(Dix heures trois minutes)
Le Président (M. Simard) :
Alors, chers collègues, à l'ordre, s'il vous plaît! Je constate que nous avons
quorum. Conséquemment, nous pouvons reprendre nos travaux.
Comme vous le savez, la commission est réunie
afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques
sur le projet de loi n° 68, Loi visant principalement à permettre
l'établissement de régimes de retraite à prestations cibles.
Mme la secrétaire, bonjour, heureux de vous
retrouver parmi nous. Y a-t-il des remplacements ce matin?
La Secrétaire : Non, M. le
Président.
Le Président (M. Simard) : Très
bien. Y aurait-il des votes par procuration?
La Secrétaire : Oui, M. le
Président. M. Chassin (Saint-Jérôme) dispose d'un droit de vote par
procuration au nom de M. Asselin (Vanier-Les Rivières);
M. Fortin (Pontiac) dispose, quant à lui, d'un droit de vote par
procuration au nom de M. Barrette (La Pinière).
Auditions (suite)
Le Président (M. Simard) : Très
bien. Alors, ce matin, nous allons reprendre nos consultations. Nous avons
l'honneur de recevoir Mme Marie-Hélène Noiseux, professeure titulaire au
Département des finances de l'UQAM et associée, donc, conséquemment, à la
prestigieuse École des sciences de la gestion, n'est-ce pas, Mme Noiseux?
Mme Marie-Hélène Noiseux
(Visioconférence)
Mme Noiseux (Marie-Hélène) :
Tout à fait. C'est l'ESG, c'est un nom qui est quand même d'actualité.
Le Président (M. Simard) : Tout
à fait, en effet. Alors, merci beaucoup d'avoir répondu à notre invitation.
Vous savez, vous disposez d'une période de 10 minutes pour faire votre
présentation.
Mme Noiseux (Marie-Hélène) :
Absolument. Merci, M. le Président. Bonjour, M. le ministre, chers députés et
chers commissaires. Je suis vraiment ravie d'être avec vous pour discuter du projet
de loi n° 68.
Alors, je suis professeure titulaire en finance
à l'ESG, mais je siège aussi sur plusieurs comités de retraite ou comités de
placement dans le secteur public et dans le secteur privé. Le mémoire est
vraiment le fruit de ma réflexion personnelle, qui n'engage, évidemment,
nullement les différentes entreprises et différents partis avec qui je
travaille. Par ailleurs, j'ai eu le plaisir,
dans la dernière semaine, d'échanger avec plusieurs actuaires et gestionnaires
de portefeuille qui ont été généreux de leur temps puis qui m'ont permis
de façonner ma réflexion. Je suis très reconnaissante envers eux et je les
remercie.
Donc, le contexte. Alors, pour résumer, c'est
certain qu'il est important qu'on s'assure que les travailleurs épargnent et
qu'ils aient les bons outils à leur disposition. Le régime de retraite à
prestations déterminées a fait, évidemment, fureur, malheureusement il y en a
de moins en moins. C'est un régime qui est formidable pour un employé, particulièrement quand l'employeur ou le
promoteur éponge les déficits. Donc, il y en a de moins en moins. Il y
a, par contre, de plus en plus de régimes de retraite à cotisation déterminée,
mais c'est un outil qui est bien moins performant. Alors, je fais quelques
citations, là, dans mon mémoire, que vous allez recevoir par la suite.
Dans ce contexte, le projet de loi n° 68
est totalement à propos, et j'en salue l'initiative. Vous avez fait un
excellent travail. Je crois que les régimes de retraite à prestations cibles
répondent à un besoin puis pourront très bien coexister avec les autres régimes
de retraite qui existent déjà.
Alors,
commençons par les atouts du régime
de retraite à prestations cibles, tel
que proposé dans le projet de loi. Alors, il y a plusieurs forces qui sont à
souligner : une mutualisation du risque de longévité et de placement,
l'équité intergénérationnelle, l'équité
entre les actifs, les non-actifs et les retraités, la stabilité, la simplicité
et une bonne flexibilité.
Trois autres points que j'aimerais saluer, d'abord,
le premier, l'utilisation d'un salaire de carrière indexé. Donc, ça, je trouve
ça très intéressant et beaucoup plus équitable. C'est certain que le salaire
final est très intéressant, particulièrement quand il y a un promoteur qui peut
éponger les déficits. Donc, s'il y a une grande disparité en fin de carrière, s'il y a des personnes qui ont
des promotions importantes, des changements salariaux importants,
bien, écoutez, ils sont favorisés par un régime, évidemment, de salaire final. Dans le cas qui nous intéresse, dans le cas des
prestations cibles, je pense que c'est important qu'on utilise, évidemment,
le salaire de carrière indexé, qui va être beaucoup plus équitable.
Deuxième chose que j'apprécie, en termes de
conversion et de service passé, je pense que c'est très important qu'on
conserve les rentes qui sont liées au service passé des régimes à prestations
déterminées. C'est une promesse entre des promoteurs et des participants, puis
on ne devrait pas toucher à ça. Donc, je souscris au principe de ne pas permettre la conversion des régimes de
retraite à prestations déterminées en régimes de retraite à prestations
cibles.
Troisième point fort, je pense qu'on explique
bien et qu'on encadre bien la politique... de financement, pardon, qui devra
être simple et claire. Il faut souligner l'importance d'utiliser un taux
d'actualisation conservateur pour bien
estimer le passif actuariel. D'autre part, il faut aussi permettre de prendre
un certain risque dans notre politique
de placement, sinon ça va coûter trop cher à financer.
Allons-y maintenant avec quelques suggestions
pour améliorer ce fameux projet de loi là. D'abord, au niveau des prestations
accessoires — la
première de trois — je
suis totalement d'accord avec l'idée de proscrire la plupart des prestations
accessoires, notamment celle qui est basée sur la retraite anticipée, qui est
basée, elle, sur le service. Évidemment, je suis contente qu'on exclue ce
type-là de prestations accessoires. Par ailleurs, j'aimerais ça qu'il y ait une
certaine ouverture pour une indexation limitée des rentes après la retraite.
Les gens meurent de plus en plus tard, alors
il va y avoir un impact important, évidemment... ça va avoir un impact
important sur leur rente, qui peut être versée pendant plusieurs années.
Deuxième
suggestion, l'acquittement des droits des participants et l'achat de rentes.
Écoutez, c'est très simple, on finance et on redresse les régimes sur
une base de capitalisation, donc je souhaite qu'on puisse acquitter les droits
et acheter des rentes sur la même base.
• (10 h 10) •
Troisième proposition, redressement et
cotisation de stabilisation. Ma première proposition serait de fixer une
cotisation de stabilisation. Je suggère d'utiliser un 15 %, pas un
10 %, un 15 % me semble correct. Il faut faire attention, parce qu'évidemment un régime de
retraite, une caisse de retraite peut varier beaucoup, on l'a vu cette année...
financiers ont beaucoup vacillé. Donc, 15 % me semble correct, c'est plus
facile à expliquer, c'est plus simple. Je comprends qu'il pourrait y avoir un
souhait d'harmoniser les règlements avec la matrice qui est actuellement
utilisée dans le secteur privé, mais, à mon avis, elle est inutilement complexe
pour les régimes à prestations cibles. Donc, on fixe la cotisation à 15 %
et, deuxième chose, il faudrait permettre un rétablissement des rentes dès
qu'on a accumulé 50 % de la provision de stabilisation. Donc, on a un
chiffre, on essaie d'avoir 15 %, mais, dès qu'on est au milieu, on
pourrait rétablir certaines rentes, ce qui permettrait d'être plus équitable
envers les participants.
Quelques suivis simples pour mieux harmoniser,
maintenant, les prestations cibles avec leur environnement. Alors, au niveau
fiscal, il faut s'assurer qu'on ait un FE qui soit simple à calculer. Donc,
pour le participant, il faut qu'il sache qu'il cotise tant à un RPC puis qu'il
reste tant à investir dans son REER. Les normes comptables, il faut que ce soit simple pour que ce soit attrayant pour
l'employeur, donc une simple écriture aux états financiers. Alors, il y a
lieu de discuter avec les ordres comptables à ce niveau-là. Dernière chose, ce
serait intéressant de faire un suivi auprès des autres provinces et du fédéral
pour qu'on puisse harmoniser les juridictions.
J'ajoute maintenant quatre suggestions ou quatre
recommandations qui vont toucher le régime à prestations cibles, mais qui touchent aussi les autres caisses
de retraite. La première concerne la gouvernance. Alors, c'est essentiel
qu'un comité de retraite ait une compétence globale tant au niveau actuariel
qu'au niveau du placement. Donc, il existe différents ajouts possibles, ce
serait peut-être intéressant que ce soit enchâssé dans la loi. Je sais qu'il y
en a qui préconisent le fait d'ajouter un
membre indépendant. Ça peut être fait comme ça, mais il pourrait très bien y
avoir des conseillers aviseurs, votants ou non, qui se joignent à
l'équipe. Donc, ce n'est pas nécessairement de prescrire un nombre de personnes, parce qu'on pourrait être 25
et 30, puis ça pourrait très mal
fonctionner, mais s'assurer qu'il y
ait une compétence puis que ce soit enchâssé dans la loi.
Deuxième chose, pour moi, qui est importante,
fiducie globale. On démarre des nouvelles caisses de retraite, autant que
possible, est-ce qu'on peut essayer de regrouper ces actifs-là pour réduire les
frais et pour avoir accès à un plus vaste éventail — excusez-moi — de
placements? Et il faut s'assurer qu'il n'y ait pas de barrière dans le projet
de loi à ce niveau-là.
Troisième chose, vous avez proposé d'offrir des
rentes viagères à paiements variables pour les participants des RVER et des
RRCD, des régimes à cotisation déterminée, je pense que c'est un excellent
principe. Est-ce qu'on peut aussi l'offrir à d'autres clientèles? Je pense que
ce serait intéressant d'envisager ça. À ce moment-là, il va falloir discuter, évidemment, avec l'AMF, qui... encadrer
la mise en marché et s'assurer qu'il y a une saine divulgation des frais.
Évidemment, il faudra aussi coordonner le tout avec les lois de l'impôt fédéral
et provincial.
Dernière suggestion qui se rapporte aussi plus
aux placements, alors, on a un devoir de fiduciaire de bien analyser notre
régime et de faire le meilleur choix rendement/risque. C'est notre devoir,
quand on siège à un comité de retraite ou à
un comité de placement. Je crois profondément que ça devrait inclure une
analyse sérieuse des facteurs de
risque ESG — et je ne
parle pas, évidemment, de l'École des sciences de la gestion — donc des risques environnementaux,
sociaux et de gouvernance. Je souhaite donc vivement que les régimes de pension
agréés, et là toutes natures confondues, donc, juste... pas juste les RRPC,
fassent une divulgation pour tenir compte des principes ESG. On en discute
beaucoup, c'est un sujet d'actualité et qui est très important.
Dernier point, au niveau des politiques de
placement et de la reddition de comptes, donc, j'ai parlé des principes ESG,
dans la foulée du Panier bleu et des efforts qui sont déployés pour conserver
les sièges sociaux au Québec, soyons proactifs. Qu'est-ce
que je veux dire par là? On parle beaucoup des produits, je trouve qu'on parle
peu des services qui sont offerts au Québec. À rendement/risque équivalent,
pourquoi on ne pourrait pas investir auprès de gestionnaires de portefeuille
québécois? Il en est de même pour les actuaires et les autres fournisseurs de
services du Québec. Alors, il serait donc utile que tous les régimes fassent
une divulgation du processus décisionnel qui sont faits, en termes de services,
et, évidemment, de gestion de portefeuille, et là c'est important, tout en
tenant compte, évidemment, du devoir de fiduciaire. Alors, je trouvais ça
intéressant d'ajouter ça.
Donc,
je résume mes principales recommandations. Alors, au
niveau des RRPC, la première recommandation, c'est que je trouve qu'il
est opportun qu'il y ait une ouverture pour une indexation limitée des rentes
après la retraite. Deuxième recommandation, il est souhaitable que
l'acquittement des droits et l'achat de rentes se fassent sur une base de capitalisation, comme c'est... comme le financement est fait sur cette base-là. Troisième recommandation, il est
utile de fixer une provisation... une provision, pardon, de stabilisation à 15 %
dans la loi ou dans le règlement et de permettre un rétablissement des rentes
dès qu'on a accumulé 50 % de cette provision-là. Quatrième suggestion, il
y a un suivi à faire avec les autorités fiscales et comptables.
Quatre suggestions
pour tous les régimes complémentaires de retraite. Première chose, il faut
s'assurer de la compétence du comité de retraite, tant au niveau actuariel et
placement. Deuxième suggestion, les promoteurs ont tout intérêt à regrouper les
actifs dans la mesure du possible. Troisième suggestion ou recommandation, les
rentes viagères à paiements variables sont fort intéressantes, je vous remercie
d'en parler, puis j'aimerais qu'elles puissent être offertes à plusieurs
groupes d'épargnants. Il faudra faire, évidemment, un lien avec l'AMF pour
qu'il y ait une saine divulgation des frais.
Dernière suggestion ou recommandation, je trouve qu'on devrait discuter des
risques ESG et des fournisseurs québécois au niveau de la politique de
placement et/ou au niveau de la reddition de comptes de toutes les caisses de
retraite. C'est une mine d'or pour nous, les Québécois, puis il faut s'assurer
d'en profiter. Merci beaucoup. Je suis disponible pour les questions.
Le
Président (M. Simard) : Alors, merci, Mme Noiseux. Je cède
maintenant la parole au ministre des Finances.
M. Girard
(Groulx) : Merci, M. le Président. Et permettez-moi de divulguer que
j'ai eu l'occasion de siéger sur un comité
de retraite d'une entreprise publique avec Mme Noiseux, et c'est
d'ailleurs dans ce contexte que j'ai pu observer toute son expertise,
qui est pertinente pour nous aujourd'hui.
La capitalisation
versus la solvabilité dans le cas d'acquittement des droits, qu'est-ce qui
justifierait ça? En quoi c'est plus équitable pour ceux qui demeurent?
Mme Noiseux
(Marie-Hélène) : Bien, écoutez, M. le ministre, je vous remercie pour
votre question. Si je finance aujourd'hui sur une base de capitalisation et
qu'un participant, par exemple, quitte demain matin, pourquoi il n'aurait pas le même montant, d'accord? Donc, du
jour au lendemain, on change de méthode. Alors, c'est, à mon avis,
important qu'on conserve la meilleure méthode pour que ce soit équitable envers
tout le monde.
Deuxième chose, ce
sera beaucoup plus facile à expliquer aux participants. Imaginez-vous de
recevoir votre relevé de retraite, puis dire : Bien, vous avez financé
hier, ça valait telle chose; là, selon la solvabilité, si vous partez
aujourd'hui, vous allez avoir telle chose, mais, si vous prenez votre retraite
plus tard, vous aurez autre chose. Donc, je pense que c'est important
d'harmoniser tout ça pour que ça soit plus clair et plus équitable pour tous.
Voilà.
M. Girard
(Groulx) : Mais, si le régime était, par exemple, en déficit, est-ce
que de laisser des gens quitter avec la méthode de capitalisation, c'est juste
pour ceux qui demeurent dans le régime?
• (10 h 20) •
Mme Noiseux
(Marie-Hélène) : Bien,
écoutez, on a financé sur cette base-là. Est-ce que c'est juste de
financer sur cette base-là? Je pense
qu'on peut se poser la question aussi, hein? Alors, c'est important que le tout
soit harmonisé. S'il y a une
disparité entre les deux méthodes, pour moi, je pense que ça peut... ça va
causer des soucis. Il y a une façon d'en profiter d'une façon ou d'une
autre.
M. Girard
(Groulx) : Mais... Je vous
remercie d'avoir souligné que ce serait plus simple pour les participants
d'avoir la même méthode de cotisation que de sortie. Maintenant, lorsque vous
quittez un régime, vous terminez vos droits avec ce régime. Alors, est-ce que
vous nous dites qu'outre le fait que ce serait plus simple et plus consistant avec la méthode de contribution, je veux dire, la
même méthode pour contribuer que pour quitter... mais est-ce que
c'est équitable pour les participants
restants ou la majorité... Prenons le cas très simple où une seule personne
quitte un régime, là, est-ce que c'est équitable pour ceux qui demeurent dans
le régime... est-ce que ce serait aussi équitable d'utiliser l'approche
de capitalisation plutôt que l'approche de solvabilité pour les participants
qui demeurent dans le régime?
Mme Noiseux
(Marie-Hélène) : Écoutez, je pense que oui. Il ne faut pas oublier
que, dans le cas de la solvabilité... vous
me dites : Ça serait sur une base de solvabilité, mais on tiendrait compte
aussi de la solvabilité du régime. Alors,
si je calcule un montant de sortie pour un participant puis que je le multiplie
par 80 %, ou 90 %, ou 70 %, bien, le montant total va
être affecté, donc il ne recevra pas, évidemment, le plein montant qui est
calculé sur la base de solvabilité. À ce moment-là, on se rapproche quand même
du montant qu'il recevrait sur une base de capitalisation, qui... Donc, à mon
avis, oui, c'est équitable, et je pense qu'il faut vraiment appliquer cette
méthode-là.
M. Girard
(Groulx) : O.K. Alors, on va...
Vous n'êtes pas la première qui fait cette suggestion-là, mais ce n'est pas un
consensus non plus. Alors, il va falloir... il va falloir y réfléchir. Non,
mais c'est un point important. O.K.
Mme Noiseux
(Marie-Hélène) : D'accord.
M. Girard
(Groulx) : Les normes comptables, là, est-ce que vous avez, par vos
activités... est-ce que vous avez déjà connaissance d'enjeux dans le traitement
comptable des régimes de retraite à prestations cibles pour les employeurs?
Mme Noiseux
(Marie-Hélène) : Il y en a qui disent que c'est très clair qu'il va y
avoir vraiment la cotisation de l'employeur qui va être inscrite aux états financiers
puis que ça va être simple. Certains s'inquiètent toutefois dans le cas où cette prestation pourrait varier dans
une fourchette. Alors, je pense, c'est important de permettre à un employeur de faire varier légèrement sa cotisation, quitte à
ce qu'on inscrive aux États-Unis... voyons! pardon, aux états financiers — j'ai
fait un petit lapsus, je pense que je pense aux élections — alors,
quitte à ce qu'on inscrive aux états financiers le montant maximal que
l'employeur pourrait contribuer.
Mais c'est important
que ça soit simple, parce qu'évidemment, comme vous le savez, en ce moment, la cotisation RRPD... la cotisation et les déficits affectent les résultats de
l'entreprise puis peuvent engendrer une pression au niveau des
liquidités ou de la capitalisation de l'entreprise, on ne veut pas aller là. On
veut que ça soit simple puis ça soit vraiment les cotisations qui soient
inscrites. Donc, ça ne fait pas l'unanimité. Il y en a qui disent que ça va
être plutôt simple puis que ça va être la cotisation, mais d'autres qui
s'inquiètent un peu de cette variabilité-là.
M. Girard
(Groulx) : O.K. Donc, il n'y aura pas d'enjeu si les cotisations sont
fixes, il y a du travail à faire pour clarifier le traitement si les
cotisations sont variables.
Mme Noiseux
(Marie-Hélène) : C'est ce que je comprends.
M. Girard
(Groulx) : O.K., très bien. O.K. Bon, là, je vais rentrer dans un
enjeu que le député de Robert-Baldwin connaît bien, les gestionnaires de
portefeuille québécois, parce que je pense que les facteurs de risque ESG,
c'est une proposition... l'industrie s'en va vers ça, de toute façon, c'est
assez... Je ne sais pas si c'est approprié d'en parler dans le projet de loi,
mais je pense que l'industrie évolue vers ça. De favoriser les gestionnaires de
portefeuille québécois dans les régimes
d'épargne des Québécois, comment est-ce qu'on justifierait ça, là? Parce que
ça... les... normalement, le critère
principal pour favoriser l'épargne des Québécois, c'est la maximisation des
rendements sujets à une minimisation des
risques, ou un «Sharpe ratio», ou... Dans tous les cas, on vise à maximiser la
performance pour un degré de tolérance au risque donné. Lorsqu'on rentre des
critères géographiques, nationalistes ou de favoriser l'industrie locale, comment
est-ce qu'on pourrait justifier ça?
Mme Noiseux
(Marie-Hélène) : Je vous remercie pour votre question. Je sais que
c'est une question délicate, et j'ai hésité avant de le mettre dans mon
rapport, c'est vraiment ma réflexion personnelle. Ce que je peux vous
dire, ce qui se fait en ce moment sur les
comités, particulièrement pour les entreprises privées, on a toujours cette
discussion-là, alors, ce n'est pas de
favoriser les gestionnaires québécois au détriment des autres, mais, capacité
égale, donc à rendement/risque équivalent, pourquoi ne pas encourager un
gestionnaire qui est ici? Donc, ça se fait, comme je dis, naturellement, sur
plusieurs comités de placement. On pourrait le faire encore plus.
Malheureusement, je le vois moins dans le cas de certains régimes de retraite
publics.
Deuxième
chose, il y a une vague de
délégations, on appelle en anglais les «OCIO», là, les «outsourced CIO»,
donc une délégation des pouvoirs. Quand on délègue les pouvoirs ou qu'on
délègue la gestion de la caisse, des fois on
s'en va avec des grandes multinationales qui vont faire ça ailleurs, et là on
oublie qu'on perd de vue nos régimes... nos gestionnaires de
portefeuille québécois. Pourquoi? Parce qu'ils ne sont généralement pas dans la
grande banque de données. Alors, ce que je
suggère, c'est qu'à rendement/risque équivalent, et ça, ça arrive fréquemment, est-ce qu'on ne pourrait pas au moins envisager la possibilité d'utiliser soit un gestionnaire
ou un fournisseur de services québécois? Je ne sais pas si ça clarifie
un peu la question.
M. Girard
(Groulx) : Oui, mais malheureusement le rendement/risque équivalent,
il y a toujours un aspect subjectif dans
l'évaluation. Et, si on restreint l'ensemble d'opportunités des véhicules de
placement que les épargnants peuvent choisir, certains pourraient
conclure qu'on ne les aide pas à maximiser leur risque/rendement.
Alors, il faut... on a plusieurs objectifs.
Certainement, supporter l'industrie québécoise de la gestion de placement,
c'est un objectif important et intéressant, mais je dirais qu'il est secondaire
à maximiser l'épargne des Québécois et, dans le cas ici, offrir un
véhicule d'épargne différent. Alors, j'hésite à ajouter des objectifs, mais
j'en prends note, je pense que c'est important.
Mme Noiseux
(Marie-Hélène) : Je comprends très bien.
M. Girard
(Groulx) : Il me reste combien de temps, M. le Président?
Le Président
(M. Simard) : 1 min 10 s.
M. Girard (Groulx) :
Est-ce que mon collègue aurait une question?
Le Président (M. Simard) : M.
le député de Saint-Jérôme.
M. Chassin :
Merci, M. le Président. Merci, M. le ministre, aussi. Mme Noiseux, j'ai
une question qui... dans le fond, peut-être que le ministre a déjà la réponse,
là, mais, moi, ça m'intéressait de peut-être clarifier un élément. Quand vous
parlez de regrouper les fiducies, on voit tout l'intérêt économique de le
faire, vous dites, dans le fond, qu'il ne
devrait pas y avoir de barrières dans le projet de loi. Est-ce qu'à votre avis
il existe de telles barrières dans le projet de loi? Avez-vous vu des
éléments qui, peut-être, seraient susceptibles d'être problématiques ou non?
• (10 h 30) •
Mme Noiseux (Marie-Hélène) : Je
n'en ai pas vu. Écoutez, j'y vais de mémoire, je crois que c'est dans l'article
146, mais je pense que l'article — je crois que c'est 146 — visait
à éviter de regrouper les actifs et les passifs de différents régimes de
retraite à prestations cibles, et je ne crois pas que ce soit une barrière à ce
niveau-là, mais j'invite les employeurs ou les promoteurs à faire une
réflexion, à ce stade-ci, surtout quand on démarre le régime. Pourquoi? Bien, écoutez,
on a fait ça, par la suite, donc, pour plusieurs régimes de prestations
déterminées au niveau des villes et au niveau de plusieurs entreprises privées.
Alors, tant qu'à mettre ça en place, réfléchissons à cet aspect-là dès le
départ et encourageons la mise en commun de ces actifs-là.
Le
Président (M. Simard) :
Merci, Mme Noiseux. Je cède
maintenant la parole au député de
Robert-Baldwin.
M. Leitão : ...
M. Fortin :
Non, ça va. Ça va, M. le Président.
Le Président (M. Simard) : Oh! excusez-moi.
M. le député de Pontiac, désolé.
M. Leitão : Mon tour viendra.
M. Fortin :
Non, il n'y a pas de faute, M. le Président. Merci, Mme Noiseux, d'être
avec nous et de nous partager certaines de vos recommandations, suggestions et
constats par rapport au projet de loi.
Je veux revenir sur l'enjeu de la valeur des
droits d'un participant, rapidement, là, parce que le ministre a terminé,
disons, cet échange-là avec vous en disant qu'il y avait beaucoup de gens qui
avaient fait le même point que vous, mais qu'il n'y avait pas unanimité. En fait,
je pense que ce qu'il voulait dire, c'est que tout le monde qui s'est présenté
devant nous jusqu'à maintenant avait le même point de vue que vous, et donc,
s'il n'y a pas unanimité, c'est-à-dire que lui n'est pas nécessairement
d'accord. Alors, je vous donne peut-être une dernière occasion de le convaincre
et de nous dire pourquoi c'est important de procéder comme ça.
Mme Noiseux (Marie-Hélène) :
Merci, M. le député. Écoutez, pour moi, c'est une question de cohérence dans la loi. On finance sur cette base-là, on va
faire les relevés sur cette base-là, on prend notre retraite sur cette base-là, on va redresser le régime sur cette
base-là, alors je pense que l'acquittement des droits doit se faire sur cette
base-là.
M. Fortin :
Très bien, très bien, ça me semble aussi clair que possible. Au tout début de
votre présentation, Mme Noiseux, vous
avez mis quelques concepts de l'avant qui étaient importants pour vous. Vous
avez parlé de celui de l'équité intergénérationnelle, là. Je veux juste
peut-être vous permettre d'élaborer là-dessus parce qu'effectivement,
pour un employeur qui aurait un régime à prestations déterminées et qui
voudrait passer vers un régime à prestations cibles, vous avez raison de dire
que c'est bien, que les rentes doivent être protégées parce que c'est
essentiellement un contrat entre le
promoteur et le travailleur, mais en même temps est-ce que ça ne créerait pas
deux classes d'emploi? Est-ce
qu'il n'y aurait pas une iniquité intergénérationnelle, quand même, entre
l'employé qui est là depuis un certain temps et le nouveau? Je comprends qu'on
fait tout pour protéger le contrat qui a été signé entre un employeur et son employé ou son syndicat, mais, quand même, est-ce
que ça ne crée pas une certaine forme d'iniquité intergénérationnelle?
Mme Noiseux (Marie-Hélène) :
C'est une bonne question, M. le député. Écoutez, je pense que, d'abord, c'est important de noter que cette rente-là qui est promise,
c'est un peu du salaire différé, donc il faudrait voir vraiment la
rémunération globale qui est offerte à chacun des salariés. Il y a
eu un contexte qui a fait... où, effectivement, il y a eu des iniquités intergénérationnelles dans le
cas des PD. Ce qui est important pour moi, c'est que, si l'employeur n'a
pas la capacité de payer, à un certain point
il s'est engagé, il doit terminer le régime, mais il doit payer ces rentes-là.
Donc, on n'est pas obligé de le terminer, là, sur une base juridique, évidemment,
là, mais on cesse d'accumuler, on va payer à chaque employé qui a fourni,
aussi... qui a cotisé en partie... Puis là je parle pour moi. Moi, j'ai un régime
de retraite à prestations déterminées, j'en
subventionne 50 %, donc j'ai quand même droit à ça, à mon avis. Alors,
pour moi, il y a une forme d'équité, dans le sens que je cotise beaucoup
et je sais ce que je vais recevoir. Si on termine, bien, pour les années de
service qu'il me reste, si j'ai, par exemple, accès à un droit d'un régime de
retraite à prestations cibles, bien, je vais cotiser en conséquence, donc ça
dépend toujours ce que l'employé et l'employeur paient à travers le temps. Je
vous dirais que, jadis, l'employeur assumait à peu près tout, on voit ça de
moins en moins.
Donc, le
prestations cibles arrive vraiment entre le régime à prestations déterminées et
le cotisation déterminée, il y aura autre chose. Si l'employeur décide
de le terminer, bien, écoutez, acquittez les droits, on peut faire ça sur une
plus grande période sans forcer le régime à se terminer, mais on peut
recommencer avec un autre régime, sur une autre base, avec d'autres ententes,
mais j'ai peur qu'il y ait beaucoup de brouhaha si on change un régime sous une
autre forme. Je vous donne un exemple, ça me
tient beaucoup à coeur qu'on utilise... juste un instant... je reviens à mon
petit paragraphe, le salaire de carrière indexé. Alors,
si on change un prestations déterminées en prestations cibles, certaines personnes vont vouloir garder le salaire
final. Attention, avant ça, l'employeur assumait une partie du risque.
Là, ça va vraiment être sur les épaules, dans le fond, du participant, donc il
faut être prudents quand on s'embarque là-dedans. Je pense que c'est plus
équitable d'utiliser un salaire de carrière indexé, d'où ma réflexion sur le
fait que... laissons vivre le PD. Si
l'employeur veut changer sa forme de rémunération globale, et là, vraiment, ça
comprend tout, les avantages sociaux, les régimes de retraite, bien, on
peut refaire cette réflexion-là et partir sur une nouvelle base.
M. Fortin :
Très bien. Je vous remercie, Mme Noiseux.
Le Président
(M. Simard) : Merci. M. le député de Robert-Baldwin.
M. Leitão : Très
bien. Merci, M. le Président. Alors, bonjour, Mme Noiseux, merci d'être là. Votre présentation
était très, très claire, merci. Je n'ai pas beaucoup de temps, alors, j'ai
quelques sujets que j'aimerais discuter avec vous.
Le dernier que vous venez d'aborder, il me semble que, là, la question, c'est
surtout une question de pédagogie, donc d'expliquer aux entreprises, mais
aussi surtout aux employés, aux travailleurs dans quoi ils s'embarquent, parce
que je pense que ce n'est pas... dans l'opinion publique en général, ce n'est
pas très clair, exactement, c'est quoi, un régime
de pension à prestations cibles. Ce n'est pas clair, là, et je ne critique
personne, mais je trouve que c'est comme ça, alors il y a un travail de
pédagogie à faire. Il devrait se faire par... Est-ce que le gouvernement
devrait prendre un rôle actif dans ce travail de pédagogie ou ça devrait être
d'autres groupes, les universités par exemple, qui feraient ces campagnes-là?
Mme Noiseux
(Marie-Hélène) : Merci, M. le député, c'est une excellente question et
c'est vraiment une question qui me tient à
coeur. Donc, un des gros problèmes quand on a même juste les régimes à
cotisation déterminée, les gens ont de la difficulté à placer leur
argent puis à comprendre le contexte, alors imaginez-vous dans le contexte
d'une caisse de retraite, ça devient complexe. Oui, les universités ont, évidemment,
un rôle à jouer. Je pense qu'il faut aussi discuter avec les entreprises qui
ont aujourd'hui des régimes à cotisation déterminée puis les inciter à aller
vers un régime à prestations cibles, tout le monde va être gagnant. Alors, ça,
c'est clair, mais mes suggestions sont aussi basées sur une préoccupation
pédagogique. Restons simples, si on reste évidemment avec un financement sur
base de capitalisation, et aussi, qu'on ajoute des principes simples comme une
provision de stabilisation fixe à 15 %, ça va être beaucoup plus facile à
expliquer.
M. Leitão :
O.K. merci. Dans la gouvernance, donc la composition des comités de retraite,
tout à fait d'accord avec vous, il faut essayer d'aller chercher un plus vaste
champ d'expertise, mais comment on fait ça? Pratiquement,
là, concrètement, comment est-ce
qu'on va être capables... Parce que
ce genre d'expertise, bon... comme relativement limité, si on a des
fonds de pension qui sont... il y a beaucoup de fonds de pension relativement
petits, je pense, ça aurait été mieux si on réussissait, comme vous le
suggérez, à regrouper des actifs. Donc, comment vous voyez cette question de...
C'est important d'avoir l'expertise nécessaire dans les comités de retraite,
mais comment on va la chercher?
Mme Noiseux
(Marie-Hélène) : Bien, écoutez, je pense que ce qui est déjà proposé
pour les régimes de pension agréés dans la loi actuelle est en partie
suffisant, dans le sens qu'il y a déjà une dénomination qui est faite. Ce que
j'aimerais qui soit ajouté, c'est la certitude qu'on s'assure qu'elle compense
au niveau actuariel et au niveau placement autour de la table, donc, si on
pouvait enchâsser ça dans la loi. Comme je vous disais tantôt, ça peut être
fait de toutes sortes de façons, ça peut être des membres externes, des membres
votants, non votants, mais je pense qu'en l'enchâssant dans la loi ça va
souligner le devoir du comité de retraite de bien se faire entourer, puis ça,
c'est extrêmement important, on est personnellement responsables, on est
fiduciaires de régime quand on siège autour de la table.
• (10 h 40) •
M. Leitão :
Très bien. Merci. Dans ce même ordre d'idées, donc, le regroupement d'actifs,
en effet, moi, je pense, ce serait très intéressant. Dans le projet de loi, ensuite, à la question de mon collègue, vous n'avez pas constaté
d'obstacle concret, moi non plus. Il faut qu'on le regarde plus attentivement,
mais je n'ai pas vu de contrainte claire. Mais, en abordant ça de l'autre côté,
est-ce qu'on pourrait... est-ce qu'on devrait mettre en place des mesures qui
vont encourager le regroupement d'actifs? Donc, il y aurait des gains, il y
aurait des avantages à regrouper les actifs.
Mme Noiseux
(Marie-Hélène) : Écoutez, vous touchez un sujet qui me tient énormément
à coeur depuis très, très longtemps. Donc, si on pouvait regrouper les actifs
de certaines municipalités, par exemple, ou autres, ce serait tellement intéressant
pour le Québec, il y aurait une économie d'échelle au niveau des coûts. Et là
je ne suis pas en train de dire que ce que la Caisse de dépôt fait n'est pas
bien, au contraire, j'apprécie beaucoup ce qu'ils font. Si on pouvait avoir d'autres caisses en importance au Québec, je pense
que ce serait salutaire pour tous, donc je souscris complètement à ça.
M. Leitão : Si on avait ça, les risques ESG seraient, il me
semble, aussi mieux gérés parce qu'une plus grande caisse a une plus
grande facilité à gérer ces risques-là.
Mme Noiseux (Marie-Hélène) : Absolument,
absolument.
Le Président (M.
Simard) : ...
M. Leitão : Bon, M. le
président m'a coupé la parole, alors merci beaucoup.
Mme Noiseux (Marie-Hélène) : Merci,
M. le député. Ça me fait plaisir de vous revoir.
Le Président (M. Simard) :
Merci à vous. Alors, M. le député de Rosemont.
M. Marissal : Merci, M. le
Président. Mme Noiseux, merci, merci d'être là. Je me sens un peu comme
mes enfants, ce matin, à l'école à distance.
Et votre exposé était très clair, je vous en remercie, parce que c'est vrai que
ce n'est pas un dossier qui est toujours
facile. Puis je souriais, tout à
l'heure, quand vous disiez : Des
fois, on reçoit notre feuillet, ça
prend probablement quelques heures avant de comprendre, moi-même,
j'ai fait des téléphones pour arriver à décrypter tout ça, dans mon cas
personnel.
J'ai bien noté votre suggestion sur la
capitalisation plutôt que la solvabilité, ça m'a ramené aussi à ma situation
personnelle, je trouvais la suggestion intéressante, parce qu'effectivement
c'est une question qui se pose beaucoup
quand on a cotisé pendant des années, des années, des années, et qu'on quitte,
que le régime est sous-capitalisé, notamment parce que des employeurs
ont pris des congés, notamment parce que des employeurs sont venus chercher ici
des amendements législatifs pour ne pas avoir à combler le déficit, et,
essentiellement, ce sont les travailleurs, une fois à la retraite ou quand ils
quittent, qui se trouvent pénalisés. Je ne sais pas si vous en feriez un
amendement ou si vous souhaiteriez voir
quelqu'un porter un tel amendement. C'est une question, c'est ma première
question pour vous.
Mme Noiseux (Marie-Hélène) :
Vous parlez vraiment au niveau de la capitalisation?
M. Marissal : Oui.
Mme Noiseux (Marie-Hélène) :
Oui, je pense que ce serait vraiment important puis je pense que... Écoutez,
moi aussi, j'ai jasé avec plusieurs professionnels, et ça fait presque
l'unanimité à ce niveau-là, donc je souhaiterais vraiment qu'on fasse un
amendement si vous voulez que ce soit plus simple à utiliser.
