourd'hui. D'abord, j'admire la franchise de
votre mémoire, qui est très clair, très direct de ce côté-là. Vous savez, toute
l'obtention des contrats... J'ai encore, moi, en mémoire un événement qui
s'était passé en 2010 où on se promenait à travers le monde en disant qu'on
était en faveur du libre-échange, et puis, à un moment donné, il y avait eu un
contrat de 3 milliards pour le métro, pour les wagons de métro, et on
avait passé, en quelques heures, tous les partis politiques... on avait passé
un projet de loi pour donner, finalement, le contrat à Bombardier, alors que
c'était à peu près 3 millions par wagon puis c'était 2,4 pour une
entreprise espagnole qui promettait d'ailleurs d'investir à peu près 60 %
du contrat dans une usine québécoise, etc., mais... Et, par la suite,
Bombardier était retourné en Europe, et inutile de vous dire qu'ils n'ont
jamais eu les contrats auxquels ils s'attendaient.
C'était toujours Siemens qui avait le contrat ou un autre joueur. C'est pour ça
que toutes ces questions-là, c'est souvent des lames à deux tranchants.
Et moi la question... C'est que vous êtes quand
même très précis dans votre mémoire quand vous parlez... entre autres, là, j'ai
vu quelque chose qui m'a fait un peu sursauter, vous avez dit... écoutez, dans
les grilles de pondération, vous donnez l'exemple du gouvernement fédéral puis
vous dites : Écoute, là, ça devrait être 90 % pour la qualité et
10 % pour le prix. Je pense qu'au Conseil du trésor on est pas mal loin de
ça et j'aimerais que vous me disiez ce qui vous guide à travers tout ça.
• (17 h 10) •
M. Noël (Philippe) : Je peux y aller, Charles?
M. Milliard (Charles) : Vas-y,
vas-y.
M.
Noël (Philippe) : Oui, absolument. En fait, du côté du gouvernement fédéral,
on a des contrats, évidemment, qui sont octroyés à 10 %. Des fois,
ça peut aller à 20 %, à 30 %, dépendamment du domaine, mais c'est ce
qui est réservé pour le critère prix. Donc, ça mise énormément sur la qualité.
Et nous, on observe qu'autour de nous dans les provinces canadiennes, au
gouvernement fédéral, aux États-Unis, en France, au Royaume-Uni, ils utilisent,
en fait, des pondérations où est-ce qu'ils misent, dans une proportion
extrêmement importante, sur des critères de qualité.
Et peut-être qu'on pourrait vous soumettre,
peut-être, l'idée d'avoir le prix médian, qui est un modèle qui est observé en
Nouvelle-Écosse, qu'on trouve très intéressant, où lorsque vous vous trouvez à
l'intérieur même du prix estimé d'un 5 %, vous avez la totalité du
10 %, par exemple, pour ce qui est du critère qualité-prix, si le critère
est à 10 %, et si c'est à 5 %, à 15 % d'écart par la suite, par
rapport au prix médian, bien là il y a une proportion plus faible de la
pondération pour ce qui est du critère prix. Donc, ça, le prix médian, pour
nous, c'est un modèle, je pense, qui pourrait être très intéressant. Et aussi
d'avoir des entrevues de sélection, pour ce qui est des entreprises qui
obtiennent, en fait, les soumissions, qui obtiennent, en fait, les meilleures
notes en termes de qualité et de valeur, qui pourraient être envisagées, je
pense, du côté du Conseil du trésor.
Donc, 10 %, ça se fait autour, dans des
juridictions autour de nous, alors pourquoi ne pas chercher à atteindre un
critère... le prix doit être un critère, pour nous, mais ne devrait pas être le
critère majeur et... majoritaire, en fait, je devrais dire, pour octroyer des
contrats.
M.
Milliard (Charles) : C'est le principal élément de notre... cette
section-là de notre mémoire, c'est de montrer qu'il y a des exemples qui
fonctionnent à côté. Donc, on ne parle pas de cas ésotériques dans d'autres
civilisations qui n'ont rien à voir avec nous, là, c'est vraiment des exemples
qui fonctionnent bien.
Puis un autre exemple que j'aime bien, c'est
que, pour des gros dossiers, même les trois, quatre finalistes sont convoqués
en entrevue. Alors, écoutez, on est loin de remplir un fichier Excel puis
d'obtenir une réponse, là. D'être convoqué en entrevue pour expliquer pourquoi,
pour tel dossier, vous devriez être choisi, ça fait entrer la notion de qualité
et d'innovation par la grande porte, je dirais.
M. Arcand : Très
bien. Merci infiniment pour cette réponse. J'aimerais vous poser une question
également, parce que depuis... Je me rappelle, l'époque de Mme Jérôme-Forget,
où on parlait des PPP. Et ce que vous dites, vous, aujourd'hui, c'est qu'on a
abandonné ça pas mal au Québec, il y en a pas mal moins qu'il y en avait déjà
eu. Et vous dites : On fait une erreur en ne faisant
pas un peu plus affaire dans un partenariat public privé. Est-ce que vous avez
des exemples ou est-ce que vous avez... Si vous pouviez me
préciser un peu votre opinion par rapport à ça.
M.
Noël (Philippe) : Bien, nous,
historiquement, dans les dernières années, on avait publié, même, un document
qui s'appelle Accélérer le rythme et qui soumet toutes sortes d'idées,
en fait, pour favoriser le développement économique du Québec et de ses
régions. Et, parmi les idées, c'est de faire davantage confiance aux
partenariats publics privés, pour la conception, notamment, de projets
d'infrastructures, mais pour la conception aussi, peut-être, de certains
projets de services, également.
Ça se fait beaucoup,
ça se voit beaucoup en Ontario dans une proportion... je n'ai pas de chiffre,
de mémoire, mais je pense que c'était 10 fois plus de projets en PPP du
côté de l'Ontario, c'est à vérifier, là, mais qui étaient réalisés en mode PPP
versus au Québec. Donc, il y a des opportunités, peut-être, que le gouvernement
et l'État québécois, peut-être, ignorent, via le PPP. Donc, c'est ce qu'on a
dit beaucoup par le passé, et on est cohérent à ce niveau-là ici.
M. Arcand : O.K.
Et ce serait bénéfique pour le Québec si on avait plus de contrats en PPP, à ce
moment-là?
M.
Noël (Philippe) : Bien, nous, c'est ce qu'on croit, c'est ce
qu'on croit, et c'est ce que les membres nous disent aussi également, de
différents secteurs, comme je le mentionnais plus tôt, donc, oui.
M. Milliard
(Charles) : On croit entendre dans le discours du ministre de la Santé
que ça fait partie des options sur la table
pour la refondation ou, en tout cas, la réforme du système de santé. Il y aura
beaucoup d'éducation à faire, parce qu'il y a beaucoup de préjugés, là,
sur cette appellation-là. Donc, je pense qu'il faudrait refonder aussi la
définition de ce terme-là, mais, à terme, nous, on pense que ça peut être
bénéfique dans plusieurs secteurs d'activités, assurément.
M. Arcand :
O.K. Vous aviez parlé du dossier... il y a un dossier, vous avez parlé de...
dossier en éducation, là, où une entreprise
ontarienne avait littéralement, pour 7 000$... Il y a également la
question du transport aérien régional que vous mentionnez comme étant un
autre exemple où... Qu'est-ce qui s'est passé dans ce dossier-là?
M.
Noël (Philippe) : En fait, après
15 ans de contrat avec la même firme québécoise, qui est une division, en
fait, de l'AQTA, bien, ça a été remporté aux mains d'une entreprise ontarienne
pour un écart minime de 4,5 %, alors que ça faisait 15 ans qu'ils avaient
les mêmes services, qu'ils connaissent le territoire, qu'ils offrent les mêmes
services. Donc, il y avait de la qualité et de l'expertise qui étaient
offertes, et là c'est une entreprise québécoise qui perd les déplacements gouvernementaux par transport aérien
aux mains d'une entreprise de Toronto. Je peux vous dire que ça a été très, très mal reçu chez bon nombre de membres
transport et logistique, mais aussi du côté de notre comité
entrepreneurial. Ça a été un cas type qu'on a... et c'est pour ça qu'on le
mentionne dans notre mémoire, également.
M. Arcand : O.K.,
oui. L'entreprise québécoise avait-elle un problème?
M.
Noël (Philippe) : Non, pas du tout. En fait, ils ont
soumissionné... en fait, ils ont soumissionné 4 % plus cher, mais ils
n'ont pas accès, évidemment, au prix d'une autre organisation qui a
soumissionné. Et souvent ce qu'on observe aussi avec le plus bas
soumissionnaire conforme, c'est qu'il y a des entreprises qui vont sous-évaluer
leurs propres coûts et qui se retrouvent, après, à déclarer des avenants et des
dépassements de coûts parce que ce n'étaient pas les coûts qui étaient estimés.
Donc, l'entreprise a fait... l'entreprise québécoise a fait une proposition en
fonction de ses coûts et elle n'a pas... elle a perdu son contrat après
15 ans de loyaux services. Et c'était reconnu, là, même du côté du
ministère des Transports, on nous disait que c'était une entreprise qui
était... qui offrait des bons services, là.
M. Milliard
(Charles) : Ça fait que c'est une aberration administrative. Puis on
ne veut pas tomber dans la valse des
anecdotes, il va toujours y en avoir, des aberrations, mais c'est une façon
d'illustrer que, pour 4,5 %, le Québec se prive d'encourager une
entreprise qui l'a très bien servi durant 15 ans, justement.
M. Arcand :
Oui, je comprends très bien. Dites-moi, on a parlé d'innovation, et, moi, ce
qui me semble important, c'est qu'on
dit toujours : Il faut trouver l'équilibre entre souplesse, prévisibilité,
en cette matière d'innovation. Pour vous, c'est quoi, dans ce domaine-là, les éléments les plus importants pour
pouvoir réussir ce que la ministre prône actuellement?
M.
Noël (Philippe) : Bien, en fait, des critères de cycle de vie,
de modernité, des critères qui font appel, dans le fond, aux solutions les plus
innovantes. Peut-être que même de tester avec... des bancs d'essai peuvent être
des opportunités à saisir pour pouvoir faire une place davantage aux
innovations. Dans les critères, évidemment, nous, on a beaucoup poussé pour la
qualité, l'expertise, l'innovation, la durabilité et la performance
environnementale. Donc, si ces pondérations-là, dans les contrats publics, sont
mises de l'avant, bien, ça devrait faire son bout de chemin pour l'Espace
d'innovation, là, ça, c'est sûr et certain.
M. Arcand :
Et, à part la question du prix, si j'avais à vous demander, dans le travail
qu'il y a à faire dans le projet de loi n° 12, quelle
est la deuxième priorité, selon vous, une fois qu'on a parlé du prix et qu'on
comprend que ça ne doit pas être le seul critère, là?
M. Milliard (Charles) : Je
dirais que la deuxième priorité, ça devrait être de réussir la première.
M. Arcand :
Donc, c'est une grosse priorité, si j'ai bien compris.
M. Milliard
(Charles) : ...consacrer tous mes jetons sur réaliser les critères
d'octroi des contrats.
M. Arcand :
O.K., mais il n'y a pas d'autre chose, à part de ça, dans le projet de loi,
qui vous préoccupe?
M. Noël
(Philippe) : Bien oui, bien, absolument.
Bien, en fait, dans notre mémoire, on aborde différents sujets. Tantôt, on a
parlé de l'aspect... en fait, augmenter les achats alimentaires québécois. Et,
de ce côté-là, nous, on trouve intéressant... mais, en fait, c'est comme si on
visait strictement l'intermédiaire plutôt que de s'assurer d'avoir davantage d'aliments québécois. Donc, l'intermédiaire, le
distributeur, est avantagé versus d'avoir plus d'aliments québécois, de
viser à avoir plus d'aliments québécois. Il
faudrait peut-être un peu plus clarifier cette notion-là, d'un côté, sur le
produit québécois.
Puis d'ailleurs, via des appels d'offres
spécifiquement dédiés, que ce soit notamment la performance environnementale,
que ce soit peut-être même des innovations dans le milieu agricole, on pense
qu'il y aura plus d'entreprises québécoises qui vont pouvoir avoir les
contrats, disons, publics liés à l'alimentaire, mais la notion «produit
québécois» n'est pas assez mise de l'avant dans la stratégie, selon ce qu'on
entend.
M. Arcand :
Je souhaite que vous interveniez
quand il sera question du règlement, là. Je compte sur vous pour
intervenir.
Une voix :
...sûr.
Une voix :
Merci, M. le député.
• (17 h 20) •
Le Président
(M. Simard) : Merci. Je cède maintenant la parole à la députée de
Mercier.
Mme Ghazal :
Merci, M. le Président. Merci, messieurs, pour votre présentation et votre
mémoire. Vous avez dit qu'on est trop timides par rapport à d'autres États. On
pense beaucoup aux États-Unis, là, au sud de la frontière, avec Biden aussi,
récemment, qui a affirmé à quel point c'était important de favoriser l'achat
américain. Donc, vous dites qu'on est trop timides à exploiter les zones grises
des accords internationaux qu'on a signés.