M. Marissal : Le «presque»
étant moins un, c'est-à-dire le ministre des Finances, mais il nous reste
plusieurs heures, Mme Noiseux, on va
essayer de le convaincre. Ma moyenne au bâton n'est pas bonne avec le ministre des Finances pour le convaincre, mais je vais continuer quand même
d'essayer parce que je trouve que... je trouve au moins qu'on doit avoir
le débat là-dessus, je trouve que c'est une bonne idée.
Il me reste
très, très peu de temps. J'aimerais ça vous entendre parler davantage du fameux
ESG, vous avez ouvert la porte. Comment ça se fait, dans le concret, et
est-ce qu'il y a de l'appétit pour ça dans le milieu?
Mme Noiseux (Marie-Hélène) :
Bien, écoutez, ça se fait déjà en Ontario, alors je pense que... pourquoi ce ne serait pas fait ici? En Ontario, ça doit
apparaître dans la politique de placement. Ce n'est pas d'immenses obligations,
c'est : Écrivez un paragraphe sur ce que vous faites pour ces risques-là,
d'accord? Alors, ça peut être très simple, ça peut être : Je les ai
délégués au gestionnaire. Mais je pense qu'il faut être responsable puis qu'il
faut écrire ça dans la loi, puis je pense que c'est important, ça apporterait
un plus au niveau de notre crédibilité dans la gestion des caisses de retraite. Alors, c'est vraiment quelque chose
qui est simple, et, dans le fond, je suis tout à fait d'accord avec les propos
du ministre Girard, c'est quelque chose qui se fait de plus en plus, on doit en
discuter, et ça force la discussion. Donc, ce n'est pas énorme, c'est un volet,
on l'inscrit, je pense que ça permet vraiment de mettre à jour notre loi sur
les régimes de retraite.
Le Président (M. Simard) :
Merci. Je cède maintenant la parole au député de René-Lévesque.
M. Ouellet : Bonjour. Merci,
Mme Noiseux. À mon tour de vous saluer. J'ai titillé, tout à l'heure,
lorsque vous avez fait mention de l'importance, dans le projet de loi, d'avoir
une valeur plus locale ou plus nationale. Le ministre faisait référence à, peut-être,
la difficulté d'avoir un esprit nationaliste dans la gestion des fonds de
retraite, mais j'aimerais vous entendre. Lorsque vous avez indiqué, tout à
l'heure, qu'il se fait de l'«outsourcing» et, à ce moment-là, les gestionnaires
de portefeuille qui sont en dehors du réseau connu n'ont pas le réflexe de
penser québécois ou n'ont pas le réflexe de penser à des entreprises
québécoises, j'aimerais que vous m'en disiez un peu plus. Est-ce que c'est vraiment
ce que vous avez senti ou c'est une tendance que vous avez regardée et que vous
nous dites : Oh! faites attention, ça
risque d'arriver encore plus fréquemment,
et cette volonté-là de faire croître les régimes de retraite à travers
les professionnels du Québec, on est en train de l'échapper?
Mme Noiseux (Marie-Hélène) :
Merci pour votre question, M. le député. C'est un autre sujet qui me tient bien à coeur, alors j'ai fait plusieurs recherches
à ce niveau-là, et malheureusement il y a de moins en moins de gestion de portefeuille qui se fait au Québec,
c'est une tendance claire. Il y a différents facteurs qui existent... ou qui
expliquent ça, pardon, alors, l'«outsourcing» en est un. Si, par exemple, pour différentes raisons, je choisis de faire gérer ma caisse
de retraite ailleurs, bien, si ça s'en va à New York, je ne pense pas que les
gens qui gèrent la caisse de retraite font s'affairer à regarder les plus
petits gestionnaires québécois. Il y en a certains qui sont présents, mais il y
en a certains qui n'ont pas le volume. Encore une fois,
ce qui est vraiment... ce que je souhaite vraiment, c'est qu'à capacité égale
on soit capables de regarder les gestionnaires québécois, et ça se fait dans
plusieurs comités, mais c'est important de le souligner. Donc, il y a un danger
là.
Il y a un autre danger aussi, c'est qu'on
utilise de plus en plus de placements alternatifs, notamment en immobilier, en infrastructure
et autres, donc, ça, c'est moins offert au Québec, ce qui fait qu'il y a de
l'argent qui s'en va ailleurs aussi, mais ça représente des sommes colossales,
pas juste pour les gestionnaires de portefeuille, tout ce qui entoure cette
industrie-là. Alors, si au moins les caisses de retraite peuvent se poser la
question... c'est quand même de l'argent qui est payé par les employeurs, par
les payeurs de taxes et par nous-mêmes, est-ce qu'on peut se poser la question
si on ne peut pas en placer ici? Alors, je suis bien d'accord avec M. le
ministre quand il dit que ce n'est pas... c'est difficile, hein, d'évaluer le
rendement/risque, ce n'est pas facile, ce n'est pas noir et blanc, mais je pense
que, quand on gère de l'argent, on est habitués à ces situations-là, tous les
ans, on fait un choix entre différents gestionnaires de portefeuille, donc il
faut juste prendre conscience des choix que l'on fait, c'est très important.
M. Ouellet : Et donc une des
propositions que vous nous faites, c'est d'inciter la divulgation du processus
décisionnel pour les services — vous faisiez référence au Panier
bleu — ça
serait peut-être une indication, là, de démontrer aux gestionnaires de
portefeuille qui font leur effort en quoi ils sont différents des autres.
Mme Noiseux (Marie-Hélène) :
Absolument. Ce que je ne veux vraiment pas dire... je comprends mon devoir de
fiduciaire et je ne veux vraiment pas dire qu'on choisisse à tout prix un
gestionnaire québécois. Est-ce qu'on peut au moins se donner le mal d'analyser
la situation et d'écrire ce qu'on va faire? Alors, ça, je pense que c'est peu
complexe et ce serait facile. On se donne tellement de mal pour les produits
puis on parle rarement des services, malheureusement.
M. Ouellet : Le service bleu.
Merci, Mme Noiseux.
Le Président (M. Simard) :
Merci. Alors, voilà qui met un terme à cette présentation. Mme Noiseux,
sachez à quel point vous faites honneur à
l'École des sciences de la gestion. Merci de votre participation parmi nous ce
matin, au plaisir de vous revoir.
Sur ce, nous allons suspendre momentanément nos
travaux.
(Suspension de la séance à 10 h 49)
(Reprise à 10 h 54)
Le
Président (M. Simard) :
Très bien, chers collègues, nous allons reprendre nos travaux. À l'ordre, s'il vous plaît! Nous avons la
chance de recevoir des représentants de la Fédération des travailleurs et
travailleuses du Québec, la FTQ. Mme Naud, M. Bolduc, soyez les
bienvenus parmi nous.
Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec
(FTQ)
(Visioconférence)
M. Bolduc (Denis) :
Merci.
Mme Naud (Marie-Josée) : Merci
beaucoup.
Le Président (M. Simard) :
Merci d'avoir répondu à notre invitation.
M. Bolduc (Denis) :
Alors, M. le Président de la commission, M. le ministre, Mmes et MM. les députés,
je me présente, Denis Bolduc, secrétaire général de la FTQ. Je suis accompagné
pour l'occasion de Marie-Josée Naud, conseillère spécialiste à la FTQ pour les
régimes de retraite et également les assurances collectives.
Alors, d'entrée de jeu, je vous remercie de nous
permettre de partager notre point de vue, le point de vue de la plus grande centrale syndicale du Québec, la FTQ. On représente
600 000 travailleurs et travailleuses au Québec. On est présents dans le secteur public, dans le
secteur privé également. Et, depuis des années, on a une grande préoccupation,
celle de la sécurité financière des membres de la FTQ, mais aussi de la
population du Québec.
Alors, nous, on dit que nos régimes publics ne
sont pas suffisants pour assurer la sécurité financière à la retraite de nos
membres, même s'ils ont été bonifiés, je dirais, quand même modestement il y a
quelques années. Et c'est pour ça qu'on milite toujours pour qu'il y ait un nombre
toujours plus grand de travailleurs et de travailleuses qui puissent bénéficier d'un régime de retraite à prestations
déterminées. C'est ces régimes-là qui garantissent une rente toute la vie durant, qui prévoient certains
bénéfices, même, pour le conjoint survivant. Alors, on travaille fort pour
protéger puis faire la promotion des régimes à prestations déterminées, on le
fait depuis plusieurs années, parce qu'on est convaincus que c'est la
meilleure chose pour nos membres. C'est ce dont ils ont besoin, c'est ce qu'ils
veulent, ils nous le répètent de congrès en congrès. Et, une fois rendus à la
retraite, les membres ont besoin d'avoir un revenu prévisible,
ils ont besoin de savoir de combien ils vont disposer pour établir leur budget,
parce qu'après avoir travaillé toute une vie pour le compte d'une entreprise,
ils ont le droit de vivre dans la dignité avec une certaine sécurité
financière.
Alors, la retraite, c'est une période de la vie
où les besoins sont quand même imprévisibles. C'est une période de la vie,
aussi, où la capacité de gagner un revenu supplémentaire, un revenu additionnel
diminue, habituellement, ou encore disparaît carrément. Alors, en plus, les
travailleurs, les travailleuses n'ont pas aucune possibilité d'influencer les
marchés financiers. Individuellement, ils n'ont pas les ressources pour gérer
les risques et les conséquences des fluctuations des marchés financiers. Alors,
on ne peut pas puis on ne veut pas exposer des gens à des coupures de droits,
et... parce que, pour nous, c'est ce qui va arriver avec les régimes à
prestations cibles. Pour nous, ce n'est pas
hypothétique, ça va arriver. Les gens ont le droit à la sécurité d'un régime à
prestations déterminées, d'autant plus que la couverture du régime
public n'est pas si généreuse au Québec, malgré la bonification récente, je le
disais il y a quelques instants. Alors, on s'oppose puis on va toujours
s'opposer à tout projet politique qui va faire en sorte que les travailleurs puis les travailleuses vont, en fin de
compte, devoir se débrouiller avec une rente réduite au moment de prendre la retraite, et qu'en plus que
cette rente puisse varier en fonction des aléas des marchés financiers.
Les dernières années, ça n'a pas été facile sur
le plan de la sécurité financière. Le législateur a multiplié les coûts envers
les travailleurs et les personnes retraitées pour principalement satisfaire aux
demandes des employeurs : je vous rappelle 2014, 2016, la loi n° 15,
la loi n° 13, qui venaient restructurer les régimes du secteur municipal et
universitaire puis qui repermettaient de
remettre en question des droits qui avaient été négociés de bonne foi; en 2016,
projet de loi n° 34, qui est venu
réduire de façon importante le droit des participants actifs et retraités dans
les régimes interentreprises; en 2016, le gouvernement a adopté la loi
n° 29 sur le financement des régimes du secteur privé, c'était, encore une
fois, à la demande des employeurs; puis en 2017, l'adoption du projet de loi
n° 126, qui remettait en question
l'indexation acquise dans le régime des cadres de la fonction publique
provinciale. Alors, il me semble que la
balance, elle penche toujours du même côté, puis ce n'est pas... ce n'est
jamais du côté des travailleurs qu'elle penche.
Et, concernant, donc, le projet de loi n° 68,
dont il est question ici, aujourd'hui, on souhaite quand même partager avec
vous certains éléments de réflexion. J'ai d'abord une ou deux observations
générales. D'abord, le projet de loi propose un transfert complet des risques
vers les participants et participantes, et, selon nous, ce n'est pas justifié.
Même le rapport D'Amours n'allait pas aussi loin dans ses recommandations. Le
rapport suggérait plutôt un meilleur partage des risques — «meilleur»,
c'est le mot utilisé — pas
un transfert à 100 % vers les travailleurs et les travailleuses. Et, pour
nous, c'est quand même très clair, le projet de loi actuel va donner aux
employeurs un autre outil, un outil supplémentaire pour attaquer les régimes à
prestations déterminées qui existent encore.
Et j'ajouterais même que le projet de loi ne va
pas permettre, comme cherche... comme le prétend le gouvernement, d'offrir un
véhicule supplémentaire pour augmenter la sécurité financière à la retraite.
Penser que les employeurs vont mettre en
place des régimes à prestations cibles là où, actuellement, il n'y a pas de
régime à prestations déterminées, pour nous, c'est une vue de l'esprit,
je n'y crois pas une seule seconde.
• (11 heures) •
On a eu
également une autre grande surprise à la lecture du projet de loi, on propose
que les secteurs municipaux, secteurs universitaires puissent abandonner
leurs régimes à prestations déterminées pour créer, pour le service futur, des
régimes à prestations cibles. Honnêtement, on se demande ça sort d'où. Les lois
n° 15 et n° 13 ont réduit
de beaucoup les droits pour les travailleurs et les travailleuses, pour les
retraités également, dans les municipalités et les universités, puis ça fait à
peine cinq ans, puis, encore une fois, on vise ces travailleurs-là. Nous, on
trouve qu'ils ont déjà quand même trop payé. Et il n'y a quand même pas si
longtemps que les règles de financement des régimes à prestations déterminées ont
été modifiées, encore une fois, pour accommoder les employeurs. Et, toujours
dans le but de protéger les régimes à prestations déterminées, parce qu'on y
croit fermement, à la FTQ, on avait appuyé la nouvelle approche de financement
qui était proposée par le gouvernement avec la loi n° 29. Ça amenait à une
plus grande stabilité, moins de volatilité dans le financement des régimes et,
je le répète, ça répondait à une préoccupation historique du côté des organisations
patronales.
Aujourd'hui, les règles québécoises qui
encadrent le financement des régimes à prestations déterminées sont parmi les
moins contraignantes au Canada. C'est les plus souples au pays. Et l'exigence
de financer des déficits de solvabilité a été éliminée, je vous le rappelle,
sans égard à la situation financière du régime.
Il y a des groupes qui n'ont pas accès à des
régimes à prestations déterminées et où, pour une multitude de raisons, il
serait difficile d'en implanter un. Ça peut dépendre de l'historique de l'organisation,
des spécificités, de la taille de l'organisation. Mais nous, on dit que, pour
eux, il existe déjà une solution depuis 2008, il existe déjà le régime de
retraite par financement salarial, le RRFS. Pour nous, c'est une option qui est
beaucoup plus intéressante que le régime à prestations cibles qu'on nous
propose. On pense que le gouvernement fait fausse route en voulant réinventer
un outil qui existe déjà, comme le RRFS. Habituellement, on a quelque chose
comme 30 000 travailleurs et travailleuses au Québec qui bénéficient
déjà d'un RRFS, puis c'est un régime à haut potentiel d'indexation, où les
prestations de base sont garanties puis qui sont à coût fixe pour l'employeur,
c'est important. Et, juste à la FTQ, on a plus de 16 000 participants
qui bénéficient d'un régime de ce type-là.
Je vois le temps filer, dernier élément avant de
conclure. Pour améliorer la situation des participants en cas de faillite ou de
terminaison de régime en situation d'insolvabilité, la FTQ, on considère
important de rendre plus accessible le programme de Retraite Québec, programme
qui permet l'administration des droits des personnes participantes retraitées
en cas de faillite. On pense que ce programme-là devrait être bonifié afin
d'être aussi offert aux participants actifs des régimes à prestations
déterminées où l'employeur a fait faillite, puis il devrait aussi être offert aux participants actifs et retraités des
RRFS, des RRPC, régimes à cotisations négociées aussi, lors de terminaison de régime ou de retrait
d'employeur lorsque le degré de solvabilité est inférieur à 100 %. On
pense même... on suggère aussi que la période d'administration maximale
pourrait... devrait être allongée minimalement jusqu'à 20 ans.
Alors, pour conclure, ce n'est pas d'hier qu'on
s'oppose aux régimes à prestations cibles. Déjà, en 2014, on avait fait
connaître notre position au palier fédéral concernant les prestations cibles. Il
y avait eu consultation, une consultation qui avait été initiée par le gouvernement
Harper. Puis, quand le gouvernement Trudeau, par la suite, a déposé le projet
de loi C-27, en 2017, on s'est encore opposés. Heureusement, ce projet de
loi là n'a pas été adopté. On a accepté l'idée des prestations cibles
uniquement pour les cas... des situations exceptionnelles, comme ça a été le
cas dans l'industrie du papier après 2008. Alors, on a participé aux
travaux du comité entourant la mise en place éventuelle des prestations cibles
récemment au Québec, et je vous fais remarquer qu'on avait d'office annoncé
notre opposition à la généralisation de ce type de régime sur le sol québécois.
Notre mémoire contient certaines recommandations
dans l'éventualité où, par malheur, le gouvernement décidait d'aller de l'avant avec ce projet, et vous trouverez également
certaines recommandations qui pourraient améliorer le sort des travailleurs et des retraités. Je vous
remercie de votre écoute, et on est disposés à répondre à vos questions.
Le
Président (M. Simard) : Bien, merci à vous, M. Bolduc. Je
cède maintenant la parole au ministre des Finances.
M. Girard
(Groulx) : Merci beaucoup pour la présentation et merci d'être avec
nous. Salutations, également, à Mme Naud. Merci, M. Bolduc.
J'aimerais revenir sur quelques points. Pouvez-vous mieux m'expliquer...
lorsque vous dites qu'on ne respecte pas l'esprit du rapport D'Amours, là,
pouvez-vous m'expliquer ce que vous voulez dire?
M. Bolduc (Denis) :
Bien, en fait, D'Amours était quand même assez clair, hein, les meilleurs
régimes de retraite sont les régimes de retraite à prestations déterminées.
Alors, nous, ce qu'on dit, c'est qu'il faut tout faire pour les protéger, et
c'est comme ça qu'on comprend le rapport D'Amours. Les régimes à prestations
déterminées ont fait l'objet de nombreuses attaques, là, depuis, justement, la
publication du rapport D'Amours.
On essaie d'avoir les chiffres exacts concernant
les régimes à prestations déterminées qui existaient il y a cinq ou 10 ans
puis qui n'existent plus aujourd'hui, qui ont été convertis, toutes sortes...
C'est des données qu'on a de la difficulté à obtenir, mais on aimerait bien ça,
parce que ça démontre qu'à chaque fois qu'on ajoute un élément, une
possibilité, une nouvelle possibilité, bien, les employeurs, ce qu'ils font,
c'est qu'ils sautent sur cette occasion-là pour
attaquer les régimes de retraite à prestations déterminées, s'en départir, les
convertir. On a lutté contre les clauses de disparité de traitement
également, parce que tout était là-dedans, cette problématique-là était
là-dedans également. Alors, c'est pour ça qu'on tient beaucoup à limiter les
possibilités qu'ont les employeurs, là, de se mettre dans une position où on s'en va en table de négociation
puis on dit au syndicat : Bien voilà, on va changer votre régime
de retraite, on va le convertir, maintenant on va avoir une occasion
davantage... les prestations cibles. Alors, c'est pour ça que...
M. Girard
(Groulx) : O.K.,
donc... O.K., mais c'est parce que, si je comprends bien, vous préférez les régimes à prestations déterminées aux régimes de retraite à prestations cibles,
j'en conviens. Mais là où je ne suis pas d'accord avec votre affirmation, nous respectons l'esprit des recommandations
du rapport D'Amours, et ce n'est pas un projet politique, c'est-à-dire qu'au
contraire nous menons à terme une recommandation importante du rapport
D'Amours, qui était l'établissement des régimes de retraite à prestations
cibles.
Une autre... d'autres participants sont venus
ici, ont fait des prestations et nous ont dit que, qu'il y ait ou non régime de retraite à prestations cibles, les régimes à prestations déterminées vont
disparaître, que ça n'a rien à voir avec les régimes... le projet de loi
qui est ici, que c'est une tendance lourde et que les employeurs veulent se
retirer, refusent la volatilité. Est-ce que
vous êtes d'accord avec cette affirmation? En quoi est-ce que
l'introduction de cet outil supplémentaire d'épargne, les régimes de
retraite à prestations cibles, va accélérer le déclin des régimes à prestations
déterminées?
M. Bolduc (Denis) :
...
M. Girard (Groulx) : On ne vous
entend pas, M. Bolduc.
M. Bolduc
(Denis) : Ah! non, O.K., je m'excuse, je ne sais pas, j'ai dû toucher
au bouton, là.
Alors, il y a plusieurs éléments, quand même. Je
le disais tout à l'heure, le projet de loi n° 29 est venu alléger le financement
des régimes de retraite à prestations déterminées, puis là, pour nous, c'était
une belle occasion de démontrer qu'on était prêts à participer à ce
processus-là, de renforcer ces régimes-là à prestations déterminées, on a
collaboré. Je le disais tout à l'heure, c'était à la demande des employeurs.
Alors, on a travaillé deux ans, à peu près deux ans, sur cette question-là
pour trouver des façons d'alléger le financement.
Et puis là, bien, pourquoi on pense que cet
outil-là, cette nouvelle... les prestations cibles vont faire en sorte que ça
va accélérer la disparition des régimes à prestations déterminées? Parce que ça
donne, justement, un outil supplémentaire, un argument supplémentaire aux
employeurs pour tenter une offensive sur les régimes à prestations déterminées.
Maintenant, on a des outils pour un meilleur financement des régimes, donc les
employeurs devraient être de moins en moins inquiets face aux régimes à
prestations déterminées.
La tendance est : Bon, on a un régime de
retraite puis on va tout faire pour transférer les risques du côté des travailleurs
uniquement. Je veux bien, là, mais je pense qu'on en a fait beaucoup, là, dans
les dernières années. Il y a des outils, par exemple le RRFS, j'en parlais tout à
l'heure, qui sont... qui, quand même, permettent une rente... même des processus d'indexation de
rente. Une fois qu'on a l'indexation qui est donnée, garantie, elle ne peut pas
être supprimée par la suite. C'est un bel outil, ça, qui existe déjà,
qui... pour les gens qui ne veulent pas un régime à prestations déterminées.
Parce que c'est certain que les employeurs où il n'y a pas de régime à
prestations déterminées, ils n'approcheront pas les travailleurs pour
dire : Bon, bien, on a eu une bonne idée, on va instaurer un prestations
cibles, là. Ça n'arrivera pas, ça, ça n'arrivera jamais.
Puis, pour
répondre à votre première... à votre commentaire de tout à l'heure concernant
le rapport D'Amours, une des suites du rapport D'Amours, ça a été la
mise en place des RVER également, les RVER dans lesquels les employeurs ne sont
pas obligés de cotiser. Les travailleurs peuvent décider de ne pas adhérer au
RVER, ils peuvent retirer leurs cotisations RVER à tout moment avant la
retraite, les frais de gestion sont plus élevés, ça gruge une partie de
l'épargne, c'était voué à l'échec. C'était recommandé, c'était une suite au
rapport D'Amours, c'était voué à l'échec, puis ça s'est avéré être un échec.
• (11 h 10) •
M. Girard
(Groulx) : D'accord. Est-ce qu'on mon collègue a des questions?
Le Président (M. Simard) : M.
le député de Saint-Jérôme.
M. Chassin :
Merci, M. le Président. Bonjour, M. Bolduc. Bonjour, Mme Naud. Je
voudrais peut-être juste éclaircir un élément, là, sur... on a parlé du
rapport D'Amours, puis toute la réflexion des dernières années, vous en
parlez vous-même, là, c'est le lent déclin des régimes à prestations
déterminées. Puis là je comprends, dans le fond, à la lecture de votre mémoire,
là, qu'il y a tout ce volet sur les lois nos 15 et 13 qui ont été déjà, là,
adoptées en 2014.
Mais là je vous donne quelques chiffres, là. Le
nombre de participants actifs aux régimes à prestations déterminées
en 2013, on parlait de 1 390 000 participants. Ensuite, il
y a eu les lois nos 13 et 15, et ensuite, en 2018, les derniers chiffres
disponibles, on parle de 1 346 000 participants, donc
44 000 participants de moins que cinq ans auparavant. Autrement dit, même en ayant des outils comme ceux que vous vantez dans
les projets de loi n° 13 et n° 15, le déclin se poursuit.
Est-ce que, dans un contexte où on le prend un
peu comme une donnée, l'ajout d'une possibilité comme les prestations cibles ne
rajoute pas quelque chose de potentiellement intéressant, même si ce n'est pas
en lien avec la disparition? Parce que, on le voit, ça se produit déjà. Est-ce
que ça peut ouvrir une porte de plus, selon vous?
M. Bolduc
(Denis) : Projet de loi n° 13, projet de loi... la loi n° 13, la loi n° 15, secteur municipal, universitaire, je le disais tout à l'heure, on est étonnés de voir
qu'il y avait possibilité, dans le projet de loi actuel, pour les municipalités
et les universités de se diriger, dans le futur, vers un prestations cibles.
C'est encore un indice qu'il y a une volonté... ça sous-entend qu'il y a une
volonté que... d'accélérer la disparition des régimes de retraite à prestations
déterminées. C'est comme ça qu'on le comprend, nous. On ajoute... on le
présente comme un outil supplémentaire pour l'épargne des travailleurs et
travailleuses, mais, dans le fond, c'est un outil supplémentaire pour faire,
justement, disparaître les prestations déterminées. Pour nous, ça semble
vraiment clair, puis c'est... on ne veut pas de ça. Les gens du secteur
municipal, secteur universitaire, là, ils ont payé, ils ont payé cher, là,
actuellement, avec ces deux projets de loi là, ces lois-là, dont, d'ailleurs,
certains articles ont été déclarés inconstitutionnels, là, au cours de l'été.
Ils ont déjà payé beaucoup : le partage obligatoire des déficits,
financement à 50-50...
M. Chassin :
Bien, je comprends, M. Bolduc, autrement dit, que... c'est ça, ça rejoint
un peu le constat que vous faites à la page 6 de votre mémoire. Selon
vous, c'est un peu une vue de l'esprit que des gens iraient vers un régime à prestations cibles s'ils n'ont pas de
régime à prestations déterminées. Pourtant... en tout cas, on nous a mentionné,
du côté des groupes patronaux, là, qu'il y avait des entreprises qui étaient
intéressées au régime à prestations cibles et qui
n'avaient pas, en ce moment, de régime à prestations déterminées. Donc, en tout
cas, de leur côté, c'est plutôt positif.
Mais là j'ai envie de vous poser une question
peut-être plus chargée ou... en tout cas, vous allez sentir mon opinion à
travers ça. On comprend la qualité des régimes à prestations déterminées pour
les travailleurs en termes de prévisibilité, en termes de stabilité des rentes.
En même temps, particulièrement pour le secteur municipal ou universitaire,
c'est sûr qu'il y a toujours des questions à se poser parce que le risque qui
pèse sur l'employeur, on s'entend, que ce
soit une municipalité ou une université, bien, ça signifie qu'éventuellement il
peut y avoir, dans ce risque financier,
des pressions financières, là, qui vont s'exercer sur qui, finalement? Sur les
citoyens qui reçoivent un service qui risque d'être moins financé parce
qu'on doit rembourser des déficits actuariels, voire des étudiants qui étudient
à l'université puis qui vont voir la qualité de leur éducation amputée en
partie par des pressions financières.
Ça fait que, évidemment, il y a toujours un peu
un équilibre, là, à maintenir. Puis on peut comprendre, évidemment, l'intérêt
pour les travailleurs, mais, dans le cadre de cet équilibre-là, quand vous
donnez comme recommandation de ne pas renoncer... dans le fond, de ne pas
permettre aux secteurs municipal et universitaire de mettre fin aux régimes à
prestations déterminées existants, ça me semble très lourd, comme
recommandation, là, dans le cadre de cet équilibre-là, est-ce que vous ne
pensez pas?
M. Bolduc (Denis) :
Moi, ce que je pense, c'est que les gens du secteur municipal ont déjà payé
beaucoup avec la loi n° 15.
Ils l'ont payée cher, cette loi-là. Elle est contestée, actuellement, devant
les tribunaux. C'est sûr qu'on a un ticket pour la Cour suprême avec
cette loi-là.
Pourquoi on s'attaque, encore une fois, à... et
on ne l'a pas fait, il y a cinq ans, là, la job, là, pour finir les régimes de retraite, pour assurer la sécurité
financière des régimes de retraite du secteur universitaire, secteur municipal?
C'étaient les titres des projets de loi, pour assurer la
sécurité financière de ces régimes-là. On l'a faite, la job, le gouvernement l'a faite, et on revient, encore une
fois, spécifiquement sur ces gens-là. À un moment donné, on se dit : Bien,
qu'est-ce qu'ils ont fait de mal dans... Parce qu'ils paient des taxes, eux
autres aussi, là. Ils travaillent, ils paient des impôts, ils paient des
taxes. On a de la difficulté à comprendre.
M. Chassin :
Je comprends votre position, M. Bolduc, je la respecte, même si je ne la
partage peut-être pas complètement. Mais, ceci étant dit, M. le Président,
moi, ça fait le tour pour mes questions.
Le Président
(M. Simard) : Merci à vous. M. le leader de l'opposition
officielle.
M. Fortin :
Oui, merci. Merci, M. le Président. Bonjour, M. Bolduc. Bonjour,
Mme Naud. Merci de partager votre point de vue avec nous aujourd'hui.
M. Bolduc, vous nous avez dit que ce véhicule supplémentaire là, disons,
que seraient les régimes à prestations cibles, ne serait fort probablement pas
utilisé par ceux qui ont déjà des régimes à cotisation déterminée. Qu'est-ce
qui vous fait dire ça?
M. Bolduc
(Denis) : À cotisation déterminée?
M. Fortin : Oui, qu'il y aurait probablement peu d'employeurs, là, qui seraient
portés à passer d'un régime de cotisation déterminée à un régime à
prestations cibles, si j'ai bien compris vos propos d'entrée de jeu, là.
M. Bolduc
(Denis) : Bien, nous, ce qu'on pense, c'est là où il n'y a pas
de régime à prestations déterminées, l'employeur ne s'avancera pas pour mettre
en place un régime à prestations cibles...
M. Fortin :
Mais pourquoi il ne s'avancerait pas?
M. Bolduc
(Denis) : ...un régime à prestations
cibles.
M. Fortin :
Mais pourquoi il ne s'avancerait pas, le...
M. Bolduc
(Denis) : Parce qu'on n'y croit pas, on n'y croit pas, on n'y
croit pas. On pense que... Il y a actuellement les RRFS, là, qui sont
disponibles, il y a des prestations cibles, il y a des prestations déterminées.
Les meilleurs régimes, c'est les prestations déterminées. Là, nous, on le voit vraiment,
là, comme un outil supplémentaire pour venir
affaiblir... je me répète, là, mais pour venir affaiblir les régimes de
retraite à prestations déterminées, le... bien, c'est ça qu'on pense.
M. Fortin : O.K., je comprends votre point de vue, là, et il est légitime,
votre point de vue, qui dit : Il y a des employeurs qui voudront probablement
passer d'un régime de prestations déterminées à un régime de prestations cibles
avec les provisions qui sont en place dans le projet de loi pour protéger, évidemment,
là, les rentes des travailleurs actuels, mais... et ça, ça, je pense qu'on peut
tous le comprendre. À l'inverse, par exemple, il y a quand même beaucoup de
gens... puis je vous ai entendu dire que, souvent, les modifications qui sont
faites dans la législation autour des régimes de retraite, c'est pour favoriser
l'employeur, mais il n'y a pas juste des employeurs ou les parties patronales
qui sont venus nous dire qu'effectivement il y aurait des cotisations
déterminées, qu'ils seraient peut-être intéressés à offrir des prestations
cibles, que ça ne serait pas si difficile que ça pour eux de le faire. Moi, je
pense que, pour des petits employeurs, ce n'est peut-être pas évident qu'ils
vont le faire, mais, pour des grands employeurs, vous êtes un peu isolés dans
votre camp, disons, là. Alors, je me permets de vous redemander à nouveau : Est-ce qu'il y a... Est-ce que vous
avez une information particulière qui vous fait croire que c'est
impossible?
• (11 h 20) •
M. Bolduc
(Denis) : Bien, je ne vois pas l'intérêt. Il est où, l'intérêt
de l'employeur de passer vers une prestation...
d'une prestation cible vers... d'une cotisation déterminée à une prestation
cible? Je ne le vois pas, l'intérêt. Oui, c'est vrai qu'actuellement, dans ce projet de loi là, on est un petit peu... mais je prends souvent
l'exemple... bien, je prenais l'exemple, pour imager
ça, un peu du souque à la corde, là, bien, c'est vrai qu'on est... il y a beaucoup,
beaucoup plus de monde d'un côté que de l'autre bord. On est pas mal moins
nombreux du côté de la corde sur laquelle on tire, nous, là, mais c'est parce
qu'à la FTQ, je le disais, on représente 100 000 travailleurs au Québec,
travailleurs, travailleuses. On a beaucoup de monde dans beaucoup, beaucoup de
milieux de travail, des milliers de milieux
de travail au Québec. On a vécu toutes sortes de choses au cours des
dernières années, des attaques constantes et répétées envers nos régimes
de retraite à prestations déterminées, puis c'est pour ça qu'on a mené des
batailles, des affiliés de la FTQ, là, ils ont mené des batailles épiques pour
protéger leurs régimes de retraite à prestations déterminées. On a subi des
lock-out qui ont duré deux mois, six mois, un an, 16 mois
pour, justement, réussir à garder nos régimes de retraite à prestations
déterminées. Alors, quand on nous dit qu'on met en place un nouvel outil, bien, pour nous, ce nouvel outil là va être
utilisé par les employeurs, puis à leur avantage à eux, pas à l'avantage
des travailleurs puis des travailleuses qui subissent, de négociation en négociation,
des attaques pendant lesquelles on essaie de leur retirer leurs régimes de
retraite à prestations déterminées.
Puis on a participé
aux discussions à la table, là, sur les régimes à prestations cibles parce
qu'on ne fait pas la... on n'adopte pas la politique de la chaise vide, à la
FTQ. On ne voulait pas se faire reprocher, aujourd'hui, de n'avoir pas
participé puis... en tout cas.
M. Fortin : Non, mais vous faites
bien, vous faites bien de le faire, puis je suis content que vous soyez là pour
nous donner un point de vue, disons, vous avez raison, là, différent de ce
qu'on a entendu jusqu'à maintenant. Et, je le reconnais, M. Bolduc, effectivement,
là, vous militez pour des prestations déterminées et vous utilisez tous les
moyens pour le faire depuis longtemps, et c'est tout à votre honneur, je n'ai
pas d'enjeu avec ça.
Mais ça soulève une
question. Si ce que vous avancez par rapport au peu d'intérêt, disons, d'une entreprise
où il y a un régime à cotisation déterminée de passer à un à prestations
cibles, pourquoi un syndicat serait en faveur du projet de loi? Parce qu'il y
en a, des syndicats qui sont venus nous voir... il y en a un en particulier,
là, mais qui est venu nous voir en nous disant : Bien, ce n'est pas si
mauvais que ça, le projet de loi. Qu'est-ce qui ferait en sorte qu'un syndicat
pourrait se prononcer en faveur de ce projet de loi là?
M. Bolduc
(Denis) : Les raisons leur appartiennent, je ne jugerai pas.
Mais nous, on est convaincus que ce n'est pas la bonne chose, sauf, je vous le
disais, dans des situations vraiment exceptionnelles, là, dans le secteur du
papier, notamment, là. D'ailleurs, on a certaines recommandations concernant
cet aspect-là. On a aussi... On propose également, dans le mémoire, là, pour
des questions d'équité, là, de rendre admissibles certaines mesures aux régimes
de retraite à prestations... où le partage des risques est... où il y a un
partage, certain partage des risques, à 50-50 ou à 100 %, là, que les mêmes avantages, là, soient consentis à l'un et
à l'autre pour ne pas obliger, justement... pour ne pas... parce qu'on a
cette crainte-là, pour ne pas obliger des groupes à convertir leurs régimes en
prestations cibles, là, pour avoir les quelques avantages qui figurent dans le
projet de loi.
Le Président
(M. Simard) : Merci, monsieur...
M. Fortin : Je vous
remercie, M. Bolduc, puis je vous remercie de faire ce point-là, que, même si le gouvernement devait aller de l'avant, il y a des choses à
modifier, là. Je l'apprécie, votre esprit constructif.
M. Bolduc
(Denis) : Merci.
Le Président
(M. Simard) : M. le député de Robert-Baldwin.
M. Leitão :
Très bien. Merci beaucoup, M. le Président. Alors, M. Bolduc,
Mme Naud, bonjour. Un plaisir, aussi, de vous revoir pour parler, encore
une fois, de retraite, on en a déjà parlé avant.
Une chose. Donc,
vous, ce que vous défendez, votre position, c'est que la création de ce nouveau
régime serait une façon... une porte qui s'ouvrirait pour transformer les
régimes actuels à prestations déterminées pour qu'ils soient transformés en
régimes à prestations cibles — cette question a été soulevée par
d'autres aussi — et
la réponse du gouvernement, c'est que, dans le projet de loi, à l'article... je
ne me rappelle plus quel numéro, c'est clairement indiqué que cela ne peut pas
se faire. Alors, pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous, vous pensez qu'en
effet la création de ce nouveau régime va être une ouverture à la conversion
des régimes actuels de prestations déterminées en régimes à prestations cibles?