Je
vous ai même entendu parler de souveraineté pharmaceutique. C'est ce que j'ai
compris? J'avais l'impression d'entendre Amir Khadir nous parler de
Pharma-Québec, hein, on a cette proposition-là. Et je comprends que vous êtes,
donc, en accord avec Québec solidaire, que les accords internationaux qu'on a
votés nuisent à notre économie locale. Est-ce que j'ai bien compris?
M. Milliard
(Charles) : Non.
Mme Ghazal :
Ah!
M. Milliard
(Charles) : En fait, sur la question de la souveraineté
pharmaceutique, effectivement, la question, c'est d'avoir une certaine
indépendance pharmaceutique, parce qu'on a vu, justement, la difficulté
d'obtenir des approvisionnements au début de la pandémie. Alors, moi, je pense
que c'est critique, on dépense 50 % de notre budget en santé, ça serait
bien qu'on puisse soigner notre monde.
Mme Ghazal :
Exactement, oui.
M. Milliard
(Charles) : Alors, ça, on est d'accord. Maintenant, sur les fins et
moyens, on pourra en rediscuter. Sur la question des accords internationaux,
écoutez, on est clairement libre-échangiste, à la FCCQ, on croit à la valeur du
libre marché, et tout ça.
Mme Ghazal :
Bien, j'étais étonnée.
M. Milliard
(Charles) : Bien oui, mais, écoutez, là, permettez-moi de rétablir les
ponts. Ceci étant dit, en même temps, je me permets de le mentionner, il est
temps, là, de changer l'impression qu'on a que les chambres de commerce sont des organisations qui ne se
préoccupent pas du développement social, du développement communautaire,
du développement environnemental. On participe au G15+, on participe à une
tournée avec Fondaction, en ce moment, sur les milieux de vie durables. Ça n'a
pas de lien avec l'environnement, mais...
Mme Ghazal : Une question peut-être
plus précise. Oui, oui, je comprends les intentions, et tout ça, mais il y
a, par exemple, certains secteurs,
alimentation, santé, vous en avez parlé... est-ce que ces secteurs-là, on ne de
devrait pas... on n'aurait pas dû les
ouvrir à ce point-là aux marchés internationaux puis être aussi dépendants? On
l'a vu, au début de la pandémie,
comment les gens vidaient les épiceries parce qu'on avait peur, on est trop
dépendants des marchés extérieurs. Est-ce
que ça, vous... Est-ce qu'il y aurait quelque chose à faire avec ça? Je sais
que c'est en dehors du projet de loi, là.
M. Milliard (Charles) : Oui,
mais je ne pense pas que c'est en mettant des barrières dans ces secteurs-là
qu'on va y arriver, c'est en valorisant ce qui se fait ici. On est des
champions de la production alimentaire. On est des champions en santé, sciences de la vie. Ça fait
des années qu'on dépasse la moyenne de l'OCDE sur les investissements en
matière de santé, sciences de la vie. Donc,
il faut juste laisser les gens d'ici avoir une chance de subvenir aux besoins
de l'État et leur donner une chance
équitable de réussir chez eux avant de réussir ailleurs. Donc, ce n'est pas en
mettant des barrières.
Mme Ghazal : Et ça, ça se fait,
par exemple... et ça, je comprends que ça se fait avec plus de PPP, ça se fait
en mettant de côté la notion du plus bas soumissionnaire. C'est ce que je
comprends de ce que vous dites.
M. Milliard (Charles) : Bien,
principalement en ayant une meilleure diversité des critères pour sélectionner,
entre autres, sur la question du
développement durable, c'est une façon de respecter les accords internationaux
et d'encourager, nécessairement, des
entreprises qui produisent plus près, et donc qui sont moins polluantes au
niveau du transport, par exemple.
Le Président (M. Simard) : Très
bien. Merci beaucoup. M. le député de Jonquière.
M. Gaudreault : Oui. Merci beaucoup
pour votre mémoire. Je sais que la ministre n'aime pas ça, mais vous avez quand
même des mots très forts, là. : C'est un rendez-vous manqué. Vous parlez
de déception. Je pense qu'il faut insister là-dessus. Et moi, je voudrais
ajouter un élément à votre litanie, là, sur le plus bas soumissionnaire. En
disant le plus bas soumissionnaire conforme,
c'est aussi un frein à l'atteinte des cibles de réduction des gaz à effet de
serre, qui sont quand même un projet puis un plan très importants
pour le Québec, d'autant plus qu'on est dans une crise climatique très forte.
Mais j'aimerais ça vous entendre un petit peu
plus là-dessus. Vous venez de répondre à ma collègue, mais on dirait que vous
avez le goût d'aller plus loin, là, sur les critères de développement durable,
d'analyse de cycle de vie. Est-ce qu'on
parle également d'économie circulaire? Puis là il ne faut pas faire un ragoût
avec tout ça, là, parce qu'il y a quand même différents éléments
là-dedans. Comment vous voyez qu'on... Est-ce que le projet de loi va assez
loin? Sinon, qu'est-ce qu'on pourrait faire pour aller encore plus loin, pour
inclure ça dans la loi?
M.
Noël (Philippe) : Oui. En fait, le plus bas soumissionnaire
conforme, là, c'est de favoriser, en fait, la solution qui est la moins
chère, la moins dispendieuse. Donc, des éléments importants sont souvent
négligés, escamotés, et donc des innovations, et, quand on parle de performance
environnementale, nous, ce qu'on veut dire, là, c'est d'avoir des soumissions
qui permettent d'avoir des technologies vertes, des solutions d'économie
circulaire, l'emplacement, même, pour limiter les déplacements et réduire les
émissions de gaz à effet de serre. C'est sûr que ça touche moins, peut-être, un
secteur comme les services, les critères de performance environnementale, mais,
dans un bon nombre de critères ou de contrats publics, je devrais dire, ça peut
être des solutions qui sont intéressantes, mais tant qu'on reste avec le plus
bas prix comme principal critère d'octroi dans les contrats publics, on
n'atteindra jamais, jamais, jamais cet objectif-là de notre côté.
M. Gaudreault : Mais vos membres,
comment qu'ils reçoivent ça? Parce que c'est... quand même, d'inclure des
critères d'ESG, par exemple, ou de développement durable, ça peut changer les
pratiques. Est-ce que vous sentez qu'il y a vraiment un virage qui est prêt à
être fait à cet égard?
Une voix : Absolument
M.
Gaudreault : Et j'ai vu, à
quelque part dans votre mémoire, là, vous dites... dans le fond, ce que vous
voulez, c'est que ça devienne des critères aussi qui sont permanents, pour
savoir où on s'en va, tu sais.
M. Noël (Philippe) : Absolument. Il y a beaucoup d'ouverture, vraiment, chez nos
membres, à contribuer. Je pense notamment à
des entreprises qui sont expertes en bâtiments verts, donc qui veulent, pour
des contrats d'infrastructures, amener des solutions avec des toits qui
répondent aux meilleures normes écoénergétiques, mais qui sont privées parce
qu'ils doivent... s'ils veulent obtenir le contrat, ils doivent faire des
soumissions qui va amener des matériaux qui ne seront pas performants, avec des
matériaux plus traditionnels qui coûtent beaucoup moins cher et qui durent
moins longtemps. Donc, le cycle de vie est
affecté, et ça, ça a un impact aussi pour l'environnement, mais, nous, ce qu'on
dit... principalement pour le contribuable parce que les projets sont à refaire
plus rapidement, à moyen, long terme, qu'à court terme... où est-ce qu'on a des
économies à court terme, là.
Le Président (M. Simard) : Alors,
merci beaucoup, M. Milliard, M. Noël, de votre présence parmi nous
cet après-midi et de votre contribution à notre réflexion collective. Au plaisir
de vous retrouver.
Sur ce, nous allons suspendre momentanément nos
travaux, histoire de faire place à nos prochains invités.
(Suspension de la séance à 17 h 27)
(Reprise à 17 h 36)
Le Président (M. Simard) : Donc,
nous sommes de retour et nous sommes en présence de représentants de la
Coalition contre les retards de paiement dans la construction. Madame,
monsieur, soyez les bienvenus. Auriez-vous d'abord l'amabilité, s'il vous
plaît, de vous présenter?
Coalition
contre les retards de paiement dans la construction
M. Bilodeau
(Marc) : Bonjour. Mon nom est Marc Bilodeau, président de
la Fédération québécoise des associations d'entrepreneurs spécialisés
dans la construction et porte-parole de la Coalition contre les retards de
paiement dans l'industrie de la construction.
Mme Amireault (Caroline) : Bonjour.
Mon nom est Caroline Amireault. Je suis avocate et directrice générale de l'AQEI, l'Association québécoise des
entrepreneurs en infrastructure, qui est une association membre de la
coalition. Je suis ici aujourd'hui en tant que porte-parole, en remplacement de
Steve Boulanger. Merci.
Le Président (M. Simard) : Merci.
Alors, vous disposez de 10 minutes.
M. Bilodeau (Marc) : Merci. M.
le Président, Mme la ministre, chers membres de la commission, merci à la
Commission des finances publiques de nous donner l'opportunité de présenter nos
commentaires en regard du projet de loi n° 12. La Coalition contre les
retards de paiement dans la construction, c'est un regroupement d'associations
d'entrepreneurs en construction qui a vu le jour à l'automne 2013 et dont
l'objectif est de mettre un terme à l'augmentation
injustifiée des délais de paiement dans ce secteur. Notre intervention dans le
cadre du projet de loi n° 12 se limitera donc à cet unique aspect.
La coalition représente l'ensemble des
entrepreneurs généraux et spécialisés. Ce sont des dizaines de milliers d'entreprises qui sont pour la plupart constituées
de cinq salariés ou moins et qui embauchent plus de
175 000 travailleurs et travailleuses sur les chantiers, sans compter
des dizaines de milliers d'autres qui oeuvrent dans les bureaux de ces entreprises. C'est une action collective et
historique puisque c'est la première fois que tous les entrepreneurs généraux
et spécialisés du Québec se regroupent ensemble pour une même cause, celle de
mettre un terme aux délais de paiement.
J'ai été moi-même entrepreneur pendant plus de
30 ans, puis je peux en témoigner, puis ça va me faire plaisir d'échanger
avec vous à ce sujet-là lors de la période de questions, car les impacts des
retards de paiement, où la moyenne s'établit à près de 80 jours, sont
très, très nombreux.
En premier lieu, on va parler de la gestion des
liquidités, qui représente un défi quotidien pour la majorité des entrepreneurs.
On a été témoins d'entreprises qui ont attendu pendant plus de trois ans avant
de recevoir leurs retenues contractuelles de 10 % ou le paiement d'un
extra d'un projet. On a des entrepreneurs qui rentrent tous les lundis puis se
posent la question : Comment on va faire nos paies jeudi? Pendant ce
temps-là, les entrepreneurs doivent continuer à payer leurs employés, les DAS,
les remises de taxes, l'équipement, les matériaux. Tout ça augmente la pression
sur la liquidité des entreprises. Il y a plusieurs facteurs qui sont
attribuables aux paiements, tu sais, aux retards de paiement, entre autres et
sans s'y limiter, là, il y a le non-respect des clauses contractuelles, il y a
la lourdeur des procédures administratives, les retards dans l'approbation des
changements, l'autorisation des paiements par les professionnels, sans oublier
l'absence de prise de décision.
Selon une étude d'impact qui a été réalisée par
Raymond Chabot Grant Thornton en 2015 et qui a été mise à jour en 2019, il y a
présentement 7,2 milliards de dollars d'immobilisés dans les comptes à
recevoir des entrepreneurs en construction qui sont de plus de 30 jours.
Dans le contexte économique actuel, qui est très difficile, là, tu sais, pour
plusieurs entreprises en raison de la pandémie, de la pénurie de la
main-d'oeuvre puis de la volatilité des coûts des matériaux, toute réduction
des délais de paiement aux entrepreneurs constituerait en quelque sorte une
forme d'aide. C'est de l'oxygène qu'on pourrait donner aux entreprises sans qu'il
n'en coûte un sou de plus au gouvernement.
Un autre chiffre, là, qui est tout aussi, sinon
plus significatif, c'est que 77 % des entrepreneurs ont mentionné, lors de l'étude d'impact, avoir refusé de
soumissionner un projet en raison des retards de paiement. C'est... En payant
les entrepreneurs dans un délai de 30 jours, le gouvernement donnerait la
chance à un plus grand nombre d'entrepreneurs généraux et spécialisés d'avoir
accès aux marchés publics. Les entrepreneurs, ils pourraient mettre, à ce moment-là,
leur savoir et leur créativité au service de la réalisation des projets et non
au service de leurs banquiers, tu sais.
• (17 h 40) •
Puis il est généralement admis qu'une diminution
du nombre de soumissionnaires a une influence à la hausse sur le coût du projet. Des données qui ont été
citées par Raymond Chabot dans l'étude démontrent que, lorsqu'il y a
moins de neuf entreprises qui soumissionnent sur un projet, chaque
soumissionnaire de moins représente un coût supplémentaire qui varie entre 1 % et 6 %. Or, selon
les données du SEAO, il y a 3,6... en moyenne 3,6 soumissionnaires par
appel d'offres. Raymond Chabot Grant
Thornton conclut que le prix des contrats publics de construction pourrait
diminuer de 6 % à 13 % sur
le nombre de... si le nombre de soumissionnaires augmentait. À l'échelle des
contrats de l'État, c'est énorme, tu sais.