M. Bolduc
(Denis) : Je pense que...
Mme Naud
(Marie-Josée) : Si je peux...
M. Bolduc
(Denis) : Marie-Josée, tu veux y aller?
Mme Naud
(Marie-Josée) : Bien, peut-être, oui...
M. Bolduc
(Denis) : Oui, vas-y.
M. Leitão :
Oui, allez-y, allez-y.
Le Président (M. Simard) :
Oui, Mme Naud.
Mme Naud
(Marie-Josée) : Bonjour, au plaisir de vous revoir. En fait, la
prétention de la FTQ, ce n'est pas que les régimes vont pouvoir être convertis
pour le service passé, c'est que, pour le futur, par exemple, dans une municipalité,
on prend, par exemple, la ville de Montréal, bien, peut-être que la mairesse
Laplante pourrait décider de mettre sur la table de négociation que, pour le
futur, on aurait un régime de retraite à prestations cibles et non plus un
régime à prestations déterminées. Chose certaine, si la mairesse forçait la
note pour arriver avec quelque chose comme ça, probablement que les pantalons
kaki seraient ressortis, mais pour une période indéterminée, comme vous avez
déjà connu.
Mais donc on n'a pas
la prétention que le projet de loi permet la conversion des régimes actuels
pour le service déjà acquis, c'est pour le service à acquérir dans les années
futures. On n'a pas... Donc, voilà.
M. Bolduc
(Denis) : C'est ça.
M. Leitão :
O.K., je comprends. Et c'est d'ailleurs un point de vue qui a été soulevé par
d'autres, aussi, qui sont venus en commission parlementaire. La différence que
je trouve entre votre position et celle des autres groupes qui sont venus,
c'est qu'ils voient cette possible conversion pour le futur comme... bon,
comment est-ce que je dirais ça, ce n'est pas nécessairement une bonne
nouvelle, mais c'est peut-être une façon de pouvoir mieux gérer le risque.
Vous, vous prétendez, dans votre présentation, M. Bolduc l'avait dit,
qu'avec ce nouveau régime à prestations cibles on déplace le risque entièrement
vers les travailleurs et que l'employeur, en fin de compte, se désengage de... Encore
une fois, ce n'est pas ce que d'autres groupes nous ont dit. Pouvez-vous peut-être
nous expliquer un peu mieux pourquoi vous voyez ça comme étant vraiment une
espèce de «download» de risque vers les employés seulement?
Le Président
(M. Simard) : En conclusion, s'il vous plaît.
Mme Naud
(Marie-Josée) : En fait, contrairement à ce que... Vous vous souvenez
du rapport D'Amours? Le rapport D'Amours recommandait un meilleur partage des
risques, il ne recommandait pas un transfert à 100 % du risque vers les
participants. La façon que le projet de loi est écrit, puis c'était aussi la
nature des discussions qui ont eu lieu au sein du comité technique autour des
régimes à prestations cibles, dans un régime à prestations cibles, l'employeur
n'assume aucune responsabilité financière. Dans le secteur municipal, dans le
secteur universitaire, M. Bolduc l'a
dit tout à l'heure, il y a déjà eu un tour de vis très serré qui a été amené pour
faire en sorte de partager... de faire un peu comme dans la... comme un
peu dans l'esprit du rapport D'Amours...
Le Président
(M. Simard) : Très bien.
Mme Naud
(Marie-Josée) : Pardon?
Le Président
(M. Simard) : Très bien. En conclusion, s'il vous plaît,
Mme Naud, très rapidement.
Mme Naud
(Marie-Josée) : Oui. Donc, oui, dans le projet de loi, ce qui est
prévu, c'est un transfert à 100 % vers les participants, les participants
actifs et retraités, c'est ce qui est prévu, donc... assumeraient...
Le
Président (M. Simard) :
Très bien. Merci, Mme Naud. Merci. Je cède maintenant
la parole au député de Rosemont.
• (11 h 30) •
M. Marissal : Merci, M.
le Président. M. Bolduc,
Mme Naud, merci d'être là, et bienvenue. Vous avez raison, M.
Bolduc, en particulier, de dire que — là, je ne vous cite pas au
texte, mais je paraphrase — les
régimes de retraite sont de plus en plus vus
comme un poids pour les entreprises, ce qui n'était certainement pas le cas il
y a un quart de siècle et un peu plus, quand moi, je suis entré sur le
marché du travail, où c'était vu comme un plus pour les employés, les salariés.
Et je pense qu'on était même fiers de bénéficier de ce genre de programmes. Ça
faisait partie, en tout cas, de la fibre de certaines entreprises, qui le
faisaient correctement et qui retenaient leur monde.
Bon,
ça a l'air qu'on a changé de monde, puis qu'il n'y a plus de loyauté, puis que
les jeunes, selon le ministre, n'ont pas d'intérêt, et il n'y a pas...
d'attractivité, pardon, d'un régime comme celui des prestations déterminées.
Je ne suis pas sûr, je suis même pas mal sûr du contraire. Et vous avez raison,
par ailleurs, de dire que ce dossier-là souffre du syndrome de la tour de Pise,
ça penche toujours du même bord, et les différentes lois qui ont été déposées
ici, débattues et adoptées sont toujours à l'encontre des salariés et des
futurs retraités.
Mais vous avez dit
qu'essentiellement vous faites contre mauvaise fortune bon coeur, que vous
voulez être bon joueur et proposer des
choses. Moi, je m'intéresse en particulier à votre recommandation n° 10 sur Retraite Québec, qui est effectivement, je pense, au
registre de faire contre mauvaise fortune bon coeur, mais vous apportez quelque
chose là. J'aimerais vous donner 1 min 30 s pour expliquer davantage
ce que vous voulez faire avec ça.
M. Bolduc (Denis) : Merci. Marie-Josée, tu compléteras au besoin, là.
Le gouvernement précédent était intervenu pour permettre la prise en
charge par Retraite Québec de l'administration des rentes de retraités pour une
période de 10 ans en cas de faillite, puis nous, on pense, c'était une bonne
idée, puis on pense, ce serait judicieux d'élargir le programme aux régimes à prestations déterminées, aux RRFS, aux régimes à
prestations cibles, aux régimes à cotisations négociées parce qu'avec
Retraite Québec les frais d'administration sont moins élevés, meilleur
rendement. Nous, on propose d'allonger la période maximale d'administration à
20 ans. Ça permettrait aux participants de choisir un bon moment, là, pour sortir du régime, choisir un
moment optimal. Je ne sais pas si, Marie-Josée, tu veux ajouter quelque chose.
Mme Naud
(Marie-Josée) : En fait, la gestion que fait Retraite Québec autour de
ça, c'est... vous savez, les deux objectifs, c'est de bonifier la rente en cas
de faillite, donc d'essayer d'avoir un rendement supérieur à ce qu'on pourrait
avoir auprès d'une compagnie d'assurance, et de choisir un timing adéquat pour
acheter une rente auprès d'une compagnie
d'assurance. C'est sûr que cette mesure-là n'est pas suffisante à protéger les
retraités en cas de faillite de
l'entreprise. Ça fait partie d'un plan de match, nous, qu'on a adopté à la FTQ,
c'est-à-dire que c'est une des mesures qui devrait être mises de
l'avant, il y en a bien d'autres dont on va faire la promotion.
Le Président
(M. Simard) : Très bien. Merci, Mme Naud. Je m'excuse, hein,
je dois malheureusement gérer le temps qui m'est imparti à partager. Alors, M.
le député de René-Lévesque.
M. Ouellet :
Oui, merci. Donc, à mon tour de vous saluer, M. Bolduc, Mme Naud. On
a, aujourd'hui, l'opportunité d'avoir l'original et non pas la copie. On n'est
pas surpris de vos prises de position et on les respecte. C'est ce qui fait la
force du mouvement syndical, on y va de façon très forte sur les valeurs et on
est non négociable.
Cela
étant dit, ce qui fait la force, aussi, du milieu syndical, c'est d'être
capable d'offrir un canal de communication et de discussion. Mon collègue de Rosemont vous a demandé de préciser un
peu la recommandation 10. Moi, j'aimerais, en rafale, avoir vos
explications concernant la recommandation 6 et la recommandation 5.
M. Bolduc
(Denis) : C'est... La recommandation 6, ça concerne...
M. Ouellet :
Les régimes où les employés prennent l'entièreté des risques.
M. Bolduc
(Denis) : ...rapport actuariel, le... Ah! O.K. Le cadre actuel,
c'est la même chose pour le projet de loi
n° 68, le projet de loi actuel, là, exige un rapport actuariel dans les cas de retrait d'un
employeur. Alors, pour nous, ça n'a pas de sens, il faut alléger le
processus. Dans les régimes interentreprises, à tous les jours ou presque, à
tout le moins à toutes les semaines, il y a des participants qui quittent puis,
quand il y a un participant qui quitte, il n'y a pas d'obligation de faire un
rapport actuariel. Ça devrait être la même chose lors d'un retrait d'un
employeur pour ces types de régimes, tous les types de régimes, d'ailleurs. Ça
coûte cher, c'est complexe. Dans les RRFS, par exemple, on a des groupes, là,
c'est trois, cinq travailleurs, 10 travailleurs, l'employeur se retire...
une évaluation actuarielle. Alors, on pense que c'est coûteux pour rien, là.
Quand on parle de réduire les coûts à certains endroits, bien, c'est un bel
endroit pour réduire les coûts.
Concernant, vous avez
dit, la recommandation n° 5, pour nous, c'est une question
d'équité, une équité entre les régimes dans lesquels les risques sont partagés.
L'objectif, je dirais, là, en une phrase, l'objectif qu'on cherche, c'est de ne pas obliger les groupes à convertir
leurs régimes, là, en prestations cibles pour avoir les avantages, quelques
avantages supplémentaires qui figurent, là, pour les prestations cibles, c'est
ça. Et, je pourrais ajouter, c'est une autre recommandation, mais, quand on
parle de réduire les coûts, là, il y a une règle, la règle du 50 %, dans
les régimes où les risques sont partagés. Il y a une règle, qu'on appelle la
règle du 50 %... n'existe pas, là, dans les régimes où les risques sont
partagés.
Puis on parlait, tout
à l'heure, du secteur universitaire, du secteur municipal, bien, les risques
sont partagés, maintenant, dans ces deux secteurs-là, alors on ne devrait pas être
tenus à cette règle-là, c'est ce qu'on présume. Ça fait en sorte que la valeur d'une rente, par exemple, elle peut être
évaluée... Une rente, vous avez un bel exemple, là, dans le mémoire, elle peut être évaluée à
100 000 $, puis, tout dépendant du niveau de cotisation du
travailleur, bien, comme il ne peut pas cotiser plus de 50 % de la
valeur de la rente, bien, ça peut faire en sorte, dans certains cas, qu'on lui
verse 110 000 $. C'est comme si on vendait... on donnait
30 000 $ pour un char qui en vaut 25 000 $, là.
Le Président
(M. Simard) : Très bien.
M. Ouellet :
Merci, M. Bolduc. Merci, Mme Naud.
Le Président
(M. Simard) : Alors, Mme Naud, M. Bolduc, je tiens à
vous remercier pour votre précieuse contribution à l'avancement de nos travaux.
Sur ce, nous allons
suspendre, et nous serons de retour après les affaires courantes. À plus tard.
(Suspension de la séance à
11 h 36)
(Reprise à 15 h 35)
Le Président
(M. Simard) : Alors, chers collègues, je constate que nous avons
quorum, nous pouvons donc reprendre nos consultations particulières sur le projet
de loi n° 68.
Cet après-midi, nous
recevons des représentants de la Fédération de l'industrie manufacturière de la
CSN. MM. Desbiens et Côté, soyez les
bienvenus parmi nous, et merci d'avoir répondu à notre invitation. Alors, vous
savez que vous disposez d'une période de 10 minutes pour votre
présentation.
Fédération de l'industrie
manufacturière (FIM-CSN)
(Visioconférence)
M. Desbiens
(Michel) : Bonjour, tout le monde.
Le Président
(M. Simard) : Bonjour.
M. Desbiens
(Michel) : Oui, bonjour.
Michel Desbiens, président du Syndicat national des employés de l'aluminium
de Baie-Comeau.
Le Président (M. Simard) : M.
le président, on vous écoute.
M. Desbiens
(Michel) : Bon, tout d'abord, on veut remercier la commission de me permettre
de m'exprimer devant vous cet après-midi. Lors de la négociation de la
convention collective de 2019, l'employeur, dans son dépôt initial, nous a mentionné ne plus vouloir soutenir
et gérer notre fonds de pension à prestations
déterminées. Notre intention était de conserver notre régime à prestations déterminées, qui est, pour nous, le meilleur des fonds de
pension. À mi-chemin des négociations, nous sommes arrivés dans une
impasse. Les négociations furent mises sur pause jusqu'à ce que nos membres
nous donnent le mandat de négocier un nouveau régime de retraite.
L'employeur nous proposait un RRFS, mais, pour
nous, ce n'était pas une solution. Nous avons donc proposé un régime de
retraite à prestations cibles, même s'il n'était pas permis par la loi, mais en
espérant que ça le soit rapidement. Cette proposition nous a permis de nous
entendre et d'éviter un conflit de travail. Les deux raisons majeures qui ont motivé notre choix sont une rente
plus élevée à 58 ans ainsi que la possibilité de faire des achats de
rente.
Depuis l'entente, nous travaillons à mettre en
place un nouveau régime. Environ 90 % du travail est terminé. Ce nouveau
régime est pris en charge et administré à 100 % par notre syndicat. Il est
donc très important pour nous que la loi soit adoptée le plus rapidement
possible, au plus tard le 1er janvier 2021. De plus, il faut que la loi
s'ajuste au fait que, dans certains cas, ce sont les syndicats qui seront les
promoteurs du régime et non l'employeur.
En terminant, si la loi n'est pas adoptée au
1er janvier 2021, nous devrons passer par un régime transitoire, ce qui
nous occasionnerait énormément de travail et de nombreux problèmes. Merci.
Le Président (M. Simard) :
Merci à vous, M. Desbiens. M. Côté souhaite-t-il faire une intervention?
M. Côté (Stéphane) : ...
Le Président (M. Simard) : Nous
vous écoutons, M. Côté.
M. Côté
(Stéphane) : Alors, Stéphane
Côté, coordonnateur des services à la Fédération de l'industrie manufacturière-CSN.
Pour la
Fédération de l'industrie manufacturière, qui représente de l'ordre de
300 syndicats et plus de 30 000 membres, le régime de
retraite à prestations cibles n'est pas une nouveauté en notre matière de
régimes de retraite. On représente des syndicats du papier dont... issus de la
crise de 2008, où ces entreprises ont été obligées de revoir leur nouveau
modèle de régime de retraite pour survivre. Ainsi, à l'époque, le législateur a
permis, dans la loi, pour... certaines compagnies papetières aient droit à un
régime de retraite à prestations cibles au lieu des régimes de retraite à prestations déterminées. Ainsi,
depuis 2011, quatre de nos syndicats, soit l'usine d'Alma, l'usine de
Kénogami et deux accréditations
de Clermont, qui travaillent pour Résolu et qui représentent près de
400 travailleurs, ont un régime de retraite à prestations cibles.
Tous les quatre syndicats plus la fédération siègent sur le conseil des
fiduciaires, qui administre et gère le régime de retraite de façon paritaire
avec l'employeur. C'est un régime dont les paramètres sont négociés également
par les parties. L'employeur administre le régime, comme convenu, lors du
départ en 2011.
Alors, depuis 2011, la cotisation est
demeurée stable et les rentes cibles ont été respectées. Ce régime est très apprécié des travailleurs, ils y voient des similitudes avec leur ancien régime à
prestations déterminées, avec, évidemment,
ses caractéristiques bien à lui. Et, si le régime à prestations déterminées est
le meilleur régime de retraite pour eux, le régime
à prestations cibles est un compromis des plus satisfaisants en vue de la
retraite pour nos travailleurs du papier.
La fédération a la même opinion que ses
syndicats et considère que... le régime de retraite à prestations cibles comme
une autre possibilité en matière de négociation de régimes de retraite. Plus il
y a de possibilités, meilleures sont les
avenues pour permettre à nos travailleuses
et travailleurs d'avoir accès à un
bon régime de retraite. C'est d'ailleurs ce que nos syndicats nous ont
dit en novembre 2019, lors de notre journée de réflexion sur les régimes
de retraite.
L'autre facteur que nous voulons souligner
concerne la gouvernance. Le régime à prestations cibles permet trois types
de gouvernance, qui offrent différentes possibilités à nos syndicats : il
y a le régime local syndical, comme Michel Desbiens a proposé avec le syndicat
d'Alma, où c'est le syndicat qui gère l'ensemble du régime et des paramètres;
il y a le régime local paritaire, où l'employeur et le syndicat négocient de
façon paritaire la cotisation et les
paramètres, comme celui-là des quatre syndicats que je vous ai nommés tantôt et Résolu; et enfin il pourrait y avoir un régime syndical regroupé, où seule
la cotisation est négociable, alors que les paramètres du régime sont communs et
déterminés par un parrain du régime du départ.
Alors, ce
régime, pour nous, permet donc beaucoup de flexibilité à nos syndicats dans le
choix de la gouvernance, ce qui le rend encore des plus attrayants.
Toutefois, nos syndicats s'entendent tous pour nous dire qu'ils doivent être
accompagnés dans leurs démarches, ce que nous allons faire comme organisation
syndicale.
Voilà ce que nous voulions vous transmettre en
tant qu'organisation. Si le régime à prestations déterminées est le meilleur
régime à nos yeux, le régime à prestations cibles est un régime très attrayant
qui a fait ses preuves et qui pourrait être proposé à l'ensemble de nos
syndicats lors de leurs prochaines négociations, et ce, on le souhaite, le plus
rapidement possible. Merci beaucoup de votre écoute.
• (15 h 40) •
Le
Président (M. Simard) :
Bien, merci à vous, M. Côté. Alors, d'entrée de jeu, je souhaite...
je cède, plutôt, la parole au ministre
des Finances. Cher collègue.
M. Girard
(Groulx) : Merci, M. le Président. Et merci, M. Côté et M. Desbiens. Et je pense
que votre intervention... vos
interventions sont d'autant plus pertinentes que vous avez une certaine avance
sur les parlementaires, ici, là, c'est que vous avez déjà
expérimenté ces régimes-là.
J'aimerais
revenir sur... ce matin, nous avons entendu d'autres parties prenantes qui nous
ont dit, je vais résumer grossièrement : Les régimes de retraite à
prestations cibles, ce n'est pas bon, ça va accélérer le déclin des régimes à
prestations déterminées. Est-ce que vous êtes d'accord avec cette affirmation?
Le Président (M. Simard) : Peut-être,
M. Côté ou...
M. Côté
(Stéphane) : Bien, pour
répondre, M. le ministre, pour nous... Nous, notre présentation... Je pense que, les organisations syndicales, chacune ont leur
opinion, et, pour nous, c'est l'opinion qui est donnée par une autre organisation syndicale. Pour nous, nous, on considère que les régimes de prestations,
on l'a dit dans ce que je vous ai répondu tantôt, pour nous, c'est les
meilleurs, on pense... et il n'y a pas de régime qui... actuellement, les
régimes à prestations, il n'y a pas de
saignée, comme on pourrait dire, là, dans nos syndicats, où on perd des régimes à prestations déterminées.
Nous, ce qu'on souhaite avec un régime à
prestations cibles, c'est d'offrir plus de choix à nos syndicats et de les
laisser libres dans le choix d'avoir un régime supplémentaire que, actuellement,
à part les syndicats du papier, à cause de
la suraction de la crise... la crise papetière, dans la fin des
années 2008, 2010, il y avait... les autres syndicats n'ont pas
accès à ça, alors, pour nous, c'est important de leur donner cet accès. Et,
quand on a fait notre journée de réflexion avec nos nombreux syndicats, tous
qui avaient... la plupart... il y en a qui en ont, des régimes à prestations
déterminées, ils ont dit : On veut conserver nos régimes de prestations
déterminées, mais on veut que vous soyez à l'affût,
et on trouve que l'idée des prestations cibles est une bonne idée, et on pense
qu'elle peut être également une très bonne
idée pour des régimes qui pourraient être dans d'autres types qu'ils n'ont pas,
actuellement, ou qui ont des régimes comme des REER collectifs, qui ont des cotisations
déterminées. On pense que prestations cibles peut très bien
remplir adéquatement et que c'est un bon régime.
Et en plus,
bien, moi, pour l'avoir vécu parce que je siège sur le conseil des fiduciaires
du régime de PFR avec les quatre syndicats que je vous ai nommés tantôt, M. le ministre, nous... je suis là depuis six ans, sur le conseil des fiduciaires, et, pour nous, c'est un régime qui a
fait ses preuves, qui fonctionne bien, et on est capables de travailler
ensemble. Alors, pour moi, la question... c'est la réponse que je peux
vous donner, M. le ministre.
M. Girard (Groulx) : Merci
beaucoup. Je n'ai pas dit que c'était un syndicat, là, qui avait véhiculé cette
position-là, mais vous avez émis cette hypothèse-là.
Je voudrais revenir sur les régimes à cotisation
déterminée. Est-ce que vous pensez que les régimes à retraite prestations
cibles vont être suffisamment attrayants pour encourager la migration de
certains régimes à cotisation déterminée vers ce nouveau régime?
M. Côté
(Stéphane) : Bien, je pense que... M. le ministre, pour répondre à votre question,
je crois que ça pourrait être une avenue intéressante. Est-ce que ça va
être tous les syndicats qui vont migrer vers un... d'un
cotisation vers un prestations cibles? Bien, je ne le crois pas, mais il
est clair que c'est une alternative qui est intéressante pour nous, et que nous, on va envisager, dans nos prochaines
négociations, pour les gens qui ont des régimes à cotisation déterminée...
on pense que c'est une avenue intéressante. Mais évidemment, vous savez, une
négociation, ça se négocie à deux, il faut
que les deux parties soient d'accord. Alors, il est clair que, dans les
contextes qu'il y a des cotisations déterminées, si c'est une avenue qui
est souhaitable pour nos membres, nous, on va le proposer, c'est indéniable.
Ceci étant dit, l'objectif, c'est d'avoir... et
je vais me répéter, là, c'est toujours d'avoir une avenue... une autre avenue qu'on peut présenter à nos membres, alors
qu'avant on n'avait pas cette avenue-là, et on voit qu'avec le p.l. n° 68 c'est une possibilité, et, nous, c'est clair, et net, et
précis qu'on salue cette possibilité-là puis on la souhaite à nos syndicats,
pour l'offrir. Après ça, on verra, après ça, c'est quoi que les parties
voudront négocier, mais ça pourrait être une avenue. Mais on n'a pas regardé,
quantitativement, combien ça pourrait être, là, ça, je vais être bien honnête
envers vous. On va attendre que le projet soit adopté puis on verra pour la suite
des choses, mais il est clair que c'est un régime, quant à nous, qui peut être
attrayant.
M. Girard
(Groulx) : Merci. Et puis
j'aurais une dernière question, peut-être, M. Côté. Vous savez, lorsqu'on est parlementaire, on se fait souvent dire que c'est urgent, que la
loi doit être changée pour telle date, et que, si ce n'est pas fait, ça
va être la fin du monde, et puis ça presse, et puis, écoutez, on... puis je
dirais que la COVID n'a pas diminué cet aspect de notre travail. Jusqu'à quel
point, là, la date du 1er janvier 2021, là, c'est essentiel, là?
Est-ce qu'on parle d'une urgence? Est-ce qu'on parle d'un accommodement?
Pouvez-vous nous dire, là, sincèrement, là, jusqu'à quel point c'est important
pour vous que la loi soit adoptée avant le 1er janvier 2021?
M. Desbiens
(Michel) : Je vais commencer. Vous savez, lorsqu'on a négocié ça
en 2019, on a pris une chance, là, on va dire ça de même, ce
n'était pas permis par la loi, puis on ne voulait pas... on ne voulait
absolument pas avoir de RRFS, là, ça ne nous convenait pas du tout. Puis le lot
de travail que ça a amené depuis qu'on a commencé à préparer ça, là, on a
travaillé à plusieurs journées, là, je suis presque affecté, ça, avec un autre
représentant syndical à ça, là... on a
pratiquement tout le travail de fait, 90 %. Nos actuaires sont choisis, le
conseiller en gestion est choisi, le gardien de valeur est choisi, les
documents officiels du régime sont presque tous complétés, il ne reste qu'à
l'ajuster avec la loi, là, quand ça sera terminé. Puis recommencer ça, ça
serait un travail énorme, pour passer dans un régime transitoire de quelques mois, puis en plus ça nous occasionnerait des
frais additionnels à nous puis à l'employeur aussi parce
que, dans notre négo, on s'est
arrangés pour que, si jamais il fallait passer par un régime transitoire,
l'employeur devait donner d'autres sommes pour la
transition. Donc, ce n'est pas que c'est la fin du monde, M. le ministre, mais
ça nous occasionnerait un paquet de problèmes puis encore beaucoup de travail à
faire avec nos actuaires, là, qui a déjà été
complété, à ce moment-ci, puis... C'est à peu près ça que je voulais dire, là.
Ça serait très important pour nous parce
que, je vous le dis, là, le travail
qu'on a fait, là, moi, puis un autre représentant syndical, puis avec nos
actuaires de la CSN, là, ça a été un travail assez énorme, là, pour se
préparer, pour être prêts pour le 1er janvier, là.
M. Girard (Groulx) : En fait,
là, juste pour préciser ma question : Est-ce qu'il y a juste des
inconvénients administratifs ou il y a des conséquences financières et... des
conséquences financières puis des conséquences qui nuiraient à la continuité
des affaires, par exemple?
• (15 h 50) •
M. Desbiens (Michel) : Il y a
des conséquences financières... la direction d'Alcoa, je vous le dis, là, on a
négocié... ils devraient payer des sommes additionnelles, là, puis pas des
petites sommes, là, pour qu'on passe par un régime transitoire parce qu'il y
aurait des travails qu'on a comme payés, présentement, pour faire le travail
puis qu'il faudrait refaire le travail, là. Puis donc il faudrait encore de l'argent
à notre syndicat aussi puis aussi à l'employeur, là, pour les prochains mois,
pour peut-être un régime transitoire qui passerait de je ne sais pas combien de
mois. On serait obligés d'aller vers un RRFS, puis après ça de refaire des
transferts vers un prestations cibles, là, ça fait que ça serait... qu'il y
aurait des conséquences monétaires aussi.
M. Girard (Groulx) : O.K. Je
passe la parole à mon collègue.
Le Président (M. Simard) : M.
le député de Saint-Jérôme.
M. Chassin :
Bonjour, messieurs. Merci de votre présentation. Permettez-moi peut-être,
M. Desbiens, là, de revenir sur un élément qui m'apparaît quand même
intéressant, puisque, comme le ministre le soulignait, vous avez une expérience que nous, comme parlementaires, nous
n'avons pas. Vous précisez, dans le fond, qu'un RRFS ne vous convenait pas, que vous avez préféré les
prestations cibles. Pouvez-vous nous donner la ou les raisons pour lesquelles
ce n'était pas un régime qui vous convenait puis que prestations cibles, ça
vous convenait mieux, à vos membres?
M. Desbiens
(Michel) : Oui. Quand on a
fait l'analyse, puis on était rendus dans une impasse aux négos,
on a analysé différents régimes, dont le RRFS, puis le prestations cibles, pour
nous... la cible, au départ, à 58 ans est plus élevée. On ne se le
cachera pas, là, on travaille dans une aluminerie, c'est assez dur,
physiquement, puis je ne pense pas qu'il y ait grand monde qui s'inscrivent dans un marathon à 65 ans, là. Donc,
c'était important, pour nous, d'avoir une plus grosse rente à partir de
58 ans, pendant qu'on est très en forme.
Puis l'autre raison, c'est que l'employeur, il
ne voulait plus gérer la balloune, là — je vais appeler ça la
balloune — qui
se gonfle puis qui se gonfle, ça fait que, dans le passé, il a fait des achats
de rentes pour ne plus avoir à supporter ceux qui étaient déjà sortis à la
retraite. Donc, en nous transférant ce problème-là, bien, nous, on veut pouvoir
faire la même chose, ce qu'on ne peut pas faire avec un RRFS puis ce qu'on peut
faire avec un prestations cibles. Si les
conditions le permettent, on va regarder, faire des achats de rentes pour
sortir nos retraités au fur et à mesure du régime puis ne pas avoir à
les absorber au fil du temps.
M. Chassin :
Dans le projet de loi actuel, qui permet, justement, là, des rentes, ça, c'est
un élément qui, pour vous, est important dans le projet de loi n° 68
actuel.
M. Desbiens (Michel) : Très
important. Comme je vous le dis, là, on est en forme, à 58 ans, à
travailler dans une aluminerie; à 65, on ne sait pas comment est-ce qu'on va
fonctionner. Donc, c'est très important. Puis les achats de rentes, c'est d'autant plus important, aussi,
pour ne pas supporter les retraités dans notre régime, là, trop longtemps.
M. Chassin :
Bien, à tout le moins, je trouve très intéressante votre présentation non
seulement à cause du côté pratique, mais aussi parce que vous soulevez
peut-être ce que d'autres intervenants n'ont pas aussi clairement établi,
c'est-à-dire la flexibilité des régimes de retraite à prestations cibles, tant
pour, par exemple, refléter la réalité de travailleurs qui ont besoin, à
58 ans, d'une meilleure cible de prestations que, par exemple, pour ce qui
concerne la gouvernance.
Donc, je comprends que le rôle des syndicats va
être important aussi dans l'adoption de régimes à prestations cibles, vous en
avez parlé. Est-ce que, dans l'industrie forestière, où, suite à 2008, là, on
s'est tourné un peu vers ces régimes-là... est-ce que... Je pense qu'on
parlait, M. Côté, là, que les travailleurs étaient satisfaits. Est-ce
qu'il y a eu des moments où les rendements des régimes qui ont été instaurés se
sont retrouvés, là, à devoir être ajustés par des mesures de redressement?
M. Côté (Stéphane) :
Depuis 2011, comme j'ai dit tantôt, il n'y a pas eu de correction qui a eu
à être faite par rapport aux régimes à prestations cibles, là. On a toujours
maintenu les mêmes degrés de cotisation, la rente cible a toujours été stable.
C'est sûr, évidemment, qu'avec... il y a toujours... comme, un régime de
retraite, il y a certaines similitudes avec
les prestations déterminées, il y a de la solvabilité, il y a de la
capitalisation, mais, de façon générale, là, au cours des neuf années du régime, ça s'est bien maintenu, et
c'est pour ça que les travailleurs sont satisfaits, parce qu'ils y
voient une plus-value, ils voient vraiment que c'est un vrai régime de
retraite, ils sont partie prenante, ils peuvent prendre des décisions par rapport aux
politiques de placement et autres. Alors, ils ont... et même les
quatre syndicats que je vous nommais tantôt, on l'a fait pour la première
fois l'année passée, où il y a eu un... en 2019,
une négo regroupée où on a négocié, les quatre tables communes, sur le
régime à prestations cibles, où on a établi les paramètres, alors, pour les
trois, quatre prochaines années. Alors, c'est avantageux pour les
syndicats, ils sont très contents de ça.
M. Chassin : Et donc, autrement dit, puis je vous pose la question peut-être plus
précise, en début d'année 2020, on a eu quand même une variation...
une volatilité sur les marchés financiers qui était assez importante. J'imagine
qu'il y a des règles pour établir la
viabilité du régime de temps en temps. Cette variabilité en début d'année 2020
n'a pas causé, finalement, là, de maux de tête ou de craintes pour les
régimes qui étaient établis?
M. Côté
(Stéphane) : Il n'y en a pas eu parce que ça a respecté des règles, au
niveau des régimes de retraite, au niveau de la capitalisation. Il y a une
réserve, actuellement, au niveau des régimes à prestations cibles, il y avait
cette réserve, alors ça respectait les réserves, alors il n'y avait pas à avoir
des augmentations de cotisation, ou des baisses de cotisation, ou des baisses
de rentes, au niveau des travailleurs... plus qu'au niveau de la capitalisation...
ça respectait les règles. Évidemment, là-dessus, ça a été... Alors, c'est comme
n'importe quoi, on écoute nos actuaires qui
nous conseillent, et tout ça, puis évidemment on regarde... puis on regarde si...
Effectivement, ça nous rend nerveux, mais il est clair que c'est un
régime qui permet d'avoir une stabilité, puis, quand même, de pouvoir voir à
l'horizon, puis de pouvoir prendre aussi des décisions par rapport aux
placements qu'on va faire. Mais il est clair qu'au niveau de la capitalisation,
puisque c'est l'élément clé, il y a une réserve de 10 %, elle a toujours
été respectée, même dans les critères qu'on...
où il y a eu la crise de la COVID, avec les difficultés qu'il y a eues, on s'en...
là, mars, avril, mai, où il y a eu des grosses chutes.
M. Chassin : Puis là, évidemment, je ne veux pas nécessairement vous mettre dans les
souliers de l'employeur, mais, s'il y a eu ces négociations-là, est-ce que vous
sentez que les régimes à prestations cibles ont permis, finalement, de
sauver la mise pour des employeurs qui, autrement, en demeurant dans des
régimes à prestations déterminées, auraient assumé un poids de plus? Est-ce que
cet outil-là, finalement... pour un employeur, de ne pas avoir le poids dans un
régime assez prévisible, pensez-vous que ça peut être intéressant de son point
de vue?
M. Côté
(Stéphane) : Moi, je crois que oui, effectivement, par rapport...
Tantôt, mon collègue Michel parlait en
termes... balloune, là, mais il est clair et net que, vous comprendrez, du côté
des employeurs, bien, le fait de ne pas avoir à payer la fameuse dette,
là, lors de la terminaison du régime... alors, il y a... c'est un avantage pour
lui et... indéniable. Et c'est sûr qu'on pense... Quand il y a eu des
modifications dans l'industrie du papier pour sauver les entreprises qui étaient sur le bord, il faut s'en
rappeler, de la faillite, là, ils étaient très sur le bord, il est clair que,
si on avait resté avec les mêmes régimes, à l'époque, pas sûr
qu'effectivement ces entreprises-là... les gens travailleraient encore
aujourd'hui. Alors, ça aura permis à nos travailleurs de conserver un régime de
retraite satisfaisant puis de continuer à travailler. Puis, regardez, on est
rendus en 2020, puis ça fait déjà neuf ans, alors, moi, je pense que
c'est très bien.
Le Président
(M. Simard) : Très bien. Merci, M. Côté. Je dois maintenant
céder la parole au chef... en fait, au leader de l'opposition officielle.
M. Fortin : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Desbiens, M. Côté, merci
d'être avec nous. J'ai trois questions toutes simples pour vous. D'abord, je vous dis, je ne sais pas qui le
ministre essayait de ménager tantôt, là, c'est la FTQ qui est venue nous
dire qu'ils avaient un avis contraire. Je ne pense pas que c'est un grand
secret, je pense qu'ils sont même très fiers des propos qu'ils ont tenus.
Alors, j'ai entendu
votre discussion sur les RRFS avec le député de Saint-Jérôme, mais je veux vous
lire quelque chose que la FTQ nous a dit : «Grâce aux RRFS, des milliers
de travailleurs et travailleuses [du] Québec bénéficient
déjà d'un régime où les prestations de base sont garanties comparativement à
celles d'un RRPC.» Pourquoi vous n'êtes pas d'accord avec ça? Pourquoi
vous considérez que le RRPC est tellement meilleur que le RRFS?
• (16 heures) •
M. Desbiens
(Michel) : Ce que j'ai mentionné tantôt, M. le député, c'est que,
premièrement, moi, je crois que c'est... ça
devrait... ça revient au syndicat de décider lesquels des régimes qu'ils
veulent avoir, là. Nous autres, on avait
un choix à faire, puis, comme je vous dis, on travaille dans une aluminerie...
peut-être qu'un autre syndicat travaillant dans un autre milieu de
travail aurait fait autrement, mais travailler dans une aluminerie, là, je vous
le redis, mais c'est assez difficile, physiquement, puis les chances qu'on soit
en forme bien, bien longtemps dans les capacités physiques, ça va être
difficile. Ça fait que nous autres, on veut avoir plus de rentes en partant,
puis le RRPC nous le permet, ce que le
RRFS... tu as une somme en partant, puis elle peut monter en s'en allant dans
le temps, mais, en s'en allant dans le temps, là, pour nos membres, ça
ne faisait pas de sens, c'était en partant à la retraite qu'ils veulent avoir
plus. Puis moi, je crois que c'est aux syndicats... c'est pour ça qu'on va
avoir d'autres choses dans le coffre à outils, je
pense que c'est aux membres puis aux syndicats à décider quel régime ils
veulent avoir. Puis nous autres, on a fait le choix en comparant les deux, avec
notre place où est-ce que nous autres, on travaillait, puis on a fait le
meilleur choix, j'en suis certain.
M. Fortin :
O.K. Mais, si je reviens, justement, sur votre expérience à vous dans votre
négociation, vous nous dites que, essentiellement, en 2019, l'employeur est
venu vous voir puis il vous a dit : Bien, nous, ça ne nous tente plus de
soutenir le fonds de pension à prestations déterminées. Vous vouliez le
conserver, mais vous vous êtes rendu compte que ça ne marchait plus, à un
moment donné, là, que l'employeur, disons, était convaincu qu'il fallait
terminer le régime à prestations déterminées. Si cette option-là n'avait pas
été sur la table, si vous aviez devant vous, par exemple, un ministre des
Finances qui aurait dit : Impossible, ça n'arrivera jamais, on ne va pas
là, comment pensez-vous que ça se serait terminé, votre négociation?
Pensez-vous que vous auriez fini avec une cotisation déterminée? Pensez-vous
que vous auriez fini, je ne sais pas, moi, par des moyens de pression
importants puis des pertes financières pour tout le monde? Comment ça se serait
terminé, d'après vous?
M. Desbiens (Michel) : Il faut
se rappeler qu'à l'époque, pendant qu'on négociait, il y avait le conflit de
travail chez ABI, qui appartient aussi à Alcoa. Donc, on avait vu le jeu de
cartes, là, on savait d'avance qu'est-ce qui s'en venait. Puis, malgré qu'à
l'époque, la prestation cible n'était pas permise, l'employeur voulait quand
même... Puis, tu sais, j'ai mentionné, là, que les négos étaient mises sur
pause, là, mais les négos étaient arrêtées, là. Si les membres ne nous
donnaient pas d'autre mandat, on s'en allait droit dans un mur puis avec un
autre conflit de travail comme chez ABI. Donc, même si une prestation cible
n'était pas disponible, ils auraient voulu qu'on se revire vers d'autre chose,
même à ce moment-là.
M. Fortin : O.K. Donc, d'après
vous, là, c'est la seule option qui était acceptable des deux côtés.
M. Desbiens (Michel) : À ce
moment-là, oui.
M. Fortin : O.K. Là, je vais... J'ai entendu le ministre des Finances, tantôt, vous demander, là : C'est-tu bien,
bien, bien important que, le 1er janvier 2021, ce soit fini? Je vous ai
entendu dire que ce l'est. Avez-vous associé une valeur monétaire à ça? Combien
vous allez perdre si ce n'est pas adopté le 1er janvier 2021?
M. Desbiens (Michel) : C'est
très dur à quantifier, M. le député. Tous les travaux qu'on a fait, vous savez,
les libérations syndicales pour que nous autres, on travaille là-dessus,
l'employeur a d'autres choses à payer après, c'est
très dur à quantifier, mais on parle... je ne vous parle pas de 10 000 $,
puis 30 000 $, puis 40 000 $, là, on vous parle de beaucoup plus que ça, là, que ça va
coûter à l'employeur et à nous.
M. Fortin : O.K., mais on
essaie...
M. Desbiens (Michel) : C'est
pas mal de sous.
M. Fortin :
Bien, je vous remercie pour cette honnêteté-là. On essaie d'aider le ministre
des Finances dans sa priorisation des
projets de loi. On sait qu'il y a le 66, aussi, qu'il va falloir adopter
rapidement, alors là, il va falloir qu'il
en priorise un des deux, peut-être que vous avez aidé avec votre dernière
réponse. C'est tout pour moi, M. le Président, je vous remercie.
Le Président (M. Simard) :
Merci, M. le député. M. le député de Robert-Baldwin.
M. Leitão : Merci, M. le
Président...
M. Girard (Groulx) : ...
Le Président (M. Simard) :
Votre tour viendra assez rapidement, M. le ministre.
M. Girard (Groulx) : O.K. Mais
c'était pour vanter l'efficacité de cette commission, ça peut attendre.
Le Président (M. Simard) : Oui,
très bien.
Des voix : Ha, ha, ha!
M. Girard (Groulx) : Ça peut
attendre, vous avez raison.
Le Président (M. Simard) : M.
le député de Robert-Baldwin.
M. Leitão : Très bien. Merci,
M. le Président. Messieurs, merci d'être là. En effet, c'est une question, de prioriser les travaux parlementaires, parce qu'il
y en a deux, projets de loi qui circulent en même temps dans la même
commission, donc il va falloir faire un après l'autre. Je comprends l'enjeu que
vous avez mentionné, donc la nécessité pour vous que cela se fasse le
plus rapidement possible. Les enjeux sont réels, on comprend ça.
Maintenant, une question qui me... On a déjà
parlé de ça ici, tant mon collègue de Saint-Jérôme que notre collègue de Pontiac, qui sont revenus sur les
RRFS. Je comprends ce que vous avez mentionné, donc, pour vous, c'était une option plus
intéressante. Donc, ce qui est le plus intéressant pour vous, si j'ai bien
compris, c'est la possibilité, avec le
régime de pension à prestations cibles, la possibilité de prendre une retraite
un peu plus tôt, à 58 ans, et donc d'avoir un peu plus plus tôt...
comparativement à un RRFS, qui est calculé différemment. C'est ça, un peu,
le... donc, cette flexibilité-là qui vous a, donc, vendu le régime à
prestations cibles?
M. Desbiens (Michel) : En
effet, M. le député, puis l'autre chose que j'ai dite aussi, c'est la
possibilité de faire des achats de rentes.
L'employeur nous a passé le paquet, puis, nous autres, il faut... on veut vivre
avec ça. Il faut penser à nos retraités qui vont être sortis, plus les
plus jeunes qui rentrent, qui vont avoir une partie de... une partie dans les prestations déterminées puis une partie
dans le nouveau prestations cibles si la loi, elle passe. On veut pouvoir...
que nos retraités, quand ils sont à la retraite, regarder la possibilité de
faire des achats de rentes, puis les retraités soient payés par une compagnie
d'assurance, avec les sommes qui vont avec. Donc, ce que ça fait, c'est que,
ceux qui restent à l'usine, il y a beaucoup
moins de sorties d'argent que les... c'est payé par les rentes, puis eux
autres, ils sont assurés de... leurs
cibles, d'être respectées pendant leur retraite. Ça fait qu'on évite deux
problèmes en même temps, puis c'est ces deux choses-là qui nous ont
convaincus d'aller vers là.
M. Leitão : Merci. Je comprends
l'enjeu et je suis d'accord avec vous. Il va falloir seulement, comme on avait
discuté, ce matin, avec une autre... une experte de l'Université du Québec à
Montréal, il va falloir que cela soit bien expliqué à tout le monde. Je pense
qu'il y a un peu de travail de pédagogie à faire. Et, à la CSN, on avait aussi
entendu plus tôt, la semaine dernière... et je pense que vous avez des
personnes, Mmes Senneville et Joncas, qui sont capables de faire ce
travail de pédagogie, mais il va falloir que ce travail-là se fasse.
Une chose que, bon, vous avez mentionnée en
début d'intervention et vous l'avez mentionnée aussi en réponse à une des
questions de mes collègues, donc, selon vous, la négociation que vous avez
faite avec Alcoa vous a permis d'éviter un conflit de travail qui aurait pu
être important, surtout, quand on y pense, qu'à peu près en même temps il y avait, à côté... enfin, pas tout à fait
à côté, mais il y avait le conflit d'ABI, qui a beaucoup dérapé ou qui a pris
beaucoup de temps. Donc, vous pensez qu'avec... ce n'est pas la seule raison,
mais qu'un tel régime de pension, c'est un des éléments qui a évité une
situation qui aurait pu dégénérer comme c'est le cas avec ABI?
M. Desbiens (Michel) : Tout à
fait. Lorsque... C'est nous... après qu'il nous ait présenté un RRFS, on a dit qu'on ne voulait rien savoir, c'est nous qui a
apporté une prestation cible, puis l'employeur a pris une pause de deux jours
pour comprendre c'était quoi qu'on lui apportait. Il n'était aucunement au
courant que ça existait puis comment que ça fonctionnait, ça fait qu'il a
demandé de se retirer de la table puis d'aller regarder ça. Quand il est revenu
après s'avoir informé, il dit : O.K., si on va par là, est-ce qu'il y a
une avenue? J'ai dit : Oui, avec ça, on peut regarder une avenue, ce qui n'aurait pas été possible avec
l'autre, ce n'est pas ça qu'on voulait. Puis vous comprendrez que la cotisation...
bien, on n'aurait pas écouté très longtemps, là.
M. Leitão : Très bien. Donc, je
pense que je... Mon temps est presque fini, M. le Président.
Le Président (M. Simard) :
...plus d'une minute, cher collègue.
M. Leitão : Ah! plus d'une minute, quelle générosité, M. le Président. Mais juste, enfin, pas vraiment une question, mais plutôt un commentaire éditorial. C'est
dommage que ces conversations, négociations que vous avez eues n'aient
pas filtré jusqu'à vos collègues d'ABI, ça aurait été... ça aurait pu éviter, peut-être,
des problèmes... les problèmes qu'on a vus à Bécancour.
Écoutez,
pour moi, c'est tout, et j'ai bien pris note de la raison pour laquelle vous
voulez que cela se fasse vite. Vous pouvez compter sur notre collaboration
pour avancer le plus vite possible, mais toujours en faisant le travail qu'on
doit faire d'étudier le projet de loi convenablement. Merci.
Le Président (M. Simard) :
Merci à vous. M. le député de Rosemont.
M. Marissal : Merci, M.
le Président. Bonjour,
MM. Desbiens et Côté. Vous avez insisté, tout à l'heure, pour dire qu'en fait vous aviez fait ce choix-là après
avoir reçu le mandat de vos membres, mais, dans le fond, si on regarde
bien la séquence que vous nous présentez puis la réalité, notamment chez Alcoa
et ailleurs, vous n'aviez pas tant le choix que ça, finalement.
M. Desbiens (Michel) : M. le
député, on a toujours le choix, mais ce que je mentionne, c'est que, nous, les
autres régimes qui existaient, ça ne nous intéressait pas. C'est certain qu'à
partir du moment qu'il fallait que je retourne
voir nos membres pour leur demander : Est-ce que vous nous donnez un
autre mandat ou si on garde le mandat?, si nos membres nous auraient
resté avec le mandat de garder notre prestations cibles, c'est certain qu'on
s'en allait vers un conflit de travail, là, surtout avec ce qui se passait chez
ABI. Par contre, il y avait des différences entre les deux négociations. Notre
négociation, c'était le fonds de pension, la problématique, et ABI n'avait pas
seulement le fonds de pension, là, qui est... de quoi ils discutaient, là.
• (16 h 10) •
M. Marissal : ...vers un
conflit de travail ou vers, éventuellement, même, une fermeture ou des mises à
pied massives?
M. Desbiens
(Michel) : On comprend, M. le député, que, quand tu tombes en conflit
de travail, que ça soit un lock-out ou une grève, il faut que tu vives avec tes
décisions, là, on est tout à fait au courant de ça, mais ce n'est pas ça qui
est arrivé, on s'est trouvé une solution gagnant-gagnant pour les deux parties.
M. Marissal : Ce qui fait que, là, vous êtes allés de l'avant
de façon, je dirais, innovante, parce
que ça n'existait pas
vraiment. Vous aviez eu des indications de la part du gouvernement que vous
aviez une bonne occasion d'aller dans cette avenue-là ou vous avez lancé l'idée
en disant : Pourvu que ça passe?
M. Desbiens
(Michel) : Honnêtement, on a lancé les dés. On savait que ça se
faisait dans le papier, on a dit : On va négocier ça. Puis il y a eu
aussi, dans l'entente, un régime transitoire si jamais on ne pouvait pas le
faire. Au départ, notre idée, c'était de regarder s'il y avait possibilité
d'offrir un peu comme le papier pour sauver un conflit de travail, là, mais on a négocié quand même, dans notre entente, un autre régime, si jamais le RRPC ne serait pas
disponible.
M. Marissal : Je comprends. Dernière question : À la
FIM-CSN, vous avez combien de membres? Et combien sont encore sous un régime
de prestations déterminées? Pour M. Côté.
M. Côté
(Stéphane) : Oui, bien, on
représente 30 000 membres, à la Fédération de l'industrie
manufacturière. Au niveau des syndicats que nous avons qui ont à
prestations déterminées, on a une trentaine de syndicats qui ont un régime à prestations déterminées, qui peuvent regrouper aux environs d'à peu près...
on parle de peut-être 5 000 membres, à peu près.
M. Marissal :
Vous avez dit 130 000 membres ou 30 000 membres?
M. Côté
(Stéphane) : Non, 30 000, 30 000 membres, M. le député,
et on représente à peu près une trentaine de...
Le Président
(M. Simard) : Très bien.
M. Côté
(Stéphane) : ...comme j'ai dit tantôt...
Le Président
(M. Simard) : Merci, M. le député. Je cède maintenant la parole
au député de René-Lévesque.
M. Ouellet :
Merci beaucoup, M. le Président. Donc, à mon tour de vous saluer, M. Côté,
M. Desbiens. Vous ne serez pas surpris,
le syndicat d'Alcoa est dans ma circonscription, et je trouve un peu particulier que le syndicat
de Baie-Comeau minimise l'impact qu'il a eu sur la commission, présentement,
puisque, oui, ils ont lancé les dés, mais ils nous ont amenés, comme législateurs,
à avoir une réflexion sur les régimes de prestations cibles, ont eu des
rencontres avec Retraite Québec, avec le ministère des Finances, j'ai fait des
représentations aussi. Donc, tout ce beau
monde là, au-delà du fait qu'ils avaient une situation qui les amenait
peut-être dans un mur, ont eu une réflexion de trouver une solution gagnant-gagnant, et cette solution-là est
offerte aujourd'hui à d'autres travailleurs et travailleuses, donc c'est
pour ça que je suis en accord avec leur démarche. Mais surtout, je suis en
accord avec le fait qu'avec tout le travail qu'ils ont mis, il y aura un impact
financier si on n'adopte pas le projet de loi avant le 1er janvier 2021, et
donc j'invite, effectivement, la commission à trouver toutes les solutions possibles
pour être capable de reconnaître les efforts qui ont été faits, mais surtout
d'éviter un impact supplémentaire dans une industrie qui, aujourd'hui, en temps
de pandémie, n'est pas encore en haut de la ligne comme étant une industrie qui
est à grand succès.
Cela étant dit, il existe encore beaucoup de
défis. Et, M. Desbiens, vous nous avez indiqué, dans votre présentation,
qu'il y avait quelque chose qui était
important aussi pour vous, c'est que le syndicat demeure le promoteur du
régime. Pourquoi? Pourquoi, selon vous, il faut qu'on adopte des
modifications législatives qui amènerait à être le promoteur du régime le
syndicat qui est porteur?
M. Desbiens
(Michel) : M. le député, pourquoi? Bien, les travaux qu'on a faits
jusqu'à maintenant, il y a 90 % du travail... puis de la façon que
le régime est «designé» puis que tout est fait, présentement, on a embauché un actuaire, on a embauché un conseiller en gestion,
le travail est tout fait dans ce sens-là, que c'est nous autres, le promoteur
du régime, puis on va prendre les décisions
nous autres mêmes. Notre structure est déjà toute montée, notre comité de
retraite est monté, on est prêts à faire
face au jour 1, là, pour commencer dès maintenant, puis on veut que le
promoteur...
Vous savez, quand on
veut... à partir du moment que la compagnie ne voulait plus administrer le
régime et le gérer puis ils voulaient nous l'envoyer à nous, on a dit : On
y va dans ce sens-là, mais on va s'occuper nous-mêmes de nos affaires puis on va s'en occuper à 100 % et non à moitié. Donc, on veut absolument
aussi... dans la loi, là, je pense qu'il y a de quoi
à changer, on veut être le promoteur du régime. On a tout ce qu'il faut, à la
CSN, en aide d'actuaires puis de conseillers, pour s'occuper du régime nous
autres mêmes, puis on veut absolument que ça fonctionne comme ça. C'est comme
ça qu'on a fait nos travaux, d'ailleurs.
M. Ouellet :
Dites-moi, sur le plancher de l'usine, est-ce qu'il y a un stress par rapport à
l'adoption tardive du projet de loi ou est-ce qu'il y a un stress par rapport
au fait qu'il y aurait un régime transitoire qui pourrait avoir un impact sur des futurs retraités? Est-ce que
vous sentez un peu de questionnements par
rapport à la situation,
ou vos membres sont quand même
assez conscients de l'opportunité
qu'ils ont d'avoir un nouveau régime, mais que, de façon parlementaire, il y a
des choses qu'ils ne contrôlent pas?
M. Desbiens
(Michel) : C'est certain, M. le député, que nos membres sont un petit
peu inquiets, quand même, puis ils ont hâte de voir le dénouement. Puis ils
nous posent des questions à tous les jours, d'ailleurs, surtout qu'on est dans
une vague de retraites, présentement. Dans les trois prochaines années, même
deux années et demie, on a pratiquement 250 de nos 700 membres d'éligibles à la
retraite, puis là ils ont des décisions à prendre : Est-ce que je quitte à
la fin de l'année? Est-ce que j'attends l'année prochaine? Est-ce que je vais
faire un bout dans un régime RRPC? Est-ce que je vais être dans un régime
transitoire pour la partie qu'il va me rester, d'un an, peut-être? Donc, ça
bouscule un peu leur décision. Puis à tous les jours on essaie de répondre à
leurs questions, on a dit : Les gars, on... Ça avance, mais ils ont hâte
de voir si ça peut être passé le plus rapidement possible, prendre une décision
éclairée à quel moment prendre leur retraite.
Le Président
(M. Simard) : Très bien. Alors, bien, MM. Desbiens et Côté,
merci beaucoup, hein, pour votre très belle présentation et contribution à nos
travaux.
Ceci dit, nous allons
momentanément suspendre afin de faire place à nos prochains invités. Au
plaisir.
(Suspension de la séance à
16 h 16)
(Reprise à 16 h 20)
Le Président
(M. Simard) : Alors, chers collègues, à l'ordre, s'il vous plaît!
Nous sommes en mesure de reprendre nos travaux, les connexions ayant été
effectuées. Puis je tiens à remercier, d'ailleurs, au passage, tous nos
techniciens qui, dans l'ombre, travaillent d'arrache-pied pour toujours
arranger correctement les choses, alors, par les temps qui courent, c'est bien
précieux.
MM. Ranger et
Lockhead, nous sommes honorés de vous recevoir parmi nous aujourd'hui. Vous
savez que vous disposez d'une période de 10 minutes. Alors, nous vous écoutons.
Association canadienne des administrateurs
de régimes de retraite (ACARR)
(Visioconférence)
M. Ranger
(Julien) : Merci. Julien Ranger, je suis membre du conseil
d'administration de l'Association canadienne des administrateurs de régimes de
retraite, connue sous le nom de l'ACARR. Je suis accompagné de Claude Lockhead, qui est aussi membre du conseil
régional de l'ACARR et associé... actuaire et associé exécutif chez Aon.
Alors, merci, M. le
Président. Nous tenons à remercier la commission d'avoir invité l'ACARR à
participer à ses travaux concernant le projet de loi n° 68. L'ACARR est un organisme
sans but lucratif qui agit à titre de porte-parole des administrateurs
de régimes de retraite et de leurs fournisseurs de services, incluant les
actuaires, les avocats et les gestionnaires de placements. Nous représentons
plus de 400 régimes de retraite et organismes à travers le Canada, incluant au Québec. Notre mission est de
participer au développement de politiques qui visent à établir un système de
retraite équilibré, efficace et viable. Nous avons donc étudié le nouveau cadre
proposé pour les régimes à prestations cibles avec un très grand intérêt.
L'ACARR tient, dans
un premier temps, à saluer l'introduction du projet de loi n° 68. Nous
sommes, comme association, favorables à une plus grande ouverture au concept
des prestations cibles au Québec, et le projet de loi constitue, à notre avis, une avancée importante pour la préservation et
l'amélioration du système de retraite au Québec.
Ce commentaire
général là étant fait, je vais céder la parole à mon collègue
Claude Lockhead, qui partagera avec vous certaines suggestions qui visent
à améliorer certains aspects du projet de loi.
M. Lockhead (Claude) : Merci, Julien. Mentionnons d'emblée que l'ACARR
appuie les principes de financement mis de l'avant par le projet de loi
et tient à souligner la qualité du projet de loi et sa relative simplicité.
Dans son mémoire, l'ACARR formule quelques
suggestions afin d'améliorer certains éléments de ce projet de loi. Plus
précisément, je vais aborder les sujets suivants : l'équité, le
rétablissement des prestations, l'achat de rentes en cours d'existence.
Commençons par
l'équité. Il faut réaliser que les régimes à prestations cibles opèrent dans un
paradigme différent des régimes de retraite
à prestations déterminées. Pour ces derniers, il est important que le
législateur prévoie des règles pour protéger les droits des participants
afin que ceux-ci puissent recevoir les promesses qui leur sont faites. Pour les
régimes à prestations cibles, le risque est partagé par les participants entre
eux. La préoccupation du législateur doit être de s'assurer que ces régimes
soient élaborés de la façon la plus équitable possible entre les participants
et entre les générations de participants. L'objectif d'équité entre les
participants ne peut être atteint qu'en acceptant que la cible des prestations
puisse être variable.
Le projet de loi
prévoit des principes afin de faire respecter l'équité entre les retraités et
les participants actifs, notamment lors de
l'application de mesures de redressement pour les services reconnus à la date
de l'évaluation actuarielle et lors de l'affectation de l'excédent
d'actif. Nous appuyons que le projet de loi contienne des contraintes à cet
effet. Les mesures de redressement pour les services reconnus à la date de
l'évaluation actuarielle peuvent être multiples : hausse des cotisations
salariales et/ou patronales ou réduction des prestations liées au service
reconnu. Le principe d'équité énoncé dans le projet de loi ne concerne que les
possibles réductions des prestations et ne semble pas tenir compte que les participants actifs puissent assumer leur part
d'insuffisance au moyen de hausses de cotisations.
Le même constat s'applique
lors de l'affectation d'excédents d'actif. Le principe d'équité s'établit sur
les augmentations de passif des retraités par rapport aux participants actifs
et ne tient pas compte que les excédents d'actif affectés aux participants
actifs pourraient résulter en une réduction de leurs cotisations salariales. L'ACARR
suggère, dans son mémoire, des ajustements au principe d'équité énoncé dans le projet
de loi.
Deuxième sujet, le rétablissement des
prestations. Le projet de loi prévoit que le rétablissement des prestations qui
ont fait l'objet d'une réduction ne peut se faire avant que le régime n'ait
capitalisé la provision de stabilisation. Cette contrainte peut prendre de
nombreuses années avant d'être respectée, et plusieurs retraités qui auront vu
leur rente réduite auront le temps de décéder avant que leur rente ne soit
rétablie. Pour cette raison, l'ACARR suggère que le rétablissement des
prestations puisse être fait lorsque le degré de capitalisation excède un seuil
entre 105 % et 110 %.
Également, les modalités de rétablissement
n'obligent pas la compensation des retraités pour les sommes qu'ils n'ont pas
reçues en raison de l'application des mesures de redressement. Les montants non
versés représentent donc une vraie perte pour les retraités, alors que les
participants actifs ne subissent pas de perte réelle une fois que leurs
prestations sont rétablies. L'ACARR suggère que, lors d'une affectation
d'excédents d'actif subséquente, il devrait
être possible de compenser les montants non versés en raison des rentes
réduites avant d'appliquer les principes d'équité prévus au projet de
loi.
Troisième sujet que je vais aborder, l'achat des
rentes en cours d'existence du régime. En vertu de la Loi sur les régimes
complémentaires de retraite, les rentes en cours de versement peuvent faire
l'objet d'un achat de rentes par le comité de retraite en vertu d'une politique
d'achat de rentes. Dans un régime de retraite à prestations cibles, il y a
plusieurs questions à se poser, étant donné que l'achat d'une rente cristallise
le montant de la rente achetée. Nous sommes conscients que les achats de rentes
représentent un outil de gestion de risques intéressant, mais cela ne doit pas
se faire au détriment de l'équité dans un régime de retraite à prestations
cibles, où ce sont les participants qui ont à assumer les risques. L'ACARR
suggère que l'achat de rentes en cours d'existence du régime soit effectué en fonction de la valeur des droits du retraité au
moment de l'achat, comme c'est le cas lors de la terminaison du régime.
L'ACARR suggère aussi que le consentement individuel du retraité devrait être
requis et que le retraité devrait aussi avoir
l'option de demander le transfert de la valeur de ses droits dans un véhicule
autorisé au lieu de voir sa rente achetée.
Je vais laisser Julien présenter les autres
éléments du mémoire de l'ACARR.
M. Ranger (Julien) : Le projet
de loi prévoit une interdiction de modifier ou terminer le régime à prestations
cibles de façon unilatérale. Nous comprenons les raisons qui ont mené à ce
choix en particulier, mais nous croyons qu'il y a une certaine ambiguïté quant
au processus de consultation nécessaire pour que l'on puisse conclure que la modification... la terminaison n'est pas unilatérale. Nous avons fourni plus de détails
à cet égard-là dans notre mémoire
et nous vous encourageons simplement à clarifier le processus de consultation nécessaire
en cas de modification ou de terminaison.
Nous voulons également
mentionner que la possibilité de
créer des régimes à prestations cibles multijuridictionnels est
importante, selon nous, pour favoriser l'essor des régimes à prestations
cibles. Nous constatons que la création de régimes multijuridictionnels
pourrait être permise dans la mesure prévue par le règlement. Nous sommes
toutefois assez préoccupés par l'absence d'un cadre plus clair concernant les
régimes multijuridictionnels. Nous aimerions donc voir, dans le projet de loi
et dans le règlement à venir, des règles souples favorisant l'établissement de
régimes multijuridictionnels.
Nous avons aussi une préoccupation concernant
l'impossibilité d'avoir un régime de retraite composé d'un volet à prestations déterminées et d'un volet à
prestations cibles. Cette interdiction-là soulève des problèmes d'application
et certainement un dédoublement de l'administration à l'égard des mêmes
participants. Nous pourrons y revenir, là, durant
la période de questions, si vous le désirez. Mais, comme commentaire général,
nous vous invitons à reconsidérer cette interdiction de régime à double
volet.
En ce qui concerne la transformation de régimes
à prestations déterminées en régimes à prestations cibles, l'ACARR vous
encourage à adopter un cadre qui permettrait la conversion des droits accumulés
dans un régime à prestations déterminées. Par contre, je tiens immédiatement à
préciser que nous ne cherchons pas à ce que de telles conversions puissent être
forcées ou imposées, nous favorisons simplement une grande flexibilité dans la
conception des régimes. Dans les cas, par exemple, où les parties sont d'accord
avec une conversion totale ou partielle, nous ne croyons pas que la conversion
devrait être interdite, dans la mesure où il y a des balises appropriées à
respecter. Ceci étant dit, l'ACARR est
pleinement consciente des préoccupations, là, qui ont été exprimées par
plusieurs intervenants. Nous comprenons et respectons l'orientation qui
a été retenue dans le projet de loi. Nous voulons simplement noter qu'on sacrifie, à notre avis, une partie de
l'attrait des régimes à prestations cibles en ne permettant pas les
conversions.
En terminant, sur une note qui n'est pas liée
aux régimes à prestations cibles, nous sommes heureux de voir l'ajout des rentes viagères à paiements variables
comme option de décaissement pour les régimes à cotisation déterminée. C'était une demande de l'ACARR depuis un certain temps. Nous aurons probablement des commentaires additionnels à fournir lorsque le règlement
sera disponible, mais nous saluons l'introduction de l'option dans le projet de
loi.
Et je vous remercie pour votre attention, et il
nous fera plaisir d'échanger avec vous durant la période de questions.
Le Président (M. Simard) :
Merci à vous, M. Ranger. Je cède la parole au ministre des Finances.
• (16 h 30) •
M. Girard (Groulx) : Merci
beaucoup. Merci pour votre intérêt dans le projet de loi. Ma question sera pour
M. Lockhead. Vous avez mentionné que,
lorsqu'il y a insuffisance, lorsqu'il y aura nécessité de mesures de
redressement et
pour les services passés, vous voudriez que les participants actifs puissent
combler cette insuffisance avec une augmentation des cotisations. Est-ce
que c'est ce que vous avez suggéré?
M. Lockhead (Claude) : M. le
ministre, ce qu'on a suggéré, c'est un test... c'est que le test d'équité ou le
principe d'équité qui est énoncé dans la
loi, il soit un petit peu plus flexible. Ce qu'on comprend du projet de loi, c'est déjà permis parmi les
mesures de redressement d'avoir des hausses de cotisations salariales, ou
hausses de cotisations patronales, ou réductions des prestations. Donc,
les trois mesures sont déjà permises dans le projet de loi, donc on n'a pas de
demande à cet effet-là.
Le test d'équité concerne la troisième mesure,
les réductions de prestations, et de la façon que l'on comprend le test
d'équité, c'est qu'il faut s'assurer que les retraités ne soient pas coupés
plus que les participants actifs. Par contre, les participants actifs, les
parties prenantes pourraient prévoir d'emblée, dans le texte du régime, qu'une partie ou la totalité de leur insuffisance soit
comblée par une hausse de cotisations, c'est une option prévue par le projet de loi. Alors, ce qu'on mentionne,
c'est que, dans le test d'équité, on semble ne pas tenir compte de cette
mesure-là, et, si on veut s'assurer que
chacun des groupes assume leur part, leur juste part de l'insuffisance, il
faudrait un petit peu plus de
flexibilité dans le test d'équité.
M. Girard (Groulx) : Bon, O.K.,
alors, c'est assez technique, mais on va faire nos devoirs pour s'assurer que
cette flexibilité-là est présente. Vous ne vous êtes pas prononcé, mais je vais
vous poser la question parce que, M. Ranger, je ne vous connais pas, mais,
M. Lockhead, je sais que vous êtes dans ce domaine-là depuis plus d'une dizaine d'années, vous êtes très respecté et très
expérimenté : Lorsqu'il y aura des participants qui vont quitter le
régime, on a eu des avis comme quoi
l'approche de capitalisation serait préférable à l'approche de solvabilité qui
a été choisie dans le projet de loi, est-ce que vous avez une opinion
là-dessus?
M. Lockhead (Claude) : Oui, M. le
ministre. Tout d'abord, merci, vous êtes gentil de mentionner seulement une
dizaine d'années.
M. Girard
(Groulx) : Diplomate.
M. Lockhead (Claude) : Diplomate. L'ACARR mentionne dans son mémoire que l'approche
privilégiée est l'approche de capitalisation pour l'acquittement des droits. Peut-être
un petit peu de contexte : évidemment, dans un régime à prestations cibles, ce qu'on souhaiterait, lors d'un acquittement,
que ce soit suite à une cession de participation ou même suite à l'achat
d'une rente, ce qu'on souhaiterait, c'est que le participant obtienne sa juste
part de l'actif, puis sa juste part de l'actif doit tenir compte de la valeur
de ses droits et aussi du degré de capitalisation du régime. Donc, ce n'est pas
seulement la valeur des droits en utilisant les hypothèses de capitalisation,
il faut tenir compte, également, du degré de capitalisation.
Pourquoi la
capitalisation est favorisée par rapport à la solvabilité? Je vous dirais, il y
a plusieurs raisons, mais je vais en
mentionner deux. Un, évidemment, le financement se fait sur cette base-là, la
capitalisation. Deuxième raison, quand on acquitte les droits sur une
base de solvabilité en tenant compte du degré de solvabilité, on introduit tout
un autre concept, puis avec les bas taux d'intérêt qu'on connaît aujourd'hui,
on dit aux participants : Tu as droit à une valeur sur base de solvabilité qui est beaucoup plus haute que la
capitalisation, mais on va te la couper à 75 % ou à 80 %. Le
participant ne comprend pas ce qui arrive, puis c'est un frein à choisir un
acquittement sur une base de valeur de transfert. Alors, ce qu'on dit, c'est
que, si on acquitte sur une base de terminaison avec le degré de... une base de
capitalisation avec le degré de capitalisation, on arrive aux mêmes fins de
remettre aux participants sa juste part de l'actif.
Donc, c'est pour cette raison-là que l'ACARR a mentionné, dans son mémoire,
favoriser, là, la base de capitalisation.
M. Girard
(Groulx) : O.K., mais avec les ajustements nécessaires pour que les...
c'est-à-dire, c'est l'approche de capitalisation, mais modifiée pour s'assurer
qu'il n'y a pas d'impact sur ceux qui restent dans le régime, là.
M. Lockhead (Claude) : Absolument.
M. Girard (Groulx) : Ce n'est
pas la... O.K. Ça fait que ce n'est pas exactement l'approche de capitalisation
au sens simplifié, mais... O.K. Merci pour cette précision, c'est important.
Le Président (M. Simard) : M.
le député de Saint-Jérôme, vous avez encore 10 minutes, cher collègue.
M. Chassin :
Merci. 10 minutes? Formidable. Bien, écoutez, en tout cas, j'ai, à tout le
moins, trois questions; deux questions rapides puis une peut-être plus de fond.
Merci, messieurs, de votre présentation, puis je profite de votre expertise pour peut-être, là, parler de deux
points qui sont moins souvent mentionnés, qui sont peut-être... qui paraissent
peut-être accessoires ou, à tout le moins, secondaires par rapport à certains
grands enjeux, mais afin de m'éclairer, là, j'en profite.
D'abord, pour la provision de stabilisation,
vous recommandez un seuil fixe qui soit entre 105 % et 110 %. Je
voudrais savoir, selon vous... Puis on a entendu des réflexions de ce type-là
de plusieurs intervenants, vous le savez sans doute, Conseil du
patronat et Fédération des chambres de commerce. La CSN, elle, parle
plutôt d'un seuil de 50 % de la provision de stabilisation, ce qui paraît
un peu équivalent, là, si on parle d'une provision de 15 %, 7,5 %, c'est pas mal entre cinq et 10. Est-ce qu'il y a une
différence, selon vous, entre ce 50 % ou un seuil fixe à 105 %, ou à
110 %, ou à 108 %?
M.
Lockhead (Claude) : Non, il
n'y a pas de différence, l'idée, c'était de suggérer un seuil qui est plus
rapide à atteindre parce qu'évidemment, comme on le mentionne dans le
mémoire, le retraité qui se fait couper, c'est une vraie perte pour lui, puis,
si on veut lui rétablir sa cible avant qu'il ne décède, bien, il faut abaisser
un petit peu le seuil sur lequel on va... à compter duquel on peut rétablir la
prestation. Alors, on n'a pas fait de travaux pour établir c'est quoi, le
chiffre magique. Vous avez raison, quelque part entre 105 % et 110 %,
ça équivaut à 105 % de la provision de stabilisation. Il faut savoir que
la provision de stabilisation, dans la loi puis le règlement, est fonction de
la politique de placement, puis, avec une politique typique, là, on est plus
autour de 116... on est plus autour de 16 % à 17 %, donc la moitié, effectivement,
on est dans la fourchette du 105 % à 110 %.
M. Chassin :
Je voulais être certain, dans le fond, de ne pas manquer un élément, là, mais
vous me dites que les deux façons de
compter, finalement, là, sont bien équivalentes. Est-ce que le fait de rétablir
des prestations plus tôt, sans atteindre, dans le fond, là, le
100 % de provision de stabilisation, évidemment... est-ce que ça peut
avoir un impact sur l'équité entre les
retraités puis les participants actifs? Est-ce que ça peut même avoir un impact,
par exemple, sur le délai avant qu'on recapitalise complètement la
provision?
M. Lockhead (Claude) : Ça a tout à
fait un impact, vous avez raison, et, dans le fond, là, quand on y pense, plus on rétablit rapidement, ne serait-ce qu'à 101 % même, plus on rétablit rapidement, plus on
est équitable. Par contre, plus on rétablit rapidement, plus on
introduit de la volatilité dans le niveau des prestations. Et c'est là
l'équilibre qu'il faut... que le législateur doit rechercher. C'est pour ça
qu'on n'a pas suggéré un seuil aussi bas que 101 %, mais on pense que
quelque part entre 105 % et 110 %, on atteint un certain équilibre
entre la volatilité de la prestation et l'équité, parce qu'il faut rétablir le
retraité le plus rapidement possible parce que c'est une vraie perte pour lui.
M. Chassin :
Je suis sûr que Retraite Québec aura des analyses pertinentes en la matière.
J'ai une autre question très précise, là. Quand on parle... puis permettez-moi,
là, c'est en toute naïveté, je ne connais pas ce volet-là, quand on
parle de terminaison forcée par Revenu Québec à partir du moment où il n'y a
plus d'accumulation de nouveau droit dans un
régime à prestations déterminées, je voudrais juste que vous m'expliquiez
simplement qu'est-ce que ça comporte comme... bien, enfin, comme
risques, ou comme dommages, là, ou comme poids pour l'entreprise et
pourquoi est-ce que Revenu Québec pourrait prendre cette décision si, par exemple, en entreprise, on ne souhaite pas la terminaison du régime tout
de suite.
• (16 h 40) •
M. Lockhead (Claude) : Julien,
est-ce que tu veux la prendre, celle-là?