Je terminerai simplement en résumant la position
de la coalition. Les entrepreneurs souhaitent être payés pour les travaux
dûment exécutés et acceptés dans un délai raisonnable. C'est une solution
gagnante pour l'ensemble de la société québécoise. Puis, on ne l'oublie pas,
c'est à coût nul pour l'État. On ne demande pas au gouvernement de payer les
entrepreneurs d'avance ou à un prix supérieur, mais simplement de les payer à
temps.
Je laisserais ma collègue, Me Caroline
Amireault, vous entretenir sur les développements récents puis les raisons pour lesquelles un article concernant le
paiement rapide devrait être ajouté au p.l. n° 12.
Merci de votre attention.
Mme Amireault
(Caroline) : Alors, merci, Marc. M. le Président, Mme la
ministre, membres de la commission, merci de nous recevoir aujourd'hui,
on l'apprécie. Alors, comme le rappelait mon collègue Marc, la coalition a été
mise sur pied en 2013. Ça fera bientôt 10 ans que les membres de la
coalition rencontrent plusieurs instances afin de les sensibiliser à cette
problématique vitale de nos entreprises québécoises.
Je
veux vous donner des dates importantes en rafale, puis ça va mettre en contexte
et expliquer notre propos aussi. 2013, création de la coalition. 2015, rapport
de Raymond Chabot Grant Thornton sur les retards de paiements, Marc vous a
donné quelques statistiques. 2015 aussi, une date charnière qui a été la
recommandation 15 du rapport de la commission Charbonneau. Alors, ça fait
sept ans qu'on attend que cette recommandation-là soit mise en place. En 2016,
ça s'est conclu le 1er décembre 2017, évidemment, il y a eu le projet de
loi n° 108 qui parlait de l'Autorité des marchés financiers à l'époque, mais
il y a un article tout simple qui a été ajouté dans ce projet de loi là, qui
est l'article 24.3 et suivants, jusqu'à 24.7, pour faire en sorte que le
Conseil du trésor puisse, par arrêté, autoriser la mise en oeuvre de projets
pilotes. Et ce petit ajout là, tout simple, a permis de faire avancer, dans les
cinq dernières années, le dossier des retards de paiement de façon
considérable.
Je me permets aussi
de préciser, par exemple, un élément important dans le projet de loi
n° 108. Ça faisait l'unanimité à l'époque. Ça a été d'ailleurs adopté à
l'unanimité au niveau du gouvernement. Le projet d'encadrement législatif ne
faisait aucun doute, sauf qu'on voulait... Le projet pilote servait à vérifier
si c'était... Il ne servait pas à vérifier si c'était bon ou pas d'aller de
l'avant. Le projet pilote a été mis en place pour évaluer les modalités d'un
cadre réglementaire qui cherche à établir des mesures destinées à faciliter le
paiement. C'est ce qui a été fait. 2018, comme on disait, à l'été, l'arrêté ministériel
a cadré 52 projets, et 47 ont été réalisés sur une période de trois ans.
Et, à la toute fin de ça, il devait y avoir la production d'un bilan. Le bilan
est arrivé un petit peu plus tard, mais en 2020, les parlementaires, plusieurs
d'entre vous qui sont assis autour de la table aujourd'hui étaient là sur le
projet de loi n° 61, sur le projet de loi n° 66. Ce qui est différent
avec notre présentation aujourd'hui, c'est qu'à l'époque c'était difficile pour
le Conseil du trésor et le gouvernement d'aller de l'avant avec une loi alors
que le projet pilote n'était pas terminé. Aujourd'hui, bien, le 3 mars
dernier, justement, le Conseil du trésor a émis son rapport final, et je
reprends les mots, c'était de la musique à nos oreilles. Pour la coalition, ça
a été un franc succès. J'ai entendu Mme LeBel en parler toute la journée.
Aujourd'hui, elle l'a soulevée à plusieurs occasions, elle est très satisfaite
du rapport. Elle parle de pistes de solutions qui sont concluantes. Et, quand
on lit les conclusions du rapport, on voit que la faisabilité et la pertinence
d'établir une solution pérenne et globale relativement à la problématique des
délais ont été démontrées par ce projet pilote là. Alors, nos devoirs sont
faits.
Il y a des
commentaires. Les deux mécanismes ont été testés, le calendrier de paiement et
le mécanisme des règlements de différends, évidemment, qui ont été testés. Il y
a des points positifs qui sont sortis de ça et il y a des éléments, soyons
transparents, qui restent à peaufiner, mais rien qui empêcherait d'aller de
l'avant avec des modifications au projet de loi n° 12.
Et les derniers correctifs pourraient être apportés par la suite au niveau de
la réglementation. Il va y avoir des éléments à préciser. On pourra peut-être
revenir pendant les échanges, les questions, notamment sur les heures de
changement, les quittances, les cautionnements et les libérations des retenues
contractuelles, mais ça, c'est du travail qui peut se faire ultérieurement.
Rapidement, sur les
autres législations, on sait qu'à travers le Canada, presque toutes les
provinces canadiennes ont adopté une loi sur les retards de paiement. Vous avez
justement, dans le rapport du Conseil du trésor auquel je faisais allusion tout
à l'heure, l'annexe 3. Il y a une liste, un portrait complet très
exhaustif de tout ce qui se fait dans les autres provinces canadiennes et les
autres législatures. À notre connaissance, on pense que le Québec est la seule
province qui ait d'abord procédé par un projet pilote. Les autres provinces ont
tout de suite procédé par une loi. Mais, qu'à cela ne tienne, on est rendus, le
projet pilote est fait. Alors, voilà.
Pourquoi passer par
le projet de loi n° 12? La coalition est convaincue
que le projet constitue une occasion incontournable de régler la problématique
des retards de paiement. J'entendais aussi aujourd'hui des propos à l'effet que
la loi, la LCOP, on ne l'ouvre pas souvent. On ne veut pas l'ouvrir aux deux
ans. On veut l'ouvrir et le faire correctement. Alors, de notre côté, le projet
pilote est terminé, le rapport est émis, les conclusions sont concluantes,
c'est positif, puis il y a eu quand même 10 ans d'attente pour y arriver.
Alors, on salue évidemment le désir du gouvernement de vouloir favoriser
l'approvisionnement local par les ministères et les organismes du gouvernement,
mais encore faudrait-il que ce dernier paie les entreprises québécoises dans
des délais raisonnables. C'est ce qu'on demande. Alors, voilà une véritable
mesure d'aide directe aux entreprises, à coût nul pour le gouvernement, comme
Marc le mentionnait tout à l'heure.
On
pense ici qu'un pas dans la bonne direction a été fait avec le projet de loi n° 66 parce qu'évidemment il y a eu 180 projets qui ont été
visés, ça a été un bon élément, où des mesures de paiement sans retard ont été
introduites, mais il est nécessaire de faire un pas de plus, d'aller plus loin
et, maintenant, d'instaurer des mesures pérennes, et définitives, et globales
pour l'industrie de la construction. Depuis plusieurs années déjà, les mesures
proposées par la coalition pour que... corriger, pardon, la situation sont
simples et connues; deux choses, un calendrier de paiement, un mécanisme de
règlement des différends, tout ça qui a été testé dans le projet pilote.
Dans ce contexte-là
et tel qu'on le précisait précédemment à la coalition, on invite les
parlementaires membres de la Commission des finances publiques à profiter du
projet de loi n° 12 pour régler définitivement la
problématique des délais de paiement dans la construction pour le volet des
marchés publics. Par conséquent, on effectue la recommandation suivante à
l'effet qu'un amendement soit apporté à la LCOP pour qu'il y ait un article qui
soit intégré dans le même principe que celui qui a été fait en 2018,
l'article 24.3, qui permettrait à la présidente du Conseil du trésor
d'imposer, par règlement, un calendrier de paiement et un mécanisme de
règlement rapide des différends afin de faciliter le paiement aux entreprises
parties aux contrats publics et sous-traitances publiques — n'oublions
pas les sous-traitants, parce que c'est une démarche commune — selon
des conditions et des modalités qu'elle édicterait, lesquelles peuvent différer
de celles prévues par la présente loi et ses règlements. Alors, je vous
remercie de votre écoute, M. le Président. Et Marc et moi demeurons disponibles
pour répondre à vos questions.
Le Président (M. Simard) : Merci
à vous deux. Mme la ministre.
Mme LeBel : Bonjour.
Bonjour, ça me fait vraiment plaisir de vous reparler à nouveau, parce qu'on a
eu l'occasion d'en discuter et que ce soit dans le cadre du projet de loi n° 66 où, merci de l'avoir souligné, on a fait un pas
supplémentaire qui était quand même un grand pas dans les circonstances de
l'époque, là, quand on était encore dans le projet de... le projet pilote était
encore en vigueur ou, à tout le moins, on attendait aussi le dépôt du rapport,
minimalement. On a donc décidé d'introduire et d'étendre la notion de
calendrier de paiement et de mécanisme de règlement des différends à l'ensemble
des projets du PQI, du Plan québécois des infrastructures. C'est quand même un
grand morceau des contrats au Québec. Je le réitère parce que je vais vous dire
que, dans le fond, notre conversation risque d'être courte parce que vous
prêchez à une convertie sur les bienfaits de mettre en place des mécanismes qui
favorisent les paiements le plus rapidement possible, disons, dans des délais
qui sont... qui sont acceptables, et c'est le cas de ce que le projet pilote a
voulu mettre de l'avant. D'ailleurs, il serait difficile pour moi de renier
aussi le fait que c'était une des recommandations de la commission Charbonneau
à l'époque où j'y étais. Donc, il n'y avait pas d'époque où je n'y étais pas,
là, genre, je ne sais pas pourquoi j'ai rajouté ça. Donc, à l'époque de la
commission, et non à l'époque où je n'y étais pas.
Mais je veux discuter avec vous plutôt des
solutions. Parce que, maintenant qu'on se met d'accord sur les conclusions du
rapport, sur le fait qu'on doit faire... qu'on doit donner suite au projet
pilote, sur le fait qu'il y a... qu'on doit avoir une solution pérenne et
globale, bien, c'est le quoi faire, comment le faire et quand le faire. Donc,
c'est... Et je suis contente de voir votre proposition, qu'on devra étudier
avec beaucoup de sérieux, là, voir si c'est pertinent ou on a... ou, en tout cas, si on peut l'introduire
dans le projet de loi n° 12, pour toutes sortes de raisons, mais je
comprends que, pour vous, ce n'est
pas nécessairement la solution globale, qu'il restera un bout de chemin à faire
par la suite, que ça répond à un aspect, et donc que je peux le
qualifier, cet amendement-là, de solution intérimaire, mais qu'il demeurera
quand même quelques bouts de chemin à faire
pour avoir une solution véritablement globale. Est-ce que je peux comprendre
ça?
• (17 h 50) •
Mme Amireault (Caroline) : Bien,
vous avez tout à fait raison, Mme LeBel, c'est exactement ça, parce que
notre demande est d'avoir une solution globale. Quand on parle de global, c'est
les sociétés d'État, c'est les organismes publics, c'est le privé et le
municipal. C'est un gros éléphant à manger, mais le projet pilote nous a permis
de régler la problématique, en tout cas, de travailler avec les organismes
publics. Si la commission en venait à la conclusion de dire on apporte des
amendements, vous pourriez aller dans la LCOP, voir le 24.3, le changer,
retirer les modalités qui touchent au projet pilote, remplacer ça par un
règlement. On ne demande pas à la commission, aujourd'hui, d'amender la LCOP et
de mettre tous les paramètres du projet pilote dans la LCOP. Ce serait
suicidaire de faire ça de cette façon-là, je crois. Allons-y avec un article
général qui permettrait au Conseil du trésor de travailler par la suite les
règlements sur les contrats des organismes publics d'abord. On pense aussi que
de le faire de cette façon-là, tu sais, c'est une opportunité qu'il ne faut pas
manquer, là. On demeure convaincus à la coalition qu'il faut vraiment passer
par le projet de loi n° 12 pour, à tout le moins, faire ce premier pas qui
va être décisif. Ça fait 10 ans, je ne le répète plus après, mais ça fait
10 ans quand même qu'on travaille ce dossier-là. Alors, on souhaite le
faire.
Et ultimement on pense aussi que... Ça avait
d'ailleurs été une question qui avait été posée sur le p.l. no° 66, de
mémoire, par M. Gaudreault, on pense que, si l'État donne l'exemple comme
organisme public, bien, ça va permettre aux autres donneurs d'ouvrage de suivre
la parade puis de dire : Bien, il faut s'organiser, se structurer pour avoir des délais de paiement respectables parce
que, sinon, l'industrie va se concentrer au niveau des organismes publics. Alors, c'est une opportunité à ne pas
manquer de notre côté. Puis je pense que, pour avoir entendu les... Depuis le
matin, presque tous les intervenants qui ont parlé des retards de paiement,
j'applaudissais silencieusement dans mon bureau toute la journée, mais
je trouvais ça intéressant de voir que cette problématique-là, elle est
soulevée par plusieurs instances. Et vous
avez une belle opportunité. On pense que tous les parlementaires ont une très
belle opportunité de le faire présentement.
Mme LeBel : Oui.