M. Chassin :
En espérant que ma question soit bien claire, là.
M. Ranger (Julien) : Oui, non,
la question est très claire. La réalité pratique, c'est que Retraite Québec ne
prendrait probablement pas la décision de terminer le régime si l'employeur
continue à cotiser et si la situation suit son
cours normal. Par contre, il y a quand
même... ce n'est que, en bout de
ligne, une pratique administrative,
et avant qu'un employeur décide de faire le saut et de passer à un
régime à prestations cibles, l'employeur voudra avoir une certaine... un peu
plus de certitude par rapport à cette position administrative là. Et, pour
l'instant, il n'y a rien qui nous laisse croire que Retraite Québec exercerait
son pouvoir en dehors d'une situation financière difficile pour l'employeur, mais ça serait utile pour... ça
serait utile de fournir une certaine sécurité d'esprit, là, aux employeurs pour
les convaincre que ce n'est pas une situation où le régime pourrait être
terminé par Retraite Québec, et à un moment où
il pourrait y avoir un déficit quand même significatif, et que ça pourrait
entraîner, là, une obligation pour l'employeur de combler la dette à ce
moment-là.
M. Chassin :
O.K. Parce que, là, dans le fond, ce que j'essaie de réconcilier, là, c'est de
préciser, dans la loi, quelque chose d'aussi
pointu que le processus de Revenu Québec. Est-ce qu'il n'y a pas d'autres
façons de dire : Bon, bien, on
va, oui, donner davantage de flexibilité, puis, finalement, adresser un message
à Revenu Québec, là, pour dire : Bien, soyez compréhensifs, là?
M. Ranger (Julien) : C'est un
point... C'est peut-être pointu, mais en même temps c'est un point important,
parce que les conséquences financières pour l'employeur sont quand même...
peuvent être potentiellement très significatives.
Et la loi, en ce moment, donne le pouvoir à Retraite Québec de terminer le
régime, alors il pourrait y avoir un changement de cap au niveau
administratif, et là, à ce moment-là, il n'y a pas de protection pour
l'employeur.
M. Chassin : D'accord. Puis permettez, donc, une question peut-être
presque plus philosophique, là, mais vous proposez d'incarner le principe
d'équité, par exemple, lorsqu'il y a insuffisance, là, en proportion de
la valeur des droits des participants actifs versus des bénéficiaires
retraités par rapport à la valeur des droits de tous les participants. Ça
m'apparaît un peu, comme, mécanique, là, comme formule. On prend, dans le fond,
deux groupes, on regarde la proportion de
leurs droits en fonction du total, puis on se dit : Bien, tel groupe va
supporter tant, puis tel autre groupe va supporter cette proportion-là
aussi. Est-ce que c'est une pratique commune ou présente ailleurs dans d'autres
régimes que cette notion d'équité très mécanique?
Évidemment, on aura l'occasion d'en reparler avec d'autres groupes, dont
Force Jeunesse, là, plus tard ce soir, mais je voulais voir si, pour vous,
il y a un... permettez-moi l'anglicisme, il y a du «wiggle room», là, il y a la
latitude pour définir l'équité ou si ça doit être très précis comme ça.
M. Lockhead (Claude) : En fait, ce qu'on propose ou ce qui pourrait être
proposé... Présentement, le principe d'équité est sur la valeur des réductions.
Ce qu'on propose plutôt, c'est que la réduction des retraités ne puisse pas
dépasser leur proportion de valeur de droits ou de passif, donc ça pourrait
être moindre, là, selon ce que les mesures de
redressement sont prévues par le régime, mais ça ne pourrait pas dépasser cette
proportion-là. Et la raison pourquoi on veut parler de proportion de valeurs des droits plutôt que réduction des
droits, c'est que les parties prenantes pourraient faire des choix, en
termes de mesures de redressement, qui ne sont pas seulement des réductions
pour les participants actifs, il pourrait y
avoir des hausses de cotisations salariales ou patronales. Donc, la façon de
tenir compte de tous ces éléments-là ou la combinaison des mesures,
c'est d'y aller en proportion de la valeur des droits et dire que, les retraités, on ne peut pas les réduire d'un montant
plus grand que la proportion que représente leur passif, si vous voulez.
Alors, c'est tout simplement pour donner toute la flexibilité qu'il faut aux
parties de choisir toutes les mesures qui sont déjà dans le projet de loi, tout
en respectant l'équité entre les deux groupes.
M. Chassin :
Et donc... oui, donc, finalement, ce n'est pas nécessairement aussi prescriptif
que je le voyais, là, c'est peut-être plus des balises. Est-ce que la liberté
de le définir dans la convention de départ, ces différents éléments-là,
finalement, donne ce choix aux parties, là, tant à l'employeur qu'aux
travailleurs? Est-ce qu'à votre avis...
parce que j'essaie de voir... encore là, est-ce que c'est nécessaire de le
préciser dans la loi, de fixer cette balise-là dans la loi ou est-ce
que, dans le fond, ça pourrait être une bonne pratique à suivre pour
l'établissement des régimes à prestations cibles?
M. Lockhead
(Claude) : D'après nous, c'est au-delà d'une bonne pratique, c'est
même... c'est la mesure qui doit être ajustée. Par exemple, si on arrive à la
conclusion que chacun des deux groupes doit assumer la moitié de
l'insuffisance, par exemple, parce qu'ils sont... ils ont des poids égaux,
d'après le libellé actuel, ce qu'on comprend, les actifs ne pourraient pas
dire : Moi, je supporte... on supporte notre insuffisance avec une hausse
de cotisations, alors que les retraités, on
n'a pas le choix, c'est une baisse de prestations. La façon que le test est
écrit ne nous permet pas d'arriver à cette solution-là, même si, dans
les mesures qui sont établies ou permises par le projet de loi, on a clairement
les trois mesures : hausse de cotisations salariales, patronales et
diminution des prestations.
M. Chassin : D'accord. Bien,
merci beaucoup de cette expertise et d'avoir pris le temps de m'éclairer dans
mes questions peut-être un peu plus naïves, mais nécessaires, j'apprécie
beaucoup.
Le Président
(M. Simard) : Merci. Merci à vous. M. le leader de l'opposition.
M. Fortin : Oui, merci, M. le Président. Bonjour, M. Lockhead, M. Ranger,
merci d'être avec nous et de partager votre
expertise. Il y a un point sur lequel je voulais revenir, là, vous... et je
vous cite, là, vous encouragez «l'Assemblée [...] à permettre la
modification de régimes prestations déterminées pour y ajouter un volet à
prestations cibles plutôt que d'exiger la
création d'un régime distinct». Alors là, je... vous n'avez pas peur que de
faire ça, ça pourrait permettre des excès qui ne sont pas nécessairement
la volonté du législateur, là? La volonté, elle semble plutôt claire de dire
qu'on ne veut pas créer ce qui est connu comme des clauses de disparité,
c'est-à-dire qu'un type de travailleur ou un travailleur
d'une certaine expérience ait accès à... pour l'entièreté de son temps passé en
entreprise, ait accès à un type de prestations tandis qu'un nouveau
travailleur aurait accès à un autre. Est-ce qu'il y aurait... Je ne pense pas
que c'est ce que vous voulez à travers votre proposition, si je ne me trompe
pas, là.
M. Ranger
(Julien) : Oui. Puis, si je peux peut-être clarifier l'intention, on
voit ça comme étant deux choses distinctes. De la conversion des droits, ça,
c'est une question. La deuxième question, c'est : Est-ce qu'on peut avoir
un régime qui a deux volets, mais deux volets distincts à l'intérieur d'un seul
régime? Donc, de la même façon qu'en ce moment il existe des régimes à
prestations déterminées avec un volet à cotisation déterminée, puis il n'y a
aucune question de conversion de régimes à prestations déterminées en
cotisation déterminée sans le consentement des participants, donc, on peut très
facilement utiliser le même concept dans le cadre des régimes à prestations
cibles, là.
M. Fortin :
O.K. Donc, vous n'êtes pas... O.K., je comprends ce que vous êtes en train de
dire, là, c'est trouver une façon qui est plus simple que le simple arrêt,
disons, d'un prestations déterminées pour les raisons que vous avez
mentionnées, là — les
exigences administratives, les contraintes quant au partage des coûts,
etc. — puis
l'enjeu de Retraite Québec, mais vous nous suggérez de trouver une façon, dans
le projet de loi, de le permettre, mais de l'encadrer, c'est ça?
M. Ranger
(Julien) : Oui, exactement. Et, de la même... comme je disais, de la
même façon que c'est permis, en ce
moment, pour les régimes à prestations déterminées et cotisation déterminée, il
pourrait même y avoir, éventuellement, des régimes où il y aurait trois
volets, dans le fond, ça pourrait être possible aussi.
M. Fortin : O.K., parfait. La
question des rentes viagères à paiements variables, si je comprends bien votre proposition, essentiellement, là, vous nous
dites : Il y a des modifications à la Loi sur l'impôt sur le revenu du
Canada... tu sais, vous nous dites,
essentiellement : Bonne affaire, mais assurez-vous d'être cohérents avec
ce que le fédéral est en train de faire. Là,
je vous avoue que je n'ai pas suivi exactement où est rendu le fédéral sur les
modifications proposées à la loi. Alors, quand vous nous dites de faire preuve
de prudence, là, est-ce que c'est juste de s'assurer que les dates
d'entrée en vigueur sont les mêmes, à peu près, c'est ça?
M. Ranger (Julien) : Bien,
c'est s'assurer que les deux concepts sont bien arrimés, là, parce qu'il va y
avoir une réglementation... il faut s'attendre à une réglementation au niveau
fédéral et il faut simplement s'assurer que les deux régimes vont bien s'arrimer, là. Essentiellement, notre position
est que nous sommes satisfaits de voir l'ouverture qui est faite dans le projet de loi. Il faut juste
s'assurer de le ficeler comme il faut, avec les règlements, là, des deux côtés.
M. Fortin : O.K. En fait, M. le Président, ça va pour moi.
L'enjeu que j'avais, c'était celui de la capitalisation versus de la
solvabilité, mais je pense que ça a été quand même bien expliqué par
M. Lockhead lors des questions posées par le ministre, alors je n'ai plus
rien pour l'instant.
• (16 h 50) •
Le Président (M. Simard) :
Merci. M. le député de Robert-Baldwin.
M. Leitão : Merci, M. le
Président. Alors, messieurs, à mon tour aussi de vous souhaiter la bienvenue.
Je dispose de combien de temps, M. le Président?
Le Président (M. Simard) :
6 min 30 s.
M. Leitão : Très bien.
Le Président (M. Simard) : Mais
peut-être davantage, on verra la répartition du temps, puisque le député de
René-Lévesque vient de nous quitter.
M. Leitão : Très bien.
Le Président (M. Simard) :
Alors, à vous la parole, cher collègue.
M. Leitão : Très bien. Merci.
Alors, messieurs, bonjour. Quelques questions sur vos propositions, et puis
j'aimerais demander aussi votre opinion sur une autre chose. En ce qui concerne
la question de l'équité, oui, en effet, à
votre point n° 1, et je pense que c'est important de s'assurer... la
question que j'ai, c'est : Qui décide? À un moment donné, ça va... quelles
sont les règles? Qui a... Est-ce que quelqu'un a plus d'influence que quelqu'un
d'autre? Est-ce que c'est les retraités? Est-ce que c'est les cotisants?
Comment est-ce qu'on s'assure qu'on maintient cette équité-là, c'est-à-dire comment
est-ce qu'on s'assure que les employés actuels ne forcent les retraités à
assumer la plus grosse partie du poids de l'ajustement, si ajustement doit être
fait?
M. Lockhead (Claude) : Le projet de
loi, sur cet aspect, est clair, et il faut le saluer. Le projet de loi prévoit
que le texte du régime, dès sa création, doit prévoir les mesures de
redressement, les mesures de rétablissement de prestations et comment on va
affecter les excédents d'actif. Donc, le projet de loi a été prudent à cet
égard-là, puis, les règles du jeu, on doit
les établir, lorsqu'on établit le régime, d'emblée. Donc, les parties
prenantes.... On va beaucoup retrouver ce genre de régime-là dans les milieux
syndiqués, donc les parties prenantes devront élaborer les mesures, et
je suis certain, convaincu que les meilleures pratiques de l'industrie, dans ce
genre de régime là, vont s'assurer que les mesures qui vont être prévues à
l'avance vont tendre vers l'équité entre les participants le plus possible.
C'est la clé numéro un du succès de ces régimes-là, puis c'est de s'assurer
qu'ils sont équitables.
M. Leitão : Très bien. Oui, en
effet, il faut s'assurer de ça. Pour ce qui est du rétablissement, je comprends
aussi, bon, votre fourchette cible, 105 %, 110 %. Plus tôt aujourd'hui, on
parlait de 50 %, on est dans les mêmes zones. La question que j'ai : Est-ce que... mais ne
pensez-vous pas qu'il y a un risque, donc, de pouvoir permettre le
rétablissement avant d'avoir atteint
l'idéal, ce n'est pas risqué aussi? Ça veut dire, est-ce qu'on ne met pas la
maison à risque? Je donne l'impression,
peut-être, d'être trop conservateur, peut-être, mais, de l'autre côté, est-ce
qu'en permettant ça, de commencer le redressement avant d'avoir gagné à
la bataille, pensez-vous que ça aussi, ça comporte un risque ou...
M. Lockhead (Claude) : C'est un
compromis nécessaire, à notre avis. Un, c'est vrai, puis on ne peut pas le
nier, là, si on rétablit plus rapidement les prestations, on n'augmente que si
ça va mal par la suite, on doive redresser de
nouveau pour réduire la cible. Ça, c'est vrai que c'est un risque, il faut que
ça soit bien compris, puis le minimum, là... en fait, ce qu'on suggère, c'est le minimum de la loi. Ça ne veut pas
dire que des groupes... par exemple, si le législateur revient à
105 %, ça ne veut pas dire qu'un certain groupe ou certaines parties
prenantes qui sont plus conservateurs, peut-être, comme vous, un peu,
disent : Bien, nous, on veut rétablir seulement à 110 % ou à
115 %. Le minimum de la loi, il faut
qu'il soit le plus bas possible, tout en assurant que ça ne joue pas trop au
yoyo. Il faudrait qu'il soit le plus bas possible pour permettre aux
parties prenantes, à ceux qui vont élaborer ces régimes-là, d'adapter les
règles à leur propre tolérance au risque.
Donc, il y a des groupes qui vont être plus tolérants au risque puis ils vont
mettre un minimum plus bas pour rétablir les prestations, il y a des
groupes qui vont être moins tolérants au risque puis ils mettront des seuils plus hauts pour rétablir les prestations. Ce qui va
être prévu dans la loi, c'est un minimum, puis, quant à moi, il faut permettre
le plus de flexibilité possible de ce côté-là.
M. Leitão : Très bien, merci.
Et ça m'amène à ma prochaine question, ça a été soulevé aussi ce matin, vous ne
le mentionnez pas, mais j'aimerais connaître votre avis là-dessus, en ce qui
concerne la gouvernance, surtout la nécessité de s'assurer que les comités de
retraite disposent des expertises nécessaires pour, justement, pouvoir bien
expliquer ces questions-là, entre autres choses. Comment est-ce que vous voyez
ça? Vous voyez ça... Est-ce qu'il y a un problème, au Québec, d'avoir des
comités de retraite pleinement staffés, si je peux le dire ainsi, ou est-ce
qu'il y a véritablement un enjeu et qu'il
faut qu'on essaie de trouver des moyens d'avoir les bonnes personnes à la bonne
place?
M. Lockhead (Claude) : Julien, si tu
veux, je peux continuer à répondre, tu pourras compléter. Je vois beaucoup de
comités de retraite dans ma pratique, puis ça fait longtemps que... depuis que
les comités de retraite existent, au début des années 90, que je pratique
dans cette... dans l'industrie, je peux vous dire que c'est... je ne le vois
pas vraiment comme un problème assez important pour que le législateur exige
des compétences particulières pour les membres de comité de retraite. Je pense
que les comités de retraite où il y a peut-être des compétences un peu moins
élevées, ils savent s'entourer de conseillers pour les conseiller adéquatement,
là. Donc, moi, je ne vois pas le problème de compétences comme étant un
problème sur lequel il faut légiférer. Par contre, dans les régimes à prestations cibles, ce qu'il faut s'assurer, c'est
que les participants aient un rôle à jouer important dans ces comités-là.
M. Leitão : Merci. Peut-être
une dernière question, si j'ai encore le temps.
Le Président (M. Simard) : ...cher
collègue.
M. Leitão : Pardon?
Le Président (M. Simard) : Je
vous en prie.
M. Leitão : Ah! très bien,
merci. Ça a aussi été mentionné ce matin, si on pouvait peut-être donner
certains incitatifs pour encourager le regroupement d'actif. Vous voyez ça
comme étant une bonne piste, là, pour s'assurer qu'on a des régimes un peu plus
solides?
M. Ranger (Julien) : Oui,
absolument. Une grande partie de la force de ces régimes-là réside dans la
capacité de collectiviser l'actif. D'avoir plus d'actif, aussi, ça donne une
certaine stabilité qui va, à son tour, assurer une certaine sécurité des prestations, donc c'est un peu... Puis ça
rejoint aussi le point qu'on faisait plus tôt par rapport aux régimes multijuridictionnels, ça, c'est une
des mesures qui va permettre d'avoir plus d'actif, plus de participants et donc
d'avoir plus de stabilité.
Le Président (M. Simard) :
Collègues, étant donné l'absence du député de René-Lévesque, nous avons
2 min 40 s à partager. Bon, la pratique veut que, généralement,
c'est le parti restant, je mets ça entre guillemets, là, qui reprendre
l'entièreté du temps, mais... Ça vous irait? Très bien. M. le député de
Rosemont, vous disposez de deux fois 2 min 40 s.
M. Marissal : Merci, M. le
Président. Merci au député de René-Lévesque aussi. MM. Ranger et Lockhead,
merci d'être là, merci pour les explications.
Je veux revenir très rapidement sur le comité de
retraite. Vous avez dit, M. Lockhead, textuellement qu'il faut s'assurer
que les participants jouent un rôle important. Donc, je crois comprendre de
votre évaluation du projet de loi actuel, là, qui est devant nous, là, qui est
perfectible, que ce n'est pas le cas, les participants ne jouent pas un rôle
aussi important que vous le souhaiteriez, ou c'est une figure de style générale
que vous avez employée?
M. Lockhead (Claude) : Je peux
compléter le fond de ma pensée. Les règles de la Loi sur les régimes
complémentaires de retraite ont des exigences minimales sur la représentativité
au sein du comité, et on prévoit des représentants de participants au minimum,
mais il n'y a pas de minimum ni de maximum pour les représentants de
l'employeur. Et, pour les régimes à prestations cibles, il n'y a aucune
exigence particulière pour la formation ou la composition
des comités de retraite, alors ce que... et là, ce n'est pas dans le mémoire de
l'ACARR, donc c'est peut-être plus sur... je vais le prendre sur mon...
personnellement, moi, dans ce genre de régimes là, les comités de retraite, à mon avis, devraient être, à tout le moins,
conjoints, c'est-à-dire un nombre égal entre les représentants des participants
et de l'employeur ou un nombre plus important de représentants de participants
que de l'employeur.
M. Marissal : Bien, vous
souhaiteriez voir ça écrit dans la loi pour s'assurer qu'il n'y ait pas
d'arbitraire ou... Vous avez peut-être
entendu, là, les intervenants, juste avant vous, là, qui ont... je ne le dis
pas de façon péjorative, mais qui ont bricolé leur PC, là, puis, tant
mieux pour eux, ils semblent vouloir s'en sortir comme ça, puis ils vont garder
leur job et leur retraite, mais ils ont fait ça pas mal entre eux avec les
moyens du bord. Vous souhaiteriez que ce soit un peu plus clair, notamment pour
les régimes... pour les comités de retraite?
• (17 heures) •
M. Lockhead
(Claude) : Je ne dis pas que le législateur doit aller jusque-là, ou peut-être
que, oui, il devrait, mais, à tout le moins,
les bonnes pratiques de l'industrie... et, les syndicats, je suis sûr qu'ils vont
revendiquer d'avoir mainmise sur la gouverne des comités de retraite.
Mais là où il n'y a pas de syndicat, où c'est dans des régimes non syndiqués, il
y a peut-être lieu de prévoir des règles minimales de composition de comités de
retraite.
M. Marissal : Mais ces cas-là
sont beaucoup moins fréquents, on s'entend?
M. Lockhead (Claude) : Tout à fait.
M. Marissal : Oui, d'accord. Nous avions cru comprendre, là, de notre côté,
après analyse du projet de loi
n° 68... mais vous
comprendrez mieux que quiconque ici que c'est extrêmement technique, là, puis
qu'on n'a pas eu le briefing non plus avant, alors peut-être qu'on a mal
compris, mais on avait compris que, dans le cas d'un régime PC, la cotisation
patronale était fixe. Vous semblez dire, vous, qu'il y a une avenue pour que la
partie patronale, en fait, hausse les cotisations. En fait, vous avez mis
trois cas de figure, là : hausse de cotisations patronales, hausse de
cotisations salariées ou, bien évidemment, baisse des prestations. C'est bien
ça, je comprends bien?
M. Lockhead (Claude) : Notre lecture
du projet de loi n° 68, c'est que la cotisation patronale peut être fixe
ou elle peut également varier à l'intérieur d'une fourchette, notamment pour
financer des mesures de redressement.
M. Marissal : Peut varier.
M. Lockhead (Claude) : Oui, «peut»,
ce n'est pas une obligation, notre compréhension.
M. Marissal : D'accord, très
bien. Et, bon, vous êtes revenus — et on en a parlé un peu ce matin, ça a
fait sourire le ministre à un certain moment, là — sur le calcul par
capitalisation plutôt que solvabilité. Ou, en fait, je ne sais si ça lui a fait
sourire ou ça... ça a créé un petit débat, ici, silencieux autour de la table.
Vous ajoutez votre voix aux gens qui pensent que ce serait préférable et plus
équitable, en tout cas, que de procéder par un mode de calcul par
capitalisation plutôt que par solvabilité, comme ça se fait, en ce moment, trop
souvent.
M. Lockhead (Claude) : Ce n'est pas nécessairement
plus équitable, c'est une façon de mieux répartir l'actif entre les participants,
la juste part de l'actif, et c'est une façon de ne pas, comment je pourrais
dire, mettre plus d'incompréhension dans les régimes de retraite à prestations
cibles en introduisant une deuxième base.
Alors, comme je l'ai mentionné dans mon exemple
tantôt, là, si on dit à un participant qui quitte le régime : Tu as droit
à une valeur x parce qu'on est avec des taux d'intérêt qui sont au
plancher, donc une valeur très élevée, mais,
comme notre degré de solvabilité est à 80 %, tu as le droit à 80 % de cette valeur-là, est-ce qu'on
n'est pas mieux de lui dire : Tu as le droit à une valeur qui est
un peu plus basse, qui est la base de capitalisation, mais, comme notre régime
est 105 % capitalisé, on va te payer 105 % de ce montant-là? C'est
beaucoup plus clair pour les participants, et
en même temps c'est la base de financement du régime. Et c'est une façon...
puis j'invite Retraite Québec à discuter peut-être avec l'Institut
canadien des actuaires pour trouver la meilleure base de capitalisation, mais
c'est une façon de répartir la juste part de l'actif à chacun des participants
dans un régime à prestations cibles.
Le
Président (M. Simard) : Très bien. Alors, M. Ranger,
M. Lockhead, merci mille fois pour votre précieuse contribution à
nos travaux.
Sur ce, nous allons suspendre momentanément afin
de faire place à nos prochains invités.
(Suspension de la séance à 17 h 04)
(Reprise à 17 h 09)
Le
Président (M. Simard) : Chers amis, donc, nous sommes prêts à
reprendre nos délibérations. Nous sommes en compagnie de Mme Tassé-Goodman ainsi que de M. Prud'homme.
Madame, monsieur, bonsoir. Merci de nous faire l'honneur de votre
présence parmi nous. Vous êtes les représentants de la FADOQ. Vous savez que
vous disposez de 10 minutes pour faire votre présentation. Alors, nous
sommes à votre écoute.
Réseau FADOQ
(Visioconférence)
Mme Tassé-Goodman
(Gisèle) : M. le Président, je vous remercie. M. le
ministre, Mmes et MM. les parlementaires, je me nomme Gisèle Tassé-Goodman, présidente
du Réseau FADOQ. Je suis accompagnée de M. Danis Prud'homme,
directeur général de notre organisation. J'aimerais remercier les membres de la
commission pour cette invitation à exprimer le point de vue du Réseau FADOQ sur
le projet de loi n° 68.
• (17 h 10) •
Le Réseau FADOQ est un regroupement de
personnes de 50 ans et plus qui compte au-delà de
550 000 membres. Dans chacune de nos représentations
politiques, nous souhaitons contribuer à l'amélioration de la qualité de vie
des aînés d'aujourd'hui et de demain. Le projet de loi n° 68 aborde un
sujet qui est fort peu discuté, la question de la sécurité financière à la retraite. Les projets de loi sur la retraite
constituent des occasions de faire oeuvre pédagogique afin que la
population s'approprie des notions relatives à la fin de la vie active au
travail.
Pour le Réseau FADOQ,
il est clair qu'il s'agit d'une occasion ratée afin de développer un dialogue
social sur la retraite. Alors que ce projet de loi introduit de nouvelles
notions, il est inexplicable que Retraite Québec n'ait pas élaboré un document de présentation sur les régimes de retraite à
prestations cibles. Il aurait également été pertinent que Retraite Québec puisse effectuer des séances
d'information sur ce projet de loi. Par ailleurs, il est incompréhensible
que seulement deux journées soient prévues afin d'entendre différentes
organisations en commission parlementaire, lesquelles ont été annoncées avec un
très court préavis.
Le Réseau FADOQ
aurait souhaité comprendre les réflexions ayant mené le gouvernement du Québec
au dépôt de ce projet de loi. En quoi, selon
le gouvernement, le projet de loi n° 68 est-il une avancée
pour les travailleurs et retraités du Québec? Quel manque cherche-t-il à
combler que les autres pièces législatives ne couvraient pas déjà? En ce qui
concerne la retraite, il nous apparaît évident qu'un dialogue social doit
constamment s'opérer au Québec. Il importe de déposer l'approche par laquelle
un débat s'opère ponctuellement sur une réforme particulière.
À ce sujet, la table
des partenaires, une récente initiative de Retraite Québec, a attiré
l'attention du Réseau FADOQ. Son mandat est de favoriser la collaboration entre
Retraite Québec et les parties prenantes de la retraite. Les membres de la
table des partenaires comptent, entre autres, des chaires de recherche, des
représentants syndicaux ainsi que des actuaires. Toutefois, le Réseau FADOQ se
permet de souligner qu'aucune organisation représentant les retraités ne siège
à cette table. Ainsi, le Réseau FADOQ encourage le gouvernement du Québec à
sensibiliser Retraite Québec à la pertinence d'ajouter une perspective qui
enrichira les échanges à la table des partenaires.
Avant d'entrer dans
le vif du sujet, nous souhaitons aborder plus largement la question de la
retraite au Québec. Par sa nature universelle, le programme fédéral de la
Sécurité de la vieillesse procure un revenu à la plus grande proportion
d'aînés. Toutefois, ce filet social demeure bien mince. En date
d'octobre 2020, un individu recevant strictement sa pension de la Sécurité
de la vieillesse ainsi que le montant maximal du supplément de revenu garanti
aura un revenu annuel de moins de 19 000 $ par année. Un aîné dans
cette situation obtient des revenus atteignant à peine les seuils fixés par la
Mesure du panier de consommation.
De surcroît, la
pension de la Sécurité de la vieillesse et le supplément de revenu garanti
augmentent chaque année en fonction de l'inflation, alors que les salaires
s'accroissent généralement à un rythme supérieur. En raison de cet écart, les prestations du fédéral joueront,
dans l'avenir, un rôle de plus en plus réduit dans le niveau de remplacement
du revenu à la retraite. Ainsi, la bonification de 2018 du Régime des rentes du
Québec permettra surtout de pallier la diminution du rôle du fédéral dans le
remplacement du revenu et n'apportera pas une amélioration substantielle pour
les futurs retraités.
Il est nécessaire que
le gouvernement du Québec se mobilise avec l'ensemble des provinces et
territoires du Canada afin de signifier au
gouvernement fédéral qu'il importe que les prestations dédiées aux aînés soient
rehaussées. Par ailleurs, en l'absence d'une amélioration provenant du fédéral,
le gouvernement du Québec pourrait envisager de rehausser la
bonification du Régime de rentes du Québec adoptée en 2018.
Puisque nous abordons
les améliorations à apporter au Régime des rentes du Québec, notre organisation
recommande également au gouvernement du
Québec que les bénéficiaires de la rente d'invalidité du Régime des rentes
du Québec recevant un versement de 60 à
65 ans ne soient pas pénalisés sur leur rente de retraite parce qu'ils
atteindront 65 ans.
Pour le Réseau FADOQ,
les meilleurs régimes complémentaires de retraite demeurent les régimes de
retraite à prestations déterminées. Comme son nom l'indique, ce type de régime
versera aux retraités des prestations de retraite
fixées par ces dispositions. Une prévisibilité est donc assurée pour le
travailleur. Ces régimes s'avèrent un outil d'attraction et de rétention
de la main-d'oeuvre. De surcroît, les règles québécoises encadrant le
financement des régimes à prestations déterminées sont dorénavant parmi les
moins contraignantes au Canada.
Ainsi, les
préoccupations des employeurs à l'égard de ces régimes ont donc été prises en
compte au Québec. Néanmoins, la situation vécue par les retraites de Groupe
Capitales Médias nous rappelle à quel point les régimes de pension privés sont
mal protégés au Québec et au Canada. Le Réseau FADOQ a effectué des représentations
auprès du gouvernement fédéral afin de modifier les lois pour que les caisses
de retraite soient élevées au rang de créances prioritaires. Toutefois, des gestes peuvent également être posés par le
gouvernement du Québec par le biais de la création de régimes d'assurance
fonds de pension.
Si ces avenues ne
sont pas possibles, le Réseau FADOQ souhaite à tout le moins aborder la
question de la gestion des fonds de pension
de compagnies en faillite. Actuellement, par l'entremise d'un programme,
Retraite Québec peut administrer les droits des personnes participantes
retraitées pendant 10 ans à la suite d'une faillite d'entreprise. Notre
organisation estime que ce programme pourrait être élargi afin d'inclure les
participants actifs à des régimes à prestations
déterminées dont l'employeur a fait faillite. Ce programme pourrait également
être accessible aux participants actifs
et retraités provenant des autres types de régimes lors d'une terminaison de
régime ou du retrait de l'employeur alors que le degré de solvabilité est
inférieur à 100 %.
À propos des régimes
à prestations cibles, le Réseau FADOQ est mitigé. D'abord, les prestations de
retraite déterminées par les dispositions du régime ne sont pas fixes. Il
s'agit d'une cible, et la situation financière du régime déterminera si cette dernière pourra être atteinte
ou non. Dans le cas où ces régimes ont des difficultés financières, les cotisations des participants pourront être
augmentées et les prestations des retraités réduites. Tout risque est
exclusivement absorbé par les participants, les bénéficiaires du régime.
Le Réseau FADOQ s'oppose à
l'introduction des régimes à prestations cibles au Québec, puisqu'il existe
déjà un régime de retraite similaire : les retraites... les régimes de
retraite à financement salarial. Dans ce régime, les participants actifs assument le risque financier sur une base
collective, puisque les déficits sont à leur charge. Toutefois, les
retraités sont épargnés quant aux risques, puisque leurs prestations ne peuvent
être réduites. Il s'agit d'un détail important. Dans un régime à prestations
cibles, les retraités pourraient subir des réductions de rentes, puisque cette
option est permise par le projet de loi. D'abord, ne pas garantir un niveau de
rente pour les travailleurs actifs n'atteint pas
l'objectif de prévisibilité de la retraite. Ensuite, il est inadmissible qu'il
soit possible de pousser les retraités vers la précarité financière en
réduisant leurs prestations.
J'aimerais remercier les membres de la
commission de nous avoir écoutés. M. Prud'homme répondra à vos questions.
Le
Président (M. Simard) : Merci à vous, Mme Tassé-Goodman. Je
cède la parole au ministre des Finances pour une période de
16 minutes.
• (17 h 20) •
M. Girard
(Groulx) : Merci beaucoup pour votre intervention. Et je vais me
permettre de répondre à certaines
critiques.
Le gouvernement a évoqué la possibilité de
présenter un projet de loi sur les régimes à prestations cibles dans le cadre
du point 2019, et c'est donc il y a plus d'un an. Et, à cette
occasion, il y avait, comme vous le souhaitez, une didactique de retraite extrêmement
importante, c'est-à-dire que tout un chapitre du point concernait les régimes
de retraite au Québec, et notamment l'importance d'atteindre des niveaux d'épargne correspondant, selon différentes estimations, à 60 % des revenus durant la vie active, et l'élaboration des piliers,
c'est-à-dire le niveau un, avec la pension de Sécurité de vieillesse
offerte par le gouvernement fédéral, le deuxième pilier, le Régime des rentes
du Québec, et le troisième pilier,
qui est, finalement, l'épargne privée, l'épargne collective, et ce qui nous
amène à offrir une alternative pour cette épargne, c'est-à-dire les
régimes de retraite à prestations cibles.
Et je tiens à
souligner aussi que ce que nous faisons ici, les parlementaires, c'est réaliser
une des recommandations du rapport D'Amours, qui, lui, date de 2012‑2013.
Donc, c'est un débat qui a quand même cours au Québec depuis plusieurs années. Et d'ailleurs les régimes de
retraite à prestations cibles sont un outil qui a été utilisé dans le secteur
des pâtes et papiers, et nous avons des syndicats qui nous demandent
d'introduire ces régimes de retraite.
Donc, la motivation du gouvernement, c'est
d'offrir un outil d'épargne alternatif. Nous sommes conscients que, d'un point
de vue de la sécurité des prestations, les régimes à prestations déterminées
ont des caractéristiques supérieures.
Néanmoins, nous sommes convaincus que les régimes de retraite à prestations cibles
ont des caractéristiques qui sont, elles, meilleures que l'alternative
aux régimes à prestations déterminées, qui sont les régimes à cotisation déterminée. Alors, le gouvernement vise à faire
des politiques publiques dans l'intérêt supérieur du Québec, c'est-à-dire
les travailleurs, les retraités, les entreprises
et le gouvernement, qui est le fiduciaire des finances publiques pour l'ensemble du gouvernement... des citoyens, excusez-moi.
Alors...
Par contre, je prends note qu'évidemment ce
n'est pas parce que nous avons publié une didactique sur les régimes de
retraite il y a un an qu'elle a été lue et diffusée, et je suis bien conscient,
là, qu'elle n'a pas soulevé énormément d'intérêt du côté des médias, et donc on
a un travail à faire sur ce, et nous le ferons. Dans le cadre de ce projet de
loi, je pense que c'est une critique qui est très pertinente, on doit faire
plus.
En fait, je dirais que j'ai pris note de vos
critiques. Je ne suis pas convaincu que j'ai une question, là. C'était quand même
assez clair, pourquoi vous ne supportez pas l'introduction de ces régimes. Mais en fait je vais vous poser une question
générale : Vous ne croyez pas... Est-ce que vous n'envisagiez pas la possibilité
que des régimes à cotisation déterminée
migrent vers des régimes à prestations cibles, et donc que les retraités et les
participants actifs soient gagnants?
Le Président (M. Simard) :
M. Prud'homme.
M. Prud'homme (Danis) : En
fait, si je peux me permettre de répondre, si c'était assurément le fait que
les cotisations déterminées se transformaient en prestations cibles, ce serait
déjà ça de gagné, parce qu'effectivement, vous
l'avez mentionné, puis on le reconnaît, ça se situe entre les
deux régimes, actuellement. Par contre, il y a certaines parties, dans la loi actuelle, par rapport à ces
régimes-là de prestations cibles, comme a fait état la présidente, au niveau
de la protection des rentes des retraités.
Ceci étant dit, malheureusement, ce n'est pas ce
qui se produit lorsqu'on introduit, souvent, par des lois, différents programmes ou différentes politiques,
c'est plutôt l'inverse, dans ce sens que c'est des prestations déterminées
qui vont se transformer de différentes façons. On sait que, dans le projet de
loi, c'est tel quel, on ne prévoit pas ou on ne... ce n'est pas ce qui est
envisagé, mais on sait fort bien que ça ne pourrait pas empêcher une compagnie
de le faire quand même de différentes façons, comme on l'a élaboré dans notre
mémoire.
Donc, pour nous, il y a quand même des craintes.
Parce que vous parliez du rapport D'Amours, le rapport D'Amours disait que les prestations déterminées étaient les meilleurs
régimes et que ceux-là devraient être encouragés. D'ailleurs, le
gouvernement du Québec a modifié des lois en ce sens, ce qui fait qu'on est les
moins sévères au Canada en ce sens.