Bien, merci. Puis je voulais simplement être capable d'asseoir ma compréhension
correctement, parce qu'effectivement on a eu l'occasion d'en discuter, vous et
moi, dans une autre rencontre, de cette demande d'avoir une solution pérenne et
globale. Mais je pense que c'est important de bien cadrer la situation et de
dire que, si on attend pour avoir cette solution pérenne et globale, là, bien,
il y a des niveaux de difficulté peut-être... Bon, pour ne pas parler du
domaine, pour ne pas nommer le domaine municipal, à titre d'exemple, où, si on
attend de tout faire dans une seule solution où on règle tout, bien,
naturellement, les délais, là, dans lesquels on est pour le projet de loi
n° 12, on n'est pas dans des délais qui nous permettent de tout faire, et,
je pense, c'est vraiment le fait que je voulais cadrer que, donc, vous
n'abandonnez pas l'objectif d'une solution pérenne et globale, mais vous
admettez, vous comprenez qu'on ne peut pas le faire nécessairement dans une...
dans une seule étape.
Donc, je comprends bien quand je vois que la
solution que vous proposez. On verra, bon, si on peut le faire puis on va
l'étudier avec beaucoup de sérieux parce que la volonté de procéder, elle est
présente. Maintenant, je dis toujours : C'est quoi faire, comment le faire
et quand le faire. Donc, il faut quand même se poser, nous, ces questions-là
avant de prendre la décision, mais je comprends que votre proposition est quand
même une proposition par étapes, là, mais c'est une bonne étape, mais par
étapes.
Mme Amireault (Caroline) : Exactement.
Mme LeBel : Bien, écoutez, ce
n'est pas parce que je ne suis pas d'accord avec vous, c'est parce que votre
point est très clair.
Mme Amireault (Caroline) : Tant
mieux.
M. Bilodeau
(Marc) : Tant mieux.
Mme LeBel : Alors, je n'avais
pas d'autre question, M. le Président, à moins que mes collègues... mais...
Le Président (M. Simard) : Très
bien. Merci à vous. M. le député de Vanier, ça vous va? M. le député de Mont-Royal—Outremont.
M. Arcand : Merci. Alors,
bonjour. Encore une fois, de votre présence, merci infiniment,
M. Bilodeau, Mme Amireault. Évidemment, on était là, nous, au
gouvernement en 2017, lorsqu'on a établi le projet pilote. Et on voit, et vous
l'avez bien indiqué, qu'il y a d'autres gouvernements qui semblent avoir des
méthodes un peu plus... un peu plus précises et surtout des paiements plus
rapides. J'aimerais que vous m'expliquiez, d'après vous, cette espèce de... Il
semble y avoir parfois une relation un peu toxique entre l'État et les
entrepreneurs en construction au niveau des appels d'offres. Surtout, entre
vous et moi, dans le domaine de la construction, les prix ont augmenté
beaucoup. On nous dit que les matériaux sont plus chers, mais, en même temps,
vous savez, il y a une relation où on ne sait jamais tout à fait le prix qu'on va payer. Ce n'est pas toujours... Ce n'est
pas toujours clair, et ainsi de suite. Est-ce qu'il y aurait des façons,
je dirais, de sécuriser davantage les personnes qui ont des décisions à
prendre, de donner le contrat avec un certain prix? Est-ce qu'il y a des
façons, selon vous, qui existent, qui pourraient rassurer les gens qui,
souvent, veulent évidemment que le contrat qu'ils donnent soit fait au juste
prix?
M. Bilodeau (Marc) : Il y a
beaucoup de façons de procéder. À travers la planète, il y a quand même un...
(Interruption)
M. Bilodeau (Marc) : Il y a un
retour de son, là.
M. Arcand : Bien, nous, on...
M. Bilodeau (Marc) : Excusez-moi.
Bon, il y a beaucoup de façons de procéder. À travers la planète, il y a
beaucoup de gens qui ont expérimenté des systèmes différents. C'est bien
entendu, nous, dans le cadre... Notre raison d'être aujourd'hui, c'est les
délais de paiement. Mais je peux vous dire une chose certaine, c'est que plus
il y aura de soumissionnaires, plus on s'assurera d'avoir un prix juste. Parce
qu'un soumissionnaire unique... J'ai été entrepreneur pendant 30 ans. Le
soumissionnaire unique, il sait qu'il est unique. S'ils sont deux joueurs, les
gars se connaissent, ils savent qui... qu'est-ce que l'autre a en main puis ils
savent... Ils ne se parlent pas, mais tout le monde sait que ça va avoir une
pression vers le haut sur les prix.
Lorsqu'on est six, sept, huit joueurs qui
soumissionnent sur un même projet, les entrepreneurs doivent faire preuve
d'innovation, doivent faire preuve de... Ils doivent se réinventer pour réussir
à être le plus bas soumissionnaire, parce qu'ils ne peuvent pas contrôler ce
qui se passe dans huit entreprises. Donc, ça va avoir nécessairement une
pression sur les prix vers le bas.
Maintenant, le processus pour choisir
l'entrepreneur, le plus bas soumissionnaire, le meilleur prix, ça, il y a d'autres associations qui vont venir vous
rencontrer dans les prochains jours qui sauront vous aider avec cette question-là.
Mais, nous, ce qui est vraiment important pour nous, c'est de s'assurer
d'ouvrir le marché public. Puis, pour ouvrir le marché public, pour qu'il y ait
plus de joueurs qui puissent venir jouer dans la cour du marché public, il faut
que les entrepreneurs n'aient plus le fardeau du financement à supporter.
Moi, j'étais... Comme je vous ai dit, j'ai été
entrepreneur 30 ans puis j'ai... Pendant 20 ans, je n'ai pas fait de
projets publics uniquement à cause qu'on n'était pas... on n'était pas bien
payés. J'avais deux choix, je choisissais un projet public ou un projet privé,
j'allais vers le privé parce que je le savais que la paie serait meilleure, que
mes travaux supplémentaires rentreraient plus vite et que ma retenue
contractuelle n'arriverait pas au bout de trois ans.
M. Arcand : O.K. Mais, moi, la
question, la question fondamentale derrière ça aussi, c'est que c'est quand
même, pour les gens au gouvernement, là, puis je n'essaie pas de défendre les
gens au gouvernement nécessairement, mais c'est quand même... On parle souvent
de beaucoup d'argent. On fait des évaluations. Le milieu de la construction est
un milieu qui est toujours très mouvant à cause du prix, à cause de tout ce qui
se passe de ce côté-là. J'essaie juste de
voir, au-delà de la question du paiement, si, pour... Parce qu'il faut essayer
de trouver une solution. À mon avis, pour pouvoir sécuriser des
paiements dans l'avenir, il faut qu'il y ait un lien de confiance qui soit un
peu meilleur par rapport à ce qu'il est actuellement. C'est pour ça, le sens de
ma question.
M. Bilodeau
(Marc) : Je comprends très bien. Je pense qu'il faut peut-être
s'asseoir et revoir un peu le processus
d'octroi de contrats. On parle des appels d'offres, on parle des documents
d'appel d'offres, des professionnels qui sont préparés. Ça, je pense
qu'il faut que, un, on ait peut-être plus de temps. Il faut qu'il y ait... Il
faut que ça soit revu. Souvent, on a des dossiers qui arrivent en appel
d'offres, qui ne sont pas... qui ne sont pas complets. C'est sûr que ça va être
dur de vous donner le juste prix si on n'a pas les documents complets qui
changent avec des addendas et toutes sortes
de choses. Donc, je pense que c'est important de commencer à avoir un processus
d'appel d'offres où les documents que des entrepreneurs reçoivent soient
clairs. Ensuite de ça, on établit un processus d'appel d'offres, plus bas
soumissionnaire, peu importe la façon, et on paie bien les entrepreneurs. On
les intéresse au marché. Les entrepreneurs vont arriver
plus nombreux avec des documents clairs. Donc, ça va nous aider à avoir des
prix plus précis. On a vu des appels d'offres où on nous rajoutait une salle
d'opération dans un hôpital, tu sais, en addenda. Donc, on est rendu à l'étape où on présente un projet aux
entrepreneurs, puis après ça on vient en addenda demander des travaux
additionnels majeurs. Ça a une influence sur les prix. Donc, il faut régler ce
cas-là en partant pour avoir des prix encore plus justes. Puis, en payant bien
les entrepreneurs, on va intéresser les gens.
M. Arcand : Écoutez, depuis le début,
les gens qui viennent... Puis je comprends que votre objectif de la
coalition, c'est d'abord et avant tout de se faire payer, là, d'abord et avant
tout. Ça, je comprends très bien ça. Mais est-ce que vous avez une opinion sur
l'idée qui... dont on n'arrête pas de parler depuis le début de la journée, sur
le fait qu'on ne peut pas juste regarder le prix? Il faut... Il y a... La
qualité est un élément important, et l'innovation, etc. Est-ce que vous avez
une opinion par rapport à ça?
• (18 heures) •
M. Bilodeau
(Marc) : Bien, bien sûr. Bien sûr qu'on a une opinion par rapport à
ça. C'est... Je ne veux pas mettre personne en... Je ne veux pas peinturer
personne dans le coin, mais c'est sûr et certain qu'il y a peut-être une
révision du mode à avoir. Le prix, est-ce qu'il doit être... uniquement le prix
qui est à considérer, l'expérience de l'entrepreneur? Beaucoup de choses. Mais,
comme je vous ai expliqué tantôt, j'ai des collègues qui vont venir vous
rencontrer qui, eux, ont vraiment planché sur cet aspect-là. Et puis nous, on
va vraiment essayer de se concentrer uniquement sur vraiment l'aspect de
paiement.
M. Arcand :
Vous avez dit que, pour régulariser les retards de paiement, vous avez
dit : Bien, si on fait ça au municipal, etc., c'est un gros éléphant à
manger, là, si j'ai bien compris ce que vous avez dit. Selon vous, où on
devrait intervenir plus rapidement? Et surtout combien de temps vous pensez
qu'on peut prendre pour vraiment régulariser les problèmes? Est-ce que vous voyez des délais possibles, là? Je sais que
le projet pilote a duré longtemps, là, mais est-ce que vous voyez
certains délais de ce côté-là?
Mme Amireault
(Caroline) : Bien, à cette question-là, c'est une excellente question,
je pense que le projet pilote, quand on nous l'a présenté en 2018, on était...
2017, on était un peu déçu, la coalition, parce qu'on souhaitait que la loi
soit changée tout de suite puis que des dispositions d'ordre public arrivent
dans la loi. On s'est plié au projet pilote. Puis, avec du recul, bien, on peut
dire que ça nous a permis de tester les mécanismes. Puis je crois que,
rapidement, si un amendement est apporté au projet de loi n° 12 pour permettre
au Conseil du trésor de prévoir les règlements adjacents, ces règlements-là, il
ne reste pas beaucoup de choses à corriger dans les paramètres. Parce qu'on
avait plusieurs pages, là, dans les paramètres des dispositions sur le
calendrier des paiements, l'intervenant, etc. Mais ce sont des petites choses
qui restent à... du «fine tuning.» Je n'aime pas l'expression en anglais, là,
mais vous comprenez ce que je veux dire. Ce sont des petits éléments qui ne
sont pas contradictoires dans le... Puis même ça ressort du rapport du Conseil
du trésor, là, ce sont des petits éléments qui peuvent se mettre en place. Je
pense que le projet pilote nous a permis d'acquérir une maturité au niveau de
l'industrie de la construction. Les entrepreneurs qui ont participé à ces
projets de loi là ont... avaient le goût de faire ces projets... pas des projets
de loi, pardon, mais des projets pilotes,
avaient le goût de participer à ces
projets de construction là. Ça leur a montré comment ça fonctionnerait. Puis ça a été vraiment une réussite, là, sur toute
la ligne pour faire en sorte que les... Mais, pour répondre à votre
question, est-ce qu'il y aurait des délais, ça pourrait quand même se faire
assez rapidement, à tout le moins au niveau des organismes publics, si on a cet
article-là dans le p.l. n° 12.
M. Arcand : D'accord. Si j'avais à
vous demander, simplement, parce qu'il nous reste à peu près deux
minutes, là, le calendrier de paiement, pour les gens qui écoutent, est-ce que
vous pourriez nous expliquer de façon simple ce que vous voyez? Et en quoi
c'est différent de l'Ontario ou du fédéral de ce côté-là? Est-ce que c'est une
formule qui est déjà employée ailleurs, ce que vous proposez? Et si vous
vouliez juste nous l'expliquer de façon simple.
M. Bilodeau
(Marc) : D'accord. J'ai... En fait, ce calendrier de paiement là,
c'est un calendrier qui est prévu dans la
plupart des contrats de construction. C'est-à-dire qu'un décompte progressif
est présenté le 25 aux entrepreneurs généraux. On s'entend sur un
décompte au 1er du mois. Les factures s'envoient. Le 1er du mois,
l'entrepreneur envoie la photo... la facture au client. Le client reçoit la
facture, a jusqu'au 20... le 21 pour prendre action, recevoir la facture et dire : Bon, bien, écoute, vous m'avez
facturé 100 000 $, moi, je reconnais les travaux à
90 000 $, et il présente... Je vais vous payer
90 000 $ le 30 du mois parce que je considère qu'il y a
10 000 $ qui n'a pas d'affaire, mais c'est justifié. Donc,
l'entrepreneur reçoit son paiement à la fin du mois, a cinq jours pour payer le
sous-traitant et cinq jours le sous sous-traitant. Donc, c'est un calendrier
qui est assez clair.
Aujourd'hui, ce qui
se passe, c'est que, lorsqu'on reçoit une demande de paiement, si, souvent, le
montant ne balance pas ou on n'est pas d'accord avec le décompte, le montant...
la facture s'en va sur le côté. Là, ça prend du temps à le régler, d'où la
moyenne qui est rendue à 80 jours. Dans... Au niveau des retenues
contractuelles, il y a aussi un mécanisme qui fait en sorte qu'on peut recevoir
nos retenues plus rapidement, qu'on les facture à la fin de nos travaux. En ce
moment, les retenues, quand on parle d'entrepreneurs qui attendent leurs
retenues pendant trois ans, ça commence à être beaucoup d'argent, c'est
10 %, les... ce n'est pas le profit, c'est plus que le profit que les
entrepreneurs font. Donc, l'entrepreneur, il
a soumissionné sur des projets publics, puis son cash-flow diminue, ses
liquidités diminuent. C'est...
C'est... C'est ça qu'il faut changer. Il faut que les entrepreneurs aient accès
à ces liquidités-là pour continuer à pouvoir dépenser de l'argent, pour
pouvoir commencer à investir dans leur entreprise, dans de l'équipement neuf,
dans de la modernisation et dans la formation de sa main-d'oeuvre.
M. Arcand : Est-ce
qu'il y a beaucoup d'extras, parfois, dans les contrats avec le gouvernement
actuellement?
M. Bilodeau (Marc) : Il y a beaucoup
d'extras, notamment dans... au ministère des Transports, hein, Caro pourra...
Caroline pourra le justifier, mais il y en a aussi dans le bâtiment, il y en a
un peu partout. C'est des travaux supplémentaires. Puis ces travaux
supplémentaires là, souvent, dans bien des cas, vont être faits à temps
matériel. Et puis là on envoie des factures, et puis là la guerre... pas la
guerre mais la valse des échanges commence. C'est-à-dire que, là, tu ...(panne
de son)... trop cher, pas assez cher...
Le Président (M. Simard) : Très
bien. Merci, M. Bilodeau. Mme la députée de Mercier.
Mme Ghazal : ...M. le Président. Merci
pour votre présentation.
Écoutez, c'est très, très clair, là, votre
recommandation est claire, nette et précise, puis vous l'avez déjà mentionné
aussi dans l'espace public. Et, de ce que je comprends de la ministre, c'est
qu'il y a quelque chose qui va être fait, il y a une ouverture, peut-être pas
dans un amendement dans le projet de loi, mais par un autre mécanisme. Je suis
quand même curieuse. Je me dis : C'est qui, d'abord, qui soumissionne pour
le gouvernement si c'est si compliqué d'être payé? C'est les plus gros. C'est
ça que je comprends?
Mme Amireault (Caroline) : Bien,
moi, je veux juste répondre à une portion, Marc, s'il te plaît...
M. Bilodeau (Marc) : Oui.
Mme Amireault (Caroline) : ...avant,
de dire que nous, on souhaite que ce soit par amendement dans le projet de loi n° 12. Puis vous auriez même
l'opportunité, comme législature, de voir à peut-être modifier aussi certains
articles. Parce que, quand il y a eu le projet de loi n° 108, il y a des
articles, 24.3 à 24.7, qui ont été ajoutés dans la LCOP, mais certains de
ces articles-là sont devenus désuets maintenant parce que le projet pilote est
terminé. Alors, en faisant l'amendement qu'on vous propose, vous pourriez aussi
également profiter de l'occasion puis retirer certains articles. Et, comme on
le disait tout à l'heure, ce n'est pas à tous les deux ans, trois ans
qu'on ouvre la LCOP. C'est une belle opportunité. Je voulais juste faire cette
parenthèse-là, parce qu'on demande qu'il y ait un amendement.
Mme Ghazal : Vous faites bien. La
ministre écoute.
Mme Amireault (Caroline) : Oui. Je
suis convaincue.
M. Bilodeau (Marc) : Et, pour
répondre... Et, pour répondre à votre question, c'est...
Mme Ghazal : Oui, oui, allez-y.
M. Bilodeau (Marc) : Ce sont des
plus gros entrepreneurs qui sont capables de soumissionner. Il faut être
capable. Ça prend des reins solides pour travailler pour l'État. Ça prend
quelqu'un qui est capable de supporter du crédit, qui est capable de payer ses
employés à toutes les semaines, ses équipements, et attendre son paiement
80 jours et sa retenue 300 jours.
Mme Ghazal : Dans le fond, vos
membres, là, de la coalition, je ne sais pas, pour avoir un ordre de grandeur,
c'est des gens qui ont des, je ne sais pas, des chiffres d'affaires de combien?
Est-ce que...
M. Bilodeau (Marc) : Bien, ça
dépend, il y a de toutes les grosseurs. On a...
Mme Ghazal : O.K. C'est diversifié.
M. Bilodeau (Marc) : On représente
entièreté de l'industrie de la construction.
Mme Ghazal : Sauf les plus gros, qui
ont les reins solides. C'est ce que je comprends?
M. Bilodeau (Marc) : Non, non, non,
ils sont membres également, ils sont membres également.
Mme Ghazal : O.K. Parce qu'eux aussi
ils veulent être payés vite, quand même, là, hein?
M. Bilodeau (Marc) : Bien,
certainement. C'est légitime.
Mme Ghazal : Puis...
Mme Amireault (Caroline) : En fait,
ça a été un... Excusez. Excusez-moi, je vous ai interrompue.
Mme Ghazal : Oui, oui. Non, allez-y,
allez-y.
Mme Amireault
(Caroline) : Ça a été une constatation qui a été faite au début parce
que les entrepreneurs pensaient que c'étaient les généraux qui retenaient les
sommes des sous-traitants. À un moment donné, on s'est parlé puis on a fait
comme : Bien, nous aussi, les généraux, on a des problématiques. C'est le
donneur d'ouvrage. L'argent ne vient pas, ça fait qu'on n'était pas capables de
payer les... les sous-traitants, pardon. C'est pour ça que la solution pérenne
qu'on souhaite englobe autant les généraux que les sous-traitants. On travaille
en collaboration.
Mme Ghazal : O.K. Je comprends. Puis
là je ne sais pas il me reste combien de temps.
Le Président (M. Simard) : ...secondes.
Mme Ghazal : Oui. Bien, en fait,
écoutez, je voulais savoir si, par exemple, il y avait d'autres éléments que
vous vouliez ajouter, autres que ce problème-là, quoique c'est le sujet qui
vous occupe, c'est le nom aussi de votre coalition, donc l'inflation, tout ça.
M. Bilodeau (Marc) : Tout à fait.
Mme Ghazal : Bien, on pourra en
parler une autre fois. De toute façon, on n'a plus le temps. Merci.
Le Président (M. Simard) : Merci à
vous. M. le député de Jonquière.
M. Gaudreault : Oui. Merci beaucoup
pour votre présence. Ce n'est pas la première fois qu'on se rencontre. Je vous
écoutais puis je me disais : Quand ils ont créé la Coalition contre les
retards de paiement, en 2013, ils ne devaient pas penser de se retrouver en
2022 encore à plaider ça. Tu sais, c'est le genre de... J'avais un de mes
oncles qui avait un chalet quand j'étais
jeune puis il faisait des travaux qui étaient temporaires. Puis, au bout de
10 ans, la rallonge était toujours là, qui était temporaire, puis
ça devenait permanent, tu sais. Ça fait que c'est un peu... c'est un peu ça. C'est... Je ris, mais ce n'est pas drôle, dans le
sens que vous continuez votre votre travail. Heureusement que vous êtes
là.
Moi,
j'aimerais ça vous amener sur le privé. Moi, je viens d'une région qui est très
dépendante de la grande industrie, où,
on le sait, il y a eu aussi des délais de paiement plus longs. Et ça affecte
toute la chaîne, hein, en aval, là, donc l'entrepreneur général, le
sous-traitant, le sous sous-traitant. Puis, moi, il y a des entrepreneurs qui
cognent à ma porte de député pour dire :
Écoutez, là, ça n'a plus de bon sens, je ne suis plus capable de payer mes
employés. C'est ça, la réalité. Alors, j'aimerais ça que vous nous
disiez ce qui en est présentement avec le privé et comment on peut agir
également à cet égard.
M. Bilodeau (Marc) : Bien, le privé
ne fait pas... Au niveau du paiement normal, le privé est en moyenne aussi à
80 jours. Où le privé fait beaucoup mieux, c'est sur le règlement des
extras et le règlement de la retenue contractuelle. C'est là que le privé se démarque
et c'est là que c'est... ça devient plus intéressant de faire affaire avec le
privé. Parce qu'en dedans de 90 jours, grosso modo, après la fin d'un
contrat, on le sait qu'on va avoir notre argent complet et on pourra passer à
un autre projet, et puis c'est vraiment là que ça se démarque. Ça fait que,
quand qu'on a le choix entre aller à un projet public ou un projet privé, on va
au privé, c'est plus simple, l'argent est là.
M. Gaudreault : Mais ce que je
...(panne de son)... aussi des plus longs délais de paiement. Je voudrais... Ce
que je veux dire, c'est que les délais de paiement s'allongent, entre
guillemets, au privé. Est-ce que c'est encore ça?
M. Bilodeau (Marc) : Ah! bien oui.
M. Gaudreault : Oui. Bien, c'est ça,
donc comment on peut agir sur...
• (18 h 10) •
Mme Amireault (Caroline) : Oui. Les
chiffres... Les chiffres de notre étude ont été mis à jour puis... en 2019,
puis on voit que l'écart continue à s'accentuer au privé et au public, là. Ce
n'est pas... Ça ne s'est pas amélioré. Puis, même en 2021, on a fait une autre
étude économique avec Raymond Chabot Grant Thornton dans un autre regroupement,
bien, il y a encore la problématique des délais de paiement qui ressort, là. Et
deux des quatre solutions qui ont été présentées dans cette étude-là, c'est le
calendrier de paiement, encore, et l'intervenant expert. Alors, ça vient
reconfirmer, en 2021, la portée du propos qu'on traîne depuis 2013. Je sais
que, M. Gaudreault, vous allez prendre... vous allez laisser bientôt vos
fonctions, j'aimerais ça ne pas me rendre à cette situation. J'aimerais ça que
ça se fasse avant que nous-mêmes prenions notre retraite.
M. Gaudreault : Avant que je parte.
O.K. On va essayer.
M.
Bilodeau (Marc) : Bien, en fait, ce qu'on chercherait, c'est une loi
d'ordre public qui encadre l'ensemble des travaux de construction publics, privés. C'est ça... C'est ça qu'on
recherche. Comme il s'est... Comme il s'est fait en Ontario.
M. Gaudreault : Merci.
Le Président (M. Simard) : Alors, M.
Bilodeau, Mme Amireault, merci beaucoup pour la contribution à cette
commission.
Sur ce, nous allons
suspendre momentanément, le temps de faire place à nos prochains invités. Et, à
vous deux, au plaisir de vous retrouver. À nouveau, merci.
(Suspension de la séance à 18 h 11)
(Reprise à 18 h 15)
Le Président
(M. Simard) : Alors, nous sommes de retour. Et nous sommes...
nous allons finir en beauté avec une présentation
du groupe G15+. Madame, monsieur, bienvenue parmi nous. Auriez-vous d'abord
l'amabilité de vous présenter?
G15+
M. Blackburn (Karl) : Karl
Blackburn, président et chef de la direction du Conseil du patronat du Québec.
Le Président (M. Simard) : Rebienvenue
parmi nous, M. Blackburn.
M. Blackburn
(Karl) :
Merci.
Mme Alain (Béatrice) : Béatrice
Alain, directrice générale du Chantier de l'économie sociale.
Le Président (M. Simard) : Nous vous
écoutons. Et vous disposez d'une période de 10 minutes.
M.
Blackburn (Karl) : Alors, merci. Mme la ministre, encore une fois,
bonjour. MM., Mmes les députés. Alors, c'est
toujours un plaisir de vous... de vous... de vous rencontrer de nouveau, et,
cette fois-ci, c'est dans le contexte de notre partenariat, de notre
collaboration avec le G15.
Le G15+ s'appuie sur le dialogue social pour
favoriser la transformation de l'économie québécoise vers une société plus solidaire, prospère et verte et
placer le bien-être de la population au coeur des politiques publiques. Fondé
en mars 2020, il est composé de leaders
économiques, syndicaux, sociaux et environnementaux du Québec. En janvier 2022,
le G15+ a dévoilé les indicateurs du bien-être au Québec, visant à mettre le
bien-être au coeur de nos politiques publiques.
C'est avec un grand intérêt que nous avons pris
connaissance du projet de loi n° 12, d'ailleurs c'est ma deuxième
participation à votre commission, mais nous remercions les membres de la
Commission des finances publiques de nous
donner l'occasion de nous présenter et de présenter nos commentaires et
recommandations. Les leaders économiques, sociaux, syndicaux et
environnementaux du G15 saluent le dépôt de la Stratégie gouvernementale des marchés publics et du présent projet de loi
n° 12. Cette stratégie était attendue depuis longtemps. Le collectif
apprécie l'écoute de la présidente du Conseil du trésor à l'égard de
plusieurs propositions ayant inspiré le gouvernement du Québec.