Et je... personnellement, on doit mettre la responsabilité
sur les employeurs, si on veut. Les employés, on veut les fidéliser, on veut
les recruter, bien, il ne faut pas juste les utiliser puis les jeter quand ils
tombent à la retraite. Donc, ça fait partie du package social que le Québec
s'est donné, et là on commence à trouver qu'on dilue beaucoup. Et, les gens,
c'est très... La littératie, au niveau de la retraite, vous perdez beaucoup de
gens quand vous faites différentes choses comme ça, et
c'est pour ça qu'on dit qu'il doit y avoir de plus en plus d'information, et Retraite
Québec doit jouer son rôle à cet effet-là.
M. Girard (Groulx) : O.K. Mais est-ce
que vous considérez que l'introduction des régimes de retraite à prestations
cibles va accélérer le déclin des régimes à prestations déterminées? Parce que
nous, on ajoute un outil, là. On ne favorise
pas le... On est très favorables aux régimes
à prestations déterminées, mais on
constate que l'alternative aux régimes à prestations déterminées, les régimes
à cotisation déterminée, est inférieure. Donc, est-ce que vous pensez que l'introduction
des régimes de retraite à prestations cibles va avoir un effet néfaste sur le
déclin, qui est déjà amorcé, des régimes à prestations déterminées?
M. Prud'homme (Danis) : En
fait, oui, il y a possibilité, parce qu'à chaque fois qu'on ouvre la porte avec
des allègements ou des possibilités autres pour que les employeurs se sortent
de ce qu'on appelle la pesanteur des prestations déterminées, qui... En
passant, il y a des compagnies qui maintiennent des prestations déterminées qui
sont capables d'y arriver. Donc, si on prend ses responsabilités, on est
capables. On est un employeur qui a un tel régime,
et on prend nos responsabilités, puis on n'est pas en déficit. Puis on n'est
pas une compagnie qui fait de l'argent, on est un organisme sans but
lucratif.
Donc, ceci étant dit, oui, on pense... Parce
qu'à chaque fois que le gouvernement a allégé les lois par rapport à ces
régimes-là, on les a vus disparaître. On a moins de, à peu près, de mémoire,
des chiffres, là, 35 % des gens qui ont maintenant des régimes de retraite
complémentaires, dont prestations déterminées, et c'était beaucoup plus que ça
avant. Donc, on voit que la tendance est là, et ce qu'on dit, c'est : Il
faut bien les protéger, les encadrer. C'est pour ça qu'on dit que la Loi sur la faillite et les créanciers avec les
compagnies doivent être rehaussées, et vous avez un rôle à jouer là-dedans pour
faire pression sur le fédéral, et vous avez un rôle, comme province, à mettre
une assurance fonds de pension, comme
l'Ontario l'a fait, comme, même, les Américains ont fait, qui n'est pas du tout
une société sociale-démocrate autant qu'on l'est, par contre ils l'ont
fait. Donc, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas bien protéger,
justement, pour s'assurer que nos travailleurs aient une retraite digne de ce
nom.
M. Girard
(Groulx) : O.K. Mais je veux juste être clair, là, on n'allège
d'aucune façon les règles des régimes à prestations déterminées dans ce
projet de loi.
M. Prud'homme
(Danis) : J'ai bien compris
ça, je n'ai pas dit que ce projet-là le faisait. J'ai dit que ça pouvait
donner des chances à ce genre de... transformer.
M. Girard (Groulx) : Ça va être
tout pour moi, M. le Président.
Le Président (M. Simard) :
Merci, M. le ministre. M. le député de Saint-Jérôme.
M. Chassin : Merci, M.
le Président. Merci,
Mme Tassé-Goodman, de votre présentation. Merci, M. Prud'homme,
de vos réponses. J'essaie de voir, là... En fait, il y a plusieurs éléments
dans votre mémoire qui piquent un peu ma curiosité, puis il y a un élément dont
vous avez fait mention dans votre présentation, c'est-à-dire que, pour vous, un
RRFS répond déjà à la demande, déjà au
besoin, en quelque sorte, là, par financement salarial, de garantir une autre
forme que prestations déterminées ou cotisation déterminée.
Ceci étant, on a eu des invités qui nous
expliquaient... puis pour ne pas les citer, là, un régime de retraite dans le
secteur de l'aluminium, donc, on a eu des invités, déjà, qui nous expliquaient
que, pour eux, pour les syndiqués, le RRFS était moins flexible, ne permettait
pas d'avoir une cible de rentes suffisamment élevée à 58 ans, qui était un
petit peu leur préoccupation, et qui avait
aussi une bonne flexibilité en matière de gouvernance pour que, par exemple,
le syndicat puisse être le promoteur du
régime de retraite à prestations cibles. Donc, vraiment, de leur côté, ils
établissaient des distinctions entre le RRFS et le prestations cibles.
Est-ce que vous comprenez, dans le fond, ces distinctions-là de la même façon
qu'eux?
• (17 h 30) •
M. Prud'homme (Danis) : En
fait, comme on a dit dans notre mémoire, on est conscients que ce n'est pas totalement pareil. Une des choses qu'on mentionne,
par contre, c'est que, dans un régime qui est quand même similaire, à
certains égards, à bien des égards, dans ce cas-là, au niveau... du côté du
RRFS, si on veut simplifier, il y a une protection
au niveau des rentes des retraités, ce que le prestations cibles n'offre pas.
Alors, est-ce que c'est... Et c'est aussi une raison pourquoi on dit :
Deux jours pour un tel sujet, ce n'est pas assez, c'est... il doit y avoir
plus d'éducation, on doit en faire un débat de société.
On change
plein de lois en silo depuis plusieurs années, auxquelles j'ai assisté aux
commissions parlementaires, et on a déposé des mémoires. Et, en faisant
les choses en silo, les gens en perdent déjà leur latin, incluant nous, qui...
on se débat quand même assez bien dans ce niveau-là. Et là on fait des choses
qui... On ne sait pas si c'est ça qui va maximiser, on ne sait pas, c'est...
les différentes actions auparavant. C'est un tout, la retraite, alors, c'est un
débat de société. Et, en faisant des projets
de loi en silo, qui n'a pas nécessairement le paysage au complet, ce n'est pas nécessairement positif, ce qui en ressort à la fin, malheureusement.
M. Chassin : Bien, puis je comprends votre...
M. Prud'homme, en même temps, j'ai effectivement l'impression
que ce débat de société a quand même eu lieu. Puis je me rappelle de la mobilisation
puis des consultations assez élargies, là, qui avaient lieu par le comité D'Amours, puis toute la
conversation publique, disons, qui avait été déclenchée avec le rapport.
C'est pour ça que je trouve que ce n'est pas tant en silo, là, ça fait plutôt
partie, de mon point de vue, je vous dirais,
d'un tout cohérent. Mais évidemment c'est sûr que... puis je peux comprendre, puis je
pense qu'on est tous des parlementaires sensibles à votre préoccupation,
de préserver le pouvoir d'achat des retraités, d'avoir un régime qui est moins
intéressant sur ce plan que les prestations déterminées, on peut le comprendre,
puis en même temps je pense que vous le
reconnaissez, même si, pour certains employeurs — puis je comprends que la FADOQ est un de ces
employeurs exemplaires — même
si, pour certains employeurs qui prennent la responsabilité, le régime à
prestations déterminées fonctionne très
bien, pour d'autres entreprises, effectivement, ça représentait un poids qui
faisait même, là, partie de préoccupations quant à leur survie ou leur
viabilité à long terme en tant qu'entreprises.
Dans la perspective où on reconnaît, je pense,
tant vous que nous, là, le déclin des régimes à prestations déterminées, est-ce que ce n'est pas plus
intéressant que l'alternative soit, par exemple, un régime à prestations cibles
plutôt que simplement des régimes à cotisation déterminée? Parce qu'en ce
moment on peut très bien, comme employeur, dire : Bon, on va passer
d'un régime à prestations déterminées à un régime à cotisation déterminée.
M. Prud'homme (Danis) : Oui,
vous avez raison, et c'est ce qu'on dit, dans la majorité des cas où il y a eu
des allégements à la loi, on a vu beaucoup de régimes se transformer, ce qui
n'est pas souhaitable et ce qui n'était pas non plus souhaitable dans le
rapport D'Amours, quand on le lisait et, comme vous avez mentionné, là, qu'il y
a eu les consultations à cet effet-là. On ne dit pas que... Comme j'ai dit, si
c'était que toutes les cotisations déterminées se transformaient en prestations
cibles, déjà, on aurait gagné pour les travailleurs. Mais on sait, malheureusement,
que ce n'est pas souvent ça qui arrive, c'est plutôt l'inverse, on part du plus
haut et on l'amène vers le bas, donc on égalise vers le bas, malheureusement.
Donc, pour nous, c'est ça, la crainte qu'on a, puis on ne voit pas, actuellement,
dans le projet de loi, comme on dit, des mesures qui vont nécessairement
empêcher une telle chose, comme ça n'a pas eu lieu quand il y a eu des
allègements.
M. Chassin : D'accord.
Puis est-ce que je pourrais vous demander... Dans votre recommandation 9, vous dites que les régimes à prestations cibles ne soient pas
introduits, sauf exception. Est-ce qu'il y a quand même des exceptions où
vous jugez que c'est pertinent, donc?
M. Prud'homme (Danis) : Oui. En
fait, c'est ce qu'on dit, il y a certains... possiblement certains secteurs qui... vous l'avez mentionné vous-même,
que, pour certains cas, des régimes... ce ne serait pas viable, d'avoir des
RRPD. Bon, est-ce qu'il y a eu des analyses, à ce niveau-là, de faites? Est-ce que... Pourquoi certaines compagnies y arrivent, d'autres
n'y arrivent pas? C'est peut-être le secteur, mais ça, on n'est pas des experts
à ce niveau-là. Donc, oui, possiblement
qu'il pourrait y avoir des secteurs où, ça, c'est mieux, effectivement, où ça
pourrait s'appliquer, et on parle de compagnies qui n'en ont pas. Mais,
quand on prend certains secteurs d'activité, actuellement, il y a des secteurs
qui se sont transformés, malgré tout, à ce niveau-là.
M. Chassin :
Merci beaucoup, M. Prud'homme.
Le Président (M. Simard) : M.
le leader de l'opposition.
M. Fortin : Merci, M. le Président. Bonjour. Bonjour,
Mme Tassé-Goodman. Bonjour, M. Prud'homme. Merci, merci,
d'être avec nous cet après-midi.
Je prends bonne note de plusieurs de vos
commentaires et de vos recommandations, là, notamment la table des partenaires
de Retraite Québec, vous y faites référence, le fait qu'il n'y ait aucune
organisation représentant les retraités. Je pense que la plupart des gens
sensés pourront comprendre votre représentation puis votre inquiétude à ce
niveau-là. La question de l'amélioration du RRQ, des rentes d'invalidité, je
comprends votre point de vue.
Je vous entends aussi quand vous me dites...
quand vous nous dites : Bien, le meilleur régime de retraite pour le
travailleur, c'est un régime à prestations déterminées, mais... Et, à ce
niveau-là, quand je le regarde simplement, objectivement, froidement, bien, je
peux comprendre votre recommandation 9, qui dit :
N'introduisez pas de régimes à prestations
cibles, on aime mieux les régimes à prestations déterminées, sauf que le
ministre vous dirait qu'en introduisant ce projet de loi là, le ministre
a pas mal pris sa décision, puis, à mon grand dam et à ma grande frustration,
il a une majorité autour de la table. Alors, je reconnais l'exercice
démocratique de 2018, et comme, j'espère, tous les leaders à travers le monde vont reconnaître les résultats
des exercices démocratiques en cours, mais, à partir de ce moment-là, à partir du moment où le gouvernement introduit un
projet de loi comme celui-là, qu'il a la majorité pour le faire adopter, et,
comme c'est le cas dans tous les projets de loi qu'il présente, nous, ce qu'on
peut faire, c'est travailler à l'améliorer, le bonifier, et je me
demande, là, dans vos recommandations, là, je les regarde, je vois
difficilement comment le ministre va changer l'objectif principal de son projet
de loi, qui est d'introduire des régimes à prestations cibles. Alors, est-ce qu'il y a quelque chose dans le
projet de loi, selon vous, qui mérite d'être amélioré pour faire en sorte que
c'est plus acceptable pour vous, disons?
M. Prud'homme (Danis) : En
fait, oui, dans un premier temps, de vraiment s'assurer que des employeurs en prestations
déterminées ne transformeront pas tous azimuts en prestations cibles. Il y a
déjà des choses dans le projet, mais ça n'empêche pas, quand on le lit comme il
faut, que ça pourrait quand même se faire, à titre d'exemple, au niveau des universités
et des municipalités. Donc, ça, c'est la première chose, s'assurer qu'on ne
peut pas transférer pour transférer, là, parce que ça
n'arrête pas de transférer en d'autres sortes de régimes, puis on est en train,
en fait, de détruire la retraite des futures personnes, première chose.
Limiter et éviter
l'impact sur les retraités, parce que, présentement, c'est ce qu'on dit, les
prestations cibles par rapport aux RFS, c'est : ils ne protègent pas les
retraités, donc les rentes peuvent diminuer. Donc, on ne veut pas revivre ce
qu'on a vécu avec les prestations déterminées, où il y avait question d'enlever
à peu près tout ce qui existait de... En plus, quand il y a des faillites au niveau
des RPD, les retraités en sont affectés. Donc, est-ce qu'on peut penser à, justement,
mieux protéger ou s'assurer de protéger les rentes des retraités, ce qui n'est
pas le cas, actuellement, dans un RPC? Donc, ça, c'est une chose.
L'autre chose, c'est,
comment je dirais ça... tu sais, on sait que les prestations déterminées sont
bonnes, on dit que les prestations cibles sont mieux que les cotisations
déterminées, si c'était que les cotisations déterminées se transformaient
toutes en PC, on vient de gagner, assurément, pour tout le monde qui en
bénéficie. L'autre côté, je pense qu'une commission parlementaire est aussi de
profiter pour dire au gouvernement ce qui pourrait être fait... seulement
s'assurer qu'on ne va pas tous finir là. Dans le sens des prestations
déterminées, il y a une pression à faire sur Ottawa pour changer avec les
autres provinces, et la province a à prendre ses responsabilités pour une
assurance fonds de pension, chose qu'on a
maintes fois amenée au gouvernement. Je comprends qu'il est majoritaire, je
comprends que le projet de loi... La commission, ça peut être, on
pourrait dire, entre guillemets, bidon, parce que déjà l'idée est faite, mais je pense qu'on peut se permettre
d'intervenir avec des choses pour que le gouvernement finisse par voir clair
dans d'autres secteurs.
M. Fortin :
C'est un peu ça, l'idée de la commission, c'est de vous entendre, justement,
sur ce qui peut être amélioré, ce qui doit
être fait, que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur du projet de loi, là,
moi, je n'ai pas d'enjeu avec ça.
Le
premier point que vous avez fait en réponse à ma question, c'était de trouver
une façon qu'on ne transforme pas tous azimuts, disons, tous les PD en... tous
les régimes à prestations déterminées en régimes à prestations cibles.
Là, juste avant vous, en fait... oui, bien, un peu avant vous, là, il y avait
les gens de la CSN, qui sont venus nous expliquer comment ça s'est passé dans
leur négociation, c'est-à-dire l'employeur a fait ce que vous avez souligné, a dit : Bien, moi, mon régime à prestations
déterminées, soit il ne m'intéresse plus ou soit je ne pense plus que c'est
l'avenue, je pense que ce n'est plus... ça ne me permet plus d'être
profitable, a demandé une modification à ses travailleurs en proposant le RRFS,
qui était inacceptable pour eux. Alors là, ce que les gens de la CSN nous ont essentiellement
dit, c'est : S'il n'y avait pas eu...
ou si on ne pouvait pas envisager que les régimes à prestations cibles, c'était
une possibilité, bien, on aurait probablement été en lock-out. Je
paraphrase, là, mais ça ressemblait à ça.
Est-ce que vous
pensez que, dans des scénarios comme celui-là, parce que ça, c'en est un que
personne ne veut voir, là, quand il y a un
lock-out, je pense que les employés y perdent autant que les employeurs
souvent, souvent, pas toujours, souvent... est-ce que vous pouvez voir
le bénéfice d'un RPC dans une situation comme celle qui a été décrite par la
CSN?
• (17 h 40) •
M. Prud'homme (Danis) : En fait, je l'ai dit tout à l'heure, il y a peut-être
certains secteurs... dont l'aluminerie, notamment, pourrait être un
secteur. On sait que, dans les pâtes et papiers, ça s'est fait à la pièce,
quand je parlais qu'il y avait des secteurs
qui l'avaient déjà fait. Donc, oui, on l'a dit, sauf exception. Et les
exceptions, il y en a quelques-unes, on ne les pas nommées, mais, oui,
il y pourrait y avoir des exceptions pour certains secteurs pour que ça soit
plus rentable pour tout le monde. Et c'est bien entendu qu'on ne veut pas
qu'une compagnie ferme puis que les employés perdent leur job.
M. Fortin : C'est parce que vous dites : À un moment donné, il y a
des... vous dites : À un moment
donné, il y a déjà un RRFS qui
fait un peu la même affaire, pourquoi vous introduisez une nouvelle façon de
faire? Mais, dans certains cas, effectivement, il y a des employés ou des
syndicats qui vont nous dire : Bien, le RPC est mieux adapté que le RRFS.
Alors, tu sais, quand j'essaie de marier ça avec votre recommandation 9,
que les régimes à prestations cibles ne
soient pas introduits au Québec, sauf exception, là, ce que... si je comprends
bien, ce que vous nous dites, c'est : Faites du à la pièce, comme
ça a été fait dans le cas du forestier, plutôt que de l'introduire comme c'est
le cas avec le projet de loi, c'est ça?
M. Prud'homme
(Danis) : Non, en fait, sauf exception, c'est qu'il peut y avoir des
choses de déterminées à l'avance, comme on
l'a déjà fait quand on a allongé les périodes de déficit, c'était pour certains
secteurs, à ce moment-là. Donc, c'est des choses comme ça et non pas à
la pièce, dans ce cas-là.
L'autre chose,
c'est... on s'entend qu'il y a déjà... et c'est un peu pourquoi je disais...
c'est que, là, on a des bribes de... des
pièces, en fait, différentes organisations, si on parle, à titre d'exemple,
ceux qui négocient, et ce n'est pas clair
pour tout le monde qu'il y en ait un par
rapport à l'autre, le RFS, on l'a
dit... nous, ce qu'on dit, c'est : Si vous voulez faire ça, c'est sauf
exception. Puis en plus il y a des mesures qu'on dit : Protéger les
retraités, s'assurer qu'on ne peut pas changer un PD en PC tous azimuts.
Donc, à la base, on n'aimerait mieux pas, mais, si oui, bien, on vous a donné,
comme on dit, plusieurs recommandations pour s'assurer que ce soit suivi, à ce
niveau-là.
M. Fortin :
Dernière chose, M. le Président, vous avez fait référence à la nécessité... et
là je pense que vous avez parlé de l'organisation de la commission, de la
rapidité avec laquelle les gens ont été conviés, etc., mais vous avez fait
mention de la nécessité d'un dialogue social sur la retraite. Qu'est-ce que
vous avez en tête, exactement? Qu'est-ce que vous aimeriez voir de la part du
gouvernement pour engager quelque chose qui est plus large, là, qu'une
commission parlementaire sur un projet de loi bien précis?
M. Prud'homme
(Danis) : Bien, enfin, on va donner quelques exemples. Quand on a mis
ce qu'on a en place aujourd'hui comme
système de santé, ça s'est fait sur six ans, non pas sur trois, quatre
commissions parlementaires sur différentes années, comme on fait,
actuellement, dans le milieu de la santé, pour changer bien des choses puis qui
ne sont peut-être pas nécessairement ce qui devrait être changé.
La deuxième chose, au
niveau de la retraite, c'est un peu ça, c'est-à-dire ce qu'on a eu sur pied
avec le Régime des rentes, et tout ce qui s'est produit avant, et quand les
fameux régimes de retraite, dans les années 70, ont été mis en place, les
RCR, ça n'a quand même pas été fait sur le coin d'une table. Aujourd'hui, on
fait différents projets de loi qui modifient
tous azimuts plein de choses par rapport à cet aspect des trois niveaux de
retraite. Et nous, on pense que... à la base, c'est qui qui en bénéficie
quand ça arrive ou c'est qui qui, malheureusement, est infligé par les
contrecoups? C'est les gens qui sont à la retraite. Parlez-en à nos 40 %
de Québécois qui ont moins de 22 000 $ par année. Ce n'est pas tous
des gens qui n'ont pas travaillé, ça, là, tu sais. Il ne faut pas penser qu'ils
se sont... qu'ils avaient les deux pieds dans la même bottine, là, ce n'est pas
du tout ça, là.
Donc,
quand je dis, là, «d'avoir un débat public généralisé», c'est : amenons
les gens à la table qui devraient être amenés. Quand on parle de Retraite
Québec, il n'y a pas de retraités à la table. Quand on a changé plusieurs
projets de loi, les retraités étaient... n'avaient pas nécessairement de voix
et étaient légèrement écoutés, je le sais parce qu'on l'a vécu, on était là.
Donc, c'est ce qu'on dit, c'est : Arrêtons de faire des choses sans
consulter les bonnes personnes qui vont en subir les contrecoups.
M. Fortin :
Très bien. Je vous remercie, M. Prud'homme. Ça va, M. le Président.
Le Président
(M. Simard) : Merci. M. le député de Rosemont.
M. Marissal :
Merci, M. le Président. Bonsoir, Mme Tassé-Goodman, et puis bonsoir,
M. Prud'homme. Je pense que votre
mémoire a le mérite d'être assez clair, votre indignation aussi, je pense qu'on
l'a bien compris. C'est utile, je pense, pour nous, le plus souvent
possible, que d'avoir des contacts avec, dans ce cas-ci, les gens qui défendent
les retraités. Ce n'est pas inutile, et je rejette votre mot de «consultation
bidon» de tout à l'heure, parce que, sinon, très franchement, je ne serais pas
ici en train de perdre mon temps, mais il est vrai que le gouvernement est
très, très largement majoritaire, ici, et
que l'idée du ministre en la matière semble faite. Mais ce n'est pas inutile,
M. Prud'homme, Mme Tassé-Goodman, de continuer à faire valoir
vos revendications, et je le sais, que vous le faites avec passion puis avec la
plus grande honnêteté. J'ai eu moi-même le plaisir et l'honneur de porter une
des pétitions qui étaient parrainées par
vous et qui émanaient de votre organisation, et je vais continuer à le faire parce que je me
situe pas mal à la même place que vous dans ce dont il est question,
ici.
Puis, pour le reste,
bien, souvenez-vous de Solange Denis et son fameux «Goodbye Charlie Brown», les
électeurs, y compris les retraités, ont des
pouvoirs quand vient le temps de voter. On le verra peut-être
ce soir au sud de la frontière, justement, si la mobilisation a été bien
faite, et que, finalement, on prendra un bon sens chez nos voisins du Sud. Je vous dis ça parce qu'en fait vos recommandations, les six premières, sont en dehors du projet de loi, ou enfin le projet de loi est en dehors de vos recommandations. C'est quelque
chose qu'on a noté au tout début,
quand on a commencé à étudier ce projet-là, on n'est pas là-dedans.
C'est malheureux, mais on en prend note et on continuera le combat.
Vous avez dit, tout à
l'heure, au ministre qu'il travaille en silo. Je lui ai déjà fait la remarque
dans un autre projet de loi, puis il m'avait dit : Merci pour le
compliment. Je pense que le ministre veut travailler comme ça. Moi, je trouve
ça un peu malheureux, dans ce cas-ci, parce qu'on perd, effectivement, et vous
avez raison, un peu la vue d'ensemble de la situation des retraités, situation qui n'est pas rose
pour une grande proportion d'entre eux et d'entre elles.
Alors, je prends vos
six premières recommandations, qui ne cadrent pas dans ce qu'on a devant nous,
la neuvième, qui dit carrément : Il ne
faut pas qu'il y ait de prestations cibles, je pense que ma question la plus simple que je peux vous poser : Sachant cela, est-ce que
le projet de loi n° 68 est réchappable d'une façon ou d'une autre, à vos
yeux?
M. Prud'homme
(Danis) : Bien, en fait, je dirais qu'on ne veut pas que les
prestations cibles deviennent la règle. Si
on part avec cette base-là pour protéger ceux qui sont mieux, c'est-à-dire les prestations déterminées, et on en fait plutôt
une exception, soit par secteurs
d'activité, parce que ça se pourrait,
je l'ai mentionné... Et deuxièmement, si on veut, parce qu'on l'a dit, les
prestations cibles, c'est mieux qu'une cotisation déterminée. Si c'était pour
tout transformer les cotisations déterminées en prestations cibles, je l'ai
dit, les travailleurs auraient déjà gagné quelque chose. Donc, c'est ça qu'on
amène.
L'autre chose qu'on
dit, c'est : Au niveau des prestations cibles, bien, le RRFS fait
similaire et, en plus, protège les retraités,
ce qui n'est pas le cas, ici, dans un RRPC. Donc, si on change les clauses pour
protéger les retraités, si on met des
clauses pour s'assurer que les prestations déterminées ne sont pas changées automatiquement
en prestations cibles, si on va de l'avant par secteurs d'activité qui sont
plus rentables avec ce type de régime là, et donc ça ne devient pas la
règle... On ne veut pas que ça devienne la règle, parce que même le gouvernement
du Canada s'apprêtait à changer ses fonds de pension en prestations cibles il
n'y a pas longtemps, mais là il ne peut pas le faire parce qu'il est
minoritaire, mais c'était sur la planche à dessin au début, et on était aussi
contre ça. Donc, ce n'est pas parce que c'est le gouvernement du Québec, c'est tout
simplement des régimes qui amènent moins de ce qu'on a ou ce qu'on avait, au Québec, en majorité et qu'on n'a plus, malheureusement, parce qu'on les dilapide tranquillement, et ça, c'est possiblement
une possibilité de le faire encore.
M. Marissal : Oui, on voit bien
le mouvement, effectivement, puis le fait que les régimes à prestations
déterminées semblent avoir été condamnés à une mort plus ou moins lente, je
suis d'accord avec vous là-dessus.
Dernier point, vous avez
mentionné, puis Mme Tassé-Goodman l'a dit aussi, que vous n'êtes pas
représentés ou aucun retraité n'est représenté à la table de Retraite Québec.
En avez-vous fait la demande formelle? Autrement dit, êtes-vous parlables ou
vous êtes trop fâchés pour parler maintenant?
M. Prud'homme (Danis) : Non, on
n'est jamais trop fâchés pour collaborer et faire avancer les dossiers de la
bonne façon en mettant des balises pour s'assurer qu'on ne pénalise pas nos
futurs retraités et surtout nos retraités actuels.
Donc, non, on n'en a pas fait la demande. Par contre, comme on dit, on est
ouverts, mais je pense que... d'emblée, on l'a toujours dit dans à peu
près tous les projets de loi, il faut passer ces choses-là par la lorgnette
d'aînés, donc les retraités, dans ce cas-ci.
Le
Président (M. Simard) :
Parfait. Merci, M. Prud'homme. Merci à vous également,
Mme Tassé-Goodman, pour votre contribution à nos travaux.
Sur ce, je suspends jusqu'à 19 h 30.
(Suspension de la séance à 17 h 50)
(Reprise à 19 h 31)
Le
Président (M. Simard) :
Alors, chers collègues, nous sommes de retour afin de terminer, donc,
cette série d'auditions dans le cadre
de nos consultations particulières. Nous sommes en présence de M. Lizée, expert
en matière de retraite. M. Lizée, merci de nous faire l'honneur de vous
joindre à nous ce soir.
M. Michel Lizée
(Visioconférence)
M. Lizée (Michel) : C'est plutôt
moi qui vous remercie de l'invitation.
Le
Président (M. Simard) :
Vous savez que vous disposez d'une période de 10 minutes pour faire votre présentation.
M. Lizée (Michel) : Oui.
Le Président (M. Simard) : Nous
vous écoutons.
M. Lizée (Michel) : Alors, je
suis dans la situation peu enviable, dans un sens, où mon rôle vient, ce soir, plutôt
de vous faire part de mes préoccupations quant aux implications potentielles du
projet de loi, dans la mesure où il introduit la notion de réduire les rentes
des personnes à la retraite. Alors, évidemment, il est plus avantageux qu'un
régime à cotisation déterminée. D'ailleurs, en Europe, le régime à prestations
cibles est davantage connu sous l'expression
«régime à cotisation déterminée collectif», ce qui, à la fois, indique que
c'est d'abord un régime à cotisation déterminée où, en d'autres mots, la
cotisation est essentiellement fixe, et ce sont les participants et les
retraités qui supportent le risque, principalement sous forme d'une
réduction de prestations, ou de la rente servie, ou de la rente acquise, selon le cas. Mais c'est aussi un régime
collectif, dans la mesure où...
Deux avantages majeurs de ce régime-là sur le régime à cotisation
déterminée individuel classique, c'est la gestion collective des fonds qui le
rend plus efficace, mais c'est... en commun... longévité, ce qui en
fait, donc, à ces deux égards-là...
L'enjeu demeure toutefois : dans le système
québécois de retraite, le régime à prestations déterminées, est-ce qu'il va remplacer le régime à cotisation
déterminée, auquel cas il serait un progrès? Moi, j'en doute beaucoup.
D'ailleurs, j'ai été frappé, le porte-parole du Conseil du
patronat a également dit qu'il n'y avait pas nécessairement un appétit élevé
chez les employeurs pour ce type de régime là, là où il n'y avait pas de
régime. Là où il y a, évidemment, un intérêt
de l'employeur manifeste, c'est là où, actuellement, il a un régime à
prestations déterminées classique, et là il veut se débarrasser, et je le comprends, et du risque de cotisation mais
surtout tout le poids que représente la charge comptable du régime sur
le passif du promoteur.
Et donc, dans ce contexte-là, il y
a un risque. Quand on va regarder la situation dans cinq ou 10 ans, ce
qu'on va constater, c'est que les régimes à prestations cibles ont d'abord été
développés chez des employeurs où le régime antérieur était un régime à
prestations déterminées. Et donc, pour ces participants-là et ces
retraités-là... parce que je vais vouloir me
concentrer sur la situation du retraité, il va donc être plus à risque de subir
des baisses de revenus qu'il ne
l'était avant. Par ailleurs, évidemment, pour les personnes qui, eux, étaient
dans des CD, ce sera, pour eux, un progrès.
Et au fond, en même temps, je
voudrais rappeler qu'il y a deux études qui ont été dites qu'il n'y avait
pas nécessairement une demande pour ce type de régime parmi les travailleurs et
les travailleuses. Il y a deux enquêtes canadiennes dont j'aimerais vous
faire part comme matière à réflexion, parce qu'il faut bien réfléchir avant de
mettre en place un régime dont une bonne
partie de l'avenir va être d'être mise sur pied, un peu comme c'est possible
avec les RRFS, en conservant le régime existant pour le service passé,
et en mettant en place un régime à prestations cibles pour le service futur, et
en liant les deux.
Alors, dans l'une des premières études, qui a été
inspirée par une enquête réalisée par le Canadian Public Pension Leadership
Council, qui regroupe des grandes caisses de retraite, c'était assez frappant
de constater que... le sondage pancanadien demandait : Qu'est-ce que vous
préférez comme caractéristiques pour un régime de retraite?, l'idée étant de voir si la formule du régime à
prestations cibles apparaît a priori attrayante dans les caractéristiques. Puis il faut se rappeler
que, dans plusieurs provinces canadiennes, ce type de régime là
existe déjà et est déjà connu. Pourtant, quand on regardait la note accordée et combien de participants l'avaient
mis dans leurs trois premières caractéristiques, bien,
ce qui venait en premier, c'est le revenu garanti à vie, 74 % des
participants les avaient mis dans les trois premières caractéristiques,
avec une note moyenne de 8,4 sur 10. Il y avait 73 %, en deuxième, des
participants qui l'avaient mis dans leurs
trois premières, avec une note moyenne de 8,2, c'était fournir un revenu
prévisible. Il y avait 71 %
qui l'avaient mis avec une note moyenne de 8,2, parce que le revenu augmentait
avec l'inflation. Il y en avait 62 % qui, eux, avec une note
moyenne de 7,7, pouvaient... faire que ce soit possible d'avoir une retraite
anticipée. Et, pour nos fins du projet de loi, 60 %, donc un taux plus
bas, avec une moyenne... (panne de son) ...qui disaient : le revenu ne
fluctue pas en fonction des rendements obtenus.
Donc, en d'autres
mots, les régimes à prestations déterminées... Et, comme... Je dois dire, parce
que je ne l'ai pas souligné lors de ma présentation, qu'en plus d'avoir été
formateur puis avoir une expertise en retraite, je suis actuellement membre
indépendant du comité de retraite du RRFS des groupes communautaires et de
femmes. Donc, vous allez voir, dans ma présentation, je vais avoir un intérêt à
comparer les RRFS et les régimes à prestations cibles, mais le RRFS est bien
positionné, puisqu'en plus il offre une certaine forme de protection contre
l'inflation.
Enfin, une autre
étude qui avait été faite en... un peu plus tard et qui avait été commanditée
par le régime de la santé en Ontario, c'est
qu'il y en avait 80 % qui se préoccupent du... des régimes de travail,
mais surtout plus de 80 % étaient préoccupés que le régime de
retraite leur offre une rente garantie. Et donc, en ce sens-là, le pourcentage
exact, c'était 86 %. Donc, comme on voit, la nette préférence des
Canadiens, quand on leur demande, ce serait pour avoir accès à un régime qui garantit une rente à vie, dont le revenu ne varie
pas en fonction des résultats financiers de la caisse, et qui, si possible, contient une forme
d'indexation. Ça, c'est beaucoup plus près des régimes à prestations
déterminées existants.
Je comprends, par
ailleurs, que les employeurs disent que ça les expose à un risque qu'ils ne
peuvent pas et ne veulent plus soutenir, mais je ferai remarquer que les RRFS
ont déjà réglé, en 2007, toute la question du risque de l'employeur,
puisqu'un régime à cotisation déterminée, un RRFS et un régime à prestations
cibles, pour l'employeur, c'est trois
formes équivalentes où leur engagement se limite à la cotisation versée.
Le RRFS, cependant, lui, assure un revenu
garanti à vie, qui était la première caractéristique recherchée, et prévoit
même une certaine forme d'indexation. Donc, en ce sens-là, le régime
soulève tout l'enjeu de la sécurité de revenus à la retraite pour les personnes
visées.
• (19 h 40) •
Maintenant, si on
revient au contexte, prenons le cas d'un retraité éventuel d'un régime à
prestations cibles. Alors, on va d'abord s'entendre, ce qui me préoccupe, ce ne
sont pas les retraités qui sont déjà dans ce qu'on pourrait appeler les
gagnants, c'est-à-dire ceux qui vont être dans des régimes généreux, y inclut
potentiellement des régimes à prestations cibles, qui disposent d'épargnes
personnelles élevées et qui, donc, ont des marges ou des ressources à la
retraite pour ne pas être en difficulté. Ce qui me préoccupe, ce sont davantage
les retraités, et ils risquent d'être très nombreux, des gens qui partent à la
retraite et dont le niveau de vie à la retraite... le niveau initial de vie est
inférieur à ce qu'ils recevaient pendant qu'ils travaillaient. Ça s'explique en
particulier parce que le taux de couverture des régimes de retraite est faible.
Et je comprends qu'en ce sens-là la volonté de recherche d'options vise à
élargir les options pour élargir le taux de couverture. Notre taux d'épargne
est faible, et donc il est dans une situation où il a un budget fixe. Il a un
budget fixe, possiblement, même avec une certaine forme d'endettement, parce
que plusieurs études indiquent que, lorsque les gens partent à leur retraite,
ils subissent une baisse de revenus, la tendance est de tendre à maintenir le
niveau de consommation qu'ils avaient, de le réduire peut-être de 10 % ou
15 % et d'essayer de s'en tenir là puis, au besoin, de recourir aux
différents instruments de crédit à la consommation, que ce soit de faire un
emprunt à la consommation, que ce soit d'utiliser les cartes de crédit. Et en
plus, dans un contexte où un régime à prestations cibles ne serait pas indexé
pour faire face au pouvoir d'achat, la tendance assez grande à court terme va
déjà être de songer parfois à s'endetter un peu pour parvenir à se maintenir à
flot. Et on sait que, ces années-ci, les taux d'endettement à la retraite et le
niveau de l'endettement pour les personnes retraitées est beaucoup plus élevé
qu'il ne l'était auparavant et qu'il y a aussi eu une résurgence des cas de
faillite.