Tout d'abord,
le G15+ tient à souligner les mesures prévues par le projet de loi au sein du
volet achats québécois, qui envoient un signal clair aux fournisseurs de
l'État québécois et aux gestionnaires des organismes publics à cet égard. Concernant le volet achats responsables, le
collectif qualifie son contenu de bon premier pas pour revoir la règle du
plus bas soumissionnaire, mais qui devra aller beaucoup plus loin si l'État
québécois souhaite contribuer à l'atteinte de l'immense défi de construire une
société durable.
En 2022, le signal doit être clair. Au même
titre que l'intégrité constitue le prérequis normal pour se qualifier au processus d'appel d'offres, les projets
devraient être sélectionnés selon les plus hauts standards d'efficacité
économique, de progrès social et de protection de l'environnement. Prendre
cette décision constituerait un levier considérable pour rendre tangibles le
développement durable, l'innovation et la croissance de nos entreprises et
accélérer le virage vers une société plus
solidaire, prospère et verte. Le G15+ formule plusieurs recommandations à
l'égard du projet de loi n° 12.
La recommandation qui est de satisfaire aux plus
hauts standards sociaux et environnementaux par l'utilisation de critères
obligatoires. Pour favoriser, justement, l'achat responsable, la présidente du Conseil
du trésor se donne le pouvoir de fixer, aux conditions qu'elle déterminerait,
les acquisitions gouvernementales pour lesquelles un organisme public devrait
mettre en place certaines mesures avantageuses. Or, un pouvoir discrétionnaire
n'est pas une obligation. Si le pouvoir accordé à la présidente du Conseil du
trésor lui permettant de favoriser les achats responsables constituait un gain,
son application resterait encore volontaire. Ce pouvoir d'agir de la présidente
du Conseil du trésor repose sur l'hypothèse d'un niveau d'exemplarité des
organismes publics. Or, la commission au développement durable note depuis plus
de 10 ans que l'un des motifs d'échec de l'intégration du développement
durable dans l'administration publique repose sur une faible volonté des
organismes publics. Le paradoxe du projet de loi n° 12 est qu'il recourt à
des dispositions prescriptives, par exemple pour privilégier l'intégrité des
marchés publics et l'achat québécois, alors qu'il se retient d'agir avant...
avec la même détermination à l'égard de l'achat responsable.
Le G15+ souhaiterait que le même niveau
d'engagement soit exigé des organismes publics à l'égard des achats
responsables. Et la première recommandation que nous vous faisons à cet
égard-là : systématiser l'utilisation de critères sociaux et
environnementaux par les ministères et organismes et les rendre obligatoires
dans l'adjudication ou l'attribution des contrats publics, toujours dans le
respect des ententes internationales et lorsque c'est applicable, afin que
l'octroi des contrats publics mise désormais sur des critères de valeur plutôt
que principalement le choix du plus bas soumissionnaire.
• (18 h 20) •
Le G15+ constate que, si
le concept d'achat québécois est défini dans la stratégie, permettant de mieux
apprécier le périmètre visé par les actions du législateur, aucune définition
du concept d'achat responsable n'est prévue au
projet de loi n° 12. Pourtant, des définitions pourraient inspirer le
législateur — voir
à la page 7 de notre mémoire. Le législateur recommande de réduire
la discrétion accordée à l'administration publique et d'augmenter plutôt la
prévisibilité à l'endroit des fournisseurs de biens, services et travaux de
construction.
Notre deuxième recommandation : intégrer
une définition d'une acquisition responsable favorisant l'adéquation entre la Loi
sur les contrats des organismes publics et la Loi sur le développement durable.
Cette définition devrait mettre en lumière le caractère indissociable des
piliers économiques, sociaux et environnementaux et la prise en compte des
impacts tout au long du cycle de vie des produits et services. Cette absence de
définition des achats responsables au projet de loi n° 12 est d'autant
plus problématique que l'article 14.7, proposé à la loi sur les contrats
d'organisations publiques, délègue aux gestionnaires des organismes publics le
soin de déterminer, au gré de l'objet du contrat, ce qui constitue une
acquisition responsable.
Notre
troisième recommandation : amender le nouvel article 14.7 proposé à
la Loi sur les contrats des
organismes publics en balisant le caractère responsable d'une
acquisition grâce à un renvoi à la définition proposée à la recommandation
n° 2. Enfin, la définition de «biens, services ou travaux de
construction innovants» proposée au nouvel article 14.9-5° ne reflète pas l'amélioration de la concordance entre
la LDD et la LCOP, un objectif poursuivi par la Stratégie
gouvernementale des marchés publics.
Notre quatrième recommandation : amender le
nouvel article 14.9.5° proposé à la LCOP pour apporter une clause
interprétative venant préciser la définition de «biens, services et travaux de
construction innovants» qui tiendra compte des principes juridiques du
développement durable et de la définition proposée à la recommandation
n° 2, reconnaître l'économie sociale.
Maintenant, je cède la parole à ma collègue
Béatrice.
Mme Alain
(Béatrice) : Merci, Karl. Bonjour, tout le monde. Députés, Mme
la ministre. Le Chantier de l'économie sociale est heureux de présenter
les principales recommandations du G15+ aux côtés du Conseil du patronat.
Sur la question de l'économie sociale, comme
vous le savez sans doute, j'espère, les entreprises d'économie sociale, elles
appartiennent à leurs membres ou à la communauté, elles sont donc de propriété
collective et 100 % québécoises. La
vaste majorité, 76 %, dessert une communauté locale ou... clientèle locale
ou régionale, et leur redevabilité envers
leurs membres et la communauté garantit leur impact social. Donc, il n'y a pas
plus local que l'économie sociale.
Et c'est pourquoi le G15 s'étonne que les entreprises
d'économie sociale ne se trouvent pas dans les pratiques d'adjudication de
contrats de l'article 14.1 ni dans l'article 14.9. C'est des
dispositions qui visent justement à favoriser l'achat québécois ou favoriser
l'achat responsable. Donc, le G15 propose que les entreprises d'économie
sociale soient considérées pour contribuer à l'atteinte des objectifs du projet
de loi. C'est ici, les recommandations n° 6 et 7 du mémoire du G15.
Autre point, parler de... Donc, on nomme
l'atteinte de la croissance du PIB et la création d'emplois pour évaluer les
impacts. En fait, le G15+ dresse plusieurs constats à l'égard des indicateurs
et méthodes d'analyse qui sont utilisés pour mesurer les effets de la stratégie
et du projet de loi.
D'abord, on déplore que seuls le PIB réel et la
création d'emplois à temps plein fassent l'objet d'une modélisation d'impact.
On questionne aussi que le seul indicateur de la Stratégie gouvernementale de
développement durable qui est utilisée, soit le taux d'acquisitions écoresponsables
des ministères et organismes. Les parlementaires conviendront qu'il s'agit ici
d'un problème au regard des importants objectifs que se donne le projet de loi.
Aucun suivi des coûts et gains économiques,
sociaux ou environnementaux n'est prévu, pourtant ce n'est pas les indicateurs
qui manquent. Le G15+, qui regroupe des groupes variés et présents sur le
terrain, s'est mis d'accord sur une série de 51 indicateurs économiques,
sociaux et environnementaux qui permettent de mesurer le niveau de bien-être au
Québec. On propose au législateur d'arrimer ces indicateurs à la planification
budgétaire et stratégique de l'État. On
propose donc qu'ils soient utilisés pour mesurer l'impact du projet de loi. Il
s'agit des recommandations n° 8 et 10 de notre mémoire.
Sur la question de la reddition de comptes, le
G15 salue la volonté de la stratégie de réaffirmer, et je cite, que «le
développement durable est une priorité gouvernementale et qu'elle vise à
améliorer l'adéquation entre la LCOP et la LDD». Le législateur a une occasion
de démontrer concrètement l'application de cette volonté en mandatant le Commissaire
au développement durable de faire les suivis de l'application du
chapitre II.1 dédié... XI.1 dédié à l'Espace d'innovation des marchés
publics. La présidente du Conseil du trésor est présentement la seule instance
mandatée pour faire ce suivi. Pour éviter qu'elle soit juge et partie, on
propose donc qu'elle s'adjoigne les services du commissaire, dont l'évaluation
du respect de la Loi du développement durable est de son ressort. Il s'agit ici
de la recommandation n° 13 de notre mémoire.
En conclusion, je pense qu'on a devant nous un
projet de loi qui vise juste, mais qui doit se donner des meilleurs outils. On
partage ses objectifs, le G15 partage aussi la volonté de la présidente du Conseil
du trésor de rendre nos marchés publics plus québécois et plus responsables, et
nous partageons avec l'ensemble des parlementaires l'urgence de se doter de
meilleures pratiques possibles.
On est donc prêts à répondre à vos questions.
Le Président (M. Simard) : Merci. Et
votre chat va bien, toujours?
Mme Alain (Béatrice) : Oui!
Constamment dans les mauvais moments. Désolée.
Le Président (M.
Simard) : C'est des choses qui arrivent. Mme la ministre.
Mme LeBel : Oui. Bien, je tiens à
vous rassurer, j'ai reconnu le geste parce que j'ai à le faire fréquemment
quand je suis en Teams, et elle m'ignore le reste du temps. Donc, allez savoir,
allez savoir.
Écoutez, beaucoup de choses, beaucoup de recommandations
très précises, là, sur des articles, donc peut-être que je vais me permettre
d'aller peut-être à plus haut niveau avec vous. Parce que vos recommandations
sont, comme je le disais, très précises, là, sur des amendements, des mots à
ajouter, des choses comme ça, donc on va en prendre connaissance,
naturellement, mais allons-y plus à... à plus haut niveau.
Puis je vais peut-être faire... pour continuer
dans ma sensation de déjà-vu, M. Blackburn, peut-être faire un lien avec
notre conversation précédente. Quand on parlait d'expérimenter, d'y aller de
façon graduelle et d'ensuite normaliser nos façons de faire, je pense que ça
peut s'appliquer ici aussi quand on parle de développement durable. Et, tout ça, ce n'est pas de vouloir ralentir les
objectifs mais de vouloir bien faire les choses. Parce que je pense qu'il
y a... je pense ne pas me tromper puis ne pas dire d'insanités en disant qu'il
y a une expertise à développer, disons, au sein des ministères et organismes.
Certains en ont une meilleure que d'autres, puis c'est normal, mais je pense
que, quand on veut aller dans une direction ou en amont dans les... dans la
réflexion et la définition des besoins, qu'on prenne en compte les critères de
développement durable, environnementaux, d'impact économique, d'économie
sociale, entre autres, d'économie
circulaire, et tout ça, je pense qu'il y a aussi de l'apprentissage à faire.
Parce que ce n'est pas évident, autant pour tout le monde que pour vous
qui baignez là-dedans constamment.
Donc, peut-être me donner des exemples, puis
aussi pour le bénéfice des gens, de critères qu'on peut intégrer, de critères
environnementaux que les organismes pourraient utiliser, de questions que les
organismes doivent se poser dans la définition de leurs besoins quand on vient...
vient le temps de faire l'utilisation et de faire des acquisitions plus
responsables. Bon, vous avez parlé des entreprises d'économie sociale, il y a
des choses qui sont plus évidentes, mais j'aimerais qu'on l'illustre et que
vous nous en parliez pour qu'on puisse avoir une meilleure compréhension. Des
gens qui sont plus initiés au langage, on comprend de quoi on parle, là, mais,
pour nous donner une idée, qu'est-ce que ça veut dire concrètement, dans un
exemple donné à titre... que vous pourriez m'illustrer, d'avoir en tête des
critères sociaux et des critères environnementaux et quels pourraient être des
types de critères qu'on pourrait intégrer, là.
Mme Alain (Béatrice) : Bien, je vais
me lancer, puis, Karl, tu compléteras.
Je pense qu'en fait il existe plein d'exemples,
au Québec, d'instances, de ministères comme d'acteurs municipaux qui ont mis en place des critères intéressants pour regarder,
par exemple sur les questions environnementales, le coût du cycle de
vie, les mesures, à quel point ça favorise ou renforce la biodiversité, sur les
questions sociales, sur évidemment l'achat en économie sociale par des marges
préférentielles ou des marchés réservés, on les voit, là, à Montréal, à
Longueuil, mais aussi des questions comme la place des femmes dans les
entreprises, sur les conseils d'administration, comme propriétaires de ces
entreprises quand elles sont privées. Il y a une série de mesures. Puis il faut savoir que, partout au monde, de plus en plus
de gouvernements s'efforcent de trouver des leviers qui vont répondre à
la fois à leurs... à leurs objectifs gouvernementaux plus larges. Donc, je
pense qu'on ne manque pas d'exemples, mais on manque peut-être d'incitatifs
pour que les gens le fassent plus systématiquement. C'est pourquoi on pense
que...
• (18 h 30) •
Mme LeBel : Bien, excusez-moi, je ne
voulais pas vous interrompre. Il y a un petit... des fois, il y a un petit
décalage. Mais, dans le fond, c'est un peu l'objet de la... Je vais résumer de
façon très succincte, mais l'ensemble de vos recommandations, entre autres,
sont pour modifier les articles de loi pour aller un peu plus loin, là, dans
l'incitatif, là, si je peux... si je peux le résumer de cette façon-là. Est-ce
que je comprends bien votre... Votre position générale pourrait être celle-là,
là?