Donc, dans ce
contexte-là... alors, et donc, dans ce contexte-là, on se ramasse dans une
situation où, s'il devait arriver par-dessus ça, alors que le budget des
personnes est déjà serré, qu'il reçoit un avis du régime de retraite qu'en
raison du déficit de son régime sa rente de retraite va être réduite, pour une
période indéterminée, de, disons, 150 $ par mois... 150 $, pour
plusieurs d'entre nous, on se reprendrait ailleurs, mais beaucoup de retraités
vivent sur un budget fixe, mettons, de
2 500 $ par mois, et, dans ce contexte-là, les retraités n'ont pas la
tolérance pour supporter le risque d'une baisse de revenus à la retraite
de, disons, 150 $. Par conséquent, ça va nécessairement se traduire par une baisse de leur niveau de consommation,
potentiellement combinée à une certaine augmentation de leur endettement
pour tenter de minimiser le problème. Mais
on est déjà dans une période où on est préoccupés d'éviter une augmentation
des écarts de revenus, parmi les retraités, qui sont déjà importants. Là, on va
renforcer l'écart, parce que les membres des régimes à prestations cibles, tout
comme, d'ailleurs, les membres des régimes à cotisation déterminée, eux, vont
voir leur niveau de revenus augmenter et, probablement, leur endettement...
leur niveau de revenus, dis-je, diminuer, mais surtout leur niveau
d'endettement augmenter ou alors le niveau de consommation réduit. Donc, ça,
c'est de loin la préoccupation la plus importante si on se préoccupe de justice
sociale. Et évidemment...
Le Président (M. Simard) : En
conclusion, s'il vous plaît, M. Lizée.
M. Lizée
(Michel) : Oui. Je voudrais peut-être, à ce moment-là, vous faire part
d'un enjeu très particulier...
Le Président
(M. Simard) : Très rapidement, s'il vous plaît.
M. Lizée
(Michel) : ...oui, d'un enjeu très particulier qui vise les RRFS mais
qui est visé par le projet de loi, c'est... notre régime est en discussion avec
Retraite Québec depuis plus de 10 ans sur ce qui arrive lors d'un retrait
d'employeur. Et, à ce moment-ci, la position de Retraite Québec, sur la base de
la loi existante, est le fait qu'il faut que nous sortions les retraités
orphelins pour les transférer vers des assureurs et qu'ils cessent d'avoir
droit à toute indexation. Donc, leur rente initiale est sur la base du taux de
solvabilité, et par la suite ils ne sont plus indexés, alors qu'il est financé.
Et, dans le projet de loi, le projet de loi a une disposition qui s'adresse aux
régimes à prestations cibles et à cotisation
déterminée et qui, lui, prévoit précisément, pour un régime, de pouvoir prévoir
le choix d'un régime entre les deux options, donc pouvoir garder
ses retraités ou les transférer. Compte tenu que ça représente un écart de
revenus à vie qui peut être de 20 % à 40 %, selon les cas, on
souhaiterait vraiment que le projet de loi offre l'option à un RRFS.
Le
Président (M. Simard) : Alors, merci, M. Liziée. Je cède...
M. Lizée, dis-je, désolé. Je cède la parole au ministre des
Finances.
M. Girard
(Groulx) : Bon, vous nous avez dit : On veut des régimes garantis
à vie, indexés, pas de fluctuation, donc les régimes à prestations
déterminées. Fantastique! On est d'accord avec vous. J'étais moi-même dans une entreprise privée où je me suis battu à chaque
jour pour améliorer la performance du régime à prestations déterminées, et le problème, c'est que les retraités
l'appréciaient, mais les participants, non, c'est-à-dire que les nouveaux
employés, ils n'y attachaient pas la même valeur que les retraités. Et
en fait ce qui avait été conçu, à la base, comme un outil d'attraction de
talents par rapport à d'autres institutions financières qui avaient depuis
longtemps abandonné leurs régimes à
prestations déterminées vers un régime à cotisation déterminée, n'était
d'aucune façon apprécié par les participants.
Alors, la raison que
je vous raconte ça, c'est que ce n'est pas juste les compagnies qui ont des
enjeux avec les régimes à prestations déterminées, il y a aussi une évolution
de la société où les participants aux régimes n'ont pas nécessairement la même perspective
de longévité avec leur employeur, c'est beaucoup plus une main-d'oeuvre
flexible. Je vous dirais que la pondération du revenu courant versus le
revenu futur s'est déplacée dans le temps.
Alors,
ma question est la suivante : Excluant les régimes publics et quasi
publics, et... excluons les municipalités, les universités, les régimes
publics, dans 10 ans, qu'on introduise les régimes de retraite à
prestations cibles ou non, est-ce qu'il restera, selon vous, beaucoup de
régimes à prestations déterminées?
M. Lizée
(Michel) : L'une des raisons pour lesquelles j'ai fait les
rapprochements entre les RRFS et les régimes PD, c'est qu'il y a des raisons
qui s'expliquent pourquoi les régimes PD ne se sont pas avérés soutenables, c'est que, financièrement, ils étaient un trou
sans fond pour certains employeurs parce que ces régimes-là n'étaient pas
suffisamment provisionnés. Dans le cas d'un RRFS, l'intérêt, c'est que, d'une
part, quand l'indexation est accordée, elle est accordée à la fois aux actifs
et aux retraités. Donc, si je prends l'expérience du régime où je suis...
M. Girard
(Groulx) : Mais vous ne répondez pas à ma question, là.
• (19 h 50) •
M. Lizée
(Michel) : Oui, bien, je
vais y répondre, parce qu'il y a un intérêt pour l'indexation et pour les
actifs et pour les retraités, parce
que, dans un régime comme le RRFS, l'indexation, quand elle est accordée, elle
est accordée si la situation
financière du régime... mais elle est accordée simultanément aux actifs et aux
retraités, donc les deux catégories voient leur rente garantie
augmenter au fil des ans avec l'inflation. Et l'expérience même de notre
régime, où nous sommes partis avec zéro groupe et zéro membre et que nous
sommes rendus à 8 000 participants et 800 groupes, c'est parce qu'au contraire il y a un intérêt des
participants pour une sécurité de revenus à la retraite, parce que
personne ne veut vivre pauvre à leur retraite.
Et
les deux enquêtes que je viens de vous dire indiquaient que c'est ce que,
en général, les travailleurs canadiens pensent, et ils étaient
intéressés non seulement à y participer, mais ils étaient prêts à payer pour
pouvoir adhérer à un tel régime, et j'étais un peu sur le dos quant au montant
de cotisation qu'ils étaient prêts à payer pour ça. Mais je pense que ces
deux études-là, dont je pourrais vous envoyer copie, si vous le souhaitez,
donnaient l'évidence contraire à la vôtre : les gens qui n'ont pas de
régime de retraite souhaiteraient beaucoup en avoir un qui leur donne une rente
qui est garantie à vie parce qu'ils sentent qu'ils vont être... se ramasser sur
le carreau s'ils n'ont pas ça. Et, dans un contexte de rareté croissante de la
main-d'oeuvre, plus une partie de la main-d'oeuvre va penser ça, plus
l'avantage concurrentiel va être ce que vous disiez au début, aux employeurs
qui offrent un tel régime. Encore faut-il s'assurer que les employeurs offrent
un régime qui correspond à leurs capacités de payer et qui est gérable pour
eux.
M. Girard
(Groulx) : Je reviens sur les régimes à prestations déterminées, parce
que vous m'avez répondu à propos des RRFS.
Dans 10 ans, que nous introduisions ou non des régimes de retraite à
prestations cibles, selon vous, quelle sera l'évolution des régimes à
prestations déterminées dans le secteur privé?
M. Lizée (Michel) : Il va probablement
baisser, ça, j'en suis conscient. Et c'est pour ça que moi, je pense qu'il fallait des réformes pour que ces régimes-là
soient davantage soutenables à long terme. Et les marges de
sécurité... la provision de stabilisation qui a
été ajoutée en 2015, de l'ordre de 17 %, là, arrondissons, me semble
un niveau de marge qui est insuffisant pour
que les employeurs s'accrochent à ce régime-là, compte tenu des risques de
financement qu'il leur pose. Il leur faut des marges plus élevées, et
c'est l'une des raisons pour lesquelles, pour moi, le RRFS a été une innovation
pour s'attaquer à ce problème-là.
M. Girard (Groulx) : O.K. Un
autre des enjeux, en fait, c'est que les régimes sont corrélés avec les
affaires, alors, c'est : lorsque
l'économie ralentit, le volume d'affaires ralentit puis la capitalisation du
régime faiblit. Et... O.K., donc, vous nous... clairement, vous avez une
préférence pour les régimes de retraite, les RRFS, je vous remercie de nous la partager. Et, quant à votre enjeu
particulier, il est non seulement connu chez Retraite Québec, mais il est connu
au ministère des Finances également. Une fois que vous avez dit ça, que les
régimes de retraite financements salariaux sont vertueux, est-ce que vous...
est-ce que les régimes de retraite à prestations cibles sont une contribution
positive ou non?
M. Lizée (Michel) : Dans
10 ans, je pourrais vous répondre selon que les régimes à prestations
cibles qu'on verra sont le résultat de
nouveaux régimes ou de régimes à cotisation déterminée qui deviennent des
régimes à prestations cibles, auquel cas on aura eu un progrès, et donc ce sera
un outil utile. S'il devait s'avérer que la quasi-totalité des régimes à prestations cibles sont le régime à service
futur d'anciens régimes PD, bien là, je dirai qu'on a augmenté l'insécurité
de revenus à la retraite pour les personnes retraitées. Alors, si...
M. Girard (Groulx) : Mais,
M. Lizée, pas si ces régimes-là auraient convergé vers des régimes à
cotisation déterminée, là, parce que
ce n'est pas l'introduction du régime de retraite à prestations cibles qui
témoigne des difficultés de maintenir un régime à prestations
déterminées, là. En fait, si, dans 10 ans, certains régimes ont convergé,
là, puis je pense qu'il faut le dire de la bonne façon, là, seulement pour les
services futurs, il n'y aura pas de transition, mais ce ne serait même pas une
conclusion, parce que c'est possible que ces PD là convergent de toute façon
vers des CD.
M. Lizée (Michel) : Oui, sauf
que je continue à penser qu'avec les raretés croissantes de main-d'oeuvre beaucoup d'employeurs vont devoir prendre diverses
mesures, même dans le secteur des affaires sociales. Le gouvernement en
a pris récemment, justement, à cause des programmes de recrutement puis de
rétention de la main-d'oeuvre. Et beaucoup d'employeurs du secteur privé font
face aux mêmes difficultés. Dans certains cas, c'est peut-être le salaire qui
va s'avérer la variable clé, mais peut-être que, dans d'autres cas, ils vont
réaliser qu'un régime de retraite s'avère un outil d'attraction puis de
rétention. Mais encore faut-il que ce soit un outil qui soit valorisé par les
employés et qui constitue un outil effectif pour faire ça.
M. Girard (Groulx) : Ça
complète pour moi. Merci, M. Lizée.
Le Président (M. Simard) :
Merci, M. le ministre. D'autres interventions? M. le député de Saint-Jérôme.
M. Chassin : Merci, M. le Président. Merci, M. Lizée, de
votre présentation. J'ai envie de vous poser, peut-être, une question un peu
générale. Vous avez dit, d'entrée de jeu, dans votre présentation, que vous
alliez vous concentrer sur la
situation des retraités, puis on comprend donc, dans cette perspective-là,
pourquoi des régimes à prestations déterminées sont aussi intéressants.
En même temps, est-ce que, de votre avis, il y a, de la part, par exemple, des
parlementaires ici, une recherche, aussi, d'équilibre dans les régimes de
retraite puis, par exemple, dans l'offre d'une nouvelle possibilité de régime
de retraite à prestations cibles, une recherche d'équilibre entre le partage
des différents risques sur les différents
groupes, évidemment les retraités, mais aussi les travailleurs actifs, les plus
jeunes générations? Cette équité intergénérationnelle, comment vous la
considérez?
M. Lizée (Michel) : Très
importante. Dans... Je vais revenir sur le RRFS, parce que votre question
vise... Parce que je comprends l'argument
que, dans un PD classique, les retraités étant pleinement protégés de toute
réduction, quand ça va mal, ce n'est pas du côté des retraités que, dans un
premier temps, on peut se tourner, puisque leurs rentes ne peuvent pas
être réduites. Donc, ça, c'est un enjeu que je comprends bien.
Dans un RRFS, d'une part, la constitution de
marges élevées vise précisément à s'assurer que l'expérience d'une cohorte va
être semblable à la cohorte précédente qui... et aussi à celle qui va suivre.
Donc, l'effort, c'est, sur l'ensemble de la vie, de faire ça. Et, lorsque la
situation se met à mal aller, dans un RRFS, contrairement à un PD, toutes les
catégories de participants sont mises à contribution, parce que, par
définition, le tiers de la cotisation va pour la réserve d'indexation, et donc
ça veut dire que, si on est au point neutre, on a un taux de capitalisation de
150 %. Dès qu'on est en bas de 150 %, on doit reporter l'indexation
et des retraités et des actifs. Alors, si l'inflation est de 2 %, bien, forcément, reporter un an, ça vient de
réduire de 2 % le passif du régime pour l'année suivante, mais, si
vous le faites pendant 15 ans, c'est 35 % du passif que vous avez
évité d'augmenter.
Donc, si une
situation est prolongée, le reste, supporté par les participants en termes de
report de l'indexation, finit par créer un écart important, mais surtout
tous le subissent ensemble. Il est exact que, si le régime devait passer à
travers son 50 % de marge et tomber en bas, là, les actifs pourraient être
en ligne pour une cotisation additionnelle. Mais des simulations qui avaient
été faites par l'actuaire dans le cas d'un RRFS, qui n'était pas le nôtre, mais
un autre, c'était qu'au bout de 20 ans,
au 95e percentile, le régime est à 105 %. Donc, normalement, quand
vous avez, dans le temps, votre... mais là, même à 95 %, il n'y
avait toujours pas de déficit.
Le Président
(M. Simard) : Très bien. Merci. Merci, M. Lizée. M. le
leader de l'opposition.
• (20 heures) •
M. Fortin :
Oui, merci, M. le Président. Merci, M. Lizée, de votre participation ce
soir aux travaux de notre commission. Vous
allez me permettre, avant de vous poser une question, un petit commentaire en
lien avec une affirmation que le ministre vient de faire par rapport à
un endroit où lui-même a oeuvré. Et, si je comprends bien ses propos, là, il y
avait un régime à prestations déterminées qui faisait bien l'affaire des
retraités mais qui, en même temps, n'était peut-être pas l'outil d'attraction
et de rétention du personnel le plus intéressant, que les gens peut-être
étaient intéressés par d'autres choses qu'un
régime à prestations déterminées. Je vous soumets, M. le ministre... à travers
vous, M. le Président, mais je vous
soumets que ça, ça fonctionne dans des endroits où les gens ont des
possibilités de passer d'un employeur à l'autre, où c'est des milieux où
les gens sont éduqués, où ils ont des possibilités de carrières intéressantes, où ils ont des salaires qui sont
quand même intéressants qui leur permettent de faire une certaine épargne.
Je pense à des endroits comme des usines de foresterie, où les gens travaillent
dans des petits milieux où ils n'ont pas beaucoup de possibilités autres que de
travailler à l'usine du village, entre autres, je vous dirais que, pour ces
gens-là, le régime à prestations déterminées, ça demeure un outil intéressant, nécessaire,
ils n'en auront pas d'autre, régime de retraite comme ça dans leur milieu, ils
n'ont pas d'autres possibilités. Alors, peut-être que ce que vous avancez est
vrai pour une certaine partie de la population, mais on ne peut pas juste
penser, M. le ministre, aux gens qui prennent leur
douche avant d'aller travailler, il
faut prendre... il faut
penser parfois aux gens qui prennent leur douche après être allés travailler
aussi.
M. Lizée, je vous ai entendu faire
référence, justement, à une enquête... à deux enquêtes, en fait, est-ce que ce
serait possible de faire parvenir à la commission les résultats de ces deux
enquêtes, juste pour qu'on ait l'entièreté des données? Parce que, là, vous
nous avez donné beaucoup de chiffres, là, mais je veux que tout le monde comprenne ce à quoi vous faisiez référence. J'ai
compris les constats généraux, mais, si vous pouvez faire parvenir ça à la
commission, ce serait apprécié.
M. Lizée (Michel) : Oui, ça va
me faire plaisir.
M. Fortin : Très bien. Vous aviez amorcé un point sur les RRFS, et là on
était pressés dans le temps, là, vous l'avez
fait de façon très rapide, et je ne suis pas certain d'avoir compris ce que vous
vouliez nous dire. Très rapidement, vous nous aviez parlé d'employés où
il pouvait y avoir une rente initiale basée sur la solvabilité, puis après ça
se retrouvaient dans une situation où il n'y avait plus rien. J'aimerais ça
vous entendre, parce que je sentais que c'était important dans votre propos
puis que vous n'avez pas pu vous rendre jusqu'au bout de votre pensée.
M. Lizée (Michel) : L'enjeu est
le suivant : un employeur se retire du régime, il y a une personne
retraitée dont cet employeur-là, c'est le dernier employeur. Actuellement, en
vertu de la législation... et, Retraite Québec, dans les discussions qu'on a avec elle depuis 2010, Retraite Québec a
maintenu cette position-là, ce que nous devons faire, c'est sortir le
retraité en question du régime. Comme il a déjà une rente survie, on va acheter
une rente chez un assureur en fonction du
taux de solvabilité du régime, ce qui a trois implications. Premièrement, si le
taux de solvabilité est inférieur à 100 %, il y a une baisse
immédiate de la rente. Beaucoup plus important, il n'y a aucune indexation de
versée par la suite. Et, troisièmement, si le taux de solvabilité devait être
inférieur à 100 %, là on réduit la rente, même si, à cette date-là, le régime a une réserve pleine, est en surplus
de capitalisation, donc le retraité est dans la situation absurde où il
sait qu'il a payé plus que sa part pour verser sa rente, et pourtant il va
subir une perte qui, selon les cas... dans les exemples qu'on a produits,
c'était une baisse à vie de 21 %, puis, dans un autre cas, c'est une
baisse à vie à 41 %. Donc, le projet
de loi contient une disposition qui dit très clairement que, dans le cas d'un régime à prestations
cibles ou à cotisation déterminée, si la
situation arrive, le régime de retraite peut prévoir soit la situation...
(panne de son) ...de vous décrire, un régime qui ne veut pas garder ses
retraités orphelins et qui les transfère ou le régime les garde et continue à les payer. Or, on est un régime
sectoriel et il existe déjà, dans la réglementation actuelle... des régimes
sectoriels qui, par définition, sont
exemptés de ces mesures-là, c'est le cas... (panne de son) ...qui est un régime
assez semblable à nous comme caractéristique du milieu. Et donc la loi
offre le choix entre l'un et l'autre.
Donc, tout ce qu'on vous dit, c'est que la
commission aurait une opportunité de régler le problème qui est en suspens depuis 10 ans d'une façon très simple
et élégante, c'est de préciser que le nouvel article s'applique également
à un RRFS et de laisser à chaque RRFS — parce qu'il existe deux RRFS
interentreprises — le choix
de dire : Je préfère les transférer... en les transférant en
fonction du taux de solvabilité pour ne pas les avoir ou nous préférons
les garder dans notre régime. Nous, il faut dire que les gens du communautaire
ne comprennent rien aux débats qu'on a avec Retraite
Québec, ils disent : Voyons donc, on est tous des retraités du
communautaire, que je travaille dans un groupe ou dans un autre, on est
là pour faire des missions que le gouvernement fait.
M. Fortin :
Ça va, M. le Président. S'il reste du temps, je pense que mon collègue...
Le Président (M. Simard) : M.
le député de Robert-Baldwin, j'ai une grande nouvelle à vous annoncer, il vous
reste cinq minutes.
M. Leitão : Très bien. Merci, M. le Président. Alors,
M. Lizée, bonsoir, merci d'être là. Donc, j'aimerais clarifier une chose
avec vous. Donc, vous considérez que les RRFS sont des régimes qui ont beaucoup
de vertus, donc des régimes
intéressants pour les retraités. Un peu plus tôt ce soir, on a entendu des gens
des syndicats, de la CSN, d'Alcoa, à Baie-Comeau, qui nous disaient qu'eux, ils avaient regardé la... quand ils
négociaient avec l'entreprise, ils avaient regardé la possibilité d'un
RRFS, mais ils ont choisi plutôt d'aller vers un... bon, un régime à
prestations cibles, comme on s'apprête à faire ici, ils jugeaient que c'était
plus intéressant pour les travailleurs.
Alors
là, je suis un peu perdu, là. Est-ce
que vous pourriez nous... essayer de
clarifier cette contradiction apparente entre le RRFS, c'est meilleur
que le RRPC ou le contraire?
M. Lizée
(Michel) : D'abord, je vais vous répondre, mais je ne veux pas être
mis... (panne de son) ...de celui qui a
l'air de juger de haut des décisions prises par un syndicat dans son contexte.
Je respecte le choix qu'ils ont fait, c'est leur régime de retraite,
c'est leur situation.
Donc, une fois qu'on
a dit ça, là, c'est sûr que, si tu compares un régime dont le tiers de la
cotisation va pour l'indexation à un régime
qui ne prévoit pas d'indexation, on va facilement me convaincre que la rente
initiale du régime qui n'a pas
d'indexation mais qui ne s'est pas donné de réserve importante va être plus
élevée, initialement, certainement, que la rente d'un régime qui,
pendant la carrière du travailleur ou de la travailleuse, va avoir déjà indexé
au coût de la vie la promesse de rente en
fonction de l'évolution du coût de la vie quand la situation le permettait et
qui va continuer à le faire une fois à la retraite. Je ne suis pas
certain que, sur une vie complète, le participant du RRFS ne sortira pas
gagnant. Mais je suis certain d'une chose, par exemple, compte tenu que le RRFS
a une marge de sécurité d'environ 50 % et que le régime à prestations
cibles aura une réserve, disons, de 17 %, peut-être, de provision de
stabilisation... (panne de son) ...de la
capacité du RRFS à payer les rentes et l'indexer, que je suis confiant que le
régime à prestations cibles ne subira pas des réductions en cours de
retraite, parce que ce ne sont pas des marges élevées, et les prochaines années, avec 17 %... et les prochaines années
ne seront pas tendres. On voit qu'il y a une augmentation phénoménale de
l'endettement des individus, des gouvernements et des entreprises, des taux
d'intérêt très bas et une croissance plus lente. Moi, je pense que les régimes
à prestations cibles ne l'auront pas facile pour les prochains 10 à
15 ans.
M. Leitão :
C'est un peu ce que le syndicat nous disait, c'était qu'ils avaient parlé à
leurs membres et que, justement, leurs membres ont préféré le régime à
prestations cibles parce que ça leur donnait une rente initiale plus élevée,
surtout pour des personnes qui pensaient se retirer un peu plus tôt.
D'ailleurs, il a utilisé... il a mentionné deux ou trois fois quelqu'un qui a
58 ans et qui prend sa retraite. Donc, il y a cet enjeu, et je le
comprends bien, de longévité, donc le... on en a parlé assez.
M. Lizée
(Michel) : Et de l'horizon de temps de son calcul.
M. Leitão :
Oui, c'est ça, c'est ça.
M. Lizée
(Michel) : En d'autres mots, si je calcule pour dans deux ans, trois
ans, cinq ans ou je calcule en regardant l'ensemble de mon existence.
M. Leitão :
Tout à fait, c'est un calcul qu'il faut faire. Donc, on avait déjà... d'autres
personnes ont mentionné, en commission, que, quel que soit le choix de
régime, il va falloir faire beaucoup de pédagogie, il va falloir bien, bien
expliquer, parce qu'il semble que ce n'est pas...
Maintenant, une
dernière question, s'il reste encore du temps, M. le Président. Vous avez
mentionné des questions de main-d'oeuvre, et donc de rareté de main-d'oeuvre,
et l'impact que cela peut avoir ou qui va avoir sur les régimes de retraite.
Vous êtes la première personne qui nous parle de ça, et je trouve ça
intéressant, quand même. Donc, ce que vous voyez venir, c'est que, d'ici trois
ans, cinq ans, 10 ans, il y aura moins de personnes sur le marché du
travail, donc moins de personnes qui vont cotiser aux régimes de pension, et
cela peut avoir des répercussions importantes sur le long terme, c'est bien ça?
• (20 h 10) •
M. Lizée
(Michel) : Oui, mais, écoutez, mettons que je vous demande de ne pas
trop rire à ma première remarque, mais, au niveau du recrutement de la
main-d'oeuvre, le gouvernement est un de nos compétiteurs.
Le Président
(M. Simard) : ...
M. Lizée
(Michel) : Hein? J'ai dit : Le gouvernement est l'un de nos
compétiteurs... (panne de son) ...récente aux conditions de travail qu'il a apportées dans le secteur de la santé,
ils sont en train de venir nous chercher des membres parce qu'ils ont
bonifié, de leur côté.
Le Président
(M. Simard) : Très bien.
M. Lizée
(Michel) : Et, nous, notre préoccupation, c'est... Je suis content
pour le gouvernement, mais, nous, ça nous pose un problème.
Le Président
(M. Simard) : Alors, merci.
M. Lizée
(Michel) : Mais en même temps...
Le Président (M. Simard) : Oui,
je dois vous arrêter, malheureusement, M. Lizée.
M. Lizée
(Michel) : Ah! O.K., O.K.
Le
Président (M. Simard) : On va poursuivre avec le député de
Rosemont, qui, lui aussi, souhaite s'adresser à vous.
M. Marissal : Merci, M. le
Président. Bonsoir, M. Lizée. C'est intéressant, la confrontation de
perception entre vous et le ministre, notamment sur l'attractivité d'un régime
PD. Par contre, je remarque que vous avez des études et des enquêtes d'opinion
que vous vous êtes engagé à nous envoyer, j'ai hâte de regarder ça dans le menu
détail. J'espère ou j'imagine, ou peut-être pas, que le ministre aura aussi de
telles enquêtes d'opinion ou des chiffres à nous présenter sur l'état réel du
milieu de la retraite basés sur autre chose que sur ces perceptions personnelles
et sur son ancien milieu de travail, qui, il est vrai, comme le disait le
député de Pontiac, n'est peut-être pas le milieu le plus représentatif, le
milieu bancaire étant un écosystème assez particulier.
M. Girard (Groulx) :
...répondre à ça...
M. Marissal : Après moi, si
possible.
Le Président (M. Simard) :
Malheureusement, on ne peut pas...
M. Marissal : Je n'ai pas
beaucoup de temps, M. le ministre, comme vous le savez. D'habitude, vous m'en
donnez, vous ne m'en prenez pas, et j'apprécie.
Là, si je comprends bien, M. Lizée, le PC,
c'est mieux que le CD, mais c'est moins bien que le RRFS, et surtout beaucoup
moins bien que le PD. Sauf que le PD, nous, on nous dit que c'est condamné, il
y a une date de péremption, à entendre le ministre là-dessus, ça va disparaître
ou, en tout cas, c'est en voie de disparition. Le RRFS, ça existe déjà, mais
c'est moins attractif que le CD pour les patrons. Est-ce qu'on n'est pas dans
une espèce de course au moins pire, là, en ce moment?
M. Lizée (Michel) : C'est-à-dire
qu'il faut faire attention, pour moi, le RRFS, c'est la tentative de trouver
une nouvelle version des PD qui serait plus soutenable à long terme parce
qu'elle enlève le fardeau financier des employeurs, mais remplace ça par des
exigences de financement plus rigoureuses qui maintiennent le caractère
soutenable du régime tout en offrant des rentes garanties à vie. Il demande
plus d'efforts en termes de réserves, mais il est soutenable. Moi, j'hésiterais
à dire : Le RRFS, c'est meilleur que le PD. Ça, ce n'est pas exact, le
contraire non plus. Pour moi, le RRFS,
c'était le meilleur compromis, et moi, je pense qu'il faut saluer, comme le ministre
l'a dit plus tôt, le sens... la créativité que la Régie des rentes a
mise, entre 2004 à 2007, à chercher une formule de financement qui réconcilierait le besoin des employeurs pour
une cotisation fixe et aucune responsabilité financière pour eux, à part le financement
courant, avec la recherche, pour les participants, d'une sécurité du revenu.
Je peux simplement vous répéter que, dans le cas de notre
régime, où on fait beaucoup d'efforts de formation, le régime de
retraite, chez nous, est perçu comme un outil d'attraction. Les gens sont fiers
d'avoir un régime de retraite et de savoir qu'ils ne seront pas pauvres à leur
retraite, et ça les réconcilie avec le fait qu'ils vont continuer à travailler dans le secteur communautaire, qu'ils
soient dans un comptoir alimentaire ou un groupe en santé ou services
sociaux, parce qu'ils peuvent faire ce qu'ils aiment, mais en même temps ils
savent que leur sécurité de revenu n'a pas été oubliée.
Le Président (M. Simard) :
Alors, merci, M. Lizée. M. le député de René-Lévesque.
M. Ouellet : Merci,
M. Lizée. Donc, à mon tour de vous saluer. Je vais être très bref. Si je résume,
les prestations déterminées ont été créées et, malheureusement, sont à... on
pourrait comprendre qu'elles seraient vouées à disparaître — en
tout cas, il n'y en aurait pas des nouvelles — et celles qui existent
pourraient être transformées. Il existe les
cotisations déterminées, qui ne sont pas superalléchantes, en contrepartie de
la prestation déterminée, et il y a le RRFS, qui existe entre les deux.
Est-ce qu'il ne serait pas hasardeux, comme législateurs, qu'on laisse de côté
l'apparition d'un autre régime pour permettre de bonifier une offre qui n'est
peut-être pas complète dans le marché?
M. Lizée (Michel) : Le sens de
ma remarque était avant tout de vous sensibiliser à l'impact, particulièrement pour les retraités, de ce que ce nouveau type de
régime implique et de savoir que... alors qu'on a, par ailleurs, beaucoup de débats sur
la dignité, la nécessité d'un revenu digne à la retraite, combattre les
inégalités de revenus pour les plus pauvres, d'être conscients que ce régime-là
offre... ce nouveau type de régime offre des risques spécifiques, présente des
risques spécifiques dont il faut être conscients avant. Parce que, par exemple,
on pourrait se demander : Est-ce qu'on ne devrait pas, si on met sur pied
des régimes à prestations cibles, augmenter le niveau de réserve requis qui, actuellement,
serait le même que pour les PD existants, mais à la nuance que, dans les PD
existants, si vous êtes trop en bas de votre
niveau de provision et de stabilisation, il doit y avoir des cotisations
d'équilibre de versées par l'employeur, alors que, les régimes à prestations cibles, on
n'offre pas ça? Donc, si je suis à 102 % et que ma cible minimale devrait
être d'au moins 112 %, parce que ma
provision, c'est 117 %, dans un régime à PD, actuellement, l'employeur doit financer pour essayer de s'éloigner du
100 % puis se rapprocher du 117 %, mais, dans un prestations cibles,
ce mécanisme-là ne sera pas possible. Donc,
si on renforçait la sécurité du régime à prestations cibles pour que lui aussi
ait la provision la plus élevée possible...
rappelez-vous qu'elle va être typiquement de 15 % à 17 % dans un
prestations cibles, elle est de 50 %
dans un RRFS, donc notre risque de tomber en déficit est infiniment plus
faible. Donc, tout ce qu'on pourrait faire pour augmenter les marges et
réduire le risque d'un régime à prestations cibles serait un pas dans la bonne direction, mais là ça aurait le désavantage que ça
réduirait l'écart entre la rente initiale d'un régime à prestations cibles
puis un RRFS, par exemple, parce que vous demandez plus de réserves, mais il y
a un enjeu là qui est réel. Si on est conscients des risques de réduction des
rentes des régimes à prestations cibles, on peut quand même viser à en
augmenter la sécurité, et plus vous feriez ça, plus, à mes yeux... (panne de
son) ...les craintes que j'ai émises.
Le Président (M. Simard) : Très
bien. Alors, M. Lizée, cela termine donc le temps qui vous était dévolu pour votre présentation. Et je tenais sincèrement à vous remercier non seulement pour la qualité de cette présentation, mais également de vos réponses. Merci, donc, d'avoir participé
à nos travaux.
Sur ce, nous allons suspendre temporairement, le
temps de faire place à nos prochains invités.
(Suspension de la séance à 20 h 18)
(Reprise à 20 h 22)
Le Président (M. Simard) :
Alors, chers collègues, nous sommes en mesure de pouvoir reprendre nos travaux.
Et nous terminons en beauté, ce soir, en recevant deux représentants de Force
Jeunesse, M. Simon Telles et Mme Éliane
Racine. Bienvenue à vous deux. Merci d'avoir accepté notre invitation. Vous
savez que vous disposez d'une période de 10 minutes. Nous vous
écoutons.
Force Jeunesse
(Visioconférence)
M. Telles (Simon) : Merci beaucoup, M.
le Président. Merci également à la commission de nous recevoir. Simon Telles,
président de Force Jeunesse.
Très apprécié d'être là aujourd'hui. On a un
défi particulier ce soir, à la fois d'être les derniers à s'adresser à vous,
mais également de rivaliser avec la soirée électorale américaine, qui est également
très, très captivante, alors on tâchera de...
Le Président (M. Simard) :
Alors, vous êtes bien plus intéressants, rassurez-vous.
M. Telles (Simon) : ...on tâchera de
vous communiquer toute notre énergie puis aussi la passion qu'on a de ce
sujet-là, les régimes de retraite.
Dans la vie de tous les jours, je suis avocat
chez Trivium. Je concentre ma pratique principalement en droit des organisations à but non lucratif et en droit du travail, et ça
fait quatre ans que je m'implique à Force Jeunesse déjà. Ce qui motive, je vous dirais, mon implication à
Force Jeunesse, c'est vraiment le sentiment de contribuer activement aux
décisions qui sont prises parce que ce sont celles-là, évidemment, qui vont
forger notre futur.
Mme Racine (Éliane) : Puis, de
mon côté, je m'appelle Éliane Racine, je suis vice-présidente au contenu chez
Force Jeunesse. Moi, je m'implique à Force Jeunesse pour tout ce qui concerne
le contenu, là, depuis un bon trois ans.
Puis je suis, dans la vie de tous les jours, doctorante en relations
industrielles et j'ai fait, dans le cadre de ma maîtrise, une étude sur
l'équité intergénérationnelle dans le régime des rentes du Québec, d'où mon
intérêt.
M. Telles (Simon) : Alors, pour vous
parler de Force Jeunesse maintenant, certains et certaines d'entre vous, certainement,
ont déjà entendu parler de nous. Alors, on est un regroupement de jeunes
engagés, 100 % bénévoles, qui oeuvrent dans différents milieux, que ce
soit associatif, syndical, communautaire, entrepreneurial, professionnel, et ce
qui nous distingue, je vous dirais, des autres groupes, c'est notre approche
non partisane, d'abord, évidemment, qui est
axée sur la recherche et le développement des propositions concrètes sur des
enjeux qui interpellent la jeunesse. On est, je pense, également le seul groupe
jeune à s'intéresser à la question des régimes de retraite, à intervenir, du
moins, sur cette question-là, et donc on est particulièrement heureux d'être
avec vous aujourd'hui pour vous partager nos commentaires sur le projet.
Pour vous faire un peu d'histoire, on a été
fondé en 1998, donc ça fait déjà plus de 20 ans, précisément sur la lutte
aux clauses de disparité de traitement, et force est de constater que c'est un
enjeu qui est encore d'actualité aujourd'hui. Ce qu'on voit dans le projet de
loi n° 68, c'est l'opportunité, une fois pour toutes, de mettre fin à ces
clauses de disparité de traitement là dans les régimes de retraite, et c'est
sous cet angle-là qu'on va s'adresser à vous, sous
l'angle, bien sûr, de l'équité intergénérationnelle, qui est notre valeur
fondatrice et notre pilier, et donc on va vous présenter une série de
recommandations pour bonifier le projet de loi.
Mme Racine (Éliane) : Oui,
puis, en ce sens, ce qui a vraiment alimenté notre réflexion par rapport à ce
projet de... loi là, pardon, c'est de voir comment est-ce qu'on peut améliorer
l'équité intergénérationnelle dans les régimes de
retraite complémentaires, puis on a vraiment concentré notre analyse sur le
partage du risque entre les générations, sur
la représentation des jeunes dans les instances décisionnelles, puis finalement
sur tout ce qui concerne, là, les disparités de traitement, comme Simon
le mentionnait.
Dans le cadre
de notre présentation, on ne s'attardera pas à toutes nos recommandations, on
va principalement vous parler de la recommandation 8
sur les disparités de traitement, la recommandation 9
sur les régimes sectoriels, et finalement les recommandations 3 et 11, là,
sur la représentation des jeunes.
Avant de passer la parole à Simon, j'aimerais
juste rappeler que, pour Force Jeunesse, les régimes de retraite, il n'y en a aucun qui sont à risque zéro, tous les
régimes de retraite comportent des risques. Puis, pour nous, les régimes
à prestations cibles se situent sur un
continuum entre les régimes à prestations déterminées puis les régimes à
cotisation... (panne de son)
Le Président (M. Simard) :
Mme Racine, m'entendez-vous?
Mme Racine (Éliane) : Oui.