Mme Alain (Béatrice) : Bien, ça fait
15 ans que la Loi sur le développement durable existe puis la loi sur les
contrats des organismes a été adoptée, je pense qu'on est capables d'aller un
brin plus engagés. Oui.
M. Blackburn (Karl) : Si je pouvais
me permettre d'ajouter, Mme la ministre, aussi, suite à la discussion que nous
avons eue tout à l'heure, d'autres critères, comme en lien, par exemple, avec
les coûts de transport ou les méthodes de transport utilisées pour les marchandises
ou les matières entrant dans la fabrication, c'est des éléments qui peuvent
permettre d'avoir une certaine conscientisation par rapport, justement, à des
coûts sur l'environnement, dépendamment du type de transport utilisé. La source
d'énergie utilisée également peut faire une grosse différence.
Alors, vous voyez, comme on faisait tout à
l'heure référence aux avantages que le Québec a en termes, entre autres,
d'énergie, bien, ces sources d'énergie peuvent certainement être des critères
qui peuvent guider les orientations d'achats ou de contrats publics en lien
avec des impacts environnementaux.
Mme LeBel : O.K. Il y a... puis je
lance la question, il y a... il y a toujours la préoccupation aussi, quand on
fait les achats gouvernementaux, d'avoir... j'allais dire le meilleur prix,
mais ce n'est pas ça, c'était... c'était... c'est la... actuelle, on veut
évoluer vers la juste valeur. Je vais vous demander de le réitérer,
M. Blackburn, si c'est le cas, parce que vous avez parlé au nom du Conseil
du patronat, maintenant vous parlez plus au nom du G15 : Est-ce que vous
pensez... Puis probablement, peut-être, vous allez vous répéter, peut-être que
vous allez nuancer votre position, mais je vais quand même la répéter, même si
on a eu cette discussion-là.
Moi, ce qu'on a voulu
mettre en place, c'est vraiment cet espace d'innovation là, puis, dans toute la
question du développement durable, des critères responsables, d'économie, des
retombées plus sociales et environnementales qu'on
pourrait avoir, bien, c'est une approche graduelle. Et on a eu l'occasion d'en
discuter, puis je sais que c'est comme une répétition, mais on va se placer
avec votre nouveau... votre nouvelle présentation. Est-ce que vous pensez... Puis l'engagement qui est pris dans le projet de
loi, c'est aussi d'être capables de faire évoluer, puis je le disais tantôt,
quand ça fonctionne, et que c'est avéré, et
que c'est une bonne idée, et qu'on peut le démontrer aussi. Parce que ça peut
être un enjeu gouvernemental de
pouvoir avoir du discours pour justifier d'aller dans une direction ou une
autre, puis on le comprend.
Est-ce que vous
pensez que ça peut être... c'est aussi favorable, quand on parle de ces
critères-là et de la position du G15, d'avoir cette approche graduelle là?
Puis, est-ce que ce n'est pas une bonne façon, justement, de permettre le
développement de l'expertise nécessaire au sein des organismes publics? Il y en
a qui l'ont déjà, cette expertise, je ne le... je ne le nie pas, mais, quand on
parle de l'expertise de tous les organismes, ministères et organismes qui
sont... qui vont... qui sont sous le coup de la loi sur les contrats publics,
on n'est pas... on n'est pas partout au même niveau, puis c'est normal, ce
n'est pas toujours le quotidien ou la même préoccupation. Qu'est-ce que vous en
pensez?
M. Blackburn
(Karl) : Alors, ma... Alors, ma réponse va être la même que celle de
tout à l'heure. Et je soupçonne que vous me
demandez de la refaire parce que j'ai parlé de la sagesse que vous avez évoquée
dans le projet de loi.
Mme LeBel :
Vos mots... le choix des mots vous appartient, M. Blackburn.
M. Blackburn
(Karl) : Mais effectivement j'ai mentionné, puis je le répète, que
c'était sage de la part du gouvernement, de votre part, de, justement... de
pouvoir se permettre de s'améliorer et de bâtir notre positionnement sur des
expériences concrètes basées sur les meilleures pratiques connues ou sur les
meilleures sciences connues, mais pour nous permettre d'améliorer le processus.
Et cette sagesse-là que vous amenez dans le projet de loi, je le répète, je pense que c'est sain. Mais ce qui est surtout
important, c'est que ça puisse aussi nous servir d'exemple concret
rapidement. Et pourquoi rapidement? Parce que cette rapidité va permettre
d'apporter cette stabilité ou cette prévisibilité qui est importante au monde
économique, au monde social ou au monde environnemental.
Alors, on se rejoint
tous à ces endroits-là. Des fois, ça peut paraître moins vite, des fois, ça
peut paraître plus vite, dépendamment de quel côté on regarde l'objectif. Mais
ce que vous présentez dans le projet de loi va rechercher les positions qu'on
souhaite voir retrouver en termes de qualité d'achat, de durabilité dans le
temps, d'impacts environnementaux, de maximisation sur le côté social,
également, sur les communautés, et de vous donner cette capacité d'ajuster le
tir en cours de route, je pense que c'est sage, encore une fois.
Mme LeBel :
Et puis je vais juste...
Mme Alain
(Béatrice) : Si je peux...
Mme LeBel :
Oui, allez-y. Absolument.
Mme Alain
(Béatrice) : Je veux juste renchérir sur les propos de Karl. Je pense
qu'il faut, oui, tu sais, se donner du temps pour faire des bonnes choses, pour
les faire correctement, mais, en même temps, l'intérêt, c'est d'amener pas
juste ceux qui sont disposés à le faire ou intéressés à le faire, mais lancer
un signal que tout le monde doit aller par là, et sur la lignée de qu'est-ce
qui marche ou faire les bonnes choses, d'où l'intérêt de faire une évaluation à
la fois des pratiques d'achat. Puis ça, c'est vraiment le ressort du Conseil du
trésor qui peut évaluer qu'est-ce qui marche, qu'est-ce qui ne marche pas,
qu'est-ce qui bogue, mais aussi l'impact, qu'est-ce que ça donne de changer les
pratiques, pourquoi on le fait. Et ça, c'est pourquoi on recommande que ce soit
évalué par le Commissaire au développement durable, qui a toute l'expertise de voir
pourquoi et quel impact on fait sur notre tissu économique, social et
environnemental.
Mme LeBel :
O.K. Et votre opinion, c'est qu'il aurait un regard, à ce moment-là, plus
sur ces aspects-là pour nous permettre de nous éclairer, savoir si, effectivement,
ça remplit les promesses, là, qu'on semble donner à ce type d'acquisitions là?
Mme Alain
(Béatrice) : Est-ce qu'on bouge dans la bonne direction, oui ou non.
Mme LeBel :
Direction. O.K. Bien, parfait. Mais, écoutez, si vous avez quoi que ce soit
d'autre à ajouter, je vous donne le bénéfice de mon temps, mais... et si mes
collègues ont des questions, mais, pour moi, c'est très clair, puis on avait
déjà eu l'occasion de l'explorer un peu, là, précédemment. Donc, merci, merci
de votre présentation.
M. Blackburn
(Karl) : Merci à vous.
Le Président
(M. Simard) : Merci à vous. M. le député de Mont-Royal—Outremont.
M. Arcand :
Merci, M. le Président. Rebonjour, M. Blackburn, bonjour,
Mme Alain. Est-ce que je comprends, dans la lecture de votre mémoire, que
la politique d'approvisionnement responsable de la ville de Montréal, c'est un
peu le critère que vous voudriez voir adopter, essentiellement, au niveau du
gouvernement du Québec?
Mme Alain
(Béatrice) : Je pense que la politique est citée comme un exemple de
ce qui est possible, donc, pour dire qu'on n'est pas ici à demander d'inventer
des nouvelles choses farfelues, mais montrer que plusieurs villes, ou même
ministères, ou programmes mettent en oeuvre des politiques d'achats
responsables. On a plein d'exemples au Québec puis on a aussi des exemples à
l'international pour nous inspirer.
M. Arcand : ...la politique
d'approvisionnement responsable de la ville de Montréal vous apparaît plus
progressiste, si on veut, que ce qui existe actuellement au gouvernement du
Québec?
Mme Alain (Béatrice) : La
politique d'achats responsables de la ville de Montréal a identifié certains
leviers qui m'apparaissent intéressants pour le gouvernement du... pour
inspirer la politique nationale du Québec.
M. Arcand : Vous seriez bonne
en politique, je pense. J'aimerais qu'on parle d'économie sociale. D'une part, actuellement, vous dites : Il devrait y avoir
une marge préférentielle dans les méthodes d'analyse au niveau de
l'économie sociale. Est-ce que vous pourriez me donner les exemples des... si
je me permets l'expression, des plus grands
succès en matière d'économie sociale, actuellement, des contrats qui ont été
très gagnants en matière d'économie sociale, qui ont été donnés par le
passé par le gouvernement du Québec ou par d'autres gouvernements également?
Mme Alain (Béatrice) : Et je
peux vous parler en long et en large d'économie sociale. À cet effet,
d'ailleurs, le chantier va déposer un mémoire spécifique sur... en détail sur
l'économie sociale, puis on est toujours prêt à collaborer. Je pense que les
points, surtout du G15, sont qu'alors qu'on donne certaines... on identifie la
possibilité de donner des marges préférentielles à certains types
d'entreprises, par exemple, qui sont particulièrement dans une logique de
développement local ou régional, c'est absurde de ne pas nommer spécifiquement
l'économie sociale comme un des véhicules très possibles. Parce
qu'effectivement ce sont 11 200 entreprises qui sont partout au
Québec, ça fait partie de notre histoire économique, de notre tissu économique
dans toutes les régions, il faut valoriser ce levier de développement régional.
Puis les exemples... tu sais, il y a des exemples de politiques préférentielles
dans plusieurs municipalités, il y a des politiques préférentielles dans
plusieurs ministères et sous tous les gouvernements du Québec depuis plusieurs,
plusieurs années. C'est une chose dont on peut être fiers au Québec.
M. Arcand : Je sais que le
gouvernement donne certains contrats en matière d'économie sociale, mais, sur
l'ensemble des contrats que le gouvernement donne sur une base annuelle,
l'économie sociale doit représenter une très petite proportion, j'imagine.
Mme Alain (Béatrice) :
Malheureusement, ce n'est pas chiffré systématiquement. Ça serait intéressant
de le faire. Mais je peux vous dire qu'il y a des mesures spécifiques dans
plusieurs ministères qui font des ententes de services avec des entreprises
d'économie sociale. Mais je m'en voudrais de prendre trop de temps sur ce sujet
alors que je suis ici pour représenter le G15. Mais je réitère que c'est
toujours un plaisir de parler en long et large de ces cas de réseaux et
ententes. Ça fait qu'à un autre moment... quand vous voulez.
• (18 h 40) •
M. Arcand : O.K., mais une marge
préférentielle, la question que je vous posais, est ce que vous voyez une
certaine quantité, une taille quelconque? Au niveau de... est-ce que vous
parlez de doubler ce qui existe actuellement? Est-ce que... de tripler ce qui
existe actuellement? Qu'est-ce que vous avez en tête au moment où on se parle?
Mme Alain (Béatrice) : Bien, la
marge préférentielle est un des leviers qui est identifié dans le projet de
loi. On parle aussi, des fois, de marchés réservés ou de d'autres mesures. Ce
qu'on dit, c'est qu'aux côtés de d'autres entreprises favoriser l'économie
sociale devrait être nommé. On parlait de... jusqu'à 10 % qui correspond à
des marges qu'on donne, par exemple, pour des pratiques environnementales dans
certains cas. Mais je pense que c'est un levier parmi plusieurs qu'on doit
explorer en fonction du ministère, de la taille du contrat, de la capacité des
entreprises, etc. Donc, je m'en voudrais de donner une balise pour l'ensemble
des entreprises et l'ensemble des ministères. Je pense que l'important, c'est
de multiplier les leviers pour que les instances gouvernementales puissent
répondre à des besoins économiques, sociaux et environnementaux avec un même
contrat.
M.
Arcand : Et est-ce que vous
pensez qu'il y a des... je dirais, des actions qui pourraient être prises
immédiatement pour qu'il y ait plus d'économie sociale dans les contrats?
Est-ce qu'il y a des besoins qui sont évidents et immédiats?
Mme Alain (Béatrice) : Oui, puis
j'ai plein de choses à dire là-dessus, mais c'est, je ne pense pas, le bon
contexte pour ça, mais, n'importe quand, bon, ça me ferait plaisir d'en
reparler. Mais, dans le cadre du G15, je pense, c'est d'identifier très clairement l'économie sociale. Malheureusement,
on n'est pas assez connus du commun du mortel ou acheteurs publics comme
un levier intéressant aux côtés de d'autres PME qui oeuvrent au développement
territorial.
M. Arcand : Et, M. Blackburn,
est-ce que les entreprises, de façon générale, adhèrent à 100 % ou elles
disent qu'elles adhèrent, mais, dans la pratique, c'est plus difficile? Comment
vous évaluez, actuellement chez vos membres, je dirais, l'adhésion comme telle?
Est-ce qu'elle est sur papier ou si elle est vraiment très pratique?
M.
Blackburn (Karl) : Quand
vous parlez d'adhésion, M. le député, par rapport à... aux achats, aux contrats
publics?
M. Arcand :
Est-ce que... Oui. Est-ce qu'actuellement la façon dont ils opèrent, de façon
générale, est-ce qu'ils suivent les règles? Ils sont d'accord avec les règles
environnementales, mais est-ce que, dans les faits, on en arrive à avoir des
solutions innovantes, différentes, qui respectent encore davantage l'environnement?
C'est un peu ça, le sens de ma question.
M. Blackburn (Karl) : Bien, tout à
fait. D'abord, la science étant, la technologie étant au rendez-vous, il est
clair que de plus en plus d'organisations font référence, entre autres, à des
éléments d'équité, diversité, inclusion, mais à des éléments aussi en lien avec
le développement durable. Ça fait partie maintenant de notre réalité, je
dirais, économique et sociale. Et les entreprises adhèrent à ces concepts-là,
qui ne sont pas dépourvus de tout sens, au contraire, et qui suivent le courant
de la population, de notre société. Et malheureusement, si une entreprise
devait faire abstraction de ces éléments qui sont maintenant partie quotidienne
de nos réflexions, ces entreprises risqueraient d'être, malheureusement, au
banc des pénalités parce que les citoyens, les clients, les consommateurs,
c'est eux, ultimement, qui décident d'investir là où ils le veulent, et elles
choisissent davantage des entreprises qui ont des sensibilités par rapport à
ces réalités qui sont extrêmement importantes pour le commun des mortels et
pour l'ensemble des sociétés. Alors, je vous dirais, oui, les entreprises y
adhèrent, y adhèrent fortement.
On a eu l'occasion, il y a quelques semaines, de
rendre public notre livre vert, au CPQ, qui parle vraiment de développement
durable, et d'adhésion au développement durable, et de priorité en termes de
société, mais en termes d'organisation, pour faire de ce développement durable
là non un défi de société, mais une opportunité pour nous propulser dans le
XXIe siècle comme société québécoise. Et les éléments qui ressortaient,
par contre, en lien avec cette volonté des
entreprises de participer davantage à tout ce qui concerne le développement
durable et ces nouvelles orientations, c'étaient
soit les méconnaissances des programmes qui existent, par exemple pour venir
supporter des entreprises, soit la méconnaissance
des gens en général d'être capables d'avoir accès aux programmes qui nous
permettent d'aller plus loin, mais également d'avoir la formation qui
vont également permettre aux gestionnaires de faire cette transition, dans
certains cas, qui est un peu moins amorcée que dans d'autres. Mais ça fait
partie maintenant de la réalité, je dirais, au quotidien.
M. Arcand : J'ai une question,
un peu, qui va peut-être vous apparaître un peu bizarre, mais qui est la
suivante. C'est que l'impression que ça donne, c'est que les grandes
entreprises, d'une part, on plus les moyens de respecter les critères
environnementaux, et, d'autre part, en matière d'économie sociale, l'économie
sociale a plus de possibilités, probablement, de respecter le plus bas prix.
Est-ce que je me trompe en disant ça?
M. Blackburn (Karl) : Je peux
amorcer un début de réponse et je suis convaincu que Béatrice saura
certainement la compléter. Vous avez raison en partie par rapport aux grandes
entreprises, avec les moyens qu'elles ont en lien avec le développement
durable. Ceci étant dit, il est clair que le gouvernement, les gouvernements
ont des outils de disponibles, mais malheureusement, par méconnaissance, ils ne
sont pas utilisés à leur pleine valeur. Et c'est pour ça qu'on s'est engagés,
comme organisation, entre autres avec le dévoilement de notre livre vert, de
faire en sorte d'accompagner de meilleure façon et les entreprises en lien avec
le développement durable tout spécialement, mais également de faire en sorte
que les programmes gouvernementaux puissent venir justement aider les plus
petites organisations qui n'ont pas nécessairement les mêmes moyens que les
plus grandes de pouvoir grandir à l'intérieur de ces concepts, à l'intérieur de
ces réalités, avec les outils nécessaires pour leur permettre d'atteindre les
objectifs qu'on souhaite comme société, mais qu'elles souhaitent également
comme organisations.
Et je suis convaincu, Béatrice, que tu peux
ajouter des éléments concrets à la question qui vient d'être posée.
Mme Alain (Béatrice) : Je veux
juste revenir sur la... Tu sais, je pense que les marchés publics constituent
une occasion d'affaires pour les entreprises. Alors, avoir des marchés publics
qui s'affichent comme ayant une volonté d'être responsables sont une occasion
d'affaires pour les entreprises du Québec et vont être un incitatif à faire ce
pas de plus, avoir confiance et intérêt de faire ce pas de plus, que ce soit
une entreprise familiale, une entreprise privée ou une entreprise d'économie
sociale. Et je pense que c'est un des rôles du gouvernement de nous tirer tous
vers là, d'amener, de soutenir ce mouvement de notre économie vers ça.
Ensuite, sur la question du plus bas prix, non,
l'économie sociale, elle est dans tous les secteurs, pour tous les publics, à
tous les points de prix. Je pense que la distinction entre... enfin, la valeur
ajoutée et la redevabilité à ses membres ou à la communauté. Mais, de toute
façon, je dirais qu'aucun individu ou même entreprise ne gouverne l'ensemble de
ces activités, selon l'achat, sur le plus bas prix. Il y a des choses qu'on est
prêts à payer plus parce qu'on veut une qualité sur le long terme, parce que...
Le Président (M. Simard) : Très
bien. Merci. Merci beaucoup. C'est fort intéressant, mais malheureusement j'ai
la tâche ingrate de devoir vous couper, Mme Alain. Je cède maintenant la
parole à la députée de Mercier.
Mme Ghazal : Oui. Merci, M. le
Président. Alors, rebonjour, M. Blackburn. Bonjour, Mme Alain. Vous
parlez... vous dites que, dans le fond, l'économie sociale, puis c'est vrai,
c'est le cas, ne se trouve pas dans le projet de loi, que ce soit à l'article 14.1
ou 14.2. Vous dites que le G15+, le collectif, s'étonne qu'on ne fasse pas
mention des entreprises d'économie sociale. Comment est-ce que vous expliquez
cette absence? Est-ce que c'est un simple oubli de la part du gouvernement?
Est-ce que c'est parce qu'on pense que les entreprises d'économie sociale ne
seraient pas capables de répondre à tout ça? Comment est-ce que vous expliquez
qu'il n'y ait pas ce réflexe du gouvernement d'inclure des entreprises
d'économie sociale quand on parle d'environnement, d'impacts sociaux, etc.?
Mme Alain
(Béatrice) : Bien, encore une fois, c'est toujours un plaisir de
parler en détail d'économie sociale, mais, je dirais, la position ou la vision
du G15, que j'appuie, c'est de dire : L'intention de ce projet de loi
d'accroître l'achat qui soutient un développement régional, qui soutient un
développement économique, oui, mais social et environnemental doit avoir les
moyens de ses ambitions puis doit être capable de juger la pertinence de ses
moyens. Et l'économie sociale est un levier formidable dont on dispose au
Québec parce que c'est une réalité dans notre économie
puis dans toutes les régions. Pourquoi ne pas le nommer puis le mettre en
valeur? Parce qu'effectivement certains acheteurs manquent de connaissances sur quels leviers utiliser, comment
y aller. Ça fait que pourquoi ne pas mentionner ça?
• (18 h 50) •
Mme Ghazal : Il y en a qui vont
faire appel à l'économie sociale, aux entreprises d'économie sociale, mais il
faut le mentionner pour que ce ne soit pas oublié. Et donc je vois que vous
devez faire du travail, peut-être pas le G15+, mais, en tout cas, le Chantier
d'économie sociale, auprès du gouvernement, pour ne pas que ce soit oublié.
Par rapport
aux critères, on parle des critères environnementaux, sociaux, etc., je vais en
nommer quelques-uns. Que pensez-vous, par exemple, d'ajouter des
critères pour faire le choix, là, des contrats, des critères de réparabilité,
par exemple, pour les biens qui sont achetés par le gouvernement? On sait qu'il
y a le projet de loi sur l'obsolescence programmée, on a adopté le principe
ici, à l'Assemblée nationale, mais malheureusement on ne s'est pas rendus plus loin, et ça, c'est regrettable. Il y a aussi un
autre critère, le critère de participation des travailleurs à la gouvernance.
Que pensez-vous de ces deux critères que je viens d'ajouter? Est-ce qu'ils sont
pertinents pour donner les contrats publics?
Mme Alain (Béatrice) : Je me lance,
Karl, puis tu complètes?
M. Blackburn (Karl) : Lance-toi,
puis je compléterai.
Le Président (M. Simard) : ...15 secondes.
Mme Alain (Béatrice) : Je pense que
la position du G15 est qu'il faut innover puis il faut se donner des façons de
mesurer ces innovations pour dire : Celle-là, elle marche, celle-là, elle
marche moins bien, au regard des pratiques d'achat, mais aussi à l'impact
qu'elles ont. Et je pense qu'on a plein d'exemples, ici et ailleurs, sur
lesquels se baser.
Mme Ghazal : Le G15+, je veux que la
ministre entende, est-ce que vous êtes d'accord, par exemple, avec des critères
de réparabilité, là, des biens? Peut-être pas les crayons, là, mais d'autres...
Le Président (M. Simard) : Très
succinctement, s'il vous plaît.
Mme Alain (Béatrice) : C'est à dire
que le G15 n'a pas nommé une série de mesures spécifiques, mais appelle à une
prise en charge de celles-ci.
Le Président (M. Simard) : Très
bien. Merci. M. le député de Jonquière.
M. Gaudreault : Oui. Nous sommes
vraiment dans une autre ère par rapport à il y a quelques années, parce que, ce
matin, on a eu la Chambre de commerce de Montréal avec Propulsion Québec, là,
on a le Conseil du patronat avec l'économie sociale. Moi, je veux saluer ça,
c'est vraiment... J'espère que le gouvernement entend ce message, quand même,
qui est très, très clair.
J'ai juste 2 min 45 s, c'est tellement
ingrat, parce que, quand je vois votre mémoire, dans le fond, vous partez...
vous prenez le gouvernement aux mots en disant : Il y a trois
volets : la stratégie gouvernementale des marchés publics, le projet de loi
n° 12, l'engagement de prendre des mesures au-delà de
la LCOP. Et là vous dites : Nous, en plus, on ajoute 51 critères,
51 indicateurs pour aller au-delà du PIB, ce que je trouve génial.
Bon, là, comment on mélange tout ça pour avoir
quelque chose de cohérent? Là, vous nous dites : Le Commissaire au
développement durable doit faire une reddition de comptes. Je suis entièrement
d'accord avec ça. Mais comment bien intégrer... Puis il y a votre tableau, là,
à la page 7 et 8, que je trouve génial aussi, qui fait la concordance
entre la Loi sur les contrats des organismes publics et les 16 principes
de la Loi sur le développement durable. Là, je veux dire, ça nous prendrait
plus que ce projet de loi là. Comment on est capables d'ordonnancer ça pour que
ça aille bien? Grosse question. Vous avez une minute pour répondre.
M. Blackburn (Karl) : Bien, je vais
commencer, et, Béatrice, tu compléteras, si je te laisse du temps, parce que tu ne m'en as pas laissé à la question
précédente. Non, non, je te taquine. Mais, M. le député, ça fait partie du
dialogue social. C'est la réponse vraiment la plus spontanée qui me vient en
tête. Depuis maintenant deux ans, 15 organisations de tous niveaux, vous
l'avez très bien mentionné, tant du côté environnemental que social, qu'économique,
que syndicaux, avec des discussions, on a réussi à dégager des consensus qui,
selon nous, selon nos milieux respectifs, nous permettent de relancer notre
société postpandémie dans une meilleure situation, avec des meilleurs
paramètres.
Le projet de loi qui est déposé par la ministre
est un bon projet de loi qui va dans la bonne direction. Bien humblement, on y
apporte des recommandations qui, selon la vision du G15, mais qui a fait un
large consensus de nos organisations, peut permettre d'améliorer ce projet de
loi en fonction de ce qu'on souhaite avoir comme société et le reflet de la
société. On n'est pas désincarnés de nos organisations, ou de nos voisins, ou
du milieu dans lequel on est. Tout à l'heure, le député faisait référence à des
entreprises qui ne respecteraient pas certains critères, par exemple. Bien, si elles ne respectent pas, malheureusement, elles
seront pénalisées. Alors, nous sommes d'avis que nous sommes rendus là. Et le
dialogue social nous a amenés jusqu'ici puis le dialogue social va nous
permettre de continuer d'avancer. Et je laisse les dernières secondes à
Béatrice.
Mme Alain (Béatrice) : C'est très
bien dit. Je pense qu'on a des forces, au Québec, sur lesquelles miser, que ce
soit la Loi du développement durable, comme des organisations sur le terrain
qui veulent mettre main à la pâte.
Le Président (M. Simard) : Très
bien. Alors, à vous deux, merci énormément pour votre contribution à nos
travaux. Ce fut fort enrichissant.
Et, sur ce, nous allons ajourner. Nous nous
retrouvons demain, le 16 mars, après les affaires courantes.
Alors, belle fin de soirée et merci à nouveau à
vous pour votre précieuse collaboration. Merci en particulier à vous deux.
(Fin de la séance à 18 h 54)