Le Président (M. Simard) : Très
bien. Alors, nous avons manqué les deux dernières phrases, désolé.
Mme Racine (Éliane) : Ah! O.K.
Donc, ce que je mentionnais, c'était que, pour Force Jeunesse, les régimes à prestations cibles se situent sur un continuum
entre les régimes à cotisation déterminée puis les régimes à prestations
déterminées. Puis, d'autre part, pour nous, aucun régime de retraite ne
comporte un risque zéro, ce qui veut donc dire que la question à se poser,
c'est comment est-ce que le risque est reparti entre les générations.
M. Telles (Simon) : Alors, le
premier élément sur lequel on va vouloir attirer l'attention de la commission,
c'est, comme l'a mentionné Éliane, les clauses de disparité de traitement.
Alors, sur cet enjeu-là, comme vous le savez,
il y a eu une réforme de la Loi sur
les normes du travail, en 2018, qui
est venue interdire les clauses de disparité de traitement dans les régimes de retraite pour l'avenir. Malgré tout,
il reste encore 90 régimes hybrides, à deux vitesses, si on peut
dire, qui ont à la fois des régimes à prestations déterminées et des régimes à
cotisation déterminée, qui sont sous la surveillance de Retraite Québec.
Ce qu'on
constate, c'est que, dans sa phase actuelle, le projet ne prévoit aucun
mécanisme qui permet d'éliminer les clauses de disparité de traitement,
c'est-à-dire qu'on va pouvoir convertir des régimes à cotisation déterminée en
régimes à prestations cibles, mais il y aura toujours quand même des régimes à
deux vitesses dans le cadre de ces 97 régimes-là. Ça, pour nous, c'est problématique.
Pour faire un peu l'historique de cet enjeu-là,
il y a quand même un engagement très, très clair qui a été pris par le
gouvernement pour les abolir, les clauses de disparité de traitement qui
étaient restantes. Il y a une motion unanime,
également, de l'Assemblée nationale en 2018 qui est venue réitérer ce souhait-là.
Alors, on a une opportunité, réellement,
avec ce projet-là, à notre avis, de régler la question, et on pense que de
transformer les régimes à deux vitesses à prestations cibles est une
avenue intéressante pour abolir les CDT dans ces 97 régimes-là.
Évidemment, sur le continuum des régimes dont
vous parlait ma collègue Éliane, on souhaite que les régimes à prestations
cibles qui seraient mis sur pied partagent un maximum des caractéristiques des
régimes à prestations déterminées, et on a confiance que les parties
patronales, syndicales et que les parties... l'employeur seul, lorsque c'est le
cas, arriveront à mettre en place de tels régimes avec des bonnes conditions.
• (20 h 30) •
Mme Racine (Éliane) : Ensuite,
je pense qu'il y a un autre aspect important dont on vous a mentionné, c'est la caractéristique... les régimes de retraite
actuels, on constate qu'il y a peu de nouveaux régimes qui ont été créés, que
ce soit au niveau de prestations déterminées... puis, pour nous, les régimes à
prestations cibles, bien qu'ils représentent une nouvelle avenue pour les travailleurs, il n'en demeure pas moins que
les régimes de retraite ne font pas... ne couvrent pas l'ensemble des
travailleurs et travailleuses au Québec, ce qui veut donc dire que... on croit
qu'en mettant en place des régimes sectoriels on serait en mesure de couvrir
davantage de travailleurs et de travailleuses pour avoir un régime de retraite
et donc une sécurité de revenus lorsque la retraite viendra.
Finalement,
au niveau de la représentation des jeunes, notre... ce qui nous pousse à faire
cette recommandation-là, c'est que les régimes de retraite comprennent
des stratégies d'investissement, comprennent des mécanismes de redressement
dans le cas des régimes à prestations cibles, puis toutes ces mesures-là, puis
toute la manière que le régime va être formé va avoir un impact sur qui est
dans le régime, puis cet impact-là ne sera pas nécessairement le même pour
quelqu'un qui est en début de carrière par rapport à quelqu'un qui est en fin
de carrière. Et donc on croit qu'en ayant des jeunes sur les comités de
retraite on soit en mesure de prendre en compte l'ensemble des risques des
participants et participantes dans les régimes de retraite.
Finalement, je pense que... Pour ce qui est de
la représentation des jeunes, on croit que ça va au-delà des instances décisionnelles dans les régimes de
retraite propres, puis on pense que c'est pertinent d'avoir une organisation
comme Force Jeunesse qui participe, par exemple, à des comités ou à des forums
sur les enjeux de la retraite.
M. Telles
(Simon) : Alors, pour
synthétiser notre position de manière générale avant qu'on puisse commencer
les échanges, a priori, notre position, c'est que le projet peut favoriser l'amélioration
des conditions de travail des jeunes et l'équité intergénérationnelle dans les
régimes complémentaires de retraite, à condition de s'attarder sur trois
éléments : premièrement, de prendre en compte le partage du risque entre
les générations, deuxièmement, d'inclure les jeunes dans
les instances décisionnelles et, troisièmement, évidemment, d'éliminer les
disparités de traitement dans l'ensemble des régimes de retraite.
Évidemment, pour tout ça, on vous réitère notre
pleine collaboration et notre ouverture pour guider les travaux de la commission,
et ça nous fera plaisir de répondre à vos questions pour la suite.
Le
Président (M. Simard) :
Eh bien, merci à vous deux. Je cède
maintenant la parole au ministre des Finances.
M. Girard (Groulx) : Merci
beaucoup pour cette présentation. Évidemment, les disparités de traitement sont
un enjeu extrêmement important, et l'application des motions de l'Assemblée
nationale et des souhaits qui ont été exprimés par le passé sont discutés avec
la CPMT, la Commission des partenaires du marché du travail, et c'est aussi un
enjeu, évidemment, qui est regardé spécifiquement par le ministre du Travail.
Mais, pour fins de simplification, là... et
c'est interdit, dans le projet de loi, qu'un régime à prestations déterminées
soit converti en régime à prestations cibles, mais, dans la situation où les
cotisations futures... ou lorsqu'un régime à prestations déterminées existant avec
les contributions passées des participants existants et des retraités... et que l'entreprise, avec ses
employés, décide de mettre en place, pour les participations, cotisations
futures, un régime à prestations cibles, est-ce que, pour vous, c'est là
l'expression d'une disparité de traitement ou non?
Le Président (M. Simard) : M.
Telles.
M. Telles
(Simon) : Oui. Je ne suis
pas certain d'avoir bien saisi votre question, M. le ministre. Si c'est
possible, peut-être, de nous orienter un peu davantage.
M. Girard (Groulx) : Bien,
c'est parce que, la notion de disparité de traitement, il y a consensus, mais en
même temps ça ne veut pas dire la même chose pour tout le monde, alors c'est
important de s'entendre. Et d'ailleurs il y
a des discussions à la Commission des partenaires du marché du travail sur, exactement, l'application de ce principe, de ne pas avoir de
disparité de traitement, et... Alors, ma question, c'est : Dans la mesure
où le projet de loi interdit la conversion d'un régime existant à prestations
déterminées en un régime à prestations cibles pour les cotisations passées, pour ce qui est accumulé dans un régime,
mais que les nouvelles cotisations ou que... si une entreprise,
avec ses employés, s'entend pour qu'un nouveau régime soit créé à côté
pour les cotisations futures, l'accumulation de cotisations futures, est-ce
que, pour vous, ça, c'est une disparité de traitement?
M. Telles (Simon) : Excellent. Merci,
M. le ministre, pour la précision, je saisis bien votre question. Pour nous, effectivement, ça demeurerait une disparité de traitement, parce qu'en pratique il y aurait des régimes
différents pour une même catégorie de travailleurs. Donc, selon nous, ça
ne solutionnerait pas ce problème-là.
M. Girard (Groulx) : O.K.
Alors, je vous remercie de préciser cela, parce que le principe de disparité de
traitement, on l'entend, c'est véhiculé, mais ça ne veut pas dire la même chose
pour tout le monde. Alors, dans votre cas, ici, ce serait une disparité de
traitement.
M. Telles (Simon) : Exact.
M. Girard
(Groulx) : D'accord. Je vous remercie pour cette précision. Pour moi,
ce point-là, c'est fondamental, puis c'est ça qui est discuté avec
les... à la Commission des partenaires du marché du travail, et c'est un enjeu
qui n'est pas facile à résoudre. Et
évidemment plus le régime de retraite à prestations cibles sera généreux, moins
il y aura de disparités, mais un
régime de retraite à prestations cibles n'est pas un régime à prestations déterminées, évidemment, par définition. Moi, c'est
l'enjeu fondamental que je voulais discuter, alors ça ferait le tour pour moi, M.
le Président.
Le Président (M. Simard) :
Merci à vous. M. le député de Saint-Jérôme.
M. Chassin : Merci, M.
le Président. Merci, M. Telles
et Mme Racine. Donc, en tant qu'ancien administrateur de
Force Jeunesse, je ne peux que me réjouir de vous voir ce soir. Je vous
avoue que j'étais plutôt du côté de Mme Racine, je n'étais pas président,
mais plutôt au contenu.
Je trouve intéressant le mémoire que vous nous
avez envoyé, puis vous faites des recommandations qui sont stimulantes, au moins au plan intellectuel, par
ailleurs, parfois qui s'arriment directement avec le projet de loi. J'aimerais peut-être, là, vous poser, d'entrée de jeu, une
réflexion sur le partage du risque entre générations. Donc, vous parlez, notamment à votre recommandation n° 1, de faire cet ajout, de partager... en fait, du degré de risque entre
des générations dans le régime complémentaire de retraite.
Puis évidemment il y a là un enjeu de
définition, notamment sur le terme «générations», parce qu'on peut comprendre le partage de risques entre les bénéficiaires,
par exemple, et les membres cotisants. Est-ce que, pour vous, le partage
de risques entre générations va au-delà de ces deux catégories?
Mme Racine
(Éliane) : Oui, bien, en fait, je vais me permettre de répondre.
Simon, si tu veux ajouter quelque chose, tu pourras. Mais je pense
qu'effectivement le partage de risques entre les générations, pour nous, va
au-delà de retraités par rapport aux participants actifs, notamment parce que,
comme on l'a mentionné brièvement, les... à différents
moments dans votre carrière... va probablement dire que vous n'allez pas
favoriser les mêmes stratégies par rapport à
un placement pour la retraite. Que ce soit dans un régime privé ou pour son
épargne personnelle, généralement, on va conseiller aux gens de mettre
des placements un peu plus risqués en début de carrière, puis plus on approche
vers la retraite, de mettre des placements qui sont peut-être un peu plus
conservateurs. Puis je pense que cette logique-là, elle s'applique tout autant
pour un régime de retraite qui serait offert par un employeur. Donc, si le
régime puis si le comité de retraite établit des mesures qui vont être
davantage pour des gens qui sont vers les fins de carrière, bien, on peut se
retrouver à avoir une situation où, pour les jeunes, c'est peut-être moins
avantageux, dans ce cas-là, d'avoir ce type
de régime là. Puis je pense que, pour conclure là-dessus, nous, notre point,
c'est de dire qu'il faut donc considérer les différents intérêts
des différents individus, qui ne sont pas nécessairement tous
monolithiques, là, dans la catégorie des participants.
• (20 h 40) •
M. Chassin :
C'est un très bon point, je pense, c'est un message important à porter. Puis évidemment
il y a, j'imagine, là, la possibilité
pour les comités de retraite de pondérer, justement, en fonction de l'âge,
sachant les décaissements à venir puis les entrées d'argent respectives.
Vous mentionnez
aussi, à la recommandation n° 5, quelque chose qui
m'a un peu fait sourciller, là, quand vous dites, par exemple : «Force
Jeunesse recommande de limiter les cotisations salariales à au plus 50 %
du total des cotisations du régime.» Je
voudrais juste voir... parce qu'évidemment il y a
une certaine souplesse prévue dans un
régime de retraite à prestations cibles,
puis une souplesse, notamment, quand on considère, par exemple, là, la possibilité de renflouer les coffres d'un régime qui est dans
une situation plus précaire. Dans ce cas-là, ça pourrait être considéré
comme des cotisations aussi. Puis, comme il y a un ajustement en fonction des
différentes catégories puis qu'on veut garder cette flexibilité, est-ce que ce
n'est pas risqué d'imposer un barème aussi strict que 50 % s'il peut y
avoir des variations qui, pendant peut-être même une période de temps très
courte, fait augmenter au-delà de 50 % pour un partage équitable entre, par
exemple, la diminution de certaines sommes versées aux retraités versus l'augmentation
de cotisations des participants actifs? Comment vous voyez ce 50 %, comme
un barème très strict ou quelque chose qui est peut-être un peu plus flexible?
Mme Racine
(Éliane) : Bien, je pense
que, pour le barème de 50 %, nous, on le voit vraiment
dans une perspective, d'abord, d'un régime qui serait en bonne gestion,
là. Pour tout ce qui est des mécanismes de redressement, encore une fois, je
pense que, là, ça va vraiment être de venir évaluer... puis, de toute façon,
les régimes à prestations cibles prévoient en amont les mécanismes de
redressement, mais c'est d'évaluer pour s'assurer que ce risque-là est partagé
équitablement, là, entre tous. Donc, je dirais qu'on pourrait être ouverts à
être plus flexibles par rapport à ça, mais c'est certain que, pour nous, dans
un régime qui fonctionne bien, on ne voudrait pas ajouter plus que 50 %.
M. Chassin : O.K. Autrement
dit, je comprends que c'est le
principe d'équité derrière qui est vraiment au coeur de... Puis peut-être une dernière
question, M. le Président, si j'ai le temps. Il me reste combien de temps?
Le Président
(M. Simard) : Oui, il vous reste 5 min 53 s.
M. Chassin :
Ah bon sang! Alors, je me permettrai peut-être plus qu'une dernière question.
Mais vous parlez notamment du régime, au Nouveau-Brunswick, qui prévoit donc
non seulement des... J'essaie de retrouver la recommandation où vous en parlez... numéro 6,
me souffle-t-on à l'oreille, c'est ça, numéro 6? Mais donc, en fait, où vous
parlez d'avantages complémentaires avec une moindre probabilité, là, en quelque
sorte. Puis j'essaie de me placer dans
la peau d'un participant au régime, ce n'est pas toujours simple de comprendre
les régimes de retraite, puis il y a une certaine valeur à la clarté.
Comment vous évaluez, dans le fond, la clarté, pour les participants puis pour
les bénéficiaires, de la formule du Nouveau-Brunswick, appelons-la ainsi?
Mme Racine
(Éliane) : Bien, je pense que c'est certain que, pour tout ce qui est
des régimes de retraite, puis ça, c'est
au-delà de celui du Nouveau-Brunswick, là, la communication, c'est vraiment la
clé pour aider les participants et participantes à démystifier des
régimes de retraite. Puis, sur cet aspect-là, je pense que c'est une question
de savoir, la rente, dans le cas du régime du Nouveau-Brunswick, ce qui est
considéré comme la prestation de base, est à
un degré de probabilité de 97,5 %, ce qui veut dire que c'est... le
montant que les gens peuvent s'attendre à recevoir. Donc... la
prestation accessoire, qui est avec un degré de probabilité qui est quand même
élevé, là, à plus de... à 75 %, bien, c'est le montant qui peut fluctuer.
Mais ce que ça vient dire, pour nous, c'est de peut-être utiliser davantage des
termes comme «le niveau plancher» ou «le seuil en dessous duquel on ne pourra
pas descendre».
M. Telles
(Simon) : Peut-être, pour ajouter, une de nos autres préoccupations
dans le projet, actuellement, évidemment, qui est propre des régimes à
prestations cibles en général, c'est que le régime repose sur les travailleurs,
et une de nos recommandations, justement, c'est par rapport aux fiducies, et on
s'inspire, encore une fois, de ce qui se fait ailleurs. Pourquoi est-ce qu'on
ne pourrait pas mettre en place ce genre de fiducie là pour gérer le régime,
pour enlever, un peu, une partie du fardeau sur les épaules des travailleurs et
qui faciliterait peut-être, justement, la compréhension des différents
mécanismes, qui sont assez complexes? On pense que ce serait une façon de
pallier à ce désavantage-là, si on peut le dire, des régimes à prestations
cibles.
M. Chassin : D'accord. Puis, dans cette perspective de fiducie, vous voyez
donc un avantage peut-être même pédagogique, mais surtout en termes de gestion,
là, j'imagine, c'est ce que je comprends?
M. Telles (Simon) :
Exact.
M. Chassin : O.K. Est-ce que... Puis là vous parlez, à votre recommandation n° 10, d'une série d'indicateurs d'équité
intergénérationnelle. Encore là, permettez, là, que je vous avoue bien
franchement qu'en regardant cette recommandation-là je me suis dit : Je
vais aller lire, dans le mémoire, la partie qui concerne cette recommandation,
mais je n'ai pas eu le temps. Donc, est-ce que vous avez des exemples
d'indicateurs d'équité intergénérationnelle qui pourraient nous illustrer, là,
concrètement à quoi vous faites référence?
Mme Racine (Éliane) : Bien, je
pense que, dans un premier temps, puis ça, c'est quelque chose qui est vraiment
à considérer d'un point de vue plus de la gestion de la surveillance, là, des
régimes de retraite, c'est que, quand on parle d'équité intergénérationnelle,
bien, il faut évaluer est-ce que les mécanismes qu'on met en place dans le
régime favorisent davantage une génération par rapport à l'autre. Donc, pour
nous, un indicateur d'équité
intergénérationnelle, là, qui pourrait être développé, ce serait
justement un processus à faire avec Retraite Québec, qui surveille déjà les
régimes de retraite, pour aller évaluer quel mécanisme est plus équitable entre
les générations. Ensuite, c'est certain qu'on peut parler aussi, là, au niveau
du partage du passif puis de voir un peu, là, comment celui-ci est réparti
entre... bien, en fait, pour que ce soit raisonnable, là. Puis c'est certain
que, pour nous, un autre indicateur d'équité intergénérationnelle, bien, ce
serait de ne pas avoir de clause de disparité de traitement dans les régimes de
retraite.
M. Chassin :
C'est un indicateur qu'on comprend tout à fait dans votre réflexion. J'ai envie
de vous poser la question parce que vous êtes justement un groupe jeune qui
s'intéressez aux régimes de retraite, puis vous voyez, dans le fond, là, les travailleurs de l'ensemble... dans l'ensemble de
leur vie active et après. Et je trouve ça intéressant et, en même temps,
je vous avoue qu'il y a différentes situations sur le marché du travail, puis
on est parfois dans une situation où on voit qu'il y a des attitudes et des
attentes, dans la jeune génération, qui ne sont pas nécessairement les mêmes qu'auparavant. Peut-être
qu'il est plus rare, malgré certains cas... et le député de
Pontiac en faisait mention, là, au groupe avant vous, il est plus rare,
quand même, chez les jeunes générations, d'espérer travailler 40 ans d'une
même carrière pour un même employeur avec
cette stabilité-là. La mobilité est certainement prisée par plusieurs jeunes.
Et même des jeunes qui sont peut-être formés, là, avec des diplômes d'études
professionnelles ou techniques, qui n'ont pas nécessairement un niveau
d'éducation si élevé, mais qui ont certainement un niveau de compétences très
élevé, peuvent espérer une certaine mobilité.
Dans un contexte comme ça, est-ce que la
flexibilité d'un régime de retraite à prestations cibles ne pourrait pas,
justement, être plus intéressant que les solutions qui sont actuellement
proposées, comme un régime à cotisation déterminée, voire peut-être même comme un
régime à prestations déterminées?
Mme Racine (Éliane) : Bien, je
pense que oui puis je pense que... pour répondre à cette question-là, en
particulier, c'est d'ailleurs pour ça qu'on a mis dans notre mémoire la
recommandation pour les régimes sectoriels, parce
que, dans le cas d'un régime sectoriel, on aurait un régime qui ne dépendrait
pas de l'emploi chez un employeur précis. Puis je pense que, pour le
régime sectoriel en tant que tel, peut-être que l'avenue serait plus propice
d'aller vers des régimes à prestations cibles que des régimes à prestations
déterminées ou cotisation déterminée.
Le Président (M. Simard) : Très
bien. Merci, Mme Racine. M. le leader de l'opposition.
• (20 h 50) •
M. Fortin :
Merci, M. le Président. Bonjour. Bonjour à vous deux, M. Telles,
Mme Racine. Merci de votre présentation. Je l'apprécie parce qu'elle prend
un point de vue un peu différent de beaucoup des intervenants qu'on a déjà
entendus au cours des derniers jours, c'est-à-dire que vous vous basez vraiment
sur le partage du risque entre les générations, ce qui est un concept qu'on a
peu entendu jusqu'à maintenant, alors je suis content que vous soyez ici pour
nous en parler.
Je veux
revenir sur la question que le ministre a posée... bien, vous a posée, mais à laquelle M.
Telles a répondu, c'est-à-dire, dans le cas où un régime à prestations
déterminées... et c'est ce qui va se passer, là, à peu près tout le monde
qui est venu en commission
parlementaire nous a dit : Effectivement, et... les employeurs veulent se départir de leurs régimes à prestations déterminées pour passer vers autre chose. Alors, ça va se
produire, les régimes à prestations
déterminées vont migrer, avec ce projet de loi là... certains d'entre eux vont
migrer vers des prestations cibles.
Ce que le ministre propose à travers son projet
de loi, c'est que les travailleurs actuels, pour tout ce qu'ils ont déjà
travaillé... bien, qu'ils gardent leurs bénéfices, c'est-à-dire leurs rentes
qui ont été élaborées sur la prestation déterminée. Donc, pour tout ce qu'ils
ont déjà travaillé, prestations déterminées; pour les nouveaux employés, bien,
eux tombent sur un prestations cibles; puis pour tout ce qui est encore
travaillé par les travailleurs qui étaient déjà là, ça aussi, c'est de la
prestation cible.
Alors, ce que
vous nous dites, c'est que ça, c'est une disparité de traitement, donc, dans le fond, que, si un régime qui est à... 100 % à prestations
déterminées devient un certain pourcentage prestations déterminées, un certain
pourcentage prestations cibles, bien, dans ce cas-là, ça augmente les
disparités de traitement entre les générations, c'est ça? Donc, ça augmente la
disparité intergénérationnelle.
O.K. Ça, c'est le principe de base du projet de
loi, c'est ce qui va arriver, là, c'est le premier scénario qui va se produire
et, on le sait, ça va se produire le 1er janvier 2021. Il y a des groupes qui
sont venus nous voir en nous disant : Bien, nous, on va migrer vers ça si
c'est ce que vous adoptez. Alors, dans ce contexte-là, je... ou depuis je ne sais pas combien d'années, je pense, depuis que le député de
Saint-Jérôme militait chez vous, vous vous battez pour réduire l'inéquité
intergénérationnelle, comment vous pouvez être en faveur d'un tel projet de loi?
Vous dites que vous l'accueillez favorablement. Je comprends que vous avez
toutes sortes de réticences, mais en même temps vous l'accueillez
favorablement. Alors, s'il est pour augmenter l'inéquité intergénérationnelle, pourquoi
vous accueillez favorablement ce projet de loi là?
M. Telles
(Simon) : Je peux répondre à
celle-là. On l'accueille favorablement avec toutes les recommandations puis les précisions qu'on apporte dans notre mémoire. Alors,
d'une part, la création de cette nouvelle option là que sont les régimes à
prestations cibles, ça devient un outil supplémentaire. Et on est pour la
conversion des... ou on est pour d'utiliser ce nouveau véhicule là pour
éliminer les clauses de disparité de traitement dans les 97 régimes
hybrides qui sont en place et qui sont aujourd'hui inéquitables. Donc, selon
nous, le projet est une opportunité pour faire
ça, et c'est en ce sens-là qu'on voit le projet de loi comme une
opportunité de se débarrasser de ces disparités-là.
M. Fortin : O.K., mais tout de
suite, là, aujourd'hui, le projet de loi ne fait pas nécessairement ça. Alors
là, je vous mets un peu sur le «hot seat», là, si je peux m'exprimer ainsi.
Vous avez mon siège, je vous prête mon siège de député pendant quelques minutes — je veux
le ravoir après — vous
pouvez même siéger comme indépendants, si vous voulez, donc ne pensez pas à la
ligne de parti, là, est-ce que vous votez pour ou vous votez contre le projet
de loi? Parce que vous avez toutes sortes de réticences.
M. Telles (Simon) : Dans sa
mouture... oui, dans sa mouture actuelle, c'est certain qu'on n'appuie pas le projet
de loi. Il n'y a même pas d'ambiguïté qu'on ne serait pas en mesure de soutenir
ce projet de loi dans sa forme actuelle, ça, c'est clair. C'est pour ça qu'on
est là aujourd'hui, d'ailleurs.
M. Fortin : O.K. Donc, vous nous dites : Si vous réduisez ou si vous
vous attardez à la question du partage du risque entre les générations, si vous
réduisez ou si vous travaillez sur l'élimination de la clause des disparités de
traitement pour l'ensemble des régimes de retraite et si vous ajoutez des
jeunes dans les instances décisionnelles, à partir de ce moment-là, on
pourrait... ou vous pourriez, là, dans mon siège, considérer voter pour, mais,
dans sa forme actuelle, c'est non.
M. Telles (Simon) : C'est exactement
ça, oui.
M. Fortin : O.K., très bien. Je veux juste, peut-être,
dire une chose... Je vais laisser du temps à mon collègue, je ne sais
pas combien il en reste, M. le Président, là.
Le Président (M. Simard) :
5 min 45 s.
M. Fortin :
Parfait. Je veux juste... Dans certaines des recommandations, là, je reconnais
l'influence de mon collègue Jean Habel, qui avait parlé de la présence aux
conseils d'administration des gens âgés de moins de 35 ans. Donc, votre recommandation n° 3, moi, je la vois d'un très bon oeil, alors je
tiens à vous le dire. M. le ministre, on vous en parlera rendus à
l'article en question.
Mais la
dernière question que j'aurais, c'est sur la recommandation n° 10. Vous voulez une série d'indicateurs d'équité
intergénérationnelle, là. Je les vois, vos indicateurs. J'essaie de comprendre
dans quel contexte vous voulez les inclure.
Qu'est-ce que ça peut vouloir dire, spécifiquement, tous ces indicateurs-là? Je
vous le dis, je les vois, je suis d'accord avec eux, mais j'essaie de
comprendre comment ils peuvent s'inscrire dans le cadre de la loi.
Mme Racine (Éliane) : Bien,
pour nous, les indicateurs peuvent s'inscrire vraiment pour aider, justement,
comme on le mentionnait, là, Retraite Québec à effectuer une surveillance de
l'équité intergénérationnelle dans les régimes. Parce que, comme on le sait,
puis ça, ce n'est pas uniquement pour des régimes de retraite, ce n'est pas
parce qu'une loi est votée que, nécessairement, le changement se fait sur le
terrain. Puis on pense qu'en ayant des indicateurs puis en ayant une
surveillance qui est faite par rapport à ces enjeux-là d'équité
intergénérationnelle, bien, on va être en mesure de s'assurer que l'équité
intergénérationnelle est bel et bien mise de l'avant dans les régimes de
retraite au Québec.
M. Fortin :
O.K., ça va. Je vous remercie de votre présence ce soir puis de vos
recommandations. Mon collègue de Robert-Baldwin a des questions pour
vous également. Merci.
M. Leitão : Très bien, merci
beaucoup. Bonsoir, merci d'être là, bienvenue. Une question rapide, parce que
ça m'intrigue un peu. Vous parlez de régimes sectoriels ou de la possibilité de
mettre en place des régimes sectoriels. D'autres participants à cette commission
ont mentionné la possibilité, aussi, de faire des regroupements d'actif. Ce
n'est pas la même chose, mais presque. Vous, comment est-ce que vous voyez ça?
Quand vous parlez des régimes sectoriels, qu'est-ce que vous voulez dire, au
juste?
Mme Racine
(Éliane) : Bien, je pense que, pour les régimes sectoriels, on le
voyait un peu comme... on a déjà une commission des partenaires du
marché du travail qui existe, dans laquelle il y a des représentants autant,
là, des employeurs puis des travailleurs, puis je pense
que, dans ce cas-là, ce serait un peu sous forme d'un régime qui pourrait
s'apparenter, là, à de l'interentreprises puis qui pourrait permettre,
justement, à un travailleur, là, de passer d'un employeur à l'autre sans perdre
son régime.
M. Leitão :
Très bien. Non, je comprends. La question que j'ai... le questionnement que
j'ai, c'est avec la notion de «secteurs», parce que, de nos jours, c'est assez
difficile de... enfin, il faudrait qu'on définisse ces secteurs-là de façon très, très large parce qu'un secteur traditionnel,
c'est... enfin, de nos jours, ça n'existe presque plus, là, c'est... O.K.
Maintenant, les 90 ou 87 régimes actuels où
il y a encore des clauses de disparité, donc, le «legacy» du passé,
concrètement, comment est-ce que vous suggérez qu'on mette fin à ça?
M. Telles (Simon) : Je vous remercie
de nous poser la question. Effectivement, c'est important d'y répondre. Ce qu'on pense qui est le meilleur mécanisme,
c'est de donner un délai raisonnable aux parties syndicales et patronales
pour négocier des régimes à prestations
cibles qui vont donc être... sur lesquels ils vont s'entendre et qui vont
permettre de les éliminer, suite à quoi on pourrait prévoir, s'il n'y a pas
d'entente, un mécanisme d'arbitrage, par exemple au Tribunal
administratif du travail, pour statuer sur les conditions. Mais on est
confiants que les parties patronales et syndicales arriveraient à s'entendre.
Les syndicats, même ceux qui ont montré certaines réticences face au projet, sont contre les clauses de disparité de
traitement, et donc on ne voit pas comment, en laissant un délai aux parties
patronales et syndicales, il n'y
aurait pas moyen de s'entendre pour s'assurer que ces 97 régimes là où il
y a des travailleurs, bien, ils soient encore coincés dans une disparité
de traitement.
M. Leitão : Merci. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Simard) :
Merci, cher collègue. M. le député de Rosemont.
M. Marissal : Oui, bonjour. Bonjour à vous deux. Bonsoir, je
devrais dire, en fait. Merci pour le
mémoire étoffé. Merci pour les recommandations, aussi, qui sont
clairement rédigées et qui sont identifiées à l'article que ça vise aussi, ça
aide beaucoup à suivre.
Par contre, là, j'ai peut-être une question
d'ordre de vocabulaire. Là, dans votre recommandation n° 8,
à la toute fin, on dit, là, «comportant des
clauses de disparité de traitement puisse être conversé en régime à risques
partagés». C'est une coquille ou... Pouvez-vous m'expliquer ce que vous
voulez dire par là?
M. Telles
(Simon) : C'est définitivement une coquille. On en discutait
aujourd'hui, beaucoup de la littérature est en anglais sur cet enjeu-là,
et c'est vraiment un abus de langage. Désolé pour la petite coquille.
• (21 heures) •
M. Marissal : O.K., ce n'est
pas grave. Non, non, je comprends bien, ça m'arrive tout le temps.
Vous êtes, évidemment, assez opposés ou tout à
fait opposés, selon ce que vous avez dit à mon collègue tout à l'heure, là,
notamment aux disparités de traitement. Je ne m'étendrai pas parce que je n'ai
pas le temps, mais c'est précisément ce que j'ai vécu, moi, avec mon ancien
employeur il y a probablement une... bof, le temps passe vite, là, mais
peut-être sept, huit, 10 ans déjà, où on a dû se fendre le coeur — «on»
étant les plus vieux de l'entreprise — et se résigner à avoir deux
types de régimes parce que l'entreprise n'y arrivait pas, nous disaient-ils.
Le ministre disait, tout à l'heure : Le
projet de loi n° 68 ne permet pas de transfert d'un
régime PD en PC, mais, un nouveau régime, on pourrait le faire lors d'une négo.
Moi, d'expérience, là, de ce que j'ai couvert comme histoires puis de ce que
j'ai vécu à La Presse, là, pour ne pas la nommer, il n'y a
pas vraiment de négo dans ce genre d'histoire là; s'il y a une négociation, ça
ressemble plus à un canon sur la tempe, parce que tu dis oui, ou tu perds ta
job, ou on ferme la shop, ou on fait des licenciements massifs. Si, là,
d'aventure, on devait aller vers ça, néanmoins, et créer de nouveaux régimes en
PC, quelles conditions y voyez-vous ou quelles conditions pourrions-nous
ajouter pour que ce ne soit pas la norme, pour que ça devienne systématiquement
la norme que, dès qu'une entreprise dit : J'ai quelques problèmes
financiers, je n'y arrive plus, ça coûte trop cher, ton régime coûte trop cher,
c'est ça ou alors on est obligés de...
Le Président (M. Simard) : Très
bien. M. Telles, rapidement, s'il vous plaît.
M. Telles (Simon) : Éliane, peut-être,
là-dessus.
Mme Racine (Éliane) : Oui,
bien, rapidement, je dirais que c'est simplement de mettre en place des régimes
qui vont vraiment s'apparenter le plus possible à des régimes à prestations
déterminées plutôt que d'aller vers des prestations cibles, qui ressemblent davantage
à de la cotisation déterminée.
Le Président (M. Simard) :
Merci à vous, madame. M. le député de René-Lévesque.
M. Ouellet : Merci. Merci à
vous de compléter notre consultation sur le projet de loi n° 68.
Force Jeunesse, en force de soirée, ça nous garde actifs.
Je voudrais
aller rapidement à la recommandation n° 6, puis je veux bien comprendre, là. On a les travailleurs qui nous ont dit... qui ont
plaidé en faveur du régime à prestations cibles parce qu'ils avaient entre les
mains la gestion du fonds des travailleurs. Vous
faites référence au régime de cotisation déterminée, qui, malheureusement, est
entre les mains des travailleurs, qui, pour la plupart, ont une très faible
littéracie financière. Or, c'est un petit peu ça que veut faire le régime à prestations cibles, permettre à des travailleurs d'avoir entre les mains leurs régimes
de retraite, d'être outillés, accompagnés par des professionnels
et de bâtir une expertise qui sera transférée à l'intérieur même de
l'exécutif syndical. Donc, je comprends mal votre recommandation n° 6 sur la fiducie qui va rajouter des compétences et donc
amener des gens à gérer le fonds de pension à la place des travailleurs, alors
que c'est la volonté des travailleurs d'avoir entre les mains les clés de leurs
régimes de retraite et de leur permettre de décider qu'est-ce qui est bon pour
les travailleurs, d'en discuter, d'en débattre, de s'informer et d'échanger.
M. Telles
(Simon) : C'est une
préoccupation, effectivement, qui est... en fait, un argument qui est
intéressant. Nous, ce qu'on craint,
dans le régime à prestations cibles en général, c'est qu'il repose trop de
poids sur le travailleur, et c'était, pour nous, une façon qui
permettait d'équilibrer les responsabilités dans la gestion du régime. Mais
votre commentaire est intéressant, puis certainement que c'est aussi une
préoccupation pour nous que les travailleurs, les travailleuses puissent
participer, aussi, activement au régime. Donc, c'est un des désavantages de
cette façon-là de procéder, effectivement.
Mme Racine (Éliane) : Mais...
puis, si je peux compléter, dans notre optique, la fiducie n'était là pas
nécessairement pour mettre en place toutes les règles du régime. Ces règles-là,
quant à nous, doivent être mises en place par un comité de retraite qui va être
formé, justement, des participants, puis la personne est vraiment plus
l'administrateur du régime, donc de s'assurer de mettre en place ces
procédures-là.
M. Ouellet : Et c'est pour ça
que, pour moi... si vous cherchez à faire apparaître, sur ces conseils-là, la
présence d'un jeune de 35 ans, si on impartit ça à un tiers plus compétent
ou plus outillé, on ne vient pas de fermer, un peu, un poste qui serait peut-être
disponible, justement, au jeune pour apprendre à administrer un fonds de
retraite et de lui donner un peu ses indications et son intérêt par rapport à
son groupe d'âge?
M. Telles (Simon) : Selon nous, il y
aurait moyen, même avec les fiducies, que les jeunes puissent continuer à
s'impliquer. Mais, comme on discutait un peu plus tôt, la complexité des
enjeux, des paramètres... selon nous, l'avantage est plus important de créer ce
genre de fiducie, surtout dans l'optique où le poids de ce régime-là repose
davantage sur les travailleurs. Mais c'est définitivement le contrecoup d'une
mesure comme ça.
Le
Président (M. Simard) :
Merci. Alors, M. Telles, Mme Racine, un énorme merci de vous être
joints à nous en cette soirée d'élections américaines, et vous étiez
tout aussi intéressants que les résultats que nous pouvons constater.
Ceci étant dit, nous sommes au terme de ces consultations
particulières. Je vous remercie toutes et tous pour votre précieuse
collaboration.
Mémoires déposés
Je dépose
officiellement l'ensemble des... mémoires, dis-je, qui nous ont été déposés.
Et, sur ce, je vous remercie à nouveau, et je termine nos travaux de
manière sine die. Au revoir.
(Fin de la séance à 21 h 05)